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1
p. 33-49
OENOPHILE CONTE.
Début :
Je vous envoye un Conte nouveau de Mr de la / Toutes les Grandeurs de la Terre [...]
Mots clefs :
Terre, Histoire, Rêve, Morale, Fortune, Gueux, Prédicateur, Conteur, Courtisans, Bonté, Duc, Enchantements, Galanterie, Catastrophe, Orgueil, Vainqueur, Opéra, Trône, Valets
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texteReconnaissance textuelle : OENOPHILE CONTE.
Je vous envoye un Conte
nouveau de M' de la Barre de
Tours. Ses Galans Ouvrages
ont tant d'agrément , & vous
avez toûjours pris tant de
plaifir à les lire , que je croy
vous en procurer un fort
grand , en vous faiſant part
de celuy- cy.
34 MERCURE
$25552555-2552 555
CNOPHILE
T
CONTE.
Outes les Grandeurs dé la
Terre
Sont auffifragiles que verre,
( De tel propos je n'auray pas les
Gants)
Etl'Hiftoirefournit mainte& mainte
Avanture
Parmy les Petits & les Grands,
Qui montre ce propos n'eftre pas imposture..
Suivons donc. Les grandeurs de l'Hu
maine Nature
N'ont rien que de prest àfinir;
Un mefme inftant les voit naiftre
& mourir;
GALANT. 35
C'est un refve qui plaist dans le moment
qu'il dure,
Etqui laiffe àfafuite un fâcheuxfou
venir;
C'est un abus, une peinture,
Une idée, unfantôme, une ombre,;
enfin un rien..
Quelque Cenfeur me defavoie,.
Et traite ma Morale en Morale de
Chien.
Quoy, ce gros Financier, dira- t- il,
&fon Bien
•
Sont des Chanfons ? Hé- oy. C'eft à
tort qu'on le loüc;
Je vais le montrer aujourd'huy;
Et le gueux Oenophile au milieu de fa
boue,
Quandil a bûdix coups , eftplus heureux
queluy.
Pafchal, un Autheur d'importance,
Dansfes Ecrits met peu de diférence
36 MERCURE
Entre le Gueux refvant la nuit
Poffederfous fon Toit tous les tréfors
de France,
Et le Riche avesfa Finance
Enpauvretéqui refve eftre réduit.
De Fortune en effet n'est - ce pas une
niche,
Que le dormir, & du Pauvre , & du
Riche?
Pourquoy ne pas dans lefommeil
Laiffer le Gueux , dont le réveil
Renouvelle les maux ? ou bien tout aw
contraire,
Pourquoy faire dormir qui doit veiller
toûjours?
Maisfans m'embarraffer àfaire .
De longs, & par ainfi defort mauvais
difcours;
Longs & mauvais , c'est affezpour
déplaire,
Quand onfait le Prédicateur.
GALANT.
37
e
Ne prefchons plus ; parlons d'une
autre Affaire,
Erplûtost devenons Conteur;
Car un Conte, fuft- il un Conte à la
Cigogne,
Vaut
toûjoursmieux qu'un
ennuyeux
Sermon.
Se
Difons done, que du temps de Philippe
le
Bon,
( Ce Philippe le Bon eftoit Duc de
Bourgogne )
Avint un certain Fait
Affez plaisant, & digne de mémoire,
Etpour moralifer un affezjoly trait,
Au
demeurant tres- vray, je l'ay lu
dans l'
Hiftoires
Quiconque ne me voudra croire,
La peut lire àfon tour. Philippé par
hazard
Dans letemps qu'on boit àla neige,
38 MERCURE
C'est à dire l'Eré) fuivy d'ungros
Cortége,
S'enrevenoitfert tard,
Apres avoirfait un tour du Rampart
DeBezançon, promenade ordinaire
Qu'avec fes Courtisans le bon Duc
fouloitfaire.
En traverfant la Rüe, il aperceut un
Gueux,
Faifant vilaine može,
Déchiré , plein defang, hideux,
Renverfe fur un tas de boue.
Cet objet émutle bon Duc,
Qui penfa que le Gueux tomboit du
malcaduci
Et comme il eftoit charitable,
Etpourtousfes Sujetsplein d'extréme
bonté,
Il voulut que ce Miſérable
Defon bourbier dés l'inſtantfuſt ôté,
Et bienplus, il voulut, pour eftre décroté
GALANT. 39
Qu'au Palais ilfust emporté.
Au premierappareil on connut Oenophile,
Fameux Beuveur, qui n'avoitpour
métier
Que defefferdu Vinde Quartieren
Quartier,
Etque de promener une foif inutile
Dans les Tavernes de la ville,
D'oùfortantfans avoir le moyen de
payer,
N'ayant pas vaillant une obole,
Tvremortildormoit dans le premier
bourbier.
Quand le Ducfceur qu'eftoit le
Drôle,
Car le nom d'Oenophile en tous lieux
faifoit bruit,
Et defes Faits en Vin chacun eftoit
inftruit )
Il luy fit préparer un aſſez plaisant
rôle,
40 MERCURE
Ilordonna qu'ilfustfrifé,
Mufqué, frotté, lavé, poudré, peigné,
razé,
Proprement
aromatizé
.
( Précaution
fort néceſſaire
Pour ce qu'on vouloitfaire )
Ilfut couchédans unfuperbe Lit,
Avecles Ornemens de nuit
Qu'on donne àGensde confequence,
Dontje tais la magnificence.
Pour la marquer en un mot, ilsuffit
Que le Duc de Bourgogne.
Ordonna qu'on traitast comme luy cet
Yvrogne.
Chacunfe retira pour predrefon repos ,
Laiffant au lendemain le refte.
La nuitfur le Palaisjetta d'heureux
Pavots ,
Tout dormit à merveille ; aucun refve
funefte,
ExcitéparBacchus &fa douce vapeur,
GALANT. 41
N'embarraffale cerveau du Beaveur.
Le Phabetor des Gens quife plaisent à
boire,
Luyparut mille fois verfant à pleines
mains
Parfa Corne d'yvoire
Tous les refves plaifans qu'il prodigue
aux Humains.
L'Aurore dont l'éclat embellit toutes
chofes,
Avoit, pourmarquer le retour
Du Dieu qui tous les jours du Monde
fait le tour,
Parfumé tous les airs de Fafmins &
de Rofes,
Cela veut dire en Profe, il eftoitjour-
Vous Seaurez que qui verfifie,
Je veux dire les Gens qu'Apollon
deifie,
Peuvent impunément s'exprimerpas
rébus,
Mars
1685,
42. MERCURE
Ouparmots qu'en François nous appellons
Phébus.
Dans mes Contes parfois je mele ce
langage,
Qui paroist tant.foit peu guindés :
Mais quoy ?jervais comejefurs guidé,
Sire Apollon pour moy n'en fait pas
davantage.
Nous avons defon Litfaitfortir le
Soleil,
Allons en Courtifan habile
Nous trouver au Levé du Seigneur
acnophile,
Et nousfaurons quelferafon réveil.
Imaginez vous lafurpriſe
D'un Gueux qui n'avoit pas vaillant
une Chemife,
Et qui (fouvent couchédehors)
Se trouve en Draps de lin bordez de
Point d'Espagne
,
Et comme un Prince de Cocagne,
GALANT. 43
Se voit environné des plus riches tréfors.
En croira- t - ilfes yeux ? Il n'oſe.
Est- ce un enchantement ? Est- ce métemplycofe,
Illufion, metamorphofe?
Par quei heureux deftin eft - il Grand
devenu;
Luy qui naguere eftoit tout nud?
Pendant qu'à débrouiller tel Cabos ili
s'applique,
Une douce Mufique.
Acheva de troubler fa petite raison;
Il ne pût s'empefcher de dire une
Oraifon
Qu'ilfçavoit contre l'Art Ma--
gigner
S'il eust crû goufter dans ces lieux
Des douceurs à la finfemblables aux
premieres,
Ilnefe pouvoit rien de mieux;
Dij
44 MERCURE
Mais il craignoit les Etrivieres,
Catastrophe où fouvent aboutit le
plaifir
De pareille galanterie.
De malle-peur ilfe fentitfaifir, ve
Eftimant, pis encor, que cefust Diablerie.
En Bourgogne en ce temps.couroient
des Farfadets,
Autrement dits Efprits Follets ,
Qui n'entendoient point raillerie,
Fougueux comme les Gens qui battent
leurs Valets.
Achevons. Ilentra quatre Pages bien
faits,
Maistre d' Hoftel, une autre Troupes
De Valets de pied , de Laquais,
Dont l'un tenoit une Soucouppe,
L'autre une Ecuelle- oreille avec un
Confommé.
Voicy, luy dit un Gentilhomme,
GALANT.
45
Voftre Bouillon accoûtumé,
Monfeigneur. Il leprit tout come
Si veritablement il eut tous les matins
Fait telmétier. Aifément l'habitude
Se feroit à tels Mets ; & quand d'heu
reux deftins
Succédent au mal le plus rude,
On s'accoutume avec facilité
Au bien que l'on n'a pointgoufté.
Bien plus , à noftre compte
Lebien qui nous vient nous eft dû;
Etfi quelque chagrin nous vient, tout
estperdu.
Mais heureux mille fois l'Homme qui
fefurmonte,
Et quifagementfe contient,
Quandle bien ou le mal luy vient!
Par tropje moralife ;
Wenons au Fait. Le Duc Philippefe
déguife ,
Et. vient accompagné de trente Cour
tifans
46 MERCURE
1
Sous autant de déguiſemens.
Chacun luy fait la révérence,
Luy vientfouhaiter le bonjour,
Et tout de mefme quà la Cour,
Luy dit autrement qu'il ne penfe ..
On l'habillefuperbement;
Tous les Bijoux du Ducfirent l'ajuste--
ment.
C'étoient Canons de Point de Géne.
( Génes lors s'amuſoit à fabriquer du
Point,
Etfon orgueil n'attiroitpoint
De Bombe à feu Grégeoisfurfafuperbe
arénej
Enfin pourtrancher court, l'Yvrogne
eftoitbrillant .
Autant
que
le Soleil levant;
Et Bacchus revenant des Climats dee
l'Aurore,
ParoiffoitmoinsVainqueur que luya.
Maispourrendre parfait ce Spectacles
inouy,
GALANT. 47
Ilmanquoit quelque chofe encores ›
C'ist que les Dames du Palais
Vinffent avec tous leurs attraits;
Ce quije fit.Ce dernier trait l'acable,.
Mais il revint dans un moment
Defon étonnement,
Quand on le fit paffer dans un Apar
tement,
Qui luy parut d'autant plus agreable:
Qu'ily vit uneTable
Qu'onfervoit magnifiquement.
Il nefoupçonna plus que cefust Dia
blerie,
Quand ilfe vitplacé dans l'endroit
leplus haut,
Oùfans fe déferrer il mangea comme
il faut,
Commençant à trouver l'invention.
jolie.
Dans cette Cour
Adiférensplaifirs onpaffa tout le jour
48 MERCURE
Comme au Bal, comme au feu, comme
à la Comédie,
On comme à l'Opéra. Mais non ; dans
ce temps - là
On ne connoifoit point ce que c'est
qu'Opera.
Bref, onfe divertit à ce qu'on eut
envie,
Fufqu'à ce que le Soleilſe coucha.
Onfervit le Souper, Oenophile foupas
Ily beut trop, ils'yfoula,
Sibien qu'il s'y couvritla vie,
Et fa Principautépar ce tropfut per
düe ;
Ce qui fit qu'à l'instant on le desha
billa,
De fes Haillons on lepouilla;
Quatre Valets de pied le portent dans
la Rüe,
Au mefme endroit d'où le Duc le
tira.
Voila
GALANT. 49
Voila comment la Fortune fe jouë,
Aujourd hayfur le Trône, & demain
dans la bouë.
Que nefçay je comment Oenophile
20 parla E
Dansle moment qu'il s'éveilla!
nouveau de M' de la Barre de
Tours. Ses Galans Ouvrages
ont tant d'agrément , & vous
avez toûjours pris tant de
plaifir à les lire , que je croy
vous en procurer un fort
grand , en vous faiſant part
de celuy- cy.
34 MERCURE
$25552555-2552 555
CNOPHILE
T
CONTE.
Outes les Grandeurs dé la
Terre
Sont auffifragiles que verre,
( De tel propos je n'auray pas les
Gants)
Etl'Hiftoirefournit mainte& mainte
Avanture
Parmy les Petits & les Grands,
Qui montre ce propos n'eftre pas imposture..
Suivons donc. Les grandeurs de l'Hu
maine Nature
N'ont rien que de prest àfinir;
Un mefme inftant les voit naiftre
& mourir;
GALANT. 35
C'est un refve qui plaist dans le moment
qu'il dure,
Etqui laiffe àfafuite un fâcheuxfou
venir;
C'est un abus, une peinture,
Une idée, unfantôme, une ombre,;
enfin un rien..
Quelque Cenfeur me defavoie,.
Et traite ma Morale en Morale de
Chien.
Quoy, ce gros Financier, dira- t- il,
&fon Bien
•
Sont des Chanfons ? Hé- oy. C'eft à
tort qu'on le loüc;
Je vais le montrer aujourd'huy;
Et le gueux Oenophile au milieu de fa
boue,
Quandil a bûdix coups , eftplus heureux
queluy.
Pafchal, un Autheur d'importance,
Dansfes Ecrits met peu de diférence
36 MERCURE
Entre le Gueux refvant la nuit
Poffederfous fon Toit tous les tréfors
de France,
Et le Riche avesfa Finance
Enpauvretéqui refve eftre réduit.
De Fortune en effet n'est - ce pas une
niche,
Que le dormir, & du Pauvre , & du
Riche?
Pourquoy ne pas dans lefommeil
Laiffer le Gueux , dont le réveil
Renouvelle les maux ? ou bien tout aw
contraire,
Pourquoy faire dormir qui doit veiller
toûjours?
Maisfans m'embarraffer àfaire .
De longs, & par ainfi defort mauvais
difcours;
Longs & mauvais , c'est affezpour
déplaire,
Quand onfait le Prédicateur.
GALANT.
37
e
Ne prefchons plus ; parlons d'une
autre Affaire,
Erplûtost devenons Conteur;
Car un Conte, fuft- il un Conte à la
Cigogne,
Vaut
toûjoursmieux qu'un
ennuyeux
Sermon.
Se
Difons done, que du temps de Philippe
le
Bon,
( Ce Philippe le Bon eftoit Duc de
Bourgogne )
Avint un certain Fait
Affez plaisant, & digne de mémoire,
Etpour moralifer un affezjoly trait,
Au
demeurant tres- vray, je l'ay lu
dans l'
Hiftoires
Quiconque ne me voudra croire,
La peut lire àfon tour. Philippé par
hazard
Dans letemps qu'on boit àla neige,
38 MERCURE
C'est à dire l'Eré) fuivy d'ungros
Cortége,
S'enrevenoitfert tard,
Apres avoirfait un tour du Rampart
DeBezançon, promenade ordinaire
Qu'avec fes Courtisans le bon Duc
fouloitfaire.
En traverfant la Rüe, il aperceut un
Gueux,
Faifant vilaine može,
Déchiré , plein defang, hideux,
Renverfe fur un tas de boue.
Cet objet émutle bon Duc,
Qui penfa que le Gueux tomboit du
malcaduci
Et comme il eftoit charitable,
Etpourtousfes Sujetsplein d'extréme
bonté,
Il voulut que ce Miſérable
Defon bourbier dés l'inſtantfuſt ôté,
Et bienplus, il voulut, pour eftre décroté
GALANT. 39
Qu'au Palais ilfust emporté.
Au premierappareil on connut Oenophile,
Fameux Beuveur, qui n'avoitpour
métier
Que defefferdu Vinde Quartieren
Quartier,
Etque de promener une foif inutile
Dans les Tavernes de la ville,
D'oùfortantfans avoir le moyen de
payer,
N'ayant pas vaillant une obole,
Tvremortildormoit dans le premier
bourbier.
Quand le Ducfceur qu'eftoit le
Drôle,
Car le nom d'Oenophile en tous lieux
faifoit bruit,
Et defes Faits en Vin chacun eftoit
inftruit )
Il luy fit préparer un aſſez plaisant
rôle,
40 MERCURE
Ilordonna qu'ilfustfrifé,
Mufqué, frotté, lavé, poudré, peigné,
razé,
Proprement
aromatizé
.
( Précaution
fort néceſſaire
Pour ce qu'on vouloitfaire )
Ilfut couchédans unfuperbe Lit,
Avecles Ornemens de nuit
Qu'on donne àGensde confequence,
Dontje tais la magnificence.
Pour la marquer en un mot, ilsuffit
Que le Duc de Bourgogne.
Ordonna qu'on traitast comme luy cet
Yvrogne.
Chacunfe retira pour predrefon repos ,
Laiffant au lendemain le refte.
La nuitfur le Palaisjetta d'heureux
Pavots ,
Tout dormit à merveille ; aucun refve
funefte,
ExcitéparBacchus &fa douce vapeur,
GALANT. 41
N'embarraffale cerveau du Beaveur.
Le Phabetor des Gens quife plaisent à
boire,
Luyparut mille fois verfant à pleines
mains
Parfa Corne d'yvoire
Tous les refves plaifans qu'il prodigue
aux Humains.
L'Aurore dont l'éclat embellit toutes
chofes,
Avoit, pourmarquer le retour
Du Dieu qui tous les jours du Monde
fait le tour,
Parfumé tous les airs de Fafmins &
de Rofes,
Cela veut dire en Profe, il eftoitjour-
Vous Seaurez que qui verfifie,
Je veux dire les Gens qu'Apollon
deifie,
Peuvent impunément s'exprimerpas
rébus,
Mars
1685,
42. MERCURE
Ouparmots qu'en François nous appellons
Phébus.
Dans mes Contes parfois je mele ce
langage,
Qui paroist tant.foit peu guindés :
Mais quoy ?jervais comejefurs guidé,
Sire Apollon pour moy n'en fait pas
davantage.
Nous avons defon Litfaitfortir le
Soleil,
Allons en Courtifan habile
Nous trouver au Levé du Seigneur
acnophile,
Et nousfaurons quelferafon réveil.
Imaginez vous lafurpriſe
D'un Gueux qui n'avoit pas vaillant
une Chemife,
Et qui (fouvent couchédehors)
Se trouve en Draps de lin bordez de
Point d'Espagne
,
Et comme un Prince de Cocagne,
GALANT. 43
Se voit environné des plus riches tréfors.
En croira- t - ilfes yeux ? Il n'oſe.
Est- ce un enchantement ? Est- ce métemplycofe,
Illufion, metamorphofe?
Par quei heureux deftin eft - il Grand
devenu;
Luy qui naguere eftoit tout nud?
Pendant qu'à débrouiller tel Cabos ili
s'applique,
Une douce Mufique.
Acheva de troubler fa petite raison;
Il ne pût s'empefcher de dire une
Oraifon
Qu'ilfçavoit contre l'Art Ma--
gigner
S'il eust crû goufter dans ces lieux
Des douceurs à la finfemblables aux
premieres,
Ilnefe pouvoit rien de mieux;
Dij
44 MERCURE
Mais il craignoit les Etrivieres,
Catastrophe où fouvent aboutit le
plaifir
De pareille galanterie.
De malle-peur ilfe fentitfaifir, ve
Eftimant, pis encor, que cefust Diablerie.
En Bourgogne en ce temps.couroient
des Farfadets,
Autrement dits Efprits Follets ,
Qui n'entendoient point raillerie,
Fougueux comme les Gens qui battent
leurs Valets.
Achevons. Ilentra quatre Pages bien
faits,
Maistre d' Hoftel, une autre Troupes
De Valets de pied , de Laquais,
Dont l'un tenoit une Soucouppe,
L'autre une Ecuelle- oreille avec un
Confommé.
Voicy, luy dit un Gentilhomme,
GALANT.
45
Voftre Bouillon accoûtumé,
Monfeigneur. Il leprit tout come
Si veritablement il eut tous les matins
Fait telmétier. Aifément l'habitude
Se feroit à tels Mets ; & quand d'heu
reux deftins
Succédent au mal le plus rude,
On s'accoutume avec facilité
Au bien que l'on n'a pointgoufté.
Bien plus , à noftre compte
Lebien qui nous vient nous eft dû;
Etfi quelque chagrin nous vient, tout
estperdu.
Mais heureux mille fois l'Homme qui
fefurmonte,
Et quifagementfe contient,
Quandle bien ou le mal luy vient!
Par tropje moralife ;
Wenons au Fait. Le Duc Philippefe
déguife ,
Et. vient accompagné de trente Cour
tifans
46 MERCURE
1
Sous autant de déguiſemens.
Chacun luy fait la révérence,
Luy vientfouhaiter le bonjour,
Et tout de mefme quà la Cour,
Luy dit autrement qu'il ne penfe ..
On l'habillefuperbement;
Tous les Bijoux du Ducfirent l'ajuste--
ment.
C'étoient Canons de Point de Géne.
( Génes lors s'amuſoit à fabriquer du
Point,
Etfon orgueil n'attiroitpoint
De Bombe à feu Grégeoisfurfafuperbe
arénej
Enfin pourtrancher court, l'Yvrogne
eftoitbrillant .
Autant
que
le Soleil levant;
Et Bacchus revenant des Climats dee
l'Aurore,
ParoiffoitmoinsVainqueur que luya.
Maispourrendre parfait ce Spectacles
inouy,
GALANT. 47
Ilmanquoit quelque chofe encores ›
C'ist que les Dames du Palais
Vinffent avec tous leurs attraits;
Ce quije fit.Ce dernier trait l'acable,.
Mais il revint dans un moment
Defon étonnement,
Quand on le fit paffer dans un Apar
tement,
Qui luy parut d'autant plus agreable:
Qu'ily vit uneTable
Qu'onfervoit magnifiquement.
Il nefoupçonna plus que cefust Dia
blerie,
Quand ilfe vitplacé dans l'endroit
leplus haut,
Oùfans fe déferrer il mangea comme
il faut,
Commençant à trouver l'invention.
jolie.
Dans cette Cour
Adiférensplaifirs onpaffa tout le jour
48 MERCURE
Comme au Bal, comme au feu, comme
à la Comédie,
On comme à l'Opéra. Mais non ; dans
ce temps - là
On ne connoifoit point ce que c'est
qu'Opera.
Bref, onfe divertit à ce qu'on eut
envie,
Fufqu'à ce que le Soleilſe coucha.
Onfervit le Souper, Oenophile foupas
Ily beut trop, ils'yfoula,
Sibien qu'il s'y couvritla vie,
Et fa Principautépar ce tropfut per
düe ;
Ce qui fit qu'à l'instant on le desha
billa,
De fes Haillons on lepouilla;
Quatre Valets de pied le portent dans
la Rüe,
Au mefme endroit d'où le Duc le
tira.
Voila
GALANT. 49
Voila comment la Fortune fe jouë,
Aujourd hayfur le Trône, & demain
dans la bouë.
Que nefçay je comment Oenophile
20 parla E
Dansle moment qu'il s'éveilla!
Fermer
Résumé : OENOPHILE CONTE.
Le texte est une lettre accompagnant un conte de M. de la Barre de Tours, connu pour ses œuvres agréables. Le conte commence par une réflexion sur la fragilité des grandeurs terrestres, illustrée par des exemples historiques. Il met en scène un dialogue entre un galant et un censeur, ce dernier critiquant la morale du conte. Le galant répond que les richesses sont éphémères et que le bonheur peut être trouvé même dans la pauvreté. L'histoire se déroule du temps de Philippe le Bon, duc de Bourgogne. Un soir, Philippe découvre un gueux nommé Oenophile, ivre et endormi dans la boue. Ému par sa condition, Philippe ordonne de l'amener au palais, où Oenophile est lavé, habillé et traité comme un prince. Le lendemain, Oenophile se réveille entouré de richesses et de luxe, croyant d'abord à un enchantement. Il est servi par des pages et des valets, et Philippe, déguisé, lui rend visite avec sa cour. Oenophile passe la journée à profiter des plaisirs de la cour, mais le soir, il est ramené à son état initial, habillé en haillons et déposé dans la rue. Ce conte illustre la volatilité de la fortune, qui peut élever ou abaisser les individus en un instant.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 87-101
HISTORIETTE. / CONTE Oriental.
Début :
Il y avoit en Orient une fille sage, & si sage [...]
Mots clefs :
Historiette, Conte, Oriental, Calife, Soleil
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : HISTORIETTE. / CONTE Oriental.
HISTORIETTE.
Pour satisfaire au goût
N" que le public a pour les
Historiettes, je tâcherai
d'en donner au moins
une, peut-estre deux dans
chaque Mercure,mais
pour varier il en faut de
toutes les especes. En
voici une dans le stile figuré
des Orientaux, qui
ne s'expriment que par
comparaisons,&croyent
briller dans la conrersation
à force de citerJe
Soleil, la Lune & les
Etoiles.
CONTE
Oriental.
Il y avoit en Orient
une fillesage,&sisage,
qu'elleresistoit aux desirs
d'un riche & puissant
Kalife,&ceKalifeestoit
si bon qu'il souffroit patiemment
qu'une fille lui
résistât
résistàt. Cette fille s'appelloit
Zaroïne, & comme
elle estoit au service
de la femme du Kalife
illavoyoit souvent; leurs,
conversations estoient
mêlées de maximes en
vers Arabes, car c'est
l'excellence des conversations
Orientales.
Un jour dans une dispute
sur l'amour, le Kalife
soutenoitàZoroïne
quelle devoit répondre
à sa passion & s'obstinoit
un peu trop à vouloir
qu'elle fût de son sentiment.
Voici comment
cette fille vertueuse reprima
l'ardeur du Kalife
dansla dispute.
Il faut sçavoir que le
« Kalife avoir pour le Soleil-
une veneration superstitieuse,
en forte qu'il
suffisoit de lui nommer
seulementcetAstre pour
lui inspirer du refpeéh
Zoroïne le prenant par
son foible,s'écria 1
Par ce Soileiljete jure,
Que ma vertu toujours
pure
Jamais ne s'éclipsera,
Tantqu'il nous éelaïrèrà.
Le Kalife crut entrevoir
dans ceferment que
Zoroïne seroitmoins vertueuse
lanuit que le jour;
ton ferment,luidit-il,
i: -
J C'est un sermentdesemme,
ilsied biendans
ta bouche,
Contre moi ta vertu tiendra,
Tant que le Soleilparoîtra>
,. - Maislesoir le Soleilsi
couche.
Sans doute, répondit
Zoroïne en quittant
brusquement le Kalife
qui l'avoiç fait asseoir
prés de lui sur un Sofa;
mais eu vois que je sçai
me lever avant que le
Soleil se couche. :
Le Kalife se flata encorequeZoroïne
ne l'avoit
quitté que parce
qu'elle avoit vu de loin
sa Maîtresse qui venoic
de cecôté-là: il chercha
l'occasion delaréjoindre
&l'ayantsurprise sur le
soir dans un jardin retilié
pli de plantes curieuses
il l'aborde, & pendant
qu'elle rêve à la maniéré
dont elle se pourra tirer
d'affaire, voici ce que
lui dit le Kalife..
» v.
Le Soleil ne luit plus,
belle Zoroïne
, & nos
Poëtes Arabes comparent
les femmesàcertaines
Plante,dont la vertu
n'estforte quependant
l'ardeur du Soleil; ainsi
les femmes estantmoins
fortes la nuitque le jour1,
illeur est pardonable d'être
moins vertueuses.
Leur force soutient leur
sagesse,
• Ainsi telsentiment d'amour,
Qui seroit un crime en
pleinjour,
- La nuit n'est quesimple
foiblesse.
Il te seroit honteux,
reprit Zoroïne,dedevoir
mon amour à la nuit SC
à ma foiblesse: crois que
je ferois gloiredet'aimer
si je n'avois pas juré le
contraire en presence du
Soleil. Puisque tu le
crains, répliqua le Kalise:
¥
Profite
-
donc de son a6:.,
sence,
Il ne verrapoint ton amour:
Dans ton fixe la nuit
dispense,
Dessermens qu'on afait
le jour.
S'il faut enfin t'aimer
reprit Zoroïne en fuyant,
- je neveux t'aimer qu'en
plein jour. Arrête-donc,
lui cria le Kalife, faut-il
me
me renvoyer ainsi de la
nuit au jour & du jour
à la nuit.Zoroïne fuyoit
toûjours & le Kalife ne
la pût rejoindre que le
lendemain,mais il la pressa
tant que pour s'en debarasser
elle lui promit
qu'elle iroit le trouver
dans son appartement,
& pour le prendre toujours
par sa superstition,
lui dit: Ouy je te jurepar
Le Kalife ne fit point
d'attention auvrai sens
de ces paroles, tant il
estoit transporté de joye,
& la voilà encore débarrassée
de lui; mais le
soir craignant qu'ellene
lui manquât de parole,
il fut l'attendre secretement
dans la chambre
où ellecouchoit; elle fut
fort surprise en y ren-
- trant à minuit d'y trouvercelui
qu'elle suyoit; v
elle demeura immobile: ;
Tesouviens-tu de tes dernières
paroles, lui dit le
Kalife : Je me souviens
destiennes, lui répondelle
en tremblant.
Dans mon sexe la nuit
dipense
Des sermens qu'onafait
le jour:
- Moi, j'ai juré que le
Soleil seroit témoin de
l'execution de ma promesse.
Ensuite elle ouvrit
sa fenêtre & regardant
le Ciel obscur, elle
s'écria: ParoisSoleil, Pa.
rois,vientéclairerun crime
queveutcommettrece
Kalifesi vertueux&si
bon ,situ approuvesson
crime, viens en estre témoin.
Ces paroles prononcées
dans l'horreur de la nuit,
firent impression sur le
Kalife,il demeura muée.,
&Zoroinecontinua dapeller
leSoleil : Viens
donc,s'écria-t-elle-, viens
donc;mais,continua-telle;
en regardant le
Kalife intimidé: le Soleil
ne paroitpoint, au
contraireleciels'obscurcit
de plusen plus.
Le Soleil ne viens point
cen'est qu'ensaprésence,
Queje t'avoispromisd'ecouter
ton amour,
C'estainsique lanuitdis- pense
Dessermensqu'onafait
le jour.
Pour satisfaire au goût
N" que le public a pour les
Historiettes, je tâcherai
d'en donner au moins
une, peut-estre deux dans
chaque Mercure,mais
pour varier il en faut de
toutes les especes. En
voici une dans le stile figuré
des Orientaux, qui
ne s'expriment que par
comparaisons,&croyent
briller dans la conrersation
à force de citerJe
Soleil, la Lune & les
Etoiles.
CONTE
Oriental.
Il y avoit en Orient
une fillesage,&sisage,
qu'elleresistoit aux desirs
d'un riche & puissant
Kalife,&ceKalifeestoit
si bon qu'il souffroit patiemment
qu'une fille lui
résistât
résistàt. Cette fille s'appelloit
Zaroïne, & comme
elle estoit au service
de la femme du Kalife
illavoyoit souvent; leurs,
conversations estoient
mêlées de maximes en
vers Arabes, car c'est
l'excellence des conversations
Orientales.
Un jour dans une dispute
sur l'amour, le Kalife
soutenoitàZoroïne
quelle devoit répondre
à sa passion & s'obstinoit
un peu trop à vouloir
qu'elle fût de son sentiment.
Voici comment
cette fille vertueuse reprima
l'ardeur du Kalife
dansla dispute.
Il faut sçavoir que le
« Kalife avoir pour le Soleil-
une veneration superstitieuse,
en forte qu'il
suffisoit de lui nommer
seulementcetAstre pour
lui inspirer du refpeéh
Zoroïne le prenant par
son foible,s'écria 1
Par ce Soileiljete jure,
Que ma vertu toujours
pure
Jamais ne s'éclipsera,
Tantqu'il nous éelaïrèrà.
Le Kalife crut entrevoir
dans ceferment que
Zoroïne seroitmoins vertueuse
lanuit que le jour;
ton ferment,luidit-il,
i: -
J C'est un sermentdesemme,
ilsied biendans
ta bouche,
Contre moi ta vertu tiendra,
Tant que le Soleilparoîtra>
,. - Maislesoir le Soleilsi
couche.
Sans doute, répondit
Zoroïne en quittant
brusquement le Kalife
qui l'avoiç fait asseoir
prés de lui sur un Sofa;
mais eu vois que je sçai
me lever avant que le
Soleil se couche. :
Le Kalife se flata encorequeZoroïne
ne l'avoit
quitté que parce
qu'elle avoit vu de loin
sa Maîtresse qui venoic
de cecôté-là: il chercha
l'occasion delaréjoindre
&l'ayantsurprise sur le
soir dans un jardin retilié
pli de plantes curieuses
il l'aborde, & pendant
qu'elle rêve à la maniéré
dont elle se pourra tirer
d'affaire, voici ce que
lui dit le Kalife..
» v.
Le Soleil ne luit plus,
belle Zoroïne
, & nos
Poëtes Arabes comparent
les femmesàcertaines
Plante,dont la vertu
n'estforte quependant
l'ardeur du Soleil; ainsi
les femmes estantmoins
fortes la nuitque le jour1,
illeur est pardonable d'être
moins vertueuses.
Leur force soutient leur
sagesse,
• Ainsi telsentiment d'amour,
Qui seroit un crime en
pleinjour,
- La nuit n'est quesimple
foiblesse.
Il te seroit honteux,
reprit Zoroïne,dedevoir
mon amour à la nuit SC
à ma foiblesse: crois que
je ferois gloiredet'aimer
si je n'avois pas juré le
contraire en presence du
Soleil. Puisque tu le
crains, répliqua le Kalise:
¥
Profite
-
donc de son a6:.,
sence,
Il ne verrapoint ton amour:
Dans ton fixe la nuit
dispense,
Dessermens qu'on afait
le jour.
S'il faut enfin t'aimer
reprit Zoroïne en fuyant,
- je neveux t'aimer qu'en
plein jour. Arrête-donc,
lui cria le Kalife, faut-il
me
me renvoyer ainsi de la
nuit au jour & du jour
à la nuit.Zoroïne fuyoit
toûjours & le Kalife ne
la pût rejoindre que le
lendemain,mais il la pressa
tant que pour s'en debarasser
elle lui promit
qu'elle iroit le trouver
dans son appartement,
& pour le prendre toujours
par sa superstition,
lui dit: Ouy je te jurepar
Le Kalife ne fit point
d'attention auvrai sens
de ces paroles, tant il
estoit transporté de joye,
& la voilà encore débarrassée
de lui; mais le
soir craignant qu'ellene
lui manquât de parole,
il fut l'attendre secretement
dans la chambre
où ellecouchoit; elle fut
fort surprise en y ren-
- trant à minuit d'y trouvercelui
qu'elle suyoit; v
elle demeura immobile: ;
Tesouviens-tu de tes dernières
paroles, lui dit le
Kalife : Je me souviens
destiennes, lui répondelle
en tremblant.
Dans mon sexe la nuit
dipense
Des sermens qu'onafait
le jour:
- Moi, j'ai juré que le
Soleil seroit témoin de
l'execution de ma promesse.
Ensuite elle ouvrit
sa fenêtre & regardant
le Ciel obscur, elle
s'écria: ParoisSoleil, Pa.
rois,vientéclairerun crime
queveutcommettrece
Kalifesi vertueux&si
bon ,situ approuvesson
crime, viens en estre témoin.
Ces paroles prononcées
dans l'horreur de la nuit,
firent impression sur le
Kalife,il demeura muée.,
&Zoroinecontinua dapeller
leSoleil : Viens
donc,s'écria-t-elle-, viens
donc;mais,continua-telle;
en regardant le
Kalife intimidé: le Soleil
ne paroitpoint, au
contraireleciels'obscurcit
de plusen plus.
Le Soleil ne viens point
cen'est qu'ensaprésence,
Queje t'avoispromisd'ecouter
ton amour,
C'estainsique lanuitdis- pense
Dessermensqu'onafait
le jour.
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Résumé : HISTORIETTE. / CONTE Oriental.
Le texte relate une historiette orientale, caractérisée par un style figuré riche en comparaisons et citations poétiques. L'intrigue se déroule en Orient et implique une jeune fille nommée Zaroïne, servante de la femme d'un puissant Kalife. Le Kalife, connu pour sa patience et sa bonté, tente de séduire Zaroïne, mais elle résiste à ses avances. Lors d'une dispute sur l'amour, Zaroïne exploite la superstition du Kalife envers le Soleil pour repousser ses avances. Elle jure par le Soleil que sa vertu ne s'éclipsera jamais tant qu'il éclairera. Le Kalife, dans une tentative de la séduire, compare les femmes à des plantes dont la vertu diminue la nuit. Zaroïne rétorque qu'elle ne veut aimer qu'en plein jour. Malgré cela, le Kalife, obsédé, poursuit Zaroïne et finit par la surprendre dans sa chambre. Zaroïne invoque le Soleil pour être témoin de son crime potentiel, ce qui impressionne le Kalife et l'empêche de passer à l'acte. Elle affirme que ses serments faits en présence du Soleil sont valides, même la nuit, et que le Soleil ne viendra pas tant qu'elle n'aura pas respecté sa promesse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 195-202
CONTE ARABE.
Début :
Trois freres Arabes, de la famille d'Advan, s'étant mis [...]
Mots clefs :
Arabe, Khoscou, Chamelier, Frères, Chameau
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CONTE ARABE.
CONTE ARABE.
Trois freres Arabes , de
la famille d'Advan , s'étant
mis en voyage pour voir le
pays , firent rencontre d'un
Chamelier , qui leur de
Rij
196 MERCURE
manda s'ils n'avoient '
avoient point
vû un chameau qui s'étoit
égaré fur le chemin qu'ils
tenoient. L'aîné d'entr'eux
demanda au Chamelier s'il
n'étoit pas borgne. Oui , lui
répondit-il. Le fecond frere ajoûta : Il lui manqueune
dent fur le devant ; & ceci
fe trouvant vrai , le troifiéme frère dit : Je parierois
qu'il eft boiteux,
Le Chamelier entendant
ceci , ne douta plus qu'ils ne
l'euffent vû, & les pria de
Li dire où il étoit. Ces frereslui dirent : Suivez le che
GALANT. I
min que nous tenons. Le
Chamelier leur obeït , &
les fuivit fans rien trouver.
Aprés quelque temps ils lui
dirent: Il eft chargéde bled.
Ils ajoûterent peu aprés : Il
porte de l'huile d'un côté ,
& du miel de l'autre. Le
Chamelier , qui fçavoit la
verité de tout ce qu'ils lui
difoient , leur reitera fes inftances , & les preffa de lui
découvrir le lieu où ils l'avoient vû.
Ce fut alors que ces trois
freres lui jurerent qu'ils ne
l'avoient point vû mais
Riij
198 MERCURE
qu'ils n'avoient pas même
entendu parler de fon cha.
meau qu'à lui même. Aprés
plufieurs conteftations , il
les mit en juftice , & on les
emprifonna mais le Juge
s'étant aperçû qu'ils étoient
de qualité , les fit fortir de
priſon , & les renvoya au
Roydu pays , qui les reçut
fort bien , & les logea dans
fon Palais , où il les regaloit
de ce qu'il y avoit de plus
delicieux dans le pays.
Unjour , dans l'entretien
qu'il eut avec eux , il leur
demanda comment ils ſça-
GALANT. 199
voient tant de chofes de ce
me
e
chameau , qu'ils difoient
n'avoirjamais vû. Ils répon
dirent : Nous avons remarqué que dans le chemin
qu'il a tenu l'herbe & les
chardons étoient broutez
d'un côté, fans qu'il parût
rien mangé de l'autre ; cela
nous a fait juger qu'il étoit
borgne. Nousavons remarqué de plus que dans l'herbe qu'il a broutée il en eft
refté au défaut de fa dent;
& à la pifte de fes pieds ,
qu'ilparoiffoit en avoir traîné un : c'est ce qui nous a
Rij
200 MERCURE
fait dire qu'il lui manquoit
une dent , & qu'il étoit boi
teux. Les mêmes piftes nous
ont appris qu'il étoit extré.
mement chargé, & que ce
ne pouvoit être quende
grain ,car fes deux pieds de
devant étoient impriméz
fort prés de ceux de der
riere. Quant à l'huile & au
miel , nous nous en fom
mes apperçus par les fourmis & les mouches qui s'étoient amaffées le long du
chemin des deux côtez ,
dans les endroits où il étoit
tombé quelques gouttes de
GALANT 201
[ ces liqueurs. Par les fourmis nous avons conjecturé
l'huile , & par les mouches
le miel.
Mir Khofcou, Poëte Perfien du premierrang , a fait
le récit de cette hiftoire en
vers fort élegans. Ontrouvera dans fes ouvrages plufieurs traits d'efprit fort fub.
tils & trés-agreables de ces
Arabes , particulierement
de ceux du defert. On doit
bientôt donner au public
une traduction de ce Poëte
Mir Khofcou , où il fe
trouve quelques contes à
202 MERCURE
peu prés dela nature de celui-ci.
Trois freres Arabes , de
la famille d'Advan , s'étant
mis en voyage pour voir le
pays , firent rencontre d'un
Chamelier , qui leur de
Rij
196 MERCURE
manda s'ils n'avoient '
avoient point
vû un chameau qui s'étoit
égaré fur le chemin qu'ils
tenoient. L'aîné d'entr'eux
demanda au Chamelier s'il
n'étoit pas borgne. Oui , lui
répondit-il. Le fecond frere ajoûta : Il lui manqueune
dent fur le devant ; & ceci
fe trouvant vrai , le troifiéme frère dit : Je parierois
qu'il eft boiteux,
Le Chamelier entendant
ceci , ne douta plus qu'ils ne
l'euffent vû, & les pria de
Li dire où il étoit. Ces frereslui dirent : Suivez le che
GALANT. I
min que nous tenons. Le
Chamelier leur obeït , &
les fuivit fans rien trouver.
Aprés quelque temps ils lui
dirent: Il eft chargéde bled.
Ils ajoûterent peu aprés : Il
porte de l'huile d'un côté ,
& du miel de l'autre. Le
Chamelier , qui fçavoit la
verité de tout ce qu'ils lui
difoient , leur reitera fes inftances , & les preffa de lui
découvrir le lieu où ils l'avoient vû.
Ce fut alors que ces trois
freres lui jurerent qu'ils ne
l'avoient point vû mais
Riij
198 MERCURE
qu'ils n'avoient pas même
entendu parler de fon cha.
meau qu'à lui même. Aprés
plufieurs conteftations , il
les mit en juftice , & on les
emprifonna mais le Juge
s'étant aperçû qu'ils étoient
de qualité , les fit fortir de
priſon , & les renvoya au
Roydu pays , qui les reçut
fort bien , & les logea dans
fon Palais , où il les regaloit
de ce qu'il y avoit de plus
delicieux dans le pays.
Unjour , dans l'entretien
qu'il eut avec eux , il leur
demanda comment ils ſça-
GALANT. 199
voient tant de chofes de ce
me
e
chameau , qu'ils difoient
n'avoirjamais vû. Ils répon
dirent : Nous avons remarqué que dans le chemin
qu'il a tenu l'herbe & les
chardons étoient broutez
d'un côté, fans qu'il parût
rien mangé de l'autre ; cela
nous a fait juger qu'il étoit
borgne. Nousavons remarqué de plus que dans l'herbe qu'il a broutée il en eft
refté au défaut de fa dent;
& à la pifte de fes pieds ,
qu'ilparoiffoit en avoir traîné un : c'est ce qui nous a
Rij
200 MERCURE
fait dire qu'il lui manquoit
une dent , & qu'il étoit boi
teux. Les mêmes piftes nous
ont appris qu'il étoit extré.
mement chargé, & que ce
ne pouvoit être quende
grain ,car fes deux pieds de
devant étoient impriméz
fort prés de ceux de der
riere. Quant à l'huile & au
miel , nous nous en fom
mes apperçus par les fourmis & les mouches qui s'étoient amaffées le long du
chemin des deux côtez ,
dans les endroits où il étoit
tombé quelques gouttes de
GALANT 201
[ ces liqueurs. Par les fourmis nous avons conjecturé
l'huile , & par les mouches
le miel.
Mir Khofcou, Poëte Perfien du premierrang , a fait
le récit de cette hiftoire en
vers fort élegans. Ontrouvera dans fes ouvrages plufieurs traits d'efprit fort fub.
tils & trés-agreables de ces
Arabes , particulierement
de ceux du defert. On doit
bientôt donner au public
une traduction de ce Poëte
Mir Khofcou , où il fe
trouve quelques contes à
202 MERCURE
peu prés dela nature de celui-ci.
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Résumé : CONTE ARABE.
Le texte raconte l'histoire de trois frères arabes de la famille d'Advan qui, en voyage, rencontrent un chamelier à la recherche de son chameau égaré. Les frères décrivent le chameau comme borgne, édenté et boiteux, puis ajoutent qu'il est chargé de blé, d'huile et de miel. Intrigué, le chamelier les fait emprisonner. Un juge les libère et les envoie au roi, qui les accueille chaleureusement. Interrogés sur leur connaissance du chameau, les frères expliquent avoir déduit ces informations en observant les traces laissées par l'animal : l'herbe broutée d'un côté, les marques de ses pieds, et la présence de fourmis et de mouches indiquant des gouttes d'huile et de miel. Le poète persan Mir Khofcou a relaté cette histoire en vers élégants.
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4
p. 109-117
L'AVARE ET LE PATISSIER. Conte.
Début :
Un Harpagon à court rabat, [...]
Mots clefs :
Harpagon, Avare, Pâtissier, Godar, Dépense
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'AVARE ET LE PATISSIER. Conte.
L' A V ARE
ET LE PATISSIER.
CONTE. UN Harpagon à court
rabat,
Manchette unie & soulier
plat,
Des plus devotsen apparence,
Mais n'ayant d'autre Dieu
que la seule finance;
En un mot uu Avare ingrat & sansretour,
Avoit cent fois receu maintes pieces defour,
D'un pauvre Patissier son
voisin, son compere;
Cependant pour ne point
demeurer en arriere,
Etant devenu Marguillier,
L'Avare ditauPatissier,
Je te veux, cher amy, faire
avoir la pratique
Des Pains benis de la Fabrique;
Ils sont payez fort grasse-
'- ment
Et je ne veux pour ce fervice
Qu'une brioche, c'est justice,
Feste & Dimanche seulement.
A l'instant Godar luy replique,
Mr, je vous rends grace,
& toute ma boutique
Est à vostre commandement.
Après son petit compli-
ment,
Godar s'en retourne à la
haste,
Assaisonne un Chevreüil,
& le mettant en paste,
Il y trace en relief les Armes& lenom
De son ladre & vilain Pa":
tron.
Le pasté fait & cuit, soudain ille luy porte,
Le priant d'agréer ce don.
A l'aspect du pasté le sordide Harpagon
Feint d'estreen colere&
s'emporte >
Non, non, ditil, je ne
veux
veux pas
Recevoir un pasté de cette
consequence,
Onen feroit trente repas,
C'est une fois trop de dépense.
Dismoy ce qu'il te couste,
afin que la dessus.
Mr
,
reprit Godar, c'est
une bagatelle,
Douze ecus plus ou moins.
vraiement la piece cil
belle,
Repartit Harpagon, il vaut
bien douze écus:
Un riche & gros seigneur
en feroit bonne chere,
Et devant que d'en voir ra
fin,
On boiroit plus d'un muïd
devin.
,
Remporte-le, mon Cher
compere,
Crois moy, dans ta boutique il trouvera son prix:
Ilest juste qu'elle en prosite.
Des douzeécus qu'il vaut,
ami, donnes-m'en six,
Et pour le resteje te quitte.
A ce discours Godar mille
fois plus surpris,
Que ne l'est un fondeur
, de cloche
, ;
Tire six écus de sa poche,
Et reprenant son grand
pasté
,
Remercie Harpagon de.
son honnesteté
,
Le quitte;. mais bien-tost
levilain lerappelle:
Cher ami, luy dit
-
il,jc
crains avec raison
Que ma femme ne mf
querelle;
Elle aime fort la venaison,
Coupe
- m'en feulement
une tranche pour elle.
Godar pouffant à bout sa
libéralité,
Saisit son grand cousteau?
partage le pasté,
Et laiÍfe enfin 1"Avare au
comble de sa joye
,
De Ce voir maistre de fit
proye.
La femme d'Harpagon de
retour au logis,
Trouvant que le Chevreuil
estoit d'un goust exquis,
Blafma fore le mari d'efire
par trop modelle,
Et comme elle ignoroit
qu'il eust eu sixécus,
-
Renvoye demander le
reste,
Sans crainte d'avoir un
refus.
Godar se doutant de l'assi. I|
faire
A l'envoyer sur diligent;
,
Etle riche vilain de son
I pauvre compere,
Eut la marchandé & l'argent
ET LE PATISSIER.
CONTE. UN Harpagon à court
rabat,
Manchette unie & soulier
plat,
Des plus devotsen apparence,
Mais n'ayant d'autre Dieu
que la seule finance;
En un mot uu Avare ingrat & sansretour,
Avoit cent fois receu maintes pieces defour,
D'un pauvre Patissier son
voisin, son compere;
Cependant pour ne point
demeurer en arriere,
Etant devenu Marguillier,
L'Avare ditauPatissier,
Je te veux, cher amy, faire
avoir la pratique
Des Pains benis de la Fabrique;
Ils sont payez fort grasse-
'- ment
Et je ne veux pour ce fervice
Qu'une brioche, c'est justice,
Feste & Dimanche seulement.
A l'instant Godar luy replique,
Mr, je vous rends grace,
& toute ma boutique
Est à vostre commandement.
Après son petit compli-
ment,
Godar s'en retourne à la
haste,
Assaisonne un Chevreüil,
& le mettant en paste,
Il y trace en relief les Armes& lenom
De son ladre & vilain Pa":
tron.
Le pasté fait & cuit, soudain ille luy porte,
Le priant d'agréer ce don.
A l'aspect du pasté le sordide Harpagon
Feint d'estreen colere&
s'emporte >
Non, non, ditil, je ne
veux
veux pas
Recevoir un pasté de cette
consequence,
Onen feroit trente repas,
C'est une fois trop de dépense.
Dismoy ce qu'il te couste,
afin que la dessus.
Mr
,
reprit Godar, c'est
une bagatelle,
Douze ecus plus ou moins.
vraiement la piece cil
belle,
Repartit Harpagon, il vaut
bien douze écus:
Un riche & gros seigneur
en feroit bonne chere,
Et devant que d'en voir ra
fin,
On boiroit plus d'un muïd
devin.
,
Remporte-le, mon Cher
compere,
Crois moy, dans ta boutique il trouvera son prix:
Ilest juste qu'elle en prosite.
Des douzeécus qu'il vaut,
ami, donnes-m'en six,
Et pour le resteje te quitte.
A ce discours Godar mille
fois plus surpris,
Que ne l'est un fondeur
, de cloche
, ;
Tire six écus de sa poche,
Et reprenant son grand
pasté
,
Remercie Harpagon de.
son honnesteté
,
Le quitte;. mais bien-tost
levilain lerappelle:
Cher ami, luy dit
-
il,jc
crains avec raison
Que ma femme ne mf
querelle;
Elle aime fort la venaison,
Coupe
- m'en feulement
une tranche pour elle.
Godar pouffant à bout sa
libéralité,
Saisit son grand cousteau?
partage le pasté,
Et laiÍfe enfin 1"Avare au
comble de sa joye
,
De Ce voir maistre de fit
proye.
La femme d'Harpagon de
retour au logis,
Trouvant que le Chevreuil
estoit d'un goust exquis,
Blafma fore le mari d'efire
par trop modelle,
Et comme elle ignoroit
qu'il eust eu sixécus,
-
Renvoye demander le
reste,
Sans crainte d'avoir un
refus.
Godar se doutant de l'assi. I|
faire
A l'envoyer sur diligent;
,
Etle riche vilain de son
I pauvre compere,
Eut la marchandé & l'argent
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Résumé : L'AVARE ET LE PATISSIER. Conte.
Le texte relate l'histoire d'Harpagon, un avare qui ne vénère que l'argent. Il demande à son voisin, le pâtissier Godar, de lui fournir des pains bénis en échange d'une brioche les jours de fête et de dimanche. Godar accepte et offre à Harpagon un pâté de chevreuil. Harpagon refuse d'abord le pâté, le jugeant trop coûteux, mais propose de payer six écus sur les douze que vaut le pâté. Godar accepte cette offre. Plus tard, la femme d'Harpagon, ignorant la transaction, demande le reste du pâté. Godar, devinant la situation, envoie le reste sans hésiter. Harpagon, toujours avare, négocie même le prix du pâté avec son voisin.
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5
p. 10-19
APOLOGUE, OU CONTE NOUVEAU. LES TOURTERELLES & le Renard. Par Madame de ***
Début :
UN Renard dégoûté de poule & de poulet, [...]
Mots clefs :
Apologue, Renard, Tourterelles, Morale, Fidélité, Honneur, Vertu
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texteReconnaissance textuelle : APOLOGUE, OU CONTE NOUVEAU. LES TOURTERELLES & le Renard. Par Madame de ***
APOLOGUE,
ov
CONTENOUVEAU.
LES TOURTERELLES
&leRenard.
Par Madame de***- UN Renard débouté
de poule & depoulet,
Vouluttâter.de chair nou-
'Vclle.
C'estunragoût,dit-on.
Un jaur prés d'un
volet
11 étoit à l'afu de quelque
tourterelle
:
A lafin fatigué degarder
lemulet, Ilpassasonmuseau parle
trou delaporte,
Etsi mit à prêcher la timi de cohorte.
On dit qu'au scelerat qui
fait l'homme de bien
La morale ne coûte rien.
Il en débita de très-fine:
Il n'ep rien
,
leur dit-il,
plus trompeur que
la mines
crel que vous tYJe voyez,,
je fii's le protectur
De l'innccen,ce& de l'honneur :
Sij'ai croquéparfois quelque jeune poulettey
C'étoit pour la punir Savoir été J.coqettey
Si je la croque,helas! ce
n'est qu'avec douleur:
Monfotblefut toujours la
tendresse de cœur;
Mais l'horreur que J'ai
pour le vice,
Et mon zele pour la jtlr
tice9
ji changéma complexion.
Pour faire la correction
J'ai dugrand Jupiter de
nouvelles patentes,
Et J'en ai deplus obtenu
Pour recompenser la vertu.
O tourterellesinnocentes,
Aiodeles de pudicité,
Je veux recompenser votre fidélité;
Venez donc dans cette
avenue
Devantmoy passerenrevue
Je prendrai vos noms f0
surnoms,
Pour vous citer dans mes
sermons.
Quandjecite une femme,
ouneme veutplus
crOIre:
Mais par moy vous aureZj lagloire
Ifêtre données à la fofterite
Pour modèles de chasteté.
Par ce discoursflateur le
Renardse pt croire:
De sortir il fut question,
Chacune fit reflexion
Quesagesse cfi choseéquivoquei
Chacune craint qu'on ne
la croque.
Ho bo, dit leRenard,
vous vous faites
prier;
Ma foy jevaisvous décrier.
Toujours on a
cité les
chastes tourterelles:
Vous ne servirez plus
aux femmes de modeles.
Nôtre honneur efrperdu>
disoient-elles tout bas:
Sors la premiere toy. Je
ne sortirai pas.
Aioj, disoit celle-ci, je
sortirais sans peine:
Mais je crois que faila
migraine.
Aieyjeserois déja dehors,
Ditl'autre: maisjecrains
une prise de corps
,
certain billet échu. Bref
chacune *exeuse,
AVcf#nt dire auelle reu
Prfe
) Et
Et croit que fin honneur
ne periclite pa*.
Voyant les autres dans le
cas,
Uneenfin par orgüeil à
tout risquer s'engage:
Oui, dit
-
elle, on verra
que je suis la plus
{age)
Oui seule je m'exposeraI,
Ouiseule je triompherai.
Pendant que pour sortir
elleétendoitsesailes,
Les autres impromptu
tinrent conseil entr'elles,
Et conclurent que seule
ainsije distinguer,
C'étoit les Accuser, les
honnir: les morguer;
Contr'elle un arrêt prononcerent,
Sur elle AU/fitôt s'élancerent,
Et malgré sa vertu,
sans pitié, sans
refpeéî
L'assommerent à coups de
bec.
C'est ainsique les femmes
assommentà coups de
becycejt à dire à coups
de langue,celles qui veulentse distinguer, st) faire
voirpar une conduite singuliere qu'elles n'approuvent pas celle
ov
CONTENOUVEAU.
LES TOURTERELLES
&leRenard.
Par Madame de***- UN Renard débouté
de poule & depoulet,
Vouluttâter.de chair nou-
'Vclle.
C'estunragoût,dit-on.
Un jaur prés d'un
volet
11 étoit à l'afu de quelque
tourterelle
:
A lafin fatigué degarder
lemulet, Ilpassasonmuseau parle
trou delaporte,
Etsi mit à prêcher la timi de cohorte.
On dit qu'au scelerat qui
fait l'homme de bien
La morale ne coûte rien.
Il en débita de très-fine:
Il n'ep rien
,
leur dit-il,
plus trompeur que
la mines
crel que vous tYJe voyez,,
je fii's le protectur
De l'innccen,ce& de l'honneur :
Sij'ai croquéparfois quelque jeune poulettey
C'étoit pour la punir Savoir été J.coqettey
Si je la croque,helas! ce
n'est qu'avec douleur:
Monfotblefut toujours la
tendresse de cœur;
Mais l'horreur que J'ai
pour le vice,
Et mon zele pour la jtlr
tice9
ji changéma complexion.
Pour faire la correction
J'ai dugrand Jupiter de
nouvelles patentes,
Et J'en ai deplus obtenu
Pour recompenser la vertu.
O tourterellesinnocentes,
Aiodeles de pudicité,
Je veux recompenser votre fidélité;
Venez donc dans cette
avenue
Devantmoy passerenrevue
Je prendrai vos noms f0
surnoms,
Pour vous citer dans mes
sermons.
Quandjecite une femme,
ouneme veutplus
crOIre:
Mais par moy vous aureZj lagloire
Ifêtre données à la fofterite
Pour modèles de chasteté.
Par ce discoursflateur le
Renardse pt croire:
De sortir il fut question,
Chacune fit reflexion
Quesagesse cfi choseéquivoquei
Chacune craint qu'on ne
la croque.
Ho bo, dit leRenard,
vous vous faites
prier;
Ma foy jevaisvous décrier.
Toujours on a
cité les
chastes tourterelles:
Vous ne servirez plus
aux femmes de modeles.
Nôtre honneur efrperdu>
disoient-elles tout bas:
Sors la premiere toy. Je
ne sortirai pas.
Aioj, disoit celle-ci, je
sortirais sans peine:
Mais je crois que faila
migraine.
Aieyjeserois déja dehors,
Ditl'autre: maisjecrains
une prise de corps
,
certain billet échu. Bref
chacune *exeuse,
AVcf#nt dire auelle reu
Prfe
) Et
Et croit que fin honneur
ne periclite pa*.
Voyant les autres dans le
cas,
Uneenfin par orgüeil à
tout risquer s'engage:
Oui, dit
-
elle, on verra
que je suis la plus
{age)
Oui seule je m'exposeraI,
Ouiseule je triompherai.
Pendant que pour sortir
elleétendoitsesailes,
Les autres impromptu
tinrent conseil entr'elles,
Et conclurent que seule
ainsije distinguer,
C'étoit les Accuser, les
honnir: les morguer;
Contr'elle un arrêt prononcerent,
Sur elle AU/fitôt s'élancerent,
Et malgré sa vertu,
sans pitié, sans
refpeéî
L'assommerent à coups de
bec.
C'est ainsique les femmes
assommentà coups de
becycejt à dire à coups
de langue,celles qui veulentse distinguer, st) faire
voirpar une conduite singuliere qu'elles n'approuvent pas celle
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Résumé : APOLOGUE, OU CONTE NOUVEAU. LES TOURTERELLES & le Renard. Par Madame de ***
L'apologue 'Les Tourterelles et le Renard' relate l'histoire d'un renard affamé qui, après avoir échoué à capturer des poules, tente de séduire des tourterelles. Il se présente comme un défenseur de l'innocence et de l'honneur, justifiant ses actions passées par la justice. Il promet de récompenser la fidélité des tourterelles et de les citer comme modèles de chasteté. Les tourterelles, méfiantes, hésitent à sortir. Une d'elles finit par accepter, mais les autres, jalouses, la frappent à coups de bec dès qu'elle s'expose. Cette histoire illustre comment les femmes peuvent critiquer et attaquer celles qui cherchent à se distinguer par une conduite singulière.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 135-138
LA TESTE D'ASNE. CONTE.
Début :
U[N] paysan meschant & fin matois, [...]
Mots clefs :
Paysan, Village, Paris, Marchands, Marchandises, Têtes d'âne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA TESTE D'ASNE. CONTE.
LATESTED'ASNE.
C 0 NTE. UU paysan meschant&
finmatois,
Comme un paysan, c'cll
tout dire,
Sçachant le colibet
,
& disant quelquefois
Le mot pour rire.,
Emenditparler de Paris,
Luy qui n'avoit jamais forti de son village.
Il y
voulut venir, Dieu sçait
s'il fut sur pris,
Au moindre objet qui fut
sur son passage.
Il admira sur tout tant de
divers Marchands,
Tant de diverses marchandises;
L'autre des nœuds &des
rubans,
L'autre des rabats, des chemises;
Enfin il en vit un ensuite de
ceux-là
Quin'avait rien de tout
cela.
Un comptoir seul estoit
dans sa boutique,
Et luy sur sa porte planté,
Des Marchands ses voisins
regardoit
regardoit la pratique.
Le paisan touché de curio- sité:
1avoit De ce qatiln'avoit ri,-.n rien)
voulut sçavoir la cause
D'où vient, ce luy dit
-
il
,
qu'icy je lesvoistous
Qui vendent chacun quelque chose
,
Et vous qui n'avez rien,
Mr, Que vendez vous?
Le Marchand parcette demande
Jugeant que du Manant la
sotise estoit grande,
L'iy respondit en riant à
demi
,
Des testes d'asne, mon ami.
Ah, ah
J
dit le Manant,vousferez donc fortune,
Si vous ne donnez pas vos
testes à credit;
Car vous en avez grand
debit,
Il ne vous en reste plus
qu'une
C 0 NTE. UU paysan meschant&
finmatois,
Comme un paysan, c'cll
tout dire,
Sçachant le colibet
,
& disant quelquefois
Le mot pour rire.,
Emenditparler de Paris,
Luy qui n'avoit jamais forti de son village.
Il y
voulut venir, Dieu sçait
s'il fut sur pris,
Au moindre objet qui fut
sur son passage.
Il admira sur tout tant de
divers Marchands,
Tant de diverses marchandises;
L'autre des nœuds &des
rubans,
L'autre des rabats, des chemises;
Enfin il en vit un ensuite de
ceux-là
Quin'avait rien de tout
cela.
Un comptoir seul estoit
dans sa boutique,
Et luy sur sa porte planté,
Des Marchands ses voisins
regardoit
regardoit la pratique.
Le paisan touché de curio- sité:
1avoit De ce qatiln'avoit ri,-.n rien)
voulut sçavoir la cause
D'où vient, ce luy dit
-
il
,
qu'icy je lesvoistous
Qui vendent chacun quelque chose
,
Et vous qui n'avez rien,
Mr, Que vendez vous?
Le Marchand parcette demande
Jugeant que du Manant la
sotise estoit grande,
L'iy respondit en riant à
demi
,
Des testes d'asne, mon ami.
Ah, ah
J
dit le Manant,vousferez donc fortune,
Si vous ne donnez pas vos
testes à credit;
Car vous en avez grand
debit,
Il ne vous en reste plus
qu'une
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Résumé : LA TESTE D'ASNE. CONTE.
Un paysan naïf et curieux décide de visiter Paris pour la première fois. Émerveillé par la diversité des marchands et de leurs marchandises, il observe un homme qui ne vend rien de matériel. Intrigué, le paysan lui demande ce qu'il vend. Le marchand, amusé par la naïveté du paysan, répond qu'il vend des têtes d'âne. Le paysan, interprétant mal la réponse, conclut que le marchand fera fortune car il a beaucoup de têtes d'âne à vendre et qu'il ne les vend pas à crédit.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 49-60
EPITALAME de Monsieur le Comte de Jonsac & Mademoiselle Henault. CONTE.
Début :
Dans un séjour ignoré du repos, [...]
Mots clefs :
Épithalame, Conte, Hymen, Amour, Cupidon
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPITALAME de Monsieur le Comte de Jonsac & Mademoiselle Henault. CONTE.
EP ITALAJtÆE
y
de Monfiewr ie Comte
deJonsac f5 Madamoiselle
Henault.
CONTE.
DAns
un séjour ignoré
du repos,
Grondeur Hymen loin de
Cythere habite,
Là peu souvent le Dieu reçoit
visite
Des doux plaisirs citoyens
1 de Paphos.
Si quelquefois Cupidon les
y mene,
Grand miracle est, lorsque
dans ce reduit
On les engage à passer la
semaine
Presque jamais r,Auberge
ne leur duit
Que pour gister tout au
plus une nuit. :'
Dans ce sejour où jamais
chansonnette
Ne frappa l'air de fons
doux 5c joyeux,
Lugubre asile où l'Echo
ne repere
Que des maris les propos
ennuyeux;
Au fond d'un bois inculte,
sombre, antique,
Près d'un vieux If Hymen
revoit un jour,
(Car Hymen réve auflibien
que l'amour, )
Aussi bien,non; le Dieu
melancolique
Par noirs chagrins que luimesme
il fabrique,
Afcicrloisst ses maux;mais le de Venus
En réverie a de beaux revenus
; C'est l'aliment de sa perseverance,
1 L'enfant glouton rentier
de l'esperance,
Sur & tant moins du prix
de ses soupirs,*
Se fait par elle
avancer
.1 centplaisirs. 'fia
Tandis qu'hymen sous un
funebre ombrage,
-
Se va rongeant de soucis deménage, '* Í
Amour survient; frere,dit-
, f.11 d'abord ,'}/\;
Bien que soyons ensemble
en grand discord, l
Dans vos iaatssans avoir*
pris d'ostage
J'arrive seul; Quand sçau-
4 rez le sujet 1
Qui m'a contraint à risquer
f ce voyage,
Pas ne voudrez icy me
faire outrage, Èt trescontent ferez de
mon projet:
Ecoutez bien; une jeune
rebelle
Ofe braver ma puissance
immortelle,
Oncquesnefît bruslerun
grain d'encens
A mon honneur, ny la
moindre chandelle
-, Clio qui feule en reçoic
des presens
Regle ses eoins, ses plaisirs
innocens,
Et l'entretient des époques
fatales,
Des grands Estats
,
luy
nombre les exploits,
Et les vertus des Heros &
des Rois,
Bien mieux feroit de lire
mes annales
>
Ou lifte on voit des coeurs
quelle a domptez,
Qu'avec dépit Venus mesme
a comptez,
Or il s'agit d'engager à se
rendre
Ce fierobjet, & vous seul
en ce jour
Pouvez) Hymen ,
m'aider
alesurprendre,
Examinez le party que
veux prendre;
Me déguiser seroit un mau
vais tour, Etvostre habit me sieroit
mal, je gage, Contraint ferois avec vostre
équipage,
Il n'est aisé de bien masquer
ramour.
J'ay medité moins difficile
Intrigue
Troquons, Hymen, de
flambeau feulement,
Puis engageons JONSAC
-
dansnostre ligue,
-
S'il vous conduit
, nous
vaincrons seurement,
De sa valeur & de son
agrément,
Dons précieux que ce guerrier
rassem ble
, Mars & Venus parloient
hier ensembles
Jel'entendis, alors je dis
tout bas
Voicy mon fait, sus donc
netardez pas,
Allez tous deux soumettre
àma puissance
Cette beaauitéséqume peounrretz
Trouver au bruit de son
indifference.
Partez, volez, ne tardez
unmoment,
Etnecroyez, Hymen, que
vous destine
Un mince prix, si pouvez
l'enflammer,
A vos sujets permettray de
s'aimer
, Sans le secours de nopce
clandestine,
Plus ne ferai de desordre
chez vous,
Et sans dechet de plaisir
& de flamme,
Sans éprouver metamorphose
en l'ame
Amants feront transformez
en époux.
Amour se tut, Hymen le
crut ifncere,
Accepta l'offre & le servit
en frere.
Tel an sur nous malgré
tous ses bons tours
De Cupidon l'ascendant
ordinaire,
On sçait qu'il ment, &
l'on le croit tousjours.
Le jeune objet que par telle
menée
Vouloitfourber cauteleux
L- Cupidon,
Ne reconnut son aimable
brandon,
En le voyant porté par
Hymenée,
Son coeur seduit aussi- tost
s'enflamma;
Pour celebrer cette illustre
journée,
Beaux feux de joyeAmat
honte alluma.
Ainsi le Dieu qui sejourne
en Eryce,
Conquit par dol un insensible
coeur.
LeDieu benin qui l'a rendu
vainqueur,
Selon leur pact fut-il d'un
tel service
Salarie? l'Amour dévoit
en paix
Laisser tousjours Hymen
& ses sujets,
Peuple nombreux que cet
enfant desole
De leurs Traitez c'estoit
le contenu: Mais si j'en crois maint
Epoux ingenu
Le traiflrc Amour a manqué
de parole.
y
de Monfiewr ie Comte
deJonsac f5 Madamoiselle
Henault.
CONTE.
DAns
un séjour ignoré
du repos,
Grondeur Hymen loin de
Cythere habite,
Là peu souvent le Dieu reçoit
visite
Des doux plaisirs citoyens
1 de Paphos.
Si quelquefois Cupidon les
y mene,
Grand miracle est, lorsque
dans ce reduit
On les engage à passer la
semaine
Presque jamais r,Auberge
ne leur duit
Que pour gister tout au
plus une nuit. :'
Dans ce sejour où jamais
chansonnette
Ne frappa l'air de fons
doux 5c joyeux,
Lugubre asile où l'Echo
ne repere
Que des maris les propos
ennuyeux;
Au fond d'un bois inculte,
sombre, antique,
Près d'un vieux If Hymen
revoit un jour,
(Car Hymen réve auflibien
que l'amour, )
Aussi bien,non; le Dieu
melancolique
Par noirs chagrins que luimesme
il fabrique,
Afcicrloisst ses maux;mais le de Venus
En réverie a de beaux revenus
; C'est l'aliment de sa perseverance,
1 L'enfant glouton rentier
de l'esperance,
Sur & tant moins du prix
de ses soupirs,*
Se fait par elle
avancer
.1 centplaisirs. 'fia
Tandis qu'hymen sous un
funebre ombrage,
-
Se va rongeant de soucis deménage, '* Í
Amour survient; frere,dit-
, f.11 d'abord ,'}/\;
Bien que soyons ensemble
en grand discord, l
Dans vos iaatssans avoir*
pris d'ostage
J'arrive seul; Quand sçau-
4 rez le sujet 1
Qui m'a contraint à risquer
f ce voyage,
Pas ne voudrez icy me
faire outrage, Èt trescontent ferez de
mon projet:
Ecoutez bien; une jeune
rebelle
Ofe braver ma puissance
immortelle,
Oncquesnefît bruslerun
grain d'encens
A mon honneur, ny la
moindre chandelle
-, Clio qui feule en reçoic
des presens
Regle ses eoins, ses plaisirs
innocens,
Et l'entretient des époques
fatales,
Des grands Estats
,
luy
nombre les exploits,
Et les vertus des Heros &
des Rois,
Bien mieux feroit de lire
mes annales
>
Ou lifte on voit des coeurs
quelle a domptez,
Qu'avec dépit Venus mesme
a comptez,
Or il s'agit d'engager à se
rendre
Ce fierobjet, & vous seul
en ce jour
Pouvez) Hymen ,
m'aider
alesurprendre,
Examinez le party que
veux prendre;
Me déguiser seroit un mau
vais tour, Etvostre habit me sieroit
mal, je gage, Contraint ferois avec vostre
équipage,
Il n'est aisé de bien masquer
ramour.
J'ay medité moins difficile
Intrigue
Troquons, Hymen, de
flambeau feulement,
Puis engageons JONSAC
-
dansnostre ligue,
-
S'il vous conduit
, nous
vaincrons seurement,
De sa valeur & de son
agrément,
Dons précieux que ce guerrier
rassem ble
, Mars & Venus parloient
hier ensembles
Jel'entendis, alors je dis
tout bas
Voicy mon fait, sus donc
netardez pas,
Allez tous deux soumettre
àma puissance
Cette beaauitéséqume peounrretz
Trouver au bruit de son
indifference.
Partez, volez, ne tardez
unmoment,
Etnecroyez, Hymen, que
vous destine
Un mince prix, si pouvez
l'enflammer,
A vos sujets permettray de
s'aimer
, Sans le secours de nopce
clandestine,
Plus ne ferai de desordre
chez vous,
Et sans dechet de plaisir
& de flamme,
Sans éprouver metamorphose
en l'ame
Amants feront transformez
en époux.
Amour se tut, Hymen le
crut ifncere,
Accepta l'offre & le servit
en frere.
Tel an sur nous malgré
tous ses bons tours
De Cupidon l'ascendant
ordinaire,
On sçait qu'il ment, &
l'on le croit tousjours.
Le jeune objet que par telle
menée
Vouloitfourber cauteleux
L- Cupidon,
Ne reconnut son aimable
brandon,
En le voyant porté par
Hymenée,
Son coeur seduit aussi- tost
s'enflamma;
Pour celebrer cette illustre
journée,
Beaux feux de joyeAmat
honte alluma.
Ainsi le Dieu qui sejourne
en Eryce,
Conquit par dol un insensible
coeur.
LeDieu benin qui l'a rendu
vainqueur,
Selon leur pact fut-il d'un
tel service
Salarie? l'Amour dévoit
en paix
Laisser tousjours Hymen
& ses sujets,
Peuple nombreux que cet
enfant desole
De leurs Traitez c'estoit
le contenu: Mais si j'en crois maint
Epoux ingenu
Le traiflrc Amour a manqué
de parole.
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Résumé : EPITALAME de Monsieur le Comte de Jonsac & Mademoiselle Henault. CONTE.
Le conte poétique met en scène les dieux Hymen et Amour. Hymen habite un lieu où les couples ne restent qu'une nuit. Amour, désirant conquérir Clio, une jeune femme rebelle dédiée à l'histoire et non à l'amour, propose une alliance à Hymen. Ils décident de se déguiser pour approcher Clio. Hymen conduit Jonsac, un guerrier valeureux, vers elle. Séduite par le flambeau d'Hymen, Clio s'enflamme de passion. Amour, ayant conquis son cœur, respecte sa promesse et permet leur mariage. Cependant, certains époux accusent Amour de trahir sa parole en semant le trouble dans les mariages.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 635-642
LES SEREINS, ou LA NAIVETÉ. CONTE.
Début :
Naïveté du Ciel nous est venuë, [...]
Mots clefs :
Naïveté, Serins, Ciel, Cage
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texteReconnaissance textuelle : LES SEREINS, ou LA NAIVETÉ. CONTE.
LES SEREINSS
ou LA NAIVETE.
CONT E.
Aïveté du Ciel nous eft venue ,
Au Siecle d'or Dieu nous en fit un don,
De tous alors la Bonne étoit connuë
Onc pour un oui n'eût été dit un non ;
Elle charmoit par fa face ingenuë ,
De qui Nature étoit l'unique fard ;
A ij Comme
636 MERCURE DE FRANCE
Comme fa four ( a) fouvent elle alloit nuë ,
Où s'ajuftoit fimplement & fans art.
De fa douceur toute ame prévenue ,
N'eût på la voir fans un fecret tranfport
Langue qui foit ne fe fût retenue ,
En la voyant , de s'écrier d'abord ;
Naïveté du Ciel nous eft venue ;
Mais quand menfonge au difcours enchanteur ,
Eût pris les droits de Thémis & d'Aftrée
Siecle de fer enfanta maint flateur ,
Par qui Juftice étant adminiſtrée ,
Loin de la Cour , du fourbe ufurpateur
Naïveté fe vit tôt féqueftrée ;
Chacun farda fon viſage & fes dits ,
Au plus offrant toute ame fut venduë ,
Et nul ne fut criant comme jadis ;
Naïveté du Ciel eft défcenduë.
On l'éxila. L'homme , quoique peu fin ,
Vit qu'en fon lieu l'on avoit mis fallace , ( b)
Grand bruit en fut , peu la crurent ; enfin
Pour mieux tromper , Aftuce ( c ) prit fa place.
Qui non pas nuë ainfi que verité ,
Mais fous l'atour de la Naïveté ,
Dupa des Grands avec la Populace,
Naïveté pour obéir aux Loix.
(a) La Verité.
(b ) Fallacia , Tromperie groffiere.
(c) Aftutia , Tromperie fine.
L
AVRIL. 1730 .
637
Du fier vainqueur , au perfide langage ,
Les yeux en pleurs , fuit au travers des bois ,
Laffe , alterée , enfin preſque aux abois ,
On la reçoit dans un lointain Village ;
Elle
y
demeure avec gens à fon choix ,
Sans regretter le vain ſéjour des Rois :
Donc , quoiqu'ici nous la croyons perdue ,
Dans des Hameaux on la trouve par fois ;
Bergers encor chantent à haute voix :
Naïveté du Ciel eft defcendue.
Bergers pourtant ne font feuls heritiers
Des biens fans prix de la franche Déeffe ;
Chez les Bourgeois fe trouvent volontiers
Collateraux , mais grande n'eft l'efpèce :
Si quelqu'un d'eux nous fait voir ſon portrait
( Peinture à nous prefque autant deffenduë ,
Que nuditez , partant moins attenduë , )
Dabord diſons , beniffant chaque trait :
Naïveté du Ciel eſt deſcenduë.
Chez le Manant plus fouvent la voit - on ;
Preuve j'en tiens à qui loüange eft duë
Pour la montrer je quitte mon dictum :
Naïveté du Ciel eft defcendue ;
Et dis enfin prefque fur même ton ,
Fuyant de Cour la race empoifonnée ,
Naïveté s'eft aux Champs confinée.
Remi Richard, Marchand affez aifé.
Dans le Martigue avoit fon domicile ;
A iij
Claude
638 MERCURE DE FRANCE
Claude Croit- tout , Païfan peu rufé ,
D'un lieu voifin , fréquentoit à la Ville :
Le bon Pitaut , non encor déniaiſé ,
Rien n'y cherchoit qu'à gagner croix ou pile ;
Richard ayant quelque méchant procès ,
( Car pour de bons, je crois qu'il n'en eft guere, )
Pour avancer d'icelui le fuccès ,
Voulut graiffer la patte , à l'ordinaire,
Au Rapporteur dudit en la Cour d'Aix.
Deux Habitans des Iles Canaries , (a)
Furent choifis chez le meilleur Marchand ;
Onc on n'oüit Mufiques fi fleuries ;
Lully tout pur diftiloit de leur chant.
Fredons , fur tout , ornemens du ramage
De leurs goziers frôlant le doux plumage ,
Si tendrement l'oreille chatouilloient ,
Qu'on fe pâmoit fi -tôt qu'ils gazoüilloient.
Or l'embarras fut de trouver voiture ,,
Pour envoyer ce précieux ballot ,
Ballot craignant vent , cahots , chaud, froidure,
Le bon Richard pour envoi fi fallot ,
Jamais, je croi , n'avoit dreffé facture..
Tant y rêva , qu'enfin fut arrêté ,:
( Et franchement c'étoit un doux voyage , )
Que ledit couple en main feroit porté ,
Et que d'un voile on couvriroit la cage ,
Pour qu'en chemin ne fût épouvanté.
(a ) Deux Sereins.
Rona
AVRIL. 1730. 1730.639
>
Pour cet effet Richard cherchant un homme ,
En plein marché trouve Claude , & d'abord
Lui dit le fait , lui propofe une fomme ,
Puis plus , puis tant qu'enfin ils font d'accord.
Le Couple part ; s'il arrive à bon port ,
C'eft autre cas : plus bas on verra comme
Il en avint. Il chargea Claude encor ,
D'un mot d'écrit , & voici ce qu'en fomme
Portoit l'écrit. » Il vous plaira , Monfieur
» Avoir bon oeil fur ma petite affaire :
» Si je la gagne , à bon jeu , bon payeur ;
J'aurai le foin de vous bien fatisfaire ;
» En attendant , recevez du Porteur ,
» Les deux Sereins de la meilleure efpece ,
» Ils m'ont coûté quatre piſtoles piece ;
»Je fuis , Monfieur , votre humble ferviteur.
Claude , chargé de ce double meffage ,
Richard l'inftruit du foin qu'il doit avoir ,
Mets-les à l'air , dit-il , & fonge à voir ,
Avant dîner , s'il n'ont manque en leur cage
De graine ou d'eau , c'eft ton premier devoir ;
Puis , quand après voudras rentrer en marche
Recouvre-les , enfin fais de ton mieux ,
Car nul depuis l'ouverture de l'Arche ,
ѳa vû , je croi , couple fi précieux .
Claude promet plus qu'on ne lui demande ;
Et Dieu l'ayant de jambes bien monté ,
En peu de temps il fait traite affez grande ,
A iiij Malgré
646 MERCURE DE FRANCE
Malgré l'ardeur du flambeau de l'Eté .
Mais l'Aftre chaud lui cuiſant la cervelle ,
Sous des Tilleuls au bord d'un clair Ruiffeau
11 va faire alte , & fur l'herbe nouvelle ,
Fait table & lit au pied d'un Arbriffeau.
Auprès de lui le Couple au doux ramage ,
Eft mis à l'ombre , & d'un jugement clair ,
Croit- tout, au lieu de découvrir la cage ,
Ouvre la porte , afin qu'il ait de l'air';
Le grain & l'eau n'eft pas ce qui le touche
Son plus grand foin n'eft que pour le bétail ,
Son ventre alors importunant fa bouche ,
De fon biffac il tire pain , gourde , ail ,
Fromage auffi , mange , boit & fe couche ;
Mais cependant que ronfle le beneft ,
Un des Sereins qu'une branche effarouche ,
Sans demander à Claude s'il lui plaît ,
Sort de la cage & pourfuit une mouche ;
Pas ne la manque , & fur l'arbre voiſin ,
Va ſe percher pour manger à fon aife ;
Là le Petit trouvant quelque coufin ,
Chenille encore à ſon gout non mauvaiſe ,
Il s'en régale , appelle fon fecond ;
L'autre écoutant fuit la voix qui le guide ;
Claude fortant de fon fommeil profond ,
A fon réveil trouve la cage vuide ;
Il fe démene , il fiffle , il va , revient ,
Apperçoit l'un , l'appelle , le cajolle ;
L'OyAVRIL
1730. 641
L'Oyfeau l'attend , Croit-tout croit qu'il le tient,
Mais , lui plus près , l'Oiſeau malin s'envole
Puis avec l'autre il fait le même jeu ,
Tant que laffé d'une inutile courſe.
"
·
Le bon Croit tout commence à croire un peu :
Que les Sereins font perdus fans reffource.
Pourtant encor flatté d'un peu d'efpoir ,
Qu'ils reviendront d'eux-mêmes dans la cage,
Il fe recouche , il attend ; mais le foir
Chaffant le jour , lui fait plier bagage.
Etant déja plus d'amoitié chemin ,
Allons , dit-il toûjours porter la Lettre
Laiffons la cage , & peut- être demain ,
Sereins viendront d'eux-mêmes s'y remettre
Il part , arrive , & d'un coeur fatisfait
Au Rapporteur de la fufdite inftance ,
Il met en main la Lettre & fa Sentence
Sans ſe vanter du beau coup qu'il a fait.
Le Confeiller ayant lû cette Lettre ,
Dit au Porteur : » Richard peut ſe promettre
Que de ma part j'aurai foin du Procès ;
» Il peut dormir fans douter du fuccès ;
" La Cour fera bon droit fur fa Requête ;
Mais , notre ami , les Sereins que voici .
Où ? quels Sereins ? » deux Oifeaux , groffe bête
Lire fçais-tu ? tiens ; vois , ils font ici.
Comment , dit Claude , en avançant la tête ,
Pour regarder la Lettre de Remy ,
Av . Tous
642 MERCURE DE FRANCE
Tous deux font là ! pefte foit d'eux ! j'enrage ;
Ils m'ont tantôt preſque mis fur les dents
J'ai tant couru , qu'encore en fuis en nage ,
Mais tout va bien , puiſqu'ils font la dedans ;
Attendez-moi , je vais chercher la cage..
ou LA NAIVETE.
CONT E.
Aïveté du Ciel nous eft venue ,
Au Siecle d'or Dieu nous en fit un don,
De tous alors la Bonne étoit connuë
Onc pour un oui n'eût été dit un non ;
Elle charmoit par fa face ingenuë ,
De qui Nature étoit l'unique fard ;
A ij Comme
636 MERCURE DE FRANCE
Comme fa four ( a) fouvent elle alloit nuë ,
Où s'ajuftoit fimplement & fans art.
De fa douceur toute ame prévenue ,
N'eût på la voir fans un fecret tranfport
Langue qui foit ne fe fût retenue ,
En la voyant , de s'écrier d'abord ;
Naïveté du Ciel nous eft venue ;
Mais quand menfonge au difcours enchanteur ,
Eût pris les droits de Thémis & d'Aftrée
Siecle de fer enfanta maint flateur ,
Par qui Juftice étant adminiſtrée ,
Loin de la Cour , du fourbe ufurpateur
Naïveté fe vit tôt féqueftrée ;
Chacun farda fon viſage & fes dits ,
Au plus offrant toute ame fut venduë ,
Et nul ne fut criant comme jadis ;
Naïveté du Ciel eft défcenduë.
On l'éxila. L'homme , quoique peu fin ,
Vit qu'en fon lieu l'on avoit mis fallace , ( b)
Grand bruit en fut , peu la crurent ; enfin
Pour mieux tromper , Aftuce ( c ) prit fa place.
Qui non pas nuë ainfi que verité ,
Mais fous l'atour de la Naïveté ,
Dupa des Grands avec la Populace,
Naïveté pour obéir aux Loix.
(a) La Verité.
(b ) Fallacia , Tromperie groffiere.
(c) Aftutia , Tromperie fine.
L
AVRIL. 1730 .
637
Du fier vainqueur , au perfide langage ,
Les yeux en pleurs , fuit au travers des bois ,
Laffe , alterée , enfin preſque aux abois ,
On la reçoit dans un lointain Village ;
Elle
y
demeure avec gens à fon choix ,
Sans regretter le vain ſéjour des Rois :
Donc , quoiqu'ici nous la croyons perdue ,
Dans des Hameaux on la trouve par fois ;
Bergers encor chantent à haute voix :
Naïveté du Ciel eft defcendue.
Bergers pourtant ne font feuls heritiers
Des biens fans prix de la franche Déeffe ;
Chez les Bourgeois fe trouvent volontiers
Collateraux , mais grande n'eft l'efpèce :
Si quelqu'un d'eux nous fait voir ſon portrait
( Peinture à nous prefque autant deffenduë ,
Que nuditez , partant moins attenduë , )
Dabord diſons , beniffant chaque trait :
Naïveté du Ciel eſt deſcenduë.
Chez le Manant plus fouvent la voit - on ;
Preuve j'en tiens à qui loüange eft duë
Pour la montrer je quitte mon dictum :
Naïveté du Ciel eft defcendue ;
Et dis enfin prefque fur même ton ,
Fuyant de Cour la race empoifonnée ,
Naïveté s'eft aux Champs confinée.
Remi Richard, Marchand affez aifé.
Dans le Martigue avoit fon domicile ;
A iij
Claude
638 MERCURE DE FRANCE
Claude Croit- tout , Païfan peu rufé ,
D'un lieu voifin , fréquentoit à la Ville :
Le bon Pitaut , non encor déniaiſé ,
Rien n'y cherchoit qu'à gagner croix ou pile ;
Richard ayant quelque méchant procès ,
( Car pour de bons, je crois qu'il n'en eft guere, )
Pour avancer d'icelui le fuccès ,
Voulut graiffer la patte , à l'ordinaire,
Au Rapporteur dudit en la Cour d'Aix.
Deux Habitans des Iles Canaries , (a)
Furent choifis chez le meilleur Marchand ;
Onc on n'oüit Mufiques fi fleuries ;
Lully tout pur diftiloit de leur chant.
Fredons , fur tout , ornemens du ramage
De leurs goziers frôlant le doux plumage ,
Si tendrement l'oreille chatouilloient ,
Qu'on fe pâmoit fi -tôt qu'ils gazoüilloient.
Or l'embarras fut de trouver voiture ,,
Pour envoyer ce précieux ballot ,
Ballot craignant vent , cahots , chaud, froidure,
Le bon Richard pour envoi fi fallot ,
Jamais, je croi , n'avoit dreffé facture..
Tant y rêva , qu'enfin fut arrêté ,:
( Et franchement c'étoit un doux voyage , )
Que ledit couple en main feroit porté ,
Et que d'un voile on couvriroit la cage ,
Pour qu'en chemin ne fût épouvanté.
(a ) Deux Sereins.
Rona
AVRIL. 1730. 1730.639
>
Pour cet effet Richard cherchant un homme ,
En plein marché trouve Claude , & d'abord
Lui dit le fait , lui propofe une fomme ,
Puis plus , puis tant qu'enfin ils font d'accord.
Le Couple part ; s'il arrive à bon port ,
C'eft autre cas : plus bas on verra comme
Il en avint. Il chargea Claude encor ,
D'un mot d'écrit , & voici ce qu'en fomme
Portoit l'écrit. » Il vous plaira , Monfieur
» Avoir bon oeil fur ma petite affaire :
» Si je la gagne , à bon jeu , bon payeur ;
J'aurai le foin de vous bien fatisfaire ;
» En attendant , recevez du Porteur ,
» Les deux Sereins de la meilleure efpece ,
» Ils m'ont coûté quatre piſtoles piece ;
»Je fuis , Monfieur , votre humble ferviteur.
Claude , chargé de ce double meffage ,
Richard l'inftruit du foin qu'il doit avoir ,
Mets-les à l'air , dit-il , & fonge à voir ,
Avant dîner , s'il n'ont manque en leur cage
De graine ou d'eau , c'eft ton premier devoir ;
Puis , quand après voudras rentrer en marche
Recouvre-les , enfin fais de ton mieux ,
Car nul depuis l'ouverture de l'Arche ,
ѳa vû , je croi , couple fi précieux .
Claude promet plus qu'on ne lui demande ;
Et Dieu l'ayant de jambes bien monté ,
En peu de temps il fait traite affez grande ,
A iiij Malgré
646 MERCURE DE FRANCE
Malgré l'ardeur du flambeau de l'Eté .
Mais l'Aftre chaud lui cuiſant la cervelle ,
Sous des Tilleuls au bord d'un clair Ruiffeau
11 va faire alte , & fur l'herbe nouvelle ,
Fait table & lit au pied d'un Arbriffeau.
Auprès de lui le Couple au doux ramage ,
Eft mis à l'ombre , & d'un jugement clair ,
Croit- tout, au lieu de découvrir la cage ,
Ouvre la porte , afin qu'il ait de l'air';
Le grain & l'eau n'eft pas ce qui le touche
Son plus grand foin n'eft que pour le bétail ,
Son ventre alors importunant fa bouche ,
De fon biffac il tire pain , gourde , ail ,
Fromage auffi , mange , boit & fe couche ;
Mais cependant que ronfle le beneft ,
Un des Sereins qu'une branche effarouche ,
Sans demander à Claude s'il lui plaît ,
Sort de la cage & pourfuit une mouche ;
Pas ne la manque , & fur l'arbre voiſin ,
Va ſe percher pour manger à fon aife ;
Là le Petit trouvant quelque coufin ,
Chenille encore à ſon gout non mauvaiſe ,
Il s'en régale , appelle fon fecond ;
L'autre écoutant fuit la voix qui le guide ;
Claude fortant de fon fommeil profond ,
A fon réveil trouve la cage vuide ;
Il fe démene , il fiffle , il va , revient ,
Apperçoit l'un , l'appelle , le cajolle ;
L'OyAVRIL
1730. 641
L'Oyfeau l'attend , Croit-tout croit qu'il le tient,
Mais , lui plus près , l'Oiſeau malin s'envole
Puis avec l'autre il fait le même jeu ,
Tant que laffé d'une inutile courſe.
"
·
Le bon Croit tout commence à croire un peu :
Que les Sereins font perdus fans reffource.
Pourtant encor flatté d'un peu d'efpoir ,
Qu'ils reviendront d'eux-mêmes dans la cage,
Il fe recouche , il attend ; mais le foir
Chaffant le jour , lui fait plier bagage.
Etant déja plus d'amoitié chemin ,
Allons , dit-il toûjours porter la Lettre
Laiffons la cage , & peut- être demain ,
Sereins viendront d'eux-mêmes s'y remettre
Il part , arrive , & d'un coeur fatisfait
Au Rapporteur de la fufdite inftance ,
Il met en main la Lettre & fa Sentence
Sans ſe vanter du beau coup qu'il a fait.
Le Confeiller ayant lû cette Lettre ,
Dit au Porteur : » Richard peut ſe promettre
Que de ma part j'aurai foin du Procès ;
» Il peut dormir fans douter du fuccès ;
" La Cour fera bon droit fur fa Requête ;
Mais , notre ami , les Sereins que voici .
Où ? quels Sereins ? » deux Oifeaux , groffe bête
Lire fçais-tu ? tiens ; vois , ils font ici.
Comment , dit Claude , en avançant la tête ,
Pour regarder la Lettre de Remy ,
Av . Tous
642 MERCURE DE FRANCE
Tous deux font là ! pefte foit d'eux ! j'enrage ;
Ils m'ont tantôt preſque mis fur les dents
J'ai tant couru , qu'encore en fuis en nage ,
Mais tout va bien , puiſqu'ils font la dedans ;
Attendez-moi , je vais chercher la cage..
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Résumé : LES SEREINS, ou LA NAIVETÉ. CONTE.
Le texte 'Les Sérénissimes ou La Naïveté' explore l'évolution de la naïveté à travers les époques. À l'âge d'or, la naïveté était perçue comme un don céleste, valorisée pour sa sincérité et sa pureté. Elle était appréciée pour son innocence naturelle et son absence d'artifice. Cependant, avec l'avènement du 'siècle de fer', la flatterie et la tromperie ont pris le dessus, et la naïveté a été remplacée par la ruse et la duplicité. La véritable naïveté a été exilée, et l'astuce s'est dissimulée sous les traits de la naïveté pour mieux tromper. Malgré cette transformation, la naïveté persiste encore dans les villages et parmi les bergers, les bourgeois et les manants. Le texte illustre cette persistance à travers deux personnages : Remi Richard, un marchand, et Claude Croit-tout, un paysan. Richard, impliqué dans un procès, envoie deux sérins (oiseaux) à un rapporteur via Claude. Ce dernier, chargé de transporter les oiseaux, les perd en chemin après les avoir libérés par inadvertance. Malgré ses efforts pour les retrouver, Claude arrive finalement au tribunal sans les oiseaux. Le conseiller, après avoir lu la lettre de Richard, assure que le procès sera traité favorablement, mais remarque l'absence des sérins, ignorant que Claude les avait perdus.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 688-692
CONTE.
Début :
Un bon Badaut, s'il en fut un en France, [...]
Mots clefs :
Badaud, Provence, Figue, Citrouille, Colique, Médecin, Apprentissage, Hôpital
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CONTE.
CONTE.
N bon Badaut , s'il en fut un en France ,
Et d'esprit assez dépourvû ;
L'un de ces gens qui n'ont jamais rien vû ,
Un
AVRIL
689 1731 .
Un beau matin partit pour la Provence.
Qu'alloit-il faire en ce beau Pays-là ,
Me direz-vous ? vouloit-il , le bon homme ,
Se mettre en mer , aller ensuite à Rome ,
Voir le Saint Pere ? Oh ! rien de tout cela ;
Il avoit autre chose en tête ,
Projet nouveau , dont il se faisoit fête ,
Depuis long- temps , mais il n'en sonnoit mot
C'étoit , dit-on , d'aller manger des Figues.
Certain Gascon , qui n'étoit pas manchot ,
Né pour former de pareilles intrigues ,
Et qui vouloit aux dépens du Marmot ,
Faire voyage et bonne chere ,
L'assiegeoit les jours et les nuits ,
Et lui vantoit la Provence et ses fruits.
Oui , disoit - il , la Provence est la mere ,
Des plaisirs innoccns que l'on goute ici bas ,
Les fleurs y naissent sous les pas ;
Elle fournit en abondance ,
Tout ce qu'on peut et veut avoir ,
Tout est bon à manger, tout est charmant à voir.'
Cadedis , vive la Provence ;
Il exaltoit sur tout la Figue et sa douceur ,
Son gout exquis , son extréme grosseur
Gascon sçait à propos employer l'hyperbole ,
Faire Elephant d'un Moucheron ;
Badaut croyoit sur sa parole ,
Que Figue étoit un fruit gros comme un Potiron,
Car
690 MERCURE DE FRANCE
Car il n'en avoit de sa vie ,
Vu ni mangé , mais plutôt que plus tard ,
Il veut contenter son envie.
Bientôt tout est prêt , et l'on part ;
Non sans avoir la bourse bien garnic ;
Car après tout vous aurez beau chercher ,
De quoi voyager à votre aise ;
Foin d'un Carosse ou d'une Chaise ,
Si l'argent ne sert de Cocher.
Le Gascon chargé de la bourse ,
L'avoit fait remplir jusqu'au haut ,
>
Et plus qu'il ne falloit pour achever la course
Qu'il méditoit de faire avec notre Badaut.
Enfin on arrive en Provence ,
Badaut crut être au bout de l'Univers ,
Gascon conduit son Excellence ,
En un Jardin tout planté d'arbres verds.
Du haut de leurs branches chargées ,
Pendoient comme festons des Citrouilles rangées ,
Dont l'énorme grosseur venoit frapper les yeux;
Voilà , dit le Gascon , le fruit délicieux
Qu'on vous destine ici ; mangez sur ma parole ,
Pendant que mon Badaut sur ses deux piés planté ,
Admire l'objet si vanté ,
Gascon commence un autre rôle ,
Et sans Trompette délogeant ,
Emporte la bourse et l'argent ,
Faisant à son ami la Figue ;
Mais
AVRIL.
9 1731.
Mais le Badaut qui n'étoit pas si fin ,
Et qui prenoit courge pour Figue
Fait saut en l'air , en saisit une enfin ,
Il la fend d'un coup de mâchoire ,
Mais le mal fut qu'ayant grand faim ,
Il fit un grand repas sans boire ,
en mange à crever , et se sentant rendu ,
Il se couche à terre étendu.
Ce n'est pas fait , une affreuse colique ,
Soit venteuse , soit néphretique ,
Je n'en sçais rien , à l'instant l'assaillit .
Le Malade s'agite , il frissonne , il pâlit ,
Son coeur palpite et la tête lui groüille &
On entend son ventre de loin ,
Croasser comme une Grenouille :
Tant la malheureuse Citroüille ,
Fait de dégât ; En ce pressant besoin ,
De tous côtez on vient à la récousse.
Le Médecin portant l'Apoticaire en trousse ,
Arrive , ordonne un Anodin ,
Monsieur Cussifle avec la flute en main
Fait son devoir en galant Mousquetaire ;
Car pour seringuer un clistere ,
Il n'est pas dans le monde entier ,
De Mortel plus habile en ce noble métier ;
Le succès passa l'esperance ,
Ventre se vuide et malade guérit.
Le mal passé , chacun en rit ;
Mais
592 MERCURE DE FRANCE
Mais voici bien autre chevance ,
Il faut compter , Gascon ne paroît plus ;
Gousset est vuide , et les écus ,
Ont avec lui pris la volée.
Voilà notre Badaut réduit à l'Hôpital ,
Et tombé de fievre en chaud mal.
Chagrin au coeur et l'ame desolée ,
Ayant rendu plus qu'il n'a pris ;
Purgé bien et dûment il retourne à Paris ,
Non sans avoir pour son apprentissage ,
Dont il a payé tous les frais ,
Fait voir aux Provençaux assez mal satisfaits ,
Son grand génie et son double visage.
N bon Badaut , s'il en fut un en France ,
Et d'esprit assez dépourvû ;
L'un de ces gens qui n'ont jamais rien vû ,
Un
AVRIL
689 1731 .
Un beau matin partit pour la Provence.
Qu'alloit-il faire en ce beau Pays-là ,
Me direz-vous ? vouloit-il , le bon homme ,
Se mettre en mer , aller ensuite à Rome ,
Voir le Saint Pere ? Oh ! rien de tout cela ;
Il avoit autre chose en tête ,
Projet nouveau , dont il se faisoit fête ,
Depuis long- temps , mais il n'en sonnoit mot
C'étoit , dit-on , d'aller manger des Figues.
Certain Gascon , qui n'étoit pas manchot ,
Né pour former de pareilles intrigues ,
Et qui vouloit aux dépens du Marmot ,
Faire voyage et bonne chere ,
L'assiegeoit les jours et les nuits ,
Et lui vantoit la Provence et ses fruits.
Oui , disoit - il , la Provence est la mere ,
Des plaisirs innoccns que l'on goute ici bas ,
Les fleurs y naissent sous les pas ;
Elle fournit en abondance ,
Tout ce qu'on peut et veut avoir ,
Tout est bon à manger, tout est charmant à voir.'
Cadedis , vive la Provence ;
Il exaltoit sur tout la Figue et sa douceur ,
Son gout exquis , son extréme grosseur
Gascon sçait à propos employer l'hyperbole ,
Faire Elephant d'un Moucheron ;
Badaut croyoit sur sa parole ,
Que Figue étoit un fruit gros comme un Potiron,
Car
690 MERCURE DE FRANCE
Car il n'en avoit de sa vie ,
Vu ni mangé , mais plutôt que plus tard ,
Il veut contenter son envie.
Bientôt tout est prêt , et l'on part ;
Non sans avoir la bourse bien garnic ;
Car après tout vous aurez beau chercher ,
De quoi voyager à votre aise ;
Foin d'un Carosse ou d'une Chaise ,
Si l'argent ne sert de Cocher.
Le Gascon chargé de la bourse ,
L'avoit fait remplir jusqu'au haut ,
>
Et plus qu'il ne falloit pour achever la course
Qu'il méditoit de faire avec notre Badaut.
Enfin on arrive en Provence ,
Badaut crut être au bout de l'Univers ,
Gascon conduit son Excellence ,
En un Jardin tout planté d'arbres verds.
Du haut de leurs branches chargées ,
Pendoient comme festons des Citrouilles rangées ,
Dont l'énorme grosseur venoit frapper les yeux;
Voilà , dit le Gascon , le fruit délicieux
Qu'on vous destine ici ; mangez sur ma parole ,
Pendant que mon Badaut sur ses deux piés planté ,
Admire l'objet si vanté ,
Gascon commence un autre rôle ,
Et sans Trompette délogeant ,
Emporte la bourse et l'argent ,
Faisant à son ami la Figue ;
Mais
AVRIL.
9 1731.
Mais le Badaut qui n'étoit pas si fin ,
Et qui prenoit courge pour Figue
Fait saut en l'air , en saisit une enfin ,
Il la fend d'un coup de mâchoire ,
Mais le mal fut qu'ayant grand faim ,
Il fit un grand repas sans boire ,
en mange à crever , et se sentant rendu ,
Il se couche à terre étendu.
Ce n'est pas fait , une affreuse colique ,
Soit venteuse , soit néphretique ,
Je n'en sçais rien , à l'instant l'assaillit .
Le Malade s'agite , il frissonne , il pâlit ,
Son coeur palpite et la tête lui groüille &
On entend son ventre de loin ,
Croasser comme une Grenouille :
Tant la malheureuse Citroüille ,
Fait de dégât ; En ce pressant besoin ,
De tous côtez on vient à la récousse.
Le Médecin portant l'Apoticaire en trousse ,
Arrive , ordonne un Anodin ,
Monsieur Cussifle avec la flute en main
Fait son devoir en galant Mousquetaire ;
Car pour seringuer un clistere ,
Il n'est pas dans le monde entier ,
De Mortel plus habile en ce noble métier ;
Le succès passa l'esperance ,
Ventre se vuide et malade guérit.
Le mal passé , chacun en rit ;
Mais
592 MERCURE DE FRANCE
Mais voici bien autre chevance ,
Il faut compter , Gascon ne paroît plus ;
Gousset est vuide , et les écus ,
Ont avec lui pris la volée.
Voilà notre Badaut réduit à l'Hôpital ,
Et tombé de fievre en chaud mal.
Chagrin au coeur et l'ame desolée ,
Ayant rendu plus qu'il n'a pris ;
Purgé bien et dûment il retourne à Paris ,
Non sans avoir pour son apprentissage ,
Dont il a payé tous les frais ,
Fait voir aux Provençaux assez mal satisfaits ,
Son grand génie et son double visage.
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Résumé : CONTE.
En avril 1731, un homme surnommé Badaut décide de se rendre en Provence, influencé par un Gascon qui vante la douceur et la taille des figues locales. Badaut, n'ayant jamais vu ni goûté de figues, se laisse convaincre et part avec une bourse bien garnie. À son arrivée, le Gascon lui montre des citrouilles, que Badaut prend pour des figues. Après en avoir mangé plusieurs, Badaut souffre d'une violente colique. Un médecin et un apothicaire interviennent et le soignent. Cependant, le Gascon disparaît avec l'argent de Badaut. Ruiné et malade, Badaut retourne à Paris après avoir été soigné à l'hôpital.
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10
p. 2331-2333
L'HABILE FAUVETTE. CONTE.
Début :
Il ne faut pas s'arrêter à la mine : [...]
Mots clefs :
Fauvette, Beauté, Raison, Oiseau
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'HABILE FAUVETTE. CONTE.
L'HABILE FAUVETTE.
CONTE.
I L ne faut pas s'arrêter à la mine :
Ce vieux Proverbe enferme une Doctrine
Que peu de gens sçavent mettre à profit
La Beauté plaît , nôtre coeur nous séduit ,
Et la raison devient enfin muette.
Si l'on ne sçait comme fit ma Fauvette ,
Prendre d'abord un genereux Parti
Ecoutez- en le conte , le voici ,
Certain Oiseau , bien fait , beau de Plumage
A la Fauvette offroit son tendre hommage ,
Et lui contoit , que son coeur amoureux
Plein de désirs , brûlant de mille feux ,
No
2332 MERCURE DE FRANCE
Ne pouvoit plus se réduire au Mystere :
Ah ! disoit- il , si jamais de vous plaire
Je possedois le solide bonheur ,
Point ne verriez éteindre mon 'ardeur ,
Mais bien plutôt seroit - elle augmentée
Par le plaisir de la voir acceptée.
Je suis charmant , doux , sincere et discret ,
Accommodant.... bref , sans aller au fait ,
Il enfiloit très longue Kyrielle
De ses vertus lorsqu'enfin la Donselle
L'arrêta court , et lui dit : croyez- moi ,
De nos Oiseauxvous pourriez être Roy ,
Vous êtes beau , d'agréable encolure ,
Vives couleurs ornent vôtre parure ,
Je le vois bien : mais ( soit dit entre nous )
C'est peu pour moi , si c'est beaucoup pour vous,
En cûssiez -vous une plus forte doze ,
Car en amour , beauté c'est quelque chose J
Mais n'est pas tout. Auriez -vous , dites- moi ,
Ce grand talent ? .... vous m'entendez , je croy
Las ! que trop bien , ce n'est - là mon mérite ,
Répond l'Oiseau , ma chevance est petite ,
Et ne voudrois sur ce point vous leurrer ,
Puisqu'aussi-bien , je n'en pourrois tirer
Que peu de fruit...... d'or vous parlez , beau Sirej
Ecoutez donc ce que je vais vous dire ;
Yous connoîtrez que sincere à mon tour
Pas
OCTO BRE . - 1731 2335,
Pas n'ay dessein d'amuser vôtre amour :
Il est ici , dans ce chrrmant Boccage
Mille Moineaux faits pour le Badinage
S'ils ne sont point aussi parez que vous ,
Peu nous en chault , la parure chez nous
N'est d'aucun prix : mais aussi la Nature
En négligeant leur petite figure ,
Les a comblez de ces rares faveurs ,
Qui de tout temps ont sçû gagner les coeurs
Toûjours tout prêts pour l'amoureux mystere ,
Vous les verriez revenir de Cythere ,
Y retourner chaque jour tant de fois ,
Que nous n'avons aucun lieu dans ce Bois
Qui n'aît été témoin de leur courage :
'Adonc , voyez que je serois peu sage
Si je m'allois , dans mes besoins urgents
Broüiller pour vous avec de telles gens ;
Rien n'en ferai , je suis par trop prudente :
Mais puisqu'enfin ma conquête vous tente ,
Retranchez -vous à la bonne amitié ,
Car il est vray que de vous j'ai pitié ,
Et ne voudrois du tout vous éconduire :
Or voyez donc si cela peut vous duire ;
Pour y penser , je vous donne du temps ,
Consolez -vous ; Adieu jusqu'au Printemps.
P. M. F. L.
CONTE.
I L ne faut pas s'arrêter à la mine :
Ce vieux Proverbe enferme une Doctrine
Que peu de gens sçavent mettre à profit
La Beauté plaît , nôtre coeur nous séduit ,
Et la raison devient enfin muette.
Si l'on ne sçait comme fit ma Fauvette ,
Prendre d'abord un genereux Parti
Ecoutez- en le conte , le voici ,
Certain Oiseau , bien fait , beau de Plumage
A la Fauvette offroit son tendre hommage ,
Et lui contoit , que son coeur amoureux
Plein de désirs , brûlant de mille feux ,
No
2332 MERCURE DE FRANCE
Ne pouvoit plus se réduire au Mystere :
Ah ! disoit- il , si jamais de vous plaire
Je possedois le solide bonheur ,
Point ne verriez éteindre mon 'ardeur ,
Mais bien plutôt seroit - elle augmentée
Par le plaisir de la voir acceptée.
Je suis charmant , doux , sincere et discret ,
Accommodant.... bref , sans aller au fait ,
Il enfiloit très longue Kyrielle
De ses vertus lorsqu'enfin la Donselle
L'arrêta court , et lui dit : croyez- moi ,
De nos Oiseauxvous pourriez être Roy ,
Vous êtes beau , d'agréable encolure ,
Vives couleurs ornent vôtre parure ,
Je le vois bien : mais ( soit dit entre nous )
C'est peu pour moi , si c'est beaucoup pour vous,
En cûssiez -vous une plus forte doze ,
Car en amour , beauté c'est quelque chose J
Mais n'est pas tout. Auriez -vous , dites- moi ,
Ce grand talent ? .... vous m'entendez , je croy
Las ! que trop bien , ce n'est - là mon mérite ,
Répond l'Oiseau , ma chevance est petite ,
Et ne voudrois sur ce point vous leurrer ,
Puisqu'aussi-bien , je n'en pourrois tirer
Que peu de fruit...... d'or vous parlez , beau Sirej
Ecoutez donc ce que je vais vous dire ;
Yous connoîtrez que sincere à mon tour
Pas
OCTO BRE . - 1731 2335,
Pas n'ay dessein d'amuser vôtre amour :
Il est ici , dans ce chrrmant Boccage
Mille Moineaux faits pour le Badinage
S'ils ne sont point aussi parez que vous ,
Peu nous en chault , la parure chez nous
N'est d'aucun prix : mais aussi la Nature
En négligeant leur petite figure ,
Les a comblez de ces rares faveurs ,
Qui de tout temps ont sçû gagner les coeurs
Toûjours tout prêts pour l'amoureux mystere ,
Vous les verriez revenir de Cythere ,
Y retourner chaque jour tant de fois ,
Que nous n'avons aucun lieu dans ce Bois
Qui n'aît été témoin de leur courage :
'Adonc , voyez que je serois peu sage
Si je m'allois , dans mes besoins urgents
Broüiller pour vous avec de telles gens ;
Rien n'en ferai , je suis par trop prudente :
Mais puisqu'enfin ma conquête vous tente ,
Retranchez -vous à la bonne amitié ,
Car il est vray que de vous j'ai pitié ,
Et ne voudrois du tout vous éconduire :
Or voyez donc si cela peut vous duire ;
Pour y penser , je vous donne du temps ,
Consolez -vous ; Adieu jusqu'au Printemps.
P. M. F. L.
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Résumé : L'HABILE FAUVETTE. CONTE.
Le conte 'L'Habile Fauvette' relate une interaction entre oiseaux pour transmettre une leçon morale. Un oiseau séduisant courtise une fauvette en mettant en avant sa beauté, sa douceur et sa sincérité. La fauvette, bien que reconnaissant ces qualités, affirme que l'amour nécessite plus que la beauté. Elle interroge l'oiseau sur ses talents, mais celui-ci avoue en manquer. La fauvette préfère alors les moineaux, qui, malgré leur apparence moins attrayante, possèdent des qualités qui conquèrent les cœurs. Elle suggère à l'oiseau de se contenter d'une amitié et lui accorde du temps pour réfléchir, lui souhaitant de se consoler jusqu'au printemps.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 2536-2540
LE FEINT ORGANISTE. CONTE. Par Mademoiselle de Malcrais de la Vigne, du Croisic, en Bretagne.
Début :
C'est à Quimper que nâquit la Musique ; [...]
Mots clefs :
Feint organiste, Quimper, Musique, Instrument, Impudence, Protocole
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texteReconnaissance textuelle : LE FEINT ORGANISTE. CONTE. Par Mademoiselle de Malcrais de la Vigne, du Croisic, en Bretagne.
LE FEINT ORGANISTE
CONTE.
ParMademoiselle de Malcrais de la Vigne,
du Croisic, en Bretagne .
C'Est
' Est à Quimper ( 1 ) que nâquit la Musique
;
C'est en cet Art que prime un bas Breton.
Les Coqs d'un Bourg , voisin de ce Canton ,
'Amis féaux du plaisir mélodique ,
Firent achapt , non pas d'un Timpanon ,
Mais bien d'une Orgue, et dans leur Basilique
Fut disposê vis à- vis du Patron
Pour l'esjouir, l'instrument harmonique:
Un Egrillard de métier Cartouchique
Leur vint offrir son prétendu talent :
Moult dégoisa , moult prêcha le galand ;
Moult par le nez de fleurs de Rhetorique ,
( 1 )Ville Episcopale de la Basse Bretagne.
Leur
NOVEMBRE. 1731. 2537.
Leur envoya , tant qu'à la voix publique ,
Fut dès l'abord jugé maître excellent ,
Dont la trouvaille étoit de conséquence ;
Bien plus fut-il sans autre ajournement ,
Sans examen , grace à son impudence ,
Reçû par eux ce Docteur soi- disant.
Et l'on conclut que dès l'instant present
On lui payeroit cinq ou six mois d'avance ;
D'autant qu'il sçut faire entendre sous main
Que tout exprès d'un des bouts de la France
Pour les servir , s'étant mis en chemin ,
La route avoit dévoré sa finance.
A pas contez , Dimanche arrive enfin ,
A la grand'Messe entraînant par centaine
Les curieux dont l'Eglise fut pleine.
Volant en hâte au Spectacle nouveau ,
Ces gens s'étoient fourré dans le cerveau ,
Qu'ils alloient être au Ciel par les oreilles
Portez tout droit . C'étoient les
sept
Tout à la fois , que de voir ameutez
9
merveilles
Ces gros Patauds , comme cierges plantez ,
Leurs grands chapeaux , car telle est la coutume
Sur leurs deux mains , pendus - devotement ,
La gueule ouverte à passer une enclume.
D'autre côté Magistrats gravement ,
La barbe en pointe , aussi fiers que Bartole,
Greffiers , Sergens , Gibiers de Protocolle .
Et Marguilliers , se montroient sur leurs bancs ,
С v Er
2538 MERCURE DE FRANCE
Et pour beaucoup n'auroient perdu leurs rangs
A donc voici que notre hardi drole ,
Qui d'Organum n'avoit hanté l'Ecole .
Fait préludant rouler sur les Claviers
Hinc et illinc ses doigts lourds et grossiers.
Puis tout à coup ( 1 ) le Bourdon , la Cimbale ,
Le Larigot , le Cornet , le Nazard ,
Clairon , Régale et Cromorne , et Pédale ,
Se décochant tout ensemble au hazard ,
Tôt il s'éleve une telle tourmente $
Qu'à ce fracas le peuple en épouvante ,
Croit sur son dos voute et murs écroulez ;
Chats , Chiens , Corbeaux , Baudets, Loups assemblez
,
Au fond d'un Bois , pour hurler avec rage ,
Sur d'affreux tons , des concerts endiablez ,
Onc ne sçauroient imiter le tapage ,
De l'Organiste , ainsi carillonnant
Sans aux Tuyaux donner la moindre tréve ;
En grand tumulte à la parfin s'acheve
Hurlu , ( 2 ) brelu , cet Office étonnant.
De part et d'autre , en foule , incontinent,
Des plus hupez , la cohorte s'approche ,
Baragouinant autour du compagnon ,
( 1 ) Jeux d'Orgue.
( 2 ) Mot populaire . Il se trouve dans le Dica
tionnaire de Furetiere . Il est aussi quelque
part dans Cirano Bergeraco
Qu'il
NOVEMBRE . 1731. 2539
Qu'ils tutoyoient,maint et maint gros reproches
Moitié François , et moitié bas Breton .
Mais celui-ci qui craignoit le bâton ;
Sans perdre terre , en son ame rusée
Bien démêla le fil de sa fusée.
Messieurs , dit-il , je vous prie , oyez-moi ,
Déja m'avez condamné sans m'entendre ,
Et m'appellant Vaurien , homme sans foy ,
Opineriez , presque à me faire pendre.
Il est pourtant tres -vrai qu'en cetui cas ,
Point n'ai failli : car dites - moi de grace ,
Que voulez- vous qu'un Organiste fasse ?
Votre Soufleur que Lucifer là - bas ,
Puisse emporter , ce Vilain , ce Stupide ,
Qui me regarde , et ne répond Motus ,
Ce brechedent , quand je jouë un Sanctus ,
Presto ( 1 ) prestò , me souffle à toute bride
Un Gloria in excelsis. à coup
Par ces propos , nos Seigneurs s'appaiserent
Leur front ridé s'applanit ; et beaucoup
Et de coeur franc envers lui s'excuserent ,
De leur courroux trop inconsidéré.
Quant au souffleur ; vénérable Messire ,
Dom Guinolai ( 2 ) , Prêtre , et de plus Curé ,
Dit qu'il falloit le prier qu'à son gré ,
( 1 ) Mor Italien , qui signifie promptement ,
prestò on prestamente.
( 2 ) Saint de Bretagne , Abbé de Landevenec,
qui vivoit sous le Ray Grallon.
Cvj Lao
2540 MERCURE DE FRANCE
Lui même il prit la peine de l'élire ,
Bon et loyal , et qu'il daignat l'instruire.
Oui , dit- il , taupe ; à tout il souscrivit,
Sans compliment , mais l'Aube étoit au lit ,
Quand l'oeil au bois , l'argent dans l'escarcelle
Son Havresac troussé sous son aisselle ,
Il délogea , comme fit le Valet.
Que feu Marot nomma nihil Valet. ( 3″)"
Mais du logis ne voulut par scrupule ,
Voler la Clef qu'il cacha sous l'Uscet , (4)
Tres poliment ; et depuis même on sçait
Qu'il dit n'avoir donné cette Pilule ,
Aux Vilageois , que pour les mettre au fait-
Qu'un Carabin de Musique ou de Danse
Par Ville et Bourg , voltigeant sans Brever .
Ne doit jamais être payé d'avance ,
Autrement , gare , on risque le paquet..
CONTE.
ParMademoiselle de Malcrais de la Vigne,
du Croisic, en Bretagne .
C'Est
' Est à Quimper ( 1 ) que nâquit la Musique
;
C'est en cet Art que prime un bas Breton.
Les Coqs d'un Bourg , voisin de ce Canton ,
'Amis féaux du plaisir mélodique ,
Firent achapt , non pas d'un Timpanon ,
Mais bien d'une Orgue, et dans leur Basilique
Fut disposê vis à- vis du Patron
Pour l'esjouir, l'instrument harmonique:
Un Egrillard de métier Cartouchique
Leur vint offrir son prétendu talent :
Moult dégoisa , moult prêcha le galand ;
Moult par le nez de fleurs de Rhetorique ,
( 1 )Ville Episcopale de la Basse Bretagne.
Leur
NOVEMBRE. 1731. 2537.
Leur envoya , tant qu'à la voix publique ,
Fut dès l'abord jugé maître excellent ,
Dont la trouvaille étoit de conséquence ;
Bien plus fut-il sans autre ajournement ,
Sans examen , grace à son impudence ,
Reçû par eux ce Docteur soi- disant.
Et l'on conclut que dès l'instant present
On lui payeroit cinq ou six mois d'avance ;
D'autant qu'il sçut faire entendre sous main
Que tout exprès d'un des bouts de la France
Pour les servir , s'étant mis en chemin ,
La route avoit dévoré sa finance.
A pas contez , Dimanche arrive enfin ,
A la grand'Messe entraînant par centaine
Les curieux dont l'Eglise fut pleine.
Volant en hâte au Spectacle nouveau ,
Ces gens s'étoient fourré dans le cerveau ,
Qu'ils alloient être au Ciel par les oreilles
Portez tout droit . C'étoient les
sept
Tout à la fois , que de voir ameutez
9
merveilles
Ces gros Patauds , comme cierges plantez ,
Leurs grands chapeaux , car telle est la coutume
Sur leurs deux mains , pendus - devotement ,
La gueule ouverte à passer une enclume.
D'autre côté Magistrats gravement ,
La barbe en pointe , aussi fiers que Bartole,
Greffiers , Sergens , Gibiers de Protocolle .
Et Marguilliers , se montroient sur leurs bancs ,
С v Er
2538 MERCURE DE FRANCE
Et pour beaucoup n'auroient perdu leurs rangs
A donc voici que notre hardi drole ,
Qui d'Organum n'avoit hanté l'Ecole .
Fait préludant rouler sur les Claviers
Hinc et illinc ses doigts lourds et grossiers.
Puis tout à coup ( 1 ) le Bourdon , la Cimbale ,
Le Larigot , le Cornet , le Nazard ,
Clairon , Régale et Cromorne , et Pédale ,
Se décochant tout ensemble au hazard ,
Tôt il s'éleve une telle tourmente $
Qu'à ce fracas le peuple en épouvante ,
Croit sur son dos voute et murs écroulez ;
Chats , Chiens , Corbeaux , Baudets, Loups assemblez
,
Au fond d'un Bois , pour hurler avec rage ,
Sur d'affreux tons , des concerts endiablez ,
Onc ne sçauroient imiter le tapage ,
De l'Organiste , ainsi carillonnant
Sans aux Tuyaux donner la moindre tréve ;
En grand tumulte à la parfin s'acheve
Hurlu , ( 2 ) brelu , cet Office étonnant.
De part et d'autre , en foule , incontinent,
Des plus hupez , la cohorte s'approche ,
Baragouinant autour du compagnon ,
( 1 ) Jeux d'Orgue.
( 2 ) Mot populaire . Il se trouve dans le Dica
tionnaire de Furetiere . Il est aussi quelque
part dans Cirano Bergeraco
Qu'il
NOVEMBRE . 1731. 2539
Qu'ils tutoyoient,maint et maint gros reproches
Moitié François , et moitié bas Breton .
Mais celui-ci qui craignoit le bâton ;
Sans perdre terre , en son ame rusée
Bien démêla le fil de sa fusée.
Messieurs , dit-il , je vous prie , oyez-moi ,
Déja m'avez condamné sans m'entendre ,
Et m'appellant Vaurien , homme sans foy ,
Opineriez , presque à me faire pendre.
Il est pourtant tres -vrai qu'en cetui cas ,
Point n'ai failli : car dites - moi de grace ,
Que voulez- vous qu'un Organiste fasse ?
Votre Soufleur que Lucifer là - bas ,
Puisse emporter , ce Vilain , ce Stupide ,
Qui me regarde , et ne répond Motus ,
Ce brechedent , quand je jouë un Sanctus ,
Presto ( 1 ) prestò , me souffle à toute bride
Un Gloria in excelsis. à coup
Par ces propos , nos Seigneurs s'appaiserent
Leur front ridé s'applanit ; et beaucoup
Et de coeur franc envers lui s'excuserent ,
De leur courroux trop inconsidéré.
Quant au souffleur ; vénérable Messire ,
Dom Guinolai ( 2 ) , Prêtre , et de plus Curé ,
Dit qu'il falloit le prier qu'à son gré ,
( 1 ) Mor Italien , qui signifie promptement ,
prestò on prestamente.
( 2 ) Saint de Bretagne , Abbé de Landevenec,
qui vivoit sous le Ray Grallon.
Cvj Lao
2540 MERCURE DE FRANCE
Lui même il prit la peine de l'élire ,
Bon et loyal , et qu'il daignat l'instruire.
Oui , dit- il , taupe ; à tout il souscrivit,
Sans compliment , mais l'Aube étoit au lit ,
Quand l'oeil au bois , l'argent dans l'escarcelle
Son Havresac troussé sous son aisselle ,
Il délogea , comme fit le Valet.
Que feu Marot nomma nihil Valet. ( 3″)"
Mais du logis ne voulut par scrupule ,
Voler la Clef qu'il cacha sous l'Uscet , (4)
Tres poliment ; et depuis même on sçait
Qu'il dit n'avoir donné cette Pilule ,
Aux Vilageois , que pour les mettre au fait-
Qu'un Carabin de Musique ou de Danse
Par Ville et Bourg , voltigeant sans Brever .
Ne doit jamais être payé d'avance ,
Autrement , gare , on risque le paquet..
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Résumé : LE FEINT ORGANISTE. CONTE. Par Mademoiselle de Malcrais de la Vigne, du Croisic, en Bretagne.
Le texte 'Le Feint Organiste' est un conte écrit par Mademoiselle de Malcrais de la Vigne, originaire du Croisic en Bretagne. L'intrigue se déroule à Quimper, une ville épiscopale de la Basse-Bretagne. Les habitants d'un bourg voisin décident d'acquérir une orgue pour leur basilique et recrutent un organiste prétendant posséder un grand talent. Sans le soumettre à un examen préalable, ils l'engagent immédiatement et lui versent cinq ou six mois d'avance sur son salaire, croyant qu'il avait besoin de ces fonds pour les rejoindre. Le jour de la grande messe, l'église se remplit de fidèles curieux d'entendre l'organiste. Cependant, celui-ci, ignorant de l'art de l'orgue, provoque un chaos sonore en actionnant tous les jeux de l'orgue simultanément. La foule, épouvantée, croit que l'église s'écroule. Face aux reproches, l'organiste se défend en affirmant qu'il ne peut jouer sans les indications du souffleur. Les notables, apaisés par cette explication, décident d'instruire le souffleur, Dom Guinolai, un prêtre et curé. Ce dernier accepte la tâche mais quitte discrètement le village sans prendre la clé de la maison. Il laisse un avertissement sur les dangers de payer un artiste d'avance, mettant en garde contre les risques de telles pratiques.
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12
p. 822-823
CONTE.
Début :
Un vieillard qui, sur ses vieux jours, [...]
Mots clefs :
Vieillard, Jeune femme, Cornes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CONTE.
CONTE.
UNViellard qui , sur ses vieux jours ;
Voulant recommencer le métier des Amours,
Fit l'insigne folie
De prendre à soixante ans femmejeune et jolie ,
Trouva dans son chemin par hazard un Meunier.
Bon jour , ami, dit-il , au bon pere l'ânier ;
Dans
AVRIL 1732.
823
Dans quel endroit du corps , sçais-tu par avan
ture
Quel'Asne a la peau la plus dure ?
Ouy, Monsieur , reprit- il , d'un air railleur et
prompt ,
" Je vous apprens que c'eſt au front.
Il eft certaine expérience
Qui prouve assez ce que j'avance .
Mirez-vous , et voyez , si vous êtes sensé ,
Que vos cornes au front n'ont point encor
percé
A
D'AUTEFEUILLE.
UNViellard qui , sur ses vieux jours ;
Voulant recommencer le métier des Amours,
Fit l'insigne folie
De prendre à soixante ans femmejeune et jolie ,
Trouva dans son chemin par hazard un Meunier.
Bon jour , ami, dit-il , au bon pere l'ânier ;
Dans
AVRIL 1732.
823
Dans quel endroit du corps , sçais-tu par avan
ture
Quel'Asne a la peau la plus dure ?
Ouy, Monsieur , reprit- il , d'un air railleur et
prompt ,
" Je vous apprens que c'eſt au front.
Il eft certaine expérience
Qui prouve assez ce que j'avance .
Mirez-vous , et voyez , si vous êtes sensé ,
Que vos cornes au front n'ont point encor
percé
A
D'AUTEFEUILLE.
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Résumé : CONTE.
Dans 'Le Vieillard amoureux', un vieillard décide de se remarier avec une jeune femme. En chemin, il rencontre un meunier qui, de manière railleuse, lui répond que la peau de l'âne est la plus dure au front, faisant allusion aux cornes que le vieillard pourrait porter. La fable est datée d'avril 1732 et attribuée à D'Autefeuille.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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13
p. 2797-2803
LES DAMNEZ DE NEVERS, A M. Richard de Soultrai, Maître des Comptes à Nevers, Auteur de l'Ode sur la Jeunesse. Conte tiré de l'Histoire de Nivernois de Guy-Coquille.
Début :
Bocace, ton heureuse veine [...]
Mots clefs :
Coeur, Charbonnier, Damnés de Nevers, Plaisirs, Prince Hervé, Périr, Évêque, Confesseur, Soultrai
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LES DAMNEZ DE NEVERS, A M. Richard de Soultrai, Maître des Comptes à Nevers, Auteur de l'Ode sur la Jeunesse. Conte tiré de l'Histoire de Nivernois de Guy-Coquille.
LES DAMNEZ DE NEVERS ,
A M. Richard de Soultrai , Maître des
Comptes à Nevers , Auteur de l'Ode sur
la Jeunesse. Conte tiré de l'Histoire de
Nivernois de Guy- Coquille.
Bocace , ton heureuse veine
Chanta les Damnez de Ravenne
A ton exemple dans ces Vers
Chantons les Damnez de Nevers ,
Nevers , mon séjour , mon azile ,
Païs charmant où j'ai reçû le jour ,
Nevers , où jadis tint sa Cour ,
Le Comte Hervé, Prince doux et facile ,
II. Vol.
Qui
2798 MERCURE DE FRANCE
Qui fit régner dans notre Ville
Les Jeux , les Plaisirs et l'Amour ;
Or il advint qu'emporté par la Chasse ,
Et de ses Chiens ayant perdu la voix ,
Lè bon Hervé s'égara dans un Bois ;
De son chemin il cherche envain la trace ;
Plus il s'avance et plus il s'embarasse ;
La nuit survient , autre calamité ,
Un feu paroît dans cette obscurité ,
Devers ce feu le Prince s'achemine.
Bref au travers de mainte épine
Il vient enfin au lieu tant souhaité ;
Ce lieu , c'étoit d'un Charbonnier la loge
Et le fourneau ; chez cet Hôte se loge
Le triste Hervé de crainte d'avoir pis ;
Le Manant fait les honneurs du logis
Avec un cœur vraiment digne d'éloge ;
Au Prince il sert des pommes , du pain bis ,
Eau surtout claire , en faisant mainte excuse.
En vrai Chasseur Hervé trouva tout bon;
Car dame faim Cuisiniere dont use
Tout charbonnier , apprêta , ce dit- on ,
Le beau repas du faiseur de charbon ;
Après souper le Charbonnier honnête
Céde son lit , quel lit , bon Dieu !
Un peu de foin sert en ce lieu
De lit au Prince ; il éleve sa tête
III. Vol. SMF
DECEMBRE. 1732. 2799
LA
DE
Sur un caillou qui lui sert d'oreiller ;
Ce n'est pas tout , comme il croit sommeil.
ler ,
Il voit venir d'une vitesse extrême
Un homme noir montant cheval de même
Cet homme tient un poignard en sa main ,
Et méne en trousse une fille éplorée ,
Veut la meurtrir ; mais d'une ame assûrée
Hervé s'oppose à ce dessein ;
Prince , par un effort trop vain ,
Dit l'homme noir , tu terniras ta gloire ,
Respecte ici les ordres du destin ,
Retien ton bras , écoute mon histoire ,
J'avois quinze ans , si j'ai bonne mémoire ,
Quand je suivis les étendards
De ton Ayeul , le preux Comte Guillaume ;
Sous ce grand Chefj'ai bravé les hazards ,
J'ai parcouru vingt fois tout le Royaume
En combattant , mais pendant les hyvers
Je m'arrêtois avec lui dans Nevers ;
Là , je servis cette beauté cruelle ,
Ce cœur ingrat dont le tien prend pitié ,
Mais je ne pus gagner son amitié ;
Les petits soins , l'amour tendre et fidele ,
Les dons , les pleurs , ne pûrent la toucher;
Pour moi toujours elle fût un rocher ;
Dans ma douleur d'une main criminelle
Pour finir mes tristes amours ,
11. vol.
J'ai
2800 MERCURE DE FRANCE
1
J'ai tranché moi- même mes jours ,
Soudain dans la flamme éternelle
Je suis tombé , je le mérite bien ,
Mais la mort qui n'épargne rien ,
A fait périr à son tour l'inhumaine;
Pour me venger de sa rigueur ,
Ici tous les mois je l'amene ,
Et de ce fer je lui perce le cœur.
Le Revenant ne parla davantage ,
Mais consomma son triste ouvrage ;
Car sur le champ il étendit la main
Par les cheveux il prit la patiente ,
Pour la punir de son dédain ,
Malgré ses cris , il lui perça le sein ,
Et puis encor toute vivante
Il la plongea dans la fournaise ardente ,
Et se brûla lui-même au même feu ;
D'effroi , d'horreur Hervé reste immobile,
Lorsque le jour parût un peu ,
Incontinent le Prince plus tranquille
Au Charbonnier fait son adieu ,
Monte à cheval et pique vers la Ville ,
Neregrettant la chere ni le lieu ;
A ses Barons Hervé conta l'histoire ,
Tous se signoient , faisant semblant de croire ;
On manda soudain le Prélat
Qu'on vît bien-tôt arriver sur sa mule ;
II. Vol. Le
DECEMBRE. 1732. 2801
Le bon Evêque plus crédule
Dit qu'il falloit assembler son Senat ;
Dans ce conseil n'étoient jeunes cervelles ,
Point n'écoutoit Abbés coquets
Moins assidus aux Temples qu'aux ruelles ,
Mais bien Vieillards venerables , discrets
Qui ne suivoient les doctrines
L'adroit Senat ayant déliberé ,
nouvelles.
Dît qu'il falloit pour expier l'offense
Fonder Convent , mais Convent ayant manse
Abbatiale , ou bien un Prieuré
De Grammont ou de Premontré ;
Ainsi fut fait , une belle Abbaye
Par Hervé fût et dotée et bâtie ;
Pour réparer forfait tant odieux
Moines au Chour disent toujours Matine ,
De chants dévots font retentir les cieux ,
Fors dans le tems qu'ils sont à la cuisine ;
Bref , soyés sûr qu'au Prince Fondateur
Ils en donnent sur ma parole
Pour son argent ; n'en rendront une obole ;
Ce n'est point tout teur
maint grand Prédica
Dans ses Sermons récita notre histoire ,
Et fit pleurer son Auditoire ;
* Du tems du Comte Hervé l'heresie Albigeoise voisfait quelques progrès dans Nevers,
II. Vol. Ainsi
2802 MERCURE DE FRANCE
Ainsi fut fait par maint beau Confesseur ,
Si que le cas Dames sçavoient par cœur ,
L'horrible cas Dames tant bien aprirent ,
Qu'à la parfin toutes se convertirent ,
Et de leur cœur déchasserent soudain
Triste fierté , rigueur , dédain ,
Se faisant même une douce habitude
De clémence et de gratitude ;
Depuis ce tems les superbes Guerriers
Ne trouvent plus dans ces lieux d'inhumai nes ,
Amans heureux sont ici par milliers ,
Témoins * et Bretagne et Touraine ;
Tous ces Amans , grace à la vision ,
N'éprouvent point de tristes destinées ,
Dames croiroient être damnées ,
Si de leurs feux n'avoient compassion ,
Si quelqu'une à leur passion
Est quelquefois un peu severe ,
Soudain sa cousine ou sa mere
La menace de l'homme noir ,
Ele croit l'entendre ou le voir ,
Enfin ce bienheureux usage ,
Malgré les peres , les époux ,
S'est conservé jusques à nous,
Et durera bien davantage ;
* Bretagne et Touraine sont deux Régimens qui
ont été engarnison àNevers,
II. Vel. Des
DECEMBRE. 1732. 2807
Des Guerriers ce sont là les droits ;
Mais quant à nous autres Bourgeois
Nous n'en usons , c'est grand-dommage,
Les rigueurs sont notre partage ;
Soultrai , si j'avois vos talens ,
Je ne me plaindrois pas des refus de nos Belles ,
Ou , m'en plaignant enfin j'emploirois des ac
cens ,
si gracieux et si touchans
Que je pourrois bientôt les rendre moins cruel- les ,
Et leur prouver qu'à tous égards
Apollon en amour vaut souvent mieux que Mars ;
De ce récit quelle est donc la morale?
Parmi la Fable il faut des veritez ,
Dira quelqu'un , car sans moralités
Tel conte n'est qu'un objet de scandale ;
Moraliser est pour moi terre australe
Or moralise qui voudra
;
Sans morale , ma foi , le Conte finira :
Mais, Soultrai , qui de la sagesse
Possede toute la richesse
De sa morale un trait nous restera ,
En attendant je mets un bel et catera.
Pierre de Frasnai , Trésorier de France
à Moulins.
You 11. Vol.
D
A M. Richard de Soultrai , Maître des
Comptes à Nevers , Auteur de l'Ode sur
la Jeunesse. Conte tiré de l'Histoire de
Nivernois de Guy- Coquille.
Bocace , ton heureuse veine
Chanta les Damnez de Ravenne
A ton exemple dans ces Vers
Chantons les Damnez de Nevers ,
Nevers , mon séjour , mon azile ,
Païs charmant où j'ai reçû le jour ,
Nevers , où jadis tint sa Cour ,
Le Comte Hervé, Prince doux et facile ,
II. Vol.
Qui
2798 MERCURE DE FRANCE
Qui fit régner dans notre Ville
Les Jeux , les Plaisirs et l'Amour ;
Or il advint qu'emporté par la Chasse ,
Et de ses Chiens ayant perdu la voix ,
Lè bon Hervé s'égara dans un Bois ;
De son chemin il cherche envain la trace ;
Plus il s'avance et plus il s'embarasse ;
La nuit survient , autre calamité ,
Un feu paroît dans cette obscurité ,
Devers ce feu le Prince s'achemine.
Bref au travers de mainte épine
Il vient enfin au lieu tant souhaité ;
Ce lieu , c'étoit d'un Charbonnier la loge
Et le fourneau ; chez cet Hôte se loge
Le triste Hervé de crainte d'avoir pis ;
Le Manant fait les honneurs du logis
Avec un cœur vraiment digne d'éloge ;
Au Prince il sert des pommes , du pain bis ,
Eau surtout claire , en faisant mainte excuse.
En vrai Chasseur Hervé trouva tout bon;
Car dame faim Cuisiniere dont use
Tout charbonnier , apprêta , ce dit- on ,
Le beau repas du faiseur de charbon ;
Après souper le Charbonnier honnête
Céde son lit , quel lit , bon Dieu !
Un peu de foin sert en ce lieu
De lit au Prince ; il éleve sa tête
III. Vol. SMF
DECEMBRE. 1732. 2799
LA
DE
Sur un caillou qui lui sert d'oreiller ;
Ce n'est pas tout , comme il croit sommeil.
ler ,
Il voit venir d'une vitesse extrême
Un homme noir montant cheval de même
Cet homme tient un poignard en sa main ,
Et méne en trousse une fille éplorée ,
Veut la meurtrir ; mais d'une ame assûrée
Hervé s'oppose à ce dessein ;
Prince , par un effort trop vain ,
Dit l'homme noir , tu terniras ta gloire ,
Respecte ici les ordres du destin ,
Retien ton bras , écoute mon histoire ,
J'avois quinze ans , si j'ai bonne mémoire ,
Quand je suivis les étendards
De ton Ayeul , le preux Comte Guillaume ;
Sous ce grand Chefj'ai bravé les hazards ,
J'ai parcouru vingt fois tout le Royaume
En combattant , mais pendant les hyvers
Je m'arrêtois avec lui dans Nevers ;
Là , je servis cette beauté cruelle ,
Ce cœur ingrat dont le tien prend pitié ,
Mais je ne pus gagner son amitié ;
Les petits soins , l'amour tendre et fidele ,
Les dons , les pleurs , ne pûrent la toucher;
Pour moi toujours elle fût un rocher ;
Dans ma douleur d'une main criminelle
Pour finir mes tristes amours ,
11. vol.
J'ai
2800 MERCURE DE FRANCE
1
J'ai tranché moi- même mes jours ,
Soudain dans la flamme éternelle
Je suis tombé , je le mérite bien ,
Mais la mort qui n'épargne rien ,
A fait périr à son tour l'inhumaine;
Pour me venger de sa rigueur ,
Ici tous les mois je l'amene ,
Et de ce fer je lui perce le cœur.
Le Revenant ne parla davantage ,
Mais consomma son triste ouvrage ;
Car sur le champ il étendit la main
Par les cheveux il prit la patiente ,
Pour la punir de son dédain ,
Malgré ses cris , il lui perça le sein ,
Et puis encor toute vivante
Il la plongea dans la fournaise ardente ,
Et se brûla lui-même au même feu ;
D'effroi , d'horreur Hervé reste immobile,
Lorsque le jour parût un peu ,
Incontinent le Prince plus tranquille
Au Charbonnier fait son adieu ,
Monte à cheval et pique vers la Ville ,
Neregrettant la chere ni le lieu ;
A ses Barons Hervé conta l'histoire ,
Tous se signoient , faisant semblant de croire ;
On manda soudain le Prélat
Qu'on vît bien-tôt arriver sur sa mule ;
II. Vol. Le
DECEMBRE. 1732. 2801
Le bon Evêque plus crédule
Dit qu'il falloit assembler son Senat ;
Dans ce conseil n'étoient jeunes cervelles ,
Point n'écoutoit Abbés coquets
Moins assidus aux Temples qu'aux ruelles ,
Mais bien Vieillards venerables , discrets
Qui ne suivoient les doctrines
L'adroit Senat ayant déliberé ,
nouvelles.
Dît qu'il falloit pour expier l'offense
Fonder Convent , mais Convent ayant manse
Abbatiale , ou bien un Prieuré
De Grammont ou de Premontré ;
Ainsi fut fait , une belle Abbaye
Par Hervé fût et dotée et bâtie ;
Pour réparer forfait tant odieux
Moines au Chour disent toujours Matine ,
De chants dévots font retentir les cieux ,
Fors dans le tems qu'ils sont à la cuisine ;
Bref , soyés sûr qu'au Prince Fondateur
Ils en donnent sur ma parole
Pour son argent ; n'en rendront une obole ;
Ce n'est point tout teur
maint grand Prédica
Dans ses Sermons récita notre histoire ,
Et fit pleurer son Auditoire ;
* Du tems du Comte Hervé l'heresie Albigeoise voisfait quelques progrès dans Nevers,
II. Vol. Ainsi
2802 MERCURE DE FRANCE
Ainsi fut fait par maint beau Confesseur ,
Si que le cas Dames sçavoient par cœur ,
L'horrible cas Dames tant bien aprirent ,
Qu'à la parfin toutes se convertirent ,
Et de leur cœur déchasserent soudain
Triste fierté , rigueur , dédain ,
Se faisant même une douce habitude
De clémence et de gratitude ;
Depuis ce tems les superbes Guerriers
Ne trouvent plus dans ces lieux d'inhumai nes ,
Amans heureux sont ici par milliers ,
Témoins * et Bretagne et Touraine ;
Tous ces Amans , grace à la vision ,
N'éprouvent point de tristes destinées ,
Dames croiroient être damnées ,
Si de leurs feux n'avoient compassion ,
Si quelqu'une à leur passion
Est quelquefois un peu severe ,
Soudain sa cousine ou sa mere
La menace de l'homme noir ,
Ele croit l'entendre ou le voir ,
Enfin ce bienheureux usage ,
Malgré les peres , les époux ,
S'est conservé jusques à nous,
Et durera bien davantage ;
* Bretagne et Touraine sont deux Régimens qui
ont été engarnison àNevers,
II. Vel. Des
DECEMBRE. 1732. 2807
Des Guerriers ce sont là les droits ;
Mais quant à nous autres Bourgeois
Nous n'en usons , c'est grand-dommage,
Les rigueurs sont notre partage ;
Soultrai , si j'avois vos talens ,
Je ne me plaindrois pas des refus de nos Belles ,
Ou , m'en plaignant enfin j'emploirois des ac
cens ,
si gracieux et si touchans
Que je pourrois bientôt les rendre moins cruel- les ,
Et leur prouver qu'à tous égards
Apollon en amour vaut souvent mieux que Mars ;
De ce récit quelle est donc la morale?
Parmi la Fable il faut des veritez ,
Dira quelqu'un , car sans moralités
Tel conte n'est qu'un objet de scandale ;
Moraliser est pour moi terre australe
Or moralise qui voudra
;
Sans morale , ma foi , le Conte finira :
Mais, Soultrai , qui de la sagesse
Possede toute la richesse
De sa morale un trait nous restera ,
En attendant je mets un bel et catera.
Pierre de Frasnai , Trésorier de France
à Moulins.
You 11. Vol.
D
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Résumé : LES DAMNEZ DE NEVERS, A M. Richard de Soultrai, Maître des Comptes à Nevers, Auteur de l'Ode sur la Jeunesse. Conte tiré de l'Histoire de Nivernois de Guy-Coquille.
Le texte 'Les Damnez de Nevers' est un conte inspiré de l'histoire des Nivernois, rédigé par Guy-Coquille et dédié à Richard de Soultrai, Maître des Comptes à Nevers. L'œuvre commence par une invocation à Boccace, célèbre pour ses récits, et se concentre sur le Comte Hervé de Nevers, connu pour son règne marqué par les jeux, les plaisirs et l'amour. Un jour, le Comte Hervé, perdu lors d'une chasse, trouve refuge chez un charbonnier. Pendant la nuit, il assiste à une scène surnaturelle où un homme noir, ancien soldat de son aïeul, venge sa mort en tuant une femme cruelle qui l'avait rejeté. Hervé tente d'intervenir mais est averti par le spectre de ne pas s'opposer au destin. Le lendemain, Hervé retourne en ville et raconte l'histoire à ses barons. Un prélat est convoqué et décide de fonder un couvent pour expier l'offense. L'histoire devient célèbre et influence les femmes de Nevers, les incitant à adopter des comportements plus cléments et reconnaissants. Le conte se termine par une réflexion sur la morale, suggérant que chaque récit doit contenir des vérités. L'auteur, Pierre de Frasnai, Trésorier de France à Moulins, conclut en laissant la morale à ceux qui souhaitent l'interpréter.
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14
p. 423-426
LOU CAPOUCHIN DÉ SUCRÉ, CONTÉ.
Début :
Marsillo passo à bouen drech en beouta, [...]
Mots clefs :
Capouchin, Capucin, Sucre, Mero, Mère
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LOU CAPOUCHIN DÉ SUCRÉ, CONTÉ.
LOU CAPOUCHIN DE' SUCRE',
MArsillo
CONTE'.
Arsillo passo à bouen drech en beouta ,
Per son coumerço et son antiquita ,
Per sa grandour , fouessos Villos dau Mondé ,
La ges de Ben qu'en ello noun aboundé :
L'ordré li regno et tout les ben mena ,
Per leis Consouls que lou sort la douna.
Venguens au fait. Si trobo dins Marsillo ,
Entré dex millo , une poulido Fillo ,
Que la Naturo our et de seis presens ,
En quèlesprit a devança lou temps ;
Ello dau Conté a fourni la matiero ,
N'ai qué l'hounour de lou mettre en lumiero ;
En trabaillant sur un sujet tan beou ,
S'agradi pas , Pegazo es un Cameou .
La jouino Roso ( es lou nom de la Fillo )
Fasié la gau d'un aimablo Famillo ,
Que
424 MERCURE DE FRANCE
Que néro pas sourtido dau mailloué ,
N'aurien pas fa changi contro un Pitoué .
La changearien aujourd'hui mens encaro.
Ren n'es plus beau que son Amo et sa Caro,
Dau Ciel en tout adouren les raisouns ,
Es nado Fillo , et d'autres sount Garçouns.
Per amusar leis innoucens capricis ,
D'aquel Enfant , que fasié leis delicis ,
Et d'une Mero , et dun Pero encantats ;
Chacun courrié cerquar de tous coustats
Mille juguets l'avie jamai de Fiero , :
Que n'oun Venguesso ou Pipado de Ciero ,
Ou siblets d'or garnis de Cascaveous ,
Ou ben Rampaus emé seis auri peous :
Mai son esprit , que deja poun chejavo ,
Anavo au Bouen , lou saisissié , laimavo ;
Avie per tout , hors dau sucré , un mesprés ,
Danquau degun faou que siegue susprés.
D'un Capouchin , fa de pasto de Geno ,
Li fan presen per faire Leno Leno :"
Gardas lou ben , Roso , se lou lipas ,
Li dit sa Mero , iou non Vaimarai pas.
L'ordré es douna , mai la Filletto penso ,
Coumo pourran l'envejo et la deffenso ,
S'accoumoudar , et commo entamanar ,
Lou Capouchin : lou fai donc proumenar ,
* Termes dont se servent les Nourrices en Prewence
pour amuser les Enfans.
Devant
MARS.
425 1733
Devant seis ueils et devant sa bouqueto ;
Eou li fasié terriblement ligueto.
Quand quau quaren en quint'agi que sié ,
Es defendu , per lors fa mai d'enscié.
Enfin un jour. que la barbo sucrado ,
S'aprouchet traou , Roso d'une lipado
La démouchet ; Capouchin benhuroux ,
Aro ton sort farié fouessos gieloux.
Au Capouchin fa sentir sa dent primo ;
Une autre fes la sandalo s'esprimo ;
Na plus qu'un bras , lou nás un beou matin,
Es escourchi , puis lou soir lou gourdin.
Coumo a toujours fouert crignu la Cridesto ,
Songet dabord d'avé léxcuse lesto :
Roso vesen que lou sucra santoun ,
De jour en jour si fasié plus pichoun ,
Et que ben leon n'aurié pas brigo entiero ,
N'avertisset sa Mero la premiero ,
Mero ben digno ( à va dire en passant ,
De mettre au jour un tant aimable Enfant ! )
Vaviou ti pas , diguet dabord la Mero ,
Fasen semblant de si mettré en coulero ,
Ben deffendût que noun lou lipessias ?
Parlas ? diguas , groumande que vous sias
Es vrai : mai se lou Capouchin me lipo
Nes pas miracle ansin sé si dissipo ';
Mi yen baisar , li voue li ges de ben :
Saquo duravo , oh ! lirestarie ren,
"
426 MERCURE DE FRANCE
La Mero alors surpresso , desarmado ,
Sén va contar de plaisir penetrado ,
A son Mari ce quê degun creirié ;
Resto surprés , eh ! qu noun vaserié !
Per iou , Lectour,mon Ame es tan charmado
D'un tal esprit , d'une tallo pensado ,
D'un tau sujet , que jusques à la mouer
Laurai graya ben avant dins lou couer.
Par M. Louis Rodophile.
MArsillo
CONTE'.
Arsillo passo à bouen drech en beouta ,
Per son coumerço et son antiquita ,
Per sa grandour , fouessos Villos dau Mondé ,
La ges de Ben qu'en ello noun aboundé :
L'ordré li regno et tout les ben mena ,
Per leis Consouls que lou sort la douna.
Venguens au fait. Si trobo dins Marsillo ,
Entré dex millo , une poulido Fillo ,
Que la Naturo our et de seis presens ,
En quèlesprit a devança lou temps ;
Ello dau Conté a fourni la matiero ,
N'ai qué l'hounour de lou mettre en lumiero ;
En trabaillant sur un sujet tan beou ,
S'agradi pas , Pegazo es un Cameou .
La jouino Roso ( es lou nom de la Fillo )
Fasié la gau d'un aimablo Famillo ,
Que
424 MERCURE DE FRANCE
Que néro pas sourtido dau mailloué ,
N'aurien pas fa changi contro un Pitoué .
La changearien aujourd'hui mens encaro.
Ren n'es plus beau que son Amo et sa Caro,
Dau Ciel en tout adouren les raisouns ,
Es nado Fillo , et d'autres sount Garçouns.
Per amusar leis innoucens capricis ,
D'aquel Enfant , que fasié leis delicis ,
Et d'une Mero , et dun Pero encantats ;
Chacun courrié cerquar de tous coustats
Mille juguets l'avie jamai de Fiero , :
Que n'oun Venguesso ou Pipado de Ciero ,
Ou siblets d'or garnis de Cascaveous ,
Ou ben Rampaus emé seis auri peous :
Mai son esprit , que deja poun chejavo ,
Anavo au Bouen , lou saisissié , laimavo ;
Avie per tout , hors dau sucré , un mesprés ,
Danquau degun faou que siegue susprés.
D'un Capouchin , fa de pasto de Geno ,
Li fan presen per faire Leno Leno :"
Gardas lou ben , Roso , se lou lipas ,
Li dit sa Mero , iou non Vaimarai pas.
L'ordré es douna , mai la Filletto penso ,
Coumo pourran l'envejo et la deffenso ,
S'accoumoudar , et commo entamanar ,
Lou Capouchin : lou fai donc proumenar ,
* Termes dont se servent les Nourrices en Prewence
pour amuser les Enfans.
Devant
MARS.
425 1733
Devant seis ueils et devant sa bouqueto ;
Eou li fasié terriblement ligueto.
Quand quau quaren en quint'agi que sié ,
Es defendu , per lors fa mai d'enscié.
Enfin un jour. que la barbo sucrado ,
S'aprouchet traou , Roso d'une lipado
La démouchet ; Capouchin benhuroux ,
Aro ton sort farié fouessos gieloux.
Au Capouchin fa sentir sa dent primo ;
Une autre fes la sandalo s'esprimo ;
Na plus qu'un bras , lou nás un beou matin,
Es escourchi , puis lou soir lou gourdin.
Coumo a toujours fouert crignu la Cridesto ,
Songet dabord d'avé léxcuse lesto :
Roso vesen que lou sucra santoun ,
De jour en jour si fasié plus pichoun ,
Et que ben leon n'aurié pas brigo entiero ,
N'avertisset sa Mero la premiero ,
Mero ben digno ( à va dire en passant ,
De mettre au jour un tant aimable Enfant ! )
Vaviou ti pas , diguet dabord la Mero ,
Fasen semblant de si mettré en coulero ,
Ben deffendût que noun lou lipessias ?
Parlas ? diguas , groumande que vous sias
Es vrai : mai se lou Capouchin me lipo
Nes pas miracle ansin sé si dissipo ';
Mi yen baisar , li voue li ges de ben :
Saquo duravo , oh ! lirestarie ren,
"
426 MERCURE DE FRANCE
La Mero alors surpresso , desarmado ,
Sén va contar de plaisir penetrado ,
A son Mari ce quê degun creirié ;
Resto surprés , eh ! qu noun vaserié !
Per iou , Lectour,mon Ame es tan charmado
D'un tal esprit , d'une tallo pensado ,
D'un tau sujet , que jusques à la mouer
Laurai graya ben avant dins lou couer.
Par M. Louis Rodophile.
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Résumé : LOU CAPOUCHIN DÉ SUCRÉ, CONTÉ.
Le poème 'Lou Capouchin de' Sucre'' de Louis Rodophile raconte l'histoire de Roso, un enfant marseillais issu d'une famille aimable et noble. Roso possède un capucin en sucre, un jouet précieux offert par son père. Par curiosité et caprice, Roso mange progressivement le capucin jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un bras. Sa mère découvre alors la situation. Roso, craignant sa réaction, invente des excuses. La mère, bien que surprise, comprend la curiosité de l'enfant et décide de ne pas le punir sévèrement. Le narrateur admire l'esprit et la pensée de Roso ainsi que le sujet du poème.
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15
p. 480-481
CONTE, Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic, en Bretagne.
Début :
Un gars Meunier, frapoit avec furie, [...]
Mots clefs :
Palais, Meunier
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CONTE, Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic, en Bretagne.
CONTE ,
Par Me de Malcrais de la Vigne , du
Croisic , en Bretagne .
UN gars Meunier , frapoit avec furie ,
Un Baudet maigre , accablé sous le faix ;
Deux Avocats au softir du Palais ,
A
MARS.
1733-
481
A ce spectacle eurent l'ame attendrie.
Hò , cria l'un , tourne icy , gros Manant ,
Epargne un peu cette chétive Bête ,
Autant vaudroit l'écorcher à l'instant.
Alors le Drôle , ôtant d'un air honnête ,
Un vieux Chapeau , qui flotoit sur sa tête ,
Moins noir que blanc , par trop long- temps
porté ,
Excusez - donc , dit- il , ma liberté ,
Monsieur , mon Asne , entre- nous sans rancune,
Foint, jusqu'icy , noble Roy des Baudets ,
Foy de Meunier , n'avois croïance aucune
Qu'eussiez amis , ni parens au Palais.
Par Me de Malcrais de la Vigne , du
Croisic , en Bretagne .
UN gars Meunier , frapoit avec furie ,
Un Baudet maigre , accablé sous le faix ;
Deux Avocats au softir du Palais ,
A
MARS.
1733-
481
A ce spectacle eurent l'ame attendrie.
Hò , cria l'un , tourne icy , gros Manant ,
Epargne un peu cette chétive Bête ,
Autant vaudroit l'écorcher à l'instant.
Alors le Drôle , ôtant d'un air honnête ,
Un vieux Chapeau , qui flotoit sur sa tête ,
Moins noir que blanc , par trop long- temps
porté ,
Excusez - donc , dit- il , ma liberté ,
Monsieur , mon Asne , entre- nous sans rancune,
Foint, jusqu'icy , noble Roy des Baudets ,
Foy de Meunier , n'avois croïance aucune
Qu'eussiez amis , ni parens au Palais.
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Résumé : CONTE, Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic, en Bretagne.
Un meunier bat un âne chargé. Deux avocats interviennent pour épargner l'animal. Le meunier, surpris, s'excuse et ignore que les ânes peuvent avoir des amis parmi les avocats. Ce conte, intitulé 'CONTE', est écrit par Me de Malcrais de la Vigne du Croisic en Bretagne, en mars 1733.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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16
p. 488-489
AUTRE CONTE. Par Mlle de Malcrais de la Vigne.
Début :
J'etois à la Campagne, et tout haut, par hazard, [...]
Mots clefs :
Henri, Paysan
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE CONTE. Par Mlle de Malcrais de la Vigne.
AUTRE CONTE .
Par Me de Malerais de la Vigne.
'Etois à la Campagne , et tout haut' , par ha
zard ,
J'
Devant un Païsan attentif , à l'écart ,
Je lisois la brillante histoire ,
Du grand Henri , dont la Mémoire ,
Doit être pour toujours respectable aux Fran
çois.
Quand j'en fus à l'endroit de son Illustre Vie ;
Cer endroit déplorable , où le traître Angoû
mois ,
Perça d'une pointe ennemie ,
Ce Prince en cent combats dans la Guerre
épargné.
Le gros Rustre soudain , se levant indigné ,
Vit-il encor , ce misérable ;
Me dit- il , d'un air renfrogné ?
Non , répondis -je , le coupable ,
fut
MAR S. 1733.
489
Fut tôt après exterminé .
Morgué , tant mieux pour lui , j'eusse à ce trop
tôt né ,
Tout exprès à Paris couru bailler la gratte ,
Reprit-il , en jurant comme un déterminé ,
Et si dans l'autre monde , il tombe sous ma
*
patte ;
Oui , je veux , Maugrebi , lui flanquer pour le
moins , •
Avec cent coup de pieds , autant de coups de
poings.
Par Me de Malerais de la Vigne.
'Etois à la Campagne , et tout haut' , par ha
zard ,
J'
Devant un Païsan attentif , à l'écart ,
Je lisois la brillante histoire ,
Du grand Henri , dont la Mémoire ,
Doit être pour toujours respectable aux Fran
çois.
Quand j'en fus à l'endroit de son Illustre Vie ;
Cer endroit déplorable , où le traître Angoû
mois ,
Perça d'une pointe ennemie ,
Ce Prince en cent combats dans la Guerre
épargné.
Le gros Rustre soudain , se levant indigné ,
Vit-il encor , ce misérable ;
Me dit- il , d'un air renfrogné ?
Non , répondis -je , le coupable ,
fut
MAR S. 1733.
489
Fut tôt après exterminé .
Morgué , tant mieux pour lui , j'eusse à ce trop
tôt né ,
Tout exprès à Paris couru bailler la gratte ,
Reprit-il , en jurant comme un déterminé ,
Et si dans l'autre monde , il tombe sous ma
*
patte ;
Oui , je veux , Maugrebi , lui flanquer pour le
moins , •
Avec cent coup de pieds , autant de coups de
poings.
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Résumé : AUTRE CONTE. Par Mlle de Malcrais de la Vigne.
Un individu lit à voix haute l'histoire du roi Henri IV à un paysan. À l'annonce de l'assassinat d'Henri IV par François Ravaillac, le paysan exprime sa colère et son désir de vengeance. Il souhaite punir Ravaillac, déclarant qu'il le frapperait avec cent coups de pied et autant de coups de poing.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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17
p. 1757-1759
DEMOSTHENE ET LAIS. CONTE.
Début :
Corinthe vit une Jeune Beauté, [...]
Mots clefs :
Démosthène, Laïs, Amant, Financier, Somme, Corinthe, Avare, Talent, Orateur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DEMOSTHENE ET LAIS. CONTE.
DEMOSTHENE ET LAIS.
CONTE.
Corinthe vit une Jeune Beauté ,
Dont les appas faisoient bruit dans la Grece
Chez elle alloit la brillante Jeunesse ;
Plus d'un Amant en étoit enchanté ;
Pour peu qu'on eût le gousset argenté,
Qu'à pleines mains on jettât la richesse ,
Tenez pour sûr qu'on étoit écouté ;
Mais un Amant avare ou sans finance
Ne Lecevoit gracieuse audiance ,
Point de faveurs ; il étoit rebuté
Il avoit beau vaater son éloquence,
Son
1758 MERCURE DE FRANCE
Son bel esprit , ou bien sa qualité ,
On le traitoit avec sévérité ;
Car rien pour rien, en Grecé comme en France ,
C'est de tout temps un Proverbe usité ;
Un petit Maître en vain contoit fleurette ,
S'il n'ajoûtoit encor quelque bijou ;
De passemens s'il ne faisoit emplette ,
On le laissit morfondre tout son sou ;
Bref, telle étoit l'humeur de la Donzelle ;
Argent et dous faisoient tout son attrait ,
Le demeurant n'étoit que bagatelle ;
Qu'un Financier cût bien été son fait !
Un Financier admis chez une Belle ,
D'une faveur paye au double le prix ;
Il ne connoît ni dédains ni mépris ;
On le prévient , jamais sujet de plainte ,
Il est toujours chéri de son Aminthe ;
Trois fois heureux , mais il n'est pas permis ,
A tout Mortel d'arriver à Corinthe ;
On dit pourant que Démosthène épris ,
Des yeux vainqueurs de la jeune Laïs ,
C'étoit le nom de notre belle Infante )
Lui présenta requête suppliante ,
Pour ce qu'en France on paye en beaux Louis,
Or sçavez-vous ce que pour son offrande ,
Elle exigea de son illustre Amant ?
Vous donnerez , lui dit- elle , un talent ;
Un seul talent ! la somme n'est pas grande ;
Et
AOUST. 1733 : 1759
; Et je devrois vous en demander deux
Mais votre nom mérite quelque grace ;
Vous jugez bien que la somme embarrasse
Notre Rhéteur qui n'est pécunieux ;
Fournir ne peut à si grande largesse ;
Et renonçant au frivole plaisir ,
Non , répond- t-il à l'avare Maîtresse ,
Un Orateur nourri dans la sagesse ,
N'achepte pas si cher un repentir.
PIERRE DEFRASNA
CONTE.
Corinthe vit une Jeune Beauté ,
Dont les appas faisoient bruit dans la Grece
Chez elle alloit la brillante Jeunesse ;
Plus d'un Amant en étoit enchanté ;
Pour peu qu'on eût le gousset argenté,
Qu'à pleines mains on jettât la richesse ,
Tenez pour sûr qu'on étoit écouté ;
Mais un Amant avare ou sans finance
Ne Lecevoit gracieuse audiance ,
Point de faveurs ; il étoit rebuté
Il avoit beau vaater son éloquence,
Son
1758 MERCURE DE FRANCE
Son bel esprit , ou bien sa qualité ,
On le traitoit avec sévérité ;
Car rien pour rien, en Grecé comme en France ,
C'est de tout temps un Proverbe usité ;
Un petit Maître en vain contoit fleurette ,
S'il n'ajoûtoit encor quelque bijou ;
De passemens s'il ne faisoit emplette ,
On le laissit morfondre tout son sou ;
Bref, telle étoit l'humeur de la Donzelle ;
Argent et dous faisoient tout son attrait ,
Le demeurant n'étoit que bagatelle ;
Qu'un Financier cût bien été son fait !
Un Financier admis chez une Belle ,
D'une faveur paye au double le prix ;
Il ne connoît ni dédains ni mépris ;
On le prévient , jamais sujet de plainte ,
Il est toujours chéri de son Aminthe ;
Trois fois heureux , mais il n'est pas permis ,
A tout Mortel d'arriver à Corinthe ;
On dit pourant que Démosthène épris ,
Des yeux vainqueurs de la jeune Laïs ,
C'étoit le nom de notre belle Infante )
Lui présenta requête suppliante ,
Pour ce qu'en France on paye en beaux Louis,
Or sçavez-vous ce que pour son offrande ,
Elle exigea de son illustre Amant ?
Vous donnerez , lui dit- elle , un talent ;
Un seul talent ! la somme n'est pas grande ;
Et
AOUST. 1733 : 1759
; Et je devrois vous en demander deux
Mais votre nom mérite quelque grace ;
Vous jugez bien que la somme embarrasse
Notre Rhéteur qui n'est pécunieux ;
Fournir ne peut à si grande largesse ;
Et renonçant au frivole plaisir ,
Non , répond- t-il à l'avare Maîtresse ,
Un Orateur nourri dans la sagesse ,
N'achepte pas si cher un repentir.
PIERRE DEFRASNA
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Résumé : DEMOSTHENE ET LAIS. CONTE.
Le texte raconte l'histoire d'une jeune femme de Corinthe, Laïs, connue pour sa beauté et ses exigences financières. Elle accordait ses faveurs uniquement aux hommes riches et généreux, rejetant les autres malgré leurs qualités. Laïs demandait des présents coûteux en échange de son affection. Un financier, par exemple, devait payer cher pour obtenir ses faveurs et était toujours bien accueilli. Démosthène, un célèbre orateur, tomba amoureux de Laïs et lui fit une demande. Elle exigea un talent (une somme d'argent) en échange de ses faveurs. Démosthène, incapable de payer une telle somme, refusa, déclarant qu'un orateur sage ne devrait pas acheter un repentir à un tel prix.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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18
p. 209-210
L'HEUREUX ASTROLOGUE. CONTE.
Début :
Jadis en France un certain Astrologue [...]
Mots clefs :
Astrologue, Roi, Mage, Dame, Mort
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texteReconnaissance textuelle : L'HEUREUX ASTROLOGUE. CONTE.
L'HEUREUX ASTROLOGUE.
JA
CONT E.
Adis en France un certain Aftrologue
Si bien se mit en réputation ,
Que jamais onc plus ne furent en vogue
Fausse croyance et superstition ;
Mais à la Cour plus que dans les Province
Fallaciant Comtes , Marquis et Princes
Sçût par son art le Negromancien
En imposer à plusieurs gens de bien:
Quoique ne dit que pares rêveries ,
Les faisoit croire ainsi que propheties ;
Vint même à bout de répandre l'éffroy.:
Comme vais dire , en l'ame de son Roy.
A Dame jeune et de haut étalage
Qu'aimoit le Roy pour son joly corsage
Avoit prédit ce méchant que dix jours
De ses beaux ans termineroient le cours
De quoi si fort fut la Dame frappée ,
Qu'one du depuis ne songea qu'à la mort
De deuil amer nuit et jour occupée
Au temps prescrit elle accomplit son sort.
Le Roy chagrin de si triste avanture
A son Palais fait le Mage venir >
Et
210 MERCURE DE FRANCE
J
Et contant bien dévoiler l'imposture
Jà se prépare à le faire punir :
Toi , lui dit- il d'une voix formidable ,
Mage fameux , dont le regard certain
Dans l'avenir le plus impenetrable
Sçait d'un chacun débrouiller le destin ,
Du tien toi même annonce moi l'histoire ,
Quand mourras- tu ? ... point ne dirai , grand
Roy ,
...
Répondit- il , quand verrai l'onde noire ;
Mais la verrez quatre jours après inoy
Epouvanté, plus n'eut le Prince envie
De le livrer à mort ; mais au rebours
Bien ordonna qu'on veillât sur sa vie
Et comme siens , qu'on respectât ses jours.
JA
CONT E.
Adis en France un certain Aftrologue
Si bien se mit en réputation ,
Que jamais onc plus ne furent en vogue
Fausse croyance et superstition ;
Mais à la Cour plus que dans les Province
Fallaciant Comtes , Marquis et Princes
Sçût par son art le Negromancien
En imposer à plusieurs gens de bien:
Quoique ne dit que pares rêveries ,
Les faisoit croire ainsi que propheties ;
Vint même à bout de répandre l'éffroy.:
Comme vais dire , en l'ame de son Roy.
A Dame jeune et de haut étalage
Qu'aimoit le Roy pour son joly corsage
Avoit prédit ce méchant que dix jours
De ses beaux ans termineroient le cours
De quoi si fort fut la Dame frappée ,
Qu'one du depuis ne songea qu'à la mort
De deuil amer nuit et jour occupée
Au temps prescrit elle accomplit son sort.
Le Roy chagrin de si triste avanture
A son Palais fait le Mage venir >
Et
210 MERCURE DE FRANCE
J
Et contant bien dévoiler l'imposture
Jà se prépare à le faire punir :
Toi , lui dit- il d'une voix formidable ,
Mage fameux , dont le regard certain
Dans l'avenir le plus impenetrable
Sçait d'un chacun débrouiller le destin ,
Du tien toi même annonce moi l'histoire ,
Quand mourras- tu ? ... point ne dirai , grand
Roy ,
...
Répondit- il , quand verrai l'onde noire ;
Mais la verrez quatre jours après inoy
Epouvanté, plus n'eut le Prince envie
De le livrer à mort ; mais au rebours
Bien ordonna qu'on veillât sur sa vie
Et comme siens , qu'on respectât ses jours.
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Résumé : L'HEUREUX ASTROLOGUE. CONTE.
En France, un astrologue acquit une grande réputation en répandant fausses croyances et superstitions, notamment à la cour. Il trompa plusieurs personnes influentes, y compris des comtes, marquis et princes, en présentant ses rêveries comme des prophéties. Il prédit à une jeune dame aimée du roi qu'elle mourrait dans dix jours. Terrifiée, elle succomba effectivement à la date prévue. Le roi, attristé, convoqua l'astrologue pour le punir. Cependant, lorsque le roi demanda à l'astrologue de prédire sa propre mort, celui-ci répondit qu'il mourrait lorsqu'il verrait l'onde noire. Quatre jours plus tard, l'astrologue se noya, empêchant ainsi le roi de le punir. Cet événement poussa le roi à protéger la vie de l'astrologue.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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19
p. 56-63
CONTES.
Début :
Tout un peuple étoit si disposé à la joie & à la gaité qu'il n'étoit plus capable [...]
Mots clefs :
Homme, Juge, Serpent, Esclave, Argent, Accusé
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CONTES.
CONTES.
PREMIER CONTE.
Out un peuple étoit fi difpofé à la
joie & à la gaité qu'il n'étoit plus capable
de rien , c'étoient les Tirinthiens.
Comme ils ne pouvoient plus reprendre
leur férieux fur quoi que ce foit , tout
étoit en defordre parmi eux. S'ils s'affembloient
, tous leurs entretiens rouloient fur
des folies , au lieu de rouler fur les affaires
publiques : s'ils recevoient des Ambaffadeurs
, ils les tournoient en ridicule : s'ils
tenoient le confeil de ville , les avis des
plus graves Sénateurs n'étoient que des
bouffonneries , & en toutes fortes d'occafions
, une parole ou une action raifonnable
eût été un prodige chez cette nation .
Ils fe fentirent enfin fort incommodés
de cet efprit de plaifanterie. Ils allerent
confulter l'Oracle de Delphes , pour lui demander
les moyens de recouvrer un peu
de férieux : l'Oracle répondit que s'ils pouvoient
facrifier un taureau à Neptune fans
rire , il feroit déformais en leur pouvoir
d'être plus fages. Un facrifice n'eft pas une
occafion fi plaifante d'elle-même ; cepenDECEMBRE
1754 57
dant pour le faire
férieufement ils y apporterent
bien des précautions. Ils réfolurent
de n'y point recevoir de jeunes gens ,
mais feulement des vieillards ; & non pas
encore toutes fortes de vieillards , mais
feulement ceux qui avoient ou des infirmités
, ou beaucoup de dettes , ou des
femmes fâcheufes & incommodes. Quand
toutes ces perfonnes choifies furent fur le
bord de la mer pour immoler la victime ,
il fallut encore , malgré les femmes diableſſes
, les dettes , les maladies , & l'âge ,
qu'ils compofaffent leur air , baiffaffent les
yeux , & fe mordiffent les lévres . Mais
par malheur il fe trouva là un enfant qui
s'y étoit gliffé. On voulut le chaffer , & il
cria : quoi ! avez-vous peur que je n'avale
votre taureau Cette fottife déconcerta
toutes ces gravités contrefaites : on éclata
de rire ; le facrifice fut troublé , & la
raifon ne vint point aux Tirinthiens .
SECOND CONTE.
On raconte qu'il y avoit un Cadis, nommé
Roufbehani , il étoit dans le Tabariftan
; c'étoit un homme qui poffédoit toutes
les qualités que demande fa charge. Un
jour un homme fe préfenta devant lui
pour intenter procès à un autre à qui il
Cv
58 MERCURE
DE FRANCE
.
à
avoit prêté de l'argent : le Cadis dit à l'acufe
, avez vous l'argent de cet homme ?
l'accufé le nia ; le Cadis demanda à l'accufateur
, avez - vous des témoins ? il répondit
, je n'en ai point ; le Cadis répondit , il
faut le faire jurer. L'accufateur
pleura , &
lui dit : ô juge ! prenez garde , fecourezmoi
, je n'ai point de témoins pour lui &
il jurera : le juge lui dit , par rapport
vous , je n'irai point contre la loi , il faut
que vous ayez des témoins ou que votre
adverfaire jure . L'homme pleura & fe jetta
par terre , je fuis un pauvre homme ,
faire
pas
dit-il , & fi vous ne me faites
juſtice , je ferai trompé ; examinez ma
caufe qui eft jufte . Alors le juge voulant
examiner le jufte procédé de cet homme ,
le fit approcher , & lui dit : comment
avez vous donné de l'argent à cet homme ?
je l'ai prêté , répondit il : à quelle condition
le lui avez -vous prêté ?
O juge ! foyez toujours heureux. Sçachez
que cet homme étoit mon ami : il
devint amoureux d'une efclave ; le prix de
cette efclave étoit de cent fequins , tout
fon bien ne les vaut point . Cet homme
étoit toujours plongé dans le chagrin
quelque part qu'il allât. Un jour nous
étions enfemble à la promenade , nous
nous repofâmes dans un endroit où il fe
0
DECEMBRE. 1754. 59
reſſouvint de fa maîtreffe ; il pleura tant
que j'eus pitié de lui , par rapport à notre
ancienne amitié de vingt ans. Vous n'avez
point affez d'argent , lui dis- je , pour
acheter cette efclave ; perfonne ne vous
fecourt : à peine ai- je cent fequins que j'ai
gagnés depuis que je fuis né , voulez - vous
que je vous les prête ? vous mettrez auffi
de l'argent, & vous acheterez cette efclave :
après en avoir joui pendant un mois vous
la revendrez , & vous me rendrez ce qui
m'appartient . Auffi tôt cet homme ſe jetta
à mes pieds , & me jura de ne fe fervir
qu'un mois de cette efclave , & qu'enfuite
il la revendroit , foit qu'il y perdît ,
foit qu'il y gagnât , afin de me rendre
mon argent. Je me rendis à fes prieres , &
je lui donnai cet argent ; il n'y avoit avec
nous perfonne , excepté Dieu . Depuis ce
tems - là , quatre mois fe font écoulés fans
que j'aye vû paroître ni mon argent ni
l'efclave. Dans quel lieu avez vous donné
cet argent ? l'homme dit à l'ombre d'un arbre
: pourquoi dites-vous que vous n'avez
point de témoins ? Il dit alors à l'accufé
reftez auprès de moi ; & à l'accufateur ,
allez à cet arbre , priez- y Dieu , & enfuite
dites lui : le juge vous demande , venez &
rendez témoignage pour moi . L'accufé fourit
au difcours du juge : le juge s'en apper-
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
çut , & fit femblant de ne le point voir
allez , dit- il , à l'accufateur , qu'il vienne
vîte pour rendre témoignage. L'accufateur
répondit , je crains que cet arbre ne veuille
point aquiefcer à ma feule parole , donnez
- moi quelque marque pour lui faire
fçavoir que c'eft de votre part que je viens.
Le juge lui en donna une , & lui dit , allez
& montrez lui cela ; dites -lui , le juge
vous demande pour rendre témoignage
fur ce que vous fçavez . Cet homme ayant
pris le figne , partit : l'accufé refta , le juge
caufa avec toute l'affemblée fans fonger à
l'accufé. Quelque tems après , il lui demanda
, cet homme eft-il arrivé à l'arbre ? il lui
répondit , il n'eft point encore arrivé : il
montra par cette réponſe qu'il étoit coupable.
Pour l'accufateur , étant allé à l'arbre
il eut beau le prier , lui montrer le ſignal
du juge , lui dire qu'il le demandoit pour
rendre témoignage , & ne pouvant rien
obtenir de l'arbre , il retourna , & dit au
juge Seigneur , j'ai montré votre figne ,
je n'ai rien obtenu de l'arbre. Alors le juge
répondit , cet arbre eft venu avant vous ,
il a rendu témoignage : vîte , donnez les
cent fequins à cet homme . L'accufé répartit
, quand eft-ce que l'arbre eft venu ? j'ai
toujours été préfent.
Le juge répondit , lorfque je vous aî
DECEMBRE. 1754. 61
demandé fi cet homme étoit arrivé à l'arbre
, pourquoi n'avez - vous point répondu
, comment puis- je fçavoir s'il y eft arrivé
, puifque je ne fçais où eft cet arbre ?
fi vous n'euffiez point connu cet arbre ,
vous n'euffiez point répondu : il n'y eft point
encore arrivé. L'accufé convaincu par luimême
, donna ce qu'il avoit à cet homme.
Quoique dans cette occafion le juge
n'aye point confulté le livre des loix , cependant
il a rendu la juftice par fon fçavoir.
III . CONTE.
Abdoul Dyebbar raconte que Mouhamed
, fils de Humeïr , étant un jour forti
pour chaffer , il vit un ferpent s'avancer
vers lui avec beaucoup de vîteffe . Lorfqu'il
fut arrivé auprès de lui , il lui dit :
fauve-moi , & Dieu te fauvera le jour que
perfonne autre que lui ne peut fauver . Il
demanda au ferpent de quoi il vouloit qu'il
le fauvât il lui répondit , d'un ennemi
qui veut me couper en pièces . Il lui demanda
où il vouloit qu'il le cachât ? il répondit
, fi tu veux faire une bonne action
cache-moi dans ton eftomac. Il ouvrit fa
bouche , & à peine le ferpent étoit - il defcendu
dans fon eftomac qu'il vit venir un
homme le fabre à la main , qui lui de62
MERCURE DE FRANCE.
1
manda où étoit le ferpent ? il lui répondit
qu'il ne l'avoit point vû , & l'homme paffa
outre. Sentant un moment après le ferpent
remonter , il ouvrit fa bouche ; le ferpent
mit la tête dehors, & lui demanda s'il voyoit
l'homme qui le cherchoit ? il répondit qu'il
avoit paffé , & qu'il ne le voyoit plus. Le
ferpent lui dit alors de choisir de deux chofes
l'une , ou qu'il lui piquât le coeur , ou
qu'il lui fendît le foie. Le fils de Humeïr
répondit : j'attefte Dieu que tu ne me traites
pas comme je l'ai mérité. Le ferpent
repliqua : il est vrai ; mais tu as fait du
bien à un ingrat , & il faut que tu choififfes
un des deux partis , il n'y a pas d'autres
moyens . Le fils de Humeïr lui dit :
puifqu'il faut que je meure , la feule grace
que je te demande eft que tu me donnes le
tems d'arriver au pied de cette montagne
qui eft devant nous pour m'y faire un tombeau.
Le ferpent y ayant confenti , il fe
mit à marcher du côté de la montagne.
A peine avoit il fait quelques pas qu'il rencontra
un jeune homme , d'un beau viſage
& bien habillé , qui lui dit : bon vieillard ,
qu'avez - vous ? il femble que vous foyez
defefpéré de la vie , & que vous alliez vous
préfenter à une mort certaine. Il lui répondit
: un ennemi qui eft dans mon eftomac
& qui veut me faire périr , m'a mis
DECEMBRE . 1754. 63
dans cet état. A ces mots le jeune homme
tira quelque chofe de fa manche & le lui
donna , en lui difant de l'avaler : l'ayant
avalé , il fentit une douleur violente dans
fes entrailles ; il fe plaignit au jeune homme
, & il lui en donna une autre : dès qu'il
l'eut avalé il rendit le ferpent en plufieurs
morceaux par le bas. Senfible au dernier
point au fervice qu'il lui avoit rendu , il lui
donna mille bénédictions , & le pria de lui
dire qui il étoit . Il répondit je fuis un ange
, mon nom eft Marouf, & ma place eſt
dans le quatrième ciel. Tu fçauras que les
habitans du ciel voyant le tour indigne
que le ferpent vouloit te jouer , ils ont été
touchés de ton état , & ont prié Dieu de
t'aider ; & c'est par fon ordre que je fuis
venu pour te tirer d'embarras. Hadjadje
demanda un jour à une perfonne quelles
étoient les chofes les plus mal employées ?
Il lui répondit , la pluie fur une terre falée
, une chandelle allumée devant le foleil
, une belle efclave entre les mains de
quelqu'un qui n'eft pas homme , & un
bienfait à un ingrat.
PREMIER CONTE.
Out un peuple étoit fi difpofé à la
joie & à la gaité qu'il n'étoit plus capable
de rien , c'étoient les Tirinthiens.
Comme ils ne pouvoient plus reprendre
leur férieux fur quoi que ce foit , tout
étoit en defordre parmi eux. S'ils s'affembloient
, tous leurs entretiens rouloient fur
des folies , au lieu de rouler fur les affaires
publiques : s'ils recevoient des Ambaffadeurs
, ils les tournoient en ridicule : s'ils
tenoient le confeil de ville , les avis des
plus graves Sénateurs n'étoient que des
bouffonneries , & en toutes fortes d'occafions
, une parole ou une action raifonnable
eût été un prodige chez cette nation .
Ils fe fentirent enfin fort incommodés
de cet efprit de plaifanterie. Ils allerent
confulter l'Oracle de Delphes , pour lui demander
les moyens de recouvrer un peu
de férieux : l'Oracle répondit que s'ils pouvoient
facrifier un taureau à Neptune fans
rire , il feroit déformais en leur pouvoir
d'être plus fages. Un facrifice n'eft pas une
occafion fi plaifante d'elle-même ; cepenDECEMBRE
1754 57
dant pour le faire
férieufement ils y apporterent
bien des précautions. Ils réfolurent
de n'y point recevoir de jeunes gens ,
mais feulement des vieillards ; & non pas
encore toutes fortes de vieillards , mais
feulement ceux qui avoient ou des infirmités
, ou beaucoup de dettes , ou des
femmes fâcheufes & incommodes. Quand
toutes ces perfonnes choifies furent fur le
bord de la mer pour immoler la victime ,
il fallut encore , malgré les femmes diableſſes
, les dettes , les maladies , & l'âge ,
qu'ils compofaffent leur air , baiffaffent les
yeux , & fe mordiffent les lévres . Mais
par malheur il fe trouva là un enfant qui
s'y étoit gliffé. On voulut le chaffer , & il
cria : quoi ! avez-vous peur que je n'avale
votre taureau Cette fottife déconcerta
toutes ces gravités contrefaites : on éclata
de rire ; le facrifice fut troublé , & la
raifon ne vint point aux Tirinthiens .
SECOND CONTE.
On raconte qu'il y avoit un Cadis, nommé
Roufbehani , il étoit dans le Tabariftan
; c'étoit un homme qui poffédoit toutes
les qualités que demande fa charge. Un
jour un homme fe préfenta devant lui
pour intenter procès à un autre à qui il
Cv
58 MERCURE
DE FRANCE
.
à
avoit prêté de l'argent : le Cadis dit à l'acufe
, avez vous l'argent de cet homme ?
l'accufé le nia ; le Cadis demanda à l'accufateur
, avez - vous des témoins ? il répondit
, je n'en ai point ; le Cadis répondit , il
faut le faire jurer. L'accufateur
pleura , &
lui dit : ô juge ! prenez garde , fecourezmoi
, je n'ai point de témoins pour lui &
il jurera : le juge lui dit , par rapport
vous , je n'irai point contre la loi , il faut
que vous ayez des témoins ou que votre
adverfaire jure . L'homme pleura & fe jetta
par terre , je fuis un pauvre homme ,
faire
pas
dit-il , & fi vous ne me faites
juſtice , je ferai trompé ; examinez ma
caufe qui eft jufte . Alors le juge voulant
examiner le jufte procédé de cet homme ,
le fit approcher , & lui dit : comment
avez vous donné de l'argent à cet homme ?
je l'ai prêté , répondit il : à quelle condition
le lui avez -vous prêté ?
O juge ! foyez toujours heureux. Sçachez
que cet homme étoit mon ami : il
devint amoureux d'une efclave ; le prix de
cette efclave étoit de cent fequins , tout
fon bien ne les vaut point . Cet homme
étoit toujours plongé dans le chagrin
quelque part qu'il allât. Un jour nous
étions enfemble à la promenade , nous
nous repofâmes dans un endroit où il fe
0
DECEMBRE. 1754. 59
reſſouvint de fa maîtreffe ; il pleura tant
que j'eus pitié de lui , par rapport à notre
ancienne amitié de vingt ans. Vous n'avez
point affez d'argent , lui dis- je , pour
acheter cette efclave ; perfonne ne vous
fecourt : à peine ai- je cent fequins que j'ai
gagnés depuis que je fuis né , voulez - vous
que je vous les prête ? vous mettrez auffi
de l'argent, & vous acheterez cette efclave :
après en avoir joui pendant un mois vous
la revendrez , & vous me rendrez ce qui
m'appartient . Auffi tôt cet homme ſe jetta
à mes pieds , & me jura de ne fe fervir
qu'un mois de cette efclave , & qu'enfuite
il la revendroit , foit qu'il y perdît ,
foit qu'il y gagnât , afin de me rendre
mon argent. Je me rendis à fes prieres , &
je lui donnai cet argent ; il n'y avoit avec
nous perfonne , excepté Dieu . Depuis ce
tems - là , quatre mois fe font écoulés fans
que j'aye vû paroître ni mon argent ni
l'efclave. Dans quel lieu avez vous donné
cet argent ? l'homme dit à l'ombre d'un arbre
: pourquoi dites-vous que vous n'avez
point de témoins ? Il dit alors à l'accufé
reftez auprès de moi ; & à l'accufateur ,
allez à cet arbre , priez- y Dieu , & enfuite
dites lui : le juge vous demande , venez &
rendez témoignage pour moi . L'accufé fourit
au difcours du juge : le juge s'en apper-
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
çut , & fit femblant de ne le point voir
allez , dit- il , à l'accufateur , qu'il vienne
vîte pour rendre témoignage. L'accufateur
répondit , je crains que cet arbre ne veuille
point aquiefcer à ma feule parole , donnez
- moi quelque marque pour lui faire
fçavoir que c'eft de votre part que je viens.
Le juge lui en donna une , & lui dit , allez
& montrez lui cela ; dites -lui , le juge
vous demande pour rendre témoignage
fur ce que vous fçavez . Cet homme ayant
pris le figne , partit : l'accufé refta , le juge
caufa avec toute l'affemblée fans fonger à
l'accufé. Quelque tems après , il lui demanda
, cet homme eft-il arrivé à l'arbre ? il lui
répondit , il n'eft point encore arrivé : il
montra par cette réponſe qu'il étoit coupable.
Pour l'accufateur , étant allé à l'arbre
il eut beau le prier , lui montrer le ſignal
du juge , lui dire qu'il le demandoit pour
rendre témoignage , & ne pouvant rien
obtenir de l'arbre , il retourna , & dit au
juge Seigneur , j'ai montré votre figne ,
je n'ai rien obtenu de l'arbre. Alors le juge
répondit , cet arbre eft venu avant vous ,
il a rendu témoignage : vîte , donnez les
cent fequins à cet homme . L'accufé répartit
, quand eft-ce que l'arbre eft venu ? j'ai
toujours été préfent.
Le juge répondit , lorfque je vous aî
DECEMBRE. 1754. 61
demandé fi cet homme étoit arrivé à l'arbre
, pourquoi n'avez - vous point répondu
, comment puis- je fçavoir s'il y eft arrivé
, puifque je ne fçais où eft cet arbre ?
fi vous n'euffiez point connu cet arbre ,
vous n'euffiez point répondu : il n'y eft point
encore arrivé. L'accufé convaincu par luimême
, donna ce qu'il avoit à cet homme.
Quoique dans cette occafion le juge
n'aye point confulté le livre des loix , cependant
il a rendu la juftice par fon fçavoir.
III . CONTE.
Abdoul Dyebbar raconte que Mouhamed
, fils de Humeïr , étant un jour forti
pour chaffer , il vit un ferpent s'avancer
vers lui avec beaucoup de vîteffe . Lorfqu'il
fut arrivé auprès de lui , il lui dit :
fauve-moi , & Dieu te fauvera le jour que
perfonne autre que lui ne peut fauver . Il
demanda au ferpent de quoi il vouloit qu'il
le fauvât il lui répondit , d'un ennemi
qui veut me couper en pièces . Il lui demanda
où il vouloit qu'il le cachât ? il répondit
, fi tu veux faire une bonne action
cache-moi dans ton eftomac. Il ouvrit fa
bouche , & à peine le ferpent étoit - il defcendu
dans fon eftomac qu'il vit venir un
homme le fabre à la main , qui lui de62
MERCURE DE FRANCE.
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manda où étoit le ferpent ? il lui répondit
qu'il ne l'avoit point vû , & l'homme paffa
outre. Sentant un moment après le ferpent
remonter , il ouvrit fa bouche ; le ferpent
mit la tête dehors, & lui demanda s'il voyoit
l'homme qui le cherchoit ? il répondit qu'il
avoit paffé , & qu'il ne le voyoit plus. Le
ferpent lui dit alors de choisir de deux chofes
l'une , ou qu'il lui piquât le coeur , ou
qu'il lui fendît le foie. Le fils de Humeïr
répondit : j'attefte Dieu que tu ne me traites
pas comme je l'ai mérité. Le ferpent
repliqua : il est vrai ; mais tu as fait du
bien à un ingrat , & il faut que tu choififfes
un des deux partis , il n'y a pas d'autres
moyens . Le fils de Humeïr lui dit :
puifqu'il faut que je meure , la feule grace
que je te demande eft que tu me donnes le
tems d'arriver au pied de cette montagne
qui eft devant nous pour m'y faire un tombeau.
Le ferpent y ayant confenti , il fe
mit à marcher du côté de la montagne.
A peine avoit il fait quelques pas qu'il rencontra
un jeune homme , d'un beau viſage
& bien habillé , qui lui dit : bon vieillard ,
qu'avez - vous ? il femble que vous foyez
defefpéré de la vie , & que vous alliez vous
préfenter à une mort certaine. Il lui répondit
: un ennemi qui eft dans mon eftomac
& qui veut me faire périr , m'a mis
DECEMBRE . 1754. 63
dans cet état. A ces mots le jeune homme
tira quelque chofe de fa manche & le lui
donna , en lui difant de l'avaler : l'ayant
avalé , il fentit une douleur violente dans
fes entrailles ; il fe plaignit au jeune homme
, & il lui en donna une autre : dès qu'il
l'eut avalé il rendit le ferpent en plufieurs
morceaux par le bas. Senfible au dernier
point au fervice qu'il lui avoit rendu , il lui
donna mille bénédictions , & le pria de lui
dire qui il étoit . Il répondit je fuis un ange
, mon nom eft Marouf, & ma place eſt
dans le quatrième ciel. Tu fçauras que les
habitans du ciel voyant le tour indigne
que le ferpent vouloit te jouer , ils ont été
touchés de ton état , & ont prié Dieu de
t'aider ; & c'est par fon ordre que je fuis
venu pour te tirer d'embarras. Hadjadje
demanda un jour à une perfonne quelles
étoient les chofes les plus mal employées ?
Il lui répondit , la pluie fur une terre falée
, une chandelle allumée devant le foleil
, une belle efclave entre les mains de
quelqu'un qui n'eft pas homme , & un
bienfait à un ingrat.
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Résumé : CONTES.
Le texte présente trois contes distincts. Le premier conte relate l'histoire des Tirinthiens, un peuple excessivement enclin à la joie et à la gaieté, au point de ne plus être capable de sérieux. Cette légèreté affectait tous les aspects de leur vie, rendant impossibles les discussions sérieuses ou les décisions importantes. Pour remédier à cette situation, ils consultèrent l'Oracle de Delphes, qui leur conseilla de sacrifier un taureau à Neptune sans rire. Malgré leurs efforts pour rester sérieux, la présence d'un enfant qui fit une remarque moqueuse fit échouer le sacrifice, et les Tirinthiens ne retrouvèrent pas leur sérieux. Le second conte raconte l'histoire d'un cadis nommé Roufbehani, connu pour ses qualités de juge. Un homme vint lui demander justice contre un ami qui avait emprunté de l'argent pour acheter une esclave mais ne l'avait pas remboursé. Le cadis, respectant la loi, exigea des témoins ou un serment. L'accusateur, désespéré, pleura et se jeta par terre. Le cadis, voulant examiner la cause, fit approcher l'accusé et écouta son récit. L'accusé expliqua qu'il avait prêté l'argent à son ami pour acheter une esclave, mais que celui-ci ne l'avait pas remboursé. Le cadis utilisa une ruse en demandant à l'accusé de se rendre auprès d'un arbre pour témoigner, révélant ainsi la culpabilité de l'accusé qui ne connaissait pas l'arbre. Le troisième conte est narré par Abdoul Dyebbar et concerne Mouhamed, fils de Humeïr. Un jour, un serpent demanda à Mouhamed de le sauver d'un ennemi. Mouhamed accepta et cacha le serpent dans son estomac. Plus tard, un ange nommé Marouf sauva Mouhamed en lui donnant une substance qui tua le serpent. L'ange révéla qu'il avait été envoyé par les habitants du ciel pour aider Mouhamed, soulignant l'ingratitude du serpent.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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20
p. 52-55
La naissance de l'ennui, conte traduit de l'Anglois, par Miss Rebecca.
Début :
Au siécle d'or où l'on ne croit plus guères, [...]
Mots clefs :
Dieu, Ennui, Plaisir
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texteReconnaissance textuelle : La naissance de l'ennui, conte traduit de l'Anglois, par Miss Rebecca.
La naifance de l'ennui , conte traduit de
l'Anglois , par Miss Rebecca.
Au fiècle d'or où l'on ne croit plus guères ,
Pandore n'avoit point reçu le don fatal ,
Qui recéloit notre miſere ,
Et le bonheur n'étoit mêlangé d'aucun mal.
Point de ces noms affreux d'homicide & de guerre
Qu'enfanta le tien & le mien ;
L'innocence regnoit , on s'en trouvoit fort bien :
Source des vrais plaifirs elle en peuploit la terre ,
Chaque mortel avoit le fien.
Dans ces jours fortunés Aliſbeth prit naiffance.
Son pere étoit pafteur , devot envers les Dieux ,
Autant qu'Enée étoit pieux ,
Bon , généreux ; mais que fert qu'on l'encenſe ?
Les hommes l'étoient tous , & pour le peindre
mieux
Il avoit avec eux parfaite reffemblance ,
Et rien ne le diftinguoit d'eux .
Il cheriffoit fon fils , & de fa deſtinée
Voulant pénétrer le fecret ,
Que fon ame fut étonnée
Lorfqu'on lui prononça ce funefte decret ;
JUILLET. 1755. 53 .
( » De l'ennui dévorant ton fils fera la proye. ) .
Ce monftre encor n'exiftoit pas :
Mais l'Oracle annonçoit qu'il viendroit à grands
Le
pas ,
Et qu'il feroit l'ennemi de la joie.
On fe peint aifément ce que dût reffentir
pere d'Alifbeth ; fa douleur fut amere.
Mais plus le fort menace une tête fi chere ,
Plus il cherche à la garentir.
Plaifir , ce fut à vous qu'il remit fon enfance ;
Par mille jeux nouveanx vous filiez fes loisirs ,
Et du vent de votre aîle , écartant la licence ,
Vous allumiez fes innocens defirs .
Alifbeth cependant formoit fouvent des plaintes ,
Inftruit du fort qui l'attendoit.
Toujours tremblant il fe perfuadoit
L'ennui moins cruel que fes craintes.
Quand le plaifir s'éloignoit un inftant ,
Il fentoit augmenter fon trouble.
Refléchiffons , dit- il : fi ma frayeur redouble
Quand je vois échapper ce Dieu trop inconftant ;
Fixons-le pour toujours , c'eft me rendre content ,
Et detourner les malheurs de l'Oracle.
Ce projet n'avoit pas peu de difficulté ;
Mais de tout tems fut cette vérité
Que le defir s'accroit par un obftacle.
Un jour que le plaifir dormoit ,
Ravi d'avoir trouvé ce moyen falutaire
De diffiper tout ce qui l'allarmoit ,
C iij
54 MERCURE DE FRANCE.
Alifbeth s'enfonça dans un bois folitaire.
Là , par quelques mots enchanteurs ,
Dont il connoiffoit l'énergie ,
Il invoqua les noires Soeurs ;
( Heureux , s'il eût toujours ignoré la magie ! )
Trop favorables à ſes voeux
Les Parques près de lui bientôt fe raffemblerent ;
On dit qu'à leur afpect hideux
Tous les fens d'effroi ſe glacerent ,
Et que du trio ténébreux
Pour la premiere fois les fronts fe dériderent.
Filles du Stix , puiffantes Déités ,
Dit Alifbeth , voyez un miférable ,
Qui pour finir fon deftin déplorable ,
N'efpere plus qu'en vos bontés .
Fiere Atropos , c'est toi que je réclame ;
Prêtes moi tes cifeaux , qu'ils m'ôtent du danger ;
Si d'un inſtant de trop ce fil va s'alonger :
Ah ! que toi ni Cloto n'en craigne point de blâme
;
Celui dont elle ourdit la trâme ,
Te bénira de ne point l'abréger.
Lachefis à ces mots fourit avec malice ,
Et les trois Soeurs qu'amufent nos revers ,
Voulurent fervir un caprice ,
Qu'elles jugeoient funefte à l'univers .
Aliſbeth en obtient le dépôt qu'il demande ,
Au Dieu qu'il veut fixer il vole promptement ;
Il fommeilloit encor , il faifit ce moment.
JUILLET. 1755 .
Les aîles du plaifir font la premiere offrande ,
Que l'ennemi qu'il appréhende
Reçoit de fon égarement :
Mais déja le plaifir qu'une flateufe image
Dans les bras du repos avoit trop arrêté ,
Pour éprouver la trifte vérité
Voit diffiper cet aimable nuage.
Il s'éveille , & cédant à fa pente volage
Veut fuir avec légereté.
Ses efforts pour la liberté
L'inftruifent de fon esclavage.
Des inutiles foins qu'il mettoit en uſage
Alifbeth fe faifoit un jeu ;
Mais que fon bonheur dura peu.
Chaque inftant fon captiflui femble moins aima
ble ;
Il lui
devient
bientôt
indifférent
,
Au bâillement qui le furprend
Succéde un dégoût véritable :
II foupire , & le Dieu justement irrité !
Lançant un regard effroyable ,
Lui montre ainfi le fruit de ſa témérité.
Malheureux ! qu'as - tu fait des chaînes éternelles
Ponr caufer tes regrets me fixent aujourd'hui ;
» Ton horoscope eft accompli ;
» Le plaifir privé de fes aîles
>> N'eft autre chose que l'ennui.
l'Anglois , par Miss Rebecca.
Au fiècle d'or où l'on ne croit plus guères ,
Pandore n'avoit point reçu le don fatal ,
Qui recéloit notre miſere ,
Et le bonheur n'étoit mêlangé d'aucun mal.
Point de ces noms affreux d'homicide & de guerre
Qu'enfanta le tien & le mien ;
L'innocence regnoit , on s'en trouvoit fort bien :
Source des vrais plaifirs elle en peuploit la terre ,
Chaque mortel avoit le fien.
Dans ces jours fortunés Aliſbeth prit naiffance.
Son pere étoit pafteur , devot envers les Dieux ,
Autant qu'Enée étoit pieux ,
Bon , généreux ; mais que fert qu'on l'encenſe ?
Les hommes l'étoient tous , & pour le peindre
mieux
Il avoit avec eux parfaite reffemblance ,
Et rien ne le diftinguoit d'eux .
Il cheriffoit fon fils , & de fa deſtinée
Voulant pénétrer le fecret ,
Que fon ame fut étonnée
Lorfqu'on lui prononça ce funefte decret ;
JUILLET. 1755. 53 .
( » De l'ennui dévorant ton fils fera la proye. ) .
Ce monftre encor n'exiftoit pas :
Mais l'Oracle annonçoit qu'il viendroit à grands
Le
pas ,
Et qu'il feroit l'ennemi de la joie.
On fe peint aifément ce que dût reffentir
pere d'Alifbeth ; fa douleur fut amere.
Mais plus le fort menace une tête fi chere ,
Plus il cherche à la garentir.
Plaifir , ce fut à vous qu'il remit fon enfance ;
Par mille jeux nouveanx vous filiez fes loisirs ,
Et du vent de votre aîle , écartant la licence ,
Vous allumiez fes innocens defirs .
Alifbeth cependant formoit fouvent des plaintes ,
Inftruit du fort qui l'attendoit.
Toujours tremblant il fe perfuadoit
L'ennui moins cruel que fes craintes.
Quand le plaifir s'éloignoit un inftant ,
Il fentoit augmenter fon trouble.
Refléchiffons , dit- il : fi ma frayeur redouble
Quand je vois échapper ce Dieu trop inconftant ;
Fixons-le pour toujours , c'eft me rendre content ,
Et detourner les malheurs de l'Oracle.
Ce projet n'avoit pas peu de difficulté ;
Mais de tout tems fut cette vérité
Que le defir s'accroit par un obftacle.
Un jour que le plaifir dormoit ,
Ravi d'avoir trouvé ce moyen falutaire
De diffiper tout ce qui l'allarmoit ,
C iij
54 MERCURE DE FRANCE.
Alifbeth s'enfonça dans un bois folitaire.
Là , par quelques mots enchanteurs ,
Dont il connoiffoit l'énergie ,
Il invoqua les noires Soeurs ;
( Heureux , s'il eût toujours ignoré la magie ! )
Trop favorables à ſes voeux
Les Parques près de lui bientôt fe raffemblerent ;
On dit qu'à leur afpect hideux
Tous les fens d'effroi ſe glacerent ,
Et que du trio ténébreux
Pour la premiere fois les fronts fe dériderent.
Filles du Stix , puiffantes Déités ,
Dit Alifbeth , voyez un miférable ,
Qui pour finir fon deftin déplorable ,
N'efpere plus qu'en vos bontés .
Fiere Atropos , c'est toi que je réclame ;
Prêtes moi tes cifeaux , qu'ils m'ôtent du danger ;
Si d'un inſtant de trop ce fil va s'alonger :
Ah ! que toi ni Cloto n'en craigne point de blâme
;
Celui dont elle ourdit la trâme ,
Te bénira de ne point l'abréger.
Lachefis à ces mots fourit avec malice ,
Et les trois Soeurs qu'amufent nos revers ,
Voulurent fervir un caprice ,
Qu'elles jugeoient funefte à l'univers .
Aliſbeth en obtient le dépôt qu'il demande ,
Au Dieu qu'il veut fixer il vole promptement ;
Il fommeilloit encor , il faifit ce moment.
JUILLET. 1755 .
Les aîles du plaifir font la premiere offrande ,
Que l'ennemi qu'il appréhende
Reçoit de fon égarement :
Mais déja le plaifir qu'une flateufe image
Dans les bras du repos avoit trop arrêté ,
Pour éprouver la trifte vérité
Voit diffiper cet aimable nuage.
Il s'éveille , & cédant à fa pente volage
Veut fuir avec légereté.
Ses efforts pour la liberté
L'inftruifent de fon esclavage.
Des inutiles foins qu'il mettoit en uſage
Alifbeth fe faifoit un jeu ;
Mais que fon bonheur dura peu.
Chaque inftant fon captiflui femble moins aima
ble ;
Il lui
devient
bientôt
indifférent
,
Au bâillement qui le furprend
Succéde un dégoût véritable :
II foupire , & le Dieu justement irrité !
Lançant un regard effroyable ,
Lui montre ainfi le fruit de ſa témérité.
Malheureux ! qu'as - tu fait des chaînes éternelles
Ponr caufer tes regrets me fixent aujourd'hui ;
» Ton horoscope eft accompli ;
» Le plaifir privé de fes aîles
>> N'eft autre chose que l'ennui.
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Résumé : La naissance de l'ennui, conte traduit de l'Anglois, par Miss Rebecca.
Le conte 'La naifance de l'ennui', traduit de l'anglais par Miss Rebecca, se déroule dans une époque dorée où l'innocence et le bonheur régnaient sans mélange de malheur. À cette époque, Pandore n'avait pas encore reçu le don fatal qui recélait la misère humaine, et les noms d'homicide et de guerre n'existaient pas. L'innocence peuplait la terre de vrais plaisirs. Alisbeth, fille d'un pasteur pieux et généreux, naquit dans ces jours fortunés. Un oracle annonça que l'ennui ferait la proie de son fils, prédisant ainsi l'arrivée de ce monstre ennemi de la joie. Pour protéger Alisbeth, son père lui offrit une enfance remplie de plaisirs et de jeux innocents. Cependant, Alisbeth, consciente du sort qui l'attendait, chercha à fixer le plaisir pour toujours afin d'éviter les malheurs annoncés. Elle invoqua les noires Sœurs, les Parques, qui acceptèrent de l'aider. Alisbeth obtint ainsi de fixer le plaisir, mais ce dernier, volatil, finit par disparaître, laissant place à l'ennui. Alisbeth comprit alors que le plaisir privé de ses ailes n'était autre que l'ennui, scellant ainsi son destin tragique.
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21
p. 35-38
CRISTALLIDE LA CURIEUSE, CONTE tiré des MILLE ET UNE NUITS.
Début :
QUI veut garder une femme, s'abuse ; [...]
Mots clefs :
Jaloux, Ruse, Fragilité, Sexe féminin, Beauté
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CRISTALLIDE LA CURIEUSE, CONTE tiré des MILLE ET UNE NUITS.
CRISTALLIDE LA CURIEUSE ,
CONTE tiré des MILLE ET UNE
QUI
NUITS.
UI veut garder une femme ,s'abufe ;
L'art de tromper fut de tout temps leur lot ;
B vj
36 MERCURE DE FRANCE .
La moins fubtile a toujours quelque rufe ;
Et le jaloux finit par être for.
De leur vertu repofez-vous fur elle.
Mais en ce cas feront- elles fidéles ?
Oui- dà ! peut-être ; mais du moins
Vous vous épargnerez des foins.
Schariar , Roi de l'Inde & Schagenan fon frere,
Tous deux beaux & bienfaits , furprirent un matin
Leurs très -chaftes moitiés s'embarquant pour Cythère
,
L'une avec un Faquir , & l'autre avec un Nain .
Sur ces couples galans tous deux firent mainbaſſe
;
C'étoit trop de rigueur : chez nous on eût fait
grace
A la fragilité du Séxe féminin ;
Mais fur les bords groffiers du Gange ,
De Joconde & du Roi Lombard
Le cas dut fembler fort étrange ,
Si tel cas doit pourtant étonner quelque part.
Tout vengé qu'il étoit , Schariar plein de rage ,
Ne pouvoit digérer qu'on eût fait cet outrage
Au front augufte d'un Sultan.
Mon cher frére , dit-il , un jour à Schagenan ,
Sortons de ce Palais où cette horrible image
Sans ceffe eft préſente à mes yeux .
Les voilà tous deux en voyage.
Près des bords de la mer un bois délicieux
Par fa fraicheur & fon ombrage
MARS. 1763. 37
Contre les traits du jour leur prêtoit du couverr ;
Lorfque du fein des flors ouvert ,
Ils virent à grand bruit s'élever jufqu'aux nues
Un Coloffe éffrayant , qui d'écume couvert
Traverſoit les ondes émues.
D'un haut cédre à l'inftant ils gagnent le fommer,
Non fans invoquer Mahomet.
Le Coloffe aborde & prend tèrre.
Des noirs enfans d'Eblis c'étoit le plus hideur s
Son dos étoit chargé d'une caiſſe de vèrre.
Il la poſe à quelques pas d'eur ,
Ouvre avec quatre clefs tout autant de ferrures.
Il en fort une Déité
Brillante de l'éclat des plus belles parures ,
Plus brillante cent fois encor de fa beauté.
>> Dame qui plaifez feule à mon âme enchantée ,
Dit notre Poly phême à cette Galatée :
» Séyez-vous près de moi , j'ai besoin de repost
La Belle , à ce galant propos ,
S'affit ; & le Monftre difforme
Des genoux de Vénus faifant fon oreiller ,
Il repofe fa tête énorme ,
S'endort & bientôt ronfle à faire tout trembler..
La Dame étoit très - éveillée :
Sur le faîte de l'arbre elle apperçoit nos gens ,
Qui fe cachoient fous la feuillée..
Par mille geftes obligeans,,
A defcendre elle les convie.
Bux de s'en excufer , en montrant le Génie
38 MERCURE DE FRANCE.
A ce Monftre auffitôt dérobant fes genoux ,
Elle fe léve , accourt , & leur dit en courroux :
Ou defcendez , ou je l'éveille.
Ils defcendirent donc . Alors , d'un ton plus doux :
Profitons du temps qu'il fommeille.
Voyez- vous ce gazon... puis fans dire le refte ,
En rougiffant elle y guida leurs pas ;
Mais que ce fût une rougeur modeſte ,
Ami Lecteur , vous ne le croirez pas.
La Dame étoit grande caufeuſe ;
Mais je fupprime l'entretien :
Suffit qu'elle prouva très bien
Qu'on ne la nommoit pas pour rien
Criftallide la Curieufe .
De chaque Prince enfuite exigeant un anneau
En voici cent , dit - elle , en y joignant les vôtres ,
Cent de bon compte qui font nôtres ,
Cent qu'à caufer aînſi j'ai gagné bien & beau ,
Et j'efpére en gagner bien d'autres,
Malgré les foins jaloux de ce vilain brutal ;
Malgré fa prifon de criftal.
Adieu , Prince , partez , Mahomet vous le rende ;
Son paradis fans doute a des plaifirs bien doux ; .
Mais croyez-moi , tromper un furveillant jaloux >
Il n'eft point ici-bas de volupté plus grande :
C'eſt vrai plaifir de femme & le premier de tous.
Elle court à ces mots rejoindre le Génie ,
Souléve fa tête endormie ,
Et la remet fur les genoux.
CONTE tiré des MILLE ET UNE
QUI
NUITS.
UI veut garder une femme ,s'abufe ;
L'art de tromper fut de tout temps leur lot ;
B vj
36 MERCURE DE FRANCE .
La moins fubtile a toujours quelque rufe ;
Et le jaloux finit par être for.
De leur vertu repofez-vous fur elle.
Mais en ce cas feront- elles fidéles ?
Oui- dà ! peut-être ; mais du moins
Vous vous épargnerez des foins.
Schariar , Roi de l'Inde & Schagenan fon frere,
Tous deux beaux & bienfaits , furprirent un matin
Leurs très -chaftes moitiés s'embarquant pour Cythère
,
L'une avec un Faquir , & l'autre avec un Nain .
Sur ces couples galans tous deux firent mainbaſſe
;
C'étoit trop de rigueur : chez nous on eût fait
grace
A la fragilité du Séxe féminin ;
Mais fur les bords groffiers du Gange ,
De Joconde & du Roi Lombard
Le cas dut fembler fort étrange ,
Si tel cas doit pourtant étonner quelque part.
Tout vengé qu'il étoit , Schariar plein de rage ,
Ne pouvoit digérer qu'on eût fait cet outrage
Au front augufte d'un Sultan.
Mon cher frére , dit-il , un jour à Schagenan ,
Sortons de ce Palais où cette horrible image
Sans ceffe eft préſente à mes yeux .
Les voilà tous deux en voyage.
Près des bords de la mer un bois délicieux
Par fa fraicheur & fon ombrage
MARS. 1763. 37
Contre les traits du jour leur prêtoit du couverr ;
Lorfque du fein des flors ouvert ,
Ils virent à grand bruit s'élever jufqu'aux nues
Un Coloffe éffrayant , qui d'écume couvert
Traverſoit les ondes émues.
D'un haut cédre à l'inftant ils gagnent le fommer,
Non fans invoquer Mahomet.
Le Coloffe aborde & prend tèrre.
Des noirs enfans d'Eblis c'étoit le plus hideur s
Son dos étoit chargé d'une caiſſe de vèrre.
Il la poſe à quelques pas d'eur ,
Ouvre avec quatre clefs tout autant de ferrures.
Il en fort une Déité
Brillante de l'éclat des plus belles parures ,
Plus brillante cent fois encor de fa beauté.
>> Dame qui plaifez feule à mon âme enchantée ,
Dit notre Poly phême à cette Galatée :
» Séyez-vous près de moi , j'ai besoin de repost
La Belle , à ce galant propos ,
S'affit ; & le Monftre difforme
Des genoux de Vénus faifant fon oreiller ,
Il repofe fa tête énorme ,
S'endort & bientôt ronfle à faire tout trembler..
La Dame étoit très - éveillée :
Sur le faîte de l'arbre elle apperçoit nos gens ,
Qui fe cachoient fous la feuillée..
Par mille geftes obligeans,,
A defcendre elle les convie.
Bux de s'en excufer , en montrant le Génie
38 MERCURE DE FRANCE.
A ce Monftre auffitôt dérobant fes genoux ,
Elle fe léve , accourt , & leur dit en courroux :
Ou defcendez , ou je l'éveille.
Ils defcendirent donc . Alors , d'un ton plus doux :
Profitons du temps qu'il fommeille.
Voyez- vous ce gazon... puis fans dire le refte ,
En rougiffant elle y guida leurs pas ;
Mais que ce fût une rougeur modeſte ,
Ami Lecteur , vous ne le croirez pas.
La Dame étoit grande caufeuſe ;
Mais je fupprime l'entretien :
Suffit qu'elle prouva très bien
Qu'on ne la nommoit pas pour rien
Criftallide la Curieufe .
De chaque Prince enfuite exigeant un anneau
En voici cent , dit - elle , en y joignant les vôtres ,
Cent de bon compte qui font nôtres ,
Cent qu'à caufer aînſi j'ai gagné bien & beau ,
Et j'efpére en gagner bien d'autres,
Malgré les foins jaloux de ce vilain brutal ;
Malgré fa prifon de criftal.
Adieu , Prince , partez , Mahomet vous le rende ;
Son paradis fans doute a des plaifirs bien doux ; .
Mais croyez-moi , tromper un furveillant jaloux >
Il n'eft point ici-bas de volupté plus grande :
C'eſt vrai plaifir de femme & le premier de tous.
Elle court à ces mots rejoindre le Génie ,
Souléve fa tête endormie ,
Et la remet fur les genoux.
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Résumé : CRISTALLIDE LA CURIEUSE, CONTE tiré des MILLE ET UNE NUITS.
Le conte 'Cristallide la curieuse' des Mille et Une Nuits explore la difficulté de garder une femme fidèle et les dangers de la jalousie. Les rois Schariar et Schagenan, frères et souverains de l'Inde, découvrent leurs épouses avec des amants. Indignés, ils quittent leur palais et se cachent près de la mer. Ils observent un colosse effrayant transportant une caisse de verre, d'où sort une déité magnifique nommée Cristallide. Elle invite les princes à descendre et les conduit à un endroit isolé pour prouver sa réputation de grande causeuse. Cristallide exige un anneau de chaque prince en échange de ses faveurs, affirmant en avoir déjà cent. Elle les encourage à profiter des plaisirs de la vie et à tromper les jaloux, avant de rejoindre le colosse endormi.
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