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1
p. 44-87
III. LETTRE Concernant les Langues, les Lettres & les Ecritures. A Mr DE S.....SDIKS.
Début :
Je vous ay déja fait voir deux Lettres du sçavant Mr / Je réponds à la vostre, à la maniére du Cardinal [...]
Mots clefs :
Poète, Alexandre le Grand, Langue hébraïque, Livre, Verset, Ancien Testament, Prince barbare, Langue, Articulation, Voyelles, Consonnes, Prononciation, Lettres, Écho, Voix, Langue syriaque, Reliure, Imprimerie, Langue chinoise, Chapitre, Genèse
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texteReconnaissance textuelle : III. LETTRE Concernant les Langues, les Lettres & les Ecritures. A Mr DE S.....SDIKS.
Je vous ay déja fait voir
deux Lettres du fçavant M
Comiers fur les Langues. En
voicy une troifiéme
› que
vous ne trouverez pas moins
curieufe que les autres.
豬
GALANT 45
255:22222 2522: 2222
III.
LETTRE
Concernant les
Langues , les
Lettres
les
Ecritures.
A M' DE S..... SDIKS .
Imaniere
laco-
E répons à la veftre , à la
maniére du Cardinal d'Offat
, article par article ,
niquement , mais je m'explique
en telle forte , que vous n'avez
lien de dire comme S. Jerôme
, en lifant le Poëte Perfe . Si
tu ne veux pas eftre entendu,
tu ne dois pas eftre lû.
pas
46 MERCURE
que
les
Fe fouhaiterois vous pouvoir répondre
auffi brièvement
Lacedémoniens , qui par la feule
Lettre S , qui fignifie Non , répondirent
à la longue Epiftre dos
demandes de Philippe , Pere
d'Alexandre le Grand.
La Langue Sainte , c'est à
dire l'Hebraique , a 22 Lettres,
autant qu'il y a de Livres dans
l'ancien Teftament , dans lequel
l'ordre des Lettres Hebraïques y
eft repeté 21 fois.
L'ay remarqué dans la 273
page du 26 Tome extraordinairs
du Mercure Galant, que Les trois
versets 19, 20 & 21 du 14 char
GALANT. 47
pitre de l'Exode , contiennent
chacun 72 Lettres , par le mélange
defquelles les Kabaliftes forment
les 72 noms de Dieu , tous
terminez en AH ou en EL , c'eft
pourquoy aprés le nom de l'office
d'un Ange , la Sainte Ecriture
ajoûte ELi ainfi Michaël , Raphaël
, Gabriël.
Toutes les 22 Lettres Hebrai
ques font contenues dans le 25
verfet dus chapitre du Prophéte
Ifaye.
Toutes les Lettres Grecques,
font dans les verfets 19 & 20 du
3 chapitre de la premiere Epiftre
de S. Pierre
48 MERCURE
Toutes les Lettres Latines
font dans ce Vers.
Gaza frequens Lybicos duxit
Kartago triumphos.
Atticus le Fils du Sophifte
Herodes , ne pût jamais aprendre
l'Alphabet.
Un jeune Prince Barbare
eftant venu étudier dans Athénes,
ne pût aprendre que les trois
premieres Lettres de l'Alphabet,
qu'il prononça d'un ton fi digne
de fon efprit & de fa Nation ,
que le Préteur ceffa de haranguer;
c'est pourquoy les Barbares
ramenérent en Triomphe leur
Prince , difant qu'il avoit vaincu
le
GALANT. 49
Le plus éloquent d´s Grecs .
La langue est presque le principal
inftrument de l'articulation,
car les confones labiales n'ont pas
befoin de l'office de la langue,
elle a dix mouvemens , fix droits
en rond. Les levres ont
&
quatre
auſſi
jusques
à fix
mouvemens
differens
. Le Larinx
a auf
fes
mouvemens
pour
la Trachée
, qui
ouvre
le paffage
à l'air, que pouffent
les poulmons
.
La Lettre Afe prononce le gozier
& la bouche ouverte ,fans.
employer la langue ; elle est donc
la Lettre la plus facil à prononcer
, c'est pourquoy elle tient le
Ferrier 1685.
Ε
50 MERCURE
premier rang dans l'Alphabet.
On dir qu'il n'y a eu que Zoroafter
qui ait ry en naiffant , &
que les Mâles pleurent par
voyelle A, & les Filles par la
voyelle E , ce qui a donné lieu à
ce Diftique, sikin mo ay
la
Plorat adhuc proles quod commifere
parentes,
A genitor dat Adam : E dedit
Eva prior.
Comme les confones B, M, P,
font purement labiales , ellesfont
auffi tres -faciles à prononcer. Il
ne faut qu'ouvrir doucement les
lévres en prononçant A , c'eſt
pourquoy
les Enfans prononcent
GALANT. 51
facilement MaMa PaPa ,
.
parce que le P fe prononce par la
feule explofion de l'Air , en feparant
promptement les lévres,
fi vous prononcez P tout contre
la flamme de la Chandelle , elle
vous fera entendre cette explo
Sion.
O,fe prononce le gozier ouvert
, & la bouche un peu enflée
voutée, c'eft pourquoy les Puis,
les Caves , & les Antres profonds,
pour A, refléchiffent O.
E, fe prononcefermant un peu
la bouche , & aprochant la langue
du palais , ne laiffant qu'un
petit paffage en largeur , à l'air
E ij
52 MERCURE
pouffe par les poulmons.
I, fe prononce en appliquant
davantage la langue au palais,
pour ne laiffer qu'une petite iſſue
à l'air , & on ferme davantage
la bouche , & on joint preſque
les dents.
V, François ,fe prononce ayant
joint les dents la langue tout
contre le palais ferrant les
téores avancéespour ne laiffer à
l'air qu'une petite iffuë ronde ,
on reffent qu'il fe forme un tremblement
des lévres.
I
Il
ya
ftinguent
point
Va de Fa , & pour
a des Nations qui ne di-
Vin difent Fin ,
GALANT 53
>
A Siracufe , la Lettre M tirée
au fort , donnoit le droit de la
Harangue publique.
La pronontiation de la Lettre
L appartient à la langue , celle
de Dede S , aux dents , M ,
aux lévres , celle de N au nez,
fi vray que fi on ferre le nez,
ne peut prononcer Na , mais on
entend Da , d'où il est facile de
rendre raifon des noms qu'on a
impofé à ces Lettres.
on
La Lettre K eft gutturale. Les
Calomniateurs étoient marquez
aufront avec un fer chaud , des
Lettres K & C la raiſon eſt
facile.
E j
54 MERCURE
La Lettre Qeftoit auffi im.
primée au front de ceux qui épou
foient une feconde Femme , la
premiere eftant vivante. Cette
marque Qest affezfignificative
du crime, de mefme que celle d'Aftronomie
Qpour marquer la conjonction
de deux Planetes, & c.
Plufteurs Perfonnes , pour Q
prononcent T , & pour Qui-
Quonque, difent TiTonTe .
temps de François I. le Do
Du
Pere des belles Lettres , & Fondateur
de l'Académie ou College
Royal de Paris , la prononcia
tion de la Lettre Q eftoit celle
de la Lettre K d'apréfent ; car
GALANT. [ 55
pour Quifquis , on prononçoit
KisKis. Lafçavante Républi
que des Lettres est redevable à
P. Ramus , Doyen du College
Royal , qui a donné la naturelle
prononciation du Q M¹s de la
Sorbonne s'y oppoférent, & même
privérent un Ecclefiaftique de fes
Revenus , parce qu'il prononçoit
le Qcomme Meffieurs de l'Académie
du Roy. Le Procez fut
porté au Parlement , on Ramus
ayant luy- mefme plaidé pour la
nouvelle prononciation de la Lettre
Q, il fut permis par Arreft
folemnel de dire QuiſQuis , ou
KisKis , qui depuis eft devenu
E
iiij
56 MERCURE
un mot pour animer les Chiens
au combat. Je croy que la Cour
Souveraine fonda ſon Arreſtſur
ce que la Lettre Hébraïque Coph
K dans fa valeur. est Q
no- ·Plufieurs Perfonnes ,
tamment ceux qui ont le Filet, ne
peuvent prononcer la Lettre R ,
qui demande le tremblement de
la langue ; c'est pourquoy pour.
R , ils prononcent L.
Meffala , grand Orateur , fit
autrefois un Volume entier de la
Lettre S. Sa mauvaise prononciation
confta la vie à quarantedeux
mille Ephraemites , qui
furent égorgez par les Galaadites,
GALANT. 57
pour n'avoir fçû bien prononcer
dans le mot Schiboleth la Lettre
S , que les Hebreux nomment
Scin .
Appius Claudius trembloit
à la Lettre Z, lors qu'on la pro- .
nonçoit par TS, parce qu'elle exprime
le grincement
de dents d'un
Moribond.
Laprononciation de S, on ST,
fait un fiflement qui penétre , &
qui fertpour ordonner le filence.
L'Echo n'est pas toûjours la
veritable image de la voix articulée
, puis qu'elle ne peut pas
toujours redire ou refléchir la Let
tre S', car pour le mot Satan,
58 MERCURE
PEcho répond Vatan. Il n'en
eft pas de mefme des mots Sofia
in Solario , Soleas Sarciebat
Suas. Vous feavez que la voix
refléchie par l'Echo, employe deux
fois plus de temps que la voix
directe , laquelle dans la moitié
d'une demy -feconde de temps parcourt
690 pieds.
L'Echo du Palais Simoneta,
à un mille de Milan ,
repete
du moins
vingt
- quatre
fois
le mefme
mot.
La plus grande parleufe des
Echos , eft celle que je trouvay
il y a dixhuit ans à Taxily
une lieue de la Ville de Luzy
a
GALANT. 59
en Nivernois ; car eftant la nuit
dans le Fardin de la Cure , qui
dépend de noftre Chapitre de Ternant
, ayant le vifage tourné
contre la Colline de Nidi , elle
repétoit de fuite tres-fortement
tres - diftinctement tous ces
treize mots,
Arma virumque cano , Troja
quæ primus ab oris,
Arma virumque cano .
Il est auffi facile de rendre
raison pourquoy l'Echo pour Sa,
dit Va , que d'expliquer pourquoy
en tenant un doigt dans
chaque coin de la bouche , pour
la Lettre P, on prononce F.
60 MERCURE
La voyelle O. fe fait enten
dre de plus loin , c'est pourquoy
les noms des Chiens de Mutte fe
terminent en O.
Les voyelles O & E font les
plus fortes , puis qu'elles arrestent
les Chevaux au milieu de leur
course.
ω
Le Sauveur du Monde dans
l'Apocalipfe a pris pour Symboles
les deux Lettres A, & w, la
premiere la derniere Lettre
de l'Alphabet Grec , pourfigni
ifier qu'il eft le commencement &
La fin de toutes choses.
Judas , ce vaillant Capitaine
des Juifs futfurnommé MachaGALANT.
61
bée , pour avoir pris dans fon
Etendari cette Devife , Symbole ,
on Mot MA. CA. B. AI . compofé
des quatre premieres fyllabes
du xi. verfet du xv . chapitre
de l'Exode...
MA CAMOCHA BAELIM
JEHOVAH ?
Qui comme Toy entre les
Dieux Jehovah ?
Les
Romains prirent les qua
tre Lettres , S. P. QR . quifont
Les premieres
des quatre Mots
fuivans. Serva , Populum ,
Quem, Redemifti
, qu'une Sybille
avoit gravé fur une lame
d'acier, comme dit Corrafius.
62 MERCURE
:
L'Empereur Maximilian prít
pour Symbole les voyelles A. E.
1. O. V. pour fignifier Aquila
Electa Jufte Omnia Vincit.
Revenons à la Langue Sainte.
Les Juifs & les Samaritains ont
toûjours leu dans leurs Synago
"gues , la Sainte Ecriture en He
breu. La Bible des Samaritains
ne contient que le Pentateuque
,
qui font les cinq Livres de
Moife , parce qu'en l'année du
Monde 3971. c'est à dire 992.
ans avant l'Incarnation ,
n'avoit encore publié que te
Pentateuque lors que le
Royaume d'Ifraël fut divifé,
on
GALANT 63
m'étant resté au Fils de Salomon
que les Tribus de Juda & de
Benjamin , les dix autres Tribus
ayant obeï à Feroboam.
Le Peuple d'ISC. RAB. EL.
Hominis magni Dei , de
l'Homme du grand Dieu , ayant
depuis efté difperfé & contraint
d'habiter en Païs étrangers , il
perdit peu à peu l'usage de fa
Langue Hébraïque , c'est pourquoy
apres la Captivité de Baby
lone , on ne parla que la Langue
Syriaque dans Ferufalem ,
Langue Hebraïque y étoit comme
inconnuë; fi vray que
Princes des Preftres & des Phales
64 MERCURE
rifiens dirent aux Archers En
S. Iean chapitre 7. verfet 49.
Cette Populace ne fçait ce
que c'eft que la Loy. Ce qui
avoit obligé les Rabins on Docteurs
de la Loy , d'en faire des
Verfions en Langue vulgaire des
Pais où ils étoient Etrangers
.
Les Rabins Afiatiques firent à
Babylone , la plus ancienne & la
plus estimée des Paraphrafes ,
qui eft la Chaldaique, ou le Targum
Onkelos.
La Verfion Grecque du Pentateuque
, dont S. Ierôme au
premier chapitre de l'Epifire de
S. Paul à Titus , dit Scientia
GALANT. 65
l'Ordre >
ou dit
pietatis eft noffe Legem ,fur
faite 272. ans avant l'Incarnation
, en Alexandrie d'Egypte,
où les Iuifs avoient un Temple
comme en Ierufalem. Elle eft
furnommée des 70 parce qu'elle
fut faite par
moins aprouvée des 72 , qui compofoient
le Venerable Senat du
grand Sanhedrin. Tout ce qu'on
en a dit au delà , a esté fur la
bonne foy d'un Livre attribué à
Ariftée , l'un des 2. Interprétes,
qui ne firent que la Verfion des
cinq Livres de Moife , bien qu'il
ne foit nommé qu'en tierce Per-
Sonne.
Fevrier 1685 E
66) MERCURE
DESES LIVRES
leur ancienne Forme
99100100
L5
& Relieure.
S ,
Es luifs obfervoient de ne
mettre que 30. Lettres à
chaque ligne.
Les Anciens coloient au long
plufieurs feuilles de papier les
unes au bord des autres , & ils.
n'écrivoyent que d'un côté. Ils
inferoient le bout de la derniere
des feuilles dans la fente d'un
bâton cilindrique , autour duquel
on rouloit toutes les feuilles qui
compofoient ce Livre ou Volume.
Ce bâton avoit un Chapiteau
GALANT 67
une Baze , à la diſtance de
la largeur du papier. Toutes les
Biblioteques étoient composées de
femblables Rouleaux , chez les
Grecs chez les Latins , mefme
long-temps apres Ciceron. Les
Iuifs ont encore fur l'Autel de
chaque Synagogue , les Livres de
la Loyfur deuxfemblables Rou
leaux Cilindriques , & quand ils
ont lû une page , ils la roulent
autour du Cilindre qu'ils tiens
nent à la main droite. Fay trou
vé dans nos Archives du Chapi
tre de Ternant , fondée en l'année
1444. qui eft quatre ans apres
L'invention de l'Imprimerie
, dess
Fij
68 MERCURE
Enquestes fur des feuilles de pa-..
pier colées les unes au bas des autres
, écrites d'un feul côté.
Le Secret ayant efté trouvé de
préparer le parchemin , en forte ·
qu'on peut écrire des deux côtez:
Le Roy Attalus fit écrire &
relier quelques. Livres à la maniere
des noftres.
L'Imprimerie commença en
1440 à Mayence , & les Offices
de Ciceron , eft le premier Livre
qui ait efté Imprimé en Europe,
il est maintenant bien facile de ·
profiter de l'avis de l'Oracle , qui
dit à Zenon que , Pour bien vivre
, il faloit avoir commerce
GALANT 69
avec les Morts. C'eft dans le
mefme fentiment qu' Alphonfe
Roy d' Arragon difoit, Qu'ilfaut
confulter les morts comme les
plus fidéles Confeillers , car il
n'y a point d'Amy plus librequ'un
Livre.
DE LA DIFFICULTE
de lire l'Ecriture Chinoife,
& l'Hebraïque fans
Voyelles.
trouverez pas fi
Vetrange que l'Ecriture Chinoife
ait un Caractere different
pour chaque chofe , & qu'un.
mefme mot prononcé differem .
70 MERCURE
ment, fignifie diferentes chofes,
fi vous faites reflexion qu'en
noftre Langue , un mesme mot a
plufieurs fignifications : En voicy
un exemple, il faut que je vous
Conte , un Conte , d'un Conte,
duquel je ne fais pas grand
Conte. 190
A la fterilité de la Langue
Chinoife , oppofez la fecondité de
la Langue Arabe ; elle a 80 mots
pourfignifier le Miel ; 200 mots
pour fignifier le Serpent ; soo
pour fignifier le Lyon ; & 200.
pour fignifier l'Epée . Cela me
faitfouvenir des fix Versfurvans
d'un vieux Sonnet.
GALANT. 71
Il faut que par neuf fois la Lune
ait fait fon cours,
Avant que nous voyons la lumiere
du jour,
Qu'un cruel Ennemy nous a
bien-toft ravie..
Miférables Mortels , n'avons .
nous pas grand tort,
De faire tant d'Engins pour nous
donner la mort .
L'Ecriture Hebraïque n'avoit
originairement que les Lettres
Confonnes , car les Points qui tiennentlieu
de Voyelles , n'ont commencé
qu'en l'annéesos . de l'Incarnation
, & 436 ans apres que
Titus Vefpafian eut brûlé le Temple
de Terufalem le 8 Aouſt , &
72 MERCURE
la Ville le 8. Septembre en la 72.-
année de Iefus - Chrift . C'est
pourquoy il y a à preſent onze
cens foixante & dix-fept années
que les Docteurs Iuifs étant af
femblez à la Tyberiade , Ville
de la Paleftine , inventerent t
employerent les points ou voyelles»
fecrettes , afin de conferver à leur
Pofterité difperfée par tout le
Monde , la veritable lecture des
Livres Sacrez de l'ancien Teftale
Rabin
ment. C'est ce que
Helie Levite • rapporté dans fax
troifiéme Preface fur le Maffo
reth. C'est pourquoy pour bien
apprendre à lire l'Hebreu , jes
vous
GALANT. 73
vons renvoye à la Mazore , ou
Tradition de l'Ecole Tyberiade.
C'eft fans fujet que vous me
prenez pour un Gale Razaia,
Revelateur des chofes fecretes.
Vous me demandez mille chofes,
comme fi j'avois tout cela dans
mon Jalkur , ou Poche Rabini
que , ou que je fuffe le tout
fçavant Hippias Eleen metempficofe.
Merite t'on quelque chofe
pour beaucoup parler ? Avez
vous oublié que Plutarque loue
Epaminondas qui eftoit le plus
fçavant , & parloit le moins. Je
profite en bien des chofes du bon
mot de Socrate , qui étant inter-
Février 1685.
G
74 MERCURE
rogé pourquoy
il ne donnoit au
cun Ecrit au Public, répondit que
le papier vaudroit mieux que ce
qu'il faudroit dire. Pour vous
répondre à tant d'articles , il me
faudroit une mémoire auſſi heureufe
que celle d'Efdras , qui dicta
par coeur les Livres de l'Ancien
Teftament , tels que nous les
avons. Du Grec Carmides, qui di
foit par coeur ce qui eftoit contenu
dans quel Volume d'une Bibliotéque
qu'on fouhaitoit. De Cyrus,
ou de L. Scipion , qui fçavoient
le nom de tous leurs Soldats ; ou
la mémoire de Mithridate , de
Craffus , de Cyneas , de Themi
GALANT. 75
ftocle , ou celle de l'Empereur
Claude , qui fçavoit tout Homere
par coeur , de Salufte qui fçavoit
tout Demofthene , d'Avicenne
qui fçavoir auffi par coeur
toute la Metaphifique d'Ariftote.
Te nefuis ny Ciceron qui fe fou
venoit de tout ce qu'il avoit leu
ou entendu. Je n'ay pas la mémoire
de Senéque l'Orateur, qui affenre
dans la Préface du Livre des
Plaidoyés on Controverſes , qu'il ·
avoit la Mémoire fi heureuſe ,
qu'il redifoit deux mille noms
differents dans le mefme ordre
qu'ils avoient eftéprononcez, &
que dans l'Ecole plus de deux
ن م
Gij
76 MERCURE
cens perfonnes ayant dit chacun
un Vers, il les repéta en commen
çant par le dernierVers . Le Pape
Clement VI. ayant receu une
grande bleffure à la teſte , ſa mémoire
devint fi heureuſe , qu'il
ne put rien oublier de ce qu'il
avoit leu. Tay efté prefent aver
feu M ' le Marquis de S. André
Montbrun , Capitaine Genéral
des Armées du Roy ,
verneur du Nivernois , à un
femblable effay de Mémoire
entre M de la Barre , pour lors
Intendant du Bourbonnois , &
Mc Adam le Poëte Menuifier de
Nevers. Deplus, je n'aypas un
r
GouGALANT.
77
Secretaire fi expert dans la Tachigraphie
, que ceux dont
Martial difoit , lib. 14 .
Currant verba licet , manus eft
velocior illis ,
Nondum lingua , fuum dextra
peregit opus.
Je nyfuis pasfi exercé qu'Origene
, quand mefme je formerois
aufft mal mes Lettres que le
grand Quintilien , dont les lignes
fembloient des Serpens . Il eft
autant furprenant qu'avanta
geuxpour le bien public, qu'entre
tant de millions d'Ecritures , il ne
s'en rencontre pas deux tout àfair
femblables , quand mefme on an-
C.iij
78 MERCURE
Tite
roit apris à écrire fous un mefmè,
Maistre. Il en eft de l'Ecriture,
comme des Voix des Vifages,
qui font tous en quelque chofe
diferens. Il est vray que
Vefpafian le Fils , difoit ordinai_
rement qu'il auroit pú eftre le plus
grand Fauffaire de l'Empire Romain,
parce qu'ilfçavoit tres - bien,
contrefaire toutes les fignatures.
·Contentez- vous , Monfieur, de
cepeu que je vous envoyepour vos
Etrennes de l'année 1685. Je réponds
à vos autres demandes ,
comme les Juifs dans les Quefons
tres difficiles THIS BI,
JETHARES , KA SIOT,
GALANT. 79
Elie Thesbite , qui nãquit huit
ans avant la mort de Solomon,
les foudra.
que
La Kabale des Rabins auffibien
les deux Volumes de Viſions
Parfaites , ne contiennent que futulites
avec la Lettre R de trois'
Nations bien differentes , l'Itali
que , le Grec l'Hebreu , & à
tous ces Livres , il ne manque que
la Syllabe Grecque Noun.
Vous aprendrez dans 24 heures
la Langue Hebraïque , dans la
nouvelle Grammaire de Criftofori
Cellarii , imprimée Cizæ,
au commencement
de l'année
1684.
G iiij
80 MERCURE
Le manque de Voyelles dans
l'Ecriture Hebraique
, eft la caufe
que la Verfion Grecque de l'Ancien
Teftament
, faite par
les
72
Rabins en Alexandrie l'année
272. avant la naissance de Fefus-
Chrift , n'est pas toujours confor
me à l'Original Hebraïque, quoy.
qu'en ait dit l'Autheur du Livre
attribué à Ariftée l'un des 72:
Interpretes. Puis que cette Verfion
a des paffages mal expliquez,
bien des chofes oubliées ,
d'autres ajoûtées ,s comme dit..
S. Jerôme , qui mourut l'année
420 : c'est pourquoy la Verfion
Latine qu'on fit fur la Grecque,
GALANT. 81
du temps des Apoftres , ne peut
eftre meilleure , bien que nous
chantions les Pfeaumes fuivant
cette Verfion , parce que l'Eglife
yeftoit accoûtumée , lors quefaint
Jerome fit fa Verfion Latine de
Ancien Teftament , que nous
appellons la Vulgate.
Si la Langue Chinoife eft dif
ficile par la differentefignification
d'un mefme mot, la Langue Hebraïque
eft auffi difficile par la
mefme raifon ; car par exemple,
le mot ou Racine HHANAH ,
fignifie humilier , appauvrir ,
affliger, occuper, témoigner,
chanter , crier , parler , ré82
MERCURE
Le mot
pondre , exaucer.
HHALAL , fignifie eſtre la
cauſe , cauſer , rendre affligé,
envelopper , defigner , enlai
dir , vendanger , méprifer ,
méditer , tâcher , agir , cautionner.
Le mot HHARAB,
fignifie dreffer , embellir, plairre
, engager , négocier , mélanger
, s'obfcurcir , devenir
doux.
Par
Bien davantage , les mefmes
mots Hebreux ont fouvent deux
fignifications contraires.
exemple KDS , fignifie fanctifier
, prophaner. BRH fignifie,
benir , maudire. NCHM fignifie
GALANT. 83
10
a
ད
eftre confolé , eftre defolé.
SKN fignifie appauvrir , s'enrichir
, mille autres , par le
changement des conjugaisons
qu'ils appellent Binjanim , Stra
cture.
Par le manque des Voyelles ,
au lieu de lire CHOMER , qui
fignifie URNE , dans laquelle les
Hebreux gardoient la Manne;
les Payens ayant leu CHOMAR ,
qui fignifie ASNE , ils accuferent
lesJuifs , & enfuite les premiers
Chreftiens
d'un Afne dans le Sanctuaire du
Temple.
d'adorer la Tefta
Le 47 Chapitre de la Genefe
84 MERCURE
&
parlant de Faceb adorant Dieu ,
finit par ces mots Halrofch;
Ham , Mitthah , chevet du lit,
les 70 ayant leu Matthe ,
L'interpreterent Verge , ou bâton.
Dans le 11. chap . de Zacharies
verf.7. au mot Hebreu CHBLM ,,
lesfeptante-deux Interpretes leu
rent CHaваLIM, Cordanx :
fuivant les Points on Voyelles ,
depuis marquées par les Rabins
de Tyberiade
nous lifons:
CHOBELİM , qui fignifie Corrupteurs.
>
}
Les Septante leurent par les
3. Confonnes z KR, du 14. Verf.
du 26 Chap. d'Ifaye , le mot
GALANT. 85
ZakeR , qui fignifie Malle ;
S. Jerôme ayant leu ZakaR,
l'interpreta Memoire.
Les Septante dans le Chap. 3.
Verfet de leremie, leurent Reh
him , quifignifie Paſteurs. Et
S. Ierome ayant leu Rohhim,
l'interpreta Amateur, er dans le
Chapitre 9. Verfet 22', leurent
Deber, quifignifie la Mort. Et
S. Jerôme ayant leu Daber, l'interpreta
Parle. De mefme auffi
les Septante dans Oſée, Ch. 13.
Verfet 3 , leurent Harbeh , qui
fignifie Langouste , & S. Iérôleu
Habah , l'interme
ayant
preta
Cheminée
.
86 MERCURE
En voicy affez pour cette fois
& bien que l'Empereur Honorius
ait efté blámé de figner toutes
les Lettres que ces Officiers
luy prefentoientfans les lire , dequoy
fa Soeur Placidie le corri
gea , apres luy en avoirfait connoiftre
le peril , car elle fit gliffer
une Lettre à figner avec les autres
, par laquelle l'Empereur
promettoit Placidie en Mariage
un miferable Efclave. Ie me
fie pour ce coup à la bonne foy
de mon Scribe , plus Homme de
bien
que
le Notaire Lampo,
furnommé
Calamoſphacten
:
Je finis , vous affeurant de ma
GALANT. 87
main que je fuis , Monfieur,
Vostre , &c.
COMIERS.
deux Lettres du fçavant M
Comiers fur les Langues. En
voicy une troifiéme
› que
vous ne trouverez pas moins
curieufe que les autres.
豬
GALANT 45
255:22222 2522: 2222
III.
LETTRE
Concernant les
Langues , les
Lettres
les
Ecritures.
A M' DE S..... SDIKS .
Imaniere
laco-
E répons à la veftre , à la
maniére du Cardinal d'Offat
, article par article ,
niquement , mais je m'explique
en telle forte , que vous n'avez
lien de dire comme S. Jerôme
, en lifant le Poëte Perfe . Si
tu ne veux pas eftre entendu,
tu ne dois pas eftre lû.
pas
46 MERCURE
que
les
Fe fouhaiterois vous pouvoir répondre
auffi brièvement
Lacedémoniens , qui par la feule
Lettre S , qui fignifie Non , répondirent
à la longue Epiftre dos
demandes de Philippe , Pere
d'Alexandre le Grand.
La Langue Sainte , c'est à
dire l'Hebraique , a 22 Lettres,
autant qu'il y a de Livres dans
l'ancien Teftament , dans lequel
l'ordre des Lettres Hebraïques y
eft repeté 21 fois.
L'ay remarqué dans la 273
page du 26 Tome extraordinairs
du Mercure Galant, que Les trois
versets 19, 20 & 21 du 14 char
GALANT. 47
pitre de l'Exode , contiennent
chacun 72 Lettres , par le mélange
defquelles les Kabaliftes forment
les 72 noms de Dieu , tous
terminez en AH ou en EL , c'eft
pourquoy aprés le nom de l'office
d'un Ange , la Sainte Ecriture
ajoûte ELi ainfi Michaël , Raphaël
, Gabriël.
Toutes les 22 Lettres Hebrai
ques font contenues dans le 25
verfet dus chapitre du Prophéte
Ifaye.
Toutes les Lettres Grecques,
font dans les verfets 19 & 20 du
3 chapitre de la premiere Epiftre
de S. Pierre
48 MERCURE
Toutes les Lettres Latines
font dans ce Vers.
Gaza frequens Lybicos duxit
Kartago triumphos.
Atticus le Fils du Sophifte
Herodes , ne pût jamais aprendre
l'Alphabet.
Un jeune Prince Barbare
eftant venu étudier dans Athénes,
ne pût aprendre que les trois
premieres Lettres de l'Alphabet,
qu'il prononça d'un ton fi digne
de fon efprit & de fa Nation ,
que le Préteur ceffa de haranguer;
c'est pourquoy les Barbares
ramenérent en Triomphe leur
Prince , difant qu'il avoit vaincu
le
GALANT. 49
Le plus éloquent d´s Grecs .
La langue est presque le principal
inftrument de l'articulation,
car les confones labiales n'ont pas
befoin de l'office de la langue,
elle a dix mouvemens , fix droits
en rond. Les levres ont
&
quatre
auſſi
jusques
à fix
mouvemens
differens
. Le Larinx
a auf
fes
mouvemens
pour
la Trachée
, qui
ouvre
le paffage
à l'air, que pouffent
les poulmons
.
La Lettre Afe prononce le gozier
& la bouche ouverte ,fans.
employer la langue ; elle est donc
la Lettre la plus facil à prononcer
, c'est pourquoy elle tient le
Ferrier 1685.
Ε
50 MERCURE
premier rang dans l'Alphabet.
On dir qu'il n'y a eu que Zoroafter
qui ait ry en naiffant , &
que les Mâles pleurent par
voyelle A, & les Filles par la
voyelle E , ce qui a donné lieu à
ce Diftique, sikin mo ay
la
Plorat adhuc proles quod commifere
parentes,
A genitor dat Adam : E dedit
Eva prior.
Comme les confones B, M, P,
font purement labiales , ellesfont
auffi tres -faciles à prononcer. Il
ne faut qu'ouvrir doucement les
lévres en prononçant A , c'eſt
pourquoy
les Enfans prononcent
GALANT. 51
facilement MaMa PaPa ,
.
parce que le P fe prononce par la
feule explofion de l'Air , en feparant
promptement les lévres,
fi vous prononcez P tout contre
la flamme de la Chandelle , elle
vous fera entendre cette explo
Sion.
O,fe prononce le gozier ouvert
, & la bouche un peu enflée
voutée, c'eft pourquoy les Puis,
les Caves , & les Antres profonds,
pour A, refléchiffent O.
E, fe prononcefermant un peu
la bouche , & aprochant la langue
du palais , ne laiffant qu'un
petit paffage en largeur , à l'air
E ij
52 MERCURE
pouffe par les poulmons.
I, fe prononce en appliquant
davantage la langue au palais,
pour ne laiffer qu'une petite iſſue
à l'air , & on ferme davantage
la bouche , & on joint preſque
les dents.
V, François ,fe prononce ayant
joint les dents la langue tout
contre le palais ferrant les
téores avancéespour ne laiffer à
l'air qu'une petite iffuë ronde ,
on reffent qu'il fe forme un tremblement
des lévres.
I
Il
ya
ftinguent
point
Va de Fa , & pour
a des Nations qui ne di-
Vin difent Fin ,
GALANT 53
>
A Siracufe , la Lettre M tirée
au fort , donnoit le droit de la
Harangue publique.
La pronontiation de la Lettre
L appartient à la langue , celle
de Dede S , aux dents , M ,
aux lévres , celle de N au nez,
fi vray que fi on ferre le nez,
ne peut prononcer Na , mais on
entend Da , d'où il est facile de
rendre raifon des noms qu'on a
impofé à ces Lettres.
on
La Lettre K eft gutturale. Les
Calomniateurs étoient marquez
aufront avec un fer chaud , des
Lettres K & C la raiſon eſt
facile.
E j
54 MERCURE
La Lettre Qeftoit auffi im.
primée au front de ceux qui épou
foient une feconde Femme , la
premiere eftant vivante. Cette
marque Qest affezfignificative
du crime, de mefme que celle d'Aftronomie
Qpour marquer la conjonction
de deux Planetes, & c.
Plufteurs Perfonnes , pour Q
prononcent T , & pour Qui-
Quonque, difent TiTonTe .
temps de François I. le Do
Du
Pere des belles Lettres , & Fondateur
de l'Académie ou College
Royal de Paris , la prononcia
tion de la Lettre Q eftoit celle
de la Lettre K d'apréfent ; car
GALANT. [ 55
pour Quifquis , on prononçoit
KisKis. Lafçavante Républi
que des Lettres est redevable à
P. Ramus , Doyen du College
Royal , qui a donné la naturelle
prononciation du Q M¹s de la
Sorbonne s'y oppoférent, & même
privérent un Ecclefiaftique de fes
Revenus , parce qu'il prononçoit
le Qcomme Meffieurs de l'Académie
du Roy. Le Procez fut
porté au Parlement , on Ramus
ayant luy- mefme plaidé pour la
nouvelle prononciation de la Lettre
Q, il fut permis par Arreft
folemnel de dire QuiſQuis , ou
KisKis , qui depuis eft devenu
E
iiij
56 MERCURE
un mot pour animer les Chiens
au combat. Je croy que la Cour
Souveraine fonda ſon Arreſtſur
ce que la Lettre Hébraïque Coph
K dans fa valeur. est Q
no- ·Plufieurs Perfonnes ,
tamment ceux qui ont le Filet, ne
peuvent prononcer la Lettre R ,
qui demande le tremblement de
la langue ; c'est pourquoy pour.
R , ils prononcent L.
Meffala , grand Orateur , fit
autrefois un Volume entier de la
Lettre S. Sa mauvaise prononciation
confta la vie à quarantedeux
mille Ephraemites , qui
furent égorgez par les Galaadites,
GALANT. 57
pour n'avoir fçû bien prononcer
dans le mot Schiboleth la Lettre
S , que les Hebreux nomment
Scin .
Appius Claudius trembloit
à la Lettre Z, lors qu'on la pro- .
nonçoit par TS, parce qu'elle exprime
le grincement
de dents d'un
Moribond.
Laprononciation de S, on ST,
fait un fiflement qui penétre , &
qui fertpour ordonner le filence.
L'Echo n'est pas toûjours la
veritable image de la voix articulée
, puis qu'elle ne peut pas
toujours redire ou refléchir la Let
tre S', car pour le mot Satan,
58 MERCURE
PEcho répond Vatan. Il n'en
eft pas de mefme des mots Sofia
in Solario , Soleas Sarciebat
Suas. Vous feavez que la voix
refléchie par l'Echo, employe deux
fois plus de temps que la voix
directe , laquelle dans la moitié
d'une demy -feconde de temps parcourt
690 pieds.
L'Echo du Palais Simoneta,
à un mille de Milan ,
repete
du moins
vingt
- quatre
fois
le mefme
mot.
La plus grande parleufe des
Echos , eft celle que je trouvay
il y a dixhuit ans à Taxily
une lieue de la Ville de Luzy
a
GALANT. 59
en Nivernois ; car eftant la nuit
dans le Fardin de la Cure , qui
dépend de noftre Chapitre de Ternant
, ayant le vifage tourné
contre la Colline de Nidi , elle
repétoit de fuite tres-fortement
tres - diftinctement tous ces
treize mots,
Arma virumque cano , Troja
quæ primus ab oris,
Arma virumque cano .
Il est auffi facile de rendre
raison pourquoy l'Echo pour Sa,
dit Va , que d'expliquer pourquoy
en tenant un doigt dans
chaque coin de la bouche , pour
la Lettre P, on prononce F.
60 MERCURE
La voyelle O. fe fait enten
dre de plus loin , c'est pourquoy
les noms des Chiens de Mutte fe
terminent en O.
Les voyelles O & E font les
plus fortes , puis qu'elles arrestent
les Chevaux au milieu de leur
course.
ω
Le Sauveur du Monde dans
l'Apocalipfe a pris pour Symboles
les deux Lettres A, & w, la
premiere la derniere Lettre
de l'Alphabet Grec , pourfigni
ifier qu'il eft le commencement &
La fin de toutes choses.
Judas , ce vaillant Capitaine
des Juifs futfurnommé MachaGALANT.
61
bée , pour avoir pris dans fon
Etendari cette Devife , Symbole ,
on Mot MA. CA. B. AI . compofé
des quatre premieres fyllabes
du xi. verfet du xv . chapitre
de l'Exode...
MA CAMOCHA BAELIM
JEHOVAH ?
Qui comme Toy entre les
Dieux Jehovah ?
Les
Romains prirent les qua
tre Lettres , S. P. QR . quifont
Les premieres
des quatre Mots
fuivans. Serva , Populum ,
Quem, Redemifti
, qu'une Sybille
avoit gravé fur une lame
d'acier, comme dit Corrafius.
62 MERCURE
:
L'Empereur Maximilian prít
pour Symbole les voyelles A. E.
1. O. V. pour fignifier Aquila
Electa Jufte Omnia Vincit.
Revenons à la Langue Sainte.
Les Juifs & les Samaritains ont
toûjours leu dans leurs Synago
"gues , la Sainte Ecriture en He
breu. La Bible des Samaritains
ne contient que le Pentateuque
,
qui font les cinq Livres de
Moife , parce qu'en l'année du
Monde 3971. c'est à dire 992.
ans avant l'Incarnation ,
n'avoit encore publié que te
Pentateuque lors que le
Royaume d'Ifraël fut divifé,
on
GALANT 63
m'étant resté au Fils de Salomon
que les Tribus de Juda & de
Benjamin , les dix autres Tribus
ayant obeï à Feroboam.
Le Peuple d'ISC. RAB. EL.
Hominis magni Dei , de
l'Homme du grand Dieu , ayant
depuis efté difperfé & contraint
d'habiter en Païs étrangers , il
perdit peu à peu l'usage de fa
Langue Hébraïque , c'est pourquoy
apres la Captivité de Baby
lone , on ne parla que la Langue
Syriaque dans Ferufalem ,
Langue Hebraïque y étoit comme
inconnuë; fi vray que
Princes des Preftres & des Phales
64 MERCURE
rifiens dirent aux Archers En
S. Iean chapitre 7. verfet 49.
Cette Populace ne fçait ce
que c'eft que la Loy. Ce qui
avoit obligé les Rabins on Docteurs
de la Loy , d'en faire des
Verfions en Langue vulgaire des
Pais où ils étoient Etrangers
.
Les Rabins Afiatiques firent à
Babylone , la plus ancienne & la
plus estimée des Paraphrafes ,
qui eft la Chaldaique, ou le Targum
Onkelos.
La Verfion Grecque du Pentateuque
, dont S. Ierôme au
premier chapitre de l'Epifire de
S. Paul à Titus , dit Scientia
GALANT. 65
l'Ordre >
ou dit
pietatis eft noffe Legem ,fur
faite 272. ans avant l'Incarnation
, en Alexandrie d'Egypte,
où les Iuifs avoient un Temple
comme en Ierufalem. Elle eft
furnommée des 70 parce qu'elle
fut faite par
moins aprouvée des 72 , qui compofoient
le Venerable Senat du
grand Sanhedrin. Tout ce qu'on
en a dit au delà , a esté fur la
bonne foy d'un Livre attribué à
Ariftée , l'un des 2. Interprétes,
qui ne firent que la Verfion des
cinq Livres de Moife , bien qu'il
ne foit nommé qu'en tierce Per-
Sonne.
Fevrier 1685 E
66) MERCURE
DESES LIVRES
leur ancienne Forme
99100100
L5
& Relieure.
S ,
Es luifs obfervoient de ne
mettre que 30. Lettres à
chaque ligne.
Les Anciens coloient au long
plufieurs feuilles de papier les
unes au bord des autres , & ils.
n'écrivoyent que d'un côté. Ils
inferoient le bout de la derniere
des feuilles dans la fente d'un
bâton cilindrique , autour duquel
on rouloit toutes les feuilles qui
compofoient ce Livre ou Volume.
Ce bâton avoit un Chapiteau
GALANT 67
une Baze , à la diſtance de
la largeur du papier. Toutes les
Biblioteques étoient composées de
femblables Rouleaux , chez les
Grecs chez les Latins , mefme
long-temps apres Ciceron. Les
Iuifs ont encore fur l'Autel de
chaque Synagogue , les Livres de
la Loyfur deuxfemblables Rou
leaux Cilindriques , & quand ils
ont lû une page , ils la roulent
autour du Cilindre qu'ils tiens
nent à la main droite. Fay trou
vé dans nos Archives du Chapi
tre de Ternant , fondée en l'année
1444. qui eft quatre ans apres
L'invention de l'Imprimerie
, dess
Fij
68 MERCURE
Enquestes fur des feuilles de pa-..
pier colées les unes au bas des autres
, écrites d'un feul côté.
Le Secret ayant efté trouvé de
préparer le parchemin , en forte ·
qu'on peut écrire des deux côtez:
Le Roy Attalus fit écrire &
relier quelques. Livres à la maniere
des noftres.
L'Imprimerie commença en
1440 à Mayence , & les Offices
de Ciceron , eft le premier Livre
qui ait efté Imprimé en Europe,
il est maintenant bien facile de ·
profiter de l'avis de l'Oracle , qui
dit à Zenon que , Pour bien vivre
, il faloit avoir commerce
GALANT 69
avec les Morts. C'eft dans le
mefme fentiment qu' Alphonfe
Roy d' Arragon difoit, Qu'ilfaut
confulter les morts comme les
plus fidéles Confeillers , car il
n'y a point d'Amy plus librequ'un
Livre.
DE LA DIFFICULTE
de lire l'Ecriture Chinoife,
& l'Hebraïque fans
Voyelles.
trouverez pas fi
Vetrange que l'Ecriture Chinoife
ait un Caractere different
pour chaque chofe , & qu'un.
mefme mot prononcé differem .
70 MERCURE
ment, fignifie diferentes chofes,
fi vous faites reflexion qu'en
noftre Langue , un mesme mot a
plufieurs fignifications : En voicy
un exemple, il faut que je vous
Conte , un Conte , d'un Conte,
duquel je ne fais pas grand
Conte. 190
A la fterilité de la Langue
Chinoife , oppofez la fecondité de
la Langue Arabe ; elle a 80 mots
pourfignifier le Miel ; 200 mots
pour fignifier le Serpent ; soo
pour fignifier le Lyon ; & 200.
pour fignifier l'Epée . Cela me
faitfouvenir des fix Versfurvans
d'un vieux Sonnet.
GALANT. 71
Il faut que par neuf fois la Lune
ait fait fon cours,
Avant que nous voyons la lumiere
du jour,
Qu'un cruel Ennemy nous a
bien-toft ravie..
Miférables Mortels , n'avons .
nous pas grand tort,
De faire tant d'Engins pour nous
donner la mort .
L'Ecriture Hebraïque n'avoit
originairement que les Lettres
Confonnes , car les Points qui tiennentlieu
de Voyelles , n'ont commencé
qu'en l'annéesos . de l'Incarnation
, & 436 ans apres que
Titus Vefpafian eut brûlé le Temple
de Terufalem le 8 Aouſt , &
72 MERCURE
la Ville le 8. Septembre en la 72.-
année de Iefus - Chrift . C'est
pourquoy il y a à preſent onze
cens foixante & dix-fept années
que les Docteurs Iuifs étant af
femblez à la Tyberiade , Ville
de la Paleftine , inventerent t
employerent les points ou voyelles»
fecrettes , afin de conferver à leur
Pofterité difperfée par tout le
Monde , la veritable lecture des
Livres Sacrez de l'ancien Teftale
Rabin
ment. C'est ce que
Helie Levite • rapporté dans fax
troifiéme Preface fur le Maffo
reth. C'est pourquoy pour bien
apprendre à lire l'Hebreu , jes
vous
GALANT. 73
vons renvoye à la Mazore , ou
Tradition de l'Ecole Tyberiade.
C'eft fans fujet que vous me
prenez pour un Gale Razaia,
Revelateur des chofes fecretes.
Vous me demandez mille chofes,
comme fi j'avois tout cela dans
mon Jalkur , ou Poche Rabini
que , ou que je fuffe le tout
fçavant Hippias Eleen metempficofe.
Merite t'on quelque chofe
pour beaucoup parler ? Avez
vous oublié que Plutarque loue
Epaminondas qui eftoit le plus
fçavant , & parloit le moins. Je
profite en bien des chofes du bon
mot de Socrate , qui étant inter-
Février 1685.
G
74 MERCURE
rogé pourquoy
il ne donnoit au
cun Ecrit au Public, répondit que
le papier vaudroit mieux que ce
qu'il faudroit dire. Pour vous
répondre à tant d'articles , il me
faudroit une mémoire auſſi heureufe
que celle d'Efdras , qui dicta
par coeur les Livres de l'Ancien
Teftament , tels que nous les
avons. Du Grec Carmides, qui di
foit par coeur ce qui eftoit contenu
dans quel Volume d'une Bibliotéque
qu'on fouhaitoit. De Cyrus,
ou de L. Scipion , qui fçavoient
le nom de tous leurs Soldats ; ou
la mémoire de Mithridate , de
Craffus , de Cyneas , de Themi
GALANT. 75
ftocle , ou celle de l'Empereur
Claude , qui fçavoit tout Homere
par coeur , de Salufte qui fçavoit
tout Demofthene , d'Avicenne
qui fçavoir auffi par coeur
toute la Metaphifique d'Ariftote.
Te nefuis ny Ciceron qui fe fou
venoit de tout ce qu'il avoit leu
ou entendu. Je n'ay pas la mémoire
de Senéque l'Orateur, qui affenre
dans la Préface du Livre des
Plaidoyés on Controverſes , qu'il ·
avoit la Mémoire fi heureuſe ,
qu'il redifoit deux mille noms
differents dans le mefme ordre
qu'ils avoient eftéprononcez, &
que dans l'Ecole plus de deux
ن م
Gij
76 MERCURE
cens perfonnes ayant dit chacun
un Vers, il les repéta en commen
çant par le dernierVers . Le Pape
Clement VI. ayant receu une
grande bleffure à la teſte , ſa mémoire
devint fi heureuſe , qu'il
ne put rien oublier de ce qu'il
avoit leu. Tay efté prefent aver
feu M ' le Marquis de S. André
Montbrun , Capitaine Genéral
des Armées du Roy ,
verneur du Nivernois , à un
femblable effay de Mémoire
entre M de la Barre , pour lors
Intendant du Bourbonnois , &
Mc Adam le Poëte Menuifier de
Nevers. Deplus, je n'aypas un
r
GouGALANT.
77
Secretaire fi expert dans la Tachigraphie
, que ceux dont
Martial difoit , lib. 14 .
Currant verba licet , manus eft
velocior illis ,
Nondum lingua , fuum dextra
peregit opus.
Je nyfuis pasfi exercé qu'Origene
, quand mefme je formerois
aufft mal mes Lettres que le
grand Quintilien , dont les lignes
fembloient des Serpens . Il eft
autant furprenant qu'avanta
geuxpour le bien public, qu'entre
tant de millions d'Ecritures , il ne
s'en rencontre pas deux tout àfair
femblables , quand mefme on an-
C.iij
78 MERCURE
Tite
roit apris à écrire fous un mefmè,
Maistre. Il en eft de l'Ecriture,
comme des Voix des Vifages,
qui font tous en quelque chofe
diferens. Il est vray que
Vefpafian le Fils , difoit ordinai_
rement qu'il auroit pú eftre le plus
grand Fauffaire de l'Empire Romain,
parce qu'ilfçavoit tres - bien,
contrefaire toutes les fignatures.
·Contentez- vous , Monfieur, de
cepeu que je vous envoyepour vos
Etrennes de l'année 1685. Je réponds
à vos autres demandes ,
comme les Juifs dans les Quefons
tres difficiles THIS BI,
JETHARES , KA SIOT,
GALANT. 79
Elie Thesbite , qui nãquit huit
ans avant la mort de Solomon,
les foudra.
que
La Kabale des Rabins auffibien
les deux Volumes de Viſions
Parfaites , ne contiennent que futulites
avec la Lettre R de trois'
Nations bien differentes , l'Itali
que , le Grec l'Hebreu , & à
tous ces Livres , il ne manque que
la Syllabe Grecque Noun.
Vous aprendrez dans 24 heures
la Langue Hebraïque , dans la
nouvelle Grammaire de Criftofori
Cellarii , imprimée Cizæ,
au commencement
de l'année
1684.
G iiij
80 MERCURE
Le manque de Voyelles dans
l'Ecriture Hebraique
, eft la caufe
que la Verfion Grecque de l'Ancien
Teftament
, faite par
les
72
Rabins en Alexandrie l'année
272. avant la naissance de Fefus-
Chrift , n'est pas toujours confor
me à l'Original Hebraïque, quoy.
qu'en ait dit l'Autheur du Livre
attribué à Ariftée l'un des 72:
Interpretes. Puis que cette Verfion
a des paffages mal expliquez,
bien des chofes oubliées ,
d'autres ajoûtées ,s comme dit..
S. Jerôme , qui mourut l'année
420 : c'est pourquoy la Verfion
Latine qu'on fit fur la Grecque,
GALANT. 81
du temps des Apoftres , ne peut
eftre meilleure , bien que nous
chantions les Pfeaumes fuivant
cette Verfion , parce que l'Eglife
yeftoit accoûtumée , lors quefaint
Jerome fit fa Verfion Latine de
Ancien Teftament , que nous
appellons la Vulgate.
Si la Langue Chinoife eft dif
ficile par la differentefignification
d'un mefme mot, la Langue Hebraïque
eft auffi difficile par la
mefme raifon ; car par exemple,
le mot ou Racine HHANAH ,
fignifie humilier , appauvrir ,
affliger, occuper, témoigner,
chanter , crier , parler , ré82
MERCURE
Le mot
pondre , exaucer.
HHALAL , fignifie eſtre la
cauſe , cauſer , rendre affligé,
envelopper , defigner , enlai
dir , vendanger , méprifer ,
méditer , tâcher , agir , cautionner.
Le mot HHARAB,
fignifie dreffer , embellir, plairre
, engager , négocier , mélanger
, s'obfcurcir , devenir
doux.
Par
Bien davantage , les mefmes
mots Hebreux ont fouvent deux
fignifications contraires.
exemple KDS , fignifie fanctifier
, prophaner. BRH fignifie,
benir , maudire. NCHM fignifie
GALANT. 83
10
a
ད
eftre confolé , eftre defolé.
SKN fignifie appauvrir , s'enrichir
, mille autres , par le
changement des conjugaisons
qu'ils appellent Binjanim , Stra
cture.
Par le manque des Voyelles ,
au lieu de lire CHOMER , qui
fignifie URNE , dans laquelle les
Hebreux gardoient la Manne;
les Payens ayant leu CHOMAR ,
qui fignifie ASNE , ils accuferent
lesJuifs , & enfuite les premiers
Chreftiens
d'un Afne dans le Sanctuaire du
Temple.
d'adorer la Tefta
Le 47 Chapitre de la Genefe
84 MERCURE
&
parlant de Faceb adorant Dieu ,
finit par ces mots Halrofch;
Ham , Mitthah , chevet du lit,
les 70 ayant leu Matthe ,
L'interpreterent Verge , ou bâton.
Dans le 11. chap . de Zacharies
verf.7. au mot Hebreu CHBLM ,,
lesfeptante-deux Interpretes leu
rent CHaваLIM, Cordanx :
fuivant les Points on Voyelles ,
depuis marquées par les Rabins
de Tyberiade
nous lifons:
CHOBELİM , qui fignifie Corrupteurs.
>
}
Les Septante leurent par les
3. Confonnes z KR, du 14. Verf.
du 26 Chap. d'Ifaye , le mot
GALANT. 85
ZakeR , qui fignifie Malle ;
S. Jerôme ayant leu ZakaR,
l'interpreta Memoire.
Les Septante dans le Chap. 3.
Verfet de leremie, leurent Reh
him , quifignifie Paſteurs. Et
S. Ierome ayant leu Rohhim,
l'interpreta Amateur, er dans le
Chapitre 9. Verfet 22', leurent
Deber, quifignifie la Mort. Et
S. Jerôme ayant leu Daber, l'interpreta
Parle. De mefme auffi
les Septante dans Oſée, Ch. 13.
Verfet 3 , leurent Harbeh , qui
fignifie Langouste , & S. Iérôleu
Habah , l'interme
ayant
preta
Cheminée
.
86 MERCURE
En voicy affez pour cette fois
& bien que l'Empereur Honorius
ait efté blámé de figner toutes
les Lettres que ces Officiers
luy prefentoientfans les lire , dequoy
fa Soeur Placidie le corri
gea , apres luy en avoirfait connoiftre
le peril , car elle fit gliffer
une Lettre à figner avec les autres
, par laquelle l'Empereur
promettoit Placidie en Mariage
un miferable Efclave. Ie me
fie pour ce coup à la bonne foy
de mon Scribe , plus Homme de
bien
que
le Notaire Lampo,
furnommé
Calamoſphacten
:
Je finis , vous affeurant de ma
GALANT. 87
main que je fuis , Monfieur,
Vostre , &c.
COMIERS.
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Résumé : III. LETTRE Concernant les Langues, les Lettres & les Ecritures. A Mr DE S.....SDIKS.
Le texte discute des langues, des écritures et des lettres, en se concentrant particulièrement sur l'hébreu, le grec et le latin. L'auteur note que la langue hébraïque compte 22 lettres, correspondant aux 22 livres de l'Ancien Testament. Les kabbalistes utilisent les lettres des versets 19, 20 et 21 du chapitre 14 de l'Exode pour former les 72 noms de Dieu. Toutes les lettres hébraïques apparaissent dans le chapitre 25 du prophète Isaïe, les lettres grecques dans les versets 19 et 20 du chapitre 3 de la première épître de Pierre, et les lettres latines dans le vers 'Gaza frequens Lybicos duxit Kartago triumphos'. L'auteur relate également des anecdotes sur l'apprentissage des alphabets, comme celle d'un jeune prince barbare qui a impressionné les Athéniens en maîtrisant les trois premières lettres de l'alphabet grec. La lettre A est considérée comme la plus facile à prononcer et tient le premier rang dans l'alphabet. Des observations sur la prononciation des voyelles et des consonnes sont également faites, ainsi que des remarques sur l'écho et la prononciation des lettres dans différentes langues. Le texte aborde aussi l'histoire des écritures, mentionnant que les Juifs et les Samaritains lisaient la Sainte Écriture en hébreu dans leurs synagogues. Après la captivité de Babylone, la langue syriaque a remplacé l'hébreu à Jérusalem. Les rabbins ont traduit la Loi en langues vulgaires pour les Juifs dispersés. La version grecque du Pentateuque, faite à Alexandrie, est appelée la Septante et a été approuvée par le Sanhedrin. L'auteur discute également de la polysémie des mots dans différentes langues, illustrée par une phrase jouant sur les mots 'conte' en français. Il oppose la stérilité de la langue chinoise à la fécondité de la langue arabe, qui possède de nombreux mots pour désigner des concepts spécifiques comme le miel, le serpent, le lion et l'épée. L'écriture hébraïque originellement ne comportait que des consonnes. Les voyelles ont été ajoutées au IVe siècle, après la destruction du Temple de Jérusalem par Titus Vespasien, pour conserver la lecture correcte des livres sacrés. Le texte mentionne des figures historiques et des exemples de mémoires prodigieuses, comme celle d'Esdras ou de Sénèque, pour illustrer la difficulté de répondre à de nombreuses questions sans une mémoire exceptionnelle. Enfin, le texte discute des difficultés de la langue hébraïque, où un même mot peut avoir plusieurs significations contraires, et des erreurs d'interprétation dans les versions grecques et latines de l'Ancien Testament dues à l'absence de voyelles. Il conclut par des exemples de malentendus causés par ces ambiguïtés.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 20-22
« Quoy que le Sonnet en Bouts-rimez qui suit ces deux-cy, / Alexandre & César ont acquis moins de gloire [...] »
Début :
Quoy que le Sonnet en Bouts-rimez qui suit ces deux-cy, / Alexandre & César ont acquis moins de gloire [...]
Mots clefs :
Alexandre le Grand, César, Exploits, Roi, Victoire, Histoire, Mémoire, Héros, Vertus
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texteReconnaissance textuelle : « Quoy que le Sonnet en Bouts-rimez qui suit ces deux-cy, / Alexandre & César ont acquis moins de gloire [...] »
Quoy que le Sonnet en
Bouts-rimez qui ſuit ces deuxcy
, ne parle qu'en genéral
de ce que le Roy a fait de
grand , il mérite bien d'avoir
place icy, par le tour heureux
que luy a donné Mª Blanchard
, Curé de Fiffé aux Environs
de Dijon..
César
ALexandre& Cefar ont acquis gloire
Parleurs Exploitsfameux, que nostre
augusteRoy;
Sa maniere de vaincre, &de donner
la Loy,
Fuſque chez les Vaincusfaitaimerſa
Victoire.
GALANT. 21
Se
Sès grandes Actions effacent leur
Hiftoire;
Uneseule Campagne enpourroitfaire
foy.
Son Nom porte partout ou l'amour ou
l'effroy,
Etpeutfeul occuperles Filles de Mèmoire.
Rome ne vit jamais Héros plus
achevé;
Son eſprit est en tout égal , vaste,
élevé,
Sa Fortune répond àson coeur intrépide.
25
L'ondoitàses vertus des honneurs
immortels;
22 MERCURE
L'Hydre aux abois faitvoir qu'il est
plus grandqu' Alcide,
Etcent Temples détruits luy valent
cent Autels .
Bouts-rimez qui ſuit ces deuxcy
, ne parle qu'en genéral
de ce que le Roy a fait de
grand , il mérite bien d'avoir
place icy, par le tour heureux
que luy a donné Mª Blanchard
, Curé de Fiffé aux Environs
de Dijon..
César
ALexandre& Cefar ont acquis gloire
Parleurs Exploitsfameux, que nostre
augusteRoy;
Sa maniere de vaincre, &de donner
la Loy,
Fuſque chez les Vaincusfaitaimerſa
Victoire.
GALANT. 21
Se
Sès grandes Actions effacent leur
Hiftoire;
Uneseule Campagne enpourroitfaire
foy.
Son Nom porte partout ou l'amour ou
l'effroy,
Etpeutfeul occuperles Filles de Mèmoire.
Rome ne vit jamais Héros plus
achevé;
Son eſprit est en tout égal , vaste,
élevé,
Sa Fortune répond àson coeur intrépide.
25
L'ondoitàses vertus des honneurs
immortels;
22 MERCURE
L'Hydre aux abois faitvoir qu'il est
plus grandqu' Alcide,
Etcent Temples détruits luy valent
cent Autels .
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Résumé : « Quoy que le Sonnet en Bouts-rimez qui suit ces deux-cy, / Alexandre & César ont acquis moins de gloire [...] »
Le sonnet de César, dédié à Louis XIV, compare ses exploits à ceux de César et Alexandre. Le roi inspire amour ou peur, et ses actions surpassent celles des autres héros. Son esprit vaste et courage intrépide méritent des honneurs immortels, comparables à ceux d'Hercule.
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3
p. 14-115
SUITE DU TRAITE DE LA SEPULTURE ET DES TOMBEAUX.
Début :
Il faut maintenant parler des Corps qu'on bruloit. Cette coûtume [...]
Mots clefs :
Sépulture, Tombeaux, Corps, Inhumation, Décès, Tradition, Grecs, Romains, Coutumes, Rois, Ensevelissement, Indiens , Présents mortuaires, Parfums, Gaulois, Richesses, Funérailles, Vêtements d'apparat, Cérémonies, Urnes, Linceul, Cendres, Bûcher, Autels, Pleureuses, Virgile, Homère, Peuples, Alexandre le Grand, Lois, Égyptiens, Juifs
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texteReconnaissance textuelle : SUITE DU TRAITE DE LA SEPULTURE ET DES TOMBEAUX.
E LA SEPULTURE
ET DES TOMBEAUX. IL faut maintenant parler des
Corps qu'on bruloit. Cette coûtume,s''"ob-s-ervoi- tc-h1-e--zd-i%v*e---r--
ses Nations. SelonlaFable,Pluton
a estélepremier quiait inhumé
les Corps; & MerealeA
esté aussi le premier qui les ait
brulez,comme dit Alexandre
Sardus, liv. I. chapitre dernier.
Argius,Fils de Licmius, a estéle
premier des Grecs dont le corps aitesté réduit encendre, ayant
r-esié tué en la guerre que ce
Peupleavoit contre Laomedon
Roy deTroye.Quoy cette que coûtume foit tres-ancienne,
elle ne laisse pas d'estre descenreduuërsjusqu'au
temps des Empe-
Romains; mais elle nese
pratiquoit presque que pour les
Personnes deconsidération.
Quand le Roy des Scythes
venoit àmourir
,
ils en vuidoient
lesentrailles,&remplissoient
le Corps de benjoin, d'encens,
de cinamome, & d'autres parfums
broyez avec de la graine
d'ache &. d'anis
,
& enduisoient
tous les membres de cire,puis
l'ayant mis dans un Chariot, ils le
portoient dans toutes les Provinces
de la Scythie,&enfin, comme
rapporte Herodote liv. 4. ils luy
donnoientlasépulture. Les Sepulcres
des Roys de cette Nation
estoient proche de l'embouchure
du Boristene, où ilcommence
àestre navigable, fort peu loin
du Païs des Gerches. Ceux qui
recevoient le Corps du Prince,
estoient obligez d'en faire autant
que faisoient ses Courtisans& [es.-
Domestiques, c'est à dire, de se
couper une oreille,de tondre leurs
cheveux en rond, de se taillader
les bras, de se déchirer avec les
ongles le nez &le front, & de
se percer la main gauche de fié-?
ches; ce qui se reïtéroit encore
au bout de l'année. Mais ce qui
^paflè toute humanité, on étrangloit
sa Concubine qu'ilavoit
chérie le plus ,
pour,l'ensevelir
dans le mesmeTombeau. De
plus, tous ceuxquiavoientesté
au serviceduPrince, ne faisoient
pas de difficulté de se donner la
mort pour l'acompagner,comme
son Echanson,ses Estafiers \,k<:
autres.C'est aussice que raporte
Zuingerus , sur la Pompe des'
Funéraillesdeces Roys.
Les Indiens avoient la coutume
de bruler les Corps de leurs Princes
,& dans le mesme Bucher
on mettoit celuy dela Femme
qu'ilsavoient le plus aimée, quoy
que les Brachmanes quiessaient
leurs Prestres, inhumassentles
Corps de leurs semblables.
t Les Thraces & les Géresgar..,z--
doientcettemesmecoûtume, de
mettre dans Je mêmeSepulcre la
Femmede leurs Princes la plus
chérie, & c'estoient les Parens les
plus proches qui luy donnoient le
coup mortel,afin qu'elle lesaccompagnast
en la mort, comme
elle avoir fait en leur viè.n
Les Ethiopiens obfervoient à
peu prés la mesmecoutume, èc
mettoient avec le Corps dans le
Bucher quantité de parfums,
,
d'herbes odoriférantes, & d'encens
, pour en rendre la flame
plus agreable à l'odorat. Autant
en faisoient les anciens Allemans,
mais sans odeurs.
Les Gaulois, avant qu'ils eussentesté
vaincus par Césarquand
il vint dans les Gaules, avoient
atîiTi la coutume de bruler les
Corps, en mettant au mesme
Bûcher ce que le Défuntavoit eu - de plus cher & de plus précieux.
Le Peuple commun chez les
, Thracesavoitunecoutumeopofée
à la plùpart des autres Na-
- tions, car on solemnisoit les Fu-
- nérailles desDéfunts avec grande - joye, des Banquets Íomprueux
& l'harmonie des Instrumens,&
ils pleuroientle jourde leurnaissance,
parce, disoient-ils, qu'ils
- estoient délivrez des travaux ôc
des périls de la vie en mourant. ,
La coutume de brûler les
Corps & de les inhumer, eftoic:
presque égale chez les Romains-:
mais la premiere s'observoit le
plus souvent pour les grands Se
lesPrincipaux;&la seconde pour; lQ..Populace. Macrobe en ses Si-.
turnales remarque que celle de
réduire les Corps en cendresa
duré jusqu'au temps des Princes
Chrétiens, c'est àdire fous l'Empereur
Theodose le jeune, à sçavoir
408 ans de la Naissance du
Sauveur.Toutefois lesFunérailles
de Poppée, comme nous avons
dit, se firent avec grande pompe
à Rome. C'est au liv. 7. chap. 7-
& Eusebe liv. 9. chap.8.
L'on trouve que Numa Pompilius
,
qui sur le second Roy de
Rome ,
donna la charge de la
Sépulture & des Funéraillesdes
Romains au Grand Pontife, ôc
qu'il fut luy-mesme inhumé prés
de l'Autel de la Fontaine Egerie,
qui estoit la Déesse qu'on dit
qu'il confultoic la nuit sur le Gouvernement
de Rome. La Lignée
des Cornéliens fut inhumée jusqu'au
temps de Sylla Dictateur,
qui fut le premier dont on reduisit
le Corps en cendres à Rome,
quoyqu'il fustde la mesme Race.
LeCorpsdu grand Pompée,
qui fut vaincu en la guerre de
PharGde., & qui dans sa retraite
en Alexandrie fut perfidement
tué, parPhotin &Achillas, Satellites
de Prolemée, & par son
ordre, fut brulé sans honneur &.
sans pompe sur le Rivage d'Alexandrie
par unancien Romain
nommé Codrus, & Cornelie son
Epouse en alla recüeillir les cendres
avec beaucoup de douleur
& d'amertnme.
Suetone
, en la vie de Jules
César, nous fait une peinture
aitteZ: lugubre de la mort de cet
Empereur; car apres avoir esté
assassinédansle Senat, son Corps
fut porté dans le Champ deMars,
pour y estre réduit en cendres,
& les cendres enfermées dansune
Urne, comme c'estoit la coutume
, & de là estre portées dans
le Monument qui devoit estre
préparé. Mais la confusion fut
si grande, que les Senateurs ne
purent tenir aucun ordre en ses
Funérailles jusque-là mêmeque
la Populace animée alla rompre
les Bancs du Sénat, pour en
apporter les débris au Bucher où
le Corps alloit estre consumé,
Virgile, livre 6. de ttEneIde;
nous fait une autre peinture d«
tout ce que l'on observoit en cette
forte de Funérailles, qyatid il
fait la description de ce qui foc
t pratiqué en celles de Mifenus,
¡ qui estoit un Trompette d'Enée,
t£c qui fut noyé. On luydressa un grand Bucher, & l'on mit
autour des Cyprés liezde Bandelettes
noires ou bleuës, avec
les Armes donc le Défunt s'étoit
servy en guerre. Apres que
le Corps glit esté lavé &. oingr,
on le mit dans un Lit, couvert
de ses Vestemens de pourpre, &
il fut porté de cette maniere au
Bucher.Selonla coutume des
Anciens, on portoit en arriere
des Flambeaux allumez, pour
mettre le feu au Bucher.
fuhj,e&awmortparentum
Avertitenuerefacçm*
Pwis08 jetta -dans le enefroeBûcher,
de l'encens;de l'huile,d. viandes, &desodeurssuaves.
Thureadom, dapes, fuso craterer
olivo.
Le Corpsestant consumé, on
arrofoitles os & les cendres de
vin noir,comme dit Tibul.liv.3.
Elégie 2.&on les enfermoit dans
une Urne,pourestremise au
Tombeau.
Le mêmeVirgile, liv.4.faitune
ample Se magnifique représentationde
tout ce qui fut observé
aux Funérailles de Didon,Reyne
de Carthage, qui s'estantdonné
elle-mesme la mort, monta sur
leBucher pouryexpirer, y ayant
fait porter lesVestemens précieuxqu'Enée
luy avoit laissez,
pour y estre consumez avec elle.
Voicy encore une autre marque
spécieuse decesAntiquités.
Cyrus, Roy des Médes & des
,
Perses,
Perses,ayant vaincu Crésus Roy
de Lydie, & l'ayant réduit en
l'état d'un misérable Esclave, ne
lefit-il pasexposer surun Bucher,
sans aucuns ornemens Royaux,
pour y estre brulé vif? Ce fut
alors que ce Roy se souvint des
paroles que le PhilosopheSolon
luy avoit tant de fois repétées
en son Palais mesme, J>h£aucun
Mortel ne se peut estimer heureux
avant lamort. Mais lors iiie ce
Roy alloit estreréduit en cendres
au milieudes flames,leCiel,
comme s'il eust estétouché du
malheureux estac de ce Prince,
permit qu'il s'élevast un si prompt
orage, qu'il éteignit le feu de
ce Bucher, & Cyrus dont le coeur
fut attendry
,
fit délivrer Cresus,
qu'il renvoya en son Royaume
dont il l'avoit dépoüillé. C'est
ce qui est rapporté par justin.
Dans un ancien Tombeau, qui
estoit celuy de Ciceron, plusieurs
siécles apres que ses cendresy
avoient esté ensevelies, on trouva
deux Urnes, dont l'une estoit
pleine des cendres de son Corps,
,& c'estoit la plus grande; &. dans
la plus petite ce n'estoit que de
l'eau, que l'on tient avoir esté
les larmes de ses Amis qui avoient
assisté à sesFunérailles. Ce Monument
est dans l'Isle deZante,
autrefois Zacynthe, dansl'Etat
des Venitiens, & futouvertl'année
1544. aux Calendes de Décembre
, comme leremarque le
Livre en Figures desMonumens
des Personnages illustres,imprimé
àUtrech. Ces mots font gravez
sur son Sepulcre, M. Tulii
Cicere, have, &tuTeptia Antonia.
Mais voicy une remarque digne
de consideration, sur la reduêè:
on des Corps des Roys des
Indes en cendres. Les anciens
Roys de ces Regions faisoient
cüeillir une espece de lin qui re..
siste au feu, & que l'on appelle
Incombustible& l'on s'en servoit
à faire des Suaires. Ces Suaires
estoient d'un prix inestimable, &
n'estoientemployez que pour les
Testes couronnées. Ce Lin se
nommoitLinum Asbestinum, Lin
inextinguible. Solinen parle;&
Pline liv.19.chap.1. dit qu'il ne
croissoit que dans les Deserts, en
des lieux extrêmement chauds,
&où les Serpens frequentent;
ainsi c'estoitla difficulté de le
trouver, & d'en cueillir. On
couchoit les Corps de ces Princes
dans des Toiles faites de ce
Lin, & on les en envelopoit, de
1arre que les cendres du Bucher
ne se pouvoientmesler avec celles
des Corps;& comme ces Suaires
neseconsumoient point dans
le feu, au contraire ils en sortoient
plus purs, il estoit facile
d'en tirer les cendres & lesossemenspour
les mettre en des Urnes
d'or ou d'autre métal precieux,
pour estre ensuite portées
dans les Mausolées deces Princes.
On donne la meqme vertu à
la Pierre Amianthos, dont on tire
une espece de Coton a pres l'avoir
batuë 5cfroifljee
; tk on s'en
1ère pareillement pour faire des
Suaires, £c des lumignons de
Lampes, dont le coton ne se
consume point au feu.
Sur cette antiquité de bruler
les Corps, on remarque plusieurs
choses
; & il en arriva une étonnante
dans le Bûcher d'Etheocle
& de Polynice,Freres & Fils,
d'OEdipe. Ces deux Princes eurent
guerre ensemble pour la
Couronne deThebes. Etheocle,
commeaîné, devoit regner la,
premiere année, & Polynice la
feconde
; mais le plaisir de regner
sembla si doux à cet Aîné,
qu'il ne voulut pas que son Frere
regnastà son tour. C'estde là
ques'éleva cette sanglante guerre
entre les Thebains& les Grecs,
car Polynice avoit épousé Arie"
Fille d'Adraste Roy d' Argos.
Cette guerre fut si funeste;
que tous les Princes Grecs furent
tuez dans la Bataille, à l'exception
d'Adrafte ; & commeelle
ne se pouvoit terminer, Etheocle
& Polynice furent contraints
d'en venir aux mains l'un contre
l'autre, & se tuerent tous deux,
leur haine n'ayant pû s'appaiser
par les larmes de Jocaste leur
Mere, non plus que par celles
d'Antigone & d'Ismene leurs
Soeurs. On leur prepara un Bucher
commun pour réduire leurs
Corps en cendres, à la veuë de
Thebes & des deux Armées;
mais tous les Assistans furent furpris
de voir la flame se separer
en deux, pour marquer que la
haine de ces deux Princes duroit
encore a pres leur mort. C'estce
quia fait triompher sur leTheatreces
sçavantes Plumes qui ont
donné la Thebaïde,l'Antigone,
l'oEdipe, & les Freres Ennemis.
On jettoitaussidans le Bucher
ce que le Défunt avoir chery le
plus, ouce qu'il avoit de plus
precieux; comme on le voit aux-1
Funérailles de Patrocle, liv. 17.
de l'Iliade d'Homere
, car pii
précipita dans le feu quatre de
les plus beaux Chevaux, avec
douze des plus nobles Troyens
égorgez pour Victimes.
Cette barbare manie d'égor--
ger des Hommes aux Funerailles
des Roys, des Princes, ou des
principaux Chefs d'Armée tuez
en guerre, efloit usitée chez les
Grecs & chez les Troyens. C'étoit
quelquefois de braves Capi.
taines, ou d'autres Prisonniers
de guerre,qu'on immoloit de
cette forte auxManes de ces Princes.
C'est ce que represente Virgile
liv. XI. de l'Eneïde, aux Funérailles
du jeune Prince Pallas,
Fils d'Evandre Roy du Latium.
Vinzerat &pett terg* maum, qws
mlttcret umhrû
Inferioé, cdfo fparfuros fanguine
lfnmmds.
On jettoir non feulement ces
Victimes dans le Bucher, mais
mesme les Armes dont le Mort
avoir pû dépoüiller ses Ennemis.
On y ajoûtoit les Vestemens les
plusriches&les plussomptueux;
comme Enée fie en celuy-cy,
ayant vestu le Corps de Pallas
d'un habit de pourpre enrichy
d'or,& l'ayant couvert d'un autre
sur le Bucher. Ces Vestemens
estoient ceux mesmes qui avoient
esté faits des mains de la Reyne
Didon, & qu'ilavoit emportez
avec luy
,
quand il l'abandonna
pour venir de Carthage en Italie.
Outre cela, une Toile pretieuse
estoit encore l'ouvrage de cette
Reyne, pour ensevelir le Corps
de ce Prince.
Tum gemmas vesses,oftroque arnaque
rigentes^
ExtulitJEtHas, quoes itli UtaUbïrum
Jpfafuù quondam manihut Sidonia,-
Did&
Fecerat>drtenuitelatdifcrcverat
aura.
De plus, on portoit les Trophées
d'Armes, & tout le riche
Butin que le Défunt pouvoit
avoir faitsur l'Ennemy
, avec les
noms des Nations qu'ilavoit prises
; & mesme on portoir les Armes
renversées, comme dit Stace
liv. 6. de sa Thebaïde. C'est ce
qu'on observeencore aux Funerailles
de nos illustres Guerriers,
en lescouvrant de Crespe. Vie*
gileau mesme liv.
¡ Indntofquc juhet truncos hojlilibm
armu
Jpfosf -rreducesy immicaquenomina
fiÉ-j.
,<5 Cette pompe estant achevée,
on disoit le dernier adieu aux
Manes du Défunt, ce qui se repétoit
trois fois; & ce que l'on
observe encore aujourd'huy aux
Funerailles des Roys & des
Reynes.
Salve jternam, mi maximeFalla,,
JEttrntWjHe vale.
L'année estant expirée, les
Parens & les Amis venoient offrir
leurs Presens sur des Autels dresfez
prés duSepulchre, & les Ensans
honoroient les Manes de
leurs Peres comme des Divinitez,
& les renoient pour tels, comme
dit Plutarque en ses Questions
Romaines, & Cornelius Nepos
en l'Oraison de Cornelie aux
Graques.
Theophraste dit, que souvent
au lieu de mettre le Corps au
milieu du Bucher, on le mettotc
dans une Pierre circulaire & creuse,
pouren conserver les cendres
sans aucun meslange de celles du
bois; mais cette circon stance ne
change point la coutume ny la
nature de la chose.
On n'égorgeoitaucuns Prison.
niers deguerre, ou Esclaves, aux
Funerailles des Princes ou des
Chefs qui estoient morts chez
eux, comme l'on voiten la mort
de Didon, dont on
-
vient de
parler. Pour ce qui est des devoirs
que les Anciens rendoient apres
la mort, c'estoit que ceux de
la Famille du Défunt, se rasoient
la teste, & jectoient leurs
cheveuxdans le Bucher avec le
Corps, ou les mettoient dans le
Sepulcre avec le mesme. On
menoit ensuite un grand deüil.
On répandoitaussi des larmes
dans les mesmesTombeaux. C'est
ce que remarque Homere, liv. 4
de son Odyssée; 6c Eurypide en
son Iphigenie.Cet office de pleurs
continuoit trois jours avantles
derniers devoirs que l'onrendoit
aux Défunts, comme témoigne
Apollonius, livre 2. des Argonautes.
, Nous voyons de plus, que
pour augmenterledeüil on loüoit
desFemmes àprix d'argent,qu'on
appelloit Pleureuses,( Tr&fieoe.)
C'est ce que dit Virgile, liv.3.
de l'Eneïde, aux Funerailles de
Polydore, que la Reyne Hecube
luyfait faire apres avoir esté tué
en Thrace par Polymnestor son
Oncle, qui vouloitusurper les
richesses qui luy avoient este
données en dépost durant la
guerre de Troye ; & les Troyens
appelloientcesPleureuses Iliades,
du mot Grec d'Homere. Elles
avoient les cheveux épars, &
jettoient de longs soûpirs, en
s'arrachant les cheveux 6c levisageavec
les ongles.
Etcircum Iliades crincm de mercfiluræ.
On prenoit aussi des Hommes
à gage pour le mesme effet, &
qui en faisoient autant que ces
Pleureuses ; mais cettecoûtume
fut défenduë aux Egyptiens par
Moïse
, comme il est marqué au
Levitique
, 19. & au Deuteronome,
14. Solon la défenditaux
Atheniens. Lamesme futdéfendue
aux Juifs
,
& les Decemvirs
la défendirent aux Romains. On
se servoit aussi auxFunerailles,
d'Instrumens lugubres ,comme
TdeFalutmes, bdeoHauutrbosis., 6c de
Cetre coutume de loüer des
Pleureux :&- des Pleureuses, a
esté fort usitée chez les Romains,
&c a duré long-temps.Il en a passé
mesme uncertain usage jusque
dans nostre siécle, que l'on prenoit
à prixd'argent desHommes
qu'on revestoit degrandes Robes
noires traînantes douze ou quinze
pieds derriere, ayant en la teste
de longs Capuçons en forme de
tuyau pendans surlevisage. Ce
font ceux qu'on employoit aux
Funéraillesdes Personnesdequalité,
quelquefois au nombre de
douze ou vingten deux rangs,
& quelquefois plus, avec un autre
qui marchoit (ènl au milieu sur le
derriere, traînant une pluslongue
queuë que les autres. Ce font ces
Hommes que l'onappelloit Babeloux
; mais à la fin cette coutume
s'est éteinte.
Tertullien au liv. 13. de la Resurrection
, tire la coutume de
bruler les Corps, de l'exemple
du Phénix, qui se prépare un
Buscher de bois aromatique,
d'Encens, de Baume,&d'autres
odeurs suaves
,
& se donne la
nort luy mesme
, pour s'y consumerensuite,
ressusciter &serajeunir;
les Hommes, dit-il, devant
un jour renaistre& revivre
comme cét Oyseau. Lactance
parle ainsi du Phenix à la fin de
ses Ouvrages.
Confinâtindefibifeunidum.si'vefipulcrumi
Nampéritutvivat,(e tamenif»fa créât.
fuccos
, o drre;î divite
IVAcdores fjlvây
JVuoslegis Ajfyrlm, quos opultn*-
TH4 Arahl.
T-unc inter variosanimam commendatodores,
Dcpojîti tanti nec timet illajidem.
Aprés avoir mis les cendres
dans le Sepulchre
, on y
mettoitles marques de (a Prosession
, fussent Hommes de
Guerre, ouqui eussent excellé en
quelque Art, comme dit Homère
d'Elpenor en son Odyssée,
quireceut d'Ohne en son Tombeau
un Aviron en espece de trophée
, pour avoir esté Homme
decoeur , &c avoir servy ce Roy
sur Mer. Autant en dit Virgile
liv. 6. en faveur de Mifénus ,à
qui Enée faitdresserunMonument
surune Montagne,qui depuis
a porté lenomdeMiséne,
oùilluy donna une Trompettes
&. une Rame,pour marquer qu'il
avoiresté dèÍon tempsexcellent
Trompette e,,,, Rameur.
Ingentimole Jcpulcrum
Jmponit,fuacjucarmaviro,remum..
que tuliâmefue.
Archimede qui avoir une parfaire
connoissance de la Geometrie
& de la Sphere
, comme dit
Ciceron
, au liv. 5. de ses Tuscu-
Janes, obtint de ses Amis d'avoir
sur sa Sepulture, pour marque de
sa profonde science, une Sphere
avec un Cylindre & un Compas.
C'estceque Plutarque confirme
aussi en la vie de Marcellius.
On tient pour asseuré que les
Romains ont appris des Juifs 6c
des Chrétiens à ne plusbrulerles
corps, comme ils avoient fait
long-temps auparavant. C'est
EusebequileditauPassagecité.
Quand on faisoit les Obséques
pour ceux qui estoient morts
en des Pays étrangers, on leur
dressoit des Tombeaux au lieu
d'Autels, au pied desquels on leur
presentoit du Vin & du fang des
Vi&imes, & quelquefois du Vin
mêlé avec le sang, &on invitoit
leurs Manes pour en venir boire.
C'est , ce que fait Andromaque
Femmed'Hector, qui avoit esté - tué par Achille à Troye. Elle
quiestoitalors remariée à Helenus,
qui regnoit en Epire, ne fait
que les simples solemnitez que
l'on rend auxMorts dont on est
beaucoupéloigné.
Les coutumes d'inhumer ou
<îebrûler les corps estoient differenteschez
diverses Nations, &-,
cda (c pratiq uent en des lieux
éloignezc'.esVilles. A Athenes
on porto*tles Corpshors laPorte
sacréej2c la mesme Loy qui
estoit observée chez les Athéniens
,
l'estoit aussi chez les Sicyoniens,
comme rapporte Plutarqueen
lavied'Aratus.
Les Habitansde l'Islede Delos
estoient encore plus religieux
en cela, & leursuperstitionestoit
telle, qu'ils tenoient que la Déesse
Latone ayant accouché d'Apollon
& de Diane en cette Isle,
il n'estoit alors licite qu'aucun
mortel yfust inhumé, ny qu'on
y
souffrist aucune Sepulture.
Aussi faisoit-on porter les Corps
des Défuntsen des Islesvoisines
pour y estre ensevelis
, tant la
superstitionavoit de pouvoir
sur l'esprit de ces Peuples.
Les Nosamons Peuples de la
Lybie
,
ayoient tant deveneration
pour les Sepulchres, & pour
ceux qui y estoient, que quand il
falloit jurer pour quelque chose
dedouteux,ils mettoient la main
surces Monumens, &faisoient
leur Serment; ou- s'il y avoit
quelque chose àdeviner,ils seretiroient
vers la nuit aux Tonru
beaux de leurs Ancestres
,
& s'y
estant endormis, comme ditTertullien
au liv.de l'Ame chap.57.ils
tenoient pour un Oracledivin le
Songe qu'ils y avoient eu endormant.
Les Celtes anciens Habitans
d'une partiedes Gaules, & proches
voisins de l'Espagne
,
n'en
faisoient pas moins, 6c se retiroient
prés des Tombeaux pour
y passer la nuit, ôcettre certains
de ce dont ils estoient en doute;
se persuadant que les esprits des
Défunts qui y residoient,les viendroient
tirerde perplexité.
Les Augiles habitans d'autour
de Cyrene
,
consultoient les Manes
des Morts de cette maniere.
Ils se couchoient sur les Sepulchres,
&aprés y avoir fait leurs
prieres,& s'y estre endormis,ils
tenoient pour réponses les visions
ou les songesqu'ils y avoient
eus.
Les Athéniens & les Megariens
ensevelissoientles corps de
diverse maniere
,
& ordinairement
les faisoient porter en l'ine
de Salamine pour les y inhumer.
Mais ces deuxPeuples estant
tombez en dispute pour la proprieté
de cette IHeJe sujet en fut
rapportéàSolon, qui n'en pût regler
la possession que par la pluralité
des Corps enterrez, disant
que les Athéniens enterroient les
cadavres des leurs le visage tourné
vers l'Occident
,
& les Mégariens
vers l'Orient, & que le
plus grand nombre devoit l'emporter.
Les Mégariens au contraire
répondirent que leur coûtume
estoit de mettre deux, trois
& quatre Corps ensemble en un
mesme Tombeau. MaisDiogéne
Laertius dit tout autrement,
& que les Athéniens enterroient
les corps la face tournée vers
l'Orient, & les Mégariens vers
l'Occident
,
& qu'il s'en falloit
rapporter à ce que Thucydide en
asvoitt éicriot pounr rés.oudre la que- Les Cariens avoient une méthode
particuliere d'ensevelir IC5
Corps de leursCompatriotes, en
laquelle ils ne sepouvoienttromper
,
si on en venoit à la dispute;
car chacun affectionnoit ceux
deson Pays, & avoitsa coutume
particuliere.
On trouve aussiquechez les
Perses, chez les Grecs, & chez
d'autres Nations, les Capitaines
aprés le Combat, prenoient soin
de renvoyer les Corpsde leur
Ennemis tuez dans la bataille,
pour leur donner la Sépulture
C'est ce que fit Pausanias chez
les Grecs envers ceux des Perses,
qui estoient demeurez sur la place
, quoy queMardonius leur
Capitaine
Capitaine n'eust pas rendu la pareille
aux corps des Grecs qui
avoient esté tuez dans le combat.
Autant en fit Philippe, Pere
d'Alexandre le Grand , envers les
Grecs, qui avoient elfcé vaincus
prés de Cheronée
, aux corps
desquels il rendit les honneurs funébres,
& les renvoya à Athénes.
Alexandre le Grand se comporta
de la mesme maniere que
son Pcre envers les Soldats de
Darius, Se envers la Mere de ce
Roy, à laquelle il permit de rendre
les derniers devoirs à ceux à
quiellevoudroit selon la coutume
des Perses, ainsi qu'il les rendit
luy mesme à SisygambisMerede
Darius aprés sa mort.
Homére Iliade2. dit la mesme
chosedes Grecs;car Nestorperfuade
auxChefs de faire recherche
des cadavres des leurs, pour
les bru!er &enensevelirles cen-
:'
dres dans un mesmeTombeau:
ce qui fut aussi la coutume des
Troyens, aussi bien que des A- théniens, de rapporter les ossemens
de leurs Mortsen leur Patrie,
comme ditThucydide Jiv.I.
>£c mesme on dressoitdesMonumens
communs aux Soldats
qlii avoient perdu la vie au sujet
de leur Pays; oùl'on ecrivoit
leurs noms ..& la Tribudont ils
estoient.
Les Romains obfervoient encore
laLoy desXII. Tables, par
laquelle il estoitpermis d'aller
chercher les -corpsdes Soldats
tuez pour lesrapporter chez
eux, afin d'y estre ensevelis ou
brulez
, comme remarque Appian
liv.1. desGuerresciviles.
Olaus Magnus Archevesque
d'Upsal liv. 6. Chap. 45. de la
Violationdes Sepulchres ,rapporte
diverses Observations,entr'autres
,
qu'Hannibal ayant
vaincu Marcellus, il en fit orner
le corps avec beaucoup de magnificence
, avant que de le reduireen
cendres; puis ilenvoya
ces mesmes cendres à son Fils,
dans une Urne d'argent, y ayant
fait ajoûter uneCouronne d'or,
pour avoir remarqué une gerérosité
merveilleuleen ce grand
Capitaine.Parlàonvoitqueles
Carthaginoisreduisoient en cendres
les corpsaprès leur mort.
MaisSyllaAgit bien d'une autre,
maniere envers le Corps de
Marius, dit le mesme Olaus, car
après une cruauté épouvantable
,
il nese contenta pas d'in-
J'i.11cer ceux qu'ilavoit vaincus,
mais il en fit arracherles os des
Tombeaux& les jetter en la
Mer. Cefut avec la mesme barbarie
qu'il traita le corps de ce
grandPersonnage, quis'estoitsignalé
en tant de batailles par ses
faitshéroïques. Mais luy mesme
, comme ditPlutarque, craignantde
servir de joüet à ses Ennemis
a près sa mort, ilordonna
par son Testament queson corps
Jufl- brulé, si tostqu'il auroirren-
>dui^me. Ce fut le premier des
Romainsdont lecorps ait entré
4ans le bucher.
Antoine se comporta avec
beaucoup de clemence envers
Brutus; car après avoir remporté
la victoire sur luy
,
il en fie envelopper
le corps dans une Cotte
d'armes de pourpre, & après l'avoir
fait consumer dans le feu, il
prit foin d'en envoyer les cendres
à Servilie sa Mere & à Porcie
son Epouse.
Solon entre ses belles Loix
, y
encomprend une ,par laquelle
il estoit défendu de faire aucune
injure auxTombeaux,aux corps
ou aux cendres, que l'on y avoit
enfermées,disantque c'estoit un
crime qui ne se pouvoit aucune- :
ment expier.
Alexandre le Grand, a prés
avoir vaincu Darius, s'envint en-
Perse, oùil fitmettreà mort un
Genéral d'Armée, pour avoir
osé ouvrir le Tombeau de Cyrus
; ayant esté touché de beaucoupde
ressentiment de ce qu.Jil
avoit leu en une Epigramme
Grecque, qui estoit sur le Monument
de ce Roy,& qui en expliquoit
les actions & lafortune,
voulant punir le crime de ce Genéral
,
Déécfvuangner lets .M.anes du Pyrrhus Roy d'Epire ne van..
gea-t-il pas avec beaucoup de justice
la mored'un Voyageur,
qu'il trouva tué dans une Campagne
êc sans sepulture, le Cadavre
en estant gardé depuis trois
jours par un Chien, hurlant incessamment
& sans manger. Ce
Roy fit donner d'abord la Scpulture
au corps, & ayant amenéce
Chien en son Camp., cé<,
animal ayant reconnu les Autheurs
du meurtre se jetta sur
eux, Be les déchiroir. Pyrrhus
averty de cela les fit prendre
&punir du supplice qu'ils merif
toient;
On voit donc, pour revenir
au principe de la Sepulture
, que
ce droit ne peut estre refusé à
qui que ce foit sans une extrême
barbarie, & sans mesme en excepter
les Ennemis. Les Philiftins
permirent aux Parens de
r
Samson d'enlever son Corps, &
de luy donner la Sepulture. Les
HabitansdeJabes de Galaad furent
loüez beaucoup,pour avoir
au peril de leur vie enlevé le
Corps de Saul & de Jonathan,
pour les porter dans les Tombeaux
des Roys leurs Ancestres.
Tobie se faisoit un devoir de
pieté d'ensevelirlesCorps, &les
retiroit mesme chez luy, quittant
le plusfouventfon repas pour les
mettredans la Sépulture , & instruisantson
Fils àce mesme de-.
voir.
Les Corps mesme de ceux qui
avoient esté crucifiez, devoient
estre inhumez avant le coucher
duSoleil. L'Ecritureenl'Eccle-
- siaste 6.3. Jerémie 36.30. avec le
cha p.22. 19.&2. Roys9.10. envisage
le défaut de Sepulture
comme une peine & comme une
malediction; & là-mesme eXiÎge.
re l'inhumanité des Chaldéens.
en ce qu'aprés la prise de JeruGw
lem, ilsn'accorderent pas. la Sepulture
àceux qu'ils avoientmassacrez.
Et Josephe liv, 4,chap.
14. déplore la misere de ceux de
la mesmeVille
,
d'estre privez de
laSepulture
,
6c d'estre exposez
aux Corbeaux & aux Bestes fau-
-
vages. Les Payens mesmes. qui
consideroient le droit de Sepulture,
comme undroit&uneloy
de la nature, disoient que l'empescher
estoit une barbarie & unefureur.
La Fable ne nous dit-elle pas
que l'on souhaitoit passionnément
que les Corps su(Ten& inhumez
,
puis que les Ombres ou
les Manesdes Défunts n'estoient
pas receus, pour aller aux
Champs Elisees
,
à moins qu'ils
n'eussent erré cent années le
long des rives du Styx,avant
que de le parler dans la Barque:
de Charon ? Encore faUQU-il.por-.
terl'argent pour le passage,qu'on
mettoit en la bouche du Mort,
& qu'on appelloit Naulus, coitime
dit Lucien en ses Dialogues
des Morts,&Virgile liv.6. del'Eneïde..
li*comnu IPltt", cernùinops, inhu*
matâqueturbaest;
Portitor ille Chilronj hiques vekit
unda, fèpulti.
Et le mesme Virgile ailleurs;
1 Nttdmin
il
ignetk. Palinurejacebis
axena.
C'estoitlacourtimedesouhaiter
que la Terre ou le Sablefust
léger,qu'on mettoit surles Corps
desDéfunts; quoy queMartial
s'enrailleen l'Epigramme30. du
liv.9. Sittibi temlevis,mollique ttgdris
IIrtlltl.,
-
Ive tUIt fif). pêjjint erucrt ossi
CAlltf
L'on, remarque encore que
ceux qui entreprenoient des
Voyages par Mar, avoient cou..
:uO'e dés leur embarquement
de pendre à leur col quelque piece
d'or ou d'argent pour le prix
de leur Sepulture, dans la crainte
de n'estre pas inhumez s'ils faisoient
naufrage ,comme dit Properce
liv. 30 Eleg. 5. Homere
Iliade 8. remarque lamesmechose.
Aussiestoitceun grandmalheur
que l'on fouhaicoit à une
personne
,
& c'est l'imprecation
queThyestefaitàAtrée.
On privoit de la Sepulture les
Corps des Parricides, comme n'y,
ayant point de punition plus rigoureuse
que de n'en pas joüir.
Chez les anciens Romains &;
chez les Gaulois on les cousoit
nuds dans des Sacs de cuir avec
un Aspic,un Chien & un Coq.
D'autres y ajoûtent un Renard,
pour estre ensuite précipitez à
Rome du Tibre dàns la Mer, &
dans le Rhosnechez les Gaulois,
comme s'ils n'estoient pas dignes
detoucher la Terre.
C'eftoir la coutume en la Loy
de Moyse, d'inhumer les instrumens
avec lesquels les Malfaifaicteurs
avoient esté punis de
mort, soit le Bois, les Pierres, le
Glaive, le Cordeau, ou quelque
autre instrumens que ce fust
afin qu'il n'en restastplus aucune
marque, comme rapporte Rabbi
Mosesd'Egypre, pour preuve
dela coutume desjuifs.,—
Le desir & l'affection d'estre
enfevely avec ses Peres & ses Ancestres
est encore, une chose iî -
naturlle, qu'on l'exprime dans
le Livre des Roysendiverses manieres.
En voila quelques-unes.
Jls'ejl-râjifmblcavecfisPères. Ouil
est retournéàfm Petiple. Ouil4
dormy avecses Peres,
L'exemple de Berfellaus est
d'une grande authorité pour marquer
ce desir; car comme il est
-dit au 2 des Royschapir. 19.
quoy qu'il fun: estimé ultime amy
de David, apres la mort d'Absalonson
Fils, àla poursuiteduquel
il avoit esté envoyé, il ne
pût estre retenu dans le Palais de
ce Roy
, ny pour e repos la seureté
,
les honneurs, ny pour les
richesses
4 ou les autres plaisirs
que David luy Offl-Olr; maisestinlatitquela
Sepulturede sesPeresestoitàpréfererà
tout cela.,il
ne fit point d'autre réponse au
Roy que celle-cy. le riay *ucm
besoin de toutesces choses; maisseulement
que je retourneen ma Cité
que il meure ,
pourestreensevely
prés du Tombeau de mon Pere. Davidfut
obligé de le laisser aller
avec beaucoup de regret de sa
Personne.
La mesmechose arriva à ceux
de Jerusalem, quand sous l'EmpereurTitus
cette Ville eut esté
"Inifeà feu 6c àsang: car lapsuspart
trouvoient la mort plus douce&
plusagréabledansleur Pays
natal, esperant joüir du Tombeau
de leurs Peres
, que de se
sauverailleurs, commechezks
Romains, comme ils pouvoient
facilement le faire. C'estceque
josephe liv. 5. chap. 2. de la
Guerre desjuifs, & Hegesippe
remarquent. Cette affectionnaturelle
se voit en l'Epitaphe de
Leonidas de Tarente. Proculab
Itala jaceo terra, Atyu TarCfilo-Patyia,
hoc veromihi acerbiusmorte.
Les Grecs & plusieurs autres
Nations ne recevoient pas les
Corps de leurs Ennemis dans
leurs Tombeaux. Sophocle le
rapporte en la vie d'Ajax, où
Teucer son Ennemy prie for-t
'Umie qu'il ne messe pas ses cendres
avec celles d'Ajax
,
à cause
de leurs anciennes inimitiez: car
ilstenoient queleur haine duroit
aprés lamort, comme on aveu
cy devantau Bucherd'Etheocle
dePolynice.
Selon l'ancienne coutume des
Hebreux, comme disent Rabbi
Jacob, & Rabbi Moses, dans
lesFunerailles les Hommes prenoient
foin des Hommes, & les
Femmes des Femmes. Le Fils
oule présomptif héritierfermoit
Ja bouche& les yeux à son Pere
ou à son Parent, & recevoit fou
dernier soupir. On coupoit les
cheveux aux Défunts
, on leur
lavoit le Corps;on les oignoit&
on les parfumoit d'odeurs. On
les envelopoit de linceuls & on
les ferroit de bandes, & en cét
étatilsestoient portez au Sepulchre.
La mesme coutumeapassé
ch,-zlesGrecs,l)ch,,--z les Juifs,
poftérieurc-nietit chez les Romains.
C'estd'où En Ni dit du
Roy Tarquin.
TarquiniicorpUJ bonafxmina lavit
& unxit.
Les Tyriens & les Sidoniens
se servoient de Pourpreau lieu de':;
linceuls. C'est pourquoi ordinairementonappelloit
les Suaires
Sindones, ou Sidones, du norn-ï
de la Ville de Sidon..,-&, delà..
Pourprequiyestoitenusage.
Comme les Gentils vestoient.
le plus souvent les Corps dCSti
Défunts, pourles porter auBucher,
couchez sur des lits [om.
ptueux, & préparez, ou dansle
Sepulchre; oùceluy qui avoirle
plus grandnombre de lits estoit
estimé le plusmagniifque,cornrrteHii
arrivaauCorps deSylla
qui en avoit 60, lesRomains .&:
après eux les Chrétiens. prirerrt.-;
la mefrne coutumed'ensevelirles
Corps avec leursvestemens. Bo-,
siusen parle amplement, & me£
me à l'égard des Martyrs, puis
qu'à Romeonatrouvé le Corps
de Sainte Cecile, avec seshabits
enrichis d'or, long-temps après
son Martyre.
Saint, Chrysostome reprend
cette pompe Ôcceccedcpetife
excessive dans les Funerailles, à
moinsque ce ne foie- pour les
Pontifes , les Empereurs , les
Roys &les Princes,ou du moins
pour des Personnesillustres de
l'un & de l'autre Sexe.
Cette coutume d'inhumer les
Corps avec leurs vestemens PontificauxdansleSacerdoce,
a esté
toutefoisobservéedans l'ancienneLoy,
commeon le remarque
dansleLevirique chap. 10. parlantdeNadab
&. d'Abiu
,
qui
faisoient la sonction du Sacerdoce,
commedeLyra l'a expliqué.
La mesme coutume s'observe
aussien la nouvelle
,
puis qu'on
laisseaux Evesques, outre leurs
vestemens Pontificaux, leur
Anneau Episcopal. C'est ce qui
se voit dans les Actesd'Arnulphe
Evesquede Soissons;car comme
Everulphe son Fiere avoit oublié
à luy mettreson Anneau Episcopal
audoigt
,
ayantdisposé le
Corpsdasl'état qu'il devoitestre
portéàlaSepulture, il se souvint
de cetAnneau,& par une merveille
surprenante
,
la main du
Mort
, quoy que les doigts en lasussentrétrecis & resserrezvers
paulme,s'estendit Scpresenta le
doist. annulaire
, &ayant recelL.
l'Anneau, parlamesme merveille)
se reserra comme elle estoit
auparavant Cela arriva aux yeux
de tous ceuxqui estoientau Convoy.
Les Egyptiens
,
les, Hebreux,
& ensuite lesjuifs&les Romains,
se servoient de Toile cle Lin, qui.
quelquefois pour ornementavoit
des filets d'or, ou decouleur de
pourpre êç.,dtazur aux exrrémitez
, pour ensevelir les Corps.
Nous en ayons rapporté des.
exemples au Corps du jeune
Prince Pallas.
Nous dirons que les Juifs ont
eni toujours curieux, de faire.
mettre les Corps deleurs Défunts
en des terres neuves,& de
n'inhumer pas plusieurs Corps
ensemble
,
prefentemeptils.
ont encore la mesme Religion &.
coutume ,
qu'ilsn'ontpoint,
changée ;ils ajoutent de petits
Sacsremplisd'odeurs souslateste
du Morten les portant au Tombeau.
Mais nous voilà venus à un
Suaire le plus précieuxde tout lemonde,
qui se garde encore en
la Ville de Turin en Savoye.
C'estceluy ou le Corpssacré du-
Sauveur sur estendu te ensevely
a près sa mort, & misdans le:
SaintSepulchre. On y voit l'étendue
duSaint Corpsimprimée
avec lesStigmatesde sesPlayes.
Ilesten grande venération en
cetteVille-là,& àcertaines Festes
de l'année onl'èxpose à la veutt
duPeupleyqui y vient de toutes,
lfo parties dela Savoye & du.
Piedmont, comme aussi déplufleursautres
Provinces. Ilestoit
auparavanten la VilledeChamberry,
en la Chapelledu Château
, lors queparaccident le feu
ayant pris en ce lieu l'an 1631le
4.de Decembre,tout y futconfumé
parles Harnes, &que les
Barreaux & les GrillesdeFer ne
purentrésister à la violence du
feu. La Chaslemesme d'argent
oùestoitleSacréTresor,surfonduë,
& leboisbrûle ; mais Dieu
permit quecesacréLinceulne
receust aucune atteinte ny dommage
,
&que l'Image du Sauveur
formée de son précieux
Sang, & qui estimprimée au
milieu du Suaire demeuraft: en son
entier. Philibertos Pingoniusde
Savoye témoinoculaire,Al-
-
phonfus Paieotus Archevesque
de Boulogne;Daniel Mallonius
ThéologienDominicain,l'Evesque
de Vultubia.
,
Chifletius &:
Simon Majole
, rapportent ce
grand Miracle, en leurs Livres
Latins.
Les Juifsont emprunté des
Egyptiens la coutume d'oindre
les Corps, & de les parfumer
d'aromars ôc debonnes odeurs,
commela Genese leditchap. 50.
Enlasepulture, des anciens Patriarches5&
dans l'Eglise nais-,: fante cette coutume s'estobservée
àl'égard des Martyrs &
d'autres, comme lesActes 8.
desApostres le remarquent, Se.
Baronius en ses Annalestom. i.,
an. 69. mais Cleraent Alexan-
DRIN 1IV.Ï..feirvoir que l'excès
de ces parfums & de ces onctions;
aecté blâmé chez les Chrétiens,
& principalement du temps des
premiers, parce que les derniers
ont beaucoup retranché de la,
coutume des Hebreux, des Egyptiens&
desJuifs. Ceux quis'employoient
au Ministere de ces
Onctions
,..
Boress'ap.pelloient Pollin-
Cette mesme coutume estreprise
par lesLoix des XII. Tablés
chezles Romains, aussi bien
que la coutume de boire en la
sepulture des Morts, & sur tour
en inhumant
-
les Esclaves. 'ElIc"
Je dit en ces plfohs',Vtiflrvilis,
un6itir*,omnisque compotatiotêl—
latur.
Cettemême Loy avouluqu'on
re&raneha(1raujdL cette magni6-
cence
oene«e?xceffiveycesparsumSjprécieux,
& ces liqueurs deMyrrhe,
aux Funérailles des PC'r[lc libres,
ne fumptuojïnitnirum rfjfflïj-ve
jkretj tffCfHt)my^rbat^yotio*-mjfrtuo
Mcretur.:rÇar:comme en ipliumantouen
brulantles Corps,
on pbrerV'Qiîii,eeBtecoutumede
jiiptçre dans les Tombeaux, ou
de jetter dans le Rucher ces bonnesodeurs,
on en voit par tout
des exemples, titu dans les Sacrez
que dans, les, P roi-mes. Ho-
2re enTon Iliade6. Virgileliv.6. del'Enéide.
Lucien au chapitre du Dcrif,
-diflours 120. parlant de Stobée,
fait mentionde cetre coutume.
Apulée en son Traité de la Se*
P dtwrc ; &. Perse, satyre 3. se raille
d'unHéritieroffensede ne trouverpasune
ample succession,&
dit ainsî,
;liIt"næ
'Offk^inodora dabït**
Nicephore'",liv..IO chap 46,
ditqu'outre les enctions on employoit
le miel, foit qu'il ait quelque
qualitéparticulièrepourempescher
lacorruption,où la rriaul
vaideodeur. Maffée, en desNarrations
historiques, raportequ'on
se servoit dechauxdans les Indes,
au lieu d'aromars,& que
cettechaux a une vertu toute
contraire à celle des autres Recrions
, carelle preserveles Corps
jdc la putréfactionailleurs elle
jesconfumeen raelnoe temps. Le
mesmeAutheur dit que la chaux
s'tîimp.lo.ye en la Sepulture des
Corps cians leParisdeCorosnandti.
•
Turfellin rapporte aussi, que la
coutume des Chinois est de vêtir
les Corps de leurs habits, Be
d'y mettre de la chaux dans le
Cercueil; que ce foin yest donné
aux Pontifes & aux Prestres de
leur Loy, & souvent aux Personnes
de pieté
; & que la plùpart
des Corps y estoient ensevelis
debout, le visage tourné
vers l'Orient, ainsi qu'on faisoit
à RomeauxVestales, qu'on enfoüissoittoutes
vives debotit,potit
avoirlaissééteindre le Feu sacré.
Corippus l'Africain, décrivant
la Pompe & les Funerailles de
l'Empereur Justinien
, rapporte
la diversité d'Onctions & d'Odeurs
aromatiques qui y furent
employées.
Pour ce qui en: des Chrestiens,
on lavoit leurs Corps apres leur
mort. Saint Luc raconte dans le
chap. 7. des Actes des Apostres,
que l'on en usa ainsi envers Tabitha.
Denis Evesqued'Alexandrie,
dans Eusebe liv. 7. chap. 22.
japporce la même coutume. Gregoire
de Tours, en son histoire
xr hap. 104. de la gloire des Confesseurs,
apprend que cette couxume
s'observoit en France de
[onrcrilps ,c'est à dire, dans le
sixiéme siécle; on en voit des
exemples dans la vie de Gregoire
I, dans les Dialogues, 8c
<tans l'Homelie38. sur les Evangiles.
Apres qu'on avoit lavé le
Corps, on le laissoit quelque
tempsexposéà la veuë de ceux
quivouloientlevoir. Celaestoit
accompagné de pleurs &. delamentations
sur les Morts; comme
on fit sur S. Etienne, aura poro
de S. Luc ch. 7. des Actes.De
là vient que Saint Paul, dans 1cchap.
4. de l'Epître aux Tessaloniciens,
console ceux qui pieu-*
rent sur les morts, par l'espérance
de la Resurrection & de
l'Immortalité.
L'Autheur des Commentaires
deJob, parmyles Ouvrages d'Origene,
fait mention dans le livre
7. des sept jours & des [cpt.
nuits de Deüil. S. Cyprien ne
l'oublie pasdans le Traité de la
Mortalité, où il tâche de le moderer.
S. Chrysostome,dans*
l'homel. 61. sur S. Jean, ne condamne
pas en ces occasions les
larmes & les pleurs, mais seulement
ce grand excez. Ilen use
dans le discours3 sur lesPhilistins,
de la mesmemaniere.Il reprend
surtoutfortementla coutume qui
s'éstoit introduitede son tem ps,
&quis'estoit enracinée, de prendre
des Femmes à prix d'argent
pour pleurer&lamenter aux Funerailles.
Ce sont celles donc
nous avons cy-devant parlé.
LemesmeS. Cyprienne menace-
t-il pas dans la 4.homelie sur
l'Epistre aux Hebreux, d'en excommunier
les Autheurs
,
s'ils
n'arrestent le cours de cette dangereuse
pratique? Gregoire de
Tours dans le chap. 34. liv.5.de
son histoire
,
& Alcuin sur le
chap. 12. del'Ecclesiaste,en parlent
de la mesme maniere que les
autres.
Comme l'excez de la pompe
& de la magnificence,s'estoit
beaucoup augmenté pour la Seu
pulture,Prudencetitre 8. de la,
Bibliothéque des Peres,le dé
critdans son Hymne des Funerailles,
àc parce que le plus souventilalloitàune
dépense eX-t
cessive, Saint Augustin dans le
chap. 12. du Livre de la Cité de
Dieu, blâmecettesuperfluité.
Gregoire I. défend de couvrir
de quoyquece soit le Cercueil
duPontife, &Íd rien recevoir
pour la Sepulture desMortsliv.4.
Epiffcre4.6c44.
Du temps desApostresil yavoit
de jeunes Gensdestinez pour la
Sepulturedes Corps. Cesont
ceux que les Romains appelloientVespi
, ouVefpillones. Ils
avoientfoiad^toutrce quidevoit
estre observé, & de l'ordre que
l'on y devoit tenir.L'histoire
d'Ananias &deSaphyra nous ef\
fait mention. Dans les temps
suivans les Personnes les plugcoil.,
siderables
,
& les plus pieuses,
faisoient gloire de.s'employer- à
ce devoir charitable, & dignede
pietei— -•
-
Gregoire de Nazianzeremarque
dans l'Oraison Funèbre-is'.
de Saint Basile,qu'il fut porté
en Terre par les mains de quefà
quesSaints Personnages,&qu'alorson
avoirestably uncertain
nombre dePersonnes pour porter
les Corpsau Tombeau.
Les Flambeaux & les Torches
ont esté mis en usage de tout
temps, comme on le remarque
.du temps des Grecs& des
Troyens C'estce quis'estpratiqué
aux Funérailles de MlfënUS"
dé du Prince Pallas,commenous
avons dir; & dans le temps des
Chrétiens Saint Cyprienfutinhumé
de cette maniere
, comme
cm levoit danslesActes de son
Martyre,dont PoncesonDiacre
fait mention ensaVie. <
M1 Rigaut & Mr Lambert expliquantlemot
Grec d'Origénè
Svcol'fel-ê]Ju:r;quilpeeutnestrte chez les: que ce
terme signifie des Joncs
, ou des
cordes de
Genest
torses
,
qui
estoientcouvertes de Cire tant audedansqu'audehors
, pour y servirdeFlambeaux.Euseb. liv.
4. de la vie de Constantin le
Grand chp. 66. y employe des
Flambeaux,avec des Cantiques
comme dit Saint Chrysostome.
Gregoire de Tours liv. 3. chap.
18. parle du son des Cloche;
Beda dans l'histoire Ecclesiastique
d'Angleterre liv. 4. chap.23.
en parlede la mesmesorte.
On faisoit des Oraisons Eupe-o
bres le jour des,F-aiiérailles-j- odrç
quelques jours après -comme1^
coûtume s'en observe encore
pour les Roys ,pour les Princes.
ou autresPersonnesdehautrang.
&; de menrer.deL'un^-de-Hau^
tre Sexe.Gregoire de Nazianze
fit celle de son Frere Cefa-,
rius, de Gergonie sa Soeur, & cte)
Saint BasilesonAmy. Gregoire
de Nysseprononça celle de Me- letiusEvesqued'Antioche.
Mais pource quiest des Qrai*
sons Funebres ou Panégyrique
&de leurantiquité, on tient que;
Valerius Publicola , qui fut dé:
claréle premier Consul de R.o*
me , pour en avoir chasse leSt
Roys par le secours que Brutus
luy presta, a esté le premier qlli
les aitinstituées après la mort dUi
mesme Brutus. Quelques-uns.
font d'opinion que dés les premiers
Roys de Rome, ces Pané.
gyriques avoient esté introduits,
puis que Romulus mesme qui en)
estoitle premier, faisant une
Harangue publique en pleine
Assemblée du Senat, & de tous
les Grands de Rome
,
& venant à
s'emporter avec excez contr'eux,
fut déchiréen pieces. Florusen
parle ainsi. Les Romains ontesté
les premiers qui ont commencé
cette Cérémonie, & les Grecs
à leur imitation s'en sont servis
apjcs eux. Il cft toutefois con.
stant que dans les Guerres des-)
Grecs, on voit Uliiîe & Ajax,
dans leurs Haranguesen la dispute
desarmes d'Achille,faireune
grande énumeration des
hautsfaits de ce Prince
,
& des
hautes qualitez desa Race, en la.
présence du Roy Agammenon,
lx des autres Princes de la Grece
,
& qu*inM les Romains ne
pouvoient pasestre les prcnliersi
Autheurs deces Panégyriques.
Mais d'autres sontde ce sentinlcnr,
que le Philosophe Selon,
qui vivoit du tempsde Tarquin
l'ancien,institua les OraisonsFunébres
ou Panégyriques.C'est
ce que die Anaximénes. Quelques-
uns en donnent l'origine i.
Thesée
,
& croyent que les Athéniens
commencerent à loüer publiquement
ceux qui avoientesté
tuez en la Bataille de Salamine,
de Marathon, ou en celledu Peloponese.
Ilestcertaincomeonvoit dans
Suetone,& en d'autres Autheurs,
que les Romains n'ont passeulementloüé
les Illustres Personnagestuez
enG uerre,maisaussi ceux
quiestoientmortsenPaix,& mek
me rllffi les Femmes d'une qualiré
éminente; commefit Jules
Cesarâeé de Il ans aux Obséques
de sa Tante du cossé de son
Pere, devant les Sénateurs ôc
dans le Barreau, & pareillement
son Epouse. Tibere en fit autant
aux Funeraillesde son Pere;
te Mutius Scevola loüa en publicaussisaMere.
Nous avons dit que les Funéraillesestoient
accompagnées de
Cantiques. Chez les Grecs on
appelloit ces Chants Nxm* ÔC
Epicedia. Les Latins les appelloientPlanctusouLamenta.
Ilest
certain que les Hebreux & les
Juifs s'en font servis dans leurs
temps, ce qui est remarqué dans
l'Ecriture Sainte, & que le Roy
David lesa employez enla mort,
de Saul & d'Abner. Les Romains
ont voulu éteindre ces excez
de Lamentations par leur
Loy des XII. Tables qui le dit
ainsi
,
Mulicrcs ne gaiM radunto,
parce que, comme nous avons dit,lesFemmess'arrachoient les
cheveux & lesjouës.
De plus, on farsoit des dinri..
butions d'aumônes
,
de Pains &
de Viandes, comme disent Oriigcne
6c Saint Hierôrne en la
Lettre26à Pammachius, pour
le consoler de ht mort de Pauline
dfo'EBpeimstmree6,4&àSaint Augustin en CarthAuraeleEgvesqeued.e
1 On faisoit pareillement des
Banquetsprés des Tombeaux
des Défunts, qui s'appelloient
Agapes, comme par une dilection
fraternelle.C'est dont parle Saint
Cyprien, ,-z Tertulien en son Apologetique
chap.39. où les
Pauvres estoient admis. Mais
ayant remarqué que l'abus s'y
estoit glissé
,
il les reprit aigrement
, ainsi que Saint Gregoire
de Nazianze. Ces Agapes sefaisoient
allffi bien en la naissance
qu'aux mariages. Ilsemble que
la coutume de faire des Banquets
soitvenue ds Gentils: car c'étoit
leurordinaire de préparerde
grands Festins aux Funérailles
en faveur des Manes des Défunts,
ausquelsils se persuadoient
qu'ils venoient assister ,& prendre
un grand pjaiur) ou quedu
rnojnsils se repaissoient de la su-
-mée des Viatid-esiiLifif -clcfto-It
la coûtume de les y inviter, en
criant à haute voix dans le Sepulelire.
£
Les Grecs appeloient ces Banquets
Firidipnd, & les Romains
Parentalia.On1aiiTo11 {owvcnt ces
Viandes préparées sur les Tomjleaux
, ou on les consumoit au
feu. Homere&Virgileen font
menton, 5c ce dernier au liv.
del'Eneïde.
Libavitque dapes.
Lucien en ses Dialogues,dit quecette
superstition s'estoit estenduë
chez plusieursNations, jusqu'au
temps de Saint Augustin,
comme ce Saint Personnage le
rapporte au Discours 15. & il la
reprend bien à propos en ces termes.
-Ztioy ? l'esprit ou lesames Ititsontdhachée
s des liens de leurs Corps,
ont- elles besoin de ces fomptueuxr
Banquets ? Mais la pieté des anciens
Patriarches estoit bien éloignée
delaGentilité &dessuperstitions
des Anciens; car ils employoient
ces Viandes presentées
surles Tombeauxà la nourrituredesNécessiteux;&
cette coûtumes'estreligieusement
observée
du temps des Israëlites, comme
on le peut voiren la Sainte Ecris
tureTobie3. 17.où le Pere lare,.
commandefôiemnellemcnc au.
jeune Tobie: selon que l'ont remarqué
Lyranus & Turrianus.
Du temps des premiers Romains
Numa. Pompilius leur
Roy,voulut que le grand Pontife
eust le foin de rendre les honneursaux
Di.ux.Mânes, ôc principalement
à la Déesse Libitina*
qu'ils tenoient présider à la nJor[;
d'oùvient que l'onappelloit ceux
qui estoient employez à ces. devoirs
Libitinarrii. Il y avoitaussi
à Rome la Porte Libitinensis,
prochel'AmphithéâtredeStatilius
, par laquelle on porroit Ice,
Corps des Gladiateurs dans le
lieu de leur Sepulture. C'est dcquoy
parle Plutarque.
Les Jeux Funébres se celç
broient aussi en la Ville de Rome.
Celuy des Gladiateurs y estoit
employéen l'ivonueur des priacipaux
Rjomains/,pembm que
leurs Corpsestoient dansleBucher
j,&delà les Gladiateurs qui
y combattoientestoient appellez
jtujfaarii. Marcus&DéciusFils
de Jimtas Brutusfurent lei.p'r-t..
miers qui en célebrerenten faveur
de leurPere. CesJeux fureur
empruntez des Grecsi &: dds.,
_Troyen&vcommeoolàybied&tîs
Je Ity. 5de l'Encide
,
oir'Enéten;
J^hontxcùn,de;fan Pere Anchise
e,nff\aitRrep.re0sen'tfer decinqfortes déxSidtevdù
lsontPère eftoir>uVtaia^rc,:ce^jui se t€<Q~apwéailÀh. finy.
ExPectata dies aderat:-,twnamquâv
A : firwk
sîttroram Phaetonttstquijam lute
firtbant.
Les Cyprez seplantoient ordinairement
anx Funerailles des
Princes&des grands Seigneurs,
autour de leurs Sepultures, & de
leurs Tombeaux, & i-nest-nede-
Tvant la par te deleurs maisons.
C'cft uneespeced'Arbre fiiiieste,
& qui est pris pour lamort,
car estant coupé il ne renaist ja-
Olis.., L'Ache servoit auxSépultures
dela, Populace auliude
cet Arbre. C'fist ce que reprecseentDe
Ailscitaitqenusees.vEm"blêmespar
:JF'IIndr-a. rèjt rbort ProcetiumMomi- :. monta CUpsiJfUJ T • aleApiumpiebisprotrîfrefrondefolct.
-1 De plus, on nettoyoit la Maison
du Mort avec une espece de
Balay particuliere ;&ceuxqui
avoient ce foin s'appelloient £-
verrancdtûres'.i:
•' Chez les Anciens on couvroft
de guirlandes deFleurs la telle des
Vierges, avant que de les mettre
du Tombeau; on yen jettoit
ausside blanchesen faveur de leur
Virginité, comme Damascéne
& Nyssénus le remarquent.
Chez les Romains quand une
Veuvemouroit, quin'avoiteu
qu'un seul Mt.TY
, on la portoit
au Tombeau de son Epoux,avec
une Couronne de pudicité. On
a souvent envoyéles Corps des
Défuntsvétus de blanc dans le
lieu de leur Sepulture. LesFemmes
mcfmedes Personnes de
qualité
,
dansles Funerailles de
leurs Epoux se vétoient d.l: meftiiecouleur.,
La mesme coûtume s'observe
encore en Angleterre, deseservir
de Fleurs blanches & de vétir
les Corps des Défunts d'habits
blancs. Celasepratiquoit
autrefoisen France en la mort
d'un Roy* & la Reyne se vétoit
deblanc, c'est d'oùest venu le
nom de la Reyne Blanche, comme
Alexandre Surdus l'a remarqué
,&PoLydore \fJgleij (t.
chap.7
On avoit aussicoûtume quelquefois
aprèsles Obsç..ques.detré.,.
pandre diverses El^utsP/irfiarns-,
,for les Sepu^cbrps te Peuple Romain sur celuy d-up
,des Sçipioiis-- si c'estoisun Giierrier^on,aaackûitauro^•
Monument son Bouclier, son
Casque, son Epée & divers au..
tres Ornemens. Cette coûtumen'est
pas encore efteinte presentement,
comme on peutvoir
dans nosTemples,oùsont les,
Drapeaux& les Armesde nos
Genérauxd'Armée,arrachez
aux Voutes, C'est ce qȣ;dit
fort propos Virgile Iiv. 9. de l'Ete,
neïde. 1> Sufvcndi've-Thala,autfatmadftuy
/iigid-Jixi.
On mettoit des feüilles, de
Laurier, de Marthe, ou de quel
ques autres Arbresqui gardent
leur verdure
,
dans les Tombeaux,
fous les Corpsdes Défunca
; ce que Duranres remarqueestre
un Symbole mysté- r:Íde:l'immortalité,enfaveur
de ceux que l'on croit ne prendre
qu'un doux sommeil, pourrevivre
un jour mieux qu'auparavant.
Il yavoit de plus les Lampes
sepulcrales que l'on mettoit dans
les Mausolées. Ces Lampes
avoient une vertu particulière
qu'ellesne s'esteignoient aucunement
, tant qu'elles n'avoient
point d'air; foit que cette vertu
vinst du Lumignon qui pouvoir
estre fait du Lin Asbestos, ou de
la Pierre Amianthos dont nous
avons parlé, ou que cela procès
dast delamatiere ou de l'Huile
qui yestoit employée. Nous
avons Saint Augustin pour témoin
,
de cette vérité. Il dit
en sa Ciré de Dieuliv. 1. chap. 6,.
qu'en foüillant dans les ruines
d'un
;'¿'un ancien Monument
, on y
trouva une Lampe d'or, qui se-
Ion son inscription y avoit demeuré
allumée prés de deux mille
ans, & que quand l'air y eut entré,
elles'esteignit. Il est encore
certain que dans Rome on trouveassez
souvent de ces Lampes
dans les Catacombes & en d'autres
lieux. Roma subterranea. en
peut fournir des exemples.
Quoy que nous ayons dit un
mot des Epitaphes & de leur origine,
en parlant de la Sepulture
d'Abel,ilest à proposdeles distinguerdesinscriptions.
Lesinscriptionsmarquent
sur des Pierres,
Airain ou autre Matier,certains
ou Tombeaux appartiennent, &
d'ordinaire les mots en estoient en
abrégé, commeon le peut voir
en ces Lettres Sepulchrales. H.
M. N.H.S. qui veulent dire, hoc
monumentum non hæredessquitur.
Mais les Epitaphescomprenoient
ordinairement les noms, les dignirez
& les vertus, ou les hautes
actions de ceux qui estoient en
ces Monumens. On remarque
que les plus anciennes avoient un
style particulier,&uneagréable
varietédans leurs termes, quoy
que quelques-unes fussent simples
& naïves; & comme elles ne
sentoient ny les Vers ny laProse;
il y avoit un art ou une cadence
dans les mots donton les formoic
qu'on appelle Art Lapidairey &
qu'manuel Thesaurus de Sa.,
voyea fait revivre en la vie de ses
Patriarches. Ce sçavant Personnage
a fait des Peintures
achevées de toutes les Personnes
qu'il a écritesenson Livre, &on
ne les lit qu'avec admiration. Son
Livrea esté imprimé depuis
quelque temps à Rome avec
deux fois autant d'augmentation
sur d'autressujets curieux & sçavans.
La pluspart des Epitaphes se
faisoient aussi en Vers; & pour
voir les Eloges que l'on donnoit
au merite
,
à la dignité & aux
vertus des Personnes
,
le Livre
intitulé Rome Souterraine, en fournit
un grand dombre tant parinscriptions
que par Epitaphes,
creant recueillies de divers Autheurs.
Plusieurs ont écrit leurs Epitaphes
de leur vivant, comme Je
CardinalBaronius le rapporte de
Cassius,Evesque de Narnie.
Pierre leDiacre a fait un excellentTraité
des Epiraphes &
des Inscriptions, & mesme des
marques Hierogliphiques ou Caracteres
Romains
,
qui setrouvoient
sur les anciens Tombeaux
ou Sepulchres. Bossus est aussi.
un Autheur fort curieux de ces
antiquitez
,
de mesme queJean
Severanus&PaulAringhus.
Vvolphangus traitant cette
matiere liv.3. chapitre dernier,
rapporte tant sur Rome, sur
Naples, que surle Portugal, &
autres lieux, plusieurs Epitaphes
& Inscriptions fort ancien-
¡,Des & dit qu'on a trouvé plusieurs
vaisseaux d'or, d'argent,
d'Airain ou d'autre matiere dans
les Sepulchres, dans lesque's les
ossemens & les cendres des Corps
estoient encore enfermées,& il en
marque souvent les temps.
Pausaniasen ses Atriques mir,
que de quel temps les Epitaphes
ont commencé
,
6c dit aussi que
l'on érigeoir des Autels à la Milicequiavoiresté
tuéepour la désensedela
Patrie, & qu'on luy
rendoit des honneurs annuels; ce
que Lycurgue ordonna aussi d'être
observé.
Pour ce qui est d'inhumer les
Corps couchez sur le dos, la teste
vers le Couchant, & les pieds
vers l'Orient,c'est ce que Quailard
a remarqué dans ses Voyages
de la Terre Sainte, & ce qui se
pratique encore aujourd'huy. Le
Concile de Maçon,Canon 17.
défend d'inhumer les Corps les
uns sur les autres) mais on doit
les mettre à costé. Ille dit ainlÏ.
Non licet mortuum filer mortuum
mitti.
Les Instituts de l'Empereur
Justinienne permettent pas d'ensevelir
aucun dans le Tombeau
d'aurruy
,
sans sonconsentement.
Non licct inferre mortuum in tumutum
alienum invitodomino.
Les Romains eurent leur temps
limité pour regretter les morts;,
car Numaajouta aux Sacrifices
qu'il avoit établis, ceux que l'on,
devoit faire aux Dieux Mânes.
Il défendit de regretter aucun
enfant au déssous de trois mois,
& ne jugea pas à propos qu'un
plus âgé sust regretté plus de
mois qu'il n'avoit vécu d'années.
Pour les Personnes mariées, le
terme estoit fixé à dix mois au'
plus. Mais si quelque Femme
se remarioit avant ce temps, elle
eneaoitreprise
,
& c'estoit une
honte pour elle, selon le Code Be
l'Ordonnance de ce Roy.
Il n'en alla pas de mesme de
cette Veuve de la Ville de Lyon,
qui sans garder les temps preferitspar
l'Ordonnance, épousa
vingt trois Maris, & dont le dernier
l'ayant mise au Tombeau,
fut couronné de Fleurs, ayant
une branche de Laurier en la
main, en marque de victoire &
de triomphe, & accompagna le
Cercueilen cette maniéré, avec
toute la jeunesse de la Ville, qui
pour honorer les Funerailles yfit.
venir les Violons, & les Hautbois,
qui joüerent par concerts
&.avecmélodie, comme sic'eust
esté une nopce au lieu d'un convoydemort.
Plutarque dit en ses Problèmes
que les Veuves mettoient bas
leur Pourpre
,
leurs Anneaux,
leurs Bracelets,& qu'elles se vétoient
de blanc;mais que le temps
du deüil estantexpiré, elles reprenoient
leurs vétemens fomptueuxavec
leurs Bijoux;comme leditTite Live.
Chez les Juifs le deuil,estoit
de trente jours, & les Anglois
observent la mefoiecoutume à
Rome, selon Horace en ses Epodes,
on faisoit un Sacrifice le 9.
jour d'aprés la Sepulture; & les.
eux commençoient le mesme
ouraussi.
Novendiales dissiparepulveres.
Il y avoic une coutume chez
les Rojmains,qui sentoit fort son
antiquiré
, comme le fait voir S.
Augustinen la Cité de Dieu liv.
4. chap. 11. par laquelle cette
Nation faisoit mettre à terre les
Enfans nouveau-nez par les mains
des Sagefemmes, êt les Peres les
relevoient , pour se remettre en
memoire que toutes choses doivent
retourner en leur principe.
De là estoit pris le nom de l'adresse
Levana , que les Gentils
adoroienr.
Ona veu des Sepulchres miraculeusement
construits en peu
de temps. Sous l'Empereur
Trajan, Saint Clement I. Pontise
Romain de son nom , ayant
esté précipité une Ancre au col,
les Eaux se retirant à Tes prieres,
les Anges luy érigerent un Monument
au fond de la Mer, afin
de luy donner la Sepulture en ce
lieu. Céc Elément par une merveille
surprenante, se retiroittous
les ans la veille de saFeste en
forte que tout le monde pouvoit
allervisiter ce Sepulchre que la
Mer reconvroit après le jour expiré.
C'estoù un Enfant demeura
endormy pandant un an par
miracle.
Les Iafiensérigerentun magnifique
Mausolée à un jeune Enfant
&à un Dauphin, pour l'amour
qu'ils avoient contracté
ensemble. Ce Poisson avoir
coutume de porter cet Enfant
surla Mer en se joüant, & de le
rapporter au rivage; maisayant
filé piqué d'unedesépinesde
son dos, il en mourut; ce qu.
ayant apperceu le Dauphin ,il en
mourut de regret. Leurs Corps
estant trouvez sur le Sable, ils furent
portez en ce Monument.
Lesmesmesérigèrent une Statue
de Marbre en leur honneur, representant
un Dauphin qui portoit
un Enfant sur son dos, avec
cette belle Devise.
Non ponaasamori.
Ils fabriquerent mesme des
Médailles d'argenr qui representoient
leurs Images, & laisserent
à la postérité l'histoire de leur
amour. Les Romains se vantent
qu'il en est autant arrivé au Lac
Lucrin, prés de leur Ville.
Ilsetrouve des animaux qui se
rendent ce devoir les uns aux autres.
Les Gruës
, comme dit Elian
livre2.. cha pitre 1. partant de
Thrace pour passer en Egypter
afin d'y trouver un Climat plus
temperé
,
si quelqu'une de leur
compagnie meurt en chemin, elles
s'assemblent autour, la couvrent
de Sable, & continuent
leur route, après luy avoir rendu
ce dernier devoir.
Les Abeilles, comme dit Virgîle
liv. 4 des Georgiqnes,nese
rendent-elles pas ce dernier de.
voir en leurs Funerailles
, avec
beaucoup de foin & deregret?
Tum corpçra Luce carentum
Exportant tefîis, & tristia funert
dueunt.
Mais voila une merveilleuse
surprise qui arriva aux yeux des
principaux Romains. Drufilla
Epouse del'Empereur Caligula
estant morte, comme on en
brûloit le Corps avec la pompe
& la magnificence accoûtumée,
une Aigle qu'elle avoit élevée ôc
nourrie de sa main,& qui la fuivoit
en quelque part qu'elle allast
en volantd'Arbre en autre,
voyant que l'onmettoitle Corps
de cette Impératricedans le Bu.
cher, s'y précipita d'elle mesme
& s'y consuma à même temps;
canc la passion de cet Oyseau
estoit grande.
Avant que l'on mhumast dans
les Villes & dans les Temples, on
mettoit les Corps en des Grottes
souterraines, ou dans lesChamps
en des lieux que l'on appelloit Mress
comme il estdit de Saint Cyprien
,qui sur inhumé dans l'Aire
d'un Procureur nommé Candide.
Souvent on élevait, des
Monumensdes Sepulchres sur
les lieux où les Martyrs avoient
esté ensèvelis. Les Caracombes
à Romenousdonnentun témoignage
de ces Sepultures.
La Loy des XII. Tables défendoit
de brûler ou d'inhumer
aucun dans l'enceinte de Rome
,& elle portoit ces mots, Iin
urbene fepelito, neveurito. Dans
ce tempslà il y avoit beaucoup
de Monumens ou Tombeaux autour
de cette Ville, tant vers la
Porte Capene, au chemin d'Appie,
que vers la Porte Nomentane.
Les plus considerables
estoientdans le Champ de Mars,
comme asseure Clemenc Alexandrin
liv. i. des Guerres Civiles.
Mais ensuite de ces premiers
temps, on a inhumé les Corps à
la porte des Temples, & en leur
circuit, & l'une a pris exemple
sur Vautre. L'Empereur Constantin
le Grand fut enseveli à
Constantinople dans le Portique
du Temple des Apostres; Clovis
à Paris enceluy de Saint Pierre
Saint Paul, aujourd'huy Sainte
Geneviéve; Clotaire dans celuy
de Saint Germain des prez;Charlemagneà
Aix laChapelle dans
le Temple de Sainte Marie.
Enfin la coûtume se relâcha
de n'inhumer pas dans les Villes,
ny prés de leurs enceintes&l'on
permit à Kome ,&principalement
à ceux qui avoient mérité
le Triomphe
,
d'avoir leurs Sepulchres
dans la Ville, comme
aussià ceux qui par leur race ou
par leurs vertus estoient illustres.
Delà ca venuë la Ruë Patricienne,
où il y au pied du Mont VL:
minal & Quirinal
,
quanrité de ;
Mausolées pour cesPersonnes
considerées.Enfin l'usage s'en est
introduit par tout, & l'on n'a plus
eu d'égard aux Loix qui ledéfendoientauparavant.
Mais avant que de finir ce discours
,nous dirons que les Turcs,
estant prests de mettre au Tombeau
les Corps des leurs, lesrasent
& les lavent, & que leurs
Sepulchres font sur le bord des
chemins , 6c qu'il ya eu des Roys
&desPrinces qui faisoient porter
Jeurs Tombeaux au front de leur
Armée, pour avoir l'image de la
Mort devant leurs yeux, ôc pour
ne la pas redouter dans les combats
; comme dit Calcondyle livre
3. Le Tombeau de Mahomet
quiestàlaMéque, &que quelques
Autheurs disent estre de
Fer, & soutenu en l'air par la vertu
de l'Aimant ,est visité tous les
ans par de grandes Caravanes de
quatre-vingt & cent mille Personnes,
pour estre en asseurance
contre les Arabes qui ont coutume
de lesdétrousser sur le che.
min, & où l'on porte un magnifique
& riche Pavillon de la part.
du Grand Seigneur, pour en
couvrir le Tombeaude leur Prophete.
Quoy queles 8c les Mau[ol¿Ci",
leurs Tombeaux au front de leur
Armée, pour avoir l'image de la
Mortdevant leurs yeux, & pour
ne la pas redouter dans les combats;
comme dit Calcondyle livre
3. Le Tombeau de Mahomet
quiestàlaMéque, &que quelques
Autheurs disent estre de
Fer, & soutenu en l'air par la vertu
de l'Aimant, est visité tous les
ans par de grandes Caravanes de
qatre-vingt & cent mille Personnes,
pour estre en asseurance
contre les Arabes qui ont coutume
delesdétrousser sur le che.
min, & où l'on porte un magnifique
& riche Pavillon de la part
du Grand Seigneur, pour en
couvrir le Tombeau de leur Pro-
Pl-icte.- (II
Quoy queles & les Mausolées
magnifiques Sepulchres donc
nous avons parlé, ayent esté pour
les Roys & pour les Princes,
voicy qu'un accident fait qu'une
Fourmy est plus noblement ensevelie
queCleopatre Reyne d'Egypte.
CetteEpigramme ledit,
parce que ce petit animal fut enfermé
dans de l'Ambre transparent
,
& cette Reyne dans du
Marbre.
Ilm'Vis mygdemojaccat Cleopatra
flpulcro,
Use Formica iacetnobilioreleco.
Nous finirons parleSepulchre
de Timon
,
dit le Misantrope
,
qui
avoit esté construit surle bordde
la Mer, & que cét Element avoit
tellement en horreur, qu'il vomissoit
continuellement ses Flots
contre ,
&: avec le remps le repoussa
fort loin; car comme il
avoit eu en haine les Hommes,
leMer n'en eut pas moins de son
: Corps 6cde son Tombeau.Voila
l'Epitaphe qu'ils'estoit fait luy
mesme, & que l'onvoyoit.
Hicfrm possvitam miferdmque ¡no.., ftraquefepultwi ..-
Nomcn non quaras, dii Icélor,tt
maieperdant,
ET DES TOMBEAUX. IL faut maintenant parler des
Corps qu'on bruloit. Cette coûtume,s''"ob-s-ervoi- tc-h1-e--zd-i%v*e---r--
ses Nations. SelonlaFable,Pluton
a estélepremier quiait inhumé
les Corps; & MerealeA
esté aussi le premier qui les ait
brulez,comme dit Alexandre
Sardus, liv. I. chapitre dernier.
Argius,Fils de Licmius, a estéle
premier des Grecs dont le corps aitesté réduit encendre, ayant
r-esié tué en la guerre que ce
Peupleavoit contre Laomedon
Roy deTroye.Quoy cette que coûtume foit tres-ancienne,
elle ne laisse pas d'estre descenreduuërsjusqu'au
temps des Empe-
Romains; mais elle nese
pratiquoit presque que pour les
Personnes deconsidération.
Quand le Roy des Scythes
venoit àmourir
,
ils en vuidoient
lesentrailles,&remplissoient
le Corps de benjoin, d'encens,
de cinamome, & d'autres parfums
broyez avec de la graine
d'ache &. d'anis
,
& enduisoient
tous les membres de cire,puis
l'ayant mis dans un Chariot, ils le
portoient dans toutes les Provinces
de la Scythie,&enfin, comme
rapporte Herodote liv. 4. ils luy
donnoientlasépulture. Les Sepulcres
des Roys de cette Nation
estoient proche de l'embouchure
du Boristene, où ilcommence
àestre navigable, fort peu loin
du Païs des Gerches. Ceux qui
recevoient le Corps du Prince,
estoient obligez d'en faire autant
que faisoient ses Courtisans& [es.-
Domestiques, c'est à dire, de se
couper une oreille,de tondre leurs
cheveux en rond, de se taillader
les bras, de se déchirer avec les
ongles le nez &le front, & de
se percer la main gauche de fié-?
ches; ce qui se reïtéroit encore
au bout de l'année. Mais ce qui
^paflè toute humanité, on étrangloit
sa Concubine qu'ilavoit
chérie le plus ,
pour,l'ensevelir
dans le mesmeTombeau. De
plus, tous ceuxquiavoientesté
au serviceduPrince, ne faisoient
pas de difficulté de se donner la
mort pour l'acompagner,comme
son Echanson,ses Estafiers \,k<:
autres.C'est aussice que raporte
Zuingerus , sur la Pompe des'
Funéraillesdeces Roys.
Les Indiens avoient la coutume
de bruler les Corps de leurs Princes
,& dans le mesme Bucher
on mettoit celuy dela Femme
qu'ilsavoient le plus aimée, quoy
que les Brachmanes quiessaient
leurs Prestres, inhumassentles
Corps de leurs semblables.
t Les Thraces & les Géresgar..,z--
doientcettemesmecoûtume, de
mettre dans Je mêmeSepulcre la
Femmede leurs Princes la plus
chérie, & c'estoient les Parens les
plus proches qui luy donnoient le
coup mortel,afin qu'elle lesaccompagnast
en la mort, comme
elle avoir fait en leur viè.n
Les Ethiopiens obfervoient à
peu prés la mesmecoutume, èc
mettoient avec le Corps dans le
Bucher quantité de parfums,
,
d'herbes odoriférantes, & d'encens
, pour en rendre la flame
plus agreable à l'odorat. Autant
en faisoient les anciens Allemans,
mais sans odeurs.
Les Gaulois, avant qu'ils eussentesté
vaincus par Césarquand
il vint dans les Gaules, avoient
atîiTi la coutume de bruler les
Corps, en mettant au mesme
Bûcher ce que le Défuntavoit eu - de plus cher & de plus précieux.
Le Peuple commun chez les
, Thracesavoitunecoutumeopofée
à la plùpart des autres Na-
- tions, car on solemnisoit les Fu-
- nérailles desDéfunts avec grande - joye, des Banquets Íomprueux
& l'harmonie des Instrumens,&
ils pleuroientle jourde leurnaissance,
parce, disoient-ils, qu'ils
- estoient délivrez des travaux ôc
des périls de la vie en mourant. ,
La coutume de brûler les
Corps & de les inhumer, eftoic:
presque égale chez les Romains-:
mais la premiere s'observoit le
plus souvent pour les grands Se
lesPrincipaux;&la seconde pour; lQ..Populace. Macrobe en ses Si-.
turnales remarque que celle de
réduire les Corps en cendresa
duré jusqu'au temps des Princes
Chrétiens, c'est àdire fous l'Empereur
Theodose le jeune, à sçavoir
408 ans de la Naissance du
Sauveur.Toutefois lesFunérailles
de Poppée, comme nous avons
dit, se firent avec grande pompe
à Rome. C'est au liv. 7. chap. 7-
& Eusebe liv. 9. chap.8.
L'on trouve que Numa Pompilius
,
qui sur le second Roy de
Rome ,
donna la charge de la
Sépulture & des Funéraillesdes
Romains au Grand Pontife, ôc
qu'il fut luy-mesme inhumé prés
de l'Autel de la Fontaine Egerie,
qui estoit la Déesse qu'on dit
qu'il confultoic la nuit sur le Gouvernement
de Rome. La Lignée
des Cornéliens fut inhumée jusqu'au
temps de Sylla Dictateur,
qui fut le premier dont on reduisit
le Corps en cendres à Rome,
quoyqu'il fustde la mesme Race.
LeCorpsdu grand Pompée,
qui fut vaincu en la guerre de
PharGde., & qui dans sa retraite
en Alexandrie fut perfidement
tué, parPhotin &Achillas, Satellites
de Prolemée, & par son
ordre, fut brulé sans honneur &.
sans pompe sur le Rivage d'Alexandrie
par unancien Romain
nommé Codrus, & Cornelie son
Epouse en alla recüeillir les cendres
avec beaucoup de douleur
& d'amertnme.
Suetone
, en la vie de Jules
César, nous fait une peinture
aitteZ: lugubre de la mort de cet
Empereur; car apres avoir esté
assassinédansle Senat, son Corps
fut porté dans le Champ deMars,
pour y estre réduit en cendres,
& les cendres enfermées dansune
Urne, comme c'estoit la coutume
, & de là estre portées dans
le Monument qui devoit estre
préparé. Mais la confusion fut
si grande, que les Senateurs ne
purent tenir aucun ordre en ses
Funérailles jusque-là mêmeque
la Populace animée alla rompre
les Bancs du Sénat, pour en
apporter les débris au Bucher où
le Corps alloit estre consumé,
Virgile, livre 6. de ttEneIde;
nous fait une autre peinture d«
tout ce que l'on observoit en cette
forte de Funérailles, qyatid il
fait la description de ce qui foc
t pratiqué en celles de Mifenus,
¡ qui estoit un Trompette d'Enée,
t£c qui fut noyé. On luydressa un grand Bucher, & l'on mit
autour des Cyprés liezde Bandelettes
noires ou bleuës, avec
les Armes donc le Défunt s'étoit
servy en guerre. Apres que
le Corps glit esté lavé &. oingr,
on le mit dans un Lit, couvert
de ses Vestemens de pourpre, &
il fut porté de cette maniere au
Bucher.Selonla coutume des
Anciens, on portoit en arriere
des Flambeaux allumez, pour
mettre le feu au Bucher.
fuhj,e&awmortparentum
Avertitenuerefacçm*
Pwis08 jetta -dans le enefroeBûcher,
de l'encens;de l'huile,d. viandes, &desodeurssuaves.
Thureadom, dapes, fuso craterer
olivo.
Le Corpsestant consumé, on
arrofoitles os & les cendres de
vin noir,comme dit Tibul.liv.3.
Elégie 2.&on les enfermoit dans
une Urne,pourestremise au
Tombeau.
Le mêmeVirgile, liv.4.faitune
ample Se magnifique représentationde
tout ce qui fut observé
aux Funérailles de Didon,Reyne
de Carthage, qui s'estantdonné
elle-mesme la mort, monta sur
leBucher pouryexpirer, y ayant
fait porter lesVestemens précieuxqu'Enée
luy avoit laissez,
pour y estre consumez avec elle.
Voicy encore une autre marque
spécieuse decesAntiquités.
Cyrus, Roy des Médes & des
,
Perses,
Perses,ayant vaincu Crésus Roy
de Lydie, & l'ayant réduit en
l'état d'un misérable Esclave, ne
lefit-il pasexposer surun Bucher,
sans aucuns ornemens Royaux,
pour y estre brulé vif? Ce fut
alors que ce Roy se souvint des
paroles que le PhilosopheSolon
luy avoit tant de fois repétées
en son Palais mesme, J>h£aucun
Mortel ne se peut estimer heureux
avant lamort. Mais lors iiie ce
Roy alloit estreréduit en cendres
au milieudes flames,leCiel,
comme s'il eust estétouché du
malheureux estac de ce Prince,
permit qu'il s'élevast un si prompt
orage, qu'il éteignit le feu de
ce Bucher, & Cyrus dont le coeur
fut attendry
,
fit délivrer Cresus,
qu'il renvoya en son Royaume
dont il l'avoit dépoüillé. C'est
ce qui est rapporté par justin.
Dans un ancien Tombeau, qui
estoit celuy de Ciceron, plusieurs
siécles apres que ses cendresy
avoient esté ensevelies, on trouva
deux Urnes, dont l'une estoit
pleine des cendres de son Corps,
,& c'estoit la plus grande; &. dans
la plus petite ce n'estoit que de
l'eau, que l'on tient avoir esté
les larmes de ses Amis qui avoient
assisté à sesFunérailles. Ce Monument
est dans l'Isle deZante,
autrefois Zacynthe, dansl'Etat
des Venitiens, & futouvertl'année
1544. aux Calendes de Décembre
, comme leremarque le
Livre en Figures desMonumens
des Personnages illustres,imprimé
àUtrech. Ces mots font gravez
sur son Sepulcre, M. Tulii
Cicere, have, &tuTeptia Antonia.
Mais voicy une remarque digne
de consideration, sur la reduêè:
on des Corps des Roys des
Indes en cendres. Les anciens
Roys de ces Regions faisoient
cüeillir une espece de lin qui re..
siste au feu, & que l'on appelle
Incombustible& l'on s'en servoit
à faire des Suaires. Ces Suaires
estoient d'un prix inestimable, &
n'estoientemployez que pour les
Testes couronnées. Ce Lin se
nommoitLinum Asbestinum, Lin
inextinguible. Solinen parle;&
Pline liv.19.chap.1. dit qu'il ne
croissoit que dans les Deserts, en
des lieux extrêmement chauds,
&où les Serpens frequentent;
ainsi c'estoitla difficulté de le
trouver, & d'en cueillir. On
couchoit les Corps de ces Princes
dans des Toiles faites de ce
Lin, & on les en envelopoit, de
1arre que les cendres du Bucher
ne se pouvoientmesler avec celles
des Corps;& comme ces Suaires
neseconsumoient point dans
le feu, au contraire ils en sortoient
plus purs, il estoit facile
d'en tirer les cendres & lesossemenspour
les mettre en des Urnes
d'or ou d'autre métal precieux,
pour estre ensuite portées
dans les Mausolées deces Princes.
On donne la meqme vertu à
la Pierre Amianthos, dont on tire
une espece de Coton a pres l'avoir
batuë 5cfroifljee
; tk on s'en
1ère pareillement pour faire des
Suaires, £c des lumignons de
Lampes, dont le coton ne se
consume point au feu.
Sur cette antiquité de bruler
les Corps, on remarque plusieurs
choses
; & il en arriva une étonnante
dans le Bûcher d'Etheocle
& de Polynice,Freres & Fils,
d'OEdipe. Ces deux Princes eurent
guerre ensemble pour la
Couronne deThebes. Etheocle,
commeaîné, devoit regner la,
premiere année, & Polynice la
feconde
; mais le plaisir de regner
sembla si doux à cet Aîné,
qu'il ne voulut pas que son Frere
regnastà son tour. C'estde là
ques'éleva cette sanglante guerre
entre les Thebains& les Grecs,
car Polynice avoit épousé Arie"
Fille d'Adraste Roy d' Argos.
Cette guerre fut si funeste;
que tous les Princes Grecs furent
tuez dans la Bataille, à l'exception
d'Adrafte ; & commeelle
ne se pouvoit terminer, Etheocle
& Polynice furent contraints
d'en venir aux mains l'un contre
l'autre, & se tuerent tous deux,
leur haine n'ayant pû s'appaiser
par les larmes de Jocaste leur
Mere, non plus que par celles
d'Antigone & d'Ismene leurs
Soeurs. On leur prepara un Bucher
commun pour réduire leurs
Corps en cendres, à la veuë de
Thebes & des deux Armées;
mais tous les Assistans furent furpris
de voir la flame se separer
en deux, pour marquer que la
haine de ces deux Princes duroit
encore a pres leur mort. C'estce
quia fait triompher sur leTheatreces
sçavantes Plumes qui ont
donné la Thebaïde,l'Antigone,
l'oEdipe, & les Freres Ennemis.
On jettoitaussidans le Bucher
ce que le Défunt avoir chery le
plus, ouce qu'il avoit de plus
precieux; comme on le voit aux-1
Funérailles de Patrocle, liv. 17.
de l'Iliade d'Homere
, car pii
précipita dans le feu quatre de
les plus beaux Chevaux, avec
douze des plus nobles Troyens
égorgez pour Victimes.
Cette barbare manie d'égor--
ger des Hommes aux Funerailles
des Roys, des Princes, ou des
principaux Chefs d'Armée tuez
en guerre, efloit usitée chez les
Grecs & chez les Troyens. C'étoit
quelquefois de braves Capi.
taines, ou d'autres Prisonniers
de guerre,qu'on immoloit de
cette forte auxManes de ces Princes.
C'est ce que represente Virgile
liv. XI. de l'Eneïde, aux Funérailles
du jeune Prince Pallas,
Fils d'Evandre Roy du Latium.
Vinzerat &pett terg* maum, qws
mlttcret umhrû
Inferioé, cdfo fparfuros fanguine
lfnmmds.
On jettoir non feulement ces
Victimes dans le Bucher, mais
mesme les Armes dont le Mort
avoir pû dépoüiller ses Ennemis.
On y ajoûtoit les Vestemens les
plusriches&les plussomptueux;
comme Enée fie en celuy-cy,
ayant vestu le Corps de Pallas
d'un habit de pourpre enrichy
d'or,& l'ayant couvert d'un autre
sur le Bucher. Ces Vestemens
estoient ceux mesmes qui avoient
esté faits des mains de la Reyne
Didon, & qu'ilavoit emportez
avec luy
,
quand il l'abandonna
pour venir de Carthage en Italie.
Outre cela, une Toile pretieuse
estoit encore l'ouvrage de cette
Reyne, pour ensevelir le Corps
de ce Prince.
Tum gemmas vesses,oftroque arnaque
rigentes^
ExtulitJEtHas, quoes itli UtaUbïrum
Jpfafuù quondam manihut Sidonia,-
Did&
Fecerat>drtenuitelatdifcrcverat
aura.
De plus, on portoit les Trophées
d'Armes, & tout le riche
Butin que le Défunt pouvoit
avoir faitsur l'Ennemy
, avec les
noms des Nations qu'ilavoit prises
; & mesme on portoir les Armes
renversées, comme dit Stace
liv. 6. de sa Thebaïde. C'est ce
qu'on observeencore aux Funerailles
de nos illustres Guerriers,
en lescouvrant de Crespe. Vie*
gileau mesme liv.
¡ Indntofquc juhet truncos hojlilibm
armu
Jpfosf -rreducesy immicaquenomina
fiÉ-j.
,<5 Cette pompe estant achevée,
on disoit le dernier adieu aux
Manes du Défunt, ce qui se repétoit
trois fois; & ce que l'on
observe encore aujourd'huy aux
Funerailles des Roys & des
Reynes.
Salve jternam, mi maximeFalla,,
JEttrntWjHe vale.
L'année estant expirée, les
Parens & les Amis venoient offrir
leurs Presens sur des Autels dresfez
prés duSepulchre, & les Ensans
honoroient les Manes de
leurs Peres comme des Divinitez,
& les renoient pour tels, comme
dit Plutarque en ses Questions
Romaines, & Cornelius Nepos
en l'Oraison de Cornelie aux
Graques.
Theophraste dit, que souvent
au lieu de mettre le Corps au
milieu du Bucher, on le mettotc
dans une Pierre circulaire & creuse,
pouren conserver les cendres
sans aucun meslange de celles du
bois; mais cette circon stance ne
change point la coutume ny la
nature de la chose.
On n'égorgeoitaucuns Prison.
niers deguerre, ou Esclaves, aux
Funerailles des Princes ou des
Chefs qui estoient morts chez
eux, comme l'on voiten la mort
de Didon, dont on
-
vient de
parler. Pour ce qui est des devoirs
que les Anciens rendoient apres
la mort, c'estoit que ceux de
la Famille du Défunt, se rasoient
la teste, & jectoient leurs
cheveuxdans le Bucher avec le
Corps, ou les mettoient dans le
Sepulcre avec le mesme. On
menoit ensuite un grand deüil.
On répandoitaussi des larmes
dans les mesmesTombeaux. C'est
ce que remarque Homere, liv. 4
de son Odyssée; 6c Eurypide en
son Iphigenie.Cet office de pleurs
continuoit trois jours avantles
derniers devoirs que l'onrendoit
aux Défunts, comme témoigne
Apollonius, livre 2. des Argonautes.
, Nous voyons de plus, que
pour augmenterledeüil on loüoit
desFemmes àprix d'argent,qu'on
appelloit Pleureuses,( Tr&fieoe.)
C'est ce que dit Virgile, liv.3.
de l'Eneïde, aux Funerailles de
Polydore, que la Reyne Hecube
luyfait faire apres avoir esté tué
en Thrace par Polymnestor son
Oncle, qui vouloitusurper les
richesses qui luy avoient este
données en dépost durant la
guerre de Troye ; & les Troyens
appelloientcesPleureuses Iliades,
du mot Grec d'Homere. Elles
avoient les cheveux épars, &
jettoient de longs soûpirs, en
s'arrachant les cheveux 6c levisageavec
les ongles.
Etcircum Iliades crincm de mercfiluræ.
On prenoit aussi des Hommes
à gage pour le mesme effet, &
qui en faisoient autant que ces
Pleureuses ; mais cettecoûtume
fut défenduë aux Egyptiens par
Moïse
, comme il est marqué au
Levitique
, 19. & au Deuteronome,
14. Solon la défenditaux
Atheniens. Lamesme futdéfendue
aux Juifs
,
& les Decemvirs
la défendirent aux Romains. On
se servoit aussi auxFunerailles,
d'Instrumens lugubres ,comme
TdeFalutmes, bdeoHauutrbosis., 6c de
Cetre coutume de loüer des
Pleureux :&- des Pleureuses, a
esté fort usitée chez les Romains,
&c a duré long-temps.Il en a passé
mesme uncertain usage jusque
dans nostre siécle, que l'on prenoit
à prixd'argent desHommes
qu'on revestoit degrandes Robes
noires traînantes douze ou quinze
pieds derriere, ayant en la teste
de longs Capuçons en forme de
tuyau pendans surlevisage. Ce
font ceux qu'on employoit aux
Funéraillesdes Personnesdequalité,
quelquefois au nombre de
douze ou vingten deux rangs,
& quelquefois plus, avec un autre
qui marchoit (ènl au milieu sur le
derriere, traînant une pluslongue
queuë que les autres. Ce font ces
Hommes que l'onappelloit Babeloux
; mais à la fin cette coutume
s'est éteinte.
Tertullien au liv. 13. de la Resurrection
, tire la coutume de
bruler les Corps, de l'exemple
du Phénix, qui se prépare un
Buscher de bois aromatique,
d'Encens, de Baume,&d'autres
odeurs suaves
,
& se donne la
nort luy mesme
, pour s'y consumerensuite,
ressusciter &serajeunir;
les Hommes, dit-il, devant
un jour renaistre& revivre
comme cét Oyseau. Lactance
parle ainsi du Phenix à la fin de
ses Ouvrages.
Confinâtindefibifeunidum.si'vefipulcrumi
Nampéritutvivat,(e tamenif»fa créât.
fuccos
, o drre;î divite
IVAcdores fjlvây
JVuoslegis Ajfyrlm, quos opultn*-
TH4 Arahl.
T-unc inter variosanimam commendatodores,
Dcpojîti tanti nec timet illajidem.
Aprés avoir mis les cendres
dans le Sepulchre
, on y
mettoitles marques de (a Prosession
, fussent Hommes de
Guerre, ouqui eussent excellé en
quelque Art, comme dit Homère
d'Elpenor en son Odyssée,
quireceut d'Ohne en son Tombeau
un Aviron en espece de trophée
, pour avoir esté Homme
decoeur , &c avoir servy ce Roy
sur Mer. Autant en dit Virgile
liv. 6. en faveur de Mifénus ,à
qui Enée faitdresserunMonument
surune Montagne,qui depuis
a porté lenomdeMiséne,
oùilluy donna une Trompettes
&. une Rame,pour marquer qu'il
avoiresté dèÍon tempsexcellent
Trompette e,,,, Rameur.
Ingentimole Jcpulcrum
Jmponit,fuacjucarmaviro,remum..
que tuliâmefue.
Archimede qui avoir une parfaire
connoissance de la Geometrie
& de la Sphere
, comme dit
Ciceron
, au liv. 5. de ses Tuscu-
Janes, obtint de ses Amis d'avoir
sur sa Sepulture, pour marque de
sa profonde science, une Sphere
avec un Cylindre & un Compas.
C'estceque Plutarque confirme
aussi en la vie de Marcellius.
On tient pour asseuré que les
Romains ont appris des Juifs 6c
des Chrétiens à ne plusbrulerles
corps, comme ils avoient fait
long-temps auparavant. C'est
EusebequileditauPassagecité.
Quand on faisoit les Obséques
pour ceux qui estoient morts
en des Pays étrangers, on leur
dressoit des Tombeaux au lieu
d'Autels, au pied desquels on leur
presentoit du Vin & du fang des
Vi&imes, & quelquefois du Vin
mêlé avec le sang, &on invitoit
leurs Manes pour en venir boire.
C'est , ce que fait Andromaque
Femmed'Hector, qui avoit esté - tué par Achille à Troye. Elle
quiestoitalors remariée à Helenus,
qui regnoit en Epire, ne fait
que les simples solemnitez que
l'on rend auxMorts dont on est
beaucoupéloigné.
Les coutumes d'inhumer ou
<îebrûler les corps estoient differenteschez
diverses Nations, &-,
cda (c pratiq uent en des lieux
éloignezc'.esVilles. A Athenes
on porto*tles Corpshors laPorte
sacréej2c la mesme Loy qui
estoit observée chez les Athéniens
,
l'estoit aussi chez les Sicyoniens,
comme rapporte Plutarqueen
lavied'Aratus.
Les Habitansde l'Islede Delos
estoient encore plus religieux
en cela, & leursuperstitionestoit
telle, qu'ils tenoient que la Déesse
Latone ayant accouché d'Apollon
& de Diane en cette Isle,
il n'estoit alors licite qu'aucun
mortel yfust inhumé, ny qu'on
y
souffrist aucune Sepulture.
Aussi faisoit-on porter les Corps
des Défuntsen des Islesvoisines
pour y estre ensevelis
, tant la
superstitionavoit de pouvoir
sur l'esprit de ces Peuples.
Les Nosamons Peuples de la
Lybie
,
ayoient tant deveneration
pour les Sepulchres, & pour
ceux qui y estoient, que quand il
falloit jurer pour quelque chose
dedouteux,ils mettoient la main
surces Monumens, &faisoient
leur Serment; ou- s'il y avoit
quelque chose àdeviner,ils seretiroient
vers la nuit aux Tonru
beaux de leurs Ancestres
,
& s'y
estant endormis, comme ditTertullien
au liv.de l'Ame chap.57.ils
tenoient pour un Oracledivin le
Songe qu'ils y avoient eu endormant.
Les Celtes anciens Habitans
d'une partiedes Gaules, & proches
voisins de l'Espagne
,
n'en
faisoient pas moins, 6c se retiroient
prés des Tombeaux pour
y passer la nuit, ôcettre certains
de ce dont ils estoient en doute;
se persuadant que les esprits des
Défunts qui y residoient,les viendroient
tirerde perplexité.
Les Augiles habitans d'autour
de Cyrene
,
consultoient les Manes
des Morts de cette maniere.
Ils se couchoient sur les Sepulchres,
&aprés y avoir fait leurs
prieres,& s'y estre endormis,ils
tenoient pour réponses les visions
ou les songesqu'ils y avoient
eus.
Les Athéniens & les Megariens
ensevelissoientles corps de
diverse maniere
,
& ordinairement
les faisoient porter en l'ine
de Salamine pour les y inhumer.
Mais ces deuxPeuples estant
tombez en dispute pour la proprieté
de cette IHeJe sujet en fut
rapportéàSolon, qui n'en pût regler
la possession que par la pluralité
des Corps enterrez, disant
que les Athéniens enterroient les
cadavres des leurs le visage tourné
vers l'Occident
,
& les Mégariens
vers l'Orient, & que le
plus grand nombre devoit l'emporter.
Les Mégariens au contraire
répondirent que leur coûtume
estoit de mettre deux, trois
& quatre Corps ensemble en un
mesme Tombeau. MaisDiogéne
Laertius dit tout autrement,
& que les Athéniens enterroient
les corps la face tournée vers
l'Orient, & les Mégariens vers
l'Occident
,
& qu'il s'en falloit
rapporter à ce que Thucydide en
asvoitt éicriot pounr rés.oudre la que- Les Cariens avoient une méthode
particuliere d'ensevelir IC5
Corps de leursCompatriotes, en
laquelle ils ne sepouvoienttromper
,
si on en venoit à la dispute;
car chacun affectionnoit ceux
deson Pays, & avoitsa coutume
particuliere.
On trouve aussiquechez les
Perses, chez les Grecs, & chez
d'autres Nations, les Capitaines
aprés le Combat, prenoient soin
de renvoyer les Corpsde leur
Ennemis tuez dans la bataille,
pour leur donner la Sépulture
C'est ce que fit Pausanias chez
les Grecs envers ceux des Perses,
qui estoient demeurez sur la place
, quoy queMardonius leur
Capitaine
Capitaine n'eust pas rendu la pareille
aux corps des Grecs qui
avoient esté tuez dans le combat.
Autant en fit Philippe, Pere
d'Alexandre le Grand , envers les
Grecs, qui avoient elfcé vaincus
prés de Cheronée
, aux corps
desquels il rendit les honneurs funébres,
& les renvoya à Athénes.
Alexandre le Grand se comporta
de la mesme maniere que
son Pcre envers les Soldats de
Darius, Se envers la Mere de ce
Roy, à laquelle il permit de rendre
les derniers devoirs à ceux à
quiellevoudroit selon la coutume
des Perses, ainsi qu'il les rendit
luy mesme à SisygambisMerede
Darius aprés sa mort.
Homére Iliade2. dit la mesme
chosedes Grecs;car Nestorperfuade
auxChefs de faire recherche
des cadavres des leurs, pour
les bru!er &enensevelirles cen-
:'
dres dans un mesmeTombeau:
ce qui fut aussi la coutume des
Troyens, aussi bien que des A- théniens, de rapporter les ossemens
de leurs Mortsen leur Patrie,
comme ditThucydide Jiv.I.
>£c mesme on dressoitdesMonumens
communs aux Soldats
qlii avoient perdu la vie au sujet
de leur Pays; oùl'on ecrivoit
leurs noms ..& la Tribudont ils
estoient.
Les Romains obfervoient encore
laLoy desXII. Tables, par
laquelle il estoitpermis d'aller
chercher les -corpsdes Soldats
tuez pour lesrapporter chez
eux, afin d'y estre ensevelis ou
brulez
, comme remarque Appian
liv.1. desGuerresciviles.
Olaus Magnus Archevesque
d'Upsal liv. 6. Chap. 45. de la
Violationdes Sepulchres ,rapporte
diverses Observations,entr'autres
,
qu'Hannibal ayant
vaincu Marcellus, il en fit orner
le corps avec beaucoup de magnificence
, avant que de le reduireen
cendres; puis ilenvoya
ces mesmes cendres à son Fils,
dans une Urne d'argent, y ayant
fait ajoûter uneCouronne d'or,
pour avoir remarqué une gerérosité
merveilleuleen ce grand
Capitaine.Parlàonvoitqueles
Carthaginoisreduisoient en cendres
les corpsaprès leur mort.
MaisSyllaAgit bien d'une autre,
maniere envers le Corps de
Marius, dit le mesme Olaus, car
après une cruauté épouvantable
,
il nese contenta pas d'in-
J'i.11cer ceux qu'ilavoit vaincus,
mais il en fit arracherles os des
Tombeaux& les jetter en la
Mer. Cefut avec la mesme barbarie
qu'il traita le corps de ce
grandPersonnage, quis'estoitsignalé
en tant de batailles par ses
faitshéroïques. Mais luy mesme
, comme ditPlutarque, craignantde
servir de joüet à ses Ennemis
a près sa mort, ilordonna
par son Testament queson corps
Jufl- brulé, si tostqu'il auroirren-
>dui^me. Ce fut le premier des
Romainsdont lecorps ait entré
4ans le bucher.
Antoine se comporta avec
beaucoup de clemence envers
Brutus; car après avoir remporté
la victoire sur luy
,
il en fie envelopper
le corps dans une Cotte
d'armes de pourpre, & après l'avoir
fait consumer dans le feu, il
prit foin d'en envoyer les cendres
à Servilie sa Mere & à Porcie
son Epouse.
Solon entre ses belles Loix
, y
encomprend une ,par laquelle
il estoit défendu de faire aucune
injure auxTombeaux,aux corps
ou aux cendres, que l'on y avoit
enfermées,disantque c'estoit un
crime qui ne se pouvoit aucune- :
ment expier.
Alexandre le Grand, a prés
avoir vaincu Darius, s'envint en-
Perse, oùil fitmettreà mort un
Genéral d'Armée, pour avoir
osé ouvrir le Tombeau de Cyrus
; ayant esté touché de beaucoupde
ressentiment de ce qu.Jil
avoit leu en une Epigramme
Grecque, qui estoit sur le Monument
de ce Roy,& qui en expliquoit
les actions & lafortune,
voulant punir le crime de ce Genéral
,
Déécfvuangner lets .M.anes du Pyrrhus Roy d'Epire ne van..
gea-t-il pas avec beaucoup de justice
la mored'un Voyageur,
qu'il trouva tué dans une Campagne
êc sans sepulture, le Cadavre
en estant gardé depuis trois
jours par un Chien, hurlant incessamment
& sans manger. Ce
Roy fit donner d'abord la Scpulture
au corps, & ayant amenéce
Chien en son Camp., cé<,
animal ayant reconnu les Autheurs
du meurtre se jetta sur
eux, Be les déchiroir. Pyrrhus
averty de cela les fit prendre
&punir du supplice qu'ils merif
toient;
On voit donc, pour revenir
au principe de la Sepulture
, que
ce droit ne peut estre refusé à
qui que ce foit sans une extrême
barbarie, & sans mesme en excepter
les Ennemis. Les Philiftins
permirent aux Parens de
r
Samson d'enlever son Corps, &
de luy donner la Sepulture. Les
HabitansdeJabes de Galaad furent
loüez beaucoup,pour avoir
au peril de leur vie enlevé le
Corps de Saul & de Jonathan,
pour les porter dans les Tombeaux
des Roys leurs Ancestres.
Tobie se faisoit un devoir de
pieté d'ensevelirlesCorps, &les
retiroit mesme chez luy, quittant
le plusfouventfon repas pour les
mettredans la Sépulture , & instruisantson
Fils àce mesme de-.
voir.
Les Corps mesme de ceux qui
avoient esté crucifiez, devoient
estre inhumez avant le coucher
duSoleil. L'Ecritureenl'Eccle-
- siaste 6.3. Jerémie 36.30. avec le
cha p.22. 19.&2. Roys9.10. envisage
le défaut de Sepulture
comme une peine & comme une
malediction; & là-mesme eXiÎge.
re l'inhumanité des Chaldéens.
en ce qu'aprés la prise de JeruGw
lem, ilsn'accorderent pas. la Sepulture
àceux qu'ils avoientmassacrez.
Et Josephe liv, 4,chap.
14. déplore la misere de ceux de
la mesmeVille
,
d'estre privez de
laSepulture
,
6c d'estre exposez
aux Corbeaux & aux Bestes fau-
-
vages. Les Payens mesmes. qui
consideroient le droit de Sepulture,
comme undroit&uneloy
de la nature, disoient que l'empescher
estoit une barbarie & unefureur.
La Fable ne nous dit-elle pas
que l'on souhaitoit passionnément
que les Corps su(Ten& inhumez
,
puis que les Ombres ou
les Manesdes Défunts n'estoient
pas receus, pour aller aux
Champs Elisees
,
à moins qu'ils
n'eussent erré cent années le
long des rives du Styx,avant
que de le parler dans la Barque:
de Charon ? Encore faUQU-il.por-.
terl'argent pour le passage,qu'on
mettoit en la bouche du Mort,
& qu'on appelloit Naulus, coitime
dit Lucien en ses Dialogues
des Morts,&Virgile liv.6. del'Eneïde..
li*comnu IPltt", cernùinops, inhu*
matâqueturbaest;
Portitor ille Chilronj hiques vekit
unda, fèpulti.
Et le mesme Virgile ailleurs;
1 Nttdmin
il
ignetk. Palinurejacebis
axena.
C'estoitlacourtimedesouhaiter
que la Terre ou le Sablefust
léger,qu'on mettoit surles Corps
desDéfunts; quoy queMartial
s'enrailleen l'Epigramme30. du
liv.9. Sittibi temlevis,mollique ttgdris
IIrtlltl.,
-
Ive tUIt fif). pêjjint erucrt ossi
CAlltf
L'on, remarque encore que
ceux qui entreprenoient des
Voyages par Mar, avoient cou..
:uO'e dés leur embarquement
de pendre à leur col quelque piece
d'or ou d'argent pour le prix
de leur Sepulture, dans la crainte
de n'estre pas inhumez s'ils faisoient
naufrage ,comme dit Properce
liv. 30 Eleg. 5. Homere
Iliade 8. remarque lamesmechose.
Aussiestoitceun grandmalheur
que l'on fouhaicoit à une
personne
,
& c'est l'imprecation
queThyestefaitàAtrée.
On privoit de la Sepulture les
Corps des Parricides, comme n'y,
ayant point de punition plus rigoureuse
que de n'en pas joüir.
Chez les anciens Romains &;
chez les Gaulois on les cousoit
nuds dans des Sacs de cuir avec
un Aspic,un Chien & un Coq.
D'autres y ajoûtent un Renard,
pour estre ensuite précipitez à
Rome du Tibre dàns la Mer, &
dans le Rhosnechez les Gaulois,
comme s'ils n'estoient pas dignes
detoucher la Terre.
C'eftoir la coutume en la Loy
de Moyse, d'inhumer les instrumens
avec lesquels les Malfaifaicteurs
avoient esté punis de
mort, soit le Bois, les Pierres, le
Glaive, le Cordeau, ou quelque
autre instrumens que ce fust
afin qu'il n'en restastplus aucune
marque, comme rapporte Rabbi
Mosesd'Egypre, pour preuve
dela coutume desjuifs.,—
Le desir & l'affection d'estre
enfevely avec ses Peres & ses Ancestres
est encore, une chose iî -
naturlle, qu'on l'exprime dans
le Livre des Roysendiverses manieres.
En voila quelques-unes.
Jls'ejl-râjifmblcavecfisPères. Ouil
est retournéàfm Petiple. Ouil4
dormy avecses Peres,
L'exemple de Berfellaus est
d'une grande authorité pour marquer
ce desir; car comme il est
-dit au 2 des Royschapir. 19.
quoy qu'il fun: estimé ultime amy
de David, apres la mort d'Absalonson
Fils, àla poursuiteduquel
il avoit esté envoyé, il ne
pût estre retenu dans le Palais de
ce Roy
, ny pour e repos la seureté
,
les honneurs, ny pour les
richesses
4 ou les autres plaisirs
que David luy Offl-Olr; maisestinlatitquela
Sepulturede sesPeresestoitàpréfererà
tout cela.,il
ne fit point d'autre réponse au
Roy que celle-cy. le riay *ucm
besoin de toutesces choses; maisseulement
que je retourneen ma Cité
que il meure ,
pourestreensevely
prés du Tombeau de mon Pere. Davidfut
obligé de le laisser aller
avec beaucoup de regret de sa
Personne.
La mesmechose arriva à ceux
de Jerusalem, quand sous l'EmpereurTitus
cette Ville eut esté
"Inifeà feu 6c àsang: car lapsuspart
trouvoient la mort plus douce&
plusagréabledansleur Pays
natal, esperant joüir du Tombeau
de leurs Peres
, que de se
sauverailleurs, commechezks
Romains, comme ils pouvoient
facilement le faire. C'estceque
josephe liv. 5. chap. 2. de la
Guerre desjuifs, & Hegesippe
remarquent. Cette affectionnaturelle
se voit en l'Epitaphe de
Leonidas de Tarente. Proculab
Itala jaceo terra, Atyu TarCfilo-Patyia,
hoc veromihi acerbiusmorte.
Les Grecs & plusieurs autres
Nations ne recevoient pas les
Corps de leurs Ennemis dans
leurs Tombeaux. Sophocle le
rapporte en la vie d'Ajax, où
Teucer son Ennemy prie for-t
'Umie qu'il ne messe pas ses cendres
avec celles d'Ajax
,
à cause
de leurs anciennes inimitiez: car
ilstenoient queleur haine duroit
aprés lamort, comme on aveu
cy devantau Bucherd'Etheocle
dePolynice.
Selon l'ancienne coutume des
Hebreux, comme disent Rabbi
Jacob, & Rabbi Moses, dans
lesFunerailles les Hommes prenoient
foin des Hommes, & les
Femmes des Femmes. Le Fils
oule présomptif héritierfermoit
Ja bouche& les yeux à son Pere
ou à son Parent, & recevoit fou
dernier soupir. On coupoit les
cheveux aux Défunts
, on leur
lavoit le Corps;on les oignoit&
on les parfumoit d'odeurs. On
les envelopoit de linceuls & on
les ferroit de bandes, & en cét
étatilsestoient portez au Sepulchre.
La mesme coutumeapassé
ch,-zlesGrecs,l)ch,,--z les Juifs,
poftérieurc-nietit chez les Romains.
C'estd'où En Ni dit du
Roy Tarquin.
TarquiniicorpUJ bonafxmina lavit
& unxit.
Les Tyriens & les Sidoniens
se servoient de Pourpreau lieu de':;
linceuls. C'est pourquoi ordinairementonappelloit
les Suaires
Sindones, ou Sidones, du norn-ï
de la Ville de Sidon..,-&, delà..
Pourprequiyestoitenusage.
Comme les Gentils vestoient.
le plus souvent les Corps dCSti
Défunts, pourles porter auBucher,
couchez sur des lits [om.
ptueux, & préparez, ou dansle
Sepulchre; oùceluy qui avoirle
plus grandnombre de lits estoit
estimé le plusmagniifque,cornrrteHii
arrivaauCorps deSylla
qui en avoit 60, lesRomains .&:
après eux les Chrétiens. prirerrt.-;
la mefrne coutumed'ensevelirles
Corps avec leursvestemens. Bo-,
siusen parle amplement, & me£
me à l'égard des Martyrs, puis
qu'à Romeonatrouvé le Corps
de Sainte Cecile, avec seshabits
enrichis d'or, long-temps après
son Martyre.
Saint, Chrysostome reprend
cette pompe Ôcceccedcpetife
excessive dans les Funerailles, à
moinsque ce ne foie- pour les
Pontifes , les Empereurs , les
Roys &les Princes,ou du moins
pour des Personnesillustres de
l'un & de l'autre Sexe.
Cette coutume d'inhumer les
Corps avec leurs vestemens PontificauxdansleSacerdoce,
a esté
toutefoisobservéedans l'ancienneLoy,
commeon le remarque
dansleLevirique chap. 10. parlantdeNadab
&. d'Abiu
,
qui
faisoient la sonction du Sacerdoce,
commedeLyra l'a expliqué.
La mesme coutume s'observe
aussien la nouvelle
,
puis qu'on
laisseaux Evesques, outre leurs
vestemens Pontificaux, leur
Anneau Episcopal. C'est ce qui
se voit dans les Actesd'Arnulphe
Evesquede Soissons;car comme
Everulphe son Fiere avoit oublié
à luy mettreson Anneau Episcopal
audoigt
,
ayantdisposé le
Corpsdasl'état qu'il devoitestre
portéàlaSepulture, il se souvint
de cetAnneau,& par une merveille
surprenante
,
la main du
Mort
, quoy que les doigts en lasussentrétrecis & resserrezvers
paulme,s'estendit Scpresenta le
doist. annulaire
, &ayant recelL.
l'Anneau, parlamesme merveille)
se reserra comme elle estoit
auparavant Cela arriva aux yeux
de tous ceuxqui estoientau Convoy.
Les Egyptiens
,
les, Hebreux,
& ensuite lesjuifs&les Romains,
se servoient de Toile cle Lin, qui.
quelquefois pour ornementavoit
des filets d'or, ou decouleur de
pourpre êç.,dtazur aux exrrémitez
, pour ensevelir les Corps.
Nous en ayons rapporté des.
exemples au Corps du jeune
Prince Pallas.
Nous dirons que les Juifs ont
eni toujours curieux, de faire.
mettre les Corps deleurs Défunts
en des terres neuves,& de
n'inhumer pas plusieurs Corps
ensemble
,
prefentemeptils.
ont encore la mesme Religion &.
coutume ,
qu'ilsn'ontpoint,
changée ;ils ajoutent de petits
Sacsremplisd'odeurs souslateste
du Morten les portant au Tombeau.
Mais nous voilà venus à un
Suaire le plus précieuxde tout lemonde,
qui se garde encore en
la Ville de Turin en Savoye.
C'estceluy ou le Corpssacré du-
Sauveur sur estendu te ensevely
a près sa mort, & misdans le:
SaintSepulchre. On y voit l'étendue
duSaint Corpsimprimée
avec lesStigmatesde sesPlayes.
Ilesten grande venération en
cetteVille-là,& àcertaines Festes
de l'année onl'èxpose à la veutt
duPeupleyqui y vient de toutes,
lfo parties dela Savoye & du.
Piedmont, comme aussi déplufleursautres
Provinces. Ilestoit
auparavanten la VilledeChamberry,
en la Chapelledu Château
, lors queparaccident le feu
ayant pris en ce lieu l'an 1631le
4.de Decembre,tout y futconfumé
parles Harnes, &que les
Barreaux & les GrillesdeFer ne
purentrésister à la violence du
feu. La Chaslemesme d'argent
oùestoitleSacréTresor,surfonduë,
& leboisbrûle ; mais Dieu
permit quecesacréLinceulne
receust aucune atteinte ny dommage
,
&que l'Image du Sauveur
formée de son précieux
Sang, & qui estimprimée au
milieu du Suaire demeuraft: en son
entier. Philibertos Pingoniusde
Savoye témoinoculaire,Al-
-
phonfus Paieotus Archevesque
de Boulogne;Daniel Mallonius
ThéologienDominicain,l'Evesque
de Vultubia.
,
Chifletius &:
Simon Majole
, rapportent ce
grand Miracle, en leurs Livres
Latins.
Les Juifsont emprunté des
Egyptiens la coutume d'oindre
les Corps, & de les parfumer
d'aromars ôc debonnes odeurs,
commela Genese leditchap. 50.
Enlasepulture, des anciens Patriarches5&
dans l'Eglise nais-,: fante cette coutume s'estobservée
àl'égard des Martyrs &
d'autres, comme lesActes 8.
desApostres le remarquent, Se.
Baronius en ses Annalestom. i.,
an. 69. mais Cleraent Alexan-
DRIN 1IV.Ï..feirvoir que l'excès
de ces parfums & de ces onctions;
aecté blâmé chez les Chrétiens,
& principalement du temps des
premiers, parce que les derniers
ont beaucoup retranché de la,
coutume des Hebreux, des Egyptiens&
desJuifs. Ceux quis'employoient
au Ministere de ces
Onctions
,..
Boress'ap.pelloient Pollin-
Cette mesme coutume estreprise
par lesLoix des XII. Tablés
chezles Romains, aussi bien
que la coutume de boire en la
sepulture des Morts, & sur tour
en inhumant
-
les Esclaves. 'ElIc"
Je dit en ces plfohs',Vtiflrvilis,
un6itir*,omnisque compotatiotêl—
latur.
Cettemême Loy avouluqu'on
re&raneha(1raujdL cette magni6-
cence
oene«e?xceffiveycesparsumSjprécieux,
& ces liqueurs deMyrrhe,
aux Funérailles des PC'r[lc libres,
ne fumptuojïnitnirum rfjfflïj-ve
jkretj tffCfHt)my^rbat^yotio*-mjfrtuo
Mcretur.:rÇar:comme en ipliumantouen
brulantles Corps,
on pbrerV'Qiîii,eeBtecoutumede
jiiptçre dans les Tombeaux, ou
de jetter dans le Rucher ces bonnesodeurs,
on en voit par tout
des exemples, titu dans les Sacrez
que dans, les, P roi-mes. Ho-
2re enTon Iliade6. Virgileliv.6. del'Enéide.
Lucien au chapitre du Dcrif,
-diflours 120. parlant de Stobée,
fait mentionde cetre coutume.
Apulée en son Traité de la Se*
P dtwrc ; &. Perse, satyre 3. se raille
d'unHéritieroffensede ne trouverpasune
ample succession,&
dit ainsî,
;liIt"næ
'Offk^inodora dabït**
Nicephore'",liv..IO chap 46,
ditqu'outre les enctions on employoit
le miel, foit qu'il ait quelque
qualitéparticulièrepourempescher
lacorruption,où la rriaul
vaideodeur. Maffée, en desNarrations
historiques, raportequ'on
se servoit dechauxdans les Indes,
au lieu d'aromars,& que
cettechaux a une vertu toute
contraire à celle des autres Recrions
, carelle preserveles Corps
jdc la putréfactionailleurs elle
jesconfumeen raelnoe temps. Le
mesmeAutheur dit que la chaux
s'tîimp.lo.ye en la Sepulture des
Corps cians leParisdeCorosnandti.
•
Turfellin rapporte aussi, que la
coutume des Chinois est de vêtir
les Corps de leurs habits, Be
d'y mettre de la chaux dans le
Cercueil; que ce foin yest donné
aux Pontifes & aux Prestres de
leur Loy, & souvent aux Personnes
de pieté
; & que la plùpart
des Corps y estoient ensevelis
debout, le visage tourné
vers l'Orient, ainsi qu'on faisoit
à RomeauxVestales, qu'on enfoüissoittoutes
vives debotit,potit
avoirlaissééteindre le Feu sacré.
Corippus l'Africain, décrivant
la Pompe & les Funerailles de
l'Empereur Justinien
, rapporte
la diversité d'Onctions & d'Odeurs
aromatiques qui y furent
employées.
Pour ce qui en: des Chrestiens,
on lavoit leurs Corps apres leur
mort. Saint Luc raconte dans le
chap. 7. des Actes des Apostres,
que l'on en usa ainsi envers Tabitha.
Denis Evesqued'Alexandrie,
dans Eusebe liv. 7. chap. 22.
japporce la même coutume. Gregoire
de Tours, en son histoire
xr hap. 104. de la gloire des Confesseurs,
apprend que cette couxume
s'observoit en France de
[onrcrilps ,c'est à dire, dans le
sixiéme siécle; on en voit des
exemples dans la vie de Gregoire
I, dans les Dialogues, 8c
<tans l'Homelie38. sur les Evangiles.
Apres qu'on avoit lavé le
Corps, on le laissoit quelque
tempsexposéà la veuë de ceux
quivouloientlevoir. Celaestoit
accompagné de pleurs &. delamentations
sur les Morts; comme
on fit sur S. Etienne, aura poro
de S. Luc ch. 7. des Actes.De
là vient que Saint Paul, dans 1cchap.
4. de l'Epître aux Tessaloniciens,
console ceux qui pieu-*
rent sur les morts, par l'espérance
de la Resurrection & de
l'Immortalité.
L'Autheur des Commentaires
deJob, parmyles Ouvrages d'Origene,
fait mention dans le livre
7. des sept jours & des [cpt.
nuits de Deüil. S. Cyprien ne
l'oublie pasdans le Traité de la
Mortalité, où il tâche de le moderer.
S. Chrysostome,dans*
l'homel. 61. sur S. Jean, ne condamne
pas en ces occasions les
larmes & les pleurs, mais seulement
ce grand excez. Ilen use
dans le discours3 sur lesPhilistins,
de la mesmemaniere.Il reprend
surtoutfortementla coutume qui
s'éstoit introduitede son tem ps,
&quis'estoit enracinée, de prendre
des Femmes à prix d'argent
pour pleurer&lamenter aux Funerailles.
Ce sont celles donc
nous avons cy-devant parlé.
LemesmeS. Cyprienne menace-
t-il pas dans la 4.homelie sur
l'Epistre aux Hebreux, d'en excommunier
les Autheurs
,
s'ils
n'arrestent le cours de cette dangereuse
pratique? Gregoire de
Tours dans le chap. 34. liv.5.de
son histoire
,
& Alcuin sur le
chap. 12. del'Ecclesiaste,en parlent
de la mesme maniere que les
autres.
Comme l'excez de la pompe
& de la magnificence,s'estoit
beaucoup augmenté pour la Seu
pulture,Prudencetitre 8. de la,
Bibliothéque des Peres,le dé
critdans son Hymne des Funerailles,
àc parce que le plus souventilalloitàune
dépense eX-t
cessive, Saint Augustin dans le
chap. 12. du Livre de la Cité de
Dieu, blâmecettesuperfluité.
Gregoire I. défend de couvrir
de quoyquece soit le Cercueil
duPontife, &Íd rien recevoir
pour la Sepulture desMortsliv.4.
Epiffcre4.6c44.
Du temps desApostresil yavoit
de jeunes Gensdestinez pour la
Sepulturedes Corps. Cesont
ceux que les Romains appelloientVespi
, ouVefpillones. Ils
avoientfoiad^toutrce quidevoit
estre observé, & de l'ordre que
l'on y devoit tenir.L'histoire
d'Ananias &deSaphyra nous ef\
fait mention. Dans les temps
suivans les Personnes les plugcoil.,
siderables
,
& les plus pieuses,
faisoient gloire de.s'employer- à
ce devoir charitable, & dignede
pietei— -•
-
Gregoire de Nazianzeremarque
dans l'Oraison Funèbre-is'.
de Saint Basile,qu'il fut porté
en Terre par les mains de quefà
quesSaints Personnages,&qu'alorson
avoirestably uncertain
nombre dePersonnes pour porter
les Corpsau Tombeau.
Les Flambeaux & les Torches
ont esté mis en usage de tout
temps, comme on le remarque
.du temps des Grecs& des
Troyens C'estce quis'estpratiqué
aux Funérailles de MlfënUS"
dé du Prince Pallas,commenous
avons dir; & dans le temps des
Chrétiens Saint Cyprienfutinhumé
de cette maniere
, comme
cm levoit danslesActes de son
Martyre,dont PoncesonDiacre
fait mention ensaVie. <
M1 Rigaut & Mr Lambert expliquantlemot
Grec d'Origénè
Svcol'fel-ê]Ju:r;quilpeeutnestrte chez les: que ce
terme signifie des Joncs
, ou des
cordes de
Genest
torses
,
qui
estoientcouvertes de Cire tant audedansqu'audehors
, pour y servirdeFlambeaux.Euseb. liv.
4. de la vie de Constantin le
Grand chp. 66. y employe des
Flambeaux,avec des Cantiques
comme dit Saint Chrysostome.
Gregoire de Tours liv. 3. chap.
18. parle du son des Cloche;
Beda dans l'histoire Ecclesiastique
d'Angleterre liv. 4. chap.23.
en parlede la mesmesorte.
On faisoit des Oraisons Eupe-o
bres le jour des,F-aiiérailles-j- odrç
quelques jours après -comme1^
coûtume s'en observe encore
pour les Roys ,pour les Princes.
ou autresPersonnesdehautrang.
&; de menrer.deL'un^-de-Hau^
tre Sexe.Gregoire de Nazianze
fit celle de son Frere Cefa-,
rius, de Gergonie sa Soeur, & cte)
Saint BasilesonAmy. Gregoire
de Nysseprononça celle de Me- letiusEvesqued'Antioche.
Mais pource quiest des Qrai*
sons Funebres ou Panégyrique
&de leurantiquité, on tient que;
Valerius Publicola , qui fut dé:
claréle premier Consul de R.o*
me , pour en avoir chasse leSt
Roys par le secours que Brutus
luy presta, a esté le premier qlli
les aitinstituées après la mort dUi
mesme Brutus. Quelques-uns.
font d'opinion que dés les premiers
Roys de Rome, ces Pané.
gyriques avoient esté introduits,
puis que Romulus mesme qui en)
estoitle premier, faisant une
Harangue publique en pleine
Assemblée du Senat, & de tous
les Grands de Rome
,
& venant à
s'emporter avec excez contr'eux,
fut déchiréen pieces. Florusen
parle ainsi. Les Romains ontesté
les premiers qui ont commencé
cette Cérémonie, & les Grecs
à leur imitation s'en sont servis
apjcs eux. Il cft toutefois con.
stant que dans les Guerres des-)
Grecs, on voit Uliiîe & Ajax,
dans leurs Haranguesen la dispute
desarmes d'Achille,faireune
grande énumeration des
hautsfaits de ce Prince
,
& des
hautes qualitez desa Race, en la.
présence du Roy Agammenon,
lx des autres Princes de la Grece
,
& qu*inM les Romains ne
pouvoient pasestre les prcnliersi
Autheurs deces Panégyriques.
Mais d'autres sontde ce sentinlcnr,
que le Philosophe Selon,
qui vivoit du tempsde Tarquin
l'ancien,institua les OraisonsFunébres
ou Panégyriques.C'est
ce que die Anaximénes. Quelques-
uns en donnent l'origine i.
Thesée
,
& croyent que les Athéniens
commencerent à loüer publiquement
ceux qui avoientesté
tuez en la Bataille de Salamine,
de Marathon, ou en celledu Peloponese.
Ilestcertaincomeonvoit dans
Suetone,& en d'autres Autheurs,
que les Romains n'ont passeulementloüé
les Illustres Personnagestuez
enG uerre,maisaussi ceux
quiestoientmortsenPaix,& mek
me rllffi les Femmes d'une qualiré
éminente; commefit Jules
Cesarâeé de Il ans aux Obséques
de sa Tante du cossé de son
Pere, devant les Sénateurs ôc
dans le Barreau, & pareillement
son Epouse. Tibere en fit autant
aux Funeraillesde son Pere;
te Mutius Scevola loüa en publicaussisaMere.
Nous avons dit que les Funéraillesestoient
accompagnées de
Cantiques. Chez les Grecs on
appelloit ces Chants Nxm* ÔC
Epicedia. Les Latins les appelloientPlanctusouLamenta.
Ilest
certain que les Hebreux & les
Juifs s'en font servis dans leurs
temps, ce qui est remarqué dans
l'Ecriture Sainte, & que le Roy
David lesa employez enla mort,
de Saul & d'Abner. Les Romains
ont voulu éteindre ces excez
de Lamentations par leur
Loy des XII. Tables qui le dit
ainsi
,
Mulicrcs ne gaiM radunto,
parce que, comme nous avons dit,lesFemmess'arrachoient les
cheveux & lesjouës.
De plus, on farsoit des dinri..
butions d'aumônes
,
de Pains &
de Viandes, comme disent Oriigcne
6c Saint Hierôrne en la
Lettre26à Pammachius, pour
le consoler de ht mort de Pauline
dfo'EBpeimstmree6,4&àSaint Augustin en CarthAuraeleEgvesqeued.e
1 On faisoit pareillement des
Banquetsprés des Tombeaux
des Défunts, qui s'appelloient
Agapes, comme par une dilection
fraternelle.C'est dont parle Saint
Cyprien, ,-z Tertulien en son Apologetique
chap.39. où les
Pauvres estoient admis. Mais
ayant remarqué que l'abus s'y
estoit glissé
,
il les reprit aigrement
, ainsi que Saint Gregoire
de Nazianze. Ces Agapes sefaisoient
allffi bien en la naissance
qu'aux mariages. Ilsemble que
la coutume de faire des Banquets
soitvenue ds Gentils: car c'étoit
leurordinaire de préparerde
grands Festins aux Funérailles
en faveur des Manes des Défunts,
ausquelsils se persuadoient
qu'ils venoient assister ,& prendre
un grand pjaiur) ou quedu
rnojnsils se repaissoient de la su-
-mée des Viatid-esiiLifif -clcfto-It
la coûtume de les y inviter, en
criant à haute voix dans le Sepulelire.
£
Les Grecs appeloient ces Banquets
Firidipnd, & les Romains
Parentalia.On1aiiTo11 {owvcnt ces
Viandes préparées sur les Tomjleaux
, ou on les consumoit au
feu. Homere&Virgileen font
menton, 5c ce dernier au liv.
del'Eneïde.
Libavitque dapes.
Lucien en ses Dialogues,dit quecette
superstition s'estoit estenduë
chez plusieursNations, jusqu'au
temps de Saint Augustin,
comme ce Saint Personnage le
rapporte au Discours 15. & il la
reprend bien à propos en ces termes.
-Ztioy ? l'esprit ou lesames Ititsontdhachée
s des liens de leurs Corps,
ont- elles besoin de ces fomptueuxr
Banquets ? Mais la pieté des anciens
Patriarches estoit bien éloignée
delaGentilité &dessuperstitions
des Anciens; car ils employoient
ces Viandes presentées
surles Tombeauxà la nourrituredesNécessiteux;&
cette coûtumes'estreligieusement
observée
du temps des Israëlites, comme
on le peut voiren la Sainte Ecris
tureTobie3. 17.où le Pere lare,.
commandefôiemnellemcnc au.
jeune Tobie: selon que l'ont remarqué
Lyranus & Turrianus.
Du temps des premiers Romains
Numa. Pompilius leur
Roy,voulut que le grand Pontife
eust le foin de rendre les honneursaux
Di.ux.Mânes, ôc principalement
à la Déesse Libitina*
qu'ils tenoient présider à la nJor[;
d'oùvient que l'onappelloit ceux
qui estoient employez à ces. devoirs
Libitinarrii. Il y avoitaussi
à Rome la Porte Libitinensis,
prochel'AmphithéâtredeStatilius
, par laquelle on porroit Ice,
Corps des Gladiateurs dans le
lieu de leur Sepulture. C'est dcquoy
parle Plutarque.
Les Jeux Funébres se celç
broient aussi en la Ville de Rome.
Celuy des Gladiateurs y estoit
employéen l'ivonueur des priacipaux
Rjomains/,pembm que
leurs Corpsestoient dansleBucher
j,&delà les Gladiateurs qui
y combattoientestoient appellez
jtujfaarii. Marcus&DéciusFils
de Jimtas Brutusfurent lei.p'r-t..
miers qui en célebrerenten faveur
de leurPere. CesJeux fureur
empruntez des Grecsi &: dds.,
_Troyen&vcommeoolàybied&tîs
Je Ity. 5de l'Encide
,
oir'Enéten;
J^hontxcùn,de;fan Pere Anchise
e,nff\aitRrep.re0sen'tfer decinqfortes déxSidtevdù
lsontPère eftoir>uVtaia^rc,:ce^jui se t€<Q~apwéailÀh. finy.
ExPectata dies aderat:-,twnamquâv
A : firwk
sîttroram Phaetonttstquijam lute
firtbant.
Les Cyprez seplantoient ordinairement
anx Funerailles des
Princes&des grands Seigneurs,
autour de leurs Sepultures, & de
leurs Tombeaux, & i-nest-nede-
Tvant la par te deleurs maisons.
C'cft uneespeced'Arbre fiiiieste,
& qui est pris pour lamort,
car estant coupé il ne renaist ja-
Olis.., L'Ache servoit auxSépultures
dela, Populace auliude
cet Arbre. C'fist ce que reprecseentDe
Ailscitaitqenusees.vEm"blêmespar
:JF'IIndr-a. rèjt rbort ProcetiumMomi- :. monta CUpsiJfUJ T • aleApiumpiebisprotrîfrefrondefolct.
-1 De plus, on nettoyoit la Maison
du Mort avec une espece de
Balay particuliere ;&ceuxqui
avoient ce foin s'appelloient £-
verrancdtûres'.i:
•' Chez les Anciens on couvroft
de guirlandes deFleurs la telle des
Vierges, avant que de les mettre
du Tombeau; on yen jettoit
ausside blanchesen faveur de leur
Virginité, comme Damascéne
& Nyssénus le remarquent.
Chez les Romains quand une
Veuvemouroit, quin'avoiteu
qu'un seul Mt.TY
, on la portoit
au Tombeau de son Epoux,avec
une Couronne de pudicité. On
a souvent envoyéles Corps des
Défuntsvétus de blanc dans le
lieu de leur Sepulture. LesFemmes
mcfmedes Personnes de
qualité
,
dansles Funerailles de
leurs Epoux se vétoient d.l: meftiiecouleur.,
La mesme coûtume s'observe
encore en Angleterre, deseservir
de Fleurs blanches & de vétir
les Corps des Défunts d'habits
blancs. Celasepratiquoit
autrefoisen France en la mort
d'un Roy* & la Reyne se vétoit
deblanc, c'est d'oùest venu le
nom de la Reyne Blanche, comme
Alexandre Surdus l'a remarqué
,&PoLydore \fJgleij (t.
chap.7
On avoit aussicoûtume quelquefois
aprèsles Obsç..ques.detré.,.
pandre diverses El^utsP/irfiarns-,
,for les Sepu^cbrps te Peuple Romain sur celuy d-up
,des Sçipioiis-- si c'estoisun Giierrier^on,aaackûitauro^•
Monument son Bouclier, son
Casque, son Epée & divers au..
tres Ornemens. Cette coûtumen'est
pas encore efteinte presentement,
comme on peutvoir
dans nosTemples,oùsont les,
Drapeaux& les Armesde nos
Genérauxd'Armée,arrachez
aux Voutes, C'est ce qȣ;dit
fort propos Virgile Iiv. 9. de l'Ete,
neïde. 1> Sufvcndi've-Thala,autfatmadftuy
/iigid-Jixi.
On mettoit des feüilles, de
Laurier, de Marthe, ou de quel
ques autres Arbresqui gardent
leur verdure
,
dans les Tombeaux,
fous les Corpsdes Défunca
; ce que Duranres remarqueestre
un Symbole mysté- r:Íde:l'immortalité,enfaveur
de ceux que l'on croit ne prendre
qu'un doux sommeil, pourrevivre
un jour mieux qu'auparavant.
Il yavoit de plus les Lampes
sepulcrales que l'on mettoit dans
les Mausolées. Ces Lampes
avoient une vertu particulière
qu'ellesne s'esteignoient aucunement
, tant qu'elles n'avoient
point d'air; foit que cette vertu
vinst du Lumignon qui pouvoir
estre fait du Lin Asbestos, ou de
la Pierre Amianthos dont nous
avons parlé, ou que cela procès
dast delamatiere ou de l'Huile
qui yestoit employée. Nous
avons Saint Augustin pour témoin
,
de cette vérité. Il dit
en sa Ciré de Dieuliv. 1. chap. 6,.
qu'en foüillant dans les ruines
d'un
;'¿'un ancien Monument
, on y
trouva une Lampe d'or, qui se-
Ion son inscription y avoit demeuré
allumée prés de deux mille
ans, & que quand l'air y eut entré,
elles'esteignit. Il est encore
certain que dans Rome on trouveassez
souvent de ces Lampes
dans les Catacombes & en d'autres
lieux. Roma subterranea. en
peut fournir des exemples.
Quoy que nous ayons dit un
mot des Epitaphes & de leur origine,
en parlant de la Sepulture
d'Abel,ilest à proposdeles distinguerdesinscriptions.
Lesinscriptionsmarquent
sur des Pierres,
Airain ou autre Matier,certains
ou Tombeaux appartiennent, &
d'ordinaire les mots en estoient en
abrégé, commeon le peut voir
en ces Lettres Sepulchrales. H.
M. N.H.S. qui veulent dire, hoc
monumentum non hæredessquitur.
Mais les Epitaphescomprenoient
ordinairement les noms, les dignirez
& les vertus, ou les hautes
actions de ceux qui estoient en
ces Monumens. On remarque
que les plus anciennes avoient un
style particulier,&uneagréable
varietédans leurs termes, quoy
que quelques-unes fussent simples
& naïves; & comme elles ne
sentoient ny les Vers ny laProse;
il y avoit un art ou une cadence
dans les mots donton les formoic
qu'on appelle Art Lapidairey &
qu'manuel Thesaurus de Sa.,
voyea fait revivre en la vie de ses
Patriarches. Ce sçavant Personnage
a fait des Peintures
achevées de toutes les Personnes
qu'il a écritesenson Livre, &on
ne les lit qu'avec admiration. Son
Livrea esté imprimé depuis
quelque temps à Rome avec
deux fois autant d'augmentation
sur d'autressujets curieux & sçavans.
La pluspart des Epitaphes se
faisoient aussi en Vers; & pour
voir les Eloges que l'on donnoit
au merite
,
à la dignité & aux
vertus des Personnes
,
le Livre
intitulé Rome Souterraine, en fournit
un grand dombre tant parinscriptions
que par Epitaphes,
creant recueillies de divers Autheurs.
Plusieurs ont écrit leurs Epitaphes
de leur vivant, comme Je
CardinalBaronius le rapporte de
Cassius,Evesque de Narnie.
Pierre leDiacre a fait un excellentTraité
des Epiraphes &
des Inscriptions, & mesme des
marques Hierogliphiques ou Caracteres
Romains
,
qui setrouvoient
sur les anciens Tombeaux
ou Sepulchres. Bossus est aussi.
un Autheur fort curieux de ces
antiquitez
,
de mesme queJean
Severanus&PaulAringhus.
Vvolphangus traitant cette
matiere liv.3. chapitre dernier,
rapporte tant sur Rome, sur
Naples, que surle Portugal, &
autres lieux, plusieurs Epitaphes
& Inscriptions fort ancien-
¡,Des & dit qu'on a trouvé plusieurs
vaisseaux d'or, d'argent,
d'Airain ou d'autre matiere dans
les Sepulchres, dans lesque's les
ossemens & les cendres des Corps
estoient encore enfermées,& il en
marque souvent les temps.
Pausaniasen ses Atriques mir,
que de quel temps les Epitaphes
ont commencé
,
6c dit aussi que
l'on érigeoir des Autels à la Milicequiavoiresté
tuéepour la désensedela
Patrie, & qu'on luy
rendoit des honneurs annuels; ce
que Lycurgue ordonna aussi d'être
observé.
Pour ce qui est d'inhumer les
Corps couchez sur le dos, la teste
vers le Couchant, & les pieds
vers l'Orient,c'est ce que Quailard
a remarqué dans ses Voyages
de la Terre Sainte, & ce qui se
pratique encore aujourd'huy. Le
Concile de Maçon,Canon 17.
défend d'inhumer les Corps les
uns sur les autres) mais on doit
les mettre à costé. Ille dit ainlÏ.
Non licet mortuum filer mortuum
mitti.
Les Instituts de l'Empereur
Justinienne permettent pas d'ensevelir
aucun dans le Tombeau
d'aurruy
,
sans sonconsentement.
Non licct inferre mortuum in tumutum
alienum invitodomino.
Les Romains eurent leur temps
limité pour regretter les morts;,
car Numaajouta aux Sacrifices
qu'il avoit établis, ceux que l'on,
devoit faire aux Dieux Mânes.
Il défendit de regretter aucun
enfant au déssous de trois mois,
& ne jugea pas à propos qu'un
plus âgé sust regretté plus de
mois qu'il n'avoit vécu d'années.
Pour les Personnes mariées, le
terme estoit fixé à dix mois au'
plus. Mais si quelque Femme
se remarioit avant ce temps, elle
eneaoitreprise
,
& c'estoit une
honte pour elle, selon le Code Be
l'Ordonnance de ce Roy.
Il n'en alla pas de mesme de
cette Veuve de la Ville de Lyon,
qui sans garder les temps preferitspar
l'Ordonnance, épousa
vingt trois Maris, & dont le dernier
l'ayant mise au Tombeau,
fut couronné de Fleurs, ayant
une branche de Laurier en la
main, en marque de victoire &
de triomphe, & accompagna le
Cercueilen cette maniéré, avec
toute la jeunesse de la Ville, qui
pour honorer les Funerailles yfit.
venir les Violons, & les Hautbois,
qui joüerent par concerts
&.avecmélodie, comme sic'eust
esté une nopce au lieu d'un convoydemort.
Plutarque dit en ses Problèmes
que les Veuves mettoient bas
leur Pourpre
,
leurs Anneaux,
leurs Bracelets,& qu'elles se vétoient
de blanc;mais que le temps
du deüil estantexpiré, elles reprenoient
leurs vétemens fomptueuxavec
leurs Bijoux;comme leditTite Live.
Chez les Juifs le deuil,estoit
de trente jours, & les Anglois
observent la mefoiecoutume à
Rome, selon Horace en ses Epodes,
on faisoit un Sacrifice le 9.
jour d'aprés la Sepulture; & les.
eux commençoient le mesme
ouraussi.
Novendiales dissiparepulveres.
Il y avoic une coutume chez
les Rojmains,qui sentoit fort son
antiquiré
, comme le fait voir S.
Augustinen la Cité de Dieu liv.
4. chap. 11. par laquelle cette
Nation faisoit mettre à terre les
Enfans nouveau-nez par les mains
des Sagefemmes, êt les Peres les
relevoient , pour se remettre en
memoire que toutes choses doivent
retourner en leur principe.
De là estoit pris le nom de l'adresse
Levana , que les Gentils
adoroienr.
Ona veu des Sepulchres miraculeusement
construits en peu
de temps. Sous l'Empereur
Trajan, Saint Clement I. Pontise
Romain de son nom , ayant
esté précipité une Ancre au col,
les Eaux se retirant à Tes prieres,
les Anges luy érigerent un Monument
au fond de la Mer, afin
de luy donner la Sepulture en ce
lieu. Céc Elément par une merveille
surprenante, se retiroittous
les ans la veille de saFeste en
forte que tout le monde pouvoit
allervisiter ce Sepulchre que la
Mer reconvroit après le jour expiré.
C'estoù un Enfant demeura
endormy pandant un an par
miracle.
Les Iafiensérigerentun magnifique
Mausolée à un jeune Enfant
&à un Dauphin, pour l'amour
qu'ils avoient contracté
ensemble. Ce Poisson avoir
coutume de porter cet Enfant
surla Mer en se joüant, & de le
rapporter au rivage; maisayant
filé piqué d'unedesépinesde
son dos, il en mourut; ce qu.
ayant apperceu le Dauphin ,il en
mourut de regret. Leurs Corps
estant trouvez sur le Sable, ils furent
portez en ce Monument.
Lesmesmesérigèrent une Statue
de Marbre en leur honneur, representant
un Dauphin qui portoit
un Enfant sur son dos, avec
cette belle Devise.
Non ponaasamori.
Ils fabriquerent mesme des
Médailles d'argenr qui representoient
leurs Images, & laisserent
à la postérité l'histoire de leur
amour. Les Romains se vantent
qu'il en est autant arrivé au Lac
Lucrin, prés de leur Ville.
Ilsetrouve des animaux qui se
rendent ce devoir les uns aux autres.
Les Gruës
, comme dit Elian
livre2.. cha pitre 1. partant de
Thrace pour passer en Egypter
afin d'y trouver un Climat plus
temperé
,
si quelqu'une de leur
compagnie meurt en chemin, elles
s'assemblent autour, la couvrent
de Sable, & continuent
leur route, après luy avoir rendu
ce dernier devoir.
Les Abeilles, comme dit Virgîle
liv. 4 des Georgiqnes,nese
rendent-elles pas ce dernier de.
voir en leurs Funerailles
, avec
beaucoup de foin & deregret?
Tum corpçra Luce carentum
Exportant tefîis, & tristia funert
dueunt.
Mais voila une merveilleuse
surprise qui arriva aux yeux des
principaux Romains. Drufilla
Epouse del'Empereur Caligula
estant morte, comme on en
brûloit le Corps avec la pompe
& la magnificence accoûtumée,
une Aigle qu'elle avoit élevée ôc
nourrie de sa main,& qui la fuivoit
en quelque part qu'elle allast
en volantd'Arbre en autre,
voyant que l'onmettoitle Corps
de cette Impératricedans le Bu.
cher, s'y précipita d'elle mesme
& s'y consuma à même temps;
canc la passion de cet Oyseau
estoit grande.
Avant que l'on mhumast dans
les Villes & dans les Temples, on
mettoit les Corps en des Grottes
souterraines, ou dans lesChamps
en des lieux que l'on appelloit Mress
comme il estdit de Saint Cyprien
,qui sur inhumé dans l'Aire
d'un Procureur nommé Candide.
Souvent on élevait, des
Monumensdes Sepulchres sur
les lieux où les Martyrs avoient
esté ensèvelis. Les Caracombes
à Romenousdonnentun témoignage
de ces Sepultures.
La Loy des XII. Tables défendoit
de brûler ou d'inhumer
aucun dans l'enceinte de Rome
,& elle portoit ces mots, Iin
urbene fepelito, neveurito. Dans
ce tempslà il y avoit beaucoup
de Monumens ou Tombeaux autour
de cette Ville, tant vers la
Porte Capene, au chemin d'Appie,
que vers la Porte Nomentane.
Les plus considerables
estoientdans le Champ de Mars,
comme asseure Clemenc Alexandrin
liv. i. des Guerres Civiles.
Mais ensuite de ces premiers
temps, on a inhumé les Corps à
la porte des Temples, & en leur
circuit, & l'une a pris exemple
sur Vautre. L'Empereur Constantin
le Grand fut enseveli à
Constantinople dans le Portique
du Temple des Apostres; Clovis
à Paris enceluy de Saint Pierre
Saint Paul, aujourd'huy Sainte
Geneviéve; Clotaire dans celuy
de Saint Germain des prez;Charlemagneà
Aix laChapelle dans
le Temple de Sainte Marie.
Enfin la coûtume se relâcha
de n'inhumer pas dans les Villes,
ny prés de leurs enceintes&l'on
permit à Kome ,&principalement
à ceux qui avoient mérité
le Triomphe
,
d'avoir leurs Sepulchres
dans la Ville, comme
aussià ceux qui par leur race ou
par leurs vertus estoient illustres.
Delà ca venuë la Ruë Patricienne,
où il y au pied du Mont VL:
minal & Quirinal
,
quanrité de ;
Mausolées pour cesPersonnes
considerées.Enfin l'usage s'en est
introduit par tout, & l'on n'a plus
eu d'égard aux Loix qui ledéfendoientauparavant.
Mais avant que de finir ce discours
,nous dirons que les Turcs,
estant prests de mettre au Tombeau
les Corps des leurs, lesrasent
& les lavent, & que leurs
Sepulchres font sur le bord des
chemins , 6c qu'il ya eu des Roys
&desPrinces qui faisoient porter
Jeurs Tombeaux au front de leur
Armée, pour avoir l'image de la
Mort devant leurs yeux, ôc pour
ne la pas redouter dans les combats
; comme dit Calcondyle livre
3. Le Tombeau de Mahomet
quiestàlaMéque, &que quelques
Autheurs disent estre de
Fer, & soutenu en l'air par la vertu
de l'Aimant ,est visité tous les
ans par de grandes Caravanes de
quatre-vingt & cent mille Personnes,
pour estre en asseurance
contre les Arabes qui ont coutume
de lesdétrousser sur le che.
min, & où l'on porte un magnifique
& riche Pavillon de la part.
du Grand Seigneur, pour en
couvrir le Tombeaude leur Prophete.
Quoy queles 8c les Mau[ol¿Ci",
leurs Tombeaux au front de leur
Armée, pour avoir l'image de la
Mortdevant leurs yeux, & pour
ne la pas redouter dans les combats;
comme dit Calcondyle livre
3. Le Tombeau de Mahomet
quiestàlaMéque, &que quelques
Autheurs disent estre de
Fer, & soutenu en l'air par la vertu
de l'Aimant, est visité tous les
ans par de grandes Caravanes de
qatre-vingt & cent mille Personnes,
pour estre en asseurance
contre les Arabes qui ont coutume
delesdétrousser sur le che.
min, & où l'on porte un magnifique
& riche Pavillon de la part
du Grand Seigneur, pour en
couvrir le Tombeau de leur Pro-
Pl-icte.- (II
Quoy queles & les Mausolées
magnifiques Sepulchres donc
nous avons parlé, ayent esté pour
les Roys & pour les Princes,
voicy qu'un accident fait qu'une
Fourmy est plus noblement ensevelie
queCleopatre Reyne d'Egypte.
CetteEpigramme ledit,
parce que ce petit animal fut enfermé
dans de l'Ambre transparent
,
& cette Reyne dans du
Marbre.
Ilm'Vis mygdemojaccat Cleopatra
flpulcro,
Use Formica iacetnobilioreleco.
Nous finirons parleSepulchre
de Timon
,
dit le Misantrope
,
qui
avoit esté construit surle bordde
la Mer, & que cét Element avoit
tellement en horreur, qu'il vomissoit
continuellement ses Flots
contre ,
&: avec le remps le repoussa
fort loin; car comme il
avoit eu en haine les Hommes,
leMer n'en eut pas moins de son
: Corps 6cde son Tombeau.Voila
l'Epitaphe qu'ils'estoit fait luy
mesme, & que l'onvoyoit.
Hicfrm possvitam miferdmque ¡no.., ftraquefepultwi ..-
Nomcn non quaras, dii Icélor,tt
maieperdant,
Fermer
4
p. 315-317
Anecdotes Grecques, &c. [titre d'après la table]
Début :
ANECDOTES GRECQUES, ou avantures secretes d'Aridée, frere d'Alexandre le [...]
Mots clefs :
Alexandre le Grand, Athènes, Platon, Euridice, Aridée, Tyrus, Babylone, Olympias, Bagdad, Histoire grecque
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Anecdotes Grecques, &c. [titre d'après la table]
ANECDOTES GRECQUES , ou avantures
secretes d'Aridée frere d'Alexandre le
Grand , traduites d'un manuscrit grec . A Paris
chez la veuve Guillaume , Quay des Augustins ,
au
g16 MERCURE DE FRANCE.
au Nom de Jesus . Se vend 24. sols broché , vol.
in 12. de 224. pages , 1731 .
Le Prince Aridée , mécontent du Roy Alexandre
son frere , prend la resolution de voyager
avec son confident , nommé Linon. Ils sont
attaquez par des voleurs qu'ils terrassent. Ils
vont à Athénes , où Aridée écoute avec plaisir .
un Discours de Platon sur l'abus de la pluralité
des Dieux , et la nécessité absolue d'un seul Etre
suprême ; il passe ensuite à Zagen , dont Tyrus
le Roy l'ayant connu , le fait General de ses
troupes , contre Jadul Roy de Cotatis.
Aridée assicge Cotatis ; pendant le siege , se
promenant avec Linon son favori , il délivre
une jeune fille , nommée Clare , de la main de
ses ravisseurs , et trouve Evandre , fils de Leomatus
, l'un des Lieutenans d'Alexandre. Claro
luy raconte son histoire , et luy apprend qu'Euridice
( fille d'Amyntas , oncle d'Aridée et sa
cousine ) est captive dans le Château de Cotatis.
Aridée en presse le siege , prend la place d'assaut
, et délivre Euridice , qu'il trouve cachée
sous un tombeau.
Euridice luy fait le recit de ses malheurs ;
Aridée revient triomphant chez le Roy Tyrus ,
où il est reçu avec tous les honneurs possibles .
Pendant son sejour , Linon son favori ayant délivré
la fille d'un Seigneur de la fureur d'un lion ,
l'épouse , et fait ainsi sa fortune. Aridée et Euridice
vont ensuite à Calyba , où ils croyoient
trouver Amintas , pere de la Princesse Euridice
lequel étant mort , Euridice consentit d'épouser
Aridée.
Peu de temps après Aridée apprend la mort
d'Alexandre le Grand , son frere ; aussi - tôt it
va à Babilone avec Euridice son épouse , ou
après beaucoup de mouvemens entre les Lieute
nans
FEVRIER.. 1731. 317
mans d'Alexandre , Aridée est enfin élu Roy sous
le nom de Philippes .
>
Olympias
mere d'Alexandre en devient
amoureuse ; elle luy fait proposer , et luy propose
elle-même de repudier Euridice , et de l'épouser
, quoy qu'elle ait été la femme dé
pere ; Aridée luy fait voir , l'horreur de sa
proposition , et par son refus devient son ennemi.
son
Pendant ce temps-là , Yolas fils d'Antipater
devient amoureux de Clare , et rival d'Evandre ,
fils de Leonatus ; mais Clare ayant été reconnue
pour fille d'Antipater , que la Reine Olympias ,
par vengeance , avoit fait enlever à l'âge de deux
ans , et par ce moyen se trouvant sa soeur , elle
épouse Evandre. Icy on trouve un Episode assez
singulier d'une fille , qui justifie son amant accusé
d'assassinat , et confond l'accusateur qu'el
le- même a désarmé comme le plus lâche de tous
les hommes.
Le Roy Aridée et la Reine Euridice se retirent
à Bagdat , où la furieuse Olympias trouve les
moyens de faire étrangler la Reine , et ensuite
assassiner le Roy avec cent Gentilhommes,
après quoi on lui fait subir le châtiment de ses
cruautez.
Ce qui est conforme aux Auteurs qui ont écrit
'Histoire Grecque , et dans un stile tres concis .
secretes d'Aridée frere d'Alexandre le
Grand , traduites d'un manuscrit grec . A Paris
chez la veuve Guillaume , Quay des Augustins ,
au
g16 MERCURE DE FRANCE.
au Nom de Jesus . Se vend 24. sols broché , vol.
in 12. de 224. pages , 1731 .
Le Prince Aridée , mécontent du Roy Alexandre
son frere , prend la resolution de voyager
avec son confident , nommé Linon. Ils sont
attaquez par des voleurs qu'ils terrassent. Ils
vont à Athénes , où Aridée écoute avec plaisir .
un Discours de Platon sur l'abus de la pluralité
des Dieux , et la nécessité absolue d'un seul Etre
suprême ; il passe ensuite à Zagen , dont Tyrus
le Roy l'ayant connu , le fait General de ses
troupes , contre Jadul Roy de Cotatis.
Aridée assicge Cotatis ; pendant le siege , se
promenant avec Linon son favori , il délivre
une jeune fille , nommée Clare , de la main de
ses ravisseurs , et trouve Evandre , fils de Leomatus
, l'un des Lieutenans d'Alexandre. Claro
luy raconte son histoire , et luy apprend qu'Euridice
( fille d'Amyntas , oncle d'Aridée et sa
cousine ) est captive dans le Château de Cotatis.
Aridée en presse le siege , prend la place d'assaut
, et délivre Euridice , qu'il trouve cachée
sous un tombeau.
Euridice luy fait le recit de ses malheurs ;
Aridée revient triomphant chez le Roy Tyrus ,
où il est reçu avec tous les honneurs possibles .
Pendant son sejour , Linon son favori ayant délivré
la fille d'un Seigneur de la fureur d'un lion ,
l'épouse , et fait ainsi sa fortune. Aridée et Euridice
vont ensuite à Calyba , où ils croyoient
trouver Amintas , pere de la Princesse Euridice
lequel étant mort , Euridice consentit d'épouser
Aridée.
Peu de temps après Aridée apprend la mort
d'Alexandre le Grand , son frere ; aussi - tôt it
va à Babilone avec Euridice son épouse , ou
après beaucoup de mouvemens entre les Lieute
nans
FEVRIER.. 1731. 317
mans d'Alexandre , Aridée est enfin élu Roy sous
le nom de Philippes .
>
Olympias
mere d'Alexandre en devient
amoureuse ; elle luy fait proposer , et luy propose
elle-même de repudier Euridice , et de l'épouser
, quoy qu'elle ait été la femme dé
pere ; Aridée luy fait voir , l'horreur de sa
proposition , et par son refus devient son ennemi.
son
Pendant ce temps-là , Yolas fils d'Antipater
devient amoureux de Clare , et rival d'Evandre ,
fils de Leonatus ; mais Clare ayant été reconnue
pour fille d'Antipater , que la Reine Olympias ,
par vengeance , avoit fait enlever à l'âge de deux
ans , et par ce moyen se trouvant sa soeur , elle
épouse Evandre. Icy on trouve un Episode assez
singulier d'une fille , qui justifie son amant accusé
d'assassinat , et confond l'accusateur qu'el
le- même a désarmé comme le plus lâche de tous
les hommes.
Le Roy Aridée et la Reine Euridice se retirent
à Bagdat , où la furieuse Olympias trouve les
moyens de faire étrangler la Reine , et ensuite
assassiner le Roy avec cent Gentilhommes,
après quoi on lui fait subir le châtiment de ses
cruautez.
Ce qui est conforme aux Auteurs qui ont écrit
'Histoire Grecque , et dans un stile tres concis .
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Résumé : Anecdotes Grecques, &c. [titre d'après la table]
Le manuscrit 'Anecdotes Grecques, ou aventures secrètes d'Aridée frère d'Alexandre le Grand', publié à Paris en 1731, relate les aventures d'Aridée, frère d'Alexandre le Grand. Aridée et son confident Linon affrontent des voleurs et se rendent à Athènes, où Aridée écoute un discours de Platon. Ils se dirigent ensuite à Zagen, où Aridée devient général des troupes du roi Tyrus contre Jadul, roi de Cotatis. Pendant le siège, Aridée délivre Clare et découvre Evandre, fils de Leomatus. Clare révèle qu'Euridice, cousine d'Aridée, est captive à Cotatis. Aridée assiège et prend la place, libérant Euridice. À Calyba, Euridice accepte d'épouser Aridée après la mort de son père Amintas. Aridée apprend la mort d'Alexandre et se rend à Babylone, où il est élu roi sous le nom de Philippe. Olympias, mère d'Alexandre, propose à Aridée de l'épouser, mais il refuse, devenant son ennemi. Yolas, fils d'Antipater, épouse Evandre. Aridée et Euridice se retirent à Bagdad, où Olympias fait assassiner le couple avant de subir elle-même un châtiment pour ses cruautés.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 2700-2714
DISSERTATION sur l'état où étoit l'Euphrate à Babylone, du temps d'Alexandre le Grand, et sur l'ouvrage que ce Prince y vouloit faire construire pour servir à une nouvelle Edition de l'Histoire Ancienne, composée par un Auteur moderne.
Début :
L'Auteur moderne de l'Histoire Ancienne, a voulu en un endroit de [...]
Mots clefs :
Euphrate, Babylone, Alexandre le Grand, Lit, Livres, Arabes, Assyriens, Xénophon
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texteReconnaissance textuelle : DISSERTATION sur l'état où étoit l'Euphrate à Babylone, du temps d'Alexandre le Grand, et sur l'ouvrage que ce Prince y vouloit faire construire pour servir à une nouvelle Edition de l'Histoire Ancienne, composée par un Auteur moderne.
DISSERTATION sur l'état où étoit
l'Euphrate à Babylone , du temps d'Alexandre
le Grand, et sur l'ouvrage que ce
Prince y vouloitfaire construire pour servir
à une nouvelle Edition de l'Histoire
Ancienne , composée par un Auteur moderne.
'Auteur moderne de l'Histoire Ana
voulu en un endroit de
son Ouvrage , montrer l'accomplissement
des Prédictions des Prophctes contre la
Ville de Babylone et contre l'Euphrate ,
qui la traversoit ; mais dans son zele , qui
est très- loüable , il n'a pas cu toute l'at-
I. Vol.
L'eienne, en un
tention
DECEMBRE 1931. 2751
tention qu'il falloit avoir pour ne pas s'écarter
de la verité ; le zele trompe quelquefois
s
Decipimur specie recti.
Commençons par rapporter sur cet article
les paroles mêmes de cet Auteur ;
nous observerons d'abord ses méprises ,
et ensuite nous les réfuterons .
» Dès le temps d'Alexandre le Grand ,
>> dit- il , le Fleuve , ( c'est à dire l'Eu-
» phrate * ) étoit sorti de son lit ordinai-
» re par l'ouverture que Cyrus avoit fait
»faire au Canal dont nous avons parlé ,
» ( c'est -à- dire, à ses lignes de circonvallation,
p. 231. et 251. ) et qui depuis avoit
» éte mal fermée , et il avoit inondé tout
» le Pays.
Ces paroles contiennent trois faits également
faciles à détruire , 1 ° . Que l'Euphrate
eût alors quitté son lit. 2 ° . Que l'ouverture
faite au Fossé ou à la Tranchée de
Cyrus , eût éré mal fermée. 3 ° . Que tout le
Pays en eût été inondé. Nous avons sur
chacun de ces trois faits de quoi montrer
le contraire par de bonnes preuves ; mais
écoutons l'Auteur qui continue en ces
termes.
>> Ce Prince , dit- il , ( c'est d'Alexandre
dont il parle ) dans le dessein qu'il avoit
* Tom. 2. pag. 258.
J Vol
Av
d'éta
2702 MERCURE DE FRANCE
» d'établir le Siege de son Empire à Ba-
>> bylone , songea à rappeller l'Euphrate
» dans son lit naturel , et l'ouvrage étoit
» déja commencé ; mais Dieu qui veilloit
à l'accomplissement de sa Prophetie ,
>> et qui avoit déclaré qu'il détruiroit jus
» qu'aux restes et aux vestiges de Baby-
» lone , ( Perdam Babylonis nomen et reliquias
, ) dissipa ce projet par la mort
» d'Alexandre , qui arriva peu après .
L'Auteur persevere dans son idée, mais
par deux nouvelles erreurs.La premiere est
que l'Ouvrage que voulut faire Alexandre ,
jut de rappeller l'Euphrate dans son lit , et
il n'en étoit pas sorti . La seconde est , que
Dieu l'empêcha pour l'accomplissement de
ses Propheties , et l'entreprise d'Alexandre
ne les interressoit en aucune sorte..
Avant que de donner sur ces faits ;
comme sur les précedents , les preuves
évidentes qui les détruisent , remarquons
d'abord que l'Auteur dont il est question,
cite à la marge le huitième Livre de l'Histoire
d'Alexandre par Arrien , comme
pour donner un garant d'une partie , au
moins de ce qu'il avance ; mais c'est une
chose certaine , premierement que cette
Histoire d'Arien n'a que sept Livres
et non pas buit ; en second lieu , qu'elle
est absolument contraire au systême de
P'Auteur moderne.
DECEMBRE. 1931. 2793
"
Arrien ne dit point du tout , qu' Al:-
xandre voulût remettre l'Euphrate dans son
lit. Cette idée de l'entreprise d'Alexandre
est une pure imagination d'Isaac Vossius ,
faute de bien prendre le sens d'Arrien.
Aussi Gronovius a-t'il eu soin de le réfuter
, et il l'a fait d'une maniere qui
ne souffre point de replique. Il a aussi
réfuté M. Huet , qui dans son Ouvrage
sur le Paradis Terrestre , avoit copié Vossius.
La même réfutation tombe sur l'Auteur
moderne de l'Histoire Ancienne ,
qui a pris de M. Huet la même idée de
FOuvrage d'Alexandre .
L'Auteur moderne de l'Histoire Ancienne
ne suit pas M. Huet en toutes
choses ; mais lorsqu'il le quitte , il ne
s'égare pas moins que lui. Il croit , par
exemple , que l'entreprise d'Alexandre
ne fut jamais achevée , Dien l'ayant empêché
, à ce qu'il dit , pour l'accomplissement
de ses Propheties ; et M. Huet dit
que cet Ouvrage , qui ne fut point alors
consommé , l'a été depuis. Ce dernier ne
croit donc pas que les Propheties s'y trou
vassent interressées en cela il a raison ;
mais il se trompe , en ce qu'il croit
l'Euphrate fût rappellédans son lit, comme
s'il en fût sorti , ce qui n'étoit pas.
Secondement l'Auteur moderne de
A vj l'His
1. Vol.
que
2704 MERCURE DE FRANCE
l'Histoire Ancienne regarde le Canal ,
dont parle Arrien , * comme le Fossé ou
les tranchées de Cyrus ; et M, Huet le
regarde comme une saignée faite furtivement
à l'Euphrate par les Arabes pour
arroser leurs terres , qui en avoient grand
besoin. Ces deux Auteurs , dans leurs
diverses opinions , ne se trompent pas .
moins l'un que l'autre.
En troisiéme lieu , M. Huet ajoûte qu'en
cela les Arabes avoient à faire aux Assyriens
, qui de l'autre côté de l'Euphrate ,
avoient besoin des mêmes Eaux , et empêchoient
les Arabes de les détourner.
C'étoit , selon lui , une semence de guerre
entre eux qu'Alexandre voulut termi
ner ; et pour le faire à l'avantage des
Assyriens , il entreprit de boucher pour
toûjours cette ouverture furtive .
En cet endroit M. Huet se trompe
dans l'idée qu'il a de l'entreprise d'Alexandre
; il se trompe aussi dans le motif
qu'il lui attribuë , et il ne pense bien
qu'en ce qu'il ne croit pas , comme l'Auteur
moderne de l'Histoire Ancienne
que le Canal où ce Prince voulut faire
travailler , fût le Fossé de Cyrus.
Une démonstration de cela fort aisée :
c'est que les saignées que Cyrus fit faire
* P. 231. 251. et 2580
I. Vol.
DECEMBRE . 1731 . 2705
༡ *
à l'Euphrate , furent des Tranchées autour
de Babylone. L'Auteur moderne de
l'Histoire Ancienne le dit lui - même.
comme on l'a vû , * en quoi il est d'accord
avec Xenophon elles coupoient le
Fleuve à droite et à gauche au- dessus de
Babylone , pour dessecher son lit dans:
la Ville , ou le rendre guéable. Elles al--
loient se décharger de part et d'autre audessous
de la Ville , dans le lit naturel de
l'Euphrate. Il est évident que M. Huet
ne parle point de ces Tranchées , et on
montrera que c'étoit fort loin de- là qu'Alexandre
vouloit faire son Ouvrage.
la
Comme il n'est dit nulle part que cer
Ouvrage fût de rappeller le Fleuve dans son
Lit ; il n'est aussi dit nulle part que le Pays
autour de la Ville eût été inondé , ni
que
tête de la Tranchée eût donné lieu à l'inondation
, pour avoir été mal fermée. Bien plus il
eût fallu , pour causer une inondation ,
que la seconde ouverture au- dessous de
la Ville , eût été bien rebouchée , tandis
que la premiere ne l'étoit pas. Or c'est ce
que le Texte d'Arrien ne permet pas de
croire,non plus que le Texte de Q Curce.
Le premier dit d'abord qu'Alexandre
fit travailler à Babylone , à bâtir un Port
et à construire des Galeres ; il y avoit
* T. 2. P. 231. et 25№
To Vola
donc
2706 MERCURE DE FRANCE
donc une Riviere qui n'étoit autre que
l'Euphrate. Il ajoûte en effet , que pendant
ce travail Alexandre se mit sur l'Euphrate
pour aller , en suivant le cours de
l'eau , voir le Pallacopas.
Le Pallacopas est le Canal dont parle
Arrien, c'est celui où il dit qu'Alexandre
voulut faire travailler. On va voir sa situation
, la nature de l'Ouvrage et le
motif qui le faisoit entreprendre. Ecoutons
cet Auteur.
*
»Le Pallacopas , dit -il , en suivant le
» cours de l'eau , est environ à huit cent
» stades de Babylone , c'est- à- dire , à qua-
» rante lieües au - dessous , et plus de quarante-
six lieuës loin de la tête de la Tranchée
de Cyrus. On voit évidemment la
difference des lieux et la méprise de l'Auteur
moderne , tant en ce qu'il avance ,
qu'en ce qu'il cite Arrien pour son garant.
Arrien dit encore , que » le Pallacopas
» n'est pas une Riviere naturellement
>>> formée par des eaux de source ; mais
» un Canal qu'on avoit fait à l'Euphrate . »
Car ce Fleuve qui vient des Montagnes
d'Armenie , se contient dans son lit pendant
tout l'Hyver , parce qu'il n'y a que
très-peu d'eau ; mais au commencement
du Printemps, et plus encore vers le sols-
* L. 7.
I. Vol.
C. 21
tice
DECEMBRE. 1731. 2707
-
tice d'Eté , il s'enfle prodigieusement ;
desorte qu'au dessous de Babylone ,
surmontant particulierement son bord
Oriental , à cause qu'il est plus bas que
l'autre bord , il inonde le Pays des Assyriens
, et ce sont les neges d'Armenie
qui le grossissent , parce que c'est alors
que la chaleur les fait fondre , et par consequent
elles font déborder l'Euphrate ,
fort loin au-dessous de la Ville , à moins
qu'on ne prévienne cette inondation par
l'ouverture du Pallacopas , qui recevant
les eaux du Fleuve , les laisse aller à quatre-
vingt lieuës loin de là , sur les confins
de l'Arabie , où elles se déchargent
d'abord dans desMares ou dans desEtangs ,
et ensuite dans la Mer par un grand
nombre de souterrains.
Ce récit tout naturel d'Arrien , dissipe
les idées de M. Huet sur l'entreprise furtive
des Arabes , qui pour lors étoient à
plus de 80. lieues de l'Euphrate, et qui en
étoient même séparez par une chaîne de
Montagnes , des Lacs , des Mares , et des
Etangs , que ce Fleuve formoit sur les
confins de leur Pays.
Le même récit fait disparoître les prétendues
contestations de ces Peuples avec
les Assiriens , pour ces Eaux ainsi détournées.
Quel tort pouvoit faire aux derniers
1. Vol. une
2708 MERCURE DE FRANCE
une saignée que les premiers auroient
faite à des Marais , à 8. lieues de l'Euphrate
? On voit disparoître en mêmetemps
la prétendue décision d'Alexandre
en faveur des Assiriens ; mais il faut achever
d'entendre Arrien pour une plus
grande évidence .
» Lorsque les neiges , dit-il , se sont
» écoulées , les Eaux de l'Euphrate sont
»fort basses , et neanmoins elles s'écou
» leroient toutes par l'ouverture du Pallacopas
, si on ne la rebouchoit . On la
rebouche pour donner aux Assyriens ,
» de l'autre côté , le moyen d'arroser leurs
Terres qui ont besoin d'être arrosées .
» Ce soin regardoit les Satrapes de Baby-
>> lone. L'Ouvrage étoit difficile , il de-
" mandoit tous les ans dix milles Ou-
»vriers pendant trois mois entiers.
» Alexandre instruit de tout ce détail ,
» voulut faire plaisir aux Assyriens ; il
>>>résolut de boucher pour toûjours l'an-
» cienne ouverture de ce Canal , si dif-
» ficile à fermer , lorsqu'il en étoit be-
» soin , à cause que cet endroit n'étoit que
» de la terre et du limon ou du sable
»
que l'eau emportoit aisément. Il pour-
» suivit d'abord sa route par le Pallaco-
» pas , jusqu'aux Marais sur les confins
» de l'Arabie ; après quoi étant revenu à
J. Fol
DECEMBRE. 1731. 2709
la tête de ce Canal , et de -là , remon-
»tant vers Babylone , il trouva à la distance
de 30. Stades , c'est -à- dire , d'une
» lieuë et demie , un terrain ferme et pierreux
, et ainsi plus propre à retenir
» l'eau , si on le creusoit. Il voulut donc
» faire en cet endroit une nouvelle ou-
» verture à l'Euphrate , qui seroit très-
» aisée à fermer quand on voudroit , et
>> tirer de - là un nouveau Canal qui iroit
joindre l'ancien Canal du Pallacopas.
Voilà le dessein d'Alexandre , voilà
son motif; c'est tout ce que nous lisons
dans Arrien. Il ne faut donc pas le citer
pour nous faire croire que du temps d'Alexandre
, l'Euphrate avoit déja quitté
son lit , ni lui faire dire que cela étoit
arrivé par l'ouverture du Fossé de Cyrus
, ni qu'elle n'avoit pas été bien fermée
, ni que cette négligence avoit été
cause de l'inondation du Pays , ni enfin
que l'entreprise d'Alexandre fût de faire
rentrer le Fleuve dans son lit. Elle ne consistoit
qu'à fermer l'ancienne Ouverture
du Pallacopas , et à lui en donner une
autre , et elle n'interessoit en rien l'accomplissement
des Propheties.
Il est vrai , que selon les Propheties ,
Babylone avec son Fleuve ne devoit plus
être qu'un Marais : il ne devoit demeurer
I. Vela aucun
2710 MERCURE DE FRANCE
vestige de cette Villes son nom ne devoit
plus exister. Mais cela devoit s'accomplir
par degrez. Du temps de Pausanias , qui
est le temps de l'Empereur Adrien , on
en voyoit encore les murs , mais elle n'étoit
plus que la retraite des bêtes sauvages.
Du temps de Théodoret et de saint
Jerôme , ce Fleuve n'étoit en effet qu'un
Marais ou qu'un très- petit Ruisseau , mais
non pas encore du temps d'Alexandre .
Dês le temps de Cyrus , l'Empire des Babyloniens
fut détruit , et la Race de ses
Rois fut éteinte . Cela conduisoit à la
Ruine de Babylone , qui s'est enfin totalement
accomplie. Aujourd'hui on nomme
encore Babylone ; mais ce que ce nom
a signifié n'existe plus. Ce qu'on appelle
perdre le nom d'un Peuple , c'est détruire
le Peuple même , comme Annibal s'étoi
proposé de perdre le Nom Romain. Ces
vrayes idées des évenemens suffisent à la.
Religion , elle n'a que faire d'imaginations
fausses et mal concertées , et qui
n'ont aucun fondement.
Quint-Curce est d'accord avec Arrien ,
il nous dit formellement que lorsqu'Alexandre
vint à Babyione , l'Euphrate
couloit à l'ordinaire par le milieu de cette
Ville ( 1 ) Euphrates interfluit. Il étoit en-
( 1 ) Liv. s . ch.4. pag. 136. in 12.
1. Vol. .core
DECEMBRE. 1731. 2711.
core alors muni de hauts parapets , pour
en empêcher les débordemens. Et parce que
dans la fonte des Neges , il auroit encore
surmonté ces Parapets, Quinte - Curce observe
qu'autour de tous les grands Ouvrages
de cette Ville , on avoit creusé des
Cavernes et des Lacs fort profonds , pour
y recevoir cette surabondance d'eau , qui
sans cela ,auroit débordé dans la Ville même
, et auroit emporté les Maisons . Ces
Cavernes et ces Lacs étoient revêtus de
brique et recrépis de bitume.
Comment concevoir qu'en faisant , ou
en conservant de tels ouvrages , on eût
négligé de bien fermer la tête du fossé de
Cyrus , s'il étoit vrai qu'elle inondoit tout
le Païs ? Comment Quinte-Curce n'auroitil
pas parlé de ce fossé , comme il parle
de ces Cavernes ; puisque ce fossé , s'il
eût alors subsisté , auroit servi au même
usage ? Comment n'auroit- il pas parlé de
l'inondation de tout le Païs , qui n'eût
été qu'une Mer , puisqu'alors cette inondation
auroit duré depuis plus de deux
cens ans , c'est -à- dire depuis Cyrus ? Il ( 1 ).
avoit occasion d'en parler , lorsqu'il représente
toute la Ville de Babylone , venant
à pied , ou à cheval audevant d'Aléxandre
, comme il parle de l'inonda-
( 1 ) Liv. s . ch. 3. p. 134, in 12.
I. Vel. tion
712 MERCURE DE FRANCE
tion des confins de l'Arabie , par les Eaux
du Pallacopas , à l'occasion du voyage
qu'Alexandre y fit par Eau , parce qu'il
ne l'auroit pû faire autrement. ( r ) Il appelle
alors le Pallacopas , du nom de Riviere
, per amnem Pallacopam ; nouvelle
preuve qu'il ne le prend pas pour le fossé
de Cyrus .
Il y a des Cartes Géographiques qui placent
Babylone sur les Marais , ou au dessous
de l'ouverture du Pallacopas. Cela se
détruit tout seul, après ce que nous avons
dit , et par un trait remarquable , que
nous trouvons encore dans Arrien ; qui
est , qu'Alexandre revenant des confins
de l'Arabie par ces Marais du Pallacopas,
avoit Babylone à gauche , non à la gauche
du Fleuve , mais à sa gauche à luimême.
Or cela ne pouvoit être , si Babylone
eût été au dessous de ce Canal , il
l'auroit euë à sa droite. C'est pourquoi
la Carte de l'Empire Romain, par le Pere
Briet , Jésuite , et celles de l'Asie , selon
Prolomée , placent toutes ce Canal au dessous
, et le font aboutir vers les Montagnes
, qui bornent l'Arabie , d'où l'on
ne peut revenir , sans qu'on ait Babylone
à sa gauche. Et il faut faire cas de l'autorité
d'Arrien , parce qu'il s'est fait un
( 1 ) Liv. 1o. ch. 10. pag. 45.3 et 45˚4.
devoir
DECEMBR E. 1731. 271 3
devoir de suivre Prolomée et Aristobule
dans , les choses où ils sont tous deux
d'accord sur les actions et les entreprises
d'Alexandre.
L'Euphrate se divisoit en deux bras
assez loin au dessus de Babylone. Son bras
Oriental alloit se jetter dans le Tigre, et delà
dans la Mer. L'autre bras , qui est l'Occidental
, passoit à Babylone ; et à quarante
lieues au dessous , il se divisoit encore
en deux par le Pallacopas , qui alloit
dans la Mer , de la maniere que nous l'avons
dit.Il ne faut pas confondre ces deux
divisions de l'Euphrate.
11 ) Quinte- Curce ne donne de tour à
Babylone que 368 stades ; et Vaugelas l'a
suivi . L'Auteur moderne de l'histoire an
cienne lui en donne 480. communément
on fait le stade de 125 pas ; les huit stades
font le mille , et quatre milles font la
grande lieuë. L'Auteur moderne fait le
stade de 104 toises ; les 20 stades , selon
lui , font la lieuë ; ainsi 800 stades font
40
o lieuës.
Voilà ce que nous avions à dire sur les
deux articles proposez , qui sont l'état de
P'Euphrate à Babylone , du temps d'Aléxandre
, et la nature de l'Ouvrage que ce
Prince entreprit de faire faire sur ce Fleu
( x ) Liv. 5.ch. 4.
1.Vola
2,14 MERCURE DE FRANCE
ye. Nous croions que ces veritez que
nous avons établies , ne sont point à née
gliger.
l'Euphrate à Babylone , du temps d'Alexandre
le Grand, et sur l'ouvrage que ce
Prince y vouloitfaire construire pour servir
à une nouvelle Edition de l'Histoire
Ancienne , composée par un Auteur moderne.
'Auteur moderne de l'Histoire Ana
voulu en un endroit de
son Ouvrage , montrer l'accomplissement
des Prédictions des Prophctes contre la
Ville de Babylone et contre l'Euphrate ,
qui la traversoit ; mais dans son zele , qui
est très- loüable , il n'a pas cu toute l'at-
I. Vol.
L'eienne, en un
tention
DECEMBRE 1931. 2751
tention qu'il falloit avoir pour ne pas s'écarter
de la verité ; le zele trompe quelquefois
s
Decipimur specie recti.
Commençons par rapporter sur cet article
les paroles mêmes de cet Auteur ;
nous observerons d'abord ses méprises ,
et ensuite nous les réfuterons .
» Dès le temps d'Alexandre le Grand ,
>> dit- il , le Fleuve , ( c'est à dire l'Eu-
» phrate * ) étoit sorti de son lit ordinai-
» re par l'ouverture que Cyrus avoit fait
»faire au Canal dont nous avons parlé ,
» ( c'est -à- dire, à ses lignes de circonvallation,
p. 231. et 251. ) et qui depuis avoit
» éte mal fermée , et il avoit inondé tout
» le Pays.
Ces paroles contiennent trois faits également
faciles à détruire , 1 ° . Que l'Euphrate
eût alors quitté son lit. 2 ° . Que l'ouverture
faite au Fossé ou à la Tranchée de
Cyrus , eût éré mal fermée. 3 ° . Que tout le
Pays en eût été inondé. Nous avons sur
chacun de ces trois faits de quoi montrer
le contraire par de bonnes preuves ; mais
écoutons l'Auteur qui continue en ces
termes.
>> Ce Prince , dit- il , ( c'est d'Alexandre
dont il parle ) dans le dessein qu'il avoit
* Tom. 2. pag. 258.
J Vol
Av
d'éta
2702 MERCURE DE FRANCE
» d'établir le Siege de son Empire à Ba-
>> bylone , songea à rappeller l'Euphrate
» dans son lit naturel , et l'ouvrage étoit
» déja commencé ; mais Dieu qui veilloit
à l'accomplissement de sa Prophetie ,
>> et qui avoit déclaré qu'il détruiroit jus
» qu'aux restes et aux vestiges de Baby-
» lone , ( Perdam Babylonis nomen et reliquias
, ) dissipa ce projet par la mort
» d'Alexandre , qui arriva peu après .
L'Auteur persevere dans son idée, mais
par deux nouvelles erreurs.La premiere est
que l'Ouvrage que voulut faire Alexandre ,
jut de rappeller l'Euphrate dans son lit , et
il n'en étoit pas sorti . La seconde est , que
Dieu l'empêcha pour l'accomplissement de
ses Propheties , et l'entreprise d'Alexandre
ne les interressoit en aucune sorte..
Avant que de donner sur ces faits ;
comme sur les précedents , les preuves
évidentes qui les détruisent , remarquons
d'abord que l'Auteur dont il est question,
cite à la marge le huitième Livre de l'Histoire
d'Alexandre par Arrien , comme
pour donner un garant d'une partie , au
moins de ce qu'il avance ; mais c'est une
chose certaine , premierement que cette
Histoire d'Arien n'a que sept Livres
et non pas buit ; en second lieu , qu'elle
est absolument contraire au systême de
P'Auteur moderne.
DECEMBRE. 1931. 2793
"
Arrien ne dit point du tout , qu' Al:-
xandre voulût remettre l'Euphrate dans son
lit. Cette idée de l'entreprise d'Alexandre
est une pure imagination d'Isaac Vossius ,
faute de bien prendre le sens d'Arrien.
Aussi Gronovius a-t'il eu soin de le réfuter
, et il l'a fait d'une maniere qui
ne souffre point de replique. Il a aussi
réfuté M. Huet , qui dans son Ouvrage
sur le Paradis Terrestre , avoit copié Vossius.
La même réfutation tombe sur l'Auteur
moderne de l'Histoire Ancienne ,
qui a pris de M. Huet la même idée de
FOuvrage d'Alexandre .
L'Auteur moderne de l'Histoire Ancienne
ne suit pas M. Huet en toutes
choses ; mais lorsqu'il le quitte , il ne
s'égare pas moins que lui. Il croit , par
exemple , que l'entreprise d'Alexandre
ne fut jamais achevée , Dien l'ayant empêché
, à ce qu'il dit , pour l'accomplissement
de ses Propheties ; et M. Huet dit
que cet Ouvrage , qui ne fut point alors
consommé , l'a été depuis. Ce dernier ne
croit donc pas que les Propheties s'y trou
vassent interressées en cela il a raison ;
mais il se trompe , en ce qu'il croit
l'Euphrate fût rappellédans son lit, comme
s'il en fût sorti , ce qui n'étoit pas.
Secondement l'Auteur moderne de
A vj l'His
1. Vol.
que
2704 MERCURE DE FRANCE
l'Histoire Ancienne regarde le Canal ,
dont parle Arrien , * comme le Fossé ou
les tranchées de Cyrus ; et M, Huet le
regarde comme une saignée faite furtivement
à l'Euphrate par les Arabes pour
arroser leurs terres , qui en avoient grand
besoin. Ces deux Auteurs , dans leurs
diverses opinions , ne se trompent pas .
moins l'un que l'autre.
En troisiéme lieu , M. Huet ajoûte qu'en
cela les Arabes avoient à faire aux Assyriens
, qui de l'autre côté de l'Euphrate ,
avoient besoin des mêmes Eaux , et empêchoient
les Arabes de les détourner.
C'étoit , selon lui , une semence de guerre
entre eux qu'Alexandre voulut termi
ner ; et pour le faire à l'avantage des
Assyriens , il entreprit de boucher pour
toûjours cette ouverture furtive .
En cet endroit M. Huet se trompe
dans l'idée qu'il a de l'entreprise d'Alexandre
; il se trompe aussi dans le motif
qu'il lui attribuë , et il ne pense bien
qu'en ce qu'il ne croit pas , comme l'Auteur
moderne de l'Histoire Ancienne
que le Canal où ce Prince voulut faire
travailler , fût le Fossé de Cyrus.
Une démonstration de cela fort aisée :
c'est que les saignées que Cyrus fit faire
* P. 231. 251. et 2580
I. Vol.
DECEMBRE . 1731 . 2705
༡ *
à l'Euphrate , furent des Tranchées autour
de Babylone. L'Auteur moderne de
l'Histoire Ancienne le dit lui - même.
comme on l'a vû , * en quoi il est d'accord
avec Xenophon elles coupoient le
Fleuve à droite et à gauche au- dessus de
Babylone , pour dessecher son lit dans:
la Ville , ou le rendre guéable. Elles al--
loient se décharger de part et d'autre audessous
de la Ville , dans le lit naturel de
l'Euphrate. Il est évident que M. Huet
ne parle point de ces Tranchées , et on
montrera que c'étoit fort loin de- là qu'Alexandre
vouloit faire son Ouvrage.
la
Comme il n'est dit nulle part que cer
Ouvrage fût de rappeller le Fleuve dans son
Lit ; il n'est aussi dit nulle part que le Pays
autour de la Ville eût été inondé , ni
que
tête de la Tranchée eût donné lieu à l'inondation
, pour avoir été mal fermée. Bien plus il
eût fallu , pour causer une inondation ,
que la seconde ouverture au- dessous de
la Ville , eût été bien rebouchée , tandis
que la premiere ne l'étoit pas. Or c'est ce
que le Texte d'Arrien ne permet pas de
croire,non plus que le Texte de Q Curce.
Le premier dit d'abord qu'Alexandre
fit travailler à Babylone , à bâtir un Port
et à construire des Galeres ; il y avoit
* T. 2. P. 231. et 25№
To Vola
donc
2706 MERCURE DE FRANCE
donc une Riviere qui n'étoit autre que
l'Euphrate. Il ajoûte en effet , que pendant
ce travail Alexandre se mit sur l'Euphrate
pour aller , en suivant le cours de
l'eau , voir le Pallacopas.
Le Pallacopas est le Canal dont parle
Arrien, c'est celui où il dit qu'Alexandre
voulut faire travailler. On va voir sa situation
, la nature de l'Ouvrage et le
motif qui le faisoit entreprendre. Ecoutons
cet Auteur.
*
»Le Pallacopas , dit -il , en suivant le
» cours de l'eau , est environ à huit cent
» stades de Babylone , c'est- à- dire , à qua-
» rante lieües au - dessous , et plus de quarante-
six lieuës loin de la tête de la Tranchée
de Cyrus. On voit évidemment la
difference des lieux et la méprise de l'Auteur
moderne , tant en ce qu'il avance ,
qu'en ce qu'il cite Arrien pour son garant.
Arrien dit encore , que » le Pallacopas
» n'est pas une Riviere naturellement
>>> formée par des eaux de source ; mais
» un Canal qu'on avoit fait à l'Euphrate . »
Car ce Fleuve qui vient des Montagnes
d'Armenie , se contient dans son lit pendant
tout l'Hyver , parce qu'il n'y a que
très-peu d'eau ; mais au commencement
du Printemps, et plus encore vers le sols-
* L. 7.
I. Vol.
C. 21
tice
DECEMBRE. 1731. 2707
-
tice d'Eté , il s'enfle prodigieusement ;
desorte qu'au dessous de Babylone ,
surmontant particulierement son bord
Oriental , à cause qu'il est plus bas que
l'autre bord , il inonde le Pays des Assyriens
, et ce sont les neges d'Armenie
qui le grossissent , parce que c'est alors
que la chaleur les fait fondre , et par consequent
elles font déborder l'Euphrate ,
fort loin au-dessous de la Ville , à moins
qu'on ne prévienne cette inondation par
l'ouverture du Pallacopas , qui recevant
les eaux du Fleuve , les laisse aller à quatre-
vingt lieuës loin de là , sur les confins
de l'Arabie , où elles se déchargent
d'abord dans desMares ou dans desEtangs ,
et ensuite dans la Mer par un grand
nombre de souterrains.
Ce récit tout naturel d'Arrien , dissipe
les idées de M. Huet sur l'entreprise furtive
des Arabes , qui pour lors étoient à
plus de 80. lieues de l'Euphrate, et qui en
étoient même séparez par une chaîne de
Montagnes , des Lacs , des Mares , et des
Etangs , que ce Fleuve formoit sur les
confins de leur Pays.
Le même récit fait disparoître les prétendues
contestations de ces Peuples avec
les Assiriens , pour ces Eaux ainsi détournées.
Quel tort pouvoit faire aux derniers
1. Vol. une
2708 MERCURE DE FRANCE
une saignée que les premiers auroient
faite à des Marais , à 8. lieues de l'Euphrate
? On voit disparoître en mêmetemps
la prétendue décision d'Alexandre
en faveur des Assiriens ; mais il faut achever
d'entendre Arrien pour une plus
grande évidence .
» Lorsque les neiges , dit-il , se sont
» écoulées , les Eaux de l'Euphrate sont
»fort basses , et neanmoins elles s'écou
» leroient toutes par l'ouverture du Pallacopas
, si on ne la rebouchoit . On la
rebouche pour donner aux Assyriens ,
» de l'autre côté , le moyen d'arroser leurs
Terres qui ont besoin d'être arrosées .
» Ce soin regardoit les Satrapes de Baby-
>> lone. L'Ouvrage étoit difficile , il de-
" mandoit tous les ans dix milles Ou-
»vriers pendant trois mois entiers.
» Alexandre instruit de tout ce détail ,
» voulut faire plaisir aux Assyriens ; il
>>>résolut de boucher pour toûjours l'an-
» cienne ouverture de ce Canal , si dif-
» ficile à fermer , lorsqu'il en étoit be-
» soin , à cause que cet endroit n'étoit que
» de la terre et du limon ou du sable
»
que l'eau emportoit aisément. Il pour-
» suivit d'abord sa route par le Pallaco-
» pas , jusqu'aux Marais sur les confins
» de l'Arabie ; après quoi étant revenu à
J. Fol
DECEMBRE. 1731. 2709
la tête de ce Canal , et de -là , remon-
»tant vers Babylone , il trouva à la distance
de 30. Stades , c'est -à- dire , d'une
» lieuë et demie , un terrain ferme et pierreux
, et ainsi plus propre à retenir
» l'eau , si on le creusoit. Il voulut donc
» faire en cet endroit une nouvelle ou-
» verture à l'Euphrate , qui seroit très-
» aisée à fermer quand on voudroit , et
>> tirer de - là un nouveau Canal qui iroit
joindre l'ancien Canal du Pallacopas.
Voilà le dessein d'Alexandre , voilà
son motif; c'est tout ce que nous lisons
dans Arrien. Il ne faut donc pas le citer
pour nous faire croire que du temps d'Alexandre
, l'Euphrate avoit déja quitté
son lit , ni lui faire dire que cela étoit
arrivé par l'ouverture du Fossé de Cyrus
, ni qu'elle n'avoit pas été bien fermée
, ni que cette négligence avoit été
cause de l'inondation du Pays , ni enfin
que l'entreprise d'Alexandre fût de faire
rentrer le Fleuve dans son lit. Elle ne consistoit
qu'à fermer l'ancienne Ouverture
du Pallacopas , et à lui en donner une
autre , et elle n'interessoit en rien l'accomplissement
des Propheties.
Il est vrai , que selon les Propheties ,
Babylone avec son Fleuve ne devoit plus
être qu'un Marais : il ne devoit demeurer
I. Vela aucun
2710 MERCURE DE FRANCE
vestige de cette Villes son nom ne devoit
plus exister. Mais cela devoit s'accomplir
par degrez. Du temps de Pausanias , qui
est le temps de l'Empereur Adrien , on
en voyoit encore les murs , mais elle n'étoit
plus que la retraite des bêtes sauvages.
Du temps de Théodoret et de saint
Jerôme , ce Fleuve n'étoit en effet qu'un
Marais ou qu'un très- petit Ruisseau , mais
non pas encore du temps d'Alexandre .
Dês le temps de Cyrus , l'Empire des Babyloniens
fut détruit , et la Race de ses
Rois fut éteinte . Cela conduisoit à la
Ruine de Babylone , qui s'est enfin totalement
accomplie. Aujourd'hui on nomme
encore Babylone ; mais ce que ce nom
a signifié n'existe plus. Ce qu'on appelle
perdre le nom d'un Peuple , c'est détruire
le Peuple même , comme Annibal s'étoi
proposé de perdre le Nom Romain. Ces
vrayes idées des évenemens suffisent à la.
Religion , elle n'a que faire d'imaginations
fausses et mal concertées , et qui
n'ont aucun fondement.
Quint-Curce est d'accord avec Arrien ,
il nous dit formellement que lorsqu'Alexandre
vint à Babyione , l'Euphrate
couloit à l'ordinaire par le milieu de cette
Ville ( 1 ) Euphrates interfluit. Il étoit en-
( 1 ) Liv. s . ch.4. pag. 136. in 12.
1. Vol. .core
DECEMBRE. 1731. 2711.
core alors muni de hauts parapets , pour
en empêcher les débordemens. Et parce que
dans la fonte des Neges , il auroit encore
surmonté ces Parapets, Quinte - Curce observe
qu'autour de tous les grands Ouvrages
de cette Ville , on avoit creusé des
Cavernes et des Lacs fort profonds , pour
y recevoir cette surabondance d'eau , qui
sans cela ,auroit débordé dans la Ville même
, et auroit emporté les Maisons . Ces
Cavernes et ces Lacs étoient revêtus de
brique et recrépis de bitume.
Comment concevoir qu'en faisant , ou
en conservant de tels ouvrages , on eût
négligé de bien fermer la tête du fossé de
Cyrus , s'il étoit vrai qu'elle inondoit tout
le Païs ? Comment Quinte-Curce n'auroitil
pas parlé de ce fossé , comme il parle
de ces Cavernes ; puisque ce fossé , s'il
eût alors subsisté , auroit servi au même
usage ? Comment n'auroit- il pas parlé de
l'inondation de tout le Païs , qui n'eût
été qu'une Mer , puisqu'alors cette inondation
auroit duré depuis plus de deux
cens ans , c'est -à- dire depuis Cyrus ? Il ( 1 ).
avoit occasion d'en parler , lorsqu'il représente
toute la Ville de Babylone , venant
à pied , ou à cheval audevant d'Aléxandre
, comme il parle de l'inonda-
( 1 ) Liv. s . ch. 3. p. 134, in 12.
I. Vel. tion
712 MERCURE DE FRANCE
tion des confins de l'Arabie , par les Eaux
du Pallacopas , à l'occasion du voyage
qu'Alexandre y fit par Eau , parce qu'il
ne l'auroit pû faire autrement. ( r ) Il appelle
alors le Pallacopas , du nom de Riviere
, per amnem Pallacopam ; nouvelle
preuve qu'il ne le prend pas pour le fossé
de Cyrus .
Il y a des Cartes Géographiques qui placent
Babylone sur les Marais , ou au dessous
de l'ouverture du Pallacopas. Cela se
détruit tout seul, après ce que nous avons
dit , et par un trait remarquable , que
nous trouvons encore dans Arrien ; qui
est , qu'Alexandre revenant des confins
de l'Arabie par ces Marais du Pallacopas,
avoit Babylone à gauche , non à la gauche
du Fleuve , mais à sa gauche à luimême.
Or cela ne pouvoit être , si Babylone
eût été au dessous de ce Canal , il
l'auroit euë à sa droite. C'est pourquoi
la Carte de l'Empire Romain, par le Pere
Briet , Jésuite , et celles de l'Asie , selon
Prolomée , placent toutes ce Canal au dessous
, et le font aboutir vers les Montagnes
, qui bornent l'Arabie , d'où l'on
ne peut revenir , sans qu'on ait Babylone
à sa gauche. Et il faut faire cas de l'autorité
d'Arrien , parce qu'il s'est fait un
( 1 ) Liv. 1o. ch. 10. pag. 45.3 et 45˚4.
devoir
DECEMBR E. 1731. 271 3
devoir de suivre Prolomée et Aristobule
dans , les choses où ils sont tous deux
d'accord sur les actions et les entreprises
d'Alexandre.
L'Euphrate se divisoit en deux bras
assez loin au dessus de Babylone. Son bras
Oriental alloit se jetter dans le Tigre, et delà
dans la Mer. L'autre bras , qui est l'Occidental
, passoit à Babylone ; et à quarante
lieues au dessous , il se divisoit encore
en deux par le Pallacopas , qui alloit
dans la Mer , de la maniere que nous l'avons
dit.Il ne faut pas confondre ces deux
divisions de l'Euphrate.
11 ) Quinte- Curce ne donne de tour à
Babylone que 368 stades ; et Vaugelas l'a
suivi . L'Auteur moderne de l'histoire an
cienne lui en donne 480. communément
on fait le stade de 125 pas ; les huit stades
font le mille , et quatre milles font la
grande lieuë. L'Auteur moderne fait le
stade de 104 toises ; les 20 stades , selon
lui , font la lieuë ; ainsi 800 stades font
40
o lieuës.
Voilà ce que nous avions à dire sur les
deux articles proposez , qui sont l'état de
P'Euphrate à Babylone , du temps d'Aléxandre
, et la nature de l'Ouvrage que ce
Prince entreprit de faire faire sur ce Fleu
( x ) Liv. 5.ch. 4.
1.Vola
2,14 MERCURE DE FRANCE
ye. Nous croions que ces veritez que
nous avons établies , ne sont point à née
gliger.
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Résumé : DISSERTATION sur l'état où étoit l'Euphrate à Babylone, du temps d'Alexandre le Grand, et sur l'ouvrage que ce Prince y vouloit faire construire pour servir à une nouvelle Edition de l'Histoire Ancienne, composée par un Auteur moderne.
La dissertation examine l'état de l'Euphrate à Babylone du temps d'Alexandre le Grand et un projet de construction lié à ce fleuve. Un auteur moderne affirme que l'Euphrate avait quitté son lit à cause d'une ouverture mal fermée dans le canal de Cyrus, inondant ainsi le pays. Cet auteur soutient également qu'Alexandre avait entrepris de ramener le fleuve dans son lit, mais que ce projet fut interrompu par la mort du roi. La dissertation réfute ces affirmations en soulignant plusieurs erreurs factuelles. Premièrement, l'Euphrate n'avait pas quitté son lit. Deuxièmement, l'ouverture du canal de Cyrus n'était pas mal fermée. Troisièmement, le pays n'avait pas été inondé. De plus, l'auteur moderne se trompe en attribuant à Alexandre l'intention de ramener le fleuve dans son lit et en prétendant que Dieu avait empêché ce projet pour accomplir des prophéties. La dissertation cite Arrien, un historien contemporain d'Alexandre, pour montrer que le projet d'Alexandre concernait en réalité le canal du Pallacopas, situé à environ 80 lieues de Babylone. Alexandre voulait boucher l'ancienne ouverture de ce canal et en créer une nouvelle pour mieux contrôler les inondations. Ce projet visait à aider les Assyriens à arroser leurs terres et n'avait aucun lien avec les prophéties concernant la destruction de Babylone. Le texte mentionne également des ouvrages hydrauliques autour de Babylone, tels que des cavernes et des lacs profonds revêtus de brique et de bitume, destinés à gérer l'excès d'eau. Quinte-Curce décrit ces structures et soulève des questions sur la négligence supposée de la tête du fossé de Cyrus. Il est noté qu'Alexandre le Grand a navigué sur le Pallacopas, une rivière, et non sur le fossé de Cyrus. Des cartes géographiques et des descriptions d'Arrien et d'autres historiens sont utilisées pour situer Babylone par rapport au Pallacopas et aux marais environnants. L'Euphrate est décrit comme se divisant en deux bras, l'un oriental se jetant dans le Tigre et l'autre occidental passant par Babylone. Le texte mentionne également les dimensions de Babylone selon différentes sources, avec des variations dans la longueur des stades et des lieues. Enfin, il conclut en affirmant l'importance des vérités établies concernant l'état de l'Euphrate et les ouvrages entrepris par Alexandre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 936
PRIX LITTERAIRE fondé dans l'Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres.
Début :
Le Sujet que l'Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres donne à traiter, pour [...]
Mots clefs :
Prix, Concours, Ouvrages, Connaissances géographiques, Alexandre le Grand
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PRIX LITTERAIRE fondé dans l'Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres.
PRIX LITTERAIRE fondé dans l'Académie
Royale des Inscriptions et Belles Lettres..
E Sujet que l'Académie Royale des Inscrip-
Ltions et Belles Lettres donne à traiter , pour
le concours au Prix qu'elle distribuera l'année prochaine
1735. est de fçavoir jusqu'où les Anciens
avoient porté leurs
connoissances Géographiques
, au tems de la mort d'Alexandre le Grand.
Le Prix sera toujours une Médaille d'Or , de la
valeur de quatre cent livres.
Toutes personnes , de quelques pays et condition
qu'elles soient , excepté celles qui composent ladite
Académie , seront admises à concourir pour ce prix,
et leurs Ouvrages pourront être êtrits en François
ou en Latin à leur choix. Ilfaudra seulement les
borner à une heure de lecture au plus.´
3
Les Auteurs mettront simplement une Devised
leurs Ouvrages ; mais pour se faire connoître , ils y
joindront , dans un papier cacheté et écrit de leur
propre main , leurs noms , demeure et qualités ,
ce papier ne sera ouvert qu'après
l'adjudication du
Prix.
et .
Les Piéces ,
affranchies de tous ports , feront remises
entre les mains du Secretaire de l'Académie
avant le premier
Decembre 1734.
On déclarera dans
l'Assemblée publique d'après
Pâques la Piéce qui aura remporté le Prix , et ony
indiquera ensuite le sujet que
l'Académie aura déterminépour
le concours de l'année suivante.
Royale des Inscriptions et Belles Lettres..
E Sujet que l'Académie Royale des Inscrip-
Ltions et Belles Lettres donne à traiter , pour
le concours au Prix qu'elle distribuera l'année prochaine
1735. est de fçavoir jusqu'où les Anciens
avoient porté leurs
connoissances Géographiques
, au tems de la mort d'Alexandre le Grand.
Le Prix sera toujours une Médaille d'Or , de la
valeur de quatre cent livres.
Toutes personnes , de quelques pays et condition
qu'elles soient , excepté celles qui composent ladite
Académie , seront admises à concourir pour ce prix,
et leurs Ouvrages pourront être êtrits en François
ou en Latin à leur choix. Ilfaudra seulement les
borner à une heure de lecture au plus.´
3
Les Auteurs mettront simplement une Devised
leurs Ouvrages ; mais pour se faire connoître , ils y
joindront , dans un papier cacheté et écrit de leur
propre main , leurs noms , demeure et qualités ,
ce papier ne sera ouvert qu'après
l'adjudication du
Prix.
et .
Les Piéces ,
affranchies de tous ports , feront remises
entre les mains du Secretaire de l'Académie
avant le premier
Decembre 1734.
On déclarera dans
l'Assemblée publique d'après
Pâques la Piéce qui aura remporté le Prix , et ony
indiquera ensuite le sujet que
l'Académie aura déterminépour
le concours de l'année suivante.
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Résumé : PRIX LITTERAIRE fondé dans l'Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres.
En 1735, l'Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres organise un concours littéraire portant sur les connaissances géographiques des Anciens au moment de la mort d'Alexandre le Grand. Le prix est une médaille d'or valorisée à quatre cents livres. Le concours est ouvert à tous, sauf aux membres de l'Académie, et les œuvres peuvent être rédigées en français ou en latin. Elles ne doivent pas excéder une heure de lecture. Les participants doivent inclure une devise sur leur ouvrage et fournir leurs nom, adresse et qualités dans un papier cacheté. Les soumissions doivent être envoyées au secrétaire de l'Académie avant le 1er décembre 1734. Le lauréat sera annoncé lors de l'assemblée publique après Pâques, où le sujet du concours suivant sera également révélé.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 62-69
NOUVEAU DIALOGUE DES MORTS. SOCRATE, ALEXANDRE LE GRAND.
Début :
ALEXANDRE. Oui, je sens toujours, Socrate, un [...]
Mots clefs :
Socrate, Alexandre le Grand, Spectacle, Shakespeare, Nature, Héros, Poète
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : NOUVEAU DIALOGUE DES MORTS. SOCRATE, ALEXANDRE LE GRAND.
NOUVEAU DIALOGUE
DES MORT S.
SOCRATE , ALEXANDRE LE GRAND:
ALEXANDRE.
UI, je fens toujours , Socrate , un
nouveau plaifir à m'entretenir avec
vous ; mais que je ne vous contraigne
pas , je vous prie : vous étiez avec une
Ombre qui paroiffoit mériter toute votre
attention..
SOCRATE
C'eft , fans contredit , un Mort des plus:
diftingués ; mais je fçais le refpect que
je dois au fils du Roi de Macédoine : l'om
bre du Poëte tragique que je viens de
quitter , peut- elle entrer en comparaifon
avec celle d'un héros ? S'ils font les pieces
, n'eft- ce pas vous , Meffieurs , qui en
fourniffez les fujets ? Cet article feul décide
la préférence ; le modele doit paffer
avant le Peintre.
ALEXANDRE.
Socrate aime quelquefois à s'égayer
JANVIER. 1755.
mais je n'aurois pas imaginé que ce dût
être en faveur d'un Poëte qu'il fit rire à
mes dépens.
SOCRATE.
Pourquoi non , s'il vous plaît pouvons-
nous trop accueillir ces génies privilégiés
que le ciel accorde à la terre pour
lui procurer les plus nobles amuſemens ?
ALEXANDRE.
Vous avez donc un goût bien décidé
pour les Spectacles ?
SOCRAT B.
Je préfère encore ( vous le voyez ) ceuxqui
les donnent.
ALEXANDRE.
Un Philofophe du premier ordre , un
Sage dont la réputation s'eft étendue dans
tous les tems , & chez toutes les nations ,
s'amufe des jeux frivoles de la fcène , &
des vaines repréſentations des foibleffes ,
& des excès de l'humanité.
SOCRATE..
Voilà précisément ce qui fait que le
théâtre étoit mon école , & que j'affiftois
aux pieces de Sophocle & d'Euripide , mê64
MERCURE DE FRANCE.
me à celles d'Ariftophane , pour apprendre
à commencer par moi le cours de mes leçons.
C'est au théâtre que l'on puife la
théorie du coeur & de l'efprit humain ; le
commerce du monde n'en donne que la
pratique . Vous ne fçauriez imaginer , par
exemple , jufques à quel point je trouve
à profiter avec le célebre Shakespear , que
j'ai quitté pour vous fuivre , & combien ik
exerce & cultive le goût que j'ai pour la
Philofophie.
ALEXANDR E..
Je vous pardonnerois ces éloges pour les
Corneille , les Racine , les Crebillon , les Voltaire
, & leurs imitateurs ;; mais
kespear..
·S.O⋅CRATE..
pour Sha-
Quand vous feriez François , vous ne
parleriez pas autrement ; mais ils donnent
eux-mêmes de grands éloges au premier:
Tragique de l'Angleterre .
ALEXANDRE.
C'eft une fuite d'un certain goût que las
mode &.les faux airs ont , dit-on , accrédité
depuis quelque tems , & que j'ai oui
nommer l'Anglomanie..
JANVIER. 1795 .
SOCRATE.
La manie conſiſte à tout adopter , à tout
préférer , pourvû que ce foit de l'Anglois ;
mais non pas à combler de louanges ce
qui le mérite. La baffe jaloufie ne feroit
pas moins blâmable qu'une folle prévention
les grands talens appartiennent à
tous les pays , & les grands hommes fot
les citoyens du monde .
ALEXANDRE.
Vous louez exceffivement un Poëte plus
étonnant qu'admirable , plus fingulier que
fublime , & qui , par le bizarre affemblage
qu'il a fait des Rois & des foffoyeurs ,
des buveurs de bierre & des héros , a préfenté
des tableaux qu'il faut plûtôt confidérer
comme d'affreux grotefques , que
comme la peinture de la nature & de la
vérité.
SOCRAT E.
Il fe peut en effet qu'il ait vû dans ces
occafions la nature de trop près , & qu'il
l'ait peinte un peu trop fortement : mais
n'est- ce pas
la nature , après tout ?
ALEXANDRE,
Ce n'eft pas du moins celle qu'il faut
peindre.
66 MERCURE DE FRANCE.
SOCRATE.
Cela n'eft pas fans doute dans les régles
du théâtre ; mais celles de la véritable
grandeur font - elles mieux obfervécs
par les Héros que les Poëtes repréfentent ?
Et fi Shakespear a bleffé les principes d'Ariftote
, n'avez-vous jamais été contre les
maximes de Pythagore & de Platon.
ALEXANDRE.
Quel parallele nous faites- vous là
SOCRATE.
Il eſt plus raiſonnable que vous ne le
penfez . Vous autres grands Conquérans ,
vous ne voulez rien pardonner aux grands
Poëtes ; mais en relevant fi bien les irrégu
larités qui fe gliffent dans leurs ouvrages ,
n'avez-vous jamais apperçu celles qui fe
trouvent dans vos actions ? n'avez-vous
jamais fait d'écarts , pour exiger qu'ils en
foient exempts ? Et pour ne vous pas perdre
de vûe , Seigneur Alexandre , croyezvous
que la manie de paffer pour le fils
de Jupiter , le meurtre de Clytus , l'hiftoire
de Bucephale , & les excès du vin , figurent
mieux à côté du paffage du Granique , de
la conquête de l'Afie , & de vos nobles
procédés pour la famille de Darius , que,
JANVIER. 1755. 67
dans une Tragédie les forciers , les foffoyeurs
, & les mauvais propos de gens qui
fe font enyvrés
ALEXANDRE.
Les Peintres & les Poëtes font faits pour
peindre la nature , mais c'eft de la belle
qu'ils doivent faire choix , & non pas l'envifager
du côté méprifable & rebutant.
SOCRATE.
Eh ! ne devons- nous pas fuivre les mêmes
principes dans le choix des goûts :
des moeurs , des paffions même , puifqu'il
en faut nous ne craignons point d'errer
à nos propres yeux , parce qu'ils font indulgens
; nous redoutons ceux d'autrui ,,
parce qu'ils ne nous font point de grace.
ALEXANDRE.
Nous fommes en cela moins coupables
que malheureux , & par conféquent plus
plaindre qu'à blâmer .
SOCRATE.
Cela feroit vrai , fi nous ne tournions
pas contre les autres nos propres défauts,
On raconte qu'un homme extrêmement
laid , voulut un jour fe faire peindre par
Appelles Ce Peintre célebre vit le danger
68. MERCURE DE FRANCE.
de l'ouvrage , & s'en défendit long- teins.
L'homme infiftoit ; le Peintre fe rendit.
Celui qu'il avoit trop bien peint ne put
fe réfoudre à fe reconnoître ; il porta
mê- me l'injuftice
jufqu'à
parler
mal du talent
de l'artifte
. Regardez
- vous
, dit Ap- pelles
, en lui préfentant
un miroir
, & voyez fi j'ai pû vous peindre
en beau
: ce n'eſt
pas le pinceau
, ce font
vos traits
qu'il
faut changer
.
ALEXANDRE.
Un apologue n'eſt
pas une démonftra
tion.
SOCRATE.
C'eſt du moins une raifon de conclure
que vous devez excufer Shakespear d'a
voir mêlé le grotefque au fublime , & les
éclats de rire aux pleurs ; on voit fi fouvent
dans le monde la petiteffe à côté de
la grandeur , & les impertinences de l'hom
me auprès des volontés da Dieu.
ALEXANDRE.
Peindre en grand l'humanité , c'eft l'honorer
, c'est l'embellir encore ; la repréſenrer
defavantageufement , c'est l'avilir fans
la réformer.
JANVIER. 1755 . 6.9.
SOCRATE .
Je vous entends , Seigneur Alexandre ;
Vous voulez bien avoir des défauts , mais
vous trouvez mauvais que l'on en parle.
Vous ne reffemblez pas mal à ces Comédiens
enorgueillis des rôles fublimes qu'ils
repréfentent : ils font tout honteux qu'on
les rencontre en habit Bourgeois .
DES MORT S.
SOCRATE , ALEXANDRE LE GRAND:
ALEXANDRE.
UI, je fens toujours , Socrate , un
nouveau plaifir à m'entretenir avec
vous ; mais que je ne vous contraigne
pas , je vous prie : vous étiez avec une
Ombre qui paroiffoit mériter toute votre
attention..
SOCRATE
C'eft , fans contredit , un Mort des plus:
diftingués ; mais je fçais le refpect que
je dois au fils du Roi de Macédoine : l'om
bre du Poëte tragique que je viens de
quitter , peut- elle entrer en comparaifon
avec celle d'un héros ? S'ils font les pieces
, n'eft- ce pas vous , Meffieurs , qui en
fourniffez les fujets ? Cet article feul décide
la préférence ; le modele doit paffer
avant le Peintre.
ALEXANDRE.
Socrate aime quelquefois à s'égayer
JANVIER. 1755.
mais je n'aurois pas imaginé que ce dût
être en faveur d'un Poëte qu'il fit rire à
mes dépens.
SOCRATE.
Pourquoi non , s'il vous plaît pouvons-
nous trop accueillir ces génies privilégiés
que le ciel accorde à la terre pour
lui procurer les plus nobles amuſemens ?
ALEXANDRE.
Vous avez donc un goût bien décidé
pour les Spectacles ?
SOCRAT B.
Je préfère encore ( vous le voyez ) ceuxqui
les donnent.
ALEXANDRE.
Un Philofophe du premier ordre , un
Sage dont la réputation s'eft étendue dans
tous les tems , & chez toutes les nations ,
s'amufe des jeux frivoles de la fcène , &
des vaines repréſentations des foibleffes ,
& des excès de l'humanité.
SOCRATE..
Voilà précisément ce qui fait que le
théâtre étoit mon école , & que j'affiftois
aux pieces de Sophocle & d'Euripide , mê64
MERCURE DE FRANCE.
me à celles d'Ariftophane , pour apprendre
à commencer par moi le cours de mes leçons.
C'est au théâtre que l'on puife la
théorie du coeur & de l'efprit humain ; le
commerce du monde n'en donne que la
pratique . Vous ne fçauriez imaginer , par
exemple , jufques à quel point je trouve
à profiter avec le célebre Shakespear , que
j'ai quitté pour vous fuivre , & combien ik
exerce & cultive le goût que j'ai pour la
Philofophie.
ALEXANDR E..
Je vous pardonnerois ces éloges pour les
Corneille , les Racine , les Crebillon , les Voltaire
, & leurs imitateurs ;; mais
kespear..
·S.O⋅CRATE..
pour Sha-
Quand vous feriez François , vous ne
parleriez pas autrement ; mais ils donnent
eux-mêmes de grands éloges au premier:
Tragique de l'Angleterre .
ALEXANDRE.
C'eft une fuite d'un certain goût que las
mode &.les faux airs ont , dit-on , accrédité
depuis quelque tems , & que j'ai oui
nommer l'Anglomanie..
JANVIER. 1795 .
SOCRATE.
La manie conſiſte à tout adopter , à tout
préférer , pourvû que ce foit de l'Anglois ;
mais non pas à combler de louanges ce
qui le mérite. La baffe jaloufie ne feroit
pas moins blâmable qu'une folle prévention
les grands talens appartiennent à
tous les pays , & les grands hommes fot
les citoyens du monde .
ALEXANDRE.
Vous louez exceffivement un Poëte plus
étonnant qu'admirable , plus fingulier que
fublime , & qui , par le bizarre affemblage
qu'il a fait des Rois & des foffoyeurs ,
des buveurs de bierre & des héros , a préfenté
des tableaux qu'il faut plûtôt confidérer
comme d'affreux grotefques , que
comme la peinture de la nature & de la
vérité.
SOCRAT E.
Il fe peut en effet qu'il ait vû dans ces
occafions la nature de trop près , & qu'il
l'ait peinte un peu trop fortement : mais
n'est- ce pas
la nature , après tout ?
ALEXANDRE,
Ce n'eft pas du moins celle qu'il faut
peindre.
66 MERCURE DE FRANCE.
SOCRATE.
Cela n'eft pas fans doute dans les régles
du théâtre ; mais celles de la véritable
grandeur font - elles mieux obfervécs
par les Héros que les Poëtes repréfentent ?
Et fi Shakespear a bleffé les principes d'Ariftote
, n'avez-vous jamais été contre les
maximes de Pythagore & de Platon.
ALEXANDRE.
Quel parallele nous faites- vous là
SOCRATE.
Il eſt plus raiſonnable que vous ne le
penfez . Vous autres grands Conquérans ,
vous ne voulez rien pardonner aux grands
Poëtes ; mais en relevant fi bien les irrégu
larités qui fe gliffent dans leurs ouvrages ,
n'avez-vous jamais apperçu celles qui fe
trouvent dans vos actions ? n'avez-vous
jamais fait d'écarts , pour exiger qu'ils en
foient exempts ? Et pour ne vous pas perdre
de vûe , Seigneur Alexandre , croyezvous
que la manie de paffer pour le fils
de Jupiter , le meurtre de Clytus , l'hiftoire
de Bucephale , & les excès du vin , figurent
mieux à côté du paffage du Granique , de
la conquête de l'Afie , & de vos nobles
procédés pour la famille de Darius , que,
JANVIER. 1755. 67
dans une Tragédie les forciers , les foffoyeurs
, & les mauvais propos de gens qui
fe font enyvrés
ALEXANDRE.
Les Peintres & les Poëtes font faits pour
peindre la nature , mais c'eft de la belle
qu'ils doivent faire choix , & non pas l'envifager
du côté méprifable & rebutant.
SOCRATE.
Eh ! ne devons- nous pas fuivre les mêmes
principes dans le choix des goûts :
des moeurs , des paffions même , puifqu'il
en faut nous ne craignons point d'errer
à nos propres yeux , parce qu'ils font indulgens
; nous redoutons ceux d'autrui ,,
parce qu'ils ne nous font point de grace.
ALEXANDRE.
Nous fommes en cela moins coupables
que malheureux , & par conféquent plus
plaindre qu'à blâmer .
SOCRATE.
Cela feroit vrai , fi nous ne tournions
pas contre les autres nos propres défauts,
On raconte qu'un homme extrêmement
laid , voulut un jour fe faire peindre par
Appelles Ce Peintre célebre vit le danger
68. MERCURE DE FRANCE.
de l'ouvrage , & s'en défendit long- teins.
L'homme infiftoit ; le Peintre fe rendit.
Celui qu'il avoit trop bien peint ne put
fe réfoudre à fe reconnoître ; il porta
mê- me l'injuftice
jufqu'à
parler
mal du talent
de l'artifte
. Regardez
- vous
, dit Ap- pelles
, en lui préfentant
un miroir
, & voyez fi j'ai pû vous peindre
en beau
: ce n'eſt
pas le pinceau
, ce font
vos traits
qu'il
faut changer
.
ALEXANDRE.
Un apologue n'eſt
pas une démonftra
tion.
SOCRATE.
C'eſt du moins une raifon de conclure
que vous devez excufer Shakespear d'a
voir mêlé le grotefque au fublime , & les
éclats de rire aux pleurs ; on voit fi fouvent
dans le monde la petiteffe à côté de
la grandeur , & les impertinences de l'hom
me auprès des volontés da Dieu.
ALEXANDRE.
Peindre en grand l'humanité , c'eft l'honorer
, c'est l'embellir encore ; la repréſenrer
defavantageufement , c'est l'avilir fans
la réformer.
JANVIER. 1755 . 6.9.
SOCRATE .
Je vous entends , Seigneur Alexandre ;
Vous voulez bien avoir des défauts , mais
vous trouvez mauvais que l'on en parle.
Vous ne reffemblez pas mal à ces Comédiens
enorgueillis des rôles fublimes qu'ils
repréfentent : ils font tout honteux qu'on
les rencontre en habit Bourgeois .
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Résumé : NOUVEAU DIALOGUE DES MORTS. SOCRATE, ALEXANDRE LE GRAND.
Le texte relate un dialogue imaginaire entre Socrate et Alexandre le Grand. Alexandre exprime son plaisir de rencontrer Socrate, mais ce dernier est occupé avec l'ombre d'un poète tragique. Socrate reconnaît la distinction d'Alexandre et affirme que les poètes fournissent les sujets que les héros incarnent. Alexandre est surpris par l'intérêt de Socrate pour le théâtre et les poètes. Socrate explique que le théâtre est son école et qu'il y puise des leçons sur la nature humaine, citant des dramaturges comme Sophocle, Euripide, Aristophane et Shakespeare. Alexandre critique Shakespeare, le qualifiant de singulier plutôt que sublime, et parle de l'anglomanie. Socrate défend Shakespeare en soulignant que les grands talents appartiennent à tous les pays. Alexandre reproche à Shakespeare de mélanger le grotesque et le sublime, mais Socrate argue que cela reflète la nature humaine. Alexandre insiste sur le fait que les peintres et les poètes doivent choisir la belle nature, tandis que Socrate compare cela au choix des goûts et des passions. Alexandre conclut en disant que représenter l'humanité de manière défavorable l'avilit sans la réformer. Socrate comprend qu'Alexandre préfère ne pas voir ses défauts exposés.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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