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1
p. 238-279
Description du Royaume & de la Cour de Siam, avec les moeurs des Habitans de ce grand Etat, [titre d'après la table]
Début :
Le Royaume de Siam a plus de trois cens lieües de [...]
Mots clefs :
Roi de Siam, Grands seigneurs, Siamois, Talapoins, Siam, Porte, Peuple, Idoles, Fruits, Terre, Corps, Hommes, Prince, Dieux, Ville, Mer, Maisons, Moeurs, Éléphants, Étrangers, Figure, Fruit, Habits, Officiers, Royaume, Orient, Rivière, Eaux, Chair, Écorce
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texteReconnaissance textuelle : Description du Royaume & de la Cour de Siam, avec les moeurs des Habitans de ce grand Etat, [titre d'après la table]
Le Royaume de Siama
plus de trois cens lieues de
longueur, du Septentrion au
Midy , & eft plus étroit de
F'Orient à l'Occident. Ila le
Pégu pour bornes au SeptenGALANT
239
trion ; la Mer du Gange au
Midy , le petit Etat de Malaca
au Couchant , & du
cofté d'Orient la Mer d'u
ne part , & de l'autre , les
Montagnes qui le féparent
de Camboye & de Laros ..
Ce Royaume qui s'étend
i jufque fous le dix - huitiéme
degré de latitude Septentrionale
, fe trouve comme
entre deux Mers , qui
luy ouvrent paffage à tous
les Pais voifins & cela
rend fa fituation fort avantagcuſe
, à cauſe de la grande
étendue de fes Coftes,
auli
240 MERCURE
-
#
des
qui ont cinq à fix cens
lieues de tour. Il eft partagé
en onze Provinces, auf
quelles le Roy
Gouverneurs , qu'il deftitue
comme il luy plaift . Siam
eft la principale , & donne
fon nom à tout le Royau
me , aufli-bien qu'à la Ville
Capitale , qui eft fituée furt
la belle & grande Riviere
de Menan. Elle vient du
fameux Lac de Chiamay ,
& porte les Vaiffeaux tous !
chargez jufqu'aux Portes de:
Siam , quoy que cette Ville
foit éloignée de la Mer de
plus
SGALANT. 241
plus de foixante lieuës . Elle
a de bonnes Murailles , &
trente mille Maifons ou environ
, avec un Château bien ,
fortifié. Elle eft d'ailleurs affcz
forte d'elle mefme eftant
bâtie fur les eaux con comme
2
Veniſe. Il en eſt peu dans
tout l'Orient où l'on voye
plus de Nations diférentes
affemblées. On y parle jufqu'à
vingt fortes de Langues.
Tout le Pais eft fertile ; &
ce qui contribue fort à cette
fertilité , ce font les inondations
des Rivieres , caufées
par des pluyes qui durent
·
Octobre 1684.
X
242 MERCURE
trois ou quatre mois , & qui
tiennent les Campagnes toutes
noyées. Plus l'inondation
eft grande , plus la recolte
eft heureuſe. Le Ris , qui eft
le Froment des Siamois, n'eft
jamais affez arrofé . Il croift
au milieu de l'eau , & les
Campagnes qui en font femées
, reffemblent plûtoſt à
des Marais , qu'à des Terres
cultivées avec la Charüe. Le
Ris a cette force , que quoy
qu'il y ait fix ou fept pieds
d'eau fur luy , il pouffe toûjours
fa tige au deffus , & le
tuyau qui la porte s'éleve &
GALANT. 243
G
croift à proportion de la hauteur
de l'eau qui couvre fon
Champ . Malgré la fertilité
dont je vous parle , il y a
beaucoup de terres négligées
faute d'Habitans , & mefme
par la pareffe des Siamois ,
qui n'aiment pas le travail .
Ces Plaines in cultes & les
épaiffes Forefts que l'on voit
fur les Montagnes , fervent
de retraite aux Eléphans , aux
Tygres , aux Boeufs & Vaches
fauvages , aux Rinocérots
, & autres Beftcs . Le
Pais eft fort abondant en
Fruits, dont les meilleurs font
X ij
244MERCURE
le Durion , qui a la figure d'un
Melon ordinaire , & la peau
fort dure & raboteufe, & dans
Po
ouver
lequel , quand on
ОРГА
(190
(ce qu'il faut faire avec force )
on trouve des morceaux d'une
chair tres-blanche & délicate
, enfermée dans de petites
cellules , & dont le gouſt
paffe tour ce que nous avons
de meilleur en Europe ; les
Jacques, qui eftant gros.comme
nos Citrouilles , renferment
dans leur écorce une
chair jaunâtre & ferme , d'un
gouft aigre-doux fort agreable
; les Mangonftans, qui dans
GALANT. 245
une écorce toute unie , d'un
rouge enfoncé par le dehors,
mais plus clair par le dedans,
renferment une liqueur &
une chair femblable à celle
de l'Orange , dont elles ont
la groffeur , mais qui plaiſt
beaucoup davantage au goût,
la Manque, qui eft de la groffeur
dune Poire de Bon Chrérien
, & dont la couleur eft
jaune par le dehors , & rouge
parle dedans, & enfin l'Areca.
Ce dernier Fruit eft de la .
figure d'une groffe Prune.
Son écorce . renferme plu
fieurs filets, où fe trouve une
20
X iij
246 MERCURE
Noix affez dure , qui reffem?
ble à celle d'une Mufcade
Le gouſt en eft acre , mais
elle fortifie
l'eftomac.Les Siamois
, & les autres Peuples du
mefme Climat, ufent preſque
à toute heure de cet Areca ,
qu'ils eftimét fouverain pour
la fanté , à caufe qu'il aide la
digeftion
, & corrige l'humidité
de leurs alimens ordinaires
, qui font le Risle
Poiffon , les Fruits , & l'eau
toute pure pour leur boiſſon.
Les Riches comme les Pau
vres font occupez tout le jour
à mâcher ce Fruit ; & quand
14 X
GALANT. 247
1
ils fe rencontrent , le premier
acte de civilité eft de fe préfenter
l'un à l'autre l'Areca,
& de lle mâcher auffi - toft.
Les Siamois font olivâtres , &
non pas noirs , quoy qu'ils
foient fous la Zone torride.
Ils ont le nez court , &
font la plupart affezubien
faits. Leur naturel eft fort
doux , & affable aux Etrangers
. rs. Leur grande maxime
eft le repos , ils n'employent
au travail que leurs Efclaves ,
& une pauvreté tranquille
leur plaift beaucoup plus.
qu'une abondance de biens
X iiij.
248 MERCURE
accompagnée d'inquiétude.
Auffi leurs Habits , leurs .
Meubles , leurs Maiſons , &
leur
nourriture marquent
cette pauvreté. Ils vont toû
jours pieds & teftes nuës.
Les Grands, & les plus aifez ,
vont par terre fur des Elé
phans , & par eau dans des
Barques qui font fort comniodes
. Leurs Habits ne
confiftent qu'en une Etofe
deliée , toute
blanche , ou
marquée de Fleurs vives de
diférentes couleurs . Ils s'en
envelopent tout le corps ,
& lors qu'ils vont par la Ville,
GALANT 249
ils fe couvrent les épaules
d'une Cafaque de toile légere
, & stranſparente , qui
defcendo jufqu'au genouil.
Les Manches en font cour
tes , mais larges. Les Femmes
font prefque veftües comme
les Hommes . Ils fe rafent les
cheveux , s'arrachent la barbe
, & fe lavent fort fouvent
avec des eaux parfumées . Ils
font parez d'Etofes de foye
en broderie d'or , dans les
Affemblées de cerémonie .
Les Maifons du commun ,
deleulement
de bois
&
de feuilles , avec des murail
250 MERCURE
les de Cannes jointes enfemble
, font pofées fur des Piliers
élevez , qui les garantif
fent des inondations ordinaires
du Pais . Les Perfonj
nes riches ont des Baftimens
alug
de brique , & couverts de
tuiles . Tous leurs Meubles
ne confiftent qu'en quelques
Tapis & des Couffins.
Sieges , Tables, Lits , Tapif
feries , Cabinets , Peintures,
tout cela n'eft point de leur
ufage. Quoy que le Ris &
les Fruits foient leur nourri
ture, ils ne manquent ny de
Poules, ny de Boeufs, ny de
GALANT 251
pas fi fuper
Gibier ; mais eftant perfua
dez que c'eft faire mal que
d'ofter la vie aux Animaux,
ils n'en mangent point pour
l'ordinaire . Si d'autres les
tüent , ils font relevez de
leurs fcrupules , & croyent
en pouvoir manger fans crime.
Ils ne font
ftitieux pour le Poiffon, parce
qu'eftant, tiré des Filets , il
meurtcomme de luy mefme.
Les Siamois n'ont aucuns
exercices pour la Dance ,pour
les Armes , ny pour monter
à Cheval. Ils ne fçavent ce
que c'eft que Philofophie, au
252 MERCURE
Mathématiques. Leur Theo
logie confifte en quelques
Fables , & toute leur feience
eft à bien écrite , & àfçavoir
les Loix du Gouvernement
,
& de la Juftice. L'expérience
de divers Remedes pour les
maladies communes
, fait
toute leur Medecine
quand ces Remedes manquent
d'opérer , ils ont recours
à la Magie , fe fervant
de Pactes , de Billets , & de
Figures. Ils écrivent comme
nous de la gauche à la droite
, mais feulement avec du
crayon. Leur Papier eftant
: ར་
&
бы GALANT 253
trop foible , on le colle à une
ou deux autres feuilles pour
le foûtenir. Un grand Livre
n'eft fouvent qu'une feule
feuille de Papier de plufieurs
aunes de long , qu'on plie &
replie à la maniere de nos
Paravents . Tout l'Etat eft
Monarchique , & le Gouver
nement affez bien reglé. Le
Roy eft fort abfolu . Dans
les occafions les plus importantes
, il fait part de fes def
feins à quelques- uns des plus
grands Seigneurs , qu'on ap-
Felle Mandarins . Ceux - cy
aflemblent d'autres Officiers
254 MERCURE
leurs inférieurs , aufquels ils
communiquent ce qu'il leur
a propofé , & tous enfemble
concertent leur réponſe ou
remontrance. Il y a tel égard
qu'il veut , & diftribuant les
Charges felon le mérite , &
non felon la naiffance , il les
oſte ſur la moindre faute que
ceux qui en font pourveus
commettent. Il ne fe montre
prefque jamais au Peuple.
Les grands Seigneurs
mefme le voyent rarement.
Ils luy parlent à genoux les
mains jointes élevées fur
leurs teftes, & tous courbez
GALANT. 255
contre terre , fans ofer l'envifager.
Ils le qualifient
Roy
des Roys , Seigneur
des Seigneurs
, le Maiftre des Eaux,
le Tout-puiffant de la Terre,
le Dominateur
de la Mer,
l'Arbitre
du bonheur
& de
l'infortune
de fes Sujets. Son
Train eft fort magnifique
, &
fa Garde compofée
de trois
cens Hommes
.
Reyne , il a un grand nombre
de Concubines
qu'on
choifit entre les plus belles
Filles du Pais. Il fe laiffe voir
ordinairement
deux fois l'année
, l'une fur terré , & l'autre
Outre la
256 MERCURE
fur l'eau. Quand il va fe promener
fur la Riviere , la Galere
qui le porte eſt éclatante
de l'or le plus fin. On
y éleve un Trône fuperbe,
où ce Prince paroift revestu
d'Habits précieux, ayant une
Couronne toute d'or , garnie
de fins Diamans . A cette
Couronne pendent deux Aîles
d'or , qui luy batent les
épaules. Tous les Seigneurs
& les Officiers le fuivent,
chacun dans une Galere , parée
à proportion de ſes Biens
& de la Charge . Ces Galeres,
dorées par dedans & par deGALANT
257
hors , font le plus fouvent au
nombre de quatre cens , &
portent chacune trente ou
quarante Rameurs , dont
quelques - uns ont les bras
& les épaules dorées . Les
Rivages font bordez des Peuples
qui accourent en foule,,
& qui font retentir l'air de
cris d'allégreffe . Lors qu'il
fe montre par terre , deux
cens Eléphans paroiffent d'a--
bord. Ils portent chacun
-trois Hommes armez , &
font fuivis de Joueurs d'Inf--
trumens , de Trompetes , &
-de mille Soldats à pied . Les
Octobre 16844- Y
258 MERCURE
grands . Seigneurs du Païs
viennent apres, & il y en a
quelques uns qui ont 80; ou
1oo . Hommes à leur fuire. En
fuite on voit deux cens Soldats
du Japon , qui préce
dent ceux dont ifa Garde eft
compofée , puis fes Chevaux
de main , & fes Eléphans , &
apres les Officiers de fa Cour,
portant tous des Fruits , ou
quelqu'autre chofe que l'on
préfente aux Idoles . Derriere
eux marchent encore quelques
grands Seigneurs avec
des Couronnes fur leurs tef
tes. L'un dieux porte LE
for micro
GALANT 2591
tendard du Roy , & l'autre
une Epée qui repréfente la
JufticemoCePrince paroift
apres eux, porté fur un Elé
phant dans une Tour toute
éclatante de Pierreries . Cer:
Eléphant eft environné de
Gens qui luy portent des Pa
rafols, & fuivy du Prince qui
doit fucceder. Les Femmes :
du Roy fuivent auffi fur des
Eléphans, mais dans de petits ;
Cabinets fermez , qui ne les
Jaiffent point voir. Six cens
Soldats ferment ce Cortége,,
qui cft ordinairement de
quinze ou feize mille Hom-
C.
Yij
260 MERCURE
mes. Le fruit qu'on remporte
de ces Ceremonies, eft
de maintenir le Peuple dans.
la vonération de la Majefté
Royale . Quand le Roy eſt
mort , le plus âgé de fes Freres
luy fuccede, & les autres.
apres luy. S'il n'a point de
Freres, c'eft l'aîné des Fils, &
jamais les Filles . L'accés eft
facile aux Etrangers dans.
tout ce Royaume , foit pour
4
s'y établir , foit pour y faire
trafic. On ne les gefne en
aucune chofe, pourveu qu'ils.
ne faffent rien contre l'Etat.
Pour prévenir les deførdres
HGALANT 261
qu'ils pourroient caufer , on
donne à chaque Nation un.
peu confidérable , une Chef
qui en eft, & qui doit répondre
de tous ceux de fon Païs,.
avec un Seigneur de la Cour,
2 ou un Officier du Roy , qui
eft commele Protecteur particulier
de la Nation . C'eft à
ce Seigneur, ou Officier, que
doit s'adreffer ce Chef , foit:
pour les Requeftes qu'il veut
présenter au Prince, foit pour
les Affaires du Commerce..
D'ailleurs , les Canaux que
forme la Riviere , partageant
La Ville en plufieurs. Illes,
262 MERCURE
on a foin de placer chaque
Nation en quelque Iſle ou
Quartier féparé , ce qui empelche
les diférens qu'excite
fouvent le mélange des Nations
qui ont des antipaties
naturelles . On oblige encore
tous les Etrangers qui s'établiffent
à Siam , de renouveller
tous les ans le Serment
de fidelité qu'ils jurent au
Roy. Le jour de cette cerémonie
cft folemnel . Tous les
Officiers de la Couronne y
affiftent.LeRoy montéfur un
Trône reçoit ce Serment,que
chacun luy prefte felon for
GALANT. 263
mng , aprés quoy on leur donne
à boire d'une Eau qu'ils
nomment Eau de jurément.
Ils l'eftiment Sainte . Les Sa-
- crificateurs
des Idoles qui la
préparent avec des cerémonies
remplies de fuperftition
,
tiennent la pointe d'une Epée
dans cette Eau , & lancent
plufieurs imprécations
contre
les Parjures, dans la croyace
que s'ils ne promettent
pas fidelité avec un coeur fincere
, ils en feront fuffoquez
dés le mefme inftant.
Il n'y a point de Païs où
L'exercice de toutes fortes de
264 MERCURE
Religiós foit plus permis qu'à
Siam. Cette liberté attire un
grand nombre d'Etrangers,.
dont le fejour eft
avantageux
aux Siamois pour le commerce
. D'ailleurs ils tiennent que
toute Religion eft bonne , &
Iainfi ils ne fe montrent con
traires à aucune , pourvû qu'
elle puiffe fubfifter avec les
Loix du Gouvernement. Ils
difent que le Ciel'eft comme
- un grand Palais , où pluſieurs
chemins vont aboutir, & qu'il
feroit difficile de déterminer
quel eft le meilleur. Comme
ils croyent la pluralité des
Dieux
GALANT 265
Dieux , ils ajoûtent qu'eftant
tous de grands Seigneurs , ils
exigent divers cultes , & veulent
eftre honorez en plufieurs
manieres. Cette indiférence
eſt cauſe qu'il eft
malaifé de les convertir. En
avouant que la Religion des
Chrétiens eft bonne , ils prétendent
que c'eſt eſtre témeraire
, que de rejetter les au
tres , & que puis qu'elles ont
toutes pour but d'honorer les
Dieux , il y a fujet de croire
qu'ils s'en contentent. Ils
ont des Idoles en grand
nombre , & leur figure ne
Octobre 1684. Z
266 MERCURE
furprend pas moins que leur
grandeur. Il y en a fur un
mefme Autel jufqu'à cinquante
ou foixante, de plus de
quarante pieds de haut. Elles
font faites de Brique & de
Pierre , & dorées par le dehors
. Dans les Maifons des
Sacrificateurs font des Galeries
, où l'on en voit trois &
quatre cens de diférentes figures
, toutes dorées , & d'un
grand éclat. Les Temples
qu'ils bâtiffent à ces Idoles,
font trés -fomptueux , folides
& à peu prés comme nos ‘Eglifes.
Les Portes en font doGALANT.
267
rées , le dedans eit peint , &
la lumiere y entre par des Feneftres
étroites & longues,
prifes dans l'épaiffeur du mur.
Les Idoles font fur l'Autel ,
qui eft dans le lieu le plus éloigné
de la Porte , & auquel
on monte par plufieurs degrez
en Amphitheatre . Prés
de ces Temples font les Convens
des Sacrificateurs , qui
ont leurs Dortoirs & leurs
Cellules , & qui vivent en
.commun. Ils ont auffi leurs
Cloiſtres , au milieu defquels
eft une Pyramide extrémement
haute, & toute brillante
Z ij
268 MERCURE
d'or. La coûtume eft de ren
fermer fous ces Pyramides
les cendres des grands Seigneurs.
Les Portugais ront
donné le nom de Talapoins
à ces Sacrificateurs ou Reli
gieux , qui font bien au nom .
bre de trente mille dans tout
le Pais. Leurs habits qui
font d'une toile jaune toute
fimple , ne diférent sen rien
de ceux du Peuple pour la fi
gure, finon qu'au lieu de Ca
faque ils portent comme un
Baudrier de toile rouge , qui
va de l'épaulé gauche cou
vrant l'eftomac jufqu'au câ
2
GALANT 269
leur
ré droit. Ils marchent pieds,
nus & tefte nue , & quoy
qu'ilshareçoivent
quantité
d'aumônes , & que les préfens
qu'on fait aux Idoles,
d'Erofes , de Ris & de Fruits,
appartiennent , ils ne
font qu'un repas par jour , &
il ne leur eft permis de manger
le foir qu'un peu de Fruit.
Ils prefchent le Peuple , l'in
ftruifent , & font des offrandes
& des facrifices à leurs
Dieux. Ces Sacrifices font
accompagnez
de Torches ,
de Fleurs , & de feux d'Artifice.
Entre ces Talapoins , il!
Z
iij
270 MERCURE
y en a qui font feulement
pour vivre en particulier.
Quelques - uns ont des fon
ctions qui regardent le Pu
blic ; & d'autres qu'on nomme
Sancrats , ont foin des .
Temples , & de faire obfer
ver les cerémonies. Ces der
niers qui font les plus réverez
de tous , font fous la Jurifdiction
d'un Sancrat , qui
eft toûjours un grand Perfonnage.
C'eft luy qui préfide
au Pagode du Roy , qui
eft à deux lieues de Siam.
Non feulement il eft respecté
du Prince , mais il a l'honneur
GALANT. 271
de s'affeoir auprés de luy
quand il luy parle , & fe contente
de luy faire une médiocre
inclination de tefte. Ces
Preftres font obligez de garder
la continence , mais comme
il leur eft permis de quitrer
la vie Religieufe quand ils
veulent , ils n'ont qu'à fe défaire
de leurs veftemens de
couleur jaune pour ſe marier.
Il y a auffi proche des principaux
Teples, des Maifons de
Religieufes, où font de vicilles
Filles rafées, & vcftuës de
blanc. Elles paffent les jours
a prier , & quand la retraite
Z
iiij
272
MERCURE
r
les ennuye, elles quittent l'habit
blanc . Les Siamois croyét
que l'ame furvit le corps .Cela
les oblige à fonger de leur
vivant aux befoins de l'autre
vie. Ils amaffent pour cela
tout ce qu'ils peuvent épar
gner d'argent , le cachent en
quelque lieu retiré, & comme
c'eft parmy eux un grand
facrilege que de dérober l'ar
gent des Morts , il fe perd
par là des fommes immenfes
qu'on n'ofe chercher. Cette
folle opinion n'eft pas fou
lement parmy le Peuple ; lesc
grands Seigneurs & les Prin
<
GALANT.27 3
ces fe pourvoyent auffi pour
l'avenir , mais fans cacher
leurs Tréfors . Ils font élever
des Pyramides , au pied defquelles
ils enfouiffent l'ar
gent qu'ils fe refervent , & les
Talapoins veillent à la garde
de ces Pyramides . Les Siamois
font fort magnifiques.
dans leurs Funérailles, & emer
ployent quelquefois une an
née entière à en faire les préparatifs
. Les Sépulchres font.
environnez de plufieurs
Tours quarrées , faites de
bois de Cyprez , & reveſtuës;
de Cartes de gros Papier de
274MERCURE
diférentes couleurs . Ils met
tent quantité de feux d'arti
fice au deffus des Tours , &
tout estant preft , une partie
des Talapoins fe rend au lieu
des Funérailles , tandis que
l'autre va querir le Corps , On
Eenferme dans une Biere ou
Quaiffe dorée , fur laquelle
s'éleve une Pyramide , ornée
de divers Ouvrages de menuiferie
auffi dorée . Quand le
Corps eft arrivé , on le tire de
la Quaiffe. On le met fur le
bucher , autour duquel les
Talapoins font plufieurs
tours , & pendant que les flâ
GALANT. 275
mes le confument on fait
jouer des feux d'artifice au
fon de quatité d'Inftrumens.
Le corps eftant brûlé , on en
ramaffe les cendres , & on:
les met repofer fous la Pyramide.
7
Les mariages entre les
Perfonnes riches fe font avec
beaucoup de magnificence,
mais fans qu'il y entre aucune
cerémonie de Religion :
Les Mariez mettent en commun
une fomme de deniers,
& ont toûjours la liberté de
fe féparer en partageant leurs .
Enfans. Ileft permis au Ma276
MERCURE
ry de prendre autant de Con
cubines qu'il veut , &zelles
doivent obeiffance
à la prev
miere Femme , dont les En
fans font feuls héritiers du
bien du Pere, ceux des Concubines
n'ayant prefque rien.
Les biens des Gens de con
dition font féparez en trois
parties aprés leur mort. Les
Talapoins en ont une, le Roy
Fautre , & la troifiéme eft
pour les Enfans . La Coûtu
me eft diférente parmy le
Peuple. Les Hommes acheg
tent leurs Femmes par quel
que préfent qu'ils font aux
GALANT 277
Peres. Ils ont mefine liberté
de les quitter , mais les divorces
ne fe font pas fans de
grandes cauſes. Les Enfans
partagent entr'eux également
le bien de leur Pere,
laiffant pourtant ordinairement
quelque chofe de plus
àl'Aîné. Onles met dans leur
bas âge auprés des Preftres &
Docteurs , pour apprendre à
lite & à écrire , & quand
leurs études font achevées, il
en demeure toûjours un
grand nombre dans la Communauté
de ces Talapoins.
Il y a beaucoup d'argent à
278 MERCURE
Siam. Celuy de la principale
Monnoye dont on s'y fert , &
qu'on appelle Ticals , eft fort
fin , & d'une figure preſque,
ronde , marquée au coin d
Prince. Les Ticals valent
trente- fept fols de noftre
Monnoye .Un Mayonvaut la
moitié d'un Tical.Un Foüan,
la moitié d'un Mayon , &
un Sampaya la moitié d'un
Foüan. Ils font ordinairement
leurs comptes par Cattis
d'argent. Chaque Cattis
vaut vingt Tayls , ou cent
quarante quatre livres , le
Tayl valant quelque chofe
GALANT. 279
de plus que fept francs.
plus de trois cens lieues de
longueur, du Septentrion au
Midy , & eft plus étroit de
F'Orient à l'Occident. Ila le
Pégu pour bornes au SeptenGALANT
239
trion ; la Mer du Gange au
Midy , le petit Etat de Malaca
au Couchant , & du
cofté d'Orient la Mer d'u
ne part , & de l'autre , les
Montagnes qui le féparent
de Camboye & de Laros ..
Ce Royaume qui s'étend
i jufque fous le dix - huitiéme
degré de latitude Septentrionale
, fe trouve comme
entre deux Mers , qui
luy ouvrent paffage à tous
les Pais voifins & cela
rend fa fituation fort avantagcuſe
, à cauſe de la grande
étendue de fes Coftes,
auli
240 MERCURE
-
#
des
qui ont cinq à fix cens
lieues de tour. Il eft partagé
en onze Provinces, auf
quelles le Roy
Gouverneurs , qu'il deftitue
comme il luy plaift . Siam
eft la principale , & donne
fon nom à tout le Royau
me , aufli-bien qu'à la Ville
Capitale , qui eft fituée furt
la belle & grande Riviere
de Menan. Elle vient du
fameux Lac de Chiamay ,
& porte les Vaiffeaux tous !
chargez jufqu'aux Portes de:
Siam , quoy que cette Ville
foit éloignée de la Mer de
plus
SGALANT. 241
plus de foixante lieuës . Elle
a de bonnes Murailles , &
trente mille Maifons ou environ
, avec un Château bien ,
fortifié. Elle eft d'ailleurs affcz
forte d'elle mefme eftant
bâtie fur les eaux con comme
2
Veniſe. Il en eſt peu dans
tout l'Orient où l'on voye
plus de Nations diférentes
affemblées. On y parle jufqu'à
vingt fortes de Langues.
Tout le Pais eft fertile ; &
ce qui contribue fort à cette
fertilité , ce font les inondations
des Rivieres , caufées
par des pluyes qui durent
·
Octobre 1684.
X
242 MERCURE
trois ou quatre mois , & qui
tiennent les Campagnes toutes
noyées. Plus l'inondation
eft grande , plus la recolte
eft heureuſe. Le Ris , qui eft
le Froment des Siamois, n'eft
jamais affez arrofé . Il croift
au milieu de l'eau , & les
Campagnes qui en font femées
, reffemblent plûtoſt à
des Marais , qu'à des Terres
cultivées avec la Charüe. Le
Ris a cette force , que quoy
qu'il y ait fix ou fept pieds
d'eau fur luy , il pouffe toûjours
fa tige au deffus , & le
tuyau qui la porte s'éleve &
GALANT. 243
G
croift à proportion de la hauteur
de l'eau qui couvre fon
Champ . Malgré la fertilité
dont je vous parle , il y a
beaucoup de terres négligées
faute d'Habitans , & mefme
par la pareffe des Siamois ,
qui n'aiment pas le travail .
Ces Plaines in cultes & les
épaiffes Forefts que l'on voit
fur les Montagnes , fervent
de retraite aux Eléphans , aux
Tygres , aux Boeufs & Vaches
fauvages , aux Rinocérots
, & autres Beftcs . Le
Pais eft fort abondant en
Fruits, dont les meilleurs font
X ij
244MERCURE
le Durion , qui a la figure d'un
Melon ordinaire , & la peau
fort dure & raboteufe, & dans
Po
ouver
lequel , quand on
ОРГА
(190
(ce qu'il faut faire avec force )
on trouve des morceaux d'une
chair tres-blanche & délicate
, enfermée dans de petites
cellules , & dont le gouſt
paffe tour ce que nous avons
de meilleur en Europe ; les
Jacques, qui eftant gros.comme
nos Citrouilles , renferment
dans leur écorce une
chair jaunâtre & ferme , d'un
gouft aigre-doux fort agreable
; les Mangonftans, qui dans
GALANT. 245
une écorce toute unie , d'un
rouge enfoncé par le dehors,
mais plus clair par le dedans,
renferment une liqueur &
une chair femblable à celle
de l'Orange , dont elles ont
la groffeur , mais qui plaiſt
beaucoup davantage au goût,
la Manque, qui eft de la groffeur
dune Poire de Bon Chrérien
, & dont la couleur eft
jaune par le dehors , & rouge
parle dedans, & enfin l'Areca.
Ce dernier Fruit eft de la .
figure d'une groffe Prune.
Son écorce . renferme plu
fieurs filets, où fe trouve une
20
X iij
246 MERCURE
Noix affez dure , qui reffem?
ble à celle d'une Mufcade
Le gouſt en eft acre , mais
elle fortifie
l'eftomac.Les Siamois
, & les autres Peuples du
mefme Climat, ufent preſque
à toute heure de cet Areca ,
qu'ils eftimét fouverain pour
la fanté , à caufe qu'il aide la
digeftion
, & corrige l'humidité
de leurs alimens ordinaires
, qui font le Risle
Poiffon , les Fruits , & l'eau
toute pure pour leur boiſſon.
Les Riches comme les Pau
vres font occupez tout le jour
à mâcher ce Fruit ; & quand
14 X
GALANT. 247
1
ils fe rencontrent , le premier
acte de civilité eft de fe préfenter
l'un à l'autre l'Areca,
& de lle mâcher auffi - toft.
Les Siamois font olivâtres , &
non pas noirs , quoy qu'ils
foient fous la Zone torride.
Ils ont le nez court , &
font la plupart affezubien
faits. Leur naturel eft fort
doux , & affable aux Etrangers
. rs. Leur grande maxime
eft le repos , ils n'employent
au travail que leurs Efclaves ,
& une pauvreté tranquille
leur plaift beaucoup plus.
qu'une abondance de biens
X iiij.
248 MERCURE
accompagnée d'inquiétude.
Auffi leurs Habits , leurs .
Meubles , leurs Maiſons , &
leur
nourriture marquent
cette pauvreté. Ils vont toû
jours pieds & teftes nuës.
Les Grands, & les plus aifez ,
vont par terre fur des Elé
phans , & par eau dans des
Barques qui font fort comniodes
. Leurs Habits ne
confiftent qu'en une Etofe
deliée , toute
blanche , ou
marquée de Fleurs vives de
diférentes couleurs . Ils s'en
envelopent tout le corps ,
& lors qu'ils vont par la Ville,
GALANT 249
ils fe couvrent les épaules
d'une Cafaque de toile légere
, & stranſparente , qui
defcendo jufqu'au genouil.
Les Manches en font cour
tes , mais larges. Les Femmes
font prefque veftües comme
les Hommes . Ils fe rafent les
cheveux , s'arrachent la barbe
, & fe lavent fort fouvent
avec des eaux parfumées . Ils
font parez d'Etofes de foye
en broderie d'or , dans les
Affemblées de cerémonie .
Les Maifons du commun ,
deleulement
de bois
&
de feuilles , avec des murail
250 MERCURE
les de Cannes jointes enfemble
, font pofées fur des Piliers
élevez , qui les garantif
fent des inondations ordinaires
du Pais . Les Perfonj
nes riches ont des Baftimens
alug
de brique , & couverts de
tuiles . Tous leurs Meubles
ne confiftent qu'en quelques
Tapis & des Couffins.
Sieges , Tables, Lits , Tapif
feries , Cabinets , Peintures,
tout cela n'eft point de leur
ufage. Quoy que le Ris &
les Fruits foient leur nourri
ture, ils ne manquent ny de
Poules, ny de Boeufs, ny de
GALANT 251
pas fi fuper
Gibier ; mais eftant perfua
dez que c'eft faire mal que
d'ofter la vie aux Animaux,
ils n'en mangent point pour
l'ordinaire . Si d'autres les
tüent , ils font relevez de
leurs fcrupules , & croyent
en pouvoir manger fans crime.
Ils ne font
ftitieux pour le Poiffon, parce
qu'eftant, tiré des Filets , il
meurtcomme de luy mefme.
Les Siamois n'ont aucuns
exercices pour la Dance ,pour
les Armes , ny pour monter
à Cheval. Ils ne fçavent ce
que c'eft que Philofophie, au
252 MERCURE
Mathématiques. Leur Theo
logie confifte en quelques
Fables , & toute leur feience
eft à bien écrite , & àfçavoir
les Loix du Gouvernement
,
& de la Juftice. L'expérience
de divers Remedes pour les
maladies communes
, fait
toute leur Medecine
quand ces Remedes manquent
d'opérer , ils ont recours
à la Magie , fe fervant
de Pactes , de Billets , & de
Figures. Ils écrivent comme
nous de la gauche à la droite
, mais feulement avec du
crayon. Leur Papier eftant
: ར་
&
бы GALANT 253
trop foible , on le colle à une
ou deux autres feuilles pour
le foûtenir. Un grand Livre
n'eft fouvent qu'une feule
feuille de Papier de plufieurs
aunes de long , qu'on plie &
replie à la maniere de nos
Paravents . Tout l'Etat eft
Monarchique , & le Gouver
nement affez bien reglé. Le
Roy eft fort abfolu . Dans
les occafions les plus importantes
, il fait part de fes def
feins à quelques- uns des plus
grands Seigneurs , qu'on ap-
Felle Mandarins . Ceux - cy
aflemblent d'autres Officiers
254 MERCURE
leurs inférieurs , aufquels ils
communiquent ce qu'il leur
a propofé , & tous enfemble
concertent leur réponſe ou
remontrance. Il y a tel égard
qu'il veut , & diftribuant les
Charges felon le mérite , &
non felon la naiffance , il les
oſte ſur la moindre faute que
ceux qui en font pourveus
commettent. Il ne fe montre
prefque jamais au Peuple.
Les grands Seigneurs
mefme le voyent rarement.
Ils luy parlent à genoux les
mains jointes élevées fur
leurs teftes, & tous courbez
GALANT. 255
contre terre , fans ofer l'envifager.
Ils le qualifient
Roy
des Roys , Seigneur
des Seigneurs
, le Maiftre des Eaux,
le Tout-puiffant de la Terre,
le Dominateur
de la Mer,
l'Arbitre
du bonheur
& de
l'infortune
de fes Sujets. Son
Train eft fort magnifique
, &
fa Garde compofée
de trois
cens Hommes
.
Reyne , il a un grand nombre
de Concubines
qu'on
choifit entre les plus belles
Filles du Pais. Il fe laiffe voir
ordinairement
deux fois l'année
, l'une fur terré , & l'autre
Outre la
256 MERCURE
fur l'eau. Quand il va fe promener
fur la Riviere , la Galere
qui le porte eſt éclatante
de l'or le plus fin. On
y éleve un Trône fuperbe,
où ce Prince paroift revestu
d'Habits précieux, ayant une
Couronne toute d'or , garnie
de fins Diamans . A cette
Couronne pendent deux Aîles
d'or , qui luy batent les
épaules. Tous les Seigneurs
& les Officiers le fuivent,
chacun dans une Galere , parée
à proportion de ſes Biens
& de la Charge . Ces Galeres,
dorées par dedans & par deGALANT
257
hors , font le plus fouvent au
nombre de quatre cens , &
portent chacune trente ou
quarante Rameurs , dont
quelques - uns ont les bras
& les épaules dorées . Les
Rivages font bordez des Peuples
qui accourent en foule,,
& qui font retentir l'air de
cris d'allégreffe . Lors qu'il
fe montre par terre , deux
cens Eléphans paroiffent d'a--
bord. Ils portent chacun
-trois Hommes armez , &
font fuivis de Joueurs d'Inf--
trumens , de Trompetes , &
-de mille Soldats à pied . Les
Octobre 16844- Y
258 MERCURE
grands . Seigneurs du Païs
viennent apres, & il y en a
quelques uns qui ont 80; ou
1oo . Hommes à leur fuire. En
fuite on voit deux cens Soldats
du Japon , qui préce
dent ceux dont ifa Garde eft
compofée , puis fes Chevaux
de main , & fes Eléphans , &
apres les Officiers de fa Cour,
portant tous des Fruits , ou
quelqu'autre chofe que l'on
préfente aux Idoles . Derriere
eux marchent encore quelques
grands Seigneurs avec
des Couronnes fur leurs tef
tes. L'un dieux porte LE
for micro
GALANT 2591
tendard du Roy , & l'autre
une Epée qui repréfente la
JufticemoCePrince paroift
apres eux, porté fur un Elé
phant dans une Tour toute
éclatante de Pierreries . Cer:
Eléphant eft environné de
Gens qui luy portent des Pa
rafols, & fuivy du Prince qui
doit fucceder. Les Femmes :
du Roy fuivent auffi fur des
Eléphans, mais dans de petits ;
Cabinets fermez , qui ne les
Jaiffent point voir. Six cens
Soldats ferment ce Cortége,,
qui cft ordinairement de
quinze ou feize mille Hom-
C.
Yij
260 MERCURE
mes. Le fruit qu'on remporte
de ces Ceremonies, eft
de maintenir le Peuple dans.
la vonération de la Majefté
Royale . Quand le Roy eſt
mort , le plus âgé de fes Freres
luy fuccede, & les autres.
apres luy. S'il n'a point de
Freres, c'eft l'aîné des Fils, &
jamais les Filles . L'accés eft
facile aux Etrangers dans.
tout ce Royaume , foit pour
4
s'y établir , foit pour y faire
trafic. On ne les gefne en
aucune chofe, pourveu qu'ils.
ne faffent rien contre l'Etat.
Pour prévenir les deførdres
HGALANT 261
qu'ils pourroient caufer , on
donne à chaque Nation un.
peu confidérable , une Chef
qui en eft, & qui doit répondre
de tous ceux de fon Païs,.
avec un Seigneur de la Cour,
2 ou un Officier du Roy , qui
eft commele Protecteur particulier
de la Nation . C'eft à
ce Seigneur, ou Officier, que
doit s'adreffer ce Chef , foit:
pour les Requeftes qu'il veut
présenter au Prince, foit pour
les Affaires du Commerce..
D'ailleurs , les Canaux que
forme la Riviere , partageant
La Ville en plufieurs. Illes,
262 MERCURE
on a foin de placer chaque
Nation en quelque Iſle ou
Quartier féparé , ce qui empelche
les diférens qu'excite
fouvent le mélange des Nations
qui ont des antipaties
naturelles . On oblige encore
tous les Etrangers qui s'établiffent
à Siam , de renouveller
tous les ans le Serment
de fidelité qu'ils jurent au
Roy. Le jour de cette cerémonie
cft folemnel . Tous les
Officiers de la Couronne y
affiftent.LeRoy montéfur un
Trône reçoit ce Serment,que
chacun luy prefte felon for
GALANT. 263
mng , aprés quoy on leur donne
à boire d'une Eau qu'ils
nomment Eau de jurément.
Ils l'eftiment Sainte . Les Sa-
- crificateurs
des Idoles qui la
préparent avec des cerémonies
remplies de fuperftition
,
tiennent la pointe d'une Epée
dans cette Eau , & lancent
plufieurs imprécations
contre
les Parjures, dans la croyace
que s'ils ne promettent
pas fidelité avec un coeur fincere
, ils en feront fuffoquez
dés le mefme inftant.
Il n'y a point de Païs où
L'exercice de toutes fortes de
264 MERCURE
Religiós foit plus permis qu'à
Siam. Cette liberté attire un
grand nombre d'Etrangers,.
dont le fejour eft
avantageux
aux Siamois pour le commerce
. D'ailleurs ils tiennent que
toute Religion eft bonne , &
Iainfi ils ne fe montrent con
traires à aucune , pourvû qu'
elle puiffe fubfifter avec les
Loix du Gouvernement. Ils
difent que le Ciel'eft comme
- un grand Palais , où pluſieurs
chemins vont aboutir, & qu'il
feroit difficile de déterminer
quel eft le meilleur. Comme
ils croyent la pluralité des
Dieux
GALANT 265
Dieux , ils ajoûtent qu'eftant
tous de grands Seigneurs , ils
exigent divers cultes , & veulent
eftre honorez en plufieurs
manieres. Cette indiférence
eſt cauſe qu'il eft
malaifé de les convertir. En
avouant que la Religion des
Chrétiens eft bonne , ils prétendent
que c'eſt eſtre témeraire
, que de rejetter les au
tres , & que puis qu'elles ont
toutes pour but d'honorer les
Dieux , il y a fujet de croire
qu'ils s'en contentent. Ils
ont des Idoles en grand
nombre , & leur figure ne
Octobre 1684. Z
266 MERCURE
furprend pas moins que leur
grandeur. Il y en a fur un
mefme Autel jufqu'à cinquante
ou foixante, de plus de
quarante pieds de haut. Elles
font faites de Brique & de
Pierre , & dorées par le dehors
. Dans les Maifons des
Sacrificateurs font des Galeries
, où l'on en voit trois &
quatre cens de diférentes figures
, toutes dorées , & d'un
grand éclat. Les Temples
qu'ils bâtiffent à ces Idoles,
font trés -fomptueux , folides
& à peu prés comme nos ‘Eglifes.
Les Portes en font doGALANT.
267
rées , le dedans eit peint , &
la lumiere y entre par des Feneftres
étroites & longues,
prifes dans l'épaiffeur du mur.
Les Idoles font fur l'Autel ,
qui eft dans le lieu le plus éloigné
de la Porte , & auquel
on monte par plufieurs degrez
en Amphitheatre . Prés
de ces Temples font les Convens
des Sacrificateurs , qui
ont leurs Dortoirs & leurs
Cellules , & qui vivent en
.commun. Ils ont auffi leurs
Cloiſtres , au milieu defquels
eft une Pyramide extrémement
haute, & toute brillante
Z ij
268 MERCURE
d'or. La coûtume eft de ren
fermer fous ces Pyramides
les cendres des grands Seigneurs.
Les Portugais ront
donné le nom de Talapoins
à ces Sacrificateurs ou Reli
gieux , qui font bien au nom .
bre de trente mille dans tout
le Pais. Leurs habits qui
font d'une toile jaune toute
fimple , ne diférent sen rien
de ceux du Peuple pour la fi
gure, finon qu'au lieu de Ca
faque ils portent comme un
Baudrier de toile rouge , qui
va de l'épaulé gauche cou
vrant l'eftomac jufqu'au câ
2
GALANT 269
leur
ré droit. Ils marchent pieds,
nus & tefte nue , & quoy
qu'ilshareçoivent
quantité
d'aumônes , & que les préfens
qu'on fait aux Idoles,
d'Erofes , de Ris & de Fruits,
appartiennent , ils ne
font qu'un repas par jour , &
il ne leur eft permis de manger
le foir qu'un peu de Fruit.
Ils prefchent le Peuple , l'in
ftruifent , & font des offrandes
& des facrifices à leurs
Dieux. Ces Sacrifices font
accompagnez
de Torches ,
de Fleurs , & de feux d'Artifice.
Entre ces Talapoins , il!
Z
iij
270 MERCURE
y en a qui font feulement
pour vivre en particulier.
Quelques - uns ont des fon
ctions qui regardent le Pu
blic ; & d'autres qu'on nomme
Sancrats , ont foin des .
Temples , & de faire obfer
ver les cerémonies. Ces der
niers qui font les plus réverez
de tous , font fous la Jurifdiction
d'un Sancrat , qui
eft toûjours un grand Perfonnage.
C'eft luy qui préfide
au Pagode du Roy , qui
eft à deux lieues de Siam.
Non feulement il eft respecté
du Prince , mais il a l'honneur
GALANT. 271
de s'affeoir auprés de luy
quand il luy parle , & fe contente
de luy faire une médiocre
inclination de tefte. Ces
Preftres font obligez de garder
la continence , mais comme
il leur eft permis de quitrer
la vie Religieufe quand ils
veulent , ils n'ont qu'à fe défaire
de leurs veftemens de
couleur jaune pour ſe marier.
Il y a auffi proche des principaux
Teples, des Maifons de
Religieufes, où font de vicilles
Filles rafées, & vcftuës de
blanc. Elles paffent les jours
a prier , & quand la retraite
Z
iiij
272
MERCURE
r
les ennuye, elles quittent l'habit
blanc . Les Siamois croyét
que l'ame furvit le corps .Cela
les oblige à fonger de leur
vivant aux befoins de l'autre
vie. Ils amaffent pour cela
tout ce qu'ils peuvent épar
gner d'argent , le cachent en
quelque lieu retiré, & comme
c'eft parmy eux un grand
facrilege que de dérober l'ar
gent des Morts , il fe perd
par là des fommes immenfes
qu'on n'ofe chercher. Cette
folle opinion n'eft pas fou
lement parmy le Peuple ; lesc
grands Seigneurs & les Prin
<
GALANT.27 3
ces fe pourvoyent auffi pour
l'avenir , mais fans cacher
leurs Tréfors . Ils font élever
des Pyramides , au pied defquelles
ils enfouiffent l'ar
gent qu'ils fe refervent , & les
Talapoins veillent à la garde
de ces Pyramides . Les Siamois
font fort magnifiques.
dans leurs Funérailles, & emer
ployent quelquefois une an
née entière à en faire les préparatifs
. Les Sépulchres font.
environnez de plufieurs
Tours quarrées , faites de
bois de Cyprez , & reveſtuës;
de Cartes de gros Papier de
274MERCURE
diférentes couleurs . Ils met
tent quantité de feux d'arti
fice au deffus des Tours , &
tout estant preft , une partie
des Talapoins fe rend au lieu
des Funérailles , tandis que
l'autre va querir le Corps , On
Eenferme dans une Biere ou
Quaiffe dorée , fur laquelle
s'éleve une Pyramide , ornée
de divers Ouvrages de menuiferie
auffi dorée . Quand le
Corps eft arrivé , on le tire de
la Quaiffe. On le met fur le
bucher , autour duquel les
Talapoins font plufieurs
tours , & pendant que les flâ
GALANT. 275
mes le confument on fait
jouer des feux d'artifice au
fon de quatité d'Inftrumens.
Le corps eftant brûlé , on en
ramaffe les cendres , & on:
les met repofer fous la Pyramide.
7
Les mariages entre les
Perfonnes riches fe font avec
beaucoup de magnificence,
mais fans qu'il y entre aucune
cerémonie de Religion :
Les Mariez mettent en commun
une fomme de deniers,
& ont toûjours la liberté de
fe féparer en partageant leurs .
Enfans. Ileft permis au Ma276
MERCURE
ry de prendre autant de Con
cubines qu'il veut , &zelles
doivent obeiffance
à la prev
miere Femme , dont les En
fans font feuls héritiers du
bien du Pere, ceux des Concubines
n'ayant prefque rien.
Les biens des Gens de con
dition font féparez en trois
parties aprés leur mort. Les
Talapoins en ont une, le Roy
Fautre , & la troifiéme eft
pour les Enfans . La Coûtu
me eft diférente parmy le
Peuple. Les Hommes acheg
tent leurs Femmes par quel
que préfent qu'ils font aux
GALANT 277
Peres. Ils ont mefine liberté
de les quitter , mais les divorces
ne fe font pas fans de
grandes cauſes. Les Enfans
partagent entr'eux également
le bien de leur Pere,
laiffant pourtant ordinairement
quelque chofe de plus
àl'Aîné. Onles met dans leur
bas âge auprés des Preftres &
Docteurs , pour apprendre à
lite & à écrire , & quand
leurs études font achevées, il
en demeure toûjours un
grand nombre dans la Communauté
de ces Talapoins.
Il y a beaucoup d'argent à
278 MERCURE
Siam. Celuy de la principale
Monnoye dont on s'y fert , &
qu'on appelle Ticals , eft fort
fin , & d'une figure preſque,
ronde , marquée au coin d
Prince. Les Ticals valent
trente- fept fols de noftre
Monnoye .Un Mayonvaut la
moitié d'un Tical.Un Foüan,
la moitié d'un Mayon , &
un Sampaya la moitié d'un
Foüan. Ils font ordinairement
leurs comptes par Cattis
d'argent. Chaque Cattis
vaut vingt Tayls , ou cent
quarante quatre livres , le
Tayl valant quelque chofe
GALANT. 279
de plus que fept francs.
Fermer
Résumé : Description du Royaume & de la Cour de Siam, avec les moeurs des Habitans de ce grand Etat, [titre d'après la table]
Le Royaume de Siama s'étend sur plus de trois cents lieues du nord au sud et est bordé par le Pégu au nord, la mer du Gange au sud, le petit État de Malaca à l'ouest, et les montagnes à l'est, qui le séparent de la Camboye et de Laros. Situé jusqu'au dix-huitième degré de latitude septentrionale, le royaume est avantageusement situé entre deux mers, facilitant les échanges avec les pays voisins grâce à l'étendue de ses côtes, qui mesurent cinq à six cents lieues de tour. Le royaume est divisé en onze provinces gouvernées par des gouverneurs nommés par le roi. La province de Siam est la principale et donne son nom au royaume ainsi qu'à la ville capitale, située sur la rivière de Menan, qui provient du lac de Chiamay et permet aux vaisseaux de naviguer jusqu'aux portes de Siam, malgré la distance de plus de soixante lieues de la mer. La capitale est bien fortifiée et construite sur l'eau, semblable à Venise, et abrite une grande diversité de nations parlant jusqu'à vingt langues différentes. Le pays est fertile grâce aux inondations causées par les pluies durables de trois à quatre mois, qui noient les campagnes et favorisent la culture du riz, le principal aliment des Siamois. Malgré cette fertilité, de nombreuses terres restent incultes faute de main-d'œuvre ou par la paresse des habitants. Les plaines et forêts servent de refuge à divers animaux sauvages. Le royaume est riche en fruits, notamment le durion, les jacquiers, les mangoustans, la manque et l'areca, ce dernier étant utilisé pour ses propriétés digestives et socialement important dans les échanges de civilité. Les Siamois sont de peau olivâtre, ont un nez court et un naturel doux et affable. Ils valorisent le repos et délèguent le travail à leurs esclaves. Leur mode de vie est marqué par une pauvreté tranquille, et ils se vêtent simplement, souvent pieds nus. Les maisons sont construites sur pilotis pour se protéger des inondations. La nourriture principale est le riz et les fruits, bien que la viande soit consommée occasionnellement. Les Siamois n'ont pas d'exercices physiques ou intellectuels spécifiques et leur médecine repose sur des remèdes traditionnels et la magie. Le gouvernement est monarchique et bien régulé, avec un roi absolu qui consulte parfois les grands seigneurs pour les décisions importantes. Le roi se montre rarement au peuple et est entouré d'une garde de trois cents hommes. Il a de nombreuses concubines et se déplace de manière majestueuse, soit par terre avec des éléphants, soit par eau avec des galères ornées. Les cérémonies royales visent à maintenir la vénération du peuple pour la majesté royale. À la mort du roi, son frère aîné ou son fils aîné lui succède, jamais une fille. Le royaume est ouvert aux étrangers, qui peuvent s'y établir ou commercer librement, à condition de respecter l'État. Chaque nation étrangère a un chef et un protecteur particulier pour prévenir les désordres. Les étrangers doivent renouveler annuellement leur serment de fidélité au roi lors d'une cérémonie solennelle. Le royaume permet la pratique de toutes les religions, attirant ainsi de nombreux étrangers dont la présence est bénéfique pour le commerce. Les Siamois croient en une pluralité de dieux et estiment que chaque divinité exige des cultes différents. Cette diversité rend difficile leur conversion à d'autres religions. Ils reconnaissent la validité de la religion chrétienne mais refusent de rejeter les autres croyances, estimant que toutes honorent les dieux. Les Siamois possèdent de nombreuses idoles de grande taille, souvent dorées et placées dans des temples somptueux et solides, similaires aux églises. Ces temples comportent des galeries avec des idoles de diverses figures et des portes dorées. Les sacrifices aux dieux sont accompagnés de torches, de fleurs et de feux d'artifice. Les Talapoins, ou sacrificateurs, sont nombreux et portent des habits jaunes distinctifs. Ils vivent en communauté, jeûnent souvent et se consacrent à la prière et aux offrandes. Les femmes religieuses, vêtues de blanc, peuvent quitter leur vie monastique à leur convenance. Les Siamois croient en la survie de l'âme après la mort et amassent des trésors pour l'au-delà. Les funérailles sont magnifiques et durent parfois une année entière, avec des cérémonies élaborées et des feux d'artifice. Les mariages parmi les riches sont somptueux mais sans cérémonies religieuses. Les biens sont partagés entre les Talapoins, le roi et les enfants après la mort du propriétaire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 147-150
Vers sur le calme dont joüit la France, [titre d'après la table]
Début :
Je vous envoye des Vers qui ont esté faits à l'occasion du calme / Voicy le doux temps de l'Amour [...]
Mots clefs :
Amour, Dieux, Louis, Lauriers, Honneur, Nature, Trésor, Tranquilité
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Vers sur le calme dont joüit la France, [titre d'après la table]
le vous envoye des Vers qui
ont efté faits à l'occafion du calme
dont jouit la France .
Voicy le doux temps de l' Amour
Et du charmant Dieu des Bouteilles
;
Nous ne verrons plus le Tambour
Faire du bruit à nos oreilles.
LOUIS couronné de Lauriers ,
G 2
148
MERCURE
A licentie fes Guerriers.
Au lieu de Clairons , de Trompettes.
Nous n'entendrons que des Mufettes;
Et déia j'entens dans nos Bois ,
A l'honneur du plus grand des Roys,
Le Berger avec fa Bergere ,
Chanter fur la verte Fougere ,
Vive LOVIS ! Puiffe le Ciel
Sur fes jours découler le miel ;
Que toujours à pleine Faucille
On moiffonne dans fa Famille
Des Lauriers; & que
le Soleil
Aux cheveux blõds, au teint vermeil
Empefche que la Medecine
Sur luy n'exerce fa Doctrine.
C'est par luy que le Siecle d'or ,
Mort filong- temps avant Neftor,
Va renaiftre , & combler la France
De tout ce qui fait l'abondance.
Que l'Hymen va joindre de coeurs
Sous le joug d'un amour fidelle ,
Et qu'il va moiffonner de Fleurs
Avant que la brune Hyrondelle
GALANT. 149
Par fes premiers gazoüillemeus
Nous ait marqué les jours charmans
Qui ramenent la Tourterelle !
Que fous l'Empire de Bacchus
Nous allons voir caffer de Verres,
Et quefous celuy de Vénus
Nous verrons d'amoureux Parterres!
Combien verrons.nous fous l'Ormeau
Danfer au fon du Chalumeau !
Combien de Garçons & de Filles
Les Dimanches jouer aux Quilles ,
Courir , & la Boule à la main
Bondir comme feroit un Dain !
Le Vilageois dans fa Chaumiere
Verra pendre àSa Cremilliere
Dans un Chaudron bien écuré
Dequoy feftoyer fon Curé.
Au Bourgeois étofé de Pane
Nul ne verra faire la Cane ,
Quand il faudra de fon Trefor
Tirer de l'argent & de l'or ,
Pour degager la Girouette
De l'Amy, qu'un Sergent decrete.
G 3
150 MERCURE
.
Le Noble, la Plume au Chapeau ,
Et le Clinquant fur l'Ecarlate ,
Fera tapiffer fon Chasteau ,
Qui n'eftoit meublé que de Natte.
On luy verra des Chiens courants ,
Vne Ecurie à doubles rangs,
Vne Cuifine à double Broche,
Toujours de l'argent dans fa Poche .
Enfin , grace au Maistre des Lys,
Nous ferons gorgez de Louis ;
Et d'un bout à l'autre du Monde ,
Sur la Terre , & mefme fur l'onde,
On dira , c'eft cheles François
Qu'on vit content comme des Rois.
ont efté faits à l'occafion du calme
dont jouit la France .
Voicy le doux temps de l' Amour
Et du charmant Dieu des Bouteilles
;
Nous ne verrons plus le Tambour
Faire du bruit à nos oreilles.
LOUIS couronné de Lauriers ,
G 2
148
MERCURE
A licentie fes Guerriers.
Au lieu de Clairons , de Trompettes.
Nous n'entendrons que des Mufettes;
Et déia j'entens dans nos Bois ,
A l'honneur du plus grand des Roys,
Le Berger avec fa Bergere ,
Chanter fur la verte Fougere ,
Vive LOVIS ! Puiffe le Ciel
Sur fes jours découler le miel ;
Que toujours à pleine Faucille
On moiffonne dans fa Famille
Des Lauriers; & que
le Soleil
Aux cheveux blõds, au teint vermeil
Empefche que la Medecine
Sur luy n'exerce fa Doctrine.
C'est par luy que le Siecle d'or ,
Mort filong- temps avant Neftor,
Va renaiftre , & combler la France
De tout ce qui fait l'abondance.
Que l'Hymen va joindre de coeurs
Sous le joug d'un amour fidelle ,
Et qu'il va moiffonner de Fleurs
Avant que la brune Hyrondelle
GALANT. 149
Par fes premiers gazoüillemeus
Nous ait marqué les jours charmans
Qui ramenent la Tourterelle !
Que fous l'Empire de Bacchus
Nous allons voir caffer de Verres,
Et quefous celuy de Vénus
Nous verrons d'amoureux Parterres!
Combien verrons.nous fous l'Ormeau
Danfer au fon du Chalumeau !
Combien de Garçons & de Filles
Les Dimanches jouer aux Quilles ,
Courir , & la Boule à la main
Bondir comme feroit un Dain !
Le Vilageois dans fa Chaumiere
Verra pendre àSa Cremilliere
Dans un Chaudron bien écuré
Dequoy feftoyer fon Curé.
Au Bourgeois étofé de Pane
Nul ne verra faire la Cane ,
Quand il faudra de fon Trefor
Tirer de l'argent & de l'or ,
Pour degager la Girouette
De l'Amy, qu'un Sergent decrete.
G 3
150 MERCURE
.
Le Noble, la Plume au Chapeau ,
Et le Clinquant fur l'Ecarlate ,
Fera tapiffer fon Chasteau ,
Qui n'eftoit meublé que de Natte.
On luy verra des Chiens courants ,
Vne Ecurie à doubles rangs,
Vne Cuifine à double Broche,
Toujours de l'argent dans fa Poche .
Enfin , grace au Maistre des Lys,
Nous ferons gorgez de Louis ;
Et d'un bout à l'autre du Monde ,
Sur la Terre , & mefme fur l'onde,
On dira , c'eft cheles François
Qu'on vit content comme des Rois.
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Résumé : Vers sur le calme dont joüit la France, [titre d'après la table]
Le poème célèbre la paix et la prospérité en France sous le règne de Louis. Il décrit une époque où l'amour et la joie remplacent les bruits de la guerre. Le roi Louis, couronné de lauriers, permet à ses guerriers de se reposer. Les instruments de guerre sont remplacés par des musettes et des chants de bergers. Le poète souhaite longue vie et santé au roi, comparant son règne à un âge d'or de prospérité et d'abondance. Il imagine une France où l'Hymen unit les cœurs sous le signe de l'amour fidèle, et où les plaisirs de Bacchus et de Vénus sont célébrés. Les villageois vivent paisiblement, tandis que les nobles et les bourgeois prospèrent. Grâce au roi, les Français vivent heureux et contents, et cette félicité est reconnue à travers le monde.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 276-277
VII.
Début :
Qui ne vous connoistroit sous l'habit de Sofie ? / Les deux Enigmes ont esté aussi expliquées par Messieurs le Baron [...]
Mots clefs :
Lanterne, Amour, Dieux, Écriture, Beauté
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : VII.
VII.
Vi ne vous connoiftroit fous l'habit
de Sofie?
Mercure, de nouveau le cherchez- vous
encor,
Pendant que Jupiter d'une amoureuſe
envie
Vachercherquelque Alcméne, ainſi qu'au
Siècle d'or,
De peur que ce Manant n'aille avec fa
Lanterne
Troubler lesjeux, les ris, & les contentemens
Que recherchent tous les Amans
Dans le temps qu' Amour les gouverne?
Mais fçachez qu'en ce jour vos foins font
Superflus.
Comme l'on ne voit plus d ' Alcméne,
Iln'est plus de Sofie ; ainſi donc c'eſt abus:
Devous déguifer avec peine.
Faites un peu réflexion
Que l'on nefait plus tant d'affaires
Afin de réüffir aux Amoureux miſteres,.
du Mercure Galant. 277
Comme l'on enfaifoit au temps d'Amphitrion
;
Quatre mots d'Ecriture enfinfont plus
d'avance,
Avec quelque Bijon nouveau,
Que d'un Mary la reffemblance,
Fuft-il mefme de tous estimé leplus beau .
LA PETITE ASSEMBLEE A.
du Havre.
Les deux Enigmes ont efféauffi expliquées
par Meffieurs le Baron de la
Glaciere d'Ecuelle ; Vermolet , de
Dourlens ; Ageron , Avocat au Parlement
de Dauphiné ; Sorbiere , Banquier
de la Rue des cinq Diamans i
& par Mefdemoiselles le Vaffeur,
Fille de M le Vaffeur , Avocat à
Amiens Angelique Mortier , &
l'Orpheline.
Vi ne vous connoiftroit fous l'habit
de Sofie?
Mercure, de nouveau le cherchez- vous
encor,
Pendant que Jupiter d'une amoureuſe
envie
Vachercherquelque Alcméne, ainſi qu'au
Siècle d'or,
De peur que ce Manant n'aille avec fa
Lanterne
Troubler lesjeux, les ris, & les contentemens
Que recherchent tous les Amans
Dans le temps qu' Amour les gouverne?
Mais fçachez qu'en ce jour vos foins font
Superflus.
Comme l'on ne voit plus d ' Alcméne,
Iln'est plus de Sofie ; ainſi donc c'eſt abus:
Devous déguifer avec peine.
Faites un peu réflexion
Que l'on nefait plus tant d'affaires
Afin de réüffir aux Amoureux miſteres,.
du Mercure Galant. 277
Comme l'on enfaifoit au temps d'Amphitrion
;
Quatre mots d'Ecriture enfinfont plus
d'avance,
Avec quelque Bijon nouveau,
Que d'un Mary la reffemblance,
Fuft-il mefme de tous estimé leplus beau .
LA PETITE ASSEMBLEE A.
du Havre.
Les deux Enigmes ont efféauffi expliquées
par Meffieurs le Baron de la
Glaciere d'Ecuelle ; Vermolet , de
Dourlens ; Ageron , Avocat au Parlement
de Dauphiné ; Sorbiere , Banquier
de la Rue des cinq Diamans i
& par Mefdemoiselles le Vaffeur,
Fille de M le Vaffeur , Avocat à
Amiens Angelique Mortier , &
l'Orpheline.
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Résumé : VII.
Le texte traite des transformations dans les pratiques amoureuses, soulignant la disparition des figures mythologiques telles qu'Alcméne et Sophie. Les déguisements et les efforts pour séduire sont désormais inutiles. Contrairement à l'époque d'Amphitryon, où les amants déployaient beaucoup d'efforts pour participer aux mystères amoureux, quelques mots écrits et un bijou nouveau suffisent aujourd'hui à faire progresser une relation, même plus qu'une ressemblance avec un célèbre acteur. Le texte mentionne également une assemblée au Havre où deux énigmes ont été résolues par plusieurs personnes, dont le Baron de la Glacière d'Ecuelle, Vermolet, Ageron, Sorbiere, la fille de M. le Vasseur, Angélique Mortier et l'Orpheline.
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4
p. 180-186
SUR LA NAISSANCE DE MONSEIGNEUR LE DUC D'ANJOU. SONNET. / SONNET. / SONNET.
Début :
Je crois ne pouvoir mieux placer qu'aprés cette Feste, les / O Lys, dont la gloire est si pure, / De vostre Bras vengeur nous ressentons le pois. / Dieu, qui pendant que des oiseaux [...]
Mots clefs :
Naissance du duc d'Anjou, Sonnet, Dieux, Lys
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUR LA NAISSANCE DE MONSEIGNEUR LE DUC D'ANJOU. SONNET. / SONNET. / SONNET.
Je crois ne pouvoir mieux
placer qu'aprés cette Fefte , les
trois Sonnets que vous allez
lire. Ils ont efté faits par Mr
de Meffange , dont les Ouvrages ont toûjours eu le bonheur de vousplaire, & en ayant
fait un chaque jour pendant
trois jours , il les a prefentez à
Monſeigneur le Duc de Bourgogne , à mesure qu'il les a
compofez.
GALANT 81
SUR LA NAISSANCE
DE MONSEIGNEUR
LE DUC D'ANJOU.
SONNET.
OLys , dont lagloire eftfi pure,
Aftreterreftre & dondes Cieux
Trefor fi cher à la nature ,
Et fi brillant à tous les yeux.
Quoy, dans une Saifonfidure
Vous renaiffez figracieux ;
Et d'une fi riche parure.
Vous venez embellir ces lieux!
182 MERCURE
Tiges toûjours incomparables
Quelsferont vos effets aimables
Dansuntemps moins rempli d'hor
reurs
Si durant celuy de l'orage ,
Nos heureuxChamps ont l'avantage
De voir multiplier vosfleurs?
SUR LE MESME SUJET.
SONNET.
De voftre Bras vengeur nous reffentons lepois,
GrandDieu vousnousfrappez de
fleauxlegitimes ;
GALANT 183
Tout ce que nous donnoient vos
bontez magnanimes ,
S'est trouvé de nos mains enlevé
par vos loix.
Apeine vos rigueurs nous ontlaifSela voix!
Mais loin d'envisager les excés
de nos crimes ,
Détournez vos regardsfurles vertusfublimes
Que pratique à vosyeux le plus
fage des Rois.
Ha , Seigneur , vous daignez
exaucer ma priere :
Je voi parfon bonheurfinir noſtre
mifere :
184 MERCURE
Votrecœurappaife donne un Prin
ce à nos Lys:
Defon Berceaunaîtrala Paix &
l'Abondance ;
Et par luy vous rendrez plus de
biens à la France ,
Que nos triftesforfaits ne nous en
ontravis.
SUR LE MESME SUJET.
SONNET.
Dieu , qui pendant que des * oifeaux
* Les Alcyons,
GALATN 185
Eléventfur le fein des ondes inconftantes
Leurs tendresfamilles flottantes ,
Deffendez que les vents ne combattent les eaux ;
生
Daignez prendre des foins fi
beaux
Pour des Divinitezfur la terre
naißantes ,
Quifont vos images vivantes ;
Etne refufez pas le calme à leurs
Berceaux.
Vous leur devez voftre affiftance ;
Mars 1710. e
.186 MERCURE
De l'Aîné de l'Eglife ils tirent
leur naiſſance :
Contre eux& contre luy l'Erreur
lancefes traits.
Tranquilifez leur destinée ;
Etdonnez unefois les douceurs de
la Paix
Aceluy qui pour vous l'a tant
defoisdonnée.
placer qu'aprés cette Fefte , les
trois Sonnets que vous allez
lire. Ils ont efté faits par Mr
de Meffange , dont les Ouvrages ont toûjours eu le bonheur de vousplaire, & en ayant
fait un chaque jour pendant
trois jours , il les a prefentez à
Monſeigneur le Duc de Bourgogne , à mesure qu'il les a
compofez.
GALANT 81
SUR LA NAISSANCE
DE MONSEIGNEUR
LE DUC D'ANJOU.
SONNET.
OLys , dont lagloire eftfi pure,
Aftreterreftre & dondes Cieux
Trefor fi cher à la nature ,
Et fi brillant à tous les yeux.
Quoy, dans une Saifonfidure
Vous renaiffez figracieux ;
Et d'une fi riche parure.
Vous venez embellir ces lieux!
182 MERCURE
Tiges toûjours incomparables
Quelsferont vos effets aimables
Dansuntemps moins rempli d'hor
reurs
Si durant celuy de l'orage ,
Nos heureuxChamps ont l'avantage
De voir multiplier vosfleurs?
SUR LE MESME SUJET.
SONNET.
De voftre Bras vengeur nous reffentons lepois,
GrandDieu vousnousfrappez de
fleauxlegitimes ;
GALANT 183
Tout ce que nous donnoient vos
bontez magnanimes ,
S'est trouvé de nos mains enlevé
par vos loix.
Apeine vos rigueurs nous ontlaifSela voix!
Mais loin d'envisager les excés
de nos crimes ,
Détournez vos regardsfurles vertusfublimes
Que pratique à vosyeux le plus
fage des Rois.
Ha , Seigneur , vous daignez
exaucer ma priere :
Je voi parfon bonheurfinir noſtre
mifere :
184 MERCURE
Votrecœurappaife donne un Prin
ce à nos Lys:
Defon Berceaunaîtrala Paix &
l'Abondance ;
Et par luy vous rendrez plus de
biens à la France ,
Que nos triftesforfaits ne nous en
ontravis.
SUR LE MESME SUJET.
SONNET.
Dieu , qui pendant que des * oifeaux
* Les Alcyons,
GALATN 185
Eléventfur le fein des ondes inconftantes
Leurs tendresfamilles flottantes ,
Deffendez que les vents ne combattent les eaux ;
生
Daignez prendre des foins fi
beaux
Pour des Divinitezfur la terre
naißantes ,
Quifont vos images vivantes ;
Etne refufez pas le calme à leurs
Berceaux.
Vous leur devez voftre affiftance ;
Mars 1710. e
.186 MERCURE
De l'Aîné de l'Eglife ils tirent
leur naiſſance :
Contre eux& contre luy l'Erreur
lancefes traits.
Tranquilifez leur destinée ;
Etdonnez unefois les douceurs de
la Paix
Aceluy qui pour vous l'a tant
defoisdonnée.
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Résumé : SUR LA NAISSANCE DE MONSEIGNEUR LE DUC D'ANJOU. SONNET. / SONNET. / SONNET.
Le texte présente trois sonnets composés par Monsieur de Meffange, dédiés au Duc de Bourgogne et célébrant la naissance de Monseigneur le Duc d'Anjou. Le premier sonnet exalte la pureté et la gloire du nouveau-né, comparant sa venue à une saison florissante après des troubles. Le deuxième sonnet est une prière à Dieu pour qu'Il se détourne des crimes des hommes et se tourne vers les vertus du roi, espérant que le nouveau prince apportera la paix et l'abondance à la France. Le troisième sonnet demande à Dieu de protéger le nouveau-né, comme Il protège les oiseaux Alcyons et leurs familles, et de lui accorder la paix et la tranquillité. Ces poèmes expriment des vœux de prospérité et de paix pour la France grâce à la naissance du nouveau prince.
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5
p. 204-252
Extrait du Discours de Mr l'Abbé de Boissy.
Début :
Mr l'Abbé de Boissy marque dans le commencement de [...]
Mots clefs :
Abbé de Boissy, Expiation, Dieux, Romains, Crimes, Superstition, Médée, Déesse, Sacrifices, Malheurs, Mort, Plutarque
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Extrait du Discours de Mr l'Abbé de Boissy.
Extrait du Discours de
MrfabbdeBoe
Mrl'AbbédeBoissy
marque dans le commencement
de ionL)acours,
l'importance Sç
l'ancienneté des expiationSjfic
prouve que les
plusanciens Autheurs
delaTheologie Payenne
, ont reconnu cette
Providence divinc,qui
recompense le bien ôC
punit le mal
, & que
dans tous les temps on
avait cru les expiations
ducrime, une Loy indispensable
de cette
Providence. Il montré
l'abus que les Payens
faisoient de cette Loy,
en immolant des Victimes
humaines
,
Sacrifices
cruels, dit-il
dans lesquels on offinçoit
la nature , en voulant révérer
les Dieux, &c.
Ensuite aprèsavoir
expose cette vérité consiante,
qu'avant la Loy
deMoïse, levrayDieu
avoit establi les Sacrisices.
Ilfait voir l'abus
que la superstition en
a fait par degrez.
Voicy ce qu'il rapporte
d'Hellode sur la
punition des crimes &
la necessité des Expiations.
Hefîodedit-il, dans sa.
Theogonie raconte que la
Nuit enfanta les cruelles
Parques Clotho
,
Lachesis,
& Atropos
,
fatales dispensatrices
du bien & du mal,
dont la severité s'attachant
à poursuivre le crime, le
punit également dans le*
hommes&dans les Dieux,
& dont la colere ne s'aplpeassse
qu'après avoir f appé
criminels.Il ajousteque
la Nuit eut encore pour
fille
,
Nemesis
,
Déesse si
redoutable aux malheureux
mortels que les Grecs
ont aussi connuë fous les
noms de Rhamnusienne
d'Adrastée
,
& que les Romains
qui ne luy avoient
point donné de nom propre
en leur Langue, n'ont
pas laissé de reverer dans
le
le Capitole,suivant le témoignage
de Pline. Plutarque
qui luy donne pour
auteurs de sa naissance, Jupiter
& la Niceffité, nous
la reprefenreplacée dans
un lien fort élevé d'où elle
ordonna des chastiments
pour tous les crimes. Point
de Scélératquela force ou
l'adresse puisse soustraire à
sa poursuite. Trois autres
Déesses luy fervent de Ministres,
& sont employées
à l'execution de ses ordres;
l'une prompte& legere appellée
Panée, s'attache aux
coupables qu.i des cettevie
sont condamnez à des peines
corporelles; elle est
moins cruelle que les autrès,
& laisse mesme passer
des fautes legeres, qui semùbleroient
demander quelque
sorte d'expiation.Ceux
dont les mauvaises habitudes
sont plus difficiles à
corriger
,
tombent après
leur mort entre les mains
de Dicée, la seconde de ces
Divinitez vengeresses.. A
l'égard des Criminels les
plus endurcis,aprés avoir
estérepoussezparDicée
ils sont livrez à la fureur
d'Erenys, plus implacable
que le s deux autres. Elle
les poursuit sans relasche,
& après les avoir fait longtemps
errer dans la douleur
& dans l'affliction les précipice
dans un abysme affreux,
&c.
lu
M. l'Abbéde Boiflfy
tire de cette allegorie,
& de plusieurs autres
partages aussi anciens
,
cette vérité crue dans
tous les temps, que les
Dieux punisoient les
crimes, & qu'ils se laissoient
fléchir par les
Expiations.
Ilobservedeplus queles
Philosophes
,
& sur tout
les Pythagoriciens, se proposoient
dans l'expiation
une fin beaucoup plus noble
& plus élevée.
Leur Purification celebre
dans l'Antiquité, fous
le nom de kadaroysavoient
quelque rapport à ce que
nosMystiques appellent la
vie Purgative.Ellesestoient
,;J,iO:inguées en différents
degrez par le moyen dei:
quelsils prétendoient l'amedegagée que de toutes
les soüil eures qu'elle avoir
contractée par sonunion.
avec la Matiereestoit restablie
dans toute la pureté
de sa premiereorigine *,
de
forte qu'après sa separation
d'avec le corps, elle parvenoit
enfin à estre déïfiée,
C'est ainsi que s'exprime
un decesPhilosophes dans
les Vers dorez attribuez
communement à Pythagoj:
e.'
1
Et quand ton Ame separée
de ton Corps
,
fera;
parvenuë dans la région
de l'air le plus pur , tu de'::
viendras un immortel,incorruptible.
Mais ce n'est
pas icy le lieud'examiner
cette opinion que nous reservons
à développer dans
la suite,&c. ., 1 , M.l'AbbédeBoissy
paffe de là à un détail
tres curieux, des differents
termes que les
Grecs & les Romains
appliquoient aux Sacrifices
expiatoires.
-15?: Kjia^c m;Î
'!lcIl remarque ensuite que le
surnom de Fehruata chez
lesSabins,&chez les Romains
celuy de Februlis,
parce que tous les ans dans
la Feste des Lupercales; on
faisoit l'expiation de la
Ville de Rome, par cette
raison ce jour se nommoit
Februatus. C'est delà au
rapport de Varron & de
Festus que le mois de Fé.,
vrier a tiré son nom d'au.
tant que cette ceremonie
se pratiquoit pendant ce
mois;PlineLiv. 15.ch.19.
fait mention deVenus Cluà.-
cirra del'ancien motcliïereJ
purifier.
Cetteexactitude à specifier
les noms des Dieux
passoit pour un point tellement
important dan s la
TheologiePayenne, qu'on
la poulloit jusqu'au scrupule,
& qu'on croyo t n'y
pouvoirmanquer sans encourir
leur indignation.
C'est ce qu'on peur voir
danslePhilebus de Platon.
Un des Personnnges d ce
Dialogue avoit avancéque
la
la Déesseque l'on appelloit
communement Venus, pouvoitestre nommée plus
proprement & plus veritablement
la Volupté: Ma
crainte est excessive
,
répond
Socrate,lorsqu'il s'agit de
donner des noms aux Dieux,
4,'infipuifquil a plû à cette |.Deesse dese faire appeller
Venus,je parlerayd'ellesous le
nom qu'elle aime le mieux.
Les Anciensapprehen-
1- doient tellement d'omettre
ce nom favori de chaque
1
Divinité qu'ils chargeoient
leurs invocations de tous
ceux dont ils pouvoient
s'aviser, c'est ce qu'on peut
aisément remarquer dans
la pluspart des Hymnes
anciennes qui ne sont le
;
plussouvent qu'un tissu de
<,
surnoms & d'épithetes.
Ainsi Carulle aprés avoir
invoque Diane de différentes
maniérés; Soye% revérée
j luydit-il
y
soustel
nom qu'il vous plaira de prendre.
Ainsi dans le Poëme
seculaire d'Horace, ce Poete
s'adresse à la mesme
Déesseen ces termes : FavorableHithyie,
OHLncine>
soitque vous choififlie'{ ce nom,
soit que vous luy préferiez
celuy de Déesse qui préside
aux Nôces.
Quelquefois au lieu de
demander aux Dieux quel
nom leur estoit le plusagreable
, on se contentoit
de mettre au pluriel un de
ceux qu'ils portoient, comme
pour embrasser par là
toute la Divinité
,
8c ne
rien oublier de ses attributs.
C'est en ce sens que
l'oracle des Sybilles a dit:
Aprésles Parques ilfautappaiser
les Hithyies par des SA*
crifices comme il est convenable.
EnfuiteM.l'Abbéde
Boissy donne aprés les
anciens,au terme d'Expiation>
une ligniifcation
plus étenduë,&
dit:
Qu'ils se servoient des
mots expiare & lustrare,
nonfeulementpar rapport
auxcrimes5mais encore a
l'égard de tout ce guils regardoient
comme la fuite
.ou l'effet de ces mesmes
crimes. Ainsi, expier ne
signisioit souvent autre
chose que faire certains
actes de Religion dans la
vûë d'éloigner quelques
malheurs soit qu'on les ressentit
actuellement
,
soit
que l'on en fust seulement
menace par des prodiges
ou par d'autres ifgnes, &c, •#•••*t -
Ce n'estoient passeulement
lesparticuliers qui
avoient besoin d'expiation,
des Villes toutes entieres
se croyoient obligées d'y
avoir recours. La pluspart
d'entr'elles avoient un jour
fixe pour cette Ceremonie
que l'on renouvelloit couY
les ans. Elle se faisoit à
Rome le 5 de Février. Le
Sacrifice se nommoit Amburbale
ou Amburbium, se-
Ion Servius
, & les Victimes
que l'on yemployoit
dmburbiales,au rapport de
Festus.
On la celebroit à Athenes
le 6. du mois Thargelion,
qui répondoit à celuy
d'Avril. C'est Diogene
laërce qui nous en assure
dans la vie de Socrate. •
Chez les Romains , aprés
le dénombrement des
Citoyens, qui fut institué
par Servius Tullius, il y
avoit une Expiation [0-.
lemnelle pour tout le peuple
, & parce qu'elle se faisoit
tous les cinq ans, ctefi:,
du mot lustrare
,
expier ,
que cet espace de temps a
pris le nom de Luflmra.
Dans les Jeux Seculaires, *
qui comme l'on sçait se
celebroient tous les 110.
ans ,
la pompe commençoit
tousjours parune Expiation
généra le, & les
Prestres distribuoient tout
ce qui estoitnecessaire pour
la pratiquer. ~r '1,
Mais avec ces Festes déterminées
a certains jours
fixes, on ordonnoit en certaines
occasions des Expiations
extraordinaires.Ainhy
selon le témoignage de
Denis d'Halicarnasse
,
la
Ville de Romefut purifiée
aprés que les Tarquins en
eurent esté chassez. Selon
Je mesme Autheur
,
elle le
fut encore neu fans aprés
au sujet du meurtre d'un
grand nombre deCitoyens,
qui avoient esté tuez en
voulant restablir les mesmes
Tarquins
,
& quoyqu'unejustenecessité
l'eust
fait commettre, le Senat
arresta neanmoins que tout
le Peuple ferait, expié d'autant , que sans cette précaution
il ne leur eust pas
esté permis d'approcher
des Autels, & de faire les
Sacrifices ordinaires.rr-
Ce n'estoitpas seule
ment sur les Villes entieres
que tomboient les Expiations.
Elles s'exerçoient encore
sur certains particuliers
qu'on jugeoit devoir
estrepurifiez. Lorsqu'on
pratiquoitces Ceremonies
à l'égard des Carrefours
,
on les nommoit Compitalia, &c.•»•• Les Atheniens purisioient
aussi les Theatres &
les lieux où se tenoient les
A*ssemb•lées p•ubliq•ues. Chez les Romains clou.,
ze personnes nomniéesr-,ra.
tres Arvales,purisioient la
Campagne aunloÍs de
May, & les Expiationsqui
netomboientque sur les
perionnes estoient ou publiques
ou particulieres.
Les Expiations du premier
genre (ont celles dont
on usoit dans les Armées.
On les expioit ordinairement
avant £c après le
combat. Lapremiere de cesExpiations
se faisoit pour prevenir
les malheurs que le sort
des armes pouvoit faire
apprehender;l'autre estoit
destinée pour se purifier dixcarnage
qu'on avoit fait
dans l'action,& pour appaiser
les Manes de ceux
qui y avoient esté tuez, &
toutes les deux estoient appelléesArmilustrium.
Quand aux Purifications
particulieres,elles estoient
d'un ressort beaucoup plus
estendu,puisqu'il n'y avoit
ni Nôces ni Funerailles qui
n'y fussentégalementassujetties.
Mais la superstition
des Anciens nes'arrestoit
pas à ces actions communes.
Elle multiplioit tellementàleursyeuxles
objets
de frayeur,qu'ils'imaginoientvVoOiIrr
à tous 1m11o0--,
mentsla Nature soulevée
se declarer contre eux, &
les Elements irritez se déchaisner
pour declarer la
guerre au genre humainde
la part des Dieux. Un Orage
imprévu
,
la chute de la
Foudre, le debordement
des Rivieres nesefaisoient
pas craind re seulement
pour les dommages réels
cjiuls causoient ; ils passoient
pour autant de presages
de malheurs encore
plus redoutables
Theophraste en faisant le
Portrait d'unSuperstitieux,
ditque les vapeurs d'un
Songe, la rencontre d'une
Belette, ou le cris d'une
Souris,troublent l'esprit
d'un homme timide, &
l'arrestent tout court au
milieu de sacourse & de
ses projets.
Ecoutons Aristophanes.
Qu'un Tremblement de
Terre se faffe [cotir, dit ce
Comique , qu'un feu de
mauvaiseaugure brilletout
àcoup dans l'air, qu'une
Belette vienne à passer dans
le lieu de l'Assemblée publique,
ne se reparera-t-elle
pasàl'instant,&c.
Dans le temps qu'on faisoit
l'élection de Fabius
Maximus àla dignité de
Dictateur, & de C. Flaminius
à celle de General de
la Cavalerie
, on entendit
le cris d'une Souris, &c'en
fut assez ,au rapport de
Valere Maxime, pour obliger
ces Magistrats à se déposer.
A l'égard des Songes,
Plutarque nous fait une
vive peinture de cette superstition.
Le sommeil
, ditce Philosophe
,
fait oublier
aux Esclaves la dureté
de leursMaistres. Iladoucit
les peines des matheu"
reux enchaisnez dans une
prison. Il donne du rclaCche
a la douleur la plus
vive; tout s'abandonne a
ses charmes, & la superstition
feule y est insensible.
Elleagiteceuxqu'elle
captive jusques dans lesein
du repos, & leur suscite
des visionsterribles de
Monstres & de Furies.
-
Tourmentez de ces cruelles
chimeres ils ne peuvent
cesser de les craindre, lors
,,Inetme qu'ils son éveillez,
&
& pour se délivrer d'un
supplice que leur crédulité
feule leur fait souffrir, ils
achètent à grand frais le
secours des Devins. Si vous
apprehendez l'effet de quelquevision,
leur crient ces
Charlatans
,
si vous êtes
poursuivis par Hecate la
terrestre, appeliez laVieille
qui paistritvostre pain,
plongez-vous dans la Mer,
&tenez-vousassis à terre
tout le long d'un jour,&c.
Après avoir parlé de
L'Expiation des homfc
cides , Mr l'Ablpé de
Boissyenrapportédans
un seul point d'hill:oi:
re les circonstances IC$
plusessentielles,
** • <w
Jason
,
chef des Argow
nautes,après avoir enlevé
la Toison d'or avecMedéê,
fut poursuivi par les Peuples
de Colchos commandez
par le jeunt Abfyrte,
frere de cette Princesse. Les
Grecs, qui seftoient' retirez
dans une des Bouches
du Danube, présd'être
accablez par le nombre,,
deliberaient déjà de livrer
Medée
, pour obtenir le
passage qui leur était fermé
lors que cette Princesse
le? tira d'embarras par cette
ruse. Elle envoya de magnifiques
presens à son frere.
Elle luy fit dire qu'on
l'emmenait contre son gré,
& luy proposa de se rendre
seul vers le soir dans
une Ile voisine, l'aÍfurJl}t
qu'elle s'y trouverait seule
desoncoté
, & qu'elle
voulait retourner aveclui
àColchos a près avoir tiré
laToison d'entre les mains
des Grecs. Absyrte vint
imprudemment au rendez-
vous où il croyoit ne
rencontrer que sa iceur;
mais Jason qui s'y était
caché de concert avec elle,
attaqua tout a coup le jeunePrince
qui n'était point
sur ses gardes, & le tua
sans beaucoup de peine.
Aussi tôt il coupe les extrem
itez de ce Cadavre; il
lèche trois fois le sang qui
en sortait & observe de
le cracher trois fois ieion
la coutume des Meurtriers
qui pretendoient s'expier,
ainsi que le remarque le
Poëte
, à quoy le Scoliaste
ajoute que l'usage des Assassinselloit
des'attacher
! au col les extremitez du
Corps de ceux qu'ils
avoient massacrez. Aprés
cette action sanglante
,
Jason
& Medée se baftereiic
de regagner leur Vaisseaus,
& les Argonautes ayant
surpris quelques Batimens
de Colchos, se fan--
verent à la fayeur., de la
nuit. Ils abordèrent dan$
l'Ile d'Acca, où Jason &;,
Medée prirent terre pour
se faire expier par Circé
qui en était Souveraine.
CettePrincesseSoeur d'Æetes,
& Tante de Medée-.,
les reçut avec bonté sans les
connaitre
, & voulut en
vain les faire asseoir. L'ua
& l'autre sans proférer une
feule parole,&. tenant les
yeux baissez, s'avancerent
promptement jusquau
foyar
,
sélon la coutume
des Suppliants, & s'y tinrent
assis après que JaforJ
eut fiché en terred'épés
dont ilavait tuéAbsyrte
Leur silence ôe leur situationfirent
aisément comprendre
à Circé qu'ils estaient
fugitifs & coupables
de~~ quelque homicide.
Alors, continue le Poëte ,
touchée de rerpea- pour
Jupiter protecteurdes supphants>;*
clleordonne les
apprets duSacrifice. On
apporte d'abord un petit
Cochon qui tettoietcrxôrr,
ellel'égorge ; ellefrotte de
Con. faiïg les mains de Jason
& de Medée, & fait
des Libations en invÓqtiant:
JupiterExpiateur. Ensuite,
ayant fait jetter dehors par
ses femmes les restes du
Sacrifice elle., brulle sur
l'Autel des Gateaux paitris
de Farine, de Sel &
d'Eau, êc accompagne
cette action de Prières propres
à flechir la colere des
cruellesEumenides , sait
qu'ilseussènt trempé leurs
mains dans un fang étranger,
soit qu'ils les eussent
foüillées du meurtre d'un
de leurs Citoyens ou de icursprocllcs*
Dés
Desqueces Ceremonies
furent achevées, Circé
ignorantencore le fort & le
nom de ses hôtes
,
lesfie
asseoir sur des sièges magnifiques
,3e leurdemanda
qui ils estoient
,
d'où iisvenaient quelsujet
lesavoit engagez d'implorer
son secours. Medec,
qu'elle souhaittaitsurtout
d'entendre parler, n'eut
pas plustot levé la teste
3 qu'ellesefit reconnaitre à
ses ycux brillantd'unéclat
particulier à
-
la famille
fr!'y£etes fils du Soleil,puis
s'exprimant en la langue
deColchos, ellese justifia
d'une voix timide,rejettant
sur de mauvais conseils
tout ce qu'elle avait
fait, & passant legerement
sur la mort d'Absyrte.Mais
Circé n'en comprit pas
moins toute l'atrocité de
ses forfaits. Malheureuse
Princesse
,
s'écria-t-elle
dont la suite n'est pas
moins indecenre que criminèlle
? comment éviterez-
vous la fureur d'y£etes
, qui pour venger la
mort de son fils vous poursuivra
sans doute jusqu'au
fond de la Grece? Pour.
moy, dont vousavez imploré
la protection en état
-,
deflipplilatirelein"abfliendray
de rien entreprendre
contre vous; maisn'attendez
point que j'approuve
ni vos desseins ni vostre
fuite, & queje vous donne
aziledans ce Palais non
plus qu'à l'inconnu que
vous suivezcontrele gré
de vostre Pere. Aces mots, ,
Medée toute tremblante
& fondant en larmes
,
fut
emmenée par Jason avl-c
lequel elle rejoignitlesArgonautes
, &c.
Le foyer estoit aussi un
azile sacré chez les Romains;
car selon Plutarque
Coriolan qui avoit esté
banni de son Pays, contraint
de chercher un azile
chezTullusAufidius,
le plus considerable des
Volsques, & son ennemi
particu lier, prit en entrant
chez luy le party de s'asseoir
prés du foyeroù il
demeura sans parler, &
sans le découvrir la teste
lx. le visage, ce qui est afsez
conforme à la contenance
de Medée cliczCiri
cé.
On pourroitestre surpris
de voir dans ces exemples
d'illustres malheureux
se jetter entre les
bras de leurs ennemismes
mes,mais ils estoient trop
seures du respect <111011
avoit de leur temps pour ledroit des suppliants que
les plus scelerars eussent à
peine osé violer; senti-
-mènes louables, sur lesquels
on a-sansdoute formé*
ce Proverbe qui fait tant
d'honneur aux moeurs de
l'Antiquité
,
Res rft- sacra
misèr.
On a vu dans la purification
de jason & deMedée
,
que les restes du Sacrifices
avoienr esté jettezdehors,
& c'estce quis'observoit
scrupuleusement
dans routesles Expiations,
tantàl'égard des Victimes
que des autres Offrandes.
Agamemnon, dans le I,
de l'Iliade, commande de
purifier l'Armée
,
ensuite
dequoy l'on jette dans la
Merlesrestes du Sacrifice.
LesEgyptiens,auxrapport
d'Herodote velidoientaux
Grecs prévenus
apparemment contre leur
Religion, la teste de la
VicUmcimmoiéejOÙ s'ils
ne trouvoient point de ces
Marchands Etrangers, ils
la jettoient dans le Nil
en prononçant ces paroles:
Puissant tomber sur
cette teste, les malheurs qut
prenacent l'Egypte où celuy
qui fait ce Sacrifice.
Surquoy l'on doit remarquer
quec'estoit tousjours
dansla Mer, dans les Fteur*
ves ou dans les Ruliteaux'
qu'on easevelissoit autant
qu'il estoit-possible, ces
restes de testes. Pour ceux
qui estoient trop eloignez
des eaux, ils se contentoient
de les faire porter
dans les Carrefours ; on.*
s'abstenoit encore en jectant
ces restes, de regarder
derriere soy,de peur d'attirer
en les voyant, les
malheurs qu'on se figuroit
y estreattachez.
Il y avoit une forte:
d'expiation de l'homicide
bien plus commode&
plus facile queles autres; elle consistoit à se laver
simplement dans un Eau
courante. Elle avoit efiré
pratiquée dés les premiers
siecles
,
sur tout par les
Grecs qui- la transmirent
aux Latins,
On employoitsurtout,
cette derniere espece de
Purification en forçantdes
Batailles.Achille , à soin
de se purifier à Milet dans
une Source d'eau courante
a près avoir tué Strambellus
Roy des Leleges.
Xuéc , au II. Livre dc-'
FEneïde
,
assure qu'il ne
luy est pas permis de se
charger des Statuës des
Dieux jusqu'à ce qu'il se
foit expié par cette Ceremonie.
'- Horace après avoir tué
sa Soeur fut expié de )~
maniere que les Loix le
prefcrivoienr pour les
nielirtresinvolontaires.Lee
Prestres éleverent alors
deux Autels, l'unà Junon
Infpearice des Soeurs, &
l'aurre à un Dieu ou Genie
du Pays, que lesRomains
eiit- appelléjanus & ont
surnomméCuriace
,
du
nom de ces Albain, infortunez
c]a'Horaceavoit1liez
en deffendant sa Patrie.
Lors que les Sacrifices &
les Expiationsfurentachevécs
, on fit enfin passer
Horace sous le joug coustume
pratiquée par les
Romains à l'égard des ennemis
qui se rendoi nt à
discretion.Tite-Live, qui lit à peu prés le mesme
dérail ,ajouste seulement
que l'expiation se fit aux
dépens du Public; qu'on
couvrit la teste d'Horacelorsqu'il
passasous le joug
&quelapratique desCeremonies
qu'on avoit observées
à son égard fus
transmise à sa famille comme
une espece d'heritage.
MrfabbdeBoe
Mrl'AbbédeBoissy
marque dans le commencement
de ionL)acours,
l'importance Sç
l'ancienneté des expiationSjfic
prouve que les
plusanciens Autheurs
delaTheologie Payenne
, ont reconnu cette
Providence divinc,qui
recompense le bien ôC
punit le mal
, & que
dans tous les temps on
avait cru les expiations
ducrime, une Loy indispensable
de cette
Providence. Il montré
l'abus que les Payens
faisoient de cette Loy,
en immolant des Victimes
humaines
,
Sacrifices
cruels, dit-il
dans lesquels on offinçoit
la nature , en voulant révérer
les Dieux, &c.
Ensuite aprèsavoir
expose cette vérité consiante,
qu'avant la Loy
deMoïse, levrayDieu
avoit establi les Sacrisices.
Ilfait voir l'abus
que la superstition en
a fait par degrez.
Voicy ce qu'il rapporte
d'Hellode sur la
punition des crimes &
la necessité des Expiations.
Hefîodedit-il, dans sa.
Theogonie raconte que la
Nuit enfanta les cruelles
Parques Clotho
,
Lachesis,
& Atropos
,
fatales dispensatrices
du bien & du mal,
dont la severité s'attachant
à poursuivre le crime, le
punit également dans le*
hommes&dans les Dieux,
& dont la colere ne s'aplpeassse
qu'après avoir f appé
criminels.Il ajousteque
la Nuit eut encore pour
fille
,
Nemesis
,
Déesse si
redoutable aux malheureux
mortels que les Grecs
ont aussi connuë fous les
noms de Rhamnusienne
d'Adrastée
,
& que les Romains
qui ne luy avoient
point donné de nom propre
en leur Langue, n'ont
pas laissé de reverer dans
le
le Capitole,suivant le témoignage
de Pline. Plutarque
qui luy donne pour
auteurs de sa naissance, Jupiter
& la Niceffité, nous
la reprefenreplacée dans
un lien fort élevé d'où elle
ordonna des chastiments
pour tous les crimes. Point
de Scélératquela force ou
l'adresse puisse soustraire à
sa poursuite. Trois autres
Déesses luy fervent de Ministres,
& sont employées
à l'execution de ses ordres;
l'une prompte& legere appellée
Panée, s'attache aux
coupables qu.i des cettevie
sont condamnez à des peines
corporelles; elle est
moins cruelle que les autrès,
& laisse mesme passer
des fautes legeres, qui semùbleroient
demander quelque
sorte d'expiation.Ceux
dont les mauvaises habitudes
sont plus difficiles à
corriger
,
tombent après
leur mort entre les mains
de Dicée, la seconde de ces
Divinitez vengeresses.. A
l'égard des Criminels les
plus endurcis,aprés avoir
estérepoussezparDicée
ils sont livrez à la fureur
d'Erenys, plus implacable
que le s deux autres. Elle
les poursuit sans relasche,
& après les avoir fait longtemps
errer dans la douleur
& dans l'affliction les précipice
dans un abysme affreux,
&c.
lu
M. l'Abbéde Boiflfy
tire de cette allegorie,
& de plusieurs autres
partages aussi anciens
,
cette vérité crue dans
tous les temps, que les
Dieux punisoient les
crimes, & qu'ils se laissoient
fléchir par les
Expiations.
Ilobservedeplus queles
Philosophes
,
& sur tout
les Pythagoriciens, se proposoient
dans l'expiation
une fin beaucoup plus noble
& plus élevée.
Leur Purification celebre
dans l'Antiquité, fous
le nom de kadaroysavoient
quelque rapport à ce que
nosMystiques appellent la
vie Purgative.Ellesestoient
,;J,iO:inguées en différents
degrez par le moyen dei:
quelsils prétendoient l'amedegagée que de toutes
les soüil eures qu'elle avoir
contractée par sonunion.
avec la Matiereestoit restablie
dans toute la pureté
de sa premiereorigine *,
de
forte qu'après sa separation
d'avec le corps, elle parvenoit
enfin à estre déïfiée,
C'est ainsi que s'exprime
un decesPhilosophes dans
les Vers dorez attribuez
communement à Pythagoj:
e.'
1
Et quand ton Ame separée
de ton Corps
,
fera;
parvenuë dans la région
de l'air le plus pur , tu de'::
viendras un immortel,incorruptible.
Mais ce n'est
pas icy le lieud'examiner
cette opinion que nous reservons
à développer dans
la suite,&c. ., 1 , M.l'AbbédeBoissy
paffe de là à un détail
tres curieux, des differents
termes que les
Grecs & les Romains
appliquoient aux Sacrifices
expiatoires.
-15?: Kjia^c m;Î
'!lcIl remarque ensuite que le
surnom de Fehruata chez
lesSabins,&chez les Romains
celuy de Februlis,
parce que tous les ans dans
la Feste des Lupercales; on
faisoit l'expiation de la
Ville de Rome, par cette
raison ce jour se nommoit
Februatus. C'est delà au
rapport de Varron & de
Festus que le mois de Fé.,
vrier a tiré son nom d'au.
tant que cette ceremonie
se pratiquoit pendant ce
mois;PlineLiv. 15.ch.19.
fait mention deVenus Cluà.-
cirra del'ancien motcliïereJ
purifier.
Cetteexactitude à specifier
les noms des Dieux
passoit pour un point tellement
important dan s la
TheologiePayenne, qu'on
la poulloit jusqu'au scrupule,
& qu'on croyo t n'y
pouvoirmanquer sans encourir
leur indignation.
C'est ce qu'on peur voir
danslePhilebus de Platon.
Un des Personnnges d ce
Dialogue avoit avancéque
la
la Déesseque l'on appelloit
communement Venus, pouvoitestre nommée plus
proprement & plus veritablement
la Volupté: Ma
crainte est excessive
,
répond
Socrate,lorsqu'il s'agit de
donner des noms aux Dieux,
4,'infipuifquil a plû à cette |.Deesse dese faire appeller
Venus,je parlerayd'ellesous le
nom qu'elle aime le mieux.
Les Anciensapprehen-
1- doient tellement d'omettre
ce nom favori de chaque
1
Divinité qu'ils chargeoient
leurs invocations de tous
ceux dont ils pouvoient
s'aviser, c'est ce qu'on peut
aisément remarquer dans
la pluspart des Hymnes
anciennes qui ne sont le
;
plussouvent qu'un tissu de
<,
surnoms & d'épithetes.
Ainsi Carulle aprés avoir
invoque Diane de différentes
maniérés; Soye% revérée
j luydit-il
y
soustel
nom qu'il vous plaira de prendre.
Ainsi dans le Poëme
seculaire d'Horace, ce Poete
s'adresse à la mesme
Déesseen ces termes : FavorableHithyie,
OHLncine>
soitque vous choififlie'{ ce nom,
soit que vous luy préferiez
celuy de Déesse qui préside
aux Nôces.
Quelquefois au lieu de
demander aux Dieux quel
nom leur estoit le plusagreable
, on se contentoit
de mettre au pluriel un de
ceux qu'ils portoient, comme
pour embrasser par là
toute la Divinité
,
8c ne
rien oublier de ses attributs.
C'est en ce sens que
l'oracle des Sybilles a dit:
Aprésles Parques ilfautappaiser
les Hithyies par des SA*
crifices comme il est convenable.
EnfuiteM.l'Abbéde
Boissy donne aprés les
anciens,au terme d'Expiation>
une ligniifcation
plus étenduë,&
dit:
Qu'ils se servoient des
mots expiare & lustrare,
nonfeulementpar rapport
auxcrimes5mais encore a
l'égard de tout ce guils regardoient
comme la fuite
.ou l'effet de ces mesmes
crimes. Ainsi, expier ne
signisioit souvent autre
chose que faire certains
actes de Religion dans la
vûë d'éloigner quelques
malheurs soit qu'on les ressentit
actuellement
,
soit
que l'on en fust seulement
menace par des prodiges
ou par d'autres ifgnes, &c, •#•••*t -
Ce n'estoient passeulement
lesparticuliers qui
avoient besoin d'expiation,
des Villes toutes entieres
se croyoient obligées d'y
avoir recours. La pluspart
d'entr'elles avoient un jour
fixe pour cette Ceremonie
que l'on renouvelloit couY
les ans. Elle se faisoit à
Rome le 5 de Février. Le
Sacrifice se nommoit Amburbale
ou Amburbium, se-
Ion Servius
, & les Victimes
que l'on yemployoit
dmburbiales,au rapport de
Festus.
On la celebroit à Athenes
le 6. du mois Thargelion,
qui répondoit à celuy
d'Avril. C'est Diogene
laërce qui nous en assure
dans la vie de Socrate. •
Chez les Romains , aprés
le dénombrement des
Citoyens, qui fut institué
par Servius Tullius, il y
avoit une Expiation [0-.
lemnelle pour tout le peuple
, & parce qu'elle se faisoit
tous les cinq ans, ctefi:,
du mot lustrare
,
expier ,
que cet espace de temps a
pris le nom de Luflmra.
Dans les Jeux Seculaires, *
qui comme l'on sçait se
celebroient tous les 110.
ans ,
la pompe commençoit
tousjours parune Expiation
généra le, & les
Prestres distribuoient tout
ce qui estoitnecessaire pour
la pratiquer. ~r '1,
Mais avec ces Festes déterminées
a certains jours
fixes, on ordonnoit en certaines
occasions des Expiations
extraordinaires.Ainhy
selon le témoignage de
Denis d'Halicarnasse
,
la
Ville de Romefut purifiée
aprés que les Tarquins en
eurent esté chassez. Selon
Je mesme Autheur
,
elle le
fut encore neu fans aprés
au sujet du meurtre d'un
grand nombre deCitoyens,
qui avoient esté tuez en
voulant restablir les mesmes
Tarquins
,
& quoyqu'unejustenecessité
l'eust
fait commettre, le Senat
arresta neanmoins que tout
le Peuple ferait, expié d'autant , que sans cette précaution
il ne leur eust pas
esté permis d'approcher
des Autels, & de faire les
Sacrifices ordinaires.rr-
Ce n'estoitpas seule
ment sur les Villes entieres
que tomboient les Expiations.
Elles s'exerçoient encore
sur certains particuliers
qu'on jugeoit devoir
estrepurifiez. Lorsqu'on
pratiquoitces Ceremonies
à l'égard des Carrefours
,
on les nommoit Compitalia, &c.•»•• Les Atheniens purisioient
aussi les Theatres &
les lieux où se tenoient les
A*ssemb•lées p•ubliq•ues. Chez les Romains clou.,
ze personnes nomniéesr-,ra.
tres Arvales,purisioient la
Campagne aunloÍs de
May, & les Expiationsqui
netomboientque sur les
perionnes estoient ou publiques
ou particulieres.
Les Expiations du premier
genre (ont celles dont
on usoit dans les Armées.
On les expioit ordinairement
avant £c après le
combat. Lapremiere de cesExpiations
se faisoit pour prevenir
les malheurs que le sort
des armes pouvoit faire
apprehender;l'autre estoit
destinée pour se purifier dixcarnage
qu'on avoit fait
dans l'action,& pour appaiser
les Manes de ceux
qui y avoient esté tuez, &
toutes les deux estoient appelléesArmilustrium.
Quand aux Purifications
particulieres,elles estoient
d'un ressort beaucoup plus
estendu,puisqu'il n'y avoit
ni Nôces ni Funerailles qui
n'y fussentégalementassujetties.
Mais la superstition
des Anciens nes'arrestoit
pas à ces actions communes.
Elle multiplioit tellementàleursyeuxles
objets
de frayeur,qu'ils'imaginoientvVoOiIrr
à tous 1m11o0--,
mentsla Nature soulevée
se declarer contre eux, &
les Elements irritez se déchaisner
pour declarer la
guerre au genre humainde
la part des Dieux. Un Orage
imprévu
,
la chute de la
Foudre, le debordement
des Rivieres nesefaisoient
pas craind re seulement
pour les dommages réels
cjiuls causoient ; ils passoient
pour autant de presages
de malheurs encore
plus redoutables
Theophraste en faisant le
Portrait d'unSuperstitieux,
ditque les vapeurs d'un
Songe, la rencontre d'une
Belette, ou le cris d'une
Souris,troublent l'esprit
d'un homme timide, &
l'arrestent tout court au
milieu de sacourse & de
ses projets.
Ecoutons Aristophanes.
Qu'un Tremblement de
Terre se faffe [cotir, dit ce
Comique , qu'un feu de
mauvaiseaugure brilletout
àcoup dans l'air, qu'une
Belette vienne à passer dans
le lieu de l'Assemblée publique,
ne se reparera-t-elle
pasàl'instant,&c.
Dans le temps qu'on faisoit
l'élection de Fabius
Maximus àla dignité de
Dictateur, & de C. Flaminius
à celle de General de
la Cavalerie
, on entendit
le cris d'une Souris, &c'en
fut assez ,au rapport de
Valere Maxime, pour obliger
ces Magistrats à se déposer.
A l'égard des Songes,
Plutarque nous fait une
vive peinture de cette superstition.
Le sommeil
, ditce Philosophe
,
fait oublier
aux Esclaves la dureté
de leursMaistres. Iladoucit
les peines des matheu"
reux enchaisnez dans une
prison. Il donne du rclaCche
a la douleur la plus
vive; tout s'abandonne a
ses charmes, & la superstition
feule y est insensible.
Elleagiteceuxqu'elle
captive jusques dans lesein
du repos, & leur suscite
des visionsterribles de
Monstres & de Furies.
-
Tourmentez de ces cruelles
chimeres ils ne peuvent
cesser de les craindre, lors
,,Inetme qu'ils son éveillez,
&
& pour se délivrer d'un
supplice que leur crédulité
feule leur fait souffrir, ils
achètent à grand frais le
secours des Devins. Si vous
apprehendez l'effet de quelquevision,
leur crient ces
Charlatans
,
si vous êtes
poursuivis par Hecate la
terrestre, appeliez laVieille
qui paistritvostre pain,
plongez-vous dans la Mer,
&tenez-vousassis à terre
tout le long d'un jour,&c.
Après avoir parlé de
L'Expiation des homfc
cides , Mr l'Ablpé de
Boissyenrapportédans
un seul point d'hill:oi:
re les circonstances IC$
plusessentielles,
** • <w
Jason
,
chef des Argow
nautes,après avoir enlevé
la Toison d'or avecMedéê,
fut poursuivi par les Peuples
de Colchos commandez
par le jeunt Abfyrte,
frere de cette Princesse. Les
Grecs, qui seftoient' retirez
dans une des Bouches
du Danube, présd'être
accablez par le nombre,,
deliberaient déjà de livrer
Medée
, pour obtenir le
passage qui leur était fermé
lors que cette Princesse
le? tira d'embarras par cette
ruse. Elle envoya de magnifiques
presens à son frere.
Elle luy fit dire qu'on
l'emmenait contre son gré,
& luy proposa de se rendre
seul vers le soir dans
une Ile voisine, l'aÍfurJl}t
qu'elle s'y trouverait seule
desoncoté
, & qu'elle
voulait retourner aveclui
àColchos a près avoir tiré
laToison d'entre les mains
des Grecs. Absyrte vint
imprudemment au rendez-
vous où il croyoit ne
rencontrer que sa iceur;
mais Jason qui s'y était
caché de concert avec elle,
attaqua tout a coup le jeunePrince
qui n'était point
sur ses gardes, & le tua
sans beaucoup de peine.
Aussi tôt il coupe les extrem
itez de ce Cadavre; il
lèche trois fois le sang qui
en sortait & observe de
le cracher trois fois ieion
la coutume des Meurtriers
qui pretendoient s'expier,
ainsi que le remarque le
Poëte
, à quoy le Scoliaste
ajoute que l'usage des Assassinselloit
des'attacher
! au col les extremitez du
Corps de ceux qu'ils
avoient massacrez. Aprés
cette action sanglante
,
Jason
& Medée se baftereiic
de regagner leur Vaisseaus,
& les Argonautes ayant
surpris quelques Batimens
de Colchos, se fan--
verent à la fayeur., de la
nuit. Ils abordèrent dan$
l'Ile d'Acca, où Jason &;,
Medée prirent terre pour
se faire expier par Circé
qui en était Souveraine.
CettePrincesseSoeur d'Æetes,
& Tante de Medée-.,
les reçut avec bonté sans les
connaitre
, & voulut en
vain les faire asseoir. L'ua
& l'autre sans proférer une
feule parole,&. tenant les
yeux baissez, s'avancerent
promptement jusquau
foyar
,
sélon la coutume
des Suppliants, & s'y tinrent
assis après que JaforJ
eut fiché en terred'épés
dont ilavait tuéAbsyrte
Leur silence ôe leur situationfirent
aisément comprendre
à Circé qu'ils estaient
fugitifs & coupables
de~~ quelque homicide.
Alors, continue le Poëte ,
touchée de rerpea- pour
Jupiter protecteurdes supphants>;*
clleordonne les
apprets duSacrifice. On
apporte d'abord un petit
Cochon qui tettoietcrxôrr,
ellel'égorge ; ellefrotte de
Con. faiïg les mains de Jason
& de Medée, & fait
des Libations en invÓqtiant:
JupiterExpiateur. Ensuite,
ayant fait jetter dehors par
ses femmes les restes du
Sacrifice elle., brulle sur
l'Autel des Gateaux paitris
de Farine, de Sel &
d'Eau, êc accompagne
cette action de Prières propres
à flechir la colere des
cruellesEumenides , sait
qu'ilseussènt trempé leurs
mains dans un fang étranger,
soit qu'ils les eussent
foüillées du meurtre d'un
de leurs Citoyens ou de icursprocllcs*
Dés
Desqueces Ceremonies
furent achevées, Circé
ignorantencore le fort & le
nom de ses hôtes
,
lesfie
asseoir sur des sièges magnifiques
,3e leurdemanda
qui ils estoient
,
d'où iisvenaient quelsujet
lesavoit engagez d'implorer
son secours. Medec,
qu'elle souhaittaitsurtout
d'entendre parler, n'eut
pas plustot levé la teste
3 qu'ellesefit reconnaitre à
ses ycux brillantd'unéclat
particulier à
-
la famille
fr!'y£etes fils du Soleil,puis
s'exprimant en la langue
deColchos, ellese justifia
d'une voix timide,rejettant
sur de mauvais conseils
tout ce qu'elle avait
fait, & passant legerement
sur la mort d'Absyrte.Mais
Circé n'en comprit pas
moins toute l'atrocité de
ses forfaits. Malheureuse
Princesse
,
s'écria-t-elle
dont la suite n'est pas
moins indecenre que criminèlle
? comment éviterez-
vous la fureur d'y£etes
, qui pour venger la
mort de son fils vous poursuivra
sans doute jusqu'au
fond de la Grece? Pour.
moy, dont vousavez imploré
la protection en état
-,
deflipplilatirelein"abfliendray
de rien entreprendre
contre vous; maisn'attendez
point que j'approuve
ni vos desseins ni vostre
fuite, & queje vous donne
aziledans ce Palais non
plus qu'à l'inconnu que
vous suivezcontrele gré
de vostre Pere. Aces mots, ,
Medée toute tremblante
& fondant en larmes
,
fut
emmenée par Jason avl-c
lequel elle rejoignitlesArgonautes
, &c.
Le foyer estoit aussi un
azile sacré chez les Romains;
car selon Plutarque
Coriolan qui avoit esté
banni de son Pays, contraint
de chercher un azile
chezTullusAufidius,
le plus considerable des
Volsques, & son ennemi
particu lier, prit en entrant
chez luy le party de s'asseoir
prés du foyeroù il
demeura sans parler, &
sans le découvrir la teste
lx. le visage, ce qui est afsez
conforme à la contenance
de Medée cliczCiri
cé.
On pourroitestre surpris
de voir dans ces exemples
d'illustres malheureux
se jetter entre les
bras de leurs ennemismes
mes,mais ils estoient trop
seures du respect <111011
avoit de leur temps pour ledroit des suppliants que
les plus scelerars eussent à
peine osé violer; senti-
-mènes louables, sur lesquels
on a-sansdoute formé*
ce Proverbe qui fait tant
d'honneur aux moeurs de
l'Antiquité
,
Res rft- sacra
misèr.
On a vu dans la purification
de jason & deMedée
,
que les restes du Sacrifices
avoienr esté jettezdehors,
& c'estce quis'observoit
scrupuleusement
dans routesles Expiations,
tantàl'égard des Victimes
que des autres Offrandes.
Agamemnon, dans le I,
de l'Iliade, commande de
purifier l'Armée
,
ensuite
dequoy l'on jette dans la
Merlesrestes du Sacrifice.
LesEgyptiens,auxrapport
d'Herodote velidoientaux
Grecs prévenus
apparemment contre leur
Religion, la teste de la
VicUmcimmoiéejOÙ s'ils
ne trouvoient point de ces
Marchands Etrangers, ils
la jettoient dans le Nil
en prononçant ces paroles:
Puissant tomber sur
cette teste, les malheurs qut
prenacent l'Egypte où celuy
qui fait ce Sacrifice.
Surquoy l'on doit remarquer
quec'estoit tousjours
dansla Mer, dans les Fteur*
ves ou dans les Ruliteaux'
qu'on easevelissoit autant
qu'il estoit-possible, ces
restes de testes. Pour ceux
qui estoient trop eloignez
des eaux, ils se contentoient
de les faire porter
dans les Carrefours ; on.*
s'abstenoit encore en jectant
ces restes, de regarder
derriere soy,de peur d'attirer
en les voyant, les
malheurs qu'on se figuroit
y estreattachez.
Il y avoit une forte:
d'expiation de l'homicide
bien plus commode&
plus facile queles autres; elle consistoit à se laver
simplement dans un Eau
courante. Elle avoit efiré
pratiquée dés les premiers
siecles
,
sur tout par les
Grecs qui- la transmirent
aux Latins,
On employoitsurtout,
cette derniere espece de
Purification en forçantdes
Batailles.Achille , à soin
de se purifier à Milet dans
une Source d'eau courante
a près avoir tué Strambellus
Roy des Leleges.
Xuéc , au II. Livre dc-'
FEneïde
,
assure qu'il ne
luy est pas permis de se
charger des Statuës des
Dieux jusqu'à ce qu'il se
foit expié par cette Ceremonie.
'- Horace après avoir tué
sa Soeur fut expié de )~
maniere que les Loix le
prefcrivoienr pour les
nielirtresinvolontaires.Lee
Prestres éleverent alors
deux Autels, l'unà Junon
Infpearice des Soeurs, &
l'aurre à un Dieu ou Genie
du Pays, que lesRomains
eiit- appelléjanus & ont
surnomméCuriace
,
du
nom de ces Albain, infortunez
c]a'Horaceavoit1liez
en deffendant sa Patrie.
Lors que les Sacrifices &
les Expiationsfurentachevécs
, on fit enfin passer
Horace sous le joug coustume
pratiquée par les
Romains à l'égard des ennemis
qui se rendoi nt à
discretion.Tite-Live, qui lit à peu prés le mesme
dérail ,ajouste seulement
que l'expiation se fit aux
dépens du Public; qu'on
couvrit la teste d'Horacelorsqu'il
passasous le joug
&quelapratique desCeremonies
qu'on avoit observées
à son égard fus
transmise à sa famille comme
une espece d'heritage.
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Résumé : Extrait du Discours de Mr l'Abbé de Boissy.
Dans son discours, l'Abbé de Boissy souligne l'importance des expiations dans les religions anciennes, notant que les auteurs théologiques païens reconnaissaient une Providence divine récompensant le bien et punissant le mal. Il critique les sacrifices humains pratiqués par les païens, les qualifiant de cruels et contraires à la nature. L'Abbé de Boissy cite Hésiode, qui dans sa Théogonie, décrit les Parques et Nemesis, déesses punissant les crimes. Il mentionne également les philosophes, notamment les Pythagoriciens, qui voyaient dans les expiations une purification de l'âme. Les Grecs et les Romains avaient des termes spécifiques pour les sacrifices expiatoires et des cérémonies régulières pour purifier les villes et les individus. Ces expiations étaient pratiquées à des moments précis, comme après des combats ou des catastrophes naturelles, et pouvaient être ordinaires ou extraordinaires. Les Anciens croyaient que des événements naturels, comme des orages ou des tremblements de terre, étaient des présages de malheurs divins, les poussant à consulter des devins pour interpréter les songes et les signes. L'Abbé de Boissy décrit également les rites d'expiation pour les homicides, incluant des sacrifices et des prières pour apaiser les Euménides. Ces cérémonies visaient à purifier les participants et à prévenir les malheurs futurs. Le texte mentionne plusieurs exemples historiques et rituels anciens. Médée, fille du Soleil, et Jason, après la mort d'Absyrte, cherchent refuge auprès de Circé. Circé, bien qu'elle refuse de soutenir leurs desseins, leur accorde un refuge temporaire. Coriolan, banni de Rome, trouve refuge chez Tullus Aufidius, son ennemi, illustrant le respect des droits des suppliants dans l'Antiquité. Concernant les rituels de purification, les restes des sacrifices étaient jetés à la mer ou dans des cours d'eau pour éviter les malheurs. Les Égyptiens et les Grecs pratiquaient cette expiation, souvent après des homicides. Achille, Énée, et Horace sont cités comme ayant utilisé cette méthode de purification après des actes de violence. Horace, après avoir tué sa sœur, fut purifié selon les lois romaines et dut passer sous le joug, une pratique transmise à sa famille.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 49-101
EXTRAIT Du Discours de M. l'Abbé Simon, dans la derniere Assemblée de l'Academie des Medailles & Inscriptions. SUR LES PRESAGES.
Début :
Ordre & Division du Discours. L'origine & les causes de [...]
Mots clefs :
Présages, Abbé Simon, Signe, Maison, Augure, Hommes, Mort, Dieux, Voix, Temps, Grecs, Chute, Superstition, Signes, Volonté, Académie royale des médailles et inscriptions
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT Du Discours de M. l'Abbé Simon, dans la derniere Assemblée de l'Academie des Medailles & Inscriptions. SUR LES PRESAGES.
EXTRAIT
DuDiscoursdeM.l'Abbé
Simon, dans la derniere
Assemblée de
l'Academie des Medailles
& lnscriptions.
SVRLESPRESAGES.
Ordre & Division du <
Discours. L'origine & les causes de
l'oblervation des Presages,
les diverses Efpcces
,
les
occasions ausquelles on y
avoit 1ccours & ce qui
estoit necessaire pour les
faire valoir ou pour les détruire.
Mr l'Abbé Simon trouve
la premiere Origine
de la superstition des Présages
dans la foiblesse de 0l'homme, dont la curiosité
veut penetrer l'avenir
, & dont l'orgüeil
veut abaisser jusques à
luy l'Estre suprême à qui
rien n'est caché.
Les Philosophes rcconnoi{
fJot uneintelligence suprême,
infinimentdistante
de la leur, luy subordonnerent
des Divinitecz éclairées
immediatement de ses
lumieres, qu'elles répandoienc
sur d'autres génies.
jnferieurs placez au -
dessous
d'elles dans tous les élemens ;
ceux-cy plus à portée d'entretenir
commerce avec les
hommes se plaisoient, disoient-
ils, à leurcommuniquer
ce qu'ilssçavoient de
l'avenir, & à leur donner
des pressentiments de ce qui
devoit leur arriver,&c.
La science des Presages
est apparemment aussi an
cienne que l'Idolâtrie ; cc
qu'il y a de certain c'est que
les anciens ~ha bitans de la
Palestine en estoient infectez
dés le temps de Moyse,qui
sir ~daffensc aux Israëlites de
suivre l'exemple des Nations,
dont ils alloient posseder
le pays, qui écoutoient,
dit-il, les Augures
& les Devins.
Mrl'AbbéSimon distingue
icy la confiance
du peupledeDieu en ses
Prophetes, d'avec la credulité
superstitieuse des
peuples idolâtres pour les
Presages. Il marqueainsi
le caractere des derniers.
Lorsque la prudence humaine
estl en défaut
,
elle a
recours à une intelligence
superieure capable de fixer
sonincertitude & de relever
son courage dans les occafions
embarasantes & dans:
les périlspressants.
AinsiUlisse ne sçachant si
tes Dieux qui l'avoient perfccuté
si long-temps sur
terre & sur mer, approuvoient
enfin son retour en
sa patrie & le dessein hasardeux
qu'il méditoit, prie Jupiter
de luy faire connoître
sa volonté par la voix de
quelqu'un de ceux qui veilloientalors
dans la maison,
& par un prodige au dehors.
Un cou p de tonnerre qui
éclata en même temps le
remplit de joye &fa crainte
se dissipa entierement, entendant
une femme qui
bluttoit de la farine
,
& qui
rebutée de ce travail souhaitoit
que le festin qu'on préparoit
aux Amans de Penclope,
fust le dernier de leur
vie. Ces imprécations luy
parurent un Presagecertain
de la fin malheureuse de ses
ennemis & du succés de sa
vangeance.
Des signes semblables
que le hasard faisoit quelquefois
paroître comme à
point nommé aux voeux
des Suppliants, les convainquirent
de la vigilance des
Dieux toûjours attentifs à
répondre à leurs constations,
& engagez pour ainsi
dire, par le devoir de leur
ministére à leur donner des
pressentiments de ce qui devoit
leur arriver.
Cette persuasion lesobligea
à observer plus religieusement
toutce qu'ils entendoient
& ce qui se presentoit
à eux dans le moment qu'ils
formoient quelque entreprise,&
leursespritsremplis
de leurs projets n'avaient
pas de peine à découvrir
dans tout ce qui paroissoit
des marques évidentes de
l'évenement dont ils vouloient
estre éclaircis; semblablcs
à ceux qui regardent
attentivement des nuages&
quiy voyent tout ce que
leur imagination leur represente.
Cependant pour s'assurer
de leurs conjectures ils ne
manquoient pas quand les
choses estoient arrivées de
confronter les évenements
avec les prognostics, & de
tâcher de les concilier en semble,
lors que la fortune ne
ses faisoit pas quadrcr assez
juste. En cette maniere on
interprétoit les Oracles ,
& encore au jourd'huy des
gens prévenus en faveur de
certaines pretendues Propheties
,
s'imaginent entrevoir
dans leur obscurité
affectée toutes les grandes
révolutions qui arrivent
dans le monde.
Je paffe icy une fuite
de Remarques judicieuses
, par où l'on voit l'é.
tablissement des Presages
dont les Egyptiens
ont fait un Art oùils
ontexcellé,&: qu'ils ont
transmis aux Grecs, 6c
qui a elle soutenu en.
suite par l'autorité des
hommes les plus graves
& les plus éclairez, qui
en faisoient un des articles
de leur religion. Pithagore
& ses Disciples,
Socrate , Platon, Xeno- phon,&c.
Ensuite les Hetrusques
ont appris cet Arc
aux Romains,&c.
Aprés avoir marque
l'origine & l'établissement
des Presages, Mr
l'Abbé Simon en explique
les especes. La necessité
d'abréger m'oblige
à ne dire qu'un
mot de chacune.
La première espece de
Presage se tiroit des paroles,
les voix qu'onentendoit
Anî sçavoir d'où elles venoient,
passoient pour divines,
telle sur celle qui arresta
leContul Mancinus,
prest de s'embarquer pour
l'expedition de Numance où iléchoüa. honteusement,.
On peut mettre au même
rang ces voix effroyantes &
ces cris lugubres qu'on
entendoit dans les bois,
on les attribuoit aux Faunes,
& l'on croyoit qu'elles annonçoient
des accidents funestes.
On prenoit aussi pour
présages les voix de ceux
qu'onrencontroit en sortant
des mai sons, & sur
des mots prononcez par
hasard, on prenoit quelque
fois des resolutions tresimportantes.
Le Sénat Romainle
détermina a retablir Rome
brûlépar les Gaulois, sur
la voix d'un Centurion qui
crioit à l'Enseigne de sa
Compagnie,de planter le
Drapeau,& de rester, où il
estoit, quoy que cette voix
n'eut qu'un rapport imaginaire
au sujet dont il s'agilfoir.
Les Grecs nettoient pas
moins attachez à cette manie
que les Romains. Il y
avoit dans l'Achaïe un Temple
de Mercure où on le
consultoit d'une maniere
assez singuliere. Celuy qui
desiroitestre éclairci de son
fort
,
sapprochoit de la
Statue. de ce Dieu, & luy
disoit tout bas à l'oreille
ce qu'il vouloir fqavolr>
bouchant les siennes avec
ses doigts.Il sortoit du
Temple en la même posture,
& ne débouchait ses oreilles
que lors qu'il estoit au milieu
de la grande Place publique.
Alors il prenoic
pour la réponse de Mercure
les premieres paroles qu'il
entendoit.
Une autre espece de presage
étoit les tressaillemens
du coeur, des yeux & des
sourcils, qu'on appelloit
SaflifJauo.!
Les Pal pitations de coeur
spassoiiengt pounr unemauv.ais
Les tressaillemens de
l'oeil droit, estoient au
contraire un signe heureux.
-
L'engourdissement du petit
doigt de la main droite
ou letressaillement du pouce
de la main gauche, ne
signifioit au contraire rien
de favorable.
Les teintemens d'oreilles
& les bruits qu'on s'imaginoit
entendre , estoient P,¡..
reillement desprésagesassez
ordinaires. Les Anciens
disoient, comme le Peuple
le dit encoreaujourd'huy
,
que des personnes absentes
partaient d'eux.
Mais les éternuëmens
estoient des presages encore
plus anciens & plus autorisez.
Penelope entendant
son fils éternuer dans le
temps qu'elle disoit que son
Mari estant de retour sçauroit
bien tirer vengeance
des desordres que ses Amants
interessezfaisoient
dans sa maison
, en conçut
une esperance certaine de
l'accomplissement de ses
desirs.C'estoit alors un
sïgne toûjours avantageux.
C'est pourquoy les Grecs
l'appelloient l'oy seau ou
l'augure de Jupiter
,
s'imaginant
qu'il en estoit l'Auteur
,
& qu'ils devoient luy
en rendre graces dans
l'instant.
Ils tenoientmême l'éternuëment
pour un Dieu ou
une chose divine
,
suivant
Aristote. La raison que ce
Philosophe en apporte, cest
qu'ilest produit par lemouvement
ducerveau, & qu'il
est la marque de la sante de
cette partie la plus excellente
qui soit dans l'homme,
le siege de l'ame & de la
raison. Cependant leScholiaste
de Theocrite prétend
que l'éternuëment estoitun
presage. équivoque, qui
pouvoit estre bon & mauvais.
C'est pourquoy les
assistans avoient coûtume
de saluer la personne qui
éternuoit en faisant des Cou'"
haits pour sa conservation,
afindedétourner ce qu'il
pouroit y avoir de fâcheux.
Les Grecs se servoient de lar
formule
, que Jupiter HJOUÏ
conserve,comme nous disons
Dieu vous assiste.
En cff.[ les éternuëmens
du matin; c'etf à dire depuis
minuit jusqu'à midy
,
n'êtoient
pas avantageux; ita
devenoient meilleurs lereste
du jour. Entre les éternucmens,
on estimoit davantage
ceux qui venoient du
côté droic ; mais l'Amour
les rendoit toujours favorables
aux Amants de quelque
costé qu'ils vinssent, si
l'on en croit Catulle.
L'Esprit familier de Socrate
se servoit de cc presage
en diverses manieres
pour luy donner de bons
conseils. Quand un autre
éternuoit à sa droite,c'étoit
un figne qu'il dévoit
agit, & une deffense de le
faire quand on éternuoit à
sa gauche, &c.
Il n'est pas trop seur que
Socrate setoittoûjours bien
trouvé de suivre ces présages
; mais il paroist que cc
n'estoit pas unsigneinfaillible
pour tous les autres:
témoin ce mary donc il cff
fait mention dans une ancienne
Epigrame de l'Anthologie,
qui se plaint qu'-
ayant éternué prés d'un
Tombeau, plein d'esperance
d'apprendre bien-tost la
mort de sa femme, les vents
avoient emporté le présage.
On peut joindre aux
éternuëmens des accidents
aussi naturels & aussi ordinaires
, sçavoir les chutes
imprévues, foit des hommes
,soit des choses inanimées
sur lesquelles on faisoie
des prognostics. Un
des plus remarquables fut
celle de Camille, aprés la
prise de Veïes; voyant la
grande quantité de butin
qu'on avoir ramassé, il pria
les Dieux que si sa bonne
fortune & celle du peuple
Romain leur paroissoit excessive
,
de vouloir bien
adoucir la jalousie qu'elle
pouvoir causer en leur envoyant
quelque legere disgrace
,
s'estant tourné en
même temps pour faire son
adoration, il tomba, & l'onprit
la fuite de cetaccident
comme un presage de son
exil & de la prise de Rome,
qui arrivérent peu de temps
aprés.
La chute de Neron, en
recitant en public ces Vers
de l'Oedipe
, ma Femme ,
ma Mere, mon Pere
m'obligent de périr ,
,
fut
remarquée comme le signal
fatal de sa mort. On fit
lemême jugement durenversement
de statuës de ses
Dieux domestiquesqu'on
trouva par terre le premier
jour de Janvier. Ces presages
qui comprenoient la
chute
chute du tonnerre,&dautres
chosessemblables,s'appeloient
caduca auspicia.
C'en estoit un de pareille
nature de heurter le pied
contre le feiïil de laporte en
forçant; de rompre les cordons
de ses souliers, & de
se sentir retenu par sa robbc
en voulant se lever de son
siege; tout cela étoit pris à
mauvais augure. On remarque
quele jour que Tiberius
Gracchus futtué, il
s'estoit fort blessée au pied
au sortir de sa Inaifon,
ensorte que son soulier en
fut tout ensanglanté.
Larencontre decertaines
personnes &de certains animaux,
ne faisoit pas moins
d'impression sur les esprits
foibles & super sticieux. Un
, Ethiopien, un Eunuque, un
Nain,unhomme contrefait
qu'ils trouvoient le matin au
sortir de leur maison, les
effrayoit. & les faisoit rc:n.
trer. Auguste ne pouvoit
dissimuler l'horreur qu'il
, avoit pour ces monstres de
nature.
Les animaux qui porroient
bonheur estoient le liôfti
les fourmis, les abeilles, &e. Les animaux qui
présageoient des malheurs
estoient les serpens, les crocodilles
,
les renards, les
chiens, les chats, les singes,
les rats, les souris, belettes, "'le. Il y avoit àussi des
noms heureux & malheureux
, &c.
Pompée se sauvant en
Egypte apréslaBataille de
Pharsale
,
vit de loin en
abordant à Paphos dans
l'isle de Chypre,un grand
édifice dont il demanda le
nom au Pilote;ayant appris
que ion nom signifoit
- lemauvaisRoy,ilen détourna
les yeux avec douleur, consterné
d'un si triste presage.
Auguste tout au contraire,
en eut un qui le remplit
d'esperance d'une prochaine
victoire
,
s'avançant
vers Actium avec son
Année) il rencontra un
homme nommé Eutychus,
c'est à dire heureux, qui
conduisoit un Asne nommé
Nicon
,
c'est à dire victorieux.
Après le gain de la
Batailleil fit representer l'un
tz l'autre en bronze dansle
Temple qu'il fit bâtir sur le
lieu oùil avoit campé & où
il avoit fait cette heurcufc
rencontre.
On peut joindre aux noms
les couleurs qui avoient leurs
significations & leurs prefages.
Le blanc estoit le
symbole de la joyc, de la selicité
,
de l'innocence; le
noir estoit un signe de mort,
de chagrin ,de malheur; la
pourpre estoit la marque de
l'Empire & de la souveraiue
Puissance.
L'observation de la lumiere
de lampe n'estoit pas moins
frivole:onen tiroit des prog-
Donies,tant des changemens
de temps que de divers accidents.
C'estoitunsignede
pluye &de quelque agréable
avanture lors qu'elle étincelloit,
&qu'il se formoit autour
de la méche des manieres
de champignons; c'est
pourquoy on mêloit quelquefois
un peu de vin avec
l'huile pour la faire pétiller.
Non seulement les Femmes
& les Amants s'amusoient
à ces badineries; mais Tibere
même, au rapport de
Suetone
, quoy que dailleurs
il eût peu de Religion,
hafardoit sans balancer le
combat, lors qu'estans à la
teste d'une Armée & travaillant
la nuit dans sa Tente,
la lampe venoit à s'éteindre
tout à coup, ayant
éprouvé, disoit-il
, que ce
presagequiestoit particulier
pour sa Maison
,
luy avoir
toûjours esté favorable aussi
bien qu'à ses Ancestres.
Il y avoit une espece de
Jeu dont les Amants se fervoient
pour éprouver s'ils
estoient aimez de leurs Maîtresses
; c'estoit de faire claquer
des feüilles dans leurs
mains. Si le son qu'elles rendoient
estoit clair & perçant
ils auguroient bien de
leurs amours. Ils estoient
aussi fort contens lors qu'en
pressant des pepins de pommes
entre leurs doigts
,
ils,
les faisoientsauter jusqu'au
plafond de la chambre.
Le bruit que faisoit le
laurierjetté sur un foyer sacréestoit
pareillement un
heureux presage.
:
Voyons maintenant les,
occasions qui exigeoient une
attention particuliere aux
présages.
La mort estant si redoutable
à tous les hommes, ils
ne pouvoient pasestretranquilles
sur ce qui sembloit
la leur annoncer. Ily avoit
peu de gens qui ne s'imaginassent
en avoir des pressentimens
;mais celles des Princes
& des hommes illustres
interessant tout l'Etat, on
étudioit avec foin toutcequi
la précedoit,&l'on ne manquoit
pas de découvrir des
signes funebres qui en passoient
pour les avant - coureurs.
Tels qu'estoient des
Comètes& semblablesPheflomenes)
des Hiboux entendus
dans leurs Appartemens,
l'ouverture subite de
leurs tombeaux, ou des voix
plaintives qui en sortoienr,
les appellant par leur nom,
la rencontre imprévuë de
victimes lugubres échapées
des mains du Sacrificateur
qui les couvroit de sang,
leurs Palais, leurs Statuës, &
autres Monumens Publics
frapez de la foudre; quelques
discours faisant mention
de leur mort ou de leur
derniere volonté, ou de leur
successeur. Ainsi Neton faisant
réciter dans le Senat
une Harangue qu'il avoit
faire contre Vindex & les
conjurez,qui finissoit par ces
mots que les scelerats porteroient
la peine de leurs crimes,
& seroient bien tost une fin
tragique. Les Senateurs voulant
luy applaudir,&l'exciter
à la vengeance, secrierent,
faites Seigneur. Il accomplit
la Prophetie & périt
peu de temps après comme
il avoit vêcu.
Le Confu! Petilius sur aussi
sans y penser le Prophete
de son malheur,exhortant
les Soldats à s'emparer d'une
hauteur dont le nom êtoit
équivoqueà celuy de la
mort,leur dit qu'il estoitresolu
à la gagner avant la fin
du jour. L'événement confirma
le présage
,
ayantesté
tué à l'attaque de ce Posse;c;
Toutes ces especes de présages
dont les uns annonçoient
des choses agréa bles
èc avantageuses, les autres
des accidens trisses & funestes
estant des signes qu'on
croyoit envoyez aux hommes
de la part des Dieux
pour les avertir de ce qu'ils
devoient esperer ou craindre,
paroissoient inutiles à
moins qu'ils ne les observassent
& ne s'en fissent l'aplication
necessaire.
-
C'est aussi à quoy ils ne
manquoient pas lorsque le
présagerépondoit à leurs
voeux. Ils l'acceptoient sur
le champ avec joye & en
rendoient graces aux Dieux
qu'ils en croyoient les Auteurs
,les suppliant de vouloir
accomplir ce qu'ils avoientla
bonté de leur promettre
, & pour s'assurer
davantage de leur bonne
volonté ils leurendemandoient
de nouveaux qui
confirmassent les premiers.
Ils estoient au defcfpoir
lorsque dans le temps qu'il
leur apparoissoit un signe
favorable, on faisoit quelque
chose qui en détruisist
le bon-heur, ce qu'on appeloit
vituperare omen.
Au contraire, s'il arri-
Voit quelque accident qui
leur fit de la peine, & leur
parût de mauvaifc augure
ils en rejettoient l'idée avec
horreur; & prioient les
Dieux de détourner le malheur
dont ils estoient menacez
, ou de les faire retomber
sur la teste de leurs
ennemis; mais ils n'estoient
en droitde le faireque lorsque
le présage s'estoit presenté
à eux,ce qu'onappelloit
omen oblatium
,
s'ils
l'avoient demandé, il falloit
se soûmettre avec résignation
à la volonté divine.
Ceux qui dans le fond
du coeeur reconnoissoient la
vanité de toutes ces observations,
ne pouvoient cependant
se difpenfcr de suivre
l'usage comme les autrès.
Tout ceque la prudence
pouvoit leur permettre
estoit de donner un tour favorable
aux accidens sâcheux
qui leur arrivoient
pour empêcher les mauvailes
impressionsqu'ils pouvoient
eau fer dans l'esprit
de ceux qui en estoienttémoins.
Ainsi Jules Cesar
estant tombé en descendant
duVaisseauqui l'avoit
porté en Affrique
,
où il
alloit faire la guerre au reste
du party de Pompée,&apprehendant
que sa chute
Dallarmjic ses Soldats,eût
assez de presenced'esprit
pour tirer avantage de ce
mauvais augure ;
il embrassa
la terre, en disant, je te
tiens
,
Affrique,LaVistoire
qu'il yremporta fitconnoître
que tous ces signes funestes
n'estoient efficaces
que pour ceuxqui avoient
la foiblesse de les craindre.
Il y en avoit donc on tâchoit
d'arrester la malignite
par des remedes aussi ridicules.
Lorfquc deux amis 1
se promenoient ensemble,
une pierre quitomboitentredeux,
un enfant ou un
chien qui les separoit, estoit
un prognostic de la rupturede
leuramitié.
Pour empêcher l'effet,ils
marchoient sur la pierre,
frappoient le chien, ou donnoient
un soufflet à l'en- fant. On remedioit à peu prés
de la même maniere à la
malédiction pretenduë qu'
une Belette laissoit dans un
chemin qu'elle avoit traversé.
Les Gens superstitieux
qui lavoient apperçû Ce
donnoient bien de garde de
paner les premiers par cet
endroit qu'ils nenstent jetté
au delà trois pierres pour
renvoyer par ce, nombre
misterieux sur ce maudit animal
le malheur, qu'il leur
annonçoit, C'est dans cette
mêmevueque l'on attachoitaux
portes des Maisonslesoiseaux
de mau--
vais augure que l'on pouvoit
attrapper
C'estoit une coutume
observée à Rome de nerien
dire que d'agreable le premier
jour de Janvier, de
se saluer les uns les autres
avec des souhaits obligeants
de se faire de petits presens,
sur tout de miel & d'autres
douceurs, non seulement
comme des rélTIoignageSt
d'amitié&de politesse ; mais
aussi comme d'heureux présages
qui annonçoient le
bon- heur & la douceur de
la vie dont on joüiroit le
reste de l'année. La pensée
où ils estoient qu'on la
continuëroit comme on
l'avoit commencée
,
estoit
cause que la solemnité de
la feste qui devoit faire
cesser toute forte de travail
3< n'empêchoit pas que chaoun
ne fit quelque légere
fonébon de son emploi
pouréviter le préjugé honteux
de paresse &doisiveté
&c.#
- De peur de faire un extrait
trop long, j'obmet
icy plusieurs détails sçavans
& agréables sur la
superstition ancienne des
Sacrificateurs, des Magistrats&
des Généraux
dJArlnéè; par exemple.
Le Consul Paulus en
rentrant dans sa maison au
sortir du Senat où l'on avoit
résolu la guerre contre Persée
dernier Roi de Macedoine,
une petite fille qu'il avoit
vint au devant de luy les
larmes aux yeux;luy ayant
demandé lesujet de sa tristesse
, mon pere ,
dit-elle,
c'en est fait de Persa, c'estoit
le nom de sa petite chienne
qui venoit de mourir, alors
embrassant tendrement cet
ensant, ma chere fille, luy
ditil, j'accepte le Présage,
fècC»•••«*••••#«
Si les Anciens ont observé
religieusement les presages
dans lesaffaires publiques,ils
n'y ont pas esté moins attachez
dans les particulières
comme la naissance des ensans,
les mariages,les voyages
,
le lever, les repas ,
&
la pluspart des actions importantes
de leur vie,&c.
Livie estant grosse de
Tibère
,
après diverses autres
experiences, fit éclorrc
un oeuf dans sa main ,il en
sortitun poussin ayant une
très-belle crête ; qui fut
ensuite le prognostique de
l'Empire qui luy efloie
destiné. Géra vint apporter
à l'Imperatrice Julie sa
mercj un oeuf couleur de
Pourpre, qu'on disoit clîre
nouvellement pondu dans
le Palais. Cette couleur
estant la livrée del'Empire,
sembloit le promettre au
nouveau Prince; c'estoit
aussi l'intention de ceuxqui
l'avaient presenté,&l'Impératrice
l'avoir accepté
dans ce même sens. Mais
Caracalle encore enfant
ayant pris cet oeuf,&l'ayant
caúé
,
Julies'écria, quoyqu'enriant,
mauditparricide
tu as tuëtonfrere On prétend
que Severe, qui estoit present
>
fort adonné aux Présages,
fut plus vivement
touché de ces paroles - ,
qu'aucun des assistans qui
n'en firent l'application, &
peut estre le récit que lorsque
Géra eut esté tue pas
son frere.
Mr l'Abbé Simon fait
ensuite le détail des superstitions
anciennes sur
les Mariages ; on peut
tous les presages heureux
, & que les Devins
habiles prédisoient plus
de malheur aux époux
que de bonheur
,
afin
queleur prédictions sur.
sent plus seurement accomplies
Voici quelques maximes
qu'on suivoit dans les repas,
par exemple de ne point parler
d'incendies, de ne point
laisser la table vuide ou sans
sel, prendre garde de ne le
point répandre ( superstition
qui ricflpas tricote abolie)de
ne point balayer la table
lorsque quelqu'un des conviez
se leveroit de table, &:
de ne point défervir lorsqu'il
buvoit, de regler le
nombre des Conviez, &
des coups quel'on buvoic
à trois ou à neuf en l'honneur
des Graces &des Muses
; mais cette rcglc n'é-
,.toit pas sans exception. Il
cfl: constant que les Romains
estoient souvent douze
à une même table, mais
ils ne pouvoient y estre gueres
davantage sans incommodité
; c'est peur estre l'arigine
de la fatalité qu'on
attribue encore aujourdhuy
au nombre de
1 3. &c.
Je passe pour abreger
sur les présages qu'ils
croyoient leur annoncer
la mort, lesCommettes
les Hiboux.
Ensuite Mr l'AbbéSimon
explique la manière
dont ils acceptaient
les bons présages,& celle
dont ils se servoient
pour détourner les maiw
vais, & finit en observant
que la superstition
des présàges ayant cessé
par letabliflement de la
Religion chrétienne,il
reste pourtant encore
parmy le Peuple, des vestiges
de ces observations
fuperftitieulcs
, qui étoient
en usage dans
l'Antiquité.
DuDiscoursdeM.l'Abbé
Simon, dans la derniere
Assemblée de
l'Academie des Medailles
& lnscriptions.
SVRLESPRESAGES.
Ordre & Division du <
Discours. L'origine & les causes de
l'oblervation des Presages,
les diverses Efpcces
,
les
occasions ausquelles on y
avoit 1ccours & ce qui
estoit necessaire pour les
faire valoir ou pour les détruire.
Mr l'Abbé Simon trouve
la premiere Origine
de la superstition des Présages
dans la foiblesse de 0l'homme, dont la curiosité
veut penetrer l'avenir
, & dont l'orgüeil
veut abaisser jusques à
luy l'Estre suprême à qui
rien n'est caché.
Les Philosophes rcconnoi{
fJot uneintelligence suprême,
infinimentdistante
de la leur, luy subordonnerent
des Divinitecz éclairées
immediatement de ses
lumieres, qu'elles répandoienc
sur d'autres génies.
jnferieurs placez au -
dessous
d'elles dans tous les élemens ;
ceux-cy plus à portée d'entretenir
commerce avec les
hommes se plaisoient, disoient-
ils, à leurcommuniquer
ce qu'ilssçavoient de
l'avenir, & à leur donner
des pressentiments de ce qui
devoit leur arriver,&c.
La science des Presages
est apparemment aussi an
cienne que l'Idolâtrie ; cc
qu'il y a de certain c'est que
les anciens ~ha bitans de la
Palestine en estoient infectez
dés le temps de Moyse,qui
sir ~daffensc aux Israëlites de
suivre l'exemple des Nations,
dont ils alloient posseder
le pays, qui écoutoient,
dit-il, les Augures
& les Devins.
Mrl'AbbéSimon distingue
icy la confiance
du peupledeDieu en ses
Prophetes, d'avec la credulité
superstitieuse des
peuples idolâtres pour les
Presages. Il marqueainsi
le caractere des derniers.
Lorsque la prudence humaine
estl en défaut
,
elle a
recours à une intelligence
superieure capable de fixer
sonincertitude & de relever
son courage dans les occafions
embarasantes & dans:
les périlspressants.
AinsiUlisse ne sçachant si
tes Dieux qui l'avoient perfccuté
si long-temps sur
terre & sur mer, approuvoient
enfin son retour en
sa patrie & le dessein hasardeux
qu'il méditoit, prie Jupiter
de luy faire connoître
sa volonté par la voix de
quelqu'un de ceux qui veilloientalors
dans la maison,
& par un prodige au dehors.
Un cou p de tonnerre qui
éclata en même temps le
remplit de joye &fa crainte
se dissipa entierement, entendant
une femme qui
bluttoit de la farine
,
& qui
rebutée de ce travail souhaitoit
que le festin qu'on préparoit
aux Amans de Penclope,
fust le dernier de leur
vie. Ces imprécations luy
parurent un Presagecertain
de la fin malheureuse de ses
ennemis & du succés de sa
vangeance.
Des signes semblables
que le hasard faisoit quelquefois
paroître comme à
point nommé aux voeux
des Suppliants, les convainquirent
de la vigilance des
Dieux toûjours attentifs à
répondre à leurs constations,
& engagez pour ainsi
dire, par le devoir de leur
ministére à leur donner des
pressentiments de ce qui devoit
leur arriver.
Cette persuasion lesobligea
à observer plus religieusement
toutce qu'ils entendoient
& ce qui se presentoit
à eux dans le moment qu'ils
formoient quelque entreprise,&
leursespritsremplis
de leurs projets n'avaient
pas de peine à découvrir
dans tout ce qui paroissoit
des marques évidentes de
l'évenement dont ils vouloient
estre éclaircis; semblablcs
à ceux qui regardent
attentivement des nuages&
quiy voyent tout ce que
leur imagination leur represente.
Cependant pour s'assurer
de leurs conjectures ils ne
manquoient pas quand les
choses estoient arrivées de
confronter les évenements
avec les prognostics, & de
tâcher de les concilier en semble,
lors que la fortune ne
ses faisoit pas quadrcr assez
juste. En cette maniere on
interprétoit les Oracles ,
& encore au jourd'huy des
gens prévenus en faveur de
certaines pretendues Propheties
,
s'imaginent entrevoir
dans leur obscurité
affectée toutes les grandes
révolutions qui arrivent
dans le monde.
Je paffe icy une fuite
de Remarques judicieuses
, par où l'on voit l'é.
tablissement des Presages
dont les Egyptiens
ont fait un Art oùils
ontexcellé,&: qu'ils ont
transmis aux Grecs, 6c
qui a elle soutenu en.
suite par l'autorité des
hommes les plus graves
& les plus éclairez, qui
en faisoient un des articles
de leur religion. Pithagore
& ses Disciples,
Socrate , Platon, Xeno- phon,&c.
Ensuite les Hetrusques
ont appris cet Arc
aux Romains,&c.
Aprés avoir marque
l'origine & l'établissement
des Presages, Mr
l'Abbé Simon en explique
les especes. La necessité
d'abréger m'oblige
à ne dire qu'un
mot de chacune.
La première espece de
Presage se tiroit des paroles,
les voix qu'onentendoit
Anî sçavoir d'où elles venoient,
passoient pour divines,
telle sur celle qui arresta
leContul Mancinus,
prest de s'embarquer pour
l'expedition de Numance où iléchoüa. honteusement,.
On peut mettre au même
rang ces voix effroyantes &
ces cris lugubres qu'on
entendoit dans les bois,
on les attribuoit aux Faunes,
& l'on croyoit qu'elles annonçoient
des accidents funestes.
On prenoit aussi pour
présages les voix de ceux
qu'onrencontroit en sortant
des mai sons, & sur
des mots prononcez par
hasard, on prenoit quelque
fois des resolutions tresimportantes.
Le Sénat Romainle
détermina a retablir Rome
brûlépar les Gaulois, sur
la voix d'un Centurion qui
crioit à l'Enseigne de sa
Compagnie,de planter le
Drapeau,& de rester, où il
estoit, quoy que cette voix
n'eut qu'un rapport imaginaire
au sujet dont il s'agilfoir.
Les Grecs nettoient pas
moins attachez à cette manie
que les Romains. Il y
avoit dans l'Achaïe un Temple
de Mercure où on le
consultoit d'une maniere
assez singuliere. Celuy qui
desiroitestre éclairci de son
fort
,
sapprochoit de la
Statue. de ce Dieu, & luy
disoit tout bas à l'oreille
ce qu'il vouloir fqavolr>
bouchant les siennes avec
ses doigts.Il sortoit du
Temple en la même posture,
& ne débouchait ses oreilles
que lors qu'il estoit au milieu
de la grande Place publique.
Alors il prenoic
pour la réponse de Mercure
les premieres paroles qu'il
entendoit.
Une autre espece de presage
étoit les tressaillemens
du coeur, des yeux & des
sourcils, qu'on appelloit
SaflifJauo.!
Les Pal pitations de coeur
spassoiiengt pounr unemauv.ais
Les tressaillemens de
l'oeil droit, estoient au
contraire un signe heureux.
-
L'engourdissement du petit
doigt de la main droite
ou letressaillement du pouce
de la main gauche, ne
signifioit au contraire rien
de favorable.
Les teintemens d'oreilles
& les bruits qu'on s'imaginoit
entendre , estoient P,¡..
reillement desprésagesassez
ordinaires. Les Anciens
disoient, comme le Peuple
le dit encoreaujourd'huy
,
que des personnes absentes
partaient d'eux.
Mais les éternuëmens
estoient des presages encore
plus anciens & plus autorisez.
Penelope entendant
son fils éternuer dans le
temps qu'elle disoit que son
Mari estant de retour sçauroit
bien tirer vengeance
des desordres que ses Amants
interessezfaisoient
dans sa maison
, en conçut
une esperance certaine de
l'accomplissement de ses
desirs.C'estoit alors un
sïgne toûjours avantageux.
C'est pourquoy les Grecs
l'appelloient l'oy seau ou
l'augure de Jupiter
,
s'imaginant
qu'il en estoit l'Auteur
,
& qu'ils devoient luy
en rendre graces dans
l'instant.
Ils tenoientmême l'éternuëment
pour un Dieu ou
une chose divine
,
suivant
Aristote. La raison que ce
Philosophe en apporte, cest
qu'ilest produit par lemouvement
ducerveau, & qu'il
est la marque de la sante de
cette partie la plus excellente
qui soit dans l'homme,
le siege de l'ame & de la
raison. Cependant leScholiaste
de Theocrite prétend
que l'éternuëment estoitun
presage. équivoque, qui
pouvoit estre bon & mauvais.
C'est pourquoy les
assistans avoient coûtume
de saluer la personne qui
éternuoit en faisant des Cou'"
haits pour sa conservation,
afindedétourner ce qu'il
pouroit y avoir de fâcheux.
Les Grecs se servoient de lar
formule
, que Jupiter HJOUÏ
conserve,comme nous disons
Dieu vous assiste.
En cff.[ les éternuëmens
du matin; c'etf à dire depuis
minuit jusqu'à midy
,
n'êtoient
pas avantageux; ita
devenoient meilleurs lereste
du jour. Entre les éternucmens,
on estimoit davantage
ceux qui venoient du
côté droic ; mais l'Amour
les rendoit toujours favorables
aux Amants de quelque
costé qu'ils vinssent, si
l'on en croit Catulle.
L'Esprit familier de Socrate
se servoit de cc presage
en diverses manieres
pour luy donner de bons
conseils. Quand un autre
éternuoit à sa droite,c'étoit
un figne qu'il dévoit
agit, & une deffense de le
faire quand on éternuoit à
sa gauche, &c.
Il n'est pas trop seur que
Socrate setoittoûjours bien
trouvé de suivre ces présages
; mais il paroist que cc
n'estoit pas unsigneinfaillible
pour tous les autres:
témoin ce mary donc il cff
fait mention dans une ancienne
Epigrame de l'Anthologie,
qui se plaint qu'-
ayant éternué prés d'un
Tombeau, plein d'esperance
d'apprendre bien-tost la
mort de sa femme, les vents
avoient emporté le présage.
On peut joindre aux
éternuëmens des accidents
aussi naturels & aussi ordinaires
, sçavoir les chutes
imprévues, foit des hommes
,soit des choses inanimées
sur lesquelles on faisoie
des prognostics. Un
des plus remarquables fut
celle de Camille, aprés la
prise de Veïes; voyant la
grande quantité de butin
qu'on avoir ramassé, il pria
les Dieux que si sa bonne
fortune & celle du peuple
Romain leur paroissoit excessive
,
de vouloir bien
adoucir la jalousie qu'elle
pouvoir causer en leur envoyant
quelque legere disgrace
,
s'estant tourné en
même temps pour faire son
adoration, il tomba, & l'onprit
la fuite de cetaccident
comme un presage de son
exil & de la prise de Rome,
qui arrivérent peu de temps
aprés.
La chute de Neron, en
recitant en public ces Vers
de l'Oedipe
, ma Femme ,
ma Mere, mon Pere
m'obligent de périr ,
,
fut
remarquée comme le signal
fatal de sa mort. On fit
lemême jugement durenversement
de statuës de ses
Dieux domestiquesqu'on
trouva par terre le premier
jour de Janvier. Ces presages
qui comprenoient la
chute
chute du tonnerre,&dautres
chosessemblables,s'appeloient
caduca auspicia.
C'en estoit un de pareille
nature de heurter le pied
contre le feiïil de laporte en
forçant; de rompre les cordons
de ses souliers, & de
se sentir retenu par sa robbc
en voulant se lever de son
siege; tout cela étoit pris à
mauvais augure. On remarque
quele jour que Tiberius
Gracchus futtué, il
s'estoit fort blessée au pied
au sortir de sa Inaifon,
ensorte que son soulier en
fut tout ensanglanté.
Larencontre decertaines
personnes &de certains animaux,
ne faisoit pas moins
d'impression sur les esprits
foibles & super sticieux. Un
, Ethiopien, un Eunuque, un
Nain,unhomme contrefait
qu'ils trouvoient le matin au
sortir de leur maison, les
effrayoit. & les faisoit rc:n.
trer. Auguste ne pouvoit
dissimuler l'horreur qu'il
, avoit pour ces monstres de
nature.
Les animaux qui porroient
bonheur estoient le liôfti
les fourmis, les abeilles, &e. Les animaux qui
présageoient des malheurs
estoient les serpens, les crocodilles
,
les renards, les
chiens, les chats, les singes,
les rats, les souris, belettes, "'le. Il y avoit àussi des
noms heureux & malheureux
, &c.
Pompée se sauvant en
Egypte apréslaBataille de
Pharsale
,
vit de loin en
abordant à Paphos dans
l'isle de Chypre,un grand
édifice dont il demanda le
nom au Pilote;ayant appris
que ion nom signifoit
- lemauvaisRoy,ilen détourna
les yeux avec douleur, consterné
d'un si triste presage.
Auguste tout au contraire,
en eut un qui le remplit
d'esperance d'une prochaine
victoire
,
s'avançant
vers Actium avec son
Année) il rencontra un
homme nommé Eutychus,
c'est à dire heureux, qui
conduisoit un Asne nommé
Nicon
,
c'est à dire victorieux.
Après le gain de la
Batailleil fit representer l'un
tz l'autre en bronze dansle
Temple qu'il fit bâtir sur le
lieu oùil avoit campé & où
il avoit fait cette heurcufc
rencontre.
On peut joindre aux noms
les couleurs qui avoient leurs
significations & leurs prefages.
Le blanc estoit le
symbole de la joyc, de la selicité
,
de l'innocence; le
noir estoit un signe de mort,
de chagrin ,de malheur; la
pourpre estoit la marque de
l'Empire & de la souveraiue
Puissance.
L'observation de la lumiere
de lampe n'estoit pas moins
frivole:onen tiroit des prog-
Donies,tant des changemens
de temps que de divers accidents.
C'estoitunsignede
pluye &de quelque agréable
avanture lors qu'elle étincelloit,
&qu'il se formoit autour
de la méche des manieres
de champignons; c'est
pourquoy on mêloit quelquefois
un peu de vin avec
l'huile pour la faire pétiller.
Non seulement les Femmes
& les Amants s'amusoient
à ces badineries; mais Tibere
même, au rapport de
Suetone
, quoy que dailleurs
il eût peu de Religion,
hafardoit sans balancer le
combat, lors qu'estans à la
teste d'une Armée & travaillant
la nuit dans sa Tente,
la lampe venoit à s'éteindre
tout à coup, ayant
éprouvé, disoit-il
, que ce
presagequiestoit particulier
pour sa Maison
,
luy avoir
toûjours esté favorable aussi
bien qu'à ses Ancestres.
Il y avoit une espece de
Jeu dont les Amants se fervoient
pour éprouver s'ils
estoient aimez de leurs Maîtresses
; c'estoit de faire claquer
des feüilles dans leurs
mains. Si le son qu'elles rendoient
estoit clair & perçant
ils auguroient bien de
leurs amours. Ils estoient
aussi fort contens lors qu'en
pressant des pepins de pommes
entre leurs doigts
,
ils,
les faisoientsauter jusqu'au
plafond de la chambre.
Le bruit que faisoit le
laurierjetté sur un foyer sacréestoit
pareillement un
heureux presage.
:
Voyons maintenant les,
occasions qui exigeoient une
attention particuliere aux
présages.
La mort estant si redoutable
à tous les hommes, ils
ne pouvoient pasestretranquilles
sur ce qui sembloit
la leur annoncer. Ily avoit
peu de gens qui ne s'imaginassent
en avoir des pressentimens
;mais celles des Princes
& des hommes illustres
interessant tout l'Etat, on
étudioit avec foin toutcequi
la précedoit,&l'on ne manquoit
pas de découvrir des
signes funebres qui en passoient
pour les avant - coureurs.
Tels qu'estoient des
Comètes& semblablesPheflomenes)
des Hiboux entendus
dans leurs Appartemens,
l'ouverture subite de
leurs tombeaux, ou des voix
plaintives qui en sortoienr,
les appellant par leur nom,
la rencontre imprévuë de
victimes lugubres échapées
des mains du Sacrificateur
qui les couvroit de sang,
leurs Palais, leurs Statuës, &
autres Monumens Publics
frapez de la foudre; quelques
discours faisant mention
de leur mort ou de leur
derniere volonté, ou de leur
successeur. Ainsi Neton faisant
réciter dans le Senat
une Harangue qu'il avoit
faire contre Vindex & les
conjurez,qui finissoit par ces
mots que les scelerats porteroient
la peine de leurs crimes,
& seroient bien tost une fin
tragique. Les Senateurs voulant
luy applaudir,&l'exciter
à la vengeance, secrierent,
faites Seigneur. Il accomplit
la Prophetie & périt
peu de temps après comme
il avoit vêcu.
Le Confu! Petilius sur aussi
sans y penser le Prophete
de son malheur,exhortant
les Soldats à s'emparer d'une
hauteur dont le nom êtoit
équivoqueà celuy de la
mort,leur dit qu'il estoitresolu
à la gagner avant la fin
du jour. L'événement confirma
le présage
,
ayantesté
tué à l'attaque de ce Posse;c;
Toutes ces especes de présages
dont les uns annonçoient
des choses agréa bles
èc avantageuses, les autres
des accidens trisses & funestes
estant des signes qu'on
croyoit envoyez aux hommes
de la part des Dieux
pour les avertir de ce qu'ils
devoient esperer ou craindre,
paroissoient inutiles à
moins qu'ils ne les observassent
& ne s'en fissent l'aplication
necessaire.
-
C'est aussi à quoy ils ne
manquoient pas lorsque le
présagerépondoit à leurs
voeux. Ils l'acceptoient sur
le champ avec joye & en
rendoient graces aux Dieux
qu'ils en croyoient les Auteurs
,les suppliant de vouloir
accomplir ce qu'ils avoientla
bonté de leur promettre
, & pour s'assurer
davantage de leur bonne
volonté ils leurendemandoient
de nouveaux qui
confirmassent les premiers.
Ils estoient au defcfpoir
lorsque dans le temps qu'il
leur apparoissoit un signe
favorable, on faisoit quelque
chose qui en détruisist
le bon-heur, ce qu'on appeloit
vituperare omen.
Au contraire, s'il arri-
Voit quelque accident qui
leur fit de la peine, & leur
parût de mauvaifc augure
ils en rejettoient l'idée avec
horreur; & prioient les
Dieux de détourner le malheur
dont ils estoient menacez
, ou de les faire retomber
sur la teste de leurs
ennemis; mais ils n'estoient
en droitde le faireque lorsque
le présage s'estoit presenté
à eux,ce qu'onappelloit
omen oblatium
,
s'ils
l'avoient demandé, il falloit
se soûmettre avec résignation
à la volonté divine.
Ceux qui dans le fond
du coeeur reconnoissoient la
vanité de toutes ces observations,
ne pouvoient cependant
se difpenfcr de suivre
l'usage comme les autrès.
Tout ceque la prudence
pouvoit leur permettre
estoit de donner un tour favorable
aux accidens sâcheux
qui leur arrivoient
pour empêcher les mauvailes
impressionsqu'ils pouvoient
eau fer dans l'esprit
de ceux qui en estoienttémoins.
Ainsi Jules Cesar
estant tombé en descendant
duVaisseauqui l'avoit
porté en Affrique
,
où il
alloit faire la guerre au reste
du party de Pompée,&apprehendant
que sa chute
Dallarmjic ses Soldats,eût
assez de presenced'esprit
pour tirer avantage de ce
mauvais augure ;
il embrassa
la terre, en disant, je te
tiens
,
Affrique,LaVistoire
qu'il yremporta fitconnoître
que tous ces signes funestes
n'estoient efficaces
que pour ceuxqui avoient
la foiblesse de les craindre.
Il y en avoit donc on tâchoit
d'arrester la malignite
par des remedes aussi ridicules.
Lorfquc deux amis 1
se promenoient ensemble,
une pierre quitomboitentredeux,
un enfant ou un
chien qui les separoit, estoit
un prognostic de la rupturede
leuramitié.
Pour empêcher l'effet,ils
marchoient sur la pierre,
frappoient le chien, ou donnoient
un soufflet à l'en- fant. On remedioit à peu prés
de la même maniere à la
malédiction pretenduë qu'
une Belette laissoit dans un
chemin qu'elle avoit traversé.
Les Gens superstitieux
qui lavoient apperçû Ce
donnoient bien de garde de
paner les premiers par cet
endroit qu'ils nenstent jetté
au delà trois pierres pour
renvoyer par ce, nombre
misterieux sur ce maudit animal
le malheur, qu'il leur
annonçoit, C'est dans cette
mêmevueque l'on attachoitaux
portes des Maisonslesoiseaux
de mau--
vais augure que l'on pouvoit
attrapper
C'estoit une coutume
observée à Rome de nerien
dire que d'agreable le premier
jour de Janvier, de
se saluer les uns les autres
avec des souhaits obligeants
de se faire de petits presens,
sur tout de miel & d'autres
douceurs, non seulement
comme des rélTIoignageSt
d'amitié&de politesse ; mais
aussi comme d'heureux présages
qui annonçoient le
bon- heur & la douceur de
la vie dont on joüiroit le
reste de l'année. La pensée
où ils estoient qu'on la
continuëroit comme on
l'avoit commencée
,
estoit
cause que la solemnité de
la feste qui devoit faire
cesser toute forte de travail
3< n'empêchoit pas que chaoun
ne fit quelque légere
fonébon de son emploi
pouréviter le préjugé honteux
de paresse &doisiveté
&c.#
- De peur de faire un extrait
trop long, j'obmet
icy plusieurs détails sçavans
& agréables sur la
superstition ancienne des
Sacrificateurs, des Magistrats&
des Généraux
dJArlnéè; par exemple.
Le Consul Paulus en
rentrant dans sa maison au
sortir du Senat où l'on avoit
résolu la guerre contre Persée
dernier Roi de Macedoine,
une petite fille qu'il avoit
vint au devant de luy les
larmes aux yeux;luy ayant
demandé lesujet de sa tristesse
, mon pere ,
dit-elle,
c'en est fait de Persa, c'estoit
le nom de sa petite chienne
qui venoit de mourir, alors
embrassant tendrement cet
ensant, ma chere fille, luy
ditil, j'accepte le Présage,
fècC»•••«*••••#«
Si les Anciens ont observé
religieusement les presages
dans lesaffaires publiques,ils
n'y ont pas esté moins attachez
dans les particulières
comme la naissance des ensans,
les mariages,les voyages
,
le lever, les repas ,
&
la pluspart des actions importantes
de leur vie,&c.
Livie estant grosse de
Tibère
,
après diverses autres
experiences, fit éclorrc
un oeuf dans sa main ,il en
sortitun poussin ayant une
très-belle crête ; qui fut
ensuite le prognostique de
l'Empire qui luy efloie
destiné. Géra vint apporter
à l'Imperatrice Julie sa
mercj un oeuf couleur de
Pourpre, qu'on disoit clîre
nouvellement pondu dans
le Palais. Cette couleur
estant la livrée del'Empire,
sembloit le promettre au
nouveau Prince; c'estoit
aussi l'intention de ceuxqui
l'avaient presenté,&l'Impératrice
l'avoir accepté
dans ce même sens. Mais
Caracalle encore enfant
ayant pris cet oeuf,&l'ayant
caúé
,
Julies'écria, quoyqu'enriant,
mauditparricide
tu as tuëtonfrere On prétend
que Severe, qui estoit present
>
fort adonné aux Présages,
fut plus vivement
touché de ces paroles - ,
qu'aucun des assistans qui
n'en firent l'application, &
peut estre le récit que lorsque
Géra eut esté tue pas
son frere.
Mr l'Abbé Simon fait
ensuite le détail des superstitions
anciennes sur
les Mariages ; on peut
tous les presages heureux
, & que les Devins
habiles prédisoient plus
de malheur aux époux
que de bonheur
,
afin
queleur prédictions sur.
sent plus seurement accomplies
Voici quelques maximes
qu'on suivoit dans les repas,
par exemple de ne point parler
d'incendies, de ne point
laisser la table vuide ou sans
sel, prendre garde de ne le
point répandre ( superstition
qui ricflpas tricote abolie)de
ne point balayer la table
lorsque quelqu'un des conviez
se leveroit de table, &:
de ne point défervir lorsqu'il
buvoit, de regler le
nombre des Conviez, &
des coups quel'on buvoic
à trois ou à neuf en l'honneur
des Graces &des Muses
; mais cette rcglc n'é-
,.toit pas sans exception. Il
cfl: constant que les Romains
estoient souvent douze
à une même table, mais
ils ne pouvoient y estre gueres
davantage sans incommodité
; c'est peur estre l'arigine
de la fatalité qu'on
attribue encore aujourdhuy
au nombre de
1 3. &c.
Je passe pour abreger
sur les présages qu'ils
croyoient leur annoncer
la mort, lesCommettes
les Hiboux.
Ensuite Mr l'AbbéSimon
explique la manière
dont ils acceptaient
les bons présages,& celle
dont ils se servoient
pour détourner les maiw
vais, & finit en observant
que la superstition
des présàges ayant cessé
par letabliflement de la
Religion chrétienne,il
reste pourtant encore
parmy le Peuple, des vestiges
de ces observations
fuperftitieulcs
, qui étoient
en usage dans
l'Antiquité.
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Résumé : EXTRAIT Du Discours de M. l'Abbé Simon, dans la derniere Assemblée de l'Academie des Medailles & Inscriptions. SUR LES PRESAGES.
Dans son discours à l'Académie des Médailles et Inscriptions, l'abbé Simon examine l'origine et les causes de l'observation des présages. Il attribue la superstition des présages à la curiosité et à l'orgueil humains, qui cherchent à pénétrer l'avenir et à abaisser l'Etre suprême. Les philosophes anciens reconnaissaient une intelligence suprême et lui subordonnaient des divinités éclairées, qui communiquaient des pressentiments aux hommes. La science des présages est aussi ancienne que l'idolâtrie. Les anciens habitants de la Palestine étaient déjà infectés par cette croyance du temps de Moïse, qui mettait en garde les Israélites contre les augures et les devins. Simon distingue la confiance des Israélites en leurs prophètes de la crédulité superstitieuse des peuples idolâtres. Les présages étaient souvent interprétés dans des moments de prudence humaine en défaut, comme dans le cas d'Ulysse cherchant des signes divins pour son retour. Les signes naturels ou fortuits, comme des cris ou des chutes, étaient interprétés comme des présages. Les Grecs et les Romains attachaient une grande importance à ces signes, souvent utilisés pour prendre des décisions importantes. Simon mentionne diverses espèces de présages, tels que les paroles entendues sans savoir d'où elles venaient, les tressaillements du corps, les éternuements, et les chutes. Chaque signe avait une interprétation spécifique, souvent liée à des événements futurs. Les animaux, les noms, et les couleurs avaient également des significations particulières dans la divination. Les Romains accordaient une grande importance aux présages dans divers aspects de leur vie, qu'il s'agisse de la mort, des naissances, des mariages, des voyages ou des repas. Certains présages positifs incluaient le bruit clair des feuilles froissées, les pépins de pomme sautant haut, ou le bruit du laurier sur un foyer sacré. En revanche, des signes comme les comètes, les hiboux, ou des voix plaintives étaient perçus comme des mauvais augures. Les princes et les hommes illustres étaient particulièrement attentifs à ces signes, car leur mort affectait l'État entier. Les Romains tentaient de neutraliser les mauvais présages par divers rituels. Par exemple, Jules César, après être tombé en descendant de son vaisseau, embrassa la terre pour contrer le mauvais augure. D'autres superstitions incluaient marcher sur une pierre tombée entre deux amis pour éviter la rupture de leur amitié, ou jeter des pierres sur une belette croisée sur un chemin. Les Romains observaient également des coutumes spécifiques pour attirer la chance, comme échanger des vœux et des présents le premier jour de janvier. Les superstitions étaient également présentes dans les repas, avec des règles strictes sur la manière de se comporter à table. La superstition des présages a diminué avec l'établissement de la religion chrétienne, bien que certains vestiges subsistent encore parmi le peuple.
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7
p. 1-17
ODE Sur la Naissance de Monseigneur le Duc de Bretagne en 1707.
Début :
Descend de la double colline [...]
Mots clefs :
Dieu, Guerre, Duc de Bretagne, Dieux, Paix
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texteReconnaissance textuelle : ODE Sur la Naissance de Monseigneur le Duc de Bretagne en 1707.
ODE
Sur la Naiffance de
Monfeigneur le Duc
de Bretagne en 1707 .
Defcend de la double colline
Nimphe , dont le fils amou
reux ,
Février
1711 . X
PIECES
•
Du fombre Epoux de Proferpine
Sceur fléchir le coeur rigoureux
.
Viens fervir l'ardeur qui
m'inſpire ;
Décffe , prefte moy ta Lire ,
Ou celle de ce Grec * vanté,
Dont , par le fuperbe Alexandre
Au milieu de Thebes en
cendre
,
Leféjour fut feul refpecté.
Quel Dieu propice nous
ramene ,
Pindare.
FUGITIVES.
L'efpoir que nous avions
perdu ?
Un fils de Thetis ou d'Alcmene
,, -
Par les Dieux nous cft il
rendu ?
N'en doutons point ; le Ċiel
fenfible ,
Veut réparer le coup terrible
,
Qui nous fit verfer tant de
pleurs.
Hâtez vous ,ô chafte Lucine!
Jamais plus illuftre origine
,
Ne fut digne de vos faveurs.
Xij C
7
PIECES
Peuple , voici le premier
gage ,
Des biens qui vous font
préparez ,
Cet Enfant eft l'heureux
préfage ,
I
Durepos que vous defirez .
Les premiers inftans de fa
vie ,
De la Difcorde & de l'Envie
,
Verront éteindre le flambeau
;
Il renverfera leurs Tro
phées ,
Et leurs couleuvres étouf
fées
FUUGGIITIVES.
Seront les jeux de fon berceau.
Ainfi durant la nuit obfcure
,
De Venus l'Etoile nous
luit ;
Favorable & brillante augure
,
De l'Eclat du jour qui la
fuir.
Ainfi dans le fort des tempeſtes
,
Nous voïont briller fur nos
reftes ,
Ces feux amis des Matclots,
Préfage de la Paix profonde :
X iij
PIECESC
Que le Dieu qui regne fur
l'Onde ,
Va rendre à l'Empire des
flots.:
強
Quel monftre , de carnage
avide
S'eft emparé de l'Univers ?
Quelle impitoiable Eumenide
De fes feux infecte les airs ?
Quel Dieu foufle en tous
lieux la guerre
,
Et femble à dépeupler la
terre
Exciter nos fanglantes
mains a
FUGITIVES.
7 .
Megere des Enfers bannic ,
Eit elle aujourd'huy legenie,
Qui prefide au fort des
humains ?
Arrefte , Furie implacable,
Le Ciel veut calmer fes
rigueurs ;
Les feux d'une guerre cou
> pable
N'ont trop que trop
embrafé
nos coeurs.
Aimable Paix , Vierge facrée
,
Defcends de la voûte azurée;
Viens voir les Temples
relevez
,
X
iiijj
8 PIECES
Et ramene at fein de nos
Villes
Les Dieux bien faifans &
tranquilles ,
Que nos crimes ont foulevez.
維
Mais où fuis- je ? quel trait
de flame
M'échaufe d'une fainte horreur
?
Quel Dieu fait entrer dans
mon ame ,
Une profetique fureur ?
Loin d'ici prophane vulgaire
;
FUGITIVES.
Apollon m'infpire & m'éclaire,
C'est luy , je le vois , je le
lens ;
Mon coeur cede à fa violence
:
Mortels refpectez la pres
fence ;
Prétez l'orreille à mes
accens.
Les temps prédits par la
Sibille ,
A leurs termes font par
venus ,
Nous touchons au regne
tranquille ,
To PIECES
Du vieux Saturne & de
Janus.
Voici la faifon defirée ,
Où Themis & fa foeur
Aftrée ,
Rétabli fans leurs faints
Autels ,
Vont ramener ces jours
infignes ,
Où nos vertus nous rendoient
dignes
Du commerce des Immortels.
Que vois - je ! quel nouveau
miracle ,
Tient encor , mes fens enchantez
?
FUGITIVES. *
Quel vafte , quel pompeux
Lpectacle ,
Frappe mes yeux épous
vantez ?
Un nouveau monde vient
d'éclore ,
L'Univers fe reforme ens
core ,
Dans les abîmes du Chaos ;
Et pour reparer les ruines ,
Je vois des demeures divines
,
Defcendre un peuple de
Heros.
Les elemens ceffent leur
guerre ,
PIECES
Les Cieux ont repris leur
azur
Un feu facré purge la ter
rc ,
De tout ce qu'elle avoit
d'impur.
On ne craint plus l'herbe
mortelle
;
Etle crocodile infidele
Du Nil ne trouble plus les
eaux
Les Lions dépouillent leur
rage ,
Et dans le même pâturage ,
Bondiffent avec les troupeaux.
J
FUGITIVES. 1
C'eft ainfi que la main des
Parques ,
Va nous filer le fiecle heureux
Qui du plus puiffant des
Monarques ,
Doit couronner les juftes
voeux .
Efperons des jours plus pai
fibles
,
Les Dieux ne font point
inflexibles
Puifqu'ils puniffent nos
forfaits.
Dans leurs rigueurs les plus
aufteres ,
Souvent leurs Acaux falutaires
,
14 PIECES
Sont un gage de leurs bienfaits.
Le Ciel dans une nuit
fonde
pro-
Se plaift à nous cacher fes
loix ;
Les Rois font les Mailtres
du monde ,
Les Dieux font les Maitres
des Rois ;
La valeur , le foip , la prudence
,
Des decrets de la Providen
ce .
Ne changent point l'ordre
arrefté ;
Et leur regle conſtante &
fûre
FUGITIVES . 15
Fait feule icy bas la meſure
Des biens & de l'adverfité.
Mais
que
fais - cu , Mufe infenfée
?
Ou tend ce vol ambitieux ?
Ole-tu porter ta penſée
Jufques dans le Confeil des
Dicux ?
Reprime une ardeur perilleufe
,
Ne va point d'une alle ore
güeilleufe
Chercher ta perte dans les
airs ;
Et par des routes inconnuës
,
1.6 PIECES
-4
Suivant Icare au haut des
-nuës ,
Crains de tomber au fond
des Mers.
Si pourtant quelque Esprit
timide ,
Du Pinde ignorant les détours
,
Oppofoit les regles d'Euclide
Aux defordres de mes difcours
;
Qu'il fçache qu'autrefois
Virgile
Fit même aux Mufes de Sicile
FUGITIVES . 17
Approuver de pareils tranf
ports
Et qu'enfin cet heureux dé .
lire
Des plus grands Maiftres de
la Lire
Immortalife les accords.
Sur la Naiffance de
Monfeigneur le Duc
de Bretagne en 1707 .
Defcend de la double colline
Nimphe , dont le fils amou
reux ,
Février
1711 . X
PIECES
•
Du fombre Epoux de Proferpine
Sceur fléchir le coeur rigoureux
.
Viens fervir l'ardeur qui
m'inſpire ;
Décffe , prefte moy ta Lire ,
Ou celle de ce Grec * vanté,
Dont , par le fuperbe Alexandre
Au milieu de Thebes en
cendre
,
Leféjour fut feul refpecté.
Quel Dieu propice nous
ramene ,
Pindare.
FUGITIVES.
L'efpoir que nous avions
perdu ?
Un fils de Thetis ou d'Alcmene
,, -
Par les Dieux nous cft il
rendu ?
N'en doutons point ; le Ċiel
fenfible ,
Veut réparer le coup terrible
,
Qui nous fit verfer tant de
pleurs.
Hâtez vous ,ô chafte Lucine!
Jamais plus illuftre origine
,
Ne fut digne de vos faveurs.
Xij C
7
PIECES
Peuple , voici le premier
gage ,
Des biens qui vous font
préparez ,
Cet Enfant eft l'heureux
préfage ,
I
Durepos que vous defirez .
Les premiers inftans de fa
vie ,
De la Difcorde & de l'Envie
,
Verront éteindre le flambeau
;
Il renverfera leurs Tro
phées ,
Et leurs couleuvres étouf
fées
FUUGGIITIVES.
Seront les jeux de fon berceau.
Ainfi durant la nuit obfcure
,
De Venus l'Etoile nous
luit ;
Favorable & brillante augure
,
De l'Eclat du jour qui la
fuir.
Ainfi dans le fort des tempeſtes
,
Nous voïont briller fur nos
reftes ,
Ces feux amis des Matclots,
Préfage de la Paix profonde :
X iij
PIECESC
Que le Dieu qui regne fur
l'Onde ,
Va rendre à l'Empire des
flots.:
強
Quel monftre , de carnage
avide
S'eft emparé de l'Univers ?
Quelle impitoiable Eumenide
De fes feux infecte les airs ?
Quel Dieu foufle en tous
lieux la guerre
,
Et femble à dépeupler la
terre
Exciter nos fanglantes
mains a
FUGITIVES.
7 .
Megere des Enfers bannic ,
Eit elle aujourd'huy legenie,
Qui prefide au fort des
humains ?
Arrefte , Furie implacable,
Le Ciel veut calmer fes
rigueurs ;
Les feux d'une guerre cou
> pable
N'ont trop que trop
embrafé
nos coeurs.
Aimable Paix , Vierge facrée
,
Defcends de la voûte azurée;
Viens voir les Temples
relevez
,
X
iiijj
8 PIECES
Et ramene at fein de nos
Villes
Les Dieux bien faifans &
tranquilles ,
Que nos crimes ont foulevez.
維
Mais où fuis- je ? quel trait
de flame
M'échaufe d'une fainte horreur
?
Quel Dieu fait entrer dans
mon ame ,
Une profetique fureur ?
Loin d'ici prophane vulgaire
;
FUGITIVES.
Apollon m'infpire & m'éclaire,
C'est luy , je le vois , je le
lens ;
Mon coeur cede à fa violence
:
Mortels refpectez la pres
fence ;
Prétez l'orreille à mes
accens.
Les temps prédits par la
Sibille ,
A leurs termes font par
venus ,
Nous touchons au regne
tranquille ,
To PIECES
Du vieux Saturne & de
Janus.
Voici la faifon defirée ,
Où Themis & fa foeur
Aftrée ,
Rétabli fans leurs faints
Autels ,
Vont ramener ces jours
infignes ,
Où nos vertus nous rendoient
dignes
Du commerce des Immortels.
Que vois - je ! quel nouveau
miracle ,
Tient encor , mes fens enchantez
?
FUGITIVES. *
Quel vafte , quel pompeux
Lpectacle ,
Frappe mes yeux épous
vantez ?
Un nouveau monde vient
d'éclore ,
L'Univers fe reforme ens
core ,
Dans les abîmes du Chaos ;
Et pour reparer les ruines ,
Je vois des demeures divines
,
Defcendre un peuple de
Heros.
Les elemens ceffent leur
guerre ,
PIECES
Les Cieux ont repris leur
azur
Un feu facré purge la ter
rc ,
De tout ce qu'elle avoit
d'impur.
On ne craint plus l'herbe
mortelle
;
Etle crocodile infidele
Du Nil ne trouble plus les
eaux
Les Lions dépouillent leur
rage ,
Et dans le même pâturage ,
Bondiffent avec les troupeaux.
J
FUGITIVES. 1
C'eft ainfi que la main des
Parques ,
Va nous filer le fiecle heureux
Qui du plus puiffant des
Monarques ,
Doit couronner les juftes
voeux .
Efperons des jours plus pai
fibles
,
Les Dieux ne font point
inflexibles
Puifqu'ils puniffent nos
forfaits.
Dans leurs rigueurs les plus
aufteres ,
Souvent leurs Acaux falutaires
,
14 PIECES
Sont un gage de leurs bienfaits.
Le Ciel dans une nuit
fonde
pro-
Se plaift à nous cacher fes
loix ;
Les Rois font les Mailtres
du monde ,
Les Dieux font les Maitres
des Rois ;
La valeur , le foip , la prudence
,
Des decrets de la Providen
ce .
Ne changent point l'ordre
arrefté ;
Et leur regle conſtante &
fûre
FUGITIVES . 15
Fait feule icy bas la meſure
Des biens & de l'adverfité.
Mais
que
fais - cu , Mufe infenfée
?
Ou tend ce vol ambitieux ?
Ole-tu porter ta penſée
Jufques dans le Confeil des
Dicux ?
Reprime une ardeur perilleufe
,
Ne va point d'une alle ore
güeilleufe
Chercher ta perte dans les
airs ;
Et par des routes inconnuës
,
1.6 PIECES
-4
Suivant Icare au haut des
-nuës ,
Crains de tomber au fond
des Mers.
Si pourtant quelque Esprit
timide ,
Du Pinde ignorant les détours
,
Oppofoit les regles d'Euclide
Aux defordres de mes difcours
;
Qu'il fçache qu'autrefois
Virgile
Fit même aux Mufes de Sicile
FUGITIVES . 17
Approuver de pareils tranf
ports
Et qu'enfin cet heureux dé .
lire
Des plus grands Maiftres de
la Lire
Immortalife les accords.
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Résumé : ODE Sur la Naissance de Monseigneur le Duc de Bretagne en 1707.
Le texte est une ode célébrant la naissance du Duc de Bretagne en 1707, écrite en février 1711. L'auteur commence par invoquer les muses et les dieux pour inspirer son écriture, comparant son œuvre à celle du poète antique Pindare. Il exprime l'espoir renouvelé apporté par la naissance de l'enfant, perçu comme un signe de paix et de prospérité future. Le peuple est encouragé à voir en cet enfant un présage de jours meilleurs, où la discorde et l'envie seront vaincues. L'auteur décrit une vision apocalyptique suivie d'une renaissance, où la nature et les éléments retrouvent leur harmonie. Il évoque ensuite la justice et la vertu qui doivent régner, rappelant que les dieux et la providence dirigent le destin des rois et des hommes. Conscient de l'audace de ses pensées, l'auteur se reprend et rappelle que même les grands poètes comme Virgile ont osé des transports similaires dans leurs œuvres.
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8
p. 49-75
EPITRE à Madame D**** sur le veritable Amour.
Début :
Du faux encens dédaigneuse ennemie, [...]
Mots clefs :
Dieux, Amour, Vertu, Paix, Héros
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPITRE à Madame D**** sur le veritable Amour.
EPITRE
à Madame D ****
fur le veritable Amour.
Dufaux encens dédaigneuſe
ennemie
Qui dans le vray par l'e.
xemple affermic ,
Sçavez fi bien de tout éloge
plat ,
Diftinguer l'art d'un pinceau
délicat :
Sage Uranie , en qui le don
de plaire ,
Février 1711. Bb
50 PIECES
Eft joint au don de hair le
vulgaire ,
De démêler , libre en vos
fentimens ,
Les préjugez de fes faux
jugemens ;
Et d'abhorrer ces loüanges
guindées ,
Qui n'ont d'appuy que fes
folles idées :
Si quelqu'Auteur pour vous
faire fa cour ,
S'imaginant avoir pris un
beau tour
Vous décrivoit dans fes
peintures feiches ,
" Le Dieu d'Amour , fon carFUGITIVES.
St
quois , & fes fléches :
De la raifon ennemy
langoureux
,
Et de nos fens enchanteur
doucereux ,
Vous déploiant ces lieux
communs poftiches ,
Dont l'Opera brode fes
hemiſtiches :
Sur ce tableau frivolement
conceù ,
Probablement il feroit mal
receu ,
De vous chanter en rimes
indifcretes ,
Que cet Amour ne fe plaît
qu'où vous cftes ;
Bb ij
52 PIECES
Qu'il regne en vous , qu'il
fuit par tout vos pas ,
Et qu'il languit où l'on ne
vous voit pas.
Mais fi quelqu'un plus fage
& plus habile
Vous dépeignoit d'un
crayon moins fterile
Le même Amour
, non tel
qu'on l'avoit feint
Mais en effet , tel qu'il doit
eftre peint
:
Tel qu'autrefois l'ont vŷ
nos premiers fages ,
Lors qu'au Parnaffe attirang
leurs hommages ,
FUGITIVES . 53
cux de guirlan- Le Dieu
par
des orné ,
Fût dans la Grece en triomphe
amené ;
Si pourfuivant cette noble
peinture >
Il vous traçoit d'une main
libre & feure ,
Ces vifs rayons , ces fublimes
ardeurs
Ce feu divin qu'il répand
dans les coeurs ,
Dont la fplendeur les éclaire
& les guide
Dans les fentiers de la vertu
folide :
Vous faifant voir affis à fon
côté Bb iij
54
PIECES
L'Honneur , la Paix , la Vertu
, l'Equité ;
Peut -être alors à le bannir
moins prompte
Vous fouffririez , fans rougeur
, & fans honte ,
Que ce Dieu vint embellir
vôtre Cour :
Connoiffez donc ce que c'eſt
que l'Amour ;
Et deformais l'ame débarafféc
Des préjugez d'une troupe
infenfée ,
Qui ne l'a peint que fous de
faux portraits
;
Gardons nous bien d'en
FUGITIVES .
juger fur leurs traits
De le confondre avec ce
Dieu frivole ,
De qui l'erreur nous a fait
une Idole
Et qui n'épand que des feux
criminels.
Ces deux rivaux ennemis
érernels ,
L'un fils du Ciel ; l'autre né
de la Terre ,
Se font entre eux une immortelle
guerre ;
Plus fignalez en leur divifion
,
Que les Heros de Grece ,
& d'llion.
Bb iiij
66 PIECES
Quelqu'un peut - eftre à ce
début miſtique ,
Va me traiter de cerveau
fanatique
Et me voyant monter fur
ce haut ton >
Traiter l'Amour en ftile de
Platon ,
M'objectera qu'une jeune
Heroïne ,
Mériteroit un peu moins
de doctrine .
Mais fans répondre à ce
langage vain
Laiffons - le en paix fon
Cyrus à la main :
De nos raifons l'ame peu
combatue
,
FUGITIVES . 7
Du Dieu d'Amour encen
fer la ftatuë ,
Et poursuivons nos propos
commencez .
Jadis fans choix les humains
difperfez ,
Troupe feroce & nourrie au
carnage ,
Du feul inftinct fuivoient
la loy fauvage:
Se renfermoient dans les
autres cachez ;
Et des forêts par la faim
arrachez ,
Alloient errans au gré de la
nature
Avec les Ours difputer la
pâture.
58 PIECES
De ce cahos l'Amour répara
teur
Fût de leurs loix le premier
fondateur.
Il fçait fléchir leurs humeurs
indociles..
Les réunit dans l'enceinte
des Villes.
Leur enfeigna le fecours- des
moiffons
,
Des premiers arts leur donna
des leçons ,
Chez eux logea l'amitié fecourable
,
Avec la paix fa foeur infeparable:
› Et
devant tout dans les
terreftres
lieux
FUGITIVES
. 59
Fit refpecter
l'autorité
des
Dieux .
Tel fut ici le fiecle de Ci
belle
;
Mais à ce Dieu la Terre enfin
rebelle
Se rebuta d'une fi douce
Loy ,
Et de fes mains voulut fe
faire un Roy.
Tout auffi toft , évoqué par
la haine ;
Sort de fes flancs un montre
àforme humaine ,
Refte dernier de ces affreux
Tiphons ,
Jadis formé dans des gouffres
profonds ;
PIECES
D'un foible
enfant il a le
front
timide ,
Dans fes
yeux
brille une
douceur
perfide ,
Nouveau
Prothée à
toute
heure , en
tous lieux ,
Sous un
faux
mafque il a
bufe nos
yeux.
Dabord
voilé
d'une
crainte
ingenuë ,
Humble ,
captif, il
tremble,
il
s'infinuë ,
Puis tout à
coup
imperieux
vainqueur
Porte le
trouble &
l'effroy
dans le
coeur ;
Les
trahifons , la
noire tirannie
,
FUGITIVES. GE
Le
defefpoir , la peur , l'i
gnominic ,
Et le tumulte au regard effaré
Suivent fon char de foupçons
entouré.
Ce fut fur lui que la Terre
ennemic
De fa revolte appuya l'infamic
,
Bientoft feduits par les trom
peurs appas
Les fols humains marcherent
fur fes pas.
L'Amour par lui dépouillé
de puiffance
Remonte au Ciel ſéjour de
fa naiffance ,
62
PIECES
Et las de voir l'homme
fourd à fa voix ,
Il l'abandonne à fon malheureux
choix .
Alors enflé d'une nouvelle
audace ,
L'ufurpateur prend fon
nom & fa place :
Et fous ce nom l'erreur de
toutes parts
Fait ici bas , voler fes Etendarts
.
C'eft de ce temps que nous
vîmes éclore
Tous les malheurs envoyez
par Pandore ,
La jaloufic allumant fes flambeaux
FUGITIVES. 63
Creufa dés lors mille horribles
tombeaux ;
Et des forfaits de plus d'une
Medée
Plus d'un climat vit fa rive
innondée .
Un fiecle à l'autre enviant
Les furcurs
Imagina de nouvelles horreurs
;
Chaque âge vit augmen
ter fes miferes ,
Et nos ayeux plus méchans
que leurs peres ,
Nous firent naiſtre encor
plus méchans qu'eux ,
Bientoft fuivis par de pires
neveux.
64
-PIECES
Enfin le Ciel touché de nos
difgraces
Se réfolut d'en effacer les
traces ,
Et tous les Dieux convinrent
que l'Amour
Fut renvoyé dans ce mortel
fejour :
Chacun s'en forme un agreable
augure
,
Le feul Amour,l'Amour ſcul
en murmure.
Qu'a t- il commis, pourquoi
feul immolé
D'entre les Dieux fera t- il
exilé ?
Quittera til ces demeures
heureuſes,
FUGITIVES . 65
Ces regions pures & lumineufes
,
Sejour brillant de gloire &
de clarté ,
Lieux confacrez à la felicité,
Aux doux plaiſirs enfans de
l'innocence ,
Plaifirs qu'échauffe & nourrit
fa prefence ,
Vifs fans tumulte , éternels
fans ennuy
,
Et que les Dieux ne tiennent
que de lui ?
Quoi , difoit- il , de la troupe
celefte ,
J'irai defcendre en un ſejour
funeſte ?
Février
1711.
Cc
66 PIECES
Où l'impudence étale un
front ferain ,
Où les mortels au vifage
d'airain ,
De mon fantôme eſcortant
les bannieres ,
De
l'innocence ont
rompu
les barrieres ;
Et qui d'entr'eux voudra
fuivre mes pas ?
Amour , amour ne vous allarmez
pas
Venez à moi , je connois un
azile ,
Dont les vertus ont fait leur
domicile :
Un feur rempart , un lieu de
qui jamais
FUGITIVES. 67
Nos ennemis ne troubleront
la
paix .
Celui qui regne en ce ſejour
propice ,
En a banny le coupable artifice
,
La perfidie au coup d'oeil
emprunté ,
Et la malice au rire concerté
:
Amour dit vrai, candeur hereditaire
,
Dés le berceau marqua fon
caractere ,
!
Nourry formé
par
doctes foeurs ;
les neuf
Ainfi des arts épris de leurs
douceurs Ccij
68 PIECES
Le Dieu du Pinde & la fage
Minerve ,
De leurs trefors l'ont comblé
fans referve ;
Dans ce réduit des Mufes
habité
Prefide encore une divinité :
Car la beauté dont les Dieux'
l'ont formée,
D'un moindre nom feroit
trop prohanée.
Un doux accueil , un modefte
enjouëment {
Préte à fes traits un nouvel
agrément ;
D'Enfans aîlez une troupe
fidelle ,
FUGITIVES. 69
JPlaifirs
, Amours voltigent
autour d'elle ,
Et fans effort prés d'elle
retenus ,
Pour la fervir ont oublié
Venus.
Non , non Amour ce n'eft
point à Cithere ,
Ny dans les bois qu'Amatonthe
révere ,
Qu'il faut chercher & les
jeux & les ris ? 7
Si vous voulez de vos freres
cheris ;
Revoir un jour la troupe
réünic ,
N'hefitez point , volez chez
Uranic.
70 PIECES
Mais à qui vais - je étaler ces
propos ,
Puis -je penfer qu'un Dicu
qui du cahos ,
Débarafla cette machine
ronde >
Qui voit , qui meut tous les
eftres du monde ,
De fes refforts & l'ame &
l'inftrument
Puiffe ignorer fon plus bel
ornement !
Déja porté fur les ailes
d'Eole
,
Du haut des Cieux je le vois
qui s'envole ,
Plus glorieux d'obéïr en ſa
cour >
FUGITIVES. 71
Que de regner au celefte
féjour .
Confervez bien genereufe
Uranic ,
Ce Dieu puiffant ce celeſte
genie ,
Ame du monde , Auteur
de tous les biens ,
Par qui brifant les terreftres
liens ,
D'un vol hardi nos ames
élancées ,
Jufques au Ciel élévent leurs
penſées
;
Sans fa beauté, fans fes dons
precieux ,
La vertu même eft moins
belle ànos yeux
72 PIECES
Ila produit fous d'heureux
caracteres ,
La dépouillant de fes rides
feveres ,
De qui l'afpest effrayant
les mortels ,
Leur fait fouvent deferter
fes Autels ,
De fon flambeau les flammes
immortelles ,
Jettent en nous ces vives
éteincelles
,
Dont autrefois les Heros
embrafez ,
Malgré la mort fe font
éternifez
;
Cette chaleur fi promte & fi
rapide ,
Sceut
FUGITIVES 7
Sceut échauffer un Thefée ,
un Alcide ,
Arma leurs bras pour calmer
l'Univers ,
Et pour vanger l'équité
mife aux fers .
Telle eft l'ardeur dont ce
Dieu nous enflame .
Tel eft le feu qu'il alluma
dans l'ame ,
De ce Heros aux triomphes
inftruit
>
Dont vous tenez la clarté
qui vous luit ;
}
C'est cet amour impatient
de gloire ,
Février 1711 Dd
44 PIECES
Qui tant de fois affûra la
memoire
,
Luy fic braver les feux & le
trépas ,
Luy fit chercher la guerre
& les combats :
De Jupiter allumant le tonnere
,
Brifer l'orgueil des enfans
de la terre
,
Contre leur rage armer nos
boulevarts ,
Er foudroyer leurs plus fermės
remparts.
Puiffe-t- il voir les nombreu .
ſes années
Toûjours de gloire &
d'honneurs couronnées ,
FUGITIVES 7
Et quand la Paix reviendra
parmi nous,
Se confacrer à des travaux
plus doux:
Non moins heureux fous
l'Empire de Rhée
Que quand la terre à Bellonne
eft livrée.
à Madame D ****
fur le veritable Amour.
Dufaux encens dédaigneuſe
ennemie
Qui dans le vray par l'e.
xemple affermic ,
Sçavez fi bien de tout éloge
plat ,
Diftinguer l'art d'un pinceau
délicat :
Sage Uranie , en qui le don
de plaire ,
Février 1711. Bb
50 PIECES
Eft joint au don de hair le
vulgaire ,
De démêler , libre en vos
fentimens ,
Les préjugez de fes faux
jugemens ;
Et d'abhorrer ces loüanges
guindées ,
Qui n'ont d'appuy que fes
folles idées :
Si quelqu'Auteur pour vous
faire fa cour ,
S'imaginant avoir pris un
beau tour
Vous décrivoit dans fes
peintures feiches ,
" Le Dieu d'Amour , fon carFUGITIVES.
St
quois , & fes fléches :
De la raifon ennemy
langoureux
,
Et de nos fens enchanteur
doucereux ,
Vous déploiant ces lieux
communs poftiches ,
Dont l'Opera brode fes
hemiſtiches :
Sur ce tableau frivolement
conceù ,
Probablement il feroit mal
receu ,
De vous chanter en rimes
indifcretes ,
Que cet Amour ne fe plaît
qu'où vous cftes ;
Bb ij
52 PIECES
Qu'il regne en vous , qu'il
fuit par tout vos pas ,
Et qu'il languit où l'on ne
vous voit pas.
Mais fi quelqu'un plus fage
& plus habile
Vous dépeignoit d'un
crayon moins fterile
Le même Amour
, non tel
qu'on l'avoit feint
Mais en effet , tel qu'il doit
eftre peint
:
Tel qu'autrefois l'ont vŷ
nos premiers fages ,
Lors qu'au Parnaffe attirang
leurs hommages ,
FUGITIVES . 53
cux de guirlan- Le Dieu
par
des orné ,
Fût dans la Grece en triomphe
amené ;
Si pourfuivant cette noble
peinture >
Il vous traçoit d'une main
libre & feure ,
Ces vifs rayons , ces fublimes
ardeurs
Ce feu divin qu'il répand
dans les coeurs ,
Dont la fplendeur les éclaire
& les guide
Dans les fentiers de la vertu
folide :
Vous faifant voir affis à fon
côté Bb iij
54
PIECES
L'Honneur , la Paix , la Vertu
, l'Equité ;
Peut -être alors à le bannir
moins prompte
Vous fouffririez , fans rougeur
, & fans honte ,
Que ce Dieu vint embellir
vôtre Cour :
Connoiffez donc ce que c'eſt
que l'Amour ;
Et deformais l'ame débarafféc
Des préjugez d'une troupe
infenfée ,
Qui ne l'a peint que fous de
faux portraits
;
Gardons nous bien d'en
FUGITIVES .
juger fur leurs traits
De le confondre avec ce
Dieu frivole ,
De qui l'erreur nous a fait
une Idole
Et qui n'épand que des feux
criminels.
Ces deux rivaux ennemis
érernels ,
L'un fils du Ciel ; l'autre né
de la Terre ,
Se font entre eux une immortelle
guerre ;
Plus fignalez en leur divifion
,
Que les Heros de Grece ,
& d'llion.
Bb iiij
66 PIECES
Quelqu'un peut - eftre à ce
début miſtique ,
Va me traiter de cerveau
fanatique
Et me voyant monter fur
ce haut ton >
Traiter l'Amour en ftile de
Platon ,
M'objectera qu'une jeune
Heroïne ,
Mériteroit un peu moins
de doctrine .
Mais fans répondre à ce
langage vain
Laiffons - le en paix fon
Cyrus à la main :
De nos raifons l'ame peu
combatue
,
FUGITIVES . 7
Du Dieu d'Amour encen
fer la ftatuë ,
Et poursuivons nos propos
commencez .
Jadis fans choix les humains
difperfez ,
Troupe feroce & nourrie au
carnage ,
Du feul inftinct fuivoient
la loy fauvage:
Se renfermoient dans les
autres cachez ;
Et des forêts par la faim
arrachez ,
Alloient errans au gré de la
nature
Avec les Ours difputer la
pâture.
58 PIECES
De ce cahos l'Amour répara
teur
Fût de leurs loix le premier
fondateur.
Il fçait fléchir leurs humeurs
indociles..
Les réunit dans l'enceinte
des Villes.
Leur enfeigna le fecours- des
moiffons
,
Des premiers arts leur donna
des leçons ,
Chez eux logea l'amitié fecourable
,
Avec la paix fa foeur infeparable:
› Et
devant tout dans les
terreftres
lieux
FUGITIVES
. 59
Fit refpecter
l'autorité
des
Dieux .
Tel fut ici le fiecle de Ci
belle
;
Mais à ce Dieu la Terre enfin
rebelle
Se rebuta d'une fi douce
Loy ,
Et de fes mains voulut fe
faire un Roy.
Tout auffi toft , évoqué par
la haine ;
Sort de fes flancs un montre
àforme humaine ,
Refte dernier de ces affreux
Tiphons ,
Jadis formé dans des gouffres
profonds ;
PIECES
D'un foible
enfant il a le
front
timide ,
Dans fes
yeux
brille une
douceur
perfide ,
Nouveau
Prothée à
toute
heure , en
tous lieux ,
Sous un
faux
mafque il a
bufe nos
yeux.
Dabord
voilé
d'une
crainte
ingenuë ,
Humble ,
captif, il
tremble,
il
s'infinuë ,
Puis tout à
coup
imperieux
vainqueur
Porte le
trouble &
l'effroy
dans le
coeur ;
Les
trahifons , la
noire tirannie
,
FUGITIVES. GE
Le
defefpoir , la peur , l'i
gnominic ,
Et le tumulte au regard effaré
Suivent fon char de foupçons
entouré.
Ce fut fur lui que la Terre
ennemic
De fa revolte appuya l'infamic
,
Bientoft feduits par les trom
peurs appas
Les fols humains marcherent
fur fes pas.
L'Amour par lui dépouillé
de puiffance
Remonte au Ciel ſéjour de
fa naiffance ,
62
PIECES
Et las de voir l'homme
fourd à fa voix ,
Il l'abandonne à fon malheureux
choix .
Alors enflé d'une nouvelle
audace ,
L'ufurpateur prend fon
nom & fa place :
Et fous ce nom l'erreur de
toutes parts
Fait ici bas , voler fes Etendarts
.
C'eft de ce temps que nous
vîmes éclore
Tous les malheurs envoyez
par Pandore ,
La jaloufic allumant fes flambeaux
FUGITIVES. 63
Creufa dés lors mille horribles
tombeaux ;
Et des forfaits de plus d'une
Medée
Plus d'un climat vit fa rive
innondée .
Un fiecle à l'autre enviant
Les furcurs
Imagina de nouvelles horreurs
;
Chaque âge vit augmen
ter fes miferes ,
Et nos ayeux plus méchans
que leurs peres ,
Nous firent naiſtre encor
plus méchans qu'eux ,
Bientoft fuivis par de pires
neveux.
64
-PIECES
Enfin le Ciel touché de nos
difgraces
Se réfolut d'en effacer les
traces ,
Et tous les Dieux convinrent
que l'Amour
Fut renvoyé dans ce mortel
fejour :
Chacun s'en forme un agreable
augure
,
Le feul Amour,l'Amour ſcul
en murmure.
Qu'a t- il commis, pourquoi
feul immolé
D'entre les Dieux fera t- il
exilé ?
Quittera til ces demeures
heureuſes,
FUGITIVES . 65
Ces regions pures & lumineufes
,
Sejour brillant de gloire &
de clarté ,
Lieux confacrez à la felicité,
Aux doux plaiſirs enfans de
l'innocence ,
Plaifirs qu'échauffe & nourrit
fa prefence ,
Vifs fans tumulte , éternels
fans ennuy
,
Et que les Dieux ne tiennent
que de lui ?
Quoi , difoit- il , de la troupe
celefte ,
J'irai defcendre en un ſejour
funeſte ?
Février
1711.
Cc
66 PIECES
Où l'impudence étale un
front ferain ,
Où les mortels au vifage
d'airain ,
De mon fantôme eſcortant
les bannieres ,
De
l'innocence ont
rompu
les barrieres ;
Et qui d'entr'eux voudra
fuivre mes pas ?
Amour , amour ne vous allarmez
pas
Venez à moi , je connois un
azile ,
Dont les vertus ont fait leur
domicile :
Un feur rempart , un lieu de
qui jamais
FUGITIVES. 67
Nos ennemis ne troubleront
la
paix .
Celui qui regne en ce ſejour
propice ,
En a banny le coupable artifice
,
La perfidie au coup d'oeil
emprunté ,
Et la malice au rire concerté
:
Amour dit vrai, candeur hereditaire
,
Dés le berceau marqua fon
caractere ,
!
Nourry formé
par
doctes foeurs ;
les neuf
Ainfi des arts épris de leurs
douceurs Ccij
68 PIECES
Le Dieu du Pinde & la fage
Minerve ,
De leurs trefors l'ont comblé
fans referve ;
Dans ce réduit des Mufes
habité
Prefide encore une divinité :
Car la beauté dont les Dieux'
l'ont formée,
D'un moindre nom feroit
trop prohanée.
Un doux accueil , un modefte
enjouëment {
Préte à fes traits un nouvel
agrément ;
D'Enfans aîlez une troupe
fidelle ,
FUGITIVES. 69
JPlaifirs
, Amours voltigent
autour d'elle ,
Et fans effort prés d'elle
retenus ,
Pour la fervir ont oublié
Venus.
Non , non Amour ce n'eft
point à Cithere ,
Ny dans les bois qu'Amatonthe
révere ,
Qu'il faut chercher & les
jeux & les ris ? 7
Si vous voulez de vos freres
cheris ;
Revoir un jour la troupe
réünic ,
N'hefitez point , volez chez
Uranic.
70 PIECES
Mais à qui vais - je étaler ces
propos ,
Puis -je penfer qu'un Dicu
qui du cahos ,
Débarafla cette machine
ronde >
Qui voit , qui meut tous les
eftres du monde ,
De fes refforts & l'ame &
l'inftrument
Puiffe ignorer fon plus bel
ornement !
Déja porté fur les ailes
d'Eole
,
Du haut des Cieux je le vois
qui s'envole ,
Plus glorieux d'obéïr en ſa
cour >
FUGITIVES. 71
Que de regner au celefte
féjour .
Confervez bien genereufe
Uranic ,
Ce Dieu puiffant ce celeſte
genie ,
Ame du monde , Auteur
de tous les biens ,
Par qui brifant les terreftres
liens ,
D'un vol hardi nos ames
élancées ,
Jufques au Ciel élévent leurs
penſées
;
Sans fa beauté, fans fes dons
precieux ,
La vertu même eft moins
belle ànos yeux
72 PIECES
Ila produit fous d'heureux
caracteres ,
La dépouillant de fes rides
feveres ,
De qui l'afpest effrayant
les mortels ,
Leur fait fouvent deferter
fes Autels ,
De fon flambeau les flammes
immortelles ,
Jettent en nous ces vives
éteincelles
,
Dont autrefois les Heros
embrafez ,
Malgré la mort fe font
éternifez
;
Cette chaleur fi promte & fi
rapide ,
Sceut
FUGITIVES 7
Sceut échauffer un Thefée ,
un Alcide ,
Arma leurs bras pour calmer
l'Univers ,
Et pour vanger l'équité
mife aux fers .
Telle eft l'ardeur dont ce
Dieu nous enflame .
Tel eft le feu qu'il alluma
dans l'ame ,
De ce Heros aux triomphes
inftruit
>
Dont vous tenez la clarté
qui vous luit ;
}
C'est cet amour impatient
de gloire ,
Février 1711 Dd
44 PIECES
Qui tant de fois affûra la
memoire
,
Luy fic braver les feux & le
trépas ,
Luy fit chercher la guerre
& les combats :
De Jupiter allumant le tonnere
,
Brifer l'orgueil des enfans
de la terre
,
Contre leur rage armer nos
boulevarts ,
Er foudroyer leurs plus fermės
remparts.
Puiffe-t- il voir les nombreu .
ſes années
Toûjours de gloire &
d'honneurs couronnées ,
FUGITIVES 7
Et quand la Paix reviendra
parmi nous,
Se confacrer à des travaux
plus doux:
Non moins heureux fous
l'Empire de Rhée
Que quand la terre à Bellonne
eft livrée.
Fermer
Résumé : EPITRE à Madame D**** sur le veritable Amour.
L'épître est adressée à Madame D ****, en louant son discernement et sa sagesse dans la compréhension de l'amour véritable. L'auteur dénonce les représentations superficielles et trompeuses de l'amour, souvent décrit comme un dieu langoureux et capricieux. Il oppose ce faux amour à une vision noble et vertueuse, inspirée par les anciens sages qui voyaient en l'amour un guide vers la vertu, l'honneur et la paix. L'épître retrace l'histoire de l'amour, d'abord réparateur et civilisateur, puis corrompu par la Terre, qui engendra un amour tyrannique et destructeur. Ce faux amour provoqua des malheurs et des forfaits, menant à une dégradation morale des générations. Touchés par ces disgrâces, les Dieux décidèrent de renvoyer l'amour véritable sur Terre. L'auteur invite l'amour à se réfugier auprès de Madame D ****, dont la cour est un sanctuaire de vertu et de beauté. Il loue ses qualités, soutenues par les Muses et les arts, et la décrit comme un havre de paix et de candeur. L'épître se conclut par une célébration de l'amour véritable, source de gloire et de vertu, capable d'inspirer les héros et de guider les âmes vers le bien.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 29-48
POLLICHON. Poëme par M. de N*** Directeur de l'Hôtel-Dieu de Vienne en Dauphiné.
Début :
Les Dieux sont pour César, & Caton pour Pompée. [...]
Mots clefs :
Dieux, Jugement, Muse, République, Caton, Rome
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : POLLICHON. Poëme par M. de N*** Directeur de l'Hôtel-Dieu de Vienne en Dauphiné.
POLLICHON.
Poëme par M. de N it -il: * Directeur
de l'Hôtel-Dita
de Vienne en Dauphiné.
Lesujetest tiré d'une Echop,
f) souslaporte d'entrée
de tHôtcLDteu, demandéeàl'Auteur
par une infinitédepersonnesstes
unes
pour Pollichon, & les
autres pour Henriette.
LES Dieux sontpour
César, & Caton pour
Pompée.
Bon jadis, mais les
Dieux, les Catons
1 de ce temps
Ont de plus grands
soucis la cervelle
occupée,
Et se partagent bien
pour d'autres combattans,
-0 Pollichon d'une part,
& de loutre Henriette.
Quelle verve vous préd
Poëte,
Et quel debut? qu'ont
de commun entr'eux
Deux inconnus & ces
Romains fameux? -
Je le dirai: c'est que
l'un & l'autre homme
Veut estre seul maître
absolu dans Rome,
En leur faveur il se fait
des partis,
Adolescens, hommes
faits, cheveux gris,
Sages & fols
,
chacun
pour euxs'engage;
Les dieux contre les
dieux l'Olimpe se
partage
Tout comme à Troye,
Apollon d'un côté,
Et d'autre part quelque
autre Deïté.
Rome voit une guerre
en cruauté feconde;
Ilse verse du fang sur
la terre& surl'onde,
Ettoutcela pourquoi ?
seulemet pour sçavoir
Qui sur la République
, aura le plein pouir
Du fier Beau- pere ou
de l'obstiné Gendre;
Ces deux Maîtres d'escrime
en pouffant
tout à bout A
Firent tantqu'ils gâterent
tout.
Catule en fut témoin
, il pourra vous rapprend
re;
Or, ce fait entendu,le
mien se peutcom-
1
prendre,
Ilne fauttout au plus
que changer quelque
nom:
Par exemple au mot
Republique,
Substituez le mot boutique:
A PompéeHenriette,à
CesarPollichon,
Au fonds voustrouverez
que lachoseest
égale;
Au fang prés répandu
c'est un autre Pharsale,
Dans les esprits même
chaleur,
Même espoirdu succés,
même amour dela
gloire,
Même attente de la
Vctoire,
Même bruit, & même
fureur,
Mêmes détours,&mêmes
ruses.
OLucain!ôBreboeuf!
j'invoque ici vos
Mu[es,
Venez entousiasme, hyperbole,
grands
mots;
Je ne sçaurois sans vous
celebrer mes Héros,
Dire de leurs desirs l'ardeur
impatiente,
Et dans cous leurs projets
l'audace triomphante;
Prêtez-moy vôtreemphase
&: vos plus
vifs crayons.
Encor pourrai je à peine
entreprendre;
essayons.
Sous un portiqueétroit
dont l'antiq ue ftruétUfC
Nlo"qfe-aux yeux des
passans qu'une caverne
obscure,
HabitePollichon l'honneur
de son quartlert
Demi porteur de chaise
& demi savetier:
Non, loin de là se montre
une jeune Amphibie,
Et Fille & femme.ô£
veuve , engageante
& hardie
Henriette, en un mot
qui de dessein
formé
Veut ravir au vieillard
fou Palais enfumé.
Muse , raconte-moy
quelles furent ses
brigues,
Que! art ou quel demon
a noüé cette
intrigue:
Mais je le prens trop
haut; parlons plus
simplement :
La verité s'explique
avec moins d'ornement.
Mes gens en veulent
donc à la même demeure,
On m'en romptlatête
à toute heure ;
Dés que pour l'un des
deux je vais me déclarer,
A quoy dois-je me preparer?
Les Pollichons vont
direrage,
Est- ce là ce Juge si
sage?
Etles Henrietsd'autre
part
Me le revaudront tôt
ou tard
Cruel relfeét humain,
quelles loixtum'imposes!
1
Mais non, c'est par le
fond qu'il fautregler
les choses;
Quiconque aura raisonchez
moy l'em-
- portera,
Aprés grondera qui
voudra:
GronGronder
est chose juridique;
Ca, parlez donc
, on
vous écoutera.
Commencez, Pollichon,
vous aurez la
replique,
Henriette elle durera
Autant de temps qu'il
luy plaira;
LairtezàPollichon ensser
sa Rhetorique,
Aprés luy la vôtre viendra,
Qui ne. fera pas laconique;
Car tout vieux Avocat
se pique
De ne pas s'expliquer
par un & cætera.
Quoy tous deux àla
fois? O bruit diabolique!
Un Huissier pour crier,
paix là.
Je m'enfuis, je n'ai pas
laeste assez stoïque
Pour supporter cette
musique:
Finissons ; à tous deux
j'adjuge la boutique;
A tous deux! Mais
voyons si cela se
pourra:
Tous deux insolidum!
nenny, la chose
implique;
Faisons donc mieux,
hé bien!on la partagera.
Salomon, Prince Pacifique,
D'un semblable procès
de même se tira.
Voila mon Jugement,
on l'executera.
L'executer
,
répond la
Nymphecolérique,
Quoy l'on m'enpollichonnera!
Moy Dres de Pollichon!
oh la belle repliquéi
Surelle le vieillard jette
un regard oblique,
Et qui te dit, qu'on le
voudra?
Les passans me feroient
la nique,
Moy vivre auprés de
toy? plûtôt dans
l'Amérique,
Pollichon plein d'honneurira,
VIvra,
mourra.
Quefaire donc?en vain
mon e sprit s a llambique.
T hemis, sage Themis,
toy ma ressource
unique,
Inspire-moy ce qu'on
se1a;
Quel nouveau jugement
faut-il que je
fabrique?
Le voici, nuls des deux
la boutiquen'aura :
Donner tout, partager,
ôter tout: la sottise
N'est pas où l'on la
croit; maint Juge
comme moy
Donne, ôteou fait partage
en dépit de
la loy ;
Nul par ce Jugement,
donné vaille que
vaille
N'aura ni l'huïtre ni
l'écaille.
Belle Leçon, pour tous
grands, petitsMagistrats,
Ne tombez jamais dans
1.. mon cas.
Mais j'entens des cenfeurs,
qui d'un ton
pedantesque,
S'acharnent sur mes
vers, & disent, quel
grotesque?
Cest justement celuy
dont Horace a parlé:
Sur une tére humaine
uncheval est colé;
Plumes, membres divers,
assemblage
bizare,
Au dessus belle femme
-
au dessous monstre
affreux;
Messieurs qui ne riroit
duncontraste sirare?
Qui ne riroir? riez, c'est
tout ce que je veux.
Poëme par M. de N it -il: * Directeur
de l'Hôtel-Dita
de Vienne en Dauphiné.
Lesujetest tiré d'une Echop,
f) souslaporte d'entrée
de tHôtcLDteu, demandéeàl'Auteur
par une infinitédepersonnesstes
unes
pour Pollichon, & les
autres pour Henriette.
LES Dieux sontpour
César, & Caton pour
Pompée.
Bon jadis, mais les
Dieux, les Catons
1 de ce temps
Ont de plus grands
soucis la cervelle
occupée,
Et se partagent bien
pour d'autres combattans,
-0 Pollichon d'une part,
& de loutre Henriette.
Quelle verve vous préd
Poëte,
Et quel debut? qu'ont
de commun entr'eux
Deux inconnus & ces
Romains fameux? -
Je le dirai: c'est que
l'un & l'autre homme
Veut estre seul maître
absolu dans Rome,
En leur faveur il se fait
des partis,
Adolescens, hommes
faits, cheveux gris,
Sages & fols
,
chacun
pour euxs'engage;
Les dieux contre les
dieux l'Olimpe se
partage
Tout comme à Troye,
Apollon d'un côté,
Et d'autre part quelque
autre Deïté.
Rome voit une guerre
en cruauté feconde;
Ilse verse du fang sur
la terre& surl'onde,
Ettoutcela pourquoi ?
seulemet pour sçavoir
Qui sur la République
, aura le plein pouir
Du fier Beau- pere ou
de l'obstiné Gendre;
Ces deux Maîtres d'escrime
en pouffant
tout à bout A
Firent tantqu'ils gâterent
tout.
Catule en fut témoin
, il pourra vous rapprend
re;
Or, ce fait entendu,le
mien se peutcom-
1
prendre,
Ilne fauttout au plus
que changer quelque
nom:
Par exemple au mot
Republique,
Substituez le mot boutique:
A PompéeHenriette,à
CesarPollichon,
Au fonds voustrouverez
que lachoseest
égale;
Au fang prés répandu
c'est un autre Pharsale,
Dans les esprits même
chaleur,
Même espoirdu succés,
même amour dela
gloire,
Même attente de la
Vctoire,
Même bruit, & même
fureur,
Mêmes détours,&mêmes
ruses.
OLucain!ôBreboeuf!
j'invoque ici vos
Mu[es,
Venez entousiasme, hyperbole,
grands
mots;
Je ne sçaurois sans vous
celebrer mes Héros,
Dire de leurs desirs l'ardeur
impatiente,
Et dans cous leurs projets
l'audace triomphante;
Prêtez-moy vôtreemphase
&: vos plus
vifs crayons.
Encor pourrai je à peine
entreprendre;
essayons.
Sous un portiqueétroit
dont l'antiq ue ftruétUfC
Nlo"qfe-aux yeux des
passans qu'une caverne
obscure,
HabitePollichon l'honneur
de son quartlert
Demi porteur de chaise
& demi savetier:
Non, loin de là se montre
une jeune Amphibie,
Et Fille & femme.ô£
veuve , engageante
& hardie
Henriette, en un mot
qui de dessein
formé
Veut ravir au vieillard
fou Palais enfumé.
Muse , raconte-moy
quelles furent ses
brigues,
Que! art ou quel demon
a noüé cette
intrigue:
Mais je le prens trop
haut; parlons plus
simplement :
La verité s'explique
avec moins d'ornement.
Mes gens en veulent
donc à la même demeure,
On m'en romptlatête
à toute heure ;
Dés que pour l'un des
deux je vais me déclarer,
A quoy dois-je me preparer?
Les Pollichons vont
direrage,
Est- ce là ce Juge si
sage?
Etles Henrietsd'autre
part
Me le revaudront tôt
ou tard
Cruel relfeét humain,
quelles loixtum'imposes!
1
Mais non, c'est par le
fond qu'il fautregler
les choses;
Quiconque aura raisonchez
moy l'em-
- portera,
Aprés grondera qui
voudra:
GronGronder
est chose juridique;
Ca, parlez donc
, on
vous écoutera.
Commencez, Pollichon,
vous aurez la
replique,
Henriette elle durera
Autant de temps qu'il
luy plaira;
LairtezàPollichon ensser
sa Rhetorique,
Aprés luy la vôtre viendra,
Qui ne. fera pas laconique;
Car tout vieux Avocat
se pique
De ne pas s'expliquer
par un & cætera.
Quoy tous deux àla
fois? O bruit diabolique!
Un Huissier pour crier,
paix là.
Je m'enfuis, je n'ai pas
laeste assez stoïque
Pour supporter cette
musique:
Finissons ; à tous deux
j'adjuge la boutique;
A tous deux! Mais
voyons si cela se
pourra:
Tous deux insolidum!
nenny, la chose
implique;
Faisons donc mieux,
hé bien!on la partagera.
Salomon, Prince Pacifique,
D'un semblable procès
de même se tira.
Voila mon Jugement,
on l'executera.
L'executer
,
répond la
Nymphecolérique,
Quoy l'on m'enpollichonnera!
Moy Dres de Pollichon!
oh la belle repliquéi
Surelle le vieillard jette
un regard oblique,
Et qui te dit, qu'on le
voudra?
Les passans me feroient
la nique,
Moy vivre auprés de
toy? plûtôt dans
l'Amérique,
Pollichon plein d'honneurira,
VIvra,
mourra.
Quefaire donc?en vain
mon e sprit s a llambique.
T hemis, sage Themis,
toy ma ressource
unique,
Inspire-moy ce qu'on
se1a;
Quel nouveau jugement
faut-il que je
fabrique?
Le voici, nuls des deux
la boutiquen'aura :
Donner tout, partager,
ôter tout: la sottise
N'est pas où l'on la
croit; maint Juge
comme moy
Donne, ôteou fait partage
en dépit de
la loy ;
Nul par ce Jugement,
donné vaille que
vaille
N'aura ni l'huïtre ni
l'écaille.
Belle Leçon, pour tous
grands, petitsMagistrats,
Ne tombez jamais dans
1.. mon cas.
Mais j'entens des cenfeurs,
qui d'un ton
pedantesque,
S'acharnent sur mes
vers, & disent, quel
grotesque?
Cest justement celuy
dont Horace a parlé:
Sur une tére humaine
uncheval est colé;
Plumes, membres divers,
assemblage
bizare,
Au dessus belle femme
-
au dessous monstre
affreux;
Messieurs qui ne riroit
duncontraste sirare?
Qui ne riroir? riez, c'est
tout ce que je veux.
Fermer
Résumé : POLLICHON. Poëme par M. de N*** Directeur de l'Hôtel-Dieu de Vienne en Dauphiné.
Le texte présente un poème intitulé 'Pollichon' écrit par M. de N, directeur de l'Hôtel-Dieu de Vienne en Dauphiné. L'auteur explique que l'idée du poème lui a été suggérée par des personnes demandant des histoires sur Pollichon ou Henriette, deux personnages en conflit. Le poème compare cette situation à des conflits historiques, comme celui entre César et Pompée, où des factions se forment pour soutenir l'un ou l'autre. Dans le poème, Pollichon et Henriette se disputent la maîtrise d'une boutique, chacun cherchant à être le seul maître absolu. Cette rivalité divise les habitants, y compris les dieux, et entraîne des conflits similaires à ceux de l'Antiquité. L'auteur décrit Pollichon comme un demi-porteur de chaise et demi-savetier, tandis qu'Henriette est une jeune veuve ambitieuse. L'auteur, jouant le rôle de juge, doit trancher entre les deux protagonistes. Après avoir écouté leurs arguments, il décide de ne donner la boutique à aucun des deux, soulignant la sottise de certains jugements. Il conclut en invitant les critiques à rire de ce contraste grotesque, faisant référence à une métaphore d'Horace sur un cheval à tête humaine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
10
p. 3-61
Extrait ou Argument de l'Iliade en forme de Table.
Début :
Cet Extrait esté fait avec tant d'exactitude, d'ordre [...]
Mots clefs :
Grecs, Achille, Jupiter, Junon, Chefs, Armée, Ulysse, Vaisseau, Paroles, Colère, Minerve, Troyens, Dieux, Prières, Songe, Menace , Iliade, Homère, Roi, Hérauts, Thétis, Ville, Paris
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Extrait ou Argument de l'Iliade en forme de Table.
Extrait ou Argument
de l'Iliade en forme
deTable.
Et Extrait a esté
fait avec tantd'exactitude,
d'ordre
,
& de jugement,
qu'il peutsuffire pour
donner une idée generale
del'Iliade d'Homere à
ceux qui ne l'ont jamais
leuë, il peut estreutile
en mesme temps à ceux
qui possedent parfaitement
leur Homere,puisque
c'est un tableau en
racourci,ouplustost une
efquice dont le trait peut
quelquefois
,
reveiller
leurs idées, & leur aider
à jouir plus facilement
de ces peintures poëtiques
qui occupent, &
qui flattent si agréablement
leur imagination;
ceux qui craignent de
perdre de veuë la charmante
Iliade
, me doivent
sçavoir bon gré de
leur donner enmignature
le portrait de leur maistresse,
c'est leur prouver
assez que je ne blat:
me point leur attachement.
J'auray peut-estre dans
la fuite la mesme attention
pour ceux qui iont
amoureux de Rabelais,
cela dépendra du loisir
de mes amis, c'etf à la
complaisance de l'un
d'eux que j'ay obligation
de cet Extrait, qui
a deu estre aussi ennuyeux
à faire
, que je
le crois utile au Public.
Leschiffres qui ifont a
la fin de chaque article,
marquent laplace f.5 l'efitendue
des matieres. Par
exemple I. 5. c'est-à-dire
que l'invocation pour
chanter la colere d'Achille
commence au I.
vers cffinit au 5.
ARGUMENT
du premier Livre.
Le Poëte invoque la
Muse pour chanter les effets
pernicieux de la colere
d'Achille. Vers I. 5.
Sujet de la colere d'Achille.
vers 6. 11. ehryCes Pre stre d'Apol-
- lon vient au camp des
Grecs chargé de presens
pour racheter sa filleChryseis
qui estoit esclave d'Agamemnon.
vers II. 1).
,
Sa harangue aux Grecs
àce sujet. vers16.20.
ConsentementdesGrecs.
Refus d'A gamemnon. Il
menace Chryfes. Ce
vieiliardintimide se retire.
Sa priere à Apollon.
Exaucée sur le champ.
Apollon. pendant neuf
jours frappe toute l'armée
des Grecs de traits empoisonnez&
y répand la
peste. vers 21. 52.
Achille convoque une
assemblée. Il dit à Agamemnon
qu'il faut consulter
quelque Devin pour
sçavoir le sujet de la cruelle
colered'Apollon, vers
53.66.
Calchas fils de Thestor
se leve & se met en devoir
de l'expliquer. Il n'ose le
faire à moins qu'Achille
ne luy promette de le proteger
contre ceux à qui sa
déclaration pourroit de- plaire. vers 67. SI.
Achillele luy promet.
Le Devin parle. Dit qu'il
faut renvoyer Chryseis.
sansrançon,avec uneHecatombe
pour calmer Apollon.
vers83.99.
Agamemnon se fasche
contre le Devin. Tesmoigne
la repugnance qu'il a
de renvoyer Chryseis,
Declare qu'il la prefere
mesmeà la Reine Clytemnestre
sa femme
,
& pourquoy.
Prend neanmoins
la refoî ution de la renvoyer
pour le salut de son
peuple. Demande qu'on
le dedommage, vers 100.
J19.
Achille prend la parole.
Agamemnon luy respond
avec hauteur, & dit
qu'il pourroit bien luy enlever
à luy-mesme sa ca ptive
Briseis. vers 120 146
Achille s'emporte & éclatte
en injures contre
Agamemnon. vers 147.
lyo.
Agamemnon respond
avec aigreur & reitere les
menaces qu'il a faites à
Achille de luy enlever Brifeis.
vers liJ. 186.
0 Achille entre enfureur.
Delibere s'il tuëra Agamemnon.
Son épée est à
*i
demitirée. Mais Minerve
descenduë par l'ordre
de Junon, s'arreste derriere
Achille, le retient
par les Cheveux, & ne se
rend visiblequ'à luy. A>
chille se retourne. La reconnoist.
Luy demande
avec colere ce qu'elle
vient faire là. Pallasluy
respond qu'elle vient le
calmer. a Luy permet le
reproche,& luyconseille
de ne point passerauxvoyes
de fait. Achille enfonce
son épée dans le
fourreau. Minerve s'en
retourne. vers 187. m,
Achille continuë de
s'emporrer contre Agamemnon
& luy die des
injures atroces. Il jure
par; son Sceptre que jamais
les Grecs n'auront de
luy aucun secours. vers
222.24'.245.
Agamemnon qui ne
peut plus tenir contre les
invectives d'Achille, est
prest à se porter à quelque
violente extremité.
Mais le vieux Nestor se
leve, ôcse fait entendre
a ces deux Chefs irritez.
Il leur parle avec l'authorité
& le caractere que
luy donnent son grand âge
& sa longue experience.
vers246.283.
Agamemnon respond à
Nestorqu'Achille est un
homme qui veut toutemporter
par hauteur, mais
qu'il n'est pas d'humeur à
luy ceder. Achillereplique.
Apres quoy ces deux
Chefs se levent & rompent
l'assemblée. Achille
se retire dans son quartier
avec Patrocle. Agamemnon
fait mettre en mer un
de ses navires après l'avoir
pourveu de victimes pour
l'Hecatombe.Ilmene luymesme
Chryseis au Vaisseau
& l'y fait monter.
Ulysse est choisi pour la
conduites Le ,Vaisseau
part.vers 284. 311.
L'armée d'Agamemnon
se purifie. Hecatombes
offertes à Apollon sur
le rivage mesme. vers 312. 316. Agamemnon ordonne
à Talthybius & à Euribate
ses deux Herauts, d'aller
à la tente d'Achille
prendre Briseis & l'amener.
Que si Achille la
refuse il ira la prendre luymesme
bien accompagnée
vers 317.314.
Les deux Herauts arrivent
à la tente d'Achille,
& notent luy addresser la
parole. Achille qui voit
leur peine les prévient ôc
leur dit, qu'ils sont innocens
de l'affront qu'on luy
fair. Qu'il ne se plaint
que d'Agamemnon qui
envoye chercher Briseis.
En mesme temps il dit à
Patroclede laluy amener,
&
& de la remettre entre les
mains des Hérauts.Achille
reitere en leur presence
la menace qu'il a
faite à Agamemnon, de
ne jamais secourir les
Grecs. Patrocle amene
Briseis. Elle s'en va avec
les deux Herauts. vers 326.
347.
Achille va au bord de
la mer, & versant des
larmes, addresse sa plaince
à Thetis. La Déesse
fort des eaux , & luy demande
le sujet de son affliction.
Achilleluy: ep
dit la cause. La prie de
venger l'affrontqu'il a receu.
Devoir Jupiter. De
l'engager ( pour punir Agamemnon
de luyfaire
reconnoistre sa¡fatJce) :
à
secourir les Troyens,&
leur donner l'avantage sur
lesGrecs, ; ; Ilfaitressouvenir
Thetis en cet endroit
d'un service important
qu'elle rendit autrefois
à Jupiter; au,moyen
de quoy il ne -luy doit rien
refuser. Theris promet
à Achille qu'elle fera ce
qu'il luydemande, & qu'-
À*A **-
auss-tôt que Jupiter, qui
estalléàunfestin dont les
Ethiopiens l'ont prié, sera
retourné itu Ciel
,
elle ira
le voir & luy parler. Thetis
disparoift, &elle laisse
son fils tres affligé de la
perte de Briseis.vers347.
429.
Ulysse qui conduisoit
l'Hecatombe pour Apollon,
arrive dans le port de
Chrysa.Description dela
manoeuvre d'un Vaisseau
arrivé au port. Ulysse
parle à Chryfes
, & luy
presente sa fille,vers429.
Sacrifice. Priere de
Chryses à Apollon. Exaucée
dans le moment.
Festin.Libations. vers
446.470.
Les Grecs se retirent,
& paisens la nuit sur leur
Vaisseau. Le lendemain
ils retournent au Camp,
aydez d'un vent favorable
qu'Apollon leur en.
voye. lis se distribuent
dans leurs tentes,vers471.
483-
Achille se tient tousjours;
dans son quartier. Ne va
point aux assemblées.S'abandonne
entierement à
son chagrin. vers 484.491.
Le douzième jour Jupiter
estant revenu d'Ethiopie
,Thetis va le trouver
à récart au plus haut
sommet de l'Olympe.
Priere de Thetis à Jupiter.
Ju piter ne respond rien.
Thetis le presse. Jupiter
luy promet ce qu'elle demande
,
& confirme sa
promesse par un signe de
teste, donc tout l'Olympe
estébranlé, vers491.529.
•
Thetis s'en va. Ju piter
retourne dans son Palais.
Les Dieux vont au devant
deluy. Ilseplacesurson
Throne. Junon qui n'ignore
pas son dessein, parce
qu'elle l'a veu avec
Thetis,luy reproche d'un
son aigre le mystere qu'il
luy en fait. Jupiter ILy
respond d'abord avec moderation.
Junon continuë
de luy parler avec
hauteur. Jupiter la menace.
Elle se tait Vulcain
prend la parole, &
represente à sa mere qu'il
saur ménager Jupiter. Il
presente une coupe à Junon.
Il raconte la plaisante
histoire de Cacheute.
Il verteà boireaux Dieux.
Son empressement à les
servir, fait rire toute Tafsemblée
( parce qu'il boite.
) Après un repas trèsjoyeux
chaque Dieu va se
coucher dans son Appartement.
Junon couche
auprès de Jupiter.
ARG V MENT
dusecond Livre*
Jupiter pour executer
la promesse qu'il a faite
à Thetis de relever la
gloire d'Achille, & de
rendre les Troyensvictorieux
,
appuiele Songe,
luy commande d'aller
trouver Agjmernnon
,
&
de direàce Prince,qu'il
,
fasTearmer;ùj^le.Grecs,
qu'il mette toute son armée
en barri'le. Qu'il
luy fasse entendre que le
jour
jour est veuu qu'il va se
rendre maistredela Ville
deTroye. Le Songe part.
prend la forrne deNestor.
Se place sur la teste d'Agamemnon.
Luy redit les
paroles de Jupiter, & se
retire. vers 1 35.
Agamemnon se leve.
S'habille. Donne ordre
du grand matin à ses Herauts
de faire assembler
tous les Grecs. Pendant
ce temps-là il tient conseil
avec les principaux
Chefs dans le Vaisseau de
Nestor. Leur dit les parôles
du Songe. Leur fait
part du dessein qu'il a de
fonder le courage des
Grecs. Je vais,dit-il, leur
ordonner de s'enfuirsur leurs
Vaisseaux VÙUS) de vostre
cpfté vom les retiendrez par
de douces paroles. Nestor
represente qu'il faut adjousterfoy
au Songe d'Agamemnon
, parce qu'il
ne faut pas dourer que Jupiter
ne l'ait envoyé. Die
qu'il faut executer le projet
du Roy. vers 35.84.
Les Troupes arrivent.
L'armée comparée à des
Legions d'abeilles, vers 86.
5)6*
NeufHerauts font faire
silence dans l'armée. Le
Roy se leve tenant en
main son Sceptre. Histoire
de Sceptre d'Agamemnon.
vers96.109.
Agamemnon parle aux
Grecs. Il leur represente
que depuis neuf années
leur armée se consume à
attendre vainement l'effet
des promesses de Jupiter,
qui ne s'accomplissent
point. Qu'il faut prendre
le party de s'en retourner.
(Ce discoursestplein d'artifice
& ne rend qu'à persuader
aux Grecs tout le
contraire de ce qu'on leur
propose ) mais les paroles
du Roy sont prises à la Jet,
tre par la multitude qui
ive penetre pas son dessein.
Emotion de l'armée comparée
à celle des flots, &
des moissons agitées par le
vent. Les Soldats courent
à leurs Vaisseaux pour
les mettre en estat. vers
100. IJ4.
1,
Dans ce moment le retour
des Grecs estoit conclu,
si Junon ne se fust
addressée à Minerve. Elle
luyparle Luy dit d'aller
dans le Camp des Grecs,
de parcourir i leur armée,
de lesretenir, & de les
empescherdemettre leurs
Vaisseauxenmer. Minerve
obéit. Elle trouve
Ulysse qui ne donnoitaucunsordres
pour les Vaisseaux.
L'encourage à retenir
les Grecs par de douces
paroles. vers hj. 18re
Ulysse parcourt l'armée
avec diligence. Rencontre
sur son chemin Ar<smemnon
dont il prend le
Sceptre. Ce qu'il dit aux
Rois qu'il rencontre. De
quelle maniere il parleaux
Soldats seditieux quand il
en trouve. vers 182. 206.
Les discours d'Ulysse
font un puissant effet sur
toute l'armée. LesSoldats
sortent de leurs Vaisseaux
pour une seconde assemblée.
Leur bruit comparé
au mugissement des flots
irritez, LesGreess'asseient
dans un profond silence.
Le seul Thersite fait un
bruit horrible. Portrait
hideux de Thersite. Sa
taille. Son caractere d'esprit.
Il parle insolemment
d'Agamemnon en sa presence.
Veut justifier le
ressentiment d'Achille.
Est d'avis que les Grecs
retournent dans leur patrie.
Ulysseluyrespond.
Le traire ignominieusement.
Le frappe du Sce-,
ptre d'Agamemnon. Les
épaules de Thersite en
font marquez. Therfite
pleure & se tait. Les
Grecstout affligez qu'ils
sont, ne peuvent s'em pescherd'en
rire. Ce qu'ils
se disent les uns aux autres
à ce sujet. vers207.277
Ulysse s'avance au milieu
de l'assemblée. Minerve
est auprèsde luy
fous la forme d'un Heraut
& fait faire silence
:J.
afin
que l'onentende les conseilsd'Ulysse.
Ulysseparle
à Agamemnon. Luy rcpresente
que les Grecs
veulent le couvrir de confusion
par le dessein qu'ils
ont de retournerchez eux.
Luy rappelle la prophetie
de Calchas au sujet d'un
prodige qui préfageoit la
prise de Troye après neuf
ans,figurez par le nombre
de huit passereaux & de
leur mere devorez par un
dragon. Conclut que les
Grecs doivent demeurer
jusqu'à ce que laVille de
Priamsoitsaccagée. everi
278.332-
LesGrecsapplaudissent
par de grands cris aux discours
d'Ulysse. Nestorse
leve. Dit qu'il n'y a point
de temps à perd re. Est
d'avis que l'armée soit
rangée par Nations
>
afin
que l'on reconnoiffe ceux
qui auront combattu avec
courage, & ceux quin'auront
pas fait leur devoir.
vers 353.368.
Agamemnon approuve
& louë le discours de Nestor.
Convient du mauvais
effet de sa querelle avec
Achille. Advouëqu'il s'est
emporte le premier. Dit
que la perte des Troyens
est asseurée s'il est jamais
d'accord avec Achille.
Commandeauxtroupe,
de prendre de la nourritu.
re pour se disposer au combat.
Leur annonce une
grande & sanglante journée.
Menace de more tous
ceux qui demeureront
dans leurs Vaisseaux loin
du combat. Les Grecs font
descrisde joye. Leretentissement
de l'air comparé
à celuy des flots irritez.
vers 369. 399
2 Les Soldats fc levent.
Se dispersent dans leurs
tentes. Prennent leur repas.
Chacun fait des sacrifices
au Dieu qu'il adore
pour se le rendre favorable,.
Agamemnon immole
un taureau. Menelas
son frere se trouve à
ce sacrifice. Priere d'Agamemnon
àJupiter. Jupiter
reçoit son Sacrifice
sans avoir dessein d'exaucer
ses voeux. Description
du Sacrifice, ( comme au
premier Livre. ) Nestor
dit qu'il faut profiter da
temps. Ranger l'armée
en bataille,&donner enfuite
le signal du combat.
D
evers 400. 440.
Les Grecs s'assemblent,
& prennent leur rang.
Minerve est au milieu.
d'eux qui les remplie d'ardeur
& d'impatience. L'éclat
des armes compare à
celuy du feu qui ravage
une vasse forest. Bataillons
& Escadrons comparez
à des troupes nombreuses
d'oiseaux. Nombre
des Soldats comparé
à celuy des fleurs, des
feuilles, Se des mouches
qui s'assemblent autour
d'une bergerie à l'heure
qu'on remplie les vaisseaux
de lait. Les Chefs
rangent leurs Troupes &
les reconnoissent avec
autant de facilité que les
Pasteurs reconnoiffenc
leurs troupeaux de Chevres
qui se sont meslées
dans les pasturages. Agamemnon
brille ce jour-là
d'une majesté éclatante.
Ressemble à Jupiter ,
à
Mars ,ôc à Neptune. Est
comparé ensuite à un fier
taureau. vers 441. 483.
Denombrement des
Troupes Grecques & de
leurs Vaisseaux. Précedé
d'une invocation aux Muses,
vers 484. 680.
Denombrement particulier
des TroupesThessaliennes
,
qui sont celles
d'Achille. Précedé d'une
autre invocationà la Muse.
'Vers 681. 760.
Quatrième invocation
à la Muse. Pour sçavoir
qui estoit le plus vaillant
des Princes qui suivirent
Agamemnon. Et quels
estoient les meilleurs chevaux.
Eumelus Roy de
Phéres pouvoit se vanter
d'avoir les deux meilleures
cavalles de l'armée. Ajax
estoit le plus vaillant de
tous les Princes après Achille,
& les chevaux d'Achille
estoient meilleurs
que ceuxd'Eumelus.Mais
Achille ne sortoit point de
ses Vaisseaux à cause de
son ressentiment.SesTroupes
se divertissoient sur le
rivage, & les Chefs des
Troupes Thessaliennes se
promenoient dans le
Camp fort tristes de ce
que leur General ne les
menoit point au combat.
vers 761. 779.
L'armée des Grecs s'avance
en ordre de bataille.
L'éclat de leurs armes
mes comparé à celuy d'une
plaine embrasée. > La
terre qui retentit fous leurs
pieds, fait le mesme bruit
-.
que le tonnerre qui gron-
:
de. iV*r ?• vers 780. 78r.
: -." Iris la messagere des
Dieux, prend la forme de
• Polices ( un des fils de
Í" i Priam) qui estoit en fen-
1 tinelle hors des portes de -
1 la Ville, pour observe
quand les Grecs s'avanr
ceroient. Elle averti
Priam que les Grecsviennent
l'attaquer. Luv conseille
de ranger ses Trou-
.,
pesfous leurs Chefs par
Nations & par lignées.
vers786.806.
On court aux armes.
Dansun moment toute la
Cavalerie & l'infanterie
fort de la Ville & s'affenlble
fous une colline à quelque
distance des portes.
Noms des Chefs Troyens.
Etat de leurs Troupes.
*wn807.877»
ARGUMENT
du troisiéme Livre,
Les Troyens s'avancent
avec un bruit confus, 8c
des cris perçans. Comparez
à des oiseaux & des
grues. Les Grecs marchenten
silence. Lapout
fiere que les deux armées
font lever en marchant,
Comparée au brouillard.
Lesarméesfonten prefence.
Pâris s'avance à la
teste des Troyens. Comment
il est armé. Menelas
de son coite s'avance a
>
grands pas. Il estcomparé
àun Lion arrame qui
est tombé sur un Cerf.
Pâris le voyant s'enfuit.
Paris comparé à un Voyageur
qui apperçoit un Serpent
dans le fond d'une
forest.<- versI. 37.
Hedtop reproche à Paris
sa lâcheté.ver38.s57.
1
Paris respond modefl
temenc à Hedor, donr il
compare lecourage au
fer d'une hache qui nese
rebrousse jamais. Il reprend
courage. Est resolu
de se battre avec Menelas
en combat singulier. A
cesconditions: qu'Helene
& toutes les richesses
appartiendront au vainqueur;
que les Troyens,
apre'savoit fait alliance
avec les Grecs, demeureront
paisibles dans leur
Ville, & que les Grecs s'en
- retourneront. He&or
plein de joye de la resolution
de Paris
,
s'avance
à la celle des deux armées
pour en informer les TroyensSe
les Grecs. Ceuxcy
qui ignorent son deCsein,
font pleuvoir sur luy
une gresse de traits. Aga-,
memnon leur dit d'arrester.
Qu'Hector a quel.,.
que chose à leur dire. Les
Grecs cessent de tirer.
Hector parle & repete ce
que Pâris luy a dit. Menelas
respond. Declare
qu'il consent à ce que Pâris
propose, ravi de pouvoir
terminer seul une
longue guerre qui n'aesté
entreprise que pour luy.
Veut que ce son Priam
luy
-
mesme qui jure l'a}.
liance que les Grecs doivent
faire avec les Troyens.
Et pourquoy. Que
pour scéeller cet accord
il soit immolé trois agneaux
;deux de la part des
Troyens, & un de la part
des Grecs. vers 58. 110.
Cette proposition est
receuë avec joye des deux
armées. Les Grecs & les
Troyens mettent bas leurs
armes,& ran gent leurs
chevaux par file.Hedor
envoye deux Herauts à
Troye pourfaire venir
Priam
*
& pour apporter
deux agneaux. Agamennon
donne ordre à Talthybius
d'aller aux Vaisseaux
des Grecs, & den
apporter un troisiéme.
Iris prend la forme de
Laodiceune des filles de
Priam, & va avertir Helene
de rout ce quise paue.
Elle trouve Helene occupee
à un ouvrage de hrolot
derie. Elle representoit
sur un voile les combats
que les Grecs & les Troyens
livroient pour elle;
Iris luy dit de venir voir
des choses surprenantes.
Que Paris ôc Menelas
vont
vont combattre seuls
,
&
qu'elle doit estre le prix
du vainqueur. La Oéeffe
inspire dans ce moment
à Helene un très-grand
defirde retourner àLacedemone
avec son premier
mari. vers III. 140.
Helene se met en chemin
avecdeux de ses femmes.
Elles arrivent aux
portes de Scées
,
où elles
trouvent plusieurs vieillards
assis sur le haut d'une
tour, qui deliberoiententr'eux
sur les moyens de
faire cesser les malheurs
de Troye. Ces vieillards
comparez à des cigales.
Ils sont frappez d'admiration
en voyant Helene.
Ce qu'ils se disentàce sujet.
Priam qui estoit parmi
eux l'appelle. L'a fait
asseoir auprès de luy
,
&
voyant tous les Chefs de
l'armée Grecque, luy en
montre un d'abord,& luy
demande qui il est. Helene
respondque c'est Agamemnon.
Il luy en fait
voir un autre & le compare
à un belier dans tia
grand troupeau de brebis
qui le reconnoissent pour
leur Roy. Helene dit que
c'est le prudent Ulysse.
Antenor,un des vieillards,
prend la parole, & dit à
Helene qu'il se fouvienc
d'Ulysse & de Menelas ,
lorsqu'ils vinrent en qualité
d'Ambassadeurs envoyez
par les Grecs pour
la redemander. Et prend
de là occasion de dire de
quellemaniéréils parloient.
l'un & l'autre dans
lesassemblées, & quelle,
éstoit leur contenance.
Priamvoit un autre Guerrier,
& demande à Helene
qui il est. Elle dit que
c'est Ajax. Elle montre
IdomenéeàAgamemnon.
Dit qu'erereconnoift cous
les Chefs. Ettsorprised'e
ne pointvoir parmieux ses
deux freres Castor& Pollux.
Croit qu'ilsn'ont pas
daigné prendre les armes
pour elle, Elle ignore en
effet qu'ils font tous deux
morts à Lacedemone.vers
I42.Z44. ; ,-
:;
Cependant les Hérauts
traversent laVille portant
les Vi^inics3avçcvq Qutre
d'excellent vin. Ideus
estant arrivé prés dePriam
le pressede partir, luy disincque
les Généraux
Grecs &Troyens Jepriene
de venir dans la plaine, (où son fils Paris doit
combattre avec Menelas)
pour y jurer la paix entre
les deux partis. Le Vieillard
tout tremblant monte
sur son char avec Antenor.
Ils arrivent & s'avancent
entre les deux armées.
Premiere ceremonie
pour le sacrifice. Priere
d'Agamemnon. Il renouvelle
& répété les conditions
du Traité,qui sont:
que si Menelas tué. Pâris,
(ces termes sontremarquables)
il emmenera Helene
avec toutes ses richesses
; au contraire Helene
demeurera à Pâris s'il tuë
Menelas.Victimes égorgées.
Priere à Jupiter dans
les deuxarmées ( non éxaucée.)
vers 145. 302.
Les libations achevées,
Priam prend congé des
deuxarmées,disantqu'il
n'a pas la force de voir
combattre son fils avec
Menelas. Il remonte sur
son Char , em porteavec
-
luyles deuxagneaux,vers
303-1313 ?-• 'v
-t)I Hector & Ulysse mesurent
le champ de bataille.
Ils,mettent lesfores dans
uncalque & les meslent
pour les tirer,& pourvoir
lequel de Menelas ou de
Pâris doit le premier lancer
le javelot. Prièreaddressée
auxDieux par les Grecs
ôc les Troyens. Hector
mesle les forts. Celuy de
Paris fort le premier, paris.
& Menelas s'arment.
De quelle maniéré Pâris
est armé. Ils se mesurent
l'un l'autre. Paris le premier
lance un javelor. il
atteint le bouclier de Menelas
sans le percer. Me-"
nelas leve son dard.Addresse
sa priere à Jupiter.^
Lance son javelot qui va
percer le bouclier de Paris
aauussni i bien que la cuirasse,^ libienquelaculrafiè
& déchiré la tunique pres
du flanc sans blesser Paris.
Menelas tire son épée &
en décharge un grand
coup sur le casque de son
ennemy. L'épée serompe.
& luytombe de la main.
Menelas s'en prend à Jupirer
, & luy addresse la
paroleaveccolere. Se jette
sur Pâris, le prend par
le casque & le tire du costé
des Grecs. La courroye se
casse, & le casque luy demeure
dans la main. Ille
jette loin de luy du costé
des Grecs. Il veut encore
se lancer sur Pârispourluy.
oster la vie. Mais Venus
couvre Paris d'un nuage.
Le dérobe aux yeux & à
la fureur de Menelas. Le
porte dans une Chambre
du Palais de Priam toute
parfumée. Elle l'y laisse-
Elle prend la forme d'une
vieille femme qu'Helene
avoit auprés d'elle à Lacedemone
,& qu'elle aimoic
tendrement. Ellevatrouver
cette Princesse. La
prie de venirvoir Paris
qui l'attend dans le Palais,
plein d'amour & d'impatience.
Helenereconnoift
Venus malgré son deguisement.
Luy fait des reproches
de ce qu'elle veut
la tromper. La renvoye
à Paris avec mépris. Luy
declare qu'elle n'ira point
le trouver, que cette démarche
la deshonoreroic.
Venus la menace de l'abandonner
si elle ne luy
obéit. Heiene intimidée
se couvre de son voile pour
n'estre point veuë, & Ce
laisse conduire par la
Déesse. vers314.410.
.( Estant arrivées au Palais
de Paris, Venus prend
un siege pour Helene
,
ôc
le met visà-vis de Pâris.
Helene s'y place, &sans
le regarder luy fait de sanglanes
reproches de son
peu de courage. Paris respond
qu'un autre jour les
Dieux le proregeront;
comme ils ont proregé
cette fois-cy Menelas qui
doit sa victoire au secours
de Minerve. Il excite Helene
à ne plus songer qti
aux plaisirs. Illuydeclare
qu'il ne l'a jamais aimée
avec tant de passïon qu'au
moment qu'il luy parle.
Il k leve & passe dans une
autre chambre. Helene
le fuir. vers 421.447.
Pendant ce temps-là
Menelascherche partout
son ennemy qui luy estoit
échappe, & qui, pour son
bonheur,n'avoit esté veu
par aucun des Grecs ni des
Troyens: car les Troyens
eux-mesmes le haïssoient
& lauroienc livréààMenelas.
Enfin Agaraemnon
haùssant la voixdemande
aux Troyens leprix de la
victoire de Menelas, suivane
les conditions du traité.
Tous les Grecapplau.
disset àsademande
de l'Iliade en forme
deTable.
Et Extrait a esté
fait avec tantd'exactitude,
d'ordre
,
& de jugement,
qu'il peutsuffire pour
donner une idée generale
del'Iliade d'Homere à
ceux qui ne l'ont jamais
leuë, il peut estreutile
en mesme temps à ceux
qui possedent parfaitement
leur Homere,puisque
c'est un tableau en
racourci,ouplustost une
efquice dont le trait peut
quelquefois
,
reveiller
leurs idées, & leur aider
à jouir plus facilement
de ces peintures poëtiques
qui occupent, &
qui flattent si agréablement
leur imagination;
ceux qui craignent de
perdre de veuë la charmante
Iliade
, me doivent
sçavoir bon gré de
leur donner enmignature
le portrait de leur maistresse,
c'est leur prouver
assez que je ne blat:
me point leur attachement.
J'auray peut-estre dans
la fuite la mesme attention
pour ceux qui iont
amoureux de Rabelais,
cela dépendra du loisir
de mes amis, c'etf à la
complaisance de l'un
d'eux que j'ay obligation
de cet Extrait, qui
a deu estre aussi ennuyeux
à faire
, que je
le crois utile au Public.
Leschiffres qui ifont a
la fin de chaque article,
marquent laplace f.5 l'efitendue
des matieres. Par
exemple I. 5. c'est-à-dire
que l'invocation pour
chanter la colere d'Achille
commence au I.
vers cffinit au 5.
ARGUMENT
du premier Livre.
Le Poëte invoque la
Muse pour chanter les effets
pernicieux de la colere
d'Achille. Vers I. 5.
Sujet de la colere d'Achille.
vers 6. 11. ehryCes Pre stre d'Apol-
- lon vient au camp des
Grecs chargé de presens
pour racheter sa filleChryseis
qui estoit esclave d'Agamemnon.
vers II. 1).
,
Sa harangue aux Grecs
àce sujet. vers16.20.
ConsentementdesGrecs.
Refus d'A gamemnon. Il
menace Chryfes. Ce
vieiliardintimide se retire.
Sa priere à Apollon.
Exaucée sur le champ.
Apollon. pendant neuf
jours frappe toute l'armée
des Grecs de traits empoisonnez&
y répand la
peste. vers 21. 52.
Achille convoque une
assemblée. Il dit à Agamemnon
qu'il faut consulter
quelque Devin pour
sçavoir le sujet de la cruelle
colered'Apollon, vers
53.66.
Calchas fils de Thestor
se leve & se met en devoir
de l'expliquer. Il n'ose le
faire à moins qu'Achille
ne luy promette de le proteger
contre ceux à qui sa
déclaration pourroit de- plaire. vers 67. SI.
Achillele luy promet.
Le Devin parle. Dit qu'il
faut renvoyer Chryseis.
sansrançon,avec uneHecatombe
pour calmer Apollon.
vers83.99.
Agamemnon se fasche
contre le Devin. Tesmoigne
la repugnance qu'il a
de renvoyer Chryseis,
Declare qu'il la prefere
mesmeà la Reine Clytemnestre
sa femme
,
& pourquoy.
Prend neanmoins
la refoî ution de la renvoyer
pour le salut de son
peuple. Demande qu'on
le dedommage, vers 100.
J19.
Achille prend la parole.
Agamemnon luy respond
avec hauteur, & dit
qu'il pourroit bien luy enlever
à luy-mesme sa ca ptive
Briseis. vers 120 146
Achille s'emporte & éclatte
en injures contre
Agamemnon. vers 147.
lyo.
Agamemnon respond
avec aigreur & reitere les
menaces qu'il a faites à
Achille de luy enlever Brifeis.
vers liJ. 186.
0 Achille entre enfureur.
Delibere s'il tuëra Agamemnon.
Son épée est à
*i
demitirée. Mais Minerve
descenduë par l'ordre
de Junon, s'arreste derriere
Achille, le retient
par les Cheveux, & ne se
rend visiblequ'à luy. A>
chille se retourne. La reconnoist.
Luy demande
avec colere ce qu'elle
vient faire là. Pallasluy
respond qu'elle vient le
calmer. a Luy permet le
reproche,& luyconseille
de ne point passerauxvoyes
de fait. Achille enfonce
son épée dans le
fourreau. Minerve s'en
retourne. vers 187. m,
Achille continuë de
s'emporrer contre Agamemnon
& luy die des
injures atroces. Il jure
par; son Sceptre que jamais
les Grecs n'auront de
luy aucun secours. vers
222.24'.245.
Agamemnon qui ne
peut plus tenir contre les
invectives d'Achille, est
prest à se porter à quelque
violente extremité.
Mais le vieux Nestor se
leve, ôcse fait entendre
a ces deux Chefs irritez.
Il leur parle avec l'authorité
& le caractere que
luy donnent son grand âge
& sa longue experience.
vers246.283.
Agamemnon respond à
Nestorqu'Achille est un
homme qui veut toutemporter
par hauteur, mais
qu'il n'est pas d'humeur à
luy ceder. Achillereplique.
Apres quoy ces deux
Chefs se levent & rompent
l'assemblée. Achille
se retire dans son quartier
avec Patrocle. Agamemnon
fait mettre en mer un
de ses navires après l'avoir
pourveu de victimes pour
l'Hecatombe.Ilmene luymesme
Chryseis au Vaisseau
& l'y fait monter.
Ulysse est choisi pour la
conduites Le ,Vaisseau
part.vers 284. 311.
L'armée d'Agamemnon
se purifie. Hecatombes
offertes à Apollon sur
le rivage mesme. vers 312. 316. Agamemnon ordonne
à Talthybius & à Euribate
ses deux Herauts, d'aller
à la tente d'Achille
prendre Briseis & l'amener.
Que si Achille la
refuse il ira la prendre luymesme
bien accompagnée
vers 317.314.
Les deux Herauts arrivent
à la tente d'Achille,
& notent luy addresser la
parole. Achille qui voit
leur peine les prévient ôc
leur dit, qu'ils sont innocens
de l'affront qu'on luy
fair. Qu'il ne se plaint
que d'Agamemnon qui
envoye chercher Briseis.
En mesme temps il dit à
Patroclede laluy amener,
&
& de la remettre entre les
mains des Hérauts.Achille
reitere en leur presence
la menace qu'il a
faite à Agamemnon, de
ne jamais secourir les
Grecs. Patrocle amene
Briseis. Elle s'en va avec
les deux Herauts. vers 326.
347.
Achille va au bord de
la mer, & versant des
larmes, addresse sa plaince
à Thetis. La Déesse
fort des eaux , & luy demande
le sujet de son affliction.
Achilleluy: ep
dit la cause. La prie de
venger l'affrontqu'il a receu.
Devoir Jupiter. De
l'engager ( pour punir Agamemnon
de luyfaire
reconnoistre sa¡fatJce) :
à
secourir les Troyens,&
leur donner l'avantage sur
lesGrecs, ; ; Ilfaitressouvenir
Thetis en cet endroit
d'un service important
qu'elle rendit autrefois
à Jupiter; au,moyen
de quoy il ne -luy doit rien
refuser. Theris promet
à Achille qu'elle fera ce
qu'il luydemande, & qu'-
À*A **-
auss-tôt que Jupiter, qui
estalléàunfestin dont les
Ethiopiens l'ont prié, sera
retourné itu Ciel
,
elle ira
le voir & luy parler. Thetis
disparoift, &elle laisse
son fils tres affligé de la
perte de Briseis.vers347.
429.
Ulysse qui conduisoit
l'Hecatombe pour Apollon,
arrive dans le port de
Chrysa.Description dela
manoeuvre d'un Vaisseau
arrivé au port. Ulysse
parle à Chryfes
, & luy
presente sa fille,vers429.
Sacrifice. Priere de
Chryses à Apollon. Exaucée
dans le moment.
Festin.Libations. vers
446.470.
Les Grecs se retirent,
& paisens la nuit sur leur
Vaisseau. Le lendemain
ils retournent au Camp,
aydez d'un vent favorable
qu'Apollon leur en.
voye. lis se distribuent
dans leurs tentes,vers471.
483-
Achille se tient tousjours;
dans son quartier. Ne va
point aux assemblées.S'abandonne
entierement à
son chagrin. vers 484.491.
Le douzième jour Jupiter
estant revenu d'Ethiopie
,Thetis va le trouver
à récart au plus haut
sommet de l'Olympe.
Priere de Thetis à Jupiter.
Ju piter ne respond rien.
Thetis le presse. Jupiter
luy promet ce qu'elle demande
,
& confirme sa
promesse par un signe de
teste, donc tout l'Olympe
estébranlé, vers491.529.
•
Thetis s'en va. Ju piter
retourne dans son Palais.
Les Dieux vont au devant
deluy. Ilseplacesurson
Throne. Junon qui n'ignore
pas son dessein, parce
qu'elle l'a veu avec
Thetis,luy reproche d'un
son aigre le mystere qu'il
luy en fait. Jupiter ILy
respond d'abord avec moderation.
Junon continuë
de luy parler avec
hauteur. Jupiter la menace.
Elle se tait Vulcain
prend la parole, &
represente à sa mere qu'il
saur ménager Jupiter. Il
presente une coupe à Junon.
Il raconte la plaisante
histoire de Cacheute.
Il verteà boireaux Dieux.
Son empressement à les
servir, fait rire toute Tafsemblée
( parce qu'il boite.
) Après un repas trèsjoyeux
chaque Dieu va se
coucher dans son Appartement.
Junon couche
auprès de Jupiter.
ARG V MENT
dusecond Livre*
Jupiter pour executer
la promesse qu'il a faite
à Thetis de relever la
gloire d'Achille, & de
rendre les Troyensvictorieux
,
appuiele Songe,
luy commande d'aller
trouver Agjmernnon
,
&
de direàce Prince,qu'il
,
fasTearmer;ùj^le.Grecs,
qu'il mette toute son armée
en barri'le. Qu'il
luy fasse entendre que le
jour
jour est veuu qu'il va se
rendre maistredela Ville
deTroye. Le Songe part.
prend la forrne deNestor.
Se place sur la teste d'Agamemnon.
Luy redit les
paroles de Jupiter, & se
retire. vers 1 35.
Agamemnon se leve.
S'habille. Donne ordre
du grand matin à ses Herauts
de faire assembler
tous les Grecs. Pendant
ce temps-là il tient conseil
avec les principaux
Chefs dans le Vaisseau de
Nestor. Leur dit les parôles
du Songe. Leur fait
part du dessein qu'il a de
fonder le courage des
Grecs. Je vais,dit-il, leur
ordonner de s'enfuirsur leurs
Vaisseaux VÙUS) de vostre
cpfté vom les retiendrez par
de douces paroles. Nestor
represente qu'il faut adjousterfoy
au Songe d'Agamemnon
, parce qu'il
ne faut pas dourer que Jupiter
ne l'ait envoyé. Die
qu'il faut executer le projet
du Roy. vers 35.84.
Les Troupes arrivent.
L'armée comparée à des
Legions d'abeilles, vers 86.
5)6*
NeufHerauts font faire
silence dans l'armée. Le
Roy se leve tenant en
main son Sceptre. Histoire
de Sceptre d'Agamemnon.
vers96.109.
Agamemnon parle aux
Grecs. Il leur represente
que depuis neuf années
leur armée se consume à
attendre vainement l'effet
des promesses de Jupiter,
qui ne s'accomplissent
point. Qu'il faut prendre
le party de s'en retourner.
(Ce discoursestplein d'artifice
& ne rend qu'à persuader
aux Grecs tout le
contraire de ce qu'on leur
propose ) mais les paroles
du Roy sont prises à la Jet,
tre par la multitude qui
ive penetre pas son dessein.
Emotion de l'armée comparée
à celle des flots, &
des moissons agitées par le
vent. Les Soldats courent
à leurs Vaisseaux pour
les mettre en estat. vers
100. IJ4.
1,
Dans ce moment le retour
des Grecs estoit conclu,
si Junon ne se fust
addressée à Minerve. Elle
luyparle Luy dit d'aller
dans le Camp des Grecs,
de parcourir i leur armée,
de lesretenir, & de les
empescherdemettre leurs
Vaisseauxenmer. Minerve
obéit. Elle trouve
Ulysse qui ne donnoitaucunsordres
pour les Vaisseaux.
L'encourage à retenir
les Grecs par de douces
paroles. vers hj. 18re
Ulysse parcourt l'armée
avec diligence. Rencontre
sur son chemin Ar<smemnon
dont il prend le
Sceptre. Ce qu'il dit aux
Rois qu'il rencontre. De
quelle maniere il parleaux
Soldats seditieux quand il
en trouve. vers 182. 206.
Les discours d'Ulysse
font un puissant effet sur
toute l'armée. LesSoldats
sortent de leurs Vaisseaux
pour une seconde assemblée.
Leur bruit comparé
au mugissement des flots
irritez, LesGreess'asseient
dans un profond silence.
Le seul Thersite fait un
bruit horrible. Portrait
hideux de Thersite. Sa
taille. Son caractere d'esprit.
Il parle insolemment
d'Agamemnon en sa presence.
Veut justifier le
ressentiment d'Achille.
Est d'avis que les Grecs
retournent dans leur patrie.
Ulysseluyrespond.
Le traire ignominieusement.
Le frappe du Sce-,
ptre d'Agamemnon. Les
épaules de Thersite en
font marquez. Therfite
pleure & se tait. Les
Grecstout affligez qu'ils
sont, ne peuvent s'em pescherd'en
rire. Ce qu'ils
se disent les uns aux autres
à ce sujet. vers207.277
Ulysse s'avance au milieu
de l'assemblée. Minerve
est auprèsde luy
fous la forme d'un Heraut
& fait faire silence
:J.
afin
que l'onentende les conseilsd'Ulysse.
Ulysseparle
à Agamemnon. Luy rcpresente
que les Grecs
veulent le couvrir de confusion
par le dessein qu'ils
ont de retournerchez eux.
Luy rappelle la prophetie
de Calchas au sujet d'un
prodige qui préfageoit la
prise de Troye après neuf
ans,figurez par le nombre
de huit passereaux & de
leur mere devorez par un
dragon. Conclut que les
Grecs doivent demeurer
jusqu'à ce que laVille de
Priamsoitsaccagée. everi
278.332-
LesGrecsapplaudissent
par de grands cris aux discours
d'Ulysse. Nestorse
leve. Dit qu'il n'y a point
de temps à perd re. Est
d'avis que l'armée soit
rangée par Nations
>
afin
que l'on reconnoiffe ceux
qui auront combattu avec
courage, & ceux quin'auront
pas fait leur devoir.
vers 353.368.
Agamemnon approuve
& louë le discours de Nestor.
Convient du mauvais
effet de sa querelle avec
Achille. Advouëqu'il s'est
emporte le premier. Dit
que la perte des Troyens
est asseurée s'il est jamais
d'accord avec Achille.
Commandeauxtroupe,
de prendre de la nourritu.
re pour se disposer au combat.
Leur annonce une
grande & sanglante journée.
Menace de more tous
ceux qui demeureront
dans leurs Vaisseaux loin
du combat. Les Grecs font
descrisde joye. Leretentissement
de l'air comparé
à celuy des flots irritez.
vers 369. 399
2 Les Soldats fc levent.
Se dispersent dans leurs
tentes. Prennent leur repas.
Chacun fait des sacrifices
au Dieu qu'il adore
pour se le rendre favorable,.
Agamemnon immole
un taureau. Menelas
son frere se trouve à
ce sacrifice. Priere d'Agamemnon
àJupiter. Jupiter
reçoit son Sacrifice
sans avoir dessein d'exaucer
ses voeux. Description
du Sacrifice, ( comme au
premier Livre. ) Nestor
dit qu'il faut profiter da
temps. Ranger l'armée
en bataille,&donner enfuite
le signal du combat.
D
evers 400. 440.
Les Grecs s'assemblent,
& prennent leur rang.
Minerve est au milieu.
d'eux qui les remplie d'ardeur
& d'impatience. L'éclat
des armes compare à
celuy du feu qui ravage
une vasse forest. Bataillons
& Escadrons comparez
à des troupes nombreuses
d'oiseaux. Nombre
des Soldats comparé
à celuy des fleurs, des
feuilles, Se des mouches
qui s'assemblent autour
d'une bergerie à l'heure
qu'on remplie les vaisseaux
de lait. Les Chefs
rangent leurs Troupes &
les reconnoissent avec
autant de facilité que les
Pasteurs reconnoiffenc
leurs troupeaux de Chevres
qui se sont meslées
dans les pasturages. Agamemnon
brille ce jour-là
d'une majesté éclatante.
Ressemble à Jupiter ,
à
Mars ,ôc à Neptune. Est
comparé ensuite à un fier
taureau. vers 441. 483.
Denombrement des
Troupes Grecques & de
leurs Vaisseaux. Précedé
d'une invocation aux Muses,
vers 484. 680.
Denombrement particulier
des TroupesThessaliennes
,
qui sont celles
d'Achille. Précedé d'une
autre invocationà la Muse.
'Vers 681. 760.
Quatrième invocation
à la Muse. Pour sçavoir
qui estoit le plus vaillant
des Princes qui suivirent
Agamemnon. Et quels
estoient les meilleurs chevaux.
Eumelus Roy de
Phéres pouvoit se vanter
d'avoir les deux meilleures
cavalles de l'armée. Ajax
estoit le plus vaillant de
tous les Princes après Achille,
& les chevaux d'Achille
estoient meilleurs
que ceuxd'Eumelus.Mais
Achille ne sortoit point de
ses Vaisseaux à cause de
son ressentiment.SesTroupes
se divertissoient sur le
rivage, & les Chefs des
Troupes Thessaliennes se
promenoient dans le
Camp fort tristes de ce
que leur General ne les
menoit point au combat.
vers 761. 779.
L'armée des Grecs s'avance
en ordre de bataille.
L'éclat de leurs armes
mes comparé à celuy d'une
plaine embrasée. > La
terre qui retentit fous leurs
pieds, fait le mesme bruit
-.
que le tonnerre qui gron-
:
de. iV*r ?• vers 780. 78r.
: -." Iris la messagere des
Dieux, prend la forme de
• Polices ( un des fils de
Í" i Priam) qui estoit en fen-
1 tinelle hors des portes de -
1 la Ville, pour observe
quand les Grecs s'avanr
ceroient. Elle averti
Priam que les Grecsviennent
l'attaquer. Luv conseille
de ranger ses Trou-
.,
pesfous leurs Chefs par
Nations & par lignées.
vers786.806.
On court aux armes.
Dansun moment toute la
Cavalerie & l'infanterie
fort de la Ville & s'affenlble
fous une colline à quelque
distance des portes.
Noms des Chefs Troyens.
Etat de leurs Troupes.
*wn807.877»
ARGUMENT
du troisiéme Livre,
Les Troyens s'avancent
avec un bruit confus, 8c
des cris perçans. Comparez
à des oiseaux & des
grues. Les Grecs marchenten
silence. Lapout
fiere que les deux armées
font lever en marchant,
Comparée au brouillard.
Lesarméesfonten prefence.
Pâris s'avance à la
teste des Troyens. Comment
il est armé. Menelas
de son coite s'avance a
>
grands pas. Il estcomparé
àun Lion arrame qui
est tombé sur un Cerf.
Pâris le voyant s'enfuit.
Paris comparé à un Voyageur
qui apperçoit un Serpent
dans le fond d'une
forest.<- versI. 37.
Hedtop reproche à Paris
sa lâcheté.ver38.s57.
1
Paris respond modefl
temenc à Hedor, donr il
compare lecourage au
fer d'une hache qui nese
rebrousse jamais. Il reprend
courage. Est resolu
de se battre avec Menelas
en combat singulier. A
cesconditions: qu'Helene
& toutes les richesses
appartiendront au vainqueur;
que les Troyens,
apre'savoit fait alliance
avec les Grecs, demeureront
paisibles dans leur
Ville, & que les Grecs s'en
- retourneront. He&or
plein de joye de la resolution
de Paris
,
s'avance
à la celle des deux armées
pour en informer les TroyensSe
les Grecs. Ceuxcy
qui ignorent son deCsein,
font pleuvoir sur luy
une gresse de traits. Aga-,
memnon leur dit d'arrester.
Qu'Hector a quel.,.
que chose à leur dire. Les
Grecs cessent de tirer.
Hector parle & repete ce
que Pâris luy a dit. Menelas
respond. Declare
qu'il consent à ce que Pâris
propose, ravi de pouvoir
terminer seul une
longue guerre qui n'aesté
entreprise que pour luy.
Veut que ce son Priam
luy
-
mesme qui jure l'a}.
liance que les Grecs doivent
faire avec les Troyens.
Et pourquoy. Que
pour scéeller cet accord
il soit immolé trois agneaux
;deux de la part des
Troyens, & un de la part
des Grecs. vers 58. 110.
Cette proposition est
receuë avec joye des deux
armées. Les Grecs & les
Troyens mettent bas leurs
armes,& ran gent leurs
chevaux par file.Hedor
envoye deux Herauts à
Troye pourfaire venir
Priam
*
& pour apporter
deux agneaux. Agamennon
donne ordre à Talthybius
d'aller aux Vaisseaux
des Grecs, & den
apporter un troisiéme.
Iris prend la forme de
Laodiceune des filles de
Priam, & va avertir Helene
de rout ce quise paue.
Elle trouve Helene occupee
à un ouvrage de hrolot
derie. Elle representoit
sur un voile les combats
que les Grecs & les Troyens
livroient pour elle;
Iris luy dit de venir voir
des choses surprenantes.
Que Paris ôc Menelas
vont
vont combattre seuls
,
&
qu'elle doit estre le prix
du vainqueur. La Oéeffe
inspire dans ce moment
à Helene un très-grand
defirde retourner àLacedemone
avec son premier
mari. vers III. 140.
Helene se met en chemin
avecdeux de ses femmes.
Elles arrivent aux
portes de Scées
,
où elles
trouvent plusieurs vieillards
assis sur le haut d'une
tour, qui deliberoiententr'eux
sur les moyens de
faire cesser les malheurs
de Troye. Ces vieillards
comparez à des cigales.
Ils sont frappez d'admiration
en voyant Helene.
Ce qu'ils se disentàce sujet.
Priam qui estoit parmi
eux l'appelle. L'a fait
asseoir auprès de luy
,
&
voyant tous les Chefs de
l'armée Grecque, luy en
montre un d'abord,& luy
demande qui il est. Helene
respondque c'est Agamemnon.
Il luy en fait
voir un autre & le compare
à un belier dans tia
grand troupeau de brebis
qui le reconnoissent pour
leur Roy. Helene dit que
c'est le prudent Ulysse.
Antenor,un des vieillards,
prend la parole, & dit à
Helene qu'il se fouvienc
d'Ulysse & de Menelas ,
lorsqu'ils vinrent en qualité
d'Ambassadeurs envoyez
par les Grecs pour
la redemander. Et prend
de là occasion de dire de
quellemaniéréils parloient.
l'un & l'autre dans
lesassemblées, & quelle,
éstoit leur contenance.
Priamvoit un autre Guerrier,
& demande à Helene
qui il est. Elle dit que
c'est Ajax. Elle montre
IdomenéeàAgamemnon.
Dit qu'erereconnoift cous
les Chefs. Ettsorprised'e
ne pointvoir parmieux ses
deux freres Castor& Pollux.
Croit qu'ilsn'ont pas
daigné prendre les armes
pour elle, Elle ignore en
effet qu'ils font tous deux
morts à Lacedemone.vers
I42.Z44. ; ,-
:;
Cependant les Hérauts
traversent laVille portant
les Vi^inics3avçcvq Qutre
d'excellent vin. Ideus
estant arrivé prés dePriam
le pressede partir, luy disincque
les Généraux
Grecs &Troyens Jepriene
de venir dans la plaine, (où son fils Paris doit
combattre avec Menelas)
pour y jurer la paix entre
les deux partis. Le Vieillard
tout tremblant monte
sur son char avec Antenor.
Ils arrivent & s'avancent
entre les deux armées.
Premiere ceremonie
pour le sacrifice. Priere
d'Agamemnon. Il renouvelle
& répété les conditions
du Traité,qui sont:
que si Menelas tué. Pâris,
(ces termes sontremarquables)
il emmenera Helene
avec toutes ses richesses
; au contraire Helene
demeurera à Pâris s'il tuë
Menelas.Victimes égorgées.
Priere à Jupiter dans
les deuxarmées ( non éxaucée.)
vers 145. 302.
Les libations achevées,
Priam prend congé des
deuxarmées,disantqu'il
n'a pas la force de voir
combattre son fils avec
Menelas. Il remonte sur
son Char , em porteavec
-
luyles deuxagneaux,vers
303-1313 ?-• 'v
-t)I Hector & Ulysse mesurent
le champ de bataille.
Ils,mettent lesfores dans
uncalque & les meslent
pour les tirer,& pourvoir
lequel de Menelas ou de
Pâris doit le premier lancer
le javelot. Prièreaddressée
auxDieux par les Grecs
ôc les Troyens. Hector
mesle les forts. Celuy de
Paris fort le premier, paris.
& Menelas s'arment.
De quelle maniéré Pâris
est armé. Ils se mesurent
l'un l'autre. Paris le premier
lance un javelor. il
atteint le bouclier de Menelas
sans le percer. Me-"
nelas leve son dard.Addresse
sa priere à Jupiter.^
Lance son javelot qui va
percer le bouclier de Paris
aauussni i bien que la cuirasse,^ libienquelaculrafiè
& déchiré la tunique pres
du flanc sans blesser Paris.
Menelas tire son épée &
en décharge un grand
coup sur le casque de son
ennemy. L'épée serompe.
& luytombe de la main.
Menelas s'en prend à Jupirer
, & luy addresse la
paroleaveccolere. Se jette
sur Pâris, le prend par
le casque & le tire du costé
des Grecs. La courroye se
casse, & le casque luy demeure
dans la main. Ille
jette loin de luy du costé
des Grecs. Il veut encore
se lancer sur Pârispourluy.
oster la vie. Mais Venus
couvre Paris d'un nuage.
Le dérobe aux yeux & à
la fureur de Menelas. Le
porte dans une Chambre
du Palais de Priam toute
parfumée. Elle l'y laisse-
Elle prend la forme d'une
vieille femme qu'Helene
avoit auprés d'elle à Lacedemone
,& qu'elle aimoic
tendrement. Ellevatrouver
cette Princesse. La
prie de venirvoir Paris
qui l'attend dans le Palais,
plein d'amour & d'impatience.
Helenereconnoift
Venus malgré son deguisement.
Luy fait des reproches
de ce qu'elle veut
la tromper. La renvoye
à Paris avec mépris. Luy
declare qu'elle n'ira point
le trouver, que cette démarche
la deshonoreroic.
Venus la menace de l'abandonner
si elle ne luy
obéit. Heiene intimidée
se couvre de son voile pour
n'estre point veuë, & Ce
laisse conduire par la
Déesse. vers314.410.
.( Estant arrivées au Palais
de Paris, Venus prend
un siege pour Helene
,
ôc
le met visà-vis de Pâris.
Helene s'y place, &sans
le regarder luy fait de sanglanes
reproches de son
peu de courage. Paris respond
qu'un autre jour les
Dieux le proregeront;
comme ils ont proregé
cette fois-cy Menelas qui
doit sa victoire au secours
de Minerve. Il excite Helene
à ne plus songer qti
aux plaisirs. Illuydeclare
qu'il ne l'a jamais aimée
avec tant de passïon qu'au
moment qu'il luy parle.
Il k leve & passe dans une
autre chambre. Helene
le fuir. vers 421.447.
Pendant ce temps-là
Menelascherche partout
son ennemy qui luy estoit
échappe, & qui, pour son
bonheur,n'avoit esté veu
par aucun des Grecs ni des
Troyens: car les Troyens
eux-mesmes le haïssoient
& lauroienc livréààMenelas.
Enfin Agaraemnon
haùssant la voixdemande
aux Troyens leprix de la
victoire de Menelas, suivane
les conditions du traité.
Tous les Grecapplau.
disset àsademande
Fermer
Résumé : Extrait ou Argument de l'Iliade en forme de Table.
Le texte présente un extrait de l'Iliade d'Homère sous forme de tableau, destiné à offrir une vue d'ensemble de l'œuvre. Cet extrait vise à aider les lecteurs, qu'ils découvrent l'Iliade ou la connaissent déjà, en servant de rappel et d'aide à la compréhension des peintures poétiques de l'œuvre. L'auteur envisage également de créer des extraits similaires pour d'autres œuvres littéraires, comme celles de Rabelais, en fonction de son temps libre et de la complaisance de ses amis. L'argument du premier livre de l'Iliade commence par l'invocation de la Muse pour chanter la colère d'Achille. Le prêtre d'Apollon, Chryses, vient au camp des Grecs pour racheter sa fille Chryseis, esclave d'Agamemnon. Après le refus d'Agamemnon, Apollon frappe l'armée grecque de peste. Achille convoque une assemblée et le devin Calchas révèle qu'il faut renvoyer Chryseis pour apaiser Apollon. Agamemnon, furieux, accepte à contrecœur et demande une compensation, proposant de prendre Briseis, la captive d'Achille. Achille, en colère, menace de ne plus secourir les Grecs. Minerve intervient pour calmer Achille, qui jure de ne plus aider les Grecs. Nestor tente de réconcilier les deux chefs, mais en vain. Agamemnon envoie des hérauts prendre Briseis, et Achille se plaint à sa mère, Thetis, qui promet d'intercéder auprès de Jupiter. L'argument du second livre décrit comment Jupiter, après avoir promis à Thetis de soutenir Achille, envoie un songe à Agamemnon pour l'inciter à attaquer Troie. Agamemnon rassemble l'armée et tente de la persuader de combattre, mais les soldats, découragés, veulent partir. Junon demande à Minerve d'intervenir pour retenir les Grecs. Ulysse parcourt l'armée pour encourager les soldats. Agamemnon, reconnaissant son erreur, commande aux troupes de se préparer au combat. Les Grecs se rassemblent, et Minerve les remplit d'ardeur. L'armée se prépare au combat, et les chefs rangent leurs troupes. Le texte se termine par une invocation aux Muses pour connaître les détails des troupes et des chevaux des Grecs. Le texte décrit ensuite les événements de la guerre de Troie, centrés sur les préparatifs et le combat singulier entre Ménélas et Pâris. Les Grecs, bien armés et disciplinés, avancent en ordre de bataille, tandis que les Troyens, conduits par Hector, se préparent également. Iris, messagère des dieux, avertit Priam de l'avancée des Grecs. Hector organise les troupes troyennes par nations et lignées. Les deux armées se font face, les Grecs en silence et les Troyens avec des cris perçants. Pâris, à la tête des Troyens, est comparé à un voyageur effrayé par un serpent. Hector reproche à Pâris sa lâcheté, mais Pâris décide de se battre contre Ménélas en combat singulier. Les conditions du duel sont établies : le vainqueur obtiendra Hélène et les richesses, et les deux peuples feront la paix. Hector informe les deux armées, et les Grecs cessent de tirer. Priam est informé du duel et se rend sur le champ de bataille avec Anténor. Les hérauts apportent les victimes pour le sacrifice. Agamemnon renouvelle les conditions du traité. Après les prières et les libations, Hector et Ulysse mesurent le champ de bataille. Pâris lance le premier javelot, atteignant le bouclier de Ménélas sans le percer. Ménélas, après une prière à Jupiter, lance son javelot qui blesse légèrement Pâris. Dans la lutte qui suit, l'épée de Ménélas se brise. Vénus intervient pour protéger Pâris, le couvrant d'un nuage et le conduisant dans le palais de Priam.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 65-123
ARTICLE burlesque. Suite du Paralelle d'Homere & de Rabelais.
Début :
Sans interrompre le paralelle d'Homere & de Rabelais, je [...]
Mots clefs :
Homère, Rabelais, Plaisir, Médecin, Parallèle, Hommes, Mari, Oeil, Fous, Dames, Compagnons, Moutons, Caverne, Cyclope, Patience, Marchand, Femme, Dieux, Troupeaux, Paris, Jupiter, Argent, Sourd, Muette, Dissertation
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ARTICLE burlesque. Suite du Paralelle d'Homere & de Rabelais.
ARTICLE
burlesque.
Suite du Paralelle d'Homere&
deRabelais.
SAns interrompre le
paralelle d'Homere&
de Rabelais,je puis interrompre
les reflexions
comiques & serieuses
que j'ai commencéesfutcesdeux
Auteurs. Trop de réflexions
de fuite feroient
une dissertation
ennuyeuse
,
sur tout
pour les Dames, dont
j'ambitionne les suffrages;
elles ont legoût
plus delicat& plus vrai
que les hommes, dont
la pluspart se piquant
,de
<
critique profonde,
sont toûjours en garde
contre ce qui plaÎrjqui
ont, pour ainsidire,
emouue leur goût naturel
à force de science
dC de préjugez; en un
f- mot, qui jugent moins
par ce qu'ils sentent,
que par ce qu'ilssçavent.
Plusieurs Dames af.
fez contentes de quelques
endroits de mes
dissertations, se sont
plaint que les autres
netoient pas assez intelligibles
pour elles,
qui ne sont pasobligées
d'avoir lû Homere ni
Rabelais: il est vrai que
le Poete Grec est à presenttraduitenbonfrançois:
mais Rabelais est
encore du grec pour elles
; je vais donc tâcher
declaircir& de purifier
quelques morceaux de
Rabelais, pour les rendre
moins ennuyeux
aux Dames.
Ces extraits épurez
feront plaisir à celles
qui, curieuses de lire
Rabelais, n'ont jamais
voulu contenter leur
curiosité aux dépens de
leur modestie.
En donnantce qu'il
y a de meilleur dans
Rabelais, je fixerai la
curiosité de celles qui
en faveur du bon, auroient
risqué de lirele
mauvais.
Et s'il y en a quelqu'une
qui n'aiepû resister
à la tentation de
tout lire,elle pourra
citer Maître François à
l'abryde mes extraits,
sans être soupçonnée
d'auoir lu l'original.
Dans la derniere dissertation
j'ai opposé à
une harangue du sage
Nestor, une lettre écrite
à Gargantua par
Grandgousier son pere.
Vous avez vû que Rabelais
s'est mélé du fcrieux.;
Homere lemele
aussi quelquefois du
burlesque, autre sujet
de paralelle.Vousaurez
ici un conte heroïcomique
de l'Odissée, mais
commençons par un
conte de Rabelais;je ne
prétens qu'opposer le
premier coupd'oeil de
ces deuxcontes,&non.
pas les comparer exaétcment:
j'entrouverai
dans la fuite quelquestuinnss
ppluuss pprroopprreess aà eêttrree.
comparez ensemble.
Voici celui de Rabelais,
'f
donc j'ai feulement conservé
le fond, en a joûtant
& retranchant
tout ce que j'aicrû pouvoir
le rendre plus
agréable,& plusintelligible
aux Dames.
LES
LES MOUTONS
de Dindenaut.
<*. En une Naufou Navire
estoitletaciturnien.,
songe-creux,&malignement
intentionnéPanurge
: encemêmè Navire
estoit un Marchand de
moutonsnomméDindenaut,
hommegaillard,
raillard
,
grand rib leur
5
nurgetoutdébifié de mi-
Lie, 6c mal en point d'acouftrement
,
déhousillé
de chevelure
,
vesce
délabrée, éguillettes
rompues, boutons intermitans
chauffes pensantes,&:
lunettes pendues
au bonnet. Le Marchant
donc s'émancipa
en gausseriessur chaque
piece d'iceluy accoustrement,
mais specialement
sur ses lunettes : luy difarteavoir<
fçupar traciitioli
vulgaire que tout
homme arborant lunett
tes sur toûjours onc mal
voulu des femmes étranges
& vilipendé de la
siennedomestique ,sur
lesquels pronostics apostrophant
Panurge en son
honneur, l'appella je ne
sçay comment, id est,
d'un nom qui réveilla i«rPanurgedesaléthargie
^.rêveusej carrêvoitjuste
• en ce momentauxinconveniens
à venir de son
futur mariage. Holà,
holà
, mon bon Marchand
*,
dit d'abord Panurge
d'un air niais 8c
bonnasse, holà, vous disje,
car onc ne fus, ny ne
puis maintenant estre ce
-
que nul n'est que par mariage
: A quoy repart
Dindenaut, que marié
ou non mariée c'esttout
un ; car fruits de Cor-,
nuaille sont fruits précoces
j & m'est avisque
pour porter tels fruits ,
êtes fait &C moulé comme
de cire: ouy , cette
plante mordra sur~vôrre
chef comme chiendenc
sur terre graffe.
Ho ,
ho
,
ho
,
reprit
bonnement Panurge,
quartier, quartier, car
par la vertu- boeuf ou
asne que je suis, ne puis
avoir espritd'Aigle: perçant
les nuës,par quoy
gaudissez-vous de moy,
si c'est vostre plaisir ,
mais rien nerepliqueray
faute de répliqué : prenons
patience.
Patience vous duira
dit le Marchand, , comme
à tant d'autres. Patienceestvertu
maritale.
Patience soit imterrompit
Panurge, mais changeons
de propos : Vous
avez-là force beaux moutons,
m'envendriez-vous
bien un paravanture.
O le vaillant acheteur
de moutons, dit le Marchand.
Feriez volontiers
plus Convenablement
vous acheter un bon ha-,
bit pour quand vous E~
rez marié,habit de lné.)
nage ,
habit avenant ,
manteau profitable
chapeau commode, &,
panache de cerf.
Va-rience, dit Panurge,
& vendez-moy feulc,
ment un de vos Inou,
ton.
Tubleu
,
dit le Mat>
chand, ce seroit fortune
pour vous qu'un de ces
beliers. Vendriez sa fine
laine pour faire draps, sa
Mue peau pour faire cuir s
sa chair friande pour
nourrir Princes, & (i
petite-oye pieds :& teste
vous resteroient, & cornes
encore sur le marché-
Patience,dit Panurge,
tout ce que dites de cornerie
a esté corné aux
oreilles tant & tant de
fois,laissons ces vieilleties
; sottises nouvelles.
sont plus de InÍfea,
-- Ah qu'il dit bien! reprit
le Marchand, il merite
que mouton je luy
vende, ilestbon homme
: ç'a parlons daffaire.
Bon, dit Panurge eit
joye, vous venez au but,
6c n'auray plus besoinde
patience.
T C'a, dit le Marchand,
écoutez - mcy.j'écoute
dit Panurge.
LE M. Approchez cette
oreilledroite.P.
ce. LE M. Et la gauche. l P. Hé bien. LE M. En
l'autre encore. P. N'enay
quecesdeux. LE M.Ouvrez
- les donc toutes
grandes. P. A vôtre commandement.
LE MARC.
Vous allez au pays des
Lanternois? P.Ouy. LE
M. Voir le monde? P,
Certes. LE M. Joyeusement
? P. Voire. Le M,
Sans vous fâcher P. N'en
ayd'envie. LEM. Vous
avez nom Robin. P. Si
VOUS voulez. LE MARC.
Voyez-vous ce Moutons
P. Vous me l'allez vendre,
LEM.Ilanom Robin
comme vous. Ha
9 ha
, ha.Vons allez au
pays des Lanternois voir
le motide,i.oyeuCement,'
sans vous fâcher, ne vous
fâchez - donc guere si
Robin mouton n'est pas
pour vous. Bez, bez
bez; & continua ainsi
bez, bez, aux oreillesdu
pauvre Panurge
) en le
mocquant de la lourderie.
Oh,patience,patience
, reprit Panurge, bai£
sant épaules & teste en
toute humilité
,
à bon
besoin de
-
patience qui
moutons vcut avoir de
Dindenaut; maisje vois
que vous me lanternifibolisez
airtfi pource que
me croyez pauvre here,
voulant acheter sans
payer, ou payer sans argent,
ôc-en ce vous irom- -
pez à la mine, car voicy
dequoyfaire emplette :
disantcela Panurge tire
ample & longue bourse,
que par cas fortuit, contre
son naturel avoit pleine
de Ducacons, de laquelle
opulence le Marchand
fut ébahi, & incontinent
gausserie ccfTa
à l'aspectd'objet tant respectable
comme est argent.
,
Par iceluy alleché
le Marchand demanda
quatre, cinq, six fois
plus que ne valloit le
mouton;à quoy Panurge
fit comme riche enfant
de Paris, le prit au
mot, de peur que mouton
ne luy échapa
,
&
tirant desa bourse le prix
exorbitant, sans autre
mot dire que patience
,
patience, lnie les deniers
, és mains du Marchand
, & choisit à même le
troupeau un grand &
* beau maistre mouton
qu'il emporta brandi
fous son bras
- ,car de
forceautant que demalin
vouloir avoit,cependant
le mouton cryoit,
bêloit Sccn consequance
naturelle, oyant celuy-
cy bêler,bêloient
ensemblement les autres
moutons, commedisant
en leur langage moutonnois,
ou menez-vous
nostre compagnon,
de
mêmedisoient maisen
langageplus articulé les
assistants à Panurge ou
,diantre menez-vous ce
- mouton,& qu'en allezvous
faire, à quoy répond
Panurge le mouton
n'est-il pas à moyy
l'ay bien payé& chacun
de son bienfait selon
qu'il s'avise,ce mouton
s'appelle Robin comme
moy3 Dindenaut l'a dit.
Robin mouton sçait bien * nager je le voisà sa
mine
,
& ce disant subitementjetta
son mouton
en pleine mer, criantnage
Robin, nâge mon mignon
: or Robin mouton
allant à l'eau
,
criant
bêlant; tous les autres
moutons criansbêlans
en pareilleintonation,
commencerent soy jetter
après Se fauter en merà
la file, figue le debat entr'eux
estoit à qui suivroit
le premier son compagnon
dans l'eau, car
nature afait de tousanimaux
mouton le plu»*
sot, & a suivre mauvais
exemple le plus enclin,
fors l'homme.
Le Marchand tout cecy
voyant demeura ftupesait
& tout cHrayey
s'efforçant à retenir fèsmoutons
de tout foi*
pouvoir, pendant quoy
Panurge en son fang
froid rancunier, luy disoit
, patienceDindeinatit.,
patience, & ne
vous bougez, ny tourmentez.,
Robin mouton
reviendra à nâge & ses
compagnons - le refuivront;
venez Robin, venez
mon fils, & ensuite
crioit aux oreilles de
Dindenaut ,., comme avoit
par Dindenaut esté
crié aux siennes en signe
de moquerie, bez, bez,
FinablementDindenaut
voyant perir tous ses
moutons en prit un grãd
& fort par la toison, cuidant
aintl luy retenant
retenir le reste
)
mais d.
mouton puissantentraîna
Dindenaut luy -mê'
me , en l'eau
,
& ce sut
lors que Panurge redoubla
de crier, nâge Robin
, nâge Dindenaut,
bez, bez, bez,tant que
par noyement, des moutons
Sedu Marchand sut
cette avanture finie,donc
donc Panurge ne rioit
que sous barbe, parce
que jamais on ne le vit
rire en plein,queje sçache.
Jecroirois bien que le
caractere de Panurge a
servi de modele pour celuy
de la Rancune. Moliere
a pris de ce seul Con-
-
te-cy deuxou trois Jeux
de Theatre, & la Fontaine
plusieurs bons mots.
Enfin nos meilleursAutheurs
ont puisé dans Rabelais
leur excellent comique,
&les Poëtes dit
Pont -neuf en ont tiré
leursplates boufoiincries.
Les Euripides & les Se-
-
neques ont pris dans Homere
le sublime de leur
Poësie, & les Nourrices
luy doivent leurs Contes
depeau-d'asne,leurs Ogres
qui mangent la
chair fraîche, sont descendus
en ligne droite du
Cyclope dontvousallez
voir Je Conte.
Voiladonc Homere 8t
Rabelais grands modeles
pour l'excellent & dangereux
exemples pour le
mauvais du plus bas
ordre. Homere & Rabelais
occupent les beaux
esprits; mais ils amusent
les petits enfants;humiliez-
vous grands Auteurs
vousestes hommes ;
l'homme a du petit 6C
du grand du haut & du
1 bas; c'est son partage r
& si quelqu'unde nos
Sçavants S'obfbiie à
trouver tout granddans
un Ancien, petitesse
dans -ce Moderne quelque
grand qu'ilsoitd'ailleurs
il prouve ce que ja*
Vance, qu'il ya du petit
c'k., du grand dans tous
les hommes.
Revenons à nos moutons,
diroit Rabelais,
m'avez parlé des moutons
de Dindenaut, si
faut-il trouver aussi moutons
en oeuvres d'Hojnere3
puisque és miens
moutons y a , ou ne se
point mester ny ingerer
de le mettre en paralelle
àl'encontre de moy.
Ouy
Ouy dea, repliquerai
je, on trouvera prou
de moutons dans I'oeuvre
grec, & hardiment
les paralelliserai avec
les vôtres, Maître François;
car avez dit,
ou vous, ou quelqu'un
de votre école, que
chou pourchou Aubervilliers
vaut bien Paris;
& dirai de même, que
moutons pour moutons
Rabelais vaut bienHomere
: or a-t-on déja vû
comme par malignité
Panurgienne moutons
de Dindenaut sauterent
en Iller; voyons donc
commeparastuce l'iyfsienne
moutons de Ciclope
lui fauteront fous
jambe, en sortant de sa
caverne.
LES MOUTONS
DU CYCLOPE. DAns l'isle des Cyclopes
où j'avois PrIsterre,
je descendisavec les plus
vaillans hommes de mon Vaisseau
,
je trouvai une caverne
d'une largeur étonnante. Le
Çyclope qui l'habitoit étoit
aux champs,où il avoit mené
paître ses troupeaux.Toute
sa caverne étoit dans un ordreque
nousadmirions. Les
agneaux separez d'un côté,
les chevreaux d'un autre, &c.On yoyoit là de grands
pots à conserver le lait , ici
des paniers de jonc, dans lesquels
il faiioic des fromages,
&c. Nous avions aporté du vin,
pris chez les Ciconiens, &c..
Nous buvions de ce vin, &
mangions les fromages du Cy.
clope, lors qu'il arriva.
Je fus effrayé en le voyant.
C'étoit un vaste corps comme
celui d'une montagne; il n'y
eut jamais un monstre plus
épouvantable: il portoit sur
ses épaules une charge efrrbois
sec; le bruit qu'il fit en le jettant
à terre à l'entrée de la
caverne, retentit si fort, que
tous mes compagnons saisis de
crainte,secacherent en differens
endroits de cette terrible
demeure.
Il fait entrertoutes ses brebis;
il ferme sa caverne, pousfant
une roche si haute & si
forte, qu'il auroit été impossible
de la mouvoir, à
force de boeufs ou de chevaux.
Je le voyois faire tout fou
ménage,tantôt tirer le lait
de ses brebis, & Enfin il
allume ion feu, & comme
l'obscurité qui nous avoit cachez
fut dissipée par cette
clarté, il nous apperçut : Qui
êtes-vous donc, nous dit-il
d'un ton menaçant 2 des Pirates,
qui pour piller & faire
perir les autres hommes,ne
craignez pas vous-même de
vous exposer sur la mer ?
Quoy ? des Marchands que
l'avarice fait passer d'un bout
de l'U nivers à l'autre pour
s'enrichir,entretenant le luxe
de leur Patrie ? êtes-vous des
vagabons qui courez les mers
par la vaine curiosité d'apprendre
ce qui se passe chez
autruy.
Je pris la parole, & luy dis
que nous étions de l'armée
d'Agamemnon
, que je le
priois de nous traiter avec
l'hospitalité que Jupiter a
commandée,& de se souvenir
que les Etrangers font
fous la protection des Dieux
> & que l'on doit craindre de
les offenser.
Tu es bien temeraire
, me dit-ilfïerement, de venir de
si loin me discourir sur la
crainte & sur l'obeïssance
que tu dis que je dois aux
Dieux:apprens que les Cyclopes
ne craignent ni vôtre
Jupiter ni vos Dieux: pour
n'avoir été nouris d'une chevre,
ils ne s'estiment pas moins
heureux, je verray ce que je
-
dois faire de toy ,
je n'iray
point consulter l'Oracle làdessus,
c'est mon affaire de
sçavoir ce que je veux, &c.
Je lui parlai encor pour tâcher
de l'adoucir: mais dédaignant
de me répondre, il
nous regardoit avec (on oeil
terrible; (car les Cyclopcs
n'en ont qu'un.) Enfin il se
saisit tout d'un coup de deux
de mes compagnons,& a près
les avoir élevez bien haut, il
les abbatit avec violence, &
leur écrasa la tête: il les met
bientôt en pieces,la terreest
couverte de leur sang, il est
ensanglanté lui-même:ce montre
, ce cruel monstre les
mange, les devore: Jugez en
quel état nous étions 2
Aprés s'être rassasié de cette
abominable maniere
,
il
but plusieurs cruches de lait,
& s'étendit pour dormir au
milieu de ses troupeaux. Combien
de fois eus-je dessein de
plonger mon épée dans son
corps ?&c.mais il auroit salu
périr dans cette cavernes
car il étoit impossible d'ôter
la pierrequi la fermoit : il falloit
donc attendre ce que sa
cruauté decideroit de nôtre
vie.
A peine ce cruel fut-il éveillé
qu'il se prépara un déjeuner
aussi funeste que le repas du
foir précèdent, deux de mes
camarades furent dévorez de
même
, a prèsquoy il fit sortir
aupâturage ses troupeaux, &
nous laissa enfermez dans la
caverne,enrepoussant la pesante
roche qui lui servoit de
porte.
Je cherchons dans monesprit
quelque moyen de punir
ce barbare, & de nous délivrer.
Il y avoit à l'entrée
de sa caverne unemassuë aussi
longueque le mats d'un navire
, nous en coupâmes de quoi
faire une autre massuë
, que
nous aiguisâmes pour executer
mon projetquandl'occa,-
sion seroit venuë.
Le Cyclope rentra, &recommenca
un autre repas aus-
- sifuneste à deux autres de mes
compagnons, que ceux que
je vous ay racontez;je m'approchai
de lui portant en main
un vase de ce vin admirable
quenous avions. Buvez.; lui
dis-je,peut-êtremesçaurez-voui
gré du present que je vous offre,
¿y.,c.Il prit la coupe, la but,
& y ayant pris un extrême
plaisir, il voulut sçavoir mon
nom, & promit de metraiter
avec hospitalité.
Je remplis sa coupe une autre
fais, ill'avale avec plaisir,
il ne paroissoit plus avoir cet-
-
te cruauté qui nous effrayoit,
je caressois ce monstre, Cije
tâchois de le gagner par la
douceur de mes paroles, il
revenoit toûjours à me demander
mon nom.
Dans l'embarras où j'étois
je luy fis accroire que je me
nommoisPersonnes alors pour
récompense de mes caressés
& demon vin,il me dit:
Eh bien, Personne, tous tes
camarades passeront devant
toy >
je te reserve pour être
le dernier que je mangeray.
Il s'étendit à terre en me
prononçant ces terribles paroles
>
le vin & le sommeil
l'accablcrent 6c c'étoit
ce que j'attendois;j'allay
prendre ma Massuë, j'allumay
la pointe dans le feu
que le Cyclope avoit couvert
de cendres,nous a pprochons
du Cyclope, pendant que
quatre de mes compagnons
enfoncent ce bois& ce feu
dans son oeil, j'aidois à le
déraciner, &c.
Apres l'avoir aveuglé de
-
cette maniéré nous nous étions
retirez loin de luy, & nous
attendions quel seroit l'effet
de sa rage & de ses cris. Un
grand nombre deCyclopes,
qui avoient entendu les heurlemens
accoururent à sa porte,
& luy demandoient : qui
est-ce qui peut vous avoir attaquédans
vôtre Maison ?
Comme celui-cy s'étoit persuadé
que je me nommois
Personne, il ne pouvoir leur
faire comprendre qu'il yavoit
un ennemi en dedans qui l'avoit
maltraittè,ilsentendoiét
qu'iln'avoitété blessé de per- sonne.ainsi par cet équivoque
les Cyclopes se retirèrent
, en disant: c'est donc
une affiction que Jupitert'envoye
, il faut plier sous les
coups de sa colere.
Je fus ravi d'entendre que
ces Cyclopes le retiroient:
cependant celui-cy,outré de
rage,alloit de côté & d'autre
dans sa Caverne, étendant
les bras pour nous prendre
, mais rien n'étoit plus
aisé que de luy échapper,
l'espace étoit grand, & il ne
voyoit goutte, &c..-
Il prit enfin le party d'ouvrir
à demy sa Caverne, de
sortequ'il n'y avoit de place
que pour sortir trois ou quatre
ensemble, il crut qu'il nous
arrêteroit au passage: il se met
au milieu, qu'il occupoit, étendant les bras & les jambes,
& faisoit sortir ses Moutons
,qu'il tâtoit les uns aprés
les autres; nous ne donnâmes
pas dans un piége si grossier
, cependant il falloit sortir
ou périr; je repassois en
mon esprit une infinité de
stracagêmes ; Enfin ayant
choisi neuf desplus forts Beliers,
je les attachay trois à
trois, je liay fou-s leur ventre
mes neuf compagnons restez,
qui passerent de- cette sorte
ians être reconnus, je tentay
le même hasard pour moy^
il y avoitun Belier plusgrand
que tous les autres, je me cache
aussi fous son ventre, le
- Cyçlope le reconnoît à l'é- passeur de sa laine, le careslè
& le retient, comment,
disoit-il, tu n'es pas aujourd'huylepremier
au pâturage
? tu es touché de l'aÍfliél-ioa
de ton Maître, tu ne vois plus
cet oeil qui te conduisoit &:
que tu connoissois,un traître
me l'a arraché,tu me montrerois
ce traître si tu pouvois
m'exprimer ta fidélité, si jele
tenoiscesceelerat,&c.Enfin
ce monstre occupé de sa
rage & de savengeance,laisse
passerleBelier que je tenois
embrasse par la laine de son
col, & c'est ainsi. que nous
voyant tous en liberté, nous
respirâmesavec plaisir.
J'ai choisi de bonne foi
pour opposer aux contes
de Rabelais, un desmeilleurs
de l'Odiffée
; car
mon but principal est
d'orner mon paralelle, &:
non de dégrader Homere.
Convenons qu'il y a
une poësie excellente dans
les endroits même où il
manque de justesse & de
bon sens.. quel mot m'est
échappé? mais je me dédiray
quand on voudra,
ôcà force deraisonnemens
& d'interprétations
,
je
trouveray par tout du
bon sens n'en fut-il point.
On n'aura pas de peine
àen trouver beaucoup
dans
dans les discours que le
Cyclope tient à Ulysse;
le premier contient une
morale admirable. Qui
êtes-vous? luy-dit-il ,
des
Pirates, Cc. Il joint dans
le second à une noble fierté
contre Jupiter, une
raillerie fine & delicate.
se riirai point consulter
l'aracle, &c. Ce Cyclope,
ce monstre ell un
Aigle pour l'esprit
: mais,
tout a coup, avant même
que d'avoir bû, il devint
stupide comme un boeuf,
il se couche & s'endort
tranquillement au milieu:
de ses ennemis armez,aprés
avoir dévoré deux de
leurs compagnons.
Ce Cyclope establir
d'abord que les Cyclopes
ne reconnoissent
,
ni ne
craignent point Jupiter,
ni les autres Dieux: & ces
mêmes Cyclopes un moment
apres, trompezpar
l'équivoque & mauvaise
turlupinade du mot de
Personne, croyent pieusement
que les heurlemens
du monstre sont une juste
punition des Dieux, ôc
semblent même par une
crédulité respedueusen'o
fer entrer dans la caverne
du Cyclope, pour s'éclaircir
du fait. Mais j'ay
promis d'éviter la dissertation
dans ce paralelle-cy ;
nous trouverons assez
d'autres occasions de critique
dans Homere, &
beaucoup plus dans Rabelais.
Finissons par un petit
conte de ce dernier.
ES
LA FEMME
MUETE.
DAns
un certain Pays
barbare & non policé en
moeurs, y avoit aucuns
maris bourus, & à chef
mal tymbré
, ce que ne
voyons mie parmy nos
maris Parisiens, dont
grande partie, ou tous
pour le moins, sont merveilleusement
raisonnans,
& raisonnables;aussi onc
ne vit-on arriver à Paris
grabuge ni maleficeentre
maris & femmes.
Or en ce Pays-là, tant
different de celui-cinôtre,
y avoit un mary si pervers
d'entendement, qu'ayant
acquis par mariage une
femme muete,s'en ennuya
& voulant soy guerir de
cet ennuy & elle de sa
mueterie, le bon & inconsideré
mary voulut qu'-
elle parlât, & pour ce
eut recours à l'art des Medecins
& Chirurgiens, qui
pour la démuetirluiinciserent
& bistouriserent un.
enciligloteadherâtaufilet.
bref, elle recouvra santé
de langue, & icelle langue
voulant recuperer l'oysiveté
passée, elle parla tant,
tant & tant,quec'estoit
benediction
;
si
ne laissa
pourtant le mary bouru
de se lasserde si plantheureuse
parlerie : il recourut
au Medecin, le priant &
conjurant, qu'autant il
avoit mis de science en oeuvre,
pour faire caq ueter sa
femme muete, autant il en
employât pour la faire taire.
Alors le Medecin confessantque
limitéest le sçavoir
médicinal,lui dit qu'il
avoit bi^n pouvoi r de
faire
parler femme
; mais que
faudroit arc bien pluspuisfant
pour la faire taire. Ce
monobstant le mari suplia,
pressa, insista, persista, si
que le sçavantissime docteur
découvrit en un coin
des registres de son cerveau
remede unique, &
specifique contre iceluy
interminable parlement
de femme,& ce remede
c'est surdité du mary. Ouidà,
fort bien, dit le mari :
mais de ces deux maux
voyons quel fera le pire,ou
entendre sa femme parler,
ou ne rien entendre du
tout; Le cas est suspensif,
&: pendant que ce mari
là-dessus en suspens estoit,
Medecin d'operer, Medecin
de medicamenter,par
provision, sauf à consulter
par apré1s.
Bref par certain charme
de sortilege medicinal
le pauvre mari se trouva
sourd avant qu'il eût acheve
de déliberer s'il confentiroit
à surdité
:
Lyvoila
donc, & il s'y tient faute
de
de mieux, & c'est comme
il faudroit agir en opérations
de medecine, Qu'arriva-
t-il? e'cousez.ôcvous
lesçaurez. :A'J:\ -J Le Medecinàhalde besogne
demandoitforce
argent:mais c'est à quoy
ce maryne peut entendre;
car il est sourd comme
voyez, le Medecin pourtant
par beaux signes &c
gestes significatifs argent
demandait& redemadoit
jusqu'às'irriter & colerier:
mais en pareil cas gestes
ne font entendus, à peine
entent-on paroles bien articulées
,ou écritures attestées
& réiterées par Sergens
intelligibles. Le Medecin
donc se vit contraint
de rendre l'oüie au sourd,
afin qu'il entendît à payement,
& le mary de rire,
entendant qu'ilentendoit,
puis de pleurer par prévovoyance
de ce qu'il n'entendroit
pas Dieu tonner,
désqu'il entendroit parler
sa femme.Or, de tout ceci
resulte, conclusion
moralement morale, qui
dit,qu'en cas de maladie
& de femmes épousées,
le mieux est de le tenir
comme on eit de peur de
pis.
burlesque.
Suite du Paralelle d'Homere&
deRabelais.
SAns interrompre le
paralelle d'Homere&
de Rabelais,je puis interrompre
les reflexions
comiques & serieuses
que j'ai commencéesfutcesdeux
Auteurs. Trop de réflexions
de fuite feroient
une dissertation
ennuyeuse
,
sur tout
pour les Dames, dont
j'ambitionne les suffrages;
elles ont legoût
plus delicat& plus vrai
que les hommes, dont
la pluspart se piquant
,de
<
critique profonde,
sont toûjours en garde
contre ce qui plaÎrjqui
ont, pour ainsidire,
emouue leur goût naturel
à force de science
dC de préjugez; en un
f- mot, qui jugent moins
par ce qu'ils sentent,
que par ce qu'ilssçavent.
Plusieurs Dames af.
fez contentes de quelques
endroits de mes
dissertations, se sont
plaint que les autres
netoient pas assez intelligibles
pour elles,
qui ne sont pasobligées
d'avoir lû Homere ni
Rabelais: il est vrai que
le Poete Grec est à presenttraduitenbonfrançois:
mais Rabelais est
encore du grec pour elles
; je vais donc tâcher
declaircir& de purifier
quelques morceaux de
Rabelais, pour les rendre
moins ennuyeux
aux Dames.
Ces extraits épurez
feront plaisir à celles
qui, curieuses de lire
Rabelais, n'ont jamais
voulu contenter leur
curiosité aux dépens de
leur modestie.
En donnantce qu'il
y a de meilleur dans
Rabelais, je fixerai la
curiosité de celles qui
en faveur du bon, auroient
risqué de lirele
mauvais.
Et s'il y en a quelqu'une
qui n'aiepû resister
à la tentation de
tout lire,elle pourra
citer Maître François à
l'abryde mes extraits,
sans être soupçonnée
d'auoir lu l'original.
Dans la derniere dissertation
j'ai opposé à
une harangue du sage
Nestor, une lettre écrite
à Gargantua par
Grandgousier son pere.
Vous avez vû que Rabelais
s'est mélé du fcrieux.;
Homere lemele
aussi quelquefois du
burlesque, autre sujet
de paralelle.Vousaurez
ici un conte heroïcomique
de l'Odissée, mais
commençons par un
conte de Rabelais;je ne
prétens qu'opposer le
premier coupd'oeil de
ces deuxcontes,&non.
pas les comparer exaétcment:
j'entrouverai
dans la fuite quelquestuinnss
ppluuss pprroopprreess aà eêttrree.
comparez ensemble.
Voici celui de Rabelais,
'f
donc j'ai feulement conservé
le fond, en a joûtant
& retranchant
tout ce que j'aicrû pouvoir
le rendre plus
agréable,& plusintelligible
aux Dames.
LES
LES MOUTONS
de Dindenaut.
<*. En une Naufou Navire
estoitletaciturnien.,
songe-creux,&malignement
intentionnéPanurge
: encemêmè Navire
estoit un Marchand de
moutonsnomméDindenaut,
hommegaillard,
raillard
,
grand rib leur
5
nurgetoutdébifié de mi-
Lie, 6c mal en point d'acouftrement
,
déhousillé
de chevelure
,
vesce
délabrée, éguillettes
rompues, boutons intermitans
chauffes pensantes,&:
lunettes pendues
au bonnet. Le Marchant
donc s'émancipa
en gausseriessur chaque
piece d'iceluy accoustrement,
mais specialement
sur ses lunettes : luy difarteavoir<
fçupar traciitioli
vulgaire que tout
homme arborant lunett
tes sur toûjours onc mal
voulu des femmes étranges
& vilipendé de la
siennedomestique ,sur
lesquels pronostics apostrophant
Panurge en son
honneur, l'appella je ne
sçay comment, id est,
d'un nom qui réveilla i«rPanurgedesaléthargie
^.rêveusej carrêvoitjuste
• en ce momentauxinconveniens
à venir de son
futur mariage. Holà,
holà
, mon bon Marchand
*,
dit d'abord Panurge
d'un air niais 8c
bonnasse, holà, vous disje,
car onc ne fus, ny ne
puis maintenant estre ce
-
que nul n'est que par mariage
: A quoy repart
Dindenaut, que marié
ou non mariée c'esttout
un ; car fruits de Cor-,
nuaille sont fruits précoces
j & m'est avisque
pour porter tels fruits ,
êtes fait &C moulé comme
de cire: ouy , cette
plante mordra sur~vôrre
chef comme chiendenc
sur terre graffe.
Ho ,
ho
,
ho
,
reprit
bonnement Panurge,
quartier, quartier, car
par la vertu- boeuf ou
asne que je suis, ne puis
avoir espritd'Aigle: perçant
les nuës,par quoy
gaudissez-vous de moy,
si c'est vostre plaisir ,
mais rien nerepliqueray
faute de répliqué : prenons
patience.
Patience vous duira
dit le Marchand, , comme
à tant d'autres. Patienceestvertu
maritale.
Patience soit imterrompit
Panurge, mais changeons
de propos : Vous
avez-là force beaux moutons,
m'envendriez-vous
bien un paravanture.
O le vaillant acheteur
de moutons, dit le Marchand.
Feriez volontiers
plus Convenablement
vous acheter un bon ha-,
bit pour quand vous E~
rez marié,habit de lné.)
nage ,
habit avenant ,
manteau profitable
chapeau commode, &,
panache de cerf.
Va-rience, dit Panurge,
& vendez-moy feulc,
ment un de vos Inou,
ton.
Tubleu
,
dit le Mat>
chand, ce seroit fortune
pour vous qu'un de ces
beliers. Vendriez sa fine
laine pour faire draps, sa
Mue peau pour faire cuir s
sa chair friande pour
nourrir Princes, & (i
petite-oye pieds :& teste
vous resteroient, & cornes
encore sur le marché-
Patience,dit Panurge,
tout ce que dites de cornerie
a esté corné aux
oreilles tant & tant de
fois,laissons ces vieilleties
; sottises nouvelles.
sont plus de InÍfea,
-- Ah qu'il dit bien! reprit
le Marchand, il merite
que mouton je luy
vende, ilestbon homme
: ç'a parlons daffaire.
Bon, dit Panurge eit
joye, vous venez au but,
6c n'auray plus besoinde
patience.
T C'a, dit le Marchand,
écoutez - mcy.j'écoute
dit Panurge.
LE M. Approchez cette
oreilledroite.P.
ce. LE M. Et la gauche. l P. Hé bien. LE M. En
l'autre encore. P. N'enay
quecesdeux. LE M.Ouvrez
- les donc toutes
grandes. P. A vôtre commandement.
LE MARC.
Vous allez au pays des
Lanternois? P.Ouy. LE
M. Voir le monde? P,
Certes. LE M. Joyeusement
? P. Voire. Le M,
Sans vous fâcher P. N'en
ayd'envie. LEM. Vous
avez nom Robin. P. Si
VOUS voulez. LE MARC.
Voyez-vous ce Moutons
P. Vous me l'allez vendre,
LEM.Ilanom Robin
comme vous. Ha
9 ha
, ha.Vons allez au
pays des Lanternois voir
le motide,i.oyeuCement,'
sans vous fâcher, ne vous
fâchez - donc guere si
Robin mouton n'est pas
pour vous. Bez, bez
bez; & continua ainsi
bez, bez, aux oreillesdu
pauvre Panurge
) en le
mocquant de la lourderie.
Oh,patience,patience
, reprit Panurge, bai£
sant épaules & teste en
toute humilité
,
à bon
besoin de
-
patience qui
moutons vcut avoir de
Dindenaut; maisje vois
que vous me lanternifibolisez
airtfi pource que
me croyez pauvre here,
voulant acheter sans
payer, ou payer sans argent,
ôc-en ce vous irom- -
pez à la mine, car voicy
dequoyfaire emplette :
disantcela Panurge tire
ample & longue bourse,
que par cas fortuit, contre
son naturel avoit pleine
de Ducacons, de laquelle
opulence le Marchand
fut ébahi, & incontinent
gausserie ccfTa
à l'aspectd'objet tant respectable
comme est argent.
,
Par iceluy alleché
le Marchand demanda
quatre, cinq, six fois
plus que ne valloit le
mouton;à quoy Panurge
fit comme riche enfant
de Paris, le prit au
mot, de peur que mouton
ne luy échapa
,
&
tirant desa bourse le prix
exorbitant, sans autre
mot dire que patience
,
patience, lnie les deniers
, és mains du Marchand
, & choisit à même le
troupeau un grand &
* beau maistre mouton
qu'il emporta brandi
fous son bras
- ,car de
forceautant que demalin
vouloir avoit,cependant
le mouton cryoit,
bêloit Sccn consequance
naturelle, oyant celuy-
cy bêler,bêloient
ensemblement les autres
moutons, commedisant
en leur langage moutonnois,
ou menez-vous
nostre compagnon,
de
mêmedisoient maisen
langageplus articulé les
assistants à Panurge ou
,diantre menez-vous ce
- mouton,& qu'en allezvous
faire, à quoy répond
Panurge le mouton
n'est-il pas à moyy
l'ay bien payé& chacun
de son bienfait selon
qu'il s'avise,ce mouton
s'appelle Robin comme
moy3 Dindenaut l'a dit.
Robin mouton sçait bien * nager je le voisà sa
mine
,
& ce disant subitementjetta
son mouton
en pleine mer, criantnage
Robin, nâge mon mignon
: or Robin mouton
allant à l'eau
,
criant
bêlant; tous les autres
moutons criansbêlans
en pareilleintonation,
commencerent soy jetter
après Se fauter en merà
la file, figue le debat entr'eux
estoit à qui suivroit
le premier son compagnon
dans l'eau, car
nature afait de tousanimaux
mouton le plu»*
sot, & a suivre mauvais
exemple le plus enclin,
fors l'homme.
Le Marchand tout cecy
voyant demeura ftupesait
& tout cHrayey
s'efforçant à retenir fèsmoutons
de tout foi*
pouvoir, pendant quoy
Panurge en son fang
froid rancunier, luy disoit
, patienceDindeinatit.,
patience, & ne
vous bougez, ny tourmentez.,
Robin mouton
reviendra à nâge & ses
compagnons - le refuivront;
venez Robin, venez
mon fils, & ensuite
crioit aux oreilles de
Dindenaut ,., comme avoit
par Dindenaut esté
crié aux siennes en signe
de moquerie, bez, bez,
FinablementDindenaut
voyant perir tous ses
moutons en prit un grãd
& fort par la toison, cuidant
aintl luy retenant
retenir le reste
)
mais d.
mouton puissantentraîna
Dindenaut luy -mê'
me , en l'eau
,
& ce sut
lors que Panurge redoubla
de crier, nâge Robin
, nâge Dindenaut,
bez, bez, bez,tant que
par noyement, des moutons
Sedu Marchand sut
cette avanture finie,donc
donc Panurge ne rioit
que sous barbe, parce
que jamais on ne le vit
rire en plein,queje sçache.
Jecroirois bien que le
caractere de Panurge a
servi de modele pour celuy
de la Rancune. Moliere
a pris de ce seul Con-
-
te-cy deuxou trois Jeux
de Theatre, & la Fontaine
plusieurs bons mots.
Enfin nos meilleursAutheurs
ont puisé dans Rabelais
leur excellent comique,
&les Poëtes dit
Pont -neuf en ont tiré
leursplates boufoiincries.
Les Euripides & les Se-
-
neques ont pris dans Homere
le sublime de leur
Poësie, & les Nourrices
luy doivent leurs Contes
depeau-d'asne,leurs Ogres
qui mangent la
chair fraîche, sont descendus
en ligne droite du
Cyclope dontvousallez
voir Je Conte.
Voiladonc Homere 8t
Rabelais grands modeles
pour l'excellent & dangereux
exemples pour le
mauvais du plus bas
ordre. Homere & Rabelais
occupent les beaux
esprits; mais ils amusent
les petits enfants;humiliez-
vous grands Auteurs
vousestes hommes ;
l'homme a du petit 6C
du grand du haut & du
1 bas; c'est son partage r
& si quelqu'unde nos
Sçavants S'obfbiie à
trouver tout granddans
un Ancien, petitesse
dans -ce Moderne quelque
grand qu'ilsoitd'ailleurs
il prouve ce que ja*
Vance, qu'il ya du petit
c'k., du grand dans tous
les hommes.
Revenons à nos moutons,
diroit Rabelais,
m'avez parlé des moutons
de Dindenaut, si
faut-il trouver aussi moutons
en oeuvres d'Hojnere3
puisque és miens
moutons y a , ou ne se
point mester ny ingerer
de le mettre en paralelle
àl'encontre de moy.
Ouy
Ouy dea, repliquerai
je, on trouvera prou
de moutons dans I'oeuvre
grec, & hardiment
les paralelliserai avec
les vôtres, Maître François;
car avez dit,
ou vous, ou quelqu'un
de votre école, que
chou pourchou Aubervilliers
vaut bien Paris;
& dirai de même, que
moutons pour moutons
Rabelais vaut bienHomere
: or a-t-on déja vû
comme par malignité
Panurgienne moutons
de Dindenaut sauterent
en Iller; voyons donc
commeparastuce l'iyfsienne
moutons de Ciclope
lui fauteront fous
jambe, en sortant de sa
caverne.
LES MOUTONS
DU CYCLOPE. DAns l'isle des Cyclopes
où j'avois PrIsterre,
je descendisavec les plus
vaillans hommes de mon Vaisseau
,
je trouvai une caverne
d'une largeur étonnante. Le
Çyclope qui l'habitoit étoit
aux champs,où il avoit mené
paître ses troupeaux.Toute
sa caverne étoit dans un ordreque
nousadmirions. Les
agneaux separez d'un côté,
les chevreaux d'un autre, &c.On yoyoit là de grands
pots à conserver le lait , ici
des paniers de jonc, dans lesquels
il faiioic des fromages,
&c. Nous avions aporté du vin,
pris chez les Ciconiens, &c..
Nous buvions de ce vin, &
mangions les fromages du Cy.
clope, lors qu'il arriva.
Je fus effrayé en le voyant.
C'étoit un vaste corps comme
celui d'une montagne; il n'y
eut jamais un monstre plus
épouvantable: il portoit sur
ses épaules une charge efrrbois
sec; le bruit qu'il fit en le jettant
à terre à l'entrée de la
caverne, retentit si fort, que
tous mes compagnons saisis de
crainte,secacherent en differens
endroits de cette terrible
demeure.
Il fait entrertoutes ses brebis;
il ferme sa caverne, pousfant
une roche si haute & si
forte, qu'il auroit été impossible
de la mouvoir, à
force de boeufs ou de chevaux.
Je le voyois faire tout fou
ménage,tantôt tirer le lait
de ses brebis, & Enfin il
allume ion feu, & comme
l'obscurité qui nous avoit cachez
fut dissipée par cette
clarté, il nous apperçut : Qui
êtes-vous donc, nous dit-il
d'un ton menaçant 2 des Pirates,
qui pour piller & faire
perir les autres hommes,ne
craignez pas vous-même de
vous exposer sur la mer ?
Quoy ? des Marchands que
l'avarice fait passer d'un bout
de l'U nivers à l'autre pour
s'enrichir,entretenant le luxe
de leur Patrie ? êtes-vous des
vagabons qui courez les mers
par la vaine curiosité d'apprendre
ce qui se passe chez
autruy.
Je pris la parole, & luy dis
que nous étions de l'armée
d'Agamemnon
, que je le
priois de nous traiter avec
l'hospitalité que Jupiter a
commandée,& de se souvenir
que les Etrangers font
fous la protection des Dieux
> & que l'on doit craindre de
les offenser.
Tu es bien temeraire
, me dit-ilfïerement, de venir de
si loin me discourir sur la
crainte & sur l'obeïssance
que tu dis que je dois aux
Dieux:apprens que les Cyclopes
ne craignent ni vôtre
Jupiter ni vos Dieux: pour
n'avoir été nouris d'une chevre,
ils ne s'estiment pas moins
heureux, je verray ce que je
-
dois faire de toy ,
je n'iray
point consulter l'Oracle làdessus,
c'est mon affaire de
sçavoir ce que je veux, &c.
Je lui parlai encor pour tâcher
de l'adoucir: mais dédaignant
de me répondre, il
nous regardoit avec (on oeil
terrible; (car les Cyclopcs
n'en ont qu'un.) Enfin il se
saisit tout d'un coup de deux
de mes compagnons,& a près
les avoir élevez bien haut, il
les abbatit avec violence, &
leur écrasa la tête: il les met
bientôt en pieces,la terreest
couverte de leur sang, il est
ensanglanté lui-même:ce montre
, ce cruel monstre les
mange, les devore: Jugez en
quel état nous étions 2
Aprés s'être rassasié de cette
abominable maniere
,
il
but plusieurs cruches de lait,
& s'étendit pour dormir au
milieu de ses troupeaux. Combien
de fois eus-je dessein de
plonger mon épée dans son
corps ?&c.mais il auroit salu
périr dans cette cavernes
car il étoit impossible d'ôter
la pierrequi la fermoit : il falloit
donc attendre ce que sa
cruauté decideroit de nôtre
vie.
A peine ce cruel fut-il éveillé
qu'il se prépara un déjeuner
aussi funeste que le repas du
foir précèdent, deux de mes
camarades furent dévorez de
même
, a prèsquoy il fit sortir
aupâturage ses troupeaux, &
nous laissa enfermez dans la
caverne,enrepoussant la pesante
roche qui lui servoit de
porte.
Je cherchons dans monesprit
quelque moyen de punir
ce barbare, & de nous délivrer.
Il y avoit à l'entrée
de sa caverne unemassuë aussi
longueque le mats d'un navire
, nous en coupâmes de quoi
faire une autre massuë
, que
nous aiguisâmes pour executer
mon projetquandl'occa,-
sion seroit venuë.
Le Cyclope rentra, &recommenca
un autre repas aus-
- sifuneste à deux autres de mes
compagnons, que ceux que
je vous ay racontez;je m'approchai
de lui portant en main
un vase de ce vin admirable
quenous avions. Buvez.; lui
dis-je,peut-êtremesçaurez-voui
gré du present que je vous offre,
¿y.,c.Il prit la coupe, la but,
& y ayant pris un extrême
plaisir, il voulut sçavoir mon
nom, & promit de metraiter
avec hospitalité.
Je remplis sa coupe une autre
fais, ill'avale avec plaisir,
il ne paroissoit plus avoir cet-
-
te cruauté qui nous effrayoit,
je caressois ce monstre, Cije
tâchois de le gagner par la
douceur de mes paroles, il
revenoit toûjours à me demander
mon nom.
Dans l'embarras où j'étois
je luy fis accroire que je me
nommoisPersonnes alors pour
récompense de mes caressés
& demon vin,il me dit:
Eh bien, Personne, tous tes
camarades passeront devant
toy >
je te reserve pour être
le dernier que je mangeray.
Il s'étendit à terre en me
prononçant ces terribles paroles
>
le vin & le sommeil
l'accablcrent 6c c'étoit
ce que j'attendois;j'allay
prendre ma Massuë, j'allumay
la pointe dans le feu
que le Cyclope avoit couvert
de cendres,nous a pprochons
du Cyclope, pendant que
quatre de mes compagnons
enfoncent ce bois& ce feu
dans son oeil, j'aidois à le
déraciner, &c.
Apres l'avoir aveuglé de
-
cette maniéré nous nous étions
retirez loin de luy, & nous
attendions quel seroit l'effet
de sa rage & de ses cris. Un
grand nombre deCyclopes,
qui avoient entendu les heurlemens
accoururent à sa porte,
& luy demandoient : qui
est-ce qui peut vous avoir attaquédans
vôtre Maison ?
Comme celui-cy s'étoit persuadé
que je me nommois
Personne, il ne pouvoir leur
faire comprendre qu'il yavoit
un ennemi en dedans qui l'avoit
maltraittè,ilsentendoiét
qu'iln'avoitété blessé de per- sonne.ainsi par cet équivoque
les Cyclopes se retirèrent
, en disant: c'est donc
une affiction que Jupitert'envoye
, il faut plier sous les
coups de sa colere.
Je fus ravi d'entendre que
ces Cyclopes le retiroient:
cependant celui-cy,outré de
rage,alloit de côté & d'autre
dans sa Caverne, étendant
les bras pour nous prendre
, mais rien n'étoit plus
aisé que de luy échapper,
l'espace étoit grand, & il ne
voyoit goutte, &c..-
Il prit enfin le party d'ouvrir
à demy sa Caverne, de
sortequ'il n'y avoit de place
que pour sortir trois ou quatre
ensemble, il crut qu'il nous
arrêteroit au passage: il se met
au milieu, qu'il occupoit, étendant les bras & les jambes,
& faisoit sortir ses Moutons
,qu'il tâtoit les uns aprés
les autres; nous ne donnâmes
pas dans un piége si grossier
, cependant il falloit sortir
ou périr; je repassois en
mon esprit une infinité de
stracagêmes ; Enfin ayant
choisi neuf desplus forts Beliers,
je les attachay trois à
trois, je liay fou-s leur ventre
mes neuf compagnons restez,
qui passerent de- cette sorte
ians être reconnus, je tentay
le même hasard pour moy^
il y avoitun Belier plusgrand
que tous les autres, je me cache
aussi fous son ventre, le
- Cyçlope le reconnoît à l'é- passeur de sa laine, le careslè
& le retient, comment,
disoit-il, tu n'es pas aujourd'huylepremier
au pâturage
? tu es touché de l'aÍfliél-ioa
de ton Maître, tu ne vois plus
cet oeil qui te conduisoit &:
que tu connoissois,un traître
me l'a arraché,tu me montrerois
ce traître si tu pouvois
m'exprimer ta fidélité, si jele
tenoiscesceelerat,&c.Enfin
ce monstre occupé de sa
rage & de savengeance,laisse
passerleBelier que je tenois
embrasse par la laine de son
col, & c'est ainsi. que nous
voyant tous en liberté, nous
respirâmesavec plaisir.
J'ai choisi de bonne foi
pour opposer aux contes
de Rabelais, un desmeilleurs
de l'Odiffée
; car
mon but principal est
d'orner mon paralelle, &:
non de dégrader Homere.
Convenons qu'il y a
une poësie excellente dans
les endroits même où il
manque de justesse & de
bon sens.. quel mot m'est
échappé? mais je me dédiray
quand on voudra,
ôcà force deraisonnemens
& d'interprétations
,
je
trouveray par tout du
bon sens n'en fut-il point.
On n'aura pas de peine
àen trouver beaucoup
dans
dans les discours que le
Cyclope tient à Ulysse;
le premier contient une
morale admirable. Qui
êtes-vous? luy-dit-il ,
des
Pirates, Cc. Il joint dans
le second à une noble fierté
contre Jupiter, une
raillerie fine & delicate.
se riirai point consulter
l'aracle, &c. Ce Cyclope,
ce monstre ell un
Aigle pour l'esprit
: mais,
tout a coup, avant même
que d'avoir bû, il devint
stupide comme un boeuf,
il se couche & s'endort
tranquillement au milieu:
de ses ennemis armez,aprés
avoir dévoré deux de
leurs compagnons.
Ce Cyclope establir
d'abord que les Cyclopes
ne reconnoissent
,
ni ne
craignent point Jupiter,
ni les autres Dieux: & ces
mêmes Cyclopes un moment
apres, trompezpar
l'équivoque & mauvaise
turlupinade du mot de
Personne, croyent pieusement
que les heurlemens
du monstre sont une juste
punition des Dieux, ôc
semblent même par une
crédulité respedueusen'o
fer entrer dans la caverne
du Cyclope, pour s'éclaircir
du fait. Mais j'ay
promis d'éviter la dissertation
dans ce paralelle-cy ;
nous trouverons assez
d'autres occasions de critique
dans Homere, &
beaucoup plus dans Rabelais.
Finissons par un petit
conte de ce dernier.
ES
LA FEMME
MUETE.
DAns
un certain Pays
barbare & non policé en
moeurs, y avoit aucuns
maris bourus, & à chef
mal tymbré
, ce que ne
voyons mie parmy nos
maris Parisiens, dont
grande partie, ou tous
pour le moins, sont merveilleusement
raisonnans,
& raisonnables;aussi onc
ne vit-on arriver à Paris
grabuge ni maleficeentre
maris & femmes.
Or en ce Pays-là, tant
different de celui-cinôtre,
y avoit un mary si pervers
d'entendement, qu'ayant
acquis par mariage une
femme muete,s'en ennuya
& voulant soy guerir de
cet ennuy & elle de sa
mueterie, le bon & inconsideré
mary voulut qu'-
elle parlât, & pour ce
eut recours à l'art des Medecins
& Chirurgiens, qui
pour la démuetirluiinciserent
& bistouriserent un.
enciligloteadherâtaufilet.
bref, elle recouvra santé
de langue, & icelle langue
voulant recuperer l'oysiveté
passée, elle parla tant,
tant & tant,quec'estoit
benediction
;
si
ne laissa
pourtant le mary bouru
de se lasserde si plantheureuse
parlerie : il recourut
au Medecin, le priant &
conjurant, qu'autant il
avoit mis de science en oeuvre,
pour faire caq ueter sa
femme muete, autant il en
employât pour la faire taire.
Alors le Medecin confessantque
limitéest le sçavoir
médicinal,lui dit qu'il
avoit bi^n pouvoi r de
faire
parler femme
; mais que
faudroit arc bien pluspuisfant
pour la faire taire. Ce
monobstant le mari suplia,
pressa, insista, persista, si
que le sçavantissime docteur
découvrit en un coin
des registres de son cerveau
remede unique, &
specifique contre iceluy
interminable parlement
de femme,& ce remede
c'est surdité du mary. Ouidà,
fort bien, dit le mari :
mais de ces deux maux
voyons quel fera le pire,ou
entendre sa femme parler,
ou ne rien entendre du
tout; Le cas est suspensif,
&: pendant que ce mari
là-dessus en suspens estoit,
Medecin d'operer, Medecin
de medicamenter,par
provision, sauf à consulter
par apré1s.
Bref par certain charme
de sortilege medicinal
le pauvre mari se trouva
sourd avant qu'il eût acheve
de déliberer s'il confentiroit
à surdité
:
Lyvoila
donc, & il s'y tient faute
de
de mieux, & c'est comme
il faudroit agir en opérations
de medecine, Qu'arriva-
t-il? e'cousez.ôcvous
lesçaurez. :A'J:\ -J Le Medecinàhalde besogne
demandoitforce
argent:mais c'est à quoy
ce maryne peut entendre;
car il est sourd comme
voyez, le Medecin pourtant
par beaux signes &c
gestes significatifs argent
demandait& redemadoit
jusqu'às'irriter & colerier:
mais en pareil cas gestes
ne font entendus, à peine
entent-on paroles bien articulées
,ou écritures attestées
& réiterées par Sergens
intelligibles. Le Medecin
donc se vit contraint
de rendre l'oüie au sourd,
afin qu'il entendît à payement,
& le mary de rire,
entendant qu'ilentendoit,
puis de pleurer par prévovoyance
de ce qu'il n'entendroit
pas Dieu tonner,
désqu'il entendroit parler
sa femme.Or, de tout ceci
resulte, conclusion
moralement morale, qui
dit,qu'en cas de maladie
& de femmes épousées,
le mieux est de le tenir
comme on eit de peur de
pis.
Fermer
Résumé : ARTICLE burlesque. Suite du Paralelle d'Homere & de Rabelais.
Le texte compare les œuvres d'Homère et de Rabelais, deux auteurs classiques, en mettant en lumière leurs aspects comiques et sérieux. L'auteur souhaite rendre les œuvres de Rabelais plus accessibles aux dames, qui trouvent Homère plus intelligible grâce à une récente traduction en français. Pour ce faire, il entreprend de clarifier et de purifier certains passages de Rabelais afin de les rendre moins ennuyeux pour un public féminin. L'auteur présente ensuite un conte de Rabelais, 'Les Moutons de Dindenaut', qu'il a adapté pour le rendre plus agréable et intelligible. Ce conte met en scène Panurge, un personnage de Rabelais, et un marchand de moutons nommé Dindenaut. Panurge achète un mouton nommé Robin et le jette à la mer, provoquant une réaction en chaîne où tous les moutons suivent Robin et se noient. Le marchand, tentant de retenir ses moutons, se noie également. Le texte compare ce conte à un épisode de l'Odyssée d'Homère, où les moutons du Cyclope jouent un rôle similaire. L'auteur souligne que les meilleurs auteurs ont puisé dans Rabelais et Homère pour leur comique et leur sublime, respectivement. Il conclut en affirmant que ces auteurs sont des modèles pour le meilleur et le pire, et que tous les hommes ont en eux du petit et du grand. Par ailleurs, le texte relate un épisode de l'Odyssée où Ulysse et ses compagnons sont capturés par un Cyclope. Ulysse tente de convaincre le Cyclope de les traiter avec hospitalité, invoquant la protection des dieux, mais le Cyclope refuse, affirmant qu'il ne craint ni Jupiter ni les dieux. Il dévore plusieurs compagnons d'Ulysse et les laisse enfermés dans sa caverne. Ulysse, cherchant un moyen de se venger, prépare une massue avec ses compagnons. Lors du retour du Cyclope, Ulysse lui offre du vin pour l'endormir. Profitant de son sommeil, Ulysse et ses hommes lui crevent l'œil avec la massue chauffée à blanc. Aveuglé, le Cyclope appelle à l'aide, mais ses semblables, trompés par l'équivoque du nom 'Personne', ne lui portent pas secours. Ulysse et ses hommes s'échappent en s'accrochant sous les moutons du Cyclope. Le texte se termine par une réflexion sur la poésie d'Homère, soulignant la moralité et la finesse des discours du Cyclope.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
12
p. 15-30
LA MORT DE PALÉMON, IDILLE.
Début :
Dans ces Valons fleuris, sous de sombres feüillages, [...]
Mots clefs :
Bergers, Chant, Dieux, Bois, Coeur, Plaisir, Coeur, Amour, Amoureux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA MORT DE PALÉMON, IDILLE.
LAMORT
DEPALE'MON,
DILLE.
TIRSIS,LICIDAS.
DLICIDAS. -
r>
Ans ces Valons
fleuris, sous de
1 sombres se.u1i1llages,
Tout presenteà nos yeux
de riantes images:
Assis sur le gazon au pied
de ces côteaux,
Nousentendons, Tirsis,
le doux bruit des
ruisseaux.
Jamais plus vivementde
l'Aurore naissante
Nebrilla dans les eaux la
lumiere tremblante;
Flore sur leur passage écale
ses crésors
Lafraîcheur des Zyéphirs
se répand sur leurs bords.
Mais quoy?dans ces beaux
lieux,où chacun fous
les Hecres
Vient goûter des plaisirs
innocens & champêtres,
ToûToujours
seul, toujours
1 plein du trouble où
jetevoy,
Tout paroît a tes yeux
1 aussi triste que toy.
Faut-il qu'un noir chagrin
t'arrache à tant
z—
de charmes?
Les Dieux ne rendront
1 point Palémonà tes
larmes. 1
Epargne, cher Tirsis, des
regrets superflus,
Et cette enfin de plaindre
un Berger qui n'est
Plus..
TIRSIS.
Permets un libre cours à
ma douleur extrême;
Du fort de Palémon je ne
plains que moy-même:
De mes justes regrets tu
demeures surpris,. :
Du bien que j'ai perdu
connoissois-tu le prix?
LICIDAS.
Palémon eut pour toy l'amitié
la plus tendre;
Je Içai, pour te former,
les foins qu'il voulut
prendre:
A toy seul, quel Berger
n'en parut point jaloux?
A toy seul ilfît part de ses
chants les plus doux.
TIRSIS.
Ila plus fait pour moy ) tu
1as vusans envie,
C'est à lui que je dois le
calme de ma vie:
A de trop doux transports
m'arrachant sans retour,
C'est lui qui m'a sauve
des écueils de l'amour.
Esclave d'un penchant qui
nepeutquenousnuire,
Helas!à quelle erreur me
laissois-je seduire?
Je croyois., prévenu par
de tendres desirs,
Qu'en vivant sans amour
on vivoit sans plaisirs:
Un coeur, qui n'aimoit
point., me sembloit
inutile.
Mais enfin j'ai connu le
prix d'un fort tranquile;
E1t de'gagé> des fers qui m'avoient arjreAce1.y
Au rang des plus grands
biens j'ai misma liberté,
LICIDAS.
Par quel charme secret,
- Palémoa dans ton
ame,
Tirfis, a-t-il- éteint une
innocente flâme >
Lui-même toûjours prê-t
d'applaudir à tes feux,
T'en parloit comme eût
fait un Berger
amoureux.
.c
TIRSIS.
.L Palémon; dans lesnoeuds
de la plus douce
Chaîne
Vit à regret Tirfis retenu
parIsmene:
Mais comment dégager
un captifsi content?
Des caprices démené il
attendoit l'instant.
Cependant dans mon
coeur, quabusoit l'esperance
,
.,
Ses discours par degrez
portoient l'indifference.
Heureux, me disoit-il, qui
fage en les plaisirs
Dans sa feule raison a puisé
ses desirs. j
Il goûte dans la paix, que
l'innocence inspire,
Un bonheur aussi pur que
le jour qu'ilrespire i
Indépendant de tout, sans
soins & sans ennui,
C'estassez qu'en secret il
soit content de lui: -
Il trouve tous les biens
dans la vertu qu'il
aime,
Et vivant pour lui seul
)
[e
suffit à lui-même.
LICIDAS.
Instruit par les conseils
d'un si sage Berger,
Quel coeur eûtpu,Tirsis,
ne se pas dégager?
Avec lui la vertu n'avoit
rien de sauvage :
De nos plus douxplaisirs
il permettoit l'usage.
Lui-même aimoit nos
jeux. Avec toy dans
nos bois
Souvent à nos concerts il
a mêlé sa voix.
Quelle voix chantoit
mieux Ariane
abusée
Attestant les ser).mens du
parjure. Thesée?
Je
Jecrois l'entendre encor.
Les amoureux Zéphirs
Dans les Forêts alors retenoient
leurs loupirs:
De leur Palais humide;à
ses chants attentives,
Les Nayades en foule accouroient
sur lesrives•
Les flots qu'il suspendoit.
craignoient de s'agiter;
Les Echosécoutoient &
n'osoientrépéter.
TIRSIS.
•»
Si-tôt que dans ceslieux,
au retour de l'Aurore,
Tous les Prez deployoient
les richesses de Flore,
Au fond des bois obscurs,
azile du repos,
Nousallions par nos
chants réveiller les
Echos.
Là, tandis qu'à leur gré, sur le bord des fontaines,
Les Zephirs agitoient les
ombres incertaines,
Tandis que les Oiseaux
animoienr leurs
concerts,
Que les fleurs exhaloient
-
leurs parfums dans
les airs,
Couchez prés du cristal
d'une onde vive &
-
pure,
Nous n'étions jamais las
d'admiréela NamrCwr;
Momens, que m'offre encor
un tendre fouveniv
£tfesTypu_$écoutezpour
nej^lus revenir. ,,:~ 'r]
r LICIDAS.
-.1.. D'unBerger si chéri si les
Dieux te séparent,
Oublie im triste fort quand
:
les Dieux le réparent.
DAAS lieux5qu'ont
charmé leschants de
Palémon,
- Succede à ce Berger l'ai- *
macle Philémon:-
Philémon,qu'en ses Vers
Apollon même inspire,
A qui CeDieu souvent a
confié sa Lyre.
Ses accenssont pourmoy
ce qu'est sur les
côteaux
Pour un'Biergerrêveur le murmure des ear:ux'* -
Ou pourunVoyageur
échauffédans sasource
Unruisseau pur 8c frais
qui.JaiJIicde sa£aui
.,'
TIR SIS.
Je connois Philémon, si
vanté dans nos bois,
Et je sçai ce qu'ont pû les
charmes desa voix:
Ce Berger, que guidoit
une charmante Fée,
Descendit aux Enfers sur
les traces d'Orphée.*
Heureuxs'il m'apprenoit
par. quels charmans
accords
Sa voix se fit entendre aux
rivages des Morts.
* La Descenteaux Enfers, Ode deM.de
la Mette.
Palémon, en dépit de la
Parque [évére)
Je fléchirois Charon,j'enchanterois
Cerbére:
Et j'irois, des Destins forçant
la dure Loi, *
Te rendre la lumiere, ou
la perdre avecToi.
DEPALE'MON,
DILLE.
TIRSIS,LICIDAS.
DLICIDAS. -
r>
Ans ces Valons
fleuris, sous de
1 sombres se.u1i1llages,
Tout presenteà nos yeux
de riantes images:
Assis sur le gazon au pied
de ces côteaux,
Nousentendons, Tirsis,
le doux bruit des
ruisseaux.
Jamais plus vivementde
l'Aurore naissante
Nebrilla dans les eaux la
lumiere tremblante;
Flore sur leur passage écale
ses crésors
Lafraîcheur des Zyéphirs
se répand sur leurs bords.
Mais quoy?dans ces beaux
lieux,où chacun fous
les Hecres
Vient goûter des plaisirs
innocens & champêtres,
ToûToujours
seul, toujours
1 plein du trouble où
jetevoy,
Tout paroît a tes yeux
1 aussi triste que toy.
Faut-il qu'un noir chagrin
t'arrache à tant
z—
de charmes?
Les Dieux ne rendront
1 point Palémonà tes
larmes. 1
Epargne, cher Tirsis, des
regrets superflus,
Et cette enfin de plaindre
un Berger qui n'est
Plus..
TIRSIS.
Permets un libre cours à
ma douleur extrême;
Du fort de Palémon je ne
plains que moy-même:
De mes justes regrets tu
demeures surpris,. :
Du bien que j'ai perdu
connoissois-tu le prix?
LICIDAS.
Palémon eut pour toy l'amitié
la plus tendre;
Je Içai, pour te former,
les foins qu'il voulut
prendre:
A toy seul, quel Berger
n'en parut point jaloux?
A toy seul ilfît part de ses
chants les plus doux.
TIRSIS.
Ila plus fait pour moy ) tu
1as vusans envie,
C'est à lui que je dois le
calme de ma vie:
A de trop doux transports
m'arrachant sans retour,
C'est lui qui m'a sauve
des écueils de l'amour.
Esclave d'un penchant qui
nepeutquenousnuire,
Helas!à quelle erreur me
laissois-je seduire?
Je croyois., prévenu par
de tendres desirs,
Qu'en vivant sans amour
on vivoit sans plaisirs:
Un coeur, qui n'aimoit
point., me sembloit
inutile.
Mais enfin j'ai connu le
prix d'un fort tranquile;
E1t de'gagé> des fers qui m'avoient arjreAce1.y
Au rang des plus grands
biens j'ai misma liberté,
LICIDAS.
Par quel charme secret,
- Palémoa dans ton
ame,
Tirfis, a-t-il- éteint une
innocente flâme >
Lui-même toûjours prê-t
d'applaudir à tes feux,
T'en parloit comme eût
fait un Berger
amoureux.
.c
TIRSIS.
.L Palémon; dans lesnoeuds
de la plus douce
Chaîne
Vit à regret Tirfis retenu
parIsmene:
Mais comment dégager
un captifsi content?
Des caprices démené il
attendoit l'instant.
Cependant dans mon
coeur, quabusoit l'esperance
,
.,
Ses discours par degrez
portoient l'indifference.
Heureux, me disoit-il, qui
fage en les plaisirs
Dans sa feule raison a puisé
ses desirs. j
Il goûte dans la paix, que
l'innocence inspire,
Un bonheur aussi pur que
le jour qu'ilrespire i
Indépendant de tout, sans
soins & sans ennui,
C'estassez qu'en secret il
soit content de lui: -
Il trouve tous les biens
dans la vertu qu'il
aime,
Et vivant pour lui seul
)
[e
suffit à lui-même.
LICIDAS.
Instruit par les conseils
d'un si sage Berger,
Quel coeur eûtpu,Tirsis,
ne se pas dégager?
Avec lui la vertu n'avoit
rien de sauvage :
De nos plus douxplaisirs
il permettoit l'usage.
Lui-même aimoit nos
jeux. Avec toy dans
nos bois
Souvent à nos concerts il
a mêlé sa voix.
Quelle voix chantoit
mieux Ariane
abusée
Attestant les ser).mens du
parjure. Thesée?
Je
Jecrois l'entendre encor.
Les amoureux Zéphirs
Dans les Forêts alors retenoient
leurs loupirs:
De leur Palais humide;à
ses chants attentives,
Les Nayades en foule accouroient
sur lesrives•
Les flots qu'il suspendoit.
craignoient de s'agiter;
Les Echosécoutoient &
n'osoientrépéter.
TIRSIS.
•»
Si-tôt que dans ceslieux,
au retour de l'Aurore,
Tous les Prez deployoient
les richesses de Flore,
Au fond des bois obscurs,
azile du repos,
Nousallions par nos
chants réveiller les
Echos.
Là, tandis qu'à leur gré, sur le bord des fontaines,
Les Zephirs agitoient les
ombres incertaines,
Tandis que les Oiseaux
animoienr leurs
concerts,
Que les fleurs exhaloient
-
leurs parfums dans
les airs,
Couchez prés du cristal
d'une onde vive &
-
pure,
Nous n'étions jamais las
d'admiréela NamrCwr;
Momens, que m'offre encor
un tendre fouveniv
£tfesTypu_$écoutezpour
nej^lus revenir. ,,:~ 'r]
r LICIDAS.
-.1.. D'unBerger si chéri si les
Dieux te séparent,
Oublie im triste fort quand
:
les Dieux le réparent.
DAAS lieux5qu'ont
charmé leschants de
Palémon,
- Succede à ce Berger l'ai- *
macle Philémon:-
Philémon,qu'en ses Vers
Apollon même inspire,
A qui CeDieu souvent a
confié sa Lyre.
Ses accenssont pourmoy
ce qu'est sur les
côteaux
Pour un'Biergerrêveur le murmure des ear:ux'* -
Ou pourunVoyageur
échauffédans sasource
Unruisseau pur 8c frais
qui.JaiJIicde sa£aui
.,'
TIR SIS.
Je connois Philémon, si
vanté dans nos bois,
Et je sçai ce qu'ont pû les
charmes desa voix:
Ce Berger, que guidoit
une charmante Fée,
Descendit aux Enfers sur
les traces d'Orphée.*
Heureuxs'il m'apprenoit
par. quels charmans
accords
Sa voix se fit entendre aux
rivages des Morts.
* La Descenteaux Enfers, Ode deM.de
la Mette.
Palémon, en dépit de la
Parque [évére)
Je fléchirois Charon,j'enchanterois
Cerbére:
Et j'irois, des Destins forçant
la dure Loi, *
Te rendre la lumiere, ou
la perdre avecToi.
Fermer
Résumé : LA MORT DE PALÉMON, IDILLE.
Le texte relate un dialogue entre Tirsis et Licidas, centré sur la mémoire de Palémon, un berger récemment décédé. Tirsis exprime sa douleur et son chagrin face à la perte de Palémon, qu'il considère comme un ami cher et un guide. Licidas rappelle à Tirsis les moments heureux partagés avec Palémon et ses qualités exceptionnelles. Tirsis se remémore comment Palémon l'a aidé à éviter les pièges de l'amour et à apprécier la tranquillité et la liberté. Licidas souligne que, malgré sa sagesse, Palémon n'était pas dépourvu de sentiments et appréciait les plaisirs innocents. Tirsis évoque les moments de bonheur partagés avec Palémon dans la nature. Licidas mentionne que Philémon, un autre berger inspiré par Apollon, pourrait succéder à Palémon. Tirsis exprime son admiration pour Philémon et son désir de retrouver Palémon, même au-delà de la mort.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
13
p. 53-105
ARTICLE BURLESQUE. SUITE DU PARALLELE d'Homere & de Rabelais.
Début :
J'ay cru que rien ne rendroit ce Parallele plus [...]
Mots clefs :
Homère, Rabelais, Comique, Sublime, Sujet, Éloquence, Auteur, Génie, Neptune, Beau, Idée, Paris, Vers, Paradoxe, Comparaison , Parallèle, Grandeur, Dieux, Sérieux, Combat, Tempête, Panurge, Pantagruel
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ARTICLE BURLESQUE. SUITE DU PARALLELE d'Homere & de Rabelais.
ARTICLE BURLESQUE.
SUITE DV PARALLELE
d'Homere&de Rabelais.
*
J'Ay cru que rien ne
rendroit ce Parallele
plus amusantque d'y
mêler de petits contes,
dontle fond estdeRabelais;
mais que j'ai accommodez
de maniere
à pouvoir être lûs des
Dames,& à moins ennuyer
ceux qui ne sont
point afeZj erudits &
"affedwnnez^ Pentagruelistes,
poursavourer,
mâcher&remâcherjusqu'aux
moindres roga-*
tons, & avaler à longs
traits sa -desfuavitezRabelaisiennes
en faveur de
quelques grains de gros
sel,semez par ci par là,
ez., salmigondis & pots
pouris de Maître François.
Pour assortir, ou plûtôrpour
opposer à ces
contes, en trouverai
bien encor quelqu'un
dans Homere, mais je
respecte trop son grand
nom, pour oser rien
mettre du mien dans
ses ouvrages; à peine
ai-je osé retrancher une
bonne moitié du conte
du Cyclope, afin de
rendre l'autre moins
ennuyeuse.
: Pour oposer au grand
& au sublime du Poëte
grec, on trouvera
peut-être dans Maître
François quelques endroits
assez solides pour
faire avouer que Rabelais
cût mieux réussi
dans le sérieux, qu'Homere
n'a réussi dans le
comique, & de là je
prendrai occasion d'avancer
quelques propositions
qui seroient
hardies, téméraires,ridicules
même si on les
avançoit sérieusement,
& dont je n'ose prouver
laveritéqu'en plaisantant;
je les proposeray
donc d'abord
comme des Paradoxes
badins ; tcbadinageaT
cela de bon qu'il peut
éclaircir certaines veritez
qu'une dispute serieuse
ne seroit qu'obscurcirjlcbadinageaencore
cet avanta ge sur la
dispute, qu'au lieud'attirerla*
colere des difputcurs
graves, il n'en
attire qu'un fîlencedédaigneux
, & c'es en
être quitte à bon marché
j car la force des raisonnemens
ne fait que
les irriter au lieu de les
convaincre.
La prévention s'irrite
par la resistance, cest un
animal feroce qu'Homere
eut comparé àun
Taureau furieux
J
qui
parcourant les njaftes
campa?nes de la Lybie,
d'autre but dans sa
fureur que de heurtertête
baiJJie) & de renverser
IÙS plus fortsanimaux
qui oseront l'attaquer
de front.
C'est ainsi que dans
les vastes ambiguitez
dela dispure,les plus
fortes raisons ne tiennent
point contre la
prévention.
Comparons à present
le badinage à l'Abeille
legere, qui voltige en
folâtrant autour de ce
Taureau furieux; elle
badine en fureté entre
ses cornes, lepique legerement,
il ne fait que
secoücr l'oreille,autre
coup d'aiguillon qu'il
méprise, il ne voit point
d'ennemy, cependant
la mouche le pique, ses
piquûres sontlegeres:
maisc11es sontréïterées,
la mouc he se porte avec
agilité par tous les endroits
sensibles, les piqueures
redoublent,il
commence à s'irriter,
se ne voyant à qui s'en
prendre, il tourne sa
colerecontrelui- même,
il s'agite,ilse mord,il
se tourmente, &enfin
il s'épuise,s'affoiblit&
tombe. Procumbithumi
Bos.
Nôtre comparaison
nous a fortéloignez de
nostresujet:tant mieux,
elle n'en est que plus
Homerienne,s'il y a
quelque chose de faux
dans l'application, tant
mieux encore. Homere
est un modele qu'il faut
imiter : ses comparaisons
sont longues, fausses
& semblables les
unes aux autres, il n'importe;
c'est toûjours le
second &C le parfait
Homere.
Les comparaisons de
Rabelais sont plus variées,
plus justes,mais
elles ne sont pas
moins allongées, & la
plûpart sont si basses,
qu'àcet égard ilfaut
bien pour l'honneur du
goût donner la préferenceau
Prince des
Poëtes.
Avantcettedigression
j'ay promis,à propos
d'Homere & de Rabelais
, d'avancer pour rire
quelques proportions
étonnantes, le
premier de ces Paradoxes
c'est :
Qu'il faut pins d'étendue
d'esprit & peutcireplus
d'élévationpour
exceller dans le beau comique
, qu'il n'en faut
pour réussir dansle serieux.
Cette proposition va
révolter d'abord ceux
qui prévenus par refpcâ
pour tout ce qui
a l'air sérieux:
admirent en baillant
un ennuyeux tragique,
Et riant d'une Jjlgne's,
méprisentlecomique.
Le
Le second Paradoxe,
e'est. Que les plus excellentes
piecesserieuses
font mêlées d'excellent
comique
, & par consesquent
qu'un Authtur ne
peut excellerdans lesérieuxy
s'iln'a du talent
pour le comique.r
On trouveroitdans
tous; les siecles, 8cmême
dans lenôtrçxque
les plus grands genies
ont mêlé du winique,
dans leurs ouvrages SC
dans leurs discours,&
les genies mediocres
dérogent même quelquefois
aux prérogatives
de leur gravité,
pour hazarder d'être
plaisans; j'en ai vû s'arrêter
tout court, par
vanité, s'appercevant
qu'ils plaisantoient de
mauvaise grace, & se
déchaîner le moment
d'après contre le meilleur
genre de plaisanterie.
-
Toi qui debite gravement
Tafademédisance,
Caustique par tempec.
ramment,
Serieuxparprudence,
Tumtprifes d'un hon
r, plaisant
La comique élegance,
Comme un gouteux foi- ble&pesant
Mépriseroit la danse.
Les Vers ci-dejjus peuvent Je
chanter sur l'AirdeJÓconde.
Avantque d'avancer
mon troisiéme Paradoxe
,
il faudroit avoir
bien défini le mot de
comique, & celui de subhme
y &C aprés celà
même il seroitpeut-être
encor ridicule de
dire:Quenon-seulement
lè Jubltmerieft pas incompatibleavec<
li\comiqu^
ymais,qmlpssd-J
avoir dans certain comiquedestraitssuperieurs
ausublimeserieux. Voila
unepropositionétonnante,
par rapport à l'idée
qu'on a du sublimc,
que je définirois
volontiers, laperfection
dans le grand : mais on
peut en donner encor
d'autres définitions,&
c'est ce qui nous meneroit
trop loin, il faudroit
trop1 de temps
pourdonneràces trois
Paradoxes toutes les ex*
plications& modifications
qui pourroient
les rendre sérieusement
vrayes > c'est ce que
j'entreprendrai peutêtre
quelque jour,sij'ai
le loisir de mettre en
oeuvre les reflexions
que j'ai faites sur les
fesses idées qu'on a du
sublime, du sérieux &
du comique; contentons-
nous ici de badiner
sur nôtre dernier Paradoxe,
qui nous donnera
occasion de comparer
quelques mor-*
ceaux des deux Autheurs,
dont jecontinuë
le Parallele.
Pour parler selon les
idées communes, disons
: que le comique
nest point sublimepar
lui-mesme
,
mais qu'il
peut renfermer des sens
& des veritez sublimes,
& c'est pour sçavoir
renfermer ces grandes
veritez dans le comique,
qu'il faut un genie
tres étendu.
Ilenfaut moins,par
exemple, pour soûtenirune
morale sublime
par des expressions
fortes & nobles, qui lui
font propres, que pour
la traitter comiquement,
sansl'affoiblir,
&:. sans la dégrader.
Il est'vray que le genre
serieux est plus grand
par luy-même que le
sgaennsre comique, iltient
doute le premier
rang, mais il n'y a point.
au
au Parnasse de ceremonial
qui donne le pas a un Autheur sérieux
surun comique. Ilest
plus grand parexemple,
de traitter la guerre
de Troye ,causée
par lenlevement d'une
Princesse, que la guerre
causéepar l'enlevement
d'un Seau, La
sequi à rapita,mais cette
grandeur est dans le
sujet, & non dans TAutheur
qui le traitte.,8c
celui qui daps le Poème
del'enlevement d'un
Seau, feroit entrer les
idées les plushéroïques
, feroit sansdoute
un plus grand genie"
que celui à qui la grandeur
du sujet fournit
naturellement de grandes
idées.
On ne peut pas soûtenirqu'ily
ait quantité
de hautes idées renfermées
dans le comique
de Rabelais, mais
on prouveroit peut- être
qu'Homere doit une
bonne partie deson sublime
à la grandeurde
son sujet.; ?;!> JU ;
.,' La bassesse des sujets
que Rabelais à traitez
auroit sait tomber son
ouvrage,s'iln'avoit pas étésoustenu par: des
partiesexcellentes;
L'élévation Se lrrraportance
du sujet de
rmiadercûcsoustenuë
qu^îidniémeil yauroit
eu moins de beautez
quon,ny en trouve.
Nous voyons clairementpar
la connolt:
sance dusiecle où Rabelais
avescu, que la
plûpart de ses expressiós
fortes&naïves lui font
propres a lui seul.
Mais les sçavans sans
prévention avouent
-qu:on- neconnoist pas
assez le siecle d'Homere
pour sçavoirenquoi
il dl original:ceuxqui
connoissent le genie
oriental croiront plustost
que ses expressions
nobles& figurées, que
ses comparaisons magnifiques,&
mesme la
pluspart de sesideés
Poëtiques pouvoient
estreaussi communes
aux Grecsde son temps
que les proverbes sensez
le sont à Paris parmi
le peu ple.
Al'égard du sublime
de Rabelais, il faut convenir
qu'il est bien malâisé
de l'appercevoirà
travers le bascomique,
dont il est offusqué, il
dit en parlant de la
Loy comrnentée & embrouillée
par nos Juris-
Confulres
, que c'est
une belle robe à fondd'or
brodée de crote
: j'en dirois
autant de son sublime
,
qu'on me passe
ce mot en attendant
la définition : Mais appellez
comme il vous
plaira l'idée qu'il donne.
de la vraye & naturelle
Eloquence, par la décision
de Pcntagruel
sur le verbiage du li-,
centié, il paroit qu'elle
fit excellente: en voici
l'idée en abbregé.
LAVRAYE ELOQUENCE.
1 uN jour Penragruel
rencontra certainLice-nti.é,,
non autrement sçavant es;
sciences de son métier de
Docteur:mais en recompense
sçachant tres-foncicierement
danser & joüer
à la paume,lequel donc
rencontrépar Pentagruel,
fut interrogé d'où il venoit
5
& luy répondit,je
liens de l'urbe&citécelebrisjimt
quevulgairement onvocite
Lutece.Qu'est-ce à dire,
dit Pentagruel
,
à son truchementordinaire?
je suis
tout ebahi de tel jargon.
C'efc, répond letruchemenrjqu'il
vient de Paris:
Hé,reprit Pentagruel,.
à quoy passez-vous le
temps à Paris vous autres
licentiez^Nflw^repondit le
Licentié
, en nos occupations
dit: Quel diable de langa
ge est-cecy ? Ce nest que latinécorché, dit le Truchement,
& luy semble
qu'il est éloquent Orateur,
pource qu'ildédaigne
l'usance commune de
parler: or le Licentié
croyant que l'étonnement
Se ébahissement dePentagruel
venoit pour admirer
la haute beauté de cette
élocution, se reguinda encore
plus haut &: plus obleur,
si que par longueur
de periodes,poussa patience
à bout. Parbleu, dità
part-foi Pentagruel,je tapprendrai
quelle est vraie Se
naturelle éloquence ;puis
demadaauLicêciédequel
païs il étoit, à quoy répond
ainsi le Licencié.L'illustre
&honoriferantepropagation
demesaves&ataves, tire
son origine primordiale des
Régions Limosiniennes.J'entens
bien, dit Pentagruel,
tu n'es qu'un Limosin de
Limoge, & tu veux faire
5 le Demosthenes de Grece;
Or viens-cà que je te donne
un tour de peigne, lors
le prit à la gorge,disant :
tu écorches le Latin, moy
j'écorcheray le latiniseur,
si fort lui serroit la gorge
que le pauvre Limosin
commence à crier en Limosin,
vée Dicou Gentil.
latre : Hosaint Marsau !
secourami,bau,bau, laisias k
qu'ou AU nom de Dtous
y
dm
ne me tou cas grou.Ah5 dit
Pentagruel en le laissant ;
voila comment je te voulois
remettre en droit chemin
de vraye éloquence;
car à cette, heure viens-tu
de p, rler comme nature,
&, grand biente fasse icelle.
corrp&ion,-v.
Quoique je trouve
dans; cette;idéeune e fpece
de sublime, je ne
le. compareraipas sans
doute,à ce sublime
d'Homere, dans son
Vingtième Livre,oùil
Ïaicporter ainsiJupiter fàcNrëeibptluéendee4s'aDniseTuxA/tsembléedesDieux,
- '.i! r
Je vaisdonc m'asseoir
sur le sommet de l'Olimpe,
ôcregarder le combat :
mais pour vous autres vous
pouvez descendre,& prendre
ouvertement le party
deceux quevous favorilez,
car si Achille attaque
seullesTroyens,ils ne le
soûtiendront pas un moment
:comment le soû-
,tiendroient-ils aujourd'hui
qu'il est armé ,ôc que là
valeur est encoreaiguisée
par la douleur qu'il a de
la
mort de son amy J
qu'-
hier le voyant mêmesans
armes, ils furent remplis
/deterreur^,ôc..,
- E.î:n(.fuiteHomr ere fait
descendre les Dieux de
YOUmpC) qui animant
les troupes des deuxpartisye.
ng,agIentldfbataille, &se mêlenteux-mêmes
days le combat.
En cet endroit -je
quitte lebadinage par
respect, non pour la reputationseule
d'Homere,
mais pour la grandeur,
la majesté&l'élévation
de sa PoëGe;
quel genie! Se avec
quel art inceresse-t-il
icileCiel, la terre &
toute la nature au grad
fpe&acle qu'ilvanous
donner?il nous forceà
nousy interesser nousmêmes;&
voilal'effet
dusublime.
Pédantcecombat,continué
Homere, le Souverainmaître
des Dieux
tonne du haut duCiel,
'& Neptune élevant ses
flots ébranle laterre,
lescimes du Mont Ida
tremblent jusques dans
leurs
leursfondemens,Troye,
le champ de bataille&
les vaisseaux sontagitez.
par des secousses
violentes,le Roy; des
Enfers, épouvanté au
fond de son Palais, s'élance
de son Trône, &
s'écrie de toute sa force
dans la frayeur où il
est, que Neptune, d'un
coup de son Trident,
n'entrouvre laTerre
qui couvre les ombres,
&, qiie cet affreux séjour,
demeure éternelle
des tenebres & de la
mort, abhorré des Hommes8£
craint même des
Dieux,nereçoive pour
la premiere fois la lumiere,&
ne paroisse à
découvert, si grand eil
le bruit que font ces
Dieux, qui marchent
trleess/unsilco'rn*tre les au- ab-quor
Apollon armé detous
ses traits, attaque Neptune
; Minerves'oppose
à Mars, Diane
marche contre Junon,
mais Achille n'en
veut qu'à Hector, il le
cherche dans la mêlée,
impatient de verser le
fang deceHeros,sous
les yeux même du Dieu
Mars qui le protege.
Voila du beau, du
grand, il se fait sentir
par luy-même, il n'a
pasbesoin de Cõmentaire,
comme mille autres
endroits des anciens
Autheurs, qui ne
sont beaux qu'à proportion
de la creduliré
de ceux qui veulent
bien se prester aux. décisionsdes
Commentateurs.
Comparonsàpresent
., deux tableaux de nos
deux Autheurs sur le
même sujet, ils veulent
runU. l'autre representer
unetempeste..
,
Tout ~~p~
en peinture, en mufiqne,
En prose comme en vers.
sérieux ou comique,
Tempeste de Rubens;.
tempefle de Rablais,
jMrwe du grand Poëte
tragique*.
L'on pourroit comparer
la tempeste heroïque,.
Ala tempeste de Ma, -rais.
Ces vers sepeuvent chanter fit- PairdeJoconde.
TEMPESTE
DE
RABELAIS.
EN. nôtre nauf étions
avec Pentagruel le bon,
joyeusementtranquiles,&
étoit la mer tranquillement
triste; car Neptune
en son naturel est melancolique
& fonge-creux
pource qu'il est plus flegmatique
que sanguin.
Bonasse traîtreuse nous
invitoit à molle oisiveté
>1
ôc oisiveté nous invitoit à
boire,or à boisson vineuse
mêlions saucisses,boutargue
& jambons outrement
salez,pour plus vcu
luptueufement faire sentir,
& contraster suavité
nectarine ,douce non
comme,mais plus que lait.
O que feriez mieux, nous
cria le pilote au lieu d'icelles
salinesmangerviandes
douces,pource qu'incontinent
ne boirez peutêtreque
trop salé ; ce que
disoitlepilote par pronom
c::1:
stication; car pilotes ainsi
que chats en goutieres,
fleurent par instincpluyes
& orages.
Et de fait le beau
clair jour qui luisoit perdant
peu à peu sa transparence,
lumineuse
,
devint
d'abord comme entre
chien & loup,puis brun,
obscur, puis presquenoir,
puis si noir,si noir que
fumes saisis de mal peur;
* car autrelumiere n'éclaira
plus nos faces blêmes
&effrayées, que lueurs
d'éclairsfulminantspar
'Tecrevements
de flambantes
nuées, avec millions
de tonnerres tonigrondants
sur tous les tons
&intonations des orgues
de Jupin, les pedales ,
pou, dou ,dou
,
dou3
icy cromornes,Ton, ron,
ron ) ron &C cla
,
cla y
cla
,
clacla
,
misericorde
, crioit Panurge; détournez
l'orage, Tonnez
les cloches, mais cloches
ne sonnerent ,car en
avoit pour lors: voilà
tout en feu, voilà tout en
eau, bourasques de vents,
fiflemens horrifiques, ce1
la fait trois élements
dont de chacun , trop a-
Ivioiis n'y avoit que terre
qui nous manquoit,si
non pourtant que fondrieres
marines furent si
profondes,qu'en fin fond
d'abîmes ouverts eût-on
pu voir,harangs sur sable
-&C moruës engravées, or
'-du fio,nd d'iceuxabysmes r
vagues montoient aux
nuës
,
& d'icelles nûës.
fc precipitoient comme
torrents , montagnes
d'eau, foy disant vagues,
desquelles aucunes
tombant sur la nauf, Panurge
, qui de frayeur
extravaguoit, disoit ho
ho ho, quelle pluye estce
cy 5 vit-on jamais
pleuvoir vagues toutes
brandies: helas,helas
be be be be, , je nage, bou
bou bou bou, ha maudit
cordonnier, mes souliers
prennent l'eau par
le colet de mon pourpoint.
Ha que cette boit:
son est amere ! hala,
hola
,
je n'ay plus soif.
Te tairas - tu ?
crioit
Frere Jean, & viens
plustost nous aider à
manouvrer ,
où sont
nos boulingues
,
noftrc
trinquet est avau l'eau,
amis à ces rambades
Enfans, n'abandonnons,
le tirados, à moy, à moy.
Par icy, par la haut ,
par là bas.
Viens donc, Pcanurge,
viens, ventre de solles,
viens donc. Hé! ne jurons
point, disoit piteusement
Panurge, ne ju.
rons aujourd'huy, mais
demain tant que tu voudras
,
il est maintenant
heure de faire voeux,Se
promettre pelerinages :
ha ha
,
ha ha, ho ho
ho , ho, je nage, bou bi,
bou bous, sommes-nous
au fond? Ah je me
meurs! mais viens donc
icy nous aider, crioit
Frere Jean, au lieu de
moribonder,met la main
à l'estaransol
, gare la
pane, hau amure, amure
bas , peste soit du
pleurard qui nous est
nuisible au lieu de nous
aider. Ha! oüy oüy oüy,
reprenoit Panurge,vous
fuis nuisible
, mettezmoy
donc à terre afin
que puissiez à l'aise manouvrer
tout vostre soul-
Or icelle tempeste
ou tourmente, ou tourmentante
,comme voudrez
, commença à prendre
fin à force de durer,
comme toutes choses
mondaines: terre, terre,
cria le Pilote,& jugez
bien quelle jubilation
senfUlVlt
, a quoy prit
la plus forte part le
craintif Panurge, qui
defeendant le premier
sur l'arene,disoit,ôtrois
& quatre fois heureux.
Jardinier qui plante
choux, car au moins a-til
un pied sur terre, &
l'autre n'en est esloigné
que d'un fer de besche.
Or remettons tempeste
d'Homere à la pro- „ chaine mercuriale ainsi
que plusieurs autres bribes
des deux Autheurs
que nous paralelliferons
par maniere de passetemps
Rabelaisien, & -
non dogmatiquement ,
chose que- trop repeter
ne puis ; car pires sourds
n'y a que ceux qui ne
veulent point entendre.
SUITE DV PARALLELE
d'Homere&de Rabelais.
*
J'Ay cru que rien ne
rendroit ce Parallele
plus amusantque d'y
mêler de petits contes,
dontle fond estdeRabelais;
mais que j'ai accommodez
de maniere
à pouvoir être lûs des
Dames,& à moins ennuyer
ceux qui ne sont
point afeZj erudits &
"affedwnnez^ Pentagruelistes,
poursavourer,
mâcher&remâcherjusqu'aux
moindres roga-*
tons, & avaler à longs
traits sa -desfuavitezRabelaisiennes
en faveur de
quelques grains de gros
sel,semez par ci par là,
ez., salmigondis & pots
pouris de Maître François.
Pour assortir, ou plûtôrpour
opposer à ces
contes, en trouverai
bien encor quelqu'un
dans Homere, mais je
respecte trop son grand
nom, pour oser rien
mettre du mien dans
ses ouvrages; à peine
ai-je osé retrancher une
bonne moitié du conte
du Cyclope, afin de
rendre l'autre moins
ennuyeuse.
: Pour oposer au grand
& au sublime du Poëte
grec, on trouvera
peut-être dans Maître
François quelques endroits
assez solides pour
faire avouer que Rabelais
cût mieux réussi
dans le sérieux, qu'Homere
n'a réussi dans le
comique, & de là je
prendrai occasion d'avancer
quelques propositions
qui seroient
hardies, téméraires,ridicules
même si on les
avançoit sérieusement,
& dont je n'ose prouver
laveritéqu'en plaisantant;
je les proposeray
donc d'abord
comme des Paradoxes
badins ; tcbadinageaT
cela de bon qu'il peut
éclaircir certaines veritez
qu'une dispute serieuse
ne seroit qu'obscurcirjlcbadinageaencore
cet avanta ge sur la
dispute, qu'au lieud'attirerla*
colere des difputcurs
graves, il n'en
attire qu'un fîlencedédaigneux
, & c'es en
être quitte à bon marché
j car la force des raisonnemens
ne fait que
les irriter au lieu de les
convaincre.
La prévention s'irrite
par la resistance, cest un
animal feroce qu'Homere
eut comparé àun
Taureau furieux
J
qui
parcourant les njaftes
campa?nes de la Lybie,
d'autre but dans sa
fureur que de heurtertête
baiJJie) & de renverser
IÙS plus fortsanimaux
qui oseront l'attaquer
de front.
C'est ainsi que dans
les vastes ambiguitez
dela dispure,les plus
fortes raisons ne tiennent
point contre la
prévention.
Comparons à present
le badinage à l'Abeille
legere, qui voltige en
folâtrant autour de ce
Taureau furieux; elle
badine en fureté entre
ses cornes, lepique legerement,
il ne fait que
secoücr l'oreille,autre
coup d'aiguillon qu'il
méprise, il ne voit point
d'ennemy, cependant
la mouche le pique, ses
piquûres sontlegeres:
maisc11es sontréïterées,
la mouc he se porte avec
agilité par tous les endroits
sensibles, les piqueures
redoublent,il
commence à s'irriter,
se ne voyant à qui s'en
prendre, il tourne sa
colerecontrelui- même,
il s'agite,ilse mord,il
se tourmente, &enfin
il s'épuise,s'affoiblit&
tombe. Procumbithumi
Bos.
Nôtre comparaison
nous a fortéloignez de
nostresujet:tant mieux,
elle n'en est que plus
Homerienne,s'il y a
quelque chose de faux
dans l'application, tant
mieux encore. Homere
est un modele qu'il faut
imiter : ses comparaisons
sont longues, fausses
& semblables les
unes aux autres, il n'importe;
c'est toûjours le
second &C le parfait
Homere.
Les comparaisons de
Rabelais sont plus variées,
plus justes,mais
elles ne sont pas
moins allongées, & la
plûpart sont si basses,
qu'àcet égard ilfaut
bien pour l'honneur du
goût donner la préferenceau
Prince des
Poëtes.
Avantcettedigression
j'ay promis,à propos
d'Homere & de Rabelais
, d'avancer pour rire
quelques proportions
étonnantes, le
premier de ces Paradoxes
c'est :
Qu'il faut pins d'étendue
d'esprit & peutcireplus
d'élévationpour
exceller dans le beau comique
, qu'il n'en faut
pour réussir dansle serieux.
Cette proposition va
révolter d'abord ceux
qui prévenus par refpcâ
pour tout ce qui
a l'air sérieux:
admirent en baillant
un ennuyeux tragique,
Et riant d'une Jjlgne's,
méprisentlecomique.
Le
Le second Paradoxe,
e'est. Que les plus excellentes
piecesserieuses
font mêlées d'excellent
comique
, & par consesquent
qu'un Authtur ne
peut excellerdans lesérieuxy
s'iln'a du talent
pour le comique.r
On trouveroitdans
tous; les siecles, 8cmême
dans lenôtrçxque
les plus grands genies
ont mêlé du winique,
dans leurs ouvrages SC
dans leurs discours,&
les genies mediocres
dérogent même quelquefois
aux prérogatives
de leur gravité,
pour hazarder d'être
plaisans; j'en ai vû s'arrêter
tout court, par
vanité, s'appercevant
qu'ils plaisantoient de
mauvaise grace, & se
déchaîner le moment
d'après contre le meilleur
genre de plaisanterie.
-
Toi qui debite gravement
Tafademédisance,
Caustique par tempec.
ramment,
Serieuxparprudence,
Tumtprifes d'un hon
r, plaisant
La comique élegance,
Comme un gouteux foi- ble&pesant
Mépriseroit la danse.
Les Vers ci-dejjus peuvent Je
chanter sur l'AirdeJÓconde.
Avantque d'avancer
mon troisiéme Paradoxe
,
il faudroit avoir
bien défini le mot de
comique, & celui de subhme
y &C aprés celà
même il seroitpeut-être
encor ridicule de
dire:Quenon-seulement
lè Jubltmerieft pas incompatibleavec<
li\comiqu^
ymais,qmlpssd-J
avoir dans certain comiquedestraitssuperieurs
ausublimeserieux. Voila
unepropositionétonnante,
par rapport à l'idée
qu'on a du sublimc,
que je définirois
volontiers, laperfection
dans le grand : mais on
peut en donner encor
d'autres définitions,&
c'est ce qui nous meneroit
trop loin, il faudroit
trop1 de temps
pourdonneràces trois
Paradoxes toutes les ex*
plications& modifications
qui pourroient
les rendre sérieusement
vrayes > c'est ce que
j'entreprendrai peutêtre
quelque jour,sij'ai
le loisir de mettre en
oeuvre les reflexions
que j'ai faites sur les
fesses idées qu'on a du
sublime, du sérieux &
du comique; contentons-
nous ici de badiner
sur nôtre dernier Paradoxe,
qui nous donnera
occasion de comparer
quelques mor-*
ceaux des deux Autheurs,
dont jecontinuë
le Parallele.
Pour parler selon les
idées communes, disons
: que le comique
nest point sublimepar
lui-mesme
,
mais qu'il
peut renfermer des sens
& des veritez sublimes,
& c'est pour sçavoir
renfermer ces grandes
veritez dans le comique,
qu'il faut un genie
tres étendu.
Ilenfaut moins,par
exemple, pour soûtenirune
morale sublime
par des expressions
fortes & nobles, qui lui
font propres, que pour
la traitter comiquement,
sansl'affoiblir,
&:. sans la dégrader.
Il est'vray que le genre
serieux est plus grand
par luy-même que le
sgaennsre comique, iltient
doute le premier
rang, mais il n'y a point.
au
au Parnasse de ceremonial
qui donne le pas a un Autheur sérieux
surun comique. Ilest
plus grand parexemple,
de traitter la guerre
de Troye ,causée
par lenlevement d'une
Princesse, que la guerre
causéepar l'enlevement
d'un Seau, La
sequi à rapita,mais cette
grandeur est dans le
sujet, & non dans TAutheur
qui le traitte.,8c
celui qui daps le Poème
del'enlevement d'un
Seau, feroit entrer les
idées les plushéroïques
, feroit sansdoute
un plus grand genie"
que celui à qui la grandeur
du sujet fournit
naturellement de grandes
idées.
On ne peut pas soûtenirqu'ily
ait quantité
de hautes idées renfermées
dans le comique
de Rabelais, mais
on prouveroit peut- être
qu'Homere doit une
bonne partie deson sublime
à la grandeurde
son sujet.; ?;!> JU ;
.,' La bassesse des sujets
que Rabelais à traitez
auroit sait tomber son
ouvrage,s'iln'avoit pas étésoustenu par: des
partiesexcellentes;
L'élévation Se lrrraportance
du sujet de
rmiadercûcsoustenuë
qu^îidniémeil yauroit
eu moins de beautez
quon,ny en trouve.
Nous voyons clairementpar
la connolt:
sance dusiecle où Rabelais
avescu, que la
plûpart de ses expressiós
fortes&naïves lui font
propres a lui seul.
Mais les sçavans sans
prévention avouent
-qu:on- neconnoist pas
assez le siecle d'Homere
pour sçavoirenquoi
il dl original:ceuxqui
connoissent le genie
oriental croiront plustost
que ses expressions
nobles& figurées, que
ses comparaisons magnifiques,&
mesme la
pluspart de sesideés
Poëtiques pouvoient
estreaussi communes
aux Grecsde son temps
que les proverbes sensez
le sont à Paris parmi
le peu ple.
Al'égard du sublime
de Rabelais, il faut convenir
qu'il est bien malâisé
de l'appercevoirà
travers le bascomique,
dont il est offusqué, il
dit en parlant de la
Loy comrnentée & embrouillée
par nos Juris-
Confulres
, que c'est
une belle robe à fondd'or
brodée de crote
: j'en dirois
autant de son sublime
,
qu'on me passe
ce mot en attendant
la définition : Mais appellez
comme il vous
plaira l'idée qu'il donne.
de la vraye & naturelle
Eloquence, par la décision
de Pcntagruel
sur le verbiage du li-,
centié, il paroit qu'elle
fit excellente: en voici
l'idée en abbregé.
LAVRAYE ELOQUENCE.
1 uN jour Penragruel
rencontra certainLice-nti.é,,
non autrement sçavant es;
sciences de son métier de
Docteur:mais en recompense
sçachant tres-foncicierement
danser & joüer
à la paume,lequel donc
rencontrépar Pentagruel,
fut interrogé d'où il venoit
5
& luy répondit,je
liens de l'urbe&citécelebrisjimt
quevulgairement onvocite
Lutece.Qu'est-ce à dire,
dit Pentagruel
,
à son truchementordinaire?
je suis
tout ebahi de tel jargon.
C'efc, répond letruchemenrjqu'il
vient de Paris:
Hé,reprit Pentagruel,.
à quoy passez-vous le
temps à Paris vous autres
licentiez^Nflw^repondit le
Licentié
, en nos occupations
dit: Quel diable de langa
ge est-cecy ? Ce nest que latinécorché, dit le Truchement,
& luy semble
qu'il est éloquent Orateur,
pource qu'ildédaigne
l'usance commune de
parler: or le Licentié
croyant que l'étonnement
Se ébahissement dePentagruel
venoit pour admirer
la haute beauté de cette
élocution, se reguinda encore
plus haut &: plus obleur,
si que par longueur
de periodes,poussa patience
à bout. Parbleu, dità
part-foi Pentagruel,je tapprendrai
quelle est vraie Se
naturelle éloquence ;puis
demadaauLicêciédequel
païs il étoit, à quoy répond
ainsi le Licencié.L'illustre
&honoriferantepropagation
demesaves&ataves, tire
son origine primordiale des
Régions Limosiniennes.J'entens
bien, dit Pentagruel,
tu n'es qu'un Limosin de
Limoge, & tu veux faire
5 le Demosthenes de Grece;
Or viens-cà que je te donne
un tour de peigne, lors
le prit à la gorge,disant :
tu écorches le Latin, moy
j'écorcheray le latiniseur,
si fort lui serroit la gorge
que le pauvre Limosin
commence à crier en Limosin,
vée Dicou Gentil.
latre : Hosaint Marsau !
secourami,bau,bau, laisias k
qu'ou AU nom de Dtous
y
dm
ne me tou cas grou.Ah5 dit
Pentagruel en le laissant ;
voila comment je te voulois
remettre en droit chemin
de vraye éloquence;
car à cette, heure viens-tu
de p, rler comme nature,
&, grand biente fasse icelle.
corrp&ion,-v.
Quoique je trouve
dans; cette;idéeune e fpece
de sublime, je ne
le. compareraipas sans
doute,à ce sublime
d'Homere, dans son
Vingtième Livre,oùil
Ïaicporter ainsiJupiter fàcNrëeibptluéendee4s'aDniseTuxA/tsembléedesDieux,
- '.i! r
Je vaisdonc m'asseoir
sur le sommet de l'Olimpe,
ôcregarder le combat :
mais pour vous autres vous
pouvez descendre,& prendre
ouvertement le party
deceux quevous favorilez,
car si Achille attaque
seullesTroyens,ils ne le
soûtiendront pas un moment
:comment le soû-
,tiendroient-ils aujourd'hui
qu'il est armé ,ôc que là
valeur est encoreaiguisée
par la douleur qu'il a de
la
mort de son amy J
qu'-
hier le voyant mêmesans
armes, ils furent remplis
/deterreur^,ôc..,
- E.î:n(.fuiteHomr ere fait
descendre les Dieux de
YOUmpC) qui animant
les troupes des deuxpartisye.
ng,agIentldfbataille, &se mêlenteux-mêmes
days le combat.
En cet endroit -je
quitte lebadinage par
respect, non pour la reputationseule
d'Homere,
mais pour la grandeur,
la majesté&l'élévation
de sa PoëGe;
quel genie! Se avec
quel art inceresse-t-il
icileCiel, la terre &
toute la nature au grad
fpe&acle qu'ilvanous
donner?il nous forceà
nousy interesser nousmêmes;&
voilal'effet
dusublime.
Pédantcecombat,continué
Homere, le Souverainmaître
des Dieux
tonne du haut duCiel,
'& Neptune élevant ses
flots ébranle laterre,
lescimes du Mont Ida
tremblent jusques dans
leurs
leursfondemens,Troye,
le champ de bataille&
les vaisseaux sontagitez.
par des secousses
violentes,le Roy; des
Enfers, épouvanté au
fond de son Palais, s'élance
de son Trône, &
s'écrie de toute sa force
dans la frayeur où il
est, que Neptune, d'un
coup de son Trident,
n'entrouvre laTerre
qui couvre les ombres,
&, qiie cet affreux séjour,
demeure éternelle
des tenebres & de la
mort, abhorré des Hommes8£
craint même des
Dieux,nereçoive pour
la premiere fois la lumiere,&
ne paroisse à
découvert, si grand eil
le bruit que font ces
Dieux, qui marchent
trleess/unsilco'rn*tre les au- ab-quor
Apollon armé detous
ses traits, attaque Neptune
; Minerves'oppose
à Mars, Diane
marche contre Junon,
mais Achille n'en
veut qu'à Hector, il le
cherche dans la mêlée,
impatient de verser le
fang deceHeros,sous
les yeux même du Dieu
Mars qui le protege.
Voila du beau, du
grand, il se fait sentir
par luy-même, il n'a
pasbesoin de Cõmentaire,
comme mille autres
endroits des anciens
Autheurs, qui ne
sont beaux qu'à proportion
de la creduliré
de ceux qui veulent
bien se prester aux. décisionsdes
Commentateurs.
Comparonsàpresent
., deux tableaux de nos
deux Autheurs sur le
même sujet, ils veulent
runU. l'autre representer
unetempeste..
,
Tout ~~p~
en peinture, en mufiqne,
En prose comme en vers.
sérieux ou comique,
Tempeste de Rubens;.
tempefle de Rablais,
jMrwe du grand Poëte
tragique*.
L'on pourroit comparer
la tempeste heroïque,.
Ala tempeste de Ma, -rais.
Ces vers sepeuvent chanter fit- PairdeJoconde.
TEMPESTE
DE
RABELAIS.
EN. nôtre nauf étions
avec Pentagruel le bon,
joyeusementtranquiles,&
étoit la mer tranquillement
triste; car Neptune
en son naturel est melancolique
& fonge-creux
pource qu'il est plus flegmatique
que sanguin.
Bonasse traîtreuse nous
invitoit à molle oisiveté
>1
ôc oisiveté nous invitoit à
boire,or à boisson vineuse
mêlions saucisses,boutargue
& jambons outrement
salez,pour plus vcu
luptueufement faire sentir,
& contraster suavité
nectarine ,douce non
comme,mais plus que lait.
O que feriez mieux, nous
cria le pilote au lieu d'icelles
salinesmangerviandes
douces,pource qu'incontinent
ne boirez peutêtreque
trop salé ; ce que
disoitlepilote par pronom
c::1:
stication; car pilotes ainsi
que chats en goutieres,
fleurent par instincpluyes
& orages.
Et de fait le beau
clair jour qui luisoit perdant
peu à peu sa transparence,
lumineuse
,
devint
d'abord comme entre
chien & loup,puis brun,
obscur, puis presquenoir,
puis si noir,si noir que
fumes saisis de mal peur;
* car autrelumiere n'éclaira
plus nos faces blêmes
&effrayées, que lueurs
d'éclairsfulminantspar
'Tecrevements
de flambantes
nuées, avec millions
de tonnerres tonigrondants
sur tous les tons
&intonations des orgues
de Jupin, les pedales ,
pou, dou ,dou
,
dou3
icy cromornes,Ton, ron,
ron ) ron &C cla
,
cla y
cla
,
clacla
,
misericorde
, crioit Panurge; détournez
l'orage, Tonnez
les cloches, mais cloches
ne sonnerent ,car en
avoit pour lors: voilà
tout en feu, voilà tout en
eau, bourasques de vents,
fiflemens horrifiques, ce1
la fait trois élements
dont de chacun , trop a-
Ivioiis n'y avoit que terre
qui nous manquoit,si
non pourtant que fondrieres
marines furent si
profondes,qu'en fin fond
d'abîmes ouverts eût-on
pu voir,harangs sur sable
-&C moruës engravées, or
'-du fio,nd d'iceuxabysmes r
vagues montoient aux
nuës
,
& d'icelles nûës.
fc precipitoient comme
torrents , montagnes
d'eau, foy disant vagues,
desquelles aucunes
tombant sur la nauf, Panurge
, qui de frayeur
extravaguoit, disoit ho
ho ho, quelle pluye estce
cy 5 vit-on jamais
pleuvoir vagues toutes
brandies: helas,helas
be be be be, , je nage, bou
bou bou bou, ha maudit
cordonnier, mes souliers
prennent l'eau par
le colet de mon pourpoint.
Ha que cette boit:
son est amere ! hala,
hola
,
je n'ay plus soif.
Te tairas - tu ?
crioit
Frere Jean, & viens
plustost nous aider à
manouvrer ,
où sont
nos boulingues
,
noftrc
trinquet est avau l'eau,
amis à ces rambades
Enfans, n'abandonnons,
le tirados, à moy, à moy.
Par icy, par la haut ,
par là bas.
Viens donc, Pcanurge,
viens, ventre de solles,
viens donc. Hé! ne jurons
point, disoit piteusement
Panurge, ne ju.
rons aujourd'huy, mais
demain tant que tu voudras
,
il est maintenant
heure de faire voeux,Se
promettre pelerinages :
ha ha
,
ha ha, ho ho
ho , ho, je nage, bou bi,
bou bous, sommes-nous
au fond? Ah je me
meurs! mais viens donc
icy nous aider, crioit
Frere Jean, au lieu de
moribonder,met la main
à l'estaransol
, gare la
pane, hau amure, amure
bas , peste soit du
pleurard qui nous est
nuisible au lieu de nous
aider. Ha! oüy oüy oüy,
reprenoit Panurge,vous
fuis nuisible
, mettezmoy
donc à terre afin
que puissiez à l'aise manouvrer
tout vostre soul-
Or icelle tempeste
ou tourmente, ou tourmentante
,comme voudrez
, commença à prendre
fin à force de durer,
comme toutes choses
mondaines: terre, terre,
cria le Pilote,& jugez
bien quelle jubilation
senfUlVlt
, a quoy prit
la plus forte part le
craintif Panurge, qui
defeendant le premier
sur l'arene,disoit,ôtrois
& quatre fois heureux.
Jardinier qui plante
choux, car au moins a-til
un pied sur terre, &
l'autre n'en est esloigné
que d'un fer de besche.
Or remettons tempeste
d'Homere à la pro- „ chaine mercuriale ainsi
que plusieurs autres bribes
des deux Autheurs
que nous paralelliferons
par maniere de passetemps
Rabelaisien, & -
non dogmatiquement ,
chose que- trop repeter
ne puis ; car pires sourds
n'y a que ceux qui ne
veulent point entendre.
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Résumé : ARTICLE BURLESQUE. SUITE DU PARALLELE d'Homere & de Rabelais.
L'article compare les œuvres d'Homère et de Rabelais, en soulignant les différences de style et de réception. L'auteur décide de rendre les contes de Rabelais plus accessibles et moins ennuyeux, notamment en retranchant une partie du conte du Cyclope d'Homère pour le rendre moins ennuyeux. Il propose plusieurs paradoxes, comme l'idée que le comique nécessite plus d'étendue d'esprit que le sérieux, et que les œuvres sérieuses excellentes contiennent du comique. L'auteur utilise une métaphore pour comparer la prévention à un taureau furieux et le badinage à une abeille légère qui le pique sans le blesser gravement. Il discute de la difficulté de percevoir le sublime dans les œuvres de Rabelais en raison de leur comique bas. Il cite un exemple de la vraie éloquence dans 'Pantagruel' et le compare à un passage sublime de l'Iliade. Le texte compare également deux descriptions de tempêtes, mettant en avant la tempête de Rubens, celle de Rabelais et la tempête héroïque d'Homère. Il décrit en détail la tempête narrée par Rabelais dans 'Pantagruel'. Cette tempête commence par une mer tranquille et mélancolique, puis se transforme en un chaos de vents, d'éclairs et de vagues monumentales. Les personnages, notamment Panurge et Frère Jean, réagissent avec peur et désespoir, mais aussi avec des tentatives de manœuvre pour sauver le navire. La tempête finit par s'apaiser, apportant un soulagement général, surtout à Panurge, qui exprime sa joie d'avoir enfin un pied sur terre. L'auteur admire la grandeur et la majesté de la poésie d'Homère, qui parvient à impliquer le ciel, la terre et toute la nature dans ses descriptions. Il conclut en quittant le badinage par respect pour Homère. Le texte mentionne la comparaison des tempêtes des deux auteurs comme un passe-temps, sans intention dogmatique.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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14
p. 8-20
AUTRE PIECE nouvelle, à l'imitation d'Ausomne. L'AMOUR PUNI.
Début :
Loin de ces prisons redoutables, [...]
Mots clefs :
Amour, Pleurs, Vénus, Dieux, Myrthe, Amant
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE PIECE nouvelle, à l'imitation d'Ausomne. L'AMOUR PUNI.
Balzac dit qu'il y a
une figure de la piece
suivante dans une TabledeJaspeà
Naples,
où les femmes lapident
l'Amour avec desRoses.
AUTREPIECE
nouvelle,
L'AMOUR PUNI.
Loin de ces prisons
redoutables,
OùPluton aux ombres
coupables
Fait sentir son juste
courroux; Ilestdans les Enfers des
azyles plus doux.
Là des Myrrhes tousus
forment de verds
om brages,
Qjii n'ont riendes horreurs
de l'éternelle
nuitj
Des ruisseaux y coulent
f"::ns bruit,
Des Pavotslanguissans
couronnent leurs rivages
, On voit parmi les fleurs
qui parent ce séjour,
Hyacinthe & Narcisse,
&C tant d'autres
encore,
Quimortels autrefois
de l'Empire d'amour
Ont paffé fous les Loix
de flore. -
Dans les sombres dé",
tours de ces paisibles
lieux
Plusieurs Amans, dont
la memoire
Doit vivre à jamaisdans
l'Histoire,
S'occupent encor de
leurs feux;
L'ambitieuse imprudente,
Qui voulut voirJupiter
Armé de la foudre tonnallte)
Rappelle ce plaisir qui -
luicoûta si cher,
Et la Maîtresse de Ce-,
phale,
Soupirant pour ce vainqueur,
Cherit la flechefatale
Dont il lui perça le
coeur,
Hero d'une main tremblante,
Tient la lampe étincelante,
Qui lui servit seulement
A voir périr son amant.
Ariane rou le en colere
Ce fil triste instrument
d'un perfideattentat,
Tropmalheureuse, her.
las! d'avoir trahi
r son Pere -
Pour n'obliger qu'un
îngrat.
-,.. Phedre,chancelante §C
confuse,
Baigne, mais trop tard
de ses pleurs,
L'écritoù sa main ac- cuse
Ses criminelles ardeurs.
Moins coupables cent
1 fois,& plus à plaindre
qu'elle,
Et Didon & ThiLbé
vont sefrapper le rein;
D'un perfide ennemi,
l'une a le fer en main,
L'autre celui d'un amat
trop fidelle.
L'Amour, de leurs douleurs,
voulut être
témoin,
Decouvrir son carquois
il avoit pris le soin,
Les Arbres d'unboccage,
L'épaisseur d'unnuage
Adoucirent en vain 1eclat
de son flalubeau,
On reconnut bientôt
cet ennemi nouveau,
Déjà la troupe rebelle
Lui préparoit des Tourmens
inhumains;
L'Amour tout fatigué,
ne bat plus que
d'une aîle,
[1 se soutient à peine, il
tombe entre leurs
mains.
Amour, pour desarmer
les Juges implacables,
C'est vai nement que tu
verses des pleurs1
Onenchaînetes ma-ins,
qui portoient dans
les coeurs
Des coups inévitables;
Attachésurun Myrthe,
en proye à leurs
fureurs,
Tu vas de mille morts
éprouver les horreurs,
Leurs clameurs menaçantes
Ont étouffé tes plaintes
languissantes,
L'une vient t'effrayer
avec le fer sanglant,
Qui
Qui finit de ses jours le
déplorable reste,
L'autre avec le débris
encor étincelant
Du bucher de sa mort,
théâtre trop funeste,
De ses pleurs endurcis,
par le pouvoir des
Dieux,
Myrrha fait contre toy
de redoutables armes,
Leur poids va t'accabler,
ses remords,
lès allarmes
Ne puniront que toy de
son crime odieux.
L'Amour attire sa Mere
Par ses pleurs & par ses
cris,
Vient-elle à son secours?
non Venus en colere
Vient augmenter les
tourmens de son fils.
Je n'ai que trop souffert
de cet audacieux,
Dit-elle, qu'à son tour
il éprouve ma rage,
Des filets de Vulcain,
des ris malins des
Dieux
Jenai pas oubliel'outrage,
C'est Venus en courroux,
qui menace, tremblez
Sa main s'arme aussitôt
d'un long bouquet
de Roses,
De leurs boutons à peine
éclofes,
Le fang couloit dé-ja
fous ses coups redoublez,
Arrêtez Deesse irritée,
S'écrie avec transport
laTroupeépouventée,
Lorsque nous respirions
le jour
Le fort fit nos malheurs
ce ne fut pas l'Amour.
une figure de la piece
suivante dans une TabledeJaspeà
Naples,
où les femmes lapident
l'Amour avec desRoses.
AUTREPIECE
nouvelle,
L'AMOUR PUNI.
Loin de ces prisons
redoutables,
OùPluton aux ombres
coupables
Fait sentir son juste
courroux; Ilestdans les Enfers des
azyles plus doux.
Là des Myrrhes tousus
forment de verds
om brages,
Qjii n'ont riendes horreurs
de l'éternelle
nuitj
Des ruisseaux y coulent
f"::ns bruit,
Des Pavotslanguissans
couronnent leurs rivages
, On voit parmi les fleurs
qui parent ce séjour,
Hyacinthe & Narcisse,
&C tant d'autres
encore,
Quimortels autrefois
de l'Empire d'amour
Ont paffé fous les Loix
de flore. -
Dans les sombres dé",
tours de ces paisibles
lieux
Plusieurs Amans, dont
la memoire
Doit vivre à jamaisdans
l'Histoire,
S'occupent encor de
leurs feux;
L'ambitieuse imprudente,
Qui voulut voirJupiter
Armé de la foudre tonnallte)
Rappelle ce plaisir qui -
luicoûta si cher,
Et la Maîtresse de Ce-,
phale,
Soupirant pour ce vainqueur,
Cherit la flechefatale
Dont il lui perça le
coeur,
Hero d'une main tremblante,
Tient la lampe étincelante,
Qui lui servit seulement
A voir périr son amant.
Ariane rou le en colere
Ce fil triste instrument
d'un perfideattentat,
Tropmalheureuse, her.
las! d'avoir trahi
r son Pere -
Pour n'obliger qu'un
îngrat.
-,.. Phedre,chancelante §C
confuse,
Baigne, mais trop tard
de ses pleurs,
L'écritoù sa main ac- cuse
Ses criminelles ardeurs.
Moins coupables cent
1 fois,& plus à plaindre
qu'elle,
Et Didon & ThiLbé
vont sefrapper le rein;
D'un perfide ennemi,
l'une a le fer en main,
L'autre celui d'un amat
trop fidelle.
L'Amour, de leurs douleurs,
voulut être
témoin,
Decouvrir son carquois
il avoit pris le soin,
Les Arbres d'unboccage,
L'épaisseur d'unnuage
Adoucirent en vain 1eclat
de son flalubeau,
On reconnut bientôt
cet ennemi nouveau,
Déjà la troupe rebelle
Lui préparoit des Tourmens
inhumains;
L'Amour tout fatigué,
ne bat plus que
d'une aîle,
[1 se soutient à peine, il
tombe entre leurs
mains.
Amour, pour desarmer
les Juges implacables,
C'est vai nement que tu
verses des pleurs1
Onenchaînetes ma-ins,
qui portoient dans
les coeurs
Des coups inévitables;
Attachésurun Myrthe,
en proye à leurs
fureurs,
Tu vas de mille morts
éprouver les horreurs,
Leurs clameurs menaçantes
Ont étouffé tes plaintes
languissantes,
L'une vient t'effrayer
avec le fer sanglant,
Qui
Qui finit de ses jours le
déplorable reste,
L'autre avec le débris
encor étincelant
Du bucher de sa mort,
théâtre trop funeste,
De ses pleurs endurcis,
par le pouvoir des
Dieux,
Myrrha fait contre toy
de redoutables armes,
Leur poids va t'accabler,
ses remords,
lès allarmes
Ne puniront que toy de
son crime odieux.
L'Amour attire sa Mere
Par ses pleurs & par ses
cris,
Vient-elle à son secours?
non Venus en colere
Vient augmenter les
tourmens de son fils.
Je n'ai que trop souffert
de cet audacieux,
Dit-elle, qu'à son tour
il éprouve ma rage,
Des filets de Vulcain,
des ris malins des
Dieux
Jenai pas oubliel'outrage,
C'est Venus en courroux,
qui menace, tremblez
Sa main s'arme aussitôt
d'un long bouquet
de Roses,
De leurs boutons à peine
éclofes,
Le fang couloit dé-ja
fous ses coups redoublez,
Arrêtez Deesse irritée,
S'écrie avec transport
laTroupeépouventée,
Lorsque nous respirions
le jour
Le fort fit nos malheurs
ce ne fut pas l'Amour.
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Résumé : AUTRE PIECE nouvelle, à l'imitation d'Ausomne. L'AMOUR PUNI.
Le texte décrit diverses scènes et personnages liés à l'amour et à ses conséquences. À Naples, une figure de pièce montre des femmes lapidant l'Amour avec des roses. Une autre pièce, 'L'Amour Puni', est également mentionnée. Les Enfers sont explorés, avec des lieux paisibles où coulent des ruisseaux et poussent des fleurs comme l'hyacinthe et le narcisse, symbolisant les amants morts par amour. Des amants célèbres sont évoqués, tels que celle qui voulut voir Jupiter armé de la foudre, la maîtresse de Céphale, Héro, Ariane, Phèdre, Didon et Thybé. Ces personnages sont décrits dans des situations de douleur et de regret liées à leurs amours tragiques. L'Amour, fatigué et blessé, est capturé et enchaîné par ces amants vengeurs. Venus, la mère de l'Amour, refuse de le secourir et décide de le punir à son tour avec un bouquet de roses. La troupe épouvantée implore Venus d'arrêter, affirmant que leurs malheurs étaient dus à la force et non à l'Amour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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15
p. 34-47
ODE NOUVELLE à Monsieur de M.
Début :
O ! Muse, en ces momens, où libre en cette table, [...]
Mots clefs :
Muse, Peine, Héros, Esprit, Raison, Dieux, Cieux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ODE NOUVELLE à Monsieur de M.
ODENOUVELLE
à Monsieurde M. O !Muse, en ces
momens,
où libre en
cette table,
J'y voy mes airs suivis de
ce bruit favorable,,
Qui me rend aujourd'huy
le plus fier des. humains
,
Viens,toi-même, & metsmoi
la Lyre entre les
mains,
Que mes doigts en tirant
le son le plus aimable,
De tes pompeux accords, de tes accens divins
Rende l'usage à nos sestins.
*
Commençons; je connois
à l'ardeur quim'inspire
Que Pollymnie est en ces
lieux:
Oüi, je ce reconnois,&
chacun dans ses yeux
Avec transport me laisse
Ce que peuvent sur nous
* C'ctoiclacourume chezles Anciens
de chanter aprèsles grandsrepas.
- Cytharâ crinitus Iota:
Personat auratâ.
Virg.Hom.dansl'Iliade&l'Odyr.,
tes sons harmonieux,
Mais n'entreprenons point
de dire
Les exploits des Heros, la
naissance des Dieux:
Comment d'un seul regard
ébranlant son Empire
Jupiter fait trembler & la
terre & les Cieux;
Ce qui forme les vents, ce
qui fait le tonnere,
Comment chaque lasson a
partagé la terre,
Ce retour si confiant &
des nuits & desjours
Entre tant. de [ujets sublimes,
Que toy seul aujourdhuy
sois l'objet de nos rimes;
Chantonsla gloire deton.
cours.
Où fuis-je? & dans cette
carriere *
Doù je vois. s'élever fous
les pieds des chevaux
Cette épaisse & noble
poussiere
Dontse viennent couvrir
mille jeunes rivaux,
Quel mortel ** assis les
couronne?
Cette foule qui l'environne
* Jeux Olimpiques.
-** Pindare.
De sa voix leule attend le
prix de sestravaux.
Sur quel ton monte-t-il sa
lyre?
Et comment pourrai
-
je
décrire
Ses ambitieuses chan[onst
L'air s'ouvre devant luy de
l'un à l'autrePôle,
Comme un Cygne écla,
tant loin de nous il
s'envole,
Et la hauteur du Ciel est
celle de Tes fons.
Mufe, avec tant d'efforts
à peine turelpires,
Mais, aimable Sapho, je
t'entends, tu soupires,
~Tucedesàl'amour quiposfede
tes sens.
Bien Ppluisnddouacermee,nt que- ru fais que la raison s'é-
1 gare,
Bacchus nous ranime, &
pour plaire
Il prend cette lyre legere
Qu'Anacreontouche pour
luy,
A sa voix le plaisir se répand
surla
terre,
Et partout il livre la guerre
Aux soins, à la peine, à
l'ennui.
De ses sons le galantHorace
Parant sesaccords avec
grace,
- Aux bords les plus fleuris
va dérober le rhim,
Plus diligentque n'etf une
abeille au matin.
Que loüerai-je le plus,ou
sa cadence juste,
Ou de ses vers aisezle tour
ingenieux?
Par sa main l'immortel
Auguste
Boit le même nectar qu'-
Hebé
Hebé dispense aux
Dieux:
Mais sa lyre avec luy s'enferme
fous sa tombe;
En vain, sans qu'un beau
feu daigne au moins
l'éclairer,
Ronsard chez nos ayeux
cherche à la retirer:
Sous ses vains efforts il
succombe,
Et couvert du mépris plus
cruel que l'oubli,
Sous son obscure audace
il reste enseveli.
Mais l'ordre des arts pour
nouschange,
Lordre des temps enfin
& s'explique ôc s'arrange,
Et commençant l'éclat
du.
Parnasse François,
Nous donne de Malherbe
ôc l'oreille, & la
1.
voix.
Quels accords épurez
quels nombres pleins
de charmes,
Soit que,cos'manimbanat tausX,),
Il suive au milieu des aIJf'
larmes J"
Un Roy qui soumet tout
à l'effort de son bras;
Soit que triomphant de
l'envie,
Dans la paix des plaisirs
suivie
Il peigne ce Héros le front
orné de fleurs,
Et que luy faisantplaindre
uneamoureuse
peine
Il touche la Nymphe de
Seine
De fès incurables douleurs.
*
C'en est fait
,
& le Ciel
acheve;
De-ces Maîtres fameux
* Vers imitez de Malherbe.
je vois un jeune Eleve*
Qui fixe de nos airs &c
l'éclat &le son:
Espritjuste, esprit vrai,
aue sa force admirable
!
Du Pinde & du Lycée a
fait le nourisson,
Et qui nereconnoît pour:,
beauté veritable '?
Que celle qui veut bien
avoüer la raison.
Muse, joüis dans luy du
comble de la gloire;
Ce mortel si content au*
temple de Memoire 11
* M. dela Mothe.
Avec pompe en ce jour
à nos yeux est conduit;
Unimmortel éclat le
suit,
Il obtient à son gré cet
honneur qu'il desire;
Ah ! qu'on ouvre ce tempIe,
& que chacun
admire
Ces Héros que l'esprit y
rassemble à nos yeux:
* * * entr'eux place sa
lyre
Plus brillante en ces lieux
où le mérite aspire,
Que celled'Arion, qui
brille au haut des
Cieux.
M***
?
Estimateur aimable
Du mérite de nos écrits,
Qui prendroit bien des
tiens le tour inimitable,
Seroit sûr d'emporter le
prix.
Par toy déja deux fois admis
dans le mystere
De tes ouvrages si brillans,
J'ai vu pour les beaux arts
ton goût hereditaire,
Un naturel aisé, les plus
rares talens.
J'ai vû que, ta muse facile
Sur le Pinde avec grace
affermissant tes pas,
Tu ferois sans peine Virgile,
Si tu n)étois pas né du rang
de Mecoenas.
à Monsieurde M. O !Muse, en ces
momens,
où libre en
cette table,
J'y voy mes airs suivis de
ce bruit favorable,,
Qui me rend aujourd'huy
le plus fier des. humains
,
Viens,toi-même, & metsmoi
la Lyre entre les
mains,
Que mes doigts en tirant
le son le plus aimable,
De tes pompeux accords, de tes accens divins
Rende l'usage à nos sestins.
*
Commençons; je connois
à l'ardeur quim'inspire
Que Pollymnie est en ces
lieux:
Oüi, je ce reconnois,&
chacun dans ses yeux
Avec transport me laisse
Ce que peuvent sur nous
* C'ctoiclacourume chezles Anciens
de chanter aprèsles grandsrepas.
- Cytharâ crinitus Iota:
Personat auratâ.
Virg.Hom.dansl'Iliade&l'Odyr.,
tes sons harmonieux,
Mais n'entreprenons point
de dire
Les exploits des Heros, la
naissance des Dieux:
Comment d'un seul regard
ébranlant son Empire
Jupiter fait trembler & la
terre & les Cieux;
Ce qui forme les vents, ce
qui fait le tonnere,
Comment chaque lasson a
partagé la terre,
Ce retour si confiant &
des nuits & desjours
Entre tant. de [ujets sublimes,
Que toy seul aujourdhuy
sois l'objet de nos rimes;
Chantonsla gloire deton.
cours.
Où fuis-je? & dans cette
carriere *
Doù je vois. s'élever fous
les pieds des chevaux
Cette épaisse & noble
poussiere
Dontse viennent couvrir
mille jeunes rivaux,
Quel mortel ** assis les
couronne?
Cette foule qui l'environne
* Jeux Olimpiques.
-** Pindare.
De sa voix leule attend le
prix de sestravaux.
Sur quel ton monte-t-il sa
lyre?
Et comment pourrai
-
je
décrire
Ses ambitieuses chan[onst
L'air s'ouvre devant luy de
l'un à l'autrePôle,
Comme un Cygne écla,
tant loin de nous il
s'envole,
Et la hauteur du Ciel est
celle de Tes fons.
Mufe, avec tant d'efforts
à peine turelpires,
Mais, aimable Sapho, je
t'entends, tu soupires,
~Tucedesàl'amour quiposfede
tes sens.
Bien Ppluisnddouacermee,nt que- ru fais que la raison s'é-
1 gare,
Bacchus nous ranime, &
pour plaire
Il prend cette lyre legere
Qu'Anacreontouche pour
luy,
A sa voix le plaisir se répand
surla
terre,
Et partout il livre la guerre
Aux soins, à la peine, à
l'ennui.
De ses sons le galantHorace
Parant sesaccords avec
grace,
- Aux bords les plus fleuris
va dérober le rhim,
Plus diligentque n'etf une
abeille au matin.
Que loüerai-je le plus,ou
sa cadence juste,
Ou de ses vers aisezle tour
ingenieux?
Par sa main l'immortel
Auguste
Boit le même nectar qu'-
Hebé
Hebé dispense aux
Dieux:
Mais sa lyre avec luy s'enferme
fous sa tombe;
En vain, sans qu'un beau
feu daigne au moins
l'éclairer,
Ronsard chez nos ayeux
cherche à la retirer:
Sous ses vains efforts il
succombe,
Et couvert du mépris plus
cruel que l'oubli,
Sous son obscure audace
il reste enseveli.
Mais l'ordre des arts pour
nouschange,
Lordre des temps enfin
& s'explique ôc s'arrange,
Et commençant l'éclat
du.
Parnasse François,
Nous donne de Malherbe
ôc l'oreille, & la
1.
voix.
Quels accords épurez
quels nombres pleins
de charmes,
Soit que,cos'manimbanat tausX,),
Il suive au milieu des aIJf'
larmes J"
Un Roy qui soumet tout
à l'effort de son bras;
Soit que triomphant de
l'envie,
Dans la paix des plaisirs
suivie
Il peigne ce Héros le front
orné de fleurs,
Et que luy faisantplaindre
uneamoureuse
peine
Il touche la Nymphe de
Seine
De fès incurables douleurs.
*
C'en est fait
,
& le Ciel
acheve;
De-ces Maîtres fameux
* Vers imitez de Malherbe.
je vois un jeune Eleve*
Qui fixe de nos airs &c
l'éclat &le son:
Espritjuste, esprit vrai,
aue sa force admirable
!
Du Pinde & du Lycée a
fait le nourisson,
Et qui nereconnoît pour:,
beauté veritable '?
Que celle qui veut bien
avoüer la raison.
Muse, joüis dans luy du
comble de la gloire;
Ce mortel si content au*
temple de Memoire 11
* M. dela Mothe.
Avec pompe en ce jour
à nos yeux est conduit;
Unimmortel éclat le
suit,
Il obtient à son gré cet
honneur qu'il desire;
Ah ! qu'on ouvre ce tempIe,
& que chacun
admire
Ces Héros que l'esprit y
rassemble à nos yeux:
* * * entr'eux place sa
lyre
Plus brillante en ces lieux
où le mérite aspire,
Que celled'Arion, qui
brille au haut des
Cieux.
M***
?
Estimateur aimable
Du mérite de nos écrits,
Qui prendroit bien des
tiens le tour inimitable,
Seroit sûr d'emporter le
prix.
Par toy déja deux fois admis
dans le mystere
De tes ouvrages si brillans,
J'ai vu pour les beaux arts
ton goût hereditaire,
Un naturel aisé, les plus
rares talens.
J'ai vû que, ta muse facile
Sur le Pinde avec grace
affermissant tes pas,
Tu ferois sans peine Virgile,
Si tu n)étois pas né du rang
de Mecoenas.
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Résumé : ODE NOUVELLE à Monsieur de M.
Le texte est une ode dédiée à un muse, probablement un poète ou un musicien, célébrant sa gloire et son talent. L'auteur exprime sa fierté et son inspiration en présence de ce muse, le comparant à des figures mythologiques et historiques renommées pour leur maîtrise des arts. Il mentionne divers poètes et musiciens antiques et modernes, tels que Homère, Virgile, Pindare, Sapho, Anacréon, Horace, et Malherbe, soulignant leurs contributions et leurs styles distincts. L'auteur décrit ensuite l'évolution des arts et la transition vers la poésie française, mettant en lumière l'influence de Malherbe. Il célèbre un jeune élève, probablement un poète contemporain, qui incarne la perfection des arts et la raison. Ce jeune poète est conduit au temple de la Mémoire, où il est honoré pour son mérite et son talent. Enfin, l'auteur adresse des éloges à un estimateur des beaux-arts, soulignant son goût héréditaire et ses talents rares, et exprime son admiration pour ses œuvres brillantes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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16
p. 134-143
Traduction d'un Poëme Anglois, Sur le Bal que M. le D** d** a donné à Londres le 17. Août 1713.
Début :
Pour connoître les moeurs, les goûts, les habitudes [...]
Mots clefs :
Mœurs , Habitudes , Peuples, Voyage, Palais, Dieux, Héros, Beauté, Festin, Divinité
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texteReconnaissance textuelle : Traduction d'un Poëme Anglois, Sur le Bal que M. le D** d** a donné à Londres le 17. Août 1713.
Traduction d'unPoëme
Anglois,
Sur le Bal que M. le n**'d**
a donnéà Londres le17.
:' , £" :, ,4 U I?IJ. ,"",'-;.\1 ï;'Aout>1713.>;
P our conoître les moeurs,
les goûts, les habitudes
De cent & cent peuples di-
~\W\*Â\V-,\ ^crs,* ,',' "',
iVU grédeleurs inquietudes
Les mortelsinconstans parcourent
l'univers: 9 Pourmoy, libre des foins
qu'entraînent les voyages
,
Loin de vouloir braver les
flots capricieux, 1
Et sans m'exposer aux orages,
Ici je satisfais mes desirs curieux.
Daumont dans son Palais
represente à nos yeux
Les Heros & les mêmes
Dieux
Dont autrefois dansleurs
ouvrages
Les Poëtes ingenieux
J Ne tracerent quelesimages.
Par-toutvous yvoyezer, rans
Les habitans du ciel, de la
terre & de l'onde,
Ettous les hommes differens
Dont les Dieux ont peuplé
tous les climats du
monde.
Suivi de sa brillante cour
Jqupuitierttpéour s'y rendre a l'empirée;
Alecton fort du noir séjour
Avec sa cohorte effarée;
Des humides Tritons Amphitrite
entourée
Reçoit
Reçoit les voeux du Dieu
dont elle est ado-
-
rée,
Et l'on voit errer à l'entour
Les jeunes filles de Nerée.
Mars aux genoux de Citerée
Se laisse dérober ses armes
par l'Amour;
Dans le sein de Thetis le
brillant Dieu du
jour
Fixe sa course mesurée.
Là Dianeparoît artifte-,
: ment parée, -i *v4
L'Amour n'est plusfon ennemi;
Et si j'en croisles soins où
je la voislivrée,
Sa fiere vertumoderée
Cherche un Endimion qui
soit moins endormi.
»
A chaque beauté qui s'avance
Mercure offreà l'instant
des secours seduccteurs,
Par des traits galans & flateurs
Ilsignaleson éloquence.
De toutes parts sont répandus
Princes,Dieux, Rois, mêlez
& confondus
Avec Démons, Bergers,
Nymphes, Geans,
Pigmées.
-
<
L'implacable Nocher des
ondes enflamees*
Soûrit à des objets & plus
doux & plus beaux;
Les Morts suiventses pasy
couverts de leurs
lambeaux.
Ici c'estle Hibou, là c'est
l'Aigle iraraor-•
- iC lierai.*-• J'
On voit le Corbeau, trop
fidele, SJ
D'un noir plumage revê-
,
tu,
Et les oiseaux par leur ramage
.PPoouurrlleessbbeelllleessffoonnttuunnpprreé--
,: ,- sage --,q
De la chûte de leur ver-
,.' tu.
On y voit folâtrer des No-
,- nes peu severes,
Sans reliques Çc sans rosaires.
r Le grave senateur prend
un air gracieux,
De l'austere Themis ou,
bliant le langage,
De son art desormais il ne
veut faire usage
Qu'au tribunal de deux
beaux yeux.
Le triste Medecin déguise
sa presence
Sous un appareil affecp
té.
Le luxe avec la volupté
Empruntent un habit de
pieuse apparence.
Ici cette jeune beauté,
Qui de mille galans tour
a tour est maîtrèfle.-,
Affeâcla(implicite t 1 D'unevertueule Koacresse.
On-voit dans le Palais chacunse
transfor-
.,>; mer,
Daumont seul n'y prend
point une formeem-
*
pruntée.
Quelleautre lui seroit prêtée,
Qui? G: bienquela sienne
eût le don de char- -* mefï1'*
Ainsi dans un festin quand
laTroupe immorîtelle^
Autour de Jupiter se range
avec splendeur,
Il se déguise point sa forme
naturelle;
Ce Dieu s'offre dans sa
grandeur:
Mais lorsque fous le tendre
empire
Dequelque mortelle beauté
Ce Souverain des Dieux
soûpire,
Il voile sa Divinité.
Anglois,
Sur le Bal que M. le n**'d**
a donnéà Londres le17.
:' , £" :, ,4 U I?IJ. ,"",'-;.\1 ï;'Aout>1713.>;
P our conoître les moeurs,
les goûts, les habitudes
De cent & cent peuples di-
~\W\*Â\V-,\ ^crs,* ,',' "',
iVU grédeleurs inquietudes
Les mortelsinconstans parcourent
l'univers: 9 Pourmoy, libre des foins
qu'entraînent les voyages
,
Loin de vouloir braver les
flots capricieux, 1
Et sans m'exposer aux orages,
Ici je satisfais mes desirs curieux.
Daumont dans son Palais
represente à nos yeux
Les Heros & les mêmes
Dieux
Dont autrefois dansleurs
ouvrages
Les Poëtes ingenieux
J Ne tracerent quelesimages.
Par-toutvous yvoyezer, rans
Les habitans du ciel, de la
terre & de l'onde,
Ettous les hommes differens
Dont les Dieux ont peuplé
tous les climats du
monde.
Suivi de sa brillante cour
Jqupuitierttpéour s'y rendre a l'empirée;
Alecton fort du noir séjour
Avec sa cohorte effarée;
Des humides Tritons Amphitrite
entourée
Reçoit
Reçoit les voeux du Dieu
dont elle est ado-
-
rée,
Et l'on voit errer à l'entour
Les jeunes filles de Nerée.
Mars aux genoux de Citerée
Se laisse dérober ses armes
par l'Amour;
Dans le sein de Thetis le
brillant Dieu du
jour
Fixe sa course mesurée.
Là Dianeparoît artifte-,
: ment parée, -i *v4
L'Amour n'est plusfon ennemi;
Et si j'en croisles soins où
je la voislivrée,
Sa fiere vertumoderée
Cherche un Endimion qui
soit moins endormi.
»
A chaque beauté qui s'avance
Mercure offreà l'instant
des secours seduccteurs,
Par des traits galans & flateurs
Ilsignaleson éloquence.
De toutes parts sont répandus
Princes,Dieux, Rois, mêlez
& confondus
Avec Démons, Bergers,
Nymphes, Geans,
Pigmées.
-
<
L'implacable Nocher des
ondes enflamees*
Soûrit à des objets & plus
doux & plus beaux;
Les Morts suiventses pasy
couverts de leurs
lambeaux.
Ici c'estle Hibou, là c'est
l'Aigle iraraor-•
- iC lierai.*-• J'
On voit le Corbeau, trop
fidele, SJ
D'un noir plumage revê-
,
tu,
Et les oiseaux par leur ramage
.PPoouurrlleessbbeelllleessffoonnttuunnpprreé--
,: ,- sage --,q
De la chûte de leur ver-
,.' tu.
On y voit folâtrer des No-
,- nes peu severes,
Sans reliques Çc sans rosaires.
r Le grave senateur prend
un air gracieux,
De l'austere Themis ou,
bliant le langage,
De son art desormais il ne
veut faire usage
Qu'au tribunal de deux
beaux yeux.
Le triste Medecin déguise
sa presence
Sous un appareil affecp
té.
Le luxe avec la volupté
Empruntent un habit de
pieuse apparence.
Ici cette jeune beauté,
Qui de mille galans tour
a tour est maîtrèfle.-,
Affeâcla(implicite t 1 D'unevertueule Koacresse.
On-voit dans le Palais chacunse
transfor-
.,>; mer,
Daumont seul n'y prend
point une formeem-
*
pruntée.
Quelleautre lui seroit prêtée,
Qui? G: bienquela sienne
eût le don de char- -* mefï1'*
Ainsi dans un festin quand
laTroupe immorîtelle^
Autour de Jupiter se range
avec splendeur,
Il se déguise point sa forme
naturelle;
Ce Dieu s'offre dans sa
grandeur:
Mais lorsque fous le tendre
empire
Dequelque mortelle beauté
Ce Souverain des Dieux
soûpire,
Il voile sa Divinité.
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Résumé : Traduction d'un Poëme Anglois, Sur le Bal que M. le D** d** a donné à Londres le 17. Août 1713.
Le texte est une traduction d'un poème anglais décrivant un bal organisé par un noble à Londres le 17 août 1713. Le poète souhaite découvrir les mœurs et les habitudes de divers peuples sans voyager. Le bal se déroule au palais de Daumont, où sont représentés des héros, des dieux, ainsi que des habitants du ciel, de la terre et des mers. Le poème mentionne plusieurs personnages mythologiques et divins, tels que Jupiter, Alecton, les Tritons, Amphitrite, Mars, Thétis, Diane et l'Amour. Mercure offre son éloquence à chaque beauté présente. Le bal rassemble princes, dieux, rois, démons, bergers, nymphes, géants et pygmées. Les invités, comme le sénateur, le médecin et une jeune beauté, adoptent des comportements et des apparences différents. Daumont, quant à lui, ne change pas d'apparence, contrairement à Jupiter qui se déguise sous l'empire d'une mortelle beauté.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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17
p. 779-793
Opera de Telemaque, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
Le 24 Mars, l'Académie Royale de Musique remit au Théatre la Tragedie de Telemaque, [...]
Mots clefs :
Académie royale de musique, Dieux, Dieu, Amour, Coeur, Tragédie, Tragédie de Télémaque, Paix, Autel, Temple
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texteReconnaissance textuelle : Opera de Telemaque, Extrait, [titre d'après la table]
Le 24 Mars , l'Académie Royale de Mufique
remit au Théatre la Tragedie de Telemaque ,
dont M. le Chevalier Pellegrin a compofé le
Poëme ; & M. Deftouches , Directeur, de cette.
Académie , a fait la Mufique. Le fuccès que cet
Opera avoit eu en 1714. où il fut donné pour la
premiere fois , fembloit répondre de celui de ta
reprife ; l'attente du Public n'a pas
pée ; les applaudiffemens qu'on a donnez à la p
miere repréfentation de la repriſe continuent.
Tout le monde convient qu'il n'a jamais été fibien
reprefenté. La De Antier n'y fait point regretter
la De Journet, & la Dle Pelliffier égale
au moins la De Heufé, qui avoit joué le rôle
d'Eucharis. Le fieur Chaffé s'eft fait applaudir.
par la maniere dont il a chanté & joué la Scene
d'Adrafte. Le fieur Tribou joue le rôle de Telemad'une
maniere à fe concilier tous les ſuffrages
dont il eft en poffeffion depuis quelques années.
que
Gij Le
80 MERCURE DE FRANCE
Le Ballet eft des plus brillants , & les Des Fres
voft , Camargo Salé n'y laiffent rien à défirer.
Nous avons crû que le Public verroit avec plaiſir
un Extrait de cette Tragedie.
PROLOGUE .
Le Théatre reprefente un lieu que les Arts
viennent de construire & d'orner, par ordre de
Minerve , à l'honneur du Roy qui vient de donner
la paix à l'Europe . On y voit des Trophées .
Minerve & Apollon paroiffent au fond. Minerve
eft fuivie des Vertus des Arts , & Apol
lon eft accompagné des Mufes .
Rien n'eft plus heureux pour un deffein de Prologue,
que de fervir d'Epoque à un grand évenement.
Perfonne n'ignore que la celebre journée
de Denain fut décifive pour la paix , & changea
la face de l'Europe entiere. C'est dans cette vûë
que
Minerve dit :
Que j'aime à porter mes regards
Sur cet amas pompeux d'armes & d'étendards !
D'un Roy que je cheris,tout m'annonce la gloire;
Vous , Apollon ; vous , Filles de mémoire,
Préparez vos chants & vos jeux :
Pour rendre les Mortels heureux
La Paix du haut des Cieux vole après la victoire.
Apollon répond à Minerve , que c'eſt à elle à
ordonner les Jeux, puifqu'il s'agit de celebrer un
Héros qui calme la Terre. Minerve invite Apollon
& les Mufes à chanter les bienfaits d'un Roy
qui en donnant la Paix au monde , les met en liberté
de former des Concerts que le bruit des
Armes
AVRIL. 1730. 781
Armes ne puiffe troubler. Apollon lui fait entendre
qu'il a befoin de l'Amour pour fes tragiques
Jeux ; mais qu'il craint que fa prefence ne bleffe
fes yeux. Minerve lui répond , qu'en faveur de
la Paix , elle confent que l'Amour foit de la fête.
On appelle l'Amour , il defcend des Cieux & té
moigne d'abord fa furprife par ce Vers :
Quoy! Minerve en ce lieu m'appelle !
Minerve lui répond :
Ne prétends pas regner fur elle :
L'Amour lui dit :
C'est
pour fuivre mes loix
que tous les cours
font faits ,
Tout cede à mon pouvoir fuprême ,
Vous feule échappez à des traits
Qui font trembler Jupiter même.
Minerve tire une nouvelle gloire de cette petite
Vanité de l'Amour. Voicy fa réponſe :
Quand je te voi vainqueur du Souverain des
Dieux ,
La gloire de mon nom vole au plus haut des
Cieux :
Que devant toi Jupiter tremble ,
C'eft un nouvel éclat pour moi.
Tu triomphes de lui ; je triomphe de toi ,
N'est- ce pas triompher de tous les Dieux enfemble
Gij L'Amour
82 MERCURE DE FRANCE
L'Amour ne veut pas pouffer la rancune plus
loin , & finit cette petite altercation par ces deux
Vers :
Il eft temps d'embellir
ces lieux ;
La Paix doit réunir les Mortels & les Dieux.
Après la Fête , Minerve annonce la Tragédie
qu'elle fouhaite voir , par ces quatre Vers adref→
fez à Apollon & aux Muſes.
Rappellez Telemaque à la clarté du jour
Au ravage des ans , dérobez fa memoire
Mais ne le livrez à l'Amour ,
Que pour faire éclater fa gloire.
ACTE I.
>
Le Théatre représente l'Ile d'Ogygie. On y
voit des Palais renversez par des inondations ;
un côté du Temple de Neptune que les flots
ont respecté.
Eucharis ouvre la Scene par un court Monologue
qui fait allufion aux ravages que Neptune
irrité, exerce fur l'Ile d'Ogygie. Cleone, fa Confidente
, vient lui demander d'où peuvent naître
fes nouvelles plaintes ; Eucharis lui découvre fa
foibleffe pour un Inconnu qui a fait naufrage
après elle fur ces funeftes bords ; voici comment
elle fait cette expofition.
Tu fus témoin du trouble de mes fens ,
Quand ce jeune Etranger , par la fureur des vents,
Fit naufrage fur cette Rive ;
Ses yeux étoient fermez à la clarté du jour ;
Déja fon ame fugitive ,
Etoit
AVRIL. 1730. 783
Etoit prête à defcendre au tenebreux féjour ;
Cleone , quel objet ! que j'en fus attendrie !
Envain à mon fecours j'appellai ma fierté ;
Je ne pus lui rendre la vie ,
Qu'aux dépens de ma liberté.
Cet amour d'Eucharis pour un Inconnu , donne
lieu à Cleone de lui repréſenter qu'elle doit fe
fouvenir qu'elle eft du Sang des Rols ; elle l'invite à
laiffer toujours ignorer qu'elleeft fille d'Idomenée,
d'autant plus queNeptune eft ennemi de ce malheureux
Roi de Crete , & qu'elle feroit perdue fi l'ont
venoit à fçavoir qu'elle eft d'un Sang odieux à ce
Dieu terrible, dont on cherche à appaifer le courroux
; elle voit paroître Calypfo , & prie fa Princeffe
de cacher toujours fon veritable nom d'An
tiope , fous le nom emprunté d'Eucharis.
Calypfo fort toute éperdue du Temple de Nepune
; elle dit à Eucharis que rien ne peut calmer
ce Dieu vengeur ; qu'il vient de lui faire entendre
fon crime, qui eft d'avoir laiffé partir Uliffe, dont
il lui avoit demandé le fang ; elle ajoûte que ce
Dieu cruel perfifte à lui demander fa Victime ,
quoiqu'elle ne foit plus en fon pouvoir ; elle apprend
à Eucharis que ce qui l'avoit encore plus
portée à defobéir à Neptune, & à renvoyer Uliffe
à Itaque , c'eft qu'elle commençoit à fentir une
pitié trop tendre pour ce Heros , quoique les Enfers
lui euffent prédit qu'elle feroit très -malheu
reufe , fi jamais elle livroit fon coeur à l'Amour.
Eucharis lui fait efperer qu'après avoir détourné
les préfages des Enfers , elle pourra parvenir
appailer les Dieux , ce qui oblige Calypſo à lui
découvrir fes nouvelles frayeurs par ces Vers :
Un fonge... ah ! je fremis quand je me le rappelle
Giiij Je
784 MERCURE DE FRANCE
Je l'ai vu ce Heros que Neptune pourfuit ,
Je l'ai vu fur ces bords: une troupe cruelle
L'alloit précipiter dans l'éternelle nuit :
Il n'étoit plus armé d'une auſtere ſageffe ;
L'Amour qui voloit fur fes pas
De la plus brillante jeuneffe ,
Sembloit lui prêter les
appas.
Far un charme inconnu contrainte à le deffendre,
J'ai détourné le fer
vengeur ;
Helas ! pour prix d'un foin fi tendre ,
Le cruel m'a percé le coeur.
Adrafte vient faire une defcription des ravages
qui défolent l'Empire de Calypfo ; il s'en plaint
d'autant plus , qu'ils different fon Hymen avec
elle , arrêté par Athlas , pere de cette Reine . Ca→
Jypfo l'oblige à la quitter pour confulter les Enfers
fur les moyens qu'elle pourra prendre pour
fatisfaire Neptune. Quelques Critiques feveres ont
trouvé qu'une Fête magique ne devoit pas être
dans un premier Acte , fondez fur la feule raiſon
qu'il n'y en a point de pareille dans aucun premier
Acte d'Opera ; mais les Partiſans de cette
Tragedie ont répondu , que le deffaut d'exemples
n'eft pas une regle exclufive , à quoi ils ont ajoûté
que cette Fête eft plutôt une confultation d'Oracles,
qu'une Magie ordinaire ; en effet Calypfo le
fait entendre par ces deux Vers.
Mais comment de Neptune appaiſer la colere ?
L'Enfer peut me le reveler.
Le Muficien eft parfaitement bien entré dans
l'efprit du Poëte , par la maniere dont il a traité
cette
AVRIL. 1730. 785
cette Fête ; elle eft plus vive que terrible , & la
joye barbare des Démons y eft parfaitement cafacterifée.
Voici le réfultat de la Fête .
Calypfo aux Démons .
Neptune fur ces bords demande un facrifice
Je ne puis l'appaiſer à moins du ſang d'Uliffe ;
Ce fang n'eſt plus en mon pouvoir.
Choeur.
Dreffe l'Autel , fais ton devoir ;
Tu ne peux balancer ſans crime.
Calypfo.
Où dois-je chercher la Victime
Choeur.
Neptune y va pourvoir.
Calypfo fe détermine à executer ce que les Eas
fers confultez lui preſcrivent , & finit ce premier
Acte par ces deux Vers :-
La plus aveugle obéiffance ,
Eft la plus agréable aux Dieux .
Le Théatre reprefente au deuxième Acte le Tem
ple de Neptune. On y voit un Autel dreffé .
Telemaque fait entendre à Idas , fon Confident,
que les dangers continuels où fon pere eft exposé
par le courroux de Neptune , lui font une loi indifpenfable
de venir au moins joindre fes voeux
au pompeux facrifice qu'on va celebrer
sher ce terrible Dieu des flots. Idas lui reproche
Gy fon
pour cal786
MERCURE DE FRANCE
fon amour pour Eucharis , malgré le choix que
Minerve , fa Protectrice , a fait d'Antíope pour
être un jour fon Epoufe. Télemaque ne peut
vaincre fa foibleffe , il fait connoître à Idas qu'Eu--
charis ne répond pas à fon amour.
Eucharis vient féliciter Télemaque de l'heu
reux fuccès qu'on efpere du facrifice qu'on va
offrir à Neptune , après lequel il pourra partir de
ce fatal Rivage , au lieu que l'efclavage où Calypfo
la réduit ne peut finir que par la mort. Telemaque
lui promet de rompre fes fers par le fecours des
Sujets de fon pere , dont les Vaiffeaux difperfez
viendront le joindre ; il lui apprend qu'il eft fils.
d'Uliffe , à ce nom d'Uliffe Eucharis frémit ;
Télemaque lui demande le fujet de fa frayeur ;.
Eucharis le lui explique par ces Vers :
Neptune en courroux ,
Veut que le fang d'Uliffe aujourd'hui fe répande ;
Ah ! c'eft le vôtre qu'il demande ;
Et ce barbare Autel n'eft dreffé que pour vous.
Cette Scene a paru très-intereffante , quoique
la Parodic ait voulu faire entendre que Telemaque
fe livroit fans raifon à une mort qui peut-être
ne fauveroit pas fon pere ; ceux qui fçavent
que l'amour filial fait le caractère dominant
de Telemaque , n'ont eu garde de le blâmer
de ce dévouement volontaire , en faveur duquel
Neptune calme fa colere , comme on le verra
dans l'Acte fuivant ; Eucharis voyant approcher
Calypfo avec les Miniftres de Neptune , preffe
plus que jamais Telemaque de fe retirer ; elle fe
flatte de l'y réfoudre par l'aveu de fon amour
pour lui , Telemaque ne la fuit que pour empêcher
qu'elle ne fe livre à fon defefpoir, & revient
Pour être facrifié à Neptune , il déclare a Calypfo
qu'il
AVRIL . 1730. 787
qu'il eft fils d'Uliffe . Cette Reine attentive à exami
ñer fes traits , reconnoît en lui cet Uliffe rajeuni
qu'elle a vû en fonge; elle s'attendrit par degrez &
Parrache enfin de l'Autel, malgré les menaces des
Prêtres de Neptune & les remontrances d'Adrafte..
Au troifiéme Acte le Théatre reprefente un
Defert, Adrafte irrité de l'Amour de Calypfo pour
Telemaque , exprime fon defeſpoir . Il demande à
Arcas ,fon Confident , s'il a tout préparé pour
fa vengeance ; Arcas lui répond que fes amis s'affemblent
& viendront bien- tôt le joindre; il tâche
pourtan: de le détourner d'un projet, où vrai-femblablement
il doit périr , attendu le violent amour
que la Reine à pris pour Telemaque ; Adrafte lut
que le Peuple & les Dieux font pour lui. dit
Adrafte reproche à Calypfo le nouvel outrage
qu'elle vient de faire à Neptune ; Calypfo lui rẻ-
pond que fa fureur a fait place à fa pitié , &
qu'elle a fait ce qu'elle a dû ; Adrafte lui dic , en
parlant de Telemaque :
Non , la feule pitié ,
N'a pas pour lui démandé grace.
Ce dernier reproche irrite Calypfo ; la Scène
devient très-vive de part & d'autre„& finit par
ce Duo.
Enfemble.
Le dépit , la haîné & la rage ,
Vengerons ce mortel outrage ;
Tremblez , & c .
Adrafte. Calypfo.
Ensemble.
Tremblez pour lui ; tremblez pour vous..
Tremblez ; redoutez mon courroux.-
G. vj Eu88
MERCURE DE FRANCE
Eucharis vient annoncer à Calypfo , que la fou
miffion de Telemaque a défarmé la colere de Nep .
& que les Miniftres de ce Dieu irrité vien →
nent de l'annoncer au Peuple ; Calypſo ſe défiant
toûjours de Neptune , s'explique ainfi :
tune ,
Je vois trop ce qu'il médite ,
1
Lorfqu'il nous rend le repos ;
Et le trouble qui m'agite ,
Le venge mieux que fes flots.
Dans cette Scene , Calipfo fait connoître for
amour à Eucharis , qui lui rappelle les malheurs
dont les Enfers l'ont menacée, fi jamais elle vient
à aimer ; elle la preffe de combattre fon amour
Calypfo lui répond :
Tout l'Enfer m'obeït , je regne dans les Airs ,
Je fais gronder la Foudre & briller les Eclairs ;
Le jour quand il me plaît fe change en nuit obfcure
;
Le Ciel même eft foumis à mon pouvoir vain◄
queur ;
Mon Art donne des loix à toute la Nature ;
Mais l'Amour en donne à mon coeur.
Telemaque , mandé par Calypfo, vient , elle lui ✨
témoigne la joye qu'elle a de voir fes jours deformais
en fureté ; Telemaque lui fait connoître que
le calme qui regne fur ces Bords ne regne pas
dans fon coeur. Calypfo attribuant cette inquietude
à un defir fecret qu'il a de revoir Itaque , ordonne
aux Démons d'embellir ces lieux , les Démons
obéiffent , & font une Fête pour amolir
le coeur de ce jeune Heros ; après la Fête qu'on
1
་
AVRIL. 1730. 789
د
a trouvée trés-brillante , Calypfo demande à Te
lemaque fi un féjour fi charmant ne fera pas ca
pable de l'arrêter ; Telemaque lui répond d'une
maniere qui lui fait prendre le change , voici les
Vers qui produifent cet équivoque ; il faut fuppofer
Eucharis prefente.
Telemaque.
Mes yeux font enchantez; je ne m'en deffends pas
Mais pour bien gouter tant d'appas ,
Mon coeur n'eft pas affez tranquille.
Calypfo.
Vous n'êtes pas tranquille en ce charmant
féjour !
A ce trouble fecret , je reconnois l'Amour.
Telemaque à part.
Vous auriez pénétré ... Dieux ! que lui vais -je
apprendre ?
Calypfo.
On penetre aifément les fecrets d'un coeur tendre.
Telemaque .
Le deſtin de mes feux eft en votre pouvoir.
Calypso.
Au Temple de l'Amour , hâtez-vous de vous
rendre ,
Prince , ce jour vous fera voir ,
Qu'au plus parfait bonheur votre coeur doit
prétendre ,
Eucharis
790 MERCURE DE FRANCE
"
Eucharis aura foin de vous le faire entendre.
Telemaque à part.
Dieux , ne trompez pas mon eſpoir.
Au quatriéme Acte où on voit le Temple de
P'Amour, Eucharis chargée par Calypfo de parler
à Telemaque de l'amour que cette Reine a pour lui
exprime fa fituation par ce Monologue.
Lieux facrez , où l'Amour reçoit für fes Autels ,-
L'hommage de tous les Mortels ,
Voyez mon trifte fort ; je perds tout ce que
: j'aime ,
Et je viens à l'Amour immoler l'Amour même
, & c.
Elle fe détermine à cacher fa naiffance à Telemaque
, pour le mieux difpofer en faveur d'une
grande Reine. Elle finit fon Monologue par cesdeux
Vers :
Il vient. Pour lui fauver le jour ,
Immolons à la fois ma gloire & mon amour.
La Scene fuivante , qui eft entre Telemaque &
Eucharis, a paru très intereffante; Eucharis voyant.
approcher Calypfo , prie Telemaque de feindre au
moins ; ce Prince vertueux & digne de la protection
de Minerve, lui répond ,
Quoi ! d'un détour fi bas vous me croyez capable
!
Elle a fauvé mes jours , je ferois trop 'coupable
Fuyons-la , je ne puis la tromper ni l'aimer.
La
AVRIL. 1730 . 791
La troifiéme Scene n'a pas fait moins de plai-
-fir que les deux précedentes ; Calypfo furprife de
la fuite de Telemaque, commence à le foupçonner
d'ingratitude ; Eucharis a beau lui dire que ce-
- Prince ne fçauroit jamais oublier,fans ingratitude,
qu'elle lui a ſauvé la vie , elle lui répond :
Il peut avoir pour moi de la reconnoiffance ,
Et n'en être pas moins ingrat.
- Elle fe rappelle que Telemaque lui a paru amou
reux , d'ou elle conclut qu'elle a donc une Rivale;
Voici comment elle s'exprime ::
Ah ! fi jamais l'Amour jaloux ,
De mon coeur malheureux s'empare ,
Qu'il tremble , au feul bruit de mes coups ,
Je remplirai d'effroi l'Averne & le Tenare ;
L'Amour eft plus cruel que l'Enfer en courroux,
Quand on l'ofe forcer à devenir barbare.
La cruelle incertitude où fe trouve Calypfo , lat
porte à confulter l'Amour fur le fort qu'elle doit
attendre , ce qui produit une . Fête très - galante ,
nous en fupprimons le détail , pour ne point
quitter le fil de Faction. La Grande- Prêtreffe de
Amour prononce cet Oracle à Calypfo :
Minerve a difpofé du fort de Telemaque ;
Antiope avec lui doit regner fur Itaque.
Cet Oracle defefperant pour Calypfo , eft ſuivi
d'un coup encore plus terrible ; Adrafte mortellement
bleffé par Telemaque , vient lui annoncer
que ce Prince aime Eucharis , & finit par ces Vers :
Mon
192 MERCURE DE FRANCE
Mon tourment finit & le vôtre commence :
Du coup qui m'a frappé , je fens moins la rigueurs
J'avois perdu l'espoir de ma vengeance ,
Je la laiffe en mourant au fond de votre coeur."
On voit à la Décoration du cinquiéme Acte le
Port d'Ogygie ; Calypfo en fureur le détermine à
perdre fa Rivale. Elle dit à Telemaque qu'il pèut
partir & qu'elle eft inftruite des deffeins queMinerve
a formez fur lui ; Telemaque foupire de doufeur
, Calypfo lui reproche fon indigne amour
pour une vile Eſclave,& fon ingratitude pour une
Reineimmortelle , par ces Vers , qui rappellent co
qui s'eft paffé dans les premiers Actes :
Ton coeur gémit ! quel indigne langage !
Dans les fers d'une Efclave un tendre amour t’en→
gage !
Du moins fi cet amour ... Dieux ! quel eft mox
malheur !
Dieu des flots, noirs Enfers , fonge rempli d'hor
reur
Votre menace eft accomplie ; -
Je t'aime , tu me hais : je t'ai fauvé la vie ;
Cruel , tu me perces le coeur.
Telemaque mortellement frappé des menaces de
Calypfo , preffe Eucharis de fe fauver , s'il eſt
poffible. Cette Scene a été trouvée la plus intereflante
de la Piece , & a fait verfer des larmes
en voici la fin.
Eucharis.
Par ces triftes adieux, c'eft trop nous attendrir.
partez
AVRIL 793 1730.
Partez ; au nom d'Uliffe , au nom de Penelope ;
Au nom de vos heureux Sujets ,
Parmi de fi tendres objets
Je n'ofe nommer Antiope.
Telemaque.
Demeurez, Eucharis ; quel nom prononcez-vous ?
Antiope ! non , non ; une auguſte Immortelle
Veut en vain m'unir avec elle ;
Je ne puis être fon Epoux.
Eucharis.
Dieux , la réſerviez- vous à ce bonheur extréme
Telemaqué.
Non ; faut-il qu'un ferment raffure vos eſprits
Dieux , armez contre moi votre pouvoir fupréme
Si jamais ...
Eucharis.
Arrêtez ; c'eft Antiope même ,
Que vous aimez dans Eucharis
Les Vaiffeaux de Telemaque viennent à ſon ſe→
cours ; Minerve combat pour eux ; leur victoire
donne lieu à une Fête marine. Minerve apprend à
Calypfo qu'Eucharis eft Antiope. Elle ordonne
aux Zephirs de tranfporter ces deux Amans à
Itaque. Calypfo au defefpoir , biafphême contre
les Dieux qui foudroyent & engloutiffent ſon Iſle
La Piece finit par ce Vers de Calypfo :
Dieux , en me puniffant vous ſervez ma fureur.
remit au Théatre la Tragedie de Telemaque ,
dont M. le Chevalier Pellegrin a compofé le
Poëme ; & M. Deftouches , Directeur, de cette.
Académie , a fait la Mufique. Le fuccès que cet
Opera avoit eu en 1714. où il fut donné pour la
premiere fois , fembloit répondre de celui de ta
reprife ; l'attente du Public n'a pas
pée ; les applaudiffemens qu'on a donnez à la p
miere repréfentation de la repriſe continuent.
Tout le monde convient qu'il n'a jamais été fibien
reprefenté. La De Antier n'y fait point regretter
la De Journet, & la Dle Pelliffier égale
au moins la De Heufé, qui avoit joué le rôle
d'Eucharis. Le fieur Chaffé s'eft fait applaudir.
par la maniere dont il a chanté & joué la Scene
d'Adrafte. Le fieur Tribou joue le rôle de Telemad'une
maniere à fe concilier tous les ſuffrages
dont il eft en poffeffion depuis quelques années.
que
Gij Le
80 MERCURE DE FRANCE
Le Ballet eft des plus brillants , & les Des Fres
voft , Camargo Salé n'y laiffent rien à défirer.
Nous avons crû que le Public verroit avec plaiſir
un Extrait de cette Tragedie.
PROLOGUE .
Le Théatre reprefente un lieu que les Arts
viennent de construire & d'orner, par ordre de
Minerve , à l'honneur du Roy qui vient de donner
la paix à l'Europe . On y voit des Trophées .
Minerve & Apollon paroiffent au fond. Minerve
eft fuivie des Vertus des Arts , & Apol
lon eft accompagné des Mufes .
Rien n'eft plus heureux pour un deffein de Prologue,
que de fervir d'Epoque à un grand évenement.
Perfonne n'ignore que la celebre journée
de Denain fut décifive pour la paix , & changea
la face de l'Europe entiere. C'est dans cette vûë
que
Minerve dit :
Que j'aime à porter mes regards
Sur cet amas pompeux d'armes & d'étendards !
D'un Roy que je cheris,tout m'annonce la gloire;
Vous , Apollon ; vous , Filles de mémoire,
Préparez vos chants & vos jeux :
Pour rendre les Mortels heureux
La Paix du haut des Cieux vole après la victoire.
Apollon répond à Minerve , que c'eſt à elle à
ordonner les Jeux, puifqu'il s'agit de celebrer un
Héros qui calme la Terre. Minerve invite Apollon
& les Mufes à chanter les bienfaits d'un Roy
qui en donnant la Paix au monde , les met en liberté
de former des Concerts que le bruit des
Armes
AVRIL. 1730. 781
Armes ne puiffe troubler. Apollon lui fait entendre
qu'il a befoin de l'Amour pour fes tragiques
Jeux ; mais qu'il craint que fa prefence ne bleffe
fes yeux. Minerve lui répond , qu'en faveur de
la Paix , elle confent que l'Amour foit de la fête.
On appelle l'Amour , il defcend des Cieux & té
moigne d'abord fa furprife par ce Vers :
Quoy! Minerve en ce lieu m'appelle !
Minerve lui répond :
Ne prétends pas regner fur elle :
L'Amour lui dit :
C'est
pour fuivre mes loix
que tous les cours
font faits ,
Tout cede à mon pouvoir fuprême ,
Vous feule échappez à des traits
Qui font trembler Jupiter même.
Minerve tire une nouvelle gloire de cette petite
Vanité de l'Amour. Voicy fa réponſe :
Quand je te voi vainqueur du Souverain des
Dieux ,
La gloire de mon nom vole au plus haut des
Cieux :
Que devant toi Jupiter tremble ,
C'eft un nouvel éclat pour moi.
Tu triomphes de lui ; je triomphe de toi ,
N'est- ce pas triompher de tous les Dieux enfemble
Gij L'Amour
82 MERCURE DE FRANCE
L'Amour ne veut pas pouffer la rancune plus
loin , & finit cette petite altercation par ces deux
Vers :
Il eft temps d'embellir
ces lieux ;
La Paix doit réunir les Mortels & les Dieux.
Après la Fête , Minerve annonce la Tragédie
qu'elle fouhaite voir , par ces quatre Vers adref→
fez à Apollon & aux Muſes.
Rappellez Telemaque à la clarté du jour
Au ravage des ans , dérobez fa memoire
Mais ne le livrez à l'Amour ,
Que pour faire éclater fa gloire.
ACTE I.
>
Le Théatre représente l'Ile d'Ogygie. On y
voit des Palais renversez par des inondations ;
un côté du Temple de Neptune que les flots
ont respecté.
Eucharis ouvre la Scene par un court Monologue
qui fait allufion aux ravages que Neptune
irrité, exerce fur l'Ile d'Ogygie. Cleone, fa Confidente
, vient lui demander d'où peuvent naître
fes nouvelles plaintes ; Eucharis lui découvre fa
foibleffe pour un Inconnu qui a fait naufrage
après elle fur ces funeftes bords ; voici comment
elle fait cette expofition.
Tu fus témoin du trouble de mes fens ,
Quand ce jeune Etranger , par la fureur des vents,
Fit naufrage fur cette Rive ;
Ses yeux étoient fermez à la clarté du jour ;
Déja fon ame fugitive ,
Etoit
AVRIL. 1730. 783
Etoit prête à defcendre au tenebreux féjour ;
Cleone , quel objet ! que j'en fus attendrie !
Envain à mon fecours j'appellai ma fierté ;
Je ne pus lui rendre la vie ,
Qu'aux dépens de ma liberté.
Cet amour d'Eucharis pour un Inconnu , donne
lieu à Cleone de lui repréſenter qu'elle doit fe
fouvenir qu'elle eft du Sang des Rols ; elle l'invite à
laiffer toujours ignorer qu'elleeft fille d'Idomenée,
d'autant plus queNeptune eft ennemi de ce malheureux
Roi de Crete , & qu'elle feroit perdue fi l'ont
venoit à fçavoir qu'elle eft d'un Sang odieux à ce
Dieu terrible, dont on cherche à appaifer le courroux
; elle voit paroître Calypfo , & prie fa Princeffe
de cacher toujours fon veritable nom d'An
tiope , fous le nom emprunté d'Eucharis.
Calypfo fort toute éperdue du Temple de Nepune
; elle dit à Eucharis que rien ne peut calmer
ce Dieu vengeur ; qu'il vient de lui faire entendre
fon crime, qui eft d'avoir laiffé partir Uliffe, dont
il lui avoit demandé le fang ; elle ajoûte que ce
Dieu cruel perfifte à lui demander fa Victime ,
quoiqu'elle ne foit plus en fon pouvoir ; elle apprend
à Eucharis que ce qui l'avoit encore plus
portée à defobéir à Neptune, & à renvoyer Uliffe
à Itaque , c'eft qu'elle commençoit à fentir une
pitié trop tendre pour ce Heros , quoique les Enfers
lui euffent prédit qu'elle feroit très -malheu
reufe , fi jamais elle livroit fon coeur à l'Amour.
Eucharis lui fait efperer qu'après avoir détourné
les préfages des Enfers , elle pourra parvenir
appailer les Dieux , ce qui oblige Calypſo à lui
découvrir fes nouvelles frayeurs par ces Vers :
Un fonge... ah ! je fremis quand je me le rappelle
Giiij Je
784 MERCURE DE FRANCE
Je l'ai vu ce Heros que Neptune pourfuit ,
Je l'ai vu fur ces bords: une troupe cruelle
L'alloit précipiter dans l'éternelle nuit :
Il n'étoit plus armé d'une auſtere ſageffe ;
L'Amour qui voloit fur fes pas
De la plus brillante jeuneffe ,
Sembloit lui prêter les
appas.
Far un charme inconnu contrainte à le deffendre,
J'ai détourné le fer
vengeur ;
Helas ! pour prix d'un foin fi tendre ,
Le cruel m'a percé le coeur.
Adrafte vient faire une defcription des ravages
qui défolent l'Empire de Calypfo ; il s'en plaint
d'autant plus , qu'ils different fon Hymen avec
elle , arrêté par Athlas , pere de cette Reine . Ca→
Jypfo l'oblige à la quitter pour confulter les Enfers
fur les moyens qu'elle pourra prendre pour
fatisfaire Neptune. Quelques Critiques feveres ont
trouvé qu'une Fête magique ne devoit pas être
dans un premier Acte , fondez fur la feule raiſon
qu'il n'y en a point de pareille dans aucun premier
Acte d'Opera ; mais les Partiſans de cette
Tragedie ont répondu , que le deffaut d'exemples
n'eft pas une regle exclufive , à quoi ils ont ajoûté
que cette Fête eft plutôt une confultation d'Oracles,
qu'une Magie ordinaire ; en effet Calypfo le
fait entendre par ces deux Vers.
Mais comment de Neptune appaiſer la colere ?
L'Enfer peut me le reveler.
Le Muficien eft parfaitement bien entré dans
l'efprit du Poëte , par la maniere dont il a traité
cette
AVRIL. 1730. 785
cette Fête ; elle eft plus vive que terrible , & la
joye barbare des Démons y eft parfaitement cafacterifée.
Voici le réfultat de la Fête .
Calypfo aux Démons .
Neptune fur ces bords demande un facrifice
Je ne puis l'appaiſer à moins du ſang d'Uliffe ;
Ce fang n'eſt plus en mon pouvoir.
Choeur.
Dreffe l'Autel , fais ton devoir ;
Tu ne peux balancer ſans crime.
Calypfo.
Où dois-je chercher la Victime
Choeur.
Neptune y va pourvoir.
Calypfo fe détermine à executer ce que les Eas
fers confultez lui preſcrivent , & finit ce premier
Acte par ces deux Vers :-
La plus aveugle obéiffance ,
Eft la plus agréable aux Dieux .
Le Théatre reprefente au deuxième Acte le Tem
ple de Neptune. On y voit un Autel dreffé .
Telemaque fait entendre à Idas , fon Confident,
que les dangers continuels où fon pere eft exposé
par le courroux de Neptune , lui font une loi indifpenfable
de venir au moins joindre fes voeux
au pompeux facrifice qu'on va celebrer
sher ce terrible Dieu des flots. Idas lui reproche
Gy fon
pour cal786
MERCURE DE FRANCE
fon amour pour Eucharis , malgré le choix que
Minerve , fa Protectrice , a fait d'Antíope pour
être un jour fon Epoufe. Télemaque ne peut
vaincre fa foibleffe , il fait connoître à Idas qu'Eu--
charis ne répond pas à fon amour.
Eucharis vient féliciter Télemaque de l'heu
reux fuccès qu'on efpere du facrifice qu'on va
offrir à Neptune , après lequel il pourra partir de
ce fatal Rivage , au lieu que l'efclavage où Calypfo
la réduit ne peut finir que par la mort. Telemaque
lui promet de rompre fes fers par le fecours des
Sujets de fon pere , dont les Vaiffeaux difperfez
viendront le joindre ; il lui apprend qu'il eft fils.
d'Uliffe , à ce nom d'Uliffe Eucharis frémit ;
Télemaque lui demande le fujet de fa frayeur ;.
Eucharis le lui explique par ces Vers :
Neptune en courroux ,
Veut que le fang d'Uliffe aujourd'hui fe répande ;
Ah ! c'eft le vôtre qu'il demande ;
Et ce barbare Autel n'eft dreffé que pour vous.
Cette Scene a paru très-intereffante , quoique
la Parodic ait voulu faire entendre que Telemaque
fe livroit fans raifon à une mort qui peut-être
ne fauveroit pas fon pere ; ceux qui fçavent
que l'amour filial fait le caractère dominant
de Telemaque , n'ont eu garde de le blâmer
de ce dévouement volontaire , en faveur duquel
Neptune calme fa colere , comme on le verra
dans l'Acte fuivant ; Eucharis voyant approcher
Calypfo avec les Miniftres de Neptune , preffe
plus que jamais Telemaque de fe retirer ; elle fe
flatte de l'y réfoudre par l'aveu de fon amour
pour lui , Telemaque ne la fuit que pour empêcher
qu'elle ne fe livre à fon defefpoir, & revient
Pour être facrifié à Neptune , il déclare a Calypfo
qu'il
AVRIL . 1730. 787
qu'il eft fils d'Uliffe . Cette Reine attentive à exami
ñer fes traits , reconnoît en lui cet Uliffe rajeuni
qu'elle a vû en fonge; elle s'attendrit par degrez &
Parrache enfin de l'Autel, malgré les menaces des
Prêtres de Neptune & les remontrances d'Adrafte..
Au troifiéme Acte le Théatre reprefente un
Defert, Adrafte irrité de l'Amour de Calypfo pour
Telemaque , exprime fon defeſpoir . Il demande à
Arcas ,fon Confident , s'il a tout préparé pour
fa vengeance ; Arcas lui répond que fes amis s'affemblent
& viendront bien- tôt le joindre; il tâche
pourtan: de le détourner d'un projet, où vrai-femblablement
il doit périr , attendu le violent amour
que la Reine à pris pour Telemaque ; Adrafte lut
que le Peuple & les Dieux font pour lui. dit
Adrafte reproche à Calypfo le nouvel outrage
qu'elle vient de faire à Neptune ; Calypfo lui rẻ-
pond que fa fureur a fait place à fa pitié , &
qu'elle a fait ce qu'elle a dû ; Adrafte lui dic , en
parlant de Telemaque :
Non , la feule pitié ,
N'a pas pour lui démandé grace.
Ce dernier reproche irrite Calypfo ; la Scène
devient très-vive de part & d'autre„& finit par
ce Duo.
Enfemble.
Le dépit , la haîné & la rage ,
Vengerons ce mortel outrage ;
Tremblez , & c .
Adrafte. Calypfo.
Ensemble.
Tremblez pour lui ; tremblez pour vous..
Tremblez ; redoutez mon courroux.-
G. vj Eu88
MERCURE DE FRANCE
Eucharis vient annoncer à Calypfo , que la fou
miffion de Telemaque a défarmé la colere de Nep .
& que les Miniftres de ce Dieu irrité vien →
nent de l'annoncer au Peuple ; Calypſo ſe défiant
toûjours de Neptune , s'explique ainfi :
tune ,
Je vois trop ce qu'il médite ,
1
Lorfqu'il nous rend le repos ;
Et le trouble qui m'agite ,
Le venge mieux que fes flots.
Dans cette Scene , Calipfo fait connoître for
amour à Eucharis , qui lui rappelle les malheurs
dont les Enfers l'ont menacée, fi jamais elle vient
à aimer ; elle la preffe de combattre fon amour
Calypfo lui répond :
Tout l'Enfer m'obeït , je regne dans les Airs ,
Je fais gronder la Foudre & briller les Eclairs ;
Le jour quand il me plaît fe change en nuit obfcure
;
Le Ciel même eft foumis à mon pouvoir vain◄
queur ;
Mon Art donne des loix à toute la Nature ;
Mais l'Amour en donne à mon coeur.
Telemaque , mandé par Calypfo, vient , elle lui ✨
témoigne la joye qu'elle a de voir fes jours deformais
en fureté ; Telemaque lui fait connoître que
le calme qui regne fur ces Bords ne regne pas
dans fon coeur. Calypfo attribuant cette inquietude
à un defir fecret qu'il a de revoir Itaque , ordonne
aux Démons d'embellir ces lieux , les Démons
obéiffent , & font une Fête pour amolir
le coeur de ce jeune Heros ; après la Fête qu'on
1
་
AVRIL. 1730. 789
د
a trouvée trés-brillante , Calypfo demande à Te
lemaque fi un féjour fi charmant ne fera pas ca
pable de l'arrêter ; Telemaque lui répond d'une
maniere qui lui fait prendre le change , voici les
Vers qui produifent cet équivoque ; il faut fuppofer
Eucharis prefente.
Telemaque.
Mes yeux font enchantez; je ne m'en deffends pas
Mais pour bien gouter tant d'appas ,
Mon coeur n'eft pas affez tranquille.
Calypfo.
Vous n'êtes pas tranquille en ce charmant
féjour !
A ce trouble fecret , je reconnois l'Amour.
Telemaque à part.
Vous auriez pénétré ... Dieux ! que lui vais -je
apprendre ?
Calypfo.
On penetre aifément les fecrets d'un coeur tendre.
Telemaque .
Le deſtin de mes feux eft en votre pouvoir.
Calypso.
Au Temple de l'Amour , hâtez-vous de vous
rendre ,
Prince , ce jour vous fera voir ,
Qu'au plus parfait bonheur votre coeur doit
prétendre ,
Eucharis
790 MERCURE DE FRANCE
"
Eucharis aura foin de vous le faire entendre.
Telemaque à part.
Dieux , ne trompez pas mon eſpoir.
Au quatriéme Acte où on voit le Temple de
P'Amour, Eucharis chargée par Calypfo de parler
à Telemaque de l'amour que cette Reine a pour lui
exprime fa fituation par ce Monologue.
Lieux facrez , où l'Amour reçoit für fes Autels ,-
L'hommage de tous les Mortels ,
Voyez mon trifte fort ; je perds tout ce que
: j'aime ,
Et je viens à l'Amour immoler l'Amour même
, & c.
Elle fe détermine à cacher fa naiffance à Telemaque
, pour le mieux difpofer en faveur d'une
grande Reine. Elle finit fon Monologue par cesdeux
Vers :
Il vient. Pour lui fauver le jour ,
Immolons à la fois ma gloire & mon amour.
La Scene fuivante , qui eft entre Telemaque &
Eucharis, a paru très intereffante; Eucharis voyant.
approcher Calypfo , prie Telemaque de feindre au
moins ; ce Prince vertueux & digne de la protection
de Minerve, lui répond ,
Quoi ! d'un détour fi bas vous me croyez capable
!
Elle a fauvé mes jours , je ferois trop 'coupable
Fuyons-la , je ne puis la tromper ni l'aimer.
La
AVRIL. 1730 . 791
La troifiéme Scene n'a pas fait moins de plai-
-fir que les deux précedentes ; Calypfo furprife de
la fuite de Telemaque, commence à le foupçonner
d'ingratitude ; Eucharis a beau lui dire que ce-
- Prince ne fçauroit jamais oublier,fans ingratitude,
qu'elle lui a ſauvé la vie , elle lui répond :
Il peut avoir pour moi de la reconnoiffance ,
Et n'en être pas moins ingrat.
- Elle fe rappelle que Telemaque lui a paru amou
reux , d'ou elle conclut qu'elle a donc une Rivale;
Voici comment elle s'exprime ::
Ah ! fi jamais l'Amour jaloux ,
De mon coeur malheureux s'empare ,
Qu'il tremble , au feul bruit de mes coups ,
Je remplirai d'effroi l'Averne & le Tenare ;
L'Amour eft plus cruel que l'Enfer en courroux,
Quand on l'ofe forcer à devenir barbare.
La cruelle incertitude où fe trouve Calypfo , lat
porte à confulter l'Amour fur le fort qu'elle doit
attendre , ce qui produit une . Fête très - galante ,
nous en fupprimons le détail , pour ne point
quitter le fil de Faction. La Grande- Prêtreffe de
Amour prononce cet Oracle à Calypfo :
Minerve a difpofé du fort de Telemaque ;
Antiope avec lui doit regner fur Itaque.
Cet Oracle defefperant pour Calypfo , eft ſuivi
d'un coup encore plus terrible ; Adrafte mortellement
bleffé par Telemaque , vient lui annoncer
que ce Prince aime Eucharis , & finit par ces Vers :
Mon
192 MERCURE DE FRANCE
Mon tourment finit & le vôtre commence :
Du coup qui m'a frappé , je fens moins la rigueurs
J'avois perdu l'espoir de ma vengeance ,
Je la laiffe en mourant au fond de votre coeur."
On voit à la Décoration du cinquiéme Acte le
Port d'Ogygie ; Calypfo en fureur le détermine à
perdre fa Rivale. Elle dit à Telemaque qu'il pèut
partir & qu'elle eft inftruite des deffeins queMinerve
a formez fur lui ; Telemaque foupire de doufeur
, Calypfo lui reproche fon indigne amour
pour une vile Eſclave,& fon ingratitude pour une
Reineimmortelle , par ces Vers , qui rappellent co
qui s'eft paffé dans les premiers Actes :
Ton coeur gémit ! quel indigne langage !
Dans les fers d'une Efclave un tendre amour t’en→
gage !
Du moins fi cet amour ... Dieux ! quel eft mox
malheur !
Dieu des flots, noirs Enfers , fonge rempli d'hor
reur
Votre menace eft accomplie ; -
Je t'aime , tu me hais : je t'ai fauvé la vie ;
Cruel , tu me perces le coeur.
Telemaque mortellement frappé des menaces de
Calypfo , preffe Eucharis de fe fauver , s'il eſt
poffible. Cette Scene a été trouvée la plus intereflante
de la Piece , & a fait verfer des larmes
en voici la fin.
Eucharis.
Par ces triftes adieux, c'eft trop nous attendrir.
partez
AVRIL 793 1730.
Partez ; au nom d'Uliffe , au nom de Penelope ;
Au nom de vos heureux Sujets ,
Parmi de fi tendres objets
Je n'ofe nommer Antiope.
Telemaque.
Demeurez, Eucharis ; quel nom prononcez-vous ?
Antiope ! non , non ; une auguſte Immortelle
Veut en vain m'unir avec elle ;
Je ne puis être fon Epoux.
Eucharis.
Dieux , la réſerviez- vous à ce bonheur extréme
Telemaqué.
Non ; faut-il qu'un ferment raffure vos eſprits
Dieux , armez contre moi votre pouvoir fupréme
Si jamais ...
Eucharis.
Arrêtez ; c'eft Antiope même ,
Que vous aimez dans Eucharis
Les Vaiffeaux de Telemaque viennent à ſon ſe→
cours ; Minerve combat pour eux ; leur victoire
donne lieu à une Fête marine. Minerve apprend à
Calypfo qu'Eucharis eft Antiope. Elle ordonne
aux Zephirs de tranfporter ces deux Amans à
Itaque. Calypfo au defefpoir , biafphême contre
les Dieux qui foudroyent & engloutiffent ſon Iſle
La Piece finit par ce Vers de Calypfo :
Dieux , en me puniffant vous ſervez ma fureur.
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Résumé : Opera de Telemaque, Extrait, [titre d'après la table]
Le 24 mars, l'Académie Royale de Musique a présenté au Théâtre la tragédie 'Télémaque', composée par le Chevalier Pellegrin et mise en musique par Destouches, directeur de l'Académie. Cette œuvre, déjà acclamée en 1714, a été saluée par le public lors de sa reprise. Les interprètes, notamment la Demoiselle Antier et la Demoiselle Pellissier, ainsi que les danseurs Les Fres et Camargo, ont été particulièrement appréciés. Le prologue se déroule dans un lieu construit et orné par les Arts sous l'ordre de Minerve, en l'honneur du roi qui a apporté la paix en Europe. Minerve et Apollon apparaissent, accompagnés des Vertus, des Arts et des Muses. Minerve célèbre la paix après la victoire, et Apollon invite à célébrer les bienfaits du roi. L'Amour est appelé pour participer à la fête, et Minerve accepte sa présence en faveur de la paix. Le prologue se conclut par l'annonce de la tragédie de Télémaque. Dans l'acte I, sur l'île d'Ogygie ravagée par des inondations, Eucharis, amoureuse d'un inconnu naufragé, exprime son désespoir à sa confidente Cleone. Calypso révèle à Eucharis qu'elle a sauvé Ulysse malgré les ordres de Neptune. Adraste décrit les ravages sur l'île, et Calypso consulte les Enfers pour apaiser Neptune. La fête magique révèle que Neptune exige le sang d'Ulysse, mais celui-ci n'est plus en son pouvoir. Dans l'acte II, au temple de Neptune, Télémaque exprime son désir de sauver son père. Eucharis lui révèle que Neptune exige son sang. Télémaque se prépare à se sacrifier, mais Neptune calme sa colère. Calypso, émue, sauve Télémaque et reconnaît en lui Ulysse rajeuni. Dans l'acte III, Adraste, jaloux, prépare sa vengeance contre Télémaque. Calypso, malgré les menaces, sauve Télémaque et exprime son amour pour lui. La tragédie se conclut par une fête organisée par Calypso pour apaiser Télémaque. La pièce se poursuit avec Télémaque, enchanté par la beauté d'Eucharis, exprimant son trouble face à ses sentiments. Calypso, consciente de l'amour de Télémaque, lui demande de se rendre au Temple de l'Amour. Eucharis, chargée par Calypso de révéler les sentiments de la reine à Télémaque, hésite à lui avouer sa propre naissance pour mieux le disposer en faveur de Calypso. Télémaque, vertueux, refuse de tromper Calypso et fuit lorsqu'il la voit approcher. Calypso, surprise par la fuite de Télémaque, le soupçonne d'ingratitude et d'amour pour une rivale. Un oracle révèle que Minerve a décidé que Télémaque doit régner avec Antiope sur Ithaque. Adraste, blessé par Télémaque, révèle que ce dernier aime Eucharis. Calypso, en fureur, menace Télémaque et lui ordonne de partir. Télémaque, désespéré, presse Eucharis de se sauver. Eucharis révèle alors qu'elle est Antiope. Minerve intervient, ordonne aux Zephirs de transporter les amants à Ithaque et punit Calypso. La pièce se termine par la défaite et la malédiction de Calypso.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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18
p. 925-929
LES DESORDRES DE L'AMOUR DANS L'ISLE DE LA SAGESSE. IDILLE HEROIQUE. Qui a remporté cette année le Prix destiné à ce genre de Poësie par l'Académie des Jeux Floraux à Toulouze. Cette Idille est de l'Abbé Ponci de Neuville, qui a déja remporté trois Prix du Poëme dans la même Académie.
Début :
Minerve avoit jadis rassemblé des Mortels, [...]
Mots clefs :
Amour, Dieux, Minerve, Mortels
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texteReconnaissance textuelle : LES DESORDRES DE L'AMOUR DANS L'ISLE DE LA SAGESSE. IDILLE HEROIQUE. Qui a remporté cette année le Prix destiné à ce genre de Poësie par l'Académie des Jeux Floraux à Toulouze. Cette Idille est de l'Abbé Ponci de Neuville, qui a déja remporté trois Prix du Poëme dans la même Académie.
LES
DE
の
DESORDRES
L'AMOUR
DANS L'ISLE DE LA SAGESSE
IDILLE HEROIQUE.
Qui a remporté cette année le Prix destiné à
ce genre de Poefie par l'Académie des
Jeux Floraux à Toulouze . Cette Idille eft
de l'Abbé Ponci de Neuville , qui a déja
remporté trois Prix du Poëme dans la même
Académie..
M
Inerve avoit jadis raffemblé des Mortels ,
Qui fuyant de Venus le culté & les Autels,
Ne fuivoient que les loix de l'auftere fageffe ;
Des coupables plaifirs, ils ignoroient l'yvreffe ;
L'aveugle ambition , l'ardente ſoif de l'or
Soumis à la vertu , leur unique tréfor ,
Et que
Sur des bords écartés que des monts environnent
les Peupliers couronnent
de toutes parts
Où Thetis oppofoit aux Nochers hazardeux
De fes humides bras les replis tortueux ,
Ces fages habitans couloient des jours tranquilles; -
L'Amour , le traître Amour vint percer leurs ?
aziles ;
Dv
En
926 MERCURE DE FRANCE
En quels lieux l'impofteur ne penetre -t'il pas ?
Minerve doit quitter ces fortunés climats ;
On la rapelle aux Cieux , & l'Amour en profite
Pour tramer le projet que fon dépit médite ;
Il a foin d'écarter le curieux foupçon ;
Il conjure en fecret avec la trahiſon .
De la pitié fenfible il emprunte les larmes ;
L'artifice lui prête & fa voix & ſes armes.
La Déeffe tranquille ignore ces apprêts ;
Le deftin immuable en fes profonds decrets
Sçait éclairer les Dieux fur les deffeins des hommes
;
Mais entr'eux , il permet qu'ils foient ce que nous
fommes ,
Qu'ils ne puiffent avoir que des fignes douteux
Des projets differens que font les autres Dieux.
D'un devoir importun il faut que je m'acquite;
A regret , dit Minerve , aujoud'hui je vous quitte..
Cette Ifle vous a mis à l'abri des dangers ;
Gardez-vous d'y fouffrir des mortels étrangers.
Mon retour doit bientôt calmer votre triſteſſe ,
Puiffai-je vous revoir tels qu'ici je vous laiffe.
Ainfi parle Minerve , & foudain mille cris
Accompagnent fon char au celefte lambris ;
Mais helas ! fon abſence à l'Iſle fut fatale ,
On n'eut plus pour fon culte une ferveur égale;
La molle oifiveté dans fes honteux liens .
S'efforça d'arrêter ces actifs Citoyens ;;
Le fuccès la fuivit ; l'Amour d'intelligence
Saifit
MAY. 1730. 927
Saifit l'heureux moment d'exercer fa vengeance ;
Neptune en fa faveur a foulevé les mers.
Une profonde nuit que percent les éclairs
Couvre l'onde en fureur ; le tonerre & l'orage
Des vaiffeaux périffans acheve le naufrage ;
La curieuſe Eglé du haut d'un mont voiſin
Promenoit fur la mer fes regards fans deffein ;
L'ennui furprit fon coeur ; la longue folitude
Des Nymphes de quinze ans nourrit l'inquietude;
L'Amour frappe fes yeux fous les traits d'un enfant
Qu'un refte de vigueur contre la mort défend ;
Il n'avoit ni carquois , ni fes feux , ni ſes aîles ,
Mais il pouvoit encor charmer les plus rebelles.
Eglé qui fans douleur ne peut le voir périr ,
Infidelle à Pallas , ofe le fecourir ,
Lui jette un bois fragile où le traître s'attache ;
Il eft au port ; la Nimphe en fa Grotte le cache
Elle n'épargne rien pour lui fauver le jour ,
Et ne fçauroit penſer qu'elle fauve l'Amour.
Bientôt elle le montre à fes jeunes compagnes ;
Le féjour de leur Bois , l'afpect de leurs montagnes
Commence à devenir des objets odieux ,
Et pour le feul Amour ces Nymphes ont des yeux
Ce.Dieu va triompher ;Zephir , fans qu'on le voye,
Lui donnne fon flambeau dont il s'arme avec
joye.
L'Arc eft prêt, le Carquois refonne plein de dards;
D vj Dans
928 MERCURE DE FRANCE
Dans les Airs épurés brillent fes Etendarts..
Eglé veut fuir ; l'Amour la retient dans fes chaînes
,
Et montant fur fon char dont il faifit les rênes
Avec un fier fouris il lance pour adieux
Des traits empoifonnés & de finiftres feux.
Toute l'Ile en reffent les mortelles atteintes ;
Les foupçons , les fureurs, les dégouts & les crain¬
tes
Du coeur des Citoyens chaffent l'aimable Paix
Les plaifirs innocens n'ont plus pour eux d'attraits
;
Ils refpirent le crime , ils l'adorent , l'encenfent.
Minerve eft oubliée ; ou du moins s'ils y penfent,
C'eft pour charger fon nom de titres odieux.
On brife fes Autels ; on outrage les Dieux ;
Les amis font Rivaux ; l'Ile de fang eft . teinte ,
Les Vertus à Minerve ont adreffé leur plainte
Elle revient mais Ciel ! on méconnoît fes loix.
Voilà de Cupidon les illuftres exploits.›
Malheureux habitans ! ouvrez les yeux , dit-elle,
Qu'eft devenu pour moi votre amour votre zele??
Vous ne m'écoutez pas ! évitez mon couroux ; ,
Le Dieu qui vous féduit me vengera de vous,
Vos coeurs regretteront ces rives fortunées ;
Par le funefte Amour aujourd'hui profanées ,,
Elles ne m'offrent plus que d'indignes objets.
Ces lieux en me perdant vont perdre leurs attraits;
›
J'ai
M1AY. 1730. 929
J'ai fçu les élever ; je fçaurai les détruire.
Par là , puiffent du moins tous les mortels s'inftruire.
En vain pour fuir l'Amour on cherche les deferts::
La feule vigilance ofe braver fes fers ..
DE
の
DESORDRES
L'AMOUR
DANS L'ISLE DE LA SAGESSE
IDILLE HEROIQUE.
Qui a remporté cette année le Prix destiné à
ce genre de Poefie par l'Académie des
Jeux Floraux à Toulouze . Cette Idille eft
de l'Abbé Ponci de Neuville , qui a déja
remporté trois Prix du Poëme dans la même
Académie..
M
Inerve avoit jadis raffemblé des Mortels ,
Qui fuyant de Venus le culté & les Autels,
Ne fuivoient que les loix de l'auftere fageffe ;
Des coupables plaifirs, ils ignoroient l'yvreffe ;
L'aveugle ambition , l'ardente ſoif de l'or
Soumis à la vertu , leur unique tréfor ,
Et que
Sur des bords écartés que des monts environnent
les Peupliers couronnent
de toutes parts
Où Thetis oppofoit aux Nochers hazardeux
De fes humides bras les replis tortueux ,
Ces fages habitans couloient des jours tranquilles; -
L'Amour , le traître Amour vint percer leurs ?
aziles ;
Dv
En
926 MERCURE DE FRANCE
En quels lieux l'impofteur ne penetre -t'il pas ?
Minerve doit quitter ces fortunés climats ;
On la rapelle aux Cieux , & l'Amour en profite
Pour tramer le projet que fon dépit médite ;
Il a foin d'écarter le curieux foupçon ;
Il conjure en fecret avec la trahiſon .
De la pitié fenfible il emprunte les larmes ;
L'artifice lui prête & fa voix & ſes armes.
La Déeffe tranquille ignore ces apprêts ;
Le deftin immuable en fes profonds decrets
Sçait éclairer les Dieux fur les deffeins des hommes
;
Mais entr'eux , il permet qu'ils foient ce que nous
fommes ,
Qu'ils ne puiffent avoir que des fignes douteux
Des projets differens que font les autres Dieux.
D'un devoir importun il faut que je m'acquite;
A regret , dit Minerve , aujoud'hui je vous quitte..
Cette Ifle vous a mis à l'abri des dangers ;
Gardez-vous d'y fouffrir des mortels étrangers.
Mon retour doit bientôt calmer votre triſteſſe ,
Puiffai-je vous revoir tels qu'ici je vous laiffe.
Ainfi parle Minerve , & foudain mille cris
Accompagnent fon char au celefte lambris ;
Mais helas ! fon abſence à l'Iſle fut fatale ,
On n'eut plus pour fon culte une ferveur égale;
La molle oifiveté dans fes honteux liens .
S'efforça d'arrêter ces actifs Citoyens ;;
Le fuccès la fuivit ; l'Amour d'intelligence
Saifit
MAY. 1730. 927
Saifit l'heureux moment d'exercer fa vengeance ;
Neptune en fa faveur a foulevé les mers.
Une profonde nuit que percent les éclairs
Couvre l'onde en fureur ; le tonerre & l'orage
Des vaiffeaux périffans acheve le naufrage ;
La curieuſe Eglé du haut d'un mont voiſin
Promenoit fur la mer fes regards fans deffein ;
L'ennui furprit fon coeur ; la longue folitude
Des Nymphes de quinze ans nourrit l'inquietude;
L'Amour frappe fes yeux fous les traits d'un enfant
Qu'un refte de vigueur contre la mort défend ;
Il n'avoit ni carquois , ni fes feux , ni ſes aîles ,
Mais il pouvoit encor charmer les plus rebelles.
Eglé qui fans douleur ne peut le voir périr ,
Infidelle à Pallas , ofe le fecourir ,
Lui jette un bois fragile où le traître s'attache ;
Il eft au port ; la Nimphe en fa Grotte le cache
Elle n'épargne rien pour lui fauver le jour ,
Et ne fçauroit penſer qu'elle fauve l'Amour.
Bientôt elle le montre à fes jeunes compagnes ;
Le féjour de leur Bois , l'afpect de leurs montagnes
Commence à devenir des objets odieux ,
Et pour le feul Amour ces Nymphes ont des yeux
Ce.Dieu va triompher ;Zephir , fans qu'on le voye,
Lui donnne fon flambeau dont il s'arme avec
joye.
L'Arc eft prêt, le Carquois refonne plein de dards;
D vj Dans
928 MERCURE DE FRANCE
Dans les Airs épurés brillent fes Etendarts..
Eglé veut fuir ; l'Amour la retient dans fes chaînes
,
Et montant fur fon char dont il faifit les rênes
Avec un fier fouris il lance pour adieux
Des traits empoifonnés & de finiftres feux.
Toute l'Ile en reffent les mortelles atteintes ;
Les foupçons , les fureurs, les dégouts & les crain¬
tes
Du coeur des Citoyens chaffent l'aimable Paix
Les plaifirs innocens n'ont plus pour eux d'attraits
;
Ils refpirent le crime , ils l'adorent , l'encenfent.
Minerve eft oubliée ; ou du moins s'ils y penfent,
C'eft pour charger fon nom de titres odieux.
On brife fes Autels ; on outrage les Dieux ;
Les amis font Rivaux ; l'Ile de fang eft . teinte ,
Les Vertus à Minerve ont adreffé leur plainte
Elle revient mais Ciel ! on méconnoît fes loix.
Voilà de Cupidon les illuftres exploits.›
Malheureux habitans ! ouvrez les yeux , dit-elle,
Qu'eft devenu pour moi votre amour votre zele??
Vous ne m'écoutez pas ! évitez mon couroux ; ,
Le Dieu qui vous féduit me vengera de vous,
Vos coeurs regretteront ces rives fortunées ;
Par le funefte Amour aujourd'hui profanées ,,
Elles ne m'offrent plus que d'indignes objets.
Ces lieux en me perdant vont perdre leurs attraits;
›
J'ai
M1AY. 1730. 929
J'ai fçu les élever ; je fçaurai les détruire.
Par là , puiffent du moins tous les mortels s'inftruire.
En vain pour fuir l'Amour on cherche les deferts::
La feule vigilance ofe braver fes fers ..
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Résumé : LES DESORDRES DE L'AMOUR DANS L'ISLE DE LA SAGESSE. IDILLE HEROIQUE. Qui a remporté cette année le Prix destiné à ce genre de Poësie par l'Académie des Jeux Floraux à Toulouze. Cette Idille est de l'Abbé Ponci de Neuville, qui a déja remporté trois Prix du Poëme dans la même Académie.
Le texte présente 'L'Amour dans l'Isle de la Sagesse', une œuvre de l'Abbé Ponci de Neuville, qui a remporté le Prix de l'Académie des Jeux Floraux à Toulouse. L'auteur avait déjà été lauréat à trois reprises dans cette même académie. L'histoire se déroule sur une île où les habitants, protégés par Minerve, vivaient dans la sagesse et la vertu, à l'abri des plaisirs coupables et de l'ambition. Lorsque Minerve quitte l'île, l'Amour en profite pour semer la discorde. Il utilise la pitié et la trahison pour tromper les habitants. La déesse Eglé, en voyant un enfant en danger, le sauve sans se rendre compte qu'il s'agit de l'Amour déguisé. L'Amour récupère ses armes et ses pouvoirs, et commence à répandre la discorde parmi les habitants. Les vertus sont oubliées, et les habitants se tournent vers le crime et la rivalité. À son retour, Minerve constate avec tristesse que l'île a été corrompue. Elle menace les habitants de les détruire et de les laisser regretter leur perte de sagesse. Elle souligne que la seule manière de résister à l'Amour est la vigilance constante.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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18
19
p. 1188-1200
Opera d'Alcione, [titre d'après la table]
Début :
Le mardi 9. May, l'Académie Royale de Musique donna la premiere [...]
Mots clefs :
Académie royale de musique, Alcione, Théâtre, Dieux, Coeur, Époux, Palais, Enfers, Musiciens, Opéra
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texteReconnaissance textuelle : Opera d'Alcione, [titre d'après la table]
E mardi 9. May , l'Académie Roya
le de Mufique donna la premiere
Repréſentation d'Alcione , Tragédie de
M. de La Mothe & de M. Marais. Cet
Opera fut donné pour la premiere fois
le 18. Fevrier 1706. le fuccès qu'il eut engagea
à le remettre au Théatre le 17.
Avril 1719. la repriſe ne répondit pas aux
efperances qu'on en avoit conçues dans
fa naiffance ; mais on vient de rendre à
cet Ouvrage la juftice qui lui eft dûë . Le
Poëte & le Muficien ont partagé les applaudiffemens
; & fi quelques Critiques
fe font élevés contre le Poëme , M. de
La Mothe n'y a donné lieu que pour
s'être un peu trop fcrupuleufement attaché
à la maniere dont Ovide a traité ce
ſujet ; tant il eſt vrai que dans les Ou
vrages de Théatre , le vrai -femblable doit
être préferé au vrai. Au refte , le Public
trouve ce Poëme très bien écrit , & rempli
d'efprit & de fentimens on en va juger
par quelques morceaux.
Le Theatre représente au Prologue le Mont
Tmole ; des Fleuves & des Nayades appuyés
fur leurs urnes occupent la Montagne , &
I. Vol. forJUIN
1730. 1189
Forment une efpecè de cafcade.
Tmole fait connoître qu'Apollon &
Pan l'ont chiofi pour Arbitre de leurs
Chants. Pan choifit la guerre pour fujet.
Voici comment il s'exprime :
Fuyez , Mortels , fuyez un indigne repos ;
Non , ne vous plaignez plus des horreurs de la
guerre ; 1
Elle vous donne les Héros ;
Elle fait les Dieux de la Terre.
Courez affronter le trépas ;
Allez jouir de la victoire .
Sur fon front couronné , qu'elle étale d'appas §
L'affreufe mort qui vole au devant de ſes pas
Fait naître l'immortelle gloire.
Apollon celebre les avantages de la
Paix en ces termes :
Aimable Paix , c'eft toi que celebrent mes chants;
Defcends , vien triompher du fier Dieu de la
Thrace.
Tout rit à ton retour tout brille dans nos
champs ;
Dès que tu difparois , tout l'éclat s'en efface.
Regne , Fille du Ciel , mets la Difcorde aux fers;
Que le bruit des tambours dont la terre s'allarme
Ne trouble plus nos doux Concerts.
I. Vol.
Que
1196 MERCURE DE FRANCÉ
Heureux , heureux cent fois le vainqueur qui aè
s'arme
Que pour te rendre à l'Univers.
Le Chaur repete trois Vers de ce qu'Apollon
a chanté ; ce qui peut être ne contribuë
pas peu à déterminer Tmole en
faveur d'Apollon ; il couronne le Dieu '
des Vers , & Pan fe retire , non ſans ſe
plaindre de fon Juge . Le Prologue finit
par des danfes en l'honneur d'Apollon
& de l'Amour. Apollon annonce la Paix
à l'Univers , & ordonne aux Mufes derenouveller
l'Hiftoire des Alcions qui font
regner le calme fur les flots.
Au premier Acte , le Théatre repréſente
une Galerie du Palais de Ceix , terminée par
un endroit du Palais confacré aux Dieux.
Cet Acte n'eft pas chargé de beaucoup
d'action. Pelée amoureux d'Alcione , que
Ceix , Roi de Trachines , & fon ami ,
va époufer , témoigne fon defefpoir à
Phorbas , Magicien , dont les Ayeux ont
occupé le Trône de Ceix ; Phorbas lui
promet le fecours des Enfers pour troubler
un Hymen fi fatal à fon amour ; la
vertu de Pelée s'oppofe à cette perfidie ;
il le fait connoître par ces Vers :
Amour , cede à mes pleurs , & refpecte ma
gloire ;
Ah ! laiffe-moi brifer mes fers.
I. Vol. C'eft
I JUIN. 1730. 1191
C'est trop à la vertu difputer la victoire ,
Contente-toi , cruel , des maux que j'ai foufferts
Amour &c.
Phorbas le veut fervir malgré lui , &
lui dit :
Iſmene & moi , nous allons par nos charmes
Secourir votre amour contre votre vertu.
Pelée ne donne qu'un demi confentement
, exprimé par ce Vers :
}
Arrête ... on vient , ô Ciel , à quoi me réduis-tu?” ,
Ceix vient avec Alcione ; ils font fuivis
de leurs Sujets qui font le divertiffement.
Le Grand Prêtre invite ces deux Amans
à s'approcher de l'Autel. Ils n'achevent
pas le facré ferment qui doit les unir ; le
tonnerre gronde ; des Furies fortent des
Enfers ; elles faififfent en volant les flambeaux
des Prêtres , & embrafent tout le
Palais. Pelée témoigne fes remords par
ces Vers :
-Cet Autel , ce Palais devoré par la flamme
Malgré moi flatte mon ardeur ;
Mais je ne fens qu'avec horreur
Le perfide plaifir qui renaît dans mon ame.
Dieux , juftes Dieux , vengez- les-, vengez vous ;
Lancez vos traits ; je me livre à vos coups .
I
I. Vol.
Le
1192 MERCURE DE FRANCE
Le fecond Acte où le Théatré repréſente
une folitude affreuse & l'entrée de l'antre de
Phorbas & d'Ifmene , n'eft gueres plus
chargé d'action que le précedent. Phorbas
& Ilmene le préparent à fervir Pelée
malgré lui même . Ceix accufe les Dieux
de fon malheur , & les irrite par ces blafphêmes
:
Dieux cruels ! puniffez ma rage & mes murmu
res ;
Frappor , Dieux inhumains , comblez votre ri
gueur ;
Vous plaiſez vous à voir dans mes injures
L'excès du defefpoir où vous livrer mon coeur.
Dans la croyance où il eft que les Dieux
font armés contre lui , il fe réfoud à armer
les Enfers contre eux . Phorbas & If
mene feignent de le fervir malgré eux ;
ils confultent les Enfers. Voici l'oracle
que Phorbas lui prononce , en lifant fon
fort dans les Enfers qu'il a tranfportés en
ces lieux
par fes enchantemens , où dont
il leur fait voir la terrible, apparence.
Que vois-je ? où fuis-je ? ô Ciel ! quels effroyables
cris !
Infortuné tu perds l'objet que tú chéris
Od t'entraine l'amour arrête ; tu péris.
Quoique cet oracle paroiffe d'abord ab-.
I. Vol.
ܝ
folu
JUIN. 1730. 1193
folu , Phorbas le rend conditionel
Vers qu'il ajoûte :
par
ces
Hâte toi ; cours chercher du fecours à Claros
Apollon à ton fort peut encor mettre obftacle ;
Il n'eft permis qu'à lui d'affurer ton repos.
Pour le déterminer à partir , Phorbas
lui fait entendre que les jours de fa Princeffe
dépendent de ce voyage. Jufques là
on croit que Phorbas a inventé ce qu'il
vient d'annoncer ; mais il ne laiffe plus
douter qu'il n'ait vû le fort de Ceix
quand il dit en confidence à Ifmene , fon
Ecoliere en Magie :
J'ai vu fon fort ; fon départ va hâter
Les malheurs qu'il croit éviter.
Le Port de Trachines & un Vaiffeau
prêt à partir font la décoration du troifiéme
Acte . Pelée continue à fe livrer à fes
remords ; mais par malheur ils font infruc
tueux. Phorbas le flatte d'un plus heureux
fuccès dans fon amour par le départ de
Ceix ; il lui répond :
L'abfence d'un Rival flatte peu mes defirs
Rien ne rendra mon fort moins déplorable ;
Les maux de ce Rival m'arrachent des foupirs
Je ne puis à la fois être heureux & coupable.
Non , pour un coeur que le remors accable,
I. Vol.
Les
1194 MERCURE DE FRANCE
Les faveurs de l'amour ne font plus des plaifirs .
>
Les Matelots qui doivent conduire Ceix
à Claros viennent témoigner la joye
qu'ils ont de fervir leur Roi . Cette Fête
eft très guaye & très brillante ; elle eft
fuivie des adieux de Ceix & d'Alcione.
Cette Scene eft des plus intereffantes ;
en voici quelques fragmens.
Alcione
Mon coeur à chaque inftant vous croira la victime
t
Des flots & des vents en courroux ;
Je connois l'ardeur qui m'anime ;
Je mourrai des dangers que je craindrai pour
Yous.
Ceix.
Ah ! plus dans cet amour mon coeur trouve de
charmes ,
Et plus je fens pour vous redoubler mes frayeurs.
Laiffez moi fur vos jours diffiper mes allarmes ,
Et ne craignez pour moi que vos propres malheurs
, &c.
Alcione.
Vous partez donc, cruels ! Dieux ! je frémis ; je
tremble ;
Eft-ce ainfi qu'à mes pleurs s'attendrit un Epoux
Laiffez- moi par pitié m'expoſer avec vous ;
Du moins , s'il faut fouffrir , nous fouffrirons enfemble,
&c.
Ceix
JUIN. 1730. 1195
Ceix part après avoir recommandé Alcione
à Pelée ; Alcione fuit le Vaiffeau des
yeux ; & ceffant de voir Ceix , elle s'évanouit
; elle reprend fes fens en prononçant
le nom de Ceix . L'Acte finit
duo entre Alcione & Pelée.
Que j'éprouve un fupplice horrible !
Ciel , ne nous donnez -vous ,
Un coeur tendre & fenfible ,
par ce
Que pour le mieux percer de vos funeftes coups
Alcione commence le 4 Acte par ce
beau Monologue . Le Théatre reprefente
le Temple de Junon ,
Amour, cruel Amour , fois touché de mes peines,
Ecoute mes foupirs & voi couler mes pleurs.
Depuis que je fuis dans tes chaînes ,
Tu m'as fait éprouver les plus affreux malheurs ,
Le départ d'un Amant a comblé mes douleurs ;
Mais malgré tant de maux, fi tu me le ramenes,
Je te pardonne tes rigueurs.
Amour , &c.
La Grande Prêtreffe de Junon & fa fuite
viennent implorer la Déeffe en faveur de
Ceix & d'Alcione , ce qui forme le Divertiffement.
Alcione s'endort par un
pouvoir auquel elle ne peut refifter . Le
Dieu du fommeil ordonne qu'on la laiffe
I. Vol.
feule
1196 MERCURE DE FRANCE
feule , après avoir fait entendre qu'il va
executer les ordres fouverains de Junona
Voici ce qui donne lieu à cette fameuſe
tempête d'Alcione , fi connuë & fi admirée
:
Le Sommeil.
Volez , fonges , volez ; faites lui voir l'orage
Qui dans ce même inftant lui ravit fon Epoux ;
De l'onde foulevée imitez le courroux ',
Et des vents déchaînés l'impitoyable rage.
Toi qui fçais des Mortels emprunter tous les
traits ,
Morphée , à fes efprits offre une vaine image ;
Préfente lui Ceix dans l'horreur du naufrage ,
Et qu'elle entende fes regrets. &c.
Les fonges executent les ordres de Jus
non & du Dieu du fommeil. Alcione à
fon réveil ne peut mieux remercier Junon
que par ces Vers :
Déeffe, c'eft donc toi qui m'offres cette image
Tu viens m'avertir de mon fort ;
Eh bien pour prix de mon hommage ,
Acheve & donne moi la mort.
'Au cinquième Acte , Le Théatre repré .
fente un endroit des Jardins de Ceix Le
commencement de la Scene fe paffe dans la
nuit .
I. Vol. Les
JUIN, 1730, 1197
Les remors de Pelée vont toûjours en
augmentant ; l'ombre de Ceix les a re
doublez : il le fait connoître par ces Vers
L'ombre de mon ami s'éleve contre moi ;
Je vois couler les pleurs , j'entends fes cris funes
bres &c.
Alcione reproche à fes Suivantes la
cruauté qu'elles ont eue de lui arracherle
fer & le poifon ; Pelée la preffe de vivre
pour venger Ceix ; il lui promet de
lui livrer l'Auteur du crime , pourvû
qu'elle lui jure de lui percer le coeur. Al
cione fait le ferment que Pelée lui demande
; Pelée lui donne fon épée , &lui montre
fon coeur à fraper, Alcione faifie d'horreur
veut ſe frapper elle- même , après
avoir dit çe Vers ; се
Eh bien , fi vous m'aimez , ma mort va vous
punir.
Ses Suivantes lui , retiennent le bras
Phofphore vient calmer fon defefpoir par
ces Vers :
Ce que le fort m'apprend doit calmer tes allar
mes ;
Alcione , le Ciel va te rendre mon Fils
Aujourd'hui , pour prix de tes larmes ,
Vous devez fur ces bords être à jamais unis,
I. Vol. Pelée
1198 MERCURE DE FRANCE
Pelée reçoit ce nouvel Oracle avec beau
de moderation; il quitte pour jamais
Alcione , en lui diſant :
Coup
Pardonnez-moi le feu qui me dévore,
Je vais loin de vos yeux expier mes défirs ;
Je vais percer ce coeur qui vous adore
Et je meurs trop heureux encore ,
Si le Ciel à mes maux égale vos plaiſirs,
Alcione lui rend générofité pour générofité
; elle dit :
C'eft l'ami de Ceix ; ciel , pour lui je t'implore.
Le bonheur que Phoſphore a annoncé à
Alcione eft acheté par de mortelles allarmes;
elle apperçoit un corps pouffé par les
vagues fur le rivage ; elle approche & reconnoît
que c'est celui de fon Amant; elle
prend l'épée de fon cher Ceix, & s'en frappe.
Neptune pour réparer les maux qu'il
leur a faits , les reffufcite tous deux & les
rend immortels. Les Peuples celebrent
leur Apothéose.
On ne fçauroit difconvenir qu'il n'y ait
d'excellentes chofes dans la Mufique &
dans le Poëme de cet Opéra, Le Muficien
a eu moins de contradicteurs que le Poëte
; mais toutes les Critiques qu'on a faites
contre M. de la Mothe retombent fur
Qvide. Il n'a jamais tant fignalé fon ref-
I. Vol.
pect
JUIN. 1739. 1199
pect pour les anciens que dans cet ouvrage.
On a beau dire que Ceix joue bien de
malheur d'être noyé après avoir épousé
la fille du Dieu des Vents , d'autant plus
qu'il eft lui- même protégé de Neptune .
On ajoute en vain que Junon auroit
bien pû fe paffet de faire offrir à Alcione
qui l'implore , le cruel ſpectacle du naufrage
de fon époux . Tout cela fe trouve
à la lettre dans la Fable fur laquelle on a
compofé cet Opera. Il eft vrai que l'Auteur
n'a pas mis Pelée en fituation de
briller ; mais ce vertueux époux de Thétis
s'eft trouvé pour fon malheur dans la
Cour de Céix , & M. de la Mothe n'a pas
cru devoir chercher ailleurs un Rival de
ce Roy de Trachines , lieu de la Scene ;
s'il ne lui donne pas de la vertu , il lui
donne au moins des remors. Il ne lui
auroit pas été difficile , dit- on , de jetter
tout l'odieux de fa Tragedie fur fon perfonnage
épifodique.
Phorbas animé par fes droits au Trône,
& par l'amour, qu'on auroit pû y ajoûter
pour Alcione , auroit agi d'une maniere
moins indécife , & on auroit vû en lui.
plus de crimes que de remors. Quelques
Critiques trop feyeres ont encore reproché
à M. de la Mothe , l'amour que Pelée
reffent pour Alcione , tout uni qu'il eft
avec Thétis par des noeuds immortels ;
I. Vol.
mais
1200 MERCURE DE FRANCE .
mais M, de la Mothe peut aifément réfuter
cette objection , en difant qu'il fuppofe
que Pélée n'a pas encore époufé
Thétis; quoiqu'Ovide le faffe pere d'Achille
avant fon arrivée à la Cour de Céix;
un auteur de Tragédie n'eft pas efclave
des temps jufqu'à n'ofer en faire la moin,
dre tranfpofition, quand le fujet qu'il trai
te en a befoin. 1
Cet Opera n'a jamais été fi-bien exécuté
qu'à cette feconde repriſe , les rôles de
Céix & d'Alcione y font rendus d'une
maniere tres-pathetique par le fieur Triboult,
& par la DePeliffier, le S'Chaffe prête
au fien tout l'interêt dont il eft fufceptible.
Le fieur du Moulin , & les Dlles Camargo
& Salé brillent chacune dans leur
genre. Tous les autres Acteurs chantans
& dançants fe diftinguent auffi , & contribuent
, à l'envi , au fuccès.
le de Mufique donna la premiere
Repréſentation d'Alcione , Tragédie de
M. de La Mothe & de M. Marais. Cet
Opera fut donné pour la premiere fois
le 18. Fevrier 1706. le fuccès qu'il eut engagea
à le remettre au Théatre le 17.
Avril 1719. la repriſe ne répondit pas aux
efperances qu'on en avoit conçues dans
fa naiffance ; mais on vient de rendre à
cet Ouvrage la juftice qui lui eft dûë . Le
Poëte & le Muficien ont partagé les applaudiffemens
; & fi quelques Critiques
fe font élevés contre le Poëme , M. de
La Mothe n'y a donné lieu que pour
s'être un peu trop fcrupuleufement attaché
à la maniere dont Ovide a traité ce
ſujet ; tant il eſt vrai que dans les Ou
vrages de Théatre , le vrai -femblable doit
être préferé au vrai. Au refte , le Public
trouve ce Poëme très bien écrit , & rempli
d'efprit & de fentimens on en va juger
par quelques morceaux.
Le Theatre représente au Prologue le Mont
Tmole ; des Fleuves & des Nayades appuyés
fur leurs urnes occupent la Montagne , &
I. Vol. forJUIN
1730. 1189
Forment une efpecè de cafcade.
Tmole fait connoître qu'Apollon &
Pan l'ont chiofi pour Arbitre de leurs
Chants. Pan choifit la guerre pour fujet.
Voici comment il s'exprime :
Fuyez , Mortels , fuyez un indigne repos ;
Non , ne vous plaignez plus des horreurs de la
guerre ; 1
Elle vous donne les Héros ;
Elle fait les Dieux de la Terre.
Courez affronter le trépas ;
Allez jouir de la victoire .
Sur fon front couronné , qu'elle étale d'appas §
L'affreufe mort qui vole au devant de ſes pas
Fait naître l'immortelle gloire.
Apollon celebre les avantages de la
Paix en ces termes :
Aimable Paix , c'eft toi que celebrent mes chants;
Defcends , vien triompher du fier Dieu de la
Thrace.
Tout rit à ton retour tout brille dans nos
champs ;
Dès que tu difparois , tout l'éclat s'en efface.
Regne , Fille du Ciel , mets la Difcorde aux fers;
Que le bruit des tambours dont la terre s'allarme
Ne trouble plus nos doux Concerts.
I. Vol.
Que
1196 MERCURE DE FRANCÉ
Heureux , heureux cent fois le vainqueur qui aè
s'arme
Que pour te rendre à l'Univers.
Le Chaur repete trois Vers de ce qu'Apollon
a chanté ; ce qui peut être ne contribuë
pas peu à déterminer Tmole en
faveur d'Apollon ; il couronne le Dieu '
des Vers , & Pan fe retire , non ſans ſe
plaindre de fon Juge . Le Prologue finit
par des danfes en l'honneur d'Apollon
& de l'Amour. Apollon annonce la Paix
à l'Univers , & ordonne aux Mufes derenouveller
l'Hiftoire des Alcions qui font
regner le calme fur les flots.
Au premier Acte , le Théatre repréſente
une Galerie du Palais de Ceix , terminée par
un endroit du Palais confacré aux Dieux.
Cet Acte n'eft pas chargé de beaucoup
d'action. Pelée amoureux d'Alcione , que
Ceix , Roi de Trachines , & fon ami ,
va époufer , témoigne fon defefpoir à
Phorbas , Magicien , dont les Ayeux ont
occupé le Trône de Ceix ; Phorbas lui
promet le fecours des Enfers pour troubler
un Hymen fi fatal à fon amour ; la
vertu de Pelée s'oppofe à cette perfidie ;
il le fait connoître par ces Vers :
Amour , cede à mes pleurs , & refpecte ma
gloire ;
Ah ! laiffe-moi brifer mes fers.
I. Vol. C'eft
I JUIN. 1730. 1191
C'est trop à la vertu difputer la victoire ,
Contente-toi , cruel , des maux que j'ai foufferts
Amour &c.
Phorbas le veut fervir malgré lui , &
lui dit :
Iſmene & moi , nous allons par nos charmes
Secourir votre amour contre votre vertu.
Pelée ne donne qu'un demi confentement
, exprimé par ce Vers :
}
Arrête ... on vient , ô Ciel , à quoi me réduis-tu?” ,
Ceix vient avec Alcione ; ils font fuivis
de leurs Sujets qui font le divertiffement.
Le Grand Prêtre invite ces deux Amans
à s'approcher de l'Autel. Ils n'achevent
pas le facré ferment qui doit les unir ; le
tonnerre gronde ; des Furies fortent des
Enfers ; elles faififfent en volant les flambeaux
des Prêtres , & embrafent tout le
Palais. Pelée témoigne fes remords par
ces Vers :
-Cet Autel , ce Palais devoré par la flamme
Malgré moi flatte mon ardeur ;
Mais je ne fens qu'avec horreur
Le perfide plaifir qui renaît dans mon ame.
Dieux , juftes Dieux , vengez- les-, vengez vous ;
Lancez vos traits ; je me livre à vos coups .
I
I. Vol.
Le
1192 MERCURE DE FRANCE
Le fecond Acte où le Théatré repréſente
une folitude affreuse & l'entrée de l'antre de
Phorbas & d'Ifmene , n'eft gueres plus
chargé d'action que le précedent. Phorbas
& Ilmene le préparent à fervir Pelée
malgré lui même . Ceix accufe les Dieux
de fon malheur , & les irrite par ces blafphêmes
:
Dieux cruels ! puniffez ma rage & mes murmu
res ;
Frappor , Dieux inhumains , comblez votre ri
gueur ;
Vous plaiſez vous à voir dans mes injures
L'excès du defefpoir où vous livrer mon coeur.
Dans la croyance où il eft que les Dieux
font armés contre lui , il fe réfoud à armer
les Enfers contre eux . Phorbas & If
mene feignent de le fervir malgré eux ;
ils confultent les Enfers. Voici l'oracle
que Phorbas lui prononce , en lifant fon
fort dans les Enfers qu'il a tranfportés en
ces lieux
par fes enchantemens , où dont
il leur fait voir la terrible, apparence.
Que vois-je ? où fuis-je ? ô Ciel ! quels effroyables
cris !
Infortuné tu perds l'objet que tú chéris
Od t'entraine l'amour arrête ; tu péris.
Quoique cet oracle paroiffe d'abord ab-.
I. Vol.
ܝ
folu
JUIN. 1730. 1193
folu , Phorbas le rend conditionel
Vers qu'il ajoûte :
par
ces
Hâte toi ; cours chercher du fecours à Claros
Apollon à ton fort peut encor mettre obftacle ;
Il n'eft permis qu'à lui d'affurer ton repos.
Pour le déterminer à partir , Phorbas
lui fait entendre que les jours de fa Princeffe
dépendent de ce voyage. Jufques là
on croit que Phorbas a inventé ce qu'il
vient d'annoncer ; mais il ne laiffe plus
douter qu'il n'ait vû le fort de Ceix
quand il dit en confidence à Ifmene , fon
Ecoliere en Magie :
J'ai vu fon fort ; fon départ va hâter
Les malheurs qu'il croit éviter.
Le Port de Trachines & un Vaiffeau
prêt à partir font la décoration du troifiéme
Acte . Pelée continue à fe livrer à fes
remords ; mais par malheur ils font infruc
tueux. Phorbas le flatte d'un plus heureux
fuccès dans fon amour par le départ de
Ceix ; il lui répond :
L'abfence d'un Rival flatte peu mes defirs
Rien ne rendra mon fort moins déplorable ;
Les maux de ce Rival m'arrachent des foupirs
Je ne puis à la fois être heureux & coupable.
Non , pour un coeur que le remors accable,
I. Vol.
Les
1194 MERCURE DE FRANCE
Les faveurs de l'amour ne font plus des plaifirs .
>
Les Matelots qui doivent conduire Ceix
à Claros viennent témoigner la joye
qu'ils ont de fervir leur Roi . Cette Fête
eft très guaye & très brillante ; elle eft
fuivie des adieux de Ceix & d'Alcione.
Cette Scene eft des plus intereffantes ;
en voici quelques fragmens.
Alcione
Mon coeur à chaque inftant vous croira la victime
t
Des flots & des vents en courroux ;
Je connois l'ardeur qui m'anime ;
Je mourrai des dangers que je craindrai pour
Yous.
Ceix.
Ah ! plus dans cet amour mon coeur trouve de
charmes ,
Et plus je fens pour vous redoubler mes frayeurs.
Laiffez moi fur vos jours diffiper mes allarmes ,
Et ne craignez pour moi que vos propres malheurs
, &c.
Alcione.
Vous partez donc, cruels ! Dieux ! je frémis ; je
tremble ;
Eft-ce ainfi qu'à mes pleurs s'attendrit un Epoux
Laiffez- moi par pitié m'expoſer avec vous ;
Du moins , s'il faut fouffrir , nous fouffrirons enfemble,
&c.
Ceix
JUIN. 1730. 1195
Ceix part après avoir recommandé Alcione
à Pelée ; Alcione fuit le Vaiffeau des
yeux ; & ceffant de voir Ceix , elle s'évanouit
; elle reprend fes fens en prononçant
le nom de Ceix . L'Acte finit
duo entre Alcione & Pelée.
Que j'éprouve un fupplice horrible !
Ciel , ne nous donnez -vous ,
Un coeur tendre & fenfible ,
par ce
Que pour le mieux percer de vos funeftes coups
Alcione commence le 4 Acte par ce
beau Monologue . Le Théatre reprefente
le Temple de Junon ,
Amour, cruel Amour , fois touché de mes peines,
Ecoute mes foupirs & voi couler mes pleurs.
Depuis que je fuis dans tes chaînes ,
Tu m'as fait éprouver les plus affreux malheurs ,
Le départ d'un Amant a comblé mes douleurs ;
Mais malgré tant de maux, fi tu me le ramenes,
Je te pardonne tes rigueurs.
Amour , &c.
La Grande Prêtreffe de Junon & fa fuite
viennent implorer la Déeffe en faveur de
Ceix & d'Alcione , ce qui forme le Divertiffement.
Alcione s'endort par un
pouvoir auquel elle ne peut refifter . Le
Dieu du fommeil ordonne qu'on la laiffe
I. Vol.
feule
1196 MERCURE DE FRANCE
feule , après avoir fait entendre qu'il va
executer les ordres fouverains de Junona
Voici ce qui donne lieu à cette fameuſe
tempête d'Alcione , fi connuë & fi admirée
:
Le Sommeil.
Volez , fonges , volez ; faites lui voir l'orage
Qui dans ce même inftant lui ravit fon Epoux ;
De l'onde foulevée imitez le courroux ',
Et des vents déchaînés l'impitoyable rage.
Toi qui fçais des Mortels emprunter tous les
traits ,
Morphée , à fes efprits offre une vaine image ;
Préfente lui Ceix dans l'horreur du naufrage ,
Et qu'elle entende fes regrets. &c.
Les fonges executent les ordres de Jus
non & du Dieu du fommeil. Alcione à
fon réveil ne peut mieux remercier Junon
que par ces Vers :
Déeffe, c'eft donc toi qui m'offres cette image
Tu viens m'avertir de mon fort ;
Eh bien pour prix de mon hommage ,
Acheve & donne moi la mort.
'Au cinquième Acte , Le Théatre repré .
fente un endroit des Jardins de Ceix Le
commencement de la Scene fe paffe dans la
nuit .
I. Vol. Les
JUIN, 1730, 1197
Les remors de Pelée vont toûjours en
augmentant ; l'ombre de Ceix les a re
doublez : il le fait connoître par ces Vers
L'ombre de mon ami s'éleve contre moi ;
Je vois couler les pleurs , j'entends fes cris funes
bres &c.
Alcione reproche à fes Suivantes la
cruauté qu'elles ont eue de lui arracherle
fer & le poifon ; Pelée la preffe de vivre
pour venger Ceix ; il lui promet de
lui livrer l'Auteur du crime , pourvû
qu'elle lui jure de lui percer le coeur. Al
cione fait le ferment que Pelée lui demande
; Pelée lui donne fon épée , &lui montre
fon coeur à fraper, Alcione faifie d'horreur
veut ſe frapper elle- même , après
avoir dit çe Vers ; се
Eh bien , fi vous m'aimez , ma mort va vous
punir.
Ses Suivantes lui , retiennent le bras
Phofphore vient calmer fon defefpoir par
ces Vers :
Ce que le fort m'apprend doit calmer tes allar
mes ;
Alcione , le Ciel va te rendre mon Fils
Aujourd'hui , pour prix de tes larmes ,
Vous devez fur ces bords être à jamais unis,
I. Vol. Pelée
1198 MERCURE DE FRANCE
Pelée reçoit ce nouvel Oracle avec beau
de moderation; il quitte pour jamais
Alcione , en lui diſant :
Coup
Pardonnez-moi le feu qui me dévore,
Je vais loin de vos yeux expier mes défirs ;
Je vais percer ce coeur qui vous adore
Et je meurs trop heureux encore ,
Si le Ciel à mes maux égale vos plaiſirs,
Alcione lui rend générofité pour générofité
; elle dit :
C'eft l'ami de Ceix ; ciel , pour lui je t'implore.
Le bonheur que Phoſphore a annoncé à
Alcione eft acheté par de mortelles allarmes;
elle apperçoit un corps pouffé par les
vagues fur le rivage ; elle approche & reconnoît
que c'est celui de fon Amant; elle
prend l'épée de fon cher Ceix, & s'en frappe.
Neptune pour réparer les maux qu'il
leur a faits , les reffufcite tous deux & les
rend immortels. Les Peuples celebrent
leur Apothéose.
On ne fçauroit difconvenir qu'il n'y ait
d'excellentes chofes dans la Mufique &
dans le Poëme de cet Opéra, Le Muficien
a eu moins de contradicteurs que le Poëte
; mais toutes les Critiques qu'on a faites
contre M. de la Mothe retombent fur
Qvide. Il n'a jamais tant fignalé fon ref-
I. Vol.
pect
JUIN. 1739. 1199
pect pour les anciens que dans cet ouvrage.
On a beau dire que Ceix joue bien de
malheur d'être noyé après avoir épousé
la fille du Dieu des Vents , d'autant plus
qu'il eft lui- même protégé de Neptune .
On ajoute en vain que Junon auroit
bien pû fe paffet de faire offrir à Alcione
qui l'implore , le cruel ſpectacle du naufrage
de fon époux . Tout cela fe trouve
à la lettre dans la Fable fur laquelle on a
compofé cet Opera. Il eft vrai que l'Auteur
n'a pas mis Pelée en fituation de
briller ; mais ce vertueux époux de Thétis
s'eft trouvé pour fon malheur dans la
Cour de Céix , & M. de la Mothe n'a pas
cru devoir chercher ailleurs un Rival de
ce Roy de Trachines , lieu de la Scene ;
s'il ne lui donne pas de la vertu , il lui
donne au moins des remors. Il ne lui
auroit pas été difficile , dit- on , de jetter
tout l'odieux de fa Tragedie fur fon perfonnage
épifodique.
Phorbas animé par fes droits au Trône,
& par l'amour, qu'on auroit pû y ajoûter
pour Alcione , auroit agi d'une maniere
moins indécife , & on auroit vû en lui.
plus de crimes que de remors. Quelques
Critiques trop feyeres ont encore reproché
à M. de la Mothe , l'amour que Pelée
reffent pour Alcione , tout uni qu'il eft
avec Thétis par des noeuds immortels ;
I. Vol.
mais
1200 MERCURE DE FRANCE .
mais M, de la Mothe peut aifément réfuter
cette objection , en difant qu'il fuppofe
que Pélée n'a pas encore époufé
Thétis; quoiqu'Ovide le faffe pere d'Achille
avant fon arrivée à la Cour de Céix;
un auteur de Tragédie n'eft pas efclave
des temps jufqu'à n'ofer en faire la moin,
dre tranfpofition, quand le fujet qu'il trai
te en a befoin. 1
Cet Opera n'a jamais été fi-bien exécuté
qu'à cette feconde repriſe , les rôles de
Céix & d'Alcione y font rendus d'une
maniere tres-pathetique par le fieur Triboult,
& par la DePeliffier, le S'Chaffe prête
au fien tout l'interêt dont il eft fufceptible.
Le fieur du Moulin , & les Dlles Camargo
& Salé brillent chacune dans leur
genre. Tous les autres Acteurs chantans
& dançants fe diftinguent auffi , & contribuent
, à l'envi , au fuccès.
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Résumé : Opera d'Alcione, [titre d'après la table]
Le 9 mai, l'Académie Royale de Musique présenta 'Alcione', une tragédie en musique de M. de La Mothe et M. Marais. Cet opéra avait déjà été joué en 1706 et repris en 1719, mais sans le succès attendu. La dernière représentation a été acclamée, partageant les applaudissements entre le poète et le musicien. Certaines critiques ont été formulées contre le poème, M. de La Mothe étant reproché d'avoir trop fidèlement suivi Ovide. L'opéra commence par un prologue où le mont Tmole arbitre entre Apollon et Pan, qui chantent respectivement les mérites de la paix et de la guerre. Apollon est couronné, et le prologue se termine par des danses en l'honneur d'Apollon et de l'Amour. Dans le premier acte, Pelée, amoureux d'Alcione, exprime son désespoir à Phorbas, un magicien. Phorbas propose d'utiliser la magie pour troubler le mariage entre Alcione et Ceix, roi de Trachines et ami de Pelée. Pelée refuse initialement, mais Phorbas insiste. Lors de la cérémonie de mariage, un tonnerre interrompt la célébration, et des furies mettent le feu au palais. Dans le second acte, Phorbas et Ismène préparent un oracle pour Ceix, qui accuse les dieux de son malheur. L'oracle lui conseille de se rendre à Claros pour consulter Apollon. Ceix part, laissant Alcione en larmes. Le troisième acte se déroule au port de Trachines, où Ceix et Alcione échangent des adieux poignants avant le départ de Ceix. Alcione s'évanouit après avoir perdu de vue Ceix. Dans le quatrième acte, Alcione, désespérée, implore Junon en rêve. Junon lui montre la mort de Ceix dans une tempête. À son réveil, Alcione est dévastée. Le cinquième acte commence dans les jardins de Ceix. Pelée, tourmenté par les remords, rencontre Alcione. Ils décident de se venger mutuellement, mais Phosphore annonce que Ceix est vivant. Alcione trouve le corps de Ceix sur le rivage et se suicide. Neptune les ressuscite et les rend immortels, célébrant leur apothéose. La représentation a été particulièrement bien exécutée, avec des interprétations émotives des rôles principaux par le sieur Triboult et la demoiselle Delpissier. Le sieur Chasse, ainsi que les demoiselles Camargo et Salé, se sont également distingués. Tous les acteurs, qu'ils chantent ou dansent, ont contribué au succès de la représentation.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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20
p. [1263]-1267
LA BEAUTÉ ODE.
Début :
Quel spectacle s'offre à ma vûë ? [...]
Mots clefs :
Beauté, Attraits, Dieux, Traits
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texteReconnaissance textuelle : LA BEAUTÉ ODE.
LA BEAUTE
O DE.
Uel fpectacle s'offre à ma vie ?
Quel objet vient flatter mes fens !
Mon ame paroît toute émuë ;
D'où naît le trouble que je fens ?
Mon efprit étonné s'égare ;
Un charme inconnu s'en empare ,
Confus , inquiet , agité ,
II. Vol.
A ij Quelle
1264 MERCURE DE FRANCE
Quelle Divinité puiſſante
Me frappe , me ravit , m'enchante ?
Eft-ce toi , charmante Beauté ? ´
Mais qui pourroit te méconnoître.
Qui peut fe méprendre à ces traits ?
Déeffe , tu n'as qu'à paroître ,
Tout cede à tes divins attraits ;
Oui , l'Univers te rend hommage ;
On admire en toi i'affemblage
Des plus rares préfens des Dieux ,
Tout eft fous leur obéiffance ;
Mais tout l'éclat de leur puiffance
Cede à celui de deux beaux yeux,
Autrefois épris de tes charmes
On vit ces Maîtres des mortels
Te rendant à l'envi les armes
Venir encenſer tes Autels.-
›
En Satyre pour Antiope , *
En Taureau pour la belle Europe
On vit Jupiter fe changer ;
Bacchus d'un Raifin prend la forme ,
Neptune en Dauphin fe transforme
,
Le beau Phoebus devient Berger.
* Métamorphofe
d'Ovide . Liv. 7.
Mais II. Vol
JUIN. 1730 .
1265
Mais c'eft pea , du plus infenfible
Tu peux diffiper la froideur ;
De l'ennemi le plus terrible
Tu fçais défarmer la fureur ;
En calme tu changes l'orage ;
·Tu domptes le plus fier courage ;
Tu changes la haine en amour ;
Tu furmontes tous les obftacles;
Et pour enfanter des miracles ,
Tu n'as qu'à te montrer au jour.
L'Amour , ce fier Tyran qui brave
Le pouvoir des Dieux & des Rois ,
Devient lui-même ton Eſclave ;
Pfiché l'a foumis à tes Loix; '
Si tu ne lui prêtois des charmes
Ses traits feroient de vaines armes
Ils ne pourroient rien enflamer
Il faut du moins ton apparence
Pour faire pancher la balance
Vers l'objet dont il veut charmer.
De même qu'une fleur nouvelle
Qu'un Printems voit naître & mourir ,
On apperçoit dans la plus belle
Ton brillant éclat ſe flétrir .
Le tems qui n'épargne perfonne
II. Vol. A iij De
1266 MERCURE DE FRANCE
De fa cruelle faux moiffonne
Sans égard , tes Roſes , tes Lys ;
Mais fon inexorable rage
En penfant te faire un outrage
De tes dons augmente le prix.
Les Ris , les Graces , la Jeuneffe
Accompagnent par tout tes pas ;
Les plaifirs te fuivent ſans ceffe ,
Il n'en eft point où tu n'es pas ;
De fes Héros , Déeffe aimable ,
Tout l'Univers t'eft redevable ,
Il te doit leurs faits glorieux ;
Hercule eut Jupiter pour pere ;
Mais fans les attraits de fa mere
Auroit- il merité les Cieux ?
Grands Dieux ! quels cris fe font entendre !
Qu'apperçois -je de toutes parts !
Une Ville réduite en cendre
Vient de s'offrir à mes regards ;
Je frémis ! qui le pourroit croire
Décffe , on l'immole à ta gloire ,
C'est pour poffeder tes appas :
Oui l'on voit la fuperbe Troye
A la fureur des Grecs en proye
Pour l'Epoufe de Menelas.
I I. Vol.
Mais
JUIN. 1730. 1267
Mais infenfe , qu'ofai - je faire ?
Quel vain eſpoir peut me flater ?
Beauté , quelle ardeur temeraire
M'engage à vouloir te chanter ?
Ta vûë en dit plus que ma Lyre ,
Et malgré le feu qui m'infpire
Je peins mal tes divins attraits.
Heureux , pour prix d'un foible hommage ,
Si tu daignois fur mòn Ouvrage
Répandre quelqu'un de tes traits.
ParM. Richa rd de Ruffey , de Dijon.
O DE.
Uel fpectacle s'offre à ma vie ?
Quel objet vient flatter mes fens !
Mon ame paroît toute émuë ;
D'où naît le trouble que je fens ?
Mon efprit étonné s'égare ;
Un charme inconnu s'en empare ,
Confus , inquiet , agité ,
II. Vol.
A ij Quelle
1264 MERCURE DE FRANCE
Quelle Divinité puiſſante
Me frappe , me ravit , m'enchante ?
Eft-ce toi , charmante Beauté ? ´
Mais qui pourroit te méconnoître.
Qui peut fe méprendre à ces traits ?
Déeffe , tu n'as qu'à paroître ,
Tout cede à tes divins attraits ;
Oui , l'Univers te rend hommage ;
On admire en toi i'affemblage
Des plus rares préfens des Dieux ,
Tout eft fous leur obéiffance ;
Mais tout l'éclat de leur puiffance
Cede à celui de deux beaux yeux,
Autrefois épris de tes charmes
On vit ces Maîtres des mortels
Te rendant à l'envi les armes
Venir encenſer tes Autels.-
›
En Satyre pour Antiope , *
En Taureau pour la belle Europe
On vit Jupiter fe changer ;
Bacchus d'un Raifin prend la forme ,
Neptune en Dauphin fe transforme
,
Le beau Phoebus devient Berger.
* Métamorphofe
d'Ovide . Liv. 7.
Mais II. Vol
JUIN. 1730 .
1265
Mais c'eft pea , du plus infenfible
Tu peux diffiper la froideur ;
De l'ennemi le plus terrible
Tu fçais défarmer la fureur ;
En calme tu changes l'orage ;
·Tu domptes le plus fier courage ;
Tu changes la haine en amour ;
Tu furmontes tous les obftacles;
Et pour enfanter des miracles ,
Tu n'as qu'à te montrer au jour.
L'Amour , ce fier Tyran qui brave
Le pouvoir des Dieux & des Rois ,
Devient lui-même ton Eſclave ;
Pfiché l'a foumis à tes Loix; '
Si tu ne lui prêtois des charmes
Ses traits feroient de vaines armes
Ils ne pourroient rien enflamer
Il faut du moins ton apparence
Pour faire pancher la balance
Vers l'objet dont il veut charmer.
De même qu'une fleur nouvelle
Qu'un Printems voit naître & mourir ,
On apperçoit dans la plus belle
Ton brillant éclat ſe flétrir .
Le tems qui n'épargne perfonne
II. Vol. A iij De
1266 MERCURE DE FRANCE
De fa cruelle faux moiffonne
Sans égard , tes Roſes , tes Lys ;
Mais fon inexorable rage
En penfant te faire un outrage
De tes dons augmente le prix.
Les Ris , les Graces , la Jeuneffe
Accompagnent par tout tes pas ;
Les plaifirs te fuivent ſans ceffe ,
Il n'en eft point où tu n'es pas ;
De fes Héros , Déeffe aimable ,
Tout l'Univers t'eft redevable ,
Il te doit leurs faits glorieux ;
Hercule eut Jupiter pour pere ;
Mais fans les attraits de fa mere
Auroit- il merité les Cieux ?
Grands Dieux ! quels cris fe font entendre !
Qu'apperçois -je de toutes parts !
Une Ville réduite en cendre
Vient de s'offrir à mes regards ;
Je frémis ! qui le pourroit croire
Décffe , on l'immole à ta gloire ,
C'est pour poffeder tes appas :
Oui l'on voit la fuperbe Troye
A la fureur des Grecs en proye
Pour l'Epoufe de Menelas.
I I. Vol.
Mais
JUIN. 1730. 1267
Mais infenfe , qu'ofai - je faire ?
Quel vain eſpoir peut me flater ?
Beauté , quelle ardeur temeraire
M'engage à vouloir te chanter ?
Ta vûë en dit plus que ma Lyre ,
Et malgré le feu qui m'infpire
Je peins mal tes divins attraits.
Heureux , pour prix d'un foible hommage ,
Si tu daignois fur mòn Ouvrage
Répandre quelqu'un de tes traits.
ParM. Richa rd de Ruffey , de Dijon.
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Résumé : LA BEAUTÉ ODE.
Le poème 'La Beauté', publié dans le Mercure de France en juin 1730, exalte la beauté, personnifiée et divinisée par l'auteur. La beauté est décrite comme une puissance capable de charmer et de dominer tous les êtres, y compris les dieux. Jupiter, Bacchus, Neptune et Apollon se transforment pour séduire des mortels, illustrant ainsi son pouvoir irrésistible. La beauté peut apaiser la colère, transformer la haine en amour et surmonter tous les obstacles. Cependant, elle est éphémère, comparable à une fleur printanière. Malgré sa fugacité, elle est associée à des rires, des grâces et à la jeunesse, et inspire des plaisirs constants. L'auteur mentionne la destruction de Troie pour Hélène, soulignant que même les villes peuvent être sacrifiées pour la beauté. Il conclut en exprimant son admiration et son désir de chanter la beauté, tout en reconnaissant l'impuissance de ses mots à capturer pleinement ses charmes divins.
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21
p. 1334-1335
VERS LIBRES Présentés à Monseigneur le Prince de Conti par les mêmes Ecoliers.
Début :
La Déesse Minerve en Mentor déguisée, [...]
Mots clefs :
Dieux
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texteReconnaissance textuelle : VERS LIBRES Présentés à Monseigneur le Prince de Conti par les mêmes Ecoliers.
VERS LIBRES
Préfentés à Monseigneur le Prince de Conti
par les mêmes Ecoliers.
LA Déeffe Minerve en Mentor déguifée ,
Du jeune fils d'Uliffe accompagnoit les pas ;
S'il faut croire, au rapport d'Homere en l'Odiffée;
Pour moi , Conti , je ne m'y trompe pas
Et voici quelle eft ma penſée :"
Cet habile Poëte infpiré par les Dieux ,
Sous un fimbole ingénieux
Sans doute voulut nous dépeindre
Ce qui devoit un jour fe paffer fous nos yeux,
Oui , pofe le dire , fans craindre >
Les frivoles difcours d'un Cenfeur odieux
Du jeune Voyageur d'Homere
Vous avez tous les traits , le port , la majefté ,
La naiffance , les moeurs & la docilité
Pour la vertu la plus fevere.
Entre Minerve & votre augufte Mere
Les rapports font trop reflemblans
Pour que l'on puiffe s'y méprendre ;
Tout le monde à la voir peut ailément compren
dre
Qu'Homere en écrivant l'eut préfente à les fens.
De Mentor elle a la ſcience ,
L'efprit , le coeur & la douce éloquence
Qui fçait charmer en inftruifant ;
II. Vel Jufques
JUIN. 1730.
1337
Jufques- là le portrait eft en tout reffemblant
Entre vous & le fils du Monarque d'Ithaque ;
Mais au lieu que Pallas pour fuivre Telemaque
Se revêtit des traits d'un fourcilleux vieillard ;
Plus favorable à votre égard ,
Pour vous fuivre en votre voyage ,
De votre augufte Mere elle a pris le vifage ,
La démarche , la voix , le port majestueux
Pour n'en dire pas davantage ,
Elle a voulu fe montrer à vos yeux
Telle qu'elle paroît dans le Confeil des Dieux.
Préfentés à Monseigneur le Prince de Conti
par les mêmes Ecoliers.
LA Déeffe Minerve en Mentor déguifée ,
Du jeune fils d'Uliffe accompagnoit les pas ;
S'il faut croire, au rapport d'Homere en l'Odiffée;
Pour moi , Conti , je ne m'y trompe pas
Et voici quelle eft ma penſée :"
Cet habile Poëte infpiré par les Dieux ,
Sous un fimbole ingénieux
Sans doute voulut nous dépeindre
Ce qui devoit un jour fe paffer fous nos yeux,
Oui , pofe le dire , fans craindre >
Les frivoles difcours d'un Cenfeur odieux
Du jeune Voyageur d'Homere
Vous avez tous les traits , le port , la majefté ,
La naiffance , les moeurs & la docilité
Pour la vertu la plus fevere.
Entre Minerve & votre augufte Mere
Les rapports font trop reflemblans
Pour que l'on puiffe s'y méprendre ;
Tout le monde à la voir peut ailément compren
dre
Qu'Homere en écrivant l'eut préfente à les fens.
De Mentor elle a la ſcience ,
L'efprit , le coeur & la douce éloquence
Qui fçait charmer en inftruifant ;
II. Vel Jufques
JUIN. 1730.
1337
Jufques- là le portrait eft en tout reffemblant
Entre vous & le fils du Monarque d'Ithaque ;
Mais au lieu que Pallas pour fuivre Telemaque
Se revêtit des traits d'un fourcilleux vieillard ;
Plus favorable à votre égard ,
Pour vous fuivre en votre voyage ,
De votre augufte Mere elle a pris le vifage ,
La démarche , la voix , le port majestueux
Pour n'en dire pas davantage ,
Elle a voulu fe montrer à vos yeux
Telle qu'elle paroît dans le Confeil des Dieux.
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Résumé : VERS LIBRES Présentés à Monseigneur le Prince de Conti par les mêmes Ecoliers.
Le texte compare le Prince de Conti à Télémaque, le fils d'Ulysse, à travers une allégorie homérique. Minerve, déguisée en Mentor, accompagne le jeune prince comme elle le fait avec Télémaque. Conti possède les traits, la majesté, la naïveté, les mœurs et la docilité nécessaires pour la vertu la plus sévère. Les rapports entre Minerve et la mère du prince sont trop similaires pour être confondus, permettant de comprendre qu'Homère aurait présenté Minerve ainsi. La mère du prince incarne la science, l'esprit, le cœur et l'éloquence de Mentor, charmant tout en instruisant. Contrairement à Pallas qui se déguise en vieillard pour suivre Télémaque, Minerve prend l'apparence de la mère du prince pour l'accompagner dans son voyage, se montrant telle qu'elle apparaît dans le Conseil des Dieux.
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22
p. 1549-1551
ODE A. M. D. C.
Début :
Ami, pourquoi dans la tempête, [...]
Mots clefs :
Dieux, Philosophie
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texteReconnaissance textuelle : ODE A. M. D. C.
ODE
A. M. D. C.
AMi ,
pourquoi dans la tempête 7
Murmurer contre les Deſtins ,
D Bien
1550 MERCURE DE FRANCE
Bientôt tu verras ſur ta tête ,
Briller les Jours les plus fereins.
La fortune folle & volage ,
Aime à troubler notre plaifir ,
Mais un homme prudent & fage
Doit voir fes revers fans pâlir.
M
Pour arrêter tous les caprices ,
C'eft en vain que tu fais des voeux.
Gémir contre les injuftices ,
C'eft être deux fois malheureux.
M
- Les Dieux deviendront plus fenfibles
Les vents ne foufflent pas toujours ;
Souvent les nuits les plus terribles
Nous amenent les plus beaux jours.
Nos Jardins , après la froidure ,
Reprennent leurs vives couleurs ;
Tel eft le cours de la Nature ;
Aux glaçons fuccedent les fleurs.
De l'utile Philofophic ,
N'écoutes - tu plus la leçon ?
JUILLET. 1730. 1551
A porter les maux de la vie ,
Elle a dû former ta raiſon.
Finis donc ta mortelle peine.
Voi des lieux autrefois cheris ;
Reviens fur les bords de la Seine ,
Chercher les Graces & les Ris.
L'Abbé B .::
A. M. D. C.
AMi ,
pourquoi dans la tempête 7
Murmurer contre les Deſtins ,
D Bien
1550 MERCURE DE FRANCE
Bientôt tu verras ſur ta tête ,
Briller les Jours les plus fereins.
La fortune folle & volage ,
Aime à troubler notre plaifir ,
Mais un homme prudent & fage
Doit voir fes revers fans pâlir.
M
Pour arrêter tous les caprices ,
C'eft en vain que tu fais des voeux.
Gémir contre les injuftices ,
C'eft être deux fois malheureux.
M
- Les Dieux deviendront plus fenfibles
Les vents ne foufflent pas toujours ;
Souvent les nuits les plus terribles
Nous amenent les plus beaux jours.
Nos Jardins , après la froidure ,
Reprennent leurs vives couleurs ;
Tel eft le cours de la Nature ;
Aux glaçons fuccedent les fleurs.
De l'utile Philofophic ,
N'écoutes - tu plus la leçon ?
JUILLET. 1730. 1551
A porter les maux de la vie ,
Elle a dû former ta raiſon.
Finis donc ta mortelle peine.
Voi des lieux autrefois cheris ;
Reviens fur les bords de la Seine ,
Chercher les Graces & les Ris.
L'Abbé B .::
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Résumé : ODE A. M. D. C.
L'ode, datée de juillet 1730, est un poème adressé à un ami (A.M.D.C.) par l'Abbé B. L'auteur y exhorte son ami à ne pas se plaindre des difficultés de la vie et à accepter les revers avec sagesse. Il souligne que la fortune est capricieuse et que se lamenter contre les injustices ne fait qu'aggraver le malheur. Le poème met en avant l'idée que les périodes sombres sont souvent suivies de jours meilleurs, comparant cela aux saisons qui se succèdent. Il encourage l'ami à tirer des leçons de la philosophie pour supporter les maux de la vie. L'auteur suggère également de revenir aux lieux chéris, notamment les bords de la Seine, pour retrouver la grâce et le rire.
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23
p. 1565-1568
A MONSIEUR L'ABBÉ DE ... EPITRE.
Début :
Abbé, dont la Lyre résonne [...]
Mots clefs :
Ami, Dieu, Dieux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A MONSIEUR L'ABBÉ DE ... EPITRE.
A MONSIEUR L'ABBE DE ..
EPITRE ..
A Bbé , dont la Lyre réfonne
Sur un ton fi doux & fi beau ,
Que le Dieu du double Côteau
Penfa plus d'une fois te donner la Couronne
Ami , ton talent merveilleux
Chaque jour fait pâlir l'envie ,
Et moi - même je fens que mon coeur orgueilleux
En eft bleffé de jalouſie.
Bien fouvent j'en perds le repos ;
Mais pour furcroît de maladie ,
Quand Morphée à fur moi répandu fes pavots ,
Songes
1 566 MERCURE DE FRANCE
Songes pires que l'infomnie
M'agitent fort mal à propos:
Au fameux Temple de memoire ,
En bufte d'un marbre très blanc ,
Je te vis l'autre nuit tout rayonant de gloire
Avec Pindare , occuper même rang ;
C'eft alors qu'accablé fous le poids de ma peine
De l'ingrat Apollon je deteftai la haine.
A mon réveil , l'efprit plein de ſouci ,›
Fatigué de fouffrir ainfi ,
Je refolus de faire un nouveau Rôle ,
Et d'effayer fi fous un autre Pôle ,
Je pourrois d'autres Dieux être confideré.
Je quitte donc ( Ami ) le Mont facré ;
Je démenage du Parnaffe
Et dès demain ( cher Abbé ) fans retour ,
En attendant qu'ailleurs je puiffe trouver place ,
Par interim , il me faut un féjour.
Il eft un endroit de plaifance
Dont le Maître avec goût fçait placer la dépenſe;
On y voit Boulingrins , Terraffes & Berceaux , →
La Marne au pied vient promener les eaux :
En facé , à diverſe diſtance ,
Ormes , Chênes , Tilleuls forment plufieurs ri
deaux ,
Que Vertumne embellit avec magnificence.
Entre la Riviere & ces Bois ,
Nature a mis une Prairie ;
La
JUILLET. 1730. 1567
Là , couché fur l'herbe feurie ,.
Fantôt de la Mufette , & tantôt du Hautbois ,
Damon forme une aimable & douce mélodie ; ›
Là, fur un vert tapis des plus vives couleurs ,
Jeune Berger , jeune Bergere
Danfent parés de guirlandes de fleurs ;
Plus loin bondit l'Agneau fur la verte fougere
Au chant de mille & mille Oiſeaux ,
Pan affis à l'ombre d'un Hêtre
Mêle les tendres fons de fa Flute champêtre ;
Pour l'entendre on accourt des plus lointains Ha
meaux ;
Le Faune quitte le Bocage ;
La Nymphe eft attentive au travers des rofeaux.
Cet admirable Payſage
Forme l'afpect de Bauregard ;
C'eft ce charmant réduit où je veux fans retard³
Pour un jour feulement faire mon domicile
Peut-on fi pour tems court refufer un azile ?
Tu fus Auteur du mal dont je me fens bleffé
Tu m'en dois fournir le remede ;
Un jour fera bientôt paffé.
Ton Belveder auquel tout autre cede ,
Me convient mieux que l'Helicon.
Je veux pour braver Apollon
A qui je déclare la guerre ,
Dans ton champêtre apartement
Sacrifier au Dieu du Verre ;.
IE
1568 MERCURE DE FRANCE
Il me rendra bientôt le calme & l'enjoument.
C'eft à toi , cher ami , pour la cerémonie ,
De mettre le comble à mes voeux ;
De peu d'amis choifis affembler compagnie
Et j'attens cette courtoifie
De ton coeur noble & genéreux .
Sommevefle.
EPITRE ..
A Bbé , dont la Lyre réfonne
Sur un ton fi doux & fi beau ,
Que le Dieu du double Côteau
Penfa plus d'une fois te donner la Couronne
Ami , ton talent merveilleux
Chaque jour fait pâlir l'envie ,
Et moi - même je fens que mon coeur orgueilleux
En eft bleffé de jalouſie.
Bien fouvent j'en perds le repos ;
Mais pour furcroît de maladie ,
Quand Morphée à fur moi répandu fes pavots ,
Songes
1 566 MERCURE DE FRANCE
Songes pires que l'infomnie
M'agitent fort mal à propos:
Au fameux Temple de memoire ,
En bufte d'un marbre très blanc ,
Je te vis l'autre nuit tout rayonant de gloire
Avec Pindare , occuper même rang ;
C'eft alors qu'accablé fous le poids de ma peine
De l'ingrat Apollon je deteftai la haine.
A mon réveil , l'efprit plein de ſouci ,›
Fatigué de fouffrir ainfi ,
Je refolus de faire un nouveau Rôle ,
Et d'effayer fi fous un autre Pôle ,
Je pourrois d'autres Dieux être confideré.
Je quitte donc ( Ami ) le Mont facré ;
Je démenage du Parnaffe
Et dès demain ( cher Abbé ) fans retour ,
En attendant qu'ailleurs je puiffe trouver place ,
Par interim , il me faut un féjour.
Il eft un endroit de plaifance
Dont le Maître avec goût fçait placer la dépenſe;
On y voit Boulingrins , Terraffes & Berceaux , →
La Marne au pied vient promener les eaux :
En facé , à diverſe diſtance ,
Ormes , Chênes , Tilleuls forment plufieurs ri
deaux ,
Que Vertumne embellit avec magnificence.
Entre la Riviere & ces Bois ,
Nature a mis une Prairie ;
La
JUILLET. 1730. 1567
Là , couché fur l'herbe feurie ,.
Fantôt de la Mufette , & tantôt du Hautbois ,
Damon forme une aimable & douce mélodie ; ›
Là, fur un vert tapis des plus vives couleurs ,
Jeune Berger , jeune Bergere
Danfent parés de guirlandes de fleurs ;
Plus loin bondit l'Agneau fur la verte fougere
Au chant de mille & mille Oiſeaux ,
Pan affis à l'ombre d'un Hêtre
Mêle les tendres fons de fa Flute champêtre ;
Pour l'entendre on accourt des plus lointains Ha
meaux ;
Le Faune quitte le Bocage ;
La Nymphe eft attentive au travers des rofeaux.
Cet admirable Payſage
Forme l'afpect de Bauregard ;
C'eft ce charmant réduit où je veux fans retard³
Pour un jour feulement faire mon domicile
Peut-on fi pour tems court refufer un azile ?
Tu fus Auteur du mal dont je me fens bleffé
Tu m'en dois fournir le remede ;
Un jour fera bientôt paffé.
Ton Belveder auquel tout autre cede ,
Me convient mieux que l'Helicon.
Je veux pour braver Apollon
A qui je déclare la guerre ,
Dans ton champêtre apartement
Sacrifier au Dieu du Verre ;.
IE
1568 MERCURE DE FRANCE
Il me rendra bientôt le calme & l'enjoument.
C'eft à toi , cher ami , pour la cerémonie ,
De mettre le comble à mes voeux ;
De peu d'amis choifis affembler compagnie
Et j'attens cette courtoifie
De ton coeur noble & genéreux .
Sommevefle.
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Résumé : A MONSIEUR L'ABBÉ DE ... EPITRE.
L'auteur adresse une épître à un abbé pour louer son talent poétique et exprimer son admiration. Il avoue ressentir de la jalousie face au succès de l'abbé, au point de troubler son sommeil. Dans un rêve, il voit l'abbé glorifié aux côtés de Pindare, ce qui accentue son sentiment d'infériorité. À son réveil, il décide de quitter le Mont Parnasse, symbole de la poésie. Il envisage de se retirer temporairement à Bauregard, un lieu de plaisance avec des boulingrins, terrasses, berceaux et une rivière. Ce lieu est habité par des bergers, des agneaux et des divinités pastorales comme Pan et les Nymphes. L'auteur demande à l'abbé de l'accueillir à Bauregard, où il espère retrouver la paix et l'enjouement en sacrifiant au Dieu du Verre. Il sollicite également la compagnie de quelques amis choisis pour une cérémonie en son honneur.
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24
p. *1832-1832
AIR.
Début :
Quels affreux tourbillons ! quels éclairs ! quel tonnerre ! [...]
Mots clefs :
Dieux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AIR.
AIR.
Uels affreux tourbillons ! quels éclairs !
quel tonnerre !
Quel débris ! Dieux ! que d'abîmes ouverts ?
Ah! C'en eft fait , les Elémens en guerre ,
Vont bientôt m'engloutir fous l'Empire des
Mers.
Le trépas n'a rien qui m'étonne ;
L'on defcend tôt ou tard dans la nuit du Tombeau.
Mais qu'un Buveur , qu'un enfant de la
Tonne ...
O défefpoir ! ah ! j'en friffonne.
Faudra-t-il , juftes Dieux , que je meure dans
l'eau !
Uels affreux tourbillons ! quels éclairs !
quel tonnerre !
Quel débris ! Dieux ! que d'abîmes ouverts ?
Ah! C'en eft fait , les Elémens en guerre ,
Vont bientôt m'engloutir fous l'Empire des
Mers.
Le trépas n'a rien qui m'étonne ;
L'on defcend tôt ou tard dans la nuit du Tombeau.
Mais qu'un Buveur , qu'un enfant de la
Tonne ...
O défefpoir ! ah ! j'en friffonne.
Faudra-t-il , juftes Dieux , que je meure dans
l'eau !
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25
p. 2878-2887
La Henriade, nouvelle édition. Poëme. [titre d'après la table]
Début :
LA HENRIADE, nouvelle édition revûë, corrigée & augmentée de beaucoup, [...]
Mots clefs :
Henriade, Yeux, Dieux, Poème, Auteur, Ouvrage, Coeur, Vers
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : La Henriade, nouvelle édition. Poëme. [titre d'après la table]
LA HENRIADE , nouvelle édition , revûë
, corrigée & augmentée de beaucoup,
11. Vol..
avec
DECEMBRE. 1730. 2879
avec des notes. A Londres , chez Jérôme
Bold-Truth , à la Vérité. 1730. in 8. de
349 pages , fans la Préface , qui en contient
24. Cette Edition , à laquelle il n'y
a rien à fouhaiter pour la correction & la
beauté des caracteres & du papier , que
l'Auteur donne proprement reliée ; & une
autre in 4° . avec des Eftampes , qui eft actuellement
fous preffe , feront délivrées
aux Soufcripteurs , fans qu'ils ayent aucun
payement à faire.
On trouve dans la Préface de cette Edition
in 8 °. l'Hiftoire abregée , écrite de
main de Maître , des Evénemens fur lefquels
eft fondée la Fable du Poëme de la.
Henriade ; l'Idée de ce Poëme & l'efprit
dans lequel il a été compofé. Mais pour
ne point alterer la pureté du ftyle , ni la
force & la grace de la diction , prenons
de la Préface même ce que nous croyons
en devoir mettre fous les yeux de nos
Lecteurs.
ג כ
Ce Poëme fut commencé en l'année
» 1717. M. de Voltaire n'avoit alors que
» 19. ans , & quoiqu'il eût fait déja la
Tragédie d'Oedipe , qui n'avoit pas en-
» core été reprefentée , il étoit très incapable
de faire un Poëme Epique à cet
» âge ; auffi ne commença- t'il la Henria-
» de que dans le deffein de fe procurer
» un fimple amufement dans un tems &
»
II. Vol.
dans
2880 MERCURE DE FRANCE
» dans un lieu où il ne pouvoit guere
» faire que des Vers. Il avoit alors le malheur
d'être prifonnier par Lettre de
» Cachet dans la Baftille . Il n'eft pas inu
tile de dire que la calomnie qui lui
» avoit attiré cette difgrace ayant été
» reconnuë , lui valut des bienfaits de la
>> Cour , ce qui fert également à la jufti-
» fication de l'Auteur & du Gouverne
» ment & c .
>>
L'Auteur ayant été près d'un an en
prifon , fans papier & fans livres , il y
» compofa plufieurs Ouvrages , & les re-
» tint de mémoire , La Henriade fut le feut
qu'il écrivit au fortir de la Baftille ; il
n'en avoit alors fait que fix Chants ,
» dont il ne reste aujourd'hui que le fe-
» cond , qui contient les Maffacres de la
» S. Barthelemi. Les cinq autres étoient
» très foibles , & ont été depuis travaillés
fur
un autre plan ; mais il n'a jamais pû
>> rien changer à ce fecond Chant qui eft
» encore peut- être le plus fort de tous
» l'Ouvrage.
» En l'année 1723. il parut une Edition
de la Henriade fous le nom de La Ligues
>>> L'Ouvrage
étoit informe , tronqué ,
» plein de lacunes. Il y manquoit
un
Chant , & les autres étoient déplacés.
» De plus , il étoit annoncé comme un
Poëme Epique.
>>
II. Vol. En
DÉCEMBRE. 1730. 2881
En l'année 1726. l'Auteur étant en
» Angleterre, y trouva une protection ge-
>> nerale & des encouragemens qu'il n'au-
>> roit jamais pû efperer ailleurs . On y fa-
» vorifa l'impreffion d'un Ouvrage Fran-
» çois , écrit avec liberté & d'un Poëme
» plein de verités , fans flatterie.
»
La Henriade parut donc alors pour
la
>> premiere fois fous fon veritable nom ,
» en dix Chants , & ce fut d'après les
>> Editions de Londres que furent faites
depuis celles d'Amfterdam, de la Haye,
» & de Geneve toutes inconnues en
>> France.
>>
L'Auteur ayant encore fait depuis de
» grands changemens à la Henriade , don-
» ne aujourd'hui cette nouvelle Edition
» comme moins mauvaiſe que toutes les
précedentes ; mais comme fort éloignée
» de la perfection dont il ne s'eft jamais
» Aatté d'approcher.
Ce Poëme , compofé de dix Chants
commence ainſi :
Je chante le Heros qui regna fur la France ,
Et par droit de conquête , & par droit de naiffance
,
Qui par le malheur même apprit à gouverner,
Perfecuté long- tems , fçut vaincre & pardonner,
Confondit & Mayenne , & la Ligue & Libere ,
Et fut de fes Sujets le Vainqueur & le Pere.
II. Vol.
Un
2882 MERCURE DE FRANCE
Un des plus confiderables changemens
eft à la page 205. du Chant feptiéme :
le voici :
Dans le centre éclatant de ces orbes îmmenfes
,
Qui n'ont pû nous cachér leur marche & leurs
diſtances ,
Luit ces Aftres du jour par Dieu même allumé ,
Qui tourne autour de foi fur fon axe enflamé.
De lui partent fans fin des torrens de lumiere ;
Il donne en ſe montrant la vie à la matiere ,
Et difpenfe les jours , les faifons & les ans
A des Mondes divers autour de lui flotans.
Ces Aftres affervis à la loi qui les preffe ,
S'attirent dans leur courſe * & s'évitent fans ceffe,
Et fervant l'un à l'autre & de regle & d'appui
Se prêtent les clartés qu'ils reçoivent de lui.
Au delà de leurs cours , & loin dans cet eſpace
Où la matiere nage , & que Dieu feul embraffe ,
Sont des Soleils fans nombre & des Mondes fans
fin ;
Dans cet abîme immenſe il leur ouvre un chemin.
Par delà tous ces Cieux le Dieu des Cieux réfide;
C'est là que le Heros fuit fon celefte guide ;
* Que l'on admette l'attraction de l'illuftre
M. Nevvton , toujours demeure- t'il certain que
les Globes celeftes s'approchant s'éloignant
tour à tour , paroient s'attirer & s'éviter.
II. Vol. C'est
DECEMBRE. 1730. 2883
C'eft là que font formés tous ces efprits divers
Qui rempliffent les corps , & peuplent l'Univers;
Là font après la mort nos ames replongées ,
De leur prifon groffiere à jamais degagées ;
Un Juge incorruptible y raffemble à ſes pieds
Ces immortels Efprits que fon foufle a créés.
C'eft cet Etre infini qu'on fert & qu'on ignore ;
Sous cent noms differens le Monde entier l'adore.
Du haut de l'Empirée il entend nos clameurs ;
Il regarde en pitié ce long amas d'erreurs ,
Ces Portraits infenfés que l'humaine ignorance
Fait avec pieté de fa fageffe immenſe.
La mort auprés de lui , fille affreuſe du tems ,
De ce trifte Univers conduit les habitans ;
Elle amene à la fois les Bonzes , les Bracmanes
Du grand Confucius les Difciples profanes ,
Des antiques Perfans les fecrets fucceffeurs ,
De Zoroaftre encor aveugles fectateurs ,
Les pâles habitans de ces froides Contrées
Qu'affiegent de glaçons les mers hiperborées ,
Ceux qui de l'Amerique habitent les Forêts ,
Du pere du menfonge innombrables Sujets .
Eclairés à l'inftant , ces morts dans le filence
En Perfe les Guebres ont une Religion à
part , qu'ils prétendent être la Religion fondée
par Zoroastre , & qui paroit moins folle que
les autres fuperftitions humaines , puifqu'ils
rendent un culte fecret an Soleil , comme à
une image du Createur.
IL. Vol-
Atten
2884 MERCURE DE FRANCE
Attendent en tremblant l'éternelle ſentence :
Dieu qui voit à la fois , entend & connoit tout ,
D'un coup d'oeil les punit , d'un coup d'oeil les
abfout.
Henri n'approcha pas vers le Trône invifible .
D'où part à chaque inftant ce Jugement terrible,
Où Dieu prononce à tous les arrêts éternels ,
Qu'ofent prévoir envain tant d'orgueilleux Mor
tels.
Quelle eft , difoit Henri , s'interrogeant luimême
,
Quelle eft de Dieu fur eux la Juftice fuprême ?
Ce Dieu les punit- il d'avoir fermé leurs yeux
» Aux clartés que lui-même il plaça fi loin d'eux;
» Pourroit-il les juger tel qu'un injufte Maître
Sur la Loi des Chrétiens qu'ils n'ont point pu
>> connoître ?
Non , Dieu nous a créés , Dieu nous veut fauver
tous ;
» Par tout il nous inftruit , par tout il parle à
» nous ;
»Il
grave en tous les coeurs la loi de la nature
Seule à jamais la même , & feule toujours pure ;
Sur cette Loi , fans doute , il juge les Payens ,
» Et fi leur coeur fut jufte , ils ont été Chrétiens,
Tandis que du Heros la raifon confonduë
Portoit fur ce miftere une indifcrete vuë ,
Aux pieds du Trone même une voix s'entendit ,
Le Ciel s'en ébranla , l'Univers en frémit ,
II. Vol.
Ses
DECEMBRE . 1730. 2885
Ses accens reffembloient à ceux de ce Tonnerre
Quand du Mont Sinaï Dieu parloit à la Terre :
Le Choeur des Immortels fe tût pour l'écouter
Et chaque Aftre en fon cours allá la repeter:
A ta foible raifon garde- toi de te rendre :
Dieu t'a fait pour l'aimer , & non pour le come
»prendre.
» Invifible à tes yeux , qu'il regne dans ton coeur,
» Il pardonne aux Humains une invincible er
» reur ;
Mais il punit auffi toute erreur volontaire.
Mortel , ouvre les yeux quand fon Soleil t'é
claire.
Henri paffe à l'inftant auprès d'un Globe affreux,
Rebut de la Nature , aride , tenebreux :
Ciel d'où partent ces cris , ces cris épouventa-
!
bles ,
Ces torrens de fumée , & ces feux effroyables ?
Quels Monftres , dit Bourbon , volent dans ces
climats ?
›
Quels gouffres enflamés s'entr'ouyent fous mes
pas !
Ọ mon fils , vous voyez les portes de l'abîme
Creufé par la Jufticè , habité par le crimé :
Suivez - moi , les chemins en font toujours ou
verts ;
Ils marchent auffi-tôt aux portes des Enfers. *
* Les Theologiens n'ont pas decidé comme
un article de foi que l'Enfer fut au centre de
la Terre , ainsi qu'il étoit dans la Theologie
AIR Voka
La
2886 MERCURE DE FRANCE
Là git la fombre Envie à l'oeil timide & louche
Verfant fur des lauriers les poifons de fa bouche
Le jour bleffe fes yeux dans l'ombre étincelans ,
Trifte Amante des Morts , elle hait les Vivans.
Elle apperçoit Henri , fe détourne & foupire :
Auprès d'elle est l'Orgueil qui ſe plaît & s'admire
La Foibleffe au teint pâle , aux regards abbatus ,
Tiran qui cede au crime , & détruit les vertus ,
L'Ambition fanglante , inquiéte , égarée ,
De Trônes , de Tombeaux , d'Eſclaves entourée
La tendre Hipocrifie aux yeux pleins de douceur
( Le Ciel eft dans fes yeux , l'Enfer eft dans fon
coeur )
Le faux zele étalant fes barbares maximes
Et l'Interêt enfin , pere de tous les crimes.
Les autres changemens font de 20. ou
30. Vers , & le trouvent répandus dans
tout l'Ouvrage. En voici un au Chant
quatrième, page 125.
「
..... Loin ... des pompes mondaines ,
Des temples confacrés aux vanités humaines
Dont l'appareil fuperbe impofe à l'Univers.
L'humble Religion fe cache en des deferts ,
Elle y vit avec Dieu dans une paix profonde ,
Cependant que fon nom profané dans le monde
Payenne quelques- uns l'ont placé dans le
Soleil on l'a mis ici dans un Globe deftiné
uniquement à cet usage.
1
11. Vol.
E4
DECEMBRE. 1730. 2887
*
Eft le prétexte faint des fureurs des Tirans ,
Le bandeau du Vulgaire & le mépris des Grands
Souffrir eft fon deftin , benir eft fon partage :
Elle prie en fecret pour l'ingrat qui l'outrage.
Sans ornement , fans art , belle de ſes attraits ,
Sa modefte beauté fe dérobe à jamais
Aux hypocrites yeux de la foule importune
Qui court à fes Autels encenfer la fortune &c.``
Ce beau Poëme eft terminé par ces
Vers :
Tout le peuple changé dans ce jour falutaire
Reconnoît fon vrai Roi , fon Vainqueur & fon
Pere.
Dès lors on admira ce Regne fortuné ,
Et commencé trop tard , & trop tôt terminé.
L'Eſpagnol en trembla ; juſtement deſarmée ,
Rome adopta Bourbon , Rome s'en vit aimée ;
La Difcorde rentra dans l'éternelle Nuit :
A reconnoitre un Roi Mayenne fut réduit ,
Et foumettant enfin fon coeur & fes Provinces
Fut le meilleur fujet du plus jufte des Princes.
, corrigée & augmentée de beaucoup,
11. Vol..
avec
DECEMBRE. 1730. 2879
avec des notes. A Londres , chez Jérôme
Bold-Truth , à la Vérité. 1730. in 8. de
349 pages , fans la Préface , qui en contient
24. Cette Edition , à laquelle il n'y
a rien à fouhaiter pour la correction & la
beauté des caracteres & du papier , que
l'Auteur donne proprement reliée ; & une
autre in 4° . avec des Eftampes , qui eft actuellement
fous preffe , feront délivrées
aux Soufcripteurs , fans qu'ils ayent aucun
payement à faire.
On trouve dans la Préface de cette Edition
in 8 °. l'Hiftoire abregée , écrite de
main de Maître , des Evénemens fur lefquels
eft fondée la Fable du Poëme de la.
Henriade ; l'Idée de ce Poëme & l'efprit
dans lequel il a été compofé. Mais pour
ne point alterer la pureté du ftyle , ni la
force & la grace de la diction , prenons
de la Préface même ce que nous croyons
en devoir mettre fous les yeux de nos
Lecteurs.
ג כ
Ce Poëme fut commencé en l'année
» 1717. M. de Voltaire n'avoit alors que
» 19. ans , & quoiqu'il eût fait déja la
Tragédie d'Oedipe , qui n'avoit pas en-
» core été reprefentée , il étoit très incapable
de faire un Poëme Epique à cet
» âge ; auffi ne commença- t'il la Henria-
» de que dans le deffein de fe procurer
» un fimple amufement dans un tems &
»
II. Vol.
dans
2880 MERCURE DE FRANCE
» dans un lieu où il ne pouvoit guere
» faire que des Vers. Il avoit alors le malheur
d'être prifonnier par Lettre de
» Cachet dans la Baftille . Il n'eft pas inu
tile de dire que la calomnie qui lui
» avoit attiré cette difgrace ayant été
» reconnuë , lui valut des bienfaits de la
>> Cour , ce qui fert également à la jufti-
» fication de l'Auteur & du Gouverne
» ment & c .
>>
L'Auteur ayant été près d'un an en
prifon , fans papier & fans livres , il y
» compofa plufieurs Ouvrages , & les re-
» tint de mémoire , La Henriade fut le feut
qu'il écrivit au fortir de la Baftille ; il
n'en avoit alors fait que fix Chants ,
» dont il ne reste aujourd'hui que le fe-
» cond , qui contient les Maffacres de la
» S. Barthelemi. Les cinq autres étoient
» très foibles , & ont été depuis travaillés
fur
un autre plan ; mais il n'a jamais pû
>> rien changer à ce fecond Chant qui eft
» encore peut- être le plus fort de tous
» l'Ouvrage.
» En l'année 1723. il parut une Edition
de la Henriade fous le nom de La Ligues
>>> L'Ouvrage
étoit informe , tronqué ,
» plein de lacunes. Il y manquoit
un
Chant , & les autres étoient déplacés.
» De plus , il étoit annoncé comme un
Poëme Epique.
>>
II. Vol. En
DÉCEMBRE. 1730. 2881
En l'année 1726. l'Auteur étant en
» Angleterre, y trouva une protection ge-
>> nerale & des encouragemens qu'il n'au-
>> roit jamais pû efperer ailleurs . On y fa-
» vorifa l'impreffion d'un Ouvrage Fran-
» çois , écrit avec liberté & d'un Poëme
» plein de verités , fans flatterie.
»
La Henriade parut donc alors pour
la
>> premiere fois fous fon veritable nom ,
» en dix Chants , & ce fut d'après les
>> Editions de Londres que furent faites
depuis celles d'Amfterdam, de la Haye,
» & de Geneve toutes inconnues en
>> France.
>>
L'Auteur ayant encore fait depuis de
» grands changemens à la Henriade , don-
» ne aujourd'hui cette nouvelle Edition
» comme moins mauvaiſe que toutes les
précedentes ; mais comme fort éloignée
» de la perfection dont il ne s'eft jamais
» Aatté d'approcher.
Ce Poëme , compofé de dix Chants
commence ainſi :
Je chante le Heros qui regna fur la France ,
Et par droit de conquête , & par droit de naiffance
,
Qui par le malheur même apprit à gouverner,
Perfecuté long- tems , fçut vaincre & pardonner,
Confondit & Mayenne , & la Ligue & Libere ,
Et fut de fes Sujets le Vainqueur & le Pere.
II. Vol.
Un
2882 MERCURE DE FRANCE
Un des plus confiderables changemens
eft à la page 205. du Chant feptiéme :
le voici :
Dans le centre éclatant de ces orbes îmmenfes
,
Qui n'ont pû nous cachér leur marche & leurs
diſtances ,
Luit ces Aftres du jour par Dieu même allumé ,
Qui tourne autour de foi fur fon axe enflamé.
De lui partent fans fin des torrens de lumiere ;
Il donne en ſe montrant la vie à la matiere ,
Et difpenfe les jours , les faifons & les ans
A des Mondes divers autour de lui flotans.
Ces Aftres affervis à la loi qui les preffe ,
S'attirent dans leur courſe * & s'évitent fans ceffe,
Et fervant l'un à l'autre & de regle & d'appui
Se prêtent les clartés qu'ils reçoivent de lui.
Au delà de leurs cours , & loin dans cet eſpace
Où la matiere nage , & que Dieu feul embraffe ,
Sont des Soleils fans nombre & des Mondes fans
fin ;
Dans cet abîme immenſe il leur ouvre un chemin.
Par delà tous ces Cieux le Dieu des Cieux réfide;
C'est là que le Heros fuit fon celefte guide ;
* Que l'on admette l'attraction de l'illuftre
M. Nevvton , toujours demeure- t'il certain que
les Globes celeftes s'approchant s'éloignant
tour à tour , paroient s'attirer & s'éviter.
II. Vol. C'est
DECEMBRE. 1730. 2883
C'eft là que font formés tous ces efprits divers
Qui rempliffent les corps , & peuplent l'Univers;
Là font après la mort nos ames replongées ,
De leur prifon groffiere à jamais degagées ;
Un Juge incorruptible y raffemble à ſes pieds
Ces immortels Efprits que fon foufle a créés.
C'eft cet Etre infini qu'on fert & qu'on ignore ;
Sous cent noms differens le Monde entier l'adore.
Du haut de l'Empirée il entend nos clameurs ;
Il regarde en pitié ce long amas d'erreurs ,
Ces Portraits infenfés que l'humaine ignorance
Fait avec pieté de fa fageffe immenſe.
La mort auprés de lui , fille affreuſe du tems ,
De ce trifte Univers conduit les habitans ;
Elle amene à la fois les Bonzes , les Bracmanes
Du grand Confucius les Difciples profanes ,
Des antiques Perfans les fecrets fucceffeurs ,
De Zoroaftre encor aveugles fectateurs ,
Les pâles habitans de ces froides Contrées
Qu'affiegent de glaçons les mers hiperborées ,
Ceux qui de l'Amerique habitent les Forêts ,
Du pere du menfonge innombrables Sujets .
Eclairés à l'inftant , ces morts dans le filence
En Perfe les Guebres ont une Religion à
part , qu'ils prétendent être la Religion fondée
par Zoroastre , & qui paroit moins folle que
les autres fuperftitions humaines , puifqu'ils
rendent un culte fecret an Soleil , comme à
une image du Createur.
IL. Vol-
Atten
2884 MERCURE DE FRANCE
Attendent en tremblant l'éternelle ſentence :
Dieu qui voit à la fois , entend & connoit tout ,
D'un coup d'oeil les punit , d'un coup d'oeil les
abfout.
Henri n'approcha pas vers le Trône invifible .
D'où part à chaque inftant ce Jugement terrible,
Où Dieu prononce à tous les arrêts éternels ,
Qu'ofent prévoir envain tant d'orgueilleux Mor
tels.
Quelle eft , difoit Henri , s'interrogeant luimême
,
Quelle eft de Dieu fur eux la Juftice fuprême ?
Ce Dieu les punit- il d'avoir fermé leurs yeux
» Aux clartés que lui-même il plaça fi loin d'eux;
» Pourroit-il les juger tel qu'un injufte Maître
Sur la Loi des Chrétiens qu'ils n'ont point pu
>> connoître ?
Non , Dieu nous a créés , Dieu nous veut fauver
tous ;
» Par tout il nous inftruit , par tout il parle à
» nous ;
»Il
grave en tous les coeurs la loi de la nature
Seule à jamais la même , & feule toujours pure ;
Sur cette Loi , fans doute , il juge les Payens ,
» Et fi leur coeur fut jufte , ils ont été Chrétiens,
Tandis que du Heros la raifon confonduë
Portoit fur ce miftere une indifcrete vuë ,
Aux pieds du Trone même une voix s'entendit ,
Le Ciel s'en ébranla , l'Univers en frémit ,
II. Vol.
Ses
DECEMBRE . 1730. 2885
Ses accens reffembloient à ceux de ce Tonnerre
Quand du Mont Sinaï Dieu parloit à la Terre :
Le Choeur des Immortels fe tût pour l'écouter
Et chaque Aftre en fon cours allá la repeter:
A ta foible raifon garde- toi de te rendre :
Dieu t'a fait pour l'aimer , & non pour le come
»prendre.
» Invifible à tes yeux , qu'il regne dans ton coeur,
» Il pardonne aux Humains une invincible er
» reur ;
Mais il punit auffi toute erreur volontaire.
Mortel , ouvre les yeux quand fon Soleil t'é
claire.
Henri paffe à l'inftant auprès d'un Globe affreux,
Rebut de la Nature , aride , tenebreux :
Ciel d'où partent ces cris , ces cris épouventa-
!
bles ,
Ces torrens de fumée , & ces feux effroyables ?
Quels Monftres , dit Bourbon , volent dans ces
climats ?
›
Quels gouffres enflamés s'entr'ouyent fous mes
pas !
Ọ mon fils , vous voyez les portes de l'abîme
Creufé par la Jufticè , habité par le crimé :
Suivez - moi , les chemins en font toujours ou
verts ;
Ils marchent auffi-tôt aux portes des Enfers. *
* Les Theologiens n'ont pas decidé comme
un article de foi que l'Enfer fut au centre de
la Terre , ainsi qu'il étoit dans la Theologie
AIR Voka
La
2886 MERCURE DE FRANCE
Là git la fombre Envie à l'oeil timide & louche
Verfant fur des lauriers les poifons de fa bouche
Le jour bleffe fes yeux dans l'ombre étincelans ,
Trifte Amante des Morts , elle hait les Vivans.
Elle apperçoit Henri , fe détourne & foupire :
Auprès d'elle est l'Orgueil qui ſe plaît & s'admire
La Foibleffe au teint pâle , aux regards abbatus ,
Tiran qui cede au crime , & détruit les vertus ,
L'Ambition fanglante , inquiéte , égarée ,
De Trônes , de Tombeaux , d'Eſclaves entourée
La tendre Hipocrifie aux yeux pleins de douceur
( Le Ciel eft dans fes yeux , l'Enfer eft dans fon
coeur )
Le faux zele étalant fes barbares maximes
Et l'Interêt enfin , pere de tous les crimes.
Les autres changemens font de 20. ou
30. Vers , & le trouvent répandus dans
tout l'Ouvrage. En voici un au Chant
quatrième, page 125.
「
..... Loin ... des pompes mondaines ,
Des temples confacrés aux vanités humaines
Dont l'appareil fuperbe impofe à l'Univers.
L'humble Religion fe cache en des deferts ,
Elle y vit avec Dieu dans une paix profonde ,
Cependant que fon nom profané dans le monde
Payenne quelques- uns l'ont placé dans le
Soleil on l'a mis ici dans un Globe deftiné
uniquement à cet usage.
1
11. Vol.
E4
DECEMBRE. 1730. 2887
*
Eft le prétexte faint des fureurs des Tirans ,
Le bandeau du Vulgaire & le mépris des Grands
Souffrir eft fon deftin , benir eft fon partage :
Elle prie en fecret pour l'ingrat qui l'outrage.
Sans ornement , fans art , belle de ſes attraits ,
Sa modefte beauté fe dérobe à jamais
Aux hypocrites yeux de la foule importune
Qui court à fes Autels encenfer la fortune &c.``
Ce beau Poëme eft terminé par ces
Vers :
Tout le peuple changé dans ce jour falutaire
Reconnoît fon vrai Roi , fon Vainqueur & fon
Pere.
Dès lors on admira ce Regne fortuné ,
Et commencé trop tard , & trop tôt terminé.
L'Eſpagnol en trembla ; juſtement deſarmée ,
Rome adopta Bourbon , Rome s'en vit aimée ;
La Difcorde rentra dans l'éternelle Nuit :
A reconnoitre un Roi Mayenne fut réduit ,
Et foumettant enfin fon coeur & fes Provinces
Fut le meilleur fujet du plus jufte des Princes.
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Résumé : La Henriade, nouvelle édition. Poëme. [titre d'après la table]
Le texte présente une nouvelle édition de 'La Henriade' de Voltaire, publiée en décembre 1730 à Londres. Cette édition, en format in-8, compte 349 pages et est accompagnée d'une préface de 24 pages. Elle est également disponible en format in-4 avec des estampes et sera livrée aux souscripteurs sans frais supplémentaires. La préface inclut une histoire abrégée des événements sur lesquels est fondée la fable du poème, ainsi que l'idée et l'esprit du poème. Voltaire a commencé 'La Henriade' en 1717 à l'âge de 19 ans, alors qu'il était prisonnier à la Bastille. Il a écrit plusieurs œuvres en prison, dont 'La Henriade', initialement composée de six chants. Seul le second chant, traitant des massacres de la Saint-Barthélemy, a été conservé. Une première édition informelle et tronquée est parue en 1723 sous le nom de 'La Ligue'. En 1726, Voltaire a trouvé en Angleterre un soutien général et a publié 'La Henriade' sous son véritable nom, en dix chants. Depuis, il a apporté de nombreux changements au poème, considérant cette nouvelle édition comme la moins mauvaise des précédentes, bien qu'elle soit encore loin de la perfection. Le poème commence par une description du héros Henri IV et de ses exploits. Il inclut des réflexions sur la justice divine et le sort des âmes après la mort. Voltaire a également modifié certains passages pour inclure des références à des concepts scientifiques, comme l'attraction newtonienne. Le poème se termine par la reconnaissance d'Henri IV comme roi légitime et la soumission de ses adversaires.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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26
p. 771-779
Idomenée, Opera remis , Extrait. [titre d'après la table]
Début :
Le 5. Avril on donne la Tragédie d'Idomenée, qui [...]
Mots clefs :
Tragédie, Prologue, Symphonie, Vénus, Dieux, Outrages, Jalousie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Idomenée, Opera remis , Extrait. [titre d'après la table]
Le s . Avril on donna la Tragedie
d'Idomenée , qui avoit été donnée dans sa
-nouveauté le 1 2. Janvier 1712. Le Poëme
est de M. Danchet , et la Musique de
M. Campra.
Au Prologue le Théatre représente les
Antres d'Eole ; ce Dieu y paroît au milieu
des vents , qui sont enchaînés à des
rochers. Ils veulent sortir de leurs prisons
; Eole les y retient malgré eux. Venus
annoncée par une douce symphonie ,
se présente à Eole , et lui parle ainsi :
Un vainqueur des Troyens fend la liquide plaine
;
Des rives de la Créte écarte ses vaisseaux ;
Ordonne aux Aquillons de soulever les eaux
Et de servir ma juste haine.
Eole.
Brisez vos fers ; pártez , vents orageux ;
De la Mere d'Amour allez remplir les voeux.
Les Aquilions sortent des Antres où ils
étoient renfermez , et s'élancent dans les
airs pour aller servir la haine de Venus.
Gij La
772 MERCURE
DE FRANCE
La fête de ce prologue est ordonnée
par Venus : en voici le motif.
Je vai remplir ta Cour
Des Nymphes et des Dieux soumis à ma puissance
;
Tandis que tes sujets exercent ma vengeance ,
Les miens viendront t'offrir les charmes de l'Amour.
?
les Plaisirs Venus appelle l'Amour
et les Jeux. Ce prologue a paru d'autant
plus heureusement imaginé, qu'ilannonce
la Tragedie,
Au premier Acte , le Théatre représente
le magnifique Palais des Rois de Crete,
Ilione , fille d'Agamemnon
, Roy d'Argos
et de Mycene , ouvre la Scene. Elle
fait connoître qu'elle est arrivée en Crete
dans un seul vaisseau que la tempête avoit
séparé de la flotte d'Idomenée ; elle ajoûte
qu'elle a méprisé l'amour de ce Roi , mais
qu'elle n'a pas été aussi insensible à celui
d'Idamante son fils qui ignore encore sa
victoire ; elle appelle la gloire et la fierté
à son secours,
Idamante ordonne à sa suite d'assembler
les Troyens ; il dit à Ilione qu'il est
rassuré sur le sort de son Pere que Minerve
a protegé contre la fureur de Neptune
; il lui annonce qu'il va délivrer les
Troyens
1
AVRIL: 1731. 773
Troyens en attendant le retour du Roi ,
persuadé qu'il les auroit lui-même remis.
en liberté , si les vents lui avoient permis
d'aborder en Créte ; il fui déclare son
amour ; elle en 'paroît offensée ; il lui réproche
l'injustice quelle a de vouloir pu
nir en lui ce qui n'est que le crime des
Dieux , ennemis des Troyens. Les Crétois
et les Troyens font le divertissement
de ce premier Acte ; on brise les chaînes
de ces derniers.
Arbas vient troubler la fête par une
fausse nouvelle de la mort d'Idomenée
qu'il annonce comme certaine . Electre qui
survient trouve fort étrange qu'on ait remis
les Troyens en liberté. Cette Princesse
Grecque , ne doutant point que cette
liberté ne soit l'ouvrage de l'amour d'Idamante
pour Ilione , s'abandonne à sa
jalouse rage, et ne respire que vengeance.
Au second Acte , le Théatre représente
les bords de la mer agitée par une tempê
te affreuse ; tout le fond est rempli de
vaisseaux qui ont fait ou qui vont faire
naufrage. Un choeur de Peuples prêts à
périr , ouvre la scene par ces deux vers :
O Dieux , ô justes Dieux , donnez -nous du se
cours' ;
Les vents , les mers , le ciel , tout menace nes
jours
Ciij Neptun
774 MERGURE DE FRANCE
Neptune sort de la mer , et dit à Idomenée
Ne crains plus les outrages
Des flots et des vents ennemis ;
Mais offre moi sur ces rivages
L'hommage que tu m'as promis.
Idomenée fait entendre à Arcas , qui
s'est sauvé du naufrage comme lui , le
funeste voeu qu'il a fait à Neptune ; voici
comme il s'explique :
Dans l'horreur du naufrage ,
Pour ravir à la mort mes sujets allarmés ,
Apprens les voeux que j'ai formés.
Voeux indiscrets , trop tard vous troublez mon
courage ;
Si Neptune en courroux faisoit cesser l'orage ,
J'ai promis d'immoler le premier des humains
Que je verrai sur le rivage.
Dans le sang innocent dois-je tremper res
mains.
Il voit paroître sa victime ; c'est son
propre fils qu'il ne connoît pas › attendu
la longueur du siege de Troye. Idamante
qui ne peut pas non plus le connoître , et
qui le prend pour un de ces malheureux
qui viennent de faire naufrave , lui offre
genereusement son secours ; la Scene est
trésAVRIL.
1731. 773
très -touchante de part et d'autre, et menagée
avec beaucoup d'art jusqu'au moment
de la reconnoissance. Idomenée saisi
d'horreur et accablé de tristesse , dit à
son fils qui le veut suivre,pour sçavoir ce
qui l'oblige à se refuser à ses embrassemens
:
Gårdez Vous de me suivre.
Pourquoi m'avez vous vû ? craignez de me revoir.
Idamante ne laisse pas de marcher sur
ses pas. Electre qui arrive croi qu'il la fuit;
elle implore Venus . La Déesse fait entendre
à Electre qu'elle va la vanger. Venus
évoque la jalousie qui vient avec sa suite ,
et fait la fête de ce second Acte , qui finit
par ces vers que Venus adresse à la jalousie.
Au coeur d'Idomenée inspirez la terreur
Contre son propre Fils allumez sa fureur,
La décoration du troisiéme Acte représente
le Port de Sydonie,
Idomenée ne se peut résoudre à donner
à Neptune la victime qu'il lui a promise
; de la tendresse de Pere , il passe
à la fureur d'un rival ; la liberté que son
fils a rendue aux Troyens lui persuade
qu'il aime Ilione , Arcas lui conseille d'éloigner
ce Prince ; Idomenće prend ce
G iiij parti ;
776 MERCURE DE FRANCE
parti ; Arcas par ses ordres va tout prépa
rer pour le départ d'Idamante qui selon
ce nouveau projet doit conduire Electre
à Argos et la vanger d'Egyste qui a usurpé
sur elle le thrône de ses yeux.
Ilione vient ; Idomenée la veut fuir
mais il demeure malgré lui ; il n'apprend
que trop ce qu'il avoit voulu ignorer , il
fait entendre à Ilione qu'elle a tout à craindre
pour son Amant , qui n'a pas besoin
pour périt du nom odieux de Rival .
>
Electre vient remercier Idomenée du
secours qu'il lui offre contre ses tyrans
Idomenée la quitte en lui disant que son
fils s'est chargé de la conduire et de la
vanger. Electre s'abandonne à sa joye ; les
Matelots grecs et tous ceux qui doivent
suivre cette Princesse viennent celebrer
leur retour dans leur Patrie après la fête ,
Prothée sort du fond des flots et annonce
à Idamenée la vengeance de Neptune
prête à tomber sur lui pour le punir de
son parjure ; l'orage empêche Electre de
partir ; Idomenée proteste qu'il n'immo .
lera jamais la victime que Neptune lui
demande . Un Monstre sorti de la mer ,
commence la vengeance de ce Dieu irrité.
Au quatriéme Acte , le Theatre représente
une campagne agréable , et dans l'éloignement
le Temple de Neptune.
Ilione
AVRIL. 1731. 777
Ilione fait des imprécations contre les
Crétois, et prie les Dieux de les faire tous
périr par le monstre ; son amour lui fait
excepter Idamante qui veut le combattre.
Idamanre vient faire ses derniers adieut
à Ilione , ne doutant point qu'il ne périsse
dans le projet que son désespoir lui fait
entreprendre ; le péril où ce Prince va
s'exposer , par la seule raison qu'il est
odieux à sa chere Ilione , détermine cette
Princesse à rompre un trop long silence
, et à déclarer son amour ; elle apprend
à son Amant qu'il a un rival re- .
doutable ; Idamante reconnoît par-là que
c'est le Roi.
Idomenée vient offrir un sacrifice à
Neptune ; il éloigne son fils du Temple
de ce Dieu , sans lui déclarer le funeste
voeu qu'il a fait.
Après cette premiere fête , qui consiste
en des hymnes chantez à la gloire de
Neptune , on entend des chants de victoire
derriere le Théatre ; Arcas vient apprendre
à Idomenée que le monstre a suc- ,
combé sous les coups d'Idamante ; Idomenée
se flatte d'avoir fléchi le Dieu des ,
flots,puisqu'il a permis que son fils triom
phât de ce monstre. Des Bergers et des
Bergeres , mêlés avec les habitans de Sydonie
, viennent celebrer la victoire d'I
damante. Après cette derniere fête , Ido-
G vj
menée
1
778 MERCURE DE ERANCE
menée se surmonte lui- même , et forme
la résolution de ceder Ilione à son fils ; il
n'en demeure pas là , il lui cede encore le
Trône , il en explique le motif
vers ;
par
ces
Le Roi seul fit un voeu fatal à tout mon sang ,
Cessons de l'etre ; il faut que mon fils dans mon
rang
:
Ait pour sa sureté la grandeur souveraine.
L'action du dernier Acte se passe dans
un lieu préparé pour le couronnement d'I
damante ; Electre au désespoir de l'hymen
dont on fait les apprêts , déclare sont
amour au Prince de Créte et voyant
qu'il ne l'écoute pas , elle sort pour aller
irriter la colere de Neptune contre tous
les Auteurs des outrages qu'elle a reçus en
ce jour .
Ilione et Idamante s'applaudissent de
leur prochain bonheur. Idomenée déclare
à ses Peuples que c'est son fils qui doit
désormais leur dispenser des loix ' ; il dit
galamment à Ilione qu'il se fait un plus
grand effort en la cedant à son fils , qu'en
lui remettant le pouvoir suprême. Les
Crétois font leur cour à leur nouveau
Maître , par des chants convenables à la
fête. Idomenée dépose sur un carreau son
Sceptre et sa Couronne. Nemesis sort des
Enfers
AVRIL. 1731. 779
1
par ces vers Enfers et trouble la fête
qu'elle adresse à Idomenée :
Du souverain des mers Ennemi temeraire ,
'Penses - tu donc ainsi désarmer sa colere ?
Voi Nemesis , les Dieux m'ont imposé la loi
D'exercer leur vengeance :
Que l'Univers avec effroi
Apprenne à respecter leur suprême puissance .
Nemesis rentre dans les Enfers ; le thrône
se brise , et les furies emportent le
pavillon qui le couvroit. Idomenée devenu
furieux , se croit transporté dans un
lieu où l'on offre un sacrifice à Neptune ;
il veut avoir l'honneur de porter le coup
mortel à la victime ; cette prétendue victime
est son propre fils , qu'il immole
de sa propre main ; après cet affreux
sacrifice , les Dieux lui rendent la
raison , pour lui découvrir son parricide ,
il veut s'en punir ; on lui arrache l'épée.
Ilione finit la Tragedie par ces vers .
Pour le punir , laissez le vivre ;
C'est à moi seul de mourir.
V
lc
Les Comédiens François ont représenté
à Versailles pendant ce mois
Légataire, et la Sérénade. Saul Tragédie
et Attendez - moi sous Porne. L'Ecole des
Amans , et Chrispin Medecin. Andronic ,
et l'Esprit de contradiction . L'Esprit folet ,
et la Comtesse d'Escarbagnas .
d'Idomenée , qui avoit été donnée dans sa
-nouveauté le 1 2. Janvier 1712. Le Poëme
est de M. Danchet , et la Musique de
M. Campra.
Au Prologue le Théatre représente les
Antres d'Eole ; ce Dieu y paroît au milieu
des vents , qui sont enchaînés à des
rochers. Ils veulent sortir de leurs prisons
; Eole les y retient malgré eux. Venus
annoncée par une douce symphonie ,
se présente à Eole , et lui parle ainsi :
Un vainqueur des Troyens fend la liquide plaine
;
Des rives de la Créte écarte ses vaisseaux ;
Ordonne aux Aquillons de soulever les eaux
Et de servir ma juste haine.
Eole.
Brisez vos fers ; pártez , vents orageux ;
De la Mere d'Amour allez remplir les voeux.
Les Aquilions sortent des Antres où ils
étoient renfermez , et s'élancent dans les
airs pour aller servir la haine de Venus.
Gij La
772 MERCURE
DE FRANCE
La fête de ce prologue est ordonnée
par Venus : en voici le motif.
Je vai remplir ta Cour
Des Nymphes et des Dieux soumis à ma puissance
;
Tandis que tes sujets exercent ma vengeance ,
Les miens viendront t'offrir les charmes de l'Amour.
?
les Plaisirs Venus appelle l'Amour
et les Jeux. Ce prologue a paru d'autant
plus heureusement imaginé, qu'ilannonce
la Tragedie,
Au premier Acte , le Théatre représente
le magnifique Palais des Rois de Crete,
Ilione , fille d'Agamemnon
, Roy d'Argos
et de Mycene , ouvre la Scene. Elle
fait connoître qu'elle est arrivée en Crete
dans un seul vaisseau que la tempête avoit
séparé de la flotte d'Idomenée ; elle ajoûte
qu'elle a méprisé l'amour de ce Roi , mais
qu'elle n'a pas été aussi insensible à celui
d'Idamante son fils qui ignore encore sa
victoire ; elle appelle la gloire et la fierté
à son secours,
Idamante ordonne à sa suite d'assembler
les Troyens ; il dit à Ilione qu'il est
rassuré sur le sort de son Pere que Minerve
a protegé contre la fureur de Neptune
; il lui annonce qu'il va délivrer les
Troyens
1
AVRIL: 1731. 773
Troyens en attendant le retour du Roi ,
persuadé qu'il les auroit lui-même remis.
en liberté , si les vents lui avoient permis
d'aborder en Créte ; il fui déclare son
amour ; elle en 'paroît offensée ; il lui réproche
l'injustice quelle a de vouloir pu
nir en lui ce qui n'est que le crime des
Dieux , ennemis des Troyens. Les Crétois
et les Troyens font le divertissement
de ce premier Acte ; on brise les chaînes
de ces derniers.
Arbas vient troubler la fête par une
fausse nouvelle de la mort d'Idomenée
qu'il annonce comme certaine . Electre qui
survient trouve fort étrange qu'on ait remis
les Troyens en liberté. Cette Princesse
Grecque , ne doutant point que cette
liberté ne soit l'ouvrage de l'amour d'Idamante
pour Ilione , s'abandonne à sa
jalouse rage, et ne respire que vengeance.
Au second Acte , le Théatre représente
les bords de la mer agitée par une tempê
te affreuse ; tout le fond est rempli de
vaisseaux qui ont fait ou qui vont faire
naufrage. Un choeur de Peuples prêts à
périr , ouvre la scene par ces deux vers :
O Dieux , ô justes Dieux , donnez -nous du se
cours' ;
Les vents , les mers , le ciel , tout menace nes
jours
Ciij Neptun
774 MERGURE DE FRANCE
Neptune sort de la mer , et dit à Idomenée
Ne crains plus les outrages
Des flots et des vents ennemis ;
Mais offre moi sur ces rivages
L'hommage que tu m'as promis.
Idomenée fait entendre à Arcas , qui
s'est sauvé du naufrage comme lui , le
funeste voeu qu'il a fait à Neptune ; voici
comme il s'explique :
Dans l'horreur du naufrage ,
Pour ravir à la mort mes sujets allarmés ,
Apprens les voeux que j'ai formés.
Voeux indiscrets , trop tard vous troublez mon
courage ;
Si Neptune en courroux faisoit cesser l'orage ,
J'ai promis d'immoler le premier des humains
Que je verrai sur le rivage.
Dans le sang innocent dois-je tremper res
mains.
Il voit paroître sa victime ; c'est son
propre fils qu'il ne connoît pas › attendu
la longueur du siege de Troye. Idamante
qui ne peut pas non plus le connoître , et
qui le prend pour un de ces malheureux
qui viennent de faire naufrave , lui offre
genereusement son secours ; la Scene est
trésAVRIL.
1731. 773
très -touchante de part et d'autre, et menagée
avec beaucoup d'art jusqu'au moment
de la reconnoissance. Idomenée saisi
d'horreur et accablé de tristesse , dit à
son fils qui le veut suivre,pour sçavoir ce
qui l'oblige à se refuser à ses embrassemens
:
Gårdez Vous de me suivre.
Pourquoi m'avez vous vû ? craignez de me revoir.
Idamante ne laisse pas de marcher sur
ses pas. Electre qui arrive croi qu'il la fuit;
elle implore Venus . La Déesse fait entendre
à Electre qu'elle va la vanger. Venus
évoque la jalousie qui vient avec sa suite ,
et fait la fête de ce second Acte , qui finit
par ces vers que Venus adresse à la jalousie.
Au coeur d'Idomenée inspirez la terreur
Contre son propre Fils allumez sa fureur,
La décoration du troisiéme Acte représente
le Port de Sydonie,
Idomenée ne se peut résoudre à donner
à Neptune la victime qu'il lui a promise
; de la tendresse de Pere , il passe
à la fureur d'un rival ; la liberté que son
fils a rendue aux Troyens lui persuade
qu'il aime Ilione , Arcas lui conseille d'éloigner
ce Prince ; Idomenće prend ce
G iiij parti ;
776 MERCURE DE FRANCE
parti ; Arcas par ses ordres va tout prépa
rer pour le départ d'Idamante qui selon
ce nouveau projet doit conduire Electre
à Argos et la vanger d'Egyste qui a usurpé
sur elle le thrône de ses yeux.
Ilione vient ; Idomenée la veut fuir
mais il demeure malgré lui ; il n'apprend
que trop ce qu'il avoit voulu ignorer , il
fait entendre à Ilione qu'elle a tout à craindre
pour son Amant , qui n'a pas besoin
pour périt du nom odieux de Rival .
>
Electre vient remercier Idomenée du
secours qu'il lui offre contre ses tyrans
Idomenée la quitte en lui disant que son
fils s'est chargé de la conduire et de la
vanger. Electre s'abandonne à sa joye ; les
Matelots grecs et tous ceux qui doivent
suivre cette Princesse viennent celebrer
leur retour dans leur Patrie après la fête ,
Prothée sort du fond des flots et annonce
à Idamenée la vengeance de Neptune
prête à tomber sur lui pour le punir de
son parjure ; l'orage empêche Electre de
partir ; Idomenée proteste qu'il n'immo .
lera jamais la victime que Neptune lui
demande . Un Monstre sorti de la mer ,
commence la vengeance de ce Dieu irrité.
Au quatriéme Acte , le Theatre représente
une campagne agréable , et dans l'éloignement
le Temple de Neptune.
Ilione
AVRIL. 1731. 777
Ilione fait des imprécations contre les
Crétois, et prie les Dieux de les faire tous
périr par le monstre ; son amour lui fait
excepter Idamante qui veut le combattre.
Idamanre vient faire ses derniers adieut
à Ilione , ne doutant point qu'il ne périsse
dans le projet que son désespoir lui fait
entreprendre ; le péril où ce Prince va
s'exposer , par la seule raison qu'il est
odieux à sa chere Ilione , détermine cette
Princesse à rompre un trop long silence
, et à déclarer son amour ; elle apprend
à son Amant qu'il a un rival re- .
doutable ; Idamante reconnoît par-là que
c'est le Roi.
Idomenée vient offrir un sacrifice à
Neptune ; il éloigne son fils du Temple
de ce Dieu , sans lui déclarer le funeste
voeu qu'il a fait.
Après cette premiere fête , qui consiste
en des hymnes chantez à la gloire de
Neptune , on entend des chants de victoire
derriere le Théatre ; Arcas vient apprendre
à Idomenée que le monstre a suc- ,
combé sous les coups d'Idamante ; Idomenée
se flatte d'avoir fléchi le Dieu des ,
flots,puisqu'il a permis que son fils triom
phât de ce monstre. Des Bergers et des
Bergeres , mêlés avec les habitans de Sydonie
, viennent celebrer la victoire d'I
damante. Après cette derniere fête , Ido-
G vj
menée
1
778 MERCURE DE ERANCE
menée se surmonte lui- même , et forme
la résolution de ceder Ilione à son fils ; il
n'en demeure pas là , il lui cede encore le
Trône , il en explique le motif
vers ;
par
ces
Le Roi seul fit un voeu fatal à tout mon sang ,
Cessons de l'etre ; il faut que mon fils dans mon
rang
:
Ait pour sa sureté la grandeur souveraine.
L'action du dernier Acte se passe dans
un lieu préparé pour le couronnement d'I
damante ; Electre au désespoir de l'hymen
dont on fait les apprêts , déclare sont
amour au Prince de Créte et voyant
qu'il ne l'écoute pas , elle sort pour aller
irriter la colere de Neptune contre tous
les Auteurs des outrages qu'elle a reçus en
ce jour .
Ilione et Idamante s'applaudissent de
leur prochain bonheur. Idomenée déclare
à ses Peuples que c'est son fils qui doit
désormais leur dispenser des loix ' ; il dit
galamment à Ilione qu'il se fait un plus
grand effort en la cedant à son fils , qu'en
lui remettant le pouvoir suprême. Les
Crétois font leur cour à leur nouveau
Maître , par des chants convenables à la
fête. Idomenée dépose sur un carreau son
Sceptre et sa Couronne. Nemesis sort des
Enfers
AVRIL. 1731. 779
1
par ces vers Enfers et trouble la fête
qu'elle adresse à Idomenée :
Du souverain des mers Ennemi temeraire ,
'Penses - tu donc ainsi désarmer sa colere ?
Voi Nemesis , les Dieux m'ont imposé la loi
D'exercer leur vengeance :
Que l'Univers avec effroi
Apprenne à respecter leur suprême puissance .
Nemesis rentre dans les Enfers ; le thrône
se brise , et les furies emportent le
pavillon qui le couvroit. Idomenée devenu
furieux , se croit transporté dans un
lieu où l'on offre un sacrifice à Neptune ;
il veut avoir l'honneur de porter le coup
mortel à la victime ; cette prétendue victime
est son propre fils , qu'il immole
de sa propre main ; après cet affreux
sacrifice , les Dieux lui rendent la
raison , pour lui découvrir son parricide ,
il veut s'en punir ; on lui arrache l'épée.
Ilione finit la Tragedie par ces vers .
Pour le punir , laissez le vivre ;
C'est à moi seul de mourir.
V
lc
Les Comédiens François ont représenté
à Versailles pendant ce mois
Légataire, et la Sérénade. Saul Tragédie
et Attendez - moi sous Porne. L'Ecole des
Amans , et Chrispin Medecin. Andronic ,
et l'Esprit de contradiction . L'Esprit folet ,
et la Comtesse d'Escarbagnas .
Fermer
Résumé : Idomenée, Opera remis , Extrait. [titre d'après la table]
En avril 1731, la tragédie 'Idoménée' a été représentée pour la première fois le 12 janvier 1712. Le poème est de M. Danchet et la musique de M. Campra. L'histoire commence dans les antres d'Éole, où Vénus demande à Éole de libérer les vents pour aider un vainqueur des Troyens. Le premier acte se déroule dans le palais des rois de Crète. Ilione, fille d'Agamemnon, révèle son arrivée en Crète et son mépris pour l'amour du roi Idoménée, mais pas pour celui de son fils Idamante. Idamante déclare son amour à Ilione, qui semble offensée. Arbas annonce faussement la mort d'Idoménée, provoquant la colère d'Électre, jalouse de l'amour entre Idamante et Ilione. Dans le second acte, sur les bords de la mer agitée, Neptune apparaît à Idoménée et lui rappelle un vœu funeste qu'il a fait. Idoménée voit son fils Idamante, qu'il ne reconnaît pas, et qui lui offre son aide. La scène est poignante jusqu'à la reconnaissance. Électre, croyant qu'Idamante la fuit, implore Vénus. Le troisième acte se déroule au port de Sydonie. Idoménée, déchiré entre sa tendresse paternelle et sa jalousie, décide d'éloigner Idamante. Ilione et Électre apparaissent, et Prothée annonce la vengeance de Neptune. Un monstre commence à attaquer. Le quatrième acte se passe dans une campagne agréable. Ilione prie les dieux contre les Crétois. Idamante combat le monstre et survit. Idoménée, croyant avoir apaisé Neptune, décide de céder le trône à Idamante. Le dernier acte se déroule lors du couronnement d'Idamante. Électre, désespérée, sort pour irriter Neptune. Idoménée déclare son abdication en faveur de son fils. Nemesis apparaît et trouble la fête, révélant qu'Idoménée doit payer pour son parricide. Idoménée, rendu furieux, tue son fils par erreur. Les dieux lui rendent la raison pour lui révéler son crime. Ilione conclut la tragédie en demandant que son père vive pour souffrir.
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27
p. 1213-1217
DESCENTE AUX ENFERS, ODE.
Début :
Dieux ! quel est le projet que la douleur m'inspire ! [...]
Mots clefs :
Enfers, Jupiter, Ombre, Dieux, Destinées, Tombeau, Tristesse, Haine
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DESCENTE AUX ENFERS, ODE.
DESCENTE AUX ENFERS,
O DE.
D
Ieux quel est le projet que la douleur
m'inspire !
Je me livre aux transports que j'éprouve en co
jour ::
N'hésitons plus allons au ténébreux empire
Ravir l'aimable objet d'un malheureux amour..
Orphée à ses accords dut le rare avantage ,
De pouvoir pénétrer jusqu'au sombre rivage ;
* Le Eils de Jupiter le dut à sa valeur ::
Pour attendrir Caron , pour appaiser Cerbere ,,
Pour flêchir des enfers le Monarque severe ,,
Je ne veux employer que ma vive douleur..
$2
* Hercule.
ܬܵܐ
I. Vol. Sii A vi
1214 MERCURE DE FRANCE
Si je ne puis te rendre à la clarté celeste ,
Chere ombre ; j'y renonce et je reste avec toi ...
Mais ou suis- je ! Quel bruit ! Quel Spectacle
funefte !
La frayeur me saisit ... c'est le styx que je voi :
Que des Manes errants sur ses fatales rives !
Insensible aux regrets de ces ombres plaintives ;
Caron prête l'oreille à mes tristes accords :
Il approche , et malgré les ordres de la Parque ;
Il se rend à mes voeux , me reçoit dans sa barque,
Il me passe ; déja je touche à d'autres bords.
M
Ici , Dieux immortels , des tourmens innom→
brables ,
Vous vangent de l'abus qu'on fit de vos bienfaits.
Hé , qui ne plaindroit pas le sort de ces coupables?
Quels supplices affreux punissent leurs forfaits ?
Trois monstres , Alecton , Tisiphone & Megere,
Ont le soin de servir votre juste colere.
En leurs barbares mains vous remettez vos droits
Je fremis , et mon oeil à regret les contemple ;
Ha ! je n'ai pas besoin d'un si terrible exemple ,
Dieux justes,pour apprendre à respecter vos Loix
Fuyons : éloignons nous de ces objets funebres :
Ils me glacent d'horreur ... je tombe dans la nuit ;
Par où dois -je passer ? je suis dans les tenebres ....
I, Vol.
Mais
JUIN. 1215 1731.
à
Mais d'où vient la clarté qui tout
La cruelle Atropos à mes yeux se presente ;
Je sens à cet aspect que
ma douleur augmente
Elle tient en ses mains le terrible ciseau ,
Qui de tous les mortels regle les destinées ,
Et qui vient de trancher les plus belles années
D'un objet que j'adore au de- là du tombeau.
coup me luie?
Elevé sur un Trône , au milieu des fantômes ,
Le Gendre de Cerés vient s'offrir à mes yeux.
Terrible Souverain de ces sombres Royaumes ,
Tu connois le dessein qui m'amene en ces lieux ;
Soulage la douleur de mon ame éperduë ,
Ordonne qu'à mes voeux Camille soit rendûë :
Pluton , si -mes sanglots ne peuvent t'émouvoir¿
Și la Loi du destin s'oppose à ma tendresse
Attendri par mes pleurs , sensible à ma tristesse
Daigne permettre au moins que je puisse le voir.
Le severe Pluton n'est pas inéxorable ,
Touché de mes regrets , il ordonne à Minos
De conduire mes pas vers cet azile aimable ,
Où Camille joüit d'un éternel repos :
J'apperçois du Léthé les tranquilles rivages ;
Agréable séjour ; c'est ici que les Sages ,
Goûtent après leur mort le plus parfait bonheur g
I. Vol.
Pour
1216 MERCURE DE FRANCE -
Pour ces lieux fortunez , les Dieux nous ont faig
naître ......
Camille à mes regards tarde trop de paroître ;
Minos , que tu sers mal les transports de mon
coeur !
Hâtons-nous je la vois , elle a repris ces
charmes ,
Que la faulx de la mort avoit sçû moissonner..
Chere ombre , arrête toi sois sensible à mes
larmes ,
>
A mes chastes transports , 'daigne t'abandonner …..
Camille ! tu me fuis ! tu ne veux pas m'entendre ,
A ce nouveau malheur aurois- je dû m'attendre ,
Après avoir franchi tant d'obstacles affreux ?
Quel accueil ! Quels regards ! Quel farouche
silence !
...
9
Helas ! me faudra -t-il pleurer ton inconstance !
Les plus tendres Amans sont-ils les moins heu
reux ?
Les Dieux condamnent-ils une si belle flâme ?
As tu pûte resoudre à me manquer de foy ?
Que dis-je ! quel soupçon vient s'offrir â mon
ame !
Ah ! tel est du destin l'irrévocable Loy :
Oui , ce n'est qu'à regret que Camille m'évite ;
Mais, de tant de malheurs mon desespoir s'irrite
St
I. Vol. Je
JUIN. 173F. 1217
Je la suivrai par tout , je ne la quitte pas ....
Minos , près de Pluton vas reprendre ta place ,,
De rester en ces lieux qu'il m'accorde la grace .
Sans Camille la vie a pour moi peu d'appas .
Ay-je pû , justes Dieux , meriter votre haine ,.
Pourquoi me forcez -vous de quitter ce séjour !:
Je vous implore en vain ; et Minos qui me meine
Va me rendre bientôt à la clarté du jour .
Pour la seconde fois chere ombre on nous sépare;;
Cedons sans murmurer à cet ordre barbare ,
Et respectons les Dieux jusques dans leur rigueur;
Adieu , puisse du moins la douleur qui m'accable,
Abreger de mes jours le reste déplorable ,
Cette seule esperance adoucit mon malheur.
Par M. V. D. L. T. d'Aix..
O DE.
D
Ieux quel est le projet que la douleur
m'inspire !
Je me livre aux transports que j'éprouve en co
jour ::
N'hésitons plus allons au ténébreux empire
Ravir l'aimable objet d'un malheureux amour..
Orphée à ses accords dut le rare avantage ,
De pouvoir pénétrer jusqu'au sombre rivage ;
* Le Eils de Jupiter le dut à sa valeur ::
Pour attendrir Caron , pour appaiser Cerbere ,,
Pour flêchir des enfers le Monarque severe ,,
Je ne veux employer que ma vive douleur..
$2
* Hercule.
ܬܵܐ
I. Vol. Sii A vi
1214 MERCURE DE FRANCE
Si je ne puis te rendre à la clarté celeste ,
Chere ombre ; j'y renonce et je reste avec toi ...
Mais ou suis- je ! Quel bruit ! Quel Spectacle
funefte !
La frayeur me saisit ... c'est le styx que je voi :
Que des Manes errants sur ses fatales rives !
Insensible aux regrets de ces ombres plaintives ;
Caron prête l'oreille à mes tristes accords :
Il approche , et malgré les ordres de la Parque ;
Il se rend à mes voeux , me reçoit dans sa barque,
Il me passe ; déja je touche à d'autres bords.
M
Ici , Dieux immortels , des tourmens innom→
brables ,
Vous vangent de l'abus qu'on fit de vos bienfaits.
Hé , qui ne plaindroit pas le sort de ces coupables?
Quels supplices affreux punissent leurs forfaits ?
Trois monstres , Alecton , Tisiphone & Megere,
Ont le soin de servir votre juste colere.
En leurs barbares mains vous remettez vos droits
Je fremis , et mon oeil à regret les contemple ;
Ha ! je n'ai pas besoin d'un si terrible exemple ,
Dieux justes,pour apprendre à respecter vos Loix
Fuyons : éloignons nous de ces objets funebres :
Ils me glacent d'horreur ... je tombe dans la nuit ;
Par où dois -je passer ? je suis dans les tenebres ....
I, Vol.
Mais
JUIN. 1215 1731.
à
Mais d'où vient la clarté qui tout
La cruelle Atropos à mes yeux se presente ;
Je sens à cet aspect que
ma douleur augmente
Elle tient en ses mains le terrible ciseau ,
Qui de tous les mortels regle les destinées ,
Et qui vient de trancher les plus belles années
D'un objet que j'adore au de- là du tombeau.
coup me luie?
Elevé sur un Trône , au milieu des fantômes ,
Le Gendre de Cerés vient s'offrir à mes yeux.
Terrible Souverain de ces sombres Royaumes ,
Tu connois le dessein qui m'amene en ces lieux ;
Soulage la douleur de mon ame éperduë ,
Ordonne qu'à mes voeux Camille soit rendûë :
Pluton , si -mes sanglots ne peuvent t'émouvoir¿
Și la Loi du destin s'oppose à ma tendresse
Attendri par mes pleurs , sensible à ma tristesse
Daigne permettre au moins que je puisse le voir.
Le severe Pluton n'est pas inéxorable ,
Touché de mes regrets , il ordonne à Minos
De conduire mes pas vers cet azile aimable ,
Où Camille joüit d'un éternel repos :
J'apperçois du Léthé les tranquilles rivages ;
Agréable séjour ; c'est ici que les Sages ,
Goûtent après leur mort le plus parfait bonheur g
I. Vol.
Pour
1216 MERCURE DE FRANCE -
Pour ces lieux fortunez , les Dieux nous ont faig
naître ......
Camille à mes regards tarde trop de paroître ;
Minos , que tu sers mal les transports de mon
coeur !
Hâtons-nous je la vois , elle a repris ces
charmes ,
Que la faulx de la mort avoit sçû moissonner..
Chere ombre , arrête toi sois sensible à mes
larmes ,
>
A mes chastes transports , 'daigne t'abandonner …..
Camille ! tu me fuis ! tu ne veux pas m'entendre ,
A ce nouveau malheur aurois- je dû m'attendre ,
Après avoir franchi tant d'obstacles affreux ?
Quel accueil ! Quels regards ! Quel farouche
silence !
...
9
Helas ! me faudra -t-il pleurer ton inconstance !
Les plus tendres Amans sont-ils les moins heu
reux ?
Les Dieux condamnent-ils une si belle flâme ?
As tu pûte resoudre à me manquer de foy ?
Que dis-je ! quel soupçon vient s'offrir â mon
ame !
Ah ! tel est du destin l'irrévocable Loy :
Oui , ce n'est qu'à regret que Camille m'évite ;
Mais, de tant de malheurs mon desespoir s'irrite
St
I. Vol. Je
JUIN. 173F. 1217
Je la suivrai par tout , je ne la quitte pas ....
Minos , près de Pluton vas reprendre ta place ,,
De rester en ces lieux qu'il m'accorde la grace .
Sans Camille la vie a pour moi peu d'appas .
Ay-je pû , justes Dieux , meriter votre haine ,.
Pourquoi me forcez -vous de quitter ce séjour !:
Je vous implore en vain ; et Minos qui me meine
Va me rendre bientôt à la clarté du jour .
Pour la seconde fois chere ombre on nous sépare;;
Cedons sans murmurer à cet ordre barbare ,
Et respectons les Dieux jusques dans leur rigueur;
Adieu , puisse du moins la douleur qui m'accable,
Abreger de mes jours le reste déplorable ,
Cette seule esperance adoucit mon malheur.
Par M. V. D. L. T. d'Aix..
Fermer
Résumé : DESCENTE AUX ENFERS, ODE.
Le texte 'Descente aux enfers' narre le périple d'un personnage déterminé à retrouver son amour perdu, Camille. Motivé par une profonde douleur, il s'engage dans une expédition vers le 'ténébreux empire' pour sauver Camille. À l'instar d'Orphée et d'Hercule, il utilise sa souffrance pour apitoyer Caron et Cerbère, ainsi que pour émouvoir le souverain des enfers. Il traverse le fleuve Styx et observe les tourments infligés aux coupables, surveillés par les Furies. Il rencontre ensuite Atropos, qui lui révèle le destin scellé de Camille. Désespéré, il supplie Pluton de lui rendre Camille ou, à défaut, de lui permettre de la voir. Ému par ses larmes, Pluton ordonne à Minos de conduire le personnage vers Camille. Après l'avoir retrouvée, Camille le fuit. Désespéré, il décide de rester aux enfers avec elle. Cependant, Minos le ramène à la surface. Avant de partir, il espère que la douleur mettra fin à ses jours.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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28
p. 2219-2221
CHANSON.
Début :
Amis, bénissons le lien, [...]
Mots clefs :
Amour, Dieux, Plaisirs, Bonheur, Camp de Tomery, Mars
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texteReconnaissance textuelle : CHANSON.
CHANSON.
Amis , bénissons le lien ,
Qui joint votre sort et le mien ,
Des Dieux unis à notre bien ,
C'est l'harmonie.
Je sens leur douce sympathie ,
Des Graces j'entens l'entretien ;
Je vois Iris ; mon verre est plein ;
L'aimable vie !
Nous rassemblons ici les Jeux ,
Les Ris , les transports amoureux ,
Le Nectar , la Table , les Dieux
Et la Folie..
L'Amour , sous le nom de Sylvie ,
Nous consume de ses beaux yeux ,
Mais Bacchus par ses divins feux
Nous rend la vie.
Nous ne poussons point de soupirs ;
La jouissance des plaisirs ,
Nous ôte le soin des désirs ,
Et de l'envie,
Fij Qu'à
2220 MERCURE DE FRANCE
Qu'à jamais mon ame ravie ,
Goûte un aussi charmant loisir ,
Je n'aspire point à joüir
D'une autre vie.
Que ce Nectar a de saveur !
Que ce bel œil est enchanteur !
'Aisément à leurs coups mon cœur
Se sacrific,
Par cette douce sympathie,
Des Dieux j'égale le bonheur ;
Fixer Iris , être bûveur ,
L'aimable vie !
Couplets sur le Camp de Tomery.
Belles , venez sur la Seine ,
Pour y camper avec nous ;
Sous un jeune Capitaine ,
Vous irez sans peur aux coups,
Un cœur s'enrôle sans peine ,
Quand l'exercice est si doux.
M
Sous les loix que Mars enseigne,
Jamais l'Amour n'a tremblé ,
Mars et l'Amour n'ont qu'un régne ,
L'un
OCTOBRE. 1732 2221
L'un par l'autre est enrôlé ;
Venus a porté l'Enseigne
Pendant que Mars a filé.
Amis , bénissons le lien ,
Qui joint votre sort et le mien ,
Des Dieux unis à notre bien ,
C'est l'harmonie.
Je sens leur douce sympathie ,
Des Graces j'entens l'entretien ;
Je vois Iris ; mon verre est plein ;
L'aimable vie !
Nous rassemblons ici les Jeux ,
Les Ris , les transports amoureux ,
Le Nectar , la Table , les Dieux
Et la Folie..
L'Amour , sous le nom de Sylvie ,
Nous consume de ses beaux yeux ,
Mais Bacchus par ses divins feux
Nous rend la vie.
Nous ne poussons point de soupirs ;
La jouissance des plaisirs ,
Nous ôte le soin des désirs ,
Et de l'envie,
Fij Qu'à
2220 MERCURE DE FRANCE
Qu'à jamais mon ame ravie ,
Goûte un aussi charmant loisir ,
Je n'aspire point à joüir
D'une autre vie.
Que ce Nectar a de saveur !
Que ce bel œil est enchanteur !
'Aisément à leurs coups mon cœur
Se sacrific,
Par cette douce sympathie,
Des Dieux j'égale le bonheur ;
Fixer Iris , être bûveur ,
L'aimable vie !
Couplets sur le Camp de Tomery.
Belles , venez sur la Seine ,
Pour y camper avec nous ;
Sous un jeune Capitaine ,
Vous irez sans peur aux coups,
Un cœur s'enrôle sans peine ,
Quand l'exercice est si doux.
M
Sous les loix que Mars enseigne,
Jamais l'Amour n'a tremblé ,
Mars et l'Amour n'ont qu'un régne ,
L'un
OCTOBRE. 1732 2221
L'un par l'autre est enrôlé ;
Venus a porté l'Enseigne
Pendant que Mars a filé.
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Résumé : CHANSON.
La chanson célèbre l'harmonie et la sympathie divine, évoquant une vie pleine de plaisirs et de joie. Elle met en avant l'union des dieux avec les humains, symbolisée par l'harmonie et la sympathie divine. Les plaisirs mentionnés incluent les jeux, les rires, les transports amoureux, le nectar, la table, les dieux et la folie. L'amour, personnifié par Sylvie, consume les cœurs, tandis que Bacchus offre une vie pleine de feux divins. Les plaisirs ôtent les soucis et les désirs, permettant de goûter un loisir charmant sans aspirer à une autre vie. Le cœur se sacrifie aisément aux coups de l'amour et de la sympathie divine, égalant ainsi le bonheur des dieux. La chanson se termine par un appel aux belles de venir camper sur la Seine, soulignant que l'amour ne tremble jamais sous les lois de Mars, et que Mars et l'amour sont enrôlés l'un par l'autre, avec Vénus portant l'enseigne et Mars filant.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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29
p. 2674-2683
EXTRAIT de la Tragédie de Biblis, annoncée dans le dernier Mercure.
Début :
Le Théatre représente d'abord le Palais de Neptune; Amphitrite paroît [...]
Mots clefs :
Tragédie, Biblis, Sujets, Théâtre, Dieux, Oracle, Opéra, Chant
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT de la Tragédie de Biblis, annoncée dans le dernier Mercure.
EXTRAIT de la Tragédie de Biblis
annoncée dans le dernier Mercure.
LEE Théatre représente d'abord le Palais de Neptune ; Amphitrite paroît
sur un Trône , entouré de Nymphes
de Nereides, de DieuxMarins, et de FleuI. Vol.
ves.
DECEMBRE. 732 2678
ves. Amphitrite expose le sujet du Prolo
gue par ces Vers :
Vous qui formez la Cour du Souverain dest Mers ,
Glorieux soutiens de son Trône
Célebrez avec moi l'heureux jour où Latone
Evita le courroux de la Reine des Airs :
Par les bienfaits du Dieu de l'Onde
Apollon et Diane embellissent le monde.
Les Sujets de Neptune et d'Amphitri
te célebrent cet heureux évenement
Neptune vient se joindre à cette Fête. Junon la vient troubler , et fait connoître.
son indignation par ces Vers qui lient le
Prologue à la Tragédie.
Neptune est donc toujours contraire à mes de sirs ! & c.
Ah ! si le Dieu du jour et sa coupable mere
N'ont point éprouvé mon courroux ,
Du moins faisons tomber mes coups
Sur ce sang criminel qui ne sçauroit me plaire
Hâtons-nous , suivons ma fureur ;
Que l'Amour seconde ma haine ;
Qu'il allume des feux dont la coupable ar deur
Rende ma vangeance certaine , &c.
La Scene est à Milet. Au premier Acte
I. Val.
le
2676 MERCURE DE FRANCE
,
le Théatre représente le Temple d'Apollon. Caunus , frere de Biblis , ouvre la
Scene avec Ismene , Souveraine de la Carie. Après lui avoir parlé de son amour
il lui dit que le bonheur que lui fait esperer la Victoire qu'il vient de remporter
sur les Rebelles de ses Etats , est troublé
par la langueur mortelle de sa Sœur. Ils
implorent tous deux le secours du Ciel.
Biblis vient ; Ismene la laisse avec son
frere.
Biblis ne dit rien à Caunus qui puisse
lui faire soupçonner le détestable amour
dont elle brûle pour lui ; elle lui fait seulement entendre que les Dieux , et surtout Apollon dont elle est Prêtresse, sont
irritez contre elle. Pour rendre le calme
à ses États et à son cœur , elle le prie
d'accepter la Couronne que sa qualité de
grande Prêtresse du Dieu qui leur a donné la naissance a fait tomber sur sa tête ;
elle le presse de renvoyer Ismene dans ses
Etats ; ce dernier ordre le surprend ; il
persiste à refuser la Couronne , mais elle
lui apprend que tout est disposé à le reconnoître pour Roi ; elle lui prescrit ce, -
qui lui reste à faire par ces Vers :
Le peuple vient ici se ranger sous vos loix ;
Recevez son premier hommage ;
1. Vol.
Il
DECEMBRE. 1732. 2677
Il faut
gage A
que dans ce Temple un serment vous enrespecter les Décrets de nos Rois.
Le couronnement de Caunus est le sujet de la Fête de cet Acte ; le nouveau Roi
fait le serment que Biblis lui a imposé ;
le serment est interrompu par le bruit du
Tonnerre, et Apollon fait entendre l'Ora-›
cle que voici.
Tremble , malheureux , tremble , à l'aspect de ces lieux ;
Laisse jouir Biblis de la Couronne ;
Le plus cruel malheur pour toi seul l'environne ,
Fui ; respecte mon sang , et le Trône et les
Dieux.
Caunus se résout à obéïr aux Dieux ; les
peuples sortent avec lui ; Biblis reste seule
et fait connoître que c'est elle que l'Oracle regarde ; elle s'exprime ainsi :
Quelle fatale ardeur dans mon ame s'allume !
Ou suis-je ? qu'est- ce que je voi ?
Le feu mortel qui me consume
Dans un abîme affreux m'entraîne malgré moi ?
Le Théatre représente un Port de mer
au second Acte ; on y voit des Vaisseaux préparés pour le départ d'Ismene.
I. Vol. Ipis
2678 MERCURE DE FRANCE
Iphis , Prince d'Ionie , et amoureux de
Biblis , témoigne sa frayeur sur le péril
de sa Princesse.
Biblis vient le prier d'empêcher le départ de Caunus ; Iphis refuse de lui
obeïr , fondé sur la menace et l'ordre absolu d'Apollon ; Biblis lui deffend de la
voir jamais , s'il n'éxécute ce qu'elle lui
ordonne ; il se détermine enfin à lui
obeïr , quoiqu'il lui en puisse coûter.
Ismene se plaint tendrement à Caunus
de ce qu'il la renvoye dans ses Etats sans
l'y suivre ; Caunus lui répond qu'il n'ose l'associer à ses malheurs ; enfin touché
de ses larmes et excité par son amour , il
se réfout à partir avec elle.
Les Sujets d'Ismene et une Troupe de
Matelots, viennent célebrer la Victoire qui
a rétabli leur Souveraine sur le Trônequ'on avoit usurpé sur elle. Cette Fête a
fait un très grand plaisir , tant par rapport aux Danses parfaitement éxécutées
par les Dlles Camargo et Salé , que par les
Canevats chantés par la Dlle Petitpas.
La Fête est interrompue par Iphis , qui
vient annoncer à Caunus que Biblis se
soustrait pour jamais aux yeux de ses
Peuples ; tous les Ioniens le conjurent de
ne point partir et de régner sur eux ;
Caunus oppose à leurs prieres les mena- ,
I. Vol. ces
DECEMBRE. 1732 2679
ces d'Apollon ; il ne se détermine à rien ,
et fait entendre seulement qu'il va consulter les Dieux une seconde fois.
Au troisiéme Acte , le Théatre représente un Antre ; on y voit un Tombeau en
forme de Pyramide , où sont les Ancêtres
de Biblis. Elle se plaint de son sort par
ces Vers :
Séjour impénetrable à la clarté des Cieux ,
Antres affreux , objets funebres ,
Frémissez avec moi de mon sort rigoureux ;
Mais n'en rougissez pas , Manes de mes Ayeux ;
Je viens cacher mes feux dans l'horreur des te nebres.
Je n'ai point fait l'aveu du crime de mon cœur ,
Ma mort va lui donner sa premiere innocence ;
excitez la vengeance,
Dont je vais punir mon ardeur.
Ranimez mon courage ,
Séjour impénetrable , &c.
Iphis arrive ; Biblis irritée , lui ordonne
de la laisser dans ce lieu d'horreur ; Iphis
lui dit que Caunus viendra bien- tôt se
joindre à lui pour la rendre à la lumiere;
ce dernier coup accable Biblis ; elle de
mande à Iphis d'où vient que Caunus
n'est point parti ; Iphis étonné , lui répond que ce n'est que par son ordre exprès qu'il l'a retenu ; Biblis lui dit qu'il
I. Vol.
ne
2680 MERCURE DE FRANCE
ne devoit point lui obéïr ; elle lui deffend
d'apprendre à Caunus en quel lieu elle
s'est retirée et exige même un serment de lui sur ce sujet, Iphis la quitte en
l'assurant qu'il amenera bientôt son frere.
Biblis accablée de douleur , s'endort ; le
Théatre change et représente les Champs
Elisées. Des Songes sous la forme d'Amans heureux et d'Amans malheureux ,
se présentent à elle ; les premiers expos
sent leurs plaisirs par leurs danses et par
leurs chants , et les derniers expriment
leurs tourmens. Cette funeste image éveille Biblis en sursaut ; elle continuë à gé
mir des maux où le Ciel la condamne.
Caunus vient , sa présence augmente
le supplice de Biblis ; elle lui fait même
sentir que plus elle le voit , et plus elle
est malheureuse ; Caunus ne peut rien
comprendre à ce mystere. Biblis prend
enfin une derniere et noble résolution
qu'elle fait connoître par ces Vers qui finissent ce troisiéme Acte.
Venez , le Ciel m'éclaire ,
Je puis , sans l'offenser , voir encor la lumiere;
Couronnons de tendres ardeurs ;
Que l'Hymen àjamais vous joigne avec Ismene,
à
part.
Dieux , que ce Sacrifice appaise votre haine.
I. Vol.
Le
DECEMBRE. 1732. 1681
Le Théatre représente au quatriéme
'Acte , un lieu embelli pour celebrer l'Hymen de Caunus et d'Ismene. Celle- cy se
livre au doux plaisir de l'esperance. Biblis vient ; ismene lui témoigne sa reconnoissance au sujet de son Hymen , auquel elle a bien voulu consentir ; elle la
presse de renoncer au dessein qu'elle a
formé de quitter la Couronne et la vie ;
Biblis lui fait entendre qu'elle est toû
jours dans la résolution de cesser de vivre.
Caunus vient , suivi d'une troupe de
Peuples de divers endroits de la Grece ;
il invite sa sœur Biblis à couronner la
constance d'Iphis , comme Ismene va
couronner la sienne. La Fête commence ;
les Peuples témoignent par leurs chants
et par leurs jeux , le plaisir qu'ils ont de
voir finir leurs malheurs. Biblis invite
Caunus et Ismene à s'approcher de l'Autel pour être unis à jamais , et leur parle
ainsi :
Approchez, il est temps que l'Hymen vous unisse
Joignez vous à mes vœux au pié de cet Autel ;
Il faut qu'un sacrifice auguste et solemnel ,
Rende à jamais le Ciel à votre Hymen propice.
On amene la victime , sous prétexte
de l'immoler : Biblis veut s'immoler ellemême; Caunus lui retient le bras , elle
s'en plaint par ces Vers :
2682 MERCURE DE FRANCE
Dieux ! faudra t'il toujours par un funeste sort ,
Me voir retenir à la vie ,
Par cette même main qui me donne la mort.
Au cinquiéme Acte , le Théatre représente le Palais de Biblis. Caunus commence à soupçonner l'amour incestueux
de sa sœur , du moins il le fait connoître
par ces Vers qui commencent le dernier
Acte.
Qu'ai-je entendu ? grands Dieux ! et quel Démon barbare ,
A conduit la main de Biblis ?
Une soudaine horreur de mon ame s'empare ;
Où suis- je ? qu'ai-je vû ; je tremble ¦ je fréq
mis , &c.
Ismene vient s'affliger avec Caunus , du funeste présage qui vient de préceder leur Hymen ; Iphis tout éperdu ,
annonce à Caunus que Biblis persiste
dans le dessein de mourir , et que son
nom est sorti cent fois de la bouche
de cette sœur infortunée. Caunus veut
partir sans la voir , pour obéïr aux Dieux.
Biblis vient , elle prie Iphis , et Ismene.
de se retirer ; l'affreuse verité lui échappe,
Caunus en est épouvanté ; elle saisit le
moment de sa mortelle frayeur pour se
frapper.
1. Vol.
On
DECEMBRE. 1732: 2683
On a trouvé ce cinquiéme Acte superAu ; et tout le monde convient que la
Tragédie auroit beaucoup mieux fini par
' le sacrifice volontaire de Biblis , qui auroit pû être suivi de l'aveu de son amour
incestueux , auqel cas il auroit fallu mettre un Acte intermediaire. Au reste cette
Tragédie a été parfaitement executée.
Les Diles le Maure et Pélissier y ont
soutenu la réputation qu'elles se sont si
justement acquise par la beauté du chant
et par la justesse de l'action . Le sieur Dupré se fait tous les jours plus admirer par
la noblesse , la legereté et la finesse de sa danse,
annoncée dans le dernier Mercure.
LEE Théatre représente d'abord le Palais de Neptune ; Amphitrite paroît
sur un Trône , entouré de Nymphes
de Nereides, de DieuxMarins, et de FleuI. Vol.
ves.
DECEMBRE. 732 2678
ves. Amphitrite expose le sujet du Prolo
gue par ces Vers :
Vous qui formez la Cour du Souverain dest Mers ,
Glorieux soutiens de son Trône
Célebrez avec moi l'heureux jour où Latone
Evita le courroux de la Reine des Airs :
Par les bienfaits du Dieu de l'Onde
Apollon et Diane embellissent le monde.
Les Sujets de Neptune et d'Amphitri
te célebrent cet heureux évenement
Neptune vient se joindre à cette Fête. Junon la vient troubler , et fait connoître.
son indignation par ces Vers qui lient le
Prologue à la Tragédie.
Neptune est donc toujours contraire à mes de sirs ! & c.
Ah ! si le Dieu du jour et sa coupable mere
N'ont point éprouvé mon courroux ,
Du moins faisons tomber mes coups
Sur ce sang criminel qui ne sçauroit me plaire
Hâtons-nous , suivons ma fureur ;
Que l'Amour seconde ma haine ;
Qu'il allume des feux dont la coupable ar deur
Rende ma vangeance certaine , &c.
La Scene est à Milet. Au premier Acte
I. Val.
le
2676 MERCURE DE FRANCE
,
le Théatre représente le Temple d'Apollon. Caunus , frere de Biblis , ouvre la
Scene avec Ismene , Souveraine de la Carie. Après lui avoir parlé de son amour
il lui dit que le bonheur que lui fait esperer la Victoire qu'il vient de remporter
sur les Rebelles de ses Etats , est troublé
par la langueur mortelle de sa Sœur. Ils
implorent tous deux le secours du Ciel.
Biblis vient ; Ismene la laisse avec son
frere.
Biblis ne dit rien à Caunus qui puisse
lui faire soupçonner le détestable amour
dont elle brûle pour lui ; elle lui fait seulement entendre que les Dieux , et surtout Apollon dont elle est Prêtresse, sont
irritez contre elle. Pour rendre le calme
à ses États et à son cœur , elle le prie
d'accepter la Couronne que sa qualité de
grande Prêtresse du Dieu qui leur a donné la naissance a fait tomber sur sa tête ;
elle le presse de renvoyer Ismene dans ses
Etats ; ce dernier ordre le surprend ; il
persiste à refuser la Couronne , mais elle
lui apprend que tout est disposé à le reconnoître pour Roi ; elle lui prescrit ce, -
qui lui reste à faire par ces Vers :
Le peuple vient ici se ranger sous vos loix ;
Recevez son premier hommage ;
1. Vol.
Il
DECEMBRE. 1732. 2677
Il faut
gage A
que dans ce Temple un serment vous enrespecter les Décrets de nos Rois.
Le couronnement de Caunus est le sujet de la Fête de cet Acte ; le nouveau Roi
fait le serment que Biblis lui a imposé ;
le serment est interrompu par le bruit du
Tonnerre, et Apollon fait entendre l'Ora-›
cle que voici.
Tremble , malheureux , tremble , à l'aspect de ces lieux ;
Laisse jouir Biblis de la Couronne ;
Le plus cruel malheur pour toi seul l'environne ,
Fui ; respecte mon sang , et le Trône et les
Dieux.
Caunus se résout à obéïr aux Dieux ; les
peuples sortent avec lui ; Biblis reste seule
et fait connoître que c'est elle que l'Oracle regarde ; elle s'exprime ainsi :
Quelle fatale ardeur dans mon ame s'allume !
Ou suis-je ? qu'est- ce que je voi ?
Le feu mortel qui me consume
Dans un abîme affreux m'entraîne malgré moi ?
Le Théatre représente un Port de mer
au second Acte ; on y voit des Vaisseaux préparés pour le départ d'Ismene.
I. Vol. Ipis
2678 MERCURE DE FRANCE
Iphis , Prince d'Ionie , et amoureux de
Biblis , témoigne sa frayeur sur le péril
de sa Princesse.
Biblis vient le prier d'empêcher le départ de Caunus ; Iphis refuse de lui
obeïr , fondé sur la menace et l'ordre absolu d'Apollon ; Biblis lui deffend de la
voir jamais , s'il n'éxécute ce qu'elle lui
ordonne ; il se détermine enfin à lui
obeïr , quoiqu'il lui en puisse coûter.
Ismene se plaint tendrement à Caunus
de ce qu'il la renvoye dans ses Etats sans
l'y suivre ; Caunus lui répond qu'il n'ose l'associer à ses malheurs ; enfin touché
de ses larmes et excité par son amour , il
se réfout à partir avec elle.
Les Sujets d'Ismene et une Troupe de
Matelots, viennent célebrer la Victoire qui
a rétabli leur Souveraine sur le Trônequ'on avoit usurpé sur elle. Cette Fête a
fait un très grand plaisir , tant par rapport aux Danses parfaitement éxécutées
par les Dlles Camargo et Salé , que par les
Canevats chantés par la Dlle Petitpas.
La Fête est interrompue par Iphis , qui
vient annoncer à Caunus que Biblis se
soustrait pour jamais aux yeux de ses
Peuples ; tous les Ioniens le conjurent de
ne point partir et de régner sur eux ;
Caunus oppose à leurs prieres les mena- ,
I. Vol. ces
DECEMBRE. 1732 2679
ces d'Apollon ; il ne se détermine à rien ,
et fait entendre seulement qu'il va consulter les Dieux une seconde fois.
Au troisiéme Acte , le Théatre représente un Antre ; on y voit un Tombeau en
forme de Pyramide , où sont les Ancêtres
de Biblis. Elle se plaint de son sort par
ces Vers :
Séjour impénetrable à la clarté des Cieux ,
Antres affreux , objets funebres ,
Frémissez avec moi de mon sort rigoureux ;
Mais n'en rougissez pas , Manes de mes Ayeux ;
Je viens cacher mes feux dans l'horreur des te nebres.
Je n'ai point fait l'aveu du crime de mon cœur ,
Ma mort va lui donner sa premiere innocence ;
excitez la vengeance,
Dont je vais punir mon ardeur.
Ranimez mon courage ,
Séjour impénetrable , &c.
Iphis arrive ; Biblis irritée , lui ordonne
de la laisser dans ce lieu d'horreur ; Iphis
lui dit que Caunus viendra bien- tôt se
joindre à lui pour la rendre à la lumiere;
ce dernier coup accable Biblis ; elle de
mande à Iphis d'où vient que Caunus
n'est point parti ; Iphis étonné , lui répond que ce n'est que par son ordre exprès qu'il l'a retenu ; Biblis lui dit qu'il
I. Vol.
ne
2680 MERCURE DE FRANCE
ne devoit point lui obéïr ; elle lui deffend
d'apprendre à Caunus en quel lieu elle
s'est retirée et exige même un serment de lui sur ce sujet, Iphis la quitte en
l'assurant qu'il amenera bientôt son frere.
Biblis accablée de douleur , s'endort ; le
Théatre change et représente les Champs
Elisées. Des Songes sous la forme d'Amans heureux et d'Amans malheureux ,
se présentent à elle ; les premiers expos
sent leurs plaisirs par leurs danses et par
leurs chants , et les derniers expriment
leurs tourmens. Cette funeste image éveille Biblis en sursaut ; elle continuë à gé
mir des maux où le Ciel la condamne.
Caunus vient , sa présence augmente
le supplice de Biblis ; elle lui fait même
sentir que plus elle le voit , et plus elle
est malheureuse ; Caunus ne peut rien
comprendre à ce mystere. Biblis prend
enfin une derniere et noble résolution
qu'elle fait connoître par ces Vers qui finissent ce troisiéme Acte.
Venez , le Ciel m'éclaire ,
Je puis , sans l'offenser , voir encor la lumiere;
Couronnons de tendres ardeurs ;
Que l'Hymen àjamais vous joigne avec Ismene,
à
part.
Dieux , que ce Sacrifice appaise votre haine.
I. Vol.
Le
DECEMBRE. 1732. 1681
Le Théatre représente au quatriéme
'Acte , un lieu embelli pour celebrer l'Hymen de Caunus et d'Ismene. Celle- cy se
livre au doux plaisir de l'esperance. Biblis vient ; ismene lui témoigne sa reconnoissance au sujet de son Hymen , auquel elle a bien voulu consentir ; elle la
presse de renoncer au dessein qu'elle a
formé de quitter la Couronne et la vie ;
Biblis lui fait entendre qu'elle est toû
jours dans la résolution de cesser de vivre.
Caunus vient , suivi d'une troupe de
Peuples de divers endroits de la Grece ;
il invite sa sœur Biblis à couronner la
constance d'Iphis , comme Ismene va
couronner la sienne. La Fête commence ;
les Peuples témoignent par leurs chants
et par leurs jeux , le plaisir qu'ils ont de
voir finir leurs malheurs. Biblis invite
Caunus et Ismene à s'approcher de l'Autel pour être unis à jamais , et leur parle
ainsi :
Approchez, il est temps que l'Hymen vous unisse
Joignez vous à mes vœux au pié de cet Autel ;
Il faut qu'un sacrifice auguste et solemnel ,
Rende à jamais le Ciel à votre Hymen propice.
On amene la victime , sous prétexte
de l'immoler : Biblis veut s'immoler ellemême; Caunus lui retient le bras , elle
s'en plaint par ces Vers :
2682 MERCURE DE FRANCE
Dieux ! faudra t'il toujours par un funeste sort ,
Me voir retenir à la vie ,
Par cette même main qui me donne la mort.
Au cinquiéme Acte , le Théatre représente le Palais de Biblis. Caunus commence à soupçonner l'amour incestueux
de sa sœur , du moins il le fait connoître
par ces Vers qui commencent le dernier
Acte.
Qu'ai-je entendu ? grands Dieux ! et quel Démon barbare ,
A conduit la main de Biblis ?
Une soudaine horreur de mon ame s'empare ;
Où suis- je ? qu'ai-je vû ; je tremble ¦ je fréq
mis , &c.
Ismene vient s'affliger avec Caunus , du funeste présage qui vient de préceder leur Hymen ; Iphis tout éperdu ,
annonce à Caunus que Biblis persiste
dans le dessein de mourir , et que son
nom est sorti cent fois de la bouche
de cette sœur infortunée. Caunus veut
partir sans la voir , pour obéïr aux Dieux.
Biblis vient , elle prie Iphis , et Ismene.
de se retirer ; l'affreuse verité lui échappe,
Caunus en est épouvanté ; elle saisit le
moment de sa mortelle frayeur pour se
frapper.
1. Vol.
On
DECEMBRE. 1732: 2683
On a trouvé ce cinquiéme Acte superAu ; et tout le monde convient que la
Tragédie auroit beaucoup mieux fini par
' le sacrifice volontaire de Biblis , qui auroit pû être suivi de l'aveu de son amour
incestueux , auqel cas il auroit fallu mettre un Acte intermediaire. Au reste cette
Tragédie a été parfaitement executée.
Les Diles le Maure et Pélissier y ont
soutenu la réputation qu'elles se sont si
justement acquise par la beauté du chant
et par la justesse de l'action . Le sieur Dupré se fait tous les jours plus admirer par
la noblesse , la legereté et la finesse de sa danse,
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Résumé : EXTRAIT de la Tragédie de Biblis, annoncée dans le dernier Mercure.
La tragédie de Biblis, présentée au théâtre, commence par un prologue où Amphitrite, entourée de nymphes et de dieux marins, célèbre la protection d'Apollon et Diane contre Junon. Neptune rejoint la fête, mais Junon intervient pour exprimer sa colère et sa vengeance. L'action se déroule à Milet. Au premier acte, dans le temple d'Apollon, Caunus, frère de Biblis, parle à Ismene, souveraine de Carie, de son amour et de la maladie de sa sœur. Biblis apparaît et, sans révéler son amour incestueux pour Caunus, lui demande de devenir roi et de renvoyer Ismene. Caunus refuse la couronne mais accepte de renvoyer Ismene. Lors de son couronnement, une voix divine interrompt le serment, révélant que Biblis est maudite. Au deuxième acte, dans un port de mer, Iphis, amoureux de Biblis, refuse de retenir Caunus. Ismene et Caunus décident de partir ensemble. Une fête est interrompue par Iphis, annonçant la disparition de Biblis. Au troisième acte, dans une grotte, Biblis se plaint de son sort et décide de se sacrifier. Iphis lui annonce que Caunus viendra la chercher. Biblis, accablée, s'endort et fait des cauchemars. À son réveil, Caunus arrive, mais Biblis décide de se sacrifier pour apaiser les dieux. Au quatrième acte, lors de la célébration du mariage de Caunus et Ismene, Biblis tente de se sacrifier mais est arrêtée par Caunus. Au cinquième acte, dans le palais de Biblis, Caunus découvre la vérité sur l'amour incestueux de sa sœur. Biblis, épouvantée, se frappe mortellement. La tragédie se termine par la mort de Biblis, et l'exécution est saluée pour sa qualité.
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30
p. 85-91
Recueil de Pieces d'Histoire et de Litterature, &c. [titre d'après la table]
Début :
Recueil des Piéces d'Histoire et de Litterature, Tome 2 de 234 pages, [...]
Mots clefs :
Religion, Papes, Collection, Dieu, Dieux, Empire, Église, Messie, Roi, Nations
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texteReconnaissance textuelle : Recueil de Pieces d'Histoire et de Litterature, &c. [titre d'après la table]
E cu si L de Piéces d’Histoire et de
[Littérature , Tome a de 2.34 pages,
sans la Table des Piéces contenuës dans
ce Volume , et celle des Matieres des deux
premieres Parties de ce Recüeil.
l Ce Volume contient des Pièces curieuse
ses en elles-mêmes, et dont la matiere
. est digne d’être traitée , mais qui piquent
moins la curiosité des Gens de Lettres ,'
parce qu'on les rencontre en plusieurs En
droits : cependant on ytrouve aussi du
neuf, et ce qui fait le plus de plaisir,c’est
que cette collection évite au Lecteur la.
peine de lire des Dissertations longues et: . ’
ennuyeuses , en lui présentant_les mêmes
matieres traitées en peu de mots , succ_inc- q
tement, solidement et avec clarté. ' _
_La premicre Piéce est une Vie de Plu-q‘
rauque , traduite en François: de l’Angloîs
de M. Dryden. C'est un morceau cu
rîeux qui méritoit bien d'être traduit en
notre Langue. On trouve ensuite un Dis
cours sur l’Etat des Nations à la naissance;
‘ E xij de
e; MERCURE DE FRANCE '
de l’Eglise. L’Auteur s’applique à mon
trer que tout concouroit à la Naissancè
de Jesus-Christ pour Pétablissement d:
son Eglise , PEtatlet la Religion. C’est>
comme l’on voit le même Plan qu’a tenu.
M. Bossuet dans son Discours sur l’His
toire Universelle. L’Empire Romain est
étendu dans les trois parties du monde
connu , et est regardé comme le seul Efm
pire de la Terre , lorsque le grand Roi ,
le Roi de l’Univers va paroître. Le Mon
de goûte une aix generale lorsque le Roi
de Paix vient ‘apporter avec lui. La puis-j
sànce des Romains sert à Paccomp isse—
rnent des Propheties par Pordre qui en.
vient dans les diflèrcntes Provinces de
PEmpire , pour une Description generala
d‘: tous les Sujets de cette puissante Mo-Ç
narchie 5 le Messie naît dans Bethléem de
Jirda; par cette puissance la Tribu qui
porte ce nom pet son autorité , les Gen-ï
tlls qui devoienr entrer dans les promes-e
ses et dans l'alliance de misericorde , se
rêünissent avec les J uifs pour immolet
PÏ-Ïiostie de ptopitiation , qui par le méï
rite de son Sang va desdeux Peuples n’en.
faire qu’un; enfin par cette même puis
sance Jerusalem est détruite , le Temple
.rasé et la Synagogue des Juifs anéantie
avec ses Autels. '
._ v _ ce
JANVIER. 17'3;.' 87
Ce n’est pas non plus sans misterc que
Rome devient le centre de l’Empire de’
lÏUnivers , pour Pêcrc ensuite de la veri
table Religion; que les Nations y aboraj
dent de toutes parts , afin quklles y teçoi-f
vent le cuit; du vrai Dieu au lieu des vaiä,
ries richessespti des honneurs périssables,’
qui étoientle but de leurs voyages telle
envoya: par tout des Colonies pour y pot‘)
ter ensuite la Foi de PEvangile; le Messie
pvient dans le Temple lorsque Rome est
dans le plus haut point de sa grandeur, e:
t que la politesse , l’E5prit , les belles Let
tres et les Sciences y brillent avec plus
d’éclat , afin u’en étendant tous ces
avantages dans (ies Pays où elle étend sa»
uissance , elle y établisse la politesse,»
iiurbanité; en un mot, un esprit de socien‘
tÉ-qtii donnât quelque ouverture à la pré
dicarion de [Évangile , et qui disposât
les Esprits à lÎécouter. Par là PEV-angile
(Ïevoit heriter de toutela richesseet de la‘
Sçience de Rome : par là la Foi fait voit‘
qu’elle sçaifsoumettre â sa misterieuse obsi
curité les plus sublimes génies, et qu’ellc
n’a pas besoin de leurs secours et de leur
éloquence pour établit son Empire pat
toute la terre. . . *
« , Si l’Etat Civil disposait tout à Parrivéa
du..Messie , jlîfime de 1a Religion mon-x.
;__ ,, E iiij trois
à? 77"
à? MERCURE DE FRANCE
troit encore davantage le besoin que les
hommes avoient de la nouvelle Alliance‘.
Ils avoient de belles Loix‘, mais elles n'é
toient point observées; le Corps de leurs
Loix étoir corrompu par un grand nom
brc d'autres. qui permettoicnt plusieurs
désordres ; la Religion étoit plus horri-r
ble encore , c’étoit elle qui apprenoit aux
hommes à devenir méchans , les Fêtes des
Dieux étoient des jours de brigandagcs cc
de désordres ; les Temples étoient des
Ecoles dîmpureté , dïrreligion ;_ tout
Dieu y étoit bien reçû : Rome adoroit
ceux qu’elle avoir vaincus , et de vaines
Statuës sans sentiment et sans connois
sancc étoient victorieuses des vainqueurs
des Nations et des maîtres du. monde. Le
seul vrai Dieu y étoit inconnu , lui seul
n'avoir point dfAutels nide sacrificateutâ;
point de culte ni (Ÿadorateurs. UEgyptc
et la Gréce avoient aussi leurs Dieux 5
mais quels Dieux! ose-t-on les nom
mer , tant ils sont capables d’humilier
Ïhomme.
: La‘ Religion des Juifs étoit elle-même
mêlée de superstitions et de Traditions‘
purement humaines; en un mot, toute la
Rcligion des diflerens Peuples _, leurs"
Loix mal observées , leurs Sacrifices abo- '
minables aux yeux » de Dieu 3‘ leurs cr—"
. {CHIE
J A N VIE R. 1733.‘ '89‘;
\
rçurs montées à. leur comble, tous les
raisonnements et les Systemes des Philo
sophes épuisés , montroient à Phomme le‘
besoin qu’il avoir d'une Religion qui lui
apportat enfin des connaissances , qui
pûssent fixer leurs esprits au milieu de
tant de monstrueux égaremens , et qui‘ '
. leur donnât des forces" dont ils sentaient
la necessitê ’g pour accomplir leur devoir ,‘
et pour suivre la voye de la verité et ‘de
la vertu.
_La Piêce suivante traite des donations
de Pcpin et de Charlemagne faites à l’E-'
glise de Rome; on y montre qu’ellesï
sont le commencement de la souveraineté
temporelle des Papes; L’Auteur de cette
Dissertation ÿapplique à y montrer q.u’a'-'
vaut la donation de Pepin les. Papes n'ont,
eu aucune souveraineté 5 ni à‘ Rome ni
en Italie , ni en aucun Endroit : et que;
les Rois Pepin et Charlemagne étoienc»
Maîtres et légitimes possesseurs des Pays
qu’ils ont donnés "aux Evêques der
Rome. v ».
La 3.Piéce est une petiteDissertation sur t
les faux Prophetes , et sur les moyens de
a legdiscernet d’avec les Prophetes vérita-j:
bles; L’Auteur yléxamine trois Points.
Le premier , quels étoient ceux que l’E-;'
crieur; repûsentç comme de faux P104
E v pheg
LÀ
9e MER"CURE' DE FRÏANCE
phètes , et de combien de sortes elle en"
distingue. Le second , si ces faux Pro-'
phetes pouvaient reconnaître eux-mêmes
quïls étaient dans l’illusion. Le troisiéa
me , à quelles marques extetieures le peu-i
ple pouvoir discerner les vrais Ptophetcs
' dävec les faux.
- On trouve ensuite une autre‘ Disset.‘
ration sur la Collection (Plsidore , ct sur
les Décretales attribuées aux premiers Pas;
es. On y examine 1°. Qxelles étaient
lesCollecrions de Décrets‘ avant le neu
v-iéme siècle , et s’il y en avoir quelqtfu.‘
ne qui pût être regardée comme le Code
de PEgIise Universelle , ou comme le
Code d’une Eglise particuliere. 2". Ce
qäfavoit de particulier cette nouvelle
Collection , et qui s’en est déclaré PAu-f"
tèur. 3°. Si cette Collection-des Décreta-ä
les est suposée par un imposteur comme
on le dit communément. 4°. Si ces Let
tres des Papes , "inconnuës avant ChatleJ
magna: , inttoduisoient un nouveau droit
touchant lcs appellations à Rome. 5°. Sis
on peut croire que ces Lettres sont des
Papes dentelles portent le nom. 6°. Qxel
usage il faut faire de ces Lettres pour le
Dogme ou pour la Discipline. Ce dernier '
article n’est pas rempli.
» A la suive de cette Pièce l"Auteur’ de
‘ -. - ' se
4
J A NV I ER. 1733. 9;‘
‘ce Reciieil en‘ a joint une autre intitu
lée : Senfimens dfim homme d'esprit Jur l4
nouvelle intitulée Don Carla: .- destpune
Critique délicate et polie des défauts de
cette Nouvelle. " '
f. La Pièce qui termine‘ ce Volume est une
Réponse de M. B. . . Conseiller au Parle-j
mentde B. . . à une Lettre que M. Du-e
rand lui a écrireau sujet des Discours de
M.- de la. Motte sur la Poësie Dramati
que. L’on y trouve plusieurs expressions
basses et triviales‘, et des traits dans les
quels cet. illustre Auteur n’est pas beau
coup menage. .
On ‘voit ,«au reste , que PAuteur de ce
nouveau Recueil shpplique à diveisifiet‘
ses matieres ,et a promener agréablement
son Lecteur , tantôt dans les détours de
lïi-Lisroirc ,.ranrôt dans ceux de la-Criti
que , tantôt dans le sérieux 5 et. tantôt
dans le stile cnjoüé et badin.‘ Il.y a lieu
dïes ercr u’il continuera de rendre le‘
q .
même soin pour le choix de ses Pièces.
Son Recueil en- ce cas sera curieux et reg‘
cherché.
[Littérature , Tome a de 2.34 pages,
sans la Table des Piéces contenuës dans
ce Volume , et celle des Matieres des deux
premieres Parties de ce Recüeil.
l Ce Volume contient des Pièces curieuse
ses en elles-mêmes, et dont la matiere
. est digne d’être traitée , mais qui piquent
moins la curiosité des Gens de Lettres ,'
parce qu'on les rencontre en plusieurs En
droits : cependant on ytrouve aussi du
neuf, et ce qui fait le plus de plaisir,c’est
que cette collection évite au Lecteur la.
peine de lire des Dissertations longues et: . ’
ennuyeuses , en lui présentant_les mêmes
matieres traitées en peu de mots , succ_inc- q
tement, solidement et avec clarté. ' _
_La premicre Piéce est une Vie de Plu-q‘
rauque , traduite en François: de l’Angloîs
de M. Dryden. C'est un morceau cu
rîeux qui méritoit bien d'être traduit en
notre Langue. On trouve ensuite un Dis
cours sur l’Etat des Nations à la naissance;
‘ E xij de
e; MERCURE DE FRANCE '
de l’Eglise. L’Auteur s’applique à mon
trer que tout concouroit à la Naissancè
de Jesus-Christ pour Pétablissement d:
son Eglise , PEtatlet la Religion. C’est>
comme l’on voit le même Plan qu’a tenu.
M. Bossuet dans son Discours sur l’His
toire Universelle. L’Empire Romain est
étendu dans les trois parties du monde
connu , et est regardé comme le seul Efm
pire de la Terre , lorsque le grand Roi ,
le Roi de l’Univers va paroître. Le Mon
de goûte une aix generale lorsque le Roi
de Paix vient ‘apporter avec lui. La puis-j
sànce des Romains sert à Paccomp isse—
rnent des Propheties par Pordre qui en.
vient dans les diflèrcntes Provinces de
PEmpire , pour une Description generala
d‘: tous les Sujets de cette puissante Mo-Ç
narchie 5 le Messie naît dans Bethléem de
Jirda; par cette puissance la Tribu qui
porte ce nom pet son autorité , les Gen-ï
tlls qui devoienr entrer dans les promes-e
ses et dans l'alliance de misericorde , se
rêünissent avec les J uifs pour immolet
PÏ-Ïiostie de ptopitiation , qui par le méï
rite de son Sang va desdeux Peuples n’en.
faire qu’un; enfin par cette même puis
sance Jerusalem est détruite , le Temple
.rasé et la Synagogue des Juifs anéantie
avec ses Autels. '
._ v _ ce
JANVIER. 17'3;.' 87
Ce n’est pas non plus sans misterc que
Rome devient le centre de l’Empire de’
lÏUnivers , pour Pêcrc ensuite de la veri
table Religion; que les Nations y aboraj
dent de toutes parts , afin quklles y teçoi-f
vent le cuit; du vrai Dieu au lieu des vaiä,
ries richessespti des honneurs périssables,’
qui étoientle but de leurs voyages telle
envoya: par tout des Colonies pour y pot‘)
ter ensuite la Foi de PEvangile; le Messie
pvient dans le Temple lorsque Rome est
dans le plus haut point de sa grandeur, e:
t que la politesse , l’E5prit , les belles Let
tres et les Sciences y brillent avec plus
d’éclat , afin u’en étendant tous ces
avantages dans (ies Pays où elle étend sa»
uissance , elle y établisse la politesse,»
iiurbanité; en un mot, un esprit de socien‘
tÉ-qtii donnât quelque ouverture à la pré
dicarion de [Évangile , et qui disposât
les Esprits à lÎécouter. Par là PEV-angile
(Ïevoit heriter de toutela richesseet de la‘
Sçience de Rome : par là la Foi fait voit‘
qu’elle sçaifsoumettre â sa misterieuse obsi
curité les plus sublimes génies, et qu’ellc
n’a pas besoin de leurs secours et de leur
éloquence pour établit son Empire pat
toute la terre. . . *
« , Si l’Etat Civil disposait tout à Parrivéa
du..Messie , jlîfime de 1a Religion mon-x.
;__ ,, E iiij trois
à? 77"
à? MERCURE DE FRANCE
troit encore davantage le besoin que les
hommes avoient de la nouvelle Alliance‘.
Ils avoient de belles Loix‘, mais elles n'é
toient point observées; le Corps de leurs
Loix étoir corrompu par un grand nom
brc d'autres. qui permettoicnt plusieurs
désordres ; la Religion étoit plus horri-r
ble encore , c’étoit elle qui apprenoit aux
hommes à devenir méchans , les Fêtes des
Dieux étoient des jours de brigandagcs cc
de désordres ; les Temples étoient des
Ecoles dîmpureté , dïrreligion ;_ tout
Dieu y étoit bien reçû : Rome adoroit
ceux qu’elle avoir vaincus , et de vaines
Statuës sans sentiment et sans connois
sancc étoient victorieuses des vainqueurs
des Nations et des maîtres du. monde. Le
seul vrai Dieu y étoit inconnu , lui seul
n'avoir point dfAutels nide sacrificateutâ;
point de culte ni (Ÿadorateurs. UEgyptc
et la Gréce avoient aussi leurs Dieux 5
mais quels Dieux! ose-t-on les nom
mer , tant ils sont capables d’humilier
Ïhomme.
: La‘ Religion des Juifs étoit elle-même
mêlée de superstitions et de Traditions‘
purement humaines; en un mot, toute la
Rcligion des diflerens Peuples _, leurs"
Loix mal observées , leurs Sacrifices abo- '
minables aux yeux » de Dieu 3‘ leurs cr—"
. {CHIE
J A N VIE R. 1733.‘ '89‘;
\
rçurs montées à. leur comble, tous les
raisonnements et les Systemes des Philo
sophes épuisés , montroient à Phomme le‘
besoin qu’il avoir d'une Religion qui lui
apportat enfin des connaissances , qui
pûssent fixer leurs esprits au milieu de
tant de monstrueux égaremens , et qui‘ '
. leur donnât des forces" dont ils sentaient
la necessitê ’g pour accomplir leur devoir ,‘
et pour suivre la voye de la verité et ‘de
la vertu.
_La Piêce suivante traite des donations
de Pcpin et de Charlemagne faites à l’E-'
glise de Rome; on y montre qu’ellesï
sont le commencement de la souveraineté
temporelle des Papes; L’Auteur de cette
Dissertation ÿapplique à y montrer q.u’a'-'
vaut la donation de Pepin les. Papes n'ont,
eu aucune souveraineté 5 ni à‘ Rome ni
en Italie , ni en aucun Endroit : et que;
les Rois Pepin et Charlemagne étoienc»
Maîtres et légitimes possesseurs des Pays
qu’ils ont donnés "aux Evêques der
Rome. v ».
La 3.Piéce est une petiteDissertation sur t
les faux Prophetes , et sur les moyens de
a legdiscernet d’avec les Prophetes vérita-j:
bles; L’Auteur yléxamine trois Points.
Le premier , quels étoient ceux que l’E-;'
crieur; repûsentç comme de faux P104
E v pheg
LÀ
9e MER"CURE' DE FRÏANCE
phètes , et de combien de sortes elle en"
distingue. Le second , si ces faux Pro-'
phetes pouvaient reconnaître eux-mêmes
quïls étaient dans l’illusion. Le troisiéa
me , à quelles marques extetieures le peu-i
ple pouvoir discerner les vrais Ptophetcs
' dävec les faux.
- On trouve ensuite une autre‘ Disset.‘
ration sur la Collection (Plsidore , ct sur
les Décretales attribuées aux premiers Pas;
es. On y examine 1°. Qxelles étaient
lesCollecrions de Décrets‘ avant le neu
v-iéme siècle , et s’il y en avoir quelqtfu.‘
ne qui pût être regardée comme le Code
de PEgIise Universelle , ou comme le
Code d’une Eglise particuliere. 2". Ce
qäfavoit de particulier cette nouvelle
Collection , et qui s’en est déclaré PAu-f"
tèur. 3°. Si cette Collection-des Décreta-ä
les est suposée par un imposteur comme
on le dit communément. 4°. Si ces Let
tres des Papes , "inconnuës avant ChatleJ
magna: , inttoduisoient un nouveau droit
touchant lcs appellations à Rome. 5°. Sis
on peut croire que ces Lettres sont des
Papes dentelles portent le nom. 6°. Qxel
usage il faut faire de ces Lettres pour le
Dogme ou pour la Discipline. Ce dernier '
article n’est pas rempli.
» A la suive de cette Pièce l"Auteur’ de
‘ -. - ' se
4
J A NV I ER. 1733. 9;‘
‘ce Reciieil en‘ a joint une autre intitu
lée : Senfimens dfim homme d'esprit Jur l4
nouvelle intitulée Don Carla: .- destpune
Critique délicate et polie des défauts de
cette Nouvelle. " '
f. La Pièce qui termine‘ ce Volume est une
Réponse de M. B. . . Conseiller au Parle-j
mentde B. . . à une Lettre que M. Du-e
rand lui a écrireau sujet des Discours de
M.- de la. Motte sur la Poësie Dramati
que. L’on y trouve plusieurs expressions
basses et triviales‘, et des traits dans les
quels cet. illustre Auteur n’est pas beau
coup menage. .
On ‘voit ,«au reste , que PAuteur de ce
nouveau Recueil shpplique à diveisifiet‘
ses matieres ,et a promener agréablement
son Lecteur , tantôt dans les détours de
lïi-Lisroirc ,.ranrôt dans ceux de la-Criti
que , tantôt dans le sérieux 5 et. tantôt
dans le stile cnjoüé et badin.‘ Il.y a lieu
dïes ercr u’il continuera de rendre le‘
q .
même soin pour le choix de ses Pièces.
Son Recueil en- ce cas sera curieux et reg‘
cherché.
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Résumé : Recueil de Pieces d'Histoire et de Litterature, &c. [titre d'après la table]
Le texte présente un recueil intitulé 'Pièces d’Histoire et de Littérature', composé de 234 pages et dépourvu de table des matières. Ce volume rassemble des documents curieux et intéressants, bien que certains soient déjà connus. Il se distingue par son approche concise, solide et claire, évitant les dissertations longues et ennuyeuses. La première pièce est une traduction en français de la vie de Plutarque par M. Dryden. Le recueil inclut également un discours sur l’état des nations à la naissance de l’Église, où l’auteur explique comment divers éléments ont contribué à l’établissement de l’Église et de la religion chrétienne. Ce discours est comparé à celui de Bossuet sur l’histoire universelle. Le texte décrit ensuite l’Empire Romain à son apogée et l’arrivée du Messie, soulignant comment la puissance romaine a facilité la propagation des prophéties et la réunion des tribus pour le sacrifice expiatoire. Le recueil aborde également les donations de Pépin et de Charlemagne à l’Église de Rome, discutant de la souveraineté temporelle des Papes. Une autre dissertation traite des faux prophètes et des moyens de les discerner. Une autre encore examine les collections de décrets avant le neuvième siècle et les Décretales attribuées aux premiers Papes. Le volume se termine par une critique de la nouvelle 'Don Carlos' et une réponse de M. B... à une lettre de M. Dugrand concernant les discours de M. de la Motte sur la poésie dramatique. L’auteur diversifie les matières, alternant entre histoire, critique et styles sérieux ou badins, promettant ainsi un recueil curieux et recherché.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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31
p. 184-185
CONTRE LES AUTEURS SATYRIQUES.
Début :
Dieu des Vers, puissant Apollon, [...]
Mots clefs :
Auteurs satiriques, Dieux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CONTRE LES AUTEURS SATYRIQUES.
CONTRE LES AUTEURS SATYRIQUES,
Dieu des Vers , puissant Apollon ,
Peux - tu souffrir sur le Parnasse ,
Peux-tu voir répandus dans le sacré Vallon
D'implacables Démons dont l'insolente audace
Par les plus indignes Chansons ,
De ta Lyre aujourd'hui font mépriser les sons ?
Les Eumenides ennemies ,
Dont la noire fureur en tous lieux se répand ,
Ont- elles converti les Muses en Furies ?
L'Hypocrene en bourbier , et Pegase en Serpent
Il paroit tous les jours des Satyres nouvelles ,
Dans le Public sans cesse on séme des Bre
vets ,
Des Monorimes , * des Couplets ;
Et ces injurieux Libelles
Armés de leurs traits odieux ,
Portent des atteintes cruelles ,
Sans épargner même les Dieux :
* Ouvrage tout en mêmes rimes et d'une satyre
ontrée.
2
C'est
JANVIER.
1733. 185
C'est l'Enfer qui vomit ces insolents ouvra
ges;
Ce tissu de fiel et d'outrages
Ajoûte à la malignité
L'imposture et l'impiété ;
Les plus hautes vertus deviennent leurs victi
mes ,
Et les Auteurs de tant de crimes
Se flattent de l'impunité.
De ces nouveaux Pythons purge à jamais la
terre ,
Fils du plus grand des Dieux , de sa gloire ja
Joux ,
Frappe , fais tomber sous tes coups
Des Monstres dignes du Tonnerre .
Dieu des Vers , puissant Apollon ,
Peux - tu souffrir sur le Parnasse ,
Peux-tu voir répandus dans le sacré Vallon
D'implacables Démons dont l'insolente audace
Par les plus indignes Chansons ,
De ta Lyre aujourd'hui font mépriser les sons ?
Les Eumenides ennemies ,
Dont la noire fureur en tous lieux se répand ,
Ont- elles converti les Muses en Furies ?
L'Hypocrene en bourbier , et Pegase en Serpent
Il paroit tous les jours des Satyres nouvelles ,
Dans le Public sans cesse on séme des Bre
vets ,
Des Monorimes , * des Couplets ;
Et ces injurieux Libelles
Armés de leurs traits odieux ,
Portent des atteintes cruelles ,
Sans épargner même les Dieux :
* Ouvrage tout en mêmes rimes et d'une satyre
ontrée.
2
C'est
JANVIER.
1733. 185
C'est l'Enfer qui vomit ces insolents ouvra
ges;
Ce tissu de fiel et d'outrages
Ajoûte à la malignité
L'imposture et l'impiété ;
Les plus hautes vertus deviennent leurs victi
mes ,
Et les Auteurs de tant de crimes
Se flattent de l'impunité.
De ces nouveaux Pythons purge à jamais la
terre ,
Fils du plus grand des Dieux , de sa gloire ja
Joux ,
Frappe , fais tomber sous tes coups
Des Monstres dignes du Tonnerre .
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Résumé : CONTRE LES AUTEURS SATYRIQUES.
En janvier 1733, une supplique est adressée à Apollon pour qu'il intervienne contre les auteurs satiriques. L'auteur exprime son indignation face à la prolifération de satires impertinentes qui dénigrent la poésie sacrée et offensent les dieux. Ces satires sont décrites comme des démons implacables et des furies, comparées à des monstres issus de l'enfer. Elles prennent diverses formes, telles que des brevets, des monorimes et des couplets, et sont qualifiées de libelles injurieux armés de traits odieux. L'auteur dénonce la malignité, l'imposture et l'impiété de ces œuvres, qui visent même les plus hautes vertus. Il appelle Apollon à purger la terre de ces monstres, les comparant à des Pythons, et à les frapper avec la puissance de son père, Zeus.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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32
p. 199-204
L'ESPERANCE. ODE.
Début :
Accours divine Polhimnie ; [...]
Mots clefs :
Espérance, Dieux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'ESPERANCE. ODE.
L'ESPERANCE.
O D E.
Ccours divine Polhimnie ;
Je sens de lyriques transports ;
Viens inspirer à mon génie ,
L'Art qui charma le Dieu des Morts
Par une peinture fidelle ,
Inconnue au Pinceau d'Apelle ,
Je prétens prouver aujourd'hui` ;
A ij Que
200 MERCURE DE FRANCE
Que l'homme dans son éxistence ,
N'a d'autre but que l'Esperance ,
D'autre guide , ni d'autre appui.
En vain dans le sein des richesses ,
Un Mortel est enseveli ;
Bien-tôt de ces enchanteresses ,
Son coeur cesse d'être ébloüi ;
C'est le plus haut rang qu'il espere.
Mais en vain par cette chimere ,
Il croit son espoir abattų .
Semblable à la Tonne perfide ,
En se remplissant il se vuide ,
Et meurt sans le bien attendu.
Jeunes Guerriers , qui de Bellone ,
Suivez par tout les Etendarts ;
C'est l'Esperance qui vous donne
L'ardeur de courir aux hazards.
La Paix pour vous n'a point de charmes ,
C'est dans le plus fort des allarines ,
Que voys goûtez quelques douceurs ,
Dans l'attente que votre gloire ,
Bien -tôt au Temple de Mémoire ,
Trouvera des admirateurs.
Quand
FEVRIE R. 1733. 201
Quand de la Boëte de Pandore ,
Pour punir nos divers deffauts ,
Jadis les Dieux firent éclore ,
Nos Tyrans sous le nom de maux.
Ils y laisserent par clémence ,
Ou pour marquer leur Providence ,
L'espoir , ressource des Mortels ,
Faveur à jamais nécessaire ,
Pour soulager notre misere ,
Et pour l'honneur de leurs Autels.
來
Jamais le remors de nos crimes ,
N'eût mis le coûteau dans nos mains ,
Pour leur immoler des Victimes ,
Au gré de leurs pieux desseins ;
Lhomme dans sa funeste course ,
Ne trouvant aucune ressource >
Que dans les bras du désespoir ,
Eût maudit leur pouvoir suprême,
Et la rage en ce mal extrême ,
Leur auroit ravi l'Encensoir.
Esperance , ô Fille divine !
Tu calmes seule nos Esprits ;
C'est toi qui soutiens la Machine ,
Dont nos yeux sont toujours surpris.
Le Pauvre au sein de l'indigence ,
A iij
Par
202 MERCURE DE FRANCE
Par toi se croit dans l'opulence ,
Oubliant son funeste état ;
Et le Roy qui perd sa Couronne
Par les disgraces de Bellonne ,
Sans la porter, en voit l'éclat.
M
A l'envi tout te rend hommage ,
Tout aime à vivre sous ta loi ;
Tu sçais ranimer le courage ,
Dans un péril digne d'effroi ,
Le Nocher sans mâts , sans boussole
Tourmenté des Sujets d'Eole ,
Croit encore entrevoir le Port ;
Ainsi malgré le sort contraire ,
Tout nous paroît imaginaire ,
Même l'image de la mort.
Dans cette douce confiance ,
Notre coeur rempli de projets ,
Dans un éloignement immense ,
Voit la fin de tous ses souhaits ;
Entouré d'une nuit obscure ,
Le Sçavant croit de la Nature ,
Développer l'Art merveilleux ,
Et l'Esprit sublime se flatte ,
D'approfondir la triple Hécate ,
Secret réservé pour les Dieux.
Elle
FEVRIER. 203 1733.
Elle fit toujours les grands hommes ,
Par le crime ou par la vertu ;
Même dans le siecle où nous sommes ,
Tout son pouvoir nous est connu.
Caton de ses moeurs épurées ,
Chez les Romains tant réverées ,
Attendoit un nom glorieux ;
Et Brutus , cet insigne Traître,
Comptoit en immolant son Maître ,
D'être admiré de ses Neveux . dura
Sous les Loix du Dieu de Cythere
C'est elle qui range nos coeurs ;
Sans elle il ne sçauroit nous plaire ,
Malgré ses attraits enchanteurs ;
Son Carquois , ses traits et ses chaînes ,
Ne seroient que des Armes vaines ,
Pour combattre et vaincre nos sens ;
Nous lui résisterions sans cesse ,
Si pour prix de notre tendresse ,
Nous n'esperions ses doux présents.
.Ne vous aveuglez point , Monarques ,
C'est elle qui peuple vos Cours ;
Quel zele ! et par combien de marques ,
On le signale tous les jours !
Vous vivriez en Solitaires ,
A.iiij De
204 MERCURE DE FRANCE
De vos grandeurs imaginaires ,
Seuls épris et contemplateurs ;
Si marchant toujours sur vos traces ,
Elle ne promettoit les graces ,
Dont vous êtes dispensateurs. "
Est-ce à toi , Nymphe du Permesse,
A qui ma Lyre doit ses sons ?
Non , la Déïté qui me presse ,
Inspire mieux ses Nourrissons ;
Elle fut l'Auteur des merveilles ,
Qui charment encor nos oreilles ,
Malgré la cruauté des temps ;
L'ayant pour but dans cet Ouvrage ,
Je compte déja sur l'hommage ,
Du Pinde et de ses Habitans.
O D E.
Ccours divine Polhimnie ;
Je sens de lyriques transports ;
Viens inspirer à mon génie ,
L'Art qui charma le Dieu des Morts
Par une peinture fidelle ,
Inconnue au Pinceau d'Apelle ,
Je prétens prouver aujourd'hui` ;
A ij Que
200 MERCURE DE FRANCE
Que l'homme dans son éxistence ,
N'a d'autre but que l'Esperance ,
D'autre guide , ni d'autre appui.
En vain dans le sein des richesses ,
Un Mortel est enseveli ;
Bien-tôt de ces enchanteresses ,
Son coeur cesse d'être ébloüi ;
C'est le plus haut rang qu'il espere.
Mais en vain par cette chimere ,
Il croit son espoir abattų .
Semblable à la Tonne perfide ,
En se remplissant il se vuide ,
Et meurt sans le bien attendu.
Jeunes Guerriers , qui de Bellone ,
Suivez par tout les Etendarts ;
C'est l'Esperance qui vous donne
L'ardeur de courir aux hazards.
La Paix pour vous n'a point de charmes ,
C'est dans le plus fort des allarines ,
Que voys goûtez quelques douceurs ,
Dans l'attente que votre gloire ,
Bien -tôt au Temple de Mémoire ,
Trouvera des admirateurs.
Quand
FEVRIE R. 1733. 201
Quand de la Boëte de Pandore ,
Pour punir nos divers deffauts ,
Jadis les Dieux firent éclore ,
Nos Tyrans sous le nom de maux.
Ils y laisserent par clémence ,
Ou pour marquer leur Providence ,
L'espoir , ressource des Mortels ,
Faveur à jamais nécessaire ,
Pour soulager notre misere ,
Et pour l'honneur de leurs Autels.
來
Jamais le remors de nos crimes ,
N'eût mis le coûteau dans nos mains ,
Pour leur immoler des Victimes ,
Au gré de leurs pieux desseins ;
Lhomme dans sa funeste course ,
Ne trouvant aucune ressource >
Que dans les bras du désespoir ,
Eût maudit leur pouvoir suprême,
Et la rage en ce mal extrême ,
Leur auroit ravi l'Encensoir.
Esperance , ô Fille divine !
Tu calmes seule nos Esprits ;
C'est toi qui soutiens la Machine ,
Dont nos yeux sont toujours surpris.
Le Pauvre au sein de l'indigence ,
A iij
Par
202 MERCURE DE FRANCE
Par toi se croit dans l'opulence ,
Oubliant son funeste état ;
Et le Roy qui perd sa Couronne
Par les disgraces de Bellonne ,
Sans la porter, en voit l'éclat.
M
A l'envi tout te rend hommage ,
Tout aime à vivre sous ta loi ;
Tu sçais ranimer le courage ,
Dans un péril digne d'effroi ,
Le Nocher sans mâts , sans boussole
Tourmenté des Sujets d'Eole ,
Croit encore entrevoir le Port ;
Ainsi malgré le sort contraire ,
Tout nous paroît imaginaire ,
Même l'image de la mort.
Dans cette douce confiance ,
Notre coeur rempli de projets ,
Dans un éloignement immense ,
Voit la fin de tous ses souhaits ;
Entouré d'une nuit obscure ,
Le Sçavant croit de la Nature ,
Développer l'Art merveilleux ,
Et l'Esprit sublime se flatte ,
D'approfondir la triple Hécate ,
Secret réservé pour les Dieux.
Elle
FEVRIER. 203 1733.
Elle fit toujours les grands hommes ,
Par le crime ou par la vertu ;
Même dans le siecle où nous sommes ,
Tout son pouvoir nous est connu.
Caton de ses moeurs épurées ,
Chez les Romains tant réverées ,
Attendoit un nom glorieux ;
Et Brutus , cet insigne Traître,
Comptoit en immolant son Maître ,
D'être admiré de ses Neveux . dura
Sous les Loix du Dieu de Cythere
C'est elle qui range nos coeurs ;
Sans elle il ne sçauroit nous plaire ,
Malgré ses attraits enchanteurs ;
Son Carquois , ses traits et ses chaînes ,
Ne seroient que des Armes vaines ,
Pour combattre et vaincre nos sens ;
Nous lui résisterions sans cesse ,
Si pour prix de notre tendresse ,
Nous n'esperions ses doux présents.
.Ne vous aveuglez point , Monarques ,
C'est elle qui peuple vos Cours ;
Quel zele ! et par combien de marques ,
On le signale tous les jours !
Vous vivriez en Solitaires ,
A.iiij De
204 MERCURE DE FRANCE
De vos grandeurs imaginaires ,
Seuls épris et contemplateurs ;
Si marchant toujours sur vos traces ,
Elle ne promettoit les graces ,
Dont vous êtes dispensateurs. "
Est-ce à toi , Nymphe du Permesse,
A qui ma Lyre doit ses sons ?
Non , la Déïté qui me presse ,
Inspire mieux ses Nourrissons ;
Elle fut l'Auteur des merveilles ,
Qui charment encor nos oreilles ,
Malgré la cruauté des temps ;
L'ayant pour but dans cet Ouvrage ,
Je compte déja sur l'hommage ,
Du Pinde et de ses Habitans.
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Résumé : L'ESPERANCE. ODE.
Le poème 'L'Espérance' met en lumière le rôle crucial de l'espérance dans la vie humaine. Inspirée par la muse Polymnie, l'auteur présente l'espérance comme le seul but, guide et soutien de l'homme. Même en période d'abondance, l'homme continue de chercher davantage, car l'espérance se renouvelle constamment. Les jeunes guerriers, par exemple, sont motivés par l'espérance à rechercher la gloire. L'espérance est comparée à ce qui reste dans la boîte de Pandore après que tous les maux en soient sortis, offrant une ressource essentielle pour atténuer la misère humaine. Sans espérance, l'homme sombrerait dans le désespoir et maudirait les dieux. Elle permet au pauvre de se sentir riche et au roi déchu de revoir l'éclat de sa couronne. L'espérance redonne courage face aux dangers et permet aux hommes de poursuivre leurs projets. Elle a façonné les grands hommes, qu'ils aient agi par crime ou par vertu. Dans le domaine de l'amour, l'espérance rend les attraits enchanteurs efficaces. Les monarques doivent leur cour à l'espérance, qui promet des grâces imaginaires. L'auteur conclut en dédiant son œuvre à l'espérance, espérant recevoir l'hommage du Parnasse et de ses habitants.
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33
p. 228-230
ODE. Imitée de la XIX. du premier Livre d'Horace, par M. Des-Forges Maillard. A. A. P. D. B.
Début :
Que vois-je ? des Amours c'est la Mere cruelle, [...]
Mots clefs :
Dieux, Vénus, Coeur, Horace, Amour, Glicère
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texteReconnaissance textuelle : ODE. Imitée de la XIX. du premier Livre d'Horace, par M. Des-Forges Maillard. A. A. P. D. B.
OD E.
Imitée de la XIX. du premier Livre
d'Horace, par M. Des-Forges Maillard .
A. A. P. D. B.
Ue vois je des Amours c'est la Mere
cruelle ,
Q
Qui d'un tranquile coeur vient troubler le re
pos ;
Ses perfiles Enfans attachez auprès d'elle ,
Pour voler à ma perte , abandonnent Paphos.
Faut-il encore aimer ? quoi donc Bacchus luis
même ,
Qui m'offroit autrefois un azile en´ses bras,
Conspire avec l'Amour ces Dieux veulent que
j'aime !
A ces Dieux réunis peut- on ne ceder pas?
JA
FEVRIER. 1733. 229
Je l'avois dit cent fois , l'infidele Glicere
M'a trop long - tems joüé , je ne l'aimerai
plus.
Je l'avois dit cent fois , et malgré ma colere
Mes sermens, à sa vûë , ont été superflus.
Peut-on lui disputer P'honneur de la vic
toire ?
Peut-on quand on la voit lui refuser son'
coeur !
,
Plus vermeil que la Rose , et plus blanc que
l'ivoire ,
Son teint porte en tous lieux une vive splen
deur.
Son petit air badin qui m'irrite , et m'enflamme
,
L'étincelant éclat de ses regards perçans ,
L'un et l'autre ébranlant le siége de mon ame ;
Une douce fureur coule dans tous mes sens.
Venus m'a tout entier soumis à son em
pire ;
C'est en vain qu'animé d'un dessein géne
reux ,
Sur d'héroïques tons je croi monter ma Lyre ;
Je n'en sçaurois tirer que des sons amoureux .
B v A
230 MERCURE DE FRANCE
A mes voeux , ô Venus , rends Glicere prod
pice ;
Si de mes soins ardens tu m'accordes ce prix ,
Ton Autel fumera du tendre Sacrifice
D'un Agneau premier fruit d'une jeune brebis.
Imitée de la XIX. du premier Livre
d'Horace, par M. Des-Forges Maillard .
A. A. P. D. B.
Ue vois je des Amours c'est la Mere
cruelle ,
Q
Qui d'un tranquile coeur vient troubler le re
pos ;
Ses perfiles Enfans attachez auprès d'elle ,
Pour voler à ma perte , abandonnent Paphos.
Faut-il encore aimer ? quoi donc Bacchus luis
même ,
Qui m'offroit autrefois un azile en´ses bras,
Conspire avec l'Amour ces Dieux veulent que
j'aime !
A ces Dieux réunis peut- on ne ceder pas?
JA
FEVRIER. 1733. 229
Je l'avois dit cent fois , l'infidele Glicere
M'a trop long - tems joüé , je ne l'aimerai
plus.
Je l'avois dit cent fois , et malgré ma colere
Mes sermens, à sa vûë , ont été superflus.
Peut-on lui disputer P'honneur de la vic
toire ?
Peut-on quand on la voit lui refuser son'
coeur !
,
Plus vermeil que la Rose , et plus blanc que
l'ivoire ,
Son teint porte en tous lieux une vive splen
deur.
Son petit air badin qui m'irrite , et m'enflamme
,
L'étincelant éclat de ses regards perçans ,
L'un et l'autre ébranlant le siége de mon ame ;
Une douce fureur coule dans tous mes sens.
Venus m'a tout entier soumis à son em
pire ;
C'est en vain qu'animé d'un dessein géne
reux ,
Sur d'héroïques tons je croi monter ma Lyre ;
Je n'en sçaurois tirer que des sons amoureux .
B v A
230 MERCURE DE FRANCE
A mes voeux , ô Venus , rends Glicere prod
pice ;
Si de mes soins ardens tu m'accordes ce prix ,
Ton Autel fumera du tendre Sacrifice
D'un Agneau premier fruit d'une jeune brebis.
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Résumé : ODE. Imitée de la XIX. du premier Livre d'Horace, par M. Des-Forges Maillard. A. A. P. D. B.
Le poème 'OD E.' de M. Des-Forges Maillard s'inspire de la XIXème ode du premier livre d'Horace. Le narrateur y exprime son conflit intérieur face à l'amour, qu'il décrit comme une force cruelle perturbant sa tranquillité. Il mentionne que même Bacchus, autrefois son refuge, semble s'allier à l'amour pour le faire succomber. Le narrateur reconnaît l'inutilité de lutter contre ces dieux réunis. Il évoque ensuite son amour pour Glicère, une femme infidèle qui l'a trompé. Malgré ses serments de ne plus l'aimer, il se rend compte que sa beauté et son charme le subjuguent à nouveau. Glicère est décrite avec un teint plus vermeil que la rose et plus blanc que l'ivoire, et un air badin qui l'irrite et l'enflamme. Ses regards perçants et sa douce fureur ébranlent son âme, le rendant incapable de résister. Le narrateur conclut en suppliant Vénus de lui rendre Glicère favorable, promettant un sacrifice sous la forme d'un agneau, premier fruit d'une jeune brebis, s'il obtient son amour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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34
p. 621-626
LES DEUX TEMPLES.
Début :
Sur la cime d'un Mont, élevé jusqu'aux Cieux, [...]
Mots clefs :
Temple, Voeux, Mortels, Mortel, Dieux, Damon, Reconnaissance
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LES DEUX TEMPLES.
LES DEUX TEMPLES.
S
Ur la cime d'un Mont , élevé jus
qu'aux Cieux ,
Est un Temple inconnu , que bâti
rent les Dieux ,
Le temps a respecté son antique structure ,
Le Marbre en fait briller la noble Architecture ,
Les portes sont d'argent , la couverture est d'or ,
Autour de l'Edifice il regne un Coridor ,
Trois Ordres élegants , composent la façade ,
A ij Le
822 MERCURE DE FRANCE
Le Parvis est fermé par une Colonnade :
Les Dieux ont au- dehors, prodigué leurs présents:
Et les Mortels devoient enrichir le dedans ,
Ils le devoient , hélas ! chimérique esperance !
Les Mortels sont- ils faits pour la RECONNOISSANCE
?
C'est la Divinité qu'on adore en ce lieu,
Un Autel presque nud occupe le milieu ;
Là , des voeux des Humains on ne voit nulles
traces ,
Tout y ressent l'oubli des faveurs et des graces ;
Et des seuls animaux les hommages sacrez ,
Ont fourni les sujets dont les murs sont parez.
On apperçoit un chien , sans songer à repaître ,
Qui meurt , comme en arrêt , au Tombeau de
son Maître ,
Ce Lion qu'un Mortel garantit du trépas ,
Passe après lui les Mers et suit par tout ses pas.
Penetré d'un bienfait , Damon vint dans c
Temple ,
D'un coeur reconnoissant , donner comme eux
l'exemple :
La Justice d'abord , et la Fidelité ,
Le conduisent aux pieds de la Diviniré :
Je te rends , lui dit-il , un tribut légitime ,
Déesse , sois propice à l'ardeur qui m'anime ,
Daigne, daigne en faveur d'un ami genereux ,
Couronner aujourd'ui mes soupirs et mes voeux
Toi qui devrois regner sur tout ce qui respire ,
Exerce
AVRIL. 623
1733
Exerce au moins sur moi ton adorable Empire ,
Porte , sans hesiter , mon zele au plus haut point ,
Exige tout ; mon coeur ne t'en dédira point :
Cet ami bienfaisant pour qui je te reclame , `
Ariste , désormais , aura toute mon ame ,
Travaille à le combler et d'honneurs et de biens
Retranche de mes jours pour ajoûter aux siens ,
Rends - moi , par la ferveur d'un zele infatigable ,
De sa félicité la source inépuisable.
Si je lui survivois ( Ciel ne le permets pas . )
Fais qu'avec ses enfans je pleure son trépas ,
Et que de ma fortune agréant le partage ,
İls retrouvent en elle un second héritage.
Se peut- il que ton joug ne puisse être porté !
Et que ce Temple saint soit ainsi déserté !
Toutesfois , au moment d'une grace récente ,
Ecoutez un Mortel ; Vous passez son attente ,
Que ne vous doit-il point ? il en perd la raison ,'
Il vous offre son bien , sa table , sa maison ,
Que de voeux ! que d'encens ! vous êtes son Idole,
Rien ne lui coûte enfin , qu'à vous tenir parole :
Ainsi de ses transports le ridicule excès ,
Se calmant tout à coup , passe comme un accès,
He ! quoi ? pour s'acquitter de quelques bons of
fices ,
Exigerois
- tu donc
de si grands
Sacrifices
?
Non , tu veux seulement un simple souvenir ,
Déesse , tu le yeux , et ne peux l'obtenir .
A iij
Loin
624 MERCURE DE FRANCE
Lon de punir en moi leurs offenses mortelles ,
Par ma fidelité confonds ces coeurs rebelles ,
Et que sur tout je puisse ôter le voile épais ,
Dont Ariste prend soin de couvrir ses bienfaits.
Il dit et de l'Autel une vive lumiere ,
Se répandant sur lui consacra sa Priere.
Damon s'en retournoit lorsqu'il vit dans les
champs ,
Un immense concours de Peuples differens.
Où s'adresse , dit-il , cette foule innombrable :
Est -ce ici ? non , reprit un vieillard venerable ,
Au culte des Autels de tout temps consacré ;
Un Temple , ajoûta- t'il , prophane et reveré,
Dirige tous les pas de cette multitude ,
Et paroît insulter à notre solitude.
Celui- cy fut construit par de divines mains
Cet autre fut jadis,l'ouvrage des Humains ,
C'est leur premier labeur , leur honteux do
micile ,
Placé dans un Vallon , la route en est facile.
Le Bâtiment est rond , cent Portiques divers ,
S'ouvrent aux Habitans de ce vaste Univers .
Là , du Fleuve Lethé l'on découvre la source ,
Par une Onde paisible il commence sa course
Puis tombe en écumant , dans un abysme affreux,
Pour se creuser un lit au séjour ténebreux.
Un Monstre qu'avec peine , ici , je vous retrace
Dans ce Temple pervers étale son audace ;
L'inAVRIL.
1733. 625
L'INGRATITUDE enfin est l'objet odieux ,
A qui tous les Mortels y prodiguent leurs voeux
Dans un enfoncement son triste Sanctuaire ,
N'a pour toute clarté qu'un foible luminaire :
Mere du sombre Accueil , et fille de la Nuit ,
Jusques sur son Autel l'Obscurité la suit ,
Elle en fait son triomphe , et ce sont ces ted
nebres ,
Qui rendent en tous lieux ses Mysteres celebres.
Là, sont ensevelis dans un affreux néant ,
Les jours qu'on a passez au service d'un Grand
On vient s'y délivrer avec impatience ,
Du pénible fardeau de la reconnoissance ;
Chacun de sa memoire , efface jusqu'aux traits ,
Du Mortel qui jadis le combla de bienfaits.
Les sermens violez font regner le Parjure .
Toutes graces enfin passent pour une injure
Et ce Monstre superbe engloutit à nos yeux ,
Les faveurs des Mortels , celles même des Dieux,
Car son impieté , sans crainte du tonnerre
Voudroit aneantir leur culte sur la terre :
Pour une ame sensible il n'a que du mépris.
Les Forfaits des Ingrats sout peints sur les Lambris.
›
On voit un malheureux tiré de la misere ,
Méconnoître l'ami qui lui servit de pere.
Un fils dénaturé , souffre à regret le cours ,
Des ans que le Ciel compte à l'Auteur de ses
jours.
A iiij UM
526 MERCURE DE - FRANCE
Un Esclave affranchi, comme un infame traître,
A la proscription s'en va livrer son Maître ,
Ou plutôt , prévenant de cruels ennemis ,
Court , sa tête à la main , en demander le prix.
De perfides sujets attentent à la vie ,
D'un Prince qui s'immole au bien de la Patrie
Et leur fureur hâtant son tragique destin ,
Sur son Trône sanglant place son assassin.
Cessez , reprit Damon , un détail si funeste.
Troublé de tant d'horreurs épargnez moi le
reste ,
Et craignons de soüiller par ce récit affreux ,
De vos jours innocens l'azile bienheureux .
M. Tanevot.
S
Ur la cime d'un Mont , élevé jus
qu'aux Cieux ,
Est un Temple inconnu , que bâti
rent les Dieux ,
Le temps a respecté son antique structure ,
Le Marbre en fait briller la noble Architecture ,
Les portes sont d'argent , la couverture est d'or ,
Autour de l'Edifice il regne un Coridor ,
Trois Ordres élegants , composent la façade ,
A ij Le
822 MERCURE DE FRANCE
Le Parvis est fermé par une Colonnade :
Les Dieux ont au- dehors, prodigué leurs présents:
Et les Mortels devoient enrichir le dedans ,
Ils le devoient , hélas ! chimérique esperance !
Les Mortels sont- ils faits pour la RECONNOISSANCE
?
C'est la Divinité qu'on adore en ce lieu,
Un Autel presque nud occupe le milieu ;
Là , des voeux des Humains on ne voit nulles
traces ,
Tout y ressent l'oubli des faveurs et des graces ;
Et des seuls animaux les hommages sacrez ,
Ont fourni les sujets dont les murs sont parez.
On apperçoit un chien , sans songer à repaître ,
Qui meurt , comme en arrêt , au Tombeau de
son Maître ,
Ce Lion qu'un Mortel garantit du trépas ,
Passe après lui les Mers et suit par tout ses pas.
Penetré d'un bienfait , Damon vint dans c
Temple ,
D'un coeur reconnoissant , donner comme eux
l'exemple :
La Justice d'abord , et la Fidelité ,
Le conduisent aux pieds de la Diviniré :
Je te rends , lui dit-il , un tribut légitime ,
Déesse , sois propice à l'ardeur qui m'anime ,
Daigne, daigne en faveur d'un ami genereux ,
Couronner aujourd'ui mes soupirs et mes voeux
Toi qui devrois regner sur tout ce qui respire ,
Exerce
AVRIL. 623
1733
Exerce au moins sur moi ton adorable Empire ,
Porte , sans hesiter , mon zele au plus haut point ,
Exige tout ; mon coeur ne t'en dédira point :
Cet ami bienfaisant pour qui je te reclame , `
Ariste , désormais , aura toute mon ame ,
Travaille à le combler et d'honneurs et de biens
Retranche de mes jours pour ajoûter aux siens ,
Rends - moi , par la ferveur d'un zele infatigable ,
De sa félicité la source inépuisable.
Si je lui survivois ( Ciel ne le permets pas . )
Fais qu'avec ses enfans je pleure son trépas ,
Et que de ma fortune agréant le partage ,
İls retrouvent en elle un second héritage.
Se peut- il que ton joug ne puisse être porté !
Et que ce Temple saint soit ainsi déserté !
Toutesfois , au moment d'une grace récente ,
Ecoutez un Mortel ; Vous passez son attente ,
Que ne vous doit-il point ? il en perd la raison ,'
Il vous offre son bien , sa table , sa maison ,
Que de voeux ! que d'encens ! vous êtes son Idole,
Rien ne lui coûte enfin , qu'à vous tenir parole :
Ainsi de ses transports le ridicule excès ,
Se calmant tout à coup , passe comme un accès,
He ! quoi ? pour s'acquitter de quelques bons of
fices ,
Exigerois
- tu donc
de si grands
Sacrifices
?
Non , tu veux seulement un simple souvenir ,
Déesse , tu le yeux , et ne peux l'obtenir .
A iij
Loin
624 MERCURE DE FRANCE
Lon de punir en moi leurs offenses mortelles ,
Par ma fidelité confonds ces coeurs rebelles ,
Et que sur tout je puisse ôter le voile épais ,
Dont Ariste prend soin de couvrir ses bienfaits.
Il dit et de l'Autel une vive lumiere ,
Se répandant sur lui consacra sa Priere.
Damon s'en retournoit lorsqu'il vit dans les
champs ,
Un immense concours de Peuples differens.
Où s'adresse , dit-il , cette foule innombrable :
Est -ce ici ? non , reprit un vieillard venerable ,
Au culte des Autels de tout temps consacré ;
Un Temple , ajoûta- t'il , prophane et reveré,
Dirige tous les pas de cette multitude ,
Et paroît insulter à notre solitude.
Celui- cy fut construit par de divines mains
Cet autre fut jadis,l'ouvrage des Humains ,
C'est leur premier labeur , leur honteux do
micile ,
Placé dans un Vallon , la route en est facile.
Le Bâtiment est rond , cent Portiques divers ,
S'ouvrent aux Habitans de ce vaste Univers .
Là , du Fleuve Lethé l'on découvre la source ,
Par une Onde paisible il commence sa course
Puis tombe en écumant , dans un abysme affreux,
Pour se creuser un lit au séjour ténebreux.
Un Monstre qu'avec peine , ici , je vous retrace
Dans ce Temple pervers étale son audace ;
L'inAVRIL.
1733. 625
L'INGRATITUDE enfin est l'objet odieux ,
A qui tous les Mortels y prodiguent leurs voeux
Dans un enfoncement son triste Sanctuaire ,
N'a pour toute clarté qu'un foible luminaire :
Mere du sombre Accueil , et fille de la Nuit ,
Jusques sur son Autel l'Obscurité la suit ,
Elle en fait son triomphe , et ce sont ces ted
nebres ,
Qui rendent en tous lieux ses Mysteres celebres.
Là, sont ensevelis dans un affreux néant ,
Les jours qu'on a passez au service d'un Grand
On vient s'y délivrer avec impatience ,
Du pénible fardeau de la reconnoissance ;
Chacun de sa memoire , efface jusqu'aux traits ,
Du Mortel qui jadis le combla de bienfaits.
Les sermens violez font regner le Parjure .
Toutes graces enfin passent pour une injure
Et ce Monstre superbe engloutit à nos yeux ,
Les faveurs des Mortels , celles même des Dieux,
Car son impieté , sans crainte du tonnerre
Voudroit aneantir leur culte sur la terre :
Pour une ame sensible il n'a que du mépris.
Les Forfaits des Ingrats sout peints sur les Lambris.
›
On voit un malheureux tiré de la misere ,
Méconnoître l'ami qui lui servit de pere.
Un fils dénaturé , souffre à regret le cours ,
Des ans que le Ciel compte à l'Auteur de ses
jours.
A iiij UM
526 MERCURE DE - FRANCE
Un Esclave affranchi, comme un infame traître,
A la proscription s'en va livrer son Maître ,
Ou plutôt , prévenant de cruels ennemis ,
Court , sa tête à la main , en demander le prix.
De perfides sujets attentent à la vie ,
D'un Prince qui s'immole au bien de la Patrie
Et leur fureur hâtant son tragique destin ,
Sur son Trône sanglant place son assassin.
Cessez , reprit Damon , un détail si funeste.
Troublé de tant d'horreurs épargnez moi le
reste ,
Et craignons de soüiller par ce récit affreux ,
De vos jours innocens l'azile bienheureux .
M. Tanevot.
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Résumé : LES DEUX TEMPLES.
Le texte présente deux temples distincts, l'un situé sur une montagne et l'autre dans une vallée. Le premier temple, édifié par les dieux, est somptueusement décoré de marbre, d'argent et d'or. Malgré les présents divins offerts aux mortels, ce temple est désert. Damon, reconnaissant pour un bienfait reçu, prie dans ce temple pour la prospérité de son ami Ariste. Le second temple, construit par les hommes, est dédié à l'ingratitude et attire une multitude de peuples. Ce lieu sombre accueille ceux qui cherchent à se libérer du fardeau de la reconnaissance. Les murs du temple sont ornés de scènes illustrant l'ingratitude, telles qu'un homme méconnaissant son bienfaiteur ou un fils dénaturé. Damon, horrifié par ces visions, demande à cesser ce récit funeste.
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35
p. 727-729
L'HYVER.
Début :
Déja les charmantes Dryades, [...]
Mots clefs :
Hiver, Dieux, Bacchus, Aquilons
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'HYVER.
L'HY VER.
DE'ja les charmantes Dryades ,
Ont cessé de danser à l'ombre des Ormeaux ;
Déja de l'Empire des eaux
Le Roy des Aquilons a chassé les Nayades.
Nos Bois et nos Champs sont déserts ;
Zéphir ne caresse plus Flore ,
Et les Oyseaux , par leur Concerts ,
Ne nous annoncent plus le lever de l'Aurore.
Le
728 MERCURE DE FRANCE
La Nege a blanchi nos Guérets ,
De nos plus hauts Rochers , elle couvre les
Cimes ;
Et les Arbres de nos Forêts ,
Du courroux de l'hyver , innocentes victimes ,
A peine en supportent le poids.
Les Faunes , les Sylvains ont quitté leurs Hautbois
;
Et le vieux Sylene lui-même ,
Pour modérer ce froid extrême ,
En buvant , souflé dans ses doigts.
Déja par la bruyante haleine
Des Aquilons fougueux , les flots sont enchaî
nez ;
Et des Elemens consternez ,
La ruine semble prochaine,
Fiers de leurs coups audacieux ,
Ils osent se promettre une pleine victoire ;
Amis , pour les chasser , du plus puissant des
Dieux ,
Implorons le secours , et celebrons la gloire
Que les dépouilles des Forêts ,
Dans un large Foyer, promptement entassées ,
Raniment nos forces glacées ;
Que d'un joyeux festin , on fasse les apprêts ;
Vite , qu'on m'apporte mon verre ,
Qu'à l'instant il soit couronné
De
AVRIL. 17337
729
De ce jus que Bacchus aux Mortels a donné ;
De ce jus pétillant , qui croît près de Tonnere,
C'ett à ce Dieu vainqueur à regler les Saisons.
La nature , à ses Loix , doit être assujettie ;
Partez , rentrez dans vos prisons.
Impetueux sujets , de l'Epoux d'Orithie..
Bacchus rassure l'Univers .
Il a parlé , fuyez les traits de sa colère ,
Et cessant de troubler l'un et l'autre Hémisphere,
Reprenez pour jamais vos fers.
D'un obscur avenir ne perçons point les om
bres ;
Le succès en est incertain ;
Le destin sous des voiler sombres ,
A caché notre sort ; sans attendre à demain ,
Jouissons de notre jeunesse
Aux Jeux, aux Ris , cher ami, fais ta cour,
Enfin partage ta tendresse 2
Entre les Dieux du Vin , des Vers et de l'Amour,
MALALE TAD
DE'ja les charmantes Dryades ,
Ont cessé de danser à l'ombre des Ormeaux ;
Déja de l'Empire des eaux
Le Roy des Aquilons a chassé les Nayades.
Nos Bois et nos Champs sont déserts ;
Zéphir ne caresse plus Flore ,
Et les Oyseaux , par leur Concerts ,
Ne nous annoncent plus le lever de l'Aurore.
Le
728 MERCURE DE FRANCE
La Nege a blanchi nos Guérets ,
De nos plus hauts Rochers , elle couvre les
Cimes ;
Et les Arbres de nos Forêts ,
Du courroux de l'hyver , innocentes victimes ,
A peine en supportent le poids.
Les Faunes , les Sylvains ont quitté leurs Hautbois
;
Et le vieux Sylene lui-même ,
Pour modérer ce froid extrême ,
En buvant , souflé dans ses doigts.
Déja par la bruyante haleine
Des Aquilons fougueux , les flots sont enchaî
nez ;
Et des Elemens consternez ,
La ruine semble prochaine,
Fiers de leurs coups audacieux ,
Ils osent se promettre une pleine victoire ;
Amis , pour les chasser , du plus puissant des
Dieux ,
Implorons le secours , et celebrons la gloire
Que les dépouilles des Forêts ,
Dans un large Foyer, promptement entassées ,
Raniment nos forces glacées ;
Que d'un joyeux festin , on fasse les apprêts ;
Vite , qu'on m'apporte mon verre ,
Qu'à l'instant il soit couronné
De
AVRIL. 17337
729
De ce jus que Bacchus aux Mortels a donné ;
De ce jus pétillant , qui croît près de Tonnere,
C'ett à ce Dieu vainqueur à regler les Saisons.
La nature , à ses Loix , doit être assujettie ;
Partez , rentrez dans vos prisons.
Impetueux sujets , de l'Epoux d'Orithie..
Bacchus rassure l'Univers .
Il a parlé , fuyez les traits de sa colère ,
Et cessant de troubler l'un et l'autre Hémisphere,
Reprenez pour jamais vos fers.
D'un obscur avenir ne perçons point les om
bres ;
Le succès en est incertain ;
Le destin sous des voiler sombres ,
A caché notre sort ; sans attendre à demain ,
Jouissons de notre jeunesse
Aux Jeux, aux Ris , cher ami, fais ta cour,
Enfin partage ta tendresse 2
Entre les Dieux du Vin , des Vers et de l'Amour,
MALALE TAD
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Résumé : L'HYVER.
Le texte décrit les effets dévastateurs de l'hiver sur la nature. Les Dryades et les Nayades ont disparu, les bois et les champs sont déserts, et les oiseaux ne chantent plus. La neige recouvre les champs et les arbres ploient sous son poids. Les Faunes et les Sylvains ont abandonné leurs hautbois, et même Sylène tente de se réchauffer. Les vents aquilons enchaînent les flots, et les éléments semblent menacer de ruine. Pour chasser l'hiver, le texte suggère d'implorer le secours du plus puissant des dieux et de célébrer la gloire en allumant un grand feu avec les dépouilles des forêts. Il recommande de préparer un festin joyeux et de boire du vin, le jus pétillant donné par Bacchus, qui régule les saisons. Bacchus rassure l'univers et ordonne aux éléments impétueux de reprendre leurs fers. Le texte conclut en invitant à jouir de la jeunesse et à partager sa tendresse entre les dieux du vin, des vers et de l'amour.
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36
p. 1513-1516
AJAX, FILS D'OILÉE. CANTATE.
Début :
Prêts à renverser pour jamais, [...]
Mots clefs :
Ajax, Dieux, Flots, Fureurs, Mort
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texteReconnaissance textuelle : AJAX, FILS D'OILÉE. CANTATE.
AJAX , FILS D'OILEE.
CANTATE.
PRêts à renverser pour jamais ,
Ces remparts élevez par des mains immortelles ,
Les vainqueurs d'Ilion n'étoient pas satisfaits ,
Le carnage , la mort , les plus cruels forfaits ,
Pouvoient seals assouvir leurs fureurs criminelles.
C Pour
1514 MERCURE, DE FRANCE
Pour éviter un trépas inhumain ,
Au Temple de Pallas , Cassandre fuit en vain ,
Ajax va l'arracher du sein de la Déesse ,
Et l'Impie enflammé d'un sacrilege amour ,
Deshonore à la fois l'Autel et la Prêtresse .
C'étoit trop peu de lui ravir le jour.
Sans crainte, sans remords , il part ; rien ne l'ar
rêtė ;
Témeraire , oses -tu braver encor les flots?
Voi quels feux devorans s'allunent sur ta tête,
Voi les vents déchaînez menacer tes Vaisseaux.
Les Cieux s'obscurcissent ,
Les flots qui mugissent ,
Agitent les Airs ;
Et l'Onde écumante
Par tout lui présente ,
Cent gouffres ouverts.
Le puissant Nérée ,
Du fougueux Borée ,
Reçoit - il la Loy ?
Quelle horreur extrême ,
Jusqu'aux Tritons même ;
Tout frémit d'effroy.
Les Cieux s'obscurcissent , &c..
Chaque instant redouble l'orage ;
Ajax a déja fait nauffrage;
Tout
10% JUILLET. 1733. 1515
Tout l'art des Matelots n'a pû l'en garantir ;
Les abîmes des, Mers vont bien-tôt l'engloutie.
Tu péris , Monstre affreux , ta force est inutile.
Mais que vois-je ? il surmonte et les vents et les
eaux ,
Un Rocher brise ses Vaisseaux.M
De ce même Rocher il se fait un azile
Et là , bravant la foudre , il éclate en ces mots.
» Ma mort , Dieux impuissants , n'est pas encor
certaine ;
" Aux flots impétueux s'échappe malgré vous;
»Contre le fier Ajax , votre colere est vaine ;
D3
20
Trop heureux que le Ciel, vous dérobe à ses
coups !
Maîtres de l'Univers , un Mortel vous offense ;
» Unissez vos efforts , tâchez de l'accabler ;
Mais n'esperez jamais remplir votre vengeance ,
pour la satisfaire il faut me voir trembler ;
Ma mort , Dieux impuissants , n'est pas encor
certaine
» Si
་་་
Aux flots impetueux j'échappe malgré vous.
$
Jupiter , hate toi de le réduire en poudre ,
La Nature frémit de tant d'impieté.
Mais c'en est fait , Pallas vient d'emprunter la
foudre ,'
Ces dernieres fureurs ont lassé sa bonté.
Ajax , le Ciel enfin écoute sa justice ,
3:1
Tu vas par ton exemple étonner l'Univers;
Ci Meurs
1516 MERCURE DE FRANCE
Meurs ; pour achever ton supplice ,
Alecton t'attend aux Enfers.
Les Dieux épargnent les coupables ;
Pour les forcer au repentir ;
Mais leurs traits sont plus redoutables ;
Quand ils sont plus lents à partir. T
Ils ne nous prennent pour victimes ,
Qu'en gémissant de leurs rigueurs ,
Malheureux ! faut-il que nos crimes ,
Aillent plus loin que leurs fureurs .
Les Dieux , &c.
Par M. P. de Cette en Languedos .
CANTATE.
PRêts à renverser pour jamais ,
Ces remparts élevez par des mains immortelles ,
Les vainqueurs d'Ilion n'étoient pas satisfaits ,
Le carnage , la mort , les plus cruels forfaits ,
Pouvoient seals assouvir leurs fureurs criminelles.
C Pour
1514 MERCURE, DE FRANCE
Pour éviter un trépas inhumain ,
Au Temple de Pallas , Cassandre fuit en vain ,
Ajax va l'arracher du sein de la Déesse ,
Et l'Impie enflammé d'un sacrilege amour ,
Deshonore à la fois l'Autel et la Prêtresse .
C'étoit trop peu de lui ravir le jour.
Sans crainte, sans remords , il part ; rien ne l'ar
rêtė ;
Témeraire , oses -tu braver encor les flots?
Voi quels feux devorans s'allunent sur ta tête,
Voi les vents déchaînez menacer tes Vaisseaux.
Les Cieux s'obscurcissent ,
Les flots qui mugissent ,
Agitent les Airs ;
Et l'Onde écumante
Par tout lui présente ,
Cent gouffres ouverts.
Le puissant Nérée ,
Du fougueux Borée ,
Reçoit - il la Loy ?
Quelle horreur extrême ,
Jusqu'aux Tritons même ;
Tout frémit d'effroy.
Les Cieux s'obscurcissent , &c..
Chaque instant redouble l'orage ;
Ajax a déja fait nauffrage;
Tout
10% JUILLET. 1733. 1515
Tout l'art des Matelots n'a pû l'en garantir ;
Les abîmes des, Mers vont bien-tôt l'engloutie.
Tu péris , Monstre affreux , ta force est inutile.
Mais que vois-je ? il surmonte et les vents et les
eaux ,
Un Rocher brise ses Vaisseaux.M
De ce même Rocher il se fait un azile
Et là , bravant la foudre , il éclate en ces mots.
» Ma mort , Dieux impuissants , n'est pas encor
certaine ;
" Aux flots impétueux s'échappe malgré vous;
»Contre le fier Ajax , votre colere est vaine ;
D3
20
Trop heureux que le Ciel, vous dérobe à ses
coups !
Maîtres de l'Univers , un Mortel vous offense ;
» Unissez vos efforts , tâchez de l'accabler ;
Mais n'esperez jamais remplir votre vengeance ,
pour la satisfaire il faut me voir trembler ;
Ma mort , Dieux impuissants , n'est pas encor
certaine
» Si
་་་
Aux flots impetueux j'échappe malgré vous.
$
Jupiter , hate toi de le réduire en poudre ,
La Nature frémit de tant d'impieté.
Mais c'en est fait , Pallas vient d'emprunter la
foudre ,'
Ces dernieres fureurs ont lassé sa bonté.
Ajax , le Ciel enfin écoute sa justice ,
3:1
Tu vas par ton exemple étonner l'Univers;
Ci Meurs
1516 MERCURE DE FRANCE
Meurs ; pour achever ton supplice ,
Alecton t'attend aux Enfers.
Les Dieux épargnent les coupables ;
Pour les forcer au repentir ;
Mais leurs traits sont plus redoutables ;
Quand ils sont plus lents à partir. T
Ils ne nous prennent pour victimes ,
Qu'en gémissant de leurs rigueurs ,
Malheureux ! faut-il que nos crimes ,
Aillent plus loin que leurs fureurs .
Les Dieux , &c.
Par M. P. de Cette en Languedos .
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Résumé : AJAX, FILS D'OILÉE. CANTATE.
La cantate 'AJAX, FILS D'OILEE' raconte les événements tragiques impliquant Ajax, un des vainqueurs de Troie. Après la prise de la ville, les Grecs continuent de commettre des atrocités. Ajax, en proie à une folie sacrilège, poursuit Cassandre, une prêtresse d'Athéna, jusqu'à son temple et la déshonore. Malgré les avertissements divins et les tempêtes envoyées par les dieux, Ajax tente de fuir par mer. Son navire est détruit par un rocher, mais il survit et défie les dieux, affirmant que sa mort n'est pas certaine. Pallas Athéna, lassée de ses outrages, décide de le punir. Ajax est condamné à mourir et à être accueilli par Alecton, un des chiens de l'enfer. Le texte met en avant la justice divine qui, bien que lente, finit par punir les criminels impénitents.
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37
p. 1534-1539
L'EPOUX MALHEUREUX, ET TOUJOURS AMOUREUX, ELEGIE.
Début :
Mortels, soumis aux loix de l'amoureux Empire, [...]
Mots clefs :
Sylvie, Malheureux, Coeur, Amour, Épouse, Époux, Ingrate, Ciel, Dieux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'EPOUX MALHEUREUX, ET TOUJOURS AMOUREUX, ELEGIE.
L'E POUX MALHEUREUX ,
ET TOUJOURS AMOUREUX ,
M
ELEGI E.
Ortels , soumis aux loix de l'amoureux
Empire ,
Qui contez aux Rochers votre tendret martyre
,
Suspendez vos regrets , plaignez dans un
Epoux
Un amant mille fois plus malheureux que
vous. Y
Prêtez- vous , s'il se peut , aux disgraces des autres
;
Au
JUILLET. 1733 .
1733. 1535
Au
récit de mes maux vous oublirez les vô-
+ tres.
Des charmes de l'Amour connoissant le danger
,
Je formois te dessein de ne point m'engager
,.
Quand un hazard fatal au repos de ma vie
Offrit à mes regards l'inconstante Sylvie.
Venus sembloit en elle épuiser ses attraits ,
Et l'Amour par ses yeux blessoit de mille
traits.
Eu vain de leur pouvoir je voulus me deffendre
,
Mon trop sensible coeur s'empressa de se rendre.
<
Judicieux projet , sage raisonnement
Tout fuit , tout m'abandonne au dangereux
moment.
Moment qui me fut cher , & qui m'est si funeste
!
Mes pleurs et mes soupirs sont tout ce qui m'en
reste ,
Non , que d'abord Sylvie , en dédaignant mes
feux ,
Par de honteux refus eût rebuté mes voeux.
Ma famme par l'Hymen fut bientôt con
ronnée ;
Mais ce triomphe au plus ne dura qu'une an
née.
Pour l'ingrate attentif à redoubler mes soins
Sa
153 MERCURE DE FRANCE
Sa fierté , ses mépris .ne m'accabloient pa
moins ;
Je sens à chaque instant appesantir ma chaine ,
Sans espoir de toucher un e Epouse inhumaine.
Perfide , que devient le serment solemnel ,
Que de m'aimer toujours tu me fis à l'Autel
?
•
Dieux garants du serment , mais témoins du
parjure ,
Vous êtes plus que moi blessez par cette injure
:
Ah ! d'un si noir forfait , vangez moi , vȧngez
vous ;
Que dis-je ? malheureux ! non , suspendez vos
coups ;
A vos droits violez s'il faut une victime ,
Faites -moi de Sylvie expier tout le crime ;
Si l'ingrate que j'aime éprouvoit vos rigueurs ,
Il en coûteroit trop au plus tendre des coeurs.
Vous le sçavez assez , vallons , bois & fontaines
,
Cent fois je vous parlai de mes mortelles peines
,
Cent fois je vous ai fait le récit douloureux
Des chagrins que me cause un Hymen malheu
reux .
Vous sçavez mes tourmens , mais vous sçavez
de même
Combien
JUILLET. 1733 .
1537
Combien pour qui me hait ma tendresse est extrême
?
Je l'aime , ch ! quel pinceau par des traits assez
forts
De Sylvie en courroux marqueroit les transports.
D'un souffle impétueux l'Aquilon dans nos
plaines ,
Agitant des Ormeaux les feuilles incertaines
Abbat et fait languir les plantes et les fleurs
Que la brillante Aurore arrosa de ses pleurs.
C
Mais tout renaît bien - tôt , quand le calme succede
,
Tandis qu'à mon tourment il n'est point de
reméde .
Près du Cocyte un jour succombant sous mes
maux ,
Je voyois Atropos s'armer de ses ciseaux.
Auprès de moi déja ma famille assemblée.
Sur mon sort malheureux gémissoit désolée.
Que faisiez - vous alors , Sylvie , ah ! votre
coeur
Accusoit en secret la Parque de lenteur.
Qu'osai-je dire ? Ciel ! ... non dans mon trouble
extrême ,
Je m'égare
j'aime.
et j'outrage une Epouse que
Non , encore une fois , non , tant de cruauté
Ne se trouva jamais avec tant de beauté.
Fuyés , soupçon injuste , et respectez Sylvie ;
D Jamais
1538 MERCURE DE FRANCE
Jamais d'un pareil crime elle ne s'est noircie
,
Elle sçait quand la mort a menacé ses
jours ,
Que j'ai voulu des miens finir le triste cours.
Ce trait de ma douleur , croyons - le pour sa
gloire ,
Sans doute est pour jamais gravé dans sa mémoire.
Crédule que je suis ! si de mon déplaisir
Sylvie eut conservé le moindre souvenir ,
Pourquoi n'en pas donner un leger témoi
gnage ?
Non , je n'eus de son coeur que la haine en parə
tage ,
Quand je revis le jour par un bienfait des
Dieux ,
Je fus pour elle encor un objet odieux ;
Ses rigueurs de ma flamme égalent la constance
;
Que n'eut - elle à m'aimer , même perséve
rance ' !
Penser pour mon amour séduisant et fat❤
teur ,
Que ne m'abuses- tu par une fausse ardeur !
Je suis prêt , chere, Epouse , à seconder ta
feinte ;
Mais non , sa cruauté se nourrit de ma plainte ;
Allons au bout du monde étouffer nos sou
pirs ,
Par.
JUILLET. 1733. 1539
Par ma fuite à l'ingrate offrons mille plai
sirs ;
Cependant si le Ciel appaisoit sa colere ,
S'il pouvoit être un jour sensible à ma misere
....
Helas quoiqu'il lui plaise ordonner de mon
sort .
Mon amour ne pourra s'éteindre qu'à la
mort.
Changez , changez 8 Ciel , cette aimable
cruelle ;
Je la reçûs de vous , je lui serai fidele ,
Déja des Dieux fléchis j'éprouve le pouvoir ,
Ils versent dans mon coeur quelque rayon d'es
poir .
Viens t'offrir à mes yeux , Epouse que j'adore
,
Et bannir d'un regard l'ennui qui me devore
Viens , pour me rendre heureux , il suffit en
jour
D'un instant près de toi ménagé par l'A
mour.
ET TOUJOURS AMOUREUX ,
M
ELEGI E.
Ortels , soumis aux loix de l'amoureux
Empire ,
Qui contez aux Rochers votre tendret martyre
,
Suspendez vos regrets , plaignez dans un
Epoux
Un amant mille fois plus malheureux que
vous. Y
Prêtez- vous , s'il se peut , aux disgraces des autres
;
Au
JUILLET. 1733 .
1733. 1535
Au
récit de mes maux vous oublirez les vô-
+ tres.
Des charmes de l'Amour connoissant le danger
,
Je formois te dessein de ne point m'engager
,.
Quand un hazard fatal au repos de ma vie
Offrit à mes regards l'inconstante Sylvie.
Venus sembloit en elle épuiser ses attraits ,
Et l'Amour par ses yeux blessoit de mille
traits.
Eu vain de leur pouvoir je voulus me deffendre
,
Mon trop sensible coeur s'empressa de se rendre.
<
Judicieux projet , sage raisonnement
Tout fuit , tout m'abandonne au dangereux
moment.
Moment qui me fut cher , & qui m'est si funeste
!
Mes pleurs et mes soupirs sont tout ce qui m'en
reste ,
Non , que d'abord Sylvie , en dédaignant mes
feux ,
Par de honteux refus eût rebuté mes voeux.
Ma famme par l'Hymen fut bientôt con
ronnée ;
Mais ce triomphe au plus ne dura qu'une an
née.
Pour l'ingrate attentif à redoubler mes soins
Sa
153 MERCURE DE FRANCE
Sa fierté , ses mépris .ne m'accabloient pa
moins ;
Je sens à chaque instant appesantir ma chaine ,
Sans espoir de toucher un e Epouse inhumaine.
Perfide , que devient le serment solemnel ,
Que de m'aimer toujours tu me fis à l'Autel
?
•
Dieux garants du serment , mais témoins du
parjure ,
Vous êtes plus que moi blessez par cette injure
:
Ah ! d'un si noir forfait , vangez moi , vȧngez
vous ;
Que dis-je ? malheureux ! non , suspendez vos
coups ;
A vos droits violez s'il faut une victime ,
Faites -moi de Sylvie expier tout le crime ;
Si l'ingrate que j'aime éprouvoit vos rigueurs ,
Il en coûteroit trop au plus tendre des coeurs.
Vous le sçavez assez , vallons , bois & fontaines
,
Cent fois je vous parlai de mes mortelles peines
,
Cent fois je vous ai fait le récit douloureux
Des chagrins que me cause un Hymen malheu
reux .
Vous sçavez mes tourmens , mais vous sçavez
de même
Combien
JUILLET. 1733 .
1537
Combien pour qui me hait ma tendresse est extrême
?
Je l'aime , ch ! quel pinceau par des traits assez
forts
De Sylvie en courroux marqueroit les transports.
D'un souffle impétueux l'Aquilon dans nos
plaines ,
Agitant des Ormeaux les feuilles incertaines
Abbat et fait languir les plantes et les fleurs
Que la brillante Aurore arrosa de ses pleurs.
C
Mais tout renaît bien - tôt , quand le calme succede
,
Tandis qu'à mon tourment il n'est point de
reméde .
Près du Cocyte un jour succombant sous mes
maux ,
Je voyois Atropos s'armer de ses ciseaux.
Auprès de moi déja ma famille assemblée.
Sur mon sort malheureux gémissoit désolée.
Que faisiez - vous alors , Sylvie , ah ! votre
coeur
Accusoit en secret la Parque de lenteur.
Qu'osai-je dire ? Ciel ! ... non dans mon trouble
extrême ,
Je m'égare
j'aime.
et j'outrage une Epouse que
Non , encore une fois , non , tant de cruauté
Ne se trouva jamais avec tant de beauté.
Fuyés , soupçon injuste , et respectez Sylvie ;
D Jamais
1538 MERCURE DE FRANCE
Jamais d'un pareil crime elle ne s'est noircie
,
Elle sçait quand la mort a menacé ses
jours ,
Que j'ai voulu des miens finir le triste cours.
Ce trait de ma douleur , croyons - le pour sa
gloire ,
Sans doute est pour jamais gravé dans sa mémoire.
Crédule que je suis ! si de mon déplaisir
Sylvie eut conservé le moindre souvenir ,
Pourquoi n'en pas donner un leger témoi
gnage ?
Non , je n'eus de son coeur que la haine en parə
tage ,
Quand je revis le jour par un bienfait des
Dieux ,
Je fus pour elle encor un objet odieux ;
Ses rigueurs de ma flamme égalent la constance
;
Que n'eut - elle à m'aimer , même perséve
rance ' !
Penser pour mon amour séduisant et fat❤
teur ,
Que ne m'abuses- tu par une fausse ardeur !
Je suis prêt , chere, Epouse , à seconder ta
feinte ;
Mais non , sa cruauté se nourrit de ma plainte ;
Allons au bout du monde étouffer nos sou
pirs ,
Par.
JUILLET. 1733. 1539
Par ma fuite à l'ingrate offrons mille plai
sirs ;
Cependant si le Ciel appaisoit sa colere ,
S'il pouvoit être un jour sensible à ma misere
....
Helas quoiqu'il lui plaise ordonner de mon
sort .
Mon amour ne pourra s'éteindre qu'à la
mort.
Changez , changez 8 Ciel , cette aimable
cruelle ;
Je la reçûs de vous , je lui serai fidele ,
Déja des Dieux fléchis j'éprouve le pouvoir ,
Ils versent dans mon coeur quelque rayon d'es
poir .
Viens t'offrir à mes yeux , Epouse que j'adore
,
Et bannir d'un regard l'ennui qui me devore
Viens , pour me rendre heureux , il suffit en
jour
D'un instant près de toi ménagé par l'A
mour.
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Résumé : L'EPOUX MALHEUREUX, ET TOUJOURS AMOUREUX, ELEGIE.
Le texte est une élégie intitulée 'L'Époux malheureux, et toujours amoureux' datée de juillet 1733. Le narrateur, un homme marié, exprime sa douleur et son amour pour son épouse, Sylvie, qui le rejette et le méprise malgré ses efforts pour la satisfaire. Il se remémore le moment où il a rencontré Sylvie et comment il est tombé amoureux d'elle malgré ses tentatives de résistance. Leur mariage, initialement heureux, a tourné au drame après une année, Sylvie devenant froide et méprisante. Le narrateur se lamente sur l'injustice de son sort et implore les dieux de venger son malheur, tout en exprimant son amour inconditionnel pour Sylvie. Il évoque également les paysages naturels comme témoins de ses souffrances et de son amour persistant. Malgré les cruautés de Sylvie, il espère encore un changement et un retour de son affection.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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38
p. 1638-1651
Pelopée, Tragédie nouvelle[.] Extrait. [titre d'après la table]
Début :
Le 18 Juillet, les Comédiens François représenterent pour la premiere fois, la Tragedie de [...]
Mots clefs :
Pélopée, Comédie-Française, Thyeste, Atrée, Sostrate, Égisthe, Vers, Amour, Mort, Dieux, Fils, Eurymédon, Hymen, Père, Secours, Yeux, Vengeance, Secret, Coeur, Spectateurs, Billet
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Pelopée, Tragédie nouvelle[.] Extrait. [titre d'après la table]
Le 18 Juillet , les Comédiens François représenterent
pour la premiere fois , la Tragedie de
Pélopée. Cette Piece , dont M. le Chevalier Pellegrin
est l'Autheur , fut reçue avec un applaudissement
général , et fit esperer un grand succès
malAJUILLET.
1733.
1733. 1539
malgré Pincommodité de la saison ; nous
Croions que nós Lecteurs en verront l'Extrait
avec plaisir.
Le sujet de ce Poëme se trouve dans Servius
dans Lactance , et dans Hygin . Ce dernier en raconte
les Evenemens de deux manieres. Il dit au
chap. 87. avec la plus part des Autheurs , que
Pinceste de Thyeste fut volontaire , attendu qu'uff
Oracle lui avoit prédit qu'un fils qui naîtroit dé
så fille et de lui , le vangeroit d'Atrée , son frete.
Mais dans le Chapitre suivant le même Hygia
met un correctif à une action si horrible , et dit
que Thyeste viola sa fille Pélopée sans la connoître.
L'Auteur a pris ce dernier parti , et y a
ajouté un nouveau correctif pour la décence da
Theatre.
Au premier Acte, Sostrate, Gouverneur d'Agyste
cherchant par tout ce Prince , qui trompant sa
vigilance , s'est échappé de la. Forêt où il a été
nourri par une Chévre , comme le porte L'étimologie
de son nom , arrive dans le Camp d'Atrée,
et s'entretient à la faveur de la nuit avec Arcas
son ancien ami ; il s'informe d'abord de la situation
de Thyeste , frere d'Atrée , son premier et
véritable Maître. Arcas lui apprend que Thyeste
secouru par Tyndare , Roy de Sparthe , avoit
remporté de grands et de nombreux avantages
snr . Atrée, mais qu'un jeune inconnu étant venu
offrir le secours de son bras à ce dernier , avoit
ramené la victoire sous ses étendarts ; il ajoute
que Thyeste réduit au désespoir et craignant
d'être trop long- temps à charge à son Protecteur
, venoit de défier ce jeune conquerant à un
combat singulier. Sostrate lui demande le nom
de cet inconnu ; il lui répond , qu'il s'appelle
Ægysth:. A et nom , Sostrate frémit d'horreur
a
Hiiij
il
1640 MERCURE DE FRANCE
il reconnoit que le fils va combatre le pere ; il no
s'explique point avec Arcas sur un secret qu'il a
juré de garder ; mais il lui dit , que s'il est aussi
fidele à Thyeste qu'il le lui a pare autrefois , il
faut qu'il lui porte un Billet, et lui parle ainsi
Tu ne peux pour Thyeste , être assez empressé,
Mais il faut qu'un billet par moi-même tracé ,
Me rende dans son coeur ma premiere innocence ,
Ab si ces lieux encor n'exigeoient ma présence ¿
Combienje t'envierois le soin de le porter!
Qu'avec joie à ses yeux j'irois me présenter !
ኑ
Il fait connoître par- là aux Spectateurs qu'il
veut parler à Ægysthe,s'il en peut trouver l'occasion.
L'arrivée d'Atrée fait retirer Sostrate et Arcas,
et la Scene finit par ce Vers que Sostrate dit:
Vien ;pressons ton départ ; Dieux, daignez le conduire.
1
Atrée fait la seconde exposition du Sujet , pour ,
préparer le Spectateur à un caractere aussi nois
que celui qu'il va voir sur la Scene ,
l'Auteur.
met ces Vers dans la bouche même de son Acteur
, dont l'origine remonte jusqu'à Jupiter.
De mon coeur irrité les transports furieux ,
Plus que mon Throne encor me rapprochent des
Dieux.
ILST
Qu'il est beau qu'un mortel puisse tout mettre en
poudre
Chaque fois qu'il se vange, il croit lancer lafoudre."
C'est peu d'être au dessus des Rois les plus puissans
Montrons à l'Univers de quel Dieu je descends ;
Son
JUILLET. 1733. 1641
Son Empire comprend et le Ciel et la Terre ;
Au gré de sa vangeance , il lance le tonnerre ,
Et moi j'aime àporter de si terribles coups ,
Que Jupiter lui-même en puisse être jaloux !
Atrée fait entendre à Eurimedon, son confident
que cette Pélopée qui passe pour sa fille , est fille
de Thyeste , par ces deux Vers :
Mais mafille au tombeaus m'ayant étéravie ,
La sienne en même temps prit sa place et son nom.
Eurimedon est frappé de ce qu'Atrée lui apprend,
attendu qu'il avoit consenti autrefois que Thyeste
l'épousa. Quoi ? lui dit - il , vous pouviez lui
faire un si funeste don ?
Atrée après avoir fair connoître comment la
fille de Thyeste qui passe pour sa propre fille
avoit été misee
entre ses mains , et par ce même
Eurimedon , à qui il parle actuellement , lui dit :
Apprends quel fruit heureux j'attendois de mon
crime.:
Il lui fait connoître que par cet Hymen il esperoit
détacher Tyndare du parti de Thyeste,attendu
que ce dernier ne lui avoit prêté som secours
pour le faire remonter au Thrône d'Argos
que son frere avoit usurpé sur lui , qu'à condition
qu'il y placeroit Clytemnestre sa fille , il fi
nit Pétalage de sa politique par ces Vers :
La vangeance toujours a de quoi satisfaire ;
Mais c'étoit peu pour moi , j'en voulois un salaire
Et dans l'artde regner c'est être vertueux,
Que n'entreprendre rien qui soit infructurux.
Hv
On
1642 MERCURE DE FRANCE
On expose encore dans cette Scene le défi dont '
on a parlé, dans lapremiere,et l'amour d'Ægysthe
pour Pelopée; amour dont Atrée veut se prévaloir
pour le mieux engager à donner la mort
à Thyeste.
Eurylas , Capitaine des gardes d'Atrée , vient
lui apporter un billet qu'on a intercepté , c'est le
même dont on a parlé dans la premiere Scen
en voici le contenu •
Choisissez mieux vos ennemis.
Vouspréservent les Dieux d'un combat si funeste
Fremissez, malheureux Thyeste ,
Egyssthe est votre Fils.
Sostrate.
M
67
Afrée triomphe par avance du parricide qu'
gysthe va commettre, il ordonne à Eurylas d'aller
faire venir ce Prince qui ne se connoit pas
core lui même. Il dit à Eurimedon de ne rien oublier
pour découvrir Sostrate et pour s'en as--
surer.
en
Ægysthe vient; il se refuse au combat où Atrée
l'invite,et fonde ce refus sur le respect qu'il garde
pour les Rois , et sur tout pour un sang aussi
précieux que celui qu'il veut lui faire répandre ;
Atrée le pressant toujours plus vivement, Egys
the dit :
Ciel ! contre ma vertu que d'ennemis ensemble !
Et les Dieux et les Rois contre moi tout s'assemble.
Les Dieux , si l'on m'afait unfile rapport,
Aux crimes les plus noirs ont enchaîné mon sort ,
J'ose pourtant lutter contre leur Loy suprême , &c.
Ægysthe
JUILLET. 1733 1643
•
gysthe dans cet endroit fait connoître quelle
a été son éducation ; mais il ne peut rien dire
de sa naissance qu'on lui a laissé ignorery Atrée
ne pouvant le porter à remplir sa vengeance
employe enfin le plus puissant motif qui est celui
de l'amour donr Egysthe brule pour Pélopée
voici par où il finit cette Scene :[/
"
Ilaudroit pour placer son coeur en si haut rang,
qui monter à la source où l'on puisa son sang, gibot
Dais faites de ma fille une juste conquête t
the our le prix de sa main , je ne veux qu'unt tête,
" Vous m'entendez , adieu , je vous laisse y penser
Et je n'attends qu'un mot pour vous récompenser.
.<
2
gysthe frémit du projet d'Atrée, il voudroit
sy refuser,, mais son amour pour Pelopée l'emporte
sur sa répugnance ; on expose dans cette
Scene comment ce Prince a vu Pelòpée pour la
premiere fois , on y parle des leçons qu'il a re
çues de Sostrate.dans les Forêts où il a été élevés
l'Amour lui fait tout oublier ; il finit l'Acte par
ces Vers :
25.00
Et je renoncerois au prix de ma victoire
Quand l'amour
gloire
mais que dis-je ? il y va de ma
On m'appelle au combat, sij'avois reculé,
Thyeste hautement diroit que j'ai tremble , I
Car enfin , au Combat c'est lui qui me défie ;
Qui peut me condamner quand il me justifie ?
N'en déliberons plus ; allons , cherchons le Roi ,
Et qu'au gré de sa haine il dispose de moi.
H vj Nous
164 MERCURE DE FRANCE
€
Nous avons été obligez de nous étendre dans
Set Acte , dont les deux tiers se passent en expo
Sitions nécessaires.
2
11 ct af 3 20
Pelopée ouvre la Scene du second Acte avec
Phoenice , sa Confidente ; elle
qu'elle a fait avertir ; elle fait
attend Ægystho
connotre l'inte
rêt qu'elle prend dans le péril qui menace Thyes
te ; elle déclare son hymen secret avec lui ; elle
parle d'un fils qu'elle cut de cet hymen , elle ra
conte un songe terrible qu'elle fit au sujet de ce
fils. Le voicist
A peine la lumiere
rauke hang of tw.I
03
De cefils malheureux vint frapper la paupiere
Que l'éclat de la foudre , au milieu des éclairs
D'un vaste embrasement menaça l'Univers.
Jour affreux jour suivi d'une nuit plus terri blet
De Spectres entassés un assemblage horrible ,
Dans un songe funeste effrayant mes regards:
Pret a fondre sur moi , vole de coutes parts.
Je vois une Furie et mon Ayeul Tantale
Qu'elle force à sortir de la nuit infernale ;
La barbare sur lui versant son noir poison
Lui fait un autre enfer de sa propre maison .
Cette ombre infortunée après soi traîne encore,
Et la faim et la soifdont l'ardeur la dévore :
Elle approche . Le fruit de mon malheureux flanc
La nourrit de carnage et l'abbreuve de sang ;
Phénice à cet aspect le sommeil m'abandonne,
5
Mais
JUILLET. 1733. 1645
Mais non la juste horreur , dont encor je fuissonne:
!
-Relopée apprend à Phoenice que ce songe terrible
l'obligea à consulter l'Oracle d'Apollon ;
que ce Dicu lui annonça que son Fils étoit
menacé d'inceste et de parricide ; elle ajoûte
qu'elle confia ce malheureux enfant à Sostrate ,
qui l'enleva à l'insçu de Thyeste son pere , avec
Ordre de ne le jamais instruire de son sort.
Dans la Scene suivante , Pelopée détourne Egysthe
du Combat qu'il va entreprendre contre
Thyeste. Elle lui parle d'une maniere si pathetique
, qu'il lui jure que sa main ne se trempera
jamais dans le sang de Thyeste ; elle finit la
Scene par ces Vers :
Ah ! Seigneur , croyez que Pelopée ;
Malgré le tendre am amour dont vous êtes épris ,
N'est pas de vos Vertus un assez digne prix .
Egysthe explique cès Vers en faveur de son
amour , &c. Il prie Atrée de le dispenser d'un
Combat qui fétriroit sa gloire Atrée impute
se changement de résolution à Pelopée ; il veut
lui même aller combattre Thyeste . Pélopée éperdue
prie Egysthe de détourner un Combat si
funeste Egysthe la jette dans de nouvelles al
larmes , en lui disant qu'il va chercher Thyeste
il fait pourtant connoître aux Spectateurs quel
est son dessein par ces Vers équivoques.
Je sçaurai dans cejour
Prendre soin de magloire et ser vir mon amour.
3 Pelopée
1646 MERCURE DE FRANCE
.
Pelopée au désespoir veut suivre Agysthe
Atrée la retient et lui reproche'sa désobéissance ;
Pelopée lui dit que Thyeste lui est plus cher qu'il
ne sçauroit croire. Elle se retire , Attée ordohne
à sa Garde de la suivre.
Ce que Pelopée vient de lui dire lui fait soupe
çonner qu'elle pourroit bien avoir épousé Thyes
te ; il ordonne à Eurimedon de ne rien oublier
pour trouver Sostrate , qui peut seul éclaircir ces
soupçons. 11 finit ce second Acte par ces Vers
37 C
D
Ne descends pas encor dans l'éternelle nuit
Thyeste , de ta mort je perdrois tout le fruit ;
Nefût-ce qu'un moment , jouis de la lumiere
Pour sçavoir quels forfaits terminent ta carriere ;
Pour la premiere fois je fais pour toi des voeux
Tremble , c'est pour te rendre encor plus malheu
* reux .
Thyeste prisonnier , commence le troisiéme
Acte par ces Vers :: ~
1
I
Fortune , contre moi des long-tems conjurée ,
Triomphe , me voici dans les prisons d'Atrée
Dieux cruels , dont le bras appesanti sur moi
Afait à votre honte un Esclave d'un Roieng
Dieux injustes , en vain ma chûre est votre ou
vrage ,
Vous n'avezpas encore abbaissé mon courage, &L.
Il instruit les Spectateurs de ce qui s'est passé
dans son Combat contre gysthe, qu'il croit ne
l'avoir épargné que pour réserver au barbare
Atrés le plaisir de lui donner la mort. Il expose
Ge
JUILLET. 1733 . 1647.
ce que les Dieux lui ont annoncé autrefois quand
il les a consultez sur le moyen de se vanger d'A-l
trée , voici l'Oracle :
Argos rentrera sous ta loy
Far un Fils qui naîtra de ta fille et de toi.
Il dit à Arbate que ce fût pour éviter cet abominable
inceste qu'il le chargea lui- même du
soin d'égorger sa Fille dans l'âge le plus tendre,
&c. Pelopée vient apprendre à Thyeste qu'Atrée
, qu'elle croit son Pere , est prês à faire la
paix avec lui , pourvû qu'il l'épouse ; elle lui dit ,
qu'il n'a qu'à lul déclarer son Hymen. Thyeste
lai deffend de reveler un secret , qui faisant voir
à Tyndare qu'il l'a trompé , le deshonoreroit à
ses yeux , et obligeroit ce Prince de l'abandon-,
ner à toute la fureur d'Atrée, qui n'a point d'autre
dessein que de le priver de tout secours ; il
parle de la mort de ce fils malheureux , que Sostrate
lui a enlevé , et il ne doute pas qu'Atrée në
l'ait fait égorger.
Ægysthe vient annoncer à Thyeste que tout
menace sa vie , et qu'Atrée plus furieux que ja
mais , viendra le chercher même dans sa Tente ;
il ajoute qu'il deffendra ses jours , ou qu'il
mourra avec lui. La Nature qui parle dans le
coeur du Pere et du Fils , excite entr'eux de tendres
transports , qui tiennent lieu de reconnoissance
anticipée. Atrée arrive , Egysthe prie
Thyeste de rentrer dans sa Tente , de peur que
sa vuë ne redouble encore la fureur d'un frere si
dénaturé.
Atrée demande à Egysthe d'où vient qu'il lui
cache si long - tems sa victime la première moisié
de ce Dialogue est fiere de part et d'autre ;
Egysthe
1648 MERCURE DE FRANCE
Egysthe a enfin recours à la priere, Atrée prend
le parti de la dissimulation ; ll feint de se rendre,
mais il dit auparavant à Ægysthe qu'il lui en
coûtera plus qu'il ne pense ; Egysthe lui répond
qu'il ne sçauroit trop payer le sacrifice qu'il
veut bien lut faire de son inimitié. Atrée lui dir
qu'il consent à la paix , à condition que Thyeste
réparera l'affront dont il l'a fait rougir trop
long-tems : qu'il vous épouse , dit- il à Pelopée ;::
Egysthe et Petopée sont également frappés de
cette proposition , quoique par differens motifs..
Atrée jouissant de leur trouble , dit à Ægyste ,
d'un ton presque insultant :
> J'entends vous gémissez du coup que je vous
porte ;
Mais l'union des coeurs plus que tout vous importe;
Vous demandez la Paix , je la donne à ce prix,
Prenez à votre tour un conseil que j'ai pris ;
Faites-vous violence ; on a bien moins de peine :
A vaincre son amour , qu'à surmonter sa haine.
Atrée porte enfin le dernier coup à Ægisthe
par cet hemistiche , en parlant de Thyeste :
Il aime , autant qu'il est aimé.
Egysthe devient furieux ; Arrée lui dit que ce
n'est que de ce jour qu'il a penetré un secret si
fatal et le quitte,en lu disant :
Si vous êtes trahi ; je n'en suis point complice ;
Et je laisse en vos mains la grace , ou le supplice.
Egysthe reproche à Pelopée son manque de
foy
JUILLET. 1732... 1649
foy ; elle lui dit qu'elle ne lui a rien promis ; elle
s'explique ainsi :
Quel serment ! quel reproche ! est - ce trahir ma foi ;
Que mettre vos veriùs à plus haut prix que moi ?
Ce dernier Vers se rapporte à
Acte ou Pelopée lui a dit :
ceux du second
Ah ! Seigneur , croyez que Pelopée ,
Malgré le tendre amour dont vous êtes épris ,
N'est pas de vos vertus un assez digne prix.
Elle ajoûte encore :
Votre amour est allé plus loin que ma pensée ,
Et j'étois dans l'erreur assez interessée ;
Pour ne la pas détruire , et pour m'en prévaloir.
La tromperie qu'elle lui a faite , et sur tout la
préférence qu'elle donne à son Rival , l'empêchent
d'écouter sa justification ; tout ce qu'elle
lui dit jette le désespoir dans son coeur ; son
aveugle fureur s'exhale en murmures contre les
Dieux , et lui met ces Vers dans la bouche ,
Vous serez satisfaits, Dieux , qui dès ma naissance
Avez tous conspiré contre mon innocence ;‹ "
J'adopte vos decrets et mes transportsjaloux ,
Pour les justifier iront plus loin que vous.
Il la quitte transporté de rage ; elle le suit , e
finit l'Acte par ces Vers :
Allons ; suivons ses pas ,
1650 MERCURE DE FRANCE
Et ne pouvant sauver un Epoux que j'adore ,
Offrons à ses Bourreaux une victime encore.
Atrée commence par ces Vers le quatriémo
Acte.
Enfin voici le jour où le crime et l'horreur ,
Vont regner en ces lieux au gré de ma fureur.
Ce n'est pas ton secours qu'ici ma haine implore ,
Soleil , si tu le veux , pális , recule encore ;
Cefunesie chemin par moi-même tracé, “
De répandre tes feux , t'a déja dispensé ;
Va , fui , pour exercer mes noires barbaries
J'ai besoin seulement du flambeau de Furies.
Ce qu'il dit dans la suite expose le plan de la
vengeance qu'il médite , il ne s'agit pas moins
que de faire périr tous ses Ennemis les uns par les
autres , il finit cette terrible Scene par ce regres
digne de sa foreur.
D
ev l'avouerai qué ma joye eût été plus entiere ,
Si Thieste , touchant à son heure derniere,
Par moi-même eût appris que pour trancher se
jours ,
De la main de sonfils j'empruntai le secours ;
Mais je crains qu'à leurs yeux ce grand secret n'éclatte
;
Un moment`auprès d'eux peut conduire Sostrate ;
Ce moment me perdroit ; il faut le prévenir ;
Craignons , pour trop vouloir , de ne rien obtenir :
Tyndare n'est pas loin et déja l'on murmure ;
JUILLET. 1733 1651
1733..
#
Laplus prompte vengeance enfin est la plus sûre ;
Oui de mes ennemis prêcipitons la mort .
Qu'importe, en expirant qu'ils ignorent leur sort
Bien- tôt dans le séjour des Ombres criminelles .
On va leur dévoiler des horreurs éternelles ;
Aussi-tôt quefermez , leurs yeux seront ouverts ;
Ils se reconnoîtront tous trois dans les Enfers.
Il a déja fait entendre à Eurimédon, qu'il retient
Pélopée dans sa Tente , de peur qu'elle n'attendrisse
gisthe ; et voyant approcher cet
Amant jaloux , il se détermine à continuer une
dissimulation qui vient de lui être si utile dans
P'Acte précedent ; il feint d'être désarmé par les
pleurs de Pélopée , et prie Agysthe de consentir..
à l'hymen de cette Princesse avec Thyeste, cette
priere rend Egysthe encore plus furieux . Atrée
Payant mis dans la disposition où il le souhaite,
lui dit enfin en le quittant ;
Plus que vous à vous servir fidelle ,
Je veux bien hazarder cette épreuve nouvelle ;
J'abandonne Thyeste à tout votre courroux ;
Mais prêt à lefrapper , répondez bien de vous ;
C'est à vous désormais que je le sacrifie ,
Et si votre tendresse encor le justifie ‚
J'explique cet Arrêt en faveur de ses feux ;
Je renonce à ma haine , et je lè rends heureux.
Ægysthe s'abandonne tout entier à sa jalouse
rage ; Antenor vient et lui demande s'il est vrai
qu'on va immoler Thyeste ; Agysthe le rassure
on
1652 MERCURE DE FRANCE
en apparence en lui ordonnant de lui faire rendre
ses armes . Antenor transporté de joye , lui
témoigne combien Sostrate , son sage Gouverneur
, sera charmé de voir cet heureux fruit
de ses leçons. Au nom de Sostrate , Ægysthe est
frappé. Quel nom , lui dit -il , prononces - tu ?
Antenor lui répond , qu'il croit l'avoir vû s'avançant
vers sa Tente ; mais qu'ayant apperçu des
Soldats , il s'est retiré de peur d'être reconnu.
On doit sçavoir gré à l'Auteur d'avoir rappellé
aux Spectateurs le souvenir de ce même Sostrate
qu'il n'a vu que dans la premiere Scene. Je vous
entends , grands Dieux , dit Egysthe dans un à
parte. Il ordonne à Antenor de ne point perdre
de temps pour remettre Thyeste en liberté, avant
que Sostrate se presente à ses yeux , & c. Egyste
se détermine à presser sa vengeance.
Thyeste vient , pénetré de reconnoissance pour
Egysthe; mais sajoye est de peu de durée . Egys
the lui apprend qu'il est devenu son mortel ennemi
, depuis qu'il a appris qu'il est son Rival ; il
lui dit que des que la nuit pourra cacher sa fuite,
il le fera conduire dans le Camp de Tyndare , et
qu'il s'y rendra lui - même pour lui redemanderce
sang qu'il a pú répandre : cette Scene est une
des plus touchantes de la Piece ; chaque mot ne
sert qu'à irriter Egysthe de plus en plus . Ils par
tent enfin , l'un pour donner la mort , l'autre pour
la recevoir , sans se deffendre , lorsque ce Sostrate
qui vient d'être annoncé avec tant d'art , les
arrête et leur apprend leur sort . Cette recon- ¿
noissance a tiré des larmes aux plus insensibles ;
Egysthe apprenant que Pelopée est sa mere
change son amour en tendresse filiale. Sostrate
lui apprend qu'Atrée lui donnera la mort s'il
met le pied dans sa Tente , et que ce cruel a sur-
?
pris
JUILLET. 1733. 1653
pris un Billet de sa main , qui l'a instruit de sa
naissance. Egyste furieux veut aller donner la
mort â ce barbare ; mais Thyeste retient cette
impétuosité. On finit ce bel Acte par la résolution
qu'on prend de répandre le bruit de la mort
de Thyeste , er de tromper Pelopée même par
ce bruit , afin que l'excès de sa douleur fasse
mieux passer la feinte pour une verite , cependant
Egysthe ordonne à Sostrate de partir pour
le Camp de Tyndare , avec les instructions né
cessaires.
Cet Extrait n'étant déja que trop long, nous ne
dirons qu'un mot du cinquiéme Acte ; Atrée le
commence , il doute de la mort de Thyeste ,
malgré le soin qu'on a pris d'en répandre le
bruit ; d'ailleurs le Pere vivant encore dans un
fils plus terrible , il n'a pas lieu d'être tranquille ,
il apprend à Eurimedon ce que Sostrate a dit
dans l'Acte précedent ; sçavoir , qu'il a donné ordre
de faire périr Ægysthe , s'il entre dans sa
Tente. Pelopée vient. Atrée pour commencer à
goûter les fruits de sa vengeance , lui annonce la
mort de Thyeste ; elle ne croit plus avoir de ménagement
à garder , elle apprend à Atrée que 3
Thyeste étoit son Epoux , ce qui le met au com,
ble de la joye ; il lui dit en la quittant :
Egysthe.... à ce seul nom, tremble ; dès aujourd'hui,
Par des noeuds éternels je veux t'unir à lui.
Pelopée au désespoir , se resout à souffrir plu
tôt mille morts , qu'à consentir à l'hymen qu'Atrée
vient de lui annoncer sous des termes dont'
les Spectateurs ont bien senti l'équivoque , &c.
Egysthe arrive ; il veut se retirer à la vue de sa
Mere ; elle l'arrête et lui donne les noms les plus
execrables ,
1651 MERCURE DE FRANCE
།
execrables ; il ne peut plus les soutenir ; il lui
apprend que Thyeste est sauvé, et que dans le
temps qu'il alloit le combattre , il a appris que
son Rival étoit son Pere. Cette derniere reconnoissance
n'a pas moins attendri que la premiere.
Sostrate annonce à Egysthe que le secours de
Tyndare est arrivé ; Ægysthe va se mettre à la
tête des Soldats et ordonne à Sostrate de garder
sa Mere ; on vient annoncer à Pelopée la mort
d'Atrée ; cet irréconciliable ennemi de Thyeste
vient expirer sur le Théatre, mais c'est pour por
ter le dernier coup ¿ son frere ; il lui apprend que
Pelopée est sa fille et en apporte pour preuve le
témoignage d'Eurimedon et d'Arbaste , qui se
trouvent présens sur la Scene ; pour confirma
tion de preuve , Thyeste lui dit :
Va , j'en croisplus encor les Oracles des Dieux.
pour la premiere fois , la Tragedie de
Pélopée. Cette Piece , dont M. le Chevalier Pellegrin
est l'Autheur , fut reçue avec un applaudissement
général , et fit esperer un grand succès
malAJUILLET.
1733.
1733. 1539
malgré Pincommodité de la saison ; nous
Croions que nós Lecteurs en verront l'Extrait
avec plaisir.
Le sujet de ce Poëme se trouve dans Servius
dans Lactance , et dans Hygin . Ce dernier en raconte
les Evenemens de deux manieres. Il dit au
chap. 87. avec la plus part des Autheurs , que
Pinceste de Thyeste fut volontaire , attendu qu'uff
Oracle lui avoit prédit qu'un fils qui naîtroit dé
så fille et de lui , le vangeroit d'Atrée , son frete.
Mais dans le Chapitre suivant le même Hygia
met un correctif à une action si horrible , et dit
que Thyeste viola sa fille Pélopée sans la connoître.
L'Auteur a pris ce dernier parti , et y a
ajouté un nouveau correctif pour la décence da
Theatre.
Au premier Acte, Sostrate, Gouverneur d'Agyste
cherchant par tout ce Prince , qui trompant sa
vigilance , s'est échappé de la. Forêt où il a été
nourri par une Chévre , comme le porte L'étimologie
de son nom , arrive dans le Camp d'Atrée,
et s'entretient à la faveur de la nuit avec Arcas
son ancien ami ; il s'informe d'abord de la situation
de Thyeste , frere d'Atrée , son premier et
véritable Maître. Arcas lui apprend que Thyeste
secouru par Tyndare , Roy de Sparthe , avoit
remporté de grands et de nombreux avantages
snr . Atrée, mais qu'un jeune inconnu étant venu
offrir le secours de son bras à ce dernier , avoit
ramené la victoire sous ses étendarts ; il ajoute
que Thyeste réduit au désespoir et craignant
d'être trop long- temps à charge à son Protecteur
, venoit de défier ce jeune conquerant à un
combat singulier. Sostrate lui demande le nom
de cet inconnu ; il lui répond , qu'il s'appelle
Ægysth:. A et nom , Sostrate frémit d'horreur
a
Hiiij
il
1640 MERCURE DE FRANCE
il reconnoit que le fils va combatre le pere ; il no
s'explique point avec Arcas sur un secret qu'il a
juré de garder ; mais il lui dit , que s'il est aussi
fidele à Thyeste qu'il le lui a pare autrefois , il
faut qu'il lui porte un Billet, et lui parle ainsi
Tu ne peux pour Thyeste , être assez empressé,
Mais il faut qu'un billet par moi-même tracé ,
Me rende dans son coeur ma premiere innocence ,
Ab si ces lieux encor n'exigeoient ma présence ¿
Combienje t'envierois le soin de le porter!
Qu'avec joie à ses yeux j'irois me présenter !
ኑ
Il fait connoître par- là aux Spectateurs qu'il
veut parler à Ægysthe,s'il en peut trouver l'occasion.
L'arrivée d'Atrée fait retirer Sostrate et Arcas,
et la Scene finit par ce Vers que Sostrate dit:
Vien ;pressons ton départ ; Dieux, daignez le conduire.
1
Atrée fait la seconde exposition du Sujet , pour ,
préparer le Spectateur à un caractere aussi nois
que celui qu'il va voir sur la Scene ,
l'Auteur.
met ces Vers dans la bouche même de son Acteur
, dont l'origine remonte jusqu'à Jupiter.
De mon coeur irrité les transports furieux ,
Plus que mon Throne encor me rapprochent des
Dieux.
ILST
Qu'il est beau qu'un mortel puisse tout mettre en
poudre
Chaque fois qu'il se vange, il croit lancer lafoudre."
C'est peu d'être au dessus des Rois les plus puissans
Montrons à l'Univers de quel Dieu je descends ;
Son
JUILLET. 1733. 1641
Son Empire comprend et le Ciel et la Terre ;
Au gré de sa vangeance , il lance le tonnerre ,
Et moi j'aime àporter de si terribles coups ,
Que Jupiter lui-même en puisse être jaloux !
Atrée fait entendre à Eurimedon, son confident
que cette Pélopée qui passe pour sa fille , est fille
de Thyeste , par ces deux Vers :
Mais mafille au tombeaus m'ayant étéravie ,
La sienne en même temps prit sa place et son nom.
Eurimedon est frappé de ce qu'Atrée lui apprend,
attendu qu'il avoit consenti autrefois que Thyeste
l'épousa. Quoi ? lui dit - il , vous pouviez lui
faire un si funeste don ?
Atrée après avoir fair connoître comment la
fille de Thyeste qui passe pour sa propre fille
avoit été misee
entre ses mains , et par ce même
Eurimedon , à qui il parle actuellement , lui dit :
Apprends quel fruit heureux j'attendois de mon
crime.:
Il lui fait connoître que par cet Hymen il esperoit
détacher Tyndare du parti de Thyeste,attendu
que ce dernier ne lui avoit prêté som secours
pour le faire remonter au Thrône d'Argos
que son frere avoit usurpé sur lui , qu'à condition
qu'il y placeroit Clytemnestre sa fille , il fi
nit Pétalage de sa politique par ces Vers :
La vangeance toujours a de quoi satisfaire ;
Mais c'étoit peu pour moi , j'en voulois un salaire
Et dans l'artde regner c'est être vertueux,
Que n'entreprendre rien qui soit infructurux.
Hv
On
1642 MERCURE DE FRANCE
On expose encore dans cette Scene le défi dont '
on a parlé, dans lapremiere,et l'amour d'Ægysthe
pour Pelopée; amour dont Atrée veut se prévaloir
pour le mieux engager à donner la mort
à Thyeste.
Eurylas , Capitaine des gardes d'Atrée , vient
lui apporter un billet qu'on a intercepté , c'est le
même dont on a parlé dans la premiere Scen
en voici le contenu •
Choisissez mieux vos ennemis.
Vouspréservent les Dieux d'un combat si funeste
Fremissez, malheureux Thyeste ,
Egyssthe est votre Fils.
Sostrate.
M
67
Afrée triomphe par avance du parricide qu'
gysthe va commettre, il ordonne à Eurylas d'aller
faire venir ce Prince qui ne se connoit pas
core lui même. Il dit à Eurimedon de ne rien oublier
pour découvrir Sostrate et pour s'en as--
surer.
en
Ægysthe vient; il se refuse au combat où Atrée
l'invite,et fonde ce refus sur le respect qu'il garde
pour les Rois , et sur tout pour un sang aussi
précieux que celui qu'il veut lui faire répandre ;
Atrée le pressant toujours plus vivement, Egys
the dit :
Ciel ! contre ma vertu que d'ennemis ensemble !
Et les Dieux et les Rois contre moi tout s'assemble.
Les Dieux , si l'on m'afait unfile rapport,
Aux crimes les plus noirs ont enchaîné mon sort ,
J'ose pourtant lutter contre leur Loy suprême , &c.
Ægysthe
JUILLET. 1733 1643
•
gysthe dans cet endroit fait connoître quelle
a été son éducation ; mais il ne peut rien dire
de sa naissance qu'on lui a laissé ignorery Atrée
ne pouvant le porter à remplir sa vengeance
employe enfin le plus puissant motif qui est celui
de l'amour donr Egysthe brule pour Pélopée
voici par où il finit cette Scene :[/
"
Ilaudroit pour placer son coeur en si haut rang,
qui monter à la source où l'on puisa son sang, gibot
Dais faites de ma fille une juste conquête t
the our le prix de sa main , je ne veux qu'unt tête,
" Vous m'entendez , adieu , je vous laisse y penser
Et je n'attends qu'un mot pour vous récompenser.
.<
2
gysthe frémit du projet d'Atrée, il voudroit
sy refuser,, mais son amour pour Pelopée l'emporte
sur sa répugnance ; on expose dans cette
Scene comment ce Prince a vu Pelòpée pour la
premiere fois , on y parle des leçons qu'il a re
çues de Sostrate.dans les Forêts où il a été élevés
l'Amour lui fait tout oublier ; il finit l'Acte par
ces Vers :
25.00
Et je renoncerois au prix de ma victoire
Quand l'amour
gloire
mais que dis-je ? il y va de ma
On m'appelle au combat, sij'avois reculé,
Thyeste hautement diroit que j'ai tremble , I
Car enfin , au Combat c'est lui qui me défie ;
Qui peut me condamner quand il me justifie ?
N'en déliberons plus ; allons , cherchons le Roi ,
Et qu'au gré de sa haine il dispose de moi.
H vj Nous
164 MERCURE DE FRANCE
€
Nous avons été obligez de nous étendre dans
Set Acte , dont les deux tiers se passent en expo
Sitions nécessaires.
2
11 ct af 3 20
Pelopée ouvre la Scene du second Acte avec
Phoenice , sa Confidente ; elle
qu'elle a fait avertir ; elle fait
attend Ægystho
connotre l'inte
rêt qu'elle prend dans le péril qui menace Thyes
te ; elle déclare son hymen secret avec lui ; elle
parle d'un fils qu'elle cut de cet hymen , elle ra
conte un songe terrible qu'elle fit au sujet de ce
fils. Le voicist
A peine la lumiere
rauke hang of tw.I
03
De cefils malheureux vint frapper la paupiere
Que l'éclat de la foudre , au milieu des éclairs
D'un vaste embrasement menaça l'Univers.
Jour affreux jour suivi d'une nuit plus terri blet
De Spectres entassés un assemblage horrible ,
Dans un songe funeste effrayant mes regards:
Pret a fondre sur moi , vole de coutes parts.
Je vois une Furie et mon Ayeul Tantale
Qu'elle force à sortir de la nuit infernale ;
La barbare sur lui versant son noir poison
Lui fait un autre enfer de sa propre maison .
Cette ombre infortunée après soi traîne encore,
Et la faim et la soifdont l'ardeur la dévore :
Elle approche . Le fruit de mon malheureux flanc
La nourrit de carnage et l'abbreuve de sang ;
Phénice à cet aspect le sommeil m'abandonne,
5
Mais
JUILLET. 1733. 1645
Mais non la juste horreur , dont encor je fuissonne:
!
-Relopée apprend à Phoenice que ce songe terrible
l'obligea à consulter l'Oracle d'Apollon ;
que ce Dicu lui annonça que son Fils étoit
menacé d'inceste et de parricide ; elle ajoûte
qu'elle confia ce malheureux enfant à Sostrate ,
qui l'enleva à l'insçu de Thyeste son pere , avec
Ordre de ne le jamais instruire de son sort.
Dans la Scene suivante , Pelopée détourne Egysthe
du Combat qu'il va entreprendre contre
Thyeste. Elle lui parle d'une maniere si pathetique
, qu'il lui jure que sa main ne se trempera
jamais dans le sang de Thyeste ; elle finit la
Scene par ces Vers :
Ah ! Seigneur , croyez que Pelopée ;
Malgré le tendre am amour dont vous êtes épris ,
N'est pas de vos Vertus un assez digne prix .
Egysthe explique cès Vers en faveur de son
amour , &c. Il prie Atrée de le dispenser d'un
Combat qui fétriroit sa gloire Atrée impute
se changement de résolution à Pelopée ; il veut
lui même aller combattre Thyeste . Pélopée éperdue
prie Egysthe de détourner un Combat si
funeste Egysthe la jette dans de nouvelles al
larmes , en lui disant qu'il va chercher Thyeste
il fait pourtant connoître aux Spectateurs quel
est son dessein par ces Vers équivoques.
Je sçaurai dans cejour
Prendre soin de magloire et ser vir mon amour.
3 Pelopée
1646 MERCURE DE FRANCE
.
Pelopée au désespoir veut suivre Agysthe
Atrée la retient et lui reproche'sa désobéissance ;
Pelopée lui dit que Thyeste lui est plus cher qu'il
ne sçauroit croire. Elle se retire , Attée ordohne
à sa Garde de la suivre.
Ce que Pelopée vient de lui dire lui fait soupe
çonner qu'elle pourroit bien avoir épousé Thyes
te ; il ordonne à Eurimedon de ne rien oublier
pour trouver Sostrate , qui peut seul éclaircir ces
soupçons. 11 finit ce second Acte par ces Vers
37 C
D
Ne descends pas encor dans l'éternelle nuit
Thyeste , de ta mort je perdrois tout le fruit ;
Nefût-ce qu'un moment , jouis de la lumiere
Pour sçavoir quels forfaits terminent ta carriere ;
Pour la premiere fois je fais pour toi des voeux
Tremble , c'est pour te rendre encor plus malheu
* reux .
Thyeste prisonnier , commence le troisiéme
Acte par ces Vers :: ~
1
I
Fortune , contre moi des long-tems conjurée ,
Triomphe , me voici dans les prisons d'Atrée
Dieux cruels , dont le bras appesanti sur moi
Afait à votre honte un Esclave d'un Roieng
Dieux injustes , en vain ma chûre est votre ou
vrage ,
Vous n'avezpas encore abbaissé mon courage, &L.
Il instruit les Spectateurs de ce qui s'est passé
dans son Combat contre gysthe, qu'il croit ne
l'avoir épargné que pour réserver au barbare
Atrés le plaisir de lui donner la mort. Il expose
Ge
JUILLET. 1733 . 1647.
ce que les Dieux lui ont annoncé autrefois quand
il les a consultez sur le moyen de se vanger d'A-l
trée , voici l'Oracle :
Argos rentrera sous ta loy
Far un Fils qui naîtra de ta fille et de toi.
Il dit à Arbate que ce fût pour éviter cet abominable
inceste qu'il le chargea lui- même du
soin d'égorger sa Fille dans l'âge le plus tendre,
&c. Pelopée vient apprendre à Thyeste qu'Atrée
, qu'elle croit son Pere , est prês à faire la
paix avec lui , pourvû qu'il l'épouse ; elle lui dit ,
qu'il n'a qu'à lul déclarer son Hymen. Thyeste
lai deffend de reveler un secret , qui faisant voir
à Tyndare qu'il l'a trompé , le deshonoreroit à
ses yeux , et obligeroit ce Prince de l'abandon-,
ner à toute la fureur d'Atrée, qui n'a point d'autre
dessein que de le priver de tout secours ; il
parle de la mort de ce fils malheureux , que Sostrate
lui a enlevé , et il ne doute pas qu'Atrée në
l'ait fait égorger.
Ægysthe vient annoncer à Thyeste que tout
menace sa vie , et qu'Atrée plus furieux que ja
mais , viendra le chercher même dans sa Tente ;
il ajoute qu'il deffendra ses jours , ou qu'il
mourra avec lui. La Nature qui parle dans le
coeur du Pere et du Fils , excite entr'eux de tendres
transports , qui tiennent lieu de reconnoissance
anticipée. Atrée arrive , Egysthe prie
Thyeste de rentrer dans sa Tente , de peur que
sa vuë ne redouble encore la fureur d'un frere si
dénaturé.
Atrée demande à Egysthe d'où vient qu'il lui
cache si long - tems sa victime la première moisié
de ce Dialogue est fiere de part et d'autre ;
Egysthe
1648 MERCURE DE FRANCE
Egysthe a enfin recours à la priere, Atrée prend
le parti de la dissimulation ; ll feint de se rendre,
mais il dit auparavant à Ægysthe qu'il lui en
coûtera plus qu'il ne pense ; Egysthe lui répond
qu'il ne sçauroit trop payer le sacrifice qu'il
veut bien lut faire de son inimitié. Atrée lui dir
qu'il consent à la paix , à condition que Thyeste
réparera l'affront dont il l'a fait rougir trop
long-tems : qu'il vous épouse , dit- il à Pelopée ;::
Egysthe et Petopée sont également frappés de
cette proposition , quoique par differens motifs..
Atrée jouissant de leur trouble , dit à Ægyste ,
d'un ton presque insultant :
> J'entends vous gémissez du coup que je vous
porte ;
Mais l'union des coeurs plus que tout vous importe;
Vous demandez la Paix , je la donne à ce prix,
Prenez à votre tour un conseil que j'ai pris ;
Faites-vous violence ; on a bien moins de peine :
A vaincre son amour , qu'à surmonter sa haine.
Atrée porte enfin le dernier coup à Ægisthe
par cet hemistiche , en parlant de Thyeste :
Il aime , autant qu'il est aimé.
Egysthe devient furieux ; Arrée lui dit que ce
n'est que de ce jour qu'il a penetré un secret si
fatal et le quitte,en lu disant :
Si vous êtes trahi ; je n'en suis point complice ;
Et je laisse en vos mains la grace , ou le supplice.
Egysthe reproche à Pelopée son manque de
foy
JUILLET. 1732... 1649
foy ; elle lui dit qu'elle ne lui a rien promis ; elle
s'explique ainsi :
Quel serment ! quel reproche ! est - ce trahir ma foi ;
Que mettre vos veriùs à plus haut prix que moi ?
Ce dernier Vers se rapporte à
Acte ou Pelopée lui a dit :
ceux du second
Ah ! Seigneur , croyez que Pelopée ,
Malgré le tendre amour dont vous êtes épris ,
N'est pas de vos vertus un assez digne prix.
Elle ajoûte encore :
Votre amour est allé plus loin que ma pensée ,
Et j'étois dans l'erreur assez interessée ;
Pour ne la pas détruire , et pour m'en prévaloir.
La tromperie qu'elle lui a faite , et sur tout la
préférence qu'elle donne à son Rival , l'empêchent
d'écouter sa justification ; tout ce qu'elle
lui dit jette le désespoir dans son coeur ; son
aveugle fureur s'exhale en murmures contre les
Dieux , et lui met ces Vers dans la bouche ,
Vous serez satisfaits, Dieux , qui dès ma naissance
Avez tous conspiré contre mon innocence ;‹ "
J'adopte vos decrets et mes transportsjaloux ,
Pour les justifier iront plus loin que vous.
Il la quitte transporté de rage ; elle le suit , e
finit l'Acte par ces Vers :
Allons ; suivons ses pas ,
1650 MERCURE DE FRANCE
Et ne pouvant sauver un Epoux que j'adore ,
Offrons à ses Bourreaux une victime encore.
Atrée commence par ces Vers le quatriémo
Acte.
Enfin voici le jour où le crime et l'horreur ,
Vont regner en ces lieux au gré de ma fureur.
Ce n'est pas ton secours qu'ici ma haine implore ,
Soleil , si tu le veux , pális , recule encore ;
Cefunesie chemin par moi-même tracé, “
De répandre tes feux , t'a déja dispensé ;
Va , fui , pour exercer mes noires barbaries
J'ai besoin seulement du flambeau de Furies.
Ce qu'il dit dans la suite expose le plan de la
vengeance qu'il médite , il ne s'agit pas moins
que de faire périr tous ses Ennemis les uns par les
autres , il finit cette terrible Scene par ce regres
digne de sa foreur.
D
ev l'avouerai qué ma joye eût été plus entiere ,
Si Thieste , touchant à son heure derniere,
Par moi-même eût appris que pour trancher se
jours ,
De la main de sonfils j'empruntai le secours ;
Mais je crains qu'à leurs yeux ce grand secret n'éclatte
;
Un moment`auprès d'eux peut conduire Sostrate ;
Ce moment me perdroit ; il faut le prévenir ;
Craignons , pour trop vouloir , de ne rien obtenir :
Tyndare n'est pas loin et déja l'on murmure ;
JUILLET. 1733 1651
1733..
#
Laplus prompte vengeance enfin est la plus sûre ;
Oui de mes ennemis prêcipitons la mort .
Qu'importe, en expirant qu'ils ignorent leur sort
Bien- tôt dans le séjour des Ombres criminelles .
On va leur dévoiler des horreurs éternelles ;
Aussi-tôt quefermez , leurs yeux seront ouverts ;
Ils se reconnoîtront tous trois dans les Enfers.
Il a déja fait entendre à Eurimédon, qu'il retient
Pélopée dans sa Tente , de peur qu'elle n'attendrisse
gisthe ; et voyant approcher cet
Amant jaloux , il se détermine à continuer une
dissimulation qui vient de lui être si utile dans
P'Acte précedent ; il feint d'être désarmé par les
pleurs de Pélopée , et prie Agysthe de consentir..
à l'hymen de cette Princesse avec Thyeste, cette
priere rend Egysthe encore plus furieux . Atrée
Payant mis dans la disposition où il le souhaite,
lui dit enfin en le quittant ;
Plus que vous à vous servir fidelle ,
Je veux bien hazarder cette épreuve nouvelle ;
J'abandonne Thyeste à tout votre courroux ;
Mais prêt à lefrapper , répondez bien de vous ;
C'est à vous désormais que je le sacrifie ,
Et si votre tendresse encor le justifie ‚
J'explique cet Arrêt en faveur de ses feux ;
Je renonce à ma haine , et je lè rends heureux.
Ægysthe s'abandonne tout entier à sa jalouse
rage ; Antenor vient et lui demande s'il est vrai
qu'on va immoler Thyeste ; Agysthe le rassure
on
1652 MERCURE DE FRANCE
en apparence en lui ordonnant de lui faire rendre
ses armes . Antenor transporté de joye , lui
témoigne combien Sostrate , son sage Gouverneur
, sera charmé de voir cet heureux fruit
de ses leçons. Au nom de Sostrate , Ægysthe est
frappé. Quel nom , lui dit -il , prononces - tu ?
Antenor lui répond , qu'il croit l'avoir vû s'avançant
vers sa Tente ; mais qu'ayant apperçu des
Soldats , il s'est retiré de peur d'être reconnu.
On doit sçavoir gré à l'Auteur d'avoir rappellé
aux Spectateurs le souvenir de ce même Sostrate
qu'il n'a vu que dans la premiere Scene. Je vous
entends , grands Dieux , dit Egysthe dans un à
parte. Il ordonne à Antenor de ne point perdre
de temps pour remettre Thyeste en liberté, avant
que Sostrate se presente à ses yeux , & c. Egyste
se détermine à presser sa vengeance.
Thyeste vient , pénetré de reconnoissance pour
Egysthe; mais sajoye est de peu de durée . Egys
the lui apprend qu'il est devenu son mortel ennemi
, depuis qu'il a appris qu'il est son Rival ; il
lui dit que des que la nuit pourra cacher sa fuite,
il le fera conduire dans le Camp de Tyndare , et
qu'il s'y rendra lui - même pour lui redemanderce
sang qu'il a pú répandre : cette Scene est une
des plus touchantes de la Piece ; chaque mot ne
sert qu'à irriter Egysthe de plus en plus . Ils par
tent enfin , l'un pour donner la mort , l'autre pour
la recevoir , sans se deffendre , lorsque ce Sostrate
qui vient d'être annoncé avec tant d'art , les
arrête et leur apprend leur sort . Cette recon- ¿
noissance a tiré des larmes aux plus insensibles ;
Egysthe apprenant que Pelopée est sa mere
change son amour en tendresse filiale. Sostrate
lui apprend qu'Atrée lui donnera la mort s'il
met le pied dans sa Tente , et que ce cruel a sur-
?
pris
JUILLET. 1733. 1653
pris un Billet de sa main , qui l'a instruit de sa
naissance. Egyste furieux veut aller donner la
mort â ce barbare ; mais Thyeste retient cette
impétuosité. On finit ce bel Acte par la résolution
qu'on prend de répandre le bruit de la mort
de Thyeste , er de tromper Pelopée même par
ce bruit , afin que l'excès de sa douleur fasse
mieux passer la feinte pour une verite , cependant
Egysthe ordonne à Sostrate de partir pour
le Camp de Tyndare , avec les instructions né
cessaires.
Cet Extrait n'étant déja que trop long, nous ne
dirons qu'un mot du cinquiéme Acte ; Atrée le
commence , il doute de la mort de Thyeste ,
malgré le soin qu'on a pris d'en répandre le
bruit ; d'ailleurs le Pere vivant encore dans un
fils plus terrible , il n'a pas lieu d'être tranquille ,
il apprend à Eurimedon ce que Sostrate a dit
dans l'Acte précedent ; sçavoir , qu'il a donné ordre
de faire périr Ægysthe , s'il entre dans sa
Tente. Pelopée vient. Atrée pour commencer à
goûter les fruits de sa vengeance , lui annonce la
mort de Thyeste ; elle ne croit plus avoir de ménagement
à garder , elle apprend à Atrée que 3
Thyeste étoit son Epoux , ce qui le met au com,
ble de la joye ; il lui dit en la quittant :
Egysthe.... à ce seul nom, tremble ; dès aujourd'hui,
Par des noeuds éternels je veux t'unir à lui.
Pelopée au désespoir , se resout à souffrir plu
tôt mille morts , qu'à consentir à l'hymen qu'Atrée
vient de lui annoncer sous des termes dont'
les Spectateurs ont bien senti l'équivoque , &c.
Egysthe arrive ; il veut se retirer à la vue de sa
Mere ; elle l'arrête et lui donne les noms les plus
execrables ,
1651 MERCURE DE FRANCE
།
execrables ; il ne peut plus les soutenir ; il lui
apprend que Thyeste est sauvé, et que dans le
temps qu'il alloit le combattre , il a appris que
son Rival étoit son Pere. Cette derniere reconnoissance
n'a pas moins attendri que la premiere.
Sostrate annonce à Egysthe que le secours de
Tyndare est arrivé ; Ægysthe va se mettre à la
tête des Soldats et ordonne à Sostrate de garder
sa Mere ; on vient annoncer à Pelopée la mort
d'Atrée ; cet irréconciliable ennemi de Thyeste
vient expirer sur le Théatre, mais c'est pour por
ter le dernier coup ¿ son frere ; il lui apprend que
Pelopée est sa fille et en apporte pour preuve le
témoignage d'Eurimedon et d'Arbaste , qui se
trouvent présens sur la Scene ; pour confirma
tion de preuve , Thyeste lui dit :
Va , j'en croisplus encor les Oracles des Dieux.
Fermer
Résumé : Pelopée, Tragédie nouvelle[.] Extrait. [titre d'après la table]
Le 18 juillet 1733, les Comédiens Français présentèrent pour la première fois la tragédie 'Pélopée', écrite par le Chevalier Pellegrin. La pièce, tirée des récits de Servius, Lactance et Hygin, fut accueillie avec enthousiasme. Hygin relate deux versions des événements : dans la première, Pinceste commet l'inceste volontairement après une prédiction oraculaire ; dans la seconde, Thyeste viole sa fille Pélopée sans la reconnaître. La pièce adopte cette dernière version et y ajoute des correctifs pour la décence théâtrale. Au premier acte, Sostrate, gouverneur d'Agyste, recherche le prince Ægysthe, échappé de la forêt où il a été élevé par une chèvre. Il rencontre Arcas, qui lui apprend que Thyeste, frère d'Atrée, a remporté des victoires grâce à Tyndare, roi de Sparte. Cependant, un jeune inconnu, Ægysthe, a récemment ramené la victoire à Atrée. Thyeste, désespéré, a défié ce jeune homme à un combat singulier. Sostrate reconnaît en Ægysthe son fils et cherche à l'avertir sans révéler son secret. Atrée révèle à Eurimedon que Pélopée, qu'il considère comme sa fille, est en réalité la fille de Thyeste. Il espère que le mariage de Pélopée avec Ægysthe détournera Tyndare du parti de Thyeste. Dans le second acte, Pélopée, accompagnée de Phoenice, sa confidente, attend Ægysthe. Elle révèle son mariage secret avec Thyeste et un songe prémonitoire où elle voit son fils menacé d'inceste et de parricide. Elle confie cet enfant à Sostrate, qui l'élève sans lui révéler son origine. Pélopée convainc Ægysthe de ne pas combattre Thyeste, mais Atrée, soupçonnant la vérité, ordonne à sa garde de la suivre. Au troisième acte, Thyeste, prisonnier, apprend qu'Atrée veut le tuer. Il révèle à Arbate qu'il a ordonné l'exécution de sa fille pour éviter l'inceste prédit par l'oracle. Pélopée informe Thyeste qu'Atrée propose la paix en échange de son mariage. Thyeste refuse, craignant de déshonorer Tyndare. Ægysthe, venu annoncer les menaces contre Thyeste, promet de le défendre. Atrée arrive et exige des explications d'Ægysthe, qui finit par le supplier. Dans le quatrième acte, Atrée expose son plan de vengeance, visant à faire périr ses ennemis les uns par les autres. Il feint de consentir à l'union de Pélopée et Thyeste pour manipuler Ægysthe. Ægysthe, après avoir appris que Sostrate retient Pélopée, libère Thyeste et lui révèle qu'il est son rival. Sostrate intervient alors pour révéler la vérité : Pélopée est la mère d'Ægysthe, et Atrée prévoit de tuer Ægysthe. Dans le cinquième acte, Atrée annonce à Pélopée la mort de Thyeste, mais elle révèle ensuite à Atrée que Thyeste était son époux. Ægysthe apprend alors que Thyeste est son père et que Pélopée est sa mère. Sostrate informe Ægysthe de l'arrivée des renforts de Tyndare. Finalement, Atrée, mourant, révèle à Thyeste que Pélopée est sa fille, confirmant ainsi les prédictions divines.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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39
p. 1979-1982
CODRUS, POEME.
Début :
Par de lugubres cris, pourquoi frapper les Cieux ? [...]
Mots clefs :
Dieux, Sparte, Athènes, Codros, Vertu, Soldats, Liberté
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CODRUS, POEME.
CODRUS ,
POEME.
Ar de lugubres cris , pourquoi frapper les
Cieux ? PA
Athénes , est-ce ainsi que tu rends grace aux
Dieux ?
Oses-tu , Peuple ingrat , déplorant ta victoire
,
Faire au destin propice , un crime de ta
Gloire ?
Öses - tu .....
erreur !
mais hélas ! quelle étoit mon
Je cesse d'insulter à ta juste douleur.
Poursui , par des regrets , par des pleurs légi
times ,
Honore d'un Héros les cendres magnanimes.
Moi-même retraçant sa vertu dans mes Vers ,
Je vais lui rendre hommage aux yeux de l'Univers.
Les Armes à la main , l'impérieuse Athénes ,
S'avançoit contre Sparte et lui portoit des
chaînes .
Sparte armoit à son tour , pour défendre ses
droits ,
Et forcer sa Rivale à fléchir sous ses Loix.
D iiij
Mais
1980 MERCURE DE FRANCE
Mais Delphes , vain obstacle à leur jalouse
rage ,
N'annonçoit au vainqueur qu'un barbare avantage.
Qu'un Triomphe odieux , chérement acheté ,
Triste arbitre du joug , ou de la liberté ,
Un des Rois immolez , victime infortunée ,
De ses Grecs triomphans , fixoit la destinée.
Il devoit arroser de son sang précieux
Les funestes Lauriers d'un peuple ambitieux.
Instruit des Loix du Sort , mais bravant sa disgrace
,
Codrus offre sa tête au coup qui la menace.
Contre la vie , armé du plus noble mépris ,
11 va remettre aux Dieux des jours qu'ils ont
proscrits.
Cher aux siens , son grand coeur surptend leu
vigilance ,
Cher à ses ennemis , il trompe leur prudence.'
Pour voiler ses desseins d'un sûr déguisement ,
Il revêt d'un Berger , l'obscur habillement.
Dépouilles à ses yeux cent fois plus glo
rieuses ,
Que de l'autorité les marques fastueuses.
Orné par la vertu , riche de ses Trésors ,
Que Codrus étoit grand , sous ces humbles de
hors !
Ah ! Prince, peu touché d'un honneur chiméri
que ,
De Sparte laisse agir la sage politique.
Ton
SEPTEMBRE . 1733. 1981
Ton ennemi lui-même aide à ta sûreté
Avide des honneurs et de la liberté .
Quénes à son gré les défende elle même ;
Absous , absous les Dieux d'une injustice extrê
me.
Leurs Oracles souvent , par des sens imposteurs、
Des Crédules humains , ont guidé les erreurs.
'Arrête ... c'en est fait , ce Guerrier intrépide ,
Suit hardiment la voïe où son honneur le guide.
'Athénes, Dieux , Destin , dit- il, sans s'ébranler
Récompensez le sang. que vous faites couler.
Assûre tes succès , florissante Patrie ,
J'acquitte tes faveurs aux dépens de ma vie.
Heureux de te servir , par un trépas certain ,
Oui , Codrus , méritoit de naître dans ton sein.
Il dit , de quelle ardeur son ame est enflammée !
Il vole impatient de l'une à l'autre armée.
Il parvient jusqu'aux lieux où Sparte a ses regards
Fait au loin dans les Airs , flotter ses Etendarts,
Utile à ses projets , une feinte insolence ,
Contre lui des Soldats aigrit la violence ,
D'un monde d'ennemis , justement irrité ,
Il méprise la rage et craint l'humanité.
Il brave leur couroux. Il défie , il menace ,
Il étale en tous lieux une impuissante audace.
Trois fois de sa grandeur , un secret sentiment ,
L'avoit déja soustrait à leur ressentiment.
Ses efforts, étoient vains , son insulte impunie
3.
Dv Et
1982 MERCURE DE FRANCE
Et les Dieux , malgré lui , le rendoient à la vie. “
Mais dédaignant du sort l'importune faveur ,
Des Soldats outragez îl arme la fureur.
Athénes va regner. Levez pour la vengeance ,
Mille bras vont punir sa téméraire offense.
Je vois le coup mortel , qui va trancher ses
jours ,
Cruels , que faites- vous ? ménages - en le cours
Connoissez , .... respectez ,
Monarque , ...
.... conservez us
Il doit vous être cher , ... mais c'en est fait
la Parque ;
8
Finit le Sacrifice , en fermant son Ciseau ,
Sparte aux Fers , va bien- tôt honorer son Tombeau.
Il meurt , et l'avenir chérissant sa mémoire ,
Couronne sa vertu d'une immortelle gloire.
Venez , Tyrans , venez admirer à la fois ,
Un Citoyen , un Roy , le modele des Rois.
Imitez -le , sachez dans les Grandeurs suprêmes.
Au bien de vos Etats , vous immoler vous- mêmes.
M. DE ROYAUCOURT ,
de Soissons.
POEME.
Ar de lugubres cris , pourquoi frapper les
Cieux ? PA
Athénes , est-ce ainsi que tu rends grace aux
Dieux ?
Oses-tu , Peuple ingrat , déplorant ta victoire
,
Faire au destin propice , un crime de ta
Gloire ?
Öses - tu .....
erreur !
mais hélas ! quelle étoit mon
Je cesse d'insulter à ta juste douleur.
Poursui , par des regrets , par des pleurs légi
times ,
Honore d'un Héros les cendres magnanimes.
Moi-même retraçant sa vertu dans mes Vers ,
Je vais lui rendre hommage aux yeux de l'Univers.
Les Armes à la main , l'impérieuse Athénes ,
S'avançoit contre Sparte et lui portoit des
chaînes .
Sparte armoit à son tour , pour défendre ses
droits ,
Et forcer sa Rivale à fléchir sous ses Loix.
D iiij
Mais
1980 MERCURE DE FRANCE
Mais Delphes , vain obstacle à leur jalouse
rage ,
N'annonçoit au vainqueur qu'un barbare avantage.
Qu'un Triomphe odieux , chérement acheté ,
Triste arbitre du joug , ou de la liberté ,
Un des Rois immolez , victime infortunée ,
De ses Grecs triomphans , fixoit la destinée.
Il devoit arroser de son sang précieux
Les funestes Lauriers d'un peuple ambitieux.
Instruit des Loix du Sort , mais bravant sa disgrace
,
Codrus offre sa tête au coup qui la menace.
Contre la vie , armé du plus noble mépris ,
11 va remettre aux Dieux des jours qu'ils ont
proscrits.
Cher aux siens , son grand coeur surptend leu
vigilance ,
Cher à ses ennemis , il trompe leur prudence.'
Pour voiler ses desseins d'un sûr déguisement ,
Il revêt d'un Berger , l'obscur habillement.
Dépouilles à ses yeux cent fois plus glo
rieuses ,
Que de l'autorité les marques fastueuses.
Orné par la vertu , riche de ses Trésors ,
Que Codrus étoit grand , sous ces humbles de
hors !
Ah ! Prince, peu touché d'un honneur chiméri
que ,
De Sparte laisse agir la sage politique.
Ton
SEPTEMBRE . 1733. 1981
Ton ennemi lui-même aide à ta sûreté
Avide des honneurs et de la liberté .
Quénes à son gré les défende elle même ;
Absous , absous les Dieux d'une injustice extrê
me.
Leurs Oracles souvent , par des sens imposteurs、
Des Crédules humains , ont guidé les erreurs.
'Arrête ... c'en est fait , ce Guerrier intrépide ,
Suit hardiment la voïe où son honneur le guide.
'Athénes, Dieux , Destin , dit- il, sans s'ébranler
Récompensez le sang. que vous faites couler.
Assûre tes succès , florissante Patrie ,
J'acquitte tes faveurs aux dépens de ma vie.
Heureux de te servir , par un trépas certain ,
Oui , Codrus , méritoit de naître dans ton sein.
Il dit , de quelle ardeur son ame est enflammée !
Il vole impatient de l'une à l'autre armée.
Il parvient jusqu'aux lieux où Sparte a ses regards
Fait au loin dans les Airs , flotter ses Etendarts,
Utile à ses projets , une feinte insolence ,
Contre lui des Soldats aigrit la violence ,
D'un monde d'ennemis , justement irrité ,
Il méprise la rage et craint l'humanité.
Il brave leur couroux. Il défie , il menace ,
Il étale en tous lieux une impuissante audace.
Trois fois de sa grandeur , un secret sentiment ,
L'avoit déja soustrait à leur ressentiment.
Ses efforts, étoient vains , son insulte impunie
3.
Dv Et
1982 MERCURE DE FRANCE
Et les Dieux , malgré lui , le rendoient à la vie. “
Mais dédaignant du sort l'importune faveur ,
Des Soldats outragez îl arme la fureur.
Athénes va regner. Levez pour la vengeance ,
Mille bras vont punir sa téméraire offense.
Je vois le coup mortel , qui va trancher ses
jours ,
Cruels , que faites- vous ? ménages - en le cours
Connoissez , .... respectez ,
Monarque , ...
.... conservez us
Il doit vous être cher , ... mais c'en est fait
la Parque ;
8
Finit le Sacrifice , en fermant son Ciseau ,
Sparte aux Fers , va bien- tôt honorer son Tombeau.
Il meurt , et l'avenir chérissant sa mémoire ,
Couronne sa vertu d'une immortelle gloire.
Venez , Tyrans , venez admirer à la fois ,
Un Citoyen , un Roy , le modele des Rois.
Imitez -le , sachez dans les Grandeurs suprêmes.
Au bien de vos Etats , vous immoler vous- mêmes.
M. DE ROYAUCOURT ,
de Soissons.
Fermer
Résumé : CODRUS, POEME.
Le poème 'Codrus' narre le conflit entre Athènes et Sparte, avec Delphes prédisant un triomphe odieux nécessitant un sacrifice. Codrus, roi d'Athènes, se sacrifie pour sauver sa patrie. Déguisé en berger, il provoque les soldats spartiates jusqu'à ce qu'ils le tuent. Son geste assure la victoire d'Athènes et lui confère l'immortalité. Le texte souligne le dévouement de Codrus pour sa patrie et son mépris pour la mort, mettant en avant son héroïsme et son sacrifice pour la liberté et la gloire d'Athènes. Le poème se conclut par une exhortation aux tyrans de s'inspirer de l'exemple de Codrus.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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40
p. 2233-2249
Hypolite et Aricie, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
L'Académie Royale de Musique donna le premier Octobre la premiere [...]
Mots clefs :
Hippolyte, Thésée, Diane, Phèdre, Aricie, Amour, Père, Enfers, Mort, Monstre, Fils, Dieux, Vers, Théâtre, Destin
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Hypolite et Aricie, Extrait, [titre d'après la table]
' Académie Royale de Musique donna
le premier Octobre la premiere
Représentation de la Tragédie nouvelle ,
intitulée : Hippolyte et Aricie. Le Poëme
est de M.le Chevalier Pellegrin , et la Musique
de M. Rameau. Le premier est déja
connu par plusieurs Ouvrages applaudis ;
et le second vient de faire voir par son
coup d'essai , dans ce genre de Musique,
qu'il peut égaler les plus grands Maîtres.
L'accueil favorable que le public a fait à
cet Opéra en fait esperer de nombreuses
Représentations : En voici l'Extrait.
L'Auteur du Poëme déclare dans sa Préface
que c'est
pour
authoriser
le caractere
qu'il
donne
à Diane
dans
la Piéce
, qu'il
a
fait
son
Prologue
. Hygin
lui en a fourni
la Fable
. Le Théatre
représente
la Forêt
d'Erymanthe
, si fameuse
par
un des trayaux
d'Hercule
. Diane
le fait
connoître
F par
1234 MERCURE DE FRANCE
par ces Vers , qu'elle addresse à ses Nym
phes et aux habitans des Bois.
Vous êtes dans ces mêmes lieux ,
Où sur un monstre furieux ,
Vn fils de Jupiter , remporta la victoire ;
Mais un monstre plus fier le soumit à son tour g
Du plus grand des Héros vous surpassez l
gloire ,
Quand vous triomphez de l'Amour.
L'Amour ne peut souffrir que Diane
le bannisse de ses Forêts ; il vient lui demander
raison de cet outrage ; Diane invoque
Jupiter son Pere,et le prie de con-
Armer le don qu'il lui a fait de l'Empire
des Forêts ; Jupiter descend au bruit du
tonnerre,et annonce à Diane que le Destin
ordonne que l'Amour regne par tout,
avec cette restriction , qu'il n'exercera sa
puissance sur les sujets de Diane qu'un
seul jour de l'année ; il ajoute que ce jour
doit être éclairé par le flambeau de l'Hymen.
Diane obéit aux Loix du Destin ;
elle ne veut pas pourtant être témoin
d'une Fête si favorable à l'Amour ; elle
annonce le sujet de la Tragédie , par ces
Vers :
Hippolyte , Aricie , exposés à périr ,
Ne fondent que sur moi leur derniere esperances
conOCTOBRE.
1733. 2235
Contre une injuste violence ,
C'est à moi de les secourir.
L'Amour entreprend de consoler les
sujets de Diane de l'absence de leur Souveraine
, par les plus doux plaisirs. Il ap
pelle par ces Vers ,les Jeux et les Amours.
Regnez , aimables jeux , regnez dans ces Forêts,
Qu'à mes voeux empressez votre zêle réponde :
Si vous, tendres Amours , faites voler ces traits ,
D'où dépend le bonheur du monde.
Cet ordre produit une Fête aussi affec
tueuse que brillante : Le Prologue finit
par ces quatre Vers , conformes aux vofontez
suprêmes du Destin; c'est l'Amour
qui parle
Par de nouveaux plaisirs , couronnons ce grand
jour ,
Au Temple de l'Hymen il faut que je vous guide
,
Qu'à cette heureuse Fête , avec lui je préside;
Que son flambeau s'allume aux flammes de l'A }
mour.
Le Théatre représente au premier Acte
de la Tragédie , un Temple consacré à
Diane.
Aricie,Princesse du Sang des Pallantides ,
expose sa situation par ce Monologue.
Fij Tem2236
MERCURE DE FRANCE
> Temple sacré , séjour tranquille
Où Diane aujourd'hui doit recevoir mes voeux
A mon coeur agité daigne servir d'azile ,
Contre un amour trop malheureux ¿
Et toi , dont malgré moi , je rappelle l'image ,
Sher Prince , si mes voeux ne te sont pas offerts;
Du moins j'en apporte l'hommage
A la Déesse que tu sers,
Temple sacré , & c,
Hyppolite vient assûrer Aricie de l'in
dignation que lui inspire la violence que
Phédre lui fait par l'ordre que Thesée son
Pere lui en a donné à son départ de Tréséne
; il déplore son sort d'une maniere
qui le fait soupçonner d'être Amant ;
Voici comment il le fait connoître.
Dans un Pere irrité , confondez -vous son Fils
Et comptez- vous mon coeur entre vos ennemis
& c.
Je pourrois vous hair quelle injustice extreme
!
Je sens pour vous une pitié ,
Aussi tendre que l'amour même."
: Cette déclaration a paru bien ménagée
de part et d'autre.
Les Prêtresses de Diane forment la Fêe
de ce premier Acte,
Phodre
OCTOBRE.´´ 1733.´´ £ 237ì
Phedre vient ensuite féliciter Aricie
sur la gloire qu'elle va acquerir en s'unissant
aux Immortels , par les voeux
qu'elle doit offrir à Diane. Aricie fait entendre
que ces voeux n'étant pas libres
ils ne sont pas dignes des Dieux ; les Prêtresses
de Diane se rangent de son parti,
Phédre fait sonner la Trompette pour
punir leur désobéïssance ; les Prêtresses
invoquent les Dieux pour la punir ellemême
de la violence qu'elle veut leur
faire. Diane descend au bruit du Tonnerre
, comme fille de Jupiter ; ce qu'elle
fait connoître par ces Vers , addressez à
ses Prêtresses :
售
Vous voyez Jupiter se déclarer mon Pere;
Sa foudre vole devant moy.
La Déesse après avoir rassuré ses Prêtresses
, menace Phedre de la vangeance
des Dieux , et prend Hippolyte et Aricie
sous sa protection . Elle remonte dans le
ciel. Les Prêtresses rentrent dans le Temple
; Hippolyte emmene Aricie. Phédre
abandonne à ses transports jaloux, qu'el¬
le fait connoître par ces Vers :
Que voi -je ? contre moi tous les Dieux soat
armez !
Ma Rivale me brave! Elle suit Hippolyte !
Fiij
Ah !
2238 MERCURE DE FRANCE
Ah ! plus je voi leurs coeurs, l'un pour l'aptres
enflammez *
Plus mon jaloux transport s'irrite ,
Que rien n'échappe à ma fureur , &c.
Arcas vient annoncer que Thésée es
descendu dans les Enfers : Il s'exprime
ainsi :
La terre sous ses pas ouverte .'
A favorisé ses efforts ;
Et d'affreux heurlemens , sortis des sombre
bords ,
Du plus grand des Mortels , m'ont confirmé la
perte
J
Anone fait entendre à Phédre qu'elle
peut aimer sans crime , et concevoir de
l'espérance, en offrant son Thrône à Hippolyte,
Phédre se livre à un espoir si flatteur.
Au II Acte, le Théatre représente l'entrée
des Enfers. Thésée tourmenté par
une Furie , expose ce qui s'est passé par
çes Vers :
Dieux! n'est- ce pas assez des maux que j'ai souf
ferts ?
J'ai vuPirythous déchiré par Cerbere ;
J'ai vu ce Monstre affreux , trancher des jours
si chers ,
Sans daigner dans mon sang, assouvir sa coferes
J'enOCTOBRE
17388 · 1239
J'attendois la mort sans effroi ,
Et la mort fuyoit loin de moi.
La Furie conduit Thésée au pied du
Thrône de Pluton : Thésée dit à ce Me
narque des Enfers :
Inéxorable Roy de l'Empire infernal ',
Digne Frere , et digne Rival ,
Du Dieu qui lance le tonnerre ,
Est-ce donc pour vanger tant de Monstres di
vers ,
Dont ce bras a purgé la Terre ,
Que l'on me livre en proye aux Monstres des
Enfers
Pluton
Si tes Exploits sont grands , voy quelle en est la
gloire ,
Ton nom sur les trépas remporte la victoire ;
Comme nous il est immortel ;
Mais , d'une égale main , puisqu'il faut qu'on
dispense ,
Et la peine et la récompense ;´
J'attends plus de Pluton qu'un tourment érernel.
Pluton reproche à Thésée le coupable
projet qu'il a formé avec Pirythoüs d'enlever
Proserpine. Thésée se justifie autant
qu'il lui est possible . Pluton le renvoie au
Tribunal des trois Juges des Enfers.Cette
Filij Scene
246 MERCURE DE FRANCE
Scene est sans contredit la plus belle de
la Tragédie , tant du côté du Poëte que
de celui du Musicien.
Pluton invite toutes les Divinitez infer
nales à le vanger. Thésée revient , suivi
de la Furie vangeresse ; ne pouvant revoir
que par le secours de la mort. Il
l'implore ; les Parques lui parlent ainsi ;
son ami
Du Destin le vouloir suprême ,
Amis entre nos mains la trame de tes jours ;
Mais le fatal Ciseau n'en peut trancher le cours
Qu'au redoutable instant , qu'il a marqué lui
même.
i..
Thésée ne pouvant obtenir la mort ,
implore Neptune son Pere , et lui deman
de l'exécution du serment qu'il a fait de
l'exaucer trois fois : Neptune lui ayant
ouvert la route des Enfers , il le prie de
l'en retirer. Mercure vient de la part du
Dieu des Mers ; il obtient le retour de
Thésée sur la terre , mais avant qu'il´en
sorte , il ordonne aux Parques de lui réveler
le sort que l'avenir lui garde. Ces
trois Déesses lui parlent ainsi .
Quelle soudaine horreur ton destin nous ins
pire !
Où cours-tu, malheureux Tremble, frémi d'ef
froi ;
Tu sors de l'infernal empire ,
Pou
OCTOBRE . 1733. 2241
Pour trouver les Enfers chez toi.
Ce Oracle remplit Thésée d'effroi au
Sujet de Phédre et d'Hippolyte ; qui sono
ce qu'il a de plus cher chez lui. Mercure
lui ouvre le chemin , pour remonter sur
la terre. Thésée dit en partant :
Ciel ! cachons mon retour, et trompons tous les
yeux.
Ce projet de se cacher à tout le mon
de, prépare le coup de Théatre qu'on doit
voir dans l'Acte suivant.
Le Théatre représente au III.Acte, une
partie du Palais de Thésée , sur le rivage
de la Mer.
Phedre prie Venus de lui être favorable.
Enone vient lui dire qu'Hippolyte
qu'elle a mandé , va se rendre auprès
d'elle . 漏
Hippolyte dit à Ph'dre que ce n'est
que pour obéir à ses ordres qu'il vient lui
montrer encore un objet odieux . Phédre
lui fait entendre qu'elle ne l'a jamais haï
qu'en apparence : Hippolyte se flatte de
ne l'avoir plus pour ennemie , et lui pro
met en récompense de tenir lieu de Pere à
son fils : Phédre trompée par le sens équivoque
de cette promesse , lui dit tendrement
&
Fv Hip
$ 242 MERCURE DE FRANCE
Vous pouviez jusques - là vous attendrir poun
y moi !
C'en est trop , et le Thrône , et le Fils er
Mere ,
Je range tout sous votre Loy.
Hippolyte lui répond qu'il borne toute
son ambition à regner sur le coeur d'Aricie.
Phédre détrompée par ces mots , ne
peut plus se contenir ; elle jure la mòrt
de sa Rivale. Au nom de Rivale, Hippolyte
saisi d'horreur s'écrie :
Terribles Ennemis des perfides humains ;
Dieux , si promts autrefois à les réduire en po
dre ,
Qu'attendez- vous ? Lancez la foudre
Qui la retient entre vos mains ?
Phédre au désespoir , lui dit :
Ah ! cesse par tes voeux d'allumer le tonnerre ;
Eclatte ; éveille-toi ; sors d'un honteux repos §
Rends toi digne Fils d'un Héros ,
Qui de Monstres sans nombre, a délivré la terres
El n'en est échappé qu'un seul à sa fureur ;
Frappe ; ce Monstre est dans mon coeur.
Phédre ne pouvant obtenir la mort
qu'elle demande à Hippolyte, se jette sur
son Epée , Hippolyte la lui arrache,Thé
séc
OCTOBRE. 1733. 2243
sée arrive et trouve son Fils l'Epée à la
main contre sa femme; il se rappelle aussi-
tôt la prédiction des Parques , ce qu'il
fait connoître par ces mots :
O'trop fatal oracle !
Je trouve les malheurs que m'a prédits l'Enfer.
Il interroge Phédre, qui le quitte après
lui avoir dit :
L'Amour est outrage ;
Que l'Amour soit vange
Hippolyte interrogé à son tour , n'ose
lui révéler sa honte , et lui demande un
exil éternel. Thésée ordonne à Enone de
ne lui rien cacher. Enone pour sauver
les jours et la gloire de la Reine , parle
ainsi à Thésée :
Un désespoir affreux ; ..... pouvez - vous l'ígnorer
Vous n'en avez été qu'un témoin trop fidelle
Je n'ose accuser votre Fils ...
Mais la Reine ... Seigneur , ce fer armé contre
elle ;
Ne vous en a que trop appris , &c.-
Un amour funeste , &c,-
Thésée n'en veut pas sçavoir davanta
ge ; livré à son désespoir , il invoque
B vj
Neptu
2244 MERCURE DE FRANCE
Neptune et lui demande la mort d'Hippolyte
; une Troupe de Matelots qui
viennent rendre graces à Neptune du retour
de leur Roy , obligent Thésée de se
retirer, et forment le Divertissement qui
finit ce troisiéme Acte.
Au IV Acte le Théatre représente un
Bois consacré à Diane.
,
Hippolyte expose dans un Monologue
ce qui s'est passé dans l'entr'Acte , c'està-
dire , l'exil où son Pere l'a condamné.
Aricie vient se plaindre à Hippolyte
du sort qui va les separer ; Hippolyte ,
pour excuser Thésée , lui dit qu'il a demandé
lui- même cet exil , qu'elle impute
à la rigueur de son Pere. Aricie lui
répond :
Votre exil me donne la mort ,
Et c'est vous seul , ingrat , qu'il faut que j'es
accuse !
Quel soupçon ? ... Dieux puissans , faites que
je m'abuse.
Hippolyte pour se justifier de l'incons
tance dont elle l'accuse , lui fait entendre
qu'une raison secrette lui a fait demander
cet exil dont elle se plaint ; il la prie
de ne lui en pas demander davantage ; cependant
quelques mots qui lui échappent
, quoique ménagez avec art , lui em
disent
OCTOBR E. 1733. 2245*
disent assez pour lui faire pénétrer cet
odieux mystere ; il l'invite à le suivre
dans son exil en qualité d'Epouse ; elle
consent à lui donner sa foy ; ils prient
Diane de vouloir bien former leur nouvelle
chaîne. Un bruit de Cors leur annonce
l'arrivée d'une Troupe de Chasseurs
et de Chasseresses ; ils conviennent
ensemble de les prendre pour témoins
de leurs sacrez sermens ; cependant ils ne
veulent point troubler des jeux qui sont
chers à Diane leur Protectrice : Ces Chasseurs
forment une Fête qui a paru des
plus brillantes. La Fête est interrompue
par une tempête; la Mer en courroux jette
sur le rivage un Monstre furieux. Hippolyte
va le combattre ; le Monstre blessé
vomit du feu et de la fumée , & c. Tout
étant dissipé , Arice éperduë de ne voir
plus ni Hippolyte ni le Monstre tombe
évanouie ; les Chasseurs trompés par la
disparition d'Hippolyte le croient mort
ils déplorent son sort. Phedre appellée
par leurs cris , arrive ; elle leur demande
la cause de leurs plaintes ; ils lui annoncent
la mort d'Hippolyte , par ces deux
Vers :
pa
Un Monstre furieux , sorti du sein des Flots ;
: Vient de nous ravir ce Héros.
Phedre
2246 MERCURE DE FRANCE
Phédre s'accuse elle-même d'une mort
qu'elle impute à son imposture ; agitéo
de remords , elle croit entendre le tonnerre
, voir trembler la terre , et les Enfers
s'ouvrir sous ses pas ; elle finit l’Acte
par ces Vres :
›
>
"
Dieux cruels , vangeurs implacables
Suspendez un courroux qui me glace d'effroi ş
Ah ! si vous êtes équitables ,
Ne tonnez pas encor sur moi ;
La gloire d'un Héros que l'imposture opprime &
Vous demande un juste secours ;
Laissez-moi révéler à l'Auteur de ses jours ,
Et son innocence , er mon crime.
Au VeActe , le Théatre ne change qu'à
la troisiéme Scene. Les deux premieres
Scenes sont employées à apprendre aux
Spectateurs que Phédre est morte aux
yeux de Thesée , après avoir justifié Hippolyte
, comme elle l'a promis à la fin de
PActe précédent. Ce malheureux Pere
veut se précipiter dans la Mer : Neptune
Pen empêche et lui apprend que son Fils
a été sauvé par Diane. Il lui annonce que
le Destin dans le temps qu'il alloit servir
son aveugle colere , à daigné l'affranchir
de son serment. Il ajoute que ce Maître
des Dieux a ordonné en même temps
qu'un
1
1
OCTOBRE 1733. 2247
qu'un Pere si injuste soit privé pour jas
mais de la vuë d'un Fils si vertueux.
1
On a retranché ces deux premieres
Scenes qui produisoient quelque irrégula
rité contre l'unité de lieu , par le chan
gement de Scene dans le même Acte.
L'Auteur avoit prévenu l'objection dans
sa Préface; mais le Public ne s'y étant pas
prêté , il n'a pas balancé à le satisfaire.
L'Acte commence présentement par
le changement de Lieuson voit un nuage
transporter Aricie dans la Forêt qui porte
son nom ; comme elle croit avoir vû
périr Hippolyte , elle se livre toute entiere
à sa douleur , qu'elle fait éclater par
un Monologue des plus touchans , tandis
qu'elle est ensevelie dans une profon
de tristesse ; une Troupe de Bergers et de
Bergeres invitent Diane à descendre des
Cieux. Au nom de Diane , Aricie , malgré
sa douleur mortelle, sent ranimer son
zele pour la Divinité , à qui elle s'est dévouée
dès sa plus tendre enfance.
La Déesse promet un nouveau Maître
aux Peuples , pour prix de leur zele ; elle
leur ordonne d'aller préparer les plus
beaux Jeux pour le recevoir ; elle arrête
Aricie prête à se retirer. Ala voix de
Diane , les Zéphirs amenent Hyppolyte
qu'elle leur a confié , après l'avoir sauvé
du
E248 MERCURE DE FRANCE
du Monstre ; ces tendres Amans passent
tout d'un coup de la plus mortelle dou
leur à la joye la plus vive. Diane leur
rend compte de tout ce qui s'est passé au
sujet de Thesée et de Phédre . Voici comme
elle s'explique :
Neptune alloit servir une aveugle vangeance ;
Quand le Destin , dont la puissance ,
Fait trembler les Enfers, et la Terre et les Cieux,
A daigné l'affranchir d'un serment odieux ;
Qui faisoit périr l'innocence .
Phédre , aux yeux de Thésée a terminé son sort,
Et t'a rendu ta gloire en se donnant la mort.
Les Peuples d'Aricie viennent célébrer
la fête du couronnement d'Hippolyte et
d'Aricie , par leurs Chants et par leurs
Danses.
On à trouvé la Musique de cet Opéra
un peu difficile à exécuter , mais par l'habileté
des Simphonistes et des autres Musicions
, la dificulté n'en a pas empêché
l'exécution . Les Principaux Acteurs , tant
chantans , que dansans ,s'y sont surpassez.
La DellePetitpas s'y est distinguée par un
ramage de Rossignol qu'on n'a jamais
porté si loin . Le Poëte n'a pas démenti ·
ses Ouvrages précedens ; et le Musicien a
forcé les plus séveres critiques à convenir
que
C
OCTOBRE. 1733. 2249
que dans son premier Ouvrage Lyrique .
li a donné une Musique mâle et harmonieuse
; d'un caractere neuf; nous
voudrions en rouvoir donner un Extrait,
comme nous faisons du Poëme , et faire
sentir ce qu'elle a de sçavant pour l'ex-.
pression dans les Airs caracterisez , les
Tableaux , les intentions heureuses et
soutenues, comme le Choeur et la Chasse
du 4 Acte ; l'Entrée des Amours au Prologue
; le Choeur et la Simphonie du To
nerre; la Gavotte parodiée que chante la
Delle Petitpas au ier Acte ; les Enfers du
2e Acte , l'Image effrayante de la Furie
avec Thesée et le Choeur,&c. Au 3me Ac
te , le Monologue de Thesée , son invocation
à Neptune , le Frémissement des
= Flots. Le Monologue de Phedre dâns
l'Acte suivant. Celui d'Aricie , dans le S
la Bergerie , & c.
le premier Octobre la premiere
Représentation de la Tragédie nouvelle ,
intitulée : Hippolyte et Aricie. Le Poëme
est de M.le Chevalier Pellegrin , et la Musique
de M. Rameau. Le premier est déja
connu par plusieurs Ouvrages applaudis ;
et le second vient de faire voir par son
coup d'essai , dans ce genre de Musique,
qu'il peut égaler les plus grands Maîtres.
L'accueil favorable que le public a fait à
cet Opéra en fait esperer de nombreuses
Représentations : En voici l'Extrait.
L'Auteur du Poëme déclare dans sa Préface
que c'est
pour
authoriser
le caractere
qu'il
donne
à Diane
dans
la Piéce
, qu'il
a
fait
son
Prologue
. Hygin
lui en a fourni
la Fable
. Le Théatre
représente
la Forêt
d'Erymanthe
, si fameuse
par
un des trayaux
d'Hercule
. Diane
le fait
connoître
F par
1234 MERCURE DE FRANCE
par ces Vers , qu'elle addresse à ses Nym
phes et aux habitans des Bois.
Vous êtes dans ces mêmes lieux ,
Où sur un monstre furieux ,
Vn fils de Jupiter , remporta la victoire ;
Mais un monstre plus fier le soumit à son tour g
Du plus grand des Héros vous surpassez l
gloire ,
Quand vous triomphez de l'Amour.
L'Amour ne peut souffrir que Diane
le bannisse de ses Forêts ; il vient lui demander
raison de cet outrage ; Diane invoque
Jupiter son Pere,et le prie de con-
Armer le don qu'il lui a fait de l'Empire
des Forêts ; Jupiter descend au bruit du
tonnerre,et annonce à Diane que le Destin
ordonne que l'Amour regne par tout,
avec cette restriction , qu'il n'exercera sa
puissance sur les sujets de Diane qu'un
seul jour de l'année ; il ajoute que ce jour
doit être éclairé par le flambeau de l'Hymen.
Diane obéit aux Loix du Destin ;
elle ne veut pas pourtant être témoin
d'une Fête si favorable à l'Amour ; elle
annonce le sujet de la Tragédie , par ces
Vers :
Hippolyte , Aricie , exposés à périr ,
Ne fondent que sur moi leur derniere esperances
conOCTOBRE.
1733. 2235
Contre une injuste violence ,
C'est à moi de les secourir.
L'Amour entreprend de consoler les
sujets de Diane de l'absence de leur Souveraine
, par les plus doux plaisirs. Il ap
pelle par ces Vers ,les Jeux et les Amours.
Regnez , aimables jeux , regnez dans ces Forêts,
Qu'à mes voeux empressez votre zêle réponde :
Si vous, tendres Amours , faites voler ces traits ,
D'où dépend le bonheur du monde.
Cet ordre produit une Fête aussi affec
tueuse que brillante : Le Prologue finit
par ces quatre Vers , conformes aux vofontez
suprêmes du Destin; c'est l'Amour
qui parle
Par de nouveaux plaisirs , couronnons ce grand
jour ,
Au Temple de l'Hymen il faut que je vous guide
,
Qu'à cette heureuse Fête , avec lui je préside;
Que son flambeau s'allume aux flammes de l'A }
mour.
Le Théatre représente au premier Acte
de la Tragédie , un Temple consacré à
Diane.
Aricie,Princesse du Sang des Pallantides ,
expose sa situation par ce Monologue.
Fij Tem2236
MERCURE DE FRANCE
> Temple sacré , séjour tranquille
Où Diane aujourd'hui doit recevoir mes voeux
A mon coeur agité daigne servir d'azile ,
Contre un amour trop malheureux ¿
Et toi , dont malgré moi , je rappelle l'image ,
Sher Prince , si mes voeux ne te sont pas offerts;
Du moins j'en apporte l'hommage
A la Déesse que tu sers,
Temple sacré , & c,
Hyppolite vient assûrer Aricie de l'in
dignation que lui inspire la violence que
Phédre lui fait par l'ordre que Thesée son
Pere lui en a donné à son départ de Tréséne
; il déplore son sort d'une maniere
qui le fait soupçonner d'être Amant ;
Voici comment il le fait connoître.
Dans un Pere irrité , confondez -vous son Fils
Et comptez- vous mon coeur entre vos ennemis
& c.
Je pourrois vous hair quelle injustice extreme
!
Je sens pour vous une pitié ,
Aussi tendre que l'amour même."
: Cette déclaration a paru bien ménagée
de part et d'autre.
Les Prêtresses de Diane forment la Fêe
de ce premier Acte,
Phodre
OCTOBRE.´´ 1733.´´ £ 237ì
Phedre vient ensuite féliciter Aricie
sur la gloire qu'elle va acquerir en s'unissant
aux Immortels , par les voeux
qu'elle doit offrir à Diane. Aricie fait entendre
que ces voeux n'étant pas libres
ils ne sont pas dignes des Dieux ; les Prêtresses
de Diane se rangent de son parti,
Phédre fait sonner la Trompette pour
punir leur désobéïssance ; les Prêtresses
invoquent les Dieux pour la punir ellemême
de la violence qu'elle veut leur
faire. Diane descend au bruit du Tonnerre
, comme fille de Jupiter ; ce qu'elle
fait connoître par ces Vers , addressez à
ses Prêtresses :
售
Vous voyez Jupiter se déclarer mon Pere;
Sa foudre vole devant moy.
La Déesse après avoir rassuré ses Prêtresses
, menace Phedre de la vangeance
des Dieux , et prend Hippolyte et Aricie
sous sa protection . Elle remonte dans le
ciel. Les Prêtresses rentrent dans le Temple
; Hippolyte emmene Aricie. Phédre
abandonne à ses transports jaloux, qu'el¬
le fait connoître par ces Vers :
Que voi -je ? contre moi tous les Dieux soat
armez !
Ma Rivale me brave! Elle suit Hippolyte !
Fiij
Ah !
2238 MERCURE DE FRANCE
Ah ! plus je voi leurs coeurs, l'un pour l'aptres
enflammez *
Plus mon jaloux transport s'irrite ,
Que rien n'échappe à ma fureur , &c.
Arcas vient annoncer que Thésée es
descendu dans les Enfers : Il s'exprime
ainsi :
La terre sous ses pas ouverte .'
A favorisé ses efforts ;
Et d'affreux heurlemens , sortis des sombre
bords ,
Du plus grand des Mortels , m'ont confirmé la
perte
J
Anone fait entendre à Phédre qu'elle
peut aimer sans crime , et concevoir de
l'espérance, en offrant son Thrône à Hippolyte,
Phédre se livre à un espoir si flatteur.
Au II Acte, le Théatre représente l'entrée
des Enfers. Thésée tourmenté par
une Furie , expose ce qui s'est passé par
çes Vers :
Dieux! n'est- ce pas assez des maux que j'ai souf
ferts ?
J'ai vuPirythous déchiré par Cerbere ;
J'ai vu ce Monstre affreux , trancher des jours
si chers ,
Sans daigner dans mon sang, assouvir sa coferes
J'enOCTOBRE
17388 · 1239
J'attendois la mort sans effroi ,
Et la mort fuyoit loin de moi.
La Furie conduit Thésée au pied du
Thrône de Pluton : Thésée dit à ce Me
narque des Enfers :
Inéxorable Roy de l'Empire infernal ',
Digne Frere , et digne Rival ,
Du Dieu qui lance le tonnerre ,
Est-ce donc pour vanger tant de Monstres di
vers ,
Dont ce bras a purgé la Terre ,
Que l'on me livre en proye aux Monstres des
Enfers
Pluton
Si tes Exploits sont grands , voy quelle en est la
gloire ,
Ton nom sur les trépas remporte la victoire ;
Comme nous il est immortel ;
Mais , d'une égale main , puisqu'il faut qu'on
dispense ,
Et la peine et la récompense ;´
J'attends plus de Pluton qu'un tourment érernel.
Pluton reproche à Thésée le coupable
projet qu'il a formé avec Pirythoüs d'enlever
Proserpine. Thésée se justifie autant
qu'il lui est possible . Pluton le renvoie au
Tribunal des trois Juges des Enfers.Cette
Filij Scene
246 MERCURE DE FRANCE
Scene est sans contredit la plus belle de
la Tragédie , tant du côté du Poëte que
de celui du Musicien.
Pluton invite toutes les Divinitez infer
nales à le vanger. Thésée revient , suivi
de la Furie vangeresse ; ne pouvant revoir
que par le secours de la mort. Il
l'implore ; les Parques lui parlent ainsi ;
son ami
Du Destin le vouloir suprême ,
Amis entre nos mains la trame de tes jours ;
Mais le fatal Ciseau n'en peut trancher le cours
Qu'au redoutable instant , qu'il a marqué lui
même.
i..
Thésée ne pouvant obtenir la mort ,
implore Neptune son Pere , et lui deman
de l'exécution du serment qu'il a fait de
l'exaucer trois fois : Neptune lui ayant
ouvert la route des Enfers , il le prie de
l'en retirer. Mercure vient de la part du
Dieu des Mers ; il obtient le retour de
Thésée sur la terre , mais avant qu'il´en
sorte , il ordonne aux Parques de lui réveler
le sort que l'avenir lui garde. Ces
trois Déesses lui parlent ainsi .
Quelle soudaine horreur ton destin nous ins
pire !
Où cours-tu, malheureux Tremble, frémi d'ef
froi ;
Tu sors de l'infernal empire ,
Pou
OCTOBRE . 1733. 2241
Pour trouver les Enfers chez toi.
Ce Oracle remplit Thésée d'effroi au
Sujet de Phédre et d'Hippolyte ; qui sono
ce qu'il a de plus cher chez lui. Mercure
lui ouvre le chemin , pour remonter sur
la terre. Thésée dit en partant :
Ciel ! cachons mon retour, et trompons tous les
yeux.
Ce projet de se cacher à tout le mon
de, prépare le coup de Théatre qu'on doit
voir dans l'Acte suivant.
Le Théatre représente au III.Acte, une
partie du Palais de Thésée , sur le rivage
de la Mer.
Phedre prie Venus de lui être favorable.
Enone vient lui dire qu'Hippolyte
qu'elle a mandé , va se rendre auprès
d'elle . 漏
Hippolyte dit à Ph'dre que ce n'est
que pour obéir à ses ordres qu'il vient lui
montrer encore un objet odieux . Phédre
lui fait entendre qu'elle ne l'a jamais haï
qu'en apparence : Hippolyte se flatte de
ne l'avoir plus pour ennemie , et lui pro
met en récompense de tenir lieu de Pere à
son fils : Phédre trompée par le sens équivoque
de cette promesse , lui dit tendrement
&
Fv Hip
$ 242 MERCURE DE FRANCE
Vous pouviez jusques - là vous attendrir poun
y moi !
C'en est trop , et le Thrône , et le Fils er
Mere ,
Je range tout sous votre Loy.
Hippolyte lui répond qu'il borne toute
son ambition à regner sur le coeur d'Aricie.
Phédre détrompée par ces mots , ne
peut plus se contenir ; elle jure la mòrt
de sa Rivale. Au nom de Rivale, Hippolyte
saisi d'horreur s'écrie :
Terribles Ennemis des perfides humains ;
Dieux , si promts autrefois à les réduire en po
dre ,
Qu'attendez- vous ? Lancez la foudre
Qui la retient entre vos mains ?
Phédre au désespoir , lui dit :
Ah ! cesse par tes voeux d'allumer le tonnerre ;
Eclatte ; éveille-toi ; sors d'un honteux repos §
Rends toi digne Fils d'un Héros ,
Qui de Monstres sans nombre, a délivré la terres
El n'en est échappé qu'un seul à sa fureur ;
Frappe ; ce Monstre est dans mon coeur.
Phédre ne pouvant obtenir la mort
qu'elle demande à Hippolyte, se jette sur
son Epée , Hippolyte la lui arrache,Thé
séc
OCTOBRE. 1733. 2243
sée arrive et trouve son Fils l'Epée à la
main contre sa femme; il se rappelle aussi-
tôt la prédiction des Parques , ce qu'il
fait connoître par ces mots :
O'trop fatal oracle !
Je trouve les malheurs que m'a prédits l'Enfer.
Il interroge Phédre, qui le quitte après
lui avoir dit :
L'Amour est outrage ;
Que l'Amour soit vange
Hippolyte interrogé à son tour , n'ose
lui révéler sa honte , et lui demande un
exil éternel. Thésée ordonne à Enone de
ne lui rien cacher. Enone pour sauver
les jours et la gloire de la Reine , parle
ainsi à Thésée :
Un désespoir affreux ; ..... pouvez - vous l'ígnorer
Vous n'en avez été qu'un témoin trop fidelle
Je n'ose accuser votre Fils ...
Mais la Reine ... Seigneur , ce fer armé contre
elle ;
Ne vous en a que trop appris , &c.-
Un amour funeste , &c,-
Thésée n'en veut pas sçavoir davanta
ge ; livré à son désespoir , il invoque
B vj
Neptu
2244 MERCURE DE FRANCE
Neptune et lui demande la mort d'Hippolyte
; une Troupe de Matelots qui
viennent rendre graces à Neptune du retour
de leur Roy , obligent Thésée de se
retirer, et forment le Divertissement qui
finit ce troisiéme Acte.
Au IV Acte le Théatre représente un
Bois consacré à Diane.
,
Hippolyte expose dans un Monologue
ce qui s'est passé dans l'entr'Acte , c'està-
dire , l'exil où son Pere l'a condamné.
Aricie vient se plaindre à Hippolyte
du sort qui va les separer ; Hippolyte ,
pour excuser Thésée , lui dit qu'il a demandé
lui- même cet exil , qu'elle impute
à la rigueur de son Pere. Aricie lui
répond :
Votre exil me donne la mort ,
Et c'est vous seul , ingrat , qu'il faut que j'es
accuse !
Quel soupçon ? ... Dieux puissans , faites que
je m'abuse.
Hippolyte pour se justifier de l'incons
tance dont elle l'accuse , lui fait entendre
qu'une raison secrette lui a fait demander
cet exil dont elle se plaint ; il la prie
de ne lui en pas demander davantage ; cependant
quelques mots qui lui échappent
, quoique ménagez avec art , lui em
disent
OCTOBR E. 1733. 2245*
disent assez pour lui faire pénétrer cet
odieux mystere ; il l'invite à le suivre
dans son exil en qualité d'Epouse ; elle
consent à lui donner sa foy ; ils prient
Diane de vouloir bien former leur nouvelle
chaîne. Un bruit de Cors leur annonce
l'arrivée d'une Troupe de Chasseurs
et de Chasseresses ; ils conviennent
ensemble de les prendre pour témoins
de leurs sacrez sermens ; cependant ils ne
veulent point troubler des jeux qui sont
chers à Diane leur Protectrice : Ces Chasseurs
forment une Fête qui a paru des
plus brillantes. La Fête est interrompue
par une tempête; la Mer en courroux jette
sur le rivage un Monstre furieux. Hippolyte
va le combattre ; le Monstre blessé
vomit du feu et de la fumée , & c. Tout
étant dissipé , Arice éperduë de ne voir
plus ni Hippolyte ni le Monstre tombe
évanouie ; les Chasseurs trompés par la
disparition d'Hippolyte le croient mort
ils déplorent son sort. Phedre appellée
par leurs cris , arrive ; elle leur demande
la cause de leurs plaintes ; ils lui annoncent
la mort d'Hippolyte , par ces deux
Vers :
pa
Un Monstre furieux , sorti du sein des Flots ;
: Vient de nous ravir ce Héros.
Phedre
2246 MERCURE DE FRANCE
Phédre s'accuse elle-même d'une mort
qu'elle impute à son imposture ; agitéo
de remords , elle croit entendre le tonnerre
, voir trembler la terre , et les Enfers
s'ouvrir sous ses pas ; elle finit l’Acte
par ces Vres :
›
>
"
Dieux cruels , vangeurs implacables
Suspendez un courroux qui me glace d'effroi ş
Ah ! si vous êtes équitables ,
Ne tonnez pas encor sur moi ;
La gloire d'un Héros que l'imposture opprime &
Vous demande un juste secours ;
Laissez-moi révéler à l'Auteur de ses jours ,
Et son innocence , er mon crime.
Au VeActe , le Théatre ne change qu'à
la troisiéme Scene. Les deux premieres
Scenes sont employées à apprendre aux
Spectateurs que Phédre est morte aux
yeux de Thesée , après avoir justifié Hippolyte
, comme elle l'a promis à la fin de
PActe précédent. Ce malheureux Pere
veut se précipiter dans la Mer : Neptune
Pen empêche et lui apprend que son Fils
a été sauvé par Diane. Il lui annonce que
le Destin dans le temps qu'il alloit servir
son aveugle colere , à daigné l'affranchir
de son serment. Il ajoute que ce Maître
des Dieux a ordonné en même temps
qu'un
1
1
OCTOBRE 1733. 2247
qu'un Pere si injuste soit privé pour jas
mais de la vuë d'un Fils si vertueux.
1
On a retranché ces deux premieres
Scenes qui produisoient quelque irrégula
rité contre l'unité de lieu , par le chan
gement de Scene dans le même Acte.
L'Auteur avoit prévenu l'objection dans
sa Préface; mais le Public ne s'y étant pas
prêté , il n'a pas balancé à le satisfaire.
L'Acte commence présentement par
le changement de Lieuson voit un nuage
transporter Aricie dans la Forêt qui porte
son nom ; comme elle croit avoir vû
périr Hippolyte , elle se livre toute entiere
à sa douleur , qu'elle fait éclater par
un Monologue des plus touchans , tandis
qu'elle est ensevelie dans une profon
de tristesse ; une Troupe de Bergers et de
Bergeres invitent Diane à descendre des
Cieux. Au nom de Diane , Aricie , malgré
sa douleur mortelle, sent ranimer son
zele pour la Divinité , à qui elle s'est dévouée
dès sa plus tendre enfance.
La Déesse promet un nouveau Maître
aux Peuples , pour prix de leur zele ; elle
leur ordonne d'aller préparer les plus
beaux Jeux pour le recevoir ; elle arrête
Aricie prête à se retirer. Ala voix de
Diane , les Zéphirs amenent Hyppolyte
qu'elle leur a confié , après l'avoir sauvé
du
E248 MERCURE DE FRANCE
du Monstre ; ces tendres Amans passent
tout d'un coup de la plus mortelle dou
leur à la joye la plus vive. Diane leur
rend compte de tout ce qui s'est passé au
sujet de Thesée et de Phédre . Voici comme
elle s'explique :
Neptune alloit servir une aveugle vangeance ;
Quand le Destin , dont la puissance ,
Fait trembler les Enfers, et la Terre et les Cieux,
A daigné l'affranchir d'un serment odieux ;
Qui faisoit périr l'innocence .
Phédre , aux yeux de Thésée a terminé son sort,
Et t'a rendu ta gloire en se donnant la mort.
Les Peuples d'Aricie viennent célébrer
la fête du couronnement d'Hippolyte et
d'Aricie , par leurs Chants et par leurs
Danses.
On à trouvé la Musique de cet Opéra
un peu difficile à exécuter , mais par l'habileté
des Simphonistes et des autres Musicions
, la dificulté n'en a pas empêché
l'exécution . Les Principaux Acteurs , tant
chantans , que dansans ,s'y sont surpassez.
La DellePetitpas s'y est distinguée par un
ramage de Rossignol qu'on n'a jamais
porté si loin . Le Poëte n'a pas démenti ·
ses Ouvrages précedens ; et le Musicien a
forcé les plus séveres critiques à convenir
que
C
OCTOBRE. 1733. 2249
que dans son premier Ouvrage Lyrique .
li a donné une Musique mâle et harmonieuse
; d'un caractere neuf; nous
voudrions en rouvoir donner un Extrait,
comme nous faisons du Poëme , et faire
sentir ce qu'elle a de sçavant pour l'ex-.
pression dans les Airs caracterisez , les
Tableaux , les intentions heureuses et
soutenues, comme le Choeur et la Chasse
du 4 Acte ; l'Entrée des Amours au Prologue
; le Choeur et la Simphonie du To
nerre; la Gavotte parodiée que chante la
Delle Petitpas au ier Acte ; les Enfers du
2e Acte , l'Image effrayante de la Furie
avec Thesée et le Choeur,&c. Au 3me Ac
te , le Monologue de Thesée , son invocation
à Neptune , le Frémissement des
= Flots. Le Monologue de Phedre dâns
l'Acte suivant. Celui d'Aricie , dans le S
la Bergerie , & c.
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Résumé : Hypolite et Aricie, Extrait, [titre d'après la table]
Le 1er octobre, l'Académie Royale de Musique a présenté la première représentation de la tragédie en musique 'Hippolyte et Aricie'. Le poème est de M. le Chevalier Pellegrin et la musique de M. Rameau. Le public a accueilli favorablement cet opéra, laissant espérer de nombreuses représentations. Le prologue, inspiré par Hygin, se déroule dans la forêt d'Érymanthe. Diane y évoque la victoire d'Hercule sur un monstre et l'invincibilité de l'amour. Jupiter descend et annonce que l'amour régnera partout, sauf un jour par an, éclairé par le flambeau de l'Hymen. Diane, obéissant au destin, quitte la scène. Dans la tragédie, Aricie, princesse des Pallantides, expose sa situation dans un monologue. Hippolyte assure Aricie de son indignation face à la violence de Phèdre, ordonnée par Thésée. Phèdre félicite Aricie sur sa future gloire, mais Aricie refuse ces vœux forcés. Diane descend et menace Phèdre, protégeant Hippolyte et Aricie. Phèdre, jalouse, se livre à ses transports. Arcas annonce que Thésée est descendu aux Enfers. Thésée, tourmenté par une Furie, expose ses malheurs à Pluton, qui le renvoie devant les juges des Enfers. Thésée implore Neptune, qui lui permet de revenir sur terre. Les Parques révèlent à Thésée que les Enfers l'attendent chez lui. Au troisième acte, Phèdre prie Vénus. Hippolyte, venu sur ordre de Phèdre, refuse ses avances. Phèdre, déçue, jure la mort d'Aricie. Thésée arrive et, rappelant la prédiction des Parques, ordonne à Enone de révéler la vérité. Enone accuse Phèdre d'amour funeste. Thésée, désespéré, invoque Neptune pour la mort d'Hippolyte. Au quatrième acte, Hippolyte, en exil, expose sa situation à Aricie. Ils décident de se marier et prient Diane. Une tempête apporte un monstre marin. Hippolyte combat le monstre, mais disparaît. Aricie, évanouie, est secourue par Phèdre, informée de la mort d'Hippolyte. Dans le cinquième acte, il est révélé que Phèdre est morte après avoir innocenté Hippolyte devant Thésée, son père. Thésée, désespéré, tente de se suicider mais est arrêté par Neptune, qui lui annonce qu'Hippolyte a été sauvé par Diane et que Thésée est puni pour son injustice. La scène change ensuite pour montrer Aricie, qui pleure la perte d'Hippolyte. Diane apparaît, ramène Hippolyte à la vie et les unit avec Aricie. La musique de l'opéra est décrite comme difficile mais bien exécutée, avec des performances remarquables des acteurs et musiciens. Le poète et le musicien sont loués pour leur travail, notamment pour les airs caractéristiques, les tableaux et les chœurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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41
p. 2816-2819
IMITATION de l'Ode d'Horace, Justum et tenacem, &c.
Début :
L'Homme juste et constant dans ses moeurs héroïques [...]
Mots clefs :
Horace, Fils, Ilion, Moyen, Dieux, Priam
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : IMITATION de l'Ode d'Horace, Justum et tenacem, &c.
IMITATION de l'Ode d'Horace ,
Justum et tenasem , &c.
L
'Homme juste et constant dans ses moeurs
héroïques
D'un Peuple mutiné dédaigne les pratiques ,
D'un Tiran menaçant le visage enflammé :
Immobile , il soutient l'effort de la tempête ;
Ferme , il entend gronder la foudre sur sa tête ;
L'Univers tomberoit sans qu'il fût allarmé.
Pour arriver au Ciel , ce moyen fut le guide
Qui dirigea les pas de Pollux et d'Aleide ;
( Auguste boit déjà le Nectar avec eux. )
Ce fut par ce moyen , puissant fils de Semele ,
Que t'éleva jadis à la gloire immortelle
Ton Chariot traîné par des Tigres fougueux .
Par ce moyen encore et si noble et si rare ,
Le divin Romulus évita le Tartare ,
Secondé des Coursiers au Dieu Mars consacrez ;
Après qu'aux Immortels , Junon moins couroucée
,
II. Vol. Dans
DECEMBR E. 1733. 2817
Dans le Conseil Celeste , eut marqué sa pensée ,
Par ces mots à la fois chéris et réverez.
"
»Un Juge incestueux , une Etrangere infâme ,
D'Ilion, par leur crime ont allumé la flam me ,
" Et quand Laomedon aux Dieux manqua de foi ,
» Nos coeurs s'interessant à vanger cette injure ,
La perte des Troyens et de leur Chef parjure ,
Dès -lors fut résoluë entre Minerve et moy.
» Enfin , de ses forfaits il a porté la peine ,
» Cet Hôte si fameux de l'adultere Helene ;
Priam de son Hector fatalement privé ,
» Aux ravages des Grecs n'oppose plus de digues ;
» Ce débat obstiné qu'allongeoient nos intrigues,
» Ce débat malheureux est enfin achevé.
50
לכ
53
C'en est fait , je renonce à ma juste colere ;
Mon petit-fils , Troyen du côté de sa Mere ,
M'est , en faveur de Mars , beaucoup moin
odieux :
Qu'il hahite avec nous ces demeures heureuses;
Qu'il goûte du Nectar les douceurs savoureuses
;
Qu'il vienne , j'y consens , s'asseoir au rang
des Dieux .
Pourvu qu'un long trajet partage Rome er
Troye ,
11. Vol. Qu'ins
1816 MERCURE DE FRANCE
Qu'insultez des Troupeaux,qu'aux Reptiles en
proye ,
De Priam , de Paris les Buchers soient deserts ,
Regnent ces Exilez de l'un à l'autre Pole ;
» Subsiste , j'y consens , l'éclatant Capitole ;
Puisse aux Medes vaincus Rome donner des fers.
Qu'elle étende son nom jusqu'aur bornes du
Monde ,
Bornes qu'entre l'Europe et l'Affrique met
l'Onde ,
Jusqu'en l'heureux Pais par le Nil arrosé :
Qu'en ne cherchant point l'or, vrayement pru
dente et sage ,
Elle aspire à l'honneur d'en dédaigner l'usage ,
Et s'épargne l'affront d'en avoir abusé.
Que de ses traits vainqueurs les atteintes more
telles
Se fassent ressentir à tous Peuples rebelles ,
Des climats les plus chauds , aux climats les
plus froids ;
» Mais à condition qu'une pieté vaine ,
N'excitera jamais la vaillance Romaine
A vouloir d'Ilion renouveller les Toits.
» Ilion rebâti , retombera par terre.
» Je veux , moi , femme et soeur du Maître d
Tonnerre ,
Rassembler contre lui tous mes Grecs en
courroux ; » Qu'ADECEMBRE.
1733. 2819
Qu'Apollon par trois fois d'un mur d'airais
l'entoure ,
Trois fois le renversant , leur fatale bravoure
» Fera pleurer la mort des Fils et des Epoux . )
Que faites-vous, ma Muse,où tend votre délire?
Ceci ne convient pas aux accents d'une Lyrë
Destinée à chanter les Amours et les Ris ;
Vous récitez des Dieux les Discours magna
nimes ;
Gardez - vous d'achever , et de ces Chants su
blimes ,
Par vos foibles accords n'abbaissez plus le prix.
F. M. F.
Justum et tenasem , &c.
L
'Homme juste et constant dans ses moeurs
héroïques
D'un Peuple mutiné dédaigne les pratiques ,
D'un Tiran menaçant le visage enflammé :
Immobile , il soutient l'effort de la tempête ;
Ferme , il entend gronder la foudre sur sa tête ;
L'Univers tomberoit sans qu'il fût allarmé.
Pour arriver au Ciel , ce moyen fut le guide
Qui dirigea les pas de Pollux et d'Aleide ;
( Auguste boit déjà le Nectar avec eux. )
Ce fut par ce moyen , puissant fils de Semele ,
Que t'éleva jadis à la gloire immortelle
Ton Chariot traîné par des Tigres fougueux .
Par ce moyen encore et si noble et si rare ,
Le divin Romulus évita le Tartare ,
Secondé des Coursiers au Dieu Mars consacrez ;
Après qu'aux Immortels , Junon moins couroucée
,
II. Vol. Dans
DECEMBR E. 1733. 2817
Dans le Conseil Celeste , eut marqué sa pensée ,
Par ces mots à la fois chéris et réverez.
"
»Un Juge incestueux , une Etrangere infâme ,
D'Ilion, par leur crime ont allumé la flam me ,
" Et quand Laomedon aux Dieux manqua de foi ,
» Nos coeurs s'interessant à vanger cette injure ,
La perte des Troyens et de leur Chef parjure ,
Dès -lors fut résoluë entre Minerve et moy.
» Enfin , de ses forfaits il a porté la peine ,
» Cet Hôte si fameux de l'adultere Helene ;
Priam de son Hector fatalement privé ,
» Aux ravages des Grecs n'oppose plus de digues ;
» Ce débat obstiné qu'allongeoient nos intrigues,
» Ce débat malheureux est enfin achevé.
50
לכ
53
C'en est fait , je renonce à ma juste colere ;
Mon petit-fils , Troyen du côté de sa Mere ,
M'est , en faveur de Mars , beaucoup moin
odieux :
Qu'il hahite avec nous ces demeures heureuses;
Qu'il goûte du Nectar les douceurs savoureuses
;
Qu'il vienne , j'y consens , s'asseoir au rang
des Dieux .
Pourvu qu'un long trajet partage Rome er
Troye ,
11. Vol. Qu'ins
1816 MERCURE DE FRANCE
Qu'insultez des Troupeaux,qu'aux Reptiles en
proye ,
De Priam , de Paris les Buchers soient deserts ,
Regnent ces Exilez de l'un à l'autre Pole ;
» Subsiste , j'y consens , l'éclatant Capitole ;
Puisse aux Medes vaincus Rome donner des fers.
Qu'elle étende son nom jusqu'aur bornes du
Monde ,
Bornes qu'entre l'Europe et l'Affrique met
l'Onde ,
Jusqu'en l'heureux Pais par le Nil arrosé :
Qu'en ne cherchant point l'or, vrayement pru
dente et sage ,
Elle aspire à l'honneur d'en dédaigner l'usage ,
Et s'épargne l'affront d'en avoir abusé.
Que de ses traits vainqueurs les atteintes more
telles
Se fassent ressentir à tous Peuples rebelles ,
Des climats les plus chauds , aux climats les
plus froids ;
» Mais à condition qu'une pieté vaine ,
N'excitera jamais la vaillance Romaine
A vouloir d'Ilion renouveller les Toits.
» Ilion rebâti , retombera par terre.
» Je veux , moi , femme et soeur du Maître d
Tonnerre ,
Rassembler contre lui tous mes Grecs en
courroux ; » Qu'ADECEMBRE.
1733. 2819
Qu'Apollon par trois fois d'un mur d'airais
l'entoure ,
Trois fois le renversant , leur fatale bravoure
» Fera pleurer la mort des Fils et des Epoux . )
Que faites-vous, ma Muse,où tend votre délire?
Ceci ne convient pas aux accents d'une Lyrë
Destinée à chanter les Amours et les Ris ;
Vous récitez des Dieux les Discours magna
nimes ;
Gardez - vous d'achever , et de ces Chants su
blimes ,
Par vos foibles accords n'abbaissez plus le prix.
F. M. F.
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Résumé : IMITATION de l'Ode d'Horace, Justum et tenacem, &c.
Le texte est une imitation de l'Ode d'Horace intitulée 'Justum et tenacem'. Il décrit un homme juste et constant dans ses mœurs héroïques, imperturbable face aux tempêtes et à la foudre. Des exemples mythologiques illustrent cette fermeté : Pollux et Aléide, Auguste, Bacchus, et Romulus, qui ont atteint la gloire immortelle par leur justice et leur constance. Le texte relate ensuite un discours de Junon, qui évoque la destruction de Troie en raison des crimes d'un juge incestueux, d'une étrangère infâme, et de la trahison de Laomédon envers les dieux. Junon renonce à sa colère contre Énée, le petit-fils de Priam, et consent à ce qu'il habite parmi les dieux, à condition que Rome et Troie restent séparées et que Troie ne soit jamais reconstruite. Junon menace de rassembler les Grecs pour détruire Troie si elle est rebâtie, utilisant la bravoure fatale des Grecs pour pleurer la mort des fils et des époux. La muse de l'auteur interrompt alors le récit, se reprochant de dévaloriser les chants lyriques destinés à célébrer les amours et les rires.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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42
p. 199-202
IMITATION de l'Ode d'Horace, qui commence Qualem ministrum, &c.
Début :
Tel que le noble Oyseau, Ministre du Tonnere, [...]
Mots clefs :
Néron, Dieux, Horace
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texteReconnaissance textuelle : IMITATION de l'Ode d'Horace, qui commence Qualem ministrum, &c.
IMITATION
De l'Ode d'Horace , qui commence
T
Qualem ministrum , &c .
El que le noble Oyseau , Ministre
du Tonnere ,
Que pour avoir ravi Ganimede
à la terre ,
Le Roy des Dieux fit Roy des habitans de l'air;
Quitte son nid , jaloux des forces paternelles ,
A ij
Et
200 MERCURE DE FRANCE
Et surpasse déja par l'effort de ses aîles,
Les paisiblés Zéphirs , successeurs de l'Hyver .
Bien-tôt l'expérience, augment ant son audace
Il va , fier ennemi d'une timide race ,
Jusqu'en leur Bergerie , attaquer les Agneaux ;
it bravant des Dragons la résistance vaine ,
Ose , pressé de faim , et transporté de haine
Leur livrer constamment les plus rudes assauts.
> Tel encor, que , sur soi , dans un Vallon
champêtre ,
Le Chevreuil occupé du soin de se repaître ,
A vû fondre un Lion , nouvellement sevré ,
Tel , au combat , donné près des Alpes altieres ,
Drusus , qu'accompagnoient mille vertus guer
rieres ,
Aux Vindéliciens , aux Rhetes s'est montré.
Leurs cruels Escadrons , jaloux de notre gloire,
Ayant long-temps volé de victoire en victoire
Vaincus par un jeune homme ont senti le pouvoir
3
D'un instinct vertueux qu'enrichit la culture ,
Et connu ce qu'ajoûte aux dons de la nature ,
Le soin que des Nerons , Auguste daigne avoir
Des forts naissent les forts ; la vigueur , le
Courage ,
Aux
FEVRIER. 1734. 201
Aux Coursiers, aux Taureaux passent en héritage,
L'Aigle n'engendre point un Ramier délicat ;
Mais un heureux exemple est ce qui vivifie ;
Toujours un coeur bien né par lui se fortifie ,
par lui la vertu conserve son éclat. Et
Rome, grace aux Nérons, tu subsistes encore;
Au vainqueur d'Asdrubal , défait près du Métaure
;
Tu dûs le premier jour de tes félicitez ,
Depuis qu'à la fureur joignant la perfidie ,
Tel qu'un vent orageux , ou tel qu'un incendie
Le superbe Affricain ravagent nos Citez .
Après ce jour heureux que nous fit luire Claude
,
La jeunesse Romaine , à la force , à la fraude ;
Sçut opposer des bras toujours victorieux ;
Et ceuillant de Lauriers les moissons les plus
amples ,
Sa vertu rétablit et le culte et les Temples ,
Que la rage Punique avoit ravis aux Dieux.
Le perfide Annibal , à cet aspect s'écrie ,
» C'est trop d'avides Loups ' provoquer la furie ,
Foibles Cerfs tant de fois vaincus et dispersez ;
» C'en est trop , c'en est trop , par une fuite
prompte ,
» D'une défaite entiere épargnons- nous la honte,
A iij Les ""
102 MERCURE DE FRANCE
» Les tromper en fuyant , c'est triompher assez-
Le Peuple , qui porta dans les Champs Italiques
Ses Enfans , ses Vieillards et ses Dieux domestiques
,
Sauvez des feux de Troye, et des flots de la Mer,
( Semblable au Chêne altier , qui , sur l'Algide
sombre ,
Jadis tondu , pullule en rejettons sans nombre )
Doit son accroissement aux outrages du fer.
L'Hydre fort de sa playe , étoit moins redoutable
:
Jamais Thebe ou Colchos n'eut un Monstre semblable
.
Qu'on le plonge dans l'Onde, il n'en sort que plus
beau ,
Proposer-lui la Lutte , il vous jette par terre ,
Et les femmes de ceux qui lui livrent la guerre ,
Chaque jour de pleurer ont un sujet nouveau.
C'est fait de notre honneur : Qu'esperer davans .
tage ?
Puisque Asdrubal est mort , que desormais Carthage
N'attende plus de moi de superbes Courriers ,
Aux forces des Nérons,tous succès sont possibles ,
Et Jupiter a mis , pour les rendre invincibles ,
Leur prudence au dessus de tout l'art des Gues
aiers.
F. M. F.
De l'Ode d'Horace , qui commence
T
Qualem ministrum , &c .
El que le noble Oyseau , Ministre
du Tonnere ,
Que pour avoir ravi Ganimede
à la terre ,
Le Roy des Dieux fit Roy des habitans de l'air;
Quitte son nid , jaloux des forces paternelles ,
A ij
Et
200 MERCURE DE FRANCE
Et surpasse déja par l'effort de ses aîles,
Les paisiblés Zéphirs , successeurs de l'Hyver .
Bien-tôt l'expérience, augment ant son audace
Il va , fier ennemi d'une timide race ,
Jusqu'en leur Bergerie , attaquer les Agneaux ;
it bravant des Dragons la résistance vaine ,
Ose , pressé de faim , et transporté de haine
Leur livrer constamment les plus rudes assauts.
> Tel encor, que , sur soi , dans un Vallon
champêtre ,
Le Chevreuil occupé du soin de se repaître ,
A vû fondre un Lion , nouvellement sevré ,
Tel , au combat , donné près des Alpes altieres ,
Drusus , qu'accompagnoient mille vertus guer
rieres ,
Aux Vindéliciens , aux Rhetes s'est montré.
Leurs cruels Escadrons , jaloux de notre gloire,
Ayant long-temps volé de victoire en victoire
Vaincus par un jeune homme ont senti le pouvoir
3
D'un instinct vertueux qu'enrichit la culture ,
Et connu ce qu'ajoûte aux dons de la nature ,
Le soin que des Nerons , Auguste daigne avoir
Des forts naissent les forts ; la vigueur , le
Courage ,
Aux
FEVRIER. 1734. 201
Aux Coursiers, aux Taureaux passent en héritage,
L'Aigle n'engendre point un Ramier délicat ;
Mais un heureux exemple est ce qui vivifie ;
Toujours un coeur bien né par lui se fortifie ,
par lui la vertu conserve son éclat. Et
Rome, grace aux Nérons, tu subsistes encore;
Au vainqueur d'Asdrubal , défait près du Métaure
;
Tu dûs le premier jour de tes félicitez ,
Depuis qu'à la fureur joignant la perfidie ,
Tel qu'un vent orageux , ou tel qu'un incendie
Le superbe Affricain ravagent nos Citez .
Après ce jour heureux que nous fit luire Claude
,
La jeunesse Romaine , à la force , à la fraude ;
Sçut opposer des bras toujours victorieux ;
Et ceuillant de Lauriers les moissons les plus
amples ,
Sa vertu rétablit et le culte et les Temples ,
Que la rage Punique avoit ravis aux Dieux.
Le perfide Annibal , à cet aspect s'écrie ,
» C'est trop d'avides Loups ' provoquer la furie ,
Foibles Cerfs tant de fois vaincus et dispersez ;
» C'en est trop , c'en est trop , par une fuite
prompte ,
» D'une défaite entiere épargnons- nous la honte,
A iij Les ""
102 MERCURE DE FRANCE
» Les tromper en fuyant , c'est triompher assez-
Le Peuple , qui porta dans les Champs Italiques
Ses Enfans , ses Vieillards et ses Dieux domestiques
,
Sauvez des feux de Troye, et des flots de la Mer,
( Semblable au Chêne altier , qui , sur l'Algide
sombre ,
Jadis tondu , pullule en rejettons sans nombre )
Doit son accroissement aux outrages du fer.
L'Hydre fort de sa playe , étoit moins redoutable
:
Jamais Thebe ou Colchos n'eut un Monstre semblable
.
Qu'on le plonge dans l'Onde, il n'en sort que plus
beau ,
Proposer-lui la Lutte , il vous jette par terre ,
Et les femmes de ceux qui lui livrent la guerre ,
Chaque jour de pleurer ont un sujet nouveau.
C'est fait de notre honneur : Qu'esperer davans .
tage ?
Puisque Asdrubal est mort , que desormais Carthage
N'attende plus de moi de superbes Courriers ,
Aux forces des Nérons,tous succès sont possibles ,
Et Jupiter a mis , pour les rendre invincibles ,
Leur prudence au dessus de tout l'art des Gues
aiers.
F. M. F.
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Résumé : IMITATION de l'Ode d'Horace, qui commence Qualem ministrum, &c.
Le texte imite une ode d'Horace et décrit la métamorphose d'un jeune aigle, comparé à Ganimède, qui quitte son nid et surpasse les Zéphyrs. L'aigle attaque les agneaux et brave les dragons, illustrant son audace croissante. Ce comportement est comparé à celui de Drusus, un jeune guerrier romain ayant vaincu les Vindéliciens et les Rhètes, démontrant que les forts naissent des forts. Le texte souligne que la vertu et le courage sont héréditaires et renforcés par l'exemple. Rome, sous des leaders comme Auguste et Claude, a résisté aux attaques d'Hannibal. Après la défaite d'Asdrubal près du Métaure, la jeunesse romaine a restauré la vertu et les temples. Hannibal, impressionné par la résilience romaine, reconnaît la futilité de continuer le combat. Le peuple romain, comparé à un chêne qui repousse après avoir été tondu, a su croître grâce aux épreuves. L'Hydre, symbole de Carthage, est décrit comme redoutable mais vaincue par la prudence et la force des Romains. Le texte se conclut par la certitude que, grâce à la prudence et à la force des Nérons, Rome est invincible.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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43
p. 322-335
Les Dons des Enfans de Latone, &c. [titre d'après la table]
Début :
LES DONS DES ENFANS DE LATONE, la Musique est la Chasse du Cerf, Poëmes [...]
Mots clefs :
Musique, Apollon, Dieux, Chant, Amour, Auteur, Voix, Épître, Bergers, Chants, Inventer, Genre, Mortels, Latone, Enfants
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texteReconnaissance textuelle : Les Dons des Enfans de Latone, &c. [titre d'après la table]
LES DONS DES ENFANS DE LATONE ,
la Musique et la Chasse du Cerf, Poëmes
dédiez au Roy. A Paris , Quay de Gêvres
, ruë S. Jean de Beauvais , et Quay
des Augustins , chez Prault , Desaint , et
Guerin , 1734. in 8. de 330. pages , sans
l'Epitre et la Préface , et sans les Tons
de Chasse et Fanfares , à une et deux
Trompes , dont la Lettre et la Musique
sont gravées en 32. pages.
Epitre
FEVRIER 1734- 323
L'Epître au Roy commence ainsi .
Digne présent des Dieux , doux fruit de leur
Largesse ,
Grand Roy , dont la bonté , la grace , la Sa
gesse ,
Enchantent des François les regards et le coeur,
Pendant que ton nom vole et seme la terreur ,
Avant d'entrer au Char que t'aprête Bellone ,
Reçoi les dons flatteurs des Enfans de Latone,
Mais que ne dois- tu pas au zele d'Apollon ?
Est-il quelque détour dans le sacré Vallon,
Où de ses feux féconds la lumineuse trace ,
N'ait ouvert à tes yeux les trésors du Parnasse ›
Un guide que ce Dieu lui même t'a donné , -
Dans le champ des Beaux Arts longtemps t'a
promené ;
Il porta devant toi ce flambeau qui t'éclaire ,
Ta sagesse est son bien, ta gloire est son salaire.
Sans doute dans le cours de ses doctes leçons
Il ne fit point entrer la science des sons.
Phoebus se reservoit le droit de t'en instruire :
Ecoute les accents que vient t'offrir sa Lyre ;
D'une Muse empressée il soutient les efforts ,
Pour t'annoncer les Loix de ses divins accords.
Le premier Poëme est celui d'Apollon
ou de l'origine des Spectacles en Musi-
Fiiij que,
324
MERCURE DE FRANCE
que rien n'est plus ingenieux et mieux
conduit que la Fable dont l'Auteur s'est
servi pour établir les principes de la
Musique , la création successive de divers
Instrumens , quelques regles de la
composition ; et pour parvenir enfin à
l'établissement des Opéras , il a sçu mettre
en action tous les Dieux , dont Apollon
est le Héros, et dans une matiere qui
sembloit ne devoir étre que Didactique
il y met un mouvement si interessant
avec tant de clarté et rempli de tant
d'images agréables , qu'on ne s'apperçoit
plus qu'on s'instruit d'un art difficile.
Dans le premier Chant après avoir établi
les trois dons ; de voir , de parler et
d'entendre , accordez à l'homme par la
nature, dont on fait une description aussi
noble que singuliere , l'Auteur suppose
qu'Apollon déguisé en Berger d'Admete
trouvant les Bergers de l'Amphrise attroupez
pour entendre le concert des
Oyseaux , et se plaignant des Dieux d'avoir
refusé à l'homme un talent si merveilleux
, leur reproche leur injustice ,
et leur apprend que le don de la voix a
été accordé aux hommes d'une maniere
infiniment supérieure aux chants des Oiseaux
, qu'il ne leur manque que la connoissance
d'un art inventé pour les Dieux
СЕ
FEVRIER. 1734- 3.25
et dont il offre de leur faire part .
On ne sera pas fâché de voir ici comment
s'exprime l'Auteur dans les premieres
pages de son premier Chant .
"
L'air dans un sein fecond est à peine reçû ,
Que le son aussitôt repoussé que conçû ,
D'un flexible gosier s'ouvrant la trace humide
Se fait entendre du gré ûu souffle qui le guide ;
Des muscles , des tendons au passage attachez
En bordent les contours plus ou moins relâchez ;
S'ils se serrent , le son avec éclat s'élance ;
S'ils s'ouvrent , il grossit : de cette différence ,
Du grave ou de l'aigu nait le genre opposé ;
Entr'eux se forme encore un ordre composé ,
Dont les accens suivis , s'élevent ou descendent ;
Se détachent par bonds , voltigent , ou s'étendent
.
Pour l'homme c'étoit peu de parler et de voir ,
Si de s'oüir soi - même il n'eût eu le pouvoir :
Trois osselets legers que cet étuy renferme, ( a )
L'un par l'autre frappez , trouvent un nerfpour
terme.
Si-tôt que pénétrant ces tortueux détours ,
La voix jusques au fond a prolongé son cours ,
Du même mouvement dont elle fût poussée
Elle heurte des os la suite compassée.
か
(( a ); Latête,.
F * Le
326 MERCURE DE FRANCE
"Le premier sous la forme et le nom d'un mar,
1
teau ,
N'est pas plutôt frappé d'un froissement ˝nouvcau
,
Qu'il le rend à l'instant dans le même volume ,
Au second qui le suit et qui lui sert d'enclume.
Cette enclume à son tour fait frémir son sou
tien :
Là le nerf attaché par un leger lien ,
De cette impulsion sentant la violence ,
Du son dans le cerveau porte la connoissance ;
Qui tel qu'en une voute ou d'yvoire ou d'airain
,
Retentit et des voix forme l'écho certain.
Dans quarante Vers l'Auteur fait ensuite
un précis des principaux Elemens
de la Musique ; il les borne cependant
à la seule connoissance des modes naturels
, leur cache les transpositions par les
diezes et par les B. mols , et toutes les
fausses dissonances dont la sensibilité luf
paroît dangereuse , et pourroit troo
amollir: il dit :
Les Dieux seuls à leur gré vertueux , invincibles ,
Se reservent pour eux ces délices sensibles, &c.
C'est cette réserve qui fait le noud
du Poëme ; après les avoir suffisamment
instruits Apollon se fait connoître et
paroît
FEVRIER. 1734 327.
paroît aux Bergers revêtu de son éclat.
Ce Chant a du coûter à l'Auteur pour
rendre avec netteté les Elemens de la
Musique aussi est-ce le seul où on
trouve plus de didactique ; les trois
autres Chants sont en action , et
ne représentent que des images amusantes.
>
SECOND CHANT.
Les Bergers reconnoissans des bienfaits
d'Apollon , ne s'occupent plus qu'à
mettre en pratique leurs nouvelles connoissances
; Minerve devient jalouse du
culte rendu à Apollon , et , pour attirer
au sien les Bergers , elle imagine de former
un instrument des rozeaux qui se
trouvent sous sa main ; elle donne les
commencemens de la Flute à bec ; mais
elle s'apperçoit bien - tôt que les traits
de son visage en sont alterez .
Elle en rougit de honte , et quittant le rivage ,
Abandonne aux mortels le fruit de son ouvrage.
Pan l'apperçoit, en étudie les positions,
les découvre , et en fait usage avec succès
; en voicy la description.
Le Canal qui le perce , également concave ,
Sous l'empire des mains , y tient le son'esclave ;
F vj Sc
328 MERCURE DE FRANCE
Sa tête s’extenuë , en courbe finissant ;
L'autre bout évasé , Louvre en s'arrondiss ant ;
· Ses trous , daps un long ordre, arrangez par me-
..sure ,
Divisent de ce corps l'harmonique figure ;
Le premier plus ouvert , des autres détaché ,
Rend tout l'air qu'il reçoit et n'est jamais bouché.
Cette description finit par l'effet qu'elle
produit dans les Campagnes .
Il module avec art une chanson nouvelle ;
Non content de l'apprendre aux Echos des For
rêts ,
Il en veut dans les Champs étaler les attraits ;
A l'éclat de ses sons , les timides Bergeres ,
Les Faunes , les Sylvains , et les Nimphes légeres
Volent autour de lui , le suivent en tous lieux
Et forment , en dansant , un cercle gracieux.
L'Email , de mille fleurs , sous leurs pas se déploye
,
Et la terre paroît en tressaillir de joye..
Apollon devient jaloux à son tour de
Minerve , et pour la surpasser il invente
la Lyre ou le Violon toutes les parties:
en sont exprimées avec bien de la netteté
et de la précision . Le Lecteur en va juger.
DonFEVRIER.
1734 329
Donnons la voix aux Nerfs , et que le Bois
resonne.
T Ildit : Et le Laurier qu'un nouvel art façonne
D'un Instrument nouveau , prend la forme soudain
,
Deux Tables de ce bois , qu'a refendu sa main .
Répondent l'une à l'autre , et leur mesure égale,
A la vue , offriroit l'image d'un ovale ,
Si le trait transversal de deux cintres rentrans ,
De son juste milieu , ne recourboit les flancs,
Quatre Nerfs que Latone elle-même a filez ;
Inégaux en grosseur , par dégré redoublez ,
se roulent sur leurs Clefs , dociles à s'étendre ,
Et prompts à se prêter aux sons qu'ils doivent :
rendre.
Un Archet manque encor qu'il naisse du Lau
rier ,
Die Phoebus ; que Pégaze accoure y déployer ,.
Be son col argenté , l'étincelante Soye.
Icy on voit une brillante image de tous
les Dieux descendus du Ciel, pour enten →
dre jouer Apollon ; l'Amour s'en approche
de plus près , et le
de lui appresse
prendre et la Musique et l'Art de jouer
du Violon . Cette peinture est trop charmante
pour n'en pas mettre icy quelques.
raits.
330 MERCURE DE FRANCE
Sous un nuage épais , le Tiran de Cithere ,
L'Amour dormoit panché sur le sein de sa înere,
A ce bruit il s'éveille , et dessillant ses yeux ,
Va porter de plus près ses regards curieux.
Phoebus impatient , souffre à regret sa vuë ,
Il connoît d'un enfant , la main peu retenuë ;'
Il le fuit , mais en vain ; l'Amour pose cent
fois ,
Sur les Nerfs résonnans , ses téméraires doigts ;
Il interrompt le cours des divines cadences ,
L'accable imprudemment d'importunes instances
.
&c.
Phébus lui refuse les secrets de son Art,
et lui parle en ces termes :
La Lyre , répond-t - il, n'est point faite à Pusage
,
D'un Dieu , qui des humains , amollit le courage
;.
Elle ne doit servir qu'à chanter les Héros ,
Vainqueurs de la mollesse , ennemis du repos ,
Dont les noms sont gravez au Temple de mémoire
,
Ou , qu'à chanter des Dieux , les bienfaits et la
gloire .
Comme Apollon joüant devant les
Dieux, n'avoit rien caché de tous les mys
teres de son Art, qu'il avoit jusques-là jugé
FEVRIER 1734. 331
gé à propos de celer aux Mortels , l'Amour
se taît , et s'applique à en décou
vrir toute la finesse ; il apprend toutes les
transpositions par les Dièses et par les B
mols , et toutes les Dissonnances. Apollon
ne s'en apperçoit point ; les Dieux se
séparent , et l'Amour chargé de son nou
veau larcin , se prépare à s'en servir pour
augmenter ses conquêtes.
TROISIEME CHANT.
L'Amour va trouver Pan dans l'Arcadie,
il l'instruit de tous ses secrets , lui
apprend le different usage qu'on doit faire
des Dièzes et des B mols , pour remuer
, étonner ou amollir les coeurs des
Mortels , selon les passions différentes
qu'on leur veut inspirer.Leur union produit
bien- tôt un effet surprenant; tout cede
,tout se rend auxChansons amoureuses.
Minerve reparoît et indignée de la corruption
générale que font dans la Grece
les Chants effeminez de Pan et de l'Amour
, elle va trouver Apollon , lui expose
l'abus qu'on fait de son Art ; ils concertent
les moyens d'y remédier. Apollon
invente la Trompette , et la fait emboucher
par Bellone.
Bellonne vient , l'embouche , et court de toutes
parts
Ras
332 MERCURE DE FRANCE
Rassembler sur ses pas tous les peuples épars.
Tout céde aux sentimens que la Déesse inspire
Il n'est plus de Mortel qui d'un fatal dêlire ,
Par de cuisans remords , reconnoissant l'erreur
Ne brûle de donner des marques de valeur.
:
Tout est changé , l'Amour ne reçoit plus de
Fêtes ,
Il voit évanouir ses nouvelles conquêtes ,
V
Ses Autels sont déserts , il part ; et furieux ,
Au deffaut des Mortels va corrompre les Dieux.
Les Syrenes , filles d'Achelaüs , sont les
seules qui s'obstinent à ne point renoncer
aux Chansons amoureuses.
QUATRIEME CHANT.
Minerve irritée de l'obstination des Syrenes,
résout de les corriger ou de les perdre
; elle prend le temps d'un jour qu'elles
se promenoient sur la Mer , dans un
Esquif, où se croyant seules , elles se livróient
au plaisir de chanter des Chansons
libres et prophanes. Sous ; la forme
d'une Matrône Minerve les aborde dans
un pareil Esquif, leur reproche leur indécence
; elle est bien- tôt l'objet de leur
mépris; elle soûrit ; et changeant de forme
, d'un coup de sa Lance elle renverse
- leux:
FEVRIER. 1734. 333
leur Esquif. Les Syrenes reparoissent encore
, mais c'est pour être des Monstres ,
avec la tête seule d'une femme ; elles se
précipitent de honte dans les Flots , où
après avoir parcouru l'immensité des
Mers pendant long temps , elles fixent.
leur course et s'arrêtent aux bords de l'orageux
Pélore ; depuis plusieurs siècles
elles y avoient perdu la voix , lorsqu'Appollon
prend pitié de leur malheur : leur
pardonne leurs impiétez , leur rend la voix ,
mais leur prescrit l'usage qu'il faut faire
des Chants et de la Musique .
Il pousse plus loin sa bienveillance , il
forme le dessein de se servir d'elles pour
l'établissement d'un Théatre Lyrique ,
soumis aux Loix de Melpomene ; il leur
ordonne d'apprendre l'art du Chant aux
Tritons et aux Naïades ; il charge Circé sa
fille , d'offrir sur les Eaux un Spectacle
magnifique , orné de machines et de décorations
, et mêlé de toutes sortes de
danses , de caracteres différents Circé
fait d'abord paroître pour le Prologue le
sacré Vallon ; ce Prologue est fait à l'honneur
d'Appollon ; il est suivi d'une nouvelle
décoration , qui représente le Palais
de Proserpine où l'on doit celebrer son
enlevement par Pluton .
On choisit ce sujet préférablement à un
antre
334 MERCURE DE FRANCE
tre pour flatter les peuples de Sicile , qui
d'abord en sont les spectateurs,parce que
les Poëtes ont feint que Proserpine avoit
été enlevée dans cette Isle. C'est là qu'on
voit un détail exact et ingénieux de toutes
les différentes parties qui composent
l'Opéra.
Les peuples de Sicile en paroissent peu
enchantés , ils prennent bien - tôt la résolution
d'imiter ce genre de Spectacles
et de le porter dans leurs Villes , c'est
en imitation de ce premier Opera , representé
sur les Eaux que les Italiens ont
inventé et établi ce Spectacle pompeux.
Dans la suite des temps Lully étant né
parmi eux en a apporté l'idée en France
et c'est par lui qu'on a vû triompher
ce nouveau Spectacle dont il est regardé
comme second inventeur.
L'Epître sur la Musique est la troisiéme
Edition d'un Ouvrage déja reçu du Public
avec un applaudissement general.
Le premier Chant contient l'Histoire
de la Musique en France depuis 80 ans
l'Eloge détaillé de tous les Operas de
Lully et de Quinaut , dont les descriptions
ont reçu de grands Eloges de tous
les connoisseurs et par les Journaux et
par les Mercures.
Le
FEVRIER 1734- 335
Le deuxième, après avoir donné quelques
préceptes sur la Poësie et la Musique
des Operas, entre dans le détail de
tous les Operas nouveaux qui ont été faits
depuis Lully et avec une grande impartialité
porte de justes decisions sur le mérite
de chaque ouvrage.
Le troisiéme Chant expose en quoi
consiste le mérite des Operas d'Italie ,
quelle est la nature de leur bonne Musique
, leurs beautez , leurs deffauts et le
nom des Maîtres qui y ont le plus
excellé.
Le quatrième Chant parle du nouveau
genre de Musique que nous avons goûté
et imité des Italiens depuis quelques
années ; sçavoir , les Sonnates , et les
Cantates , on nomme les Auteurs qui
ont le mieux réussi dans ce genre , et
l'Auteur finit en proposant de réunir les
deux gouts ensemble pour donner à l'Art
de la Musique toute la perfection qu'elle
peut trouver dans les graces Françoises
et dans la science Italienne.
la Musique et la Chasse du Cerf, Poëmes
dédiez au Roy. A Paris , Quay de Gêvres
, ruë S. Jean de Beauvais , et Quay
des Augustins , chez Prault , Desaint , et
Guerin , 1734. in 8. de 330. pages , sans
l'Epitre et la Préface , et sans les Tons
de Chasse et Fanfares , à une et deux
Trompes , dont la Lettre et la Musique
sont gravées en 32. pages.
Epitre
FEVRIER 1734- 323
L'Epître au Roy commence ainsi .
Digne présent des Dieux , doux fruit de leur
Largesse ,
Grand Roy , dont la bonté , la grace , la Sa
gesse ,
Enchantent des François les regards et le coeur,
Pendant que ton nom vole et seme la terreur ,
Avant d'entrer au Char que t'aprête Bellone ,
Reçoi les dons flatteurs des Enfans de Latone,
Mais que ne dois- tu pas au zele d'Apollon ?
Est-il quelque détour dans le sacré Vallon,
Où de ses feux féconds la lumineuse trace ,
N'ait ouvert à tes yeux les trésors du Parnasse ›
Un guide que ce Dieu lui même t'a donné , -
Dans le champ des Beaux Arts longtemps t'a
promené ;
Il porta devant toi ce flambeau qui t'éclaire ,
Ta sagesse est son bien, ta gloire est son salaire.
Sans doute dans le cours de ses doctes leçons
Il ne fit point entrer la science des sons.
Phoebus se reservoit le droit de t'en instruire :
Ecoute les accents que vient t'offrir sa Lyre ;
D'une Muse empressée il soutient les efforts ,
Pour t'annoncer les Loix de ses divins accords.
Le premier Poëme est celui d'Apollon
ou de l'origine des Spectacles en Musi-
Fiiij que,
324
MERCURE DE FRANCE
que rien n'est plus ingenieux et mieux
conduit que la Fable dont l'Auteur s'est
servi pour établir les principes de la
Musique , la création successive de divers
Instrumens , quelques regles de la
composition ; et pour parvenir enfin à
l'établissement des Opéras , il a sçu mettre
en action tous les Dieux , dont Apollon
est le Héros, et dans une matiere qui
sembloit ne devoir étre que Didactique
il y met un mouvement si interessant
avec tant de clarté et rempli de tant
d'images agréables , qu'on ne s'apperçoit
plus qu'on s'instruit d'un art difficile.
Dans le premier Chant après avoir établi
les trois dons ; de voir , de parler et
d'entendre , accordez à l'homme par la
nature, dont on fait une description aussi
noble que singuliere , l'Auteur suppose
qu'Apollon déguisé en Berger d'Admete
trouvant les Bergers de l'Amphrise attroupez
pour entendre le concert des
Oyseaux , et se plaignant des Dieux d'avoir
refusé à l'homme un talent si merveilleux
, leur reproche leur injustice ,
et leur apprend que le don de la voix a
été accordé aux hommes d'une maniere
infiniment supérieure aux chants des Oiseaux
, qu'il ne leur manque que la connoissance
d'un art inventé pour les Dieux
СЕ
FEVRIER. 1734- 3.25
et dont il offre de leur faire part .
On ne sera pas fâché de voir ici comment
s'exprime l'Auteur dans les premieres
pages de son premier Chant .
"
L'air dans un sein fecond est à peine reçû ,
Que le son aussitôt repoussé que conçû ,
D'un flexible gosier s'ouvrant la trace humide
Se fait entendre du gré ûu souffle qui le guide ;
Des muscles , des tendons au passage attachez
En bordent les contours plus ou moins relâchez ;
S'ils se serrent , le son avec éclat s'élance ;
S'ils s'ouvrent , il grossit : de cette différence ,
Du grave ou de l'aigu nait le genre opposé ;
Entr'eux se forme encore un ordre composé ,
Dont les accens suivis , s'élevent ou descendent ;
Se détachent par bonds , voltigent , ou s'étendent
.
Pour l'homme c'étoit peu de parler et de voir ,
Si de s'oüir soi - même il n'eût eu le pouvoir :
Trois osselets legers que cet étuy renferme, ( a )
L'un par l'autre frappez , trouvent un nerfpour
terme.
Si-tôt que pénétrant ces tortueux détours ,
La voix jusques au fond a prolongé son cours ,
Du même mouvement dont elle fût poussée
Elle heurte des os la suite compassée.
か
(( a ); Latête,.
F * Le
326 MERCURE DE FRANCE
"Le premier sous la forme et le nom d'un mar,
1
teau ,
N'est pas plutôt frappé d'un froissement ˝nouvcau
,
Qu'il le rend à l'instant dans le même volume ,
Au second qui le suit et qui lui sert d'enclume.
Cette enclume à son tour fait frémir son sou
tien :
Là le nerf attaché par un leger lien ,
De cette impulsion sentant la violence ,
Du son dans le cerveau porte la connoissance ;
Qui tel qu'en une voute ou d'yvoire ou d'airain
,
Retentit et des voix forme l'écho certain.
Dans quarante Vers l'Auteur fait ensuite
un précis des principaux Elemens
de la Musique ; il les borne cependant
à la seule connoissance des modes naturels
, leur cache les transpositions par les
diezes et par les B. mols , et toutes les
fausses dissonances dont la sensibilité luf
paroît dangereuse , et pourroit troo
amollir: il dit :
Les Dieux seuls à leur gré vertueux , invincibles ,
Se reservent pour eux ces délices sensibles, &c.
C'est cette réserve qui fait le noud
du Poëme ; après les avoir suffisamment
instruits Apollon se fait connoître et
paroît
FEVRIER. 1734 327.
paroît aux Bergers revêtu de son éclat.
Ce Chant a du coûter à l'Auteur pour
rendre avec netteté les Elemens de la
Musique aussi est-ce le seul où on
trouve plus de didactique ; les trois
autres Chants sont en action , et
ne représentent que des images amusantes.
>
SECOND CHANT.
Les Bergers reconnoissans des bienfaits
d'Apollon , ne s'occupent plus qu'à
mettre en pratique leurs nouvelles connoissances
; Minerve devient jalouse du
culte rendu à Apollon , et , pour attirer
au sien les Bergers , elle imagine de former
un instrument des rozeaux qui se
trouvent sous sa main ; elle donne les
commencemens de la Flute à bec ; mais
elle s'apperçoit bien - tôt que les traits
de son visage en sont alterez .
Elle en rougit de honte , et quittant le rivage ,
Abandonne aux mortels le fruit de son ouvrage.
Pan l'apperçoit, en étudie les positions,
les découvre , et en fait usage avec succès
; en voicy la description.
Le Canal qui le perce , également concave ,
Sous l'empire des mains , y tient le son'esclave ;
F vj Sc
328 MERCURE DE FRANCE
Sa tête s’extenuë , en courbe finissant ;
L'autre bout évasé , Louvre en s'arrondiss ant ;
· Ses trous , daps un long ordre, arrangez par me-
..sure ,
Divisent de ce corps l'harmonique figure ;
Le premier plus ouvert , des autres détaché ,
Rend tout l'air qu'il reçoit et n'est jamais bouché.
Cette description finit par l'effet qu'elle
produit dans les Campagnes .
Il module avec art une chanson nouvelle ;
Non content de l'apprendre aux Echos des For
rêts ,
Il en veut dans les Champs étaler les attraits ;
A l'éclat de ses sons , les timides Bergeres ,
Les Faunes , les Sylvains , et les Nimphes légeres
Volent autour de lui , le suivent en tous lieux
Et forment , en dansant , un cercle gracieux.
L'Email , de mille fleurs , sous leurs pas se déploye
,
Et la terre paroît en tressaillir de joye..
Apollon devient jaloux à son tour de
Minerve , et pour la surpasser il invente
la Lyre ou le Violon toutes les parties:
en sont exprimées avec bien de la netteté
et de la précision . Le Lecteur en va juger.
DonFEVRIER.
1734 329
Donnons la voix aux Nerfs , et que le Bois
resonne.
T Ildit : Et le Laurier qu'un nouvel art façonne
D'un Instrument nouveau , prend la forme soudain
,
Deux Tables de ce bois , qu'a refendu sa main .
Répondent l'une à l'autre , et leur mesure égale,
A la vue , offriroit l'image d'un ovale ,
Si le trait transversal de deux cintres rentrans ,
De son juste milieu , ne recourboit les flancs,
Quatre Nerfs que Latone elle-même a filez ;
Inégaux en grosseur , par dégré redoublez ,
se roulent sur leurs Clefs , dociles à s'étendre ,
Et prompts à se prêter aux sons qu'ils doivent :
rendre.
Un Archet manque encor qu'il naisse du Lau
rier ,
Die Phoebus ; que Pégaze accoure y déployer ,.
Be son col argenté , l'étincelante Soye.
Icy on voit une brillante image de tous
les Dieux descendus du Ciel, pour enten →
dre jouer Apollon ; l'Amour s'en approche
de plus près , et le
de lui appresse
prendre et la Musique et l'Art de jouer
du Violon . Cette peinture est trop charmante
pour n'en pas mettre icy quelques.
raits.
330 MERCURE DE FRANCE
Sous un nuage épais , le Tiran de Cithere ,
L'Amour dormoit panché sur le sein de sa înere,
A ce bruit il s'éveille , et dessillant ses yeux ,
Va porter de plus près ses regards curieux.
Phoebus impatient , souffre à regret sa vuë ,
Il connoît d'un enfant , la main peu retenuë ;'
Il le fuit , mais en vain ; l'Amour pose cent
fois ,
Sur les Nerfs résonnans , ses téméraires doigts ;
Il interrompt le cours des divines cadences ,
L'accable imprudemment d'importunes instances
.
&c.
Phébus lui refuse les secrets de son Art,
et lui parle en ces termes :
La Lyre , répond-t - il, n'est point faite à Pusage
,
D'un Dieu , qui des humains , amollit le courage
;.
Elle ne doit servir qu'à chanter les Héros ,
Vainqueurs de la mollesse , ennemis du repos ,
Dont les noms sont gravez au Temple de mémoire
,
Ou , qu'à chanter des Dieux , les bienfaits et la
gloire .
Comme Apollon joüant devant les
Dieux, n'avoit rien caché de tous les mys
teres de son Art, qu'il avoit jusques-là jugé
FEVRIER 1734. 331
gé à propos de celer aux Mortels , l'Amour
se taît , et s'applique à en décou
vrir toute la finesse ; il apprend toutes les
transpositions par les Dièses et par les B
mols , et toutes les Dissonnances. Apollon
ne s'en apperçoit point ; les Dieux se
séparent , et l'Amour chargé de son nou
veau larcin , se prépare à s'en servir pour
augmenter ses conquêtes.
TROISIEME CHANT.
L'Amour va trouver Pan dans l'Arcadie,
il l'instruit de tous ses secrets , lui
apprend le different usage qu'on doit faire
des Dièzes et des B mols , pour remuer
, étonner ou amollir les coeurs des
Mortels , selon les passions différentes
qu'on leur veut inspirer.Leur union produit
bien- tôt un effet surprenant; tout cede
,tout se rend auxChansons amoureuses.
Minerve reparoît et indignée de la corruption
générale que font dans la Grece
les Chants effeminez de Pan et de l'Amour
, elle va trouver Apollon , lui expose
l'abus qu'on fait de son Art ; ils concertent
les moyens d'y remédier. Apollon
invente la Trompette , et la fait emboucher
par Bellone.
Bellonne vient , l'embouche , et court de toutes
parts
Ras
332 MERCURE DE FRANCE
Rassembler sur ses pas tous les peuples épars.
Tout céde aux sentimens que la Déesse inspire
Il n'est plus de Mortel qui d'un fatal dêlire ,
Par de cuisans remords , reconnoissant l'erreur
Ne brûle de donner des marques de valeur.
:
Tout est changé , l'Amour ne reçoit plus de
Fêtes ,
Il voit évanouir ses nouvelles conquêtes ,
V
Ses Autels sont déserts , il part ; et furieux ,
Au deffaut des Mortels va corrompre les Dieux.
Les Syrenes , filles d'Achelaüs , sont les
seules qui s'obstinent à ne point renoncer
aux Chansons amoureuses.
QUATRIEME CHANT.
Minerve irritée de l'obstination des Syrenes,
résout de les corriger ou de les perdre
; elle prend le temps d'un jour qu'elles
se promenoient sur la Mer , dans un
Esquif, où se croyant seules , elles se livróient
au plaisir de chanter des Chansons
libres et prophanes. Sous ; la forme
d'une Matrône Minerve les aborde dans
un pareil Esquif, leur reproche leur indécence
; elle est bien- tôt l'objet de leur
mépris; elle soûrit ; et changeant de forme
, d'un coup de sa Lance elle renverse
- leux:
FEVRIER. 1734. 333
leur Esquif. Les Syrenes reparoissent encore
, mais c'est pour être des Monstres ,
avec la tête seule d'une femme ; elles se
précipitent de honte dans les Flots , où
après avoir parcouru l'immensité des
Mers pendant long temps , elles fixent.
leur course et s'arrêtent aux bords de l'orageux
Pélore ; depuis plusieurs siècles
elles y avoient perdu la voix , lorsqu'Appollon
prend pitié de leur malheur : leur
pardonne leurs impiétez , leur rend la voix ,
mais leur prescrit l'usage qu'il faut faire
des Chants et de la Musique .
Il pousse plus loin sa bienveillance , il
forme le dessein de se servir d'elles pour
l'établissement d'un Théatre Lyrique ,
soumis aux Loix de Melpomene ; il leur
ordonne d'apprendre l'art du Chant aux
Tritons et aux Naïades ; il charge Circé sa
fille , d'offrir sur les Eaux un Spectacle
magnifique , orné de machines et de décorations
, et mêlé de toutes sortes de
danses , de caracteres différents Circé
fait d'abord paroître pour le Prologue le
sacré Vallon ; ce Prologue est fait à l'honneur
d'Appollon ; il est suivi d'une nouvelle
décoration , qui représente le Palais
de Proserpine où l'on doit celebrer son
enlevement par Pluton .
On choisit ce sujet préférablement à un
antre
334 MERCURE DE FRANCE
tre pour flatter les peuples de Sicile , qui
d'abord en sont les spectateurs,parce que
les Poëtes ont feint que Proserpine avoit
été enlevée dans cette Isle. C'est là qu'on
voit un détail exact et ingénieux de toutes
les différentes parties qui composent
l'Opéra.
Les peuples de Sicile en paroissent peu
enchantés , ils prennent bien - tôt la résolution
d'imiter ce genre de Spectacles
et de le porter dans leurs Villes , c'est
en imitation de ce premier Opera , representé
sur les Eaux que les Italiens ont
inventé et établi ce Spectacle pompeux.
Dans la suite des temps Lully étant né
parmi eux en a apporté l'idée en France
et c'est par lui qu'on a vû triompher
ce nouveau Spectacle dont il est regardé
comme second inventeur.
L'Epître sur la Musique est la troisiéme
Edition d'un Ouvrage déja reçu du Public
avec un applaudissement general.
Le premier Chant contient l'Histoire
de la Musique en France depuis 80 ans
l'Eloge détaillé de tous les Operas de
Lully et de Quinaut , dont les descriptions
ont reçu de grands Eloges de tous
les connoisseurs et par les Journaux et
par les Mercures.
Le
FEVRIER 1734- 335
Le deuxième, après avoir donné quelques
préceptes sur la Poësie et la Musique
des Operas, entre dans le détail de
tous les Operas nouveaux qui ont été faits
depuis Lully et avec une grande impartialité
porte de justes decisions sur le mérite
de chaque ouvrage.
Le troisiéme Chant expose en quoi
consiste le mérite des Operas d'Italie ,
quelle est la nature de leur bonne Musique
, leurs beautez , leurs deffauts et le
nom des Maîtres qui y ont le plus
excellé.
Le quatrième Chant parle du nouveau
genre de Musique que nous avons goûté
et imité des Italiens depuis quelques
années ; sçavoir , les Sonnates , et les
Cantates , on nomme les Auteurs qui
ont le mieux réussi dans ce genre , et
l'Auteur finit en proposant de réunir les
deux gouts ensemble pour donner à l'Art
de la Musique toute la perfection qu'elle
peut trouver dans les graces Françoises
et dans la science Italienne.
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Résumé : Les Dons des Enfans de Latone, &c. [titre d'après la table]
Le document présente une œuvre poétique intitulée 'Les Dons des Enfants de Latone', dédiée au roi de France et publiée en 1734. Cette œuvre comprend deux poèmes, 'La Musique' et 'La Chasse du Cerf', et se compose de 330 pages, excluant l'épître, la préface et les partitions de chasse et fanfares. L'épître, adressée au roi, loue sa bonté, sa grâce et sa sagesse, et lui offre les dons des enfants de Latone, Apollon et Diane. Le poème 'La Musique' raconte l'origine des spectacles musicaux et l'invention successive des instruments. Apollon, déguisé en berger, reproche aux dieux d'avoir refusé à l'homme le talent de chanter comme les oiseaux et lui apprend que le don de la voix est supérieur à celui des oiseaux. Le premier chant décrit les dons naturels de l'homme : voir, parler et entendre. Apollon explique les éléments de la musique, réservant certaines subtilités aux dieux. Les chants suivants narrent l'invention de la flûte par Minerve et de la lyre par Apollon. L'Amour, après avoir observé Apollon jouer, apprend les secrets de la musique et les utilise pour corrompre les cœurs. Minerve et Apollon réagissent en inventant la trompette pour inspirer la valeur et la vertu. Le troisième chant relate comment l'Amour enseigne ses secrets à Pan, corrompant ainsi la Grèce. Minerve et Apollon interviennent pour rétablir l'ordre. Le quatrième chant décrit la punition des Sirènes, qui persistaient à chanter des chansons amoureuses. Apollon leur pardonne et les charge d'enseigner l'art du chant aux Tritons et aux Naïades pour établir un théâtre lyrique. Circé organise un spectacle magnifique sur les eaux, marquant l'origine des opéras italiens. Le texte traite également de l'évolution de la musique en France et de l'influence de Jean-Baptiste Lully, considéré comme le second inventeur d'un nouveau spectacle musical. L'Épître sur la Musique, dans sa troisième édition, est acclamée par le public. Le premier chant de cet ouvrage retrace l'histoire de la musique en France au cours des 80 dernières années, en louant les opéras de Lully et de Quinault, qui ont reçu des éloges unanimes. Le deuxième chant offre des préceptes sur la poésie et la musique des opéras, et évalue de manière impartiale les opéras récents. Le troisième chant analyse le mérite des opéras italiens, leurs beautés et défauts, ainsi que les maîtres italiens les plus éminents. Le quatrième chant discute du nouveau genre de musique importé d'Italie, comme les sonates et les cantates, et propose de fusionner les goûts français et italiens pour perfectionner l'art musical.
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44
p. 640-643
TANTALE. Cantate à mettre en Musique.
Début :
Quel honneur éclatant ! quelle gloire immortelle ! [...]
Mots clefs :
Tantale, Crime, Dieux, Sang, Roi, Nature, Horreur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TANTALE. Cantate à mettre en Musique.
TANTA L, E.
Cantate à mettre en Musique.
Uel honneur éclatant ! quelle gloire immortelle
!
Tantale voit les Dieux assemblez dans sa cour :
Et
AVRIL. 641 1734.
Et du grand Jupiter la bonté paternelle ,
Pour lui parle seule en ce jour.
Mais,ô Ciel ! quel forfait ! tremble Roy temé
raire ?
La Nature en ton coeur vient - elle de se taire s
Dans le sang de ton Fils pourquoi te baignes - tu ?
Dieux ! sous cent mets divers vous offrant sa
victime ,
- Il veut voir si vos yeux reconnoissent le crime
masque de la Vertu. Sous le
Déja de sang , et de
carnage ,
Fume le céleste Banquet.
Tout frémit d'horreur , et de
Le crime seul est satisfait .
rage ,
Un Monstre à l'immortelle Troupe
Ose présenter pour Boisson ,
Dans une abominable Coupe ,
Du fiel du sang et du poison;
Mais Jupiter lance la Foudre ,*
Le Banquet se change en Autel.
L'Encens brule , tout est en poudre ,
Il va juger le Criminel.
Le Souverain des Cieux , pour son Fils sacrilége
,
Şent naître dans son coeur la haine et le couroux
;
V ictime de ton propre piège
Barbare, entends ( dit-il) l'arrêt d'un Dieu jaloux.
,
Que ce Roy criminel aille au fond du Tartare
Expier ses forfaits par de nouveaux tourmens ;
Plus un crime est affreux et rare,
Plus il doit recevoir d'inouïs châtimens.
Que la Faim, que la soif au sein de l'abondance,
v Le dévorentd'intelligence,
Ainsi que deux cruels Vautours ;
Qu'il espére sans cesse, et qu'il souffre toujours
Il dit, l'Olimpe entier frémit de son martyre,
Mercure le conduitauténébreux Empire.
Et la Deésse Ailée apprend à l'Univers
Que qui ne craint les Dieux
,
doit craindre lefi
Enfers.
Némesis,Mégère,
Minos, et Cerbére
,
A ce Roy cruel
,
-
Font par les Harpies,
Près des Rois impies
Dresser un Autel.
Tout l'Enfer contemple
Ce nouvel exemple,
De crime et d'horreur j
Et du sein des flames, u
Il entend les ames
Blâmer sa fureur.
Entouré d'une eau vive et pure,
Que n'endurcit jamais la rigueur des Hyvers;
Et qu'un Arbre charmant qu'ignore la Nature,
Couvre sans se lasser de millefruits divers,
Tantale tourmemé par un double supplice,
Ne peut rendre à ses voeux l'Eau, ni l'Arbre
propice;
Tout se refuse à ses douleurs.
Mais quel surcroît de maux ! de lui-même victime
,
Les pleurs que les remords arrachent à son crime
Augmentent encor ses malheurs.
C'est envain qu'aux yeux de la Terre,
Nous pouvons cacher nos forfaits;
Si ceux du séjour du Tonnere
Découvrent jusqu'à nos projets.
Périsse, qui s'ose promettre
De tromper la Divinité,
Ah! peut-elle ignorer un Etre,
Qui sans elle n'eut point été.
C'est envain.
Far M. de S. R.
Cantate à mettre en Musique.
Uel honneur éclatant ! quelle gloire immortelle
!
Tantale voit les Dieux assemblez dans sa cour :
Et
AVRIL. 641 1734.
Et du grand Jupiter la bonté paternelle ,
Pour lui parle seule en ce jour.
Mais,ô Ciel ! quel forfait ! tremble Roy temé
raire ?
La Nature en ton coeur vient - elle de se taire s
Dans le sang de ton Fils pourquoi te baignes - tu ?
Dieux ! sous cent mets divers vous offrant sa
victime ,
- Il veut voir si vos yeux reconnoissent le crime
masque de la Vertu. Sous le
Déja de sang , et de
carnage ,
Fume le céleste Banquet.
Tout frémit d'horreur , et de
Le crime seul est satisfait .
rage ,
Un Monstre à l'immortelle Troupe
Ose présenter pour Boisson ,
Dans une abominable Coupe ,
Du fiel du sang et du poison;
Mais Jupiter lance la Foudre ,*
Le Banquet se change en Autel.
L'Encens brule , tout est en poudre ,
Il va juger le Criminel.
Le Souverain des Cieux , pour son Fils sacrilége
,
Şent naître dans son coeur la haine et le couroux
;
V ictime de ton propre piège
Barbare, entends ( dit-il) l'arrêt d'un Dieu jaloux.
,
Que ce Roy criminel aille au fond du Tartare
Expier ses forfaits par de nouveaux tourmens ;
Plus un crime est affreux et rare,
Plus il doit recevoir d'inouïs châtimens.
Que la Faim, que la soif au sein de l'abondance,
v Le dévorentd'intelligence,
Ainsi que deux cruels Vautours ;
Qu'il espére sans cesse, et qu'il souffre toujours
Il dit, l'Olimpe entier frémit de son martyre,
Mercure le conduitauténébreux Empire.
Et la Deésse Ailée apprend à l'Univers
Que qui ne craint les Dieux
,
doit craindre lefi
Enfers.
Némesis,Mégère,
Minos, et Cerbére
,
A ce Roy cruel
,
-
Font par les Harpies,
Près des Rois impies
Dresser un Autel.
Tout l'Enfer contemple
Ce nouvel exemple,
De crime et d'horreur j
Et du sein des flames, u
Il entend les ames
Blâmer sa fureur.
Entouré d'une eau vive et pure,
Que n'endurcit jamais la rigueur des Hyvers;
Et qu'un Arbre charmant qu'ignore la Nature,
Couvre sans se lasser de millefruits divers,
Tantale tourmemé par un double supplice,
Ne peut rendre à ses voeux l'Eau, ni l'Arbre
propice;
Tout se refuse à ses douleurs.
Mais quel surcroît de maux ! de lui-même victime
,
Les pleurs que les remords arrachent à son crime
Augmentent encor ses malheurs.
C'est envain qu'aux yeux de la Terre,
Nous pouvons cacher nos forfaits;
Si ceux du séjour du Tonnere
Découvrent jusqu'à nos projets.
Périsse, qui s'ose promettre
De tromper la Divinité,
Ah! peut-elle ignorer un Etre,
Qui sans elle n'eut point été.
C'est envain.
Far M. de S. R.
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Résumé : TANTALE. Cantate à mettre en Musique.
La cantate raconte le châtiment de Tantale, roi ayant sacrifié son propre fils lors d'un banquet divin. Horrifiés, les dieux transforment le banquet en autel et condamnent Tantale. Jupiter, en colère, le condamne à souffrir éternellement dans le Tartare, tourmenté par la faim et la soif malgré la présence d'eau et de fruits inaccessibles. Les dieux soulignent que nul ne peut tromper la divinité et que les crimes seront toujours punis. Le texte se conclut par une mise en garde contre ceux qui tenteraient de tromper les dieux, affirmant que la divinité connaît toujours les projets et les forfaits des hommes.
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45
p. 870-871
RÉPONSE à l'Epitre de M. Néricaut Destouches, de l'Académie Françoise, insérée dans le Mercure du mois de Février dernier, page 219. Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
Début :
Le triomphant Auteur qu'adopta Melpomene, [...]
Mots clefs :
Coeur, Donner, Dieux, Usage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE à l'Epitre de M. Néricaut Destouches, de l'Académie Françoise, insérée dans le Mercure du mois de Février dernier, page 219. Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
REPONSE à l'Epitre de M. Néricant
Destouches , de l'Académie Françoise
, insérée dans le Mercure du mois de
Février dernier , page 219. Par Mlle de
Malcrais de la Vigne , du Croisic en
Bretagne.
LE
10
E triomphant Auteur qu'adopta Melpomene,
Qu'Erato siempressa d'alaiter au bérceau ,
Daigna me couronner du Laurier le plus beau.
Celui par qui Thalie aujourd'hui sur la Scene ,
Sçait de nos passions exposer le Tableau ,
Vient d'honorer mes Vers d'un suffrage nouveau .
Voltaire , Esprit divin , dont la Verve hardie
Dans ses poëtiques transports ,
De Sophocle et d'Homere , égale les efforts ,
Néricaut , facile génie ,
را
Du délicat Térence , adroit ImitateurgetAl
Partagez entre yous mon coeur. }
Ne vous offensez pas, beaux Seigneurs, du partage
D'uncoeur queje voudrois vous pouvoir à chacun
Donner
MAY. 871
?
1734.
Donner tout entier ; mais l'usage ,
Cet usage charmant prétend qu'on n'en ait qu'un
Tel est mon sort , et l'on dit même
Qu'un coeur double est trompeur et ne vaut ja
mais rien ,
Et qu'en vous jurant qu'il vous aime ,
Il sçait cacher aux yeux dans un tendre entretien,
Sous l'écorce d'un doux maintien ,
Une ame traitresse et sauvage.
Grands Dieux
avantage ,
préservez- moi d'un si triste
N'ayons qu'un coeur , mais qu'il soit bon ,
Qu'une candeur de lait , que la simple franchise
L'accompagne en tout tems et le caractérise
Dieux que revére l'Hélicon ,
Si de mon coeur que je divise ,
Vous n'êtes point contens , agréez l'humble don
D'une estime qui vous est duë.
Je la puis entre vous partager librement ,
Et dans toute son étenduë
Yous la donner également.
Destouches , de l'Académie Françoise
, insérée dans le Mercure du mois de
Février dernier , page 219. Par Mlle de
Malcrais de la Vigne , du Croisic en
Bretagne.
LE
10
E triomphant Auteur qu'adopta Melpomene,
Qu'Erato siempressa d'alaiter au bérceau ,
Daigna me couronner du Laurier le plus beau.
Celui par qui Thalie aujourd'hui sur la Scene ,
Sçait de nos passions exposer le Tableau ,
Vient d'honorer mes Vers d'un suffrage nouveau .
Voltaire , Esprit divin , dont la Verve hardie
Dans ses poëtiques transports ,
De Sophocle et d'Homere , égale les efforts ,
Néricaut , facile génie ,
را
Du délicat Térence , adroit ImitateurgetAl
Partagez entre yous mon coeur. }
Ne vous offensez pas, beaux Seigneurs, du partage
D'uncoeur queje voudrois vous pouvoir à chacun
Donner
MAY. 871
?
1734.
Donner tout entier ; mais l'usage ,
Cet usage charmant prétend qu'on n'en ait qu'un
Tel est mon sort , et l'on dit même
Qu'un coeur double est trompeur et ne vaut ja
mais rien ,
Et qu'en vous jurant qu'il vous aime ,
Il sçait cacher aux yeux dans un tendre entretien,
Sous l'écorce d'un doux maintien ,
Une ame traitresse et sauvage.
Grands Dieux
avantage ,
préservez- moi d'un si triste
N'ayons qu'un coeur , mais qu'il soit bon ,
Qu'une candeur de lait , que la simple franchise
L'accompagne en tout tems et le caractérise
Dieux que revére l'Hélicon ,
Si de mon coeur que je divise ,
Vous n'êtes point contens , agréez l'humble don
D'une estime qui vous est duë.
Je la puis entre vous partager librement ,
Et dans toute son étenduë
Yous la donner également.
Fermer
Résumé : RÉPONSE à l'Epitre de M. Néricaut Destouches, de l'Académie Françoise, insérée dans le Mercure du mois de Février dernier, page 219. Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne, répond à l'épître de M. Néricaut, publiée dans le Mercure de février précédent. Elle exprime sa gratitude envers Voltaire et Néricaut, les comparant à des figures littéraires célèbres comme Sophocle, Homère et Térence. Elle reconnaît l'honneur que Voltaire lui a fait en appréciant ses vers. L'auteure aborde ensuite la question du partage de son cœur, soulignant qu'il est impossible de le diviser sans tromperie. Elle prie les dieux de la préserver de cette situation et affirme qu'elle préfère avoir un cœur bon et franc. Elle conclut en offrant son estime, qu'elle peut partager équitablement entre eux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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46
p. 72-83
THELANIRE ET ISMENE.
Début :
Un Satyre pour célébrer son arrivée dans un bois, donnoit aux hôtes voisins [...]
Mots clefs :
Amour, Coeur, Dieux, Bonheur, Amitié, Ciel, Yeux, Amant, Pieds, Nymphe, Plaisir, Oracle
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texteReconnaissance textuelle : THELANIRE ET ISMENE.
THELANIRE ET ISMENE.
N Satyre pour célébrer fon arrivée
UNdans un bois , donnoit aux hôtes voi
fins une fête l'habitant des forêts y invita
auffi le jeune Thelanire & la charmante
Ifmene. Thelanire , quoique citadin ,
ne dédaigna pas l'offre du Sylvain ; fon
refus eût pû l'affliger , c'étoit affez pour
déterminer Thelanire à s'y rendre. Le ciel
connoiffoit fon intention , & pour l'en récompenfer
il y envoya Ifmene. La Nymphe
ſe préfenta dans une noble fimplicité
, elle donnoit de l'éclat à fa parure :
elle n'étoit qu'Ifmene , mais elle étoit Ifmene.
Thelanire la vit , il l'aima . Un tendre
embarras s'empara de fon ame , tout
lui
DECEMBRE. 1754. 75
lui fembloit inftruit de fon amour : if
croyoit voir l'univers occupé de fa tendieffe
, & rire de fa timidité.
Grands Dieux ! difoit - il , de quoi me
puniffez vous n'ai je pas affermi votre
culte en travaillant à étouffer la fuperfti
tion ? ne vous ai - je pas rendu de continuels
hommages ? mon coeur n'a écouté
que le cri de l'humanité , & ma premiere
crainte a été d'affliger le foible & le malheureux.
Je ne vous demande pas de m'ôter
mon amour , mais de me rendre la parole.
Un grand bruit fe fit entendre ( les Sa
tyres prennent le tumulte pour la gaité ) ,
& on annonça à Thelanire' que l'heure du
répas étoit arrivée.
Les Satyres croyent que rien n'eft comparable
à un Satyre ; cependant Ifmene
étoit fi belle qu'ils la jugerent dignes d'eux.
Ils eurent la gloire de fervir la Nymphe ,
& Thelanire le chagrin de les voir au comble
du bonheur. Il aimoit , il falloit le
faire entendre : Thelanire étoit épris pour
la premiere fois ; Thelanire pour la premiere
fois étoit timide.
Votre bonheur s'accroît de jour en jour ,
difoit-il au Satyre voifin d'Ifmene ; hier
Cidalyfe vous adoroit , & maintenant vous
baifez les pieds d'Ifmene.
11. Vol. D
74 MERCURE DE FRANCE.
Que vous êtes heureux ! difoit-il à un.
autre , vous obligez Ifmene , laiffez- moi
partager vos légeres peines & vos immenfes
plaifirs .
Cependant on voyoit la délicateffe prendre
la place de la profufion : on entendoit
les échos répeter les plus tendres fons ;
Thelanire feul ne voyoit & n'entendoit
qu'lfmene.
La Nymphe étoit fenfible , & Thelanire
lui plaifoit : elle croyoit n'aimer que fon
eſprit .
Tout s'efforçoit de contenter Ifmene ;
les Satyres épuifoient leur champêtre ga
lanterie. Cruels , difoit Thelanire , pourquoi
prenez-vous tant de peines ? pourquoi
m'ôtez- vous mes plaifirs ? La joie &
les flacons difparurent enfin , & le bonheur
de Thelanire commença. Affis aux
pieds d'Ifmene , Thelanire admira & fe
tût. Ifmene , dit Thelanire en foupirant :
Thelanire , reprit Ifmene en tremblant.
Ifmene .... eh bien : il baifoit fes mains ,
il les arrofoit de fes larmes. Que faitesvous
, lui dit Ifmene ? avez-vous perdu
l'ufage de la raifon hélas ! peu s'en faut ,
s'écria Thelanire , je fuis amoureux . Thelanire
trembla . Ifmene baiffa les yeux ,
& le filence fuccéda aux plus tendres em
braffemens. Ifmene n'ofoit jetter les yeux
DECEMBRE. 1754 75
far Thelanite , & Thelanire craignoit de
rencontrer les regards d'lfmene . Araminte
eft fans doute celle dont vous êtes épris ,
lui dit Ifmene en fouriant ; elle n'eſt pas ,
il est vrai , dans la premiere jeuneffe , mais
elle eft raisonnable .
Hélas ! reprit Thelanire , puiffe le ciel
pour punir les lâches adorateurs d'Araminte
, les condamner à n'aimer jamais que
des coeurs comme le fien.
Orphiſe & fes immenfes appas font donc
l'objet de vos'ardeurs ?
Hélas ! s'écria Thelanire , fi mon coeur
étoit affez bas pour foupiter après Orphi
fe , je fupplierois les Dieux de m'ôter le
plus précieux de leurs dons , je les prierois
de me rendre infenfible. De la beauté
qui m'enflamme , ajouta Thelanire , je vais
vous ébaucher le portrait ; je la peindrai
charmante , digne du plus grand des Dieux
ou d'un mortel fenfible & vertueux ; l'univers
à ces traits va la reconnoître , Ifmene
feule la méconnoîtra.
Elle n'eft point fille des Graces , elle
n'eft pas inême leur rivale , car les Graces
ne le lui difputent pas.
Talens , appas , la nature lui prodigua
tous les dons , jufqu'à celui d'ignorer qu'el
le eft aimable.
Qui la voit , foupire ; qui ceffe de la voir,
Dij
76 MERCURE DE FRANCE.
gémit , pour l'adorer quand il la reverral
Grands Dieux ! dit Ifmene , en foupirant
, quelle erreur étoit la mienne ! je me
croyois aimée , le cruel vient de me defabufer.
Ifmene ! ma chere Ifmene , c'eft
vous , ce font vos traits que je viens de
tracer je vous adore , & vous feriez fenfible
? Non , reprit Ifmene , d'un air embarraffé
, je n'ai point d'amour pour vous :
fi vous parlez , il eft vrai , vous m'occupez ;
vous taifez- vous ? vous m'occupez encore ;
mais je n'ai point d'amour pour vous.
Sommes-nous feuls ? je vous écoute ; quelqu'un
furvient , il me paroît importun ;
mais je n'ai point d'amour pour vous.
L'amitié , ce fentiment qui fait honneur à
T'humanité , ce fentiment incapable d'affadir
mon coeur , eft le feul lien qui m'attache à
mon cher Thelanire. Cruelle amitié ! s'écria
Thelanire ; barbare Ifmene , le ciel
vous a faite pour l'amour ; laiffez au tems
le foin de vous faire pour l'amitié. Des
jours viendront où la charmante Ifmene
ne fera plus que la refpectable Ifinenc ,
c'eft alors que les douceurs de l'amitié vous
tiendront lieu des voluptés de l'amour.
Ifmene n'eût pas été difficile à perfua
der ; déja elle craignoit Thelanire, lorf
qu'elle difparut.
Déja depuis long- tems Thelanire ne
DECEMBRE. 1754. 77
pouvoit plus appercevoir Ifmene , que fon
amoureufe imagination la lui faifoit voir
encore. Inquiet , affligé , mille raifons le
portoient à interpréter en fa faveur cette
fuite précipitée ; une feule lui difoit le
contraire , c'étoit affez pour le rendre malheureux.
Cependant Thelanire confidéroit
le féjour qu'Ifmene venoit d'abandonner
, tout lui paroiffoit un motif de confolation
pour fon ame abattue ; le gazon ,
une fleur , tout étoit intéreffant pour Thelanire.
Içi , difoit- il , Ifmene me tendit
une main , que d'un air embarraſſé elle retira
à l'inftant. Là je la vis arracher une
fleur qu'elle s'amufoit à déchirer , pour me
cacher fon innocente timidité . C'étoit près
de ce feuillage qu'Ifmene , en foupirant ,
me regarda , pour baiffer fes yeux fi-tôt
qu'elle rencontra les miens. Ifmene , ajoû
toit-il , Ifmene , vous me fuyez parce que
j'ai dit je vous aime ; mais où pourrezvous
aller fans en entendre autant ? L'humble
habitant de ces deferts glacés , où le
re du jour ſemble porter à regret fa lumiere
, vous admirera parce qu'il n'aura jamais
vû de beauté. Le fuperbe Américain
s'empreffera à vos genoux , parce que mille
beautés qu'il aura vûes lui feront fentir
le mérite d'Ifmene.
pe-
Cependant Thelanire incertain réſolut
Dirj
78 MERCURE DE FRANCE.
d'aller confulter l'Oracle de Venus fur le
fuccès de fon amour. Il vole à Paphos là
fur les bords d'une onde tranquille dont
le murmure fe marie agréablement aux gazouillement
des oifeaux , eft un temple
commencé par la nature & embelli par le
tems. L'efpoir & le plaifir en font les foutiens
inébranlables : l'amour y peignit de
fa main fes victoires les plus fignalées. Ici
la timide Aricie enchaîne avec des fleurs
Hyppolite , qui n'ofe lui réfifter. Surpriſe
& fiere de fa victoire , elle le regarde , &
s'en applaudit.
Là Pénelope , au milieu de fes amans
empreffés , foupire pour Ulyffe fon époux.
Un jour avantageux , digne effet de la
puiffance de l'amour , prête des graces
aux mortels qui habitent ce palais ; tout y
paroît charmant. La Déeffe n'y tient pas la
foudre à la main. Ses regards n'annoncent
pas la fierté ; le badinage & l'enjouement
ne font pas bannis de ces lieux. C'eſt aux
pieds de Venus que Thelanire prononça
ces mots : Déeffe des Amours , je ne viens
pas vous demander fi j'aime , mon coeur
me le dit affez ; daignez m'apprendre feulement
que je fuis aimé d'Ifmene.
Ifimene avoit été conduite au temple
par le même defir que fon amant. La fupercherie
ne déplaît pas à Venus. Ifmene
DECEMBRE . 1754 79
réfolut de profiter de l'occafion pour s'affurer
du coeur de Thelanire. Elle court fe
cacher derriere l'autel de la Déeffe , & elle
rend cette réponſe à fon amant . De quel
front ofes-tu , mortel impofteur , apporter
le menfonge jufques dans mon fanctuaire?
Ifmene te plaît , mais tu n'as pas
d'amour pour elle . Hélas ! dit Thelanire ,
puiffe le ciel pour me punir , fi je n'ai pas
dit la vérité , abandonner ma main au crime
, & mon coeur aux remords dévorans :
puiffent les Dieux m'ôter toutes mes confolations
, & me priver du plaifir de défendre
le foible opprimé par le puiffant.
Tu n'aimes point Ifmene , reprit la voix :
Ifmene t'écoute , tu n'ofes lui parler : Ilmene
fuit , & tu la laiffes échapper ; vas , tu
n'aimes point Ifmene.
Thelanire effrayé des premieres paroles
d'Ifmene , n'avoit pas reconnu fa voix . Ifmene
, c'est vous qui me parlez , dit- il , en
élevant fes yeux qui n'apperçurent que l'image
de Venus. Ifmene ! ... mais hélas !
je m'abuſe , tout me rappelle Ifmene , tout
la retrace à mon ame attendrie . Ifmene
que vous me caufez de peines ! Quand je
fuis avec vous , je tremble de voir arriver
l'inftant qui doit nous féparer. Me quittez-
vous ? je crains de ne vous revoir jamais.
Amour , je ne te demande pas
d'a-
D iiij
30 MERCURE DE FRANCE.
bandonner mon coeur , mais de dompter
le fien. Cependant Ifmene , qui croyoit
avoir été reconnue , avoit pris la fuite.
Thelanire , ennuyé d'interroger en vain
l'oracle qui ne répondoit plus , erroit à l'aventure
dans le temple , lorfqu'lfmene
s'offrit à fa vûe.
Ifmene , s'écria-t-il , Ifmene , non les
Dieux ne connoiffent pas le coeur des morrels
, les cruels m'ont dit ce que vous ne
croirez pas , ce que je ne crois pas moimême
; ils m'ont dit que je fuis un parjure ,
que le bonheur n'eſt pas fait pour moi ,
ont ofé me dire , tu n'as pas d'amour pour
Ifmene , & pour comble d'horreur les
barbares m'ont laiffé la vie.
ils
Ifmene jouiffoit du trouble de fon amant
fans ofer proférer une parole. Injufte Ifmene
, lui dit Thelanire , quoi ! vous ne
les accufez pas , ces Dieux ! ils font moins
injuftes que vous ; ils n'ont point vu Thelanire
interdit à leurs pieds. Thelanire n'a
pas pleuré lorfqu'il les a vûs , Thelanire
n'a pas pleuré lorsqu'il a ceffé de les voir.
Ingrate Ifmene , vous doutez de mon coeur,
parce que vous êtes für du vôtre ; & vous
jugez Thelanire impofteur , parce qu'lfmene
eft infenfible . Ifmene eût voulu
der plus long- tems le filence ; les reproches
de Thelanire développoient les fengarDECEMBRE.
81 1754.
timens de fon coeur : cependant elle l'interrompit
ainfi . Qui de nous a droit d'être
en courroux ? les Dieux ont dit que vous
ne m'aimez pas , mais ont - ils prononcé
qu'Ifmene n'a point d'amour pour vous ?
De quoi pouvez- vous m'accufer ? qu'exigez-
vous d'Ifmene ? Hélas ! reprit Thelanire
, je defire qu'elle foit plus juſte que
les Dieux , qu'elle en croye mon coeur &
non pas un oracle menfonger. Ifmene , dites-
moi , je vous aime , je n'irai pas interroger
les Dieux. Thelanire yous jure qu'il
vous adore , croyez- le , il en eft plus für
qu'un oracle infenfible. Venez , je veux
vous montrer aux Dieux , ils fentiront fi
l'on peut voir Ifmene fans en être épris.
F
La langueur de Thelanire paffoit dans
le coeur d'Ifmene . Attendrie & confuſe ,
elle oppofoit de foibles raiſons aux tranſports
de fon amant qu'elle ne vouloit pas
convaincre .
Notre amour finira , difoit - elle à The-
Janire ; qui peut répondre de la durée de
fon ardeur perfonne. Je ne le fens que
trop ; carje n'oferois jurer àmon cher Thelanire
que je l'aimerai éternellement.
-Encore fi nos ardeurs s'éteignoient en
même tems : mais non , Ifmene fidele verra
du fein des douleurs les plaiſirs affiéger
en foule Thelanire inconftant ; car The 12
·
D v
82 MERCURE DE FRANCE:
lanire changera le premier. Moi changer ,
chere Ifmene ! eh , le puis - je ! vos yeux
font de fûrs garans de mon amour ; votre
coeur vous répond de mon amitié ; elle
pourra s'accroître aux dépens de l'amour ,
mais jamais l'amour n'altérera notre amitié.
Thelanire cependant ferroit Ifmene entre
fes bras, il eut voulu la contenir toute enviere
dans fes mains . Vous m'aimez donc ,
lui dit Ifmene en foupirant ? Si je vous
aime ? reprit Thelanire , vous feule m'avez
fait voir que je n'avois jamais aimé ;
Philis me plaifoit , j'avois du goût pour
Cidalife ; mais je n'ai jamais aimé qu'lfmene.
Baifer fes mains . eft pour moi la
fource d'une volupté que je n'ai pas même
trouvée dans les dernieres faveurs des
autres. Mais vous , Ifmene , eft-il poffible
que Thelanire ait fçu vous plaire ? Hélas !
dit Ifmene ; Almanzor m'amufoit ; Daph
nis me faifoit rire ; je n'ai foupiré que pour
Thelanire , que j'ai évité. Ifmene , ma chere
Ifmene , ce jour eft le plus beau de ma vie ;
mais qu'il foit pour moi le dernier , s'il doit
coûter des pleurs à ma chère Imene ....
Ah ! Thelanire , fans doute , ce jour coût
tera des larmes à Ifmene ; car finene taimera
toujours: mais , Thelanire ! ...The
lanire comptera les jours de fon exiſtence
par ceux qu'il aura employés à faire le bon
DECEMBRE . 1754. 83
heur d'Ifmene . Un Roi , dira -t-il , pere de
fon peuple , plus amoureux du bien de fes
fujets que d'une gloire qui ira toujours audevant
de lui , leur procura les douceurs
de la paix le jour que Thelanire préféra
aux richeffes d'Elife la poffeffion tranquille
d'Ifmene. Le ciel donna à un peuple
de freres l'efpoir d'un maître & d'un
appui le jour que Thelanire aida Ifmene
à fecourir un infortuné. Ifmene , nos
amours feront éternels ; car vous ne changerez
pas. Ifmene s'efforçoit en vain de
répondre fa voix mourante fur fes levres
s'éteignoit dans les embraffemens de Thelanire
. La langueur avoit paffé dans fon
fein , elle gagna bientôt fon amant . Je vis
la tendreffe , l'amour , le plaifir & le bonheur
, mais je ne vis plus Thelanire ni If
mene : ils avoient ceffé d'exifter , ou plutôc
ils commençoient à fentir le bonheur d'être.
:
Depuis ce jour Thelanire foupire pour
Ifmene , qui l'adore ; Ifmene eft fans ceffe
occupée de Thelanire , qui ne pense qu'à
Ifmene.
Ifmene obligée de préfider aux Fêtes de
Bacchus , a quitté pour un tems fon cher
Thelanire. Ifmene pleure , Thelanire gé
mit , & ils trouvent du plaifir dans leurs
larmes.
1
D.
Par M. d'Igeon,
N Satyre pour célébrer fon arrivée
UNdans un bois , donnoit aux hôtes voi
fins une fête l'habitant des forêts y invita
auffi le jeune Thelanire & la charmante
Ifmene. Thelanire , quoique citadin ,
ne dédaigna pas l'offre du Sylvain ; fon
refus eût pû l'affliger , c'étoit affez pour
déterminer Thelanire à s'y rendre. Le ciel
connoiffoit fon intention , & pour l'en récompenfer
il y envoya Ifmene. La Nymphe
ſe préfenta dans une noble fimplicité
, elle donnoit de l'éclat à fa parure :
elle n'étoit qu'Ifmene , mais elle étoit Ifmene.
Thelanire la vit , il l'aima . Un tendre
embarras s'empara de fon ame , tout
lui
DECEMBRE. 1754. 75
lui fembloit inftruit de fon amour : if
croyoit voir l'univers occupé de fa tendieffe
, & rire de fa timidité.
Grands Dieux ! difoit - il , de quoi me
puniffez vous n'ai je pas affermi votre
culte en travaillant à étouffer la fuperfti
tion ? ne vous ai - je pas rendu de continuels
hommages ? mon coeur n'a écouté
que le cri de l'humanité , & ma premiere
crainte a été d'affliger le foible & le malheureux.
Je ne vous demande pas de m'ôter
mon amour , mais de me rendre la parole.
Un grand bruit fe fit entendre ( les Sa
tyres prennent le tumulte pour la gaité ) ,
& on annonça à Thelanire' que l'heure du
répas étoit arrivée.
Les Satyres croyent que rien n'eft comparable
à un Satyre ; cependant Ifmene
étoit fi belle qu'ils la jugerent dignes d'eux.
Ils eurent la gloire de fervir la Nymphe ,
& Thelanire le chagrin de les voir au comble
du bonheur. Il aimoit , il falloit le
faire entendre : Thelanire étoit épris pour
la premiere fois ; Thelanire pour la premiere
fois étoit timide.
Votre bonheur s'accroît de jour en jour ,
difoit-il au Satyre voifin d'Ifmene ; hier
Cidalyfe vous adoroit , & maintenant vous
baifez les pieds d'Ifmene.
11. Vol. D
74 MERCURE DE FRANCE.
Que vous êtes heureux ! difoit-il à un.
autre , vous obligez Ifmene , laiffez- moi
partager vos légeres peines & vos immenfes
plaifirs .
Cependant on voyoit la délicateffe prendre
la place de la profufion : on entendoit
les échos répeter les plus tendres fons ;
Thelanire feul ne voyoit & n'entendoit
qu'lfmene.
La Nymphe étoit fenfible , & Thelanire
lui plaifoit : elle croyoit n'aimer que fon
eſprit .
Tout s'efforçoit de contenter Ifmene ;
les Satyres épuifoient leur champêtre ga
lanterie. Cruels , difoit Thelanire , pourquoi
prenez-vous tant de peines ? pourquoi
m'ôtez- vous mes plaifirs ? La joie &
les flacons difparurent enfin , & le bonheur
de Thelanire commença. Affis aux
pieds d'Ifmene , Thelanire admira & fe
tût. Ifmene , dit Thelanire en foupirant :
Thelanire , reprit Ifmene en tremblant.
Ifmene .... eh bien : il baifoit fes mains ,
il les arrofoit de fes larmes. Que faitesvous
, lui dit Ifmene ? avez-vous perdu
l'ufage de la raifon hélas ! peu s'en faut ,
s'écria Thelanire , je fuis amoureux . Thelanire
trembla . Ifmene baiffa les yeux ,
& le filence fuccéda aux plus tendres em
braffemens. Ifmene n'ofoit jetter les yeux
DECEMBRE. 1754 75
far Thelanite , & Thelanire craignoit de
rencontrer les regards d'lfmene . Araminte
eft fans doute celle dont vous êtes épris ,
lui dit Ifmene en fouriant ; elle n'eſt pas ,
il est vrai , dans la premiere jeuneffe , mais
elle eft raisonnable .
Hélas ! reprit Thelanire , puiffe le ciel
pour punir les lâches adorateurs d'Araminte
, les condamner à n'aimer jamais que
des coeurs comme le fien.
Orphiſe & fes immenfes appas font donc
l'objet de vos'ardeurs ?
Hélas ! s'écria Thelanire , fi mon coeur
étoit affez bas pour foupiter après Orphi
fe , je fupplierois les Dieux de m'ôter le
plus précieux de leurs dons , je les prierois
de me rendre infenfible. De la beauté
qui m'enflamme , ajouta Thelanire , je vais
vous ébaucher le portrait ; je la peindrai
charmante , digne du plus grand des Dieux
ou d'un mortel fenfible & vertueux ; l'univers
à ces traits va la reconnoître , Ifmene
feule la méconnoîtra.
Elle n'eft point fille des Graces , elle
n'eft pas inême leur rivale , car les Graces
ne le lui difputent pas.
Talens , appas , la nature lui prodigua
tous les dons , jufqu'à celui d'ignorer qu'el
le eft aimable.
Qui la voit , foupire ; qui ceffe de la voir,
Dij
76 MERCURE DE FRANCE.
gémit , pour l'adorer quand il la reverral
Grands Dieux ! dit Ifmene , en foupirant
, quelle erreur étoit la mienne ! je me
croyois aimée , le cruel vient de me defabufer.
Ifmene ! ma chere Ifmene , c'eft
vous , ce font vos traits que je viens de
tracer je vous adore , & vous feriez fenfible
? Non , reprit Ifmene , d'un air embarraffé
, je n'ai point d'amour pour vous :
fi vous parlez , il eft vrai , vous m'occupez ;
vous taifez- vous ? vous m'occupez encore ;
mais je n'ai point d'amour pour vous.
Sommes-nous feuls ? je vous écoute ; quelqu'un
furvient , il me paroît importun ;
mais je n'ai point d'amour pour vous.
L'amitié , ce fentiment qui fait honneur à
T'humanité , ce fentiment incapable d'affadir
mon coeur , eft le feul lien qui m'attache à
mon cher Thelanire. Cruelle amitié ! s'écria
Thelanire ; barbare Ifmene , le ciel
vous a faite pour l'amour ; laiffez au tems
le foin de vous faire pour l'amitié. Des
jours viendront où la charmante Ifmene
ne fera plus que la refpectable Ifinenc ,
c'eft alors que les douceurs de l'amitié vous
tiendront lieu des voluptés de l'amour.
Ifmene n'eût pas été difficile à perfua
der ; déja elle craignoit Thelanire, lorf
qu'elle difparut.
Déja depuis long- tems Thelanire ne
DECEMBRE. 1754. 77
pouvoit plus appercevoir Ifmene , que fon
amoureufe imagination la lui faifoit voir
encore. Inquiet , affligé , mille raifons le
portoient à interpréter en fa faveur cette
fuite précipitée ; une feule lui difoit le
contraire , c'étoit affez pour le rendre malheureux.
Cependant Thelanire confidéroit
le féjour qu'Ifmene venoit d'abandonner
, tout lui paroiffoit un motif de confolation
pour fon ame abattue ; le gazon ,
une fleur , tout étoit intéreffant pour Thelanire.
Içi , difoit- il , Ifmene me tendit
une main , que d'un air embarraſſé elle retira
à l'inftant. Là je la vis arracher une
fleur qu'elle s'amufoit à déchirer , pour me
cacher fon innocente timidité . C'étoit près
de ce feuillage qu'Ifmene , en foupirant ,
me regarda , pour baiffer fes yeux fi-tôt
qu'elle rencontra les miens. Ifmene , ajoû
toit-il , Ifmene , vous me fuyez parce que
j'ai dit je vous aime ; mais où pourrezvous
aller fans en entendre autant ? L'humble
habitant de ces deferts glacés , où le
re du jour ſemble porter à regret fa lumiere
, vous admirera parce qu'il n'aura jamais
vû de beauté. Le fuperbe Américain
s'empreffera à vos genoux , parce que mille
beautés qu'il aura vûes lui feront fentir
le mérite d'Ifmene.
pe-
Cependant Thelanire incertain réſolut
Dirj
78 MERCURE DE FRANCE.
d'aller confulter l'Oracle de Venus fur le
fuccès de fon amour. Il vole à Paphos là
fur les bords d'une onde tranquille dont
le murmure fe marie agréablement aux gazouillement
des oifeaux , eft un temple
commencé par la nature & embelli par le
tems. L'efpoir & le plaifir en font les foutiens
inébranlables : l'amour y peignit de
fa main fes victoires les plus fignalées. Ici
la timide Aricie enchaîne avec des fleurs
Hyppolite , qui n'ofe lui réfifter. Surpriſe
& fiere de fa victoire , elle le regarde , &
s'en applaudit.
Là Pénelope , au milieu de fes amans
empreffés , foupire pour Ulyffe fon époux.
Un jour avantageux , digne effet de la
puiffance de l'amour , prête des graces
aux mortels qui habitent ce palais ; tout y
paroît charmant. La Déeffe n'y tient pas la
foudre à la main. Ses regards n'annoncent
pas la fierté ; le badinage & l'enjouement
ne font pas bannis de ces lieux. C'eſt aux
pieds de Venus que Thelanire prononça
ces mots : Déeffe des Amours , je ne viens
pas vous demander fi j'aime , mon coeur
me le dit affez ; daignez m'apprendre feulement
que je fuis aimé d'Ifmene.
Ifimene avoit été conduite au temple
par le même defir que fon amant. La fupercherie
ne déplaît pas à Venus. Ifmene
DECEMBRE . 1754 79
réfolut de profiter de l'occafion pour s'affurer
du coeur de Thelanire. Elle court fe
cacher derriere l'autel de la Déeffe , & elle
rend cette réponſe à fon amant . De quel
front ofes-tu , mortel impofteur , apporter
le menfonge jufques dans mon fanctuaire?
Ifmene te plaît , mais tu n'as pas
d'amour pour elle . Hélas ! dit Thelanire ,
puiffe le ciel pour me punir , fi je n'ai pas
dit la vérité , abandonner ma main au crime
, & mon coeur aux remords dévorans :
puiffent les Dieux m'ôter toutes mes confolations
, & me priver du plaifir de défendre
le foible opprimé par le puiffant.
Tu n'aimes point Ifmene , reprit la voix :
Ifmene t'écoute , tu n'ofes lui parler : Ilmene
fuit , & tu la laiffes échapper ; vas , tu
n'aimes point Ifmene.
Thelanire effrayé des premieres paroles
d'Ifmene , n'avoit pas reconnu fa voix . Ifmene
, c'est vous qui me parlez , dit- il , en
élevant fes yeux qui n'apperçurent que l'image
de Venus. Ifmene ! ... mais hélas !
je m'abuſe , tout me rappelle Ifmene , tout
la retrace à mon ame attendrie . Ifmene
que vous me caufez de peines ! Quand je
fuis avec vous , je tremble de voir arriver
l'inftant qui doit nous féparer. Me quittez-
vous ? je crains de ne vous revoir jamais.
Amour , je ne te demande pas
d'a-
D iiij
30 MERCURE DE FRANCE.
bandonner mon coeur , mais de dompter
le fien. Cependant Ifmene , qui croyoit
avoir été reconnue , avoit pris la fuite.
Thelanire , ennuyé d'interroger en vain
l'oracle qui ne répondoit plus , erroit à l'aventure
dans le temple , lorfqu'lfmene
s'offrit à fa vûe.
Ifmene , s'écria-t-il , Ifmene , non les
Dieux ne connoiffent pas le coeur des morrels
, les cruels m'ont dit ce que vous ne
croirez pas , ce que je ne crois pas moimême
; ils m'ont dit que je fuis un parjure ,
que le bonheur n'eſt pas fait pour moi ,
ont ofé me dire , tu n'as pas d'amour pour
Ifmene , & pour comble d'horreur les
barbares m'ont laiffé la vie.
ils
Ifmene jouiffoit du trouble de fon amant
fans ofer proférer une parole. Injufte Ifmene
, lui dit Thelanire , quoi ! vous ne
les accufez pas , ces Dieux ! ils font moins
injuftes que vous ; ils n'ont point vu Thelanire
interdit à leurs pieds. Thelanire n'a
pas pleuré lorfqu'il les a vûs , Thelanire
n'a pas pleuré lorsqu'il a ceffé de les voir.
Ingrate Ifmene , vous doutez de mon coeur,
parce que vous êtes für du vôtre ; & vous
jugez Thelanire impofteur , parce qu'lfmene
eft infenfible . Ifmene eût voulu
der plus long- tems le filence ; les reproches
de Thelanire développoient les fengarDECEMBRE.
81 1754.
timens de fon coeur : cependant elle l'interrompit
ainfi . Qui de nous a droit d'être
en courroux ? les Dieux ont dit que vous
ne m'aimez pas , mais ont - ils prononcé
qu'Ifmene n'a point d'amour pour vous ?
De quoi pouvez- vous m'accufer ? qu'exigez-
vous d'Ifmene ? Hélas ! reprit Thelanire
, je defire qu'elle foit plus juſte que
les Dieux , qu'elle en croye mon coeur &
non pas un oracle menfonger. Ifmene , dites-
moi , je vous aime , je n'irai pas interroger
les Dieux. Thelanire yous jure qu'il
vous adore , croyez- le , il en eft plus für
qu'un oracle infenfible. Venez , je veux
vous montrer aux Dieux , ils fentiront fi
l'on peut voir Ifmene fans en être épris.
F
La langueur de Thelanire paffoit dans
le coeur d'Ifmene . Attendrie & confuſe ,
elle oppofoit de foibles raiſons aux tranſports
de fon amant qu'elle ne vouloit pas
convaincre .
Notre amour finira , difoit - elle à The-
Janire ; qui peut répondre de la durée de
fon ardeur perfonne. Je ne le fens que
trop ; carje n'oferois jurer àmon cher Thelanire
que je l'aimerai éternellement.
-Encore fi nos ardeurs s'éteignoient en
même tems : mais non , Ifmene fidele verra
du fein des douleurs les plaiſirs affiéger
en foule Thelanire inconftant ; car The 12
·
D v
82 MERCURE DE FRANCE:
lanire changera le premier. Moi changer ,
chere Ifmene ! eh , le puis - je ! vos yeux
font de fûrs garans de mon amour ; votre
coeur vous répond de mon amitié ; elle
pourra s'accroître aux dépens de l'amour ,
mais jamais l'amour n'altérera notre amitié.
Thelanire cependant ferroit Ifmene entre
fes bras, il eut voulu la contenir toute enviere
dans fes mains . Vous m'aimez donc ,
lui dit Ifmene en foupirant ? Si je vous
aime ? reprit Thelanire , vous feule m'avez
fait voir que je n'avois jamais aimé ;
Philis me plaifoit , j'avois du goût pour
Cidalife ; mais je n'ai jamais aimé qu'lfmene.
Baifer fes mains . eft pour moi la
fource d'une volupté que je n'ai pas même
trouvée dans les dernieres faveurs des
autres. Mais vous , Ifmene , eft-il poffible
que Thelanire ait fçu vous plaire ? Hélas !
dit Ifmene ; Almanzor m'amufoit ; Daph
nis me faifoit rire ; je n'ai foupiré que pour
Thelanire , que j'ai évité. Ifmene , ma chere
Ifmene , ce jour eft le plus beau de ma vie ;
mais qu'il foit pour moi le dernier , s'il doit
coûter des pleurs à ma chère Imene ....
Ah ! Thelanire , fans doute , ce jour coût
tera des larmes à Ifmene ; car finene taimera
toujours: mais , Thelanire ! ...The
lanire comptera les jours de fon exiſtence
par ceux qu'il aura employés à faire le bon
DECEMBRE . 1754. 83
heur d'Ifmene . Un Roi , dira -t-il , pere de
fon peuple , plus amoureux du bien de fes
fujets que d'une gloire qui ira toujours audevant
de lui , leur procura les douceurs
de la paix le jour que Thelanire préféra
aux richeffes d'Elife la poffeffion tranquille
d'Ifmene. Le ciel donna à un peuple
de freres l'efpoir d'un maître & d'un
appui le jour que Thelanire aida Ifmene
à fecourir un infortuné. Ifmene , nos
amours feront éternels ; car vous ne changerez
pas. Ifmene s'efforçoit en vain de
répondre fa voix mourante fur fes levres
s'éteignoit dans les embraffemens de Thelanire
. La langueur avoit paffé dans fon
fein , elle gagna bientôt fon amant . Je vis
la tendreffe , l'amour , le plaifir & le bonheur
, mais je ne vis plus Thelanire ni If
mene : ils avoient ceffé d'exifter , ou plutôc
ils commençoient à fentir le bonheur d'être.
:
Depuis ce jour Thelanire foupire pour
Ifmene , qui l'adore ; Ifmene eft fans ceffe
occupée de Thelanire , qui ne pense qu'à
Ifmene.
Ifmene obligée de préfider aux Fêtes de
Bacchus , a quitté pour un tems fon cher
Thelanire. Ifmene pleure , Thelanire gé
mit , & ils trouvent du plaifir dans leurs
larmes.
1
D.
Par M. d'Igeon,
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Résumé : THELANIRE ET ISMENE.
Le texte raconte l'histoire d'amour entre Thelanire et Ismène, deux personnages invités à une fête dans un bois par un habitant des forêts. Thelanire, citadin, accepte l'invitation et y rencontre Ismène, qu'il trouve charmante. Il tombe amoureux d'elle, mais son amour le rend timide et embarrassé. Lors du repas, Thelanire observe Ismène et les Satyres qui la servent, ce qui accentue son chagrin. Ismène, sensible à Thelanire, croit d'abord n'aimer que son esprit. La fête se poursuit avec des moments de tendresse et de confusion. Thelanire, désespéré, finit par avouer son amour à Ismène, qui lui répond qu'elle n'a que de l'amitié pour lui. Malgré sa douleur, Thelanire continue de chercher des signes d'amour dans les actions d'Ismène. Il décide de consulter l'oracle de Vénus pour connaître les sentiments d'Ismène. Ismène, également présente, se cache et répond à l'oracle en feignant d'être une voix divine. Thelanire, troublé, finit par retrouver Ismène et lui avoue à nouveau son amour. Ismène, touchée, reconnaît finalement ses sentiments pour Thelanire. Ils discutent de la durée de leur amour et de la fidélité, et finissent par se réconcilier. Par la suite, le texte décrit l'amour profond entre Thelanire et Ismène, désormais nommée Ifmene. Thelanire choisit la paix et la tranquillité avec Ifmene plutôt que les richesses d'Élise. Leur amour est si profond qu'ils trouvent du bonheur même dans leurs séparations, comme lors des fêtes de Bacchus où Ifmene doit présider, laissant Thelanire en larmes. Leur amour est éternel et réciproque, chacun étant constamment préoccupé par le bien-être de l'autre. Leur passion est si intense qu'elle conduit à leur mort, où ils commencent à ressentir le bonheur d'exister ensemble. Leur amour transcende la vie terrestre, les rendant éternels dans leur tendresse et leur bonheur partagé.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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47
p. 84-85
EPITRE A un ami qui partoit pour l'Amérique.
Début :
Rendez-vous dans l'appartement [...]
Mots clefs :
Dieux, Amour, Amérique
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPITRE A un ami qui partoit pour l'Amérique.
EPITRE
A un ami qui partoit pour l'Amérique:
Rendez - vous dans l'appartement
D'un petit héros de finance ,
Qui , grace aux Dieux , déja commence
De cultiver l'heureux talent
Qui tire un homme du néant
Et le fait vivre avec aiſance.
En attendant ce jour brillant ,
Qui me verra dans l'opulence ,
Accourez avec confiance
Au déjeuner que fans apprêts
Vous prépare mon indigence.
Là vous verrez tous les regrets
Que va me caufer votre abfence :
Là vous recevrez mes adieux .....
Vous partez. Ah ! dans cette plage
Où vous allez porter vos Dieux ;
Fuyez ce foin trop ennuyeux ,
De devenir un perfonnage ;
Ne defirez d'autre avantage
Que celui d'être ... & d'être heureux ;
On l'eft toujours quand on eſt ſage.
Mais n'allez pas être un Caton ,
Je vous preferis cette raison
DECEMBRE.
85 17541
Dont Ariftipe fit ufage ;
Une raiſon fans étalage ,
Qui fe prêtant à nos defirs ,
Nous éclaire fur les plaifirs.
Si les foucis font du
voyage ,
Que j'ai pour vous à craindre encor !
Hélas ! dans ce pays fauvage
Vous ne trouverez que de l'or.
L'or feul fait-il notre partage ?
Des plaiſirs la troupe volage ,
L'urbanité , l'efprit , le goût ,
L'agréable libertinage ,
Enfin tous les Dieux du bel âge
N'ont point de temples au Pérou.
On n'y rit point ; là l'homme eft fou ;
Sans agrément , fans badinage.
» Mais Amour , Amour eft par- tout ;
» Ce Dieu par- tout a des hommages.
L'Amour est donc fur ces rivages.
Adieu , partez , vous aurez tout.
A un ami qui partoit pour l'Amérique:
Rendez - vous dans l'appartement
D'un petit héros de finance ,
Qui , grace aux Dieux , déja commence
De cultiver l'heureux talent
Qui tire un homme du néant
Et le fait vivre avec aiſance.
En attendant ce jour brillant ,
Qui me verra dans l'opulence ,
Accourez avec confiance
Au déjeuner que fans apprêts
Vous prépare mon indigence.
Là vous verrez tous les regrets
Que va me caufer votre abfence :
Là vous recevrez mes adieux .....
Vous partez. Ah ! dans cette plage
Où vous allez porter vos Dieux ;
Fuyez ce foin trop ennuyeux ,
De devenir un perfonnage ;
Ne defirez d'autre avantage
Que celui d'être ... & d'être heureux ;
On l'eft toujours quand on eſt ſage.
Mais n'allez pas être un Caton ,
Je vous preferis cette raison
DECEMBRE.
85 17541
Dont Ariftipe fit ufage ;
Une raiſon fans étalage ,
Qui fe prêtant à nos defirs ,
Nous éclaire fur les plaifirs.
Si les foucis font du
voyage ,
Que j'ai pour vous à craindre encor !
Hélas ! dans ce pays fauvage
Vous ne trouverez que de l'or.
L'or feul fait-il notre partage ?
Des plaiſirs la troupe volage ,
L'urbanité , l'efprit , le goût ,
L'agréable libertinage ,
Enfin tous les Dieux du bel âge
N'ont point de temples au Pérou.
On n'y rit point ; là l'homme eft fou ;
Sans agrément , fans badinage.
» Mais Amour , Amour eft par- tout ;
» Ce Dieu par- tout a des hommages.
L'Amour est donc fur ces rivages.
Adieu , partez , vous aurez tout.
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Résumé : EPITRE A un ami qui partoit pour l'Amérique.
L'épître est adressée à un ami partant pour l'Amérique. L'auteur évoque un 'petit héros de finance' qui cultive un talent prometteur pour échapper au néant et vivre avec aisance. Avant son départ, l'auteur invite son ami à un déjeuner modeste pour exprimer ses regrets et ses adieux. Il conseille à son ami de fuir l'ambition de devenir un personnage important et de rechercher simplement le bonheur et la sagesse. L'auteur met en garde contre les soucis du voyage et les dangers de l'Amérique, où l'on ne trouvera que de l'or, mais pas les plaisirs, l'urbanité, l'esprit, ni les agréments de la vie. Il souligne que l'Amour, cependant, est présent partout. L'auteur conclut en souhaitant à son ami de trouver tout ce qu'il cherche, malgré les défis du voyage.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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48
p. 18-35
LES REPUTATIONS mises au creuset.
Début :
Le monde est plein de réputations injustement acquises en mal comme [...]
Mots clefs :
Réputation, Roi, Reine, Femme, Dieux, Tantale, Taureau, Jupiter, Minos
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LES REPUTATIONS mises au creuset.
LES REPUTATIONS
miſes au creuset.
LE fi
E monde eſt ſi plein de réputations
injuftement acquifes en mal comme
en bien , qu'il me prend envie de les mettre
dans le creufet de la vérité , pour les
réduire à leur jufte valeur. Si j'allois faire
de toutes une exacte analyfe , qu'on verroit
d'étranges métamorphofes ! pour établir
les unes il faudroit détruire les autres.
Par cette opération , je rendrois les
coquins honnêtes gens , & les honnêtes
gens coquins ; je rendrois nombre d'honnêtes
femmes ...... je n'ofe achever ; l'univers
en feroit bouleverfé . Pour éviter ce
defordre , & laiffer le fiécle tel qu'il eft ,
je me borne dans mon fyftême à blanchir
les plus célébres réputations de l'antiquité
qu'un préjugé calomnieux a noircies , & à
démafquer par contre- coup plufieurs de celles
qu'un faux éclat a déguifées, & que l'obfcurité
des tems a rendues refpectables . Je
voudrois pouvoir réhabiliter toutes les modernes
qui en ont befoin , mais j'aurois trop
à faire , & la tâche eft trop difficile. Je laiffe
cet honneur aux écrivains qui voudront
JANVIER. 1755 . 19
l'entreprendre après moi ; je me contente
de leur frayer le chemin. Cet effai fuffira
pour faire voir combien on doit être lent
à croire , encore plus timide à décider fur
les réputations , & pour prouver que fouvent
elles font plutôt l'ouvrage du hazard
malin , ou de l'opinion aveugle , que celui
de la raifon éclairée ou de la vérité bien
approfondie : c'eſt où le pyrrhonifme eſt
d'obligation.
Le danger de fréquenter plus grand quefoi .
:
TANTAL E.
Tantale étoit Roi de Phrygie . Jamais
Prince n'a été plus fauffement noirci . Fils
de Jupiter , il étoit digne de fa naiſſance ;
il réuniffoit toutes les qualités du coeur &
de l'efprit aimable , bienfaiſant , & fi
agréable convive , que les Dieux l'admirent
à leur table ; il fut de toutes leurs parties
, & devint leur ami familier . Comme
il avoit le don de plaire & d'amufer , plufieurs
Déeffes lui voulurent du bien ; en
conféquence plufieurs Dieux lui voulurent
du mal. Son trop de mérite le brouilla
avec eux , & lui caufa de fi cruelles tracafferies
qu'il fut obligé de quitter l'Qlympe
, pour ne plus vivre que fur la terre.
20 MERCURE DE FRANCE.
*
Il y devint amoureux de Taigéte , fille
d'Atlas. L'hymen les unit , il l'en aima
davantage , & retrouva les Cieux avec
elle. Il jouir d'un bonheur d'autant plus
pur , qu'il ne fut plus occupé que du plaifir
de faire du bien aux hommes : il polit
leurs moeurs , & leur apprit doublement à
vivre , en leur enfeignant à mettre du goût
dans leurs amufemens & de la délicateffe
dans leurs feftins. A l'affaifonnement des
bons mots , il joignit celui des mets exquis
, & fut par un excès de bonté le premier
maître d'hôtel du genre humain . Les
Dieux en furent jaloux , & lui en firent
un crime ; ils l'accuferent d'avoir trahi
leurs fecrets , & d'avoir dérobé le nectar &
l'ambroifie , pour en faire part aux mortels.
C'étoit peu d'avoir châtié injuftement
Promethée , pour avoir donné la vie
à l'homme , en l'animant de leur efprit ,
ils voulurent encore punir avec moins de
raifon Tantale , de lui avoir appris l'art
d'en jouir. Je parle d'après Pindare. Ils le
précipiterent dans les enfers , pour une action
qui méritoit les Champs Elifées. Le
genre de fupplice eft d'ailleurs peu convenable.
Il eft condamné à manquer de tout
au milieu de l'abondance : la générofité fit
tout fon forfait , & fon châtiment eft la
Paufanias.
JANVIER. 21
1755 .
*
peine des avares. Les uns lui font fouffrir
cette tortute pour un chien perdu ; les
autres , pour juftifier la rigueur des Dieux ,
le chargent contre toute vraisemblance de
leur avoir fervi de gaieté de coeur les membres
de fon fils Pelops . Voici l'événement
qui a donné lieu à cette noire calomnie.
Les Dieux ennuyés de ne plus voir Tantale
, allerent un jour le vifiter. Le premier
objet qui frappa leur vûe fut le petit
Pelops , qui étoit encore enfant. Jupiter
dit à Tantale , foit pour mettre fon zéle
à l'épreuve , foit par mauvaiſe plaifanterie
, dont les Dieux font quelquefois trèscapables
; Prince , votre fils eft d'un embonpoint
charmant , vous nous obligerez
tous de nous le faire fervir à fouper. Tantale
prit la propofition pour une raillerie
& lui répondit , en courtifan adroit , qu'il
faifoit trop d'honneur à fon fils , & qu'il
n'avoit rien qui ne fût au fervice de leur
divinité. Pour mieux jouer l'obéiffance ,
il donna ordre qu'on faifit Pelops ; mais
les Déeffes s'y opoferent . Venus le prit
dans fes bras , & toutes à l'envi s'emprefferent
à le careffer , en difant que ce feroit
dommage de le rôtir , qu'il étoit le
plus bel enfant du monde , & qu'il pour-
* C'étoit un chien que Jupiter lui avoit confié
pour la garde de fon temple dans l'ifle de Crete,
22 MERCURE DE FRANCE.
roit un jour les fervir plus utilement . Cerès
le trouva fi potelé qu'elle lui fit un fuçon
à l'épaule , qui étoit blanche comme
l'yvoire.
Momus , le Dieu de la médiſance , empoifonna
cette avanture , peut-être pour
faire fa cour à Jupiter , car fouvent les plus
noirs fatyriques font les plus lâches adulareurs
; ils ne déchirent méchamment les
uns que pour flater plus baffement les autres.
Momus fuivant donc ce caractere ,
donna un tour affreux à la chofe ; il publia
que Tantale leur avoit offert fon fils à
manger pour éprouver leur puiffance ; mais
qu'ayant reconnu fon horrible perfidie , ils
s'étoient tous abftenus d'y toucher ; que
la feule Cérès , aveuglée par un appétit
defordonné , avoit dévoré l'épaule droite
de l'enfant , & que Jupiter lui en avoit
fubftitué une d'yvoire , en rajuftant tous
fes membres , & leur donnant une nouvelle
vie.
Cette fable prit généralement , tant il eft
vrai que le faux merveilleux , quelqu'abfurde
qu'il foit , trouve toujours plus de foi
parmi les hommes que la fimple vérité.
La fuperftition alla plus loin. Après la mort
de Pelops , elle divulgua que fon épaule
Pindare , Ode I.
JANVIER. 1755. 23
miraculeufe guériffoit plufieurs maux différens.
Un grand nombre de malades lui
rendirent un dévôt hommage , & peutêtre
que le hazard , ou le bonheur de quelques
guérifons fortuites fervit à établir.
cette croyance , qu'il parut juftifier.
Ce que j'ai appris d'un Mythologiſte
auffi profond que fenfé , c'eft que Tantale ,
depuis ce fatal repas , avoit encouru la
difgrace du maître du ciel , fon pere , par
une raiſon fecrete que j'ai trouvée trèsvraisemblable.
Jupiter toujours prompt à s'enflammer
pour les nouveaux objets qui s'offroient à
fes yeux , ne put voir Taigete , la femme
de Tantale , fans être touché de fes charmes
; c'étoit une taille célefte , une beauté
digne des Dieux. L'enjouement & la mo
deftie formoient en elle un mêlange enchanteur
qui la rendoit adorable. Elle faifoit
les honneurs du fouper que fon époux
donnoit à la troupe immortelle. En prenant
le nectar de fa main , le Roi de l'Olympe
s'enyvra d'un amour dont il eut d'autant
plus de peine à guérir qu'il ne pût parvenir
à le rendre heureux . L'aimable Reine
de Phrygie reçut le lendemain de fa part
un billet , qui exprimoit la paffion la plus
vive ; mais à peine eut-elle jetté les yeux
fur les premieres lignes , qu'elle le rendit
24 MERCURE DE FRANCE .
fon
à Mercure qui en étoit le porteur . Il eut
beau la preffer d'y répondre , elle lui dit
en riant qu'elle ne fçavoit pas écrire , &
qu'elle prenoit toujours fon mari pour
fecrétaire. Jupiter inftruit du mauvais fuccès
de fa lettre , eut recours aux métamorphofes
qui lui avoient fouvent réuffi , &
pour lefquelles il avoit un goût particulier.
Taigete avoit trois bêtes qu'elle aimoit
fingulierement ; un perroquet , un épagneul
, & un fapajou. Le fouverain des
Cieux prit d'abord la figure du premier , &
courut béqueter la Reine . Tantale qui revenoit
de la chaffe , entra dans ce moment ;
il écarta le perroquer pour embraffer fa
femme , qui lui rendit careffe pour careffe.
L'oifeau jaloux mordit fi fort l'oreille
du mari , qu'il lui en refta un morceau
dans fon bec. Tantale fit un cri , & Taigete
effrayée de voir couler le fang du Roi,
faifit le perroquet avec indignation : elle
alloit le livrer aux griffes d'un gros matou ,
qui brûloit de l'étrangler , quand l'oifeau
s'échappa , & prit l'effor par la fenêtre.
Trois jours après , Jupiter informé que
Tantale avoit quitté fa femme pour une
affaire importante qui demandoit fa préfence
ailleurs , revint auprès d'elle fous la
forme de l'épagneul . Il comptoit que fon
époux
JANVIER. 1755. 25
Epoux feroit obligé de découcher au moins
une nuit , car dans ce tems là les maris ,
même de Cour , ne faifoient jamais lit à
part. Taigete defefperoit elle -même du
retour du Roi : elle étoit prête à fe coucher
, & l'Epagneul impatient avoit déja
pris au lit la place de Tantale , quand ce
Prince arriva fort à propos. Le chien furieux
, fort de la couche royale , & abboye
contre lui de toutes fes forces . Le Roi ennuyé
de fes cris , lui donna un fi grand
coup de pied , que l'Epagneul oubliant
fon rolle de chien , jura en Dieu , qui parle
en maître. Tantale furpris de cette nouveauté
, ordonna qu'on le faisît pour éclaircir
ce prodige ; mais le chien prit la fuite
& difparut. Le Monarque du ciel jouant
de fon refte , s'établit pour la troifieme
fois chez la Reine en qualité de Sapajou .
Il l'amufa d'abord par cent jolis tours ;
mais s'émancipant par degrés , il fauta fur
l'épaule de fa maîtreffe , & l'ofa careffer
jufqu'à fortir des bornes de la décence . La
Reine fcandalifée , appella le Roi , & le
pria de punir fon finge comme il le méritoit.
Tantale s'armant d'un cordon de foie
fe mit en devoir de le châtier ; mais le
malin Sapajou le prévint , & le prit au
colet , de façon qu'il l'eût étouffé fi fa
.femme ne fût venue au fecours , & n'eût
B
26 MERCURE DE FRANCE .
ferré fortement le col de l'animal avec
le ruban qui lui fervoit d'attache , & qui
formoit un noeud coulant. Le Dieu finge
fe fentant étrangler à fon tour , lâcha prife
; mais tout fon amour pour la Reine
s'éteignit alors , il fe transforma en haine
contre le mari . Le Sapajou s'éclipfa , &
Jupiter parut dans tout l'appareil de fa colere
. Va , dit - il au malheureux Tantale ,
va fubir aux enfers le fupplice que je viens
d'éprouver à ta Cour. Sois toujours prêt
à poffeder , fans pouvoir jamais jouir ;
meurs éternellement de foif au fein des
caux , & de faim au milieu des fruits . A
ces mots , Jupiter remonte aux cieux ;
Tantale tombe dans le Tartare , & Taigete
expire de douleur. C'eft ainfi que ce Monarque
, auffi vertueux qu'infortuné , fut
châtié de la fidélité de fa femme & de la
liaifon intime qu'il eut avec les Dieux.
Cet exemple nous prouve combien il eft
dangereux de fréquenter plus grand que
foi. Pour agir prudemment , nous ne devons
jamais voir ni au - deffus ni au- deffous
de nous. Nos inférieurs nous puniffent
de notre familiarité , & nos fupérieurs
de nos fervices : notre réputation leur eft
foumife comme notre vie ; elle reçoit la
couleur qu'ils veulent lui donner dans le
monde , & dépend moins de notre vertu
JANVIER. 1755. 27
que de leur fantaifie , ou de leur paffion .
De là je conclus que nos égaux font la
feule compagnie qui convienne à notre fûtreté
; c'eſt parmi eux qu'il faut choisir nos
amis , ou du moins nos connoiffances , par
la rareté dont fe trouvent les premiers.
Les mots font plus de tort
chofes.
PASIPHA É.
que les
PASIPHAÉ , fille du Soleil , épouſa
Minos , Roi de Crete . Ce Prince fut un
grand homme de guerre , un bon Légiflateur
, mais un mauvais mari : il ne fe
montra pas tel d'abord. Comme fa femme
joignoit l'efprit à la beauté , & qu'il
en étoit amoureux , il vêcut affez bien avec
elle les premieres années de fon mariage ;
mais ce bonheur fut troublé par la mort tragique
d'Androgée * , fon fils aîné , qu'il
aimoit tendrement ; il l'avoit eu d'une premiere
femme. Ce jeune Prince en voyageant
dans l'Attique , y fut cruellement
affaffiné. La perte d'un fils adoré fit une
fi forte révolution dans fon ame , qu'elle
Plutarque , vie de Théfée.
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
aigrit fon humeur , & changea fon caraçtere
: la nature en avoit fait un Roi jufte
la douleur en fit un tyran inflexible . Les
charmes de la Reine , loin d'adoucir fon
coeur , le rendirent plus farouche ; fon
amour dégénéra en jaloufie , & fa juſtice
en cruauté. Pour venger le meurtre d'Androgée
, il jura de porter la guerre dans
Athenes , & de punir une nation entiere
du crime de deux ou trois particuliers :
mais avant de remplir fon ferment , il inftitua
en l'honneur de fon fils , des jeux
funébres , qu'il fit enfuite célébrer tous les
ans. Les premiers prix furent remportés
par un Officier des plus diftingués de fa
Cour & de fon armée ; on l'appelloit Taurus
, ou Taureau , pour francifer fon nom.
C'étoit l'homme le plus fort de la Crere :
il étoit également adroit. Comme il s'étoit
fignalé dans les combats auffi bien que
dans les fêtes , le Roi en faifoit un cas
particulier. La Reine qui fut préfente à
ces jeux , ne conçut pas moins d'eftime
pour lui ; elle l'honora même d'un éloge
flateur , quand il s'approcha d'elle pour
recevoir de fa main le prix de la lutte &
de la courfe. La force , l'adreffe & la valeur
font trois qualités recommendables
auprès du beau fexe. Il eft vrai qu'elles
étoient un peu ternies en lui par une huJAN
VIE R. 1755 . 29
meur fiere & dure , pour ne pas dire
brutale ; mais c'eft l'ordinaire défaut des
gens robuftes : leur fang qui coule avec
impétuofité , ne leur permet guere d'être
polis. Un efprit doux & liant eft le partage
des complexions délicates , qui n'ont
pas la force de manquer d'égards , & qui
donnent le beau nom de fentiment à leur
foibleffe. Taurus étoit donc brufque , mais
effentiel. La Reine conféquemment n'avoit
pas tort d'être prévenue en fa faveur ;
elle y étoit autorifée par la confiance que
Minos avoit en lui . Ce Prince en donna
une preuve bien décifive en partant pour
aller lui- même faire en perfonne la guerre
aux Athéniens ; il l'établit Gouverneur de
Gnoffe , Capitale de fon Royaume , & remit
à fa garde ce qu'il avoit de plus cher ,
fon état & fa femme. Il lui recommenda
fur- tout de veiller fur la conduite de la
Reine , de doubler le nombre de fes Ar-.
gus , fous le prétexte d'augmenter fa Cour ,
& de ne lui laiffer qu'un efclavage honorable
.
Pafiphaé qui fe vit décemment prifonniere
, fe confola d'avoir pour furveillant
celui de fes Sujets qu'elle eftimoit le plus.
Elle employa tout fon art à le captiver luimême
: elle y réuffit. La rudeffe du plus
féroce s'adoucit à l'afpect de deux beaux .
:
B iij
30 MERCURE DE FRANCE.
yeux : ceux de la Reine étoient de ce nombre.
Le Taureau s'apprivoifa , & lui tine
compagnie. Un feul homme de la trempe
du Cretois fuffit pour amufer le loifir d'une
femme modefte , condamnée à la folitude.
Une conformité de goût fervit encore
à les unir d'une chaîne plus intime :
ils avoient tous deux une eftime particuliere
pour Dédale , & un amour de préfé
rence pour l'art qu'il profeffoit. Cet ingénieux
Méchanicien fat le Vaucanfon de
fon fiécle : il s'étoit déja rendu fameux à la
Cour de Crete par la conftruction du labyrinthe.
Ce furprenant édifice venoit d'être
fini par l'ordre de Minos. La Reine &
Taurus furent curieux d'en parcourir les
détours ; mais ils s'y perdirent de compagnie
, & fans le fecours de Dédale , ils
n'auroient jamais pû trouver le moyen d'en
fortir. Depuis ce moment , ils prirent tant
de goût pour les ouvrages de ce célébre
Artifte , qu'ils alloient tous les jours le voir
travailler à fon attelier. Supérieur dans fon
art , Dédale ne copioit que la Nature , &
'imitoit que les Dieux : il créoit à leur
exemple . Tantôt il animoit le marbre , tantôt
il faifoit parler le bronze , ou foupirer
le bois.
: Parmi différens chef- d'oeuvres , il conf
truifit un Taureau qui frappoit du pied la
JANVIER . 1755 . 31
terre , & refpiroit le feu : il lui donna pour
compagne une Geniffe fi parfaitement imitée
, que l'oeil s'y trompoit à la voir , elle
marchoit , elle broutoit , elle mugifloit
avec tant de vérité , qu'on la prenoit pour
une geniffe réelle. Le taureau s'enflamoit
à fa vûe , & beugloit à l'uniffon avec elle .
Pafiphaé étonnée de ce prodige , voulat
connoître le méchanifme qui l'opéroit.
Taurus eut la même curiofité . Dédale la
fatisfit ; il expofa à leurs regards l'intérieur
des deux machines , & pour leur en faire
mieux comprendre tout le jeu , il fit entrer
la Reine dans le corps de la geniffe ,
& fon Ecuyer dans le ventre du taureau .
Tous deux eurent à peine touché à un certain
fil , que la geniffe beugla , & que le
taureau lui répondit . Cette comédie les
amufa fi fort , qu'ils alloient chez Dédale
la jouer régulierement quatre fois par femaine.
Cette piéce finguliere dura fix mois,
qui fut tout le tems de l'abfence de Minos.
Ce Monarque revint triomphant des Athéniens.
Après les avoir vaincus , il les obligea
de lui envoyer en tribut fept jeunes
garçons & fept jeunes filles des plus no-
Bles familles d'Athenes , pour être enfermés
dans le labyrinthe.
La Reine accoucha trois mois après ; plu-
B iiij
32 MERCURE DE FRANCE.
*
fieurs difent de deux jumeaux , dont l'un
reffembloit au Roi de Crete , & l'autre au
Gouverneur de Gnoffe ; mais un Auteur
digne de foi , affure qu'elle ne mit au jour
qu'un feul Prince , qui avoit le fourcil noir
de Minos , & les cheveux roux de Taurus .
J'ai fuivi cette opinion comme la plus vraifemblable.
Les perfifleurs de la Cour exercerent
leurs mauvaiſes plaifanteries fur
cette double reffemblance , & donnerent
au fils de la Reine le fobriquet de Minotaure
, qui lui eft toujours refté. Le Roi
le prit en averfion , & conçut contre fa
femme un foupçon qui la perdit fans retour
; fa fureur jaloufe en redoubla. Les
ennemis que Taurus s'étoit attiré par fa
brufquerie infolente , chargerent fon hif
toire des plus noires couleurs : ils la répandirent
dans le public , elle parvint jufqu'à
Minos. Il apprit , en frémiffant , les
vifites fréquentes de fon favori & de fa
femme chez Dédale ; la promenade du labyrinthe
, où ils s'étoient égarés , & l'aventure
merveilleufe du taureau & de la
geniffe. Minos outragé , ou qui crut l'ê
tre , fignala bientôt fa vengeance. Dédale
eut pour prifon le labyrinthe , dont il étoit
l'inventeur. Le Prince Minotaure fut en-
* Servius dans fon Commentaire fur Virgile,
JANVIER.. 1755 . 33
fermé dans le même cachot ; il y fut nourri
comme une bête féroce : Taurus partagea
fon fupplice . La Reine fut enfevelie dans
un autre fouterrein . Par un raffinement de
cruauté , elle fut condamnée à ne plus voic
le jour , fans perdre la vie . Dédale eut recours
à fon art , & trouva feul le moyen
de s'échapper. Le Prince crut en force : il
devint bientôt monftrueux par fa taille gigantefque
, & fa férocité répondit à fon
éducation . Il combattoit les malheureux
Athéniens qu'on envoyoit en Crete ; on
les livroit à fa rage ; ils périffoient fous fes
coups , ou mouroient de la main de Taurus
, qui fecondoit fa fureur . Les jeunes
Grecques languiffoient dans l'efclavage.
Heureufement pour elles , Théfée , que le
fort mit du nombre des captifs , vint rompre
leurs fers. Il attaqua le redoutable Minotaure
, tua Taurus avec lui , & délivra
par cette victoire fa patrie d'un tribut auſſi
deshonorant pour l'humanité que pour
elle ; mais il ternit cette belle action par
le rapt d'Ariane , qui lui avoit enfeigné le
le_rapt
fecret de fortir du labyrinthe , en l'armant
d'un fil qui lui fervit de guide. En reconnoiffance
d'un fi grand bienfait , il l'arracha
des bras paternels , pour l'abandonner
dans une ifle déferte . Voilà de nos
brillans héros qui font le bien par nécef-
Bv
34 MERCURE DE FRANCE.
fité , & le gâtent bientôt après par le mal
qu'ils font volontairement . Minos , ce Roi
cité pour fa fagelle , s'en écarta dans cette
occafion , & flétrit fa gloire par la vengeance
éclatante qu'il tira d'une aventure
qu'il devoit plûtôt étouffer dans un profond
filence. La renommée qui groffit , &
qui déguife tout , broda fur ce fond la
plus horrible fable . Elle publia que Pafiphaé
éprife d'amour pour un taureau ,
avoit eu recours à Dédale pour fatisfaire
fon effroyable paffion , & que cet Artiſte
complaifant avoit fabriqué le corps d'une
geniffe , où il avoit introduit la Reine ,
pour lui faciliter un affreux commerce.
Les plus grands Poëtes ont confacré cette
horreur. Minos en a été puni le premier ,
puifqu'il en a partagé la honte. Sa malheureufe
époufe a été la victime d'une
équivoque. Tant il eft vrai , que les femmes
, quand elles font choix d'un amant
ne fçauroient avoir trop d'égard au nom
qu'il porte ; cette attention eft pour elles
de conféquence. Il ne faut qu'un nom ri
dicule pour donner lieu à un conte extravagant
, ou à un vaudeville malin qui
les perd de réputation : l'exemple de Pafiphaé
doit les effrayer. Si le Cretois qu'elle
eftimoit , fe fût nommé autrement que
Taureau , fon aventure n'eût été qu'une
JAN VIE R. 1755. 35
galanterie d'ufage , ou qu'une foibleffe excufable
; on n'en eût point parlé. Ce qui
fait voir que les mots font plus de tort que
les chofes. Pour moi je trouve Minos le
plus coupable , & j'ai cru devoir cette
apologie à l'honneur de Pafiphaé. Elle n'étoit
pas d'une vertu tout-à fait fans reproche
, mais elle étoit du moins fage comme
la plupart des femmes le font , ou peuvent
l'être jelle étoit d'ailleurs eftimable
par plufieurs
belles qualités ,fur-tout elle aimoit les
arts & protegeoit les talens . Suppofé qu'elle
ait eu du goût pour un autre que fon mari ,
pourquoi tant fe récrier ? la chofe n'eft pas
fans exemple , & fa paffion , après tout ,
n'eft pas fortie de l'ordre commun. La fable
a outré fur fon fujet , elle en a fait un
monftre affreux : je ramene fon hiftoire à
la vraisemblance ; j'en fais une fenime ordinaire
.
On donnera la fuite dans le mois prochain,
fi cet effai eft du goût du public. On tourne
aujourd'hui la vérité en fable ; l'Auteur
mieux intentionné tâche de tourner la fable
en vérité.
miſes au creuset.
LE fi
E monde eſt ſi plein de réputations
injuftement acquifes en mal comme
en bien , qu'il me prend envie de les mettre
dans le creufet de la vérité , pour les
réduire à leur jufte valeur. Si j'allois faire
de toutes une exacte analyfe , qu'on verroit
d'étranges métamorphofes ! pour établir
les unes il faudroit détruire les autres.
Par cette opération , je rendrois les
coquins honnêtes gens , & les honnêtes
gens coquins ; je rendrois nombre d'honnêtes
femmes ...... je n'ofe achever ; l'univers
en feroit bouleverfé . Pour éviter ce
defordre , & laiffer le fiécle tel qu'il eft ,
je me borne dans mon fyftême à blanchir
les plus célébres réputations de l'antiquité
qu'un préjugé calomnieux a noircies , & à
démafquer par contre- coup plufieurs de celles
qu'un faux éclat a déguifées, & que l'obfcurité
des tems a rendues refpectables . Je
voudrois pouvoir réhabiliter toutes les modernes
qui en ont befoin , mais j'aurois trop
à faire , & la tâche eft trop difficile. Je laiffe
cet honneur aux écrivains qui voudront
JANVIER. 1755 . 19
l'entreprendre après moi ; je me contente
de leur frayer le chemin. Cet effai fuffira
pour faire voir combien on doit être lent
à croire , encore plus timide à décider fur
les réputations , & pour prouver que fouvent
elles font plutôt l'ouvrage du hazard
malin , ou de l'opinion aveugle , que celui
de la raifon éclairée ou de la vérité bien
approfondie : c'eſt où le pyrrhonifme eſt
d'obligation.
Le danger de fréquenter plus grand quefoi .
:
TANTAL E.
Tantale étoit Roi de Phrygie . Jamais
Prince n'a été plus fauffement noirci . Fils
de Jupiter , il étoit digne de fa naiſſance ;
il réuniffoit toutes les qualités du coeur &
de l'efprit aimable , bienfaiſant , & fi
agréable convive , que les Dieux l'admirent
à leur table ; il fut de toutes leurs parties
, & devint leur ami familier . Comme
il avoit le don de plaire & d'amufer , plufieurs
Déeffes lui voulurent du bien ; en
conféquence plufieurs Dieux lui voulurent
du mal. Son trop de mérite le brouilla
avec eux , & lui caufa de fi cruelles tracafferies
qu'il fut obligé de quitter l'Qlympe
, pour ne plus vivre que fur la terre.
20 MERCURE DE FRANCE.
*
Il y devint amoureux de Taigéte , fille
d'Atlas. L'hymen les unit , il l'en aima
davantage , & retrouva les Cieux avec
elle. Il jouir d'un bonheur d'autant plus
pur , qu'il ne fut plus occupé que du plaifir
de faire du bien aux hommes : il polit
leurs moeurs , & leur apprit doublement à
vivre , en leur enfeignant à mettre du goût
dans leurs amufemens & de la délicateffe
dans leurs feftins. A l'affaifonnement des
bons mots , il joignit celui des mets exquis
, & fut par un excès de bonté le premier
maître d'hôtel du genre humain . Les
Dieux en furent jaloux , & lui en firent
un crime ; ils l'accuferent d'avoir trahi
leurs fecrets , & d'avoir dérobé le nectar &
l'ambroifie , pour en faire part aux mortels.
C'étoit peu d'avoir châtié injuftement
Promethée , pour avoir donné la vie
à l'homme , en l'animant de leur efprit ,
ils voulurent encore punir avec moins de
raifon Tantale , de lui avoir appris l'art
d'en jouir. Je parle d'après Pindare. Ils le
précipiterent dans les enfers , pour une action
qui méritoit les Champs Elifées. Le
genre de fupplice eft d'ailleurs peu convenable.
Il eft condamné à manquer de tout
au milieu de l'abondance : la générofité fit
tout fon forfait , & fon châtiment eft la
Paufanias.
JANVIER. 21
1755 .
*
peine des avares. Les uns lui font fouffrir
cette tortute pour un chien perdu ; les
autres , pour juftifier la rigueur des Dieux ,
le chargent contre toute vraisemblance de
leur avoir fervi de gaieté de coeur les membres
de fon fils Pelops . Voici l'événement
qui a donné lieu à cette noire calomnie.
Les Dieux ennuyés de ne plus voir Tantale
, allerent un jour le vifiter. Le premier
objet qui frappa leur vûe fut le petit
Pelops , qui étoit encore enfant. Jupiter
dit à Tantale , foit pour mettre fon zéle
à l'épreuve , foit par mauvaiſe plaifanterie
, dont les Dieux font quelquefois trèscapables
; Prince , votre fils eft d'un embonpoint
charmant , vous nous obligerez
tous de nous le faire fervir à fouper. Tantale
prit la propofition pour une raillerie
& lui répondit , en courtifan adroit , qu'il
faifoit trop d'honneur à fon fils , & qu'il
n'avoit rien qui ne fût au fervice de leur
divinité. Pour mieux jouer l'obéiffance ,
il donna ordre qu'on faifit Pelops ; mais
les Déeffes s'y opoferent . Venus le prit
dans fes bras , & toutes à l'envi s'emprefferent
à le careffer , en difant que ce feroit
dommage de le rôtir , qu'il étoit le
plus bel enfant du monde , & qu'il pour-
* C'étoit un chien que Jupiter lui avoit confié
pour la garde de fon temple dans l'ifle de Crete,
22 MERCURE DE FRANCE.
roit un jour les fervir plus utilement . Cerès
le trouva fi potelé qu'elle lui fit un fuçon
à l'épaule , qui étoit blanche comme
l'yvoire.
Momus , le Dieu de la médiſance , empoifonna
cette avanture , peut-être pour
faire fa cour à Jupiter , car fouvent les plus
noirs fatyriques font les plus lâches adulareurs
; ils ne déchirent méchamment les
uns que pour flater plus baffement les autres.
Momus fuivant donc ce caractere ,
donna un tour affreux à la chofe ; il publia
que Tantale leur avoit offert fon fils à
manger pour éprouver leur puiffance ; mais
qu'ayant reconnu fon horrible perfidie , ils
s'étoient tous abftenus d'y toucher ; que
la feule Cérès , aveuglée par un appétit
defordonné , avoit dévoré l'épaule droite
de l'enfant , & que Jupiter lui en avoit
fubftitué une d'yvoire , en rajuftant tous
fes membres , & leur donnant une nouvelle
vie.
Cette fable prit généralement , tant il eft
vrai que le faux merveilleux , quelqu'abfurde
qu'il foit , trouve toujours plus de foi
parmi les hommes que la fimple vérité.
La fuperftition alla plus loin. Après la mort
de Pelops , elle divulgua que fon épaule
Pindare , Ode I.
JANVIER. 1755. 23
miraculeufe guériffoit plufieurs maux différens.
Un grand nombre de malades lui
rendirent un dévôt hommage , & peutêtre
que le hazard , ou le bonheur de quelques
guérifons fortuites fervit à établir.
cette croyance , qu'il parut juftifier.
Ce que j'ai appris d'un Mythologiſte
auffi profond que fenfé , c'eft que Tantale ,
depuis ce fatal repas , avoit encouru la
difgrace du maître du ciel , fon pere , par
une raiſon fecrete que j'ai trouvée trèsvraisemblable.
Jupiter toujours prompt à s'enflammer
pour les nouveaux objets qui s'offroient à
fes yeux , ne put voir Taigete , la femme
de Tantale , fans être touché de fes charmes
; c'étoit une taille célefte , une beauté
digne des Dieux. L'enjouement & la mo
deftie formoient en elle un mêlange enchanteur
qui la rendoit adorable. Elle faifoit
les honneurs du fouper que fon époux
donnoit à la troupe immortelle. En prenant
le nectar de fa main , le Roi de l'Olympe
s'enyvra d'un amour dont il eut d'autant
plus de peine à guérir qu'il ne pût parvenir
à le rendre heureux . L'aimable Reine
de Phrygie reçut le lendemain de fa part
un billet , qui exprimoit la paffion la plus
vive ; mais à peine eut-elle jetté les yeux
fur les premieres lignes , qu'elle le rendit
24 MERCURE DE FRANCE .
fon
à Mercure qui en étoit le porteur . Il eut
beau la preffer d'y répondre , elle lui dit
en riant qu'elle ne fçavoit pas écrire , &
qu'elle prenoit toujours fon mari pour
fecrétaire. Jupiter inftruit du mauvais fuccès
de fa lettre , eut recours aux métamorphofes
qui lui avoient fouvent réuffi , &
pour lefquelles il avoit un goût particulier.
Taigete avoit trois bêtes qu'elle aimoit
fingulierement ; un perroquet , un épagneul
, & un fapajou. Le fouverain des
Cieux prit d'abord la figure du premier , &
courut béqueter la Reine . Tantale qui revenoit
de la chaffe , entra dans ce moment ;
il écarta le perroquer pour embraffer fa
femme , qui lui rendit careffe pour careffe.
L'oifeau jaloux mordit fi fort l'oreille
du mari , qu'il lui en refta un morceau
dans fon bec. Tantale fit un cri , & Taigete
effrayée de voir couler le fang du Roi,
faifit le perroquet avec indignation : elle
alloit le livrer aux griffes d'un gros matou ,
qui brûloit de l'étrangler , quand l'oifeau
s'échappa , & prit l'effor par la fenêtre.
Trois jours après , Jupiter informé que
Tantale avoit quitté fa femme pour une
affaire importante qui demandoit fa préfence
ailleurs , revint auprès d'elle fous la
forme de l'épagneul . Il comptoit que fon
époux
JANVIER. 1755. 25
Epoux feroit obligé de découcher au moins
une nuit , car dans ce tems là les maris ,
même de Cour , ne faifoient jamais lit à
part. Taigete defefperoit elle -même du
retour du Roi : elle étoit prête à fe coucher
, & l'Epagneul impatient avoit déja
pris au lit la place de Tantale , quand ce
Prince arriva fort à propos. Le chien furieux
, fort de la couche royale , & abboye
contre lui de toutes fes forces . Le Roi ennuyé
de fes cris , lui donna un fi grand
coup de pied , que l'Epagneul oubliant
fon rolle de chien , jura en Dieu , qui parle
en maître. Tantale furpris de cette nouveauté
, ordonna qu'on le faisît pour éclaircir
ce prodige ; mais le chien prit la fuite
& difparut. Le Monarque du ciel jouant
de fon refte , s'établit pour la troifieme
fois chez la Reine en qualité de Sapajou .
Il l'amufa d'abord par cent jolis tours ;
mais s'émancipant par degrés , il fauta fur
l'épaule de fa maîtreffe , & l'ofa careffer
jufqu'à fortir des bornes de la décence . La
Reine fcandalifée , appella le Roi , & le
pria de punir fon finge comme il le méritoit.
Tantale s'armant d'un cordon de foie
fe mit en devoir de le châtier ; mais le
malin Sapajou le prévint , & le prit au
colet , de façon qu'il l'eût étouffé fi fa
.femme ne fût venue au fecours , & n'eût
B
26 MERCURE DE FRANCE .
ferré fortement le col de l'animal avec
le ruban qui lui fervoit d'attache , & qui
formoit un noeud coulant. Le Dieu finge
fe fentant étrangler à fon tour , lâcha prife
; mais tout fon amour pour la Reine
s'éteignit alors , il fe transforma en haine
contre le mari . Le Sapajou s'éclipfa , &
Jupiter parut dans tout l'appareil de fa colere
. Va , dit - il au malheureux Tantale ,
va fubir aux enfers le fupplice que je viens
d'éprouver à ta Cour. Sois toujours prêt
à poffeder , fans pouvoir jamais jouir ;
meurs éternellement de foif au fein des
caux , & de faim au milieu des fruits . A
ces mots , Jupiter remonte aux cieux ;
Tantale tombe dans le Tartare , & Taigete
expire de douleur. C'eft ainfi que ce Monarque
, auffi vertueux qu'infortuné , fut
châtié de la fidélité de fa femme & de la
liaifon intime qu'il eut avec les Dieux.
Cet exemple nous prouve combien il eft
dangereux de fréquenter plus grand que
foi. Pour agir prudemment , nous ne devons
jamais voir ni au - deffus ni au- deffous
de nous. Nos inférieurs nous puniffent
de notre familiarité , & nos fupérieurs
de nos fervices : notre réputation leur eft
foumife comme notre vie ; elle reçoit la
couleur qu'ils veulent lui donner dans le
monde , & dépend moins de notre vertu
JANVIER. 1755. 27
que de leur fantaifie , ou de leur paffion .
De là je conclus que nos égaux font la
feule compagnie qui convienne à notre fûtreté
; c'eſt parmi eux qu'il faut choisir nos
amis , ou du moins nos connoiffances , par
la rareté dont fe trouvent les premiers.
Les mots font plus de tort
chofes.
PASIPHA É.
que les
PASIPHAÉ , fille du Soleil , épouſa
Minos , Roi de Crete . Ce Prince fut un
grand homme de guerre , un bon Légiflateur
, mais un mauvais mari : il ne fe
montra pas tel d'abord. Comme fa femme
joignoit l'efprit à la beauté , & qu'il
en étoit amoureux , il vêcut affez bien avec
elle les premieres années de fon mariage ;
mais ce bonheur fut troublé par la mort tragique
d'Androgée * , fon fils aîné , qu'il
aimoit tendrement ; il l'avoit eu d'une premiere
femme. Ce jeune Prince en voyageant
dans l'Attique , y fut cruellement
affaffiné. La perte d'un fils adoré fit une
fi forte révolution dans fon ame , qu'elle
Plutarque , vie de Théfée.
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
aigrit fon humeur , & changea fon caraçtere
: la nature en avoit fait un Roi jufte
la douleur en fit un tyran inflexible . Les
charmes de la Reine , loin d'adoucir fon
coeur , le rendirent plus farouche ; fon
amour dégénéra en jaloufie , & fa juſtice
en cruauté. Pour venger le meurtre d'Androgée
, il jura de porter la guerre dans
Athenes , & de punir une nation entiere
du crime de deux ou trois particuliers :
mais avant de remplir fon ferment , il inftitua
en l'honneur de fon fils , des jeux
funébres , qu'il fit enfuite célébrer tous les
ans. Les premiers prix furent remportés
par un Officier des plus diftingués de fa
Cour & de fon armée ; on l'appelloit Taurus
, ou Taureau , pour francifer fon nom.
C'étoit l'homme le plus fort de la Crere :
il étoit également adroit. Comme il s'étoit
fignalé dans les combats auffi bien que
dans les fêtes , le Roi en faifoit un cas
particulier. La Reine qui fut préfente à
ces jeux , ne conçut pas moins d'eftime
pour lui ; elle l'honora même d'un éloge
flateur , quand il s'approcha d'elle pour
recevoir de fa main le prix de la lutte &
de la courfe. La force , l'adreffe & la valeur
font trois qualités recommendables
auprès du beau fexe. Il eft vrai qu'elles
étoient un peu ternies en lui par une huJAN
VIE R. 1755 . 29
meur fiere & dure , pour ne pas dire
brutale ; mais c'eft l'ordinaire défaut des
gens robuftes : leur fang qui coule avec
impétuofité , ne leur permet guere d'être
polis. Un efprit doux & liant eft le partage
des complexions délicates , qui n'ont
pas la force de manquer d'égards , & qui
donnent le beau nom de fentiment à leur
foibleffe. Taurus étoit donc brufque , mais
effentiel. La Reine conféquemment n'avoit
pas tort d'être prévenue en fa faveur ;
elle y étoit autorifée par la confiance que
Minos avoit en lui . Ce Prince en donna
une preuve bien décifive en partant pour
aller lui- même faire en perfonne la guerre
aux Athéniens ; il l'établit Gouverneur de
Gnoffe , Capitale de fon Royaume , & remit
à fa garde ce qu'il avoit de plus cher ,
fon état & fa femme. Il lui recommenda
fur- tout de veiller fur la conduite de la
Reine , de doubler le nombre de fes Ar-.
gus , fous le prétexte d'augmenter fa Cour ,
& de ne lui laiffer qu'un efclavage honorable
.
Pafiphaé qui fe vit décemment prifonniere
, fe confola d'avoir pour furveillant
celui de fes Sujets qu'elle eftimoit le plus.
Elle employa tout fon art à le captiver luimême
: elle y réuffit. La rudeffe du plus
féroce s'adoucit à l'afpect de deux beaux .
:
B iij
30 MERCURE DE FRANCE.
yeux : ceux de la Reine étoient de ce nombre.
Le Taureau s'apprivoifa , & lui tine
compagnie. Un feul homme de la trempe
du Cretois fuffit pour amufer le loifir d'une
femme modefte , condamnée à la folitude.
Une conformité de goût fervit encore
à les unir d'une chaîne plus intime :
ils avoient tous deux une eftime particuliere
pour Dédale , & un amour de préfé
rence pour l'art qu'il profeffoit. Cet ingénieux
Méchanicien fat le Vaucanfon de
fon fiécle : il s'étoit déja rendu fameux à la
Cour de Crete par la conftruction du labyrinthe.
Ce furprenant édifice venoit d'être
fini par l'ordre de Minos. La Reine &
Taurus furent curieux d'en parcourir les
détours ; mais ils s'y perdirent de compagnie
, & fans le fecours de Dédale , ils
n'auroient jamais pû trouver le moyen d'en
fortir. Depuis ce moment , ils prirent tant
de goût pour les ouvrages de ce célébre
Artifte , qu'ils alloient tous les jours le voir
travailler à fon attelier. Supérieur dans fon
art , Dédale ne copioit que la Nature , &
'imitoit que les Dieux : il créoit à leur
exemple . Tantôt il animoit le marbre , tantôt
il faifoit parler le bronze , ou foupirer
le bois.
: Parmi différens chef- d'oeuvres , il conf
truifit un Taureau qui frappoit du pied la
JANVIER . 1755 . 31
terre , & refpiroit le feu : il lui donna pour
compagne une Geniffe fi parfaitement imitée
, que l'oeil s'y trompoit à la voir , elle
marchoit , elle broutoit , elle mugifloit
avec tant de vérité , qu'on la prenoit pour
une geniffe réelle. Le taureau s'enflamoit
à fa vûe , & beugloit à l'uniffon avec elle .
Pafiphaé étonnée de ce prodige , voulat
connoître le méchanifme qui l'opéroit.
Taurus eut la même curiofité . Dédale la
fatisfit ; il expofa à leurs regards l'intérieur
des deux machines , & pour leur en faire
mieux comprendre tout le jeu , il fit entrer
la Reine dans le corps de la geniffe ,
& fon Ecuyer dans le ventre du taureau .
Tous deux eurent à peine touché à un certain
fil , que la geniffe beugla , & que le
taureau lui répondit . Cette comédie les
amufa fi fort , qu'ils alloient chez Dédale
la jouer régulierement quatre fois par femaine.
Cette piéce finguliere dura fix mois,
qui fut tout le tems de l'abfence de Minos.
Ce Monarque revint triomphant des Athéniens.
Après les avoir vaincus , il les obligea
de lui envoyer en tribut fept jeunes
garçons & fept jeunes filles des plus no-
Bles familles d'Athenes , pour être enfermés
dans le labyrinthe.
La Reine accoucha trois mois après ; plu-
B iiij
32 MERCURE DE FRANCE.
*
fieurs difent de deux jumeaux , dont l'un
reffembloit au Roi de Crete , & l'autre au
Gouverneur de Gnoffe ; mais un Auteur
digne de foi , affure qu'elle ne mit au jour
qu'un feul Prince , qui avoit le fourcil noir
de Minos , & les cheveux roux de Taurus .
J'ai fuivi cette opinion comme la plus vraifemblable.
Les perfifleurs de la Cour exercerent
leurs mauvaiſes plaifanteries fur
cette double reffemblance , & donnerent
au fils de la Reine le fobriquet de Minotaure
, qui lui eft toujours refté. Le Roi
le prit en averfion , & conçut contre fa
femme un foupçon qui la perdit fans retour
; fa fureur jaloufe en redoubla. Les
ennemis que Taurus s'étoit attiré par fa
brufquerie infolente , chargerent fon hif
toire des plus noires couleurs : ils la répandirent
dans le public , elle parvint jufqu'à
Minos. Il apprit , en frémiffant , les
vifites fréquentes de fon favori & de fa
femme chez Dédale ; la promenade du labyrinthe
, où ils s'étoient égarés , & l'aventure
merveilleufe du taureau & de la
geniffe. Minos outragé , ou qui crut l'ê
tre , fignala bientôt fa vengeance. Dédale
eut pour prifon le labyrinthe , dont il étoit
l'inventeur. Le Prince Minotaure fut en-
* Servius dans fon Commentaire fur Virgile,
JANVIER.. 1755 . 33
fermé dans le même cachot ; il y fut nourri
comme une bête féroce : Taurus partagea
fon fupplice . La Reine fut enfevelie dans
un autre fouterrein . Par un raffinement de
cruauté , elle fut condamnée à ne plus voic
le jour , fans perdre la vie . Dédale eut recours
à fon art , & trouva feul le moyen
de s'échapper. Le Prince crut en force : il
devint bientôt monftrueux par fa taille gigantefque
, & fa férocité répondit à fon
éducation . Il combattoit les malheureux
Athéniens qu'on envoyoit en Crete ; on
les livroit à fa rage ; ils périffoient fous fes
coups , ou mouroient de la main de Taurus
, qui fecondoit fa fureur . Les jeunes
Grecques languiffoient dans l'efclavage.
Heureufement pour elles , Théfée , que le
fort mit du nombre des captifs , vint rompre
leurs fers. Il attaqua le redoutable Minotaure
, tua Taurus avec lui , & délivra
par cette victoire fa patrie d'un tribut auſſi
deshonorant pour l'humanité que pour
elle ; mais il ternit cette belle action par
le rapt d'Ariane , qui lui avoit enfeigné le
le_rapt
fecret de fortir du labyrinthe , en l'armant
d'un fil qui lui fervit de guide. En reconnoiffance
d'un fi grand bienfait , il l'arracha
des bras paternels , pour l'abandonner
dans une ifle déferte . Voilà de nos
brillans héros qui font le bien par nécef-
Bv
34 MERCURE DE FRANCE.
fité , & le gâtent bientôt après par le mal
qu'ils font volontairement . Minos , ce Roi
cité pour fa fagelle , s'en écarta dans cette
occafion , & flétrit fa gloire par la vengeance
éclatante qu'il tira d'une aventure
qu'il devoit plûtôt étouffer dans un profond
filence. La renommée qui groffit , &
qui déguife tout , broda fur ce fond la
plus horrible fable . Elle publia que Pafiphaé
éprife d'amour pour un taureau ,
avoit eu recours à Dédale pour fatisfaire
fon effroyable paffion , & que cet Artiſte
complaifant avoit fabriqué le corps d'une
geniffe , où il avoit introduit la Reine ,
pour lui faciliter un affreux commerce.
Les plus grands Poëtes ont confacré cette
horreur. Minos en a été puni le premier ,
puifqu'il en a partagé la honte. Sa malheureufe
époufe a été la victime d'une
équivoque. Tant il eft vrai , que les femmes
, quand elles font choix d'un amant
ne fçauroient avoir trop d'égard au nom
qu'il porte ; cette attention eft pour elles
de conféquence. Il ne faut qu'un nom ri
dicule pour donner lieu à un conte extravagant
, ou à un vaudeville malin qui
les perd de réputation : l'exemple de Pafiphaé
doit les effrayer. Si le Cretois qu'elle
eftimoit , fe fût nommé autrement que
Taureau , fon aventure n'eût été qu'une
JAN VIE R. 1755. 35
galanterie d'ufage , ou qu'une foibleffe excufable
; on n'en eût point parlé. Ce qui
fait voir que les mots font plus de tort que
les chofes. Pour moi je trouve Minos le
plus coupable , & j'ai cru devoir cette
apologie à l'honneur de Pafiphaé. Elle n'étoit
pas d'une vertu tout-à fait fans reproche
, mais elle étoit du moins fage comme
la plupart des femmes le font , ou peuvent
l'être jelle étoit d'ailleurs eftimable
par plufieurs
belles qualités ,fur-tout elle aimoit les
arts & protegeoit les talens . Suppofé qu'elle
ait eu du goût pour un autre que fon mari ,
pourquoi tant fe récrier ? la chofe n'eft pas
fans exemple , & fa paffion , après tout ,
n'eft pas fortie de l'ordre commun. La fable
a outré fur fon fujet , elle en a fait un
monftre affreux : je ramene fon hiftoire à
la vraisemblance ; j'en fais une fenime ordinaire
.
On donnera la fuite dans le mois prochain,
fi cet effai eft du goût du public. On tourne
aujourd'hui la vérité en fable ; l'Auteur
mieux intentionné tâche de tourner la fable
en vérité.
Fermer
Résumé : LES REPUTATIONS mises au creuset.
Le texte 'Les Réputations mises au creuset' examine la nature trompeuse des réputations, tant positives que négatives, et propose de les analyser à la lumière de la vérité. L'auteur souhaite révéler les métamorphoses des réputations en les soumettant à une analyse exacte, ce qui pourrait bouleverser l'univers en rendant certains coquins honnêtes et certains honnêtes gens coquins. Pour éviter ce désordre, il se limite à réhabiliter les réputations antiques injustement noircies et à démystifier celles déguisées par un faux éclat. L'auteur illustre son propos par l'exemple de Tantale, roi de Phrygie, dont la réputation a été injustement ternie. Tantale, fils de Jupiter, était bienfaisant et agréable, admiré par les Dieux qui l'invitaient à leur table. Cependant, son trop grand mérite le brouilla avec eux, et il fut puni injustement. Les Dieux l'accusèrent d'avoir révélé leurs secrets et de leur avoir servi les membres de son fils Pelops. En réalité, Tantale avait refusé de sacrifier Pelops, qui fut sauvé par les Dieux. Cette calomnie fut propagée par Momus, le Dieu de la médisance. Tantale fut condamné à souffrir de la faim et de la soif au milieu de l'abondance, un supplice injustifié selon l'auteur. L'auteur conclut que les réputations sont souvent le fruit du hasard ou de l'opinion aveugle plutôt que de la raison éclairée. Il met en garde contre le danger de fréquenter des personnes plus puissantes que soi, car elles peuvent nuire à notre réputation. Le texte relate également l'histoire de Taurus, un homme robuste mais brutal, nommé gouverneur de Gnosse par le roi Minos. Taurus est chargé de surveiller la reine Paphos et d'augmenter sa cour. Paphos, prisonnière décente, utilise son art pour captiver Taurus, qui s'adoucit à sa vue. Ils partagent une passion commune pour Dédale, un ingénieux mécanicien célèbre pour le labyrinthe. Paphos et Taurus passent du temps avec Dédale, admirant ses œuvres, notamment un taureau et une génisse mécaniques. Intrigués par ces machines, ils jouent régulièrement une comédie où ils incarnent ces animaux. Pendant l'absence de Minos, Paphos accouche d'un enfant, le Minotaure, qui présente des traits de Minos et de Taurus. La cour moque l'enfant, surnommé Minotaure, et Minos, jaloux, accuse Paphos et Taurus d'adultère. Il condamne Dédale, le Minotaure et Taurus à des supplices, et Paphos à l'emprisonnement. Thésée, captif athénien, tue le Minotaure et Taurus, libérant ainsi Athènes du tribut imposé par Minos. La renommée déforme l'histoire, accusant Paphos d'avoir aimé un taureau, ce que l'auteur conteste, la défendant comme une femme ordinaire et estimable.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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49
p. 36-46
PANDORE, OU L'ORIGINE DES PASSIONS ET DES CRIMES. * PAR M. YON.
Début :
Avant que le fils de Japet [...]
Mots clefs :
Homme, Pandore, Dieux, Yeux, Vertu, Esprits, Amour, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PANDORE, OU L'ORIGINE DES PASSIONS ET DES CRIMES. * PAR M. YON.
PANDORE ,
OU L'ORIGINE DES PASSIONS .
ET DES CRIME S.
V
PAR M. YO N.
Avant Vant que le fils de Japet
Eut dérobé le feu célefte ,
Et que par un zéle indiſcret
Son audace à l'homme funefte ,
Eût fait éclore fa raiſon ,
En prenant chez les Dieux un dangereux rayon
De leur fuprême intelligence ,
L'homme innocent , dans un heureux filence
Se livroit au penchant du naïf ſentiment ;
Et ne diftinguant point les vertus ni les vices
Sans crainte & fans remords , il fuivoit les ca→
prices
Que le Ciel imprima fur fon tempérament.
On s'entendoit pourtant ; & dans ce premier âge
Le coeur dictoit aux yeux un ingénu langage .
* Cette allégorie excéde un peu les bornes que je
me fuis preferites pour les piéces en vers ; mais j'ai
cru que les beautés dont elle m'a paru remplie , méritoient
une diftinction . J'efpere que ceux qui la liront
, me fauront gré d'avoir franchi la régle en
fa faveur.
JANVIE R. 1755 . 37
On y lifoit fes befoins , fes defirs ,
Et la belle pouvoit ſe fier aux ſoupirs
Qu'elle voyoit fortir du coeur
De l'Amant qu'elle avoit choisi pour fon vain
queur.
Mais l'attentat de Promethée
Alluma bientôt contre nous
Le feu du céleſte couroux ,
Et fa vengeance concertée
Commit le foin aux Cyclopes brulans ,
De rebattre fur leur enclume ,
De la foudre la noire écume ,
Et d'en forger , pour éblouir nos fens ,
Un monftre orné des dons les plus brillans.
L'Olympe entier prit plaifir à répandre
Sur fon vifage féminin
Ces charmes féduifans , cet air piquant & fin
Qui fecondés d'un oeil fubtil & tendre ,
Fournit à ce fexe malin ,
En fe jouant , l'art de tout entreprendre,
Et comme au ciel tout concourut ,
Pour mieux déguifer l'impofture ,
Chaque Divinité tira de ſa nature
Le plus éclatant attribut.
Phébus lui montra fur fon luth ,
Des beaux chants & des vers le flateur affemblage .
Junon lui fouffla fur le front
L'art de rougir pour paroître plus fage ,
Qui , joint au don des pleurs , fait un effet fi
prompt
35 MERCURE DE FRANCE.
Dans les refforts d'un beau vifage ,
Qu'il n'eft point de couroux que ne puiffe fléchir
L'artifice trompeur de ce double avantage.
Pour achaver de l'embellir ,
Hébé compofa fa coëlfure ,
Et la Mere d'amour lui prêta fa ceinture .
Enfin le traître Amour ſe logea dans les yeux ,
Pour la guider dans ces terreftres lieux.
Tel éclata ce brillant météore
Aux regards des mortels , fous le nom de Pandore.
Jufque là le pouvoir du ciel
Avoit décoré ce fantôme ;
Mais il falloit que l'infernal Royaume
Contribuât par un préfent cruel
Qu'Alcalaphe apporta de la part des furies ,
Chef-d'oeuvre de leurs mains impics ,
Ouvrage éblouiffant , compofé d'un métal
Que depuis l'avarice arracha de la terre ,
D'où fortit le germe fatal
De la difcorde & de la guerre.
Peux-tu , miferable univers ,
Réfifter aux efforts des cieux & des enfers ?
Ils ont remis aux mains d'une beauté divine
Le foin de leurs deffeins vengeurs :
La foif de l'or va caufer ta iuine ;
Son éclat & celui de deux yeux enchanteurs
Vont pour jamais caufer tous tes malheurs.
Enfin , Pandore arrive , & fa bouche vermeille
Fit d'abord éclater fur nos fens étonnés ,
JANVIER. 1755 39
De fa touchante voix la fonore merveille .
Soudain les hommes profternés ,
A ce charme prêtent l'oreille.
Les femmes , de la voix admirant les talens ,
Déja cherchent des fons dans leurs bouches béantes
,
Et leurs levres impatientes
Précipitant leurs mouvemens ,
S'efforcent de faifir le don de la parole.
Pendant que tous enchantés & furpris ,
Soupirent aux pieds de l'idole ;
Elle pour s'acquitter de fon perfide rolle ,
Fit briller aux regards des hommes éblouis
Ce métal dangereux , cette boîte infernale ,
Qui frappant leurs efprits de curiofité ,
Se fit des yeux aux coeurs une route fatale
Pour y développer la cauſe initiale
De l'humaine cupidité.
L'effet fut prompt , & l'ardeur de connoître
Soudain bouillonne en leurs coeurs embrafés
Leurs regards pétillans , leurs geftes empreffés
Exigent fans retard que l'on faffe paroître
Ce que contient ce vaſe en fes brillans contours.
Je comprens vos defirs ; écoutez , dit Pandore ,
Jupiter ne veut plus que l'univers ignore
Ce qui doit augmenter le bonheur de vos jours.
Il vous enjoint de déchirer la terre ,
De percer , s'il fe peut , juſqu'aux bords d'Acheron
,
40 MERCURE DE FRANCE .
C'eft par de tels fentiers que votre ambition
Doit découvrir cetterare matiere :
Or eft fon nom ; fouillez , creufez pour en avoir;
Rien n'eft égal à fon pouvoir :
Celui qui plus avide en aura davantage ,
Sur les pareils régnera deformais .
Ce n'est point tout , pour comble de bienfaits
Ouvrez la bouche , & recevez l'ufage
De l'inftrument artifte de la voix.
Cet infatigable mobile ,
De vos plaifirs panégyrifte habile ,
Souinis aux paffions , en défendra les droits :
Et quand d'un fier cenfeur la morale ennemie
D'une vertu bizarre alléguera les loix ,
Qu'un grand nombre de mots étouffe fous leurs
poids
Les noirs accès de fa miſantropie ,
En criant plus que lui vous mettrez aux abois
Sa raifon étourdie .
Enfin , pour exciter les mortels généreux ,
J'ordonne que ce vaſe , objet de votre envie ,
Soit le prix du plus fort ou du plus courageux.
Ainfi parla Pandore à la muette troupe ;
Et de langues foudain un effain bourdonnant ,
En prenant l'air , s'échappe de la coupe.
Chacune au hazard ſe lançant ,
Dans les gofiers ouverts fe greffe & s'enracine,
D'abord les animaux par des cris menaçans ,
JANVIER . 1755.
De leurs foibles tyrans confpirent la ruine ;
Ils ne prétendent plas que l'homme les domine ;
Ils dédaignent déja ſes ordres impuiffans.
Le taureau révolté , briſe fon joug , rumines
Le lion indigné de fon abaiffement ,
Etincelle , rugit , bat fes flancs & s'anime ;
Et pour fignal de fon foulevement ,
Fait de fon maître la victime.
Le ferpent s'applaudit par un fier fifflement ;
Des poiſons dont fa langue s'envenime ;
Et l'homme s'énonçant pour la premiere fois ,
Sur le tien & le mien , fait l'effai de ſa voix.
L'air retentit de cris , écho rompt le filence ;
Mais le fexe fur- tout eft le plus éloquent :
On dit même qu'en débutant
Il inventa la médiſance ,
Et fut prompt à faifir le tour infinuant
D'une mordante & badine élégance ,
Pour décrier plus finement
La plus frivole impertinence ;
Même il trouva dans fon tempérament
Cette cauftique nonchalance ,
Qui prête un faux air d'innocence
Au trait le plus piquant.
Bientôt fon altiere éloquence ,
Organe impérieux de fon reffentiment ,
A l'aveugle bravoure enjoignit la vengeance
D'un mot fur les appas lâché trop hardiment.
Courez , mortels , prenez les armes ,
42 MERCURE DE FRANCE.
Faites - vous égorger pour l'honneur de fes char
mes ;
Ces mêmes auraits outragés ,
Vont devenir le prix de votre frénéfie ,
Et la pudeur fe facrifie
Au plaifir de les voir vengés.
Lorfque Pandore vit que l'humaine lignée ,
Par le double préfent des langues & de l'or ,
Ne pouvoit éviter de vivre infortunée ,
En fouriant , elle prit fon effor
Vers les céleftes lieux , & fes perfides mains ,
Pour confommer fes noirs deffeins ,
Laifferent échapper ce pernicieux vafe
De nos malheurs l'origine & la bafe.
11 eft à moi , dit l'un , car je fuis le plus fort :
Soumettez- vous aux loix de la Déeffe ;
Qui de le difputer aura la hardieffe ,
De ce bras recevra la mort .
Ce titre feul vous rend tous mes efclaves.
Crois-tu , s'écrie un autre , infpirer de l'effroit
Ta force n'y fait rien , & ce font les plus braves
Qui , maîtres de cet or doivent donner la loi.
Ainfi l'on vit & la force & l'audace
Dans leurs premiers accens exhaler la menace :
L'or en fut le motif , & pour peupler l'enfer
Dès cet inftant l'or éguifa le fer.
Dès lors auffi l'égalité bannie ,
Fit place aux plus noirs attentats ,
JANVIER. 1755. 43.
Et la farouche tyrannie
Se faifant précéder du démon des combats ,
Un poignard à la main , fe traça des Etats. ,
Mais pour faire aux humains refpecter fa furie ,
Elle s'appropria le beau nom de patrie.
Ce nom facré fubjuguant les efprits ,
Cimenta fur l'honneur fon altier defpotifme.
De leurs droits confondus , l'homme de coeur épris,
Par des routes de fang courut à l'héroïſme ,
Et plein d'amour il fut , en barbare appareil ,
A fa chere patrie immoler fon pareil .
Avec moins de fracas , & plus d'adreffe encore
Pour l'ufage commun , les langues font éclore
Du fond des coeurs des vices inconnus.
En politique adroit , l'amour propre à leur tête ,
Les entremêle avec quelques vertus.
L'efprit lui-même eft bientôt fa conquête,
Et vil adulateur , il prête fes talens
2
A la tendreffe opiniâtre
Dont cet orgueilleux idolâtre
Ses plus monftrueux fentimens.
En vain la vérité plaintive & gémiffante ,
S'éleve dans l'intérieur ,
L'indomptable tyran étouffe la lueur
De far emontrance impuiffante.
Déja le menteur effronté
Traite l'homme vrai d'imbécile ,
Et , felon lui , la verité
7
44 MERCURE DE FRANCE.
N'eft qu'une vertu puerile ,
Dont cependant le fourbe habile
Contrefait l'ingénuité ,
Pour fe gliffer en dangereux reptile ,
Dans le fein ouvert & facile
De la naïve probité.
Déja la noire calomnie ,
Pour déployer fes jalouſes fureurs ,
Broye en fecret les affreuſes couleurs
Dont elle va fouiller la plus illuftre vie.
Tel eft le fort d'un mérite éclatant ,
Que fa profpérité la choque & l'importune ,
Et fon inventive rancune
Ne fe taira qu'en le précipitant .
Dans la plus obfcure infortune .
Et vous , qui dans vos traits n'offrez rien de plus
beau
Que le modefte & fincere tableau
D'une ame généreufe & fage ,
Vous , de l'honneur , la plus aimable image ,
Chaftes beautés , tremblez à l'afpect du couteau
Que tient fur vous l'impofteur en fa rage ;
D'un coup il va percer le précieux bandeau
Dont la pudeur vous couvre le viſage.
Hélas ! la playe eft faite ; armez -vous de courage :
Ce ne fera peut- être qu'au tombeau
Que l'humaine équité vous rendra témoignage ;
Mais le crime ici - bas vous devoit eet outrage,
JANVIER . 1755 . 45
Et c'eft en vous plaçant à fon niveau ;
Qu'il vous punit d'ofer dans le bel âge
Porter , de la vertu , l'honorable fardeau.
A voir la langue en fa naiffance
Obfcurcir les vertus , & fervir les forfaits ,
Qui ne croiroit que fa licence
Ne peut pouffer plus loin fes rapides effais !
A peine cependant l'eſprit lui tend l'amorcę .
De l'orgueilleufe impiété ,
Que dès l'iftant elle s'efforce
D'en outrer la témérité ;
Et franchiffant la fphere trop obfcure
Qui la retient dans l'univers ,
Ses facrileges fons exhalent dans les airs ,
Et le blafphême & le parjure .
Ne croyez pas , Dieux immortels ,
Que fon audace épargne vos autels :
Ces monumens facrés , où la reconnoiffance
Brûle un refpectueux encens ,
D'un coeur féditieux choquent la dépendance ,
Et pour les renverfer attaquant votre eflence ,
La langue lui fournit ces rebelles accens.
L'ordre des cieux , le ciron , la lumiere ,
N'émanent point d'un Créateur ;
Un concours fortuit eft l'unique moteur
D'une éternelle & féconde matiere.
Ne craignez point des Dieux , leur culte n'eft
qu'un frein ;
46 MERCURE DE FRANCE.
Némefis , & ce noir Tartare
N'eft qu'une invention bizare
Pour contenir le genre humain
Dans la néceffité des devoirs fociables ;
Et les Législateurs armés d'un vain pouvoir ,
De ces fantômes redoutables ,
'Arrêtent par la crainte , & flatent par l'espoir
Ceux que l'oppreffion rend ici miférables .
Des fens voluptueux écoutez les tranfports ;
Qu'héfitez- vous ? laiffez à des efprits vulgaires
Le foin de fe forger des terreurs , des remords ;
Nos defirs font nos Dieux , & pour des efprits
forts
Le vice & la vertu font des mots arbitraires.
Le corps enfin eft notre unique bien ;
Et cette effence fantaſtique
Indéfiniffable & myſtique ,
Qu'on appelle ame , eft moins que rien.
C'est ainsi que l'impie enyvré d'un fyftême
Dont il voudroit étourdir fes frayeurs ,
D'un avenir affreux écartant les horreurs ,
Avec les Dieux , s'anéantit lui-même.
OU L'ORIGINE DES PASSIONS .
ET DES CRIME S.
V
PAR M. YO N.
Avant Vant que le fils de Japet
Eut dérobé le feu célefte ,
Et que par un zéle indiſcret
Son audace à l'homme funefte ,
Eût fait éclore fa raiſon ,
En prenant chez les Dieux un dangereux rayon
De leur fuprême intelligence ,
L'homme innocent , dans un heureux filence
Se livroit au penchant du naïf ſentiment ;
Et ne diftinguant point les vertus ni les vices
Sans crainte & fans remords , il fuivoit les ca→
prices
Que le Ciel imprima fur fon tempérament.
On s'entendoit pourtant ; & dans ce premier âge
Le coeur dictoit aux yeux un ingénu langage .
* Cette allégorie excéde un peu les bornes que je
me fuis preferites pour les piéces en vers ; mais j'ai
cru que les beautés dont elle m'a paru remplie , méritoient
une diftinction . J'efpere que ceux qui la liront
, me fauront gré d'avoir franchi la régle en
fa faveur.
JANVIE R. 1755 . 37
On y lifoit fes befoins , fes defirs ,
Et la belle pouvoit ſe fier aux ſoupirs
Qu'elle voyoit fortir du coeur
De l'Amant qu'elle avoit choisi pour fon vain
queur.
Mais l'attentat de Promethée
Alluma bientôt contre nous
Le feu du céleſte couroux ,
Et fa vengeance concertée
Commit le foin aux Cyclopes brulans ,
De rebattre fur leur enclume ,
De la foudre la noire écume ,
Et d'en forger , pour éblouir nos fens ,
Un monftre orné des dons les plus brillans.
L'Olympe entier prit plaifir à répandre
Sur fon vifage féminin
Ces charmes féduifans , cet air piquant & fin
Qui fecondés d'un oeil fubtil & tendre ,
Fournit à ce fexe malin ,
En fe jouant , l'art de tout entreprendre,
Et comme au ciel tout concourut ,
Pour mieux déguifer l'impofture ,
Chaque Divinité tira de ſa nature
Le plus éclatant attribut.
Phébus lui montra fur fon luth ,
Des beaux chants & des vers le flateur affemblage .
Junon lui fouffla fur le front
L'art de rougir pour paroître plus fage ,
Qui , joint au don des pleurs , fait un effet fi
prompt
35 MERCURE DE FRANCE.
Dans les refforts d'un beau vifage ,
Qu'il n'eft point de couroux que ne puiffe fléchir
L'artifice trompeur de ce double avantage.
Pour achaver de l'embellir ,
Hébé compofa fa coëlfure ,
Et la Mere d'amour lui prêta fa ceinture .
Enfin le traître Amour ſe logea dans les yeux ,
Pour la guider dans ces terreftres lieux.
Tel éclata ce brillant météore
Aux regards des mortels , fous le nom de Pandore.
Jufque là le pouvoir du ciel
Avoit décoré ce fantôme ;
Mais il falloit que l'infernal Royaume
Contribuât par un préfent cruel
Qu'Alcalaphe apporta de la part des furies ,
Chef-d'oeuvre de leurs mains impics ,
Ouvrage éblouiffant , compofé d'un métal
Que depuis l'avarice arracha de la terre ,
D'où fortit le germe fatal
De la difcorde & de la guerre.
Peux-tu , miferable univers ,
Réfifter aux efforts des cieux & des enfers ?
Ils ont remis aux mains d'une beauté divine
Le foin de leurs deffeins vengeurs :
La foif de l'or va caufer ta iuine ;
Son éclat & celui de deux yeux enchanteurs
Vont pour jamais caufer tous tes malheurs.
Enfin , Pandore arrive , & fa bouche vermeille
Fit d'abord éclater fur nos fens étonnés ,
JANVIER. 1755 39
De fa touchante voix la fonore merveille .
Soudain les hommes profternés ,
A ce charme prêtent l'oreille.
Les femmes , de la voix admirant les talens ,
Déja cherchent des fons dans leurs bouches béantes
,
Et leurs levres impatientes
Précipitant leurs mouvemens ,
S'efforcent de faifir le don de la parole.
Pendant que tous enchantés & furpris ,
Soupirent aux pieds de l'idole ;
Elle pour s'acquitter de fon perfide rolle ,
Fit briller aux regards des hommes éblouis
Ce métal dangereux , cette boîte infernale ,
Qui frappant leurs efprits de curiofité ,
Se fit des yeux aux coeurs une route fatale
Pour y développer la cauſe initiale
De l'humaine cupidité.
L'effet fut prompt , & l'ardeur de connoître
Soudain bouillonne en leurs coeurs embrafés
Leurs regards pétillans , leurs geftes empreffés
Exigent fans retard que l'on faffe paroître
Ce que contient ce vaſe en fes brillans contours.
Je comprens vos defirs ; écoutez , dit Pandore ,
Jupiter ne veut plus que l'univers ignore
Ce qui doit augmenter le bonheur de vos jours.
Il vous enjoint de déchirer la terre ,
De percer , s'il fe peut , juſqu'aux bords d'Acheron
,
40 MERCURE DE FRANCE .
C'eft par de tels fentiers que votre ambition
Doit découvrir cetterare matiere :
Or eft fon nom ; fouillez , creufez pour en avoir;
Rien n'eft égal à fon pouvoir :
Celui qui plus avide en aura davantage ,
Sur les pareils régnera deformais .
Ce n'est point tout , pour comble de bienfaits
Ouvrez la bouche , & recevez l'ufage
De l'inftrument artifte de la voix.
Cet infatigable mobile ,
De vos plaifirs panégyrifte habile ,
Souinis aux paffions , en défendra les droits :
Et quand d'un fier cenfeur la morale ennemie
D'une vertu bizarre alléguera les loix ,
Qu'un grand nombre de mots étouffe fous leurs
poids
Les noirs accès de fa miſantropie ,
En criant plus que lui vous mettrez aux abois
Sa raifon étourdie .
Enfin , pour exciter les mortels généreux ,
J'ordonne que ce vaſe , objet de votre envie ,
Soit le prix du plus fort ou du plus courageux.
Ainfi parla Pandore à la muette troupe ;
Et de langues foudain un effain bourdonnant ,
En prenant l'air , s'échappe de la coupe.
Chacune au hazard ſe lançant ,
Dans les gofiers ouverts fe greffe & s'enracine,
D'abord les animaux par des cris menaçans ,
JANVIER . 1755.
De leurs foibles tyrans confpirent la ruine ;
Ils ne prétendent plas que l'homme les domine ;
Ils dédaignent déja ſes ordres impuiffans.
Le taureau révolté , briſe fon joug , rumines
Le lion indigné de fon abaiffement ,
Etincelle , rugit , bat fes flancs & s'anime ;
Et pour fignal de fon foulevement ,
Fait de fon maître la victime.
Le ferpent s'applaudit par un fier fifflement ;
Des poiſons dont fa langue s'envenime ;
Et l'homme s'énonçant pour la premiere fois ,
Sur le tien & le mien , fait l'effai de ſa voix.
L'air retentit de cris , écho rompt le filence ;
Mais le fexe fur- tout eft le plus éloquent :
On dit même qu'en débutant
Il inventa la médiſance ,
Et fut prompt à faifir le tour infinuant
D'une mordante & badine élégance ,
Pour décrier plus finement
La plus frivole impertinence ;
Même il trouva dans fon tempérament
Cette cauftique nonchalance ,
Qui prête un faux air d'innocence
Au trait le plus piquant.
Bientôt fon altiere éloquence ,
Organe impérieux de fon reffentiment ,
A l'aveugle bravoure enjoignit la vengeance
D'un mot fur les appas lâché trop hardiment.
Courez , mortels , prenez les armes ,
42 MERCURE DE FRANCE.
Faites - vous égorger pour l'honneur de fes char
mes ;
Ces mêmes auraits outragés ,
Vont devenir le prix de votre frénéfie ,
Et la pudeur fe facrifie
Au plaifir de les voir vengés.
Lorfque Pandore vit que l'humaine lignée ,
Par le double préfent des langues & de l'or ,
Ne pouvoit éviter de vivre infortunée ,
En fouriant , elle prit fon effor
Vers les céleftes lieux , & fes perfides mains ,
Pour confommer fes noirs deffeins ,
Laifferent échapper ce pernicieux vafe
De nos malheurs l'origine & la bafe.
11 eft à moi , dit l'un , car je fuis le plus fort :
Soumettez- vous aux loix de la Déeffe ;
Qui de le difputer aura la hardieffe ,
De ce bras recevra la mort .
Ce titre feul vous rend tous mes efclaves.
Crois-tu , s'écrie un autre , infpirer de l'effroit
Ta force n'y fait rien , & ce font les plus braves
Qui , maîtres de cet or doivent donner la loi.
Ainfi l'on vit & la force & l'audace
Dans leurs premiers accens exhaler la menace :
L'or en fut le motif , & pour peupler l'enfer
Dès cet inftant l'or éguifa le fer.
Dès lors auffi l'égalité bannie ,
Fit place aux plus noirs attentats ,
JANVIER. 1755. 43.
Et la farouche tyrannie
Se faifant précéder du démon des combats ,
Un poignard à la main , fe traça des Etats. ,
Mais pour faire aux humains refpecter fa furie ,
Elle s'appropria le beau nom de patrie.
Ce nom facré fubjuguant les efprits ,
Cimenta fur l'honneur fon altier defpotifme.
De leurs droits confondus , l'homme de coeur épris,
Par des routes de fang courut à l'héroïſme ,
Et plein d'amour il fut , en barbare appareil ,
A fa chere patrie immoler fon pareil .
Avec moins de fracas , & plus d'adreffe encore
Pour l'ufage commun , les langues font éclore
Du fond des coeurs des vices inconnus.
En politique adroit , l'amour propre à leur tête ,
Les entremêle avec quelques vertus.
L'efprit lui-même eft bientôt fa conquête,
Et vil adulateur , il prête fes talens
2
A la tendreffe opiniâtre
Dont cet orgueilleux idolâtre
Ses plus monftrueux fentimens.
En vain la vérité plaintive & gémiffante ,
S'éleve dans l'intérieur ,
L'indomptable tyran étouffe la lueur
De far emontrance impuiffante.
Déja le menteur effronté
Traite l'homme vrai d'imbécile ,
Et , felon lui , la verité
7
44 MERCURE DE FRANCE.
N'eft qu'une vertu puerile ,
Dont cependant le fourbe habile
Contrefait l'ingénuité ,
Pour fe gliffer en dangereux reptile ,
Dans le fein ouvert & facile
De la naïve probité.
Déja la noire calomnie ,
Pour déployer fes jalouſes fureurs ,
Broye en fecret les affreuſes couleurs
Dont elle va fouiller la plus illuftre vie.
Tel eft le fort d'un mérite éclatant ,
Que fa profpérité la choque & l'importune ,
Et fon inventive rancune
Ne fe taira qu'en le précipitant .
Dans la plus obfcure infortune .
Et vous , qui dans vos traits n'offrez rien de plus
beau
Que le modefte & fincere tableau
D'une ame généreufe & fage ,
Vous , de l'honneur , la plus aimable image ,
Chaftes beautés , tremblez à l'afpect du couteau
Que tient fur vous l'impofteur en fa rage ;
D'un coup il va percer le précieux bandeau
Dont la pudeur vous couvre le viſage.
Hélas ! la playe eft faite ; armez -vous de courage :
Ce ne fera peut- être qu'au tombeau
Que l'humaine équité vous rendra témoignage ;
Mais le crime ici - bas vous devoit eet outrage,
JANVIER . 1755 . 45
Et c'eft en vous plaçant à fon niveau ;
Qu'il vous punit d'ofer dans le bel âge
Porter , de la vertu , l'honorable fardeau.
A voir la langue en fa naiffance
Obfcurcir les vertus , & fervir les forfaits ,
Qui ne croiroit que fa licence
Ne peut pouffer plus loin fes rapides effais !
A peine cependant l'eſprit lui tend l'amorcę .
De l'orgueilleufe impiété ,
Que dès l'iftant elle s'efforce
D'en outrer la témérité ;
Et franchiffant la fphere trop obfcure
Qui la retient dans l'univers ,
Ses facrileges fons exhalent dans les airs ,
Et le blafphême & le parjure .
Ne croyez pas , Dieux immortels ,
Que fon audace épargne vos autels :
Ces monumens facrés , où la reconnoiffance
Brûle un refpectueux encens ,
D'un coeur féditieux choquent la dépendance ,
Et pour les renverfer attaquant votre eflence ,
La langue lui fournit ces rebelles accens.
L'ordre des cieux , le ciron , la lumiere ,
N'émanent point d'un Créateur ;
Un concours fortuit eft l'unique moteur
D'une éternelle & féconde matiere.
Ne craignez point des Dieux , leur culte n'eft
qu'un frein ;
46 MERCURE DE FRANCE.
Némefis , & ce noir Tartare
N'eft qu'une invention bizare
Pour contenir le genre humain
Dans la néceffité des devoirs fociables ;
Et les Législateurs armés d'un vain pouvoir ,
De ces fantômes redoutables ,
'Arrêtent par la crainte , & flatent par l'espoir
Ceux que l'oppreffion rend ici miférables .
Des fens voluptueux écoutez les tranfports ;
Qu'héfitez- vous ? laiffez à des efprits vulgaires
Le foin de fe forger des terreurs , des remords ;
Nos defirs font nos Dieux , & pour des efprits
forts
Le vice & la vertu font des mots arbitraires.
Le corps enfin eft notre unique bien ;
Et cette effence fantaſtique
Indéfiniffable & myſtique ,
Qu'on appelle ame , eft moins que rien.
C'est ainsi que l'impie enyvré d'un fyftême
Dont il voudroit étourdir fes frayeurs ,
D'un avenir affreux écartant les horreurs ,
Avec les Dieux , s'anéantit lui-même.
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Résumé : PANDORE, OU L'ORIGINE DES PASSIONS ET DES CRIMES. * PAR M. YON.
Le texte 'Pandore, ou l'origine des passions et des crimes' raconte une allégorie sur l'origine des maux humains. Avant que Prométhée ne vole le feu divin, les hommes vivaient innocemment, guidés par leurs sentiments naturels et sans distinction entre vertus et vices. La création de Pandore, un être doté de multiples talents et beautés par les dieux, marque un tournant. Pandore, accompagnée d'une boîte contenant des maux, est envoyée sur Terre. Elle séduit les hommes et leur montre un métal précieux, l'or, éveillant ainsi leur curiosité et leur cupidité. Pandore révèle ensuite que l'or et la parole sont des dons divins, incitant les hommes à creuser la terre pour en obtenir davantage. Cette action provoque la discorde et la guerre. Les animaux, inspirés par les nouvelles capacités humaines, se révoltent contre leurs maîtres. Les hommes, dotés de la parole, inventent la médisance et l'éloquence pour justifier leurs actions. La tyrannie et les conflits naissent, souvent au nom de la patrie. Les langues humaines, libérées par Pandore, révèlent des vices cachés et des vertus mêlées à l'amour-propre. La vérité est étouffée, et la calomnie, la flatterie et l'imposture prospèrent. La langue humaine, dans sa licence, outrepasse ses limites, blasphémant même les dieux et niant leur existence. Les hommes, guidés par leurs désirs, considèrent le vice et la vertu comme des concepts arbitraires, et réduisent leur essence à la matérialité du corps.
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p. 60-61
EPITRE. A UNE VEUVE. Par M. le Chevalier de Laurès.
Début :
Pourquoi, Philis, dans les ténébres [...]
Mots clefs :
Amour, Ruisseau, Fleur, Dieux
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texteReconnaissance textuelle : EPITRE. A UNE VEUVE. Par M. le Chevalier de Laurès.
E PITRE
A UNE VEU V E.
Par M. le Chevalier de Laurèsă-
Pourquoi , Philis , dans fes ténébres
Cacher tant de traits enchanteurs ?
Pourquoi ces images funebres ,
Ces foupirs , ces plaintes , ces pleurs ,,
Dont vous nourriffez vos douleurs ? .
Si l'objet de votre tendreffe
A fermé les yeux pour jamais ,
Faut-il que
la nature ceffe
De s'embellir de vos attraits -
Les Dieux juftes dans leurs bienfaits ,
Pour tous les regards font éclore ,
Et l'émail parfumé de Flore ,.
Et la verdure des forêts.
La fleur de rubis éclatante ,
Qui d'un feul ruiffeau qui l'enchante:
Reçoit la vie & la couleur ,,
JANVIER. 1755 GB
Voit bientôt fa beauté flétrie..
Si du ruiffeau l'onde eft tarie ,
Et fi , conftante en fon ardeur
Pour tout autre dans la prairie
Elle conferve fa rigueur..
Mais , fi d'une fource nouvelle
Son fein eft enfin abreuvé ,
Dieux ! quel jour pur brille fur elle. ??
Le bonheur qu'elle a retrouvé
La rend encor cent fois plus belle..
Fille des Graces , cette fleur
Offre un confeil à votre coeur ;
Vous n'avez reçu tant de charmes ,
Que pour plaire & que pour aimer ::
L'Amour a cauſé vos allarmes ,
C'eft à l'Amour de les calmer..
A UNE VEU V E.
Par M. le Chevalier de Laurèsă-
Pourquoi , Philis , dans fes ténébres
Cacher tant de traits enchanteurs ?
Pourquoi ces images funebres ,
Ces foupirs , ces plaintes , ces pleurs ,,
Dont vous nourriffez vos douleurs ? .
Si l'objet de votre tendreffe
A fermé les yeux pour jamais ,
Faut-il que
la nature ceffe
De s'embellir de vos attraits -
Les Dieux juftes dans leurs bienfaits ,
Pour tous les regards font éclore ,
Et l'émail parfumé de Flore ,.
Et la verdure des forêts.
La fleur de rubis éclatante ,
Qui d'un feul ruiffeau qui l'enchante:
Reçoit la vie & la couleur ,,
JANVIER. 1755 GB
Voit bientôt fa beauté flétrie..
Si du ruiffeau l'onde eft tarie ,
Et fi , conftante en fon ardeur
Pour tout autre dans la prairie
Elle conferve fa rigueur..
Mais , fi d'une fource nouvelle
Son fein eft enfin abreuvé ,
Dieux ! quel jour pur brille fur elle. ??
Le bonheur qu'elle a retrouvé
La rend encor cent fois plus belle..
Fille des Graces , cette fleur
Offre un confeil à votre coeur ;
Vous n'avez reçu tant de charmes ,
Que pour plaire & que pour aimer ::
L'Amour a cauſé vos allarmes ,
C'eft à l'Amour de les calmer..
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Résumé : EPITRE. A UNE VEUVE. Par M. le Chevalier de Laurès.
Le poème 'E PITRE A UNE VEUVE' a été écrit par le Chevalier de Laurès en janvier 1755. L'auteur s'adresse à une veuve nommée Philis, s'interrogeant sur les raisons de sa tristesse et de la dissimulation de ses attraits. Il observe que la nature continue de s'embellir malgré les deuils, comme les fleurs qui refleurissent après la pluie. Le poète compare Philis à une fleur qui retrouve sa beauté après avoir été arrosée. Il l'encourage à ne pas laisser la tristesse l'envahir et à se rappeler que ses charmes sont destinés à plaire et à aimer. L'Amour, qui a causé ses alarmes, doit également les apaiser.
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