Résultats : 44 texte(s)
Accéder à la liste des mots clefs.
Détail
Liste
1
p. 173-190
Histoire de la Veuve & de M. de la Forest. [titre d'après la table]
Début :
Ces Lions n'ont pû estre domtpez, qu'il ne nous en [...]
Mots clefs :
Amour conjugal, Mari, Femme, Mort, Foule de soupirants, Mr de la Forêt, Veuve, Argent, Désirs, Coquetterie, Machines, Receveur, Perfide
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Histoire de la Veuve & de M. de la Forest. [titre d'après la table]
Ces Lions n'ont pû eſtre
domptez , qu'il ne nous en ait couſté unpeude ſang ; &voi- cyune Avanture que ce fang
répandu a produite.
Paffez,Héros , paſſez , venez
courirnos Plaines ,
GALANT. 127
Le
*
HEQUR
PON
La Femme d'un Capitaine d'Infanterie parut un parfait modele d'amour conjugal, tant que ſonMary veſcut. Ses Voi- fins , ſes Parens , & ſes Amis ,
n'étoient occupez qu'à eſſuyer les larmesqu'elle verſoitquand il partoit pour l'armée.
moindre bruit d'une Bataille ,
ou d'un Siege la deſeſperoit elle enpouſſoitdes cris quifai- foient compaffion à tout le monde , &rien n'euſt égalé là haute réputation où la mettoit une ſi juſte tendreſſe , ſi elle fuſt morte avant ſon Mary ;
mais par malheurpour fa ver- tu,uncoupdeMouſquet ayant emportéce cher Epoux , cette paffion fi légitime &fi violente ſe démentit. Aprés avoir pleu- ré quelques jours, elle s'ennuya de pleurer ,ſes lamentations
128 LE MERCVRE
K
cefferent , & on n'eut pas de peine à connoiſtre que la dou- leur qu'elle montroit de ſa mort, eſtoit beaucoup moindre que l'artifice qu'elle avoit eu pour faire croire qu'elle l'ai- moit. Comme elle ne fe trouva
pas en état de ſubſiſter dans le monde apres ſa mort, parce qu'il avoit mangé preſque tout fon Bien das le Service, ſes Parens & ſes Amis crûrent qu'il n'y avoit aucun party à pren- dre pour elle , que celuy de fe retirer dans un Couvent, mais
elle estoit bien faite , la retraite ne l'accommodoit pas,&elle jugea plus àpropos de ſuivre le conſeil d'une foule de Soûpi- rans, qui luy perfuaderent fans peinequ'on nemanquoitpoint d'argent quand on ſe vouloit fervirdeſa beauté. Ce fut fur
GALANT. 129
cet honnefte fondementqu'el- le s'embarqua à faire l'épreuve de ſon merite. Plus de penſée de Couvent , elle a des veuës
plus fatisfaiſantes ; & apres avoir balance quelques jours fur qui tomberoit fon premier choix pour commencer une fi noble carriere , elle jette les yeuxfur unCamaradedupau- vreDéfunt , nommé Mª de la
Foreſt , Officier ſubalterne de
ſa Compagnie , qui remplaça bientoft l'Epoux ,&fut enco- re plus aimé. Il demeuraquelque temps unique & paiſible poffeffeur de la jeune Veuve,
& ſa premiere vertu nousdoit faire croire qu'ellen'auroit pas fi -toſt expiré, ſi le maqued'ar- gent n'euſt troublé tout d'un
coup un commerce ſi agrea- blement étably. La finance du
1
130. LE MERCVRE Fantaſſin fut malheureuſemet
trop toſt épuiſée , & il fallut malgré la vertu ſe réfoudre à
chercher quelque autre re- fource. Par hazard un Riche
Receveur, Homme d'un caratere fort amoureux, &de manieres fort liberales,avoit com- mencé à rendre quelques afſi- duitez àla Veuve.Elle avoitde
grands charmes pourluy,mais l'humeur fâcheuſe du Fantaffin l'obligeoit d'étouffer dans ungrand fecret les defirs que ſa coquetterieluyinſpiroit.Ce- pendantle beſoind'arget aug- mentoit toûjours.La Veuve en fait paroiſtre fon chagrin au Financier. Le Financier ouvre
ſa bourſe , &cette facilité à la
tirer d'embarras, avance fi fort
ſes affaires , qu'en peu de jours ilſe voit au comble de ſes fou-
GALANT. 131
1
haits. Le Fantaſſin fait du bruit
dans les premiers mouvemens de ſa jalousie , mais enfinladé- * licateſſe de ſon cœur cede aux
beſoins preſſans deſa Maîtref- - ſe , & il comprend qu'il n'eſt
pas mauvais pour fon propre intereſt, qu'il ait quelque cho- ſe à partager avec un Finan- cier. La Veuve &luy convien- nentdonc de leurs Faits , & il
eſt réſolu que pour ofter àM
le Receveur tout ſujet de gróderie , & tout prétexte de fuf- pendre ſes liberalitez , le Fan- taſſin ne paroiſtra plus dans la Maiſon , &n'y viendraqueſe- ettement , Mr le Receveur
tqui croit que fon merite feul a
chaffé ſonplus redoutableRi- val, s'abandonne àtoute lajoye que luy cauſe ſon inopinée fe- licité, &perfuadé que faMaî10
crettement
132 LE MERCVRE treffe abien voulu renoncer à
tout pour luy , il n'a plus d'au- tres foins que de luy marquer par ſes profufions qu'il meri- toit cette préference. Toutela Maiſon ſe ſent en peu detemps de ſes bienfaits , rien n'y man- que , ce font meubles fur meu- bles , le Fantaſſin y trouve ſon compte,&fansplus s'inquiéter de ce qui ſe paſſe , il vient tous les jours en ſecret partager l'argent duFinancer , &les fa- veursde laVeuve. Ce fortuné
commerce alloit admirablemet
bien , &rien n'euſt eſté égal à
tant de proſpéritez , fi la Con- fidente de cette galante paffion ne ſe fuſt malheureuſemetmis
en teſtede la troubler. C'eſtoit
une vieille Coquette qui de- meuroit dans le voiſinage,aba- donnée tant que la jeuneſſe luy
GALANT. 133 luyavoit permisde l'eſtre, avi- de de toutes fortes de gains , &
la premiere Fourbe de celles de cette noble Profeffion. Le
bonheur de ſa Voifine , & fur
tout l'argentdu Receveur , ne furent pas longtemps ſans luy - faire envie ; mais n'oſant con--
fier à ſes vieux appas le ſoin d'attraper ce qui cauſoit ſa plus forte tentation, elle s'aviſa d'u ne rufe qui luy réüffit. Elle - avoit déja voulu pluſieurs fois donner des ſoupçons deM de la Foreſt au pauvre Receveur,
qui s'obſtinoit toûjours àcroi- re qu'on avoit entierement rompu avec luyselleluy avoit meſme dit en riant , que fi elle l'entreprenoit, elle n'auroit pas de peine à luy faire voir qu'il eſtoit la Dupe de l'un & de l'autre. Elle poufſa enfin la
TomeV. M
134 LE MERCVRE
1
choſe plusloin
;
&unjour que cette rufée Confidente ſceut
qu'il devoit apporter mille écus àla Veuve , elle alla l'attendre
dans le temps que
M' de la Fo- reſt estoit ſeul avec elle dans
un Cabinet qui ne s'ouvroit que pour luy ,&où il entroit ſans eſtre veu par un petit Ef- calier dérobé. Elle nel'eut pas fi-toſt apperçeu,qu'elle courut audevantde luy , &luymon- trant le Degré qui conduiſoit au lieu du paiſible Rendez- vous , elle s'enfuit chez elle ,
apres l'avoir aſſuré qu'il trou- veroit la Veuve avec le Fantaſſin dont il ſe croyoit défait.
Le pauvre Receveur avance
,
& partagé entre la confiance &la crainte , il montoit tout doucement le Degré,quand le Diable qui ſe meſloit ce jour- $
GALAN Τ. 135 làde ſes affaires , luy fait trou- ver une jeune Enfant Niéce de la Veuve , qui le voyant aller au Cabinet où elle avoit veu fa
Tate s'enfermer avec la Foreft,
l'arreſte tout d'un coup, en luy criant qu'on n'entroit point quand M de la Foreſt eſtoit dans le Cabinet avec ſa Tante.
Il n'en fallut pas davantage pour percer le cœurdu Finan- cier. Il fort tout ardent de co--
lere d'une fi funeste Maiſon,
trop heureux , à ce qu'il croit,
d'en avoir ſauvé ſes mille écus.
Il court au plus viſte s'en con- foler avec ſa Confidente , qui s'eſtant dés long-temps prepa- rée àcet évenement, n'oublie
rien de tout ce quipeut empoi- fonner ce qu'il penſe déja de la Veuve. Elle luy conte mille avantures qu'il ſe ſeroit bien M 2
136 LE MERCVRE
1
paſſe de ſçavoir
,
& l'amuſe ſi bien par fes longs difcours ,
qu'elle le retientjuſqu'àdeux heuresdu matin,dansun temps où la vigilance du Guet n'em- peſchoit point qu'on ne volaſt toutes les nuits. Quandle pre- mier deſeſpoir dumal-heureux Receveur fut unpeuappaisé,
il voulut aller chez luy donner quelque repos à ſa douleur ;
mais l'heure eſtant fort induë,
il ne crût pas que l'obſcurité de la nuit fuſt une aſſez ſeûre
ſauvegarde pour ſes mille écus
,
qu'il s'imaginoit avoir ſauvez du naufrage. Il les laiſſa donc endépoſt àcette chere Confi- dentequi venoit de luydonner tant de marques d'une fincere amitié. La perfide qui n'avoit fait jouer toutes ces machines que pour envenir là,receut cet
GALANT. 137
argent avec une joye qui ne ſe peut dire ; & le pauvre Rece- veur fut bien étonné le lendemain , lors que venant pour le retirer de ſes mains,elle le traita de viſionnaire &d'infolent,
af de luy demander ce qu'elle prétendoit qu'il-ne luy euſt * point donné:elle yajoûta mef- me quelques menaces violentes qui firent craindre auRe- ceveur une ſuite de plus fa- cheuſes avantures,& il ſe crût
trop heureux pour éviter l'é- clat qui ne luy pouvoit eſtre que préjudiciable, d'abandon-.
ner pourtoûjours ſes écus , fa Confidente , & fa Maiſtreſſe
domptez , qu'il ne nous en ait couſté unpeude ſang ; &voi- cyune Avanture que ce fang
répandu a produite.
Paffez,Héros , paſſez , venez
courirnos Plaines ,
GALANT. 127
Le
*
HEQUR
PON
La Femme d'un Capitaine d'Infanterie parut un parfait modele d'amour conjugal, tant que ſonMary veſcut. Ses Voi- fins , ſes Parens , & ſes Amis ,
n'étoient occupez qu'à eſſuyer les larmesqu'elle verſoitquand il partoit pour l'armée.
moindre bruit d'une Bataille ,
ou d'un Siege la deſeſperoit elle enpouſſoitdes cris quifai- foient compaffion à tout le monde , &rien n'euſt égalé là haute réputation où la mettoit une ſi juſte tendreſſe , ſi elle fuſt morte avant ſon Mary ;
mais par malheurpour fa ver- tu,uncoupdeMouſquet ayant emportéce cher Epoux , cette paffion fi légitime &fi violente ſe démentit. Aprés avoir pleu- ré quelques jours, elle s'ennuya de pleurer ,ſes lamentations
128 LE MERCVRE
K
cefferent , & on n'eut pas de peine à connoiſtre que la dou- leur qu'elle montroit de ſa mort, eſtoit beaucoup moindre que l'artifice qu'elle avoit eu pour faire croire qu'elle l'ai- moit. Comme elle ne fe trouva
pas en état de ſubſiſter dans le monde apres ſa mort, parce qu'il avoit mangé preſque tout fon Bien das le Service, ſes Parens & ſes Amis crûrent qu'il n'y avoit aucun party à pren- dre pour elle , que celuy de fe retirer dans un Couvent, mais
elle estoit bien faite , la retraite ne l'accommodoit pas,&elle jugea plus àpropos de ſuivre le conſeil d'une foule de Soûpi- rans, qui luy perfuaderent fans peinequ'on nemanquoitpoint d'argent quand on ſe vouloit fervirdeſa beauté. Ce fut fur
GALANT. 129
cet honnefte fondementqu'el- le s'embarqua à faire l'épreuve de ſon merite. Plus de penſée de Couvent , elle a des veuës
plus fatisfaiſantes ; & apres avoir balance quelques jours fur qui tomberoit fon premier choix pour commencer une fi noble carriere , elle jette les yeuxfur unCamaradedupau- vreDéfunt , nommé Mª de la
Foreſt , Officier ſubalterne de
ſa Compagnie , qui remplaça bientoft l'Epoux ,&fut enco- re plus aimé. Il demeuraquelque temps unique & paiſible poffeffeur de la jeune Veuve,
& ſa premiere vertu nousdoit faire croire qu'ellen'auroit pas fi -toſt expiré, ſi le maqued'ar- gent n'euſt troublé tout d'un
coup un commerce ſi agrea- blement étably. La finance du
1
130. LE MERCVRE Fantaſſin fut malheureuſemet
trop toſt épuiſée , & il fallut malgré la vertu ſe réfoudre à
chercher quelque autre re- fource. Par hazard un Riche
Receveur, Homme d'un caratere fort amoureux, &de manieres fort liberales,avoit com- mencé à rendre quelques afſi- duitez àla Veuve.Elle avoitde
grands charmes pourluy,mais l'humeur fâcheuſe du Fantaffin l'obligeoit d'étouffer dans ungrand fecret les defirs que ſa coquetterieluyinſpiroit.Ce- pendantle beſoind'arget aug- mentoit toûjours.La Veuve en fait paroiſtre fon chagrin au Financier. Le Financier ouvre
ſa bourſe , &cette facilité à la
tirer d'embarras, avance fi fort
ſes affaires , qu'en peu de jours ilſe voit au comble de ſes fou-
GALANT. 131
1
haits. Le Fantaſſin fait du bruit
dans les premiers mouvemens de ſa jalousie , mais enfinladé- * licateſſe de ſon cœur cede aux
beſoins preſſans deſa Maîtref- - ſe , & il comprend qu'il n'eſt
pas mauvais pour fon propre intereſt, qu'il ait quelque cho- ſe à partager avec un Finan- cier. La Veuve &luy convien- nentdonc de leurs Faits , & il
eſt réſolu que pour ofter àM
le Receveur tout ſujet de gróderie , & tout prétexte de fuf- pendre ſes liberalitez , le Fan- taſſin ne paroiſtra plus dans la Maiſon , &n'y viendraqueſe- ettement , Mr le Receveur
tqui croit que fon merite feul a
chaffé ſonplus redoutableRi- val, s'abandonne àtoute lajoye que luy cauſe ſon inopinée fe- licité, &perfuadé que faMaî10
crettement
132 LE MERCVRE treffe abien voulu renoncer à
tout pour luy , il n'a plus d'au- tres foins que de luy marquer par ſes profufions qu'il meri- toit cette préference. Toutela Maiſon ſe ſent en peu detemps de ſes bienfaits , rien n'y man- que , ce font meubles fur meu- bles , le Fantaſſin y trouve ſon compte,&fansplus s'inquiéter de ce qui ſe paſſe , il vient tous les jours en ſecret partager l'argent duFinancer , &les fa- veursde laVeuve. Ce fortuné
commerce alloit admirablemet
bien , &rien n'euſt eſté égal à
tant de proſpéritez , fi la Con- fidente de cette galante paffion ne ſe fuſt malheureuſemetmis
en teſtede la troubler. C'eſtoit
une vieille Coquette qui de- meuroit dans le voiſinage,aba- donnée tant que la jeuneſſe luy
GALANT. 133 luyavoit permisde l'eſtre, avi- de de toutes fortes de gains , &
la premiere Fourbe de celles de cette noble Profeffion. Le
bonheur de ſa Voifine , & fur
tout l'argentdu Receveur , ne furent pas longtemps ſans luy - faire envie ; mais n'oſant con--
fier à ſes vieux appas le ſoin d'attraper ce qui cauſoit ſa plus forte tentation, elle s'aviſa d'u ne rufe qui luy réüffit. Elle - avoit déja voulu pluſieurs fois donner des ſoupçons deM de la Foreſt au pauvre Receveur,
qui s'obſtinoit toûjours àcroi- re qu'on avoit entierement rompu avec luyselleluy avoit meſme dit en riant , que fi elle l'entreprenoit, elle n'auroit pas de peine à luy faire voir qu'il eſtoit la Dupe de l'un & de l'autre. Elle poufſa enfin la
TomeV. M
134 LE MERCVRE
1
choſe plusloin
;
&unjour que cette rufée Confidente ſceut
qu'il devoit apporter mille écus àla Veuve , elle alla l'attendre
dans le temps que
M' de la Fo- reſt estoit ſeul avec elle dans
un Cabinet qui ne s'ouvroit que pour luy ,&où il entroit ſans eſtre veu par un petit Ef- calier dérobé. Elle nel'eut pas fi-toſt apperçeu,qu'elle courut audevantde luy , &luymon- trant le Degré qui conduiſoit au lieu du paiſible Rendez- vous , elle s'enfuit chez elle ,
apres l'avoir aſſuré qu'il trou- veroit la Veuve avec le Fantaſſin dont il ſe croyoit défait.
Le pauvre Receveur avance
,
& partagé entre la confiance &la crainte , il montoit tout doucement le Degré,quand le Diable qui ſe meſloit ce jour- $
GALAN Τ. 135 làde ſes affaires , luy fait trou- ver une jeune Enfant Niéce de la Veuve , qui le voyant aller au Cabinet où elle avoit veu fa
Tate s'enfermer avec la Foreft,
l'arreſte tout d'un coup, en luy criant qu'on n'entroit point quand M de la Foreſt eſtoit dans le Cabinet avec ſa Tante.
Il n'en fallut pas davantage pour percer le cœurdu Finan- cier. Il fort tout ardent de co--
lere d'une fi funeste Maiſon,
trop heureux , à ce qu'il croit,
d'en avoir ſauvé ſes mille écus.
Il court au plus viſte s'en con- foler avec ſa Confidente , qui s'eſtant dés long-temps prepa- rée àcet évenement, n'oublie
rien de tout ce quipeut empoi- fonner ce qu'il penſe déja de la Veuve. Elle luy conte mille avantures qu'il ſe ſeroit bien M 2
136 LE MERCVRE
1
paſſe de ſçavoir
,
& l'amuſe ſi bien par fes longs difcours ,
qu'elle le retientjuſqu'àdeux heuresdu matin,dansun temps où la vigilance du Guet n'em- peſchoit point qu'on ne volaſt toutes les nuits. Quandle pre- mier deſeſpoir dumal-heureux Receveur fut unpeuappaisé,
il voulut aller chez luy donner quelque repos à ſa douleur ;
mais l'heure eſtant fort induë,
il ne crût pas que l'obſcurité de la nuit fuſt une aſſez ſeûre
ſauvegarde pour ſes mille écus
,
qu'il s'imaginoit avoir ſauvez du naufrage. Il les laiſſa donc endépoſt àcette chere Confi- dentequi venoit de luydonner tant de marques d'une fincere amitié. La perfide qui n'avoit fait jouer toutes ces machines que pour envenir là,receut cet
GALANT. 137
argent avec une joye qui ne ſe peut dire ; & le pauvre Rece- veur fut bien étonné le lendemain , lors que venant pour le retirer de ſes mains,elle le traita de viſionnaire &d'infolent,
af de luy demander ce qu'elle prétendoit qu'il-ne luy euſt * point donné:elle yajoûta mef- me quelques menaces violentes qui firent craindre auRe- ceveur une ſuite de plus fa- cheuſes avantures,& il ſe crût
trop heureux pour éviter l'é- clat qui ne luy pouvoit eſtre que préjudiciable, d'abandon-.
ner pourtoûjours ſes écus , fa Confidente , & fa Maiſtreſſe
Fermer
Résumé : Histoire de la Veuve & de M. de la Forest. [titre d'après la table]
Le texte relate l'histoire d'une femme, veuve d'un capitaine d'infanterie, qui fut d'abord un modèle de dévotion conjugale. Après la mort de son mari, tué par un coup de mousquet, sa douleur se transforma rapidement en indifférence. Incapable de subvenir à ses besoins seule, elle suivit les conseils de soupirants qui lui suggérèrent d'utiliser sa beauté pour survivre. Elle s'engagea alors dans une relation avec M. de la Forest, un camarade de son défunt mari et officier subalterne. Leur union fut perturbée par des problèmes financiers, ce qui poussa la veuve à accepter les avances d'un riche receveur. Ce dernier, jaloux, fut manipulé par une confidente malveillante qui cherchait à s'emparer de son argent. La confidente, une vieille coquette rusée, fit croire au receveur que la veuve le trompait avec M. de la Forest. Elle l'attira dans un piège en l'envoyant dans un cabinet où il découvrit la nièce de la veuve, ce qui le convainquit de la trahison. Désespéré, il confia ses mille écus à la confidente, qui le trahit en refusant de les lui rendre le lendemain.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
2
p. 163-172
Description d'une Horloge extraordinaire presentée au Roy & qui doit estre suspenduë comme un Lustre. [titre d'après la table]
Début :
Les Horloges qui nous font connoistre combien nous avons passé [...]
Mots clefs :
Horloge, Globe, Argent, Heures, Fleur de lis, Pendule, Cercle
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Description d'une Horloge extraordinaire presentée au Roy & qui doit estre suspenduë comme un Lustre. [titre d'après la table]
Les Horloges qui nous font connoiſtre combien nous
avons paffé d'heures de chaque jour où nous vivons, nepeuvent nous apprendre combien il nous en reſte encor àpaſſer. On en a
GALANT. 103 preſenté une au Roy depuis quelques jours d'une beauté &
d'une invention toute extraordinaire. Il n'y a rien de mieux travailléque cet Ouvrage , & on ne peut affez admirer l'intelli- gence & l'efprit de cette ingé- nieuſe Perſonne qui en a donné l'idée. Cette Horloge faite en Globe a un pied de diametre,
&ſonne les heures & les quarts fur trois Timbres. Elle est àPendule , & en commençant parle bas , on voit les Quarts & les Minutes ſur le plus petit de ſes Cercles. Les Jours dela Semaine
fontmarquez furun plusgrand,
&ſur unautre encor plus grand que ce dernier font les Saiſons avec les Planetes dansleursMaifons. La Lune y paro'ſt : C'eſt une petite Boule tournante qui en montre tous les jours peu à
E iiij
104 LE MERCVRE
peu le croiſſant&le declin, com- me on le découvre dans le Ciel.
Cette petite Lune fuit le premier mobile qui eſt le movement regulier de vingt-quatre heures,
& retrograde chaquejour à pro- portionde cequ'il faut pour fai- reſa révolution entiere en vingt- neufjours &demy. On voit en mefme temps ſon quantiéme,
fon aſpect avec le Soleil , la Ma- -rée & le lieu qu'elle occupe dans les Signes. Le Soleil eſt placé fur un plus grand Cercle.
L'Heurey eft marquée aufli bien que le Jour de l'Année &le De- gré du Signe où il eft , avec ſon lever & fon coucher. Tous ces
Cercles compofent un peu plus que la moitié de ce Globe , & en forment la partie inferieure. II n'y a rien dans celle d'enhaut,
parce qu'ayant eſté fait pour
GALANT. 105 I
el
eftre fufpendu comme un Luf- tre, il auroit eſté inutile d'y mar- quer ce qu'il euſt eſté impoſſible de voir. Le premier Cercle eſt d'argent , leſecond d'or, &ainfi de tous les autres. Le Soleil eft
d'or , grand comme une Piece de Trente fols , pofé ſur une double L d'acier cizelé en relief , & bluy. Un des coſtez de la Lune eſt d'argent , & l'autre eſt d'or émaillé d'azur avec de
petites Etoilles d'or. CetteLune eft comme enfermée à moitié
dans une Boëte qui eſt auſſi d'or,
émaillée d'azur & parfemée de petitesEtoilles dumeſme metal.
UnNuage d'or émaillé la porte.
On diroit à ſa couleur qu'il eſt éclairé du Soleil couchant.L'Aiguille qui montre les Planetes dans leurs Maiſons , eſt faite d'a
Ev
106 LE MERCVRE
cier en relief , & compoſée de deux Arcs & d'une Fleche qu'on regarde comme les armes d'A- pollon. Un Sceptre , un Bafton Royal , & une Couronne de France, forment celle qui mar- que le Jour de la Semaine ; &
celle qui indique les Quarts , a
la figure d'une Fleur de LYS. II y a des branchages d'acier fort délicats qui compoſentunHori- fon pour cacher le Soleil pen- dantla nuit ſous un voile tranf
parent. Le reſtedu Globe qu'on peutnommer la partie ſupérieu- re , eſt rendu parfait par une Caloted'argent, fur laquelle on apercé àjour les fix Signes Me- ridionaux avec les principales Conftellations , & des Etoilles
en confufion. Au deſſus de ce
GlobeparoîtunNüaged'argent remply des principaux Vents
GALAN Τ. 107
e
1
1
qui imitent parfaitementle na- turel. Ce Nüage porte unBuif- fondePalmes&de Lauriersd'or
fur lequel eſt poſée une Medail.
le duRoy enbas relief d'or , &
autour de ce Buiſſon il y a trois Enfans de ronde boffe , dont
l'un merune Couronne de Laurier fur cette Medaille , l'autre
la regarde en foûtenant leBuif- fon, & le troifiéme tient une
Trompette. Pour le dedans du Globe il eſt remply d'environ trois cens Pieces qui forment enſemble dix tres-beaux Mouvemens , dont il y en a la plus grande partie nouvellement trouvée par M' Martinot Hor- logeur du Roy , & Inventeur de ce merveilleux Chef- d'œuvre. Mr Balain Orfévre du Roy,
& Controlleur des Poinçons de France , ya contribué de tout ce
E vj
108 LE MERCVRE
qui dépendoit de fon Art ,& le deffus de la Calote eſt de fon
invention.
avons paffé d'heures de chaque jour où nous vivons, nepeuvent nous apprendre combien il nous en reſte encor àpaſſer. On en a
GALANT. 103 preſenté une au Roy depuis quelques jours d'une beauté &
d'une invention toute extraordinaire. Il n'y a rien de mieux travailléque cet Ouvrage , & on ne peut affez admirer l'intelli- gence & l'efprit de cette ingé- nieuſe Perſonne qui en a donné l'idée. Cette Horloge faite en Globe a un pied de diametre,
&ſonne les heures & les quarts fur trois Timbres. Elle est àPendule , & en commençant parle bas , on voit les Quarts & les Minutes ſur le plus petit de ſes Cercles. Les Jours dela Semaine
fontmarquez furun plusgrand,
&ſur unautre encor plus grand que ce dernier font les Saiſons avec les Planetes dansleursMaifons. La Lune y paro'ſt : C'eſt une petite Boule tournante qui en montre tous les jours peu à
E iiij
104 LE MERCVRE
peu le croiſſant&le declin, com- me on le découvre dans le Ciel.
Cette petite Lune fuit le premier mobile qui eſt le movement regulier de vingt-quatre heures,
& retrograde chaquejour à pro- portionde cequ'il faut pour fai- reſa révolution entiere en vingt- neufjours &demy. On voit en mefme temps ſon quantiéme,
fon aſpect avec le Soleil , la Ma- -rée & le lieu qu'elle occupe dans les Signes. Le Soleil eſt placé fur un plus grand Cercle.
L'Heurey eft marquée aufli bien que le Jour de l'Année &le De- gré du Signe où il eft , avec ſon lever & fon coucher. Tous ces
Cercles compofent un peu plus que la moitié de ce Globe , & en forment la partie inferieure. II n'y a rien dans celle d'enhaut,
parce qu'ayant eſté fait pour
GALANT. 105 I
el
eftre fufpendu comme un Luf- tre, il auroit eſté inutile d'y mar- quer ce qu'il euſt eſté impoſſible de voir. Le premier Cercle eſt d'argent , leſecond d'or, &ainfi de tous les autres. Le Soleil eft
d'or , grand comme une Piece de Trente fols , pofé ſur une double L d'acier cizelé en relief , & bluy. Un des coſtez de la Lune eſt d'argent , & l'autre eſt d'or émaillé d'azur avec de
petites Etoilles d'or. CetteLune eft comme enfermée à moitié
dans une Boëte qui eſt auſſi d'or,
émaillée d'azur & parfemée de petitesEtoilles dumeſme metal.
UnNuage d'or émaillé la porte.
On diroit à ſa couleur qu'il eſt éclairé du Soleil couchant.L'Aiguille qui montre les Planetes dans leurs Maiſons , eſt faite d'a
Ev
106 LE MERCVRE
cier en relief , & compoſée de deux Arcs & d'une Fleche qu'on regarde comme les armes d'A- pollon. Un Sceptre , un Bafton Royal , & une Couronne de France, forment celle qui mar- que le Jour de la Semaine ; &
celle qui indique les Quarts , a
la figure d'une Fleur de LYS. II y a des branchages d'acier fort délicats qui compoſentunHori- fon pour cacher le Soleil pen- dantla nuit ſous un voile tranf
parent. Le reſtedu Globe qu'on peutnommer la partie ſupérieu- re , eſt rendu parfait par une Caloted'argent, fur laquelle on apercé àjour les fix Signes Me- ridionaux avec les principales Conftellations , & des Etoilles
en confufion. Au deſſus de ce
GlobeparoîtunNüaged'argent remply des principaux Vents
GALAN Τ. 107
e
1
1
qui imitent parfaitementle na- turel. Ce Nüage porte unBuif- fondePalmes&de Lauriersd'or
fur lequel eſt poſée une Medail.
le duRoy enbas relief d'or , &
autour de ce Buiſſon il y a trois Enfans de ronde boffe , dont
l'un merune Couronne de Laurier fur cette Medaille , l'autre
la regarde en foûtenant leBuif- fon, & le troifiéme tient une
Trompette. Pour le dedans du Globe il eſt remply d'environ trois cens Pieces qui forment enſemble dix tres-beaux Mouvemens , dont il y en a la plus grande partie nouvellement trouvée par M' Martinot Hor- logeur du Roy , & Inventeur de ce merveilleux Chef- d'œuvre. Mr Balain Orfévre du Roy,
& Controlleur des Poinçons de France , ya contribué de tout ce
E vj
108 LE MERCVRE
qui dépendoit de fon Art ,& le deffus de la Calote eſt de fon
invention.
Fermer
Résumé : Description d'une Horloge extraordinaire presentée au Roy & qui doit estre suspenduë comme un Lustre. [titre d'après la table]
Le texte décrit une horloge exceptionnelle présentée au roi, remarquable par sa beauté et son ingéniosité. Cette horloge, en forme de globe, mesure un pied de diamètre et sonne les heures et les quarts sur trois timbres. Elle est à pendule et affiche les quarts et les minutes sur un petit cercle, les jours de la semaine sur un cercle plus grand, et les saisons avec les planètes sur un cercle encore plus grand. La Lune, représentée par une petite boule tournante, montre les phases lunaires et suit un mouvement rétrograde pour compléter sa révolution en vingt-neuf jours et demi. Le Soleil est placé sur un cercle plus grand, indiquant l'heure, le jour de l'année, et le degré du signe zodiacal avec son lever et son coucher. Les cercles sont en argent et en or, et les planètes sont marquées par une aiguille en forme d'arc et de flèche. La partie supérieure du globe est ornée de constellations et d'étoiles, avec un nuage argenté représentant les vents. Au sommet, une médaille du roi est posée sur un buisson de palmes et de lauriers, entourée de trois enfants tenant une couronne, regardant la médaille, et tenant une trompette. L'intérieur du globe contient environ trois cents pièces formant dix mouvements, dont plusieurs inventés par M. Martinot, l'horlogeur du roi. M. Balain, orfèvre du roi, a contribué à l'œuvre avec l'invention de la calotte supérieure.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3
p. 257-258
ENIGME.
Début :
Je vous envoye deux Enigmes nouvelles, en attendant l'explication / Je suis ce qu'on aime le mieux [...]
Mots clefs :
Argent
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
Je vous envoye deuxEnig
mes nouvelles , en attendant
l'explication de celles du dernier
mois , que vous trouverez
dans ma XXVL Lettre.
Extraordinaire , que je vous
prépare pour le 15. de Juillet.
La premiere de ces Enigmes
eft de la Dame Solitaire;&
la ſeconde de Rofelinde,
Nymphe enjoüée , autrefois
de l'Empire des Fleurs.1
Juin1684- Y
ENIGME
Efuis cequ'on aimetomteambu
Presqueen tous les lieux de la
Etſouventionse faitla guerre,
Pour nowwolr-commeunbien&vare
Mais quandon afaitmaconquestes
Celuy qui me poffede a le coeurfileger,
Qu'àma poſſeſſionjamaisilesar-
Etnome gardepas long-scopsfans
me changer.
mes nouvelles , en attendant
l'explication de celles du dernier
mois , que vous trouverez
dans ma XXVL Lettre.
Extraordinaire , que je vous
prépare pour le 15. de Juillet.
La premiere de ces Enigmes
eft de la Dame Solitaire;&
la ſeconde de Rofelinde,
Nymphe enjoüée , autrefois
de l'Empire des Fleurs.1
Juin1684- Y
ENIGME
Efuis cequ'on aimetomteambu
Presqueen tous les lieux de la
Etſouventionse faitla guerre,
Pour nowwolr-commeunbien&vare
Mais quandon afaitmaconquestes
Celuy qui me poffede a le coeurfileger,
Qu'àma poſſeſſionjamaisilesar-
Etnome gardepas long-scopsfans
me changer.
Fermer
4
p. 242-282
Suite de l'Article de Siam, [titre d'après la table]
Début :
Aprés avoir satisfait vostre curiosité dans une de mes Lettres, [...]
Mots clefs :
Roi de Siam, Roi de France, Envoyés, Monarque, Présents, Prince, Vaisseau, Bâtiment, Londres, Royaume, Majesté, Remèdes, Argent, Sujets, Missionnaires, Nations, Europe, Gloire, Banten, Amitié, Angleterre, Voyage, États, Religion, Hommes, Peuples, Siam
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Suite de l'Article de Siam, [titre d'après la table]
Aprés avoir satisfait vostre
curiosité dans une de mes
Lettres, touchant la Religion
& les Coûtumes des
Habitans du Royaume de
Siam
,
& vous avoir parlé
dans la suivante de l'Audience
donnée par Mrle Marquis
de Seignelay aux Envoyez
du Prince qui le gouverne,
je dois vous apprendre tout
ce qui s'est passé à l'égard de
ces mesmes Envoyez, depuis
qu'ils sont à Paris. Mais
avant que d'entrerdans ce
détail
,
j'en ay un autre fort
curieux à vous faire, qui
vous plaira d'autant plus,
qu'il vous fera connoistre
de quelle maniéré a pris
naissance la hauteestime
que le Roy de Siam a
conceuë pour Sa Majesté.
Les Millionnaires qui n'ont
que le seul Salut des Ames
pour but dans toutes les peines
qu'ils se donnent, s'étant
établisàSiam,ilsygagnerent
en peu de temps
l'affection de tous les Peuples.
L'employ de ces Ames
toutes charitables
,
n'étoit,
& n'est encore aujourd'huy,
que de faire du bien.
Comme en partant de France
ils s'estoient munis de
quantité de Remedes, &
qu'ils avoient avec eux Medecins,
Chirurgiens & Apoticaires
,ils soulageoient les
Malades, jusque-là mesmes
qu'ils avoient des Hommes
qui avec des Paniers pleins
de ces Remedes
,
alloient
dans toutes les Ruës de
Siam
,
criant que tous ceux
qui avoient quelques maux,
de quelque nature qu'ilspus-
fent estre
,
n'avoient qu'à les
faire entrer chez eux, &:
qu'ilslessoulageroient sans
prendre d'argent.En effet,
bienloind'en exiger des Mab
lades,ils en donnoient fort
souventà ceux qui leur paroissoient
en avoir besoin, &
tâchoient de les consoler
dans leurs misères. Des
maniérés siobligeantes,&si
desintéresséesgarnerens
bien-tostl'esprit des Peuples,
& servirent beaucoup à l'accroissement
de la Religion
Catholique.Le Roy deSiam
en ayant elleinftruit,8c ne
pouvant qu'àpeine lecroire
, voulut sçavoir à fonds
quiestoientceux dont ses
Sujets recevoient de si
grandssoulagemens.Ce Mo*
nàaarqrugeu. eaaccoommmmeennccee aa rree..¡-"
gner dés l'âge de huit ans,&
en a presèntementenviron
cinquante. C'estun Prince
qui voit, & quientend tout,
& quiexamine long-temps,
&meurementles choses,
avant quede porterson jugementcomme
vous le
connoirtre z par la fuice de
cet Article. Il ditauxMisfionnaires,
Qu'ilestoitsurprisde
voir quede tant de Gens de déférentes."
Nations qu'il 'PO)'oÍt
dans ses Etats, ils estoientles
seuls qui ne cherchaient point à
trafiquer. Il leur demanda 0
ils prenaient l'argent qu'ilfalloit
qu'ils dépensassent pour leursubsistance
, & pour leurs remedes.
Ils luy répondirent que cet
argent leur venoit des Missions
de France, & des charitez
que plusieurs Particuliers
faisoient pour leur estre
envoyées. Ce Monarque fut
extrêmement surpris de voir
que des Peuples éloignez de
six milleliües,contribuoient
par leurs largesses au soulagement
de ses Sujets, & que
ceux du plusgrãdMonarque
de l'Europe, venoiét de si loin
par un pur motifde pietié, ôc
qu'au lieu que les Peuples
des autres Nations, se donnoient
de la peine pour gagner
par leur trafic, les Fran- tio çois en prenoient pour dépenser,
dans le seul dessein
de travailler à la gloire du
<D Dieu qu'ils adoroient Aprés
cesréflexions,il voulue faire
ouvrir ses Tresors aux Missionnaires
,
mais ils n'accepterent
rien, ce qui tourna
tout à fait à l'avantage de la
Religion, & fut cause que
ce Roy leur fit, bâtir des Eglises,&
qu'après leur avoir.
demandé des desseins) U
voulut qu'ils en donnassent
d'autres, n'ayant pas trouvé
les premiers assez beaux.Il
avoit en ce temps-làunPremier
Ministre qui n'aimoit
pas les Millionnaires mais j
comme ç'eust este mal faire
sa Cour, que de montrer de j
l'aversion pour ceux que son
Í
Maistre honoroitde son estime,
cet adroit Politique leur.
faisoitfort bon accueil, quoy «
qu'il rechcrchast fous main,
toutes les occasions de leur
nuire. Il apprehendoit que
-
quand les Françoisparle- rf
roient parfaitement la Lan-
gue des Siamois,ils ne gouvernaient
l'esprit du Roy
,
ôc
que leur credit ne fist peu à
peu diminuer son autorité.
Ce Ministre n'estoit pas seulement
ambitieux
,
mais il
estoit fort zelé; pour la Religion
du Pays. Ainsiil est aisé
de juger qu'il avoitplus d'une
raison de haïr les Millionnaires.,
Il estmort depuis deux
aîiSjôc si celuy qui luy a succedén'a
pas hérité de ses mesmes
sentimens à l'égard des
François, on ne laisse pas de
connoistre qu'il a des raisons
politiquesquil'obligent à les
*
craindre. Cependant les bontez
du Roy pour les Missionnaires,&
lesEglises&le Seminaire
qu'illeur a fait bâtir,
ont tellement contribué à
l'augmentation de la FoyCatholique,
qu'on a parlé dans;
ce Séminaire,jusques à vingt
trois sortes de Langues dans
un mesme temps, c'est à dire
qu'il y avoit des Personnes
converties d'autat de Nations
disérentes, car il n'y a point
de lieu dans tout l'Orient.,
où il vienne un si grand nombre
d'Etrangers, qu'à Siam.
La Compagnie des Indes 0-
ientalcs voyant les grands
progrés que les Missionnaires
saisoient dans ce Royaume
,
résolu d'y établir un
Comptoir
,
sans le proposer
d'autre avantage de cét établissement,
que celuy de les
assister,& comme on fit
connoitre à nostrepieux
Monarque les bontez du
Roy deSiampourlesSujets,
& que la protectionqu'il
leur donnoit
,
estoit cause
qu'ils faisoienttous les jours
beaucoup deConversions,Sa
Majesté qui n'a point de plus
grand plaisir que de travailler
au salut des ames,voulut.
bien luy en écrire une Lettro
de remerciement; dont M
Deslandes
-
Bourreau, qu
partit dans un Navire de la
Compagnie pour l'établisse.
ment du Comptoir, fut chargé
pour la remettre entre
les mains de Mr l'Evesque
de Beryte
,
VicaireApostolique
de la Cochinchine
qui estoit pour lors à Siam
L'arrivée de cette Lettre fini
du bruit, & le Roy apprit
avec joye que le Grand Roj{
luy écrivoit. C'est le non
qu'il donc au Roy de France
,iu il 0
Cependant cette Lettre demeura
plus de deux mois entre
les mains deMrl'Evesque
deBéryte, sans estre renduë
fau Roy de Siam, & il y eut
de grandes contestations sur
la maniere de la présenter.
Le Premier Ministre vouloit
-que Mr de Béryte parust devant
ce Monarque les pieds
nus,personne ne se mon- trant chauffé devant luy
,
si
¡ ce n'est dans les Ambassades
solemnelles; ce que Mr de
Béryte ayant refusé de faire,
iel garda la Lettre. Le Roy Siam surpris de ce qu'on
diséroit si longtemps à la luy
rendre, en demanda la raiion.
Il l'apprit, & dit, que les
François pouvoientparoistre devant
luy de telle maniere qu'ils
voudraient. Ainsi une simple
Lettre du Roy portée par des
Gens qui n'estoient ny Ambassadeurs,
ny mesme Envoyez,
fut renduë comme
elle lauroit esté dans laplus.
celebre Ambassade. Cette j
Lettrefit augmenter l'estime
que le Roy de Siam avoit
déjà conçûë pour le Roy de:
France, & il résolut de iuvT
envoyer des Ambassadeurs;
avec des Présens tirez de
tour ce qu'onpourroit trouver
de plus riche dans ion
Trésor. J'ay oublié de vous
dire que ce Monarque avoit
ordonné à tous les Européans
de luy donner de
temps en temps des Relations
de tout ce qui se passoit
dans les- Lieuxdépendans
de l'obeïssance de leurs
Souverains,ou de leurs Supérieurs.
Ces Relations estant
faites par divers Particuliers,
chacan tâchoit d'obscurcir
la gloire du Roy de France,
en envelopant la vérité. Le
Roy de Siam n'en témoignoit
rien, & par une prudencemerveilleuse
, lisant
tout, & examinant les choses
, il estoit des années sans
se déclarer là- dessus. Ilvouloit
voir si ce qu'on luy donnoitainsi
de temps en temps
avoit des fuites, & si l'on ne
se contredisoit point. Enfin
il dévelopa les mauvaises intentions
de plusieurs, & connut
que les seuls Missionnaires
luy disoient vray, parce
que les nouvelles qu'ils luy
donnoient d'une année, ê.
toient confirmées par celles
,r ,1"- 1\, J
de l'autre. Leschosesétoienten
cetétat, lors qu'on demanda
au, Roy de Siam la
permissionde tirer duCanon,
& de faire des Feux de joye
pour Mastric repris par le
Prince d'Orange,& pour ladéfaite
de tousles François.
Ce prudent Monarque envoya
chercher les Missionnaires,
&leur demanda quellesnouvelles
ils avoientde Fran,
ce, duSiegedeMastric. On
luy dit qu'onavoirappris par -
une Lettre qui -,. venoit de
Perse, que Mrde Schomberg
avoit forcéle Prince- d'©—
range à lever le Siege; mais
-
que comme cette nouvelle avoit
esté mandée en quatre li- -
gnes feulementau bas d'une
Lettre,il n'avoitpas crûdevoir
la publier avant qu'elle
:
eust esté confirmée. Le Roy
répondit, que c'estoit assez; qu'il
;
estoitseûr de l'avantage que les
Françoisavoientremperté; mais i
que loin d'en vouloirrien temoigner,
sondessein estoitde permeta,
tre les Feuxde joye qu'on luy
avoit demandez.Il avoit sons
but, que vousallez voir. 'ci"
Quelque temps après,
la
nouvelle de la levée du Siege :1
de Mastric ayant esté confirméed'une
maniersqui empeschoit
d'en douter, le Roy
voulut mortifier ceux qui
s'estoient si bien réjoüis., &
leur dit, qu'ils'étonnoit qu'ils
n'eussent pas fait plus souvent
des Feux de jC!JeJ puis que les
derniers qu'ils avoientfaits marquoient,
que leur coûtume efloit
de se réjoüirapres leur défaite;
au lieu que les autres Nations
ne donnoientdepareilles marques
d'allégresse,qu'après leurs viSloL
res. Un pareil discours les
couvrit de confusion, & les
obligead'avoüer qu'ils avoient
reçeu de fausses nouvelles.
Toutes ces choses, ôii
beaucoup d'autres qu'on si~
pour oblcurcir la répatation
&lagloire des armes du Roy,
de France, & dont le temps
decouvrit la vérité, mirent ce~
grandPrince dans une si hau-~
te estime aupres du Roy de:
Siam
,
qu'il fit paroistre une
extrême impatience de luy,
envoyer des Ambassadeurs.
Il vouloit mesme luy envoyer
quelques-uns de ses Vaisseaux,
maison luy fit cOIT--
noistre le risque qu'il y avoit
à craindre pour eux dans riollgi
Mers. Enfin le Vaisseau
nomme le Vautour, a ppartenant
à la CompagnieRoyale
de France,estant arrivé à
Siam, fut choisy pour porter
jusques à Bantam les Ambassadeursque
cepuissantPrince
vouloit envoyer en France.
Il nomma en 1680. pour Chef
de cette Ambassade l'Homme
le plus intelligent de son
Royaume, & qui en cette
qualité avoit esté à la Chine
& au Japon. Il choisit aussi
pour l'accompagner, vingtcinq
Hommes des plus considérables
de ses Etats, avec
de riches Présens pour le
Roy, la Reyne, Monseigneur
le Dauphin, Madame la DauphineMonsieur,&
Madame.
Le Public n'eue aucune connoissance
de laqualité de ces
Présens, parce que c'est une
incivilité inexcusable chez;
les Orientaux de les faire voir:
à qui que ce soit, celuy à quii
on les envoye devant les voir
le premier.On embarquacesa
Présèns trois semaines avant
le depart du Vaisseau qui devoit
les porter; & les Lettresa
que le Roy de Siam écrivoit
au Roy de France, furent enfermées
ferméesdans un Bambu, ou
petit Coffre d'or. Ce Bambu
fut mis au haut de la Poupe,
avec des Flambeaux qui 1eclairerent
toutes les nuits
pendant ces trois semaines;
&. tant que ce Navire demeura
à l'ancre avant [OR
depart, tous les Vaisseaux
quipasserent furentobligez
de plier leurs Voiles, & de
salüer ces Lettres; & les Rameurs
des Galeres, de ramer
debout, & inclinez. Comme
le Papeavoit aussi écrit au
Roy de Siam pour le remercier
de la protection qu'il
donnoit aux Catholiques,&
de la libertédecosciencequ'il
laissoit dans ses Etats,ce Monarque
luy faisoit réponse par
le mesmeVaisseau, & avoic
mis les Lettres qu'il écrivvooiitt
àà Sa SSaaiinntetetétéd, adnanss
un Bambu de Calamba. C'est
un Bois que les Siamois estiment
autant. que l'or
; mais l
le Roy deSiam avoit dit qu'il
le choisissoit
, parce qu'il
faloit de la simplicité dans
toutce qui regardoit les Personnes
quise meslent
dela
Religion. Apres ces éclatantesCérémonies,
& si glorieuses
pour nostre Monarque
,l'Ambassadeur s'et-iï
barquaavec une suite nombreuse,
~&?>int jusques à
Bantan,oùilquita le Vaisseau
qui l'avoit amené,& lemit;
dans le Navire nommé
l- e Soleild'Orienta,appppaarrtetennaann'tt
à la mesme Compagnie des,
Indes, & portant pour son
compte pour plus d'un million
d'Effets
;
de sorte que
cela joint aux Présens que
le Roy de Siam envoyoit en
France,faisoit une tres-riche
charge.Le Vaisseau eftoic
d'ailleurs fort beau, & l'on
peut compter sa pertepour
une perte fort considérable..
Vous lasçavez Se je vous;
en ay souvent parlé. Ce n'est
pas qu'on en ait de nouvelles
assurées; mais depuis quatre
ans qu'il est sorty de Bantan,
il a esté impossible d'enr
rien découvrir, quelques perquisitions
qu'onen ait faites.
Quand cette nouvelle sut
portée à Siam, elle fut longtemps
ignorée du Roy, personne
n'osant luy apprendre
une chose dont on sçavoit
qu'ilauroit untres-sensibles
chagrin,non seulementparco
qu'il voyoit reculer par là
ce qu'iltémoignoit souhaiter
leplus,quiestoit de faire
demander l'amitié du Roy
de France, & qu'ilperdoit
de riches Présens, & des
Hommes d'un grand mérite
; mais encore parce qu'il
avoir fait tirer des choses trcscurieuses
de son Trésor
,
où
il n'en trouveroit plus de semblablcs
pour envoyer une seconde
fois. Tout cela frapa
ce, Prince; mais comme il
sçait prendre beaucoup d'empire
sur luy ,ilrépondit de
fangfroid à ceux qui luy
apprirent cette nouvvcllc><
qu'il faloit envoyer d'autresi
Ambassadeurs,&donna ot--
dre qu'on luypréparast de:
nouveaux Présens. Les choses
demeurèrent quelque
qu'iln'y avoit point de Vaisseau
qui vinst enEurepe,pour
porter. Le desirquele
Roy de Siam avoir d'envoyer •
de les Sujets en France, etoit:
si grand, qu'il résolut d'en,
faire partir sur un petit Bâtiment
Anglais, du port de
quatrevingt tonneaux, nommé
Bâtiment ~inteï!oof. Ces
Bâtimens ne sont point de
la Compagnie d'Angleterre,
& la plupart appartiennent à
des Bourgeois de Londres,,
qui croyent qu'il, leur est
permis de les charger pour
leur compte particulier. Le
peu d'étendüe de ce Batiment
ne fut pas seulement
cause que le Roy de Siam ne
fit partir que des Envoyez,
maislesremontrances de
son premier Ministre y contribuérent
beaucou p. Il luy
représenta qu'on n'avoit pas
encore de nouvelles certaines
de la perte du Vaisseau
iur lequel son Ambassadeur
estoit party de Bantan
, &
que ce seroit une chose embarassante,
si le dernier rencontroit
le premier enFrance.
Ainsi il sur resolu de ne faire
partir que desEnvoyez, qui.
ne seroient chargez que de
trois choses
;
la premiere, de
s'informer de ce qu'estait
devenu le premier Ambassadeur.
la secondé, de prier Mrs
Colbert, de faire connoistre
au Roy deSiamleur Maistre
les moyens les plus courts, &ç
les plus solidespourunir les
deux Couronnes d'une amitié
inviolable; &enfin,pour fe-*
liciter nostre Monarque sur
l'heureuse naissance de Monseigneur
le Duc de Bourgogne.
Le Roy de Siam voulut
que ces deux Envoyez fussent
choisisparmy les Officiers
de sa Maison, & qu'ils fussent
du nombre de ceux qui
ne payent point de Taille;
car il y a de laNoblesse dans
le Royaume de Siam, comme
en Europe, & cette Noblesse
est exempte de certains
Droits qu'on y paye au
Roy. Ce Prince voulut aussi
que les deux Envoyez qu'il
choisiroit, n'eussent point
esté châtiez, parce que le
Roy les fait tous punir pour
la moindrefaute qu'ils commettent
, ce qui n'est pas un
obstacle pour les empescher
de rentrer au service comme
auparavant. Ces deux Envoyez
ayantesté nommez
par le Roy, & ce Prince prenant
grande confiance aux
Millionnaires qui sont dans
ses Etats,ilpria Mrl'Evesque
de Metellopolis, de joindre
à ces deuxOfficiers un
Missionnaire, pour les accompagner
dans ce Voyage;
1
& comme il faloit un Homme
intelligent, actif, & propre
à souffrir les fatigues d'un
si long Voyage ,M de Metellopolis
choisitMrVachet,
ancien Millionnaire de la Cochinchine
, & cui depuis
- quatorze ans travaille au salut
desAmes en cesPaïs-là.
Le Roy de Siam ayant sçû
qu'il avoit esténommé,demanda
à l'entretenir, & le
retint huit jours à Lavau,
MaisondeCampagne où il
va souvent. Il lefit traiter
pendant ces huit jours, &
on luy servit à chaque Repas
quarante ou cinquante
Plats, chargez de tout ce
qu'il y avoit de plus exquis
dans le Païs. Mr Vachet eut
une fort longue audiencede
ce Prince, qui luy recommanda
d'avoir foin de ses
Envoyez, & de raporter en
France la verité de ce qu'il
voyoit de sa Cour, & de ses
Etats, sans exiger de luyaucune
autre chosesur cet Article.
Ensuite il luy fitune
prière, qui marque l'esprit
de ce Monarque, &: avec
combien de gloire il soûtient
sa. dignité. Illuy dit, Que
ittmrmses Envoyéz emportoient
des Présens pour les Ministres
de France, &qu'ils partoient
dans un BâtimentAnglais,ils
iroientdroit à Londres
, onapparemment
la Doüanne voudroit
voir ce que contenoient les Balots,
&se fairepayerses droits;
&c'estoit ce que ce Monarque
appréhendoit, non seulement
parce qu'il croyoit
qu'illuy estoit honteux que
ce qui luy appartenoit payast
quelques droits, mais encore
parce qu'il vouloit que
ceux à qui il envoyoit des
Présens, les vissent les premiers.
Pour remédier àcet
embarras, il chargea MrVachet
de prier de sa part l'A mbassadeur
de France ,qu'il
trouveroit à Londres, defaire
en sorteque ce qu'il envoyoic
aux Ministres de Sa Majesté,
ne payast point de Doüanne
en Angleterre,ce quifut ponctuellement
exécuté, Sa Majesté
Britannique ayant obligeamment
donnésesordres
pour empescher qu'on
; ne
prist rien à ses Doüannes des
Balots de ces Envoyez. Le
Roy de Siam dit, encore a"
MrVachet,lors queceMisfionnaire
le quita, Qu'ilprioit
le Dieu du Ciel de luy fairefaire
bon Voyage,& qu'illuyapprendroit
des choses à son retour,
dont il feroit surpris & ravy.
Il luy fit ensuite donner un
Habit longdeSatin;&c'est
celuy que ce Missionnaire a
porté dans les Audiences que
ces Envoyez onteües. Iln'y
a point de ressorts, que les
Nations établies à Siam, &
qui ne sçauroient cacher le
chagrin & la jalousie que
leur donne la grandeur du
Roy, n'ayent fait joüer,
pourempescher ces Envoyez
devenir en France. Commes
ilsfontchargez d'achetericy
beaucoup dechoses, ces Jaloux
ont offert au Roy des
Siam, de luy porter jusqu'en
son Royaume tout ce qu'il
pouvoit desirer d'Europe, ôcz
mesme de luyen faire présent;
mais vous jugez biem
que ce Monarque, du caractere
dont je vous l'ay peint,
n'étoit pas assezintéresse pour
accepter de telles propositions.
Aussi les a-t'il rejettées
y
tout ce qu'il cherches
n'estant que l'amitié du Roy
dont il se faitune gloire, uni
bonheur, & un plaisir. Ces
Envoyez partirent de Londres
,
dans un Bâtiment du
Roy d'Angleterre nommé
laCharlote, que ce Prince
leur donna pour passer à Calais,
oùje les laisse afin de
vous donnerlemois prochain
un Journal qui ne regardequela
France,&que
je commenceray par leur débarquement
à Calais. J'ay
sceu tout ce que je vous mande
,
de si bonne part,que je
-puis vous assurer que je ne
dis rien qui ne soit entierement
conforme à la verité;
Ii.
& si cette Relation a quelquechosededéfectueux
, ce
ne peut estre que pourquelques
endroits transposez,
dont jen'aypas assezbienretenu
l'ordre.
curiosité dans une de mes
Lettres, touchant la Religion
& les Coûtumes des
Habitans du Royaume de
Siam
,
& vous avoir parlé
dans la suivante de l'Audience
donnée par Mrle Marquis
de Seignelay aux Envoyez
du Prince qui le gouverne,
je dois vous apprendre tout
ce qui s'est passé à l'égard de
ces mesmes Envoyez, depuis
qu'ils sont à Paris. Mais
avant que d'entrerdans ce
détail
,
j'en ay un autre fort
curieux à vous faire, qui
vous plaira d'autant plus,
qu'il vous fera connoistre
de quelle maniéré a pris
naissance la hauteestime
que le Roy de Siam a
conceuë pour Sa Majesté.
Les Millionnaires qui n'ont
que le seul Salut des Ames
pour but dans toutes les peines
qu'ils se donnent, s'étant
établisàSiam,ilsygagnerent
en peu de temps
l'affection de tous les Peuples.
L'employ de ces Ames
toutes charitables
,
n'étoit,
& n'est encore aujourd'huy,
que de faire du bien.
Comme en partant de France
ils s'estoient munis de
quantité de Remedes, &
qu'ils avoient avec eux Medecins,
Chirurgiens & Apoticaires
,ils soulageoient les
Malades, jusque-là mesmes
qu'ils avoient des Hommes
qui avec des Paniers pleins
de ces Remedes
,
alloient
dans toutes les Ruës de
Siam
,
criant que tous ceux
qui avoient quelques maux,
de quelque nature qu'ilspus-
fent estre
,
n'avoient qu'à les
faire entrer chez eux, &:
qu'ilslessoulageroient sans
prendre d'argent.En effet,
bienloind'en exiger des Mab
lades,ils en donnoient fort
souventà ceux qui leur paroissoient
en avoir besoin, &
tâchoient de les consoler
dans leurs misères. Des
maniérés siobligeantes,&si
desintéresséesgarnerens
bien-tostl'esprit des Peuples,
& servirent beaucoup à l'accroissement
de la Religion
Catholique.Le Roy deSiam
en ayant elleinftruit,8c ne
pouvant qu'àpeine lecroire
, voulut sçavoir à fonds
quiestoientceux dont ses
Sujets recevoient de si
grandssoulagemens.Ce Mo*
nàaarqrugeu. eaaccoommmmeennccee aa rree..¡-"
gner dés l'âge de huit ans,&
en a presèntementenviron
cinquante. C'estun Prince
qui voit, & quientend tout,
& quiexamine long-temps,
&meurementles choses,
avant quede porterson jugementcomme
vous le
connoirtre z par la fuice de
cet Article. Il ditauxMisfionnaires,
Qu'ilestoitsurprisde
voir quede tant de Gens de déférentes."
Nations qu'il 'PO)'oÍt
dans ses Etats, ils estoientles
seuls qui ne cherchaient point à
trafiquer. Il leur demanda 0
ils prenaient l'argent qu'ilfalloit
qu'ils dépensassent pour leursubsistance
, & pour leurs remedes.
Ils luy répondirent que cet
argent leur venoit des Missions
de France, & des charitez
que plusieurs Particuliers
faisoient pour leur estre
envoyées. Ce Monarque fut
extrêmement surpris de voir
que des Peuples éloignez de
six milleliües,contribuoient
par leurs largesses au soulagement
de ses Sujets, & que
ceux du plusgrãdMonarque
de l'Europe, venoiét de si loin
par un pur motifde pietié, ôc
qu'au lieu que les Peuples
des autres Nations, se donnoient
de la peine pour gagner
par leur trafic, les Fran- tio çois en prenoient pour dépenser,
dans le seul dessein
de travailler à la gloire du
<D Dieu qu'ils adoroient Aprés
cesréflexions,il voulue faire
ouvrir ses Tresors aux Missionnaires
,
mais ils n'accepterent
rien, ce qui tourna
tout à fait à l'avantage de la
Religion, & fut cause que
ce Roy leur fit, bâtir des Eglises,&
qu'après leur avoir.
demandé des desseins) U
voulut qu'ils en donnassent
d'autres, n'ayant pas trouvé
les premiers assez beaux.Il
avoit en ce temps-làunPremier
Ministre qui n'aimoit
pas les Millionnaires mais j
comme ç'eust este mal faire
sa Cour, que de montrer de j
l'aversion pour ceux que son
Í
Maistre honoroitde son estime,
cet adroit Politique leur.
faisoitfort bon accueil, quoy «
qu'il rechcrchast fous main,
toutes les occasions de leur
nuire. Il apprehendoit que
-
quand les Françoisparle- rf
roient parfaitement la Lan-
gue des Siamois,ils ne gouvernaient
l'esprit du Roy
,
ôc
que leur credit ne fist peu à
peu diminuer son autorité.
Ce Ministre n'estoit pas seulement
ambitieux
,
mais il
estoit fort zelé; pour la Religion
du Pays. Ainsiil est aisé
de juger qu'il avoitplus d'une
raison de haïr les Millionnaires.,
Il estmort depuis deux
aîiSjôc si celuy qui luy a succedén'a
pas hérité de ses mesmes
sentimens à l'égard des
François, on ne laisse pas de
connoistre qu'il a des raisons
politiquesquil'obligent à les
*
craindre. Cependant les bontez
du Roy pour les Missionnaires,&
lesEglises&le Seminaire
qu'illeur a fait bâtir,
ont tellement contribué à
l'augmentation de la FoyCatholique,
qu'on a parlé dans;
ce Séminaire,jusques à vingt
trois sortes de Langues dans
un mesme temps, c'est à dire
qu'il y avoit des Personnes
converties d'autat de Nations
disérentes, car il n'y a point
de lieu dans tout l'Orient.,
où il vienne un si grand nombre
d'Etrangers, qu'à Siam.
La Compagnie des Indes 0-
ientalcs voyant les grands
progrés que les Missionnaires
saisoient dans ce Royaume
,
résolu d'y établir un
Comptoir
,
sans le proposer
d'autre avantage de cét établissement,
que celuy de les
assister,& comme on fit
connoitre à nostrepieux
Monarque les bontez du
Roy deSiampourlesSujets,
& que la protectionqu'il
leur donnoit
,
estoit cause
qu'ils faisoienttous les jours
beaucoup deConversions,Sa
Majesté qui n'a point de plus
grand plaisir que de travailler
au salut des ames,voulut.
bien luy en écrire une Lettro
de remerciement; dont M
Deslandes
-
Bourreau, qu
partit dans un Navire de la
Compagnie pour l'établisse.
ment du Comptoir, fut chargé
pour la remettre entre
les mains de Mr l'Evesque
de Beryte
,
VicaireApostolique
de la Cochinchine
qui estoit pour lors à Siam
L'arrivée de cette Lettre fini
du bruit, & le Roy apprit
avec joye que le Grand Roj{
luy écrivoit. C'est le non
qu'il donc au Roy de France
,iu il 0
Cependant cette Lettre demeura
plus de deux mois entre
les mains deMrl'Evesque
deBéryte, sans estre renduë
fau Roy de Siam, & il y eut
de grandes contestations sur
la maniere de la présenter.
Le Premier Ministre vouloit
-que Mr de Béryte parust devant
ce Monarque les pieds
nus,personne ne se mon- trant chauffé devant luy
,
si
¡ ce n'est dans les Ambassades
solemnelles; ce que Mr de
Béryte ayant refusé de faire,
iel garda la Lettre. Le Roy Siam surpris de ce qu'on
diséroit si longtemps à la luy
rendre, en demanda la raiion.
Il l'apprit, & dit, que les
François pouvoientparoistre devant
luy de telle maniere qu'ils
voudraient. Ainsi une simple
Lettre du Roy portée par des
Gens qui n'estoient ny Ambassadeurs,
ny mesme Envoyez,
fut renduë comme
elle lauroit esté dans laplus.
celebre Ambassade. Cette j
Lettrefit augmenter l'estime
que le Roy de Siam avoit
déjà conçûë pour le Roy de:
France, & il résolut de iuvT
envoyer des Ambassadeurs;
avec des Présens tirez de
tour ce qu'onpourroit trouver
de plus riche dans ion
Trésor. J'ay oublié de vous
dire que ce Monarque avoit
ordonné à tous les Européans
de luy donner de
temps en temps des Relations
de tout ce qui se passoit
dans les- Lieuxdépendans
de l'obeïssance de leurs
Souverains,ou de leurs Supérieurs.
Ces Relations estant
faites par divers Particuliers,
chacan tâchoit d'obscurcir
la gloire du Roy de France,
en envelopant la vérité. Le
Roy de Siam n'en témoignoit
rien, & par une prudencemerveilleuse
, lisant
tout, & examinant les choses
, il estoit des années sans
se déclarer là- dessus. Ilvouloit
voir si ce qu'on luy donnoitainsi
de temps en temps
avoit des fuites, & si l'on ne
se contredisoit point. Enfin
il dévelopa les mauvaises intentions
de plusieurs, & connut
que les seuls Missionnaires
luy disoient vray, parce
que les nouvelles qu'ils luy
donnoient d'une année, ê.
toient confirmées par celles
,r ,1"- 1\, J
de l'autre. Leschosesétoienten
cetétat, lors qu'on demanda
au, Roy de Siam la
permissionde tirer duCanon,
& de faire des Feux de joye
pour Mastric repris par le
Prince d'Orange,& pour ladéfaite
de tousles François.
Ce prudent Monarque envoya
chercher les Missionnaires,
&leur demanda quellesnouvelles
ils avoientde Fran,
ce, duSiegedeMastric. On
luy dit qu'onavoirappris par -
une Lettre qui -,. venoit de
Perse, que Mrde Schomberg
avoit forcéle Prince- d'©—
range à lever le Siege; mais
-
que comme cette nouvelle avoit
esté mandée en quatre li- -
gnes feulementau bas d'une
Lettre,il n'avoitpas crûdevoir
la publier avant qu'elle
:
eust esté confirmée. Le Roy
répondit, que c'estoit assez; qu'il
;
estoitseûr de l'avantage que les
Françoisavoientremperté; mais i
que loin d'en vouloirrien temoigner,
sondessein estoitde permeta,
tre les Feuxde joye qu'on luy
avoit demandez.Il avoit sons
but, que vousallez voir. 'ci"
Quelque temps après,
la
nouvelle de la levée du Siege :1
de Mastric ayant esté confirméed'une
maniersqui empeschoit
d'en douter, le Roy
voulut mortifier ceux qui
s'estoient si bien réjoüis., &
leur dit, qu'ils'étonnoit qu'ils
n'eussent pas fait plus souvent
des Feux de jC!JeJ puis que les
derniers qu'ils avoientfaits marquoient,
que leur coûtume efloit
de se réjoüirapres leur défaite;
au lieu que les autres Nations
ne donnoientdepareilles marques
d'allégresse,qu'après leurs viSloL
res. Un pareil discours les
couvrit de confusion, & les
obligead'avoüer qu'ils avoient
reçeu de fausses nouvelles.
Toutes ces choses, ôii
beaucoup d'autres qu'on si~
pour oblcurcir la répatation
&lagloire des armes du Roy,
de France, & dont le temps
decouvrit la vérité, mirent ce~
grandPrince dans une si hau-~
te estime aupres du Roy de:
Siam
,
qu'il fit paroistre une
extrême impatience de luy,
envoyer des Ambassadeurs.
Il vouloit mesme luy envoyer
quelques-uns de ses Vaisseaux,
maison luy fit cOIT--
noistre le risque qu'il y avoit
à craindre pour eux dans riollgi
Mers. Enfin le Vaisseau
nomme le Vautour, a ppartenant
à la CompagnieRoyale
de France,estant arrivé à
Siam, fut choisy pour porter
jusques à Bantam les Ambassadeursque
cepuissantPrince
vouloit envoyer en France.
Il nomma en 1680. pour Chef
de cette Ambassade l'Homme
le plus intelligent de son
Royaume, & qui en cette
qualité avoit esté à la Chine
& au Japon. Il choisit aussi
pour l'accompagner, vingtcinq
Hommes des plus considérables
de ses Etats, avec
de riches Présens pour le
Roy, la Reyne, Monseigneur
le Dauphin, Madame la DauphineMonsieur,&
Madame.
Le Public n'eue aucune connoissance
de laqualité de ces
Présens, parce que c'est une
incivilité inexcusable chez;
les Orientaux de les faire voir:
à qui que ce soit, celuy à quii
on les envoye devant les voir
le premier.On embarquacesa
Présèns trois semaines avant
le depart du Vaisseau qui devoit
les porter; & les Lettresa
que le Roy de Siam écrivoit
au Roy de France, furent enfermées
ferméesdans un Bambu, ou
petit Coffre d'or. Ce Bambu
fut mis au haut de la Poupe,
avec des Flambeaux qui 1eclairerent
toutes les nuits
pendant ces trois semaines;
&. tant que ce Navire demeura
à l'ancre avant [OR
depart, tous les Vaisseaux
quipasserent furentobligez
de plier leurs Voiles, & de
salüer ces Lettres; & les Rameurs
des Galeres, de ramer
debout, & inclinez. Comme
le Papeavoit aussi écrit au
Roy de Siam pour le remercier
de la protection qu'il
donnoit aux Catholiques,&
de la libertédecosciencequ'il
laissoit dans ses Etats,ce Monarque
luy faisoit réponse par
le mesmeVaisseau, & avoic
mis les Lettres qu'il écrivvooiitt
àà Sa SSaaiinntetetétéd, adnanss
un Bambu de Calamba. C'est
un Bois que les Siamois estiment
autant. que l'or
; mais l
le Roy deSiam avoit dit qu'il
le choisissoit
, parce qu'il
faloit de la simplicité dans
toutce qui regardoit les Personnes
quise meslent
dela
Religion. Apres ces éclatantesCérémonies,
& si glorieuses
pour nostre Monarque
,l'Ambassadeur s'et-iï
barquaavec une suite nombreuse,
~&?>int jusques à
Bantan,oùilquita le Vaisseau
qui l'avoit amené,& lemit;
dans le Navire nommé
l- e Soleild'Orienta,appppaarrtetennaann'tt
à la mesme Compagnie des,
Indes, & portant pour son
compte pour plus d'un million
d'Effets
;
de sorte que
cela joint aux Présens que
le Roy de Siam envoyoit en
France,faisoit une tres-riche
charge.Le Vaisseau eftoic
d'ailleurs fort beau, & l'on
peut compter sa pertepour
une perte fort considérable..
Vous lasçavez Se je vous;
en ay souvent parlé. Ce n'est
pas qu'on en ait de nouvelles
assurées; mais depuis quatre
ans qu'il est sorty de Bantan,
il a esté impossible d'enr
rien découvrir, quelques perquisitions
qu'onen ait faites.
Quand cette nouvelle sut
portée à Siam, elle fut longtemps
ignorée du Roy, personne
n'osant luy apprendre
une chose dont on sçavoit
qu'ilauroit untres-sensibles
chagrin,non seulementparco
qu'il voyoit reculer par là
ce qu'iltémoignoit souhaiter
leplus,quiestoit de faire
demander l'amitié du Roy
de France, & qu'ilperdoit
de riches Présens, & des
Hommes d'un grand mérite
; mais encore parce qu'il
avoir fait tirer des choses trcscurieuses
de son Trésor
,
où
il n'en trouveroit plus de semblablcs
pour envoyer une seconde
fois. Tout cela frapa
ce, Prince; mais comme il
sçait prendre beaucoup d'empire
sur luy ,ilrépondit de
fangfroid à ceux qui luy
apprirent cette nouvvcllc><
qu'il faloit envoyer d'autresi
Ambassadeurs,&donna ot--
dre qu'on luypréparast de:
nouveaux Présens. Les choses
demeurèrent quelque
qu'iln'y avoit point de Vaisseau
qui vinst enEurepe,pour
porter. Le desirquele
Roy de Siam avoir d'envoyer •
de les Sujets en France, etoit:
si grand, qu'il résolut d'en,
faire partir sur un petit Bâtiment
Anglais, du port de
quatrevingt tonneaux, nommé
Bâtiment ~inteï!oof. Ces
Bâtimens ne sont point de
la Compagnie d'Angleterre,
& la plupart appartiennent à
des Bourgeois de Londres,,
qui croyent qu'il, leur est
permis de les charger pour
leur compte particulier. Le
peu d'étendüe de ce Batiment
ne fut pas seulement
cause que le Roy de Siam ne
fit partir que des Envoyez,
maislesremontrances de
son premier Ministre y contribuérent
beaucou p. Il luy
représenta qu'on n'avoit pas
encore de nouvelles certaines
de la perte du Vaisseau
iur lequel son Ambassadeur
estoit party de Bantan
, &
que ce seroit une chose embarassante,
si le dernier rencontroit
le premier enFrance.
Ainsi il sur resolu de ne faire
partir que desEnvoyez, qui.
ne seroient chargez que de
trois choses
;
la premiere, de
s'informer de ce qu'estait
devenu le premier Ambassadeur.
la secondé, de prier Mrs
Colbert, de faire connoistre
au Roy deSiamleur Maistre
les moyens les plus courts, &ç
les plus solidespourunir les
deux Couronnes d'une amitié
inviolable; &enfin,pour fe-*
liciter nostre Monarque sur
l'heureuse naissance de Monseigneur
le Duc de Bourgogne.
Le Roy de Siam voulut
que ces deux Envoyez fussent
choisisparmy les Officiers
de sa Maison, & qu'ils fussent
du nombre de ceux qui
ne payent point de Taille;
car il y a de laNoblesse dans
le Royaume de Siam, comme
en Europe, & cette Noblesse
est exempte de certains
Droits qu'on y paye au
Roy. Ce Prince voulut aussi
que les deux Envoyez qu'il
choisiroit, n'eussent point
esté châtiez, parce que le
Roy les fait tous punir pour
la moindrefaute qu'ils commettent
, ce qui n'est pas un
obstacle pour les empescher
de rentrer au service comme
auparavant. Ces deux Envoyez
ayantesté nommez
par le Roy, & ce Prince prenant
grande confiance aux
Millionnaires qui sont dans
ses Etats,ilpria Mrl'Evesque
de Metellopolis, de joindre
à ces deuxOfficiers un
Missionnaire, pour les accompagner
dans ce Voyage;
1
& comme il faloit un Homme
intelligent, actif, & propre
à souffrir les fatigues d'un
si long Voyage ,M de Metellopolis
choisitMrVachet,
ancien Millionnaire de la Cochinchine
, & cui depuis
- quatorze ans travaille au salut
desAmes en cesPaïs-là.
Le Roy de Siam ayant sçû
qu'il avoit esténommé,demanda
à l'entretenir, & le
retint huit jours à Lavau,
MaisondeCampagne où il
va souvent. Il lefit traiter
pendant ces huit jours, &
on luy servit à chaque Repas
quarante ou cinquante
Plats, chargez de tout ce
qu'il y avoit de plus exquis
dans le Païs. Mr Vachet eut
une fort longue audiencede
ce Prince, qui luy recommanda
d'avoir foin de ses
Envoyez, & de raporter en
France la verité de ce qu'il
voyoit de sa Cour, & de ses
Etats, sans exiger de luyaucune
autre chosesur cet Article.
Ensuite il luy fitune
prière, qui marque l'esprit
de ce Monarque, &: avec
combien de gloire il soûtient
sa. dignité. Illuy dit, Que
ittmrmses Envoyéz emportoient
des Présens pour les Ministres
de France, &qu'ils partoient
dans un BâtimentAnglais,ils
iroientdroit à Londres
, onapparemment
la Doüanne voudroit
voir ce que contenoient les Balots,
&se fairepayerses droits;
&c'estoit ce que ce Monarque
appréhendoit, non seulement
parce qu'il croyoit
qu'illuy estoit honteux que
ce qui luy appartenoit payast
quelques droits, mais encore
parce qu'il vouloit que
ceux à qui il envoyoit des
Présens, les vissent les premiers.
Pour remédier àcet
embarras, il chargea MrVachet
de prier de sa part l'A mbassadeur
de France ,qu'il
trouveroit à Londres, defaire
en sorteque ce qu'il envoyoic
aux Ministres de Sa Majesté,
ne payast point de Doüanne
en Angleterre,ce quifut ponctuellement
exécuté, Sa Majesté
Britannique ayant obligeamment
donnésesordres
pour empescher qu'on
; ne
prist rien à ses Doüannes des
Balots de ces Envoyez. Le
Roy de Siam dit, encore a"
MrVachet,lors queceMisfionnaire
le quita, Qu'ilprioit
le Dieu du Ciel de luy fairefaire
bon Voyage,& qu'illuyapprendroit
des choses à son retour,
dont il feroit surpris & ravy.
Il luy fit ensuite donner un
Habit longdeSatin;&c'est
celuy que ce Missionnaire a
porté dans les Audiences que
ces Envoyez onteües. Iln'y
a point de ressorts, que les
Nations établies à Siam, &
qui ne sçauroient cacher le
chagrin & la jalousie que
leur donne la grandeur du
Roy, n'ayent fait joüer,
pourempescher ces Envoyez
devenir en France. Commes
ilsfontchargez d'achetericy
beaucoup dechoses, ces Jaloux
ont offert au Roy des
Siam, de luy porter jusqu'en
son Royaume tout ce qu'il
pouvoit desirer d'Europe, ôcz
mesme de luyen faire présent;
mais vous jugez biem
que ce Monarque, du caractere
dont je vous l'ay peint,
n'étoit pas assezintéresse pour
accepter de telles propositions.
Aussi les a-t'il rejettées
y
tout ce qu'il cherches
n'estant que l'amitié du Roy
dont il se faitune gloire, uni
bonheur, & un plaisir. Ces
Envoyez partirent de Londres
,
dans un Bâtiment du
Roy d'Angleterre nommé
laCharlote, que ce Prince
leur donna pour passer à Calais,
oùje les laisse afin de
vous donnerlemois prochain
un Journal qui ne regardequela
France,&que
je commenceray par leur débarquement
à Calais. J'ay
sceu tout ce que je vous mande
,
de si bonne part,que je
-puis vous assurer que je ne
dis rien qui ne soit entierement
conforme à la verité;
Ii.
& si cette Relation a quelquechosededéfectueux
, ce
ne peut estre que pourquelques
endroits transposez,
dont jen'aypas assezbienretenu
l'ordre.
Fermer
Résumé : Suite de l'Article de Siam, [titre d'après la table]
Le texte décrit les interactions entre les missionnaires français, appelés Millionnaires, et le roi de Siam. Ces missionnaires, établis au Siam, ont gagné la faveur des habitants en distribuant des remèdes et en soignant les malades sans demander de paiement, ce qui a favorisé l'expansion de la religion catholique dans le royaume. Le roi de Siam, intrigué par ces missionnaires, a découvert qu'ils étaient financés par des missions en France et des donations de particuliers. Impressionné par cette générosité, il a développé une haute estime pour le roi de France. Cependant, la perte d'un vaisseau chargé de présents pour le roi de France a contrarié le roi de Siam. Malgré cet incident, il a décidé d'envoyer de nouveaux envoyés à Paris à bord d'un petit bâtiment anglais. Ces envoyés, choisis parmi les officiers de la maison royale et exempts de certaines taxes, avaient pour missions de s'informer du sort du premier ambassadeur, de solliciter des moyens pour renforcer l'amitié entre les deux couronnes, et de féliciter le roi de France pour la naissance du Duc de Bourgogne. Le roi de Siam a également demandé à un missionnaire, M. Vachet, de les accompagner et de rapporter fidèlement ses observations sur la cour et les États français. Pour éviter que les présents destinés aux ministres français ne soient taxés en Angleterre, le roi de Siam a pris des mesures appropriées et a fourni à M. Vachet un habit de satin pour les audiences. Malgré les tentatives de sabotage par des nations jalouses, les envoyés ont finalement quitté Londres à bord d'un vaisseau anglais pour se rendre à Calais.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
5
p. 134-137
PLAINTES D'UN AMANT.
Début :
Voicy d'autres paroles que vous trouverez fort agréables, & / Languissant & réveur aux bords d'une Fontaine, [...]
Mots clefs :
Rêveur, Fontaine, Argent, Ruisseaux, Murmures, Amour, Berger, Galant, Songe, Tendresse, Peine, Éternelle
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PLAINTES D'UN AMANT.
Voicy d'autres paroles que
vous trouverez fort agréables
, & tres - propres à eſtre
chantées.Elles ſont de Mademoiſelle
Caſtille.
GALANT. 135
PLAINTES D'UN AMANT.
Anguiffant &réveur aux
L bords d'une Fontaine,
Helas! dis-je cent foisfongeant à
Céliméne,
Ces petits flots d'argent
Vont d'un cours diligent
R'embellir l'émailde la Plaine.
Ces Ruiffeaux
Ontrepris leur doux murmures
CesCoftraux
Une nouvelle Verdures
Ces Ormeaux
Redonnent leurs frais ombragesz
Ces Oyseaux
Fontretentir ces Bocages
Demillechans nouveaux.
CeGazon,
CeValon
136 MERCURE
Refleurit,
Tout rit
Dans noftre Village,
Tout fait l'amour, touts'engage.
Tircis ce galant Berger
Qui nefaitque fonger
Aréjouir Irisſon aimable Bergere,
Vaméditant pour elle tout lejour
CentpetitsAirs nouveauxfurfa Fla
te legere,
EtSa Bergereàson tour
Nefongefans ceffe
Qu'àfoulagerson amour
D'unpeu de tendreſſe.
Enfin dans nos Hameaux , dans nos
Bois, dansnos Champs
Toutse prépare aux plaisirs innocens
Que ramene
Le Printemps.
L'on n'y verra plus d'inhumaine
GALANT. 137
Quemon ingrate Céliméne,
Qui ne promet à mes feux trop
conftans
Qu'une éternelle peine..
vous trouverez fort agréables
, & tres - propres à eſtre
chantées.Elles ſont de Mademoiſelle
Caſtille.
GALANT. 135
PLAINTES D'UN AMANT.
Anguiffant &réveur aux
L bords d'une Fontaine,
Helas! dis-je cent foisfongeant à
Céliméne,
Ces petits flots d'argent
Vont d'un cours diligent
R'embellir l'émailde la Plaine.
Ces Ruiffeaux
Ontrepris leur doux murmures
CesCoftraux
Une nouvelle Verdures
Ces Ormeaux
Redonnent leurs frais ombragesz
Ces Oyseaux
Fontretentir ces Bocages
Demillechans nouveaux.
CeGazon,
CeValon
136 MERCURE
Refleurit,
Tout rit
Dans noftre Village,
Tout fait l'amour, touts'engage.
Tircis ce galant Berger
Qui nefaitque fonger
Aréjouir Irisſon aimable Bergere,
Vaméditant pour elle tout lejour
CentpetitsAirs nouveauxfurfa Fla
te legere,
EtSa Bergereàson tour
Nefongefans ceffe
Qu'àfoulagerson amour
D'unpeu de tendreſſe.
Enfin dans nos Hameaux , dans nos
Bois, dansnos Champs
Toutse prépare aux plaisirs innocens
Que ramene
Le Printemps.
L'on n'y verra plus d'inhumaine
GALANT. 137
Quemon ingrate Céliméne,
Qui ne promet à mes feux trop
conftans
Qu'une éternelle peine..
Fermer
6
p. 59-110
« Cette Harangue fut interpretée par Monsieur Constans, aprés cela je [...] »
Début :
Cette Harangue fut interpretée par Monsieur Constans, aprés cela je [...]
Mots clefs :
Roi de Siam, Siam, Éléphants, Constantin Phaulkon, Mandarins, Audience, Manière, Royaume, Pères, Palais, Évêque, Chine, Pagode, Éléphant, Argent, Ballons, Lettre, Maison, Hommes, Présent, Alexandre de Chaumont
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Cette Harangue fut interpretée par Monsieur Constans, aprés cela je [...] »
Cette Harangue fur interpretée
par Monfieur Conftans ,
aprés cela je disa SA MAJESTE'
que le Roy mon Maître
m'avoit donné Monfieur l'Abbé
de Choiſy pour m'accompagner
& les douze Gentilshom
60 RELATION
mes queje luy préſentay , je pris
la Lettredes mains de Monfieur
l'Abbé de Choify & je la portay
dans le deſſein de ne la préſenter
que comme je venois de me déterminer
de le faire,Mo Conſtans
qui m'accompagnoit rempant
fur ſes genoux & fur fes mains
me cria & me fit figne de
hauſſer le bras de même que le
Roy , je fis ſemblant de n'entendre
point ce qu'on me difoit
&me tins ferme , le Roy alors
fe mettant à rire , ſe leva & fe
baiffa pour prendre la Lettre
dans le Vafe & ſe pencha de
maniere que l'on luy vit tout
le corps, dés qu'il l'eut priſe , je
fis la révérence & je me retiray
fur mon fiege. Le Roy me demanda
des nouvelles de ſa Majeſté
ainſi que de toute la maifon
Royale & fi le Roy avoit
fait quelque conquête depuis
DU VOYAGE DE SIAM . 61
peu , je luy dis qu'il avoit fait
celle du Luxembourg , place
preſque imprenable & des plus
importantes qu'euffent les Efpagnols
, qui fermoit les frontiéres
de France & ouvroit celles
de ceux qui de ce côté-là pourroient
devenir ſes ennemis , &
qu'aprés il avoit de nouveau
accordé la paix à toute l'Europe
érant à la tête de ſes Armées.
Le Roi me dit qu'il étoit bienaiſe
de toutes les grandes victoires
que SA MAJESTE' avoit
remportées ſur ſes ennemis &de
la paix dont elle joüiſſoit, il ajoû .
ta qu'il avoit envoyé vers elle
des Ambaſſadeurs qui étoient
partis de Bantan dans le Soleil
d'Orient , qu'il chercheroit tous
les moïens pour donner ſatisfaction
au Roy ſur tout ce que je
luy propoſois ; Monfieur l'Evef
que de Metellopolis étoit pré
62 RELATION
ſent qui interpreta pluſieurs choſes
que le Roy me demanda. Ce
Monarque avoit une Couronne
enrichie des diamans attachée
fur un bonnet qui s'élevon au
deffus preſque ſemblableá ceux
de nos dragons , la veſte étoit
d'une érufe tresbelle à fonds
& flats d'or garnie au col &
aux poigners de diamans , en
forte qu'ils formoient une eſpoce
de collier & de braflelers . Ce
Prince avoit beaucoup de diamans
aux doits , te ne puis dire
qu'elle étoit alors fa chauſſure ,
ne l'ayant vu dans cette audiance
là que juſqu'à la moitié
du corps. Ily avoit quatre- vingt
Mandarins dans la Salle , où
j'étois , tous profternez contre
terre , qui ne fortirent jamais
de cette poſture durant tout ce
temps-ia.
Le Roy eſt âgé d'environ cin,
DU VOYAGE DE SIAM . 63
quante cinq ans , bien fait, mais
quelque peu bazané comme le
font ceux de ce païs- là , ayant
de viſage affez guay , fes incli
nations font toutes Royales il
eft courageux , grand politique
gouvernant par luy-même , magnifique
, liberal , aimant les
beaux Arts , en un mot un Monarque
qui a ſçû par la force de
fon genie s'affrarchir de diverſes
coûtumes qu'il a trouvées
en uſage en ſon Royaume pour
emprunter des païs étrangers ,
for tout de ceux d'Europe , се
qu'il a cru plus digne de contribuer
à la Gloire & à la felicité
de fon Regne..
Ces Mandarins dont je viens
de parler n'avoient ny bas , ny
fouliers & étoient habillez comme
ceux dont j'ay parlé cy de.
-vant avec un bonnet fans cou.
ronne de la mesme forme de
64 RELATION
celuy du Roy & chacun avoit
une boëte où ils mettent leur
Betel Arrek , chau & tabac . Par
ces boëtes on diftingue leurs
qualités , & leur Rang les uns
étantdifférentes des autres,aprés
que le Roy m'eut parlé pendant
environ une heure , il ferma fa
fenêtre & je me retiray . Le lieu
de l'audiance étoit élevé d'environ
douze à quinze marches, le
dedans étoit peint de grandes
fleurs d'or depuis le bas juſqu'au
haut, le plafond étoit de boſſages
dorés , le plancher couvert
de tapis tres-beaux; Au fondde
cette falle il y avoit deux efcaliers
des deux côtés qui conduifoientdans
une chambre où étoit
le Roy & au milieu de ces deux
eſcaliers étoit une fenêtre brifée
devant laquelle il y avoit trois
grands paraſoles par étages depuis
le bas de la ſalle juſqu'au
haut,
:
DU VOYAGE DE SIAM. 69
L
haur, ils étoient de toile d'or
& le bâton couvert d'une feulle
d'or , l'un étoit au milieu de
la fenêtre , & les deux autres
aux deux côtés , c'eſt par cette
fenêtre que l'on voyoit le trône
du Roy & par où il me donna
audiance ; Monfieur Conftans
me mena enſuite voir le reſte du
Palais , où je vis l'éléphant blanc
àqui on donne à boire & à manger
dans de l'or , j'en vis auſſi
pluſieurs autres tres beaux, après
quoy je retournay à l'hôtel où
je devois loger dans la même
pompe que j'étois venu , cette
maiſon étoit aflés propre & tout
mon monde y étot bien logé ,
j'appris que Monfieur Conftans
avoit ordonné de la part du Roy
à tous les Mandarins des nations
étrangeres qui habitent dans fon
Royaume de ſe rendre à cet
hôtel qu'il avoit fait préparer
F
66 RELATION
pour l'Ambaſſadeur de France
& qu'y étant aſſemblez il leur
avoit dit que le Roy ſouhaittoit
qu'ils viflent la distinction qu'il
faifoit entre l'Ambaſſadeur de
France & les Ambaſladeurs qui
venoient de la part des Rois de
leurs nations . Cette distinction
étant deuë au Roy de France ,
Monarque tout- puiſſant & qui
ſçavoit reconnoître les civilitez
quel on luy faiſoit, que ces Mandarins
avoient été tout étonnés ,
&luy avoient répondu qu'ils n'a.
voient jamais vû d'Ambaſſadeur
de France & qu'ils étoient perſuadez
que la distinction que le
Roy faiſoit en ſa faveur étoit
deuë à un Prince auffi grand' ,
auſſi puiſſant & auffi victorieux
que l'eſt le Roy de France, puifqu'il
y avoir long temps que fes
grandes victoires étoient connuës
par tout le monde ce qui
DU VOYAGE DE SIAM. 67
faifoit qu'ils n'étoient pas furpris
que le Roy faiſoit de la diftinction
entre cét Ambaſſadeur
& ceux des Roys ſes voiſins ; Ce
fut dans ce même temps que
Monfieur Conftans leur ordonna
de la part du Royde me venir
ſalüer commeje l'ay déja dir.
Le mêmejour ſurle foir Monfieur
Conftans me vint encore
voir & ce fut lors que nous eû .
mes enſemble une plus longue
conversation. Il y avoit dans
mon Hôtel nombre de Mandarins
& de Siamois pour le garder
&pour nous faire fournir les
choſes dont nous pouvions avoir
beſoin le Roy nous défraïant de
toutes choſes.
Le dix neuviéme il vint nom.
be de Mandarins me ſaluer &
Manficar Corſtans m'envoya
des préfens de fruits & de confitures
du païs.
Fij
68 RELATION
Le même jour Monfieur l'Evêque
de Metellopolis fut appel.
lé chez le Roy pour expliquer
la Lettre de ſa Majesté.
Le vingt-deuxième le Roy
m'envoya pluſieurs pièces de
brocard , des robbes de chambre
du Japon & une garniture
de boutons d'or & aux Gentilshommes
qui m'accompagnoient
quelques étofes or & argent des
Indes ; la coûtume du Royaume
étant que l'on y fait des préſens
en arrivant pour qu'on s'habille
à leurs modes , mais pour
moy je n'en fis point faire d'habits:
Et il n'y eut que les Gentilshommes
de ma ſuite qui en
uferent de cette façon :Sur le foir
étant accompagné de Monfieur
l'Evêque j'allay rendre vifre à
Monfieur Conſtans .
Le vingt quatriéme le Roy
me fit dire par luy qu'il me donDU
VOYAGE DE SIAM. 69
neroit audiance le lendemain au
matin.
Le ving-cinquiéme je me rendis
au Palais avec toute ma
fuite & Monfieur l'Evêque , le
Roy me donna audiance particulière,
où il ſe dit bien des cho .
ſes , dont j'ay rendu compte à ſa
Majeſté. Je dînay dans le jardin
du Palais fous de grands arbres
& on me fervit quantitéde
viandes & de fruits à differens
fervices, le couvert que l'on fervoit
pour moy étoit dans de l'or
& ce que l'on fervoit pour les
Gentilshommes qui m'accompagnoient
& autres perſonnes qui
mangeoient avec moy étoit dans
de l'argent, les plus grands Mandarins
du Roy , comme les
Grands Threſoriers , les Capitaines
de ſes Gardes & autres
nous ſervoient ; ce repas dura
plus de trois ou quatre heures , il
70 RELATION
y avoit dans le jardin un étang
dans lequel il y avoit nombre de
poiffons fort curieux , entr'autres
un qui répreſentoit le viſage
d'un homme.
Le vingt neuviéme j'allay rendre
viſite au Barcalon premier
Miniſtre du Roy de Siam qui me
parut homme d'eſprit, Monfieur
Evêque m'y accompagna &
interpreta ce que jeluy dis.
Le trentiéme j'allay au Palais
pour voir la Pagode, ouTemple
domeftique du Roy de Siam , il
fe faifoit alors dans la Cour du
Palais un combat ou pour mieux
dire une maniére de combar de
l'Eléphant , car les Elephans
étoient attachez par les deux
jambes de derriére fur chacun
deſquels deux hommes étoient
montez qui tenoient en leurs
mains un croc avec quoy ils les
gouvernoient comme on fait les
:
DU VOYAGE DE SIAM. I
chevaux avec la bride , ils leur
en donnoient pluſieurs coups
pour les animer , les éléphans
fe fuffent bien battus s'ils en euffent
eu la liberté, ils ſe donnoient
feulement quelques coups de
dents &de leurs trompes, le Roy
y étoit préſent , mais je ne le vis
point, nous paſſames de cette
Cour dans pluſieurs autres &enfuite
nous allâmes dans la Pagode
, le portail en paroît être
fort antique& tres-bien travaillé
, le bâtiment affez beau & fait
en forme de nos Egliſes en Europe
; Nous y vîmes plufieurs
ſtatues de cuivre doré qui ſembloient
offrir des Sacrifices à
une grande idole toute d'or d'environ
quarante pieds de haut, au
côté de cette groſſe Idole , il y
en avoit pluſieurs autres petites
dont quelqu'unes d'or avoient
des lampes allumées depuis le
72 RELATION
haut juſqu'en bas : Au fond de
cette Pagode il y a une tresgrande
Idole ſur un Mauſolée
d'un tres-grand prix , j'allay enfuite
dans une autre Pagode tenant
à cette premiere& je paffay
fous une voûte en forme de clof.
tre où il y avoit des idoles de
châque côté toutes dorées de
deux pieds en deux pieds , qui
avoient devantelles chacune une
petite lampe que les Talapoins ,
qui font les Prêtres des Stamois,
allument tous les foirs: Dans cette
Pagode étoit le Mauſolée de
la Reine morte depuis quatre
cu cinq ans, il eſt affez magnifique
, & derriere ce Mauſolée
étoit celuy d'un Roy de Siam
repréſenté par une grande Statuë
couchée ſur le cote & habillée
comme les Roys le font
aux jours de ceremonie , cette
ſtatuë pouvoit bien avoir vingt
cing
DU VOYAGE DE SIAM. 73
cinq pieds de long , elle étoitde
cuivre doré , j'allay encore dans
d'autres endroits ou il y avoit
nombre de ces ſtatues d'or &
d'argent. Pluſieurs avoient de
tres-beaux diamans & des rubis
aux doigtssje n'ay jamais vu tant
d'idoles& tant d'or : le toutn'é .
toit beau que parce qu'il y avoit
beaucoup de richeffes.
J'allay voir enſuite les Eléphans,
ily en a grand nombre & d'une
grofeur prodigieuſe , je vis une
piéce de canon de fonte fonduë
à Siam de dixhuit pieds de long,
de quatorze pouces de diamétre
àl'embouchure & d'environ trois
cent livres de balles, il y a nombre
de canons de fonte dans le
Royaume qu'ils fondent euxmêmes.
Le trente-uniême on fit la réjouiſſance
de l'avenement à la
couronne du Roy de Portugal
G ১৯
74
RELATION
où il fut tiré nombre de coups
de canons & feux,d'artifice par
les vaiſſeaux étrangers.
Le lendemain premier Novembre
Monheur Conftans me
convia à un grand feſtin quirſe
faiſoit pour la réjouiſſance de cet
avenemet,je m'y trouvay,tous les
Européans de la Villey étoient,
&on tira toute lajournée du canon
fans diſcontinuer , aprés le
repas il y eût Comedie, les Chinois
commencerent les poſtures
, il y avoit des Siamois , mais
jen'entendois point ce qu'ils difoient,
leurs poſtures me paroiffoient
ridicules & n'approchent
point de celles de nos baladins
en Europe , à la reſerve de deux
hommes, qui montoient au haut
de deux perches fort élevées qui
avoient au bout une petite pomme,
& fe mettantdebout ſur le
haut ils faisoient pluſieurs poſtuies
ſurprenantes ; Enfuite on
DU VOYAGE DE F
SIAM . S
joüa les Marionettes Chinoiſes,
amaistout cela n'approche point
de celles d Europe.
2
LeDimanche quatriéme Monfieur
Conftans me dit que le Roy
devoit fortir pour aller à une Pagode
ou il a accoûtumé d'aller
tous les ans , &me pria de l'aller
voir paffer m'ayant fait préparer
une Salle fur l'eau , j'y allay
avec luy& toute ma ſuite, aprés
y avoir reſté un peu de temps, il
parut un grand balon bien doré
• dans lequel étoit un Mandarin
qui venoit voir fi tout étoit en
ordre, à peine fut-il pallé que je
vist pluſieurs ballons où étoient
les Mandarins du premier rang
qui étoient tous habillez dedrap
rouge, ils ont contume en ces
joursd'affemblée d'érre tous ha
billez d'une même couleur , &
c'eſt to Ready qui la nomme , ils
-avoient des bonnets blancs eh
76 RELATION
pointe fort élevez & les Oyas
avoient au bas de leurs bonnets
un bord d'or , à l'égard des culottes
c'étoit une maniére d'é .
charpe comme j'ay dit. Aprés
eux venoient ceux du ſecond
ordre . , les Gardes-du- Corps,
pluſieurs Soldats ,& puis leRoy
dans un balon accompagné de
deux autres qui étoient tres.
beaux , les rameurs des trois
ballons étoient habillez comme
les Soldats à la reſerve, qu'ils
avoient une eſpece de cuiraſſe
& un caſque en tête que l'on
diſoit être d'or , leur pagais ou
rames étoient toutes dorées, ainſi
que tous les balons , ce qui
faifoit un tres bel effet, il y avoit
cent quatre-vingt cinq rameurs
fur chacun de ces ballons &
fur ceux des Mandarins environ
cent , & cent vint ſur chacun
, il y avoit des Gardes-du-
Corps qui ſuivoient& pluſieurs
DU VOYAGE DE SIAM. 77
autres Mandarins qui faisoient
l'arrière - Garde , le Roy étoit
habillé tres - richement avec
quelques pierreries , je le ſalüay
en paſſant & il me falia auffi
il y avoit à ce Cortege cent quarante
tres-beaux balons & cela
paroiffoit beaucoup ſur la riviére
allant tous en bon ordre Aprés
diné j'allay dans mon balon voir
le reſte de la ceremonie , fur le
foir le Roy changea de balon&
promit un prix à celuy des balons
qui à force de rames arri
veroit le premier au Palais , il
fe mit de la partie, il devança de
beaucoup les autres & ainſi ſes
rameurs emporterent le prix , je
ne ſçay point de combien il étoit,
les autres ballons repafferent ſans
ordre tres - vite , toute la riviere
étoit couverte de balons des par
ticuliers qui étoient venus pour
voir le Roy, cejour là étantdef
Gij
78 RELAD 1 וסיא
tiné pour ſe montrer à fon peu
ple & je croy qu'il y avoitplus
de cent milles ames pourle voir.
Le ſoir il y eut un feu d'artifice
en réjouiffance du Couronnement
du Roy d'Angleterre, if
étoit afſez bien inventé , les vaifſeaux
étrangers tirerent grand
nombre de coupsdecanon.
Le cinquiéme on continüa cet.
te fête & on tira du canon toute
la journée , Monfieur Conf.
tans me donna à dîner où tous
les Europeans étoient , où je fus
tres.bien regalé.
Lehuitiéme le Roy partit pour
Louvo qui eſt une maiſon de
plaiſance , ou il demeure huit ou
neuf mois de l'année à vinge
lieuës de Siam .
Le quinzićme je partis pour
m'y rendre , je couchay en che
min dans une maiſon qui avoit
été bâtie pour moi, elle étoit de
la même manière que celle ou
-
DU VOYAGE DE SIAM. 79
j'avois été logé , depuis mon débarquement
juſquesà laVille de
Siam , elle étoit proche d'une
maiſon ou le Roy va coucher
quand il va à Louvo , j'y reſtay
le ſeiziéme, & le dix-sept je partis
pour m'y rendre , j'y arrivay
le même jour fur les huit heures
du foir , je trouvay cette maiſon
du Roy affez bien bâtie à laMoreſque
,& on peut dire tres-bien
pour le païs , en y entrant l'on
paſſe par un jardin où il y a
pluſieurs jets d'eaux , de ce jardin
on montoit cinq ou fix marches&
l'on entroit dans un Salon
fort élevé ou l'on prenoitle
frais , j'y trouvay une belle Chapelle
& un logement pour tous
ceux qui m'accompagnoient.
Le Lundy dix-neuvième le
Roy me donna audiance parti
culière , aprés dîné j'allay me
promener fur des Elephans dont
Giiij :
80 RELATION
la marche eſt fort rude & fort
incommode , j'aimerois mieux
faire dix lieuës à cheval qu'une
fur un de ces animaux.
Le vingt- troiſiéme Monfieur
Conſtans me dit que le Roy vouloit
me donner le divertiſſement
d'un combat d'Elephans & qu'il
me prioit d'y mener les Capitaines
qui m'avoient amené pour le
leur faire voir , qui étoient Meffieurs
deVaudricourt&deJoyeuſe
, nous y allâmes ſur des Elephans
&le combat ſe donna de
la même maniere que j'en ay recité
un cy- devant .
يف
Le Roy fit venir les deux Capitaines
& leur dit, qu'il étoit
bien aiſe qu'ils fuffent les premiers
Capitaines du Roy de
France qui fuffent venus dans
fon Royaume & qu'il ſouhaittoit
qu'ils s'en retournaſſent auf.
fi heureuſement qu'ils étoient
venus. Il leur donna à chacun
',
DU VOYAGE DE SIAM. 8ι
un Sabre dont la poignée & la
garde étoient d'or & le foureau
preſque tout couvert auſſi d'or,
une chaîne de Philagrame d'or
fort bien travaillée & fort grofſe
comme pour ſervir de baudrier
, une veſte d'une étofe d'or
garnie de gros boutons d'or ;
comme Monfieur de Vaudricourt
étoit le premier Capitaine,
ſon préſent étoit plus beau&
plus riche ; le Roy leur dit de
ſe donner de garde de leurs ennemis
en chemin , ils répondirent
que SA MAJESTE' leur donnoit
des Armes pour ſe défendre
& qu'ils s'acquitteroient biende
leur devoir ; Ces Capitaines luy
parlerent ſans deſcendre de deffus
leurs Elephans,je vis bien que
fous prétexte d'un combat d'Elephans
, il vouloit faire ce préfent
aux Capitaines devantbeaucoup
d'Europeans qui étoient
1.
82 RELATION
préſens, afin de donner unemar
que publique de la distinction
particulière qu'il vouloit faire
de la nation Françoiſe , & j'apris
enméme temps que le Roy avoit
ce jour- là donné audiance aux
Chefs de la Compagnie Angloiſe
dans ſon Palais , ils font obligez
de fe conformer à la maniére
du païs , c'eſt-à-dire proſternez
contre terre & fans ſou.
liers. Aprés le Roy s'en retourna
& j'allay voir un Elephant qui
avoit été amené par les femelles
qui ſont inſtruites à aller dans les
bois avec un homme ou deux à
leur conduite, juſqu'à vingt cinq
ou trente lieuës , chercher des
Elephans ſauvages & quandelles
en ont trouvé elles font en
forte de les amener juſques proche
de laVille dans un lieu deſti.
né pour les recevoir , c'eſt une
grande place creuſée en terre &
DU VOYAGE DE SIAM. 83
revétuë d'une muraille de brique
qui la reléve , fort élevée , il y
a une ſeconde enceinte de gros
pieux d'environ quinze pieds de
haut entre leſquels il peut facilement
paſſer un homme & une
double porte de mêmes pieux &
de meſme hauteur qui ſe ferme
par le moyen d'une couliſſe de
telle maniére que, quand un Elephant
eſt dedans , il n'en peur
fortit , les Elephans femelles entrentlespremieres,
les autres ſauvages
les ſuivent & on ferme la
couliffe.
Cemêmejour Monfieur Conftans
fit préſent aux deux Capitainesde
pluſieurs porcelaines &
ouvrages du Japon d'argent &
autres curiofites .
Le Samedy vingt-quatrième je
montay à cheval pour aller voir
prendre les Elephans ſauvages.
Le Roy étant arrivé au bout しい
84 RELATION
de cette place qui étoit ceinte
de pieux & de muraille, il y en.
troit un homme qui alloit avec
un bâton attaquer l'Elephant
ſauvage, qui dans le même temps
quittoit les femelles & le pourfuivoit
; l'homme continua ce
manege & amuſa cét Elephant
fauvage , juſqu'à ce que les fe.
melles qui étoient avec luy fortiffent
de la place par la porte
qui fut auſſi tôt fermée par la
couliffe & l'Elephant fe voyant
feul renfermé il ſe mit en furie,
l'homme l'alla encore attaquer
& au lieu de s'enfuïr du côté
qu'il avoit aceoûtumé, il s'enfuit
par la porte & paſſa à travers
des pieux, l'Elephantle ſuivit &
quand il fut entre les deux por
tes on l'enferma , comme il étoit
échauffé on luy jetta quantité
d'eau fur le corps pour le rafrai
chir, onluyamena pluſieurs-Ele
DU VOYAGE DE SIAM. 85
phans proche de lui , qui lui faifoient
des careſſes avec leurs
trompes comme pour le conſoler
, on lui attacha les deux jambes
de derriere ,& on lui ouvrit
la porte , il marcha cinq ou fix
pas , il trouva quatre éléphans
en guerre , l'un en tête pour le
tenir en reſpect , deux autres
qu'on lui attacha à ſes côtés , &
un derriere qui le poufſoit avec
ſa tête , ils le menerent de cette
maniere ſous un toît , où il y
avoit un gros poteau planté
où l'on l'attacha , & on luiJaifſa
deux éléphans á ſes côtés
pour l'apprivoiſer , & les autres
s'en allerent. Lorſque les éléphans
fauvages ont reſté quinze
jours de cette maniere, ils reconnoiffent
ceux qui leur donnent
àmanger & à boire , & les fuivent
, aprés ils deviennent en
peu de temps auſſi privés que
ماک REDATNON LA
desautres . Le Roi a grand nombre
de ces femelles qui ne font
autre choſe que d'aller chercher
des éléphans.194
Le Lundi vingt- cing , j'allai
voir un combat de Tygre cont
tre trois Eléphans , mais le Ty
gre ne fut pas le plus fort , il
reçût un coup de dent qui lui
emporta la moitié de la machoire
, quoi que le Tygre fic
fort bien ſon devoir. 11
Le Mardi vingt- fixieme j'eus
audiance particuliere pour la
quatrième fois , & le Roi me
témoigna l'eſtime qu'il faifoit
de la Nation Françoiſe , aprés
pluſieurs autres diſcours dont
j'ai rendu pareillement comte an
Roi . Le foir j'alai voir une Féte
que les Siamois font au commencement
de leur année qui
confiſte en une grande illumination.
Elle ſe faitdans le Palais
DU VOYAGE DE SIAM. 89
dans une grande Cour , à l'entour
de laquelle il y a pluſieurs
cabinets pleins de petites lampes
, & au devant de des cabinets
, il y a de grandes perches
plantées en terre , où pendent
tout du longdes lanternesdecor.
ne peinte , cette fête dure huit
jours.
Le Dimanche deuxième De
cembre , Monfieur Conftans
m'envoya des preſens , il en fit
auſſi à Monfieur l'Abbé de
Choifi,& aux Gentils-Hommes
qui m'accompagnoient , ces preſens
étoientdes porcelaines , des
braſlelets , des cabinets de la
Chine , des robes de chambre
& des ouvrages du Japon faits
d'argent, des pierres de bezoart
des cornes de Rhinoceros,& au
tres curiofitez de ce païs- là .
Le dixiéme j'allai voir la grandechaſſe
des éléphans qui ſe fait
88 RELATION
en la forme ſuivante : Le Roi
envoïe grand nombre de femel.
les en compagnie, & quand elles
ont été pluſieurs jours dans les
bois , & qu'il eſt averti qu'on a
trouvé des éléphans , il envoye
trente ou quarante mil hommes
qui font une tres-grande enceinte
dans l'endroit où ſont les éléphans
, ils ſe poſtent de quatre
en quatre , de vingt à vingt- cinq
pieds de diſtance les uns des autres
, & à chaque campement
on faitun feu élevé de trois pieds
de terre ou environ , il ſe fait
une autre enceinte d'éléphans de
guerre , diſtans les uns des autres
d'environ cent& cent cinquante
pas , & dans les endroits par où
les élephans pourroient fortir
plus aiſement , les elephans de
guerre font plus frequens ; en
pluſieurs lieux il y a du canon
que l'on tire quand les elephans
DU VOIAGE DE SIAM. 89
fauvages veulent forcer le paſſa .
ge , car ils craignent fort le feu ,
tous les jours on diminuë cette
enceinte , &à la fin elle est trespetite
, & les feux ne ſont pasa
plus de cinq ou fix pas les uns des
autres ; comme ces elephans entendent
du bruit autour d'eux ,
ils n'oſent pas s'enfuir , quoi que
pourtant il ne laiſſe pas de s'en
fauver quelqu'un ; car on m'a
dit qu'il y avoit quelques jours
qu'il s'en eſtoit fauve dix , quand
on les veut prendre on les fait
entrer dans une place entourèe
de pieux , où il y a quelques arbres
, entre leſquels un homme
peut facilement paſſer , il y a une
autre enceinte d'elephans de
guerre & de ſoldats ,dans laquetle
ily entredes hommes montez
fur des elephans , fort adroits à
jetter des cordes aux jambes de
derriere des elephans , qui lors
H
وم
RELIAITTON 2 UG
qu'ils font attachez de cette ma
niere, font mis entre deux elda
phans privez , outre lesquels il
y en a un autre qui les pouffe par
derriere ; de forte qu'il eſt obligé
de marcher , & quand il veut
faire le mechant , les autres lui
donnent des coups de trompeion
les mena ſous des toits ,& on les
attacha de la même maniere que
le precedent; j'en vis prendre dix
&on me dit qu'il y en avoit cent
quarante dans l'enceinte, le Roi
y eſtoit preſent , il donnoit ſes
ordres pour tout ce qui eſtoit
neceſſaire. En ce lieu-là j'eus
l'honneur d'avoir un long entretien
avec luy , & il me pria de lui
laiſſer à ſon ſervice Monfieur de
Fourbin , Lieutenant de mon
Navire, je le lui accordai,& je le
lui preſentai , dans le même tems
que le Roi lui eut parlé , il lui
fic un preſent d'un labre , dont
DU VOYAGE DE SIAM . 91
la poignée & la garde estoient
d'or ,& le foureau garni d'or ,
d'unjuſt'aucorps de brocard d'or
d'Europe , garni de boutons d'or.
Alors le Roime fit auſſi preſent
d'une foucoupe & d'une coupe
couverte d'or , il me fit ſervir la
collation dans le bois , où iby
avoit nombre de confitures , de
fruits&des vins .
Le lendemain onziéme je retournai
à cette chaſſe ſur des
elephans , le Roi y eſtoit, il vinc
deuxMandarins me chercher de
fa part pour lui aller parler , il
me dit pluſieurs chofes , & il me
demanda le ſieur de la Mare Ingenieur
que j'avois à ma ſuite ,
pour faire fortifier ſes places , je
Jui dis que je ne doutois pas que
le Roi mon Maiſtre n'approuvật
fort queje le lui laiſſaſſe, puifque
les intereſts de ſa Majesté lui
eſtoient tres - chers,& que c'eſtoir
Hij
92
RELATION
۱
un habile homme dont ſa Majeſté
ſeroit fatisfaite : j'ordonnay
au ſieur de la Mare de reſter
pour rendre ſervice au Roi qui
lui parla & lui donna une veſte
d'une eſtofed'or. Le Roi me dit
qu'il vouloit envoyer un petit
elephant à Monſeigneur le Duc
de Bourgogne qu'il me montra ,
& apres avoir fait un peu de reflexion
, il me dit que s'il n'en
donnoit qu'à Monſegneur le
Duc de Bourgogne , il apprehendoit
que Monseigneur le Duc
d'Anjou n'en fût jaloux , c'eſt
pourquoi il vouloit en envoyer
deux ;& comme je faifois état
de partir le lendemain pour me
rendre à bord, je lui preſentai les
Gentils-Homnes qui estoient
avec moi , pour prendre congé
de ſa majeſté , ils le ſaluerent, &
leRoi leur fouhaitta un heureux
volage , Monfieur l'Evêque
DU VOYAGE DE SIAM .
93
voulut lui préſenter Meſſieurs
Abbé de Lionne & le Vacher
Miſſionaires pour prendre con
gé de lui , qui s'en venoient avec
moi , mais il dir à Monfieur l'E.
véque qu'à l'égard de ces deux
perſonnes ,ils étoient de fa mai
fon , qu'il les regardoit comme
fes enfans , &qu'ils prendroient
congéde lui dans ſon Château ,
aprés le Roi ſe retira , & je le
conduiſis juſqu'au bout du bois ,
prenant le chemin de Louvo ;
parce que le Roi avoit une maifon
dans le bois ou il demeure
durant qu'il s'occupe à cette
chaffe d'Eléphans.
K Le Mercredi douzieme , le
Roi me donna audiance de congé
, Monfieur l'Evêque y étoit ,
il me dit qu'il étoit tres content
&tres fatisfait de moi , & de
toute ma negociation , il me
4
94 MARELATION :
donnaungrand vaſe d'or qu'ils
appellent Boffette : C'eſt une
des marques des plus honorables
de ce Roiaume la. Et c'eſt
comme fi le Roi en France donnoit
le Cordon bleu , il me die
qu'il n'en faiſoit point les ceremonies
, parce qu'il y auroit
peutétre eu quelque choſe qui
ne m'auroit pas été agréable , à
cauſe des genuflexions que les
plus Grands du Royaume font
obligés de faire en pareil rencontre
, il n'y a d'Etrangers en
ſa Cour , que le Neveu du Roi
de Camboye , qui ait eu une
ſemblable marque d'honneur,
qui ſignifie que l'on eſt Oyas ,
dignité qui elt en ce pais là com.
me Duc en France ; il y à plu.
fieurs fortes d'Oyas que l'on
diftingue par leurs Boffettes . Ce
Monarque eut la bonté de me
dire des choſes ſi obligeantes en
DU VOYAGE DE SIAM. 95
pafticuber que je n'oferois les
raconfer? dans tout mon
voiagejlen ai reçû des honneurs
fi grands que j'aurois peine d'étre
crû ,s'ils n'étoient unique
ment dûs au caractere , dont ſa
Majesté avoit daigné m'honorer
,j'ai reçû auffi mille bons
traitemens de ſes Miniſtres &
du reſte de ſa Cour. Meſſieurs
l'Abbé de Lionne & le Vacher
prirent en méme temps congé
du Roi , qui aprés leur avoir
ſouhaité un bon voiage , leur
donna à chacun un Crucifix d'or
de Tambacq avec le pied d'are
gent. Au ſortir de l'Audiance ,
Monfieur Conſtans me mena
dans une Salle entourée de jets
d'eaux qui étoit dans l'enceinte
du Palais , ouje trouvayun tres
grand repas ſervi à la mode du
Royaume de Siam , le Roi eut
labonté de m'envoier deux ou
96 RELATION
trois plats de ſa table , car il
dinoit en même tems,ſur les cinq
heures je me mis dans une
chaiſe dorée portée par dix
hommes & les Gentilshommes
qui m'accompagnoient étoient
à Cheval , nous entrâmes dans
nos Balons , il y avoit nombre
de Mandarins qui m'accompagnoient
auſſi , les rues étoient
bordées de Soldats , d'Eléphans,
& de Cavaliers Moreſques. Elles
étoient de la méme maniére , le
matin quand je fus à l'Audiance,
tous les Mandarins qui m'avoient
accompagné juſques à
mon Balon ſe mirent dans les
leurs ,& vinrent avec moi , il y
avoit environ cent Balons &
j'arrivai le lendemain treiziéme
à Siam ſur les trois heures du
matın La Lettre du Roi de
Siam , & fes Ambaſſadeurs
pour France étoient avec moi
dans
DU VOYAGE DE SIAM . 97
dans un trés beau Balon accompagnés
de pluſieurs autres , le
Roi me fit preſent de Porcelaines
pour fix à ſept cent Pistoles,
deux paires de Paravants de la
Chine , quatre Tapis de table en
broderie d'or & d'argent de la
Chine , d'un Crucifix dont le
corps eft d'or, la Croix de Tambacq
, qui eſt un metal plus eſtimé
que l'or dans ces pays là , &
le pied d'argent avec pluſieurs
autres curiofités des Indes ; &
comme la coutume de ces païs
eſt de donner à ceux qui portent
les préſens , j'ai donné aux Conducteurs
des Balons du Roi qui
m'avoient fervi d'environ huit à
neuf cent Piſtoles . A l'égard de
Monfieur Conftans , je pris la
liberté de lui donner un Meuble
que j'avois porté de France , &
aMadame ſa Femme une Chaize
à Porteurs trés belle qui me
I
98 RELATION
coûtoit en France deux cens
eſcus , avec un Miroir garni d'or
&de Pierreries d'environ foixante
piſtoles , le Roi a auſſi fait pour
environ ſeptou huit cens piſtoles
de préſens à Monfieur l'Abbé
de Ghoiſi en Cabinets de la
Chine , Ouvrages d'argent du
Japon, pluſieurs Porcelaines trés
belles & autres curioſités des
Indes.
Le quatorze ſur les cinq heu
res du foir , je partis de Siam
accompagné de Monfieur Conſtans
,de pluſieurs Mandarins &
nombre de Balons , & j'arrivai
à Bancoc le lendemain de grand
matin;les Fortereſſes qui étoient
par les chemins , & celles de
Bancoc me falüérent de toute
leur artillerie : je reſtai un jour
à Bancoc , parceque le Roi
m'avoit dit dans une Audiance
que comme j'étois homme de
DU VOYAGE DE SIAM. 99
guerre , il me prioit d'en voir
les fortifications , & de dire ce
qu'il y avoit à faire pour les bien
fortifier , & d'y marquer una
place pour y bâtir une Eglife ;
j'en fis un petit devis que je donai
à Monfieur Conftans.
Le ſeiziéme au matin j'en partis
accompagné des Mandarins,
les Fortereſſes me falüérent , &
fur les quatre heures j'arrivai à
la barre de Siam dans les Chaloupes
des deux Navires du Roi
où je m'étois mis, j'arivaia bord
fur les ſept heures.
Le dix- ſeptiéme , la Fregate
du Roi de Siam dans laquelle
étoient ſes Ambaſſadeurs & fa
Lettre pour le Roi de France
vint moüiller proche de mon
navire ; j'envoyai ma Chaloupe
qui amena deux des Ambaſfadeurs
, & aprés je renvoïai encore
la même Chaloupe qui
I ij
100 RELATION
apporta l'autre Ambaſſadeur &
la Lettre du Roi , qui étoit ſous
un Dais où Piramide toure dorée
& fort élevée , la Lettre
étoit écrite ſur une feüille d'or
roulée & miſe dans une boëte
d'or , on ſalia cette Lettre de
pluſieurs coups de Canon , &
elle demeura ſur la Dunette de
mon Navire avec des Paraſols
pardeſſus juſqu'au jour de nótre
depart. Quand les Mandarins
paffoient proche d'elle , ils
la ſaluoient à leurs maniéres ,
leur coûtume étant de faire de
grands honneurs aux Lettres de
leur Roi . Le lendemain ce Navire
partit remontant la rivière,
& dans le même temps parut
un autre Navire du Roi de Siam
qui vint moűiller proche de nous
dans lequel étoit Monfieur
Conſtans ; il vint à mon Bord ,
le lendemain dix-neuviéme où
/
DU VOYAGE DE SIAM. 101
il dina , & l'aprés- diſnée il s'en
retourna à terre dans ma Chaloupe
, je le fis ſalüer de vingtun
coups de Canon , nous nous
ſéparames avec peine , car nous
avions déja lié une tres étroite
amitié & une extrême confiance
, c'eſt un homme qui a extiêmement
de l'eſprit & du merite ,
& je puis dire qu'on ne peut
pas avoir de plus grands égards
que ceux qu'il a eus pour moi
j'étois étőné de n'entendre point
de nouvelles de Monfieur le Vachet
Miffionaire du chef de la
Compagnie Françoiſe , & de
mon Secretaire qui devoient venir
à bord aäant apris qu'ils
étoient partis de la riviére
de Siam dés le ſeizième avec
ſept des Gentilshommes qui
devoient accompagner les Ambatfadeurs
du Roi de Siam &
pluſieurs de leurs Domestiques :
I iij
101 RELATION
cela me fit croire qu'ils étoient
perdus & me fit prendre la reſolutiondepartir
, car le vent êtoit
fort favorable ; mais Monfieur
Conftans me pria d'attendre encore
un jourpendant qu'il alloit
envoyer ſur la Côte pour apprendre
de leurs nouvelles.
Le lendemain vintiéme , une
partie de ces gens là revint à
bord , quatre des Gentilshommes
des Ambaſſadeurs du Roi
de Siam & la pluſpart de leurs
Domestiques n'ayant voulu
s'embarquer dans un Bateau
qu'ils avoient pris par les chemins
, parce qu'il étoit un peu
bas de bord , ils me dirent que
le meſme jour ſciziéme
étoient venus proche du bord
fur les onze heures de nuit &
que croïant moüiller l'Ancre
ils n'avoient pas aſſez de Cable
dans leur Bateau , ce qu'ils ap.
د
ils
DU VOYAGE DE SIAM. 103
perçurent en voiant le Bateau
s'éloigner du Vaiſſeau, lors & il
s'eleva un vent fort grand qui
fit groſſir la Mer & les courans
devinrent contraires , ce qui fit
qu'ils allerent à plus de quarante
lieuës au large avec grand riſque
*de ſe perdre , ils dırent qu'ils
avoient laiſſe les autres à plus de
vingt cinq lieuës échoüés ſur
un banc de Vaſe , d'ou il n'y
avoit pas apparence qu'ils pufſent
venirà bord fitôt , c'eſt ce
qui me fit prendre la reſolution
de partir dés le lendemain au
matin.Je crois en cet endroit
devoir faire mention des Peres
Jéſuites qui s'éroient embarqués
avec nous à Breft & que nous
laiſfames à Siam , c'étoient les
Peres Fontenay , Tachart , Gerbillon
, le Comte, Bouvet & un
autre , auſſi habiles que bons
Religieux , & que le Roi avoir
1
Liiij
104 RELATION :
choiſis pour envoyer à la Chine
y faire des Obſervations de Mathématique,
je crois leur devoir
la juſtice d'en parler & de dire
que lors que nous fumes arrivés
au Cap de bonne eſpérance , le
Gouverneur Holandois leur fit
beaucoup d'amitié & leur donna
une Maiſon dans le Jardin dela
Compagnie fort propre pour y
faire des Obſervations , où ils
porterent tous leurs Inſtrumens
deMathematique ; mais comme
je'ne reſtay que fix ou ſept jours
dans ce lieu là , ils n'eurent pas
le temps d'en faire un grand
nombre , ces bons Péres m'ont
étéd'un grand ſecours dansmon
voyage juſqu'à Siam , par leur
piété , leurs bons exemples , &
l'agreement de leurs converſations
,j'avois la confolation que
preſque tous les jours on diſoit
cinq ou fix Meſſes dans le VaifDN
VOYAGE DE SIAM. 105
pour
feau , & j'avois fait faire une
Chambre exprés aux Pères
ydire la Meſſe; Toutes les Fêtes
& les Dimanches nous avions
prédication ou fimple exhortation
, le Pere Tachart l'un d'eux,
faifoit trois fois la ſemaine le Catechiſme
à tout l'équipage , &
ce même Pere a fait beaucoup
de fruit dans tout le vaiſſeau ,
Cars'entretenant familiérement
avec tous les Matelots & les
Soldats , il n'y en a pas eu un ,
qui n'ait fait ſouvent ſes dévotions
, il accommodoit tous les
démêlés qui y farvenoient , il
y avoit deux Matelots hugue.
nots , qui par ſes ſoins ont abjuré
l'héréſie entre les mains du
Pere Fontenai qui étoit leur Superieur.
Ces Peres alloient à
Siam dans le deſſein de s'em .
barquer ſur des Vaiſſeaux Portugais
que l'on y trouve ordinairement
de Macao & qui retour
106 RELATION
nent à la Chine : Ces Peres y
trouverent Monfieur Conftans
Miniſtre du Roi de Siam qui aime
fort les Jeſuïtes , & qui les
protege , il les a fait loger à Louvodans
une maiſon du Roi , &
les deffraye de toutes choſes.
Dans une Audiance que le Roi
me donna , je luy dis que j'avois
amené avec moi fix Peres Jeſuïtes
qui s'en alloient à la Chine
faire des obſervations de Ma
thématique , & qu'ils avoient
été choiſis par le Roi mon Maitre
comme les plus capables en
cette ſcience. Il me dit qu'il les
verroit , & qu'il étoit bien aiſe
qu'ils ſe fuſſent accommodés
avec Monfieur l'Evêque , il m'a
parlé plus d'une fois fur cette
matiére. Monfieur Conſtans les
lui préſenta quatre ou cinqjours
aprés , & par bonheur pour eux
il y eût ce jour- là une éclypſe
de Lune , le Roi leur dit de faiDU
VOYAGE DE SIAM. 107
re porter leurs inftrumens de
de Mathématique dans une maifon
où il alloit coucher á une
lieuë de Louvo , où il eſt ordinairement
, quand il prend le
plaifir de la chaſſe : les Peres ne
manquerent pas de s'y rendre , &
ſe poſterent avec leurs lunettes
dans une Gallerie où le Roi vint
fur les trois heures du matin ,
qui étoit le tems de l'Eclypſe.
Ils lui firent voir dans cette lunette
tous les effets de l'Eclypſe,
ce qui fut fort agréable au Roi ,
il fit bien des honnêtetés aux
Peres , & leur dit qu'il ſçavoit
bien que Monfieur Conftans étoit
de leurs amis , auſſi bien que
du Pere de la Chaize. Il leur
donna un grand Crucifix d'or &
deTambacq , & leur dit de l'envoyer
de ſa part au Pere de la
Chaize , il en donna un autre
plus petit au Pere Tachart , en
leur diſant qu'il les reverroit une
108 RELATION
Monfieur
autrefois . Sept ou huit jours devant
mon départ
Conftans propoſa aux Peres ,
que s'ils vouloient reſter deux à
Siam , le Roy en ſeroit bien aiſe ,
ils répondirent qu'ils ne le pouvoient
pas , parce qu'ils avoient
ordre du Roi de France de ſe
rendre inceſſamment à la Chine:
Il leur dit que cela étant , il falloit
qu'ils écriviſſent au Pere
General d'en envoyer douze au
plûtôt dans le Roiaume de Siam ,
& que le Roi lui avoit dit qu'il
leur feroit bâtir des Obſervatoires
, des Maiſons , & Eglifes ,
le Pere Fontenai m'apprit cette
propofition , je lui dis qu'il ne
pouvoit mieux faire que d'accepter
ce parti , puiſque par
la ſuite ce ſeroit un grand
bien pour la converfion du
Royaume , il me dit que fur
mon approbation il avoit
envie de renvoyer le Pere
د
DU VOYAGE DE SIAM. 109
Tachart en France pour ce ſujet
, ce que j'approuvay. Le Pere
Tachart êtant homme d'un
grand eſprit , & qui feroit indubitablement
reüffir cette affaire,
les lettres ne pouvant lever pluſieurs
obſtacles que l'on pourroit
y mettre , ce qui a fait que
je le ramene. Ce Pere m'a été
encore d'un grand ſecours , ainſi
qu'aux Gentils-hommes qui
m'ont accompagné , auſquels
il a appris avec un tres-grand
foin les Matematiques durant
nôtre retour. Je ne diray rien
des grandes qualitez de Monſieur
l'Evêque de Metellopolis
non plus que des progrez de
Meſſieurs des Miffions étrangeres
dans l'Orient , puis que fuivant
leur coûtume , ils ne manqueront
pas de donner au public
une relation axacte , touchant
ce qui concerne la Reli-
K
10 RELATION
gion dans ce Pays là : J'aurois
cü une extreme joye d'y rencon
trer Monfieur l'Evêque d'Heliopolis
; leRoy de Siam me dit un
jour , qu'il feroit mort de joye
s'il avoit veu dans fon Royaume
un Ambaſſadeur de France
arriver : mais Dieu n'a pas permis
que nous euſſions l'un &
l'autre cette confolation , &
nous avons appris qu'il avoit
terminé dans la Chine ſes longs
travaux par une mort tres ſainte.
Mais avant de faire le recit
juſques à notre arrivée à Brest ,
je crois à propos de raconter ce
que (dans le peu de tems que
j'ay reſté dans le Royaume de
Siam ) j'ay pû remarquer touchant
les moeurs , le Gouvernement
, le Commerce & la Religion.
par Monfieur Conftans ,
aprés cela je disa SA MAJESTE'
que le Roy mon Maître
m'avoit donné Monfieur l'Abbé
de Choiſy pour m'accompagner
& les douze Gentilshom
60 RELATION
mes queje luy préſentay , je pris
la Lettredes mains de Monfieur
l'Abbé de Choify & je la portay
dans le deſſein de ne la préſenter
que comme je venois de me déterminer
de le faire,Mo Conſtans
qui m'accompagnoit rempant
fur ſes genoux & fur fes mains
me cria & me fit figne de
hauſſer le bras de même que le
Roy , je fis ſemblant de n'entendre
point ce qu'on me difoit
&me tins ferme , le Roy alors
fe mettant à rire , ſe leva & fe
baiffa pour prendre la Lettre
dans le Vafe & ſe pencha de
maniere que l'on luy vit tout
le corps, dés qu'il l'eut priſe , je
fis la révérence & je me retiray
fur mon fiege. Le Roy me demanda
des nouvelles de ſa Majeſté
ainſi que de toute la maifon
Royale & fi le Roy avoit
fait quelque conquête depuis
DU VOYAGE DE SIAM . 61
peu , je luy dis qu'il avoit fait
celle du Luxembourg , place
preſque imprenable & des plus
importantes qu'euffent les Efpagnols
, qui fermoit les frontiéres
de France & ouvroit celles
de ceux qui de ce côté-là pourroient
devenir ſes ennemis , &
qu'aprés il avoit de nouveau
accordé la paix à toute l'Europe
érant à la tête de ſes Armées.
Le Roi me dit qu'il étoit bienaiſe
de toutes les grandes victoires
que SA MAJESTE' avoit
remportées ſur ſes ennemis &de
la paix dont elle joüiſſoit, il ajoû .
ta qu'il avoit envoyé vers elle
des Ambaſſadeurs qui étoient
partis de Bantan dans le Soleil
d'Orient , qu'il chercheroit tous
les moïens pour donner ſatisfaction
au Roy ſur tout ce que je
luy propoſois ; Monfieur l'Evef
que de Metellopolis étoit pré
62 RELATION
ſent qui interpreta pluſieurs choſes
que le Roy me demanda. Ce
Monarque avoit une Couronne
enrichie des diamans attachée
fur un bonnet qui s'élevon au
deffus preſque ſemblableá ceux
de nos dragons , la veſte étoit
d'une érufe tresbelle à fonds
& flats d'or garnie au col &
aux poigners de diamans , en
forte qu'ils formoient une eſpoce
de collier & de braflelers . Ce
Prince avoit beaucoup de diamans
aux doits , te ne puis dire
qu'elle étoit alors fa chauſſure ,
ne l'ayant vu dans cette audiance
là que juſqu'à la moitié
du corps. Ily avoit quatre- vingt
Mandarins dans la Salle , où
j'étois , tous profternez contre
terre , qui ne fortirent jamais
de cette poſture durant tout ce
temps-ia.
Le Roy eſt âgé d'environ cin,
DU VOYAGE DE SIAM . 63
quante cinq ans , bien fait, mais
quelque peu bazané comme le
font ceux de ce païs- là , ayant
de viſage affez guay , fes incli
nations font toutes Royales il
eft courageux , grand politique
gouvernant par luy-même , magnifique
, liberal , aimant les
beaux Arts , en un mot un Monarque
qui a ſçû par la force de
fon genie s'affrarchir de diverſes
coûtumes qu'il a trouvées
en uſage en ſon Royaume pour
emprunter des païs étrangers ,
for tout de ceux d'Europe , се
qu'il a cru plus digne de contribuer
à la Gloire & à la felicité
de fon Regne..
Ces Mandarins dont je viens
de parler n'avoient ny bas , ny
fouliers & étoient habillez comme
ceux dont j'ay parlé cy de.
-vant avec un bonnet fans cou.
ronne de la mesme forme de
64 RELATION
celuy du Roy & chacun avoit
une boëte où ils mettent leur
Betel Arrek , chau & tabac . Par
ces boëtes on diftingue leurs
qualités , & leur Rang les uns
étantdifférentes des autres,aprés
que le Roy m'eut parlé pendant
environ une heure , il ferma fa
fenêtre & je me retiray . Le lieu
de l'audiance étoit élevé d'environ
douze à quinze marches, le
dedans étoit peint de grandes
fleurs d'or depuis le bas juſqu'au
haut, le plafond étoit de boſſages
dorés , le plancher couvert
de tapis tres-beaux; Au fondde
cette falle il y avoit deux efcaliers
des deux côtés qui conduifoientdans
une chambre où étoit
le Roy & au milieu de ces deux
eſcaliers étoit une fenêtre brifée
devant laquelle il y avoit trois
grands paraſoles par étages depuis
le bas de la ſalle juſqu'au
haut,
:
DU VOYAGE DE SIAM. 69
L
haur, ils étoient de toile d'or
& le bâton couvert d'une feulle
d'or , l'un étoit au milieu de
la fenêtre , & les deux autres
aux deux côtés , c'eſt par cette
fenêtre que l'on voyoit le trône
du Roy & par où il me donna
audiance ; Monfieur Conftans
me mena enſuite voir le reſte du
Palais , où je vis l'éléphant blanc
àqui on donne à boire & à manger
dans de l'or , j'en vis auſſi
pluſieurs autres tres beaux, après
quoy je retournay à l'hôtel où
je devois loger dans la même
pompe que j'étois venu , cette
maiſon étoit aflés propre & tout
mon monde y étot bien logé ,
j'appris que Monfieur Conftans
avoit ordonné de la part du Roy
à tous les Mandarins des nations
étrangeres qui habitent dans fon
Royaume de ſe rendre à cet
hôtel qu'il avoit fait préparer
F
66 RELATION
pour l'Ambaſſadeur de France
& qu'y étant aſſemblez il leur
avoit dit que le Roy ſouhaittoit
qu'ils viflent la distinction qu'il
faifoit entre l'Ambaſſadeur de
France & les Ambaſladeurs qui
venoient de la part des Rois de
leurs nations . Cette distinction
étant deuë au Roy de France ,
Monarque tout- puiſſant & qui
ſçavoit reconnoître les civilitez
quel on luy faiſoit, que ces Mandarins
avoient été tout étonnés ,
&luy avoient répondu qu'ils n'a.
voient jamais vû d'Ambaſſadeur
de France & qu'ils étoient perſuadez
que la distinction que le
Roy faiſoit en ſa faveur étoit
deuë à un Prince auffi grand' ,
auſſi puiſſant & auffi victorieux
que l'eſt le Roy de France, puifqu'il
y avoir long temps que fes
grandes victoires étoient connuës
par tout le monde ce qui
DU VOYAGE DE SIAM. 67
faifoit qu'ils n'étoient pas furpris
que le Roy faiſoit de la diftinction
entre cét Ambaſſadeur
& ceux des Roys ſes voiſins ; Ce
fut dans ce même temps que
Monfieur Conftans leur ordonna
de la part du Royde me venir
ſalüer commeje l'ay déja dir.
Le mêmejour ſurle foir Monfieur
Conftans me vint encore
voir & ce fut lors que nous eû .
mes enſemble une plus longue
conversation. Il y avoit dans
mon Hôtel nombre de Mandarins
& de Siamois pour le garder
&pour nous faire fournir les
choſes dont nous pouvions avoir
beſoin le Roy nous défraïant de
toutes choſes.
Le dix neuviéme il vint nom.
be de Mandarins me ſaluer &
Manficar Corſtans m'envoya
des préfens de fruits & de confitures
du païs.
Fij
68 RELATION
Le même jour Monfieur l'Evêque
de Metellopolis fut appel.
lé chez le Roy pour expliquer
la Lettre de ſa Majesté.
Le vingt-deuxième le Roy
m'envoya pluſieurs pièces de
brocard , des robbes de chambre
du Japon & une garniture
de boutons d'or & aux Gentilshommes
qui m'accompagnoient
quelques étofes or & argent des
Indes ; la coûtume du Royaume
étant que l'on y fait des préſens
en arrivant pour qu'on s'habille
à leurs modes , mais pour
moy je n'en fis point faire d'habits:
Et il n'y eut que les Gentilshommes
de ma ſuite qui en
uferent de cette façon :Sur le foir
étant accompagné de Monfieur
l'Evêque j'allay rendre vifre à
Monfieur Conſtans .
Le vingt quatriéme le Roy
me fit dire par luy qu'il me donDU
VOYAGE DE SIAM. 69
neroit audiance le lendemain au
matin.
Le ving-cinquiéme je me rendis
au Palais avec toute ma
fuite & Monfieur l'Evêque , le
Roy me donna audiance particulière,
où il ſe dit bien des cho .
ſes , dont j'ay rendu compte à ſa
Majeſté. Je dînay dans le jardin
du Palais fous de grands arbres
& on me fervit quantitéde
viandes & de fruits à differens
fervices, le couvert que l'on fervoit
pour moy étoit dans de l'or
& ce que l'on fervoit pour les
Gentilshommes qui m'accompagnoient
& autres perſonnes qui
mangeoient avec moy étoit dans
de l'argent, les plus grands Mandarins
du Roy , comme les
Grands Threſoriers , les Capitaines
de ſes Gardes & autres
nous ſervoient ; ce repas dura
plus de trois ou quatre heures , il
70 RELATION
y avoit dans le jardin un étang
dans lequel il y avoit nombre de
poiffons fort curieux , entr'autres
un qui répreſentoit le viſage
d'un homme.
Le vingt neuviéme j'allay rendre
viſite au Barcalon premier
Miniſtre du Roy de Siam qui me
parut homme d'eſprit, Monfieur
Evêque m'y accompagna &
interpreta ce que jeluy dis.
Le trentiéme j'allay au Palais
pour voir la Pagode, ouTemple
domeftique du Roy de Siam , il
fe faifoit alors dans la Cour du
Palais un combat ou pour mieux
dire une maniére de combar de
l'Eléphant , car les Elephans
étoient attachez par les deux
jambes de derriére fur chacun
deſquels deux hommes étoient
montez qui tenoient en leurs
mains un croc avec quoy ils les
gouvernoient comme on fait les
:
DU VOYAGE DE SIAM. I
chevaux avec la bride , ils leur
en donnoient pluſieurs coups
pour les animer , les éléphans
fe fuffent bien battus s'ils en euffent
eu la liberté, ils ſe donnoient
feulement quelques coups de
dents &de leurs trompes, le Roy
y étoit préſent , mais je ne le vis
point, nous paſſames de cette
Cour dans pluſieurs autres &enfuite
nous allâmes dans la Pagode
, le portail en paroît être
fort antique& tres-bien travaillé
, le bâtiment affez beau & fait
en forme de nos Egliſes en Europe
; Nous y vîmes plufieurs
ſtatues de cuivre doré qui ſembloient
offrir des Sacrifices à
une grande idole toute d'or d'environ
quarante pieds de haut, au
côté de cette groſſe Idole , il y
en avoit pluſieurs autres petites
dont quelqu'unes d'or avoient
des lampes allumées depuis le
72 RELATION
haut juſqu'en bas : Au fond de
cette Pagode il y a une tresgrande
Idole ſur un Mauſolée
d'un tres-grand prix , j'allay enfuite
dans une autre Pagode tenant
à cette premiere& je paffay
fous une voûte en forme de clof.
tre où il y avoit des idoles de
châque côté toutes dorées de
deux pieds en deux pieds , qui
avoient devantelles chacune une
petite lampe que les Talapoins ,
qui font les Prêtres des Stamois,
allument tous les foirs: Dans cette
Pagode étoit le Mauſolée de
la Reine morte depuis quatre
cu cinq ans, il eſt affez magnifique
, & derriere ce Mauſolée
étoit celuy d'un Roy de Siam
repréſenté par une grande Statuë
couchée ſur le cote & habillée
comme les Roys le font
aux jours de ceremonie , cette
ſtatuë pouvoit bien avoir vingt
cing
DU VOYAGE DE SIAM. 73
cinq pieds de long , elle étoitde
cuivre doré , j'allay encore dans
d'autres endroits ou il y avoit
nombre de ces ſtatues d'or &
d'argent. Pluſieurs avoient de
tres-beaux diamans & des rubis
aux doigtssje n'ay jamais vu tant
d'idoles& tant d'or : le toutn'é .
toit beau que parce qu'il y avoit
beaucoup de richeffes.
J'allay voir enſuite les Eléphans,
ily en a grand nombre & d'une
grofeur prodigieuſe , je vis une
piéce de canon de fonte fonduë
à Siam de dixhuit pieds de long,
de quatorze pouces de diamétre
àl'embouchure & d'environ trois
cent livres de balles, il y a nombre
de canons de fonte dans le
Royaume qu'ils fondent euxmêmes.
Le trente-uniême on fit la réjouiſſance
de l'avenement à la
couronne du Roy de Portugal
G ১৯
74
RELATION
où il fut tiré nombre de coups
de canons & feux,d'artifice par
les vaiſſeaux étrangers.
Le lendemain premier Novembre
Monheur Conftans me
convia à un grand feſtin quirſe
faiſoit pour la réjouiſſance de cet
avenemet,je m'y trouvay,tous les
Européans de la Villey étoient,
&on tira toute lajournée du canon
fans diſcontinuer , aprés le
repas il y eût Comedie, les Chinois
commencerent les poſtures
, il y avoit des Siamois , mais
jen'entendois point ce qu'ils difoient,
leurs poſtures me paroiffoient
ridicules & n'approchent
point de celles de nos baladins
en Europe , à la reſerve de deux
hommes, qui montoient au haut
de deux perches fort élevées qui
avoient au bout une petite pomme,
& fe mettantdebout ſur le
haut ils faisoient pluſieurs poſtuies
ſurprenantes ; Enfuite on
DU VOYAGE DE F
SIAM . S
joüa les Marionettes Chinoiſes,
amaistout cela n'approche point
de celles d Europe.
2
LeDimanche quatriéme Monfieur
Conftans me dit que le Roy
devoit fortir pour aller à une Pagode
ou il a accoûtumé d'aller
tous les ans , &me pria de l'aller
voir paffer m'ayant fait préparer
une Salle fur l'eau , j'y allay
avec luy& toute ma ſuite, aprés
y avoir reſté un peu de temps, il
parut un grand balon bien doré
• dans lequel étoit un Mandarin
qui venoit voir fi tout étoit en
ordre, à peine fut-il pallé que je
vist pluſieurs ballons où étoient
les Mandarins du premier rang
qui étoient tous habillez dedrap
rouge, ils ont contume en ces
joursd'affemblée d'érre tous ha
billez d'une même couleur , &
c'eſt to Ready qui la nomme , ils
-avoient des bonnets blancs eh
76 RELATION
pointe fort élevez & les Oyas
avoient au bas de leurs bonnets
un bord d'or , à l'égard des culottes
c'étoit une maniére d'é .
charpe comme j'ay dit. Aprés
eux venoient ceux du ſecond
ordre . , les Gardes-du- Corps,
pluſieurs Soldats ,& puis leRoy
dans un balon accompagné de
deux autres qui étoient tres.
beaux , les rameurs des trois
ballons étoient habillez comme
les Soldats à la reſerve, qu'ils
avoient une eſpece de cuiraſſe
& un caſque en tête que l'on
diſoit être d'or , leur pagais ou
rames étoient toutes dorées, ainſi
que tous les balons , ce qui
faifoit un tres bel effet, il y avoit
cent quatre-vingt cinq rameurs
fur chacun de ces ballons &
fur ceux des Mandarins environ
cent , & cent vint ſur chacun
, il y avoit des Gardes-du-
Corps qui ſuivoient& pluſieurs
DU VOYAGE DE SIAM. 77
autres Mandarins qui faisoient
l'arrière - Garde , le Roy étoit
habillé tres - richement avec
quelques pierreries , je le ſalüay
en paſſant & il me falia auffi
il y avoit à ce Cortege cent quarante
tres-beaux balons & cela
paroiffoit beaucoup ſur la riviére
allant tous en bon ordre Aprés
diné j'allay dans mon balon voir
le reſte de la ceremonie , fur le
foir le Roy changea de balon&
promit un prix à celuy des balons
qui à force de rames arri
veroit le premier au Palais , il
fe mit de la partie, il devança de
beaucoup les autres & ainſi ſes
rameurs emporterent le prix , je
ne ſçay point de combien il étoit,
les autres ballons repafferent ſans
ordre tres - vite , toute la riviere
étoit couverte de balons des par
ticuliers qui étoient venus pour
voir le Roy, cejour là étantdef
Gij
78 RELAD 1 וסיא
tiné pour ſe montrer à fon peu
ple & je croy qu'il y avoitplus
de cent milles ames pourle voir.
Le ſoir il y eut un feu d'artifice
en réjouiffance du Couronnement
du Roy d'Angleterre, if
étoit afſez bien inventé , les vaifſeaux
étrangers tirerent grand
nombre de coupsdecanon.
Le cinquiéme on continüa cet.
te fête & on tira du canon toute
la journée , Monfieur Conf.
tans me donna à dîner où tous
les Europeans étoient , où je fus
tres.bien regalé.
Lehuitiéme le Roy partit pour
Louvo qui eſt une maiſon de
plaiſance , ou il demeure huit ou
neuf mois de l'année à vinge
lieuës de Siam .
Le quinzićme je partis pour
m'y rendre , je couchay en che
min dans une maiſon qui avoit
été bâtie pour moi, elle étoit de
la même manière que celle ou
-
DU VOYAGE DE SIAM. 79
j'avois été logé , depuis mon débarquement
juſquesà laVille de
Siam , elle étoit proche d'une
maiſon ou le Roy va coucher
quand il va à Louvo , j'y reſtay
le ſeiziéme, & le dix-sept je partis
pour m'y rendre , j'y arrivay
le même jour fur les huit heures
du foir , je trouvay cette maiſon
du Roy affez bien bâtie à laMoreſque
,& on peut dire tres-bien
pour le païs , en y entrant l'on
paſſe par un jardin où il y a
pluſieurs jets d'eaux , de ce jardin
on montoit cinq ou fix marches&
l'on entroit dans un Salon
fort élevé ou l'on prenoitle
frais , j'y trouvay une belle Chapelle
& un logement pour tous
ceux qui m'accompagnoient.
Le Lundy dix-neuvième le
Roy me donna audiance parti
culière , aprés dîné j'allay me
promener fur des Elephans dont
Giiij :
80 RELATION
la marche eſt fort rude & fort
incommode , j'aimerois mieux
faire dix lieuës à cheval qu'une
fur un de ces animaux.
Le vingt- troiſiéme Monfieur
Conſtans me dit que le Roy vouloit
me donner le divertiſſement
d'un combat d'Elephans & qu'il
me prioit d'y mener les Capitaines
qui m'avoient amené pour le
leur faire voir , qui étoient Meffieurs
deVaudricourt&deJoyeuſe
, nous y allâmes ſur des Elephans
&le combat ſe donna de
la même maniere que j'en ay recité
un cy- devant .
يف
Le Roy fit venir les deux Capitaines
& leur dit, qu'il étoit
bien aiſe qu'ils fuffent les premiers
Capitaines du Roy de
France qui fuffent venus dans
fon Royaume & qu'il ſouhaittoit
qu'ils s'en retournaſſent auf.
fi heureuſement qu'ils étoient
venus. Il leur donna à chacun
',
DU VOYAGE DE SIAM. 8ι
un Sabre dont la poignée & la
garde étoient d'or & le foureau
preſque tout couvert auſſi d'or,
une chaîne de Philagrame d'or
fort bien travaillée & fort grofſe
comme pour ſervir de baudrier
, une veſte d'une étofe d'or
garnie de gros boutons d'or ;
comme Monfieur de Vaudricourt
étoit le premier Capitaine,
ſon préſent étoit plus beau&
plus riche ; le Roy leur dit de
ſe donner de garde de leurs ennemis
en chemin , ils répondirent
que SA MAJESTE' leur donnoit
des Armes pour ſe défendre
& qu'ils s'acquitteroient biende
leur devoir ; Ces Capitaines luy
parlerent ſans deſcendre de deffus
leurs Elephans,je vis bien que
fous prétexte d'un combat d'Elephans
, il vouloit faire ce préfent
aux Capitaines devantbeaucoup
d'Europeans qui étoient
1.
82 RELATION
préſens, afin de donner unemar
que publique de la distinction
particulière qu'il vouloit faire
de la nation Françoiſe , & j'apris
enméme temps que le Roy avoit
ce jour- là donné audiance aux
Chefs de la Compagnie Angloiſe
dans ſon Palais , ils font obligez
de fe conformer à la maniére
du païs , c'eſt-à-dire proſternez
contre terre & fans ſou.
liers. Aprés le Roy s'en retourna
& j'allay voir un Elephant qui
avoit été amené par les femelles
qui ſont inſtruites à aller dans les
bois avec un homme ou deux à
leur conduite, juſqu'à vingt cinq
ou trente lieuës , chercher des
Elephans ſauvages & quandelles
en ont trouvé elles font en
forte de les amener juſques proche
de laVille dans un lieu deſti.
né pour les recevoir , c'eſt une
grande place creuſée en terre &
DU VOYAGE DE SIAM. 83
revétuë d'une muraille de brique
qui la reléve , fort élevée , il y
a une ſeconde enceinte de gros
pieux d'environ quinze pieds de
haut entre leſquels il peut facilement
paſſer un homme & une
double porte de mêmes pieux &
de meſme hauteur qui ſe ferme
par le moyen d'une couliſſe de
telle maniére que, quand un Elephant
eſt dedans , il n'en peur
fortit , les Elephans femelles entrentlespremieres,
les autres ſauvages
les ſuivent & on ferme la
couliffe.
Cemêmejour Monfieur Conftans
fit préſent aux deux Capitainesde
pluſieurs porcelaines &
ouvrages du Japon d'argent &
autres curiofites .
Le Samedy vingt-quatrième je
montay à cheval pour aller voir
prendre les Elephans ſauvages.
Le Roy étant arrivé au bout しい
84 RELATION
de cette place qui étoit ceinte
de pieux & de muraille, il y en.
troit un homme qui alloit avec
un bâton attaquer l'Elephant
ſauvage, qui dans le même temps
quittoit les femelles & le pourfuivoit
; l'homme continua ce
manege & amuſa cét Elephant
fauvage , juſqu'à ce que les fe.
melles qui étoient avec luy fortiffent
de la place par la porte
qui fut auſſi tôt fermée par la
couliffe & l'Elephant fe voyant
feul renfermé il ſe mit en furie,
l'homme l'alla encore attaquer
& au lieu de s'enfuïr du côté
qu'il avoit aceoûtumé, il s'enfuit
par la porte & paſſa à travers
des pieux, l'Elephantle ſuivit &
quand il fut entre les deux por
tes on l'enferma , comme il étoit
échauffé on luy jetta quantité
d'eau fur le corps pour le rafrai
chir, onluyamena pluſieurs-Ele
DU VOYAGE DE SIAM. 85
phans proche de lui , qui lui faifoient
des careſſes avec leurs
trompes comme pour le conſoler
, on lui attacha les deux jambes
de derriere ,& on lui ouvrit
la porte , il marcha cinq ou fix
pas , il trouva quatre éléphans
en guerre , l'un en tête pour le
tenir en reſpect , deux autres
qu'on lui attacha à ſes côtés , &
un derriere qui le poufſoit avec
ſa tête , ils le menerent de cette
maniere ſous un toît , où il y
avoit un gros poteau planté
où l'on l'attacha , & on luiJaifſa
deux éléphans á ſes côtés
pour l'apprivoiſer , & les autres
s'en allerent. Lorſque les éléphans
fauvages ont reſté quinze
jours de cette maniere, ils reconnoiffent
ceux qui leur donnent
àmanger & à boire , & les fuivent
, aprés ils deviennent en
peu de temps auſſi privés que
ماک REDATNON LA
desautres . Le Roi a grand nombre
de ces femelles qui ne font
autre choſe que d'aller chercher
des éléphans.194
Le Lundi vingt- cing , j'allai
voir un combat de Tygre cont
tre trois Eléphans , mais le Ty
gre ne fut pas le plus fort , il
reçût un coup de dent qui lui
emporta la moitié de la machoire
, quoi que le Tygre fic
fort bien ſon devoir. 11
Le Mardi vingt- fixieme j'eus
audiance particuliere pour la
quatrième fois , & le Roi me
témoigna l'eſtime qu'il faifoit
de la Nation Françoiſe , aprés
pluſieurs autres diſcours dont
j'ai rendu pareillement comte an
Roi . Le foir j'alai voir une Féte
que les Siamois font au commencement
de leur année qui
confiſte en une grande illumination.
Elle ſe faitdans le Palais
DU VOYAGE DE SIAM. 89
dans une grande Cour , à l'entour
de laquelle il y a pluſieurs
cabinets pleins de petites lampes
, & au devant de des cabinets
, il y a de grandes perches
plantées en terre , où pendent
tout du longdes lanternesdecor.
ne peinte , cette fête dure huit
jours.
Le Dimanche deuxième De
cembre , Monfieur Conftans
m'envoya des preſens , il en fit
auſſi à Monfieur l'Abbé de
Choifi,& aux Gentils-Hommes
qui m'accompagnoient , ces preſens
étoientdes porcelaines , des
braſlelets , des cabinets de la
Chine , des robes de chambre
& des ouvrages du Japon faits
d'argent, des pierres de bezoart
des cornes de Rhinoceros,& au
tres curiofitez de ce païs- là .
Le dixiéme j'allai voir la grandechaſſe
des éléphans qui ſe fait
88 RELATION
en la forme ſuivante : Le Roi
envoïe grand nombre de femel.
les en compagnie, & quand elles
ont été pluſieurs jours dans les
bois , & qu'il eſt averti qu'on a
trouvé des éléphans , il envoye
trente ou quarante mil hommes
qui font une tres-grande enceinte
dans l'endroit où ſont les éléphans
, ils ſe poſtent de quatre
en quatre , de vingt à vingt- cinq
pieds de diſtance les uns des autres
, & à chaque campement
on faitun feu élevé de trois pieds
de terre ou environ , il ſe fait
une autre enceinte d'éléphans de
guerre , diſtans les uns des autres
d'environ cent& cent cinquante
pas , & dans les endroits par où
les élephans pourroient fortir
plus aiſement , les elephans de
guerre font plus frequens ; en
pluſieurs lieux il y a du canon
que l'on tire quand les elephans
DU VOIAGE DE SIAM. 89
fauvages veulent forcer le paſſa .
ge , car ils craignent fort le feu ,
tous les jours on diminuë cette
enceinte , &à la fin elle est trespetite
, & les feux ne ſont pasa
plus de cinq ou fix pas les uns des
autres ; comme ces elephans entendent
du bruit autour d'eux ,
ils n'oſent pas s'enfuir , quoi que
pourtant il ne laiſſe pas de s'en
fauver quelqu'un ; car on m'a
dit qu'il y avoit quelques jours
qu'il s'en eſtoit fauve dix , quand
on les veut prendre on les fait
entrer dans une place entourèe
de pieux , où il y a quelques arbres
, entre leſquels un homme
peut facilement paſſer , il y a une
autre enceinte d'elephans de
guerre & de ſoldats ,dans laquetle
ily entredes hommes montez
fur des elephans , fort adroits à
jetter des cordes aux jambes de
derriere des elephans , qui lors
H
وم
RELIAITTON 2 UG
qu'ils font attachez de cette ma
niere, font mis entre deux elda
phans privez , outre lesquels il
y en a un autre qui les pouffe par
derriere ; de forte qu'il eſt obligé
de marcher , & quand il veut
faire le mechant , les autres lui
donnent des coups de trompeion
les mena ſous des toits ,& on les
attacha de la même maniere que
le precedent; j'en vis prendre dix
&on me dit qu'il y en avoit cent
quarante dans l'enceinte, le Roi
y eſtoit preſent , il donnoit ſes
ordres pour tout ce qui eſtoit
neceſſaire. En ce lieu-là j'eus
l'honneur d'avoir un long entretien
avec luy , & il me pria de lui
laiſſer à ſon ſervice Monfieur de
Fourbin , Lieutenant de mon
Navire, je le lui accordai,& je le
lui preſentai , dans le même tems
que le Roi lui eut parlé , il lui
fic un preſent d'un labre , dont
DU VOYAGE DE SIAM . 91
la poignée & la garde estoient
d'or ,& le foureau garni d'or ,
d'unjuſt'aucorps de brocard d'or
d'Europe , garni de boutons d'or.
Alors le Roime fit auſſi preſent
d'une foucoupe & d'une coupe
couverte d'or , il me fit ſervir la
collation dans le bois , où iby
avoit nombre de confitures , de
fruits&des vins .
Le lendemain onziéme je retournai
à cette chaſſe ſur des
elephans , le Roi y eſtoit, il vinc
deuxMandarins me chercher de
fa part pour lui aller parler , il
me dit pluſieurs chofes , & il me
demanda le ſieur de la Mare Ingenieur
que j'avois à ma ſuite ,
pour faire fortifier ſes places , je
Jui dis que je ne doutois pas que
le Roi mon Maiſtre n'approuvật
fort queje le lui laiſſaſſe, puifque
les intereſts de ſa Majesté lui
eſtoient tres - chers,& que c'eſtoir
Hij
92
RELATION
۱
un habile homme dont ſa Majeſté
ſeroit fatisfaite : j'ordonnay
au ſieur de la Mare de reſter
pour rendre ſervice au Roi qui
lui parla & lui donna une veſte
d'une eſtofed'or. Le Roi me dit
qu'il vouloit envoyer un petit
elephant à Monſeigneur le Duc
de Bourgogne qu'il me montra ,
& apres avoir fait un peu de reflexion
, il me dit que s'il n'en
donnoit qu'à Monſegneur le
Duc de Bourgogne , il apprehendoit
que Monseigneur le Duc
d'Anjou n'en fût jaloux , c'eſt
pourquoi il vouloit en envoyer
deux ;& comme je faifois état
de partir le lendemain pour me
rendre à bord, je lui preſentai les
Gentils-Homnes qui estoient
avec moi , pour prendre congé
de ſa majeſté , ils le ſaluerent, &
leRoi leur fouhaitta un heureux
volage , Monfieur l'Evêque
DU VOYAGE DE SIAM .
93
voulut lui préſenter Meſſieurs
Abbé de Lionne & le Vacher
Miſſionaires pour prendre con
gé de lui , qui s'en venoient avec
moi , mais il dir à Monfieur l'E.
véque qu'à l'égard de ces deux
perſonnes ,ils étoient de fa mai
fon , qu'il les regardoit comme
fes enfans , &qu'ils prendroient
congéde lui dans ſon Château ,
aprés le Roi ſe retira , & je le
conduiſis juſqu'au bout du bois ,
prenant le chemin de Louvo ;
parce que le Roi avoit une maifon
dans le bois ou il demeure
durant qu'il s'occupe à cette
chaffe d'Eléphans.
K Le Mercredi douzieme , le
Roi me donna audiance de congé
, Monfieur l'Evêque y étoit ,
il me dit qu'il étoit tres content
&tres fatisfait de moi , & de
toute ma negociation , il me
4
94 MARELATION :
donnaungrand vaſe d'or qu'ils
appellent Boffette : C'eſt une
des marques des plus honorables
de ce Roiaume la. Et c'eſt
comme fi le Roi en France donnoit
le Cordon bleu , il me die
qu'il n'en faiſoit point les ceremonies
, parce qu'il y auroit
peutétre eu quelque choſe qui
ne m'auroit pas été agréable , à
cauſe des genuflexions que les
plus Grands du Royaume font
obligés de faire en pareil rencontre
, il n'y a d'Etrangers en
ſa Cour , que le Neveu du Roi
de Camboye , qui ait eu une
ſemblable marque d'honneur,
qui ſignifie que l'on eſt Oyas ,
dignité qui elt en ce pais là com.
me Duc en France ; il y à plu.
fieurs fortes d'Oyas que l'on
diftingue par leurs Boffettes . Ce
Monarque eut la bonté de me
dire des choſes ſi obligeantes en
DU VOYAGE DE SIAM. 95
pafticuber que je n'oferois les
raconfer? dans tout mon
voiagejlen ai reçû des honneurs
fi grands que j'aurois peine d'étre
crû ,s'ils n'étoient unique
ment dûs au caractere , dont ſa
Majesté avoit daigné m'honorer
,j'ai reçû auffi mille bons
traitemens de ſes Miniſtres &
du reſte de ſa Cour. Meſſieurs
l'Abbé de Lionne & le Vacher
prirent en méme temps congé
du Roi , qui aprés leur avoir
ſouhaité un bon voiage , leur
donna à chacun un Crucifix d'or
de Tambacq avec le pied d'are
gent. Au ſortir de l'Audiance ,
Monfieur Conſtans me mena
dans une Salle entourée de jets
d'eaux qui étoit dans l'enceinte
du Palais , ouje trouvayun tres
grand repas ſervi à la mode du
Royaume de Siam , le Roi eut
labonté de m'envoier deux ou
96 RELATION
trois plats de ſa table , car il
dinoit en même tems,ſur les cinq
heures je me mis dans une
chaiſe dorée portée par dix
hommes & les Gentilshommes
qui m'accompagnoient étoient
à Cheval , nous entrâmes dans
nos Balons , il y avoit nombre
de Mandarins qui m'accompagnoient
auſſi , les rues étoient
bordées de Soldats , d'Eléphans,
& de Cavaliers Moreſques. Elles
étoient de la méme maniére , le
matin quand je fus à l'Audiance,
tous les Mandarins qui m'avoient
accompagné juſques à
mon Balon ſe mirent dans les
leurs ,& vinrent avec moi , il y
avoit environ cent Balons &
j'arrivai le lendemain treiziéme
à Siam ſur les trois heures du
matın La Lettre du Roi de
Siam , & fes Ambaſſadeurs
pour France étoient avec moi
dans
DU VOYAGE DE SIAM . 97
dans un trés beau Balon accompagnés
de pluſieurs autres , le
Roi me fit preſent de Porcelaines
pour fix à ſept cent Pistoles,
deux paires de Paravants de la
Chine , quatre Tapis de table en
broderie d'or & d'argent de la
Chine , d'un Crucifix dont le
corps eft d'or, la Croix de Tambacq
, qui eſt un metal plus eſtimé
que l'or dans ces pays là , &
le pied d'argent avec pluſieurs
autres curiofités des Indes ; &
comme la coutume de ces païs
eſt de donner à ceux qui portent
les préſens , j'ai donné aux Conducteurs
des Balons du Roi qui
m'avoient fervi d'environ huit à
neuf cent Piſtoles . A l'égard de
Monfieur Conftans , je pris la
liberté de lui donner un Meuble
que j'avois porté de France , &
aMadame ſa Femme une Chaize
à Porteurs trés belle qui me
I
98 RELATION
coûtoit en France deux cens
eſcus , avec un Miroir garni d'or
&de Pierreries d'environ foixante
piſtoles , le Roi a auſſi fait pour
environ ſeptou huit cens piſtoles
de préſens à Monfieur l'Abbé
de Ghoiſi en Cabinets de la
Chine , Ouvrages d'argent du
Japon, pluſieurs Porcelaines trés
belles & autres curioſités des
Indes.
Le quatorze ſur les cinq heu
res du foir , je partis de Siam
accompagné de Monfieur Conſtans
,de pluſieurs Mandarins &
nombre de Balons , & j'arrivai
à Bancoc le lendemain de grand
matin;les Fortereſſes qui étoient
par les chemins , & celles de
Bancoc me falüérent de toute
leur artillerie : je reſtai un jour
à Bancoc , parceque le Roi
m'avoit dit dans une Audiance
que comme j'étois homme de
DU VOYAGE DE SIAM. 99
guerre , il me prioit d'en voir
les fortifications , & de dire ce
qu'il y avoit à faire pour les bien
fortifier , & d'y marquer una
place pour y bâtir une Eglife ;
j'en fis un petit devis que je donai
à Monfieur Conftans.
Le ſeiziéme au matin j'en partis
accompagné des Mandarins,
les Fortereſſes me falüérent , &
fur les quatre heures j'arrivai à
la barre de Siam dans les Chaloupes
des deux Navires du Roi
où je m'étois mis, j'arivaia bord
fur les ſept heures.
Le dix- ſeptiéme , la Fregate
du Roi de Siam dans laquelle
étoient ſes Ambaſſadeurs & fa
Lettre pour le Roi de France
vint moüiller proche de mon
navire ; j'envoyai ma Chaloupe
qui amena deux des Ambaſfadeurs
, & aprés je renvoïai encore
la même Chaloupe qui
I ij
100 RELATION
apporta l'autre Ambaſſadeur &
la Lettre du Roi , qui étoit ſous
un Dais où Piramide toure dorée
& fort élevée , la Lettre
étoit écrite ſur une feüille d'or
roulée & miſe dans une boëte
d'or , on ſalia cette Lettre de
pluſieurs coups de Canon , &
elle demeura ſur la Dunette de
mon Navire avec des Paraſols
pardeſſus juſqu'au jour de nótre
depart. Quand les Mandarins
paffoient proche d'elle , ils
la ſaluoient à leurs maniéres ,
leur coûtume étant de faire de
grands honneurs aux Lettres de
leur Roi . Le lendemain ce Navire
partit remontant la rivière,
& dans le même temps parut
un autre Navire du Roi de Siam
qui vint moűiller proche de nous
dans lequel étoit Monfieur
Conſtans ; il vint à mon Bord ,
le lendemain dix-neuviéme où
/
DU VOYAGE DE SIAM. 101
il dina , & l'aprés- diſnée il s'en
retourna à terre dans ma Chaloupe
, je le fis ſalüer de vingtun
coups de Canon , nous nous
ſéparames avec peine , car nous
avions déja lié une tres étroite
amitié & une extrême confiance
, c'eſt un homme qui a extiêmement
de l'eſprit & du merite ,
& je puis dire qu'on ne peut
pas avoir de plus grands égards
que ceux qu'il a eus pour moi
j'étois étőné de n'entendre point
de nouvelles de Monfieur le Vachet
Miffionaire du chef de la
Compagnie Françoiſe , & de
mon Secretaire qui devoient venir
à bord aäant apris qu'ils
étoient partis de la riviére
de Siam dés le ſeizième avec
ſept des Gentilshommes qui
devoient accompagner les Ambatfadeurs
du Roi de Siam &
pluſieurs de leurs Domestiques :
I iij
101 RELATION
cela me fit croire qu'ils étoient
perdus & me fit prendre la reſolutiondepartir
, car le vent êtoit
fort favorable ; mais Monfieur
Conftans me pria d'attendre encore
un jourpendant qu'il alloit
envoyer ſur la Côte pour apprendre
de leurs nouvelles.
Le lendemain vintiéme , une
partie de ces gens là revint à
bord , quatre des Gentilshommes
des Ambaſſadeurs du Roi
de Siam & la pluſpart de leurs
Domestiques n'ayant voulu
s'embarquer dans un Bateau
qu'ils avoient pris par les chemins
, parce qu'il étoit un peu
bas de bord , ils me dirent que
le meſme jour ſciziéme
étoient venus proche du bord
fur les onze heures de nuit &
que croïant moüiller l'Ancre
ils n'avoient pas aſſez de Cable
dans leur Bateau , ce qu'ils ap.
د
ils
DU VOYAGE DE SIAM. 103
perçurent en voiant le Bateau
s'éloigner du Vaiſſeau, lors & il
s'eleva un vent fort grand qui
fit groſſir la Mer & les courans
devinrent contraires , ce qui fit
qu'ils allerent à plus de quarante
lieuës au large avec grand riſque
*de ſe perdre , ils dırent qu'ils
avoient laiſſe les autres à plus de
vingt cinq lieuës échoüés ſur
un banc de Vaſe , d'ou il n'y
avoit pas apparence qu'ils pufſent
venirà bord fitôt , c'eſt ce
qui me fit prendre la reſolution
de partir dés le lendemain au
matin.Je crois en cet endroit
devoir faire mention des Peres
Jéſuites qui s'éroient embarqués
avec nous à Breft & que nous
laiſfames à Siam , c'étoient les
Peres Fontenay , Tachart , Gerbillon
, le Comte, Bouvet & un
autre , auſſi habiles que bons
Religieux , & que le Roi avoir
1
Liiij
104 RELATION :
choiſis pour envoyer à la Chine
y faire des Obſervations de Mathématique,
je crois leur devoir
la juſtice d'en parler & de dire
que lors que nous fumes arrivés
au Cap de bonne eſpérance , le
Gouverneur Holandois leur fit
beaucoup d'amitié & leur donna
une Maiſon dans le Jardin dela
Compagnie fort propre pour y
faire des Obſervations , où ils
porterent tous leurs Inſtrumens
deMathematique ; mais comme
je'ne reſtay que fix ou ſept jours
dans ce lieu là , ils n'eurent pas
le temps d'en faire un grand
nombre , ces bons Péres m'ont
étéd'un grand ſecours dansmon
voyage juſqu'à Siam , par leur
piété , leurs bons exemples , &
l'agreement de leurs converſations
,j'avois la confolation que
preſque tous les jours on diſoit
cinq ou fix Meſſes dans le VaifDN
VOYAGE DE SIAM. 105
pour
feau , & j'avois fait faire une
Chambre exprés aux Pères
ydire la Meſſe; Toutes les Fêtes
& les Dimanches nous avions
prédication ou fimple exhortation
, le Pere Tachart l'un d'eux,
faifoit trois fois la ſemaine le Catechiſme
à tout l'équipage , &
ce même Pere a fait beaucoup
de fruit dans tout le vaiſſeau ,
Cars'entretenant familiérement
avec tous les Matelots & les
Soldats , il n'y en a pas eu un ,
qui n'ait fait ſouvent ſes dévotions
, il accommodoit tous les
démêlés qui y farvenoient , il
y avoit deux Matelots hugue.
nots , qui par ſes ſoins ont abjuré
l'héréſie entre les mains du
Pere Fontenai qui étoit leur Superieur.
Ces Peres alloient à
Siam dans le deſſein de s'em .
barquer ſur des Vaiſſeaux Portugais
que l'on y trouve ordinairement
de Macao & qui retour
106 RELATION
nent à la Chine : Ces Peres y
trouverent Monfieur Conftans
Miniſtre du Roi de Siam qui aime
fort les Jeſuïtes , & qui les
protege , il les a fait loger à Louvodans
une maiſon du Roi , &
les deffraye de toutes choſes.
Dans une Audiance que le Roi
me donna , je luy dis que j'avois
amené avec moi fix Peres Jeſuïtes
qui s'en alloient à la Chine
faire des obſervations de Ma
thématique , & qu'ils avoient
été choiſis par le Roi mon Maitre
comme les plus capables en
cette ſcience. Il me dit qu'il les
verroit , & qu'il étoit bien aiſe
qu'ils ſe fuſſent accommodés
avec Monfieur l'Evêque , il m'a
parlé plus d'une fois fur cette
matiére. Monfieur Conſtans les
lui préſenta quatre ou cinqjours
aprés , & par bonheur pour eux
il y eût ce jour- là une éclypſe
de Lune , le Roi leur dit de faiDU
VOYAGE DE SIAM. 107
re porter leurs inftrumens de
de Mathématique dans une maifon
où il alloit coucher á une
lieuë de Louvo , où il eſt ordinairement
, quand il prend le
plaifir de la chaſſe : les Peres ne
manquerent pas de s'y rendre , &
ſe poſterent avec leurs lunettes
dans une Gallerie où le Roi vint
fur les trois heures du matin ,
qui étoit le tems de l'Eclypſe.
Ils lui firent voir dans cette lunette
tous les effets de l'Eclypſe,
ce qui fut fort agréable au Roi ,
il fit bien des honnêtetés aux
Peres , & leur dit qu'il ſçavoit
bien que Monfieur Conftans étoit
de leurs amis , auſſi bien que
du Pere de la Chaize. Il leur
donna un grand Crucifix d'or &
deTambacq , & leur dit de l'envoyer
de ſa part au Pere de la
Chaize , il en donna un autre
plus petit au Pere Tachart , en
leur diſant qu'il les reverroit une
108 RELATION
Monfieur
autrefois . Sept ou huit jours devant
mon départ
Conftans propoſa aux Peres ,
que s'ils vouloient reſter deux à
Siam , le Roy en ſeroit bien aiſe ,
ils répondirent qu'ils ne le pouvoient
pas , parce qu'ils avoient
ordre du Roi de France de ſe
rendre inceſſamment à la Chine:
Il leur dit que cela étant , il falloit
qu'ils écriviſſent au Pere
General d'en envoyer douze au
plûtôt dans le Roiaume de Siam ,
& que le Roi lui avoit dit qu'il
leur feroit bâtir des Obſervatoires
, des Maiſons , & Eglifes ,
le Pere Fontenai m'apprit cette
propofition , je lui dis qu'il ne
pouvoit mieux faire que d'accepter
ce parti , puiſque par
la ſuite ce ſeroit un grand
bien pour la converfion du
Royaume , il me dit que fur
mon approbation il avoit
envie de renvoyer le Pere
د
DU VOYAGE DE SIAM. 109
Tachart en France pour ce ſujet
, ce que j'approuvay. Le Pere
Tachart êtant homme d'un
grand eſprit , & qui feroit indubitablement
reüffir cette affaire,
les lettres ne pouvant lever pluſieurs
obſtacles que l'on pourroit
y mettre , ce qui a fait que
je le ramene. Ce Pere m'a été
encore d'un grand ſecours , ainſi
qu'aux Gentils-hommes qui
m'ont accompagné , auſquels
il a appris avec un tres-grand
foin les Matematiques durant
nôtre retour. Je ne diray rien
des grandes qualitez de Monſieur
l'Evêque de Metellopolis
non plus que des progrez de
Meſſieurs des Miffions étrangeres
dans l'Orient , puis que fuivant
leur coûtume , ils ne manqueront
pas de donner au public
une relation axacte , touchant
ce qui concerne la Reli-
K
10 RELATION
gion dans ce Pays là : J'aurois
cü une extreme joye d'y rencon
trer Monfieur l'Evêque d'Heliopolis
; leRoy de Siam me dit un
jour , qu'il feroit mort de joye
s'il avoit veu dans fon Royaume
un Ambaſſadeur de France
arriver : mais Dieu n'a pas permis
que nous euſſions l'un &
l'autre cette confolation , &
nous avons appris qu'il avoit
terminé dans la Chine ſes longs
travaux par une mort tres ſainte.
Mais avant de faire le recit
juſques à notre arrivée à Brest ,
je crois à propos de raconter ce
que (dans le peu de tems que
j'ay reſté dans le Royaume de
Siam ) j'ay pû remarquer touchant
les moeurs , le Gouvernement
, le Commerce & la Religion.
Fermer
7
p. 1-9
MEMOIRE DES PRESENS du Roy de Siam AU ROY DE FRANCE.
Début :
DEUX pieces de canon de six pieds de long, de fonte, [...]
Mots clefs :
Ouvrage du Japon, Argent, Roi de Siam, Roi de France, Fleurs, Coupes, Vernis, Table, Coffres, Tapis, Alexandre de Chaumont
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MEMOIRE DES PRESENS du Roy de Siam AU ROY DE FRANCE.
MEMOIRE
DES PRESENS
du Roy de Siam
AU ROY DE FRANCE .
Eux pieces de canon de
fix pieds de long , de fonte
, battuës à froid, garnies
d'argent , montées
fur leurs affuts auſſi garnis d'ar .
gent , faits à Siam .
Une éguiere de tambacq , plus
eſtimé que l'or , avec ſa ſoûcouppe,
propre à laver les mains , qui a été
faite à Siam à la mode du pays.
Une éguiere d'or , ouvrage rele-
A
2 Preſens du Roy de Siam
vé ſur quatre faces , avec ſa ſous
couppe au plat pour ſon ſoutien,
de mefme ouvrage , faite au Japon .
Un navire d'or , qu'on appelle
Somme , à la façon Chinoiſe , avec
tous ſes agrez .
Deux flacons d'or, d'ouvrage relevé
, du Japon , pour ſervir ou fur
un buffet, ou pour tranſporter dans
l'occaſion , dans un coffre du Japon
, où leurs places ſont deſtinées .
Undard couvert d'ouvrage relevé
, en façon du Japon .
Deux petites couppes d'or avec
leurs petits baſſins , ſur un pied affez
haut , ouvrage du Japon relevé
, tres- riche .
Deux petites couppes d'or accoſtées
, ſans couverture , bien travaillées
, d'un ouvrage relevé du
Japon.
Une cuilliere d'or , du plus bel
ouvrage du Japon .
Deux dames Chinoiſes , chacune
au Roy de France. 3
ſur un paon , portant entre leurs
mains une petite taſſe d'argent , le
tout partie d'argent , & émaillées,
leſdits paons pouvant par reffort
marcher ſur une table de la maniere
qu'on les diſpoſe ; leurs couppes
font droites & fur leurs mains.
Deux coffres d'argent , relevez
du plus bel ouvrage du Japon, dont
une partie eſt d'acier.
Deux grands flacons d'argent
avec deux lions dorez pour couverture
, avec deux grands baffins,
le tout de meſme ouvrage , les deux
plus beaux du Japon.
Deux grandes couppes couvertes
fur deux baffins , le tout d'argent
, & du plus fin ouvrage du Japon.
Une grande couppe découverte
avec ſon baffin d'argent.
Une éguiere d'argent à quatre
faces , avec une foucouppe de mefme
, du Japon.
4 Prefens du Roy de Siam
Deux vaſes dargent à la façon
des Anglois , à boire de la bierre ,
avec deux foucouppes , de meſme
ouvrage du Japon.
Deux paires de chocolatieres avec
leurs couvertures d'argent, ouvrage
du Japon .
Deux taſſes aſſez grandes , ou
vrage du Japon .
Deux autres taſſes plus petites
avec leur baſſin d'argent , pour boire
des liqueurs , toutes deux couvertes
d'un rameau d'argent , & de
meſme ouvrage .
Deux grandes gargoulettes d'argent
à la Chinoiſe , avec leurs baf
fins , de meſme ouvrage du Japon .
Deux cavaliers Chinois portans
en main deux petites couppes , qui
marchent par reſſfort , le tout d'argent
, à la façon de la Chine.
Deux éguieres furdeux tortuës,
le tout d'argent, & ouvragées,pour
mettre de l'eau à laver les mains,
F
au Roy de France.
ouvrage de la Chine.
Deux couverts d'argent , ouvrage
duJapon , qui marchent par reffort
, & qui portent chacun une
petite coupe.
Deux grands cabinets du Ja .
pon , fleurdeliſez par dedans , garnis
d'argent partout , du plus beau
vernis & ouvrage du Japon.
Deux coffres d'une grandeur
mediocre , garnis d'argent , & du
mefme ouvrage , ſans fleurs de lys .
Deux petits cabinets d'écaille
de tortuë , garnis d'argent , d'un
ouvrage fort eſtimé du Japon.
Quatre grands bandeges garnis
d'argent , ouvrage du Japon.
Un petit cabinet d'argent , enjolivé
d'un ouvrage du Japon.
Deux pupitres verniſſez , garnis
d'argent , ouvrage du Japon , dont
un eſt d'écaille de tortuë .
Une table vernie , garnie d'argent
, du Japon.
Aiy
6 Prefens du Roy de Siam
Deux paravens de bois duJapon
ouvragé , à fix feüilles , qui eſt un
preſent que l'Empereur du Japon
a envoyé au Roy de Siam .
Un autre paravent de ſoye fur
un fond bleu , de pluſieurs oiſeaux
& fleurs en relief, d'ouvrage fait à
Siam , il eſt auſſi à fix feüilles .
Un grand paraventplus hautque
les deux autres . pour tenir de jour
&de nuit , à douze feüilles , ouvra
ge de Pequin.
Deux grandes feüilles de papier
en forme de perſpective , dans l'une
font toutes les fortes d'oiſeaux de
la Chine , & dans l'autre les fleurs .
Un ſervice de table de l'Empereur
du Japon , ouvrage tres - curieux
& tres- difficile à travailler .
Un ſervice de campagne pour
un grand Seigneur duJapon , & du
plus beau vernis.
Vingt- fix fortes de bandeges du
plus beau vernis du Japon.
au Roy de France. 7
Un petit cabinet du Japon , qui
paſſe pour une curiofité .
Une petite table vernie du Japon
.
Deux petits coffrets pleins de
petits baſſins vernis , du Japon.
Deux coffres de bois vernis ,
couleur de feu par le dehors , &
noirs par dedans , ouvrage du Japon
.
Douze differentes fortes de
boëttes , ouvrage du Japon.
Une grande boëtte ronde , rouge
, vernie , ouvrage du Japon.
Deux lanternes de ſoye à figures
, ouvrage fort curieux du Tunquin.
Deux autres lanternes rondes ,
la grande d'une ſeule corne , chacune
avec leur garniture d'argent.
Deux robes de chambre du Japon
, d'une beauté extraordinaire,
l'une couleur de pourpre , & l'autre
couleur de feu .
A ny
Prefens du Roy de Siam
Un tapis de Perſe à fond d'or ,
de pluſieurs couleurs.
Un tapis de velours rouge, bor
dé d'or avec une bordure de velours
verd auffi bordée d'or.
Un tapis de la Chine à fond ,
couleur de feu, avec pluſieurs fleurs .
Deux tapis d'Indouſtan, fond de
foye blanche à fleurs d'or & de ſoye
de pluſieurs couleurs .
Neuf pieces de bezoar de plu
fieurs animaux.
Deux coffres de bois verny noir
a fleurs d'or , du Japon.
Deux manieres d'ablerdos , dont
le fer a été fait à Siam , garnies de
tambacq, le bois eft du Japon, dans
un étuy de bois doré du Japon .
Il y a quinze cens ou quinze
cens cinquante pieces de pourcelaine
des plus belles & des plus
curieuſes de toutes les Indes ; il y
en a qu'il y a plus de deux cens
cinquante ans qui ſont faites,toutes
au Roy de France.
tres- fines , & toutes des taffes &
affiettes , petits plats & grands vaſes
de toutes fortes de façons &
grandeurs.
DES PRESENS
du Roy de Siam
AU ROY DE FRANCE .
Eux pieces de canon de
fix pieds de long , de fonte
, battuës à froid, garnies
d'argent , montées
fur leurs affuts auſſi garnis d'ar .
gent , faits à Siam .
Une éguiere de tambacq , plus
eſtimé que l'or , avec ſa ſoûcouppe,
propre à laver les mains , qui a été
faite à Siam à la mode du pays.
Une éguiere d'or , ouvrage rele-
A
2 Preſens du Roy de Siam
vé ſur quatre faces , avec ſa ſous
couppe au plat pour ſon ſoutien,
de mefme ouvrage , faite au Japon .
Un navire d'or , qu'on appelle
Somme , à la façon Chinoiſe , avec
tous ſes agrez .
Deux flacons d'or, d'ouvrage relevé
, du Japon , pour ſervir ou fur
un buffet, ou pour tranſporter dans
l'occaſion , dans un coffre du Japon
, où leurs places ſont deſtinées .
Undard couvert d'ouvrage relevé
, en façon du Japon .
Deux petites couppes d'or avec
leurs petits baſſins , ſur un pied affez
haut , ouvrage du Japon relevé
, tres- riche .
Deux petites couppes d'or accoſtées
, ſans couverture , bien travaillées
, d'un ouvrage relevé du
Japon.
Une cuilliere d'or , du plus bel
ouvrage du Japon .
Deux dames Chinoiſes , chacune
au Roy de France. 3
ſur un paon , portant entre leurs
mains une petite taſſe d'argent , le
tout partie d'argent , & émaillées,
leſdits paons pouvant par reffort
marcher ſur une table de la maniere
qu'on les diſpoſe ; leurs couppes
font droites & fur leurs mains.
Deux coffres d'argent , relevez
du plus bel ouvrage du Japon, dont
une partie eſt d'acier.
Deux grands flacons d'argent
avec deux lions dorez pour couverture
, avec deux grands baffins,
le tout de meſme ouvrage , les deux
plus beaux du Japon.
Deux grandes couppes couvertes
fur deux baffins , le tout d'argent
, & du plus fin ouvrage du Japon.
Une grande couppe découverte
avec ſon baffin d'argent.
Une éguiere d'argent à quatre
faces , avec une foucouppe de mefme
, du Japon.
4 Prefens du Roy de Siam
Deux vaſes dargent à la façon
des Anglois , à boire de la bierre ,
avec deux foucouppes , de meſme
ouvrage du Japon.
Deux paires de chocolatieres avec
leurs couvertures d'argent, ouvrage
du Japon .
Deux taſſes aſſez grandes , ou
vrage du Japon .
Deux autres taſſes plus petites
avec leur baſſin d'argent , pour boire
des liqueurs , toutes deux couvertes
d'un rameau d'argent , & de
meſme ouvrage .
Deux grandes gargoulettes d'argent
à la Chinoiſe , avec leurs baf
fins , de meſme ouvrage du Japon .
Deux cavaliers Chinois portans
en main deux petites couppes , qui
marchent par reſſfort , le tout d'argent
, à la façon de la Chine.
Deux éguieres furdeux tortuës,
le tout d'argent, & ouvragées,pour
mettre de l'eau à laver les mains,
F
au Roy de France.
ouvrage de la Chine.
Deux couverts d'argent , ouvrage
duJapon , qui marchent par reffort
, & qui portent chacun une
petite coupe.
Deux grands cabinets du Ja .
pon , fleurdeliſez par dedans , garnis
d'argent partout , du plus beau
vernis & ouvrage du Japon.
Deux coffres d'une grandeur
mediocre , garnis d'argent , & du
mefme ouvrage , ſans fleurs de lys .
Deux petits cabinets d'écaille
de tortuë , garnis d'argent , d'un
ouvrage fort eſtimé du Japon.
Quatre grands bandeges garnis
d'argent , ouvrage du Japon.
Un petit cabinet d'argent , enjolivé
d'un ouvrage du Japon.
Deux pupitres verniſſez , garnis
d'argent , ouvrage du Japon , dont
un eſt d'écaille de tortuë .
Une table vernie , garnie d'argent
, du Japon.
Aiy
6 Prefens du Roy de Siam
Deux paravens de bois duJapon
ouvragé , à fix feüilles , qui eſt un
preſent que l'Empereur du Japon
a envoyé au Roy de Siam .
Un autre paravent de ſoye fur
un fond bleu , de pluſieurs oiſeaux
& fleurs en relief, d'ouvrage fait à
Siam , il eſt auſſi à fix feüilles .
Un grand paraventplus hautque
les deux autres . pour tenir de jour
&de nuit , à douze feüilles , ouvra
ge de Pequin.
Deux grandes feüilles de papier
en forme de perſpective , dans l'une
font toutes les fortes d'oiſeaux de
la Chine , & dans l'autre les fleurs .
Un ſervice de table de l'Empereur
du Japon , ouvrage tres - curieux
& tres- difficile à travailler .
Un ſervice de campagne pour
un grand Seigneur duJapon , & du
plus beau vernis.
Vingt- fix fortes de bandeges du
plus beau vernis du Japon.
au Roy de France. 7
Un petit cabinet du Japon , qui
paſſe pour une curiofité .
Une petite table vernie du Japon
.
Deux petits coffrets pleins de
petits baſſins vernis , du Japon.
Deux coffres de bois vernis ,
couleur de feu par le dehors , &
noirs par dedans , ouvrage du Japon
.
Douze differentes fortes de
boëttes , ouvrage du Japon.
Une grande boëtte ronde , rouge
, vernie , ouvrage du Japon.
Deux lanternes de ſoye à figures
, ouvrage fort curieux du Tunquin.
Deux autres lanternes rondes ,
la grande d'une ſeule corne , chacune
avec leur garniture d'argent.
Deux robes de chambre du Japon
, d'une beauté extraordinaire,
l'une couleur de pourpre , & l'autre
couleur de feu .
A ny
Prefens du Roy de Siam
Un tapis de Perſe à fond d'or ,
de pluſieurs couleurs.
Un tapis de velours rouge, bor
dé d'or avec une bordure de velours
verd auffi bordée d'or.
Un tapis de la Chine à fond ,
couleur de feu, avec pluſieurs fleurs .
Deux tapis d'Indouſtan, fond de
foye blanche à fleurs d'or & de ſoye
de pluſieurs couleurs .
Neuf pieces de bezoar de plu
fieurs animaux.
Deux coffres de bois verny noir
a fleurs d'or , du Japon.
Deux manieres d'ablerdos , dont
le fer a été fait à Siam , garnies de
tambacq, le bois eft du Japon, dans
un étuy de bois doré du Japon .
Il y a quinze cens ou quinze
cens cinquante pieces de pourcelaine
des plus belles & des plus
curieuſes de toutes les Indes ; il y
en a qu'il y a plus de deux cens
cinquante ans qui ſont faites,toutes
au Roy de France.
tres- fines , & toutes des taffes &
affiettes , petits plats & grands vaſes
de toutes fortes de façons &
grandeurs.
Fermer
8
p. 9-14
Presens de Monsieur Constance au Roy.
Début :
Une chaîne d'or tres-grande, & d'un beau travail. [...]
Mots clefs :
Japon, Chine, Tasses, Constantin Phaulkon, Roi de France, Ouvrage, Argent, Assiettes, Thé, Présents, Porcelaines, Alexandre de Chaumont
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Presens de Monsieur Constance au Roy.
Preſens de Monsieur Constance
au Roy.
Une chaîne d'or tres-grande, &
d'un beau travail .
Un gobelet couvert d'argent ,
avec un ouvrage relevé d'or.
Deux petits coffres d'argent, du
Japon.
Trois chocolatieres d'argent, du
Japon .
Une grande coupe d'argent à
fix côtes , du Japon.
Deux taſſes à quatre côtes avec
un manche de meſme ouvrage.
Deux taſſes à trois pieds avec
deux oreilles , du Japon.
Deux autres taſſes de differentes
façons , &de meſme ouvrage.
{
10 Prefens de M. Constance
Deux taſſes rondes de meſme
ouvrage.
Deux autres taſſes à huit côtes ,
ſans pieds , avec des oreilles .
Il y a un boüilly d'argent pour
chauffer l'eau pour leThe, & cuire
le Jancam .
Deux plus petites taſſes avec une
oreille , de mefme ouvrage.
Deux chocolatieres de meſme
ouvrage.
Quatre diverſes petites pieces
ſervant à bruler des ſenteurs , à la
maniere de la Chine & du Japon .
Une petite tabatiere de meſme
ouvrage .
Une boëtte plus grande, de meſ
me o uvrage.
Uris Doëtte avec ſon baſſin , de
camba.cq.
Porcelaines.
Douze affiettes fines & antiques,
pointées de bleu.
Douze autres tres - anciennes ,
au Roy de France.
rouges & bleuës .
Douze autres affiettes du Japon ,
de diverſes couleurs .
Six affiettes à huit côtes , du
Japon.
Unplat ouvrage àjour,duJapon.
Six petites taſſes avec leurs baffins
, tres- anciennes , de la Chine.
Deux plus grandes taſſes avec
leurs baſſins , fines & antiques.
Six petites taſſes avec leurs bafſins
, d'une façon ancienne .
Deux affiettes tres - fines & anciennes
, de la Chine.
Six affiettes de bois verny avec
du cuivre émaillé .
Trois petits pots de terre extraordinaire
pour le Thé, de la Chine.
Un oiſeau de proye , duJapon.
Deux canards , du Japon.
Deux chiens blancs bien faits ,
du Japon.
Un petit fourneau de terre de
la Chine , pour faire boüillir l'eau
12 Preſens de M. Constance
pour le Thé , & pour cuire le Jan
cam , ſuivant l'inſtruction .
Seize pieces de differentes fortes
de terre de Patane au deſſus de
Mingal , pour cuire l'eau .
Vingt- cinq figures de pierre , de
la Chine.
Deux paravens de ſix côtes cha
cun , du Japon .
Deux cabinets de meſme ouvrage.
Deux cabinets d'autre façon ,
auſſi du Japon.
Une boëtte de vernis du Japon,
pour mettre des peignes .
Quatre pieds de lit de vernis ,
du Japon.
Un ſervice d'une dame , du Ja
pon.
Deux boëttes pour la poudre ,
du Japon.
Deux autres boëttes à fins compartimens
, pour faire des mede
cines.
au Roy de France. 13
Un autre ſervice d'une dame,du
Japon.
Un autre ſervice different.l
Deux boëttes qui en ont trois
chacune , du Japon.
Un petit paravent à huit côtes,
de la Chine , dont le Roy ſe ſert à
mettre ſur la table .
Un petit bandege , du Japon:
Un autre bandege où il y en a
trois enſemble , pour mettre trois
taſſes de Thé.
Deux cuillieres d'agathe .
Un manteau de dame de Siam
doré , de ſoye de Patane , qui fervira
de montre .
Une piece d'étoffe de Caſinire,
qui ſervira de montre pour voir ſi
cela pourra ſervir au Roy , & Sa
Majeſté n'aura qu'à commander.
Deux boüillis pleins de Thé ,
extraordinaires , dontſe ſert le Roy
de la Chine.
Un autre plus petit , & encore
14 Preſens du Roy de Siam
plus extraordinaire.
Le poids de huits tels de Jancam
, mis entre les mains de M
l'Ambaſſadeur pour en avoir foin .
Un coffre du Japon plein de nids
d'oiſeaux.
Sept grands vaſes de pourcelaine
de differentes façons , trois de
la Chine , & quatre du Japon .
Deux chapelets de Calamba, l'un
garny d'or , & l'autre de tambac.
Trois cornes de Rhinoceros ,
dont l'une vient d'un buffle .
Deux oiſeaux de proye, de pourcelaine.
au Roy.
Une chaîne d'or tres-grande, &
d'un beau travail .
Un gobelet couvert d'argent ,
avec un ouvrage relevé d'or.
Deux petits coffres d'argent, du
Japon.
Trois chocolatieres d'argent, du
Japon .
Une grande coupe d'argent à
fix côtes , du Japon.
Deux taſſes à quatre côtes avec
un manche de meſme ouvrage.
Deux taſſes à trois pieds avec
deux oreilles , du Japon.
Deux autres taſſes de differentes
façons , &de meſme ouvrage.
{
10 Prefens de M. Constance
Deux taſſes rondes de meſme
ouvrage.
Deux autres taſſes à huit côtes ,
ſans pieds , avec des oreilles .
Il y a un boüilly d'argent pour
chauffer l'eau pour leThe, & cuire
le Jancam .
Deux plus petites taſſes avec une
oreille , de mefme ouvrage.
Deux chocolatieres de meſme
ouvrage.
Quatre diverſes petites pieces
ſervant à bruler des ſenteurs , à la
maniere de la Chine & du Japon .
Une petite tabatiere de meſme
ouvrage .
Une boëtte plus grande, de meſ
me o uvrage.
Uris Doëtte avec ſon baſſin , de
camba.cq.
Porcelaines.
Douze affiettes fines & antiques,
pointées de bleu.
Douze autres tres - anciennes ,
au Roy de France.
rouges & bleuës .
Douze autres affiettes du Japon ,
de diverſes couleurs .
Six affiettes à huit côtes , du
Japon.
Unplat ouvrage àjour,duJapon.
Six petites taſſes avec leurs baffins
, tres- anciennes , de la Chine.
Deux plus grandes taſſes avec
leurs baſſins , fines & antiques.
Six petites taſſes avec leurs bafſins
, d'une façon ancienne .
Deux affiettes tres - fines & anciennes
, de la Chine.
Six affiettes de bois verny avec
du cuivre émaillé .
Trois petits pots de terre extraordinaire
pour le Thé, de la Chine.
Un oiſeau de proye , duJapon.
Deux canards , du Japon.
Deux chiens blancs bien faits ,
du Japon.
Un petit fourneau de terre de
la Chine , pour faire boüillir l'eau
12 Preſens de M. Constance
pour le Thé , & pour cuire le Jan
cam , ſuivant l'inſtruction .
Seize pieces de differentes fortes
de terre de Patane au deſſus de
Mingal , pour cuire l'eau .
Vingt- cinq figures de pierre , de
la Chine.
Deux paravens de ſix côtes cha
cun , du Japon .
Deux cabinets de meſme ouvrage.
Deux cabinets d'autre façon ,
auſſi du Japon.
Une boëtte de vernis du Japon,
pour mettre des peignes .
Quatre pieds de lit de vernis ,
du Japon.
Un ſervice d'une dame , du Ja
pon.
Deux boëttes pour la poudre ,
du Japon.
Deux autres boëttes à fins compartimens
, pour faire des mede
cines.
au Roy de France. 13
Un autre ſervice d'une dame,du
Japon.
Un autre ſervice different.l
Deux boëttes qui en ont trois
chacune , du Japon.
Un petit paravent à huit côtes,
de la Chine , dont le Roy ſe ſert à
mettre ſur la table .
Un petit bandege , du Japon:
Un autre bandege où il y en a
trois enſemble , pour mettre trois
taſſes de Thé.
Deux cuillieres d'agathe .
Un manteau de dame de Siam
doré , de ſoye de Patane , qui fervira
de montre .
Une piece d'étoffe de Caſinire,
qui ſervira de montre pour voir ſi
cela pourra ſervir au Roy , & Sa
Majeſté n'aura qu'à commander.
Deux boüillis pleins de Thé ,
extraordinaires , dontſe ſert le Roy
de la Chine.
Un autre plus petit , & encore
14 Preſens du Roy de Siam
plus extraordinaire.
Le poids de huits tels de Jancam
, mis entre les mains de M
l'Ambaſſadeur pour en avoir foin .
Un coffre du Japon plein de nids
d'oiſeaux.
Sept grands vaſes de pourcelaine
de differentes façons , trois de
la Chine , & quatre du Japon .
Deux chapelets de Calamba, l'un
garny d'or , & l'autre de tambac.
Trois cornes de Rhinoceros ,
dont l'une vient d'un buffle .
Deux oiſeaux de proye, de pourcelaine.
Fermer
9
p. 14-19
Presens du Roy de Siam à Monseigneur.
Début :
Deux calanes du Japon, garnies de tambacq, qui sont deux lames [...]
Mots clefs :
Japon, Argent, Ouvrage, Fleurs, Vernis, Coupe, Pierre, Tapis, Coffre, Louis de France, Alexandre de Chaumont
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Presens du Roy de Siam à Monseigneur.
Preſens du Roy de Siam
àMonseigneur.
Deux calanes du Japon , garnies
de tambacq , qui font deux lames
de fabre tres - larges , au bout d'un
bois bien long.
Une éguiere avec ſon baſſin d'or,
à Monseigneur. 15
ouvrage du Japon.
Une petite coupe d'or entourée
Un boüilly d'or pour le Thé.
d'un rameau , ouvrage du Japon
tres-curieux .
Une coupe d'or , ouvrage du Ja
pon .
Une coupe_avec ſon petit plat
d'argent , du Japon.
Une chocolatiere d'argent, fleurs
d'or.
Une autre chocolatiere d'argent
, fleurs d'or , d'un ouvrage fort
relevé , du Japon.
Deux pots d'argent couverts.
Deux écritoires
vrage du Japon .
d'argent , ou-
Deux taſſes couvertes d'argent
avec des ornemens d'or .
Une grande taſſe d'argent avec
des ornemens d'or , ouvrage curieux
du Japon.
Deux taſſes d'argent , du Japon.
Deux petites taſſes avec leurs
16 Presens du Roy de Siam
petits plats d'argent , avec des or
neniens d'or .
Deux autres petites taſſes entourées
de rameaux avec leurs baffins
, le tout d'argent.
Deux autres petites taſſes d'une
autre façon.
Une petite tabatiere d'argent ,
ouvrage du Japon .
Un grand vaſe avec un baſſin
d'argent , du Japon , fort beau.
Deux dames du Japon , qui portent
chacune dans leurs mains un
petit plat & une taſſe d'argent , &
quand la taſſe eſt pleine d'un cordial
, les dames vont à la promenade.
Un crabe d'argent , qui porte
fur le dos une coupe ,& qui marche
par reffort .
Une coupe faite d'une ſeule pier .
rè , avec un feüillage autour , ouvrage
de la Chine .
Une coupe couverte de rameaux,
chargée
à Monseigneur. 17
:
chargée de fleurs & de fruits .
Une petite coupe de pierre , entourée
d'un ſerpent.
Deux petites coupes de pierre,
d'un ouvrage admirable .
Un lion de la Chine , fait d'une
ſeule pierre.
Une petite éguiere d'une ſeule
pierre .
Deux robes de chambre du Japon
, bien travaillées .
Un tapis de velours verd à fleurs ,
d'Indouſtan .
Un tapis de ſoye à fleurs , de
diverſes couleurs .
Un tapis de foye & velours, cou.
leur d'or , d'Indouſtan.
Un tapis de drap à fleurs , auſſi
de diverſes couleurs .
Deux cabinets d'argent , garnis ,
ouvrage du Japon .
Un petit coffre partie de cuivre
rouge , partie de vernis , du Japon.
Deux pupitres garnis d'argent,
B
18 Prefens du Roy de Siam
l'un d'écaille de tortuë , & l'autre
de vernis , du Japon.
Quatre grands bandeges bordez
d'argent.
Un petit coffre garny d'argent.
Vingr&une fortes de bandeges
grands & petits , tres - beaux , du
Japon .
Deux falieres d'écaille de tortuë
, & trois autres de vernis , du
Japon , une garnie d'argent .
Une petite table de vernis , du
Japon.
Un petit coffre plat d'écaille de
tortuë .
Une petite faliere du Japon .
Un tiroir couvert à compartimens.
Un petit coffre où il y en a douze
autres de vernis , du Japon.
Une grande boëtte avec ſon
bandege , de vernis noir à fleurs
d'or.
Deux petites boëttes de vernis
à Monseigneur. 19
rouge.
Un ſervice d'un Grand du Japon
, pour ſa maiſon .
Deux lanternes de ſoye à di
verſes fleurs , garnies d'argent.
Un petit cabinet du Japon.
Deux paravents de foye du Japon
, ouvrage admirable.
Trois coffres , deux rouges & un
noir , vernis , du Japon.
Deux boëttes vernies or & verd.
Six livres & demie d'aquila .
Outre cela il y a quatre-vingtquatre
pieces de porcelaine , tant
grandes que petites ,
belles .
àMonseigneur.
Deux calanes du Japon , garnies
de tambacq , qui font deux lames
de fabre tres - larges , au bout d'un
bois bien long.
Une éguiere avec ſon baſſin d'or,
à Monseigneur. 15
ouvrage du Japon.
Une petite coupe d'or entourée
Un boüilly d'or pour le Thé.
d'un rameau , ouvrage du Japon
tres-curieux .
Une coupe d'or , ouvrage du Ja
pon .
Une coupe_avec ſon petit plat
d'argent , du Japon.
Une chocolatiere d'argent, fleurs
d'or.
Une autre chocolatiere d'argent
, fleurs d'or , d'un ouvrage fort
relevé , du Japon.
Deux pots d'argent couverts.
Deux écritoires
vrage du Japon .
d'argent , ou-
Deux taſſes couvertes d'argent
avec des ornemens d'or .
Une grande taſſe d'argent avec
des ornemens d'or , ouvrage curieux
du Japon.
Deux taſſes d'argent , du Japon.
Deux petites taſſes avec leurs
16 Presens du Roy de Siam
petits plats d'argent , avec des or
neniens d'or .
Deux autres petites taſſes entourées
de rameaux avec leurs baffins
, le tout d'argent.
Deux autres petites taſſes d'une
autre façon.
Une petite tabatiere d'argent ,
ouvrage du Japon .
Un grand vaſe avec un baſſin
d'argent , du Japon , fort beau.
Deux dames du Japon , qui portent
chacune dans leurs mains un
petit plat & une taſſe d'argent , &
quand la taſſe eſt pleine d'un cordial
, les dames vont à la promenade.
Un crabe d'argent , qui porte
fur le dos une coupe ,& qui marche
par reffort .
Une coupe faite d'une ſeule pier .
rè , avec un feüillage autour , ouvrage
de la Chine .
Une coupe couverte de rameaux,
chargée
à Monseigneur. 17
:
chargée de fleurs & de fruits .
Une petite coupe de pierre , entourée
d'un ſerpent.
Deux petites coupes de pierre,
d'un ouvrage admirable .
Un lion de la Chine , fait d'une
ſeule pierre.
Une petite éguiere d'une ſeule
pierre .
Deux robes de chambre du Japon
, bien travaillées .
Un tapis de velours verd à fleurs ,
d'Indouſtan .
Un tapis de ſoye à fleurs , de
diverſes couleurs .
Un tapis de foye & velours, cou.
leur d'or , d'Indouſtan.
Un tapis de drap à fleurs , auſſi
de diverſes couleurs .
Deux cabinets d'argent , garnis ,
ouvrage du Japon .
Un petit coffre partie de cuivre
rouge , partie de vernis , du Japon.
Deux pupitres garnis d'argent,
B
18 Prefens du Roy de Siam
l'un d'écaille de tortuë , & l'autre
de vernis , du Japon.
Quatre grands bandeges bordez
d'argent.
Un petit coffre garny d'argent.
Vingr&une fortes de bandeges
grands & petits , tres - beaux , du
Japon .
Deux falieres d'écaille de tortuë
, & trois autres de vernis , du
Japon , une garnie d'argent .
Une petite table de vernis , du
Japon.
Un petit coffre plat d'écaille de
tortuë .
Une petite faliere du Japon .
Un tiroir couvert à compartimens.
Un petit coffre où il y en a douze
autres de vernis , du Japon.
Une grande boëtte avec ſon
bandege , de vernis noir à fleurs
d'or.
Deux petites boëttes de vernis
à Monseigneur. 19
rouge.
Un ſervice d'un Grand du Japon
, pour ſa maiſon .
Deux lanternes de ſoye à di
verſes fleurs , garnies d'argent.
Un petit cabinet du Japon.
Deux paravents de foye du Japon
, ouvrage admirable.
Trois coffres , deux rouges & un
noir , vernis , du Japon.
Deux boëttes vernies or & verd.
Six livres & demie d'aquila .
Outre cela il y a quatre-vingtquatre
pieces de porcelaine , tant
grandes que petites ,
belles .
Fermer
10
p. 19-24
Presens que la Princesse Reine de Siam envoye à Madame la Dauphine.
Début :
Une éguiere d'or, ouvrage du Japon. Une boëtte ronde [...]
Mots clefs :
Japon, Argent, Vernis, Boîte, Ouvrage, Présents, Marie-Anne de Bavière, Princesse reine de Siam, Fleurs, Rouge, Alexandre de Chaumont
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Presens que la Princesse Reine de Siam envoye à Madame la Dauphine.
Prefens que la Princeſſe Reine de
Siam envoye à Madame
la Dauphine.
Une éguiere d'or , ouvrage du
Japon.
Une boëtte ronde couverte d'or,
Bj
20 Prefens de la Reine de Siam
du Japon.
Une petite chocolatiere d'or, du
Japon.
Une petite boëtte ronde couverte
d'or , du Japon .
Une petite coupe d'or avec un
plat d'argent , ouvrage du Japon.
Un grand flacon d'argent , un
lion audeſſus , ouvrage relevé du
Japon , avec un grand baffin d'argent
Deux autres vaſes de meſme ,
plus petits.
-Deux chocolatieres d'argent ,
ouvrage relevé du Japon.
Deux autres chocolatieres d'argent,
du Japon.
Deux grandes taſſes d'argent, du
Japon.
Deux petites taſſes avec leurs
baſſins d'argent , du Japon .
Deux autres plus petites taſſes
avec leurs baffins d'argent enlaſſez
de fleurs, du Japon.
à Madame la Dauphine. 21
Un grand coeur d'argent , du Japon.
Deux dames du Japon , d'argent
doré & émaillé , qui portent chacune
une petite taſſe à la main , &
vont par reffort
Une petite boëtte à manche
d'argent , du Japon.
Un paravent à douze feüilles ,
de bois du Japon, avec des oiſeaux
& des arbres de pieces de raport ,
avec les bords dorez .
Unparavent plus grand à douze
feüilles , de ſoye , fond violet , avec
des animaux & des arbres de pluſieurs
couleurs, de piecesde raport.
Un autre plus petit paraventde
foye, avec des peintures de la Chine
tres belles.
Deux cabinets de bois vernis
blanc , à fleurs de diverſes couleurs
, avec des ornemens de cuivre
doré.
Deux robes de chambre du Ja
Bij
22 Prefens de la Reine de Siam
pon , d'un beauté extraordinaire )
& une autre plus commune.
Une écritoire d'écaille de tortuë
à compartimens.
Deux porte- livres de vernis , bordez
d'argent.
Vingt & une fortes de bandeges
d'ouvrage du Japon.
Quatre doubles petites boëttes
de vernis du Japon .
Une boëtte platte , & deux autres
petites , de ſoye du Japon.
Deux écritoires d'écaille de tortuë
, du Japon.
Deux autres de vernis , du Japon .
Une boëtte ronde , rouge , garnie
d'argent , de Japon .
Sept petites boëttes differentes,
Vne boëtte quarée avec douze
vernies , du Japon .
autres petites , du Japon.
Vn ſervice d'une dame du Japon
, d'écaille de tortuë .
Un coffre à huit coſtez , du Ja
à Madame la Dauphine. 23
pon , plein de petites boëttes trescurieuſes
.
Vn autre ſervice rouge de vernis
, pour une dame du Japon.
Vne tablette d'écaille de tortuë,
ornée d'argent.
Vne petite table de vernis rouge
, du Japon.
Vne autre petite table de vernis
du Japon.
Vn cabinet, de vernis , tres- beau .
Trois autres cabinets de vernis
du Japon , garnis de cuivre doré ,
tres-beaux.
Vne grande boëtte ronde double
, à fleurs d'or .
Vn tiroir couvert à pluſieurs
compartimens .
Deux grands bandeges garnis
d'argent.
Deux autres grands de vernis ,
du Japon.
Deux coffres de vernis rouge,
garnis d'argent.
24 Prefens de la Reine de Siam
Deux boëttes de vernis à fleurs
d'or & verd.
Un évantail de bambous & de
ſoye.
Deux coffres de vernis noir , de
cuivre doré .
Il y a outre cela fix cens quarante
pieces de porcelaine tresbelles.
Siam envoye à Madame
la Dauphine.
Une éguiere d'or , ouvrage du
Japon.
Une boëtte ronde couverte d'or,
Bj
20 Prefens de la Reine de Siam
du Japon.
Une petite chocolatiere d'or, du
Japon.
Une petite boëtte ronde couverte
d'or , du Japon .
Une petite coupe d'or avec un
plat d'argent , ouvrage du Japon.
Un grand flacon d'argent , un
lion audeſſus , ouvrage relevé du
Japon , avec un grand baffin d'argent
Deux autres vaſes de meſme ,
plus petits.
-Deux chocolatieres d'argent ,
ouvrage relevé du Japon.
Deux autres chocolatieres d'argent,
du Japon.
Deux grandes taſſes d'argent, du
Japon.
Deux petites taſſes avec leurs
baſſins d'argent , du Japon .
Deux autres plus petites taſſes
avec leurs baffins d'argent enlaſſez
de fleurs, du Japon.
à Madame la Dauphine. 21
Un grand coeur d'argent , du Japon.
Deux dames du Japon , d'argent
doré & émaillé , qui portent chacune
une petite taſſe à la main , &
vont par reffort
Une petite boëtte à manche
d'argent , du Japon.
Un paravent à douze feüilles ,
de bois du Japon, avec des oiſeaux
& des arbres de pieces de raport ,
avec les bords dorez .
Unparavent plus grand à douze
feüilles , de ſoye , fond violet , avec
des animaux & des arbres de pluſieurs
couleurs, de piecesde raport.
Un autre plus petit paraventde
foye, avec des peintures de la Chine
tres belles.
Deux cabinets de bois vernis
blanc , à fleurs de diverſes couleurs
, avec des ornemens de cuivre
doré.
Deux robes de chambre du Ja
Bij
22 Prefens de la Reine de Siam
pon , d'un beauté extraordinaire )
& une autre plus commune.
Une écritoire d'écaille de tortuë
à compartimens.
Deux porte- livres de vernis , bordez
d'argent.
Vingt & une fortes de bandeges
d'ouvrage du Japon.
Quatre doubles petites boëttes
de vernis du Japon .
Une boëtte platte , & deux autres
petites , de ſoye du Japon.
Deux écritoires d'écaille de tortuë
, du Japon.
Deux autres de vernis , du Japon .
Une boëtte ronde , rouge , garnie
d'argent , de Japon .
Sept petites boëttes differentes,
Vne boëtte quarée avec douze
vernies , du Japon .
autres petites , du Japon.
Vn ſervice d'une dame du Japon
, d'écaille de tortuë .
Un coffre à huit coſtez , du Ja
à Madame la Dauphine. 23
pon , plein de petites boëttes trescurieuſes
.
Vn autre ſervice rouge de vernis
, pour une dame du Japon.
Vne tablette d'écaille de tortuë,
ornée d'argent.
Vne petite table de vernis rouge
, du Japon.
Vne autre petite table de vernis
du Japon.
Vn cabinet, de vernis , tres- beau .
Trois autres cabinets de vernis
du Japon , garnis de cuivre doré ,
tres-beaux.
Vne grande boëtte ronde double
, à fleurs d'or .
Vn tiroir couvert à pluſieurs
compartimens .
Deux grands bandeges garnis
d'argent.
Deux autres grands de vernis ,
du Japon.
Deux coffres de vernis rouge,
garnis d'argent.
24 Prefens de la Reine de Siam
Deux boëttes de vernis à fleurs
d'or & verd.
Un évantail de bambous & de
ſoye.
Deux coffres de vernis noir , de
cuivre doré .
Il y a outre cela fix cens quarante
pieces de porcelaine tresbelles.
Fermer
11
p. 24-26
Presens de la Princesse Reine de Siam à Monseigneur le Duc de Bourgogne.
Début :
Une petite chocolatiere d'or avec son petit plat d'argent, ouvrage [...]
Mots clefs :
Japon, Argent, Ouvrage, Vernis, Princesse reine de Siam, Duc de Bourgogne, Louis de France, Boîte, Tasse, Bassin, Alexandre de Chaumont
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Presens de la Princesse Reine de Siam à Monseigneur le Duc de Bourgogne.
Prefens de la Princeſſe Reine de
Siam àMonseigneur le Duc
de Bourgogne.
Une petite chocolatiere d'or avec
fon_petit plat d'argent , ouvrage
du Japon.
Un vaſe d'argent , où il y a de
petits hommes qui ſe montrent
quand il y a de l'eau dedans.
Une boëtte ronde , & couverte
d'argent , ouvrage du Japon.
Un petit vaſe couvert d'argent ,
avec un lion deſſus , du Japon .
Ung
à M. le Duc de Bourgogne. 25
Une petite taſſe à deux anſes
avec ſon baffin d'argent , ouvrage
du Japon.
Une autre petite taſſe avec ſon
baffin d'argent , ouvrage relevé du
Japon.
Une femme Chinoiſe d'argent &
d'ambre , qui va par refforts.
Trois petits cabinets faits à Macao
capitale du Japon , garnis d'argent.
Quatre petites boëttes de même.
Un ſervice d'uneDame du Japon.
Une écritoire de vernis du Japon.
Un petit cabinet verny à deux
pattes , garny de cuivre doré.
Un porte livre de vernis du Japon
, garny d'argent.
Une table de vernis duJapon.
Une boëtte rouge d'ouvrage de
la Chine.
Un petit paravent à fix feüilles
de la Chine.
Une écritoirede vernis du Japon
à fleurs d'or.
C
26 Presens deM. Constance
Vn chien de porcelaine.
Il y a outre cela trente-deux petites
pieces de porcelaines.
Ily a unautre pareil Present pour
Monseigneurle Duc d'Anjou de lapart
de la Princeffe Reine de Siam.
Siam àMonseigneur le Duc
de Bourgogne.
Une petite chocolatiere d'or avec
fon_petit plat d'argent , ouvrage
du Japon.
Un vaſe d'argent , où il y a de
petits hommes qui ſe montrent
quand il y a de l'eau dedans.
Une boëtte ronde , & couverte
d'argent , ouvrage du Japon.
Un petit vaſe couvert d'argent ,
avec un lion deſſus , du Japon .
Ung
à M. le Duc de Bourgogne. 25
Une petite taſſe à deux anſes
avec ſon baffin d'argent , ouvrage
du Japon.
Une autre petite taſſe avec ſon
baffin d'argent , ouvrage relevé du
Japon.
Une femme Chinoiſe d'argent &
d'ambre , qui va par refforts.
Trois petits cabinets faits à Macao
capitale du Japon , garnis d'argent.
Quatre petites boëttes de même.
Un ſervice d'uneDame du Japon.
Une écritoire de vernis du Japon.
Un petit cabinet verny à deux
pattes , garny de cuivre doré.
Un porte livre de vernis du Japon
, garny d'argent.
Une table de vernis duJapon.
Une boëtte rouge d'ouvrage de
la Chine.
Un petit paravent à fix feüilles
de la Chine.
Une écritoirede vernis du Japon
à fleurs d'or.
C
26 Presens deM. Constance
Vn chien de porcelaine.
Il y a outre cela trente-deux petites
pieces de porcelaines.
Ily a unautre pareil Present pour
Monseigneurle Duc d'Anjou de lapart
de la Princeffe Reine de Siam.
Fermer
12
p. 26-28
Presens de Monsieur Constance à Monsieur le Marquis de Seignelay.
Début :
Une couppe d'or, ouvrage du Japon. Deux salieres d'argent. [...]
Mots clefs :
Vernis, Japon, Argent, Coffre, Présents, Marquis de Seignelay, Jean-Baptiste Colbert de Seignelay, Couvert, Fleurs, Boîte, Alexandre de Chaumont
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Presens de Monsieur Constance à Monsieur le Marquis de Seignelay.
Prefens de Monfieur Constance
àMonfieur leMarquis
de Seignelay.
Vne couppe d'or , ouvrage du
Japon.
Deux ſalieres d'argent.
Deux chocolatieres d'argent.
Vne plus grande chocolatiere
d'argent.
Vne grande taſſe d'argent.
Deux petits vaſes couverts de
même.
Vne petite taſſe avec ſon baſſin
couvert de même.
Deux petits flacons d'argent ou
vragé,duJapon.
àM. de Seignelay. 27
Vn ſervice d'un Grand du Japon
, de vernis noir à fleurs d'or.
Huit differens bandeges du Japon.
Vne boëtte rouge à huit côtez ,
garnie d'autres petites boëttes .
Vn petit coffre de vernis , garny
d'argent.
Vne petite écritoire de vernis.
Vn petit coffre portatif à quatre
étages.
Vine boëtte de vernis noir à trois
étages , à fleurs d'or.
Vne écritoire unie de vernis du
Japon.
Vn tiroir couvert de vernis du
Japon.
Vn petit coffre d'écaille de tortuë,
duJapon.
Quatre petites boëttes de vernis
tres-curieuſes.
Vne robe de chambre du Japon ,
tresbelle.
Deux cornes de Rhinoceros.
Cj
28 Prefens à M. de Seignelay.
Deux paravens chacun de dixhuit
feüilles de vernis , travaillez à
la Chine , fort curieux.
Vn grand cabinet fort curieux ,
duJapon.
Vn coffre pleinde nids d'oiſeaux.
Quatre boëttes de Thé.
Il y a outre cela 190. porcelaines
, tant grandes que petites , toutes
belles , & quelques-unes fort
anciennes .
Il y a un autre Preſent pareil pour
Monfieur le Marquis de Croiſſfy de la
part de Monfieur Conftance.
Ie ne marque point auſſi les Prefens
qu'on a fait àMonfieur l'Ambassadeur
&àMonfieur l'AbbédeChoiſy, qui ont
étéfort magnifiques.
àMonfieur leMarquis
de Seignelay.
Vne couppe d'or , ouvrage du
Japon.
Deux ſalieres d'argent.
Deux chocolatieres d'argent.
Vne plus grande chocolatiere
d'argent.
Vne grande taſſe d'argent.
Deux petits vaſes couverts de
même.
Vne petite taſſe avec ſon baſſin
couvert de même.
Deux petits flacons d'argent ou
vragé,duJapon.
àM. de Seignelay. 27
Vn ſervice d'un Grand du Japon
, de vernis noir à fleurs d'or.
Huit differens bandeges du Japon.
Vne boëtte rouge à huit côtez ,
garnie d'autres petites boëttes .
Vn petit coffre de vernis , garny
d'argent.
Vne petite écritoire de vernis.
Vn petit coffre portatif à quatre
étages.
Vine boëtte de vernis noir à trois
étages , à fleurs d'or.
Vne écritoire unie de vernis du
Japon.
Vn tiroir couvert de vernis du
Japon.
Vn petit coffre d'écaille de tortuë,
duJapon.
Quatre petites boëttes de vernis
tres-curieuſes.
Vne robe de chambre du Japon ,
tresbelle.
Deux cornes de Rhinoceros.
Cj
28 Prefens à M. de Seignelay.
Deux paravens chacun de dixhuit
feüilles de vernis , travaillez à
la Chine , fort curieux.
Vn grand cabinet fort curieux ,
duJapon.
Vn coffre pleinde nids d'oiſeaux.
Quatre boëttes de Thé.
Il y a outre cela 190. porcelaines
, tant grandes que petites , toutes
belles , & quelques-unes fort
anciennes .
Il y a un autre Preſent pareil pour
Monfieur le Marquis de Croiſſfy de la
part de Monfieur Conftance.
Ie ne marque point auſſi les Prefens
qu'on a fait àMonfieur l'Ambassadeur
&àMonfieur l'AbbédeChoiſy, qui ont
étéfort magnifiques.
Fermer
13
p. 1-70
ETAT Du Gouvernement, des Moeurs, de la Religion, & du Commerce du Royaume de Siam, dans les pays voisins, & plusieurs autres particularités.
Début :
TOUS les jours les Mandarins qui sont destinez pour rendre [...]
Mots clefs :
Roi de Siam, Royaume, Ambassadeur, Siamois, Argent, Commerce, Nation, Chine, Manière, Marchandises, Officiers, Femmes, Fille, Pays, Étrangers, Terre, Talpoins, Corps, Ville, Fruit, Mandarins, Palais, Éléphants, Pagodes, Ministres, Alexandre de Chaumont
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ETAT Du Gouvernement, des Moeurs, de la Religion, & du Commerce du Royaume de Siam, dans les pays voisins, & plusieurs autres particularités.
ETAT
Du Gouvernement , des
Moeurs, de la Religion ,
& du Commerce du
Royaume de Siam, dans
les pays voisins , &plufieurs
autres particularités.
OUS les jours les
Mandarins qui font
deſtinez pour rendre
la juſtice s'aſſemblent
dans une falle où ils
donnent audiance , c'eſt comme
1a Cour du Palais à Paris ,& elle
2 RELATION
eſt dans le Palais du Roy , où
ceux qui ont quelque requête à
preſenter ſe tiennent à la porte
juſqu'à ce qu'on les appellé , &
quand on le fait ils entrent leur
requête à la main & la prefentent.
Les Etrangers qui intentent
procés au ſujet des marchandiſes,
la preſentent au Barcalon , c'eſt
le premier Miniſtre du Roy ,
qui juge toutes les affaires concernant
les Marchands & les
Etrangers ; en ſon abſence , c'eſt
ſon Lieutenant , & en l'absence
des deux , une maniere d'Eſche
wins. Il y a un Officier prépoſé
pour les tailles & tributs auquel
on s'adreſſe , & ainſi des autres
Officiers. Aprés que les affaires
font difcutées on les fait ſçavoir
aux Officiers du dedans du Palais
, qui en avertiſſent le Roy
eſtant lors ſur un Trône élevé
DU VOYAGE DE SIAM . 3
de trois braffes , tous les Mandarins
ſe proſternent la face contre
terre , & le Barcalon ou autres
des premiers Oyas , rapportent
au Roy les affaires & leurs jugemens
, il les confirme , ou il les
change ſuivant ſa volonté , c'eſt
à l'égard des principaux procés ,
& tres- ſouvent il ſe fait apporter
les procés au dedans du Palais
, & leur envoye ſon jugementpar
écrit.
Le Roy eſt tres- abſolu , on diroit
quaſi qu'il eſt le Dieu des
Siamois , ils n'ofent pas l'appeller
de ſon nom. Il châtie tres-feverement
le moindre crime ; car
ſes Sujets veulent eſtre gouvernez
la verge à la main , il ſeſert même
quelquefois des Soldats de ſa
garde pour punir les coupables
quand leur crime eſt extraordinaire
& fuffisamment prouvé.
Ceux qui font ordinairement ema
ij
4 RELATION
ployez ces fortes d'executions
font 150. Soldats ou environ qui
ont les bras peints depuis l'épaule
juſqu'au poignet ; les châtimens
ordinaires ſont des coups
de rottes , trente, quarante , cinquante
& plus , ſur les épaules des
criminels , felon la grandeur du
crime , aux autres il fait piquer
la tête avec un fer pointu : à l'égard
des complices d'un crime
digne de mort , aprés avoir fait
couper la tête au veritable criminel
, il la fait attacher au col
du complice , & on la laiſſe pourir
expoſée au Soleil fans couvrir
la tête pendant trois jours
&trois nuits , ce qui cauſe à celui
qui la porteune grande puantour,
Dans ce Royaume , la peine
du talion eſt fort en uſage , le
dernier des fupplices eſtoit , il n'y
a pas long-temps, de les condamDU
VOYAGE DE SIAM. یک
ner à la Riviere , qui eſt proprement
comme nos Forçats de Galere
, & encorepis ; mais maintenant
on les punit de mort. Le
Roy fait travailler plus qu'aucun
Roy de ſes predeceffeurs, en bâ
timens , à reparer les murs des
Villes , à édifier des Pagodes , à
embellir fon Palais , à bâtir des
Maiſons pour les Etrangers , & à
conſtruire des Navires à l'Euro .
peane , il eſt fort favorable aux
Etrangers , il en a beaucoup à
fon ſervice,& en prend quand il
en trouve .
Les Roys de Siam n'avoient'
pas accoûtumé de ſe faire voir
auſſi ſouvent que celui-cy. Ils
vivoient preſque ſeuls , celuy
d'apreſent vivoit comme les autres
: mais Monfieur de Berithe
Vicaire Apoftolique , s'eſtant ſer
vi d'un certain Brame , qui faifant
le plaiſant avoit beaucoup
1
a iij
6 RELATION
de liberté de parler à ce Monarque
, trouva le moyen de faire
connoître à ce Prince , la puif
fance & la maniere de gouverner
de nôtre grand Roy , & en même
temps les coûtumes de tous
les Roys d'Europe , de ſe faire
voir à leurs Sujets & aux Etrangers
; de maniere qu'ayant un
auffi grand ſens que je l'ay déja
remarqué , il jugea à propos de
voir Monfieur de Berithe , & enfuite
pluſieurs autres ; depuis ce
temps- là il s'eſt rendu affable &
acceſſible à tous les Etrangers.
On appelle ceux qui rendent la
justice ſuivant leurs differentes
fonctions , Oyas Obrat , Oyas
Momrat , Oyas Campheng, Oyas
Ricchou , Oyas Shaynan , Opran,
Oluan ; Oeun , Omun .
Comme autrefois les Roys ne
ſe faisoient point voir , les Miniftres
faifoient ce qu'ils vouloient,
DU VOYAGE DE SIAM. 7
mais le Roy d'apreſent qui a un
tres-grand jugement , & eſt un
grand Politique,veut ſçavoir tout;
il a attaché auprés de luy le Sei
gneur Conftans dont j'ay déja
parlé diverſes fois , il eſt Grec
de nation , d'une grande penetration
, & vivacité d'eſprit
&d'une prudence toute extraordinaire
, il peut & fait tout
fous l'autorité du Roy dans le
Royaume , mais ce Miniſtre n'a
jamais voulu accepter aucune des
premieres Charges que leRoyluy
a fait offrir pluſieurs fois. Le Barcalon
qui mourut ily a deux ans ,&
qui par le droit de ſa Charge
avoit le gouvernement de toutes
les affaires del'Etat , eſtoit homme
d'un tres-grand eſprit , qui
gouvernoit fort bien , & fe faifoit
fort aimer , celuy quiluy fucce
da eſtoit Malais de nation, qui eft
un pays voiſin de Siam , il ſe fera
iiij
8 RELATION
vit de Monfieur Baron , Anglois.
de nation , pour mettre mal Monſieur
Conftans dans l'eſprit du
Roy , & le luy rendre ſuſpect ,
mais le Roy reconnut ſa malice ,
il le fit battre juſqu'à le laiſſer
pour mort , & le dépoſſeda de ſa
Charge , celui qui l'occupe preſentement
vit dans une grande
intelligence avec Monfieur Conſtans
.
Comme par les loix introduites
par les Sacrificateurs des Idoles
qu'on nomme Talapoins , il
n'eſt pas permis de tuer , on condamnoit
autrefois les grands criminels
ou à la chaîne pour leur
vie , ou à les jetter dans quelques
deferts pout y mourir de faim ;
mais le Roy d'apreſent leur fait
maintenant trancher la teſte &
les livre aux Elephans .
Le Roy a des Eſpions pour
ſcavoir ſi on luy cache quelque
DU VOYAGE DE SIAM .
choſe d'importance , il fait châtier
tres - rigoureuſement ceux qui
abuſent de leur autorité . Chaque
Nation étrangere établie dans le
Royaume de Siam a ſes Officiers
particuliers , & le Roy prend de
toutes ces Nations- là des gens
qu'il fait Officiers generaux pour
tout ſon Royaume. Il y a dans
fon Etat beaucoup de Chinois ,
& il y avoit autrefois beaucoup
de Maures ; mais les années pafſées
il découvrit de ſi noires trahiſons
, des concuffions & des
tromperies ſi grandes dans ceux
de cette nation , qu'il en a obligé
un fort grand nombre à déferter
, & à s'en aller en d'autres.
Royaumes.
Le commerce des Marchands
Etrangers y eſtoit autrefois tresbon
, on y en trouvoit de toutes
parts ; mais depuis quelques années
,les diverſes revolutions qui
ΟΙ RELATION
font arrivées à la Chine , au Japon
& dans les Indes , ont empeſché
les Marchands Etrangers
de venir en ſi grand nombre.
On eſpere neanmoins, que puif
que tousces troubles font appaiſez
, le commerce recommencera
comme auparavant , & que le
Roy de Siam par le moyen de fon
Miniſtre envoyera fes Vaiſſeaux
pour aller prendre les Marchandi
ſes les plus precieuſes , & les
plus rares de tous les Royaumes
d'Orient,&remettra toutes chofes
en leur premier & fleuriſſant état.
Ils font la guerre d'une maniere
bien differente de celle de la plûpart
des autres nations , c'eſt à
dire à pouſſer leurs ennemis hors
de leurs places ſans pourtant
leur faire d'autre mal que de les
rendre eſclaves , & s'ils portent
des armes , c'eſt ce ſemble plûtôt
pour leur faire peur en les tirant
,
DU VOYAGE DE SIAM. II
contre terre , ou en l'air, que pour
les tuër , & s'ils le font c'eſt tout
au plus pour ſe deffendre dans la
neceſſité ; mais cette neceſſité
de tuër arrive rarement parce
que prefque tous leurs ennenemis
qui en uſent comme eux,ne
tendent qu'aux mêmes fins . Il ya
des Compagnies & des Regimens
qui ſe détachentde l'arméependát
la nuit,&vont enlever tous leshabitans
des Villages ennemis , &
font marcher hommes, femmes &
enfans que l'on fait eſclaves , &
le Roy leur donne des terres&
des bufles pour les labourer , &
quand le Roy en a beſoin il s'en
fert. Ces dernieres années , le
Roi a fait la guerre contre les
Cambogiens revoltez , aidez des
Chinois & Cochinchinois , où il
a fallu ſe battre tout de bon , & il
y a eu pluſieurs Soldats tuez de
part &d'autre ; il a eu pluſieurs
21 RELATION
Chefs d'Europeans qui les inſtrui
fent àcombattre en nôtre maniere .
Ils ont une continuelle guerre
contre ceux du Royaume de
Laos , qui eſt venuë , de ce qu'un
Maure tres-riche allant en ce
Royaume- là pour le compte du
Royde Siam,y reſta avec de grandes
ſommes , le Roy de Siam , le
demanda auRoy de Laos , mais
celui-cile luy refuſa, ce qui a obligé
le Roy de Siam de luydeclarer
la guerre.
Avant cette guerre ily avoit un
grand commerce entre leurs Etats,
& celuy de Siam en tiroit de
grands profits par l'extrême
quantité d'or , de muſc , de benjoüin
, de dents d'Elephant &
autres marchandiſes qui lui venoient
de Laos , en échange des
toiles & autres marchandiſes .
Le Roy de Siam a encore guerre
contre celui de Pegu ; il y a quanDU
VOYAGE DE SIAM . 13
tité d'Eſclaves de cette Nation .
Il y a pluſieurs Nations Etrangeres
dans ſon Royaume , les
Maures y estoient , comme j'ay
dit , en tres-grand nombre , mais
maintenant il y en a pluſieurs qui
font refugiez dans le Royaume
de Colconde, ils eſtoient au ſervice
du Roy , & ils luy ont emporté
plus de vingt mille catis , chaque
catis vallant cinquante écus , le
Roy de Siam écrivit au Roy de
Colconde de luy rendre ces perſonnes
ou de les obliger à luy
payer cette ſomme , mais le Roy
de Colconden'en voulutrien faire
, ny même écouter les Ambafſadeurs
qu'il luy envoya ; ce quia
fait que le Roy de Siam luy a
declaré la guerre & luy a pris
dans le tems que j'étois à Siam ,
un Navire dont la charge valloit
plus de centmille écus . Il y a fix
Fregates commandées par des
14
RELATION
François & des Anglois qui
croiſent ſur ſes côtes .
Depuis quelque temps l'Empereur
de la Chine a donné liberté
à tous les Etrangers de venir
negocier en ſon Royaume ;
cette liberté n'eſt donnée que
pour cinq ans , mais on efpere
qu'elle durera , puiſque c'eſt un
grand avatage pour ſon Royaume .
Ce Prince a grand nombre de
Malais dans ſon Royaume , ils
font Mahometans , & bons Soldats
, mais il y a quelque difference
de leur Religion à celle
des Maures. Les Pegovans font
dans ſon Etat preſque en auſſi
grande quantité queles Siamois
originaires du pays .
Les Laos y font en tres-grande
quantité , principalement vers
le Nort.
Il y a dans cet Etat huit ou neuf
familles de Portugais veritables ,
DU VOYAGE DE SIAM.
mais de ceux que l'on nomme
Meſties , plus de mille , c'eſt à dire
de ceux qui naiſſent d'un Portugais
& d'une Siamoiſe .
Les Hollandois n'y ont qu'une
facturie.
Les Anglois de même.
Les François de même.
Les Cochinchinois ſont environ
cent familles , la plupart
Chreftiens.
Parmy les Tonquinois ily en a
ſeptou huit familles Chrétiennes .
Les Malais y font en afſez grand
nombre,qui font la plupart eſclaves,&
qui par conſequent ne font
pointde corps .
Les Macaſſars & pluſieurs des
peuples de l'Iſle de Java y font
établis, de meſme que les Maures:
ſous le nom de ces derniers ſont
compris en ce pays- là, les Turcs,
les Perfans les Mogols les
Colcondois & ceux de Bengala .
, د
16 RELATION
Les Armeniens font un corps
à part , ils font quinze ou ſeize
familles toutes Chrétiennes , Catholiques
, la plupart ſont Cavaliers
de la garde du Roy.
A l'égard des moeurs des Siamois
ils font d'une grande docilité
qui procede plûtoſt de leur
naturel amoureux du repos que
de toute autre cauſe , c'eſt pourquoi
les Talapoins qui fontprofeffion
de cette apparente vertu ,
defendentpour cela de tuër toutes
fortes d'animaux ; cependant lorfque
tout autre qu'eux tuë des
poules & des canards , ils en mangentla
chair ſans s'informer qui
les a tués , ou pourquoi on les a
tués , & ainſi des autres animaux .
Les Siamois font ordinairement
chaſtes , ils n'ont qu'une femme ,
mais les riches comme les Mandarins
ont des Concubines , qui
demeurent enfermées toute leur
vie
DU VOYAGE DE SIAM. 17
vie. Le peuple eſt aſſez fidele &
ne volle point ; mais il n'en eft
pas de même de quelques-uns des
Mandarins , les Malais qui font
en tres-grand nombre dans ce
Royaume- là font tres- méchants
&grands voleurs .
Dans ce grand Royaume il y
a beaucoup de Pegovans qui
ont eſté pris en guerre , ils font
plus remuants que les Siamois
& font d'ordinaire plus vigoureux
, il y a parmy les femmes du
libertinage , leur converſation eft
perilleuſe.
Les Laos peuplent la quatriéme
partie du Royaume de Siam",
comme ils font à demy Chinois ,
ils tiennent de leur humeur , de
leur adreſſe& de l'inclination a
voller par fineſſe; leurs femmes
font blanches & belles , tres - familieres
& par confequent dangereuſes.
Dans le Royaume de
b
18 RELATION
Laos , un homme qui rencontre
une femme pour la falüer avec
la civilité accoûtumée , la baife
publiquement ; & s'il ne le faiſoit
pas il l'offenferoit .
Les Siamois tant Officiers que
Mandarins ſont ordinairement
riches , parce qu'ils ne dépenfent
preſque rien , le Roy leur
donnant des valets pour les fervir
, ces valets font obligez de ſe
nourir à leurs dépens, eſtant com--
me efclaves,ils font en obligation
de les ſervir pour rien pendant:
la moitié de l'année : & comme
cesMeſſieurs-làen ontbeaucoup,
ils ſe ſervent d'une partie pendant
que l'autre ſe repoſe ; mais
ceux qui ne les ſervent point:
leur payent une fomme tous les
ans , leurs vivres font à bon marché
, car ce n'eſt que duris , du
poiffon , & tres -peu de viande, &
tout cela eft en abondance dans
DU VOYAGE DE SIAM . 19
leur pays ; leurs vêtemens leur
fervent long- temps , ce ne font
que des pieces d'étoffes toutes
entieres qui ne s'uſent pas fi faci
lement que nos habits &ne coutent
que tres-peu : la plupart des
Siamois font Maſſons ou Charpentiers
, & il y en a de tres habiles,
imitant parfaitement bien les
beaux ouvrages de l'Europe en
Sculpture& en dorure. Pour ce
qui eſt de la peinture ils ne ſçavent
point s'en ſervir , il y a des
ouvrages en Sculpture dans leurs
Pagodes , & dans leurs Mauſolées
fort polis & tres-beaux.
Ils en font auſſi de tres -beaux
avec de la chaux , qu'ils détrempent
dans de l'eau qu'ils tirent de
l'écorce d'un arbre qu'on trouve
dans les Forefts , quilarend ſi forte,
qu'elle dure des cent& deux
cens ans , quoi qu'ils foient expoſés
aux injures du temps ..
bij
20 RELATION
1
i
1.
i
Leur Religion n'eſt à parler proprement
qu'un grand ramas
d'Hiſtoires fabuleuſes , qui ne
tend qu'à faire rendre des hommages
& deshonneurs auxTalapoins,
qui ne recommandent tant:
aucune vertu que celle de leur
faire l'aumône , ils ont des loix
qu'ils obfervent exactement au
moins dans l'exterieur ; leur fin
dans toutes leurs bonnes oeuvres
eſt l'eſperance d'une heureuſe
tranfmigration aprés leur mort ,
dans le corps d'un homme riche ,..
d'un Roy , d'un grand Seigneur
ou d'un animal docile , comme
font les Vaches & les Moutons :
car ces peuples-là croyent la Metempſicoſe
; ils eſtiment pour cette
raiſonbeaucoup ces animaux ,
&n'ofent, comme je l'ai déja dit,
en tuër aucun , craignant de donner
la mort à leur Pere ou à leur
Mere , ou à quelqu'un de leurs
DU VOYAGE DE SIAM . 2
parens . Ils croyent un enfer où les
énormes pechez ſont ſeverement .
punis , ſeulement pour quelque
temps , ainſi qu'un Paradis , dans
lequel les vertus fublimes ſont
recompenſées dans le Ciel , où aprés
eſtre devenus des Anges
pour quelque temps , ils retournent
dans quelque corps d'hom--
me ou d'animal .
L'occupation des Talapoins .
eſt de lire , dormir, manger, chan--
ter , & demander l'aumône ; de
cette forte , ils vont tous les matins
ſe preſenter devant la porte
ou balon des perſonnes qu'ils connoiffent
,&ſe tiennent-là unmométavecunegrande
modeſtie ſans
rien dire, tenant leur évantail , de
maniere qu'il leur couvre la moitié
du viſage , s'ils voyent qu'on ſe
diſpoſe àleur donner quelque choſe
, ils attendent juſqu'à ce qu'ils
l'ayent receuë ; ils mangent de
biij
22 RELATION
د
3
tout ce qu'on leur donne même
des poulles & autres viandes
mais ils ne boiventjamais de vin ,
au moins en prefence des gens du
monde; ils ne font point d'office
ny de prieres à aucune Divinité.
Les Siamois croyent qu'il y a eu
trois grands Talapoins , qui par
leurs merites tres-fublimes acquis
dans pluſieurs milliers de tranſmigrations
ſont devenus des Dieux ,
&aprés avoir eſté faits Dieux ,
ils ont encore acquis de ſi grands
merites qu'ils ont eſté tous aneantis
, ce qui eſt le terme du plus .
grand merite & la plus grande recompenſe
qu'on puiffe acquerir ,
pour n'eſtre plus fatigué en changeant
ſi ſouventde corps dans un
autre; le dernier de ces trois Ta--
lapoins eſt le plus grand Dieu appellé
Nacodon , parce qu'il a eſté
dans cinq mille corps , dans l'une
de ces tranfmigrations , de Talapoin
il devint vache , fon frere le
DU VOYAGE DE SIAM .
23
voulut tuër pluſieurs fois ; mais il
faudroit un gros livre pour décrire
les grands miracles qu'ils difent
que la nature& non pasDieu,
fit pour le proteger : enfin ce frere
fut precipité en Enfer pour ſes
grands pechez , où Nacodon le
fit crucifier ; c'eſt pour cette raifon
qu'ils ont en horreur l'Image
de Jeſus-Chriſt crucifié , diſant
que nous adorons l'Image de ce
frere de leur grand Dieu , qui
avoit eſté crucifié pour ſes crimes ..
CeNacodon eſtant doncaneanti,
il ne leur reſte plus de Dieu à
preſent , ſaloy ſubſiſte pourtant ;
mais ſeulement parmi les Talapoins
qui diſent qu'aprés quelques
fiecles il y aura un Ange qui
viendra ſe faire Talapoin ,& enfuite
Dieu Souverain , qui par ſes
grands merites pourra être anean
ti : voilà le fondement de leur
creance ; car il ne faut pas s'imaginer
qu'ils adorent les Idoles
24 RELATION
"
1
qui font dans leurs Pagodes comme
des Divinitez , mais ils leur
rendent ſeulement des honneurs'
comme à des hommes d'un grand
merite , dont l'ame eſt à preſent
en quelque Roy , vache ou Talapoin
: voilà en quoi conſiſte leur
Religion , qui à proprement parler
ne reconnoît aucun Dieu , &
qui n'attribuë toute la recompenſede
la vertu qu'à la vertumême ,
qui a par elle le pouvoir de rendre
heureux celuy dont elle fair
paſſer l'ame dans le corps de quelque
puiſſant & riche Seigneur
ou dans celuy de quelque vache ,
levice ,diſent-ils, porte avec ſoy
ſon châtiment , en faiſant paffer
l'ame dans le corps de quelque
méchant homme , de quelque
Pourceau , de quelque Corbeau ,
Tigre ou autre animal. Ils admetrent
des Anges , qu'ils croyent
eſtre les ames des juſtes & des
bons
2
L
L
DUVOYAGE DE SIAM. 25
bons Talapoins; pour ce qui eſt des
Demons , ils eſtiment qu'ils font
les ames des méchans .
Les Talapoins font tres-refpe-
Etés de tout le peuple , & même
du Roy, ils ne ſe profternent point
lorſqu'ils luy parlent comme le
font les plusgrands du Royaume ,
& le Roy & les grands Seigneurs
les ſaluënt les premiers ; lorſque
ces Talapoins remercient quelqu'un,
ils mettentla main proche
leur front , mais pour ce qui eſt du
petit peuple, ils ne le ſalüent point ;
leurs vêtemens ſont ſemblables à
ceux des Siamois ,àla referve que
la toile eſt jaune , ils font nuds
jambes & nuds pieds fans chapeau
, ils portent ſur leur tête un
évantail fait d'une fcüille de palme
fort grande pour ſe garantir
du Soleil , qui eſt fort brûlant ;
ils ne font qu'un veritable repas
par jour, à ſçavoir le matin , & ils
G
26 RELATION
ne mangent le ſoir que quelques
bananes ou quelques figues ou
d'autres fruits ; ils peuvent quitter
quand ils veulent l'habit de
Talapoin pour ſe marier , n'ayant
aucun engagement que celuy de
porter l'habit jaune , & quand ils
le quittentils deviennent libres ;
cela fait qu'ils font en ſi grand
nombre qu'ils font preſque le tiers
du Royaume de Siam . Ce qu'ils
chantent dans les Pagodes font
quelques Hiſtoires fabuleuſes.,
entremêlées de quelques Sentences;
celles qu'ils chantent pendant
les funerailles des Morts font ,
nous devons tous mourir , nous
ſommes tous mortels ; on brûle les
corps morts au ſon des muſettes
& autres Inſtrumens , on dépenſe
beaucoup à ces funerailles , &
aprés qu'on a brûlé les corps de
ceux qui font morts , l'on met
leurs cendres ſous de grandes piramides
toutes dorées , élevées à
DU VOYAGE DE SIAM. 27
l'entour de leur Pagodes. Les
Talapoins pratiquent une eſpece
de Confeſſion ; car les Novices
vont au Soleil levantſe proſterner
ou s'affeoir fur leurs talons & marmottent
quelques paroles , aprés
quoy le vieux Talapoin leve la
main à côté deſa joie & lui donne
une forte de benediction , aprés
laquelle le Novice ſe retire.
Quand ils prêchent, ils exhortent
de donner l'aumône au Talapoin ,
& ſe creyent fort ſçavants , lorfqu'ils
citent quelques paſſages
de leurs Livres anciens en Langue
Baly , qui eft comme le Latin
chez nous; cette Langue eſt tresbelle
& emphatique , elle a ſes
conjuguaiſons comme la Latine.
Lorſqueles Siamois veulent ſe
marier , les parens de l'homme
vont premierement ſonder la volontéde
ceux de la fille, & quand
ils ont fait leur accord entr'eux
cij
28 RELATION
les parens du garçon vont preſenter
ſept boſſettes ou boiſtes de
betel & d'arest à ceux de la fille ,
& quoy qu'ils les acceptent &
qu'on les regarde déja comme
mariez le mariage ſe peut rompre
, & on ne peut encore асси-
fer devant le Juge , ny les uns ny
les autres , s'ils le ſeparent aprés
cette ceremonie .
Quelques jours aprés les parens
de l'homme le vont preſenter , &
il offre luy-même plus de boſſettes
qu'auparavant ; l'ordinaire eft
qu'il y en ait dix ou quatorze ,
& lors celuy qui ſe marie demeure
dans la maiſon de ſon beaupere,
ſans pourtant qu'il y ait conſommation
, & ce n'eſt que pour
voir la fille & pour s'accoûtumer
peu à peu à vivre avec elle durant
un ou deux mois ; aprés cela
tous les parens s'aſſemblent
avec les plus anciens de la caſte
ou nation ; ils mettent dans une
DU VOYAGE DE SIAM. 2.9
bourſe, l'un un anneau & l'autre
des bracelets , l'autre de l'argent ,
il y en a d'autres qui mettentdes
pieces d'étoffes au milieu de la table
: enſuite le plus ancien prend
une bougie allumée & la paffe
ſept fois au tour de ces prefens,
pendant que toute l'aſſemblée
crie en ſouhaitant aux Epoux un
heureux mariage , une parfaite
ſanté &une longue vie , ils mangent
& boivent enfuite , & voilà
le mariage achevé. Pour le dot
c'eſt comme en France , finon
que les parens du garçon portent
ſon argent aux parens de la fille ,
mais tout cela revient à un ; car
le dot de la fille eſt auſſi mis à
part , & tout eſt donné aux nouveaux
mariez pour le faire valoir.
Si le mary repudie ſa femme ſans
forme de Juſtice , it perd l'argent
qu'onluy a donné, s'illarepudie
par Sentence de Juge , qui
č iij
30
RELATION
ne la refuſe jamais, les parensde
la fille luy rendent ſon bien ; s'il
y a des enfans , ſi c'eſt un garçon
ou une fille , le garçon fuit la mere
, & la fille le pere , s'il y a deux
garçons & deux filles , un garçon
&une fille vont avec le pere, &
un garçon & une fille vont avec
lamere.
,
Al'égarddes monnoyes ilsn'en
ontpoint d'or , la plus groſſe d'argent
s'appelle tical , & vaut environ
quarante ſols , la ſeconde
mayon qui péſe la quatriéme partie
d'un tical , & vaux dix fols
la troiſieme eſt un foüen , qui
vaut cinq ſols , la quatriéme eſt
un fontpaye qui vaut deux fols
&demy, enfin les plus baſſes monnoyes
font les coris qui font des
coquillages que les Hollandois
leur portent des Maldives , ouυ
qui leur viennent des Malais &
des Cochinchinois ou d'autres
DU VOYAGE DE SIAM. 31
côtez , donthuit cens valent un
fouën qui eſt cinq fols .
le
Al'égard des Places fortes dur
Royaume , il ya Bancoc qui eft
environ dix lieuës dans la Riviere
de Siam , où il y a deux Forterefſes
, comme j'ay déja dit. Il y a la
Ville Capitale nommée Juthia ,
autrement nommée Siam , qu'on
fortifie de nouveau par une enceinte
de murailles de bricque ;
Corfuma frontiere contre
Royaume de Camboye eſt peu
forte; Tanaferin à l'oppoſite de la
côte de Malabar eft peu fortifiée .
Merequi n'eſt pas fortifiée, mais
ſe pouroit fortifier , & on y pouroit
faire un bon Port. Porcelut
frontiere de Laos eſt auſſi peu
fortifiée . Chenat n'a que le nom
de Ville , & il reſte quelque apparence
de barrieres , qui autrefois
faifoient fon mur. Louvo où
le Roy demeure neuf mois de
c iiij
32 RELATION
l'année , pour prendre le plaiſir
de la chaſſe del'Elephant & du
Tygre , étoit autrefois un aſſem-
Blage de Pagodes entouré de
terraffes , mais à preſent le Roy
l'arendu incomparablement plus
beau par les Edifices qu'il y fait
faire , & quant au Palais qu'il ya
it l'a extrêmement embelli par les
caux qu'il y fait venir des Montagnes.
Patang eſt un Port des plus
beaux du côté des Malais , où
l'on peut faire grand commerce.
LeRoy de Siam a refuſé aux Compagnies
Angloiſes & Hollandoiſes
de s'y établir : l'on y pourroit
faire un grand établiſſement qui
feroit plus avantageux que Siam
àcausede la ſituation du lieu ; les
Chinois y vont& pluſieurs autres
Nations , on peut s'y fortifier aifément
fur le bord de la Riviere .
CettePlace appartient àune Rey
DU VOYAGE DE SIAM. 33
nequi eſt tributaire du Roy de
Siam , qui à parler proprement en
eſt quaſi le maître .
Quant à leurs Soldats ce n'étoit
point lacoûtume de les payer;
le Roy d'apreſent ayant ouy dire
que les Roys d'Europe payoient
leurs troupes , voulut faire la ſupputationà
combien monteroit la
paye d'un foüen par jour , qui eſt
cinq fols ; mais les Controlleurs
luy firent voir qu'il falloit des
ſommes immenfes , à cauſe de la
multitude de ſes Soldats , de forte
qu'il changea cette paye en ris
qu'il leur fait diſtribuer , du depuis
, il y en a ſuffisamment pour
Ieurs nourritures, &cela lesrend
tres- contens ; car autrefois il falloit
que chaque Soldat ſe fournit
de ris , & qu'il le portât avec ſes
armes, ce qui leur peſoitbeaucoup .
A l'égard de leurs Bâteaux &
Vaiſſeaux , leurs Balons d'Etat ou
34
RELATION
Bâteaux que nous appellons font
les plus beauxdu monde; ils font
d'un ſeul arbre , &d'une longueur
prodigieuſe , il y ena qui tiennent
cinquante juſqu'à cent & cent
quatre-vingt rameurs ; les deux
pointes font tres- relevées , & celuy
qui les gouverne donnant du
pied ſur lapoupefait branler tout
le Balon , & l'on diroit que c'eſt
un Cheval qui ſaute,touty eft doré
avec des Sculptures tres- belles
, & au milieu il y a un Siege
fait en forme de Trône en piramide
, d'une Sculpture tres- belle
& toute dorée , & il y en a de
plus de cent ornemens differents,
mais tous bien dorez &tres-beaux.
Autrefois ils n'avoient que des
Navires faits comme ceux de la
Chine , qu'on nomme Somme ; il
y ena encore pour aller auJapon,
à la Chine , à Tonquin ; mais le
Roy a fait faire pluſieurs Vaif-
1
DU VOYAGE DE SIAM. 35
feaux à l'Europeenne , & en a
acheté des Anglois quelques-uns,
tous agréés & appareillés . Il y a
environ cinquante Galeres pour
garder la Riviere & la côte ; ſes
Galeres ne font pas comme ceux
de France , il n'y a qu'un homme
àchâque Rame , & font environ
quarante ou cinquante au plus fur
chacune ; les Rameurs fervent de
Soldats , le Royne ſe ſert que des
Mores , des Chinois&des Malabars
pour naviger , & s'il y met
quelque Siamois pour Matelots,
cen'eſt qu'en petit nombre,& afin
qu'ils apprennent la navigation.
LesCommandants de ſes Navires
font Anglois ou François , parce
que les autres Nations font tresméchants
navigateurs .
Il envoye tous les ans cinq ou
fix de ces Vaiſſeaux appellez
Sommes à la Chine , dont il y en
a de mille juſqu'à quinze cens
36 RELATION
Tonneaux chargés de quelques
draps , corail , de diverſes marchandiſes
de la côte de Coromandel
& de Suratte , du ſalpêtre , de
l'étain &de l'argent; il en tire des
ſoyes cruës , des étoffes de ſoye ,
des ſatin's de Thé , dumufc , de la
rubarbe , des poureelines , des
ouvrages vernis , du bois de la
Chine , de l'or , & des rubis . Ils
ſe ſervent de pluſieurs racines
pour la Medecine , entr'autres de
la couproſe , ce qui leur apporte
de grands profits .
Le Roy envoye au Japon deux
ou trois Sommes , mais plus petites
que les autres , chargées des
mêmes marchandises , & il n'eſt
pas neceſſaire d'y envoyer de
l'argent ; les marchandiſes que
L'ony porte ſont des moindres ,
&au meilleur marché , les cuirs
de toutes fortes d'animaux y font
bons , & c'eſt la meilleure marDU
VOYAGE DE SIAM. 37
chandiſe que l'on y peut porter ;
on en tire de l'or , de l'argent en
barre , du cuivre rouge , toutes
fortes d'ouvrages d'Orphevrerie ,
des paravants , des Cabinets vernis
,des porcelines , du Thé &
autres choſes ; il en envoye quelquefois
un , deux & trois au
Tonquin de deux à trois cent tonneaux
au plus , avec des draps ,
de corail , de l'Etain , de l'Ivoire ,
du poivre , du ſalpêtre , du bois
de ſapin, & quelques autres marchandiſes
des Indes & de l'argent
au moins le tiers du capital,
on en tire du muſc , des étoffes
de ſoye , de la ſoye crüe , & jaune,
des Camelots , de pluſieurs fortes
de ſatins , du velours , toutes fortes
de bois vernis , des porcelines
propres pour les Indes , & de l'ar
-en barre , à Macao , le Roy envoye
un Navire au plus chargé
de pareilles Marchandiſes qu'à la
38
RELATION
•
Chine. On y peut encore envoyer
quelque mercerie , des dentelles
d'or , d'argent & de foye & des
armes , on en tire des mêmes
marchandiſes que de la Chine ,
mais pas à ſi bon compte.
A Labs le commerce ſe fait par
terre ou par la Riviere , ayant des
bâteaux plats , on y envoye des
draps & des toiles de Surate , &
de la côte , & on en tire des rubis
, du muſc , de la gomme ,
des dents d'Elephans, du Canfre ,
des cornes de Rinocerot , des
peaux de Buffes & d'Elans , à
tres-bon marché , & il y a grand
profit à ce commerce que l'on
fait ſans riſque.
ACamboye on envoye des petites
barques avec quelques draps,
des toiles de Surate & de la côte,
des uſtenciles de cuiſine qui viennent
de la Chine , on en tire des
dents d'Elephans , du benjoüin ,
DU VOYAGE DE SIAM. 39
trois fortes de gomes gutte , des
peaux de Buffes , & d'Elans , des
nids d'oiſeaux pour la Chine dont
je parleray bien- toft & des nerfs
de Cerfs .
On envoye auſſi à la Cochinchine
, mais rarement : car de peuple
n'eſt pas bien traitable , parce
qu'ils font la plupart de méchante
foy , ce qui empéche le commerce
, on y porte de l'argent
du Japon où l'on profite confiderablement
, du laurier rouge ,
de la cire jaune, duris , du plomb,
du ſalpêtre , quelques draps rouges&
noirs , quelques toiles blanches
, de la terre rouge , du vermillon
& vif argent.
On en tire de la ſoye cruë , du
fucre candy , & de la cafſonnade
, peu de poivre , des nids
d'oiſeaux qui ſont faits comme
ceux des Irondelles qu'on trouve
fur des Rochers au bord de
J
40 RELATION
la mer , ils font de tres-bon commerce
pour la Chine & pour pluſieurs
autres endroits ; car aprés
avoir bien lavé ces nids & les
avoir bien feichés ils deviennent
durs comme de la corne , & on
les met dans des boüillons ; ils
font admirables pour les maladies
de langueur &pour les maux d'eftomach
, j'en ay apporté quelques-
uns en France , du bois d'aigle
&de Calamba , du cuivre &
autres marchandises qu'on y apporte
du Japon , de l'or de plufieurs
touches , & du bois de fapan.
Lorſqu'on ne trouve pas de
Navire à Fret , on en envoye un
à Surate , chargé avec du cuivre ,
de l'étain , du ſalpêtre , de l'alun ,
des dents d'Elephants , du bois
de ſapan , &pluſieurs autres marchandiſes
qui viennent des autres
parts des Indes , on en tire des
toiles
DU VOYAGE DE- SIAM. 41
& autres marchandifes d'Europe,
quand il n'en vient point à Siam .
On envoye à la côte de Coromandel
, Malabar , & Bengala
&de Tanaferin , des Elephans
de l'étein , du ſalpêtre , du, cuivre
du plomb , & l'on en tire des toiles
de toutes fortes ,
,
On envoye à Borneo rarement ;
c'eſt une Iſle qui eſt proche de
celle de Java , d'où l'on tire du
poivre . du ſangde Dragon , camphre
blanc , cire jaune ,bois d'aigle
, du bray , de l'or , des perles,
&desdiamans les plus beaux du
monde ; on y envoye des marchandiſes
de Surate , c'eſt à dire
des toiles , quelques pieces de
drap rouge & vert , & de l'argent
d'Eſpagne..
Le Prince qui poffede cette Ifle
ne fouffre qu'avec peine le commerce
, & il craint toûjours d'êtte
ſurpris ; il ne veut pas permetd
42
RELATION
tre à aucune Nation Europeenne
de s'établir chez luy. Il y a cu
des François qui y ont commercé
, il ſe fie plus à eux qu'à aucune
autre Nation .
On envoye encore à Timor
Ifle proche des Molucques , d'où
l'on tire de la cire jaune & blanche
, de l'or de trois touches , des
eſclaves, du gamouty noir , dont
on ſe ſett pour faire des cordages
, & on y envoye des toiles de
Surate , du plomb, des dents d'Elephans,
de la poudre, de l'eau-devie
, quelques armes , peu de drap
rouge & noir , & de l'argent. Le
peuple y eſt paiſible , & negocie
fort bien . Il y a grand nombre
de Portugais.
Al'égard des Marchandiſes du
crû de Siam , il n'y a que de l'étain
, du plomb , du bois de fapan,
de l'Ivoire , des cuirs d'Elans.
& d'Elephans ; il y aura quantité
1
1
!
DU VOYAGE DE SIAM. 43
de poivre en peu de temps , c'eſt
à dire l'année prochaine ,de larrek
, du fer en petits morceaux ,
du ris en quantité , mais l'on y
trouve des marchandises de tous
les lieux ſpecifiés ci-deſfus , & à
affez bon compte. On y apporte
quelques draps & ferges d'Angleterre,
peu de corail &d'ambre,
des toiles de la côte de Coromandel
& de Surate , de l'argent en
piaſtre que l'on trocque ; mais
comme je l'ai dit maintenant ,
que la plupart des Marchands ont
quitté depuis que le Roi a voulu
faire le commerce , les Etrangers
n'y apportent que tres-peu de
choſes ,que les Navires qui ont
accoûtumé d'yvenir n'y font pas
venus l'année derniere , &on n'y
trouve rien , & fi peu qu'il y en
a , il eſt entre les mains du Roi ,
& ſes Miniſtres les vendent au
prix qu'ils veulent.
dij
44
RELATION
Le Roïaume de Siam a prés de
trois cens lieuës de long , fans y
comprendre les Roïaumes tributaires
, à ſçavoir Camboges ,
Gelior , Patavi , Queda , &c . du
Septentrion au Midi , il eſt plus
étroit de l'Orient à l'Occident. Il
eſt borné du côté du Septentrion
par le Roïaume de Pegu & parla
Mer du Gange du côté du Couchant,
du Midi par le petit détroit
de Maláca , qui fut enlevé au Roi
de Siam par les Portugais ils l'ont
poſſedé plus de foixante ans . Les
Hollandois le leur ont pris , &
le poffedent encore ; du côté
d'Orient , il eſt borné par la Mer
& par les Montagnes qui le ſeparent
de. Camboges & de Laos ..
La fituation de ce Roïaume eſt
avantageuſe à cauſe de la grande
étenduë de ſes côtes , ſe trouvant
comme entre deux Mers qui
lui ouvrent le paſſage à tant de.
DU VOYAGE DE SIAM. 45
vaſtes Regions , ſes côtes ont
cinq cens lieuës de tour ; on y
aborde de toutes parts , du Japon
, de la Chine , des Iſles Philippines
, du Tonquin , de la Cochinchine
, de Siampa , de Camboge
, des Ifles de Java , de Sumatra
, de Colconde , de Bengala
, de toute la côte de Coromandel
, de Perſe , de Surate , de Lameque,
de l'Arabie ,& d'Europe
c'eſtpourquoi l'on y peut faire un
grand commerce , ſuppoſé que le
Roi permette à tous les MarchandsEtrangers
d'y revenir comme
ils le faifoient autrefois .
Le Roïaume ſe diviſe en onze
Provinces , ſçavoir celle de Siam ,
de Mitavin , de Tanaferin , de
Jonſalam, de Reda, de Pra, d'Ior,
de Paam, de Parana , de Ligor ,
de Siama . Ces Provinces - là
avoient autrefois la qualité de
Roïaume ; mais elles ſont aujour
46 RELATION
d'hui ſous ladomination du Roide
Siam qui leur donne des Gouverneurs
. Il y en a telles qui peuvent
retenir le nomde Principauté;mais
les Gouverneurs dépendent du
Roy& lui payent tribut. Siam eft
la principale Province de ce
Royaume , la Ville Capitale eſt ſituée
à quatorze degrez & demy
de latitude du Nort , fur le bord
d'une tres-grande & belle riviere ,
& les Vaiſſeaux tous chargés la
paſſent juſqu'aux portes de la Ville,
qui eſt éloignée de la Mer de
plus de quarante lieuës , & s'étend
àplus de deux cens lieuës dans le
pays , & parce moyen elle conduit
dans une partie des Provinces,
dontj'ai parlé ci- deſſus.Cette
Riviere eſt fort poiſſonneuſe &
fes rivages font affez bien peuplez
, quoiqu'ils demeurentinondésune
partie de l'année. Le terroir
y eſt paſſablement fertile 3
DU VOYAGE DE SIAM . 47
mais tres-mal cultivé , l'inondation
provient des grandes pluyes
qu'il y tombe durant trois ou quatre
mois de l'année ; ce qui fait
beaucoup croître leur ris ; en forte
que plus l'inondation dure ,
plus les recoltes du ris ſont en
abondance , & loin des'en plaindre
ils ne craignent que la trop
grande ſeichereſſe. Il y a beaucoup
de terre en friche ,& faute
d'habitans elles ont eſté dépeu--
plées par les guerres precedentes,
& comme ils font ennemis du
travail , ils n'aiment à faire que
les choſes aiſées. Ces plaines abandonnées
& ces épaiſſes Fo--
rets qu'on voit ſur les Montagnes
ſervent de retraite aux Elephans,
aux Tygres , aux Boeufs & Vaches
ſauvages , aux Cerfs , aux Biches,
Rinoceros & autres animaux
que l'ony trouve en quantité.
Al'égard des plantes & des
د
48 RELATION
fruits , il y en a pluſieurs dans le
païs ; mais qui ne font pas rares.
& qui ne ſe peuvent porter que,
difficilement en France , à cauſe
de lalongueur de la navigation .
Il n'y a point d'oiſeaux particuliers
qui ne foient en France , à
la referve d'un oiſeau fait comme
un merle ,qui contrefa it l'homme
à l'égard du rire , du chanter &
du fiffler , les fruits les plus eſtimés
y font les durions ;ils ont
une odeur tres- forte qui n'agrée
pas à pluſieurs, mais à l'égard du
goût il eſt tres- excellent. Ce fruit
eſt tres chaud & tres -dangereux
pour lafanté , quand on en mange
beaucoup; il ya un gros noyau,
à l'entour duquel eſt une eſpece
de creme renfermée dans une écorce
environnée de pluſieurs piquants
, & qui eft faite en pointe
de diamant ; mon goût n'a ja
mais pu s'y accommoder. La mangue
:
DU VOYAGE DE SIAM . 49
gue en ce pays-là eſt en prodigieuſe
quantité , & c'eſt le meil
leur fruit des Indes , d'un goût
exquis , n'incommodant aucunement,
àmoins que d'en manger en
trop grande quantité , alors elle
pouroit bien cauſer la fiévre ; elle
a la figure d'une amande , mais
auffi groſſe qu'une poire de Mef
fire-Jean; ſa peau eſt aſſés mince
& a la chair jaune ; le mangoûstan
eſt un fruit reſſemblant à
une noix verte , qui a dedans un
fruit blanc d'un goût aigret &
agreable , & qui approche fort
deceluide la pêche &de la prune,
il est tres- froid & reſtraintif.
LeJacques eſtun gros fruit qui
eſt bon , mais tres- chaud & indigefte
, & cauſe le flus de ventre
quand on en mange avec excés .
La nana eft preſque comme le
durion , c'eſt à dire à l'égard de
la peau ; il a au bout une courone
50
RELATION
ne de feüilles comme celle de
l'artichaud ; la chair en eſt tresbonne
& a le goût de la pêche
& de l'abricot tout enſemble ; il
eft tres-chaud & furieux ; ce qui
fait que l'on le mange ordinairement
trempé dans le vin.
La figue eſtun fruit tres -doux,
fuave&bien faiſant ; cependant
un peu flegmatique , il y en a pendant
toute l'année .
L'ate eſt un fruit doux & tresbon
, & ne fait point de mal ; il
y en a qui l'eſtiment plus que
tous les fruits des Indes. Il y a
des oranges en tres - grande
quantité de pluſieurs fortes tresbonnes
& fort douces .
La pataïe eſt un fruit tres-bon,
mais l'arbre qui le porte ne dure
que deux ans.
Il y a de toute forte d'oranges
en quantité & de tres - bon goût .
La penplemouſe eſt un fruit
tres-bon pour la ſanté à peu prés
DU VOYAGE DE SIAM . SI
comme l'orange,mais qui a un petit
goût aigret. Il y a pluſieurs
autres fruits qui ne font pas fort
bons.
On a commencé il y a quelques
années à ſemer beaucoup
de bleds dans le pays haut proche
des montagnes qui y vient
bien & eft tres - bon .
On y a planté pluſieurs fois
des vignes qui y viennent bien ,
mais qui ne peuventdurer, à cauſe
d'une eſpece de fourmy blanc
qui la mange juſqu'à la racine.
Il y a beaucoup de canes de
fucre qui rapportent extrémement
; il y a auſſi du tabac en
quantité que les Siamois mangent
avec l'arrek & la chaud .
A l'égard de l'arrek, les Siamois
eſliment ce fruit plus que tout
autre , & c'eſt leur manger ordi
naire ; il y en a une ſi grande
quantité que les marchés en
e ij
52 RELATION
font pleins , & un Siamois croiroit
faire une grande incivilité
s'il parloit à quelqu'un ſans avoir
la bouche pleine de darek , de
betel , de chaud ou de tabac .
,
Il y a grande quantité de ris
dans tout le Roïaume & à tresbon
compte ,& comme ce païs
eſt toûjours inondé , cela fait
qu'il eſt plus abondant , car le ris
ſe nourrit dans l'eau & à meſure
que l'eau croît , le ris croît pareillement
,& fil'eau croît d'un pied
en vingt-quatre heures ce qui
arrive quelquefois , le ris croît
aufli àproportion &a toûjours fa
tige au deſſus de l'eau , il ne reſte
que cinq ou fix mois au plus en
terre , il vient comme l'avoine,
Il n'y a point de ville dans l'Orient
où l'on voye plus de Nations
differentes , que dans la Ville
Capitale de Siam , & où l'on
parle de tant de langues differentes
, elle a deux lieuës de
DU VOYAGE DE SIAM .
53
tour & une demie lieuë de large,
elle eſt tres- peuplée , quoi qu'elle
ſoit preſque toûjours inondée ,
enfortequ'elle reſſemble plûtoſtà
une Ifle , il n'y a que des Maures
, des Chinois , des François
& des Anglois , qui demeurent
dans la Ville , toutes les autres
Nations eſtant logées aux environspar
camps ; c'eſt à dire chaque
nation enſemble , ſi elles estoient
affemblées elles occuperoient
autant d'eſpace que la Ville qui
eſtoit autrefois tres- marchande ,
mais les raiſons que j'ay dites cydevant
empêchent la plupartdes
Nations Etrangeres d'y venir &
d'y rien porter.
Le peuple eſt obligé de ſervir
le Roy quatre mois de l'année
regulierement , & durant toute
l'année , s'il en a beſoin ; il ne leur
donne pas un fol de paye, eſtant
obligez de ſe nourir eux-mêmes
e iij
54 RELATION
& de s'entretenir ; c'eſt ce qui
a faitque les femmes travaillent
afin de nourir leurs maris .
A l'égard des Officiers depuis
les plus grands Seigneurs de la
Cour juſqu'au plus petit du
Royaume, le Roy neleur donne
que de tres- petits appointemens,
ils font auſſi eſclaves que les autres
, & c'eſt ce qui luy épargne
beaucoup d'argent. Les Provinces
éloignées dont les habitans
ne le ſervent point actuellement,
luy payent un certain tribut par
teſte. J'arrivay dans le temps que
le pays eſtoit tout-à-fait inondé
, la Ville en paroît plus agreable,
les ruës en ſont extremement
longues , larges & fort droites,
il y a aux deux côtez des
maiſons bâties ſur des pilotis &
des arbres plantés tout à l'entour
, ce qui fait une verdeur
admirable , & on n'y peut aller
DU VOYAGE DE SIAM. 55
qu'en ballon ; en la regardant l'on
croiroit voir d'un coup d'oeil ,
une ville , une mer & une vaſte
foreſt , où l'on trouve quantité
de Pagodes qui font leurs Eglifes
, & la plupart font fort dorées,
à l'entour de ces Pagodes', il ya
comme des Cemetieres plantés
d'arbres la plupart fruitiers , les
maiſons des Talapoins font les
plus grandes& les plus belles&
font en tres-grand nombre .
Ce païs-là eſt plus ſain que les
autres des Indes ,les Siamois ſont
communément affez bien-faits ,
quoi qu'ils ayent tous le viſage
bazanné , leur taille eſt affez
grande , leurs cheveux font
noirs , ils les portent aſſez courts
àcauſe de la chaleur , ils ſe baignent
ſouvent , ce qui contribuë
àla conſervation de leur ſanté
les Europeans qui y demeurent
en font de même pour éviter les
a
e iiij
56 RELATION
maladies ; ils tiennent leurs marchés
ſur des places inondées dans
leurs balons pendant fix ou ſept
mois de l'année que l'inondation
dure.
Le Roy ſe leve du matin &
tient un grand Conſeil vers les
dix heures ,où l'on parle de toutes
fortes d'affaires, qui dure juſqu'à
midy , aprés qu'il eſt fini ſes Medecins
s'aſſemblent pour ſçavoir
l'état de ſa ſanté , & enſuite il
va dîner ; il ne fait qu'un repas
par jour , l'aprés-dînée il ſe retire
dans ſon appartement où il dort
deux ou trois heures , & l'on ne
ſçait pas à quoyil employe le reſte
dujour, n'étant permis pas même
à ſes Officiers d'entrer dans ſa
chambre . Sur les dix heures du
foir, il tient un autre Conſeil ſecret
, où il y a ſept ou huit Mandarins
de ceux qu'il favoriſe le
plus , ce Conſeil dure juſqu'à
DU VOYAGE DE SIAM . 57
minuit . Enſuite on luy lit des
hiſtoires ou des vers qui ſont faits
à leurs manieres , pour le divertir
& d'ordinaire après ce Conſeil ,
Monfieur Conſtans demeure ſeul
aveclui , auquel il parle à coeur
ouvert , comme le Roy luy trouve
un eſprit tout-à- fait vaſte , ſa
converſation luy plaît , & il luy
communique toutes ſes plus fecrettes
penſées ; il ne ſe retire
d'ordinaire qu'à trois heures aprés
minuit pour s'aller coucher , voilà
la maniere dontle Roy vît toûjours
, & de cette forte toutes les
affaires de ſon Royaume paſſent
devant luy ; dans de certains
tempsil prend plaiſir à la chaſſe ,
comme j'ay dit ; il aime fort les
bijoux même ceux d'émail & de
verre , il eſt toûjours fort proprement
vêtu , il n'a d'enfans qu'une
fille , que l'on appelle la Princef
ſeReyne , âgée d'environ vingt58
RELATION
fept ou vingt-huit ans le Roi
l'aime beaucoup , on m'a dit qu'elle
étoit bien faite ; mais jamais les
hommes ne la voyent, elle mange
dans le même lieu & à même
tems que le Roy,mais à une table
feparée ; & ce ſont des femmes
qui les ſervent qui ſont toûjours
proſternées.
Cette Princeſſe a ſa Cour compoſéedes
femmes des Mandarins
qui la voyent tous les jours , &
elletientConſeil avec ſes femmes
de toutes ſes affaires , elle rend
juſticeà ceux qui luy appartiennent
, &leRoy luy ayant donné
desProvinces dont elle tire le revenu&
en entretient fa Maiſon ,
elle a ſes châtimens & exerce la
juſtice. Il y eſt arrivé quelquefois
que lorſque quelques femmes de
ſamaiſon ont eſté convaincuës de
mediſances d'extrême confideration
, ou d'avoir revelé des ſecrets
DU VOYAGE DE SIAM. 59
de tres-grende importance , elle
leur a fait coudre la bouche .
Avant la mort de la Reyne ſa
mere, elle avoit à ce que l'on dit
du penchant à faire punir avec
plus de ſeverité , mais du depuis
qu'elle l'a perduë elle en uſe avec
beaucoup plus de douceur ; elle
va quelquefois àla chaſſe avec le
Roy , mais c'eſt dans une fort
belle chaiſe placée ſur un Elephant
& où quoy qu'on ne la
voye point elle voit neanmoins
tout ce qui s'y paſſe. Il y a des Cavaliers
qui marchent devant elle
pour faire retirer le monde , & fi
par hazard il ſe trouvoit quelque
homme ſur ſon chemin qui ne pût
pas ſe retirer,il ſe proſterne en terre
& luy tourne le dos. Elle eſt
tout le jour enfermée avec ſes
femmes ne ſe divertiſſantà faire
aucun ouvrage , ſon habillement
eſt affez ſimple & fort leger , elle
60 RELATION'
eſt nuë jambe , elle a à ſes pieds
des petites mulles ſans talons
d'un autre façon que celles de
France ; ce qui lui fertdejuppe eſt
une piece d'étoffe de ſoye ou de
coton qu'on appelle paigne , qui
l'enveloppe depuis la ceinture
en bas & s'atrache par les deux
bouts, qui n'eſt point plicée , de
la ſceinture en haut elle n'a rien
qu'une chemiſe de mouſſeline
qui luy tombe deſſus cette maniere
de juppe , & qui eſt faite
de meſme que celle des hommes,
elle a une écharpe fur la gorge
qui luy couvre le col & qui paffe
par deſſous les bras , elle eſt toûjours
nuë teſte , & n'a pas les
cheveux plus longs que de quatre
ou cinq doigts , ils lui font comme
une tête naiſſante ; elle aime
fort les odeurs , elle fe met de
P'huileà la teſte ; car il faut en ces
lieux-là que les cheveux foient
DU VOYAGE DE SIAM . 61
luifans , pour eſtre beaux , elle
ſe baigne tous les jours meſme
plus d'une fois qui eſt la coûtume
de toutes les Indes , tant à l'égard
deshommes quedes femmes ;j'ay
apris tout ceci de Madame Conſtans
qui va ſouvent luy faire ſa
Cour. Toutes les femmes qui
font dans ſa Chambre ſont toûjours
proſternées & par rang ,
c'eſt à dire les plus vieilles ſont
les plus proches d'elle , & elles
ont la liberté de regarder la Princeffe
, ce que les hommes n'ont
point avec le Roy de quelque
qualité qu'ils foient , car tant
qu'ils font devant luy , ils ſont
profternez & meſme en luy parlant.
Le Roy a deux freres , les freres
du Roy heritent de la Couronne
de Siam preferablement à
fes enfans . Quand le Roy fort
pour aller à la Chaſſe ou à la
62 RELATION
promenade, on fait avertir tous
les Européens de ne ſe point trouver
ſur ſon chemin , à moins qu'ils
ne veulent ſe profterner un moment:
avant qu'il forte de fon Palais
on entend des trompettes &
des tambours qui avertiſſent &
qui marchent devant le Roy , à
ce bruit les Soldats qui font en
haye ſe proſternent le front contre
terre & tiennent leurs moufquets
ſous eux ; ils font en cette
poſture autant de temps que
le Roy les peut voirde deſſus ſon
Elephant , où il eſt aſſis dans une
chaiſe d'or couverte , la garde à
cheval qui l'accompagne & qui
eſt compoſée de Maures eſt environ
quarante Maiſtres marchant
fur les aîles ; toute la Maiſon du
Roy eſt à pied devant , derriere
&à côté , tenant les mains jointes,&
elle le ſuit de cette maniere.
Il y a quelques Mandarins des
DUVOYAGE DE SIAM. 63
principaux qui le fuivent ſur des
Elephans , dix ou douze Officiers
qui portent de grands paraſſols
tout à l'entour du Roy , & il n'y
a que ceux- là qui ne ſe proſternent
point ; car dés le moment
que le Roy s'arreſte tous les autres
ſe proſternent , & mefme
ceux qui ſont ſur les Elephans.
Quant à la maniere que le Roy
de Siam obſerve à la reception
des Ambaſſadeurs , comme ceux
de la Cochinchine , de Tonquin,
de Colconda , des Malais , de
Java & des autres Roys , il les
reçoit dans une Salle couverte de
tapis , les grands & principaux
du Roïaume font dans une autre
ſalleun peu plus baffe , & les autres
Officiers de moindre qualité
dans une autre ſalle encore plus
baſſe, tous proſternés ſur des tapis
en attendant que le Roy pa
64 RELATION
roiſſe par une feneſtre qui eſt visà-
vis; la ſalle où doivent eſtre les
Ambaſſadeurs eſt élevée d'environ
dix ou douze pieds & diſtante
de cette falle de trente pieds ;
l'on ſçait que le Roy va paroître
par le bruit des trompettes , des
tambours & des autres Inſtrumens
; les Ambaſſadeurs font derriere
une muraille qui renferme
cette ſalle qui attendent la fortie
du Roy , & ordre des Miniſtres
que le Roy envoye appeller par
un des Officiers de ſa Chambre,
ſuivant la qualité des Ambaſſadeurs
, & fes Officiers fervent en
telles occaſions; aprés queles Miniſtres
ont la permiffion du Roy
on ouvre la porte de la ſalle &
auſſi- tôt les Ambaſſadeurs paroifſent
avec leur Interprete , &
l'Officier de la Chambre du Roi
qui ſert de Maiſtre de Ceremonies&
marchent devant eux profternez
DU VOYAGE DE SIAM. 65
ternez ſur des tapis qui ſont ſur
la terre , faiſant trois reverences
la teſte en bas à leur maniere
aprés quoy le Maiſtre des Ceremonie
marche à genoux les mains
jointes , l'Ambaſſadeur avec fes
Interprettes le ſuit en la même
poſture avec beaucoup de modeſtie
juſques au milieu de la
diſtance d'où il doit aller , & fait
trois reverences en la meſme forme
; il continue à marcher jufqu'au
coin le plus proche des falles
où les Grands font , & il recommence
à faire des reverences
où il s'arrête ; il y a une table
entre le Roy & l'Ambaſſadeur ,
diſtante de huit pieds , où ſont
les preſens que l'Ambaſſadeur apporte
au Roy , & entre cette table
& les Ambaſſadeurs il ya un
Mandarin qui reçoit les paroles
de ſa Majesté , & dans cette Salle
ſont les Miniſtres du Roy diff
66 RELATION
tants de l'Ambaſſadeur d'environ
trois pas , & le Capitaine qui
gouverne la Nation d'où eſt l'Ambaffadeur
eft entre luy & les Miniſtres
; le Roy commence à parler
le premier & non l'Ambaffadeur
, ordonnant à ſes Miniſtres
de s'informer de l'Ambaffadeur
quand il eſt party de la preſence
duRoy ſon Maiſtre , file Roy
& toute la famille Royale eſtoit
en ſanté , auquel l'Ambaſſadeur
répond ce qui en eſt par fon Interprete
, l'Interprete le dit au
Capitaine de la Nation d'où eſt
l'Ambaſſadeur , le Capitaine au
Barcalon & leBarcalon au Roy.
Aprés cela le Roy fait quelque
demande fur deux ou trois points
concernant l'Ambaſſadeur ; enfuitele
Roy ordonne à l'Officier
qui eſt proche la table de donner
du betel àl'Ambaſſadeur , ce
qui ſert de ſignal pour que l'on
DU VOYAGE DE SIAM. 67
luy preſente une veſte , & incontinent
le Roy ſe retire au bruit
des tambours, des trompettes&
des autres inſtrumens. La premiereAudiencede
l'Ambaſſadeur
ſe paſſe entreluy & le Ministre ,
qui examine la Lettre &les prefens
du Prince qui l'a envoyés
l'Ambaſſadeur ne preſente point
la Lettre au Roy , mais au Miniſtre
, aprés quelques jours du
Conſeil tenu ſur ce ſujet.
Quand ce font des Ambaſſadeurs
des Roys indépendans de
quelque Couronne , que ce ſoit
de ſes pays , commePerſe , grand
Mogol , l'Empereur de la Chine ,
de Japon , on les reçoit enlamaniere
ſuivanre.
Les Grands du premier & du
ſecond Ordre vont aupied de la
feneſtre où eſt le Roy ſe proſter-:
ner ſuivant leurs qualitez ſur des
tapis , & ceux du troiſieme , quafij
68 RELATION
triéme & cinquiéme , ſont dans
une ſalle plus baffe & attendent
la fortie du Roy qui paroiſt par
une feneſtre qui eſt enfoncée
dans la muraille , & élevée de
dix pieds ; les Ambaſſadeurs font
dans un lieuhors du Palais , en
attendant le Maiſtre des Ceremonies
qui les vient recevoir , &
l'on fait les meſmes ceremonies
dont j'ay parlé cy -deſſus : l'Ambaſſadeur
entrant dans le Palais
leve les mains ſur ſa teſte & marche
entre deux Salles qu'il ya &
monte des degrez qui font visà-
vis la feneſtre où eſtle Roy , &
quand il eſtau haut il poſe un genou
en terre , & auffi-tôt on
ouvre une porte pour qu'il puiſſe
paroître devant le Roy ; enſuite
on pratique les mêmes ceremonies
qui viennent d'eſtre marquées
cy-devant. Ily a un bandege
ou plat d'or ſur la table où
DU VOYAGE DE SIAM. 69
eſt la Lettre traduite & ouverte ,
ayant été receuë par les Miniſtres
quelques jours auparavant dans
une ſalle deſtinée à cet uſage ;
quand l'Ambaſſadeur eſt dans ſa
place le Lieutenant du Miniſtre
prend laLettre& la lit tout haut;
aprés qu'il l'a leuë , le Roy fait
faire quelque demande à l'Ambaſſadeur
par ſon Miniſtre , fon
Miniſtre par le Capitaine de la
Nation , & le Capitaine par l'Interprete
, & l'Interprete enfin
parle à l'Ambaſſadeur. Ces demandes
ſont ſile Roy ſon Maître
& la famille Royale font en ſanté
, & s'il la chargé de quelqu'au
tre choſe qui ne fût pas dans la
Lettre , à quoy l'Ambaſſadeur
répond ce qui en eſt ; leRoy luy
fait encore troisou quatre deman.
des , & donne ordre qu'on luy
donne une veſte & du betel : aprés
quoy le Roy ſe retire au bruit des
70 RELATION
tambours & des trompettes ,&
l'Ambaſſadeur reſte un peu de
temps , & ceux qui l'ont reccu
le reconduiſent juſqu'à fon logis
fans autre accompagnement ; &
comme j'appris cette manierede
recevoir les Ambaſſadeurs qui ne
me parût pas répondre à la grandeur
du Monarque de la part
de qui je venois , j'envoyay au
Roy de Siam deux Mandarins
qui estoientavec moy de ſa part ,
pour ſçavoir ce que je ſouhaitterois
, pour le prier de me faire la
mefme reception que l'on a accoûtumé
de faire en France , ce
qu'il m'accorda de la maniere
queje l'ay raconté cy-devant.
Du Gouvernement , des
Moeurs, de la Religion ,
& du Commerce du
Royaume de Siam, dans
les pays voisins , &plufieurs
autres particularités.
OUS les jours les
Mandarins qui font
deſtinez pour rendre
la juſtice s'aſſemblent
dans une falle où ils
donnent audiance , c'eſt comme
1a Cour du Palais à Paris ,& elle
2 RELATION
eſt dans le Palais du Roy , où
ceux qui ont quelque requête à
preſenter ſe tiennent à la porte
juſqu'à ce qu'on les appellé , &
quand on le fait ils entrent leur
requête à la main & la prefentent.
Les Etrangers qui intentent
procés au ſujet des marchandiſes,
la preſentent au Barcalon , c'eſt
le premier Miniſtre du Roy ,
qui juge toutes les affaires concernant
les Marchands & les
Etrangers ; en ſon abſence , c'eſt
ſon Lieutenant , & en l'absence
des deux , une maniere d'Eſche
wins. Il y a un Officier prépoſé
pour les tailles & tributs auquel
on s'adreſſe , & ainſi des autres
Officiers. Aprés que les affaires
font difcutées on les fait ſçavoir
aux Officiers du dedans du Palais
, qui en avertiſſent le Roy
eſtant lors ſur un Trône élevé
DU VOYAGE DE SIAM . 3
de trois braffes , tous les Mandarins
ſe proſternent la face contre
terre , & le Barcalon ou autres
des premiers Oyas , rapportent
au Roy les affaires & leurs jugemens
, il les confirme , ou il les
change ſuivant ſa volonté , c'eſt
à l'égard des principaux procés ,
& tres- ſouvent il ſe fait apporter
les procés au dedans du Palais
, & leur envoye ſon jugementpar
écrit.
Le Roy eſt tres- abſolu , on diroit
quaſi qu'il eſt le Dieu des
Siamois , ils n'ofent pas l'appeller
de ſon nom. Il châtie tres-feverement
le moindre crime ; car
ſes Sujets veulent eſtre gouvernez
la verge à la main , il ſeſert même
quelquefois des Soldats de ſa
garde pour punir les coupables
quand leur crime eſt extraordinaire
& fuffisamment prouvé.
Ceux qui font ordinairement ema
ij
4 RELATION
ployez ces fortes d'executions
font 150. Soldats ou environ qui
ont les bras peints depuis l'épaule
juſqu'au poignet ; les châtimens
ordinaires ſont des coups
de rottes , trente, quarante , cinquante
& plus , ſur les épaules des
criminels , felon la grandeur du
crime , aux autres il fait piquer
la tête avec un fer pointu : à l'égard
des complices d'un crime
digne de mort , aprés avoir fait
couper la tête au veritable criminel
, il la fait attacher au col
du complice , & on la laiſſe pourir
expoſée au Soleil fans couvrir
la tête pendant trois jours
&trois nuits , ce qui cauſe à celui
qui la porteune grande puantour,
Dans ce Royaume , la peine
du talion eſt fort en uſage , le
dernier des fupplices eſtoit , il n'y
a pas long-temps, de les condamDU
VOYAGE DE SIAM. یک
ner à la Riviere , qui eſt proprement
comme nos Forçats de Galere
, & encorepis ; mais maintenant
on les punit de mort. Le
Roy fait travailler plus qu'aucun
Roy de ſes predeceffeurs, en bâ
timens , à reparer les murs des
Villes , à édifier des Pagodes , à
embellir fon Palais , à bâtir des
Maiſons pour les Etrangers , & à
conſtruire des Navires à l'Euro .
peane , il eſt fort favorable aux
Etrangers , il en a beaucoup à
fon ſervice,& en prend quand il
en trouve .
Les Roys de Siam n'avoient'
pas accoûtumé de ſe faire voir
auſſi ſouvent que celui-cy. Ils
vivoient preſque ſeuls , celuy
d'apreſent vivoit comme les autres
: mais Monfieur de Berithe
Vicaire Apoftolique , s'eſtant ſer
vi d'un certain Brame , qui faifant
le plaiſant avoit beaucoup
1
a iij
6 RELATION
de liberté de parler à ce Monarque
, trouva le moyen de faire
connoître à ce Prince , la puif
fance & la maniere de gouverner
de nôtre grand Roy , & en même
temps les coûtumes de tous
les Roys d'Europe , de ſe faire
voir à leurs Sujets & aux Etrangers
; de maniere qu'ayant un
auffi grand ſens que je l'ay déja
remarqué , il jugea à propos de
voir Monfieur de Berithe , & enfuite
pluſieurs autres ; depuis ce
temps- là il s'eſt rendu affable &
acceſſible à tous les Etrangers.
On appelle ceux qui rendent la
justice ſuivant leurs differentes
fonctions , Oyas Obrat , Oyas
Momrat , Oyas Campheng, Oyas
Ricchou , Oyas Shaynan , Opran,
Oluan ; Oeun , Omun .
Comme autrefois les Roys ne
ſe faisoient point voir , les Miniftres
faifoient ce qu'ils vouloient,
DU VOYAGE DE SIAM. 7
mais le Roy d'apreſent qui a un
tres-grand jugement , & eſt un
grand Politique,veut ſçavoir tout;
il a attaché auprés de luy le Sei
gneur Conftans dont j'ay déja
parlé diverſes fois , il eſt Grec
de nation , d'une grande penetration
, & vivacité d'eſprit
&d'une prudence toute extraordinaire
, il peut & fait tout
fous l'autorité du Roy dans le
Royaume , mais ce Miniſtre n'a
jamais voulu accepter aucune des
premieres Charges que leRoyluy
a fait offrir pluſieurs fois. Le Barcalon
qui mourut ily a deux ans ,&
qui par le droit de ſa Charge
avoit le gouvernement de toutes
les affaires del'Etat , eſtoit homme
d'un tres-grand eſprit , qui
gouvernoit fort bien , & fe faifoit
fort aimer , celuy quiluy fucce
da eſtoit Malais de nation, qui eft
un pays voiſin de Siam , il ſe fera
iiij
8 RELATION
vit de Monfieur Baron , Anglois.
de nation , pour mettre mal Monſieur
Conftans dans l'eſprit du
Roy , & le luy rendre ſuſpect ,
mais le Roy reconnut ſa malice ,
il le fit battre juſqu'à le laiſſer
pour mort , & le dépoſſeda de ſa
Charge , celui qui l'occupe preſentement
vit dans une grande
intelligence avec Monfieur Conſtans
.
Comme par les loix introduites
par les Sacrificateurs des Idoles
qu'on nomme Talapoins , il
n'eſt pas permis de tuer , on condamnoit
autrefois les grands criminels
ou à la chaîne pour leur
vie , ou à les jetter dans quelques
deferts pout y mourir de faim ;
mais le Roy d'apreſent leur fait
maintenant trancher la teſte &
les livre aux Elephans .
Le Roy a des Eſpions pour
ſcavoir ſi on luy cache quelque
DU VOYAGE DE SIAM .
choſe d'importance , il fait châtier
tres - rigoureuſement ceux qui
abuſent de leur autorité . Chaque
Nation étrangere établie dans le
Royaume de Siam a ſes Officiers
particuliers , & le Roy prend de
toutes ces Nations- là des gens
qu'il fait Officiers generaux pour
tout ſon Royaume. Il y a dans
fon Etat beaucoup de Chinois ,
& il y avoit autrefois beaucoup
de Maures ; mais les années pafſées
il découvrit de ſi noires trahiſons
, des concuffions & des
tromperies ſi grandes dans ceux
de cette nation , qu'il en a obligé
un fort grand nombre à déferter
, & à s'en aller en d'autres.
Royaumes.
Le commerce des Marchands
Etrangers y eſtoit autrefois tresbon
, on y en trouvoit de toutes
parts ; mais depuis quelques années
,les diverſes revolutions qui
ΟΙ RELATION
font arrivées à la Chine , au Japon
& dans les Indes , ont empeſché
les Marchands Etrangers
de venir en ſi grand nombre.
On eſpere neanmoins, que puif
que tousces troubles font appaiſez
, le commerce recommencera
comme auparavant , & que le
Roy de Siam par le moyen de fon
Miniſtre envoyera fes Vaiſſeaux
pour aller prendre les Marchandi
ſes les plus precieuſes , & les
plus rares de tous les Royaumes
d'Orient,&remettra toutes chofes
en leur premier & fleuriſſant état.
Ils font la guerre d'une maniere
bien differente de celle de la plûpart
des autres nations , c'eſt à
dire à pouſſer leurs ennemis hors
de leurs places ſans pourtant
leur faire d'autre mal que de les
rendre eſclaves , & s'ils portent
des armes , c'eſt ce ſemble plûtôt
pour leur faire peur en les tirant
,
DU VOYAGE DE SIAM. II
contre terre , ou en l'air, que pour
les tuër , & s'ils le font c'eſt tout
au plus pour ſe deffendre dans la
neceſſité ; mais cette neceſſité
de tuër arrive rarement parce
que prefque tous leurs ennenemis
qui en uſent comme eux,ne
tendent qu'aux mêmes fins . Il ya
des Compagnies & des Regimens
qui ſe détachentde l'arméependát
la nuit,&vont enlever tous leshabitans
des Villages ennemis , &
font marcher hommes, femmes &
enfans que l'on fait eſclaves , &
le Roy leur donne des terres&
des bufles pour les labourer , &
quand le Roy en a beſoin il s'en
fert. Ces dernieres années , le
Roi a fait la guerre contre les
Cambogiens revoltez , aidez des
Chinois & Cochinchinois , où il
a fallu ſe battre tout de bon , & il
y a eu pluſieurs Soldats tuez de
part &d'autre ; il a eu pluſieurs
21 RELATION
Chefs d'Europeans qui les inſtrui
fent àcombattre en nôtre maniere .
Ils ont une continuelle guerre
contre ceux du Royaume de
Laos , qui eſt venuë , de ce qu'un
Maure tres-riche allant en ce
Royaume- là pour le compte du
Royde Siam,y reſta avec de grandes
ſommes , le Roy de Siam , le
demanda auRoy de Laos , mais
celui-cile luy refuſa, ce qui a obligé
le Roy de Siam de luydeclarer
la guerre.
Avant cette guerre ily avoit un
grand commerce entre leurs Etats,
& celuy de Siam en tiroit de
grands profits par l'extrême
quantité d'or , de muſc , de benjoüin
, de dents d'Elephant &
autres marchandiſes qui lui venoient
de Laos , en échange des
toiles & autres marchandiſes .
Le Roy de Siam a encore guerre
contre celui de Pegu ; il y a quanDU
VOYAGE DE SIAM . 13
tité d'Eſclaves de cette Nation .
Il y a pluſieurs Nations Etrangeres
dans ſon Royaume , les
Maures y estoient , comme j'ay
dit , en tres-grand nombre , mais
maintenant il y en a pluſieurs qui
font refugiez dans le Royaume
de Colconde, ils eſtoient au ſervice
du Roy , & ils luy ont emporté
plus de vingt mille catis , chaque
catis vallant cinquante écus , le
Roy de Siam écrivit au Roy de
Colconde de luy rendre ces perſonnes
ou de les obliger à luy
payer cette ſomme , mais le Roy
de Colconden'en voulutrien faire
, ny même écouter les Ambafſadeurs
qu'il luy envoya ; ce quia
fait que le Roy de Siam luy a
declaré la guerre & luy a pris
dans le tems que j'étois à Siam ,
un Navire dont la charge valloit
plus de centmille écus . Il y a fix
Fregates commandées par des
14
RELATION
François & des Anglois qui
croiſent ſur ſes côtes .
Depuis quelque temps l'Empereur
de la Chine a donné liberté
à tous les Etrangers de venir
negocier en ſon Royaume ;
cette liberté n'eſt donnée que
pour cinq ans , mais on efpere
qu'elle durera , puiſque c'eſt un
grand avatage pour ſon Royaume .
Ce Prince a grand nombre de
Malais dans ſon Royaume , ils
font Mahometans , & bons Soldats
, mais il y a quelque difference
de leur Religion à celle
des Maures. Les Pegovans font
dans ſon Etat preſque en auſſi
grande quantité queles Siamois
originaires du pays .
Les Laos y font en tres-grande
quantité , principalement vers
le Nort.
Il y a dans cet Etat huit ou neuf
familles de Portugais veritables ,
DU VOYAGE DE SIAM.
mais de ceux que l'on nomme
Meſties , plus de mille , c'eſt à dire
de ceux qui naiſſent d'un Portugais
& d'une Siamoiſe .
Les Hollandois n'y ont qu'une
facturie.
Les Anglois de même.
Les François de même.
Les Cochinchinois ſont environ
cent familles , la plupart
Chreftiens.
Parmy les Tonquinois ily en a
ſeptou huit familles Chrétiennes .
Les Malais y font en afſez grand
nombre,qui font la plupart eſclaves,&
qui par conſequent ne font
pointde corps .
Les Macaſſars & pluſieurs des
peuples de l'Iſle de Java y font
établis, de meſme que les Maures:
ſous le nom de ces derniers ſont
compris en ce pays- là, les Turcs,
les Perfans les Mogols les
Colcondois & ceux de Bengala .
, د
16 RELATION
Les Armeniens font un corps
à part , ils font quinze ou ſeize
familles toutes Chrétiennes , Catholiques
, la plupart ſont Cavaliers
de la garde du Roy.
A l'égard des moeurs des Siamois
ils font d'une grande docilité
qui procede plûtoſt de leur
naturel amoureux du repos que
de toute autre cauſe , c'eſt pourquoi
les Talapoins qui fontprofeffion
de cette apparente vertu ,
defendentpour cela de tuër toutes
fortes d'animaux ; cependant lorfque
tout autre qu'eux tuë des
poules & des canards , ils en mangentla
chair ſans s'informer qui
les a tués , ou pourquoi on les a
tués , & ainſi des autres animaux .
Les Siamois font ordinairement
chaſtes , ils n'ont qu'une femme ,
mais les riches comme les Mandarins
ont des Concubines , qui
demeurent enfermées toute leur
vie
DU VOYAGE DE SIAM. 17
vie. Le peuple eſt aſſez fidele &
ne volle point ; mais il n'en eft
pas de même de quelques-uns des
Mandarins , les Malais qui font
en tres-grand nombre dans ce
Royaume- là font tres- méchants
&grands voleurs .
Dans ce grand Royaume il y
a beaucoup de Pegovans qui
ont eſté pris en guerre , ils font
plus remuants que les Siamois
& font d'ordinaire plus vigoureux
, il y a parmy les femmes du
libertinage , leur converſation eft
perilleuſe.
Les Laos peuplent la quatriéme
partie du Royaume de Siam",
comme ils font à demy Chinois ,
ils tiennent de leur humeur , de
leur adreſſe& de l'inclination a
voller par fineſſe; leurs femmes
font blanches & belles , tres - familieres
& par confequent dangereuſes.
Dans le Royaume de
b
18 RELATION
Laos , un homme qui rencontre
une femme pour la falüer avec
la civilité accoûtumée , la baife
publiquement ; & s'il ne le faiſoit
pas il l'offenferoit .
Les Siamois tant Officiers que
Mandarins ſont ordinairement
riches , parce qu'ils ne dépenfent
preſque rien , le Roy leur
donnant des valets pour les fervir
, ces valets font obligez de ſe
nourir à leurs dépens, eſtant com--
me efclaves,ils font en obligation
de les ſervir pour rien pendant:
la moitié de l'année : & comme
cesMeſſieurs-làen ontbeaucoup,
ils ſe ſervent d'une partie pendant
que l'autre ſe repoſe ; mais
ceux qui ne les ſervent point:
leur payent une fomme tous les
ans , leurs vivres font à bon marché
, car ce n'eſt que duris , du
poiffon , & tres -peu de viande, &
tout cela eft en abondance dans
DU VOYAGE DE SIAM . 19
leur pays ; leurs vêtemens leur
fervent long- temps , ce ne font
que des pieces d'étoffes toutes
entieres qui ne s'uſent pas fi faci
lement que nos habits &ne coutent
que tres-peu : la plupart des
Siamois font Maſſons ou Charpentiers
, & il y en a de tres habiles,
imitant parfaitement bien les
beaux ouvrages de l'Europe en
Sculpture& en dorure. Pour ce
qui eſt de la peinture ils ne ſçavent
point s'en ſervir , il y a des
ouvrages en Sculpture dans leurs
Pagodes , & dans leurs Mauſolées
fort polis & tres-beaux.
Ils en font auſſi de tres -beaux
avec de la chaux , qu'ils détrempent
dans de l'eau qu'ils tirent de
l'écorce d'un arbre qu'on trouve
dans les Forefts , quilarend ſi forte,
qu'elle dure des cent& deux
cens ans , quoi qu'ils foient expoſés
aux injures du temps ..
bij
20 RELATION
1
i
1.
i
Leur Religion n'eſt à parler proprement
qu'un grand ramas
d'Hiſtoires fabuleuſes , qui ne
tend qu'à faire rendre des hommages
& deshonneurs auxTalapoins,
qui ne recommandent tant:
aucune vertu que celle de leur
faire l'aumône , ils ont des loix
qu'ils obfervent exactement au
moins dans l'exterieur ; leur fin
dans toutes leurs bonnes oeuvres
eſt l'eſperance d'une heureuſe
tranfmigration aprés leur mort ,
dans le corps d'un homme riche ,..
d'un Roy , d'un grand Seigneur
ou d'un animal docile , comme
font les Vaches & les Moutons :
car ces peuples-là croyent la Metempſicoſe
; ils eſtiment pour cette
raiſonbeaucoup ces animaux ,
&n'ofent, comme je l'ai déja dit,
en tuër aucun , craignant de donner
la mort à leur Pere ou à leur
Mere , ou à quelqu'un de leurs
DU VOYAGE DE SIAM . 2
parens . Ils croyent un enfer où les
énormes pechez ſont ſeverement .
punis , ſeulement pour quelque
temps , ainſi qu'un Paradis , dans
lequel les vertus fublimes ſont
recompenſées dans le Ciel , où aprés
eſtre devenus des Anges
pour quelque temps , ils retournent
dans quelque corps d'hom--
me ou d'animal .
L'occupation des Talapoins .
eſt de lire , dormir, manger, chan--
ter , & demander l'aumône ; de
cette forte , ils vont tous les matins
ſe preſenter devant la porte
ou balon des perſonnes qu'ils connoiffent
,&ſe tiennent-là unmométavecunegrande
modeſtie ſans
rien dire, tenant leur évantail , de
maniere qu'il leur couvre la moitié
du viſage , s'ils voyent qu'on ſe
diſpoſe àleur donner quelque choſe
, ils attendent juſqu'à ce qu'ils
l'ayent receuë ; ils mangent de
biij
22 RELATION
د
3
tout ce qu'on leur donne même
des poulles & autres viandes
mais ils ne boiventjamais de vin ,
au moins en prefence des gens du
monde; ils ne font point d'office
ny de prieres à aucune Divinité.
Les Siamois croyent qu'il y a eu
trois grands Talapoins , qui par
leurs merites tres-fublimes acquis
dans pluſieurs milliers de tranſmigrations
ſont devenus des Dieux ,
&aprés avoir eſté faits Dieux ,
ils ont encore acquis de ſi grands
merites qu'ils ont eſté tous aneantis
, ce qui eſt le terme du plus .
grand merite & la plus grande recompenſe
qu'on puiffe acquerir ,
pour n'eſtre plus fatigué en changeant
ſi ſouventde corps dans un
autre; le dernier de ces trois Ta--
lapoins eſt le plus grand Dieu appellé
Nacodon , parce qu'il a eſté
dans cinq mille corps , dans l'une
de ces tranfmigrations , de Talapoin
il devint vache , fon frere le
DU VOYAGE DE SIAM .
23
voulut tuër pluſieurs fois ; mais il
faudroit un gros livre pour décrire
les grands miracles qu'ils difent
que la nature& non pasDieu,
fit pour le proteger : enfin ce frere
fut precipité en Enfer pour ſes
grands pechez , où Nacodon le
fit crucifier ; c'eſt pour cette raifon
qu'ils ont en horreur l'Image
de Jeſus-Chriſt crucifié , diſant
que nous adorons l'Image de ce
frere de leur grand Dieu , qui
avoit eſté crucifié pour ſes crimes ..
CeNacodon eſtant doncaneanti,
il ne leur reſte plus de Dieu à
preſent , ſaloy ſubſiſte pourtant ;
mais ſeulement parmi les Talapoins
qui diſent qu'aprés quelques
fiecles il y aura un Ange qui
viendra ſe faire Talapoin ,& enfuite
Dieu Souverain , qui par ſes
grands merites pourra être anean
ti : voilà le fondement de leur
creance ; car il ne faut pas s'imaginer
qu'ils adorent les Idoles
24 RELATION
"
1
qui font dans leurs Pagodes comme
des Divinitez , mais ils leur
rendent ſeulement des honneurs'
comme à des hommes d'un grand
merite , dont l'ame eſt à preſent
en quelque Roy , vache ou Talapoin
: voilà en quoi conſiſte leur
Religion , qui à proprement parler
ne reconnoît aucun Dieu , &
qui n'attribuë toute la recompenſede
la vertu qu'à la vertumême ,
qui a par elle le pouvoir de rendre
heureux celuy dont elle fair
paſſer l'ame dans le corps de quelque
puiſſant & riche Seigneur
ou dans celuy de quelque vache ,
levice ,diſent-ils, porte avec ſoy
ſon châtiment , en faiſant paffer
l'ame dans le corps de quelque
méchant homme , de quelque
Pourceau , de quelque Corbeau ,
Tigre ou autre animal. Ils admetrent
des Anges , qu'ils croyent
eſtre les ames des juſtes & des
bons
2
L
L
DUVOYAGE DE SIAM. 25
bons Talapoins; pour ce qui eſt des
Demons , ils eſtiment qu'ils font
les ames des méchans .
Les Talapoins font tres-refpe-
Etés de tout le peuple , & même
du Roy, ils ne ſe profternent point
lorſqu'ils luy parlent comme le
font les plusgrands du Royaume ,
& le Roy & les grands Seigneurs
les ſaluënt les premiers ; lorſque
ces Talapoins remercient quelqu'un,
ils mettentla main proche
leur front , mais pour ce qui eſt du
petit peuple, ils ne le ſalüent point ;
leurs vêtemens ſont ſemblables à
ceux des Siamois ,àla referve que
la toile eſt jaune , ils font nuds
jambes & nuds pieds fans chapeau
, ils portent ſur leur tête un
évantail fait d'une fcüille de palme
fort grande pour ſe garantir
du Soleil , qui eſt fort brûlant ;
ils ne font qu'un veritable repas
par jour, à ſçavoir le matin , & ils
G
26 RELATION
ne mangent le ſoir que quelques
bananes ou quelques figues ou
d'autres fruits ; ils peuvent quitter
quand ils veulent l'habit de
Talapoin pour ſe marier , n'ayant
aucun engagement que celuy de
porter l'habit jaune , & quand ils
le quittentils deviennent libres ;
cela fait qu'ils font en ſi grand
nombre qu'ils font preſque le tiers
du Royaume de Siam . Ce qu'ils
chantent dans les Pagodes font
quelques Hiſtoires fabuleuſes.,
entremêlées de quelques Sentences;
celles qu'ils chantent pendant
les funerailles des Morts font ,
nous devons tous mourir , nous
ſommes tous mortels ; on brûle les
corps morts au ſon des muſettes
& autres Inſtrumens , on dépenſe
beaucoup à ces funerailles , &
aprés qu'on a brûlé les corps de
ceux qui font morts , l'on met
leurs cendres ſous de grandes piramides
toutes dorées , élevées à
DU VOYAGE DE SIAM. 27
l'entour de leur Pagodes. Les
Talapoins pratiquent une eſpece
de Confeſſion ; car les Novices
vont au Soleil levantſe proſterner
ou s'affeoir fur leurs talons & marmottent
quelques paroles , aprés
quoy le vieux Talapoin leve la
main à côté deſa joie & lui donne
une forte de benediction , aprés
laquelle le Novice ſe retire.
Quand ils prêchent, ils exhortent
de donner l'aumône au Talapoin ,
& ſe creyent fort ſçavants , lorfqu'ils
citent quelques paſſages
de leurs Livres anciens en Langue
Baly , qui eft comme le Latin
chez nous; cette Langue eſt tresbelle
& emphatique , elle a ſes
conjuguaiſons comme la Latine.
Lorſqueles Siamois veulent ſe
marier , les parens de l'homme
vont premierement ſonder la volontéde
ceux de la fille, & quand
ils ont fait leur accord entr'eux
cij
28 RELATION
les parens du garçon vont preſenter
ſept boſſettes ou boiſtes de
betel & d'arest à ceux de la fille ,
& quoy qu'ils les acceptent &
qu'on les regarde déja comme
mariez le mariage ſe peut rompre
, & on ne peut encore асси-
fer devant le Juge , ny les uns ny
les autres , s'ils le ſeparent aprés
cette ceremonie .
Quelques jours aprés les parens
de l'homme le vont preſenter , &
il offre luy-même plus de boſſettes
qu'auparavant ; l'ordinaire eft
qu'il y en ait dix ou quatorze ,
& lors celuy qui ſe marie demeure
dans la maiſon de ſon beaupere,
ſans pourtant qu'il y ait conſommation
, & ce n'eſt que pour
voir la fille & pour s'accoûtumer
peu à peu à vivre avec elle durant
un ou deux mois ; aprés cela
tous les parens s'aſſemblent
avec les plus anciens de la caſte
ou nation ; ils mettent dans une
DU VOYAGE DE SIAM. 2.9
bourſe, l'un un anneau & l'autre
des bracelets , l'autre de l'argent ,
il y en a d'autres qui mettentdes
pieces d'étoffes au milieu de la table
: enſuite le plus ancien prend
une bougie allumée & la paffe
ſept fois au tour de ces prefens,
pendant que toute l'aſſemblée
crie en ſouhaitant aux Epoux un
heureux mariage , une parfaite
ſanté &une longue vie , ils mangent
& boivent enfuite , & voilà
le mariage achevé. Pour le dot
c'eſt comme en France , finon
que les parens du garçon portent
ſon argent aux parens de la fille ,
mais tout cela revient à un ; car
le dot de la fille eſt auſſi mis à
part , & tout eſt donné aux nouveaux
mariez pour le faire valoir.
Si le mary repudie ſa femme ſans
forme de Juſtice , it perd l'argent
qu'onluy a donné, s'illarepudie
par Sentence de Juge , qui
č iij
30
RELATION
ne la refuſe jamais, les parensde
la fille luy rendent ſon bien ; s'il
y a des enfans , ſi c'eſt un garçon
ou une fille , le garçon fuit la mere
, & la fille le pere , s'il y a deux
garçons & deux filles , un garçon
&une fille vont avec le pere, &
un garçon & une fille vont avec
lamere.
,
Al'égarddes monnoyes ilsn'en
ontpoint d'or , la plus groſſe d'argent
s'appelle tical , & vaut environ
quarante ſols , la ſeconde
mayon qui péſe la quatriéme partie
d'un tical , & vaux dix fols
la troiſieme eſt un foüen , qui
vaut cinq ſols , la quatriéme eſt
un fontpaye qui vaut deux fols
&demy, enfin les plus baſſes monnoyes
font les coris qui font des
coquillages que les Hollandois
leur portent des Maldives , ouυ
qui leur viennent des Malais &
des Cochinchinois ou d'autres
DU VOYAGE DE SIAM. 31
côtez , donthuit cens valent un
fouën qui eſt cinq fols .
le
Al'égard des Places fortes dur
Royaume , il ya Bancoc qui eft
environ dix lieuës dans la Riviere
de Siam , où il y a deux Forterefſes
, comme j'ay déja dit. Il y a la
Ville Capitale nommée Juthia ,
autrement nommée Siam , qu'on
fortifie de nouveau par une enceinte
de murailles de bricque ;
Corfuma frontiere contre
Royaume de Camboye eſt peu
forte; Tanaferin à l'oppoſite de la
côte de Malabar eft peu fortifiée .
Merequi n'eſt pas fortifiée, mais
ſe pouroit fortifier , & on y pouroit
faire un bon Port. Porcelut
frontiere de Laos eſt auſſi peu
fortifiée . Chenat n'a que le nom
de Ville , & il reſte quelque apparence
de barrieres , qui autrefois
faifoient fon mur. Louvo où
le Roy demeure neuf mois de
c iiij
32 RELATION
l'année , pour prendre le plaiſir
de la chaſſe del'Elephant & du
Tygre , étoit autrefois un aſſem-
Blage de Pagodes entouré de
terraffes , mais à preſent le Roy
l'arendu incomparablement plus
beau par les Edifices qu'il y fait
faire , & quant au Palais qu'il ya
it l'a extrêmement embelli par les
caux qu'il y fait venir des Montagnes.
Patang eſt un Port des plus
beaux du côté des Malais , où
l'on peut faire grand commerce.
LeRoy de Siam a refuſé aux Compagnies
Angloiſes & Hollandoiſes
de s'y établir : l'on y pourroit
faire un grand établiſſement qui
feroit plus avantageux que Siam
àcausede la ſituation du lieu ; les
Chinois y vont& pluſieurs autres
Nations , on peut s'y fortifier aifément
fur le bord de la Riviere .
CettePlace appartient àune Rey
DU VOYAGE DE SIAM. 33
nequi eſt tributaire du Roy de
Siam , qui à parler proprement en
eſt quaſi le maître .
Quant à leurs Soldats ce n'étoit
point lacoûtume de les payer;
le Roy d'apreſent ayant ouy dire
que les Roys d'Europe payoient
leurs troupes , voulut faire la ſupputationà
combien monteroit la
paye d'un foüen par jour , qui eſt
cinq fols ; mais les Controlleurs
luy firent voir qu'il falloit des
ſommes immenfes , à cauſe de la
multitude de ſes Soldats , de forte
qu'il changea cette paye en ris
qu'il leur fait diſtribuer , du depuis
, il y en a ſuffisamment pour
Ieurs nourritures, &cela lesrend
tres- contens ; car autrefois il falloit
que chaque Soldat ſe fournit
de ris , & qu'il le portât avec ſes
armes, ce qui leur peſoitbeaucoup .
A l'égard de leurs Bâteaux &
Vaiſſeaux , leurs Balons d'Etat ou
34
RELATION
Bâteaux que nous appellons font
les plus beauxdu monde; ils font
d'un ſeul arbre , &d'une longueur
prodigieuſe , il y ena qui tiennent
cinquante juſqu'à cent & cent
quatre-vingt rameurs ; les deux
pointes font tres- relevées , & celuy
qui les gouverne donnant du
pied ſur lapoupefait branler tout
le Balon , & l'on diroit que c'eſt
un Cheval qui ſaute,touty eft doré
avec des Sculptures tres- belles
, & au milieu il y a un Siege
fait en forme de Trône en piramide
, d'une Sculpture tres- belle
& toute dorée , & il y en a de
plus de cent ornemens differents,
mais tous bien dorez &tres-beaux.
Autrefois ils n'avoient que des
Navires faits comme ceux de la
Chine , qu'on nomme Somme ; il
y ena encore pour aller auJapon,
à la Chine , à Tonquin ; mais le
Roy a fait faire pluſieurs Vaif-
1
DU VOYAGE DE SIAM. 35
feaux à l'Europeenne , & en a
acheté des Anglois quelques-uns,
tous agréés & appareillés . Il y a
environ cinquante Galeres pour
garder la Riviere & la côte ; ſes
Galeres ne font pas comme ceux
de France , il n'y a qu'un homme
àchâque Rame , & font environ
quarante ou cinquante au plus fur
chacune ; les Rameurs fervent de
Soldats , le Royne ſe ſert que des
Mores , des Chinois&des Malabars
pour naviger , & s'il y met
quelque Siamois pour Matelots,
cen'eſt qu'en petit nombre,& afin
qu'ils apprennent la navigation.
LesCommandants de ſes Navires
font Anglois ou François , parce
que les autres Nations font tresméchants
navigateurs .
Il envoye tous les ans cinq ou
fix de ces Vaiſſeaux appellez
Sommes à la Chine , dont il y en
a de mille juſqu'à quinze cens
36 RELATION
Tonneaux chargés de quelques
draps , corail , de diverſes marchandiſes
de la côte de Coromandel
& de Suratte , du ſalpêtre , de
l'étain &de l'argent; il en tire des
ſoyes cruës , des étoffes de ſoye ,
des ſatin's de Thé , dumufc , de la
rubarbe , des poureelines , des
ouvrages vernis , du bois de la
Chine , de l'or , & des rubis . Ils
ſe ſervent de pluſieurs racines
pour la Medecine , entr'autres de
la couproſe , ce qui leur apporte
de grands profits .
Le Roy envoye au Japon deux
ou trois Sommes , mais plus petites
que les autres , chargées des
mêmes marchandises , & il n'eſt
pas neceſſaire d'y envoyer de
l'argent ; les marchandiſes que
L'ony porte ſont des moindres ,
&au meilleur marché , les cuirs
de toutes fortes d'animaux y font
bons , & c'eſt la meilleure marDU
VOYAGE DE SIAM. 37
chandiſe que l'on y peut porter ;
on en tire de l'or , de l'argent en
barre , du cuivre rouge , toutes
fortes d'ouvrages d'Orphevrerie ,
des paravants , des Cabinets vernis
,des porcelines , du Thé &
autres choſes ; il en envoye quelquefois
un , deux & trois au
Tonquin de deux à trois cent tonneaux
au plus , avec des draps ,
de corail , de l'Etain , de l'Ivoire ,
du poivre , du ſalpêtre , du bois
de ſapin, & quelques autres marchandiſes
des Indes & de l'argent
au moins le tiers du capital,
on en tire du muſc , des étoffes
de ſoye , de la ſoye crüe , & jaune,
des Camelots , de pluſieurs fortes
de ſatins , du velours , toutes fortes
de bois vernis , des porcelines
propres pour les Indes , & de l'ar
-en barre , à Macao , le Roy envoye
un Navire au plus chargé
de pareilles Marchandiſes qu'à la
38
RELATION
•
Chine. On y peut encore envoyer
quelque mercerie , des dentelles
d'or , d'argent & de foye & des
armes , on en tire des mêmes
marchandiſes que de la Chine ,
mais pas à ſi bon compte.
A Labs le commerce ſe fait par
terre ou par la Riviere , ayant des
bâteaux plats , on y envoye des
draps & des toiles de Surate , &
de la côte , & on en tire des rubis
, du muſc , de la gomme ,
des dents d'Elephans, du Canfre ,
des cornes de Rinocerot , des
peaux de Buffes & d'Elans , à
tres-bon marché , & il y a grand
profit à ce commerce que l'on
fait ſans riſque.
ACamboye on envoye des petites
barques avec quelques draps,
des toiles de Surate & de la côte,
des uſtenciles de cuiſine qui viennent
de la Chine , on en tire des
dents d'Elephans , du benjoüin ,
DU VOYAGE DE SIAM. 39
trois fortes de gomes gutte , des
peaux de Buffes , & d'Elans , des
nids d'oiſeaux pour la Chine dont
je parleray bien- toft & des nerfs
de Cerfs .
On envoye auſſi à la Cochinchine
, mais rarement : car de peuple
n'eſt pas bien traitable , parce
qu'ils font la plupart de méchante
foy , ce qui empéche le commerce
, on y porte de l'argent
du Japon où l'on profite confiderablement
, du laurier rouge ,
de la cire jaune, duris , du plomb,
du ſalpêtre , quelques draps rouges&
noirs , quelques toiles blanches
, de la terre rouge , du vermillon
& vif argent.
On en tire de la ſoye cruë , du
fucre candy , & de la cafſonnade
, peu de poivre , des nids
d'oiſeaux qui ſont faits comme
ceux des Irondelles qu'on trouve
fur des Rochers au bord de
J
40 RELATION
la mer , ils font de tres-bon commerce
pour la Chine & pour pluſieurs
autres endroits ; car aprés
avoir bien lavé ces nids & les
avoir bien feichés ils deviennent
durs comme de la corne , & on
les met dans des boüillons ; ils
font admirables pour les maladies
de langueur &pour les maux d'eftomach
, j'en ay apporté quelques-
uns en France , du bois d'aigle
&de Calamba , du cuivre &
autres marchandises qu'on y apporte
du Japon , de l'or de plufieurs
touches , & du bois de fapan.
Lorſqu'on ne trouve pas de
Navire à Fret , on en envoye un
à Surate , chargé avec du cuivre ,
de l'étain , du ſalpêtre , de l'alun ,
des dents d'Elephants , du bois
de ſapan , &pluſieurs autres marchandiſes
qui viennent des autres
parts des Indes , on en tire des
toiles
DU VOYAGE DE- SIAM. 41
& autres marchandifes d'Europe,
quand il n'en vient point à Siam .
On envoye à la côte de Coromandel
, Malabar , & Bengala
&de Tanaferin , des Elephans
de l'étein , du ſalpêtre , du, cuivre
du plomb , & l'on en tire des toiles
de toutes fortes ,
,
On envoye à Borneo rarement ;
c'eſt une Iſle qui eſt proche de
celle de Java , d'où l'on tire du
poivre . du ſangde Dragon , camphre
blanc , cire jaune ,bois d'aigle
, du bray , de l'or , des perles,
&desdiamans les plus beaux du
monde ; on y envoye des marchandiſes
de Surate , c'eſt à dire
des toiles , quelques pieces de
drap rouge & vert , & de l'argent
d'Eſpagne..
Le Prince qui poffede cette Ifle
ne fouffre qu'avec peine le commerce
, & il craint toûjours d'êtte
ſurpris ; il ne veut pas permetd
42
RELATION
tre à aucune Nation Europeenne
de s'établir chez luy. Il y a cu
des François qui y ont commercé
, il ſe fie plus à eux qu'à aucune
autre Nation .
On envoye encore à Timor
Ifle proche des Molucques , d'où
l'on tire de la cire jaune & blanche
, de l'or de trois touches , des
eſclaves, du gamouty noir , dont
on ſe ſett pour faire des cordages
, & on y envoye des toiles de
Surate , du plomb, des dents d'Elephans,
de la poudre, de l'eau-devie
, quelques armes , peu de drap
rouge & noir , & de l'argent. Le
peuple y eſt paiſible , & negocie
fort bien . Il y a grand nombre
de Portugais.
Al'égard des Marchandiſes du
crû de Siam , il n'y a que de l'étain
, du plomb , du bois de fapan,
de l'Ivoire , des cuirs d'Elans.
& d'Elephans ; il y aura quantité
1
1
!
DU VOYAGE DE SIAM. 43
de poivre en peu de temps , c'eſt
à dire l'année prochaine ,de larrek
, du fer en petits morceaux ,
du ris en quantité , mais l'on y
trouve des marchandises de tous
les lieux ſpecifiés ci-deſfus , & à
affez bon compte. On y apporte
quelques draps & ferges d'Angleterre,
peu de corail &d'ambre,
des toiles de la côte de Coromandel
& de Surate , de l'argent en
piaſtre que l'on trocque ; mais
comme je l'ai dit maintenant ,
que la plupart des Marchands ont
quitté depuis que le Roi a voulu
faire le commerce , les Etrangers
n'y apportent que tres-peu de
choſes ,que les Navires qui ont
accoûtumé d'yvenir n'y font pas
venus l'année derniere , &on n'y
trouve rien , & fi peu qu'il y en
a , il eſt entre les mains du Roi ,
& ſes Miniſtres les vendent au
prix qu'ils veulent.
dij
44
RELATION
Le Roïaume de Siam a prés de
trois cens lieuës de long , fans y
comprendre les Roïaumes tributaires
, à ſçavoir Camboges ,
Gelior , Patavi , Queda , &c . du
Septentrion au Midi , il eſt plus
étroit de l'Orient à l'Occident. Il
eſt borné du côté du Septentrion
par le Roïaume de Pegu & parla
Mer du Gange du côté du Couchant,
du Midi par le petit détroit
de Maláca , qui fut enlevé au Roi
de Siam par les Portugais ils l'ont
poſſedé plus de foixante ans . Les
Hollandois le leur ont pris , &
le poffedent encore ; du côté
d'Orient , il eſt borné par la Mer
& par les Montagnes qui le ſeparent
de. Camboges & de Laos ..
La fituation de ce Roïaume eſt
avantageuſe à cauſe de la grande
étenduë de ſes côtes , ſe trouvant
comme entre deux Mers qui
lui ouvrent le paſſage à tant de.
DU VOYAGE DE SIAM. 45
vaſtes Regions , ſes côtes ont
cinq cens lieuës de tour ; on y
aborde de toutes parts , du Japon
, de la Chine , des Iſles Philippines
, du Tonquin , de la Cochinchine
, de Siampa , de Camboge
, des Ifles de Java , de Sumatra
, de Colconde , de Bengala
, de toute la côte de Coromandel
, de Perſe , de Surate , de Lameque,
de l'Arabie ,& d'Europe
c'eſtpourquoi l'on y peut faire un
grand commerce , ſuppoſé que le
Roi permette à tous les MarchandsEtrangers
d'y revenir comme
ils le faifoient autrefois .
Le Roïaume ſe diviſe en onze
Provinces , ſçavoir celle de Siam ,
de Mitavin , de Tanaferin , de
Jonſalam, de Reda, de Pra, d'Ior,
de Paam, de Parana , de Ligor ,
de Siama . Ces Provinces - là
avoient autrefois la qualité de
Roïaume ; mais elles ſont aujour
46 RELATION
d'hui ſous ladomination du Roide
Siam qui leur donne des Gouverneurs
. Il y en a telles qui peuvent
retenir le nomde Principauté;mais
les Gouverneurs dépendent du
Roy& lui payent tribut. Siam eft
la principale Province de ce
Royaume , la Ville Capitale eſt ſituée
à quatorze degrez & demy
de latitude du Nort , fur le bord
d'une tres-grande & belle riviere ,
& les Vaiſſeaux tous chargés la
paſſent juſqu'aux portes de la Ville,
qui eſt éloignée de la Mer de
plus de quarante lieuës , & s'étend
àplus de deux cens lieuës dans le
pays , & parce moyen elle conduit
dans une partie des Provinces,
dontj'ai parlé ci- deſſus.Cette
Riviere eſt fort poiſſonneuſe &
fes rivages font affez bien peuplez
, quoiqu'ils demeurentinondésune
partie de l'année. Le terroir
y eſt paſſablement fertile 3
DU VOYAGE DE SIAM . 47
mais tres-mal cultivé , l'inondation
provient des grandes pluyes
qu'il y tombe durant trois ou quatre
mois de l'année ; ce qui fait
beaucoup croître leur ris ; en forte
que plus l'inondation dure ,
plus les recoltes du ris ſont en
abondance , & loin des'en plaindre
ils ne craignent que la trop
grande ſeichereſſe. Il y a beaucoup
de terre en friche ,& faute
d'habitans elles ont eſté dépeu--
plées par les guerres precedentes,
& comme ils font ennemis du
travail , ils n'aiment à faire que
les choſes aiſées. Ces plaines abandonnées
& ces épaiſſes Fo--
rets qu'on voit ſur les Montagnes
ſervent de retraite aux Elephans,
aux Tygres , aux Boeufs & Vaches
ſauvages , aux Cerfs , aux Biches,
Rinoceros & autres animaux
que l'ony trouve en quantité.
Al'égard des plantes & des
د
48 RELATION
fruits , il y en a pluſieurs dans le
païs ; mais qui ne font pas rares.
& qui ne ſe peuvent porter que,
difficilement en France , à cauſe
de lalongueur de la navigation .
Il n'y a point d'oiſeaux particuliers
qui ne foient en France , à
la referve d'un oiſeau fait comme
un merle ,qui contrefa it l'homme
à l'égard du rire , du chanter &
du fiffler , les fruits les plus eſtimés
y font les durions ;ils ont
une odeur tres- forte qui n'agrée
pas à pluſieurs, mais à l'égard du
goût il eſt tres- excellent. Ce fruit
eſt tres chaud & tres -dangereux
pour lafanté , quand on en mange
beaucoup; il ya un gros noyau,
à l'entour duquel eſt une eſpece
de creme renfermée dans une écorce
environnée de pluſieurs piquants
, & qui eft faite en pointe
de diamant ; mon goût n'a ja
mais pu s'y accommoder. La mangue
:
DU VOYAGE DE SIAM . 49
gue en ce pays-là eſt en prodigieuſe
quantité , & c'eſt le meil
leur fruit des Indes , d'un goût
exquis , n'incommodant aucunement,
àmoins que d'en manger en
trop grande quantité , alors elle
pouroit bien cauſer la fiévre ; elle
a la figure d'une amande , mais
auffi groſſe qu'une poire de Mef
fire-Jean; ſa peau eſt aſſés mince
& a la chair jaune ; le mangoûstan
eſt un fruit reſſemblant à
une noix verte , qui a dedans un
fruit blanc d'un goût aigret &
agreable , & qui approche fort
deceluide la pêche &de la prune,
il est tres- froid & reſtraintif.
LeJacques eſtun gros fruit qui
eſt bon , mais tres- chaud & indigefte
, & cauſe le flus de ventre
quand on en mange avec excés .
La nana eft preſque comme le
durion , c'eſt à dire à l'égard de
la peau ; il a au bout une courone
50
RELATION
ne de feüilles comme celle de
l'artichaud ; la chair en eſt tresbonne
& a le goût de la pêche
& de l'abricot tout enſemble ; il
eft tres-chaud & furieux ; ce qui
fait que l'on le mange ordinairement
trempé dans le vin.
La figue eſtun fruit tres -doux,
fuave&bien faiſant ; cependant
un peu flegmatique , il y en a pendant
toute l'année .
L'ate eſt un fruit doux & tresbon
, & ne fait point de mal ; il
y en a qui l'eſtiment plus que
tous les fruits des Indes. Il y a
des oranges en tres - grande
quantité de pluſieurs fortes tresbonnes
& fort douces .
La pataïe eſt un fruit tres-bon,
mais l'arbre qui le porte ne dure
que deux ans.
Il y a de toute forte d'oranges
en quantité & de tres - bon goût .
La penplemouſe eſt un fruit
tres-bon pour la ſanté à peu prés
DU VOYAGE DE SIAM . SI
comme l'orange,mais qui a un petit
goût aigret. Il y a pluſieurs
autres fruits qui ne font pas fort
bons.
On a commencé il y a quelques
années à ſemer beaucoup
de bleds dans le pays haut proche
des montagnes qui y vient
bien & eft tres - bon .
On y a planté pluſieurs fois
des vignes qui y viennent bien ,
mais qui ne peuventdurer, à cauſe
d'une eſpece de fourmy blanc
qui la mange juſqu'à la racine.
Il y a beaucoup de canes de
fucre qui rapportent extrémement
; il y a auſſi du tabac en
quantité que les Siamois mangent
avec l'arrek & la chaud .
A l'égard de l'arrek, les Siamois
eſliment ce fruit plus que tout
autre , & c'eſt leur manger ordi
naire ; il y en a une ſi grande
quantité que les marchés en
e ij
52 RELATION
font pleins , & un Siamois croiroit
faire une grande incivilité
s'il parloit à quelqu'un ſans avoir
la bouche pleine de darek , de
betel , de chaud ou de tabac .
,
Il y a grande quantité de ris
dans tout le Roïaume & à tresbon
compte ,& comme ce païs
eſt toûjours inondé , cela fait
qu'il eſt plus abondant , car le ris
ſe nourrit dans l'eau & à meſure
que l'eau croît , le ris croît pareillement
,& fil'eau croît d'un pied
en vingt-quatre heures ce qui
arrive quelquefois , le ris croît
aufli àproportion &a toûjours fa
tige au deſſus de l'eau , il ne reſte
que cinq ou fix mois au plus en
terre , il vient comme l'avoine,
Il n'y a point de ville dans l'Orient
où l'on voye plus de Nations
differentes , que dans la Ville
Capitale de Siam , & où l'on
parle de tant de langues differentes
, elle a deux lieuës de
DU VOYAGE DE SIAM .
53
tour & une demie lieuë de large,
elle eſt tres- peuplée , quoi qu'elle
ſoit preſque toûjours inondée ,
enfortequ'elle reſſemble plûtoſtà
une Ifle , il n'y a que des Maures
, des Chinois , des François
& des Anglois , qui demeurent
dans la Ville , toutes les autres
Nations eſtant logées aux environspar
camps ; c'eſt à dire chaque
nation enſemble , ſi elles estoient
affemblées elles occuperoient
autant d'eſpace que la Ville qui
eſtoit autrefois tres- marchande ,
mais les raiſons que j'ay dites cydevant
empêchent la plupartdes
Nations Etrangeres d'y venir &
d'y rien porter.
Le peuple eſt obligé de ſervir
le Roy quatre mois de l'année
regulierement , & durant toute
l'année , s'il en a beſoin ; il ne leur
donne pas un fol de paye, eſtant
obligez de ſe nourir eux-mêmes
e iij
54 RELATION
& de s'entretenir ; c'eſt ce qui
a faitque les femmes travaillent
afin de nourir leurs maris .
A l'égard des Officiers depuis
les plus grands Seigneurs de la
Cour juſqu'au plus petit du
Royaume, le Roy neleur donne
que de tres- petits appointemens,
ils font auſſi eſclaves que les autres
, & c'eſt ce qui luy épargne
beaucoup d'argent. Les Provinces
éloignées dont les habitans
ne le ſervent point actuellement,
luy payent un certain tribut par
teſte. J'arrivay dans le temps que
le pays eſtoit tout-à-fait inondé
, la Ville en paroît plus agreable,
les ruës en ſont extremement
longues , larges & fort droites,
il y a aux deux côtez des
maiſons bâties ſur des pilotis &
des arbres plantés tout à l'entour
, ce qui fait une verdeur
admirable , & on n'y peut aller
DU VOYAGE DE SIAM. 55
qu'en ballon ; en la regardant l'on
croiroit voir d'un coup d'oeil ,
une ville , une mer & une vaſte
foreſt , où l'on trouve quantité
de Pagodes qui font leurs Eglifes
, & la plupart font fort dorées,
à l'entour de ces Pagodes', il ya
comme des Cemetieres plantés
d'arbres la plupart fruitiers , les
maiſons des Talapoins font les
plus grandes& les plus belles&
font en tres-grand nombre .
Ce païs-là eſt plus ſain que les
autres des Indes ,les Siamois ſont
communément affez bien-faits ,
quoi qu'ils ayent tous le viſage
bazanné , leur taille eſt affez
grande , leurs cheveux font
noirs , ils les portent aſſez courts
àcauſe de la chaleur , ils ſe baignent
ſouvent , ce qui contribuë
àla conſervation de leur ſanté
les Europeans qui y demeurent
en font de même pour éviter les
a
e iiij
56 RELATION
maladies ; ils tiennent leurs marchés
ſur des places inondées dans
leurs balons pendant fix ou ſept
mois de l'année que l'inondation
dure.
Le Roy ſe leve du matin &
tient un grand Conſeil vers les
dix heures ,où l'on parle de toutes
fortes d'affaires, qui dure juſqu'à
midy , aprés qu'il eſt fini ſes Medecins
s'aſſemblent pour ſçavoir
l'état de ſa ſanté , & enſuite il
va dîner ; il ne fait qu'un repas
par jour , l'aprés-dînée il ſe retire
dans ſon appartement où il dort
deux ou trois heures , & l'on ne
ſçait pas à quoyil employe le reſte
dujour, n'étant permis pas même
à ſes Officiers d'entrer dans ſa
chambre . Sur les dix heures du
foir, il tient un autre Conſeil ſecret
, où il y a ſept ou huit Mandarins
de ceux qu'il favoriſe le
plus , ce Conſeil dure juſqu'à
DU VOYAGE DE SIAM . 57
minuit . Enſuite on luy lit des
hiſtoires ou des vers qui ſont faits
à leurs manieres , pour le divertir
& d'ordinaire après ce Conſeil ,
Monfieur Conſtans demeure ſeul
aveclui , auquel il parle à coeur
ouvert , comme le Roy luy trouve
un eſprit tout-à- fait vaſte , ſa
converſation luy plaît , & il luy
communique toutes ſes plus fecrettes
penſées ; il ne ſe retire
d'ordinaire qu'à trois heures aprés
minuit pour s'aller coucher , voilà
la maniere dontle Roy vît toûjours
, & de cette forte toutes les
affaires de ſon Royaume paſſent
devant luy ; dans de certains
tempsil prend plaiſir à la chaſſe ,
comme j'ay dit ; il aime fort les
bijoux même ceux d'émail & de
verre , il eſt toûjours fort proprement
vêtu , il n'a d'enfans qu'une
fille , que l'on appelle la Princef
ſeReyne , âgée d'environ vingt58
RELATION
fept ou vingt-huit ans le Roi
l'aime beaucoup , on m'a dit qu'elle
étoit bien faite ; mais jamais les
hommes ne la voyent, elle mange
dans le même lieu & à même
tems que le Roy,mais à une table
feparée ; & ce ſont des femmes
qui les ſervent qui ſont toûjours
proſternées.
Cette Princeſſe a ſa Cour compoſéedes
femmes des Mandarins
qui la voyent tous les jours , &
elletientConſeil avec ſes femmes
de toutes ſes affaires , elle rend
juſticeà ceux qui luy appartiennent
, &leRoy luy ayant donné
desProvinces dont elle tire le revenu&
en entretient fa Maiſon ,
elle a ſes châtimens & exerce la
juſtice. Il y eſt arrivé quelquefois
que lorſque quelques femmes de
ſamaiſon ont eſté convaincuës de
mediſances d'extrême confideration
, ou d'avoir revelé des ſecrets
DU VOYAGE DE SIAM. 59
de tres-grende importance , elle
leur a fait coudre la bouche .
Avant la mort de la Reyne ſa
mere, elle avoit à ce que l'on dit
du penchant à faire punir avec
plus de ſeverité , mais du depuis
qu'elle l'a perduë elle en uſe avec
beaucoup plus de douceur ; elle
va quelquefois àla chaſſe avec le
Roy , mais c'eſt dans une fort
belle chaiſe placée ſur un Elephant
& où quoy qu'on ne la
voye point elle voit neanmoins
tout ce qui s'y paſſe. Il y a des Cavaliers
qui marchent devant elle
pour faire retirer le monde , & fi
par hazard il ſe trouvoit quelque
homme ſur ſon chemin qui ne pût
pas ſe retirer,il ſe proſterne en terre
& luy tourne le dos. Elle eſt
tout le jour enfermée avec ſes
femmes ne ſe divertiſſantà faire
aucun ouvrage , ſon habillement
eſt affez ſimple & fort leger , elle
60 RELATION'
eſt nuë jambe , elle a à ſes pieds
des petites mulles ſans talons
d'un autre façon que celles de
France ; ce qui lui fertdejuppe eſt
une piece d'étoffe de ſoye ou de
coton qu'on appelle paigne , qui
l'enveloppe depuis la ceinture
en bas & s'atrache par les deux
bouts, qui n'eſt point plicée , de
la ſceinture en haut elle n'a rien
qu'une chemiſe de mouſſeline
qui luy tombe deſſus cette maniere
de juppe , & qui eſt faite
de meſme que celle des hommes,
elle a une écharpe fur la gorge
qui luy couvre le col & qui paffe
par deſſous les bras , elle eſt toûjours
nuë teſte , & n'a pas les
cheveux plus longs que de quatre
ou cinq doigts , ils lui font comme
une tête naiſſante ; elle aime
fort les odeurs , elle fe met de
P'huileà la teſte ; car il faut en ces
lieux-là que les cheveux foient
DU VOYAGE DE SIAM . 61
luifans , pour eſtre beaux , elle
ſe baigne tous les jours meſme
plus d'une fois qui eſt la coûtume
de toutes les Indes , tant à l'égard
deshommes quedes femmes ;j'ay
apris tout ceci de Madame Conſtans
qui va ſouvent luy faire ſa
Cour. Toutes les femmes qui
font dans ſa Chambre ſont toûjours
proſternées & par rang ,
c'eſt à dire les plus vieilles ſont
les plus proches d'elle , & elles
ont la liberté de regarder la Princeffe
, ce que les hommes n'ont
point avec le Roy de quelque
qualité qu'ils foient , car tant
qu'ils font devant luy , ils ſont
profternez & meſme en luy parlant.
Le Roy a deux freres , les freres
du Roy heritent de la Couronne
de Siam preferablement à
fes enfans . Quand le Roy fort
pour aller à la Chaſſe ou à la
62 RELATION
promenade, on fait avertir tous
les Européens de ne ſe point trouver
ſur ſon chemin , à moins qu'ils
ne veulent ſe profterner un moment:
avant qu'il forte de fon Palais
on entend des trompettes &
des tambours qui avertiſſent &
qui marchent devant le Roy , à
ce bruit les Soldats qui font en
haye ſe proſternent le front contre
terre & tiennent leurs moufquets
ſous eux ; ils font en cette
poſture autant de temps que
le Roy les peut voirde deſſus ſon
Elephant , où il eſt aſſis dans une
chaiſe d'or couverte , la garde à
cheval qui l'accompagne & qui
eſt compoſée de Maures eſt environ
quarante Maiſtres marchant
fur les aîles ; toute la Maiſon du
Roy eſt à pied devant , derriere
&à côté , tenant les mains jointes,&
elle le ſuit de cette maniere.
Il y a quelques Mandarins des
DUVOYAGE DE SIAM. 63
principaux qui le fuivent ſur des
Elephans , dix ou douze Officiers
qui portent de grands paraſſols
tout à l'entour du Roy , & il n'y
a que ceux- là qui ne ſe proſternent
point ; car dés le moment
que le Roy s'arreſte tous les autres
ſe proſternent , & mefme
ceux qui ſont ſur les Elephans.
Quant à la maniere que le Roy
de Siam obſerve à la reception
des Ambaſſadeurs , comme ceux
de la Cochinchine , de Tonquin,
de Colconda , des Malais , de
Java & des autres Roys , il les
reçoit dans une Salle couverte de
tapis , les grands & principaux
du Roïaume font dans une autre
ſalleun peu plus baffe , & les autres
Officiers de moindre qualité
dans une autre ſalle encore plus
baſſe, tous proſternés ſur des tapis
en attendant que le Roy pa
64 RELATION
roiſſe par une feneſtre qui eſt visà-
vis; la ſalle où doivent eſtre les
Ambaſſadeurs eſt élevée d'environ
dix ou douze pieds & diſtante
de cette falle de trente pieds ;
l'on ſçait que le Roy va paroître
par le bruit des trompettes , des
tambours & des autres Inſtrumens
; les Ambaſſadeurs font derriere
une muraille qui renferme
cette ſalle qui attendent la fortie
du Roy , & ordre des Miniſtres
que le Roy envoye appeller par
un des Officiers de ſa Chambre,
ſuivant la qualité des Ambaſſadeurs
, & fes Officiers fervent en
telles occaſions; aprés queles Miniſtres
ont la permiffion du Roy
on ouvre la porte de la ſalle &
auſſi- tôt les Ambaſſadeurs paroifſent
avec leur Interprete , &
l'Officier de la Chambre du Roi
qui ſert de Maiſtre de Ceremonies&
marchent devant eux profternez
DU VOYAGE DE SIAM. 65
ternez ſur des tapis qui ſont ſur
la terre , faiſant trois reverences
la teſte en bas à leur maniere
aprés quoy le Maiſtre des Ceremonie
marche à genoux les mains
jointes , l'Ambaſſadeur avec fes
Interprettes le ſuit en la même
poſture avec beaucoup de modeſtie
juſques au milieu de la
diſtance d'où il doit aller , & fait
trois reverences en la meſme forme
; il continue à marcher jufqu'au
coin le plus proche des falles
où les Grands font , & il recommence
à faire des reverences
où il s'arrête ; il y a une table
entre le Roy & l'Ambaſſadeur ,
diſtante de huit pieds , où ſont
les preſens que l'Ambaſſadeur apporte
au Roy , & entre cette table
& les Ambaſſadeurs il ya un
Mandarin qui reçoit les paroles
de ſa Majesté , & dans cette Salle
ſont les Miniſtres du Roy diff
66 RELATION
tants de l'Ambaſſadeur d'environ
trois pas , & le Capitaine qui
gouverne la Nation d'où eſt l'Ambaffadeur
eft entre luy & les Miniſtres
; le Roy commence à parler
le premier & non l'Ambaffadeur
, ordonnant à ſes Miniſtres
de s'informer de l'Ambaffadeur
quand il eſt party de la preſence
duRoy ſon Maiſtre , file Roy
& toute la famille Royale eſtoit
en ſanté , auquel l'Ambaſſadeur
répond ce qui en eſt par fon Interprete
, l'Interprete le dit au
Capitaine de la Nation d'où eſt
l'Ambaſſadeur , le Capitaine au
Barcalon & leBarcalon au Roy.
Aprés cela le Roy fait quelque
demande fur deux ou trois points
concernant l'Ambaſſadeur ; enfuitele
Roy ordonne à l'Officier
qui eſt proche la table de donner
du betel àl'Ambaſſadeur , ce
qui ſert de ſignal pour que l'on
DU VOYAGE DE SIAM. 67
luy preſente une veſte , & incontinent
le Roy ſe retire au bruit
des tambours, des trompettes&
des autres inſtrumens. La premiereAudiencede
l'Ambaſſadeur
ſe paſſe entreluy & le Ministre ,
qui examine la Lettre &les prefens
du Prince qui l'a envoyés
l'Ambaſſadeur ne preſente point
la Lettre au Roy , mais au Miniſtre
, aprés quelques jours du
Conſeil tenu ſur ce ſujet.
Quand ce font des Ambaſſadeurs
des Roys indépendans de
quelque Couronne , que ce ſoit
de ſes pays , commePerſe , grand
Mogol , l'Empereur de la Chine ,
de Japon , on les reçoit enlamaniere
ſuivanre.
Les Grands du premier & du
ſecond Ordre vont aupied de la
feneſtre où eſt le Roy ſe proſter-:
ner ſuivant leurs qualitez ſur des
tapis , & ceux du troiſieme , quafij
68 RELATION
triéme & cinquiéme , ſont dans
une ſalle plus baffe & attendent
la fortie du Roy qui paroiſt par
une feneſtre qui eſt enfoncée
dans la muraille , & élevée de
dix pieds ; les Ambaſſadeurs font
dans un lieuhors du Palais , en
attendant le Maiſtre des Ceremonies
qui les vient recevoir , &
l'on fait les meſmes ceremonies
dont j'ay parlé cy -deſſus : l'Ambaſſadeur
entrant dans le Palais
leve les mains ſur ſa teſte & marche
entre deux Salles qu'il ya &
monte des degrez qui font visà-
vis la feneſtre où eſtle Roy , &
quand il eſtau haut il poſe un genou
en terre , & auffi-tôt on
ouvre une porte pour qu'il puiſſe
paroître devant le Roy ; enſuite
on pratique les mêmes ceremonies
qui viennent d'eſtre marquées
cy-devant. Ily a un bandege
ou plat d'or ſur la table où
DU VOYAGE DE SIAM. 69
eſt la Lettre traduite & ouverte ,
ayant été receuë par les Miniſtres
quelques jours auparavant dans
une ſalle deſtinée à cet uſage ;
quand l'Ambaſſadeur eſt dans ſa
place le Lieutenant du Miniſtre
prend laLettre& la lit tout haut;
aprés qu'il l'a leuë , le Roy fait
faire quelque demande à l'Ambaſſadeur
par ſon Miniſtre , fon
Miniſtre par le Capitaine de la
Nation , & le Capitaine par l'Interprete
, & l'Interprete enfin
parle à l'Ambaſſadeur. Ces demandes
ſont ſile Roy ſon Maître
& la famille Royale font en ſanté
, & s'il la chargé de quelqu'au
tre choſe qui ne fût pas dans la
Lettre , à quoy l'Ambaſſadeur
répond ce qui en eſt ; leRoy luy
fait encore troisou quatre deman.
des , & donne ordre qu'on luy
donne une veſte & du betel : aprés
quoy le Roy ſe retire au bruit des
70 RELATION
tambours & des trompettes ,&
l'Ambaſſadeur reſte un peu de
temps , & ceux qui l'ont reccu
le reconduiſent juſqu'à fon logis
fans autre accompagnement ; &
comme j'appris cette manierede
recevoir les Ambaſſadeurs qui ne
me parût pas répondre à la grandeur
du Monarque de la part
de qui je venois , j'envoyay au
Roy de Siam deux Mandarins
qui estoientavec moy de ſa part ,
pour ſçavoir ce que je ſouhaitterois
, pour le prier de me faire la
mefme reception que l'on a accoûtumé
de faire en France , ce
qu'il m'accorda de la maniere
queje l'ay raconté cy-devant.
Fermer
14
p. 94-113
« Le vingt-sixiéme Mars à deux heures aprés midy j'ay mis [...] »
Début :
Le vingt-sixiéme Mars à deux heures aprés midy j'ay mis [...]
Mots clefs :
Fort, Vent, Roi de Siam, Cap de Bonne-Espérance, France, Vaisseau, Route, Ligne, Temps, Heures, Île, Mer, Argent, Abbé de Choisy, Enseigne, Vaisseaux, Ambassadeur, Frégate, Constantin Phaulkon, Alexandre de Chaumont
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le vingt-sixiéme Mars à deux heures aprés midy j'ay mis [...] »
Evingt- fixieme Mars à deux
heures aprés midy j'ay mis
à la voile avec un bon vent , en
fortantde la Baye prés de la Fortereſſe
Hollandoiſe du Cap de
Bonne- Efperance , je vis trois
vaiſſeaux qui faifoient route pour
venir au Cap ; mais je n'ay pû
diftinguer de quelle Nation ils
eſtoient , je croy qu'ils eſtoient
Hollandois , parce qu'on en attendoit
ce nombre de l'Iſle de
GC
-
DU VOYAGE DE SIAM. 95
Ceilan. Quand nous fumes à
quarante lieuës delà nous trouvâme
la mer fort groſſe , elle nous
tourmenta beaucoup , & nous
continuâmes noſtre route pour
aller paffer la ligne par la meſme
longitudeque nous l'avions pafſée
en allant , il ne ſe pouvoit
que noftre voyage ne fut extrémement
agreable ; car , comme
j'ay déja dit , le Roy de Siam envoyoit
avec nous des Ambaffadeurs
en France , pour témoigner
au Roy avec combien de
paffion il fouhaittoit fon amitié :
ſes grandes qualitez & fa renommée
eſtant venuëjuſqu'à luy,
&faifant depuis long-temps un
extrême bruit dans les Indes . Il
m'avoit dit dans une Audience ,
qu'il ne leur donnoit point d'inſtructions
ſur les ceremonies que
l'on fait en France qui font bien
differentes de celles de fon
96 RELATIO
Royaume , parce qu'il eſtoit perſuadé
que le Roy ne leur feroit
rien faire qui fût prejudiciable à
fes intereſts , & qu'il me chargeoit
de leur conſeiller tout ce
qu'il faudroit faire pour lemieux
quand ils ſeroient en France
qu'il ſe repoſoit ſur moy pour cela
, & qu'il eſtoit bien ſeur que
jene leur conſeillerois rien qui
ne fût à faire . Nous avions donc
avec nous trois Ambaſſadeurs
des plus confiderables de Siam.
Le premier eſt frere du deffunt
Barcalon qui eſtoit premier Miniſtre
du Roy , homme d'eſprit ,
il a toûjours eſté auprés de ſon
frere dans toutes les affaires ,
c'eſt luy qui accompagné d'un
autre eſtoit venu me recevoir à
l'entrée de la Riviere de Siam
lors de mon arrivée & qui a
toûjours eſté avec moy , m'accompagnant
partout où j'allois.
La
DU VOYAGE DE SIAM. 97
La premiere fois que je le vis il
me parut tres-honneſte-homme
& d'un eſprit fort aiſé , ce qui fit
que je dis à Monfieur Conftans
que je croyois qu'il feroit trespropre
pour eftre Ambaſſadeur
en France. Le ſecond eſt un homme
fort âgé qui a beaucoup d'efprit
, & a eſté Ambaſſadeur à la
la Chine dont le Roy fon maiſtre
fut fort content ; le troiſiéme eſt
âgé de vingt- cinq ou trente ans,
fon pere eſt Ambaſſadeur en
Portugal; ce font les meilleures
perſonnes du monde , ils ſont
doux , honnêtes , complaifants,
& de tres-bonne humeur , & je
conte d'eſtre fort de leurs amis.
Ils écrivent juſqu'aux moindres
petites choſes qu'ils voyent , ce
qui me fait plaiſir ; car ils auront
dequoi s'exercer en France , où
ils rencontreront tant de chofes
dignes de leur admiration , je
i
68 RELATION
m'aſſure qu'ils en feront un fidel
recit au Roy leur Maiſtre. Ils devoient
avoir douze Mandarins à
leur ſuites;mais ils n'en ont que
huit parce qu'il en eſt reſté quatre
àSiam qui ne ſont pas venus affés
toſtàbord, il amenoient en France
douze petits garçons pour les
y laiſſer pour apprendre la Langue&
des métiers ; mais il en eſt
reſté une partie avec les quatre
Mandarins qui n'ont pû nous
joindre auſſi bien que quelques
domeſtiques de ces Ambaſſadcurs
ils en ont encore une vingtaine ,
ils font chargés de beaucoup de
beaux preſens pour le Roy , pour
Monseigneur, pour Madame la
Dauphine & pour Meſſeigneurs
les Ducs de Bourgogne & d'Anjou
& pour Meſſieurs de Seignelay
& de Colbert de Croiſy . Il y
en parmy ces prefens beaucoup
de vaſes d'or & d'argent ,
DU VOYAGE DE SIAM. 99
des ouvrages du Japon & des
Manilles , grande quantité de
porcelaines tres - rares , des paravans
de la Chine & du Japon ,
pluſieurs bijoux de tous les endroits
des Indes , des Cabinets ,
coffres , écritoires vernis , & garnis
d'argent , des vazes de terre
ſizelée , qui font legers conume
des plumes , deux petits navires
d'or , l'un pour le Roy & l'autre
pour Monſeigneur le Duc
de Bourgogne , deux pieces de
canon pour le Roy d'environ
deux ou trois livres de balles ,
de fer battu à froid garnis d'argent&
façonné avec de l'argent
approchant d'un ouvrage de raport
, des cornes de rinocerots,
des pierres de Bezoüar & pluſieurs
autres choſes dontje ne me
fouviens pas . Ces preſens vallent
beaucoup , & le Roy de Siam s'eſt
fait un grand plaifir d'envoyer
i ij
100 RELATION
د parce
tout ce qu'il avoit de plus rare.
Monfieur l'Abbé de Lionne fut
prié par ceRoyde faire le voyage
avecſes Ambaſſadeurs ; il leur fera
d'un grand fecours
qu'il parle leur langue , c'eſt un
tres-honnête homme & d'une
haute pieté le meſme Roy témoigna
auſſi à Monfieur le Vacher
qu'il feroit bien- aiſe qu'il retournât
avec ſes Ambaſſadeurs ,
ce qu'il a auſſi fait, il leur ſera
pareillement d'une grande utilité
eſtant un homme fort agiſſant.
Nous avions auſſi avec nous Monfieur
l'Abbé de Choiſi qui a fait le
voyage pour demeurer en qualité
d'Ambaſſadeur en cas que le Roy
dece pays-làſe fût fait Chrétien ;
c'eſt un tres-honnêtehomme quia
beaucoup d'eſprit & de merite . Il
s'eſt fait Prêtre & il a dit ſa premiere
Meſſe dans le Vaiſſeau , il
nous a donné de bons exemples ,
DU VOYAGE DE SIAM. IOI
& nous fait des predications fort
édifiantes , Monfieur l'Abbé du
Chailar étoit auſſi du voyage,c'eſt
un homme d'eſprit & qui nous a
ſouvent prêché. J'avois pourAu
mônier Monfieur l'Abbé deJully
dont j'ai été fort content, ilnous a
auſſi faitdebelles Predications,&
l'AumônierduVaiſſeau Monfieur
le Dot a eu un ſoin fort grand de
tout l'équipage , & de ceux qui
eſtoient malades. Ilne s'eſt point
paſſé de Dimanche ny de Feſte
que nous n'ayons eu des Predications,
& je puis dire grace àDieu
que l'on a vécu dans le Vaiſſeau
avec beaucoup de pieté par le ſecours
de tous ces Meſſieurs qui
exhortoient ſouvent ceux de l'é
quipage à vivre en Chrétiens , il
n'y en a point eu qui ne ſe ſoient
confeffez & fait ſouvent leurs devotions
, ce qui nous a attiré toutes
les benedictions de Dieu
iiij
102 RELATION
que nous avons euës dans ce
voyage ; car on ne peut pas faire
une navigation plus heureuſe .
Nous avions pour Capitaine de
Vaiſſeau Monfieur de Vaudricourt
qui commandoit le vaiſſeau
Loiſeau , c'eſt un tres-honnête
homme , & un des meilleurs na.
vigateurs&des plus ſoigneux que
le Royaye ; j'ay tout- à-fait ſujet
de m'enloüer , il a eu le ſoin de
tout ce qui concernoit le Vaiſ
ſeau ; où rien n'a manqué parles
precautions qu'il avoit priſes avant
noſtre départ , je n'euſſe jamais
crû que cela euſt pû ſe faire
de la forte dans un ſi long voyage.
Nous avions auſſi Monfieur
de Coriton Capitaine de Fregate
legere, un tres-bon Officier fort
foigneux & affiduà ſon métier ;
nous avions pour Lieutenant le
Chevalier de Fourbin que j'ay
laiſſay prés du Roy de Siam, &
DU VOYAGE DE SIAM. 103
Monfieur le Chevalier de Cibois
qui ſontde tres-bons Officiers , &
pour Enſeigne Monfieur de Chamoreau
qui eſt un homme qui
ſçait beaucoup de ſon métier,
par la grande application qu'il y
donne , il eſt capable d'être plus
qu'Enſeigne. Le Roy m'avoit fait
l'honneur de me donner douze
Officiers & gardes Marines pour
m'accompagner à l'Ambaſſade
qui estoient Meſſieurs de Francine
Enſeigne , Saint Villiers enſeigne
, de Compiegne , de Freteville
, de Seneville , du Fays ,
de Joncourt , la Palu , la Foreſt,
d'Hebouville qui eſt mort dans la
Fregate en route , & Monfieur du
Tartre Lieutenant ſur la Fregate
Maline qui eſt tres-honnête
homme & bon Officier . Monfieur
de Joyeuſe commandoit cette
Fregate , & j'ay tous les ſujets du
monde de me loüer de ſa con
i iiij
104
RELATION
duite ; je dois rendre cettejuſtice
à tous ces Meſſieurs qu'ils ont
efté tres- ſages , & ont tout-àfait
répondu au choix que fa Majeſté
en avoit fait ; ils ont bien
appris la navigation & les Mathematiques
; ils avoient un Maiſtre
en allant qui a reſté à Siam , &
en revenant le Pere Taſchard a
bien voulu leur en ſervir ; ceux
qui ne font pas Officiers font capables
de l'être , & ceux qui le
font, font capables de monter à
des degrez plus hauts . Il y avoit
un garde Marine qui estoit commandé
qui n'eſt pas venu avec
moy & qui eft reſté en France; je
diray à la loüange de Monfieur
le Chevalier du Fays qu'il eſt trescapable
d'être Enſeigne , il a eu
unetres- grande application pour
apprendre les manoeuvres & tout
ce qui regarde la navigation. J'avois
pour Secretaire le Sieur de
DU VOYAGE DE SIAM. ios
la Broffe-bonneau qui eſt treshonnête-
homme . Monfieur Conſtans
m'ayant témoigné qu'il ſeroit
bien-aife d'avoir deux de
mes Trompettes & mon Tapiffier
je les luy laiſſay deleur conſentement
, il leur a fait un bon party;
mon Maiſtre d'Hôtel me demanda
d'y refter pour negotier quelque
argent qu'il avoit, un de mes
laquais eft demeuré avec le Chef
de la Compagnie Françoiſe , &
un autre à qui la devotion a fait
prendre party de refter au Seminaire
de Siam pour eftre Miſſionaire
. Monfieur l'Abbé de Choifi
y a aufli laiſſédeux de ſes gens ,
l'un appellé Beauregard qui étoit
Cadet dans le Vaiſſeau
Monfieur Conftans a promis de
faire quelque choſe pour luy , je
croy qu'il le mettra dans la Marine,
il eſt bien demeuré douze
ou quinze François au ſervice du
106 RELATION
Roy & du Miniſtre.
Je continuay ma route & j'eus
vent arriere & le Avril je
paſſay à la hauteur de l'Iſle fainte
Heleine qui eſt habitée par les
Anglois ; les Vaiſſeaux qui viennent
des Indes y touchent ordinairement
, c'eſtà dire quand ils
ne vont pas au Cap de Bonne-
Eſperance ; on m'a dit que c'eſt
une tres-bonne Iſle & bien fertile,
elle eſt à ſeize degrez de latitude
Sud . Le les vents toûjours
arriere je paſſay à la veuë de l'Iſle
de l'Aſcenſion qui eſt à huit degrez
Sud de la ligne. Cette Ifle
n'eſt point habitée, la plupart des
Vaiſſeaux qui paſſent s'y arrêtent
pour y prendre de la tortuë , il y
en a unegrande quantité , & ces
animaux rafraîchiffent beaucoup
les équipages , ils demeurerent
en vie un mois & fix ſemaines
ſans manger , on ne les peut pren
DU VOYAGE DE SIAM. 107
dre que la nuit , car le jour les
tortuës ſe tiennent à la mer , & la
nuit elles ſe retirent en terre pour
y mettre leurs oeufs qu'elles enfoüient
dans le ſable. Pour les
prendre il ſe faut tenir caché avec
un gros bâton à la main& les furprendre
quand elles ſortent de
l'eau, on les renverſe ſur le dos &
lors elles ne peuvent plus ſe retourner
, on en prend des quatrevingt&
cent pour une nuit & le
jour on les embarque & on les
met fur le dos dans le Vaiſſeau . II
ya des Barques qui y vont pour
faller de ces tortuës, qu'elles por
tent aux Iſles de l'Amerique &
que les habitans achetent pour
leurs eſclaves ; comme j'avoisun
bon ventje ne m'y arreſtay point,
ne voulant pas perdre de temps
à paſſer la Ligne Equinoxiale ;
car quelquefois on y reſte longtemps
à cauſedes grands calmes
108 RELATION
&des pluyes qu'on y trouve ; le
28. Avril je paſſay la Ligne avec
un temps admirable , les chaleurş
n'étant point incommodes,peu de
calme & de pluye ; c'étoit la
quatrième fois que je l'avois pafſée
dans ce voyage ſans avoir
quitté le juftau- corps de drap
doublé de meſime;tout mon monde
&mon équipage eſtoient lors
en tres-bonne ſanté à la referve
de quatre, ou cinq qui estoient
malades du flux de ventre depuis
Siam ; cette maladie ſe guerit
rarement dans ces pays-là ,
il ne m'eſtmort que dix ou douze
Matelots ou Soldats. Nous ne
vîmes que tres-peu de poiſion
dans cette traverſe , ce qui eſt
contre la coûtume , car ordinairement
ils'y en trouve en grand
nombre ; nous harponnâmes un
gros poiffon que l'on appelle foufdeur,
environ huitpieds de long&
quatre de large , il avoitſur la tête
1
DU VOYAGET
DE SIAM. 109
un trou par où il reſpire & jettoit
de l'eau en l'air comme une fontaine;
il faisoit beaucoup de bruit&
peſoitenviron 300.livres; ce poif-
Ton eft bon à manger & le harpondonton
ſe ſert pour le prendre
eſt comme le fer d'une fleche,
quand il eſt une fois entré il ne
peut plus reſſortir. On met cet
harpon au bout d'un morceau de
bois bien long que l'on attache à
une corde , un Matelot adroit
tient cet harpon dans la main à
l'avant du Navire , & ce poiſſon
venant à paffer proche de luy il
luy jette le harpon , l'ayant touché
il défile la corde pour que le
poiffon perde ſon ſang &fa force;
enſuite on le retire. Le vingtneuf
nous primes de la meſme
maniere deux autres poiſſons que
l'on nomme Marſoins , ils font
preſque de la meſme figure que le
foufleur , à la referve qu'ils ont
210 RELATION
la tête & le muſeau long , & le
ſoufleur l'a preſque ronde. Ils
pouvoient bien peſer cent cinquante
livres chacun ; ils font
aufſſi tres-bons à manger. Nous
eſtions du côté du Nort avec un
bon vent ; jen'ay eſté que trente
deux jours en route du Cap de
Bonne-Efperance à la Ligne , &
en allant j'avois employé de la
Ligne au Cap ſept ſemaines , parceque
la route eſt beaucoup plus
longue par les vents d'oueſt qu'il
faut aller chercher .
Le 16. May ſur le minuit nous
paſſames le Tropique par l'eſtime
qu'en firent nos Pilotes en
prenant la hauteur. Le i7. à midy
ce fut grace à Dieu la fixieme
fois que nous avions paſſé les
Tropiques dans ce voyage , &
fortant de la Zone torride nous
entrâmesdans la temperée par un
bon vent.
DU VOYAGE DE SIAM. 211
Le premier Juin nous vîmes
la terre , & comme nous croyons
en eſtre à plus de cent cinquante
lieuës cela nous furprit , & comme
il faifoit un grand broüillard
nous fumes obligez de nous en
approcher , & le temps s'étant
éclairci nous reconnûmes que
c'étoit l'Iſle de Flore qui eſt une
des Açores & la plus à l'oueſt; elle
eſt tres-haute , il en tombe de
l'eau des montagnes dansla Mer
ce qui fait de tres-belles caſcades
, & qui nous la fit reconnoître.
Il falloit que nous euſſions
trouvé des courans d'eau qui
nous euſſent portez à l'ouest , que
nous nous faiſions à plus decent
cinquante lieuës à l'eſt . Le cinquiéme
nous vîmes un Vaiſſeau
qui paſſa proche de nous ; mais
comme c'étoit la nuit nous ne
ſçûmes pas de quel paysil eſtoit.
Le ſeptiéme nous en vîmes un
12 RELATION
autre qui eſtant venu proche du
mien,j'envoyay mon canot àbord
avec un Officier qui me dit que
c'étoit un Navire de Londres qui
venoit de Virginie qui s'en retournoit
à Londres, il eſtoit chargé
de tabac , & comme il faifoit
beaucoup de vent, & que nous
allions mieux que luy nous le
quittâmes en peude temps. Nous
eûmes vent variable juſqu'au
douziéme , & fur les fix heures
du foir le vent eſtant oueft &
arriere il ſe leva une groſſe mer
& le vent ſi violent qu'ils nous
obligerent le lendemain fur les
dix heures du matin de mettre à
la Cap , & mes Pilotes ne ſe faifoient
qu'à cent licuës de Breſt .
Letemps eftant fort obſcur avec
de lapluie , & comme on craint
de s'approcher des terres par un
tel temps , parce que quelque
foisces coups de vent durentdes
huir
DUVOYAGEDE SIAM. I1I13
jours ; cela m'obligea à mettre à
la cap, fur les dix heures du ſoir
du treize le vent & la mer calmerent
, &je me remis à la voile &
le dix-huit Juin nous arrivâmes
graces à Dieu heureuſement à la
rade de Breft , à quatre heures aprés
midyoùdés qu'on eûtmoüillé
jefis tirer le Canon des deux
Vaiſſeaux pour ſaluër les Ambaſ
fadeurs de Siam que j'ay amenez,
heures aprés midy j'ay mis
à la voile avec un bon vent , en
fortantde la Baye prés de la Fortereſſe
Hollandoiſe du Cap de
Bonne- Efperance , je vis trois
vaiſſeaux qui faifoient route pour
venir au Cap ; mais je n'ay pû
diftinguer de quelle Nation ils
eſtoient , je croy qu'ils eſtoient
Hollandois , parce qu'on en attendoit
ce nombre de l'Iſle de
GC
-
DU VOYAGE DE SIAM. 95
Ceilan. Quand nous fumes à
quarante lieuës delà nous trouvâme
la mer fort groſſe , elle nous
tourmenta beaucoup , & nous
continuâmes noſtre route pour
aller paffer la ligne par la meſme
longitudeque nous l'avions pafſée
en allant , il ne ſe pouvoit
que noftre voyage ne fut extrémement
agreable ; car , comme
j'ay déja dit , le Roy de Siam envoyoit
avec nous des Ambaffadeurs
en France , pour témoigner
au Roy avec combien de
paffion il fouhaittoit fon amitié :
ſes grandes qualitez & fa renommée
eſtant venuëjuſqu'à luy,
&faifant depuis long-temps un
extrême bruit dans les Indes . Il
m'avoit dit dans une Audience ,
qu'il ne leur donnoit point d'inſtructions
ſur les ceremonies que
l'on fait en France qui font bien
differentes de celles de fon
96 RELATIO
Royaume , parce qu'il eſtoit perſuadé
que le Roy ne leur feroit
rien faire qui fût prejudiciable à
fes intereſts , & qu'il me chargeoit
de leur conſeiller tout ce
qu'il faudroit faire pour lemieux
quand ils ſeroient en France
qu'il ſe repoſoit ſur moy pour cela
, & qu'il eſtoit bien ſeur que
jene leur conſeillerois rien qui
ne fût à faire . Nous avions donc
avec nous trois Ambaſſadeurs
des plus confiderables de Siam.
Le premier eſt frere du deffunt
Barcalon qui eſtoit premier Miniſtre
du Roy , homme d'eſprit ,
il a toûjours eſté auprés de ſon
frere dans toutes les affaires ,
c'eſt luy qui accompagné d'un
autre eſtoit venu me recevoir à
l'entrée de la Riviere de Siam
lors de mon arrivée & qui a
toûjours eſté avec moy , m'accompagnant
partout où j'allois.
La
DU VOYAGE DE SIAM. 97
La premiere fois que je le vis il
me parut tres-honneſte-homme
& d'un eſprit fort aiſé , ce qui fit
que je dis à Monfieur Conftans
que je croyois qu'il feroit trespropre
pour eftre Ambaſſadeur
en France. Le ſecond eſt un homme
fort âgé qui a beaucoup d'efprit
, & a eſté Ambaſſadeur à la
la Chine dont le Roy fon maiſtre
fut fort content ; le troiſiéme eſt
âgé de vingt- cinq ou trente ans,
fon pere eſt Ambaſſadeur en
Portugal; ce font les meilleures
perſonnes du monde , ils ſont
doux , honnêtes , complaifants,
& de tres-bonne humeur , & je
conte d'eſtre fort de leurs amis.
Ils écrivent juſqu'aux moindres
petites choſes qu'ils voyent , ce
qui me fait plaiſir ; car ils auront
dequoi s'exercer en France , où
ils rencontreront tant de chofes
dignes de leur admiration , je
i
68 RELATION
m'aſſure qu'ils en feront un fidel
recit au Roy leur Maiſtre. Ils devoient
avoir douze Mandarins à
leur ſuites;mais ils n'en ont que
huit parce qu'il en eſt reſté quatre
àSiam qui ne ſont pas venus affés
toſtàbord, il amenoient en France
douze petits garçons pour les
y laiſſer pour apprendre la Langue&
des métiers ; mais il en eſt
reſté une partie avec les quatre
Mandarins qui n'ont pû nous
joindre auſſi bien que quelques
domeſtiques de ces Ambaſſadcurs
ils en ont encore une vingtaine ,
ils font chargés de beaucoup de
beaux preſens pour le Roy , pour
Monseigneur, pour Madame la
Dauphine & pour Meſſeigneurs
les Ducs de Bourgogne & d'Anjou
& pour Meſſieurs de Seignelay
& de Colbert de Croiſy . Il y
en parmy ces prefens beaucoup
de vaſes d'or & d'argent ,
DU VOYAGE DE SIAM. 99
des ouvrages du Japon & des
Manilles , grande quantité de
porcelaines tres - rares , des paravans
de la Chine & du Japon ,
pluſieurs bijoux de tous les endroits
des Indes , des Cabinets ,
coffres , écritoires vernis , & garnis
d'argent , des vazes de terre
ſizelée , qui font legers conume
des plumes , deux petits navires
d'or , l'un pour le Roy & l'autre
pour Monſeigneur le Duc
de Bourgogne , deux pieces de
canon pour le Roy d'environ
deux ou trois livres de balles ,
de fer battu à froid garnis d'argent&
façonné avec de l'argent
approchant d'un ouvrage de raport
, des cornes de rinocerots,
des pierres de Bezoüar & pluſieurs
autres choſes dontje ne me
fouviens pas . Ces preſens vallent
beaucoup , & le Roy de Siam s'eſt
fait un grand plaifir d'envoyer
i ij
100 RELATION
د parce
tout ce qu'il avoit de plus rare.
Monfieur l'Abbé de Lionne fut
prié par ceRoyde faire le voyage
avecſes Ambaſſadeurs ; il leur fera
d'un grand fecours
qu'il parle leur langue , c'eſt un
tres-honnête homme & d'une
haute pieté le meſme Roy témoigna
auſſi à Monfieur le Vacher
qu'il feroit bien- aiſe qu'il retournât
avec ſes Ambaſſadeurs ,
ce qu'il a auſſi fait, il leur ſera
pareillement d'une grande utilité
eſtant un homme fort agiſſant.
Nous avions auſſi avec nous Monfieur
l'Abbé de Choiſi qui a fait le
voyage pour demeurer en qualité
d'Ambaſſadeur en cas que le Roy
dece pays-làſe fût fait Chrétien ;
c'eſt un tres-honnêtehomme quia
beaucoup d'eſprit & de merite . Il
s'eſt fait Prêtre & il a dit ſa premiere
Meſſe dans le Vaiſſeau , il
nous a donné de bons exemples ,
DU VOYAGE DE SIAM. IOI
& nous fait des predications fort
édifiantes , Monfieur l'Abbé du
Chailar étoit auſſi du voyage,c'eſt
un homme d'eſprit & qui nous a
ſouvent prêché. J'avois pourAu
mônier Monfieur l'Abbé deJully
dont j'ai été fort content, ilnous a
auſſi faitdebelles Predications,&
l'AumônierduVaiſſeau Monfieur
le Dot a eu un ſoin fort grand de
tout l'équipage , & de ceux qui
eſtoient malades. Ilne s'eſt point
paſſé de Dimanche ny de Feſte
que nous n'ayons eu des Predications,
& je puis dire grace àDieu
que l'on a vécu dans le Vaiſſeau
avec beaucoup de pieté par le ſecours
de tous ces Meſſieurs qui
exhortoient ſouvent ceux de l'é
quipage à vivre en Chrétiens , il
n'y en a point eu qui ne ſe ſoient
confeffez & fait ſouvent leurs devotions
, ce qui nous a attiré toutes
les benedictions de Dieu
iiij
102 RELATION
que nous avons euës dans ce
voyage ; car on ne peut pas faire
une navigation plus heureuſe .
Nous avions pour Capitaine de
Vaiſſeau Monfieur de Vaudricourt
qui commandoit le vaiſſeau
Loiſeau , c'eſt un tres-honnête
homme , & un des meilleurs na.
vigateurs&des plus ſoigneux que
le Royaye ; j'ay tout- à-fait ſujet
de m'enloüer , il a eu le ſoin de
tout ce qui concernoit le Vaiſ
ſeau ; où rien n'a manqué parles
precautions qu'il avoit priſes avant
noſtre départ , je n'euſſe jamais
crû que cela euſt pû ſe faire
de la forte dans un ſi long voyage.
Nous avions auſſi Monfieur
de Coriton Capitaine de Fregate
legere, un tres-bon Officier fort
foigneux & affiduà ſon métier ;
nous avions pour Lieutenant le
Chevalier de Fourbin que j'ay
laiſſay prés du Roy de Siam, &
DU VOYAGE DE SIAM. 103
Monfieur le Chevalier de Cibois
qui ſontde tres-bons Officiers , &
pour Enſeigne Monfieur de Chamoreau
qui eſt un homme qui
ſçait beaucoup de ſon métier,
par la grande application qu'il y
donne , il eſt capable d'être plus
qu'Enſeigne. Le Roy m'avoit fait
l'honneur de me donner douze
Officiers & gardes Marines pour
m'accompagner à l'Ambaſſade
qui estoient Meſſieurs de Francine
Enſeigne , Saint Villiers enſeigne
, de Compiegne , de Freteville
, de Seneville , du Fays ,
de Joncourt , la Palu , la Foreſt,
d'Hebouville qui eſt mort dans la
Fregate en route , & Monfieur du
Tartre Lieutenant ſur la Fregate
Maline qui eſt tres-honnête
homme & bon Officier . Monfieur
de Joyeuſe commandoit cette
Fregate , & j'ay tous les ſujets du
monde de me loüer de ſa con
i iiij
104
RELATION
duite ; je dois rendre cettejuſtice
à tous ces Meſſieurs qu'ils ont
efté tres- ſages , & ont tout-àfait
répondu au choix que fa Majeſté
en avoit fait ; ils ont bien
appris la navigation & les Mathematiques
; ils avoient un Maiſtre
en allant qui a reſté à Siam , &
en revenant le Pere Taſchard a
bien voulu leur en ſervir ; ceux
qui ne font pas Officiers font capables
de l'être , & ceux qui le
font, font capables de monter à
des degrez plus hauts . Il y avoit
un garde Marine qui estoit commandé
qui n'eſt pas venu avec
moy & qui eft reſté en France; je
diray à la loüange de Monfieur
le Chevalier du Fays qu'il eſt trescapable
d'être Enſeigne , il a eu
unetres- grande application pour
apprendre les manoeuvres & tout
ce qui regarde la navigation. J'avois
pour Secretaire le Sieur de
DU VOYAGE DE SIAM. ios
la Broffe-bonneau qui eſt treshonnête-
homme . Monfieur Conſtans
m'ayant témoigné qu'il ſeroit
bien-aife d'avoir deux de
mes Trompettes & mon Tapiffier
je les luy laiſſay deleur conſentement
, il leur a fait un bon party;
mon Maiſtre d'Hôtel me demanda
d'y refter pour negotier quelque
argent qu'il avoit, un de mes
laquais eft demeuré avec le Chef
de la Compagnie Françoiſe , &
un autre à qui la devotion a fait
prendre party de refter au Seminaire
de Siam pour eftre Miſſionaire
. Monfieur l'Abbé de Choifi
y a aufli laiſſédeux de ſes gens ,
l'un appellé Beauregard qui étoit
Cadet dans le Vaiſſeau
Monfieur Conftans a promis de
faire quelque choſe pour luy , je
croy qu'il le mettra dans la Marine,
il eſt bien demeuré douze
ou quinze François au ſervice du
106 RELATION
Roy & du Miniſtre.
Je continuay ma route & j'eus
vent arriere & le Avril je
paſſay à la hauteur de l'Iſle fainte
Heleine qui eſt habitée par les
Anglois ; les Vaiſſeaux qui viennent
des Indes y touchent ordinairement
, c'eſtà dire quand ils
ne vont pas au Cap de Bonne-
Eſperance ; on m'a dit que c'eſt
une tres-bonne Iſle & bien fertile,
elle eſt à ſeize degrez de latitude
Sud . Le les vents toûjours
arriere je paſſay à la veuë de l'Iſle
de l'Aſcenſion qui eſt à huit degrez
Sud de la ligne. Cette Ifle
n'eſt point habitée, la plupart des
Vaiſſeaux qui paſſent s'y arrêtent
pour y prendre de la tortuë , il y
en a unegrande quantité , & ces
animaux rafraîchiffent beaucoup
les équipages , ils demeurerent
en vie un mois & fix ſemaines
ſans manger , on ne les peut pren
DU VOYAGE DE SIAM. 107
dre que la nuit , car le jour les
tortuës ſe tiennent à la mer , & la
nuit elles ſe retirent en terre pour
y mettre leurs oeufs qu'elles enfoüient
dans le ſable. Pour les
prendre il ſe faut tenir caché avec
un gros bâton à la main& les furprendre
quand elles ſortent de
l'eau, on les renverſe ſur le dos &
lors elles ne peuvent plus ſe retourner
, on en prend des quatrevingt&
cent pour une nuit & le
jour on les embarque & on les
met fur le dos dans le Vaiſſeau . II
ya des Barques qui y vont pour
faller de ces tortuës, qu'elles por
tent aux Iſles de l'Amerique &
que les habitans achetent pour
leurs eſclaves ; comme j'avoisun
bon ventje ne m'y arreſtay point,
ne voulant pas perdre de temps
à paſſer la Ligne Equinoxiale ;
car quelquefois on y reſte longtemps
à cauſedes grands calmes
108 RELATION
&des pluyes qu'on y trouve ; le
28. Avril je paſſay la Ligne avec
un temps admirable , les chaleurş
n'étant point incommodes,peu de
calme & de pluye ; c'étoit la
quatrième fois que je l'avois pafſée
dans ce voyage ſans avoir
quitté le juftau- corps de drap
doublé de meſime;tout mon monde
&mon équipage eſtoient lors
en tres-bonne ſanté à la referve
de quatre, ou cinq qui estoient
malades du flux de ventre depuis
Siam ; cette maladie ſe guerit
rarement dans ces pays-là ,
il ne m'eſtmort que dix ou douze
Matelots ou Soldats. Nous ne
vîmes que tres-peu de poiſion
dans cette traverſe , ce qui eſt
contre la coûtume , car ordinairement
ils'y en trouve en grand
nombre ; nous harponnâmes un
gros poiffon que l'on appelle foufdeur,
environ huitpieds de long&
quatre de large , il avoitſur la tête
1
DU VOYAGET
DE SIAM. 109
un trou par où il reſpire & jettoit
de l'eau en l'air comme une fontaine;
il faisoit beaucoup de bruit&
peſoitenviron 300.livres; ce poif-
Ton eft bon à manger & le harpondonton
ſe ſert pour le prendre
eſt comme le fer d'une fleche,
quand il eſt une fois entré il ne
peut plus reſſortir. On met cet
harpon au bout d'un morceau de
bois bien long que l'on attache à
une corde , un Matelot adroit
tient cet harpon dans la main à
l'avant du Navire , & ce poiſſon
venant à paffer proche de luy il
luy jette le harpon , l'ayant touché
il défile la corde pour que le
poiffon perde ſon ſang &fa force;
enſuite on le retire. Le vingtneuf
nous primes de la meſme
maniere deux autres poiſſons que
l'on nomme Marſoins , ils font
preſque de la meſme figure que le
foufleur , à la referve qu'ils ont
210 RELATION
la tête & le muſeau long , & le
ſoufleur l'a preſque ronde. Ils
pouvoient bien peſer cent cinquante
livres chacun ; ils font
aufſſi tres-bons à manger. Nous
eſtions du côté du Nort avec un
bon vent ; jen'ay eſté que trente
deux jours en route du Cap de
Bonne-Efperance à la Ligne , &
en allant j'avois employé de la
Ligne au Cap ſept ſemaines , parceque
la route eſt beaucoup plus
longue par les vents d'oueſt qu'il
faut aller chercher .
Le 16. May ſur le minuit nous
paſſames le Tropique par l'eſtime
qu'en firent nos Pilotes en
prenant la hauteur. Le i7. à midy
ce fut grace à Dieu la fixieme
fois que nous avions paſſé les
Tropiques dans ce voyage , &
fortant de la Zone torride nous
entrâmesdans la temperée par un
bon vent.
DU VOYAGE DE SIAM. 211
Le premier Juin nous vîmes
la terre , & comme nous croyons
en eſtre à plus de cent cinquante
lieuës cela nous furprit , & comme
il faifoit un grand broüillard
nous fumes obligez de nous en
approcher , & le temps s'étant
éclairci nous reconnûmes que
c'étoit l'Iſle de Flore qui eſt une
des Açores & la plus à l'oueſt; elle
eſt tres-haute , il en tombe de
l'eau des montagnes dansla Mer
ce qui fait de tres-belles caſcades
, & qui nous la fit reconnoître.
Il falloit que nous euſſions
trouvé des courans d'eau qui
nous euſſent portez à l'ouest , que
nous nous faiſions à plus decent
cinquante lieuës à l'eſt . Le cinquiéme
nous vîmes un Vaiſſeau
qui paſſa proche de nous ; mais
comme c'étoit la nuit nous ne
ſçûmes pas de quel paysil eſtoit.
Le ſeptiéme nous en vîmes un
12 RELATION
autre qui eſtant venu proche du
mien,j'envoyay mon canot àbord
avec un Officier qui me dit que
c'étoit un Navire de Londres qui
venoit de Virginie qui s'en retournoit
à Londres, il eſtoit chargé
de tabac , & comme il faifoit
beaucoup de vent, & que nous
allions mieux que luy nous le
quittâmes en peude temps. Nous
eûmes vent variable juſqu'au
douziéme , & fur les fix heures
du foir le vent eſtant oueft &
arriere il ſe leva une groſſe mer
& le vent ſi violent qu'ils nous
obligerent le lendemain fur les
dix heures du matin de mettre à
la Cap , & mes Pilotes ne ſe faifoient
qu'à cent licuës de Breſt .
Letemps eftant fort obſcur avec
de lapluie , & comme on craint
de s'approcher des terres par un
tel temps , parce que quelque
foisces coups de vent durentdes
huir
DUVOYAGEDE SIAM. I1I13
jours ; cela m'obligea à mettre à
la cap, fur les dix heures du ſoir
du treize le vent & la mer calmerent
, &je me remis à la voile &
le dix-huit Juin nous arrivâmes
graces à Dieu heureuſement à la
rade de Breft , à quatre heures aprés
midyoùdés qu'on eûtmoüillé
jefis tirer le Canon des deux
Vaiſſeaux pour ſaluër les Ambaſ
fadeurs de Siam que j'ay amenez,
Fermer
15
p. 297-308
Description de tous les Meubles qui sont au Gardemeuble de la Couronne, où les Ambassadeurs ont esté. [titre d'après la table]
Début :
Ils allerent le lendemain au Garde-Meuble de la Couronne, [...]
Mots clefs :
Garde-meuble de la couronne, Roi, Louvre, Argent, Pièces, Grande galerie, Médailles, Meubles, Maisons royales
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Description de tous les Meubles qui sont au Gardemeuble de la Couronne, où les Ambassadeurs ont esté. [titre d'après la table]
Ils allerent le len
demain auGarde- Meuble
de la Couronne , proche
le Louvre, dans le lieu appellé
autrefois , le Petit
Bourbon , parce que c'eſt
une aifle du Logis duConneſtable
de Bourbon, qu'-
on a abatu , à cauſe qu'il
298 Voyage des Amb.
eftoit dans le grand deffein
du Louvre. Ils virent
d'abord les Couvertures.
de Mulets du Roy. Il y
en a vingt-huit dont le
fond eſt de velours bleu.
Les A mes deFrance & de
Navarre font dans le milieu
, & d'une broderie
fort relevée , ainſi que les
ornemens , qui font aux
quatre coins. Ils virent
enfuire foixante Lits tresmagnifiques
, car on ne
voulut pas leur montrer
deSiam.
299
ceux qui ſont moins
beaux , quoy qu'ils foient
fort riches. Les premiers
qu'on leur fit voir , font
de Perfe , de Turquie , de
la Chine , de Portugal ,&
de pluſieurs autres Nations
où l'on travaille le
mieux. Il ya le Lit du Sacre
àdeux envers de broderie,
eftimé fix cens mille
livres ; le Lit de l'Hiſtoire
de Proferpine , & le Lit
appellé de la Reyne Marguerite
; il y en a de Petit
300 Voyage des Amb.
Point , que ceux qui les
voyent de quatre pas ,
prennentpour de la Peinture;
d'autres fur des fonds.
d'or,& fur des fonds d'argent
, & d'autres brodez
fur des velours de toutes
fortes de couleurs , On
leur montra l'équipage
d'un Vaiſſeau du Roy qui
eft à Toulon , nommé Le
Royal Louis .Il contient en
eent cinquante pieces fix
mille aunes de Damas
paffé d'or , avec les Corde
Siam.
301
dages qui font or, argent,
squ
& foye. On leur fit voir
auffi une piece de chaque
Tenture de Tapiſſerie.
Ces Tentures ſont Scipion
, Conftantin , Coriolan,
les Actes des Apoſtres,
Alexandre , Fructus belli ,
les Elemens , les Maiſons
Royales , les Chaffes , les
Groteſques , les douze
Mois, le Triomphe de l'Amour,
les SeptAges, l'Hiftoire
du Roy , fon Sacre ,
l'Alliance des Suiffes , les
302 Voyage des Amb.
Priſes de Villes . Ils virent
auffi un Tapis fait au lieu
appellé , la Savonnerie , il
eft de ſept aulnes & demie
de long . Il y en a quatre-
vingt - treize de mef.
me, qui tous enſemble ne
font qu'un Tapis . Cet
Ouvrage a eſté fait pour
la grande Galerie du Louvre.
Il y en a douze autres
pour la Galerie d'Apollon
, qui eft à coſté de la
grande Galerie. Quoy
qu'il y euſt beaucoup
deSiam. 303
d'argenterie , je n'en fais
point de détail , parce que
la plus belle eft à Verſailles
; mais il y a un Service
avec le Bufet de Vermeil
doré à coſtes , qui eſt trescurieux.
On l'appelle Service
de Medailles , parce
qu'il eſt tout remply de
petites Médailles qui re
preſentent les Empereurs
Romains , & d'autres
Teſtes Antiques. Ce qu'il
y a de ſurprenant dans
ce Service , c'eſt que les
304 Voyage des Amb.
Médailles ne font point
dorées , quoy que tout
le reſte le ſoit. Ils s'attacherent
fort à regarder
un Cabinet aſſez grand ,
&tout d'acier , qui eſt un
Preſent qu'on a fait au
Roy. Outre tous ces
Meubles , Sa Majefté en
a encore une infinité d'autres
dans toutes les Maiſons
Royales , afin qu'on
ne foit pas obligé d'y en
tranſporrer lors qu'Elle y
va faire quelque ſéjour.
de Siam. 30
1
Ily en a grand nombre de
beaux à Vincennes ,
ceux qui font dans le Gardemeuble
de Verſailles
font fi magnifiques qu'on
peut dire qu'ils furpaffent
ceux de Paris. Non feulement
le Roy en fait faire
tous les jours de nouveaux
, mais Sa Majefté
fait travailler à des Etofes
extraordinaires pourr
en faire , & l'on montra
aux Ambaſſadeurs prés de
cent pieces de Brocards
C
306 Voyage des Amb.
d'or& d'argent, faites fur
des deffeins nouveaux , &
auſquels on n'a rien veu
encore de pareil. Il y en
a fur tout d'une telle hauteur
, qu'ils paffent tous
ceux qu'on a faits juſqu'à
preſent en quelque lieu
dumonde que ce foit , &
mefme ceux du Levant.
Ils font de laManufacture
que le Roy a fait établir
à S. Maur par M² Charlier.
Il y avoit auffi des
Rideaux de Damas blanc
de Siam.
307
9
pour les feneftres de Verfailles
, avec des Couron-
,
nes des Chiffres , & des
Lires d'or, mais feulement
d'eſpace en eſpace , parce
qu'on ne doit pas trop
charger d'or un Rideau
qui doit eſtre aide à mi
nier Je ne vous parle de
ces Rideaux que parce
qu'ils font tout d'une pie--
ce, quov qu'il ſo end en
viron ſeptaulnes &demie:
de haut , & de quatre &
demie de large. Le pre-
Ccij
308 Voyage des Amb.
mier Ambaſfadeur en furt
fi furpris qu'il meſura luymefme
ce Rideau . Quant
aux Brocards il y en a d'affez
larges , pour faire des
Pieces de Tenture de Tapifferie
de Cabinet , tout
d'un morceau. Le Roy
s'en fert pour faire des
Meubles d'Eſté ; il y en a
dont on peut auffi faire
des Meubles d'Hyver. Ils
font tout remplis de fleurs
d'or frifé
demain auGarde- Meuble
de la Couronne , proche
le Louvre, dans le lieu appellé
autrefois , le Petit
Bourbon , parce que c'eſt
une aifle du Logis duConneſtable
de Bourbon, qu'-
on a abatu , à cauſe qu'il
298 Voyage des Amb.
eftoit dans le grand deffein
du Louvre. Ils virent
d'abord les Couvertures.
de Mulets du Roy. Il y
en a vingt-huit dont le
fond eſt de velours bleu.
Les A mes deFrance & de
Navarre font dans le milieu
, & d'une broderie
fort relevée , ainſi que les
ornemens , qui font aux
quatre coins. Ils virent
enfuire foixante Lits tresmagnifiques
, car on ne
voulut pas leur montrer
deSiam.
299
ceux qui ſont moins
beaux , quoy qu'ils foient
fort riches. Les premiers
qu'on leur fit voir , font
de Perfe , de Turquie , de
la Chine , de Portugal ,&
de pluſieurs autres Nations
où l'on travaille le
mieux. Il ya le Lit du Sacre
àdeux envers de broderie,
eftimé fix cens mille
livres ; le Lit de l'Hiſtoire
de Proferpine , & le Lit
appellé de la Reyne Marguerite
; il y en a de Petit
300 Voyage des Amb.
Point , que ceux qui les
voyent de quatre pas ,
prennentpour de la Peinture;
d'autres fur des fonds.
d'or,& fur des fonds d'argent
, & d'autres brodez
fur des velours de toutes
fortes de couleurs , On
leur montra l'équipage
d'un Vaiſſeau du Roy qui
eft à Toulon , nommé Le
Royal Louis .Il contient en
eent cinquante pieces fix
mille aunes de Damas
paffé d'or , avec les Corde
Siam.
301
dages qui font or, argent,
squ
& foye. On leur fit voir
auffi une piece de chaque
Tenture de Tapiſſerie.
Ces Tentures ſont Scipion
, Conftantin , Coriolan,
les Actes des Apoſtres,
Alexandre , Fructus belli ,
les Elemens , les Maiſons
Royales , les Chaffes , les
Groteſques , les douze
Mois, le Triomphe de l'Amour,
les SeptAges, l'Hiftoire
du Roy , fon Sacre ,
l'Alliance des Suiffes , les
302 Voyage des Amb.
Priſes de Villes . Ils virent
auffi un Tapis fait au lieu
appellé , la Savonnerie , il
eft de ſept aulnes & demie
de long . Il y en a quatre-
vingt - treize de mef.
me, qui tous enſemble ne
font qu'un Tapis . Cet
Ouvrage a eſté fait pour
la grande Galerie du Louvre.
Il y en a douze autres
pour la Galerie d'Apollon
, qui eft à coſté de la
grande Galerie. Quoy
qu'il y euſt beaucoup
deSiam. 303
d'argenterie , je n'en fais
point de détail , parce que
la plus belle eft à Verſailles
; mais il y a un Service
avec le Bufet de Vermeil
doré à coſtes , qui eſt trescurieux.
On l'appelle Service
de Medailles , parce
qu'il eſt tout remply de
petites Médailles qui re
preſentent les Empereurs
Romains , & d'autres
Teſtes Antiques. Ce qu'il
y a de ſurprenant dans
ce Service , c'eſt que les
304 Voyage des Amb.
Médailles ne font point
dorées , quoy que tout
le reſte le ſoit. Ils s'attacherent
fort à regarder
un Cabinet aſſez grand ,
&tout d'acier , qui eſt un
Preſent qu'on a fait au
Roy. Outre tous ces
Meubles , Sa Majefté en
a encore une infinité d'autres
dans toutes les Maiſons
Royales , afin qu'on
ne foit pas obligé d'y en
tranſporrer lors qu'Elle y
va faire quelque ſéjour.
de Siam. 30
1
Ily en a grand nombre de
beaux à Vincennes ,
ceux qui font dans le Gardemeuble
de Verſailles
font fi magnifiques qu'on
peut dire qu'ils furpaffent
ceux de Paris. Non feulement
le Roy en fait faire
tous les jours de nouveaux
, mais Sa Majefté
fait travailler à des Etofes
extraordinaires pourr
en faire , & l'on montra
aux Ambaſſadeurs prés de
cent pieces de Brocards
C
306 Voyage des Amb.
d'or& d'argent, faites fur
des deffeins nouveaux , &
auſquels on n'a rien veu
encore de pareil. Il y en
a fur tout d'une telle hauteur
, qu'ils paffent tous
ceux qu'on a faits juſqu'à
preſent en quelque lieu
dumonde que ce foit , &
mefme ceux du Levant.
Ils font de laManufacture
que le Roy a fait établir
à S. Maur par M² Charlier.
Il y avoit auffi des
Rideaux de Damas blanc
de Siam.
307
9
pour les feneftres de Verfailles
, avec des Couron-
,
nes des Chiffres , & des
Lires d'or, mais feulement
d'eſpace en eſpace , parce
qu'on ne doit pas trop
charger d'or un Rideau
qui doit eſtre aide à mi
nier Je ne vous parle de
ces Rideaux que parce
qu'ils font tout d'une pie--
ce, quov qu'il ſo end en
viron ſeptaulnes &demie:
de haut , & de quatre &
demie de large. Le pre-
Ccij
308 Voyage des Amb.
mier Ambaſfadeur en furt
fi furpris qu'il meſura luymefme
ce Rideau . Quant
aux Brocards il y en a d'affez
larges , pour faire des
Pieces de Tenture de Tapifferie
de Cabinet , tout
d'un morceau. Le Roy
s'en fert pour faire des
Meubles d'Eſté ; il y en a
dont on peut auffi faire
des Meubles d'Hyver. Ils
font tout remplis de fleurs
d'or frifé
Fermer
Résumé : Description de tous les Meubles qui sont au Gardemeuble de la Couronne, où les Ambassadeurs ont esté. [titre d'après la table]
Les ambassadeurs ont visité le Garde-Meuble de la Couronne, situé près du Louvre, dans un lieu autrefois appelé le Petit Bourbon. Ils ont examiné diverses couvertures de mulets du roi, dont vingt-huit avec un fond de velours bleu et des armes de France et de Navarre brodées. Ils ont également observé soixante lits magnifiques, provenant de Perse, de Turquie, de Chine et du Portugal. Parmi ces lits, le Lit du Sacre, estimé à six cents mille livres, et le Lit de l'Histoire de Proserpine étaient particulièrement remarquables. Les ambassadeurs ont aussi vu l'équipage du vaisseau royal, le Royal Louis, contenant cinquante pièces de damas passé d'or. Diverses tentures de tapisserie, telles que Scipion, Constantin, Coriolan et les Actes des Apôtres, leur ont été présentées. Ils ont admiré un tapis de la Savonnerie, mesurant sept aulnes et demie de long, destiné à la grande galerie du Louvre. Le texte mentionne également un service d'argenterie appelé Service de Médailles, rempli de petites médailles représentant des empereurs romains. Les ambassadeurs ont également vu un cabinet en acier, offert au roi, et divers autres meubles dans les maisons royales. Le roi possède une grande collection de meubles magnifiques, notamment à Vincennes et à Versailles, où des étoffes extraordinaires sont fabriquées. Ils ont vu près de cent pièces de brocards d'or et d'argent, ainsi que des rideaux de damas blanc ornés de couronnes, de chiffres et de lires d'or.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
16
p. 272-285
Description de la Galerie, & du grand Apartement du Roy, [titre d'après la table]
Début :
On les mena ensuite voir la Galerie, & le grand [...]
Mots clefs :
Galerie, Grand appartement du roi, Description, Argent, Roi, Pieds, Charles Le Brun, Vases, Brancards, Ambassadeur, Appartement, Guéridons, Girandoles, Chandeliers, Bronze doré, Peintures, Premier ambassadeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Description de la Galerie, & du grand Apartement du Roy, [titre d'après la table]
On
les mena enſuite voir la Ga-
แว lerie ,& le grand & petit appartement
de Sa Majefté. Ce
feroit icy le lieu de vous faire
une ample deſcription de la
Galerie;mais comme je vous
en ay déja donné en détail
✓ dans ma Lettre de Septembre
1684. je vous diray ſeulement
qu'elle a quarante toiſes de
long , & trente-fix pieds de
large ; Que Me le Brun y a
peint l'hiſtoire du Roy depuis
la Paix des Pyrenées , juſqu'à
celle de Nimegue ; & que
toutes les actions de ce Monarque
y font repreſentées
Y
262 Suite da Voyage
fous des Figuresallégoriques.
Mr le Brun a travaillé pendant
quatre année à gétOu
vrage , qui eſt tout de ſa main.
Il y a huit Figures antiques
dans huit niches de cette
Galerie , qui font l'Apollon
& la Venus de Smirne , la
Venus d'Arles , la Diane d'Epheſe
, le Bachus ,le Sommeil
, & deux Senateurs. Les
trois premieres de ces Figures
ont eſte reſtaurées par M
Girardon ; il a auffi accommodé
en buſtes avec des draperies
de Bronze doré douze
Têtes de Porphire , qui repre
fentent les douze Cefars , &
des Amb, de Siam.
263
quatre autres de pierre de
Touche ou pierre noire , qui
font des Têtes d'Hommes Illuftres.
Toutes ces Statuës
& toutes ces Buſtes ne font
pas le ſeul ornement de la
Galerie ; on y voit auffi beaucoup
de Vazes , de Brancards,
ide Quaiffes d'Orangers , de
Cuvettes , de Bancs de Tor
| cheres , de Gueridons d'ar
gent , garnis de Girandoles &
de Chandeliers de même ma
tiere , ainſi que pluſieurs Vazes
& Navichelles de Porphire
de formes differentes fort
delicatement travaillez &
Yij
264 Suite du Voyage
tres bien foüillez . Ces Vazes
font poſez deſſus & deſſous
des Tables qui font auffi de
Pierres precieuſes , & que les
Glaces dont pluſieurs grands
ceintres de ce Lieu ſont remplis,
multiplient encore .
Comme Mr le Brun fe
trouva dans cette Galerie , il
fatisfit les Ambaſſadeurs fur
tout ce que leur curiofité les
porta à luy demander. Le
premier Ambaſſadeur s'attacha
a confiderer tous les Portraits
du Roy , qu'il remarqua.
Mª le Brún luy expliqua
l'endroit de la priſe de
Gand , & luy dit que le Roy
des Amb. de Siam.
265
voulant affieger cette Place , avoit
efté d'abord ſur les Frontieres
d'Allemagne pour empescber
ſes Ennemis de s'en douter ;
qu'ensuite des Troupes difpersées
en divers endroits , &
auſquelles on ne pensoit pas
ayant foudain affiegé Gand , le
- Roy qu'on en croyoit bien éloigné
, avoit pris la poſte , & s'étoit
trouvé tout- à-coup devant
cette Place. L'Ambaſſadeur
>
répondit , Que l'action estant
d'un Dien , il ne s'étonnoit pas
fi dans ce Tableau le Roy paroiffoit
dans cette posture. Ce
que cét Ambaſſadeur voyoit
alors , & tout ce qu'il avoit
Y uj
266 Suite du Voyage
déja veu de Me le Brun , fut
cauſe qu'il luy dit , qu'il estoit
Le Roy des Peintres. Ce qu'il
a ſouvent dit depuis. Il trouva
les Bancs d'argent que
M² de Launay Orphévre du
Roy a fait dans cette Galerie,
tres-bien travaillez , & en
leva un par les deux bouts
pour en connoître à peu prés
la peſanteur & dit qu'en les
faisant si lourds , on avoit trouvé
une bonne invention pour
empefcher les Voleurs de les emporter.
L'Ambaſſfadeur avant
que de ſortir de cette Galerie
, examina les ornemens
qui en accompagnent la peine
des Amb: de Siam. 267
ture qui conſiſtent en des
Trophées de relief qui font
fur la corniche qui eſt dorée
auffi-bien que la frife & l'architrave
des chapiteaux , &
des bazes de Bronze doré ,
& des pilaftres d'un tres -beau
Marbre , ainſi que le reſte de
L'Architecture S
Ils pafferent enfuite dans le
Salon de la,Galerie,, par le
quel on entre dans le grand
Appartement du Roy On
le nomme Le Salon de Mars ,
par rapport aux peintures
que Me la Brun y achevoit
alors. Les échafaux qui en
couvroient le Plafonds , y
.
268 Suite du Voyage
eftoient encore. Ce Salon
ne laiſſoit pas d'eſtre orné de
Brancards d'argent , portant
des Chandeliers de deux pieds
de haut , & de quantité de
Vazesd'argent entre ces Brancards
Ils entrerent de làdans le
grand Appartement , qui
contient une longue enfilade
de Pieces. La premiere
qu'ils virent eſt celle du
Trône. La Tapifferie eſtoit
d'une broderie or & argent ,
& d'un ſi grand relief, qu'on
remarquoit en pluſieurs endroits
des morceaux d'argent
cizelé Le Dais estoit de
même.
des Amb. de Siam. 269
même. Au deſſous de ce Daix
ſur une eſtrade couverte d'un
Tapis de Perle à fonds d'or ,
eſtoit un Trône d'argent de
huit pieds de haut. Quatre
Enfans portant des Corbeilles
de fleurs , en ſoutiennent
le fiege & le doffier. Sur le
haut du ſiege que forme le
doffier Apollon eſt en pied, avec
une Couronne de Laurier
ſur la tête , & tenant ſa Lyre.
La Juſtice & la Force font
affiſes ſur les deux tournans.
Aux deux côtez du Trône
deux ſcabelons d'argent portent
des Carreaux , aux deux
angles ſont des Torcheres de
Z
270 Suite du Voyage
huit pied de haut. Quatre
Girandoles portées par des
Gueridons d'argent de fix
pieds de haut, parent les quatre
coins de la Chambre .
Celle qui fuit eſt la Chambre
de Mercure , toutes ayant leur
nom par rapport aux peintures
qu'on y voit. Il y avoit
dedans un Lit tout de Point
d'Eſpagne , dont le ciel finit
en dôme C'eſt l'ouvrage le
plus beau & le plus grand
de cette Nature qu'on ait encore
fait . On voit enfuite la
Chambre de Mars ; puis celle
deDiane ; aprés quoy on trouve
la Salle de Venus , & celle
des Amb. de Siam.
271
,
de l' Abondance. Je n'entreray
point dans le détail de l'Argenteric
qui eſt dans toutes
ces Chambres. Il y en a pour
pluſieurs millions confiftant
en Balustrades d'argent de
douze pieds de haut , & des
Chandeliers deſſus de même
hauteur , Scabelons , Caffoletes
, Baffins de trois à quatre
pieds de diametre , Vazes ,
Cheners , Foyers , garnitures
de Cheminées , Luftres d'ar
gent , Tables , bordures de
Miroirs , Gueridons , groupes
de Figures d'argent , Cuvettes
, Sceaux , Buires , Gue
ridons , quaiſſes d'Orangers
Zij
272 Suite du Voyage
Brancards & Girandoles.Tous
ces Ouvrages font hiftoriez &
remplis de Figures bien travaillées.
Il ſeroit impoffible
de vous dire avec combien
d'application toutes ces choſes
furent regardées ; mais il
eſt plus aiſe de ſe l'imaginer ,
ſçachant l'efprit & la curioſité
des Ambaſſadeurs , qui ne
laiſſent rien échaper ſans l'examiner
, & qui demandent
des éclairciſſemens fur tout
ce qu'ils ne connoiffent pas.
Le premier Ambaſſadeur prit
beaucoup de plaifir à regarder
deux Tableaux de Raphaël
, dont l'un reprefente
des Amb. de Siam. 273
د la Sainte Famille & l'autre
un Saint Michel. Aprés qu'on
luy eut dit qu'ils eſtoient
d'un même Maître , & également
beaux , on luy demanda
lequel il aimoit le mieux.
Il répondit , Que puisque le
travail estoit égal , il aimoit
mieux celuy qui estoit remply de
Figures , parce que les beautez
y devoient estre en plus grand
nombre.
les mena enſuite voir la Ga-
แว lerie ,& le grand & petit appartement
de Sa Majefté. Ce
feroit icy le lieu de vous faire
une ample deſcription de la
Galerie;mais comme je vous
en ay déja donné en détail
✓ dans ma Lettre de Septembre
1684. je vous diray ſeulement
qu'elle a quarante toiſes de
long , & trente-fix pieds de
large ; Que Me le Brun y a
peint l'hiſtoire du Roy depuis
la Paix des Pyrenées , juſqu'à
celle de Nimegue ; & que
toutes les actions de ce Monarque
y font repreſentées
Y
262 Suite da Voyage
fous des Figuresallégoriques.
Mr le Brun a travaillé pendant
quatre année à gétOu
vrage , qui eſt tout de ſa main.
Il y a huit Figures antiques
dans huit niches de cette
Galerie , qui font l'Apollon
& la Venus de Smirne , la
Venus d'Arles , la Diane d'Epheſe
, le Bachus ,le Sommeil
, & deux Senateurs. Les
trois premieres de ces Figures
ont eſte reſtaurées par M
Girardon ; il a auffi accommodé
en buſtes avec des draperies
de Bronze doré douze
Têtes de Porphire , qui repre
fentent les douze Cefars , &
des Amb, de Siam.
263
quatre autres de pierre de
Touche ou pierre noire , qui
font des Têtes d'Hommes Illuftres.
Toutes ces Statuës
& toutes ces Buſtes ne font
pas le ſeul ornement de la
Galerie ; on y voit auffi beaucoup
de Vazes , de Brancards,
ide Quaiffes d'Orangers , de
Cuvettes , de Bancs de Tor
| cheres , de Gueridons d'ar
gent , garnis de Girandoles &
de Chandeliers de même ma
tiere , ainſi que pluſieurs Vazes
& Navichelles de Porphire
de formes differentes fort
delicatement travaillez &
Yij
264 Suite du Voyage
tres bien foüillez . Ces Vazes
font poſez deſſus & deſſous
des Tables qui font auffi de
Pierres precieuſes , & que les
Glaces dont pluſieurs grands
ceintres de ce Lieu ſont remplis,
multiplient encore .
Comme Mr le Brun fe
trouva dans cette Galerie , il
fatisfit les Ambaſſadeurs fur
tout ce que leur curiofité les
porta à luy demander. Le
premier Ambaſſadeur s'attacha
a confiderer tous les Portraits
du Roy , qu'il remarqua.
Mª le Brún luy expliqua
l'endroit de la priſe de
Gand , & luy dit que le Roy
des Amb. de Siam.
265
voulant affieger cette Place , avoit
efté d'abord ſur les Frontieres
d'Allemagne pour empescber
ſes Ennemis de s'en douter ;
qu'ensuite des Troupes difpersées
en divers endroits , &
auſquelles on ne pensoit pas
ayant foudain affiegé Gand , le
- Roy qu'on en croyoit bien éloigné
, avoit pris la poſte , & s'étoit
trouvé tout- à-coup devant
cette Place. L'Ambaſſadeur
>
répondit , Que l'action estant
d'un Dien , il ne s'étonnoit pas
fi dans ce Tableau le Roy paroiffoit
dans cette posture. Ce
que cét Ambaſſadeur voyoit
alors , & tout ce qu'il avoit
Y uj
266 Suite du Voyage
déja veu de Me le Brun , fut
cauſe qu'il luy dit , qu'il estoit
Le Roy des Peintres. Ce qu'il
a ſouvent dit depuis. Il trouva
les Bancs d'argent que
M² de Launay Orphévre du
Roy a fait dans cette Galerie,
tres-bien travaillez , & en
leva un par les deux bouts
pour en connoître à peu prés
la peſanteur & dit qu'en les
faisant si lourds , on avoit trouvé
une bonne invention pour
empefcher les Voleurs de les emporter.
L'Ambaſſfadeur avant
que de ſortir de cette Galerie
, examina les ornemens
qui en accompagnent la peine
des Amb: de Siam. 267
ture qui conſiſtent en des
Trophées de relief qui font
fur la corniche qui eſt dorée
auffi-bien que la frife & l'architrave
des chapiteaux , &
des bazes de Bronze doré ,
& des pilaftres d'un tres -beau
Marbre , ainſi que le reſte de
L'Architecture S
Ils pafferent enfuite dans le
Salon de la,Galerie,, par le
quel on entre dans le grand
Appartement du Roy On
le nomme Le Salon de Mars ,
par rapport aux peintures
que Me la Brun y achevoit
alors. Les échafaux qui en
couvroient le Plafonds , y
.
268 Suite du Voyage
eftoient encore. Ce Salon
ne laiſſoit pas d'eſtre orné de
Brancards d'argent , portant
des Chandeliers de deux pieds
de haut , & de quantité de
Vazesd'argent entre ces Brancards
Ils entrerent de làdans le
grand Appartement , qui
contient une longue enfilade
de Pieces. La premiere
qu'ils virent eſt celle du
Trône. La Tapifferie eſtoit
d'une broderie or & argent ,
& d'un ſi grand relief, qu'on
remarquoit en pluſieurs endroits
des morceaux d'argent
cizelé Le Dais estoit de
même.
des Amb. de Siam. 269
même. Au deſſous de ce Daix
ſur une eſtrade couverte d'un
Tapis de Perle à fonds d'or ,
eſtoit un Trône d'argent de
huit pieds de haut. Quatre
Enfans portant des Corbeilles
de fleurs , en ſoutiennent
le fiege & le doffier. Sur le
haut du ſiege que forme le
doffier Apollon eſt en pied, avec
une Couronne de Laurier
ſur la tête , & tenant ſa Lyre.
La Juſtice & la Force font
affiſes ſur les deux tournans.
Aux deux côtez du Trône
deux ſcabelons d'argent portent
des Carreaux , aux deux
angles ſont des Torcheres de
Z
270 Suite du Voyage
huit pied de haut. Quatre
Girandoles portées par des
Gueridons d'argent de fix
pieds de haut, parent les quatre
coins de la Chambre .
Celle qui fuit eſt la Chambre
de Mercure , toutes ayant leur
nom par rapport aux peintures
qu'on y voit. Il y avoit
dedans un Lit tout de Point
d'Eſpagne , dont le ciel finit
en dôme C'eſt l'ouvrage le
plus beau & le plus grand
de cette Nature qu'on ait encore
fait . On voit enfuite la
Chambre de Mars ; puis celle
deDiane ; aprés quoy on trouve
la Salle de Venus , & celle
des Amb. de Siam.
271
,
de l' Abondance. Je n'entreray
point dans le détail de l'Argenteric
qui eſt dans toutes
ces Chambres. Il y en a pour
pluſieurs millions confiftant
en Balustrades d'argent de
douze pieds de haut , & des
Chandeliers deſſus de même
hauteur , Scabelons , Caffoletes
, Baffins de trois à quatre
pieds de diametre , Vazes ,
Cheners , Foyers , garnitures
de Cheminées , Luftres d'ar
gent , Tables , bordures de
Miroirs , Gueridons , groupes
de Figures d'argent , Cuvettes
, Sceaux , Buires , Gue
ridons , quaiſſes d'Orangers
Zij
272 Suite du Voyage
Brancards & Girandoles.Tous
ces Ouvrages font hiftoriez &
remplis de Figures bien travaillées.
Il ſeroit impoffible
de vous dire avec combien
d'application toutes ces choſes
furent regardées ; mais il
eſt plus aiſe de ſe l'imaginer ,
ſçachant l'efprit & la curioſité
des Ambaſſadeurs , qui ne
laiſſent rien échaper ſans l'examiner
, & qui demandent
des éclairciſſemens fur tout
ce qu'ils ne connoiffent pas.
Le premier Ambaſſadeur prit
beaucoup de plaifir à regarder
deux Tableaux de Raphaël
, dont l'un reprefente
des Amb. de Siam. 273
د la Sainte Famille & l'autre
un Saint Michel. Aprés qu'on
luy eut dit qu'ils eſtoient
d'un même Maître , & également
beaux , on luy demanda
lequel il aimoit le mieux.
Il répondit , Que puisque le
travail estoit égal , il aimoit
mieux celuy qui estoit remply de
Figures , parce que les beautez
y devoient estre en plus grand
nombre.
Fermer
Résumé : Description de la Galerie, & du grand Apartement du Roy, [titre d'après la table]
Le texte décrit une visite de la Galerie et des appartements royaux. La Galerie, mesurant quarante toises de longueur et trente-six pieds de largeur, est décorée de peintures de Charles Le Brun illustrant l'histoire du roi depuis la Paix des Pyrénées jusqu'à la Paix de Nimègue, accompagnées de figures allégoriques. Le Brun a consacré quatre années à cet ouvrage. La Galerie abrite également huit statues antiques restaurées par Girardon et douze bustes en porphyre représentant les douze Césars. Divers objets d'art, tels que des vases, des brancards, des girandoles et des tables en pierres précieuses, y sont exposés. Les ambassadeurs, curieux et attentifs, ont examiné chaque détail et ont été impressionnés par la qualité des œuvres, notamment les bancs d'argent et les trophées de relief dorés. La visite s'est poursuivie dans le Salon de Mars, puis dans le grand appartement du roi, incluant la chambre du Trône, la chambre de Mercure, celle de Mars, celle de Diane et la salle de l'Abondance. Chaque chambre est richement décorée d'argenterie et de peintures. Les ambassadeurs ont manifesté un grand intérêt pour les tableaux de Raphaël, en particulier ceux représentant la Sainte Famille et Saint Michel.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
17
p. 245-269
Lille. [titre d'après la table]
Début :
Ce même jour 3. de Novembre ils allerent coucher à [...]
Mots clefs :
Lille, Ville, Fort, Sébastien Le Prestre de Vauban, Roi, La Rablière, Place, Hôtel de la monnaie, Flandre, Citadelle, Ambassadeurs, Monde, Argent, Gendarmes, France, Temps, Dames, Moulin, Peuple, Chevaux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Lille. [titre d'après la table]
Ce même jour 3. de Novembre
ils allerent coucher à
Lifle , qui eſt ſur la Riviere de
Deulle , dont l'eau remplit ſes
doubles foffez qu'on a diftinguez
de demy-lunes. La Ville
eft fort grande & a des Eglifes
magnifiques. Baudoüin V.
dit de Lifle , Comte de Flandre
y fonda la Collegiale de
S. Pierre . C'eſt la plus confiderable
. Lifle , Capitale de la
Flandre nommée Gallicane ,
fut entourée deMurailles par
le meſme Baudoüin V. en
1046. Philippes le Hardy y
établit une Chambre des
X iij
246 II P. du Voyage
Comtes en 1385. Le Roy la foûmit
en 1667. & comme elle eſt
reftée à la France par la Paix
d'Aix la Chapelle en 1668, Sa
Majesté y a fait élever une
forte Citadelle flanquée de
cinq grands BaſtionsRoyaux.
Apeine les Ambaſſadeurs furent-
ils fortis de Menin, qu'ils
commencerent à voir le Peuple
de Lifle qui rempliſſoit la
Campagne. A une lieuë de la
Place, ils trouverent un fort
grand nombre de Caroffes &
de Chevaux , tant de la Nobleſſe
de la Ville , que decelle
des environs .On avoitran
des Amb . de Siam. 247
gélaGendarmerie en bataille,
elle eſtoit fort leſte , & commandée
par Me Doleac qui
eſtoit à la teſte , & qui falia
les Ambaſſadeurs ainſi que
tous les Officiers ; chacun
d'eux avoit l'épée à la main.
Mde la Rabliere Comman--
dant , les reçût hors la Ville ,
&leur preſenta Mts du Magiftrat
qui leur témoignerent
la joye qu'ils avoient de les
recevoir ,& d'executer l'ordre
du Roy. Ces premiers
complimens eſtant finis , ils
entrerent dans la Ville , où la
foule du Peuple eſtoit fi gran-
X iiij
248 III. P. du Voyage
de , que les Ambaſſadeurs di
rent qu'ils croyoient eftre encore au
jour de leur Entrée à Paris. Aprés
avoir paſſé dans pluſieurs
grandes&belles ruës bordées
de Troupes , ils retrouverent
la Gendarmerie en bataille
dans la place. M² de la Rabliere
les alla voir peu de
temps aprés leur arrivée , &
leur demanda le Mot. Ils
ſçavoient que Me le Maref
chal de Humieres , Gouverneur
de Lifle , commandoit
les Armées du Roy , & eftoit
grand Maître de l'Artillerie ,
c'eſt pourquoy ils donnerent,
des Anb. de Siam. 249
quand le Soleil menace , le Tonnere
gronde. Il y eut beaucoup
de monde à les voir fouper ,
&fur tout quantité de Dames,
il s'en trouva un grand nombre
de fort belles. Le lendemain
M de la Rabliere donna
ordre qu'on amenaft des
Caroſſes à la porte du lieu où
ils eftoient logez , & les conduiſit
à la Citadelle. Ils y furent
receus au bruit du Canon
, comme ils l'avoient eſté
le jour precedent au bruit de
celuy de la Ville. L'Infanterie
eſtoit en bataille. Ils monterent
fur les Remparts , & en
250 III P duVoyage
firent le tour , avec M Morion
qui en eſt Lieutenant de
Roy , ainſi qu'avec le Major &
l'Ingenieur ,je dis l'Ingenieur,
parcequ'il y en a undans chaque
Place. On leur dit que
Mr de Vauban estoit Gouverneur
de cette Citadelle qu'il avoit
luy-mefme fait construire ,
que c'étoit le premier homme du
Monde pour les Fortifications ,
&que tout ce qu'il y avoit de
beaux Ouvrages en France de
cette nature , avoient étéfaits par
fesfoins. Ils allerent voir fon
Jardin qui eſt dans la meſme
Citadelle , & entrerent dans
des Amb. de Siam. 251
une Grotte où l'on fit moüiller
beaucoup de monde pour
les divertir. Ils virent auffi
P'Arcenal qui eſt dans le même
lieu ,& generalement tout
ce qu'ils jugerent digne de
leur curioſité , c'eſt à dire qu'ils
ne laiſſerent aucun endroit de
la Place ſans le viſiter. Le même
jour ils eurent le plaifir
d'une Chaſſe , dont ils avoient
eſté priez par Me de la Rabliere
; ils allerent juſques à la
porte de la Ville dans les Caroffes
qu'il leur avoit envoyez,
puis ils monterent à cheval.
Il y avoit auſſi quantité de
252 III. P. du Voyage
Dames à cheval fort parées
& veſtuës en Amazones , &
plus de vingt mille perfonnes.
Les chiens prirent beaucoup
de gibier , & comme la populace
en prit encore davantage
, on fut contraint de
faire ceffer la chaffe , & d'obliger
du moins autant qu'on
le pût , tout ce grand Peuple
à rentrer. M du Magiftrat
leur donnerent la Comedie
dans l'Hôtel de Ville , aprés
quoy ils pafferent dans une
grande Sale , où il y avoit un
fort beau Concert de voix , &
d'inſtrumens qui dura une
1
desAmb. de Siam. 253
heure & demie. Ils allerent
delà dans une autre Salle où
eſtoit ſervie une collation magnifique
de vingt couverts.
Les Dames ſe mirent à table,
& la beauté de Mlle de la
Rianderie , qui charma toute
l'Aflemblée , auroit eu tous
les applaudiſſemens, ſiſa douceur
n'euſt pas eu l'avantage
de les partager. L'Ambaffadeur
donna ce ſoir là pour
mot , Ie defendray mon Ouvrage
, voulant dire que M de
Vauban qui avoit fait la Citadelle
, la defendroit auffibien
que la Ville , ſi l'une &
254 III. P. du Voyage
l'autre eſtoit attaquée. L'af-
Auence du monde ſe trouva
ſi grande pour les voir fouper
, qu'il y avoit apparence
que la plus part des Dames ,
loin de pouvoir trouver place
, ne pourroient pas meſme
entrer. Cela fut cauſe que les
Ambaſſadeurs prierent qu'on
ne laiſſaſt entrer qu'elles , difant
que les hommes les pouvoient
voir dans les autres lieux
où ils alloient.
Le lendemain ils furen tconduits
dans l'Hôtel de la Monnoye
par Mr de la Rabliere.
Ils commencerent par la Fondes
Amb de Siam. 255
derie , où ils virent faire les
moûles & couler dedans l'Argent
fondu , d'où l'on tira en
leur prefence les lames pour
les Loüis d'Argent de 40 ſols,
qui furent portez au Moulin ,
où ils les virent allonger &
recuire ', & enſuite coûper les
flancs. Ils en coûperent euxmêmes
pluſieurs . De là ils allerent
dans l'ouvrerie , où
les Ouvriers Ajuſteurs limerent
ces flancs , & les rendirent
du juſte poids. Enſuite
on les mena dans le Blanchi
ment, où l'on fit rougir les
flancs puis on les mit
د
256 III. P. du Voyage
boüillir à la maniere ordinaire
pour leur rendre leur
couleur naturelle. Aprés cela
ils allerent voir la nouvelle
Machine qui met les Lettres
fur la tranche avec autant de
promptitude, que de facilité
& de propreté. Ils eurent le
plaifir d'en marquer eux -
mêmes pluſieurs, & fe rendirent
dans le Monnoyage, où
aprés qu'ils eurent veu monnoyer
pluſieurs Pieces
Maiſtre de la Monnoye remarqua
qu'ils avoient envie
de voir de plus prés comme
cela ſe faiſoit. Auſſi - tôt il
د
le
des Amb. de Siam. 257
pria le premier Ambaſſadeur
d'entrer dans la Foſſe à côté
du Monnoyeur , & de mettre
luy- même les Pieces fous
la preſſe. Il le fit , & re
garda avec plaifir ſon ouvrage
, voyant la Piece recevoir
ſon empreinte des deux côtez
en même temps . Il marqua
par un ſigne de tête qu'il
comprenoit bien la choſe.
On fit voir auſſi aux Ambaſſadeurs
comment on faifoit
les laveures, & de quelle
maniere on retrouvoit l'Argent
qu'ils avoient remarqué
eſtre dans les fables des moû
Y
A
258 111. P. du Voyage
les , & qu'ils avoient veu ſe
répandre quand on avoit
jetté la Fonte dans ces moûles.
Ils furent furpris d'apprendre
que cét Argent-là
qui eft imperceptible, ſe retrouvoit
par le moyen du vif
Argent , ou Mercure . On
voulut les conduire dans l'ef
ſayerie & dans la Chambre
de la Délivrance ; mais le
temps manquoit , & on avoit
encore beaucoup de choſes à
leur faire voir ailleurs . Се-
pendant on s'apperçût qu'on
ne les tiroit de tous ces Travaux
qu'avec peine , parce
des Amb . de Siam . 159
qu'ils ne pouvoient ſe laffer
d'admirer toutes ces diverſes
machines , principalement
celles du Moulin & du Monnoyage.
Ils manioient les
Coûpoirs & les Rouleaux,
ainſi que les autres uſtenciles,
&en admiroient l'invention.
Enfin ils firent beaucoup de
remerciemens au Maîtrede la
Monnoye , & luy dirent que
l'on ne pouvoit eſtre plus
content qu'ils eftoient , &
qu'ils auroient bien voulu
avoir plus de temps pour
viſiter plus exactement tous
leurs Travaux. Ils deman-
Y ij
60. III. P. du Voyage
derent, ſi l'on n'auroit pas plûtôt
fait de jetter nos Efpeces en
moûle , comme ils faisoient les
leurs , parce que cela faciliteroit
beaucoup le travailerépargneroit
bien du monde & de la dépense .
Le Maiſtre de la Monnoye
répondit , que la Monnoyejettée
en moûle n'est jamais fi belle
que la nôtre ; &qu'à l'égard dia
grand embarras &de la grande
on ſouhaitoit plutôt
l'augmenter que de la diminuër,
pouréviter les Faux- monnoyeurs
qui font fort embaraffez quand
ils font obligez d'avoir tant de
machines. Ils virent tout
dépense ,
des Amb. de Siam. 261
د
cela en moins d'une heure
& demie le tout ayant
eſté tenu tout preſt. En entrant
& en fortant de l'Hôtel
des Monnoyes , ils regarderent
avec furpriſe le grand
Bâtiment que Sa Majefté a
fait faire pour fabriquer la
Monnoye de Flandre. S'il
eût eſté achevé , leur étonnement
eût eſté plus grand , le
deſſein en eſtant tres - beau ;
mais il n'y en a que la moitie
de bâty.
Au fortir de la monnoye,
ils allerent à l'Hôpital Comteſſe
, où ils virent des Reli262
III. P. du Voyage
gieuſes ( toutes Filles de qualité
) qui ont ſoin des malades
& des Bleffez de la Garniſon.
Leur zele les édifia beaucoup,
& leur Eglife leur parut extrémement
belle. Elles leur
firent preſent de quelques
Bouquets de leurs ouvrages,
qu'ils trouverent trés - bien
travaillez , & dont ils les remercierent
avec toute l'honnefteté
poſſible.
M Doleac qui commandoit
la Gendarmerie leur envoya
dire qu'il la feroit monter à
cheval. Ils eurent du chagrin
d'eſtre obligez de fe conten
desAmb. de Siam. 263
ter de l'avoir veuë à leur arrivée
; mais le reſte de leur
aprés- dînée devoit eſtre employée
à voir la Place, les Arcenaux
& les Magaſins. Ils
avoient eſté ſurpris de la
beauté de cette Gendarmerie
auſſi nombreuſe que leſte.
Elle estoit composée des Gendarmes
Ecoffois, de ceux de Bourgogne
& de Flandre , des Gendarmes
Anglois , des Gendarmes
& Chevaux-Legers de la Reine,
des Gendarmes &Chevaux-
Legers de Monseigneur le Dauphin
, & des Gendarmes d'Anjou.
Les Ambaſſadeuts firent
264 III . P. du Voyage
ce jour-là le tour de la Place,
qu'ils trouverent d'une grande
beauté. Ils viſiterent auffi
les Arcenaux & les Magaſins,
& furent furpris de les voir
ſi propres & d'y trouver tout
en fi bon ordre. On leur dit
que c'eſtoit par les foins de Mr
du Mets , l'un des plus braves
Officiers que le Roy ait dansſes
Troupes , & qui entend parfaitement
l' Artillerie. Ils dirent
qu'ils en avoient oüy parler fi
avantageusement en tant d'endroits
, qu'ils auroient bien foubaité
de le voir. En rentrant
ils allerent aux Jeſuites , où
tous
des Amb. de Siam. 265
tous les Peres les receurent.
Aprés qu'ils eurent viſité une
partie de leur Maiſon , on
leur fit voir un moulin à eau
qui peut eſtre mis au nombre
des chofes les plus extraordinaires
, puiſque ſans que
perſonne agiffe, il entonne le
bled, meut & fait tout le refte
que nous voyons dans les
Moulins , lorſque les hommes
s'en meflent. Ils demanderent
le Plan de ce moulin , & on
les fatisfit là-deſſus , ils furent
enfuite conduits dans une
grande Sale , où ils trouverent
une magnifique Collation. Ils
Z
226 III. P. du Voyage
dirent à ces Peres , qu'il n'appartenoit
qu'à eux de ſe diftinguer
en tout , & qu'ils ne manqueroient
pas de rendre compte
au Roy de Siam du bon accueil
qu'ils avoient reçu de leur Compagnie
dans tous les endroits où
ils les avoient trouvez établis.
Ils donnerent ce ſoir là pour
mot , point d'amis , ny d'ennemis
que les fiens , & allerent
ſouper chez M de la Rabliere
, qui les avoit invités. Ce
Repas fut d'une tres--grande
magnificence , & accompagné
d'une Simphonie , compoſée
d'un fort grand nom
des Amb. de Siam. 267
bre d'Inſtrumens , on y but
les Santés de l'AlianceRoyale,
& l'on recommença pluſieurs
fois celle du Roy. Il y eût un
grandBal apres le ſoupé , où
Mlle Deſpiere ſe fit admirer.
On m'a aſſuré qu'elle eſt de la
force de tout ce qu'il y a de
perſonnes en France qui dancent
le mieux. Les Ambaſſa .
deurs ne s'en retournerent
qu'aprés minuit. Ce ne fut
pas fans avoir fait de grands
remerciemens à de la Rabliere,
non ſeulement du regale
qu'il leur venoit de donner ,
Zij
268 III. P. du Voyage
mais encore de fes manieres
honneſtes . Le maiſtre de la
Monnoye les vint ſaluër le lendemain.
Ils le reconurent auffitoft
, & le receurent d'une maniere
tres - obligeante. Ils dînerent
cejour-là de fort bonne
heure , & fortirent de la
Ville de la maniere qu'ils y
eſtoient entrés , ils parlerent
beaucoup de m' de la Rabliere
pendant le chemin , & dirent
qu'on pouvoit appeller Lille , la
Reyne de Flandre , comme Paris
la Reyne de France , & recommençant
continuellement à
parler des grandeurs du Roy,
des Amb. de Siam. 269
ils dirent que rien n'en approchoit
, & que ce qui en parois
foitsouffroit la veuë , mais non
pas l'expreffion.
ils allerent coucher à
Lifle , qui eſt ſur la Riviere de
Deulle , dont l'eau remplit ſes
doubles foffez qu'on a diftinguez
de demy-lunes. La Ville
eft fort grande & a des Eglifes
magnifiques. Baudoüin V.
dit de Lifle , Comte de Flandre
y fonda la Collegiale de
S. Pierre . C'eſt la plus confiderable
. Lifle , Capitale de la
Flandre nommée Gallicane ,
fut entourée deMurailles par
le meſme Baudoüin V. en
1046. Philippes le Hardy y
établit une Chambre des
X iij
246 II P. du Voyage
Comtes en 1385. Le Roy la foûmit
en 1667. & comme elle eſt
reftée à la France par la Paix
d'Aix la Chapelle en 1668, Sa
Majesté y a fait élever une
forte Citadelle flanquée de
cinq grands BaſtionsRoyaux.
Apeine les Ambaſſadeurs furent-
ils fortis de Menin, qu'ils
commencerent à voir le Peuple
de Lifle qui rempliſſoit la
Campagne. A une lieuë de la
Place, ils trouverent un fort
grand nombre de Caroffes &
de Chevaux , tant de la Nobleſſe
de la Ville , que decelle
des environs .On avoitran
des Amb . de Siam. 247
gélaGendarmerie en bataille,
elle eſtoit fort leſte , & commandée
par Me Doleac qui
eſtoit à la teſte , & qui falia
les Ambaſſadeurs ainſi que
tous les Officiers ; chacun
d'eux avoit l'épée à la main.
Mde la Rabliere Comman--
dant , les reçût hors la Ville ,
&leur preſenta Mts du Magiftrat
qui leur témoignerent
la joye qu'ils avoient de les
recevoir ,& d'executer l'ordre
du Roy. Ces premiers
complimens eſtant finis , ils
entrerent dans la Ville , où la
foule du Peuple eſtoit fi gran-
X iiij
248 III. P. du Voyage
de , que les Ambaſſadeurs di
rent qu'ils croyoient eftre encore au
jour de leur Entrée à Paris. Aprés
avoir paſſé dans pluſieurs
grandes&belles ruës bordées
de Troupes , ils retrouverent
la Gendarmerie en bataille
dans la place. M² de la Rabliere
les alla voir peu de
temps aprés leur arrivée , &
leur demanda le Mot. Ils
ſçavoient que Me le Maref
chal de Humieres , Gouverneur
de Lifle , commandoit
les Armées du Roy , & eftoit
grand Maître de l'Artillerie ,
c'eſt pourquoy ils donnerent,
des Anb. de Siam. 249
quand le Soleil menace , le Tonnere
gronde. Il y eut beaucoup
de monde à les voir fouper ,
&fur tout quantité de Dames,
il s'en trouva un grand nombre
de fort belles. Le lendemain
M de la Rabliere donna
ordre qu'on amenaft des
Caroſſes à la porte du lieu où
ils eftoient logez , & les conduiſit
à la Citadelle. Ils y furent
receus au bruit du Canon
, comme ils l'avoient eſté
le jour precedent au bruit de
celuy de la Ville. L'Infanterie
eſtoit en bataille. Ils monterent
fur les Remparts , & en
250 III P duVoyage
firent le tour , avec M Morion
qui en eſt Lieutenant de
Roy , ainſi qu'avec le Major &
l'Ingenieur ,je dis l'Ingenieur,
parcequ'il y en a undans chaque
Place. On leur dit que
Mr de Vauban estoit Gouverneur
de cette Citadelle qu'il avoit
luy-mefme fait construire ,
que c'étoit le premier homme du
Monde pour les Fortifications ,
&que tout ce qu'il y avoit de
beaux Ouvrages en France de
cette nature , avoient étéfaits par
fesfoins. Ils allerent voir fon
Jardin qui eſt dans la meſme
Citadelle , & entrerent dans
des Amb. de Siam. 251
une Grotte où l'on fit moüiller
beaucoup de monde pour
les divertir. Ils virent auffi
P'Arcenal qui eſt dans le même
lieu ,& generalement tout
ce qu'ils jugerent digne de
leur curioſité , c'eſt à dire qu'ils
ne laiſſerent aucun endroit de
la Place ſans le viſiter. Le même
jour ils eurent le plaifir
d'une Chaſſe , dont ils avoient
eſté priez par Me de la Rabliere
; ils allerent juſques à la
porte de la Ville dans les Caroffes
qu'il leur avoit envoyez,
puis ils monterent à cheval.
Il y avoit auſſi quantité de
252 III. P. du Voyage
Dames à cheval fort parées
& veſtuës en Amazones , &
plus de vingt mille perfonnes.
Les chiens prirent beaucoup
de gibier , & comme la populace
en prit encore davantage
, on fut contraint de
faire ceffer la chaffe , & d'obliger
du moins autant qu'on
le pût , tout ce grand Peuple
à rentrer. M du Magiftrat
leur donnerent la Comedie
dans l'Hôtel de Ville , aprés
quoy ils pafferent dans une
grande Sale , où il y avoit un
fort beau Concert de voix , &
d'inſtrumens qui dura une
1
desAmb. de Siam. 253
heure & demie. Ils allerent
delà dans une autre Salle où
eſtoit ſervie une collation magnifique
de vingt couverts.
Les Dames ſe mirent à table,
& la beauté de Mlle de la
Rianderie , qui charma toute
l'Aflemblée , auroit eu tous
les applaudiſſemens, ſiſa douceur
n'euſt pas eu l'avantage
de les partager. L'Ambaffadeur
donna ce ſoir là pour
mot , Ie defendray mon Ouvrage
, voulant dire que M de
Vauban qui avoit fait la Citadelle
, la defendroit auffibien
que la Ville , ſi l'une &
254 III. P. du Voyage
l'autre eſtoit attaquée. L'af-
Auence du monde ſe trouva
ſi grande pour les voir fouper
, qu'il y avoit apparence
que la plus part des Dames ,
loin de pouvoir trouver place
, ne pourroient pas meſme
entrer. Cela fut cauſe que les
Ambaſſadeurs prierent qu'on
ne laiſſaſt entrer qu'elles , difant
que les hommes les pouvoient
voir dans les autres lieux
où ils alloient.
Le lendemain ils furen tconduits
dans l'Hôtel de la Monnoye
par Mr de la Rabliere.
Ils commencerent par la Fondes
Amb de Siam. 255
derie , où ils virent faire les
moûles & couler dedans l'Argent
fondu , d'où l'on tira en
leur prefence les lames pour
les Loüis d'Argent de 40 ſols,
qui furent portez au Moulin ,
où ils les virent allonger &
recuire ', & enſuite coûper les
flancs. Ils en coûperent euxmêmes
pluſieurs . De là ils allerent
dans l'ouvrerie , où
les Ouvriers Ajuſteurs limerent
ces flancs , & les rendirent
du juſte poids. Enſuite
on les mena dans le Blanchi
ment, où l'on fit rougir les
flancs puis on les mit
د
256 III. P. du Voyage
boüillir à la maniere ordinaire
pour leur rendre leur
couleur naturelle. Aprés cela
ils allerent voir la nouvelle
Machine qui met les Lettres
fur la tranche avec autant de
promptitude, que de facilité
& de propreté. Ils eurent le
plaifir d'en marquer eux -
mêmes pluſieurs, & fe rendirent
dans le Monnoyage, où
aprés qu'ils eurent veu monnoyer
pluſieurs Pieces
Maiſtre de la Monnoye remarqua
qu'ils avoient envie
de voir de plus prés comme
cela ſe faiſoit. Auſſi - tôt il
د
le
des Amb. de Siam. 257
pria le premier Ambaſſadeur
d'entrer dans la Foſſe à côté
du Monnoyeur , & de mettre
luy- même les Pieces fous
la preſſe. Il le fit , & re
garda avec plaifir ſon ouvrage
, voyant la Piece recevoir
ſon empreinte des deux côtez
en même temps . Il marqua
par un ſigne de tête qu'il
comprenoit bien la choſe.
On fit voir auſſi aux Ambaſſadeurs
comment on faifoit
les laveures, & de quelle
maniere on retrouvoit l'Argent
qu'ils avoient remarqué
eſtre dans les fables des moû
Y
A
258 111. P. du Voyage
les , & qu'ils avoient veu ſe
répandre quand on avoit
jetté la Fonte dans ces moûles.
Ils furent furpris d'apprendre
que cét Argent-là
qui eft imperceptible, ſe retrouvoit
par le moyen du vif
Argent , ou Mercure . On
voulut les conduire dans l'ef
ſayerie & dans la Chambre
de la Délivrance ; mais le
temps manquoit , & on avoit
encore beaucoup de choſes à
leur faire voir ailleurs . Се-
pendant on s'apperçût qu'on
ne les tiroit de tous ces Travaux
qu'avec peine , parce
des Amb . de Siam . 159
qu'ils ne pouvoient ſe laffer
d'admirer toutes ces diverſes
machines , principalement
celles du Moulin & du Monnoyage.
Ils manioient les
Coûpoirs & les Rouleaux,
ainſi que les autres uſtenciles,
&en admiroient l'invention.
Enfin ils firent beaucoup de
remerciemens au Maîtrede la
Monnoye , & luy dirent que
l'on ne pouvoit eſtre plus
content qu'ils eftoient , &
qu'ils auroient bien voulu
avoir plus de temps pour
viſiter plus exactement tous
leurs Travaux. Ils deman-
Y ij
60. III. P. du Voyage
derent, ſi l'on n'auroit pas plûtôt
fait de jetter nos Efpeces en
moûle , comme ils faisoient les
leurs , parce que cela faciliteroit
beaucoup le travailerépargneroit
bien du monde & de la dépense .
Le Maiſtre de la Monnoye
répondit , que la Monnoyejettée
en moûle n'est jamais fi belle
que la nôtre ; &qu'à l'égard dia
grand embarras &de la grande
on ſouhaitoit plutôt
l'augmenter que de la diminuër,
pouréviter les Faux- monnoyeurs
qui font fort embaraffez quand
ils font obligez d'avoir tant de
machines. Ils virent tout
dépense ,
des Amb. de Siam. 261
د
cela en moins d'une heure
& demie le tout ayant
eſté tenu tout preſt. En entrant
& en fortant de l'Hôtel
des Monnoyes , ils regarderent
avec furpriſe le grand
Bâtiment que Sa Majefté a
fait faire pour fabriquer la
Monnoye de Flandre. S'il
eût eſté achevé , leur étonnement
eût eſté plus grand , le
deſſein en eſtant tres - beau ;
mais il n'y en a que la moitie
de bâty.
Au fortir de la monnoye,
ils allerent à l'Hôpital Comteſſe
, où ils virent des Reli262
III. P. du Voyage
gieuſes ( toutes Filles de qualité
) qui ont ſoin des malades
& des Bleffez de la Garniſon.
Leur zele les édifia beaucoup,
& leur Eglife leur parut extrémement
belle. Elles leur
firent preſent de quelques
Bouquets de leurs ouvrages,
qu'ils trouverent trés - bien
travaillez , & dont ils les remercierent
avec toute l'honnefteté
poſſible.
M Doleac qui commandoit
la Gendarmerie leur envoya
dire qu'il la feroit monter à
cheval. Ils eurent du chagrin
d'eſtre obligez de fe conten
desAmb. de Siam. 263
ter de l'avoir veuë à leur arrivée
; mais le reſte de leur
aprés- dînée devoit eſtre employée
à voir la Place, les Arcenaux
& les Magaſins. Ils
avoient eſté ſurpris de la
beauté de cette Gendarmerie
auſſi nombreuſe que leſte.
Elle estoit composée des Gendarmes
Ecoffois, de ceux de Bourgogne
& de Flandre , des Gendarmes
Anglois , des Gendarmes
& Chevaux-Legers de la Reine,
des Gendarmes &Chevaux-
Legers de Monseigneur le Dauphin
, & des Gendarmes d'Anjou.
Les Ambaſſadeuts firent
264 III . P. du Voyage
ce jour-là le tour de la Place,
qu'ils trouverent d'une grande
beauté. Ils viſiterent auffi
les Arcenaux & les Magaſins,
& furent furpris de les voir
ſi propres & d'y trouver tout
en fi bon ordre. On leur dit
que c'eſtoit par les foins de Mr
du Mets , l'un des plus braves
Officiers que le Roy ait dansſes
Troupes , & qui entend parfaitement
l' Artillerie. Ils dirent
qu'ils en avoient oüy parler fi
avantageusement en tant d'endroits
, qu'ils auroient bien foubaité
de le voir. En rentrant
ils allerent aux Jeſuites , où
tous
des Amb. de Siam. 265
tous les Peres les receurent.
Aprés qu'ils eurent viſité une
partie de leur Maiſon , on
leur fit voir un moulin à eau
qui peut eſtre mis au nombre
des chofes les plus extraordinaires
, puiſque ſans que
perſonne agiffe, il entonne le
bled, meut & fait tout le refte
que nous voyons dans les
Moulins , lorſque les hommes
s'en meflent. Ils demanderent
le Plan de ce moulin , & on
les fatisfit là-deſſus , ils furent
enfuite conduits dans une
grande Sale , où ils trouverent
une magnifique Collation. Ils
Z
226 III. P. du Voyage
dirent à ces Peres , qu'il n'appartenoit
qu'à eux de ſe diftinguer
en tout , & qu'ils ne manqueroient
pas de rendre compte
au Roy de Siam du bon accueil
qu'ils avoient reçu de leur Compagnie
dans tous les endroits où
ils les avoient trouvez établis.
Ils donnerent ce ſoir là pour
mot , point d'amis , ny d'ennemis
que les fiens , & allerent
ſouper chez M de la Rabliere
, qui les avoit invités. Ce
Repas fut d'une tres--grande
magnificence , & accompagné
d'une Simphonie , compoſée
d'un fort grand nom
des Amb. de Siam. 267
bre d'Inſtrumens , on y but
les Santés de l'AlianceRoyale,
& l'on recommença pluſieurs
fois celle du Roy. Il y eût un
grandBal apres le ſoupé , où
Mlle Deſpiere ſe fit admirer.
On m'a aſſuré qu'elle eſt de la
force de tout ce qu'il y a de
perſonnes en France qui dancent
le mieux. Les Ambaſſa .
deurs ne s'en retournerent
qu'aprés minuit. Ce ne fut
pas fans avoir fait de grands
remerciemens à de la Rabliere,
non ſeulement du regale
qu'il leur venoit de donner ,
Zij
268 III. P. du Voyage
mais encore de fes manieres
honneſtes . Le maiſtre de la
Monnoye les vint ſaluër le lendemain.
Ils le reconurent auffitoft
, & le receurent d'une maniere
tres - obligeante. Ils dînerent
cejour-là de fort bonne
heure , & fortirent de la
Ville de la maniere qu'ils y
eſtoient entrés , ils parlerent
beaucoup de m' de la Rabliere
pendant le chemin , & dirent
qu'on pouvoit appeller Lille , la
Reyne de Flandre , comme Paris
la Reyne de France , & recommençant
continuellement à
parler des grandeurs du Roy,
des Amb. de Siam. 269
ils dirent que rien n'en approchoit
, & que ce qui en parois
foitsouffroit la veuë , mais non
pas l'expreffion.
Fermer
Résumé : Lille. [titre d'après la table]
Le 3 novembre, les ambassadeurs séjournèrent à Lille, une ville située sur la rivière Deûle, célèbre pour ses eaux remplissant ses doubles fossés en forme de demi-lunes. Lille est une grande ville avec des églises magnifiques. Baudouin V de Lille, Comte de Flandre, y fonda la collégiale de Saint-Pierre. Lille, capitale de la Flandre gallicane, fut entourée de murailles par Baudouin V en 1046. Philippe le Hardy y établit une Chambre des Comtes en 1385. Le roi la soumit en 1667 et, selon la Paix d'Aix-la-Chapelle en 1668, elle resta à la France. Sa Majesté y fit construire une citadelle flanquée de cinq grands bastions royaux. À leur arrivée, les ambassadeurs furent accueillis par une foule nombreuse et une gendarmerie commandée par M. Doleac. M. de la Rablière, commandant, les reçut et leur présenta les membres du magistrat. Ils entrèrent ensuite dans la ville, où la foule était si dense qu'ils crurent revivre leur entrée à Paris. Après avoir traversé plusieurs rues bordées de troupes, ils retrouvèrent la gendarmerie en bataille sur la place. Le lendemain, M. de la Rablière les conduisit à la citadelle, où ils furent reçus au bruit du canon. Ils visitèrent les remparts avec M. Morion, lieutenant du roi, et l'ingénieur. On leur expliqua que M. de Vauban était le gouverneur de cette citadelle, qu'il avait lui-même construite, et qu'il était réputé pour ses fortifications. Ils visitèrent également le jardin, une grotte, et l'arsenal. Dans l'après-midi, ils participèrent à une chasse et assistèrent à une comédie suivie d'un concert et d'une collation magnifique à l'hôtel de ville. Les ambassadeurs furent ensuite conduits à l'hôtel de la Monnoye, où ils virent la fabrication des monnaies, de la fonte des moules à la mise en circulation des pièces. Ils admirèrent les machines et les processus de fabrication. Ils exprimèrent leur admiration et leur souhait de voir plus de détails, mais le temps manquait. Ils visitèrent également l'hôpital Comtesse, où des religieuses soignaient les malades et les blessés. Elles leur offrirent des bouquets de leurs ouvrages. M. Doleac leur envoya un message pour leur montrer la gendarmerie, mais ils durent décliner en raison de leur emploi du temps chargé. Les ambassadeurs firent le tour de la place, visitèrent les arsenaux et les magasins, et furent impressionnés par leur organisation. Ils se rendirent ensuite chez les Jésuites, où ils virent un moulin à eau remarquable. Ils furent invités à une collation et exprimèrent leur gratitude pour l'accueil reçu. Le soir, ils souperèrent chez M. de la Rablière, où un grand bal fut organisé. Ils ne quittèrent la ville que le lendemain, après avoir dîné de bonne heure, en parlant des grandeurs du roi et des beautés de Lille.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
18
p. 185-217
Liste des Presens pour le Roy de Siam, pour la Princesse Reine, pour M. Constance, & pour les Ambassadeurs qui sont venus en France. [titre d'après la table]
Début :
J'ay poussé trop loin tout ce qui regard[e] l'Ambassade de [...]
Mots clefs :
Ambassade de Siam, Présents, Siam, Travail, Argent, Ouvrages, Pierreries, Lever du soleil, Coucher du soleil, Lune, Diamants, Étoiles fixes, Globe, Cercle, Ligne, Degré, Signes, Sabre, Montres, Horloge, Soleil, Poignée, Pièces de draps, Fourreau, Manière de compter
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Liste des Presens pour le Roy de Siam, pour la Princesse Reine, pour M. Constance, & pour les Ambassadeurs qui sont venus en France. [titre d'après la table]
J'ay pouffé trop loin tout
ce qui regard l'Ambassadede
Siam en France, pour ne pas
achever, en vous apprenant ce
qu il y a long temps que vis desirez sçavoir & dont il m'a
été impossible d'estreplûtost
nformé de la manière que je
le souhaitois. On peut dire
que c'efl: la feule chose qui
manquoic au Journal de cette
Ambiflade, après les quatre
Lettres que je vous ay écrites
là-dessus,&ce que je vous ay
appris dans ma derniere, rouchant
ce qui s'eil: passé a Brest
avant rembarquement des
Âmbassadeurs
,
& dans le
temps qu'ils se sont embarquez.
Je vous envoye donc
cette Liste des Presens si desirée,
& dont la richessè marque
la grandeur du Roy. Il y
a beaucoup de choses parmy
le grand nombred'Articles
que vous allez voir, qui font
pour la Princessè Reyne.
) Cent cinquante pieces de
Draps de toutes fortes de couleurs,
des plusfins & des plus
baaux qui se soient trouvez en
Europe.
Quatre-vingts pieces de
Draps d'or, & de Brocarda
d'ordedifferens desseins, d'une
grande richdTe) & d'un
grand prix.
Cent Fusils qui tirent chacun
six coups. Ils font d'un
travail tres-singulier. Il y ena
beaucoup dont les ornemens
font d'or; les autres font enrichisd'argent,
& iapiufparc
ontefté faits par M. Piraube.
Vingt paires de Pistolets,
dont plusieurs tirent aussi six
coups, qui font autant de
chefj-d'oeuvrcs de l'art, & de
la magnificence, ainsi qu'un1
très-grand nombre d'autres
armes à feu. Il y a aussi des
Cuirasses
,
& d'autres orneniensde
Guerre d'un tres-beau
travail, & d'une très-grande
beauté, tant a cause des divers,
ouvrages de cizelure, que de
la nouvelle maniéré qu'on a
trouvée dy,appliquer l'or &:
l'argent.î Le tout estgarny
d'une infinité de Pierreries;de
ofrteque le travail, & la richesseles
rendent d'un fort
grand prix., :;!. ;:'neu
Douze Vertes, ou chcmifes,
aFufage des Siamois, pour la
PrincesseReyne. La pluspart
font de Point de France, ôci
toutesd'unepiece. On met,
des écofes d'or, ou de couleur
dcuous, ce qui en fait paroître
le dessein. Les Ouvrages donty
je vous parle, font d'une beau-j
té& d'une delicatesse si surprenante,
qquu'"oonnnn'a'ajajamin~aiiiss rien
vû en Europe de ce travail,
qui en ait approché. Il
Douze Mouchoirs dumêmeOuvrage
, mais dont les.
desseins font differens.
;
Douze Pendules faites par^
M.Turet, entre lesquellesil
yen a trois d'or, cizelées de:
Bas-reliefs d'un tres-beau travail.
Elles montrent le mouvement
annuel,& le diurne
la longueur des jours & des;
nuits pendant toute l'annéen
le lever& le coucher du Soleil]
pour l'horisondeSiam, lage;
de la Lune, & la maniéré de:
compter les filüisàlaSiamjise
par Lunaison, ayant deux
Lunes, dont l'une marque
30, jours, & l'autre 2p. ôc
ainsi successivement.
Quatre Montres d'or, ou
Pendules émaillées de couleursdifférentes.
Deux Horloges sonnantes,
dont les boëtes sont enrichies
de tres-beaux Bas-reliefs. Elles
font émaillées de diverses couleurs,&
montrent l'âge de la
Lune, &la maniere de compter
les mois à la Siamoise.
Trente-six Montres d'or.
de divedes maniérés, enrichies
de Pierreries, avec leurs boëces
garnies de Diamans & dl
clous d'or. t
Deux Globes faits par Bail
thazar Martinot
,
Horlogeu:
de la défunte Reyne mere d
Roy. L'un cit cdelle) & ra
prelente le mouvement d-
Firm,-tiiientoù l'ont attachéa
les Etoiles fixes deplufieun
grandeurs, posé s (Ion leu:
longitude, & 1.tiride. Ce:
Etoiles font d'or & ie relief
&sontappliquée le Glc.":,
bequieHd'argent gravé. O
y voit les Conste a ons
cclJ
stes par figures es ct iieiit po
sécs. Le mouv m AZ V !
Glold
Globe est de tourner sur ses
deux Pôles Artique & Antarctique.
Le Zodiaque est placé
lfur la ligne ccliptique en la
'maniéré ordinaire, sur laquelle
ligne le Soleil fait son touren
(un an, & ainsi il fait son afcen-
-fion oblique d'un Tropique en
,un autre Tropique. Il fait conÈnoiftre
son lever s son coucher
par toute la terre, par le
imoyen d'un cercle déclinant
'êcmobile,quisemes selon la
lliauteur des Climats & des
dieux ou l'on s'en veut servir.
rLeSoleil & la Lune font emportez
en 24. heures avec le
premier Mobile auFirmamenc:
lequel saic Ion cours en 3~<
jours, & par consequent le:
Etoiles fixes ont leur mOUj
vemenc ordinaire, & l'on y
voit leur lever & coucher fui
l'horison, comme les autre:
Planeres. LaLunea sonmoui
vement naturel qui retrogradc:
& se renouvelle tous les vingt:
neufjours & demy ,ce qui tlÍi
connoiilre les afped:s auSolciï
& ses fkuations dans chaque
degré des Signes, par chaque
jour ôc chaque heure. Ce Gloc
be est Cilpendu en l'air par 11
Pôle Areique. il chemine paj
[a pesanteur, & remonte en
Douflânt la mainpar dessous. >premier Meridienestfixe,
klesheures sont posées fixes
iu droit de la Ligne équinoxiae
sur un cercle horisontal, cou-
3e de deux cercles verticaux
lngle droit & d'un cercle oblilue
déclinant,qui sert à conloillre
le passagedes Astres
'ers l'horizon. L'Horloge qui
st dedans, peut souffrir telle
i1meirtation qu'on voudra, &
sur la Mer. Elle marque
es minutes qui peuvent estre
tiles pour la Navigation, &
pourconnoistre les lonritu-^
des & les latitudes.
Le Globe terrestreest d'argen
sur un pied tres-propre ,
où
font gravées en Langue Sia.
moise les principales,Parties du
monde, & ladivision geogra
fique sort exacte. Il ya dedani
une Pendule sonnante qui v.
huit jours,&qui fait mouvoi
par l'endroitdela Ligne équi
noxiale un Zodiaque placé et
Ecliptique, qui est emportée
4. heures On y voit deu
cercles d'argent. L'un porte le
douze Signes, & l'autre Ic:
douze mois à la maniere Sia
moise. Le Soleil estentreeux*
,& fait son cours naturel, parcourant
tous les degrez des Signes
de degré en degré, ôc
faisant connoistre les parties
de la Terre qui sont éclairées
selon les Saisons. A. l'air des
Pôles, quiestl'Antartique,
est un Cadran.d'Horloge qui
marque encore m! inutes,
les heures ,les jours, les tuoi:",
Ôc les Lunes ;. desorte que les
mesmes motions se trouvent
Ce Globe s'arreste comme le
Celeste ;mais les manieres de
mettre en pratique sont fort
différentes. C'est un cravailde
speculation particulière, auquel
MMartinoes'estfort applii
qué)& il a outre ces deux Globes
trois sort belles Pendule:
avec les heures en Siamois,&
plusieurs fort belles Montra
faites par le mesme.
Un Sabre garny de sors
beaux Diamans, de groflfe
Emeraudes, & de très- beaux
Rubis.
Un Sabre dont la poignée esr
d'or massif, & garnie aussibien
que le fourreau, de Turquoises
de la Vieille roche, ôc de
plus de quatre - vingts - dix
Pierres d'une grosseur surprenante.
Un autre Sabre dont la poignée
est aussi d'ormassif, sur
laquelle, auin bien que sur le
fourreau, sont enchassées douze
grosses Emeraudes, divers
gros Diamans
, te beaucoup
d':-,utr s Pierreriess
Cinq Miroirs de cristal de
roche, dont les bordures sont
tres-artistement travaillées, &
garnies de Pierreries.
Plufieurs autres Miroirs,
quantité de Boëtes d'or, &
beaucoup de Poignards dont
les poignées font d'or massif,
& d'or de rapport, faits par
Mr Bains, fort estimé pour ces
sortes d'Ouvrages. f' -*.
Quatre Cabinets, quatre
Ecritoires d'or massif & de
Iiï.iXi'c.r.ni:dor> servant de
-L 1 <- '.- :>. Toul - .-s ) aVvC tolites les garnitures,
qui consistent en un
tres-grand nombre de petites
Boëtes d'or d'un tres-beau travail,
enrichies de Diamans, &;J
de diverses autres Pierreries..
Douze Tasses à prendre du
Thé & du Cassé,& d'autres
liqueurs, faites à l'usage des
Siamois, toutes d'or. Elles
sont émaillées - de plusieurs
couleurs, & garnies de Pierreries,
avec leurs, boëtes. de Filigranne
d'or, & de Vermeil
doré,&d'une très- bellecizetare,
if-a?i:fod
Uri-€ Couronne d'or garnie
de gros Diamant3&de gros.
Rubisd'Orienr, avec un tour
de fort grosses Perles. Cette
Couronne est d'un travail trèsbeau
& tres-delicat, & les Pierreriesenfont
parfaites..
* Plusieurs petits Cabinets
d'Ambre, avec des Bas-reliefs
tres-delicatement travaillez,&
desFigures de mesme matière
qui en font le couronnement
Deux Miroirs à bordure
d'Ambre avec des Glaces des
plus grandes qui se puissent
faire. On ne peut rien ajoutée
à la beauté des bordures, qui
font très-larges. On y voir
une insiuité de Bas-reliefs, &
de figures différences, auOE,.
bien que divers ornemens,
convenant à l'Ambre sur lesquels
ils sont cizelez;car il y
en a de diverses fortes. C'effc
le travail de plusieurs années..
Douze grands Lustres de
Cristal de Roche. .-
;'" Douze Girandoles dumênie
Christal, & fort hautes.
Douze Tapis faits à la Ma-'*
nufacture deChalliotapellée,
Sajvontrk. Ils sont à fonds d'or,
d'un tres-bèau deflcin, & fort
grands.; - 1 !
; Quatre Tentures de Tapisserie
à fond d'or. de la Manufacture
Royale des Gobelins.
Ell s
representent les Maisons
Royales & plusieursHistoires.
t',
Quarante-huit Cartes d'une
inventiontrésrare, toutes
dorrées, & enrichies d'ornemens
extraordinaires par les
plus
ti
habiles Ouvriers du
Royaume.
Unetres-grande quantité
d'Instrumens bde Mathematique,
pour la Navigation, pour
les Eaux, & pourtout ce qui
concerne cette Science, les uns
d'or, lesautresd'argent, ôc
les autres de cuivre doré. Tous
ces Instrumens sont très bien
travaillez.
Quantité de Compas de:
proportion.
Plusieurs Selles, Housses,
& Foureaux de Pistolet, les;
unes brodées d'or, & les autres
d'or, & d'argent;
Plusieurs Brides & autres;
Harnois garnis de pierreries.,
Une HoussedeCheval,& une:
Housse d'Eléphantd'unetrèsbelle
broderie dont une partie
du dessein est formé par un tres
grand nombre de Pierreries.
Plusieurs Juste-au corps,Vesses)
Casaquins&Baudriers à
àla façon des Siamois, tous
délicatement brodez & [ernez
de perles.
Plusieurs Miroirs ardens d'une
construction nouvelle, &
qui bien qu'ils n'ayent qu'un
pied de diametre, font autant
d'effet &ont autant d'achvice
que tous ceux qu'ona veus
jusquapresent. àj
hfii On peut aisémentdistin^
guer parmy ces Articles les
choses qui conviennent à la
-
Princcflè Reyne;commedes
Chemises de Point, des Montrès
,* des Pendules, des Miroirs,
des Ecritoires, des Caffettesjdes
Cabinets, & généralement
tout ce qui regardeI
les toilettes, soit pour l'ufa
ge,foit pour l'ornement.
Comme Mr Confiancecft
Catholique, il y à une tresbelle
Chapelle pour luy avec
quantité d'autrespresens qui
luyconviennent. Il y à aussi
un Habit du Roy pour le meme
Mr Confiance, accompagné
de tout ce qui regardele
reste de l'habillement. Il avoit?
témoigné aux Ambassadeurs
avant leur départ, qu'il souhaitoit
avec passion avoir un
des Habits de ce Prince. Tous
ces presens sont accompagnez
de plusieurs autres, au nom de
MonseigneurleDauphin & de
Madame la Dauphine.
-
Je vous ay marqué la manière
galante dont Monsieur
a fait des pre sens quelque
temps avant le départ des Ambaffadeurs.
Un jeune Prince qui n'est
pas moins estimé par son ciprit
que par la grandeur de sa
naissance, a faitaussi un present
crés-confiderabic auRojn
deSiam. C'estungrand Livre
ou toutes les Conquestesdu
Roydepuisiecommencemenc
de [on Regne,sont peintes sun
du Velin, & vis à vis de chaque
Tableau, qui represente»
ou la prise d'une Place, ou le
gain d'une Bataille, ou quelque
action éclatante, & guerriere;
l'Histoire dece Tableau
est écrite, &toute renfermée
dans la page. Il y à une autre
page blanche qu'on à laissée
pour y mettre la Traduction
:qume l'ooniesn.d<oit faire en SiaFRESENSDES.
M.
Aux Ambdjjadeurs.
Plusieurs Portraits du Roy»
d'or émaillé, & garnis de
diamans.
Plusieurs Chaînes d'or avec
la Medaille desa Majesté.
Six Luftrcs de Cristal de
roche à chacun des trois Ambaladeurs.
- Plusieurs pieces de draps fin.;!
de diverses couleurs.
Plusieurs pieces de Draps
d'or &de Brocards d'or.
Plusieurs Fusils, Pistolets
&autres Armes, tres-riches &
cres-curieuses. Une infinité
d'autres, presens à leurufage jj
comme des Sabres & des
Poignards garnis d'or.:
1J Des Tasses d'or àprendrâl
du Thé, & du Caffé.
1, - Des Cartes, des Compas &:.
des Machines de toutes Í()rtesL;
pour lesCieux, pour la N:-*
vigation, pour les Forrifica-a
tions, & pour divers aurress
Arts.
Trois Cabinets de Cristal ddss
roche taillé à facerres, un peui
plus grands que des Calfates
ordinaires,mais beaucoup plus;,
élevez. Ils font encourez de co^
lomncs-de Vermeil d'oré de di-,
versordres d'Archlteâure,&de
plusieurs autres ornemens. Les
dedans font d'une tres -belle
Graveure, parce que la cizelure
y auroit incommodé. Ces
Cabinets, quoy que quarrez
long, ont des couverclesélevez
qui les font paroistre à
demy en DOines) & ne s'ouvrent
que par le dessus.
Plusieurs Tables de Marbre
de diverses couleurs.,& de diverses
maniérés.
Mrs de Croissy & de Segne-
[ay, ont aussi envoyé de trèsbeaux
presens àMrConftance,
qui leur en avoic envoya
de 5um. Parmy ceux qui fonti
partis, i; v a des Miroirs dune
giùnckur, & d'une eaute,
Piufieurs Vases, Buires
Bassins, &: Bocals de Verniei
doré, dont la cizelure eftl
tres-belle. Il y aussi-pluficura1
Ouvrages des Manufactures:
de France, & de tout ce qui:
sby faeit deaplusurare.&de plus-
PRESENS DES JESVlTES
au Roy de Siam.
-Deux'grandes Machines,:
l'une pour les Planettes
)
&
l'autre pourlesEclipse. J'en
ayI donné ?la deCcription, &
celle de leurs effetsdans mi
LettredeSiam, où je parle de
l'Observatoire. On a ajouté a
cette Machine un mouvement
d'Horloge qui donne defoy
même tous les jours la fituation
des Planettesdans le Ciel,
&r'ne laisse pas de faire connoîrre
le pasle & l'avenir, par
l'aat present des Plancttes
dans le Ciel, comme on fai-
Foit aux Machines qui ont précédé
celle-cy.
L Un Globe suspendu allant k"*
par son propre poids.
Deux tres-belles Horloges^
al lant sur un plan incliné.
Quatres grandes Pendules3.
façonnées comme celles de:
rObfervatoire.
Quatre autres portatives.
Un mouvement qu'on nomme
Pàraletique, pour fèrviti
à obfcrver avec de grands Verres
(ans tuyaux, & plufieursc
autres Instrumens de Mathematique,
& d'Âstrologie.
Des Montres qui peuvent
se remonter sans qu'on serti
a pperçoive, & sans qu'ortj
fâche qu'on les remonte, &;
qui se trouvent remontées ,
pourvcu qu'on les ouvre seulement
une fois le jour pour
/oir l'heure. Quand on les
)uvre plus souvent? on ne
es remonte quaproporion
du temps qu'on a été [ans
es ouvrir.
Tous ces Ouvrages ont été
âits par M' Turet, dont le
jenie est admirable pour ces
brtes de choies, & qui n'est
las moins connu & cftimé
hez les Edrangers,qu'il l'cit
n France.Ilsferontconnoistre
ux Peuples d'Orient que les
¡eaux Arts fleunflent beaucoup
plusen ce Royaume qu'a
la Chine & au Japon; ôclei
Indiens qui croyent surpasses
en richesses tous les Peuple;:
de la Terre, verront par le:
Presens du Roy,fortis de 1;
feule Cour de France que le:
Indes n'en fournirent pas aui
tant à toutes les autres Nai
tions pendant des Siecles eru
tiers. La pluspart de tous ce
Ouvrages ont étéveus che::
M Alvarés quia conduit pan
ticulierement ceux qui (on
enrichis de Pierreries>dont:
a fourny unfort grand nonn
bre. Son aaiviré a fait voir fo<
zef
tele^latopt fait mettre dans
des caissesde plomb, scellées
avecd'autre; plomb, de Íorte-)
que tout ce que ces caisses rerq
fermeest- impénétrable à l'air
dehMer
ce qui regard l'Ambassadede
Siam en France, pour ne pas
achever, en vous apprenant ce
qu il y a long temps que vis desirez sçavoir & dont il m'a
été impossible d'estreplûtost
nformé de la manière que je
le souhaitois. On peut dire
que c'efl: la feule chose qui
manquoic au Journal de cette
Ambiflade, après les quatre
Lettres que je vous ay écrites
là-dessus,&ce que je vous ay
appris dans ma derniere, rouchant
ce qui s'eil: passé a Brest
avant rembarquement des
Âmbassadeurs
,
& dans le
temps qu'ils se sont embarquez.
Je vous envoye donc
cette Liste des Presens si desirée,
& dont la richessè marque
la grandeur du Roy. Il y
a beaucoup de choses parmy
le grand nombred'Articles
que vous allez voir, qui font
pour la Princessè Reyne.
) Cent cinquante pieces de
Draps de toutes fortes de couleurs,
des plusfins & des plus
baaux qui se soient trouvez en
Europe.
Quatre-vingts pieces de
Draps d'or, & de Brocarda
d'ordedifferens desseins, d'une
grande richdTe) & d'un
grand prix.
Cent Fusils qui tirent chacun
six coups. Ils font d'un
travail tres-singulier. Il y ena
beaucoup dont les ornemens
font d'or; les autres font enrichisd'argent,
& iapiufparc
ontefté faits par M. Piraube.
Vingt paires de Pistolets,
dont plusieurs tirent aussi six
coups, qui font autant de
chefj-d'oeuvrcs de l'art, & de
la magnificence, ainsi qu'un1
très-grand nombre d'autres
armes à feu. Il y a aussi des
Cuirasses
,
& d'autres orneniensde
Guerre d'un tres-beau
travail, & d'une très-grande
beauté, tant a cause des divers,
ouvrages de cizelure, que de
la nouvelle maniéré qu'on a
trouvée dy,appliquer l'or &:
l'argent.î Le tout estgarny
d'une infinité de Pierreries;de
ofrteque le travail, & la richesseles
rendent d'un fort
grand prix., :;!. ;:'neu
Douze Vertes, ou chcmifes,
aFufage des Siamois, pour la
PrincesseReyne. La pluspart
font de Point de France, ôci
toutesd'unepiece. On met,
des écofes d'or, ou de couleur
dcuous, ce qui en fait paroître
le dessein. Les Ouvrages donty
je vous parle, font d'une beau-j
té& d'une delicatesse si surprenante,
qquu'"oonnnn'a'ajajamin~aiiiss rien
vû en Europe de ce travail,
qui en ait approché. Il
Douze Mouchoirs dumêmeOuvrage
, mais dont les.
desseins font differens.
;
Douze Pendules faites par^
M.Turet, entre lesquellesil
yen a trois d'or, cizelées de:
Bas-reliefs d'un tres-beau travail.
Elles montrent le mouvement
annuel,& le diurne
la longueur des jours & des;
nuits pendant toute l'annéen
le lever& le coucher du Soleil]
pour l'horisondeSiam, lage;
de la Lune, & la maniéré de:
compter les filüisàlaSiamjise
par Lunaison, ayant deux
Lunes, dont l'une marque
30, jours, & l'autre 2p. ôc
ainsi successivement.
Quatre Montres d'or, ou
Pendules émaillées de couleursdifférentes.
Deux Horloges sonnantes,
dont les boëtes sont enrichies
de tres-beaux Bas-reliefs. Elles
font émaillées de diverses couleurs,&
montrent l'âge de la
Lune, &la maniere de compter
les mois à la Siamoise.
Trente-six Montres d'or.
de divedes maniérés, enrichies
de Pierreries, avec leurs boëces
garnies de Diamans & dl
clous d'or. t
Deux Globes faits par Bail
thazar Martinot
,
Horlogeu:
de la défunte Reyne mere d
Roy. L'un cit cdelle) & ra
prelente le mouvement d-
Firm,-tiiientoù l'ont attachéa
les Etoiles fixes deplufieun
grandeurs, posé s (Ion leu:
longitude, & 1.tiride. Ce:
Etoiles font d'or & ie relief
&sontappliquée le Glc.":,
bequieHd'argent gravé. O
y voit les Conste a ons
cclJ
stes par figures es ct iieiit po
sécs. Le mouv m AZ V !
Glold
Globe est de tourner sur ses
deux Pôles Artique & Antarctique.
Le Zodiaque est placé
lfur la ligne ccliptique en la
'maniéré ordinaire, sur laquelle
ligne le Soleil fait son touren
(un an, & ainsi il fait son afcen-
-fion oblique d'un Tropique en
,un autre Tropique. Il fait conÈnoiftre
son lever s son coucher
par toute la terre, par le
imoyen d'un cercle déclinant
'êcmobile,quisemes selon la
lliauteur des Climats & des
dieux ou l'on s'en veut servir.
rLeSoleil & la Lune font emportez
en 24. heures avec le
premier Mobile auFirmamenc:
lequel saic Ion cours en 3~<
jours, & par consequent le:
Etoiles fixes ont leur mOUj
vemenc ordinaire, & l'on y
voit leur lever & coucher fui
l'horison, comme les autre:
Planeres. LaLunea sonmoui
vement naturel qui retrogradc:
& se renouvelle tous les vingt:
neufjours & demy ,ce qui tlÍi
connoiilre les afped:s auSolciï
& ses fkuations dans chaque
degré des Signes, par chaque
jour ôc chaque heure. Ce Gloc
be est Cilpendu en l'air par 11
Pôle Areique. il chemine paj
[a pesanteur, & remonte en
Douflânt la mainpar dessous. >premier Meridienestfixe,
klesheures sont posées fixes
iu droit de la Ligne équinoxiae
sur un cercle horisontal, cou-
3e de deux cercles verticaux
lngle droit & d'un cercle oblilue
déclinant,qui sert à conloillre
le passagedes Astres
'ers l'horizon. L'Horloge qui
st dedans, peut souffrir telle
i1meirtation qu'on voudra, &
sur la Mer. Elle marque
es minutes qui peuvent estre
tiles pour la Navigation, &
pourconnoistre les lonritu-^
des & les latitudes.
Le Globe terrestreest d'argen
sur un pied tres-propre ,
où
font gravées en Langue Sia.
moise les principales,Parties du
monde, & ladivision geogra
fique sort exacte. Il ya dedani
une Pendule sonnante qui v.
huit jours,&qui fait mouvoi
par l'endroitdela Ligne équi
noxiale un Zodiaque placé et
Ecliptique, qui est emportée
4. heures On y voit deu
cercles d'argent. L'un porte le
douze Signes, & l'autre Ic:
douze mois à la maniere Sia
moise. Le Soleil estentreeux*
,& fait son cours naturel, parcourant
tous les degrez des Signes
de degré en degré, ôc
faisant connoistre les parties
de la Terre qui sont éclairées
selon les Saisons. A. l'air des
Pôles, quiestl'Antartique,
est un Cadran.d'Horloge qui
marque encore m! inutes,
les heures ,les jours, les tuoi:",
Ôc les Lunes ;. desorte que les
mesmes motions se trouvent
Ce Globe s'arreste comme le
Celeste ;mais les manieres de
mettre en pratique sont fort
différentes. C'est un cravailde
speculation particulière, auquel
MMartinoes'estfort applii
qué)& il a outre ces deux Globes
trois sort belles Pendule:
avec les heures en Siamois,&
plusieurs fort belles Montra
faites par le mesme.
Un Sabre garny de sors
beaux Diamans, de groflfe
Emeraudes, & de très- beaux
Rubis.
Un Sabre dont la poignée esr
d'or massif, & garnie aussibien
que le fourreau, de Turquoises
de la Vieille roche, ôc de
plus de quatre - vingts - dix
Pierres d'une grosseur surprenante.
Un autre Sabre dont la poignée
est aussi d'ormassif, sur
laquelle, auin bien que sur le
fourreau, sont enchassées douze
grosses Emeraudes, divers
gros Diamans
, te beaucoup
d':-,utr s Pierreriess
Cinq Miroirs de cristal de
roche, dont les bordures sont
tres-artistement travaillées, &
garnies de Pierreries.
Plufieurs autres Miroirs,
quantité de Boëtes d'or, &
beaucoup de Poignards dont
les poignées font d'or massif,
& d'or de rapport, faits par
Mr Bains, fort estimé pour ces
sortes d'Ouvrages. f' -*.
Quatre Cabinets, quatre
Ecritoires d'or massif & de
Iiï.iXi'c.r.ni:dor> servant de
-L 1 <- '.- :>. Toul - .-s ) aVvC tolites les garnitures,
qui consistent en un
tres-grand nombre de petites
Boëtes d'or d'un tres-beau travail,
enrichies de Diamans, &;J
de diverses autres Pierreries..
Douze Tasses à prendre du
Thé & du Cassé,& d'autres
liqueurs, faites à l'usage des
Siamois, toutes d'or. Elles
sont émaillées - de plusieurs
couleurs, & garnies de Pierreries,
avec leurs, boëtes. de Filigranne
d'or, & de Vermeil
doré,&d'une très- bellecizetare,
if-a?i:fod
Uri-€ Couronne d'or garnie
de gros Diamant3&de gros.
Rubisd'Orienr, avec un tour
de fort grosses Perles. Cette
Couronne est d'un travail trèsbeau
& tres-delicat, & les Pierreriesenfont
parfaites..
* Plusieurs petits Cabinets
d'Ambre, avec des Bas-reliefs
tres-delicatement travaillez,&
desFigures de mesme matière
qui en font le couronnement
Deux Miroirs à bordure
d'Ambre avec des Glaces des
plus grandes qui se puissent
faire. On ne peut rien ajoutée
à la beauté des bordures, qui
font très-larges. On y voir
une insiuité de Bas-reliefs, &
de figures différences, auOE,.
bien que divers ornemens,
convenant à l'Ambre sur lesquels
ils sont cizelez;car il y
en a de diverses fortes. C'effc
le travail de plusieurs années..
Douze grands Lustres de
Cristal de Roche. .-
;'" Douze Girandoles dumênie
Christal, & fort hautes.
Douze Tapis faits à la Ma-'*
nufacture deChalliotapellée,
Sajvontrk. Ils sont à fonds d'or,
d'un tres-bèau deflcin, & fort
grands.; - 1 !
; Quatre Tentures de Tapisserie
à fond d'or. de la Manufacture
Royale des Gobelins.
Ell s
representent les Maisons
Royales & plusieursHistoires.
t',
Quarante-huit Cartes d'une
inventiontrésrare, toutes
dorrées, & enrichies d'ornemens
extraordinaires par les
plus
ti
habiles Ouvriers du
Royaume.
Unetres-grande quantité
d'Instrumens bde Mathematique,
pour la Navigation, pour
les Eaux, & pourtout ce qui
concerne cette Science, les uns
d'or, lesautresd'argent, ôc
les autres de cuivre doré. Tous
ces Instrumens sont très bien
travaillez.
Quantité de Compas de:
proportion.
Plusieurs Selles, Housses,
& Foureaux de Pistolet, les;
unes brodées d'or, & les autres
d'or, & d'argent;
Plusieurs Brides & autres;
Harnois garnis de pierreries.,
Une HoussedeCheval,& une:
Housse d'Eléphantd'unetrèsbelle
broderie dont une partie
du dessein est formé par un tres
grand nombre de Pierreries.
Plusieurs Juste-au corps,Vesses)
Casaquins&Baudriers à
àla façon des Siamois, tous
délicatement brodez & [ernez
de perles.
Plusieurs Miroirs ardens d'une
construction nouvelle, &
qui bien qu'ils n'ayent qu'un
pied de diametre, font autant
d'effet &ont autant d'achvice
que tous ceux qu'ona veus
jusquapresent. àj
hfii On peut aisémentdistin^
guer parmy ces Articles les
choses qui conviennent à la
-
Princcflè Reyne;commedes
Chemises de Point, des Montrès
,* des Pendules, des Miroirs,
des Ecritoires, des Caffettesjdes
Cabinets, & généralement
tout ce qui regardeI
les toilettes, soit pour l'ufa
ge,foit pour l'ornement.
Comme Mr Confiancecft
Catholique, il y à une tresbelle
Chapelle pour luy avec
quantité d'autrespresens qui
luyconviennent. Il y à aussi
un Habit du Roy pour le meme
Mr Confiance, accompagné
de tout ce qui regardele
reste de l'habillement. Il avoit?
témoigné aux Ambassadeurs
avant leur départ, qu'il souhaitoit
avec passion avoir un
des Habits de ce Prince. Tous
ces presens sont accompagnez
de plusieurs autres, au nom de
MonseigneurleDauphin & de
Madame la Dauphine.
-
Je vous ay marqué la manière
galante dont Monsieur
a fait des pre sens quelque
temps avant le départ des Ambaffadeurs.
Un jeune Prince qui n'est
pas moins estimé par son ciprit
que par la grandeur de sa
naissance, a faitaussi un present
crés-confiderabic auRojn
deSiam. C'estungrand Livre
ou toutes les Conquestesdu
Roydepuisiecommencemenc
de [on Regne,sont peintes sun
du Velin, & vis à vis de chaque
Tableau, qui represente»
ou la prise d'une Place, ou le
gain d'une Bataille, ou quelque
action éclatante, & guerriere;
l'Histoire dece Tableau
est écrite, &toute renfermée
dans la page. Il y à une autre
page blanche qu'on à laissée
pour y mettre la Traduction
:qume l'ooniesn.d<oit faire en SiaFRESENSDES.
M.
Aux Ambdjjadeurs.
Plusieurs Portraits du Roy»
d'or émaillé, & garnis de
diamans.
Plusieurs Chaînes d'or avec
la Medaille desa Majesté.
Six Luftrcs de Cristal de
roche à chacun des trois Ambaladeurs.
- Plusieurs pieces de draps fin.;!
de diverses couleurs.
Plusieurs pieces de Draps
d'or &de Brocards d'or.
Plusieurs Fusils, Pistolets
&autres Armes, tres-riches &
cres-curieuses. Une infinité
d'autres, presens à leurufage jj
comme des Sabres & des
Poignards garnis d'or.:
1J Des Tasses d'or àprendrâl
du Thé, & du Caffé.
1, - Des Cartes, des Compas &:.
des Machines de toutes Í()rtesL;
pour lesCieux, pour la N:-*
vigation, pour les Forrifica-a
tions, & pour divers aurress
Arts.
Trois Cabinets de Cristal ddss
roche taillé à facerres, un peui
plus grands que des Calfates
ordinaires,mais beaucoup plus;,
élevez. Ils font encourez de co^
lomncs-de Vermeil d'oré de di-,
versordres d'Archlteâure,&de
plusieurs autres ornemens. Les
dedans font d'une tres -belle
Graveure, parce que la cizelure
y auroit incommodé. Ces
Cabinets, quoy que quarrez
long, ont des couverclesélevez
qui les font paroistre à
demy en DOines) & ne s'ouvrent
que par le dessus.
Plusieurs Tables de Marbre
de diverses couleurs.,& de diverses
maniérés.
Mrs de Croissy & de Segne-
[ay, ont aussi envoyé de trèsbeaux
presens àMrConftance,
qui leur en avoic envoya
de 5um. Parmy ceux qui fonti
partis, i; v a des Miroirs dune
giùnckur, & d'une eaute,
Piufieurs Vases, Buires
Bassins, &: Bocals de Verniei
doré, dont la cizelure eftl
tres-belle. Il y aussi-pluficura1
Ouvrages des Manufactures:
de France, & de tout ce qui:
sby faeit deaplusurare.&de plus-
PRESENS DES JESVlTES
au Roy de Siam.
-Deux'grandes Machines,:
l'une pour les Planettes
)
&
l'autre pourlesEclipse. J'en
ayI donné ?la deCcription, &
celle de leurs effetsdans mi
LettredeSiam, où je parle de
l'Observatoire. On a ajouté a
cette Machine un mouvement
d'Horloge qui donne defoy
même tous les jours la fituation
des Planettesdans le Ciel,
&r'ne laisse pas de faire connoîrre
le pasle & l'avenir, par
l'aat present des Plancttes
dans le Ciel, comme on fai-
Foit aux Machines qui ont précédé
celle-cy.
L Un Globe suspendu allant k"*
par son propre poids.
Deux tres-belles Horloges^
al lant sur un plan incliné.
Quatres grandes Pendules3.
façonnées comme celles de:
rObfervatoire.
Quatre autres portatives.
Un mouvement qu'on nomme
Pàraletique, pour fèrviti
à obfcrver avec de grands Verres
(ans tuyaux, & plufieursc
autres Instrumens de Mathematique,
& d'Âstrologie.
Des Montres qui peuvent
se remonter sans qu'on serti
a pperçoive, & sans qu'ortj
fâche qu'on les remonte, &;
qui se trouvent remontées ,
pourvcu qu'on les ouvre seulement
une fois le jour pour
/oir l'heure. Quand on les
)uvre plus souvent? on ne
es remonte quaproporion
du temps qu'on a été [ans
es ouvrir.
Tous ces Ouvrages ont été
âits par M' Turet, dont le
jenie est admirable pour ces
brtes de choies, & qui n'est
las moins connu & cftimé
hez les Edrangers,qu'il l'cit
n France.Ilsferontconnoistre
ux Peuples d'Orient que les
¡eaux Arts fleunflent beaucoup
plusen ce Royaume qu'a
la Chine & au Japon; ôclei
Indiens qui croyent surpasses
en richesses tous les Peuple;:
de la Terre, verront par le:
Presens du Roy,fortis de 1;
feule Cour de France que le:
Indes n'en fournirent pas aui
tant à toutes les autres Nai
tions pendant des Siecles eru
tiers. La pluspart de tous ce
Ouvrages ont étéveus che::
M Alvarés quia conduit pan
ticulierement ceux qui (on
enrichis de Pierreries>dont:
a fourny unfort grand nonn
bre. Son aaiviré a fait voir fo<
zef
tele^latopt fait mettre dans
des caissesde plomb, scellées
avecd'autre; plomb, de Íorte-)
que tout ce que ces caisses rerq
fermeest- impénétrable à l'air
dehMer
Fermer
19
p. 51-106
Nouvelle Liste des Presens envoyez à Siam. [titre d'après la table]
Début :
Quoy que la Liste que je vous ay envoyée le mois passé [...]
Mots clefs :
Présents, Siam, Pièce, Argent, Or, Taille-douce, Vert, Cristal, Reliefs, Canon, Fusil, Roche, Pièces, Ponceau, Garni, Enrichi, Rouge, Broche, Pistolets, Diamants, Couleur, Étui, Boîte, Montre, Fleurs, Dessins, France, Glace, Représenter, Gravures
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Nouvelle Liste des Presens envoyez à Siam. [titre d'après la table]
Quoy que la Lifte que je
vous ay envoyée le mois pafré
des Presens qui sont partis
pour Siam,vous ait paru rres-
~pelle, tres ample, & trescurieuse,
j'ay encore beaucoup
dechoses nouvelles à.
vous apprendre sur le mefne
articl
nearticlee.. Il sfaauutt de ggrraannddss
oins, & d'exactes recherches
iour être pleinement instuit
t un détail pareil à celu y-là,
: sur tout, quand on veut
on seulement estre informe
du nombre des pieces, mais
donner aussi une descriprion
particuliere dechacune.C'est
ce que je vay raire a l'égard
decelles dont jene vousay
parlé que legerement. Je ne
vous diray plus rien des autres
,
& passeray mesme par
dessus sans vous les nommer
une seconde fois, àcause que
je vous les ay amplement décrites
, maisaussi i'en aiouteray
un tres-grand nombre,
dont ie ne vous ay encore
rien dit, & vous décriray susJ
qu'aux étofes ,sans quoy il
feroit impossible d'en
bien
faire voir la richesse, & dq
connoistre en quoy consiste
la magnificence de ces P!c:
:cns. le commenceray par
ceux que Sa Majesté a envoyez.
Une Couronne d'or à fleuons,
enrichie de Diamans,
le Rubis, d'Emeraudes, &
le Perles.
Un grand Panache d'or,
ouvert desmeimes Perles.
Un grand Miroir de cris-
'a) garny d'or, la bordure
enrichie de Diamans, le der-
~icre aussid'or à fleurs dereief,
& émaillées.
UneSelle de ch eval avec
a Housse
,
les Fourreaux de
~?i.ioiets & les Harnois en
Broderie de relief
, & les
Etriers de vermeil le tout
enrichy de Pierreries.
Quatre Vestes de velours,
deux noires & deux rouges,
une de chaque couleur avec
des manches, & une sans
manches, en broderie de
fleurs de soye liserées d'or,
enric hies de Perles; les noires
avec un galon rouge, & les
rouges avec un galon vert,
brodées &enrichies de.mef-J
me, suivantlesmodelles ap.j
portez de Siam.
Deux Baudriers enbro
derie d'or
,
passée avec les
garnitures d'or émaillées.
:> UnBufle tout bordé d'or
de relief avec les manches,
e Ceinturon, les crochets &
es agraffes de vermeil, doré
deux fois.
Un grand Vase d'Ambre
gravé de bas reliefs, avecla
garniture d'or.
Un grand Cabinet de crital
deroche, les garnitures
ravaillées à fleurs de vermeil
loré.
Une paiie d'A rmes de fer
àl'épreuve du pistolet moitié
coul eur d'eau & moitié
gravées de plusieurs ornemens
dorez, complettesà
l'exception des jambes, le
tout doublé de satinbleu,&
galonné d'or.
Deux grands Fusils à la
Siamoise, enrichis de beaucoup
de reliefs, la garniture
d'argent aussi en relief, les
canons enrichis d'or & d'argent,
& les bois avec des
ornemens tres-riches, chacun
dans ion étuy de maroquin
rouge doré au feu.
Quatre pieces de drap d'or,
& de brocard d'or & d'argent,
de la ~Manufacture dc^
M.Charlierà S. Maur, lur
des desseins de France ; sçavoir,
Une piece de drap d'or
rayé, à fond d'argent broché
d'or & d'argent,nue de
plusieurs couleurs.
! Vnepiece deBrocard d'or
à fond couleur de feu
,
broehé
d'or & d'argent, liseré
de vert
Une piece de Brocard d'or
à fond vert broché d'or 6c d argent retors,liseré de couleur
de feu.
Vne piece de Brocardd'or
à fond*brorché-
d'or & d'argent,liseré
Six piecesd'étofes àfleurs
nuées,listrées d'or sur des
desseins de Siam ; sçavoir,
Vne pieceà fond d'or nue
glacé.
Vne autre piece à fond
ponceau à fleurs lilsrées d'or.
Vnepiece à fond pastel. :
Vne autre à fond bleu.
EEttuunnceaauuttrrecààffoonnddgDris
c 1 air. *
Huit picccs de drap & de
brocard or & argent tres-riches,
(ur des desseins de 11
France ; sçavoir,
Vne pièce de brocard tres- ,
1
richeà-fond d'or broché &
à fleurs ciselées d'or rebrodé
de toutes couleurs.
Vne piece ponceau or&
argent passé d'or tors à travers,
& rebrodé d'argent
tors. Vne pièce - or & argent nué
à fond noir rebrochéd'or
-, - , glace&d'or tors avec feyc,
ponceau brodé.
orVnepieced'étoffevert&:
passé d'or à travers, & rebroché
d'or tors.
-
Vne pièce ponceau & or
brochéd'orglacé,&rebrodé,
d'or tors au petitmestier.
Vne piece cramoisy & or
broché d'or lissé avec ortors,
& rebroché d'argentfrisé.
Vne. piece bleue or & argent,
le fond d'or broché
& tors avec argent tors.
Vne piece bleue & or paffé ed'or glacé à travers.
Huit tables de marbre avec
les chassis
..)t.' piedsue Sculpture
tous dorez.
PRESENS DE MONSEIGÑEVK;
au Roy de Sium.
Vne grande Pendule à quatrecristeaux
de loche,&qua*;
tre colomnes surmontées de
quatre Fleurs de Lys,& soûtenuës
de quatreboules, le
tout decristal deroche, les
Portiques garnis d'or, enrichisdepierreries,&
le Do-
De d'acier bruny
,
enrichy
le feüillages d'or, terminé
parune Fleur de Lys
Deux Baudriers en broder
ie d'or, avec les garnitures
l'or émaillecs.
Deux Fusils à la Siamoise,
enrichis de reliefs gravez en
aille douce, la garniture
l'argent, le canon damait
quiné d'or, & le bois enrichy
d'argent de rapport,
chacun dans son étuy de
maroquin rouge, doré au
feu.
Vne piece d'unquarré long doré deux fois, - contenant
un tiroir& une boëte
couverte, sur laquelleil y a
une Ecritoire ornée de reliefs,
& de graveures enrichies
d'or & de festons d'émail
, avec trente-neuf Diamans.
Vne Montre à boëte d'or
àdeux cristaux, dontle jonc
est gravé de bas-reliefs, marquant
le lever &le coucher
du Soleil, faisant voir le
mouvement annuel, & le
iurne, avec le mouvement
e la Lune, suivant la maiere
de compter à la Sialoise.
Cette Montre a son
tuy fleuronnéd'or.
Deux pieces de drap or
& argent, de Mr Charlier,
ut des desseins de France;
çavoir,
Une piece de drap d'or
ayé, à fond d'or & d'argent
tors avec des comparti
mens couleur de feu.
Vne piece de Brocard d'or
fond bleu, broché d'or&
'argent retors: liseré de
couleur de feu.
Deux autres pieces de Broscardçor&
aarvgento,tresi-rirch,es
Une piece ponteau & or,
broché d'or, à fond glacé
d'or à filigrane.
Vne autre piece vert &or
& argent, à fond d'or ciselé,
broché d'or tors, avec
filigrane d'or tors.
Cinq pieces d'étoffes d'or
& d'argent, nuées & liserées
d'or sur des desseins de Siam
sçavoir
I
Vne piece à fond d'ar
gent glacé,nue.
Vuepièce à fond ama.
ante nue.
Une pièce à iondlfàbcllc.
Vue pièceà-tond vert.
Et une à fond ce la don
Vn tres beau Cabinet dc
riftal de roche, garny de
fermeil doré
Quatre 1 ables de marbra
vec leurs chailis, & pieds
le sculpture dorez.
PRESENSDE ¡'/J/:/DAlvlE'
t - !la 'DaUphine pour la Princjje
de Sidm
,
nomméela
!
f)rincefJe Rryne.
Quatre grandes roses dq
Diamans.
Vne autre plus grande aussi
de Diamans. -
Vne grande Rose de bellcsj
& fortes Emeraudes& de
Diamans. :
Vn Miroir de criftaldero^
che garny d'or la bordure
& le derriere à feüillages cin
zelez
,
enrichie de Diamant
& de Rubis.i Vn petit Coffre d'or gar-j
ny de vases en forme dj
cave aussi d'or, le tout gran
ve & garny de Diamans.
Deux boëtes d'or couj
Vertes en pointes émaillées a
fleurs de neuf pouces, j
Deux autres boëtes aussi
d'or de mesme grandeur de
le mesme figure.
Deux grandestasses ci'or"
:-malll-ées
- Vn grand miroir d'or couert
en forme de boëtetout
maill-é à deux glaces,
Vn grand Cabinet d'ambrea
bas reliefs & à graveues
le dessus port nt pluleurs
Figures de Personna- es&arbres-
Vntres-beau & grand Cainet
de cristal de roche gary
de vermeil. t)
Vne Montre à boëte d'or
à deux cristaux, plus grande;
que les autres, qui montra
l'âge de la Lune à la maniére
Siamoise
, avec son estuy
garny de fleurons ayant la
boëtc cizelée & Cadrans;
d'or. 1
Vne autre Montre émaillée
devert à taille d'épargne.
Cinq pieces de Drap ôc\
brocard or & argent tres-riches
sur les desseins de France;
sçivoir,
Vne piece à fond d'argent
nue au petit messier de [OU
tes couleurs &, rebroché
d'ortots. -'
Vne picce vert & or &argent
, rebroché d'or cors avec
des brodenes d'argent.
Vue piece ponceau à fleurs
d'or rebrochées d'un peu.
d'argent avec or cors.
; Vne piece bleue or & argent
passée d'or en filigrane,&
broché d'argent.
Vnepicce de Damas à fond
amarante, les fleurs brochées.
d'or avec des nompareilles
de satinvert.
Une grande Cassette de
marqueccerie & de bois de
raport des plus precieuxavec
son pied toutes les aar,
nitures dorées & d'un trèsbeau
travail.
PRESENS DU ROI
aM. Constance.
- Une grande Boete à Portrait
decDSa Majeste avec l'attache,
le tout garny deDiamans.
Un Sabre tout d'or avec
un revers de quatre pouces
de large à la Siamoise
, tout
le fourreau garnyde pierreri
es.
VueMontre d'or émaillée
derouge à taille d'Epargne
avec son-estuy, ouvragede
M. Turet.
Une autre Montre d'or, le
donc cizelé avec son estuy t
garny de feüillages d'or.
- Une autre Montre d'or émaillée
de vert à taille d'Epargne
or & blanc,avecl'éuy
à doux fleuronnez d'or-
VnFusilenrichy de relief
canon damasquiné d or
ort riche, & canelé de deux
nanieres ,avec son estuy de
Maroquin rouge doré au
1" i c
eu.
Un autre Fusil enrichy de
reliefs
,
le canon canelé à
goutieres
,
enrichy d'or de
rapport, le boisorné d'argent.
de raport la garniture avec
des bas reliefs & d'or de raporr
aussi avec son estuy.
Vn autre Fusil enrichy de
graveure, le canon & laeu-
Uffc damasquinez d'or, avec
son étuy.
Vn autre Fusil, laplatine
unie, le canon ayant un
marque derelief, aussi avec
ion étuy.
Vne paire de Pistolets enrichis
de rel efs, garnis d'or
de rapport,avec leurs étuis
de maroqu n rouge doré au
,feu.Vne autre paire de Piftolers
lets enrichis de graveurescn
taille douce, le canon damasquiné
d'or, le bois orné
d'argent de rapport, avec
son étuy de maroquin.
Vne autre paire montez
d'yvoire avec des testes de
lion, l'ouvrage du canon
gravé de taille douce.
Deux très -
beauxLustres
de cristal à branches de fonte
dorées,enrichies defeftons,
de boules & de fleurs
de cristal de roche.
Vne tenture deTapisserie
de Flandre, representant
l'histoire de Diane,
Un Coffret d'ambre travaillé
à bas reliefs & giavez.
Une manière de Chapelle
aussi d'ambre avec un Crucifix,
le tout ayant de tresbeaux
ornemens.
Six pieces d'étoffe de foye
or & argent sur des desseins
de France ; sçavoir,
Vne pièce à fond vert tresriche.
Vne piece Incarnat or &
argent.
gVnee pniecetble.uë or & ar- Vne autre bleue or & ponceau.
Vne piece de Cramoily
toutor.
Et une piece de ponceau &
raye.
Septpieces de drap tresfin
d'écarlatte,vert, violet,
bleu, gris de perle,& de canelle
contenant 106. aunes,
Vne piece de Camelotcoueur
de feu à pur poil de 28.
aunes un quart.
Deux Selles magnifiques
de l'Ecurie de Sa Majeste avec
leurs housses, le touten
broderie d'or avec tous les
harnois dorez, l'une brodée
sur un velours rouge,l'enharnachement
& testiere dorée
& fourreaux de pistolets; fy.
l'autre brodée sur un velours
vert, tout l'enharnachement
doré, &les fourreaux de pistolets,
PRESENS DU ROY
pour le premier Ambassadeur.
Vne boëte à Portrait de Sa
Majesté avec l'attache toute
garnie de Diamans
Vn Sabre d'or à la Turque,
la garde & le fourreau
tous garnis de grossesTurquoises
de vieille roche, $
deRubis.
-
Vn tres-beau Lustre de
Cristal de roche à dix branches
de fonte dorée enrichies
le consoles de cristaux qui
Suportent un vasegarny de
leurs, jettant des cristauxaucour
,
le dessous garny d'une
campane de boules de cristaux
avec une grossepiece
taillée dans le milieu.
Vnetenturede Tapisserie
de Flandre a Personnages &
verdures, rep resentant les
Muses &autresparties de la
Metamorphose.
VnFusilenrichy de reliefs,
la garniture & porte-viz
relevez d'or: le canon orné
d'or & d'argent de raport.
Vn Fusil à deux coups?
ayant le canon damasquiné
d'or.
Vn autre Fusil enrichy de
graveures en taille-douce.
: Vn autre Fusil enrichy ausside
graveures, ayant quelques
filets d'argent autour de
la visiere de couche.
Vne paire de pistolets enrichis
de reliefs? le canon en- !
richy d'or & d'argent de
raport,
& la garniture de inefme
travail.
Vne autre paire de Pistolets
enrichis de graveures en
taille-douce, le canon damasquiné
d'or en couleur
d'eau.
Vne autre paire de Pistolets
enrichis de graveures en
tulle-douce, le porte-viz
de reliefs &: un masque sur
les culotes.
Vnegrande Pendule quarrée
allant quinze jours,tonnant
les heures & les demyheures,
& la Boete de marqueterie
avec des colomnes,
bazes & chapiteaux corintheà
fonds d'écaille de Tortue
, & son étuy garny de
cuir.
Vne petite Pendule d'or
de poche, la boëte enrichie
de graveure avec son étuy
garny de clouds d'or à feuillages.
Vne Montre d'or d'émail
en mignature, le dessous de
la- boëte representant Mars
avec Venus & l'Amour
,
le
jonc &le dedans de Paysages
avec personnages.
Huit pieces d'étosses de
soye or & argent sur les desseins
de France;sçavoir, 1
1
Vne piece de brocard violet
tout or ? en broderie d'or
glacé&tors. -
Vne piece bleuë or & ar- -
gent à fond de Damas en
broderie d'or, reciselé d'argent
tors.
Vnepiece ponceau & or
1- glacée & rebroché d'or tors.
Vne piece bleue or & argent
pararabesqiued'or glacé,
& rebroché d'argent tors.
Vne piece amarante vert &
or, avec rayes de satin broché
d'or lissé & tors. -
Vne piece ponceau tout
argent par ehamarures d'argent
lissé & broché d'argent
tors.
Vne piece blanc & or nue
en Damas avec soye ponceau
& broché d'or.
Et une piece vert & or en
gros de naples par chamarures.
Quinzepieces de Draps
tres-fins d'écarlatte vert,violet
bleu gris de perles contenant
deux cens quarante
cinq aunes.
Deux pieces de Camelot
couleur de feu contenant
cinquante-cinq aunes & demie
PRESENS DV ROY
pour le fecond Ambassadeur.
VnLustre de cristaux de
roche à dix branches de fonte
dorée, ayant une Couronne
enrichie de plusieurs
cristaux de roche & de Milan,
le dessous garny de campanes
de boules & pieces de
cristaux de Milan, avec une
grosse poire taillée en coste
au milieu.
Vnependule allant quinze
jours, sonnant les heures &
les demyheures,la boëteen
forme de cartouche sur un
I
fond de cuivre doré, les ornemens
aussi dorez d'or
moulu.
Vnegrande Montre d'or
couverte d'email en mignature
,
le dessous de la boëte
repreientantl'enlevement
dEurope, & le dessus representant
une Venus & des
Amoursavec dcs Tritonssur
un Dauphin,& le dedans de
paysages & personnages.
Vne Montre quarrée à
feuillages d'or,ciselez,avec
un cristal de roche.
Vne tenture de Tapisserie
de Flandre,representant
des jeux d'enfans
Vn Fusil enrichy de reliefs
relevez d'or, le canon
de reliefs, le fond d'or, &:
le bouton d'or de rapport.
Vn autre Fusil enrichy
d'une garniture d'argent gravée
entaille douce,
&d'argent
de rapport autour de
lavisiere de couche.
Vn autre Fusil orné de
graveures en taille douce.
Vn autre Fusil le gravé canon de plusieurs ornemens
en taille douce avec du relief
sur la visiere de couche.
.-- Vne paire de Pistolets
enrichis de refiefs,lagarniture
&les cartonsderapport.
Vne autre paite de Pistolets
enrichis de graveure en
taille douce & d'argent de
rapport sur le bois.
Vne autre paire de Pistolets
de graveure en taille
douce? les canons canelez,
& le bois ornéd'argoent de rapport.
Huit pleces d'etofes d'or
& d'argent sur des, desseins
de France,scavoir,
Vne piece pourpre or {SÇ
argent, par chamarures d'or
glacé
,
rebrodé d'ortors à
<
iligranes d'argent,
Vne piècede Brocard d'or
& d'argent, ponceau par
chamarures d'or luisant, &:
proché d'or.
Vne piece, couleur de Caf- é argent, &: nuéaupetit
nétier, rebroché de deux
rgents avec descouleurs.
Vnepiece,amarante&arrent
changeant)broché d'arent.
| Vnepiece, vert, or&argent
,fond de Naples avec
iligrane de soye
| Vnepièce, ponceau,vert
r argent en gros deNaples
changeant par bandes no'u;
velles.
Vne piece cramoisi & or, à
fond de satin brodé de-foy gloire. j
Et une piece bleue, or &j
argent par tissu en chaisne, J
Quinzepieces de draps
tres-fins
,
d'écarlate, vert
violet, bleu, gris de Perle &
de canelle
, contenant deu
cens trente-trois aunf-s.troi
quarts. ]
Vne piece de camelot d^
vingt-neufaunes lX. demie,
i
fPRESENS DU ROY
1 pour letroisiéme Ambassadeur
Vne Pendule allant quinze
jours,sonnant les heures
& les demies, la boëte de
fond d'écaille,de Tortue, de
marqueterie, faite en dome,
des pilastres, des chapiteaux
& bases d'ordre Ionique, les
ornemensdorez d'or moulu.
:.. Vne Montre d'orémaillée
de peintures en mignature;
le dessous representant deux
Amans avec l'Amour,&au
dessus les mesmes Amans
sans l'Amour, le dedans de
paysages & personnages.
Vne autre Montre d'or,
émaillée de vert de taille
d'épargne.
Vn Fusil enrichy de reliefs,
le canon damasquiné
d'or & émaillé.
Vn autre Fusil enrichy de
beaucoup d'ornemens gravez
en taille douce.
Vn autre Fusil aussi de
graveuresen taille
f
douce le
canon damasquiné.
Vn autre Fusil orné de
graveures en taille douce.
Vn autre Fusil ayant les
mesmes ornemens
Vne paire de Pistolets enrichis
de graveures en taille
douce, le canon damasquiné
d'or & en couleur d'eau, le
bois enrichy de feuillages
d'argent de rapport.
Vne autre paire de Pistolets
de graveures en taille
douce,avec quelques reliefs.
Vne autre paire gravée
aussi en taille douce, les
porte-viz de reliefs.
Vne tenture deTapisserie
de Flandre, de verdure avec
de petits personnages & animaux.
Deux grandes Girandoles
à six branches de fonte d
rée, chacune enrichie de pl
sieurs étoiles de cristaux
roche taillez, & plusieur
autres pieces aussi de cr
taux.
Sept pieces d'étofe de so
or &argent, sur les dessei
de France; scavoir,
Vne piece, bleu &: or tre
riche, avec or glacé & bre
ché d'or.
Vne piece de Caffé & a
gent nué, riche & brodé
deux argents de couleur a
Mosaïque.
vne piece, ponceau, or
argent , par galons d'or &
d'argent brochez.
Vnepiece couleur de
chaireargents à fond gros
de Naples nué de soye verte
Vnepiece,bleu&: or avec
ponceau,à fond gros de Naples
en tissu
Vne piece amarante & or,
: gros de Naples &satin en
tissu
Et une piece rouge & vert, changeant en chaisne.
- Sept pieces de draps trèssins,
d'écarlate, vert, violet,
bleu & gris de Perle
, contetenant
quatre - vingts cinq
aunes trois quarts. -
TRESENS
De Monsieur le Duc du Maine
à cJïïl. Confiance.
Vntres-grand Lustre, tout
de cristal de loche à douze
branches de fonte dorée
ayant une couronne enrichie
de plusieurs boules de
rirtaux de roche, garny
d'une tres-belle campane de
ristaux , ayant une gresse
boule de cristal de roche
taillée dans le milieu.
Deux pieces d'étose or &
argent tres-riches, sur des
desseins de France.
Vne tres-belle Pendule,
onnant les heures & les deny-
heures, & allant huit
ours.
Deux Coupes,deux Veres
? une Souscoupe,une Aiguiere
,deux Bouteilles, un
Baril,&un:Tasse de cristal
le roche ciselé avec une
cassette aussi de cristal,
emplie d'Eventails de mignature
, &de ceintures or
& argent, avec un Portrait
en mignature de Monsieur
e Duc du Mayne.
,
Vngrand Livre repreentant
les Conquestes du
Roy, en mignature, avec
les Personnages &: les Places
o
au naturel, &le plan des
Places, le tout sur du velin,
avec une description historique.
Ce Livre est couvert
de chagrin avec des garnitures
&es
tures & desppllaaqquueess dc'o?r dd>'uunn
ouvrage ciselé. Les Armes
du Roy sont au milieu? &
il yades Chiffres aux
coins.
Je vous avois déja dit une
partie des choses qui sont
contenues dans cet article;
mais je ne vous avois pas
mandé le nom du Prince
qui faisoit ce Present. I
PRE-
- '1
Presens De M. le Marquis de
l, Louvois à M. Constance.
Six grandes Tables de marbre
jaspé ovales.
ri Vntres-riche Tapis de U
Savonnerie.
Presens de M. le Marquis de
il Croissy à VJ1. Constance.
t Vn grand Miroir avec
sa bordure de glace à fond
de lapis, lesornemens aussi
de lapis, & le chapiteau d'un
pareil travail.
Douze Corbeilles de cristal
taillé.
Deux grands Bassinsd'argentdore
en ovale, relevez
au fond en bosse ronde de
plusieurs figures representant
lhistoiredeScipion,deMarc-
Antoine, & de Cleopatre.
Vn grand Bassin, où sont
rapportéesplusieurs plaques
d'argent doré, au fond duquel
relevé en demy bosse,est
vn Neptune dans vnchar tiré
par quatre chevaux Marins.
Vntres beau Vase en forme
de fontaine, ayant deux
Bassins en coquille d'argentdoré,
l'un soutenu d'un
Atlas monté sur un chat
d~'anrg$e~nt doré;l'autre élevéau soutenud'uneVenus
d'argent, accompagnee d'un
Cygne aussi d'argent sur une
coquille dor,& au sommet du
>
Vaseest un Mercure d'argent.
Toutes ces Figuresjettent artificiellement
de l'eau.
~, Vngrand Crucifix d'ambre
tres-curieux. 1
Vnegrande Cassette de
cristal taillé & enchassé, entrelassé
de roses de Diamans
avec des feüillages d'or trait,
d'une belle fimetrie
, dans
laquelle Cassette il y a,
: Douze paires de Gands
glacez.
{ Vn Eventail de peau de
senteur, où est peint en mignature
le Carrousel dernier
fait en France, les bastons enrichis
d'or parsemez de Perles
& deDiamans sins,tenant
ensemble par une viz d'or.
Septautres Eventails de
differentes couleurs & representations,
ornez de rubans
or ez argent.
VneCassettede cristal,avec
sa bordureaussi de cristal
tortillé, dans 1 aquelle il y a
Vne paire deBracelets deCorail
taillé, avec une boucle
dVenDeiMamoannstrfeins àchacun.
d'or avec f»
boëte émaillée, garnie de
Diamans fins, la clef enrichie
de Diamans, VneTabatiered'or émaillée,
garnie de Rubis, avec
un plus gros Rubis pour la
fermer.
VnbeauChapelet de corail.
Vn autre de corail uny.
Vn Chapelet d'ambre trèsprecieux.
t' Vntres-beau Cordon de
corail.
Vne Cave couverte de fatin
vert, ornée de galons&
de clous d'argent, contenant
douze flacons de cristal
couverts d'argent, remplis
d'essences & de diffeter
bonnes odeurs.
Vingt- quatre paires de
Gands d'Espagne, garnis de
rubans dediverses couleurs.
Deux grandes peaux d'Espagne>
d'une senteur merveilleuse.
Vne tres-belle Coupe d'émail
avec sacouverture, sur
laquelle sont representées.
diverses Batailles,& un étuy
de satin rouge galonné d'or
Vn Verre de cristal de roche
couvert, figuré, avec
son pied d'argent, & Lon.
étuy de satin rouge.
Vn grand Verre en coupe
aussi decristal de roche, figuré
,avec sa couverture &
son étuy de satin rouge galonné
d'argent.
Vne Cave de satin rouge,
contenant six grands Gobelets
de cristal grav é.
Vne autre Cave ausside
satin rouge, contenant cinq
grands Gobelets de cristal
'figuré,o
Prbesens de M. le Marquis de
Seignelay àM. Constance.
Deux grands Miroirs de
figure octogone,
ngure o ogone avec leurs
?
bordures toutes de cristal. 1
Vn Benitier de cristal de
roche, garny d'argent.
Quatre grandesTables de
marbre, avec leurs chassis &
pieds de sculpture tous dorez.
Vne tenture de Tapisserie
à fond vert.
,
Vne grande Figure de
marbre
,
representant deux
enfans qui tiernent un pied
de Vase.
Cinquante Portraits des
principales personnes de la
Cour, avec leurs bordures
dorées. a
,
Vn grand Fusil de marqueterie
fait en Canada, d'un
ouvrage exquis , avec [on
étuy de maroquin rouge 3 fleurdelisé d'or. -
Vne paire de Pistolets
montez d'yvoire,tirant chacun
- deux coups, avec
quelquesgraveures en taille
douce
Trois grandes Caisses remplies
de differens ouvrages
decristaux d'Allemagne.
Vn grand Verre avec fom
pied de vermeil doré.
Vne grande Sous-coupe
aussi de cristalavec son
y
pied de vermeil doré.
Vn grand Globe de verre,
representant le Labirinthe
de Versailles. 1
Vn tres-beau Cabinet
d'Optique
>
representant plusieurs
belles veuës.
VnTableau representant
Versailles, avec son quadre
doré.
Deux Tableaux de Rocailles
, avec leurs quadres
aussi dorez.
vous ay envoyée le mois pafré
des Presens qui sont partis
pour Siam,vous ait paru rres-
~pelle, tres ample, & trescurieuse,
j'ay encore beaucoup
dechoses nouvelles à.
vous apprendre sur le mefne
articl
nearticlee.. Il sfaauutt de ggrraannddss
oins, & d'exactes recherches
iour être pleinement instuit
t un détail pareil à celu y-là,
: sur tout, quand on veut
on seulement estre informe
du nombre des pieces, mais
donner aussi une descriprion
particuliere dechacune.C'est
ce que je vay raire a l'égard
decelles dont jene vousay
parlé que legerement. Je ne
vous diray plus rien des autres
,
& passeray mesme par
dessus sans vous les nommer
une seconde fois, àcause que
je vous les ay amplement décrites
, maisaussi i'en aiouteray
un tres-grand nombre,
dont ie ne vous ay encore
rien dit, & vous décriray susJ
qu'aux étofes ,sans quoy il
feroit impossible d'en
bien
faire voir la richesse, & dq
connoistre en quoy consiste
la magnificence de ces P!c:
:cns. le commenceray par
ceux que Sa Majesté a envoyez.
Une Couronne d'or à fleuons,
enrichie de Diamans,
le Rubis, d'Emeraudes, &
le Perles.
Un grand Panache d'or,
ouvert desmeimes Perles.
Un grand Miroir de cris-
'a) garny d'or, la bordure
enrichie de Diamans, le der-
~icre aussid'or à fleurs dereief,
& émaillées.
UneSelle de ch eval avec
a Housse
,
les Fourreaux de
~?i.ioiets & les Harnois en
Broderie de relief
, & les
Etriers de vermeil le tout
enrichy de Pierreries.
Quatre Vestes de velours,
deux noires & deux rouges,
une de chaque couleur avec
des manches, & une sans
manches, en broderie de
fleurs de soye liserées d'or,
enric hies de Perles; les noires
avec un galon rouge, & les
rouges avec un galon vert,
brodées &enrichies de.mef-J
me, suivantlesmodelles ap.j
portez de Siam.
Deux Baudriers enbro
derie d'or
,
passée avec les
garnitures d'or émaillées.
:> UnBufle tout bordé d'or
de relief avec les manches,
e Ceinturon, les crochets &
es agraffes de vermeil, doré
deux fois.
Un grand Vase d'Ambre
gravé de bas reliefs, avecla
garniture d'or.
Un grand Cabinet de crital
deroche, les garnitures
ravaillées à fleurs de vermeil
loré.
Une paiie d'A rmes de fer
àl'épreuve du pistolet moitié
coul eur d'eau & moitié
gravées de plusieurs ornemens
dorez, complettesà
l'exception des jambes, le
tout doublé de satinbleu,&
galonné d'or.
Deux grands Fusils à la
Siamoise, enrichis de beaucoup
de reliefs, la garniture
d'argent aussi en relief, les
canons enrichis d'or & d'argent,
& les bois avec des
ornemens tres-riches, chacun
dans ion étuy de maroquin
rouge doré au feu.
Quatre pieces de drap d'or,
& de brocard d'or & d'argent,
de la ~Manufacture dc^
M.Charlierà S. Maur, lur
des desseins de France ; sçavoir,
Une piece de drap d'or
rayé, à fond d'argent broché
d'or & d'argent,nue de
plusieurs couleurs.
! Vnepiece deBrocard d'or
à fond couleur de feu
,
broehé
d'or & d'argent, liseré
de vert
Une piece de Brocard d'or
à fond vert broché d'or 6c d argent retors,liseré de couleur
de feu.
Vne piece de Brocardd'or
à fond*brorché-
d'or & d'argent,liseré
Six piecesd'étofes àfleurs
nuées,listrées d'or sur des
desseins de Siam ; sçavoir,
Vne pieceà fond d'or nue
glacé.
Vne autre piece à fond
ponceau à fleurs lilsrées d'or.
Vnepiece à fond pastel. :
Vne autre à fond bleu.
EEttuunnceaauuttrrecààffoonnddgDris
c 1 air. *
Huit picccs de drap & de
brocard or & argent tres-riches,
(ur des desseins de 11
France ; sçavoir,
Vne pièce de brocard tres- ,
1
richeà-fond d'or broché &
à fleurs ciselées d'or rebrodé
de toutes couleurs.
Vne piece ponceau or&
argent passé d'or tors à travers,
& rebrodé d'argent
tors. Vne pièce - or & argent nué
à fond noir rebrochéd'or
-, - , glace&d'or tors avec feyc,
ponceau brodé.
orVnepieced'étoffevert&:
passé d'or à travers, & rebroché
d'or tors.
-
Vne pièce ponceau & or
brochéd'orglacé,&rebrodé,
d'or tors au petitmestier.
Vne piece cramoisy & or
broché d'or lissé avec ortors,
& rebroché d'argentfrisé.
Vne. piece bleue or & argent,
le fond d'or broché
& tors avec argent tors.
Vne piece bleue & or paffé ed'or glacé à travers.
Huit tables de marbre avec
les chassis
..)t.' piedsue Sculpture
tous dorez.
PRESENS DE MONSEIGÑEVK;
au Roy de Sium.
Vne grande Pendule à quatrecristeaux
de loche,&qua*;
tre colomnes surmontées de
quatre Fleurs de Lys,& soûtenuës
de quatreboules, le
tout decristal deroche, les
Portiques garnis d'or, enrichisdepierreries,&
le Do-
De d'acier bruny
,
enrichy
le feüillages d'or, terminé
parune Fleur de Lys
Deux Baudriers en broder
ie d'or, avec les garnitures
l'or émaillecs.
Deux Fusils à la Siamoise,
enrichis de reliefs gravez en
aille douce, la garniture
l'argent, le canon damait
quiné d'or, & le bois enrichy
d'argent de rapport,
chacun dans son étuy de
maroquin rouge, doré au
feu.
Vne piece d'unquarré long doré deux fois, - contenant
un tiroir& une boëte
couverte, sur laquelleil y a
une Ecritoire ornée de reliefs,
& de graveures enrichies
d'or & de festons d'émail
, avec trente-neuf Diamans.
Vne Montre à boëte d'or
àdeux cristaux, dontle jonc
est gravé de bas-reliefs, marquant
le lever &le coucher
du Soleil, faisant voir le
mouvement annuel, & le
iurne, avec le mouvement
e la Lune, suivant la maiere
de compter à la Sialoise.
Cette Montre a son
tuy fleuronnéd'or.
Deux pieces de drap or
& argent, de Mr Charlier,
ut des desseins de France;
çavoir,
Une piece de drap d'or
ayé, à fond d'or & d'argent
tors avec des comparti
mens couleur de feu.
Vne piece de Brocard d'or
fond bleu, broché d'or&
'argent retors: liseré de
couleur de feu.
Deux autres pieces de Broscardçor&
aarvgento,tresi-rirch,es
Une piece ponteau & or,
broché d'or, à fond glacé
d'or à filigrane.
Vne autre piece vert &or
& argent, à fond d'or ciselé,
broché d'or tors, avec
filigrane d'or tors.
Cinq pieces d'étoffes d'or
& d'argent, nuées & liserées
d'or sur des desseins de Siam
sçavoir
I
Vne piece à fond d'ar
gent glacé,nue.
Vuepièce à fond ama.
ante nue.
Une pièce à iondlfàbcllc.
Vue pièceà-tond vert.
Et une à fond ce la don
Vn tres beau Cabinet dc
riftal de roche, garny de
fermeil doré
Quatre 1 ables de marbra
vec leurs chailis, & pieds
le sculpture dorez.
PRESENSDE ¡'/J/:/DAlvlE'
t - !la 'DaUphine pour la Princjje
de Sidm
,
nomméela
!
f)rincefJe Rryne.
Quatre grandes roses dq
Diamans.
Vne autre plus grande aussi
de Diamans. -
Vne grande Rose de bellcsj
& fortes Emeraudes& de
Diamans. :
Vn Miroir de criftaldero^
che garny d'or la bordure
& le derriere à feüillages cin
zelez
,
enrichie de Diamant
& de Rubis.i Vn petit Coffre d'or gar-j
ny de vases en forme dj
cave aussi d'or, le tout gran
ve & garny de Diamans.
Deux boëtes d'or couj
Vertes en pointes émaillées a
fleurs de neuf pouces, j
Deux autres boëtes aussi
d'or de mesme grandeur de
le mesme figure.
Deux grandestasses ci'or"
:-malll-ées
- Vn grand miroir d'or couert
en forme de boëtetout
maill-é à deux glaces,
Vn grand Cabinet d'ambrea
bas reliefs & à graveues
le dessus port nt pluleurs
Figures de Personna- es&arbres-
Vntres-beau & grand Cainet
de cristal de roche gary
de vermeil. t)
Vne Montre à boëte d'or
à deux cristaux, plus grande;
que les autres, qui montra
l'âge de la Lune à la maniére
Siamoise
, avec son estuy
garny de fleurons ayant la
boëtc cizelée & Cadrans;
d'or. 1
Vne autre Montre émaillée
devert à taille d'épargne.
Cinq pieces de Drap ôc\
brocard or & argent tres-riches
sur les desseins de France;
sçivoir,
Vne piece à fond d'argent
nue au petit messier de [OU
tes couleurs &, rebroché
d'ortots. -'
Vne picce vert & or &argent
, rebroché d'or cors avec
des brodenes d'argent.
Vue piece ponceau à fleurs
d'or rebrochées d'un peu.
d'argent avec or cors.
; Vne piece bleue or & argent
passée d'or en filigrane,&
broché d'argent.
Vnepicce de Damas à fond
amarante, les fleurs brochées.
d'or avec des nompareilles
de satinvert.
Une grande Cassette de
marqueccerie & de bois de
raport des plus precieuxavec
son pied toutes les aar,
nitures dorées & d'un trèsbeau
travail.
PRESENS DU ROI
aM. Constance.
- Une grande Boete à Portrait
decDSa Majeste avec l'attache,
le tout garny deDiamans.
Un Sabre tout d'or avec
un revers de quatre pouces
de large à la Siamoise
, tout
le fourreau garnyde pierreri
es.
VueMontre d'or émaillée
derouge à taille d'Epargne
avec son-estuy, ouvragede
M. Turet.
Une autre Montre d'or, le
donc cizelé avec son estuy t
garny de feüillages d'or.
- Une autre Montre d'or émaillée
de vert à taille d'Epargne
or & blanc,avecl'éuy
à doux fleuronnez d'or-
VnFusilenrichy de relief
canon damasquiné d or
ort riche, & canelé de deux
nanieres ,avec son estuy de
Maroquin rouge doré au
1" i c
eu.
Un autre Fusil enrichy de
reliefs
,
le canon canelé à
goutieres
,
enrichy d'or de
rapport, le boisorné d'argent.
de raport la garniture avec
des bas reliefs & d'or de raporr
aussi avec son estuy.
Vn autre Fusil enrichy de
graveure, le canon & laeu-
Uffc damasquinez d'or, avec
son étuy.
Vn autre Fusil, laplatine
unie, le canon ayant un
marque derelief, aussi avec
ion étuy.
Vne paire de Pistolets enrichis
de rel efs, garnis d'or
de rapport,avec leurs étuis
de maroqu n rouge doré au
,feu.Vne autre paire de Piftolers
lets enrichis de graveurescn
taille douce, le canon damasquiné
d'or, le bois orné
d'argent de rapport, avec
son étuy de maroquin.
Vne autre paire montez
d'yvoire avec des testes de
lion, l'ouvrage du canon
gravé de taille douce.
Deux très -
beauxLustres
de cristal à branches de fonte
dorées,enrichies defeftons,
de boules & de fleurs
de cristal de roche.
Vne tenture deTapisserie
de Flandre, representant
l'histoire de Diane,
Un Coffret d'ambre travaillé
à bas reliefs & giavez.
Une manière de Chapelle
aussi d'ambre avec un Crucifix,
le tout ayant de tresbeaux
ornemens.
Six pieces d'étoffe de foye
or & argent sur des desseins
de France ; sçavoir,
Vne pièce à fond vert tresriche.
Vne piece Incarnat or &
argent.
gVnee pniecetble.uë or & ar- Vne autre bleue or & ponceau.
Vne piece de Cramoily
toutor.
Et une piece de ponceau &
raye.
Septpieces de drap tresfin
d'écarlatte,vert, violet,
bleu, gris de perle,& de canelle
contenant 106. aunes,
Vne piece de Camelotcoueur
de feu à pur poil de 28.
aunes un quart.
Deux Selles magnifiques
de l'Ecurie de Sa Majeste avec
leurs housses, le touten
broderie d'or avec tous les
harnois dorez, l'une brodée
sur un velours rouge,l'enharnachement
& testiere dorée
& fourreaux de pistolets; fy.
l'autre brodée sur un velours
vert, tout l'enharnachement
doré, &les fourreaux de pistolets,
PRESENS DU ROY
pour le premier Ambassadeur.
Vne boëte à Portrait de Sa
Majesté avec l'attache toute
garnie de Diamans
Vn Sabre d'or à la Turque,
la garde & le fourreau
tous garnis de grossesTurquoises
de vieille roche, $
deRubis.
-
Vn tres-beau Lustre de
Cristal de roche à dix branches
de fonte dorée enrichies
le consoles de cristaux qui
Suportent un vasegarny de
leurs, jettant des cristauxaucour
,
le dessous garny d'une
campane de boules de cristaux
avec une grossepiece
taillée dans le milieu.
Vnetenturede Tapisserie
de Flandre a Personnages &
verdures, rep resentant les
Muses &autresparties de la
Metamorphose.
VnFusilenrichy de reliefs,
la garniture & porte-viz
relevez d'or: le canon orné
d'or & d'argent de raport.
Vn Fusil à deux coups?
ayant le canon damasquiné
d'or.
Vn autre Fusil enrichy de
graveures en taille-douce.
: Vn autre Fusil enrichy ausside
graveures, ayant quelques
filets d'argent autour de
la visiere de couche.
Vne paire de pistolets enrichis
de reliefs? le canon en- !
richy d'or & d'argent de
raport,
& la garniture de inefme
travail.
Vne autre paire de Pistolets
enrichis de graveures en
taille-douce, le canon damasquiné
d'or en couleur
d'eau.
Vne autre paire de Pistolets
enrichis de graveures en
tulle-douce, le porte-viz
de reliefs &: un masque sur
les culotes.
Vnegrande Pendule quarrée
allant quinze jours,tonnant
les heures & les demyheures,
& la Boete de marqueterie
avec des colomnes,
bazes & chapiteaux corintheà
fonds d'écaille de Tortue
, & son étuy garny de
cuir.
Vne petite Pendule d'or
de poche, la boëte enrichie
de graveure avec son étuy
garny de clouds d'or à feuillages.
Vne Montre d'or d'émail
en mignature, le dessous de
la- boëte representant Mars
avec Venus & l'Amour
,
le
jonc &le dedans de Paysages
avec personnages.
Huit pieces d'étosses de
soye or & argent sur les desseins
de France;sçavoir, 1
1
Vne piece de brocard violet
tout or ? en broderie d'or
glacé&tors. -
Vne piece bleuë or & ar- -
gent à fond de Damas en
broderie d'or, reciselé d'argent
tors.
Vnepiece ponceau & or
1- glacée & rebroché d'or tors.
Vne piece bleue or & argent
pararabesqiued'or glacé,
& rebroché d'argent tors.
Vne piece amarante vert &
or, avec rayes de satin broché
d'or lissé & tors. -
Vne piece ponceau tout
argent par ehamarures d'argent
lissé & broché d'argent
tors.
Vne piece blanc & or nue
en Damas avec soye ponceau
& broché d'or.
Et une piece vert & or en
gros de naples par chamarures.
Quinzepieces de Draps
tres-fins d'écarlatte vert,violet
bleu gris de perles contenant
deux cens quarante
cinq aunes.
Deux pieces de Camelot
couleur de feu contenant
cinquante-cinq aunes & demie
PRESENS DV ROY
pour le fecond Ambassadeur.
VnLustre de cristaux de
roche à dix branches de fonte
dorée, ayant une Couronne
enrichie de plusieurs
cristaux de roche & de Milan,
le dessous garny de campanes
de boules & pieces de
cristaux de Milan, avec une
grosse poire taillée en coste
au milieu.
Vnependule allant quinze
jours, sonnant les heures &
les demyheures,la boëteen
forme de cartouche sur un
I
fond de cuivre doré, les ornemens
aussi dorez d'or
moulu.
Vnegrande Montre d'or
couverte d'email en mignature
,
le dessous de la boëte
repreientantl'enlevement
dEurope, & le dessus representant
une Venus & des
Amoursavec dcs Tritonssur
un Dauphin,& le dedans de
paysages & personnages.
Vne Montre quarrée à
feuillages d'or,ciselez,avec
un cristal de roche.
Vne tenture de Tapisserie
de Flandre,representant
des jeux d'enfans
Vn Fusil enrichy de reliefs
relevez d'or, le canon
de reliefs, le fond d'or, &:
le bouton d'or de rapport.
Vn autre Fusil enrichy
d'une garniture d'argent gravée
entaille douce,
&d'argent
de rapport autour de
lavisiere de couche.
Vn autre Fusil orné de
graveures en taille douce.
Vn autre Fusil le gravé canon de plusieurs ornemens
en taille douce avec du relief
sur la visiere de couche.
.-- Vne paire de Pistolets
enrichis de refiefs,lagarniture
&les cartonsderapport.
Vne autre paite de Pistolets
enrichis de graveure en
taille douce & d'argent de
rapport sur le bois.
Vne autre paire de Pistolets
de graveure en taille
douce? les canons canelez,
& le bois ornéd'argoent de rapport.
Huit pleces d'etofes d'or
& d'argent sur des, desseins
de France,scavoir,
Vne piece pourpre or {SÇ
argent, par chamarures d'or
glacé
,
rebrodé d'ortors à
<
iligranes d'argent,
Vne piècede Brocard d'or
& d'argent, ponceau par
chamarures d'or luisant, &:
proché d'or.
Vne piece, couleur de Caf- é argent, &: nuéaupetit
nétier, rebroché de deux
rgents avec descouleurs.
Vnepiece,amarante&arrent
changeant)broché d'arent.
| Vnepiece, vert, or&argent
,fond de Naples avec
iligrane de soye
| Vnepièce, ponceau,vert
r argent en gros deNaples
changeant par bandes no'u;
velles.
Vne piece cramoisi & or, à
fond de satin brodé de-foy gloire. j
Et une piece bleue, or &j
argent par tissu en chaisne, J
Quinzepieces de draps
tres-fins
,
d'écarlate, vert
violet, bleu, gris de Perle &
de canelle
, contenant deu
cens trente-trois aunf-s.troi
quarts. ]
Vne piece de camelot d^
vingt-neufaunes lX. demie,
i
fPRESENS DU ROY
1 pour letroisiéme Ambassadeur
Vne Pendule allant quinze
jours,sonnant les heures
& les demies, la boëte de
fond d'écaille,de Tortue, de
marqueterie, faite en dome,
des pilastres, des chapiteaux
& bases d'ordre Ionique, les
ornemensdorez d'or moulu.
:.. Vne Montre d'orémaillée
de peintures en mignature;
le dessous representant deux
Amans avec l'Amour,&au
dessus les mesmes Amans
sans l'Amour, le dedans de
paysages & personnages.
Vne autre Montre d'or,
émaillée de vert de taille
d'épargne.
Vn Fusil enrichy de reliefs,
le canon damasquiné
d'or & émaillé.
Vn autre Fusil enrichy de
beaucoup d'ornemens gravez
en taille douce.
Vn autre Fusil aussi de
graveuresen taille
f
douce le
canon damasquiné.
Vn autre Fusil orné de
graveures en taille douce.
Vn autre Fusil ayant les
mesmes ornemens
Vne paire de Pistolets enrichis
de graveures en taille
douce, le canon damasquiné
d'or & en couleur d'eau, le
bois enrichy de feuillages
d'argent de rapport.
Vne autre paire de Pistolets
de graveures en taille
douce,avec quelques reliefs.
Vne autre paire gravée
aussi en taille douce, les
porte-viz de reliefs.
Vne tenture deTapisserie
de Flandre, de verdure avec
de petits personnages & animaux.
Deux grandes Girandoles
à six branches de fonte d
rée, chacune enrichie de pl
sieurs étoiles de cristaux
roche taillez, & plusieur
autres pieces aussi de cr
taux.
Sept pieces d'étofe de so
or &argent, sur les dessei
de France; scavoir,
Vne piece, bleu &: or tre
riche, avec or glacé & bre
ché d'or.
Vne piece de Caffé & a
gent nué, riche & brodé
deux argents de couleur a
Mosaïque.
vne piece, ponceau, or
argent , par galons d'or &
d'argent brochez.
Vnepiece couleur de
chaireargents à fond gros
de Naples nué de soye verte
Vnepiece,bleu&: or avec
ponceau,à fond gros de Naples
en tissu
Vne piece amarante & or,
: gros de Naples &satin en
tissu
Et une piece rouge & vert, changeant en chaisne.
- Sept pieces de draps trèssins,
d'écarlate, vert, violet,
bleu & gris de Perle
, contetenant
quatre - vingts cinq
aunes trois quarts. -
TRESENS
De Monsieur le Duc du Maine
à cJïïl. Confiance.
Vntres-grand Lustre, tout
de cristal de loche à douze
branches de fonte dorée
ayant une couronne enrichie
de plusieurs boules de
rirtaux de roche, garny
d'une tres-belle campane de
ristaux , ayant une gresse
boule de cristal de roche
taillée dans le milieu.
Deux pieces d'étose or &
argent tres-riches, sur des
desseins de France.
Vne tres-belle Pendule,
onnant les heures & les deny-
heures, & allant huit
ours.
Deux Coupes,deux Veres
? une Souscoupe,une Aiguiere
,deux Bouteilles, un
Baril,&un:Tasse de cristal
le roche ciselé avec une
cassette aussi de cristal,
emplie d'Eventails de mignature
, &de ceintures or
& argent, avec un Portrait
en mignature de Monsieur
e Duc du Mayne.
,
Vngrand Livre repreentant
les Conquestes du
Roy, en mignature, avec
les Personnages &: les Places
o
au naturel, &le plan des
Places, le tout sur du velin,
avec une description historique.
Ce Livre est couvert
de chagrin avec des garnitures
&es
tures & desppllaaqquueess dc'o?r dd>'uunn
ouvrage ciselé. Les Armes
du Roy sont au milieu? &
il yades Chiffres aux
coins.
Je vous avois déja dit une
partie des choses qui sont
contenues dans cet article;
mais je ne vous avois pas
mandé le nom du Prince
qui faisoit ce Present. I
PRE-
- '1
Presens De M. le Marquis de
l, Louvois à M. Constance.
Six grandes Tables de marbre
jaspé ovales.
ri Vntres-riche Tapis de U
Savonnerie.
Presens de M. le Marquis de
il Croissy à VJ1. Constance.
t Vn grand Miroir avec
sa bordure de glace à fond
de lapis, lesornemens aussi
de lapis, & le chapiteau d'un
pareil travail.
Douze Corbeilles de cristal
taillé.
Deux grands Bassinsd'argentdore
en ovale, relevez
au fond en bosse ronde de
plusieurs figures representant
lhistoiredeScipion,deMarc-
Antoine, & de Cleopatre.
Vn grand Bassin, où sont
rapportéesplusieurs plaques
d'argent doré, au fond duquel
relevé en demy bosse,est
vn Neptune dans vnchar tiré
par quatre chevaux Marins.
Vntres beau Vase en forme
de fontaine, ayant deux
Bassins en coquille d'argentdoré,
l'un soutenu d'un
Atlas monté sur un chat
d~'anrg$e~nt doré;l'autre élevéau soutenud'uneVenus
d'argent, accompagnee d'un
Cygne aussi d'argent sur une
coquille dor,& au sommet du
>
Vaseest un Mercure d'argent.
Toutes ces Figuresjettent artificiellement
de l'eau.
~, Vngrand Crucifix d'ambre
tres-curieux. 1
Vnegrande Cassette de
cristal taillé & enchassé, entrelassé
de roses de Diamans
avec des feüillages d'or trait,
d'une belle fimetrie
, dans
laquelle Cassette il y a,
: Douze paires de Gands
glacez.
{ Vn Eventail de peau de
senteur, où est peint en mignature
le Carrousel dernier
fait en France, les bastons enrichis
d'or parsemez de Perles
& deDiamans sins,tenant
ensemble par une viz d'or.
Septautres Eventails de
differentes couleurs & representations,
ornez de rubans
or ez argent.
VneCassettede cristal,avec
sa bordureaussi de cristal
tortillé, dans 1 aquelle il y a
Vne paire deBracelets deCorail
taillé, avec une boucle
dVenDeiMamoannstrfeins àchacun.
d'or avec f»
boëte émaillée, garnie de
Diamans fins, la clef enrichie
de Diamans, VneTabatiered'or émaillée,
garnie de Rubis, avec
un plus gros Rubis pour la
fermer.
VnbeauChapelet de corail.
Vn autre de corail uny.
Vn Chapelet d'ambre trèsprecieux.
t' Vntres-beau Cordon de
corail.
Vne Cave couverte de fatin
vert, ornée de galons&
de clous d'argent, contenant
douze flacons de cristal
couverts d'argent, remplis
d'essences & de diffeter
bonnes odeurs.
Vingt- quatre paires de
Gands d'Espagne, garnis de
rubans dediverses couleurs.
Deux grandes peaux d'Espagne>
d'une senteur merveilleuse.
Vne tres-belle Coupe d'émail
avec sacouverture, sur
laquelle sont representées.
diverses Batailles,& un étuy
de satin rouge galonné d'or
Vn Verre de cristal de roche
couvert, figuré, avec
son pied d'argent, & Lon.
étuy de satin rouge.
Vn grand Verre en coupe
aussi decristal de roche, figuré
,avec sa couverture &
son étuy de satin rouge galonné
d'argent.
Vne Cave de satin rouge,
contenant six grands Gobelets
de cristal grav é.
Vne autre Cave ausside
satin rouge, contenant cinq
grands Gobelets de cristal
'figuré,o
Prbesens de M. le Marquis de
Seignelay àM. Constance.
Deux grands Miroirs de
figure octogone,
ngure o ogone avec leurs
?
bordures toutes de cristal. 1
Vn Benitier de cristal de
roche, garny d'argent.
Quatre grandesTables de
marbre, avec leurs chassis &
pieds de sculpture tous dorez.
Vne tenture de Tapisserie
à fond vert.
,
Vne grande Figure de
marbre
,
representant deux
enfans qui tiernent un pied
de Vase.
Cinquante Portraits des
principales personnes de la
Cour, avec leurs bordures
dorées. a
,
Vn grand Fusil de marqueterie
fait en Canada, d'un
ouvrage exquis , avec [on
étuy de maroquin rouge 3 fleurdelisé d'or. -
Vne paire de Pistolets
montez d'yvoire,tirant chacun
- deux coups, avec
quelquesgraveures en taille
douce
Trois grandes Caisses remplies
de differens ouvrages
decristaux d'Allemagne.
Vn grand Verre avec fom
pied de vermeil doré.
Vne grande Sous-coupe
aussi de cristalavec son
y
pied de vermeil doré.
Vn grand Globe de verre,
representant le Labirinthe
de Versailles. 1
Vn tres-beau Cabinet
d'Optique
>
representant plusieurs
belles veuës.
VnTableau representant
Versailles, avec son quadre
doré.
Deux Tableaux de Rocailles
, avec leurs quadres
aussi dorez.
Fermer
20
p. 306-326
Modes nouvelles. [titre d'après la table]
Début :
Rien n'est si inconstant que la Mode, & quoy que [...]
Mots clefs :
Mode, Habits, Éventails à la siamoise, Poches, Modes, Habit, Étoffe, Corps, Galon, Usage, Nouvelle, Argent, Agréable, Justaucorps, Inconstant, Siam
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Modes nouvelles. [titre d'après la table]
Rien n'est si inconstant
que la Mode, & quoy que
Mode veuille dire une chose
actuellement en usage, les
Modes sont si incertaines en
France, qu'on peut dire qu'il
n'y en a presquejamais d'assurées,
parce qu'ily en a trop,
& trop souvent, & qu'il suffit
qu'elles soient receuës,
pour faire craindre qu'elles ne
changent bien tost. Cependant
il faut estre à la Mode à
moins que l'on ne veüillepasser,
oupourridiculeoupouravare;
mais la difficulté est de se
saisir des Modes dans le moment
qu'elles paroissent, puis
qu'à peine se sont-elles fait remarquer,
qu'onn'envoit plus
que des restes, étouffez par
d'autres Modes naissantes.Ce
qu'il y a de fâcheux, c'est
qu'on îVert pas toujours en
estat de suivre les Modes
dans leur fleur. Tel quitte un
habit qu'il n'aporté qu'une
fois, à cause que quelque
more l'oblige à se metrre en
deuil
,
qui se trouve hors de
Mode quand il reprend cet
habit. Ainsiilne faut jamais
outrer les Modes, parce que
ceux qui les chargent davantage,
paroissenr bien-tots
les plus ridiculement vêtus.
Celles de cet Esté sont venuës
tard aussi-bien queles
chaleurs.C'est ce qui a obligé
beaucoup de gens à se
faire faire des habits d'Esté
de drap fin. La Mode la plus
constante que nous ayons
euëdepuis quelques années,
a esté celle des Culotesd'une
étoffe différente de celle
des Juste-au corps,les Culoces
estant de velours & de
Brocard, &les Juste-au-corps
de drap & de serge. Cette
Mode commence àchanger,
& la pluspar de ceux qui ont
fait faire des habits d'Esté.
ont pris des Culotes de la
mesme étoffe que le reste de
l'habit. Les Juste-au-corps
sont plus largespar le bas
qu'ils ne l'ont encore esté.
Les manches sont à botes, &
toutes plates, &la grandeur
du revers est un peu diminuée.
On voit beaucoup de
poches bizarement coupées,
appellées poches de Chasse ;
elles ne laissent pas d'estre
prelquc toutes differentes,
qnoy qu'elles portent le mêmenom.
Les unes ont deux
languetes, lesautres trois,
& les autres ont de petits
croissans tout autour. Leur
chamarrure est fort bizarre.
Les unes sont chamarées en
chevrons, les autres en zigzag,
& lesautres sont toutes
pleines : la pluspart s'en remettantàleurs
Tailleur qui
soutiennent que ce qu'ils ont
imaginé est une Mode naissante.
Aussi seroit-il difficile
qu'elle fuit plus nouvelle,
puis qu'elle n'est encore que
dans leur imagination. On
ne voit de ces poches bizarres
qu'àceux qui se font fait
habiller des premiers. Ces
placards d'or&d'argent sur
,
des habits dont le reste est
uny ,font un effet peu agréable.
Ce n'est pas la faute de
ceux qui en portent,puis
qu'ils ne font point les inventeursd'une
Mode qu'ils
n'ont prise,que parce qu'ils se
sontfait habiller avant qu'on
~McôMde~a~Me~h~
bicrfftfSAfr1usage «Î!tfettêfH
ModePcïWl
foufît#è püú.t dë^jAiries^Ofïr^
£"ièrs>\fiJis^1îfc !l'tâ 1*aVéti^ ~i~ën~p~t~éiniercrftPf
cavalier.Li(Mbdedè^pdéjh$
âhlcmg;aUcrâTyent^ok:Bes ek
trompettes, est toûjourse
usageparmy ceux dont
ilest
glorieux de suivre l'éx'empltf.
Les étofes les plus à la mode
fotit les RasdeSiam, de'Oue.;.
bec ,& deCastor. Ces étofes
sont fort fines,& quoyqu'eldes
ayent l'oeil d'uneétofe
d'Hoiver ,ronne laeisse pars dje&
porter beaucoup. La couleur
verdastre est entièrement
bannie, maiscelles demuse
clair&de Caffé font tout-àfait
en usage. Il y a encore
une petite étoffe nouvelle,
&qu'on trouve fort agreable;
elle
,
rayéressemble à du Chagrin
par petitsfilets de couleur
de gorge de pigeon. On
double tous les habits de petits
taffetas d'Angleterre glacez
& jaspez, & assortissans
aux étoffes des habits.Quand
ces habitssont à poches de
Chass ces poches, & les
revers demanches des lusteau-
corps sontchamarrez
pleind'un petit galon cou
uny, & fort leger, d'or oo d'argent étroit; mais un habtun
peu distingué,estchamarré,
d'un beau galon d'or àlissere, fc,rt Ipisant partour
donton couvre les poches & lesmanches. Il y a aussi des
habits avec une petite broderie
fort agréable d'or passé.
Cette broderie fait les mesmes
compartimens que formele
galon. Ces fortes d'habits
font pour les personnes
d'une qualitédistinguée. Les
vettesles plusàJanjod-e,.Sa
les - plus riches,sont d'une
étoffe nouvelle, dontle fond
citde gros de Tours, rayé
d'or de pouce en pouce ; le
milieu des rayes est remply
de petites fleurs d'or à l'Indienne.
Il y en a d'autres;
qui sans estre rayées sont semees
de ces fleurs. A l'égard
delà coul eur de ces vestes
cllesi sont toutes en usage.
On en porte de taffetas semblable
àl'habit, dont tout le
devant est couvert d'un galon.
d'or ou d'argent. On se sert
toujours d'Amadis fort chaûiarrez.
Jamais on n'a tant vû
d'habits deTiretaine Ilssont
toutgarnisd'unepetitenompareille
d'orsurlescoutures.
Lcsf^éftéside ceshabits sont
desmesmeétoffe, & toutes
couvotesîde galenjoude
nompareille xL'orderaefme t <
cltte celuy descouturesde
l&afoôt^Oit:porte aussides
habitsdeTiretaineavec des
hcut0tûû£tci$&t.<y&ï passent
:cdtnmc::de labroderie. Comjourd'fo):
qujrfor&l'argent
&.qu'iineskûtpâsemployai
de grandesfemmespourgarfiitvn
habit debdf
pttlté:garori surles kIoûtbrt'h
ceuxqui ns'fe^r p^i &iiqua£
lepeu-dédépense?a at^orifé
lueaporter de b'or&'tfôlèail
gcniï a en mettre surleurs haU
bits;de quoles person
nes deinaifTincx ne £anç plus
d^ftin^aces/Cela fijitque plu>
fièurfci commencent aiporoet
des habitsunis aveedesbout
tonsdelamêmecouleurqui
thafâtbinaisavei:destestes
si riches,que les Bourgeoisne
pd^emuvêmenetiJoLuesa»^oJufefntet;-eaau[p-eûpErr^ajs'
Wçjil&d'écarlace:font1
cou*-
jbufôAUjaodcv«an-lhiddour
bip delàmemecouleur qu'est
ledrap, ilssontchamarrez de i^iyutonnieres. Les
ÇYpvs.-des1manches detous ces
Jufte~a\i-cçrps for^deLl^noér
meétoffe3sur laquelle onfait
siverfes,,chamarrures. On
pprte lf&r'çhape^jx rjetrèflez>
%y.€c un cordai},e$ou»argent*
ou un tour de plumasblanc.
jDnvoitsi peujde chapeaux
gris." qu'onne peut pas dtre
qu'ils sçientà la mode. Les
cravates sont toujours en coletavecpligros,
noeud de rub$
4^g)r>pprççrle^basjGtefeye
^ortilli^ à4^abi^L^'baudriers
font peu enusage,
on n'en voit presquè plufctLes
Julie au-corpsdes personne£
dequalité qiii^tcompagttcnt
ordinairement jMonietgiietir
le Dauphin àlaGhaflfesétôient
l'année detnierededr-',i
& cette année ils sont d'un
drap gris-brun, & brodez d'argent,n'Jtj^ JJe passe à l'Article des ma*
des qui regardent les Femmes,
& je vay tâcher de Té^
claircir de manière , que les
Tailleurs de vostre Province
pui fient leur faire des habitsî
a la mode, sur ce que je vous
adicay..CTa modèdes Manteaux
aSg xlcsiJtlpmdl toujoursicà
âuâg^nLes;Qarcfçs?ontcntic»-
3fej»cnt1î J J toiites les to
ifflSjdol'filéipâiTéycUes forât
cfeabilLcgs^d'unepropreté cx>-
^triaordin^ifé. he-s\érÕl¿s:. dont ilcs Jtipèls,fonfcàpetites rayps.>tic
&cCimal^ifr^(udb deuxdoigts en milieu de
cesrayessont semées de petitesfleursd'or&
d'argent fort
^^ïcâlïlesu IIy en ad'autres
dont tout lemilieuest d'ar-
--gct-itfux-u,n fond de gros de
-3Ct)urs*Ontrouve. decesfonds
~tC~tM couieisrîi ^D'^ucifcs
ifoRoà'nayes deocwjjlsuniàrgcs
d>'undiDigt^&Eèii^unojï&yfc
<ta fleurs d'or oud'argcot^àfc
joa\v.cîar«Tçuja1fait le fond
dotoute-I^etofciCette!otose
:skppelle Marl\ .i! y erb£tdcJpuissept
francilTaunejufciti-à
1 cvingç trancsjOnvcit au{ïLdès j.ctokstoutesdefoY{ivf'fLvm,¡,
dduucrbrôbssddcTeoTuotsù#rpsu;taf&tas
f fort;ellessont rayéesdegrandes
rayesde cinqousix,courpalenuthrsè,
opraergmry*elreObseqauuecloleus3prlamCaois- étoffessontsortbigarées,&
sontappelléesRigaudans.Les
Grisetes des Dames sont d'u—
ne étofe de lainefrayée de
quantité de rayes de toutes
couleurs? &son les appelle
Siameifek s cette étofe est a
: grandmarché£Pour ce qui
regarde lamaniere ces Mano
caux ?
la gorge est fort couvertc,&
a deux grands plis par
devanteun ply renversé par
derriere, la bordure large,&
un petit aîleron à l'attachement
de la manchephflée à
l'Espagnole. Cette manche
est relevée sur le bras, & pend
sur lederete & naudedans
du bras
*
&le roulement eu
lest large. Toutes les étofes
qu'onprend pour les Jupes
font en travers, & ces rayes ontcomme des ceic^au^
Ces fortes de Jupes sontfort
propres aux tailles fines; mais
les Dames qui ont un peki
d'cmbonpoint>fonttaire Iculie
Ju pes à coins tournez, ave
un galon au bas. Il se faites
core des Manteaux tout unis
de gros taffetas de couleur) où
l'on met autourdu col unga,
Ion d'argent tout droit ; mais
pour le gros roulement de la
manche? il se chamarréci.
ondes ,-ouenlassez avec uu
grosnoeudderubansauac4
kMqixcauz.Lesjflobç-S prés
pjcsjquel;on ncue•erjgiejt
tantrC RoJbcftjdçgj} pl^yj^sipwle^ui)pre^
|iên:.ejevapt^àçi®«rp. £)%
neporte phisciemançhesdc^
dessous.Les.Dames poKcnt sLes,&"&%9m*'
guant^tç. 4ç,^>rAç^-4 la jafl» tîinîerofaiteî d'ypfiaandfe-
4e a7,c lanche >3t}%4emyr|
~%4~ fSPeWft
pt^cfi&j~~fdu~ir~tu~nfi©|>C8o§«!fftlW3»
M~~SH~M~
tTeff unOuvrage aiaihôdé9
èjui tftunecfpcccde cahevas
ià fine gaze vitrêeyfiifMaquellçort
fait im oûvràgea
Péguille avec dufil fort finJei
ôuelcuivrageest appelle ~f~
ty^&lle$iDamess'yoctupcfiè
avec plàisir. Les Fontanges
ftffctftfrtgioftessurcescçc'^
fyre^ : ù' àn'
ellessoàntd*unruban
d~é*^ouitrayeijs
dôd<Mgt>&g^niè*:nottir
pmawresiollJells'yde différentes coua
encore d'autfcS
côëffûresde gaze apetite*
fleufsblanches. Les coëffes
n~it~Ïonc l'ordinaire. tes4
Eventails font à fond d'or &
d'argent? avec des figures
de la Chine; on les appelle
Eventails à la Siamoise On
porte les Colliers de Perles
fort gros; ils font d'une com-.
pofirionsi surprenante? qu'ils
paroissent fins. Les plus beaux
font de deux Louis d'or. Les
Souliers font à l'Angloise;
les Gands glacez.
que la Mode, & quoy que
Mode veuille dire une chose
actuellement en usage, les
Modes sont si incertaines en
France, qu'on peut dire qu'il
n'y en a presquejamais d'assurées,
parce qu'ily en a trop,
& trop souvent, & qu'il suffit
qu'elles soient receuës,
pour faire craindre qu'elles ne
changent bien tost. Cependant
il faut estre à la Mode à
moins que l'on ne veüillepasser,
oupourridiculeoupouravare;
mais la difficulté est de se
saisir des Modes dans le moment
qu'elles paroissent, puis
qu'à peine se sont-elles fait remarquer,
qu'onn'envoit plus
que des restes, étouffez par
d'autres Modes naissantes.Ce
qu'il y a de fâcheux, c'est
qu'on îVert pas toujours en
estat de suivre les Modes
dans leur fleur. Tel quitte un
habit qu'il n'aporté qu'une
fois, à cause que quelque
more l'oblige à se metrre en
deuil
,
qui se trouve hors de
Mode quand il reprend cet
habit. Ainsiilne faut jamais
outrer les Modes, parce que
ceux qui les chargent davantage,
paroissenr bien-tots
les plus ridiculement vêtus.
Celles de cet Esté sont venuës
tard aussi-bien queles
chaleurs.C'est ce qui a obligé
beaucoup de gens à se
faire faire des habits d'Esté
de drap fin. La Mode la plus
constante que nous ayons
euëdepuis quelques années,
a esté celle des Culotesd'une
étoffe différente de celle
des Juste-au corps,les Culoces
estant de velours & de
Brocard, &les Juste-au-corps
de drap & de serge. Cette
Mode commence àchanger,
& la pluspar de ceux qui ont
fait faire des habits d'Esté.
ont pris des Culotes de la
mesme étoffe que le reste de
l'habit. Les Juste-au-corps
sont plus largespar le bas
qu'ils ne l'ont encore esté.
Les manches sont à botes, &
toutes plates, &la grandeur
du revers est un peu diminuée.
On voit beaucoup de
poches bizarement coupées,
appellées poches de Chasse ;
elles ne laissent pas d'estre
prelquc toutes differentes,
qnoy qu'elles portent le mêmenom.
Les unes ont deux
languetes, lesautres trois,
& les autres ont de petits
croissans tout autour. Leur
chamarrure est fort bizarre.
Les unes sont chamarées en
chevrons, les autres en zigzag,
& lesautres sont toutes
pleines : la pluspart s'en remettantàleurs
Tailleur qui
soutiennent que ce qu'ils ont
imaginé est une Mode naissante.
Aussi seroit-il difficile
qu'elle fuit plus nouvelle,
puis qu'elle n'est encore que
dans leur imagination. On
ne voit de ces poches bizarres
qu'àceux qui se font fait
habiller des premiers. Ces
placards d'or&d'argent sur
,
des habits dont le reste est
uny ,font un effet peu agréable.
Ce n'est pas la faute de
ceux qui en portent,puis
qu'ils ne font point les inventeursd'une
Mode qu'ils
n'ont prise,que parce qu'ils se
sontfait habiller avant qu'on
~McôMde~a~Me~h~
bicrfftfSAfr1usage «Î!tfettêfH
ModePcïWl
foufît#è püú.t dë^jAiries^Ofïr^
£"ièrs>\fiJis^1îfc !l'tâ 1*aVéti^ ~i~ën~p~t~éiniercrftPf
cavalier.Li(Mbdedè^pdéjh$
âhlcmg;aUcrâTyent^ok:Bes ek
trompettes, est toûjourse
usageparmy ceux dont
ilest
glorieux de suivre l'éx'empltf.
Les étofes les plus à la mode
fotit les RasdeSiam, de'Oue.;.
bec ,& deCastor. Ces étofes
sont fort fines,& quoyqu'eldes
ayent l'oeil d'uneétofe
d'Hoiver ,ronne laeisse pars dje&
porter beaucoup. La couleur
verdastre est entièrement
bannie, maiscelles demuse
clair&de Caffé font tout-àfait
en usage. Il y a encore
une petite étoffe nouvelle,
&qu'on trouve fort agreable;
elle
,
rayéressemble à du Chagrin
par petitsfilets de couleur
de gorge de pigeon. On
double tous les habits de petits
taffetas d'Angleterre glacez
& jaspez, & assortissans
aux étoffes des habits.Quand
ces habitssont à poches de
Chass ces poches, & les
revers demanches des lusteau-
corps sontchamarrez
pleind'un petit galon cou
uny, & fort leger, d'or oo d'argent étroit; mais un habtun
peu distingué,estchamarré,
d'un beau galon d'or àlissere, fc,rt Ipisant partour
donton couvre les poches & lesmanches. Il y a aussi des
habits avec une petite broderie
fort agréable d'or passé.
Cette broderie fait les mesmes
compartimens que formele
galon. Ces fortes d'habits
font pour les personnes
d'une qualitédistinguée. Les
vettesles plusàJanjod-e,.Sa
les - plus riches,sont d'une
étoffe nouvelle, dontle fond
citde gros de Tours, rayé
d'or de pouce en pouce ; le
milieu des rayes est remply
de petites fleurs d'or à l'Indienne.
Il y en a d'autres;
qui sans estre rayées sont semees
de ces fleurs. A l'égard
delà coul eur de ces vestes
cllesi sont toutes en usage.
On en porte de taffetas semblable
àl'habit, dont tout le
devant est couvert d'un galon.
d'or ou d'argent. On se sert
toujours d'Amadis fort chaûiarrez.
Jamais on n'a tant vû
d'habits deTiretaine Ilssont
toutgarnisd'unepetitenompareille
d'orsurlescoutures.
Lcsf^éftéside ceshabits sont
desmesmeétoffe, & toutes
couvotesîde galenjoude
nompareille xL'orderaefme t <
cltte celuy descouturesde
l&afoôt^Oit:porte aussides
habitsdeTiretaineavec des
hcut0tûû£tci$&t.<y&ï passent
:cdtnmc::de labroderie. Comjourd'fo):
qujrfor&l'argent
&.qu'iineskûtpâsemployai
de grandesfemmespourgarfiitvn
habit debdf
pttlté:garori surles kIoûtbrt'h
ceuxqui ns'fe^r p^i &iiqua£
lepeu-dédépense?a at^orifé
lueaporter de b'or&'tfôlèail
gcniï a en mettre surleurs haU
bits;de quoles person
nes deinaifTincx ne £anç plus
d^ftin^aces/Cela fijitque plu>
fièurfci commencent aiporoet
des habitsunis aveedesbout
tonsdelamêmecouleurqui
thafâtbinaisavei:destestes
si riches,que les Bourgeoisne
pd^emuvêmenetiJoLuesa»^oJufefntet;-eaau[p-eûpErr^ajs'
Wçjil&d'écarlace:font1
cou*-
jbufôAUjaodcv«an-lhiddour
bip delàmemecouleur qu'est
ledrap, ilssontchamarrez de i^iyutonnieres. Les
ÇYpvs.-des1manches detous ces
Jufte~a\i-cçrps for^deLl^noér
meétoffe3sur laquelle onfait
siverfes,,chamarrures. On
pprte lf&r'çhape^jx rjetrèflez>
%y.€c un cordai},e$ou»argent*
ou un tour de plumasblanc.
jDnvoitsi peujde chapeaux
gris." qu'onne peut pas dtre
qu'ils sçientà la mode. Les
cravates sont toujours en coletavecpligros,
noeud de rub$
4^g)r>pprççrle^basjGtefeye
^ortilli^ à4^abi^L^'baudriers
font peu enusage,
on n'en voit presquè plufctLes
Julie au-corpsdes personne£
dequalité qiii^tcompagttcnt
ordinairement jMonietgiietir
le Dauphin àlaGhaflfesétôient
l'année detnierededr-',i
& cette année ils sont d'un
drap gris-brun, & brodez d'argent,n'Jtj^ JJe passe à l'Article des ma*
des qui regardent les Femmes,
& je vay tâcher de Té^
claircir de manière , que les
Tailleurs de vostre Province
pui fient leur faire des habitsî
a la mode, sur ce que je vous
adicay..CTa modèdes Manteaux
aSg xlcsiJtlpmdl toujoursicà
âuâg^nLes;Qarcfçs?ontcntic»-
3fej»cnt1î J J toiites les to
ifflSjdol'filéipâiTéycUes forât
cfeabilLcgs^d'unepropreté cx>-
^triaordin^ifé. he-s\érÕl¿s:. dont ilcs Jtipèls,fonfcàpetites rayps.>tic
&cCimal^ifr^(udb deuxdoigts en milieu de
cesrayessont semées de petitesfleursd'or&
d'argent fort
^^ïcâlïlesu IIy en ad'autres
dont tout lemilieuest d'ar-
--gct-itfux-u,n fond de gros de
-3Ct)urs*Ontrouve. decesfonds
~tC~tM couieisrîi ^D'^ucifcs
ifoRoà'nayes deocwjjlsuniàrgcs
d>'undiDigt^&Eèii^unojï&yfc
<ta fleurs d'or oud'argcot^àfc
joa\v.cîar«Tçuja1fait le fond
dotoute-I^etofciCette!otose
:skppelle Marl\ .i! y erb£tdcJpuissept
francilTaunejufciti-à
1 cvingç trancsjOnvcit au{ïLdès j.ctokstoutesdefoY{ivf'fLvm,¡,
dduucrbrôbssddcTeoTuotsù#rpsu;taf&tas
f fort;ellessont rayéesdegrandes
rayesde cinqousix,courpalenuthrsè,
opraergmry*elreObseqauuecloleus3prlamCaois- étoffessontsortbigarées,&
sontappelléesRigaudans.Les
Grisetes des Dames sont d'u—
ne étofe de lainefrayée de
quantité de rayes de toutes
couleurs? &son les appelle
Siameifek s cette étofe est a
: grandmarché£Pour ce qui
regarde lamaniere ces Mano
caux ?
la gorge est fort couvertc,&
a deux grands plis par
devanteun ply renversé par
derriere, la bordure large,&
un petit aîleron à l'attachement
de la manchephflée à
l'Espagnole. Cette manche
est relevée sur le bras, & pend
sur lederete & naudedans
du bras
*
&le roulement eu
lest large. Toutes les étofes
qu'onprend pour les Jupes
font en travers, & ces rayes ontcomme des ceic^au^
Ces fortes de Jupes sontfort
propres aux tailles fines; mais
les Dames qui ont un peki
d'cmbonpoint>fonttaire Iculie
Ju pes à coins tournez, ave
un galon au bas. Il se faites
core des Manteaux tout unis
de gros taffetas de couleur) où
l'on met autourdu col unga,
Ion d'argent tout droit ; mais
pour le gros roulement de la
manche? il se chamarréci.
ondes ,-ouenlassez avec uu
grosnoeudderubansauac4
kMqixcauz.Lesjflobç-S prés
pjcsjquel;on ncue•erjgiejt
tantrC RoJbcftjdçgj} pl^yj^sipwle^ui)pre^
|iên:.ejevapt^àçi®«rp. £)%
neporte phisciemançhesdc^
dessous.Les.Dames poKcnt sLes,&"&%9m*'
guant^tç. 4ç,^>rAç^-4 la jafl» tîinîerofaiteî d'ypfiaandfe-
4e a7,c lanche >3t}%4emyr|
~%4~ fSPeWft
pt^cfi&j~~fdu~ir~tu~nfi©|>C8o§«!fftlW3»
M~~SH~M~
tTeff unOuvrage aiaihôdé9
èjui tftunecfpcccde cahevas
ià fine gaze vitrêeyfiifMaquellçort
fait im oûvràgea
Péguille avec dufil fort finJei
ôuelcuivrageest appelle ~f~
ty^&lle$iDamess'yoctupcfiè
avec plàisir. Les Fontanges
ftffctftfrtgioftessurcescçc'^
fyre^ : ù' àn'
ellessoàntd*unruban
d~é*^ouitrayeijs
dôd<Mgt>&g^niè*:nottir
pmawresiollJells'yde différentes coua
encore d'autfcS
côëffûresde gaze apetite*
fleufsblanches. Les coëffes
n~it~Ïonc l'ordinaire. tes4
Eventails font à fond d'or &
d'argent? avec des figures
de la Chine; on les appelle
Eventails à la Siamoise On
porte les Colliers de Perles
fort gros; ils font d'une com-.
pofirionsi surprenante? qu'ils
paroissent fins. Les plus beaux
font de deux Louis d'or. Les
Souliers font à l'Angloise;
les Gands glacez.
Fermer
21
p. 351-376
Article qui regarde les Affaires du temps. Cet Article a esté fait avant que l'on sçut la situation des Affaires presentes. [titre d'après la table]
Début :
Enfin l'on ne doit plus avoir d'inquietude touchant la playe [...]
Mots clefs :
Maréchal de Villars, Ennemis, Flandre, Troupes, Campagne, Argent, Hollande, Nations, Guerre, Vaisseaux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Article qui regarde les Affaires du temps. Cet Article a esté fait avant que l'on sçut la situation des Affaires presentes. [titre d'après la table]
Enfin l'on ne doit plus avoir
d'inquietude couchant la playe
de Mr le Maréchal de Villars ,
devant eſtre à prefent reputée
comme guerie, puifqu'un pois
pourroit à peine y entrer prefentement , & qu'il pourroit fc
mettre en Campagne fi la neceffité le demandoit ; & comme ce Maréchal netefpire que,
la guerre & qu'il veut eftre en
cftat de bonne heure de fe
fignaler & de faire voir aux
Alliez qu'il n'apprehende pas
leurs menaces, il a tres certainementdonnéordre qu'on travaillaft à tous les équipages
352 MERCURE
& qu'on luy fift venir quantité de vin de Bourgogne.
Il fembloit que les Ennemis
le preparoient à faire quelques
mouvemens en Flandre , & Mr
le Maréchal de Barwick avoir
eſté nommé pour y faire une
tournée & pour les obferver ;
mais comme l'on a cfté informé qu'ils eftoient tranquiles
&quefa prefencen y eftoit pas
neceffaire , ce Maréchal n'eft
pas parti.
Mrle Maréchal d'Harcourt
eftant retombé en paralyfie ,
Mr Fagon l'a fait faigner , &
luy a fait prendre l'Emerique ,
GALANT 353
prétendant que cette paralyfie
ne vient point du dedans , &
qu'elle n'eſt qu'exterieure , &
par confequent point dangereufe. Ce Maréchal partit le
28. pour aller aux caux de
Bourbon & fon, deffein eft
de faire encore la Campagne
fur le Rhin ou nos Troupes
fontnombreufes, en boneftat,
& ne manquent de rien , ſuivant que les Ennemis le publient eux - mêmes tous les
jours , & il y a lieu de croire
qu'ils ne feront pas en eftat de
leur refifter , ny d'envoyer des
Troupes en Flandres & fur le
Fanvier 1710. Gg
354 MERCURE
Rhin , les Princes d'Allemagne
n'eftant pas payez des fubfides
que l'Angleterre & la Hollande font convenus de leur donner , & que ſelon toutes les apparences , ils ne pourront leur
payer encore de long- temps ,
l'argent manquant abfolument à ces deux Nations.
Je fçay de certitude par un
homme revenu depuis peu
d'Angleterre , qu'il a efté furpris en y arrivant , d'y trouver
le pain plus cher qu'à Paris , &
la rareté de l'argent encore
plus grande , & l'on ne doit pas
s'en étonner , les fubfides que
GALANT 355
l'Angleterre a payez depuis le
commencement de la guerre ,
toutes les Nations quiluy donne des Troupes ou qui font diverfion en la faveur , l'ayant
entierement épuifée , joint que
l'argent que luy coûte fes
Troupes pendant chaque cam
pagne , eft dépenſé hors du
Royaume, & que depuis plufieurs années l'argent en fort
fans qu'il y entre d'efpeces, tou
tes les Marchandifes que fes
Flotes luy apportent n'cftant
que pour l'ufage de fes Habitans.
A l'égard de la Holande,
Ggij
356 MERCURE
y a déja plufieurs années
que je vous ay marqué que
quelques Provinces avoient declaré qu'elles n'eftoient pas en
eftat de fournir aux frais de la
Guerre; ce que vient encore
de declarer la Province d'Utrecht . Je vous ay marqué auffi
y a long-temps , que la plufpart de ceux qui poffedoient
des Terres à la Campagne, les
ont abandonnées , les Taxes
qu'elles payoient eftant beau
coup plus fortes que les revenus qu'ils en tiroient ; & prefentement encore les Etats Genetaux viennent d'impofer
GALANT 357
quatre fois pour cette année
le deux centiéme denier fur
les Terres , les Obligations, les
Actions des deux Compagnies , les Rentes viageres , &
generalement fur tous les
biens qui y font fujers. Et
comme ce fond , quand mefme il feroit entierement rem
ply , ne fuffiroit qu'à peine
pour fubvenir à la moitié des
dépenses ordinaires &extraordinaires de la Guerre, il faudra
avoir recours à de nouveaux
emprunts ; mais le credit des
Etats ayant déja ſouffert quelques atteintes , tant par leur
358 MERCURE
derniere Lotterie qui n'a pû
eftre remplie que par la neceflité où ils le font trouvez
de donner leurs Obligations
en payement des avances confiderables qui devoient eftre
remboursées en argent comptant , il eft à prefent queſtion
de fçavoir s'ils pourront par
le moyen defdits nouveaux
emprunts qui font leur unique reffource , fuppléer à l'autre moitié defdites dépenfes.
Il eft à remarquer queceux
qui ont des Obligations de
l'Etat , auront de la peine à
trouver de l'argent fur ces
GALANT 359
•
Obligations, & qu'ils n'enpouront trouver qu'avec beaucoup de perte.
D'ailleurs , vous avez déja
fçû le pitoyable cftat où fe
trouve aujourd'huy la Marine
d'Holande ; qu'il eft dû beaucoup aux Capitaines qui ont
avancé , fuivant l'ufage du
Pays , tout ce qui a regardé
depuis long- temps l'équipement de leurs Vaiffeaux, & qui
n'ayant plus dequoy y fournir,
demandent ce qui leur eſt dû,
& que l'on paye toutes les
fommes qui font neceffaires
pour mettre en Mer cette an
360 MERCURE
née , moyennantquoy ils s'offrent de fervir , l'impoffibilité
eftant entiere qu'ils puiffent
fervir autrement.
Au reste , les dernieres nouvelles d'Amfterdam portent
que la plupart des Negocians
voyant chaquejour leur Commerce déperir , & le rifque
qu'ils courent d'eftre entierement ruïnez fi la Guerre continue , n'ont plus la mefme
opiniaftreté qu'ils avoient à la
continuer.
Il eft aifé de juger par tou
tes ces chofes de l'eftat our fe
trouve la Holande , & qu'elle
ne
GALANT 361
ne peutabfolument continuer
la guerre beaucoup de temps.
Je reviens encore à l'Angleterre , qui par les fonds accordez par le Parlement pour
la Campagne prochaine , pretend éblouir tout le monde;
& en effet rien n'eft plus ébloüiffant que les calculs de
toutes les fommes que le Parlement accorde ; mais fans
entrer dans les détails & dans
l'impoffibilité qui fe trouve de
les lever tous , quand mefine.
l'Angleterre feroit dans l'opulence , il eft certain que quand
tous les Anglois feroient por
Fanvier 1710. Hh
36 MERCURE
tez à fournir ces fommes , la
rareté de l'argent qui eft au
jourd'huy plus grande en Angleterre qu'en aucun autre lieu
de l'Europa, en empefcheroit,
& que le Proverbe , qui dic,
Perfonne nedonne ce qu'il n'apas,
eft veritable. Elle doit des
fommes immenfes à Monfieur
le Duc de Savoye , qui n'eft
pas un Prince à attendre longtemps , craignant que le boul
verfement des Affaires ne luy!
fift perdre ce qui luy ´eft dû ;!
ce qui n'embaraffe pas peu les
Anglois.
Quant à ce qui regarde la.
GALANT 363
France , elle renferme des
fommes immenfes qui font
cachéos , & l'abondance y fera grande lors que l'on aura
trouvé les moyens de les faire
fortir des mains de ceux qui
les gardent avec tant de foin ;
& pour n'en pas dourerazil
n'y a qu'à fe fouvenir que da
derniere reforme eftoit de fix
cens millions ; ce qui eft un
fait inconteftable , & qu'on a
reconnu lors qu'on a donné
coursà toutes les efpeces reformées & non reformées,
qu'il y avoit un tiers de l'argent du Royaume qui n'avort
Hhij
364 MERCURE
point efté porté à la Monnoye pour eftre reformé ; &
ce qui obligea de leur donner
cours , fut que l'on trouvoit
tous les jours des fommes
tres confiderables fous les
fcellez faits chez les perfonInes qui mouroient , & j'en
pourrois rapporter pour plu
fieurs millions , fi je voulois
nommer ceux qui n'avoient
pas fait reformer leur argent.
Il eft auffi entré en France
plufieurs millions depuis que
Monfeigneur le Duc d'Anjou
a pris poffeffion de la Cou
ronne d'Espagne , tant parce
2
GALANT 365
qu'elle lui appartenoit , que
parce que Charles II. l'avoir
reconnu pour fon Succeffeur.
Tout cet argent n'y est pas entré par le Commerce que les
François ont fait au Perou ;
mais par les grandes depenfes
queles Eſpagnols ont faites en
Francepour foutenir la Guerre
las France leur ayant foutny
des Armes , des Draps &
quantité d'autres choſes neceffaires à la Guerre. NosModes
font auffi caufe que les Efpagnols ont acheté beaucoup
de chofes en France & plu
ficurs qui ont eu des Emplois
34
Hhij
366 MERCURE
dans le Perou , d'où ils ont
raporté de grandes fommes ,
& qui ont demeuré affez longtemps en France , &fur tout à
Paris , y ont fait de grandes
dépenfes , enforte que lorsque
tout l'argent caché commencera à voir le jour , on verra
plus dedouze cens millions circuler au lieu qu'il n'y a pas aujourd'huy dans le Commerce,
200. millions de nouvelles ef-
< peces qui font tout l'argent qui
circule dans le Royaume. 1
A l'égard des bleds , il fufit
qu'il ait commencé à entrer
dans le Royaume pour que
GALANT 367
Fabondance s'y trouve bien
toft , & pour engager les Ufuriers à mettre en vente ceux
qu'ils tiennent cachez , &d'ailleurs comme il paroift que la
srecolter doit cftre des plus
abondantes , on ne manquera
bien- toft plus dans le Royaume ni d'argent ni de bleds.
Mrs de l'Academie Françoi
fe s'eftant affemblez felon l'ufage , quarante jours aprés la
mort de Mr.de Corneille , &
de Mr le Comte de Crecy pour
nommerceuxquidoivent remplir leurs places , ont choifi Mr
le Prefident de Melmes & Mr
368 MERCURE
l'Abbé Oudart de la Mothe,
connu par plusieurs ouvrages
de Theatre & par le beau Ree
cueil d'Odes qu'il a donné zau
public , & qui a reçu un aps
plaudiffementgeneral . Il a rem
porté ſept ou huit Prix del'Academie de Toulouſe , & deux
ou trois de l'Academie Françoife , oùilaleu l'avantage de
parler plufieurs fois & de faire
des Remerciemens à ce fçavant
& illuftre: Corps.
Mrle President de Melines,
diftingué pár fon nom, par ſon
efpriti & par fes dignitez elt
entré par detteb nomination
CALANT 369
dans un Corps ou l'on atoujours vû des Cardinaux , des
Evêques , des Ducs & Pairs &
des Miniftres d'Etat. Ainfi l'on
peut dire qu'il n'eft pas déplacé.
Je dois ajoûtericy ce que j'ay
oublié de vous dire dans 1 E.
loge que j'ay fait de Mr de
Corneille ; fçavoir , que fon
grand travail , & fur tout le
grand nombre de Livres & de
Memoires qu'il a cfté obligé
de lire pour compofer les cinq
Volumes infolio qu'il a donnez
au Public , luy avoient fait perdre la vûë quelques années
370 MERCURE
avant,fa mort; que fon Eloge
aefté fait par un Aveugle, &
que fa place a efté remplie par
unautre Aveugle qui doit faire
auffi fon Eloge le jour de fa res
ception.
Avant que d'entrer dans
Article de la Marine dont
j'ay beaucoup à vous entrete
nit , je dois vous dire que ce
Corps qui a toujours fait honneur à la France , & qui dans
les temps les plus difficiles a
toujours tenu tefte en mefme
temps aux deux Nations qui
pretendent à l'Empire de la
Mer, & qui ne font riches &
GALANT 37£
celebres que par leur Com
merce ; je dois , dis-je , vous
dire que ce Corps , qui tous
les mois fe rend fameux par
un grand nombre de Prifes,
d'actions éclatantes , & de
Vaiffeaux Ennemis pris on
coulez à fond , va malgré la
rareté d'argent qui ſe trouve
aujourd'huy prefque chez tous
les Princes de l'Europe , recevoir une fomme confiderable,
MrleComte de Pontchartrain?
ayant trouvé des expediens
de luy en faire toucher fans
qu'il en coûte rien au Roy.
Je paffe à la fuite des Expe
372 MERCURE
ditions dont je vous envoye
unJournal tous les mois beaucoup plus circonftancié que
celuy que l'on trouve dans plu .
fieurs nouvelles publiques.
De Cartagenne du Détroit
le 25. Decembre.
Mrle Chevalier de Norey,
Commandant les Vaiffeaux du
Roy le Rubis & le Trident, fic
rencontre le 19. Decembre,
eftant Nord & Sud d'Alborand, à 5 ou 6. licues de.
la Cofte d'Espagne , de deux
Vaiffeaux de guerre Anglois,
l'un
GALANT 373
l'un de 70. Canons , & l'autre
de cinquante - quatre fous le
vent Mr le Chevalier de
Norey, quoy qu'avec des for.
ces inégales , attaqua ces deux
Vaiffeaux à demy portée du
moufquet. Le Combat dura
depuis dix heures du matin juſqu'à deux heures aprés midy,
•fans qu'il pût les aborder , &
il en fut feparé par les Courans en forte qu'ils furent
obligez de faire route à Gibraltar , n'ayant que la Mizaine & le Petit Hunier, & la
plufpart de leurs Equipages
eftant tuez ou bleffez. Mr de
Janvier 1710.
I i
374 MERCURE
Norey n'a eu que 29. hommes hors de combat. Mr du
Vigné , Lieutenant de Vaifſeau , y aa efté tué ,,
ainfi que
Mr le Chevalier de Caftelanne
Enfeigne , qui fervoit fur le
Trident.
Mr Robert Leguillon, Commandant la Barque Longue la
Revanche , armée à Calais , y
conduifit le 4. Janvier un Bâtiment Anglois , chargé de
5oo. barils de beurre , & de
200. barils de boeuf fallé.
Lemefme Capitaine a auffi
débarqué une rançon de 100.
livres sterlin.
GALANT · 375
Le Capitaine Louvet qui
monte la Barque la Toifon , a
pris un Navire Anglois , chargé de 136. Caiffes d'oranges
aigres , & de 8. Caiffes de citrons.
Le Capitaine François Polu,
Commandant la Triumphante,
& Jacques du Pleffis qui monte la Revanche , ont pris un
Dogre Hollandois.
Le Capitaine Marc- Tefte,
Commandant la Barque le
Comte de Brionne , a apporté
pour 2000. livres de rançons
Angloifes en efpeces.
François Bachelier , ComIi ij
376 MERCURE
4
ATM
mandant le Dogre le Prompt,
a amené une rançon Hollandoife de 1600. florins
d'inquietude couchant la playe
de Mr le Maréchal de Villars ,
devant eſtre à prefent reputée
comme guerie, puifqu'un pois
pourroit à peine y entrer prefentement , & qu'il pourroit fc
mettre en Campagne fi la neceffité le demandoit ; & comme ce Maréchal netefpire que,
la guerre & qu'il veut eftre en
cftat de bonne heure de fe
fignaler & de faire voir aux
Alliez qu'il n'apprehende pas
leurs menaces, il a tres certainementdonnéordre qu'on travaillaft à tous les équipages
352 MERCURE
& qu'on luy fift venir quantité de vin de Bourgogne.
Il fembloit que les Ennemis
le preparoient à faire quelques
mouvemens en Flandre , & Mr
le Maréchal de Barwick avoir
eſté nommé pour y faire une
tournée & pour les obferver ;
mais comme l'on a cfté informé qu'ils eftoient tranquiles
&quefa prefencen y eftoit pas
neceffaire , ce Maréchal n'eft
pas parti.
Mrle Maréchal d'Harcourt
eftant retombé en paralyfie ,
Mr Fagon l'a fait faigner , &
luy a fait prendre l'Emerique ,
GALANT 353
prétendant que cette paralyfie
ne vient point du dedans , &
qu'elle n'eſt qu'exterieure , &
par confequent point dangereufe. Ce Maréchal partit le
28. pour aller aux caux de
Bourbon & fon, deffein eft
de faire encore la Campagne
fur le Rhin ou nos Troupes
fontnombreufes, en boneftat,
& ne manquent de rien , ſuivant que les Ennemis le publient eux - mêmes tous les
jours , & il y a lieu de croire
qu'ils ne feront pas en eftat de
leur refifter , ny d'envoyer des
Troupes en Flandres & fur le
Fanvier 1710. Gg
354 MERCURE
Rhin , les Princes d'Allemagne
n'eftant pas payez des fubfides
que l'Angleterre & la Hollande font convenus de leur donner , & que ſelon toutes les apparences , ils ne pourront leur
payer encore de long- temps ,
l'argent manquant abfolument à ces deux Nations.
Je fçay de certitude par un
homme revenu depuis peu
d'Angleterre , qu'il a efté furpris en y arrivant , d'y trouver
le pain plus cher qu'à Paris , &
la rareté de l'argent encore
plus grande , & l'on ne doit pas
s'en étonner , les fubfides que
GALANT 355
l'Angleterre a payez depuis le
commencement de la guerre ,
toutes les Nations quiluy donne des Troupes ou qui font diverfion en la faveur , l'ayant
entierement épuifée , joint que
l'argent que luy coûte fes
Troupes pendant chaque cam
pagne , eft dépenſé hors du
Royaume, & que depuis plufieurs années l'argent en fort
fans qu'il y entre d'efpeces, tou
tes les Marchandifes que fes
Flotes luy apportent n'cftant
que pour l'ufage de fes Habitans.
A l'égard de la Holande,
Ggij
356 MERCURE
y a déja plufieurs années
que je vous ay marqué que
quelques Provinces avoient declaré qu'elles n'eftoient pas en
eftat de fournir aux frais de la
Guerre; ce que vient encore
de declarer la Province d'Utrecht . Je vous ay marqué auffi
y a long-temps , que la plufpart de ceux qui poffedoient
des Terres à la Campagne, les
ont abandonnées , les Taxes
qu'elles payoient eftant beau
coup plus fortes que les revenus qu'ils en tiroient ; & prefentement encore les Etats Genetaux viennent d'impofer
GALANT 357
quatre fois pour cette année
le deux centiéme denier fur
les Terres , les Obligations, les
Actions des deux Compagnies , les Rentes viageres , &
generalement fur tous les
biens qui y font fujers. Et
comme ce fond , quand mefme il feroit entierement rem
ply , ne fuffiroit qu'à peine
pour fubvenir à la moitié des
dépenses ordinaires &extraordinaires de la Guerre, il faudra
avoir recours à de nouveaux
emprunts ; mais le credit des
Etats ayant déja ſouffert quelques atteintes , tant par leur
358 MERCURE
derniere Lotterie qui n'a pû
eftre remplie que par la neceflité où ils le font trouvez
de donner leurs Obligations
en payement des avances confiderables qui devoient eftre
remboursées en argent comptant , il eft à prefent queſtion
de fçavoir s'ils pourront par
le moyen defdits nouveaux
emprunts qui font leur unique reffource , fuppléer à l'autre moitié defdites dépenfes.
Il eft à remarquer queceux
qui ont des Obligations de
l'Etat , auront de la peine à
trouver de l'argent fur ces
GALANT 359
•
Obligations, & qu'ils n'enpouront trouver qu'avec beaucoup de perte.
D'ailleurs , vous avez déja
fçû le pitoyable cftat où fe
trouve aujourd'huy la Marine
d'Holande ; qu'il eft dû beaucoup aux Capitaines qui ont
avancé , fuivant l'ufage du
Pays , tout ce qui a regardé
depuis long- temps l'équipement de leurs Vaiffeaux, & qui
n'ayant plus dequoy y fournir,
demandent ce qui leur eſt dû,
& que l'on paye toutes les
fommes qui font neceffaires
pour mettre en Mer cette an
360 MERCURE
née , moyennantquoy ils s'offrent de fervir , l'impoffibilité
eftant entiere qu'ils puiffent
fervir autrement.
Au reste , les dernieres nouvelles d'Amfterdam portent
que la plupart des Negocians
voyant chaquejour leur Commerce déperir , & le rifque
qu'ils courent d'eftre entierement ruïnez fi la Guerre continue , n'ont plus la mefme
opiniaftreté qu'ils avoient à la
continuer.
Il eft aifé de juger par tou
tes ces chofes de l'eftat our fe
trouve la Holande , & qu'elle
ne
GALANT 361
ne peutabfolument continuer
la guerre beaucoup de temps.
Je reviens encore à l'Angleterre , qui par les fonds accordez par le Parlement pour
la Campagne prochaine , pretend éblouir tout le monde;
& en effet rien n'eft plus ébloüiffant que les calculs de
toutes les fommes que le Parlement accorde ; mais fans
entrer dans les détails & dans
l'impoffibilité qui fe trouve de
les lever tous , quand mefine.
l'Angleterre feroit dans l'opulence , il eft certain que quand
tous les Anglois feroient por
Fanvier 1710. Hh
36 MERCURE
tez à fournir ces fommes , la
rareté de l'argent qui eft au
jourd'huy plus grande en Angleterre qu'en aucun autre lieu
de l'Europa, en empefcheroit,
& que le Proverbe , qui dic,
Perfonne nedonne ce qu'il n'apas,
eft veritable. Elle doit des
fommes immenfes à Monfieur
le Duc de Savoye , qui n'eft
pas un Prince à attendre longtemps , craignant que le boul
verfement des Affaires ne luy!
fift perdre ce qui luy ´eft dû ;!
ce qui n'embaraffe pas peu les
Anglois.
Quant à ce qui regarde la.
GALANT 363
France , elle renferme des
fommes immenfes qui font
cachéos , & l'abondance y fera grande lors que l'on aura
trouvé les moyens de les faire
fortir des mains de ceux qui
les gardent avec tant de foin ;
& pour n'en pas dourerazil
n'y a qu'à fe fouvenir que da
derniere reforme eftoit de fix
cens millions ; ce qui eft un
fait inconteftable , & qu'on a
reconnu lors qu'on a donné
coursà toutes les efpeces reformées & non reformées,
qu'il y avoit un tiers de l'argent du Royaume qui n'avort
Hhij
364 MERCURE
point efté porté à la Monnoye pour eftre reformé ; &
ce qui obligea de leur donner
cours , fut que l'on trouvoit
tous les jours des fommes
tres confiderables fous les
fcellez faits chez les perfonInes qui mouroient , & j'en
pourrois rapporter pour plu
fieurs millions , fi je voulois
nommer ceux qui n'avoient
pas fait reformer leur argent.
Il eft auffi entré en France
plufieurs millions depuis que
Monfeigneur le Duc d'Anjou
a pris poffeffion de la Cou
ronne d'Espagne , tant parce
2
GALANT 365
qu'elle lui appartenoit , que
parce que Charles II. l'avoir
reconnu pour fon Succeffeur.
Tout cet argent n'y est pas entré par le Commerce que les
François ont fait au Perou ;
mais par les grandes depenfes
queles Eſpagnols ont faites en
Francepour foutenir la Guerre
las France leur ayant foutny
des Armes , des Draps &
quantité d'autres choſes neceffaires à la Guerre. NosModes
font auffi caufe que les Efpagnols ont acheté beaucoup
de chofes en France & plu
ficurs qui ont eu des Emplois
34
Hhij
366 MERCURE
dans le Perou , d'où ils ont
raporté de grandes fommes ,
& qui ont demeuré affez longtemps en France , &fur tout à
Paris , y ont fait de grandes
dépenfes , enforte que lorsque
tout l'argent caché commencera à voir le jour , on verra
plus dedouze cens millions circuler au lieu qu'il n'y a pas aujourd'huy dans le Commerce,
200. millions de nouvelles ef-
< peces qui font tout l'argent qui
circule dans le Royaume. 1
A l'égard des bleds , il fufit
qu'il ait commencé à entrer
dans le Royaume pour que
GALANT 367
Fabondance s'y trouve bien
toft , & pour engager les Ufuriers à mettre en vente ceux
qu'ils tiennent cachez , &d'ailleurs comme il paroift que la
srecolter doit cftre des plus
abondantes , on ne manquera
bien- toft plus dans le Royaume ni d'argent ni de bleds.
Mrs de l'Academie Françoi
fe s'eftant affemblez felon l'ufage , quarante jours aprés la
mort de Mr.de Corneille , &
de Mr le Comte de Crecy pour
nommerceuxquidoivent remplir leurs places , ont choifi Mr
le Prefident de Melmes & Mr
368 MERCURE
l'Abbé Oudart de la Mothe,
connu par plusieurs ouvrages
de Theatre & par le beau Ree
cueil d'Odes qu'il a donné zau
public , & qui a reçu un aps
plaudiffementgeneral . Il a rem
porté ſept ou huit Prix del'Academie de Toulouſe , & deux
ou trois de l'Academie Françoife , oùilaleu l'avantage de
parler plufieurs fois & de faire
des Remerciemens à ce fçavant
& illuftre: Corps.
Mrle President de Melines,
diftingué pár fon nom, par ſon
efpriti & par fes dignitez elt
entré par detteb nomination
CALANT 369
dans un Corps ou l'on atoujours vû des Cardinaux , des
Evêques , des Ducs & Pairs &
des Miniftres d'Etat. Ainfi l'on
peut dire qu'il n'eft pas déplacé.
Je dois ajoûtericy ce que j'ay
oublié de vous dire dans 1 E.
loge que j'ay fait de Mr de
Corneille ; fçavoir , que fon
grand travail , & fur tout le
grand nombre de Livres & de
Memoires qu'il a cfté obligé
de lire pour compofer les cinq
Volumes infolio qu'il a donnez
au Public , luy avoient fait perdre la vûë quelques années
370 MERCURE
avant,fa mort; que fon Eloge
aefté fait par un Aveugle, &
que fa place a efté remplie par
unautre Aveugle qui doit faire
auffi fon Eloge le jour de fa res
ception.
Avant que d'entrer dans
Article de la Marine dont
j'ay beaucoup à vous entrete
nit , je dois vous dire que ce
Corps qui a toujours fait honneur à la France , & qui dans
les temps les plus difficiles a
toujours tenu tefte en mefme
temps aux deux Nations qui
pretendent à l'Empire de la
Mer, & qui ne font riches &
GALANT 37£
celebres que par leur Com
merce ; je dois , dis-je , vous
dire que ce Corps , qui tous
les mois fe rend fameux par
un grand nombre de Prifes,
d'actions éclatantes , & de
Vaiffeaux Ennemis pris on
coulez à fond , va malgré la
rareté d'argent qui ſe trouve
aujourd'huy prefque chez tous
les Princes de l'Europe , recevoir une fomme confiderable,
MrleComte de Pontchartrain?
ayant trouvé des expediens
de luy en faire toucher fans
qu'il en coûte rien au Roy.
Je paffe à la fuite des Expe
372 MERCURE
ditions dont je vous envoye
unJournal tous les mois beaucoup plus circonftancié que
celuy que l'on trouve dans plu .
fieurs nouvelles publiques.
De Cartagenne du Détroit
le 25. Decembre.
Mrle Chevalier de Norey,
Commandant les Vaiffeaux du
Roy le Rubis & le Trident, fic
rencontre le 19. Decembre,
eftant Nord & Sud d'Alborand, à 5 ou 6. licues de.
la Cofte d'Espagne , de deux
Vaiffeaux de guerre Anglois,
l'un
GALANT 373
l'un de 70. Canons , & l'autre
de cinquante - quatre fous le
vent Mr le Chevalier de
Norey, quoy qu'avec des for.
ces inégales , attaqua ces deux
Vaiffeaux à demy portée du
moufquet. Le Combat dura
depuis dix heures du matin juſqu'à deux heures aprés midy,
•fans qu'il pût les aborder , &
il en fut feparé par les Courans en forte qu'ils furent
obligez de faire route à Gibraltar , n'ayant que la Mizaine & le Petit Hunier, & la
plufpart de leurs Equipages
eftant tuez ou bleffez. Mr de
Janvier 1710.
I i
374 MERCURE
Norey n'a eu que 29. hommes hors de combat. Mr du
Vigné , Lieutenant de Vaifſeau , y aa efté tué ,,
ainfi que
Mr le Chevalier de Caftelanne
Enfeigne , qui fervoit fur le
Trident.
Mr Robert Leguillon, Commandant la Barque Longue la
Revanche , armée à Calais , y
conduifit le 4. Janvier un Bâtiment Anglois , chargé de
5oo. barils de beurre , & de
200. barils de boeuf fallé.
Lemefme Capitaine a auffi
débarqué une rançon de 100.
livres sterlin.
GALANT · 375
Le Capitaine Louvet qui
monte la Barque la Toifon , a
pris un Navire Anglois , chargé de 136. Caiffes d'oranges
aigres , & de 8. Caiffes de citrons.
Le Capitaine François Polu,
Commandant la Triumphante,
& Jacques du Pleffis qui monte la Revanche , ont pris un
Dogre Hollandois.
Le Capitaine Marc- Tefte,
Commandant la Barque le
Comte de Brionne , a apporté
pour 2000. livres de rançons
Angloifes en efpeces.
François Bachelier , ComIi ij
376 MERCURE
4
ATM
mandant le Dogre le Prompt,
a amené une rançon Hollandoife de 1600. florins
Fermer
Résumé : Article qui regarde les Affaires du temps. Cet Article a esté fait avant que l'on sçut la situation des Affaires presentes. [titre d'après la table]
En début d'année 1710, plusieurs événements militaires et politiques marquent l'Europe. Le maréchal de Villars, guéri de sa blessure, est prêt à reprendre le combat. Le maréchal de Barwick est nommé pour surveiller les mouvements ennemis en Flandre, mais cette mission est annulée en raison de la tranquillité des ennemis. Le maréchal d'Harcourt, souffrant de paralysie, est soigné par Mr Fagon et se prépare à rejoindre les troupes sur le Rhin. Les ennemis, notamment les princes d'Allemagne, manquent de fonds en raison des retards de paiement des subsides par l'Angleterre et la Hollande. La Hollande, confrontée à des difficultés financières, impose de nouvelles taxes et peine à trouver des crédits. L'Angleterre, malgré ses efforts pour lever des fonds, souffre d'une grande rareté d'argent. En revanche, la France possède des réserves d'argent cachées et bénéficie de l'afflux de fonds liés à la succession espagnole. Sur le plan maritime, la marine française continue de se distinguer par ses prises et ses actions éclatantes. Plusieurs capitaines français ont récemment capturé des navires ennemis et des rançons. Par ailleurs, l'Académie française a élu deux nouveaux membres pour remplacer Corneille et le comte de Crecy.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
22
p. 147-182
L'AGIOTEUR DUPÉ.
Début :
Je tascheray de donner tous les mois quelque Historiette ou [...]
Mots clefs :
Agioteur, Argent, Carrosse, Picard, Billets
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'AGIOTEUR DUPÉ.
Je tascheray de donner
tous les mois quelque
Historiette ou
Françoise ou Espagnole,
ou mesme quelque
Conte Arabe. On m'a
promis des Mémoires
pour tout cela, outre
lesAvantures du temps
que je prefereray toûjours
aux autres; en
voicy une.
Dans le mois dernier
un Agioteur aesté
trompé par des Filoux,
J'ay voulu m'assurerxactement
descirconstances
en me faisant
raconter le fait par plufleurs
personnes. Il
m'est arrivé ce qui arrive
toûjours en cas pareil.
Unechose se passe
en presence de plulieurs,
& cependant
elleest racontée differemment
par chacun
des spectateurs.
L'AGIOTEUR
DUPE.
Un deces Juifs Parisiens,
non pas de ceux
qui dans la Synagogue
des Halles sçavent faire
d'un vieux Manteau
deux Justaucorps
neufs; mais de ceux
qui achetant, revendant
& rachetant le
mesmepapier plu sieurs
fois en un jour, en gagnent
la valeur en
moins d'un mois. Un
de ces Juifs, dis-je , qu'on nomme depuis
peu Agioteurs, des plus
rafinez, des plus avides
& des plus défiants,
calculoitunjour sur le
midy le gain de sa matinée
en attendant pratique
nouvelle.
Arrive un Picard,
franc Gaulois par la
mine, homme grossier
en apparente,& foy
disant pressé de faire de
l'argent d'un Billet de
Change pour s'en retourner
àAmiens.L'Agioteur
luy dit qu'il a
de l'argent à son service
; mais que depuis
deux jours les Billets
font à trente-cinqpour
cent. Le bon Picard fait
l'étonné
,
luy aflUla':l('\
qu'hier encore mCI"
Franchard n'avoit pris
di luy que-trente poup
cent. Cela ne Ce peut
luy dit l'Agioteur ;
mais quiest donc Mr
Franchard? Si je n'étois
pas si pressé de partir
, continua naïvement
le Picard, je ferois
retourne a luy;
mâisil loge bien loin
d'icy* : ça Monsieur
voyons viste si vous me
voulez faire aussi bon
marché que luy. Je
m'en garderay bien,dit
l'Agioteur; en Jepressantde
luy direquiestoit
cethomme si desinteressé.
Le bon Picard
-- en s'en allant
comme un homme
presse.expose la franchise&
le desinteressement
de Mr Franchard
avec des circonflances
a faire apetit au plus
degoustéAgioteur d'agioter
avec Monsieur
Franchard.Il lâche ensuite
comme par abondance
de coeur & de
verbiage les tenants ,
les aboutissants, la ruë
•
& le logis de Monsieur
Franchatd,disant qu'il
va au plus viste recevoir
son argent, & laisse
nostre Agioteur dans
les reflexions 8c dans
l'im patience de lier
commerce avec un
homme si bon & si
facile. Il prend dans
son Bureaupour quinze
mille francs de papier
, pour aller faire
conoissance avec Monseur
Franchard. Pendant
que nostre Agioteur
va chercher fortune,
il faut vous instruire
qu'clles estoient les
bonnes gens avec qui--
il alloit negocier.
Monsieur Franchard
&le Picardprelsé de
partir estoient chefs de
cinq ou six Filoux dela
haute volée, de ceux
qui par un long apprentissagedans
l'exercicedespetitsvols
acquierentl'habilite&
les moyens d'en faire
de plus grands.
-
Il y avoit autrefois
à Paris un grand nombre
de ces Filoux; mais
à present la Police y
met bon ordre,& ceux
cy ne porteront pas
loin le tour qu'ils ont
fait à nostre Agioteur.
Monsieur Franchard
avoit Joué depuis quelques
mois un grand
Cabinet garni d'Armoires
avec des Clorsons
à barreaux, en y
joignantquelquesTables,
de vieux Cosses
forts, & des Balances,
il en avoit fait
un Bureau en forme. Il
avoir assemblé force
Registresovieux& nouveaux
&force sacs bien
ronds, bien numerotez
& de riche apparence.
Ces Régistres & ces
sacs arrangez dans ces
Armoires formoient
une Bibliothèque de
Financier des mieux
assortie. Avec cetestalage
& le secours de lès
Compagnons qui se
deguisoient tantost en
gens d'affaires,tantost
en porteurs d'argent
pour achalander le B ureau
,
il avoit estably
son credit chez son hoftesse
& dans [on voisinage.,
ce quiluy produisit
de petits gains
courants d'Agiotage
qui payoient leurs dépens
; mais ilsattendoient
du hazardquelques
bonnes qcaGQn-s)
celle cyen fut une>
Commenostre Agioteuresoit
tres défiant,
il demanda le logis
de Monsieur Franchard
a toutes les Boutiques
du voisinage
pour avoir occasion de
s'informer finement
quel homme c'estoit ;
maisplus il s'informa
&plus il fust trompé
,
car
car tous les voisins
estoient prévenus pour
luy. Il arrive au logis
de MonsieurFranchard
dont il reconut l'hotesse;
elle avoit esté autrefois
de ses am ies.Il
avoit grande confiance
en elle, & elle en avoit
tant en son hoste qu'elle
ne pouvoit s'en taire.
Il luy avoitfait mille
plaisirsc'étoitun hoste
charmant. Il n'y avoit
qu'une incommodité
avecluy , c'estqu'estant
logée directement
fous son Bureau elle
avoit la teste rompuë
de la quantité d'argent
qu'on y remuoit à la
pelle. Eneffet,ilavoit
deux ou trois sacs de
bon argent blanc avec
quoy il faisoit le plus
de bruit qu'il pouvoit;
passons laconversation
de l'hosteste & de l'Agioteur.
Elle court le
presenter à son hoste
, qui promet tout à sa
consideration : elle les
laisse parler d'affaire,
& s'en va. Monsieur
Franchard l'amusa par
des discoursvagues sur
le courant de l'Agiotage
,
& l'amufoit à
dessein, car il ne pouvoit
faire son coup
qu'il n'entendit pour
signalun Carossearriver
à grand bruit à sa
porte. Pendant que
Monsieur Franchard
étale en verbiage sa
probité& sa Franchise,
l'Agioteur leconfidere
de la teste aux
pieds;ilest charméde
saphisionomie,C'estoit
un de ces visages
pleins, unis, faits de
façon qu'on croit les
connoistre de vue parce
qu'on, en voit souvent
de semblables; sa
taille étoit courte &
ronde, des épaules, du
ventre,jambes renforcées
,
jarrets bas, bras
courts, &C main large;
main à compter les
écus dix à dix, vray
moule de Caissier ; enfin,
homme devant lequel
vous vous mettriez
a genoux pour
luy faire prendre vostre
argent la veille
d'un déeri.
Voici un Carossequi
arrive;c'estoit le signal:
venons au fait, dit
franchard. Lefaitest,
répond l'Agioteur,que
j'aylà pour quinze
mille francs deBillets,
& sur ce qu'un Marchand
d'Amiens m'a
ditque vous en aviez
pris à trente pour cent.
Qu'estce à dire ?
interrompit l'autre *
avec un air de franchise
brusque
, vous mocquez-
vous ? ils font à
trente cinq, tout ce
que je puis faire en faveur
de mon hostesse,
c'est de perdre un pour
cent.
Ils en estoientlà
qnand un petit Filou
quiestoit venudans le
Carosse vint faire le
personnage d'un jeune
Ecolieren Droit à qui
sa Mere achete un'!-
Charge de Conseiller
en Province. C'estoit
un petit .Blondin ar
voix gresle, graffoyant
un peu & ricanant
beaucoup. Il entre étourdiementsans
se fai,.
te annoncer , &£ d'un
air é1 vaporéIl court cmbrasser
Franchard en
luy criant avec joye
qu'il avoit conclu le
marché de sa Charge.
Il
Il me faudra luy ditil
, vingt mille francs
deBillets de Monnoye.
Je les prendray de vous
sur le pied que vous
voudrez, je vous ay
tantd'obligationsd'ailleurs
: autres embrassades
, mais cenest pas
le tout, il faut dans le
moment quatre sacs de
mille francs à ma mere
pourm'acheterun Carosse.
Monsieur Franchard
ne répond qu'en
tirant quatre sacs d'une
Armoire comme un
homme qui les donnoit
aussi facilement que
l'autre donnoit des embrassades.
Il en ouvre
un ,
& le répand sur sa
table pour le compter:
Vous vous mocquez
Je moy , s écrie le petit
Conseiller, a-t'on jamais
compté aprésMr
Franchard ? Donnezmoy
une plume que je
vous fasse mon Billet.
Vostremere m'en fera
un tantost dit froidement
Franchard, vous
estes trop jeune pour
signer, emportez toujours,
nous souperons
cesoir ensemble.Deux
5 grands Laquais s'avancent,
prennent les sacs,
& le jeune homme s'en
-
vacourant & cabriolant
comme il estoit
entré. P ij
Je ne reconduis point
Ics jeunes étourdis
5
sécrie
Franchard, jen'ay
pas assez de jambes
pour les suivre.Ensuite
se tournant vers l'Agioteur
,
l'occasion effc
heureuse pour vous, luy dit-il, je luy feray
prendre vos Billetsde
Monnoye à trentedeux
pour cent; c'est
trois de gain pour
vous. Je veux bien fairece
plaisir à mon hostesse
aux dépens d'un
jeune fol qui jette l'argent
par les fenestres ;
ça voyons vos Billets.
Pendant que l'Agioteur
les tire de sa poche
en faisant mille remerciements
, Franchard
arrange plusieurs
sacs sur une autretable,
en prend un
qu'il renverse sur le
comptoir. Comptez ,
dit-il, à l'Agioteur,je
vais examiner vos Billets.
L'Agioteur com pte,
& Franchard prend
la liasse. Pendant qu'il
la feüilletoit sans la dc_e
lier, nostre jeune Cf-,
tourdy rentre avec une
Dame venerable qu'il
tenoitsur le poing, 6C
riant de toute sa force,
conte àFranchard comme
une chose fort plaisante
que samere qui
n'avoit pas voulu monter
la premiere fois de
peur de le déranger,venoit
par excez d'exact*
tude luy faire son Billet.
Franchard court au
devant d'elle, se fasche
de cette exactitude offençante
pour luy, jure
qu'il ne recevra le Billet
qu'en luy donnant à
souper. La Dame venerab
le cede de peur de
le fascher
, & regagne
son Carosse, où Franchard
, plus ceremonieux
avec les Dames
qu'avec les jeunes ef-
Tourdis, voulut absolument
la reconduire.
Il la suit, tenant toujours
à la main la liasse
deBillets & l'Agioteur
rcfte iàns se defier
de rien. Il compte toûjours
son sac pour gagner
du temps;maisil
n'osa pas toucher aux
autres quen prsience
de Franchard
, trèsfasché
mesmed'avoir
trouvé deux Ecus de
manque dans le sac,
car l'ayant compté sans
témoins,il prenoit déjà
laresolution de perdre
deuxEcuspar politesse.
-
Il s'assit
,
& attendit
fort tranquilement pen
dantun quart d'heure;
c'est le moins que puissent
durer les Corn-*
phmentsd'une femme
à qui on précèdet~<
gent.
Voyons cepen dant si
nosFiloux munis des
quinzemi lle francs en
Billets sont montez en
Carosse.Non,ils s'ex.
quivent plus finemenr;
ils laissent le Carosse de
louage à la porte, ô£
Franchard feignant
d'accompagner la Dame;
jusques chez un
Notaire voisin, la suit
à pied jusques dans une
rue tournante où un
autre Carosse les attendoit,
& touche Cocher
, voila les quinze
mille francs partis.
Imaginez vous l'impatience
inquiété da
l'Agioteur & de l'hôtessequi
le fut rejoin.
dre au Bureau pour
voir s'il étoit content
de son hoste. Leur con..
fiance étoit si bien establie
que les sou p çons
ne leur vinrent que
pardegrez; mais il fallutenfinen
veniraux
craintes, aux éclaircisfements,
auxalarmes,
l'Agioteur veut emporter
quinze sacs y 1hostessè s'y oppose, il
faut des formalitez. Je
parte fous silence l'arrivée
du Commissaire,
l'ouverture des sacs;
remplis de cailloux 6C
de ronds d'ardoise. Je
ne vous diray point
quelsfurent à cet afpeét
les fremissements
& les mines de l'Agioteur
dupé; vous imaginerez
le dénouement
de tout cela plus plaisamment
que je ne
pourrois vous le décrire.
Le mot d'Agioteur
vient du mot Italien
Adgio Supplément ou
Ajustement.Adjiuflamento,
Ajustement ou
Convention d'interest
entre les Agents de
Change ou Banquiers.
Quel vantaggio chési da
o ricevé per adjoustamenodella
valuta diunamoneta
aquelta d'unaltra.
tous les mois quelque
Historiette ou
Françoise ou Espagnole,
ou mesme quelque
Conte Arabe. On m'a
promis des Mémoires
pour tout cela, outre
lesAvantures du temps
que je prefereray toûjours
aux autres; en
voicy une.
Dans le mois dernier
un Agioteur aesté
trompé par des Filoux,
J'ay voulu m'assurerxactement
descirconstances
en me faisant
raconter le fait par plufleurs
personnes. Il
m'est arrivé ce qui arrive
toûjours en cas pareil.
Unechose se passe
en presence de plulieurs,
& cependant
elleest racontée differemment
par chacun
des spectateurs.
L'AGIOTEUR
DUPE.
Un deces Juifs Parisiens,
non pas de ceux
qui dans la Synagogue
des Halles sçavent faire
d'un vieux Manteau
deux Justaucorps
neufs; mais de ceux
qui achetant, revendant
& rachetant le
mesmepapier plu sieurs
fois en un jour, en gagnent
la valeur en
moins d'un mois. Un
de ces Juifs, dis-je , qu'on nomme depuis
peu Agioteurs, des plus
rafinez, des plus avides
& des plus défiants,
calculoitunjour sur le
midy le gain de sa matinée
en attendant pratique
nouvelle.
Arrive un Picard,
franc Gaulois par la
mine, homme grossier
en apparente,& foy
disant pressé de faire de
l'argent d'un Billet de
Change pour s'en retourner
àAmiens.L'Agioteur
luy dit qu'il a
de l'argent à son service
; mais que depuis
deux jours les Billets
font à trente-cinqpour
cent. Le bon Picard fait
l'étonné
,
luy aflUla':l('\
qu'hier encore mCI"
Franchard n'avoit pris
di luy que-trente poup
cent. Cela ne Ce peut
luy dit l'Agioteur ;
mais quiest donc Mr
Franchard? Si je n'étois
pas si pressé de partir
, continua naïvement
le Picard, je ferois
retourne a luy;
mâisil loge bien loin
d'icy* : ça Monsieur
voyons viste si vous me
voulez faire aussi bon
marché que luy. Je
m'en garderay bien,dit
l'Agioteur; en Jepressantde
luy direquiestoit
cethomme si desinteressé.
Le bon Picard
-- en s'en allant
comme un homme
presse.expose la franchise&
le desinteressement
de Mr Franchard
avec des circonflances
a faire apetit au plus
degoustéAgioteur d'agioter
avec Monsieur
Franchard.Il lâche ensuite
comme par abondance
de coeur & de
verbiage les tenants ,
les aboutissants, la ruë
•
& le logis de Monsieur
Franchatd,disant qu'il
va au plus viste recevoir
son argent, & laisse
nostre Agioteur dans
les reflexions 8c dans
l'im patience de lier
commerce avec un
homme si bon & si
facile. Il prend dans
son Bureaupour quinze
mille francs de papier
, pour aller faire
conoissance avec Monseur
Franchard. Pendant
que nostre Agioteur
va chercher fortune,
il faut vous instruire
qu'clles estoient les
bonnes gens avec qui--
il alloit negocier.
Monsieur Franchard
&le Picardprelsé de
partir estoient chefs de
cinq ou six Filoux dela
haute volée, de ceux
qui par un long apprentissagedans
l'exercicedespetitsvols
acquierentl'habilite&
les moyens d'en faire
de plus grands.
-
Il y avoit autrefois
à Paris un grand nombre
de ces Filoux; mais
à present la Police y
met bon ordre,& ceux
cy ne porteront pas
loin le tour qu'ils ont
fait à nostre Agioteur.
Monsieur Franchard
avoit Joué depuis quelques
mois un grand
Cabinet garni d'Armoires
avec des Clorsons
à barreaux, en y
joignantquelquesTables,
de vieux Cosses
forts, & des Balances,
il en avoit fait
un Bureau en forme. Il
avoir assemblé force
Registresovieux& nouveaux
&force sacs bien
ronds, bien numerotez
& de riche apparence.
Ces Régistres & ces
sacs arrangez dans ces
Armoires formoient
une Bibliothèque de
Financier des mieux
assortie. Avec cetestalage
& le secours de lès
Compagnons qui se
deguisoient tantost en
gens d'affaires,tantost
en porteurs d'argent
pour achalander le B ureau
,
il avoit estably
son credit chez son hoftesse
& dans [on voisinage.,
ce quiluy produisit
de petits gains
courants d'Agiotage
qui payoient leurs dépens
; mais ilsattendoient
du hazardquelques
bonnes qcaGQn-s)
celle cyen fut une>
Commenostre Agioteuresoit
tres défiant,
il demanda le logis
de Monsieur Franchard
a toutes les Boutiques
du voisinage
pour avoir occasion de
s'informer finement
quel homme c'estoit ;
maisplus il s'informa
&plus il fust trompé
,
car
car tous les voisins
estoient prévenus pour
luy. Il arrive au logis
de MonsieurFranchard
dont il reconut l'hotesse;
elle avoit esté autrefois
de ses am ies.Il
avoit grande confiance
en elle, & elle en avoit
tant en son hoste qu'elle
ne pouvoit s'en taire.
Il luy avoitfait mille
plaisirsc'étoitun hoste
charmant. Il n'y avoit
qu'une incommodité
avecluy , c'estqu'estant
logée directement
fous son Bureau elle
avoit la teste rompuë
de la quantité d'argent
qu'on y remuoit à la
pelle. Eneffet,ilavoit
deux ou trois sacs de
bon argent blanc avec
quoy il faisoit le plus
de bruit qu'il pouvoit;
passons laconversation
de l'hosteste & de l'Agioteur.
Elle court le
presenter à son hoste
, qui promet tout à sa
consideration : elle les
laisse parler d'affaire,
& s'en va. Monsieur
Franchard l'amusa par
des discoursvagues sur
le courant de l'Agiotage
,
& l'amufoit à
dessein, car il ne pouvoit
faire son coup
qu'il n'entendit pour
signalun Carossearriver
à grand bruit à sa
porte. Pendant que
Monsieur Franchard
étale en verbiage sa
probité& sa Franchise,
l'Agioteur leconfidere
de la teste aux
pieds;ilest charméde
saphisionomie,C'estoit
un de ces visages
pleins, unis, faits de
façon qu'on croit les
connoistre de vue parce
qu'on, en voit souvent
de semblables; sa
taille étoit courte &
ronde, des épaules, du
ventre,jambes renforcées
,
jarrets bas, bras
courts, &C main large;
main à compter les
écus dix à dix, vray
moule de Caissier ; enfin,
homme devant lequel
vous vous mettriez
a genoux pour
luy faire prendre vostre
argent la veille
d'un déeri.
Voici un Carossequi
arrive;c'estoit le signal:
venons au fait, dit
franchard. Lefaitest,
répond l'Agioteur,que
j'aylà pour quinze
mille francs deBillets,
& sur ce qu'un Marchand
d'Amiens m'a
ditque vous en aviez
pris à trente pour cent.
Qu'estce à dire ?
interrompit l'autre *
avec un air de franchise
brusque
, vous mocquez-
vous ? ils font à
trente cinq, tout ce
que je puis faire en faveur
de mon hostesse,
c'est de perdre un pour
cent.
Ils en estoientlà
qnand un petit Filou
quiestoit venudans le
Carosse vint faire le
personnage d'un jeune
Ecolieren Droit à qui
sa Mere achete un'!-
Charge de Conseiller
en Province. C'estoit
un petit .Blondin ar
voix gresle, graffoyant
un peu & ricanant
beaucoup. Il entre étourdiementsans
se fai,.
te annoncer , &£ d'un
air é1 vaporéIl court cmbrasser
Franchard en
luy criant avec joye
qu'il avoit conclu le
marché de sa Charge.
Il
Il me faudra luy ditil
, vingt mille francs
deBillets de Monnoye.
Je les prendray de vous
sur le pied que vous
voudrez, je vous ay
tantd'obligationsd'ailleurs
: autres embrassades
, mais cenest pas
le tout, il faut dans le
moment quatre sacs de
mille francs à ma mere
pourm'acheterun Carosse.
Monsieur Franchard
ne répond qu'en
tirant quatre sacs d'une
Armoire comme un
homme qui les donnoit
aussi facilement que
l'autre donnoit des embrassades.
Il en ouvre
un ,
& le répand sur sa
table pour le compter:
Vous vous mocquez
Je moy , s écrie le petit
Conseiller, a-t'on jamais
compté aprésMr
Franchard ? Donnezmoy
une plume que je
vous fasse mon Billet.
Vostremere m'en fera
un tantost dit froidement
Franchard, vous
estes trop jeune pour
signer, emportez toujours,
nous souperons
cesoir ensemble.Deux
5 grands Laquais s'avancent,
prennent les sacs,
& le jeune homme s'en
-
vacourant & cabriolant
comme il estoit
entré. P ij
Je ne reconduis point
Ics jeunes étourdis
5
sécrie
Franchard, jen'ay
pas assez de jambes
pour les suivre.Ensuite
se tournant vers l'Agioteur
,
l'occasion effc
heureuse pour vous, luy dit-il, je luy feray
prendre vos Billetsde
Monnoye à trentedeux
pour cent; c'est
trois de gain pour
vous. Je veux bien fairece
plaisir à mon hostesse
aux dépens d'un
jeune fol qui jette l'argent
par les fenestres ;
ça voyons vos Billets.
Pendant que l'Agioteur
les tire de sa poche
en faisant mille remerciements
, Franchard
arrange plusieurs
sacs sur une autretable,
en prend un
qu'il renverse sur le
comptoir. Comptez ,
dit-il, à l'Agioteur,je
vais examiner vos Billets.
L'Agioteur com pte,
& Franchard prend
la liasse. Pendant qu'il
la feüilletoit sans la dc_e
lier, nostre jeune Cf-,
tourdy rentre avec une
Dame venerable qu'il
tenoitsur le poing, 6C
riant de toute sa force,
conte àFranchard comme
une chose fort plaisante
que samere qui
n'avoit pas voulu monter
la premiere fois de
peur de le déranger,venoit
par excez d'exact*
tude luy faire son Billet.
Franchard court au
devant d'elle, se fasche
de cette exactitude offençante
pour luy, jure
qu'il ne recevra le Billet
qu'en luy donnant à
souper. La Dame venerab
le cede de peur de
le fascher
, & regagne
son Carosse, où Franchard
, plus ceremonieux
avec les Dames
qu'avec les jeunes ef-
Tourdis, voulut absolument
la reconduire.
Il la suit, tenant toujours
à la main la liasse
deBillets & l'Agioteur
rcfte iàns se defier
de rien. Il compte toûjours
son sac pour gagner
du temps;maisil
n'osa pas toucher aux
autres quen prsience
de Franchard
, trèsfasché
mesmed'avoir
trouvé deux Ecus de
manque dans le sac,
car l'ayant compté sans
témoins,il prenoit déjà
laresolution de perdre
deuxEcuspar politesse.
-
Il s'assit
,
& attendit
fort tranquilement pen
dantun quart d'heure;
c'est le moins que puissent
durer les Corn-*
phmentsd'une femme
à qui on précèdet~<
gent.
Voyons cepen dant si
nosFiloux munis des
quinzemi lle francs en
Billets sont montez en
Carosse.Non,ils s'ex.
quivent plus finemenr;
ils laissent le Carosse de
louage à la porte, ô£
Franchard feignant
d'accompagner la Dame;
jusques chez un
Notaire voisin, la suit
à pied jusques dans une
rue tournante où un
autre Carosse les attendoit,
& touche Cocher
, voila les quinze
mille francs partis.
Imaginez vous l'impatience
inquiété da
l'Agioteur & de l'hôtessequi
le fut rejoin.
dre au Bureau pour
voir s'il étoit content
de son hoste. Leur con..
fiance étoit si bien establie
que les sou p çons
ne leur vinrent que
pardegrez; mais il fallutenfinen
veniraux
craintes, aux éclaircisfements,
auxalarmes,
l'Agioteur veut emporter
quinze sacs y 1hostessè s'y oppose, il
faut des formalitez. Je
parte fous silence l'arrivée
du Commissaire,
l'ouverture des sacs;
remplis de cailloux 6C
de ronds d'ardoise. Je
ne vous diray point
quelsfurent à cet afpeét
les fremissements
& les mines de l'Agioteur
dupé; vous imaginerez
le dénouement
de tout cela plus plaisamment
que je ne
pourrois vous le décrire.
Le mot d'Agioteur
vient du mot Italien
Adgio Supplément ou
Ajustement.Adjiuflamento,
Ajustement ou
Convention d'interest
entre les Agents de
Change ou Banquiers.
Quel vantaggio chési da
o ricevé per adjoustamenodella
valuta diunamoneta
aquelta d'unaltra.
Fermer
Résumé : L'AGIOTEUR DUPÉ.
Le texte narre l'histoire d'un agioteur parisien, spécialisé dans l'achat et la revente de papiers financiers, qui est trompé par des escrocs. L'agioteur, en train de calculer ses gains à midi, est abordé par un Picard souhaitant échanger un billet de change. L'agioteur propose un taux de 35%, mais le Picard affirme avoir obtenu 30% auprès de Monsieur Franchard. Intrigué, l'agioteur décide de rencontrer Franchard. Ce dernier, avec l'aide de complices déguisés, parvient à convaincre l'agioteur de lui confier quinze mille francs en billets. Pendant que Franchard distrait l'agioteur avec des discussions et des mises en scène, ses complices s'échappent avec l'argent. L'agioteur, trompé par les apparences et les témoignages des voisins, ne se méfie pas. Finalement, il découvre que les sacs d'argent contiennent des cailloux et des rondelles d'ardoise. Le terme 'agioteur' est expliqué comme provenant de l'italien 'adgio', signifiant ajustement ou convention d'intérêt entre agents de change.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
23
p. 65-123
ARTICLE burlesque. Suite du Paralelle d'Homere & de Rabelais.
Début :
Sans interrompre le paralelle d'Homere & de Rabelais, je [...]
Mots clefs :
Homère, Rabelais, Plaisir, Médecin, Parallèle, Hommes, Mari, Oeil, Fous, Dames, Compagnons, Moutons, Caverne, Cyclope, Patience, Marchand, Femme, Dieux, Troupeaux, Paris, Jupiter, Argent, Sourd, Muette, Dissertation
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ARTICLE burlesque. Suite du Paralelle d'Homere & de Rabelais.
ARTICLE
burlesque.
Suite du Paralelle d'Homere&
deRabelais.
SAns interrompre le
paralelle d'Homere&
de Rabelais,je puis interrompre
les reflexions
comiques & serieuses
que j'ai commencéesfutcesdeux
Auteurs. Trop de réflexions
de fuite feroient
une dissertation
ennuyeuse
,
sur tout
pour les Dames, dont
j'ambitionne les suffrages;
elles ont legoût
plus delicat& plus vrai
que les hommes, dont
la pluspart se piquant
,de
<
critique profonde,
sont toûjours en garde
contre ce qui plaÎrjqui
ont, pour ainsidire,
emouue leur goût naturel
à force de science
dC de préjugez; en un
f- mot, qui jugent moins
par ce qu'ils sentent,
que par ce qu'ilssçavent.
Plusieurs Dames af.
fez contentes de quelques
endroits de mes
dissertations, se sont
plaint que les autres
netoient pas assez intelligibles
pour elles,
qui ne sont pasobligées
d'avoir lû Homere ni
Rabelais: il est vrai que
le Poete Grec est à presenttraduitenbonfrançois:
mais Rabelais est
encore du grec pour elles
; je vais donc tâcher
declaircir& de purifier
quelques morceaux de
Rabelais, pour les rendre
moins ennuyeux
aux Dames.
Ces extraits épurez
feront plaisir à celles
qui, curieuses de lire
Rabelais, n'ont jamais
voulu contenter leur
curiosité aux dépens de
leur modestie.
En donnantce qu'il
y a de meilleur dans
Rabelais, je fixerai la
curiosité de celles qui
en faveur du bon, auroient
risqué de lirele
mauvais.
Et s'il y en a quelqu'une
qui n'aiepû resister
à la tentation de
tout lire,elle pourra
citer Maître François à
l'abryde mes extraits,
sans être soupçonnée
d'auoir lu l'original.
Dans la derniere dissertation
j'ai opposé à
une harangue du sage
Nestor, une lettre écrite
à Gargantua par
Grandgousier son pere.
Vous avez vû que Rabelais
s'est mélé du fcrieux.;
Homere lemele
aussi quelquefois du
burlesque, autre sujet
de paralelle.Vousaurez
ici un conte heroïcomique
de l'Odissée, mais
commençons par un
conte de Rabelais;je ne
prétens qu'opposer le
premier coupd'oeil de
ces deuxcontes,&non.
pas les comparer exaétcment:
j'entrouverai
dans la fuite quelquestuinnss
ppluuss pprroopprreess aà eêttrree.
comparez ensemble.
Voici celui de Rabelais,
'f
donc j'ai feulement conservé
le fond, en a joûtant
& retranchant
tout ce que j'aicrû pouvoir
le rendre plus
agréable,& plusintelligible
aux Dames.
LES
LES MOUTONS
de Dindenaut.
<*. En une Naufou Navire
estoitletaciturnien.,
songe-creux,&malignement
intentionnéPanurge
: encemêmè Navire
estoit un Marchand de
moutonsnomméDindenaut,
hommegaillard,
raillard
,
grand rib leur
5
nurgetoutdébifié de mi-
Lie, 6c mal en point d'acouftrement
,
déhousillé
de chevelure
,
vesce
délabrée, éguillettes
rompues, boutons intermitans
chauffes pensantes,&:
lunettes pendues
au bonnet. Le Marchant
donc s'émancipa
en gausseriessur chaque
piece d'iceluy accoustrement,
mais specialement
sur ses lunettes : luy difarteavoir<
fçupar traciitioli
vulgaire que tout
homme arborant lunett
tes sur toûjours onc mal
voulu des femmes étranges
& vilipendé de la
siennedomestique ,sur
lesquels pronostics apostrophant
Panurge en son
honneur, l'appella je ne
sçay comment, id est,
d'un nom qui réveilla i«rPanurgedesaléthargie
^.rêveusej carrêvoitjuste
• en ce momentauxinconveniens
à venir de son
futur mariage. Holà,
holà
, mon bon Marchand
*,
dit d'abord Panurge
d'un air niais 8c
bonnasse, holà, vous disje,
car onc ne fus, ny ne
puis maintenant estre ce
-
que nul n'est que par mariage
: A quoy repart
Dindenaut, que marié
ou non mariée c'esttout
un ; car fruits de Cor-,
nuaille sont fruits précoces
j & m'est avisque
pour porter tels fruits ,
êtes fait &C moulé comme
de cire: ouy , cette
plante mordra sur~vôrre
chef comme chiendenc
sur terre graffe.
Ho ,
ho
,
ho
,
reprit
bonnement Panurge,
quartier, quartier, car
par la vertu- boeuf ou
asne que je suis, ne puis
avoir espritd'Aigle: perçant
les nuës,par quoy
gaudissez-vous de moy,
si c'est vostre plaisir ,
mais rien nerepliqueray
faute de répliqué : prenons
patience.
Patience vous duira
dit le Marchand, , comme
à tant d'autres. Patienceestvertu
maritale.
Patience soit imterrompit
Panurge, mais changeons
de propos : Vous
avez-là force beaux moutons,
m'envendriez-vous
bien un paravanture.
O le vaillant acheteur
de moutons, dit le Marchand.
Feriez volontiers
plus Convenablement
vous acheter un bon ha-,
bit pour quand vous E~
rez marié,habit de lné.)
nage ,
habit avenant ,
manteau profitable
chapeau commode, &,
panache de cerf.
Va-rience, dit Panurge,
& vendez-moy feulc,
ment un de vos Inou,
ton.
Tubleu
,
dit le Mat>
chand, ce seroit fortune
pour vous qu'un de ces
beliers. Vendriez sa fine
laine pour faire draps, sa
Mue peau pour faire cuir s
sa chair friande pour
nourrir Princes, & (i
petite-oye pieds :& teste
vous resteroient, & cornes
encore sur le marché-
Patience,dit Panurge,
tout ce que dites de cornerie
a esté corné aux
oreilles tant & tant de
fois,laissons ces vieilleties
; sottises nouvelles.
sont plus de InÍfea,
-- Ah qu'il dit bien! reprit
le Marchand, il merite
que mouton je luy
vende, ilestbon homme
: ç'a parlons daffaire.
Bon, dit Panurge eit
joye, vous venez au but,
6c n'auray plus besoinde
patience.
T C'a, dit le Marchand,
écoutez - mcy.j'écoute
dit Panurge.
LE M. Approchez cette
oreilledroite.P.
ce. LE M. Et la gauche. l P. Hé bien. LE M. En
l'autre encore. P. N'enay
quecesdeux. LE M.Ouvrez
- les donc toutes
grandes. P. A vôtre commandement.
LE MARC.
Vous allez au pays des
Lanternois? P.Ouy. LE
M. Voir le monde? P,
Certes. LE M. Joyeusement
? P. Voire. Le M,
Sans vous fâcher P. N'en
ayd'envie. LEM. Vous
avez nom Robin. P. Si
VOUS voulez. LE MARC.
Voyez-vous ce Moutons
P. Vous me l'allez vendre,
LEM.Ilanom Robin
comme vous. Ha
9 ha
, ha.Vons allez au
pays des Lanternois voir
le motide,i.oyeuCement,'
sans vous fâcher, ne vous
fâchez - donc guere si
Robin mouton n'est pas
pour vous. Bez, bez
bez; & continua ainsi
bez, bez, aux oreillesdu
pauvre Panurge
) en le
mocquant de la lourderie.
Oh,patience,patience
, reprit Panurge, bai£
sant épaules & teste en
toute humilité
,
à bon
besoin de
-
patience qui
moutons vcut avoir de
Dindenaut; maisje vois
que vous me lanternifibolisez
airtfi pource que
me croyez pauvre here,
voulant acheter sans
payer, ou payer sans argent,
ôc-en ce vous irom- -
pez à la mine, car voicy
dequoyfaire emplette :
disantcela Panurge tire
ample & longue bourse,
que par cas fortuit, contre
son naturel avoit pleine
de Ducacons, de laquelle
opulence le Marchand
fut ébahi, & incontinent
gausserie ccfTa
à l'aspectd'objet tant respectable
comme est argent.
,
Par iceluy alleché
le Marchand demanda
quatre, cinq, six fois
plus que ne valloit le
mouton;à quoy Panurge
fit comme riche enfant
de Paris, le prit au
mot, de peur que mouton
ne luy échapa
,
&
tirant desa bourse le prix
exorbitant, sans autre
mot dire que patience
,
patience, lnie les deniers
, és mains du Marchand
, & choisit à même le
troupeau un grand &
* beau maistre mouton
qu'il emporta brandi
fous son bras
- ,car de
forceautant que demalin
vouloir avoit,cependant
le mouton cryoit,
bêloit Sccn consequance
naturelle, oyant celuy-
cy bêler,bêloient
ensemblement les autres
moutons, commedisant
en leur langage moutonnois,
ou menez-vous
nostre compagnon,
de
mêmedisoient maisen
langageplus articulé les
assistants à Panurge ou
,diantre menez-vous ce
- mouton,& qu'en allezvous
faire, à quoy répond
Panurge le mouton
n'est-il pas à moyy
l'ay bien payé& chacun
de son bienfait selon
qu'il s'avise,ce mouton
s'appelle Robin comme
moy3 Dindenaut l'a dit.
Robin mouton sçait bien * nager je le voisà sa
mine
,
& ce disant subitementjetta
son mouton
en pleine mer, criantnage
Robin, nâge mon mignon
: or Robin mouton
allant à l'eau
,
criant
bêlant; tous les autres
moutons criansbêlans
en pareilleintonation,
commencerent soy jetter
après Se fauter en merà
la file, figue le debat entr'eux
estoit à qui suivroit
le premier son compagnon
dans l'eau, car
nature afait de tousanimaux
mouton le plu»*
sot, & a suivre mauvais
exemple le plus enclin,
fors l'homme.
Le Marchand tout cecy
voyant demeura ftupesait
& tout cHrayey
s'efforçant à retenir fèsmoutons
de tout foi*
pouvoir, pendant quoy
Panurge en son fang
froid rancunier, luy disoit
, patienceDindeinatit.,
patience, & ne
vous bougez, ny tourmentez.,
Robin mouton
reviendra à nâge & ses
compagnons - le refuivront;
venez Robin, venez
mon fils, & ensuite
crioit aux oreilles de
Dindenaut ,., comme avoit
par Dindenaut esté
crié aux siennes en signe
de moquerie, bez, bez,
FinablementDindenaut
voyant perir tous ses
moutons en prit un grãd
& fort par la toison, cuidant
aintl luy retenant
retenir le reste
)
mais d.
mouton puissantentraîna
Dindenaut luy -mê'
me , en l'eau
,
& ce sut
lors que Panurge redoubla
de crier, nâge Robin
, nâge Dindenaut,
bez, bez, bez,tant que
par noyement, des moutons
Sedu Marchand sut
cette avanture finie,donc
donc Panurge ne rioit
que sous barbe, parce
que jamais on ne le vit
rire en plein,queje sçache.
Jecroirois bien que le
caractere de Panurge a
servi de modele pour celuy
de la Rancune. Moliere
a pris de ce seul Con-
-
te-cy deuxou trois Jeux
de Theatre, & la Fontaine
plusieurs bons mots.
Enfin nos meilleursAutheurs
ont puisé dans Rabelais
leur excellent comique,
&les Poëtes dit
Pont -neuf en ont tiré
leursplates boufoiincries.
Les Euripides & les Se-
-
neques ont pris dans Homere
le sublime de leur
Poësie, & les Nourrices
luy doivent leurs Contes
depeau-d'asne,leurs Ogres
qui mangent la
chair fraîche, sont descendus
en ligne droite du
Cyclope dontvousallez
voir Je Conte.
Voiladonc Homere 8t
Rabelais grands modeles
pour l'excellent & dangereux
exemples pour le
mauvais du plus bas
ordre. Homere & Rabelais
occupent les beaux
esprits; mais ils amusent
les petits enfants;humiliez-
vous grands Auteurs
vousestes hommes ;
l'homme a du petit 6C
du grand du haut & du
1 bas; c'est son partage r
& si quelqu'unde nos
Sçavants S'obfbiie à
trouver tout granddans
un Ancien, petitesse
dans -ce Moderne quelque
grand qu'ilsoitd'ailleurs
il prouve ce que ja*
Vance, qu'il ya du petit
c'k., du grand dans tous
les hommes.
Revenons à nos moutons,
diroit Rabelais,
m'avez parlé des moutons
de Dindenaut, si
faut-il trouver aussi moutons
en oeuvres d'Hojnere3
puisque és miens
moutons y a , ou ne se
point mester ny ingerer
de le mettre en paralelle
àl'encontre de moy.
Ouy
Ouy dea, repliquerai
je, on trouvera prou
de moutons dans I'oeuvre
grec, & hardiment
les paralelliserai avec
les vôtres, Maître François;
car avez dit,
ou vous, ou quelqu'un
de votre école, que
chou pourchou Aubervilliers
vaut bien Paris;
& dirai de même, que
moutons pour moutons
Rabelais vaut bienHomere
: or a-t-on déja vû
comme par malignité
Panurgienne moutons
de Dindenaut sauterent
en Iller; voyons donc
commeparastuce l'iyfsienne
moutons de Ciclope
lui fauteront fous
jambe, en sortant de sa
caverne.
LES MOUTONS
DU CYCLOPE. DAns l'isle des Cyclopes
où j'avois PrIsterre,
je descendisavec les plus
vaillans hommes de mon Vaisseau
,
je trouvai une caverne
d'une largeur étonnante. Le
Çyclope qui l'habitoit étoit
aux champs,où il avoit mené
paître ses troupeaux.Toute
sa caverne étoit dans un ordreque
nousadmirions. Les
agneaux separez d'un côté,
les chevreaux d'un autre, &c.On yoyoit là de grands
pots à conserver le lait , ici
des paniers de jonc, dans lesquels
il faiioic des fromages,
&c. Nous avions aporté du vin,
pris chez les Ciconiens, &c..
Nous buvions de ce vin, &
mangions les fromages du Cy.
clope, lors qu'il arriva.
Je fus effrayé en le voyant.
C'étoit un vaste corps comme
celui d'une montagne; il n'y
eut jamais un monstre plus
épouvantable: il portoit sur
ses épaules une charge efrrbois
sec; le bruit qu'il fit en le jettant
à terre à l'entrée de la
caverne, retentit si fort, que
tous mes compagnons saisis de
crainte,secacherent en differens
endroits de cette terrible
demeure.
Il fait entrertoutes ses brebis;
il ferme sa caverne, pousfant
une roche si haute & si
forte, qu'il auroit été impossible
de la mouvoir, à
force de boeufs ou de chevaux.
Je le voyois faire tout fou
ménage,tantôt tirer le lait
de ses brebis, & Enfin il
allume ion feu, & comme
l'obscurité qui nous avoit cachez
fut dissipée par cette
clarté, il nous apperçut : Qui
êtes-vous donc, nous dit-il
d'un ton menaçant 2 des Pirates,
qui pour piller & faire
perir les autres hommes,ne
craignez pas vous-même de
vous exposer sur la mer ?
Quoy ? des Marchands que
l'avarice fait passer d'un bout
de l'U nivers à l'autre pour
s'enrichir,entretenant le luxe
de leur Patrie ? êtes-vous des
vagabons qui courez les mers
par la vaine curiosité d'apprendre
ce qui se passe chez
autruy.
Je pris la parole, & luy dis
que nous étions de l'armée
d'Agamemnon
, que je le
priois de nous traiter avec
l'hospitalité que Jupiter a
commandée,& de se souvenir
que les Etrangers font
fous la protection des Dieux
> & que l'on doit craindre de
les offenser.
Tu es bien temeraire
, me dit-ilfïerement, de venir de
si loin me discourir sur la
crainte & sur l'obeïssance
que tu dis que je dois aux
Dieux:apprens que les Cyclopes
ne craignent ni vôtre
Jupiter ni vos Dieux: pour
n'avoir été nouris d'une chevre,
ils ne s'estiment pas moins
heureux, je verray ce que je
-
dois faire de toy ,
je n'iray
point consulter l'Oracle làdessus,
c'est mon affaire de
sçavoir ce que je veux, &c.
Je lui parlai encor pour tâcher
de l'adoucir: mais dédaignant
de me répondre, il
nous regardoit avec (on oeil
terrible; (car les Cyclopcs
n'en ont qu'un.) Enfin il se
saisit tout d'un coup de deux
de mes compagnons,& a près
les avoir élevez bien haut, il
les abbatit avec violence, &
leur écrasa la tête: il les met
bientôt en pieces,la terreest
couverte de leur sang, il est
ensanglanté lui-même:ce montre
, ce cruel monstre les
mange, les devore: Jugez en
quel état nous étions 2
Aprés s'être rassasié de cette
abominable maniere
,
il
but plusieurs cruches de lait,
& s'étendit pour dormir au
milieu de ses troupeaux. Combien
de fois eus-je dessein de
plonger mon épée dans son
corps ?&c.mais il auroit salu
périr dans cette cavernes
car il étoit impossible d'ôter
la pierrequi la fermoit : il falloit
donc attendre ce que sa
cruauté decideroit de nôtre
vie.
A peine ce cruel fut-il éveillé
qu'il se prépara un déjeuner
aussi funeste que le repas du
foir précèdent, deux de mes
camarades furent dévorez de
même
, a prèsquoy il fit sortir
aupâturage ses troupeaux, &
nous laissa enfermez dans la
caverne,enrepoussant la pesante
roche qui lui servoit de
porte.
Je cherchons dans monesprit
quelque moyen de punir
ce barbare, & de nous délivrer.
Il y avoit à l'entrée
de sa caverne unemassuë aussi
longueque le mats d'un navire
, nous en coupâmes de quoi
faire une autre massuë
, que
nous aiguisâmes pour executer
mon projetquandl'occa,-
sion seroit venuë.
Le Cyclope rentra, &recommenca
un autre repas aus-
- sifuneste à deux autres de mes
compagnons, que ceux que
je vous ay racontez;je m'approchai
de lui portant en main
un vase de ce vin admirable
quenous avions. Buvez.; lui
dis-je,peut-êtremesçaurez-voui
gré du present que je vous offre,
¿y.,c.Il prit la coupe, la but,
& y ayant pris un extrême
plaisir, il voulut sçavoir mon
nom, & promit de metraiter
avec hospitalité.
Je remplis sa coupe une autre
fais, ill'avale avec plaisir,
il ne paroissoit plus avoir cet-
-
te cruauté qui nous effrayoit,
je caressois ce monstre, Cije
tâchois de le gagner par la
douceur de mes paroles, il
revenoit toûjours à me demander
mon nom.
Dans l'embarras où j'étois
je luy fis accroire que je me
nommoisPersonnes alors pour
récompense de mes caressés
& demon vin,il me dit:
Eh bien, Personne, tous tes
camarades passeront devant
toy >
je te reserve pour être
le dernier que je mangeray.
Il s'étendit à terre en me
prononçant ces terribles paroles
>
le vin & le sommeil
l'accablcrent 6c c'étoit
ce que j'attendois;j'allay
prendre ma Massuë, j'allumay
la pointe dans le feu
que le Cyclope avoit couvert
de cendres,nous a pprochons
du Cyclope, pendant que
quatre de mes compagnons
enfoncent ce bois& ce feu
dans son oeil, j'aidois à le
déraciner, &c.
Apres l'avoir aveuglé de
-
cette maniéré nous nous étions
retirez loin de luy, & nous
attendions quel seroit l'effet
de sa rage & de ses cris. Un
grand nombre deCyclopes,
qui avoient entendu les heurlemens
accoururent à sa porte,
& luy demandoient : qui
est-ce qui peut vous avoir attaquédans
vôtre Maison ?
Comme celui-cy s'étoit persuadé
que je me nommois
Personne, il ne pouvoir leur
faire comprendre qu'il yavoit
un ennemi en dedans qui l'avoit
maltraittè,ilsentendoiét
qu'iln'avoitété blessé de per- sonne.ainsi par cet équivoque
les Cyclopes se retirèrent
, en disant: c'est donc
une affiction que Jupitert'envoye
, il faut plier sous les
coups de sa colere.
Je fus ravi d'entendre que
ces Cyclopes le retiroient:
cependant celui-cy,outré de
rage,alloit de côté & d'autre
dans sa Caverne, étendant
les bras pour nous prendre
, mais rien n'étoit plus
aisé que de luy échapper,
l'espace étoit grand, & il ne
voyoit goutte, &c..-
Il prit enfin le party d'ouvrir
à demy sa Caverne, de
sortequ'il n'y avoit de place
que pour sortir trois ou quatre
ensemble, il crut qu'il nous
arrêteroit au passage: il se met
au milieu, qu'il occupoit, étendant les bras & les jambes,
& faisoit sortir ses Moutons
,qu'il tâtoit les uns aprés
les autres; nous ne donnâmes
pas dans un piége si grossier
, cependant il falloit sortir
ou périr; je repassois en
mon esprit une infinité de
stracagêmes ; Enfin ayant
choisi neuf desplus forts Beliers,
je les attachay trois à
trois, je liay fou-s leur ventre
mes neuf compagnons restez,
qui passerent de- cette sorte
ians être reconnus, je tentay
le même hasard pour moy^
il y avoitun Belier plusgrand
que tous les autres, je me cache
aussi fous son ventre, le
- Cyçlope le reconnoît à l'é- passeur de sa laine, le careslè
& le retient, comment,
disoit-il, tu n'es pas aujourd'huylepremier
au pâturage
? tu es touché de l'aÍfliél-ioa
de ton Maître, tu ne vois plus
cet oeil qui te conduisoit &:
que tu connoissois,un traître
me l'a arraché,tu me montrerois
ce traître si tu pouvois
m'exprimer ta fidélité, si jele
tenoiscesceelerat,&c.Enfin
ce monstre occupé de sa
rage & de savengeance,laisse
passerleBelier que je tenois
embrasse par la laine de son
col, & c'est ainsi. que nous
voyant tous en liberté, nous
respirâmesavec plaisir.
J'ai choisi de bonne foi
pour opposer aux contes
de Rabelais, un desmeilleurs
de l'Odiffée
; car
mon but principal est
d'orner mon paralelle, &:
non de dégrader Homere.
Convenons qu'il y a
une poësie excellente dans
les endroits même où il
manque de justesse & de
bon sens.. quel mot m'est
échappé? mais je me dédiray
quand on voudra,
ôcà force deraisonnemens
& d'interprétations
,
je
trouveray par tout du
bon sens n'en fut-il point.
On n'aura pas de peine
àen trouver beaucoup
dans
dans les discours que le
Cyclope tient à Ulysse;
le premier contient une
morale admirable. Qui
êtes-vous? luy-dit-il ,
des
Pirates, Cc. Il joint dans
le second à une noble fierté
contre Jupiter, une
raillerie fine & delicate.
se riirai point consulter
l'aracle, &c. Ce Cyclope,
ce monstre ell un
Aigle pour l'esprit
: mais,
tout a coup, avant même
que d'avoir bû, il devint
stupide comme un boeuf,
il se couche & s'endort
tranquillement au milieu:
de ses ennemis armez,aprés
avoir dévoré deux de
leurs compagnons.
Ce Cyclope establir
d'abord que les Cyclopes
ne reconnoissent
,
ni ne
craignent point Jupiter,
ni les autres Dieux: & ces
mêmes Cyclopes un moment
apres, trompezpar
l'équivoque & mauvaise
turlupinade du mot de
Personne, croyent pieusement
que les heurlemens
du monstre sont une juste
punition des Dieux, ôc
semblent même par une
crédulité respedueusen'o
fer entrer dans la caverne
du Cyclope, pour s'éclaircir
du fait. Mais j'ay
promis d'éviter la dissertation
dans ce paralelle-cy ;
nous trouverons assez
d'autres occasions de critique
dans Homere, &
beaucoup plus dans Rabelais.
Finissons par un petit
conte de ce dernier.
ES
LA FEMME
MUETE.
DAns
un certain Pays
barbare & non policé en
moeurs, y avoit aucuns
maris bourus, & à chef
mal tymbré
, ce que ne
voyons mie parmy nos
maris Parisiens, dont
grande partie, ou tous
pour le moins, sont merveilleusement
raisonnans,
& raisonnables;aussi onc
ne vit-on arriver à Paris
grabuge ni maleficeentre
maris & femmes.
Or en ce Pays-là, tant
different de celui-cinôtre,
y avoit un mary si pervers
d'entendement, qu'ayant
acquis par mariage une
femme muete,s'en ennuya
& voulant soy guerir de
cet ennuy & elle de sa
mueterie, le bon & inconsideré
mary voulut qu'-
elle parlât, & pour ce
eut recours à l'art des Medecins
& Chirurgiens, qui
pour la démuetirluiinciserent
& bistouriserent un.
enciligloteadherâtaufilet.
bref, elle recouvra santé
de langue, & icelle langue
voulant recuperer l'oysiveté
passée, elle parla tant,
tant & tant,quec'estoit
benediction
;
si
ne laissa
pourtant le mary bouru
de se lasserde si plantheureuse
parlerie : il recourut
au Medecin, le priant &
conjurant, qu'autant il
avoit mis de science en oeuvre,
pour faire caq ueter sa
femme muete, autant il en
employât pour la faire taire.
Alors le Medecin confessantque
limitéest le sçavoir
médicinal,lui dit qu'il
avoit bi^n pouvoi r de
faire
parler femme
; mais que
faudroit arc bien pluspuisfant
pour la faire taire. Ce
monobstant le mari suplia,
pressa, insista, persista, si
que le sçavantissime docteur
découvrit en un coin
des registres de son cerveau
remede unique, &
specifique contre iceluy
interminable parlement
de femme,& ce remede
c'est surdité du mary. Ouidà,
fort bien, dit le mari :
mais de ces deux maux
voyons quel fera le pire,ou
entendre sa femme parler,
ou ne rien entendre du
tout; Le cas est suspensif,
&: pendant que ce mari
là-dessus en suspens estoit,
Medecin d'operer, Medecin
de medicamenter,par
provision, sauf à consulter
par apré1s.
Bref par certain charme
de sortilege medicinal
le pauvre mari se trouva
sourd avant qu'il eût acheve
de déliberer s'il confentiroit
à surdité
:
Lyvoila
donc, & il s'y tient faute
de
de mieux, & c'est comme
il faudroit agir en opérations
de medecine, Qu'arriva-
t-il? e'cousez.ôcvous
lesçaurez. :A'J:\ -J Le Medecinàhalde besogne
demandoitforce
argent:mais c'est à quoy
ce maryne peut entendre;
car il est sourd comme
voyez, le Medecin pourtant
par beaux signes &c
gestes significatifs argent
demandait& redemadoit
jusqu'às'irriter & colerier:
mais en pareil cas gestes
ne font entendus, à peine
entent-on paroles bien articulées
,ou écritures attestées
& réiterées par Sergens
intelligibles. Le Medecin
donc se vit contraint
de rendre l'oüie au sourd,
afin qu'il entendît à payement,
& le mary de rire,
entendant qu'ilentendoit,
puis de pleurer par prévovoyance
de ce qu'il n'entendroit
pas Dieu tonner,
désqu'il entendroit parler
sa femme.Or, de tout ceci
resulte, conclusion
moralement morale, qui
dit,qu'en cas de maladie
& de femmes épousées,
le mieux est de le tenir
comme on eit de peur de
pis.
burlesque.
Suite du Paralelle d'Homere&
deRabelais.
SAns interrompre le
paralelle d'Homere&
de Rabelais,je puis interrompre
les reflexions
comiques & serieuses
que j'ai commencéesfutcesdeux
Auteurs. Trop de réflexions
de fuite feroient
une dissertation
ennuyeuse
,
sur tout
pour les Dames, dont
j'ambitionne les suffrages;
elles ont legoût
plus delicat& plus vrai
que les hommes, dont
la pluspart se piquant
,de
<
critique profonde,
sont toûjours en garde
contre ce qui plaÎrjqui
ont, pour ainsidire,
emouue leur goût naturel
à force de science
dC de préjugez; en un
f- mot, qui jugent moins
par ce qu'ils sentent,
que par ce qu'ilssçavent.
Plusieurs Dames af.
fez contentes de quelques
endroits de mes
dissertations, se sont
plaint que les autres
netoient pas assez intelligibles
pour elles,
qui ne sont pasobligées
d'avoir lû Homere ni
Rabelais: il est vrai que
le Poete Grec est à presenttraduitenbonfrançois:
mais Rabelais est
encore du grec pour elles
; je vais donc tâcher
declaircir& de purifier
quelques morceaux de
Rabelais, pour les rendre
moins ennuyeux
aux Dames.
Ces extraits épurez
feront plaisir à celles
qui, curieuses de lire
Rabelais, n'ont jamais
voulu contenter leur
curiosité aux dépens de
leur modestie.
En donnantce qu'il
y a de meilleur dans
Rabelais, je fixerai la
curiosité de celles qui
en faveur du bon, auroient
risqué de lirele
mauvais.
Et s'il y en a quelqu'une
qui n'aiepû resister
à la tentation de
tout lire,elle pourra
citer Maître François à
l'abryde mes extraits,
sans être soupçonnée
d'auoir lu l'original.
Dans la derniere dissertation
j'ai opposé à
une harangue du sage
Nestor, une lettre écrite
à Gargantua par
Grandgousier son pere.
Vous avez vû que Rabelais
s'est mélé du fcrieux.;
Homere lemele
aussi quelquefois du
burlesque, autre sujet
de paralelle.Vousaurez
ici un conte heroïcomique
de l'Odissée, mais
commençons par un
conte de Rabelais;je ne
prétens qu'opposer le
premier coupd'oeil de
ces deuxcontes,&non.
pas les comparer exaétcment:
j'entrouverai
dans la fuite quelquestuinnss
ppluuss pprroopprreess aà eêttrree.
comparez ensemble.
Voici celui de Rabelais,
'f
donc j'ai feulement conservé
le fond, en a joûtant
& retranchant
tout ce que j'aicrû pouvoir
le rendre plus
agréable,& plusintelligible
aux Dames.
LES
LES MOUTONS
de Dindenaut.
<*. En une Naufou Navire
estoitletaciturnien.,
songe-creux,&malignement
intentionnéPanurge
: encemêmè Navire
estoit un Marchand de
moutonsnomméDindenaut,
hommegaillard,
raillard
,
grand rib leur
5
nurgetoutdébifié de mi-
Lie, 6c mal en point d'acouftrement
,
déhousillé
de chevelure
,
vesce
délabrée, éguillettes
rompues, boutons intermitans
chauffes pensantes,&:
lunettes pendues
au bonnet. Le Marchant
donc s'émancipa
en gausseriessur chaque
piece d'iceluy accoustrement,
mais specialement
sur ses lunettes : luy difarteavoir<
fçupar traciitioli
vulgaire que tout
homme arborant lunett
tes sur toûjours onc mal
voulu des femmes étranges
& vilipendé de la
siennedomestique ,sur
lesquels pronostics apostrophant
Panurge en son
honneur, l'appella je ne
sçay comment, id est,
d'un nom qui réveilla i«rPanurgedesaléthargie
^.rêveusej carrêvoitjuste
• en ce momentauxinconveniens
à venir de son
futur mariage. Holà,
holà
, mon bon Marchand
*,
dit d'abord Panurge
d'un air niais 8c
bonnasse, holà, vous disje,
car onc ne fus, ny ne
puis maintenant estre ce
-
que nul n'est que par mariage
: A quoy repart
Dindenaut, que marié
ou non mariée c'esttout
un ; car fruits de Cor-,
nuaille sont fruits précoces
j & m'est avisque
pour porter tels fruits ,
êtes fait &C moulé comme
de cire: ouy , cette
plante mordra sur~vôrre
chef comme chiendenc
sur terre graffe.
Ho ,
ho
,
ho
,
reprit
bonnement Panurge,
quartier, quartier, car
par la vertu- boeuf ou
asne que je suis, ne puis
avoir espritd'Aigle: perçant
les nuës,par quoy
gaudissez-vous de moy,
si c'est vostre plaisir ,
mais rien nerepliqueray
faute de répliqué : prenons
patience.
Patience vous duira
dit le Marchand, , comme
à tant d'autres. Patienceestvertu
maritale.
Patience soit imterrompit
Panurge, mais changeons
de propos : Vous
avez-là force beaux moutons,
m'envendriez-vous
bien un paravanture.
O le vaillant acheteur
de moutons, dit le Marchand.
Feriez volontiers
plus Convenablement
vous acheter un bon ha-,
bit pour quand vous E~
rez marié,habit de lné.)
nage ,
habit avenant ,
manteau profitable
chapeau commode, &,
panache de cerf.
Va-rience, dit Panurge,
& vendez-moy feulc,
ment un de vos Inou,
ton.
Tubleu
,
dit le Mat>
chand, ce seroit fortune
pour vous qu'un de ces
beliers. Vendriez sa fine
laine pour faire draps, sa
Mue peau pour faire cuir s
sa chair friande pour
nourrir Princes, & (i
petite-oye pieds :& teste
vous resteroient, & cornes
encore sur le marché-
Patience,dit Panurge,
tout ce que dites de cornerie
a esté corné aux
oreilles tant & tant de
fois,laissons ces vieilleties
; sottises nouvelles.
sont plus de InÍfea,
-- Ah qu'il dit bien! reprit
le Marchand, il merite
que mouton je luy
vende, ilestbon homme
: ç'a parlons daffaire.
Bon, dit Panurge eit
joye, vous venez au but,
6c n'auray plus besoinde
patience.
T C'a, dit le Marchand,
écoutez - mcy.j'écoute
dit Panurge.
LE M. Approchez cette
oreilledroite.P.
ce. LE M. Et la gauche. l P. Hé bien. LE M. En
l'autre encore. P. N'enay
quecesdeux. LE M.Ouvrez
- les donc toutes
grandes. P. A vôtre commandement.
LE MARC.
Vous allez au pays des
Lanternois? P.Ouy. LE
M. Voir le monde? P,
Certes. LE M. Joyeusement
? P. Voire. Le M,
Sans vous fâcher P. N'en
ayd'envie. LEM. Vous
avez nom Robin. P. Si
VOUS voulez. LE MARC.
Voyez-vous ce Moutons
P. Vous me l'allez vendre,
LEM.Ilanom Robin
comme vous. Ha
9 ha
, ha.Vons allez au
pays des Lanternois voir
le motide,i.oyeuCement,'
sans vous fâcher, ne vous
fâchez - donc guere si
Robin mouton n'est pas
pour vous. Bez, bez
bez; & continua ainsi
bez, bez, aux oreillesdu
pauvre Panurge
) en le
mocquant de la lourderie.
Oh,patience,patience
, reprit Panurge, bai£
sant épaules & teste en
toute humilité
,
à bon
besoin de
-
patience qui
moutons vcut avoir de
Dindenaut; maisje vois
que vous me lanternifibolisez
airtfi pource que
me croyez pauvre here,
voulant acheter sans
payer, ou payer sans argent,
ôc-en ce vous irom- -
pez à la mine, car voicy
dequoyfaire emplette :
disantcela Panurge tire
ample & longue bourse,
que par cas fortuit, contre
son naturel avoit pleine
de Ducacons, de laquelle
opulence le Marchand
fut ébahi, & incontinent
gausserie ccfTa
à l'aspectd'objet tant respectable
comme est argent.
,
Par iceluy alleché
le Marchand demanda
quatre, cinq, six fois
plus que ne valloit le
mouton;à quoy Panurge
fit comme riche enfant
de Paris, le prit au
mot, de peur que mouton
ne luy échapa
,
&
tirant desa bourse le prix
exorbitant, sans autre
mot dire que patience
,
patience, lnie les deniers
, és mains du Marchand
, & choisit à même le
troupeau un grand &
* beau maistre mouton
qu'il emporta brandi
fous son bras
- ,car de
forceautant que demalin
vouloir avoit,cependant
le mouton cryoit,
bêloit Sccn consequance
naturelle, oyant celuy-
cy bêler,bêloient
ensemblement les autres
moutons, commedisant
en leur langage moutonnois,
ou menez-vous
nostre compagnon,
de
mêmedisoient maisen
langageplus articulé les
assistants à Panurge ou
,diantre menez-vous ce
- mouton,& qu'en allezvous
faire, à quoy répond
Panurge le mouton
n'est-il pas à moyy
l'ay bien payé& chacun
de son bienfait selon
qu'il s'avise,ce mouton
s'appelle Robin comme
moy3 Dindenaut l'a dit.
Robin mouton sçait bien * nager je le voisà sa
mine
,
& ce disant subitementjetta
son mouton
en pleine mer, criantnage
Robin, nâge mon mignon
: or Robin mouton
allant à l'eau
,
criant
bêlant; tous les autres
moutons criansbêlans
en pareilleintonation,
commencerent soy jetter
après Se fauter en merà
la file, figue le debat entr'eux
estoit à qui suivroit
le premier son compagnon
dans l'eau, car
nature afait de tousanimaux
mouton le plu»*
sot, & a suivre mauvais
exemple le plus enclin,
fors l'homme.
Le Marchand tout cecy
voyant demeura ftupesait
& tout cHrayey
s'efforçant à retenir fèsmoutons
de tout foi*
pouvoir, pendant quoy
Panurge en son fang
froid rancunier, luy disoit
, patienceDindeinatit.,
patience, & ne
vous bougez, ny tourmentez.,
Robin mouton
reviendra à nâge & ses
compagnons - le refuivront;
venez Robin, venez
mon fils, & ensuite
crioit aux oreilles de
Dindenaut ,., comme avoit
par Dindenaut esté
crié aux siennes en signe
de moquerie, bez, bez,
FinablementDindenaut
voyant perir tous ses
moutons en prit un grãd
& fort par la toison, cuidant
aintl luy retenant
retenir le reste
)
mais d.
mouton puissantentraîna
Dindenaut luy -mê'
me , en l'eau
,
& ce sut
lors que Panurge redoubla
de crier, nâge Robin
, nâge Dindenaut,
bez, bez, bez,tant que
par noyement, des moutons
Sedu Marchand sut
cette avanture finie,donc
donc Panurge ne rioit
que sous barbe, parce
que jamais on ne le vit
rire en plein,queje sçache.
Jecroirois bien que le
caractere de Panurge a
servi de modele pour celuy
de la Rancune. Moliere
a pris de ce seul Con-
-
te-cy deuxou trois Jeux
de Theatre, & la Fontaine
plusieurs bons mots.
Enfin nos meilleursAutheurs
ont puisé dans Rabelais
leur excellent comique,
&les Poëtes dit
Pont -neuf en ont tiré
leursplates boufoiincries.
Les Euripides & les Se-
-
neques ont pris dans Homere
le sublime de leur
Poësie, & les Nourrices
luy doivent leurs Contes
depeau-d'asne,leurs Ogres
qui mangent la
chair fraîche, sont descendus
en ligne droite du
Cyclope dontvousallez
voir Je Conte.
Voiladonc Homere 8t
Rabelais grands modeles
pour l'excellent & dangereux
exemples pour le
mauvais du plus bas
ordre. Homere & Rabelais
occupent les beaux
esprits; mais ils amusent
les petits enfants;humiliez-
vous grands Auteurs
vousestes hommes ;
l'homme a du petit 6C
du grand du haut & du
1 bas; c'est son partage r
& si quelqu'unde nos
Sçavants S'obfbiie à
trouver tout granddans
un Ancien, petitesse
dans -ce Moderne quelque
grand qu'ilsoitd'ailleurs
il prouve ce que ja*
Vance, qu'il ya du petit
c'k., du grand dans tous
les hommes.
Revenons à nos moutons,
diroit Rabelais,
m'avez parlé des moutons
de Dindenaut, si
faut-il trouver aussi moutons
en oeuvres d'Hojnere3
puisque és miens
moutons y a , ou ne se
point mester ny ingerer
de le mettre en paralelle
àl'encontre de moy.
Ouy
Ouy dea, repliquerai
je, on trouvera prou
de moutons dans I'oeuvre
grec, & hardiment
les paralelliserai avec
les vôtres, Maître François;
car avez dit,
ou vous, ou quelqu'un
de votre école, que
chou pourchou Aubervilliers
vaut bien Paris;
& dirai de même, que
moutons pour moutons
Rabelais vaut bienHomere
: or a-t-on déja vû
comme par malignité
Panurgienne moutons
de Dindenaut sauterent
en Iller; voyons donc
commeparastuce l'iyfsienne
moutons de Ciclope
lui fauteront fous
jambe, en sortant de sa
caverne.
LES MOUTONS
DU CYCLOPE. DAns l'isle des Cyclopes
où j'avois PrIsterre,
je descendisavec les plus
vaillans hommes de mon Vaisseau
,
je trouvai une caverne
d'une largeur étonnante. Le
Çyclope qui l'habitoit étoit
aux champs,où il avoit mené
paître ses troupeaux.Toute
sa caverne étoit dans un ordreque
nousadmirions. Les
agneaux separez d'un côté,
les chevreaux d'un autre, &c.On yoyoit là de grands
pots à conserver le lait , ici
des paniers de jonc, dans lesquels
il faiioic des fromages,
&c. Nous avions aporté du vin,
pris chez les Ciconiens, &c..
Nous buvions de ce vin, &
mangions les fromages du Cy.
clope, lors qu'il arriva.
Je fus effrayé en le voyant.
C'étoit un vaste corps comme
celui d'une montagne; il n'y
eut jamais un monstre plus
épouvantable: il portoit sur
ses épaules une charge efrrbois
sec; le bruit qu'il fit en le jettant
à terre à l'entrée de la
caverne, retentit si fort, que
tous mes compagnons saisis de
crainte,secacherent en differens
endroits de cette terrible
demeure.
Il fait entrertoutes ses brebis;
il ferme sa caverne, pousfant
une roche si haute & si
forte, qu'il auroit été impossible
de la mouvoir, à
force de boeufs ou de chevaux.
Je le voyois faire tout fou
ménage,tantôt tirer le lait
de ses brebis, & Enfin il
allume ion feu, & comme
l'obscurité qui nous avoit cachez
fut dissipée par cette
clarté, il nous apperçut : Qui
êtes-vous donc, nous dit-il
d'un ton menaçant 2 des Pirates,
qui pour piller & faire
perir les autres hommes,ne
craignez pas vous-même de
vous exposer sur la mer ?
Quoy ? des Marchands que
l'avarice fait passer d'un bout
de l'U nivers à l'autre pour
s'enrichir,entretenant le luxe
de leur Patrie ? êtes-vous des
vagabons qui courez les mers
par la vaine curiosité d'apprendre
ce qui se passe chez
autruy.
Je pris la parole, & luy dis
que nous étions de l'armée
d'Agamemnon
, que je le
priois de nous traiter avec
l'hospitalité que Jupiter a
commandée,& de se souvenir
que les Etrangers font
fous la protection des Dieux
> & que l'on doit craindre de
les offenser.
Tu es bien temeraire
, me dit-ilfïerement, de venir de
si loin me discourir sur la
crainte & sur l'obeïssance
que tu dis que je dois aux
Dieux:apprens que les Cyclopes
ne craignent ni vôtre
Jupiter ni vos Dieux: pour
n'avoir été nouris d'une chevre,
ils ne s'estiment pas moins
heureux, je verray ce que je
-
dois faire de toy ,
je n'iray
point consulter l'Oracle làdessus,
c'est mon affaire de
sçavoir ce que je veux, &c.
Je lui parlai encor pour tâcher
de l'adoucir: mais dédaignant
de me répondre, il
nous regardoit avec (on oeil
terrible; (car les Cyclopcs
n'en ont qu'un.) Enfin il se
saisit tout d'un coup de deux
de mes compagnons,& a près
les avoir élevez bien haut, il
les abbatit avec violence, &
leur écrasa la tête: il les met
bientôt en pieces,la terreest
couverte de leur sang, il est
ensanglanté lui-même:ce montre
, ce cruel monstre les
mange, les devore: Jugez en
quel état nous étions 2
Aprés s'être rassasié de cette
abominable maniere
,
il
but plusieurs cruches de lait,
& s'étendit pour dormir au
milieu de ses troupeaux. Combien
de fois eus-je dessein de
plonger mon épée dans son
corps ?&c.mais il auroit salu
périr dans cette cavernes
car il étoit impossible d'ôter
la pierrequi la fermoit : il falloit
donc attendre ce que sa
cruauté decideroit de nôtre
vie.
A peine ce cruel fut-il éveillé
qu'il se prépara un déjeuner
aussi funeste que le repas du
foir précèdent, deux de mes
camarades furent dévorez de
même
, a prèsquoy il fit sortir
aupâturage ses troupeaux, &
nous laissa enfermez dans la
caverne,enrepoussant la pesante
roche qui lui servoit de
porte.
Je cherchons dans monesprit
quelque moyen de punir
ce barbare, & de nous délivrer.
Il y avoit à l'entrée
de sa caverne unemassuë aussi
longueque le mats d'un navire
, nous en coupâmes de quoi
faire une autre massuë
, que
nous aiguisâmes pour executer
mon projetquandl'occa,-
sion seroit venuë.
Le Cyclope rentra, &recommenca
un autre repas aus-
- sifuneste à deux autres de mes
compagnons, que ceux que
je vous ay racontez;je m'approchai
de lui portant en main
un vase de ce vin admirable
quenous avions. Buvez.; lui
dis-je,peut-êtremesçaurez-voui
gré du present que je vous offre,
¿y.,c.Il prit la coupe, la but,
& y ayant pris un extrême
plaisir, il voulut sçavoir mon
nom, & promit de metraiter
avec hospitalité.
Je remplis sa coupe une autre
fais, ill'avale avec plaisir,
il ne paroissoit plus avoir cet-
-
te cruauté qui nous effrayoit,
je caressois ce monstre, Cije
tâchois de le gagner par la
douceur de mes paroles, il
revenoit toûjours à me demander
mon nom.
Dans l'embarras où j'étois
je luy fis accroire que je me
nommoisPersonnes alors pour
récompense de mes caressés
& demon vin,il me dit:
Eh bien, Personne, tous tes
camarades passeront devant
toy >
je te reserve pour être
le dernier que je mangeray.
Il s'étendit à terre en me
prononçant ces terribles paroles
>
le vin & le sommeil
l'accablcrent 6c c'étoit
ce que j'attendois;j'allay
prendre ma Massuë, j'allumay
la pointe dans le feu
que le Cyclope avoit couvert
de cendres,nous a pprochons
du Cyclope, pendant que
quatre de mes compagnons
enfoncent ce bois& ce feu
dans son oeil, j'aidois à le
déraciner, &c.
Apres l'avoir aveuglé de
-
cette maniéré nous nous étions
retirez loin de luy, & nous
attendions quel seroit l'effet
de sa rage & de ses cris. Un
grand nombre deCyclopes,
qui avoient entendu les heurlemens
accoururent à sa porte,
& luy demandoient : qui
est-ce qui peut vous avoir attaquédans
vôtre Maison ?
Comme celui-cy s'étoit persuadé
que je me nommois
Personne, il ne pouvoir leur
faire comprendre qu'il yavoit
un ennemi en dedans qui l'avoit
maltraittè,ilsentendoiét
qu'iln'avoitété blessé de per- sonne.ainsi par cet équivoque
les Cyclopes se retirèrent
, en disant: c'est donc
une affiction que Jupitert'envoye
, il faut plier sous les
coups de sa colere.
Je fus ravi d'entendre que
ces Cyclopes le retiroient:
cependant celui-cy,outré de
rage,alloit de côté & d'autre
dans sa Caverne, étendant
les bras pour nous prendre
, mais rien n'étoit plus
aisé que de luy échapper,
l'espace étoit grand, & il ne
voyoit goutte, &c..-
Il prit enfin le party d'ouvrir
à demy sa Caverne, de
sortequ'il n'y avoit de place
que pour sortir trois ou quatre
ensemble, il crut qu'il nous
arrêteroit au passage: il se met
au milieu, qu'il occupoit, étendant les bras & les jambes,
& faisoit sortir ses Moutons
,qu'il tâtoit les uns aprés
les autres; nous ne donnâmes
pas dans un piége si grossier
, cependant il falloit sortir
ou périr; je repassois en
mon esprit une infinité de
stracagêmes ; Enfin ayant
choisi neuf desplus forts Beliers,
je les attachay trois à
trois, je liay fou-s leur ventre
mes neuf compagnons restez,
qui passerent de- cette sorte
ians être reconnus, je tentay
le même hasard pour moy^
il y avoitun Belier plusgrand
que tous les autres, je me cache
aussi fous son ventre, le
- Cyçlope le reconnoît à l'é- passeur de sa laine, le careslè
& le retient, comment,
disoit-il, tu n'es pas aujourd'huylepremier
au pâturage
? tu es touché de l'aÍfliél-ioa
de ton Maître, tu ne vois plus
cet oeil qui te conduisoit &:
que tu connoissois,un traître
me l'a arraché,tu me montrerois
ce traître si tu pouvois
m'exprimer ta fidélité, si jele
tenoiscesceelerat,&c.Enfin
ce monstre occupé de sa
rage & de savengeance,laisse
passerleBelier que je tenois
embrasse par la laine de son
col, & c'est ainsi. que nous
voyant tous en liberté, nous
respirâmesavec plaisir.
J'ai choisi de bonne foi
pour opposer aux contes
de Rabelais, un desmeilleurs
de l'Odiffée
; car
mon but principal est
d'orner mon paralelle, &:
non de dégrader Homere.
Convenons qu'il y a
une poësie excellente dans
les endroits même où il
manque de justesse & de
bon sens.. quel mot m'est
échappé? mais je me dédiray
quand on voudra,
ôcà force deraisonnemens
& d'interprétations
,
je
trouveray par tout du
bon sens n'en fut-il point.
On n'aura pas de peine
àen trouver beaucoup
dans
dans les discours que le
Cyclope tient à Ulysse;
le premier contient une
morale admirable. Qui
êtes-vous? luy-dit-il ,
des
Pirates, Cc. Il joint dans
le second à une noble fierté
contre Jupiter, une
raillerie fine & delicate.
se riirai point consulter
l'aracle, &c. Ce Cyclope,
ce monstre ell un
Aigle pour l'esprit
: mais,
tout a coup, avant même
que d'avoir bû, il devint
stupide comme un boeuf,
il se couche & s'endort
tranquillement au milieu:
de ses ennemis armez,aprés
avoir dévoré deux de
leurs compagnons.
Ce Cyclope establir
d'abord que les Cyclopes
ne reconnoissent
,
ni ne
craignent point Jupiter,
ni les autres Dieux: & ces
mêmes Cyclopes un moment
apres, trompezpar
l'équivoque & mauvaise
turlupinade du mot de
Personne, croyent pieusement
que les heurlemens
du monstre sont une juste
punition des Dieux, ôc
semblent même par une
crédulité respedueusen'o
fer entrer dans la caverne
du Cyclope, pour s'éclaircir
du fait. Mais j'ay
promis d'éviter la dissertation
dans ce paralelle-cy ;
nous trouverons assez
d'autres occasions de critique
dans Homere, &
beaucoup plus dans Rabelais.
Finissons par un petit
conte de ce dernier.
ES
LA FEMME
MUETE.
DAns
un certain Pays
barbare & non policé en
moeurs, y avoit aucuns
maris bourus, & à chef
mal tymbré
, ce que ne
voyons mie parmy nos
maris Parisiens, dont
grande partie, ou tous
pour le moins, sont merveilleusement
raisonnans,
& raisonnables;aussi onc
ne vit-on arriver à Paris
grabuge ni maleficeentre
maris & femmes.
Or en ce Pays-là, tant
different de celui-cinôtre,
y avoit un mary si pervers
d'entendement, qu'ayant
acquis par mariage une
femme muete,s'en ennuya
& voulant soy guerir de
cet ennuy & elle de sa
mueterie, le bon & inconsideré
mary voulut qu'-
elle parlât, & pour ce
eut recours à l'art des Medecins
& Chirurgiens, qui
pour la démuetirluiinciserent
& bistouriserent un.
enciligloteadherâtaufilet.
bref, elle recouvra santé
de langue, & icelle langue
voulant recuperer l'oysiveté
passée, elle parla tant,
tant & tant,quec'estoit
benediction
;
si
ne laissa
pourtant le mary bouru
de se lasserde si plantheureuse
parlerie : il recourut
au Medecin, le priant &
conjurant, qu'autant il
avoit mis de science en oeuvre,
pour faire caq ueter sa
femme muete, autant il en
employât pour la faire taire.
Alors le Medecin confessantque
limitéest le sçavoir
médicinal,lui dit qu'il
avoit bi^n pouvoi r de
faire
parler femme
; mais que
faudroit arc bien pluspuisfant
pour la faire taire. Ce
monobstant le mari suplia,
pressa, insista, persista, si
que le sçavantissime docteur
découvrit en un coin
des registres de son cerveau
remede unique, &
specifique contre iceluy
interminable parlement
de femme,& ce remede
c'est surdité du mary. Ouidà,
fort bien, dit le mari :
mais de ces deux maux
voyons quel fera le pire,ou
entendre sa femme parler,
ou ne rien entendre du
tout; Le cas est suspensif,
&: pendant que ce mari
là-dessus en suspens estoit,
Medecin d'operer, Medecin
de medicamenter,par
provision, sauf à consulter
par apré1s.
Bref par certain charme
de sortilege medicinal
le pauvre mari se trouva
sourd avant qu'il eût acheve
de déliberer s'il confentiroit
à surdité
:
Lyvoila
donc, & il s'y tient faute
de
de mieux, & c'est comme
il faudroit agir en opérations
de medecine, Qu'arriva-
t-il? e'cousez.ôcvous
lesçaurez. :A'J:\ -J Le Medecinàhalde besogne
demandoitforce
argent:mais c'est à quoy
ce maryne peut entendre;
car il est sourd comme
voyez, le Medecin pourtant
par beaux signes &c
gestes significatifs argent
demandait& redemadoit
jusqu'às'irriter & colerier:
mais en pareil cas gestes
ne font entendus, à peine
entent-on paroles bien articulées
,ou écritures attestées
& réiterées par Sergens
intelligibles. Le Medecin
donc se vit contraint
de rendre l'oüie au sourd,
afin qu'il entendît à payement,
& le mary de rire,
entendant qu'ilentendoit,
puis de pleurer par prévovoyance
de ce qu'il n'entendroit
pas Dieu tonner,
désqu'il entendroit parler
sa femme.Or, de tout ceci
resulte, conclusion
moralement morale, qui
dit,qu'en cas de maladie
& de femmes épousées,
le mieux est de le tenir
comme on eit de peur de
pis.
Fermer
Résumé : ARTICLE burlesque. Suite du Paralelle d'Homere & de Rabelais.
Le texte compare les œuvres d'Homère et de Rabelais, deux auteurs classiques, en mettant en lumière leurs aspects comiques et sérieux. L'auteur souhaite rendre les œuvres de Rabelais plus accessibles aux dames, qui trouvent Homère plus intelligible grâce à une récente traduction en français. Pour ce faire, il entreprend de clarifier et de purifier certains passages de Rabelais afin de les rendre moins ennuyeux pour un public féminin. L'auteur présente ensuite un conte de Rabelais, 'Les Moutons de Dindenaut', qu'il a adapté pour le rendre plus agréable et intelligible. Ce conte met en scène Panurge, un personnage de Rabelais, et un marchand de moutons nommé Dindenaut. Panurge achète un mouton nommé Robin et le jette à la mer, provoquant une réaction en chaîne où tous les moutons suivent Robin et se noient. Le marchand, tentant de retenir ses moutons, se noie également. Le texte compare ce conte à un épisode de l'Odyssée d'Homère, où les moutons du Cyclope jouent un rôle similaire. L'auteur souligne que les meilleurs auteurs ont puisé dans Rabelais et Homère pour leur comique et leur sublime, respectivement. Il conclut en affirmant que ces auteurs sont des modèles pour le meilleur et le pire, et que tous les hommes ont en eux du petit et du grand. Par ailleurs, le texte relate un épisode de l'Odyssée où Ulysse et ses compagnons sont capturés par un Cyclope. Ulysse tente de convaincre le Cyclope de les traiter avec hospitalité, invoquant la protection des dieux, mais le Cyclope refuse, affirmant qu'il ne craint ni Jupiter ni les dieux. Il dévore plusieurs compagnons d'Ulysse et les laisse enfermés dans sa caverne. Ulysse, cherchant un moyen de se venger, prépare une massue avec ses compagnons. Lors du retour du Cyclope, Ulysse lui offre du vin pour l'endormir. Profitant de son sommeil, Ulysse et ses hommes lui crevent l'œil avec la massue chauffée à blanc. Aveuglé, le Cyclope appelle à l'aide, mais ses semblables, trompés par l'équivoque du nom 'Personne', ne lui portent pas secours. Ulysse et ses hommes s'échappent en s'accrochant sous les moutons du Cyclope. Le texte se termine par une réflexion sur la poésie d'Homère, soulignant la moralité et la finesse des discours du Cyclope.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
24
p. 105-116
LA FRANCHISE picarde, traduite d'un Manuscrit en vieux françois.
Début :
Un Picard des plus francs, & assez riche se ruina [...]
Mots clefs :
Picard, Poète, Argent, Vin, Ivresse, Éloge, Mecenas, Manuscrit, Vieux français, Traduction
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA FRANCHISE picarde, traduite d'un Manuscrit en vieux françois.
LAFRANCHISE
picarde , traduite d'un
Manufcrit en vieux
françois.
UN Picard des plus
francs , & affez riche fe
ruina , & devint Poëte ;
poëfie & pauvreté derogent à franchife. Un autre
Picard , pauvre de naiffance , devint le riche Intendant d'un grand ſeigneur
106 MERCURE
ruiné , & par fes richeffes
derogea encore plus à franchife que le Poëte par fa
pauvreté , voicy ce qui leur
arriva.
Ce Poëte ayant un jour
befoin d'argent , refolut
d'aller trouver l'Intendant
,
fon compatriote : J'ay fait
une belle anagramme fur
fon nom
en luy- mefme , il m'a entendu plufieurs fois reciter
des vers , ainfi il eſt obligé
de me prefter de l'argent.
Aprés ces reflexions il
compofa une Ode fur la
difoit le Poëte
GALANT. 107
liberalité , & partit de ſon
pied pour aller trouver l'Intendant. En l'abordant
humbles reverences de fa
part , & de l'autre un petit
figne de tefte , car on ſa、
luoit dés ce temps- là à proportion des richeſſes , bonjour , Monfieur ***. dit
l'Intendant , comment va
fa
:
la poëfie , m'apportez-vous
quelque petite production
nouvelle à ces mots le
Poëte pour toute reſponſe
tira de fa poche un rouleau de papier Voyons ,
Mr , voyons , dit l'Inten-
108 MERCURE
dant, d'un ton de Juge folicité, j'aime la poësie, mais
je veux du Malherbe ou du
Theophile.
Je les égale dans mes poëfies ordinaires , repliqua le
Poëte , mais dans celle - cy
je me fuis furpaffé moymefme , & cela n'eft pas
eftonnant , le genie s'éleve
& fe vivifie quand il s'agit
de louer un homme tel que
vous , &je vous puis dire
que la dignité du ſujet ma
emporté au delà de ma
fphere naturelle. L'Intendant fut fi fenfible à ces
GALANT. 109
louanges , qu'oubliant fa
fierté naturelle , il embraf
fa le Poëte , & voulut fouper tefte à tefte avec luy.
Pendant le fouper la converfation de part & d'au .
tre ne fut qu'un eloge entrecoupé de verres de vin ,
le Poëte mettoit l'Intendant au deffus de Mecenas , & l'Intendant adoptoit le Poëte pour fon Vir.
gile.
Le vin eftoit excellent ,
à force d'en avaller nos
deux Picards fentoient renaiſtre dans leur cœur leur
110 MERCURE
fincerité naturelle ; à me-
:
fure qu'ils beuvoient les
louanges devenoient plus
foibles enfin ils beurent ,
tant qu'ils ne s'entre louerent plus du tout ; un profond filence regna quelque temps entre eux , &
quelques bouteilles qu'ils
beurent fans dire mot
poufferent leur fincerité
jufqu'à l'indifcretion .
Morbleu , dit d'abord
tout bas le Poëte à demy
yvre , il faut que je fois
poffedé du demon de la
poëlie pour avoir pû pro-
GALANT.
duire une Ode heroïque
fur un Intendant.
Il faut que je fois bien
affamé de louanges , difoit
entre fes dents l'Intendant
plein de vin , pour acheter
un éloge d'un fi mauvais
Poëte.
Je vous prends à témoin
d'une chofe , dit le Poëte
en hauffant la voix , ne
vaudroit- il pas mieux que
je portaffe encore ce vieil
habit d'Efté pendant quatre hivers , que de forcer
ma Mufe à chanter vos
louanges.
112 MERCURE
Avoüez une chofe , dit
l'intendant au Poëte , que
tous vos vers ne valent pas
l'excellent vin que vous
m'avez bû.
Un Grec a dit , reprit le
Poëte , que tout vin eſt vin
de Brie , quand on le boit
avec un ignorant.
J'en fçay affez , reprit
l'autre , pour voir que les
plus beaux de vos vers ne
font pas à vous.
Ils font plus à moy , dit le
Poëte , que votre bien n'eſt
à vous.
J'ayleu tous les reçuëils
de
GALANT. 113
de poëſie , continua l'Intendant , vous avez pillé
celui
cy ,
vous avez pillé
celuy-la.
Hé , morbleu vous avez
plus pillé que moy, reprit
brufquement le Poëte ne
nous reprochons point nos
larcins en difant cela le
Poëte eut affez de raifon
pour gagner la porte , &
l'Intendant eut à peine la
force de gagner fon lit.
Le lendemain ils fe rencontrerent dans un endroit , l'Intendant alloit
d'abord invectiver , mais
Juillet 1712.
K
114 MERCURE
le Poëte s'approcha deluy:
chut , dit- il , Mr l'Intendant , perfonne ne fçait
une partie des veritez que
nous nous reprochaẩmes
hier tefte à tefte , Je fçay
qu'un homme riche peut
décrier un Poëte, vous pouvez parler , mais je puis
eſcrire , taifons - nous tous
deux, & nous ferons bien ;
mais faiſons mieux , nous
pouvons nous illuftrer l'un
l'autre. Ecoutez - moy , le
monde eft rempli de gens
qui ne jugent des ouvrages que par le nom , &par
GALANT. 115
l'opulence de leurs autheurs , vous pouvez me
rendre riche fans vous appauvrir ; d'accord , reprit
l'intendant, mais que m'en
reviendra-t-il à moy , tout
ce qui vous manque en ce
monde , repliqua le Poëte ,
probité bien averée qui eft
un threfor pour pouvoir en
manquer utilement dans
une grande occafion . Or
les fots jugeant de mes vers
par mon équipage , jugeront de voſtre probité par
mes vers ; en un mot vous
ferez mon proneur , & je
Kij
116 MERCURE
feray voftre panegyrifte ,
nous voilà revenus, dit l'Intendant , à ce Mecenas &
à ce Virgile , dont vous me
parliez hier , fort bien , dit
le Poëte , & comme Virgile a eſté plus utile à Mecenas que Mecenas à Virgile , vous voyez bien que
vous gagnerez à me pref
ter de l'argent.
Je ne fçay fi l'Intendant
fe rendit à cette raiſon ,
mais il devoit s'y rendre ,
car il avoit encore plus beſoin de reputation , que le
pauvre Poëte n'avoit befoin
d'argent
picarde , traduite d'un
Manufcrit en vieux
françois.
UN Picard des plus
francs , & affez riche fe
ruina , & devint Poëte ;
poëfie & pauvreté derogent à franchife. Un autre
Picard , pauvre de naiffance , devint le riche Intendant d'un grand ſeigneur
106 MERCURE
ruiné , & par fes richeffes
derogea encore plus à franchife que le Poëte par fa
pauvreté , voicy ce qui leur
arriva.
Ce Poëte ayant un jour
befoin d'argent , refolut
d'aller trouver l'Intendant
,
fon compatriote : J'ay fait
une belle anagramme fur
fon nom
en luy- mefme , il m'a entendu plufieurs fois reciter
des vers , ainfi il eſt obligé
de me prefter de l'argent.
Aprés ces reflexions il
compofa une Ode fur la
difoit le Poëte
GALANT. 107
liberalité , & partit de ſon
pied pour aller trouver l'Intendant. En l'abordant
humbles reverences de fa
part , & de l'autre un petit
figne de tefte , car on ſa、
luoit dés ce temps- là à proportion des richeſſes , bonjour , Monfieur ***. dit
l'Intendant , comment va
fa
:
la poëfie , m'apportez-vous
quelque petite production
nouvelle à ces mots le
Poëte pour toute reſponſe
tira de fa poche un rouleau de papier Voyons ,
Mr , voyons , dit l'Inten-
108 MERCURE
dant, d'un ton de Juge folicité, j'aime la poësie, mais
je veux du Malherbe ou du
Theophile.
Je les égale dans mes poëfies ordinaires , repliqua le
Poëte , mais dans celle - cy
je me fuis furpaffé moymefme , & cela n'eft pas
eftonnant , le genie s'éleve
& fe vivifie quand il s'agit
de louer un homme tel que
vous , &je vous puis dire
que la dignité du ſujet ma
emporté au delà de ma
fphere naturelle. L'Intendant fut fi fenfible à ces
GALANT. 109
louanges , qu'oubliant fa
fierté naturelle , il embraf
fa le Poëte , & voulut fouper tefte à tefte avec luy.
Pendant le fouper la converfation de part & d'au .
tre ne fut qu'un eloge entrecoupé de verres de vin ,
le Poëte mettoit l'Intendant au deffus de Mecenas , & l'Intendant adoptoit le Poëte pour fon Vir.
gile.
Le vin eftoit excellent ,
à force d'en avaller nos
deux Picards fentoient renaiſtre dans leur cœur leur
110 MERCURE
fincerité naturelle ; à me-
:
fure qu'ils beuvoient les
louanges devenoient plus
foibles enfin ils beurent ,
tant qu'ils ne s'entre louerent plus du tout ; un profond filence regna quelque temps entre eux , &
quelques bouteilles qu'ils
beurent fans dire mot
poufferent leur fincerité
jufqu'à l'indifcretion .
Morbleu , dit d'abord
tout bas le Poëte à demy
yvre , il faut que je fois
poffedé du demon de la
poëlie pour avoir pû pro-
GALANT.
duire une Ode heroïque
fur un Intendant.
Il faut que je fois bien
affamé de louanges , difoit
entre fes dents l'Intendant
plein de vin , pour acheter
un éloge d'un fi mauvais
Poëte.
Je vous prends à témoin
d'une chofe , dit le Poëte
en hauffant la voix , ne
vaudroit- il pas mieux que
je portaffe encore ce vieil
habit d'Efté pendant quatre hivers , que de forcer
ma Mufe à chanter vos
louanges.
112 MERCURE
Avoüez une chofe , dit
l'intendant au Poëte , que
tous vos vers ne valent pas
l'excellent vin que vous
m'avez bû.
Un Grec a dit , reprit le
Poëte , que tout vin eſt vin
de Brie , quand on le boit
avec un ignorant.
J'en fçay affez , reprit
l'autre , pour voir que les
plus beaux de vos vers ne
font pas à vous.
Ils font plus à moy , dit le
Poëte , que votre bien n'eſt
à vous.
J'ayleu tous les reçuëils
de
GALANT. 113
de poëſie , continua l'Intendant , vous avez pillé
celui
cy ,
vous avez pillé
celuy-la.
Hé , morbleu vous avez
plus pillé que moy, reprit
brufquement le Poëte ne
nous reprochons point nos
larcins en difant cela le
Poëte eut affez de raifon
pour gagner la porte , &
l'Intendant eut à peine la
force de gagner fon lit.
Le lendemain ils fe rencontrerent dans un endroit , l'Intendant alloit
d'abord invectiver , mais
Juillet 1712.
K
114 MERCURE
le Poëte s'approcha deluy:
chut , dit- il , Mr l'Intendant , perfonne ne fçait
une partie des veritez que
nous nous reprochaẩmes
hier tefte à tefte , Je fçay
qu'un homme riche peut
décrier un Poëte, vous pouvez parler , mais je puis
eſcrire , taifons - nous tous
deux, & nous ferons bien ;
mais faiſons mieux , nous
pouvons nous illuftrer l'un
l'autre. Ecoutez - moy , le
monde eft rempli de gens
qui ne jugent des ouvrages que par le nom , &par
GALANT. 115
l'opulence de leurs autheurs , vous pouvez me
rendre riche fans vous appauvrir ; d'accord , reprit
l'intendant, mais que m'en
reviendra-t-il à moy , tout
ce qui vous manque en ce
monde , repliqua le Poëte ,
probité bien averée qui eft
un threfor pour pouvoir en
manquer utilement dans
une grande occafion . Or
les fots jugeant de mes vers
par mon équipage , jugeront de voſtre probité par
mes vers ; en un mot vous
ferez mon proneur , & je
Kij
116 MERCURE
feray voftre panegyrifte ,
nous voilà revenus, dit l'Intendant , à ce Mecenas &
à ce Virgile , dont vous me
parliez hier , fort bien , dit
le Poëte , & comme Virgile a eſté plus utile à Mecenas que Mecenas à Virgile , vous voyez bien que
vous gagnerez à me pref
ter de l'argent.
Je ne fçay fi l'Intendant
fe rendit à cette raiſon ,
mais il devoit s'y rendre ,
car il avoit encore plus beſoin de reputation , que le
pauvre Poëte n'avoit befoin
d'argent
Fermer
Résumé : LA FRANCHISE picarde, traduite d'un Manuscrit en vieux françois.
Le texte raconte l'histoire de deux Picards, un poète et un intendant. Le poète, confronté à des difficultés financières, décide de solliciter l'aide de l'intendant, son compatriote, en échange de la rédaction d'une ode à sa gloire. Lors de leur première rencontre, le poète présente son œuvre à l'intendant, qui se montre d'abord flatté et l'invite à souper. Au cours du repas, les deux hommes, sous l'effet de l'alcool, se livrent à des critiques mutuelles. Le poète exprime des regrets d'avoir écrit l'ode, tandis que l'intendant dévalorise les vers du poète. Le lendemain, ils se rencontrent à nouveau et le poète propose un marché : l'intendant financera ses besoins en échange de poèmes qui loueront sa probité. Cette collaboration permettrait à l'intendant d'améliorer sa réputation et au poète de subvenir à ses besoins.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
25
p. 3-40
LA HAINE SURMONTE'E par l'amour.
Début :
Deux chefs de famille qui avoient l'un contre l'autre un procés [...]
Mots clefs :
Père, Veuve, Haine, Amour, Mariage, Argent, Amie, Accommodement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA HAINE SURMONTE'E par l'amour.
MERCURE
galant.
LAHAINE SURMONTE'E
par l'amour,
Eux chefs de famillequi
avoient
l'un contre l'autre
un procès sur des affaires
de point d'honneur,
parvinrent enfin à
se haïr à tel point, que
l'un qui avoit une fille
dont le fils de l'autre étoit
amoureux, ne voulut
jamais entendre parler
de ce mariage, quoy
qu'il lui fût trés-avanrageux.
Le pere de l'amant
mourut dans cette conjoncture,&
comme le
fils n'avoit jamais eu aucune
part aux procedez
du pere, il crut ne plus
trouverd'obstacle, & il
alla supplier le perede
sa maîtresse qu'il l'acceptât
pour gendre: mais
ce pere lui répondit que
sa haine pour le défunt
iroit jusqu'à la quatriéme
generation, & qu'il
ne pensât plus à sa fille.
En effet, pour l'empêcher
d'avoir aucune relation
avec son amant,
il l'enferma dans un
Convent. L'amant desesperé
prit le parti d'aller
faire un voyage, tz
trouva le moyen de jurer
à sa maîtresse une
constance inviolable,
qui lui fut promisereciproquement,
& ils se
tinrent parole. C'est ce
qu'il y a de plus singulier
dans cette histoire.
-
Sitôt qu'il fut parti,
le pere songea à marier
sa fille: mais il ne put
jamais la faire obeïr, &
lui representa pendant
trois ou quatre ans que
dura sa desobeïssance,
que rien n'étoit plus
honteux que la foiblesse
de l'amour, & que lui
qui étoit veuf depuis
dix ans, & qui n'avoit
encore que soixante ans,
croiroit être deshonoré
si l'amour lui donnoit
envie de se marier. La
fille se contenta de loüer
la force d'esprit de son
pere, & ne voulut point
faire usage de la sienne.
Elle declara que puis
qu'elle ne pouvoit point
avoircelui qu'elle aimoit,
du moins elle n'en
auroit jamais d'autre. Le
pere étoit homme déraisonnable
, entêté, ÔC
d'ailleurs cherchoit une
occasion de se disculper
dans sa familled'avoir
ruiné sa fille par un procés
qui duroit encore. Il
prit cette occasion pour
ne rien donner à sa fille
; illa desherita dés ce
moment, & l'enferma
dans un Convent.
Quelque temps aprés
une veuve trés-belle vint
se retirer dans ce même
Convent ,li,aYaIlt pas
assez de bien pour vivre
dans le monde. Elle devint
amie de Dorotée,
(c'estainsi que se nommoit
la fille confiante
dont la veuve devint intime
amie) & cette amitié
devint si parfaite,
qu'elles se firent mutuellement
confidence de
leurs secrets les plus cachez.
La veuve avoüa à Dorotée
qu'une nouvelle
avanture qu'elle avoit
euë lui donnoit envie de
se remarier,fariefipoeS)
lui dit-elle,avecun homme
aimable comme celui
dont l'absence t'afflige depuis
si long-temps: celui a
qui j'aidonné de ïamour
eji un vieillard, qui me
vit l'autre jour
cheZ
une
Dame àe[es amies, où
jemetrouvaiparhazard.
Je nai pu encore sçavoir
le nom de cet amant mysterieux
s il ne m'a declaré
d'abord queses richesses,
& nia aifltré qu'il ctOlt
homme de condition.
m'a donné quinze jours
pour me déterminer, &
ses richesses me determineront,
non pas que je les
Aime:mais je hais naturellement
la pauvreté, (t) )aime à rendre service à
mes amis. Qtiel plaisir
aurois-je, parexemple,
si je pouvoir te fournir
l'argent dont tu aurois
besoin pour (oûtcnir- le proces
injuste que ton pere
te fait pour usurper les
biens de ta mere ! Dorotée
remercia son amie de
ses offres genereuses, u
lui declara qu'elle aimeroit
mieux tout perdre
que de plaider contre
son pere Cette conversation
fut inrerrompuë
par une Touriere
,
qui
vint apporter un billet
à la veuve. Ce billet étoit
du vieux amant inconnu,
qui lui donnoit
rendez-vous chez une -
per sonne où ils se trouvoient
tous les jours; &
cette personne gardoit
si exactement le secret
au vieillard,que la veuve
n'avoir pû sçavoir encore
qui ilétoit. Ce vieillard
ne vouloit point declarer
son nom, qu'il ne
fût sûr que la veuve
l'accepteroit pour mari.
Il avoit, disoit-il,ses
raisons pour le cacher,
outre la fausse honte
d'être àson âge amoureux
,
&C refusé. La veuve
de son côté ne vouloit
rien promettre qu'-
elle nesçût le nom du
vieillard, pour pouvoir
s'informer s'il étoit aussi
riche qu'il se le disoit.
Ils en étoient là,quand
ils sevirent au rendezvous
aà l'heure marquée
-
cure marquee
par le billet. La veuve
le pressa à son ordinaire
de lui dire son nom.
Je vois bien,lui répondit
le vieillard, que vous
ruouleZJ vous informer de
moy avant que de me
promettre; vous craignez^
sans doute que je ne fois
ppaasiaauu§sisrit'rcichheequqeuqe;ovo,,u,ess
lesouhaiteriez: mais pour
vous donner d&s preuves
de ma richefie, & en même
temps de ma generofilé,
voila une bourse de
cent louis d'or que je vous
donne pour commencer à
arrangervos affaires;car
jesçai que vous avez, dei
procès. Dans quelques
jours vous me direz, si
vous commencer4 vous
confierassez à moy pour
vouloir qu'on faÇe dresser
un contrat ; car vous ne
sçaurez, qui je fuis qu'en
le signant. La veuve, qui
n'eût jamais accepté les
cent louis pour elle,les
prit dans d'autres vûës;
te aprés qu'elle fut convenue
d'un autre rendezvous
vous avec son vieux amant
, elle retourna au
Convent
,
M offrit les
cent loüisàDorotée
pour son procés contre
son pere: & voyant qu'-
elle les refusoit obstinément
,
elle ne lapressa
pas davantage: mais elle
alla trouver un bon parent
J
qui soutenoit le
procés de Dorotée malgré
elle contre son injuste
pere,&qui 1eue1
laissé perdre faute d'argent,
sans ce renfort de
cent loüis que la veuve
lui donna, en le priant
de n'en rien dire à Dorotée.
Quelque temps
aprés ce parent dit à la
veuve qu'il avoit besoin
dela signature de Dorotée,
&C quellel'amenât
chez lui, pour tâcher de
la faite consentir à retirer
du moins son bien
des mains d'un pere dont
elle ne pouvoit jamais
rien esperer. Dorotée
consentit d'y aller, sans
sçavoir ce qu'on vouloit
exiger d'elle. Un moment
après qu'elles y
furent arrivées, le parent
de Dorotée la laissa
dans la chambre, &C passa
dans son cabinet avec la
veuve, pour lui parler
en particulier. Il lui dit
qu'un jeune hommetrésriche
lui étoit venu demander
son entremise
pour lui faire époufer
Dorotée, & qu'il deoit
revenir ce mesme
jour pour lui parler
plus amplement. Pendant
qu'ils parloicnt de
cette affaire, l'impatience
d'attendre &lacuriosité
sirententrer Dorotée
dans le cabinet. Elle
entendit la proposition
que faisoit son parent,
& l'interrompit avec
dépit,lui protestant qu'-
elle ne vouloit jamais
entendre parler de mariage.
Son amie lui remontra
qu'aprés avoir
été confiante pendant
six ans pour un homme
absent, &: mesme qu'-
elle pouvoit croire mort,
ou infidele, puis qu'elle
n'avoit point eu de ses
nouvelles, il faloit enfin
se determiner à saisir une
occasion si avantageuse.
Dorotée ne daigna pas
feulement répondre à
son amie, & pour ne
pas l'écouter davantage,
retourna dans la chambre
d'où elle sortoit. Elle
n'y fut pas plutôt entrée
,
qu'elle fit un cri
qui fit accourir la veuve
& le parent, qui voyant
entrer le jeune homme
qui lui avoit demandé
Dorotée, se tourna aussirôt
vers elle,quiétoit
restée muette & immobile
: Quoy, lui dit-il,
avez-vousdeviné que
c'étoit Monsieur que je
vousproposois pourépoux?
fI) votre confiance pour un
absent vous a-t-elle donné
si subitementdel'aversion
pour un Cavaliersi
aimable ? La veuve pendant
cela les examinoit
tous deux;& quoy qu'-
ellen'eust jamais veu le
Cavalier, elle reconnut
l'amant. En effet la furprise
,
le trouble & le
plaisir faisoient un tel esset
sur Dorotée & sur
lui, que le parent fut
bientost au fait, & reconnut
que l'amant ab..-
sent & celui qui luiavoit
demandé Dorotée
étoient le mesme. Il y
eut alors entre eux quatre
une longue explication.
L'amant se justifia
de n'avoir pu faire sçavoir
de ses nouvelles à
Dorotée.Ilarrivoitd'un
long voyage. Dorotée
lui pardonna, SC la veuve
conclut que pour ne
pas exposerl'amant à
faire par desespoir un
fecond voyage, il faloit
4r
les
les mariersecretement,
en attendant qu'on pue
faire consentir le pere de
Dororée. Le Cavalier
étoit en effet trés-riche
en fond de terre: mais
il avoit emprunté pour
ses voyages, & il avoit
aussi peu d'argent comptant
queDorotée. Le
parent n'enavoit pas
plus qu'eux:il en faloit
pourtant si l'on vouloit
les mariersecretement;
carle Cavalier, qui étoit
en tutelle, avoit
quelques parens interessez
à gagner, outre qu'il
faloit acheter le ministere
de quelqu'un qui
voulût bien les marier
sans peres ni meres. En
un mot illeur faloitde
l'argent pour plusieurs
raisons. La veuve leur
ditqu'elle en emprunteroit
à son vieillard, avec
qui elle avoit encore rendez
vous ce jour-là.
Je crois qu'il est temps
d'avertir ici le lecteur
que ce vieillard mysterieux
étoit le pere de
Dorotée, qui avoit
déjafourni à la veuve
de l'argent pour plaider
contre lui -même.
Il lui en prêta encore
pour marier sa fille à
son ennemi; &; la veuve
lui demanda deux
cent loüis d'or, lui promettant
que, persuadée
par là de sa richesse &:
de sa generosité, elle se
declarcroit avant quil
fiiffc huit jours. Les deux
cent loüis d'or furent
donnez par l'amoureux
vieillard, qui n'oublia
pas de se plaindre en general
qu'il lui en avoit
salu dépenser beaucoup
depuisquelques jours
pour un procés qu'il avoit
cru gagner, 6c
qu'on avo t renouvellé
fortement contre lui.
Aprés ces p l aintes géneral
es, qui ne mirent
point encore la veuve
au fait, il lui donna rendez-
vous à huitaine; k
tUe courut bien joyeuse
porter aux amans l'argent
qu'il leur faloit
pour se marier malgré le
pere de Dorotée. Le mariage
sefit secretement;
$£ le parent ayant mis
aveccenouvel argent le
procés en état de faire
craindre au pere de le
perdre, ils efperoient que
par un accommodement
ils l'obligeroient à donner
aprés coup son consentement
à un mariage
déja fait, plutôt que
de faire un éclat dont
on l'auroit pû blâmer
dans le monde ; car il
étoit trés-delicat sur le
point d'honneur, comme
on ladéja dit dans
le commencement de
cette histoire.
Le mariage étant fait, r SC le procés poursuivi
vivement, le parent fit
dire au pere que s'il vouloit
venir chez lui, il lui
propoferoit un moyen
d'accommoder l'affaire.
Le pere ne manqua pas
de s'y trouver, &leparent
fit cacher les nouveaux
mariez dans une
chambre à côté de celle
où il devoit conferer avec
le pere pour l'accommodement.
Le parent
, homme d'esprit,
fit d'abord sentir à ce
vieillard obstiné leperil
oOùÙiillééroioititddeepp~errddrr~efsooun
procés contre sa fille,&
qu'ildevoit en homme
fage se faire auprés d'elle
un merite de sabonté,
&C lui accorder de bonne
grace ce qu'ilperdroit
conrrelle malgré lui.
Enfuire il disposa insensiblement
son esprit à
consentir de bonne grace
à un mariage qu'il
ne pouvoirplus empêcher,
&r le menaça même
de ne faire aucun accommodementavec
lui
sur le procés, qu'il n'eust
confirmé ce mariage.
Levieillard parutmalgré
lui traitab le sur tous
les articl es, & même sur
le mariage de sa fille,
jusqu'à ce qu'on lui eut
nommé le fils de feu son
ennemi: mais à ce nom
il rompit tout. Sa fille
& son gendre entrerent
à cet instant, & se jettant
à ses pieds, tâcherent
de le fléchir: mais
ce fut inutilement, &
la vue du fils de son ennemi
redou bla son obstination
& son emportement.
Il jura qu'il feroit
casser le mariage, & sortit
comme un furieux,
sans vouloir rien écouter,
laissant les deux amans
consternez, & le
parent indigné, qui lui
dit qu'il avoit trouvé
unesource d'argent qui
ne lui manqueroit point
pour le plaider,& pour
le punir de son obstination
& de son injustice.
Pendant que tout ceci
se passoit, la veuve
vint chez le parent, pour
sçavoir comment le feroit
passée l'entreveuë
de la fille & du pere,
qu'elle ne soupçonnoit
point encored'être le
vieillard anonime qu'-
elleétoitprête d'époufer.
Dans le moment qu'-
elleentroitdans la chambre
du parent, il en fortoit,
& fut aussi surpris
d'y trouver sa belle veuve,
qu'elle le fut del'y
voir,Héquevenez-vous
faireii,Monsieur, lui
dit-elle ? Qny vtnez*-
<vow f.iire vous-même,
reprit le vieillard agité?
vus me voyez transportl
d'unejuste colerecontre
une fillequi scg mariée
avec un homme que je
hais,&que je veux IJtltr-,
parce que son pere etoit un
maraut. Et là-dessus il
continua d évaporer - sa
bele par un recit quisit
connoître a la veuve
qu'il étoit celui à qui
elle avoit emprunté de
l'argent pour s'en servir -
contre lui-mesme. Elle
demeura toute interdite,
pendant que le vieillard
la trouvant plus
charmante que jamais,
passoitinsensiblementde
la colere a l'amour. Nos
amans & le parent qui
i obsérvoient, furent
fort étonnez de le voir
engagé dans une conversation
tendre avec
leur amie. Ils s'approcherent
doucement. Dés
qu'illes revit, sa colere
se ralluma: mais la veuve
revenant àelle, déclara
au pere irrité que
sa fille étoit sa meilleure
amie, & que s'il n'en
usoit bien avecelle, il
faloit qu'il renonçât à
son amour. Mais> continua-
t-elle
, en faisant
une reflexion fubice, je
ne vois point d'accommodement
à tout ceci ; car je
ne me resoudraijamais à
faire à mon amie le tort
d'epouser un pere dont elle
lerite.
Dorotée se jetta à l'infiant
aux pieds de son r
pere, pour le conjurer de
donner tout son bien à
celle qui meritoit tout
son amour; & ensuite
em brassant cette amie,
la conjura de l'accepter.
Ce ne fut plus qu'un
combat de generosité entre
les deux amies & l'amant.
Pendant cette dispute
le pere fut fort agité
entre son amour pour
la veuve,& sa haine contre
son gendre:mais enfin
l'amourl'emporta;les
deux mariages sesirent,
& les biens devinrent
communs entr'eux tous;
car parbonheur le vieillard
n'étoitplus en âgede
donner des coheritiers à
sa fille.
galant.
LAHAINE SURMONTE'E
par l'amour,
Eux chefs de famillequi
avoient
l'un contre l'autre
un procès sur des affaires
de point d'honneur,
parvinrent enfin à
se haïr à tel point, que
l'un qui avoit une fille
dont le fils de l'autre étoit
amoureux, ne voulut
jamais entendre parler
de ce mariage, quoy
qu'il lui fût trés-avanrageux.
Le pere de l'amant
mourut dans cette conjoncture,&
comme le
fils n'avoit jamais eu aucune
part aux procedez
du pere, il crut ne plus
trouverd'obstacle, & il
alla supplier le perede
sa maîtresse qu'il l'acceptât
pour gendre: mais
ce pere lui répondit que
sa haine pour le défunt
iroit jusqu'à la quatriéme
generation, & qu'il
ne pensât plus à sa fille.
En effet, pour l'empêcher
d'avoir aucune relation
avec son amant,
il l'enferma dans un
Convent. L'amant desesperé
prit le parti d'aller
faire un voyage, tz
trouva le moyen de jurer
à sa maîtresse une
constance inviolable,
qui lui fut promisereciproquement,
& ils se
tinrent parole. C'est ce
qu'il y a de plus singulier
dans cette histoire.
-
Sitôt qu'il fut parti,
le pere songea à marier
sa fille: mais il ne put
jamais la faire obeïr, &
lui representa pendant
trois ou quatre ans que
dura sa desobeïssance,
que rien n'étoit plus
honteux que la foiblesse
de l'amour, & que lui
qui étoit veuf depuis
dix ans, & qui n'avoit
encore que soixante ans,
croiroit être deshonoré
si l'amour lui donnoit
envie de se marier. La
fille se contenta de loüer
la force d'esprit de son
pere, & ne voulut point
faire usage de la sienne.
Elle declara que puis
qu'elle ne pouvoit point
avoircelui qu'elle aimoit,
du moins elle n'en
auroit jamais d'autre. Le
pere étoit homme déraisonnable
, entêté, ÔC
d'ailleurs cherchoit une
occasion de se disculper
dans sa familled'avoir
ruiné sa fille par un procés
qui duroit encore. Il
prit cette occasion pour
ne rien donner à sa fille
; illa desherita dés ce
moment, & l'enferma
dans un Convent.
Quelque temps aprés
une veuve trés-belle vint
se retirer dans ce même
Convent ,li,aYaIlt pas
assez de bien pour vivre
dans le monde. Elle devint
amie de Dorotée,
(c'estainsi que se nommoit
la fille confiante
dont la veuve devint intime
amie) & cette amitié
devint si parfaite,
qu'elles se firent mutuellement
confidence de
leurs secrets les plus cachez.
La veuve avoüa à Dorotée
qu'une nouvelle
avanture qu'elle avoit
euë lui donnoit envie de
se remarier,fariefipoeS)
lui dit-elle,avecun homme
aimable comme celui
dont l'absence t'afflige depuis
si long-temps: celui a
qui j'aidonné de ïamour
eji un vieillard, qui me
vit l'autre jour
cheZ
une
Dame àe[es amies, où
jemetrouvaiparhazard.
Je nai pu encore sçavoir
le nom de cet amant mysterieux
s il ne m'a declaré
d'abord queses richesses,
& nia aifltré qu'il ctOlt
homme de condition.
m'a donné quinze jours
pour me déterminer, &
ses richesses me determineront,
non pas que je les
Aime:mais je hais naturellement
la pauvreté, (t) )aime à rendre service à
mes amis. Qtiel plaisir
aurois-je, parexemple,
si je pouvoir te fournir
l'argent dont tu aurois
besoin pour (oûtcnir- le proces
injuste que ton pere
te fait pour usurper les
biens de ta mere ! Dorotée
remercia son amie de
ses offres genereuses, u
lui declara qu'elle aimeroit
mieux tout perdre
que de plaider contre
son pere Cette conversation
fut inrerrompuë
par une Touriere
,
qui
vint apporter un billet
à la veuve. Ce billet étoit
du vieux amant inconnu,
qui lui donnoit
rendez-vous chez une -
per sonne où ils se trouvoient
tous les jours; &
cette personne gardoit
si exactement le secret
au vieillard,que la veuve
n'avoir pû sçavoir encore
qui ilétoit. Ce vieillard
ne vouloit point declarer
son nom, qu'il ne
fût sûr que la veuve
l'accepteroit pour mari.
Il avoit, disoit-il,ses
raisons pour le cacher,
outre la fausse honte
d'être àson âge amoureux
,
&C refusé. La veuve
de son côté ne vouloit
rien promettre qu'-
elle nesçût le nom du
vieillard, pour pouvoir
s'informer s'il étoit aussi
riche qu'il se le disoit.
Ils en étoient là,quand
ils sevirent au rendezvous
aà l'heure marquée
-
cure marquee
par le billet. La veuve
le pressa à son ordinaire
de lui dire son nom.
Je vois bien,lui répondit
le vieillard, que vous
ruouleZJ vous informer de
moy avant que de me
promettre; vous craignez^
sans doute que je ne fois
ppaasiaauu§sisrit'rcichheequqeuqe;ovo,,u,ess
lesouhaiteriez: mais pour
vous donner d&s preuves
de ma richefie, & en même
temps de ma generofilé,
voila une bourse de
cent louis d'or que je vous
donne pour commencer à
arrangervos affaires;car
jesçai que vous avez, dei
procès. Dans quelques
jours vous me direz, si
vous commencer4 vous
confierassez à moy pour
vouloir qu'on faÇe dresser
un contrat ; car vous ne
sçaurez, qui je fuis qu'en
le signant. La veuve, qui
n'eût jamais accepté les
cent louis pour elle,les
prit dans d'autres vûës;
te aprés qu'elle fut convenue
d'un autre rendezvous
vous avec son vieux amant
, elle retourna au
Convent
,
M offrit les
cent loüisàDorotée
pour son procés contre
son pere: & voyant qu'-
elle les refusoit obstinément
,
elle ne lapressa
pas davantage: mais elle
alla trouver un bon parent
J
qui soutenoit le
procés de Dorotée malgré
elle contre son injuste
pere,&qui 1eue1
laissé perdre faute d'argent,
sans ce renfort de
cent loüis que la veuve
lui donna, en le priant
de n'en rien dire à Dorotée.
Quelque temps
aprés ce parent dit à la
veuve qu'il avoit besoin
dela signature de Dorotée,
&C quellel'amenât
chez lui, pour tâcher de
la faite consentir à retirer
du moins son bien
des mains d'un pere dont
elle ne pouvoit jamais
rien esperer. Dorotée
consentit d'y aller, sans
sçavoir ce qu'on vouloit
exiger d'elle. Un moment
après qu'elles y
furent arrivées, le parent
de Dorotée la laissa
dans la chambre, &C passa
dans son cabinet avec la
veuve, pour lui parler
en particulier. Il lui dit
qu'un jeune hommetrésriche
lui étoit venu demander
son entremise
pour lui faire époufer
Dorotée, & qu'il deoit
revenir ce mesme
jour pour lui parler
plus amplement. Pendant
qu'ils parloicnt de
cette affaire, l'impatience
d'attendre &lacuriosité
sirententrer Dorotée
dans le cabinet. Elle
entendit la proposition
que faisoit son parent,
& l'interrompit avec
dépit,lui protestant qu'-
elle ne vouloit jamais
entendre parler de mariage.
Son amie lui remontra
qu'aprés avoir
été confiante pendant
six ans pour un homme
absent, &: mesme qu'-
elle pouvoit croire mort,
ou infidele, puis qu'elle
n'avoit point eu de ses
nouvelles, il faloit enfin
se determiner à saisir une
occasion si avantageuse.
Dorotée ne daigna pas
feulement répondre à
son amie, & pour ne
pas l'écouter davantage,
retourna dans la chambre
d'où elle sortoit. Elle
n'y fut pas plutôt entrée
,
qu'elle fit un cri
qui fit accourir la veuve
& le parent, qui voyant
entrer le jeune homme
qui lui avoit demandé
Dorotée, se tourna aussirôt
vers elle,quiétoit
restée muette & immobile
: Quoy, lui dit-il,
avez-vousdeviné que
c'étoit Monsieur que je
vousproposois pourépoux?
fI) votre confiance pour un
absent vous a-t-elle donné
si subitementdel'aversion
pour un Cavaliersi
aimable ? La veuve pendant
cela les examinoit
tous deux;& quoy qu'-
ellen'eust jamais veu le
Cavalier, elle reconnut
l'amant. En effet la furprise
,
le trouble & le
plaisir faisoient un tel esset
sur Dorotée & sur
lui, que le parent fut
bientost au fait, & reconnut
que l'amant ab..-
sent & celui qui luiavoit
demandé Dorotée
étoient le mesme. Il y
eut alors entre eux quatre
une longue explication.
L'amant se justifia
de n'avoir pu faire sçavoir
de ses nouvelles à
Dorotée.Ilarrivoitd'un
long voyage. Dorotée
lui pardonna, SC la veuve
conclut que pour ne
pas exposerl'amant à
faire par desespoir un
fecond voyage, il faloit
4r
les
les mariersecretement,
en attendant qu'on pue
faire consentir le pere de
Dororée. Le Cavalier
étoit en effet trés-riche
en fond de terre: mais
il avoit emprunté pour
ses voyages, & il avoit
aussi peu d'argent comptant
queDorotée. Le
parent n'enavoit pas
plus qu'eux:il en faloit
pourtant si l'on vouloit
les mariersecretement;
carle Cavalier, qui étoit
en tutelle, avoit
quelques parens interessez
à gagner, outre qu'il
faloit acheter le ministere
de quelqu'un qui
voulût bien les marier
sans peres ni meres. En
un mot illeur faloitde
l'argent pour plusieurs
raisons. La veuve leur
ditqu'elle en emprunteroit
à son vieillard, avec
qui elle avoit encore rendez
vous ce jour-là.
Je crois qu'il est temps
d'avertir ici le lecteur
que ce vieillard mysterieux
étoit le pere de
Dorotée, qui avoit
déjafourni à la veuve
de l'argent pour plaider
contre lui -même.
Il lui en prêta encore
pour marier sa fille à
son ennemi; &; la veuve
lui demanda deux
cent loüis d'or, lui promettant
que, persuadée
par là de sa richesse &:
de sa generosité, elle se
declarcroit avant quil
fiiffc huit jours. Les deux
cent loüis d'or furent
donnez par l'amoureux
vieillard, qui n'oublia
pas de se plaindre en general
qu'il lui en avoit
salu dépenser beaucoup
depuisquelques jours
pour un procés qu'il avoit
cru gagner, 6c
qu'on avo t renouvellé
fortement contre lui.
Aprés ces p l aintes géneral
es, qui ne mirent
point encore la veuve
au fait, il lui donna rendez-
vous à huitaine; k
tUe courut bien joyeuse
porter aux amans l'argent
qu'il leur faloit
pour se marier malgré le
pere de Dorotée. Le mariage
sefit secretement;
$£ le parent ayant mis
aveccenouvel argent le
procés en état de faire
craindre au pere de le
perdre, ils efperoient que
par un accommodement
ils l'obligeroient à donner
aprés coup son consentement
à un mariage
déja fait, plutôt que
de faire un éclat dont
on l'auroit pû blâmer
dans le monde ; car il
étoit trés-delicat sur le
point d'honneur, comme
on ladéja dit dans
le commencement de
cette histoire.
Le mariage étant fait, r SC le procés poursuivi
vivement, le parent fit
dire au pere que s'il vouloit
venir chez lui, il lui
propoferoit un moyen
d'accommoder l'affaire.
Le pere ne manqua pas
de s'y trouver, &leparent
fit cacher les nouveaux
mariez dans une
chambre à côté de celle
où il devoit conferer avec
le pere pour l'accommodement.
Le parent
, homme d'esprit,
fit d'abord sentir à ce
vieillard obstiné leperil
oOùÙiillééroioititddeepp~errddrr~efsooun
procés contre sa fille,&
qu'ildevoit en homme
fage se faire auprés d'elle
un merite de sabonté,
&C lui accorder de bonne
grace ce qu'ilperdroit
conrrelle malgré lui.
Enfuire il disposa insensiblement
son esprit à
consentir de bonne grace
à un mariage qu'il
ne pouvoirplus empêcher,
&r le menaça même
de ne faire aucun accommodementavec
lui
sur le procés, qu'il n'eust
confirmé ce mariage.
Levieillard parutmalgré
lui traitab le sur tous
les articl es, & même sur
le mariage de sa fille,
jusqu'à ce qu'on lui eut
nommé le fils de feu son
ennemi: mais à ce nom
il rompit tout. Sa fille
& son gendre entrerent
à cet instant, & se jettant
à ses pieds, tâcherent
de le fléchir: mais
ce fut inutilement, &
la vue du fils de son ennemi
redou bla son obstination
& son emportement.
Il jura qu'il feroit
casser le mariage, & sortit
comme un furieux,
sans vouloir rien écouter,
laissant les deux amans
consternez, & le
parent indigné, qui lui
dit qu'il avoit trouvé
unesource d'argent qui
ne lui manqueroit point
pour le plaider,& pour
le punir de son obstination
& de son injustice.
Pendant que tout ceci
se passoit, la veuve
vint chez le parent, pour
sçavoir comment le feroit
passée l'entreveuë
de la fille & du pere,
qu'elle ne soupçonnoit
point encored'être le
vieillard anonime qu'-
elleétoitprête d'époufer.
Dans le moment qu'-
elleentroitdans la chambre
du parent, il en fortoit,
& fut aussi surpris
d'y trouver sa belle veuve,
qu'elle le fut del'y
voir,Héquevenez-vous
faireii,Monsieur, lui
dit-elle ? Qny vtnez*-
<vow f.iire vous-même,
reprit le vieillard agité?
vus me voyez transportl
d'unejuste colerecontre
une fillequi scg mariée
avec un homme que je
hais,&que je veux IJtltr-,
parce que son pere etoit un
maraut. Et là-dessus il
continua d évaporer - sa
bele par un recit quisit
connoître a la veuve
qu'il étoit celui à qui
elle avoit emprunté de
l'argent pour s'en servir -
contre lui-mesme. Elle
demeura toute interdite,
pendant que le vieillard
la trouvant plus
charmante que jamais,
passoitinsensiblementde
la colere a l'amour. Nos
amans & le parent qui
i obsérvoient, furent
fort étonnez de le voir
engagé dans une conversation
tendre avec
leur amie. Ils s'approcherent
doucement. Dés
qu'illes revit, sa colere
se ralluma: mais la veuve
revenant àelle, déclara
au pere irrité que
sa fille étoit sa meilleure
amie, & que s'il n'en
usoit bien avecelle, il
faloit qu'il renonçât à
son amour. Mais> continua-
t-elle
, en faisant
une reflexion fubice, je
ne vois point d'accommodement
à tout ceci ; car je
ne me resoudraijamais à
faire à mon amie le tort
d'epouser un pere dont elle
lerite.
Dorotée se jetta à l'infiant
aux pieds de son r
pere, pour le conjurer de
donner tout son bien à
celle qui meritoit tout
son amour; & ensuite
em brassant cette amie,
la conjura de l'accepter.
Ce ne fut plus qu'un
combat de generosité entre
les deux amies & l'amant.
Pendant cette dispute
le pere fut fort agité
entre son amour pour
la veuve,& sa haine contre
son gendre:mais enfin
l'amourl'emporta;les
deux mariages sesirent,
& les biens devinrent
communs entr'eux tous;
car parbonheur le vieillard
n'étoitplus en âgede
donner des coheritiers à
sa fille.
Fermer
Résumé : LA HAINE SURMONTE'E par l'amour.
Le texte relate l'histoire de deux familles ennemies dont les chefs se détestent au point de refuser un mariage avantageux entre leurs enfants. Dorotée, la jeune fille, est enfermée dans un couvent par son père pour l'empêcher de voir son amant. Désespéré, l'amant part en voyage et jure une constance réciproque avec Dorotée. Malgré les tentatives du père de Dorotée de la marier de force, elle refuse obstinément. En conséquence, il la déshérite et l'enferme dans un couvent. Dans ce couvent, Dorotée se lie d'amitié avec une veuve belle et riche. La veuve révèle à Dorotée qu'un vieillard mystérieux et riche souhaite l'épouser. Ce vieillard, en réalité le père de Dorotée déguisé, lui offre de l'argent pour l'aider dans son procès contre lui. La veuve utilise cet argent pour faciliter un mariage secret entre Dorotée et son amant. Le père de Dorotée, ignorant la véritable identité du vieillard, finit par accepter le mariage après des menaces de poursuites judiciaires. Cependant, il refuse toujours de donner son consentement. La veuve, découvrant la vérité, accepte d'épouser le père de Dorotée. Les deux couples se marient et les biens sont partagés équitablement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
26
s. p.
AVANTURE, ou Historiette nouvelle. LES DÉDITS.
Début :
Comme il ne faut jurer de rien, aussi ne doit-on jamais [...]
Mots clefs :
Dédit, Veuve, Mariage, Conseiller, Cavalier, Inconstance, Caprices, Argent, Tromperie, Amitié
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AVANTURE, ou Historiette nouvelle. LES DÉDITS.
AVANTURE,
ou Historiette nouvelle.
LES DEDITS.
Ommc il ne faut
juier de rien
,
aussi
ïlc doit-on jamais faire
ded.édits confiderables. -
Lavolonté des hommes
est trop changeante,celle
des femmes l'est encore
plus ; M de toutes les
femmes que j'ai jamais
connues, la plus sujetta
à changer,c'est certaine
veuve, dont je vais vous
conter l'avanture.
Cette veuve erolttresvive
dans ses desirs
, SC
dans lesaffaires qui dépsndoient
de sa têteelle
ne laissoit aucun intervale.
entre la volonté s
l'execution > en moins
de rien en elle tout devenoit
passion, jusqu'à
ses vertus: en un mot
elle étoit excessive en
tout, hors en confiance.
Un jour cette veuve
capricieuse se prit d'amitié
dés la premicre
vûë pourune autre veuve
qu'ellc rencontra
chez une personne de sa
connoissance. Cette séconde
veuve étoit d'une
humeur gaye, enjoüéc,
ne cherchoit qua se rejoüir,
§£ l'unique chagrin
quelle eûtrepenti,
cetoic la morede son mari,
encore ne dura-t-il
guercs, & n'empêcha;
pas qu'elle ne devinft amoureuse
d'un jeune
homme aimable. Elle en
fut passionnément aimée.
Elle relit bien voulu
époufer : mais elle avoit
si peu de bien, qu'.
elle n'ellc pas pû le mettre
à son aire, lui qui
n'avoit rien du tout. Ils
se plaignoient un jour
l'un à l'autre de l'injustice
de la fortune, qui
ne leur donnoit pas seulement
de quoy contenter
leurs desirs sages &
reglez, pendant que l'autre
veuve étoit assez riche
pour fuivrc à grands
frais ses idées les plus extravagantes.
La veuve
enjouée,mais qui pensoit
serieusement au solide,
imagina un moyen
de mettre à profit les ca;
prices de la riche veuve.
Puil quelle veut lier sicteté
avec moy , dit-elle
à son amant,ilfautque
cesoit elle qui mus marie
Il ses dépens. Hé comment
cela, répondit le
Cavalier? felon le portrait
que vous m'en faites,
elle nest pas femme
à faire plaisir à personne,
que par rapportà ses
fantaisies.C'estpourcela
reprit la veuve, que je
ne serai pas grand férupule
de tirer parti de ses
caprices. Apres avoir rêve
un moment, la veuve
enjoüée fie un projet,
& voici comment elle
commença à executer.
-
Premièrement elle reçut
avec beaucoup de
froideur les avances d'amitié
que lui fie l'autre
veuve, que nous nommerons
Belise, pour cacher
son veritable nom.
Belise donc fit à celle-ci
toutes les avances de l'a- -~
miriéla plus tendre,
L'autre veuve reçut sesj
offres d'amitié avec
unef
indifférence, une froi-j
deur qui eût rebuté Belife,
si elle n'eût pas été
d'un caraétere a s'animer
par les difficultez.
Elle fut d'autant plus
empressée au prèsdecet- -
te nouvelle amie, qu'-
elle la trouva insensible
à Ces empressemens. Enfin
poussee à bout par
son indolence affecte,
elle la conjura de lui diire
pourquoy elle ne répondoit
point,du moins
parpolitesse, aux avances
d'amitié qu'elle lui falfoit. lui répondit
la veuve enjoüée,
parce que je ne veux point
être de ruas amies. L'aveu
est brusque, lui dit
Belife. Et sincere, repartit
la veuve. Qu'avez-
vous donc trouvé
enmoy,répliquaBelise,
qui puisse m'attirer un
pareil mépris? Loin de
vous méprtftr> reprit la
veuve, ce(l parce queje
vous estime trop que je
veux rompre av,c 'vous;
car quand je fais tant
que de m'attacher, ceji
pour long-temps. Je (ça;
que vous rictes pas capable
d'une amitie durable:
mais supposé que vous
Irvous fixassiez, pour moy,
il me resteroit encore une
raison plus forte dene me
point attacher à vousi ceji que vous pensez, diton,
à vousremarier , &
je ne veux point être Camie
d'une femme mariee.
Ce discours parut bigearre
à Belise, qui lui
dit qu'elle ne pensoit
point àCe remarier:mais
que quand elle se remarieroit,
elle ne comprenoit
pas que cela pût
faireobstacle à leur amitié.
C'en est un invincibleyreprit
brusquement
la veuve folâtre; ep-cë
qu'unefemme mariée peut
avoirdes amies ?avec une
femmemariéeplus desocieté,
plus dejoye, son humeur
saigrit9son esprits'émous-
Je3 &soncoeurs'endurcit.
Belise protesta que jamais
un mari ne la feroit
changer d'humeur, &:
qu'elle: en avoit déjà fait
l'experience.
Ilm'importe, continua
; l'autre, st) pour mon reposseul
à moy je ne veux
point m'atacheraunefemmemariée
; il mefaudroit
partager avec elle tous les
soinsde son ménage, j'en
auroti la tête pleine , je
seroispresqueaussi mariée
qu'elle; elle se prendrait à
moy des brusqueries deson
mari , & son mari me
rendroit responsable des
bigearrertes desa femme;
il me faudroit être conswolatrice
perpétuelle de leurs
chagrins, si) pige assiduè
de leurs querelles dome-
(tiques s & en voulant
les remettre bien Funavec
l'autre, je me ferois
hllir de tous les deux.
Cette veuve continua
ainsi en riant de faire à
l'autre un tableau siaffreux
du mariage, quelle
commença à l'en dégoûter,
& lui donna en
deux ou trois jours tant
d'aversion pour les maris
, qu'elle se voüa au
veuvage avec tout le zele
& toute la ferveur
dont elle étoit susceptible
ble dans ses nouveaux
entêtemens. La veuve
rusée feignit d'être de
moitié dans un voeu qui
devoit rendre leur amitié
durable, 8£ proposa
à l'autre de faire entr'elles
un dédit de trente
mille francs pour ce lle
qui voudroit rompre un
voeu si prudent, Le dédit
fut resolu, & elles
choisirent pour dépositaire
un ami commun,
ou-
plutôt un ami tout
dévoué à la veuve, SC
qui ne connoissoit Belife
que parce que l'autre
lui en avoit ménagé la
connoissance pour venir
à bout de ses desseins.
Voila donc le dédit
fait & consigné ; il s'agit
à present de le faire
payer à Belise, & pour
cela elle trouva moyen
de lui faire voir son amant,
dont nous avons
déja parlé. C'etoit un
jeune hommeaimable,
insinuant, & capable de
faire tourner la tête à
toutes les veuves qu'il
entreprenoit.Il trouva
la riche Belife digne d'être
dupée: mais il avoit
peine à se resoudreà
tromper. Il refusa d'abord
lacommission:mais
son amante luidit qu'en
unbesoin elle lui permettroit
de vouloir serieusement
époufer Belise
; qu'il n'avoit qu'à
lui plaire dans cette intention,
pour ôter tout
scrupule.Enfin,sans plus
examiner ce cas de conscience,
il s'attacha à Belise;
il ne fut pas longtemps
sans la faire repentir
du voeu qu'elle
avoit fait de ne se point
remarier. Elle n'osaconfier
son amour à son a,-
mie, jugeant bien qu'-
elle feroit sans quartier
sur le dédit: mais enfin
cet amour devint si violent
, qu'ellepria son
amie de vouloir bien
composer avec elle & la
quitter du dédit pour
moitié. L'amie rusée lui
jura que dans un autre
tems elle n'en auroit pas
rabattu une obole: mais
qu'un procés important,
pour lequel elle avoit befoin
incessamment de
vingt mille francs,l'obligeoitàluienremetre
dix.
On marchanda, ôc
l'on convint enfin que
Belise mettroit vingt
mille francs entre les
mains du dépositaire,
pour être remis après le
mariage dans celles de
l'amie;moyennantquoy
Belise prendroit desmesures
avec cet amant
pour le mariage. L'argent
pour le dédit fut
déposé, fous condition
qu'on ledélivreroit dans
huitaine à l'amie
,
aprés
lequel temps elle vouloit
les dix mille écus
entiers; ce fut la convention.
! Belife ne pouvoit avoir
aucun soupçon sur
le jeune amant: elle scavoit
qu'iln'étoit pas riche,
& ne croyoit pas
feulement qu'il connût
son amie. Elle se pressoit
donc de conclure dans la
huitaine prescrite: mais
l'amant lui faisoit naître
d'un jour à l'autre des sujets
de retardement si
vraisemblables
,
qu'elle
nepouvoit se défier de
lui. Enfinlahuitaine étant
échuë, le Cavalier
fit paroître un obstacle
insurmontable, qui differoit
le mariage de quelques
jours. Sur quoy l'amie
feignant d'estre fort
pressée pour son procés,
quitta le dédit pour les
vingt mille francs comptant,
& Belife les fic
livrer, dans la certitude
où elle étoit de son mariage,
pour ne pas donner
les dix mille écus entiers;
& ce fut déja une
partie
partie de la dot que cette
pauvre veuve destinoit
à son jeune amant,
en cas qu'il ne fust pas
obligé d'honneur à tenir
parole à Belife : maison
esperoit qu'elle romproit
la premiere, & ce fut
pour la mettre dans son
tort qu'on lui tendit un
fecond paneau.
Dés que la veuve eut
touché l'argent du premier
dédit, elle ne songea
plus qu'à en tirer
un second;&travaillant
en apparence à presser le
mariage de son amie Be
de son amant,elleleretardoiten
effet. Ceprocedé
n'étoit pas dans la
regle severe des bonnes
moeurs : mais l'amour
& la necessitérelâchent
souvent la morale. Nos
deux amans justifioient
tout ceci par leur intention;
car supposé, disoit
l'amant, que Belife persevere
dans son amour,
je ne puis en honneur
rompre avec elle, & il
faudra bien l'épouser. Et
siau contraire, disoit la
veuve ,
je fais que Belift
change la premiere,
il est juste qu'elle paye le
dédit de soninconstance.
Est-ce trop exiger d'el-
JeJ disoit l'amant, qu'un
mois de confiance? Il
faut absolument que je
fasse un voyage en Province
pour mes affaires:
si vous venez à bout de
la faire changer avant
mon retour, merite-telle
que je lui sacrifie l'amour
que j'aipour vous ?
2Sfon vraiment
,
répondit
la veuve ; voyons
doncsifkcon/lanceest à
l'épreuve, du paneau que
je vais lui tendre.
Aprés qu'ils eurent digeré
leur projet, le Cavalier
alla trouver Belife,
& la fit convenir
de la necessité de son
voyage. Quelques jours
aprés l'amie
,
qui commença
d'être la confidente
de ce mariage,
dit au Cavalier, en presence
de Belife, que puis
qu'il ne pouvoit pas époufer
avant son départ,
il faloitdumoins qu'il
lui signât une promesse
de mariage, avec un dédit.
La proposition fut
goutée par Belise ; on fit
le dédit de dix mil écus,
&leCavalier partit réellement
pour un voyage
necessairescar toute cette
intrigue se traitoit
moitiéfranchise, & moitié
tromperie de la part
des amans. Le Cavalier
vouloit de bonne foy
s'engager par ce dédit à
époufcr Belise, si elle
persistoit dans le dessein
de recevoir sa main. C'étoit
donc ici une véritable
crise pour nos amans
;car la jeune veuve
se voyoit dans la necessité
de rendre Be1
lise inconstante dans un
mois, ou de lui voir
épouser sonamant.
La jeune veuveavoit
été recherchée par un
jeune Conseiller trésaimable,
mais qu'elle n'avoit
jamais pû aimer.
Ce Conseiller étoitassez
mal dans ses affaires,
pour souhaiter de les rétablir
par un riche mariage.
Elle lui fit confidence
de tout ce qui s'étoitpassé,
& lui dit que
s'il vouloir longer serieusement
à se faire aimerde
Belise, elle pourroit
bien la lui faire époufer.
Le Conseiller,
dont l'amour étoit fort
ralenti, con senti t à tout
ce que luiprescrivitcelle
qu'il avoit fort aimée,
& voici le jeu qu'ils
joμüerent.
Un jour la jeune veuve
parut accablée de chagrin;
& Belife lui en demandant
lesujet,ellelui
dit, que quelque force
d'esprit &C quelquegayeté
qu'elle eust toujours
affc&é d'avoir elle ne
pouvoit surmonter une
forte patTion qu'elle avoit
- encore pour un
hommes dont l'indifference
la defoloit ; que
cet homme n'avoit jamais
rien aimé vi vement
, & n'etoit capable
que d'une amitié confiante
qu'il avoit encore
pourelle,inais quinesufsifoit
pas pour un coeur
sensible à Tàmour. Ce qui
m'asstige depuis quelques
joursyContwuxtc\\e>ct/l
qu'ilpenseàsétablir,~&
qHilepouseunefemme bïgearre;
avec qui je ne pourai
jamaisavoir aucune
haifbn ; il faudra que je
rompeaveccetamisolide.
Ensuite cette adroite
veuve fit un si beau portrait
du Conseiller à Belife,
qu'ellelui donna envie
de le voir. Elle ne
l'eut pas vû deux fois,
qu'illui parut plus aimable
que l'absent. Il s'attacha
à elle de meilleure
grace que l'autre, qui
tout occupé de son amour
pour sa veuve, n'avoit
pour Belise qu'une
politesseforcée. En un
mot le Conseiller fut aimé,&
parconsequent le
Cavalier absent fut haï;
car lavivacitédeBelise
la faisoit toûjours passer
d'une extrémité à
-
l'autre. La voila donc
entêtée du Conseiller,
& fort embarassée de
l'absent, quiarriva justement
pour se faire haïr
encore plus, en pressant
ce mariage. Alors Belife
ne peu saplus qu'aux
moyens de s'exempter
du dédit: elle con sulta
son amie, qui feignit
d'abord de croire la chose
impossible. Ce jeune
homme-la, luidit-elle,ne
iejt attachéà VOIN que
par interet : vous JugeZj
bien qu'ilprofitera de votre
inconstance pour gagner
dix mille écus, en se
débarassant d'un mariage
qui lui eut été à charge.
Ilmenafait une fois conjidence,
tt)je n'ose pas
vous dire mes sentimens
sur la folie que vous faites
s car vous êtes trop
occupée de vos entêtemens,
vous rompriez, avec moy. Alaù, continua-t-elle,
ily a bien plus; c'estque
depuis son retour il ma
paru prendre beaucoup de
plaisir à me confier ses
chagrins, &je me trompe
fort çln'a un peu de
goût pourmoy. Ohplust
au Ciel, reprit vivement
Belife, plust au
Ciel qu'il fust amoureux
de vous ; ce feroit
un moyen de l'obliger à
se dédire le premier,&
nous romprions but à
but.
Mais, répliqua la
veuve,faites-vous attention
qu'iln'est pasajftz,
riche pour avoir véritablement
envie de vous - quitter pourmoy? que
gagneroit-il en perdant
vos dixmil ecus ? Cette
conversation ne fut pas
poussée plus loin, & la
jeune veuve se contenta
dedisposerinsensîblement
Belise à payer le
déditavecmoins de peine.
LeConseiller redoubla
ses empressemens
pour elle ; & l'autre en
la pressant d'executer sa
promesse, lui dit qu'il
croyoit ecre engagé
d'honneur à lui declarer
qu'il étoit amoureux de
la jeune veuve; qu'il ne
vouloit pas la tromper
là-dessus: maisqu'en même
temps il lui declaroit
qu'il étoit tout prêt à ligner
un contrat malgré
cet amour. Les choses
resterent quelque temps
dans cet état: mais enfin
Belise
Belise impatiente se resolut
à donner un air de
generosité à la démarche
qu'il lui faloit faire: elle
alla trouver son amie,
& lui dit que si de bonne
foy elle étoit resoluë
d'épouser celui qui étoit
si passionné pour elle,
elle donneroit volontiers
les dixmil écus, non pas
commeun dédit,mais
comme un present de
noce à celle qui lui avoit
procuré la connoissance
de son cher Conseillers
Cette proposition ôta
tout scrupule à nos amans,
parce qu'en effet
ces deux mariages étant
faits, Belise fut si contente
des procédez de
son époux, qu'elle ne
regretta jamais les cinquante
mil francs qu'il
lui coûta pour avoir le
plaisîr de se dédiredeux,
fois.
ou Historiette nouvelle.
LES DEDITS.
Ommc il ne faut
juier de rien
,
aussi
ïlc doit-on jamais faire
ded.édits confiderables. -
Lavolonté des hommes
est trop changeante,celle
des femmes l'est encore
plus ; M de toutes les
femmes que j'ai jamais
connues, la plus sujetta
à changer,c'est certaine
veuve, dont je vais vous
conter l'avanture.
Cette veuve erolttresvive
dans ses desirs
, SC
dans lesaffaires qui dépsndoient
de sa têteelle
ne laissoit aucun intervale.
entre la volonté s
l'execution > en moins
de rien en elle tout devenoit
passion, jusqu'à
ses vertus: en un mot
elle étoit excessive en
tout, hors en confiance.
Un jour cette veuve
capricieuse se prit d'amitié
dés la premicre
vûë pourune autre veuve
qu'ellc rencontra
chez une personne de sa
connoissance. Cette séconde
veuve étoit d'une
humeur gaye, enjoüéc,
ne cherchoit qua se rejoüir,
§£ l'unique chagrin
quelle eûtrepenti,
cetoic la morede son mari,
encore ne dura-t-il
guercs, & n'empêcha;
pas qu'elle ne devinft amoureuse
d'un jeune
homme aimable. Elle en
fut passionnément aimée.
Elle relit bien voulu
époufer : mais elle avoit
si peu de bien, qu'.
elle n'ellc pas pû le mettre
à son aire, lui qui
n'avoit rien du tout. Ils
se plaignoient un jour
l'un à l'autre de l'injustice
de la fortune, qui
ne leur donnoit pas seulement
de quoy contenter
leurs desirs sages &
reglez, pendant que l'autre
veuve étoit assez riche
pour fuivrc à grands
frais ses idées les plus extravagantes.
La veuve
enjouée,mais qui pensoit
serieusement au solide,
imagina un moyen
de mettre à profit les ca;
prices de la riche veuve.
Puil quelle veut lier sicteté
avec moy , dit-elle
à son amant,ilfautque
cesoit elle qui mus marie
Il ses dépens. Hé comment
cela, répondit le
Cavalier? felon le portrait
que vous m'en faites,
elle nest pas femme
à faire plaisir à personne,
que par rapportà ses
fantaisies.C'estpourcela
reprit la veuve, que je
ne serai pas grand férupule
de tirer parti de ses
caprices. Apres avoir rêve
un moment, la veuve
enjoüée fie un projet,
& voici comment elle
commença à executer.
-
Premièrement elle reçut
avec beaucoup de
froideur les avances d'amitié
que lui fie l'autre
veuve, que nous nommerons
Belise, pour cacher
son veritable nom.
Belise donc fit à celle-ci
toutes les avances de l'a- -~
miriéla plus tendre,
L'autre veuve reçut sesj
offres d'amitié avec
unef
indifférence, une froi-j
deur qui eût rebuté Belife,
si elle n'eût pas été
d'un caraétere a s'animer
par les difficultez.
Elle fut d'autant plus
empressée au prèsdecet- -
te nouvelle amie, qu'-
elle la trouva insensible
à Ces empressemens. Enfin
poussee à bout par
son indolence affecte,
elle la conjura de lui diire
pourquoy elle ne répondoit
point,du moins
parpolitesse, aux avances
d'amitié qu'elle lui falfoit. lui répondit
la veuve enjoüée,
parce que je ne veux point
être de ruas amies. L'aveu
est brusque, lui dit
Belife. Et sincere, repartit
la veuve. Qu'avez-
vous donc trouvé
enmoy,répliquaBelise,
qui puisse m'attirer un
pareil mépris? Loin de
vous méprtftr> reprit la
veuve, ce(l parce queje
vous estime trop que je
veux rompre av,c 'vous;
car quand je fais tant
que de m'attacher, ceji
pour long-temps. Je (ça;
que vous rictes pas capable
d'une amitie durable:
mais supposé que vous
Irvous fixassiez, pour moy,
il me resteroit encore une
raison plus forte dene me
point attacher à vousi ceji que vous pensez, diton,
à vousremarier , &
je ne veux point être Camie
d'une femme mariee.
Ce discours parut bigearre
à Belise, qui lui
dit qu'elle ne pensoit
point àCe remarier:mais
que quand elle se remarieroit,
elle ne comprenoit
pas que cela pût
faireobstacle à leur amitié.
C'en est un invincibleyreprit
brusquement
la veuve folâtre; ep-cë
qu'unefemme mariée peut
avoirdes amies ?avec une
femmemariéeplus desocieté,
plus dejoye, son humeur
saigrit9son esprits'émous-
Je3 &soncoeurs'endurcit.
Belise protesta que jamais
un mari ne la feroit
changer d'humeur, &:
qu'elle: en avoit déjà fait
l'experience.
Ilm'importe, continua
; l'autre, st) pour mon reposseul
à moy je ne veux
point m'atacheraunefemmemariée
; il mefaudroit
partager avec elle tous les
soinsde son ménage, j'en
auroti la tête pleine , je
seroispresqueaussi mariée
qu'elle; elle se prendrait à
moy des brusqueries deson
mari , & son mari me
rendroit responsable des
bigearrertes desa femme;
il me faudroit être conswolatrice
perpétuelle de leurs
chagrins, si) pige assiduè
de leurs querelles dome-
(tiques s & en voulant
les remettre bien Funavec
l'autre, je me ferois
hllir de tous les deux.
Cette veuve continua
ainsi en riant de faire à
l'autre un tableau siaffreux
du mariage, quelle
commença à l'en dégoûter,
& lui donna en
deux ou trois jours tant
d'aversion pour les maris
, qu'elle se voüa au
veuvage avec tout le zele
& toute la ferveur
dont elle étoit susceptible
ble dans ses nouveaux
entêtemens. La veuve
rusée feignit d'être de
moitié dans un voeu qui
devoit rendre leur amitié
durable, 8£ proposa
à l'autre de faire entr'elles
un dédit de trente
mille francs pour ce lle
qui voudroit rompre un
voeu si prudent, Le dédit
fut resolu, & elles
choisirent pour dépositaire
un ami commun,
ou-
plutôt un ami tout
dévoué à la veuve, SC
qui ne connoissoit Belife
que parce que l'autre
lui en avoit ménagé la
connoissance pour venir
à bout de ses desseins.
Voila donc le dédit
fait & consigné ; il s'agit
à present de le faire
payer à Belise, & pour
cela elle trouva moyen
de lui faire voir son amant,
dont nous avons
déja parlé. C'etoit un
jeune hommeaimable,
insinuant, & capable de
faire tourner la tête à
toutes les veuves qu'il
entreprenoit.Il trouva
la riche Belife digne d'être
dupée: mais il avoit
peine à se resoudreà
tromper. Il refusa d'abord
lacommission:mais
son amante luidit qu'en
unbesoin elle lui permettroit
de vouloir serieusement
époufer Belise
; qu'il n'avoit qu'à
lui plaire dans cette intention,
pour ôter tout
scrupule.Enfin,sans plus
examiner ce cas de conscience,
il s'attacha à Belise;
il ne fut pas longtemps
sans la faire repentir
du voeu qu'elle
avoit fait de ne se point
remarier. Elle n'osaconfier
son amour à son a,-
mie, jugeant bien qu'-
elle feroit sans quartier
sur le dédit: mais enfin
cet amour devint si violent
, qu'ellepria son
amie de vouloir bien
composer avec elle & la
quitter du dédit pour
moitié. L'amie rusée lui
jura que dans un autre
tems elle n'en auroit pas
rabattu une obole: mais
qu'un procés important,
pour lequel elle avoit befoin
incessamment de
vingt mille francs,l'obligeoitàluienremetre
dix.
On marchanda, ôc
l'on convint enfin que
Belise mettroit vingt
mille francs entre les
mains du dépositaire,
pour être remis après le
mariage dans celles de
l'amie;moyennantquoy
Belise prendroit desmesures
avec cet amant
pour le mariage. L'argent
pour le dédit fut
déposé, fous condition
qu'on ledélivreroit dans
huitaine à l'amie
,
aprés
lequel temps elle vouloit
les dix mille écus
entiers; ce fut la convention.
! Belife ne pouvoit avoir
aucun soupçon sur
le jeune amant: elle scavoit
qu'iln'étoit pas riche,
& ne croyoit pas
feulement qu'il connût
son amie. Elle se pressoit
donc de conclure dans la
huitaine prescrite: mais
l'amant lui faisoit naître
d'un jour à l'autre des sujets
de retardement si
vraisemblables
,
qu'elle
nepouvoit se défier de
lui. Enfinlahuitaine étant
échuë, le Cavalier
fit paroître un obstacle
insurmontable, qui differoit
le mariage de quelques
jours. Sur quoy l'amie
feignant d'estre fort
pressée pour son procés,
quitta le dédit pour les
vingt mille francs comptant,
& Belife les fic
livrer, dans la certitude
où elle étoit de son mariage,
pour ne pas donner
les dix mille écus entiers;
& ce fut déja une
partie
partie de la dot que cette
pauvre veuve destinoit
à son jeune amant,
en cas qu'il ne fust pas
obligé d'honneur à tenir
parole à Belife : maison
esperoit qu'elle romproit
la premiere, & ce fut
pour la mettre dans son
tort qu'on lui tendit un
fecond paneau.
Dés que la veuve eut
touché l'argent du premier
dédit, elle ne songea
plus qu'à en tirer
un second;&travaillant
en apparence à presser le
mariage de son amie Be
de son amant,elleleretardoiten
effet. Ceprocedé
n'étoit pas dans la
regle severe des bonnes
moeurs : mais l'amour
& la necessitérelâchent
souvent la morale. Nos
deux amans justifioient
tout ceci par leur intention;
car supposé, disoit
l'amant, que Belife persevere
dans son amour,
je ne puis en honneur
rompre avec elle, & il
faudra bien l'épouser. Et
siau contraire, disoit la
veuve ,
je fais que Belift
change la premiere,
il est juste qu'elle paye le
dédit de soninconstance.
Est-ce trop exiger d'el-
JeJ disoit l'amant, qu'un
mois de confiance? Il
faut absolument que je
fasse un voyage en Province
pour mes affaires:
si vous venez à bout de
la faire changer avant
mon retour, merite-telle
que je lui sacrifie l'amour
que j'aipour vous ?
2Sfon vraiment
,
répondit
la veuve ; voyons
doncsifkcon/lanceest à
l'épreuve, du paneau que
je vais lui tendre.
Aprés qu'ils eurent digeré
leur projet, le Cavalier
alla trouver Belife,
& la fit convenir
de la necessité de son
voyage. Quelques jours
aprés l'amie
,
qui commença
d'être la confidente
de ce mariage,
dit au Cavalier, en presence
de Belife, que puis
qu'il ne pouvoit pas époufer
avant son départ,
il faloitdumoins qu'il
lui signât une promesse
de mariage, avec un dédit.
La proposition fut
goutée par Belise ; on fit
le dédit de dix mil écus,
&leCavalier partit réellement
pour un voyage
necessairescar toute cette
intrigue se traitoit
moitiéfranchise, & moitié
tromperie de la part
des amans. Le Cavalier
vouloit de bonne foy
s'engager par ce dédit à
époufcr Belise, si elle
persistoit dans le dessein
de recevoir sa main. C'étoit
donc ici une véritable
crise pour nos amans
;car la jeune veuve
se voyoit dans la necessité
de rendre Be1
lise inconstante dans un
mois, ou de lui voir
épouser sonamant.
La jeune veuveavoit
été recherchée par un
jeune Conseiller trésaimable,
mais qu'elle n'avoit
jamais pû aimer.
Ce Conseiller étoitassez
mal dans ses affaires,
pour souhaiter de les rétablir
par un riche mariage.
Elle lui fit confidence
de tout ce qui s'étoitpassé,
& lui dit que
s'il vouloir longer serieusement
à se faire aimerde
Belise, elle pourroit
bien la lui faire époufer.
Le Conseiller,
dont l'amour étoit fort
ralenti, con senti t à tout
ce que luiprescrivitcelle
qu'il avoit fort aimée,
& voici le jeu qu'ils
joμüerent.
Un jour la jeune veuve
parut accablée de chagrin;
& Belife lui en demandant
lesujet,ellelui
dit, que quelque force
d'esprit &C quelquegayeté
qu'elle eust toujours
affc&é d'avoir elle ne
pouvoit surmonter une
forte patTion qu'elle avoit
- encore pour un
hommes dont l'indifference
la defoloit ; que
cet homme n'avoit jamais
rien aimé vi vement
, & n'etoit capable
que d'une amitié confiante
qu'il avoit encore
pourelle,inais quinesufsifoit
pas pour un coeur
sensible à Tàmour. Ce qui
m'asstige depuis quelques
joursyContwuxtc\\e>ct/l
qu'ilpenseàsétablir,~&
qHilepouseunefemme bïgearre;
avec qui je ne pourai
jamaisavoir aucune
haifbn ; il faudra que je
rompeaveccetamisolide.
Ensuite cette adroite
veuve fit un si beau portrait
du Conseiller à Belife,
qu'ellelui donna envie
de le voir. Elle ne
l'eut pas vû deux fois,
qu'illui parut plus aimable
que l'absent. Il s'attacha
à elle de meilleure
grace que l'autre, qui
tout occupé de son amour
pour sa veuve, n'avoit
pour Belise qu'une
politesseforcée. En un
mot le Conseiller fut aimé,&
parconsequent le
Cavalier absent fut haï;
car lavivacitédeBelise
la faisoit toûjours passer
d'une extrémité à
-
l'autre. La voila donc
entêtée du Conseiller,
& fort embarassée de
l'absent, quiarriva justement
pour se faire haïr
encore plus, en pressant
ce mariage. Alors Belife
ne peu saplus qu'aux
moyens de s'exempter
du dédit: elle con sulta
son amie, qui feignit
d'abord de croire la chose
impossible. Ce jeune
homme-la, luidit-elle,ne
iejt attachéà VOIN que
par interet : vous JugeZj
bien qu'ilprofitera de votre
inconstance pour gagner
dix mille écus, en se
débarassant d'un mariage
qui lui eut été à charge.
Ilmenafait une fois conjidence,
tt)je n'ose pas
vous dire mes sentimens
sur la folie que vous faites
s car vous êtes trop
occupée de vos entêtemens,
vous rompriez, avec moy. Alaù, continua-t-elle,
ily a bien plus; c'estque
depuis son retour il ma
paru prendre beaucoup de
plaisir à me confier ses
chagrins, &je me trompe
fort çln'a un peu de
goût pourmoy. Ohplust
au Ciel, reprit vivement
Belife, plust au
Ciel qu'il fust amoureux
de vous ; ce feroit
un moyen de l'obliger à
se dédire le premier,&
nous romprions but à
but.
Mais, répliqua la
veuve,faites-vous attention
qu'iln'est pasajftz,
riche pour avoir véritablement
envie de vous - quitter pourmoy? que
gagneroit-il en perdant
vos dixmil ecus ? Cette
conversation ne fut pas
poussée plus loin, & la
jeune veuve se contenta
dedisposerinsensîblement
Belise à payer le
déditavecmoins de peine.
LeConseiller redoubla
ses empressemens
pour elle ; & l'autre en
la pressant d'executer sa
promesse, lui dit qu'il
croyoit ecre engagé
d'honneur à lui declarer
qu'il étoit amoureux de
la jeune veuve; qu'il ne
vouloit pas la tromper
là-dessus: maisqu'en même
temps il lui declaroit
qu'il étoit tout prêt à ligner
un contrat malgré
cet amour. Les choses
resterent quelque temps
dans cet état: mais enfin
Belise
Belise impatiente se resolut
à donner un air de
generosité à la démarche
qu'il lui faloit faire: elle
alla trouver son amie,
& lui dit que si de bonne
foy elle étoit resoluë
d'épouser celui qui étoit
si passionné pour elle,
elle donneroit volontiers
les dixmil écus, non pas
commeun dédit,mais
comme un present de
noce à celle qui lui avoit
procuré la connoissance
de son cher Conseillers
Cette proposition ôta
tout scrupule à nos amans,
parce qu'en effet
ces deux mariages étant
faits, Belise fut si contente
des procédez de
son époux, qu'elle ne
regretta jamais les cinquante
mil francs qu'il
lui coûta pour avoir le
plaisîr de se dédiredeux,
fois.
Fermer
Résumé : AVANTURE, ou Historiette nouvelle. LES DÉDITS.
Le texte 'AVANTURE, ou Historiette nouvelle' raconte l'histoire de deux veuves, Belise, riche et capricieuse, et une autre veuve rusée et enjouée. Cette dernière cherche à empêcher Belise de se remarier pour des raisons financières. Elle refuse d'abord les avances d'amitié de Belise, prétextant qu'elle ne veut pas être l'amie d'une femme mariée. Elle convainc ensuite Belise de signer un dédit de trente mille francs, engageant celle qui romprait son vœu de ne pas se remarier à payer cette somme. La veuve rusée organise une rencontre entre Belise et un jeune homme aimable, dont Belise tombe amoureuse. Elle souhaite se remarier, mais l'amant trouve des prétextes pour retarder le mariage. La veuve rusée feint de presser le mariage tout en le retardant en réalité. Elle convainc Belise de signer un second dédit de dix mille écus avec l'amant, qui part ensuite en voyage. Pour empêcher le mariage, la veuve rusée manipule Belise en lui présentant un jeune conseiller aimable. Belise tombe amoureuse du conseiller, ce qui la met dans l'embarras face à l'amant revenu. Elle cherche alors des moyens de se libérer du dédit, mais la veuve rusée la manipule encore en lui faisant croire que l'amant pourrait être amoureux d'elle. Finalement, Belise se retrouve piégée par ses propres caprices et inconstances, devant payer les dédits imposés par la veuve rusée. Dans une conversation ultérieure, une jeune veuve envisage de quitter son fiancé, un conseiller, mais se demande ce qu'il gagnerait en perdant une dot de dix mille écus. Belise est chargée de régler le dédit. Le conseiller, amoureux de la jeune veuve, exprime son désir de l'épouser tout en étant prêt à signer le contrat malgré ses sentiments. Belise décide de faire preuve de générosité en offrant les dix mille écus non pas comme un dédit, mais comme un présent de noces. Cette proposition lève les scrupules des deux amants, et les mariages sont célébrés. Belise est ensuite satisfaite de son époux et ne regrette pas les cinquante mille francs dépensés pour se dédire de deux engagements.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
27
p. 2311-2321
MODES.
Début :
Ce qui frappe le plus la vûë & ce qui marque davantage le pouvoir [...]
Mots clefs :
Modes, Mode, Dames, Couleurs, Argent, Perruque, Ruban, Cheveux, Fleurs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MODES.
MODE S.
E qui frappe le plus la vûë & ce
C qui marque davantage le pouvoir
abtolu de la Mode , ce font,fans doute , les
Panniers d'aujourd'hui , plus grands &
plus amples que jamais , que les Dames
de la Ville & de la Province , & les femmes
de tous les Etats & jufques aux plus
petites artifanes & aux fervantes , portent
, avec autant de complaifance que
d'entêtement , depuis près de 20 ans ;
de
quoi on ne fçauroit affez s'étonner , car
n'y eut-il pour le beau fexe que le penchant
au changement & l'amour de la variété
, il femble que ces ufages n'auroient
pas dû fubfifter fi long-temps. Il femble
enfin qu'il y a bien plus à glofer fur la
bizarerie des Panniers , que fur le Vertugadin
de nos ayeules , qui a regné longtemps.
On prétend que cette mode , outrée &
hors de toute raiſon , a commencé en Allemagne
, d'où elle paffa en Angleterre ;
& que les Dames Angloifes ont porté
l'amplure des Panniers au point où nous
la voyons aujourd'hui . Ils ont plus de 3
aûnes de tour ; on les fait tenir en état
par le moyen de petites bandes de Nates ,
faites de Jonc , ou de petites Lames d'Al
cier ,
I iiij
2312 MERCURE DE FRANCE
cier ; mais plus ordinairement avec de la
Baleine ,, qui eft fort flexible , qui fe caffe
moins , & qui rend les Paniers moins pefans.
Ceux qu'on appelle à Coudes , font
plus à la mode que ceux à Guéridons ; on
les appelle à Coudes ,parce qu'ils font plus
larges par le haut & que les Coudes pofent
prefque deffus. Ils forment mieux
l'ovale que les autres.
Avant l'ufage établi des Paniers , fur
tout à l'Opera , toutes les femmes de
Théatre , qui ont ordinairement des habits
fort riches , principalement dans le
férieux , portoient une espece de Jupon ,
qui ne venoit guére qu'à mi-jambe , fait
d'une groffe toile gommée , affez large
pour donner de la grace , tenir les Jupes
en état, & faire paroître la taille. Le bruit
que faifoient ces efpeces de Paniers, pour
peu qu'on les preffa , lui firent donner le
nom de Criardes ; les plus larges n'avoient
pas deux aûnes , & hors le Théatre , il n'y
avoit que les Dames du plus grand air qui
en portaffent.
Les Paniers parurent enfuite , & ils furent
ainfi appellez , parce qu'ils étoient
faits comme une efpece de Cage ou de
Panier à mettre de la Volaille , percez à
jour , n'y ayant que des Rubans attachez
aux Cercles , fait de nates , de cordes , de
jonc, ou de baleines. Aujourd'hui le corps
du
OCTOBRE . 1730. 23 13
:
du Panier eft fait en Juppe , d'une toile
écruë en gros taffetas , fur lequel on applique
les cercles de Baleine. Quelques
Dames d'une grande modeftie , mais en
tres-petit nombre, fe font tenus aux Juppons
piquez de crin , qui ne font pas un
grand volume , & qui font un effet raifonnable.
Les Paniers ont ordinairement cinq
rangs de cercles ; ceux qu'on appelle à
l'Angloife , en ont jufqu'à 8 , & font
beaucoup plus chers . Les prix de ceux en
toile glacée ou en taffetas , font depuis
10 liv. jufqu'à 50 liv. ceux qui font ornez
de galons d'or ou d'argent , & de Broderies
fe payent autrement.
Les taffetas dont toutes les Dames s'habil
lent en Eté font de couleurs extrêmement
& extraordinairement variées , & les plus
barroques font les plus à la mode , fur
tout les grandes rayes , avec des couleurs.
tranchantes & oppolées l'une près de l'autre
; ces taffetas font la plupart glacez.Les
taffetas Aambans font auffi fort à la mode.
Ceux qu'on porte unis font toujours de
couleur de Rofe ou blanc , fur lefquels on
met des Prétintailles aux paremens des
Robes , fur les manches & aux poches ;
quelquefois on les garnis de blondes de
foye ou d'argent.
Les Robes de Toile de Coton brodées
I v de
2314 MERCURE DE FRANCE
de foye , de couleurs vives , qu'on double
de couleur de Rofe , font fort à la
mode. On met avec ces Robes des Jupons
blancs avec des franges en graine
d'épinard , dont quelques - unes ont un
pied de haut. Les femmes de qualité ,
au lieu des Robes dont on vient de parler
, en portent de Mouffeline claire &
brodée en blanc , & doublées de couleur
de Rofe , ce qui fait un effet charmant.
En hyver on porte beaucoup de velours
plein , cizelé ou gauffré , du Damas , du
Satin unis , avec des paremens en prétintaille
, de la même étoffe & découpez ; &
fur tout des Raz de Sicile , qui eſt une
fort belle étoffe. Les couleurs brunes &
aurore ont la préférence fur les autres.
La manche des Robes fe fait toujours
en pagode. Pour les habits à habiller
qu'on ne voit guére qu'aux jeunes perfonnes
& aux nouvelles mariées , il en a
paru cet Eté en étoffes de couleurs unies,
avec beaucoup de prétintailles , de la même
étoffe , découpez ; avec deux rangs de
falbala à la Jupe.
Les Mantilles font toujours fort en regne.
Il y en a de tres- riches en Ecarlates,
en Velours , en Satin, en Blonde, de toute
couleur , en or ou argent , & c . Si c'étoit
la modeftie qui eut introduit cette mode,
les Dames qui en feroient les Auteurs
feroient
OCTOBRE . 1730. 2315
feroient tres-loüables : car cet ajuſtement
ne donne nulle prife à l'efprit de convoitife
. Des gens malins ont cependant remarqué
que les perfonnes qui n'ont pas
affez d'embonpoint , n'ont pas été des
dernieres à prendre la Mantille .
Les Dames portoient l'Hyver dernier
des Manchons auffi grands que ceux des
hommes , & des Palatines de Marte ; les
Palatines d'Eté font de Blondes de foye &
argent , ornées de fleurs artificielles &
broderie. Les plus à la mode font peintes
avec quantité de papillons.
en
Les gros & amples Bouquets de fleurs
artificielles font toujours fort à la mode.
On fait de ces fleurs d'un gout nouveau
qui imitent les Tulipes de toutes couleurs,
mais plus en gris de lin , avec de l'argent
fin & faux .
Il y a des Eventails d'un prix tres-confiderable
, qu'on porte encore exceffivement
grands ; enforte qu'il y a de petites
perfonnes dont la taille n'a pas deux
fois la hauteur de l'Eventail ; ce qui doit
tenir en refpect les jeunes Cavaliers badins
& trop enjoüez .
Les Dames portent beaucoup de Bas de
fil de Coton , dont les coins font brodez
en laine de couleur. Les bas de foye font
brodez en or ou en argent . Les Bas blancs
ont mis les Souliers blancs à la mode ; on
I vj · les
2316 MERCURE DE FRANCE
les porte à demi arondis à l'Angloife , &
le talon fort gros & couvert de la même
étoffe. On porte également des Mules
arondies. Les Souliers longs & pointus ,
avec la piece renverfée fur la boucle , ne
font prefque plus à la mode.
Il n'y a prefque pas eu de chagement
'dans la coëffure des Dames depuis ce que
nous en avons dit l'année derniere. Elles
portent toujours de petites Garnitures
de blonde , ornées de fleurs qui imitent
le naturel , & d'autres fleurs en broderie
qu'on applique fur la coëffure. Il y a auffi
des Garnitures de blonde d'argent fur lefquelles
on applique également des fleurs
brodées. Ces coëffures fe portent un peu
plus hautes , avec une groffe frifure qu'on
appelle Boucles à la Medicis ; la pointe
des cheveux fur le front , relevée en croiffant.
La Dorlote eft une nouvelle coëffure à
deux pieces qu'on porte en negligé ; elle
eft arrondie par le bas , & la dantelle
pliffe autour.
On porte depuis peu des aigrettes de
pierres fauffes , de diverfes couleurs , qui
parent beaucoup , & qui ont un air fort
galant , fans être d'un grand prix . Les
rubans qu'on porte dans les coëffures font
un peu plus larges , toujours auffi legers
& qui coûtent peu , le plus fouvent rayés.
OCTOBRE . 1730. 2317
11 y en a un nouveau de deux couleurs
qu'on appelle le Boiteux , qui eft fort à
la mode.
En parlant des modes , nous n'avons
encore rien dit du blanc & du rouge que
les Dames employent aujourd'hui pour
relever l'éclat de leur beauté. Cet article
eft délicat ; & puifque c'eft aparemment
dans l'intention de plaire , on ne doit pas
les blâmer , & nous fommes bien éloignés
de vouloir defaprouver ce que le beau
fexe met en ufage pour augmenter ce
qu'il a d'agrémens naturels. Mais nous ne
diffimulerons point que le beau naturel ,
non-feulement n'y gagne rien , mais
qu'il y perd infiniment , quand on veut
trop faire valoir des charmes empruntés
par un art outre qui en éloigne toujours
les graces , & ce je ne fçai quoi de fimple
& de naïf qui fait aimer & refpecter les.
Dames.
Oferoit- on hazarder encore une reflexion
fur leur parure & fur les ajuſtemers
recherchés d'une maniere outrée & fouvent
bizarre , avec lefquels les femmes
prétendent plaire & fignaler leur gout ?
on ofe dire qu'elles entendent mal leurs
interêts ; les coeurs bien faits ne feront
jamais bien fenfibles pour des attraits ,
fi on peut le dire , de fi mauvais aloi , où
le fimple , le noble & le gracieux de la
nature
2318 MERCURE DE FRANCE
pounature
font negligés , & quelquefois directement
choqués. Par exemple , bien
des gens qui ont fçû fe garantir du
voir tirannique de la mode , trouvent que
les femmes ne font point fi aimables
aujourd'hui avec leurs petits diminutifs
de cornettes & leurs frifures en
bichon , qu'elles l'étoient lors qu'elles
avoient toute leur chevelure , & qu'on
voyoit ces belles treffes de cheveux ingénieufement
retrouffées & ces belles
boucles tombant négligemment à côté
des joues ou fur les épaules , accommodées
à l'air du vifage , & voltiger fur
une belle carnation .
L'Eftampe en taille douce ci-jointe ,
compofée , deffinée & gravée avec foin ,
pourra donner une idée agréable des divers
ajuſtemens aujourd'hui à la mode.
›
}
La D¹´e Peromet , Coëffeufe , qui demeuroit
rue de la Harpe , continue avec fuccés à faire
des tours des chignons , des tempes pour les
Dames. Elle les fait d'une façon nouvelle & trésaifée
pour fe coeffer , imitant très bien le naturel
. Elle demeure toujours dans la Cour Abbatialle
de S. Germain des Prez , ruë de Furftemberg
, à Paris.
La mode n'a rien changé aux habits
des hommes depuis nos dernieres remarques,
On continue à porter les chapeaux
affez
OCTOBRE. 1730. 2319
affez petits , fort retrouffés , & prefque
jamais fur la tête. Les jeunes gens les ont
bordés d'un Point d'Espagne ou d'un
galon moyennement large , en or ou en
argent. Quelques- uns les portent unis
avec un plumet de la couleur de l'habit ,
fans broderie ni galon .
9
Les Perruques quarrées longues ne font
prefque plus à la mode , même chez les
Magiftrats qui les portent beaucoup pluscourtes
. Les Perruques crêpées ne le ſont
plus du tout. Les Peruquiers ont beaucoup
rafiné depuis quelque tems dans
l'art d'imiter les cheveux naturels , & en
effet , on les imite fi bien aujourd'hui
qu'il eft impoffible de n'y être pas trom
pé , même en y regardant de très prés
à moins d'y mettre la main , fur-tout
quand on veut s'affujetir à porter un toupet
de fes propres cheveux fur le haut du
front , qu'on retrouffe avec un peigne ,
& qu'on mêle avec ceux de la Perruque.
La poudre dont on ufe à l'excès , qu'on
appelle poudre à graine d'épinard , fert
encore à cacher l'artifice.
9'
Les Perruques naturelles en bourſe ou
en queue font les plus generalement à lạ
mode , principalement chez les jeunes
gens ; elles imitent fort bien le naturel ,
& coutent fort peu ; mais pour celles de
cette eſpece qui laiffent voir les oreilles
à
2320 MERCURE DE FRANCE
à découvert , & qu'on appelle à oreilles
de chien barbet , on peut dire qu'elles
font affez ridicules .
Les Perruques à l'Espagnole ne font
plus guere à la mode ; on les porte moins
longues , & on les appelle des Bonnets ;
en été tout le monde en porte , les uns
plus longs , les autres plus courts.
Les Perruques noüées à la Cavaliere
fe foutiennent encore chez les perſonnes
graves , & qui ne fe piquent pas de jeuneffe.
Il y a des Perruques de chaffe qu'on
appelle Bichons ; elles font un peu plus
longues que les Pérruques d'Abbé , nouées
par derriere avec un ruban , & termi- -
nées par une boucle .
Il y a des Perruques brizées , qu'on appelle
de trois pieces , que quelques per-
Tonnes qui ont leurs cheveux portent
par- deffus dans la grande gelée , pour fe
garantir du froid à la tête . On s'en fert
plus ordinairement dans le Cabinet pour
cacher les papillotes.
Les Bourfes qu'on met aux Perruques
fe portent fort larges & fort hautes , &
paroiffent attachées prefque à la racine
des cheveux , enforte qu'une partie du
col eſt à découvert. On place au haut de
la bourſe fur le froncis un gros noeud de
ruban gommés un large ruban entoure
le col, & vient fe terminer fous le menton,
OCTOBRE . 1730. 2321
ton
qu'on noue ou qu'on agrafe , ce
qui fait à
peu de chofe près le même
effet que les noeuds de ruban qu'on portoit
à la cravate il y a 35 ou 40. ans ; &
il y a tout lieu de préfumer que la mode
en reviendra , fi on reprend l'ufage des
cravates , car on n'en porte prefque plus.
On porte des cols de mouffeline qu'on
attache ou qu'on agrafe par derriere ; &
comme les hommes ne boutonnent prefque
plus leur vefte ni leur jufte-au - corps,
le jabot de la chemife fert comme de
cravate .
E qui frappe le plus la vûë & ce
C qui marque davantage le pouvoir
abtolu de la Mode , ce font,fans doute , les
Panniers d'aujourd'hui , plus grands &
plus amples que jamais , que les Dames
de la Ville & de la Province , & les femmes
de tous les Etats & jufques aux plus
petites artifanes & aux fervantes , portent
, avec autant de complaifance que
d'entêtement , depuis près de 20 ans ;
de
quoi on ne fçauroit affez s'étonner , car
n'y eut-il pour le beau fexe que le penchant
au changement & l'amour de la variété
, il femble que ces ufages n'auroient
pas dû fubfifter fi long-temps. Il femble
enfin qu'il y a bien plus à glofer fur la
bizarerie des Panniers , que fur le Vertugadin
de nos ayeules , qui a regné longtemps.
On prétend que cette mode , outrée &
hors de toute raiſon , a commencé en Allemagne
, d'où elle paffa en Angleterre ;
& que les Dames Angloifes ont porté
l'amplure des Panniers au point où nous
la voyons aujourd'hui . Ils ont plus de 3
aûnes de tour ; on les fait tenir en état
par le moyen de petites bandes de Nates ,
faites de Jonc , ou de petites Lames d'Al
cier ,
I iiij
2312 MERCURE DE FRANCE
cier ; mais plus ordinairement avec de la
Baleine ,, qui eft fort flexible , qui fe caffe
moins , & qui rend les Paniers moins pefans.
Ceux qu'on appelle à Coudes , font
plus à la mode que ceux à Guéridons ; on
les appelle à Coudes ,parce qu'ils font plus
larges par le haut & que les Coudes pofent
prefque deffus. Ils forment mieux
l'ovale que les autres.
Avant l'ufage établi des Paniers , fur
tout à l'Opera , toutes les femmes de
Théatre , qui ont ordinairement des habits
fort riches , principalement dans le
férieux , portoient une espece de Jupon ,
qui ne venoit guére qu'à mi-jambe , fait
d'une groffe toile gommée , affez large
pour donner de la grace , tenir les Jupes
en état, & faire paroître la taille. Le bruit
que faifoient ces efpeces de Paniers, pour
peu qu'on les preffa , lui firent donner le
nom de Criardes ; les plus larges n'avoient
pas deux aûnes , & hors le Théatre , il n'y
avoit que les Dames du plus grand air qui
en portaffent.
Les Paniers parurent enfuite , & ils furent
ainfi appellez , parce qu'ils étoient
faits comme une efpece de Cage ou de
Panier à mettre de la Volaille , percez à
jour , n'y ayant que des Rubans attachez
aux Cercles , fait de nates , de cordes , de
jonc, ou de baleines. Aujourd'hui le corps
du
OCTOBRE . 1730. 23 13
:
du Panier eft fait en Juppe , d'une toile
écruë en gros taffetas , fur lequel on applique
les cercles de Baleine. Quelques
Dames d'une grande modeftie , mais en
tres-petit nombre, fe font tenus aux Juppons
piquez de crin , qui ne font pas un
grand volume , & qui font un effet raifonnable.
Les Paniers ont ordinairement cinq
rangs de cercles ; ceux qu'on appelle à
l'Angloife , en ont jufqu'à 8 , & font
beaucoup plus chers . Les prix de ceux en
toile glacée ou en taffetas , font depuis
10 liv. jufqu'à 50 liv. ceux qui font ornez
de galons d'or ou d'argent , & de Broderies
fe payent autrement.
Les taffetas dont toutes les Dames s'habil
lent en Eté font de couleurs extrêmement
& extraordinairement variées , & les plus
barroques font les plus à la mode , fur
tout les grandes rayes , avec des couleurs.
tranchantes & oppolées l'une près de l'autre
; ces taffetas font la plupart glacez.Les
taffetas Aambans font auffi fort à la mode.
Ceux qu'on porte unis font toujours de
couleur de Rofe ou blanc , fur lefquels on
met des Prétintailles aux paremens des
Robes , fur les manches & aux poches ;
quelquefois on les garnis de blondes de
foye ou d'argent.
Les Robes de Toile de Coton brodées
I v de
2314 MERCURE DE FRANCE
de foye , de couleurs vives , qu'on double
de couleur de Rofe , font fort à la
mode. On met avec ces Robes des Jupons
blancs avec des franges en graine
d'épinard , dont quelques - unes ont un
pied de haut. Les femmes de qualité ,
au lieu des Robes dont on vient de parler
, en portent de Mouffeline claire &
brodée en blanc , & doublées de couleur
de Rofe , ce qui fait un effet charmant.
En hyver on porte beaucoup de velours
plein , cizelé ou gauffré , du Damas , du
Satin unis , avec des paremens en prétintaille
, de la même étoffe & découpez ; &
fur tout des Raz de Sicile , qui eſt une
fort belle étoffe. Les couleurs brunes &
aurore ont la préférence fur les autres.
La manche des Robes fe fait toujours
en pagode. Pour les habits à habiller
qu'on ne voit guére qu'aux jeunes perfonnes
& aux nouvelles mariées , il en a
paru cet Eté en étoffes de couleurs unies,
avec beaucoup de prétintailles , de la même
étoffe , découpez ; avec deux rangs de
falbala à la Jupe.
Les Mantilles font toujours fort en regne.
Il y en a de tres- riches en Ecarlates,
en Velours , en Satin, en Blonde, de toute
couleur , en or ou argent , & c . Si c'étoit
la modeftie qui eut introduit cette mode,
les Dames qui en feroient les Auteurs
feroient
OCTOBRE . 1730. 2315
feroient tres-loüables : car cet ajuſtement
ne donne nulle prife à l'efprit de convoitife
. Des gens malins ont cependant remarqué
que les perfonnes qui n'ont pas
affez d'embonpoint , n'ont pas été des
dernieres à prendre la Mantille .
Les Dames portoient l'Hyver dernier
des Manchons auffi grands que ceux des
hommes , & des Palatines de Marte ; les
Palatines d'Eté font de Blondes de foye &
argent , ornées de fleurs artificielles &
broderie. Les plus à la mode font peintes
avec quantité de papillons.
en
Les gros & amples Bouquets de fleurs
artificielles font toujours fort à la mode.
On fait de ces fleurs d'un gout nouveau
qui imitent les Tulipes de toutes couleurs,
mais plus en gris de lin , avec de l'argent
fin & faux .
Il y a des Eventails d'un prix tres-confiderable
, qu'on porte encore exceffivement
grands ; enforte qu'il y a de petites
perfonnes dont la taille n'a pas deux
fois la hauteur de l'Eventail ; ce qui doit
tenir en refpect les jeunes Cavaliers badins
& trop enjoüez .
Les Dames portent beaucoup de Bas de
fil de Coton , dont les coins font brodez
en laine de couleur. Les bas de foye font
brodez en or ou en argent . Les Bas blancs
ont mis les Souliers blancs à la mode ; on
I vj · les
2316 MERCURE DE FRANCE
les porte à demi arondis à l'Angloife , &
le talon fort gros & couvert de la même
étoffe. On porte également des Mules
arondies. Les Souliers longs & pointus ,
avec la piece renverfée fur la boucle , ne
font prefque plus à la mode.
Il n'y a prefque pas eu de chagement
'dans la coëffure des Dames depuis ce que
nous en avons dit l'année derniere. Elles
portent toujours de petites Garnitures
de blonde , ornées de fleurs qui imitent
le naturel , & d'autres fleurs en broderie
qu'on applique fur la coëffure. Il y a auffi
des Garnitures de blonde d'argent fur lefquelles
on applique également des fleurs
brodées. Ces coëffures fe portent un peu
plus hautes , avec une groffe frifure qu'on
appelle Boucles à la Medicis ; la pointe
des cheveux fur le front , relevée en croiffant.
La Dorlote eft une nouvelle coëffure à
deux pieces qu'on porte en negligé ; elle
eft arrondie par le bas , & la dantelle
pliffe autour.
On porte depuis peu des aigrettes de
pierres fauffes , de diverfes couleurs , qui
parent beaucoup , & qui ont un air fort
galant , fans être d'un grand prix . Les
rubans qu'on porte dans les coëffures font
un peu plus larges , toujours auffi legers
& qui coûtent peu , le plus fouvent rayés.
OCTOBRE . 1730. 2317
11 y en a un nouveau de deux couleurs
qu'on appelle le Boiteux , qui eft fort à
la mode.
En parlant des modes , nous n'avons
encore rien dit du blanc & du rouge que
les Dames employent aujourd'hui pour
relever l'éclat de leur beauté. Cet article
eft délicat ; & puifque c'eft aparemment
dans l'intention de plaire , on ne doit pas
les blâmer , & nous fommes bien éloignés
de vouloir defaprouver ce que le beau
fexe met en ufage pour augmenter ce
qu'il a d'agrémens naturels. Mais nous ne
diffimulerons point que le beau naturel ,
non-feulement n'y gagne rien , mais
qu'il y perd infiniment , quand on veut
trop faire valoir des charmes empruntés
par un art outre qui en éloigne toujours
les graces , & ce je ne fçai quoi de fimple
& de naïf qui fait aimer & refpecter les.
Dames.
Oferoit- on hazarder encore une reflexion
fur leur parure & fur les ajuſtemers
recherchés d'une maniere outrée & fouvent
bizarre , avec lefquels les femmes
prétendent plaire & fignaler leur gout ?
on ofe dire qu'elles entendent mal leurs
interêts ; les coeurs bien faits ne feront
jamais bien fenfibles pour des attraits ,
fi on peut le dire , de fi mauvais aloi , où
le fimple , le noble & le gracieux de la
nature
2318 MERCURE DE FRANCE
pounature
font negligés , & quelquefois directement
choqués. Par exemple , bien
des gens qui ont fçû fe garantir du
voir tirannique de la mode , trouvent que
les femmes ne font point fi aimables
aujourd'hui avec leurs petits diminutifs
de cornettes & leurs frifures en
bichon , qu'elles l'étoient lors qu'elles
avoient toute leur chevelure , & qu'on
voyoit ces belles treffes de cheveux ingénieufement
retrouffées & ces belles
boucles tombant négligemment à côté
des joues ou fur les épaules , accommodées
à l'air du vifage , & voltiger fur
une belle carnation .
L'Eftampe en taille douce ci-jointe ,
compofée , deffinée & gravée avec foin ,
pourra donner une idée agréable des divers
ajuſtemens aujourd'hui à la mode.
›
}
La D¹´e Peromet , Coëffeufe , qui demeuroit
rue de la Harpe , continue avec fuccés à faire
des tours des chignons , des tempes pour les
Dames. Elle les fait d'une façon nouvelle & trésaifée
pour fe coeffer , imitant très bien le naturel
. Elle demeure toujours dans la Cour Abbatialle
de S. Germain des Prez , ruë de Furftemberg
, à Paris.
La mode n'a rien changé aux habits
des hommes depuis nos dernieres remarques,
On continue à porter les chapeaux
affez
OCTOBRE. 1730. 2319
affez petits , fort retrouffés , & prefque
jamais fur la tête. Les jeunes gens les ont
bordés d'un Point d'Espagne ou d'un
galon moyennement large , en or ou en
argent. Quelques- uns les portent unis
avec un plumet de la couleur de l'habit ,
fans broderie ni galon .
9
Les Perruques quarrées longues ne font
prefque plus à la mode , même chez les
Magiftrats qui les portent beaucoup pluscourtes
. Les Perruques crêpées ne le ſont
plus du tout. Les Peruquiers ont beaucoup
rafiné depuis quelque tems dans
l'art d'imiter les cheveux naturels , & en
effet , on les imite fi bien aujourd'hui
qu'il eft impoffible de n'y être pas trom
pé , même en y regardant de très prés
à moins d'y mettre la main , fur-tout
quand on veut s'affujetir à porter un toupet
de fes propres cheveux fur le haut du
front , qu'on retrouffe avec un peigne ,
& qu'on mêle avec ceux de la Perruque.
La poudre dont on ufe à l'excès , qu'on
appelle poudre à graine d'épinard , fert
encore à cacher l'artifice.
9'
Les Perruques naturelles en bourſe ou
en queue font les plus generalement à lạ
mode , principalement chez les jeunes
gens ; elles imitent fort bien le naturel ,
& coutent fort peu ; mais pour celles de
cette eſpece qui laiffent voir les oreilles
à
2320 MERCURE DE FRANCE
à découvert , & qu'on appelle à oreilles
de chien barbet , on peut dire qu'elles
font affez ridicules .
Les Perruques à l'Espagnole ne font
plus guere à la mode ; on les porte moins
longues , & on les appelle des Bonnets ;
en été tout le monde en porte , les uns
plus longs , les autres plus courts.
Les Perruques noüées à la Cavaliere
fe foutiennent encore chez les perſonnes
graves , & qui ne fe piquent pas de jeuneffe.
Il y a des Perruques de chaffe qu'on
appelle Bichons ; elles font un peu plus
longues que les Pérruques d'Abbé , nouées
par derriere avec un ruban , & termi- -
nées par une boucle .
Il y a des Perruques brizées , qu'on appelle
de trois pieces , que quelques per-
Tonnes qui ont leurs cheveux portent
par- deffus dans la grande gelée , pour fe
garantir du froid à la tête . On s'en fert
plus ordinairement dans le Cabinet pour
cacher les papillotes.
Les Bourfes qu'on met aux Perruques
fe portent fort larges & fort hautes , &
paroiffent attachées prefque à la racine
des cheveux , enforte qu'une partie du
col eſt à découvert. On place au haut de
la bourſe fur le froncis un gros noeud de
ruban gommés un large ruban entoure
le col, & vient fe terminer fous le menton,
OCTOBRE . 1730. 2321
ton
qu'on noue ou qu'on agrafe , ce
qui fait à
peu de chofe près le même
effet que les noeuds de ruban qu'on portoit
à la cravate il y a 35 ou 40. ans ; &
il y a tout lieu de préfumer que la mode
en reviendra , fi on reprend l'ufage des
cravates , car on n'en porte prefque plus.
On porte des cols de mouffeline qu'on
attache ou qu'on agrafe par derriere ; &
comme les hommes ne boutonnent prefque
plus leur vefte ni leur jufte-au - corps,
le jabot de la chemife fert comme de
cravate .
Fermer
28
p. 2321-2324
MODES ANCIENNES, &c.
Début :
Il ne sera peut-être pas hors de propos, après avoir parlé des nouvelles Modes, de dire quelque [...]
Mots clefs :
Modes, Perruque, Dame, Argent, Couleurs, Robes, Femmes, Cheveux, Ruban, Étoffes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MODES ANCIENNES, &c.
MODE S.
E qui frappe le plus la vûë & ce
C qui marque davantage le pouvoir
abtolu de la Mode , ce font,fans doute , les
Panniers d'aujourd'hui , plus grands &
plus amples que jamais , que les Dames
de la Ville & de la Province , & les femmes
de tous les Etats & jufques aux plus
petites artifanes & aux fervantes , portent
, avec autant de complaifance que
d'entêtement , depuis près de 20 ans ;
de
quoi on ne fçauroit affez s'étonner , car
n'y eut-il pour le beau fexe que le penchant
au changement & l'amour de la variété
, il femble que ces ufages n'auroient
pas dû fubfifter fi long-temps. Il femble
enfin qu'il y a bien plus à glofer fur la
bizarerie des Panniers , que fur le Vertugadin
de nos ayeules , qui a regné longtemps.
On prétend que cette mode , outrée &
hors de toute raiſon , a commencé en Allemagne
, d'où elle paffa en Angleterre ;
& que les Dames Angloifes ont porté
l'amplure des Panniers au point où nous
la voyons aujourd'hui . Ils ont plus de 3
aûnes de tour ; on les fait tenir en état
par le moyen de petites bandes de Nates ,
faites de Jonc , ou de petites Lames d'Al
cier ,
I iiij
2312 MERCURE DE FRANCE
cier ; mais plus ordinairement avec de la
Baleine ,, qui eft fort flexible , qui fe caffe
moins , & qui rend les Paniers moins pefans.
Ceux qu'on appelle à Coudes , font
plus à la mode que ceux à Guéridons ; on
les appelle à Coudes ,parce qu'ils font plus
larges par le haut & que les Coudes pofent
prefque deffus. Ils forment mieux
l'ovale que les autres.
Avant l'ufage établi des Paniers , fur
tout à l'Opera , toutes les femmes de
Théatre , qui ont ordinairement des habits
fort riches , principalement dans le
férieux , portoient une espece de Jupon ,
qui ne venoit guére qu'à mi-jambe , fait
d'une groffe toile gommée , affez large
pour donner de la grace , tenir les Jupes
en état, & faire paroître la taille. Le bruit
que faifoient ces efpeces de Paniers, pour
peu qu'on les preffa , lui firent donner le
nom de Criardes ; les plus larges n'avoient
pas deux aûnes , & hors le Théatre , il n'y
avoit que les Dames du plus grand air qui
en portaffent.
Les Paniers parurent enfuite , & ils furent
ainfi appellez , parce qu'ils étoient
faits comme une efpece de Cage ou de
Panier à mettre de la Volaille , percez à
jour , n'y ayant que des Rubans attachez
aux Cercles , fait de nates , de cordes , de
jonc, ou de baleines. Aujourd'hui le corps
du
OCTOBRE . 1730. 23 13
:
du Panier eft fait en Juppe , d'une toile
écruë en gros taffetas , fur lequel on applique
les cercles de Baleine. Quelques
Dames d'une grande modeftie , mais en
tres-petit nombre, fe font tenus aux Juppons
piquez de crin , qui ne font pas un
grand volume , & qui font un effet raifonnable.
Les Paniers ont ordinairement cinq
rangs de cercles ; ceux qu'on appelle à
l'Angloife , en ont jufqu'à 8 , & font
beaucoup plus chers . Les prix de ceux en
toile glacée ou en taffetas , font depuis
10 liv. jufqu'à 50 liv. ceux qui font ornez
de galons d'or ou d'argent , & de Broderies
fe payent autrement.
Les taffetas dont toutes les Dames s'habil
lent en Eté font de couleurs extrêmement
& extraordinairement variées , & les plus
barroques font les plus à la mode , fur
tout les grandes rayes , avec des couleurs.
tranchantes & oppolées l'une près de l'autre
; ces taffetas font la plupart glacez.Les
taffetas Aambans font auffi fort à la mode.
Ceux qu'on porte unis font toujours de
couleur de Rofe ou blanc , fur lefquels on
met des Prétintailles aux paremens des
Robes , fur les manches & aux poches ;
quelquefois on les garnis de blondes de
foye ou d'argent.
Les Robes de Toile de Coton brodées
I v de
2314 MERCURE DE FRANCE
de foye , de couleurs vives , qu'on double
de couleur de Rofe , font fort à la
mode. On met avec ces Robes des Jupons
blancs avec des franges en graine
d'épinard , dont quelques - unes ont un
pied de haut. Les femmes de qualité ,
au lieu des Robes dont on vient de parler
, en portent de Mouffeline claire &
brodée en blanc , & doublées de couleur
de Rofe , ce qui fait un effet charmant.
En hyver on porte beaucoup de velours
plein , cizelé ou gauffré , du Damas , du
Satin unis , avec des paremens en prétintaille
, de la même étoffe & découpez ; &
fur tout des Raz de Sicile , qui eſt une
fort belle étoffe. Les couleurs brunes &
aurore ont la préférence fur les autres.
La manche des Robes fe fait toujours
en pagode. Pour les habits à habiller
qu'on ne voit guére qu'aux jeunes perfonnes
& aux nouvelles mariées , il en a
paru cet Eté en étoffes de couleurs unies,
avec beaucoup de prétintailles , de la même
étoffe , découpez ; avec deux rangs de
falbala à la Jupe.
Les Mantilles font toujours fort en regne.
Il y en a de tres- riches en Ecarlates,
en Velours , en Satin, en Blonde, de toute
couleur , en or ou argent , & c . Si c'étoit
la modeftie qui eut introduit cette mode,
les Dames qui en feroient les Auteurs
feroient
OCTOBRE . 1730. 2315
feroient tres-loüables : car cet ajuſtement
ne donne nulle prife à l'efprit de convoitife
. Des gens malins ont cependant remarqué
que les perfonnes qui n'ont pas
affez d'embonpoint , n'ont pas été des
dernieres à prendre la Mantille .
Les Dames portoient l'Hyver dernier
des Manchons auffi grands que ceux des
hommes , & des Palatines de Marte ; les
Palatines d'Eté font de Blondes de foye &
argent , ornées de fleurs artificielles &
broderie. Les plus à la mode font peintes
avec quantité de papillons.
en
Les gros & amples Bouquets de fleurs
artificielles font toujours fort à la mode.
On fait de ces fleurs d'un gout nouveau
qui imitent les Tulipes de toutes couleurs,
mais plus en gris de lin , avec de l'argent
fin & faux .
Il y a des Eventails d'un prix tres-confiderable
, qu'on porte encore exceffivement
grands ; enforte qu'il y a de petites
perfonnes dont la taille n'a pas deux
fois la hauteur de l'Eventail ; ce qui doit
tenir en refpect les jeunes Cavaliers badins
& trop enjoüez .
Les Dames portent beaucoup de Bas de
fil de Coton , dont les coins font brodez
en laine de couleur. Les bas de foye font
brodez en or ou en argent . Les Bas blancs
ont mis les Souliers blancs à la mode ; on
I vj · les
2316 MERCURE DE FRANCE
les porte à demi arondis à l'Angloife , &
le talon fort gros & couvert de la même
étoffe. On porte également des Mules
arondies. Les Souliers longs & pointus ,
avec la piece renverfée fur la boucle , ne
font prefque plus à la mode.
Il n'y a prefque pas eu de chagement
'dans la coëffure des Dames depuis ce que
nous en avons dit l'année derniere. Elles
portent toujours de petites Garnitures
de blonde , ornées de fleurs qui imitent
le naturel , & d'autres fleurs en broderie
qu'on applique fur la coëffure. Il y a auffi
des Garnitures de blonde d'argent fur lefquelles
on applique également des fleurs
brodées. Ces coëffures fe portent un peu
plus hautes , avec une groffe frifure qu'on
appelle Boucles à la Medicis ; la pointe
des cheveux fur le front , relevée en croiffant.
La Dorlote eft une nouvelle coëffure à
deux pieces qu'on porte en negligé ; elle
eft arrondie par le bas , & la dantelle
pliffe autour.
On porte depuis peu des aigrettes de
pierres fauffes , de diverfes couleurs , qui
parent beaucoup , & qui ont un air fort
galant , fans être d'un grand prix . Les
rubans qu'on porte dans les coëffures font
un peu plus larges , toujours auffi legers
& qui coûtent peu , le plus fouvent rayés.
OCTOBRE . 1730. 2317
11 y en a un nouveau de deux couleurs
qu'on appelle le Boiteux , qui eft fort à
la mode.
En parlant des modes , nous n'avons
encore rien dit du blanc & du rouge que
les Dames employent aujourd'hui pour
relever l'éclat de leur beauté. Cet article
eft délicat ; & puifque c'eft aparemment
dans l'intention de plaire , on ne doit pas
les blâmer , & nous fommes bien éloignés
de vouloir defaprouver ce que le beau
fexe met en ufage pour augmenter ce
qu'il a d'agrémens naturels. Mais nous ne
diffimulerons point que le beau naturel ,
non-feulement n'y gagne rien , mais
qu'il y perd infiniment , quand on veut
trop faire valoir des charmes empruntés
par un art outre qui en éloigne toujours
les graces , & ce je ne fçai quoi de fimple
& de naïf qui fait aimer & refpecter les.
Dames.
Oferoit- on hazarder encore une reflexion
fur leur parure & fur les ajuſtemers
recherchés d'une maniere outrée & fouvent
bizarre , avec lefquels les femmes
prétendent plaire & fignaler leur gout ?
on ofe dire qu'elles entendent mal leurs
interêts ; les coeurs bien faits ne feront
jamais bien fenfibles pour des attraits ,
fi on peut le dire , de fi mauvais aloi , où
le fimple , le noble & le gracieux de la
nature
2318 MERCURE DE FRANCE
pounature
font negligés , & quelquefois directement
choqués. Par exemple , bien
des gens qui ont fçû fe garantir du
voir tirannique de la mode , trouvent que
les femmes ne font point fi aimables
aujourd'hui avec leurs petits diminutifs
de cornettes & leurs frifures en
bichon , qu'elles l'étoient lors qu'elles
avoient toute leur chevelure , & qu'on
voyoit ces belles treffes de cheveux ingénieufement
retrouffées & ces belles
boucles tombant négligemment à côté
des joues ou fur les épaules , accommodées
à l'air du vifage , & voltiger fur
une belle carnation .
L'Eftampe en taille douce ci-jointe ,
compofée , deffinée & gravée avec foin ,
pourra donner une idée agréable des divers
ajuſtemens aujourd'hui à la mode.
›
}
La D¹´e Peromet , Coëffeufe , qui demeuroit
rue de la Harpe , continue avec fuccés à faire
des tours des chignons , des tempes pour les
Dames. Elle les fait d'une façon nouvelle & trésaifée
pour fe coeffer , imitant très bien le naturel
. Elle demeure toujours dans la Cour Abbatialle
de S. Germain des Prez , ruë de Furftemberg
, à Paris.
La mode n'a rien changé aux habits
des hommes depuis nos dernieres remarques,
On continue à porter les chapeaux
affez
OCTOBRE. 1730. 2319
affez petits , fort retrouffés , & prefque
jamais fur la tête. Les jeunes gens les ont
bordés d'un Point d'Espagne ou d'un
galon moyennement large , en or ou en
argent. Quelques- uns les portent unis
avec un plumet de la couleur de l'habit ,
fans broderie ni galon .
9
Les Perruques quarrées longues ne font
prefque plus à la mode , même chez les
Magiftrats qui les portent beaucoup pluscourtes
. Les Perruques crêpées ne le ſont
plus du tout. Les Peruquiers ont beaucoup
rafiné depuis quelque tems dans
l'art d'imiter les cheveux naturels , & en
effet , on les imite fi bien aujourd'hui
qu'il eft impoffible de n'y être pas trom
pé , même en y regardant de très prés
à moins d'y mettre la main , fur-tout
quand on veut s'affujetir à porter un toupet
de fes propres cheveux fur le haut du
front , qu'on retrouffe avec un peigne ,
& qu'on mêle avec ceux de la Perruque.
La poudre dont on ufe à l'excès , qu'on
appelle poudre à graine d'épinard , fert
encore à cacher l'artifice.
9'
Les Perruques naturelles en bourſe ou
en queue font les plus generalement à lạ
mode , principalement chez les jeunes
gens ; elles imitent fort bien le naturel ,
& coutent fort peu ; mais pour celles de
cette eſpece qui laiffent voir les oreilles
à
2320 MERCURE DE FRANCE
à découvert , & qu'on appelle à oreilles
de chien barbet , on peut dire qu'elles
font affez ridicules .
Les Perruques à l'Espagnole ne font
plus guere à la mode ; on les porte moins
longues , & on les appelle des Bonnets ;
en été tout le monde en porte , les uns
plus longs , les autres plus courts.
Les Perruques noüées à la Cavaliere
fe foutiennent encore chez les perſonnes
graves , & qui ne fe piquent pas de jeuneffe.
Il y a des Perruques de chaffe qu'on
appelle Bichons ; elles font un peu plus
longues que les Pérruques d'Abbé , nouées
par derriere avec un ruban , & termi- -
nées par une boucle .
Il y a des Perruques brizées , qu'on appelle
de trois pieces , que quelques per-
Tonnes qui ont leurs cheveux portent
par- deffus dans la grande gelée , pour fe
garantir du froid à la tête . On s'en fert
plus ordinairement dans le Cabinet pour
cacher les papillotes.
Les Bourfes qu'on met aux Perruques
fe portent fort larges & fort hautes , &
paroiffent attachées prefque à la racine
des cheveux , enforte qu'une partie du
col eſt à découvert. On place au haut de
la bourſe fur le froncis un gros noeud de
ruban gommés un large ruban entoure
le col, & vient fe terminer fous le menton,
OCTOBRE . 1730. 2321
ton
qu'on noue ou qu'on agrafe , ce
qui fait à
peu de chofe près le même
effet que les noeuds de ruban qu'on portoit
à la cravate il y a 35 ou 40. ans ; &
il y a tout lieu de préfumer que la mode
en reviendra , fi on reprend l'ufage des
cravates , car on n'en porte prefque plus.
On porte des cols de mouffeline qu'on
attache ou qu'on agrafe par derriere ; &
comme les hommes ne boutonnent prefque
plus leur vefte ni leur jufte-au - corps,
le jabot de la chemife fert comme de
cravate .
E qui frappe le plus la vûë & ce
C qui marque davantage le pouvoir
abtolu de la Mode , ce font,fans doute , les
Panniers d'aujourd'hui , plus grands &
plus amples que jamais , que les Dames
de la Ville & de la Province , & les femmes
de tous les Etats & jufques aux plus
petites artifanes & aux fervantes , portent
, avec autant de complaifance que
d'entêtement , depuis près de 20 ans ;
de
quoi on ne fçauroit affez s'étonner , car
n'y eut-il pour le beau fexe que le penchant
au changement & l'amour de la variété
, il femble que ces ufages n'auroient
pas dû fubfifter fi long-temps. Il femble
enfin qu'il y a bien plus à glofer fur la
bizarerie des Panniers , que fur le Vertugadin
de nos ayeules , qui a regné longtemps.
On prétend que cette mode , outrée &
hors de toute raiſon , a commencé en Allemagne
, d'où elle paffa en Angleterre ;
& que les Dames Angloifes ont porté
l'amplure des Panniers au point où nous
la voyons aujourd'hui . Ils ont plus de 3
aûnes de tour ; on les fait tenir en état
par le moyen de petites bandes de Nates ,
faites de Jonc , ou de petites Lames d'Al
cier ,
I iiij
2312 MERCURE DE FRANCE
cier ; mais plus ordinairement avec de la
Baleine ,, qui eft fort flexible , qui fe caffe
moins , & qui rend les Paniers moins pefans.
Ceux qu'on appelle à Coudes , font
plus à la mode que ceux à Guéridons ; on
les appelle à Coudes ,parce qu'ils font plus
larges par le haut & que les Coudes pofent
prefque deffus. Ils forment mieux
l'ovale que les autres.
Avant l'ufage établi des Paniers , fur
tout à l'Opera , toutes les femmes de
Théatre , qui ont ordinairement des habits
fort riches , principalement dans le
férieux , portoient une espece de Jupon ,
qui ne venoit guére qu'à mi-jambe , fait
d'une groffe toile gommée , affez large
pour donner de la grace , tenir les Jupes
en état, & faire paroître la taille. Le bruit
que faifoient ces efpeces de Paniers, pour
peu qu'on les preffa , lui firent donner le
nom de Criardes ; les plus larges n'avoient
pas deux aûnes , & hors le Théatre , il n'y
avoit que les Dames du plus grand air qui
en portaffent.
Les Paniers parurent enfuite , & ils furent
ainfi appellez , parce qu'ils étoient
faits comme une efpece de Cage ou de
Panier à mettre de la Volaille , percez à
jour , n'y ayant que des Rubans attachez
aux Cercles , fait de nates , de cordes , de
jonc, ou de baleines. Aujourd'hui le corps
du
OCTOBRE . 1730. 23 13
:
du Panier eft fait en Juppe , d'une toile
écruë en gros taffetas , fur lequel on applique
les cercles de Baleine. Quelques
Dames d'une grande modeftie , mais en
tres-petit nombre, fe font tenus aux Juppons
piquez de crin , qui ne font pas un
grand volume , & qui font un effet raifonnable.
Les Paniers ont ordinairement cinq
rangs de cercles ; ceux qu'on appelle à
l'Angloife , en ont jufqu'à 8 , & font
beaucoup plus chers . Les prix de ceux en
toile glacée ou en taffetas , font depuis
10 liv. jufqu'à 50 liv. ceux qui font ornez
de galons d'or ou d'argent , & de Broderies
fe payent autrement.
Les taffetas dont toutes les Dames s'habil
lent en Eté font de couleurs extrêmement
& extraordinairement variées , & les plus
barroques font les plus à la mode , fur
tout les grandes rayes , avec des couleurs.
tranchantes & oppolées l'une près de l'autre
; ces taffetas font la plupart glacez.Les
taffetas Aambans font auffi fort à la mode.
Ceux qu'on porte unis font toujours de
couleur de Rofe ou blanc , fur lefquels on
met des Prétintailles aux paremens des
Robes , fur les manches & aux poches ;
quelquefois on les garnis de blondes de
foye ou d'argent.
Les Robes de Toile de Coton brodées
I v de
2314 MERCURE DE FRANCE
de foye , de couleurs vives , qu'on double
de couleur de Rofe , font fort à la
mode. On met avec ces Robes des Jupons
blancs avec des franges en graine
d'épinard , dont quelques - unes ont un
pied de haut. Les femmes de qualité ,
au lieu des Robes dont on vient de parler
, en portent de Mouffeline claire &
brodée en blanc , & doublées de couleur
de Rofe , ce qui fait un effet charmant.
En hyver on porte beaucoup de velours
plein , cizelé ou gauffré , du Damas , du
Satin unis , avec des paremens en prétintaille
, de la même étoffe & découpez ; &
fur tout des Raz de Sicile , qui eſt une
fort belle étoffe. Les couleurs brunes &
aurore ont la préférence fur les autres.
La manche des Robes fe fait toujours
en pagode. Pour les habits à habiller
qu'on ne voit guére qu'aux jeunes perfonnes
& aux nouvelles mariées , il en a
paru cet Eté en étoffes de couleurs unies,
avec beaucoup de prétintailles , de la même
étoffe , découpez ; avec deux rangs de
falbala à la Jupe.
Les Mantilles font toujours fort en regne.
Il y en a de tres- riches en Ecarlates,
en Velours , en Satin, en Blonde, de toute
couleur , en or ou argent , & c . Si c'étoit
la modeftie qui eut introduit cette mode,
les Dames qui en feroient les Auteurs
feroient
OCTOBRE . 1730. 2315
feroient tres-loüables : car cet ajuſtement
ne donne nulle prife à l'efprit de convoitife
. Des gens malins ont cependant remarqué
que les perfonnes qui n'ont pas
affez d'embonpoint , n'ont pas été des
dernieres à prendre la Mantille .
Les Dames portoient l'Hyver dernier
des Manchons auffi grands que ceux des
hommes , & des Palatines de Marte ; les
Palatines d'Eté font de Blondes de foye &
argent , ornées de fleurs artificielles &
broderie. Les plus à la mode font peintes
avec quantité de papillons.
en
Les gros & amples Bouquets de fleurs
artificielles font toujours fort à la mode.
On fait de ces fleurs d'un gout nouveau
qui imitent les Tulipes de toutes couleurs,
mais plus en gris de lin , avec de l'argent
fin & faux .
Il y a des Eventails d'un prix tres-confiderable
, qu'on porte encore exceffivement
grands ; enforte qu'il y a de petites
perfonnes dont la taille n'a pas deux
fois la hauteur de l'Eventail ; ce qui doit
tenir en refpect les jeunes Cavaliers badins
& trop enjoüez .
Les Dames portent beaucoup de Bas de
fil de Coton , dont les coins font brodez
en laine de couleur. Les bas de foye font
brodez en or ou en argent . Les Bas blancs
ont mis les Souliers blancs à la mode ; on
I vj · les
2316 MERCURE DE FRANCE
les porte à demi arondis à l'Angloife , &
le talon fort gros & couvert de la même
étoffe. On porte également des Mules
arondies. Les Souliers longs & pointus ,
avec la piece renverfée fur la boucle , ne
font prefque plus à la mode.
Il n'y a prefque pas eu de chagement
'dans la coëffure des Dames depuis ce que
nous en avons dit l'année derniere. Elles
portent toujours de petites Garnitures
de blonde , ornées de fleurs qui imitent
le naturel , & d'autres fleurs en broderie
qu'on applique fur la coëffure. Il y a auffi
des Garnitures de blonde d'argent fur lefquelles
on applique également des fleurs
brodées. Ces coëffures fe portent un peu
plus hautes , avec une groffe frifure qu'on
appelle Boucles à la Medicis ; la pointe
des cheveux fur le front , relevée en croiffant.
La Dorlote eft une nouvelle coëffure à
deux pieces qu'on porte en negligé ; elle
eft arrondie par le bas , & la dantelle
pliffe autour.
On porte depuis peu des aigrettes de
pierres fauffes , de diverfes couleurs , qui
parent beaucoup , & qui ont un air fort
galant , fans être d'un grand prix . Les
rubans qu'on porte dans les coëffures font
un peu plus larges , toujours auffi legers
& qui coûtent peu , le plus fouvent rayés.
OCTOBRE . 1730. 2317
11 y en a un nouveau de deux couleurs
qu'on appelle le Boiteux , qui eft fort à
la mode.
En parlant des modes , nous n'avons
encore rien dit du blanc & du rouge que
les Dames employent aujourd'hui pour
relever l'éclat de leur beauté. Cet article
eft délicat ; & puifque c'eft aparemment
dans l'intention de plaire , on ne doit pas
les blâmer , & nous fommes bien éloignés
de vouloir defaprouver ce que le beau
fexe met en ufage pour augmenter ce
qu'il a d'agrémens naturels. Mais nous ne
diffimulerons point que le beau naturel ,
non-feulement n'y gagne rien , mais
qu'il y perd infiniment , quand on veut
trop faire valoir des charmes empruntés
par un art outre qui en éloigne toujours
les graces , & ce je ne fçai quoi de fimple
& de naïf qui fait aimer & refpecter les.
Dames.
Oferoit- on hazarder encore une reflexion
fur leur parure & fur les ajuſtemers
recherchés d'une maniere outrée & fouvent
bizarre , avec lefquels les femmes
prétendent plaire & fignaler leur gout ?
on ofe dire qu'elles entendent mal leurs
interêts ; les coeurs bien faits ne feront
jamais bien fenfibles pour des attraits ,
fi on peut le dire , de fi mauvais aloi , où
le fimple , le noble & le gracieux de la
nature
2318 MERCURE DE FRANCE
pounature
font negligés , & quelquefois directement
choqués. Par exemple , bien
des gens qui ont fçû fe garantir du
voir tirannique de la mode , trouvent que
les femmes ne font point fi aimables
aujourd'hui avec leurs petits diminutifs
de cornettes & leurs frifures en
bichon , qu'elles l'étoient lors qu'elles
avoient toute leur chevelure , & qu'on
voyoit ces belles treffes de cheveux ingénieufement
retrouffées & ces belles
boucles tombant négligemment à côté
des joues ou fur les épaules , accommodées
à l'air du vifage , & voltiger fur
une belle carnation .
L'Eftampe en taille douce ci-jointe ,
compofée , deffinée & gravée avec foin ,
pourra donner une idée agréable des divers
ajuſtemens aujourd'hui à la mode.
›
}
La D¹´e Peromet , Coëffeufe , qui demeuroit
rue de la Harpe , continue avec fuccés à faire
des tours des chignons , des tempes pour les
Dames. Elle les fait d'une façon nouvelle & trésaifée
pour fe coeffer , imitant très bien le naturel
. Elle demeure toujours dans la Cour Abbatialle
de S. Germain des Prez , ruë de Furftemberg
, à Paris.
La mode n'a rien changé aux habits
des hommes depuis nos dernieres remarques,
On continue à porter les chapeaux
affez
OCTOBRE. 1730. 2319
affez petits , fort retrouffés , & prefque
jamais fur la tête. Les jeunes gens les ont
bordés d'un Point d'Espagne ou d'un
galon moyennement large , en or ou en
argent. Quelques- uns les portent unis
avec un plumet de la couleur de l'habit ,
fans broderie ni galon .
9
Les Perruques quarrées longues ne font
prefque plus à la mode , même chez les
Magiftrats qui les portent beaucoup pluscourtes
. Les Perruques crêpées ne le ſont
plus du tout. Les Peruquiers ont beaucoup
rafiné depuis quelque tems dans
l'art d'imiter les cheveux naturels , & en
effet , on les imite fi bien aujourd'hui
qu'il eft impoffible de n'y être pas trom
pé , même en y regardant de très prés
à moins d'y mettre la main , fur-tout
quand on veut s'affujetir à porter un toupet
de fes propres cheveux fur le haut du
front , qu'on retrouffe avec un peigne ,
& qu'on mêle avec ceux de la Perruque.
La poudre dont on ufe à l'excès , qu'on
appelle poudre à graine d'épinard , fert
encore à cacher l'artifice.
9'
Les Perruques naturelles en bourſe ou
en queue font les plus generalement à lạ
mode , principalement chez les jeunes
gens ; elles imitent fort bien le naturel ,
& coutent fort peu ; mais pour celles de
cette eſpece qui laiffent voir les oreilles
à
2320 MERCURE DE FRANCE
à découvert , & qu'on appelle à oreilles
de chien barbet , on peut dire qu'elles
font affez ridicules .
Les Perruques à l'Espagnole ne font
plus guere à la mode ; on les porte moins
longues , & on les appelle des Bonnets ;
en été tout le monde en porte , les uns
plus longs , les autres plus courts.
Les Perruques noüées à la Cavaliere
fe foutiennent encore chez les perſonnes
graves , & qui ne fe piquent pas de jeuneffe.
Il y a des Perruques de chaffe qu'on
appelle Bichons ; elles font un peu plus
longues que les Pérruques d'Abbé , nouées
par derriere avec un ruban , & termi- -
nées par une boucle .
Il y a des Perruques brizées , qu'on appelle
de trois pieces , que quelques per-
Tonnes qui ont leurs cheveux portent
par- deffus dans la grande gelée , pour fe
garantir du froid à la tête . On s'en fert
plus ordinairement dans le Cabinet pour
cacher les papillotes.
Les Bourfes qu'on met aux Perruques
fe portent fort larges & fort hautes , &
paroiffent attachées prefque à la racine
des cheveux , enforte qu'une partie du
col eſt à découvert. On place au haut de
la bourſe fur le froncis un gros noeud de
ruban gommés un large ruban entoure
le col, & vient fe terminer fous le menton,
OCTOBRE . 1730. 2321
ton
qu'on noue ou qu'on agrafe , ce
qui fait à
peu de chofe près le même
effet que les noeuds de ruban qu'on portoit
à la cravate il y a 35 ou 40. ans ; &
il y a tout lieu de préfumer que la mode
en reviendra , fi on reprend l'ufage des
cravates , car on n'en porte prefque plus.
On porte des cols de mouffeline qu'on
attache ou qu'on agrafe par derriere ; &
comme les hommes ne boutonnent prefque
plus leur vefte ni leur jufte-au - corps,
le jabot de la chemife fert comme de
cravate .
Fermer
Résumé : MODES ANCIENNES, &c.
Dans les années 1730, la mode féminine est marquée par l'usage des paniers, des structures portées sous les jupons pour élargir la silhouette. Ces paniers, d'une ampleur inédite, sont adoptés depuis près de 20 ans par les femmes de tous milieux sociaux. Fabriqués avec des cercles de baleine, plus flexibles et légers que les matériaux précédents, les paniers à coudes, plus larges par le haut, sont particulièrement en vogue. Avant l'usage des paniers, les femmes de théâtre utilisaient des jupons appelés 'criardes' pour maintenir leurs jupons en place. Les paniers actuels sont faits de toile ou de taffetas et ornés de rubans et de cercles de baleine. Les prix varient selon les matériaux et les ornements. Les taffetas d'été sont de couleurs variées et baroques, souvent glacés. Les robes de coton brodées et doublées de rose sont à la mode, ainsi que les mantilles, accessoires modestes mais pratiques. Les coiffures restent simples, avec des garnitures de blonde et des fleurs imitant le naturel. Les éventails sont très grands, et les bas sont souvent brodés. Les souliers sont blancs, demi-arondis à l'anglaise, avec un talon épais. Pour les hommes, les chapeaux sont petits et retroussés, souvent bordés de galon ou de point d'Espagne. Les perruques imitant les cheveux naturels sont en vogue, notamment les perruques en bourse ou en queue. Les perruques à l'espagnole sont moins populaires, et les perruques bichons sont portées pour se protéger du froid. Les boursettes sont larges et hautes, attachées près des cheveux. Les cols de mouffeline remplacent les cravates, et les jabots de chemise servent de cravate.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
29
p. 2720-2733
ORDRE de la Marche du Grand Seigneur, de Constantinople à Scutary, le 3. Août 1730.
Début :
Le résultat de plusieurs Conseils tenus à la Porte, depuis l'arrivée de l'Ambassadeur de [...]
Mots clefs :
Constantinople, Cheval, Chevaux, Argent, Armes, Chef, Officiers, Sultan, Lieutenant, Compagnie, Trésorier, Cavalier, Cavalerie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ORDRE de la Marche du Grand Seigneur, de Constantinople à Scutary, le 3. Août 1730.
ORDRE de la Marche du Grand Seigneur,
de Conftantinople à Scutary ,
·le 3. Août 1730.
E réſultat de plufieurs Confeils tenus à la
9
Pambaffadeur
Chah - Thamas , ayant été de continuer la guerre
contre les Perfans , le Grand Seigneur fe détermina
à paffer en Afie , & à faire marcher le G. Vizir
à la tête de fes Troupes. Pour cet effet on
marqua le lieu d'affemblée dans la Campagne
entre Calcedoine & Scutary , derriere un Serrail
du Sultan : fes Tentes y furent dreffées & les Etendarts
à queue de Cheval, au nombre de 20. portez
& arborez avec beaucoup de pompe & de ceremonie
, fuivant l'ufage en pareille occafion.
*
Le 3. Août , le G. S. accompagné du G. V. du
Mufty , des Pachas & de fes autres principaux
Miniftres & Officiers , alla à 8. heures du matin
faire fa priere à la Mofquée d'Ajoub, dans le fond
du Port où le Mufty lui çeignit l'épée de la mê-
* L'Etendart à queue de Cheval ou le Toug,
comme les Turcs l'appellent , efl formé par une
groffe longue Pique , pour ceux qui le portent
à pied , par une plus petite pour ceux
qui le portent à cheval , au haut de laquelle eft
une boule de vermeil , & au- dessous un peu
plus bas , tout autour d'un bourrelet de bois doré
font attachez les crins d'une queuë de Cheval,
ordinairement teints de differentes couleurs,
I. Vol. me
DECEMBRE. 1730. 2721
me maniere qu'il fe pratique à l'avenement d'un
Sultan à l'Empire , ce qui tient lieu de Couronnement.
Cette cerémonie achevée , le G. S. revint
au Serrail , d'où peu après il s'embarqua avec les
Princes fes fils , le G. V. les Pachas & autres Miniftres
, fur la Galere du Capitan Pacha , dite la
Patrone Imperiale , magnifique ment pavoifée ;
il arriva à Scutary , vers le midi , au bruit du
Canon de la Galere qu'il montoit , & d'une autre
fur laquelle étoient les Pages & quelques -uns de
fes Officiers. Dès qu'il eut mis pied à terre , il
alla à une des principales Mofquées de la Ville où
il demeura plus d'une demie heure à prier Dieu
fur le Tombeau de fa mere qui y eft inhumée ;
enfuite montant à cheval il pourfuivit fa route
jufqu'à fon Serrail de Calcedoine , où il a toûjours
demeuré depuis avec fes Sultanes favorites
qui l'y vinrent joindre le même jour , n'étant
allé fous fes Tentes que quand il y a eu Grand-
Divan ou Confeil extraordinaire .
Quoique tous ceux qui devoient accompagner
le Sultan , fe fuffent mis en marche de grand
matin , les derniers cependant n'arriverent au
Camp qu'à plus de quatre heures après midi ; ce
n'eft pas que le Cortege de Sa Hauteffe , tout
nombreux qu'il étoit , n'eût du employer beaumoins
de temps à faire ce chemin qui n'eft
que d'environ une lieuë & demie , mais c'eſt que
faute d'âffez de terrain à la Marine , & de bon or -
dre pour mettre à propos chacun en mouvement,
à quoi les Turcs ne paroiffent gueres s'entendre ,
la Marche étoit fouvent interrompuë ; de forte
coup
* On remarque que c'est la premiere fois de
fa vie qu'il est venu à ce Serrail , quoique le
lieu foit fort agréable , & qu'il n'y ait pas une
demie heure de trajet de Mer à paffer.
Hiij qu'il 1. Vol.
2722 MERCURE DE FRANCE
qu'il s'écouloit quelquefois une demie heure fans
que perfonne bougeât , à cela près il n'y eut ni
foule ni confufion furtout de la part des Spectateurs
, quoiqu'en très- grand nombre , & il n'arriva
pas le moindre defordre , & depuis l'Echelle
où l'on débarque à Scutary jufqu'aux Pavillons
du G. S. les rues & la Campagne étoient bordées
de part & d'autre d'une haye de gens fous les armes,
fçavoir , de Janniffaires à droit & de Topdgis
& Gebedgis ou Canoniers &Armuriers à
che.
gau
Un peu avant que la Marche s'ouvrit , so . Chiaoux
des Janniffaires , pafferent , & après eux en differens
temps , la plus grande partie des principaux
Officiers de cette Milice , comme des Tchorbadgis
ou Capitaines , le Bach- Chiaoux ou le
Sergent Major, Le Sanffoudgi - Bachi. Chef
de ceux qui ont le foin des Levriers ou grands
Chiens du Sultan . Le Zagardgi - Bachi , à qui font
confiez les Dogues , les Epagneuls & autres
Chiens pour la Chaffe du fufil. Le Bach - Yazidgi
ou premier Secretaire des Janiffaires. L'Affas- Bachi
, qui a le foin de la Police , & le Sou- Bachi ,
qui eft le Prévôt de Conftantinople . Le Kiaya-
Bey , autrement nommé le Koul- Kiayaffy , ou le
Lieutenant General de ce Corps. Le Janiffaire,
Aga , ou le General des Janniffaires , & plufieurs
lefquels prirent tous les devants
cevoir Sa Hauteffe au Camp , ou parce que quelques
fonctions particulieres les empêchoient de
fe trouver à la Marche.
autres , pour
re-
Maiſon & Suite du G. V. fçavoir , 70. Tartares
à cheval , marchant deux à deux , ayant leur
Tartar- Agaffy ou Commandant à leur tête , leur
Drapeau blanc déployé , & armez chacun d'un
Sabie, de Piftolets d'Arçon , d'Arcs & de Fleches
Les Tartares font les Couriers du G. V.
I. Vol. Les
DECEMBRE. 1730. 2723
Les 4 Chefs des Gnululis & des Delis , qui
font des efpeces de Cavaliers ou Dragons volontaires
, tirez la plupart de l'Albanie & de la Bofnie
, & qui font une partie de la Garde à Cheval
du G. V.
Une Compagnie de Gnunulis , marchant fur
une ligne à la droite & une de Delis , marchant
´de même à la gauche ; il y avoit encore quelques
Dragons d'une autre forte , mêlez parmi ces deux
Compagnies.
Beaucoup de Divans Tchaoux ou Huiffiers du
Confeil à cheval fur deux lignes , & en Muderedgé,
c'eft- à-dire en grand Bonnet de ceremonie
, étroit par en bas , fort large au fommet
, haut d'un pied & demi , & tout couvert
d'une Mouffeline pliée autour.
Deux Tougilars ou Officiers portant chacun un
Etendart 2à queue de Cheval , fuivi de 4. Sangiactars
ou Porte- Enfeignes , portant les Sangiaks
ou Drapeaux des Pachas ; celui du G. V.
étoit verd , les autres de diverfes couleurs , & ils
étoient pliez tous quatre.
100. tant Vizirs- Agaffy , que Tcheknegirs ou
Mutaferikas , fort bien vétus & montez ; ils
avoient pour armes l'Arc & des Fleches dorées
dans des Carquois de cuivre ou couverts de ve→
lours , le tout relevé d'une riche broderie .
Les Ghedikluzaims , forte d'Officiers de Cavaferie
, qui poffedent les plus confiderables Ziamets
ou Fiefs de l'Empire.
Les Muderris ou Profeffeurs qui enfeignent
P'Alcoran , la Medecine , les Langues Arabe &
Perfane , & qui afpirent aux Charges de Judicature.
Les Moullahs , Grands -Juges ou Juges Souverains
dans les Provinces , en Turban rond , d'une
grofleur démefurée.
I. Vole
Hiiij 300.
2724 MERCURE DE FRANCE
300. Yazidgis du Kalem , Effendis ou Codgeas;
ee font differentes efpeces de Commis & d'Ecrivains
du Divan de la Chancellerie & des Tréſors.
Une Compagnie de Janniffaires en habit de
guerre , le fufil fur l'épaule.
L'Imbrohor , ou Grand- Ecuyer.
36. Chevaux de main , dont 7. entre autres
plus beaux & plus fuperbement harnachez que le
refte , portoient des Boucliers d'airain argenté
chargez d'ornemens d'or,& attachez à la Selle du
côté hors du montoir.
Le Capidgilar- Buluk- Bachi , ou Chef de Brigade
des Capidgis ou Portiers , entouré de beaucoup
de Choadars , ou -Porte - Manteau , le Moufquet
fur l'épaule.
Le Telkitchi , efpece de Meffager qui porte les
Billets & dans de certaines occafions les Avis de
bouche du G. V. au G. S.
Le Mectupchi ou Secretaire du Cabinet du G.V.
Le Buyuk & le Cutchuk- Teskeredgi , ou le
Grand & le Petit Greffier , qui expedient les ordres
du G. V. au Divan , & écoutent , accompagnez
du Chiaoux - Bachi , les plaintes & les Procès
des Particuliers.
La Compagnie du Muzur- Aga , ou d'Halebardiers
du G. V. marchant deux à deux, & fuivis
de leur Capitaine. Ils ont pour arme une demi
pique de bois noir ornée d'une bande
d'argent d'un pouce de large, qui tourne tout autour
en Spirale du bas en haut.
>
Le Kiaya du G. V. autrement dit le Vizir
Kiayaffi , il avoit un Arc & un Carquois fuperbes
, une petite Garde de Janniffaires & environ
100. Choadars à pied , le Moufquet fur l'épaule
& le Sabre au coté.
Le Hafnadar ou Tréforier , & l'Imam ou Aumônier
, avec l'Arc & le Carquois , & beaucoup
de Valets armez.
DECEMBRE . 1730. 2725
100. Itch Agalars ou Pages , marchant deux à
deux en fort bon ordre , & montez fur des Chevaux
d'une grande beauté , magnifiquement harnachez
& caparaçonnez à la Romaine; ils avoient
pour armes offenfives, le Sabre , les Piſtolets d'Arçon
, l'Arc & la Mildrac ou Lance Hongroife ,
qui n'eft qu'une demi Pique , & pour armes deffenfives
, une Cotte de Mailles à demi manches ,
qui leur defcendoit jufqu'aux genoux ; des Braſfarts
d'acier poli & damafquiné , dont leur avant
bras étoit couvert en dehors jufqu'au conde , &
de Mail.es en dedans ; une Calotte du même acier
leur tenoit lieu de Turban ; il en pendoit un petit
Raiſeau de Mailles pour leur garantir le cou &
& les joues & autour de cette Calotte une longue
Seffe ou écharpe de Soye de differentes couleurs ,
étoit entortillée & ajustée avec beaucoup de grace
; ils portoient outre cela un Kerekié au Manteau
long d'étoffe de Soye leger , à fleurs d'or &
d'argent, qui leur paffoit en écharpe de deffus l'épaule
gauche fous le bras droit , & dont les bouts
toient nouez par derriere à un Carquois de velours
en broderie , rempli de Fleches dorées .
Il y avoit un grand nombre de gens très - bien
faits , tant parmi ces Cavaliers , que parmi ceux
dont on va parler , & le tout enfemble for moit
une Troupe d'un air auffi lefte que martial.
100. autres Itch- Agalars en pareil équipage
que les précedens , excepté qu'au lieu de la Lance,
ils portoient la Carabine haute, dont la monture,
quoique d'un travail fort imparfait, ne laiffoit pas
de produire un effet très - brillant par la riche
marqueterie d'or , d'argent , de Nacre de Perle ,
de Corail & d'autres Joyaux dont elle étoit toute
couverte .
de
La Mufique guerriere du G. V. compofée de
40. Muficiens à cheval , tant Trompettes,
I. Vel.
plus
Hv Haut
2726 MERCURE DE FRANCE
Hautbois , Cimbales, que Tabours , petites Timbales
& autres Inftrumens du Pays. Marchoit
après la Maiſon & Sunte du Vizir Kiayaffy , fça.
voir , 22. Agas , Gentils - hommes Courtifans ou
Servans, bien montez, fort leftes & en bon ordre..
L'Imbrohor ou Ecuyer.
7. Chevaux de main , auffi beaux & auffi fu
perbement harnachez que ceux du G. V. à l'exception
qu'ils n'avoient ni peaux de Tigre , ni
Boucliers à la Selle . Il n'a pas droit de faire mener
un plus grand nombre de Chevaux, non- plus
que les Pachas. Le G. V. en fait mener tant qu'il
yeut.
avec la Carabine.
30. Itch-Agalars , avec l'Arc & le Carquois..
30. autres avec la Lance Hongroife. Et 30. autres
Le Kiaya ou l'Intendant du Vizir Kiayaffy &
le Kiatib ou Secretaire du Kiaya.
Le Hafnadar ou Tréforier & beaucoup d'au
tres Officiers & Domestiques..
Maifon & Suite particuliere du G. S.
200. Zaims ou Cavaliers rentez , c'eft- à- dire
qui poffedent des Ziamets ou Fiefs , entourez de
leurs Domestiques à pied armez.
60. Tant Effendis que Kiatibleri , Secretaires ,
Ecrivains ou Commis de la Chancellerie & du
Tréfor , en même équipage que les Zaims.
130. Eulemas ou Docteurs , coeffez de prodigieux
Turbans , & portant la Peliffe à longues.
manches fendues & pendantes
4. heiks ou Chefs d'Ordres Religieux..
4. Toygilars ou Porte- Ltendarts à queue de
Cheval, fuivis de 7. Bairactars ou Porte - Enfeignes,
portant chacun un Drapeau plié de diverfes couleurs.
Le G. S. a fix de ces Queues , mais on n'en
portoit que 4. les autres étoient au Camp pour
I. Vol.
marDECEMBRE
. 1730. 2727
marquer les Tentes de Sa Hauteffe.
6. Longs Sacqs de cuir rouge , pliffez & liez en
bourfe par en bas & par en haut à une grande
Pique qui les traverſe , renfermant des Bâtons pour
donner la baftonade , fupplice fort ordinaire &
qu'on inflge pour peu de chofe chez les Turcs .
Ces Sacqs portez font des marques d'autorité &
de fouveraineté .
&
Le fecond Hafnadar ou fecond Tréforier ,
le Tefter Eminy ou Controlleur . Le Hafnadar
Aga ou premier Tréforier du Serrail , qui eft un
Eunuque noir , étoit abſent.
Le Hekim- Bachi ou Premier Medecin , & le
Dgeack- Bachi ou Premier Chirurgien.
L'Ordi - Cadiffy , ou l'Intendant & le Juge des
Corps de Métiers & des Marchands . Il fait les
fonctions de Grand Prévôt à l'armée .
2. Anciens Iftambol- Effendy ou Lieutenans Ge
neraux de l'olice de Conftantinople.
Le Defterdar ou le Grand - Tréforier , qui après
le G. V. eft . auffi Sur - Intendant des Finances
marchant à la droite , & le Reys Effendi , Secretaire
d'Etat , marchant à la gauche. La Charge de
Reys- Effendi répond à peu près à celle de Chanceliér
en France.
Le Bach- Baki Koulon ou Chef des Receveurs
qui pourfuivent le payement des fommes dues au
Tréfor.
L'Iftambol- Effendy ou le Lieutenant General
de Police actuel , & le Nakib- Echeref, ou le Chef
des Emirs , defcendans de Mahomet.
20. Anciens Kadileskers ou Juges fuprêmes
d'Anatolie & de Komelie , en gros Turban , à la
tête defquels marchoient les deux Unkiar- Imams,"
ou le premier & le fecond Aumônier du G. Ş .
Les deux Kadileskiers qui font actuellement en
charge ; celui d'Anatolie marchant à la droite &
I. Vol.
H vj celui
2728 MERCURE DE FRANCE
celui de Romelie à la gauche ; ils étoient armez
d'Arcs & de Fleches & environnez de beaucoup
de Choadars.
4.Pachas ouVizirs à trois queues,marchant deux
deux précedez de leurs Eftafiers , ils portoient le
Turban nommé Calevi , fait à 4. coins ronds .
comme le font communément nos Mortiers à
piler ; ils étoient fuperbes en tout , & avoient
chacun plus de 4. Choadars , fort proprement
vétus & bien armez .
Le Mufti ou le premier Miniſtre de la Loy &
l'Oracle de la Religion parmi les Turcs en habit
blanc de Camelot , armé d'un Sabre , d'un
Arc & d'un Carquois , comme accompagnant le
G. S. à la guerre contre des Heretiques. Il marchoit
feul , entouré d'une vingtaine de Valets de
Pied , le Moufquet fur l'épaule.
*
Le G. V. appellé par les Turcs Vizir- Azem ,
qui fignifie le Chef du Confeil , & Muhur- Sahibi,
qui veut dire le Maître du Sceau , fon Cheval
étoit couvert de harnois d'argent , enrichis de
Pierres précieuſes. Ses Tufekchis ou Moufquetaires
& fes 8 Eftafiers le précedoient à pied, il étoit
entouré d'un grand nombre d'autres Domestiques
à pied, & fuivi de 4.Tchorbadgis de Janiffaires avec
le Bonnet de Ceremonie en grand plumage , il regardoit
de côté & d'autre affablement & jettoit de
temps en temps des Sequins au Peuple , fur tout
où il appercevoit des Etrangers.
24. Capidgis- Bachis , ou Chefs des Portiers du
Serrail ; ce font des Gentilshommes de la Chambre
, il y en a toûjours un de garde à la porte
des Appartemens de S. H. Ils introduifent à fon
* Cachet d'or où le nom du G. S. éft gravé.
S.H. le donne à celui qu'elle fait G. V. & le lui
ête quand il est tombé dans fa disgrace.
I, Vol. AuDECEMBRE.
1730. 2729
D
Audience les Ambaffadeurs & tous ceux qu'on y
admet en les prenant fous les bras ; ils ne paffent
jamais à de plus grandes Charges, & n'ont que
3.1. 15. .. par jour , mais on les envoye porter les.
ordres du Sultan au Vizir & Pachas dont ils font
quelquefois chargez d'apporter la tête , & ces fortes
de commiflions les dédommagent de la modicité
de leurs appointemens.
Le Buyuk Imbrohor , ou Grand-Ecuyer , & le
Kutchub Imbrohor , ou petit Ecuyer ; le premier
a l'inſpection fur tous les Chevaux , Chameaux,
Mulets &c. & le fecond qui eft le Lieutenant du
premier , fur les Coches , Caroffes , Litieres &c.
& marche devant la Sultane Valité , ou mere du
G. S. quand elle monte en Carroffe.
48. Chevaux de main ; fçavoir , 14. couverts
de houffes trainantes , les unes de drap , les autres
d'etoffes de foye relevées en broderie d'or &
d'argent.
10. autres auffi en houffes de drap trainantes
mais chargées d'ornemens faits de petites plaques.
en boffe d'argent ou d'or maffif , appliquées fur
le drap.
15. autres à houffes courtes de velours cramoifi
, brodées d'or & d'argent , avec un riche
bouclier attaché à la felle.
9. autres dont les houffes , les harnois & les
boucliers étoient couverts de perles & de pierres
précieuſes.
30. de ces Chevaux portoient des bouquets de
plumes fur la tête accompagnés d'enfeignes de
pierres précieufes , & de deffous la gorge , ik
pendoit un toupet de crin blanc , ou teint de diverfes
couleurs , avec une boule de vermeil au
bout. Une écharpe de gaze , de moire ou d'autre
étoffe de foye , mêlée d'or & d'argent s'entortiloít
legerement autour de ce toupet , & for-
1. Vel mang
2730 MERCURE DE FRANCE
mant une espece de fefton , fe retrouffoit à la
*felle qui avoit l'accompagnement ordinaire d'une
Maffe , d'une hache d'Armes , & d'un grand fabre
, le tout bien garni de pierreries. Il eft certain
qu'on ne peut gueres rien voir de plus fuperbe
en ce genre que ces 48. Chevaux de main
& leurs harnois .
Quelques Salabors , ou Ecuyers Cavalcadours,
fuivis par des redekchis , des Saratches & des
Seis , trois claffes differentes de Palfreniers.
6. Dogues & 6. autres Chiens pour la Chaffe
au fufil , peints en differens endroits de leur corps
& menés chacun en leffe par deux Boftandgis.
·Le Selam Agaffy , ou le Chef des Selam-
Chiaoux , ou Chiaoux du falut , & le Capidgilar
Kiayaffy , ou le Lieutenant des Portiers , qui fait
les fonctions de Maître des Cerémonies , & d'Introducteur
de tous ceux qui vont à l'audience du
Sultan.
Le Sandgiak Cherif , ou l'Etendart verd que
Mahomet donna lui-même aux Muſulmans ; il
étoit plié & enveloppé dans une longue bourfe
de taffetas verd ; un Emir , qui eft l'Alemdar , out
le Lieutenant du Nakib Echref , ou Chef des
Emirs , le portoit , entouré de beaucoup d'au
tres Emirs , tous , foi - difant , de la famille du
Prophete , & fuivis de plufieurs Dervichs ou Religieux
, ainfi que d'autres perfonnes qui deffervent
les Mofquées , chantant tous des Hymnes
pour la profperité des Armes du Sultan , la propagation
de la Foi Mufulmane Orthodoxe , &
la deftruction des Perfans Herétiques Sectateurs
d'Aly.
Un grand Caroffe fort bien doré par tout >
tant en dedans qu'en dehors , tiré par fix Chevaux
blancs dont les houffes & les harnois
étoient de velours cramoifi , brodé d'or ; il por-
2.
J. Vol.
toir
DECEMBRE. 1730. 2731
toit une petite caffette d'argent doré qui renfermoit
un Manufcrit de l'Alcoran & une boëte
d'argent ovale , dans laquelle étoit le Manteau
de Mahomet. C'est pour la premiere fois qu'on
a vû un Caroffe dans une Marche du G. S.
Le Solak- Bachi & le Peik Bachi ,
i, oules Commandans
des Solaks & des Peiks , ou petits Valets
de S. H. en habits magnifiques & en bonnets
de vermeils d'un pied de haut.
+6
& une 200. Selaks marchant deux à deux
Compagnie de Peiks , marchant de même dans.
l'interieur des deux lignes que formoient les Solaks
.
Le G. S entouré de s . Solaks à pied , portant
le Bonnet à haut & grand pannache , pour empêcher
, dit- on , qu'il ne foit va fi facilement du
peuple , & fuivi de 200. Chateirs , Boftandgis
Baltadgis & autres fortes de Domestiques à pied.
& bien armés . Le G. S. n'avoit pour tout orne→
ment guerrier qu'un Arc & un Carquois .
Les 6. Chah Jade , ou fils du G. S. armés
d'Arcs & de Carquois , marchant deux à deux
& environnés de leurs Gouverneurs , Officiers &
Domeftiques.
و
Le Selictar Aga , ou Porte- Epée de S. H. le.
Sabre du Sultan qu'il portoit éclatoit de pierreries
, & lui pendoit d'un Ceinturon paffé un baudrier.
Le Tehohadar Aga , ou Maître de la Garde
Robe , & Porte -Manteau du Sultan ; il portoir
fa Maffe d'Armes , & jettoit de fa part des poignées
de Paras au Peuple. Ce font de petites .
Piéces qui ne valent que 18. deniers.
2. Dulbent Agalar , ou Porte-Turban ; cha
cun d'eux en tenoit un dans fes mains , enveloppé
d'un taffetas verd fort clair , au travers du
quel brilloient de belles Enfeignes de diamans...
I. Vol.
2732 MERCURE DE FRANCE
4. Pages de l'Hafoda portant le Tabouret , l'Aiguiere
, le Sorbet & la Caffoletre de S. H.
Le Kiaya , ou Lieutenant du Kiflar- Aga , où
Second Chef des Eunuques Noirs , & le Capon-
Aga , ou Chef des Eunuques Blancs.
"
Une partie des Eunuques Noirs & des Eunuques
Blancs en cotte de mailles , le Pot en tête
avec le Sabre , l'Arc & le Carquois . Cette Troupe
n'étoit pas la moins curieufe de la Marche.
La Mufique Guerriere du G. S. composée de
plus de 60. perfonnes à cheval , excepté les Timbaliers
, montés fur des Chameaux.
2. Eunuques Blancs , à la tête de 30. Itch-
Agalars , ou Pages de l'Haf- oda , montés fur
des Chevaux Arabes ; ils étoient équipés comme
ceux dont on a ci- devant parlé , mais avec encore
plus de magnificence. Ils avoient un Kerckie
d'étoffe de foye jaune , une Echarpe ou Seſſe
rouge autour de leur calotte de fer , & pour armes
l'Arc & le Carquois.
2. Eunuques Blancs , fuivis de 30. Pages d'une
autre Chambre en Kerckie rouge , coeffure
blanche , & la lance ou demi- pique à la main .
Idem , fi ce n'eft que le Kerckté étoit verd &
la coëffure aurore.
Idem , en Kerckie couleur de rofe & coëffure
bleuë .
Idem , en Kerckie bleu , coëffure verd de mer ,
& portant la Carabine haute.
idem , en Kerckie verd celadon & coëffure
cramoifi .
>
2. Eunuques Blancs , & 20. Pages feulement ,
en Kerckie couleur de cerife , coëffure couleur
de citron , & avec la Carabine comme les deux
Brigades précedentes.
Et enfin quelques bas Officiers & Valets du
Sérail en foule qui fermoient la Marche.
I Vol Les
DECEMBRE. 1730. 2733
3
Les 6. Brigades d'Itch - Agalar dont on vient
de parler , formoient une Troupe veritablement
digne d'un grand Souverain , par la bonne mine
de la plupart des Cavaliers , la beauté des Chevaux
, la riche varieté , & le bon gout des habits
& des Equipages.
de Conftantinople à Scutary ,
·le 3. Août 1730.
E réſultat de plufieurs Confeils tenus à la
9
Pambaffadeur
Chah - Thamas , ayant été de continuer la guerre
contre les Perfans , le Grand Seigneur fe détermina
à paffer en Afie , & à faire marcher le G. Vizir
à la tête de fes Troupes. Pour cet effet on
marqua le lieu d'affemblée dans la Campagne
entre Calcedoine & Scutary , derriere un Serrail
du Sultan : fes Tentes y furent dreffées & les Etendarts
à queue de Cheval, au nombre de 20. portez
& arborez avec beaucoup de pompe & de ceremonie
, fuivant l'ufage en pareille occafion.
*
Le 3. Août , le G. S. accompagné du G. V. du
Mufty , des Pachas & de fes autres principaux
Miniftres & Officiers , alla à 8. heures du matin
faire fa priere à la Mofquée d'Ajoub, dans le fond
du Port où le Mufty lui çeignit l'épée de la mê-
* L'Etendart à queue de Cheval ou le Toug,
comme les Turcs l'appellent , efl formé par une
groffe longue Pique , pour ceux qui le portent
à pied , par une plus petite pour ceux
qui le portent à cheval , au haut de laquelle eft
une boule de vermeil , & au- dessous un peu
plus bas , tout autour d'un bourrelet de bois doré
font attachez les crins d'une queuë de Cheval,
ordinairement teints de differentes couleurs,
I. Vol. me
DECEMBRE. 1730. 2721
me maniere qu'il fe pratique à l'avenement d'un
Sultan à l'Empire , ce qui tient lieu de Couronnement.
Cette cerémonie achevée , le G. S. revint
au Serrail , d'où peu après il s'embarqua avec les
Princes fes fils , le G. V. les Pachas & autres Miniftres
, fur la Galere du Capitan Pacha , dite la
Patrone Imperiale , magnifique ment pavoifée ;
il arriva à Scutary , vers le midi , au bruit du
Canon de la Galere qu'il montoit , & d'une autre
fur laquelle étoient les Pages & quelques -uns de
fes Officiers. Dès qu'il eut mis pied à terre , il
alla à une des principales Mofquées de la Ville où
il demeura plus d'une demie heure à prier Dieu
fur le Tombeau de fa mere qui y eft inhumée ;
enfuite montant à cheval il pourfuivit fa route
jufqu'à fon Serrail de Calcedoine , où il a toûjours
demeuré depuis avec fes Sultanes favorites
qui l'y vinrent joindre le même jour , n'étant
allé fous fes Tentes que quand il y a eu Grand-
Divan ou Confeil extraordinaire .
Quoique tous ceux qui devoient accompagner
le Sultan , fe fuffent mis en marche de grand
matin , les derniers cependant n'arriverent au
Camp qu'à plus de quatre heures après midi ; ce
n'eft pas que le Cortege de Sa Hauteffe , tout
nombreux qu'il étoit , n'eût du employer beaumoins
de temps à faire ce chemin qui n'eft
que d'environ une lieuë & demie , mais c'eſt que
faute d'âffez de terrain à la Marine , & de bon or -
dre pour mettre à propos chacun en mouvement,
à quoi les Turcs ne paroiffent gueres s'entendre ,
la Marche étoit fouvent interrompuë ; de forte
coup
* On remarque que c'est la premiere fois de
fa vie qu'il est venu à ce Serrail , quoique le
lieu foit fort agréable , & qu'il n'y ait pas une
demie heure de trajet de Mer à paffer.
Hiij qu'il 1. Vol.
2722 MERCURE DE FRANCE
qu'il s'écouloit quelquefois une demie heure fans
que perfonne bougeât , à cela près il n'y eut ni
foule ni confufion furtout de la part des Spectateurs
, quoiqu'en très- grand nombre , & il n'arriva
pas le moindre defordre , & depuis l'Echelle
où l'on débarque à Scutary jufqu'aux Pavillons
du G. S. les rues & la Campagne étoient bordées
de part & d'autre d'une haye de gens fous les armes,
fçavoir , de Janniffaires à droit & de Topdgis
& Gebedgis ou Canoniers &Armuriers à
che.
gau
Un peu avant que la Marche s'ouvrit , so . Chiaoux
des Janniffaires , pafferent , & après eux en differens
temps , la plus grande partie des principaux
Officiers de cette Milice , comme des Tchorbadgis
ou Capitaines , le Bach- Chiaoux ou le
Sergent Major, Le Sanffoudgi - Bachi. Chef
de ceux qui ont le foin des Levriers ou grands
Chiens du Sultan . Le Zagardgi - Bachi , à qui font
confiez les Dogues , les Epagneuls & autres
Chiens pour la Chaffe du fufil. Le Bach - Yazidgi
ou premier Secretaire des Janiffaires. L'Affas- Bachi
, qui a le foin de la Police , & le Sou- Bachi ,
qui eft le Prévôt de Conftantinople . Le Kiaya-
Bey , autrement nommé le Koul- Kiayaffy , ou le
Lieutenant General de ce Corps. Le Janiffaire,
Aga , ou le General des Janniffaires , & plufieurs
lefquels prirent tous les devants
cevoir Sa Hauteffe au Camp , ou parce que quelques
fonctions particulieres les empêchoient de
fe trouver à la Marche.
autres , pour
re-
Maiſon & Suite du G. V. fçavoir , 70. Tartares
à cheval , marchant deux à deux , ayant leur
Tartar- Agaffy ou Commandant à leur tête , leur
Drapeau blanc déployé , & armez chacun d'un
Sabie, de Piftolets d'Arçon , d'Arcs & de Fleches
Les Tartares font les Couriers du G. V.
I. Vol. Les
DECEMBRE. 1730. 2723
Les 4 Chefs des Gnululis & des Delis , qui
font des efpeces de Cavaliers ou Dragons volontaires
, tirez la plupart de l'Albanie & de la Bofnie
, & qui font une partie de la Garde à Cheval
du G. V.
Une Compagnie de Gnunulis , marchant fur
une ligne à la droite & une de Delis , marchant
´de même à la gauche ; il y avoit encore quelques
Dragons d'une autre forte , mêlez parmi ces deux
Compagnies.
Beaucoup de Divans Tchaoux ou Huiffiers du
Confeil à cheval fur deux lignes , & en Muderedgé,
c'eft- à-dire en grand Bonnet de ceremonie
, étroit par en bas , fort large au fommet
, haut d'un pied & demi , & tout couvert
d'une Mouffeline pliée autour.
Deux Tougilars ou Officiers portant chacun un
Etendart 2à queue de Cheval , fuivi de 4. Sangiactars
ou Porte- Enfeignes , portant les Sangiaks
ou Drapeaux des Pachas ; celui du G. V.
étoit verd , les autres de diverfes couleurs , & ils
étoient pliez tous quatre.
100. tant Vizirs- Agaffy , que Tcheknegirs ou
Mutaferikas , fort bien vétus & montez ; ils
avoient pour armes l'Arc & des Fleches dorées
dans des Carquois de cuivre ou couverts de ve→
lours , le tout relevé d'une riche broderie .
Les Ghedikluzaims , forte d'Officiers de Cavaferie
, qui poffedent les plus confiderables Ziamets
ou Fiefs de l'Empire.
Les Muderris ou Profeffeurs qui enfeignent
P'Alcoran , la Medecine , les Langues Arabe &
Perfane , & qui afpirent aux Charges de Judicature.
Les Moullahs , Grands -Juges ou Juges Souverains
dans les Provinces , en Turban rond , d'une
grofleur démefurée.
I. Vole
Hiiij 300.
2724 MERCURE DE FRANCE
300. Yazidgis du Kalem , Effendis ou Codgeas;
ee font differentes efpeces de Commis & d'Ecrivains
du Divan de la Chancellerie & des Tréſors.
Une Compagnie de Janniffaires en habit de
guerre , le fufil fur l'épaule.
L'Imbrohor , ou Grand- Ecuyer.
36. Chevaux de main , dont 7. entre autres
plus beaux & plus fuperbement harnachez que le
refte , portoient des Boucliers d'airain argenté
chargez d'ornemens d'or,& attachez à la Selle du
côté hors du montoir.
Le Capidgilar- Buluk- Bachi , ou Chef de Brigade
des Capidgis ou Portiers , entouré de beaucoup
de Choadars , ou -Porte - Manteau , le Moufquet
fur l'épaule.
Le Telkitchi , efpece de Meffager qui porte les
Billets & dans de certaines occafions les Avis de
bouche du G. V. au G. S.
Le Mectupchi ou Secretaire du Cabinet du G.V.
Le Buyuk & le Cutchuk- Teskeredgi , ou le
Grand & le Petit Greffier , qui expedient les ordres
du G. V. au Divan , & écoutent , accompagnez
du Chiaoux - Bachi , les plaintes & les Procès
des Particuliers.
La Compagnie du Muzur- Aga , ou d'Halebardiers
du G. V. marchant deux à deux, & fuivis
de leur Capitaine. Ils ont pour arme une demi
pique de bois noir ornée d'une bande
d'argent d'un pouce de large, qui tourne tout autour
en Spirale du bas en haut.
>
Le Kiaya du G. V. autrement dit le Vizir
Kiayaffi , il avoit un Arc & un Carquois fuperbes
, une petite Garde de Janniffaires & environ
100. Choadars à pied , le Moufquet fur l'épaule
& le Sabre au coté.
Le Hafnadar ou Tréforier , & l'Imam ou Aumônier
, avec l'Arc & le Carquois , & beaucoup
de Valets armez.
DECEMBRE . 1730. 2725
100. Itch Agalars ou Pages , marchant deux à
deux en fort bon ordre , & montez fur des Chevaux
d'une grande beauté , magnifiquement harnachez
& caparaçonnez à la Romaine; ils avoient
pour armes offenfives, le Sabre , les Piſtolets d'Arçon
, l'Arc & la Mildrac ou Lance Hongroife ,
qui n'eft qu'une demi Pique , & pour armes deffenfives
, une Cotte de Mailles à demi manches ,
qui leur defcendoit jufqu'aux genoux ; des Braſfarts
d'acier poli & damafquiné , dont leur avant
bras étoit couvert en dehors jufqu'au conde , &
de Mail.es en dedans ; une Calotte du même acier
leur tenoit lieu de Turban ; il en pendoit un petit
Raiſeau de Mailles pour leur garantir le cou &
& les joues & autour de cette Calotte une longue
Seffe ou écharpe de Soye de differentes couleurs ,
étoit entortillée & ajustée avec beaucoup de grace
; ils portoient outre cela un Kerekié au Manteau
long d'étoffe de Soye leger , à fleurs d'or &
d'argent, qui leur paffoit en écharpe de deffus l'épaule
gauche fous le bras droit , & dont les bouts
toient nouez par derriere à un Carquois de velours
en broderie , rempli de Fleches dorées .
Il y avoit un grand nombre de gens très - bien
faits , tant parmi ces Cavaliers , que parmi ceux
dont on va parler , & le tout enfemble for moit
une Troupe d'un air auffi lefte que martial.
100. autres Itch- Agalars en pareil équipage
que les précedens , excepté qu'au lieu de la Lance,
ils portoient la Carabine haute, dont la monture,
quoique d'un travail fort imparfait, ne laiffoit pas
de produire un effet très - brillant par la riche
marqueterie d'or , d'argent , de Nacre de Perle ,
de Corail & d'autres Joyaux dont elle étoit toute
couverte .
de
La Mufique guerriere du G. V. compofée de
40. Muficiens à cheval , tant Trompettes,
I. Vel.
plus
Hv Haut
2726 MERCURE DE FRANCE
Hautbois , Cimbales, que Tabours , petites Timbales
& autres Inftrumens du Pays. Marchoit
après la Maiſon & Sunte du Vizir Kiayaffy , fça.
voir , 22. Agas , Gentils - hommes Courtifans ou
Servans, bien montez, fort leftes & en bon ordre..
L'Imbrohor ou Ecuyer.
7. Chevaux de main , auffi beaux & auffi fu
perbement harnachez que ceux du G. V. à l'exception
qu'ils n'avoient ni peaux de Tigre , ni
Boucliers à la Selle . Il n'a pas droit de faire mener
un plus grand nombre de Chevaux, non- plus
que les Pachas. Le G. V. en fait mener tant qu'il
yeut.
avec la Carabine.
30. Itch-Agalars , avec l'Arc & le Carquois..
30. autres avec la Lance Hongroife. Et 30. autres
Le Kiaya ou l'Intendant du Vizir Kiayaffy &
le Kiatib ou Secretaire du Kiaya.
Le Hafnadar ou Tréforier & beaucoup d'au
tres Officiers & Domestiques..
Maifon & Suite particuliere du G. S.
200. Zaims ou Cavaliers rentez , c'eft- à- dire
qui poffedent des Ziamets ou Fiefs , entourez de
leurs Domestiques à pied armez.
60. Tant Effendis que Kiatibleri , Secretaires ,
Ecrivains ou Commis de la Chancellerie & du
Tréfor , en même équipage que les Zaims.
130. Eulemas ou Docteurs , coeffez de prodigieux
Turbans , & portant la Peliffe à longues.
manches fendues & pendantes
4. heiks ou Chefs d'Ordres Religieux..
4. Toygilars ou Porte- Ltendarts à queue de
Cheval, fuivis de 7. Bairactars ou Porte - Enfeignes,
portant chacun un Drapeau plié de diverfes couleurs.
Le G. S. a fix de ces Queues , mais on n'en
portoit que 4. les autres étoient au Camp pour
I. Vol.
marDECEMBRE
. 1730. 2727
marquer les Tentes de Sa Hauteffe.
6. Longs Sacqs de cuir rouge , pliffez & liez en
bourfe par en bas & par en haut à une grande
Pique qui les traverſe , renfermant des Bâtons pour
donner la baftonade , fupplice fort ordinaire &
qu'on inflge pour peu de chofe chez les Turcs .
Ces Sacqs portez font des marques d'autorité &
de fouveraineté .
&
Le fecond Hafnadar ou fecond Tréforier ,
le Tefter Eminy ou Controlleur . Le Hafnadar
Aga ou premier Tréforier du Serrail , qui eft un
Eunuque noir , étoit abſent.
Le Hekim- Bachi ou Premier Medecin , & le
Dgeack- Bachi ou Premier Chirurgien.
L'Ordi - Cadiffy , ou l'Intendant & le Juge des
Corps de Métiers & des Marchands . Il fait les
fonctions de Grand Prévôt à l'armée .
2. Anciens Iftambol- Effendy ou Lieutenans Ge
neraux de l'olice de Conftantinople.
Le Defterdar ou le Grand - Tréforier , qui après
le G. V. eft . auffi Sur - Intendant des Finances
marchant à la droite , & le Reys Effendi , Secretaire
d'Etat , marchant à la gauche. La Charge de
Reys- Effendi répond à peu près à celle de Chanceliér
en France.
Le Bach- Baki Koulon ou Chef des Receveurs
qui pourfuivent le payement des fommes dues au
Tréfor.
L'Iftambol- Effendy ou le Lieutenant General
de Police actuel , & le Nakib- Echeref, ou le Chef
des Emirs , defcendans de Mahomet.
20. Anciens Kadileskers ou Juges fuprêmes
d'Anatolie & de Komelie , en gros Turban , à la
tête defquels marchoient les deux Unkiar- Imams,"
ou le premier & le fecond Aumônier du G. Ş .
Les deux Kadileskiers qui font actuellement en
charge ; celui d'Anatolie marchant à la droite &
I. Vol.
H vj celui
2728 MERCURE DE FRANCE
celui de Romelie à la gauche ; ils étoient armez
d'Arcs & de Fleches & environnez de beaucoup
de Choadars.
4.Pachas ouVizirs à trois queues,marchant deux
deux précedez de leurs Eftafiers , ils portoient le
Turban nommé Calevi , fait à 4. coins ronds .
comme le font communément nos Mortiers à
piler ; ils étoient fuperbes en tout , & avoient
chacun plus de 4. Choadars , fort proprement
vétus & bien armez .
Le Mufti ou le premier Miniſtre de la Loy &
l'Oracle de la Religion parmi les Turcs en habit
blanc de Camelot , armé d'un Sabre , d'un
Arc & d'un Carquois , comme accompagnant le
G. S. à la guerre contre des Heretiques. Il marchoit
feul , entouré d'une vingtaine de Valets de
Pied , le Moufquet fur l'épaule.
*
Le G. V. appellé par les Turcs Vizir- Azem ,
qui fignifie le Chef du Confeil , & Muhur- Sahibi,
qui veut dire le Maître du Sceau , fon Cheval
étoit couvert de harnois d'argent , enrichis de
Pierres précieuſes. Ses Tufekchis ou Moufquetaires
& fes 8 Eftafiers le précedoient à pied, il étoit
entouré d'un grand nombre d'autres Domestiques
à pied, & fuivi de 4.Tchorbadgis de Janiffaires avec
le Bonnet de Ceremonie en grand plumage , il regardoit
de côté & d'autre affablement & jettoit de
temps en temps des Sequins au Peuple , fur tout
où il appercevoit des Etrangers.
24. Capidgis- Bachis , ou Chefs des Portiers du
Serrail ; ce font des Gentilshommes de la Chambre
, il y en a toûjours un de garde à la porte
des Appartemens de S. H. Ils introduifent à fon
* Cachet d'or où le nom du G. S. éft gravé.
S.H. le donne à celui qu'elle fait G. V. & le lui
ête quand il est tombé dans fa disgrace.
I, Vol. AuDECEMBRE.
1730. 2729
D
Audience les Ambaffadeurs & tous ceux qu'on y
admet en les prenant fous les bras ; ils ne paffent
jamais à de plus grandes Charges, & n'ont que
3.1. 15. .. par jour , mais on les envoye porter les.
ordres du Sultan au Vizir & Pachas dont ils font
quelquefois chargez d'apporter la tête , & ces fortes
de commiflions les dédommagent de la modicité
de leurs appointemens.
Le Buyuk Imbrohor , ou Grand-Ecuyer , & le
Kutchub Imbrohor , ou petit Ecuyer ; le premier
a l'inſpection fur tous les Chevaux , Chameaux,
Mulets &c. & le fecond qui eft le Lieutenant du
premier , fur les Coches , Caroffes , Litieres &c.
& marche devant la Sultane Valité , ou mere du
G. S. quand elle monte en Carroffe.
48. Chevaux de main ; fçavoir , 14. couverts
de houffes trainantes , les unes de drap , les autres
d'etoffes de foye relevées en broderie d'or &
d'argent.
10. autres auffi en houffes de drap trainantes
mais chargées d'ornemens faits de petites plaques.
en boffe d'argent ou d'or maffif , appliquées fur
le drap.
15. autres à houffes courtes de velours cramoifi
, brodées d'or & d'argent , avec un riche
bouclier attaché à la felle.
9. autres dont les houffes , les harnois & les
boucliers étoient couverts de perles & de pierres
précieuſes.
30. de ces Chevaux portoient des bouquets de
plumes fur la tête accompagnés d'enfeignes de
pierres précieufes , & de deffous la gorge , ik
pendoit un toupet de crin blanc , ou teint de diverfes
couleurs , avec une boule de vermeil au
bout. Une écharpe de gaze , de moire ou d'autre
étoffe de foye , mêlée d'or & d'argent s'entortiloít
legerement autour de ce toupet , & for-
1. Vel mang
2730 MERCURE DE FRANCE
mant une espece de fefton , fe retrouffoit à la
*felle qui avoit l'accompagnement ordinaire d'une
Maffe , d'une hache d'Armes , & d'un grand fabre
, le tout bien garni de pierreries. Il eft certain
qu'on ne peut gueres rien voir de plus fuperbe
en ce genre que ces 48. Chevaux de main
& leurs harnois .
Quelques Salabors , ou Ecuyers Cavalcadours,
fuivis par des redekchis , des Saratches & des
Seis , trois claffes differentes de Palfreniers.
6. Dogues & 6. autres Chiens pour la Chaffe
au fufil , peints en differens endroits de leur corps
& menés chacun en leffe par deux Boftandgis.
·Le Selam Agaffy , ou le Chef des Selam-
Chiaoux , ou Chiaoux du falut , & le Capidgilar
Kiayaffy , ou le Lieutenant des Portiers , qui fait
les fonctions de Maître des Cerémonies , & d'Introducteur
de tous ceux qui vont à l'audience du
Sultan.
Le Sandgiak Cherif , ou l'Etendart verd que
Mahomet donna lui-même aux Muſulmans ; il
étoit plié & enveloppé dans une longue bourfe
de taffetas verd ; un Emir , qui eft l'Alemdar , out
le Lieutenant du Nakib Echref , ou Chef des
Emirs , le portoit , entouré de beaucoup d'au
tres Emirs , tous , foi - difant , de la famille du
Prophete , & fuivis de plufieurs Dervichs ou Religieux
, ainfi que d'autres perfonnes qui deffervent
les Mofquées , chantant tous des Hymnes
pour la profperité des Armes du Sultan , la propagation
de la Foi Mufulmane Orthodoxe , &
la deftruction des Perfans Herétiques Sectateurs
d'Aly.
Un grand Caroffe fort bien doré par tout >
tant en dedans qu'en dehors , tiré par fix Chevaux
blancs dont les houffes & les harnois
étoient de velours cramoifi , brodé d'or ; il por-
2.
J. Vol.
toir
DECEMBRE. 1730. 2731
toit une petite caffette d'argent doré qui renfermoit
un Manufcrit de l'Alcoran & une boëte
d'argent ovale , dans laquelle étoit le Manteau
de Mahomet. C'est pour la premiere fois qu'on
a vû un Caroffe dans une Marche du G. S.
Le Solak- Bachi & le Peik Bachi ,
i, oules Commandans
des Solaks & des Peiks , ou petits Valets
de S. H. en habits magnifiques & en bonnets
de vermeils d'un pied de haut.
+6
& une 200. Selaks marchant deux à deux
Compagnie de Peiks , marchant de même dans.
l'interieur des deux lignes que formoient les Solaks
.
Le G. S entouré de s . Solaks à pied , portant
le Bonnet à haut & grand pannache , pour empêcher
, dit- on , qu'il ne foit va fi facilement du
peuple , & fuivi de 200. Chateirs , Boftandgis
Baltadgis & autres fortes de Domestiques à pied.
& bien armés . Le G. S. n'avoit pour tout orne→
ment guerrier qu'un Arc & un Carquois .
Les 6. Chah Jade , ou fils du G. S. armés
d'Arcs & de Carquois , marchant deux à deux
& environnés de leurs Gouverneurs , Officiers &
Domeftiques.
و
Le Selictar Aga , ou Porte- Epée de S. H. le.
Sabre du Sultan qu'il portoit éclatoit de pierreries
, & lui pendoit d'un Ceinturon paffé un baudrier.
Le Tehohadar Aga , ou Maître de la Garde
Robe , & Porte -Manteau du Sultan ; il portoir
fa Maffe d'Armes , & jettoit de fa part des poignées
de Paras au Peuple. Ce font de petites .
Piéces qui ne valent que 18. deniers.
2. Dulbent Agalar , ou Porte-Turban ; cha
cun d'eux en tenoit un dans fes mains , enveloppé
d'un taffetas verd fort clair , au travers du
quel brilloient de belles Enfeignes de diamans...
I. Vol.
2732 MERCURE DE FRANCE
4. Pages de l'Hafoda portant le Tabouret , l'Aiguiere
, le Sorbet & la Caffoletre de S. H.
Le Kiaya , ou Lieutenant du Kiflar- Aga , où
Second Chef des Eunuques Noirs , & le Capon-
Aga , ou Chef des Eunuques Blancs.
"
Une partie des Eunuques Noirs & des Eunuques
Blancs en cotte de mailles , le Pot en tête
avec le Sabre , l'Arc & le Carquois . Cette Troupe
n'étoit pas la moins curieufe de la Marche.
La Mufique Guerriere du G. S. composée de
plus de 60. perfonnes à cheval , excepté les Timbaliers
, montés fur des Chameaux.
2. Eunuques Blancs , à la tête de 30. Itch-
Agalars , ou Pages de l'Haf- oda , montés fur
des Chevaux Arabes ; ils étoient équipés comme
ceux dont on a ci- devant parlé , mais avec encore
plus de magnificence. Ils avoient un Kerckie
d'étoffe de foye jaune , une Echarpe ou Seſſe
rouge autour de leur calotte de fer , & pour armes
l'Arc & le Carquois.
2. Eunuques Blancs , fuivis de 30. Pages d'une
autre Chambre en Kerckie rouge , coeffure
blanche , & la lance ou demi- pique à la main .
Idem , fi ce n'eft que le Kerckté étoit verd &
la coëffure aurore.
Idem , en Kerckie couleur de rofe & coëffure
bleuë .
Idem , en Kerckie bleu , coëffure verd de mer ,
& portant la Carabine haute.
idem , en Kerckie verd celadon & coëffure
cramoifi .
>
2. Eunuques Blancs , & 20. Pages feulement ,
en Kerckie couleur de cerife , coëffure couleur
de citron , & avec la Carabine comme les deux
Brigades précedentes.
Et enfin quelques bas Officiers & Valets du
Sérail en foule qui fermoient la Marche.
I Vol Les
DECEMBRE. 1730. 2733
3
Les 6. Brigades d'Itch - Agalar dont on vient
de parler , formoient une Troupe veritablement
digne d'un grand Souverain , par la bonne mine
de la plupart des Cavaliers , la beauté des Chevaux
, la riche varieté , & le bon gout des habits
& des Equipages.
Fermer
Résumé : ORDRE de la Marche du Grand Seigneur, de Constantinople à Scutary, le 3. Août 1730.
Le 3 août 1730, le Grand Seigneur de Constantinople décida de poursuivre la guerre contre les Persans et se prépara à partir en Asie, envoyant le Grand Vizir à la tête des troupes. Le lieu de rassemblement fut fixé entre Calcedoine et Scutary. Vingt étendards à queue de cheval furent dressés avec pompe et cérémonie. Le même jour, le Grand Seigneur, accompagné de dignitaires, se rendit à la mosquée d'Ajoub pour une prière. Le Mufty ceignit l'épée du Grand Seigneur, marquant ainsi son couronnement. Après cette cérémonie, le Grand Seigneur revint au serrail, s'embarqua sur la galère du Capitan Pacha et arriva à Scutary vers midi. Il pria ensuite sur le tombeau de sa mère et se dirigea vers son serrail de Calcedoine, où il resta avec ses sultanes favorites. La procession du Sultan, bien que nombreuse, rencontra des interruptions en raison du manque de terrain et de l'absence d'ordre. Malgré cela, il n'y eut ni foule ni confusion parmi les spectateurs. La marche fut organisée avec divers groupes, incluant des Jannissaires, des Tartares, des Gnululis et des Delis, des huissiers du conseil, des officiers de cavalerie, des professeurs, des juges, des écrivains du Divan, et des pages. Chaque groupe avait des rôles spécifiques et des équipements distincts. La procession comprenait également divers dignitaires, chacun reconnaissable par ses attributs et sa suite. Les Pachas ou Vizirs marchaient précédés de leurs Eftafiers. Le Mufti, premier ministre religieux, portait un habit blanc et des armes. Le Grand Vizir, appelé Vizir-Azem et Muhur-Sahibi, chevauchait un cheval richement harnaché. Le Sandgiak Cherif, étendard vert de Mahomet, était porté par un Emir, suivi de Derviches chantant des hymnes. Un carrosse doré transportait un manuscrit du Coran et le manteau de Mahomet. Le Sultan, entouré de Solaks et de domestiques, portait un arc et un carquois. Ses fils, les Chah Jade, étaient également armés et entourés de leurs gouvernants. La musique guerrière du Sultan, composée de plus de soixante personnes à cheval, fermait la marche, accompagnée de pages et d'eunuques richement vêtus. La procession se terminait par divers officiers et valets du Sérail. Après plusieurs heures de marche, le Grand Seigneur et sa suite arrivèrent au camp, marquant le début de la campagne militaire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
30
p. 2277-2295
LETTRE écrite par M. D. L. R. à M ...... de l'Abbaye S. Victor de Marseille au sujet de deux Medailles antiques.
Début :
MONSIEUR, La Médaille Romaine de grand Bronze que vous m'avez envoyée depuis peu, et [...]
Mots clefs :
Abbaye, Médailles, Impératrice Lucille, Argent, Tête de Jupiter, Prêtresse, Phocéens d'Ionie, Traducteurs latins, Marseille, Bronze
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite par M. D. L. R. à M ...... de l'Abbaye S. Victor de Marseille au sujet de deux Medailles antiques.
LETTRE écrite par M. D. L. R. à
M ...... de l'Abbaye S. Victor de Marseille
au sujet de deux Medailles an
tiques .
>
MONSIE ONSIEUR ,
La Médaille Romaine de grand Bronze
que vous m'avez envoyée depuis peu , et
qui a été deterrée dans nôtre Vignoble
de S. Just , a bien son mérite . Si vous ne
l'avez pas reconnue d'abord pour ce qu'elle
est , je ne m'en étonne pas ; il auroit fallu
là nettoyer et en rétablir » pour
ain si dire
, la verité
,
la verité
, obscurcie
par les injures
du temps
, et par la qualité
du lieu
où ce monument
est resté
depuis
tant de
siécles
. Quoi
qu'il
en soit , j'ai aisément connu
, après
quelque
soin
, que c'est
une
Medaille
de l'Imperatrice
Lucille
fille du sage Marc
- Aurelle
, et de Faustine la jeune
, qui porta
en dot à son Epoux
l'Empire
Romain
, avec
une mediocre vertu
. Lucille
épousa
Luce
Vere
, associé
à l'Empire
avec son Beau-Pere.
Mais avant que de m'étendre davan-"
tage sur cette Médaille , je dois vous dire
A v que
2278 MERCURE DE FRANCE
>
que peu de jours avant que je l'eusse
reçûë , M. Vergile de la Bastide , Gentilhomme
de Languedoc , Languedoc , le même qui a
fait depuis peu la découverte d'un beau
reste de chemins des Romains entre
Beaucaire et Nismes , dont vous entendrez
parler bien- tôt dans un Memoire
que je me dispose à publier , m'ayant apporté
plusieurs Médailles qui ont été
trouvées depuis peu en ce Pays- là , je fûs
charmé de rencontrer dans ce nombre
une fort belle Médaille Grecque d'Argent
, qui regarde la Ville de Marseille
differente de toutes celles de cette ancienne
Ville , qui sont venues à ma connoissance
l'estime que j'en fais ainsi
que de la Médaille Romaine,qu'il vous a
plû de m'envoyer presqu'en même temps,
m'a engagé de faire graver l'une et l'autre
,
>
>
pour les exposer à vos yeux sur une
même Planche , et d'en faire le sujet de
cette Lettre. Par droit d'ancienneté , jet
commencerai par la Médaille Grecque ,
qui doit d'ailleurs nous interesser plus
particulierement.
Elle est , comme je l'ai déja dit , d'Argent
, et presque de la grandeur de la
gravure. On y voit d'un côté une très-
* Ce Memoire a depuis été imprimé dans le
Mercure d'Août 1731. p. 1894.
belle
OCTOBRE. 1731 . 2279
belle Tête d'Homme ,
une espece de Sautoir
et sur le revers
› avec ces deux
lettres M A commencement
du nom de
Marseille , ou de son Fondateur , qui se
trouve quelquefois tout entier , quelquefois
en diminutif , comme MAZZA , et
MA dans les Médailles qui nous restent
de cette Ville .
J'ay dit dans une Lettre imprimée
dans le Mercure de Septembre 1722 .
tout ce qu'on peut observer au sujet des
Médailles de Marseille , en fixant au
nombre de 22. celles qui étoient venuës
à ma connoissance , ou que je passedois
alors. J'ay même fait graver l'une des
plus belles de ces dernieres , et cette gravure
se trouve dans le Mercure d'Avril
1723. page 689. Ainsi point de répetition
sur les Médailles de Marseille en
general , contentons nous d'expliquer ,
s'il est possible , celle dont il s'agit ici
et qui est pour moy toute nouvelle.
La Tête d'Homme , parfaitement belle
et bien conservée , qui paroît d'un côté ,
doit faire le principal objet de notre attention
. Ce n'est ni la Tête de Jupiter ,
ni celle d'Apollon , Divinitez adorées
dans Marseille Payenne ; nul symbole
nul attribut qui les désigne comme
elles sont désignées dans d'autres Mé
A vj dailles
,
2280 MERCURE DE FRANCE
>
et
dailles de la même Ville. Ce n'est pas
celle d'Aristarcha Prêtresse de Diane ,
qui vint d'Ephese sur les côtes de la
Gaule Narbonnoise avec les Chefs des
Phocéens , Fondateurs de Marseille
qui cût beaucoup de part à cette Fondation
. On voit , si on en croit Goltzius
la Tête de cette Prêtresse , qui exerça
à Marseille les mêmes fonctions qu'à
Ephese , sur l'une des Medailles Marseilloises
rapportées dans son Recueil , c'est
la IX ; cette Tête a un certain air mâle
qui n'est pas ordinaire aux Têtes de Femmes
, et qui seule peut faire douter de la
verité de l'application de Goltzius. La
Tête au contraire , qui paroît sur nôtre
Medaille n'a rien d'ambigu ; les moins
éclairez la prendront dabord pour celle
d'un homme ; elle est d'ailleurs toute
differente de celles que Goltzius a gravées
lui - même d'après les Originaux
qu'il dit avoir vûs au nombre de dix .
و
Pour moi , après avoir examiné la chose
avec quelque attention , je crois ne
rien risquer
en pensant que c'est ici la
Tête d'un des Fondateurs de Marseille ,
Justin en nomme deux , Furius et Peranus
, qui n'ont pas les mêmes noms
dans Athenée ; plusieurs bons Auteurs
tiennent d'ailleurs que les Phocéens d'Ionie
OCTOBRE. 1731. 2281
nie ont fait deux voyages sur les côtes
du Pays des Saliens , où ils bâtirent enfin
la Ville dont nous parlons.
Selon Plutarque , dans la vie de Solon
le Chef de la premiere expedition , ou
pour me servir de ses termes ,
bien entendus
, le premier Fondateur de Marseille
avoit nom Maasaλías qui donna sans doute
son nom à la nouvelle Ville , et en
ce cas , toutes les autres étymologies qu'on
a données jusqu'ici du nom de Marseille ,
tombent d'elles- mêmes , elles paroissent
aussi pour la plus part bien forcées.
le
Je repete , Monsieur , que Plutarque
bien entendu , fait Mawanias le premier
Fondateur de Marseille ; car je n'ignore
pas que quelques Traducteurs Latins
suivis par Amiot , et par M. Dacier, font
de ce même nom celui de la Ville fondée .
M. de Ruffi le Pere s'est déclaré pour
sentiment contraire , qu'il appuye d'une
judicieuse Critique sur le Passage de
Plutarque , rapporté en entier dans la
premiere édition ( 1642. ) de son Histoire
de Marseille . Xilander , bon critique et
bon Traducteur , avoit pensé la même
chose en traduisant l'endroit en question
ὡς καὶ Μασσαλίας πρῶτος parut Massi
lias Massilia Autor ; à quoi je puis
ajoûter l'autorité d'Isidore de Seville >
qui
2282 MERCURE DE FRANCE
qui reconnoît que Marseille a pris son
nom de celui du General des Phocéens.
Г
C'est donc à ce premier Fondateur que
j'attribuerois volontiers nôtre Medaille
et toutes les raisons de convenance me
paroissent favoriser cette opinion . Quant
à Furius et à Peranus , qui après le témoignage
de Justin &c . peuvent aussi passer
pour Fondateurs de Marseille on ne
sçauroit guere , au sentiment des meilleurs
Critiques , les admettre en cette
qualité , que posterieurement et plus
d'un demi- siécle après la premiere fondation
, faite , selon le témoignage d'un
Auteur respectable , tel que Plutarque
par Μαγαλίας. Ces seconds Chefs ne peuvent
en ce cas être considerez que comme
les Ampliateurs du premier établissement
des Phocéens , qu'ils ont , sans doute, perfectionné
et fini.
Il est donc à croire que dans le temps
de Marseille Grecque et florissante , les
descendans des Phocéens qui l'avoient
bâtie , en frapant des Medailles avec les
Têtes de Jupiter , d'Apollon , de Diane,
&c. pour marquer leur pieté et leur culte
particulier en vers ces Divinitez , n'oublicrent
pas d'en fraper aussi pour immortaliser
la mémoire du Fondateur , qui avoit
donné son nom et la premiete forme à
une
OCTOBRE.
1731. 2283
une Ville , devenue depuis également
puissante et celebre.
,
Les lettres M A qui paroissent sur le
revers de la Medaille en question , peuvent
fort bien être le commencement du
nom de ce premier Fondateur et faire
ici un surcroît de preuves : elles peuvent
Erre aussi le diminutif de ΜΑΣΣΑΛΙΗΤΩΝ
qu'on
qu'on trouve ordinairement sur les Medailles
Marseilloises , ce qui est presque
la même chose . A l'égard de l'espece de
sautoir qui est sur nôtre revers , c'est un
mistere d'antiquité que personne n'est ,
selon moi , en état d'éclaircir aujourd'hui
; Caprice ou Marque du Monetaire,
et tout ce qu'il plaira d'imaginer là - dessus
paroîtra toujours hazardé aux per- ›
sonnes sensées.
C'est un autre mistere non moins impénetrable
, et qui semble exiger plus d'attention
, que parmi les grandes découvertes
qu'on a faites , et celles qu'on fait
tous les jours , en fait de Monumens Antiques
, et sur- tout de Medailles , on n'en
ait point encore trouvé de frappées en
cette Ville au nom de quelque Empereur
, depuis qu'elle tomba sous la puissance
des Romains comme on en voit
de presque toutes les Villes Grecques d'origine
qui comme Marseille fûrent
sou2284
MERCURE DE FRANCE
soumises à l'Empire Romain. M. de
Ruffy, copié là - dessus par le P. Guesnay ,
dans ses Annales Latines de Marseille
a prétendu le contraire ; mais il ne rapporte
ni Monuments
sorte de preuve.
,
>
>
ni aucune autre
Je laisse à ceux de nos sçavans Compatriotes
, qui , comme je l'apprens , ont
entrepris de travailler à une nouvelle
Histoire de Marseille , le soin d'éclaircir
ce point d'Antiquité , et de rapporter le
plus qu'il leur sera possible , de Medailles
de cette Ville en n'oubliant pas de les
faire mieux graver que ne le sont celles
que Mrs. de Ruffy ont empruntées de
Goltzius ou d'ailleurs , et en donnant de
ces Medailles des explications plus exactes
et plus étendues et ce n'est pas la seule
chose en quoi ces Messieurs seront obligez
de reformer , d'éclaircir , d'ajoûter
dans la nouvelle Histoire .
Pour ne point sortir de mon sujet , et
pour ny rien ômettre , il est bon que je
donne ici un avis , qui épargnera une
erreur de fait à ceux qui traiteront dans
la suite le même sujet , en prenant pour
une découverte une veritable méprise ou
l'effet de la préoccupation d'un Sçavant de
réputation , sçavoir , M. Baudelot de
Dairval , qui dans un petit livre de 96.
pages
OCTOBRE. 1731 2285
=
pages , imprimé à Paris en 1698. chez
Aubouin et Clousier , intitulé , Reponse
à M. G......... où l'on examine plusieurs
questions d'Antiquité & c.. nous donne à la
tête de son Ecrit plusieurs Medailles gravées
, dont la derniere de son cabinet a
été , selon lui , frappée à Marseille
l'Empereur Posthume.
pour
Cette Medaille est de grand Bronze ;
voit d'un côté une Tête d'Empe-
, reur couronnée de Laurier avec une
Inscription au tour , luë parM. Baudelot.
»
ΑΥΤΚΛΑΤΙ . Π . ETYMOCCEBACTEYCEB
Au revers est une Sirenne ou Figure de
Femme , dont le bas se termine en Poisson
pour Legende MACCAAIHTON
selon le même Antiquaire , avec cette
époque L QIZ. Anno 817. qu'il assure
aussi s'y trouver,quoique dit- il , elle n'ait
pas été découverte d'abord. Je dis que
c'est M. Baudelot qui asseure tout cela :
mais je puis assurer à mon tour , que tout
cela est très -gratuitement avancé et uniquement
fondé sur une imagination , séduite
par l'attrait de posseder une Medaille
unique et encore inconnue à tous
les Antiquaires , une Medaille , dis-je ,
frappée à Marseille au visage d'un Empereur
Romain. Mes Garands là - dessus sont
des Antiquaires du premier ordre qui
ont
2286 MERCURE DE FRANCE
ont vu avant moy cette Medaille , à la
tête desquels je dois mettre M. Galland ,
à qui M. Baudelot adresse sa lettre . Ces
connoisseurs ont tous jugé qu'il étoit d'abord
très incertain que la Medaille fût
de Posthume ; M. Galland la croyoit
d'Antonin Pie , et qu'au surplus de quel
que Empereur qu'elle soit , à moins d'une
prévention extraordinaire , on n'y voyoit
pas plus de caracteres Grecs que de caracteres
Romains , tant la Medaille étoit
fruste et méconnoissable aux yeux les
plus clair-voyans .
,
,
Ainsi encore une fois , tout ce que M.
B. a étalé d'érudition , ou employé de sagacité
pour soutenir son idée tout ce
que le sçavant P. Pezron , Abbé de la
Charmoye , qui n'avoit pas vû la Piece
a ajouté du sien dans une Lettre écrite
à notre Académicien où ce Pere s'efforce
de faire quadrer l'Epoque prétendue
L. Qiz , ou l'Année 817. d'une seconde
Fondation de Marseille , avec l'an
265 de J. C. temps auquel Posthume regnoit
dans les Gaules &c. tout cela , disje
, en y joignant encore si l'on veut ,
l'habileté du Graveur Ettinger , dont le
talent à faire revivre les Medailles , est ici
›
* Cette Lettre est Imprimée dans le méme
livre , p.77.
expeOCTOBRE.
1731. 2287
>
expressement vanté par M. de Dairval
n'operera jamais rien de certain en faveur
de celle dont il est ici question , à l'égard
de Marseille ; et il sera toujours vrai de
dire que jusqu'à present , malgré tant d'heureuses découvertes
faites depuis
près d'un siècle que la recherche et l'étude
des Medailles sont en si grande vogue
il ne s'est point encore trouvé de
Medaille frappée à Marseille pour un Empereur
Romain : il ne sera pas moins vrai
que nous ne devons rien admettre d'incertain
et de douteux pour illustrer nôtre
Histoire . Marseille se passera bien d'un
tel ornement. Il faut donc convenir que
M. B. s'est trompé , il n'avoit pas alors
toutes les lumieres qu'il a acquises depuis.
C'étoit long - temps avant son entrée à
l'Académie dont il a été un sujet des ,
plus distinguez .
Je laisse , comme je l'ay déja dit , à mes
illustres Compatriotes , Membres de la
nouvelle Académie , chargez de travailler
à l'Histoire de notre Ville , le soin
d'approfondir la singularité dont je viens
de parler , et d'en découvrir , s'il est possible
, la veritable cause ; ce soin est digne
de leurs recherches. Je les avertis
encore , en finissant , de ne point se laisser
éblouir sur ce sujet par l'autorité du
,
R
2288 MERCURE DE FRANCE
R. P. Hardouin , reclamée reclamée ici et alle-
2.
guée, en vain par M. B. pag. 75. de son
livre. Ce Pere , quelque habileté qu'il
cût d'ailleurs , a trop donné dans des
idées extraordinaires et manifestement
chimeriques sur le fait de plusieurs Medailles
, pour être crû dans celui dont il
s'agit ici.
>
?
Qui pourra , par exemple , se persuader
sur sa garantie que ces quatre lettres
DMKV qu'on trouve sur le revers
d'une Medaille par lui rapportée de Maximien
Hercule , marquent que cette
Medaille fû frappée à Marseille Il est
vrai que ce Prince , poursuivi par Constantin
, s'y réfugia ; le Héros Chrétien
dont votre Abbaye porte le nom , lui
doit la gloire de son martyre. Mais cette
retraite ne prouve rien ; au contraire ,
comme elle fût faite dans le temps de
l'entiere décadence des affaires de Maximien
, il y a tout lieu de présumer , contre
la pensée de M. B. qu'il ne s'occupa
point à y faire battre de la Monnoye , et
que les Marseillois ne songerent pas non
plus à frapper des Medailles en l'honneur
d'un Prince infortuné , qui pensa enveloper
Marseille dans son malheur , et qui
gueres , après la prise de la Ville
par Constantin , a finir tragiquement ses
ne tarda
jours.
OCTOBRE 1731. 2289
jours. Mais en voilà assès sur le sujet de
notre Medaille Grecque.
Venons à la Medaille Romaine que .
vous venez de m'envoyer , elle ne nous
occupera pas si long - temps ; je vous ay
déja dit qu'elle est de l'Imperatrice Lucille
, Fille de Marc- Antonin , et de Faustine
la jeune , laquelle , après une disgrace
éclatante , et un évenement extraordinaire
dont le recit est ici inutile ,
épousa l'Empereur Luce - Vere. On voit
d'un côté sa Tête avec cette Legende
LUCILLE AU G. ANTONINI AUG. F.
et sur le revers une figure de Femme assise
tenant d'une main une Fleur et
sur l'autre bras un petit enfant emmailloté
avec cette Inscription , JUNONI LUCINE.
A l'Exergue S. C.
,
و
C'est ce revers qui fait , selon moi , la
singularité de votre Médaille , car en general
, les Médailles de cette Imperatrice
ne sont pas rares. M. Vaillant n'en marque
que trois d'une grande rareté parmi
celles de grand Bronze , j'ai tout lieu de
croire qu'on peut joindre la nôtre à ce
petit nombre , et que ce fameux Antiquaire
avoit vû un revers tout semblable;
c'est celle dont il parle * p . 94. art . 2 .
* Numismata Imperat. Romanorum &c. vol.
4. Paris 1692.
Mais
2290 MERCURE DE FRANCE
Mais il falloit que la Médaille qu'il a vûë
fût bien fruste et bien usée par le temps ,
ce qui ne permettoit pas , sans doute ,
d'en bien fire l'inscription ; car au lieu
de JUNONI LUCILLE , M. Vaillant a imprimé
JUNONI REGINE. Il n'a pas non
plus distingué ce que la figure de Femme
portoit sur son bras. Au surplus c'est à
peu près la même chose : la Femme est
assise et tient une Fleur d'une main comme
sur notre revers.
و
En supposant même que je me trompe
dans ma conjectare , et qu'il n'y ait
point cû de méprise ou d'omission du
côté de M. Vaillant notre Medaille ,
par rapport à son revers , aura toûjours
sa rareté et son mérite. Lucille y est representée
simboliquement sous la figure
et le nom de JUNON LUCINE : excès de
flatterie de la part des Romains , qui doubloient
, pour ainsi dire , la Divinité dans
une même Personne , de quoy il y a plus
d'un exemple , et cela pour égaler leur
Imperatrice à la premiere des Déesses
et pour la considerer en même temps
comme une autre Lucine , Déesse de la
Fecondité &c. ce qui joint au Simbole de
l'Enfant emmailloté présageoit , sans
doute , que Lucille donneroit bien - tôt
un successeur à l'Empire. Il se peut faire
و
>
aussi
OCTOBRE. 1731. 2291
aussi , et je le croirois plus volontiers ,
que cette Imperatrice fût déja Mere lorsque
notre Medaille a été frappée , et en ce
cas c'étoit pour marquer cet heureux évevement
, et pour celebrer la fécondité de
Lucille ; la Fleur qu'elle tient à la main
désigneroit l'attente du Peuple Romain .
qui avoit lieu d'esperer encore d'autres
fruits de cette fécondité.
و
Ce que je viens de vous dire de la Fé- ´
condité , arrivée ou attenduë de Lucille ,
se confirme non - seulement par un Medaillon
de çerte Imperatrice , décrit ainsi
par Vaillant , p. 210. du même livre
d'un côté sa Tête avec la même Legende
que sur la notre et au revers Lucille
assise , tenant dans ses bras un petit Enfant
, mais encore par une Medaille d'Argent
, de Lucille , rapportée dans le 2 .
vol. du même Auteur , pag. 187. au revers
de laquelle est encore une figure de
Femme assise tenant entre ses bras un
petit Enfant , un autre Enfant est debout
devant elle et pour Legende FOECUNDITAS
AUGUSTE: C'est ainsi que les
Auteurs du revers de la Medaille , presentée
au Roy , le premier jour de cette année
1731. en ont usé très - à - propos pour
désigner la continuation de l'heureuse
fecondité de la Reine par la naissance du
>
Duc
2292 MERCURE DE FRANCE
Duc d'Anjou. La France assise et caracterisée
par ses Symboles , tient sur un
bras le Prince nouveau né enveloppé de
Langes , et le Dauphin de l'autre main
debout entre ses genoux , ce qui marque
le bon goût et la capacité de ces Auteurs.
Cette Medaille est gravée dans le Mercure
de Mars p. 5 74.
Je voudrois bien , au reste , pour la
rareté du fait , que parmi les Medailles
que vous m'annoncez , et que vous avez
reçûes depuis peu pour moy de Syrie , il
se trouvât la Medaille Grecque de Lucille
dont je vais parler : cela n'est pas impossible.
M. Baudelot a marqué dans son
Catalogue des Medailles Imperiales , que
les Medailles Grecques de cette Imperatrice
sont communes : ce qui n'est pas
tout-à-fait exact , puisqu'il y en a quelques-
unes de singulieres et de fort rares
en ce genre là : telle est , par exemple ,
celle qui est gravée dans le Selecta Numismata
antiqua de P. Seguin , Doyen
* Ce Catalogue est dans le a. T. de l'Utilitê
des Voyages , p. 345. derniere Edit. 1727 ,
faite après la mort de M. Baudelot , qui auroit
rendu un si bon Livre parfait en corrigeant
quelques méprises en petit nombre , et
en suppleant à plusieurs ômissions . On n'y verroit
pas non plus les fautes qui viennent des
Editeurs denuez de la capacité de M. B.
de
OCTOBRE. 1731 2293
de S. Germain de l'Auxerrois , p. 158.
Cette Medaille est d'Argent , on y
voit d'un côté la Têre de Lucille coëffée
plus galamment qu'ailleurs " avec cette
Legende AOTKIÄÄA CEBACTH . et sur
le revers la même Princesse assise et representée
sous la figure de Cerés , tenant
d'une main desEpis , et de l'autre un flambeau
, avec cette Inscription B CIAEYC
MANNOC ΦΙΛΟΡΩΜΑΙΟΣ qui indique et
qui confirme un point d'Histoire considerable.
C'est Mannus , Roy des Arabes,
qui a fait frapper cette Medaille. Il étoit
Fils ou Neveu et Successeur du Roy de
même nom , dont il est parlé dans Dion,
L. 68. qui regnoit sur les Arabes , Habitans
du Pays situé au -delà de l'Euphra
re , entre la grande Armenie et l'Osrhoëne
, lequel devint suspect à Trajan , dans
son expédition contre les Parthes , par
une manoeuvre marquée dans cette His-
Foire.
C'est le successeur de ce Prince , qui
plus avisé et plus politique que lui , nonseulement
se ménagea beaucoup avec les
Romains , mais qui affecta de les aimer
jusqu'à prendre le titre de ΦΙΛΟΡΩΜΑΙΟΣ
qui est expressement marqué dans cette
Medaille Grecque de Lucille. Elle fût
frappée par les ordres de ce Roy , vray➡
B sem2294
MERCURE DE FRANCE
,
semblablement dans le temps que Luce
Vere son epoux et elle séjournoient
à Antioche , Ville peu éloignée des
Etats du Monarque Arabe , et que l'Ar
mée Romaine , sous le commandement
de A. Cassius , agi soit contre les Parthes.
Que ce Prince eût le même nom de
Mannus , que celui qui regnoit sous
Trajan , l'usage constant de tous les Rois
voisins de la Syrie , qui portoient tous
un même nom , le prouve ,
le prouve , la Medaille
dont je viers de parler le confirme.
M. Seguin , en parlant de cette Medaille
a marqué par ces paroles le cas
qu'il en faisoit , Rarior mihi videtur bie
Nummus , tum quia Gracus tum quia Regis
Barbari nomen minus notum profitetur.
Ajoûtant que Savot , qui a écrit sur la rareté
des Medailles antiques , a mis au
nombre des plus rares les Medailles Imperiales
Grecques d'Argent. Ce que Seguin
dit avoir souvent éprouvé , sur-tout à
Pégard des Medailles d'Imperatrices.
M. Vaillant , qui n'a dit que quelques
mots sur la Medaille en question , ajoute,
après avoir renvoyé au livre de M. Se
guin , Hic Nummus eximia raritatis et elegantia
habetur. Et ce n'est point trop dire
Il croit, au reste , que c'est l'Empereur
L. Vere lui -même , qui , à la priere de
Mannus
OCTOBRE. 1731. 2295
Mannus , lui accorda ce titre d'Ami des
Romains , et que ce fût pour en marquer
sa reconnoissance , et pour faire sa Cour
à l'Empereur , que ce Prince Arabe fit
frapper une Medaille où ce titre est ex--
pressement marqué. 1105 0
Quoiqu'il en soit, ne vous lassez point,
Monsieur , de m'envoyer de pareils Monumens,
on en trouve tous les jours de singuliers
, et qui ont échapé à la recherche
de ceux qui nous ont précedé dans cette
trude , je vous rendrai bon compte de
tout ce qui me viendra de curieux de
vôtre part. Je suis ,
AParis , le 15. Mars 1731.
M ...... de l'Abbaye S. Victor de Marseille
au sujet de deux Medailles an
tiques .
>
MONSIE ONSIEUR ,
La Médaille Romaine de grand Bronze
que vous m'avez envoyée depuis peu , et
qui a été deterrée dans nôtre Vignoble
de S. Just , a bien son mérite . Si vous ne
l'avez pas reconnue d'abord pour ce qu'elle
est , je ne m'en étonne pas ; il auroit fallu
là nettoyer et en rétablir » pour
ain si dire
, la verité
,
la verité
, obscurcie
par les injures
du temps
, et par la qualité
du lieu
où ce monument
est resté
depuis
tant de
siécles
. Quoi
qu'il
en soit , j'ai aisément connu
, après
quelque
soin
, que c'est
une
Medaille
de l'Imperatrice
Lucille
fille du sage Marc
- Aurelle
, et de Faustine la jeune
, qui porta
en dot à son Epoux
l'Empire
Romain
, avec
une mediocre vertu
. Lucille
épousa
Luce
Vere
, associé
à l'Empire
avec son Beau-Pere.
Mais avant que de m'étendre davan-"
tage sur cette Médaille , je dois vous dire
A v que
2278 MERCURE DE FRANCE
>
que peu de jours avant que je l'eusse
reçûë , M. Vergile de la Bastide , Gentilhomme
de Languedoc , Languedoc , le même qui a
fait depuis peu la découverte d'un beau
reste de chemins des Romains entre
Beaucaire et Nismes , dont vous entendrez
parler bien- tôt dans un Memoire
que je me dispose à publier , m'ayant apporté
plusieurs Médailles qui ont été
trouvées depuis peu en ce Pays- là , je fûs
charmé de rencontrer dans ce nombre
une fort belle Médaille Grecque d'Argent
, qui regarde la Ville de Marseille
differente de toutes celles de cette ancienne
Ville , qui sont venues à ma connoissance
l'estime que j'en fais ainsi
que de la Médaille Romaine,qu'il vous a
plû de m'envoyer presqu'en même temps,
m'a engagé de faire graver l'une et l'autre
,
>
>
pour les exposer à vos yeux sur une
même Planche , et d'en faire le sujet de
cette Lettre. Par droit d'ancienneté , jet
commencerai par la Médaille Grecque ,
qui doit d'ailleurs nous interesser plus
particulierement.
Elle est , comme je l'ai déja dit , d'Argent
, et presque de la grandeur de la
gravure. On y voit d'un côté une très-
* Ce Memoire a depuis été imprimé dans le
Mercure d'Août 1731. p. 1894.
belle
OCTOBRE. 1731 . 2279
belle Tête d'Homme ,
une espece de Sautoir
et sur le revers
› avec ces deux
lettres M A commencement
du nom de
Marseille , ou de son Fondateur , qui se
trouve quelquefois tout entier , quelquefois
en diminutif , comme MAZZA , et
MA dans les Médailles qui nous restent
de cette Ville .
J'ay dit dans une Lettre imprimée
dans le Mercure de Septembre 1722 .
tout ce qu'on peut observer au sujet des
Médailles de Marseille , en fixant au
nombre de 22. celles qui étoient venuës
à ma connoissance , ou que je passedois
alors. J'ay même fait graver l'une des
plus belles de ces dernieres , et cette gravure
se trouve dans le Mercure d'Avril
1723. page 689. Ainsi point de répetition
sur les Médailles de Marseille en
general , contentons nous d'expliquer ,
s'il est possible , celle dont il s'agit ici
et qui est pour moy toute nouvelle.
La Tête d'Homme , parfaitement belle
et bien conservée , qui paroît d'un côté ,
doit faire le principal objet de notre attention
. Ce n'est ni la Tête de Jupiter ,
ni celle d'Apollon , Divinitez adorées
dans Marseille Payenne ; nul symbole
nul attribut qui les désigne comme
elles sont désignées dans d'autres Mé
A vj dailles
,
2280 MERCURE DE FRANCE
>
et
dailles de la même Ville. Ce n'est pas
celle d'Aristarcha Prêtresse de Diane ,
qui vint d'Ephese sur les côtes de la
Gaule Narbonnoise avec les Chefs des
Phocéens , Fondateurs de Marseille
qui cût beaucoup de part à cette Fondation
. On voit , si on en croit Goltzius
la Tête de cette Prêtresse , qui exerça
à Marseille les mêmes fonctions qu'à
Ephese , sur l'une des Medailles Marseilloises
rapportées dans son Recueil , c'est
la IX ; cette Tête a un certain air mâle
qui n'est pas ordinaire aux Têtes de Femmes
, et qui seule peut faire douter de la
verité de l'application de Goltzius. La
Tête au contraire , qui paroît sur nôtre
Medaille n'a rien d'ambigu ; les moins
éclairez la prendront dabord pour celle
d'un homme ; elle est d'ailleurs toute
differente de celles que Goltzius a gravées
lui - même d'après les Originaux
qu'il dit avoir vûs au nombre de dix .
و
Pour moi , après avoir examiné la chose
avec quelque attention , je crois ne
rien risquer
en pensant que c'est ici la
Tête d'un des Fondateurs de Marseille ,
Justin en nomme deux , Furius et Peranus
, qui n'ont pas les mêmes noms
dans Athenée ; plusieurs bons Auteurs
tiennent d'ailleurs que les Phocéens d'Ionie
OCTOBRE. 1731. 2281
nie ont fait deux voyages sur les côtes
du Pays des Saliens , où ils bâtirent enfin
la Ville dont nous parlons.
Selon Plutarque , dans la vie de Solon
le Chef de la premiere expedition , ou
pour me servir de ses termes ,
bien entendus
, le premier Fondateur de Marseille
avoit nom Maasaλías qui donna sans doute
son nom à la nouvelle Ville , et en
ce cas , toutes les autres étymologies qu'on
a données jusqu'ici du nom de Marseille ,
tombent d'elles- mêmes , elles paroissent
aussi pour la plus part bien forcées.
le
Je repete , Monsieur , que Plutarque
bien entendu , fait Mawanias le premier
Fondateur de Marseille ; car je n'ignore
pas que quelques Traducteurs Latins
suivis par Amiot , et par M. Dacier, font
de ce même nom celui de la Ville fondée .
M. de Ruffi le Pere s'est déclaré pour
sentiment contraire , qu'il appuye d'une
judicieuse Critique sur le Passage de
Plutarque , rapporté en entier dans la
premiere édition ( 1642. ) de son Histoire
de Marseille . Xilander , bon critique et
bon Traducteur , avoit pensé la même
chose en traduisant l'endroit en question
ὡς καὶ Μασσαλίας πρῶτος parut Massi
lias Massilia Autor ; à quoi je puis
ajoûter l'autorité d'Isidore de Seville >
qui
2282 MERCURE DE FRANCE
qui reconnoît que Marseille a pris son
nom de celui du General des Phocéens.
Г
C'est donc à ce premier Fondateur que
j'attribuerois volontiers nôtre Medaille
et toutes les raisons de convenance me
paroissent favoriser cette opinion . Quant
à Furius et à Peranus , qui après le témoignage
de Justin &c . peuvent aussi passer
pour Fondateurs de Marseille on ne
sçauroit guere , au sentiment des meilleurs
Critiques , les admettre en cette
qualité , que posterieurement et plus
d'un demi- siécle après la premiere fondation
, faite , selon le témoignage d'un
Auteur respectable , tel que Plutarque
par Μαγαλίας. Ces seconds Chefs ne peuvent
en ce cas être considerez que comme
les Ampliateurs du premier établissement
des Phocéens , qu'ils ont , sans doute, perfectionné
et fini.
Il est donc à croire que dans le temps
de Marseille Grecque et florissante , les
descendans des Phocéens qui l'avoient
bâtie , en frapant des Medailles avec les
Têtes de Jupiter , d'Apollon , de Diane,
&c. pour marquer leur pieté et leur culte
particulier en vers ces Divinitez , n'oublicrent
pas d'en fraper aussi pour immortaliser
la mémoire du Fondateur , qui avoit
donné son nom et la premiete forme à
une
OCTOBRE.
1731. 2283
une Ville , devenue depuis également
puissante et celebre.
,
Les lettres M A qui paroissent sur le
revers de la Medaille en question , peuvent
fort bien être le commencement du
nom de ce premier Fondateur et faire
ici un surcroît de preuves : elles peuvent
Erre aussi le diminutif de ΜΑΣΣΑΛΙΗΤΩΝ
qu'on
qu'on trouve ordinairement sur les Medailles
Marseilloises , ce qui est presque
la même chose . A l'égard de l'espece de
sautoir qui est sur nôtre revers , c'est un
mistere d'antiquité que personne n'est ,
selon moi , en état d'éclaircir aujourd'hui
; Caprice ou Marque du Monetaire,
et tout ce qu'il plaira d'imaginer là - dessus
paroîtra toujours hazardé aux per- ›
sonnes sensées.
C'est un autre mistere non moins impénetrable
, et qui semble exiger plus d'attention
, que parmi les grandes découvertes
qu'on a faites , et celles qu'on fait
tous les jours , en fait de Monumens Antiques
, et sur- tout de Medailles , on n'en
ait point encore trouvé de frappées en
cette Ville au nom de quelque Empereur
, depuis qu'elle tomba sous la puissance
des Romains comme on en voit
de presque toutes les Villes Grecques d'origine
qui comme Marseille fûrent
sou2284
MERCURE DE FRANCE
soumises à l'Empire Romain. M. de
Ruffy, copié là - dessus par le P. Guesnay ,
dans ses Annales Latines de Marseille
a prétendu le contraire ; mais il ne rapporte
ni Monuments
sorte de preuve.
,
>
>
ni aucune autre
Je laisse à ceux de nos sçavans Compatriotes
, qui , comme je l'apprens , ont
entrepris de travailler à une nouvelle
Histoire de Marseille , le soin d'éclaircir
ce point d'Antiquité , et de rapporter le
plus qu'il leur sera possible , de Medailles
de cette Ville en n'oubliant pas de les
faire mieux graver que ne le sont celles
que Mrs. de Ruffy ont empruntées de
Goltzius ou d'ailleurs , et en donnant de
ces Medailles des explications plus exactes
et plus étendues et ce n'est pas la seule
chose en quoi ces Messieurs seront obligez
de reformer , d'éclaircir , d'ajoûter
dans la nouvelle Histoire .
Pour ne point sortir de mon sujet , et
pour ny rien ômettre , il est bon que je
donne ici un avis , qui épargnera une
erreur de fait à ceux qui traiteront dans
la suite le même sujet , en prenant pour
une découverte une veritable méprise ou
l'effet de la préoccupation d'un Sçavant de
réputation , sçavoir , M. Baudelot de
Dairval , qui dans un petit livre de 96.
pages
OCTOBRE. 1731 2285
=
pages , imprimé à Paris en 1698. chez
Aubouin et Clousier , intitulé , Reponse
à M. G......... où l'on examine plusieurs
questions d'Antiquité & c.. nous donne à la
tête de son Ecrit plusieurs Medailles gravées
, dont la derniere de son cabinet a
été , selon lui , frappée à Marseille
l'Empereur Posthume.
pour
Cette Medaille est de grand Bronze ;
voit d'un côté une Tête d'Empe-
, reur couronnée de Laurier avec une
Inscription au tour , luë parM. Baudelot.
»
ΑΥΤΚΛΑΤΙ . Π . ETYMOCCEBACTEYCEB
Au revers est une Sirenne ou Figure de
Femme , dont le bas se termine en Poisson
pour Legende MACCAAIHTON
selon le même Antiquaire , avec cette
époque L QIZ. Anno 817. qu'il assure
aussi s'y trouver,quoique dit- il , elle n'ait
pas été découverte d'abord. Je dis que
c'est M. Baudelot qui asseure tout cela :
mais je puis assurer à mon tour , que tout
cela est très -gratuitement avancé et uniquement
fondé sur une imagination , séduite
par l'attrait de posseder une Medaille
unique et encore inconnue à tous
les Antiquaires , une Medaille , dis-je ,
frappée à Marseille au visage d'un Empereur
Romain. Mes Garands là - dessus sont
des Antiquaires du premier ordre qui
ont
2286 MERCURE DE FRANCE
ont vu avant moy cette Medaille , à la
tête desquels je dois mettre M. Galland ,
à qui M. Baudelot adresse sa lettre . Ces
connoisseurs ont tous jugé qu'il étoit d'abord
très incertain que la Medaille fût
de Posthume ; M. Galland la croyoit
d'Antonin Pie , et qu'au surplus de quel
que Empereur qu'elle soit , à moins d'une
prévention extraordinaire , on n'y voyoit
pas plus de caracteres Grecs que de caracteres
Romains , tant la Medaille étoit
fruste et méconnoissable aux yeux les
plus clair-voyans .
,
,
Ainsi encore une fois , tout ce que M.
B. a étalé d'érudition , ou employé de sagacité
pour soutenir son idée tout ce
que le sçavant P. Pezron , Abbé de la
Charmoye , qui n'avoit pas vû la Piece
a ajouté du sien dans une Lettre écrite
à notre Académicien où ce Pere s'efforce
de faire quadrer l'Epoque prétendue
L. Qiz , ou l'Année 817. d'une seconde
Fondation de Marseille , avec l'an
265 de J. C. temps auquel Posthume regnoit
dans les Gaules &c. tout cela , disje
, en y joignant encore si l'on veut ,
l'habileté du Graveur Ettinger , dont le
talent à faire revivre les Medailles , est ici
›
* Cette Lettre est Imprimée dans le méme
livre , p.77.
expeOCTOBRE.
1731. 2287
>
expressement vanté par M. de Dairval
n'operera jamais rien de certain en faveur
de celle dont il est ici question , à l'égard
de Marseille ; et il sera toujours vrai de
dire que jusqu'à present , malgré tant d'heureuses découvertes
faites depuis
près d'un siècle que la recherche et l'étude
des Medailles sont en si grande vogue
il ne s'est point encore trouvé de
Medaille frappée à Marseille pour un Empereur
Romain : il ne sera pas moins vrai
que nous ne devons rien admettre d'incertain
et de douteux pour illustrer nôtre
Histoire . Marseille se passera bien d'un
tel ornement. Il faut donc convenir que
M. B. s'est trompé , il n'avoit pas alors
toutes les lumieres qu'il a acquises depuis.
C'étoit long - temps avant son entrée à
l'Académie dont il a été un sujet des ,
plus distinguez .
Je laisse , comme je l'ay déja dit , à mes
illustres Compatriotes , Membres de la
nouvelle Académie , chargez de travailler
à l'Histoire de notre Ville , le soin
d'approfondir la singularité dont je viens
de parler , et d'en découvrir , s'il est possible
, la veritable cause ; ce soin est digne
de leurs recherches. Je les avertis
encore , en finissant , de ne point se laisser
éblouir sur ce sujet par l'autorité du
,
R
2288 MERCURE DE FRANCE
R. P. Hardouin , reclamée reclamée ici et alle-
2.
guée, en vain par M. B. pag. 75. de son
livre. Ce Pere , quelque habileté qu'il
cût d'ailleurs , a trop donné dans des
idées extraordinaires et manifestement
chimeriques sur le fait de plusieurs Medailles
, pour être crû dans celui dont il
s'agit ici.
>
?
Qui pourra , par exemple , se persuader
sur sa garantie que ces quatre lettres
DMKV qu'on trouve sur le revers
d'une Medaille par lui rapportée de Maximien
Hercule , marquent que cette
Medaille fû frappée à Marseille Il est
vrai que ce Prince , poursuivi par Constantin
, s'y réfugia ; le Héros Chrétien
dont votre Abbaye porte le nom , lui
doit la gloire de son martyre. Mais cette
retraite ne prouve rien ; au contraire ,
comme elle fût faite dans le temps de
l'entiere décadence des affaires de Maximien
, il y a tout lieu de présumer , contre
la pensée de M. B. qu'il ne s'occupa
point à y faire battre de la Monnoye , et
que les Marseillois ne songerent pas non
plus à frapper des Medailles en l'honneur
d'un Prince infortuné , qui pensa enveloper
Marseille dans son malheur , et qui
gueres , après la prise de la Ville
par Constantin , a finir tragiquement ses
ne tarda
jours.
OCTOBRE 1731. 2289
jours. Mais en voilà assès sur le sujet de
notre Medaille Grecque.
Venons à la Medaille Romaine que .
vous venez de m'envoyer , elle ne nous
occupera pas si long - temps ; je vous ay
déja dit qu'elle est de l'Imperatrice Lucille
, Fille de Marc- Antonin , et de Faustine
la jeune , laquelle , après une disgrace
éclatante , et un évenement extraordinaire
dont le recit est ici inutile ,
épousa l'Empereur Luce - Vere. On voit
d'un côté sa Tête avec cette Legende
LUCILLE AU G. ANTONINI AUG. F.
et sur le revers une figure de Femme assise
tenant d'une main une Fleur et
sur l'autre bras un petit enfant emmailloté
avec cette Inscription , JUNONI LUCINE.
A l'Exergue S. C.
,
و
C'est ce revers qui fait , selon moi , la
singularité de votre Médaille , car en general
, les Médailles de cette Imperatrice
ne sont pas rares. M. Vaillant n'en marque
que trois d'une grande rareté parmi
celles de grand Bronze , j'ai tout lieu de
croire qu'on peut joindre la nôtre à ce
petit nombre , et que ce fameux Antiquaire
avoit vû un revers tout semblable;
c'est celle dont il parle * p . 94. art . 2 .
* Numismata Imperat. Romanorum &c. vol.
4. Paris 1692.
Mais
2290 MERCURE DE FRANCE
Mais il falloit que la Médaille qu'il a vûë
fût bien fruste et bien usée par le temps ,
ce qui ne permettoit pas , sans doute ,
d'en bien fire l'inscription ; car au lieu
de JUNONI LUCILLE , M. Vaillant a imprimé
JUNONI REGINE. Il n'a pas non
plus distingué ce que la figure de Femme
portoit sur son bras. Au surplus c'est à
peu près la même chose : la Femme est
assise et tient une Fleur d'une main comme
sur notre revers.
و
En supposant même que je me trompe
dans ma conjectare , et qu'il n'y ait
point cû de méprise ou d'omission du
côté de M. Vaillant notre Medaille ,
par rapport à son revers , aura toûjours
sa rareté et son mérite. Lucille y est representée
simboliquement sous la figure
et le nom de JUNON LUCINE : excès de
flatterie de la part des Romains , qui doubloient
, pour ainsi dire , la Divinité dans
une même Personne , de quoy il y a plus
d'un exemple , et cela pour égaler leur
Imperatrice à la premiere des Déesses
et pour la considerer en même temps
comme une autre Lucine , Déesse de la
Fecondité &c. ce qui joint au Simbole de
l'Enfant emmailloté présageoit , sans
doute , que Lucille donneroit bien - tôt
un successeur à l'Empire. Il se peut faire
و
>
aussi
OCTOBRE. 1731. 2291
aussi , et je le croirois plus volontiers ,
que cette Imperatrice fût déja Mere lorsque
notre Medaille a été frappée , et en ce
cas c'étoit pour marquer cet heureux évevement
, et pour celebrer la fécondité de
Lucille ; la Fleur qu'elle tient à la main
désigneroit l'attente du Peuple Romain .
qui avoit lieu d'esperer encore d'autres
fruits de cette fécondité.
و
Ce que je viens de vous dire de la Fé- ´
condité , arrivée ou attenduë de Lucille ,
se confirme non - seulement par un Medaillon
de çerte Imperatrice , décrit ainsi
par Vaillant , p. 210. du même livre
d'un côté sa Tête avec la même Legende
que sur la notre et au revers Lucille
assise , tenant dans ses bras un petit Enfant
, mais encore par une Medaille d'Argent
, de Lucille , rapportée dans le 2 .
vol. du même Auteur , pag. 187. au revers
de laquelle est encore une figure de
Femme assise tenant entre ses bras un
petit Enfant , un autre Enfant est debout
devant elle et pour Legende FOECUNDITAS
AUGUSTE: C'est ainsi que les
Auteurs du revers de la Medaille , presentée
au Roy , le premier jour de cette année
1731. en ont usé très - à - propos pour
désigner la continuation de l'heureuse
fecondité de la Reine par la naissance du
>
Duc
2292 MERCURE DE FRANCE
Duc d'Anjou. La France assise et caracterisée
par ses Symboles , tient sur un
bras le Prince nouveau né enveloppé de
Langes , et le Dauphin de l'autre main
debout entre ses genoux , ce qui marque
le bon goût et la capacité de ces Auteurs.
Cette Medaille est gravée dans le Mercure
de Mars p. 5 74.
Je voudrois bien , au reste , pour la
rareté du fait , que parmi les Medailles
que vous m'annoncez , et que vous avez
reçûes depuis peu pour moy de Syrie , il
se trouvât la Medaille Grecque de Lucille
dont je vais parler : cela n'est pas impossible.
M. Baudelot a marqué dans son
Catalogue des Medailles Imperiales , que
les Medailles Grecques de cette Imperatrice
sont communes : ce qui n'est pas
tout-à-fait exact , puisqu'il y en a quelques-
unes de singulieres et de fort rares
en ce genre là : telle est , par exemple ,
celle qui est gravée dans le Selecta Numismata
antiqua de P. Seguin , Doyen
* Ce Catalogue est dans le a. T. de l'Utilitê
des Voyages , p. 345. derniere Edit. 1727 ,
faite après la mort de M. Baudelot , qui auroit
rendu un si bon Livre parfait en corrigeant
quelques méprises en petit nombre , et
en suppleant à plusieurs ômissions . On n'y verroit
pas non plus les fautes qui viennent des
Editeurs denuez de la capacité de M. B.
de
OCTOBRE. 1731 2293
de S. Germain de l'Auxerrois , p. 158.
Cette Medaille est d'Argent , on y
voit d'un côté la Têre de Lucille coëffée
plus galamment qu'ailleurs " avec cette
Legende AOTKIÄÄA CEBACTH . et sur
le revers la même Princesse assise et representée
sous la figure de Cerés , tenant
d'une main desEpis , et de l'autre un flambeau
, avec cette Inscription B CIAEYC
MANNOC ΦΙΛΟΡΩΜΑΙΟΣ qui indique et
qui confirme un point d'Histoire considerable.
C'est Mannus , Roy des Arabes,
qui a fait frapper cette Medaille. Il étoit
Fils ou Neveu et Successeur du Roy de
même nom , dont il est parlé dans Dion,
L. 68. qui regnoit sur les Arabes , Habitans
du Pays situé au -delà de l'Euphra
re , entre la grande Armenie et l'Osrhoëne
, lequel devint suspect à Trajan , dans
son expédition contre les Parthes , par
une manoeuvre marquée dans cette His-
Foire.
C'est le successeur de ce Prince , qui
plus avisé et plus politique que lui , nonseulement
se ménagea beaucoup avec les
Romains , mais qui affecta de les aimer
jusqu'à prendre le titre de ΦΙΛΟΡΩΜΑΙΟΣ
qui est expressement marqué dans cette
Medaille Grecque de Lucille. Elle fût
frappée par les ordres de ce Roy , vray➡
B sem2294
MERCURE DE FRANCE
,
semblablement dans le temps que Luce
Vere son epoux et elle séjournoient
à Antioche , Ville peu éloignée des
Etats du Monarque Arabe , et que l'Ar
mée Romaine , sous le commandement
de A. Cassius , agi soit contre les Parthes.
Que ce Prince eût le même nom de
Mannus , que celui qui regnoit sous
Trajan , l'usage constant de tous les Rois
voisins de la Syrie , qui portoient tous
un même nom , le prouve ,
le prouve , la Medaille
dont je viers de parler le confirme.
M. Seguin , en parlant de cette Medaille
a marqué par ces paroles le cas
qu'il en faisoit , Rarior mihi videtur bie
Nummus , tum quia Gracus tum quia Regis
Barbari nomen minus notum profitetur.
Ajoûtant que Savot , qui a écrit sur la rareté
des Medailles antiques , a mis au
nombre des plus rares les Medailles Imperiales
Grecques d'Argent. Ce que Seguin
dit avoir souvent éprouvé , sur-tout à
Pégard des Medailles d'Imperatrices.
M. Vaillant , qui n'a dit que quelques
mots sur la Medaille en question , ajoute,
après avoir renvoyé au livre de M. Se
guin , Hic Nummus eximia raritatis et elegantia
habetur. Et ce n'est point trop dire
Il croit, au reste , que c'est l'Empereur
L. Vere lui -même , qui , à la priere de
Mannus
OCTOBRE. 1731. 2295
Mannus , lui accorda ce titre d'Ami des
Romains , et que ce fût pour en marquer
sa reconnoissance , et pour faire sa Cour
à l'Empereur , que ce Prince Arabe fit
frapper une Medaille où ce titre est ex--
pressement marqué. 1105 0
Quoiqu'il en soit, ne vous lassez point,
Monsieur , de m'envoyer de pareils Monumens,
on en trouve tous les jours de singuliers
, et qui ont échapé à la recherche
de ceux qui nous ont précedé dans cette
trude , je vous rendrai bon compte de
tout ce qui me viendra de curieux de
vôtre part. Je suis ,
AParis , le 15. Mars 1731.
Fermer
Résumé : LETTRE écrite par M. D. L. R. à M ...... de l'Abbaye S. Victor de Marseille au sujet de deux Medailles antiques.
La lettre de M. D. L. R. à M...... de l'Abbaye Saint-Victor de Marseille discute de deux médailles antiques. La première est une médaille romaine en bronze découverte dans le vignoble de Saint-Just, attribuée à l'impératrice Lucille, fille de Marc-Aurèle et de Faustine la Jeune. Lucille avait épousé Lucius Verus, associé à l'Empire avec son beau-père. La seconde est une pièce grecque en argent trouvée dans le Languedoc par M. Vergile de la Bastide. Elle représente une tête d'homme et un sautoir, avec les lettres 'M A' au revers, probablement en référence à Marseille ou à son fondateur. L'auteur attribue cette médaille à Massalia, le premier fondateur de Marseille selon Plutarque, tout en mentionnant d'autres fondateurs potentiels comme Furius et Peranus, qu'il considère comme secondaires. Le texte aborde également une médaille attribuée à Maximien Hercule, portant les lettres DMKV sur son revers. Le Père Hardouin interprète ces lettres comme indiquant une frappe à Marseille, mais cette hypothèse est contestée car Maximien, poursuivi par Constantin, s'y réfugia durant une période de décadence, rendant improbable la frappe de monnaie en son honneur. La médaille romaine de Lucille présente sur son revers une figure féminine assise tenant une fleur et un enfant emmailloté, avec l'inscription JUNONI LUCINE. Cette représentation symbolise Lucille sous les traits de Junon Lucine, déesse de la fécondité, suggérant soit une fécondité future, soit une maternité déjà réalisée. Cette interprétation est confirmée par d'autres médailles et médaillons similaires décrits par Vaillant. Le texte mentionne aussi une médaille grecque de Lucille, frappée par le roi arabe Mannus, qui se présente comme ami des Romains. Cette médaille est rare et élégante, frappée durant le séjour de Lucius Verus et Lucille à Antioche. L'auteur encourage les savants de Marseille à approfondir ces découvertes et à publier des explications plus exactes et étendues dans la nouvelle histoire de la ville.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
31
p. 3007-3013
Nouvelles Litteraires, et Bibliotheque raisonnée. [titre d'après la table]
Début :
BIBLIOTHEQUE Raisonnée des Ouvrages des Sçavans de l'Europe Tome III. [...]
Mots clefs :
Journaliste, Estampe, Or, Argent, Histoire véritable, Anecdotes, Mémoires
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Nouvelles Litteraires, et Bibliotheque raisonnée. [titre d'après la table]
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , & c.
IBLIOTHEQUE Raisonnée des
BOuvrages des Sçavans de l'Europe
Tome III. premiere et seconde partie
in 12 , de 475 pages . A Amsterdam , chez
les Westeins et Smith. 1729.
L'Histoire naturelle de l'or et de l'argent,
extraite de Pline le naturaliste , liv. 33. avec
le Texte latin , corrigé sur les Manuscrits de
Vossius, et sur la premiere édition , et éclaici
par des Remarques nouvelles , outre
celles de J. F. Gronovius , et un Poëme sur
la chute de l'homme , et sur les ravages de
l'or et de l'argent ; dédié au Roy et à la
Reine : Par David Durand , Ministre de
l'Eglise de S. Martin et membre de la Société
Royale . A Londres, chez G. Bouvier,
1728. in fol. de 262 pages pour le corps du
livre , et de 72. pour le Poëme, sans compter
les Préfaces .
Le Journaliste paroît fort réservé dans
l'Extrait qu'il donne de cet Ouvrage ; il
ne s'écrie que sur la variété qu'on y troue
: Une belle Estampe , dit-il , un Poë-
11. Vol me
Boos MERCURE DE FRANCE
me nouveau en 7 chants , et une histoire
Eaturelle de l'or et de l'argent , traduite
d'un excellent Auteur; un Supplément sur
le même sujet , plus long que l'histoire
même ; et enfin tout le 33 livre de Pline ;
dans sa propre langue , imprimé très correctement
et éclairci par des remarques
nouvelles , outre celles de Gronovius qui
sont ajoutées à la fin voilà tout ce que
l'on y trouve de remarquable .
;
Si l'on juge du Poëme par les traits qui
sont rapportez dans la Bibliotheque raisonnée
, on sera porté à croire que M.Durand
n'est pas Poëte , ou qu'il ne sent pas
la force de notre langue , ni la signification
des termes François ; les Chevilles
sont répandues en grand nombre dans le
peu que nous en expose le Journaliste.
L'Histoire veritable et secrette des Vies et
des Regnes de tous les Rois et de toutes les
Reines d'Angleterre, depuis Guillaume I. surnommé
le Conquerant , jusqu'à la fin du Regne
de la Reine Anne , cù l'on a joint un
abregé de l'histoire generale de chaque Regne
, tirée principalement des Manuscrits
originaux , des meilleurs Memoires Anecdotes
et Historiens authentiques. Traduite de
l'Anglois. A Amsterdam, chez les Westeins
et Smith. 1729. 3 vol. in 12. le 1er, de 621
le 2º ,
pages ,
de 636 ,
et le 3º , de 428 ;
ans la table , qui en comprend 42.-
II. Vol.
L'AuDECEMBRE.
1731. 3009
L'Auteur de l'Extrait de cet Ouvrage
prend icy la défense de ceux qui donnent
au public des Anecdotes désavantageuses
à la mémoire des plus Grands Hommes.
La médisance n'est point blâmable , selon
lui , à moins que par médire , l'on n'entende
mal parler de quelqu'un , exposer sous
des couleurs desavantageuses ses meilleures
actions , donner à sa conduite un air de blâ-
&c.c. c'est seulement , dit- il , exposer
des veritez qui ne sont pas toutes bonnes
à dire ; mais on voit par -là que l'Auteur
de l'Extrait confond la médisance avec
la calomnie.
me ,
>
Mémoires touchant le tres-honorable Ordre
du Bain , où l'on décrit son origine , ses progrès
, son rétablissement , ses regles et sa dignité.
On y a joint la liste et les armes des
Chevaliers , et leurs Statuts , en Anglois et
en Latin, par M. Juste- Christ Dithmar
Membre de l'Académie des Sciences de
Berlin , et Professeur public en Droit et
en Histoire , dans l'Académie Royale de
Francfort sur l'Oder. A Francfort , sur
L'Oder , chez Jean Godefroy Conrad. 1729.
petit in fol. de 138 pages , y compris 20
Planches , où sont gravées les armes des
Chevaliers et celles de leurs Ecuyers. Plus
12 pages pour la Préface, l'Epître dédicatoire
au Duc de Montaigu , Grand - Maî-
II. Vole E tre
3010 MERCURE DE FRANCE
tre , et la Table . Cet Ouvrage est en
Latin.
, 9
L'Auteur fait dans les Paragrafes 8
10 , et 11. une Liste des differentes Promotions
qui ont été faites par les Rois
des differentes Maisons qui ont regné en
Angleterre , jusqu'à Charles II. le dernier
Roy qui ait été créé Chevalier de cet Ordre
, lequel est resté dans une espece d'oubli
sous Jacques II. et sous, Guillaume, Marie
et Anne , jusqu'à la résolution que prit le
Roy George I. de le rétablir et de lui
donner la forme réguliere des autres Ordres
militaires.
Les nouvelles Litteraires de la premiere
Partie de ce Volume , qui comprend
les mois de Juillet , Aoust et Septembre ,
apprennent que M.Bucklei a proposé son
édition de l'Histoire de M. de Thou, par
souscriptions. Le terme marqué pour les
Souscripteurs a été jusqu'au mois de Novembre
de la même année 1729 .
Dans la 2 pattie de ce volume , qui
comprend les mois d'Octobre, Novembre
et Decembre , l'article 2 nous a frappés.
Il contient l'Extrait d'un Ouvrage latin ,
dont le titre est ainsi traduit : Considerations
de Physique , de Medecine et de Bar
reau , sur ia salive humaine , où l'on traite
de sa nature , de son usage , de la morsure
II. Vol.
des
DECEMBRE 1731. 3011
des bêtes et de l'homme , de la rage, de l'hy-.
drophobie , &c. par Martin Gurisch. A
Leipsic , 1729, in 4. de 406 pages.
Le Journaliste paroît nene pas faire grand
cas de cet Ouvrage , et il le témoigne en
plus d'un endroit Mais nous sommes surpris
qu'il n'ait fait aucune Remarque sur
un endroit du livre extraordinairement
hardi dans lequel l'Auteur donne une cau
se naturelle d'un des plus grands Miracles
que J. C. ait fait pendant sa vie. C'est la
faculté de voir que J. C. donna à l'Aveugle
né. Ce seroit anéantir la preuve que
les Chrétiens ont toujours tirée contre les
Juifs , er que J. G. lui- même tiroit, lorsqu'il
dit à ses Disciples : ( Joan. 9. 3. ) Ce
n'est ni pour ses pechez , ni pour ceux de son
pere ni de sa mere , ( que cet homme est né
aveugle ) , mais c'est afin que les oeuvres de
Dieu se voyent évidemment en lui. Fe dois
faire les oeuvres de celui qui m'a envoyé pendant
qu'il est jour. Ce n'étoit donc point-là
une oeuvre de la nature , mais une oeuvre
de Dieu le Pere par son Fils. Cependant M,
Gurisch , quoique Chrétien , en attribuë
tout le merveilleux à la salive de Jesus-
Christ. Mais on pourroit lui demander,
avec l'Aveugle né, si on ajamais entendu dire
quepersonne ait donné la vûë à un aveugle de
naissance , en lui appliquant sur les yeux
AII. Vol. E ij
de
3012 MERCURE DE FRANCE
ve,
de la poussiere détrempée avec de la sali
d'autant plus que cet Auteur révoque
en doute le fait que Tacite rapporte de
Vespasien. Ce n'est pas la peine de réfuter
davantage cette hardie supposition ; elle
se détruira d'elle- même , si on fait seulement
attention que l'Aveugle-né ne fut
pas guéri sur le champ, v. 7. Ily alla ( à la
Piscine de Siloë , ) il fe lava et revint
voyant clair: Il n'avoit employé de temps
celui qu'il lui falloit que pour laver cette
bouë que Jesus-Christ lui avoit étenduë
sur les yeux.
9
RETRAITE SPIRITUELLE , sur les Vertus
de JESUS-CHRIST , avec un Discours sur
la necessité de le connoître et de l'aimer.
A Paris , Quai des Augustins , chez Rollin
, in 12. de 332 pages.
ALMANACL ROYAL pour l'année 1732 .
calculé au Méridien deParis ,où l'on trouve
le lever et le coucher du Soleil , ceux
de la Lune et ses mouvemens ; les Naissances
des Princes et Princesses de l'Europe
, le Clergé , les Conseils du Roy , la
Chancellerie , les Officiers d'Epée de
Robe et de Finance ; les Postes et Messageries
; et autres choses utiles au Public ;
nouvellement augmenté des noms des
II. Vol. AbDECEMBRE
1731 3013
raux ,
Abbez commandataires , Colonels gene-
Lieutenans generaux des Armées
du Roy , Maréchaux de Camp, Brigadiers
d'Armées , Lieutenans generaux des Armées
Navales et des Galeres , Chefs d'Escadres
, &c. et la datte de la nomination
et reception de tous les Officiers. Avec
une Table Alphabétique des Matieres.
Prix ,broché , 4 liv. A Paris , chez la veuve
d'Houry , au bas de la rue de la Harpe.
Nous avons déja parlé plusieurs fois
de l'utilité reconnue de ce livre , que le
public goûte de plus en plus.
DES BEAUX ARTS , & c.
IBLIOTHEQUE Raisonnée des
BOuvrages des Sçavans de l'Europe
Tome III. premiere et seconde partie
in 12 , de 475 pages . A Amsterdam , chez
les Westeins et Smith. 1729.
L'Histoire naturelle de l'or et de l'argent,
extraite de Pline le naturaliste , liv. 33. avec
le Texte latin , corrigé sur les Manuscrits de
Vossius, et sur la premiere édition , et éclaici
par des Remarques nouvelles , outre
celles de J. F. Gronovius , et un Poëme sur
la chute de l'homme , et sur les ravages de
l'or et de l'argent ; dédié au Roy et à la
Reine : Par David Durand , Ministre de
l'Eglise de S. Martin et membre de la Société
Royale . A Londres, chez G. Bouvier,
1728. in fol. de 262 pages pour le corps du
livre , et de 72. pour le Poëme, sans compter
les Préfaces .
Le Journaliste paroît fort réservé dans
l'Extrait qu'il donne de cet Ouvrage ; il
ne s'écrie que sur la variété qu'on y troue
: Une belle Estampe , dit-il , un Poë-
11. Vol me
Boos MERCURE DE FRANCE
me nouveau en 7 chants , et une histoire
Eaturelle de l'or et de l'argent , traduite
d'un excellent Auteur; un Supplément sur
le même sujet , plus long que l'histoire
même ; et enfin tout le 33 livre de Pline ;
dans sa propre langue , imprimé très correctement
et éclairci par des remarques
nouvelles , outre celles de Gronovius qui
sont ajoutées à la fin voilà tout ce que
l'on y trouve de remarquable .
;
Si l'on juge du Poëme par les traits qui
sont rapportez dans la Bibliotheque raisonnée
, on sera porté à croire que M.Durand
n'est pas Poëte , ou qu'il ne sent pas
la force de notre langue , ni la signification
des termes François ; les Chevilles
sont répandues en grand nombre dans le
peu que nous en expose le Journaliste.
L'Histoire veritable et secrette des Vies et
des Regnes de tous les Rois et de toutes les
Reines d'Angleterre, depuis Guillaume I. surnommé
le Conquerant , jusqu'à la fin du Regne
de la Reine Anne , cù l'on a joint un
abregé de l'histoire generale de chaque Regne
, tirée principalement des Manuscrits
originaux , des meilleurs Memoires Anecdotes
et Historiens authentiques. Traduite de
l'Anglois. A Amsterdam, chez les Westeins
et Smith. 1729. 3 vol. in 12. le 1er, de 621
le 2º ,
pages ,
de 636 ,
et le 3º , de 428 ;
ans la table , qui en comprend 42.-
II. Vol.
L'AuDECEMBRE.
1731. 3009
L'Auteur de l'Extrait de cet Ouvrage
prend icy la défense de ceux qui donnent
au public des Anecdotes désavantageuses
à la mémoire des plus Grands Hommes.
La médisance n'est point blâmable , selon
lui , à moins que par médire , l'on n'entende
mal parler de quelqu'un , exposer sous
des couleurs desavantageuses ses meilleures
actions , donner à sa conduite un air de blâ-
&c.c. c'est seulement , dit- il , exposer
des veritez qui ne sont pas toutes bonnes
à dire ; mais on voit par -là que l'Auteur
de l'Extrait confond la médisance avec
la calomnie.
me ,
>
Mémoires touchant le tres-honorable Ordre
du Bain , où l'on décrit son origine , ses progrès
, son rétablissement , ses regles et sa dignité.
On y a joint la liste et les armes des
Chevaliers , et leurs Statuts , en Anglois et
en Latin, par M. Juste- Christ Dithmar
Membre de l'Académie des Sciences de
Berlin , et Professeur public en Droit et
en Histoire , dans l'Académie Royale de
Francfort sur l'Oder. A Francfort , sur
L'Oder , chez Jean Godefroy Conrad. 1729.
petit in fol. de 138 pages , y compris 20
Planches , où sont gravées les armes des
Chevaliers et celles de leurs Ecuyers. Plus
12 pages pour la Préface, l'Epître dédicatoire
au Duc de Montaigu , Grand - Maî-
II. Vole E tre
3010 MERCURE DE FRANCE
tre , et la Table . Cet Ouvrage est en
Latin.
, 9
L'Auteur fait dans les Paragrafes 8
10 , et 11. une Liste des differentes Promotions
qui ont été faites par les Rois
des differentes Maisons qui ont regné en
Angleterre , jusqu'à Charles II. le dernier
Roy qui ait été créé Chevalier de cet Ordre
, lequel est resté dans une espece d'oubli
sous Jacques II. et sous, Guillaume, Marie
et Anne , jusqu'à la résolution que prit le
Roy George I. de le rétablir et de lui
donner la forme réguliere des autres Ordres
militaires.
Les nouvelles Litteraires de la premiere
Partie de ce Volume , qui comprend
les mois de Juillet , Aoust et Septembre ,
apprennent que M.Bucklei a proposé son
édition de l'Histoire de M. de Thou, par
souscriptions. Le terme marqué pour les
Souscripteurs a été jusqu'au mois de Novembre
de la même année 1729 .
Dans la 2 pattie de ce volume , qui
comprend les mois d'Octobre, Novembre
et Decembre , l'article 2 nous a frappés.
Il contient l'Extrait d'un Ouvrage latin ,
dont le titre est ainsi traduit : Considerations
de Physique , de Medecine et de Bar
reau , sur ia salive humaine , où l'on traite
de sa nature , de son usage , de la morsure
II. Vol.
des
DECEMBRE 1731. 3011
des bêtes et de l'homme , de la rage, de l'hy-.
drophobie , &c. par Martin Gurisch. A
Leipsic , 1729, in 4. de 406 pages.
Le Journaliste paroît nene pas faire grand
cas de cet Ouvrage , et il le témoigne en
plus d'un endroit Mais nous sommes surpris
qu'il n'ait fait aucune Remarque sur
un endroit du livre extraordinairement
hardi dans lequel l'Auteur donne une cau
se naturelle d'un des plus grands Miracles
que J. C. ait fait pendant sa vie. C'est la
faculté de voir que J. C. donna à l'Aveugle
né. Ce seroit anéantir la preuve que
les Chrétiens ont toujours tirée contre les
Juifs , er que J. G. lui- même tiroit, lorsqu'il
dit à ses Disciples : ( Joan. 9. 3. ) Ce
n'est ni pour ses pechez , ni pour ceux de son
pere ni de sa mere , ( que cet homme est né
aveugle ) , mais c'est afin que les oeuvres de
Dieu se voyent évidemment en lui. Fe dois
faire les oeuvres de celui qui m'a envoyé pendant
qu'il est jour. Ce n'étoit donc point-là
une oeuvre de la nature , mais une oeuvre
de Dieu le Pere par son Fils. Cependant M,
Gurisch , quoique Chrétien , en attribuë
tout le merveilleux à la salive de Jesus-
Christ. Mais on pourroit lui demander,
avec l'Aveugle né, si on ajamais entendu dire
quepersonne ait donné la vûë à un aveugle de
naissance , en lui appliquant sur les yeux
AII. Vol. E ij
de
3012 MERCURE DE FRANCE
ve,
de la poussiere détrempée avec de la sali
d'autant plus que cet Auteur révoque
en doute le fait que Tacite rapporte de
Vespasien. Ce n'est pas la peine de réfuter
davantage cette hardie supposition ; elle
se détruira d'elle- même , si on fait seulement
attention que l'Aveugle-né ne fut
pas guéri sur le champ, v. 7. Ily alla ( à la
Piscine de Siloë , ) il fe lava et revint
voyant clair: Il n'avoit employé de temps
celui qu'il lui falloit que pour laver cette
bouë que Jesus-Christ lui avoit étenduë
sur les yeux.
9
RETRAITE SPIRITUELLE , sur les Vertus
de JESUS-CHRIST , avec un Discours sur
la necessité de le connoître et de l'aimer.
A Paris , Quai des Augustins , chez Rollin
, in 12. de 332 pages.
ALMANACL ROYAL pour l'année 1732 .
calculé au Méridien deParis ,où l'on trouve
le lever et le coucher du Soleil , ceux
de la Lune et ses mouvemens ; les Naissances
des Princes et Princesses de l'Europe
, le Clergé , les Conseils du Roy , la
Chancellerie , les Officiers d'Epée de
Robe et de Finance ; les Postes et Messageries
; et autres choses utiles au Public ;
nouvellement augmenté des noms des
II. Vol. AbDECEMBRE
1731 3013
raux ,
Abbez commandataires , Colonels gene-
Lieutenans generaux des Armées
du Roy , Maréchaux de Camp, Brigadiers
d'Armées , Lieutenans generaux des Armées
Navales et des Galeres , Chefs d'Escadres
, &c. et la datte de la nomination
et reception de tous les Officiers. Avec
une Table Alphabétique des Matieres.
Prix ,broché , 4 liv. A Paris , chez la veuve
d'Houry , au bas de la rue de la Harpe.
Nous avons déja parlé plusieurs fois
de l'utilité reconnue de ce livre , que le
public goûte de plus en plus.
Fermer
Résumé : Nouvelles Litteraires, et Bibliotheque raisonnée. [titre d'après la table]
Le document présente une sélection de publications littéraires et scientifiques. La 'Bibliothèque Raisonnée des Ouvrages des Sçavans de l'Europe' est un ouvrage en deux parties, publié à Amsterdam en 1729, totalisant 475 pages. Parmi les œuvres notables, figure 'L'Histoire naturelle de l'or et de l'argent' de David Durand, publiée à Londres en 1728. Cet ouvrage inclut un poème et des remarques sur le texte latin de Pline, bien que le journaliste critique la qualité poétique de Durand. Une autre œuvre mentionnée est 'L'Histoire veritable et secrette des Vies et des Regnes de tous les Rois et de toutes les Reines d'Angleterre', traduite de l'anglais et publiée en trois volumes à Amsterdam en 1729. L'auteur de cette œuvre défend la publication d'anecdotes désavantageuses sur les grands hommes. Le document évoque également les 'Mémoires touchant le tres-honorable Ordre du Bain' par Juste-Christ Dithmar, publié à Francfort en 1729, qui détaille l'histoire et les règles de cet ordre. Parmi les autres publications, on trouve une édition de l'Histoire de M. de Thou proposée par souscriptions. Un ouvrage latin sur la salive humaine par Martin Gurisch, publié à Leipsic en 1729, est critiqué pour son interprétation naturelle d'un miracle de Jésus-Christ. Enfin, le document mentionne une 'Retraite Spirituelle' sur les vertus de Jésus-Christ, publiée à Paris, et l''Almanach Royal' pour l'année 1732, contenant diverses informations utiles au public.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
32
p. 2804-2805
IMITATION de l'Ode d'Horace, qui commence par ces mots: Nullus argento color est, &c. A M. F. Avocat à Saint Sauveur-le-Vicomte.
Début :
Des métaux estimez qu'enserre [...]
Mots clefs :
Imitation, Argent, Avarice, Amour, Vertu, Bassesse, Horace
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : IMITATION de l'Ode d'Horace, qui commence par ces mots: Nullus argento color est, &c. A M. F. Avocat à Saint Sauveur-le-Vicomte.
IMITATION de l'Ode d'Horace ,
qui commence par ces mots : Nullus
argento color est , &c.
A M. F. Avocat à Saint Sauveur
le-Vicomte.
DEs métaux estimez qu'enserre
Le centre avare de la terre
Ennemi toujours déclaré ,
Crispe , l'argent aux yeux du Sage
Brille seulement par l'usage
Qu'en sçait faire un cœur moderé.
諾
Les cent voix de la Nymphe aîlée
Far tout vanteront Proculée ;
Et l'amour vraiment paternel ,
Qu'au fort des plus grandes miseres
En lui reconnurent ses freres ,
Rendra son honneur éternel.
Çelui , qui maître de son ame
En bannit l'avarice infâme ,
Fégne plus souverainement ,
Que si de ses loix redoutées ,
II. Vol. L'Eu
DECEMBRE. 1732 2805
L'Europe et l'Affrique domptées
Portoient le joug docilement.
Envain de la soif qui le presse ,
L'Hydropique en bûvant sans cesse
Espere calmer la rigueur ;
Il ne fera qu'aigrir ses peines ,
Tandis qu'il aura dans les veines
Le principe de sa langueur.
諾
Phraate est remis sur le Trône;
Mais de l'éclat qui l'environne
La vertu connoissant le prix .
Bien differente du vulgaire
Pour ce bonheur imaginaire
N'aurajamais que du mépris.
Libre d'une bassesse indigne ,
Et toujours intégre elle assigne
Les vrais honneurs , les premiers rangs
A ceux qui doüez de sagesse
Peuvent regarder la richesse
Avec des yeux indiférens.
F. M. F.
qui commence par ces mots : Nullus
argento color est , &c.
A M. F. Avocat à Saint Sauveur
le-Vicomte.
DEs métaux estimez qu'enserre
Le centre avare de la terre
Ennemi toujours déclaré ,
Crispe , l'argent aux yeux du Sage
Brille seulement par l'usage
Qu'en sçait faire un cœur moderé.
諾
Les cent voix de la Nymphe aîlée
Far tout vanteront Proculée ;
Et l'amour vraiment paternel ,
Qu'au fort des plus grandes miseres
En lui reconnurent ses freres ,
Rendra son honneur éternel.
Çelui , qui maître de son ame
En bannit l'avarice infâme ,
Fégne plus souverainement ,
Que si de ses loix redoutées ,
II. Vol. L'Eu
DECEMBRE. 1732 2805
L'Europe et l'Affrique domptées
Portoient le joug docilement.
Envain de la soif qui le presse ,
L'Hydropique en bûvant sans cesse
Espere calmer la rigueur ;
Il ne fera qu'aigrir ses peines ,
Tandis qu'il aura dans les veines
Le principe de sa langueur.
諾
Phraate est remis sur le Trône;
Mais de l'éclat qui l'environne
La vertu connoissant le prix .
Bien differente du vulgaire
Pour ce bonheur imaginaire
N'aurajamais que du mépris.
Libre d'une bassesse indigne ,
Et toujours intégre elle assigne
Les vrais honneurs , les premiers rangs
A ceux qui doüez de sagesse
Peuvent regarder la richesse
Avec des yeux indiférens.
F. M. F.
Fermer
Résumé : IMITATION de l'Ode d'Horace, qui commence par ces mots: Nullus argento color est, &c. A M. F. Avocat à Saint Sauveur-le-Vicomte.
Le texte est une imitation de l'Ode d'Horace dédiée à M. F., avocat à Saint-Sauveur-le-Vicomte. Il explore la valeur des métaux précieux et la sagesse dans leur usage. L'argent, bien que précieux, ne brille que par l'usage modéré qu'en fait un cœur sage. La vertu et l'amour paternel sont loués, comme dans le cas de Proculée, qui a montré un amour fraternel dans l'adversité. Le texte met en garde contre l'avarice, comparant l'hydropique qui boit sans cesse à celui qui cherche vainement à apaiser sa soif d'argent. Phraate, remis sur le trône, ne se laisse pas aveugler par l'éclat de sa position et connaît la véritable valeur de la vertu. La vertu, libre de toute bassesse, accorde les vrais honneurs à ceux qui, doués de sagesse, considèrent la richesse avec indifférence.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
33
p. 386-392
Description du Catafalque.
Début :
La Décoration de ce pompeux Appareil qui a attiré un si grand concours et tant d'admirateurs, [...]
Mots clefs :
Argent, Armes, Lumières, Noir, Marbre, Pilastres, Velours, Corniche, Hermine, Larmes, Estrade, Catafalque
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Description du Catafalque.
Description du Catafalque.
A Décoration de ce pompeux Appareil qui a
attiré un si grand concours et tant d'admirateurs
, mérite bien que nous entrions là dessus en
quelque détail. On voyoit d'abord à la façade de
L'Eglise , au - dessus de la principale Porte , une
grande Tenture de drap noir , ornée de trois lez
de velours garnis d'Armes, Sur le milieu étoit
placé un grand morceau peint d'Architecture de
18. pieds de haut , sur 12. pieds de large , ceintré
par le haut , où étoient les Armes du Roy de Sardaigne
, avec les deux Ordres désignez , de saint
Maurice et de l'Annonciade , sous une Couronne
Royale , soutenue d'un côté par le Temps et de
l'autre par une Renommée sortant d'un Groupe
de Nuées , & c.
Sur les deux autres Portes laterales , on voyoit
les Chiffres du Roy Victor Amedée , dans de
grands Cartouches couronnez et soutenus par des
Renommées , et posés sur le même lez de ve◄
lours.
Toute la Nef étoit tendue de drap noir sur les
côtez , avec grandes Armes et Chiffres , alternativement
, rehaussez d'or et d'argent. Sur la
Tenture de la façade du Jubé, étoient trois lez de
velours chargez d'Armes , &c. Sur la Porte du
Choeur , on voyoit un grand morceau avec les
Armes en grand Manteau Royal d'étoffe d'or
doublé d'hermine , dans un Chambranle de Marbre
blanc , avec deux Guaisnes aux extrémitez et
deux Lions au-dessus servant de suport aux Armes
de Savoye.
Le Catafalque étoit placé à deux toises et demie
de l'entrée du Chour, construit dans la Nef,
Sur
FEVRIER. 17336
387
sur un Plan de 14, pieds et demi de long , sur 10.
pieds 3. pouces de large et s . pieds de hauteur ; cr
le dessus de l'Estrade , 10. pieds 10. pouces
pour
sur 7. pieds de large , les quatre Angles avancez
à Pans coupez , formant des Fiedestaux , entre
lesquels se trouvoient six degrez à chaque face,
Sur le devant des Piedestaux des Consoles saillantes
, de 18. à 20. pouces , étoient placées des
Têtes de Mort , avec des attributs , portant chacune
une Girandole de cinq lumieres ; le tout sur
un fond de Marbre d'Egypte vert et blanc.
Sur les Piedestaux s'élevoir un ordre Ionique ,
dont les quatre Colomnes en or , composées de
Faisseaux , de Picques liées ensemble avec Bandeaux
et Festons de Lauriers en argent , tournans
en torse au pourtour, et d'où sortoient des branches
en argent , qui portoient sur chaque Colomne
soixante lumieres ; leurs Architraves , Frises
et Corniches en Marbre blanc. Sur la Frise des
Muffles de Lions , en or ; de-même que les Ornemens
et Moulures des Entablemens.
>
Sur le Zocle des Entablemens des Colomnes s'élevoient
des Courbes, formant une espece de Balda,
quin en or , ayant à leurs extrémitez des Consoles
en or qui soutenoient une Frise , d'où tomboit
une Campanne en or , sur un fond noir avec
des Larmes et Glands d'argent ; au- dessus de la
Frise , une grosse Moulure de Baguette en or
garnie d'agraffes d'argent , d'où sortoient des
Branches d'argent, portant de-même des lumieres;
au- dessus une Gorge de six à sept pouces , avec
son Astragale et une Couronne fermée en or,
surmontant le tout. Le haut du Baldaquin , depuis
l'Entablement jusqu'à son extrémité , étoit
garni de plus de 200. lumieres , et le tout ensem
ble faisoit un effet admirable,
Sur
388 MERCURE DE FRANCE:
-
Sur les degrez de l'Estrade , en face de l'entrée
du Choeur , paroissoient la Prudence et la Valeur
avec leurs attributs.
Sur cette Estrade s'élevoit un Zocle à Pans coupez
, se terminant par un adoucissement de deux
pieds de haut , sur lequel étoit posé le Tombeau.
de Marbre Portore , soutenu par quatre Consoles
en or , ayant des têtes de Lions et terminant
par bas en ornemens , d'où sortoient des Pattes
du même animal , et aux quatre flancs du Tombeau
, dans des Couronnes de Lauriers , le Chiffre
, et des flambaux renversez par derriere en
Sautoirs . La Représentation du Tombeau étoir
couverte d'un grand Poële d'Etoffe d'or bordé
d'Hermine , croisé de Moire d'argent et cantonné
d'Armoiries en Broderie d'or. On avoit placé
sur le Tombeau , la Couronne sur un Carreau de
velours noir , couverte d'un Crêpe , et le Manteau
Royal , d'Etoffe d'or à fond rouge , bordé et
doublé d'Hermine , qui tomboit jusques sur l'Estrade
, autour de la Représentation, Sur l'Estrade
, plusieurs Trophées d'Armes en or , qui sem
bloient être jettés négligeamment sur les marches
de l'Estrade .
Toute la Machine ayant 37. pieds de haut jusqu'à
l'extremité de la Couronne , étoit surmontée
par un Pavillon très - riche , dont les Pans et
les chutes avoient 19. aulnes de long , ornées de
bandes d'Hermines , et semées de Croix et de
Larmes d'argent. Les quatre faces des six degrez
étoient garnies de 98. Chandeliers d'argent avec
des Cierges de deux livres chacun , à l'exception
des quatre ouvertures des encoignures du Catafalque
, dont les chutes du Pavillon étoient retroussées
par quatre Anges en or , sonnant de la
Trompette , qui sembloient sortir du dessous par
differens côtez. Le
FEVRIER . 1733. 389
Le Pourtour du Choeur , distribué en 18. Arcades
, dont dix ouvertes , foncées de noir , ou
l'on avoit pratiqué des Places ; les autres fermées
de noir avec des Paneaux en Hermine , étoient
ornées d'un ordre d'Architecture Ionique , les
Pilastres ayant 27. pieds de haut jusqu'à l'Entablement
, les Chapiteaux en or , ornez de Têtes
de Mort enveloppées d'Aîles dessechées , et couvertes
d'une Draperie d'argent , formant des chutes
à l'aplomb des Volutes. Sur chaque Pilastre
on voyoit une maniere de Cartouche ou Epitaphe
en Marbre blanc , de differentes formes ; les
uns enveloppez et surmontez d'une Tête de Lion
avec des Lampes sur les côtez; les autres, de Bordure
, d'Ornemens , et toujours au milieu de chacun
le Chiffre de Victor Amedée , avec une Girandole
de cinq lumieres. Par le bas , les fonds
des Pilastres en vert d'Egypte , les Corps et arrieres-
Corps de Marbre blanc ; les Bases étant cachées
par un Socle de deux pieds et demi de haut,
sur lequel étoit posé un Trophée d'Armes de 4 à
5. pieds de haut, en of ; tout le surplus de l'Architecture
, Corps , arriere - Corps , Corniche , Aftragale
, Archivoltes , peints en Marbre blanc.
Sur la Corniche s'élevoit un Attique de 14.
pieds , les Pilastres de même Marbre , tombant
à plomb sur ceux dont on vient de parler . Des
Chapiteaux tomboient en Trophées , une Tête de
Mort avec des Aîles et des Os en Sautoirs , des
branches de Cyprès finissant par un Gland , le
tout en or. Entre chaque Pilastre , un Panneau
formé sur le drap noir , par une bande d'Hermine
, au milieu duquel étoit un Cartouche avec
chacun un quartier des Armes , et il fortoit des
deux côtez desDrapeaux et Etendarts &.c .
3 Sur la Corniche au- dessus de chaque ouverture,
I des
* MERCURE DE FRANCE
des Chantournez , en Marbre blanc , fond noir,
semé de larmes d'argent , ayant chacun une Tête
de Mort au milien , avec des Aîles , portant cha
cun 21 lumieres. Sur la même Corniche , à l'aplomb
des Pilastres , des Vases en argent , fond
noir , portant chacun 9. lumieres .
Le premier lez de velours étoit placé au- dessus
de la Corniche de l'Attique , à so . pieds de haut,
chargé d'Armes et Chiffres , et semé de Croix et
de Larmes d'argent , et sur l'aplomb des Pilas
tres, un Blason avec differens Trophées d'Armes.
Le second lez de velours servait de Frise à la
Corniche , semé de- même que le premier , et de
Triglifes composées au- dessus des Pilastres , et
sur le milieu des Archivoltes étoient de grands
Cartouches , dont la Couronne passoit sur l'Astragale
et la Frise de la Corniche. Ces Cartouches
étoient ornez des Armes des Ordres , Couronnes ,
Festons deCyprès et autres attributs, en or et en
argent , et d'autres , alternativement , avec des
Chiffres et Manteaux d'Etoffe d'or et d'Hermine,
et au bas de chacun une Girandole de 5. lumieres.
-Du haut de l'Archivolte , des deux côtez de
chacun des Cartouches , tomboient des Rideaux
peints en noir , retroussez au- dessous des Impostés
, tombant en chutes le long de l'arriere-
Corps des Pilastres ; le tout orné de Franges et de
Cordons en argent et semez de Larmes , &c. Les
appuis des ouvertures des côtez de 3. pieds de
haut , le milieu plus élevé et orné au- dessus
de l'élevation , d'un Vase en argent et fond
noir , portant une Piramide de 21. lumieres ;
du pied des Vases tomboient des Festons de
Cyprès en or , accompagnez les uns de deux
Figures rehaussées d'argent , tenant des flam
beaux éteints , et d'autres alternativement ,
avec
FEVRIER. 1733. 391
avec des Lions , comme supports des Armes .
Le Plafond des Stales avoit une Moulure dorée
au Pourtour , sur laquelle regnoit une Bordure
de Trefles en forme de bandeau de Couronnes;
chaque Treffe portant une bougie derriere.
un filet de lumieres ; devant chaque Pilastre et
en retour du Jubé , une Girandole de sept lumieres
, qui interrompoit par Groupes la Bordure de
lumieres.
Du dessous de la Moulure des Stales tomboit
le troisiéme lez de velours , de même arrangement
d'Armes et de Chiffres que le premier , semé
de même , ayant de surplus des Festons herminez
de distance en distance , et qui enveloppoient
les Cartouches qui étoient sur le lez de
velours.
L'Autel étoit surmonté d'un Dais de 12. pieds
sur 7. pieds , avec des Campannes dedans et dehors
, en argent , sur fond noir ; les deux chutes
de Rideaux de Satin noir , semé de larmes et entouré
de Frange d'argent , avec 4. Bouquets de
plume en Aigrette , sur les 4. Angles , le Plafond
et la queue croisée de Moire d'argent , et cantonnée
d'Armes ; aux deux Pilastres à côté tomboient
des Trophées des Instrumens qui servent aux
Cerémonies Mortuaires ; ces deux Pilastres accompagnez
et soutenus par deux grandes Consoles
de Marbre blanc , avec une Girandole de
sept branches , posée sur le milieu de la Volutte.
Beux Anges prosternez , rehaussez d'argent ,
sur un Groupe de Nuées , qui répandoient en
partie sur les Consoles le surplus de la Décoration,
faisant simétrie avec le Pourtour du Choeur,
le reste de l'Autel orné avec une magnificence
convenable et éclairé d'un grand nombre de
Cierges , &C.
I ij Toute
392 MERCURE DE FRANCE
Toute cette Décoration avoit été ordonnée
par le Duc de la Trémouille , premier Gentilhomme
de la Chambre du Roy , et exécutée sous
la direction de M. de Selle , Intendant des menus
Plaisirs du Roy , par M. Perrault , Peintre
des Menus Plaisirs de S. M.
A Décoration de ce pompeux Appareil qui a
attiré un si grand concours et tant d'admirateurs
, mérite bien que nous entrions là dessus en
quelque détail. On voyoit d'abord à la façade de
L'Eglise , au - dessus de la principale Porte , une
grande Tenture de drap noir , ornée de trois lez
de velours garnis d'Armes, Sur le milieu étoit
placé un grand morceau peint d'Architecture de
18. pieds de haut , sur 12. pieds de large , ceintré
par le haut , où étoient les Armes du Roy de Sardaigne
, avec les deux Ordres désignez , de saint
Maurice et de l'Annonciade , sous une Couronne
Royale , soutenue d'un côté par le Temps et de
l'autre par une Renommée sortant d'un Groupe
de Nuées , & c.
Sur les deux autres Portes laterales , on voyoit
les Chiffres du Roy Victor Amedée , dans de
grands Cartouches couronnez et soutenus par des
Renommées , et posés sur le même lez de ve◄
lours.
Toute la Nef étoit tendue de drap noir sur les
côtez , avec grandes Armes et Chiffres , alternativement
, rehaussez d'or et d'argent. Sur la
Tenture de la façade du Jubé, étoient trois lez de
velours chargez d'Armes , &c. Sur la Porte du
Choeur , on voyoit un grand morceau avec les
Armes en grand Manteau Royal d'étoffe d'or
doublé d'hermine , dans un Chambranle de Marbre
blanc , avec deux Guaisnes aux extrémitez et
deux Lions au-dessus servant de suport aux Armes
de Savoye.
Le Catafalque étoit placé à deux toises et demie
de l'entrée du Chour, construit dans la Nef,
Sur
FEVRIER. 17336
387
sur un Plan de 14, pieds et demi de long , sur 10.
pieds 3. pouces de large et s . pieds de hauteur ; cr
le dessus de l'Estrade , 10. pieds 10. pouces
pour
sur 7. pieds de large , les quatre Angles avancez
à Pans coupez , formant des Fiedestaux , entre
lesquels se trouvoient six degrez à chaque face,
Sur le devant des Piedestaux des Consoles saillantes
, de 18. à 20. pouces , étoient placées des
Têtes de Mort , avec des attributs , portant chacune
une Girandole de cinq lumieres ; le tout sur
un fond de Marbre d'Egypte vert et blanc.
Sur les Piedestaux s'élevoir un ordre Ionique ,
dont les quatre Colomnes en or , composées de
Faisseaux , de Picques liées ensemble avec Bandeaux
et Festons de Lauriers en argent , tournans
en torse au pourtour, et d'où sortoient des branches
en argent , qui portoient sur chaque Colomne
soixante lumieres ; leurs Architraves , Frises
et Corniches en Marbre blanc. Sur la Frise des
Muffles de Lions , en or ; de-même que les Ornemens
et Moulures des Entablemens.
>
Sur le Zocle des Entablemens des Colomnes s'élevoient
des Courbes, formant une espece de Balda,
quin en or , ayant à leurs extrémitez des Consoles
en or qui soutenoient une Frise , d'où tomboit
une Campanne en or , sur un fond noir avec
des Larmes et Glands d'argent ; au- dessus de la
Frise , une grosse Moulure de Baguette en or
garnie d'agraffes d'argent , d'où sortoient des
Branches d'argent, portant de-même des lumieres;
au- dessus une Gorge de six à sept pouces , avec
son Astragale et une Couronne fermée en or,
surmontant le tout. Le haut du Baldaquin , depuis
l'Entablement jusqu'à son extrémité , étoit
garni de plus de 200. lumieres , et le tout ensem
ble faisoit un effet admirable,
Sur
388 MERCURE DE FRANCE:
-
Sur les degrez de l'Estrade , en face de l'entrée
du Choeur , paroissoient la Prudence et la Valeur
avec leurs attributs.
Sur cette Estrade s'élevoit un Zocle à Pans coupez
, se terminant par un adoucissement de deux
pieds de haut , sur lequel étoit posé le Tombeau.
de Marbre Portore , soutenu par quatre Consoles
en or , ayant des têtes de Lions et terminant
par bas en ornemens , d'où sortoient des Pattes
du même animal , et aux quatre flancs du Tombeau
, dans des Couronnes de Lauriers , le Chiffre
, et des flambaux renversez par derriere en
Sautoirs . La Représentation du Tombeau étoir
couverte d'un grand Poële d'Etoffe d'or bordé
d'Hermine , croisé de Moire d'argent et cantonné
d'Armoiries en Broderie d'or. On avoit placé
sur le Tombeau , la Couronne sur un Carreau de
velours noir , couverte d'un Crêpe , et le Manteau
Royal , d'Etoffe d'or à fond rouge , bordé et
doublé d'Hermine , qui tomboit jusques sur l'Estrade
, autour de la Représentation, Sur l'Estrade
, plusieurs Trophées d'Armes en or , qui sem
bloient être jettés négligeamment sur les marches
de l'Estrade .
Toute la Machine ayant 37. pieds de haut jusqu'à
l'extremité de la Couronne , étoit surmontée
par un Pavillon très - riche , dont les Pans et
les chutes avoient 19. aulnes de long , ornées de
bandes d'Hermines , et semées de Croix et de
Larmes d'argent. Les quatre faces des six degrez
étoient garnies de 98. Chandeliers d'argent avec
des Cierges de deux livres chacun , à l'exception
des quatre ouvertures des encoignures du Catafalque
, dont les chutes du Pavillon étoient retroussées
par quatre Anges en or , sonnant de la
Trompette , qui sembloient sortir du dessous par
differens côtez. Le
FEVRIER . 1733. 389
Le Pourtour du Choeur , distribué en 18. Arcades
, dont dix ouvertes , foncées de noir , ou
l'on avoit pratiqué des Places ; les autres fermées
de noir avec des Paneaux en Hermine , étoient
ornées d'un ordre d'Architecture Ionique , les
Pilastres ayant 27. pieds de haut jusqu'à l'Entablement
, les Chapiteaux en or , ornez de Têtes
de Mort enveloppées d'Aîles dessechées , et couvertes
d'une Draperie d'argent , formant des chutes
à l'aplomb des Volutes. Sur chaque Pilastre
on voyoit une maniere de Cartouche ou Epitaphe
en Marbre blanc , de differentes formes ; les
uns enveloppez et surmontez d'une Tête de Lion
avec des Lampes sur les côtez; les autres, de Bordure
, d'Ornemens , et toujours au milieu de chacun
le Chiffre de Victor Amedée , avec une Girandole
de cinq lumieres. Par le bas , les fonds
des Pilastres en vert d'Egypte , les Corps et arrieres-
Corps de Marbre blanc ; les Bases étant cachées
par un Socle de deux pieds et demi de haut,
sur lequel étoit posé un Trophée d'Armes de 4 à
5. pieds de haut, en of ; tout le surplus de l'Architecture
, Corps , arriere - Corps , Corniche , Aftragale
, Archivoltes , peints en Marbre blanc.
Sur la Corniche s'élevoit un Attique de 14.
pieds , les Pilastres de même Marbre , tombant
à plomb sur ceux dont on vient de parler . Des
Chapiteaux tomboient en Trophées , une Tête de
Mort avec des Aîles et des Os en Sautoirs , des
branches de Cyprès finissant par un Gland , le
tout en or. Entre chaque Pilastre , un Panneau
formé sur le drap noir , par une bande d'Hermine
, au milieu duquel étoit un Cartouche avec
chacun un quartier des Armes , et il fortoit des
deux côtez desDrapeaux et Etendarts &.c .
3 Sur la Corniche au- dessus de chaque ouverture,
I des
* MERCURE DE FRANCE
des Chantournez , en Marbre blanc , fond noir,
semé de larmes d'argent , ayant chacun une Tête
de Mort au milien , avec des Aîles , portant cha
cun 21 lumieres. Sur la même Corniche , à l'aplomb
des Pilastres , des Vases en argent , fond
noir , portant chacun 9. lumieres .
Le premier lez de velours étoit placé au- dessus
de la Corniche de l'Attique , à so . pieds de haut,
chargé d'Armes et Chiffres , et semé de Croix et
de Larmes d'argent , et sur l'aplomb des Pilas
tres, un Blason avec differens Trophées d'Armes.
Le second lez de velours servait de Frise à la
Corniche , semé de- même que le premier , et de
Triglifes composées au- dessus des Pilastres , et
sur le milieu des Archivoltes étoient de grands
Cartouches , dont la Couronne passoit sur l'Astragale
et la Frise de la Corniche. Ces Cartouches
étoient ornez des Armes des Ordres , Couronnes ,
Festons deCyprès et autres attributs, en or et en
argent , et d'autres , alternativement , avec des
Chiffres et Manteaux d'Etoffe d'or et d'Hermine,
et au bas de chacun une Girandole de 5. lumieres.
-Du haut de l'Archivolte , des deux côtez de
chacun des Cartouches , tomboient des Rideaux
peints en noir , retroussez au- dessous des Impostés
, tombant en chutes le long de l'arriere-
Corps des Pilastres ; le tout orné de Franges et de
Cordons en argent et semez de Larmes , &c. Les
appuis des ouvertures des côtez de 3. pieds de
haut , le milieu plus élevé et orné au- dessus
de l'élevation , d'un Vase en argent et fond
noir , portant une Piramide de 21. lumieres ;
du pied des Vases tomboient des Festons de
Cyprès en or , accompagnez les uns de deux
Figures rehaussées d'argent , tenant des flam
beaux éteints , et d'autres alternativement ,
avec
FEVRIER. 1733. 391
avec des Lions , comme supports des Armes .
Le Plafond des Stales avoit une Moulure dorée
au Pourtour , sur laquelle regnoit une Bordure
de Trefles en forme de bandeau de Couronnes;
chaque Treffe portant une bougie derriere.
un filet de lumieres ; devant chaque Pilastre et
en retour du Jubé , une Girandole de sept lumieres
, qui interrompoit par Groupes la Bordure de
lumieres.
Du dessous de la Moulure des Stales tomboit
le troisiéme lez de velours , de même arrangement
d'Armes et de Chiffres que le premier , semé
de même , ayant de surplus des Festons herminez
de distance en distance , et qui enveloppoient
les Cartouches qui étoient sur le lez de
velours.
L'Autel étoit surmonté d'un Dais de 12. pieds
sur 7. pieds , avec des Campannes dedans et dehors
, en argent , sur fond noir ; les deux chutes
de Rideaux de Satin noir , semé de larmes et entouré
de Frange d'argent , avec 4. Bouquets de
plume en Aigrette , sur les 4. Angles , le Plafond
et la queue croisée de Moire d'argent , et cantonnée
d'Armes ; aux deux Pilastres à côté tomboient
des Trophées des Instrumens qui servent aux
Cerémonies Mortuaires ; ces deux Pilastres accompagnez
et soutenus par deux grandes Consoles
de Marbre blanc , avec une Girandole de
sept branches , posée sur le milieu de la Volutte.
Beux Anges prosternez , rehaussez d'argent ,
sur un Groupe de Nuées , qui répandoient en
partie sur les Consoles le surplus de la Décoration,
faisant simétrie avec le Pourtour du Choeur,
le reste de l'Autel orné avec une magnificence
convenable et éclairé d'un grand nombre de
Cierges , &C.
I ij Toute
392 MERCURE DE FRANCE
Toute cette Décoration avoit été ordonnée
par le Duc de la Trémouille , premier Gentilhomme
de la Chambre du Roy , et exécutée sous
la direction de M. de Selle , Intendant des menus
Plaisirs du Roy , par M. Perrault , Peintre
des Menus Plaisirs de S. M.
Fermer
Résumé : Description du Catafalque.
Le texte décrit la décoration d'un catafalque dans une église, organisée par le Duc de la Trémouille et supervisée par M. de Selle et M. Perrault. La façade de l'église était ornée d'une grande tenture noire portant les armoiries et les symboles royaux, notamment ceux du roi de Sardaigne et de l'ordre de Saint-Maurice. Les portes latérales affichaient les chiffres du roi Victor-Amédée dans des cartouches soutenus par des renommées. À l'intérieur, la nef était tendue de drap noir avec des armoiries et des chiffres alternés, rehaussés d'or et d'argent. Le catafalque, situé à deux toises et demie de l'entrée du chœur, était construit sur une estrade de dimensions précises et décoré de têtes de mort, de girandoles et de colonnes ioniques en or et argent. Le tombeau, en marbre de Portore, était soutenu par des consoles dorées et couvert d'un poêle d'étoffe d'or bordé d'hermine. Le pourtour du chœur était structuré en 18 arcades, ornées d'un ordre architectural ionique avec des pilastres et des trophées d'armes. Les chapiteaux étaient décorés de têtes de mort et de drapeaux. Le plafond des stalles était orné de moulures dorées et de girandoles. L'autel était surmonté d'un dais avec des campanes en argent et des trophées d'instruments utilisés lors des cérémonies mortuaires. La décoration était éclairée par un grand nombre de cierges et de lumières.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
34
p. 1445-1449
MORTS.
Début :
Les Chanoines Réguliers de l'Abbaye de sainte Genevieve respectueusement attachés à la [...]
Mots clefs :
Mademoiselle de Beaujolais, Abbaye de Sainte-Geneviève, Autel, Louis de Bréhan de Plélo, Argent, Blanc, Roi, Satin, Chanoines réguliers, Maison d'Orléans
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MORTS.
MORT S.
Es Chanoines Réguliers de l'Abbaye de sainte
Genevieve respectueusement attachés à la
Maison d'Orleans , dont ils ressentent continuellement
la puissante protection , se sont portez
d'eux-mêmes à cétebrer up Service solemnel
II Vol. pour
$446 MERCURE DE FRANCE
pour
le repos de l'ame de Mademoiselle d'O:-
leans de Beaujolois Princesse du Sang. Rien n'a
été omis de ce qui peut rendre auguste une tel
cérémonie ,
- Le frontispice de l'Eglise étoit tendu de banc;
on avoit placé au milieu un grand écusson en
losange haut de 15 pieds , aux Armes de la Maison
d'Orleans. Toute l'Eglise étoit tendue en
blanc depuis le haut jusqu'en bas , avec des
Armoiries de distance en distance . Un Catafalque
placé dans le Choeur au-dessus du Tombeau de
Clovis , comprenoit differentes pieces , qui chacune
avoit leur beauté; une Estrade à quatre gradins
chargée de chandeliers et de girandoles d'argent
, conduisoit à une Représentation couverte
d'un poële de satin blanc bordé d'hermine , avec
une Croix de moëre d'argent . A l'extremité de
la Représentation se voyoit sur un carreau de satin
à glands d'argent , la Couronne de Princesse,
couverte d'un crêpe blanc. Un dais suspendu à la
voûte surmonté d'aigrettes blanches très- fines ,
servoit de couronnement ; il étoit de satin blanc
orné de grandes crépines d'argent en festons.
Des quatre angles sortoient d'amples rideaux
aussi de satin blanc avec des franges d'argent ,
soutenus et relevez en festons par des cordons t
grosses houpes d'argent.
L'Autel étoit des mieux ordonné ; un somptueux
dais de velours noir semé de larmes en relief
, s'élevoit au - dessus : les Trophées de la
Mort brodez sur la queue du dais , contenoient
une grande Croix de même travail, Venoit ensuite
une distribution de chandeliers entremêlés
de girandolles au bas étoit le Retable orné de
cartouches en broderie , et plusieurs rangs de
chandeliers d'argent.
II. Vol. L'Autel
JUIN 1734 1447
L'Autel n'ayant pu être ainsi disposé sans
ane espece de charpente qui paroissoit par derriere
, on eut soin de la couvrir d'un très-beau
morceau de broderie en velours noir , qui représentoit
les symboles du Jugement dernier , et un
Ange embouchant la trompette. Les Tribunes
étoient pareillement garnies de girandoles.
Les préparatifs achevés , les Chanoines Réguliers
chanterent ks Vigiles le Mercredi au
soir 9. Juin ; S. M. C. la Reine d'Espagne et
Monseigneur le Duc d'Orleans y assisterent. Le
Lendemain Jeudi , la Messe fut célebrée par l'Abbé
en habits Pontificaux ; les Ministres étoient
revêtus d'Ornemens magnifiques , soit Tuniques,
soit Chappes. Le Choeur avoit aussi ses Officiers
egalement revêtus.
Le concours fut grand au Service . Pour éviter
la confusion et le tumulte , les Suisses du Palais
Royal garderent les Portes.
Plusieurs Prélats , des Generaux d'Ordre , des
Ecclésiastiques de tous les Corps , quantité de
Noblesse , de Dames de la premiere distinction
et des Magistrats invitez par les Chanoines Réguliers
, assisterent au Service , et furent placez
sur des sieges de deuil préparez à cet effet , tant
sur une estrade qu'on avoit dressé dans l'avant-
Sanctuaire , que dans le Choeur et le rond- point.
La présence de la Reine d'Espagne et de Monseigacur
le Duc d'Orleans augmentoit le lustre de
cette pieuse cérémonie . A côtéde S. A. R. étoient
les principaux Officiers de la Maison d'Orleans ,
et derriere , les Aumôniers en rochet , manteau
et bonnet quarré.
Le Comte de Bonamour Colonel au service
du Roi d'Espagne , et Capitaine dans le Régiment
des Gardes Walones , qui a été tué le 25
II. Vol. Maj
1448 MERCURE DE FRANCE
Mai dernier à la Journée de Bitonte dans le
Royaume de Naples , se nommoit Louis Germain
de Talhoët , et étoit d'une ancienne Noblesse
de la Province de Bretagne.
>
Louis- Robert- Hyppolite de Brehan Comte de
Plelo , ci -devant Mestre de Camp d'un Régiment
de Dragons , et auparavant Sous Lieutenant
des Gendarmes de Flandres , et Ambassadeur
du Roi en Dannemarck depuis 1729 , a été
tué le 27 Mai dernier à l'âge d'environ 35 ans ,
à l'attaque des retranchements de l'Armée Moscovite
assiegeant Dantzick. Il commandoit la
premiere colonne du Secours François destiné
pour cette Ville assiégée . Après avoir forcé les
barricades et penetré jusques dans les retranchements
il y a été frappé de plusieurs coups , ralliant
ses Troupes qui plioient sous le nombre et
le grand feu des. Moscovites. Il étoit fils deJean-
François de Brehan Comte de Mauron, et petitfils
de Maurille de Brehan Comte de Mauron , et
de Plelo , et de Louise de Quelen. Son bisayeul
étoit Louis de Brehan Baron de Château Brehan,
du Plessis , Mauron , Galinée , &c . Chevalier
de l'Ordre du Roi , Gentilhomme ordinaire de
sa Chambre , Maréchal de ses Camps et Armées,
tué aux guerres d'Allemagne en 1634. Le nom
de Brehan est un des plus nobles et des plus anciens
de la Bretagne , vraye Race d'ancienne Noblesse
de Chevalerie , et qui dans l'onzième et
douzième siecle tenoit rang parmi les anciens Barons
du Pays avant la Réduction faite en 1451 .
Louise Phelypeaux sa veuve , est fille de feu
Louis Phelypeaux Marquis de la Vrilliere , Ministre
et Secretaire d'Etat , et de Françoise de
Mailli , aujourd'hui Duchesse de Mazarin , et
Dame d'atour de la Reine , dont il laisse plu-
II. Vol. sicurs
JUI N. 1734.
1
1449
sieurs enfans en bas âge , ausquels le Roi a accordé
dix mille livres de pension .
Le premier Jun 1734 Nicolas-Simon - Jude
de Beauvau de Craon , Sous - Diacre , natif de
Lunéville en Lorraine , l'un des fils de Marc de
Beauvau Marquis de Craon et de Harouel , Prince
du Saint Empire , Grand d'Espagne de la
premiere classe , Conseiller d'Etat , et Grand
Ecuyer du Duc de Lorraine , et de Dame Anne
Marguerite de Liguiville Dame d'honneur de la
Duchesse de Lorraine , mourut de la petite ve
role à Rome à l'âge d'environ 24 ans.
Le 11 Juin 1734 Jacques- André de Mortani
( ou de Mortaigne en François ) Lieutenant Generaldes
Armées du Roi , mourut à Charlev ille
âgé de 84 ans. Il étoit Hongrois de nation , et
avoit été d'abord Lieutenant -Colonel du Régi
ment du Prince Administrateur de Wirtemberg.
Etant entré au Service de France , il fut fait Colonel
d'un Régiment de Hussarts en 169 ;, Chevalier
de l'Ordre Militaire de S. Louis en 1703
Brigadier le 10 Février 1704 , Maréchal de
Camp le 29 Mars 1710 , et Lieutenant- Gene
ral le, 30 Mars 1720.
Es Chanoines Réguliers de l'Abbaye de sainte
Genevieve respectueusement attachés à la
Maison d'Orleans , dont ils ressentent continuellement
la puissante protection , se sont portez
d'eux-mêmes à cétebrer up Service solemnel
II Vol. pour
$446 MERCURE DE FRANCE
pour
le repos de l'ame de Mademoiselle d'O:-
leans de Beaujolois Princesse du Sang. Rien n'a
été omis de ce qui peut rendre auguste une tel
cérémonie ,
- Le frontispice de l'Eglise étoit tendu de banc;
on avoit placé au milieu un grand écusson en
losange haut de 15 pieds , aux Armes de la Maison
d'Orleans. Toute l'Eglise étoit tendue en
blanc depuis le haut jusqu'en bas , avec des
Armoiries de distance en distance . Un Catafalque
placé dans le Choeur au-dessus du Tombeau de
Clovis , comprenoit differentes pieces , qui chacune
avoit leur beauté; une Estrade à quatre gradins
chargée de chandeliers et de girandoles d'argent
, conduisoit à une Représentation couverte
d'un poële de satin blanc bordé d'hermine , avec
une Croix de moëre d'argent . A l'extremité de
la Représentation se voyoit sur un carreau de satin
à glands d'argent , la Couronne de Princesse,
couverte d'un crêpe blanc. Un dais suspendu à la
voûte surmonté d'aigrettes blanches très- fines ,
servoit de couronnement ; il étoit de satin blanc
orné de grandes crépines d'argent en festons.
Des quatre angles sortoient d'amples rideaux
aussi de satin blanc avec des franges d'argent ,
soutenus et relevez en festons par des cordons t
grosses houpes d'argent.
L'Autel étoit des mieux ordonné ; un somptueux
dais de velours noir semé de larmes en relief
, s'élevoit au - dessus : les Trophées de la
Mort brodez sur la queue du dais , contenoient
une grande Croix de même travail, Venoit ensuite
une distribution de chandeliers entremêlés
de girandolles au bas étoit le Retable orné de
cartouches en broderie , et plusieurs rangs de
chandeliers d'argent.
II. Vol. L'Autel
JUIN 1734 1447
L'Autel n'ayant pu être ainsi disposé sans
ane espece de charpente qui paroissoit par derriere
, on eut soin de la couvrir d'un très-beau
morceau de broderie en velours noir , qui représentoit
les symboles du Jugement dernier , et un
Ange embouchant la trompette. Les Tribunes
étoient pareillement garnies de girandoles.
Les préparatifs achevés , les Chanoines Réguliers
chanterent ks Vigiles le Mercredi au
soir 9. Juin ; S. M. C. la Reine d'Espagne et
Monseigneur le Duc d'Orleans y assisterent. Le
Lendemain Jeudi , la Messe fut célebrée par l'Abbé
en habits Pontificaux ; les Ministres étoient
revêtus d'Ornemens magnifiques , soit Tuniques,
soit Chappes. Le Choeur avoit aussi ses Officiers
egalement revêtus.
Le concours fut grand au Service . Pour éviter
la confusion et le tumulte , les Suisses du Palais
Royal garderent les Portes.
Plusieurs Prélats , des Generaux d'Ordre , des
Ecclésiastiques de tous les Corps , quantité de
Noblesse , de Dames de la premiere distinction
et des Magistrats invitez par les Chanoines Réguliers
, assisterent au Service , et furent placez
sur des sieges de deuil préparez à cet effet , tant
sur une estrade qu'on avoit dressé dans l'avant-
Sanctuaire , que dans le Choeur et le rond- point.
La présence de la Reine d'Espagne et de Monseigacur
le Duc d'Orleans augmentoit le lustre de
cette pieuse cérémonie . A côtéde S. A. R. étoient
les principaux Officiers de la Maison d'Orleans ,
et derriere , les Aumôniers en rochet , manteau
et bonnet quarré.
Le Comte de Bonamour Colonel au service
du Roi d'Espagne , et Capitaine dans le Régiment
des Gardes Walones , qui a été tué le 25
II. Vol. Maj
1448 MERCURE DE FRANCE
Mai dernier à la Journée de Bitonte dans le
Royaume de Naples , se nommoit Louis Germain
de Talhoët , et étoit d'une ancienne Noblesse
de la Province de Bretagne.
>
Louis- Robert- Hyppolite de Brehan Comte de
Plelo , ci -devant Mestre de Camp d'un Régiment
de Dragons , et auparavant Sous Lieutenant
des Gendarmes de Flandres , et Ambassadeur
du Roi en Dannemarck depuis 1729 , a été
tué le 27 Mai dernier à l'âge d'environ 35 ans ,
à l'attaque des retranchements de l'Armée Moscovite
assiegeant Dantzick. Il commandoit la
premiere colonne du Secours François destiné
pour cette Ville assiégée . Après avoir forcé les
barricades et penetré jusques dans les retranchements
il y a été frappé de plusieurs coups , ralliant
ses Troupes qui plioient sous le nombre et
le grand feu des. Moscovites. Il étoit fils deJean-
François de Brehan Comte de Mauron, et petitfils
de Maurille de Brehan Comte de Mauron , et
de Plelo , et de Louise de Quelen. Son bisayeul
étoit Louis de Brehan Baron de Château Brehan,
du Plessis , Mauron , Galinée , &c . Chevalier
de l'Ordre du Roi , Gentilhomme ordinaire de
sa Chambre , Maréchal de ses Camps et Armées,
tué aux guerres d'Allemagne en 1634. Le nom
de Brehan est un des plus nobles et des plus anciens
de la Bretagne , vraye Race d'ancienne Noblesse
de Chevalerie , et qui dans l'onzième et
douzième siecle tenoit rang parmi les anciens Barons
du Pays avant la Réduction faite en 1451 .
Louise Phelypeaux sa veuve , est fille de feu
Louis Phelypeaux Marquis de la Vrilliere , Ministre
et Secretaire d'Etat , et de Françoise de
Mailli , aujourd'hui Duchesse de Mazarin , et
Dame d'atour de la Reine , dont il laisse plu-
II. Vol. sicurs
JUI N. 1734.
1
1449
sieurs enfans en bas âge , ausquels le Roi a accordé
dix mille livres de pension .
Le premier Jun 1734 Nicolas-Simon - Jude
de Beauvau de Craon , Sous - Diacre , natif de
Lunéville en Lorraine , l'un des fils de Marc de
Beauvau Marquis de Craon et de Harouel , Prince
du Saint Empire , Grand d'Espagne de la
premiere classe , Conseiller d'Etat , et Grand
Ecuyer du Duc de Lorraine , et de Dame Anne
Marguerite de Liguiville Dame d'honneur de la
Duchesse de Lorraine , mourut de la petite ve
role à Rome à l'âge d'environ 24 ans.
Le 11 Juin 1734 Jacques- André de Mortani
( ou de Mortaigne en François ) Lieutenant Generaldes
Armées du Roi , mourut à Charlev ille
âgé de 84 ans. Il étoit Hongrois de nation , et
avoit été d'abord Lieutenant -Colonel du Régi
ment du Prince Administrateur de Wirtemberg.
Etant entré au Service de France , il fut fait Colonel
d'un Régiment de Hussarts en 169 ;, Chevalier
de l'Ordre Militaire de S. Louis en 1703
Brigadier le 10 Février 1704 , Maréchal de
Camp le 29 Mars 1710 , et Lieutenant- Gene
ral le, 30 Mars 1720.
Fermer
Résumé : MORTS.
En juin 1734, les Chanoines Réguliers de l'Abbaye de Sainte-Geneviève ont organisé une cérémonie funéraire en mémoire de Mademoiselle d'Orléans de Beaujolais, Princesse du Sang. Cette cérémonie, marquée par une grande solennité, a vu la décoration somptueuse de l'église avec des écussons, des armoiries et un catafalque richement orné. La Reine d'Espagne et le Duc d'Orléans ont assisté aux vigiles et à la messe, accompagnés de nombreux prélats, ecclésiastiques, nobles et magistrats. La présence de Suisses du Palais Royal a assuré le maintien de l'ordre durant l'événement. Le texte mentionne également plusieurs décès notables. Le Comte de Bonamour a été tué lors de la bataille de Bitonte. Louis-Robert-Hyppolite de Brehan, Comte de Plelo, est mort lors de l'attaque des retranchements de l'armée moscovite assiégeant Dantzick. Nicolas-Simon-Jude de Beauvau de Craon, Sous-Diacre, est décédé de la petite vérole à Rome. Enfin, Jacques-André de Mortani, Lieutenant Général des Armées du Roi, est mort à Charleville à l'âge de 84 ans.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
36
p. 56-63
CONTES.
Début :
Tout un peuple étoit si disposé à la joie & à la gaité qu'il n'étoit plus capable [...]
Mots clefs :
Homme, Juge, Serpent, Esclave, Argent, Accusé
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CONTES.
CONTES.
PREMIER CONTE.
Out un peuple étoit fi difpofé à la
joie & à la gaité qu'il n'étoit plus capable
de rien , c'étoient les Tirinthiens.
Comme ils ne pouvoient plus reprendre
leur férieux fur quoi que ce foit , tout
étoit en defordre parmi eux. S'ils s'affembloient
, tous leurs entretiens rouloient fur
des folies , au lieu de rouler fur les affaires
publiques : s'ils recevoient des Ambaffadeurs
, ils les tournoient en ridicule : s'ils
tenoient le confeil de ville , les avis des
plus graves Sénateurs n'étoient que des
bouffonneries , & en toutes fortes d'occafions
, une parole ou une action raifonnable
eût été un prodige chez cette nation .
Ils fe fentirent enfin fort incommodés
de cet efprit de plaifanterie. Ils allerent
confulter l'Oracle de Delphes , pour lui demander
les moyens de recouvrer un peu
de férieux : l'Oracle répondit que s'ils pouvoient
facrifier un taureau à Neptune fans
rire , il feroit déformais en leur pouvoir
d'être plus fages. Un facrifice n'eft pas une
occafion fi plaifante d'elle-même ; cepenDECEMBRE
1754 57
dant pour le faire
férieufement ils y apporterent
bien des précautions. Ils réfolurent
de n'y point recevoir de jeunes gens ,
mais feulement des vieillards ; & non pas
encore toutes fortes de vieillards , mais
feulement ceux qui avoient ou des infirmités
, ou beaucoup de dettes , ou des
femmes fâcheufes & incommodes. Quand
toutes ces perfonnes choifies furent fur le
bord de la mer pour immoler la victime ,
il fallut encore , malgré les femmes diableſſes
, les dettes , les maladies , & l'âge ,
qu'ils compofaffent leur air , baiffaffent les
yeux , & fe mordiffent les lévres . Mais
par malheur il fe trouva là un enfant qui
s'y étoit gliffé. On voulut le chaffer , & il
cria : quoi ! avez-vous peur que je n'avale
votre taureau Cette fottife déconcerta
toutes ces gravités contrefaites : on éclata
de rire ; le facrifice fut troublé , & la
raifon ne vint point aux Tirinthiens .
SECOND CONTE.
On raconte qu'il y avoit un Cadis, nommé
Roufbehani , il étoit dans le Tabariftan
; c'étoit un homme qui poffédoit toutes
les qualités que demande fa charge. Un
jour un homme fe préfenta devant lui
pour intenter procès à un autre à qui il
Cv
58 MERCURE
DE FRANCE
.
à
avoit prêté de l'argent : le Cadis dit à l'acufe
, avez vous l'argent de cet homme ?
l'accufé le nia ; le Cadis demanda à l'accufateur
, avez - vous des témoins ? il répondit
, je n'en ai point ; le Cadis répondit , il
faut le faire jurer. L'accufateur
pleura , &
lui dit : ô juge ! prenez garde , fecourezmoi
, je n'ai point de témoins pour lui &
il jurera : le juge lui dit , par rapport
vous , je n'irai point contre la loi , il faut
que vous ayez des témoins ou que votre
adverfaire jure . L'homme pleura & fe jetta
par terre , je fuis un pauvre homme ,
faire
pas
dit-il , & fi vous ne me faites
juſtice , je ferai trompé ; examinez ma
caufe qui eft jufte . Alors le juge voulant
examiner le jufte procédé de cet homme ,
le fit approcher , & lui dit : comment
avez vous donné de l'argent à cet homme ?
je l'ai prêté , répondit il : à quelle condition
le lui avez -vous prêté ?
O juge ! foyez toujours heureux. Sçachez
que cet homme étoit mon ami : il
devint amoureux d'une efclave ; le prix de
cette efclave étoit de cent fequins , tout
fon bien ne les vaut point . Cet homme
étoit toujours plongé dans le chagrin
quelque part qu'il allât. Un jour nous
étions enfemble à la promenade , nous
nous repofâmes dans un endroit où il fe
0
DECEMBRE. 1754. 59
reſſouvint de fa maîtreffe ; il pleura tant
que j'eus pitié de lui , par rapport à notre
ancienne amitié de vingt ans. Vous n'avez
point affez d'argent , lui dis- je , pour
acheter cette efclave ; perfonne ne vous
fecourt : à peine ai- je cent fequins que j'ai
gagnés depuis que je fuis né , voulez - vous
que je vous les prête ? vous mettrez auffi
de l'argent, & vous acheterez cette efclave :
après en avoir joui pendant un mois vous
la revendrez , & vous me rendrez ce qui
m'appartient . Auffi tôt cet homme ſe jetta
à mes pieds , & me jura de ne fe fervir
qu'un mois de cette efclave , & qu'enfuite
il la revendroit , foit qu'il y perdît ,
foit qu'il y gagnât , afin de me rendre
mon argent. Je me rendis à fes prieres , &
je lui donnai cet argent ; il n'y avoit avec
nous perfonne , excepté Dieu . Depuis ce
tems - là , quatre mois fe font écoulés fans
que j'aye vû paroître ni mon argent ni
l'efclave. Dans quel lieu avez vous donné
cet argent ? l'homme dit à l'ombre d'un arbre
: pourquoi dites-vous que vous n'avez
point de témoins ? Il dit alors à l'accufé
reftez auprès de moi ; & à l'accufateur ,
allez à cet arbre , priez- y Dieu , & enfuite
dites lui : le juge vous demande , venez &
rendez témoignage pour moi . L'accufé fourit
au difcours du juge : le juge s'en apper-
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
çut , & fit femblant de ne le point voir
allez , dit- il , à l'accufateur , qu'il vienne
vîte pour rendre témoignage. L'accufateur
répondit , je crains que cet arbre ne veuille
point aquiefcer à ma feule parole , donnez
- moi quelque marque pour lui faire
fçavoir que c'eft de votre part que je viens.
Le juge lui en donna une , & lui dit , allez
& montrez lui cela ; dites -lui , le juge
vous demande pour rendre témoignage
fur ce que vous fçavez . Cet homme ayant
pris le figne , partit : l'accufé refta , le juge
caufa avec toute l'affemblée fans fonger à
l'accufé. Quelque tems après , il lui demanda
, cet homme eft-il arrivé à l'arbre ? il lui
répondit , il n'eft point encore arrivé : il
montra par cette réponſe qu'il étoit coupable.
Pour l'accufateur , étant allé à l'arbre
il eut beau le prier , lui montrer le ſignal
du juge , lui dire qu'il le demandoit pour
rendre témoignage , & ne pouvant rien
obtenir de l'arbre , il retourna , & dit au
juge Seigneur , j'ai montré votre figne ,
je n'ai rien obtenu de l'arbre. Alors le juge
répondit , cet arbre eft venu avant vous ,
il a rendu témoignage : vîte , donnez les
cent fequins à cet homme . L'accufé répartit
, quand eft-ce que l'arbre eft venu ? j'ai
toujours été préfent.
Le juge répondit , lorfque je vous aî
DECEMBRE. 1754. 61
demandé fi cet homme étoit arrivé à l'arbre
, pourquoi n'avez - vous point répondu
, comment puis- je fçavoir s'il y eft arrivé
, puifque je ne fçais où eft cet arbre ?
fi vous n'euffiez point connu cet arbre ,
vous n'euffiez point répondu : il n'y eft point
encore arrivé. L'accufé convaincu par luimême
, donna ce qu'il avoit à cet homme.
Quoique dans cette occafion le juge
n'aye point confulté le livre des loix , cependant
il a rendu la juftice par fon fçavoir.
III . CONTE.
Abdoul Dyebbar raconte que Mouhamed
, fils de Humeïr , étant un jour forti
pour chaffer , il vit un ferpent s'avancer
vers lui avec beaucoup de vîteffe . Lorfqu'il
fut arrivé auprès de lui , il lui dit :
fauve-moi , & Dieu te fauvera le jour que
perfonne autre que lui ne peut fauver . Il
demanda au ferpent de quoi il vouloit qu'il
le fauvât il lui répondit , d'un ennemi
qui veut me couper en pièces . Il lui demanda
où il vouloit qu'il le cachât ? il répondit
, fi tu veux faire une bonne action
cache-moi dans ton eftomac. Il ouvrit fa
bouche , & à peine le ferpent étoit - il defcendu
dans fon eftomac qu'il vit venir un
homme le fabre à la main , qui lui de62
MERCURE DE FRANCE.
1
manda où étoit le ferpent ? il lui répondit
qu'il ne l'avoit point vû , & l'homme paffa
outre. Sentant un moment après le ferpent
remonter , il ouvrit fa bouche ; le ferpent
mit la tête dehors, & lui demanda s'il voyoit
l'homme qui le cherchoit ? il répondit qu'il
avoit paffé , & qu'il ne le voyoit plus. Le
ferpent lui dit alors de choisir de deux chofes
l'une , ou qu'il lui piquât le coeur , ou
qu'il lui fendît le foie. Le fils de Humeïr
répondit : j'attefte Dieu que tu ne me traites
pas comme je l'ai mérité. Le ferpent
repliqua : il est vrai ; mais tu as fait du
bien à un ingrat , & il faut que tu choififfes
un des deux partis , il n'y a pas d'autres
moyens . Le fils de Humeïr lui dit :
puifqu'il faut que je meure , la feule grace
que je te demande eft que tu me donnes le
tems d'arriver au pied de cette montagne
qui eft devant nous pour m'y faire un tombeau.
Le ferpent y ayant confenti , il fe
mit à marcher du côté de la montagne.
A peine avoit il fait quelques pas qu'il rencontra
un jeune homme , d'un beau viſage
& bien habillé , qui lui dit : bon vieillard ,
qu'avez - vous ? il femble que vous foyez
defefpéré de la vie , & que vous alliez vous
préfenter à une mort certaine. Il lui répondit
: un ennemi qui eft dans mon eftomac
& qui veut me faire périr , m'a mis
DECEMBRE . 1754. 63
dans cet état. A ces mots le jeune homme
tira quelque chofe de fa manche & le lui
donna , en lui difant de l'avaler : l'ayant
avalé , il fentit une douleur violente dans
fes entrailles ; il fe plaignit au jeune homme
, & il lui en donna une autre : dès qu'il
l'eut avalé il rendit le ferpent en plufieurs
morceaux par le bas. Senfible au dernier
point au fervice qu'il lui avoit rendu , il lui
donna mille bénédictions , & le pria de lui
dire qui il étoit . Il répondit je fuis un ange
, mon nom eft Marouf, & ma place eſt
dans le quatrième ciel. Tu fçauras que les
habitans du ciel voyant le tour indigne
que le ferpent vouloit te jouer , ils ont été
touchés de ton état , & ont prié Dieu de
t'aider ; & c'est par fon ordre que je fuis
venu pour te tirer d'embarras. Hadjadje
demanda un jour à une perfonne quelles
étoient les chofes les plus mal employées ?
Il lui répondit , la pluie fur une terre falée
, une chandelle allumée devant le foleil
, une belle efclave entre les mains de
quelqu'un qui n'eft pas homme , & un
bienfait à un ingrat.
PREMIER CONTE.
Out un peuple étoit fi difpofé à la
joie & à la gaité qu'il n'étoit plus capable
de rien , c'étoient les Tirinthiens.
Comme ils ne pouvoient plus reprendre
leur férieux fur quoi que ce foit , tout
étoit en defordre parmi eux. S'ils s'affembloient
, tous leurs entretiens rouloient fur
des folies , au lieu de rouler fur les affaires
publiques : s'ils recevoient des Ambaffadeurs
, ils les tournoient en ridicule : s'ils
tenoient le confeil de ville , les avis des
plus graves Sénateurs n'étoient que des
bouffonneries , & en toutes fortes d'occafions
, une parole ou une action raifonnable
eût été un prodige chez cette nation .
Ils fe fentirent enfin fort incommodés
de cet efprit de plaifanterie. Ils allerent
confulter l'Oracle de Delphes , pour lui demander
les moyens de recouvrer un peu
de férieux : l'Oracle répondit que s'ils pouvoient
facrifier un taureau à Neptune fans
rire , il feroit déformais en leur pouvoir
d'être plus fages. Un facrifice n'eft pas une
occafion fi plaifante d'elle-même ; cepenDECEMBRE
1754 57
dant pour le faire
férieufement ils y apporterent
bien des précautions. Ils réfolurent
de n'y point recevoir de jeunes gens ,
mais feulement des vieillards ; & non pas
encore toutes fortes de vieillards , mais
feulement ceux qui avoient ou des infirmités
, ou beaucoup de dettes , ou des
femmes fâcheufes & incommodes. Quand
toutes ces perfonnes choifies furent fur le
bord de la mer pour immoler la victime ,
il fallut encore , malgré les femmes diableſſes
, les dettes , les maladies , & l'âge ,
qu'ils compofaffent leur air , baiffaffent les
yeux , & fe mordiffent les lévres . Mais
par malheur il fe trouva là un enfant qui
s'y étoit gliffé. On voulut le chaffer , & il
cria : quoi ! avez-vous peur que je n'avale
votre taureau Cette fottife déconcerta
toutes ces gravités contrefaites : on éclata
de rire ; le facrifice fut troublé , & la
raifon ne vint point aux Tirinthiens .
SECOND CONTE.
On raconte qu'il y avoit un Cadis, nommé
Roufbehani , il étoit dans le Tabariftan
; c'étoit un homme qui poffédoit toutes
les qualités que demande fa charge. Un
jour un homme fe préfenta devant lui
pour intenter procès à un autre à qui il
Cv
58 MERCURE
DE FRANCE
.
à
avoit prêté de l'argent : le Cadis dit à l'acufe
, avez vous l'argent de cet homme ?
l'accufé le nia ; le Cadis demanda à l'accufateur
, avez - vous des témoins ? il répondit
, je n'en ai point ; le Cadis répondit , il
faut le faire jurer. L'accufateur
pleura , &
lui dit : ô juge ! prenez garde , fecourezmoi
, je n'ai point de témoins pour lui &
il jurera : le juge lui dit , par rapport
vous , je n'irai point contre la loi , il faut
que vous ayez des témoins ou que votre
adverfaire jure . L'homme pleura & fe jetta
par terre , je fuis un pauvre homme ,
faire
pas
dit-il , & fi vous ne me faites
juſtice , je ferai trompé ; examinez ma
caufe qui eft jufte . Alors le juge voulant
examiner le jufte procédé de cet homme ,
le fit approcher , & lui dit : comment
avez vous donné de l'argent à cet homme ?
je l'ai prêté , répondit il : à quelle condition
le lui avez -vous prêté ?
O juge ! foyez toujours heureux. Sçachez
que cet homme étoit mon ami : il
devint amoureux d'une efclave ; le prix de
cette efclave étoit de cent fequins , tout
fon bien ne les vaut point . Cet homme
étoit toujours plongé dans le chagrin
quelque part qu'il allât. Un jour nous
étions enfemble à la promenade , nous
nous repofâmes dans un endroit où il fe
0
DECEMBRE. 1754. 59
reſſouvint de fa maîtreffe ; il pleura tant
que j'eus pitié de lui , par rapport à notre
ancienne amitié de vingt ans. Vous n'avez
point affez d'argent , lui dis- je , pour
acheter cette efclave ; perfonne ne vous
fecourt : à peine ai- je cent fequins que j'ai
gagnés depuis que je fuis né , voulez - vous
que je vous les prête ? vous mettrez auffi
de l'argent, & vous acheterez cette efclave :
après en avoir joui pendant un mois vous
la revendrez , & vous me rendrez ce qui
m'appartient . Auffi tôt cet homme ſe jetta
à mes pieds , & me jura de ne fe fervir
qu'un mois de cette efclave , & qu'enfuite
il la revendroit , foit qu'il y perdît ,
foit qu'il y gagnât , afin de me rendre
mon argent. Je me rendis à fes prieres , &
je lui donnai cet argent ; il n'y avoit avec
nous perfonne , excepté Dieu . Depuis ce
tems - là , quatre mois fe font écoulés fans
que j'aye vû paroître ni mon argent ni
l'efclave. Dans quel lieu avez vous donné
cet argent ? l'homme dit à l'ombre d'un arbre
: pourquoi dites-vous que vous n'avez
point de témoins ? Il dit alors à l'accufé
reftez auprès de moi ; & à l'accufateur ,
allez à cet arbre , priez- y Dieu , & enfuite
dites lui : le juge vous demande , venez &
rendez témoignage pour moi . L'accufé fourit
au difcours du juge : le juge s'en apper-
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
çut , & fit femblant de ne le point voir
allez , dit- il , à l'accufateur , qu'il vienne
vîte pour rendre témoignage. L'accufateur
répondit , je crains que cet arbre ne veuille
point aquiefcer à ma feule parole , donnez
- moi quelque marque pour lui faire
fçavoir que c'eft de votre part que je viens.
Le juge lui en donna une , & lui dit , allez
& montrez lui cela ; dites -lui , le juge
vous demande pour rendre témoignage
fur ce que vous fçavez . Cet homme ayant
pris le figne , partit : l'accufé refta , le juge
caufa avec toute l'affemblée fans fonger à
l'accufé. Quelque tems après , il lui demanda
, cet homme eft-il arrivé à l'arbre ? il lui
répondit , il n'eft point encore arrivé : il
montra par cette réponſe qu'il étoit coupable.
Pour l'accufateur , étant allé à l'arbre
il eut beau le prier , lui montrer le ſignal
du juge , lui dire qu'il le demandoit pour
rendre témoignage , & ne pouvant rien
obtenir de l'arbre , il retourna , & dit au
juge Seigneur , j'ai montré votre figne ,
je n'ai rien obtenu de l'arbre. Alors le juge
répondit , cet arbre eft venu avant vous ,
il a rendu témoignage : vîte , donnez les
cent fequins à cet homme . L'accufé répartit
, quand eft-ce que l'arbre eft venu ? j'ai
toujours été préfent.
Le juge répondit , lorfque je vous aî
DECEMBRE. 1754. 61
demandé fi cet homme étoit arrivé à l'arbre
, pourquoi n'avez - vous point répondu
, comment puis- je fçavoir s'il y eft arrivé
, puifque je ne fçais où eft cet arbre ?
fi vous n'euffiez point connu cet arbre ,
vous n'euffiez point répondu : il n'y eft point
encore arrivé. L'accufé convaincu par luimême
, donna ce qu'il avoit à cet homme.
Quoique dans cette occafion le juge
n'aye point confulté le livre des loix , cependant
il a rendu la juftice par fon fçavoir.
III . CONTE.
Abdoul Dyebbar raconte que Mouhamed
, fils de Humeïr , étant un jour forti
pour chaffer , il vit un ferpent s'avancer
vers lui avec beaucoup de vîteffe . Lorfqu'il
fut arrivé auprès de lui , il lui dit :
fauve-moi , & Dieu te fauvera le jour que
perfonne autre que lui ne peut fauver . Il
demanda au ferpent de quoi il vouloit qu'il
le fauvât il lui répondit , d'un ennemi
qui veut me couper en pièces . Il lui demanda
où il vouloit qu'il le cachât ? il répondit
, fi tu veux faire une bonne action
cache-moi dans ton eftomac. Il ouvrit fa
bouche , & à peine le ferpent étoit - il defcendu
dans fon eftomac qu'il vit venir un
homme le fabre à la main , qui lui de62
MERCURE DE FRANCE.
1
manda où étoit le ferpent ? il lui répondit
qu'il ne l'avoit point vû , & l'homme paffa
outre. Sentant un moment après le ferpent
remonter , il ouvrit fa bouche ; le ferpent
mit la tête dehors, & lui demanda s'il voyoit
l'homme qui le cherchoit ? il répondit qu'il
avoit paffé , & qu'il ne le voyoit plus. Le
ferpent lui dit alors de choisir de deux chofes
l'une , ou qu'il lui piquât le coeur , ou
qu'il lui fendît le foie. Le fils de Humeïr
répondit : j'attefte Dieu que tu ne me traites
pas comme je l'ai mérité. Le ferpent
repliqua : il est vrai ; mais tu as fait du
bien à un ingrat , & il faut que tu choififfes
un des deux partis , il n'y a pas d'autres
moyens . Le fils de Humeïr lui dit :
puifqu'il faut que je meure , la feule grace
que je te demande eft que tu me donnes le
tems d'arriver au pied de cette montagne
qui eft devant nous pour m'y faire un tombeau.
Le ferpent y ayant confenti , il fe
mit à marcher du côté de la montagne.
A peine avoit il fait quelques pas qu'il rencontra
un jeune homme , d'un beau viſage
& bien habillé , qui lui dit : bon vieillard ,
qu'avez - vous ? il femble que vous foyez
defefpéré de la vie , & que vous alliez vous
préfenter à une mort certaine. Il lui répondit
: un ennemi qui eft dans mon eftomac
& qui veut me faire périr , m'a mis
DECEMBRE . 1754. 63
dans cet état. A ces mots le jeune homme
tira quelque chofe de fa manche & le lui
donna , en lui difant de l'avaler : l'ayant
avalé , il fentit une douleur violente dans
fes entrailles ; il fe plaignit au jeune homme
, & il lui en donna une autre : dès qu'il
l'eut avalé il rendit le ferpent en plufieurs
morceaux par le bas. Senfible au dernier
point au fervice qu'il lui avoit rendu , il lui
donna mille bénédictions , & le pria de lui
dire qui il étoit . Il répondit je fuis un ange
, mon nom eft Marouf, & ma place eſt
dans le quatrième ciel. Tu fçauras que les
habitans du ciel voyant le tour indigne
que le ferpent vouloit te jouer , ils ont été
touchés de ton état , & ont prié Dieu de
t'aider ; & c'est par fon ordre que je fuis
venu pour te tirer d'embarras. Hadjadje
demanda un jour à une perfonne quelles
étoient les chofes les plus mal employées ?
Il lui répondit , la pluie fur une terre falée
, une chandelle allumée devant le foleil
, une belle efclave entre les mains de
quelqu'un qui n'eft pas homme , & un
bienfait à un ingrat.
Fermer
Résumé : CONTES.
Le texte présente trois contes distincts. Le premier conte relate l'histoire des Tirinthiens, un peuple excessivement enclin à la joie et à la gaieté, au point de ne plus être capable de sérieux. Cette légèreté affectait tous les aspects de leur vie, rendant impossibles les discussions sérieuses ou les décisions importantes. Pour remédier à cette situation, ils consultèrent l'Oracle de Delphes, qui leur conseilla de sacrifier un taureau à Neptune sans rire. Malgré leurs efforts pour rester sérieux, la présence d'un enfant qui fit une remarque moqueuse fit échouer le sacrifice, et les Tirinthiens ne retrouvèrent pas leur sérieux. Le second conte raconte l'histoire d'un cadis nommé Roufbehani, connu pour ses qualités de juge. Un homme vint lui demander justice contre un ami qui avait emprunté de l'argent pour acheter une esclave mais ne l'avait pas remboursé. Le cadis, respectant la loi, exigea des témoins ou un serment. L'accusateur, désespéré, pleura et se jeta par terre. Le cadis, voulant examiner la cause, fit approcher l'accusé et écouta son récit. L'accusé expliqua qu'il avait prêté l'argent à son ami pour acheter une esclave, mais que celui-ci ne l'avait pas remboursé. Le cadis utilisa une ruse en demandant à l'accusé de se rendre auprès d'un arbre pour témoigner, révélant ainsi la culpabilité de l'accusé qui ne connaissait pas l'arbre. Le troisième conte est narré par Abdoul Dyebbar et concerne Mouhamed, fils de Humeïr. Un jour, un serpent demanda à Mouhamed de le sauver d'un ennemi. Mouhamed accepta et cacha le serpent dans son estomac. Plus tard, un ange nommé Marouf sauva Mouhamed en lui donnant une substance qui tua le serpent. L'ange révéla qu'il avait été envoyé par les habitants du ciel pour aider Mouhamed, soulignant l'ingratitude du serpent.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
37
p. 233
ESPAGNE.
Début :
Don Manuel Quintano Bonifaz, Archevêque Titulaire de Pharsale, ci-devant [...]
Mots clefs :
Madrid, Inquisiteur général d'Espagne, Vaisseaux, Argent, Or
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ESPAGNE.
ESPAGNE.
DE MADRID , le 22 Juillet.
Don Manuel Quintano Bonifaz , Archevêque
Titulaire de Pharfale , ci- devant Adminiſtrateur
de l'Archevêché de Tolede , a été nommé Inquifiteur
Général d'Eſpagne , à la place de feu Don
François Perez de Prado y Cuefta , Evêque de
Teruel.
Don Etienne-Jofeph d'Abaria , Préfident du Tribunal
de la Contractation , a informé le Roi , que
le 16 de ce mois les vaiffeaux le Condé , la Vigogne ,
le Diamant , & le faint Pafchal , étoient entrés
dans la Baye de Cadix . Les trois premiers viennent
de la Vera- Cruz , & le dernier de Cartagene. Ils
ont apporté , tant en or qu'en argent monnoyé , la
valeur de trois millions de piaftres. Le Vaiffeau
l'aimable Marie , venant des Ports de Callao & de
Valparaifo , eft arrivé le 21 à la même Baye.
DE MADRID , le 22 Juillet.
Don Manuel Quintano Bonifaz , Archevêque
Titulaire de Pharfale , ci- devant Adminiſtrateur
de l'Archevêché de Tolede , a été nommé Inquifiteur
Général d'Eſpagne , à la place de feu Don
François Perez de Prado y Cuefta , Evêque de
Teruel.
Don Etienne-Jofeph d'Abaria , Préfident du Tribunal
de la Contractation , a informé le Roi , que
le 16 de ce mois les vaiffeaux le Condé , la Vigogne ,
le Diamant , & le faint Pafchal , étoient entrés
dans la Baye de Cadix . Les trois premiers viennent
de la Vera- Cruz , & le dernier de Cartagene. Ils
ont apporté , tant en or qu'en argent monnoyé , la
valeur de trois millions de piaftres. Le Vaiffeau
l'aimable Marie , venant des Ports de Callao & de
Valparaifo , eft arrivé le 21 à la même Baye.
Fermer
Résumé : ESPAGNE.
Le 22 juillet à Madrid, Don Manuel Quintano Bonifaz a été nommé Inquisiteur Général d'Espagne. Le 16 juillet, quatre vaisseaux sont entrés dans la baie de Cadix, apportant trois millions de piastres en or et en argent. Le 21 juillet, L'Aimable Marie est arrivé de Callao et Valparaíso.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
38
p. 176-177
ESPAGNE.
Début :
Le Roi a envoyé ordre aux Gouverneurs des provinces limitrophes [...]
Mots clefs :
Madrid, Tarifa, Tremblement de terre, Secours, Provisions, Argent, Dégâts, Secousses, Effondrement d'une montagne, Inondations
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ESPAGNE.
E S P A G N E.
D E M A D R 1 D , le 27 Novembre.
Le Roi a envoyé ordre aux Gouverneurs des
rovinces limitrophes au Portugal, de fournir aux
† tous les ſecours de vivres & d'argent
† pourroit leur procurer. Indépendamment
e cela, Sa Majeſté a fait expédier pluſieurs cou
riers avec des§conſidérables, afin que le
Secrétaire du feu Comte de la Perelada†
buât aux habitans de Liſbonne , qui ont été rui
nés par le déſaſtre qu'a #cette ville. Il n'y a
preſque aucune partie des deux Royaumes de Sa
Majeſté Très-Fidele, qui ne ſe ſoit reſſentie des
effets du tremblement de terre. Les villes de Por
to, de Santarem, de Guimaraens , de Bragance,
de Viana, de Lamego, deSintra , de Villaréal ,
|
J A N V I E R. 1756. 177
de Caſtellobranco, de Beja, de Portalegre, d'El
vas & de Taveira, préſentent , chacune en par
ticulier , de triſtes veſtiges du dégât que les ſe
conſſes y ont cauſé. Pluſieurs montagnes, entre
autres l'Eſtrella , l'Arrabida , le Marvan, & le
Monte Junio, ont été fortement ébranlées.Quel
ques-unes ſe ſont entr'ouvertes. La crue extraor
dinaire des eaux du Tage, de la Guadiana , du
Minho & du Douro, a produit des inondations ,
qui ont interrompu preſque toute communica
tion entre les différentes provinces.
D E T A R 1 F F A , le 19 Novembre,
Si l'on en croit diverſes lettres , les ſecouſſes
ont été encore plus violentes à Gibraltar que dans
toutes les autres villes de cette côte Une partie
de la montagne voiſine du port s'eſt écroulée ſuz
la ville , & y a cauſé un grand dommage.
D E M A D R 1 D , le 27 Novembre.
Le Roi a envoyé ordre aux Gouverneurs des
rovinces limitrophes au Portugal, de fournir aux
† tous les ſecours de vivres & d'argent
† pourroit leur procurer. Indépendamment
e cela, Sa Majeſté a fait expédier pluſieurs cou
riers avec des§conſidérables, afin que le
Secrétaire du feu Comte de la Perelada†
buât aux habitans de Liſbonne , qui ont été rui
nés par le déſaſtre qu'a #cette ville. Il n'y a
preſque aucune partie des deux Royaumes de Sa
Majeſté Très-Fidele, qui ne ſe ſoit reſſentie des
effets du tremblement de terre. Les villes de Por
to, de Santarem, de Guimaraens , de Bragance,
de Viana, de Lamego, deSintra , de Villaréal ,
|
J A N V I E R. 1756. 177
de Caſtellobranco, de Beja, de Portalegre, d'El
vas & de Taveira, préſentent , chacune en par
ticulier , de triſtes veſtiges du dégât que les ſe
conſſes y ont cauſé. Pluſieurs montagnes, entre
autres l'Eſtrella , l'Arrabida , le Marvan, & le
Monte Junio, ont été fortement ébranlées.Quel
ques-unes ſe ſont entr'ouvertes. La crue extraor
dinaire des eaux du Tage, de la Guadiana , du
Minho & du Douro, a produit des inondations ,
qui ont interrompu preſque toute communica
tion entre les différentes provinces.
D E T A R 1 F F A , le 19 Novembre,
Si l'on en croit diverſes lettres , les ſecouſſes
ont été encore plus violentes à Gibraltar que dans
toutes les autres villes de cette côte Une partie
de la montagne voiſine du port s'eſt écroulée ſuz
la ville , & y a cauſé un grand dommage.
Fermer
Résumé : ESPAGNE.
Le 27 novembre, le roi d'Espagne a ordonné aux gouverneurs des provinces frontalières du Portugal de fournir des secours en vivres et en argent aux victimes du tremblement de terre qui a frappé Lisbonne. Plusieurs courriers ont été envoyés pour transmettre des aides financières aux habitants de Lisbonne. Les effets du séisme se sont fait sentir dans presque toutes les parties des royaumes de Sa Majesté Très-Fidèle. Les villes de Porto, Santarem, Guimaraens, Bragance, Viana, Lamego, Sintra, Villaréal, Castellobranco, Beja, Portalegre, Elvas et Taveira montrent des signes de destruction. Plusieurs montagnes, dont l'Estrella, l'Arrabida, le Marvan et le Monte Junio, ont été ébranlées et certaines se sont ouvertes. La crue extraordinaire des rivières Tage, Guadiana, Minho et Douro a provoqué des inondations, interrompant les communications entre les provinces. Le 19 novembre, des lettres rapportent que les secousses à Gibraltar ont été plus violentes qu'ailleurs, causant l'effondrement d'une partie de la montagne voisine du port et des dommages importants.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
39
p. 212-213
AUTRE.
Début :
Il s'est établi au fauxbourg Saint-Antoine, rue de Montreuil, [...]
Mots clefs :
Manufactures de toiles, Toiles peintes, Fond d'or, Argent, Tapisseries, Solidité, Éclat
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE.
AUTRE.
Il s'eft établi an fauxbourg Saint- Antoine , rue
de Montreuil , dans la maiſon de M. Titon , uné
Manufacture de toiles peintes à fond d'or , d'ar
gent , en camayeux , propres pour tapifferies
JUIN. 1757. " 213
d'antichambre , falles à manger & cabinets . Pour
paravents & écrans ; même pour fauteuils . Outre
une folidité reconnue , qui forme la qualité
effentielle de ces toiles , elles ont un éclat admirable
, qui imite les étoffes riches & le damas
on les lave fans les ternir , & elles ne fouffrent
aucuns infectes partout où elles font tendues.
Il s'eft établi an fauxbourg Saint- Antoine , rue
de Montreuil , dans la maiſon de M. Titon , uné
Manufacture de toiles peintes à fond d'or , d'ar
gent , en camayeux , propres pour tapifferies
JUIN. 1757. " 213
d'antichambre , falles à manger & cabinets . Pour
paravents & écrans ; même pour fauteuils . Outre
une folidité reconnue , qui forme la qualité
effentielle de ces toiles , elles ont un éclat admirable
, qui imite les étoffes riches & le damas
on les lave fans les ternir , & elles ne fouffrent
aucuns infectes partout où elles font tendues.
Fermer
Résumé : AUTRE.
En juin 1757, une manufacture de toiles peintes a été fondée dans le faubourg Saint-Antoine, rue de Montreuil, chez M. Titon. Elle produit des toiles à fond d'or, d'argent et en camayeux pour divers usages, comme les tapisseries et les paravents. Ces toiles sont reconnues pour leur solidité, leur éclat imitant les étoffes riches et le damas, et peuvent être lavées sans se ternir.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
40
p. 205
DE HAMBOURG le 10 Juin.
Début :
On voit par un écrit que l'on vient de publier que les troupes Prussiennes qui ont [...]
Mots clefs :
Troupes prussiennes, Pillages, Argent, Artillerie, Munitions, Violences, Enrôlement, Dégâts
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DE HAMBOURG le 10 Juin.
DE HAMBOURG le 10 Juin.
On voit par un écrit que l'on vient de publier
que les troupes Pruffiennes qui ont hiverné dans ,
lesEtats deMecklebourg ne le fontpas conténtées ›
d'en tirer d'énormes contributions en argent &
en toute efpèce de fubfiftances ; qu'elles ont enlevé
l'artillerie & les munitions ; qu'elles fe font empa- .
rées de tous les deniers du Prince ; qu'elles ont
forcé les habitans ſans diſtinction à s'enrôler ſous
leurs drapeaux ; & que pour découvrir les fugitifs
qui cherchoient à ſe dérober à leur violence , elles
ont maltraité les femmes juſqu'à les traîner attachées
à la queue de leurs chevaux , & leur ont fait
des outrages dont on n'a jamais vu d'exemple. On
obſerve que cet excès commis par les Pruſſiens a
couté à l'Etat de Mecklenbourg quatorze millions :
de florins l'Allemagne , fans compter la dévaſta➡ :
tion de festerres & le malfacre d'un grand noms
bre de fehabitans.
On voit par un écrit que l'on vient de publier
que les troupes Pruffiennes qui ont hiverné dans ,
lesEtats deMecklebourg ne le fontpas conténtées ›
d'en tirer d'énormes contributions en argent &
en toute efpèce de fubfiftances ; qu'elles ont enlevé
l'artillerie & les munitions ; qu'elles fe font empa- .
rées de tous les deniers du Prince ; qu'elles ont
forcé les habitans ſans diſtinction à s'enrôler ſous
leurs drapeaux ; & que pour découvrir les fugitifs
qui cherchoient à ſe dérober à leur violence , elles
ont maltraité les femmes juſqu'à les traîner attachées
à la queue de leurs chevaux , & leur ont fait
des outrages dont on n'a jamais vu d'exemple. On
obſerve que cet excès commis par les Pruſſiens a
couté à l'Etat de Mecklenbourg quatorze millions :
de florins l'Allemagne , fans compter la dévaſta➡ :
tion de festerres & le malfacre d'un grand noms
bre de fehabitans.
Fermer
Résumé : DE HAMBOURG le 10 Juin.
Le 10 juin, des troupes prussiennes ont imposé des contributions financières et en nature aux États de Mecklebourg, confisqué l'artillerie et les munitions, et pillé les fonds du prince local. Elles ont forcé les habitants à s'enrôler et maltraité les femmes pour traquer les fugitifs. Ces exactions ont coûté quatorze millions de florins allemands et causé la dévastation des terres et des souffrances aux habitants.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
41
p. 187-203
Suite de la Relation de tout ce qui s'est passé depuis.
Début :
L'Opera que l'on représenta, est composé de trois Actes ; il est intitulé [...]
Mots clefs :
Opéra, Amour, Hymen, Dieux, Querelles, Humanité, Destin, Campagne, Mer, Nymphe, Conseils, Magnificence, Enchantements, Merveilles, Fête, Noblesse, Ministres étrangers, Comte, Dîner, Marquis, Cérémonie, Mariage, Escadrons, Église, Décorations, Cortège, Ornements, Argent, Or, Étoffes, Arcades, Nef, Lumières, Sanctuaire, Hallebardiers, Chevaux, Capitaine, Carosse, Anneaux, Salle, Repas, Plats, Palais, Union, Temple, Jardins, Colonnes, Pyramides, Beauté, Clémence, Fécondité, Douceur, Figures, Dignité, Intelligence, Fontaines, Illuminations, Feu d'artifice, Guirlandes, Fleurs, Bal, Archiduchesse, Officiers, Chevaliers
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Suite de la Relation de tout ce qui s'est passé depuis.
Suite de la Relation de tout ce qui s'eft
paffé depuis.
L'Opera que l'on repréſenta , eft compofé de
trois Actes ; il eft intitulé les Fétes de L'Hymen
pour les nôces de LL. AA. RR. &c. il eft précédé
d'un Prologue.
Ce Prologue , qui a pour Titre le Triomphe de
PAmour , eft une querelle que les Dieux font à
l'Amour , fur les maux qu'il ne ceffe de faire
aux hommes . L'Amour convient de toutes ces
fauces, & obtient fon pardon en faveur de l'Union ,
qu'il vient de faire de la vertu & de la beauté,
188 MERCURE DE FRANCE.
Les fajets des trois Actes qui compofent l'Opéra
font féparés. C'est une licence que l'on a cru
devoir prendre à caufe du merveilleux & de la
galanterie qu'apportent avec eux des fujers fabuleux
& variés , qui femblent mieux convenir à la
Fête qu'on a célébrée .
L'Acte d'Aris eft le premier. L'Amour par ordre
du Deftin , ceffe d'être aveugle ; il jette fes premiers
regards fur Iris , & en devient amoureux ;
Iris le prend pour le Zéphire ; mais revenue de
fon erreur, elle en devient éprife , diffipe les nuages
qu'Aquilon jaloux lui oppofe fans ceffe , &
sunit à l'Amour pour rendre au monde les jours
les plus beaux & les plus fereins.
Le fecond Acte , eft celui de Sapho . Le Poëte
a feint cette dixiéme Muſe , amoureufe d'Alcée
celèbre Poëte Lyrique natif de Lesbos : il a
feint aufli Doris , fils de Neptune , amant de Sapho
, qui fe voyant préferer fon rival , a recours
a fon pére , & le prie de le vanger par la mort
de l'un & de l'autre. Neptune écoute les voeux
de fon fiis ; & par le fecours d'Eole , & des vents
fouléve tellement les eaux , que les habitans de
la campagne craignent d'ètre fubmergés : 1
paroît lui-même fur une vague qui s'élève beaucoup
au defius des autres ; menace de tour
inonder , fi dans une heure , Sapho n'eft pas fenible
à l'amour de fon fils il rentre dans le fein
de la mer , qui continue dans la plus grande
agitation .
Sapho invoque Apollon , & l'Amour. Une
Lyre defcend du Ciel attachée à des guirlandes
de fleurs ; un arc s'élève dans la Mer à l'endroit
où elle doit avoir fes bornes , & les lui marque
pour l'avenir.
Sapho prend la Lyre : à mesure qu'elle chante
les prodiges opérés par Apollon , & l'Amour ;
OCTOBRE. 1760. 189
la Mer fe calme & fe retire au lieu où elle
étoit avant le débordement ; remplie des infpirations
divines , & de l'enthousiasme poétique ,
elle voit dans l'avenir la fuitte nombreufe des
héros , dont elle doit célébrer l'alliance , annonce
le bonheur dont l'Univers doit jouir ; & par fon
mariage avec Alcée , accomplit le triomphe de
l'harmonie , & de l'amour.
Le troifiéme Acte eft intitulé Eglé. Cette Nymphe
eft amoureufe de Chromis ; Alcée fa compagne
l'eft de Lincée .Elles fe plaifent enſemble
à faire foupirer leurs Amants , en leur cachant
leur tendreffe ; enfin Eglé dit à Chromis qu'elle
l'aimera , lorfqu'elle verra les eaux d'un torrent
enchaînées ; Alcée promet à Lincée de l'aimer
quand Eglé aimera Chromis.
Ces deux jeunes Faunes , déſeſpérés , fe confultent
enſemble , & vont trouver Silene pour qu'il
les aide de fes confeils . Ce vieillard leur demande
où ils ont laillé Eglé & Alcée ; ils répondent
qu'elles font à cueillir des mûres pour lui
teindre le vifage, lorfqu'elles le trouveront endormi
. Silene confole les deux Faunes, leur ordonne
de ſe retirer , leur promet de les fervir , & fe
met fur un lit de gazon où il feint de dormir
en attendant les deux Nymphes. Elles arrivent
avec des guirlandes de fleurs , en enchaînent Si-
Lene qu'elles croyent endormi ; elles le pouffents
il feint de s'éveiller & montre de la colere :
mais bien-tôt après il leur conte la fable d'Acis
& Galatée. Au milieu de cette fable , il s'arrête
comme infpiré , & leur conſeille d'aller trouver
Prothée , de le furprendre endormi , & de l'enchaîner
fans s'épouvanter des différentes formes
qu'il prendra , parce qu'à la fin il parlera , & leur
apprendra des chofes merveilleules.
Elles remercient Silene , & le quittent pour al190
MERCURE DE FRANCE:
ler chercher Prothée ; Chromis & Lincée les accoma
pagnent. Elles le furprennent , l'enchaînent , &
ferrent toujours plus fes liens , à mesure qu'il change
de forme ; il fe change enfin en un Torrent
qui refte immobile : toutes les Nymphes admirent
ce prodige . Silene arrive , rapelle à Eglé le ferment
qu'elle a fait d'être à Chromis lorſqu'elle
verra enchaîner un torrent ; Eglé confent à être
unie à Chromis , & Alcée tient auffi fa parole à
Lincée ; les Faunes & les Nymphes applaudiffent
à cette union,& Silene; au lieu de finir la fable qu'il
fe fouvient d'avoir commencée , ordonne aux Faunes,
& aux Nymphes, de célébrer cet heureux jour,
en repréfentant par leurs danfes , les amours
d'Acis , & Galatée.
L'Italie a vû dans cette occafion renaître fur la
fcène les enchantemens , & la nouveauté de ce
fpectacle digne de l'admiration des étrangers , par
la magnificence , la vérité , & le bon goût qui eft
diftribué dans l'exécution de toutes ces parties. Les
machines employées aux différens prodiges amenés
par le Sujet , ont eu le plus grand fuccès ;
& le Théâtre actuellement difpofé par les machines
à recevoir tout ce que l'imagination peut fournir
de plus merveilleux , retracera chaque fois le
fouvenir de la fête pour laquelle il fert la premiere
fois.
Après l'Opéra l'Infant & Madame Infante Iſabelle,
furent à l'hôtel Palavicini où M. le Prince de
Lichtenſtein avoit fait préparer une Fête, à laquelle
toute la Nobleſſe fut invitée ; plufieurs tables furent
abondamment ſervies , ainſi que quantité de
rafraîchiffemens. On y danſa juſqu'au matin.
1
Le lendemain, M. le Prince de Lichtenſtein donna
un fuperbe dîner à tous les Miniftres étrangers ,
& à la Nobleffe la plus confidérable de l'Etat , &
Etrangere . Le foir il y eut Opéra.
OCTOBRE. 1760. Iol
Le Vendredi cinq , M. le Comte de Rochechouart
donna un grand dîner à M. le Prince de
Lichtenſtein & aux mêmes perfonnes qui avoient
dîné chez lui la veille . Il y eut Opéra le foir.
Le Samedi fix , M. de Lichtenſtein le Prince
dîna chez M. le Marquis de Revilla . Il y eut le foir
affemblée au Palais.
Le Dimanche ſept, jour fixé pour la Cérémonie
du Mariage , les Troupes prirent les Armes dès le
matin ; deux bataillons du Régiment de Parme &
quatorze Compagnies de Grenadiers borderent
les rues par où le Cortége devoit paffer.
Six cens Carabiniers formèrent quatre eſcadrons
fur la place , deux defquelles y retterent , jufques
après que le cortége y eut paffé ; les deux autres
furent repartis pour fermer toutes les rues qui
viennent aboutir à celles par où les Princes pafferent:
chaque troupe étoit formée fur deux rangs ,
à trente pas derriere l'Infanterie qui occupoit le
débouché de la rue.
" L'Eglife Cathédrale , où fe fit la cérémonie ,
étoit magnifiquement décorée. Les Peintures du
Corrége , & des autres excellents Maîtres dont ce
vafte Edifice fe trouve orné dans les voutes , &
dans les frifes , donnant des bornes à la richeffe
de la décoration projettée pour cette Augufte cérémonie
; on fut obligé de fe contenter d'orner
les pilaftres , les arcades , & les baffes nefs de damas
cramoifi à fleurs , enrichis de grandes lames
d'étoffes d'argent , de deux pieds de large; lefquelles
interrompoient fymétriquenient , d'espace
en efpace, le cours du damas d'une maniere agréable
& gracieufe; les impoftes fur lesquelles repofent
les arcades , étoient entourées d'une riche
pente du même damas , pliffée & terminée par
une frange d'or , ainfi que les rideaux qui ornoient
le dedans des arcades , & qui étoient retrouffés
192 MERCURE DE FRANCE.
vers l'impofte , pour donner lieu de découvrir la
décoration des chapelles , & des nefs laterales . Aux
deux côtés de la porte de lagrande nef étoient deur
orcheftres , parées dans le même goût que le refte
de l'Eglife : elles étoient remplies de trente Muficiens
que l'on avoit fait venir pour jouer des
fanfares , depuis le moment où les Princes defcen➡
dirent de carolles , juſqu'a celui où ils furent entrés
dans le fanctuaire ; les deux tribunes qui fe'
trouvent près du Maître Autel , étoient remplies
des Muficiens de la Chambre de S. A. R. qui exé-'
cuterent fupérieurement d'excellentes fymphonies
à deux choeurs.
Le Maître-Autel , beaucoup plus étendu qu'à
l'ordinaire , le trouvoit richement paré d'étoffe
d'or , & couvert d'une quantité de lumieres . Du
côté de l'Evangile , étoit le dais de S. A. R. du
côté de l'Epitre , étoit la Cathetra , deftinée pour
l'Evêque de Plaifance , qui devoit faire la cérémonie.
Au milieu du Sanctuaire , qui étoit couvert de
tapis de la Savonerie , étoit un prie- Dieu , cou-'
vert d'un grand tapis de velours cramoihi galonné
d'or , ainfi que trois couffins , qui étoient pofés
au bas.
Les latereaux du Sanctuaire , furent remplis
par un nombre infini de Nobleffe. Aux deux côtés ,
en face du Maître - Autel , étoient deux grands parquets
décorés dans la même ordonnance de l'Eglife
, l'un defquels étoit deftiné pour tous les
Miniftres Etrangers , l'autre pour les Dames de
la premiere diftinction .
Le Sanctuaire étoit gardé par les Gardes du
Corps de S. A. R. le veftibule du Sanctuaire ainfi
que les degrés qui defcendent à la grande nef
& toute cette nef jufqu'à la porte de l'Eglife
étoir bordée par la garde des Hallebardiers
Royaux. M.
OCTOBRE. 1760.
M.Je Prince de Lichtenſtein partit à 11 heures de
195
l'Hôtel Palavicini où il étoit logé pour le rendre à
la Cathédrale,fon cortége marchoit dans le même
ordre que le jour de fon Audience publique ; il fut
reçu à la porte de L'Eglife par le Chapitre qui le
complimenta. Sa Livrée entra dans la nef du milieu
& fe rangea des deux côtés devant les Hailebardiers
Royaux.
Pendant ce tems- là le cortége de la Cour s'étoit
mis en mrcche dans l'ordre fuivant.
Quarante Hallebardiers Royaux ouvroient la
marche ; la mufique de cette Compagnie étoit à
la tête.
Le Commandant de l'Ecurie & deux Officiers
de l'Ecurie à cheval , quatre Palfreniers les fuivoient
à pied .
I caroffe à fix chevaux pour le Maître des
Cérémonies & trois
Majordomes.
I caroffe à fix chevaux , quatre Gentilshommes
de la Chambre.
I caroffe à fix chevaux, quatre Dames du Palais.
I caroffe à fix chevaux , quatre Dames du Palais.
I caroffe àfix chevaux , quatre
Gentilshommes
de la Chambre.
I caroffe à 8 chevaux. Le Gentilhomme de la
Chambre de fervice à l'Infant.
Le premier Ecuyer , le Majordome de ſervice.
I caroffe à huit chevaux . Le ſervice de Madame
Infante Ifabelle.
Les trompettes & timballes des Gardes du
Corps , avec feize Gardes.
1 caroffe à huit chevaux , l'Infant.
Le Capitaine des Gardes , le Grand Ecuyer.
I caroffe à 8 chevaux ,¡Madame InfanteÏfabelle,
Madame de Gonzales , Madame de Siſſa .
La Compagnie des Gardes du Corps ayant à
II. Vol. I
194 MERCURE DE FRANCE.
leur tête le Lieutenant , l'Enſeigne , & huic
Exempts.
2 caroffes de refpect vuidės , attelés à 8 chevaux.
I caroffe à fix chevaux , quatre Gentilshommes
de la Chambre.
Tous les Pages marchoient à pied aux deux côtés
des caroffes des Princes .
On arriva dans cet ordre à la porte de l'Eglife :
on marchoit lentement pour donner aux perfonnes
qui étoient dans les caroffes qui précédoient
ceux des Princes , le temps de defcendre .
M.le Prince de Lichtenſtein attendoit à la porte
de l'Eglife.
Pendant que l'Infant defcendoit de fon carolle,
Le Maître desCérémonies fut prendre M.le Prince
Liechtenſtein & le conduifit à la portiere du caroffe
de Madame Infantelfabelle . L'Infant s'en aprocha
auffi & reçut la main droite de Madame fa fille en
defcendant du caroffe;M. le Prince reçur la main
gauche.
Ils marcherent ainfi jufqu'au prie- Dieu qui fe
trouvoit dans le Sanctuaire en face du Maître-
Autel , où ils fe mirent à genoux fur les couffins
qui étoient au bas de ce prie- Dieu. L'Infant occupa
celui de la droite ; Madame Ifabelle celui
du milieu ; M. de Lichtenſtein celui de la gauche.
Ils fe leverent un moment après , & s'approcherent
des degrés de l'Autel ; l'Evêque déranda
à M. le Prince s'il avoit le pouvoir d'épouler Mae
InfanteIfabelle, au nom de l'Archiduc Jofeph ; fes
Pouvoirs furent lus à haute voix par un Secretaire
impérial , après quoi le Chancelier de l'Evêché
lutauffi à haute voix la Difpenfe du Pape .
Le refte de la Cérémonie fut exécutée ſuivant le
Rituel ordinaire de l'Eglife , excepté que l'anneau
fut préfenté à Madame l'Archiduchelle par M. le
Prince de Lichtenftein , fur une foucoupe , & qu'elle
le mit elle-même à fon doigt.
OCTOBRE. 1760.
195
Après cette cérémonie , Madame l'Archiducheffe
retourna au Pri - Dieu , ayant toujours M.
de Lichtenſtein à la gauche. Après une courte
priere , les Princes fe remirent en marche pour
fortir de l'Eglife dans le même ordre qu'ils y
étoient entrés ; l'Infant & M. de Lichtenttein
donnerent la main à Madaine
l'Archiducheffe
pour monter dans fon carolle , l'Infant monta
dans le fien , & M. le Prince fut joindre les
équipages qui l'attendoient à une des portes latérales
de l'Eglife.
l'on
On le mit en marche pour retourner au Palais
par un chemin plus long que celui
avoit fait en venant du Palais à la Cathédrale
que
afin que tout le Peuple , & une quantité prodigieufe
d'Etrangers qui s'étoient rendus à Parme
pullent voir la magnificence , de cette marche.
Le Cortége de M. le Prince de Lichtenſtein
précédoit celui de la Cour , de 60 ou 80 pas . Les
Troupes qui bordoient les rues lui préfenterent
les armes , les tambours rappelloient , & les
Officiers le faluerent du chapeau .
Pendant l'efpace qui étoit entre le caroffe de
M. de Lichtenftein & celui de l'Infant , l'Infanterie
mit la bayonnette au bout du fufl. Lorsqu'ils
pafferent , on préſenta les armes , les tambours
battirent au champ , & les Officiers faluerent de
l'eſponton .
M. de Lichtenſtein defcendit à la porte du Palais
pour y attendre Madame l'Archiducheſſe ;
l'Infant aufuôt arrivé defcendit de fon caroffe ,
& s'avança à la portiere de celui de Madame
l'Archiducheffe fa fille pour lui donner la main.
Elle fut conduite à ſon
appartement par l'Infant
& M. de Lichtenftein toujours dans l'ordre
obfervé
précédemment , c'eft à dire l'Infant à
fa droite , & M. de Lichtenſtein à la gauche ;
I j
196 MERCURE DE FRANCE.
yne quantité prodigieufe de Nobleffe rem pliffoit
le Palais .
S. A. R. l'Infant fe retira dans fon appartement
, après avoir reſté un moment dans celui
de la fille ; qui , après que l'Infant fut retiré
donna fa main à baifer à tous les Sujets de la
Maifon d'Autriche qui fe trouverent préfens.
L'heure du repas étant arrivée , le Maître des
Cérémonies fut avertir l'Infant , & marcha devant
lui jufques à l'appartement de Madame
l'Archiducheffe , où S. A. R. s'étoit propofée de
l'aller prendre pour la conduire à la table de
nôces.
2
Cette table étoit préparée dans la falle d'audience
, de façon que les trois fiéges fe trouvoient
fous le dais ; il n'y avoit pas de fauteuil ,
mais trois chaifes à dos parfaitement égales.
Madame l'Archiducheſſe entra dans la falle &
fut conduite à table par Monfeigneur l'Infant à
qui elle donnoit la main droite , & M. le Prince
de Lichtenſtein à qui elle donnoit la main gauche
; elle fe plaça au milieu , l'Infant à fa droite ,
& M. de Lichtenftein à fa gauche ; le Maître des
Cérémonies avoit toujours précédé les Princes jufques
à la table.
M. le Comte de S. Vital , Gouverneur de la
Maifon de S. A. R. avec tous les Majordomes ,
excepté celui qui étoit de fervice , furent prendre
lés plats au buffet , & les apporterent ſur la table
dans l'ordre ci-après.
L'Huifier des viandes entre deux Gardes du
Corps , la carabine fur l'épaule : les Gardes s'arrêterent
à la porte de la falle .
Le Maître des Cérémonies marchoit feul quatre
pas après l'Huiffier des viandes.
Douze Pages , portant chacun un plat.
Six Majordomes , portant chacun un plat.
OCTOBRE. 1760. 197
M. le Comte de S. Vital , marchant feul immédiatement
après ,
Le Contrôleur de la Bouche.
Quatre Gardes du Corps la carabine fur l'épaule
, qui fe font arrêtés au même endroit que
les deux premiers.
Le Majordome de fervice prit les plats des
mains des autres Majordomes , & des Pages , &
les arrangea fur la table. Pendant ce temps ,
M. de S. Vital fut fe mettre derriere les Princes
pour fervir Madame l'Archiducheffe , il lui ap
procha fa chaife , celle de l'Infant fut approchée
par un Majordone , & celle de M. le Prince de
Lichtentein par un Gentilhomme de la Maiſon
de S. A R. Madame l'Archiducheffe fut fervie
par M. de S. Vital , l'infant le fut à l'ordinaire
par le entilhomme de la Chambre de fervice ,
& M. le Prince de Lichtenſtein par un Gentilhomme
de la Maiſon.
Ce repas fut fervi avec toute la magnificence
& tout le goût imaginable.
Au fortir de table , Madame l'Archiducheffe
fut reconduite dans fon appartement dans le mê -
me ordre qui avoit été observé en venant à table.
Il n'y eut plus rien jufqu'au foir.
L
Toute la Nobleffe étoit invitée de fe rendre à
huit heures du foir au Palais du Jardin , pour de
là , voir tirer un feu d'artifice , & voir en même
temps une fuperbe illumination difpofée dans le
Jardin . L'ordonnance en étoit riche & galante.
Le Palais du jardin fut dès fept heures rempli
d'un grand nombre de Nobleffe. M. le Prince de
Lichtenftein s'y rendit à fept heures & demie. Le
Prince Ferdinand & Madame Louife , s'y rendirent
peu après , & l'Infant & Madame l'Archiduchefle
y arriverent à huit heures précifes.
Le feu d'artifice fut appliqué à un monument
· Iiij
198 MERCURE DE FRANCE.
Hlevé au milieu d'une très- grande place dans le
jardin de Parme , & faifoit face au Palais où les
Princes fe tranfportérent pour en voir l'effet .
Il repréfentoit l'union de l'Amour & de l'hymen
dans le Temple de Minerve. Ce Temple
étoit élevé fur un grand fondement amtique , dont
la forme étoit ovale , de quatre - vingt - dix - huit
pieds de longueur , fur foixante- quatre pieds de
large ; un grand focle de porphyre , comprenant.
dans fa hauteur les gradins qui formoient les deux
entrées principales du Temple , s'élevoit au-delfus
de ce fondement , & contournoit la baſe de ce
monument , qui étoit orné de vingt- quatre colonnes
d'ordre Dorique entourées de guirlandes
de fleurs. Il avoit quatre faces égales , & fes angles
étoient flanqués de quatre pyramides ifolées
dédiées aux Arts & portant leurs attributs en trophées.
Ces Pyramides étoient environnées de quatre
colonnes du même ordre , formant des avantcorne
à jour , rachetés fur les angles du quarré
du Temple , en forme de tours ou de baftions.
L'entablement étoit décoré de guirlandes de
fleurs dans la frife , & les quatre avant- corps. de
colonnes qui couvroient les Pyramides , foutenoient
fur chaque face des médaillons , en tout au
nombre de ſeize , moitié appuyés ſur la frife &
l'architrave de cet ordre , & moitié tombant dans
le vuide de l'entre- colonne. Ils repréſentoient
des tableaux où étoient peintes les qualités vertueufes
de l'Archiduc & de Madame Iſabelle
comme la nobleffe , la magnanimité , la Majesté
Royale , la libéralité , la jeunelle , la beauté , la
bonté , la clémence , la fécondité , la douceur ,
l'amour de la gloire , l'amour de la Patrie , l'amour
des Sciences , l'amour des Arts , l'enjoûment
& l'affabilité .
Au- deffus des quatre tours des Colonnes , s'élevoir
OCTOBRE. 1760. 199
au milieu des trophées Militaires, un piédeftal portant
des renommées,fur les quatre portes ou Arcades
de ce Temple étoient les Écuffons de l'Archiduc
& de Madame Ifabelle , au milieu de deux
vales ,de Parfums , & appuyé fur le focle qui couronnait
la Corniche .
Au -dellus de ce Socle, dont le plan étoit quarré
comme le Temple , s'élevoit une attique ronde
en forme de Piédeftal couronnée d'un dôme ouvert
par le haur & décoré de guirlandes de fleurs .
Ce Piédeſtal fervita porterautour dela Naillance
du dôme 12 Figures réprefentant les Jeux , les
Ris, & les Plairs , danfant & formant une chaîne
de guirlandes autour de ce monument.
Les quatre portes du Temple étoient décorées &
comme gardées par huit Figures repréſentantes la
vigilance , la dignité , l'Intelligence , la pureté ,
le filence , la douceur , & le courage , qui compo.
fept enfemble toutes les vertus qui caractérisent.
la fagelle.
Au milieu de ce temple dont la forme intérieure.
étoit octogone rachetant une voûte ronde & farbaillée
, étoit la Figure de Minerve fur différens
plans de quées , réuniffant entre fes bras les Figures
de l'Amour & de l'Hymen.
Sur les deux aîles du focle qui joignoit toute la
longueur du fondement ovale , & qui comprenoit
toute la hauteur des perrons , étoient de chaque
côté les autels de l'Amour & de l'Hymen .
Quatre fontaines de feu élevées fur des rochers
qui fortoient de terre contribuoient à la richeſſe de
la bafe de ce monument , en même tems qu'elles
augmentoient l'effet des différens tableaux de feu
qui fortoient de cet édifice deftiné à faire éclater
la joie publique que procure cet événement.
L'Illumination générale de cette machine d'Artifice
fur accompagnée de deux Phénomènes qui
I iv
200 MERCURE DE FRANCE
fe voyoient à droite & à gauche à une certaine dif :
tance du feu & comme dans le lointain. Ils montroient
chacun le Globe du Monde tranfparent
d'un diamètre confidérable , environnés dans l'air
d'un cercle de feu , en figne de l'allégreffe que
qu'infpire à tout l'Univers cet Augufte Mariage
. Une grande quantité de fufées fortoient
également de derriere ces Phénomènes , & formoient
en l'air des Bouquets qui , dirigés pour fe
réunir ſur le ſommer du Temple , conftruifoient
une voute de feu , qui le couvroit continuelle
ment.
Tout ce Spectacle étoit accompagné d'une illumination
générale dans le jardin ; les terraffes décorées
d'ifs , de girandoles & de cordons de lu
mieres hautes & baſſes ; les miroirs de feu , les
pots à-feu formant des cordons élevés , toutes les
allées éclairées fur différens deffeins , & l'illumination
de toute la façade du Palais qui fait face
l'entrée de ce jardin , auffi bien que les différen
tes avenues en étoile , qui y conduifent ; enfin
rien ne fut oublié pour rendre cette Fête augufte
& digne de fon Souverain.
Après le feu d'artifice , l'Infant & Madame
l'Archiducheffe furent fouper. Pendant ce tems
toute la Nobleffe fe ren lit au Théâtre , que l'on
avoit préparé pour y donner un Bal mafqué.
On avoit élevé le Parterre à la hauteur du plane
cher du Théâtre , & l'on avoit pratiqué fur ce
même Théâtre , des Loges folides , femblables à
celles de la Salle ; de façon que le Theâtre &
le Parterre ne faifoient qu'une grande Salle
ovale , applatie par les flancs , & toute entourrée .
de trois rangs de Loges les unes fur les autres ;
cette Salle étoit ornée de guirlandes de fleurs , &
gazes bleues & argent , qui fe rattachoient galamment
aux montants qui feparent les Loges , &
de
OCTOBRE. 1760. 201
qui tomboient en feftons fur les appuis des Loges ,
d'une maniere agréable & pleine de goût ; elle
étoit éclairée par une quantité de luftres de cryftal
ornés de guirlandes de petites fleurs , & par
des bras de cryftal ornés de même , appliqués contre
les appuis des Loges des rangs fupérieurs ; c'étoit
à ces bras que venoient s'attacher les guirlan
des de fleurs , qui ornoient le devant des Loges .
On entroit dans cette Salle par la Loge de la couronne
qui s'avance fur le Parterre , comme les
Amphithéâtres employés en France dans les Salles
des Spectacles ; on en avoit coupé l'appui par
devant , & on defcendoit de-là dans le corps de la
Salle par quatre degrés couverts de tapis de Turquie.
Toutes les Loges étoient remplies , tant celles
pratiquées fur le Théâtre que celles de la Salle ,
pår une grande quantité de Dames & de Cavaliers
ment parés.
Madame l'Archiducheffe étant arrivée , on ouvrit
le Bal par une Allemande , où douze perfonnes
danferent enſemble : Madame l'Archiduchefe
donnoit la main au Prince François , neveu de M.
le Prince de Lichtenſtein . On danſa jufqu'à quatre
heures du matin ; & pendant tout le tems que
durat le Bal , les Officiers de la maiſon de l'Infant
fervirent abondamment de toutes fortes de rafraîchiflemens.
Tout fe paffa avec beaucoup d'ordre ,
& tout le monde fortit extrêmement fatisfait.
Le lendemain 8 , M. le Prince de Lichtenſtein
prit fon Audience de congé ; tout fut obſervé à
cette Audience comme à celle de la demande ,
excepté que l'Introducteur , le Maître des Cérémonies
, & M. le Marquis Palavicini , furent pren .
dre.M. le Prince dans l'Appartement qu'il occupoit
à la Cour ; & que M. de Lichtenſtein , en
fortant de l'Audience de l'Infant , fur à celle de
I v
200 MERCURE DE FRANCE
fe voyoient à droite & à gauche à une certaine dif
tance du feu & comme dans le lointain. Ils mon
troient chacun le Globe du Monde tranſparent
d'un diamètre confidérable , environnés dans l'air
d'un cercle de feu , en figne de l'allégreffe que
qu'infpire à tout l'Univers cet Augufte Mariage.
Une grande quantité de fufées fortoient
également de derriere ces Phénomènes , & formoient
en l'air des Bouquets qui , dirigés pour fe
réunir fur le fommer du Temple , conftruifoient
une voute de feu , qui le couvroit continuelle
ment.
Tout ce Spectacle étoit accompagné d'une illu
mination générale dans le jardin ; les terraffes décorées
d'ifs , de girandoles & de cordons de lu
mieres hautes & balles ; les miroirs de feu , les
pots à- feu formant des cordons élevés , toutes les
allées éclairées fur différens deffeins , & l'illumination
de toute la façade du Palais qui fait face à
l'entrée de ce jardin , auffi bien que les différen➡
tes avenues en étoile , qui y conduifent ; enfin
rien ne fut oublié pour rendre cette Fête auguſte
& digne de fon Souverain.
Après le feu d'artifice , l'Infant & Madame :
l'Archiducheffe furent fouper. Pendant ce tems
toute la Nobleffe fe ren lit au Théâtre , que l'on
avoit préparé pour y donner un Bal mafqué.
On avoit élevé le Parterre à la hauteur du plan
cher du Théâtre , & l'on avoit pratiqué fur ce
même Théâtre , des Loges folides , femblables à
celles de la Salle ; de façon que le Theâtre &
le Parterre ne faifoient qu'une grande Salle
ovale , applatie par les flancs , & toute entourrée
de trois rangs de Loges les unes fur les autres ;
cette Salle étoit ornée de guirlandes de fleurs , &
de gazes bleues & argent , qui fe rattachoient galamment
aux montants qui feparent les Loges , &
OCTOBRE. 1760. 201
qui tomboient en feftons fur les appuis des Loges ,
d'une maniere agréable & pleine de goût ; elle
étoit éclairée par une quantité de luftres de cryftal
ornés de guirlandes de petites fleurs , & par
des bras de cryftal ornés de même , appliqués contre
les appuis des Loges des rangs fupérieurs ; c'étoit
à ces bras que venoient s'attacher les guirlan
des de fleurs , qui ornoient le devant des Loges.
On entroit dans cette Salle par la Loge de la couronne
qui s'avance fur le Parterre , comme les
Amphithéâtres employés en France dans les Salles
des Spectacles ; on en avoit coupé l'appui pardevant
, & on defcendoit de -là dans le corps de la
Salle par quatre degrés couverts de tapis de Tur
quie.
Toutes les Loges étoient remplies , tant celles
pratiquées fur le Théâtre que celles de la Salle ,
par une grande quantité de Dames & de Cavaliers
ment parés.
Madame l'Archiducheffe étant arrivée , on ouvrit
le Bal par une Allemande , où douze perfonnes
danſerent enſemble : Madame l'Archiduchele
donnoit la main au Prince François , neveu de M.
le Prince de Lichtenſtein . On danſa jufqu'à quatre
heures du matin ; & pendant tout le tems que
durat le Bal , les Officiers de la maiſon de l'Infant
fervirent abondamment de toutes fortes de rafraîchiflemens.
Tout fe paffa avec beaucoup d'ordre ,
& tout le monde fortit extrêmement fatisfait.
Le lendemain 8 , M. le Prince de Lichtenftein
prit fon Audience de congé ; tout fut obfervé à
cette Audience comme à celle de la demande 9
excepté que l'Introducteur , le Maître des Cérémonies
, & M. le Marquis Palavicini , furent pren .
dre.M. le Prince dans l'Appartement qu'il occupoit
à la Cour ; & que M. de Lichtenſtein , en
fortant de l'Audience de l'Infant , fur à celle de
1 ་
200 MERCURE DE FRANCE
fe voyoient à droite & à gauche à une certaine dif
tance du feu & comme dans le lointain. Ils montroient
chacun le Globe du Monde tranfparent , '
d'un diamètre confidérable , environnés dans l'air
d'un cercle de feu , en figne de l'allégreffe que
qu'infpire à tout l'Univers cet Augufte Mariage
. Une grande quantité de fufées fortoient
également de derriere ces Phénomènes , & formoient
en l'air des Bouquets qui , dirigés pour fe
réunir fur le fommet du Temple , conftruifoient
une voute de feu , qui le couvroit continuelle
ment.
Tout ce Spectacle étoit accompagné d'une illu
mination générale dans le jardin ; les terraffes décorées
d'ifs , de girandoles & de cordons de lu
mieres hautes & baffes ; les miroirs de feu , les
pots à-feu formant des cordons élevés , toutes les
allées éclairées fur différens deffeins , & l'illumination
de toute la façade du Palais qui fait face à
l'entrée de ce jardin , auffi bien que les différen
tes avenues en étoile , qui y conduifent enfin
rien ne fut oublié pour rendre cette Fête augufte
& digne de fon Souverain.
Après le feu d'artifice , l'Infant & Madame
l'Archiducheffe furent fouper. Pendant ce tems
toute la Nobleffe ſe ren fit au Théâtre , que l'on
avoit préparé pour y donner un Bal maſqué .
On avoit élevé le Parterre à la hauteur du plan
cher du Théâtre , & l'on avoit pratiqué fur ce
même Théâtre , des Loges folides , femblables à
celles de la Salle ; de façon que le Theâtre &
le Parterre ne faifoient qu'une grande Salle
ovale , applatie par les flancs , & toute entourrée
de trois rangs de Loges les unes fur les autres ;
cette Salle étoit ornée de guirlandes de fleurs , &
de gazes bleues & argent , qui fe rattachoient galamment
aux montants qui ſéparent les Loges , &
OCTOBRE. 1760. 201
qui tomboient en feftons fur les appuis des Loges ,
d'une maniere agréable & pleine de goût ; elle
étoit éclairée par une quantité de luftres de cryftal
ornés de guirlandes de petites fleurs , & par
des bras de cryſtal ornés de même , appliqués contre
les appuis des Loges des rangs fupérieurs ; c'étoit
à ces bras que venoient s'attacher les guirlandes
de fleurs , qui ornoient le devant des Loges.
On entroit dans cette Salle par la Loge de la couronne
qui s'avance fur le Parterre , comme les
Amphithéâtres employés en France dans les Salles
des Spectacles ; on en avoit coupé l'appui pardevant
, & on defcendoit de -là dans le corps de la
Salle par quatre degrés couverts de tapis de Turquie.
Toutes les Loges étoient remplies , tant celles
pratiquées fur le Théâtre que celles de la Salle
pår une grande quantité de Dames & de Cavaliers
ment parés.
Madame l'Archiducheſſe étant arrivée , on ouvrit
le Bal par une Allemande , où douze perfonnes
danferent enſemble : Madame l'Archiduchele
donnoit la main au Prince François , neveu de M.
le Prince de Lichtenftein . On danſa jufqu'à quatre
heures du matin ; & pendant tout le tems que
durat le Bal , les Officiers de la maiſon de l'Infant
fervirent abondamment de toutes fortes de rafraîchiflemens.
Tout fe paffa avec beaucoup d'ordre ,
& tout le monde fortit extrêmement fatisfait.
Le lendemain 8 , M. le Prince de Lichtenftein
prit fon Audience de congé ; tout fut obfervé à
cette Audience comme à celle de la demande ,
excepté que l'Introducteur , le Maître des Cérémonies
, & M. le Marquis Palavicini , furent pren .
dre.M. le Prince dans l'Appartement qu'il occupoit
à la Cour ; & que M. de Lichtenſtein , en
fortant de l'Audience de l'Infant , fut à celle de
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
Madame l'Archiducheffe , avant d'être conduit à
celle du Prince Ferdinand.
Après l'Audience de Madame Louife , M. le
Prince , au lieu de retourner dans fon appartement
a la Cour , defcendit par le grand efcalier ,
& fut monter dans fon Caroffe qui l'attendoit a la
porte du Palais , pour le ramener à l'Hôtel Palavicini
.
Le Maître des Cérémonies l'accompagna juf
qu'au bas de l'efcalier , M. de Palavicini & M.
Introducteur jufques à la portiere de la voiture ,
qui ne fur fermée que quand ces Meffieurs fe futent
retirés.
Le foir , il y eut Opéra.
Le 9. l'Infant fut dîner chez M. de Lichtenſtein.
Lé foir , il y eut Opéra.
Le to M. le Prince de Lichtenſtein dina chez M.
Dutillot , & partit après dîner pour Cafalmajor.
Le foir , il y eut Aflemblée au Paļais .
Le 11. au matin tous les Corps de l'Etat , le
Militaire , la Nobleffe , & la Maifon de S. A R.
eurent l'honneur de baifer la main à Madame
l'Archiducheffe .
Il y eut Opéra , le ſoir.
Le .les Princes n'ont reçu perfonne .
Le 13. S. A. R. Madame l'Archiducheffe partit
à dix heures du matin pour le rendre à Cafalmajor:
elle y a été accompagnée par Madame de
Gonzales , Madame de Silla , quatre Dames du
Pálais , des Majordomes , & huit Gentilshommes
de la Chambre ; elle étoit faivîe d'un nombre de
Pages , d'Ecuyers , de fon premier fervice , & defon
fervice du fecond Ordre , du Commandant de
l'Ecurie de deux Officiers des Ecuries , du Sellier >
du Maréchal , du Charron & de 24 Palfreniers à
Cheval;elle étoit éfcortée par des Gardes du Corps.
Les rues par lesquelles elle a pallé, étoient bordées
OCTOBRE , 1760. 203
de troupes , on avoit difpofé des Détachemens de
Cavalerie & d'Infanterie fur différens endroits de
la roure.
Des Bataillons Provinciaux , fix Compagnies de
Grenadiers, un Bataillon du Régiment de Parme ,
& les deux Compagnies de Grenadiers de inême
Régiment, étoient difpofées fur les bords du Pô ,
en deçà de la tête du Pont. Elle y a trouvé des
Elcadrons de Gardes du Corps & de Cavalerie. Elle
eft arrivée à Cafalmajor à midi & deux minutes.
M. le Comte de S. Vital eft chargé de la Cérémonie
de la remife , un Secrétaire du Cabinet de
l'Acte de certe ' remiſe .
S. A. R. s'arrête demain à Cafalmajor pour y
donner la main à bailer aux Deputés de la Lombardie
Autrichienne , aux Chambres Souveraines ,
& à la Nobleffe. Le lundi elle ira à Mantoue, où elle
s'arrêtera encore un jour, pour un objet ſemblable.
paffé depuis.
L'Opera que l'on repréſenta , eft compofé de
trois Actes ; il eft intitulé les Fétes de L'Hymen
pour les nôces de LL. AA. RR. &c. il eft précédé
d'un Prologue.
Ce Prologue , qui a pour Titre le Triomphe de
PAmour , eft une querelle que les Dieux font à
l'Amour , fur les maux qu'il ne ceffe de faire
aux hommes . L'Amour convient de toutes ces
fauces, & obtient fon pardon en faveur de l'Union ,
qu'il vient de faire de la vertu & de la beauté,
188 MERCURE DE FRANCE.
Les fajets des trois Actes qui compofent l'Opéra
font féparés. C'est une licence que l'on a cru
devoir prendre à caufe du merveilleux & de la
galanterie qu'apportent avec eux des fujers fabuleux
& variés , qui femblent mieux convenir à la
Fête qu'on a célébrée .
L'Acte d'Aris eft le premier. L'Amour par ordre
du Deftin , ceffe d'être aveugle ; il jette fes premiers
regards fur Iris , & en devient amoureux ;
Iris le prend pour le Zéphire ; mais revenue de
fon erreur, elle en devient éprife , diffipe les nuages
qu'Aquilon jaloux lui oppofe fans ceffe , &
sunit à l'Amour pour rendre au monde les jours
les plus beaux & les plus fereins.
Le fecond Acte , eft celui de Sapho . Le Poëte
a feint cette dixiéme Muſe , amoureufe d'Alcée
celèbre Poëte Lyrique natif de Lesbos : il a
feint aufli Doris , fils de Neptune , amant de Sapho
, qui fe voyant préferer fon rival , a recours
a fon pére , & le prie de le vanger par la mort
de l'un & de l'autre. Neptune écoute les voeux
de fon fiis ; & par le fecours d'Eole , & des vents
fouléve tellement les eaux , que les habitans de
la campagne craignent d'ètre fubmergés : 1
paroît lui-même fur une vague qui s'élève beaucoup
au defius des autres ; menace de tour
inonder , fi dans une heure , Sapho n'eft pas fenible
à l'amour de fon fils il rentre dans le fein
de la mer , qui continue dans la plus grande
agitation .
Sapho invoque Apollon , & l'Amour. Une
Lyre defcend du Ciel attachée à des guirlandes
de fleurs ; un arc s'élève dans la Mer à l'endroit
où elle doit avoir fes bornes , & les lui marque
pour l'avenir.
Sapho prend la Lyre : à mesure qu'elle chante
les prodiges opérés par Apollon , & l'Amour ;
OCTOBRE. 1760. 189
la Mer fe calme & fe retire au lieu où elle
étoit avant le débordement ; remplie des infpirations
divines , & de l'enthousiasme poétique ,
elle voit dans l'avenir la fuitte nombreufe des
héros , dont elle doit célébrer l'alliance , annonce
le bonheur dont l'Univers doit jouir ; & par fon
mariage avec Alcée , accomplit le triomphe de
l'harmonie , & de l'amour.
Le troifiéme Acte eft intitulé Eglé. Cette Nymphe
eft amoureufe de Chromis ; Alcée fa compagne
l'eft de Lincée .Elles fe plaifent enſemble
à faire foupirer leurs Amants , en leur cachant
leur tendreffe ; enfin Eglé dit à Chromis qu'elle
l'aimera , lorfqu'elle verra les eaux d'un torrent
enchaînées ; Alcée promet à Lincée de l'aimer
quand Eglé aimera Chromis.
Ces deux jeunes Faunes , déſeſpérés , fe confultent
enſemble , & vont trouver Silene pour qu'il
les aide de fes confeils . Ce vieillard leur demande
où ils ont laillé Eglé & Alcée ; ils répondent
qu'elles font à cueillir des mûres pour lui
teindre le vifage, lorfqu'elles le trouveront endormi
. Silene confole les deux Faunes, leur ordonne
de ſe retirer , leur promet de les fervir , & fe
met fur un lit de gazon où il feint de dormir
en attendant les deux Nymphes. Elles arrivent
avec des guirlandes de fleurs , en enchaînent Si-
Lene qu'elles croyent endormi ; elles le pouffents
il feint de s'éveiller & montre de la colere :
mais bien-tôt après il leur conte la fable d'Acis
& Galatée. Au milieu de cette fable , il s'arrête
comme infpiré , & leur conſeille d'aller trouver
Prothée , de le furprendre endormi , & de l'enchaîner
fans s'épouvanter des différentes formes
qu'il prendra , parce qu'à la fin il parlera , & leur
apprendra des chofes merveilleules.
Elles remercient Silene , & le quittent pour al190
MERCURE DE FRANCE:
ler chercher Prothée ; Chromis & Lincée les accoma
pagnent. Elles le furprennent , l'enchaînent , &
ferrent toujours plus fes liens , à mesure qu'il change
de forme ; il fe change enfin en un Torrent
qui refte immobile : toutes les Nymphes admirent
ce prodige . Silene arrive , rapelle à Eglé le ferment
qu'elle a fait d'être à Chromis lorſqu'elle
verra enchaîner un torrent ; Eglé confent à être
unie à Chromis , & Alcée tient auffi fa parole à
Lincée ; les Faunes & les Nymphes applaudiffent
à cette union,& Silene; au lieu de finir la fable qu'il
fe fouvient d'avoir commencée , ordonne aux Faunes,
& aux Nymphes, de célébrer cet heureux jour,
en repréfentant par leurs danfes , les amours
d'Acis , & Galatée.
L'Italie a vû dans cette occafion renaître fur la
fcène les enchantemens , & la nouveauté de ce
fpectacle digne de l'admiration des étrangers , par
la magnificence , la vérité , & le bon goût qui eft
diftribué dans l'exécution de toutes ces parties. Les
machines employées aux différens prodiges amenés
par le Sujet , ont eu le plus grand fuccès ;
& le Théâtre actuellement difpofé par les machines
à recevoir tout ce que l'imagination peut fournir
de plus merveilleux , retracera chaque fois le
fouvenir de la fête pour laquelle il fert la premiere
fois.
Après l'Opéra l'Infant & Madame Infante Iſabelle,
furent à l'hôtel Palavicini où M. le Prince de
Lichtenſtein avoit fait préparer une Fête, à laquelle
toute la Nobleſſe fut invitée ; plufieurs tables furent
abondamment ſervies , ainſi que quantité de
rafraîchiffemens. On y danſa juſqu'au matin.
1
Le lendemain, M. le Prince de Lichtenſtein donna
un fuperbe dîner à tous les Miniftres étrangers ,
& à la Nobleffe la plus confidérable de l'Etat , &
Etrangere . Le foir il y eut Opéra.
OCTOBRE. 1760. Iol
Le Vendredi cinq , M. le Comte de Rochechouart
donna un grand dîner à M. le Prince de
Lichtenſtein & aux mêmes perfonnes qui avoient
dîné chez lui la veille . Il y eut Opéra le foir.
Le Samedi fix , M. de Lichtenſtein le Prince
dîna chez M. le Marquis de Revilla . Il y eut le foir
affemblée au Palais.
Le Dimanche ſept, jour fixé pour la Cérémonie
du Mariage , les Troupes prirent les Armes dès le
matin ; deux bataillons du Régiment de Parme &
quatorze Compagnies de Grenadiers borderent
les rues par où le Cortége devoit paffer.
Six cens Carabiniers formèrent quatre eſcadrons
fur la place , deux defquelles y retterent , jufques
après que le cortége y eut paffé ; les deux autres
furent repartis pour fermer toutes les rues qui
viennent aboutir à celles par où les Princes pafferent:
chaque troupe étoit formée fur deux rangs ,
à trente pas derriere l'Infanterie qui occupoit le
débouché de la rue.
" L'Eglife Cathédrale , où fe fit la cérémonie ,
étoit magnifiquement décorée. Les Peintures du
Corrége , & des autres excellents Maîtres dont ce
vafte Edifice fe trouve orné dans les voutes , &
dans les frifes , donnant des bornes à la richeffe
de la décoration projettée pour cette Augufte cérémonie
; on fut obligé de fe contenter d'orner
les pilaftres , les arcades , & les baffes nefs de damas
cramoifi à fleurs , enrichis de grandes lames
d'étoffes d'argent , de deux pieds de large; lefquelles
interrompoient fymétriquenient , d'espace
en efpace, le cours du damas d'une maniere agréable
& gracieufe; les impoftes fur lesquelles repofent
les arcades , étoient entourées d'une riche
pente du même damas , pliffée & terminée par
une frange d'or , ainfi que les rideaux qui ornoient
le dedans des arcades , & qui étoient retrouffés
192 MERCURE DE FRANCE.
vers l'impofte , pour donner lieu de découvrir la
décoration des chapelles , & des nefs laterales . Aux
deux côtés de la porte de lagrande nef étoient deur
orcheftres , parées dans le même goût que le refte
de l'Eglife : elles étoient remplies de trente Muficiens
que l'on avoit fait venir pour jouer des
fanfares , depuis le moment où les Princes defcen➡
dirent de carolles , juſqu'a celui où ils furent entrés
dans le fanctuaire ; les deux tribunes qui fe'
trouvent près du Maître Autel , étoient remplies
des Muficiens de la Chambre de S. A. R. qui exé-'
cuterent fupérieurement d'excellentes fymphonies
à deux choeurs.
Le Maître-Autel , beaucoup plus étendu qu'à
l'ordinaire , le trouvoit richement paré d'étoffe
d'or , & couvert d'une quantité de lumieres . Du
côté de l'Evangile , étoit le dais de S. A. R. du
côté de l'Epitre , étoit la Cathetra , deftinée pour
l'Evêque de Plaifance , qui devoit faire la cérémonie.
Au milieu du Sanctuaire , qui étoit couvert de
tapis de la Savonerie , étoit un prie- Dieu , cou-'
vert d'un grand tapis de velours cramoihi galonné
d'or , ainfi que trois couffins , qui étoient pofés
au bas.
Les latereaux du Sanctuaire , furent remplis
par un nombre infini de Nobleffe. Aux deux côtés ,
en face du Maître - Autel , étoient deux grands parquets
décorés dans la même ordonnance de l'Eglife
, l'un defquels étoit deftiné pour tous les
Miniftres Etrangers , l'autre pour les Dames de
la premiere diftinction .
Le Sanctuaire étoit gardé par les Gardes du
Corps de S. A. R. le veftibule du Sanctuaire ainfi
que les degrés qui defcendent à la grande nef
& toute cette nef jufqu'à la porte de l'Eglife
étoir bordée par la garde des Hallebardiers
Royaux. M.
OCTOBRE. 1760.
M.Je Prince de Lichtenſtein partit à 11 heures de
195
l'Hôtel Palavicini où il étoit logé pour le rendre à
la Cathédrale,fon cortége marchoit dans le même
ordre que le jour de fon Audience publique ; il fut
reçu à la porte de L'Eglife par le Chapitre qui le
complimenta. Sa Livrée entra dans la nef du milieu
& fe rangea des deux côtés devant les Hailebardiers
Royaux.
Pendant ce tems- là le cortége de la Cour s'étoit
mis en mrcche dans l'ordre fuivant.
Quarante Hallebardiers Royaux ouvroient la
marche ; la mufique de cette Compagnie étoit à
la tête.
Le Commandant de l'Ecurie & deux Officiers
de l'Ecurie à cheval , quatre Palfreniers les fuivoient
à pied .
I caroffe à fix chevaux pour le Maître des
Cérémonies & trois
Majordomes.
I caroffe à fix chevaux , quatre Gentilshommes
de la Chambre.
I caroffe à fix chevaux, quatre Dames du Palais.
I caroffe à fix chevaux , quatre Dames du Palais.
I caroffe àfix chevaux , quatre
Gentilshommes
de la Chambre.
I caroffe à 8 chevaux. Le Gentilhomme de la
Chambre de fervice à l'Infant.
Le premier Ecuyer , le Majordome de ſervice.
I caroffe à huit chevaux . Le ſervice de Madame
Infante Ifabelle.
Les trompettes & timballes des Gardes du
Corps , avec feize Gardes.
1 caroffe à huit chevaux , l'Infant.
Le Capitaine des Gardes , le Grand Ecuyer.
I caroffe à 8 chevaux ,¡Madame InfanteÏfabelle,
Madame de Gonzales , Madame de Siſſa .
La Compagnie des Gardes du Corps ayant à
II. Vol. I
194 MERCURE DE FRANCE.
leur tête le Lieutenant , l'Enſeigne , & huic
Exempts.
2 caroffes de refpect vuidės , attelés à 8 chevaux.
I caroffe à fix chevaux , quatre Gentilshommes
de la Chambre.
Tous les Pages marchoient à pied aux deux côtés
des caroffes des Princes .
On arriva dans cet ordre à la porte de l'Eglife :
on marchoit lentement pour donner aux perfonnes
qui étoient dans les caroffes qui précédoient
ceux des Princes , le temps de defcendre .
M.le Prince de Lichtenſtein attendoit à la porte
de l'Eglife.
Pendant que l'Infant defcendoit de fon carolle,
Le Maître desCérémonies fut prendre M.le Prince
Liechtenſtein & le conduifit à la portiere du caroffe
de Madame Infantelfabelle . L'Infant s'en aprocha
auffi & reçut la main droite de Madame fa fille en
defcendant du caroffe;M. le Prince reçur la main
gauche.
Ils marcherent ainfi jufqu'au prie- Dieu qui fe
trouvoit dans le Sanctuaire en face du Maître-
Autel , où ils fe mirent à genoux fur les couffins
qui étoient au bas de ce prie- Dieu. L'Infant occupa
celui de la droite ; Madame Ifabelle celui
du milieu ; M. de Lichtenſtein celui de la gauche.
Ils fe leverent un moment après , & s'approcherent
des degrés de l'Autel ; l'Evêque déranda
à M. le Prince s'il avoit le pouvoir d'épouler Mae
InfanteIfabelle, au nom de l'Archiduc Jofeph ; fes
Pouvoirs furent lus à haute voix par un Secretaire
impérial , après quoi le Chancelier de l'Evêché
lutauffi à haute voix la Difpenfe du Pape .
Le refte de la Cérémonie fut exécutée ſuivant le
Rituel ordinaire de l'Eglife , excepté que l'anneau
fut préfenté à Madame l'Archiduchelle par M. le
Prince de Lichtenftein , fur une foucoupe , & qu'elle
le mit elle-même à fon doigt.
OCTOBRE. 1760.
195
Après cette cérémonie , Madame l'Archiducheffe
retourna au Pri - Dieu , ayant toujours M.
de Lichtenſtein à la gauche. Après une courte
priere , les Princes fe remirent en marche pour
fortir de l'Eglife dans le même ordre qu'ils y
étoient entrés ; l'Infant & M. de Lichtenttein
donnerent la main à Madaine
l'Archiducheffe
pour monter dans fon carolle , l'Infant monta
dans le fien , & M. le Prince fut joindre les
équipages qui l'attendoient à une des portes latérales
de l'Eglife.
l'on
On le mit en marche pour retourner au Palais
par un chemin plus long que celui
avoit fait en venant du Palais à la Cathédrale
que
afin que tout le Peuple , & une quantité prodigieufe
d'Etrangers qui s'étoient rendus à Parme
pullent voir la magnificence , de cette marche.
Le Cortége de M. le Prince de Lichtenſtein
précédoit celui de la Cour , de 60 ou 80 pas . Les
Troupes qui bordoient les rues lui préfenterent
les armes , les tambours rappelloient , & les
Officiers le faluerent du chapeau .
Pendant l'efpace qui étoit entre le caroffe de
M. de Lichtenftein & celui de l'Infant , l'Infanterie
mit la bayonnette au bout du fufl. Lorsqu'ils
pafferent , on préſenta les armes , les tambours
battirent au champ , & les Officiers faluerent de
l'eſponton .
M. de Lichtenſtein defcendit à la porte du Palais
pour y attendre Madame l'Archiducheſſe ;
l'Infant aufuôt arrivé defcendit de fon caroffe ,
& s'avança à la portiere de celui de Madame
l'Archiducheffe fa fille pour lui donner la main.
Elle fut conduite à ſon
appartement par l'Infant
& M. de Lichtenftein toujours dans l'ordre
obfervé
précédemment , c'eft à dire l'Infant à
fa droite , & M. de Lichtenſtein à la gauche ;
I j
196 MERCURE DE FRANCE.
yne quantité prodigieufe de Nobleffe rem pliffoit
le Palais .
S. A. R. l'Infant fe retira dans fon appartement
, après avoir reſté un moment dans celui
de la fille ; qui , après que l'Infant fut retiré
donna fa main à baifer à tous les Sujets de la
Maifon d'Autriche qui fe trouverent préfens.
L'heure du repas étant arrivée , le Maître des
Cérémonies fut avertir l'Infant , & marcha devant
lui jufques à l'appartement de Madame
l'Archiducheffe , où S. A. R. s'étoit propofée de
l'aller prendre pour la conduire à la table de
nôces.
2
Cette table étoit préparée dans la falle d'audience
, de façon que les trois fiéges fe trouvoient
fous le dais ; il n'y avoit pas de fauteuil ,
mais trois chaifes à dos parfaitement égales.
Madame l'Archiducheſſe entra dans la falle &
fut conduite à table par Monfeigneur l'Infant à
qui elle donnoit la main droite , & M. le Prince
de Lichtenſtein à qui elle donnoit la main gauche
; elle fe plaça au milieu , l'Infant à fa droite ,
& M. de Lichtenftein à fa gauche ; le Maître des
Cérémonies avoit toujours précédé les Princes jufques
à la table.
M. le Comte de S. Vital , Gouverneur de la
Maifon de S. A. R. avec tous les Majordomes ,
excepté celui qui étoit de fervice , furent prendre
lés plats au buffet , & les apporterent ſur la table
dans l'ordre ci-après.
L'Huifier des viandes entre deux Gardes du
Corps , la carabine fur l'épaule : les Gardes s'arrêterent
à la porte de la falle .
Le Maître des Cérémonies marchoit feul quatre
pas après l'Huiffier des viandes.
Douze Pages , portant chacun un plat.
Six Majordomes , portant chacun un plat.
OCTOBRE. 1760. 197
M. le Comte de S. Vital , marchant feul immédiatement
après ,
Le Contrôleur de la Bouche.
Quatre Gardes du Corps la carabine fur l'épaule
, qui fe font arrêtés au même endroit que
les deux premiers.
Le Majordome de fervice prit les plats des
mains des autres Majordomes , & des Pages , &
les arrangea fur la table. Pendant ce temps ,
M. de S. Vital fut fe mettre derriere les Princes
pour fervir Madame l'Archiducheffe , il lui ap
procha fa chaife , celle de l'Infant fut approchée
par un Majordone , & celle de M. le Prince de
Lichtentein par un Gentilhomme de la Maiſon
de S. A R. Madame l'Archiducheffe fut fervie
par M. de S. Vital , l'infant le fut à l'ordinaire
par le entilhomme de la Chambre de fervice ,
& M. le Prince de Lichtenſtein par un Gentilhomme
de la Maiſon.
Ce repas fut fervi avec toute la magnificence
& tout le goût imaginable.
Au fortir de table , Madame l'Archiducheffe
fut reconduite dans fon appartement dans le mê -
me ordre qui avoit été observé en venant à table.
Il n'y eut plus rien jufqu'au foir.
L
Toute la Nobleffe étoit invitée de fe rendre à
huit heures du foir au Palais du Jardin , pour de
là , voir tirer un feu d'artifice , & voir en même
temps une fuperbe illumination difpofée dans le
Jardin . L'ordonnance en étoit riche & galante.
Le Palais du jardin fut dès fept heures rempli
d'un grand nombre de Nobleffe. M. le Prince de
Lichtenftein s'y rendit à fept heures & demie. Le
Prince Ferdinand & Madame Louife , s'y rendirent
peu après , & l'Infant & Madame l'Archiduchefle
y arriverent à huit heures précifes.
Le feu d'artifice fut appliqué à un monument
· Iiij
198 MERCURE DE FRANCE.
Hlevé au milieu d'une très- grande place dans le
jardin de Parme , & faifoit face au Palais où les
Princes fe tranfportérent pour en voir l'effet .
Il repréfentoit l'union de l'Amour & de l'hymen
dans le Temple de Minerve. Ce Temple
étoit élevé fur un grand fondement amtique , dont
la forme étoit ovale , de quatre - vingt - dix - huit
pieds de longueur , fur foixante- quatre pieds de
large ; un grand focle de porphyre , comprenant.
dans fa hauteur les gradins qui formoient les deux
entrées principales du Temple , s'élevoit au-delfus
de ce fondement , & contournoit la baſe de ce
monument , qui étoit orné de vingt- quatre colonnes
d'ordre Dorique entourées de guirlandes
de fleurs. Il avoit quatre faces égales , & fes angles
étoient flanqués de quatre pyramides ifolées
dédiées aux Arts & portant leurs attributs en trophées.
Ces Pyramides étoient environnées de quatre
colonnes du même ordre , formant des avantcorne
à jour , rachetés fur les angles du quarré
du Temple , en forme de tours ou de baftions.
L'entablement étoit décoré de guirlandes de
fleurs dans la frife , & les quatre avant- corps. de
colonnes qui couvroient les Pyramides , foutenoient
fur chaque face des médaillons , en tout au
nombre de ſeize , moitié appuyés ſur la frife &
l'architrave de cet ordre , & moitié tombant dans
le vuide de l'entre- colonne. Ils repréſentoient
des tableaux où étoient peintes les qualités vertueufes
de l'Archiduc & de Madame Iſabelle
comme la nobleffe , la magnanimité , la Majesté
Royale , la libéralité , la jeunelle , la beauté , la
bonté , la clémence , la fécondité , la douceur ,
l'amour de la gloire , l'amour de la Patrie , l'amour
des Sciences , l'amour des Arts , l'enjoûment
& l'affabilité .
Au- deffus des quatre tours des Colonnes , s'élevoir
OCTOBRE. 1760. 199
au milieu des trophées Militaires, un piédeftal portant
des renommées,fur les quatre portes ou Arcades
de ce Temple étoient les Écuffons de l'Archiduc
& de Madame Ifabelle , au milieu de deux
vales ,de Parfums , & appuyé fur le focle qui couronnait
la Corniche .
Au -dellus de ce Socle, dont le plan étoit quarré
comme le Temple , s'élevoit une attique ronde
en forme de Piédeftal couronnée d'un dôme ouvert
par le haur & décoré de guirlandes de fleurs .
Ce Piédeſtal fervita porterautour dela Naillance
du dôme 12 Figures réprefentant les Jeux , les
Ris, & les Plairs , danfant & formant une chaîne
de guirlandes autour de ce monument.
Les quatre portes du Temple étoient décorées &
comme gardées par huit Figures repréſentantes la
vigilance , la dignité , l'Intelligence , la pureté ,
le filence , la douceur , & le courage , qui compo.
fept enfemble toutes les vertus qui caractérisent.
la fagelle.
Au milieu de ce temple dont la forme intérieure.
étoit octogone rachetant une voûte ronde & farbaillée
, étoit la Figure de Minerve fur différens
plans de quées , réuniffant entre fes bras les Figures
de l'Amour & de l'Hymen.
Sur les deux aîles du focle qui joignoit toute la
longueur du fondement ovale , & qui comprenoit
toute la hauteur des perrons , étoient de chaque
côté les autels de l'Amour & de l'Hymen .
Quatre fontaines de feu élevées fur des rochers
qui fortoient de terre contribuoient à la richeſſe de
la bafe de ce monument , en même tems qu'elles
augmentoient l'effet des différens tableaux de feu
qui fortoient de cet édifice deftiné à faire éclater
la joie publique que procure cet événement.
L'Illumination générale de cette machine d'Artifice
fur accompagnée de deux Phénomènes qui
I iv
200 MERCURE DE FRANCE
fe voyoient à droite & à gauche à une certaine dif :
tance du feu & comme dans le lointain. Ils montroient
chacun le Globe du Monde tranfparent
d'un diamètre confidérable , environnés dans l'air
d'un cercle de feu , en figne de l'allégreffe que
qu'infpire à tout l'Univers cet Augufte Mariage
. Une grande quantité de fufées fortoient
également de derriere ces Phénomènes , & formoient
en l'air des Bouquets qui , dirigés pour fe
réunir ſur le ſommer du Temple , conftruifoient
une voute de feu , qui le couvroit continuelle
ment.
Tout ce Spectacle étoit accompagné d'une illumination
générale dans le jardin ; les terraffes décorées
d'ifs , de girandoles & de cordons de lu
mieres hautes & baſſes ; les miroirs de feu , les
pots à-feu formant des cordons élevés , toutes les
allées éclairées fur différens deffeins , & l'illumination
de toute la façade du Palais qui fait face
l'entrée de ce jardin , auffi bien que les différen
tes avenues en étoile , qui y conduifent ; enfin
rien ne fut oublié pour rendre cette Fête augufte
& digne de fon Souverain.
Après le feu d'artifice , l'Infant & Madame
l'Archiducheffe furent fouper. Pendant ce tems
toute la Nobleffe fe ren lit au Théâtre , que l'on
avoit préparé pour y donner un Bal mafqué.
On avoit élevé le Parterre à la hauteur du plane
cher du Théâtre , & l'on avoit pratiqué fur ce
même Théâtre , des Loges folides , femblables à
celles de la Salle ; de façon que le Theâtre &
le Parterre ne faifoient qu'une grande Salle
ovale , applatie par les flancs , & toute entourrée .
de trois rangs de Loges les unes fur les autres ;
cette Salle étoit ornée de guirlandes de fleurs , &
gazes bleues & argent , qui fe rattachoient galamment
aux montants qui feparent les Loges , &
de
OCTOBRE. 1760. 201
qui tomboient en feftons fur les appuis des Loges ,
d'une maniere agréable & pleine de goût ; elle
étoit éclairée par une quantité de luftres de cryftal
ornés de guirlandes de petites fleurs , & par
des bras de cryftal ornés de même , appliqués contre
les appuis des Loges des rangs fupérieurs ; c'étoit
à ces bras que venoient s'attacher les guirlan
des de fleurs , qui ornoient le devant des Loges .
On entroit dans cette Salle par la Loge de la couronne
qui s'avance fur le Parterre , comme les
Amphithéâtres employés en France dans les Salles
des Spectacles ; on en avoit coupé l'appui par
devant , & on defcendoit de-là dans le corps de la
Salle par quatre degrés couverts de tapis de Turquie.
Toutes les Loges étoient remplies , tant celles
pratiquées fur le Théâtre que celles de la Salle ,
pår une grande quantité de Dames & de Cavaliers
ment parés.
Madame l'Archiducheffe étant arrivée , on ouvrit
le Bal par une Allemande , où douze perfonnes
danferent enſemble : Madame l'Archiduchefe
donnoit la main au Prince François , neveu de M.
le Prince de Lichtenſtein . On danſa jufqu'à quatre
heures du matin ; & pendant tout le tems que
durat le Bal , les Officiers de la maiſon de l'Infant
fervirent abondamment de toutes fortes de rafraîchiflemens.
Tout fe paffa avec beaucoup d'ordre ,
& tout le monde fortit extrêmement fatisfait.
Le lendemain 8 , M. le Prince de Lichtenſtein
prit fon Audience de congé ; tout fut obſervé à
cette Audience comme à celle de la demande ,
excepté que l'Introducteur , le Maître des Cérémonies
, & M. le Marquis Palavicini , furent pren .
dre.M. le Prince dans l'Appartement qu'il occupoit
à la Cour ; & que M. de Lichtenſtein , en
fortant de l'Audience de l'Infant , fur à celle de
I v
200 MERCURE DE FRANCE
fe voyoient à droite & à gauche à une certaine dif
tance du feu & comme dans le lointain. Ils mon
troient chacun le Globe du Monde tranſparent
d'un diamètre confidérable , environnés dans l'air
d'un cercle de feu , en figne de l'allégreffe que
qu'infpire à tout l'Univers cet Augufte Mariage.
Une grande quantité de fufées fortoient
également de derriere ces Phénomènes , & formoient
en l'air des Bouquets qui , dirigés pour fe
réunir fur le fommer du Temple , conftruifoient
une voute de feu , qui le couvroit continuelle
ment.
Tout ce Spectacle étoit accompagné d'une illu
mination générale dans le jardin ; les terraffes décorées
d'ifs , de girandoles & de cordons de lu
mieres hautes & balles ; les miroirs de feu , les
pots à- feu formant des cordons élevés , toutes les
allées éclairées fur différens deffeins , & l'illumination
de toute la façade du Palais qui fait face à
l'entrée de ce jardin , auffi bien que les différen➡
tes avenues en étoile , qui y conduifent ; enfin
rien ne fut oublié pour rendre cette Fête auguſte
& digne de fon Souverain.
Après le feu d'artifice , l'Infant & Madame :
l'Archiducheffe furent fouper. Pendant ce tems
toute la Nobleffe fe ren lit au Théâtre , que l'on
avoit préparé pour y donner un Bal mafqué.
On avoit élevé le Parterre à la hauteur du plan
cher du Théâtre , & l'on avoit pratiqué fur ce
même Théâtre , des Loges folides , femblables à
celles de la Salle ; de façon que le Theâtre &
le Parterre ne faifoient qu'une grande Salle
ovale , applatie par les flancs , & toute entourrée
de trois rangs de Loges les unes fur les autres ;
cette Salle étoit ornée de guirlandes de fleurs , &
de gazes bleues & argent , qui fe rattachoient galamment
aux montants qui feparent les Loges , &
OCTOBRE. 1760. 201
qui tomboient en feftons fur les appuis des Loges ,
d'une maniere agréable & pleine de goût ; elle
étoit éclairée par une quantité de luftres de cryftal
ornés de guirlandes de petites fleurs , & par
des bras de cryftal ornés de même , appliqués contre
les appuis des Loges des rangs fupérieurs ; c'étoit
à ces bras que venoient s'attacher les guirlan
des de fleurs , qui ornoient le devant des Loges.
On entroit dans cette Salle par la Loge de la couronne
qui s'avance fur le Parterre , comme les
Amphithéâtres employés en France dans les Salles
des Spectacles ; on en avoit coupé l'appui pardevant
, & on defcendoit de -là dans le corps de la
Salle par quatre degrés couverts de tapis de Tur
quie.
Toutes les Loges étoient remplies , tant celles
pratiquées fur le Théâtre que celles de la Salle ,
par une grande quantité de Dames & de Cavaliers
ment parés.
Madame l'Archiducheffe étant arrivée , on ouvrit
le Bal par une Allemande , où douze perfonnes
danſerent enſemble : Madame l'Archiduchele
donnoit la main au Prince François , neveu de M.
le Prince de Lichtenſtein . On danſa jufqu'à quatre
heures du matin ; & pendant tout le tems que
durat le Bal , les Officiers de la maiſon de l'Infant
fervirent abondamment de toutes fortes de rafraîchiflemens.
Tout fe paffa avec beaucoup d'ordre ,
& tout le monde fortit extrêmement fatisfait.
Le lendemain 8 , M. le Prince de Lichtenftein
prit fon Audience de congé ; tout fut obfervé à
cette Audience comme à celle de la demande 9
excepté que l'Introducteur , le Maître des Cérémonies
, & M. le Marquis Palavicini , furent pren .
dre.M. le Prince dans l'Appartement qu'il occupoit
à la Cour ; & que M. de Lichtenſtein , en
fortant de l'Audience de l'Infant , fur à celle de
1 ་
200 MERCURE DE FRANCE
fe voyoient à droite & à gauche à une certaine dif
tance du feu & comme dans le lointain. Ils montroient
chacun le Globe du Monde tranfparent , '
d'un diamètre confidérable , environnés dans l'air
d'un cercle de feu , en figne de l'allégreffe que
qu'infpire à tout l'Univers cet Augufte Mariage
. Une grande quantité de fufées fortoient
également de derriere ces Phénomènes , & formoient
en l'air des Bouquets qui , dirigés pour fe
réunir fur le fommet du Temple , conftruifoient
une voute de feu , qui le couvroit continuelle
ment.
Tout ce Spectacle étoit accompagné d'une illu
mination générale dans le jardin ; les terraffes décorées
d'ifs , de girandoles & de cordons de lu
mieres hautes & baffes ; les miroirs de feu , les
pots à-feu formant des cordons élevés , toutes les
allées éclairées fur différens deffeins , & l'illumination
de toute la façade du Palais qui fait face à
l'entrée de ce jardin , auffi bien que les différen
tes avenues en étoile , qui y conduifent enfin
rien ne fut oublié pour rendre cette Fête augufte
& digne de fon Souverain.
Après le feu d'artifice , l'Infant & Madame
l'Archiducheffe furent fouper. Pendant ce tems
toute la Nobleffe ſe ren fit au Théâtre , que l'on
avoit préparé pour y donner un Bal maſqué .
On avoit élevé le Parterre à la hauteur du plan
cher du Théâtre , & l'on avoit pratiqué fur ce
même Théâtre , des Loges folides , femblables à
celles de la Salle ; de façon que le Theâtre &
le Parterre ne faifoient qu'une grande Salle
ovale , applatie par les flancs , & toute entourrée
de trois rangs de Loges les unes fur les autres ;
cette Salle étoit ornée de guirlandes de fleurs , &
de gazes bleues & argent , qui fe rattachoient galamment
aux montants qui ſéparent les Loges , &
OCTOBRE. 1760. 201
qui tomboient en feftons fur les appuis des Loges ,
d'une maniere agréable & pleine de goût ; elle
étoit éclairée par une quantité de luftres de cryftal
ornés de guirlandes de petites fleurs , & par
des bras de cryſtal ornés de même , appliqués contre
les appuis des Loges des rangs fupérieurs ; c'étoit
à ces bras que venoient s'attacher les guirlandes
de fleurs , qui ornoient le devant des Loges.
On entroit dans cette Salle par la Loge de la couronne
qui s'avance fur le Parterre , comme les
Amphithéâtres employés en France dans les Salles
des Spectacles ; on en avoit coupé l'appui pardevant
, & on defcendoit de -là dans le corps de la
Salle par quatre degrés couverts de tapis de Turquie.
Toutes les Loges étoient remplies , tant celles
pratiquées fur le Théâtre que celles de la Salle
pår une grande quantité de Dames & de Cavaliers
ment parés.
Madame l'Archiducheſſe étant arrivée , on ouvrit
le Bal par une Allemande , où douze perfonnes
danferent enſemble : Madame l'Archiduchele
donnoit la main au Prince François , neveu de M.
le Prince de Lichtenftein . On danſa jufqu'à quatre
heures du matin ; & pendant tout le tems que
durat le Bal , les Officiers de la maiſon de l'Infant
fervirent abondamment de toutes fortes de rafraîchiflemens.
Tout fe paffa avec beaucoup d'ordre ,
& tout le monde fortit extrêmement fatisfait.
Le lendemain 8 , M. le Prince de Lichtenftein
prit fon Audience de congé ; tout fut obfervé à
cette Audience comme à celle de la demande ,
excepté que l'Introducteur , le Maître des Cérémonies
, & M. le Marquis Palavicini , furent pren .
dre.M. le Prince dans l'Appartement qu'il occupoit
à la Cour ; & que M. de Lichtenſtein , en
fortant de l'Audience de l'Infant , fut à celle de
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
Madame l'Archiducheffe , avant d'être conduit à
celle du Prince Ferdinand.
Après l'Audience de Madame Louife , M. le
Prince , au lieu de retourner dans fon appartement
a la Cour , defcendit par le grand efcalier ,
& fut monter dans fon Caroffe qui l'attendoit a la
porte du Palais , pour le ramener à l'Hôtel Palavicini
.
Le Maître des Cérémonies l'accompagna juf
qu'au bas de l'efcalier , M. de Palavicini & M.
Introducteur jufques à la portiere de la voiture ,
qui ne fur fermée que quand ces Meffieurs fe futent
retirés.
Le foir , il y eut Opéra.
Le 9. l'Infant fut dîner chez M. de Lichtenſtein.
Lé foir , il y eut Opéra.
Le to M. le Prince de Lichtenſtein dina chez M.
Dutillot , & partit après dîner pour Cafalmajor.
Le foir , il y eut Aflemblée au Paļais .
Le 11. au matin tous les Corps de l'Etat , le
Militaire , la Nobleffe , & la Maifon de S. A R.
eurent l'honneur de baifer la main à Madame
l'Archiducheffe .
Il y eut Opéra , le ſoir.
Le .les Princes n'ont reçu perfonne .
Le 13. S. A. R. Madame l'Archiducheffe partit
à dix heures du matin pour le rendre à Cafalmajor:
elle y a été accompagnée par Madame de
Gonzales , Madame de Silla , quatre Dames du
Pálais , des Majordomes , & huit Gentilshommes
de la Chambre ; elle étoit faivîe d'un nombre de
Pages , d'Ecuyers , de fon premier fervice , & defon
fervice du fecond Ordre , du Commandant de
l'Ecurie de deux Officiers des Ecuries , du Sellier >
du Maréchal , du Charron & de 24 Palfreniers à
Cheval;elle étoit éfcortée par des Gardes du Corps.
Les rues par lesquelles elle a pallé, étoient bordées
OCTOBRE , 1760. 203
de troupes , on avoit difpofé des Détachemens de
Cavalerie & d'Infanterie fur différens endroits de
la roure.
Des Bataillons Provinciaux , fix Compagnies de
Grenadiers, un Bataillon du Régiment de Parme ,
& les deux Compagnies de Grenadiers de inême
Régiment, étoient difpofées fur les bords du Pô ,
en deçà de la tête du Pont. Elle y a trouvé des
Elcadrons de Gardes du Corps & de Cavalerie. Elle
eft arrivée à Cafalmajor à midi & deux minutes.
M. le Comte de S. Vital eft chargé de la Cérémonie
de la remife , un Secrétaire du Cabinet de
l'Acte de certe ' remiſe .
S. A. R. s'arrête demain à Cafalmajor pour y
donner la main à bailer aux Deputés de la Lombardie
Autrichienne , aux Chambres Souveraines ,
& à la Nobleffe. Le lundi elle ira à Mantoue, où elle
s'arrêtera encore un jour, pour un objet ſemblable.
Fermer
Résumé : Suite de la Relation de tout ce qui s'est passé depuis.
Le texte relate les festivités entourant le mariage des Altesses Royales, notamment Madame l'Archiduchesse à Parme. Les célébrations incluent la représentation de l'opéra 'Les Fêtes de l'Hymen', composé de trois actes indépendants précédés d'un prologue intitulé 'Le Triomphe de l'Amour'. Ce prologue met en scène une querelle entre les dieux et l'Amour, qui obtient leur pardon pour l'union de la vertu et de la beauté. Les trois actes de l'opéra sont 'Aris', 'Sapho' et 'Eglé', chacun racontant des histoires d'amour et d'interventions divines. Les festivités comprennent des réceptions et des dîners offerts par des nobles tels que le Prince de Liechtenstein et le Comte de Rochechouart, avec des représentations d'opéra et des danses. La cérémonie de mariage à la cathédrale est décrite avec une décoration somptueuse et une procession ordonnée. Les troupes et les gardes assurent la sécurité, et la cérémonie religieuse suit le rituel ordinaire avec quelques adaptations spécifiques. Après la cérémonie, les princes retournent au palais dans le même ordre qu'à l'arrivée. Les événements incluent également un feu d'artifice et une illumination dans le jardin du palais, représentant l'union de l'Amour et de l'Hymen, suivi d'un bal masqué au théâtre. Madame l'Archiduchesse ouvre le bal avec le Prince François. Le lendemain, le Prince de Liechtenstein prend congé selon les cérémonies protocolaires. Les festivités se poursuivent avec des audiences et des repas officiels. Le 11 octobre, divers corps de l'État rendent hommage à Madame l'Archiduchesse. Le 13 octobre, elle quitte pour Casalmaggiore, escortée par des troupes et des dignitaires, et arrive à midi. Elle prévoit de s'arrêter à Casalmaggiore et à Mantoue pour saluer les députés et la noblesse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
42
p. 210-211
MANUFACTURE Royale de nouvelles Terres & Fayances, qui résistent au plus grand feu.
Début :
Roussel, Privilégié du Roi, Entrepreneur de cette Manufacture, y fabrique [...]
Mots clefs :
Manufacture royale, Fayance, Services de table, Batterie de cuisine, Cuivre, Argent, Motifs japonais, Fleurs, Émail, Vases
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MANUFACTURE Royale de nouvelles Terres & Fayances, qui résistent au plus grand feu.
MANUFACTURE Royale de nouvelles Terres , &.
Fayances , qui refiftent au plus grandfeu.
ROUSSEL, Privilégié du Roi , Entrepreneur de
cette Manufacture , y fabrique une Fayance qui eft
à l'épreuve du feu , concernant généralement tous
les Services de Table , & Batterie de Cuiſine , enforte
que l'on trouve chez lui tout ce qui le fait en
Cuivre & en Argent le tout dans des formes nou
velles & de très bon goût.
Il fabrique aufi de la Fayance fine blanche ;:
peinte , japonnée , en Fleurs naturelles comme à
Strasbourg.
AOUST. 1763. 211
left le feul qui poffède le fecret d'un Enrail
imitant le Bronze , & même infiniment plus brillant
, duquel il fait des Figures & Groupes pour
les Defferts , ainfi que de plus grandes , & Vales
pour les Jardins , Pots- Pourris , & autres piéces
curieufes. Le tout à très -juſte prix.
Son Magafin eft ouvert rue de Bâfroid , Fauxbourg
S. Antoine , à Paris.
Fayances , qui refiftent au plus grandfeu.
ROUSSEL, Privilégié du Roi , Entrepreneur de
cette Manufacture , y fabrique une Fayance qui eft
à l'épreuve du feu , concernant généralement tous
les Services de Table , & Batterie de Cuiſine , enforte
que l'on trouve chez lui tout ce qui le fait en
Cuivre & en Argent le tout dans des formes nou
velles & de très bon goût.
Il fabrique aufi de la Fayance fine blanche ;:
peinte , japonnée , en Fleurs naturelles comme à
Strasbourg.
AOUST. 1763. 211
left le feul qui poffède le fecret d'un Enrail
imitant le Bronze , & même infiniment plus brillant
, duquel il fait des Figures & Groupes pour
les Defferts , ainfi que de plus grandes , & Vales
pour les Jardins , Pots- Pourris , & autres piéces
curieufes. Le tout à très -juſte prix.
Son Magafin eft ouvert rue de Bâfroid , Fauxbourg
S. Antoine , à Paris.
Fermer
Résumé : MANUFACTURE Royale de nouvelles Terres & Fayances, qui résistent au plus grand feu.
La Manufacture Royale de nouvelles Terres, dirigée par Roussel, fabrique des faïences résistantes au feu pour divers usages. Elle produit également des articles en cuivre et en argent. Roussel détient le secret d'un émail imitant le bronze, utilisé pour des figures et des pièces de jardin. Les produits sont vendus à des prix justes au magasin situé rue de Bâfroid, Faubourg Saint-Antoine, à Paris.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
43
p. 211-214
FESTES PUBLIQUES. Description de la Fête donnée à Venise au Duc d'YORCK.
Début :
Le Duc d'Yorck arriva ici le 26 du mois dernier, & fut complimenté le lendemain [...]
Mots clefs :
Fête, République de Venise, Prince, Bâtiment, Cérémonie, Épousailles de la mer, Magnificence, Dorures, Baldaquin, Couleurs, Argent, Illustrations, Ornements, Vénus, Bateaux, Inscriptions, Fleurs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : FESTES PUBLIQUES. Description de la Fête donnée à Venise au Duc d'YORCK.
FESTES PUBLIQUES .
Defcription de la Fête donnée à Venife au Duc
' Хокск .
Le Duc d'Yorck arriva ici le 26 du mois dernier
, & fut complimenté le lendemain par quatre
Députés qu'avoit nommés la République pour lai
faire tous les honneurs des à fon rang. Le 29 , ces
Prince alla vifiter l'Arfénal : les ouvriers de toutes
les différentes parties de ce grand Bâtiment exécuterent
en la préfence quelque ouvrage particu
lier de leur métier. Le 31 , jour de l'Afcenfion ,
la violence du vent obligea de renvoyer au Dimanche
fuivant , la cérémonie des époufailles de
la mer. Le même jour , les Députés donnerent
un grand repas au Duc d'Yorck dans l'Ile de
Muran. Le 3 de ce mois , la cérémonie des épou
failles de la mer fe fit avec la magnificence ordinaire
devant un concours prodigieux d'étrangers.
Le lendemain 4 , jour de la naiffance du Roi
d'Angleterre , les Députés donnerent à Son Alteffe
Royale le fpectacle de la courſe des Bateaux
nommée Régate ; c'eſt une fête qu'on réſerve ordinairement
pour de grandes occaſions : on n'en
avoit point donné depuis 1740 , où il y en eut une
en l'honneur du Prince Electoral de Saxe.
212 MERCURE DE FRANCE.
Vers les deux heures après - midi , la fête com →
mença par l'arrivée de neuf Peotes ou grands Bateaux
, qui s'avancerent au bruit des tymbales &
des trompettes. Ces Peotes étoient ornées d'emblêmes
& de figures allégoriques. La première
étoit toute argentée , & repréfentoit l'Elément de
l'Eau & le triomphe de Neptune. Ce Dieu étoit
fur la poupe fous un baldaquin de panaches noirs
& azurs mêlés d'algue ; il avoit fon Trident à la
main , & étoit environné de Tritons & autres Divinités
de la Mer.
La feconde , dorée & argentée , repréſentoit la
Terre , fous le fymbole de Cybèle vêtue magnifiquement
, couronnée de tours , & placée fous un
baldaquin de panaches rouges , noirs & azurs. La
proue formoit une colline d'or ornée d'arbriffeaux
chargés de fruits & garnie d'animaux. Les Rameurs
portoient des habits relatifs au ſujet , & voguoient
au fon des inftrumens.
La troifiéme , dont le fond étoit bleu célefte
avec des ornemens d'argent , repréſentoit l'Air.
La principale figure étoit l'enlèvement d'Orithie
par Borée : on y voyoit des zéphirs & des amours
qui fe réjouiffoient de cette aventure.
La quatriéme repréfentoit le Feu & étoit peinte
de la couleur de cet élément. On remarquoit d'un
côté Vulcain & les Cyclopes occupés à leurs travaux
, & de l'autre , Vénus qui venoit demander
des armes pour Enée. Ces quatre Peotes étoient
celles des Députés chargés de faire les honneurs
de la réception du Duc d'Yorck .
La cinquième , fond argent , repréſentoit la
pêche de la baleine . Le bas de la proue avoit la
forme d'une baleine ayant la gueule ouverte.
Tous les pêcheurs étoient habillés à l'Angloife.
Le reste de la Peote étoit garni de filets remplis de
poillons & de corbeilles pleines de perles & de
coral.
OCTOBRE . 1764. 213
La fixiéme repréfentoit le Char d'Apollon ou
du Soleil , tiré par quatre chevaux de différentes
couleurs. On y voyoit l'Aurore affife dans une
coquille & tirée par Pégafe : elle avoit à la main
un flambeau , avec lequel elle fembloit chaſſer la
nuit.
La feptiéme repréſentoit la Grande - Bretagne
menée en triomphe par l'Europe : on y voyoit de
tous côtés plufieurs figures d'hommes & d'ani
maux , & des richeffes de toute espéce des quatre
parties du Monde , des ornemens d'or & d'ar
gent , & c.
La huitiéme repréfentoit le triomphe de Miner
ve , Déefle de la Sageffe : elle avoit les ornemens
de la Royauté ; à fes deux côtés étoient cinq trophées
enrichis d'or , d'argent & de plumes , faifant
alluſion aux Beaux - Arts.
La neuviéme repréſentoit Vénus affile ſur un
Char tiré par quatre colombes , accompagnée de
Cupidon & environnée des amours.
Ces Péotes furent fuivies d'onze Biffones * , de
fix Malgarotes & de deux Ballotines ornées d'étoffes
& de dentelles d'argent. Les Rameurs , qui
étoient très-élégamment habillés , changerent
trois ou quatre fois d'habits , tous plus riches les
uns que les autres.
Enfin l'on commença la courfe des différens
Bâtimens : il y avoit dix Bateaux & dix Gondoles
à une rame ; dix Bateaux & dix Gondoles à deux
rames , & dix autres Bateaux à deux rames
* Les Biſſones font des Bateaux affez longs , à huit rames
& huit Rameurs ; les Malgarotes en ont fix , & les Bellotines
, quatre . Il y a fur chacun de ces Bateaux des Nobles
préposés pour veiller à la police & écarter les Gondoles
qui viendroient à la traverfe & fermeroient le pallage
aux Régatans : ils ont même des arcs avec lefquels ils décochent
des balles de terre cuite , d'un pouce de diamètre
ou environ , contre ceux qui ne fe rangent pas allez promp
tement,
214 MERCURE DE FRANCE .
*
manoeuvrés par des femmes. Tous ces Bateaux ,
excepté les dix derniers , partirent , ſelon l'uſage ,
de la pointe de Saint- Antoine & parcoururent
route la longueur du grand Canal jufques vers
l'Eglife de la Croix , où étoit planté un poteau
qui fervoit de bornes & autour duquel les Régatans
tournerent une fois & revinrent fur leurs pas
jufqu'à l'endroit de la Machine, où les Vaiffeaux
prirent en y arrivant les drapeaux qui font les
marques de leur victoire . Cette courſe eft d'environ
quatre mille quatre cens pas de cinq pieds
Vénitiens chacun. Les femmes ne partent que de
la Douane , ce qui fait environ un tiers du chemin
de moins. La Machine eft un édifice d'une belle
Architecture , avec des colonnes , des balustrades ,
&c. Elle repréfentoit le Palais de la Joie & étoit ornée
de figures de grandeur naturelle: au milieu de
cet Edifice on diftinguoit deux figures principales
repréfentant Venife & l'Angleterre : la première
fembloit embraffer celle- ci & avoit pour infcription
, Fadus æternum . On voyoit à leur côté la
Juftice & la Prudence , & au deffous Apollon ;
Venus & Diane. Le haut de la Machine , où il y
avoit un grand nombre de Muficiens , étoit terminé
par des guirlandes & des vafes de fleurs . Toutes
les fenêtres du grand Canal étoient ornées
de tapis & garnies d'une prodigieufe quantité de
fpectateurs.
* LepiedVénitien eft un peu plus grand que le
nôtre.
Defcription de la Fête donnée à Venife au Duc
' Хокск .
Le Duc d'Yorck arriva ici le 26 du mois dernier
, & fut complimenté le lendemain par quatre
Députés qu'avoit nommés la République pour lai
faire tous les honneurs des à fon rang. Le 29 , ces
Prince alla vifiter l'Arfénal : les ouvriers de toutes
les différentes parties de ce grand Bâtiment exécuterent
en la préfence quelque ouvrage particu
lier de leur métier. Le 31 , jour de l'Afcenfion ,
la violence du vent obligea de renvoyer au Dimanche
fuivant , la cérémonie des époufailles de
la mer. Le même jour , les Députés donnerent
un grand repas au Duc d'Yorck dans l'Ile de
Muran. Le 3 de ce mois , la cérémonie des épou
failles de la mer fe fit avec la magnificence ordinaire
devant un concours prodigieux d'étrangers.
Le lendemain 4 , jour de la naiffance du Roi
d'Angleterre , les Députés donnerent à Son Alteffe
Royale le fpectacle de la courſe des Bateaux
nommée Régate ; c'eſt une fête qu'on réſerve ordinairement
pour de grandes occaſions : on n'en
avoit point donné depuis 1740 , où il y en eut une
en l'honneur du Prince Electoral de Saxe.
212 MERCURE DE FRANCE.
Vers les deux heures après - midi , la fête com →
mença par l'arrivée de neuf Peotes ou grands Bateaux
, qui s'avancerent au bruit des tymbales &
des trompettes. Ces Peotes étoient ornées d'emblêmes
& de figures allégoriques. La première
étoit toute argentée , & repréfentoit l'Elément de
l'Eau & le triomphe de Neptune. Ce Dieu étoit
fur la poupe fous un baldaquin de panaches noirs
& azurs mêlés d'algue ; il avoit fon Trident à la
main , & étoit environné de Tritons & autres Divinités
de la Mer.
La feconde , dorée & argentée , repréſentoit la
Terre , fous le fymbole de Cybèle vêtue magnifiquement
, couronnée de tours , & placée fous un
baldaquin de panaches rouges , noirs & azurs. La
proue formoit une colline d'or ornée d'arbriffeaux
chargés de fruits & garnie d'animaux. Les Rameurs
portoient des habits relatifs au ſujet , & voguoient
au fon des inftrumens.
La troifiéme , dont le fond étoit bleu célefte
avec des ornemens d'argent , repréſentoit l'Air.
La principale figure étoit l'enlèvement d'Orithie
par Borée : on y voyoit des zéphirs & des amours
qui fe réjouiffoient de cette aventure.
La quatriéme repréfentoit le Feu & étoit peinte
de la couleur de cet élément. On remarquoit d'un
côté Vulcain & les Cyclopes occupés à leurs travaux
, & de l'autre , Vénus qui venoit demander
des armes pour Enée. Ces quatre Peotes étoient
celles des Députés chargés de faire les honneurs
de la réception du Duc d'Yorck .
La cinquième , fond argent , repréſentoit la
pêche de la baleine . Le bas de la proue avoit la
forme d'une baleine ayant la gueule ouverte.
Tous les pêcheurs étoient habillés à l'Angloife.
Le reste de la Peote étoit garni de filets remplis de
poillons & de corbeilles pleines de perles & de
coral.
OCTOBRE . 1764. 213
La fixiéme repréfentoit le Char d'Apollon ou
du Soleil , tiré par quatre chevaux de différentes
couleurs. On y voyoit l'Aurore affife dans une
coquille & tirée par Pégafe : elle avoit à la main
un flambeau , avec lequel elle fembloit chaſſer la
nuit.
La feptiéme repréſentoit la Grande - Bretagne
menée en triomphe par l'Europe : on y voyoit de
tous côtés plufieurs figures d'hommes & d'ani
maux , & des richeffes de toute espéce des quatre
parties du Monde , des ornemens d'or & d'ar
gent , & c.
La huitiéme repréfentoit le triomphe de Miner
ve , Déefle de la Sageffe : elle avoit les ornemens
de la Royauté ; à fes deux côtés étoient cinq trophées
enrichis d'or , d'argent & de plumes , faifant
alluſion aux Beaux - Arts.
La neuviéme repréſentoit Vénus affile ſur un
Char tiré par quatre colombes , accompagnée de
Cupidon & environnée des amours.
Ces Péotes furent fuivies d'onze Biffones * , de
fix Malgarotes & de deux Ballotines ornées d'étoffes
& de dentelles d'argent. Les Rameurs , qui
étoient très-élégamment habillés , changerent
trois ou quatre fois d'habits , tous plus riches les
uns que les autres.
Enfin l'on commença la courfe des différens
Bâtimens : il y avoit dix Bateaux & dix Gondoles
à une rame ; dix Bateaux & dix Gondoles à deux
rames , & dix autres Bateaux à deux rames
* Les Biſſones font des Bateaux affez longs , à huit rames
& huit Rameurs ; les Malgarotes en ont fix , & les Bellotines
, quatre . Il y a fur chacun de ces Bateaux des Nobles
préposés pour veiller à la police & écarter les Gondoles
qui viendroient à la traverfe & fermeroient le pallage
aux Régatans : ils ont même des arcs avec lefquels ils décochent
des balles de terre cuite , d'un pouce de diamètre
ou environ , contre ceux qui ne fe rangent pas allez promp
tement,
214 MERCURE DE FRANCE .
*
manoeuvrés par des femmes. Tous ces Bateaux ,
excepté les dix derniers , partirent , ſelon l'uſage ,
de la pointe de Saint- Antoine & parcoururent
route la longueur du grand Canal jufques vers
l'Eglife de la Croix , où étoit planté un poteau
qui fervoit de bornes & autour duquel les Régatans
tournerent une fois & revinrent fur leurs pas
jufqu'à l'endroit de la Machine, où les Vaiffeaux
prirent en y arrivant les drapeaux qui font les
marques de leur victoire . Cette courſe eft d'environ
quatre mille quatre cens pas de cinq pieds
Vénitiens chacun. Les femmes ne partent que de
la Douane , ce qui fait environ un tiers du chemin
de moins. La Machine eft un édifice d'une belle
Architecture , avec des colonnes , des balustrades ,
&c. Elle repréfentoit le Palais de la Joie & étoit ornée
de figures de grandeur naturelle: au milieu de
cet Edifice on diftinguoit deux figures principales
repréfentant Venife & l'Angleterre : la première
fembloit embraffer celle- ci & avoit pour infcription
, Fadus æternum . On voyoit à leur côté la
Juftice & la Prudence , & au deffous Apollon ;
Venus & Diane. Le haut de la Machine , où il y
avoit un grand nombre de Muficiens , étoit terminé
par des guirlandes & des vafes de fleurs . Toutes
les fenêtres du grand Canal étoient ornées
de tapis & garnies d'une prodigieufe quantité de
fpectateurs.
* LepiedVénitien eft un peu plus grand que le
nôtre.
Fermer
Résumé : FESTES PUBLIQUES. Description de la Fête donnée à Venise au Duc d'YORCK.
Le texte relate les festivités organisées à Venise en l'honneur du Duc d'Yorck. Le Duc est arrivé le 26 du mois précédent et a été accueilli par des députés de la République. Le 29, il a visité l'Arsenal où les ouvriers ont présenté des démonstrations de leur métier. Le 31, en raison du mauvais temps, la cérémonie des épouvantails de la mer a été reportée au dimanche suivant. Ce même jour, les députés ont offert un grand repas au Duc sur l'île de Muran. Le 3, la cérémonie des épouvantails de la mer a eu lieu avec une grande magnificence et une affluence considérable d'étrangers. Le 4, à l'occasion de l'anniversaire du Roi d'Angleterre, les députés ont organisé une régate, une fête réservée aux grandes occasions et qui n'avait pas été donnée depuis 1740. Neuf grandes barques décorées d'emblèmes et de figures allégoriques ont participé à la course. Chaque barque représentait un élément naturel ou une divinité. La course a impliqué divers types de bateaux et de gondoles, manœuvrés par des hommes et des femmes. La course s'est déroulée sur une distance d'environ quatre mille quatre cents pas vénitiens, avec un point de retournement près de l'église de la Croix. La 'Machine', un édifice orné, représentait le Palais de la Joie et était décoré de figures allégoriques. Les fenêtres du grand Canal étaient ornées de tapis et remplies de spectateurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer