Résultats : 25 texte(s)
Accéder à la liste des mots clefs.
Détail
Liste
1
p. 100-104
Le nouveau Grand Visir veut introduire de nouvelles manieres de recevoir les Ambassadeurs, dont il ne peut venir à bout. [titre d'après la table]
Début :
Nous avons eu des nouvelles de Constantinople qui nous apprennent [...]
Mots clefs :
Grand vizir, Ambassadeur, Turcs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le nouveau Grand Visir veut introduire de nouvelles manieres de recevoir les Ambassadeurs, dont il ne peut venir à bout. [titre d'après la table]
Nous avons eu des nouvelles
de Conſtantinople qui nous ap prennent que M le Marquis de Nointel noftre Ambaſſadeur à la
Porte , y avoit ſoûrenu comme il devoit la Dignité de ſon caracte- ke. Il s'apperçeut à ſa premiere Audiance du Grand Vifir , que le Siege qu'on luy donnoit, n'e ſtoit point àl'ordinaire vis-à-vis du ſien fur le Sofa , qui eſt un Tapis en façon d'Eſtrade. Il en voulut prendre un autre dont deuxTurcs ſe ſaifirent pour l'en empeſcher. Il le leur arracha des mains , &le mitſur le Sofa ,où il
64 LE MERCVRE
s'affit en attendant l'arrivée du
Grand Viſir qui estoit alors au Divan. On courut l'avertir de
l'action de M de Nointel , auquel il envoya dire par Mauro Cordato ſon premier Drogman,
qu'il ne luy donneroit point Au- dience,s'il n'eſtoit aſſis hors du
Sofa. Mr de Nointel répondit au Drogman que le Grand Viſir pouvoit ordonner de fon Siege,
mais non pasde fa Perſonne, &
s'en alla dans le mefme inſtant.
LeGrand Vifir luy afait direde- puis qu'il ne laiſſeroit pas de luy accorder comme auparavant tou tes les chofes qui regardoient le Commerce,fuivant les Capitu- lations qui en avoient eſté faites.
Il eſt certain que cette entrepriſe ne le fait point particulierement
contre laFrance. Les mefmes raifons ont empefched'autres Am-
GALANT. 6g baffadeurs d'aller à l'Audience.
C'eſt une innovation que veut faire le nouveau Grand Viſir qui cherche àſe diftinguerpar quel- que choſe de ceux qu'on a veus danslemeſme Employ. Il paroiſt fort fier , &l'on remarque qu'il ne donne point le Caffetan aux Ambaſfadeurs, ou pour m'expli- quermieux , qu'il ne leur donne
point de Veſte ,& qu'il ſe con- tente de leur faire preſenter le Caffé , le Sorbec & le Parfum,
ſans le prendre avec eux , à l'e- xemple de ſon Predeceffeur
de Conſtantinople qui nous ap prennent que M le Marquis de Nointel noftre Ambaſſadeur à la
Porte , y avoit ſoûrenu comme il devoit la Dignité de ſon caracte- ke. Il s'apperçeut à ſa premiere Audiance du Grand Vifir , que le Siege qu'on luy donnoit, n'e ſtoit point àl'ordinaire vis-à-vis du ſien fur le Sofa , qui eſt un Tapis en façon d'Eſtrade. Il en voulut prendre un autre dont deuxTurcs ſe ſaifirent pour l'en empeſcher. Il le leur arracha des mains , &le mitſur le Sofa ,où il
64 LE MERCVRE
s'affit en attendant l'arrivée du
Grand Viſir qui estoit alors au Divan. On courut l'avertir de
l'action de M de Nointel , auquel il envoya dire par Mauro Cordato ſon premier Drogman,
qu'il ne luy donneroit point Au- dience,s'il n'eſtoit aſſis hors du
Sofa. Mr de Nointel répondit au Drogman que le Grand Viſir pouvoit ordonner de fon Siege,
mais non pasde fa Perſonne, &
s'en alla dans le mefme inſtant.
LeGrand Vifir luy afait direde- puis qu'il ne laiſſeroit pas de luy accorder comme auparavant tou tes les chofes qui regardoient le Commerce,fuivant les Capitu- lations qui en avoient eſté faites.
Il eſt certain que cette entrepriſe ne le fait point particulierement
contre laFrance. Les mefmes raifons ont empefched'autres Am-
GALANT. 6g baffadeurs d'aller à l'Audience.
C'eſt une innovation que veut faire le nouveau Grand Viſir qui cherche àſe diftinguerpar quel- que choſe de ceux qu'on a veus danslemeſme Employ. Il paroiſt fort fier , &l'on remarque qu'il ne donne point le Caffetan aux Ambaſfadeurs, ou pour m'expli- quermieux , qu'il ne leur donne
point de Veſte ,& qu'il ſe con- tente de leur faire preſenter le Caffé , le Sorbec & le Parfum,
ſans le prendre avec eux , à l'e- xemple de ſon Predeceffeur
Fermer
Résumé : Le nouveau Grand Visir veut introduire de nouvelles manieres de recevoir les Ambassadeurs, dont il ne peut venir à bout. [titre d'après la table]
Le texte décrit un incident diplomatique impliquant le Marquis de Nointel, ambassadeur français à Constantinople. Lors de sa première audience avec le Grand Vizir, Nointel constata que son siège n'était pas à la même hauteur que celui du Grand Vizir sur le sofa. Il insista pour changer de place, mais deux Turcs tentèrent de l'en empêcher. Nointel s'assit malgré tout sur le sofa en attendant le Grand Vizir. Informé de cet incident, le Grand Vizir refusa de recevoir Nointel s'il ne s'asseyait pas hors du sofa. Nointel répliqua qu'il pouvait ordonner du siège mais pas de sa personne, et quitta les lieux. Par la suite, le Grand Vizir assura à Nointel que les questions commerciales seraient traitées selon les capitulations existantes. Cet incident n'était pas dirigé contre la France, mais résultait des nouvelles exigences du nouveau Grand Vizir, qui cherchait à se distinguer de ses prédécesseurs. Ce dernier se montrait fier et refusait de donner des vêtements aux ambassadeurs, se contentant de leur offrir du café, du sorbet et du parfum sans les accompagner.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
2
p. 1-216
HISTOIRE DU SIEGE DE BUDE.
Début :
Nous avons vû en moins d'une année deux choses [...]
Mots clefs :
Bude, Siège de Buda, Siège, Prince, Histoire, Comte, Troupes, Place, Hommes, Armée, Ville, Attaque, Canon, Assiéger, Place, Prince Charles, Charles V de Lorraine, Électeur de Bavière, Maximilien-Emmanuel de Bavière, Général, Camp, Assiégés, Brandebourg, Assiégeants, Pièces, Travaux, Soldats, Ennemis, Rondelle, Brèche, Nuit, Turcs, Bavarois, Lieutenant, Colonel, Janissaires, Lignes, Major, Régiment, Palissades, Côté
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : HISTOIRE DU SIEGE DE BUDE.
HISTOIRE
DU SIEGE
DE BUD E.
OUS avons vu en
moins d'une annéedeux
chofes fi remarquables ,
l'une en France , & l'autre
en Hongrie , qu'il eft impoffible
qu'elles ne paffent jufqu'à la
pofterité la plus éloignée , puifque
plufieurs fiecles enſemble ne
fourniffent pas quelquefois des
actions d'un fi grand éclat. Tout
A
Hiftoire du Siege
l'Empire Ottoman employoit fes
foins & fes principales forces à
empefcher que l'on ne prît Bude,
parce que cette Ville peut ouvrir
le paffage jufques à Conftantinople
, & qu'il eft malaisé que le
Royaume de Hongrie dont elle
eft la Capitale , ne foit pasfoumis
à la domination de celuy qui
la poffede. C'eſt pour cela que les
Tures fe font toûjours attachez à
la conferver. Elle a foûtenu quatre
fieges depuis qu'ils en font les
maiſtres , & n'a efté prife qu'au
cinquième , qui eft celuy qui
vient d'eftre fait par l'Armée confedérée
des Chrétiens. L'Empereur
à qui tant de Troupes auxiliaires
jointes aux fiennes , ont
facilité cette Conquête , y va rétablir
la veritable Religion , pendant
que Sa Majefté fortifie cette
méme Religion dans huit cens
Villes
de Bude. 3
t
Villes ou Bourgs , d'où Elle a
chaffe la fauffe , que fept de fes
predeceffeurs n'avoient pû détruire.
Ces deux Nouvelles ayant
donné au Pape la plus fenfible
joye qu'il ait receue depuis fon
Exaltation au Pontificat , il a ordonné
de femblables remerciemens
à Dieu , & d'égales rejoüiffances
dans Rome, pour des actions
qui font du plus grand merite au
prés du S. Siege. On n'y a parlé
jufqu'à la prife de Bude , que de
ce que l'Eglife doit au Roy de
France , & depuis la Conquête
de cette importante Place, on n'y
parle que de l'une & de l'autre
action, & on les regardes comme
les deux plus grands Triomphes
que l'Eglife pouvoit remporter.
Je vous ay entretenue de l'une
pendant plufieurs mois , il faut
vous entretenir de l'autre ; mais
A ij
4 Hiftoire
du Siege
pour le faire avec un peu d'ordre ,
je croy qu'il fera bon de vous expliquer
en peu de mots comment
la Ville de Bude a paffé au pouvoir
des Ottomans.
Louis II. dit le Jeune , Roy de
Hongrie , ayant pery en 1526. à
la bataille de Mohacs , Jean de
Zapol , Comte de Scepus , Vaivode
de Tranfilvanie fut falué
Roy par une partie des Hongrois.
L'autre élut Ferdinand Roy de
Boheme , qui avoit époufé Anne ,
Soeur du defunt Roy Loiys . Ferdinand
affifté des forces de l'Empereur
Charle Quint fon frere ,
alla droit à Bude , dont il fe fai fit
en ayant chaffe Jean de Zapol , qui
par diverfes pratiques qu'il eut à
la Porte , vint enfin à bout de faire
venir Soliman à fon fecours . Solyman
eftant entré dans la Hongrie
avec de puiffantes forces en 1529.
marcha
de Bude.
5
€
C
marcha vers Bude , la prit & retablit
le Roy Jean dans fon Eftat.
Ce dernier pour s'y maintenir
fans trouble , fit un accord avec
Ferdinand , par lequel il devoit
jour du Royaume de Hongrie
jufques à fa mort , à condition
que Ferdinand , ou l'un de fes
Fils , luy fuccederoit , & comme
il fe pouvoit faire que Jean venant
à fe marier auroit des enfans
, il fut arrefté que s'il avoit
un Fils , ce Fils feroit Prince de
Tranfilvanie, & poffederoit toutes
les terres , Villes & Chateaux
qui avoient appartenu à Jean avant
que les Hongrois l'euffent
fait leur Roy. Ce Traité eftant
conclu, il fe maria avec Elifabeth.
fille de Sigifmond Roy de Polog.
ne, & mourut prefque auffi - toft ,
laiffant au berceau un Fils qu'il
en eut. Quelques- uns mirent la
A iij
6 .
Hiftoire du Siege
Couronne fur la tefte de l'Enfant
le jour qu'il fut baptifé , & Ferdinand
ayant demandé à Elifabeth
l'execution du Traité fait
avec le Royfon Mary cette malheureufe
Reyne qui fut avertie
qu'il preparoit une Armée pour
la contraindre à l'obeïffance , envoya
des Ambaffadeurs à Solimã .
Ils en furent bien receus , & en
rapporterent une Robe d'écarlate
en broderie , une maffe de fer
avec le pommeau & la poignée
d'or , & un cimeterre dont le fourreau
eftoit tout femé de pierreries
, pour marque de fon amitié
& de fa protection . En mefme
temps Solyman donna fes ordres
pour faire fecourir Elifabeth fi
elle eftoit attaquée , & Guillaume
Rocandolph, General des Troupes
de Ferdinand , ayant commencé
le Siege de Bude , Mahomet Bacha
de Bude ..
7
cha , & Mahomet Sangiac de
Belgrade , pour obeir à leur Empereur
, marcherent vers cette
Place avec toute la diligence poffible
. Rocandolph remüa fon
Camp à leur arrivée . Il le mit au
pied du Mont S. Girard . Le Sangiac
de Belgrade alla camper fur
les cofteaux de la Plaine qui s'étend
depuis ce Mont le long du
Danube pour enfermer les Chreftiens,
& Mahomet Bacha campa
d'un autre cofté , & fi prés de
Rocandolph , que les Tentes de
l'une & de l'autre Armée n'étoient
éloignées que d'une demie
lieuë. Il y eut de legers combats
entre les deux Camps , avec des
fuccez , tantoft favorables pour
l'un des partis , & tantoft pour
l'autre ; mais enfin Rocandolph
ayant appris que Solyman venoit
luy- mefme appuyer les deffeins
A iiij
8
Hiftoire du Siege
de fes Generaux à la tefte de
deux- cens mille hommes , jugea à
propos de fe retirer . Les Turcs
avertis de fon deffein l'attaquerent
dans fa retraite , & plus de
vingt mille Chrêtiens demeurerent
fur la place . La levée du Siege
n'empefcha pas Solyman de
pourfuivre fon voyage , & de venir
jufque devant Bude . Il envoya
de là affurer la Reine Elifabeth
de fa bienveillance ; & la fit
prier de fatisfaire l'envie qu'il
avoit de voir le jeune Eftienne
fon Fils. Elifabeth trouvant dangereux
de le refufer , parce que
c'eût été marquer de la défiance ,
& irriter un Prince puiffant, l'envoya
au Camp de Solyman , avec
les principaux Seigneurs de fa
Cour. Le Turc le receut avec
beaucoup de careffes , & le fit
loger avec Bajazet & Selim fes
Fils ,
de Bude.
Fils , qu'il avoit eus de Roxelane .
Les Bachas traiterent magnifiquement
les Seigneurs Hongrois
qui avoient accompagné leur
jeune Roy , & cependant les Janiffaires
de Solyman qui avoient
fes ordres , eftant entrez dans la
Ville comme amis , fe répandirent
par tout fous pretexte de
confiderer la beauté des Bâtimens
, & fe voyant affez forts
pour executer leur entreprife , ils
fe faifirent de toutes les Places ,
forcerent les Gardes des Portes
qui ne foupçonnoient point cette
trahifon , & les ouvrirent à quelques
Troupes qu'on avoit fait
avancer. Enfuite on commanda
aux Bourgeois de rendre les armes
, & ce fut ainfi que Solyman
s'empara de Bude , fans qu'il en
coutât le fang d'un feul homme .
Cela arriva en 1541. Apres un
•
A V
Hiftoire du Siege
évenement fi favorable , l'Empereur
Turc tint confeil , & l'on
y
mit en deliberation s'il retiendroit
le Royaume de Hongrie,
ou s'il le rendroit au jeune Roy.
Mahomet Bacha eftoit d'avis que
Solyman le menaſt à Conſtantinople
avec les Seigneurs Hongrois
qu'il avoit entre fes mains ,
& qu'il mift à Bude un Gouverneur
qui ufant de moderation ,
apprit à ce Peuple à fe foumettre
au joug Ottoman . Ruftan
, Gendre de l'Empereur &
de Roxelane , luy voulut perfuader
de garder ſa foy , qu'il ne
pouvoit violer fans honte , & le
Sangiac de Belgrade fut d'avis
qu'en reduifant la Hongrie en
Province , il fe delivraft par là
de la neceffité, où il pourroit eftre
encore de revenir de fi loin fecourir
une Femme & un Enfant.
Il
de Bude. I
Il luy reprefenta qu'ils ne pourroient
refifter aux forces Allemandes
que par le fecours de
celles de la Hauteffe , & que les
Guerres ne fe devant faire que
pour avoir le moyen de vivre en
paix , il eftoit de l'intereft du
Sultan fon Maiftre, de reduire en
Province un Royaume qu'il avoit
fi fouvent défendu ; qu'ainfi il
falloit renvoyer la Reyne en Pologne
à fon Pere Sigifmond , mener
le jeune Roy Eftienne à
Conftantinople pour l'y élever
dans la Loy Mahometane , faire
trancher la tefte à tous les
Seigneurs Hongrois prifonniers,
rafer leurs Fortereffes , tranfporter
une pattie des familles en
Afie , & tenir les autres dans le
devoir par de fortes Garnifons.
Soliman ne fuivit aucun de ces
avis. Il entra dans Bude, & aprés
avoir
12
Hiftoire du Siege
, avoir renverfé les Autels &
fait brifer toutes les Images de
l'Eglife Cathedrale pour la confacrer
felon les Superftitions Mahometanes
, il fit fortir Elifabeth
de la Ville , & l'obligea de ſe retirer
à Lippe avec fon Fils pour
gouverner la Transilvanie , l'affurant
qu'il le rétabliroit fur le
Trône quand il feroit dans un
âge plus avancé. Cependant il la
declara Tutrice de ce jeune Prince
dont il luy promit d'eftre le
Protecteur, & luy rendit Georges
Martinufius pour eftre Miniftre
de fes Eftats. Depuis ce temps-là
la Ville de Bude que les Allemans
appellent offen , eftoit toûjours
demeurée au pouvoir des Turcs.
Elle fut affiegée en 1598. fous
le Regne de Mahomet III . par
l'Archiduc Mathias . Il força le
Fauxbourg qui eft du cofté du
Da
de Bude . 13
1
I
Danube , & fe rendit maiſtre
du Fort bafty fur le Mont Saint
Girard , où il trova quatre- vingt
pieces de canon , mais il ne put
venir à bout de la Citadelle .
Elle fut & vigoureufement défendue
, que la mauvaiſe faifon
s'avançant , il fe vit contraint de
lever le Siege. Comme il n'abandonnoit
le deffein de faire
cette conquefte que par la confideration
de l'hyver , fi - toſt
qu'il vit le temps propre à l'entreprendre
, il ramena fon Armée
devant cette Place. Les
Turcs qui en apprehendoient
la perte , s'avancerent promptement
pour la fecourir. Ils furent
défaits , mais cette victoire qui
donnoit de fi grandes efperances
aux Princes Chreftiens qui attaquoient
Bude ne pût rien
diminuer de la fermeté des
,
Affie
14 Hiftoire du Siege
Affiegez à fe bien défendre .
L'Armée Chreftienne trouva
dans ce fecond Siege les mefmes
hommes , & la mefme refiftance
qui luy avoit fait quitter
le premier , & elle fe retira
encore une fois.
>
Apres la perte d'Albe - Royale
, repriſe en 1602. par les
Turcs qui l'avoient perduë
l'année precedente , le mefine
Archiduc Mathias , qui commandoit
une Armée de quarante
mille hommes , marcha pour
la troifiéme fois contre Bude.
La Ville - baffe ayant efté
facilement emportée , il affiegea
la haute , furprit la Ville de
Peft , & ces commencemens furent
fi heureux , qu'on ne douta
point qu'il ne vint à bout de
fon entrepriſe. Cependant toute
la valeur & la prévoyance
des
de Bude.
15
des Chreftiens ne put empefcher
que la Citadelle ne fût rafraîchie
d'hommes , de vivres &
de munitions . de Guerre ; ainfi
il fallut encore lever le Siège.
Charles de Gonzague , Duc de
Nevers , y fut bleffé d'un coup de
moufquet à l'épaule.
Le dernier Siege eft connu
de tout le monde. Il fut commencé
par le Prince Charles de
Lorraine le 14 de Juillet 1684.
& le fecours jetté dans la Place
, le mauvais eftat dés Troupes
, l'incommodité de la faifon
, & le hazard auquel on fe
feroit exposé en donnant un
affaut general , dans lequel on
auroit eu à combattre en meſme
temps & ceux de la Ville , &
le Seraskier qui n'eftoit pas éloigné
des Lignes , ayant fait
craindre un mauvais fuccez de
cette
16 Histoire du Siege
cette entrepriſe , l'Armée Chreftienne
fe retira le premier jour
de Septembre , fans eftre inquietée
par les Ennemis dans fa
retraite .
Je viens au cinquième Siege
de cette importante Place.
Rien n'eft plus difficile qu'u
ne Relation de cette nature ,
fur tout lors qu'un Siege a efté
long , qu'il a fait verfer beaucoup
de fang, & que l'évenement
en a efté attendu de toute
l'Europe. Comme dans celuy
que j'entreprens de décrire , le
nombre des Intereffez a efté
grand , & qu'il y a eu differens
quartiers de divers Souverains,
fans compter quantité de Volontaires
repandus de plufieurs
Nations, chacun voudroit qu'on
n'oubliaft rien de ce qui le regarde
, & c'est une exactitude
qui
de Bude.
17
,
qui eft entieremet impoffible.Cependant
s'il arrive qu'on ne parle
point d'une action d'un feul Volotaire
lors qu'il eft d'une qualité.
diftinguée, cela eft caufe que tous
ceux de la mefme Nation fe récrient
fur la fauffeté d'un ouvrage
, qui ne manque quelquefois
qu'en ces fortes de circonftances
qui ne meriteroient pas
qu'on s'en mift en peine . Il y en
a d'autres qui pouffent le point
d'honneur plus loing , & qui ne
voudroient pas qu'on marquaft
que ceux de leur Nation ont eu
fouvent du defavantage pendant
le cours du Siege , comme fi la
- Victoire qui couronne tous les
travaux par la priſe d'une Place,
& qui efface toutes les pertes,
pouvoit empécher que l'on n'euft
efté quelquefois batu avant le
triomphe. S'il ne faloit point
parler
18
Hiftoire du Siege
parler des de avantages du Vainqueur,
il faudroit feulement marquer
la Prife , & la Victoire &
ce ne feroit plus alors la Relation
d'un Siege , mais le détail de la
derniere action. Bien que l'on
foit affuré de la priſe de la Place
avant que d'écrire la premiere
ligne du Siege , & qu'on fçache
que ceux qui fe font venus rendre
aux Afliegeans ont dit la
plus - part des fauffetez , il faut
pourtant faire mention de ces
fauffetez ,quoy que dans le tems
qu'on les écrit , on les connoiffe
pour telles. Il faut mettre dans
un journal tout ce qui s'est fait
& tout ce qui s'eft dit , parce que
felon ces chofes ont voit les vraies
& les fauffes mefures qu'ont pris
tant les Affiegeans que les Affiegez.
C'eſt par là que la Pofterité
s'inftruit , & c'eft ce qui doit
donner
de Bude. 19
3:
donner des lumieres à ceux qui
en de pareilles occafions peuvent
un jour avoir des commandemens.
Ainfi quand je diray la
verité de ce qui s'eft paffe pendant
le cours du Siege de Bude
,je ne feray pas pour cela contre
les Allemans. Tout depend
de la derniere action , puifque
lors qu'on reuffit , on a toûjours
pris de juítes mefures. Je dois
dire à l'avantage de la France,
qu'une Place fans dehors , com-
I me celle que vient de reduire
l'Armée des Confederez, fe pourroit
compter prife d'abord
les François l'affiegeoient , puifqu'on
ne manque jamais de capituler
dés qu'ils ont pris les dehors
de quelque Place , & que
Bude n'en avoit point . Ils auroient
pû faire voir en cette occafion
ce qu'ils ont fouvent fait
, fi
éprou
20
Hiftoire du Siege
éprouver à plufieurs Villes , mais
l'Allemagne avoit trop connu
leur valeur en la fameufe journée
de S. Godard pour vouloir
donner lieu à d'autres qu'à fes
Sujets d'acquerir une auffi grande
gloire , & elle a mieux aimé
faire lentement cette Conquête,
quand mefme elle auroit deu
rifquer à ne la pas faire
,, que de
laiffer aux François les avantages
qu'ils font toûjours feurs de
remporter dans toutes leurs entrepriſes.
Comme le fuccés de
celle- cy paroiffoit douteux , elle
fut fort debatue au Confeil de
l'Empereur.Les fentimens étoient
partagez, & il y en avoit d'entierement
cotraires à l'avis du Prince
Charles de Lorraine , qui fouhaitoit
d'ouvrir la Campagne par
un Siege auffi confiderable que
celuy de Bude paroiffoit aux Allemans
.
de Bude. 21
lemans. Il avoit efté contraint
de le lever en 1684. & il croyoit
qu'il y alloit de fa gloire de reparer
par la prife de cette Place
qu'on jugeoit fi importante , le
malheur qu'il avoit eu l'affiegeant
inutilement. Il trouvoit l'occafion
favorable , & qu'il luy eftoit
facile d'acquerir beaucoup de
gloire , à moins qu'il n'euft toû
jours le mefme malheur , puis
qu'il devoit eftre fecondé dans
cette Expedition , non feulement
par les Troupes de l'Empire , mais
encore par celles de plufieurs
Souverains , dont il y en avoit
un tout remply de coeur , qui
vouloit commander les fiennes en
perfonne , & que ces Troupes
qui ne manquoient de rien , étoient
aguerries à l'exemple de
leur Chef , qui a déja fait voir
fon courage & fon intrepidité
en
22 Hiftoire du Siege
en plufieurs occafions . Ileft aisé
de juger que c'eft de l'Electeur
de Baviere que je parle. Outre
tout cela ,le Prince Charles voyoit
accourir en foule quantité d'illuftres
Volontaires de toutes les
Cours de l'Europe , parmi lefquels
eftoient beaucoup de François
qui fe trouvent toujours dans les
lieux où ils peuvent voir qu'il y
a de la gloire à acquerir. Ce n'étoit
pas encore tout ce qui foutenoit
l'efperance de ce Prince. Il
fçavoit que les liberalitez du Pape
fe répadoient à pleines mains,
pour faire fubfifter fes Troupes,
que chaque Souverain de l'Europe
fourniffoit des hommes , de
l'argent , ou des munitions pour
avancer le fuccés de fes deffeins,
& qu'enfin le Siege de Bude étoit
pluftoft l'entrepriſe de la
Chreftienté entiere,que de l'Empire.
de Bude.
23
pire. Comme tous ces avantages
pouvoient contribuer à fa.
gloire & le faire triompher , il
eftoit de ſes interefts de profiter
de l'occafion , puis que l'honneur
de remporter la Victoire , quoy
que deuë aux plus braves fujets
de tous les Souverains de l'Eurodevoit
réjaillir preſque fur
pe ,
luy feul.
Si ce Prince fouhaittoit avec
une extreme impatience qu'il luy
fuft permis d'affieger Bude , les
Turcs qui n'avoient point d'armée
en campagne , ne defiroient
pas avec moins d'ardeur de luy
voir former ce Siege . Celle des
Chreftiens eftoit puiffante , de
forte que l'on eftoit affeuré que
la Place qu'ils attaqueroient ne
pourroit refifter long- temps , ny
attendre le fecours , à moins
qu'on n'affiegeaft la plus forte, &
la
24 Hiftoire du Siege
la mieux remplie d'hommes , &
de munitions & tout cela fe
trouvant à Bude , les Turcs avoient
raiſon de fouhaiter qu'on
mift le Siege devant cette Place,
afin que la longue refiftace qu'elle
feroit, leur puft donner lieu de
preparer un puiffant fecours , &
de le faire mefme venir du fond
de la Turquie , s'il en eftoit befoin
. Michel Abaffi , Prince de
Tranfilvanie , qui eftoit de concert
avec eux fit entendre aux
Imperiaux qu'il fe declareroit
plus ouvertement en leur faveur,
files Ottomans n'eftoient plus
maiftres de Bude. Ainfi tout
contribua à cette entreprife,quoy
que le fuccez en fuft incertain,
parce que la Place , ainfi que la
fuite l'a fait voir , ne manquoit
ny de Soldats , ny de Chefs intrepides
& aguerris, ny d'argent,
2
ny
de Bude.
25
Ο
C
ny de toutes fortes de munitions.
D'ailleurs la forte & longue reſiſtance
que le Gouverneur avoit
faite pendant le dernier Siege
, devoit fervir de regle à celuy
à qui l'on en avoit commis
la défenfe , & comme il étoit
feur d'eftre étranglé s'il rendoit
la Place , il y avoit
apparence
qu'il la défendroit jufqu'à la derniere
extremité. Il y avoit auffi
lieu de prefumer pour plufieurs
raifons , que le grand Vizir venant
en perfonne , periroit plutoft
, que de ne la pas fecourir.
La deftinée de fes deux Predeceffeurs
le devoient engager à
cet effort , c'eftoit par la qu'il
pouvoit fe monftrer digne du
choix qu'on venoit de faire en
Il'élevant à la dignité où il fe
voyoit. Il avoit eu l'adreffe de
fe faire mettre . en la place de
B
16
Hiftoire du Siege
fon Predeceffeur, & il avoit commandé
une Armée contre la Pologne
avec affez de fuccés pour
faire attendre de plus grandes
chofes de luy , quand il feroit à
la tefte d'un plus grand nombre
de Troupes , & cependant c'eft
luy qui eft caufe que l'on a pris
Bude.
Quelque nombreuse que foit
une Armée devant une Place, &
quelque fortifiée qu'elle foit , il eft
prefque impoffible ( & c'eft ce
qu'on n'a prefque point vû depuis
plufieurs ficcles) qu'elle empefche
une Armée Royale de fecourir
la Place affiegée lors que
cette Armée a pu faire affez de
diligence pour arriver avant la
prife de la Ville qu'elle a voulu
delivrer d'un fiege . C'est pour ceque
dans la plufpart des capitulations
, les Villes affiegées metla
tent
de Bude.
27
tent qu'elles fe rendront au jour
dont on convient, pourveu qu'avant
ce jour-là il n'arrive point
d'Armée Royale pour les fecourir.
Il eft enfin conftant que de
vingt Armées qui ont donné
dans des Lignes pour les forcer,
quoy que défenduës par un plus
grand nombre de Troupes , dixneuf
y ont réuffi. La raifon en
eft facile à comprendre. Une Armée
,, quoy que tres -nombreuſe,
qui entoure une Place, peut eftre
forcée par une plus foible , parce
qu'elle eft obligée d'occuper plufieurs
lieues de terrain autour de
la Place qu'elle affiege, & quainfi
chaque quartier eft peu garny
de Troupe , au lieu que l'Armée
qui attaque eft toute raf
femblée en un corps , ce qui la
rend beaucoup plus forte. Celle
qui eft dans les lignes pour-
Bij
28 Hiftoire du Siege
roit faire la mefme chofe , &
unir auffi toutes les forces pour
défendre l'endroit par lequel elle
eft attaquée , mais quand ceux
qui la veulent forcer font habiles
, ils donnent de fauffes attaques
fi à propos qu'on n'ofe dégarnir
aucun Pofte , parce qu'on
ne peut deviner la veritable at
taque. Ainfi l'Armée qui veut
paffer dans une Place , & qui
prend toutes les mesures qu'il
faut pour cela , cela , ne trouvant que
les Troupes d'un feul quartier
à combattre , les forces , aidée
de la Garniſon qui en ce rencontre
ne manque jamais de vigoureufes
forties. Ceft par là que
les Villes affiegées qui ont be
foin d'eftre fecouruës , le font
toujours, quand les Armées qu'on
veut employer pour ce fecours,
arrivent affez à temps . Le Grand
•
Vizir
de Bude. 29
Vizir au lieu de fe fervir de
tous ces avantages , a fait quan
tité de fautes , & elles ont efté
caufe de la prife de la Place
qu'il auroit pû fecourir. Il a fait
batre plufieurs fois fes meilleures
Troupes en détail , ce qui
ne pouvoit manquer d'arriver ,
puifque les corps qu'il envoyoit
eftoient moins forts que toute
Farmée qu'ils avoient à combatre.
Il a laiffé le temps de connoiſtre
que celle qu'il amenoit,
eftoit moins nombreuſe qu'on
n'avoit crû. Il a fait rallentir la
chaleur de fes Troupes , en les
faifant battre trop fouvent , & en
sobftinant à ne pas attaquer les
lignes avec toute fon Armée . Il
a par la frequente défaite de ces
mefmes Troupes rehauffé le courage
des Chreftiens. Il leur a
donné le temps de faire venir
Bij
30
Hiftoire du Siege
le General Scheffemberg avec
les fiennes , qui n'eſtant rebutées
par aucun affaut , ont emporté
la Place ; il eſt cauſe de
la mort du Gouverneur , & de
perte de tout ce qui reftoit
de bonnes Troupes dans Bude,
parce que fi fa preſence n'euft
pas fait efperer un
la
prompt
& vigoureux fecours , on auroit
capitulé lors qu'on auroit
crû n'eftre plus en eftat de fe
défendre. Ainfi fa prefence a
donné aux Affiegeans une Vitoire
, & plus grande , & plus
complette . Elle a fait voir le
peu
de valeur , & le petit nombre
des Troupes Ottomanes
que le peu d'experience de fes
Chefs. Elle a caufé les pertes
que les Troupes ont faites depuis
la prife de Bude , & qui entraifneront
celles qui les doivent
fuivre .
•
>
ainfi
de Bude.
31
e
fuivre. Elle a donné du coeur
aux Victorieux ; elle a ofté la
terreur qui depuis long - temps
faifoit apprehender l'Empire Ot-
& fera caufe qu'aucu- toman
ne Place forte ne ſe défendra autant
qu'elle pourroit faire quand
elle fera affiegée , de crainte
d'éprouver le fort de Neuhaufel
& de Bude .
Toute l'Europe eſtoit attentive
fur l'entreprife par laquelle
les Imperiaux feroient cette année
l'ouverture de la Campagne.
L'Electeur de Baviere eſtant
arrivé à Neuftadt le vingtiéme
de May , l'Empereur y tint plufieurs
fois confeil de guerre avec
les Officiers generaux &
ſes Miniftres. On y propofa le
fiege d'Albe Royale , auquel il
y eut quantité d'avis contraires .
-
B üij
32 Hiftoire du Siege
pes
·
On reprefentoit que les Troueftant
fraifches , & l'Artillerie
en bon eftat , il feroit beaucoup
plus avantageux d'attaquer
Bude. On convenoit que ce Siege
ne fe pouvoit faire fans beaucoup
de peine , à caufe que les
fortifications en avoient efté
tres bien rétablies , & qu'on
y avoit ajouté quelques ouvrages
pour en fortifier les dehors
le long du Danube jufqu'à la
Montagne.On fçavoit encore que
le Foffe avoit efté aprofondy de
l'autre coſté de la Ville , que
avoit contreminé les endroits où
les Imperiaux avoient preparé
des mines lors qu'ils l'affiegerent
en 1684. qu'il y avoit de fauffes
portes pour faire des forties par
deffous , & qu'on avoit dépavé
les rues , ofté les toits , & fait
couvrir de terre toutes les maifons
,
l'on
de Bude.
33
C
3
fons , afin d'empefcher l'effet des
Bombes & des Carcaffes. Des
Deferteurs avoient auffi rapporté
qu'il y avoit dans la Place des
munitions de guerre & de bouche
, pour foutenir un Siege de
plus de fix mois ,,
que la garnifon
eftoit de plus de dix mille
hommes choifis entre les Janiffaires
& les Spahis , & que le
1 Bacha Abdi qui commandoit
dans la Place , eftoit un homme
tres - confommé dans le meftier
de la Guerre , qui avoit fous luy
fix autres Officiers fort experimenteż.
On balança toutes ces
raifons , & elles ne furent point
affez fortes pour empêcher qu'on
ne refoluft d'affieger Bude. Le
rendez vous general fut donné
aux Troupes pour le 29. de
ce mefme mois à la referve de
celles de Brandebourg , qui tra-
·
B v
34 Hiftoire du Siege
verfant la Silefie de fort mau
par
vais chemins, ne pouvoient marcher
qu'à petites journées. Il fut
arrefté fuivant la divifion qui
s'en fit que la grande Armée
que commanderoit le Prince
Charles de Lorraine , feroit de
cinquante- huit à foixante mille
hommes , fçavoir de quinze mille
hommes d'Infanterie Allemande
, de quatorze mille Chevaux
& Dragons Allemans , des Troupes
auxiliaires de Saxe , de Brandebourg
, & de Suabe , & de
quatre mille Hongrois , & que
l'Armée dont l'Electeur de Baviere
auroit le commandement ,
feroit compofée de douze mille
Fantaffins Allemans , de dix
mille Chevaux auffi Allemans
des Troupes de cet Electeur ,
& de celles des Cercles de Baviere
& de Franconie , & de
troisde
Bude..
35
+
trois- mille Hongrois . Dans l'Armée
du Prince Charles les
Comtes de Caprara & de Staremberg
furent nommez Marefchaux
de Camp Generaux ;
le Duc de Croy General d'Infanterie
, le Prince Louis de
Neubourg , & le Comte de Suze
Lieutenans Generaux ; les
Barons de Thingen & de Thun,
& le Marquis de Nigrelli Sergeans
Majors de Bataille ; les
Comtes de Schults & de Dunevald
Generaux de Cavalerie ;
les Comtes de Taff , & de Palfi
, & le Baron de Mercy Lieutenans
Generaux ; le Prince Eugene
de Savoye qui eftoit arrivé
d'Efpagne en pofte depuis
peu de jours , le Comte Philippe
de Thaun , le Baron de Lodron,
& le Comte de Stirum Sergeans
Majors de Bataille .
Le
Comte
36
Hiftoire
du Siege
Comte de Leſlie fut fait Maref
chal de Camp General de l'Armée
de l'Electeur de Baviere ; le
Comte de Sherini General d'Infanterie
, le Marquis de la Verne
& le Comte de Schaffemberg
Lieutenans Generaux, & les Barons
de Wallis & de Berk , &
le Comte d'Afpremont Majors
Generaux . Il fut auffi arrefté que
le Comte de Scherffemberg demeureroit
en Tranfilvanie , &
le Comte Caraffa vers Zatmar
avec les détachemens qu'ils y
commandoient pour la confervation
des Conqueftes nouvellement
faites. Quelques accés.
de fievre qui retinrent le Prince
Charles à Edembourg , l'ayant
empéché d'aller fe mettre à la tête
des Troupes dont on devoit
faire le 29. une reveue Generale
dans les Plaines de Barcam , elle
fut
de Bude.
37
fut remife au 8. de Juin. Ce Prince
partit d'Edembourg le 20.
après avoir eu une longue conference
avec l'Electeur de Baviere
, qui fe rendit à Neuſtadt
le lendemain pour en rendre
compte à l'Empereur. Cependant
tout le trajet du Danube
depuis Ratisbonne jufqu'à Presbourg
eftoit couvert de Barques
& autres petits Vaiffeaux chargez
de munitions & de vivres, & des
Troupes de Baviere , de Franconie
& de Suabe qui defcendoient
vers la Hongrie. Jamais entrepriſe
n'a efté executée avec tant de
joye. On fe preparoit au Siege
de Bude avec un courage & une
ardeur qui ne fe peut exprimer.
Les Volontaires accouroient , de
France, d'Espagne , d'Angleterre,
d'Allemagne & de tous les endroits
de la Chrêtienté , & le
Duc
E
38 Hiftoire du Siege
Duc de Bejar Grand d'Eſpagne,
vint joindre à Vienne le Marquis
de Valero fon frere , qui s'y
eftoit déja rendu avec quelques
autres. Le 29. le Prince Loüis
de Bade partit de Neuftadt en
pofte pour aller joindre l'Electeur
de Baviere , & le Prince
Charles s'y eſtant rendu de Raab
le premier de Juin pour prendre
congé de Sa Majefté Imperiale,
reprit la route de Hongrie , accompagné
du Comte Stratman,
Grand Chancelier. Le 5. il arriva
à Comorrhe , où l'Electeur de
Baviere avoit efté receu deux
jours auparavant au bruit du
Canon & de la Moufqueterie. Ils
en partirent enſemble pour aller
au rendez - vous general. Le Prince
Charles y trouva les Troupes
dont l'Armée Imperiale devoit
eftre compofée. Elles avoient eſté
affem
A
de Bude.
39
affemblées proche de Barkam ,
par les foins du Comte de Staremberg.
On ne peut s'imaginer
la joyé qu'elles témoignerent en
voyant leur General . Il fut aisé
de connoître par toutes les marques
qu'elles en donnerent l'impatience
que chacun avoit de
marcher fous fa conduite . Les
Troupes de Saxe eſtant arrivées
au nombre de mille Chevaux
, & de quatre mille hommes
d'Infanterie , le Prince de
Saxe qui les commandoit , envoya
prier le Prince Charles
de les venir voir. Ce Prince
en fit la reveuë , & alla enfuite
difner dans la Tente de l'Electeur
de Baviere , qui luy fit voir les
fiennes rangées en bataille . I
retourna de là à Comorre pour
quelques ordres qu'il avoit à y
donner. Cependant les Troupes
du
40 Hiftoire du Siege
du Cercle de Suabe , commandées
par le Marquis de Bade-
Dourlach , joignirent l'Armée.
Elles étoient de trois mille hommes
de pied , & de trois mille
Chevaux. On intercepta des
Lettres , par lesquelles on apprit
, que le Grand- Viſir eſtoit
venu à Belgrade , qu'il avoit
donné le commandement en
Chef de l'Armée Ottomane en
Hongrie à Achmet Bacha , auquel
il avoit laiffé des ordres
particuliers , de ne rien épargner
pour la confervation de
Bude & d'Effek comme des
deux Places qui leur eftoient les
plus importantes , & qui faifoient
la feureté de toutes celles
qui leur reftoient dans le Royaume,
& qu'il eftoit enſuite retourné
à Andrinople avec une extreme
diligence. On fçeut auffi
›
par
de Bude. 41
par les Efpions que l'on avoit
envoyez pour reconnoiftre les
forces des Turcs , qu'ils ne pouvoient
mettre au plus que quarante
mille hommes en Campagne
, & que les Troupes d'Afie
avoient pour la plufpart deferté
dans leur marche d'Andrinople
à Belgrade. Les Huffars de Papa,
Dotis , Vefprin & Comorre allerent
en courſe au nombre de
quinze cens jufqu'à quatre lieuës
plus bas que Bude , & jufqu'à
deux lieues du Camp que les
Turcs avoient formé entre cette
Ville & le Pont d'Effeck . Ils emmenerent
prés de deux mille
moutons , deux cens boeufs , &
quantité de chevaux , fans avoir
trouvé perfonne qui leur difputaft
tout ce butin.
9 .
Le le Confeil de guerre fut
tenu au Camp , où tous les Officiers
42 Hiftoire du Siege
ciers Generaux s'eftoient affemblez.
Le Comte Stratman s'y
trouva de la part de Sa Majesté
Imperiale . On leur fit part de ce
qu'on avoit refolu touchant le
Siege de Bude , & deux jours
aprés le Comte de Stratman partit
pour Vienne , où il rendit
compte à l'Empereur de tout ce
qui s'eftoit paffé dans ce Confeil
. Le Comte Rabata , Commif
faire general , s'en retourna auffi
à Vienne , afin de donner ſes ordres
pour faire venir inceffamment
les vivres & les munitions
neceffaires.
Le 12. le Prince Charles partit
de Comorre , & fe rendit au
Camp de Barkan . L'Electeur de
Baviere l'y joignit le lendemain ,
& aprés que l'on eut fait une Reveuë
generale des Troupes , on
commença à leur faire paffer le
Da
de Bude.
43
9
Danube fur le Pont de Gran.
Celles de Saxe marcherent à l'Avant-
garde. L'Electeur de Baviere
partit à la tefte d'un Corps
d'Armée de vingt quatre mille
hommes , compofé des Troupes
Bavaroifes , & de plufieurs Regimens
Imperiaux , & prit fa mar
che en deçà de la Riviere. I
s'avança vers Hatwan , dans le
deffein de s'en rendre Maistre ,
& d'attaquer Peft enfuite. La
priſe de ces deux Places , dont la
derniere n'eft feparée de Bude
que par le Danube , devoit empefcher
les Ennemis d'avoir aut
cune communication entre Bude
& Agria. Le 14. les Défilez,
& la difficulté des chemins qu'il
fallut élargir en plufieurs endroits
, pour les rendre pratiquables
, ayant obligé l'Infanterie à
demeurer derriere avec l'Artillerie,
44 Hiftoire du Siege
lerie , le Prince Charles la laiffa
fous la conduite du Comte de
Staremberg , & s'avança vers
Vicegrad , du côté droit du Danube
, tandis que l'Electeur de
Baviere continuoit fa marche de
l'autre cofté , à une diſtance égale
, en forte que les deux Armées
euffent pû fe fecourir reciproquement
en cas de befoin .
Le 15.
la Cavalerie Imperiale
campa à Poftkamp , & le lendemain
à Saint André. L'Electeur
de Baviere marcha toûjours fous
une meſme ligne , n'ayant que le
Danube entre deux , & vint
le 16. camper à Weitzen. Les Ennemis
qui les pouvoient découvrir
des Ramparts de Bude des
deux coftez de ce Fleuve , ne firent
aucun mouvement pour les
venir reconnoiftre. On fceut par
quelques Turcs qui furent pris
pen
de Bude.
45
pendant cette marche , que le
Commandant de Bude ne s'attendoit
point à voir fa Place affiegée
que dans la croyance
que l'Armée Chreftienne attaqueroit
Agria ou Albe Royale,
on les avoit munies de bonnes
Garnifons & de quantité de vivres
, & qu'on en avort tranf
porté à Bude la pluſpart des richeffes
& des plus beaux meubles
des Officiers & des Bourgeois
, avec les femmes , les enfans
, & les bouches inutiles ; que
fur l'avis que ce Commandant
avoit receu qu'on venoit à luy,
il avoit envoyé demander des
Troupes à ceux des Places voifines
pour en renforcer fa Garnifon
, mais qu'il n'y avoit pas
d'apparence qu'on luy en puft
envoyer avant que les Princes
eunent inveſty la Place . Certe
Gar
46 Hiftoire du Siege
Garnifon ne laiffoit pas d'eftre
forte, puis qu'elle eftoit de douze
mille hommes de pied & trois
mille Chevaux , à ce qu'on aprit
de ces mefmes prifonniers. ,
Le 17. la Cavalerie fe repofa
dans le mefme campement afin
d'attendre que l'Infanterie fuft
arrivée , & l'on fit defcendre les
Bateaux dont on fe devoit fervir
pour conftruire un Pont à faire
paffer le Corps d'Armée de l'E
lecteur de Baviere. Ce Prince
qui defcendoit à gauche du
Fleuve s'empara de Peft , d'où
la garnifon Turque s'eftoit retirée
, aprés avoir fait fauter une
partie des murailles , & tiré de
la Place les munitions & les vivres.
Elle avoit enfuite rompu le
Pont qui luy donnoit communication
avec Bude , mais elle ne
put fi bien faire fa retraite,
qu'un
de Bude.
47
qu'un Aga ne tombaft entre les
mains des Bavarois avec trente
Janiffaires. Son Alteffe Electorale,
ayant laiffé garnifon dan Peft
& donné les ordres pour en reparer
les fortifications , détacha
le Comte de Steinaw avec fix
mille hommes pour aller attar
quer Hatwan , & fe mit en marche
vers l'ifte de S. André pour
paffer le Danube fur les Ponts
que l'on devoit y avoir dieffez,
& fe trouver au Camp devanţ
Bude. Le Prince Charles y étoit
arrivé le 18 & ce mefme jour
toute l'Infanterie ayant joint
l'Armée , il luy fit prendre des
poftes à demie lieuë de la Place,
La Cavalerie les prit de l'autre
cofté vers Albe Royale , & l'on
commença à travailler aux lignes
de circonvallation . Pendant ce
temps il fut tiré des Rempars
plu
48
Hiftoire du Siege
plufieurs volées de Cañon , dont
tout l'effet fut de tuer un Païfan
. On vit auffi paroiftre un detachement
de Cavalerie & d'Infanterie
de la Garnifon de Bude
qui fe prefenta pour embaraffer
les Travailleurs , mais il fe retira
prefque auffi- toft , ne fe trouvant
pas en eftat de foutenir un
gros de Cavalerie Imperiale qui
fe preparoit à le charger . L'avantgarde
du détachement que le
Prince Charles avoit envoyé
pour inveftir la Place, enleva un
Chaoux avec vingt Turcs de
quarante qui l'eſcortoient . Il venoit
de Belgrade, & apportoit des
Lettres au Bacha de Bude . Elles
confirmoient que l'Armée Ottomane
feroit commandée par Achmet
Bacha & que le Grand-
Vifir avoit eu ordre de fe rendre
promptement auprés de fa
Hauteffe
>
>
de Bude. 49
Hauteffe qui eftoit allée à Conftantinople.
Le 19. on ferra la Place de tous
les coftez par où elle eft acceffible
, & le Quartier general fut
étably à un quart de lieuë , avec
quelques Regimens d'Infanterie .
Le lendemain les Affiegez ayant
fait une fortie de trois cens Chevaux
foûtenus d'un pareil nombre
de Janiffaires , il y eut quel
que
Efcarmouche , mais elle fut
de peu de durée , parce qu'ils fe
tinrent toûjours fous le Canon
de la Place , fans qu'on les puft
attirer plus loin . Le Comte d'Altheim
y fut bleffé. Ce mefme
jour on commença d'ouvrir les
Lignes de circonvallation , & de
tracer les premieres Places d'Armes.
On marqua auffi trois Batteries
, & autant d'épaulemens
pour tenir à couvert la Cavalerie
C
50 Hiftoire du Siege
,
dont les Travailleurs devoient
eftre foûtenus dans les approches.
Sur le foir , le Comte de
Staremberg receut ordre d'aller
fe pofter proche les Bains afin
d'attaquer le Vafferftadt ou la
Ville baffe contre laquelle on
drefla deux Batteries du cofté
qui defcend vers le Danube. I
fit ouvrir la Tranchée , & on la
pouffa affez avant. Le Bacha de
Bude trouvant à propos de fe
défaire de beaucoup de bouches
inutiles >
donna la liberté
à tous les Chreftiens .
que
l'on trouva incapables de porter
les armes , & l'on fceut par
eux , qu'ayant affemblé la Garnifon
dans la grande Place , il
leur avoit leu les ordres du
Grand Seigneur qui les exhortoit
à refifter vigoureufement;
qu'il avoit enfuite défendu aux
Sol
de Bude.
51
X
1 Soldats & aux Habitans fous
peine de la vie de parler de Capitulation
, & que s'il arrivoit
qu'il fut tué en leur donnant
l'exemple de fe bien défendre,
on avoit nommé quatre Bachas
qui devoient l'un aprés l'autre
prendre le Commandement.
Le 21. les Bavarois commencerent
à paffer le Danube fur le
Pont de Bateaux de l'Ile de
S. André , & ce jour là fut employé
à ranger les Bagages dans
les Lignes , & à divifer les Troupes
par Eſcadrons & par Batail-
Ilons , afin de faire la diftinction
des Quartiers. Le Prince Charles
occupa les mefmes Poftes qu'il
avoit pris dans le dernier Siege.
L'Electeur de Baviere fit la mefme
chofe , & vint fe camper au
pied du Mont S. Gerard .
Le 22. on dreffa une nou-
Cij
52 Hiftoire du Siege
velle Batterie de fix pieces de
Canon contre la Ville baffe , &
l'on commença en mefme temps
à travailler aux Tranchées par
l'ouverture de trois grandes Places
d'Armes ; beaucoup plus prés
de la Ville que l'on n'avoit fait
en 1684. Il fut refolu qu'il y au
roit trois Attaques ; la premiere
commandée par l'Electeur de
Baviere ; la feconde par le Comte
de Staremberg , & la troifiéme
par les Troupes de l'Electeur
de Brandebourg que l'on attendoit
inceffamment , & auf
quelles on devoit joindre quelques
Regimens Imperiaux , &
d'autres Troupes Auxiliaires . Le
Prince Charles ne garda que
dix hommes de Cavalerie par
Compagnie pour fervir au
Camp à couvrir les Travailleurs
fous les ordres du Comte de Pal-
,
fi,
de Bude.
53
fi , & il envoya le reste aux environs
d'Albe- Royale , afin d'y
confumer les Fourages, & d'ofter
par là aux Infidelles les moyens
d'y fubfifter. Les Affiegez firent
grand feu tout le jour & toute la
nuit fuivante, & il y eut neuf Soldats
tuez ou bleffez .
Le 23. la nouvelle Batterie de
fix pieces de Canon s'eftant
trouvée prefte , commença dés
le matin à tirer , & fit une Bréche
de fix pas. Ceux qui estoient
au haut des Montagnes , apperçurent
par cette bréche quantité
de Betail & de Chevaux , mais
les Ennemis ne parurent point.
Il y eut fix Soldats à la Batterie
emportez par le Canon de la Place.
Quelques Huffarts & Croates
qui s'étoient avancez trois
lieuës au delà de Bude fous la
conduite du Comte Budiani ,
C iij
$4 Hiftoire du Siege
,
ayant efté avertis que le Bacha
en avoit fait fortir quantité de
Barques chargées de femmes ,
d'enfans & de quantité de
meubles qu'il envoyoit à Belgrade
, les pourſuivirent avec
trois cens Dragons , & les rencontrerent
à l'Ile de Sainte Marguerite.
Ils taillerent en pieces
tous ceux qui les eſcortoient,
s'emparerent de leurs Trefors ,
& amenerent deux cens Prifonniers
, qui furent les Vieillards
, & autres qu'ils jugerent
les plus propres à fe faire ra
cheter.
Le 24. la bréche ayant efté
élargie de vingt pas , on examina
la contenance des Affiegez
qui s'eftoient retranchez à droit
& à gauche au nombre de quatre
cens . Il fut refolu que l'on
iroit à l'Affaut , & comme c'eftoit
de Bude.
55
1 ftoit la premiere action du Siege
, chacun à l'envy chercha à
fe diftinguer. Les difpofitions
de l'attaque furent faites , & à
dix heures du foir on en donna
le fignal par trois volées de Ca-
1 non. Cent Grenadiers s'avancerent
les premiers , ayant un Capitaine
à leur tefte ; ils furent
fuivis de deux cens Moufquetaires
que commandoit un Sergent
Major , & foûtenus de trois
cens autres fous la conduite d'un
Lieutenant Colonel. Ils allerent
vers la brèche , & attaquerent
avec tant de force & de bravoure
les Ennemis qui la défendoient,
qu'ils les forcerent d'abandonner
leurs retranchemens. Six cens
hommes d'Infanterie en deux
Brigades marcherent aprés ceuxcy
, & fe pofterent au pied de
la bréche avec cinq petites pie-
C iiij
$6
Hiftoire
du
Siege
ces de Canon qu'ils avoient fait.
conduire avec eux . Elle fut franchie
par le Prince de Vaudemont,
par le Prince de Commercy,
& par un tres grand nombre
de Volontaires qui s'eftoient
mis à la tefte de l'Infanterie , &
qui fe pofterent dans la Ville
baffe malgré le feu continuel
que firent les Affiegez . Il n'y eut
que cinq Soldats tuez & onze
bleffez. Le Comte de Marfilly,
Infpecteur general des Ingenieurs
, eut le bras caffé au deffus
du coude , d'un coup de Mouf
quet qu'il réceut dans la tranchée
avant que l'on commençant l'Attaque
.
Le 25. fut employé à perfectionner
les Poftes que l'on avoit
occupez dans la baffe Ville , &
fix Bataillons furent logez au
pied des murailles. Il y eut un
Lieu
de Bude .
57
Lieutenant des Grenadiers tué
d'un boulet qui tomba dans la
Tranchée, & qui emporta les bras
& les jambes à cinq Soldats. Un
Chevalier de Malte François fut
auffi dangereufement bleffé . Il
eftoit avec le Marquis de Souvray,
qui fit paroiftre beaucoup
de bravoure .
Le 26. on s'apperceut que les
Affiegez faifoient gliffer du monde
le long de l'eau par dedans la
Ville baffe , pour venir attaquer
un Pofte qui eftoit devant une
groffe Tour joignant le Danube.
Le Chevalier de Rhofne , Capitaine
du Regiment de Staremberg,
foûtenu du Comte d'Awersbergs
, Lieutenant Colonel du
Regiment de Mansfeld , vint à
leur rencontre , & ils les repoufferent
avec beaucoup de vigueur.
Le Prince de Vaudemont le
,
C v
58
Hiftoire
du Siege
Prince de Commercy , & plufieurs
autres Volontaires qualifiez
, accoururent à l'efcarmouche
, qui dura une heure fous le
Canon de la Place. Il n'y eut que
quinze hommes tuez ou bleffez
du cofté des Affiegeans . Le Sieur
Bourgers , Capitaine du Regiment
de Staremberg fut de ces
derniers , & Milord Mongois receut
une contufion à la temple.
Les Affiegez perdirent trente
hommes, & le nombre des bleffez
fut beaucoup plus grand. Ce jour
là le Prince de Neubourg, Grand
Maître de l'Ordre Teutonique,
Lieutenant General , qui eftoit
arrivé au Camp le 22. & le
Comte de Diepenthal , General
Major , monterent la Tranchée,
fuivant ce qui avoit efté arreſté
quelques jours auparavant au
Confeil de Guerre , que tous les
jours
de Bude.
59.
jours ce feroit un Lieutenant General
, & un General Major qui
la monteroient à chaque Attaque
avec deux mille hommes,
& qu'on les releveroit de vingtquatre
heures , en vingt- quatre
heures . Outre ces deux mille
hommes , il y avoit toûjours fix
Bataillons de referve , & une
Garde de Cavalerie pour les
foûtenir. On travailla la nuit à
pouffer une grande Coupure fur
Ela droite le long de la muraille ,
afin de couvrir une Batterie de
douze Pieces qu'on vouloit mettre
en estat contre les défences
de deux Rondelles, & de la Courtine,
vers laquelle on devoit conduire
la Tranchée. On ouvrit
auffi une porte au coin de cette
Muraille , où l'on fe logea en dedans
de la baffe Ville , à trois
cens pas du Corps de la haute,
&
60
Histoire
du siege
& en tous ces logemens on ne
perdit que quinze hommes.
Le 27. les Travaux fe trouverent
fort avancez à l'Attaque
de l'Electeur de Baviere , qui fit
dreffer une Batterie fur le panchant
de la Montagne. Il fit faire
auffi fur la hauteur de cette
meſme, Montagne un Logement
affez grand pour contenir mille
hommes , & affeurer la tefte de
la Tranchée , qui fut ouverte au
pied du Chafteau , vis à vis la
grande Tour qui en couvre la
façade. Le foir les Affiegeans firent
une fortie au nombre de
quatre
cens, Cavalerie & Infanterie,
fur cent hommes retranchez à la
teſte des Travaux qu'on avoit
faits la nuit précedente. Le Comte
de Saur, Capitaine au Regiment
de Lorraine qui les commandoit
fit une fi vigoureuſe reſiſtance,
de Bude. 61
cè , que la grande Garde eut le
temps d'y accourir. Les Ennemis
furent repouflez ; ils laifferent
feize des leurs fur la place , &.
eurent quelques bleffez.La Tranchée
fut relevée ce jour- là par
le Comte de Souches , Lieutenant
General , & par le Comte
de Tinghen , Mareſchal Major.
Le 28. on joignit les deux Attaques
par une Ligne de communication
de quatre cens pas .
On mit auffi huit groffes pieces
de Canon fur une nouvelle Baterie
à l'Attaque du Prince Charles
, devant laquelle on tira une
Ligne de deux cens pas ,
afin
qu'on y puft aller de la Tranchée
fans eftre infulté des Ennemis.
Cette Baterie fervit à tirer
contre deux Ouvrages avancez
en forme de pafté , qui défendoient
la Porte du cofté de
la
62 Hiftoire du Siege
la baffe-Ville . Les Ennemis faifoient
de là un feu continuel de
Canon , dont les Affiegeans eftoient
fort incommodez . Les Travaux
furent continuez fans beaucoup
d'obſtacle la nuit de ce
même jour , & on perfectionna la
Ligne de communication
entre
la Porte du milieu & la derniere
, ce qui donnoit moyen
moyen d'entrer
à couvert dans la nouvelle
Baterie.
Le 29. le Sieur Soulars , Ingenieur
, fut bleffé en faifant travailler
à de nouvelles Lignes
qu'on fit en forme de paralelles,
pour communiquer avec les au
tres Travaux , & s'approcher plus
prés de la Place . L'Electeur de
Baviere ayant eu quelque indifpofition
, le Prince Charles l'alla
vifiter fur les cinq heures du foir,
& dans ce temps mefme , les Af-
י
Liegez
de Bude.
63
fiegez firent une Sortie en bien
plus grand nombre qu'ils n'avoient
encore fait du cofté de
l'Attaque des Bavarois. Ils attaquerent
les Travailleurs & les
Troupes qui eftoient en garde
dans la Tranchée , & les
ayant
mis en defordre , ils euffent comblé
les Travaux , fi le Comte de
Hoffkirken n'euft promptement
amené la Garde de Cavalerie.
L'Electeur de Baviere ayant efté
averty de cette Sortie , rien ne
fut capable de le retenir. Il y
courut , quoy qu'indifpofé , auffi-
bien que le Prince Charles , &
leur prefence anima fi bien tous
ceux qui avoient déja commencé
à foûtenir les efforts des Infidelles,
qu'après en avoir tué beaucoup,
ils les forcerent à fe retirer,
& les pourſuivirent jufqu'à quarante
pas de la Tranchée Le Prin64
Hiftoire du Siege
ce Eugene de Savoye fe fit remarquer
par fa bravoure , & eut
un cheval tué fous luy
, auffibien
qu'un de fes Gentilshommes.
Le Baron de Zwitterthal ,
Lieutenant Colonel du Regiment
de Steinaw , fut tué avec
trente ou quarante Bavarois. Il
y eut auffi quelques bleffez . Le
Baron de Billes , Capitaine dans
le Regiment d'Arko , le fut dangereuſement
.
Le 30. on repara les Travaux
que les Ennemis avoient ruinez
le jour precedent , & on avança
jufqu'à fix-vingt pas de la muraille.
Ce méme jour , deux Compagnies
de Paffau & de Ratisbonne
arriverent au Camp, auffi
- bien que les Troupes de Suabe
& de Franconie . Elles étoient
en tres-bon eftat , & au nombre
de cinq à fix mille hommes . Celles
de Suede commandées par le
de Bude.
65
po-
Marquis de Turlac , arriverent
pareillement , & prirent leur
ite fur une hauteur, afin de pouvoir
agir où il feroit le plus neceffaire.
Le feu parut en differens
endroits de la Ville ; il y avoit
efté mis par des Bombes .
qu'une Baterie de Mortiers avoit
jettées. Le Comte de Dunewald
partit ce jour- là du Camp , pour
aller commander la Cavalerie
inutile au Siege , qui eftoit venuë
camper au nombre de plus
de douze mille hommes jufqu'à
la portée du Canon d'Albe Royale
, ce qui avoit obligé les Turcs
à abandonner plufieurs Chafteaux
, & d'autres petits Poftes
aux environs.
Le 1. de Juillet fut employé à
perfectionner la ligne de communication
à l'attaque du Prince
Charles , & les Poftes deftinez
66
Hiftoire du Siege
par
nez aux Poftes de Suabe & de
Franconie leur furent donnez.
On apprit par des Transfuges
qu'il y avoit une grande confternation
dans la Ville, caufée
la perte qu'avoient fait les Affiegez
à la fortie du 29. il y eut
quatorze de leurs Officiers tuez
avec quantité de Janiffaires. Les
ouvrages qui avoiết eſté comencez
fur la droite , furent achevez .
la nuit fuivante , & on pouffa
ceux de la gauche jufqu'à cent
cinquante pas de la muraille .
Le 2. douze pieces de Canon
& huit Mortiers batirent la Ville.
Deux bateries que les Affiegez
avoient , l'une fur la groffe
Tour , & l'autre fur une autre
Tour , furent démontées en peu
de temps. Les Bombes cauferent
ce jour- là beaucoup de dommage
dans la Ville , à ce qu'on apprit
de Bude. 67
prit d'un Deferteur qui dit qu'elle
n'eftoit défenduë que par ſept
ou huit mille hommes , & que
les vivres commençoient à eſtre
chers , parce qu'ils n'y eftoient
pas en grande abondance. Il parut
quelques Troupes Ennemies
du cofté de Peft , & fur l'avis
qu'on en eut , le Prince Charles
ordonn que l'on fift conſtruire
trois redoutes au bord du Danube
, que les Heiduques & les
Hongrois garderoient . On fit
une brêche de quinze pas du
cofté de l'attaque du Prince
Charles.
Le 3. le Regiment du Prince
Eugene de Savoye arriva au
Camp , & on eut avis que les
Troupes de Brandebourg n'en
eftoient qu'à une lieuë. Quatre .
Mortiers furent ajoutez aux 8.
que l'on avoit mis fur la baterie
dreffée
68
Hiftoire du Siege
dreffée à l'attaque des Imperiaux,
& tout cela fit grand feu la nuit
fuivante. La Baterie des Bavarois
n'en fit pas moins , elle eftoit de
fept Mortiers. L'Artillerie des
Ennemis fit auffi grand feu , &
les Affiegeans furent fort incommodez
des Pierres qu'on leur jetta.
Le Sieur Collery , Capitaine
dans le Regiment de Lorraine,
eut le genouil fracaffé d'un éclat
de Bombe , & un des meilleurs
Bombardiers receut un coup à la
tefte. Il y eut encore quinze ou
vingt hommes bleffez . Un Offi
cier Turc qui vint ſe rendre, fur
mené à l'Electeur de Baviere,auquel
il conta qu'ayant tué le mary
d'une femme dont il eftoit amoureux
, il avoit eſté obligé de
quitter la Ville , & s'eftoit tenu
caché pendant quelques heures
dans un endroit où fa maiftreffe
luy
de Bude. 69
luy avoit promis de le venir joindre
, mais , mais que la crainte d'eftre
découvert par les Affiegeans qui
luy auroient fait un mechant
party , ne luy avoit pas permis de
l'attendre. Il ajouta qu'il n'y avoit
dans la Place que trois mille
Janiflaires , & un pareil nombre
de Soldats ; que malgré l'effet des
Carcaffes & des Bombes , qui avoient
obligé le Commandant à
fe loger dans une cave voutée
prés du Chateau pour y eftre
plus en feureté , ils eftoient tous
refolus de fe bien défendre ; qu'il
n'eftoit entré perfonne dans la
Ville comme on l'avoit crû, mais
que des Turcs en eftoient fortis
pour aller demander un prompt
fecours à Achmet Bacha Seraf
Kier , & aux Tartares.
Le 4. ce mefme Officier montra
à l'Electeur de Baviere , &
aux
70 Hiftoire du Siege
Le
aux Princes de Bade & de Savoye
, le Magafin à poudres &
les mines des Affiegez . Il dit
qu'il y en avoit fous la Rondelle
du Chafteau & à l'endroit de la
breche des Imperiaux. Un autre
Transfuge qui fe difoit Polonois,
fe rendit au Camp & affeura que
les Affiegez ne pourroient tenir
encore un mois , fi l'Armée du
Seraskier ne les fecouroit.
Prince Charles paſſa le Danube
pour aller voir les Troupes de
Brandebourg qui eftoient arri
vées le jour precedent avec une
belle Artillerie. Elles eftoient
compofées de huit mille hommes
, en fix Eſcadrons de Cavalerie
& dix Bataillons d'Infanterie
Le General Schoning qui
les commandoit, receut ce Prince
au bruit du Canon , qui fut
ſuivy de 3. décharges de Mouſque
de Bude.
71
I
queterie. Il luy donna enfuite
un magnifique difner dans fa
tente.
Le
4
5. on fit paffer le Danube
à ces Troupes , qui prirent le pofte
qui leur avoit eſté deſtiné du
cofté de la Ville baffe. Il fut refolu
qu'on en tireroit quinze
cens hommes tous les jours pour
monter la tranchée , & qu'on les
joindroit aux Imperiaux & aux
Suedois, afin de faire quatre mille
hommes pour les Poles qui étoient
du coſté de l'attaque du
Prince Charles.
Un Deferteur Grec arriva en-
*
core au Camp & raporta que
cinq Turcs qu'on avoit fait fortit
à la nage , eftoient allez preffer
le fecours que lors
que les Trou
pes de Brandebourg avoient paru
, les Affiegez avoient fait
roiftre beaucoup de joye dans la
penfée
pa72
Hiftoire du Siege
1
penféc que ce fuft celles du Se
raskier , & que le Commendant ,
ayant appris que c'eftoit un renfort
pour l'Armée Chreftienne,
avoit taché de le déguifer à la
garnifon , en difant que c'eftoit
un mouvement que les Affiegeans
avoient fait faire à leurs Troupes
pour faire croire qu'il leur en
eftoit venu de nouvelles . La plufpart
des Bateries des Affiegez furent
miſes en defordre par le grad
feu qui fut fait de l'attaque des
Imperiaux & de celle des Bavarois.
Il leur demonta plufieurs pieces
de Canon, & fit un fort grand
dommage au couronnement des
deux Pâtez,en forte qu'ils ne pouvoient
prefque plus y demeurer
à couvert . La breche ſe trouva
large de quatre - vingt pas , &
comme les ruines n'avoient point
couvert le pied de la muraille
qui
de Bude.
73
qui paroiffoit encore haute de
dix pieds , ont refolut de l'égaler
avec des Fafcines & des facs à
terre. L'attaque des Bavarois fut
auffi fort avancée , mais la breche
n'eftoit pas fi fpacieuſe.Ceux
Ide Brandebourg qui avoient ou-
Evert la tranchée à leur attaque
avec 1200. hommes , avancerent
- leurs travaux fur la gauche avec
tant de diligence , qu'ils fe trouverent
prefque au pied de la muraille
. Ce jour- là mefme ils donnerent
des marques de leur valeur.
Les Affiegez n'avoient point
fait de fortie depuis celle du 29.
= & pour eftonner ces nouveaux
1 venus ils en firent une fort
brufque & bien concertée fur
leurs Travailleurs , mais ils furent
repouffez avec grand carnage
jufques à la porte de la
Ville , devant laquelle fe pofte-
,
D
74 Hiftoire du Siege
rent ceux qui les avoient pourfuivis.
Ils s'y maintinrent , &
travaillerent de ces Poftes avancez
en reculant , & de la tefte
de la Tranchée en avançant ,
pour rejoindre les Travaux , &
les faire communiquer les uns
avec les autres. Les Ennemis
perdirent quatre ou cinq cens
hommes , & il en coufta à ceux
de Brandebourg un de leurs Ingenieurs
, quatre Lieutenans ,
autant d'Enfeignes, environ . trente
Soldats , & le Fils aifné du
General d'Orffling . il eftoit venu
en Hongrie pour faire cette
Campagne en qualité de Volontaire
, & il fut tué d'un coup
de Moufquet au travers du corps.
La nuit on jetta quantité de
Bombes & de Carcaffes dans la
Ville , principalement du cofté
de l'attaque des Imperiaux. L'Eglife
de Bude.
75
glife de faint Jean , qui fervoit
aux Turcs de grande Moſquée,
fut reduite en cendres avec cinquante
maiſons voifines.Le nombre
des Travailleurs ayant efté
augmenté , on pouffa encore les
approches, & les Lignes de communication
entre les trois attaques
qui furent perfectionnées. ›
Le fixiéme les Troupes de
Brandebourg continuerent leurs
travaux , & ils les poufferent
de telle forte qu'ils fe trouverent
auffi avancez que ceux des
deux autres attaques. Un Capitaine
& quatre de leurs Soldats
furent bleffez , & il y en
eut huit tuez . On fit jouer du
cofté de l'attaque des Bavarois
une Batterie de dix pieces de
Canon dont une fut demontée
auffi- toft par le Canon de
la Ville. Ils fe pofterent la nuit
Dij
76 Hiftoire du Siege
tout proche les Pallades , &
eurent prés de foixante hommes
tuez ou bleffez . Le Sieur Funck,
Lieutenant
Colonel du Regiment
de Souches , fut de ces derniers.
Le 7. les Travaux furent avancez
à droit & à gauche , jufques
à dix ou douze pas de la
bréche , où les Imperiaux fe pofterent.
Ils perdirent prés de cin-
Le Sergent
quante hommes .
General de Dinghen fut bleffé
au pied , à la tefte de l'attaque,
où il eftoit cette nuit de garde
avec le Comte de Souches , &
le Chevalier de Rofne receut
un coup de Moufquet au travers
corps. Les Mineurs eurent ordre
de faire éventer les Contremines
des Affiegez dont on
avoit eſté averty , & les Troupes
de Brandebourg qui travaillerent
de Bude.
77
lerent à dreffer leurs bateries,
les mirent prefque en eftat. Le
bruit fe repandit dans le Camp
que le Grand Vizir eftoit en
marche entre Belgrade & Effek
avec une Armée confiderable,
mais on connut auffi - toft la fauffeté
de ce bruit. C'eftoit Benfi
Bacha , Aga des Jani ffaires. Il
avoit joint les Troupes des Turcs
qui eftoient campez depuis longtemps
en ce lieu - là.
Le huitiéme on travailla à
élever deux nouvelles Batteries
à l'Attaque de Lorraine , l'une
de cinq pieces de Canon , &
l'autre de quatre , afin d'élargir
les brèches. La petite Rondelle
fut abatue par le Canon des Bavarois,
qu'elle incommodoit beaucoup
dans les Tranchées , & la
nuit fuivante on tira une Ligne
qui traverfoit le long de la Ron-
Dij
78 Hiftoire du Siege
,
delle gauche vers la Courtine
droite. Comme ce travail ſe faifoit
fort prés , les pierres & les
Grenades que jetterent les Ennemis
, tuerent ou blefferent prés.
de trente hommes. Le Comte
Guido de Staremberg , Lieutenant
Colonel du Regiment de
ce nom qui commandoit à la
Tranchée , s'y fit diftinguer par
fa valeur , auffi bien que le Major
Bifchoffhaufen , qui fut bleffé
au bras d'une balle de Moufquet.
Un Capitaine de Staremberg
le fut auffi à l'épaule , &
fon Capitaine Lieutenant au
pied . Trois Turcs fe rendirent,
& on apprit d'eux que les Affiegez
avoient grande impatience
qu'il leur vinft quelque fecours,
& qu'ils fe défendoient avec
d'autant plus de réſolution &
de courage, que les belles actions
eftoient
de Bude.
79
eftoient récompenſées par le
Commandant. Quelques autres.
Turcs fortirent de la Ville , dans.
le deffein de brûler les Batteries
des Affiegeans , mais l'un d'eux
ayant efté mis par terre d'un
coup de Moufquet , tout le refte
prit la fuite.
Le neuvième les Affiegez à
la pointe du jour firent jouer
un Fourneau entre la Porte &
la Rondelle du milieu. Il ruina
la Mine que les Imperiaux
avoient faite. Il y eut fept Mineurs
enterrez , & leur Capitaine
fut dangereufement bleffé
. Ils firent enfuite une Sortie
entre cette Attaque & celle
de Brandebourg. Les Troupes
de cette derniere furent d'abord
mifes en defordre , & fe renverferent
fur les Travailleurs avec
perte d'environ cent hom-
D iiij
80
Hiftoire du Siege
mes , entre lefquels furent deux
Lieutenans Colonels ,
II
quatre Capitaines
, & quelques Officiers
fubalternes
. Cependant le Corps
de réſerve de la Place d'Armes
la plus voifine eftant accouru,
on chargea les Turcs d'une maniere
fi vigoureufe , qu'ils fe retirerent
avec plus de précipitation
qu'ils n'eftoient venus.
demeura plus de quatre - vingt
des leurs fur la Place , fans les
bleffez , & l'on fit fix prifonniers.
Aprés qu'ils eurent efté
repouffez , on travailla à retirer
les Mineurs & les Travailleurs
des ruines que le Fourneau avoit
faites. Il n'y en eut qu'un
que l'on ne put retrouver. On
continua les Travaux avec autant
d'ardeur que s'il ne s'eftoit
point fait de Sortie. Les Bavarois
firent jouer une autre Batterie
de Bude. 81
terie de dix pieces , ayant eſté
obligez de changer la premiere,
à caufe que le Canon de la Ville.
l'incommodoit , & qu'elle en
eftoit trop éloignée . Ce mefme
jour , quelques Hongrois donnerent
avis à l'Electeur de Baviere
que fept mille Tartares étoient
en marche , pour jetter
du fecours avec un Bacha dans
Bude du cofté de Peft. Cela
obligea d'envoyer en diligence
trois cens . cinquante hommes :
dans cette derniere Place , avec
ordre de travailler à des Redoutes
, afin que les Ennemis trouvant
les Paffages coupez, ne pûffent
executer leur deffein.
Le dixième on attacha les
Mineurs fous la Paliffade de la
Rondelle oppofée à l'Attaque de
Baviere , & l'on redreffa en celle
de Lorraine la Galerie qui
D v
821 Hiftoire du Siege
→
avoit efté brûlée en partie le
jour précedent . On y attacha
auffi les Mineurs , pour tâcher
d'éventer les Contre- mines fous
la Rondelle qui eftoit à gauche
& fous celle du milieu .
Quoy qu'il tombaſt ce jour- là
une groffe pluye , elle ne put
empefcher que le Prince Charles
ne fift dreffer deux nouvelles
Batteries l'une au milieu
des Travaux , & l'autre de
neuf pieces de Canon fur la
gauche .
Le 11. fut employé à perfectionner
les approches à l'Attaque
de Lorraine , & l'on mit le
Canon fur les deux nouvelles :
Batteries , & deux Mortiers fur
une autre. Il y eut quelques Soldats
tuez & bleffez , mais en
petit nombre. On travailla auffaux
Mines , & à rencontrer
celles
de Bude.
83
celles
,
que les Affiegez pouvoient
avoir préparées pour les faire fauter
contre les Affiegeans , s'ils
donnoient l'affaut. Pendant tout
ce jour , les Canons & les Mortiers
tirerent fans ceffe tant
pour élargir les bréches, que pour
ruiner les Retranchemens qu'avoient
fait les Affiegez , dans le
deffein de bien foûtenir l'affaut.
La Batterie de ceux de Brandebourg
joia , auffi- bien que
celle de Dom Antonio Gonçales
, Lieutenant general de l'Artillerie
, & d'un Ingenieur Efpagnol
, qui par l'élevation de fes
feux d'artifice donna beaucoup
de plaifirs aux Affiegeans , en
mefme temps qu'il caufoit de
grands dommages aux Affiegez .
Les Bavarois battirent inceffam-.
ment la Rondelle du Chafteau,
& y jetterent des Bombes de
deux
$4 Hiftoire du Siege
deux Batteries de trois Mortiers
chacune , dont l'une n'eftoit qu'à
trente pas de la Paliffade . Trois
de leurs Mineurs furent tuez par
leurs propres Cannoniers & le
mefme malheur feroit arrivé à
l'Electeur de Baviere , s'il n'euft
pas changé de place un moment
auparavant.Sur l'avis qu'on avoit
eu que le Seraskier s'eftoit avancé
jufqu'à trois lieuës de Peſt as
vec un Corps de huit mille hommes,
tirez des Garnifons de Themifwar,
Lippa, Giula, grand Waradin
, Segedin , Agria , Hatwan
, & autres Places des Turcs
en la baffe Hongrie , & fur
les Frontieres de Tranfylvanie,
dans le deffein de fecourir Bude
le Prince Charles détacha
le Baron de Mercy & le
Prince Eugene de Savoye avec
trois
,
de Bude. 85
un
trois mille chevaux , & fix Bataillons
d'Infanterie , qui pafferent
le Danube , & fe pofterent
proche de Peft de l'autre colté
du Pont , hors de la portée du Canon
, pour y attendre les Turcs,
& empefcher qu'ils ne fe puffent.
= jetter dans la Place . On fit auffi
un Détachement confiderable de
Cavalerie & de Dragons pour
renforcer ceux que l'on avoit envoyez
à Peſt , où ils travailloient
à de nouvelles fortifications du
cofté du Danube , & pour refferrer
la garnifon d'Albe- Royale,
qui auroit pu faire quelque diverfion
en faveur des Affiegez ,
afin de faciliter le fecours qu'ils
attendoient .
Le 12. on fit applanir à l'attaque
de Lorraine la defcente dans
les Foffez oppofez aux breches,
à la faveur du Canon & des
Bom
86
Hiftoire du Siege
Bombes , afin de pouvoir monter
à l'Affaut , & l'on fit auffi grand
feu aux attaques de Baviere &
de Brandebourg. Quoy que la
breche que l'on avoit commencé
à faire dans cette derniere le
jour precedent , fe trouvaſt élargie
de plus de quinze pas , la muraille
eftoit encore trop haute depuis
fon pied jufques à l'éboulement.
Ainfi l'on continua de
tirer le Canon avec plus de violence
, pour taſcher d'y faire des
ruines plus confiderables , & les
Affiegez qui jetterent inceffamment
des feux d'artifice & des
pierres de leurs Mortiers , n'empêcherent
point qu'en l'une &
en l'autre on n'avançaft les approches
fort prés des foffez . On
vit paroiftre la flâme pendant
plus de huit heures en plufieurs
endroits de la Ville , ce qui fit
2
juger
de Bude.
juger que
les Bombes & les Carcaffes
des Affiegeans
y avoient
caufé un grand dommage. Le
feu de la Baterie des Bavarois
prit à des Tonneaux
de poudre,
& fit fauter en l'air prés de vingt
perfonnes.
Le 13. les Regimens de Steireim
, de Pafc , & de Goucqfes
arriverent des environs de Stulweiſenbourg
au camp des Troupes
commandées par le Baron de
Mercy & par le Prince Eugene
de Savoye , ce qui fit un corps de
neufmille hommes. Les Ennemis
éventerent la mine des Imperiaux
, mais les Mineurs eurent
le loifir de fe fauver. Ils mirent
auffi le feu à un Fourneau dans
l'efperance de faire fauter la
grande garde des Imperiaux , &
l'effet en fut contraire à ce qu'ils
avoient attendu les terres retom
88
Hiftoire du Siege
tomberent fur eux , & remplirent
feulement une partie de la tefte
des travaux des Affiegeans . Cependant
le feu mis à ce Fourneau
ayant ebranlé la Tour fous
laquelle le Mineur avoit eſté attaché
, on pointa contre cette
mefme Tour huit pieces de Canon
qui y firent une breche confiderable.
On tint un Confeil de
guerre où l'on refolut de donner
Affaut par trois endroits , à la
breche de l'attaque de Lorraine.
Le Comte Guido de Staremberg
, & le Comte d'Awersberg
furent commandez , chacun avec
deux- cens quatre - vingts hommes
, le premier à la droite de
l'attaque proche la grande Rondelle
, & le fecond à la gauche.
Le Comte de Herberftein , avec
qui marchoient les Fufeliers ,
Pionniers , & Travailleurs, avoit
or
1
de Bude. 8.9
ordre de donner au milieu de la
Courtine. Il eftoit auffi fuivy de
deux cens quatre - vingts hommes
, & le refte , au nombre de
deux-mille , demeura de referve
pour les foutenir . Sur les fept
heures du foir , le Signal ayant
efté donné pour l'affaut par une
décharge de tout le Canon qui
eftoit en baterie à cette attaque,
on commença de monter à la breche
, ce qui n'eftoit pas aisé , à
caufe que les Ennemis l'avoient
I reparée par plufieurs rangs
de
Paliffades . On ne laiffa pas de les
forcer, quoy qu'ils fiffent une vigoureufe
refiftance , & l'on fe pofta
fur la brêche à la faveur de
la Moufqueterie & des Grenades
qu'on tira dans les retranchemens
paliffadez qu'ils avoient.
faits , derriere lefquels ils fe maintinrent
en tres- bon ordre. Rie
n'e
୨୦ Hiftoire du Siege
·
n'eft égal à l'ardeur que firent
paroiftre tout ce qu'il y avoit de
Volontaires & de Braves à l'Armée
, pour eſtre des premiers à
fe trouver fur la breche . On y
demeura prés de deux heures:
que l'efcarmouche dura, & pendant
ce temps les Affiegez firent
fauter deux Mines , qui cauferent
moins de perte aux Affiegeans
, que les Fleches , les Bombes
, les Grenades & les Pierres.
Cependant on ne pût venir à
bout de faire le logement ; le
defordre & la chaleur du combat
avoient éloigné les Travailleurs
, & d'ailleurs il auroit falu
plus de Fafcines & de facs à terre
, qu'on n'en avoit , pour pou
voir fe mettre à couvert & ſe retrancher.
Cela fut cauſe que l'on
ugea à propos de faire retirer les
raupes dans leurs Poftes, ce que
l'on
de Bude . 91
lon fit à neuf heures du foir, tandis
que le
Canon
, des
Bombes
&
la Moufqueterie
de
deux
Bataillons
de
Souches
&
de
Mansfeld
favorifoient
la retraite
. Le
Prince
Charles
fut
preſent
à l'action
, &
eut
deux
Pages
, l'un
tué
à fes
coftez
, &
l'autre
bleffé
.
La
perte
fut
grande
de
part
& d'autre
. On
tient
qu'il
y
eut
plus
de
cinq
cens
Soldats
tuez
du
cofté
des
Affiegeans
, &
prés
de
trois
cens
bleffez
, ' outre
quelques
Colonels
,
Capitaines
, autres
Officiers
, &
beaucoup
de
Volontaires
. Parmy
ces
derniers
fut
le
Prince
de
Commercy
, qui
demeura
longtemps
fur
la
bréche
expofé
au
feu
. Le
Sieur
du
Pleffis
, fon
Ecuyer
, fut
tué
auprés
de
luy
, &
le
Sieur
de
S. Sulpice
, l'un
de
fes
Gentilhommes
, y_receut
quelques
bleffures
. Le
Duc
de
Bejar
,
Grand
92
Hiftoire du Siege
Grand d'Espagne , monta un des
premiers à l'affaut. Il y fut bleffé
dangereufement , & mourut trois
jours aprés . Le Fils du Prince Robert,
& Milord Georges Savil, fe
cond Fils du Marquis d'Halifax,
avec plufieurs autres Seigneurs
Anglois furent tuez , ainfi que
le
Prince Palatin de Veldens,le jeune
Comte de Maldeghen , le Chevalier
de Cormaillon , le Comte
de Herberſtein , le Comte de
Kouffstein , Capitaine dans Staremberg
, le Baron de Rolle , &
le Sieur Kirchmeir , tous deux
Capitaines dans le Regiment de
Souches, le Baron de Chiffer , le
Comte de Strottembach , & plufieurs
autres Volontaires & Officiers
fubalternes. Milord Fitz-
James, Fils naturel du Roy d'Angleterre
, fut bleffé legerement.
Le Prince Picolomini mourut
dés
de Bude.
93
dés le lendemain de fes bleffures,
& fut enterré dans Peft . Les autres
Bleffez confiderables , dont
les noms ont efté fçeus , furent le
Comte de Staremberg , Lieutenant
Colonel , qui avoit le commandement
de la droite ; le
Comte d'Aversberg , auffi Lieutenant
Colonel , qui commandoit
la gauche ; le Comte de Dona ,
Colonel dans les Troupes de
Brandebourg ; le Marquis de la
Verne , Lieutenant Maréchal de
Camp ; le Duc de Scalona , Grand
d'Efpagne ; le Comte de Valero,
frere du Duc de Bejar ; Dom
Gafpard de Suneja , fon Coufin;
le Comte de Cormaillon ; le Fils
du Comte d'Urfet , & fon Ecuyer;
le Sieur de Longueval ; le Chevalier
de Rhofne ; le Sieur de Landas
, Capitaine de Starembergs
les Capitaines Herrero & le Bay,
&
94 Hiftoire du Siege
& quelques Officiers venus de
Flandre ; le Sieur de Vaubonne ,
Capitaine des Grenadiers de
Bade ; le Baron Golenski , Capitaine
de Becq ; Dom Francifco
l'Africain ; le Sieur de la Brigondelle
, & le Sieur de Vaucou-
Gentilhomme du jeune leur
Prince de Vaudemont. Le Marquis
de Blanchefort , Fils du Maréchal
de Crequi , fut auffi bleffé ,
& la maniere dont il fe diftingua
fit affez connoiftre de quel
Sang il eft forty. Les Affiegez
perdirent beaucoup de monde.
On fçeut d'un Transfuge , qu'une
feule Bombe , qui eftoit tombée
dans leurs Retranchemens après
l'action , avoit emporté deux Agas
des Janiffaires, & plus de quarante
Soldats. Comme ils croyoient les
Troupes des Affiegeans fort en
defordre, il voulurent profiter de
l'oc
de Bude.
95
l'occafion , en faifant une Sortie
fur celles de Brandebourg , mais
ils furent repouffez avec beaucoup
de vigueur, & laifferent plus
de 40. des leurs fur la place. On
fit quinze Prifonniers.
Le 14. on travailla à applanir
les débris que les Contremines
des Affiegez avoient faits à l'Attaque
de Lorraine , & à combler
les Foffez de celles de Baviere
& de Brandebourg. On continua
de canonner la Place , & d'y
jetter des Carcaffes & des Bombes.
On nettoya auffi la Tranchée
, & on en ofta les terres ,
dont les Fourneaux des Ennemis
en avoient remply une partie . On
en découvrit deux ce jour là , &
l'on en tira les Poudres. ' Il y eut
un Mineur tué par l'imprudence,
d'un Canonnier, La Mine prit
feu, & vingt Soldats & deux Ca-
$
no
96
Hiftoire du Siege
nonniers furent emportez. On
eut avis que les Troupes d'Afie
eſtoient arrivées à Belgrade fous
la conduite du Grand Vifir , qu'il
y en avoit encore pris de nouvelles
, & qu'il s'eftoit enfuite
avancé vers le Pont d'Effeck ,
aprés avoir envoyé fix mille Spahis
à Walpo & à Poffega , avec
ordre d'obferver le General
Schults , qui avoit mené huit
mille Allemans & cinq cens
Croates de ce coſté - là.
Le 15. on attacha le Mineur
à la Muraille de la grande Rondelle
, & on commença deux Galaries
au pied de la Courtine.
Quelques Païfans fortis de Bude
furent conduits à l'Attaque de
Lorraine . Ils dirent qu'à l'affaut
du 13. il y avoit eu plus de cinq
cens hommes tuez du cofté des
Ennemis. On avança les Travaux
juſqu'au
de Bude.
97
jufqu'au Foffé , fur le bord du
quel on dreffa une nouvelle bat--
terie , pour ruiner à droit le cofté
de la grande Rondelle , qu'on
n'avoit pas encore attaqué. Tandis
que les Mineurs travailloient
à deux chambres de Mine , les
Affiegez en firent fauter une à
la gauche de l'Attaque. Elle ne
fit qu'agrandir la brèche du cofté
de ceux de Brandebourg. On
en éventa deux autres qu'on n'avoit
point encore chargées. Les
Bombes que l'Ingenieur Espagnol
fembloit élever jufqu'aux Etoiles,
faifoient un effet fi prodigieux
en retombant , qu'un Transfuge
rapporta qu'une feule avoit enfoncé
deux planchers & deux
voûtes , & tué plus de
perfonnes dans la plus baffe ; ce
qui caufoit une grande defolation
, parce qu'il n'y avoit pref-
E
quarante
98
Hiftoire
du
Siege
que plus d'endroits où l'on fe
puft tenir à couvert. On eut
avis que les Turcs qui venoient
fecourir Bude , eftoient campez
vers Hatwan , aprés avoir paffe
la Teyffe avec un Convoy prés
de Segedin. On détacha auffitoft
les Regimens de Stirum , de
Taff , & de Trurks , pour aller
joindre le Barón de Mercy , afin
d'obliger les Infidelles à repaffer
la Riviere..
Le 16. les Bavarois firent jouer
deux Mines , qui au lieu de
combler le Foffe de la Rondelle
du Chafteau , & de faire fauter
la Paliffade , comme on l'avoit
creu , renverferent les premiers
poftes de leurs Tranchées,
de forte qu'il y eut plus de trente
hommes tuez ou bleffez. Le
Marquis de la Verne , qui n'avoit
efté bleffé que legerement
à
de Bude.
୨୨
#
à l'affaut du 13. le fut ce jourlà
d'un éclat de pierre. Cet accident
fit qu'on réfolut de ne
plus faire jouer de Mines , qu'on
n'euft achevé toutes celles où
l'on travailloit , afin de les faire
fauter toutes à la fois , quand
les trois Attaques donneroient
l'affaut. Un Armenien , qui avoit
fa Femme & fes Enfans à Vienne
, s'eftant échapé de Bude , vint
donner avis que les Janiffaires
avoient preffé deux fois le Bacha
de rendre la Place mais
que ne l'ayant pas trouvé de ce
fentiment , ils luy avoient déclaré
qu'ils fe défendroient encore
quelque temps , mais qu'ils
ne vouloient pas attendre l'extremité
. Il ajoûta que les Affiegez
avoient perdu beaucoup de
monde dans l'action du 13. qu'ils
auroient capitulé fi l'on avoit
E ij
TE
DE
LA
>-
LYON
1895
roo
Hiftoire du Siege
pû fe maintenir fur la brèche,
qu'ils ne s'eftoient tenus en fi
bon ordre derriere leurs rétranchemens
, que parce qu'un Deferteur
eftoit venu leur donner
avis de la refolution que l'on
avoit priſe de donner l'Affaut ;
que cependant l'ayant pris pour
un Efpion , ils luy avoient fait
couper la tefte , & qu'ils en feroient
autant à tous ceux qui
viendroient ſe rendre ; que l'on
avoit commencé à manger les
Chevaux , faute de fourage &
d'autre viande ; qu'un pain
pour vivre un feul jour couftoit
un écu , & que les Bombes de
I'Ingenieur Eſpagnol , qu'ils nommoient
le feu du Ciel , perçoient
les voûtes des Caves. La nuit
les Bavarois fe pofterent derriete
la Paliffade du Foffé de la
Rondelle du Chafteau , de forte
.
que
de Bude. ΙΟΥ
que les Ennemis furent obligez
de s'en retirer avec perte de
quelques hommes. Le Comte
de Fontaine , qui commandoit
les Bavarois , fut tué d'un coup
de Moufquet. Le Comte d'Apre
mont fut bleffé dans la mefme
occafion , auffi bien que le Capitaine
des Grenadiers du Regiment
de Bade. Son Lieutenant
fut tué , & il y eut encore environ
quarante Soldats tuez ou
bleſſez Les Ennemis deffendoient
ce poſte au nombre de deux
cens cinquante , & comme on
leur coupa d'abord le chemin
de la retraite , il n'en échappa
que vingt-fix qui demanderent
quartier. Tout le reste fut tué .
Un Turc qui fortoit de Bude fut
arrefté cette mefme nuit. Il eftoit
Mineur. On apprit de luy que
quoy que la Ville fuft extremé-
E iij
102
Hiftoire du Siege
ment incommodée de l'infection
des Cadavres , qu'on ne pouvoit
enterrer faute de trouver des
lieux où l'on puft les mettre , &
que les Habitans fouffriffent une
fort grande difette à cauſe qu'on
ne diftribuoit des vivres qu'aux
Soldats , les Affiegez ne laiffoient.
pas d'eftre refolus de continuer à
fe bien défendre , & qu'il y avoit
des Fourneaux en divers endroits
avec des coupures & des retranchemens
dans les ruës , à la teſte
defquels ils avoient mis plufieurs
pieces de Canon chargées de
Cartouches.
Le 17. le Prince Charles de
Neubourg eftant arrivé au Camp,
alla fe pofter avec fon Regiment
de l'autre cofté du Pont . Le
Maréchal Caprara , & le General
Palfi , revinrent des environs de
Stulweifembourg avec plufieurs
Re
de Bude.
103
Regimens de Cavalerie . Le premier
paffa le Danube , & prit
le commandement
des Troupes
qui eftoient campées proche de
Peft. Le Marquis de la Verne,
quoy que bleffé , eftant demeurẻ
feul à remplir la Charge de
Lieutenant Maréchal de Camp
general d'Infanterie , ne voulut
plus fortir de l'attaque à caufe
que
le Comte de Fontaine ayant
efté tué la nuit precedente , il
n'y avoit plus d'Officier de fon
caractere pour le relever. On
avança les approches des trois
attaques jufqu'au pied de la
muraille , & l'on acheva une baterie
de trois pieces de Canon à
celle de Lorraine pour battre
l'Angle de la Tour. On travailla
aux Mines à l'Attaque de Brandebourg,
& les Mineurs fe trouverent
fous la Courtine proche
E iiij
104 Hiftoire du Siege
la troifieme Rondelle de celle de
Lorraine , & fous une autre à
gauche. On applanit auffi la defcente
dans les foflez , & pendant
tout le jour & toute la nuit on
ne ceffa point aux trois Attaques
de faire un grand feu de toutes
les Bateries , afin d'agrandir les
bréches & d'achever de ruiner
toutes les defences & les coupures
qui eftoient derriere , ce qui
devoit mettre les Generaux en
eftat de faire donner l'Affaut general
, qu'ils ne vouloient point
hazarder qu'on n'euft éventé les
Contremines.
Le 18. une partie de ceux qui
eftoient campez proche de Peft ,
& qui ne compófoient point
de Regiment , retournerent à
leurs premiers Poftes , fur les
avis qu'on receut que les Troupes
Ottomanes , qu'on croyoit
de
de Bude.
105
,
devoir venir de ce cofté là jetter
du fecours dans Bude s'efloient
retirées apres avoir mis
des vivres dans Hatwan & dans
Erlaw. On apprit le mefme jour
que des Turcs eftoient venus à
deux lieues du Camp couper la
tefte à quelques Fourageurs &
Vivandiers . Sur les onze heures
du foir , les Affiegez fe montrerent
fur la breche . Ils poufferent
de grands cris , & cela fit croire
qu'ils fe preparoient à une fortie .
On fit fur eux un grand feu qui
les contraignit de fe retirer . Ils
éventerent la Mine de l'Attaque
des Imperiaux par un Fourneau
qu'ils firent jouer. Quatre Mineurs
& le Sieur Liber leur Capitaine
, y furent enfevelis . On
les chercha auffi- toft , & on ne
put trouver que deux Mineurs ,
qui n'eftoient pas morts. Les Ba
E v
106
Hiftoire du Siege
varois mirent le feu dans le Chafteau
par une Bombe qu'ils y firent
tomber. Cependant les Ennemis
barricaderent d'une nouvelle
Paliffade la Breche de la
Rondelle .
Le 19.les Affiegez travaillerent
inceffamment entre la Breche des
Imperiaux & la muraille de la
Ville, ce qui fit croire qu'ils y faifoient
un nouveau retranchement.
Les Bavarois travaillerent
de mefme pendant tout le jour à
à une Baterie fur le bord du Foffé
, afin d'abatre la Paliffade , & le
refte de la Rondelle du Cha fteau .
Ils attacherent en mefme temps
le Mineur, pour chercher les Mines
des Ennemis . La nuit les
Troupes de l'Attaque de Lorraine
donnerent un faux Affaut , &
firent jouer plufieurs Mortiers
chargez de Bombes , de Carcaffes
&
de Bude.
107
& de Grenades. L'effet en fut
terrible pour les Affiegez , qui
eftoient accourus en foule pour fe
defendre. Un Transfuge paffa
de la Ville au Camp , & en parlant
des defordres que faifoient
les Bombés dans la Place , il dit
qu'il en eftoit tombé une fur une
voute , qu'elle l'avoit enfoncée, &
que plus de cent hommes qui
eftoient deffous , en avoient efté
tuez .
Le 20. les Affiegez donnerent
trois fauffes allarmes, ce qui obligea
de faire avancer contr'eux
un détachement de Grenadiers
à chaque attaque. On s'apperceus
qu'ils s'aflembloient derriere leurs
Paliffades, & dans la penfée qu'on
eut qu'ils avoient deffein de faire
une fortie, on fit pointer le Canon
& les Mortiers de ce costé là . Les
Bateries firent un grand feu , & le
fuc
108
Hiftoire du Siege
fuccez en fut fort avantageux
aux Affiegeans. Le mefine jour le
General Palfi retourna fur fes pas
avec fix Regimens , & eut ordre
d'obferver les mouvemens des
Troupes Ottomanes , qui avoient
déja paffé le Pont d'Effeck , à ce
que difoient tous les Efpions. Le
Prince Charles alla reconnoiftre
les endroits par où les Turcs pouvoient
jetter du fecours dans la
Place. Il y eut encore un Armenien
qui fe fauva de la Ville. Il
dit que la confternation yeftoit
tres -grande ; qu'il n'y reftoit plus.
que deux mille Janiffaires dont
le nombre diminuoit tous les
jours , & qu'ils ne ſe defendoient
que parce qu'on les avoit affurez,
qu'il y avoit deux Armées en
marche , pour venir faire lever
le Siege .
Le 21. on continua d'élargir
la
de Bude. 109
la brêche à coups de Canon à
l'Attaque de Lorraine , & de
rompre la Paliffade que les Ennemis
y avoient mife. Le Baron
de Mercy , qui avoit fait repaffer
la Teyffe aux Turcs qui s'étoient
avancez vers Hatwan , &
dont il avoit défait une partie de
l'Arriere garde , receut ordre de
repaffer le Danube , & de marcher
avec la Cavalerie que l'on
avoit jugée inutile pour le Siege,
à la rencontre des Infidelles qu'on
difoit s'eftre affemblez vers le
Pont d'Effeck , au nombre de
vingt- cinq à trente mille. Un Cavalier
du Regiment de Caprara
fe faifit d'un Turc qui eftoit caché
dans un Marais . Il avoit des
Lettres pour le Grand Vizir , &
pour quelques Officiers de l'Armée
Turque. Elles furent déchifrées.
Le Bacha de Bude leur
don
110
Hiftoire du Siege
donnoit avis de l'eftat de la Place
, & du preffant befoin qu'il
avoit qu'on le fecouruft.
Le 22. de grand matin les Af
fiegez fortirent du cofté des Bavarois
, & ayant pouffe la Garde
qui étoit à la tefte de la Tracheé,
ils tuerent prés de cent hommes,
entre lefquels fe trouverent le
Sieur Lôben Colonel dans les
Troupes de Saxe , un Capitaine
, & quelques Officiers fubalternes.
Le Sieur Defchwint, Colonel
de l'Artillerie de Baviere,
fut mortellement bleffé au cou.
Ils enclouerent trois pieces de
Canon & un Mortier, & auroient
caufé un plus grand defordre , fi
un Lieutenant & quelques Fantaffins
du Regiment de Bade qui
accoururent n'euffent foûtenu
les Bavarois , & contraint les Ennemis
de fe retirer avec perte de
>
plus
de Bude. III
plus de fix- vingt des leurs, qu'ils
laifferent fur la place. L'avis en
ayant efté donné à l'Electeur de
Baviere , il vint auffi - toft dans la
Tranchée. On décloüa le Mortier
& deux pieces de Canon, &
en fuite on jetta une Bombe de
ce Mortier. Un peu après, on entendit
un bruit extraordinaire,
& il fe fit comme un tremblement
de terre qui ébranla tout
le Camp, & dont plufieurs Tentes
furent renversées. Il s'éleva
une fumée fi épaiffe qu'on' fut
quelque temps fans voir la Ville.
Soit par l'effet de la Bombe,
foit par quelque autre accident,
le feu s'eftoit mis à un Magafin
à poudre , qui eftant proche de
la muraille en renverfa plus de
quarante pas de longueur, en forte
qu'on y euft pû monter aifément;
IIZ
Hiftoire du Siege
ment , fi la Riviere n'en avoit
pas empêché l'accez. Des Fantaffs
fe jetterent fur l'Electeur
de Baviere pour le garantir des
pierres qui tomboient en quantité
dans les Tranchées . On en
trouva un fort grand nombre
dans Peft & dans tout le Camp,
de la pefanteur de deux , trois,
& quatre cens livres , jufques à
cinq cens. On dit qu'il y avoit
neuf cens Quintaux de poudre
dans ce Magafin , & qu'il fit perir
, en fautant en l'air , plus de
quinze cens perfonnes , hommes
femmes & enfans , fans compter
ceux qui demeurerent enfevelis
dans les caves voifines qui furent
couvertes des ruïnes de ce
grand bâtiment. La nuit, on travailla
à la chambre de la Mine
fous la grande Rondelle . Les Af
fiegez la contreminerent , ce qui
obligea
de Bude. 113
geans
obligea les Mineurs des Affied'abandonner
le travail. Il
n'y eut que celuy qui eftoit attaché
à la Courtine du milieu à
la gauche , qui continua . Il arri-
Iva dans la chambre de la Mine
que les Ennemis avoient éventée
, & la voulut rétablir , mais
ayant entendu travailler fous lui,
il fe retira, & laiffa quelques barils
de poudres découverts ; le
feu y prit pluftoft qu'on ne l'avoit
crû , & jetta le Lieutenant
des Mineurs jufque fur la batterie
de Brandebourg . Celuy qui
les commandoit fut brûlé . Comme
la Mine n'eftoit pas affez profonde
, l'ouverture qu'elle fit au
pied de la Courtine , fut feulement
de deux toifes. Les Turcs
fortirent en fi grand nombre ,
qu'on ne les put arrefter que par
un feu extraordinaire que l'on fit
fur eux.
Le
114 Hiftoire du Siege
a
Le 23. Le Mineur attaché à la
Rondelle du milieu, ayant achevé
de perfectionner la Mine , il
fut refolu que fi elle avoit l'effet
que l'on pouvoit s'en promettre,
on donneroit l'Affaut , general,,
Cependant le Prince Charles jugea
à propos
de faire fommer les
Afliegez avant que de l'entreprendre.
Le Magaſin fanté le
jour précedent , avoit mis un fi
grand defordre dans la Place
qu'il y avoit lieu de croire qu'on
les trouveroit moins obftinez , &
qu'ils fe refoudroient à fe rendre
fi on leur offroit des conditions
avantageufes. Ainfi fur les trois
heures aprés midy, ce Prince envoya
le Comte de Konigfek, fon
Aide de Camp general , avec un
Tambour & un Interprete pour
fommer la Ville. Les Affiegez
le voyant venir , & connoiffant
au
de Bude.
115
,
au fignal d'un mouchoir blanc
qu'il avoit quelque propofition
à leur faire planterent fur la
Muraille un Drapeau de mefme
couleur , & vinrent enfuite
prendre la Lettre du Prince
Charles pour la porter au Bacha
, qui dormoit alors , à ce
qu'ils dirent. En attendant la
réponſe , on luy laiffa trois Turcs
pour Oftages , & on luy vint
dire un peu aprés que le Bacha
avoit affemblé fes Officiers,
pour deliberer fur cette Lettre.
Il y eut de part & d'autre fufpenfion
d'armes pendant deux
heures
, & aprés ce temps on
apporta la réponſe du Bacha au
Prince Charles , envelopée d'écarlate.
Voicy les termes qu'elle
contenoit .
GRAND
116
Hiftoire du Siege
RAND VISIR DES
G&RESTIENS,
Tu es bien présomptueux de venir
une feconde fois mettre le Siege
devant Bude , qui a déja couté tant
de monde & tant d'argent aux
Chreftiens. Il est bien vray que ce
Siege nous a furpris , parce que nous
ne nous y attendions point ; mais
par l'affiftance de Dieu, & de noftre
Prophete Mahomet, vous aurez efte
par deux fois honteufement repous-
Sez, & vous n'aurez pas à nous
donner tat d'affauts que vous croiez.
Nous efperons qu'il vous en arrivera
comme il vous est déja arrivé . Si
voftre Empereur vous a commandé
de nous attaquer , nous avons ordre
du noftre de nous bien défendre .
Cette réponſe pleine de fierté
obligea les Affiegeans à faire joüer
le Canon des trois Attaques , &
de Bude.
117
à bombarder la Place avec plus
de furie que l'on n'avoit fait auparavant.
Le 24. Les Imperiaux firent
jouer une Mine , qui au lieu de
renverfer la Rondelle qui eftoit
entre leur bréche & celle des
Troupes de Brandebourg , combla
les premiers poftes de leurs
Tranchées , ce qui fâcha fort les
Hongrois , qui au nombre de
deux mille eftoient tout prefts de
monter à l'affaut , à la tefte des
Troupes de l'Attaque de Lorraine.
Le Capitaine des Mineurs &
deux Travailleurs furent accablez
par les débris de la Mine,
dont plus de deux cens Soldats
furent tuez ou bleffez. Un fugitif
vint apprendre au Prince
Charles que le Treforier des Janiffaires
avoit eu deffein de livrer
la Ville , à condition qu'on
l'en
118 Hiftoire du Siege
t
l'en feroit Vice - Commandant ,
mais que deux Païfans qui luy
devoient apporter la Lettre aïant
efté arreftez , le Bacha avoit fait
couper la tefte au Treforier , &
pendre les Païfans . Il ajoûta que
cinquante Turcs & un Aga a-
- voient efté tuez de la Mine, que
les Imperiaux avoient fait jouër
ce mefme jour, a
Le 25. une Bombe des Affiegeans
renverfa fur la Rondelle
du Chafteau quelques Paliffades,
& deux ou trois cofres chargez
de terre & de pierres qui les foûtenoient.
Le General Dunewald
receut ordre de prendre langue
de l'Armée des Infidelles. Sur les
cinq heures du foir , les Affiegez
firent une Sortie avec 200. hommes
fur la droite de l'Attaque de
Lorraine , où commandoit le
Comte de Saur , qui les repouſſa
vigou
de Bude.
119
quelque
.
vigoureufement avec
perte de leut cofté , mais elle
ne les empefcha pas d'en faire
une autre fur la gauche , où é-.
toient les Troupes de Brandebourg.
Ils couperent la tefte à
quarante hommes , & après avoir
encore efté répouffez de ce coſté
là , ils revinrent de nouveau , 1 , &
poufferent ceux de Brandebourg,
qui furent contraints de quitter
leurs Lignes. Le Prince Charles
en fut averty , & fit incontinent
avancer les Bataillons de referve,
qui eftoient poftez le long du
Danube prés des murailles de la
Ville- baffe. Les Turcs plierent
-lors qu'ils virent ce fecours , &
quoy qu'ils en euffent receu du
Bacha,qui leur envoyoit dé temps
en temps de nouvelles Troupes
pour les foûtenir , ils rentrerent
dans la Ville aprés une Efcarmouche
I 20
Hiftoire du Siege
che qui dura prés de quatre heures.
Il ne demeura que vingt
des leurs fur la place. Ceux de
Brandebourg perdirent le Lieutenant
Colonel de leurs Gardes.
Le Baron d'Ati qui commandoit
le Corps de referve , fut bleffé
au pied d'un coup de Moufquet,
& l'Aide de Camp du Comte de
Staremberg eut les deux jambes
emportées d'un coup de Canon.
Le Baron de Hoenwart fut tué
avec un Enſeigne du Regiment
de Souches , & quelques autres
Officiers.
Le 26. on prepara toutes les
chofes neceffaires pour donner le
lendemain l'Affaut general . Le
Maréchal Caprara paffa le Danube
, & vint fe camper au milieu
des Imperiaux & des Bavarois
, afin de fermer le paffage
· par où les Ennemis auroient pû
fe
de Bude. 121
fe fauver , ou faire des Sorties
fur les Affiegeans. Le Prince
Charles, qui avoit refolu de faire
donner l'Affaut à la pointe du
jour , paffa toute la nuit dans la
Tranchée , & pendant ce temps
on executa la refolution que l'on
avoit priſe d'attacher aux Paliffades
une certaine compofition
de feu artificiel pour les brûler;
elle eut un tres- grand effet .
,
Le 17. au matin les Paliffades
eftant encore toutes enflâmées
par la quantité qu'on y
avoit mis de cette compofition,
on attendit pour donner l'Affaut
qu'une petite pluye , qui
commença à tomber , euft éteint
les feux qui fervoient comme de
défenſe aux Ennemis. Tous les
ordres avoient été donnez le jour
précedent à tous les Officiers Generaux
Subalternes qui devoient
F
7 122 Hiftoire du Siege
eftre employez aux 3.Attaques,&
ils fçavoient en quel lieu & en
quelle maniere ils devoient agir
lors qu'ils auroient oüy le Signal.
Ce Signal eftoit 3. décharges de
12.petites pieces de Canon du côté
de Peft,afin qu'on en puft entendre
le bruit auffibien au quartier
de Baviere, qu'à ceux de Lorraine
& de Brandebourg. Il fut
donné fur les fix heures du foir, &
auffi- toft ceux qui eftoient commandez
à l'Attaque de Lortaine,
marcherent en fort bon ordre
vers la groffe Rondelle à droit,afin
de fe loger fur la bréche . Quarante
Grenadiers ayant un Capitaine
à leur tefte avec un Lieutenant
& un Sergent , furent fuivis
de cinquante Fufeliers , &
d'un pareil nombre d'hommes armez
de faulx , fous les ordres
d'un Capitaine , d'un Lieutenam
,
de Bude. 123
nant , d'un Sergent , & des autres
Officiers fubalternels. Cent
hommes chargez de haches &
pelles eftoient à la premiere ligne,
commandez par un Capitaine
, par un Lieutenant , & par
un Sergent, & avoient deux cens
Moufquetaires pour les foûtenir.
Le Prince de Neubourg, Grand-
Maistre de l'Ordre, Teutonique
, commandoit en cet endroit
de l'Attaque , & le Marquis de
Nigrelli , General de Bataille ,
le Colonel Keth , le Baron Reder
, Lieutenant Colonel , & le
Lieutenant Major de Staremberg
l'accompagnoient pour
porter fes ordres , & les faire
executer avec plus de promptitude.
Le Comte de Souches, qui
avoit auprés de luy le Sergent
general Diepental , le Colonel
d'Oetingen , le Comte Jorger,
,
Fij
124 Hiftoire du Siege
1
Lieutenant Colonel , & le Sergent
Major de Croy, marcha au milieu
vers la Courtine , précedé de 50.
Grenadiers , de cent Fufeliers, &
-de cent autres hommes armez de
faulx & de bâtons ferrez par les
deux bouts . Ceux - cy ayant leurs
Officiers à leur tefte , avoient
auffi pour les foûtenir 200. Moufquetaires
& 5o.hommes avec des
haches & des bêches propres à faper
& à faire des logemens après
qu'on auroit chaffe les Ennemis
de leurs poftes. La difpofition fut
pareille à l'Attaque de Brandebourg.
Ceux qui devoient donner
à la bréche de la Rondelle à gauche,
eftoient foutenus d'un pareil
nombre de Moufquetaires , & avoient
ordre de faire grand feu
contre les Turcs fi- toft qu'ils fe
montreroient hors de leurs Coupures.
Les Heiduques furent
commandez pour donner une
de Bude. 125
fauffe alarme du cofté de l'eau ,
à l'endroit où l'embrafement du
Magafin avoit ouvert la Murailles.
Trois cens hommes les foutenoient
fous les ordres d'un Sergent
Major , de trois Capitaines
& des autres Officiers Inferieurs.
Tous les autres Generaux
furent poftez en divers endroits
pour y faire la fonction
de leurs charges fuivant le commandement
qu'ils avoient receu
. On avoit mis douce cens
hommes de reſerve dans un fond
au pied de la brêche , & ils devoient
s'avancer par files afin de
remplir la place de ceux qui feroient
tuez . Le General Dinghen
les commandoit. Le refte de l'Infanterie
eftoit deftiné pour s'avancer
de la mefme forte fi les
Generaux & les autre Officiers
à qui l'on avoit confié la garde
Y
Fiij
126 Hiftoire du Siege
de la Tranchée , l'euffent jugé
à propos. Tout ayant efté difpofé
de cette forte , les Troupes
Imperiales & celles de Brandebourg
marcherent en mefme
temps du coté des brêches ,
chacun en fon rang , tant les Of
ficiers que les Soldats , principalement
vers la grande Rondelle,
dont la maçonnerie n'avoit
pas
efté bien éboulée , quoy qu'on
y euft fait jouer plufieurs Mines.
Ce fut de part & d'autre
un feu effroyable & un bruit
terrible qu'on ne sçauroit exprimer.
Si le Canon , les Bombes
, les Carcaffes , les Grenades,
& la moufqueterie des Affiegeans
, firent un fracas qui euſt
pû épouvanter les plus intrepides
, le feu que firent les Affiegez
& par leur Canon & par
leurs Mortiers à pierres qu'ils ac- .
compagnerent d'une grefle de
de Bude.
127
Fleches , de Dards , de Bombes
ardentes , & autres Machines,
qu'ils faifoient rouler du haut
des brêches où ils s'expofoient
à corps découvert , fit voir aux
Chreftiens qu'ils avoient à faire
à des gens determinez qui leur
vendroient cherement leurs vies.
Les Imperiaux s'avancerent
bord jufqu'aux Paliffades , dont
les Ennemis avoient reparé les
bréches des Rondelles . Ils eurert
peine à y conferver leur
pofte , à caufe du grand nombre
de Fourneaux qu'on y fit
jouer. Plus de trois cens hommes
furent tuez ou accablez du
premier , & la refiftance des
Affiegez qui fut extraordinaire ,
fit reculer les Imperiaux juf
qu'à trois fois. Le Prince Charles
qui s'en appercent du lieu où
il donnoit les ordres , & qui les
F
128
Hiftoire
du Siege
રે
vit au milieu des feux , tant des
Machines que les Ennemis faifoient
rouler , que de neuf Mines
& de neuf fourneaux qu'ils
firent fauter en fort peu de
temps , s'avança luy - meſme au
pied de la brêche pour les foûtenir
avec de nouvelles Troupes
Sa prefence les anima telle.
ment , que voyant leur General
s'expofer comme eux au plus
grand peril , & vouloir fe rendre
témoin de leurs actions , ils
forcerent les Paliffades , & fe
rendirent maiftres de la grande
Rondelle où ils fe logerent. Ceux
de Brandebourg n'eurent
moins de fuccez à leur attaque.
Ils vinrent à bout de fe loger
fur la Courtine & fur la Rondelle
à gauche. Les Ennemis qui
s'eftoient retirez derriere les retranchemens
qu'ils avoient faits
pas
all
de Bude. 129
= au de- là des Paliffades , firent
leurs efforts pour les en chaffer,
& jetterent fur les uns & fur
les autres quantité de Fleches ,
de feux d'artifices , & d'autres
Inftrumens remplis de foufre ;
fur tout leurs Mortiers à pierres,
les Mines & les Sacs à poudre
aufquels ils mettoient le feu en
ſe retirant des Poftes qu'on les
forçoit de quitter , tuerent &
blefferent un grand nombre de
Chreftiens. La prefence du Prince
Charles qui ne voulut point
abandonner l'entreprife , contribua
fort à l'heureux fuccez qu'elle
cut. Chacun cherchoit à fe
fignaler avec une intrepidité qui
n'eft pas croyable , & les Soldats
à envy les uns des autres,
prenoient le Pofte que leurs camarades
leur abandonnoient en
perdant la vie. Les Imperiaux
F v
130 Hiftoire du Siege.
trouverent dans la grande Rondelle
deux Etendarts des Janiffaires
, & trois Pieces de Canon,
& ceux de Brandebourg en trouverent
fept & quelques Mortiers
dans la Rondelle dont ils s'étoient
emparez à gauche.
Pendant que l'on donna l'affaut
de ce cofté - là , l'Electeur de Baviere
le donna auffi du cofté de
fon attaque . Il avoit fait brûler le
jour precedent les Paliffades que
les Ennemis avoient plantées fur
la brêche, & fi-toft qu'on eut entendu
le Signal pour y monter,les
Fufeliers , & les Grenadiers avec
les hommes armez de haches qui
avoient fes ordres pour faper celles
qui pouvoient encore embaraffer
, fortirent de la Tranchée,
fuivis de cent Moufquetaires fous
un Capitaine & deux Lieutenans
, pour monter à l'affaut, tant
à
de Bude.
à droit qu'à gauche. Ĉent Travailleurs
marcherent en fuite, 25 .
avec des Pelles , & foixante &
quinze avec des faux , pour faire
un logement fur la hauteur de la
Rondelle, aprés qu'on s'en feroit
emparé. Ils eftoient fouftenus de
50. Fufeliers , de 30. Grenadiers,
& de 200. Moufquetaires. D'autres
Moufquetaires choifis avoiết
efté commandez pour feconder
de chaque cofté les trois Bataillons
Imperiaux , Bavarois & Saxons
qui devoient fouftenir les
premiers. On fe mit en marche
par les Ouvertures qui avoient
efté faites aux foffez vers la brêche
à droit & à gauche de la
Rondelle. En mefme temps toutes
les bateries commencerent à
tirer fur les brêches, & contre les
murailles hautes & les feneftres
des maifons du Chafteau, & l'on
jetta
132
Hiftoire du Siege
jetta auffi fans aucun relâche des
bombes & des carcaffes , dont il
y en eut quantité qui furent jettées
contre les retranchemens
des Affiegez , & entre les deux
premieres murailles du cofté du
Danube. Quoy que la muraille
fuft encore haute & difficile
à monter , on s'avança vers
la brêche à droit & à gauche
avec tant de valeur , de courage
& de conduite , que l'on
s'empara de la Rondelle , malgré
les coups de Moufquets que
les Ennemis tiroient fans ceffe
des Crenaux de cette meſme
muraille . On s'empara auffi à
gauche d'un lieu fitué entre les
maifons , & la muraille exterieure
, ce qui n'eftoit pas aifé
, parce que les endroits les
plus éminens du Chateau le
commandoient , & que l'on jettoit
de Bude .
133
toit de là fur les Affiegeans
une infinité de pierres , de Grenades
, de Bombes & de Sacs
à poudre. Ce feu continuel ne
put arrefter l'ardeur qui les emportoit
, & ils l'effuyerent avec
une bravoure qu'on ne peut affez
loüer, mais la nuit qui commençoit
d'approcher , ne permit pas
qu'on avançaft davantage. On
travailla à des Logemens fur la
Rondelle , & dans les autres Poftes
que l'on avoit occupez . L'Electeur
de Baviere fe tint expofé
au feu pendant toute l'action . Il
vifita tous les Poftes , & alla par
tout donner les ordres qu'il jugea
utiles pour la feureté & pour la
perfection du travail. Non feulement
il animoit les Soldats par
fa prefence , mais il les engageoit
à continuer de bien faire en leur
donnant des marques de fa liberali
F34
Histoire du Siege
ralité . Le Prince Louis de Bade
fit paroiftre auffi beaucoup d'intrepidité
, & demeura expofé
aux coups pendant toute l'efcarmouche
, afin qu'on apprift par
fon exemple à méprifer le peril.
Le Prince de Neubourg, le Prince
Eugene de Savoye , & plufieurs
autres Generaux montrerent
de leur cofté toute la bravoure
qui pouvoit donner un
nouveau courage aux Attaquans,
& la fermeté avec laquelle ils les
voyoient foûtenir le grand feu
des Ennemis , fervit beaucoup à
leur faire remporter les avantages
qu'ils eurent en cette journée.
Ce que firent les Heiduques
ne fut pas confiderable. Auffi ne
faifoient- ils qu'une fauffe attaque
afin d'attirer les Ennemis de
ce cofté- là . Ils y trouverent les
Poftes tres -bien garnis , à caufe
que
de Bude..
135
*
que c'eftoit l'endroit où te Magafin
avoit fauté , & par confequent
le plus découvert. L'affaut:
dura trois heures avec grand
perte du côté des Affiegeans . Ils .
eurent prés de deux mille hom .
mes tuez ou bleffez , fans un fort
grand nombre d'autres qui furent
brûlez ou enterrez par les
mines. Le Prince Charles fut
atteint legerement d'un coup de
pierre à la jambe , & le Sieur
d'Artein fon Ayde de Camp general
de ce Prince , fut tué auprés
de luy. Le Duc de Croy qui
n'avoit receu d'abord qu'une
bleffure peu confiderable , receut
enfuite un coup de Moufquet qui
luy perça le genoüil . Le Duc de
Curland Colonel dans les Troudes
de Brandebourg , fut bleffé
dangereufement , auffi bien que
le Comte Schileck, & le Marquis
Sa
136
Hiftoire
du Siege
,
Sanati . Le General Major de
Thingen le fut mortellement à la
teſte. Le Baron d'Afti qui n'eſtoit
pas encore guery d'une bleffure
qu'il avoit receu e deux jours auparavant
, eut les deux cuiffes
percées , & le Baron de Welbersheim
, les deux bras caffez . Le
Prince de Comercy qui s'eft
toûjours fignalé dans les occafions
où il y avoit le plus de peril
à effuyer , receut auffi une legere
bleffure. Les autres bleffez
dont on a pû jufqu'icy fçavoir les
noms , furent le Duc de Scalona ,
le General Major Diepenthal , le
Comte & le Chevalier d'Apremont
, Freres , le Colonel Goeling
; le Comte d'Archinto ; le
Comte Zacco Sergent Major , le
Lieutenant Colonel Rotten ; le
Comte de Saur ; le Sieur Reder,
Lieutenant Colonel du Regiment
de Bude 137
ment de Neubourg . Le Sergent-
Major Pini , le Marquis de la
Verne , le General Rummel , le
Baron de Welberg , Lieutenant
Colonel de Beck , avec plufieurs
Officiers de ce mefme Regiment:
le Comte de Palfi , Lieutenant
Colonel ; le Baron d'Aversberg,
le Sergent Major , un Capitaine
& un Lieutenant de Staremberg,
& plufieurs autres Officiers
des Regimens de Bade , de Beck,
de Steinau, de Rummel , de Selbolftoff,
de Gallensfels , & autres.
Le Comte de Dona , & le Sergent
Major de Marwitz , furent
tuez à l'attaque de Brandebourg.
Le 28. on dreffa une Batterie
fur la Rondelle du milieu , dont
les Imperiaux s'eftoient rendus
maiſtres à l'Attaque de Lorraine ,
& l'on applanit les bréches , afin
d'y
138 Hiftoire du Siege
d'y pouvoir guinder l'Artillerie .
On travailla à perfectionner les
Lignes de communication des
logemens , & l'on pourfuivit le
travail de trois Mines , qui avoient
efté commencées fous la
feconde Muraille incontinent aprés
l'Affaut du jour précedent.
Le Mineur fut attaché en deux
endroits de cette mefme Muraille.
Ceux de Brandebourg tirerent
une Ligne paralelle à cette
Attaque .
Le 29. on fit fauter deux mines
à l'Attaque de Lorraine. Il y
en eut une qui renverfa quinze
toifes de maçonnerie dans le Foffé
. Elle ne laifferent pas de caufer
du dommage aux Affiegeans ,
puis que deux Capitaines des
Troupes de Brandebourg , & environ
cinquante Fantaffins , la
plufpart des mefmes Troupes.
£u
de Bude.
139
furent enterrez fous leur debris .
Une Batterie de trois pieces de
Canon fut achevée ce jour - là à
la mefine Attaque . Quelques Armeniens
fugitifs vinrent avertir
que plus de mille perfonnes , hommes
, femmes & enfans , avoient
efté tuez dans la Place le jour
qu'on avoit donné l'Affaut ; qu'une
grande quantité avoient voulu
fe fauver du cofté de la Ri
viere , mais qu'ils y avoient trouvé
tous les Bateaux enchaifnez;
que la Garnifon n'eftoit plus que
de mille Combattans , & que le
Muphti les exhortoit inceffammet
à fe rédre,mais que le Bacha
les animoit à refifter jufqu'au
bout par l'efperance du fecours
qu'il attendoit ; qu'il y avoit par
tout des Retranchemens & des
Coupures , & qu'à la derniere
extremité il avoit efté refolus
qu'on
140 Hiftoire du Siege
qu'on mettroit le feu aux Magagafins
, pour faire fauter la Ville
avec tous ceux qui fe trouveroient
dedans. La nuit , les Bavarois
avancerent environ de quarante
pas dans la Rondelle du
Chafteau , en tirant du cofté de
la Riviere , avec perte de cinquante
hommes , & ils y firent
mener deux pieces de Canon,afin
d'élargir la bréche de la feconde
Muraille .
Le 30. le Comte de Souches
& le Comte de Lodron ,Major de
Cavalerie , monterent la Tranchée
. Ce dernier avoit efté nommé
pour la relever , aina que le
Comte de Stirum , auffi Major de
Cavalerie , parce qu'il n'y avoit
plus que le Comte de Nigrelli ,
Major general d'Infanterie , qui
puft fervir. On fit jouër ce jourlà
une troifiéme Mine à l'Attaque
de Bude. 141
que de Lorraine , & deux à l'Attaque
de Baviere, qui firent affez
d'effet. Cependant le Prince
Charles jugeant qu'il y alloit du
fervice de l'Empereur de ne pas
expofer la Ville à l'affaut & au
pillage , envoya une ſeconde fois
fommer le Commandant de fe
rendre. Comme il eftoit déja
tard , les Affiegez prierent les Députez
d'attendre jufqu'au lendemain
la réponſe qu'ils leur demandoient
, parce qu'il falloit affembler
le Confeil fur une affaire
d'une fi grande importance.
Le 31. le Prince Eugene de
Savoye & un Interprete allerent
à la Porte de la Ville , où aprés
qu'on les eut fait attendre une
heure & demie , on leur apporta
deux Lettres du Commandant,
l'une adreffée au Prince Charles,
&
142 Hiftoire du Siege
& l'autre à l'Electeur de Baviere .
Elles contenoient , que la confervation
de Bude , qui eftoit la clef
de Conftantinople & de Jerufalem,
eftoit d'une telle confequence
pour les Ottomans , qu'il ne
pouvoit fe refoudre à la remettre
entre les mains des Chreftiens
mais qu'on n'avoit qu'à
choifir une autre Ville , & qu'il
eftoit preſt à la donner , efperant
par là qu'on luy voudroit bien
accorder la Paix . Ce mefme jour
le premier Capitaine d'Artillerie
eut le bras percé , & le Comte de
Staremberg , en reconnoiffant la
bréche, receut un coup de Moufquet
qui luy emporta un doigt,
& le bleffa à l'épaule . La fièvre
qui luy furvint , accompagnée
d'une diffenterie , l'obligea de fe
faire tranfporter à Comore , où le
Prince de Vaudemont , qu'une
vio
de Bude.
143
violente maladie avoit forcé de
quitter le Camp , eftoit déja depuis
quelques jours. Sur les huit
heures du foir , les Affiegez qui
n'avoient point eu de réponſe,
envoyerent deux Agas au Prince
Charles , & emmenerent avec
eux le Baron de Crentz , Ayde
de Camp du Prince Louis de
Bade , & un Interprete. On crut
que le Commandant avoit deffein
de capituler , mais toute la
negociation aboutit encore à dire
, qu'il feroit livrer telle Ville
qu'on voudroit fi on levoit le
Siege de Bude , ou qu'il rendroit
cette Place pourveu qu'on fift
une Paix generale avec l'Empire
Ottoman . Le Prince Charles
voyant que l'on n'avoit point
d'autres propofitions à luy faire,
renvoya les deux Agas , & rappella
les Oftages. Ils dirent qu'on
les
144 Hiftoire du Siege
les avoit receus fort civilement,
& qu'à leur départ ils avoient
veu beaucoup de confternation
dans la Ville. On fceut ce jour
là que l'Aga des Janiffaires eftoit
mort des bleffures qu'il avoit receues
à l'Affaut du 27. & qu'il y
avoit plus de deux mille hommes
des Ennernis bleffez ou malades.
Le premier jour d'Aouft les
Imperiaux firent jouër une Mine
qui eut un tres - bon effet. Elle fit
bréche dans la feconde Muraille,
& ébranla mefme la troifiéme , ce
qui obligea les Affiegez d'y accourir
en grand nombre. Les
Bavarois profiterent de ce moment
pour attaquer le Chafteau .
Ils y entrerent , mais ils ne purent
fe maintenir dans le logement
qu'ils y avoient commencé.
Le Marquis de la Vergne,
Gene
de Bude . 145
General Major , receut deux
coups de Fléches , dont l'un luy
perça le bras & l'autre la cuiffe .
Le Lieutenant Colonel de l'Artillerie
en receut un autre au ventre.
Quatre Fugitifs vinrent a-,
vertir que les Affiegez travailloient
à une Mine pour faire fauter
la grande Rondelle dont les
Imperiaux s'eftoient emparez. Le
General Dunewald arriva au
Camp avec la Cavalerie qu'il
commandoit aux environs de
Stulweiſembourg.
Le 2. le Comte Caraffa , Major
General, & le General Heufler
, arriverent auffi au Camp,
avec un Corps de quatre mille
hommes qu'ils commandoient
dans la haute Hongrie du cofté
de Zolnoch , & ils prirent leurs
poftes au delà du Danube , où
deux mille Hongrois comman-
G
146
Hiftoire du Siege
dez par le Comte Budiani les
joignirent . La nuit on travailla
aux Lignes de circonvallation
, pour arrefter le fecours des
Ennemis.
Le 3. on vit paroiftre des Avant-
coureurs de l'Armée des
Infidelles, & les Affiegez firet une
falve de tous leurs Canons . Comme
on s'eftoit difpofé à donner
un troifiéme Affaut , les Affiegeans
firent jouer une Mine , mais
elle n'eut pas l'effet qu'on en avoit
eſperé , & la bréche ne s'êtant
pas trouvée affez profonde,
le Prince Charles envoya dire à
l'Electeur de Baviere qu'il ne jugeoit
pas à propos de donner
l'Affaut. Les Troupes de cet Electeur
ne laifferent pas d'y monter
, foit que l'ardeur qui les ani
moit leur fift avancer l'heure du
Combat , foit qu'elles euffent
pris
de Bude.
147
-
pris le bruit de la Mine pour le
Signal dont on étoit convenu . Le
Prince Charles qui en eut avis
fit donner l'attaque de fon cofté .
Les Affiegez au nombre de plus
de deux cens , fe montrerent fur
la Bréche , le Sabre à la main , &
le corps tout découvert. Les Femmes
& les Enfans y parurent
mefme tirant des Fléches , &
faifant rouler des pierres. Il y
eut beaucoup de vigueur de part
& d'autre , & la refiftance fut
telle du cofté des Ennemis , que
tout ce que purent faire les Imperiaux
, ce fut d'avancer leurs
Logemens jufqu'au pied de la
troifiéme muraille. Ils eurent plus
de deux cens hommes tuez ou
bleffez. Les Bavarois fe faifirent
de deux ouvrages , où ils trouverent
du Canon & des Mortiers ;
mais ce ne fut pas fans perdre
G
11
148 Hiftoire du Siege
beaucoup de monde . Le Prince
de Bade receut une contufion
d'une Balle de Moufquet qui luy
perça le Ceinturon & le Jufte
au corps par derriere , & le Prince
Eugene eut un coup de Fléche
, dont le fer luy entra entierement
dans la main . Le Comte
de Caunits , Lieutenant Colonel
du Regiment de Metternich , le
Comte Hermeftein Lieutenant
Colonel de Souches , le Sieur de
Breffey , Gentilhomme Bourguignon
, Major du Regiment de
Grana , & le Major du Regiment
de la Vergne, furent bleffez à l'attaque
des Imperiaux avec plufieurs
autres Officiers. Il y eut un
jeune Comte de Staremberg tué
au commencement de cet Allaut.
Le Chevalier Huberti , Capitaine
des Gardes de l'Electeur de
Baviere , fut bleffé à l'attaque des
Ba
de Bude. 149
Bavarois avec quelques Officiers,
qui ne pûrent obliger les Fantaffins
à les fuivre , tant ils eftoient
rebutez par le feu des Ennemis,
& par les Bombes , Pierres & Grenades
qu'ils jettoient fur eux du
haut du Chateau.
Le 4. on continua de, canonner
& de bombarder la Ville , &
Fon eut avis que l'Armée Ottomane
s'approchoit . On acheva
les deux logemens à droit & à
gauche de la grande Rondelle,
& l'on conduifit quatre pieces
de Canon fur la bréche . On mit
plufieurs rangs de Pali ffades, dont
on fortifia les Travaux , que l'on
avança fort prés des Retranchemens
des Affiegez . Le Prince
Charles employa ce jour à vifiter
tous les Poftes , & à difpofer tout
ce qu'il crut neceffaire pour
eftre en eftat d'aller au devant
G iij
150 Hiftoire du Siege
de l'Armée des Ennemis.
l'Ar-
Le 5. on ne fit que travailler
aux Lignes de circonvallation, &
de contrevallation , & à des Redoutes.
On travailla auffi à des
Mines, à de nouvelles Bateries, &
à combler le Foffé à l'Attaque des
Imperiaux . On eut avis que
mée des Ottomans s'avançoit
toûjours , & que le Grand Vifir
la commandoit en perfonne. On
détacha auffi- toft differens partis ,
afin d'en avoir des nouvelles affeurées
; & cependant la garde
fut redoublée dans tous les Pofles
. Les Affiegez jetterent quantité
de Bombes. Il y en eut une
qui tomba à trois pas du Prince
Charles proche les Bateries des
Imperiaux. Elle mit le feu à
quelques barils de poudre , tua
vingt Canonniers ou Soldats , &
en bleffa plufieurs autres. Pendant
de Bude. 151
dant la nuit les Affiegez firent
defcendre un Batteau chargé de
monde & de meubles,ce qui obligea
de faire un Pont prés de Pefty
pour empefcher que la mefme
chofe n'arrivaft encore , & pour
avoir le fourage plus commodement.
Le 6. les Huffars , après avoir
battu un Party de trente Turcs,
qui s'eftoient détachez pour donner
quelques avis au Bacha de
Bude , amenerent quatre Prifonniers
, par lesquels on fçeut qu'il y
avoit une Armée de vingt mille
hommes du cofté de Stulweiſembourg,
fous le commandement du
Seraskier , & que le Grand Vifir
devoit fuivre avec une Armée de
trente mille hommes, & quarante
pieces de Canon . Le Prince Charles
donna auffi toft fes ordres
pour faire tranſporter les Mala-
Güij
152 Hiftoire du Siege
des , les Bleffez , & tout le bagage
fuperflu dans l'Ifle de S. André;
l'on travailla avec toute la diligence
poffible à perfectionner les
Ouvrages neceffaires pour mettre
le Camp en feureté , & pour
empefcher que les Ennemis ne
fecouruffent la Place . Les Bavarois
firent jouer un Fourneau qui
réüffit affez bien . Il y en avoit encore
un autre mais les Mineurs
ayant rencontré ceux de la Ville,
ne le pûrent achever.
,
Le 7. comme on fe trouvoit
fort incommodé d'une Batterie
que les Affiegez avoient derriere
la petite Rondelle , on en dref
fa une de deux . Canons pour la
démonter . Elle fit l'effet qu'on
en avoit attendu . Les , Bavarois
en firent
firent jouer une nouvelle ,
qui eftoit auffi de deux pieces
de Canon. Ils l'avoient dreffée fur
un
de Bude.
153
un échafaut bien élevé au bout
de la premiere muraille de la
Rondelle , pour abatre le Chafteau
. La nuit, on tâcha de combler
le Foffé avec des fafcines,
mais tout ce qu'on y jetta fut confumé
par des fléches ardentes que
tirerent les Affiegez , & qui y mirent
le feu. Sur le midy on fceut
par des Prifonniers que toute l'Armée
Ottomane devoit s'affembler
le lendemain devant Albe Royale.
On vint dire le foir qu'il y en
avoit partie arrivé à une lieuë du
Camp , du cofté du Chateau où
eftoit l'Attaque des Bavarois.Cela
obligea le Prince Charles à changer
fon Camp. Il fit occuper les
hauteurs & les vallons qui environnent
la Place , & nomma les
Regimens que l'on devoit envoyer
au devant des Ennemis, &
ceux qui demeureroient pour
G V
154 Hiftoire du Siege
continuer le Siege. On eut avis
ce jour là que le General Schults
eftoit mort. Il commandoit un
Camp- volant entre la Save & la
Drave.
Le 8. à la pointe du jour , trois
mille Turcs & Tartares parurent
fur une hauteur. Ils enleverent
deux Gardes avancées de douze
hommes chacune , & aprés avoir
efcarmouché avec les Huffars,
ils fe retirerent fur le midy. Cent
cinquante Hongrois qui avoient
efté détachez pour reconnoiftre
l'Armée des Infidelles , & qui
revenoient au Camp avec quelques
Prifonniers , tomberent entre
leurs mains , & en furent taillez
en pieces , à la referve de
quelques- uns qui en apporterent
la nouvelle. Ce mefme jour
les Affiegez ayant ouvert la Porte
du Chafteau , on fit un déta
de Bude.
155
tachement à l'attaque de Baviere
, pour s'avancer de ce coſtélà.
On en vit un fort grand nombre
le fabre à la main derriere
leurs retranchemens , & ils jetterent
tant de Grenades, qu'on fut
obligé de fe retirer , avec perte
de foixante hommes. On continua
de mettre les Lignes de Circonvalation
en défenfe , en les
fortifiant avec des Redoutes , fur
lofquelles on plaça quelques pieces
de Campagne.Douze hommes.
furent tuéz ou bleffez à une Batterie
à laquelle on travailloit depuis
plufieurs jours , & que les
Bombes des Ennemis ruinerent.
&
Le 9. les Tartares & les Turcs
revinrent fur le midy le long de
la Montagne vis à vis le Camp
de l'Electeur de Baviere
pafferent tout le jour à efcarmoucher.
Quoy qu'ils ne fuffent
pas,
156
Hiftoire
du Siege
pas en affez grand nombre pour
forcer les Lignes, ils ne laifferent
pas d'incommoder , parce qu'on
fut obligé de fe tenir toûjours
fous les Armes. Une Bombe des
Affiegez tomba à l'Attaque des
Imperiaux au milieu de plus
de mille Grenades . Elle mit le
feu à quelques unes dont quatre
ou cinq Moufquetaires furent
tuez. Le Comte d'Archinto
fut bleffé legerement. On pour
fuivit le travail des Mines que
l'on deftinoit à renverfer la feconde
muraille, & les retranchemens
des Paliffades dont les Ennemis
avoient reparé les brèches,
& les Heiduques furent employez
à faire des Fafcines & des
Sacs à terre , pour en remplir les
Foffez, qui eftoient de la hauteurde
deux piques .
Le 10. les Affiegez firent une
for
de Bude. 157
fique
fortie à l'Attaque des Bavarois,
& couperent la tefte à quarante
hommes qu'ils trouverent dans la
Rondelle du Chateau. Un gros
de Turcs au nombre de douze
ou quinze cens , s'approcha du
Camp , mais ils n'eurent pas
toft aperceu un détachement.
commandoit le General Dunewald,
qu'ils prirent la fuite .Trente
Huffarts ayant rencontré
quarante
Turcs, les combatirent . Ils.
en tuerent fix , & firent cinq
Prifonniers , parmy lefquels eftoit
un Aga , qui ayant efté déja pris
il y a quelques années , avoit
payé huit mille écus de rançon.
Ils dirent que le Seraskier avoit
ordre de fecourir Bude à quelque
prix que ce fuft ; mais qu'ils
croyoient que l'on auroit peine
à l'engager au Combat .. Un Efpion
vint donner avis que l'Armée
158 Hiftoire du Siege
mée Otomane, compolée de plus
de foixante mille hommes , eftoit
campée le long du Danube à
trois lieues des Affiegeans. Il dit
qu'il avoit efté la reconnoiftre en
habit de Tartare , que le Serafkier
la commandoit , qu'elle occupoit
deux lieues d'étendue, &
que le grand Vifir eftoit demeuré
derriere avec mille hommes
qu'il avoit retenus pour le
garder.
La Ligne de communication
de l'attaque des Bavarois avec
celle des Imperiaux fut achevée
, & un Foffé profond que
l'on fit avec des bons épaulemens,
mit leur Quartier hors d'eftat
d'eftre infulté par les Ennemis.
Le 11. deux mille Chevaux
Turcs parurent fur la hauteur vis
à vis de l'Attaque de Baviere.
Quelques Efcadrons furent dé
tachez pour les aller reconnoitre.
de Bude.
159
tre. Il y eut une Efcarmouche
dans laquelle
le Prince
Charles
de Neubourg
eut un Cheval
tué
fous luy ; mais les Infidelles
commencerent
à defcendre
en fi grad
nombre
qu'il fut impoffible
de
les fouftenir
. Ainfi il falut fe retirer,
& fe contenter
de faire fur
eux un feu continuel
de Canon .
Trois Mines
furent
miſes en état
de jouer le lendemain
. La plus
grande
avoit huit Chambres
, &
leur charge
eftoit de cinq milliers
de poudre
. Comme
on avoit
refolu
d'aller
à l'Affaut
fi elles
réuffiffoient
, le Prince
Charles
commanda
trois mille hommes
de pied avec quinze
cens Chevaux
ou Dragons
, pour les foûtenir
. Le Comte
Petnehafi
arriva
au Camp
avec trois mille
Hongrois
,
Le 12. on fit jouer les trois Mines,
160
Hiftoire du Siege
nes, dont la plus grande n'eut aucun
effet , ce qui fit croire qu'el
le avoit efté découverte, & qu'on
en avoit tiré les poudres. Les
deux autres ne firent qu'une ouverture
pour dix hommes de
front , encore n'eut- elle pas efté
pluftoft faite que les Affiegez la
reboucherent par le moyen des
chevaux de frife , de forte que
l'on ne jugea pas qu'on d'euft
hazerder l'affaut ,
, quoy qu'on s'y
fuft déja difpofé . On fit retirer
les detachemens , & les Mineurs
eurent ordre de commencer un
nouveau travail . Les Mines jettérent
dans la Tranchée quantité
de pierres , dont plufieurs des
Affiegeans furent bleffez ,entr'autres
le Prince de Wirtemberg , le
Comte de Ridberg , & les Lieutenans
Colonels des Regimens de
Lodron de Neubourg. L'Armée
des
de Bude. 161
des Infidelles vint camper fur le
haut d'une Montagne qui n'étoit
pas fort éloignée des Lignes.
Ceux qu'on avoit envoyez pour
s'en informer,rapporterent qu'elle
eftoit de cinquante mille hommes
avec du Canon .
Le 13. les Affiegez firent une
fortie à cheval fur la grande Garde
des Imperiaux ,dont ils tuerent
douze hommes , & emmenerent
quatre Prifonniers qu'ils firent .
Le Comte de Colonitz , Page du
Prince Charles , & un Trompette
de l'Electeur de Baviere , eurent
la tefte coupée dans cette
efcarmouche. Les Turcs parurent
en bataille devat leur Camp,
& comme ils firent defcendre une
partie de leur Armée, on crut
qu'ils avoiet envie de döner combat.
Cela obligea le Prince Charles,
quidésle jour precedent avoit
fait
162
Hiftoire du Siege
fait fortir des Lignes toute la Cavalerie
, Dragons , Huffars , &
Croates,d'en faire auffi fortir l'Infanterie
, à la referve de vingt
mille hommes ,aufquels il en confia
la garde , & celle des trois attaques.
On forma deux Efcadrons
de la plupart des Volontaires , &
deux mille Heiduques , & un pareil
nombre de Hongrois , furent
commandez pour faire l'avantgarde
de l'Armee , & pour venir
les premiers aux mains fi les
Turcs vouloient entreprendre
quelque chofe. Ceux qu'on avoit
veus d'abord ne tenterent rien,
& fe retirerent le foir dans leur
Camp.
Le 14 dés fix heures du matin
, on s'apperceut qu'ils avoient
formé un corps de trois mille Janiffaires
& d'environ 5000. Chevaux
, qui devoit fervir d'avantgarde,
de Bude.
163
que
garde à leur Armée , tandis
le refte demeureroit derriere rangé
en bataille pour les fouftenir.
On apprit que leur deſſein eftoit
de faire paffer les trois mille Janiffaires
entre le quartier des Imperiaux
, & celuy de Brandebourg,
& que pendant l'action les Affiegez
devoient faire une Sortie
pour leur faciliter le paffage, &
leur donner moyen d'entrer dans
la Ville.En meſme temps le Prince
Charles commanda le Comte
de Dunewald pour former l'aifle
gauche de la Bataille avec neuf
Kegimens Imperiaux , qui furent
ceux de Caprara , Palfi , Taff, Lodron
, Neubourg , Furftemberg,
Stirum , Serau, & Schultz , & huit
cens Huffars. Le General Heufler
eut la droite avec un pareil
nombre de Regimens , tant Imperiaux
& Bavarois, que de ceux
de
164 Hiftoire du Siege
de Saxe & de Brandebourg , qui
occuperent une hauteur dont le
terrein leur eftoit avantageux, &
d'où tous les mouvemens des Ennemis
pouvoient eftre décou
verts . Le gros de l'Armée eftoit
difpofé en fort bon ordre , &
dans une diſtance de terrein- qui
luy donnoit facilité de charger
tout ce qui s'avanceroit pour fecourir
Bude. Les huit mille Janiffaires
& Spahis qui devoient
forcer les Lignes, après avoir voltigé
derriere les hauteurs pendant
deux heures , prirent leur
marche entre ces mefmes hauteurs
, & rencontrerent d'abord
les quatre mille hommes de l'Avantgarde
, qui furent rompus au
premier choc. Le Baron de Mercy
les voyant plier , ſe mit à la
tefte du Regiment de Schultz
pour les fouftenir , & en faifant
fermé,
de Bude. 165
>
ferme , il donna le temps au
Comte de Dunewald d'avancer
avec les Regimens de Taff , de
Lodron , & autres. Ce fut alors
que l'on vint à un Combat tresrude
& tres - opiniaftré . Les
Infidelles furent chargez avec
toute la vigueur poffible , & ces
Regimens faifant leurs decharges
à propos , renverferent
leur
Cavalerie qui prit la fuite & abandonna
les Janiffaires. Il y en
eut deux mille de tuez . Chacun
d'eux portoit quatre à cinq Grenades
, & ils avoient tous , les uns
des haches , les autres des pelles
pour rompre les Lignes & les
applanir s'ils euffent pu aller jufques-
là. On prit huit pieces de
Canon , quarante Etendarts , &
fon fit quatre à cinq cens Prifonniers.
Aprés le Combat , les
Infidelles firent divers mouvemens
166
Hiftoire du Siege
mens en s'avançant dans la Plaine
oppofée au Čamp de l'Electeur
de Baviere , qui ayant fait
auffi fortir fon Armée des Lignes
, la tenoit en ordre de Bataille.
Il fut refolu dans un Confeil
general qui fe tint , qu'on iroit
les attaquer , ce qui fut executé
par cet Electeur , mais ſe voyant
pourfuivis ils fe retirerent dans
leur Camp.Le Comte de Dunewald
, & le General Heufler , qui
s'étoient avacez avec les Huffars
par de là les hauteurs , rencontrerent
un gros de Spahis , que
les Ennemis avoient laiffé pour
couvrir leur retraite. Ils en tuerent
prés de deux cens , & en
firent trente Prifonniers. Il n'y
eut qu'environ cent hommes tuez
du cofté des Imperiaux , entre
lefquels fe trouvèrent le Comte
de Lodron , Lieutenant Colonel
de Bude. 167
nel du Regiment de Croates de
ce nom , & le Major du Regiment
de Caprara On fceut que
les Tures avoient perdu plus de
quatre mille hommes , fans un
fort grand nombre de bleffez, &
qu'ils eftoient d'autant plus touchez
de cette perte , que les Janiffaires
qui avoient eſté tuez
eftoient l'élite de leurs Troupes,
& que c'eftoit par eux principalement
qu'ils s'eftoient flatez
de pouvoir jetter du fecours dans
Bude. Les Affiegez firent une
fortie pendant le Combat , mais
ils furent fi vigoureufement repouffez
, qu'ils tarderent peu à
fe retirer. L'Armée Imperiale
eſtant retournée dans ſon Camp ,
& celle de l'Electeur de Baviere
dans le fien , on fit une falve de
tout le Canon des trois Attaques.
On expofa fur des Piques
plu
168
Hiftoire du Siege
plufieurs teftes de ceux qui avoient
efté tuez dans le Combat
, & l'on planta fur la brêche
les Drapeaux gagnez , afin que
les Affiegez ne puffent douter
de la Victoire qu'on venoit de
remporter. La nuit on furprit
deux Efpions avec des lettres
pour le Grand Vifir. Le Bacha
de Bude luy mandoit qu'il avoit
beſoin d'un prompt fecours , &
qu'il falloit fe fervir de la nuit
pour enfoncer les Lignes des Affiegeans
; que pour luy il s'eftoit
retranché dans la Ville , mais
qu'ils eftoient trop avancez pour
leur pouvoir refiſter.
Le 15. on connut que les
Ennemis avoient decampé , &
qu'ils s'eftoient éloignez de deux
lieuës. Le Prince Charles ordonna
qu'on fift enterrer les
Morts qui eftoient demeurez
dans
de Bude.
169
dans le Champ de Bataille , afin
qu'ils n'infectaffent point l'air, &
aprés avoir envoyé aux Affiegez
un des Prifonniers qu'on avoit
faits , pour les informer de
l'heureux fuccez du jour precedent
, qui les devoit empefcher
d'efperer aucun fecours , il fit
partir le Comte de Lamberg
pour aller fommer la Ville , mais
il ne fut pas pluſtoſt arrivé à la
porte , qu'ils commencerent à
tirer fur luy , de forte qu'il fut
obligé de fe retirer . Le foir,
on apprit par un Transfuge que
trois Bachas eftoient demeurez
au dernier Combat que le
Grand Vifir avoit fait couper
la tefte à un autre , & qu'at- '
tribuant au Seraskier le mauvais
fuccez de cette journée , il
l'avoit infulté avec toutes for-
H
>
170 Hiftoire du Siege
tes de marques de, mépris & de
colere.
Le 16. les Affiegez firent joier
une Mine à l'Attaque des imperiaux
, & fortirent en mefme
temps pour tâcher de profiter de
la confufion où ils croyoient les
trouver dans leurs Tranchées,
mas ils connurent que leur Mine
n'avoit eu aucun effet , & fe retirerent
avec quelque perte . Les
Imperiaux mirent le feu aux Paliffades
de la brêche , & en brû
lerent une partie , mais les Affiegez
en remirent d'autres pendant
la nuit. On s'apperceut
qu'il y en avoit un double rang
derriere les premieres , & qu'ils
les avoient moüillées , afin d'empefcher
que celles qui eftoient
en feu ne les confumaffent.Cinq
Polonois qui vinrent ſe rendre,
rapporterent que les Jani ffaires
avoient
de Bude. 171
avoient declaré qu'ils ne vouloient
plus aller au Combat, parce
que la Cavalerie les abandonnoit
toûjours dans le peril. Ils
ajoûterent que le Grand Vifir en
avoit fait mourir quelques - uns
pour remettre les autres dans l'obeillance.
Le 17. une Mine des Affiegeans
fut éventée à l'Attaque des
Imperiaux. Un Transfuge rapporta
que le foir qu'on avoit brulé
les Paliffades , prés de cent
Turcs avoient été bleffez ou tuez
par les Bombes qu'ils y avoient
enterrées , & aufquelles ils auroient
mis le feu , fi Ton euſt
monté à l'affaut ; qu'il ne reftoit
dans la Ville qu'environ mille
hommes capables de porter les
armes , mais que chacun eftoit
refolu de fe défendre jufqu'à la
derniere goute de fon fang. Six
.
H ij
172 Hiftoire du Siege
Fantaffins qui avoient merité la
mort , monterent par ordre de
l'Electeur de Baviere au haut du
Chafteau pour en découvrir le
dedans , mais les Affiegez qui les
découvrirent les firent defcendre
trop toft. La nuit , trente
Volontaires qui s'eftoient détachez
voulurent mettre le feu aux
Paliffades qui défendoient la
brêche de la derniere enceinte
de la Place , mais il y avoit des
poudres répandues aux environs
qui en brûlerent quelquesuns
, & les Affiegez en tuerent
quelques autres , de forte qu'ils
ne purent executer leur def
fein.
Le 18. deux Polonois qui s'étoient
fauvez de l'Armée des
Turcs, rapporterent que le Grand
Vifir avoit promis trente écus
à chacun des Janiffaires qui
pour
de Bude.
173
pourroient forcer les Lignes &
fe jetter dans la Place , qu'ils s'étoient
mis en marche au nombre
de deux mille avec quantité
de Tartares , pour aller gagner
les Montagnes qui regardent la
Ville- baffe , que c'eftoit par là
que les Ennemis pretendoient
faire entrer dans Bude le fecours
que le Commandant continuoit
de preffer , & qu'ayant un Pont
à cinq lieues du Camp des Chrétiens,
ils avoient envoyé du monde
en de là du Danube pour
faire diverfion. Oń fit jouer une
Mine à l'Attaque des Imperiaux
, &le peu de ffuucccceezz qu'elle
eut , obligea de differer l'Affaut
general , & de retirer les
détachemens que l'on avoit faits
à ce deffein. La nuit , on refolut
de nouveau de brûler les Paliffades
, & trois cens hommes
-
Hiij
174 Hiftoire du Siege
furent commandez pour cela ,
mais il n'y eut qu'un fort petit
nombre de Grenadiers qui monterent.
Le grand feu que firent
les Affiegez , & la quantité de
Grenades & de Sacs à poudre
qu'ils jetterent , épouvanterent
fi fort les Moufquetaires qui les
devoient fouftenir , qu'une partie
fe cacha , en forte que les
Officiers s'avancerent prefque
feuls.
Le 19.les Imperiaux tâcherent
de fe pofter fur la petite Rondelle
de la feconde muraille,mais
la refiftance qu'ils trouverent les
en empefcha . Ils eurent prés
de quarante hommes tuez , ou
bleffez. On fut averty par un
Transfuge que le Grand Vifir
avoit commencé de fe mettre
en marche pour revenir vers le
Camp des Affiegeans mais
qu'ayant
de Bude.
175
qu'ayant appris d'un Deferteur
qu'il leur eftoit arrivé un corps
de dix mille hommes , cette nouvelle
l'avoit obligé de retourner
fur fes pas , & que vingt - cinq
mille Tartares eftoient au de- là
du Danube peur tâcher d'y faire
diverfion.
Le 20. à la pointe du jour,
pendant que l'Armée Ottomane
venoit le mettre en Bataille devant
le Camp de- l'Electeur de
Baviere , deux mille Janitaires
qui s'eftoient tenus cachez la
nuit , defcendirent par le grand
Vallon aprés que le Biouac fe fut
retiré , & ils paffetent les Lignes.
de circonvallation que l'on n'avoit
pû laiffer garnies faute de
monde. Ils poufferent la grande
Garde , mais les Generaux
Caprara, & Heufler s'eftant trouvez
heureuſement à cheval , y
Hij
176
Hiftoire du Siege
accoururent. Ils couperent ceux
qui avoient déja forcé les retranchemens
, & les taillerent en pieces
, mais toute leur refiftance,
quoyque des plus vigoureuſes ,
n'empefcha pas que prés de trois
cens ne paffaffent dans la Place,
le refte fut repouffé hors du
Camp. On fit trois cens Prifonniers
, & il y en eut beaucoup
de tuez. Le Sieur Sentini Chevalier
de Malte , & Capitaine
de Cavalerie dans les Troupes
de Baviere , s'eftant trop avancé
pour reconnoiftre les Ennemis,
fut fait prifonnier. Le Comte
de Konigfmark Lieutenant Cólonel
de Beck fut tué , & le General
Heufler bleffé au pied.
Quoy que ceux qui entrerent
dans la Ville , fuffent la plufpart
bleffez & en petit nombre , les
Affiegez ne laifferent pas de faire
de Bude.
177
re une falve de tous leurs Canons
, pour faire croire qu'il leur
eftoit arrivé un plus grand fecours.
On apprit par un Chrétien
qui s'échappa de l'Armée
des Ottomans , que le Grand Vifir
avoit fait affembler fes Troupes
,,
pour leur dire que le fecours
qu'il avoit envoyé , eftoit
entierement entré dans la Ville,
& qu'il donneroit à tous ceux
qui auroient envie de s'y jetter,
la mefme fomme qu'il avoit donnée
aux autres . L'Armée des Infidelles
fe retira à quelques lieuës
du Camp des Chreftiens .
>
Le 21. la Baterie de l'attaque
des Imperiaux qui battoit en
flanc les retranchemens des Af-
Liegez receut un fort grand
dommage du feu que fit leur Artillerie
. Elle en fut prefque entierement
démontée , ce qui fit
H v
178
Hiftoire
du Siege
qu'on augmenta le nombre des
Travailleurs pour la rétablir pen
dant la nuit.Ön redoubla auffi les
Troupes de la Tranchée , & l'on
fit un feu continuel afin d'occu
per les Ennemis. Cette même nuit
on fe prepara à donner un Affaut
au Chafteau du cofté de l'attaque
des Bavarois.
Le 22. le Prince . Charles fit
faire une fauffe Attaque , pour
faciliter par une diverfion celle
que l'Electeur de Baviere commençoit
de fon cofté. Les Turcs.
eftant accourus en grand nom.
bre fur la brêche du cofté des
Imperiaux , on fit fur eux une
décharge de Mortiers , qui leur
tuerent cent hommes , & pen
dant ce temps les Bavarois , qu'animoit
la prefence de leur Prince
, fe rendirent maiftres de la
plus grande partie du Chateau,
malgré
de Bude..
179
malgré la refiftance opiniaftre
de ceux qui le défendoient. Le
General Rummel qui commandoit
l'Attaque , fut tué d'un coup
de Moufquet dans les approches.
H fut extremement regretté .C'étoit
un Officier d'une grande experience
. On ne perdit que trente
hommes , mais plus de deux
cens furent bleffez , la plufpart
par des Sacs à poudre . Un Duc
de Saxe- Mesbourg , ayant une
Compagnie dans le Regiment
de Bade , receut deux coups de
Moufquet, dont l'un luy calla la
jambe. La nuit , les Ennemis
tacherent de repoufler les Bava-
Fois du Pofte qu'ils occupoient,
mais ils ne purent en venir
bout.
Le 23. les Affiegez firent une
Sortie fur la grande Garde des
Bavarois , mais ceux - cy les contrai
180 Hiftoire du Siege
traignirent de fe retirer , & les
pourfuivirent jufques aux portes.
Le Lieutenant Colonel d'Arco
y ayant efté tué d'un coup de
Moufquet , les Turcs emporterent
le corps dans la Ville . On
prit dans l'lfle de Sainte Marguerite
un Turc qui eftoit fortyde
Bude à la nage avec un More
, pendant un orage qui s'eftoit
élevé la nuit . Il dit que ce More
qu'on n'avoit pu arrefter , eftoit
envoyé au Grand Vifir avec
des lettres , par lesquelles le Bacha
de Bude le preffoit de luy
donner promptement un fecours
plus fort que celuy qu'il avoit re
ceu que la Ville ne pouvoit te
nir encore bien long- temps , &
que le Chafteau eftoit fur le
point d'eftre perdu . Il ajoûta ,
qu'il n'eftoit entré que deux
cens cinquante Janiffaires la
plus
de Bude. 181
plufparts bleffez , & hors de combat
, & que le Bacha en publioit
le nombre plus grand pour donner
courage à ceux de la Ville;
que les Affiegez avoient perdu
cent hommes le jour que les Bavarois
s'eftoient poſtez au haut
-du Chafteau & que le Bacha
avoit promis cinq cens écus à
ceux qui eftoient venus la nuit
pour les en chaffer , mais que celuy
qui les commandoit avoit
pris la fuite...
Le 24. les Bavarois fe fortifierent
dans les Poftes dont ils s'eftoient
emparez. Les Affiegez firent
contre eux de nouveaux efforts
mais ils furent inutiles.
Trente Soldats y furent tuez avec
le Lieutenant Colonel du Regiment
Saxon de Trautmansdorf.
L'Armée Ottomane parut de
nouveau à la veuë du Camp , &
sen
182
Hiftoire du Siege
›
s'en retourna le mefmejour à une
lieuë de là. Comme les Affiegez
avoient fait des feu pendant la
nuit, & allumé plufieurs fois de la
poudre au deffus de la grande
Rondelle , on ne douta point que
ce ne fuffent autant de Signaux
pour preffer les Turcs de faire
encore quelque tentative. Le
Prince Charles , pour prevenir
leurs deffeins , détacha fix Efca
drons, & fix Bataillons , qu'il fit
commander par le Baron de Mercy
, le Comte de Souches & le
General Heufler. Ils pafferent
toute la nuit fous les armes fans
qu'il fe fift aucun mouvement du
cofté des Infidelles. On continua
pendant cette mefme nuit , de
combler les Foffez, & d'affurer les
Travaux qui avoient eſté faits
du cofté de l'attaque de Lorrai
ne. On eut avis que le Comte de
Scherf
de Bade. 183
Scherffemberg dont on preffoit
Farrivée , eftoit auprés de Zolnoch
avec les Troupes qu'il commandoit
en Tranfilvanie, & qu'il
feroit toute la diligence poffible
pour le rendre promptement au
Camp , quoy que fon Infanterie
fuft fort fatiguée .
Le 25 deux Escadrons que l'on
avoit détachez , eurent ordre de
revenir au Camp , & les quatre
autres furent poftez au pied des
murailles. Le Prince Charles fit
fortifier les Lignes le long du Danube
, de plufieurs rangs de Paliffades,
& quatre cens Allemans
& deux cens Hongrois y furent
envoyez fous le commandement
du Baron d'Afti pour s'oppofer
au fecours , fi les Ennemis tachoient
d'en faire paffer par là.
Les Travaux que les Bavarois avoient
faits au hautdu Chafteau ,
fu
184 Hiftoire du Siege
furent entierement brûlez par les
facs à poudre, & autres Machines
à feu que les Affiegez y jetterent.
Ainfi l'on fut obligé de fe
retirer , & de fe pofter plus à la
droite. Il y eut en cette occafion
dix ou douze hommes tuez , &
plus de deux-cens bleſſez .
Le 26. le Canon des Affiegeans
ayant ruiné la face de la grande
Rondelle dont ils s'eftoient ren
dus maiftres , on y fit une maniere
de pont avec des poutres. Elles
alloient d'une muraille à l'autre,
& faifoient la communication
des Logemens . Les Ennemis firent
ce qu'ils purent pour bruler
ce Pont, mais on le garnit fi bien
de toutes les chofes qui le pou
voient garantir du feu, qu'ils furent
forcez d'abandonner ce deffen.
Il ne leur reftoit plus que
fept groffes pieces de Canon en
bat
de Bude.
185
batterie ; toutes les autres avoient
efté demontées. Un Turc fut arrêté
proche de la Ville. Il dit que
quantité de Janiffaires animez
par les promeffes du Grand Vifir,
montoient tous les jours à cheval
avec refolution de fe venir
jetter dans la Place , mais que le
courage leur manquoit , fſii toft
qu'ils découvroient le Camp des
Chreftiens.
Le 27. on terraffa le Pont de
communication , & on fit une
forte Redoute pour en defendre
la tefte . On travailla auffi à un
Logement fur la grande Rondelle.
Il fut étendu fur un terrain
uny qui donnoit paffage jufqu'à
la derniere muraille de la Ville.
Ainfi les Affiegeans n'eftoient
plus qu'à cinq ou fix pas des Ennemis
, qui tâcherent de redoubler
leur defence. Ils jetterent
quan
186 Hiftoire du Siege
quantité de feux d'artifice , fans
pouvoir endommager le Logement
qui touchoit leurs Palifades
. Un Croate Deferteur vint
avertir que les Ennemis avoient
receu un renfort de huit mille
hommes , & tiré de Stulweifembourg
huit groffes pieces de Canon
; que le Grand Viſir ayant
promis de récompenfer tous ceux
qui fe jetteroient dans la Ville,
plufieurs s'eftoient déja prefentez
, & que la nuit fuivante on
devoit venir attaquer le Camp
des Chrefliens par deux endroits .
Ce rapport fit qu'on la paffa toute
entiere fous les armes . On s'y
tint mefme le lendemain jufques
à midy , mais on ne vit que quelques
détachemens qui ne firent
que paroiftre, & fe retirerent prefque
auffi - toft.
Le 28. les Affiegeans fe fortific
de Bude.
187
1
fierent dans leur Logement, malgré
tout le feu des Affiegez qui
commença à diminuer. On ag
grandit la bréche du flanc de ce
Logement , & toutes chofes furent
heureuſement difpofées pour
reüffir dans l'affaut. La Baterie de
Suabe continua de faire grand
feu. Elle eftoit fur le panchant
de la Montagne d'où l'on tiroit
avec des Boulets enchaifnez,afin
qu'il fuft plus ailé d'abatre les
Paliffades. Ce mefme jour on
furprit on Turc qui eftoit encore
forty de la Ville à la nage . Il avoitpaffé
fous les deux Ponts , &
s'eftoit caché dans un trou au
de - là des Lignes . Il n'avoit fur
luy qu'une écharpe & un Sabre
avec une Lettre qu'il portoit à
l'Armée Turque pour l'Aga des
Janiffaires. Elle eftoit écrite par
ce
188 Histoire du Siege
celuy qui commandoit les Janiffaires
dans Bude , & n'avoit rien
de particulier , finon que l'Homme
que le Grand Vifir avoit envoyé
, eftoit entré dans la Ville,
& qu'elle eftoit fort preffe. Il fut
impoffible pendant tout le jour
de faire parler ce Turc , mais enfin
on l'intimida fi bien par les
menaces , qu'il avoüa fur le foir,
que le Commandant de Bude
l'avoit chargé de dire au Grand
Vifir, qu'il yavoit prés de quinze
jours qu'il eftoit campé devant
la Ville , & qu'il s'étonnoit que
fcachant le preffant danger où
ilfe trouvoit , il ne luy envoyat
pas un fecours confiderable ; que
les Troupes qu'il commandoit
témoignoient avoir moins de
courage que les Femmes de la
Ville , puifqu'on ne tentoit aucune
chofe , que pour luy il eftoit
re
de Bude. 189
refolu de fe défendre jufqu'à la
derniere goute de fon fang , mais
qu'il ne pouvoit répondre de la
Place s'il ne recevoit un prompt
fecours. Ce Turc ajoûta que le
Bacha luy avoit auffi donné ordre
de recommander la Ville de
Bude & l'honneur de l'Empire
Ottoman au Commandant des
Tartares ; qu'il y avoit encore
2000. hommes dans la Place , avec
quatre cens Janiffaires qui
s'y eftoient jettez le 20 que les
Affiegez s'eftoient bien retranchez
du coſté de l'Attaque des
Imperiaux ; que derriere la Paliffade
de la feconde brêche il y
avoit encore un Foffe & une autre
Paliffade , mais qu'ils n'avoient
point travaillé du cofté
du Chafteau , eſperant eſtre ſecourus.
Le 29. un Polonois vint ſe rendre
190 Hiftoire du Siege
dre le matin , & raporta que les
Infidelles devoient venir atta,
quer le Camp par trois endroits.
Peu de temps aprés , mille Spahis
& deux mille Janiffaires commandez
par deux Bachas, & foutenus
de quinze mille Tartares,
qui avoient ordre de leur faciliter
l'entrée dans la Ville, vinrent
du cofté d'Actoffen pour s'y jetter
, mais comme ils n'y trouve
rent point de paffage & qu'ils
virent qu'on faifoit fur eux une
vigoureufe décharge , ils gagnerent
une colline , d'où eftant enfuite
defcendus dans un Marais
qu'on trouve dans le Vallon , ils
furent envelopez par des Efcadrons
, à la tefte defquels eftoient
le Baron de Mercy & le General
Heufler , & par la garde des Bavarois
. Il en refta huit cens fur la
place. Ils avoient chacun trente
écus
de Bude. 191
écus qu'on leur trouva dans la
poche , le refte fut mis en fuite,
& il n'y en eut que quinze qui
purent paffer ; encore n'en entra↓
t- il que quatre dans la Ville , les
onze autres ayant eſté tuez avant
que d'y arriver. On coupa chemin
à cent Spahis , dont foixante
& feize furent paffez au fil de
l'épée par deux differentes Troupes
de celles de Brandebourg , &
quatre autres tuez dans le quar
tier du General. Le Baron de
Mercy receut trois coups de Sabre
dans cette action,un à l'épaule
, & deux à la tefte , Son Ayde
de Camp fut tué à ſes coftez .
Dans ce mefme temps les Affiegez
voulant faciliter l'entrée du
Secours , hazarderent une Sortie,
mais les Bavarois qui avoient la
garde de la Tranchée , les contraignirent
de fe retirer avec perte
192 Hiftoire du Siege
te de cinquante hommes. D'un
autre cofté l'Armée des Ennemis
vint en ordre de Bataille vers les
Lignes du Camp de Baviere ,
mais elle ne tenta rien , & le
Grand Vifir ayant veu paroiſtre
vingt cinq Efcadrons du corps
d'Armée du Comte de Scherffemberg
qui paffoient le Pont du
Danube , fous le commandement
du General Picolomini , prit le
parti de fe retirer. On gagna
trente Drapeaux, la plufpart rou
ges , les autres eftoient de differentes
couleurs. On fceut par un
Deferteur , que des trois mille
Janiffaires ou Spahis qui avoient
juré au Grand Vifir qu'ils ne reculeroient
, ny ne fuiroient point,
il n'en eftoit pas retourné plus de
cinq cens.
Le 30.quatre Chreftiens écha
pez des mains des Infidelles , fe
rendi
de Bude.
193
Jap
rendirent dans le Camp , & rapporterent
que l'Armée Ottomane
eftoit allée camper une lieuë plus
loin que la plufpart de leurs
Troupes defertoient avec les Drapeaux
, & qu'elles avoient une
grande difette de vivres . Ce mef
me jour le Comte de Scherffemberg
arriva de Tranfilvanie avec
les trois Regimens d'Infanterie ,
de Sherini , de Scherffemberg ,
de Spinola , & le refte de la Cavalerie
, fçavoir soo . Hongrois &
les Regimens de Picolomini ; de
Veterani , de Sainte Croix ; de
Magni , & de Tefvin. Celuy de
Sherini fut joint au corps de Ba
viere , & les autres allerent occu
per le terrein qui reftoit vuide
du cofté de la baffe Ville , depuis'
la droite des Imperiaux jufques
au Dambe."
Le 31 on eit avis, que fept
isque I
194 Hiftoire du Siege
mille Tartares s'eftoient avancez
vers Gran , afin d'empécher
qu'il ne defcendift des vivres
pour les Affiegeans. On entendit
mefme tirer le Canon de cette
Ville. Les Bavarois firent mener
de nouvelles Pieces fur leurs Batteries
à la place de celles qui avoient
eſté gaſtées . Les Troupes
demeurerent fous les armes toute
la nuit , fur ce que le bruit
s'eftoit répandu le foir , que l'Armée
des Infidelles s'eftoit mife
en marche pour les venir attaquer.
Le premier jour de Septembre
on ne ceffa de jetter dans la
Ville des Carcaffes & des Bombes
, & de battre les Paliffades
avec le Canon . Ce mefme jour on
tint un Confeil de Guerre , où ſe
trouverent tous les Generaux
des Troupes auxiliaires . Il fut
agité
de Bude.
195
agité fi l'on iroit attaquer le
Grand Vifir en laiffant affez de
Troupes pour continuer le Siege
, où fi on l'attendroit dans
les Lignes. Plufieurs crurent qu'il
falloit aller aux Ennemis & profiter
de la confternation où les
mettoit la perte qu'ils avoient faite,
mais l'avis contraire l'emporta
, & on refolut de donner l'affaut.
Cette reſolution fut tenuë
fecrette , & le Prince Charles fit
fortir des Lignes trente mille
hommes de Cavalerie & dix mille
d'Infanterie qu'il fit ranger en
Bataille dans la plaine oppofée
au front du terrain que les Infidelles
occupoient > comme s'il
euft eu deffein de les aller attaquer.
Il les empefchoit par là de
faire des détachemens pour le
fecours de la Place. Les Generaux
qui eurent le commande-
I ij
196
Hiftoire du Siege
ment de la Cavalerie , furent le
General Bielke , le Prince Eugene
de Savoye , & les Comtes de
la Torre & d'Arco . Le General
Steinau & le Comte d'Afpremont
commanderent l'Infanterie.
Les ordres furent enfuite
donnez pour l'affaut . Le Comte
de Souches fut commandé pour
l'Attaque de la droite, & le Comte
de Scherffemberg le fut pour
la gauche, chacun avec trois mille
chevaux choifis , & un pareil
nombre d'hommes de pied . La
marche des Volontaires , qui attendoient
ce grand jour avec une
extreme impatience , fut ordonnée
entre les deux aifles, avecordre
de ne pas preceder les premieres
files.
Le 2 . tous les Generaux ſe
trouverent à cheval fi- toft que le
jour parut . Ils allerent vifiter les
Tra
de Bude.
197
Travaux , & le Prince Charles
ayant fait venir les Officiers Ma-.
jors dans fa Tente , les avertit de
tenir toutes les Troupes preftes
pour donner l'affaut à deux heures
aprés midy. L'Electeur de Baviere
n'oublia de fon cofté aucun
des ordres qui pouvoient
eftre neceffaires pour achever de
fe rendre maiftres du Chateau.
Le General Schoning tint auffi
toutes chofes difpofées à l'attaque
de Brandebourg , & d'abord
que le Signal cut efté donné par
fix Pieces de Canon tirées du
quartier des Troupes de Suabe,
quatre Capitaines fuivis chacun
de cinquante Grenadiers , avec
quatre Lieutenans , quatre Sergens
, & les autres Officiers inferieurs
, marcherent à la droite
de l'Attaque. Le Baron d'Afti
eftoit à leur tefte , & ils eftoient
I iij
198 Hiftoire du Siege
fouftenus de deux cens Moufquetaires
que commandoient
quatre Capitaines & d'autres
Officiers fubalternes, ayant à leur
tefte un Lieutenant Colonel &
un Major. Ceux - cy eftoient fuivis
de cent hommes armez d'une
demie Pique & d'un Sabre , chacun
avec deux Piftolets de ceinture
. On fit marcher à quelque
diſtance trois cens Arquebufiers
commandez par quatre Capitaines,
& trois Bataillons de reſerve
les fuivoient. Ils eftoient chacun
de fix cens hommes avec leurs
Officiers. La difpofition de la
gauche fut pareille . Toute la difference
qu'il y eut , c'eſt que cent
cinquante Arquebufiers furent
les premiers qui s'avancerent, &
qu'ils n'eftoient precedez que de
cinquante Grenadiers , & de
vingt- cinq à trente hommes armez
de Bude. 199
mez de Pertuifanes , d'une Epée,
& d'une Hache . Tout fut difpofé
de la muc torte à l'Attaque
de Daviere, & à celle de Rrandebourg
, & jamais Affaut ne fut
entrepris avec plus d'ardeur , &
plus d'intrepidité . Le Baron
d'Afti qui avoit l'Avant- garde
des Grenadiers , & qui marchoit
à leur tefte , fut bleffé d'abord,
& le Sieur Bifchoff- haufen , Sergent
Major du Regiment de Diepenthal
, prit le Commandement
en fa place. Quoy qu'ils fuffent
foûtenus des Bataillons qu'on avoit
fait fuivre , ils trouverent
une fi furieuſe refiftance de la
part des Affiegez , qu'ils furent
contraints de reculer. Outre la
grande quantité de facs à poudre
qu'on jetta fur eux , les Ennemis
firent jouer une Mine qui
leur caufa un fort grand defor-
I iiij
200
Hiftoire du Siege
dre. Ils retournerent une feconde
fois à l'affaut avec une vigueur
extraordine , & ils ne
Purent encore obliger les Tercs
a fuir , mais enfin aprés une tresrude
Efcarmouche qui dura une
heure devant la Ville , les Affiegez
ayant perdu courage par la mort
du Commandant qui fut tué fur
la Bréche , ils firent fi bien qu'ils
vinrent à bout d'arracher les
Paliffades , & de forcer leurs
Retranchemens. Ils y trouverent
huit cens Janiffaires qu'ils taillerent
en pieces , fans avoir aucun
égard à la poſture foûmife
où ils fe mirent en leur demandant
quartier , & jettant leurs
Armes bas. Quelques - uns d'entre
eux voyant qu'ils ne vouloient
épargner perfonne , reprirent
leurs Armes , fe défendirent
en defefperez , & firent
jouër
•
de Bude. 201
jouer un Fourneau dont plufieurs
Maifons fauterent . Le feu
du Fourneau fe communiqua à
une certaine machine qu'il avoient
difpofée auparavant , &
produifit un autre feu bien plus
dangereux qui couroit de place
en place, & que perfonne ne prenoit
le foin d'efteindre , parce
que les Victorieux eftoient alors
occupez à pourfuivre , & à exterminer
tout ce qui pouvoit
refter d'Ennemis dans la Ville ,
où quelques ordres que les Of
ficiers puffent donner , il fut impoffible
d'empefcher le carnage.
Ainfi l'embrafement fut prefque
general. Ceux de Brandebourg
entrerent en mefme temps dans
la Ville , & penetrant dans les
rues au travers des flâmes , ils
firent main baffe fur tout ce
qu'ils rencontrerent , fans épar
I v
202 Hiftoire du Siege
gner Vieillards , Femmes & Enfans
. Les Victorieux n'en confultoient
que la fureur qui les
animoit , & qui les portoit à fe
vanger de l'opiniâtre reſiſtance
que ces malheureux avoient faite
fur la Bréche à force de Bombes
, de Mines , de Pots à feu &
autres machines roulantes qu'ils
avoient jettées à la faveur de
leur Moufqueterie , & d'une
grefle de fléches. Cependant la
Cavalerie qu'on avoit tirée des
Lignes fous les Generaux nommez
pour la commander eftoit
demeurée , ainsi que l'Infanterie,
toûjours en action , & en Bataille
avec les Ennemis , dont
l'Armée , non feulement avoit
paru de ce coſté là , mais meſme
avoit commencé à attaquer l'Avantgarde
des Chreftiens. D'un
autre cofté les Generaux Sherini
,
de Bude.
203
rini, la Vergne & de Beck , n'ou
blierent rien pour achever de
fe rendre maiftres de ce qui reftoit
à occuper du Chateau,
fouftenant avec un courage tout
heroïque l'affaut qu'ils y avoient
donné , & en mefme temps les
Grenades & les Pierres que jettoient
les Janiffaires , qui ne fçachant
encore rien du fuccez de
l'autre attaque , faifoient leurs
derniers efforts pour fe maintenir
fur une hauteur d'où dépendoit
la confervation du Chafteau.
Pendant qu'ils fe deffendoient
avec toute la bravoure
qu'on peut attendre de gens.
auffi aguerris que determinez ,
les Turcs qui eftoient auparavant
de l'autre cofté , s'eftoient
venus retirer de celuy - cy , partie
du cofté de la Riviere , &
partie du cofté du Chaſteau où
ils
204 Hiftoire du Siege
ils avoient merveilleufement renforcé
les Janiflaires. Pour s'oppofer
au fecours qu'ils leurs donnoient
, l'Electeur de Baviere ,
qui remarqua que le Grand Vifir
n'agifloit point , & qu'il ne
faifoit mine d'aucun mouvement
, commanda le Comte d'Apremont
avec 500. hommes , &
le fit aller à l'affaut avec les autres
pour les foûtenir. Le Prince
Louis de Bade s'apercevant de
l'inevitable neceffité qu'il y a
voit de s'emparer de la hauteur
qui occupoient encore les Affiegez
, pour le rendre enfuite maifres
du bas où ils avoient plufieurs
places d'armes & autres
Logemens , paffa luy mefme de
ce coflé-là , & ordonna de l'efcalader
& de grimper au deffus,
ce qui fut fait fi heureuſement,
que
de Bude.
205
que l'on envoya une grefle de
de moufquerades & de Grenades
fur les Turcs qui fe voyant foudroyez
de cette forte , arborerent
un Drapeau blanc , & jufques à
leurs Turbans , criant de toute
leur force qu'on leur donnaft
quartier & la vie. Il y en cut
plufieurs , qui ne voulant point
attendre ce qu'on refoudroit, pafferent
par deffus le mur d'un
chemin couvert , & tâcherent de
fe fauver avec quelques Juifs par
le Danube dans de petits Bateaux
qu'ils trouverent mais
les Tolpazes les ayant atteints
avec leurs Saiques , coulerent à
fond plufieurs de ces petits Baftimens
, tuerent la plupart de
ceux qui avoient cru s'échaper,
& les autres qui avoient déja
paffe la Riviere , furent taillez
2
en
206
Hiftoire du Siege
>
en pieces , ou faits prifonniers
par les Hongrois qui eftoient
dans Peft . L'Electeur de Baviere
accorda la vie au Lieutenant
du Bacha & à plus de
douze cens hommes , qui voyant
les Imperiaux Maitres de la
Place , l'avoient fuivy dans une
Rondelle où il s'eftoit retiré
entre le Chafteau & la Ville.
Il fit de mefine quartier à ce qui
reftoit de Turcs dans le Chafteau
, d'où il les envoya fous
bonne garde dans une grande
Mofquée & dans un grand Magafin
. Les Soldats qu'on ne
put faire revenir fi - toft de leur
premiere fureur , affommerent
& jetterent dans la Riviere les
vieilles Gens fans nulle diftinction
de Sexe , & il y en eut
quelques - uns de fi
,
cruels ,
qu'ayant
de Bude.
207
cruautez ,
qu'ayant trouvé des Femmes
avec des Enfans de deux ou trois
mois , ils leur ouvrirent le ventre
, & y fourrerent ces miferables
Enfans. L'Electeur de Baviere
, & le Comte de Stratman ,
Chancelier de l'Empereur , qui
arriverent dans la Ville pendant
que l'on commettoit ces
ne pûrent les faire
ceffer qu'aprés des défenfes tres
rigoureufes , & plufieurs fois reïterées.
Le feu eftoit répandu par
tout , & avec le fang qui couloit
de tous coftez , il est aisé de
s'imaginer quel affreux Spectacle
offroit cette trifte Ville abandonnée
au pillage . Cependant
la principale Mofquée , qui
avoit efté autrefois l'Eglife de
Saint Etienne , Roy de Hongrie
, fut préfervée de l'embrafement,
208
Hiftoire du Siege
>
fement , ainfi qu'un grand Magafin
, dans lequel eftoient quantité
de vivres , & un autre plein
de poudres . Ces deux Magalins
furent confervez par les foins
du Commiffaire Rabata qui
eut là - deffus beaucoup de conduite
& de vigilance . On perdit
prés de deux cens hommes
à l'Attaque de Lorraine , avec
le Marquis de Spinola , Colonel
d'un Regiment d'Infanterie . Il
y eut trois cens cinquante Soldats
tuez à celle de Baviere , à
caufe d'un Fourneau que les Ennemis
y firent jouër . Le Comte
de Tartembac fut auffi tué à
cette Attaque , & le Comte de
Zacco , Major du Regiment
d'Alpremont , y fut bleffé à
mort ainfi que le Sieur Mon-
.ticolli , Capitaine dans le meſme
>
Re
de Bude . 209
Regiment. Ceux de Brandebourg
ne perdirent que cent
hommes , & le nombre des Blef
fez ne fut que de quatre cens
dans toutes les trois Attaques .
11 y eut plus de trois mille hommes
tuez ce jour- là - du cofté des
Affiegez . On jetta les corps des
Turcs & des Juifs dans la Riviere
, & les Chretiens furent enterrez.
Le Lieutenant du Bacha
dit qu'au commencement du Siege
la Garnifon eftoit de dix mille
Janiffaires , fans compter les Juifs
& les Habitans capables de porter
les armes , qui faifoient encore
plus de cinq mille hommes.
L'Aga des Janiffaires &
le Mufthi demeurerent prifonniers
avec ce Lieutenant du Bacha
, & plufieurs autres Offciers.
L'Aga fut donné au Prince
Char
210 Hiftoire du Siege
Charles. Cette conqueſte eft
d'autant plus glorienfe , qu'elle
s'eft faite à la veuë de l'Armée
des Ottomans , qui fans ofer rien
tenter , ont laiffé prendre une
Ville auffi importante que Bude,
& dont ils eftoient en poffeffion
dépuis cent quarante-cinq ans.
On dit que lors qu'ils connurent
que les Chreftiens y eftoient entrez
, ils s'arracherent la barbe
de defefpoir , & fe jetterent par
terre. Le foir ils fe retirerent à la
faveur de la nuit .
dans la Place trois à
On a trouvé
quatre cens
dont il dont y en
pieces de Canon ,
a quantité d'un fort grand calibre
, avec foixante Mortiers,
& un nombre incroyable de Boulets
, de Grenades , de Carcaffes ,
de Bombes , & d'autres Machines
de Guerre. On fit environ
deux
de Bude. 211
deux mille prifonniers , & l'on
prit plus de cent Juifs qui s'eftoient
refugiez dans leur Synagogue.
Le Prince Charles fit tout
ce qu'on peut attendre d'un
grand & experimenté Capitaine,
donnant les ordres par tout où
fa prefence eftoit neceffaire , &
n'oubliant rien de ce qui pouvoit
contribuer à l'heureux fuccés
de cette grande journée . L'Electeur
de Baviere s'y acquit
beaucoup de gloire , & fit
roiftre combien il eft intrepide
par la maniere dont il s'expofa
au feu. Tous les Volontaires
chercherent à fe fignaler à l'envy
les uns des autres , & le Prince
de Commercy donna d'éclatantes
marques de valeur &
de courage. Comme ils pouvoient
fe trouver par tout , le
pa-
Mar
212
Hiftoire du Siege
allerent
Marquis de Blanchefort , & le
Marquis de Souvray
dans tous les Poftes où le peril
eftoit le plus apparent. C'eſt ce
qu'ils avoient déja fait pendant
tout le Siege, n'ayant laiffé échaper
aucune occafion , quelque
dangereufe quelle fuft , fans y
courir avec une ardeur qui ne
fe peut exprimer. Le Prince
Louis de Bade receut un coup
de Moufquet qui luy éfleura la
chair. Il monta un des premiers
à l'affaut , & anima les Soldats
par fa valeur . Le Prince Euge
ne de Savoye , qui eft fon Coufin
Germain , ne fe diftingua
pas
moins. Il avoit cfté deftiné
à l'Eglife , mais le Chevalier de
Savoye , fon Frere , qui commandoit
un Regiment de Dragons
au fervice de l'Empereur,
eftant
de Bude .
2137
eftant mort au Siege de Vienne,
il refolut de quitter l'Etat Ecclefiaftique
, & s'eftant rendu en
pofte à ce mefme Siege aprés a--
voir efté faluër S. M. I. qui étoit '
à Lints , il s'y fignala , & acheva
la Campagne en qualité de Volontaire
, âgé feulement de dixneuf
ans. L'Empereur voulant
reconnoiftre la valeur de ce jeune
Prince , luy donna un Regiment
de Dragons , à la tefte duquel
il fervit la Campagne fui- :
vante , & fit des chofes au delà !
de fon âge à la prife de Strigonie,
& au premier Siege de Bude , où
il fut bleffé d'un coup de Moufquet
au bras. Aprés la Campa
gne, il alla voir le Duc de Savoye
Chef de fa Maifon , qui le receut
avec toutes les marques d'honneur
deuës à ſa naiffance & à fon
me
214 Hiftoire du Siege
merite. Il paffa de là à Veniſe , revint
à la Cour de l'Empereur , &
fe trouva àla Prife de Neuhaufel
& autres Places . Au retour.
de cette Campagne , quoy qu'il
n'euft alors que vingt & un an,
l'Empereur le fit General Major.
de fes Troupes fur la fin de l'année
derniere . Le Siege de Bude
ayant efté refolu , il fe rendit au
Camp des Impériaux pour y faire
les fonctions de cet employ , dont
il s'eft acquité avec toute la gloire
poffible.
Si-toft
que
la Place
eut eſté
prife
, le Prince
Antoine
de Neubourg
, Grand
Maiftre
de l'Or.
dre Teutonique
, & le Prince
de Commercy
partirent
pour
en
apporter
la nouvelle
, l'un à l'Empereur
, & l'autre
à l'Imperatrice
.
Doüairiere
, le Comte
de Sherini
,
de Bude. 215
rini , dépefché par l'Electeur de
Baviere , l'apporta à l'Electrice fa
Femme. Le Comte de Konigfeeck
fut auffi dépeſché par le
Prince Charles avec le grand
Drapeau des Turcs trouvé dans
Bude qu'il apporta au Prince Hereditaire
Imperial .
Le 3. le Prince Charles & les
Generaux vinrent au Quartier
de l'Electeur de Baviere , où le
Te Deum fut chanté au bruit des
Trompettes , des Timbales , &
des Canons , dont on fit faire trois
décharges autour des Lignes. On
mit auffi le feu aux Bombes qu'on
y avoit enterrées pour les Ennemis,
s'ils euffent ofé entreprendre
de les
attaquer.
Le 6. toute l'Armée partit en
bon ordre pour marcher du cofté
du Pont d'Effeck. On laiffa
dans
216 Hiftoire du Siege de Dude.
dans Bude les Regimens d'In-1
fanterie de Beck , de Salme &
de Diepenthal , avec des détachemens
des Alliez fous le
Commandement du Baron de
Beck .
F I
DU SIEGE
DE BUD E.
OUS avons vu en
moins d'une annéedeux
chofes fi remarquables ,
l'une en France , & l'autre
en Hongrie , qu'il eft impoffible
qu'elles ne paffent jufqu'à la
pofterité la plus éloignée , puifque
plufieurs fiecles enſemble ne
fourniffent pas quelquefois des
actions d'un fi grand éclat. Tout
A
Hiftoire du Siege
l'Empire Ottoman employoit fes
foins & fes principales forces à
empefcher que l'on ne prît Bude,
parce que cette Ville peut ouvrir
le paffage jufques à Conftantinople
, & qu'il eft malaisé que le
Royaume de Hongrie dont elle
eft la Capitale , ne foit pasfoumis
à la domination de celuy qui
la poffede. C'eſt pour cela que les
Tures fe font toûjours attachez à
la conferver. Elle a foûtenu quatre
fieges depuis qu'ils en font les
maiſtres , & n'a efté prife qu'au
cinquième , qui eft celuy qui
vient d'eftre fait par l'Armée confedérée
des Chrétiens. L'Empereur
à qui tant de Troupes auxiliaires
jointes aux fiennes , ont
facilité cette Conquête , y va rétablir
la veritable Religion , pendant
que Sa Majefté fortifie cette
méme Religion dans huit cens
Villes
de Bude. 3
t
Villes ou Bourgs , d'où Elle a
chaffe la fauffe , que fept de fes
predeceffeurs n'avoient pû détruire.
Ces deux Nouvelles ayant
donné au Pape la plus fenfible
joye qu'il ait receue depuis fon
Exaltation au Pontificat , il a ordonné
de femblables remerciemens
à Dieu , & d'égales rejoüiffances
dans Rome, pour des actions
qui font du plus grand merite au
prés du S. Siege. On n'y a parlé
jufqu'à la prife de Bude , que de
ce que l'Eglife doit au Roy de
France , & depuis la Conquête
de cette importante Place, on n'y
parle que de l'une & de l'autre
action, & on les regardes comme
les deux plus grands Triomphes
que l'Eglife pouvoit remporter.
Je vous ay entretenue de l'une
pendant plufieurs mois , il faut
vous entretenir de l'autre ; mais
A ij
4 Hiftoire
du Siege
pour le faire avec un peu d'ordre ,
je croy qu'il fera bon de vous expliquer
en peu de mots comment
la Ville de Bude a paffé au pouvoir
des Ottomans.
Louis II. dit le Jeune , Roy de
Hongrie , ayant pery en 1526. à
la bataille de Mohacs , Jean de
Zapol , Comte de Scepus , Vaivode
de Tranfilvanie fut falué
Roy par une partie des Hongrois.
L'autre élut Ferdinand Roy de
Boheme , qui avoit époufé Anne ,
Soeur du defunt Roy Loiys . Ferdinand
affifté des forces de l'Empereur
Charle Quint fon frere ,
alla droit à Bude , dont il fe fai fit
en ayant chaffe Jean de Zapol , qui
par diverfes pratiques qu'il eut à
la Porte , vint enfin à bout de faire
venir Soliman à fon fecours . Solyman
eftant entré dans la Hongrie
avec de puiffantes forces en 1529.
marcha
de Bude.
5
€
C
marcha vers Bude , la prit & retablit
le Roy Jean dans fon Eftat.
Ce dernier pour s'y maintenir
fans trouble , fit un accord avec
Ferdinand , par lequel il devoit
jour du Royaume de Hongrie
jufques à fa mort , à condition
que Ferdinand , ou l'un de fes
Fils , luy fuccederoit , & comme
il fe pouvoit faire que Jean venant
à fe marier auroit des enfans
, il fut arrefté que s'il avoit
un Fils , ce Fils feroit Prince de
Tranfilvanie, & poffederoit toutes
les terres , Villes & Chateaux
qui avoient appartenu à Jean avant
que les Hongrois l'euffent
fait leur Roy. Ce Traité eftant
conclu, il fe maria avec Elifabeth.
fille de Sigifmond Roy de Polog.
ne, & mourut prefque auffi - toft ,
laiffant au berceau un Fils qu'il
en eut. Quelques- uns mirent la
A iij
6 .
Hiftoire du Siege
Couronne fur la tefte de l'Enfant
le jour qu'il fut baptifé , & Ferdinand
ayant demandé à Elifabeth
l'execution du Traité fait
avec le Royfon Mary cette malheureufe
Reyne qui fut avertie
qu'il preparoit une Armée pour
la contraindre à l'obeïffance , envoya
des Ambaffadeurs à Solimã .
Ils en furent bien receus , & en
rapporterent une Robe d'écarlate
en broderie , une maffe de fer
avec le pommeau & la poignée
d'or , & un cimeterre dont le fourreau
eftoit tout femé de pierreries
, pour marque de fon amitié
& de fa protection . En mefme
temps Solyman donna fes ordres
pour faire fecourir Elifabeth fi
elle eftoit attaquée , & Guillaume
Rocandolph, General des Troupes
de Ferdinand , ayant commencé
le Siege de Bude , Mahomet Bacha
de Bude ..
7
cha , & Mahomet Sangiac de
Belgrade , pour obeir à leur Empereur
, marcherent vers cette
Place avec toute la diligence poffible
. Rocandolph remüa fon
Camp à leur arrivée . Il le mit au
pied du Mont S. Girard . Le Sangiac
de Belgrade alla camper fur
les cofteaux de la Plaine qui s'étend
depuis ce Mont le long du
Danube pour enfermer les Chreftiens,
& Mahomet Bacha campa
d'un autre cofté , & fi prés de
Rocandolph , que les Tentes de
l'une & de l'autre Armée n'étoient
éloignées que d'une demie
lieuë. Il y eut de legers combats
entre les deux Camps , avec des
fuccez , tantoft favorables pour
l'un des partis , & tantoft pour
l'autre ; mais enfin Rocandolph
ayant appris que Solyman venoit
luy- mefme appuyer les deffeins
A iiij
8
Hiftoire du Siege
de fes Generaux à la tefte de
deux- cens mille hommes , jugea à
propos de fe retirer . Les Turcs
avertis de fon deffein l'attaquerent
dans fa retraite , & plus de
vingt mille Chrêtiens demeurerent
fur la place . La levée du Siege
n'empefcha pas Solyman de
pourfuivre fon voyage , & de venir
jufque devant Bude . Il envoya
de là affurer la Reine Elifabeth
de fa bienveillance ; & la fit
prier de fatisfaire l'envie qu'il
avoit de voir le jeune Eftienne
fon Fils. Elifabeth trouvant dangereux
de le refufer , parce que
c'eût été marquer de la défiance ,
& irriter un Prince puiffant, l'envoya
au Camp de Solyman , avec
les principaux Seigneurs de fa
Cour. Le Turc le receut avec
beaucoup de careffes , & le fit
loger avec Bajazet & Selim fes
Fils ,
de Bude.
Fils , qu'il avoit eus de Roxelane .
Les Bachas traiterent magnifiquement
les Seigneurs Hongrois
qui avoient accompagné leur
jeune Roy , & cependant les Janiffaires
de Solyman qui avoient
fes ordres , eftant entrez dans la
Ville comme amis , fe répandirent
par tout fous pretexte de
confiderer la beauté des Bâtimens
, & fe voyant affez forts
pour executer leur entreprife , ils
fe faifirent de toutes les Places ,
forcerent les Gardes des Portes
qui ne foupçonnoient point cette
trahifon , & les ouvrirent à quelques
Troupes qu'on avoit fait
avancer. Enfuite on commanda
aux Bourgeois de rendre les armes
, & ce fut ainfi que Solyman
s'empara de Bude , fans qu'il en
coutât le fang d'un feul homme .
Cela arriva en 1541. Apres un
•
A V
Hiftoire du Siege
évenement fi favorable , l'Empereur
Turc tint confeil , & l'on
y
mit en deliberation s'il retiendroit
le Royaume de Hongrie,
ou s'il le rendroit au jeune Roy.
Mahomet Bacha eftoit d'avis que
Solyman le menaſt à Conſtantinople
avec les Seigneurs Hongrois
qu'il avoit entre fes mains ,
& qu'il mift à Bude un Gouverneur
qui ufant de moderation ,
apprit à ce Peuple à fe foumettre
au joug Ottoman . Ruftan
, Gendre de l'Empereur &
de Roxelane , luy voulut perfuader
de garder ſa foy , qu'il ne
pouvoit violer fans honte , & le
Sangiac de Belgrade fut d'avis
qu'en reduifant la Hongrie en
Province , il fe delivraft par là
de la neceffité, où il pourroit eftre
encore de revenir de fi loin fecourir
une Femme & un Enfant.
Il
de Bude. I
Il luy reprefenta qu'ils ne pourroient
refifter aux forces Allemandes
que par le fecours de
celles de la Hauteffe , & que les
Guerres ne fe devant faire que
pour avoir le moyen de vivre en
paix , il eftoit de l'intereft du
Sultan fon Maiftre, de reduire en
Province un Royaume qu'il avoit
fi fouvent défendu ; qu'ainfi il
falloit renvoyer la Reyne en Pologne
à fon Pere Sigifmond , mener
le jeune Roy Eftienne à
Conftantinople pour l'y élever
dans la Loy Mahometane , faire
trancher la tefte à tous les
Seigneurs Hongrois prifonniers,
rafer leurs Fortereffes , tranfporter
une pattie des familles en
Afie , & tenir les autres dans le
devoir par de fortes Garnifons.
Soliman ne fuivit aucun de ces
avis. Il entra dans Bude, & aprés
avoir
12
Hiftoire du Siege
, avoir renverfé les Autels &
fait brifer toutes les Images de
l'Eglife Cathedrale pour la confacrer
felon les Superftitions Mahometanes
, il fit fortir Elifabeth
de la Ville , & l'obligea de ſe retirer
à Lippe avec fon Fils pour
gouverner la Transilvanie , l'affurant
qu'il le rétabliroit fur le
Trône quand il feroit dans un
âge plus avancé. Cependant il la
declara Tutrice de ce jeune Prince
dont il luy promit d'eftre le
Protecteur, & luy rendit Georges
Martinufius pour eftre Miniftre
de fes Eftats. Depuis ce temps-là
la Ville de Bude que les Allemans
appellent offen , eftoit toûjours
demeurée au pouvoir des Turcs.
Elle fut affiegée en 1598. fous
le Regne de Mahomet III . par
l'Archiduc Mathias . Il força le
Fauxbourg qui eft du cofté du
Da
de Bude . 13
1
I
Danube , & fe rendit maiſtre
du Fort bafty fur le Mont Saint
Girard , où il trova quatre- vingt
pieces de canon , mais il ne put
venir à bout de la Citadelle .
Elle fut & vigoureufement défendue
, que la mauvaiſe faifon
s'avançant , il fe vit contraint de
lever le Siege. Comme il n'abandonnoit
le deffein de faire
cette conquefte que par la confideration
de l'hyver , fi - toſt
qu'il vit le temps propre à l'entreprendre
, il ramena fon Armée
devant cette Place. Les
Turcs qui en apprehendoient
la perte , s'avancerent promptement
pour la fecourir. Ils furent
défaits , mais cette victoire qui
donnoit de fi grandes efperances
aux Princes Chreftiens qui attaquoient
Bude ne pût rien
diminuer de la fermeté des
,
Affie
14 Hiftoire du Siege
Affiegez à fe bien défendre .
L'Armée Chreftienne trouva
dans ce fecond Siege les mefmes
hommes , & la mefme refiftance
qui luy avoit fait quitter
le premier , & elle fe retira
encore une fois.
>
Apres la perte d'Albe - Royale
, repriſe en 1602. par les
Turcs qui l'avoient perduë
l'année precedente , le mefine
Archiduc Mathias , qui commandoit
une Armée de quarante
mille hommes , marcha pour
la troifiéme fois contre Bude.
La Ville - baffe ayant efté
facilement emportée , il affiegea
la haute , furprit la Ville de
Peft , & ces commencemens furent
fi heureux , qu'on ne douta
point qu'il ne vint à bout de
fon entrepriſe. Cependant toute
la valeur & la prévoyance
des
de Bude.
15
des Chreftiens ne put empefcher
que la Citadelle ne fût rafraîchie
d'hommes , de vivres &
de munitions . de Guerre ; ainfi
il fallut encore lever le Siège.
Charles de Gonzague , Duc de
Nevers , y fut bleffé d'un coup de
moufquet à l'épaule.
Le dernier Siege eft connu
de tout le monde. Il fut commencé
par le Prince Charles de
Lorraine le 14 de Juillet 1684.
& le fecours jetté dans la Place
, le mauvais eftat dés Troupes
, l'incommodité de la faifon
, & le hazard auquel on fe
feroit exposé en donnant un
affaut general , dans lequel on
auroit eu à combattre en meſme
temps & ceux de la Ville , &
le Seraskier qui n'eftoit pas éloigné
des Lignes , ayant fait
craindre un mauvais fuccez de
cette
16 Histoire du Siege
cette entrepriſe , l'Armée Chreftienne
fe retira le premier jour
de Septembre , fans eftre inquietée
par les Ennemis dans fa
retraite .
Je viens au cinquième Siege
de cette importante Place.
Rien n'eft plus difficile qu'u
ne Relation de cette nature ,
fur tout lors qu'un Siege a efté
long , qu'il a fait verfer beaucoup
de fang, & que l'évenement
en a efté attendu de toute
l'Europe. Comme dans celuy
que j'entreprens de décrire , le
nombre des Intereffez a efté
grand , & qu'il y a eu differens
quartiers de divers Souverains,
fans compter quantité de Volontaires
repandus de plufieurs
Nations, chacun voudroit qu'on
n'oubliaft rien de ce qui le regarde
, & c'est une exactitude
qui
de Bude.
17
,
qui eft entieremet impoffible.Cependant
s'il arrive qu'on ne parle
point d'une action d'un feul Volotaire
lors qu'il eft d'une qualité.
diftinguée, cela eft caufe que tous
ceux de la mefme Nation fe récrient
fur la fauffeté d'un ouvrage
, qui ne manque quelquefois
qu'en ces fortes de circonftances
qui ne meriteroient pas
qu'on s'en mift en peine . Il y en
a d'autres qui pouffent le point
d'honneur plus loing , & qui ne
voudroient pas qu'on marquaft
que ceux de leur Nation ont eu
fouvent du defavantage pendant
le cours du Siege , comme fi la
- Victoire qui couronne tous les
travaux par la priſe d'une Place,
& qui efface toutes les pertes,
pouvoit empécher que l'on n'euft
efté quelquefois batu avant le
triomphe. S'il ne faloit point
parler
18
Hiftoire du Siege
parler des de avantages du Vainqueur,
il faudroit feulement marquer
la Prife , & la Victoire &
ce ne feroit plus alors la Relation
d'un Siege , mais le détail de la
derniere action. Bien que l'on
foit affuré de la priſe de la Place
avant que d'écrire la premiere
ligne du Siege , & qu'on fçache
que ceux qui fe font venus rendre
aux Afliegeans ont dit la
plus - part des fauffetez , il faut
pourtant faire mention de ces
fauffetez ,quoy que dans le tems
qu'on les écrit , on les connoiffe
pour telles. Il faut mettre dans
un journal tout ce qui s'est fait
& tout ce qui s'eft dit , parce que
felon ces chofes ont voit les vraies
& les fauffes mefures qu'ont pris
tant les Affiegeans que les Affiegez.
C'eſt par là que la Pofterité
s'inftruit , & c'eft ce qui doit
donner
de Bude. 19
3:
donner des lumieres à ceux qui
en de pareilles occafions peuvent
un jour avoir des commandemens.
Ainfi quand je diray la
verité de ce qui s'eft paffe pendant
le cours du Siege de Bude
,je ne feray pas pour cela contre
les Allemans. Tout depend
de la derniere action , puifque
lors qu'on reuffit , on a toûjours
pris de juítes mefures. Je dois
dire à l'avantage de la France,
qu'une Place fans dehors , com-
I me celle que vient de reduire
l'Armée des Confederez, fe pourroit
compter prife d'abord
les François l'affiegeoient , puifqu'on
ne manque jamais de capituler
dés qu'ils ont pris les dehors
de quelque Place , & que
Bude n'en avoit point . Ils auroient
pû faire voir en cette occafion
ce qu'ils ont fouvent fait
, fi
éprou
20
Hiftoire du Siege
éprouver à plufieurs Villes , mais
l'Allemagne avoit trop connu
leur valeur en la fameufe journée
de S. Godard pour vouloir
donner lieu à d'autres qu'à fes
Sujets d'acquerir une auffi grande
gloire , & elle a mieux aimé
faire lentement cette Conquête,
quand mefme elle auroit deu
rifquer à ne la pas faire
,, que de
laiffer aux François les avantages
qu'ils font toûjours feurs de
remporter dans toutes leurs entrepriſes.
Comme le fuccés de
celle- cy paroiffoit douteux , elle
fut fort debatue au Confeil de
l'Empereur.Les fentimens étoient
partagez, & il y en avoit d'entierement
cotraires à l'avis du Prince
Charles de Lorraine , qui fouhaitoit
d'ouvrir la Campagne par
un Siege auffi confiderable que
celuy de Bude paroiffoit aux Allemans
.
de Bude. 21
lemans. Il avoit efté contraint
de le lever en 1684. & il croyoit
qu'il y alloit de fa gloire de reparer
par la prife de cette Place
qu'on jugeoit fi importante , le
malheur qu'il avoit eu l'affiegeant
inutilement. Il trouvoit l'occafion
favorable , & qu'il luy eftoit
facile d'acquerir beaucoup de
gloire , à moins qu'il n'euft toû
jours le mefme malheur , puis
qu'il devoit eftre fecondé dans
cette Expedition , non feulement
par les Troupes de l'Empire , mais
encore par celles de plufieurs
Souverains , dont il y en avoit
un tout remply de coeur , qui
vouloit commander les fiennes en
perfonne , & que ces Troupes
qui ne manquoient de rien , étoient
aguerries à l'exemple de
leur Chef , qui a déja fait voir
fon courage & fon intrepidité
en
22 Hiftoire du Siege
en plufieurs occafions . Ileft aisé
de juger que c'eft de l'Electeur
de Baviere que je parle. Outre
tout cela ,le Prince Charles voyoit
accourir en foule quantité d'illuftres
Volontaires de toutes les
Cours de l'Europe , parmi lefquels
eftoient beaucoup de François
qui fe trouvent toujours dans les
lieux où ils peuvent voir qu'il y
a de la gloire à acquerir. Ce n'étoit
pas encore tout ce qui foutenoit
l'efperance de ce Prince. Il
fçavoit que les liberalitez du Pape
fe répadoient à pleines mains,
pour faire fubfifter fes Troupes,
que chaque Souverain de l'Europe
fourniffoit des hommes , de
l'argent , ou des munitions pour
avancer le fuccés de fes deffeins,
& qu'enfin le Siege de Bude étoit
pluftoft l'entrepriſe de la
Chreftienté entiere,que de l'Empire.
de Bude.
23
pire. Comme tous ces avantages
pouvoient contribuer à fa.
gloire & le faire triompher , il
eftoit de ſes interefts de profiter
de l'occafion , puis que l'honneur
de remporter la Victoire , quoy
que deuë aux plus braves fujets
de tous les Souverains de l'Eurodevoit
réjaillir preſque fur
pe ,
luy feul.
Si ce Prince fouhaittoit avec
une extreme impatience qu'il luy
fuft permis d'affieger Bude , les
Turcs qui n'avoient point d'armée
en campagne , ne defiroient
pas avec moins d'ardeur de luy
voir former ce Siege . Celle des
Chreftiens eftoit puiffante , de
forte que l'on eftoit affeuré que
la Place qu'ils attaqueroient ne
pourroit refifter long- temps , ny
attendre le fecours , à moins
qu'on n'affiegeaft la plus forte, &
la
24 Hiftoire du Siege
la mieux remplie d'hommes , &
de munitions & tout cela fe
trouvant à Bude , les Turcs avoient
raiſon de fouhaiter qu'on
mift le Siege devant cette Place,
afin que la longue refiftace qu'elle
feroit, leur puft donner lieu de
preparer un puiffant fecours , &
de le faire mefme venir du fond
de la Turquie , s'il en eftoit befoin
. Michel Abaffi , Prince de
Tranfilvanie , qui eftoit de concert
avec eux fit entendre aux
Imperiaux qu'il fe declareroit
plus ouvertement en leur faveur,
files Ottomans n'eftoient plus
maiftres de Bude. Ainfi tout
contribua à cette entreprife,quoy
que le fuccez en fuft incertain,
parce que la Place , ainfi que la
fuite l'a fait voir , ne manquoit
ny de Soldats , ny de Chefs intrepides
& aguerris, ny d'argent,
2
ny
de Bude.
25
Ο
C
ny de toutes fortes de munitions.
D'ailleurs la forte & longue reſiſtance
que le Gouverneur avoit
faite pendant le dernier Siege
, devoit fervir de regle à celuy
à qui l'on en avoit commis
la défenfe , & comme il étoit
feur d'eftre étranglé s'il rendoit
la Place , il y avoit
apparence
qu'il la défendroit jufqu'à la derniere
extremité. Il y avoit auffi
lieu de prefumer pour plufieurs
raifons , que le grand Vizir venant
en perfonne , periroit plutoft
, que de ne la pas fecourir.
La deftinée de fes deux Predeceffeurs
le devoient engager à
cet effort , c'eftoit par la qu'il
pouvoit fe monftrer digne du
choix qu'on venoit de faire en
Il'élevant à la dignité où il fe
voyoit. Il avoit eu l'adreffe de
fe faire mettre . en la place de
B
16
Hiftoire du Siege
fon Predeceffeur, & il avoit commandé
une Armée contre la Pologne
avec affez de fuccés pour
faire attendre de plus grandes
chofes de luy , quand il feroit à
la tefte d'un plus grand nombre
de Troupes , & cependant c'eft
luy qui eft caufe que l'on a pris
Bude.
Quelque nombreuse que foit
une Armée devant une Place, &
quelque fortifiée qu'elle foit , il eft
prefque impoffible ( & c'eft ce
qu'on n'a prefque point vû depuis
plufieurs ficcles) qu'elle empefche
une Armée Royale de fecourir
la Place affiegée lors que
cette Armée a pu faire affez de
diligence pour arriver avant la
prife de la Ville qu'elle a voulu
delivrer d'un fiege . C'est pour ceque
dans la plufpart des capitulations
, les Villes affiegées metla
tent
de Bude.
27
tent qu'elles fe rendront au jour
dont on convient, pourveu qu'avant
ce jour-là il n'arrive point
d'Armée Royale pour les fecourir.
Il eft enfin conftant que de
vingt Armées qui ont donné
dans des Lignes pour les forcer,
quoy que défenduës par un plus
grand nombre de Troupes , dixneuf
y ont réuffi. La raifon en
eft facile à comprendre. Une Armée
,, quoy que tres -nombreuſe,
qui entoure une Place, peut eftre
forcée par une plus foible , parce
qu'elle eft obligée d'occuper plufieurs
lieues de terrain autour de
la Place qu'elle affiege, & quainfi
chaque quartier eft peu garny
de Troupe , au lieu que l'Armée
qui attaque eft toute raf
femblée en un corps , ce qui la
rend beaucoup plus forte. Celle
qui eft dans les lignes pour-
Bij
28 Hiftoire du Siege
roit faire la mefme chofe , &
unir auffi toutes les forces pour
défendre l'endroit par lequel elle
eft attaquée , mais quand ceux
qui la veulent forcer font habiles
, ils donnent de fauffes attaques
fi à propos qu'on n'ofe dégarnir
aucun Pofte , parce qu'on
ne peut deviner la veritable at
taque. Ainfi l'Armée qui veut
paffer dans une Place , & qui
prend toutes les mesures qu'il
faut pour cela , cela , ne trouvant que
les Troupes d'un feul quartier
à combattre , les forces , aidée
de la Garniſon qui en ce rencontre
ne manque jamais de vigoureufes
forties. Ceft par là que
les Villes affiegées qui ont be
foin d'eftre fecouruës , le font
toujours, quand les Armées qu'on
veut employer pour ce fecours,
arrivent affez à temps . Le Grand
•
Vizir
de Bude. 29
Vizir au lieu de fe fervir de
tous ces avantages , a fait quan
tité de fautes , & elles ont efté
caufe de la prife de la Place
qu'il auroit pû fecourir. Il a fait
batre plufieurs fois fes meilleures
Troupes en détail , ce qui
ne pouvoit manquer d'arriver ,
puifque les corps qu'il envoyoit
eftoient moins forts que toute
Farmée qu'ils avoient à combatre.
Il a laiffé le temps de connoiſtre
que celle qu'il amenoit,
eftoit moins nombreuſe qu'on
n'avoit crû. Il a fait rallentir la
chaleur de fes Troupes , en les
faifant battre trop fouvent , & en
sobftinant à ne pas attaquer les
lignes avec toute fon Armée . Il
a par la frequente défaite de ces
mefmes Troupes rehauffé le courage
des Chreftiens. Il leur a
donné le temps de faire venir
Bij
30
Hiftoire du Siege
le General Scheffemberg avec
les fiennes , qui n'eſtant rebutées
par aucun affaut , ont emporté
la Place ; il eſt cauſe de
la mort du Gouverneur , & de
perte de tout ce qui reftoit
de bonnes Troupes dans Bude,
parce que fi fa preſence n'euft
pas fait efperer un
la
prompt
& vigoureux fecours , on auroit
capitulé lors qu'on auroit
crû n'eftre plus en eftat de fe
défendre. Ainfi fa prefence a
donné aux Affiegeans une Vitoire
, & plus grande , & plus
complette . Elle a fait voir le
peu
de valeur , & le petit nombre
des Troupes Ottomanes
que le peu d'experience de fes
Chefs. Elle a caufé les pertes
que les Troupes ont faites depuis
la prife de Bude , & qui entraifneront
celles qui les doivent
fuivre .
•
>
ainfi
de Bude.
31
e
fuivre. Elle a donné du coeur
aux Victorieux ; elle a ofté la
terreur qui depuis long - temps
faifoit apprehender l'Empire Ot-
& fera caufe qu'aucu- toman
ne Place forte ne ſe défendra autant
qu'elle pourroit faire quand
elle fera affiegée , de crainte
d'éprouver le fort de Neuhaufel
& de Bude .
Toute l'Europe eſtoit attentive
fur l'entreprife par laquelle
les Imperiaux feroient cette année
l'ouverture de la Campagne.
L'Electeur de Baviere eſtant
arrivé à Neuftadt le vingtiéme
de May , l'Empereur y tint plufieurs
fois confeil de guerre avec
les Officiers generaux &
ſes Miniftres. On y propofa le
fiege d'Albe Royale , auquel il
y eut quantité d'avis contraires .
-
B üij
32 Hiftoire du Siege
pes
·
On reprefentoit que les Troueftant
fraifches , & l'Artillerie
en bon eftat , il feroit beaucoup
plus avantageux d'attaquer
Bude. On convenoit que ce Siege
ne fe pouvoit faire fans beaucoup
de peine , à caufe que les
fortifications en avoient efté
tres bien rétablies , & qu'on
y avoit ajouté quelques ouvrages
pour en fortifier les dehors
le long du Danube jufqu'à la
Montagne.On fçavoit encore que
le Foffe avoit efté aprofondy de
l'autre coſté de la Ville , que
avoit contreminé les endroits où
les Imperiaux avoient preparé
des mines lors qu'ils l'affiegerent
en 1684. qu'il y avoit de fauffes
portes pour faire des forties par
deffous , & qu'on avoit dépavé
les rues , ofté les toits , & fait
couvrir de terre toutes les maifons
,
l'on
de Bude.
33
C
3
fons , afin d'empefcher l'effet des
Bombes & des Carcaffes. Des
Deferteurs avoient auffi rapporté
qu'il y avoit dans la Place des
munitions de guerre & de bouche
, pour foutenir un Siege de
plus de fix mois ,,
que la garnifon
eftoit de plus de dix mille
hommes choifis entre les Janiffaires
& les Spahis , & que le
1 Bacha Abdi qui commandoit
dans la Place , eftoit un homme
tres - confommé dans le meftier
de la Guerre , qui avoit fous luy
fix autres Officiers fort experimenteż.
On balança toutes ces
raifons , & elles ne furent point
affez fortes pour empêcher qu'on
ne refoluft d'affieger Bude. Le
rendez vous general fut donné
aux Troupes pour le 29. de
ce mefme mois à la referve de
celles de Brandebourg , qui tra-
·
B v
34 Hiftoire du Siege
verfant la Silefie de fort mau
par
vais chemins, ne pouvoient marcher
qu'à petites journées. Il fut
arrefté fuivant la divifion qui
s'en fit que la grande Armée
que commanderoit le Prince
Charles de Lorraine , feroit de
cinquante- huit à foixante mille
hommes , fçavoir de quinze mille
hommes d'Infanterie Allemande
, de quatorze mille Chevaux
& Dragons Allemans , des Troupes
auxiliaires de Saxe , de Brandebourg
, & de Suabe , & de
quatre mille Hongrois , & que
l'Armée dont l'Electeur de Baviere
auroit le commandement ,
feroit compofée de douze mille
Fantaffins Allemans , de dix
mille Chevaux auffi Allemans
des Troupes de cet Electeur ,
& de celles des Cercles de Baviere
& de Franconie , & de
troisde
Bude..
35
+
trois- mille Hongrois . Dans l'Armée
du Prince Charles les
Comtes de Caprara & de Staremberg
furent nommez Marefchaux
de Camp Generaux ;
le Duc de Croy General d'Infanterie
, le Prince Louis de
Neubourg , & le Comte de Suze
Lieutenans Generaux ; les
Barons de Thingen & de Thun,
& le Marquis de Nigrelli Sergeans
Majors de Bataille ; les
Comtes de Schults & de Dunevald
Generaux de Cavalerie ;
les Comtes de Taff , & de Palfi
, & le Baron de Mercy Lieutenans
Generaux ; le Prince Eugene
de Savoye qui eftoit arrivé
d'Efpagne en pofte depuis
peu de jours , le Comte Philippe
de Thaun , le Baron de Lodron,
& le Comte de Stirum Sergeans
Majors de Bataille .
Le
Comte
36
Hiftoire
du Siege
Comte de Leſlie fut fait Maref
chal de Camp General de l'Armée
de l'Electeur de Baviere ; le
Comte de Sherini General d'Infanterie
, le Marquis de la Verne
& le Comte de Schaffemberg
Lieutenans Generaux, & les Barons
de Wallis & de Berk , &
le Comte d'Afpremont Majors
Generaux . Il fut auffi arrefté que
le Comte de Scherffemberg demeureroit
en Tranfilvanie , &
le Comte Caraffa vers Zatmar
avec les détachemens qu'ils y
commandoient pour la confervation
des Conqueftes nouvellement
faites. Quelques accés.
de fievre qui retinrent le Prince
Charles à Edembourg , l'ayant
empéché d'aller fe mettre à la tête
des Troupes dont on devoit
faire le 29. une reveue Generale
dans les Plaines de Barcam , elle
fut
de Bude.
37
fut remife au 8. de Juin. Ce Prince
partit d'Edembourg le 20.
après avoir eu une longue conference
avec l'Electeur de Baviere
, qui fe rendit à Neuſtadt
le lendemain pour en rendre
compte à l'Empereur. Cependant
tout le trajet du Danube
depuis Ratisbonne jufqu'à Presbourg
eftoit couvert de Barques
& autres petits Vaiffeaux chargez
de munitions & de vivres, & des
Troupes de Baviere , de Franconie
& de Suabe qui defcendoient
vers la Hongrie. Jamais entrepriſe
n'a efté executée avec tant de
joye. On fe preparoit au Siege
de Bude avec un courage & une
ardeur qui ne fe peut exprimer.
Les Volontaires accouroient , de
France, d'Espagne , d'Angleterre,
d'Allemagne & de tous les endroits
de la Chrêtienté , & le
Duc
E
38 Hiftoire du Siege
Duc de Bejar Grand d'Eſpagne,
vint joindre à Vienne le Marquis
de Valero fon frere , qui s'y
eftoit déja rendu avec quelques
autres. Le 29. le Prince Loüis
de Bade partit de Neuftadt en
pofte pour aller joindre l'Electeur
de Baviere , & le Prince
Charles s'y eſtant rendu de Raab
le premier de Juin pour prendre
congé de Sa Majefté Imperiale,
reprit la route de Hongrie , accompagné
du Comte Stratman,
Grand Chancelier. Le 5. il arriva
à Comorrhe , où l'Electeur de
Baviere avoit efté receu deux
jours auparavant au bruit du
Canon & de la Moufqueterie. Ils
en partirent enſemble pour aller
au rendez - vous general. Le Prince
Charles y trouva les Troupes
dont l'Armée Imperiale devoit
eftre compofée. Elles avoient eſté
affem
A
de Bude.
39
affemblées proche de Barkam ,
par les foins du Comte de Staremberg.
On ne peut s'imaginer
la joyé qu'elles témoignerent en
voyant leur General . Il fut aisé
de connoître par toutes les marques
qu'elles en donnerent l'impatience
que chacun avoit de
marcher fous fa conduite . Les
Troupes de Saxe eſtant arrivées
au nombre de mille Chevaux
, & de quatre mille hommes
d'Infanterie , le Prince de
Saxe qui les commandoit , envoya
prier le Prince Charles
de les venir voir. Ce Prince
en fit la reveuë , & alla enfuite
difner dans la Tente de l'Electeur
de Baviere , qui luy fit voir les
fiennes rangées en bataille . I
retourna de là à Comorre pour
quelques ordres qu'il avoit à y
donner. Cependant les Troupes
du
40 Hiftoire du Siege
du Cercle de Suabe , commandées
par le Marquis de Bade-
Dourlach , joignirent l'Armée.
Elles étoient de trois mille hommes
de pied , & de trois mille
Chevaux. On intercepta des
Lettres , par lesquelles on apprit
, que le Grand- Viſir eſtoit
venu à Belgrade , qu'il avoit
donné le commandement en
Chef de l'Armée Ottomane en
Hongrie à Achmet Bacha , auquel
il avoit laiffé des ordres
particuliers , de ne rien épargner
pour la confervation de
Bude & d'Effek comme des
deux Places qui leur eftoient les
plus importantes , & qui faifoient
la feureté de toutes celles
qui leur reftoient dans le Royaume,
& qu'il eftoit enſuite retourné
à Andrinople avec une extreme
diligence. On fçeut auffi
›
par
de Bude. 41
par les Efpions que l'on avoit
envoyez pour reconnoiftre les
forces des Turcs , qu'ils ne pouvoient
mettre au plus que quarante
mille hommes en Campagne
, & que les Troupes d'Afie
avoient pour la plufpart deferté
dans leur marche d'Andrinople
à Belgrade. Les Huffars de Papa,
Dotis , Vefprin & Comorre allerent
en courſe au nombre de
quinze cens jufqu'à quatre lieuës
plus bas que Bude , & jufqu'à
deux lieues du Camp que les
Turcs avoient formé entre cette
Ville & le Pont d'Effeck . Ils emmenerent
prés de deux mille
moutons , deux cens boeufs , &
quantité de chevaux , fans avoir
trouvé perfonne qui leur difputaft
tout ce butin.
9 .
Le le Confeil de guerre fut
tenu au Camp , où tous les Officiers
42 Hiftoire du Siege
ciers Generaux s'eftoient affemblez.
Le Comte Stratman s'y
trouva de la part de Sa Majesté
Imperiale . On leur fit part de ce
qu'on avoit refolu touchant le
Siege de Bude , & deux jours
aprés le Comte de Stratman partit
pour Vienne , où il rendit
compte à l'Empereur de tout ce
qui s'eftoit paffé dans ce Confeil
. Le Comte Rabata , Commif
faire general , s'en retourna auffi
à Vienne , afin de donner ſes ordres
pour faire venir inceffamment
les vivres & les munitions
neceffaires.
Le 12. le Prince Charles partit
de Comorre , & fe rendit au
Camp de Barkan . L'Electeur de
Baviere l'y joignit le lendemain ,
& aprés que l'on eut fait une Reveuë
generale des Troupes , on
commença à leur faire paffer le
Da
de Bude.
43
9
Danube fur le Pont de Gran.
Celles de Saxe marcherent à l'Avant-
garde. L'Electeur de Baviere
partit à la tefte d'un Corps
d'Armée de vingt quatre mille
hommes , compofé des Troupes
Bavaroifes , & de plufieurs Regimens
Imperiaux , & prit fa mar
che en deçà de la Riviere. I
s'avança vers Hatwan , dans le
deffein de s'en rendre Maistre ,
& d'attaquer Peft enfuite. La
priſe de ces deux Places , dont la
derniere n'eft feparée de Bude
que par le Danube , devoit empefcher
les Ennemis d'avoir aut
cune communication entre Bude
& Agria. Le 14. les Défilez,
& la difficulté des chemins qu'il
fallut élargir en plufieurs endroits
, pour les rendre pratiquables
, ayant obligé l'Infanterie à
demeurer derriere avec l'Artillerie,
44 Hiftoire du Siege
lerie , le Prince Charles la laiffa
fous la conduite du Comte de
Staremberg , & s'avança vers
Vicegrad , du côté droit du Danube
, tandis que l'Electeur de
Baviere continuoit fa marche de
l'autre cofté , à une diſtance égale
, en forte que les deux Armées
euffent pû fe fecourir reciproquement
en cas de befoin .
Le 15.
la Cavalerie Imperiale
campa à Poftkamp , & le lendemain
à Saint André. L'Electeur
de Baviere marcha toûjours fous
une meſme ligne , n'ayant que le
Danube entre deux , & vint
le 16. camper à Weitzen. Les Ennemis
qui les pouvoient découvrir
des Ramparts de Bude des
deux coftez de ce Fleuve , ne firent
aucun mouvement pour les
venir reconnoiftre. On fceut par
quelques Turcs qui furent pris
pen
de Bude.
45
pendant cette marche , que le
Commandant de Bude ne s'attendoit
point à voir fa Place affiegée
que dans la croyance
que l'Armée Chreftienne attaqueroit
Agria ou Albe Royale,
on les avoit munies de bonnes
Garnifons & de quantité de vivres
, & qu'on en avort tranf
porté à Bude la pluſpart des richeffes
& des plus beaux meubles
des Officiers & des Bourgeois
, avec les femmes , les enfans
, & les bouches inutiles ; que
fur l'avis que ce Commandant
avoit receu qu'on venoit à luy,
il avoit envoyé demander des
Troupes à ceux des Places voifines
pour en renforcer fa Garnifon
, mais qu'il n'y avoit pas
d'apparence qu'on luy en puft
envoyer avant que les Princes
eunent inveſty la Place . Certe
Gar
46 Hiftoire du Siege
Garnifon ne laiffoit pas d'eftre
forte, puis qu'elle eftoit de douze
mille hommes de pied & trois
mille Chevaux , à ce qu'on aprit
de ces mefmes prifonniers. ,
Le 17. la Cavalerie fe repofa
dans le mefme campement afin
d'attendre que l'Infanterie fuft
arrivée , & l'on fit defcendre les
Bateaux dont on fe devoit fervir
pour conftruire un Pont à faire
paffer le Corps d'Armée de l'E
lecteur de Baviere. Ce Prince
qui defcendoit à gauche du
Fleuve s'empara de Peft , d'où
la garnifon Turque s'eftoit retirée
, aprés avoir fait fauter une
partie des murailles , & tiré de
la Place les munitions & les vivres.
Elle avoit enfuite rompu le
Pont qui luy donnoit communication
avec Bude , mais elle ne
put fi bien faire fa retraite,
qu'un
de Bude.
47
qu'un Aga ne tombaft entre les
mains des Bavarois avec trente
Janiffaires. Son Alteffe Electorale,
ayant laiffé garnifon dan Peft
& donné les ordres pour en reparer
les fortifications , détacha
le Comte de Steinaw avec fix
mille hommes pour aller attar
quer Hatwan , & fe mit en marche
vers l'ifte de S. André pour
paffer le Danube fur les Ponts
que l'on devoit y avoir dieffez,
& fe trouver au Camp devanţ
Bude. Le Prince Charles y étoit
arrivé le 18 & ce mefme jour
toute l'Infanterie ayant joint
l'Armée , il luy fit prendre des
poftes à demie lieuë de la Place,
La Cavalerie les prit de l'autre
cofté vers Albe Royale , & l'on
commença à travailler aux lignes
de circonvallation . Pendant ce
temps il fut tiré des Rempars
plu
48
Hiftoire du Siege
plufieurs volées de Cañon , dont
tout l'effet fut de tuer un Païfan
. On vit auffi paroiftre un detachement
de Cavalerie & d'Infanterie
de la Garnifon de Bude
qui fe prefenta pour embaraffer
les Travailleurs , mais il fe retira
prefque auffi- toft , ne fe trouvant
pas en eftat de foutenir un
gros de Cavalerie Imperiale qui
fe preparoit à le charger . L'avantgarde
du détachement que le
Prince Charles avoit envoyé
pour inveftir la Place, enleva un
Chaoux avec vingt Turcs de
quarante qui l'eſcortoient . Il venoit
de Belgrade, & apportoit des
Lettres au Bacha de Bude . Elles
confirmoient que l'Armée Ottomane
feroit commandée par Achmet
Bacha & que le Grand-
Vifir avoit eu ordre de fe rendre
promptement auprés de fa
Hauteffe
>
>
de Bude. 49
Hauteffe qui eftoit allée à Conftantinople.
Le 19. on ferra la Place de tous
les coftez par où elle eft acceffible
, & le Quartier general fut
étably à un quart de lieuë , avec
quelques Regimens d'Infanterie .
Le lendemain les Affiegez ayant
fait une fortie de trois cens Chevaux
foûtenus d'un pareil nombre
de Janiffaires , il y eut quel
que
Efcarmouche , mais elle fut
de peu de durée , parce qu'ils fe
tinrent toûjours fous le Canon
de la Place , fans qu'on les puft
attirer plus loin . Le Comte d'Altheim
y fut bleffé. Ce mefme
jour on commença d'ouvrir les
Lignes de circonvallation , & de
tracer les premieres Places d'Armes.
On marqua auffi trois Batteries
, & autant d'épaulemens
pour tenir à couvert la Cavalerie
C
50 Hiftoire du Siege
,
dont les Travailleurs devoient
eftre foûtenus dans les approches.
Sur le foir , le Comte de
Staremberg receut ordre d'aller
fe pofter proche les Bains afin
d'attaquer le Vafferftadt ou la
Ville baffe contre laquelle on
drefla deux Batteries du cofté
qui defcend vers le Danube. I
fit ouvrir la Tranchée , & on la
pouffa affez avant. Le Bacha de
Bude trouvant à propos de fe
défaire de beaucoup de bouches
inutiles >
donna la liberté
à tous les Chreftiens .
que
l'on trouva incapables de porter
les armes , & l'on fceut par
eux , qu'ayant affemblé la Garnifon
dans la grande Place , il
leur avoit leu les ordres du
Grand Seigneur qui les exhortoit
à refifter vigoureufement;
qu'il avoit enfuite défendu aux
Sol
de Bude.
51
X
1 Soldats & aux Habitans fous
peine de la vie de parler de Capitulation
, & que s'il arrivoit
qu'il fut tué en leur donnant
l'exemple de fe bien défendre,
on avoit nommé quatre Bachas
qui devoient l'un aprés l'autre
prendre le Commandement.
Le 21. les Bavarois commencerent
à paffer le Danube fur le
Pont de Bateaux de l'Ile de
S. André , & ce jour là fut employé
à ranger les Bagages dans
les Lignes , & à divifer les Troupes
par Eſcadrons & par Batail-
Ilons , afin de faire la diftinction
des Quartiers. Le Prince Charles
occupa les mefmes Poftes qu'il
avoit pris dans le dernier Siege.
L'Electeur de Baviere fit la mefme
chofe , & vint fe camper au
pied du Mont S. Gerard .
Le 22. on dreffa une nou-
Cij
52 Hiftoire du Siege
velle Batterie de fix pieces de
Canon contre la Ville baffe , &
l'on commença en mefme temps
à travailler aux Tranchées par
l'ouverture de trois grandes Places
d'Armes ; beaucoup plus prés
de la Ville que l'on n'avoit fait
en 1684. Il fut refolu qu'il y au
roit trois Attaques ; la premiere
commandée par l'Electeur de
Baviere ; la feconde par le Comte
de Staremberg , & la troifiéme
par les Troupes de l'Electeur
de Brandebourg que l'on attendoit
inceffamment , & auf
quelles on devoit joindre quelques
Regimens Imperiaux , &
d'autres Troupes Auxiliaires . Le
Prince Charles ne garda que
dix hommes de Cavalerie par
Compagnie pour fervir au
Camp à couvrir les Travailleurs
fous les ordres du Comte de Pal-
,
fi,
de Bude.
53
fi , & il envoya le reste aux environs
d'Albe- Royale , afin d'y
confumer les Fourages, & d'ofter
par là aux Infidelles les moyens
d'y fubfifter. Les Affiegez firent
grand feu tout le jour & toute la
nuit fuivante, & il y eut neuf Soldats
tuez ou bleffez .
Le 23. la nouvelle Batterie de
fix pieces de Canon s'eftant
trouvée prefte , commença dés
le matin à tirer , & fit une Bréche
de fix pas. Ceux qui estoient
au haut des Montagnes , apperçurent
par cette bréche quantité
de Betail & de Chevaux , mais
les Ennemis ne parurent point.
Il y eut fix Soldats à la Batterie
emportez par le Canon de la Place.
Quelques Huffarts & Croates
qui s'étoient avancez trois
lieuës au delà de Bude fous la
conduite du Comte Budiani ,
C iij
$4 Hiftoire du Siege
,
ayant efté avertis que le Bacha
en avoit fait fortir quantité de
Barques chargées de femmes ,
d'enfans & de quantité de
meubles qu'il envoyoit à Belgrade
, les pourſuivirent avec
trois cens Dragons , & les rencontrerent
à l'Ile de Sainte Marguerite.
Ils taillerent en pieces
tous ceux qui les eſcortoient,
s'emparerent de leurs Trefors ,
& amenerent deux cens Prifonniers
, qui furent les Vieillards
, & autres qu'ils jugerent
les plus propres à fe faire ra
cheter.
Le 24. la bréche ayant efté
élargie de vingt pas , on examina
la contenance des Affiegez
qui s'eftoient retranchez à droit
& à gauche au nombre de quatre
cens . Il fut refolu que l'on
iroit à l'Affaut , & comme c'eftoit
de Bude.
55
1 ftoit la premiere action du Siege
, chacun à l'envy chercha à
fe diftinguer. Les difpofitions
de l'attaque furent faites , & à
dix heures du foir on en donna
le fignal par trois volées de Ca-
1 non. Cent Grenadiers s'avancerent
les premiers , ayant un Capitaine
à leur tefte ; ils furent
fuivis de deux cens Moufquetaires
que commandoit un Sergent
Major , & foûtenus de trois
cens autres fous la conduite d'un
Lieutenant Colonel. Ils allerent
vers la brèche , & attaquerent
avec tant de force & de bravoure
les Ennemis qui la défendoient,
qu'ils les forcerent d'abandonner
leurs retranchemens. Six cens
hommes d'Infanterie en deux
Brigades marcherent aprés ceuxcy
, & fe pofterent au pied de
la bréche avec cinq petites pie-
C iiij
$6
Hiftoire
du
Siege
ces de Canon qu'ils avoient fait.
conduire avec eux . Elle fut franchie
par le Prince de Vaudemont,
par le Prince de Commercy,
& par un tres grand nombre
de Volontaires qui s'eftoient
mis à la tefte de l'Infanterie , &
qui fe pofterent dans la Ville
baffe malgré le feu continuel
que firent les Affiegez . Il n'y eut
que cinq Soldats tuez & onze
bleffez. Le Comte de Marfilly,
Infpecteur general des Ingenieurs
, eut le bras caffé au deffus
du coude , d'un coup de Mouf
quet qu'il réceut dans la tranchée
avant que l'on commençant l'Attaque
.
Le 25. fut employé à perfectionner
les Poftes que l'on avoit
occupez dans la baffe Ville , &
fix Bataillons furent logez au
pied des murailles. Il y eut un
Lieu
de Bude .
57
Lieutenant des Grenadiers tué
d'un boulet qui tomba dans la
Tranchée, & qui emporta les bras
& les jambes à cinq Soldats. Un
Chevalier de Malte François fut
auffi dangereufement bleffé . Il
eftoit avec le Marquis de Souvray,
qui fit paroiftre beaucoup
de bravoure .
Le 26. on s'apperceut que les
Affiegez faifoient gliffer du monde
le long de l'eau par dedans la
Ville baffe , pour venir attaquer
un Pofte qui eftoit devant une
groffe Tour joignant le Danube.
Le Chevalier de Rhofne , Capitaine
du Regiment de Staremberg,
foûtenu du Comte d'Awersbergs
, Lieutenant Colonel du
Regiment de Mansfeld , vint à
leur rencontre , & ils les repoufferent
avec beaucoup de vigueur.
Le Prince de Vaudemont le
,
C v
58
Hiftoire
du Siege
Prince de Commercy , & plufieurs
autres Volontaires qualifiez
, accoururent à l'efcarmouche
, qui dura une heure fous le
Canon de la Place. Il n'y eut que
quinze hommes tuez ou bleffez
du cofté des Affiegeans . Le Sieur
Bourgers , Capitaine du Regiment
de Staremberg fut de ces
derniers , & Milord Mongois receut
une contufion à la temple.
Les Affiegez perdirent trente
hommes, & le nombre des bleffez
fut beaucoup plus grand. Ce jour
là le Prince de Neubourg, Grand
Maître de l'Ordre Teutonique,
Lieutenant General , qui eftoit
arrivé au Camp le 22. & le
Comte de Diepenthal , General
Major , monterent la Tranchée,
fuivant ce qui avoit efté arreſté
quelques jours auparavant au
Confeil de Guerre , que tous les
jours
de Bude.
59.
jours ce feroit un Lieutenant General
, & un General Major qui
la monteroient à chaque Attaque
avec deux mille hommes,
& qu'on les releveroit de vingtquatre
heures , en vingt- quatre
heures . Outre ces deux mille
hommes , il y avoit toûjours fix
Bataillons de referve , & une
Garde de Cavalerie pour les
foûtenir. On travailla la nuit à
pouffer une grande Coupure fur
Ela droite le long de la muraille ,
afin de couvrir une Batterie de
douze Pieces qu'on vouloit mettre
en estat contre les défences
de deux Rondelles, & de la Courtine,
vers laquelle on devoit conduire
la Tranchée. On ouvrit
auffi une porte au coin de cette
Muraille , où l'on fe logea en dedans
de la baffe Ville , à trois
cens pas du Corps de la haute,
&
60
Histoire
du siege
& en tous ces logemens on ne
perdit que quinze hommes.
Le 27. les Travaux fe trouverent
fort avancez à l'Attaque
de l'Electeur de Baviere , qui fit
dreffer une Batterie fur le panchant
de la Montagne. Il fit faire
auffi fur la hauteur de cette
meſme, Montagne un Logement
affez grand pour contenir mille
hommes , & affeurer la tefte de
la Tranchée , qui fut ouverte au
pied du Chafteau , vis à vis la
grande Tour qui en couvre la
façade. Le foir les Affiegeans firent
une fortie au nombre de
quatre
cens, Cavalerie & Infanterie,
fur cent hommes retranchez à la
teſte des Travaux qu'on avoit
faits la nuit précedente. Le Comte
de Saur, Capitaine au Regiment
de Lorraine qui les commandoit
fit une fi vigoureuſe reſiſtance,
de Bude. 61
cè , que la grande Garde eut le
temps d'y accourir. Les Ennemis
furent repouflez ; ils laifferent
feize des leurs fur la place , &.
eurent quelques bleffez.La Tranchée
fut relevée ce jour- là par
le Comte de Souches , Lieutenant
General , & par le Comte
de Tinghen , Mareſchal Major.
Le 28. on joignit les deux Attaques
par une Ligne de communication
de quatre cens pas .
On mit auffi huit groffes pieces
de Canon fur une nouvelle Baterie
à l'Attaque du Prince Charles
, devant laquelle on tira une
Ligne de deux cens pas ,
afin
qu'on y puft aller de la Tranchée
fans eftre infulté des Ennemis.
Cette Baterie fervit à tirer
contre deux Ouvrages avancez
en forme de pafté , qui défendoient
la Porte du cofté de
la
62 Hiftoire du Siege
la baffe-Ville . Les Ennemis faifoient
de là un feu continuel de
Canon , dont les Affiegeans eftoient
fort incommodez . Les Travaux
furent continuez fans beaucoup
d'obſtacle la nuit de ce
même jour , & on perfectionna la
Ligne de communication
entre
la Porte du milieu & la derniere
, ce qui donnoit moyen
moyen d'entrer
à couvert dans la nouvelle
Baterie.
Le 29. le Sieur Soulars , Ingenieur
, fut bleffé en faifant travailler
à de nouvelles Lignes
qu'on fit en forme de paralelles,
pour communiquer avec les au
tres Travaux , & s'approcher plus
prés de la Place . L'Electeur de
Baviere ayant eu quelque indifpofition
, le Prince Charles l'alla
vifiter fur les cinq heures du foir,
& dans ce temps mefme , les Af-
י
Liegez
de Bude.
63
fiegez firent une Sortie en bien
plus grand nombre qu'ils n'avoient
encore fait du cofté de
l'Attaque des Bavarois. Ils attaquerent
les Travailleurs & les
Troupes qui eftoient en garde
dans la Tranchée , & les
ayant
mis en defordre , ils euffent comblé
les Travaux , fi le Comte de
Hoffkirken n'euft promptement
amené la Garde de Cavalerie.
L'Electeur de Baviere ayant efté
averty de cette Sortie , rien ne
fut capable de le retenir. Il y
courut , quoy qu'indifpofé , auffi-
bien que le Prince Charles , &
leur prefence anima fi bien tous
ceux qui avoient déja commencé
à foûtenir les efforts des Infidelles,
qu'après en avoir tué beaucoup,
ils les forcerent à fe retirer,
& les pourſuivirent jufqu'à quarante
pas de la Tranchée Le Prin64
Hiftoire du Siege
ce Eugene de Savoye fe fit remarquer
par fa bravoure , & eut
un cheval tué fous luy
, auffibien
qu'un de fes Gentilshommes.
Le Baron de Zwitterthal ,
Lieutenant Colonel du Regiment
de Steinaw , fut tué avec
trente ou quarante Bavarois. Il
y eut auffi quelques bleffez . Le
Baron de Billes , Capitaine dans
le Regiment d'Arko , le fut dangereuſement
.
Le 30. on repara les Travaux
que les Ennemis avoient ruinez
le jour precedent , & on avança
jufqu'à fix-vingt pas de la muraille.
Ce méme jour , deux Compagnies
de Paffau & de Ratisbonne
arriverent au Camp, auffi
- bien que les Troupes de Suabe
& de Franconie . Elles étoient
en tres-bon eftat , & au nombre
de cinq à fix mille hommes . Celles
de Suede commandées par le
de Bude.
65
po-
Marquis de Turlac , arriverent
pareillement , & prirent leur
ite fur une hauteur, afin de pouvoir
agir où il feroit le plus neceffaire.
Le feu parut en differens
endroits de la Ville ; il y avoit
efté mis par des Bombes .
qu'une Baterie de Mortiers avoit
jettées. Le Comte de Dunewald
partit ce jour- là du Camp , pour
aller commander la Cavalerie
inutile au Siege , qui eftoit venuë
camper au nombre de plus
de douze mille hommes jufqu'à
la portée du Canon d'Albe Royale
, ce qui avoit obligé les Turcs
à abandonner plufieurs Chafteaux
, & d'autres petits Poftes
aux environs.
Le 1. de Juillet fut employé à
perfectionner la ligne de communication
à l'attaque du Prince
Charles , & les Poftes deftinez
66
Hiftoire du Siege
par
nez aux Poftes de Suabe & de
Franconie leur furent donnez.
On apprit par des Transfuges
qu'il y avoit une grande confternation
dans la Ville, caufée
la perte qu'avoient fait les Affiegez
à la fortie du 29. il y eut
quatorze de leurs Officiers tuez
avec quantité de Janiffaires. Les
ouvrages qui avoiết eſté comencez
fur la droite , furent achevez .
la nuit fuivante , & on pouffa
ceux de la gauche jufqu'à cent
cinquante pas de la muraille .
Le 2. douze pieces de Canon
& huit Mortiers batirent la Ville.
Deux bateries que les Affiegez
avoient , l'une fur la groffe
Tour , & l'autre fur une autre
Tour , furent démontées en peu
de temps. Les Bombes cauferent
ce jour- là beaucoup de dommage
dans la Ville , à ce qu'on apprit
de Bude. 67
prit d'un Deferteur qui dit qu'elle
n'eftoit défenduë que par ſept
ou huit mille hommes , & que
les vivres commençoient à eſtre
chers , parce qu'ils n'y eftoient
pas en grande abondance. Il parut
quelques Troupes Ennemies
du cofté de Peft , & fur l'avis
qu'on en eut , le Prince Charles
ordonn que l'on fift conſtruire
trois redoutes au bord du Danube
, que les Heiduques & les
Hongrois garderoient . On fit
une brêche de quinze pas du
cofté de l'attaque du Prince
Charles.
Le 3. le Regiment du Prince
Eugene de Savoye arriva au
Camp , & on eut avis que les
Troupes de Brandebourg n'en
eftoient qu'à une lieuë. Quatre .
Mortiers furent ajoutez aux 8.
que l'on avoit mis fur la baterie
dreffée
68
Hiftoire du Siege
dreffée à l'attaque des Imperiaux,
& tout cela fit grand feu la nuit
fuivante. La Baterie des Bavarois
n'en fit pas moins , elle eftoit de
fept Mortiers. L'Artillerie des
Ennemis fit auffi grand feu , &
les Affiegeans furent fort incommodez
des Pierres qu'on leur jetta.
Le Sieur Collery , Capitaine
dans le Regiment de Lorraine,
eut le genouil fracaffé d'un éclat
de Bombe , & un des meilleurs
Bombardiers receut un coup à la
tefte. Il y eut encore quinze ou
vingt hommes bleffez . Un Offi
cier Turc qui vint ſe rendre, fur
mené à l'Electeur de Baviere,auquel
il conta qu'ayant tué le mary
d'une femme dont il eftoit amoureux
, il avoit eſté obligé de
quitter la Ville , & s'eftoit tenu
caché pendant quelques heures
dans un endroit où fa maiftreffe
luy
de Bude. 69
luy avoit promis de le venir joindre
, mais , mais que la crainte d'eftre
découvert par les Affiegeans qui
luy auroient fait un mechant
party , ne luy avoit pas permis de
l'attendre. Il ajouta qu'il n'y avoit
dans la Place que trois mille
Janiflaires , & un pareil nombre
de Soldats ; que malgré l'effet des
Carcaffes & des Bombes , qui avoient
obligé le Commandant à
fe loger dans une cave voutée
prés du Chateau pour y eftre
plus en feureté , ils eftoient tous
refolus de fe bien défendre ; qu'il
n'eftoit entré perfonne dans la
Ville comme on l'avoit crû, mais
que des Turcs en eftoient fortis
pour aller demander un prompt
fecours à Achmet Bacha Seraf
Kier , & aux Tartares.
Le 4. ce mefme Officier montra
à l'Electeur de Baviere , &
aux
70 Hiftoire du Siege
Le
aux Princes de Bade & de Savoye
, le Magafin à poudres &
les mines des Affiegez . Il dit
qu'il y en avoit fous la Rondelle
du Chafteau & à l'endroit de la
breche des Imperiaux. Un autre
Transfuge qui fe difoit Polonois,
fe rendit au Camp & affeura que
les Affiegez ne pourroient tenir
encore un mois , fi l'Armée du
Seraskier ne les fecouroit.
Prince Charles paſſa le Danube
pour aller voir les Troupes de
Brandebourg qui eftoient arri
vées le jour precedent avec une
belle Artillerie. Elles eftoient
compofées de huit mille hommes
, en fix Eſcadrons de Cavalerie
& dix Bataillons d'Infanterie
Le General Schoning qui
les commandoit, receut ce Prince
au bruit du Canon , qui fut
ſuivy de 3. décharges de Mouſque
de Bude.
71
I
queterie. Il luy donna enfuite
un magnifique difner dans fa
tente.
Le
4
5. on fit paffer le Danube
à ces Troupes , qui prirent le pofte
qui leur avoit eſté deſtiné du
cofté de la Ville baffe. Il fut refolu
qu'on en tireroit quinze
cens hommes tous les jours pour
monter la tranchée , & qu'on les
joindroit aux Imperiaux & aux
Suedois, afin de faire quatre mille
hommes pour les Poles qui étoient
du coſté de l'attaque du
Prince Charles.
Un Deferteur Grec arriva en-
*
core au Camp & raporta que
cinq Turcs qu'on avoit fait fortit
à la nage , eftoient allez preffer
le fecours que lors
que les Trou
pes de Brandebourg avoient paru
, les Affiegez avoient fait
roiftre beaucoup de joye dans la
penfée
pa72
Hiftoire du Siege
1
penféc que ce fuft celles du Se
raskier , & que le Commendant ,
ayant appris que c'eftoit un renfort
pour l'Armée Chreftienne,
avoit taché de le déguifer à la
garnifon , en difant que c'eftoit
un mouvement que les Affiegeans
avoient fait faire à leurs Troupes
pour faire croire qu'il leur en
eftoit venu de nouvelles . La plufpart
des Bateries des Affiegez furent
miſes en defordre par le grad
feu qui fut fait de l'attaque des
Imperiaux & de celle des Bavarois.
Il leur demonta plufieurs pieces
de Canon, & fit un fort grand
dommage au couronnement des
deux Pâtez,en forte qu'ils ne pouvoient
prefque plus y demeurer
à couvert . La breche ſe trouva
large de quatre - vingt pas , &
comme les ruines n'avoient point
couvert le pied de la muraille
qui
de Bude.
73
qui paroiffoit encore haute de
dix pieds , ont refolut de l'égaler
avec des Fafcines & des facs à
terre. L'attaque des Bavarois fut
auffi fort avancée , mais la breche
n'eftoit pas fi fpacieuſe.Ceux
Ide Brandebourg qui avoient ou-
Evert la tranchée à leur attaque
avec 1200. hommes , avancerent
- leurs travaux fur la gauche avec
tant de diligence , qu'ils fe trouverent
prefque au pied de la muraille
. Ce jour- là mefme ils donnerent
des marques de leur valeur.
Les Affiegez n'avoient point
fait de fortie depuis celle du 29.
= & pour eftonner ces nouveaux
1 venus ils en firent une fort
brufque & bien concertée fur
leurs Travailleurs , mais ils furent
repouffez avec grand carnage
jufques à la porte de la
Ville , devant laquelle fe pofte-
,
D
74 Hiftoire du Siege
rent ceux qui les avoient pourfuivis.
Ils s'y maintinrent , &
travaillerent de ces Poftes avancez
en reculant , & de la tefte
de la Tranchée en avançant ,
pour rejoindre les Travaux , &
les faire communiquer les uns
avec les autres. Les Ennemis
perdirent quatre ou cinq cens
hommes , & il en coufta à ceux
de Brandebourg un de leurs Ingenieurs
, quatre Lieutenans ,
autant d'Enfeignes, environ . trente
Soldats , & le Fils aifné du
General d'Orffling . il eftoit venu
en Hongrie pour faire cette
Campagne en qualité de Volontaire
, & il fut tué d'un coup
de Moufquet au travers du corps.
La nuit on jetta quantité de
Bombes & de Carcaffes dans la
Ville , principalement du cofté
de l'attaque des Imperiaux. L'Eglife
de Bude.
75
glife de faint Jean , qui fervoit
aux Turcs de grande Moſquée,
fut reduite en cendres avec cinquante
maiſons voifines.Le nombre
des Travailleurs ayant efté
augmenté , on pouffa encore les
approches, & les Lignes de communication
entre les trois attaques
qui furent perfectionnées. ›
Le fixiéme les Troupes de
Brandebourg continuerent leurs
travaux , & ils les poufferent
de telle forte qu'ils fe trouverent
auffi avancez que ceux des
deux autres attaques. Un Capitaine
& quatre de leurs Soldats
furent bleffez , & il y en
eut huit tuez . On fit jouer du
cofté de l'attaque des Bavarois
une Batterie de dix pieces de
Canon dont une fut demontée
auffi- toft par le Canon de
la Ville. Ils fe pofterent la nuit
Dij
76 Hiftoire du Siege
tout proche les Pallades , &
eurent prés de foixante hommes
tuez ou bleffez . Le Sieur Funck,
Lieutenant
Colonel du Regiment
de Souches , fut de ces derniers.
Le 7. les Travaux furent avancez
à droit & à gauche , jufques
à dix ou douze pas de la
bréche , où les Imperiaux fe pofterent.
Ils perdirent prés de cin-
Le Sergent
quante hommes .
General de Dinghen fut bleffé
au pied , à la tefte de l'attaque,
où il eftoit cette nuit de garde
avec le Comte de Souches , &
le Chevalier de Rofne receut
un coup de Moufquet au travers
corps. Les Mineurs eurent ordre
de faire éventer les Contremines
des Affiegez dont on
avoit eſté averty , & les Troupes
de Brandebourg qui travaillerent
de Bude.
77
lerent à dreffer leurs bateries,
les mirent prefque en eftat. Le
bruit fe repandit dans le Camp
que le Grand Vizir eftoit en
marche entre Belgrade & Effek
avec une Armée confiderable,
mais on connut auffi - toft la fauffeté
de ce bruit. C'eftoit Benfi
Bacha , Aga des Jani ffaires. Il
avoit joint les Troupes des Turcs
qui eftoient campez depuis longtemps
en ce lieu - là.
Le huitiéme on travailla à
élever deux nouvelles Batteries
à l'Attaque de Lorraine , l'une
de cinq pieces de Canon , &
l'autre de quatre , afin d'élargir
les brèches. La petite Rondelle
fut abatue par le Canon des Bavarois,
qu'elle incommodoit beaucoup
dans les Tranchées , & la
nuit fuivante on tira une Ligne
qui traverfoit le long de la Ron-
Dij
78 Hiftoire du Siege
,
delle gauche vers la Courtine
droite. Comme ce travail ſe faifoit
fort prés , les pierres & les
Grenades que jetterent les Ennemis
, tuerent ou blefferent prés.
de trente hommes. Le Comte
Guido de Staremberg , Lieutenant
Colonel du Regiment de
ce nom qui commandoit à la
Tranchée , s'y fit diftinguer par
fa valeur , auffi bien que le Major
Bifchoffhaufen , qui fut bleffé
au bras d'une balle de Moufquet.
Un Capitaine de Staremberg
le fut auffi à l'épaule , &
fon Capitaine Lieutenant au
pied . Trois Turcs fe rendirent,
& on apprit d'eux que les Affiegez
avoient grande impatience
qu'il leur vinft quelque fecours,
& qu'ils fe défendoient avec
d'autant plus de réſolution &
de courage, que les belles actions
eftoient
de Bude.
79
eftoient récompenſées par le
Commandant. Quelques autres.
Turcs fortirent de la Ville , dans.
le deffein de brûler les Batteries
des Affiegeans , mais l'un d'eux
ayant efté mis par terre d'un
coup de Moufquet , tout le refte
prit la fuite.
Le neuvième les Affiegez à
la pointe du jour firent jouer
un Fourneau entre la Porte &
la Rondelle du milieu. Il ruina
la Mine que les Imperiaux
avoient faite. Il y eut fept Mineurs
enterrez , & leur Capitaine
fut dangereufement bleffé
. Ils firent enfuite une Sortie
entre cette Attaque & celle
de Brandebourg. Les Troupes
de cette derniere furent d'abord
mifes en defordre , & fe renverferent
fur les Travailleurs avec
perte d'environ cent hom-
D iiij
80
Hiftoire du Siege
mes , entre lefquels furent deux
Lieutenans Colonels ,
II
quatre Capitaines
, & quelques Officiers
fubalternes
. Cependant le Corps
de réſerve de la Place d'Armes
la plus voifine eftant accouru,
on chargea les Turcs d'une maniere
fi vigoureufe , qu'ils fe retirerent
avec plus de précipitation
qu'ils n'eftoient venus.
demeura plus de quatre - vingt
des leurs fur la Place , fans les
bleffez , & l'on fit fix prifonniers.
Aprés qu'ils eurent efté
repouffez , on travailla à retirer
les Mineurs & les Travailleurs
des ruines que le Fourneau avoit
faites. Il n'y en eut qu'un
que l'on ne put retrouver. On
continua les Travaux avec autant
d'ardeur que s'il ne s'eftoit
point fait de Sortie. Les Bavarois
firent jouer une autre Batterie
de Bude. 81
terie de dix pieces , ayant eſté
obligez de changer la premiere,
à caufe que le Canon de la Ville.
l'incommodoit , & qu'elle en
eftoit trop éloignée . Ce mefme
jour , quelques Hongrois donnerent
avis à l'Electeur de Baviere
que fept mille Tartares étoient
en marche , pour jetter
du fecours avec un Bacha dans
Bude du cofté de Peft. Cela
obligea d'envoyer en diligence
trois cens . cinquante hommes :
dans cette derniere Place , avec
ordre de travailler à des Redoutes
, afin que les Ennemis trouvant
les Paffages coupez, ne pûffent
executer leur deffein.
Le dixième on attacha les
Mineurs fous la Paliffade de la
Rondelle oppofée à l'Attaque de
Baviere , & l'on redreffa en celle
de Lorraine la Galerie qui
D v
821 Hiftoire du Siege
→
avoit efté brûlée en partie le
jour précedent . On y attacha
auffi les Mineurs , pour tâcher
d'éventer les Contre- mines fous
la Rondelle qui eftoit à gauche
& fous celle du milieu .
Quoy qu'il tombaſt ce jour- là
une groffe pluye , elle ne put
empefcher que le Prince Charles
ne fift dreffer deux nouvelles
Batteries l'une au milieu
des Travaux , & l'autre de
neuf pieces de Canon fur la
gauche .
Le 11. fut employé à perfectionner
les approches à l'Attaque
de Lorraine , & l'on mit le
Canon fur les deux nouvelles :
Batteries , & deux Mortiers fur
une autre. Il y eut quelques Soldats
tuez & bleffez , mais en
petit nombre. On travailla auffaux
Mines , & à rencontrer
celles
de Bude.
83
celles
,
que les Affiegez pouvoient
avoir préparées pour les faire fauter
contre les Affiegeans , s'ils
donnoient l'affaut. Pendant tout
ce jour , les Canons & les Mortiers
tirerent fans ceffe tant
pour élargir les bréches, que pour
ruiner les Retranchemens qu'avoient
fait les Affiegez , dans le
deffein de bien foûtenir l'affaut.
La Batterie de ceux de Brandebourg
joia , auffi- bien que
celle de Dom Antonio Gonçales
, Lieutenant general de l'Artillerie
, & d'un Ingenieur Efpagnol
, qui par l'élevation de fes
feux d'artifice donna beaucoup
de plaifirs aux Affiegeans , en
mefme temps qu'il caufoit de
grands dommages aux Affiegez .
Les Bavarois battirent inceffam-.
ment la Rondelle du Chafteau,
& y jetterent des Bombes de
deux
$4 Hiftoire du Siege
deux Batteries de trois Mortiers
chacune , dont l'une n'eftoit qu'à
trente pas de la Paliffade . Trois
de leurs Mineurs furent tuez par
leurs propres Cannoniers & le
mefme malheur feroit arrivé à
l'Electeur de Baviere , s'il n'euft
pas changé de place un moment
auparavant.Sur l'avis qu'on avoit
eu que le Seraskier s'eftoit avancé
jufqu'à trois lieuës de Peſt as
vec un Corps de huit mille hommes,
tirez des Garnifons de Themifwar,
Lippa, Giula, grand Waradin
, Segedin , Agria , Hatwan
, & autres Places des Turcs
en la baffe Hongrie , & fur
les Frontieres de Tranfylvanie,
dans le deffein de fecourir Bude
le Prince Charles détacha
le Baron de Mercy & le
Prince Eugene de Savoye avec
trois
,
de Bude. 85
un
trois mille chevaux , & fix Bataillons
d'Infanterie , qui pafferent
le Danube , & fe pofterent
proche de Peft de l'autre colté
du Pont , hors de la portée du Canon
, pour y attendre les Turcs,
& empefcher qu'ils ne fe puffent.
= jetter dans la Place . On fit auffi
un Détachement confiderable de
Cavalerie & de Dragons pour
renforcer ceux que l'on avoit envoyez
à Peſt , où ils travailloient
à de nouvelles fortifications du
cofté du Danube , & pour refferrer
la garnifon d'Albe- Royale,
qui auroit pu faire quelque diverfion
en faveur des Affiegez ,
afin de faciliter le fecours qu'ils
attendoient .
Le 12. on fit applanir à l'attaque
de Lorraine la defcente dans
les Foffez oppofez aux breches,
à la faveur du Canon & des
Bom
86
Hiftoire du Siege
Bombes , afin de pouvoir monter
à l'Affaut , & l'on fit auffi grand
feu aux attaques de Baviere &
de Brandebourg. Quoy que la
breche que l'on avoit commencé
à faire dans cette derniere le
jour precedent , fe trouvaſt élargie
de plus de quinze pas , la muraille
eftoit encore trop haute depuis
fon pied jufques à l'éboulement.
Ainfi l'on continua de
tirer le Canon avec plus de violence
, pour taſcher d'y faire des
ruines plus confiderables , & les
Affiegez qui jetterent inceffamment
des feux d'artifice & des
pierres de leurs Mortiers , n'empêcherent
point qu'en l'une &
en l'autre on n'avançaft les approches
fort prés des foffez . On
vit paroiftre la flâme pendant
plus de huit heures en plufieurs
endroits de la Ville , ce qui fit
2
juger
de Bude.
juger que
les Bombes & les Carcaffes
des Affiegeans
y avoient
caufé un grand dommage. Le
feu de la Baterie des Bavarois
prit à des Tonneaux
de poudre,
& fit fauter en l'air prés de vingt
perfonnes.
Le 13. les Regimens de Steireim
, de Pafc , & de Goucqfes
arriverent des environs de Stulweiſenbourg
au camp des Troupes
commandées par le Baron de
Mercy & par le Prince Eugene
de Savoye , ce qui fit un corps de
neufmille hommes. Les Ennemis
éventerent la mine des Imperiaux
, mais les Mineurs eurent
le loifir de fe fauver. Ils mirent
auffi le feu à un Fourneau dans
l'efperance de faire fauter la
grande garde des Imperiaux , &
l'effet en fut contraire à ce qu'ils
avoient attendu les terres retom
88
Hiftoire du Siege
tomberent fur eux , & remplirent
feulement une partie de la tefte
des travaux des Affiegeans . Cependant
le feu mis à ce Fourneau
ayant ebranlé la Tour fous
laquelle le Mineur avoit eſté attaché
, on pointa contre cette
mefme Tour huit pieces de Canon
qui y firent une breche confiderable.
On tint un Confeil de
guerre où l'on refolut de donner
Affaut par trois endroits , à la
breche de l'attaque de Lorraine.
Le Comte Guido de Staremberg
, & le Comte d'Awersberg
furent commandez , chacun avec
deux- cens quatre - vingts hommes
, le premier à la droite de
l'attaque proche la grande Rondelle
, & le fecond à la gauche.
Le Comte de Herberftein , avec
qui marchoient les Fufeliers ,
Pionniers , & Travailleurs, avoit
or
1
de Bude. 8.9
ordre de donner au milieu de la
Courtine. Il eftoit auffi fuivy de
deux cens quatre - vingts hommes
, & le refte , au nombre de
deux-mille , demeura de referve
pour les foutenir . Sur les fept
heures du foir , le Signal ayant
efté donné pour l'affaut par une
décharge de tout le Canon qui
eftoit en baterie à cette attaque,
on commença de monter à la breche
, ce qui n'eftoit pas aisé , à
caufe que les Ennemis l'avoient
I reparée par plufieurs rangs
de
Paliffades . On ne laiffa pas de les
forcer, quoy qu'ils fiffent une vigoureufe
refiftance , & l'on fe pofta
fur la brêche à la faveur de
la Moufqueterie & des Grenades
qu'on tira dans les retranchemens
paliffadez qu'ils avoient.
faits , derriere lefquels ils fe maintinrent
en tres- bon ordre. Rie
n'e
୨୦ Hiftoire du Siege
·
n'eft égal à l'ardeur que firent
paroiftre tout ce qu'il y avoit de
Volontaires & de Braves à l'Armée
, pour eſtre des premiers à
fe trouver fur la breche . On y
demeura prés de deux heures:
que l'efcarmouche dura, & pendant
ce temps les Affiegez firent
fauter deux Mines , qui cauferent
moins de perte aux Affiegeans
, que les Fleches , les Bombes
, les Grenades & les Pierres.
Cependant on ne pût venir à
bout de faire le logement ; le
defordre & la chaleur du combat
avoient éloigné les Travailleurs
, & d'ailleurs il auroit falu
plus de Fafcines & de facs à terre
, qu'on n'en avoit , pour pou
voir fe mettre à couvert & ſe retrancher.
Cela fut cauſe que l'on
ugea à propos de faire retirer les
raupes dans leurs Poftes, ce que
l'on
de Bude . 91
lon fit à neuf heures du foir, tandis
que le
Canon
, des
Bombes
&
la Moufqueterie
de
deux
Bataillons
de
Souches
&
de
Mansfeld
favorifoient
la retraite
. Le
Prince
Charles
fut
preſent
à l'action
, &
eut
deux
Pages
, l'un
tué
à fes
coftez
, &
l'autre
bleffé
.
La
perte
fut
grande
de
part
& d'autre
. On
tient
qu'il
y
eut
plus
de
cinq
cens
Soldats
tuez
du
cofté
des
Affiegeans
, &
prés
de
trois
cens
bleffez
, ' outre
quelques
Colonels
,
Capitaines
, autres
Officiers
, &
beaucoup
de
Volontaires
. Parmy
ces
derniers
fut
le
Prince
de
Commercy
, qui
demeura
longtemps
fur
la
bréche
expofé
au
feu
. Le
Sieur
du
Pleffis
, fon
Ecuyer
, fut
tué
auprés
de
luy
, &
le
Sieur
de
S. Sulpice
, l'un
de
fes
Gentilhommes
, y_receut
quelques
bleffures
. Le
Duc
de
Bejar
,
Grand
92
Hiftoire du Siege
Grand d'Espagne , monta un des
premiers à l'affaut. Il y fut bleffé
dangereufement , & mourut trois
jours aprés . Le Fils du Prince Robert,
& Milord Georges Savil, fe
cond Fils du Marquis d'Halifax,
avec plufieurs autres Seigneurs
Anglois furent tuez , ainfi que
le
Prince Palatin de Veldens,le jeune
Comte de Maldeghen , le Chevalier
de Cormaillon , le Comte
de Herberſtein , le Comte de
Kouffstein , Capitaine dans Staremberg
, le Baron de Rolle , &
le Sieur Kirchmeir , tous deux
Capitaines dans le Regiment de
Souches, le Baron de Chiffer , le
Comte de Strottembach , & plufieurs
autres Volontaires & Officiers
fubalternes. Milord Fitz-
James, Fils naturel du Roy d'Angleterre
, fut bleffé legerement.
Le Prince Picolomini mourut
dés
de Bude.
93
dés le lendemain de fes bleffures,
& fut enterré dans Peft . Les autres
Bleffez confiderables , dont
les noms ont efté fçeus , furent le
Comte de Staremberg , Lieutenant
Colonel , qui avoit le commandement
de la droite ; le
Comte d'Aversberg , auffi Lieutenant
Colonel , qui commandoit
la gauche ; le Comte de Dona ,
Colonel dans les Troupes de
Brandebourg ; le Marquis de la
Verne , Lieutenant Maréchal de
Camp ; le Duc de Scalona , Grand
d'Efpagne ; le Comte de Valero,
frere du Duc de Bejar ; Dom
Gafpard de Suneja , fon Coufin;
le Comte de Cormaillon ; le Fils
du Comte d'Urfet , & fon Ecuyer;
le Sieur de Longueval ; le Chevalier
de Rhofne ; le Sieur de Landas
, Capitaine de Starembergs
les Capitaines Herrero & le Bay,
&
94 Hiftoire du Siege
& quelques Officiers venus de
Flandre ; le Sieur de Vaubonne ,
Capitaine des Grenadiers de
Bade ; le Baron Golenski , Capitaine
de Becq ; Dom Francifco
l'Africain ; le Sieur de la Brigondelle
, & le Sieur de Vaucou-
Gentilhomme du jeune leur
Prince de Vaudemont. Le Marquis
de Blanchefort , Fils du Maréchal
de Crequi , fut auffi bleffé ,
& la maniere dont il fe diftingua
fit affez connoiftre de quel
Sang il eft forty. Les Affiegez
perdirent beaucoup de monde.
On fçeut d'un Transfuge , qu'une
feule Bombe , qui eftoit tombée
dans leurs Retranchemens après
l'action , avoit emporté deux Agas
des Janiffaires, & plus de quarante
Soldats. Comme ils croyoient les
Troupes des Affiegeans fort en
defordre, il voulurent profiter de
l'oc
de Bude.
95
l'occafion , en faifant une Sortie
fur celles de Brandebourg , mais
ils furent repouffez avec beaucoup
de vigueur, & laifferent plus
de 40. des leurs fur la place. On
fit quinze Prifonniers.
Le 14. on travailla à applanir
les débris que les Contremines
des Affiegez avoient faits à l'Attaque
de Lorraine , & à combler
les Foffez de celles de Baviere
& de Brandebourg. On continua
de canonner la Place , & d'y
jetter des Carcaffes & des Bombes.
On nettoya auffi la Tranchée
, & on en ofta les terres ,
dont les Fourneaux des Ennemis
en avoient remply une partie . On
en découvrit deux ce jour là , &
l'on en tira les Poudres. ' Il y eut
un Mineur tué par l'imprudence,
d'un Canonnier, La Mine prit
feu, & vingt Soldats & deux Ca-
$
no
96
Hiftoire du Siege
nonniers furent emportez. On
eut avis que les Troupes d'Afie
eſtoient arrivées à Belgrade fous
la conduite du Grand Vifir , qu'il
y en avoit encore pris de nouvelles
, & qu'il s'eftoit enfuite
avancé vers le Pont d'Effeck ,
aprés avoir envoyé fix mille Spahis
à Walpo & à Poffega , avec
ordre d'obferver le General
Schults , qui avoit mené huit
mille Allemans & cinq cens
Croates de ce coſté - là.
Le 15. on attacha le Mineur
à la Muraille de la grande Rondelle
, & on commença deux Galaries
au pied de la Courtine.
Quelques Païfans fortis de Bude
furent conduits à l'Attaque de
Lorraine . Ils dirent qu'à l'affaut
du 13. il y avoit eu plus de cinq
cens hommes tuez du cofté des
Ennemis. On avança les Travaux
juſqu'au
de Bude.
97
jufqu'au Foffé , fur le bord du
quel on dreffa une nouvelle bat--
terie , pour ruiner à droit le cofté
de la grande Rondelle , qu'on
n'avoit pas encore attaqué. Tandis
que les Mineurs travailloient
à deux chambres de Mine , les
Affiegez en firent fauter une à
la gauche de l'Attaque. Elle ne
fit qu'agrandir la brèche du cofté
de ceux de Brandebourg. On
en éventa deux autres qu'on n'avoit
point encore chargées. Les
Bombes que l'Ingenieur Espagnol
fembloit élever jufqu'aux Etoiles,
faifoient un effet fi prodigieux
en retombant , qu'un Transfuge
rapporta qu'une feule avoit enfoncé
deux planchers & deux
voûtes , & tué plus de
perfonnes dans la plus baffe ; ce
qui caufoit une grande defolation
, parce qu'il n'y avoit pref-
E
quarante
98
Hiftoire
du
Siege
que plus d'endroits où l'on fe
puft tenir à couvert. On eut
avis que les Turcs qui venoient
fecourir Bude , eftoient campez
vers Hatwan , aprés avoir paffe
la Teyffe avec un Convoy prés
de Segedin. On détacha auffitoft
les Regimens de Stirum , de
Taff , & de Trurks , pour aller
joindre le Barón de Mercy , afin
d'obliger les Infidelles à repaffer
la Riviere..
Le 16. les Bavarois firent jouer
deux Mines , qui au lieu de
combler le Foffe de la Rondelle
du Chafteau , & de faire fauter
la Paliffade , comme on l'avoit
creu , renverferent les premiers
poftes de leurs Tranchées,
de forte qu'il y eut plus de trente
hommes tuez ou bleffez. Le
Marquis de la Verne , qui n'avoit
efté bleffé que legerement
à
de Bude.
୨୨
#
à l'affaut du 13. le fut ce jourlà
d'un éclat de pierre. Cet accident
fit qu'on réfolut de ne
plus faire jouer de Mines , qu'on
n'euft achevé toutes celles où
l'on travailloit , afin de les faire
fauter toutes à la fois , quand
les trois Attaques donneroient
l'affaut. Un Armenien , qui avoit
fa Femme & fes Enfans à Vienne
, s'eftant échapé de Bude , vint
donner avis que les Janiffaires
avoient preffé deux fois le Bacha
de rendre la Place mais
que ne l'ayant pas trouvé de ce
fentiment , ils luy avoient déclaré
qu'ils fe défendroient encore
quelque temps , mais qu'ils
ne vouloient pas attendre l'extremité
. Il ajoûta que les Affiegez
avoient perdu beaucoup de
monde dans l'action du 13. qu'ils
auroient capitulé fi l'on avoit
E ij
TE
DE
LA
>-
LYON
1895
roo
Hiftoire du Siege
pû fe maintenir fur la brèche,
qu'ils ne s'eftoient tenus en fi
bon ordre derriere leurs rétranchemens
, que parce qu'un Deferteur
eftoit venu leur donner
avis de la refolution que l'on
avoit priſe de donner l'Affaut ;
que cependant l'ayant pris pour
un Efpion , ils luy avoient fait
couper la tefte , & qu'ils en feroient
autant à tous ceux qui
viendroient ſe rendre ; que l'on
avoit commencé à manger les
Chevaux , faute de fourage &
d'autre viande ; qu'un pain
pour vivre un feul jour couftoit
un écu , & que les Bombes de
I'Ingenieur Eſpagnol , qu'ils nommoient
le feu du Ciel , perçoient
les voûtes des Caves. La nuit
les Bavarois fe pofterent derriete
la Paliffade du Foffé de la
Rondelle du Chafteau , de forte
.
que
de Bude. ΙΟΥ
que les Ennemis furent obligez
de s'en retirer avec perte de
quelques hommes. Le Comte
de Fontaine , qui commandoit
les Bavarois , fut tué d'un coup
de Moufquet. Le Comte d'Apre
mont fut bleffé dans la mefme
occafion , auffi bien que le Capitaine
des Grenadiers du Regiment
de Bade. Son Lieutenant
fut tué , & il y eut encore environ
quarante Soldats tuez ou
bleſſez Les Ennemis deffendoient
ce poſte au nombre de deux
cens cinquante , & comme on
leur coupa d'abord le chemin
de la retraite , il n'en échappa
que vingt-fix qui demanderent
quartier. Tout le reste fut tué .
Un Turc qui fortoit de Bude fut
arrefté cette mefme nuit. Il eftoit
Mineur. On apprit de luy que
quoy que la Ville fuft extremé-
E iij
102
Hiftoire du Siege
ment incommodée de l'infection
des Cadavres , qu'on ne pouvoit
enterrer faute de trouver des
lieux où l'on puft les mettre , &
que les Habitans fouffriffent une
fort grande difette à cauſe qu'on
ne diftribuoit des vivres qu'aux
Soldats , les Affiegez ne laiffoient.
pas d'eftre refolus de continuer à
fe bien défendre , & qu'il y avoit
des Fourneaux en divers endroits
avec des coupures & des retranchemens
dans les ruës , à la teſte
defquels ils avoient mis plufieurs
pieces de Canon chargées de
Cartouches.
Le 17. le Prince Charles de
Neubourg eftant arrivé au Camp,
alla fe pofter avec fon Regiment
de l'autre cofté du Pont . Le
Maréchal Caprara , & le General
Palfi , revinrent des environs de
Stulweifembourg avec plufieurs
Re
de Bude.
103
Regimens de Cavalerie . Le premier
paffa le Danube , & prit
le commandement
des Troupes
qui eftoient campées proche de
Peft. Le Marquis de la Verne,
quoy que bleffé , eftant demeurẻ
feul à remplir la Charge de
Lieutenant Maréchal de Camp
general d'Infanterie , ne voulut
plus fortir de l'attaque à caufe
que
le Comte de Fontaine ayant
efté tué la nuit precedente , il
n'y avoit plus d'Officier de fon
caractere pour le relever. On
avança les approches des trois
attaques jufqu'au pied de la
muraille , & l'on acheva une baterie
de trois pieces de Canon à
celle de Lorraine pour battre
l'Angle de la Tour. On travailla
aux Mines à l'Attaque de Brandebourg,
& les Mineurs fe trouverent
fous la Courtine proche
E iiij
104 Hiftoire du Siege
la troifieme Rondelle de celle de
Lorraine , & fous une autre à
gauche. On applanit auffi la defcente
dans les foflez , & pendant
tout le jour & toute la nuit on
ne ceffa point aux trois Attaques
de faire un grand feu de toutes
les Bateries , afin d'agrandir les
bréches & d'achever de ruiner
toutes les defences & les coupures
qui eftoient derriere , ce qui
devoit mettre les Generaux en
eftat de faire donner l'Affaut general
, qu'ils ne vouloient point
hazarder qu'on n'euft éventé les
Contremines.
Le 18. une partie de ceux qui
eftoient campez proche de Peft ,
& qui ne compófoient point
de Regiment , retournerent à
leurs premiers Poftes , fur les
avis qu'on receut que les Troupes
Ottomanes , qu'on croyoit
de
de Bude.
105
,
devoir venir de ce cofté là jetter
du fecours dans Bude s'efloient
retirées apres avoir mis
des vivres dans Hatwan & dans
Erlaw. On apprit le mefme jour
que des Turcs eftoient venus à
deux lieues du Camp couper la
tefte à quelques Fourageurs &
Vivandiers . Sur les onze heures
du foir , les Affiegez fe montrerent
fur la breche . Ils poufferent
de grands cris , & cela fit croire
qu'ils fe preparoient à une fortie .
On fit fur eux un grand feu qui
les contraignit de fe retirer . Ils
éventerent la Mine de l'Attaque
des Imperiaux par un Fourneau
qu'ils firent jouer. Quatre Mineurs
& le Sieur Liber leur Capitaine
, y furent enfevelis . On
les chercha auffi- toft , & on ne
put trouver que deux Mineurs ,
qui n'eftoient pas morts. Les Ba
E v
106
Hiftoire du Siege
varois mirent le feu dans le Chafteau
par une Bombe qu'ils y firent
tomber. Cependant les Ennemis
barricaderent d'une nouvelle
Paliffade la Breche de la
Rondelle .
Le 19.les Affiegez travaillerent
inceffamment entre la Breche des
Imperiaux & la muraille de la
Ville, ce qui fit croire qu'ils y faifoient
un nouveau retranchement.
Les Bavarois travaillerent
de mefme pendant tout le jour à
à une Baterie fur le bord du Foffé
, afin d'abatre la Paliffade , & le
refte de la Rondelle du Cha fteau .
Ils attacherent en mefme temps
le Mineur, pour chercher les Mines
des Ennemis . La nuit les
Troupes de l'Attaque de Lorraine
donnerent un faux Affaut , &
firent jouer plufieurs Mortiers
chargez de Bombes , de Carcaffes
&
de Bude.
107
& de Grenades. L'effet en fut
terrible pour les Affiegez , qui
eftoient accourus en foule pour fe
defendre. Un Transfuge paffa
de la Ville au Camp , & en parlant
des defordres que faifoient
les Bombés dans la Place , il dit
qu'il en eftoit tombé une fur une
voute , qu'elle l'avoit enfoncée, &
que plus de cent hommes qui
eftoient deffous , en avoient efté
tuez .
Le 20. les Affiegez donnerent
trois fauffes allarmes, ce qui obligea
de faire avancer contr'eux
un détachement de Grenadiers
à chaque attaque. On s'apperceus
qu'ils s'aflembloient derriere leurs
Paliffades, & dans la penfée qu'on
eut qu'ils avoient deffein de faire
une fortie, on fit pointer le Canon
& les Mortiers de ce costé là . Les
Bateries firent un grand feu , & le
fuc
108
Hiftoire du Siege
fuccez en fut fort avantageux
aux Affiegeans. Le mefine jour le
General Palfi retourna fur fes pas
avec fix Regimens , & eut ordre
d'obferver les mouvemens des
Troupes Ottomanes , qui avoient
déja paffé le Pont d'Effeck , à ce
que difoient tous les Efpions. Le
Prince Charles alla reconnoiftre
les endroits par où les Turcs pouvoient
jetter du fecours dans la
Place. Il y eut encore un Armenien
qui fe fauva de la Ville. Il
dit que la confternation yeftoit
tres -grande ; qu'il n'y reftoit plus.
que deux mille Janiffaires dont
le nombre diminuoit tous les
jours , & qu'ils ne ſe defendoient
que parce qu'on les avoit affurez,
qu'il y avoit deux Armées en
marche , pour venir faire lever
le Siege .
Le 21. on continua d'élargir
la
de Bude. 109
la brêche à coups de Canon à
l'Attaque de Lorraine , & de
rompre la Paliffade que les Ennemis
y avoient mife. Le Baron
de Mercy , qui avoit fait repaffer
la Teyffe aux Turcs qui s'étoient
avancez vers Hatwan , &
dont il avoit défait une partie de
l'Arriere garde , receut ordre de
repaffer le Danube , & de marcher
avec la Cavalerie que l'on
avoit jugée inutile pour le Siege,
à la rencontre des Infidelles qu'on
difoit s'eftre affemblez vers le
Pont d'Effeck , au nombre de
vingt- cinq à trente mille. Un Cavalier
du Regiment de Caprara
fe faifit d'un Turc qui eftoit caché
dans un Marais . Il avoit des
Lettres pour le Grand Vizir , &
pour quelques Officiers de l'Armée
Turque. Elles furent déchifrées.
Le Bacha de Bude leur
don
110
Hiftoire du Siege
donnoit avis de l'eftat de la Place
, & du preffant befoin qu'il
avoit qu'on le fecouruft.
Le 22. de grand matin les Af
fiegez fortirent du cofté des Bavarois
, & ayant pouffe la Garde
qui étoit à la tefte de la Tracheé,
ils tuerent prés de cent hommes,
entre lefquels fe trouverent le
Sieur Lôben Colonel dans les
Troupes de Saxe , un Capitaine
, & quelques Officiers fubalternes.
Le Sieur Defchwint, Colonel
de l'Artillerie de Baviere,
fut mortellement bleffé au cou.
Ils enclouerent trois pieces de
Canon & un Mortier, & auroient
caufé un plus grand defordre , fi
un Lieutenant & quelques Fantaffins
du Regiment de Bade qui
accoururent n'euffent foûtenu
les Bavarois , & contraint les Ennemis
de fe retirer avec perte de
>
plus
de Bude. III
plus de fix- vingt des leurs, qu'ils
laifferent fur la place. L'avis en
ayant efté donné à l'Electeur de
Baviere , il vint auffi - toft dans la
Tranchée. On décloüa le Mortier
& deux pieces de Canon, &
en fuite on jetta une Bombe de
ce Mortier. Un peu après, on entendit
un bruit extraordinaire,
& il fe fit comme un tremblement
de terre qui ébranla tout
le Camp, & dont plufieurs Tentes
furent renversées. Il s'éleva
une fumée fi épaiffe qu'on' fut
quelque temps fans voir la Ville.
Soit par l'effet de la Bombe,
foit par quelque autre accident,
le feu s'eftoit mis à un Magafin
à poudre , qui eftant proche de
la muraille en renverfa plus de
quarante pas de longueur, en forte
qu'on y euft pû monter aifément;
IIZ
Hiftoire du Siege
ment , fi la Riviere n'en avoit
pas empêché l'accez. Des Fantaffs
fe jetterent fur l'Electeur
de Baviere pour le garantir des
pierres qui tomboient en quantité
dans les Tranchées . On en
trouva un fort grand nombre
dans Peft & dans tout le Camp,
de la pefanteur de deux , trois,
& quatre cens livres , jufques à
cinq cens. On dit qu'il y avoit
neuf cens Quintaux de poudre
dans ce Magafin , & qu'il fit perir
, en fautant en l'air , plus de
quinze cens perfonnes , hommes
femmes & enfans , fans compter
ceux qui demeurerent enfevelis
dans les caves voifines qui furent
couvertes des ruïnes de ce
grand bâtiment. La nuit, on travailla
à la chambre de la Mine
fous la grande Rondelle . Les Af
fiegez la contreminerent , ce qui
obligea
de Bude. 113
geans
obligea les Mineurs des Affied'abandonner
le travail. Il
n'y eut que celuy qui eftoit attaché
à la Courtine du milieu à
la gauche , qui continua . Il arri-
Iva dans la chambre de la Mine
que les Ennemis avoient éventée
, & la voulut rétablir , mais
ayant entendu travailler fous lui,
il fe retira, & laiffa quelques barils
de poudres découverts ; le
feu y prit pluftoft qu'on ne l'avoit
crû , & jetta le Lieutenant
des Mineurs jufque fur la batterie
de Brandebourg . Celuy qui
les commandoit fut brûlé . Comme
la Mine n'eftoit pas affez profonde
, l'ouverture qu'elle fit au
pied de la Courtine , fut feulement
de deux toifes. Les Turcs
fortirent en fi grand nombre ,
qu'on ne les put arrefter que par
un feu extraordinaire que l'on fit
fur eux.
Le
114 Hiftoire du Siege
a
Le 23. Le Mineur attaché à la
Rondelle du milieu, ayant achevé
de perfectionner la Mine , il
fut refolu que fi elle avoit l'effet
que l'on pouvoit s'en promettre,
on donneroit l'Affaut , general,,
Cependant le Prince Charles jugea
à propos
de faire fommer les
Afliegez avant que de l'entreprendre.
Le Magaſin fanté le
jour précedent , avoit mis un fi
grand defordre dans la Place
qu'il y avoit lieu de croire qu'on
les trouveroit moins obftinez , &
qu'ils fe refoudroient à fe rendre
fi on leur offroit des conditions
avantageufes. Ainfi fur les trois
heures aprés midy, ce Prince envoya
le Comte de Konigfek, fon
Aide de Camp general , avec un
Tambour & un Interprete pour
fommer la Ville. Les Affiegez
le voyant venir , & connoiffant
au
de Bude.
115
,
au fignal d'un mouchoir blanc
qu'il avoit quelque propofition
à leur faire planterent fur la
Muraille un Drapeau de mefme
couleur , & vinrent enfuite
prendre la Lettre du Prince
Charles pour la porter au Bacha
, qui dormoit alors , à ce
qu'ils dirent. En attendant la
réponſe , on luy laiffa trois Turcs
pour Oftages , & on luy vint
dire un peu aprés que le Bacha
avoit affemblé fes Officiers,
pour deliberer fur cette Lettre.
Il y eut de part & d'autre fufpenfion
d'armes pendant deux
heures
, & aprés ce temps on
apporta la réponſe du Bacha au
Prince Charles , envelopée d'écarlate.
Voicy les termes qu'elle
contenoit .
GRAND
116
Hiftoire du Siege
RAND VISIR DES
G&RESTIENS,
Tu es bien présomptueux de venir
une feconde fois mettre le Siege
devant Bude , qui a déja couté tant
de monde & tant d'argent aux
Chreftiens. Il est bien vray que ce
Siege nous a furpris , parce que nous
ne nous y attendions point ; mais
par l'affiftance de Dieu, & de noftre
Prophete Mahomet, vous aurez efte
par deux fois honteufement repous-
Sez, & vous n'aurez pas à nous
donner tat d'affauts que vous croiez.
Nous efperons qu'il vous en arrivera
comme il vous est déja arrivé . Si
voftre Empereur vous a commandé
de nous attaquer , nous avons ordre
du noftre de nous bien défendre .
Cette réponſe pleine de fierté
obligea les Affiegeans à faire joüer
le Canon des trois Attaques , &
de Bude.
117
à bombarder la Place avec plus
de furie que l'on n'avoit fait auparavant.
Le 24. Les Imperiaux firent
jouer une Mine , qui au lieu de
renverfer la Rondelle qui eftoit
entre leur bréche & celle des
Troupes de Brandebourg , combla
les premiers poftes de leurs
Tranchées , ce qui fâcha fort les
Hongrois , qui au nombre de
deux mille eftoient tout prefts de
monter à l'affaut , à la tefte des
Troupes de l'Attaque de Lorraine.
Le Capitaine des Mineurs &
deux Travailleurs furent accablez
par les débris de la Mine,
dont plus de deux cens Soldats
furent tuez ou bleffez. Un fugitif
vint apprendre au Prince
Charles que le Treforier des Janiffaires
avoit eu deffein de livrer
la Ville , à condition qu'on
l'en
118 Hiftoire du Siege
t
l'en feroit Vice - Commandant ,
mais que deux Païfans qui luy
devoient apporter la Lettre aïant
efté arreftez , le Bacha avoit fait
couper la tefte au Treforier , &
pendre les Païfans . Il ajoûta que
cinquante Turcs & un Aga a-
- voient efté tuez de la Mine, que
les Imperiaux avoient fait jouër
ce mefme jour, a
Le 25. une Bombe des Affiegeans
renverfa fur la Rondelle
du Chafteau quelques Paliffades,
& deux ou trois cofres chargez
de terre & de pierres qui les foûtenoient.
Le General Dunewald
receut ordre de prendre langue
de l'Armée des Infidelles. Sur les
cinq heures du foir , les Affiegez
firent une Sortie avec 200. hommes
fur la droite de l'Attaque de
Lorraine , où commandoit le
Comte de Saur , qui les repouſſa
vigou
de Bude.
119
quelque
.
vigoureufement avec
perte de leut cofté , mais elle
ne les empefcha pas d'en faire
une autre fur la gauche , où é-.
toient les Troupes de Brandebourg.
Ils couperent la tefte à
quarante hommes , & après avoir
encore efté répouffez de ce coſté
là , ils revinrent de nouveau , 1 , &
poufferent ceux de Brandebourg,
qui furent contraints de quitter
leurs Lignes. Le Prince Charles
en fut averty , & fit incontinent
avancer les Bataillons de referve,
qui eftoient poftez le long du
Danube prés des murailles de la
Ville- baffe. Les Turcs plierent
-lors qu'ils virent ce fecours , &
quoy qu'ils en euffent receu du
Bacha,qui leur envoyoit dé temps
en temps de nouvelles Troupes
pour les foûtenir , ils rentrerent
dans la Ville aprés une Efcarmouche
I 20
Hiftoire du Siege
che qui dura prés de quatre heures.
Il ne demeura que vingt
des leurs fur la place. Ceux de
Brandebourg perdirent le Lieutenant
Colonel de leurs Gardes.
Le Baron d'Ati qui commandoit
le Corps de referve , fut bleffé
au pied d'un coup de Moufquet,
& l'Aide de Camp du Comte de
Staremberg eut les deux jambes
emportées d'un coup de Canon.
Le Baron de Hoenwart fut tué
avec un Enſeigne du Regiment
de Souches , & quelques autres
Officiers.
Le 26. on prepara toutes les
chofes neceffaires pour donner le
lendemain l'Affaut general . Le
Maréchal Caprara paffa le Danube
, & vint fe camper au milieu
des Imperiaux & des Bavarois
, afin de fermer le paffage
· par où les Ennemis auroient pû
fe
de Bude. 121
fe fauver , ou faire des Sorties
fur les Affiegeans. Le Prince
Charles, qui avoit refolu de faire
donner l'Affaut à la pointe du
jour , paffa toute la nuit dans la
Tranchée , & pendant ce temps
on executa la refolution que l'on
avoit priſe d'attacher aux Paliffades
une certaine compofition
de feu artificiel pour les brûler;
elle eut un tres- grand effet .
,
Le 17. au matin les Paliffades
eftant encore toutes enflâmées
par la quantité qu'on y
avoit mis de cette compofition,
on attendit pour donner l'Affaut
qu'une petite pluye , qui
commença à tomber , euft éteint
les feux qui fervoient comme de
défenſe aux Ennemis. Tous les
ordres avoient été donnez le jour
précedent à tous les Officiers Generaux
Subalternes qui devoient
F
7 122 Hiftoire du Siege
eftre employez aux 3.Attaques,&
ils fçavoient en quel lieu & en
quelle maniere ils devoient agir
lors qu'ils auroient oüy le Signal.
Ce Signal eftoit 3. décharges de
12.petites pieces de Canon du côté
de Peft,afin qu'on en puft entendre
le bruit auffibien au quartier
de Baviere, qu'à ceux de Lorraine
& de Brandebourg. Il fut
donné fur les fix heures du foir, &
auffi- toft ceux qui eftoient commandez
à l'Attaque de Lortaine,
marcherent en fort bon ordre
vers la groffe Rondelle à droit,afin
de fe loger fur la bréche . Quarante
Grenadiers ayant un Capitaine
à leur tefte avec un Lieutenant
& un Sergent , furent fuivis
de cinquante Fufeliers , &
d'un pareil nombre d'hommes armez
de faulx , fous les ordres
d'un Capitaine , d'un Lieutenam
,
de Bude. 123
nant , d'un Sergent , & des autres
Officiers fubalternels. Cent
hommes chargez de haches &
pelles eftoient à la premiere ligne,
commandez par un Capitaine
, par un Lieutenant , & par
un Sergent, & avoient deux cens
Moufquetaires pour les foûtenir.
Le Prince de Neubourg, Grand-
Maistre de l'Ordre, Teutonique
, commandoit en cet endroit
de l'Attaque , & le Marquis de
Nigrelli , General de Bataille ,
le Colonel Keth , le Baron Reder
, Lieutenant Colonel , & le
Lieutenant Major de Staremberg
l'accompagnoient pour
porter fes ordres , & les faire
executer avec plus de promptitude.
Le Comte de Souches, qui
avoit auprés de luy le Sergent
general Diepental , le Colonel
d'Oetingen , le Comte Jorger,
,
Fij
124 Hiftoire du Siege
1
Lieutenant Colonel , & le Sergent
Major de Croy, marcha au milieu
vers la Courtine , précedé de 50.
Grenadiers , de cent Fufeliers, &
-de cent autres hommes armez de
faulx & de bâtons ferrez par les
deux bouts . Ceux - cy ayant leurs
Officiers à leur tefte , avoient
auffi pour les foûtenir 200. Moufquetaires
& 5o.hommes avec des
haches & des bêches propres à faper
& à faire des logemens après
qu'on auroit chaffe les Ennemis
de leurs poftes. La difpofition fut
pareille à l'Attaque de Brandebourg.
Ceux qui devoient donner
à la bréche de la Rondelle à gauche,
eftoient foutenus d'un pareil
nombre de Moufquetaires , & avoient
ordre de faire grand feu
contre les Turcs fi- toft qu'ils fe
montreroient hors de leurs Coupures.
Les Heiduques furent
commandez pour donner une
de Bude. 125
fauffe alarme du cofté de l'eau ,
à l'endroit où l'embrafement du
Magafin avoit ouvert la Murailles.
Trois cens hommes les foutenoient
fous les ordres d'un Sergent
Major , de trois Capitaines
& des autres Officiers Inferieurs.
Tous les autres Generaux
furent poftez en divers endroits
pour y faire la fonction
de leurs charges fuivant le commandement
qu'ils avoient receu
. On avoit mis douce cens
hommes de reſerve dans un fond
au pied de la brêche , & ils devoient
s'avancer par files afin de
remplir la place de ceux qui feroient
tuez . Le General Dinghen
les commandoit. Le refte de l'Infanterie
eftoit deftiné pour s'avancer
de la mefme forte fi les
Generaux & les autre Officiers
à qui l'on avoit confié la garde
Y
Fiij
126 Hiftoire du Siege
de la Tranchée , l'euffent jugé
à propos. Tout ayant efté difpofé
de cette forte , les Troupes
Imperiales & celles de Brandebourg
marcherent en mefme
temps du coté des brêches ,
chacun en fon rang , tant les Of
ficiers que les Soldats , principalement
vers la grande Rondelle,
dont la maçonnerie n'avoit
pas
efté bien éboulée , quoy qu'on
y euft fait jouer plufieurs Mines.
Ce fut de part & d'autre
un feu effroyable & un bruit
terrible qu'on ne sçauroit exprimer.
Si le Canon , les Bombes
, les Carcaffes , les Grenades,
& la moufqueterie des Affiegeans
, firent un fracas qui euſt
pû épouvanter les plus intrepides
, le feu que firent les Affiegez
& par leur Canon & par
leurs Mortiers à pierres qu'ils ac- .
compagnerent d'une grefle de
de Bude.
127
Fleches , de Dards , de Bombes
ardentes , & autres Machines,
qu'ils faifoient rouler du haut
des brêches où ils s'expofoient
à corps découvert , fit voir aux
Chreftiens qu'ils avoient à faire
à des gens determinez qui leur
vendroient cherement leurs vies.
Les Imperiaux s'avancerent
bord jufqu'aux Paliffades , dont
les Ennemis avoient reparé les
bréches des Rondelles . Ils eurert
peine à y conferver leur
pofte , à caufe du grand nombre
de Fourneaux qu'on y fit
jouer. Plus de trois cens hommes
furent tuez ou accablez du
premier , & la refiftance des
Affiegez qui fut extraordinaire ,
fit reculer les Imperiaux juf
qu'à trois fois. Le Prince Charles
qui s'en appercent du lieu où
il donnoit les ordres , & qui les
F
128
Hiftoire
du Siege
રે
vit au milieu des feux , tant des
Machines que les Ennemis faifoient
rouler , que de neuf Mines
& de neuf fourneaux qu'ils
firent fauter en fort peu de
temps , s'avança luy - meſme au
pied de la brêche pour les foûtenir
avec de nouvelles Troupes
Sa prefence les anima telle.
ment , que voyant leur General
s'expofer comme eux au plus
grand peril , & vouloir fe rendre
témoin de leurs actions , ils
forcerent les Paliffades , & fe
rendirent maiftres de la grande
Rondelle où ils fe logerent. Ceux
de Brandebourg n'eurent
moins de fuccez à leur attaque.
Ils vinrent à bout de fe loger
fur la Courtine & fur la Rondelle
à gauche. Les Ennemis qui
s'eftoient retirez derriere les retranchemens
qu'ils avoient faits
pas
all
de Bude. 129
= au de- là des Paliffades , firent
leurs efforts pour les en chaffer,
& jetterent fur les uns & fur
les autres quantité de Fleches ,
de feux d'artifices , & d'autres
Inftrumens remplis de foufre ;
fur tout leurs Mortiers à pierres,
les Mines & les Sacs à poudre
aufquels ils mettoient le feu en
ſe retirant des Poftes qu'on les
forçoit de quitter , tuerent &
blefferent un grand nombre de
Chreftiens. La prefence du Prince
Charles qui ne voulut point
abandonner l'entreprife , contribua
fort à l'heureux fuccez qu'elle
cut. Chacun cherchoit à fe
fignaler avec une intrepidité qui
n'eft pas croyable , & les Soldats
à envy les uns des autres,
prenoient le Pofte que leurs camarades
leur abandonnoient en
perdant la vie. Les Imperiaux
F v
130 Hiftoire du Siege.
trouverent dans la grande Rondelle
deux Etendarts des Janiffaires
, & trois Pieces de Canon,
& ceux de Brandebourg en trouverent
fept & quelques Mortiers
dans la Rondelle dont ils s'étoient
emparez à gauche.
Pendant que l'on donna l'affaut
de ce cofté - là , l'Electeur de Baviere
le donna auffi du cofté de
fon attaque . Il avoit fait brûler le
jour precedent les Paliffades que
les Ennemis avoient plantées fur
la brêche, & fi-toft qu'on eut entendu
le Signal pour y monter,les
Fufeliers , & les Grenadiers avec
les hommes armez de haches qui
avoient fes ordres pour faper celles
qui pouvoient encore embaraffer
, fortirent de la Tranchée,
fuivis de cent Moufquetaires fous
un Capitaine & deux Lieutenans
, pour monter à l'affaut, tant
à
de Bude.
à droit qu'à gauche. Ĉent Travailleurs
marcherent en fuite, 25 .
avec des Pelles , & foixante &
quinze avec des faux , pour faire
un logement fur la hauteur de la
Rondelle, aprés qu'on s'en feroit
emparé. Ils eftoient fouftenus de
50. Fufeliers , de 30. Grenadiers,
& de 200. Moufquetaires. D'autres
Moufquetaires choifis avoiết
efté commandez pour feconder
de chaque cofté les trois Bataillons
Imperiaux , Bavarois & Saxons
qui devoient fouftenir les
premiers. On fe mit en marche
par les Ouvertures qui avoient
efté faites aux foffez vers la brêche
à droit & à gauche de la
Rondelle. En mefme temps toutes
les bateries commencerent à
tirer fur les brêches, & contre les
murailles hautes & les feneftres
des maifons du Chafteau, & l'on
jetta
132
Hiftoire du Siege
jetta auffi fans aucun relâche des
bombes & des carcaffes , dont il
y en eut quantité qui furent jettées
contre les retranchemens
des Affiegez , & entre les deux
premieres murailles du cofté du
Danube. Quoy que la muraille
fuft encore haute & difficile
à monter , on s'avança vers
la brêche à droit & à gauche
avec tant de valeur , de courage
& de conduite , que l'on
s'empara de la Rondelle , malgré
les coups de Moufquets que
les Ennemis tiroient fans ceffe
des Crenaux de cette meſme
muraille . On s'empara auffi à
gauche d'un lieu fitué entre les
maifons , & la muraille exterieure
, ce qui n'eftoit pas aifé
, parce que les endroits les
plus éminens du Chateau le
commandoient , & que l'on jettoit
de Bude .
133
toit de là fur les Affiegeans
une infinité de pierres , de Grenades
, de Bombes & de Sacs
à poudre. Ce feu continuel ne
put arrefter l'ardeur qui les emportoit
, & ils l'effuyerent avec
une bravoure qu'on ne peut affez
loüer, mais la nuit qui commençoit
d'approcher , ne permit pas
qu'on avançaft davantage. On
travailla à des Logemens fur la
Rondelle , & dans les autres Poftes
que l'on avoit occupez . L'Electeur
de Baviere fe tint expofé
au feu pendant toute l'action . Il
vifita tous les Poftes , & alla par
tout donner les ordres qu'il jugea
utiles pour la feureté & pour la
perfection du travail. Non feulement
il animoit les Soldats par
fa prefence , mais il les engageoit
à continuer de bien faire en leur
donnant des marques de fa liberali
F34
Histoire du Siege
ralité . Le Prince Louis de Bade
fit paroiftre auffi beaucoup d'intrepidité
, & demeura expofé
aux coups pendant toute l'efcarmouche
, afin qu'on apprift par
fon exemple à méprifer le peril.
Le Prince de Neubourg, le Prince
Eugene de Savoye , & plufieurs
autres Generaux montrerent
de leur cofté toute la bravoure
qui pouvoit donner un
nouveau courage aux Attaquans,
& la fermeté avec laquelle ils les
voyoient foûtenir le grand feu
des Ennemis , fervit beaucoup à
leur faire remporter les avantages
qu'ils eurent en cette journée.
Ce que firent les Heiduques
ne fut pas confiderable. Auffi ne
faifoient- ils qu'une fauffe attaque
afin d'attirer les Ennemis de
ce cofté- là . Ils y trouverent les
Poftes tres -bien garnis , à caufe
que
de Bude..
135
*
que c'eftoit l'endroit où te Magafin
avoit fauté , & par confequent
le plus découvert. L'affaut:
dura trois heures avec grand
perte du côté des Affiegeans . Ils .
eurent prés de deux mille hom .
mes tuez ou bleffez , fans un fort
grand nombre d'autres qui furent
brûlez ou enterrez par les
mines. Le Prince Charles fut
atteint legerement d'un coup de
pierre à la jambe , & le Sieur
d'Artein fon Ayde de Camp general
de ce Prince , fut tué auprés
de luy. Le Duc de Croy qui
n'avoit receu d'abord qu'une
bleffure peu confiderable , receut
enfuite un coup de Moufquet qui
luy perça le genoüil . Le Duc de
Curland Colonel dans les Troudes
de Brandebourg , fut bleffé
dangereufement , auffi bien que
le Comte Schileck, & le Marquis
Sa
136
Hiftoire
du Siege
,
Sanati . Le General Major de
Thingen le fut mortellement à la
teſte. Le Baron d'Afti qui n'eſtoit
pas encore guery d'une bleffure
qu'il avoit receu e deux jours auparavant
, eut les deux cuiffes
percées , & le Baron de Welbersheim
, les deux bras caffez . Le
Prince de Comercy qui s'eft
toûjours fignalé dans les occafions
où il y avoit le plus de peril
à effuyer , receut auffi une legere
bleffure. Les autres bleffez
dont on a pû jufqu'icy fçavoir les
noms , furent le Duc de Scalona ,
le General Major Diepenthal , le
Comte & le Chevalier d'Apremont
, Freres , le Colonel Goeling
; le Comte d'Archinto ; le
Comte Zacco Sergent Major , le
Lieutenant Colonel Rotten ; le
Comte de Saur ; le Sieur Reder,
Lieutenant Colonel du Regiment
de Bude 137
ment de Neubourg . Le Sergent-
Major Pini , le Marquis de la
Verne , le General Rummel , le
Baron de Welberg , Lieutenant
Colonel de Beck , avec plufieurs
Officiers de ce mefme Regiment:
le Comte de Palfi , Lieutenant
Colonel ; le Baron d'Aversberg,
le Sergent Major , un Capitaine
& un Lieutenant de Staremberg,
& plufieurs autres Officiers
des Regimens de Bade , de Beck,
de Steinau, de Rummel , de Selbolftoff,
de Gallensfels , & autres.
Le Comte de Dona , & le Sergent
Major de Marwitz , furent
tuez à l'attaque de Brandebourg.
Le 28. on dreffa une Batterie
fur la Rondelle du milieu , dont
les Imperiaux s'eftoient rendus
maiſtres à l'Attaque de Lorraine ,
& l'on applanit les bréches , afin
d'y
138 Hiftoire du Siege
d'y pouvoir guinder l'Artillerie .
On travailla à perfectionner les
Lignes de communication des
logemens , & l'on pourfuivit le
travail de trois Mines , qui avoient
efté commencées fous la
feconde Muraille incontinent aprés
l'Affaut du jour précedent.
Le Mineur fut attaché en deux
endroits de cette mefme Muraille.
Ceux de Brandebourg tirerent
une Ligne paralelle à cette
Attaque .
Le 29. on fit fauter deux mines
à l'Attaque de Lorraine. Il y
en eut une qui renverfa quinze
toifes de maçonnerie dans le Foffé
. Elle ne laifferent pas de caufer
du dommage aux Affiegeans ,
puis que deux Capitaines des
Troupes de Brandebourg , & environ
cinquante Fantaffins , la
plufpart des mefmes Troupes.
£u
de Bude.
139
furent enterrez fous leur debris .
Une Batterie de trois pieces de
Canon fut achevée ce jour - là à
la mefine Attaque . Quelques Armeniens
fugitifs vinrent avertir
que plus de mille perfonnes , hommes
, femmes & enfans , avoient
efté tuez dans la Place le jour
qu'on avoit donné l'Affaut ; qu'une
grande quantité avoient voulu
fe fauver du cofté de la Ri
viere , mais qu'ils y avoient trouvé
tous les Bateaux enchaifnez;
que la Garnifon n'eftoit plus que
de mille Combattans , & que le
Muphti les exhortoit inceffammet
à fe rédre,mais que le Bacha
les animoit à refifter jufqu'au
bout par l'efperance du fecours
qu'il attendoit ; qu'il y avoit par
tout des Retranchemens & des
Coupures , & qu'à la derniere
extremité il avoit efté refolus
qu'on
140 Hiftoire du Siege
qu'on mettroit le feu aux Magagafins
, pour faire fauter la Ville
avec tous ceux qui fe trouveroient
dedans. La nuit , les Bavarois
avancerent environ de quarante
pas dans la Rondelle du
Chafteau , en tirant du cofté de
la Riviere , avec perte de cinquante
hommes , & ils y firent
mener deux pieces de Canon,afin
d'élargir la bréche de la feconde
Muraille .
Le 30. le Comte de Souches
& le Comte de Lodron ,Major de
Cavalerie , monterent la Tranchée
. Ce dernier avoit efté nommé
pour la relever , aina que le
Comte de Stirum , auffi Major de
Cavalerie , parce qu'il n'y avoit
plus que le Comte de Nigrelli ,
Major general d'Infanterie , qui
puft fervir. On fit jouër ce jourlà
une troifiéme Mine à l'Attaque
de Bude. 141
que de Lorraine , & deux à l'Attaque
de Baviere, qui firent affez
d'effet. Cependant le Prince
Charles jugeant qu'il y alloit du
fervice de l'Empereur de ne pas
expofer la Ville à l'affaut & au
pillage , envoya une ſeconde fois
fommer le Commandant de fe
rendre. Comme il eftoit déja
tard , les Affiegez prierent les Députez
d'attendre jufqu'au lendemain
la réponſe qu'ils leur demandoient
, parce qu'il falloit affembler
le Confeil fur une affaire
d'une fi grande importance.
Le 31. le Prince Eugene de
Savoye & un Interprete allerent
à la Porte de la Ville , où aprés
qu'on les eut fait attendre une
heure & demie , on leur apporta
deux Lettres du Commandant,
l'une adreffée au Prince Charles,
&
142 Hiftoire du Siege
& l'autre à l'Electeur de Baviere .
Elles contenoient , que la confervation
de Bude , qui eftoit la clef
de Conftantinople & de Jerufalem,
eftoit d'une telle confequence
pour les Ottomans , qu'il ne
pouvoit fe refoudre à la remettre
entre les mains des Chreftiens
mais qu'on n'avoit qu'à
choifir une autre Ville , & qu'il
eftoit preſt à la donner , efperant
par là qu'on luy voudroit bien
accorder la Paix . Ce mefme jour
le premier Capitaine d'Artillerie
eut le bras percé , & le Comte de
Staremberg , en reconnoiffant la
bréche, receut un coup de Moufquet
qui luy emporta un doigt,
& le bleffa à l'épaule . La fièvre
qui luy furvint , accompagnée
d'une diffenterie , l'obligea de fe
faire tranfporter à Comore , où le
Prince de Vaudemont , qu'une
vio
de Bude.
143
violente maladie avoit forcé de
quitter le Camp , eftoit déja depuis
quelques jours. Sur les huit
heures du foir , les Affiegez qui
n'avoient point eu de réponſe,
envoyerent deux Agas au Prince
Charles , & emmenerent avec
eux le Baron de Crentz , Ayde
de Camp du Prince Louis de
Bade , & un Interprete. On crut
que le Commandant avoit deffein
de capituler , mais toute la
negociation aboutit encore à dire
, qu'il feroit livrer telle Ville
qu'on voudroit fi on levoit le
Siege de Bude , ou qu'il rendroit
cette Place pourveu qu'on fift
une Paix generale avec l'Empire
Ottoman . Le Prince Charles
voyant que l'on n'avoit point
d'autres propofitions à luy faire,
renvoya les deux Agas , & rappella
les Oftages. Ils dirent qu'on
les
144 Hiftoire du Siege
les avoit receus fort civilement,
& qu'à leur départ ils avoient
veu beaucoup de confternation
dans la Ville. On fceut ce jour
là que l'Aga des Janiffaires eftoit
mort des bleffures qu'il avoit receues
à l'Affaut du 27. & qu'il y
avoit plus de deux mille hommes
des Ennernis bleffez ou malades.
Le premier jour d'Aouft les
Imperiaux firent jouër une Mine
qui eut un tres - bon effet. Elle fit
bréche dans la feconde Muraille,
& ébranla mefme la troifiéme , ce
qui obligea les Affiegez d'y accourir
en grand nombre. Les
Bavarois profiterent de ce moment
pour attaquer le Chafteau .
Ils y entrerent , mais ils ne purent
fe maintenir dans le logement
qu'ils y avoient commencé.
Le Marquis de la Vergne,
Gene
de Bude . 145
General Major , receut deux
coups de Fléches , dont l'un luy
perça le bras & l'autre la cuiffe .
Le Lieutenant Colonel de l'Artillerie
en receut un autre au ventre.
Quatre Fugitifs vinrent a-,
vertir que les Affiegez travailloient
à une Mine pour faire fauter
la grande Rondelle dont les
Imperiaux s'eftoient emparez. Le
General Dunewald arriva au
Camp avec la Cavalerie qu'il
commandoit aux environs de
Stulweiſembourg.
Le 2. le Comte Caraffa , Major
General, & le General Heufler
, arriverent auffi au Camp,
avec un Corps de quatre mille
hommes qu'ils commandoient
dans la haute Hongrie du cofté
de Zolnoch , & ils prirent leurs
poftes au delà du Danube , où
deux mille Hongrois comman-
G
146
Hiftoire du Siege
dez par le Comte Budiani les
joignirent . La nuit on travailla
aux Lignes de circonvallation
, pour arrefter le fecours des
Ennemis.
Le 3. on vit paroiftre des Avant-
coureurs de l'Armée des
Infidelles, & les Affiegez firet une
falve de tous leurs Canons . Comme
on s'eftoit difpofé à donner
un troifiéme Affaut , les Affiegeans
firent jouer une Mine , mais
elle n'eut pas l'effet qu'on en avoit
eſperé , & la bréche ne s'êtant
pas trouvée affez profonde,
le Prince Charles envoya dire à
l'Electeur de Baviere qu'il ne jugeoit
pas à propos de donner
l'Affaut. Les Troupes de cet Electeur
ne laifferent pas d'y monter
, foit que l'ardeur qui les ani
moit leur fift avancer l'heure du
Combat , foit qu'elles euffent
pris
de Bude.
147
-
pris le bruit de la Mine pour le
Signal dont on étoit convenu . Le
Prince Charles qui en eut avis
fit donner l'attaque de fon cofté .
Les Affiegez au nombre de plus
de deux cens , fe montrerent fur
la Bréche , le Sabre à la main , &
le corps tout découvert. Les Femmes
& les Enfans y parurent
mefme tirant des Fléches , &
faifant rouler des pierres. Il y
eut beaucoup de vigueur de part
& d'autre , & la refiftance fut
telle du cofté des Ennemis , que
tout ce que purent faire les Imperiaux
, ce fut d'avancer leurs
Logemens jufqu'au pied de la
troifiéme muraille. Ils eurent plus
de deux cens hommes tuez ou
bleffez. Les Bavarois fe faifirent
de deux ouvrages , où ils trouverent
du Canon & des Mortiers ;
mais ce ne fut pas fans perdre
G
11
148 Hiftoire du Siege
beaucoup de monde . Le Prince
de Bade receut une contufion
d'une Balle de Moufquet qui luy
perça le Ceinturon & le Jufte
au corps par derriere , & le Prince
Eugene eut un coup de Fléche
, dont le fer luy entra entierement
dans la main . Le Comte
de Caunits , Lieutenant Colonel
du Regiment de Metternich , le
Comte Hermeftein Lieutenant
Colonel de Souches , le Sieur de
Breffey , Gentilhomme Bourguignon
, Major du Regiment de
Grana , & le Major du Regiment
de la Vergne, furent bleffez à l'attaque
des Imperiaux avec plufieurs
autres Officiers. Il y eut un
jeune Comte de Staremberg tué
au commencement de cet Allaut.
Le Chevalier Huberti , Capitaine
des Gardes de l'Electeur de
Baviere , fut bleffé à l'attaque des
Ba
de Bude. 149
Bavarois avec quelques Officiers,
qui ne pûrent obliger les Fantaffins
à les fuivre , tant ils eftoient
rebutez par le feu des Ennemis,
& par les Bombes , Pierres & Grenades
qu'ils jettoient fur eux du
haut du Chateau.
Le 4. on continua de, canonner
& de bombarder la Ville , &
Fon eut avis que l'Armée Ottomane
s'approchoit . On acheva
les deux logemens à droit & à
gauche de la grande Rondelle,
& l'on conduifit quatre pieces
de Canon fur la bréche . On mit
plufieurs rangs de Pali ffades, dont
on fortifia les Travaux , que l'on
avança fort prés des Retranchemens
des Affiegez . Le Prince
Charles employa ce jour à vifiter
tous les Poftes , & à difpofer tout
ce qu'il crut neceffaire pour
eftre en eftat d'aller au devant
G iij
150 Hiftoire du Siege
de l'Armée des Ennemis.
l'Ar-
Le 5. on ne fit que travailler
aux Lignes de circonvallation, &
de contrevallation , & à des Redoutes.
On travailla auffi à des
Mines, à de nouvelles Bateries, &
à combler le Foffé à l'Attaque des
Imperiaux . On eut avis que
mée des Ottomans s'avançoit
toûjours , & que le Grand Vifir
la commandoit en perfonne. On
détacha auffi- toft differens partis ,
afin d'en avoir des nouvelles affeurées
; & cependant la garde
fut redoublée dans tous les Pofles
. Les Affiegez jetterent quantité
de Bombes. Il y en eut une
qui tomba à trois pas du Prince
Charles proche les Bateries des
Imperiaux. Elle mit le feu à
quelques barils de poudre , tua
vingt Canonniers ou Soldats , &
en bleffa plufieurs autres. Pendant
de Bude. 151
dant la nuit les Affiegez firent
defcendre un Batteau chargé de
monde & de meubles,ce qui obligea
de faire un Pont prés de Pefty
pour empefcher que la mefme
chofe n'arrivaft encore , & pour
avoir le fourage plus commodement.
Le 6. les Huffars , après avoir
battu un Party de trente Turcs,
qui s'eftoient détachez pour donner
quelques avis au Bacha de
Bude , amenerent quatre Prifonniers
, par lesquels on fçeut qu'il y
avoit une Armée de vingt mille
hommes du cofté de Stulweiſembourg,
fous le commandement du
Seraskier , & que le Grand Vifir
devoit fuivre avec une Armée de
trente mille hommes, & quarante
pieces de Canon . Le Prince Charles
donna auffi toft fes ordres
pour faire tranſporter les Mala-
Güij
152 Hiftoire du Siege
des , les Bleffez , & tout le bagage
fuperflu dans l'Ifle de S. André;
l'on travailla avec toute la diligence
poffible à perfectionner les
Ouvrages neceffaires pour mettre
le Camp en feureté , & pour
empefcher que les Ennemis ne
fecouruffent la Place . Les Bavarois
firent jouer un Fourneau qui
réüffit affez bien . Il y en avoit encore
un autre mais les Mineurs
ayant rencontré ceux de la Ville,
ne le pûrent achever.
,
Le 7. comme on fe trouvoit
fort incommodé d'une Batterie
que les Affiegez avoient derriere
la petite Rondelle , on en dref
fa une de deux . Canons pour la
démonter . Elle fit l'effet qu'on
en avoit attendu . Les , Bavarois
en firent
firent jouer une nouvelle ,
qui eftoit auffi de deux pieces
de Canon. Ils l'avoient dreffée fur
un
de Bude.
153
un échafaut bien élevé au bout
de la premiere muraille de la
Rondelle , pour abatre le Chafteau
. La nuit, on tâcha de combler
le Foffé avec des fafcines,
mais tout ce qu'on y jetta fut confumé
par des fléches ardentes que
tirerent les Affiegez , & qui y mirent
le feu. Sur le midy on fceut
par des Prifonniers que toute l'Armée
Ottomane devoit s'affembler
le lendemain devant Albe Royale.
On vint dire le foir qu'il y en
avoit partie arrivé à une lieuë du
Camp , du cofté du Chateau où
eftoit l'Attaque des Bavarois.Cela
obligea le Prince Charles à changer
fon Camp. Il fit occuper les
hauteurs & les vallons qui environnent
la Place , & nomma les
Regimens que l'on devoit envoyer
au devant des Ennemis, &
ceux qui demeureroient pour
G V
154 Hiftoire du Siege
continuer le Siege. On eut avis
ce jour là que le General Schults
eftoit mort. Il commandoit un
Camp- volant entre la Save & la
Drave.
Le 8. à la pointe du jour , trois
mille Turcs & Tartares parurent
fur une hauteur. Ils enleverent
deux Gardes avancées de douze
hommes chacune , & aprés avoir
efcarmouché avec les Huffars,
ils fe retirerent fur le midy. Cent
cinquante Hongrois qui avoient
efté détachez pour reconnoiftre
l'Armée des Infidelles , & qui
revenoient au Camp avec quelques
Prifonniers , tomberent entre
leurs mains , & en furent taillez
en pieces , à la referve de
quelques- uns qui en apporterent
la nouvelle. Ce mefme jour
les Affiegez ayant ouvert la Porte
du Chafteau , on fit un déta
de Bude.
155
tachement à l'attaque de Baviere
, pour s'avancer de ce coſtélà.
On en vit un fort grand nombre
le fabre à la main derriere
leurs retranchemens , & ils jetterent
tant de Grenades, qu'on fut
obligé de fe retirer , avec perte
de foixante hommes. On continua
de mettre les Lignes de Circonvalation
en défenfe , en les
fortifiant avec des Redoutes , fur
lofquelles on plaça quelques pieces
de Campagne.Douze hommes.
furent tuéz ou bleffez à une Batterie
à laquelle on travailloit depuis
plufieurs jours , & que les
Bombes des Ennemis ruinerent.
&
Le 9. les Tartares & les Turcs
revinrent fur le midy le long de
la Montagne vis à vis le Camp
de l'Electeur de Baviere
pafferent tout le jour à efcarmoucher.
Quoy qu'ils ne fuffent
pas,
156
Hiftoire
du Siege
pas en affez grand nombre pour
forcer les Lignes, ils ne laifferent
pas d'incommoder , parce qu'on
fut obligé de fe tenir toûjours
fous les Armes. Une Bombe des
Affiegez tomba à l'Attaque des
Imperiaux au milieu de plus
de mille Grenades . Elle mit le
feu à quelques unes dont quatre
ou cinq Moufquetaires furent
tuez. Le Comte d'Archinto
fut bleffé legerement. On pour
fuivit le travail des Mines que
l'on deftinoit à renverfer la feconde
muraille, & les retranchemens
des Paliffades dont les Ennemis
avoient reparé les brèches,
& les Heiduques furent employez
à faire des Fafcines & des
Sacs à terre , pour en remplir les
Foffez, qui eftoient de la hauteurde
deux piques .
Le 10. les Affiegez firent une
for
de Bude. 157
fique
fortie à l'Attaque des Bavarois,
& couperent la tefte à quarante
hommes qu'ils trouverent dans la
Rondelle du Chateau. Un gros
de Turcs au nombre de douze
ou quinze cens , s'approcha du
Camp , mais ils n'eurent pas
toft aperceu un détachement.
commandoit le General Dunewald,
qu'ils prirent la fuite .Trente
Huffarts ayant rencontré
quarante
Turcs, les combatirent . Ils.
en tuerent fix , & firent cinq
Prifonniers , parmy lefquels eftoit
un Aga , qui ayant efté déja pris
il y a quelques années , avoit
payé huit mille écus de rançon.
Ils dirent que le Seraskier avoit
ordre de fecourir Bude à quelque
prix que ce fuft ; mais qu'ils
croyoient que l'on auroit peine
à l'engager au Combat .. Un Efpion
vint donner avis que l'Armée
158 Hiftoire du Siege
mée Otomane, compolée de plus
de foixante mille hommes , eftoit
campée le long du Danube à
trois lieues des Affiegeans. Il dit
qu'il avoit efté la reconnoiftre en
habit de Tartare , que le Serafkier
la commandoit , qu'elle occupoit
deux lieues d'étendue, &
que le grand Vifir eftoit demeuré
derriere avec mille hommes
qu'il avoit retenus pour le
garder.
La Ligne de communication
de l'attaque des Bavarois avec
celle des Imperiaux fut achevée
, & un Foffé profond que
l'on fit avec des bons épaulemens,
mit leur Quartier hors d'eftat
d'eftre infulté par les Ennemis.
Le 11. deux mille Chevaux
Turcs parurent fur la hauteur vis
à vis de l'Attaque de Baviere.
Quelques Efcadrons furent dé
tachez pour les aller reconnoitre.
de Bude.
159
tre. Il y eut une Efcarmouche
dans laquelle
le Prince
Charles
de Neubourg
eut un Cheval
tué
fous luy ; mais les Infidelles
commencerent
à defcendre
en fi grad
nombre
qu'il fut impoffible
de
les fouftenir
. Ainfi il falut fe retirer,
& fe contenter
de faire fur
eux un feu continuel
de Canon .
Trois Mines
furent
miſes en état
de jouer le lendemain
. La plus
grande
avoit huit Chambres
, &
leur charge
eftoit de cinq milliers
de poudre
. Comme
on avoit
refolu
d'aller
à l'Affaut
fi elles
réuffiffoient
, le Prince
Charles
commanda
trois mille hommes
de pied avec quinze
cens Chevaux
ou Dragons
, pour les foûtenir
. Le Comte
Petnehafi
arriva
au Camp
avec trois mille
Hongrois
,
Le 12. on fit jouer les trois Mines,
160
Hiftoire du Siege
nes, dont la plus grande n'eut aucun
effet , ce qui fit croire qu'el
le avoit efté découverte, & qu'on
en avoit tiré les poudres. Les
deux autres ne firent qu'une ouverture
pour dix hommes de
front , encore n'eut- elle pas efté
pluftoft faite que les Affiegez la
reboucherent par le moyen des
chevaux de frife , de forte que
l'on ne jugea pas qu'on d'euft
hazerder l'affaut ,
, quoy qu'on s'y
fuft déja difpofé . On fit retirer
les detachemens , & les Mineurs
eurent ordre de commencer un
nouveau travail . Les Mines jettérent
dans la Tranchée quantité
de pierres , dont plufieurs des
Affiegeans furent bleffez ,entr'autres
le Prince de Wirtemberg , le
Comte de Ridberg , & les Lieutenans
Colonels des Regimens de
Lodron de Neubourg. L'Armée
des
de Bude. 161
des Infidelles vint camper fur le
haut d'une Montagne qui n'étoit
pas fort éloignée des Lignes.
Ceux qu'on avoit envoyez pour
s'en informer,rapporterent qu'elle
eftoit de cinquante mille hommes
avec du Canon .
Le 13. les Affiegez firent une
fortie à cheval fur la grande Garde
des Imperiaux ,dont ils tuerent
douze hommes , & emmenerent
quatre Prifonniers qu'ils firent .
Le Comte de Colonitz , Page du
Prince Charles , & un Trompette
de l'Electeur de Baviere , eurent
la tefte coupée dans cette
efcarmouche. Les Turcs parurent
en bataille devat leur Camp,
& comme ils firent defcendre une
partie de leur Armée, on crut
qu'ils avoiet envie de döner combat.
Cela obligea le Prince Charles,
quidésle jour precedent avoit
fait
162
Hiftoire du Siege
fait fortir des Lignes toute la Cavalerie
, Dragons , Huffars , &
Croates,d'en faire auffi fortir l'Infanterie
, à la referve de vingt
mille hommes ,aufquels il en confia
la garde , & celle des trois attaques.
On forma deux Efcadrons
de la plupart des Volontaires , &
deux mille Heiduques , & un pareil
nombre de Hongrois , furent
commandez pour faire l'avantgarde
de l'Armee , & pour venir
les premiers aux mains fi les
Turcs vouloient entreprendre
quelque chofe. Ceux qu'on avoit
veus d'abord ne tenterent rien,
& fe retirerent le foir dans leur
Camp.
Le 14 dés fix heures du matin
, on s'apperceut qu'ils avoient
formé un corps de trois mille Janiffaires
& d'environ 5000. Chevaux
, qui devoit fervir d'avantgarde,
de Bude.
163
que
garde à leur Armée , tandis
le refte demeureroit derriere rangé
en bataille pour les fouftenir.
On apprit que leur deſſein eftoit
de faire paffer les trois mille Janiffaires
entre le quartier des Imperiaux
, & celuy de Brandebourg,
& que pendant l'action les Affiegez
devoient faire une Sortie
pour leur faciliter le paffage, &
leur donner moyen d'entrer dans
la Ville.En meſme temps le Prince
Charles commanda le Comte
de Dunewald pour former l'aifle
gauche de la Bataille avec neuf
Kegimens Imperiaux , qui furent
ceux de Caprara , Palfi , Taff, Lodron
, Neubourg , Furftemberg,
Stirum , Serau, & Schultz , & huit
cens Huffars. Le General Heufler
eut la droite avec un pareil
nombre de Regimens , tant Imperiaux
& Bavarois, que de ceux
de
164 Hiftoire du Siege
de Saxe & de Brandebourg , qui
occuperent une hauteur dont le
terrein leur eftoit avantageux, &
d'où tous les mouvemens des Ennemis
pouvoient eftre décou
verts . Le gros de l'Armée eftoit
difpofé en fort bon ordre , &
dans une diſtance de terrein- qui
luy donnoit facilité de charger
tout ce qui s'avanceroit pour fecourir
Bude. Les huit mille Janiffaires
& Spahis qui devoient
forcer les Lignes, après avoir voltigé
derriere les hauteurs pendant
deux heures , prirent leur
marche entre ces mefmes hauteurs
, & rencontrerent d'abord
les quatre mille hommes de l'Avantgarde
, qui furent rompus au
premier choc. Le Baron de Mercy
les voyant plier , ſe mit à la
tefte du Regiment de Schultz
pour les fouftenir , & en faifant
fermé,
de Bude. 165
>
ferme , il donna le temps au
Comte de Dunewald d'avancer
avec les Regimens de Taff , de
Lodron , & autres. Ce fut alors
que l'on vint à un Combat tresrude
& tres - opiniaftré . Les
Infidelles furent chargez avec
toute la vigueur poffible , & ces
Regimens faifant leurs decharges
à propos , renverferent
leur
Cavalerie qui prit la fuite & abandonna
les Janiffaires. Il y en
eut deux mille de tuez . Chacun
d'eux portoit quatre à cinq Grenades
, & ils avoient tous , les uns
des haches , les autres des pelles
pour rompre les Lignes & les
applanir s'ils euffent pu aller jufques-
là. On prit huit pieces de
Canon , quarante Etendarts , &
fon fit quatre à cinq cens Prifonniers.
Aprés le Combat , les
Infidelles firent divers mouvemens
166
Hiftoire du Siege
mens en s'avançant dans la Plaine
oppofée au Čamp de l'Electeur
de Baviere , qui ayant fait
auffi fortir fon Armée des Lignes
, la tenoit en ordre de Bataille.
Il fut refolu dans un Confeil
general qui fe tint , qu'on iroit
les attaquer , ce qui fut executé
par cet Electeur , mais ſe voyant
pourfuivis ils fe retirerent dans
leur Camp.Le Comte de Dunewald
, & le General Heufler , qui
s'étoient avacez avec les Huffars
par de là les hauteurs , rencontrerent
un gros de Spahis , que
les Ennemis avoient laiffé pour
couvrir leur retraite. Ils en tuerent
prés de deux cens , & en
firent trente Prifonniers. Il n'y
eut qu'environ cent hommes tuez
du cofté des Imperiaux , entre
lefquels fe trouvèrent le Comte
de Lodron , Lieutenant Colonel
de Bude. 167
nel du Regiment de Croates de
ce nom , & le Major du Regiment
de Caprara On fceut que
les Tures avoient perdu plus de
quatre mille hommes , fans un
fort grand nombre de bleffez, &
qu'ils eftoient d'autant plus touchez
de cette perte , que les Janiffaires
qui avoient eſté tuez
eftoient l'élite de leurs Troupes,
& que c'eftoit par eux principalement
qu'ils s'eftoient flatez
de pouvoir jetter du fecours dans
Bude. Les Affiegez firent une
fortie pendant le Combat , mais
ils furent fi vigoureufement repouffez
, qu'ils tarderent peu à
fe retirer. L'Armée Imperiale
eſtant retournée dans ſon Camp ,
& celle de l'Electeur de Baviere
dans le fien , on fit une falve de
tout le Canon des trois Attaques.
On expofa fur des Piques
plu
168
Hiftoire du Siege
plufieurs teftes de ceux qui avoient
efté tuez dans le Combat
, & l'on planta fur la brêche
les Drapeaux gagnez , afin que
les Affiegez ne puffent douter
de la Victoire qu'on venoit de
remporter. La nuit on furprit
deux Efpions avec des lettres
pour le Grand Vifir. Le Bacha
de Bude luy mandoit qu'il avoit
beſoin d'un prompt fecours , &
qu'il falloit fe fervir de la nuit
pour enfoncer les Lignes des Affiegeans
; que pour luy il s'eftoit
retranché dans la Ville , mais
qu'ils eftoient trop avancez pour
leur pouvoir refiſter.
Le 15. on connut que les
Ennemis avoient decampé , &
qu'ils s'eftoient éloignez de deux
lieuës. Le Prince Charles ordonna
qu'on fift enterrer les
Morts qui eftoient demeurez
dans
de Bude.
169
dans le Champ de Bataille , afin
qu'ils n'infectaffent point l'air, &
aprés avoir envoyé aux Affiegez
un des Prifonniers qu'on avoit
faits , pour les informer de
l'heureux fuccez du jour precedent
, qui les devoit empefcher
d'efperer aucun fecours , il fit
partir le Comte de Lamberg
pour aller fommer la Ville , mais
il ne fut pas pluſtoſt arrivé à la
porte , qu'ils commencerent à
tirer fur luy , de forte qu'il fut
obligé de fe retirer . Le foir,
on apprit par un Transfuge que
trois Bachas eftoient demeurez
au dernier Combat que le
Grand Vifir avoit fait couper
la tefte à un autre , & qu'at- '
tribuant au Seraskier le mauvais
fuccez de cette journée , il
l'avoit infulté avec toutes for-
H
>
170 Hiftoire du Siege
tes de marques de, mépris & de
colere.
Le 16. les Affiegez firent joier
une Mine à l'Attaque des imperiaux
, & fortirent en mefme
temps pour tâcher de profiter de
la confufion où ils croyoient les
trouver dans leurs Tranchées,
mas ils connurent que leur Mine
n'avoit eu aucun effet , & fe retirerent
avec quelque perte . Les
Imperiaux mirent le feu aux Paliffades
de la brêche , & en brû
lerent une partie , mais les Affiegez
en remirent d'autres pendant
la nuit. On s'apperceut
qu'il y en avoit un double rang
derriere les premieres , & qu'ils
les avoient moüillées , afin d'empefcher
que celles qui eftoient
en feu ne les confumaffent.Cinq
Polonois qui vinrent ſe rendre,
rapporterent que les Jani ffaires
avoient
de Bude. 171
avoient declaré qu'ils ne vouloient
plus aller au Combat, parce
que la Cavalerie les abandonnoit
toûjours dans le peril. Ils
ajoûterent que le Grand Vifir en
avoit fait mourir quelques - uns
pour remettre les autres dans l'obeillance.
Le 17. une Mine des Affiegeans
fut éventée à l'Attaque des
Imperiaux. Un Transfuge rapporta
que le foir qu'on avoit brulé
les Paliffades , prés de cent
Turcs avoient été bleffez ou tuez
par les Bombes qu'ils y avoient
enterrées , & aufquelles ils auroient
mis le feu , fi Ton euſt
monté à l'affaut ; qu'il ne reftoit
dans la Ville qu'environ mille
hommes capables de porter les
armes , mais que chacun eftoit
refolu de fe défendre jufqu'à la
derniere goute de fon fang. Six
.
H ij
172 Hiftoire du Siege
Fantaffins qui avoient merité la
mort , monterent par ordre de
l'Electeur de Baviere au haut du
Chafteau pour en découvrir le
dedans , mais les Affiegez qui les
découvrirent les firent defcendre
trop toft. La nuit , trente
Volontaires qui s'eftoient détachez
voulurent mettre le feu aux
Paliffades qui défendoient la
brêche de la derniere enceinte
de la Place , mais il y avoit des
poudres répandues aux environs
qui en brûlerent quelquesuns
, & les Affiegez en tuerent
quelques autres , de forte qu'ils
ne purent executer leur def
fein.
Le 18. deux Polonois qui s'étoient
fauvez de l'Armée des
Turcs, rapporterent que le Grand
Vifir avoit promis trente écus
à chacun des Janiffaires qui
pour
de Bude.
173
pourroient forcer les Lignes &
fe jetter dans la Place , qu'ils s'étoient
mis en marche au nombre
de deux mille avec quantité
de Tartares , pour aller gagner
les Montagnes qui regardent la
Ville- baffe , que c'eftoit par là
que les Ennemis pretendoient
faire entrer dans Bude le fecours
que le Commandant continuoit
de preffer , & qu'ayant un Pont
à cinq lieues du Camp des Chrétiens,
ils avoient envoyé du monde
en de là du Danube pour
faire diverfion. Oń fit jouer une
Mine à l'Attaque des Imperiaux
, &le peu de ffuucccceezz qu'elle
eut , obligea de differer l'Affaut
general , & de retirer les
détachemens que l'on avoit faits
à ce deffein. La nuit , on refolut
de nouveau de brûler les Paliffades
, & trois cens hommes
-
Hiij
174 Hiftoire du Siege
furent commandez pour cela ,
mais il n'y eut qu'un fort petit
nombre de Grenadiers qui monterent.
Le grand feu que firent
les Affiegez , & la quantité de
Grenades & de Sacs à poudre
qu'ils jetterent , épouvanterent
fi fort les Moufquetaires qui les
devoient fouftenir , qu'une partie
fe cacha , en forte que les
Officiers s'avancerent prefque
feuls.
Le 19.les Imperiaux tâcherent
de fe pofter fur la petite Rondelle
de la feconde muraille,mais
la refiftance qu'ils trouverent les
en empefcha . Ils eurent prés
de quarante hommes tuez , ou
bleffez. On fut averty par un
Transfuge que le Grand Vifir
avoit commencé de fe mettre
en marche pour revenir vers le
Camp des Affiegeans mais
qu'ayant
de Bude.
175
qu'ayant appris d'un Deferteur
qu'il leur eftoit arrivé un corps
de dix mille hommes , cette nouvelle
l'avoit obligé de retourner
fur fes pas , & que vingt - cinq
mille Tartares eftoient au de- là
du Danube peur tâcher d'y faire
diverfion.
Le 20. à la pointe du jour,
pendant que l'Armée Ottomane
venoit le mettre en Bataille devant
le Camp de- l'Electeur de
Baviere , deux mille Janitaires
qui s'eftoient tenus cachez la
nuit , defcendirent par le grand
Vallon aprés que le Biouac fe fut
retiré , & ils paffetent les Lignes.
de circonvallation que l'on n'avoit
pû laiffer garnies faute de
monde. Ils poufferent la grande
Garde , mais les Generaux
Caprara, & Heufler s'eftant trouvez
heureuſement à cheval , y
Hij
176
Hiftoire du Siege
accoururent. Ils couperent ceux
qui avoient déja forcé les retranchemens
, & les taillerent en pieces
, mais toute leur refiftance,
quoyque des plus vigoureuſes ,
n'empefcha pas que prés de trois
cens ne paffaffent dans la Place,
le refte fut repouffé hors du
Camp. On fit trois cens Prifonniers
, & il y en eut beaucoup
de tuez. Le Sieur Sentini Chevalier
de Malte , & Capitaine
de Cavalerie dans les Troupes
de Baviere , s'eftant trop avancé
pour reconnoiftre les Ennemis,
fut fait prifonnier. Le Comte
de Konigfmark Lieutenant Cólonel
de Beck fut tué , & le General
Heufler bleffé au pied.
Quoy que ceux qui entrerent
dans la Ville , fuffent la plufpart
bleffez & en petit nombre , les
Affiegez ne laifferent pas de faire
de Bude.
177
re une falve de tous leurs Canons
, pour faire croire qu'il leur
eftoit arrivé un plus grand fecours.
On apprit par un Chrétien
qui s'échappa de l'Armée
des Ottomans , que le Grand Vifir
avoit fait affembler fes Troupes
,,
pour leur dire que le fecours
qu'il avoit envoyé , eftoit
entierement entré dans la Ville,
& qu'il donneroit à tous ceux
qui auroient envie de s'y jetter,
la mefme fomme qu'il avoit donnée
aux autres . L'Armée des Infidelles
fe retira à quelques lieuës
du Camp des Chreftiens .
>
Le 21. la Baterie de l'attaque
des Imperiaux qui battoit en
flanc les retranchemens des Af-
Liegez receut un fort grand
dommage du feu que fit leur Artillerie
. Elle en fut prefque entierement
démontée , ce qui fit
H v
178
Hiftoire
du Siege
qu'on augmenta le nombre des
Travailleurs pour la rétablir pen
dant la nuit.Ön redoubla auffi les
Troupes de la Tranchée , & l'on
fit un feu continuel afin d'occu
per les Ennemis. Cette même nuit
on fe prepara à donner un Affaut
au Chafteau du cofté de l'attaque
des Bavarois.
Le 22. le Prince . Charles fit
faire une fauffe Attaque , pour
faciliter par une diverfion celle
que l'Electeur de Baviere commençoit
de fon cofté. Les Turcs.
eftant accourus en grand nom.
bre fur la brêche du cofté des
Imperiaux , on fit fur eux une
décharge de Mortiers , qui leur
tuerent cent hommes , & pen
dant ce temps les Bavarois , qu'animoit
la prefence de leur Prince
, fe rendirent maiftres de la
plus grande partie du Chateau,
malgré
de Bude..
179
malgré la refiftance opiniaftre
de ceux qui le défendoient. Le
General Rummel qui commandoit
l'Attaque , fut tué d'un coup
de Moufquet dans les approches.
H fut extremement regretté .C'étoit
un Officier d'une grande experience
. On ne perdit que trente
hommes , mais plus de deux
cens furent bleffez , la plufpart
par des Sacs à poudre . Un Duc
de Saxe- Mesbourg , ayant une
Compagnie dans le Regiment
de Bade , receut deux coups de
Moufquet, dont l'un luy calla la
jambe. La nuit , les Ennemis
tacherent de repoufler les Bava-
Fois du Pofte qu'ils occupoient,
mais ils ne purent en venir
bout.
Le 23. les Affiegez firent une
Sortie fur la grande Garde des
Bavarois , mais ceux - cy les contrai
180 Hiftoire du Siege
traignirent de fe retirer , & les
pourfuivirent jufques aux portes.
Le Lieutenant Colonel d'Arco
y ayant efté tué d'un coup de
Moufquet , les Turcs emporterent
le corps dans la Ville . On
prit dans l'lfle de Sainte Marguerite
un Turc qui eftoit fortyde
Bude à la nage avec un More
, pendant un orage qui s'eftoit
élevé la nuit . Il dit que ce More
qu'on n'avoit pu arrefter , eftoit
envoyé au Grand Vifir avec
des lettres , par lesquelles le Bacha
de Bude le preffoit de luy
donner promptement un fecours
plus fort que celuy qu'il avoit re
ceu que la Ville ne pouvoit te
nir encore bien long- temps , &
que le Chafteau eftoit fur le
point d'eftre perdu . Il ajoûta ,
qu'il n'eftoit entré que deux
cens cinquante Janiffaires la
plus
de Bude. 181
plufparts bleffez , & hors de combat
, & que le Bacha en publioit
le nombre plus grand pour donner
courage à ceux de la Ville;
que les Affiegez avoient perdu
cent hommes le jour que les Bavarois
s'eftoient poſtez au haut
-du Chafteau & que le Bacha
avoit promis cinq cens écus à
ceux qui eftoient venus la nuit
pour les en chaffer , mais que celuy
qui les commandoit avoit
pris la fuite...
Le 24. les Bavarois fe fortifierent
dans les Poftes dont ils s'eftoient
emparez. Les Affiegez firent
contre eux de nouveaux efforts
mais ils furent inutiles.
Trente Soldats y furent tuez avec
le Lieutenant Colonel du Regiment
Saxon de Trautmansdorf.
L'Armée Ottomane parut de
nouveau à la veuë du Camp , &
sen
182
Hiftoire du Siege
›
s'en retourna le mefmejour à une
lieuë de là. Comme les Affiegez
avoient fait des feu pendant la
nuit, & allumé plufieurs fois de la
poudre au deffus de la grande
Rondelle , on ne douta point que
ce ne fuffent autant de Signaux
pour preffer les Turcs de faire
encore quelque tentative. Le
Prince Charles , pour prevenir
leurs deffeins , détacha fix Efca
drons, & fix Bataillons , qu'il fit
commander par le Baron de Mercy
, le Comte de Souches & le
General Heufler. Ils pafferent
toute la nuit fous les armes fans
qu'il fe fift aucun mouvement du
cofté des Infidelles. On continua
pendant cette mefme nuit , de
combler les Foffez, & d'affurer les
Travaux qui avoient eſté faits
du cofté de l'attaque de Lorrai
ne. On eut avis que le Comte de
Scherf
de Bade. 183
Scherffemberg dont on preffoit
Farrivée , eftoit auprés de Zolnoch
avec les Troupes qu'il commandoit
en Tranfilvanie, & qu'il
feroit toute la diligence poffible
pour le rendre promptement au
Camp , quoy que fon Infanterie
fuft fort fatiguée .
Le 25 deux Escadrons que l'on
avoit détachez , eurent ordre de
revenir au Camp , & les quatre
autres furent poftez au pied des
murailles. Le Prince Charles fit
fortifier les Lignes le long du Danube
, de plufieurs rangs de Paliffades,
& quatre cens Allemans
& deux cens Hongrois y furent
envoyez fous le commandement
du Baron d'Afti pour s'oppofer
au fecours , fi les Ennemis tachoient
d'en faire paffer par là.
Les Travaux que les Bavarois avoient
faits au hautdu Chafteau ,
fu
184 Hiftoire du Siege
furent entierement brûlez par les
facs à poudre, & autres Machines
à feu que les Affiegez y jetterent.
Ainfi l'on fut obligé de fe
retirer , & de fe pofter plus à la
droite. Il y eut en cette occafion
dix ou douze hommes tuez , &
plus de deux-cens bleſſez .
Le 26. le Canon des Affiegeans
ayant ruiné la face de la grande
Rondelle dont ils s'eftoient ren
dus maiftres , on y fit une maniere
de pont avec des poutres. Elles
alloient d'une muraille à l'autre,
& faifoient la communication
des Logemens . Les Ennemis firent
ce qu'ils purent pour bruler
ce Pont, mais on le garnit fi bien
de toutes les chofes qui le pou
voient garantir du feu, qu'ils furent
forcez d'abandonner ce deffen.
Il ne leur reftoit plus que
fept groffes pieces de Canon en
bat
de Bude.
185
batterie ; toutes les autres avoient
efté demontées. Un Turc fut arrêté
proche de la Ville. Il dit que
quantité de Janiffaires animez
par les promeffes du Grand Vifir,
montoient tous les jours à cheval
avec refolution de fe venir
jetter dans la Place , mais que le
courage leur manquoit , fſii toft
qu'ils découvroient le Camp des
Chreftiens.
Le 27. on terraffa le Pont de
communication , & on fit une
forte Redoute pour en defendre
la tefte . On travailla auffi à un
Logement fur la grande Rondelle.
Il fut étendu fur un terrain
uny qui donnoit paffage jufqu'à
la derniere muraille de la Ville.
Ainfi les Affiegeans n'eftoient
plus qu'à cinq ou fix pas des Ennemis
, qui tâcherent de redoubler
leur defence. Ils jetterent
quan
186 Hiftoire du Siege
quantité de feux d'artifice , fans
pouvoir endommager le Logement
qui touchoit leurs Palifades
. Un Croate Deferteur vint
avertir que les Ennemis avoient
receu un renfort de huit mille
hommes , & tiré de Stulweifembourg
huit groffes pieces de Canon
; que le Grand Viſir ayant
promis de récompenfer tous ceux
qui fe jetteroient dans la Ville,
plufieurs s'eftoient déja prefentez
, & que la nuit fuivante on
devoit venir attaquer le Camp
des Chrefliens par deux endroits .
Ce rapport fit qu'on la paffa toute
entiere fous les armes . On s'y
tint mefme le lendemain jufques
à midy , mais on ne vit que quelques
détachemens qui ne firent
que paroiftre, & fe retirerent prefque
auffi - toft.
Le 28. les Affiegeans fe fortific
de Bude.
187
1
fierent dans leur Logement, malgré
tout le feu des Affiegez qui
commença à diminuer. On ag
grandit la bréche du flanc de ce
Logement , & toutes chofes furent
heureuſement difpofées pour
reüffir dans l'affaut. La Baterie de
Suabe continua de faire grand
feu. Elle eftoit fur le panchant
de la Montagne d'où l'on tiroit
avec des Boulets enchaifnez,afin
qu'il fuft plus ailé d'abatre les
Paliffades. Ce mefme jour on
furprit on Turc qui eftoit encore
forty de la Ville à la nage . Il avoitpaffé
fous les deux Ponts , &
s'eftoit caché dans un trou au
de - là des Lignes . Il n'avoit fur
luy qu'une écharpe & un Sabre
avec une Lettre qu'il portoit à
l'Armée Turque pour l'Aga des
Janiffaires. Elle eftoit écrite par
ce
188 Histoire du Siege
celuy qui commandoit les Janiffaires
dans Bude , & n'avoit rien
de particulier , finon que l'Homme
que le Grand Vifir avoit envoyé
, eftoit entré dans la Ville,
& qu'elle eftoit fort preffe. Il fut
impoffible pendant tout le jour
de faire parler ce Turc , mais enfin
on l'intimida fi bien par les
menaces , qu'il avoüa fur le foir,
que le Commandant de Bude
l'avoit chargé de dire au Grand
Vifir, qu'il yavoit prés de quinze
jours qu'il eftoit campé devant
la Ville , & qu'il s'étonnoit que
fcachant le preffant danger où
ilfe trouvoit , il ne luy envoyat
pas un fecours confiderable ; que
les Troupes qu'il commandoit
témoignoient avoir moins de
courage que les Femmes de la
Ville , puifqu'on ne tentoit aucune
chofe , que pour luy il eftoit
re
de Bude. 189
refolu de fe défendre jufqu'à la
derniere goute de fon fang , mais
qu'il ne pouvoit répondre de la
Place s'il ne recevoit un prompt
fecours. Ce Turc ajoûta que le
Bacha luy avoit auffi donné ordre
de recommander la Ville de
Bude & l'honneur de l'Empire
Ottoman au Commandant des
Tartares ; qu'il y avoit encore
2000. hommes dans la Place , avec
quatre cens Janiffaires qui
s'y eftoient jettez le 20 que les
Affiegez s'eftoient bien retranchez
du coſté de l'Attaque des
Imperiaux ; que derriere la Paliffade
de la feconde brêche il y
avoit encore un Foffe & une autre
Paliffade , mais qu'ils n'avoient
point travaillé du cofté
du Chafteau , eſperant eſtre ſecourus.
Le 29. un Polonois vint ſe rendre
190 Hiftoire du Siege
dre le matin , & raporta que les
Infidelles devoient venir atta,
quer le Camp par trois endroits.
Peu de temps aprés , mille Spahis
& deux mille Janiffaires commandez
par deux Bachas, & foutenus
de quinze mille Tartares,
qui avoient ordre de leur faciliter
l'entrée dans la Ville, vinrent
du cofté d'Actoffen pour s'y jetter
, mais comme ils n'y trouve
rent point de paffage & qu'ils
virent qu'on faifoit fur eux une
vigoureufe décharge , ils gagnerent
une colline , d'où eftant enfuite
defcendus dans un Marais
qu'on trouve dans le Vallon , ils
furent envelopez par des Efcadrons
, à la tefte defquels eftoient
le Baron de Mercy & le General
Heufler , & par la garde des Bavarois
. Il en refta huit cens fur la
place. Ils avoient chacun trente
écus
de Bude. 191
écus qu'on leur trouva dans la
poche , le refte fut mis en fuite,
& il n'y en eut que quinze qui
purent paffer ; encore n'en entra↓
t- il que quatre dans la Ville , les
onze autres ayant eſté tuez avant
que d'y arriver. On coupa chemin
à cent Spahis , dont foixante
& feize furent paffez au fil de
l'épée par deux differentes Troupes
de celles de Brandebourg , &
quatre autres tuez dans le quar
tier du General. Le Baron de
Mercy receut trois coups de Sabre
dans cette action,un à l'épaule
, & deux à la tefte , Son Ayde
de Camp fut tué à ſes coftez .
Dans ce mefme temps les Affiegez
voulant faciliter l'entrée du
Secours , hazarderent une Sortie,
mais les Bavarois qui avoient la
garde de la Tranchée , les contraignirent
de fe retirer avec perte
192 Hiftoire du Siege
te de cinquante hommes. D'un
autre cofté l'Armée des Ennemis
vint en ordre de Bataille vers les
Lignes du Camp de Baviere ,
mais elle ne tenta rien , & le
Grand Vifir ayant veu paroiſtre
vingt cinq Efcadrons du corps
d'Armée du Comte de Scherffemberg
qui paffoient le Pont du
Danube , fous le commandement
du General Picolomini , prit le
parti de fe retirer. On gagna
trente Drapeaux, la plufpart rou
ges , les autres eftoient de differentes
couleurs. On fceut par un
Deferteur , que des trois mille
Janiffaires ou Spahis qui avoient
juré au Grand Vifir qu'ils ne reculeroient
, ny ne fuiroient point,
il n'en eftoit pas retourné plus de
cinq cens.
Le 30.quatre Chreftiens écha
pez des mains des Infidelles , fe
rendi
de Bude.
193
Jap
rendirent dans le Camp , & rapporterent
que l'Armée Ottomane
eftoit allée camper une lieuë plus
loin que la plufpart de leurs
Troupes defertoient avec les Drapeaux
, & qu'elles avoient une
grande difette de vivres . Ce mef
me jour le Comte de Scherffemberg
arriva de Tranfilvanie avec
les trois Regimens d'Infanterie ,
de Sherini , de Scherffemberg ,
de Spinola , & le refte de la Cavalerie
, fçavoir soo . Hongrois &
les Regimens de Picolomini ; de
Veterani , de Sainte Croix ; de
Magni , & de Tefvin. Celuy de
Sherini fut joint au corps de Ba
viere , & les autres allerent occu
per le terrein qui reftoit vuide
du cofté de la baffe Ville , depuis'
la droite des Imperiaux jufques
au Dambe."
Le 31 on eit avis, que fept
isque I
194 Hiftoire du Siege
mille Tartares s'eftoient avancez
vers Gran , afin d'empécher
qu'il ne defcendift des vivres
pour les Affiegeans. On entendit
mefme tirer le Canon de cette
Ville. Les Bavarois firent mener
de nouvelles Pieces fur leurs Batteries
à la place de celles qui avoient
eſté gaſtées . Les Troupes
demeurerent fous les armes toute
la nuit , fur ce que le bruit
s'eftoit répandu le foir , que l'Armée
des Infidelles s'eftoit mife
en marche pour les venir attaquer.
Le premier jour de Septembre
on ne ceffa de jetter dans la
Ville des Carcaffes & des Bombes
, & de battre les Paliffades
avec le Canon . Ce mefme jour on
tint un Confeil de Guerre , où ſe
trouverent tous les Generaux
des Troupes auxiliaires . Il fut
agité
de Bude.
195
agité fi l'on iroit attaquer le
Grand Vifir en laiffant affez de
Troupes pour continuer le Siege
, où fi on l'attendroit dans
les Lignes. Plufieurs crurent qu'il
falloit aller aux Ennemis & profiter
de la confternation où les
mettoit la perte qu'ils avoient faite,
mais l'avis contraire l'emporta
, & on refolut de donner l'affaut.
Cette reſolution fut tenuë
fecrette , & le Prince Charles fit
fortir des Lignes trente mille
hommes de Cavalerie & dix mille
d'Infanterie qu'il fit ranger en
Bataille dans la plaine oppofée
au front du terrain que les Infidelles
occupoient > comme s'il
euft eu deffein de les aller attaquer.
Il les empefchoit par là de
faire des détachemens pour le
fecours de la Place. Les Generaux
qui eurent le commande-
I ij
196
Hiftoire du Siege
ment de la Cavalerie , furent le
General Bielke , le Prince Eugene
de Savoye , & les Comtes de
la Torre & d'Arco . Le General
Steinau & le Comte d'Afpremont
commanderent l'Infanterie.
Les ordres furent enfuite
donnez pour l'affaut . Le Comte
de Souches fut commandé pour
l'Attaque de la droite, & le Comte
de Scherffemberg le fut pour
la gauche, chacun avec trois mille
chevaux choifis , & un pareil
nombre d'hommes de pied . La
marche des Volontaires , qui attendoient
ce grand jour avec une
extreme impatience , fut ordonnée
entre les deux aifles, avecordre
de ne pas preceder les premieres
files.
Le 2 . tous les Generaux ſe
trouverent à cheval fi- toft que le
jour parut . Ils allerent vifiter les
Tra
de Bude.
197
Travaux , & le Prince Charles
ayant fait venir les Officiers Ma-.
jors dans fa Tente , les avertit de
tenir toutes les Troupes preftes
pour donner l'affaut à deux heures
aprés midy. L'Electeur de Baviere
n'oublia de fon cofté aucun
des ordres qui pouvoient
eftre neceffaires pour achever de
fe rendre maiftres du Chateau.
Le General Schoning tint auffi
toutes chofes difpofées à l'attaque
de Brandebourg , & d'abord
que le Signal cut efté donné par
fix Pieces de Canon tirées du
quartier des Troupes de Suabe,
quatre Capitaines fuivis chacun
de cinquante Grenadiers , avec
quatre Lieutenans , quatre Sergens
, & les autres Officiers inferieurs
, marcherent à la droite
de l'Attaque. Le Baron d'Afti
eftoit à leur tefte , & ils eftoient
I iij
198 Hiftoire du Siege
fouftenus de deux cens Moufquetaires
que commandoient
quatre Capitaines & d'autres
Officiers fubalternes, ayant à leur
tefte un Lieutenant Colonel &
un Major. Ceux - cy eftoient fuivis
de cent hommes armez d'une
demie Pique & d'un Sabre , chacun
avec deux Piftolets de ceinture
. On fit marcher à quelque
diſtance trois cens Arquebufiers
commandez par quatre Capitaines,
& trois Bataillons de reſerve
les fuivoient. Ils eftoient chacun
de fix cens hommes avec leurs
Officiers. La difpofition de la
gauche fut pareille . Toute la difference
qu'il y eut , c'eſt que cent
cinquante Arquebufiers furent
les premiers qui s'avancerent, &
qu'ils n'eftoient precedez que de
cinquante Grenadiers , & de
vingt- cinq à trente hommes armez
de Bude. 199
mez de Pertuifanes , d'une Epée,
& d'une Hache . Tout fut difpofé
de la muc torte à l'Attaque
de Daviere, & à celle de Rrandebourg
, & jamais Affaut ne fut
entrepris avec plus d'ardeur , &
plus d'intrepidité . Le Baron
d'Afti qui avoit l'Avant- garde
des Grenadiers , & qui marchoit
à leur tefte , fut bleffé d'abord,
& le Sieur Bifchoff- haufen , Sergent
Major du Regiment de Diepenthal
, prit le Commandement
en fa place. Quoy qu'ils fuffent
foûtenus des Bataillons qu'on avoit
fait fuivre , ils trouverent
une fi furieuſe refiftance de la
part des Affiegez , qu'ils furent
contraints de reculer. Outre la
grande quantité de facs à poudre
qu'on jetta fur eux , les Ennemis
firent jouer une Mine qui
leur caufa un fort grand defor-
I iiij
200
Hiftoire du Siege
dre. Ils retournerent une feconde
fois à l'affaut avec une vigueur
extraordine , & ils ne
Purent encore obliger les Tercs
a fuir , mais enfin aprés une tresrude
Efcarmouche qui dura une
heure devant la Ville , les Affiegez
ayant perdu courage par la mort
du Commandant qui fut tué fur
la Bréche , ils firent fi bien qu'ils
vinrent à bout d'arracher les
Paliffades , & de forcer leurs
Retranchemens. Ils y trouverent
huit cens Janiffaires qu'ils taillerent
en pieces , fans avoir aucun
égard à la poſture foûmife
où ils fe mirent en leur demandant
quartier , & jettant leurs
Armes bas. Quelques - uns d'entre
eux voyant qu'ils ne vouloient
épargner perfonne , reprirent
leurs Armes , fe défendirent
en defefperez , & firent
jouër
•
de Bude. 201
jouer un Fourneau dont plufieurs
Maifons fauterent . Le feu
du Fourneau fe communiqua à
une certaine machine qu'il avoient
difpofée auparavant , &
produifit un autre feu bien plus
dangereux qui couroit de place
en place, & que perfonne ne prenoit
le foin d'efteindre , parce
que les Victorieux eftoient alors
occupez à pourfuivre , & à exterminer
tout ce qui pouvoit
refter d'Ennemis dans la Ville ,
où quelques ordres que les Of
ficiers puffent donner , il fut impoffible
d'empefcher le carnage.
Ainfi l'embrafement fut prefque
general. Ceux de Brandebourg
entrerent en mefme temps dans
la Ville , & penetrant dans les
rues au travers des flâmes , ils
firent main baffe fur tout ce
qu'ils rencontrerent , fans épar
I v
202 Hiftoire du Siege
gner Vieillards , Femmes & Enfans
. Les Victorieux n'en confultoient
que la fureur qui les
animoit , & qui les portoit à fe
vanger de l'opiniâtre reſiſtance
que ces malheureux avoient faite
fur la Bréche à force de Bombes
, de Mines , de Pots à feu &
autres machines roulantes qu'ils
avoient jettées à la faveur de
leur Moufqueterie , & d'une
grefle de fléches. Cependant la
Cavalerie qu'on avoit tirée des
Lignes fous les Generaux nommez
pour la commander eftoit
demeurée , ainsi que l'Infanterie,
toûjours en action , & en Bataille
avec les Ennemis , dont
l'Armée , non feulement avoit
paru de ce coſté là , mais meſme
avoit commencé à attaquer l'Avantgarde
des Chreftiens. D'un
autre cofté les Generaux Sherini
,
de Bude.
203
rini, la Vergne & de Beck , n'ou
blierent rien pour achever de
fe rendre maiftres de ce qui reftoit
à occuper du Chateau,
fouftenant avec un courage tout
heroïque l'affaut qu'ils y avoient
donné , & en mefme temps les
Grenades & les Pierres que jettoient
les Janiffaires , qui ne fçachant
encore rien du fuccez de
l'autre attaque , faifoient leurs
derniers efforts pour fe maintenir
fur une hauteur d'où dépendoit
la confervation du Chafteau.
Pendant qu'ils fe deffendoient
avec toute la bravoure
qu'on peut attendre de gens.
auffi aguerris que determinez ,
les Turcs qui eftoient auparavant
de l'autre cofté , s'eftoient
venus retirer de celuy - cy , partie
du cofté de la Riviere , &
partie du cofté du Chaſteau où
ils
204 Hiftoire du Siege
ils avoient merveilleufement renforcé
les Janiflaires. Pour s'oppofer
au fecours qu'ils leurs donnoient
, l'Electeur de Baviere ,
qui remarqua que le Grand Vifir
n'agifloit point , & qu'il ne
faifoit mine d'aucun mouvement
, commanda le Comte d'Apremont
avec 500. hommes , &
le fit aller à l'affaut avec les autres
pour les foûtenir. Le Prince
Louis de Bade s'apercevant de
l'inevitable neceffité qu'il y a
voit de s'emparer de la hauteur
qui occupoient encore les Affiegez
, pour le rendre enfuite maifres
du bas où ils avoient plufieurs
places d'armes & autres
Logemens , paffa luy mefme de
ce coflé-là , & ordonna de l'efcalader
& de grimper au deffus,
ce qui fut fait fi heureuſement,
que
de Bude.
205
que l'on envoya une grefle de
de moufquerades & de Grenades
fur les Turcs qui fe voyant foudroyez
de cette forte , arborerent
un Drapeau blanc , & jufques à
leurs Turbans , criant de toute
leur force qu'on leur donnaft
quartier & la vie. Il y en cut
plufieurs , qui ne voulant point
attendre ce qu'on refoudroit, pafferent
par deffus le mur d'un
chemin couvert , & tâcherent de
fe fauver avec quelques Juifs par
le Danube dans de petits Bateaux
qu'ils trouverent mais
les Tolpazes les ayant atteints
avec leurs Saiques , coulerent à
fond plufieurs de ces petits Baftimens
, tuerent la plupart de
ceux qui avoient cru s'échaper,
& les autres qui avoient déja
paffe la Riviere , furent taillez
2
en
206
Hiftoire du Siege
>
en pieces , ou faits prifonniers
par les Hongrois qui eftoient
dans Peft . L'Electeur de Baviere
accorda la vie au Lieutenant
du Bacha & à plus de
douze cens hommes , qui voyant
les Imperiaux Maitres de la
Place , l'avoient fuivy dans une
Rondelle où il s'eftoit retiré
entre le Chafteau & la Ville.
Il fit de mefine quartier à ce qui
reftoit de Turcs dans le Chafteau
, d'où il les envoya fous
bonne garde dans une grande
Mofquée & dans un grand Magafin
. Les Soldats qu'on ne
put faire revenir fi - toft de leur
premiere fureur , affommerent
& jetterent dans la Riviere les
vieilles Gens fans nulle diftinction
de Sexe , & il y en eut
quelques - uns de fi
,
cruels ,
qu'ayant
de Bude.
207
cruautez ,
qu'ayant trouvé des Femmes
avec des Enfans de deux ou trois
mois , ils leur ouvrirent le ventre
, & y fourrerent ces miferables
Enfans. L'Electeur de Baviere
, & le Comte de Stratman ,
Chancelier de l'Empereur , qui
arriverent dans la Ville pendant
que l'on commettoit ces
ne pûrent les faire
ceffer qu'aprés des défenfes tres
rigoureufes , & plufieurs fois reïterées.
Le feu eftoit répandu par
tout , & avec le fang qui couloit
de tous coftez , il est aisé de
s'imaginer quel affreux Spectacle
offroit cette trifte Ville abandonnée
au pillage . Cependant
la principale Mofquée , qui
avoit efté autrefois l'Eglife de
Saint Etienne , Roy de Hongrie
, fut préfervée de l'embrafement,
208
Hiftoire du Siege
>
fement , ainfi qu'un grand Magafin
, dans lequel eftoient quantité
de vivres , & un autre plein
de poudres . Ces deux Magalins
furent confervez par les foins
du Commiffaire Rabata qui
eut là - deffus beaucoup de conduite
& de vigilance . On perdit
prés de deux cens hommes
à l'Attaque de Lorraine , avec
le Marquis de Spinola , Colonel
d'un Regiment d'Infanterie . Il
y eut trois cens cinquante Soldats
tuez à celle de Baviere , à
caufe d'un Fourneau que les Ennemis
y firent jouër . Le Comte
de Tartembac fut auffi tué à
cette Attaque , & le Comte de
Zacco , Major du Regiment
d'Alpremont , y fut bleffé à
mort ainfi que le Sieur Mon-
.ticolli , Capitaine dans le meſme
>
Re
de Bude . 209
Regiment. Ceux de Brandebourg
ne perdirent que cent
hommes , & le nombre des Blef
fez ne fut que de quatre cens
dans toutes les trois Attaques .
11 y eut plus de trois mille hommes
tuez ce jour- là - du cofté des
Affiegez . On jetta les corps des
Turcs & des Juifs dans la Riviere
, & les Chretiens furent enterrez.
Le Lieutenant du Bacha
dit qu'au commencement du Siege
la Garnifon eftoit de dix mille
Janiffaires , fans compter les Juifs
& les Habitans capables de porter
les armes , qui faifoient encore
plus de cinq mille hommes.
L'Aga des Janiffaires &
le Mufthi demeurerent prifonniers
avec ce Lieutenant du Bacha
, & plufieurs autres Offciers.
L'Aga fut donné au Prince
Char
210 Hiftoire du Siege
Charles. Cette conqueſte eft
d'autant plus glorienfe , qu'elle
s'eft faite à la veuë de l'Armée
des Ottomans , qui fans ofer rien
tenter , ont laiffé prendre une
Ville auffi importante que Bude,
& dont ils eftoient en poffeffion
dépuis cent quarante-cinq ans.
On dit que lors qu'ils connurent
que les Chreftiens y eftoient entrez
, ils s'arracherent la barbe
de defefpoir , & fe jetterent par
terre. Le foir ils fe retirerent à la
faveur de la nuit .
dans la Place trois à
On a trouvé
quatre cens
dont il dont y en
pieces de Canon ,
a quantité d'un fort grand calibre
, avec foixante Mortiers,
& un nombre incroyable de Boulets
, de Grenades , de Carcaffes ,
de Bombes , & d'autres Machines
de Guerre. On fit environ
deux
de Bude. 211
deux mille prifonniers , & l'on
prit plus de cent Juifs qui s'eftoient
refugiez dans leur Synagogue.
Le Prince Charles fit tout
ce qu'on peut attendre d'un
grand & experimenté Capitaine,
donnant les ordres par tout où
fa prefence eftoit neceffaire , &
n'oubliant rien de ce qui pouvoit
contribuer à l'heureux fuccés
de cette grande journée . L'Electeur
de Baviere s'y acquit
beaucoup de gloire , & fit
roiftre combien il eft intrepide
par la maniere dont il s'expofa
au feu. Tous les Volontaires
chercherent à fe fignaler à l'envy
les uns des autres , & le Prince
de Commercy donna d'éclatantes
marques de valeur &
de courage. Comme ils pouvoient
fe trouver par tout , le
pa-
Mar
212
Hiftoire du Siege
allerent
Marquis de Blanchefort , & le
Marquis de Souvray
dans tous les Poftes où le peril
eftoit le plus apparent. C'eſt ce
qu'ils avoient déja fait pendant
tout le Siege, n'ayant laiffé échaper
aucune occafion , quelque
dangereufe quelle fuft , fans y
courir avec une ardeur qui ne
fe peut exprimer. Le Prince
Louis de Bade receut un coup
de Moufquet qui luy éfleura la
chair. Il monta un des premiers
à l'affaut , & anima les Soldats
par fa valeur . Le Prince Euge
ne de Savoye , qui eft fon Coufin
Germain , ne fe diftingua
pas
moins. Il avoit cfté deftiné
à l'Eglife , mais le Chevalier de
Savoye , fon Frere , qui commandoit
un Regiment de Dragons
au fervice de l'Empereur,
eftant
de Bude .
2137
eftant mort au Siege de Vienne,
il refolut de quitter l'Etat Ecclefiaftique
, & s'eftant rendu en
pofte à ce mefme Siege aprés a--
voir efté faluër S. M. I. qui étoit '
à Lints , il s'y fignala , & acheva
la Campagne en qualité de Volontaire
, âgé feulement de dixneuf
ans. L'Empereur voulant
reconnoiftre la valeur de ce jeune
Prince , luy donna un Regiment
de Dragons , à la tefte duquel
il fervit la Campagne fui- :
vante , & fit des chofes au delà !
de fon âge à la prife de Strigonie,
& au premier Siege de Bude , où
il fut bleffé d'un coup de Moufquet
au bras. Aprés la Campa
gne, il alla voir le Duc de Savoye
Chef de fa Maifon , qui le receut
avec toutes les marques d'honneur
deuës à ſa naiffance & à fon
me
214 Hiftoire du Siege
merite. Il paffa de là à Veniſe , revint
à la Cour de l'Empereur , &
fe trouva àla Prife de Neuhaufel
& autres Places . Au retour.
de cette Campagne , quoy qu'il
n'euft alors que vingt & un an,
l'Empereur le fit General Major.
de fes Troupes fur la fin de l'année
derniere . Le Siege de Bude
ayant efté refolu , il fe rendit au
Camp des Impériaux pour y faire
les fonctions de cet employ , dont
il s'eft acquité avec toute la gloire
poffible.
Si-toft
que
la Place
eut eſté
prife
, le Prince
Antoine
de Neubourg
, Grand
Maiftre
de l'Or.
dre Teutonique
, & le Prince
de Commercy
partirent
pour
en
apporter
la nouvelle
, l'un à l'Empereur
, & l'autre
à l'Imperatrice
.
Doüairiere
, le Comte
de Sherini
,
de Bude. 215
rini , dépefché par l'Electeur de
Baviere , l'apporta à l'Electrice fa
Femme. Le Comte de Konigfeeck
fut auffi dépeſché par le
Prince Charles avec le grand
Drapeau des Turcs trouvé dans
Bude qu'il apporta au Prince Hereditaire
Imperial .
Le 3. le Prince Charles & les
Generaux vinrent au Quartier
de l'Electeur de Baviere , où le
Te Deum fut chanté au bruit des
Trompettes , des Timbales , &
des Canons , dont on fit faire trois
décharges autour des Lignes. On
mit auffi le feu aux Bombes qu'on
y avoit enterrées pour les Ennemis,
s'ils euffent ofé entreprendre
de les
attaquer.
Le 6. toute l'Armée partit en
bon ordre pour marcher du cofté
du Pont d'Effeck. On laiffa
dans
216 Hiftoire du Siege de Dude.
dans Bude les Regimens d'In-1
fanterie de Beck , de Salme &
de Diepenthal , avec des détachemens
des Alliez fous le
Commandement du Baron de
Beck .
F I
Fermer
Résumé : HISTOIRE DU SIEGE DE BUDE.
Le texte relate les événements marquants du siège de Buda, une ville stratégique en Hongrie. En 1686, après plusieurs sièges infructueux, une armée chrétienne confédérée, soutenue par l'Empereur et diverses troupes européennes, conquiert Buda au cinquième assaut. Cette victoire permet de restaurer la religion chrétienne dans Buda et dans huit cents autres villes et bourgs, chassant la 'fausse foi' que sept prédécesseurs n'avaient pu détruire. Le Pape exprime sa joie et ordonne des remerciements à Dieu et des réjouissances à Rome. La prise de Buda est célébrée comme un des plus grands triomphes de l'Église. L'histoire de Buda commence avec la mort de Louis II de Hongrie à la bataille de Mohács en 1526. Ferdinand, roi de Bohême et frère de l'empereur Charles Quint, prend Buda avec l'aide de Charles Quint, mais Jean de Zapol, soutenu par Soliman, reprend la ville en 1529. Après la mort de Jean de Zapol, les Turcs prennent Buda en 1541 et la transforment en province ottomane. Plusieurs sièges chrétiens échouent jusqu'en 1684, où le prince Charles de Lorraine initie le cinquième siège, aboutissant à la prise de Buda. Les forces assiégeantes, composées de huit mille cavaliers et dix bataillons d'infanterie commandés par le général Schoning, traversent le Danube et prennent position près de la ville. Les préparatifs et les premières phases du siège sont détaillés, avec la nomination de divers officiers et la revue des troupes. Les travaux de siège commencent, avec des escarmouches et la capture de prisonniers. Les assiégés tentent plusieurs sorties, mais sont repoussés. Les travaux avancent malgré les pertes et les réparations nécessaires. Lors d'un assaut, les troupes impériales et de Brandebourg attaquent la 'grosse Rondelle' et d'autres positions stratégiques. L'attaque débute avec un feu intense des deux côtés. Les troupes avancent malgré les défenses ennemies, subissant de lourdes pertes. Le Prince Charles encourage ses troupes, permettant de forcer les palissades et de prendre la 'grosse Rondelle'. Les Brandebourgeois s'emparent également de la courtine et de la rondelle à gauche. L'Électeur de Bavière mène une attaque simultanée sur un autre front, prenant la rondelle malgré les tirs continus des défenseurs. L'attaque dure trois heures, avec des pertes significatives pour les assaillants et les défenseurs. Le 2 septembre, l'attaque commence avec des grenadiers et des mousquetaires, soutenus par des arquebusiers et des bataillons de réserve. Malgré une résistance farouche, les assiégés sont vaincus. Les troupes impériales entrent dans la ville, causant un carnage parmi les habitants. Les Turcs tentent de fuir mais sont capturés ou tués. Les pertes impériales sont lourdes, notamment à l'attaque de Lorraine et de Bavière. Les Brandebourgeois perdirent 100 hommes, les Bavarois 400, et les assiégés subirent plus de 3 000 pertes. Les corps des Turcs et des Juifs furent jetés dans la rivière, tandis que les chrétiens furent enterrés. Plusieurs officiers, dont l'Aga des Janissaires et le Mufti, furent capturés. La ville, détenue par les Ottomans depuis 145 ans, fut conquise sous les yeux de l'armée ottomane, qui se retira sans résister. À l'intérieur de la ville, on découvrit 400 pièces de canon, 60 mortiers et une grande quantité de munitions. Environ 2 000 prisonniers furent faits, dont plus de 100 Juifs réfugiés dans leur synagogue. Le Prince Charles, l'Électeur de Bavière, le Prince Louis de Bade et le Prince Eugène de Savoie se distinguèrent par leur bravoure. Après la prise de la ville, des messagers furent envoyés pour annoncer la nouvelle à l'Empereur et à l'Imperatrice. Le 3 septembre, un Te Deum fut chanté pour célébrer la victoire. Le 6 septembre, l'armée quitta Buda en bon ordre, laissant des régiments pour défendre la ville.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3
p. 55-58
Nouvelles du Nord.
Début :
Les Lettres de Constantinople du 16. Janvier portent que les [...]
Mots clefs :
Tartares, Constantinople, Turcs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Nouvelles du Nord.
Nouvelles du Nord.
Les Lettres de Constantinople
du 16. Janvier
portent que les Turcs continuent
à faire de grands
préparatifs par mer & par
terre, & qu'on avoit proposé
dans le Divan de desarmer
tous les Grecs, de
crainte qu'il n'yeust quelque
intelligence entr'eux à
cause de la conformité de
Religion.
Celles de Russieassurent
quequatre-vingt mille
Tartares sont en rez en
Moscovie
,
& en Ukraine,
afin de faire declarer les
Cosaques en faveur des
Rois de Suede& Stanislas.
Un Courrier arrivé à
Dresde a confirmé que le
Palatin de Kiovie avec le
fils Kandes Tartaresestoit
entré enUKraine, & qu'il
estoit suivi par le Roy de
Suede avec ses Troupes &
une ArméedeTurcs & de
Tartares
, & qu'il devoit
s'avancer vers la Vistule.
Cette nouvelle a fort consterné
la Cour de Saxe qui
travaille à bien faire munir
les Places frontieres.
Des Lettres de Bender
du 1 8. Février confirment
aussi que lePalatin deKiovie
marchoit vers l'Ukraine
avec quatre mille Polonois
six mille Cosaques,
& quarante mille Tartares,
commandez par le fils du
Kan; que le Kan s'avançoit
vers la Moscovie au delà
du Borifthene avec deux
cent mille Tartares en attendant
la grande Armée
¿cs.. Turcs que le Grand-
Vizirdoitcommander
Les Lettres de Constantinople
du 16. Janvier
portent que les Turcs continuent
à faire de grands
préparatifs par mer & par
terre, & qu'on avoit proposé
dans le Divan de desarmer
tous les Grecs, de
crainte qu'il n'yeust quelque
intelligence entr'eux à
cause de la conformité de
Religion.
Celles de Russieassurent
quequatre-vingt mille
Tartares sont en rez en
Moscovie
,
& en Ukraine,
afin de faire declarer les
Cosaques en faveur des
Rois de Suede& Stanislas.
Un Courrier arrivé à
Dresde a confirmé que le
Palatin de Kiovie avec le
fils Kandes Tartaresestoit
entré enUKraine, & qu'il
estoit suivi par le Roy de
Suede avec ses Troupes &
une ArméedeTurcs & de
Tartares
, & qu'il devoit
s'avancer vers la Vistule.
Cette nouvelle a fort consterné
la Cour de Saxe qui
travaille à bien faire munir
les Places frontieres.
Des Lettres de Bender
du 1 8. Février confirment
aussi que lePalatin deKiovie
marchoit vers l'Ukraine
avec quatre mille Polonois
six mille Cosaques,
& quarante mille Tartares,
commandez par le fils du
Kan; que le Kan s'avançoit
vers la Moscovie au delà
du Borifthene avec deux
cent mille Tartares en attendant
la grande Armée
¿cs.. Turcs que le Grand-
Vizirdoitcommander
Fermer
Résumé : Nouvelles du Nord.
Au début du XVIIIe siècle, des rapports indiquent des préparatifs militaires en Europe de l'Est et au Moyen-Orient. À Constantinople, les Turcs se préparent à désarmer les Grecs par crainte de complots religieux. En Russie, 80 000 Tartares sont présents en Moscovie et en Ukraine, cherchant à rallier les Cosaques aux rois de Suède et de Stanislas. À Dresde, on confirme l'entrée du Palatin de Kiev et du fils du Khan des Tartares en Ukraine, suivis par le roi de Suède et une armée turco-tartare se dirigeant vers la Vistule. Cette nouvelle alerte la cour de Saxe, qui renforce ses frontières. Des lettres de Bender du 18 février rapportent que le Palatin de Kiev avance vers l'Ukraine avec 4 000 Polonais, 6 000 Cosaques et 40 000 Tartares commandés par le fils du Khan. Le Khan lui-même progresse vers la Moscovie avec 200 000 Tartares, attendant une grande armée turque dirigée par le Grand-Vizir.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
4
p. 64-70
« Les Lettres de Cracovie, de Varsovie, & de Dresden, venuës [...] »
Début :
Les Lettres de Cracovie, de Varsovie, & de Dresden, venuës [...]
Mots clefs :
Dresde, Cracovie, Varsovie, Turcs, Armée
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Les Lettres de Cracovie, de Varsovie, & de Dresden, venuës [...] »
, de Varsovie, & de
Dresden, venuës de Jaroslawp
! law
, portent que le Czar
avoit fait marcher25000.
hommes fous lecommandement
du Comte de
Wisback pour s'approcherdu
Danube,&enlpeC.
cher les Turcs de passer ce
Fleuve;que pour cet effet
ce General avoit fait con- struire deux Ponts, sur le
Boristhene pour faire pasfer
l'Infanterie
; que l'un
de ces Ponts devoir estre
construitau dessous de
Rasow& l'autredans lieuplus un prés de Bender,
pour allerinvetrircette
Place avant l'arrivée du
Grand Visir.
D'autres Lettres portent
que les Moscovites aprés
s'estre assemblez à Braclaw,
s'estoient avancez du
costé de Jampol ,mais que
si le Roy de Suede estoit
obligé d'agir avant la jonction
du Grand Visir
,
il
pourroit assemblerunearmée
de quarre vingt mille
hommes de ses propres
Troupes, de celles du Palatin
de Kiovie, de Turcs,
deCosaques,& de Tarrares
-
qui faisoient de frequentes
courtes dans les
Palatinats de Kiovie
,
de
Servie
,
& de CzerviKowie,
d'où ils remportoient
beaucoup de butin. Ces
mesmesLettres adjoustent
que lesHofpodars de Moldavie
& de Walaquie avoient
receu ordre d'assembler
& de faire conduire
du costé de Bender,
deuxà trois cens mille
boeufs pour la subsistance
de l'armée du Grand Visir
quiestoit en marche.
On apprend par celles
de DantziK que le General
Smigielski avec un
corps de deux mille homirïes"
faisoit des courses
dans lagrande & dans la
petite Pologne, ainsi que
dans la Prusse Polonoise
où ilavoir enlevéplusieur,s
convois aux Moscovites
aprés avoir battu les escortes;
qu'il n'exerçoit aucune
hostilité contre le!]
Polonoisdu parti du Roy
Stanislas
,
ou qui paroissoientneutres,
mais seulement
contre ceux qui s'estoient
declarez pourle
RoyAuguste que cesPalatinats
de Cracovie ,de
Sandomir & de Lublin avoientresolu dene poin,t
consentiràfairela guerre
aux Turcs. ., licq'Jn
(
Celles de
-
Hambourg
du 3 dece mois, portent
que les Troupes Danoises
qui estoient dans les Isles
deFuhnen& de Zeeland , &dans le pays de Jutland
marchoient du costéduJ.
Holstein
,
où le Roy de
Dannemarc vouloir aÇsembler
une Armée de
vingt cinqmille hommes
pour entrer dans laPomeranie
ou dansle Duché de
Bremen
,
si l'Armée Suedosse
maréhoit vers la Pologne.
Quedans les Conferences
tenuës entre le
Czar & le Roy Auguste à
Jaroslaw, il avoir efité resolu
quelesArmées de la
Couronne & de Lichuanie
se tiendront sur la défensive,&
n'exerceroient aucune
hostilité contre les
Turcs qu'en cas qu'elles
en fussent attaquées.
Dresden, venuës de Jaroslawp
! law
, portent que le Czar
avoit fait marcher25000.
hommes fous lecommandement
du Comte de
Wisback pour s'approcherdu
Danube,&enlpeC.
cher les Turcs de passer ce
Fleuve;que pour cet effet
ce General avoit fait con- struire deux Ponts, sur le
Boristhene pour faire pasfer
l'Infanterie
; que l'un
de ces Ponts devoir estre
construitau dessous de
Rasow& l'autredans lieuplus un prés de Bender,
pour allerinvetrircette
Place avant l'arrivée du
Grand Visir.
D'autres Lettres portent
que les Moscovites aprés
s'estre assemblez à Braclaw,
s'estoient avancez du
costé de Jampol ,mais que
si le Roy de Suede estoit
obligé d'agir avant la jonction
du Grand Visir
,
il
pourroit assemblerunearmée
de quarre vingt mille
hommes de ses propres
Troupes, de celles du Palatin
de Kiovie, de Turcs,
deCosaques,& de Tarrares
-
qui faisoient de frequentes
courtes dans les
Palatinats de Kiovie
,
de
Servie
,
& de CzerviKowie,
d'où ils remportoient
beaucoup de butin. Ces
mesmesLettres adjoustent
que lesHofpodars de Moldavie
& de Walaquie avoient
receu ordre d'assembler
& de faire conduire
du costé de Bender,
deuxà trois cens mille
boeufs pour la subsistance
de l'armée du Grand Visir
quiestoit en marche.
On apprend par celles
de DantziK que le General
Smigielski avec un
corps de deux mille homirïes"
faisoit des courses
dans lagrande & dans la
petite Pologne, ainsi que
dans la Prusse Polonoise
où ilavoir enlevéplusieur,s
convois aux Moscovites
aprés avoir battu les escortes;
qu'il n'exerçoit aucune
hostilité contre le!]
Polonoisdu parti du Roy
Stanislas
,
ou qui paroissoientneutres,
mais seulement
contre ceux qui s'estoient
declarez pourle
RoyAuguste que cesPalatinats
de Cracovie ,de
Sandomir & de Lublin avoientresolu dene poin,t
consentiràfairela guerre
aux Turcs. ., licq'Jn
(
Celles de
-
Hambourg
du 3 dece mois, portent
que les Troupes Danoises
qui estoient dans les Isles
deFuhnen& de Zeeland , &dans le pays de Jutland
marchoient du costéduJ.
Holstein
,
où le Roy de
Dannemarc vouloir aÇsembler
une Armée de
vingt cinqmille hommes
pour entrer dans laPomeranie
ou dansle Duché de
Bremen
,
si l'Armée Suedosse
maréhoit vers la Pologne.
Quedans les Conferences
tenuës entre le
Czar & le Roy Auguste à
Jaroslaw, il avoir efité resolu
quelesArmées de la
Couronne & de Lichuanie
se tiendront sur la défensive,&
n'exerceroient aucune
hostilité contre les
Turcs qu'en cas qu'elles
en fussent attaquées.
Fermer
Résumé : « Les Lettres de Cracovie, de Varsovie, & de Dresden, venuës [...] »
Le texte décrit des mouvements militaires et des préparatifs en Europe et en Asie Mineure. Le Czar a envoyé 25 000 hommes sous le commandement du Comte de Wisback pour empêcher les Turcs de traverser le Danube. Deux ponts ont été construits sur le Boristhene pour permettre à l'infanterie d'attaquer Bender avant l'arrivée du Grand Visir. Les Moscovites, après s'être rassemblés à Braclaw, se sont dirigés vers Jampol. Le Roi de Suède pourrait rassembler une armée de 40 000 hommes, incluant ses troupes, celles du Palatin de Kiovie, des Turcs, des Cosaques et des Tatars, qui effectuent des raids dans plusieurs Palatinats. Les Hofpodars de Moldavie et de Valachie doivent rassembler des bœufs pour l'armée du Grand Visir. À Dantzig, le Général Smigielski, avec 2 000 hommes, effectue des raids en Pologne et en Prusse Polonoise, capturant des convois moscovites. Les Palatinats de Cracovie, de Sandomir et de Lublin ont décidé de ne pas faire la guerre aux Turcs. Des troupes danoises se déplacent vers le Holstein pour une éventuelle intervention en Pomeranie ou dans le Duché de Bremen. Lors des conférences à Jaroslaw, il a été décidé que les armées de la Couronne et de Lituanie resteraient sur la défensive contre les Turcs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
5
p. 84-93
Lettre de Constantinople du 7. Aoust.
Début :
Le 3. de ce mois le Grand Seigneur reçut plusieurs [...]
Mots clefs :
Seigneur, Turcs, Tartares, Constantinople, Moscovites, Tsar
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Lettre de Constantinople du 7. Aoust.
Lettre de Conflantinople du
7. Aoust.,
Le 3. de ce mois le Grand
Seigneur reçut plusieurs
Courriers du Grand Visir ,
avec la nouvelle que l'Armée
Moscovite forte de
soixantemille hommes
commandée par le Czar en
personne avoit esté presqu'entierement
deffaite Le
combat commença le i%
Juillet aprèsmidy prés de
Falczin surle Prut. Il y cuç
plusde trente mille Mofc<>
vires tuez par les Turcs ôc
par les Tartares
,
fc sans la
nuit qui survint le nombre
auroit esté plus grand. Le
reste de leur Armée n'ayant
pûCc retirer parce que IC$
Turcs & les Tartares l'environnoient
de tous costez
les uns & les autres paflere&t
la nuit tous les Armes. Le
lendemain marin les Moscovites
se rallierent & se
couvrirent avec des chevaux
de frise; mais le grand
Visir sit aussicost tirer le
canon sur ce retranc hement.
Alors le Czar luy
envoyaunOfficier pour luy
proposer une Capitulation
avec le grand Seigneur &
avec le Roy de Suede
,
&
voyant que les Turcs continuoient
leur canonnade,
il envoyaquatre Officiers
pourréterer cette proposition,
& pour prier le grand
Visir de faire cesser le Canon
ce qui luy fut accordé. Mr
Czasirow ViceChancellier,
&le fils du General Szeremetow
furent estvoyez
au grand Visir avec lequel
ils convinrent que la Ville
d'Asaf seroit rendue au
grand Seigneur;qiae: les
Fortesses de Kaminka
,
de
Sagara&de Samara seraient
démolies ; que l'Ukraine
; feroit iTtmifc danssonancienne
liberté;quele Czar
ne semêleroit plus des Affiliés
de Pologne; qu'illivreroit
le Prince Demetrius
Cantemir, & le rebelleKebaliaba
,
& qu'on reme -
troit au grand Seigneur
l'Artillerie & les Munitions
de l'Armée Moscovite. Ces
six Articles préliminaires
dévoient estre suivis d'un
: traité de Paix qui seroit fait
à Bender où Mrs Czasirow,
& Szeremetow
)
[c ren,
- droient en qualité de Plcnipotentiaires
& pour ser-
-vir d'Otages de ce quiavait
-
esté conclu sans que le grand
Visiten eust donné aucun.
Onapermisaurestede l Ar- !
mée Moscovite de se retirer
àKiowie; mais comme les
Soldatsestoient accablez de
fatigue & de faim, même
avant la Bataille, & qu'il
étoient poursuivis par les
Tartates à cause que le Kan
n'avoit point eû de part à
cc'qui avoir esté conclu avec
le Czar, oncroyoit qu'ilen
réchaperoit un fort petit
nombre, cependant le
grand Visir les faisoit accompagner
par dix ou
cloute mille hommes fous
pretexte de leur servir d'escorte
contre les Tartares y
mais en effet pour les faire
marcher à petites journées,
afin d'avoir le temps de recevoir
les ordres du grand
Seigneur. Mr Funck Envoyé
du Roy de Suede presenta
le 4. au Grand Seigneur,
& au Kaimakan, un
Memoire concernant les'
interests du Roy son Maître.
Tous les Visirs, & le
Musti l'assurerent que ce
Prince auroit lieu d'estre
content avant que les Moscovites
sortissent des Etats
du Grand Seigneur, &
que le Kapigilar Kiaïaski
) devoit partir incessament
pour procurer à Sa Majesté
Suedoise toute sorte satisfaction.
Le 5 Mr Funck fut
appellépour aller chez le
Kaimakan où il trouva le
Musti&le Scllâar- Pacha,
gendre du grand Seigneur,
afin deconferer sur son Me.
moire par lequel il demandoit
que le Roy de Suede
fut compris dans le traité
de Bender, & qu'il fust stipulé
qu'il seroit conduit
dans ses Etats avec autant
de troupes qu'il fouhaitcroit.
Osman Pacha Kiaïa ou
Lieutenant du grand Visir
qu'ilavoit envoyé pour
apporter la nouvelle de
cette Victoire, a esté disgracié
au lieu d'estre recompensérce
qui marque que
le Grand Seigneur estmécontent
de la precipitation
avec laquelle le grand Visîr
a conclu la Capitulation
y
pouvant se rendre maistre
du Czar &du reste de fem
Armée;cependant on n'a
pas laissé de faire plusieurs
décharges d'Artillerie aprés
l'arrivée decette nouvelle,&
toute la Ville ena témoigné
une grande joye. On remarque
que la deffaite du Czar
(H: arrivée le même mois
que celle du Roy de Suede
à Pultowa, & que lemême
malheur de ces deux
Princes leurestarrivé pour
s'estreengagé trop avant
sans Magasins,en paysennemi.
7. Aoust.,
Le 3. de ce mois le Grand
Seigneur reçut plusieurs
Courriers du Grand Visir ,
avec la nouvelle que l'Armée
Moscovite forte de
soixantemille hommes
commandée par le Czar en
personne avoit esté presqu'entierement
deffaite Le
combat commença le i%
Juillet aprèsmidy prés de
Falczin surle Prut. Il y cuç
plusde trente mille Mofc<>
vires tuez par les Turcs ôc
par les Tartares
,
fc sans la
nuit qui survint le nombre
auroit esté plus grand. Le
reste de leur Armée n'ayant
pûCc retirer parce que IC$
Turcs & les Tartares l'environnoient
de tous costez
les uns & les autres paflere&t
la nuit tous les Armes. Le
lendemain marin les Moscovites
se rallierent & se
couvrirent avec des chevaux
de frise; mais le grand
Visir sit aussicost tirer le
canon sur ce retranc hement.
Alors le Czar luy
envoyaunOfficier pour luy
proposer une Capitulation
avec le grand Seigneur &
avec le Roy de Suede
,
&
voyant que les Turcs continuoient
leur canonnade,
il envoyaquatre Officiers
pourréterer cette proposition,
& pour prier le grand
Visir de faire cesser le Canon
ce qui luy fut accordé. Mr
Czasirow ViceChancellier,
&le fils du General Szeremetow
furent estvoyez
au grand Visir avec lequel
ils convinrent que la Ville
d'Asaf seroit rendue au
grand Seigneur;qiae: les
Fortesses de Kaminka
,
de
Sagara&de Samara seraient
démolies ; que l'Ukraine
; feroit iTtmifc danssonancienne
liberté;quele Czar
ne semêleroit plus des Affiliés
de Pologne; qu'illivreroit
le Prince Demetrius
Cantemir, & le rebelleKebaliaba
,
& qu'on reme -
troit au grand Seigneur
l'Artillerie & les Munitions
de l'Armée Moscovite. Ces
six Articles préliminaires
dévoient estre suivis d'un
: traité de Paix qui seroit fait
à Bender où Mrs Czasirow,
& Szeremetow
)
[c ren,
- droient en qualité de Plcnipotentiaires
& pour ser-
-vir d'Otages de ce quiavait
-
esté conclu sans que le grand
Visiten eust donné aucun.
Onapermisaurestede l Ar- !
mée Moscovite de se retirer
àKiowie; mais comme les
Soldatsestoient accablez de
fatigue & de faim, même
avant la Bataille, & qu'il
étoient poursuivis par les
Tartates à cause que le Kan
n'avoit point eû de part à
cc'qui avoir esté conclu avec
le Czar, oncroyoit qu'ilen
réchaperoit un fort petit
nombre, cependant le
grand Visir les faisoit accompagner
par dix ou
cloute mille hommes fous
pretexte de leur servir d'escorte
contre les Tartares y
mais en effet pour les faire
marcher à petites journées,
afin d'avoir le temps de recevoir
les ordres du grand
Seigneur. Mr Funck Envoyé
du Roy de Suede presenta
le 4. au Grand Seigneur,
& au Kaimakan, un
Memoire concernant les'
interests du Roy son Maître.
Tous les Visirs, & le
Musti l'assurerent que ce
Prince auroit lieu d'estre
content avant que les Moscovites
sortissent des Etats
du Grand Seigneur, &
que le Kapigilar Kiaïaski
) devoit partir incessament
pour procurer à Sa Majesté
Suedoise toute sorte satisfaction.
Le 5 Mr Funck fut
appellépour aller chez le
Kaimakan où il trouva le
Musti&le Scllâar- Pacha,
gendre du grand Seigneur,
afin deconferer sur son Me.
moire par lequel il demandoit
que le Roy de Suede
fut compris dans le traité
de Bender, & qu'il fust stipulé
qu'il seroit conduit
dans ses Etats avec autant
de troupes qu'il fouhaitcroit.
Osman Pacha Kiaïa ou
Lieutenant du grand Visir
qu'ilavoit envoyé pour
apporter la nouvelle de
cette Victoire, a esté disgracié
au lieu d'estre recompensérce
qui marque que
le Grand Seigneur estmécontent
de la precipitation
avec laquelle le grand Visîr
a conclu la Capitulation
y
pouvant se rendre maistre
du Czar &du reste de fem
Armée;cependant on n'a
pas laissé de faire plusieurs
décharges d'Artillerie aprés
l'arrivée decette nouvelle,&
toute la Ville ena témoigné
une grande joye. On remarque
que la deffaite du Czar
(H: arrivée le même mois
que celle du Roy de Suede
à Pultowa, & que lemême
malheur de ces deux
Princes leurestarrivé pour
s'estreengagé trop avant
sans Magasins,en paysennemi.
Fermer
Résumé : Lettre de Constantinople du 7. Aoust.
Le 3 août, le Grand Seigneur reçut des nouvelles du Grand Visir annonçant une victoire turque contre l'armée moscovite, forte de soixante mille hommes et dirigée par le Czar en personne, près de Falczin sur le Prut. Le combat, débuté le 1er juillet, avait causé la mort de plus de trente mille Moscovites. La nuit suivante avait empêché un bilan plus lourd. Les survivants, encerclés par les Turcs et les Tartares, tentèrent de se rallier mais furent repoussés par la canonnade turque. Le Czar proposa alors une capitulation, acceptée après négociations. Les termes préliminaires incluaient la reddition de la ville d'Asaf, la démolition de certaines forteresses, la liberté de l'Ukraine, la libération de prisonniers et la restitution de l'artillerie moscovite. Ces articles devaient être suivis d'un traité de paix à Bender. L'armée moscovite fut autorisée à se retirer à Kiowie, escortée par des troupes turques pour éviter les Tartares. Le 4 août, l'envoyé du Roi de Suède présenta un mémoire concernant les intérêts de son maître, assurant une satisfaction avant le départ des Moscovites. Le 5 août, des conférences eurent lieu pour inclure le Roi de Suède dans le traité de Bender. La défaite du Czar, survenue le même mois que celle du Roi de Suède à Pultowa, fut attribuée à une avancée trop profonde sans approvisionnement adéquat.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
6
p. 24-31
EXTRAIT De la Relation de ce qui s'est passé entre l'Armée du Grand Seigneur & celle du Czar, depuis le 18. Juillet jusqu'au 23. écrite par un Officier General de l'Armée Moscovite.
Début :
Le Czar ayant eu avis que le Grand Vizir estoir en marche [...]
Mots clefs :
Moscovites, Tsar, Turcs, Armée, Grand vizir
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT De la Relation de ce qui s'est passé entre l'Armée du Grand Seigneur & celle du Czar, depuis le 18. Juillet jusqu'au 23. écrite par un Officier General de l'Armée Moscovite.
EXTRAIT
De la Relation de ce qui s'cft
passé entre l'Armée du
Grand Seigneur & celle
du Czar, depuis le 18.
Juillet jusqu'au 23. écrire
par un Officier General
dcTArmee Mofcovitc.
Le Czarayant eu avis què leGrandVizirestoit en marche
pour l'aller attaquer, tint
Conseil de guerre dans lequel
plusieurs
plusieurs Generaux opinerent
qu'il étoittrès-important de
ne point s'éloigner du Niester
afin que l'arméefust toûjours.
à portée de tirer des vivres de
la Pologne par le moyen de
cette Riviere
, & que si on
alloit au devant des Turcs, il
pourroit arriver de grands inconveniens
de s'engager dans
un pays où l'onn'étoit pas
assuré de trouver desubsistance.
Cet avis ne fut pas suivi; on
marché vers la riviere de Prut
que l'on pajja, & aprés s'être
avancé jufcjuà la hauteur de
Falezin, le 18. Juillet
,
le
GenetaIjanuifutdétaché avec
la plus grande partie de la,
Cavalerie, & le refle de
l'armée le suivit. Maisayant
reconnu que les Turcs avoient
passé le Danube, £<r qu'ily
en avoit un gros Corpsqui
s'avançoit pour le coupet, en
informa le Czar qui envoya
le General Injberg avec un
autre détachement avec ordre
de rejoindre le gros de l'armée
qui s'avançoiten même-temps;
Cependant cette jonction nepût
se faire sans que le General
Fanus nefust inquietté, de ma-
-
niere qu'il futobligédeformer
un Corps quarré de toutesa
Cavalerie& defaire mettre
pied à terre aux Dragons qu'il
mit dans le centre avec les é..-
quipages, & marcha en cet
ordrependant que les Cosaques
& les ValaquesMoscovites
défiloientpar les hauteurs. Ce
furent eux qui souffrirent le
plus, les Tartares, (7 plus de
quarante mille Turcs les ayant
poursuivisainsique le General
Janus quine rejoignit le Czar
que le 19. à deux heures, après
avoirperdu beaucoup d'hommes
& de chevaux dans les continuelles
escarmouches. On tint
ensuite Conseildeguerre dans.
lequel ilfut resolu demarcher
toute la nuit pourse raprocher
du Prut, & de bruler tous les
Chariots les moins neceßaires,
ce quifutexecutéavant dese
mettre en marche. Onforma
plusieurs Corps quarrez de
toutel'armée, (7 onmittous
leséquipages ce bagages dans
le centre de chaque Corps les
quatre .cÇJJ!e'{.. étantborde% par
des chevaux defrise que des
soldatsportoientsur leurs épaules,
eton marcha en cet ordre,
Leto. à la pointe du jour,
- la Cavalerie du grand Vlfir,
quiavoitsuivi les Moscovites
pendant la nuit chargea leur
arrieregarde&lespoursuivit
jusqu'à lariviere de Prut, ote
ilsfirent halte.Les Turcss'arresterent
aussipour attendre leur
Infanterie &leur Artillerie
qqtrrtii a;rrivèrentaqVua>tre hrçu/rVç».s
aprèsmidy.Alors les, Turcs ifèrent
un grandfeu de canon qui
durlfyùfcjuàlanuitpendantla*
qùelielesMoscovitessecouvrirerlt
par de bons retranchemens.
Le21. dés legrandmatin,
les Turcs qui avoientpresque
enîïèrcrhènt inytfii leur
Camp, recommencerent leur
canonnade avec beancoup plus
tfQrdre çy defurie,ensorte que
les Moscovites perdirent beaucoup
de monde, ayant eu même
plusieurs Generaux tue^ ou
bljfz
,
entr'autres le General
Wittemant, tué; & les Generaux
Ostein,Brassey, Hallard,
avoient esté blejjc% la
veille. Ily eut ensuite une
suspension d'aemes, que le
grand Vtjir acorda sur une
lettre que le czar luy écrivit,
'& le 23. on apprit que la Paix
avoit esté concluë.
Lereste de la Relationest
conforme à ce qui a esté rapporté
dans celle qu'on a
donnée le mois dernier.
De la Relation de ce qui s'cft
passé entre l'Armée du
Grand Seigneur & celle
du Czar, depuis le 18.
Juillet jusqu'au 23. écrire
par un Officier General
dcTArmee Mofcovitc.
Le Czarayant eu avis què leGrandVizirestoit en marche
pour l'aller attaquer, tint
Conseil de guerre dans lequel
plusieurs
plusieurs Generaux opinerent
qu'il étoittrès-important de
ne point s'éloigner du Niester
afin que l'arméefust toûjours.
à portée de tirer des vivres de
la Pologne par le moyen de
cette Riviere
, & que si on
alloit au devant des Turcs, il
pourroit arriver de grands inconveniens
de s'engager dans
un pays où l'onn'étoit pas
assuré de trouver desubsistance.
Cet avis ne fut pas suivi; on
marché vers la riviere de Prut
que l'on pajja, & aprés s'être
avancé jufcjuà la hauteur de
Falezin, le 18. Juillet
,
le
GenetaIjanuifutdétaché avec
la plus grande partie de la,
Cavalerie, & le refle de
l'armée le suivit. Maisayant
reconnu que les Turcs avoient
passé le Danube, £<r qu'ily
en avoit un gros Corpsqui
s'avançoit pour le coupet, en
informa le Czar qui envoya
le General Injberg avec un
autre détachement avec ordre
de rejoindre le gros de l'armée
qui s'avançoiten même-temps;
Cependant cette jonction nepût
se faire sans que le General
Fanus nefust inquietté, de ma-
-
niere qu'il futobligédeformer
un Corps quarré de toutesa
Cavalerie& defaire mettre
pied à terre aux Dragons qu'il
mit dans le centre avec les é..-
quipages, & marcha en cet
ordrependant que les Cosaques
& les ValaquesMoscovites
défiloientpar les hauteurs. Ce
furent eux qui souffrirent le
plus, les Tartares, (7 plus de
quarante mille Turcs les ayant
poursuivisainsique le General
Janus quine rejoignit le Czar
que le 19. à deux heures, après
avoirperdu beaucoup d'hommes
& de chevaux dans les continuelles
escarmouches. On tint
ensuite Conseildeguerre dans.
lequel ilfut resolu demarcher
toute la nuit pourse raprocher
du Prut, & de bruler tous les
Chariots les moins neceßaires,
ce quifutexecutéavant dese
mettre en marche. Onforma
plusieurs Corps quarrez de
toutel'armée, (7 onmittous
leséquipages ce bagages dans
le centre de chaque Corps les
quatre .cÇJJ!e'{.. étantborde% par
des chevaux defrise que des
soldatsportoientsur leurs épaules,
eton marcha en cet ordre,
Leto. à la pointe du jour,
- la Cavalerie du grand Vlfir,
quiavoitsuivi les Moscovites
pendant la nuit chargea leur
arrieregarde&lespoursuivit
jusqu'à lariviere de Prut, ote
ilsfirent halte.Les Turcss'arresterent
aussipour attendre leur
Infanterie &leur Artillerie
qqtrrtii a;rrivèrentaqVua>tre hrçu/rVç».s
aprèsmidy.Alors les, Turcs ifèrent
un grandfeu de canon qui
durlfyùfcjuàlanuitpendantla*
qùelielesMoscovitessecouvrirerlt
par de bons retranchemens.
Le21. dés legrandmatin,
les Turcs qui avoientpresque
enîïèrcrhènt inytfii leur
Camp, recommencerent leur
canonnade avec beancoup plus
tfQrdre çy defurie,ensorte que
les Moscovites perdirent beaucoup
de monde, ayant eu même
plusieurs Generaux tue^ ou
bljfz
,
entr'autres le General
Wittemant, tué; & les Generaux
Ostein,Brassey, Hallard,
avoient esté blejjc% la
veille. Ily eut ensuite une
suspension d'aemes, que le
grand Vtjir acorda sur une
lettre que le czar luy écrivit,
'& le 23. on apprit que la Paix
avoit esté concluë.
Lereste de la Relationest
conforme à ce qui a esté rapporté
dans celle qu'on a
donnée le mois dernier.
Fermer
Résumé : EXTRAIT De la Relation de ce qui s'est passé entre l'Armée du Grand Seigneur & celle du Czar, depuis le 18. Juillet jusqu'au 23. écrite par un Officier General de l'Armée Moscovite.
Du 18 au 23 juillet, les armées ottomanes et russes s'affrontèrent. Informé de l'avancée du Grand Vizir, le Czar convoqua un conseil de guerre. Malgré des recommandations de rester près du Niester pour l'approvisionnement, l'armée russe marcha vers la rivière Prut et atteignit Falezin le 18 juillet. Les Turcs, ayant traversé le Danube, ouvrirent un feu de canon intense jusqu'au matin. Le 21 juillet, les Turcs intensifièrent leur canonnade, causant de lourdes pertes aux Russes, y compris la mort du général Wittemant et des blessures à plusieurs généraux. Une suspension des hostilités fut accordée après une lettre du Czar au Grand Vizir, et le 23 juillet, la conclusion de la paix fut annoncée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
7
p. 49-57
EXTRAIT de Lettre de Mr le Colonel de Funck, écrite de Constantinople le 14. Janvier 1712. à Mr. de Cronstrom Envoyé Extraordinaire de Suede.
Début :
Le Grand Vizir a bien voulu permettre aux Otages Moscovites, [...]
Mots clefs :
Moscovites, Tsar, Turcs, Guerre, Paix, Troupes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT de Lettre de Mr le Colonel de Funck, écrite de Constantinople le 14. Janvier 1712. à Mr. de Cronstrom Envoyé Extraordinaire de Suede.
EXTRA1 T
de Lettre de Mr le Coloml de Funck ,
écritede
Conflantinople le 14. Jimvieriyii. àMr. de Crort-
(om Envoyé Extraordinaire de Suede.
-LeGrand Vizir a
bien.
voulu permettre aux 0-
tages Moscovites, sur.
leurs instances conjoin cc
tement avec les Ambac.cc
fadeurs d'Angleterre &-
d'Hollande, de conferer(c;
avec luy pour tascher de«
trouver des expédients«
«capables de détourner la
t, guerre; mais cesconferencessont presentement
»rompues. Ali Bacha le
»
Premier Grand Vizir dé-
»
posé a
esté porte icy &
«expose devant le Serrait au peuple. Les nou-
«
vellesvenues cesjours icy
;»
de l'arrivée de nostre
Transport en Pomeranie
avec le Comte de Sten-
»
bofz
3
ont extrêmement
»
réjoui
,
tant nous que les
«
Turcs,,quicet Etéavoienc
;»agi un peu froidement,
Ȉcause quece Transport
ne venoic pas. Le premier
«
de ce mois le Grand Sei. *
gneur m'a fait dire que je«
fisse sçavoir au Royqu'ilcc
partira dans six fcmaines«
pour aller en campagne, «
afin de pouffer la guerre «
contre les Moscovites*
avec la dernière vigueur,«
que sa Majeste estoit lecc
maistre de partir quand il«
luyplairoit pour la PolO-te
gne
,
avec une escorte..
considerable & suffisante«
de Turcs qui se rendront«
pour cet effet à Bender)cc
& , que j'eusse à suivre le«
"Sultan en campagne, au
»moyen de quoy j'espere,
8,
Mr. d'avoir l'honneur de
=. vous fairefçavoircequis'y
»
passera. Le Serasquier de
»BelgradeAbdiBacha qui
»efl: fort porté pour les in-
»
terefts du Roy, a
esté fait
o.
Commandant en Chef
:»
des troupes de Romelie
J
»
& doit se rendre incessam-
»ment.
D'autres Lettres portent
qu'on a
publié à Constantinople laguerre contre les
Moscovites, que l'Empire
Otoman faitdes prépara-
tifs extraordinaires, que
les Tartares se préparent à
faire une irruption en Moscovie par trois costez. Le
quartier du General Ronne
,
qui a de beaucoup
augmenté ses troupes, est
à present à Pialacerkieu
, & les troupes Moscovites
qu'il commande sont avancéesjusqu'à Niemerow, &
à Braclaw enPodolie, pour
observer les mouvements
des Turcs, & du Palatin
de Kiovie, & la plus part
desMoscovites qui estoient
dans le Palatinat de Cra-
covie, sont entrées dans
celuy de Sandomir.
Le Czar est arrivé à Pesersbourg le 14. Janvier, &
le même jour il a
jugé àpropos de faire de molirles fortifications d'Azak
)
du Fort
de TangarocK & de quelques autres qui ont donnéombrage aux Turcs, esperant encore par là de les
appaiser, & de maintenir
la Paix de Falczin.
Le Vice-Amiral Cruitz,
est arrivéd'AzaK à Moscou, suivi de tous les Officiers de marine, il doit
cilr,-, à present ducosté de
Petersbourg;ila laissé l'Amiral à Praxin
,
à Azak
)
pour en faire démolir les
fortifications.
Les Moscovites ont tué
ou pris quarante mille personnes, &enlevéune grande quantité de Chevaux,
de Chameaux
,
& de Beftail ,aprèsavoir forcé quelques Troupes des Tartares
Calmuques.
On a
fait de grande réjoüissances à Moscou au
mois de Décembre dernier, sur lanouvellequ'on
a receuë que le Princede
Moscovieaépousé la Princesse de Volsenbutel
,
ces
réjoüissances ont commencé le 13.&la PripçeKeNatalie à Lexowits., fçeïir
du Czar.) a
traité mjgni.
siquement pendant deux
jours lesGrands Seigneurs
ôç les Principaux Officiers.
-
La Princesse Mere du
Czar a
donnéaussi un
grand festin où la Duchesse
de Ciîrjande, a paru pour
la première fois depuis la
mort du Duc son Epoux
,
ensuite ces Princesses sont
allées trouver le Czar à Petersbourg.
de Lettre de Mr le Coloml de Funck ,
écritede
Conflantinople le 14. Jimvieriyii. àMr. de Crort-
(om Envoyé Extraordinaire de Suede.
-LeGrand Vizir a
bien.
voulu permettre aux 0-
tages Moscovites, sur.
leurs instances conjoin cc
tement avec les Ambac.cc
fadeurs d'Angleterre &-
d'Hollande, de conferer(c;
avec luy pour tascher de«
trouver des expédients«
«capables de détourner la
t, guerre; mais cesconferencessont presentement
»rompues. Ali Bacha le
»
Premier Grand Vizir dé-
»
posé a
esté porte icy &
«expose devant le Serrait au peuple. Les nou-
«
vellesvenues cesjours icy
;»
de l'arrivée de nostre
Transport en Pomeranie
avec le Comte de Sten-
»
bofz
3
ont extrêmement
»
réjoui
,
tant nous que les
«
Turcs,,quicet Etéavoienc
;»agi un peu froidement,
Ȉcause quece Transport
ne venoic pas. Le premier
«
de ce mois le Grand Sei. *
gneur m'a fait dire que je«
fisse sçavoir au Royqu'ilcc
partira dans six fcmaines«
pour aller en campagne, «
afin de pouffer la guerre «
contre les Moscovites*
avec la dernière vigueur,«
que sa Majeste estoit lecc
maistre de partir quand il«
luyplairoit pour la PolO-te
gne
,
avec une escorte..
considerable & suffisante«
de Turcs qui se rendront«
pour cet effet à Bender)cc
& , que j'eusse à suivre le«
"Sultan en campagne, au
»moyen de quoy j'espere,
8,
Mr. d'avoir l'honneur de
=. vous fairefçavoircequis'y
»
passera. Le Serasquier de
»BelgradeAbdiBacha qui
»efl: fort porté pour les in-
»
terefts du Roy, a
esté fait
o.
Commandant en Chef
:»
des troupes de Romelie
J
»
& doit se rendre incessam-
»ment.
D'autres Lettres portent
qu'on a
publié à Constantinople laguerre contre les
Moscovites, que l'Empire
Otoman faitdes prépara-
tifs extraordinaires, que
les Tartares se préparent à
faire une irruption en Moscovie par trois costez. Le
quartier du General Ronne
,
qui a de beaucoup
augmenté ses troupes, est
à present à Pialacerkieu
, & les troupes Moscovites
qu'il commande sont avancéesjusqu'à Niemerow, &
à Braclaw enPodolie, pour
observer les mouvements
des Turcs, & du Palatin
de Kiovie, & la plus part
desMoscovites qui estoient
dans le Palatinat de Cra-
covie, sont entrées dans
celuy de Sandomir.
Le Czar est arrivé à Pesersbourg le 14. Janvier, &
le même jour il a
jugé àpropos de faire de molirles fortifications d'Azak
)
du Fort
de TangarocK & de quelques autres qui ont donnéombrage aux Turcs, esperant encore par là de les
appaiser, & de maintenir
la Paix de Falczin.
Le Vice-Amiral Cruitz,
est arrivéd'AzaK à Moscou, suivi de tous les Officiers de marine, il doit
cilr,-, à present ducosté de
Petersbourg;ila laissé l'Amiral à Praxin
,
à Azak
)
pour en faire démolir les
fortifications.
Les Moscovites ont tué
ou pris quarante mille personnes, &enlevéune grande quantité de Chevaux,
de Chameaux
,
& de Beftail ,aprèsavoir forcé quelques Troupes des Tartares
Calmuques.
On a
fait de grande réjoüissances à Moscou au
mois de Décembre dernier, sur lanouvellequ'on
a receuë que le Princede
Moscovieaépousé la Princesse de Volsenbutel
,
ces
réjoüissances ont commencé le 13.&la PripçeKeNatalie à Lexowits., fçeïir
du Czar.) a
traité mjgni.
siquement pendant deux
jours lesGrands Seigneurs
ôç les Principaux Officiers.
-
La Princesse Mere du
Czar a
donnéaussi un
grand festin où la Duchesse
de Ciîrjande, a paru pour
la première fois depuis la
mort du Duc son Epoux
,
ensuite ces Princesses sont
allées trouver le Czar à Petersbourg.
Fermer
Résumé : EXTRAIT de Lettre de Mr le Colonel de Funck, écrite de Constantinople le 14. Janvier 1712. à Mr. de Cronstrom Envoyé Extraordinaire de Suede.
La lettre du Colonel de Funck, datée du 14 janvier 1700 à Constantinople, est adressée à Mr de Cort, Envoyé Extraordinaire de Suède. Le Grand Vizir avait initialement autorisé des discussions entre les ambassadeurs moscovites, anglais et hollandais pour éviter la guerre, mais ces conférences sont interrompues. Ali Bacha, ancien Grand Vizir, a été exécuté et exposé au peuple. L'arrivée du Comte de Stenbof en Poméranie a été bien accueillie par les Suédois et les Turcs, malgré un initial froid dû au retard. Le Grand Seigneur prévoit de partir en campagne contre les Moscovites dans six semaines et pourrait également se rendre en Pologne avec une escorte turque. Abdi Bacha, Serasquier de Belgrade, a été nommé Commandant en Chef des troupes de Roumanie. La guerre contre les Moscovites a été déclarée à Constantinople, et l'Empire Ottoman prépare des troupes et des fortifications. Les Tartares se préparent à envahir la Moscovie par trois côtés. Les troupes moscovites, sous le commandement du Général Ronne, sont positionnées à Pialacerkieu, Niemerow et Braclaw. Le Czar, à Pésersbourg, a ordonné la démolition des fortifications d'Azak et de Tangarock pour apaiser les Turcs. Le Vice-Amiral Cruitz est arrivé à Azak et doit se rendre à Petersbourg. Les Moscovites ont vaincu des troupes tartares calmuques, tuant ou capturant quarante mille personnes et saisissant une grande quantité de chevaux, chameaux et bétail. À Moscou, des réjouissances ont célébré le mariage du Prince de Moscovie avec la Princesse de Volsenbutel. La Princesse Natalie et la Princesse Mère du Czar ont organisé des festivités et se sont rendues à Petersbourg pour voir le Czar.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
8
p. 58-59
Nouvelles du Levant.
Début :
Les lettres du Levant confirment que les Turcs font des [...]
Mots clefs :
Levant, Turcs, Danube
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Nouvelles du Levant.
ouvelles du Levant
i
Les lettres du Levang
confirment que les Turcs
font des preparatifs extraordinaires de guerre; &
quoy qu'ils ayent fait de
gros magaſins à Theffalonique , ils en font encore
d'autres fort confiderables
à plufieurs endroits pour les
GALANT.
Troupes qui doivent marcher le long du Danube
& qui doivent êtrẻ allem.
blées au commencement
du mois prochain : mais
on ne peut encore penetrer quels font leurs deffeins , ce qui donne beaucoup d'inquietude.
i
Les lettres du Levang
confirment que les Turcs
font des preparatifs extraordinaires de guerre; &
quoy qu'ils ayent fait de
gros magaſins à Theffalonique , ils en font encore
d'autres fort confiderables
à plufieurs endroits pour les
GALANT.
Troupes qui doivent marcher le long du Danube
& qui doivent êtrẻ allem.
blées au commencement
du mois prochain : mais
on ne peut encore penetrer quels font leurs deffeins , ce qui donne beaucoup d'inquietude.
Fermer
9
p. 265-283
SUPPLEMENT aux Nouvelles.
Début :
Les Lettres de Hambourg du 9. Avril portent que les Confederez [...]
Mots clefs :
Supplément, Bender, Bacha, Suède, Turcs, Lettres, Andrinople, Plénipotentiaire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUPPLEMENT aux Nouvelles.
SVPP LEME NT
aux NouvtUes.
LEs Lettres de Hambourg
du 9. Avril portent
que les Consederezavoient
resolu d'attaquer le porte
de Gardingen ; mais on y
trouve de grandes difficultez
,
à cause que les Suedois
s'y sont retranchez de
telle sorte qu'il paroist prêt
que impossible de les en
dessoger
, outre que les
pluyes qui font tombées
depuis peu ont rompu les
chemins; plusieurs Generaux
ont proposé de bombarder
le Camp des Suédois
au lieu de les attaquer
a - force ouverte. Que les
prisonniers Moscovites qui
estoient à Stetin ont esté échangez
contre les prisonniers
Suedois que le Prince
Menzikow a renvoyez
à"TSTifînar:que les troupes
Moscovites n'observoient
aucune discipline dans le
pays de Holstein
,
n'épargnant
pas- les Terres des
Ministres du Roy de Dannemark,
ils continuent defaire-
le dégasten Pomeranie
où ils ont pillé durant
trois jours la ville d'Anklan.
On mande de Seraizund
que quelques Vais-.
seaux de Guerre Danois,
chargez de Troupes avoient
paru devantRugen,
ce qui faisoit craindre aux
Suedois qu'ils n'eussent
quelque dessein sur cette
Isle, Un Bastiment arrivé
à Elseneur avoit rapporté
que vingt
-
six Vaisseaux
Suédois, la pluspart de
Guerre, avoient fait voile
vers la Pomeranie pour
donner la chasse aux Vaie:
seaux Danois qui croisoient
dece costé là.
Les Lettres de Suede portent
que les Troupes qui
estoient dans le pays voisin
de Stockolm se mettoienten
mouvement sans
qu'on sceust quelle route
e lles devoient prendre. Le
Comte deWellingareceu
des Lettres par deux courriers
partis de Bender le
18. Avril, qui portent que
ronoMant les presensconsiderables
que le Roy de
Suede avoit faits au Seras-
Xkr ou Bacha de Bender,
il avoit retenu plusieurs
sommes quele Grand Seigneur
envoyoit à Sa Majesté
; &mesme à diverses
fois quatre cens chevaux
qu'il avoit changez contre5
d'autres quine les valoient
pas, ce que le Roy de Suede
feignit d'igno.er. Quelques
honneurs que le Bacha
ait peu rendre à ce
Prince avant son départ
pourAndrinople,ill'a traité
tousjoursavecunsi grand
mespris, qu'un jour entre
autres le Bacha ayant voulu
s'asseoit sur un Sofa où
il estoit couché, il le repoussa
d'un coup de pied,
& le fie sortir de sa Chambre.
Aprèsson départ pour
Andrinople
,
le Roy Stanislas
ayant esté amené à
Bender, le Bacha le receut
au bruit du canon )
& luy
a rendu depuis tous les
honneurs possibles: il l'a
prié d'escrire en sa faveur
au Roy de Suede
J
ayant
appris qu'il avoit eU trés
bien receu ,
& craignant
deperdre la reste ; ce qui
n'est pas sans fondement,
puisqu'il a receu ordre de
se rendre à Andrinople
pour rendre compte de sa
conduite. Son Lieutenant
aen mesme temps receu
d'autres ordres de bien
traiter les Suedois & les
Polonois qui sont restez à
Bender entre lesquels sont
le Palatin de Kiowie ,
le
Prince Wiefnowieski
)
le
Comte Tarlo, les Generaux
Smiegielskit Grudzinski,
Urbanowitz &
plusieurs autres Officiers.
Le Staroste de Bobruïs de
la Maison Sapieha,qu'on
accuse d'estre l'auteur dç
l'entreprise formée contre
le Roy de Suéde
,
& qui
est beau- frere du General
Saxon Flemming
, ayant
appris que ses affaires reprenoient
une situation favorable
,
partit avec cinq
de ses domestiques pour se
retirer en Pologne: mais
un Colonel Suédois l'ayant
poursuivi avec quelques
Cavaliers, le joignit à une
demi-lieuëdela frontiere,
&le ramena par force à
Bender. Aprés qu'il y fut
arrivé, le Gentral Smiegielski
luy demanda qui
il reconnoissoit pour Roy
de Pologne: il respondit
que c'estoit le Roy
Auguste. Alors on le
foüilla, & on trouva dans
ses bottes des lettres par
lesquelles on prétend avoir
découvert le complot formé
entre le Roy Auguste,
le Czar, le Kan & le Bacha
de Bender, pour livrer
leRoy de Suede aux troupes
Saxones & Polonoifes.
Ce Staroste estoit gardé à
veuë;du consentement du
Lieutenant du Bacha ôc
des Officiers Turcs. Le 16.
un Courrier du Roy deSuedearriva
à Bender,& rapportaqu'il
estoit en parfaite
santé : que le Grand
Seigneur avoit envoyé au
devanr de luy jusqu'à deux
journées au deça d'Andrinople
, le General Poniatowski
& plusieursOfficiers
Turcs, pour l'allurer de
son amitié,& de sa resolution
de faire la guerre aux
Moscovices. Le Sultan a
fait meubler magnifiq uement
un Serrait près de la
ville, pour y conferer avec saMajeste,quidevoitdans
peu de jours retourner à
Benderavec une nombreuse
armée de Turcs qui doit
l'escorter vers ses Estats.
Le Sultan continuë de faire
faire des amas prodigieux
de vivres. Le grand
pont qu'il faisoit faire sur
le Danube est achevé
J
&
quarante mille Turcs estoient
en marche pour le
passer, & pour s'avancer
par la Moldavie vers le
Niester
,
où l'on dit qu'ils
feront suivis par cent mille
autres, avec le Grand Seigneur
en personne.
On mande de Madrid
du 3. Avril que le 17. Mars
le Marquis de Bedmar en
vertu des Pouvoirs du Roy,
signaavecMylord Lexington
le Traité de Paixavec
l'Anglererre , lequel y fut
aussitost envoyé par un
Courrier exprès; que les
Troupes qui doivent entrer
en Catalogne pour
prendre possession decette
Principauté, ont ordre de
sortir de leur quartiers le
dix de ce mois, & le Duc de
Popoli qui doit les commander,
se prépare à partir
incessamment. Toutes
lesLettres de Catalogne
confirment,que l'Archiduchesse
sestoit embarquée
le18 Mars, laissant lecommandement
des Troupes
qui n'ont pû estre embarquéesauComte
deStaremberg
; qu'il avoir assemblé
les Miquelets&les
Volontaires, pour leur declarer
qu'ils devoient bientosts'embarquer
avec le
reste des Troupes; que
ceux qui voudroient y
prendre parti seroient bien
venus; & que ceux qui ne
levoudraient paseussentà
se retirer dans leurs maisons
à peine de la vie. On
écrit de Tortose que le
Comte de Glimesenestoit
sorri avec des Troupes, &;
qu'il s'estoit avancé jusqu'-
au col ou passage de Balaguer
, que les Ennemis
avoient fortifiépar des retranchements,
& qu'il les
avoit détruits & bruslez
sans aucune opposition. On
écrit de Sarragosse qu'un
détachement des Troupes
du Roy avoit battu & mis
en fuite des partis de Volontaires
&de Miquelets
qui inquietoient la ville de
Venafque.
On mande de Vienne
que l'Archiduchesse estoit
arrivée à Vado sur lacoste
de Genes, on elle estoit débarquée
pour se rafraischir,
que le PrinceAntoine
de Liechsteinstein
Grand Ministre de la Mai-,
son de l'Archiduc & le
Comte Charles Joseph de
Paar, General des Portes
estoient partis pour allerà
sa rencontre jusquà Roveredo
dans le Trentin. Le
Comte de Thaun est parti
pour aller prendre possession
de la Viceroyauté de
Naples, à laquelle il a esté
nommé à la place du Comte
Borromée.
On mande de Londres
que le 9. Avril le Docteur
Sachewerel fitson premier
Sermon depuis son interdiction
dans l'Eglise de
saint Sauveur au Fauxbourg
de Southwart; que le sieur
de S. Jean estoit arrivé d'Utrecht
avec la Nouvelle
que l'onze la Paix avoit
esté avec tous les Plenipotentiaires
tentiaires des Estats qui
sontenguerre 1, la referve
de ceux de l'Archiduc
& des Princes de l'Empire,
ce qui a causé une grande
joye parmy le peuple. Qu'-
on travailloit à l'armement
d'une Escadre de dix- huit
Vaisseaux de Guerre qui
doivent efire joints par dix
Vaisseaux de Guerre Hollandois,
qu'on asseure estre
destinée pour aller vers la
- Mer Baltiqueafin de tafcher
de restablir la Paix
dans le Nord.
On écrit d'Utrecht que
l'onze, à trois heures apre's
midy, les Traitez ont esté
signez dans la Maison de
l'Ëvesque de Bristol, par les
Plenipotentiaires de France
&ceux de la Grande
Bretagne, à quatre heures
avec ceux du Duc deSavoye,
à huit avec ceux du
Roy de Portugal, à minuit
avec ceux du Roy dePrusse,
àune heure avec les Plenipotentiaires
des Estats Generaux.
Ces Traitez ne seront
rendus publics qu'après
l'échange des ratifications
qui doit estre faite
dans trois semaines
, &
que quinze joursaprèson
évacuera les Places qui doivent
estre cédées de part
& d'autre. Les Estats Géneraux
ont fait publier
dans l'armée qui est cantonnée
près de Bruxelles,
& dans les Places des l'avs-
Bas Catholiques, une ceé s
aux NouvtUes.
LEs Lettres de Hambourg
du 9. Avril portent
que les Consederezavoient
resolu d'attaquer le porte
de Gardingen ; mais on y
trouve de grandes difficultez
,
à cause que les Suedois
s'y sont retranchez de
telle sorte qu'il paroist prêt
que impossible de les en
dessoger
, outre que les
pluyes qui font tombées
depuis peu ont rompu les
chemins; plusieurs Generaux
ont proposé de bombarder
le Camp des Suédois
au lieu de les attaquer
a - force ouverte. Que les
prisonniers Moscovites qui
estoient à Stetin ont esté échangez
contre les prisonniers
Suedois que le Prince
Menzikow a renvoyez
à"TSTifînar:que les troupes
Moscovites n'observoient
aucune discipline dans le
pays de Holstein
,
n'épargnant
pas- les Terres des
Ministres du Roy de Dannemark,
ils continuent defaire-
le dégasten Pomeranie
où ils ont pillé durant
trois jours la ville d'Anklan.
On mande de Seraizund
que quelques Vais-.
seaux de Guerre Danois,
chargez de Troupes avoient
paru devantRugen,
ce qui faisoit craindre aux
Suedois qu'ils n'eussent
quelque dessein sur cette
Isle, Un Bastiment arrivé
à Elseneur avoit rapporté
que vingt
-
six Vaisseaux
Suédois, la pluspart de
Guerre, avoient fait voile
vers la Pomeranie pour
donner la chasse aux Vaie:
seaux Danois qui croisoient
dece costé là.
Les Lettres de Suede portent
que les Troupes qui
estoient dans le pays voisin
de Stockolm se mettoienten
mouvement sans
qu'on sceust quelle route
e lles devoient prendre. Le
Comte deWellingareceu
des Lettres par deux courriers
partis de Bender le
18. Avril, qui portent que
ronoMant les presensconsiderables
que le Roy de
Suede avoit faits au Seras-
Xkr ou Bacha de Bender,
il avoit retenu plusieurs
sommes quele Grand Seigneur
envoyoit à Sa Majesté
; &mesme à diverses
fois quatre cens chevaux
qu'il avoit changez contre5
d'autres quine les valoient
pas, ce que le Roy de Suede
feignit d'igno.er. Quelques
honneurs que le Bacha
ait peu rendre à ce
Prince avant son départ
pourAndrinople,ill'a traité
tousjoursavecunsi grand
mespris, qu'un jour entre
autres le Bacha ayant voulu
s'asseoit sur un Sofa où
il estoit couché, il le repoussa
d'un coup de pied,
& le fie sortir de sa Chambre.
Aprèsson départ pour
Andrinople
,
le Roy Stanislas
ayant esté amené à
Bender, le Bacha le receut
au bruit du canon )
& luy
a rendu depuis tous les
honneurs possibles: il l'a
prié d'escrire en sa faveur
au Roy de Suede
J
ayant
appris qu'il avoit eU trés
bien receu ,
& craignant
deperdre la reste ; ce qui
n'est pas sans fondement,
puisqu'il a receu ordre de
se rendre à Andrinople
pour rendre compte de sa
conduite. Son Lieutenant
aen mesme temps receu
d'autres ordres de bien
traiter les Suedois & les
Polonois qui sont restez à
Bender entre lesquels sont
le Palatin de Kiowie ,
le
Prince Wiefnowieski
)
le
Comte Tarlo, les Generaux
Smiegielskit Grudzinski,
Urbanowitz &
plusieurs autres Officiers.
Le Staroste de Bobruïs de
la Maison Sapieha,qu'on
accuse d'estre l'auteur dç
l'entreprise formée contre
le Roy de Suéde
,
& qui
est beau- frere du General
Saxon Flemming
, ayant
appris que ses affaires reprenoient
une situation favorable
,
partit avec cinq
de ses domestiques pour se
retirer en Pologne: mais
un Colonel Suédois l'ayant
poursuivi avec quelques
Cavaliers, le joignit à une
demi-lieuëdela frontiere,
&le ramena par force à
Bender. Aprés qu'il y fut
arrivé, le Gentral Smiegielski
luy demanda qui
il reconnoissoit pour Roy
de Pologne: il respondit
que c'estoit le Roy
Auguste. Alors on le
foüilla, & on trouva dans
ses bottes des lettres par
lesquelles on prétend avoir
découvert le complot formé
entre le Roy Auguste,
le Czar, le Kan & le Bacha
de Bender, pour livrer
leRoy de Suede aux troupes
Saxones & Polonoifes.
Ce Staroste estoit gardé à
veuë;du consentement du
Lieutenant du Bacha ôc
des Officiers Turcs. Le 16.
un Courrier du Roy deSuedearriva
à Bender,& rapportaqu'il
estoit en parfaite
santé : que le Grand
Seigneur avoit envoyé au
devanr de luy jusqu'à deux
journées au deça d'Andrinople
, le General Poniatowski
& plusieursOfficiers
Turcs, pour l'allurer de
son amitié,& de sa resolution
de faire la guerre aux
Moscovices. Le Sultan a
fait meubler magnifiq uement
un Serrait près de la
ville, pour y conferer avec saMajeste,quidevoitdans
peu de jours retourner à
Benderavec une nombreuse
armée de Turcs qui doit
l'escorter vers ses Estats.
Le Sultan continuë de faire
faire des amas prodigieux
de vivres. Le grand
pont qu'il faisoit faire sur
le Danube est achevé
J
&
quarante mille Turcs estoient
en marche pour le
passer, & pour s'avancer
par la Moldavie vers le
Niester
,
où l'on dit qu'ils
feront suivis par cent mille
autres, avec le Grand Seigneur
en personne.
On mande de Madrid
du 3. Avril que le 17. Mars
le Marquis de Bedmar en
vertu des Pouvoirs du Roy,
signaavecMylord Lexington
le Traité de Paixavec
l'Anglererre , lequel y fut
aussitost envoyé par un
Courrier exprès; que les
Troupes qui doivent entrer
en Catalogne pour
prendre possession decette
Principauté, ont ordre de
sortir de leur quartiers le
dix de ce mois, & le Duc de
Popoli qui doit les commander,
se prépare à partir
incessamment. Toutes
lesLettres de Catalogne
confirment,que l'Archiduchesse
sestoit embarquée
le18 Mars, laissant lecommandement
des Troupes
qui n'ont pû estre embarquéesauComte
deStaremberg
; qu'il avoir assemblé
les Miquelets&les
Volontaires, pour leur declarer
qu'ils devoient bientosts'embarquer
avec le
reste des Troupes; que
ceux qui voudroient y
prendre parti seroient bien
venus; & que ceux qui ne
levoudraient paseussentà
se retirer dans leurs maisons
à peine de la vie. On
écrit de Tortose que le
Comte de Glimesenestoit
sorri avec des Troupes, &;
qu'il s'estoit avancé jusqu'-
au col ou passage de Balaguer
, que les Ennemis
avoient fortifiépar des retranchements,
& qu'il les
avoit détruits & bruslez
sans aucune opposition. On
écrit de Sarragosse qu'un
détachement des Troupes
du Roy avoit battu & mis
en fuite des partis de Volontaires
&de Miquelets
qui inquietoient la ville de
Venafque.
On mande de Vienne
que l'Archiduchesse estoit
arrivée à Vado sur lacoste
de Genes, on elle estoit débarquée
pour se rafraischir,
que le PrinceAntoine
de Liechsteinstein
Grand Ministre de la Mai-,
son de l'Archiduc & le
Comte Charles Joseph de
Paar, General des Portes
estoient partis pour allerà
sa rencontre jusquà Roveredo
dans le Trentin. Le
Comte de Thaun est parti
pour aller prendre possession
de la Viceroyauté de
Naples, à laquelle il a esté
nommé à la place du Comte
Borromée.
On mande de Londres
que le 9. Avril le Docteur
Sachewerel fitson premier
Sermon depuis son interdiction
dans l'Eglise de
saint Sauveur au Fauxbourg
de Southwart; que le sieur
de S. Jean estoit arrivé d'Utrecht
avec la Nouvelle
que l'onze la Paix avoit
esté avec tous les Plenipotentiaires
tentiaires des Estats qui
sontenguerre 1, la referve
de ceux de l'Archiduc
& des Princes de l'Empire,
ce qui a causé une grande
joye parmy le peuple. Qu'-
on travailloit à l'armement
d'une Escadre de dix- huit
Vaisseaux de Guerre qui
doivent efire joints par dix
Vaisseaux de Guerre Hollandois,
qu'on asseure estre
destinée pour aller vers la
- Mer Baltiqueafin de tafcher
de restablir la Paix
dans le Nord.
On écrit d'Utrecht que
l'onze, à trois heures apre's
midy, les Traitez ont esté
signez dans la Maison de
l'Ëvesque de Bristol, par les
Plenipotentiaires de France
&ceux de la Grande
Bretagne, à quatre heures
avec ceux du Duc deSavoye,
à huit avec ceux du
Roy de Portugal, à minuit
avec ceux du Roy dePrusse,
àune heure avec les Plenipotentiaires
des Estats Generaux.
Ces Traitez ne seront
rendus publics qu'après
l'échange des ratifications
qui doit estre faite
dans trois semaines
, &
que quinze joursaprèson
évacuera les Places qui doivent
estre cédées de part
& d'autre. Les Estats Géneraux
ont fait publier
dans l'armée qui est cantonnée
près de Bruxelles,
& dans les Places des l'avs-
Bas Catholiques, une ceé s
Fermer
Résumé : SUPPLEMENT aux Nouvelles.
Les lettres de Hambourg du 9 avril rapportent des difficultés rencontrées par les forces coalisées lors de l'attaque du port de Gardingen, en raison des fortifications suédoises et des pluies ayant endommagé les chemins. Plusieurs généraux ont proposé de bombarder le camp suédois plutôt que de l'attaquer frontalement. Des échanges de prisonniers ont eu lieu entre les Moscovites de Stetin et les Suédois renvoyés par le Prince Menzikow à Stettin. Les troupes moscovites en Holstein pillent les terres des ministres du roi de Danemark et ravagent la Poméranie, ayant pillé la ville d'Anklam pendant trois jours. À Seraizund, des vaisseaux de guerre danois chargés de troupes ont été aperçus devant l'île de Rügen, suscitant des craintes chez les Suédois. Un bâtiment arrivé à Elseneur a rapporté que vingt-six vaisseaux suédois, principalement de guerre, se dirigeaient vers la Poméranie pour chasser les vaisseaux danois. En Suède, les troupes près de Stockholm se mettent en mouvement sans destination claire. Le Comte de Welling a reçu des lettres de Bender, datées du 18 avril, révélant que le roi de Suède a retenu des sommes et des chevaux envoyés par le Grand Seigneur, malgré les présents offerts. Le Bacha de Bender a traité le roi de Suède avec mépris, allant jusqu'à le repousser d'un coup de pied. Après le départ du Bacha pour Andrinople, le roi Stanislas a été bien reçu et honoré. Le Staroste de Bobruïsk, accusé de complot contre le roi de Suède, a été arrêté alors qu'il tentait de fuir en Pologne. Des lettres trouvées sur lui révèlent un complot impliquant le roi Auguste, le Czar, le Kan et le Bacha de Bender pour livrer le roi de Suède aux troupes saxonnes et polonaises. Le roi de Suède est en bonne santé et a été reçu par le Sultan, qui prépare une armée pour l'escorter vers ses États. Le Sultan accumule des vivres et a achevé un pont sur le Danube, permettant à des troupes turques de traverser vers la Moldavie. À Madrid, le Marquis de Bedmar a signé un traité de paix avec l'Angleterre, et les troupes doivent entrer en Catalogne. L'Archiduchesse a quitté la Catalogne, laissant le commandement au Comte de Starhemberg. Des troupes espagnoles ont battu des partisans à Venafque. À Vienne, l'Archiduchesse est arrivée à Vado, près de Gênes, et le Comte de Thaun part pour Naples. À Londres, le Docteur Sachewerel a repris ses sermons, et une escadre de vaisseaux de guerre se prépare à naviguer vers la mer Baltique pour rétablir la paix. À Utrecht, les traités de paix ont été signés entre plusieurs nations, et les ratifications doivent être échangées dans trois semaines, avec évacuation des places cédées quinze jours après.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
10
p. 73-83
Nouvelles d'Allemagne.
Début :
On écrit de Vienne, qu'on avoit donné ordre de [...]
Mots clefs :
Vienne, Archiduc, Pologne, Conspiration , Turcs, Ottomans, Prusse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Nouvelles d'Allemagne.
Nouvelles d'Allemagne.
On écrit de Vienne, qu'-
on avoit donné ordre de
faire venir cinq compagnies
d'infanterie du regiment
d'Heister,& le regiment
de dragons de Bareith,
afin de maintenir un
meilleur ordre pendant les
maladies contagieuses;que
nonobstant la contagion
l'Archiduc continuoit à y
faire son Séjour qu'on avoit
reçû des nouvelles de
Pologne touchant une conspiration
qu'on pretend avoir
été formée contre le
Roy Auguste, & les dispositions
où les Turcs parois
soient être de lui faire la
guerre; que le Palatin avoit
étéarrêté dans sa maison
,
& qu'on l'accusoit, avec
plusieurs autres, d'avoir
des intelligences avec le
Roy Stanislas; qu'ils avoient
resolu d'enlever le Roy Auguste
lors qu'il iroit joindre
l'armée; qu'on avoit même
arrêté un Marchand Ecossois,
accusé d'avoir servi à
entretenir des correspondances
avec le Roy Stanislas,
& d'avoir negocié des
lettres de change pour les
Suedois; qu'on avoit donné
ordre d'arrêter plusieurs
Senateurs: ce qu'on regarde
comme une infraction
de la liberté publique, &
qu'un grand nombre avoit
pris la suite, & étoit allé
trouver le Roy Stanislas.
D'autres lettres confirment
la marche des Turcs & des
Tartares vers la frontiere;
quel'armée Othomane,
qui étoit de quatre-vingt
mille hommes,avoit passé
la riviere de Pruth en Moldavie
, & que leur avantgarde
étoit arrivée prés de
Choczin sur le Niefter
)
où
elle se preparoit à jetter
des ponts ; que le Roy Stanislas
, avec ses troupes, celles du Palatin de Kiovie,
& tous ceux de son
parti ,s'avançoit de ce
côté-là, & que les Turcs
paroissoient être resolus de
le rétablir sur le trône; que
le Roy Auguste se preparoit
à partir pour se rendre
à l'armée,quis'avance vers
Caminiets j que les Generaux,
qui étoient encore à
Leopol, devoient la joindre
incessamment, & qu'il
avoit envoyé ordre à ses
troupes qui sont en Saxe,
& à celles qui reviennent
des Pays-Bas, de venir en
diligence en Pologne.
Les lettres d'Andrinople
du 16.Juillet portent que
quatre-vingt mille hommes
des troupes Othomanes,
campez des deux côtez
du Danube,s'étoient mis
en marche vers la Pologne,
feignant de faire fortifier
Chocsin,place assez proche
de Caminiets
} que les ordres
avoient été envoyez
aux Hospodars de Vvalaquie
& de Moldavie, de
fournir un grand nombre
de chariots & de provisions
pour l'armée; qu'on croyoic
que cette armée étoit destinée
contre la Pologne
attendu qu'on , ne parloit
plus de l'embarquement du
Roy de Suede : mais qu'il
paroissoit que ce Prince se
preparoit a prendre la même
route que l'armée Othomane,
& qu'il avoit même
dépêché depuis peu des
couriers à k Regence de
Suede, & aux Polonois affectionnez
au Roy Stanislas.
Ces mêmes lettres portent
qu'on avoit donnédes
gardes au Palatin de Masovie
, ambassadeur du Roy
Auguste
, & que le Sieur
Gelts son Resident avoit
été averti qu'on vouloit le
remettre auxsept tours, &
qu'il étoit arrivé à Andrinople
quarante compagnies
de Janissaires, & plusieurs
topgis ou canoniers.
Les lettres de Berlin portent
que plusieurs SenateursPolonois
avoientabandonné
le parti du Roy Auguste,
pour embrasser celui
du Roy Stanislas, qu'ils
etoient alléjoindre. Celles
de Danrzik portent que le
Roy Auguste avoit fait enlever
le 8. Août dans cette
ville-là les épouses du Palatin
de Kiovie & du General
Smiesrielski, le Sieur
Czerlokovvsfi, Tresorier
du Roy Stanislas, le Sieur
Uibanovvski son Secrétaire
,
& plusieurs Seigneurs
Polonois de son parti;qu'il
les avoit fait conduire par
une escorte de cavaliers Saf
xons à Marienbourg, où il
devoit se rendre le 20. que
cinq regimens Saxons avoient
ordre de marcher
[ en diligence vers la Pologne.-
On mande de Hambourg,
que le Duc de Vvirtembergavoit
fait le 23.
Août la revûë de huit bataillons
& de dix-huit escadrons
de troupes Danoises,
qui devoient incessamment
marcher vers Vvismar,
pour en former le blocus;
qu'on croyoit que les Etats
du Duc de Holstein-Gottorp
feroient bientôt évacuez
par les troupes Danoises;
que le Roy de Prusse
avoit fait délivrer aux Ministres
du Roy de Danemark
une déclaration, qui
contient que si Sa Majesté
Danoise persistoit dans ses
prétentions sur ces pays-là,
&àresserrer de plus en plus
la ville de Tonningen, il
seroit obligé, avec les garans
des traitez d'Altena &
de Travvendal, de songer
à d'autres expediens ; que
SaMajestéPrussienne prioit
les Ministres Danois de representerces
chosesauRoy
leur Maître, ôc d'enobtenir
une resolution capable
de mettre fin à ces fâcheux
démêlez. D'autres lettres
assurent que le Roy de Danemark
avoitresolu de faire
lever le blocus de Tonningen,
à condition qu'on
y mettroit une garnisonde
troupes neutres.
On écrit de Vienne, qu'-
on avoit donné ordre de
faire venir cinq compagnies
d'infanterie du regiment
d'Heister,& le regiment
de dragons de Bareith,
afin de maintenir un
meilleur ordre pendant les
maladies contagieuses;que
nonobstant la contagion
l'Archiduc continuoit à y
faire son Séjour qu'on avoit
reçû des nouvelles de
Pologne touchant une conspiration
qu'on pretend avoir
été formée contre le
Roy Auguste, & les dispositions
où les Turcs parois
soient être de lui faire la
guerre; que le Palatin avoit
étéarrêté dans sa maison
,
& qu'on l'accusoit, avec
plusieurs autres, d'avoir
des intelligences avec le
Roy Stanislas; qu'ils avoient
resolu d'enlever le Roy Auguste
lors qu'il iroit joindre
l'armée; qu'on avoit même
arrêté un Marchand Ecossois,
accusé d'avoir servi à
entretenir des correspondances
avec le Roy Stanislas,
& d'avoir negocié des
lettres de change pour les
Suedois; qu'on avoit donné
ordre d'arrêter plusieurs
Senateurs: ce qu'on regarde
comme une infraction
de la liberté publique, &
qu'un grand nombre avoit
pris la suite, & étoit allé
trouver le Roy Stanislas.
D'autres lettres confirment
la marche des Turcs & des
Tartares vers la frontiere;
quel'armée Othomane,
qui étoit de quatre-vingt
mille hommes,avoit passé
la riviere de Pruth en Moldavie
, & que leur avantgarde
étoit arrivée prés de
Choczin sur le Niefter
)
où
elle se preparoit à jetter
des ponts ; que le Roy Stanislas
, avec ses troupes, celles du Palatin de Kiovie,
& tous ceux de son
parti ,s'avançoit de ce
côté-là, & que les Turcs
paroissoient être resolus de
le rétablir sur le trône; que
le Roy Auguste se preparoit
à partir pour se rendre
à l'armée,quis'avance vers
Caminiets j que les Generaux,
qui étoient encore à
Leopol, devoient la joindre
incessamment, & qu'il
avoit envoyé ordre à ses
troupes qui sont en Saxe,
& à celles qui reviennent
des Pays-Bas, de venir en
diligence en Pologne.
Les lettres d'Andrinople
du 16.Juillet portent que
quatre-vingt mille hommes
des troupes Othomanes,
campez des deux côtez
du Danube,s'étoient mis
en marche vers la Pologne,
feignant de faire fortifier
Chocsin,place assez proche
de Caminiets
} que les ordres
avoient été envoyez
aux Hospodars de Vvalaquie
& de Moldavie, de
fournir un grand nombre
de chariots & de provisions
pour l'armée; qu'on croyoic
que cette armée étoit destinée
contre la Pologne
attendu qu'on , ne parloit
plus de l'embarquement du
Roy de Suede : mais qu'il
paroissoit que ce Prince se
preparoit a prendre la même
route que l'armée Othomane,
& qu'il avoit même
dépêché depuis peu des
couriers à k Regence de
Suede, & aux Polonois affectionnez
au Roy Stanislas.
Ces mêmes lettres portent
qu'on avoit donnédes
gardes au Palatin de Masovie
, ambassadeur du Roy
Auguste
, & que le Sieur
Gelts son Resident avoit
été averti qu'on vouloit le
remettre auxsept tours, &
qu'il étoit arrivé à Andrinople
quarante compagnies
de Janissaires, & plusieurs
topgis ou canoniers.
Les lettres de Berlin portent
que plusieurs SenateursPolonois
avoientabandonné
le parti du Roy Auguste,
pour embrasser celui
du Roy Stanislas, qu'ils
etoient alléjoindre. Celles
de Danrzik portent que le
Roy Auguste avoit fait enlever
le 8. Août dans cette
ville-là les épouses du Palatin
de Kiovie & du General
Smiesrielski, le Sieur
Czerlokovvsfi, Tresorier
du Roy Stanislas, le Sieur
Uibanovvski son Secrétaire
,
& plusieurs Seigneurs
Polonois de son parti;qu'il
les avoit fait conduire par
une escorte de cavaliers Saf
xons à Marienbourg, où il
devoit se rendre le 20. que
cinq regimens Saxons avoient
ordre de marcher
[ en diligence vers la Pologne.-
On mande de Hambourg,
que le Duc de Vvirtembergavoit
fait le 23.
Août la revûë de huit bataillons
& de dix-huit escadrons
de troupes Danoises,
qui devoient incessamment
marcher vers Vvismar,
pour en former le blocus;
qu'on croyoit que les Etats
du Duc de Holstein-Gottorp
feroient bientôt évacuez
par les troupes Danoises;
que le Roy de Prusse
avoit fait délivrer aux Ministres
du Roy de Danemark
une déclaration, qui
contient que si Sa Majesté
Danoise persistoit dans ses
prétentions sur ces pays-là,
&àresserrer de plus en plus
la ville de Tonningen, il
seroit obligé, avec les garans
des traitez d'Altena &
de Travvendal, de songer
à d'autres expediens ; que
SaMajestéPrussienne prioit
les Ministres Danois de representerces
chosesauRoy
leur Maître, ôc d'enobtenir
une resolution capable
de mettre fin à ces fâcheux
démêlez. D'autres lettres
assurent que le Roy de Danemark
avoitresolu de faire
lever le blocus de Tonningen,
à condition qu'on
y mettroit une garnisonde
troupes neutres.
Fermer
Résumé : Nouvelles d'Allemagne.
Le texte traite des événements politiques et militaires en Europe, notamment en Allemagne, Pologne et Turquie. À Vienne, des troupes ont été mobilisées pour maintenir l'ordre pendant une épidémie contagieuse, tandis que l'Archiduc y réside malgré la contagion. Des informations sur une conspiration contre le roi Auguste de Pologne et les intentions belliqueuses des Turcs ont été reçues. Le Palatin a été arrêté pour ses liens présumés avec le roi Stanislas, ainsi que plusieurs autres personnes, dont un marchand écossais. En Pologne, les Turcs et les Tartares se dirigent vers la frontière avec une armée ottomane de quatre-vingt mille hommes ayant traversé le Pruth en Moldavie. Le roi Stanislas, soutenu par diverses troupes, avance vers la frontière, tandis que les Turcs semblent déterminés à le rétablir sur le trône. Le roi Auguste se prépare à rejoindre son armée, qui avance vers Caminiets. Des ordres ont été donnés aux troupes en Saxe et aux Pays-Bas de se rendre en Pologne. Des lettres d'Andrinople confirment la marche des troupes ottomanes vers la Pologne, avec des ordres donnés aux hospodars de Valachie et de Moldavie de fournir des chariots et des provisions. Le roi de Suède semble également se préparer à soutenir le roi Stanislas. À Berlin, plusieurs sénateurs polonais ont changé de camp pour soutenir Stanislas. À Danzik, le roi Auguste a fait enlever des proches du roi Stanislas et les a conduits à Marienbourg. À Hambourg, le duc de Wurtemberg a passé en revue des troupes danoises destinées à former le blocus de Wismar. Le roi de Prusse a adressé une déclaration au roi de Danemark concernant les prétentions sur les États du duc de Holstein-Gottorp, menaçant d'autres actions si le blocus de Tonningen continuait. Des lettres indiquent que le roi de Danemark a résolu de lever le blocus de Tonningen à condition d'y placer une garnison de troupes neutres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
11
p. 125-132
Nouvelles de Hambourg.
Début :
On écrit de Hambourg que le Roy de Dannemark a [...]
Mots clefs :
Hambourg, Danemark, Turcs, Sultan, Pologne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Nouvelles de Hambourg.
Nouvelles,deHambourg,
-: Onécritde Hambourg
que le Roy de Dannemark,
a envoyé: prisonniers à
Rensbourglescanoniers
du Duc de HolsteinGottorp,
pour avoir refusé de
tirer le canon au passage
de la Reine Doüairiere.Les
Conférences continuent à
Gottorp sur les affaires du
Holstein, avec esperance
d'un heureux succès
: on
est déja convenu delaisser
entrer une certaine quantité
de provisions dans Tonningen,&
on y a même
introduit par eau des vivres,
dont cette ville-là manquoit,
& on en doit laisser
entrer de huit jours en huit
jours durant la negociation.
On assure que le Roy de
Dannemark consent qu'on
mette dans Tonningen des
troupes Angloises & Hollandoises
: mais non pas de
celles des Princes voisins,
quoique la Reine de la
Grande Bretagneoffred'en payer l•a moiti•é a causre que
le Duché de Slesvvich où
Tonnigen est situéne rele
ve pas de l'Empire, il a
cependant fait mettre ses
troupes en quartier d'hyver
dans les Etats de Holstein.
On mande du camp
devant Stetin qu'on avon
commencé à bombarder la
place le 18. septembre, que
le General Meyerfeldt qui y
commande avoit demandé
une suspension d'armes,
qu'on lui avoit envoyé deux
Officiers qui lui declarerent
qu'un ne la lui accorderoit
que pour sept heures,surquoi
il avoit offert de rendre
la placé, pourvû qu'on
lui donnâtcinq jours pour
écrire au; Comte de VveL
ling à Hambourg, ce qui
lui a été accordé. Les lettres
de Yvismar portent
qu'on avoit appris de Suede
qu'on embarquoit à Careshaven
dix à douze mille
hommes, pour les transporter
en Pomeranie.
: Lesnouvelles d'Andrinople
, touchant les affaires
du Roy deSuede,paroissent
si incertaines qu'ona
peine à y adjoûterfoy;
elles assurent que la santé
du Roy de Suede est entierement
retablie
,
& qu'il
est encore avec ses Domestiques,
& un grand nombre
d'Officiers à Demir
Tocca présd'Andrinople,
que le Sultanest dans le
dessein de maintenir la paix
avec la Pologne, & qu'il
ne faitavancer ses troupes
que pour fortifier Choczin,
qu'Abdi Bacha, qui commandelarmée
est parti le
premier SeptembredeCze
czora avec les Turques,&
le Kan des Tartares deSte
phanvvitz sur le Pruth:
que le sept ils étoient arrivez
à Choczin avec une
nombreuse artillerie & des
batteaux à faire des ponts:
que Abdi Bacha s'est
campé à la droite de
Choczin, & le Kan des
Tartares à la gauche
s'étendant jusques , vis- à
-
vis deZuaniecz : qu'ils
avoient rencontré sur leur
route d'autres troupes Othomanes
qui marchoient
pour les aller joindre,
qu'il est arrivé de Valaquie
& de Moldavie deux
mille huit cents chariots
chargez de provisions,
qu'ils ont fait demander au
Gouverneur de Caminietz
de leur faire fournir des
vivres en payant, ou de
permettre aux Polonois
d'en apporter: mais que le Gouverneur de Caminietz
leur avoit répondu
qu'il ne pouvoir pasle
faire sans un ordre du
Grand: General de la
Couronne, à qui il écriroit
incessamment.Toutes
ces particularitez donnent
d'autant plus d'inquietude,
que les Turcs
n'ont pas besoin d'une
armée de cent mille hommes
avec tant d'artillerie,&
d'autres préparatifspour
le seul dessein de fortifier
Choczin, auquelon
nets'oppose - pas,quoyqu'onprétende
que cela
foit contraire au Traité
deCarlowitz - qui porte
qu'on ne pourroit de part
&. d'autre fortifier auctunieeplacre
-: Onécritde Hambourg
que le Roy de Dannemark,
a envoyé: prisonniers à
Rensbourglescanoniers
du Duc de HolsteinGottorp,
pour avoir refusé de
tirer le canon au passage
de la Reine Doüairiere.Les
Conférences continuent à
Gottorp sur les affaires du
Holstein, avec esperance
d'un heureux succès
: on
est déja convenu delaisser
entrer une certaine quantité
de provisions dans Tonningen,&
on y a même
introduit par eau des vivres,
dont cette ville-là manquoit,
& on en doit laisser
entrer de huit jours en huit
jours durant la negociation.
On assure que le Roy de
Dannemark consent qu'on
mette dans Tonningen des
troupes Angloises & Hollandoises
: mais non pas de
celles des Princes voisins,
quoique la Reine de la
Grande Bretagneoffred'en payer l•a moiti•é a causre que
le Duché de Slesvvich où
Tonnigen est situéne rele
ve pas de l'Empire, il a
cependant fait mettre ses
troupes en quartier d'hyver
dans les Etats de Holstein.
On mande du camp
devant Stetin qu'on avon
commencé à bombarder la
place le 18. septembre, que
le General Meyerfeldt qui y
commande avoit demandé
une suspension d'armes,
qu'on lui avoit envoyé deux
Officiers qui lui declarerent
qu'un ne la lui accorderoit
que pour sept heures,surquoi
il avoit offert de rendre
la placé, pourvû qu'on
lui donnâtcinq jours pour
écrire au; Comte de VveL
ling à Hambourg, ce qui
lui a été accordé. Les lettres
de Yvismar portent
qu'on avoit appris de Suede
qu'on embarquoit à Careshaven
dix à douze mille
hommes, pour les transporter
en Pomeranie.
: Lesnouvelles d'Andrinople
, touchant les affaires
du Roy deSuede,paroissent
si incertaines qu'ona
peine à y adjoûterfoy;
elles assurent que la santé
du Roy de Suede est entierement
retablie
,
& qu'il
est encore avec ses Domestiques,
& un grand nombre
d'Officiers à Demir
Tocca présd'Andrinople,
que le Sultanest dans le
dessein de maintenir la paix
avec la Pologne, & qu'il
ne faitavancer ses troupes
que pour fortifier Choczin,
qu'Abdi Bacha, qui commandelarmée
est parti le
premier SeptembredeCze
czora avec les Turques,&
le Kan des Tartares deSte
phanvvitz sur le Pruth:
que le sept ils étoient arrivez
à Choczin avec une
nombreuse artillerie & des
batteaux à faire des ponts:
que Abdi Bacha s'est
campé à la droite de
Choczin, & le Kan des
Tartares à la gauche
s'étendant jusques , vis- à
-
vis deZuaniecz : qu'ils
avoient rencontré sur leur
route d'autres troupes Othomanes
qui marchoient
pour les aller joindre,
qu'il est arrivé de Valaquie
& de Moldavie deux
mille huit cents chariots
chargez de provisions,
qu'ils ont fait demander au
Gouverneur de Caminietz
de leur faire fournir des
vivres en payant, ou de
permettre aux Polonois
d'en apporter: mais que le Gouverneur de Caminietz
leur avoit répondu
qu'il ne pouvoir pasle
faire sans un ordre du
Grand: General de la
Couronne, à qui il écriroit
incessamment.Toutes
ces particularitez donnent
d'autant plus d'inquietude,
que les Turcs
n'ont pas besoin d'une
armée de cent mille hommes
avec tant d'artillerie,&
d'autres préparatifspour
le seul dessein de fortifier
Choczin, auquelon
nets'oppose - pas,quoyqu'onprétende
que cela
foit contraire au Traité
deCarlowitz - qui porte
qu'on ne pourroit de part
&. d'autre fortifier auctunieeplacre
Fermer
Résumé : Nouvelles de Hambourg.
Le roi de Danemark a envoyé des canonniers du duc de Holstein-Gottorp à Rensbourg en tant que prisonniers pour avoir refusé de tirer le canon au passage de la reine douairière. Les conférences à Gottorp sur les affaires du Holstein se poursuivent avec l'espoir d'un succès, et il a été convenu de laisser entrer des provisions à Tonningen tous les huit jours. Le roi de Danemark accepte la présence de troupes anglaises et hollandaises à Tonningen, mais refuse celles des princes voisins, malgré l'offre de la reine de Grande-Bretagne de payer la moitié des coûts. Le duché de Schleswig, où se situe Tonningen, ne relevant pas de l'Empire, le roi a installé ses troupes en quartier d'hiver dans les États de Holstein. À Stetin, le bombardement de la place a commencé le 18 septembre. Le général Meyerfeldt, commandant sur place, a demandé une suspension d'armes, qui lui a été accordée pour sept heures, après quoi il a offert de rendre la place à condition d'avoir cinq jours pour écrire au comte de Welling à Hambourg. En Suède, des troupes sont embarquées à Careshaven pour être transportées en Poméranie. La santé du roi de Suède est rétablie, et il se trouve à Demir Tocca avec ses domestiques et officiers. Le sultan prévoit de maintenir la paix avec la Pologne et avance ses troupes pour fortifier Choczin, inquiétant les préparatifs turcs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
12
p. 145-151
ESTAMPES.
Début :
Voicy la plus nombreuse suite de modes Etrangeres, & en [...]
Mots clefs :
Estampes, Tableaux, Turcs, Femmes, Filles, Monsieur de Ferriol, Suite, Officiers
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ESTAMPES.
ESTAMPES.
V
Oicy la plus nombreu
fe fuite de modes Etran
geres , & en même temps la
plus finguliere qui ait encore
paru .
2
Elle eft compofée de cent
Planches differentes qui ont
chacunes treize pouces & demi
de hauteur , fur environ
neuf pouces de largeur.
Chaque Planche contient,
une , deux , trois ou quatre Fi-
N
Mars
1714.
146 MERCURE
gures , qui font toutes accom.
pagnées de fonds & de chofes
convenables à leurs habits &
à leurs dignitez ...
Cette fuite ne comprend
pas feulement le Grand Seigneur
, la Sultane Reine , les
principaux Officiers du Serail
en habit de ceremonie; mais
auffi le Moufti & tous les
gens de Loy , le Grand Vifir
& les Officiers de guerre de
Terre , le Capitant Pacha &
les Officiers de Marinebit
Aprés ceux-cy viennent les
differentes conditions des
Tures , des femmes & filles
K
GALANT , 147
Turques , des Marchands ,
Aprés quoy font les Juifs,
& Juives & autres fujets Tributaires
ou voifins des Turcs
en Europe , comme font les
Patriarches & autres Grecs ;
des femmes & filles Grecques,
les Hongrois & Hongroifes ,
Bulgares, Valaques , Albanois,
Tartares de Crimée , & entreautres
des filles de plufieurs
Ifles de l'Archipel , dont les
habits extraordinaires font un
fingulier plaifir à voir.
Differents Habitans d'Afie
viennent enfuite Arabes Armeniens
, Perfans & Indiens ,
Nij
148 MERCURE
& enfin des Afriquains & Afriquaines.
Chaque Eftampe de cette
grande fuite eft imprimée ſur
une demie feuille du plus beau
Papier du Nom de Jefus , à
la referve de la derniere Eftampe
qui eft imprimée fur une
Feuille entiere ; elle reprefente
la ceremonic d'un Mariage
Turc.
Monfieur de Ferriol , Ambaffadeur
Extraordinaire de
Sa Majesté à Conftantinople
par une curiofité toute louable
fit peindre d'ap és nature
& à grands frais ces differents
GALANT 149
habillemens en 1707. &
1708. par le fieur Vanmour
habile Peintre Flamand qui
les peignit avec tout le foin
& la fidelité imaginable ; &
aprés que ces Tableaux furent
achevez , Monfieur de Ferriol
les fic expofer à la cenfure pu
blique avant fon départ de
Conftantinople.
C'eft fur ces Tableaux O
riginaux que les Estampes qui
compofent ce Recücil ont été
gravées par les foins de Monfieur
le Hay , qui y a employe
d'excellens Graveurs. L'on
trouvera ce Recücil chez luy ,
Niij
119 MERCURE
4
ruë de Grenelle , Fauxbourg
S. Germain , proche la rue de
la Chaife , & chez Monfieur
du Change, Graveur du Roy,
ruë S. Jacques ; l'on y trouve,
ra auffi la même fuite enluminée
d'aprés les Tableaux
Originaux ; ce qui fera non
feulement connoiftre la forme
, mais encore la veritable
couleur de toutes les differentes
& riches étoffes , dont ces
habillemens font faits ; & l'on
mettra tous les foins poffibles
pour enluminer ces Eftampes
avec intelligence , afin de
leurs donner la verité & le
in
GALANT. 151
merite des Tableaux.
Cette fuite d'Eftampes
pourra fervir à orner des Cabinets
, des Galleries & des
Maifons de Campagne : on
efpere que les Sçavans , les
Curieux & le Gens de gouft
en feront affez de cas , pour
leur donner place dans leurs
porte feuilles ou dans leurs
Bibliotheques.
V
Oicy la plus nombreu
fe fuite de modes Etran
geres , & en même temps la
plus finguliere qui ait encore
paru .
2
Elle eft compofée de cent
Planches differentes qui ont
chacunes treize pouces & demi
de hauteur , fur environ
neuf pouces de largeur.
Chaque Planche contient,
une , deux , trois ou quatre Fi-
N
Mars
1714.
146 MERCURE
gures , qui font toutes accom.
pagnées de fonds & de chofes
convenables à leurs habits &
à leurs dignitez ...
Cette fuite ne comprend
pas feulement le Grand Seigneur
, la Sultane Reine , les
principaux Officiers du Serail
en habit de ceremonie; mais
auffi le Moufti & tous les
gens de Loy , le Grand Vifir
& les Officiers de guerre de
Terre , le Capitant Pacha &
les Officiers de Marinebit
Aprés ceux-cy viennent les
differentes conditions des
Tures , des femmes & filles
K
GALANT , 147
Turques , des Marchands ,
Aprés quoy font les Juifs,
& Juives & autres fujets Tributaires
ou voifins des Turcs
en Europe , comme font les
Patriarches & autres Grecs ;
des femmes & filles Grecques,
les Hongrois & Hongroifes ,
Bulgares, Valaques , Albanois,
Tartares de Crimée , & entreautres
des filles de plufieurs
Ifles de l'Archipel , dont les
habits extraordinaires font un
fingulier plaifir à voir.
Differents Habitans d'Afie
viennent enfuite Arabes Armeniens
, Perfans & Indiens ,
Nij
148 MERCURE
& enfin des Afriquains & Afriquaines.
Chaque Eftampe de cette
grande fuite eft imprimée ſur
une demie feuille du plus beau
Papier du Nom de Jefus , à
la referve de la derniere Eftampe
qui eft imprimée fur une
Feuille entiere ; elle reprefente
la ceremonic d'un Mariage
Turc.
Monfieur de Ferriol , Ambaffadeur
Extraordinaire de
Sa Majesté à Conftantinople
par une curiofité toute louable
fit peindre d'ap és nature
& à grands frais ces differents
GALANT 149
habillemens en 1707. &
1708. par le fieur Vanmour
habile Peintre Flamand qui
les peignit avec tout le foin
& la fidelité imaginable ; &
aprés que ces Tableaux furent
achevez , Monfieur de Ferriol
les fic expofer à la cenfure pu
blique avant fon départ de
Conftantinople.
C'eft fur ces Tableaux O
riginaux que les Estampes qui
compofent ce Recücil ont été
gravées par les foins de Monfieur
le Hay , qui y a employe
d'excellens Graveurs. L'on
trouvera ce Recücil chez luy ,
Niij
119 MERCURE
4
ruë de Grenelle , Fauxbourg
S. Germain , proche la rue de
la Chaife , & chez Monfieur
du Change, Graveur du Roy,
ruë S. Jacques ; l'on y trouve,
ra auffi la même fuite enluminée
d'aprés les Tableaux
Originaux ; ce qui fera non
feulement connoiftre la forme
, mais encore la veritable
couleur de toutes les differentes
& riches étoffes , dont ces
habillemens font faits ; & l'on
mettra tous les foins poffibles
pour enluminer ces Eftampes
avec intelligence , afin de
leurs donner la verité & le
in
GALANT. 151
merite des Tableaux.
Cette fuite d'Eftampes
pourra fervir à orner des Cabinets
, des Galleries & des
Maifons de Campagne : on
efpere que les Sçavans , les
Curieux & le Gens de gouft
en feront affez de cas , pour
leur donner place dans leurs
porte feuilles ou dans leurs
Bibliotheques.
Fermer
Résumé : ESTAMPES.
Le texte décrit une collection d'estampes intitulée 'Estampes', publiée en mars 1714. Cette collection se distingue par sa diversité et son caractère unique, comprenant cent planches de treize pouces et demi de hauteur sur environ neuf pouces de largeur. Chaque planche présente une à quatre figures, accompagnées de fonds et d'objets adaptés à leurs habits et dignités. La collection ne se limite pas aux figures du Grand Seigneur, de la Sultane Reine et des principaux officiers du Sérail, mais inclut également des personnages variés tels que le Moufti, des gens de loi, le Grand Vizir, des officiers de guerre et de marine, ainsi que des Turcs, des femmes et filles turques, des marchands, des Juifs, des Grecs, des Hongrois, des Bulgares, des Valaques, des Albanais, des Tartares de Crimée, des habitants de l'Archipel, des Arabes, des Arméniens, des Persans, des Indiens, des Africains et des Africaines. Les estampes sont basées sur des tableaux peints sur nature par le peintre flamand Vanmour, à la demande de Monsieur de Ferriol, ambassadeur à Constantinople en 1707 et 1708. Elles ont été gravées par Monsieur le Hay et ses graveurs. La collection est disponible chez Monsieur le Hay et chez Monsieur du Change, graveur du Roi. Une version enluminée permet de connaître les couleurs des étoffes utilisées dans les habits. Destinée à orner des cabinets, des galeries et des maisons de campagne, cette collection s'adresse aux savants, aux curieux et aux gens de goût, qui peuvent l'inclure dans leurs portefeuilles ou bibliothèques.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
13
p. 302-305
De Vienne le 4. Aoust.
Début :
Le jour du depart du Prince Eugene pour Baden, n'est pas [...]
Mots clefs :
Empereur, Vienne, Turcs, Roi de Suède, Régiments d'infanterie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De Vienne le 4. Aoust.
De Viennele4.Aoust.
Le jour du départ du Prince
Eugene pour Baden, n'est pas
encore fixé, il assiste souvent
aux Conseils secrets, qui se
tiennent à l'arrivée des Exprés
qui viennent de Baden : mais
le resultatn'en est point rendu
publique.
Les Princes Protestants ont
envoyé leurs griefs à l'Empereur,
mais il les a renvoyez
à la Diete On dit que tout
ce qui regarde les deux Electeurs
est fini, & qu'il ne reste
plus qu'à decider des pretentions
des Princes d'Italie, ainsi
on compte que tout fera terminé
le mois prochain.
On ne sçait pas bien encore
quelle route prendra le Roy
jde Suede, Suivant les dernieres
nouvelles qu'on en a cuës, il
estoit encore a Demir-Toca,
attendant les ordres &de l'argent
du Grand Seigneur, pour
se mettre en marche.
Comme les Turcs font avancer
des troupes du costé
de Belgrade, pour y camper,
l'Empereur a envoyé des ordres
en Italie, pour en faire
revenir quatre Regimens d'Infanterie,
cinq deCavalerie&
deux de Dragons, pour les
envoyer en Hongrie, où on
pretend avoir à tout événement,
40. ou 50000. hommes
, non compris les garnisons,
dans le mois de Septembre
tembre prochain,auquel tems
l'Empereur doit aller à Presbourg.
Le jour du départ du Prince
Eugene pour Baden, n'est pas
encore fixé, il assiste souvent
aux Conseils secrets, qui se
tiennent à l'arrivée des Exprés
qui viennent de Baden : mais
le resultatn'en est point rendu
publique.
Les Princes Protestants ont
envoyé leurs griefs à l'Empereur,
mais il les a renvoyez
à la Diete On dit que tout
ce qui regarde les deux Electeurs
est fini, & qu'il ne reste
plus qu'à decider des pretentions
des Princes d'Italie, ainsi
on compte que tout fera terminé
le mois prochain.
On ne sçait pas bien encore
quelle route prendra le Roy
jde Suede, Suivant les dernieres
nouvelles qu'on en a cuës, il
estoit encore a Demir-Toca,
attendant les ordres &de l'argent
du Grand Seigneur, pour
se mettre en marche.
Comme les Turcs font avancer
des troupes du costé
de Belgrade, pour y camper,
l'Empereur a envoyé des ordres
en Italie, pour en faire
revenir quatre Regimens d'Infanterie,
cinq deCavalerie&
deux de Dragons, pour les
envoyer en Hongrie, où on
pretend avoir à tout événement,
40. ou 50000. hommes
, non compris les garnisons,
dans le mois de Septembre
tembre prochain,auquel tems
l'Empereur doit aller à Presbourg.
Fermer
Résumé : De Vienne le 4. Aoust.
Le 4 août à Vienne, le départ du Prince Eugène pour Baden n'est pas encore déterminé. Il participe régulièrement aux Conseils secrets, mais les décisions ne sont pas divulguées. Les Princes Protestants ont soumis leurs plaintes à l'Empereur, qui les a redirigées vers la Diète. Les questions concernant les deux Électeurs sont supposément résolues, ne laissant que les revendications des Princes d'Italie à traiter. Une conclusion est attendue pour le mois suivant. La route du Roi de Suède reste incertaine. Il se trouvait à Demir-Toca, attendant les instructions et les fonds du Grand Seigneur. Les Turcs déplacent des troupes vers Belgrade. En réponse, l'Empereur a ordonné le rappel de plusieurs régiments d'infanterie, de cavalerie et de dragons d'Italie pour les envoyer en Hongrie. L'objectif est de rassembler 40 000 à 50 000 hommes, en plus des garnisons, d'ici septembre, lorsque l'Empereur doit se rendre à Presbourg.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
14
p. 158-159
ITALIE.
Début :
On apprend de Rome que la veille de Noël les Cardinaux qui étoient restez au Palais [...]
Mots clefs :
Turcs, Soldats, Rivière, Pape
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ITALIE.
Italie.
s~\ N apprend de Rome que la veille de Noël
V^/ les Cardinaux qui étoient restez au Palais
du Vatican , pour assister à l'Office de la nuit ,
furent traitez magnifiquement ; ils entendirent
pnfuite les Matines & la Mejse de Minuit, que
- J A N VI E R. 17 3.0. 1 5*
Je Pape célébra pontificalement, ainsi que celle
íiu jour de la t ète. Entre les deux grandes Mes
ses Sa Sainteté en dit une basle,pendant laquel
le elle lacra le Père Manara, Barnabite ,de Savoye
, nouvel Evêque d'AIexandriedelaPaille.
Une Compagnie de Marchands de diverses
Villes d'Italie ont fait présenter par le Baron
Tinti un Proiet pour faire creuser un Canal, par
le moyen duquel les eaux de l'Adige s'ecou-
Jerontplus alternent, & cette Rivière devien
dra navigable jusqu'à Ostiglia;ce qui íeroit fa-
Vofableau commerce de Trieste, parce quon y
pourroit transporter par tau des Marchandi
ses de plusieurs Villes d'Italie, ils demandent
que pour les dédommager des dépenses qu'ifs
auront faites pour ce Canal, on leur accorde
pendant dix années les péages qu'on levé fur
cette Rivière.
On écrit de Florence que deux Galiotes dçs
Côtes de Barbarie ont fait depuis peu une des
cente du côté de Recoieggio; & lur le point da
jour les Turcs qui étoient restez lur ces deux
Bâtimens ayant feint de se battre & tiré plusieurs
coups de Fusil , des gens du pais & plusieurs
Soldats de la Garnison de lJorto-Vecchio ac
coururent sur ce rivage pour être spectateurs
du combat. Sept Soldats qui s'étoient trop
avancez furent envelopez & faits esclaves par
les Turcs qui étoient à terre,
s~\ N apprend de Rome que la veille de Noël
V^/ les Cardinaux qui étoient restez au Palais
du Vatican , pour assister à l'Office de la nuit ,
furent traitez magnifiquement ; ils entendirent
pnfuite les Matines & la Mejse de Minuit, que
- J A N VI E R. 17 3.0. 1 5*
Je Pape célébra pontificalement, ainsi que celle
íiu jour de la t ète. Entre les deux grandes Mes
ses Sa Sainteté en dit une basle,pendant laquel
le elle lacra le Père Manara, Barnabite ,de Savoye
, nouvel Evêque d'AIexandriedelaPaille.
Une Compagnie de Marchands de diverses
Villes d'Italie ont fait présenter par le Baron
Tinti un Proiet pour faire creuser un Canal, par
le moyen duquel les eaux de l'Adige s'ecou-
Jerontplus alternent, & cette Rivière devien
dra navigable jusqu'à Ostiglia;ce qui íeroit fa-
Vofableau commerce de Trieste, parce quon y
pourroit transporter par tau des Marchandi
ses de plusieurs Villes d'Italie, ils demandent
que pour les dédommager des dépenses qu'ifs
auront faites pour ce Canal, on leur accorde
pendant dix années les péages qu'on levé fur
cette Rivière.
On écrit de Florence que deux Galiotes dçs
Côtes de Barbarie ont fait depuis peu une des
cente du côté de Recoieggio; & lur le point da
jour les Turcs qui étoient restez lur ces deux
Bâtimens ayant feint de se battre & tiré plusieurs
coups de Fusil , des gens du pais & plusieurs
Soldats de la Garnison de lJorto-Vecchio ac
coururent sur ce rivage pour être spectateurs
du combat. Sept Soldats qui s'étoient trop
avancez furent envelopez & faits esclaves par
les Turcs qui étoient à terre,
Fermer
Résumé : ITALIE.
En 1730, à Rome, la veille de Noël, les cardinaux ont été reçus au Palais du Vatican et ont assisté aux Matines et à la Messe de Minuit célébrées par le Pape. Le jour de Noël, le Pape a célébré une grande messe et a consacré le Père Manara, Barnabite de Savoie, nouvel évêque d'Alexandrie de la Paille. À Mantoue, une compagnie de marchands italiens, représentée par le Baron Tinti, a proposé de creuser un canal pour rendre la rivière Adige navigable jusqu'à Ostiglia, facilitant ainsi le commerce avec Trieste. Ils ont demandé en échange les péages levés sur cette rivière pendant dix ans pour couvrir leurs dépenses. Par ailleurs, à Florence, deux galiotes des Côtes de Barbarie ont effectué une descente près de Recoieggio. Les Turcs à bord de ces navires ont simulé un combat, attirant des spectateurs locaux et des soldats. Sept soldats, trop avancés, ont été capturés et réduits en esclavage par les Turcs présents sur la terre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
15
p. 697-702
Autres Lettres de Constantinople du 15. & 28 Novembre 1729.
Début :
Le Kam de Tartarie est entré dans la Crimée sans aucune opposition, les [...]
Mots clefs :
Chah, Troupes, Turcs, Perse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Autres Lettres de Constantinople du 15. & 28 Novembre 1729.
Autres Lettres de Conftantinople du 15. &
28 Novembre 1729 .
E Kam de Tartarie eft entré dans la
Crimée fans aucune oppofition , les
fils de Dely Sultan n'ayant pas trouvé les
Peuples difpofés à favoriler les vûës qu'ils
avoieng
698 MERCURE DE FRANCE
avoient de venger la mort de leur pere.
On affure que la tranquillité eft parfaitement
rétablie dans ce Pays là.
Les troubles continuent en Egypte . II .
y a eu plufieurs Combaez entre quelques
Détachemens des Troupes de Zulficar &
celles de Cherkés Beys ; mais il n'y en a
eu aucun de decifif. Zulficar eft Maître au.
Caire , & Cherkez Bey fe tient dans le
Saïdy , Province de la Haute Egypte.
Le Grand- Seigneur ayant été informé.
que Zulficar avoit fait dépofer Bekir Pacha
, qui étoit Pacha du Caire , y a nom
mé Abdoula Pacha , de la famille des Cuprulis
, pour le remplacer ; mais ce nouveau
Pacha étant arrivé au Caire , Zulfiear
& les autres Grands du Pays n'ont pas
voulu le reconnoître ; on dit auffi que ce
Gouverneur ayant trouvé cette Province
dans la confufion , & jugé qu'il ne feroir
pas facile de s'y maintenir,à moins de voufoir
fuivre aveuglement les volontés de
Zulficar , avoit écrit à la Porte pour être
difpenfé d'accepter ce Pachalik .
L'autorité du G. S. n'a jamais été bien
établie en Egypte ; mais il paroit qu'elle
y eft encore plus affoiblie dans la conjonctu
repréfente.Tous les Turcs qui arrivent
au Caire , venant de Conftantinople , y
font regardés de mauvais cil ; on affure
même qu'on ne les Y laiffe pas libres >
&
AVRIL. 1730. 699
& qu'on leur donne des Gardes. Il eft cer
tain que le G. S. n'eft pas fans inquiétude
fur ce qui fe paffe dans ce Pays là , & il
a été tenu plufieurs Conferences à ce fujet
par les Miniftres de la Porte , aufquelles
on a fait affifter les perfonnes les
plus confiderables de l'Empire , pour les
confulter fur les expediens que l'on crois
roit les plus convenables ; mais on prétend
qu'il n'y a été pris aucune réſolu¬
tion.
La Perle ne jouit pas d'une plus grande
tranquillité que l'Egypte par les derniers
avis qu'on en a reçû. On a appris qu'il y
avoit eu deux Batailles données entre
Acheraf Kam & Schah Thamas , & qu'Acheraf
qui commandoit fon Armée à la
derniere les avoit perdues toutes deux ,
ce qui avoit diminué confiderablement
fes Troupes ; on affure même qu'il ne lui
fera pas poffible de les rétablir , ayant
entierement aliené les Perfans par les
cruautés qu'il a exercées contr'eux , &
ne pouvant faire venir des Troupes de la
Province de Candahar par la difficulté
des paffages , & parceque le frere de Mi.
ri-Mahmoud s'eft rendu Maître de cette
Province ; on ne doute pas que fi Schah
Thamas fçait profiter de la fituation où
fe trouve Acheraf qui a été obligé de s'en.
fuir du côté d'Amadam , il ne fe rende
bientôt
700 MERCURE DE FRANCE
bientôt maître d'Ifpaham , & qu'il ne
chaffe Acheraf du Royaume de Perfe .
Quoique la Porte eut fait des honneur's
infinis à l'Ambaffadeur d'Acheraf , &
qu'elle eut paru ne faire que peu de cas
de celui de Schah Thamas lors de fon
arrivée à Conftantinople , on s'apperçoit
depuis les dernieres nouvelles venues de
Perfe que les difpofitions des Miniftres
de la Porte font changées à l'égard
de ce dernier , qu'ils ont de grandes
attentions pour lui , & lui donnant dans
łe Public bien des applaudiffemens fur
fon caractere & fur fon génie , ce qui perfuade
qu'ils fe détacheront infenfiblement
d'Acheraf ; & qu'après avoir pris le parti
d'affifter indirectement Schah Thamas
dans les commencemens , ils fe détermi
neront à lui donner des fecours ouvertement
dans la fuite.
Un frere Bâtard de Schah Thamas qui
vient auffi difputer la Couronne de Perfe
s'étoit avancé jufqu'à Bagdat dans l'intention
de venir demander du fecours au
G. S. pour l'execution de fon projet ; il
lui avoit été mandé de refter à Bagdat juf
qu'à nouvel ordre ; on prétend qu'il lui
a été permis enfuite de venir à Conftantinople
, & qu'il y doit arriver inceffamment.
Les Turcs fe font déterminés à l'y
attirer , en vûë de contenir par là Schah
Thamas
AVRIL. 1730. 701
Thamas , & pour le réduire plus facilement
à executer le Traité de partage fait
par la médiation du Roi entre les Turcs
& les Mofcovites , les differends furvenus
fur les frontieres de Perfe , entre les
Turcs & les Mofcovites n'ont eu juſqu'à
prefent aucunes fuites d'un certain éclat;
mais on a lieu de croire que leur aigreur
n'eft pas éteinte , fur- tout de la part
des
Turcs qui ont été traités avec beaucoup
de hauteur par les Mofcovites. On attend
avec impatience le retour de l'Aga envoyé
à Molcou , pour fçavoir le traitement
qui lui aura été fait par le Czar ,
& la fatisfaction qu'il aura reçûë de ce
Prince , fur les plaintes qu'il avoit été
lui porter des violences exercées par fes
Troupes,
t
Il y a des gens qui prétendent que cet
Aga eft revenu depuis quelques jours , &
qu'on le fait refter caché à Coftantinople ,
afin de lui donner des inftructions fur
la maniere dont les Miniftres de la Porte
trouveront à propos qu'il s'explique au
fujet du voyage qu'il vient de faire . Si le
Vizir fuivoit les mouvemens du Peuple ,
les Turcs feroient bientôt en guerre avec
les Mofcovites ; mais il paroît être dans
des difpofitions oppofées.
Par les Lettres arrivées aujourd'hui 28 .
Novembre de Perfe , on apprend que
Schab
702 MERCURE DE FRANCE
Schah Thamas dont les Troupes ont été
groffies par les fecours qu'il a reçus de
Mofcovie , s'eft rendu maître de Cafbin,
qu'Acheraf s'eft retiré dans les Montagnes
avec ce qui lui refte de Troupes , & qu'il
ne peut pas même fe jetter dans Ifpaham,
dont on dit que les chemins lui ont été
coupez par Schah Thamas. On ajoûte
que la Porte fait marcher beaucoup de
Troupes fur les Frontieres de Perfe fans
qu'on fçache encore à quoi elles font deftinées
, & quel fera le parti que prendra
le Grand-Seigneur.
28 Novembre 1729 .
E Kam de Tartarie eft entré dans la
Crimée fans aucune oppofition , les
fils de Dely Sultan n'ayant pas trouvé les
Peuples difpofés à favoriler les vûës qu'ils
avoieng
698 MERCURE DE FRANCE
avoient de venger la mort de leur pere.
On affure que la tranquillité eft parfaitement
rétablie dans ce Pays là.
Les troubles continuent en Egypte . II .
y a eu plufieurs Combaez entre quelques
Détachemens des Troupes de Zulficar &
celles de Cherkés Beys ; mais il n'y en a
eu aucun de decifif. Zulficar eft Maître au.
Caire , & Cherkez Bey fe tient dans le
Saïdy , Province de la Haute Egypte.
Le Grand- Seigneur ayant été informé.
que Zulficar avoit fait dépofer Bekir Pacha
, qui étoit Pacha du Caire , y a nom
mé Abdoula Pacha , de la famille des Cuprulis
, pour le remplacer ; mais ce nouveau
Pacha étant arrivé au Caire , Zulfiear
& les autres Grands du Pays n'ont pas
voulu le reconnoître ; on dit auffi que ce
Gouverneur ayant trouvé cette Province
dans la confufion , & jugé qu'il ne feroir
pas facile de s'y maintenir,à moins de voufoir
fuivre aveuglement les volontés de
Zulficar , avoit écrit à la Porte pour être
difpenfé d'accepter ce Pachalik .
L'autorité du G. S. n'a jamais été bien
établie en Egypte ; mais il paroit qu'elle
y eft encore plus affoiblie dans la conjonctu
repréfente.Tous les Turcs qui arrivent
au Caire , venant de Conftantinople , y
font regardés de mauvais cil ; on affure
même qu'on ne les Y laiffe pas libres >
&
AVRIL. 1730. 699
& qu'on leur donne des Gardes. Il eft cer
tain que le G. S. n'eft pas fans inquiétude
fur ce qui fe paffe dans ce Pays là , & il
a été tenu plufieurs Conferences à ce fujet
par les Miniftres de la Porte , aufquelles
on a fait affifter les perfonnes les
plus confiderables de l'Empire , pour les
confulter fur les expediens que l'on crois
roit les plus convenables ; mais on prétend
qu'il n'y a été pris aucune réſolu¬
tion.
La Perle ne jouit pas d'une plus grande
tranquillité que l'Egypte par les derniers
avis qu'on en a reçû. On a appris qu'il y
avoit eu deux Batailles données entre
Acheraf Kam & Schah Thamas , & qu'Acheraf
qui commandoit fon Armée à la
derniere les avoit perdues toutes deux ,
ce qui avoit diminué confiderablement
fes Troupes ; on affure même qu'il ne lui
fera pas poffible de les rétablir , ayant
entierement aliené les Perfans par les
cruautés qu'il a exercées contr'eux , &
ne pouvant faire venir des Troupes de la
Province de Candahar par la difficulté
des paffages , & parceque le frere de Mi.
ri-Mahmoud s'eft rendu Maître de cette
Province ; on ne doute pas que fi Schah
Thamas fçait profiter de la fituation où
fe trouve Acheraf qui a été obligé de s'en.
fuir du côté d'Amadam , il ne fe rende
bientôt
700 MERCURE DE FRANCE
bientôt maître d'Ifpaham , & qu'il ne
chaffe Acheraf du Royaume de Perfe .
Quoique la Porte eut fait des honneur's
infinis à l'Ambaffadeur d'Acheraf , &
qu'elle eut paru ne faire que peu de cas
de celui de Schah Thamas lors de fon
arrivée à Conftantinople , on s'apperçoit
depuis les dernieres nouvelles venues de
Perfe que les difpofitions des Miniftres
de la Porte font changées à l'égard
de ce dernier , qu'ils ont de grandes
attentions pour lui , & lui donnant dans
łe Public bien des applaudiffemens fur
fon caractere & fur fon génie , ce qui perfuade
qu'ils fe détacheront infenfiblement
d'Acheraf ; & qu'après avoir pris le parti
d'affifter indirectement Schah Thamas
dans les commencemens , ils fe détermi
neront à lui donner des fecours ouvertement
dans la fuite.
Un frere Bâtard de Schah Thamas qui
vient auffi difputer la Couronne de Perfe
s'étoit avancé jufqu'à Bagdat dans l'intention
de venir demander du fecours au
G. S. pour l'execution de fon projet ; il
lui avoit été mandé de refter à Bagdat juf
qu'à nouvel ordre ; on prétend qu'il lui
a été permis enfuite de venir à Conftantinople
, & qu'il y doit arriver inceffamment.
Les Turcs fe font déterminés à l'y
attirer , en vûë de contenir par là Schah
Thamas
AVRIL. 1730. 701
Thamas , & pour le réduire plus facilement
à executer le Traité de partage fait
par la médiation du Roi entre les Turcs
& les Mofcovites , les differends furvenus
fur les frontieres de Perfe , entre les
Turcs & les Mofcovites n'ont eu juſqu'à
prefent aucunes fuites d'un certain éclat;
mais on a lieu de croire que leur aigreur
n'eft pas éteinte , fur- tout de la part
des
Turcs qui ont été traités avec beaucoup
de hauteur par les Mofcovites. On attend
avec impatience le retour de l'Aga envoyé
à Molcou , pour fçavoir le traitement
qui lui aura été fait par le Czar ,
& la fatisfaction qu'il aura reçûë de ce
Prince , fur les plaintes qu'il avoit été
lui porter des violences exercées par fes
Troupes,
t
Il y a des gens qui prétendent que cet
Aga eft revenu depuis quelques jours , &
qu'on le fait refter caché à Coftantinople ,
afin de lui donner des inftructions fur
la maniere dont les Miniftres de la Porte
trouveront à propos qu'il s'explique au
fujet du voyage qu'il vient de faire . Si le
Vizir fuivoit les mouvemens du Peuple ,
les Turcs feroient bientôt en guerre avec
les Mofcovites ; mais il paroît être dans
des difpofitions oppofées.
Par les Lettres arrivées aujourd'hui 28 .
Novembre de Perfe , on apprend que
Schab
702 MERCURE DE FRANCE
Schah Thamas dont les Troupes ont été
groffies par les fecours qu'il a reçus de
Mofcovie , s'eft rendu maître de Cafbin,
qu'Acheraf s'eft retiré dans les Montagnes
avec ce qui lui refte de Troupes , & qu'il
ne peut pas même fe jetter dans Ifpaham,
dont on dit que les chemins lui ont été
coupez par Schah Thamas. On ajoûte
que la Porte fait marcher beaucoup de
Troupes fur les Frontieres de Perfe fans
qu'on fçache encore à quoi elles font deftinées
, & quel fera le parti que prendra
le Grand-Seigneur.
Fermer
Résumé : Autres Lettres de Constantinople du 15. & 28 Novembre 1729.
En novembre 1729, Kam de Tartarie a envahi la Crimée sans rencontrer de résistance, les fils de Dely Sultan n'ayant pas réussi à obtenir de soutien pour venger leur père. La situation en Crimée s'est stabilisée. En Égypte, les troubles persistent entre les troupes de Zulficar et celles de Cherkés Bey. Zulficar contrôle Le Caire, tandis que Cherkés Bey est dans la province du Saïdy. Le Grand Seigneur a nommé Abdoula Pacha pour remplacer Bekir Pacha, mais Zulficar et les notables du pays n'ont pas reconnu ce nouveau gouverneur. Cette situation affaiblit l'autorité du Grand Seigneur, qui consulte ses ministres sans prendre de décision. En Perse, deux batailles ont opposé Acheraf Kam et Schah Thamas, ce dernier remportant les deux victoires. Acheraf, affaibli et impopulaire, a dû fuir. La Porte ottomane, initialement favorable à Acheraf, semble désormais soutenir Schah Thamas, lui accordant des applaudissements publics. Un frère bâtard de Schah Thamas est attendu à Constantinople pour obtenir du soutien contre Schah Thamas. Les relations entre les Turcs et les Moscovites restent tendues en raison des violences exercées par les troupes moscovites. Un Aga envoyé à Moscou est revenu et reste caché à Constantinople pour recevoir des instructions. Les Turcs se préparent à la guerre, mais le Vizir semble opposé à cette option. Les dernières nouvelles indiquent que Schah Thamas, renforcé par des troupes moscovites, a pris Cafbin et contraint Acheraf à se retirer. La Porte ottomane mobilise des troupes à la frontière perse, mais leur destination reste incertaine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
16
p. 153-154
ALLEMAGNE.
Début :
Sur les avis certains que les Turcs avoient déjà commis [...]
Mots clefs :
Turcs, Hostilités, Ducats, Ordonnance
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ALLEMAGNE.
ALLEMAGNE .
>
Ur les avis certains que les Turcs avoient déja
cómmis quelques hostilitez aux environs de
Carlostadt en Croatie , l'Empereur a résolu
d'augmenter de 40000. hommes les Garnisons
de ses Places Frontieres du côté des Terres du
Grand Seigneur.
On a apporté à Vienne dequis peu des nouvelles
Mines de Dameswar en Hongrie , 4c000 .
Ducats d'or et 6000. Marcs d'argent,
On
1
154 MERCURE DE FRANCE
On a apris deBrunswick, que le Duc deWolfembutel
y avoit aboli ,par une nouvelle Ordonnance,
l'ancien droit en vertu duquel ce Souverain pouvoit
se mettre en possession des biens de tous les
hommes qui mouroient sans s'être mariez.
>
Ur les avis certains que les Turcs avoient déja
cómmis quelques hostilitez aux environs de
Carlostadt en Croatie , l'Empereur a résolu
d'augmenter de 40000. hommes les Garnisons
de ses Places Frontieres du côté des Terres du
Grand Seigneur.
On a apporté à Vienne dequis peu des nouvelles
Mines de Dameswar en Hongrie , 4c000 .
Ducats d'or et 6000. Marcs d'argent,
On
1
154 MERCURE DE FRANCE
On a apris deBrunswick, que le Duc deWolfembutel
y avoit aboli ,par une nouvelle Ordonnance,
l'ancien droit en vertu duquel ce Souverain pouvoit
se mettre en possession des biens de tous les
hommes qui mouroient sans s'être mariez.
Fermer
Résumé : ALLEMAGNE.
L'Empereur renforce les garnisons frontalières côté ottoman à 40 000 hommes suite à des hostilités turques en Croatie. À Vienne, les mines de Dameswar en Hongrie produisent 4 000 ducats d'or et 6 000 marks d'argent. À Brunswick, le Duc de Wolfenbüttel supprime un droit ancien sur les biens des hommes célibataires décédés.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
17
p. 2488-2516
MEMOIRE HISTORIQUE, sur la défaite des Rebelles de Perse, et l'élevation de Schah Thamas sur le Trône de ses Ancêtres, &ac. Par M. D. G. témoin oculaire.
Début :
LES AGHUANS, ces fameux Rebelles, qui pendant près de huit [...]
Mots clefs :
Mémoire historique, Schah, Rebelles, Barbares, Turcs, Moscovites, Alcoran, Mahomet, Armée royale
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MEMOIRE HISTORIQUE, sur la défaite des Rebelles de Perse, et l'élevation de Schah Thamas sur le Trône de ses Ancêtres, &ac. Par M. D. G. témoin oculaire.
MEMOIRE HISTORIQUE , sur la dé
faite des Rebelles de Perse , et l'élevation
de Schah Thamas sur le Trône de ses
Ancêtres , &c. Par M. D. G. témoin
⚫culaire.
LR
ES AGHUANS ( 1 ) , ces fameux
Rebelles , qui pendant près de huic
années ont tenu sous le joug , et désolé la
plus grande partie du Royaume de Perse ,
n'étoient rien moins que ce qu'ils avoient
la réputation d'être ; leur nombre n'a ja➡
mais été audessus de 30000 hommes; leur
valeur étoit audessous de la commune, et
toute leur politique n'alloit qu'à massa→
crer impitoyablement tous les Persans ,
de quelque consideration qu'ils fussent
quand ils leur faisoient le moindre ombrage.
On pourroit même dire que leur
saccès et leur prosperité tenoient bien.
plus du miracle que d'aucun effet d'une
conduite réglée et bien concertée.
Ces Barbares conduits , pour ainsi dire,
"
(1 ) Nation originaire de la Province de Szyr
van , située entre la Mer Caspienne et le Mong
Caucase, depuis transportée par Tamerlan dans
Le Candabar , Frontiere de Perse et du Mogol.
pat
NOVEMBRE 1731. 2489
,
par la main de la fortune , s'étoient cependant
imaginez qu'après avoir pris la Ville
d'Hispaham , détrôné Schah Hussein , et
battu une armée de 120 mille Turcs , il
n'y avoit plus de Puissance au monde capable
de les abbatre ; la paix que le Grand
Seigneur avoit ensuite faite avec eux
l'Ambassade aussi honteuse que solemnel,
le , qu'il leur avoit envoyée pour reconnoître
leur chef Acheraf , les avoient tellement
éblouis, et les avoient rendus si
vains , qu'ils s'estimoient les plus grands
hommes de la terre , et ne regardoient
plus Schah Thamas fils et successeur du
Sultan Hussein que comme un petit sujet
qu'ils anéantiroient , s'il avoit jamais la
hardiesse de se presenter pour soutenir ses
droits , l'apellant par mépris et par dérision
, au lieu de Chazade , qui signifie
fils de Roy ; Tekzadé , c'est- à- dire , fils de
chien.
Il est vrai que la fermeté et la valeur des
Moscovites , lesquels non contens de ne
vouloir pas donner le titre de Roy à leur
chef Acheraf , avoient défait avec trois
cens hommes seulement , 5 à 6000 Aghuans
, leur avoit causé quelque troubles
mais le General Russien qui commandoit
dans le Guilan , leur ayant accordé ure
espece de Trêve,et réglé avec eux certai-
A v nes
2490 MERCURE DE FRANCE
nes limites , jusqu'à ce qu'il eut reçu des
Ordres plus précis du Czar , ils s'étoient
entierement rassurez de ce côté - là , de
sorte qu'Achetaf, qui dans le fonds n'étoit
, pour ainsi dire , qu'un chef de Brigands
, malgré la beauté de son nom , qur
signifie le Noble par excellence , dont les
forces étoient assez médiocres , commença
dèslors à se donner pour un grand Prince
, il ne faisoit plus la Guerre que par ses
Generaux ; c'est ainsi que le Château
d'Iesd fut soumis , après une année et demie
de Siége . Cette Place n'auroit tenu en
Europe devant une Armée , qu'autant de
tems qu'il en faut pour la disposition de
l'attaqué ; mais cette sorte de Guerriers
ne sçavoient ce que c'est que d'enlever
l'Epée à la main , le moindre petit retran
chement . L'Officier qui avoit deffendu
Iesd , et qui ne s'étoit rendu que par famine
, fut cruellement traité , et la Garni
son passée au fil de l'épée , malgré la
role qu'on leur avoit donnée , avec serment
fait sur l'Alcoran , qu'il ne leur seroit
fait aucun mal .
pa-
C'est encore de cette maniere qu'ils s'étoient
ouvert le chemin jusqu'à Benderabassi
* en trompant Sayd Amid ·
Kan qui occupoit će poste. Ce Kan
>
* Fameux Port de Mer , à deux lieuës d'or.
mas , Isle du Golfe Persique.
étoit
NOVEMBRE. 1731. 2491
étoit Prince du Sang Royal , du côté des
femmes ; il étoit bien fait , d'une taille et
d'une force extraordinaire , et rempli de
valeur , il s'étoit révolté contre Schah
Thamas , etavoit pris le titre de Roy dans
le Kirman , au commencement des troubles
, mais son armée n'étant composée
que de gens ramassez , il en étoit ordinairement
abandonné dans les actions.
décisives ; de sorte que réduit à deux ou
trois cens hommes , et ne sçachant plus comment
se maintenir , il aima mieux se rendre
aux Rebelles sur leurs belles promesses ,
que de recourir à la clemence de son Roy
legitime. Il eut le sort que son infidelité
méritoit , et la paya peu de jours après
de sa tête. Plusieurs Villes , sans deffenses,
se rendirent en même - temps , et tout le
pays fut ouvert , comme on l'a dit , jusqu'au
Benderabassi.
Ces prospéritez enfloient tellement le
coeur des Rebelles qu'Acheraf ne daignoit
plus se mettre en campagne,il restoit tranquille
dans Ispaham , faisant bâtir des
Maisons de plaisance , allant pompeuse
ment à la chasse, et vivant, en un mot,com.
me si la fortune eut été inébranlable.A son
exemple tous les grands Seigneurs et les
premiers Officiers qui composoient sa
Cour , vivoient de la même maniere ; ils
A vj avoient
8
2492 MERCURE DE FRANCE .
avoient tous parfaitement oublié leur premiere
origine et leur vile condition de.
Chameliers ou d'Esclaves. Les richesses
immenses dont ils avoient dépouillé les.
Persans , la beauté des femmes et des filles.
qu'ils leur avoient enlevées , et dont cha-.
cun d'eux avoit bon nombre , les super-.
bes bâtimens qu'ils habitoient , les habits:
somptueux dont ils se paroient, et la bonne
chere, à laquelle ils s'étoienr adonnez ;
tout cela comparé à leur premier état
leur constituoit en ce monde , selon leur
propre aveu , un Paradis de délices , tel
que Mahomet l'a promis dans l'autre à ses
Sectateurs dans l'Alcoran.
Tandis qu'Acheraf faisoit ainsi le grand
Monarque , Schah Thamas de son côté
travailloit au rétablissement de ses affaires.
On peur dire que la maniere dont it
s'étoit sauvé d'Ispaham, dans le plus fort du
Siége , avec une escorte de cinq cens hommes
, quoique les Aghuans eussent été
précisément avertis par les Arméniens
du jour et de l'heure de sa sortie ; que le
choix que Schah Hussein avoit fait ,
au préjudice de deux de ses aînez , et le
bonheur qu'il eut dans la suite de se tirer
du Piége qu'Acheraf lui avoit tendu à Teïoù
if prétendoit l'enveloper' , sous
prétexte de venir lui rendre homma ge
ron
NOVEMBRE. 1731. 2493
'de lui remettre la Couronne que Mahmont
lui avoit enlevée. On peut, dis- je ,
croire que tous ces évenemens étoient autant
de signes certains que Dieu l'avoit
choisi pour regner, et qu'il le destinoit à
remonter sur le Trône de ses Peres.
Ce Prince , élevé comme le sont ordinairement
les Fils de Roy dans l'Orient
n'avoit vû autre chose, lorsqu'il sortit d'Ispaham
, que l'interieur du Sérail , c'est-àdire
, des Femmes et des Eunuques . If
trouva un dérangement affreux dans tout
le Royaume , pas un Gouverneur de Province
qui eut la moitié des Troupes qu'il
étoit obligé d'entretenir les Finances
épuisées et mal réglées , des Ennemis de
tous côtez,et par surcroit de malheursune
foule de flateurs qui n'avoient en vûë que
leur propre interêt , sans songer en aucune
façon aux besoins de l'Etat.Cependant
Schah Thamas ne laissa pas de lever des
Troupes avec lesquelles il eut plusieurs
fois à faire aux Moscovites , aux Georgiens
, aux Osmanlous , et à d'autres Rebelles
, mais presque toujours avec desavantage
, quoiqu'il combattit lui- même
à la tête de ses plus braves soldats. Enfin
ne pouvant plus résister à tant d'ennemis
à la fois , il fut obligé , pour ainsi dire
abandonner la partie. Les Osmanlous
list
2494 MERCURE DE FRANCE
lui enleverent tout le Païs , qui est depuis
Erivan jusqu'à Tauris , et depuis Tauris
jusqu'à Hamadam. Les Moscovites se rendirent
maîtres du Guilan , la plus riche
Province de Perse , et celle qui donne les
Soyes. Les Géorgiens secouerent entiercment
le joug ; et les Afdalis , autres Re
belles , s'emparerent de Herat et de Machat
, dans le Corassan. Ce malheureux
Prince se trouva ainsi réduit à la Province
de Mazandran , à une partie du Chirvan
, et à une autre partie du Corassan-
Tant de revers , capables d'abatre tout
aatre courage que celui de Thamas , ne
servirent , pour ainsi dire , qu'à le fortifier
et à le corriger de quelques vices ausquels
il s'étoit adonné ; enfin, lorsque ses
affaires paroissoient les plus desesperées ;
le ciel qui le favorisoit , lui suscita un Liberateur
en la personne de Thamas Kouli
Kan. Ce Kan est un Seigneur d'environ
quarante ans , élevé dès son enfance dans
le métier des armes ; brave , s'il en fut jamais
, homme de bon esprit , franc et sincere,
récompensant bien ceux qui se comportent
vaillamment , et punissant de
mort ceux qui lâchent le pied dans les occasions
où ily a moyen de résister. Il donna
d'abord des preuves constantes de sa capacité
, de sa valeur et de sa fidelité , dans
diverNOVEMBRE.
1731 . 2495
diverses occasions où il fut employé ; et
quand il se vit entré assez avant dans les
bonnes graces du jeune Roy , il lui apprit
à discerner les flatteurs et les traîtres ,
l'obligeant à châtier les uns et à éloigner
les autres. Il osa de plus insinuer au Prince
la necessité de se corriger de ces vices
honteux , qui ternissoient ses belles qualitez,
sans quoi , ajontoit- t- il, Dieu ne be
niroit jamais ses Armes. Le Roy écouta
ses conseils , les goûta , les suivit , et ses
affaires commencerent dèslors à prendre
une meilleure face.
L'Armée Royale n'étoit pas nombreuse
, mais elle étoit bien payée et bien disciplinée
; la plus petite desobeïssance étoit
severement punie , et on payoit de la tête
la moindre lâcheté. Les principaux Officiers
et la plupart des Subalternes, étoient
tous d'une valeur à toute épreuve , gens
bien connus et choisis par Thamas Koulikan.
C'est avec une telle Armée et le genie
de ce Kan , que dans le cours de l'année
1729. Schah Thamas avant les prospéritez
qu'il eut depuis contre les Aghuans
, avoit gagné en personne trois Batailles
contre les Afdalis , repris Hérat et
Machat , et soumis tous les Rebelles du
Corassan et des environs. Dans ces expeditions
on passa au fil de l'épée tout ce
qui
2496 MERCURE DE FRANCE
qui fut trouvé portant les Armes ; mais
ceux qui les mirent bas et implorerent la
clemence du Roy,furent épargnez,à condition
qu'ils serviroient dans ses Troupes
, et que les chefs remettroient leurs
familles en otage , pour garants de leur fidelité
.Tout étant ainsi pacifié de ce côtélà
, on commença à songer à la destruction
des Aghuans. Pour commencer, le
Roy fit marcher son Armée de leur côté
dans l'intention cependant de ne plus rien
entreprendre de cette campagne , mais de
donner des quartiers d'hyver à ses Troupes
sur les Frontieres , pour qu'elles fussent
plus à portée d'agir au Printemps
prochain.
Acheraf de son côté , bien informé des
victoires du Roy , et de la marche de son
Armée , crut d'abord qu'on venoit l'atta
quer ; il rappella les Officiers et les Troupes
, qui étoient dispersez en divers lieux,
rassembla toutes ses forces , es se mit ea
campagne avec un grand appareil ; dès le
commencement du mois d'Aouft 1730.
il ne laissa dans Ispaham que deux ou
trois cens hommes , nombre plus que
suffisants pour tenir en bride tout ce qui
restoit d'habitans ; car on en avoit chassé
tous les Persans qui étoient en état de manier
les armes ; on avoit pris la même
préNOVEMBRE.
1731. 2497
que
précaution dans Cachan , Kon , Casbin
Teiron , et autres Villes , où on ne laissa
les vieillards , les femmes et les enfans.
Quoique ce fussent-là des indices de
crainte , les Aghuans ne laissoient pas de
témoigner une grande joie de ce que le
Tekzade , ( c'est ainsi qu'ils appelloient le
Roy ) leur épargnoit la peine de l'aller
chercher dans le Mazandran ; le moindre
des exploits dont ils se flattoient , c'étois
de le prendre en vie , et ceux qui parois
soient les plus raisonnables , plaignoient
disoient- ils , cette pauvre victime qui ve
noit ainsi se livrer à la mort. C'est avec
ces belles idées que les Aghuans se mirent
en campagne.
Schah Thamas qui bruloit d'impatien
ce d'en venir aux mains avec les Rebelles,
et qui n'avoit consenti qu'à regret à terminer
la campagne de si bonne heure , fur
ravi d'apprendre leur résolution , et se
disposa à les bien recevoir ; il n'avançoit
pourtant que lentement , affectant même
quelque crainte , pour attirer Acheraf le
plus avant qu'il pourroit ; celui-cy de son
côté , qui n'avoit jamais vû les Persans tenir
ferme devant lui en pleine campagne;,
s'avança , plein de confiance.
Enfin les Armées se joignirent à Damguam
, petite Ville sur les frontieres du
Chir2498
MERCURE DE FRANCE
Chirvan. L'attaque des Rebelles fut d'ar
bord assez vigoureuse ; les Persans animez
par la présence de leur Roy, l'a soutinrent
sans s'ébranler. Cette fermeté étonna un
peu Acheraf; il pratiqua alors ce qui lut
avoit réussi à la défaite des Turcs. Il fit
quelques détachemens de 2 ou 3000 hommes
, chacun, commandé par deux de ses
plus braves chefs , avec ordre de prendre
un détour et de venir attaquer l'enne
mi en flanc et en queuë ; mais les Rebelles
trouverent par tout le même ordre et lá
même résistance. Ces détachemens furent
repoussez et défaits ; le Corps où Acheraf
commandoit en personne , commença à
s'ébranler ; les Persans redoublerent leur
feu , et après une décharge faite à propos
de toute leur Artillerie , ils s'avancerent
sur les Rebelles qui prirent aussi - tôt
la fuite ; et abandonnant leur Canon et
leurs Equipages , ils se sauverent avec tant
de précipitation qu'en 24 heures ils firent
sept journées de chemin ordinaire et vinrent
jusqu'à Tairon , où ils s'arrêterent un
jour entier pour prendre halcine , après
quoi redoublant toujours les journées , ils
continuerent leur marche jusqu'à Ispaham .
Leur entrée dans cette Ville fut assez
paisible, mais le lendemain Acheraf donna
ordre à tous les siens de se retirer avec
leurs
NOVEMBRE. 1731. 2499
leurs effets et leurs familles , dans le Château.
Ce Château ,au reste ,n'est autre chose
qu'une enceinte de murailles de terre
élevées au centre de la Ville , avec des
Tours de même fabrique , de douze en
douze pas ; il renferme la vieille Citadelle
, la grande Place , le Palais du Roy ,
et peut avoir une lieuë de circuit. C'est
Youvrage d'Acheraf , dès qu'il se fut déclaré
Roy ; ouvrage vraiment misérable
s'il en fut jamais ; on ne sçauroit bien
décrire la précipitation , le tumulte et la
confusion avec laquelle les Rebelles s'y
retirerent. Ils en chasserent tous les Persans
, pillerent , ravagerent et brulerent
tout ce qui leur appartenoit, Et comme
c'est dans cette enceinte que se trouvoient
les plus riches Boutiques , ce fut aussi le
lieu des plus grands dommages qu'air
souffert cette malheureuse Ville. D'abord
que les Rebelles eurent ainsi retiré leurs
effets et leurs familles , ils se remirent en
campagne et allerent établir leur Camp à
neuf ou dix lieues d'Ispaham , près d'un
Village nommé Machakor.
Cependant l'Armée Royale avançoit
toûjours à journées reglées. Thamas Kou
likan , ce fidele et valeureux General
s'étant apperçu dans les Batailles précedentes
, que le Roy s'exposoit trop , ou
peute
665170
2500 MERCURE DE FRANCE
, ce
peut - être voulant avoir seul la gloire
d'achever la défaite des Aghuans , representa
à ce Prince que sa presence n'étoit
plus necessaire pour animer les Troupes ,
et il le supplia au nom de toute l'Armée
de rester à Teiron , avec un Corps de
reserve de 9 ou 10 mille hommes
que le Roy fit. Le Kan muni d'un plein
pouvoir , continua sa marche sans aucun
trouble , et comme les Rebelles avoient
abandonné tout le pays depuis le champ
de bataille jusqu'à Ispaham , les Villa
geois venoient en foule au - devant de
P'Armée Royale , et apportoient sans
être mandés tous les rafraîchissemens
dont elle avoit besoin les Villes ouvrirent
leurs Portes , et tous les Sujets
generalement témoignerent la joye qu'ils
avoient de leur heureuse délivrance .
>
Les deux armées se trouverent en presence
le Dimanche 13. Novembre 1729.
à 8. heures du matin celle des Rebelles.
avoit eû tout le temps qu'il lui falloit
pour se poster avantageusement ; leur
Batterie étoit bien rétranchée et bien
soutenue ; Acheraf se flattoit de rétablir
ses affaires de recouvrer enfin par une
pleine victoire tout le pays qui lui avoit
été enlevé ; mais le General Persan , qui
connoissoit sa foiblesse et qui le mépri-
›
soit ·
NOVEMBRE. 1731. 250r.
soit , ne daigna pas seulement se servir
de son Artilleric. Après avoir essuyé
toute la décharge des Rebelles , il marcha
droit à eux , à travers tout le feu
de leur Mousqueterie , sans tirer un seul
coup , jusqu'à ce qu'il fût arrivé près
de leur batterie , où il fit presqu'à bout
touchant sa premiere et unique décharge.
Les Rebelles furent tellement épou
wantés de cette hardiesse , qu'ils prirent
la fuite , et se sauverent à Ispaham ,
les premiers Fuyards commencerent d'ariver
à trois heures après midi ; ils dirent
d'abord , n'osant avouer leur défaite
, que les Persans avoient été battus ;
mais peu de temps après , les cris et les
lamentations des femmes et des enfans
qu'on entendit dans le Château
fierent le contraire. Acheraf
->
و
>
où
certi-
› qui
par respect
humain
ne fuyoit
pas si
vire que les autres
, n'entra
dans la Ville qu'à la nuit close
, pour
cacher
sa honte
,
Le bruit
de cette
défaite
courut
bien- tôt par toute
la Ville
, et tant les Etran- gers que les Gens
du Pays , tout le mon❤ de prit des mesures
pour
se soustraire
à la fureur
des Barbares
, et pour
se garantir
du massacre
general
dont
ils
avoient
souvent
menacé
au cas qu'ils
fussent
trop
pressés
; mais
Dieu
répandit
sur
2502 MERCURE DE FRANCE
sur eux une telle frayeur , qu'ils ne songerent
alors qu'à leur propre salut. Le
calme et le silence , qui , depuis l'entrée
d'Acheraf , avoient succedé au bruit et
au tumulte , étonnoient tout le monde
mais la surprise fut bien plus grande
quand dès le grand matin du lendemain
la nouvelle de leur fuite se répandit
personne n'osoit pourtant encore sortir
jusqu'à ce que quelques femmes envoyées
de divers endroits dans le Château , pour
sçavoir ce qui se passoit , en rapporterent
quelques meubles qu'elles avoient
enlevez dans les logemens abandonnés.
Ces Femmes furent bien- tôt suivies par
d'autres , et les hommes commencerent
enfin à s'en mêler , de sorte qu'en deux
heures de temps les rues furent pleines
de la Populace allant et venant tout
chargés de Butin . Le jour suivant , les
Villageois des environs se mirent de la
partie , et le pillage fut general . On ne
vît jamais un tel désordre et pas un
homme d'autorité pour l'arrêter , ce qui
dura près de trois jours jusqu'à l'arrivée
du General Persan , qui envoya d'abord
des gens de guerre dans le Château pour
en chasser cette canaille , et on mit à divers
endroits , pour la sûreté publique ,
des Corps-de-garde. On vit alors ,
›
,
› par
un
NOVEMBRE . 1731 2503
un effet admirable de la Divine Providence
, les mêmes Denrées que les Aghuans
tenoient, enfermées dans les Magazins
pour entretenir la cherté , tellement
répandues dans les rues , que pendant
plusieurs jours on ne pouvoit plus
у faire un pas sans marcher sur des tas
de ris , de froment , d'orge , &c.
On a sçu par des Esclaves échapés des
mains des Rebelles , que le jour de leur
fuite ils marcherent pendant quinze
lieues entieres sans s'arrêter , ce qui joint
aux autres dix lieues qu'il y a du champ
de Bataille à Ispaham , fait une traite
très - considerable pour des Fuyards chargez
de leurs bagages et de leurs familles ,
&c. Ils avoient d'abord pris le chemin
du Kiman mais ayant appris que tous
les passages étoient gard: z de ce côté llàà ,
ils se rendirent à Chiras , où ils massacrerent
tous les Persans qu'ils y rencontrerent.
Acheraf emporta la charge de
300. Chameaux , à ce qu'on dit , d'or ,
d'argent , et de meubles précieux de la
Couronne ; il emmena outre la famille
de Mahmoud et la sienne , toutes les
Princesses du Sang Royal , excepté la
Mere de Schah Thamas qu'il ne connoissoit
pas , et qui pendant la Domination
des Rebelles , a toujours fait l'office
de
2504 MERCURE DE FRANCE
de Servante dans le Serrail , sans que les
autres Femmes ni les Ennuques ayent jamais
voulu la déceler , rare exemple de
fidelité , et signe évident de l'esperance
que ces sujets nourissoient dans leur
coeur. On assure que la fuite du Tyran
causa de tels transports de joye à cette
Princesse , qu'elle en fut entierement
aliénée d'esprit pendant trois jours , et
qu'elle ne s'est bien remise qu'après avoir
vû et embrassé ce cher Fils , pour lequel
elle avoit si souvent tremblé avec le
reste du Royaume.
Cependant une grande quantité d'Aghuans
, et d'autres Rebelles , qui n'ayant
pû ou osé suivre les Fuyards , s'étoient
cachez en divers endroits , trouverent
bien- tôt la mort qu'ils tâchoient d'éviters
on sçavoit les déterrer, et sans égard
à l'âge , ils étoient tués par tout où on
les trouvoit. Ceux qui étoient de quelque
consideration , étoient présentez au
General Persan , qui pardonna à quelques-
uns sur les bons témoignages qu'on
rendoit d'eux ; mais ce nombre fût bien
petit , et nous avons vû pendant plusieurs
jours les rues d'Ispaham pleines
des Cadavres des Rebelles , comme nous
des avions vûës remplies cy - devant de
ceux des Habitans de cette miserable
Ville. Le
१
*
"
NOVEMBRE. 1731. 2505
Le Tombeau de Mahmout , qu'on
avoit élevé avec beaucoup de faste dans
un Enclos , au-delà du Pont de Chiras ,
et que les Rebelles respectoient comme
un lieu sacré et de pelerinage , fût démoli
pour en faire des Latrines publiques.
Le Peuple étoit tellement animé
de l'esprit de haine et de vangeance ,
qu'en deux heures de temps , il ne resta
pas pierre sur pierre , d'un ouvrage auquel
des milliers d'ouvriers avoient travaillé
des mois entiers. Chacun vouloit
avoir quelque morceau des os du Tyran
pour vomir chaque jour dessus des imprécations
et des maledictions. Il n'y a
peut- être aucun homme dans Ispaham ,
qui pour marquer sa haine n'ait fait
servir ce lieu à l'usage pour lequel j'ay
dit qu'il étoit destiné.
و
>
le 9 .
Le Roy n'arriva à Ispaham que
Decembre ; son Entrée ne fut pas magnifique
mais elle fut toute guerriere.
Il marcha depuis Gaze , Village à deux
lieuës et demi de la Ville , à la tête de
son Corps de reserve qu'il conduisit
lui- même en bataille jusqu'à la rencontre
de Thamas Koulikan , qui vint au- devant
à la tête de 20. mille hommes. Les
deux Corps avant que de se joindre ,
firent plusieurs mouvemens et diverses
B ένος
2506 MERCURE
DE FRANCE
.
,
,
,
et courut vers son
évolutions
que le Roy commandoit
d'un côté et le General Koulikan de
l'autre. Celui - ci dès qu'il fut à portée ,
mit pied à terre
Maître pour l'empêcher de descendre de
Cheval ; mais ce Prince lui dit gracieusement
: Arrête , arrête ; j'ai fait van de
la pre- marcher sept pas au- devant de toy ,
miere fois que je te reverrois , après avoir
chassé mes ennemis d'Ispaham. LeRoy descendit
effectivement
, marcha quelques pas
puis s'assit sur des Coussins , et prit du
Caffé avec son General , après quoy ils
remonterent
à Cheval , et continuerent
leur marche vers la Ville ; avec cette difference
, que les Troupes défiloient non
pas dans ce bel ordre que l'on observe
en Europe , et qui est inconnu ici , mais
pressez et comme entassez les uns sur
les autres. On laissa pourtant un assez
grand intervalle au milieu , dans lequel
le Roy marchoit seul précedé de ses
Valets de pied , et suivi à dix ou douze
pas de distance de Thamas Koulikan :
tout le reste n'étoit qu'un tas confus
d'Officiers et de Soldatesques qui se pres
soient et se serroient tant qu'ils pouvoient.
Le Peuple de tous états , de tour
sexe et de tout âge étoit en foule aux avenuës
; les rues depuis la porte de Jokgi ,
>
jusNOVEMBRE.
1731. 2507
›
jusqu'à l'interieur du Palais étoient
couvertes de pieces d'Etoffe , que les Soldats
enlevoient d'abord que le Roy étoit
passé ; le * Nagara retentissoit par toute
la Ville ; on jettoit par tout des cris d'allegresse
; en un mot,on ne vit jamais une
joye plus vive et plus universelle. Ce qui
étoit bien opposé à ce qui se passoit à
l'Entrée du Rebelle Acheraf , au retour
de quelque expédition ; car alors
tout le monde fuyoit , toutes les portes
des maisons étoient fermées et aucun
des Habitans ne paroissoit , si ce n'est
les gens de Boutique que l'on forçoit à
les tenir ouvertes aux endroits où le
Tyran devoit passer.
→
Le Roy , après avoir satisfait dans
l'interieur du Serrail , à ce que la bonté
de son coeur , et sa tendresse naturelle
pouvoient exiger , passa les premieres
journées à recevoir les hommages des
differens Ordres de l'Etat ; il reçut aussi
les complimens des Etrangers de distinction
, et traitta tout le monde avec
une douceur qui lui gagna d'abord l'affection
publique. Les Persans aiment naturellement
, et cherissent leur Roy jusqu'à
l'excès ; les bonnes qualitez qu'ils
remarquent en Schah Thamas , leur font
* Longue Trempette à l'usage des Persans.
Bij
COR2508
MERCURE DE FRANCE
>
concevoir les plus flatteuses esperances.
Le Peuple nonobstant la misere où la
longue tyrannie des Rebelles l'avoit réduit
, paya gayement la Taxe qu'on lui
imposa , et supporta sans beaucoup d'inquietude
les petites insolences du Soldat ;
tout respiroit la joye et r'allegresse dans
Ispaham ; mais le Roy au milieu des plaisirs
qu'on tâchoit de lui procurer , paroissoit
toûjours inquiet et chagrin et
quand Thamas Kan voulut lui representer
qu'il devoit désormais oublier ses
disgraces passées , ce Prince lui fit entendre
, que quand même les malheurs
publics , et ses disgraces domestiques
pourroient être oubliés , il ne pouvoit
pas ignorer que le Meurtrier de son
Pere et les Bourreaux de ses Freres
étoient encore à Chiras : le General tou .
ché de ce Discours , donna dans le moment
même ses ordres pour un prochain
départ tout fut prêt en quatre jours ;
en sorte que l'Armée se remit en Campagne
sur la fin du même mois de Decembre.
و
Les Mahometans n'aiment pas à faire
la Guerre l'Hyver , mais ce Ġeneral est
un homme de toutes les Saisons , et comme
il ne se donne presque aucune commodité
au- dessus du simple Soldat , il
>
fur
NOVEMBRE 1732. 2509°
Fut servi dans cette expédition avec tant
de zele et d'ardeur , qu'il força tous les
obstacles de la saison ; enfin , malgré les
pluyes , les neiges et les glaces , il s'ou
vrit un chemin par tout ; il perdit véritablement
beaucoup d'hommes et de
chevaux dans sa marche , mais après des
fatigues et des travaux infinis , il joignit
20. jours après son départ d'Ispaham ,
les Rebelles qui s'étoient avancez à deux
journées en - deçà de Chiras : il les battic
malgré l'avantage du poste qu'ils avoient
choisi , et les obligea . de fuïr devant lui .
Il ne les poursuivit pas crainte de
quelque embuscade ; il avoit même pour
maxime , de ne jamais séparer ses Troupes
, de peur que quelque détachement
venant à être battu , ne mît l'épouvente
dans le reste de l'armée ; il avoit aussi
coûtume de dire que les Victorieux joignent
au petit pas l'Ennemi qui fuit à
toute bride.
et
Les Rebelles eurent donc le temps de
se rallier à Chiras , mais ce n'étoit plus
les mêmes hommes , ils étoient dépouillez
de cette feroce fierté , qui leur faisoit
mépriser le reste des hommes
dédaigner les conseils des plus habiles ;
ils prioient et supplioient les mêmes
personnes qu'ils avoient auparavant ac-
Biij cou2510
MERCURE DE FRANCE
3
coutumé de commander , le Sabre ou le
Bâton à la main ; ils prenoient conseil
de tout le monde , même de leurs femmes
et de leurs Esclaves ; mais il n'y
avoit plus de remede l'heure fatale
étoit arrivée ; ils résolurent cependant
de faire un dernier effort. Le jour qu'ils
sortirent pour venir au devant des Persans
, Acheraf et ses principaux Officiers
se tinrent aux Portes de la Ville , où ils
faisoient jurer les Soldats et les Officiers
de vaincre ou de mourir ; mais ils promettoient
les uns et les autres plus qu'ils
ne pouvoient ni ne vouloient tenir ; ils
n'avoient plus assez de force pour vainere
, ni de courage pour mourir aussi
ils furent battus dès le premier choc , et
cette bataille , si on peut donner ce nom
à quelques actions , ooùù iill nn''yy aa pas eu
mille hommes de tués de part et d'autre.
Cette bataille , dis- je , fut la derniere
et la moins sanglante de toutes. Les Rebelles
épouvantez , oublierent leur promesse
et leur serment ; ils attaquoient
tumultueusement et par pelotons , mais
à peine étoient- ils arrivez à la portée du
fusil , qu'ils faisoient leurs décharges
et se retiroient en désordre. Enfin voyant
que les Persans s'avançoient toujours fierement
, ils prirent la fuite tout de bon.
:
Le
NOVEMBRE. 1731 2511
Le General Persan les laissa fuïr suivant
sa coûtume , et ne les suivit qu'au
petit pas ; mais cette maxime n'étoit plus
de saison ; Acheraf s'en prévalut pour le
tromper , car si- tôt qu'il fut rentré dans
Chiras , il envoya deux de ses principaux
Officiers pour traitter d'accommodement.
Ils offrirent d'abord de rendre tous les
trésors de la Couronne à condition
qu'on les laisseroit retirer avec leurs familles
où bon leur sembleroit. Koulikan
>
leur répondit qu'il auroit pû accepter
cette proposition dans un autre temps ,
mais qu'aujourd'hui il les passeroit tous
au fil de l'Epée , s'ils ne lui remettoient
Acheraf entre les mains. Les députez
qui n'avoient d'autre dessein que celui
de l'amuser pour gagner du temps , promirent
tout ce qu'on voulut , pourvû
qu'il leur fût permis d'en aller conferer
avec les autres Officiers ; mais quand ils
furent de retour tout étoit prêt pour la
fuite. Ils se sauverent tous ensemble
avec leurs Familles et leur Butin ; ils
étoient déja bien loin , quand le General
Persan fut averti de leur retraite.
Il fit quelques détachemens , l'un desquels
les joignit au passage d'un Pont :
mais les Aghuans firent volte à face
faire passer leurs familles et leurs équi-
B iiij pages.
pour
2512 MERCURE DE FRANCE
pages . Ils chargerent ensuite les Persans
qui furent battus .
›
Les Fuyards continuerent leur marche,
mais comme ils ne tenoient aucune route
certaine , et que tout le pays étoit contre
eux les Paysans les harcelloient continuellement
le moindre petit Village
qui pouvoit assembler dix Fusiliers leur
disputoit le passage ; il n'y avoit point
de défilé où ils ne laissassent quelqué
chose. Au commencement c'étoient les
gros Equipages , ensuite leurs Femmes
Persannes et leurs Enfans. Pendant la
nuit les Esclaves détournoient toujours
quelques Chameaux
et c'est de cette
façon que furent ramenées à l'Armée
Royale la Tante et la Soeur de Schal
Thamas , avec quelques autres Princesses
. Enfin , ces miserables ne trouvant
plus de subsistance pour eux ni pour
leurs Chevaux , pressés de tous côtez
commencerent à se débander les uns
tirant d'un côté , les autres de l'autre.
Acheraf resta avec 4. ou 5. cent de ses
plus fideles amis ; son dessein étoit de
se retirer aux Indes ; mais comme il faloit
necessairement passer aux environs
de * Candahar , Hussein Kan , frere de
Mahmout , qui étoit en possession de
* Capitale de la Province de même nom.
›
,
cette
OCTOBRE. 1731. 2513
,
>
cette Place , averti de son dessein lui
coupa le chemin avec un bon corps de
Troupes , le combattit lai enleva le
reste de ses trésors , et le tua. C'est ainsi
que perît cet Usurpateur , qui , après
des cruautez inoüies avoit osé tremper
ses mains dans le sang de Schah Hussein ,
le meilleur , le plus débonnaire et le
plus pacifique Prince qui ait jamais regné.
C'est ainsi qu'ont été détruits et dispersés
les plus détestables et les plus sanguinaires
Usurpateurs qui ayent jamais
été sur la Terre.
,
Koulikan trouva les portes de Chiras
ouvertes ; dès qu'il y fut entré on vit
bien - tôt dans cette Ville ce qu'on avoit
vû auparavant à Ispaham , c'est - à- dire ,
les rues pleines de cadavres des Aghuans
et de leurs alliez , qui n'avoient pû se
sauver avec les autres ; il n'y eut plus
aucun endroit qui pût leur servir d'azile
; on ne pardonna qu'à trois ou quatre
des plus apparents , qui furent envoyez
au Roy ; on passa tout le reste au
fil de l'Epée. Les Persans qui voyoient
tous les jours arriver quelques restes des
Rebelles , dont ils apprenoient à tout
moment le désordre et la misere se
consolerent bien - tôt de la faute que
Koulikan avoit faite de les laisser écha-
By per
>
2514 MERCURE DE FRANCE
per , et quoique c'eût été un coup de
la derniere importance de reprendre les
Trésors de la Couronne ce General
n'en reçût aucun reproche du Roy , qui
le ménage et le considere toujours.
>
Cette grande affaire étant ainsi terminée
, toute l'attention des Persans se
tourna du côté des Turcs. On laissa reposer
les troupes pendant le reste de
Hyver ; mais à peine le Printemps fûtil
arrivé , que Koulikan , qui étoit toujours
resté à Chiras , où l'Armée étoit en
quartier , se remit en Campagne ; et
lorsque nous partîmes d'Ispaham , au
commencement de May 1730. les nouvelles
courantes étoient qu'après avoir
visité en chenin - faisant le Loristan et
les Arabes du Coquilon , il prenoit sa
route du côté d'Hamadan . Nous avons
appris depuis qu'il a battu pendant
la Campagne les Turcs en deux
differentes batailles ; qu'il a repris Hamadan
, Tauris , et presque tout le Pays
que les Turcs avoient usurpé pendant
les troubles jusqu'à Erivan .
>
Un Roy rétabli , neuf batailles gagnées
, presque tout un Royaume de l'étendue
de la Perse reconquis dans moins
de deux années un prodigieux nombre
de Rebelles exterminez ; ce sont des
>
faits
NOVEMBRE 1731. 2515.
faits qui peuvent effacer ceux des Héros
des siècles passés , et égaler les plus
beaux traits de l'histoire ancienne . Les
rares talens qu'a ce General pour la Guerre
le bonheur qui l'accompagne dans
ses expéditions la confiance du Soldat
>
,
qui l'aime et le craint , tout cela joint
ensemble , l'a rendu redoutable chez les
Ennemis mais enfin suspect dans la
Cour du Roy son Maître ; j'ai observé
plus d'une fois , et reconnu que depuis
Bassora jusqu'à Bagdat , et depuis Bagdat
jusqu'aux portes d'Alep , tout tremble
au seul nom de Thamas Koulikan . Cette
haute réputation et certe grande fortune
ne sont - elles point les présages de quelque
prochaine décadence ? Le Peuple et la
Cour,le Roy lui- même , ( à ce qu'on publie
, tous craignent que ce General
n'ait l'ambition de monter plus haut ; il
est lui seul toute chose. Le Roy n'a encore
nommé à aucun des premiers Employs
, sous pretexte que les appointemens
immenses que ces Charges emportent
, seront bien mieux employez au
payement des Troupes. A l'Armée Koulikan
est le seul Officier General , tous
les autres sont des Subalternes qu'il abaisse
, eleve , punit , recompense , casse et
rétablit comme il lui plaît ; il semble
Bv) même
2516 MERCURE DE FRANCE
1
même que depuis ses dernieres victoires ,
il abuse de l'autorité sans bornes que le
Roy lui a confiée dans la necessité de ses
affaires ; on peut même dire qu'il tient
ce Prince en une espece de tutelle ; mais
je sçai par des personnes qui ont l'honneur
de l'approcher , qu'il se reserve à
parler en Maître quand la Guerre du
Turc sera terminée. Ce General de son
côté n'est pas sans crainte ; il sçait qu'il
a beaucoup d'ennemis , et qu'il y a des
plaintes contre lui , sur- tout de la part
des Peuples qu'il a achevé de ruiner
des impositions extraordinaires , et c'est
pour cela , cela , dit-on , qu'il se tient à l'Armée
autant qu'il le peut. Telle est actuellement
la face des affaires de Perse
c'est-à-dire au mois de Mai 1730.
faite des Rebelles de Perse , et l'élevation
de Schah Thamas sur le Trône de ses
Ancêtres , &c. Par M. D. G. témoin
⚫culaire.
LR
ES AGHUANS ( 1 ) , ces fameux
Rebelles , qui pendant près de huic
années ont tenu sous le joug , et désolé la
plus grande partie du Royaume de Perse ,
n'étoient rien moins que ce qu'ils avoient
la réputation d'être ; leur nombre n'a ja➡
mais été audessus de 30000 hommes; leur
valeur étoit audessous de la commune, et
toute leur politique n'alloit qu'à massa→
crer impitoyablement tous les Persans ,
de quelque consideration qu'ils fussent
quand ils leur faisoient le moindre ombrage.
On pourroit même dire que leur
saccès et leur prosperité tenoient bien.
plus du miracle que d'aucun effet d'une
conduite réglée et bien concertée.
Ces Barbares conduits , pour ainsi dire,
"
(1 ) Nation originaire de la Province de Szyr
van , située entre la Mer Caspienne et le Mong
Caucase, depuis transportée par Tamerlan dans
Le Candabar , Frontiere de Perse et du Mogol.
pat
NOVEMBRE 1731. 2489
,
par la main de la fortune , s'étoient cependant
imaginez qu'après avoir pris la Ville
d'Hispaham , détrôné Schah Hussein , et
battu une armée de 120 mille Turcs , il
n'y avoit plus de Puissance au monde capable
de les abbatre ; la paix que le Grand
Seigneur avoit ensuite faite avec eux
l'Ambassade aussi honteuse que solemnel,
le , qu'il leur avoit envoyée pour reconnoître
leur chef Acheraf , les avoient tellement
éblouis, et les avoient rendus si
vains , qu'ils s'estimoient les plus grands
hommes de la terre , et ne regardoient
plus Schah Thamas fils et successeur du
Sultan Hussein que comme un petit sujet
qu'ils anéantiroient , s'il avoit jamais la
hardiesse de se presenter pour soutenir ses
droits , l'apellant par mépris et par dérision
, au lieu de Chazade , qui signifie
fils de Roy ; Tekzadé , c'est- à- dire , fils de
chien.
Il est vrai que la fermeté et la valeur des
Moscovites , lesquels non contens de ne
vouloir pas donner le titre de Roy à leur
chef Acheraf , avoient défait avec trois
cens hommes seulement , 5 à 6000 Aghuans
, leur avoit causé quelque troubles
mais le General Russien qui commandoit
dans le Guilan , leur ayant accordé ure
espece de Trêve,et réglé avec eux certai-
A v nes
2490 MERCURE DE FRANCE
nes limites , jusqu'à ce qu'il eut reçu des
Ordres plus précis du Czar , ils s'étoient
entierement rassurez de ce côté - là , de
sorte qu'Achetaf, qui dans le fonds n'étoit
, pour ainsi dire , qu'un chef de Brigands
, malgré la beauté de son nom , qur
signifie le Noble par excellence , dont les
forces étoient assez médiocres , commença
dèslors à se donner pour un grand Prince
, il ne faisoit plus la Guerre que par ses
Generaux ; c'est ainsi que le Château
d'Iesd fut soumis , après une année et demie
de Siége . Cette Place n'auroit tenu en
Europe devant une Armée , qu'autant de
tems qu'il en faut pour la disposition de
l'attaqué ; mais cette sorte de Guerriers
ne sçavoient ce que c'est que d'enlever
l'Epée à la main , le moindre petit retran
chement . L'Officier qui avoit deffendu
Iesd , et qui ne s'étoit rendu que par famine
, fut cruellement traité , et la Garni
son passée au fil de l'épée , malgré la
role qu'on leur avoit donnée , avec serment
fait sur l'Alcoran , qu'il ne leur seroit
fait aucun mal .
pa-
C'est encore de cette maniere qu'ils s'étoient
ouvert le chemin jusqu'à Benderabassi
* en trompant Sayd Amid ·
Kan qui occupoit će poste. Ce Kan
>
* Fameux Port de Mer , à deux lieuës d'or.
mas , Isle du Golfe Persique.
étoit
NOVEMBRE. 1731. 2491
étoit Prince du Sang Royal , du côté des
femmes ; il étoit bien fait , d'une taille et
d'une force extraordinaire , et rempli de
valeur , il s'étoit révolté contre Schah
Thamas , etavoit pris le titre de Roy dans
le Kirman , au commencement des troubles
, mais son armée n'étant composée
que de gens ramassez , il en étoit ordinairement
abandonné dans les actions.
décisives ; de sorte que réduit à deux ou
trois cens hommes , et ne sçachant plus comment
se maintenir , il aima mieux se rendre
aux Rebelles sur leurs belles promesses ,
que de recourir à la clemence de son Roy
legitime. Il eut le sort que son infidelité
méritoit , et la paya peu de jours après
de sa tête. Plusieurs Villes , sans deffenses,
se rendirent en même - temps , et tout le
pays fut ouvert , comme on l'a dit , jusqu'au
Benderabassi.
Ces prospéritez enfloient tellement le
coeur des Rebelles qu'Acheraf ne daignoit
plus se mettre en campagne,il restoit tranquille
dans Ispaham , faisant bâtir des
Maisons de plaisance , allant pompeuse
ment à la chasse, et vivant, en un mot,com.
me si la fortune eut été inébranlable.A son
exemple tous les grands Seigneurs et les
premiers Officiers qui composoient sa
Cour , vivoient de la même maniere ; ils
A vj avoient
8
2492 MERCURE DE FRANCE .
avoient tous parfaitement oublié leur premiere
origine et leur vile condition de.
Chameliers ou d'Esclaves. Les richesses
immenses dont ils avoient dépouillé les.
Persans , la beauté des femmes et des filles.
qu'ils leur avoient enlevées , et dont cha-.
cun d'eux avoit bon nombre , les super-.
bes bâtimens qu'ils habitoient , les habits:
somptueux dont ils se paroient, et la bonne
chere, à laquelle ils s'étoienr adonnez ;
tout cela comparé à leur premier état
leur constituoit en ce monde , selon leur
propre aveu , un Paradis de délices , tel
que Mahomet l'a promis dans l'autre à ses
Sectateurs dans l'Alcoran.
Tandis qu'Acheraf faisoit ainsi le grand
Monarque , Schah Thamas de son côté
travailloit au rétablissement de ses affaires.
On peur dire que la maniere dont it
s'étoit sauvé d'Ispaham, dans le plus fort du
Siége , avec une escorte de cinq cens hommes
, quoique les Aghuans eussent été
précisément avertis par les Arméniens
du jour et de l'heure de sa sortie ; que le
choix que Schah Hussein avoit fait ,
au préjudice de deux de ses aînez , et le
bonheur qu'il eut dans la suite de se tirer
du Piége qu'Acheraf lui avoit tendu à Teïoù
if prétendoit l'enveloper' , sous
prétexte de venir lui rendre homma ge
ron
NOVEMBRE. 1731. 2493
'de lui remettre la Couronne que Mahmont
lui avoit enlevée. On peut, dis- je ,
croire que tous ces évenemens étoient autant
de signes certains que Dieu l'avoit
choisi pour regner, et qu'il le destinoit à
remonter sur le Trône de ses Peres.
Ce Prince , élevé comme le sont ordinairement
les Fils de Roy dans l'Orient
n'avoit vû autre chose, lorsqu'il sortit d'Ispaham
, que l'interieur du Sérail , c'est-àdire
, des Femmes et des Eunuques . If
trouva un dérangement affreux dans tout
le Royaume , pas un Gouverneur de Province
qui eut la moitié des Troupes qu'il
étoit obligé d'entretenir les Finances
épuisées et mal réglées , des Ennemis de
tous côtez,et par surcroit de malheursune
foule de flateurs qui n'avoient en vûë que
leur propre interêt , sans songer en aucune
façon aux besoins de l'Etat.Cependant
Schah Thamas ne laissa pas de lever des
Troupes avec lesquelles il eut plusieurs
fois à faire aux Moscovites , aux Georgiens
, aux Osmanlous , et à d'autres Rebelles
, mais presque toujours avec desavantage
, quoiqu'il combattit lui- même
à la tête de ses plus braves soldats. Enfin
ne pouvant plus résister à tant d'ennemis
à la fois , il fut obligé , pour ainsi dire
abandonner la partie. Les Osmanlous
list
2494 MERCURE DE FRANCE
lui enleverent tout le Païs , qui est depuis
Erivan jusqu'à Tauris , et depuis Tauris
jusqu'à Hamadam. Les Moscovites se rendirent
maîtres du Guilan , la plus riche
Province de Perse , et celle qui donne les
Soyes. Les Géorgiens secouerent entiercment
le joug ; et les Afdalis , autres Re
belles , s'emparerent de Herat et de Machat
, dans le Corassan. Ce malheureux
Prince se trouva ainsi réduit à la Province
de Mazandran , à une partie du Chirvan
, et à une autre partie du Corassan-
Tant de revers , capables d'abatre tout
aatre courage que celui de Thamas , ne
servirent , pour ainsi dire , qu'à le fortifier
et à le corriger de quelques vices ausquels
il s'étoit adonné ; enfin, lorsque ses
affaires paroissoient les plus desesperées ;
le ciel qui le favorisoit , lui suscita un Liberateur
en la personne de Thamas Kouli
Kan. Ce Kan est un Seigneur d'environ
quarante ans , élevé dès son enfance dans
le métier des armes ; brave , s'il en fut jamais
, homme de bon esprit , franc et sincere,
récompensant bien ceux qui se comportent
vaillamment , et punissant de
mort ceux qui lâchent le pied dans les occasions
où ily a moyen de résister. Il donna
d'abord des preuves constantes de sa capacité
, de sa valeur et de sa fidelité , dans
diverNOVEMBRE.
1731 . 2495
diverses occasions où il fut employé ; et
quand il se vit entré assez avant dans les
bonnes graces du jeune Roy , il lui apprit
à discerner les flatteurs et les traîtres ,
l'obligeant à châtier les uns et à éloigner
les autres. Il osa de plus insinuer au Prince
la necessité de se corriger de ces vices
honteux , qui ternissoient ses belles qualitez,
sans quoi , ajontoit- t- il, Dieu ne be
niroit jamais ses Armes. Le Roy écouta
ses conseils , les goûta , les suivit , et ses
affaires commencerent dèslors à prendre
une meilleure face.
L'Armée Royale n'étoit pas nombreuse
, mais elle étoit bien payée et bien disciplinée
; la plus petite desobeïssance étoit
severement punie , et on payoit de la tête
la moindre lâcheté. Les principaux Officiers
et la plupart des Subalternes, étoient
tous d'une valeur à toute épreuve , gens
bien connus et choisis par Thamas Koulikan.
C'est avec une telle Armée et le genie
de ce Kan , que dans le cours de l'année
1729. Schah Thamas avant les prospéritez
qu'il eut depuis contre les Aghuans
, avoit gagné en personne trois Batailles
contre les Afdalis , repris Hérat et
Machat , et soumis tous les Rebelles du
Corassan et des environs. Dans ces expeditions
on passa au fil de l'épée tout ce
qui
2496 MERCURE DE FRANCE
qui fut trouvé portant les Armes ; mais
ceux qui les mirent bas et implorerent la
clemence du Roy,furent épargnez,à condition
qu'ils serviroient dans ses Troupes
, et que les chefs remettroient leurs
familles en otage , pour garants de leur fidelité
.Tout étant ainsi pacifié de ce côtélà
, on commença à songer à la destruction
des Aghuans. Pour commencer, le
Roy fit marcher son Armée de leur côté
dans l'intention cependant de ne plus rien
entreprendre de cette campagne , mais de
donner des quartiers d'hyver à ses Troupes
sur les Frontieres , pour qu'elles fussent
plus à portée d'agir au Printemps
prochain.
Acheraf de son côté , bien informé des
victoires du Roy , et de la marche de son
Armée , crut d'abord qu'on venoit l'atta
quer ; il rappella les Officiers et les Troupes
, qui étoient dispersez en divers lieux,
rassembla toutes ses forces , es se mit ea
campagne avec un grand appareil ; dès le
commencement du mois d'Aouft 1730.
il ne laissa dans Ispaham que deux ou
trois cens hommes , nombre plus que
suffisants pour tenir en bride tout ce qui
restoit d'habitans ; car on en avoit chassé
tous les Persans qui étoient en état de manier
les armes ; on avoit pris la même
préNOVEMBRE.
1731. 2497
que
précaution dans Cachan , Kon , Casbin
Teiron , et autres Villes , où on ne laissa
les vieillards , les femmes et les enfans.
Quoique ce fussent-là des indices de
crainte , les Aghuans ne laissoient pas de
témoigner une grande joie de ce que le
Tekzade , ( c'est ainsi qu'ils appelloient le
Roy ) leur épargnoit la peine de l'aller
chercher dans le Mazandran ; le moindre
des exploits dont ils se flattoient , c'étois
de le prendre en vie , et ceux qui parois
soient les plus raisonnables , plaignoient
disoient- ils , cette pauvre victime qui ve
noit ainsi se livrer à la mort. C'est avec
ces belles idées que les Aghuans se mirent
en campagne.
Schah Thamas qui bruloit d'impatien
ce d'en venir aux mains avec les Rebelles,
et qui n'avoit consenti qu'à regret à terminer
la campagne de si bonne heure , fur
ravi d'apprendre leur résolution , et se
disposa à les bien recevoir ; il n'avançoit
pourtant que lentement , affectant même
quelque crainte , pour attirer Acheraf le
plus avant qu'il pourroit ; celui-cy de son
côté , qui n'avoit jamais vû les Persans tenir
ferme devant lui en pleine campagne;,
s'avança , plein de confiance.
Enfin les Armées se joignirent à Damguam
, petite Ville sur les frontieres du
Chir2498
MERCURE DE FRANCE
Chirvan. L'attaque des Rebelles fut d'ar
bord assez vigoureuse ; les Persans animez
par la présence de leur Roy, l'a soutinrent
sans s'ébranler. Cette fermeté étonna un
peu Acheraf; il pratiqua alors ce qui lut
avoit réussi à la défaite des Turcs. Il fit
quelques détachemens de 2 ou 3000 hommes
, chacun, commandé par deux de ses
plus braves chefs , avec ordre de prendre
un détour et de venir attaquer l'enne
mi en flanc et en queuë ; mais les Rebelles
trouverent par tout le même ordre et lá
même résistance. Ces détachemens furent
repoussez et défaits ; le Corps où Acheraf
commandoit en personne , commença à
s'ébranler ; les Persans redoublerent leur
feu , et après une décharge faite à propos
de toute leur Artillerie , ils s'avancerent
sur les Rebelles qui prirent aussi - tôt
la fuite ; et abandonnant leur Canon et
leurs Equipages , ils se sauverent avec tant
de précipitation qu'en 24 heures ils firent
sept journées de chemin ordinaire et vinrent
jusqu'à Tairon , où ils s'arrêterent un
jour entier pour prendre halcine , après
quoi redoublant toujours les journées , ils
continuerent leur marche jusqu'à Ispaham .
Leur entrée dans cette Ville fut assez
paisible, mais le lendemain Acheraf donna
ordre à tous les siens de se retirer avec
leurs
NOVEMBRE. 1731. 2499
leurs effets et leurs familles , dans le Château.
Ce Château ,au reste ,n'est autre chose
qu'une enceinte de murailles de terre
élevées au centre de la Ville , avec des
Tours de même fabrique , de douze en
douze pas ; il renferme la vieille Citadelle
, la grande Place , le Palais du Roy ,
et peut avoir une lieuë de circuit. C'est
Youvrage d'Acheraf , dès qu'il se fut déclaré
Roy ; ouvrage vraiment misérable
s'il en fut jamais ; on ne sçauroit bien
décrire la précipitation , le tumulte et la
confusion avec laquelle les Rebelles s'y
retirerent. Ils en chasserent tous les Persans
, pillerent , ravagerent et brulerent
tout ce qui leur appartenoit, Et comme
c'est dans cette enceinte que se trouvoient
les plus riches Boutiques , ce fut aussi le
lieu des plus grands dommages qu'air
souffert cette malheureuse Ville. D'abord
que les Rebelles eurent ainsi retiré leurs
effets et leurs familles , ils se remirent en
campagne et allerent établir leur Camp à
neuf ou dix lieues d'Ispaham , près d'un
Village nommé Machakor.
Cependant l'Armée Royale avançoit
toûjours à journées reglées. Thamas Kou
likan , ce fidele et valeureux General
s'étant apperçu dans les Batailles précedentes
, que le Roy s'exposoit trop , ou
peute
665170
2500 MERCURE DE FRANCE
, ce
peut - être voulant avoir seul la gloire
d'achever la défaite des Aghuans , representa
à ce Prince que sa presence n'étoit
plus necessaire pour animer les Troupes ,
et il le supplia au nom de toute l'Armée
de rester à Teiron , avec un Corps de
reserve de 9 ou 10 mille hommes
que le Roy fit. Le Kan muni d'un plein
pouvoir , continua sa marche sans aucun
trouble , et comme les Rebelles avoient
abandonné tout le pays depuis le champ
de bataille jusqu'à Ispaham , les Villa
geois venoient en foule au - devant de
P'Armée Royale , et apportoient sans
être mandés tous les rafraîchissemens
dont elle avoit besoin les Villes ouvrirent
leurs Portes , et tous les Sujets
generalement témoignerent la joye qu'ils
avoient de leur heureuse délivrance .
>
Les deux armées se trouverent en presence
le Dimanche 13. Novembre 1729.
à 8. heures du matin celle des Rebelles.
avoit eû tout le temps qu'il lui falloit
pour se poster avantageusement ; leur
Batterie étoit bien rétranchée et bien
soutenue ; Acheraf se flattoit de rétablir
ses affaires de recouvrer enfin par une
pleine victoire tout le pays qui lui avoit
été enlevé ; mais le General Persan , qui
connoissoit sa foiblesse et qui le mépri-
›
soit ·
NOVEMBRE. 1731. 250r.
soit , ne daigna pas seulement se servir
de son Artilleric. Après avoir essuyé
toute la décharge des Rebelles , il marcha
droit à eux , à travers tout le feu
de leur Mousqueterie , sans tirer un seul
coup , jusqu'à ce qu'il fût arrivé près
de leur batterie , où il fit presqu'à bout
touchant sa premiere et unique décharge.
Les Rebelles furent tellement épou
wantés de cette hardiesse , qu'ils prirent
la fuite , et se sauverent à Ispaham ,
les premiers Fuyards commencerent d'ariver
à trois heures après midi ; ils dirent
d'abord , n'osant avouer leur défaite
, que les Persans avoient été battus ;
mais peu de temps après , les cris et les
lamentations des femmes et des enfans
qu'on entendit dans le Château
fierent le contraire. Acheraf
->
و
>
où
certi-
› qui
par respect
humain
ne fuyoit
pas si
vire que les autres
, n'entra
dans la Ville qu'à la nuit close
, pour
cacher
sa honte
,
Le bruit
de cette
défaite
courut
bien- tôt par toute
la Ville
, et tant les Etran- gers que les Gens
du Pays , tout le mon❤ de prit des mesures
pour
se soustraire
à la fureur
des Barbares
, et pour
se garantir
du massacre
general
dont
ils
avoient
souvent
menacé
au cas qu'ils
fussent
trop
pressés
; mais
Dieu
répandit
sur
2502 MERCURE DE FRANCE
sur eux une telle frayeur , qu'ils ne songerent
alors qu'à leur propre salut. Le
calme et le silence , qui , depuis l'entrée
d'Acheraf , avoient succedé au bruit et
au tumulte , étonnoient tout le monde
mais la surprise fut bien plus grande
quand dès le grand matin du lendemain
la nouvelle de leur fuite se répandit
personne n'osoit pourtant encore sortir
jusqu'à ce que quelques femmes envoyées
de divers endroits dans le Château , pour
sçavoir ce qui se passoit , en rapporterent
quelques meubles qu'elles avoient
enlevez dans les logemens abandonnés.
Ces Femmes furent bien- tôt suivies par
d'autres , et les hommes commencerent
enfin à s'en mêler , de sorte qu'en deux
heures de temps les rues furent pleines
de la Populace allant et venant tout
chargés de Butin . Le jour suivant , les
Villageois des environs se mirent de la
partie , et le pillage fut general . On ne
vît jamais un tel désordre et pas un
homme d'autorité pour l'arrêter , ce qui
dura près de trois jours jusqu'à l'arrivée
du General Persan , qui envoya d'abord
des gens de guerre dans le Château pour
en chasser cette canaille , et on mit à divers
endroits , pour la sûreté publique ,
des Corps-de-garde. On vit alors ,
›
,
› par
un
NOVEMBRE . 1731 2503
un effet admirable de la Divine Providence
, les mêmes Denrées que les Aghuans
tenoient, enfermées dans les Magazins
pour entretenir la cherté , tellement
répandues dans les rues , que pendant
plusieurs jours on ne pouvoit plus
у faire un pas sans marcher sur des tas
de ris , de froment , d'orge , &c.
On a sçu par des Esclaves échapés des
mains des Rebelles , que le jour de leur
fuite ils marcherent pendant quinze
lieues entieres sans s'arrêter , ce qui joint
aux autres dix lieues qu'il y a du champ
de Bataille à Ispaham , fait une traite
très - considerable pour des Fuyards chargez
de leurs bagages et de leurs familles ,
&c. Ils avoient d'abord pris le chemin
du Kiman mais ayant appris que tous
les passages étoient gard: z de ce côté llàà ,
ils se rendirent à Chiras , où ils massacrerent
tous les Persans qu'ils y rencontrerent.
Acheraf emporta la charge de
300. Chameaux , à ce qu'on dit , d'or ,
d'argent , et de meubles précieux de la
Couronne ; il emmena outre la famille
de Mahmoud et la sienne , toutes les
Princesses du Sang Royal , excepté la
Mere de Schah Thamas qu'il ne connoissoit
pas , et qui pendant la Domination
des Rebelles , a toujours fait l'office
de
2504 MERCURE DE FRANCE
de Servante dans le Serrail , sans que les
autres Femmes ni les Ennuques ayent jamais
voulu la déceler , rare exemple de
fidelité , et signe évident de l'esperance
que ces sujets nourissoient dans leur
coeur. On assure que la fuite du Tyran
causa de tels transports de joye à cette
Princesse , qu'elle en fut entierement
aliénée d'esprit pendant trois jours , et
qu'elle ne s'est bien remise qu'après avoir
vû et embrassé ce cher Fils , pour lequel
elle avoit si souvent tremblé avec le
reste du Royaume.
Cependant une grande quantité d'Aghuans
, et d'autres Rebelles , qui n'ayant
pû ou osé suivre les Fuyards , s'étoient
cachez en divers endroits , trouverent
bien- tôt la mort qu'ils tâchoient d'éviters
on sçavoit les déterrer, et sans égard
à l'âge , ils étoient tués par tout où on
les trouvoit. Ceux qui étoient de quelque
consideration , étoient présentez au
General Persan , qui pardonna à quelques-
uns sur les bons témoignages qu'on
rendoit d'eux ; mais ce nombre fût bien
petit , et nous avons vû pendant plusieurs
jours les rues d'Ispaham pleines
des Cadavres des Rebelles , comme nous
des avions vûës remplies cy - devant de
ceux des Habitans de cette miserable
Ville. Le
१
*
"
NOVEMBRE. 1731. 2505
Le Tombeau de Mahmout , qu'on
avoit élevé avec beaucoup de faste dans
un Enclos , au-delà du Pont de Chiras ,
et que les Rebelles respectoient comme
un lieu sacré et de pelerinage , fût démoli
pour en faire des Latrines publiques.
Le Peuple étoit tellement animé
de l'esprit de haine et de vangeance ,
qu'en deux heures de temps , il ne resta
pas pierre sur pierre , d'un ouvrage auquel
des milliers d'ouvriers avoient travaillé
des mois entiers. Chacun vouloit
avoir quelque morceau des os du Tyran
pour vomir chaque jour dessus des imprécations
et des maledictions. Il n'y a
peut- être aucun homme dans Ispaham ,
qui pour marquer sa haine n'ait fait
servir ce lieu à l'usage pour lequel j'ay
dit qu'il étoit destiné.
و
>
le 9 .
Le Roy n'arriva à Ispaham que
Decembre ; son Entrée ne fut pas magnifique
mais elle fut toute guerriere.
Il marcha depuis Gaze , Village à deux
lieuës et demi de la Ville , à la tête de
son Corps de reserve qu'il conduisit
lui- même en bataille jusqu'à la rencontre
de Thamas Koulikan , qui vint au- devant
à la tête de 20. mille hommes. Les
deux Corps avant que de se joindre ,
firent plusieurs mouvemens et diverses
B ένος
2506 MERCURE
DE FRANCE
.
,
,
,
et courut vers son
évolutions
que le Roy commandoit
d'un côté et le General Koulikan de
l'autre. Celui - ci dès qu'il fut à portée ,
mit pied à terre
Maître pour l'empêcher de descendre de
Cheval ; mais ce Prince lui dit gracieusement
: Arrête , arrête ; j'ai fait van de
la pre- marcher sept pas au- devant de toy ,
miere fois que je te reverrois , après avoir
chassé mes ennemis d'Ispaham. LeRoy descendit
effectivement
, marcha quelques pas
puis s'assit sur des Coussins , et prit du
Caffé avec son General , après quoy ils
remonterent
à Cheval , et continuerent
leur marche vers la Ville ; avec cette difference
, que les Troupes défiloient non
pas dans ce bel ordre que l'on observe
en Europe , et qui est inconnu ici , mais
pressez et comme entassez les uns sur
les autres. On laissa pourtant un assez
grand intervalle au milieu , dans lequel
le Roy marchoit seul précedé de ses
Valets de pied , et suivi à dix ou douze
pas de distance de Thamas Koulikan :
tout le reste n'étoit qu'un tas confus
d'Officiers et de Soldatesques qui se pres
soient et se serroient tant qu'ils pouvoient.
Le Peuple de tous états , de tour
sexe et de tout âge étoit en foule aux avenuës
; les rues depuis la porte de Jokgi ,
>
jusNOVEMBRE.
1731. 2507
›
jusqu'à l'interieur du Palais étoient
couvertes de pieces d'Etoffe , que les Soldats
enlevoient d'abord que le Roy étoit
passé ; le * Nagara retentissoit par toute
la Ville ; on jettoit par tout des cris d'allegresse
; en un mot,on ne vit jamais une
joye plus vive et plus universelle. Ce qui
étoit bien opposé à ce qui se passoit à
l'Entrée du Rebelle Acheraf , au retour
de quelque expédition ; car alors
tout le monde fuyoit , toutes les portes
des maisons étoient fermées et aucun
des Habitans ne paroissoit , si ce n'est
les gens de Boutique que l'on forçoit à
les tenir ouvertes aux endroits où le
Tyran devoit passer.
→
Le Roy , après avoir satisfait dans
l'interieur du Serrail , à ce que la bonté
de son coeur , et sa tendresse naturelle
pouvoient exiger , passa les premieres
journées à recevoir les hommages des
differens Ordres de l'Etat ; il reçut aussi
les complimens des Etrangers de distinction
, et traitta tout le monde avec
une douceur qui lui gagna d'abord l'affection
publique. Les Persans aiment naturellement
, et cherissent leur Roy jusqu'à
l'excès ; les bonnes qualitez qu'ils
remarquent en Schah Thamas , leur font
* Longue Trempette à l'usage des Persans.
Bij
COR2508
MERCURE DE FRANCE
>
concevoir les plus flatteuses esperances.
Le Peuple nonobstant la misere où la
longue tyrannie des Rebelles l'avoit réduit
, paya gayement la Taxe qu'on lui
imposa , et supporta sans beaucoup d'inquietude
les petites insolences du Soldat ;
tout respiroit la joye et r'allegresse dans
Ispaham ; mais le Roy au milieu des plaisirs
qu'on tâchoit de lui procurer , paroissoit
toûjours inquiet et chagrin et
quand Thamas Kan voulut lui representer
qu'il devoit désormais oublier ses
disgraces passées , ce Prince lui fit entendre
, que quand même les malheurs
publics , et ses disgraces domestiques
pourroient être oubliés , il ne pouvoit
pas ignorer que le Meurtrier de son
Pere et les Bourreaux de ses Freres
étoient encore à Chiras : le General tou .
ché de ce Discours , donna dans le moment
même ses ordres pour un prochain
départ tout fut prêt en quatre jours ;
en sorte que l'Armée se remit en Campagne
sur la fin du même mois de Decembre.
و
Les Mahometans n'aiment pas à faire
la Guerre l'Hyver , mais ce Ġeneral est
un homme de toutes les Saisons , et comme
il ne se donne presque aucune commodité
au- dessus du simple Soldat , il
>
fur
NOVEMBRE 1732. 2509°
Fut servi dans cette expédition avec tant
de zele et d'ardeur , qu'il força tous les
obstacles de la saison ; enfin , malgré les
pluyes , les neiges et les glaces , il s'ou
vrit un chemin par tout ; il perdit véritablement
beaucoup d'hommes et de
chevaux dans sa marche , mais après des
fatigues et des travaux infinis , il joignit
20. jours après son départ d'Ispaham ,
les Rebelles qui s'étoient avancez à deux
journées en - deçà de Chiras : il les battic
malgré l'avantage du poste qu'ils avoient
choisi , et les obligea . de fuïr devant lui .
Il ne les poursuivit pas crainte de
quelque embuscade ; il avoit même pour
maxime , de ne jamais séparer ses Troupes
, de peur que quelque détachement
venant à être battu , ne mît l'épouvente
dans le reste de l'armée ; il avoit aussi
coûtume de dire que les Victorieux joignent
au petit pas l'Ennemi qui fuit à
toute bride.
et
Les Rebelles eurent donc le temps de
se rallier à Chiras , mais ce n'étoit plus
les mêmes hommes , ils étoient dépouillez
de cette feroce fierté , qui leur faisoit
mépriser le reste des hommes
dédaigner les conseils des plus habiles ;
ils prioient et supplioient les mêmes
personnes qu'ils avoient auparavant ac-
Biij cou2510
MERCURE DE FRANCE
3
coutumé de commander , le Sabre ou le
Bâton à la main ; ils prenoient conseil
de tout le monde , même de leurs femmes
et de leurs Esclaves ; mais il n'y
avoit plus de remede l'heure fatale
étoit arrivée ; ils résolurent cependant
de faire un dernier effort. Le jour qu'ils
sortirent pour venir au devant des Persans
, Acheraf et ses principaux Officiers
se tinrent aux Portes de la Ville , où ils
faisoient jurer les Soldats et les Officiers
de vaincre ou de mourir ; mais ils promettoient
les uns et les autres plus qu'ils
ne pouvoient ni ne vouloient tenir ; ils
n'avoient plus assez de force pour vainere
, ni de courage pour mourir aussi
ils furent battus dès le premier choc , et
cette bataille , si on peut donner ce nom
à quelques actions , ooùù iill nn''yy aa pas eu
mille hommes de tués de part et d'autre.
Cette bataille , dis- je , fut la derniere
et la moins sanglante de toutes. Les Rebelles
épouvantez , oublierent leur promesse
et leur serment ; ils attaquoient
tumultueusement et par pelotons , mais
à peine étoient- ils arrivez à la portée du
fusil , qu'ils faisoient leurs décharges
et se retiroient en désordre. Enfin voyant
que les Persans s'avançoient toujours fierement
, ils prirent la fuite tout de bon.
:
Le
NOVEMBRE. 1731 2511
Le General Persan les laissa fuïr suivant
sa coûtume , et ne les suivit qu'au
petit pas ; mais cette maxime n'étoit plus
de saison ; Acheraf s'en prévalut pour le
tromper , car si- tôt qu'il fut rentré dans
Chiras , il envoya deux de ses principaux
Officiers pour traitter d'accommodement.
Ils offrirent d'abord de rendre tous les
trésors de la Couronne à condition
qu'on les laisseroit retirer avec leurs familles
où bon leur sembleroit. Koulikan
>
leur répondit qu'il auroit pû accepter
cette proposition dans un autre temps ,
mais qu'aujourd'hui il les passeroit tous
au fil de l'Epée , s'ils ne lui remettoient
Acheraf entre les mains. Les députez
qui n'avoient d'autre dessein que celui
de l'amuser pour gagner du temps , promirent
tout ce qu'on voulut , pourvû
qu'il leur fût permis d'en aller conferer
avec les autres Officiers ; mais quand ils
furent de retour tout étoit prêt pour la
fuite. Ils se sauverent tous ensemble
avec leurs Familles et leur Butin ; ils
étoient déja bien loin , quand le General
Persan fut averti de leur retraite.
Il fit quelques détachemens , l'un desquels
les joignit au passage d'un Pont :
mais les Aghuans firent volte à face
faire passer leurs familles et leurs équi-
B iiij pages.
pour
2512 MERCURE DE FRANCE
pages . Ils chargerent ensuite les Persans
qui furent battus .
›
Les Fuyards continuerent leur marche,
mais comme ils ne tenoient aucune route
certaine , et que tout le pays étoit contre
eux les Paysans les harcelloient continuellement
le moindre petit Village
qui pouvoit assembler dix Fusiliers leur
disputoit le passage ; il n'y avoit point
de défilé où ils ne laissassent quelqué
chose. Au commencement c'étoient les
gros Equipages , ensuite leurs Femmes
Persannes et leurs Enfans. Pendant la
nuit les Esclaves détournoient toujours
quelques Chameaux
et c'est de cette
façon que furent ramenées à l'Armée
Royale la Tante et la Soeur de Schal
Thamas , avec quelques autres Princesses
. Enfin , ces miserables ne trouvant
plus de subsistance pour eux ni pour
leurs Chevaux , pressés de tous côtez
commencerent à se débander les uns
tirant d'un côté , les autres de l'autre.
Acheraf resta avec 4. ou 5. cent de ses
plus fideles amis ; son dessein étoit de
se retirer aux Indes ; mais comme il faloit
necessairement passer aux environs
de * Candahar , Hussein Kan , frere de
Mahmout , qui étoit en possession de
* Capitale de la Province de même nom.
›
,
cette
OCTOBRE. 1731. 2513
,
>
cette Place , averti de son dessein lui
coupa le chemin avec un bon corps de
Troupes , le combattit lai enleva le
reste de ses trésors , et le tua. C'est ainsi
que perît cet Usurpateur , qui , après
des cruautez inoüies avoit osé tremper
ses mains dans le sang de Schah Hussein ,
le meilleur , le plus débonnaire et le
plus pacifique Prince qui ait jamais regné.
C'est ainsi qu'ont été détruits et dispersés
les plus détestables et les plus sanguinaires
Usurpateurs qui ayent jamais
été sur la Terre.
,
Koulikan trouva les portes de Chiras
ouvertes ; dès qu'il y fut entré on vit
bien - tôt dans cette Ville ce qu'on avoit
vû auparavant à Ispaham , c'est - à- dire ,
les rues pleines de cadavres des Aghuans
et de leurs alliez , qui n'avoient pû se
sauver avec les autres ; il n'y eut plus
aucun endroit qui pût leur servir d'azile
; on ne pardonna qu'à trois ou quatre
des plus apparents , qui furent envoyez
au Roy ; on passa tout le reste au
fil de l'Epée. Les Persans qui voyoient
tous les jours arriver quelques restes des
Rebelles , dont ils apprenoient à tout
moment le désordre et la misere se
consolerent bien - tôt de la faute que
Koulikan avoit faite de les laisser écha-
By per
>
2514 MERCURE DE FRANCE
per , et quoique c'eût été un coup de
la derniere importance de reprendre les
Trésors de la Couronne ce General
n'en reçût aucun reproche du Roy , qui
le ménage et le considere toujours.
>
Cette grande affaire étant ainsi terminée
, toute l'attention des Persans se
tourna du côté des Turcs. On laissa reposer
les troupes pendant le reste de
Hyver ; mais à peine le Printemps fûtil
arrivé , que Koulikan , qui étoit toujours
resté à Chiras , où l'Armée étoit en
quartier , se remit en Campagne ; et
lorsque nous partîmes d'Ispaham , au
commencement de May 1730. les nouvelles
courantes étoient qu'après avoir
visité en chenin - faisant le Loristan et
les Arabes du Coquilon , il prenoit sa
route du côté d'Hamadan . Nous avons
appris depuis qu'il a battu pendant
la Campagne les Turcs en deux
differentes batailles ; qu'il a repris Hamadan
, Tauris , et presque tout le Pays
que les Turcs avoient usurpé pendant
les troubles jusqu'à Erivan .
>
Un Roy rétabli , neuf batailles gagnées
, presque tout un Royaume de l'étendue
de la Perse reconquis dans moins
de deux années un prodigieux nombre
de Rebelles exterminez ; ce sont des
>
faits
NOVEMBRE 1731. 2515.
faits qui peuvent effacer ceux des Héros
des siècles passés , et égaler les plus
beaux traits de l'histoire ancienne . Les
rares talens qu'a ce General pour la Guerre
le bonheur qui l'accompagne dans
ses expéditions la confiance du Soldat
>
,
qui l'aime et le craint , tout cela joint
ensemble , l'a rendu redoutable chez les
Ennemis mais enfin suspect dans la
Cour du Roy son Maître ; j'ai observé
plus d'une fois , et reconnu que depuis
Bassora jusqu'à Bagdat , et depuis Bagdat
jusqu'aux portes d'Alep , tout tremble
au seul nom de Thamas Koulikan . Cette
haute réputation et certe grande fortune
ne sont - elles point les présages de quelque
prochaine décadence ? Le Peuple et la
Cour,le Roy lui- même , ( à ce qu'on publie
, tous craignent que ce General
n'ait l'ambition de monter plus haut ; il
est lui seul toute chose. Le Roy n'a encore
nommé à aucun des premiers Employs
, sous pretexte que les appointemens
immenses que ces Charges emportent
, seront bien mieux employez au
payement des Troupes. A l'Armée Koulikan
est le seul Officier General , tous
les autres sont des Subalternes qu'il abaisse
, eleve , punit , recompense , casse et
rétablit comme il lui plaît ; il semble
Bv) même
2516 MERCURE DE FRANCE
1
même que depuis ses dernieres victoires ,
il abuse de l'autorité sans bornes que le
Roy lui a confiée dans la necessité de ses
affaires ; on peut même dire qu'il tient
ce Prince en une espece de tutelle ; mais
je sçai par des personnes qui ont l'honneur
de l'approcher , qu'il se reserve à
parler en Maître quand la Guerre du
Turc sera terminée. Ce General de son
côté n'est pas sans crainte ; il sçait qu'il
a beaucoup d'ennemis , et qu'il y a des
plaintes contre lui , sur- tout de la part
des Peuples qu'il a achevé de ruiner
des impositions extraordinaires , et c'est
pour cela , cela , dit-on , qu'il se tient à l'Armée
autant qu'il le peut. Telle est actuellement
la face des affaires de Perse
c'est-à-dire au mois de Mai 1730.
Fermer
Résumé : MEMOIRE HISTORIQUE, sur la défaite des Rebelles de Perse, et l'élevation de Schah Thamas sur le Trône de ses Ancêtres, &ac. Par M. D. G. témoin oculaire.
Le texte relate la rébellion des Aghuans en Perse et l'ascension de Schah Thamas au trône. Les Aghuans, originaires de la province de Szyrvan, avaient dominé une grande partie du royaume de Perse pendant près de huit ans avec une armée de 30 000 hommes. Leur succès était davantage dû à la fortune qu'à une stratégie bien concertée. Ils avaient pris la ville d'Hispaham, détrôné Schah Hussein et battu une armée turque de 120 000 hommes. Leur arrogance fut renforcée par la paix et l'ambassade du Grand Seigneur, qui les reconnaissait comme une puissance majeure. Schah Thamas, fils de Schah Hussein, travailla à rétablir ses affaires malgré les revers. Il fut aidé par Thamas Kouli Kan, un seigneur brave et loyal, qui l'aida à discipliner son armée et à corriger ses vices. En 1729, Schah Thamas remporta plusieurs victoires contre les Afdalis et soumit les rebelles du Corassan. En 1730, il affronta les Aghuans à Damguam. Malgré une attaque vigoureuse des rebelles, les Persans tinrent ferme, repoussant les détachements ennemis et défaisant le corps principal commandé par Acheraf. Cette victoire marqua le début de la fin pour les Aghuans et permit à Schah Thamas de remonter sur le trône de ses ancêtres. En novembre 1731, une armée royale persane, dirigée par le général Thamas Koulikan, affronta des rebelles près de Tairon. Les rebelles, menés par Acheraf, prirent la fuite après une brève bataille, abandonnant leurs canons et équipages. Ils se réfugièrent à Ispaham, où ils se retranchèrent dans une enceinte fortifiée, pillant et ravageant les biens des Persans. Les rebelles se déplacèrent ensuite vers Machakor, établissant leur camp à proximité. L'armée royale avança sans obstacle, accueillie favorablement par les habitants des villes libérées. Le 13 novembre 1729, les deux armées se rencontrèrent. Les rebelles, bien positionnés, furent rapidement vaincus par la charge audacieuse des Persans. Acheraf et ses partisans fuirent vers Chiras, massacrant les Persans sur leur passage. La ville d'Ispaham fut ensuite pillée par la population locale. Le roi de Perse, Shah Thamas, arriva à Ispaham en décembre, accueilli avec joie par les habitants. Il reçut les hommages des différents ordres de l'État et des étrangers de distinction. Malgré la misère causée par la tyrannie des rebelles, le peuple paya volontiers les taxes imposées. Cependant, le roi resta préoccupé par la présence des meurtriers de son père et de ses frères à Chiras. Le général Thamas Koulikan prépara une nouvelle expédition, et l'armée se remit en campagne à la fin du mois de décembre, malgré les conditions hivernales défavorables. Le général persan Koulikan, après avoir perdu de nombreux hommes et chevaux lors de sa marche depuis Ispaham, rejoignit les rebelles près de Chiras après 20 jours. Malgré l'avantage du terrain des rebelles, il les battit et les força à fuir. Il ne les poursuivit pas pour éviter les embuscades et pour maintenir la cohésion de son armée. Les rebelles se rallièrent à Chiras, mais avaient perdu leur féroce fierté et cherchaient des conseils auprès de tous, y compris leurs femmes et esclaves. Ils tentèrent une dernière bataille, mais furent rapidement vaincus. Acheraf, leur chef, tenta de négocier, mais Koulikan refusa toute proposition sauf la reddition d'Acheraf. Les rebelles s'enfuirent, mais furent harcelés par les paysans et les détachements persans. Acheraf fut finalement tué près de Candahar par Hussein Kan. Koulikan entra à Chiras et fit exécuter les rebelles restants. Après cette victoire, les Persans se tournèrent vers les Turcs, battant les Turcs en deux batailles et reprenant plusieurs villes. Koulikan, bien que redouté et respecté, suscitait des craintes à la cour du roi en raison de son pouvoir et de son ambition.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
18
p. 1891-1906
SUITE DE LA TRADUCTION de la Relation Turque, sur les Conferences pour la Paix entre les Turcs et les Persans.
Début :
V. CONFERENCE, Tenuë le 9. Janvier, entre Raghib-Effendi et les Ministres de Chah Thamas. [...]
Mots clefs :
Traduction, Conférences pour la paix, Turcs, Persans, Négociation, Sérasker, Raghib Effendi, Janvier, Desterdar, Conseils généraux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUITE DE LA TRADUCTION de la Relation Turque, sur les Conferences pour la Paix entre les Turcs et les Persans.
SUITE DE LA TRADUCTION
de la Relation Turque , sur les Conferences pour la Paix entre les Turcs
et les Persans.
V. CONFERENCE , tenue le 9. Janvier,
entre Raghib- Effendi et les Ministres
de Chah- Thamas.
A négociation n'avançant point , les Plénipotentiaires de la Porte , pour
intriguer les Persans , laisserent couler
quelques jours sans les faire inviter à
continuer les Conférences ; mais ceux- cy
paroissant rester tranquilles chez eux ,
A iiij les
1892 MERCURE DE FRANCE
4
les Turcs se déterminerent à leur envoyer
Raghib-Effendi. Ce Defterdar , conformément aux instructións que ses Collegues lui avoient données , signifia en termes formels aux Ministres de Perse ,
qu'il n'étoit pas possible de déferer aux
prieres qu'ils avoient faites jusqu'alors ,
et que tant qu'ils s'aheurteroient à la restitution des Pays conquis au- delà de l'Araxe , il étoit inutile qu'ils se flatassent
de réussir dans leur Mission. Nous connoissons votre état mieux que vous- mêmes , leur dit-il , à quoi bon vous fixer
à rebattre continuellement les mêmes instances , puisque vous ne pouvez vous
promettre aucun fruit de cette conduite ?
Pour moi je vous parle à cœur ouvert ;
si vous voulez travailler avec succès à
la réunion de nos Souverains , croyezmoi , ne réclamez plus rien de tout ce
que nous avons au- delà de l'Araxe ; car
en faisant la paix et gardant chacun ce
que nous possedons , il se trouvera que
l'avantage sera encore de votre côté.
2
Raghib- Effendi ayant sondé le terrain.
de cette maniere , et s'étant tourné et retourné de tous les sens pour découvrir
les plus secrets sentimens des Ministres
de Perse , et les désabuser de leurs esperances , Mehemet Riza-Khan , répondità
SEPTEMBRE. 1732. 1893
à ce Defterdar. Je vous jure sur la tête
de Mourteza-Ali , * qu'absolument je
n'ai pas le pouvoir de me desister en entier des Pays que vous nous avez enlevez
au-delà de l'Araxe ; cependant en consideration de la Paix , et pour mettre la
derniere main à un ouvrage si salutaire ,
je veux bien risquer de m'attirer tout le
courroux de notre Roy par mon trop de
condescendance , et je vous abandonne
contre ses deffenses précises , tout ce qui
est au- delà de ce Fleuve ; mais que leurs
Excellences , le Seraskier Achmet , ne
prétende plus garder rien des Pays endeçà , car je suis résolu de tout hazarder
plutôt que de me relâcher de la moindre chose sur cet article. Voilà tout ce
que nous avons à vous dire.
VI. CONFERENCE , tenue sous les Pavillons
du Seraskier Achmet- Pacha , où assisterent , outre les Ministres ordinaires , tous
les Visirs qui se trouverent à l'Armée et
les principaux Chefs des Troupes..
Le 11. Janvier , deux jours après la
Ali , Gendre de Mahomet , dont les Persans
suivent la Secte.
** N. B. C'est une politesse de la Langue
Turque, de parler en plurier, quoiqu'on ne patle
qu'à une ou que d'une personne.
Av derniere
1894 MERCURE DE FRANCE
derniere Conference , les Plénipotentiaires de Turquie et de Perse , les Visirs:
et les principaux Officiers de l'Armée
Ottomane s'étant assemblez sous la Tente
du Seraskier Achmet , ce Pacha prit la
parole et dit : Suivant le rapport qu'on
m'a fait jusqu'à present , presque toutes
les Conferences précedentes se sont passées en discours infructueux de part et
d'autres ; mais , graces à Dieu , continuat'il, en regardant les Ministres du Roy de
Perse , vous venez d'augmenter la haute
idée que je m'étois déja faite de votre
sagesse , puisqu'ayant reconnu avant hier
dans votre entretien avec Raghib Effendi , que les propositions que vous nous
aviez faites cy-devant n'étoient pas recevables , vous convintes avec lui de
renoncer à la restitution des Pays que
nous avons conquis au- delà de l'Araxe ; desorte que nous pouvons dire que
ce n'est proprement que de ce jour que
notre négociation a commencé , tâchons.
de la continuer er de la finir même aujourd'hui , à la satisfaction commune ;
il ne s'agit plus maintenant que de disputér sur les Pays qui sont en- deçà de
ce Fleuve ; examinons cette matiere
l'amiable.
Dès que nous avons cedé les Pays au
à
dela
SEPTEMBRE. 1732. 1895
delà , interrompirent les Persans , nous
ne voyons pas qu'il y ait plus rien à regler entre nous , car pour ceux de deçà
ils ne méritent pas , dans la désolation
où vous les avez mis , que nous tenions
une seule Conference à leur sujet.
Nous ne pensons pas de même, reprirent les Turcs , et nous jugeons , au
contraire , que parmi ces Contrées il y a
beaucoup de Lieux et de Places qui de
route necessité , et surtout par rapport
à la convenance doivent être annexez à notre Empire , comme , par exemple , les Ville et Province de Tauris , que
des raisons tres- essentielles nous empê
chent absolument de vous restituer.
>
Nous ne pouvons que vous repeter
roûjours ce que nous vous avons déja
dit tant de fois , répartirent les Persans ;
nous ne sommes pas ici pour disputer
d'égal à égal , sur ce qu'il convient que
vous nous donniez et que nous vous
donnions ; et nous en revenons , à l'ordinaire , à vous supplier de prendre en
consideration notre état , et sur tout
Phonneur de la Porte. Hé ! ne le faisons
nous pas , répliquerent les Turcs ; comment ! quand nous vous rendons la Pro
vince d'Hamadan , qui est si belle et si
grande, cette grace n'est- elle pas assez
A vj Con
1896 MERCURE DE FRANCE
considerable pour vous inspirer plus de
retenue dans vos demandes ?
Nous conviendrons bien , dirent les
Persans , que la restitution de cette Province seroit effectivement une faveur ,
si le Suppliant pour lequel nous parlons ,
n'étoit pas un Roy qui se jette entre les
bras du plus grand Monarque du monde,
son unique réfuge et l'azile de la Foy
Ortodoxe; mais lorsque nous envisageons
votre Empereur sous cette idée sublime ,
il nous paroît qu'il est de sa grandeur de
nous traiter plus favorablement. Enfin ,
c'est de vous que sont partis les coups
qui nous ont terrassez ; nos playes sont
encore toute sanglantes , vous seuls pouvez y appliquer les remedes les plus propres à les guérir promptement ; nous ne
pouvons vous dire rien de plus.
Le Ministre de Chah-Thamas s'en tenant toûjours à renouveller leurs prieres
aux Turcs , et à leur remettre continuellement devant les yeux l'honneur de la
Porte , et le malheureux Etat de la Perse;
ceux- cy leur dirent encore , comme ils
avoient déja fait dans d'autres Conferences , de réfléchir de nouveau sur les prétentions qu'ils formoient , et c'est par- là
que finit cette Séance.
VI
SEPTEMBRE. 1732. 1897
VII. CONFERENCE , qui fut generale.
comme la précedente , et se tint de même.
chez le Seraskier, le 13. de Janvier.
Très-honorez Plénipotentiaires , dirent les Turcs aux Persans , dans la derniere Conference que nous eûmes ensemble , nous vous priâmes de faire de
plus mures refléxions sur l'état de vos
affaires et sur la nature de vos prétentions . Dites-nous donc aujourd'hui à quoi
vous êtes résolus; car enfin si vous pensez
tour de bon à pacifier les troubles qui
agitent votre Monarchie , pourquoi n'agissez-vous pas consequemment , et le
plutôt que vous pourrez , puisque ce ne
peut être que le plus avantageux pour
vous ? la décision de l'affaire est toute entiere entre vos mains ; il ne tient qu'à
vous que nous ne finissions dans un
instant.
Vos Excellences ont vû , répondirent
les Ministres de Perse , qu'en renonçant
pour notre Roy aux Etats que Vous possedez au- delà de l'Araxe , nous vous
avons accordé , pour accelerer l'ouvrage
de la Paix , beaucoup plus que Sa Majesté
ne nous avoit permis de le faire. C'est
à votre tour à suivre notre exemple.
Hé bien ! répartirent les Turcs , quoique
1898 MERCURE DE FRANCE
y
que notre pouvoir ne s'étende pas aussi
à vous restituer rien au delà d'Amadan,
nous voulons bien , pour que vous ayez
lieu d'être tout-à- fait contens de nous , y
ajoûter encore Kirmancha ( 1 ) et le Pays d'Herdelan , au risque des reproches que
notre Empereur pourra nous en faire ,
mais il faut que de votre côté vous vous
désistiez de vos vûës sur la Province/de
Tauris , qu'il nous est impossible de vous:
rendre.
Sur cette derniere proposition , les Ministres de Perse repliquerent : Nous n'avons cessé de vous prier , et de vous supplier de rétablir notre Souverain dans
rous ses Etats, et de faire revivre en lui l'éclat de la gloire de ses Ancêtres; nous vous
avons démontré que cela ne se pouvoit
faire qu'en lui remettant tous les Païs que
vous avez subjuguez dans son Royaume ;
et nous vous avons fait voir qu'en prenant une voïe si honorable , l'Empereur,
votre Maître , s'immortaliseroit , er que
toutes les Puissances de la Terre, témoinsd'un procédé si noble , ne pourroient se
lasser d'admirer et de publier sa clémen-
( 1) Kirmancha , ou Kerman , Ville d'une
Province du même nom , autrefois la Caramanic.
ce
SEPTEMBRE. 1732. 1899
ee et sa générosité. Surpris de trouver vos
Excellences peu sensibles à cette gloire
suprême , qu'il leur étoit si facile d'aquerir , nous avions du moins esperé de les
fléchir , en leur cédant de notre bon gré
1 ) Ghendge , Tiflis , ( 2 ) Erivan , Kiat
Kiartil , le ( 3 ) Daguestan , Chamakić
et d'autresContrées si considérables, qu'elles formeroient chacune un grand Etat ; }
et cependant la sublime Porte, sans avoir
égard à nos miséres , à nos humiliatious ,
et aux efforts que nous faisons , malgré
notre abbatement , pour applanir toutes
les difficultez qui s'opposent à notre ré
conciliation avec elle , s'amuse encore à
vouloir se conserver quelques Cantons
ruinez et des Déserts qu'elle vient de nous
( 1 ) Ghendgé, ou Ghendgea , Ville considérable de la Géorgie , ainsi que Tiflis ou Téflis , qui
en est la Capitale.
(2 ) Erivan ou Irvam, Capitale d'une Provin
ce du même nom , qui fait partie de la grande Armenie. Kiat , et Kiartil sont dans la même:
Contrée.
( 3 ) Le Daguestan, dont Chamakié est la Capitale , est un Païs de Montagnes , comme son
nom le signifie,qui fait partie de la Médie-Atropaterre. Il est habité par les Lesquis , qui dans le
commencement des Troubles , se mirent d'euxmêmes sous la protection des Turcs, pour se ga
rantir des invasions des Moscovites..
prendre
630175
1900 MERCURE DE FRANCE
14
H
prendre en deçà de l'Araxe. Que vos Excellences y pensent-bien , et qu'elles jugent elles mêmes , si tant d'attachement
à des bagatelles , répond dignement à l'élevation du Trône que remplit avec tant
de Majesté, votre auguste Empereur ? Les
Ministres Persans prononcerent ce Discours avec toute la véhémence imaginable , et ajouterent gen se levant , avec un
air plein d'altération , que vos Excellences nous envoient , s'il leur plaît , Raghib- Effendi , nous leur ferons sçavoir, par
són Canal , nos dernieres intentions.
CONTINUATION DE LA VII CONFERENCE
entre le Defterdar Raghib- Effendi , seulement,et les Ministres de Chab-Thamas.
CeDefterdar s'étant rendu chez les Plénipotentiaires Persans , ils lui dirent : De
la même maniere que le Seraskier Achmet Pacha a ordre de votre Maître de
ne pas restituer à la Perse aucun des Païs
au-delà de l'Araxe , nous vous jurons ,
par le Dieu Tout- puissant , que nous
avons aussi ordre du nôtre , de ne pas
ceder à la Porte , un pouce de terre en
deçà. Ainsi , dites à leurs Excellences
ajouterent- ils, que nous leur sommes bien
obligez des soins qu'elles ont pris pour
mettre fin à nos principales disputes, puisque
SEPTEMBRE. 1732. 1955
que tout ce qui nous en reste à vuider ,
ne regarde plus que la possession de Tauris ; mais suppliez - les de notre part , comme nous vous en supplions vous- même,
de lever encore ce leger obstacle , en
nous restituant cette Province, qui n'of◄
fre plus aux yeux que des dégâts et des
mazures ; et si la chose est aussi impossi
ble que le Seraskier nous l'a assuré , engagez du moins cet illustre Pacha à trouver bon que nous congédions la plupart
de nos domestiques , et que nous puissions nous retirer avec ce qui reste de nos
gens à ( 1 ) Gherbelaï - Mahaladé , pour y
passer le reste de nos jours.
Raghib-Effendi ayant rendu compte àses
Collégues de ce que venoient de lui dire
les Ministres de Perse ; ceux de Turquie
laisserent passer deux jours sans leur donner de leurs nouvelles , comme s'ils n'avoient pas daigné faire attention au rapport de ce Defterdar.
La négociation cependant se renoua le
(1) C'est un lieu situé près de Bagdat, où le fils
d'une des filles de Mahomet est inhumé ; sa mémoire est en si grande vénération parmi les Persans , qu'entr'autres superstitions du culte religieux qu'ils lui rendent , ils se font une dévotion de porter des Chapelets d'une espece de
Terre glaise , qui se trouve à l'endroit où est son Tombeau.
163
点
1902 MERCURE DE FRANCE
16 , que se tint la derniere Conférence
avec la même assemblée , et chez le Seraskier.
VIII ET DERNIERE CONFERENCE.
Si vos Excellences , dirent les Plénipotentiaires Turcs , souhaitent véritablement la Paix ; au nom de Dieu , ne perdons plus le temps en Discours superflus,
et cessez de nous faire des propositionsque nous ne puissions pas recevoir ; mais
au contraire finissons tout - à - l'heure ,
comme rien n'est plus facile , si vous en
avez bien envie ?
Nous n'aspirons à autre chose , répon
dirent les Persans , qu'à nous trouver parfaitement d'accord avec vos Excellences
ordonnez, prescrivez - nous ce qu'il faut
que nous fissions ; nous sommes prêts de
concourir de tout notre pouvoir avec
vous , à la conclusion d'un accommodement ferme et durable entre nos deux
Nations.
Vous nous avez priez de vous traiter
favorablement, reprirent les Turcs, et nous
y.avons acquiesce avec plaisir. Premierement , en vous rendant la Province d'Amadan , et ensuite sur de nouvelles instances de votre part , le Païs d'Herdelan ,
et Kirmancha.Contentez - vous de ces graces
SEPTEMBRE. 1732. 1903
ces que nous vous faisons gratuitement ,
sans qu'aucune Loy divine ni humaine
nous y oblige , et ne pensez plus à répéter Tauris sur nous.
Avant que de répondre à vos Excellenecs,reprirent les Ministres de Perse,qu'elles nous permettent de leur faire une
question et une comparaison tout ensemble.Supposons un homme opulent et liberal, à qui un pauvre ayant demandé douze
mille ( 1 )Tomans , les lui auroit donnés
de bonne grace ; dites nous , si l'indigent
avoit encore besoin d'un seul Toman; seroit-il vrai - semblable , et croyez vous ,
que cet homme si généreux le lui refusât?
Votre parallele seroit juste , repartirent les Turcs , si nous pouvions disposer
des Païs que vous nous demandez , comme cet homme le pourroit de son bien
et que nous n'eussions pas de plus for--
tes raisons de retenir Tauris , qu'il en
auroit d'épargner un Toman ; mais nous
ne sommes pas dans le même cas, et quoiqu'il soit vrai , comme nous en convenons , que nous vous ayions cedé des
Provinces d'assez grande conséquence ,
( 1 ) Le Toman vaut environ 45 liv . de notre
monnoye , et n'est pas une espece, mais une ma- niere de compter comme nous disons une Pistole , pour signifier 10 francs.
"
pour
1904 MERCURE DE FRANCE
pour y joindre encore celle- ci qui est ruinée, sans nous faire tant prier , c'est précisément notre résistance inébranlable à
vous satisfaire sur cette restitution , qui
doit vous convaincre qn'elle passe absolument notre pouvoir. Mais il faut sans
doute qu'il y ait quelque chose de surna
turel , caché derriere le rideau de la prédestination , et qui doive bien-tôt se manifester , puisque nous ne saurions parvenir à vaincre l'entêtement avec lequel
vous persistez dans vos demandes ; surquoi
nous ne pouvons vous dissimuler , qu'à
la fin il sera peut-être cause de la rupture
de notre négociation , dont la consommation étoit si prochaine.
L'Empire Ottoman est si puissant, et sa
grandeur si relevée , dirent alors les Ministres Persans , que toutes les adversitez
qui pourront encore nous venir de sa
part , nous seront plus supportables que
les reproches et les mépris que nous aurions à essuyer , non seulement du Roy ,
notre Maître , mais de nos Compatriotes
de tous Etats , jusqu'à la plus vile popu
lace , si nous faisions la Paix aux conditions que vous voulez nous imposer.
Ce n'est pas notre obstination , comme
vous en accusez , c'est l'honneur , mille
fois plus cher pour nous que la vie , qui
nous
SEPTEMBRE. 1732. 1905
nous force à les rejetter ; et nous aimons
encore mieux nous exposer aux maux les
plus terribles , qu'à nous voir flétris pour jamais par le désaveu et l'indignation de
toute la Perse. Du reste , si après nous
avoir tant accordé , vous croyez qu'il y
aille de votre gloire de nous refuser si peu
de chose , et à nous renvoyer , sans avoir
pû rien conclure , nous n'en murmurerons point contre vous , et nous ne nous
plaindrons que du destin ; mais souffrez
qu'avant que de finir cette Conférence ,
nous vous rappellions pour la derniere
fois que Chah-Thamas s'est remis sans restriction , à la clémence et à la générosité
de votre Empereur, et permettez- nous du
moins d'implorer votre intercession auprès de Sa Hautesse. Nous osons encore
nous flater , que si des personnes de votre
rang , et d'un mérite aussi distingué que
le vôtre, veulent bien s'intéresser pour no
tre Roy , et faire à la Porte quelques representations en sa faveur , elles n'auront
pas de peine à lui procurer la triste consolation de recouvrer une Ville et une
Province si ravagées, qu'on ne peut pres
que plus les reconnoître que par le lieu
qu'elles occupent sur la terre.
Immédiatement après la tenue de cette
derniere Conference, qui se termina de la
sorte ,
1906 MERCURE DE. FRANCE
›
sorte , Mustapha-Khan alla rendre visite
à chacun en particulier des Plénipotentiaires Turcs , des Visirs , et autres principaux. Chefs de l'Armée Ottomane. Il
les pressa , les sollicita , les carressa tant
et leur fit de nouveau des Instances si
fortes, d'écrire et d'interceder même pour
leur Maître , qu'à la fin les Ministres du
G. S. persuadez que ceux de Chah- Thamas n'avoient pas le pouvoir de se relâcher sur Tauris , et que n'étant pas non
plus autorisez de leur côté à s'en dessaisir , dresserent un Mémoire détaillé de
tout ce qui s'étoit dit et passé depuis l'ouverture des Conférences, et l'envoyerent
à la Porte.
Il se tint à ce sujet consécutivement
plusieurs Conseils Généraux au Sérail , en
présence de S. H. où la matiere vivement
agitée , partagea souvent les opinions , et
dont le dernier résultat, fut cependant de
rendre Tauris à la Perse , avec tous les autres Païs conquis en deçà de l'Araxe ; au
moyen de quoi la Paix , également désirée des deux Peuples ennemis , fut conclue et signée quelque temps après.
P. V. D.
de la Relation Turque , sur les Conferences pour la Paix entre les Turcs
et les Persans.
V. CONFERENCE , tenue le 9. Janvier,
entre Raghib- Effendi et les Ministres
de Chah- Thamas.
A négociation n'avançant point , les Plénipotentiaires de la Porte , pour
intriguer les Persans , laisserent couler
quelques jours sans les faire inviter à
continuer les Conférences ; mais ceux- cy
paroissant rester tranquilles chez eux ,
A iiij les
1892 MERCURE DE FRANCE
4
les Turcs se déterminerent à leur envoyer
Raghib-Effendi. Ce Defterdar , conformément aux instructións que ses Collegues lui avoient données , signifia en termes formels aux Ministres de Perse ,
qu'il n'étoit pas possible de déferer aux
prieres qu'ils avoient faites jusqu'alors ,
et que tant qu'ils s'aheurteroient à la restitution des Pays conquis au- delà de l'Araxe , il étoit inutile qu'ils se flatassent
de réussir dans leur Mission. Nous connoissons votre état mieux que vous- mêmes , leur dit-il , à quoi bon vous fixer
à rebattre continuellement les mêmes instances , puisque vous ne pouvez vous
promettre aucun fruit de cette conduite ?
Pour moi je vous parle à cœur ouvert ;
si vous voulez travailler avec succès à
la réunion de nos Souverains , croyezmoi , ne réclamez plus rien de tout ce
que nous avons au- delà de l'Araxe ; car
en faisant la paix et gardant chacun ce
que nous possedons , il se trouvera que
l'avantage sera encore de votre côté.
2
Raghib- Effendi ayant sondé le terrain.
de cette maniere , et s'étant tourné et retourné de tous les sens pour découvrir
les plus secrets sentimens des Ministres
de Perse , et les désabuser de leurs esperances , Mehemet Riza-Khan , répondità
SEPTEMBRE. 1732. 1893
à ce Defterdar. Je vous jure sur la tête
de Mourteza-Ali , * qu'absolument je
n'ai pas le pouvoir de me desister en entier des Pays que vous nous avez enlevez
au-delà de l'Araxe ; cependant en consideration de la Paix , et pour mettre la
derniere main à un ouvrage si salutaire ,
je veux bien risquer de m'attirer tout le
courroux de notre Roy par mon trop de
condescendance , et je vous abandonne
contre ses deffenses précises , tout ce qui
est au- delà de ce Fleuve ; mais que leurs
Excellences , le Seraskier Achmet , ne
prétende plus garder rien des Pays endeçà , car je suis résolu de tout hazarder
plutôt que de me relâcher de la moindre chose sur cet article. Voilà tout ce
que nous avons à vous dire.
VI. CONFERENCE , tenue sous les Pavillons
du Seraskier Achmet- Pacha , où assisterent , outre les Ministres ordinaires , tous
les Visirs qui se trouverent à l'Armée et
les principaux Chefs des Troupes..
Le 11. Janvier , deux jours après la
Ali , Gendre de Mahomet , dont les Persans
suivent la Secte.
** N. B. C'est une politesse de la Langue
Turque, de parler en plurier, quoiqu'on ne patle
qu'à une ou que d'une personne.
Av derniere
1894 MERCURE DE FRANCE
derniere Conference , les Plénipotentiaires de Turquie et de Perse , les Visirs:
et les principaux Officiers de l'Armée
Ottomane s'étant assemblez sous la Tente
du Seraskier Achmet , ce Pacha prit la
parole et dit : Suivant le rapport qu'on
m'a fait jusqu'à present , presque toutes
les Conferences précedentes se sont passées en discours infructueux de part et
d'autres ; mais , graces à Dieu , continuat'il, en regardant les Ministres du Roy de
Perse , vous venez d'augmenter la haute
idée que je m'étois déja faite de votre
sagesse , puisqu'ayant reconnu avant hier
dans votre entretien avec Raghib Effendi , que les propositions que vous nous
aviez faites cy-devant n'étoient pas recevables , vous convintes avec lui de
renoncer à la restitution des Pays que
nous avons conquis au- delà de l'Araxe ; desorte que nous pouvons dire que
ce n'est proprement que de ce jour que
notre négociation a commencé , tâchons.
de la continuer er de la finir même aujourd'hui , à la satisfaction commune ;
il ne s'agit plus maintenant que de disputér sur les Pays qui sont en- deçà de
ce Fleuve ; examinons cette matiere
l'amiable.
Dès que nous avons cedé les Pays au
à
dela
SEPTEMBRE. 1732. 1895
delà , interrompirent les Persans , nous
ne voyons pas qu'il y ait plus rien à regler entre nous , car pour ceux de deçà
ils ne méritent pas , dans la désolation
où vous les avez mis , que nous tenions
une seule Conference à leur sujet.
Nous ne pensons pas de même, reprirent les Turcs , et nous jugeons , au
contraire , que parmi ces Contrées il y a
beaucoup de Lieux et de Places qui de
route necessité , et surtout par rapport
à la convenance doivent être annexez à notre Empire , comme , par exemple , les Ville et Province de Tauris , que
des raisons tres- essentielles nous empê
chent absolument de vous restituer.
>
Nous ne pouvons que vous repeter
roûjours ce que nous vous avons déja
dit tant de fois , répartirent les Persans ;
nous ne sommes pas ici pour disputer
d'égal à égal , sur ce qu'il convient que
vous nous donniez et que nous vous
donnions ; et nous en revenons , à l'ordinaire , à vous supplier de prendre en
consideration notre état , et sur tout
Phonneur de la Porte. Hé ! ne le faisons
nous pas , répliquerent les Turcs ; comment ! quand nous vous rendons la Pro
vince d'Hamadan , qui est si belle et si
grande, cette grace n'est- elle pas assez
A vj Con
1896 MERCURE DE FRANCE
considerable pour vous inspirer plus de
retenue dans vos demandes ?
Nous conviendrons bien , dirent les
Persans , que la restitution de cette Province seroit effectivement une faveur ,
si le Suppliant pour lequel nous parlons ,
n'étoit pas un Roy qui se jette entre les
bras du plus grand Monarque du monde,
son unique réfuge et l'azile de la Foy
Ortodoxe; mais lorsque nous envisageons
votre Empereur sous cette idée sublime ,
il nous paroît qu'il est de sa grandeur de
nous traiter plus favorablement. Enfin ,
c'est de vous que sont partis les coups
qui nous ont terrassez ; nos playes sont
encore toute sanglantes , vous seuls pouvez y appliquer les remedes les plus propres à les guérir promptement ; nous ne
pouvons vous dire rien de plus.
Le Ministre de Chah-Thamas s'en tenant toûjours à renouveller leurs prieres
aux Turcs , et à leur remettre continuellement devant les yeux l'honneur de la
Porte , et le malheureux Etat de la Perse;
ceux- cy leur dirent encore , comme ils
avoient déja fait dans d'autres Conferences , de réfléchir de nouveau sur les prétentions qu'ils formoient , et c'est par- là
que finit cette Séance.
VI
SEPTEMBRE. 1732. 1897
VII. CONFERENCE , qui fut generale.
comme la précedente , et se tint de même.
chez le Seraskier, le 13. de Janvier.
Très-honorez Plénipotentiaires , dirent les Turcs aux Persans , dans la derniere Conference que nous eûmes ensemble , nous vous priâmes de faire de
plus mures refléxions sur l'état de vos
affaires et sur la nature de vos prétentions . Dites-nous donc aujourd'hui à quoi
vous êtes résolus; car enfin si vous pensez
tour de bon à pacifier les troubles qui
agitent votre Monarchie , pourquoi n'agissez-vous pas consequemment , et le
plutôt que vous pourrez , puisque ce ne
peut être que le plus avantageux pour
vous ? la décision de l'affaire est toute entiere entre vos mains ; il ne tient qu'à
vous que nous ne finissions dans un
instant.
Vos Excellences ont vû , répondirent
les Ministres de Perse , qu'en renonçant
pour notre Roy aux Etats que Vous possedez au- delà de l'Araxe , nous vous
avons accordé , pour accelerer l'ouvrage
de la Paix , beaucoup plus que Sa Majesté
ne nous avoit permis de le faire. C'est
à votre tour à suivre notre exemple.
Hé bien ! répartirent les Turcs , quoique
1898 MERCURE DE FRANCE
y
que notre pouvoir ne s'étende pas aussi
à vous restituer rien au delà d'Amadan,
nous voulons bien , pour que vous ayez
lieu d'être tout-à- fait contens de nous , y
ajoûter encore Kirmancha ( 1 ) et le Pays d'Herdelan , au risque des reproches que
notre Empereur pourra nous en faire ,
mais il faut que de votre côté vous vous
désistiez de vos vûës sur la Province/de
Tauris , qu'il nous est impossible de vous:
rendre.
Sur cette derniere proposition , les Ministres de Perse repliquerent : Nous n'avons cessé de vous prier , et de vous supplier de rétablir notre Souverain dans
rous ses Etats, et de faire revivre en lui l'éclat de la gloire de ses Ancêtres; nous vous
avons démontré que cela ne se pouvoit
faire qu'en lui remettant tous les Païs que
vous avez subjuguez dans son Royaume ;
et nous vous avons fait voir qu'en prenant une voïe si honorable , l'Empereur,
votre Maître , s'immortaliseroit , er que
toutes les Puissances de la Terre, témoinsd'un procédé si noble , ne pourroient se
lasser d'admirer et de publier sa clémen-
( 1) Kirmancha , ou Kerman , Ville d'une
Province du même nom , autrefois la Caramanic.
ce
SEPTEMBRE. 1732. 1899
ee et sa générosité. Surpris de trouver vos
Excellences peu sensibles à cette gloire
suprême , qu'il leur étoit si facile d'aquerir , nous avions du moins esperé de les
fléchir , en leur cédant de notre bon gré
1 ) Ghendge , Tiflis , ( 2 ) Erivan , Kiat
Kiartil , le ( 3 ) Daguestan , Chamakić
et d'autresContrées si considérables, qu'elles formeroient chacune un grand Etat ; }
et cependant la sublime Porte, sans avoir
égard à nos miséres , à nos humiliatious ,
et aux efforts que nous faisons , malgré
notre abbatement , pour applanir toutes
les difficultez qui s'opposent à notre ré
conciliation avec elle , s'amuse encore à
vouloir se conserver quelques Cantons
ruinez et des Déserts qu'elle vient de nous
( 1 ) Ghendgé, ou Ghendgea , Ville considérable de la Géorgie , ainsi que Tiflis ou Téflis , qui
en est la Capitale.
(2 ) Erivan ou Irvam, Capitale d'une Provin
ce du même nom , qui fait partie de la grande Armenie. Kiat , et Kiartil sont dans la même:
Contrée.
( 3 ) Le Daguestan, dont Chamakié est la Capitale , est un Païs de Montagnes , comme son
nom le signifie,qui fait partie de la Médie-Atropaterre. Il est habité par les Lesquis , qui dans le
commencement des Troubles , se mirent d'euxmêmes sous la protection des Turcs, pour se ga
rantir des invasions des Moscovites..
prendre
630175
1900 MERCURE DE FRANCE
14
H
prendre en deçà de l'Araxe. Que vos Excellences y pensent-bien , et qu'elles jugent elles mêmes , si tant d'attachement
à des bagatelles , répond dignement à l'élevation du Trône que remplit avec tant
de Majesté, votre auguste Empereur ? Les
Ministres Persans prononcerent ce Discours avec toute la véhémence imaginable , et ajouterent gen se levant , avec un
air plein d'altération , que vos Excellences nous envoient , s'il leur plaît , Raghib- Effendi , nous leur ferons sçavoir, par
són Canal , nos dernieres intentions.
CONTINUATION DE LA VII CONFERENCE
entre le Defterdar Raghib- Effendi , seulement,et les Ministres de Chab-Thamas.
CeDefterdar s'étant rendu chez les Plénipotentiaires Persans , ils lui dirent : De
la même maniere que le Seraskier Achmet Pacha a ordre de votre Maître de
ne pas restituer à la Perse aucun des Païs
au-delà de l'Araxe , nous vous jurons ,
par le Dieu Tout- puissant , que nous
avons aussi ordre du nôtre , de ne pas
ceder à la Porte , un pouce de terre en
deçà. Ainsi , dites à leurs Excellences
ajouterent- ils, que nous leur sommes bien
obligez des soins qu'elles ont pris pour
mettre fin à nos principales disputes, puisque
SEPTEMBRE. 1732. 1955
que tout ce qui nous en reste à vuider ,
ne regarde plus que la possession de Tauris ; mais suppliez - les de notre part , comme nous vous en supplions vous- même,
de lever encore ce leger obstacle , en
nous restituant cette Province, qui n'of◄
fre plus aux yeux que des dégâts et des
mazures ; et si la chose est aussi impossi
ble que le Seraskier nous l'a assuré , engagez du moins cet illustre Pacha à trouver bon que nous congédions la plupart
de nos domestiques , et que nous puissions nous retirer avec ce qui reste de nos
gens à ( 1 ) Gherbelaï - Mahaladé , pour y
passer le reste de nos jours.
Raghib-Effendi ayant rendu compte àses
Collégues de ce que venoient de lui dire
les Ministres de Perse ; ceux de Turquie
laisserent passer deux jours sans leur donner de leurs nouvelles , comme s'ils n'avoient pas daigné faire attention au rapport de ce Defterdar.
La négociation cependant se renoua le
(1) C'est un lieu situé près de Bagdat, où le fils
d'une des filles de Mahomet est inhumé ; sa mémoire est en si grande vénération parmi les Persans , qu'entr'autres superstitions du culte religieux qu'ils lui rendent , ils se font une dévotion de porter des Chapelets d'une espece de
Terre glaise , qui se trouve à l'endroit où est son Tombeau.
163
点
1902 MERCURE DE FRANCE
16 , que se tint la derniere Conférence
avec la même assemblée , et chez le Seraskier.
VIII ET DERNIERE CONFERENCE.
Si vos Excellences , dirent les Plénipotentiaires Turcs , souhaitent véritablement la Paix ; au nom de Dieu , ne perdons plus le temps en Discours superflus,
et cessez de nous faire des propositionsque nous ne puissions pas recevoir ; mais
au contraire finissons tout - à - l'heure ,
comme rien n'est plus facile , si vous en
avez bien envie ?
Nous n'aspirons à autre chose , répon
dirent les Persans , qu'à nous trouver parfaitement d'accord avec vos Excellences
ordonnez, prescrivez - nous ce qu'il faut
que nous fissions ; nous sommes prêts de
concourir de tout notre pouvoir avec
vous , à la conclusion d'un accommodement ferme et durable entre nos deux
Nations.
Vous nous avez priez de vous traiter
favorablement, reprirent les Turcs, et nous
y.avons acquiesce avec plaisir. Premierement , en vous rendant la Province d'Amadan , et ensuite sur de nouvelles instances de votre part , le Païs d'Herdelan ,
et Kirmancha.Contentez - vous de ces graces
SEPTEMBRE. 1732. 1903
ces que nous vous faisons gratuitement ,
sans qu'aucune Loy divine ni humaine
nous y oblige , et ne pensez plus à répéter Tauris sur nous.
Avant que de répondre à vos Excellenecs,reprirent les Ministres de Perse,qu'elles nous permettent de leur faire une
question et une comparaison tout ensemble.Supposons un homme opulent et liberal, à qui un pauvre ayant demandé douze
mille ( 1 )Tomans , les lui auroit donnés
de bonne grace ; dites nous , si l'indigent
avoit encore besoin d'un seul Toman; seroit-il vrai - semblable , et croyez vous ,
que cet homme si généreux le lui refusât?
Votre parallele seroit juste , repartirent les Turcs , si nous pouvions disposer
des Païs que vous nous demandez , comme cet homme le pourroit de son bien
et que nous n'eussions pas de plus for--
tes raisons de retenir Tauris , qu'il en
auroit d'épargner un Toman ; mais nous
ne sommes pas dans le même cas, et quoiqu'il soit vrai , comme nous en convenons , que nous vous ayions cedé des
Provinces d'assez grande conséquence ,
( 1 ) Le Toman vaut environ 45 liv . de notre
monnoye , et n'est pas une espece, mais une ma- niere de compter comme nous disons une Pistole , pour signifier 10 francs.
"
pour
1904 MERCURE DE FRANCE
pour y joindre encore celle- ci qui est ruinée, sans nous faire tant prier , c'est précisément notre résistance inébranlable à
vous satisfaire sur cette restitution , qui
doit vous convaincre qn'elle passe absolument notre pouvoir. Mais il faut sans
doute qu'il y ait quelque chose de surna
turel , caché derriere le rideau de la prédestination , et qui doive bien-tôt se manifester , puisque nous ne saurions parvenir à vaincre l'entêtement avec lequel
vous persistez dans vos demandes ; surquoi
nous ne pouvons vous dissimuler , qu'à
la fin il sera peut-être cause de la rupture
de notre négociation , dont la consommation étoit si prochaine.
L'Empire Ottoman est si puissant, et sa
grandeur si relevée , dirent alors les Ministres Persans , que toutes les adversitez
qui pourront encore nous venir de sa
part , nous seront plus supportables que
les reproches et les mépris que nous aurions à essuyer , non seulement du Roy ,
notre Maître , mais de nos Compatriotes
de tous Etats , jusqu'à la plus vile popu
lace , si nous faisions la Paix aux conditions que vous voulez nous imposer.
Ce n'est pas notre obstination , comme
vous en accusez , c'est l'honneur , mille
fois plus cher pour nous que la vie , qui
nous
SEPTEMBRE. 1732. 1905
nous force à les rejetter ; et nous aimons
encore mieux nous exposer aux maux les
plus terribles , qu'à nous voir flétris pour jamais par le désaveu et l'indignation de
toute la Perse. Du reste , si après nous
avoir tant accordé , vous croyez qu'il y
aille de votre gloire de nous refuser si peu
de chose , et à nous renvoyer , sans avoir
pû rien conclure , nous n'en murmurerons point contre vous , et nous ne nous
plaindrons que du destin ; mais souffrez
qu'avant que de finir cette Conférence ,
nous vous rappellions pour la derniere
fois que Chah-Thamas s'est remis sans restriction , à la clémence et à la générosité
de votre Empereur, et permettez- nous du
moins d'implorer votre intercession auprès de Sa Hautesse. Nous osons encore
nous flater , que si des personnes de votre
rang , et d'un mérite aussi distingué que
le vôtre, veulent bien s'intéresser pour no
tre Roy , et faire à la Porte quelques representations en sa faveur , elles n'auront
pas de peine à lui procurer la triste consolation de recouvrer une Ville et une
Province si ravagées, qu'on ne peut pres
que plus les reconnoître que par le lieu
qu'elles occupent sur la terre.
Immédiatement après la tenue de cette
derniere Conference, qui se termina de la
sorte ,
1906 MERCURE DE. FRANCE
›
sorte , Mustapha-Khan alla rendre visite
à chacun en particulier des Plénipotentiaires Turcs , des Visirs , et autres principaux. Chefs de l'Armée Ottomane. Il
les pressa , les sollicita , les carressa tant
et leur fit de nouveau des Instances si
fortes, d'écrire et d'interceder même pour
leur Maître , qu'à la fin les Ministres du
G. S. persuadez que ceux de Chah- Thamas n'avoient pas le pouvoir de se relâcher sur Tauris , et que n'étant pas non
plus autorisez de leur côté à s'en dessaisir , dresserent un Mémoire détaillé de
tout ce qui s'étoit dit et passé depuis l'ouverture des Conférences, et l'envoyerent
à la Porte.
Il se tint à ce sujet consécutivement
plusieurs Conseils Généraux au Sérail , en
présence de S. H. où la matiere vivement
agitée , partagea souvent les opinions , et
dont le dernier résultat, fut cependant de
rendre Tauris à la Perse , avec tous les autres Païs conquis en deçà de l'Araxe ; au
moyen de quoi la Paix , également désirée des deux Peuples ennemis , fut conclue et signée quelque temps après.
P. V. D.
Fermer
Résumé : SUITE DE LA TRADUCTION de la Relation Turque, sur les Conferences pour la Paix entre les Turcs et les Persans.
Entre janvier et septembre 1732, des conférences de paix eurent lieu entre les Turcs et les Persans pour résoudre des conflits territoriaux. Lors de la cinquième conférence, les Turcs, représentés par Raghib-Effendi, refusèrent de restituer les territoires conquis au-delà de l'Araxe, estimant que les Persans ne pouvaient espérer réussir sans cette concession. Mehemet Riza-Khan, ministre persan, accepta de céder les territoires au-delà de l'Araxe mais exigea la restitution des territoires en deçà de l'Araxe, notamment la province de Tauris. Lors des conférences suivantes, les Turcs reconnurent les concessions persanes mais insistèrent sur la nécessité de conserver certains territoires en deçà de l'Araxe, comme Tauris. Les Persans maintinrent leur demande pour Tauris, soulignant les souffrances de leur royaume et l'honneur de la Porte ottomane. Les Turcs proposèrent de restituer les provinces de Kirmancha et d'Herdelan, à condition que les Persans renoncent à Tauris. Les Persans insistèrent sur la restitution de tous les territoires conquis et sur la gloire que cela apporterait à l'empereur ottoman. Lors de la huitième et dernière conférence, les Persans réitérèrent leur refus de céder des territoires en deçà de l'Araxe. Les Turcs renouvèlèrent les négociations mais sans aboutir à un accord. Les Persans exprimèrent leur volonté de se retirer à Gherbelaï-Mahaladé si Tauris ne leur était pas restituée. La négociation resta en suspens. En septembre 1732, les Persans exprimèrent leur volonté de coopérer et de conclure un accord ferme, tout en demandant la restitution de la province de Tauris. Les Turcs, après avoir rendu les provinces d'Amadan, d'Herdelan et de Kirmancha, refusèrent de céder Tauris. Les Persans insistèrent sur l'honneur et la dignité, préférant affronter des adversités plutôt que d'accepter des conditions humiliantes. Après plusieurs conseils au Sérail, les Turcs décidèrent de rendre Tauris à la Perse, ainsi que les autres provinces conquises. Cette décision permit la conclusion et la signature de la paix entre les deux nations.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
19
p. 185-190
LETTRE écrite de Constantinople le 22. Novembre 1732. au sujet de la derniere contagion, et de la nouvelle Révolution de Perse.
Début :
Depuis le 12 de Juillet, Monsieur, que je ne vous ai donné des nouvelles [...]
Mots clefs :
Thamas Kouli-Kan, Roi de Perse, Ministre, Turcs, Constantinople, Révolution, Paix, Ispahan, Chah, Contagion, Peste
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite de Constantinople le 22. Novembre 1732. au sujet de la derniere contagion, et de la nouvelle Révolution de Perse.
LETTRE écrite de Constantinople le 22.
Novembre 1732. au sujet de la derniere
contagion , et de la nouvelle Révolution
de Perse.
D
Epuis le 12 de Juillet , Monsieur ,
que je ne vous ai donné des nouvelles
de ce pays- ci , il n'y a presque été
question que de la Peste . Voilà près de
cinq mois qu'on ne parle d'autre chose
que de ses ravages à Constantinople , et
quoique les Turcs ayent coûtume de se
mocquer de ceux qui la craignent , on a
I v remar
186 MERCURE DE FRANCE
remarqué cette année , au grand deshonneur
de la prédestination absoluë, qui est ,
comme vous sçavez , le Dogme favori des
Mahometans , qu'en general , ce ter ible
fleau leur a causé autant d'effroi qu'au :
autres ; mais comme par respect pour
leurs préjugez , la plupart n'en ont pas
pris plus de précautions qu'à l'ordinaire
on assûre qu'il a péri dans cette Ville et
dans ses environs 150 mille personnes .
Je ne sçai si ce calcul est bien fidele ; ce qu'il
y a de vraí , c'est que la contagion se répandant
comme un torrent , n'a pas plus
épargné les grands que les petits : elle
s'est introduite jusques dans le Serrail du
Grand Seigneur , dont elle a emporté
beaucoup d'Officiers , et sur- tout d'Eunu
ques noirs , entr'autres le Kasnadar ou
Trésorier de Sa Hautesse. L'Eski - Serai ,
c'est-à-dire , le vieux Serrail , où sont
renfermées aussi sévérement que dans un
Monastere , les Sultanes du G. S. après
sa mort ou sa déposition , n'en a pas été
éxempt non plus : trois ou quatre Sultanes
y sont mortes , du nombre desquelles.
a été la Sultane favorite du dernier Sultan
Achmet III . et Mere de la Sultane veuvedu
fameux G. V. Ibraim Pacha , qui fut
étranglé il y a deux ans. Celle- ci avoit
été pareillement attaquée du même mal ,
mais
JANVIER. 1733 137
mais elle a eu le bonheur d'en réchaper.
Enfin , pour ne vous point ennuyer par
un plus long détail sur cette triste matiere
, j'ajoûterai seulement que le G. Viz.
d'aujourd'hui a eu la douleur et la cons →
tance d'en voir mourir dans son propre
Palais un de ses freres , un de ses neveux ,
sa fille , celui à qui elle étoit promise en
mariage , et plus de deux cent de ses domestiques.
Dieu merci cette cruelle maladie
tire à sa fin , et la communication
commence à se rétablir par tout.
Je reviens , Monsieur , à ma Lettre du
2 Juillet ; je vous y marquois , si vous
Vous en souvenez , que le 4 du même
mois , la Porte avoit reçû des dépêches
d'Achmet , Pacha de Babilonne , qui envoyoit
au G. S. une Lettre de Chah -Tahmas
, pour Sa Hautesse , par laquelle ce
Prince rejettoit entierement l'infraction
du dernier Traité de Paix sur Tahmas-
-Couli- Kan , son Itimadil-Deulet, ou Grand
Visir , qui paroissoit vouloir usurper son
Trône , mais que les Turcs se défiant de
la bonne- foy du Roy de Perse , et apprehendant
que pour les mieux trompet ,
n'eut concerté avec son premier Ministre
la rebellion dont il l'accusoit , la Portene
sçavoit à quoi s'en tenir , ni à qui elledevoit
effectivement attribuer la rupture'
Lvj d'une
il
188 MERCURE DE FRANCE
1
d'une Paix recherchée avec tant d'ém
pressement par la Perse , et si fraîchement
concluë.
Ce Mystere impénétrable alors , s'est
enfin éclairci ; on a reçû depuis quelques
jours des nouvelles , dont quant à present
, je ne puis vous rapporter- qu'un
précis ; me réservant à vous les détailler ,
lorsqu'on m'aura remis une Piece qu'on
m'a promise. Ces nouvelles disent donc
en substance , que d'un côté Tahmas-
Couli Khan , après avoir déclaré en termes
formels , par ses Lettres , au Roy
son Maître , qu'il ne ratifieroit jamais ce
Traité honteux , que Sa Majesté venoit
de faire avec les Turcs. Il étoit parti du
Corassan , et avoit pris la route d'Ispahan
à la tête d'une Armée , composée
de Montagnads féroces et déterminez
comme lui ; que d'un autre côté Chah-
'Tahmas , persistant à vouloir que la derniere
Paix eut son entiere exécution
cette contrariété de sentimens avoit jetté
la division entre le Souverain , le premier
Ministre , et leurs Partisans respectifs
; que cependant le Prince voyant approcher
Tahmas- Couli- Kan , homme ambitieux
, capable de tout entreprendre , et
dont les Explois lui avoient faits un grand
nombre d'amis , jusques dans sa propre
Cour
JANVIER 1733. 189
Cour , avoit cru devoir ceder au temps ,
et se reconcilier avec lui ; que le perfide
Ministre cachant son noir dessein sous les
dehors affectez d'un zéle , d'une fidélité ,
et d'un attachement à toute épreuve ,
pour l'honneur de son Souverain, et pour
le bien du Royaume , avoit reçu avec
une soumission toute respectueuse en
apparence , les propositions qu'on étoit
alle lui faire , de la part de Chah - Tahmas.
Qu'en conséquence il s'étoit rendu
avec peu de suite à Ispahan , après avoir
cependant distribué ses Troupes dans différens
quartiers , aux environs de cette
Capitale, que par ce moyen il tenoit comme
bloquée,et qu'y étant arrivé, la premicre
chose qu'il avoit faite,avec le secours de
ses Partisans , dont le Roy étoit environ
né , même dans son Palais , avoit été de se
saisir de ce malheureux Prince qu'il avoit
fait mettre sur le champ dans un Carosse
fermé , et fait conduire avec une grosse
Escorte , vers le Corassan , où l'on ignoroit
encore ce qu'il étoit devenu ; qu'ensuite
il avoit forcé le Harem ou apparte
ment des Femmes , ce lieu si sacré , sur
tout en Perse ; qu'il y avoit d'abord violé
la soeur du Roy , qu'on dit êrre une fort
bille Princesse ; qu'ensuite il avoit tiré de
ce Harem un enfant au Berceau , fils de
ChahTo
MERCURE DE FRANCE
Chah-Tahmas ; qu'il l'avoit fait proclamer
Roy de Perse , publiant que son Pere
étoit incapable de regner ; qu'il s'étoit fait
déclarer Regent du Royaume , pendant
la minorité de ce nouveau Monarque .
Qu'en cette qualité , il s'étoit revêtu des
Habits Royaux , et des autres marques
de Souverain, et avoit paru en public avec
un faste extraordinaire ; qu'il faisoit journellement
massacrer ce qui restoit de
grands Seigneurs à la Cour , attachez à
Chah-Tahmas , ou qui pouvoient lui faire
ombrage ; qu'il enrichissoit de leurs dépouilles
les compagnons de ses désordres
et de sa fortune , et qu'il commandoit si
despotiquement dans Ispahan , que tout
y trembloit sous lui , d'une maniere qui
tenoit du prodige. Je suis , &c.
P. V. D.
Novembre 1732. au sujet de la derniere
contagion , et de la nouvelle Révolution
de Perse.
D
Epuis le 12 de Juillet , Monsieur ,
que je ne vous ai donné des nouvelles
de ce pays- ci , il n'y a presque été
question que de la Peste . Voilà près de
cinq mois qu'on ne parle d'autre chose
que de ses ravages à Constantinople , et
quoique les Turcs ayent coûtume de se
mocquer de ceux qui la craignent , on a
I v remar
186 MERCURE DE FRANCE
remarqué cette année , au grand deshonneur
de la prédestination absoluë, qui est ,
comme vous sçavez , le Dogme favori des
Mahometans , qu'en general , ce ter ible
fleau leur a causé autant d'effroi qu'au :
autres ; mais comme par respect pour
leurs préjugez , la plupart n'en ont pas
pris plus de précautions qu'à l'ordinaire
on assûre qu'il a péri dans cette Ville et
dans ses environs 150 mille personnes .
Je ne sçai si ce calcul est bien fidele ; ce qu'il
y a de vraí , c'est que la contagion se répandant
comme un torrent , n'a pas plus
épargné les grands que les petits : elle
s'est introduite jusques dans le Serrail du
Grand Seigneur , dont elle a emporté
beaucoup d'Officiers , et sur- tout d'Eunu
ques noirs , entr'autres le Kasnadar ou
Trésorier de Sa Hautesse. L'Eski - Serai ,
c'est-à-dire , le vieux Serrail , où sont
renfermées aussi sévérement que dans un
Monastere , les Sultanes du G. S. après
sa mort ou sa déposition , n'en a pas été
éxempt non plus : trois ou quatre Sultanes
y sont mortes , du nombre desquelles.
a été la Sultane favorite du dernier Sultan
Achmet III . et Mere de la Sultane veuvedu
fameux G. V. Ibraim Pacha , qui fut
étranglé il y a deux ans. Celle- ci avoit
été pareillement attaquée du même mal ,
mais
JANVIER. 1733 137
mais elle a eu le bonheur d'en réchaper.
Enfin , pour ne vous point ennuyer par
un plus long détail sur cette triste matiere
, j'ajoûterai seulement que le G. Viz.
d'aujourd'hui a eu la douleur et la cons →
tance d'en voir mourir dans son propre
Palais un de ses freres , un de ses neveux ,
sa fille , celui à qui elle étoit promise en
mariage , et plus de deux cent de ses domestiques.
Dieu merci cette cruelle maladie
tire à sa fin , et la communication
commence à se rétablir par tout.
Je reviens , Monsieur , à ma Lettre du
2 Juillet ; je vous y marquois , si vous
Vous en souvenez , que le 4 du même
mois , la Porte avoit reçû des dépêches
d'Achmet , Pacha de Babilonne , qui envoyoit
au G. S. une Lettre de Chah -Tahmas
, pour Sa Hautesse , par laquelle ce
Prince rejettoit entierement l'infraction
du dernier Traité de Paix sur Tahmas-
-Couli- Kan , son Itimadil-Deulet, ou Grand
Visir , qui paroissoit vouloir usurper son
Trône , mais que les Turcs se défiant de
la bonne- foy du Roy de Perse , et apprehendant
que pour les mieux trompet ,
n'eut concerté avec son premier Ministre
la rebellion dont il l'accusoit , la Portene
sçavoit à quoi s'en tenir , ni à qui elledevoit
effectivement attribuer la rupture'
Lvj d'une
il
188 MERCURE DE FRANCE
1
d'une Paix recherchée avec tant d'ém
pressement par la Perse , et si fraîchement
concluë.
Ce Mystere impénétrable alors , s'est
enfin éclairci ; on a reçû depuis quelques
jours des nouvelles , dont quant à present
, je ne puis vous rapporter- qu'un
précis ; me réservant à vous les détailler ,
lorsqu'on m'aura remis une Piece qu'on
m'a promise. Ces nouvelles disent donc
en substance , que d'un côté Tahmas-
Couli Khan , après avoir déclaré en termes
formels , par ses Lettres , au Roy
son Maître , qu'il ne ratifieroit jamais ce
Traité honteux , que Sa Majesté venoit
de faire avec les Turcs. Il étoit parti du
Corassan , et avoit pris la route d'Ispahan
à la tête d'une Armée , composée
de Montagnads féroces et déterminez
comme lui ; que d'un autre côté Chah-
'Tahmas , persistant à vouloir que la derniere
Paix eut son entiere exécution
cette contrariété de sentimens avoit jetté
la division entre le Souverain , le premier
Ministre , et leurs Partisans respectifs
; que cependant le Prince voyant approcher
Tahmas- Couli- Kan , homme ambitieux
, capable de tout entreprendre , et
dont les Explois lui avoient faits un grand
nombre d'amis , jusques dans sa propre
Cour
JANVIER 1733. 189
Cour , avoit cru devoir ceder au temps ,
et se reconcilier avec lui ; que le perfide
Ministre cachant son noir dessein sous les
dehors affectez d'un zéle , d'une fidélité ,
et d'un attachement à toute épreuve ,
pour l'honneur de son Souverain, et pour
le bien du Royaume , avoit reçu avec
une soumission toute respectueuse en
apparence , les propositions qu'on étoit
alle lui faire , de la part de Chah - Tahmas.
Qu'en conséquence il s'étoit rendu
avec peu de suite à Ispahan , après avoir
cependant distribué ses Troupes dans différens
quartiers , aux environs de cette
Capitale, que par ce moyen il tenoit comme
bloquée,et qu'y étant arrivé, la premicre
chose qu'il avoit faite,avec le secours de
ses Partisans , dont le Roy étoit environ
né , même dans son Palais , avoit été de se
saisir de ce malheureux Prince qu'il avoit
fait mettre sur le champ dans un Carosse
fermé , et fait conduire avec une grosse
Escorte , vers le Corassan , où l'on ignoroit
encore ce qu'il étoit devenu ; qu'ensuite
il avoit forcé le Harem ou apparte
ment des Femmes , ce lieu si sacré , sur
tout en Perse ; qu'il y avoit d'abord violé
la soeur du Roy , qu'on dit êrre une fort
bille Princesse ; qu'ensuite il avoit tiré de
ce Harem un enfant au Berceau , fils de
ChahTo
MERCURE DE FRANCE
Chah-Tahmas ; qu'il l'avoit fait proclamer
Roy de Perse , publiant que son Pere
étoit incapable de regner ; qu'il s'étoit fait
déclarer Regent du Royaume , pendant
la minorité de ce nouveau Monarque .
Qu'en cette qualité , il s'étoit revêtu des
Habits Royaux , et des autres marques
de Souverain, et avoit paru en public avec
un faste extraordinaire ; qu'il faisoit journellement
massacrer ce qui restoit de
grands Seigneurs à la Cour , attachez à
Chah-Tahmas , ou qui pouvoient lui faire
ombrage ; qu'il enrichissoit de leurs dépouilles
les compagnons de ses désordres
et de sa fortune , et qu'il commandoit si
despotiquement dans Ispahan , que tout
y trembloit sous lui , d'une maniere qui
tenoit du prodige. Je suis , &c.
P. V. D.
Fermer
Résumé : LETTRE écrite de Constantinople le 22. Novembre 1732. au sujet de la derniere contagion, et de la nouvelle Révolution de Perse.
La lettre du 22 novembre 1732 décrit les récents événements à Constantinople et en Perse. À Constantinople, la peste a sévi depuis le 12 juillet, causant la mort de 150 000 personnes, y compris des membres de la cour impériale et des eunuques. La maladie a également frappé le harem, entraînant le décès de plusieurs sultanes, dont la favorite du sultan Achmet III. Le grand vizir a également perdu des membres de sa famille et des domestiques. Actuellement, la peste semble en rémission. En Perse, une crise politique majeure est en cours. Le chah Tahmas a rejeté le dernier traité de paix avec les Turcs, accusant son grand vizir, Tahmas-Couli Khan, de vouloir usurper le trône. Tahmas-Couli Khan, à la tête d'une armée, a marché sur Ispahan, forçant le chah à se réconcilier avec lui. Profitant de cette situation, Tahmas-Couli Khan a ensuite emprisonné le chah, violé sa sœur et proclamé un enfant roi, se déclarant régent. Il a instauré un règne de terreur, éliminant les opposants et s'enrichissant de leurs biens.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
20
p. 579-580
TURQUIE ET PERSE.
Début :
On a appris que les Troupes Persanes n'avoient encore remporté aucun avantage sur [...]
Mots clefs :
Turcs, Perse, Thamas Kouli-Kan, Bagdad, Chah, Provinces
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TURQUIE ET PERSE.
TURQUIE ET PERSE.
Na appris que les Troupes Persanes_n'avoient
encore remporté aucun avantage sur
celle des Turcs depuis la déposition de Schah-Thamas
, mais que les deux Armées étoient en présence
auprès de Bagdad , que celle de Perse se
fortifioit de plus en plus par l'arrivée des Milices
de diverses Provinces , ou Thamas- Kouli- Kan
avoit fait prendre les armes à tous les Habitans
qui étoient en âge de les porter , et que ce Premier
Ministre témoignoit toujours ne vouloir
entendre parler d'aucun accommodement avec la
Porte Ottomane , à moins que les Turcs ne consentissent
de rendre auxPersans les Pays que Schah
Thamas avoit été forcé d'abandonner par le dernier
Traité , que l'autorité de Kouli- Kan augmentoit
de jour en jour , qu'il affectoit de paroître
occupé du soin de rétablir l'ordre dans
l'administration des Finances , er de faire observer
aux Troupes une exacte discipline ; qu'il s'efforçoit
aussi de faire croire que s'il returoit des
Hij mains
380 MERCURE DE FRANCE
mains des Turcs les Provinces dont ils se sont emparez
, il penseroit à faire rentrer sous la dominas
tion des Persans , celles qui ont été conquises pak
les Moscovites.
D'autres Lettres de Constantinople portent ;
que le Divan avoit envoyé de nouveaux secours
d'hoinmes et d'argent au Pacha de Bagdad, et que
la Porte étoit résoluë de défendre jusqu'à la der
niere extremité toutes les conquêtes faites sur la
Perse avant la derniere Révolution.
D'autres avis portent , que l'Armée Persanë
n'avoit point livré bataille à celle des Turcs ; que
les Kans d'Ormus et de Bender Abássi , étoient
convenus d'unir leurs forces contre Thamas
Kouli-Kan , et que la Perse étoit menacée d'une
nouvelle Révolution.
Na appris que les Troupes Persanes_n'avoient
encore remporté aucun avantage sur
celle des Turcs depuis la déposition de Schah-Thamas
, mais que les deux Armées étoient en présence
auprès de Bagdad , que celle de Perse se
fortifioit de plus en plus par l'arrivée des Milices
de diverses Provinces , ou Thamas- Kouli- Kan
avoit fait prendre les armes à tous les Habitans
qui étoient en âge de les porter , et que ce Premier
Ministre témoignoit toujours ne vouloir
entendre parler d'aucun accommodement avec la
Porte Ottomane , à moins que les Turcs ne consentissent
de rendre auxPersans les Pays que Schah
Thamas avoit été forcé d'abandonner par le dernier
Traité , que l'autorité de Kouli- Kan augmentoit
de jour en jour , qu'il affectoit de paroître
occupé du soin de rétablir l'ordre dans
l'administration des Finances , er de faire observer
aux Troupes une exacte discipline ; qu'il s'efforçoit
aussi de faire croire que s'il returoit des
Hij mains
380 MERCURE DE FRANCE
mains des Turcs les Provinces dont ils se sont emparez
, il penseroit à faire rentrer sous la dominas
tion des Persans , celles qui ont été conquises pak
les Moscovites.
D'autres Lettres de Constantinople portent ;
que le Divan avoit envoyé de nouveaux secours
d'hoinmes et d'argent au Pacha de Bagdad, et que
la Porte étoit résoluë de défendre jusqu'à la der
niere extremité toutes les conquêtes faites sur la
Perse avant la derniere Révolution.
D'autres avis portent , que l'Armée Persanë
n'avoit point livré bataille à celle des Turcs ; que
les Kans d'Ormus et de Bender Abássi , étoient
convenus d'unir leurs forces contre Thamas
Kouli-Kan , et que la Perse étoit menacée d'une
nouvelle Révolution.
Fermer
Résumé : TURQUIE ET PERSE.
Le texte décrit les tensions entre la Turquie et la Perse. Les troupes persanes, dirigées par Thamas-Kouli-Kan, n'ont pas encore pris l'avantage sur les Turcs depuis la déposition de Schah-Thamas. Les deux armées se font face près de Bagdad, les forces persanes étant renforcées par des milices de diverses provinces. Thamas-Kouli-Kan refuse tout compromis avec la Porte Ottomane et exige la restitution des territoires perdus par Schah-Thamas. Il s'efforce également de rétablir l'ordre financier et de maintenir la discipline militaire, tout en promettant de reconquérir les provinces prises par les Moscovites. Les Turcs, de leur côté, ont envoyé des renforts au Pacha de Bagdad et sont déterminés à défendre leurs conquêtes. Par ailleurs, les kans d'Ormus et de Bender Abássi envisagent de s'allier contre Thamas-Kouli-Kan, menaçant la Perse d'une nouvelle révolution.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
21
p. 1451-1453
EXTRAIT d'une Lettre écrite d'Alger, le 25. May, contenant des Nouvelles d'Oran.
Début :
Je vous dirai d'abord ce que je viens d'apprendre par un Espagnol qu'on a amené ici esclave, [...]
Mots clefs :
Maures, Turcs, Marquis de Villadarias, Oran, Travailleurs, Espagnol, Feu, Place, Alger
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre écrite d'Alger, le 25. May, contenant des Nouvelles d'Oran.
EXTRAIT d'une Lettre écrite d'Alger
le 25. May , contenant des Nouvelles
d'Oran.
E vous dirai d'abord ce que je viens d'appren→
dre par un Espagnol qu'on a amené ici esclave ,
et qui n'est parti d'Oran que depuis douze jours .
Cet Espagnol , ancien dans le Service , m'a assuré
que la Place est abondamment pourvûë de toutes
sortes de provisions de guerre et de bouche. La maladie
contagieuse y a cessé , les Châteaux sont fortifiez
et dans un état à ne plus craindre les efforts
barbaresques , d'autant plus que beaucoup de Maures
, qui en sont bien informez , et qui ennuyez d'un
si long service et de la durée du Siege , se débandent
et fournissen même à la Place,par la communicasion
des Maures de Paix , quantité de Bestiaux ,
ce qui donne un grand soulagement aux Assiegez.
Les Turcs n'ignorent pas ce commerce , mais ils ne
sont pas en état de s'y opposer , ils n'osent pas même
sortir de leur Camp , n'ayant pas moins à craindre
du côté de ces Maures , que de celui des Chrétiens ;
aussi les Turcs ne cessent- ils de demander du secours.
Le Dey cependant n'a pas un homme à leur
envoyer , il a fallu pour contenir les Maures et lever
les Garannes ou Tributs qu'on a coûtume d'éxiger
, envoyer les Camps ordinaires , et pour cela
dégarnir la Ville d'Alger de Soldats . Le puissant
secours qu'on attend du G. S. a retenu jusqu'à présent
les Maures dans la soumission et les Turcs de-
* On appelle ainsi ceux des Maures qui sont
dans les interêts des Espagnols.
II. Vol. I iij vant
145 MERCURE DE FRANCE
vant Oran. Ceux- cy, dès qu'ils seront informez de
la disgrace arrivée à leurs Vaisseaux,pourront bien,
malgré le Dey, abandonner les Tentes et les Bagages
et se retirer à la sourdine pour se dérober à la cruauté
des Maures , du moins c'est ainsi que Pon en juge ,
d'autant mieux que ces Turcs ont eu en dernier lieu
un échec qui les a fort éclaircis . Voici de quelle maniere
le rapporte l'Espagnol qui a été présent à tout.
M. le Marquis de Villadarias , voyant que Les
Maures ne laissoient pas de venir prendre de
Peau à la Fontaine , malgré ses précautions et malgré
le feu du Fort de S. Ferdinand , fit faire une
Galere ou un Boyau de bonne massonnerie , avec de
petits creneaux ou meurtrieres qui donnoient vèrs la
Fontaine, pour écarter ceux qui y viendroient, ce qui
incommodera fort l'Ennemi , qui d'ailleurs ne peut
avoir que de mauvaises eaux. Bigotillos s'étant apperçu
du dessein des Espagnols , se proposa d'enlever
les Travailleurs,mais le M.de Villadarias en ayant
eu vent , fit marcher les Travailleurs à l'ordinaire
avec soixante hommes pour les couvrir ; ilfu encore
sortir 1500. Grenadiers en deux bandes , l'une à
droite et l'autre à gauche , avec ordre de se cacher
dans des Ravines voisines qui favorisoient tout-àfait
son dessein Les Maures se croyant sûrs de leur
coup , ne manquerent point de s'avancer en assez.
grand nombre ; alors les 60. Soldats commandez
pour couvrir les Travailleurs , firent semblant de
redouter ce grand nombre et de se retirer , pour attirer
l'Ennemi dans Pembuscade ; il y donna efectivement
, et les 1500. Grenadiers sortirent de leurs
Ravines et firent feu de tous côtez. A ce coup imprévû
les Turcs et les Maures accoururent en foule
pour secourir les leurs . Le M. de Villadarias , à porsée
de découvrir tout ce qui se passoit , donna ordre
aux siens de feindre une retraite pour attirer insen-
II. Val. siblement
JUIN. 1733. 1453
siblement les Assiegeans sous le Canon . Ce strata
gême lui aparfaitement bien réussi . Trois des Chateaux
firent feu de leurs Canons avec mitrailles et
Bombes , si à propos , qu'il resta sur la place plús
hommes , sans compter les blessez . Les
Turcs y ont perdu plus de 300. des leurs ; ils sont
d'autant plus affligez de cette perte , qu'ils se voyent
hors d'état de la réparer , aussi ne pensent- ils qu'à
se ménager et à conserver leurs têtes .
le 25. May , contenant des Nouvelles
d'Oran.
E vous dirai d'abord ce que je viens d'appren→
dre par un Espagnol qu'on a amené ici esclave ,
et qui n'est parti d'Oran que depuis douze jours .
Cet Espagnol , ancien dans le Service , m'a assuré
que la Place est abondamment pourvûë de toutes
sortes de provisions de guerre et de bouche. La maladie
contagieuse y a cessé , les Châteaux sont fortifiez
et dans un état à ne plus craindre les efforts
barbaresques , d'autant plus que beaucoup de Maures
, qui en sont bien informez , et qui ennuyez d'un
si long service et de la durée du Siege , se débandent
et fournissen même à la Place,par la communicasion
des Maures de Paix , quantité de Bestiaux ,
ce qui donne un grand soulagement aux Assiegez.
Les Turcs n'ignorent pas ce commerce , mais ils ne
sont pas en état de s'y opposer , ils n'osent pas même
sortir de leur Camp , n'ayant pas moins à craindre
du côté de ces Maures , que de celui des Chrétiens ;
aussi les Turcs ne cessent- ils de demander du secours.
Le Dey cependant n'a pas un homme à leur
envoyer , il a fallu pour contenir les Maures et lever
les Garannes ou Tributs qu'on a coûtume d'éxiger
, envoyer les Camps ordinaires , et pour cela
dégarnir la Ville d'Alger de Soldats . Le puissant
secours qu'on attend du G. S. a retenu jusqu'à présent
les Maures dans la soumission et les Turcs de-
* On appelle ainsi ceux des Maures qui sont
dans les interêts des Espagnols.
II. Vol. I iij vant
145 MERCURE DE FRANCE
vant Oran. Ceux- cy, dès qu'ils seront informez de
la disgrace arrivée à leurs Vaisseaux,pourront bien,
malgré le Dey, abandonner les Tentes et les Bagages
et se retirer à la sourdine pour se dérober à la cruauté
des Maures , du moins c'est ainsi que Pon en juge ,
d'autant mieux que ces Turcs ont eu en dernier lieu
un échec qui les a fort éclaircis . Voici de quelle maniere
le rapporte l'Espagnol qui a été présent à tout.
M. le Marquis de Villadarias , voyant que Les
Maures ne laissoient pas de venir prendre de
Peau à la Fontaine , malgré ses précautions et malgré
le feu du Fort de S. Ferdinand , fit faire une
Galere ou un Boyau de bonne massonnerie , avec de
petits creneaux ou meurtrieres qui donnoient vèrs la
Fontaine, pour écarter ceux qui y viendroient, ce qui
incommodera fort l'Ennemi , qui d'ailleurs ne peut
avoir que de mauvaises eaux. Bigotillos s'étant apperçu
du dessein des Espagnols , se proposa d'enlever
les Travailleurs,mais le M.de Villadarias en ayant
eu vent , fit marcher les Travailleurs à l'ordinaire
avec soixante hommes pour les couvrir ; ilfu encore
sortir 1500. Grenadiers en deux bandes , l'une à
droite et l'autre à gauche , avec ordre de se cacher
dans des Ravines voisines qui favorisoient tout-àfait
son dessein Les Maures se croyant sûrs de leur
coup , ne manquerent point de s'avancer en assez.
grand nombre ; alors les 60. Soldats commandez
pour couvrir les Travailleurs , firent semblant de
redouter ce grand nombre et de se retirer , pour attirer
l'Ennemi dans Pembuscade ; il y donna efectivement
, et les 1500. Grenadiers sortirent de leurs
Ravines et firent feu de tous côtez. A ce coup imprévû
les Turcs et les Maures accoururent en foule
pour secourir les leurs . Le M. de Villadarias , à porsée
de découvrir tout ce qui se passoit , donna ordre
aux siens de feindre une retraite pour attirer insen-
II. Val. siblement
JUIN. 1733. 1453
siblement les Assiegeans sous le Canon . Ce strata
gême lui aparfaitement bien réussi . Trois des Chateaux
firent feu de leurs Canons avec mitrailles et
Bombes , si à propos , qu'il resta sur la place plús
hommes , sans compter les blessez . Les
Turcs y ont perdu plus de 300. des leurs ; ils sont
d'autant plus affligez de cette perte , qu'ils se voyent
hors d'état de la réparer , aussi ne pensent- ils qu'à
se ménager et à conserver leurs têtes .
Fermer
Résumé : EXTRAIT d'une Lettre écrite d'Alger, le 25. May, contenant des Nouvelles d'Oran.
Le 25 mai, une lettre rapporte des nouvelles d'Oran par un Espagnol récemment arrivé à Alger. Cet ancien soldat indique qu'Oran est bien approvisionnée en vivres et en matériel de guerre. La maladie contagieuse a cessé et les châteaux sont fortifiés, permettant de repousser les attaques barbaresques. De nombreux Maures, lassés du siège, désertent et fournissent des vivres aux assiégés via les Maures de paix. Les Turcs, conscients de ce commerce, ne peuvent l'empêcher et craignent autant les Maures que les Chrétiens. Ils demandent des renforts, mais le Dey d'Alger ne peut en envoyer, car il doit maintenir l'ordre parmi les Maures et lever des tributs, ce qui nécessite de retirer des soldats de la ville. Le marquis de Villadarias, commandant espagnol, a construit une structure pour protéger les travailleurs à la fontaine. Les Maures, tentant de capturer ces travailleurs, sont tombés dans une embuscade préparée par les Espagnols. Les grenadiers espagnols ont ouvert le feu, causant des pertes importantes parmi les Turcs et les Maures. Les Turcs, affligés par cette défaite, cherchent maintenant à se protéger et à conserver leurs forces.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
22
p. 1666-1667
ESPAGNE.
Début :
La nuit du 7. au 8. de ce mois, le Roy, la Reine, le Prince et la Princesse des Asturies, [...]
Mots clefs :
Turcs, Château d'Aranjuez, Palais de Buen Retiro, Château de Saint-Ildefonse, Maures
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ESPAGNE.
ESPAGNE.
A nuit du 7. au 8. de ce mois , le Roy , la
Reine , le Prince et la Princesse des Asturies ,
les Infants et les Infantes , vinrent du Château
d'Aranjuez au Palais du Buen- Retiro . Le lende
main , Leurs Majestez partirent avec les Princes
et les Princesses de la Maison Royale , pour se
rendre au Château de S. Ildefonse , où clies arri
verent le 9. au soir . Ов
JUILLET. 1734 1667
On apprend par les Lettres d'Oran , que selon
le rapport de quelques Maures , qui se sont rendus
dans la Place , les Infidelles ont perdu dans .
P'action du 1o. Juin , deux de leurs principaux
Chefs et environ 1300. hommes , la plupart .
Turcs , perte d'autant plus considerable pour Bigotille
, qui commande l'Armée ennemie , que
les Turcs sont ses meilleures Troupes.
A nuit du 7. au 8. de ce mois , le Roy , la
Reine , le Prince et la Princesse des Asturies ,
les Infants et les Infantes , vinrent du Château
d'Aranjuez au Palais du Buen- Retiro . Le lende
main , Leurs Majestez partirent avec les Princes
et les Princesses de la Maison Royale , pour se
rendre au Château de S. Ildefonse , où clies arri
verent le 9. au soir . Ов
JUILLET. 1734 1667
On apprend par les Lettres d'Oran , que selon
le rapport de quelques Maures , qui se sont rendus
dans la Place , les Infidelles ont perdu dans .
P'action du 1o. Juin , deux de leurs principaux
Chefs et environ 1300. hommes , la plupart .
Turcs , perte d'autant plus considerable pour Bigotille
, qui commande l'Armée ennemie , que
les Turcs sont ses meilleures Troupes.
Fermer
Résumé : ESPAGNE.
Du 7 au 8 juillet 1734, la famille royale espagnole se déplaça du Château d'Aranjuez au Palais du Buen Retiro, puis au Château de Saint-Ildefonse. Par ailleurs, une action militaire à Oran le 10 juin causa la perte de deux chefs et de 1300 hommes turcs, affaiblissant l'armée ennemie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
23
p. 2819-2834
SECONDE Lettre de M. D. L. R. sur la Litterature des Mahometans, et sur celle des Turcs en particulier.
Début :
Je réponds, Monsieur, le plutôt qu'il m'est possible à la derniere Lettre que [...]
Mots clefs :
Littérature des mahométans, Turcs, Constantinople, Bibliothèque, Histoire, Ignorance, Sciences, Roi, Vérité, Paris, Levant, Lettres, Mosquée, Préjugé, Langues
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SECONDE Lettre de M. D. L. R. sur la Litterature des Mahometans, et sur celle des Turcs en particulier.
SECONDE Lettre de M. D. L. R.
sur la Litterature des Mahometans , et
sur celle des Turcs en particulier.
J
E réponds , Monsieur , le plutôt qu'il
m'est possible à la derniere Lettre que
vous m'avez fait l'honneur de m'écrire
de Constantinople le 30 Mars dernier ,
et je commence par l'Article le plus es
sentiel et que vous me recommandez
particulierement. Vous me demandez si
j'ai prétendu parler bien sérieusement ,
II. Vol.
2820 MERCURE DE FRANCE
du moins s'il n'y a rien d'exagéré dans
la Lettre qui concerne la Litterature des
Mahometans et celle des Turcs en particulier
, que vous avez lue dans le Mercure
de Septembre 1732. ajoûtant que
vous attendez ma réponse pour me développer
les Reflexions que vous avez
faites là-dessus et que dès à présent, c'està-
dire , sans attendre ma Réponse , vous
êtes dans le Préjugé general que les Turcs
sont d'une ignorance crasse ,
très- peu
curieux d'en sortir , &c.
Je vous dirai d'abord , Monsieur , que
j'ai écrit très sérieusement sur le sujet en
question , que je ne crois pas avoir rien
exageré et que je n'ai rien avancé sans
autorité , sur quoi je vous renvoye à ma
Lettre même du Mercure , sans préjudice
des autres autoritez que je puis encore
vous alleguer.
J'ajoûterai à cette affirmation que ce
n'est pas mon Voyage du Levant seul
qui m'a détrompé sur la prétendue ignorance
des Turcs ; je suis allé dans l'Orient
presque avec le même Préjugé où
vous êtes aujourd'hui , et que plusieurs
années de séjour n'ont pas encore détruit
chez vous , Préjugé , pour le dire
en passant , qui empêche , qui ôte l'envie
de s'instruire et de parvenir à la découverte
de la verité.
DECEMBRE . 1733. 2827
Mon voyage ne m'a donné là - dessus
qu'une premiere lueur , mais cette lueur
est devenue lumiere et certitude par les
lectures que j'ai faites depuis mon retour
des ouvrages des Mahometans Anciens et
Modernes , qui fe trouvent dans la Bibliotheque
du Roy et ailleurs , et par le
long commerce que j'ai eû avec plusieurs
sçavans d'élite en érudition orientale ,
qui ont passé une partie de leur vie dans
le Levant et qui sont morts à Paris dans
une haute réputation de vertu , et d'amour
pour la verité. Je n'en nommerai
ici que deux , sçavoir.
François Peris de la Croix Parisien
Sécretaire , Interprete du Roy pour les
Langues Orientales , Professeur en Arabe
au Collège Royal , mort sur la fin de
l'année 1713. M. Colbert le fit passer
dans fa jeunesse et séjourner fuccessivement
à Alep , à Hispaham , à Constantinople
, pour apprendre en perfection les
trois principales Langues , l'Histoire , les
Coutumes & c . des Nations du Levant.
Dans son instruction , dont j'ai une copie,
cette habile Ministre lui ordonne de
s'instruire particulierement à l'égard des
Sciences et des Arts cultivez dans ces differens
Pays. M. Petis en rapporta beaucoup
de doctrine Orientale , dequoi il a
?
11, Vol. donné
822 MERCURE DE FRANCE
·
donné des preuves toute sa vie , et plusieurs
Manuscrits utiles , dont il a tra
duit une bonne partie , entre lesquels est
la curieuse Bibliotheque de Hadgi Calfa,
Turc moderne de Constantinople , * qui
feule est capable de détruire le Préjugé
commun de la prétendue ignorance des
Mahometans & c .
Et Antoine Galland de Noyon , de
PAcadémie Royale des Inscriptions et
des Belles Lettres associé à celle des
Ricovrati de Padoue , Antiquaire du Roy,
Professeur en Arabe au Collège Royal ,
mort au mois de Février 1715 Il suivie
le Marquis de Nointel dans fon Ambassade
de Constantinople , dans son voyage
de la Palestine,et dans sa visite des Echelles
du Levant. De retour en France il fit
encore dux voyages à Constantinople
et au Levant par les ordres de M M. Col
* Ce seul Ouvrage peut détromper bien des gens,
et même quelques Sçavans , qui croyent que les
Turcs et autres Mahometans négligent les Sciences ,
trompez par des Voyageurs , qui ne sçackant pas les
Langues , n'ont pas på conferer avec les Sçavans
des l'ays qu'ils ont parcourus . Cette Bibliotheque
est une veritable Encyclopedie de toutes les Sciences
et de tous les Arts chez les Orientaux . Préface de
P'Histoire de Tamerlan , traduite du Persan pat
M. Peus de la Croix, et donnée au Public après
sa mort. 4. vol. 1 12. Paris 1722.
11. Vol. bert
DECEMBRE . 1733. 2823
1
bert er de Louvois , pour la recherche
des Medalles et des Manuscrits . ce qui
acheva de le perf.ctionner dans l'intelligence
des Langues , et dans la connoissance
de l'Histoire et de tout ce qui concerne
les Orientaux . Il étoit d'ailleurs bon
Critique , excellent Antiquaire et naturellement
Philofophe. Il a composé plusieurs
Ouvrages , dont quelques uns ont
été imprimez. De ses Manuscrits ceux
qui regardent l'Orient ont passé dans la
Bibliotheque du Roy. On lui doit l'Edition
de la Bibliotheque Crientale de
M. d'He belot , faite à Paris en 1697 ,
grand in fol.de 106 pag. et la belle Préface
qui est à la tête . a Preface dont la
(a) On fait quelque grace aux Arabes , et ils
passent pour avoir autrefois cult vé les Sciences aves
grande application. On attribue de la politesse aux
Per ans et on leur rend justice .Mais , par leur nom
seul , les Turcs sont tellement décriez , qu'il suffit
ordinairement de les nommer pour signifier une
Nation grossiere , barbare et d'une ignorance achevée
, et sous leur nom on entend parler de ceux qui
sont sous la domination de l'Empire Ottoman . Cependant
on leur fait injustice ; car sans s'arréter à
Les justifier ici de barbarie et de grossiereté , ce qui
demanderoit un détail .... On peut dire à l'égard
de l'ignorance , qu'ils ne cedent ni aux Arabės ni
aux Iersans dans les Sciences et dans les Belles- Lettrer
, communes à ces trois at.ons , et qu'ils les
cultivent presque dès le commencement de lcur Em-
II. Vol.
scule
2824 ME RCURE DE FRANCE
seule lecture est capable de détruire l'erreur
des Européens qui excluent la cul
ture des Sciences et des beaux Arts de
tout le Mahométisme.
Je pourrois , Monsieur , m'en tenir à
ces autoritez , persuadé qu'elles sont plus
que suffisantes pour confirmer tout ce
que j'ai avancé dans ma premiere Lettres
mais je ne puis omettre un troisiéme Témoin
qui se presente icy bien naturelle.
ment ; Témoin illustre et des plus recevables
sur le sujet qui est en question ;
c'est le fameux Comte de Marsigli, dort
on vient de publier un bel Ouvrage sur
l'Etat (a ) Militaire de l'Empire Ottoman ,
& c.
Ce Seigneur vint à Constantinople avec
pire. La Bibliotheque Orientale en fait foi, et observe
dans leur Histoire une suite continuelle de Docteurs
de leur Religion et de leur Loy , très fameux et
très estimez parmi eux , tant pa . leur Doctrine que
par leurs Ecrits. Ils ont aussi des Historiens trèscelebres
e: très - exacts des Actions de leurs Sultans ,
et on peut compter comme une marque de la délicatesse
de leur esprit le nombre considerable de leurs
Poëtes , qui montoit à 590. vers la fin du siecle
passé , & c. A. Galland , dans son Discours pour
servir de Préface à la Bibliotheque Orientale de
B. d'Herbelot.
(a ) STATO MILITARE dell' Imperio Ottomano
, &c. 1. vol . fol. A la Haye et à Amsterdam
1732.
11. Vol.
DECEM DK E. 1733. 2825
an Ambassadeur de la République de
Venise , n'étant encore âgé que de vingt
ans , dans le dessein de s'instruire à fond,
principalement sur le sujet que je viens
que
de dire , rempli auparavant des préjugez
ordinaires , & c . Il servit ensuite l'Empereur
dans les Guerres de Hongrie . Pris
par les Tartares,qui le vendirent au Pacha
de Témiswar , &c. il sçut mettre à profit
son infortune , pour acquerir toutes les
connoissances qui lui manquoient. Après
avoir recouvré sa liberté , il reprit ses
Emplois dans l'Armée Impériale , et il les
conserva jusqu'à la Paix de Carlowits
à laquelle il servit même utilement ; et ,
après la Paix il fut établi Commissaire
Général pour le Reglement des Limites.
Dans l'Ouvrage qui vient de paroître ,
où il ne s'agit rien moins que de Science
et de Litterature , l'Auteur n'a pû
s'empêcher de rendre là - dessus un témoignage
à la verité. Après avoir dépeint
les Turcs , qu'il dégrade tant qu'il
peut , indolens , mous , oisifs , sur tout
les Asiatiques , n'agissant que par nécessité
, &c. il se récrie contre nos préjugez
sur le point de leurs Etudes. Il par
fe de Constantinople et des autres grandes
Villes , » comme étant remplies de
Personnes instruites dans le Mahome-
II. Vol. Ꭰ tisme
2020 TRANCE
» tisme , qui sçavent au moins les trois
» Langues , le Turc , le Persan et l'A-
» rabe : Esprits cultivez en plus d'un gen-
» re de Litterature , Poëtes délicats , His-
» toriens polis , mais d'une exactitude ,
» scrupuleuse , et par là un peu ennuyeuxs
Dialecticiens subtils , Moralistes pro-
» fonds , Géomêtres , Astronomes , Géographes
, et par dessus tout grands Alchymistes
; ce qu'il a été en état , de :
» prouver par un Catalogue de plus de
» 86000 Ecrivains du dernier siécle , re
>> cueillis dans sa Bibliotheque de Boulogne
, et dont il à fourni une Copie:
» pour celle du Vatican . Si les Turcs
n'impriment pas , ce n'est pas , dit il ,
» qu'il ne leur soit libre de le faire ; leur
» motif est de ne pas empêcher une mul-
>> titude innombrable de Copistes de ga
» gner leur vie. On en comptoit 90009
>> pendant son séjour à Constantinople..
» Une autre sorte d'Etude , selon le mê
» me Auteur , c'est que nul Gouverne,
ment au monde n'est plus appliqué et
plus ponctuel que le Gouvernement
Turc , pour conserver des Registres
A
* Le Comte de Marsigli est de Boulogne , et y a
fondé une Académie . Il est des Académies Royales
des Sciences de Paris et de Montpellier , et de la
Societé Royale de Londres,
II. Vol exacts
DECEM DN E. 1733• 2027
exacts en tout ce qui regarde les Trai-,
a tez avec les Puissances Etrangeres , le..
» Domaine , le Cérémonial , l'Expédi
tion des Ordres , celles des Arrêts ou
Ordonnances et Commandemens ; l'E-
>> tat des Officiers en service , et singulie
☐rement les Finances.
Au reste , Monsieur , je vous connois
un si bon esprit , tant d'amour et de vénération
pour la vérité , pour me servir
de vos termes sur ce sujet , que je ne désespere
pas de vous voir changer un jour
de sentiment , sur tout si vous voulez
vous donner la peine d'apprendre seulement
le Turc , qui n'est pas une Langue
fort difficile, et dans laquelle je vous crois
déja initié;cela vous mettroit en état d'entrer
plus souvent dans cette grande Ville,
de laquelle vous êtes peut - être autant separé
par le préjugé , que par un petit bras
de Mer , et de vous instruire par vousmême
, en conferant avec les Gens de Lettres
, & c. Je ne doute pas que vous
in'ayez trouvé des Turcs d'une ignorance
crasse , et comme vous dites , tres- peu
curieux d'en sortir ; mais ce n'est pas
assez pour affirmet la même chose de
toute la Nation . Où ne trouve- t-on pas
dans l'Europe même , de la rusticité et de
l'ignorance ? On trouve aussi du goûr
II. Vol. Dij de
2808 MENCURE
de la Politesse , et de l'Erudition , quand
rien n'empêche d'en chercher. Mais en
voilà asez sur ce sujet.
Rien n'est plus sensé et plus dans le
vrai que ce que vous me dites , Monsieur,
sur l'impropriété du mot de Sophi , par
lequel les Ecrivains Européens , suivis en
dernier lieu par le a P. du Cerceau , désignent
le Roy de Perse. Vous convenez
qu'à ne consulter que la raison , cette
expression est tout- à fait vicieuse , comme
je l'ai prouvé dans un article de mes
Lettres , auquel votre politesse donne le
nom de Dissertation. La verité est qu'on
n'a point encore décidé dans les formes
que ce terme doive être proscrit parmi
ceux qui se piquent de parler correcte
ment mais en attendant cette décision ,
et malgré la continuation du mauvais
usage par des Ecrivains mal instruits , ou
entêtez , ibn'est pas moins certain qu'on
-he prescrit jamais contre la vérité et contre
la raison , et qu'il est toujours temps
de reclamer en leur faveur. L'usage ,j'en
-conviens ; décide le plus souvent en fait
de langue , au préjudice du bon sens et
des régles, mais c'est quand il ne s'agit
précisément que de la Grammaire. Icy il
( a ) Hissoire de la derniere Révolution de Perse
2 vol . in 12. Paris. 1728,
M. Vel.
s'agie
DECEMBRE . 1733. 2829
s'agit d'un point d'Histoire et de Critique.
J'espere m'étendre davantage sur
ce sujet dans un Ecrit que je prépare , et
qui soutiendra peut- être le titre que vous
voulez bien lui donner par avance .
J'ai enfin reçu depuis peu le beau Jusdam
, ou le Porte Lettres de fabrique
Turque , que vous m'aviez annoncé, orné
d'une broderie parlante ; et si cela se
peut dire , bien obligeante de la part de
ceux qui me font l'honneur de me l'envoyer.
Ils devoient en envoyer aussi l'interprétation
; car je ne sçai si nous aurons
bien réussi à expliquer les deux Vers Persans
qui sont si artistement brodez dessus.
C'est ce que vous pourrez faire examiner
par vos Experts . Voici comment
on a lû et interpreté icy cette galanterie
orientale.
Djah toй hemtchou ni i met ferdaous bi zevăl ,
Felicitas tua sicut gratia Paradisi sine defectu
Umr toй hemtchou middet eflāk bi chumăr,
Atas tua sicut spatium sæculorum sine numero.
On s'est servi de la Langue latine pour
mieux rendre l'original Persan , auquel
les Vers suivans , ajoutez par l'Autheur
ême de la Traduction , pourront servir
de Paraphrase :
II. Vol. Djij N...
2830 MERCURE DE FRANCE
N... qu'un bonheur durable
Soit compagnon de tes travaux ,
Qu'il soit exempt de tous les maux ,
Qu'aux biens du ciel il soit semblable.
Que des jours longs et gracieux
Rendenr ton sort digne d'envie ,
Que le terme du cours des Cieux
Soit aussi celui de ta vie.
J'ai reçu presque en même- tems et da
-même Païs , une très- belle Cornaline ,
qui à, sans doute, servi de Cachet à quelque
dévot Musulman de distinction , car
on y lit ces mots Arabes , tres-bien gravez
en caracteres Persans : Mazhar ila
faiz Aichay , c'est- à-dire , protegé par les
faveurs d'Aichay.
Aichay ou Aischah est une Personne
des plus respectables du Mahométisme
en qualité de troisiéme Femme de Mahomet
, et de Fille d'Abdallah , surnommé
depuis a Abubekre ou Pere de la Pudelle
, parce qu'à son exception , ce faux
Prophete n'a épousé que des Veuves . S'il
y a jamais eu des Héroïnes et des Femmes
sçavantes chez les Musulmans , cel
(a ) Abubckre , successeur immédiat de Mabomet
, et le premier des Califes.
11. Kola
k.
DECEMBRÉ . 1933 . 2831
le-cy doit être considérée comme la plus
celebre et la plus ancienne. Son autorité
dans la Religion fut grande de tout tems
parmi les Sunnites , ou les Orthodoxes
pour avoir retenu et transmis ce grand.
nombre de Paroles prétendues Remarquables
de Mahomet , et de Traditions ,
qui ont fait depuis un corps de Doctrine
appellé la Sunna. Aischah par cette raison
est souvent qualifiée de Nabiah ơs
de Prophétesse , et de Seddika , ou de témoin
fidele et authentique. Ils l'appel
lent aussi la Mere des Fidelles .
Sa renommée n'est gueres moins grande
dans l'Histoire du côté de la Politique
et du Gouvernement , et par la valeur
qu'elle fit enfin paroître à la fatale journée
du (a ) Chameau, dans la Bataille qu'elle
donna contre l'Armée d'Ali , pour vanger
la mort du Kalife - Othman , donnant
par sa présence et par son exemple le
mouvement et le courage à ses Troupes.
Bataille sanglante dans laquelle il y eut
près de zo mille Arabes de tuez sur la
place ; qu'elle perdit cependant avec sa
: ( a ) Ainsi nommée par les Historiens , à cause
du Chameau que montoit Aischah , lequel on ne
put jamais arrêter dans la mêlée , qu'en lui coupant
les Jarrets , ce qui donna lieu à la prise de la
Princesse , et à la déroute de son armée , c. )
II. Vol. D iiij.li2832
MERCURE DE FRANCE
liberté. Ali la lui rendit depuis , en la
renvoyant à Médine, où elle mourut l'an
58 de l'Hégire (a) , c'est à.dire fort âgée,
et fut inhumée auprès de Mahomet son
Epoux.
Je vous envoye avec plaisir, le Plan de
la Principale Face de la Mosquée de sainte
Sophie de Constantinople , gravé icy
par le Sr Surugue , Graveur du Roy , à
l'occasion duquel on a fait en peu de
mots la Description et l'Histoire de ce
fameux Temple, dans le II.Vol.du Mercure
de Juin 1732. Cette Description a
donné lieu à une Critique . M. A .. . de
Marseille , qui a séjourné à Constantinople
, soutient que l'eau de la Mer entre
dans les voutes souterraines , sur les
quelles tout l'Edifice est bâti , et qu'on
peut y aller en Batteau ; circonstance
qu'il ne falloit pas , dit-il , omettre dans
cette Description ; promettant de don
ner là-dessus un Ecrit , qu'il ne donne ce
pendant point.
J'admire , Monsieur , votre complaisance
, laquelle , quoique persuadé du
contraire , par la haute situation où se
trouve cette Mosquée , et par son grand
éloignement du Niveau de la Mer , vous
a porté à vouloir éclaircir ce fait extraor
(a ) 677 de JESUS -CHRIS T.
1x 11. Vol.
diDECEMBRE.
1733. 2833
'dinaire. Cet article de votre Lettre est
réjouissant ; il me semble vor ce vieux
Officier de la Mosquée , chargé du soin
de conduire par tout les Etrangers de
distinction , que vous avez consulté,douter
d'abord , si on lui parloit sérieusement
, puis hausser les épaules , éclater
de rire , et enfin après avoir repris son
sérieux , et bien promené sa main sur sa
barbe , vous assurer gravement qu'il n'y
avoit point d'autre Eau sous Sainte Sophie
, que celle d'une Citerne tres - spacieuse
, d'où on la tire pour l'usage des
Gens attachez au service de la Mosquée ,
par un Puits , dont l'ouverture est dans
le Temple même , et que le reste de ces
Voutes souterraines est divisé en plusieurs
Magazins remplis de Munitions de
Guerre , &c. Cet article mérite d'être
communiqué à M. A... si ses autres Mémoires
sur Constantinople ne sont pas
plus exacts , on ne lui conseille pas de les
mettre au jour.
Au reste j'ai été ravi de voir confirmer
par votre Officier de Sainte Sophie , tout
ce que Guillaume-Joseph Grelor, fameux
Ingénieur François , avoit déja dit de
Eaux souterraines de cette Mosquée
presque dans les mêmes termes , en mar
quant dans ses Plans , la Place précise
II. Vol Dv P
2834 MERCURE DE FRANCE
Puits , de la Citerne , des dégrez pour
descendre aux différens Robiners , & c,
Ce qui marque la grande exactitude de
ce Voyageur , envoyé exprès dans le Levant
par le feu Roy , et dont nous avons
un excellent Ouvrage sur Constantino
ple. Je suis , Monsieur , & c.
A Paris , ce fuillet 1733 .
sur la Litterature des Mahometans , et
sur celle des Turcs en particulier.
J
E réponds , Monsieur , le plutôt qu'il
m'est possible à la derniere Lettre que
vous m'avez fait l'honneur de m'écrire
de Constantinople le 30 Mars dernier ,
et je commence par l'Article le plus es
sentiel et que vous me recommandez
particulierement. Vous me demandez si
j'ai prétendu parler bien sérieusement ,
II. Vol.
2820 MERCURE DE FRANCE
du moins s'il n'y a rien d'exagéré dans
la Lettre qui concerne la Litterature des
Mahometans et celle des Turcs en particulier
, que vous avez lue dans le Mercure
de Septembre 1732. ajoûtant que
vous attendez ma réponse pour me développer
les Reflexions que vous avez
faites là-dessus et que dès à présent, c'està-
dire , sans attendre ma Réponse , vous
êtes dans le Préjugé general que les Turcs
sont d'une ignorance crasse ,
très- peu
curieux d'en sortir , &c.
Je vous dirai d'abord , Monsieur , que
j'ai écrit très sérieusement sur le sujet en
question , que je ne crois pas avoir rien
exageré et que je n'ai rien avancé sans
autorité , sur quoi je vous renvoye à ma
Lettre même du Mercure , sans préjudice
des autres autoritez que je puis encore
vous alleguer.
J'ajoûterai à cette affirmation que ce
n'est pas mon Voyage du Levant seul
qui m'a détrompé sur la prétendue ignorance
des Turcs ; je suis allé dans l'Orient
presque avec le même Préjugé où
vous êtes aujourd'hui , et que plusieurs
années de séjour n'ont pas encore détruit
chez vous , Préjugé , pour le dire
en passant , qui empêche , qui ôte l'envie
de s'instruire et de parvenir à la découverte
de la verité.
DECEMBRE . 1733. 2827
Mon voyage ne m'a donné là - dessus
qu'une premiere lueur , mais cette lueur
est devenue lumiere et certitude par les
lectures que j'ai faites depuis mon retour
des ouvrages des Mahometans Anciens et
Modernes , qui fe trouvent dans la Bibliotheque
du Roy et ailleurs , et par le
long commerce que j'ai eû avec plusieurs
sçavans d'élite en érudition orientale ,
qui ont passé une partie de leur vie dans
le Levant et qui sont morts à Paris dans
une haute réputation de vertu , et d'amour
pour la verité. Je n'en nommerai
ici que deux , sçavoir.
François Peris de la Croix Parisien
Sécretaire , Interprete du Roy pour les
Langues Orientales , Professeur en Arabe
au Collège Royal , mort sur la fin de
l'année 1713. M. Colbert le fit passer
dans fa jeunesse et séjourner fuccessivement
à Alep , à Hispaham , à Constantinople
, pour apprendre en perfection les
trois principales Langues , l'Histoire , les
Coutumes & c . des Nations du Levant.
Dans son instruction , dont j'ai une copie,
cette habile Ministre lui ordonne de
s'instruire particulierement à l'égard des
Sciences et des Arts cultivez dans ces differens
Pays. M. Petis en rapporta beaucoup
de doctrine Orientale , dequoi il a
?
11, Vol. donné
822 MERCURE DE FRANCE
·
donné des preuves toute sa vie , et plusieurs
Manuscrits utiles , dont il a tra
duit une bonne partie , entre lesquels est
la curieuse Bibliotheque de Hadgi Calfa,
Turc moderne de Constantinople , * qui
feule est capable de détruire le Préjugé
commun de la prétendue ignorance des
Mahometans & c .
Et Antoine Galland de Noyon , de
PAcadémie Royale des Inscriptions et
des Belles Lettres associé à celle des
Ricovrati de Padoue , Antiquaire du Roy,
Professeur en Arabe au Collège Royal ,
mort au mois de Février 1715 Il suivie
le Marquis de Nointel dans fon Ambassade
de Constantinople , dans son voyage
de la Palestine,et dans sa visite des Echelles
du Levant. De retour en France il fit
encore dux voyages à Constantinople
et au Levant par les ordres de M M. Col
* Ce seul Ouvrage peut détromper bien des gens,
et même quelques Sçavans , qui croyent que les
Turcs et autres Mahometans négligent les Sciences ,
trompez par des Voyageurs , qui ne sçackant pas les
Langues , n'ont pas på conferer avec les Sçavans
des l'ays qu'ils ont parcourus . Cette Bibliotheque
est une veritable Encyclopedie de toutes les Sciences
et de tous les Arts chez les Orientaux . Préface de
P'Histoire de Tamerlan , traduite du Persan pat
M. Peus de la Croix, et donnée au Public après
sa mort. 4. vol. 1 12. Paris 1722.
11. Vol. bert
DECEMBRE . 1733. 2823
1
bert er de Louvois , pour la recherche
des Medalles et des Manuscrits . ce qui
acheva de le perf.ctionner dans l'intelligence
des Langues , et dans la connoissance
de l'Histoire et de tout ce qui concerne
les Orientaux . Il étoit d'ailleurs bon
Critique , excellent Antiquaire et naturellement
Philofophe. Il a composé plusieurs
Ouvrages , dont quelques uns ont
été imprimez. De ses Manuscrits ceux
qui regardent l'Orient ont passé dans la
Bibliotheque du Roy. On lui doit l'Edition
de la Bibliotheque Crientale de
M. d'He belot , faite à Paris en 1697 ,
grand in fol.de 106 pag. et la belle Préface
qui est à la tête . a Preface dont la
(a) On fait quelque grace aux Arabes , et ils
passent pour avoir autrefois cult vé les Sciences aves
grande application. On attribue de la politesse aux
Per ans et on leur rend justice .Mais , par leur nom
seul , les Turcs sont tellement décriez , qu'il suffit
ordinairement de les nommer pour signifier une
Nation grossiere , barbare et d'une ignorance achevée
, et sous leur nom on entend parler de ceux qui
sont sous la domination de l'Empire Ottoman . Cependant
on leur fait injustice ; car sans s'arréter à
Les justifier ici de barbarie et de grossiereté , ce qui
demanderoit un détail .... On peut dire à l'égard
de l'ignorance , qu'ils ne cedent ni aux Arabės ni
aux Iersans dans les Sciences et dans les Belles- Lettrer
, communes à ces trois at.ons , et qu'ils les
cultivent presque dès le commencement de lcur Em-
II. Vol.
scule
2824 ME RCURE DE FRANCE
seule lecture est capable de détruire l'erreur
des Européens qui excluent la cul
ture des Sciences et des beaux Arts de
tout le Mahométisme.
Je pourrois , Monsieur , m'en tenir à
ces autoritez , persuadé qu'elles sont plus
que suffisantes pour confirmer tout ce
que j'ai avancé dans ma premiere Lettres
mais je ne puis omettre un troisiéme Témoin
qui se presente icy bien naturelle.
ment ; Témoin illustre et des plus recevables
sur le sujet qui est en question ;
c'est le fameux Comte de Marsigli, dort
on vient de publier un bel Ouvrage sur
l'Etat (a ) Militaire de l'Empire Ottoman ,
& c.
Ce Seigneur vint à Constantinople avec
pire. La Bibliotheque Orientale en fait foi, et observe
dans leur Histoire une suite continuelle de Docteurs
de leur Religion et de leur Loy , très fameux et
très estimez parmi eux , tant pa . leur Doctrine que
par leurs Ecrits. Ils ont aussi des Historiens trèscelebres
e: très - exacts des Actions de leurs Sultans ,
et on peut compter comme une marque de la délicatesse
de leur esprit le nombre considerable de leurs
Poëtes , qui montoit à 590. vers la fin du siecle
passé , & c. A. Galland , dans son Discours pour
servir de Préface à la Bibliotheque Orientale de
B. d'Herbelot.
(a ) STATO MILITARE dell' Imperio Ottomano
, &c. 1. vol . fol. A la Haye et à Amsterdam
1732.
11. Vol.
DECEM DK E. 1733. 2825
an Ambassadeur de la République de
Venise , n'étant encore âgé que de vingt
ans , dans le dessein de s'instruire à fond,
principalement sur le sujet que je viens
que
de dire , rempli auparavant des préjugez
ordinaires , & c . Il servit ensuite l'Empereur
dans les Guerres de Hongrie . Pris
par les Tartares,qui le vendirent au Pacha
de Témiswar , &c. il sçut mettre à profit
son infortune , pour acquerir toutes les
connoissances qui lui manquoient. Après
avoir recouvré sa liberté , il reprit ses
Emplois dans l'Armée Impériale , et il les
conserva jusqu'à la Paix de Carlowits
à laquelle il servit même utilement ; et ,
après la Paix il fut établi Commissaire
Général pour le Reglement des Limites.
Dans l'Ouvrage qui vient de paroître ,
où il ne s'agit rien moins que de Science
et de Litterature , l'Auteur n'a pû
s'empêcher de rendre là - dessus un témoignage
à la verité. Après avoir dépeint
les Turcs , qu'il dégrade tant qu'il
peut , indolens , mous , oisifs , sur tout
les Asiatiques , n'agissant que par nécessité
, &c. il se récrie contre nos préjugez
sur le point de leurs Etudes. Il par
fe de Constantinople et des autres grandes
Villes , » comme étant remplies de
Personnes instruites dans le Mahome-
II. Vol. Ꭰ tisme
2020 TRANCE
» tisme , qui sçavent au moins les trois
» Langues , le Turc , le Persan et l'A-
» rabe : Esprits cultivez en plus d'un gen-
» re de Litterature , Poëtes délicats , His-
» toriens polis , mais d'une exactitude ,
» scrupuleuse , et par là un peu ennuyeuxs
Dialecticiens subtils , Moralistes pro-
» fonds , Géomêtres , Astronomes , Géographes
, et par dessus tout grands Alchymistes
; ce qu'il a été en état , de :
» prouver par un Catalogue de plus de
» 86000 Ecrivains du dernier siécle , re
>> cueillis dans sa Bibliotheque de Boulogne
, et dont il à fourni une Copie:
» pour celle du Vatican . Si les Turcs
n'impriment pas , ce n'est pas , dit il ,
» qu'il ne leur soit libre de le faire ; leur
» motif est de ne pas empêcher une mul-
>> titude innombrable de Copistes de ga
» gner leur vie. On en comptoit 90009
>> pendant son séjour à Constantinople..
» Une autre sorte d'Etude , selon le mê
» me Auteur , c'est que nul Gouverne,
ment au monde n'est plus appliqué et
plus ponctuel que le Gouvernement
Turc , pour conserver des Registres
A
* Le Comte de Marsigli est de Boulogne , et y a
fondé une Académie . Il est des Académies Royales
des Sciences de Paris et de Montpellier , et de la
Societé Royale de Londres,
II. Vol exacts
DECEM DN E. 1733• 2027
exacts en tout ce qui regarde les Trai-,
a tez avec les Puissances Etrangeres , le..
» Domaine , le Cérémonial , l'Expédi
tion des Ordres , celles des Arrêts ou
Ordonnances et Commandemens ; l'E-
>> tat des Officiers en service , et singulie
☐rement les Finances.
Au reste , Monsieur , je vous connois
un si bon esprit , tant d'amour et de vénération
pour la vérité , pour me servir
de vos termes sur ce sujet , que je ne désespere
pas de vous voir changer un jour
de sentiment , sur tout si vous voulez
vous donner la peine d'apprendre seulement
le Turc , qui n'est pas une Langue
fort difficile, et dans laquelle je vous crois
déja initié;cela vous mettroit en état d'entrer
plus souvent dans cette grande Ville,
de laquelle vous êtes peut - être autant separé
par le préjugé , que par un petit bras
de Mer , et de vous instruire par vousmême
, en conferant avec les Gens de Lettres
, & c. Je ne doute pas que vous
in'ayez trouvé des Turcs d'une ignorance
crasse , et comme vous dites , tres- peu
curieux d'en sortir ; mais ce n'est pas
assez pour affirmet la même chose de
toute la Nation . Où ne trouve- t-on pas
dans l'Europe même , de la rusticité et de
l'ignorance ? On trouve aussi du goûr
II. Vol. Dij de
2808 MENCURE
de la Politesse , et de l'Erudition , quand
rien n'empêche d'en chercher. Mais en
voilà asez sur ce sujet.
Rien n'est plus sensé et plus dans le
vrai que ce que vous me dites , Monsieur,
sur l'impropriété du mot de Sophi , par
lequel les Ecrivains Européens , suivis en
dernier lieu par le a P. du Cerceau , désignent
le Roy de Perse. Vous convenez
qu'à ne consulter que la raison , cette
expression est tout- à fait vicieuse , comme
je l'ai prouvé dans un article de mes
Lettres , auquel votre politesse donne le
nom de Dissertation. La verité est qu'on
n'a point encore décidé dans les formes
que ce terme doive être proscrit parmi
ceux qui se piquent de parler correcte
ment mais en attendant cette décision ,
et malgré la continuation du mauvais
usage par des Ecrivains mal instruits , ou
entêtez , ibn'est pas moins certain qu'on
-he prescrit jamais contre la vérité et contre
la raison , et qu'il est toujours temps
de reclamer en leur faveur. L'usage ,j'en
-conviens ; décide le plus souvent en fait
de langue , au préjudice du bon sens et
des régles, mais c'est quand il ne s'agit
précisément que de la Grammaire. Icy il
( a ) Hissoire de la derniere Révolution de Perse
2 vol . in 12. Paris. 1728,
M. Vel.
s'agie
DECEMBRE . 1733. 2829
s'agit d'un point d'Histoire et de Critique.
J'espere m'étendre davantage sur
ce sujet dans un Ecrit que je prépare , et
qui soutiendra peut- être le titre que vous
voulez bien lui donner par avance .
J'ai enfin reçu depuis peu le beau Jusdam
, ou le Porte Lettres de fabrique
Turque , que vous m'aviez annoncé, orné
d'une broderie parlante ; et si cela se
peut dire , bien obligeante de la part de
ceux qui me font l'honneur de me l'envoyer.
Ils devoient en envoyer aussi l'interprétation
; car je ne sçai si nous aurons
bien réussi à expliquer les deux Vers Persans
qui sont si artistement brodez dessus.
C'est ce que vous pourrez faire examiner
par vos Experts . Voici comment
on a lû et interpreté icy cette galanterie
orientale.
Djah toй hemtchou ni i met ferdaous bi zevăl ,
Felicitas tua sicut gratia Paradisi sine defectu
Umr toй hemtchou middet eflāk bi chumăr,
Atas tua sicut spatium sæculorum sine numero.
On s'est servi de la Langue latine pour
mieux rendre l'original Persan , auquel
les Vers suivans , ajoutez par l'Autheur
ême de la Traduction , pourront servir
de Paraphrase :
II. Vol. Djij N...
2830 MERCURE DE FRANCE
N... qu'un bonheur durable
Soit compagnon de tes travaux ,
Qu'il soit exempt de tous les maux ,
Qu'aux biens du ciel il soit semblable.
Que des jours longs et gracieux
Rendenr ton sort digne d'envie ,
Que le terme du cours des Cieux
Soit aussi celui de ta vie.
J'ai reçu presque en même- tems et da
-même Païs , une très- belle Cornaline ,
qui à, sans doute, servi de Cachet à quelque
dévot Musulman de distinction , car
on y lit ces mots Arabes , tres-bien gravez
en caracteres Persans : Mazhar ila
faiz Aichay , c'est- à-dire , protegé par les
faveurs d'Aichay.
Aichay ou Aischah est une Personne
des plus respectables du Mahométisme
en qualité de troisiéme Femme de Mahomet
, et de Fille d'Abdallah , surnommé
depuis a Abubekre ou Pere de la Pudelle
, parce qu'à son exception , ce faux
Prophete n'a épousé que des Veuves . S'il
y a jamais eu des Héroïnes et des Femmes
sçavantes chez les Musulmans , cel
(a ) Abubckre , successeur immédiat de Mabomet
, et le premier des Califes.
11. Kola
k.
DECEMBRÉ . 1933 . 2831
le-cy doit être considérée comme la plus
celebre et la plus ancienne. Son autorité
dans la Religion fut grande de tout tems
parmi les Sunnites , ou les Orthodoxes
pour avoir retenu et transmis ce grand.
nombre de Paroles prétendues Remarquables
de Mahomet , et de Traditions ,
qui ont fait depuis un corps de Doctrine
appellé la Sunna. Aischah par cette raison
est souvent qualifiée de Nabiah ơs
de Prophétesse , et de Seddika , ou de témoin
fidele et authentique. Ils l'appel
lent aussi la Mere des Fidelles .
Sa renommée n'est gueres moins grande
dans l'Histoire du côté de la Politique
et du Gouvernement , et par la valeur
qu'elle fit enfin paroître à la fatale journée
du (a ) Chameau, dans la Bataille qu'elle
donna contre l'Armée d'Ali , pour vanger
la mort du Kalife - Othman , donnant
par sa présence et par son exemple le
mouvement et le courage à ses Troupes.
Bataille sanglante dans laquelle il y eut
près de zo mille Arabes de tuez sur la
place ; qu'elle perdit cependant avec sa
: ( a ) Ainsi nommée par les Historiens , à cause
du Chameau que montoit Aischah , lequel on ne
put jamais arrêter dans la mêlée , qu'en lui coupant
les Jarrets , ce qui donna lieu à la prise de la
Princesse , et à la déroute de son armée , c. )
II. Vol. D iiij.li2832
MERCURE DE FRANCE
liberté. Ali la lui rendit depuis , en la
renvoyant à Médine, où elle mourut l'an
58 de l'Hégire (a) , c'est à.dire fort âgée,
et fut inhumée auprès de Mahomet son
Epoux.
Je vous envoye avec plaisir, le Plan de
la Principale Face de la Mosquée de sainte
Sophie de Constantinople , gravé icy
par le Sr Surugue , Graveur du Roy , à
l'occasion duquel on a fait en peu de
mots la Description et l'Histoire de ce
fameux Temple, dans le II.Vol.du Mercure
de Juin 1732. Cette Description a
donné lieu à une Critique . M. A .. . de
Marseille , qui a séjourné à Constantinople
, soutient que l'eau de la Mer entre
dans les voutes souterraines , sur les
quelles tout l'Edifice est bâti , et qu'on
peut y aller en Batteau ; circonstance
qu'il ne falloit pas , dit-il , omettre dans
cette Description ; promettant de don
ner là-dessus un Ecrit , qu'il ne donne ce
pendant point.
J'admire , Monsieur , votre complaisance
, laquelle , quoique persuadé du
contraire , par la haute situation où se
trouve cette Mosquée , et par son grand
éloignement du Niveau de la Mer , vous
a porté à vouloir éclaircir ce fait extraor
(a ) 677 de JESUS -CHRIS T.
1x 11. Vol.
diDECEMBRE.
1733. 2833
'dinaire. Cet article de votre Lettre est
réjouissant ; il me semble vor ce vieux
Officier de la Mosquée , chargé du soin
de conduire par tout les Etrangers de
distinction , que vous avez consulté,douter
d'abord , si on lui parloit sérieusement
, puis hausser les épaules , éclater
de rire , et enfin après avoir repris son
sérieux , et bien promené sa main sur sa
barbe , vous assurer gravement qu'il n'y
avoit point d'autre Eau sous Sainte Sophie
, que celle d'une Citerne tres - spacieuse
, d'où on la tire pour l'usage des
Gens attachez au service de la Mosquée ,
par un Puits , dont l'ouverture est dans
le Temple même , et que le reste de ces
Voutes souterraines est divisé en plusieurs
Magazins remplis de Munitions de
Guerre , &c. Cet article mérite d'être
communiqué à M. A... si ses autres Mémoires
sur Constantinople ne sont pas
plus exacts , on ne lui conseille pas de les
mettre au jour.
Au reste j'ai été ravi de voir confirmer
par votre Officier de Sainte Sophie , tout
ce que Guillaume-Joseph Grelor, fameux
Ingénieur François , avoit déja dit de
Eaux souterraines de cette Mosquée
presque dans les mêmes termes , en mar
quant dans ses Plans , la Place précise
II. Vol Dv P
2834 MERCURE DE FRANCE
Puits , de la Citerne , des dégrez pour
descendre aux différens Robiners , & c,
Ce qui marque la grande exactitude de
ce Voyageur , envoyé exprès dans le Levant
par le feu Roy , et dont nous avons
un excellent Ouvrage sur Constantino
ple. Je suis , Monsieur , & c.
A Paris , ce fuillet 1733 .
Fermer
Résumé : SECONDE Lettre de M. D. L. R. sur la Litterature des Mahometans, et sur celle des Turcs en particulier.
La lettre de M. D. L. R., datée de 1732, répond à une missive reçue de Constantinople le 30 mars 1732, qui interrogeait la véracité de ses propos sur la littérature des Mahometans et des Turcs, publiés dans le Mercure de Septembre 1732. L'auteur affirme avoir écrit sérieusement et sans exagération, s'appuyant sur des autorités et ses propres lectures. Il mentionne que son voyage au Levant et ses lectures des ouvrages orientaux, ainsi que ses échanges avec des savants comme François Pétis de la Croix et Antoine Galland, l'ont détrompé sur l'ignorance supposée des Turcs. Ces savants ont rapporté des connaissances orientales et des manuscrits précieux, comme la Bibliothèque de Hadji Calfa, qui démontre la culture scientifique et artistique des Orientaux. L'auteur cite également le Comte de Marsigli, dont l'ouvrage sur l'État militaire de l'Empire Ottoman atteste de la culture et des études des Turcs. Il encourage son correspondant à apprendre le turc pour se rendre compte par lui-même de la richesse littéraire et scientifique de cette nation. La lettre se termine par une discussion sur l'impropriété du terme 'Sophi' pour désigner le roi de Perse et l'annonce de la réception d'un porte-lettres turc brodé. Le texte traite également de divers sujets historiques et culturels. Il commence par une traduction en vers français d'un texte persan souhaitant un bonheur durable et exempt de maux. Il mentionne une cornaline gravée en caractères persans, appartenant à un dévot musulman, avec l'inscription 'Mazhar ila faiz Aichay', signifiant 'protégé par les faveurs d'Aichay'. Aichay, ou Aïcha, est identifiée comme la troisième femme de Mahomet et la fille d'Abdallah, surnommé Abou Bakr. Elle est respectée pour son savoir et son rôle dans la transmission des paroles de Mahomet, ce qui lui vaut le titre de 'Mère des Fidèles'. Aïcha est également célèbre pour son intervention dans la bataille du Chameau contre l'armée d'Ali, après l'assassinat du calife Othman. Elle fut capturée et plus tard libérée par Ali, retournant à Médine où elle mourut à un âge avancé. Le texte aborde également la mosquée Sainte-Sophie à Constantinople, en mentionnant une critique de M. A... de Marseille, qui affirme que l'eau de la mer pénètre dans les voûtes souterraines de la mosquée. Cette affirmation est contestée par un officier de la mosquée et confirmée par les observations de Guillaume-Joseph Grelot, un ingénieur français. Le texte se termine par une confirmation de l'exactitude des descriptions de Grelot concernant les eaux souterraines et les installations de la mosquée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
24
p. 73-96
LETTRE de M. D. L. C. à M. D. L. R. sur quelques particulartiez de la vie de Topal Osman Pacha, cy-devant Grand Visir de l'Empire Ottoman, et aujourd'hui Séraskier de l'Armée Turque en Perse. A Paris, ce 18 Janvier 1734.
Début :
Vous avez jugé, Monsieur, que dans les circonstances présentes où [...]
Mots clefs :
Topal Osman Pacha, Grand vizir, Arniaud, Pacha , Constantinople, Turcs, Malte, Capitaine, Empire, Fortune, Armée, Patron, Présents, Ordre, Esclavage, Sequins, Rançon, Esclave, Maître
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. D. L. C. à M. D. L. R. sur quelques particulartiez de la vie de Topal Osman Pacha, cy-devant Grand Visir de l'Empire Ottoman, et aujourd'hui Séraskier de l'Armée Turque en Perse. A Paris, ce 18 Janvier 1734.
LETTRE de M. D.L.C. à M. D.L.R.
sur quelques particularitez de la vie de
Topal Osman Pacha , cy-devant Grand
Visir de l'Empire Ottoman , et aujour
d'hui Séraskier de l'Armée Turque en
Perse . A Paris , ce 18 Janvier 1734.
V
Ous avez jugé , Monsieur , que
dans les circonstances présentes où
les affaires d'Asie ont plus de liaison que
jamais avec celles d'Europe , ce seroit
un objet interessant pour le Public , que
la
74 MERCURE DE FRANCE
la vie et les avantures de Topal Osman
qui jouë aujourd'hui un si grand rôle .
Je crois que l'Auteur de la Rela .
tion de la Révolution arrivée en 1730. à
Constantinople n'a pas abandonné le
dessein où je l'ai vu, d'écrire cette vie, véritablement
digne de la curiosité du Public
. Personne n'est plus capable que lui
de bien exécuter ce projet; et s'il est aussi
bien servi par ceux qui sont à portée de
lui procurer des Mémoires , que je le
connois exact et ami de la verité ; nous
verrons dans un même Ouvrage la singularité
du Roman , unie à la plus scru
puleuse fidelité dans les faits historiques.
En attendant , je me fais un vrai plaisir
, Monsieur , de vous faire part de
quelques traits de la vie du Général
Turc dont je suis exactement informé . Le
Sr Arniaud , celui-la même qui racheta
Topal Osman d'esclavage à Malte , il y
a environ trente- cinq ans , vint en 1732 .
à Constantinople avec son fils ,saluer son
ancien Esclave , devenu Grand Visir.J'ai
entendu plus d'une fois raconter au pete
et au Fils ce qu'ils sçavoient de son histoire.
Le Fils a même bien voulu , à ma
priere , mettre par écrit ce qu'il a pû s'en
rappeller, et m'en laisser le Mémoire que
je
JANVIER. 1734. 75
je conserve , écrit de sa main. Ce qui suit
est tiré de ce Mémoire. J'y ai joint
quelques circonstances que je lui ai entendu
conter , ou à son Pere, et j'ai ajouté
les faits dont j'ai eu connoissance
pendant mon séjour à Constantinople ,
concernant l'arrivée du Sr Arniaud , son
Audiance du Visir , la déposition de ce
Ministre , &c. tous faits qui se sont passez
presque sous mes yeux ; mais dont
je ne garantis cependant pas la verité
quelque attention que j'aye eu à consulter
les témoins oculaires autant que je
l'ai pû , et à ne rapporter icy que ce que
je trouve sur un Journal , écrit dans le
temps.
Osman avoit reçu dans le Sérail du
Grand Seigneur l'éducation qui n'étoit
autrefois destinée qu'aux Enfans de Tribut
, ( a ) Chrétiens de naissance . Les
Turcs ont depuis brigué ces Places pour
leurs propres Enfans , ensorte qu'aujour
d'hui presque tous les Eleves du Sérail
sont de race Turque .
En 1698 ou 99. à l'âge de 25 ans ou
environ, Osman Aga sortit du Sérail, où il
exerçoit l'emploi de (b) Martolos Bachi.
( a ) Voyez Ricaut, Etat présent de l'Empire Ot
toman.
(b ) Intendant des Voitures.
7
N
6 MERCURE DE FRANCE
Il étoit porteur d'un Ordre du Grand Sergneur
, et chargé d'une commission pour
aller remettre quelques Beys du Čaire
dans la possession de leurs biens , dont
ils avoient été destituez pendant ces troubles
qui sont si fréquents en Egypte. I
prit sa route par terre jusqu'à Seyde , où
pour éviter la rencontre des Arabes qui
infestoient le Païs , il fut obligé de s'embarquer
sur une ( a ) Saïque , qui passoit
à Damiette . Dans ce, court trajet la Saïque
fut malheureusement rencontrée par
une Barque Espagnole , armée en course
à Maïorque. Quoique la partie ne fut pas
égale , le désir de conserver leurs biens
et leur liberté , fit faire les derniers ef
fort aux Passagers et à l'équipage ; ils se
deffendirent en désesperez ; l'abordage
fut sanglant. Osman s'y signala par cette
intrépidité dont il a depuis donné des
preuves en tant de rencontres ; si la valeur
de tous eut été égale à la sienne
peut-être eussent ils évité l'esclavage . Enfin
il fallut céder au nombre . Osman
Aga , percé de coups , blessé dangereusement
au bras et à la cuisse , fut pris les
armes à la main . Le Corsaire , dont le Bâtiment
avoit souffert dans le combat
( a ) Sorte de Bâtiment de Levant , propre an
ransport des Marchandises,
soit
JANVIER . 1734.
77
soit qu'il eut besoin de se raccommoder ,
ou pour quelque autre raison , relâcha à
Malte .
-
Les marques de valeur qu'Osman avoit
données dans l'action, ou plutôt la déposition
que firent sans doute les autres Passagers
,qu'il étoit chargé d'une commission
secrete du Grand Seigneur , et l'espérance
d'en tirer une grosse rançon , le firent distinguer
parmi ses compagnons d'infortune;
cependant il n'étoit pas hors de danger
de ses blessures quand il arriva à Malte ;
celle de la Cuisse étoit la plus considérable
; il en est resté estropié ; et c'est delà
que lui est demeuré le nom ou le Sobriquet
de ( a ) Topal , suivant l'usage commun
des Turcs .
*
>
Aussi- tôt que le Corsaire fut entré dans
le Port , le Sr Vincent Arniaud dit
' Hardy , natif de Marseille , qui étoit
alors Capitaine de Port à Malte , se transporta
à bord du Bâtiment , suivant le devoir
de sa Charge. Il y vit le malheureux
Aga enchaîné , qui lui fit une proposision
bien singuliere,
Fais une belle action , lui dit Topal ,
rachette - moi , tu n'y perdras rien. Arniaud
surpris de la proposition , deman .
da au Capitaine Corsaire ce qu'il pré-
( a ) Boiteux,
ten8
MERCURE DE FRANCE
tendoit pour la rançon de cet Esclave. Il:
me faut mille Sequins ( a ) , répondit le
Corsaire . Arniaud se retournant vers
Osman , lui dit : Je te vois pour la premiere
fois de ma vie , je ne te connois
point , et tu me proposes de donner sur ,
ta parole mille Sequins pour ta rançon .
Nous faisons l'un et l'autre ce qu'il nous
convient de faire, reprit Osman . Quant à
moi je suis dans les fers , il est naturel
que je mette tout en usage pour obtenir
ma liberté ; pour toi , tu es en droit de te
défier de ma bonne foy ; je n'ai aucune
sureté à te donner que ma parole , et tu.
n'as aucune raison d'y conter ; cependant
si tu veux en courir les risques , je te le
répete encore , tu ne t'en repentiras pas.
Soit que l'air d'assurance , ou que la
Phisionomie du jeune Turc prévint Arniaud
en sa faveur, soit que la singularité
de l'avanture éloignât les soupçons qu'il.
auroit pû concevoir , le Capitaine de
Port sortit avec des dispositions favora
bles pour Topal Osman , et , ce qui est
peut être encore plus extraordinaire , la
réfléxion ne les détruisit pas.
Arniaud alla rendre compte au grand
( a ) Ily a plusieurs sortes de Sequins en Levant,
qui valent depuis six jusqu'à onze francs de notre
Monnoye.
MaîJANVIER.
1734. 79
Maître Perellos de ce qui concernoit son
ministere , revint à bord et convint de
600(a )Sequins Vénitiens avec le Corsaire,
pour le prix de la rançon de son Esclave ;
son nouveau Maître le fit aussi - tôt transporter
sur une Barque Françoise, à lui ар-
partenante,où il lui envoya un Médecin ,
un Chirurgien et tous les secours neces
saires.Osman se vit bien tôt hors de danger.
Il proposa alors à son bienfaicteur
d'écrire en Levant pour se faire rembourser
de ce qu'il lui devoit. Mais comblé
des bienfaits de son nouveau Patron , il
ne crut pas abuser de sa générosité en lui
demandant une nouvelle grace . C'étoit de
le renvoyer sur sa parole et de s'en remettre
pour le tout entierement à sa
bonne foy.
Arniaud ne fut pas genereux à demi
et rencherit encore sur la demande de son
Esclave ; après lui avoir fait toutes sortes
de bons traitemens , il lui donna cette
même Barque , sur laquelle il l'avoit fait
transporter, pour en disposer à sa volonté,
et se faire conduire où bon lui sembleroit.
Osman arrivé à Malte Esclave , et racheté
le jour même , en partit huit jours
après sur un Bâtiment à ses ordres . Le
(a ) Le Sequin Vénitien vaut aujourd'hui environ
11 liv. quelques sols, Monnoye de France.
Pa80
MERCURE DE FRANCE
Pavillon François le mettoit à l'abri
des Corsaires . Il arriva heureusement
à Damiette d'où il remonta le Nil jusqu'au
Caire . Le lendemain de son arrivée
il fit compter mille Sequins au Capitaine
au
de la Barque pour être remis à son libérateur,
il y joignit deux Pelisses ( a) dè la valeur
de soo piastres , ( b ) dont il fit présent
au Capitaine . Il exécuta la commission
du Grand Seigneur , repartit pour
en aller rendre compte, arriva à Constantinople
et fut lui - même le porteur de la
nouvelle de son Esclavage.
pas
à
La reconnoissance d'Osman ne se borna
ses premiers mouvements : pendant
plusieurs années de séjour qu'il fit du
côré de Larta en Albanie où ses emplois
l'appellerent, il continua d'en donner des
preuves à son bienfaicteur , et entretint
avec lui un commerce non interrompu
de lettres et de présents.
On peut même dire que sa reconnoissance
s'étendit sur toute la Nation Françoise
; puisque depuis son avanture il n'a
laissé échaper aucune rencontre où il n'ait
donné à tous les François , qui ont eu affaire
à lui, des marques d'une bienveillance
particuliere .
( a ) Robes Fourrées .
( b ) La Piastre courante du Levant , vaut aujourd'hui
3 livres quelques sols Monnoye de France.
Les
JANVIER 1734 81
Les occasions avoient manqué jusqu'a
lors à Osman de se faire connoître et de
pousser sa fortune . La Guerre s'étant depuis
declarée entre les Venitiens et les
Turcs , le Grand Visir Aly Pacha , qui
méditoit l'invasion de la Morée , assembla
son Armée dans le voisinage de
l'Isthme de Corinthe , qui joint la Morée
au continent et le seul passage qui
puisse donner entrée par terre dans cette
presqu'Isle.
>
Tous les differents corps de Troupes
qui devoient composer l'Armée Ottomane
, se rendirent de toutes les Provinces
de l'Empire au lieu et au jour marqués
le seul Cara Mustapha Pacha ,. qui commandoit
un Corps de trois mille hommes
, arriva trois jours trop tard au rendez-
vous de l'Armée : il lui en couta la
vie , le Visir lui ayant fait trancher la
tête.
Sur ces entrefaites , Topal-Osman brulant
du désir de se signaler , vint se présenter
au Visir à la tête de mille hommes
qu'il avoit levez et pris à sa solde sans
avoir reçu aucun ordre; et le jour destiné
à l'attaque du défilé du Pas de Corinthe ,
il s'offrit de marcher le premier, et se
chargea de forcer le passage avec sa troupe
; son offre fut acceptée. Peut être la
E terreur
82 MERCURE DE FRANCE
terreur et la consternation generale qui
s'étoient répandues à l'approche d'une
Armée formidable , ne laisserent- t'elle pas à
Topal-Osman tout le merite d'une victoi
re achetée cherement ; quoiqu'il en soit,il
força le défilé , et emporta d'emblée la
Ville de Corinthe. Il reçut du Grand
Visir pour récompense les deux queues
de Pacha , et tous les Equipages de l'infortuné
Cara Mustapha.
Osman ne resta pas en si beau chemin,
et les occasions ne manquant plus à son
courage , il se distingua par
de nouveaux
exploits dont le détail nous meneroit
trop loin. L'année suivante , au Siége de
Corfou il servit en second, et fit les fonctions
de Licutenant General.
Ce fut alors qu'il fit voir que sa prudence
égaloit sa valeur ; le Siége ayant
été abandonné , Osman demeura trois
jours devant la Place depuis le départ du
General , pour favoriser la retraite des
Troupes Ottomanes ; il donna les ordres
necessaires avec toute la présence d'esprit
possible , et ne se retira qu'après avoir mis
l'Armée en sûreté.
Il étoit tems qu'un homme de cette
trempe commandât à son tour ; adoré
des troupes , la voix publique l'appelloit
au Generalat ; mais plus il se distinguoit
entre
JANVIER 89 173 4.
entre ses pareils , plus il faisoit de jaloux ,
qui bientôt étoient autant d'ennemis.
Tel est , à la honte de l'humanité et en
tout Pays , l'effet ordinaire d'un merite
superieur , mais dont les conséquences ne
sont nulle part si dangereuses qu'en Turquic.
C'est à ce tems vrai-semblablement que
doit se raporter un évenement de la vie
d'Osman qui pensa le perdre , et dont
je ne retrouve qu'une note ; je l'ai entendu
raconter au Sr Arniaud fils , avec plusieurs
circonstances qui me sont échapées
; mais il est obmis dans le Mémoire
qu'il m'a laissé qui fut fait avec précipitation
et presque au moment de son départ.
,
se
Topal - Osman par des raisons qui ne
pouvoient que lui faire honneur
broüilla avec un Pacha plus puissant que
lui , peut-être avec ce même General
qu'il avoit si utilement remplacé au Siége
de Corfou . Sa tête fut proscrite et ses
biens confisquez : il fallut céder à l'orage,
il se déroba par la fuite à la fureur de son
ennemi ; déguisé et inconnu , abandonné
des siens , il se rendit à Salonique , où il
demeura caché quelque tems . Delà sous
l'habit et l'apparence d'un simple ( a ).
( a ) Soldat de Marine Turc.
E ij
Léventi
84 MERCURE DE FRANCE
Léventi , Il s'embarqua sur une Galere et
passa à Constantinople. Pendant qu'il
agissoit sous main , sans oser paroître , es
qu'il employoit ses amis pour obtenir sa
grace , son ennemi fut déposé. C'étoit le
plus grand obstacle à la justification
d'Osman : elle fut éclatante et solemnelle.
Il fut renvoyé dans la possession de tous
ses biens , et ce fut à peu près dans ce
tems qu'il fut nommé Seraskier ου
Generalissime en Morée.
›
Tous les Consuls étant venus le saluer
en cette qualité , il donna à la Nation
Françoise les témoignages les plus marquez
de bienvaillance et de protection .
chargea les Consuls François d'écrire à
Malte au Capitaine Arniaud , pour lui
faire part de sa nouvelle dignité , et le
prier de lui envoyer un de ses fils , dont
il se voyoit en état de faire la fortune.
Un des fils d'Arniaud , celui - la même
qui a fourni ces Mémoires , se rendit
effectivement en Morée ; et pendant deux
ou trois ans qu'il demeura auprès du
Seraskier, celui - ci, tant par les dons qu'il
lui fit , que par les facilitez et les avanta
ges qu'il lui procura pour son commerce,
le mit effectivement à portée de faire des
gains considérables dont les occasions furent
négligées par le jeune homme , alors
plus
JANVIER.
1734 83
plus occupé de ses plaisirs que du soin de
sa fortune.
Topal-Osman croissant en dignitez à
mesure que son mérite devenoit plus
connu , fut fait Pacha à trois queües , et
nommé Beglier-Bey de Romelie , un des
deux plus grands Gouvernements de
l'Empire , lequel par sa proximité de la
Frontiere de Hongrie est un poste encore
plus important.
་
En 1727. le Capitaine Arniaud , âgé
de soixante et sept ans , passa avec son
fils à Salonique , et alla voir le Beglier
Bey à Nysse où il faisoit sa résidence . Ils
en reçurent l'accueil le plus favorable et
le plus tendre ; il déposa en leur présen ,
ce le faste de sa dignité , les embrassa
leur fit servir le Sorbet et le Parfum , et
les fit asseoir sur le Sopha , faveur singuliere
de la part d'un Pacha du premier
ordre , sur tout quand elle est accordée à
un Chrétien. Il les combla d'honneurs et
de présents , et leur voyage leur valut
plus de 15000 livres. En prenant congé
du Pacha , son ancien Patron lui dit qu'il
esperoit bien avant que de mourir l'aller
saluer à Constantinople en qualité de
Grand Visir ; c'étoit plutôt alors un
souhait qu'une espérance , l'évenement
en a fait une prédiction.
E iij
Le
36 MERCURE DE FRANCE
Le Grand Visir Ibrahim Pacha après
avoir joüi douze ou treize ans tranquillement
d'une dignité jusques - là si orageuse,
périt cruellement comme tout le monde
sçait dans la Révolution de 1730. ( a )
En moins d'un an il eut trois successeurs.
Au mois de Septembre 1731 , Topal-
Osman fut appellé pour remplir à son
tour un poste dangereux par lui- même ,
et devenu plus délicat dans les circonstances
présentes . Il ignoroit encore quelle
place lui étoit destinée ; lorsqu'étant
en chemin pour se rendre à Constantinople
, il fit écrire à Malte par le Consul
Francois de Salonique et mander au Capitaine
Arniaud qu'il pouvoit lui et ses
enfans venir trouver Topal-Osman en
quelque lieu du monde que la fortune
l'appellât. Après son arrivée à Constantinople
il fit prier l'Ambassadeur de
France d'écrire de nouveau et d'inviter
son ancien Patron à le venir voir ; lui
recommandant de ne point perdre de
tems, parce qu'un Grand Visir pour l'ordinaire
ne demeuroit pas long- tems en
place.
Arniaud profita de l'avis ; il vint à
Constantinople avec son fils au mois de
( a ) Voyez le Supplement du Mercure d'Avri
1731
JanJANVIER.
1734 87
Janvier 1732. Aussi - tôt que le Visir fut
informé de leur arrivée , il leur envoya
un Officier de confiance , leur dire qu'il
leur donneroit Audiance le lendemain.
après midi. On pensoit qu'il les recevroit
en particulier , pour ne point commettre
sa dignité en faisant à des Chrétiens
un accueil qui pourroit indisposer les
Grands de la Porte , sur tout dans un
tems où la fermentation des esprits se
ressentoit encore des troubles de la derniere
Révolution. Les deux François se
rendirent le lendemain au Palais du Grand
Visir, à l'heure marquée, avec les présents
qu'ils lui avoient aportés de Malte, consistant
en plusieurs Caisses d'Oranges ,
Citrons , Bergamotes , &c. diverses sor
tes de Confitures , des Orangers chargez
de feuilles et de fleurs , des Serins dé
Canarie dont les Turcs sont fort curieux ,
et ce qui l'emportoit sur tout le reste ,
en douze Turcs rachetez de l'esclavage à
Malte.
Tous ces présents , par ordre du Visir ,
furent rangez et exposez à la vûë. Le
vieux Arniaud âgé de soixante et douze
ans , accompagné de son fils , fut introduit
devant le Grand Visir. Il les reçût
en présence des plus grands Officiers de
l'Empire , avec les témoignages de la plus
E iiij
tendre
38 MERCURE DE FRANCE
tendre affection . Vous voyez , dit - il , en
adressant la parole aux Turcs qui l'environnoient
, et leur montrant les Esclaves
rachetez, vous voyez vos freres qui jouissent
de la liberté après avoir langui dans
l'esclavage : ce François est leur libérareur
. J'ai été esclave comme eux
ajouta-t'il , j'étois chargé de chaînes
percé de coups , couvert de blessures ,
voilà celui qui m'a racheté , qui m'a sauvé
; voilà mon Patron : liberté , vie
fortune , je lui dois tout. Il a payé sans
e connoître mille Sequins pour ma rançon.
Il m'a renvoyé sur ma parole ; il m'a
donné un Vaisseau pour me conduire ou
je voudrois :où est,même le Musulman ,capable
d'une pareille action de génerosité?
Tous les assistants avoient les yeux tournez
sur le vieillard qui tenoit les mains
du Grand Visir embrassées .Tous les Officiers
de ce Ministre , tous les gens de sa
maison se disoient les uns aux autres
voilà l'Aga ( a ) le Patron du Visir; voilà
celui qui a racheté notre Maître.
Cinq ans auparavant Osman étant Pacha
de Nysse , n'avoit pas voulu permettre
que son ancien Patron lui baisât
la main. Devenu Grand- Visir , il souf-
( a ) Les Esclavos Tures appellens leur Maître
tum Aga.
frit
JANVIER 1734 89
frit cette marque de respect et de soumission
, et crut devoir en agir ainsi
sur tout en présence des Grands de l'Empire
, pour qui c'eût été une faveur ,
eux qui se trouvent honorez de baiser
le bas de la veste d'un Grand Visir , et
dont plusieurs même murmuroient en
secret de l'honneur que celui- cy faisoit
à de vils Ghiaours . (a)
,
Le Visir fit ensuite au Pere et au Fils
diverses questions sur l'état présent de leur
fortune et sur les pertes qu'ils avoien
essuyées dans leur commerce. Après avoir
écouté leurs réponses avec bonté , il répliqua
par une Sentence Arabe Allah-
Kerim , qui signifie à la lettre , Dleu est
liberal , et dans un sens plus étendu , la
Providence de Dieu est grande ; elle m'a
mis en état , ajoûta - t'il , d'adoucir votre
situation. Il fit ensuite devant eux la
destination de leurs présents , dont il
envoya sur le champ la plus grande partie
au Grand- Seigneur , à la Validé ¯ ( b)
et au Kislar- Agă, ( c)
Les deux François , comblez des cares-
(a) Ghiaours est un terme de mépris dont les
Tures se servent pour désigner ceux qui ne sont pas
Musulmans.
(b) Sultane Mere.
(c) Chef des Eunuques noirs.
E v se
90 MERCURE DE FRANCE
•
ses du Grand-Visir , prirent congé de lui.
Il avoit donné ordre de leur préparer
un Appartement dans son Palais ; il leur
fit quelques reproches en apprenant qu'ils
retournoient au Palais de France ; il chargea
l'Interprete de les recommander de
sa part à M. l'Ambassadeur , en le faisant
assurer qu'il lui auroit obligation
de tout ce qu'il feroit pour eux.
Il y a assurément de la grandeur d'ame
dans la peinture que Topal- Osman fit
de son Esclavage et dans l'aveu public
de son humiliation et des obligations
qu'il avoit à son Libérateur ; mais il faudroit
connoître le profond mépris et le
fond d'éloignement que les préjugez de
la Religion et de l'éducation inspirent
aux Turcs pour tout ce qui n'est point
Musulman , et en particulier pour les
Chrétiens , pour sentir toute la beauté
et la noblesse de cette action , qui se passa
aux yeux de toute sa Cour.
Le Fils du Visir reçut ensuite le Pere et le
Fils en particulier dans son Appartement,
où il ne garda aucunes mesures. Il les
embrassa l'un et l'autre, les traita avec la
même familiarité qu'avoit fait son Pere
étant Pacha de Nysse , et leur fit promettre
de le venir voir souvent.
Ils eurent peu de temps avant leur départ
JANVIER. 1734- 91
part une autre Audiance particuliere du
Visir , où ce Ministre n'ayant plus de
bienséance à observer , oublia son rang
pour ne plus se souvenir que de ce qu'il
devoit à son Bienfaicteur. Il lui avoit
déja fait rembourser liberalement la rançon
des douze Esclaves , et procuré le
payement d'une ancienne dette regardée
comme perdue. Il y ajoûta de nouveaux
présents en argent , et un Commandement
ou permission expresse pour faire
gratis à Salonique , un chargement de
bled , sur lequel il y avoit un profit à
faire d'autant plus considerable que ce
commerce étoit interdit aux Etrangers
depuis plusieurs années. Cette gratifica
tion montoit à plus de dix mille écus .
Le Visir , qui eût voulu mesurer sa libé
ralité sur sa reconnoissance , qui étoit'sans
bornes, leur fit entendre qu'il ne pouvoit
pas faire tout ce qu'il vouloit, et peut - être
n'en faisoit- il déja que trop aux yeux de
ceux qui ne jugent des actions d'un Ministre
que par leur interêt particulier.
Il fit ressouvenir Arniaud le fils de son
voyage en Morée , et du temps où il n'avoit
tenu qu'à lui de faire une grande
fortune par les occasions qu'il lui avoit
procurées. Il finit par leur dire qu'un
Pacha étoit le Maître dans son Gouverne
E vi
ment
92 MERCURE DE FRANCE
ment , mais qu'un Visir à Constantinople
avoit un plus grand Maître que lui .
Topal- Osman , par sa vigilance et sæ
fermeté, avoit remis l'abondance , le bon
ordre et la Police dans Constantinople ,
où depuis la Révolution jusqu'à son Ministere
, la licence et le desordre n'avoient
pû être réprimez , et où la disette
et la cherté des vivres étoient excessives.
Quoiqu'on lui ait reproché une trop
grande séverité, il est de fait qu'il n'a condamné
à mort même les plus vils et les plus
séditieux des mutins , que sur le Fetfa (a)
du Mufti. Peut-être dans les conjonctures
présentes un homme de ce caractére étoitil
nécessaire pour prévenir une nouvelle
révolte et rétablir la tranquillité publique;
ce qu'il y a de certain , et qui est bien à
son honneur , c'est qu'il fut regretté de
tous les gens de bien et des bons Citoyens,
lorsqu'il fut ôté de place au mois de
Mars 1732.
On ne sçut pas bien , du moins alors ,
les véritables motifs de sa déposition .
Un mois auparavant les bruits publics
l'avoient annoncée pour le temps précis
où elle arriva : elle avoit été précedée de
quelques jours par celle du Mufti , qui
(a) Sorte de consultation du Mufti , qui décide
suivant la Loy , de la peine duë au coupable.
avoit
JANVIER. 1734. 93
avoit opiné pour la Paix , ainsi que le
Visir dans le Conseil extraordinaire, tenu
depuis peu au sujet des affaires de Perse ;
l'un et l'autre avoient insisté fortement sur
la nécessité de ratifier le Traité conclu par
Achmet-Pacha , Gouverneur de Bagdad,
en vertu de son plein pouvoir. La déposition
de ces deux Ministres fut regardée
, avec raison , comme un mistere de
politique ; car il faut avouer que tout
ce qu'on en dit dans le temps ne passoit
pas la conjecture.
Topal - Osman , qui avoit dès longtemps
prévû ce revers , le soutint avec
la plus parfaite tranquillité. En sortant
du Serrail , après avoir remis le Sceau de
l'Empire , il trouva toutes ses Créatures
et tous les Gens de sa Maison abatus et
consternez : de quoi vous affligez - vous ,
leur dit - il , ne vous ai-je pas dit qu'un
Visir ne restoit pas long- temps en place ?
Toute mon inquiétude étoit de sçavoir
comment j'en sortirois ; grace à Dieu on
n'a rien à me reprocher ; le Sultan est satisfait
de mes services ; je pars tranquille.
et content.
Il donna ensuite ses ordres pour un
Sacrifice (a) d'actions de graces , distri-
(a) Cette coûtume est pratiquée parmi les Turcs
en certaines occasions , comme pour obtenir un heureux
succès , &c.
94 MERCURE DE FRANCE
bua de l'argent à ses Domestiques et leur
ordonna de se réjouir . Il se ressouvint
aussi dans ce moment de son Bienfaicteur
, en prévoyant le chagrin que cet
évenement lui causeroit. Qu'on lui dise
qu'il se console , ajoûta- t'il , je ne désespere
pas de le revoir encore , dites lui
qu'il me retrouvera toujours; qu'on écrive
à Salonique, que l'on soit exact à lui donner
la quantité de bled que j'ai ordonné ;
si j'apprends qu'il en manque une mesure
, je ferai voir que je ne suis pas mort. Il
donna quelques autres ordres concernant
ses affaires domestiques et partit pour Trébisonde
, dont il avoit été nommé Pacha.
Si la reconnoissance , toute naturelle
qu'elle est aux coeurs genereux, passe pour
une vertu rare sur tout chez les Grands , il
faut convenir qu'elle reçoit ici un nouvel
éclat par la circonstance et le moment
où Topal - Osman rappella le souvenir de
son Bienfaicteur.
Jamais déposition de Visir n'eut moins
Fair d'une disgrace ; il n'y a point d'exemple
qu'un Ministre disgracié ait été
traité avec autant d'égards et de distinction.
Le Grand- Seigneur lui fit dire de
laisser son fils à Constantinople et qu'il
en prendroit soin ; et quatre jours après
ce même fils eut l'honneur de présenter
JANVIER 1734 99
à Sa Hautesse le présent qui lui avoit été
destiné par son Pere , pour le jour de Bayram.
(a) Il consistoit en un Harnois de
Cheval, enrichi de Pierreries , estimé 50000
Piastres ; c'est ce que Topal Osman avoit
en partant expressément recommandé à
son fils ; quoique , n'étant plus en place ,
il eût pû se dispenser de faire le présent
qu'il avoit fait préparer en qualité
de Grand- Visir.
•
Peu de jours après il reçut sur sa route
de nouveaux ordres pour aller commander
en Perse , à la Place d'Ali Pacha´, qui
venoit d'être nommé Grand- Visir à la
sienne. Osman alla tranquillement relever
son Successeur au Visiriat , dans
le poste de Séraskier , où il a rendu depuis
deux ans à sa Patrie des services
peut- être plus importants qu'il n'auroit
pû faire , s'il fût demeuré Grand - Visir ,
puisque non-seulement il a trouvé le secret
de soutenir une guerre difficile dans
un Pays désert et ruiné , à quatre cent
lieues de la Capitale , le plus souvent dénué
des secours d'argent , d'hommes , de
vivres et de munitions ; mais encore qu'il
a remporté une victoire complette (b)
(a ) Fête solemnelle des Turcs , pendant laquelle
ils se font des présens .
(b) Le 19. Juillet 1733 •
en
96 MERCURE DE FRANCE
en bataille rangée sur un Ennemi ( a) digne
de lui , battu les Persans en trois rencontres
, (b) et humilié l'orgueil de leur
fier General .
sur quelques particularitez de la vie de
Topal Osman Pacha , cy-devant Grand
Visir de l'Empire Ottoman , et aujour
d'hui Séraskier de l'Armée Turque en
Perse . A Paris , ce 18 Janvier 1734.
V
Ous avez jugé , Monsieur , que
dans les circonstances présentes où
les affaires d'Asie ont plus de liaison que
jamais avec celles d'Europe , ce seroit
un objet interessant pour le Public , que
la
74 MERCURE DE FRANCE
la vie et les avantures de Topal Osman
qui jouë aujourd'hui un si grand rôle .
Je crois que l'Auteur de la Rela .
tion de la Révolution arrivée en 1730. à
Constantinople n'a pas abandonné le
dessein où je l'ai vu, d'écrire cette vie, véritablement
digne de la curiosité du Public
. Personne n'est plus capable que lui
de bien exécuter ce projet; et s'il est aussi
bien servi par ceux qui sont à portée de
lui procurer des Mémoires , que je le
connois exact et ami de la verité ; nous
verrons dans un même Ouvrage la singularité
du Roman , unie à la plus scru
puleuse fidelité dans les faits historiques.
En attendant , je me fais un vrai plaisir
, Monsieur , de vous faire part de
quelques traits de la vie du Général
Turc dont je suis exactement informé . Le
Sr Arniaud , celui-la même qui racheta
Topal Osman d'esclavage à Malte , il y
a environ trente- cinq ans , vint en 1732 .
à Constantinople avec son fils ,saluer son
ancien Esclave , devenu Grand Visir.J'ai
entendu plus d'une fois raconter au pete
et au Fils ce qu'ils sçavoient de son histoire.
Le Fils a même bien voulu , à ma
priere , mettre par écrit ce qu'il a pû s'en
rappeller, et m'en laisser le Mémoire que
je
JANVIER. 1734. 75
je conserve , écrit de sa main. Ce qui suit
est tiré de ce Mémoire. J'y ai joint
quelques circonstances que je lui ai entendu
conter , ou à son Pere, et j'ai ajouté
les faits dont j'ai eu connoissance
pendant mon séjour à Constantinople ,
concernant l'arrivée du Sr Arniaud , son
Audiance du Visir , la déposition de ce
Ministre , &c. tous faits qui se sont passez
presque sous mes yeux ; mais dont
je ne garantis cependant pas la verité
quelque attention que j'aye eu à consulter
les témoins oculaires autant que je
l'ai pû , et à ne rapporter icy que ce que
je trouve sur un Journal , écrit dans le
temps.
Osman avoit reçu dans le Sérail du
Grand Seigneur l'éducation qui n'étoit
autrefois destinée qu'aux Enfans de Tribut
, ( a ) Chrétiens de naissance . Les
Turcs ont depuis brigué ces Places pour
leurs propres Enfans , ensorte qu'aujour
d'hui presque tous les Eleves du Sérail
sont de race Turque .
En 1698 ou 99. à l'âge de 25 ans ou
environ, Osman Aga sortit du Sérail, où il
exerçoit l'emploi de (b) Martolos Bachi.
( a ) Voyez Ricaut, Etat présent de l'Empire Ot
toman.
(b ) Intendant des Voitures.
7
N
6 MERCURE DE FRANCE
Il étoit porteur d'un Ordre du Grand Sergneur
, et chargé d'une commission pour
aller remettre quelques Beys du Čaire
dans la possession de leurs biens , dont
ils avoient été destituez pendant ces troubles
qui sont si fréquents en Egypte. I
prit sa route par terre jusqu'à Seyde , où
pour éviter la rencontre des Arabes qui
infestoient le Païs , il fut obligé de s'embarquer
sur une ( a ) Saïque , qui passoit
à Damiette . Dans ce, court trajet la Saïque
fut malheureusement rencontrée par
une Barque Espagnole , armée en course
à Maïorque. Quoique la partie ne fut pas
égale , le désir de conserver leurs biens
et leur liberté , fit faire les derniers ef
fort aux Passagers et à l'équipage ; ils se
deffendirent en désesperez ; l'abordage
fut sanglant. Osman s'y signala par cette
intrépidité dont il a depuis donné des
preuves en tant de rencontres ; si la valeur
de tous eut été égale à la sienne
peut-être eussent ils évité l'esclavage . Enfin
il fallut céder au nombre . Osman
Aga , percé de coups , blessé dangereusement
au bras et à la cuisse , fut pris les
armes à la main . Le Corsaire , dont le Bâtiment
avoit souffert dans le combat
( a ) Sorte de Bâtiment de Levant , propre an
ransport des Marchandises,
soit
JANVIER . 1734.
77
soit qu'il eut besoin de se raccommoder ,
ou pour quelque autre raison , relâcha à
Malte .
-
Les marques de valeur qu'Osman avoit
données dans l'action, ou plutôt la déposition
que firent sans doute les autres Passagers
,qu'il étoit chargé d'une commission
secrete du Grand Seigneur , et l'espérance
d'en tirer une grosse rançon , le firent distinguer
parmi ses compagnons d'infortune;
cependant il n'étoit pas hors de danger
de ses blessures quand il arriva à Malte ;
celle de la Cuisse étoit la plus considérable
; il en est resté estropié ; et c'est delà
que lui est demeuré le nom ou le Sobriquet
de ( a ) Topal , suivant l'usage commun
des Turcs .
*
>
Aussi- tôt que le Corsaire fut entré dans
le Port , le Sr Vincent Arniaud dit
' Hardy , natif de Marseille , qui étoit
alors Capitaine de Port à Malte , se transporta
à bord du Bâtiment , suivant le devoir
de sa Charge. Il y vit le malheureux
Aga enchaîné , qui lui fit une proposision
bien singuliere,
Fais une belle action , lui dit Topal ,
rachette - moi , tu n'y perdras rien. Arniaud
surpris de la proposition , deman .
da au Capitaine Corsaire ce qu'il pré-
( a ) Boiteux,
ten8
MERCURE DE FRANCE
tendoit pour la rançon de cet Esclave. Il:
me faut mille Sequins ( a ) , répondit le
Corsaire . Arniaud se retournant vers
Osman , lui dit : Je te vois pour la premiere
fois de ma vie , je ne te connois
point , et tu me proposes de donner sur ,
ta parole mille Sequins pour ta rançon .
Nous faisons l'un et l'autre ce qu'il nous
convient de faire, reprit Osman . Quant à
moi je suis dans les fers , il est naturel
que je mette tout en usage pour obtenir
ma liberté ; pour toi , tu es en droit de te
défier de ma bonne foy ; je n'ai aucune
sureté à te donner que ma parole , et tu.
n'as aucune raison d'y conter ; cependant
si tu veux en courir les risques , je te le
répete encore , tu ne t'en repentiras pas.
Soit que l'air d'assurance , ou que la
Phisionomie du jeune Turc prévint Arniaud
en sa faveur, soit que la singularité
de l'avanture éloignât les soupçons qu'il.
auroit pû concevoir , le Capitaine de
Port sortit avec des dispositions favora
bles pour Topal Osman , et , ce qui est
peut être encore plus extraordinaire , la
réfléxion ne les détruisit pas.
Arniaud alla rendre compte au grand
( a ) Ily a plusieurs sortes de Sequins en Levant,
qui valent depuis six jusqu'à onze francs de notre
Monnoye.
MaîJANVIER.
1734. 79
Maître Perellos de ce qui concernoit son
ministere , revint à bord et convint de
600(a )Sequins Vénitiens avec le Corsaire,
pour le prix de la rançon de son Esclave ;
son nouveau Maître le fit aussi - tôt transporter
sur une Barque Françoise, à lui ар-
partenante,où il lui envoya un Médecin ,
un Chirurgien et tous les secours neces
saires.Osman se vit bien tôt hors de danger.
Il proposa alors à son bienfaicteur
d'écrire en Levant pour se faire rembourser
de ce qu'il lui devoit. Mais comblé
des bienfaits de son nouveau Patron , il
ne crut pas abuser de sa générosité en lui
demandant une nouvelle grace . C'étoit de
le renvoyer sur sa parole et de s'en remettre
pour le tout entierement à sa
bonne foy.
Arniaud ne fut pas genereux à demi
et rencherit encore sur la demande de son
Esclave ; après lui avoir fait toutes sortes
de bons traitemens , il lui donna cette
même Barque , sur laquelle il l'avoit fait
transporter, pour en disposer à sa volonté,
et se faire conduire où bon lui sembleroit.
Osman arrivé à Malte Esclave , et racheté
le jour même , en partit huit jours
après sur un Bâtiment à ses ordres . Le
(a ) Le Sequin Vénitien vaut aujourd'hui environ
11 liv. quelques sols, Monnoye de France.
Pa80
MERCURE DE FRANCE
Pavillon François le mettoit à l'abri
des Corsaires . Il arriva heureusement
à Damiette d'où il remonta le Nil jusqu'au
Caire . Le lendemain de son arrivée
il fit compter mille Sequins au Capitaine
au
de la Barque pour être remis à son libérateur,
il y joignit deux Pelisses ( a) dè la valeur
de soo piastres , ( b ) dont il fit présent
au Capitaine . Il exécuta la commission
du Grand Seigneur , repartit pour
en aller rendre compte, arriva à Constantinople
et fut lui - même le porteur de la
nouvelle de son Esclavage.
pas
à
La reconnoissance d'Osman ne se borna
ses premiers mouvements : pendant
plusieurs années de séjour qu'il fit du
côré de Larta en Albanie où ses emplois
l'appellerent, il continua d'en donner des
preuves à son bienfaicteur , et entretint
avec lui un commerce non interrompu
de lettres et de présents.
On peut même dire que sa reconnoissance
s'étendit sur toute la Nation Françoise
; puisque depuis son avanture il n'a
laissé échaper aucune rencontre où il n'ait
donné à tous les François , qui ont eu affaire
à lui, des marques d'une bienveillance
particuliere .
( a ) Robes Fourrées .
( b ) La Piastre courante du Levant , vaut aujourd'hui
3 livres quelques sols Monnoye de France.
Les
JANVIER 1734 81
Les occasions avoient manqué jusqu'a
lors à Osman de se faire connoître et de
pousser sa fortune . La Guerre s'étant depuis
declarée entre les Venitiens et les
Turcs , le Grand Visir Aly Pacha , qui
méditoit l'invasion de la Morée , assembla
son Armée dans le voisinage de
l'Isthme de Corinthe , qui joint la Morée
au continent et le seul passage qui
puisse donner entrée par terre dans cette
presqu'Isle.
>
Tous les differents corps de Troupes
qui devoient composer l'Armée Ottomane
, se rendirent de toutes les Provinces
de l'Empire au lieu et au jour marqués
le seul Cara Mustapha Pacha ,. qui commandoit
un Corps de trois mille hommes
, arriva trois jours trop tard au rendez-
vous de l'Armée : il lui en couta la
vie , le Visir lui ayant fait trancher la
tête.
Sur ces entrefaites , Topal-Osman brulant
du désir de se signaler , vint se présenter
au Visir à la tête de mille hommes
qu'il avoit levez et pris à sa solde sans
avoir reçu aucun ordre; et le jour destiné
à l'attaque du défilé du Pas de Corinthe ,
il s'offrit de marcher le premier, et se
chargea de forcer le passage avec sa troupe
; son offre fut acceptée. Peut être la
E terreur
82 MERCURE DE FRANCE
terreur et la consternation generale qui
s'étoient répandues à l'approche d'une
Armée formidable , ne laisserent- t'elle pas à
Topal-Osman tout le merite d'une victoi
re achetée cherement ; quoiqu'il en soit,il
força le défilé , et emporta d'emblée la
Ville de Corinthe. Il reçut du Grand
Visir pour récompense les deux queues
de Pacha , et tous les Equipages de l'infortuné
Cara Mustapha.
Osman ne resta pas en si beau chemin,
et les occasions ne manquant plus à son
courage , il se distingua par
de nouveaux
exploits dont le détail nous meneroit
trop loin. L'année suivante , au Siége de
Corfou il servit en second, et fit les fonctions
de Licutenant General.
Ce fut alors qu'il fit voir que sa prudence
égaloit sa valeur ; le Siége ayant
été abandonné , Osman demeura trois
jours devant la Place depuis le départ du
General , pour favoriser la retraite des
Troupes Ottomanes ; il donna les ordres
necessaires avec toute la présence d'esprit
possible , et ne se retira qu'après avoir mis
l'Armée en sûreté.
Il étoit tems qu'un homme de cette
trempe commandât à son tour ; adoré
des troupes , la voix publique l'appelloit
au Generalat ; mais plus il se distinguoit
entre
JANVIER 89 173 4.
entre ses pareils , plus il faisoit de jaloux ,
qui bientôt étoient autant d'ennemis.
Tel est , à la honte de l'humanité et en
tout Pays , l'effet ordinaire d'un merite
superieur , mais dont les conséquences ne
sont nulle part si dangereuses qu'en Turquic.
C'est à ce tems vrai-semblablement que
doit se raporter un évenement de la vie
d'Osman qui pensa le perdre , et dont
je ne retrouve qu'une note ; je l'ai entendu
raconter au Sr Arniaud fils , avec plusieurs
circonstances qui me sont échapées
; mais il est obmis dans le Mémoire
qu'il m'a laissé qui fut fait avec précipitation
et presque au moment de son départ.
,
se
Topal - Osman par des raisons qui ne
pouvoient que lui faire honneur
broüilla avec un Pacha plus puissant que
lui , peut-être avec ce même General
qu'il avoit si utilement remplacé au Siége
de Corfou . Sa tête fut proscrite et ses
biens confisquez : il fallut céder à l'orage,
il se déroba par la fuite à la fureur de son
ennemi ; déguisé et inconnu , abandonné
des siens , il se rendit à Salonique , où il
demeura caché quelque tems . Delà sous
l'habit et l'apparence d'un simple ( a ).
( a ) Soldat de Marine Turc.
E ij
Léventi
84 MERCURE DE FRANCE
Léventi , Il s'embarqua sur une Galere et
passa à Constantinople. Pendant qu'il
agissoit sous main , sans oser paroître , es
qu'il employoit ses amis pour obtenir sa
grace , son ennemi fut déposé. C'étoit le
plus grand obstacle à la justification
d'Osman : elle fut éclatante et solemnelle.
Il fut renvoyé dans la possession de tous
ses biens , et ce fut à peu près dans ce
tems qu'il fut nommé Seraskier ου
Generalissime en Morée.
›
Tous les Consuls étant venus le saluer
en cette qualité , il donna à la Nation
Françoise les témoignages les plus marquez
de bienvaillance et de protection .
chargea les Consuls François d'écrire à
Malte au Capitaine Arniaud , pour lui
faire part de sa nouvelle dignité , et le
prier de lui envoyer un de ses fils , dont
il se voyoit en état de faire la fortune.
Un des fils d'Arniaud , celui - la même
qui a fourni ces Mémoires , se rendit
effectivement en Morée ; et pendant deux
ou trois ans qu'il demeura auprès du
Seraskier, celui - ci, tant par les dons qu'il
lui fit , que par les facilitez et les avanta
ges qu'il lui procura pour son commerce,
le mit effectivement à portée de faire des
gains considérables dont les occasions furent
négligées par le jeune homme , alors
plus
JANVIER.
1734 83
plus occupé de ses plaisirs que du soin de
sa fortune.
Topal-Osman croissant en dignitez à
mesure que son mérite devenoit plus
connu , fut fait Pacha à trois queües , et
nommé Beglier-Bey de Romelie , un des
deux plus grands Gouvernements de
l'Empire , lequel par sa proximité de la
Frontiere de Hongrie est un poste encore
plus important.
་
En 1727. le Capitaine Arniaud , âgé
de soixante et sept ans , passa avec son
fils à Salonique , et alla voir le Beglier
Bey à Nysse où il faisoit sa résidence . Ils
en reçurent l'accueil le plus favorable et
le plus tendre ; il déposa en leur présen ,
ce le faste de sa dignité , les embrassa
leur fit servir le Sorbet et le Parfum , et
les fit asseoir sur le Sopha , faveur singuliere
de la part d'un Pacha du premier
ordre , sur tout quand elle est accordée à
un Chrétien. Il les combla d'honneurs et
de présents , et leur voyage leur valut
plus de 15000 livres. En prenant congé
du Pacha , son ancien Patron lui dit qu'il
esperoit bien avant que de mourir l'aller
saluer à Constantinople en qualité de
Grand Visir ; c'étoit plutôt alors un
souhait qu'une espérance , l'évenement
en a fait une prédiction.
E iij
Le
36 MERCURE DE FRANCE
Le Grand Visir Ibrahim Pacha après
avoir joüi douze ou treize ans tranquillement
d'une dignité jusques - là si orageuse,
périt cruellement comme tout le monde
sçait dans la Révolution de 1730. ( a )
En moins d'un an il eut trois successeurs.
Au mois de Septembre 1731 , Topal-
Osman fut appellé pour remplir à son
tour un poste dangereux par lui- même ,
et devenu plus délicat dans les circonstances
présentes . Il ignoroit encore quelle
place lui étoit destinée ; lorsqu'étant
en chemin pour se rendre à Constantinople
, il fit écrire à Malte par le Consul
Francois de Salonique et mander au Capitaine
Arniaud qu'il pouvoit lui et ses
enfans venir trouver Topal-Osman en
quelque lieu du monde que la fortune
l'appellât. Après son arrivée à Constantinople
il fit prier l'Ambassadeur de
France d'écrire de nouveau et d'inviter
son ancien Patron à le venir voir ; lui
recommandant de ne point perdre de
tems, parce qu'un Grand Visir pour l'ordinaire
ne demeuroit pas long- tems en
place.
Arniaud profita de l'avis ; il vint à
Constantinople avec son fils au mois de
( a ) Voyez le Supplement du Mercure d'Avri
1731
JanJANVIER.
1734 87
Janvier 1732. Aussi - tôt que le Visir fut
informé de leur arrivée , il leur envoya
un Officier de confiance , leur dire qu'il
leur donneroit Audiance le lendemain.
après midi. On pensoit qu'il les recevroit
en particulier , pour ne point commettre
sa dignité en faisant à des Chrétiens
un accueil qui pourroit indisposer les
Grands de la Porte , sur tout dans un
tems où la fermentation des esprits se
ressentoit encore des troubles de la derniere
Révolution. Les deux François se
rendirent le lendemain au Palais du Grand
Visir, à l'heure marquée, avec les présents
qu'ils lui avoient aportés de Malte, consistant
en plusieurs Caisses d'Oranges ,
Citrons , Bergamotes , &c. diverses sor
tes de Confitures , des Orangers chargez
de feuilles et de fleurs , des Serins dé
Canarie dont les Turcs sont fort curieux ,
et ce qui l'emportoit sur tout le reste ,
en douze Turcs rachetez de l'esclavage à
Malte.
Tous ces présents , par ordre du Visir ,
furent rangez et exposez à la vûë. Le
vieux Arniaud âgé de soixante et douze
ans , accompagné de son fils , fut introduit
devant le Grand Visir. Il les reçût
en présence des plus grands Officiers de
l'Empire , avec les témoignages de la plus
E iiij
tendre
38 MERCURE DE FRANCE
tendre affection . Vous voyez , dit - il , en
adressant la parole aux Turcs qui l'environnoient
, et leur montrant les Esclaves
rachetez, vous voyez vos freres qui jouissent
de la liberté après avoir langui dans
l'esclavage : ce François est leur libérareur
. J'ai été esclave comme eux
ajouta-t'il , j'étois chargé de chaînes
percé de coups , couvert de blessures ,
voilà celui qui m'a racheté , qui m'a sauvé
; voilà mon Patron : liberté , vie
fortune , je lui dois tout. Il a payé sans
e connoître mille Sequins pour ma rançon.
Il m'a renvoyé sur ma parole ; il m'a
donné un Vaisseau pour me conduire ou
je voudrois :où est,même le Musulman ,capable
d'une pareille action de génerosité?
Tous les assistants avoient les yeux tournez
sur le vieillard qui tenoit les mains
du Grand Visir embrassées .Tous les Officiers
de ce Ministre , tous les gens de sa
maison se disoient les uns aux autres
voilà l'Aga ( a ) le Patron du Visir; voilà
celui qui a racheté notre Maître.
Cinq ans auparavant Osman étant Pacha
de Nysse , n'avoit pas voulu permettre
que son ancien Patron lui baisât
la main. Devenu Grand- Visir , il souf-
( a ) Les Esclavos Tures appellens leur Maître
tum Aga.
frit
JANVIER 1734 89
frit cette marque de respect et de soumission
, et crut devoir en agir ainsi
sur tout en présence des Grands de l'Empire
, pour qui c'eût été une faveur ,
eux qui se trouvent honorez de baiser
le bas de la veste d'un Grand Visir , et
dont plusieurs même murmuroient en
secret de l'honneur que celui- cy faisoit
à de vils Ghiaours . (a)
,
Le Visir fit ensuite au Pere et au Fils
diverses questions sur l'état présent de leur
fortune et sur les pertes qu'ils avoien
essuyées dans leur commerce. Après avoir
écouté leurs réponses avec bonté , il répliqua
par une Sentence Arabe Allah-
Kerim , qui signifie à la lettre , Dleu est
liberal , et dans un sens plus étendu , la
Providence de Dieu est grande ; elle m'a
mis en état , ajoûta - t'il , d'adoucir votre
situation. Il fit ensuite devant eux la
destination de leurs présents , dont il
envoya sur le champ la plus grande partie
au Grand- Seigneur , à la Validé ¯ ( b)
et au Kislar- Agă, ( c)
Les deux François , comblez des cares-
(a) Ghiaours est un terme de mépris dont les
Tures se servent pour désigner ceux qui ne sont pas
Musulmans.
(b) Sultane Mere.
(c) Chef des Eunuques noirs.
E v se
90 MERCURE DE FRANCE
•
ses du Grand-Visir , prirent congé de lui.
Il avoit donné ordre de leur préparer
un Appartement dans son Palais ; il leur
fit quelques reproches en apprenant qu'ils
retournoient au Palais de France ; il chargea
l'Interprete de les recommander de
sa part à M. l'Ambassadeur , en le faisant
assurer qu'il lui auroit obligation
de tout ce qu'il feroit pour eux.
Il y a assurément de la grandeur d'ame
dans la peinture que Topal- Osman fit
de son Esclavage et dans l'aveu public
de son humiliation et des obligations
qu'il avoit à son Libérateur ; mais il faudroit
connoître le profond mépris et le
fond d'éloignement que les préjugez de
la Religion et de l'éducation inspirent
aux Turcs pour tout ce qui n'est point
Musulman , et en particulier pour les
Chrétiens , pour sentir toute la beauté
et la noblesse de cette action , qui se passa
aux yeux de toute sa Cour.
Le Fils du Visir reçut ensuite le Pere et le
Fils en particulier dans son Appartement,
où il ne garda aucunes mesures. Il les
embrassa l'un et l'autre, les traita avec la
même familiarité qu'avoit fait son Pere
étant Pacha de Nysse , et leur fit promettre
de le venir voir souvent.
Ils eurent peu de temps avant leur départ
JANVIER. 1734- 91
part une autre Audiance particuliere du
Visir , où ce Ministre n'ayant plus de
bienséance à observer , oublia son rang
pour ne plus se souvenir que de ce qu'il
devoit à son Bienfaicteur. Il lui avoit
déja fait rembourser liberalement la rançon
des douze Esclaves , et procuré le
payement d'une ancienne dette regardée
comme perdue. Il y ajoûta de nouveaux
présents en argent , et un Commandement
ou permission expresse pour faire
gratis à Salonique , un chargement de
bled , sur lequel il y avoit un profit à
faire d'autant plus considerable que ce
commerce étoit interdit aux Etrangers
depuis plusieurs années. Cette gratifica
tion montoit à plus de dix mille écus .
Le Visir , qui eût voulu mesurer sa libé
ralité sur sa reconnoissance , qui étoit'sans
bornes, leur fit entendre qu'il ne pouvoit
pas faire tout ce qu'il vouloit, et peut - être
n'en faisoit- il déja que trop aux yeux de
ceux qui ne jugent des actions d'un Ministre
que par leur interêt particulier.
Il fit ressouvenir Arniaud le fils de son
voyage en Morée , et du temps où il n'avoit
tenu qu'à lui de faire une grande
fortune par les occasions qu'il lui avoit
procurées. Il finit par leur dire qu'un
Pacha étoit le Maître dans son Gouverne
E vi
ment
92 MERCURE DE FRANCE
ment , mais qu'un Visir à Constantinople
avoit un plus grand Maître que lui .
Topal- Osman , par sa vigilance et sæ
fermeté, avoit remis l'abondance , le bon
ordre et la Police dans Constantinople ,
où depuis la Révolution jusqu'à son Ministere
, la licence et le desordre n'avoient
pû être réprimez , et où la disette
et la cherté des vivres étoient excessives.
Quoiqu'on lui ait reproché une trop
grande séverité, il est de fait qu'il n'a condamné
à mort même les plus vils et les plus
séditieux des mutins , que sur le Fetfa (a)
du Mufti. Peut-être dans les conjonctures
présentes un homme de ce caractére étoitil
nécessaire pour prévenir une nouvelle
révolte et rétablir la tranquillité publique;
ce qu'il y a de certain , et qui est bien à
son honneur , c'est qu'il fut regretté de
tous les gens de bien et des bons Citoyens,
lorsqu'il fut ôté de place au mois de
Mars 1732.
On ne sçut pas bien , du moins alors ,
les véritables motifs de sa déposition .
Un mois auparavant les bruits publics
l'avoient annoncée pour le temps précis
où elle arriva : elle avoit été précedée de
quelques jours par celle du Mufti , qui
(a) Sorte de consultation du Mufti , qui décide
suivant la Loy , de la peine duë au coupable.
avoit
JANVIER. 1734. 93
avoit opiné pour la Paix , ainsi que le
Visir dans le Conseil extraordinaire, tenu
depuis peu au sujet des affaires de Perse ;
l'un et l'autre avoient insisté fortement sur
la nécessité de ratifier le Traité conclu par
Achmet-Pacha , Gouverneur de Bagdad,
en vertu de son plein pouvoir. La déposition
de ces deux Ministres fut regardée
, avec raison , comme un mistere de
politique ; car il faut avouer que tout
ce qu'on en dit dans le temps ne passoit
pas la conjecture.
Topal - Osman , qui avoit dès longtemps
prévû ce revers , le soutint avec
la plus parfaite tranquillité. En sortant
du Serrail , après avoir remis le Sceau de
l'Empire , il trouva toutes ses Créatures
et tous les Gens de sa Maison abatus et
consternez : de quoi vous affligez - vous ,
leur dit - il , ne vous ai-je pas dit qu'un
Visir ne restoit pas long- temps en place ?
Toute mon inquiétude étoit de sçavoir
comment j'en sortirois ; grace à Dieu on
n'a rien à me reprocher ; le Sultan est satisfait
de mes services ; je pars tranquille.
et content.
Il donna ensuite ses ordres pour un
Sacrifice (a) d'actions de graces , distri-
(a) Cette coûtume est pratiquée parmi les Turcs
en certaines occasions , comme pour obtenir un heureux
succès , &c.
94 MERCURE DE FRANCE
bua de l'argent à ses Domestiques et leur
ordonna de se réjouir . Il se ressouvint
aussi dans ce moment de son Bienfaicteur
, en prévoyant le chagrin que cet
évenement lui causeroit. Qu'on lui dise
qu'il se console , ajoûta- t'il , je ne désespere
pas de le revoir encore , dites lui
qu'il me retrouvera toujours; qu'on écrive
à Salonique, que l'on soit exact à lui donner
la quantité de bled que j'ai ordonné ;
si j'apprends qu'il en manque une mesure
, je ferai voir que je ne suis pas mort. Il
donna quelques autres ordres concernant
ses affaires domestiques et partit pour Trébisonde
, dont il avoit été nommé Pacha.
Si la reconnoissance , toute naturelle
qu'elle est aux coeurs genereux, passe pour
une vertu rare sur tout chez les Grands , il
faut convenir qu'elle reçoit ici un nouvel
éclat par la circonstance et le moment
où Topal - Osman rappella le souvenir de
son Bienfaicteur.
Jamais déposition de Visir n'eut moins
Fair d'une disgrace ; il n'y a point d'exemple
qu'un Ministre disgracié ait été
traité avec autant d'égards et de distinction.
Le Grand- Seigneur lui fit dire de
laisser son fils à Constantinople et qu'il
en prendroit soin ; et quatre jours après
ce même fils eut l'honneur de présenter
JANVIER 1734 99
à Sa Hautesse le présent qui lui avoit été
destiné par son Pere , pour le jour de Bayram.
(a) Il consistoit en un Harnois de
Cheval, enrichi de Pierreries , estimé 50000
Piastres ; c'est ce que Topal Osman avoit
en partant expressément recommandé à
son fils ; quoique , n'étant plus en place ,
il eût pû se dispenser de faire le présent
qu'il avoit fait préparer en qualité
de Grand- Visir.
•
Peu de jours après il reçut sur sa route
de nouveaux ordres pour aller commander
en Perse , à la Place d'Ali Pacha´, qui
venoit d'être nommé Grand- Visir à la
sienne. Osman alla tranquillement relever
son Successeur au Visiriat , dans
le poste de Séraskier , où il a rendu depuis
deux ans à sa Patrie des services
peut- être plus importants qu'il n'auroit
pû faire , s'il fût demeuré Grand - Visir ,
puisque non-seulement il a trouvé le secret
de soutenir une guerre difficile dans
un Pays désert et ruiné , à quatre cent
lieues de la Capitale , le plus souvent dénué
des secours d'argent , d'hommes , de
vivres et de munitions ; mais encore qu'il
a remporté une victoire complette (b)
(a ) Fête solemnelle des Turcs , pendant laquelle
ils se font des présens .
(b) Le 19. Juillet 1733 •
en
96 MERCURE DE FRANCE
en bataille rangée sur un Ennemi ( a) digne
de lui , battu les Persans en trois rencontres
, (b) et humilié l'orgueil de leur
fier General .
Fermer
Résumé : LETTRE de M. D. L. C. à M. D. L. R. sur quelques particulartiez de la vie de Topal Osman Pacha, cy-devant Grand Visir de l'Empire Ottoman, et aujourd'hui Séraskier de l'Armée Turque en Perse. A Paris, ce 18 Janvier 1734.
La lettre de M. D.L.C. à M. D.L.R., datée du 18 janvier 1734, décrit la vie de Topal Osman Pacha, ancien Grand Visir de l'Empire Ottoman et alors Séraskier de l'Armée Turque en Perse. L'auteur souligne l'importance de partager les aventures de Topal Osman en raison des liens croissants entre les affaires d'Asie et d'Europe. Il mentionne un projet de biographie qui allierait la singularité du roman à la fidélité historique. Topal Osman avait été racheté de l'esclavage à Malte par M. Arniaud environ trente-cinq ans auparavant. En 1732, Arniaud et son fils rencontrèrent Topal Osman à Constantinople. Le fils d'Arniaud avait rédigé un mémoire sur l'histoire de Topal Osman, que l'auteur conserve. Topal Osman avait reçu une éducation au Sérail du Grand Seigneur, destinée aux enfants chrétiens. En 1698 ou 1699, à l'âge de 25 ans, il exerçait la fonction de Martolos Bachi et fut chargé d'une mission en Égypte. Lors de son retour, il fut capturé par des corsaires espagnols et blessé. Racheté par Arniaud, il fut soigné et renvoyé en Égypte, où il remboursa sa rançon et offrit des présents à son bienfaiteur. Topal Osman se distingua lors de la guerre contre les Vénitiens, notamment en forçant le passage du défilé de Corinthe et en participant au siège de Corfou. Ses succès lui valurent des récompenses et le respect des troupes, mais aussi des jaloux et des ennemis, menant à une proscription temporaire. Il dut se cacher et fut finalement réhabilité, devenant Séraskier en Morée. En 1727, Arniaud et son fils se rendirent à Salonique et furent reçus favorablement par Topal Osman, alors Pacha de Nysse. En 1731, Topal Osman devint Grand Visir et invita Arniaud et son fils à Constantinople. Ils furent accueillis avec honneur et générosité, Topal Osman exprimant publiquement sa gratitude envers Arniaud. Malgré sa déposition en mars 1732, Topal Osman continua de montrer sa reconnaissance envers Arniaud. Avant de quitter son poste de Grand Visir, Topal Osman avait préparé un cheval orné de pierreries, estimé à 50 000 piastres, qu'il recommanda à son fils. Il reçut ensuite de nouveaux ordres pour commander en Perse, succédant à Ali Pacha. Durant ses deux années à ce poste, il rendit des services significatifs à sa patrie, notamment en soutenant une guerre difficile dans une région désertique et ruinée. Il remporta une victoire complète le 19 juillet 1733, battant les Persans en trois rencontres et humiliant leur général.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
25
p. 586-593
A Constantinople le 15. Janvier 1734.
Début :
La derniere Lettre que je vous écrivis, Monsieur, en datte des 12. et 20. Novembre, [...]
Mots clefs :
Topal Osman Pacha, Thamas Kouli-Kan, Turcs, Troupes, Kerkout, Bagdad, Perse, Memis Pacha, Achmet Pacha, Constantinople
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A Constantinople le 15. Janvier 1734.
A Constantinople le 15. Janvier 1734-
L
A derniere Lettre que je vous écrivis , Monsieur
, en datte des 12. et 20. Novembre
ne vous parloit que des triomphes de Topal - Osman
Pacha ; je me préparois même alors avec
plaisir à vous en annoncer bien- tôt un autre
qui auroit mis le comble à sa gloire , et qui suivant
la situation où l'on assuroit que les affaires
des Turcs étoient en Perse , ne pouvoit lui manquer
, mais la Providence en a ordonné autrement
, et ce grand homme a trouvé sa défaite
où tout sembloit lui promettre celle de son Ennemi.
Quoique je ne doute pas que vous ne
soyez déja informé de cet Evenement, je ne laisse
pas de vous faire part de ce que j'en ai appris ,
parce que les premieres Relations qui en coururent
d'abord ont été démenties dans plusieurs
points par de plus fidelles qui sont venuës après.
Memis- Pacha , qui , comme je vous l'ai déja
mandé , avoit été détaché avec un Corps de
Troupes , chargé de poursuivre Thamas Kouli-
Kan ; après la déroute de celui-cy à Leilan , ne
se sentant pas assez fort pour l'attaquer dans le
Défilé , où l'on prétendoit qu'il avoit été contraint
de se renfermer , envoya demander du
secours à Topal - Osman. Ce Seraskier impatient
de terminer par quelque coup décisif une guerre
que le desespoir plutôt que les forces du General
Persan pouvoit encore prolonger , s'il le l'aissoit
MARS. 1734.
587
rage
soit échapper du mauvais pas, où il le croyoit engagé,
se flata que sa présence redoubleroit le coudes
Turcs, comme il l'avoit éprouvé tant de
fois, et lui faciliteroit la victoire sur son Ennemi .
Il marcha donc avec le peu de Troupes qui lui restoient,
mais à peine cut- il joint Memis-Pacha, sur
lequel Thamas Kouli- Kan vint fondre avec fureur
, que par des raisons qui n'ont pas été bien
éclaircies , ce Pacha , dont jusqu'alors la bravoure,
n'avoit point parû équivoque , prit la fuite
avec toutes ses Troupes sans faire la moindre
résistance.
Topal- Osman outré de s'en voir si lâchement
abandonné , mais incapable de suivre son exemple
, s'abandonna lui - même à son intrépidité ,
et malgré la supériorité du nombre des Persans ,
il soutint leurs attaques pendant quelques heures
, secondé du peu de monde qu'il avoit ame
né ; il combattoit même avec avantage et leur
faisoit déja perdre du terrain , lorsque deux
coups de fusil qu'il reçut à la fois , le firent tomber
mort de cheval . Ce funeste spectacle jetta un
si grand et si subit dérangement parmi ses Soldats
, qu'ils se débanderent aussi- tôt et prirent
à toutes jambes la route de Kerkout , dans laquelle
Memis-Pacha les avoit devancez.
Kouli Kan , qui depuis qu'il a' pris les armes
ne s'étoit fait connoître que par un orgueil insupportable
et un courage qui tenoit plus de la
férocité qu'on respire sur les Montagnes où il a
reçû le jour , que de cette valeur genereuse qui
n'est pas moins souvent le fruit d'une belle édu
cation , qu'un présent de la Nature , donna ce
pendant en cette occasion une marque de gran
deur d'ame à laquelle on ne s'attendoit
part,et qu'il y auroit de l'injustice à passer sous
H vj silence
pas
de sa
$ 88 MERCURE DE FRANCE
silence. Ayant sçû que l'épouvante et la retraite.
précipitee du reste des Troupes Ottomanes n'avoient
eu d'autre cause que la mort de leur Chef,
il se servit de leur Ordou- Cadi , qui avoit été
pris auprès de lui lorsqu'il fut tué , pour retrouver
et reconnoître son corps , et après l'avoir.
consideré avec une espece de veneration , il le
fit porter à la Littiere dans laquelle le Deffunt
étoit venu et le renvoya à Kerkout , pour que,
les Turcs lui fissent eux -mêmes des Obseques
convenables. Il est vrai qu'on dit qu'il n'en usa
si noblement qu'en reconnoissance de ce que
Topal - Osman lui avoit renvoyé depuis quelques
jours son beau-pere et son neveu , qui avoient
été faits prisonniers à l'affaire de Kerkout ; mais
quelqu'ait été le motif qui l'a fait agir , ce trait
de magnanimité n'en est pas moins digne de
loüange.
La nouvelle de cette mort , qu'on reçut à Constantinople
la nuit du 4. auf. Décembre , remplit
cette Ville de consternation , et le Peuple
effrayé par des faux bruits que des mal ingens
tentionnez pour cet Empire , prirent soin de semer
les jours suivans , s'imagina que tout étoit
perdu ; heureusement des avis posterieurs et plus
vrais , ont fort rassuré les esprits , et l'on sçait,
à présent que tout le dommage que les Turcs
ont souffert dans ce dernier combat, se réduit à
un très - petit nombre de morts et de prisonniers
et à la perte de Topal - Osman ; perte , à la verité
, irréparable dans un sens , quand on refléchit
sur lesgrandes qualitez de ce General et sur le
point avantageux où il avoit conduit les choses ,
mais perte , après tout , qui n'entraîne pas celle
*L'Intendant de l'Armée.
de
MARS. 1724. 589
de l'Etat , comme ceux qui voudroient le voir
anéanti , affectoient de le répandre sourdement .
En premier lieu , bien loin que Thamas Kouli
-Kan ait tiré quelque fruit de cette victoire en
poursuivant les Turcs à Kerkout et en s'emparant
de cette Forteresse , comme on avoit d'abord
publié qu'il l'avoit fait , il a été obligé de
s'en éloigner encore plus qu'il ne l'étoit et de
tenir la Campagne , tantôt d'un côté , tantôt
d'un autre pour trouver à subsister , sans même
emporter le Canon que les Turcs lui abandonnerent
avec le Champ de bataille . Secondement,
il est certain qu'il continue ses instances
pour obtenir la Paix qu'il avoit demandée aux
Turcs depuis long- temps et que leur Ordon-
Cadi , qu'il avoit renvoyé ici sur sa parole pour
cette négociation , s'en est retourné sans qu'on
ait seulement voulu écouter les propositions
que cè General l'avoit chargé de faire de sa part
Ja Porte.
est
Il y a bien plus que cela , s'il en faut croire
certaines nouvelles , que je tiens de fort bon lieu:
elles portent que Kouli - Kan , n'ayant plus un
assez gros parti pour soutenir sa rebellion en
Perse , n'ose pas y retourner , parce qu'il y
regardé comme le fleau et l'unique auteur des
dernieres calamitez dont ce malheureux Royaume
est désolé ; qu'aussi - tôt qu'il eut perdu la
Bataille du 19 Juillet , un Seigneur Persan fort
acredité , qu'on appelle le vieux Khan , & qu'il
avoit laissé devant Bagdad pour y continuer le
blocus , l'abandonna , partit en poste et s'en alla
droit à Hispahan soulever les esprits contre lui ;
que delà il passa dans le Corassan , où il tira
Schaph- Thamas de sa prison ; qu'il ramena ce
Prince dans sa Capitale et le rétablit sur son
Tiêu
$90 MERCURE DE FRANCE
Trône aux acclamations de tout le peuple ; qu'en
suite le Roy de Perse avoit de nouveau déclaré
qu'il condamnoit en tout la conduite de Kouli-
Kan depuis qu'il avoit violé la derniere Paix
qu'il persistoit à le proscrire comme rebelle à
son Souverain , et traître à sa patrie ; qu'il levoit
des Troupes pour marcher contre lui le prendre
vif ou mort, s'il étoit possible , et le livrer à
la vengeance des Turcs , et qu'il renouvelloit
sans restrition la ratification qu'il avoit faite
du Traité d'Amadan.
Je ne vous dissimulerai point , Monsieur , que
je ne voudrois pas vous garantir la verité de ces
nouvelles en leur entier , parce que je sçais qu'on
soupçonne toujours ici , que Schah- Thamas et
son premier Ministre s'entendent ensemble ; mais
je ne vous garantirai pas davantage non plus les
Nouvelles suivantes , arrivées ici depuis peu de
jours.
Les unes disent que Kouli-Kan ayant voulu
risquer une tentative sur Kerkout, Memis Pacha
étoit sorti de cette Place , et l'avoit défait à plate
Couture. Les autres portent au contraire , qu'Achmet
Pacha de Bagdad , sur l'avis qu'on lui
avoit donné , que Thamas- Kouli - Kan avoit dé
taché 4000 hommes pour aller s'emparer de
Khillet * il étoit sorti de Bagdad avec la meilleure
partie de sa Garnison dans le dessein d'enlever
ce Détachement ennemi ; mais qu'ayant
appris en route que Kouli- Kan étoit lui - même à
›
* C'est un gros Bourg avec une petite forteresse
sur le chemin de Bagdad à Bassora , lequel étant
situé au bord de l'Euphrate , sert de Magasin et
d'entrepôts aux provisions pour cette premiere
Place.
KhilMARS
1734.
591
"
Khillet avec 30 à 40 mille hommes , il avoit rebroussé
chemin en dilligence , & qu'étant rentré
dans Bagdad , où il y aa fort peu de vivres , il en
avoit fait sortir les vieillards , les femmes , les
enfans ; en un mot , toutes les bouches inutiles
dans l'aprehension que le General Persan , après
avoir établi ses Magazins à Khillet , ne revint
encore former le blocus de Bagdad ; qu'avant
que d'y être de retour , un autre Achmet , qui
est Capidgi-Bachi , et son Divan- Effendi ** , se
ressouvenant de tout ce qu'il avoit souffert l'année
passée dans cette Place , et craignant de s'y
voir renfermé de nouveau pour long- tems , avoit
débauché 6000 hommes des Troupes qui étoient
sorties avec Achmet Pacha , et que s'étant mis à
leur tête , il les avoit conduit à Kerkout , od
Memis Pacha indigné de sa désertion l'avoit fait
mettre aux fers , et se tenoit sur ses gardes avec
ce renfort contre les entreprises que Kouli-Kam
pourroit faire sur Kerkout.
Vous voyez , Monsieur , par toutes ces nonvelles
, qui se contredisent et qui se débitent
pourtant à Constantinople aussi affirmativement
les unes que les autres , combien il est difficile
pour ne rien dire de plus , de sçavoir positive.
ment ce qui se passe dans ces Contrées éloignées,
où les Etrangers qui sont ici , n'ayant point de
correspondance , ne peuvent que rarement être
instruits du véritable état des choses.
Mais ce dont je puis vous parler avec certitu
de , c'est que depuis la mort de Topal - Osman
on fait de tous côtez dans cet Empire , des préparatifs
extraordinaires contre la Pers . Tous les
** Secretaire du Conseil , ou son premier Secttaire.
7
Pachas
192 MERCURE DE FRANCE
>
Pachas d'Asie ont eu ordre de marcher sans
délai avec le plus de Milices qu'ils pourront rassembler,
chacun dans l'étendue de son Gouvernement
il doit partir d'ici vingt chambrées de
Jannissaires qui composeront environ 8000
hommes. On compte que quand toutes ces
Troupes seront arrivées au lieu du rendez.vous ,
elles se monteront à 90 mille combattans , qui
joints à ce qu'il y en a déja en Perse formeront
une armée formidable ; et l'on s'en promet d'antant
plus de succès , que le G. S. pour encouràger
les gens de Guerre , a considérablement augmenté
la paye , ou les apointemens de tous ceux
qui serviroient dans cette armée pendant la campagne
prochaine. D'ailleurs trois Bâtimens François
frettez par sa hautesse ont déja fait voile
ces jours- ci , chargez de Canons , de Poudre ,
de Boulets , & c . qu'ils doivent débarquer à Alexandrete.
:
Abdoulla Cuperli , ci -devant Pacha du Caire ,
et à présent de Cogni , a été nommé pour remplacer
Topal - Osman , et le G. V. a déclaré en
public , qu'il marcheroit lui - même , pour exterminer
les Persans cette année , ou les forcer du
moins à faire une Paix solide , et honorable à la
Porte.
Au reste , Monsieur , pour finir ma Lettre ,
par quelque chose de consolant sur la mort de
Topal - Osman Pacha , je vous dirai que le G. S.
voulant donner des marques éclatantes du cas
qu'il faisoit de cet illustre et fidele sujet à récompensé
dans la personne de son fils Achmet , les
services que le Pere rendoit depuis si longtems à
cet Empire ; quoique ce jeune Seigneur n'aitt pas
encore 24 ans sa hautesse l'a fait tout d'un
coup et de son propre mouvement Pacha à trois
queües ,
>
MARS 1734.
593
*
queues , et Beylerbey de Romelie ; il est parti
d'ici dernierement avec un Equipage aussi nombreux
que superbe , pour se rendre à Nissa , ré..
sidence affectée au Pacha qui est revêtu de ce
Beylerbeylik .
Ce bienfait tout grand qu'il est en lui - même ,
a été cependant accompagné d'une circonstance,
qui à notre maniere de penser semble en dimi
nuer beaucoup le prix , et que ceux qui ne sont
pas au fait des maximes de l'Empire Ottoman ',
trouveront sans - doute fort extraordinaire , c'est
que dans le même tems que le G. S. a temoigné
avec tant de distinction sa reconnoissance envers
Topal - Osman , en élevant son fils si jeune encore
aux premieres dignitez de l'Etat , Sa Hautesse a
dépêché un Capidgi -Bachi en Perse , pour confisquer
au profit du Trésor Imperial tous les
effets mobiliers du deffunt : de sorte qu'il ne reste
à Achmet Pacha , de la grande succession de son
pere , qui passoit pour extrémement riche , que
les immeubles consistant en Maisons &c. parcè
que Topal Osman avoit eu la précaution de rendre
tous ces bens - là Vacoufs : c'est - à - dire de les
donner en proprieté à des Mosquées et de s'en
réserver l'usufruit pour lui , et pour ses descendans
jusqu'à l'extinction de sa race. Cette précaution
fort en usage dans ce Païs - ci , est le seul
moyen , par lequel ceux qui ont eu quelque part
aux affaires publiques peuvent assurer leur héritage
à leurs enfans : car les biens devenus Vacoufs
sont sacrez : pour quelque cause que ce soit ,
personne ne peut s'en emparer ; et ils ne sont dévolus
aux Mosquées pour la jouissance effective
qu'après le décès du dernier usufruitier .Je suis & c .
P. V. D.
L
A derniere Lettre que je vous écrivis , Monsieur
, en datte des 12. et 20. Novembre
ne vous parloit que des triomphes de Topal - Osman
Pacha ; je me préparois même alors avec
plaisir à vous en annoncer bien- tôt un autre
qui auroit mis le comble à sa gloire , et qui suivant
la situation où l'on assuroit que les affaires
des Turcs étoient en Perse , ne pouvoit lui manquer
, mais la Providence en a ordonné autrement
, et ce grand homme a trouvé sa défaite
où tout sembloit lui promettre celle de son Ennemi.
Quoique je ne doute pas que vous ne
soyez déja informé de cet Evenement, je ne laisse
pas de vous faire part de ce que j'en ai appris ,
parce que les premieres Relations qui en coururent
d'abord ont été démenties dans plusieurs
points par de plus fidelles qui sont venuës après.
Memis- Pacha , qui , comme je vous l'ai déja
mandé , avoit été détaché avec un Corps de
Troupes , chargé de poursuivre Thamas Kouli-
Kan ; après la déroute de celui-cy à Leilan , ne
se sentant pas assez fort pour l'attaquer dans le
Défilé , où l'on prétendoit qu'il avoit été contraint
de se renfermer , envoya demander du
secours à Topal - Osman. Ce Seraskier impatient
de terminer par quelque coup décisif une guerre
que le desespoir plutôt que les forces du General
Persan pouvoit encore prolonger , s'il le l'aissoit
MARS. 1734.
587
rage
soit échapper du mauvais pas, où il le croyoit engagé,
se flata que sa présence redoubleroit le coudes
Turcs, comme il l'avoit éprouvé tant de
fois, et lui faciliteroit la victoire sur son Ennemi .
Il marcha donc avec le peu de Troupes qui lui restoient,
mais à peine cut- il joint Memis-Pacha, sur
lequel Thamas Kouli- Kan vint fondre avec fureur
, que par des raisons qui n'ont pas été bien
éclaircies , ce Pacha , dont jusqu'alors la bravoure,
n'avoit point parû équivoque , prit la fuite
avec toutes ses Troupes sans faire la moindre
résistance.
Topal- Osman outré de s'en voir si lâchement
abandonné , mais incapable de suivre son exemple
, s'abandonna lui - même à son intrépidité ,
et malgré la supériorité du nombre des Persans ,
il soutint leurs attaques pendant quelques heures
, secondé du peu de monde qu'il avoit ame
né ; il combattoit même avec avantage et leur
faisoit déja perdre du terrain , lorsque deux
coups de fusil qu'il reçut à la fois , le firent tomber
mort de cheval . Ce funeste spectacle jetta un
si grand et si subit dérangement parmi ses Soldats
, qu'ils se débanderent aussi- tôt et prirent
à toutes jambes la route de Kerkout , dans laquelle
Memis-Pacha les avoit devancez.
Kouli Kan , qui depuis qu'il a' pris les armes
ne s'étoit fait connoître que par un orgueil insupportable
et un courage qui tenoit plus de la
férocité qu'on respire sur les Montagnes où il a
reçû le jour , que de cette valeur genereuse qui
n'est pas moins souvent le fruit d'une belle édu
cation , qu'un présent de la Nature , donna ce
pendant en cette occasion une marque de gran
deur d'ame à laquelle on ne s'attendoit
part,et qu'il y auroit de l'injustice à passer sous
H vj silence
pas
de sa
$ 88 MERCURE DE FRANCE
silence. Ayant sçû que l'épouvante et la retraite.
précipitee du reste des Troupes Ottomanes n'avoient
eu d'autre cause que la mort de leur Chef,
il se servit de leur Ordou- Cadi , qui avoit été
pris auprès de lui lorsqu'il fut tué , pour retrouver
et reconnoître son corps , et après l'avoir.
consideré avec une espece de veneration , il le
fit porter à la Littiere dans laquelle le Deffunt
étoit venu et le renvoya à Kerkout , pour que,
les Turcs lui fissent eux -mêmes des Obseques
convenables. Il est vrai qu'on dit qu'il n'en usa
si noblement qu'en reconnoissance de ce que
Topal - Osman lui avoit renvoyé depuis quelques
jours son beau-pere et son neveu , qui avoient
été faits prisonniers à l'affaire de Kerkout ; mais
quelqu'ait été le motif qui l'a fait agir , ce trait
de magnanimité n'en est pas moins digne de
loüange.
La nouvelle de cette mort , qu'on reçut à Constantinople
la nuit du 4. auf. Décembre , remplit
cette Ville de consternation , et le Peuple
effrayé par des faux bruits que des mal ingens
tentionnez pour cet Empire , prirent soin de semer
les jours suivans , s'imagina que tout étoit
perdu ; heureusement des avis posterieurs et plus
vrais , ont fort rassuré les esprits , et l'on sçait,
à présent que tout le dommage que les Turcs
ont souffert dans ce dernier combat, se réduit à
un très - petit nombre de morts et de prisonniers
et à la perte de Topal - Osman ; perte , à la verité
, irréparable dans un sens , quand on refléchit
sur lesgrandes qualitez de ce General et sur le
point avantageux où il avoit conduit les choses ,
mais perte , après tout , qui n'entraîne pas celle
*L'Intendant de l'Armée.
de
MARS. 1724. 589
de l'Etat , comme ceux qui voudroient le voir
anéanti , affectoient de le répandre sourdement .
En premier lieu , bien loin que Thamas Kouli
-Kan ait tiré quelque fruit de cette victoire en
poursuivant les Turcs à Kerkout et en s'emparant
de cette Forteresse , comme on avoit d'abord
publié qu'il l'avoit fait , il a été obligé de
s'en éloigner encore plus qu'il ne l'étoit et de
tenir la Campagne , tantôt d'un côté , tantôt
d'un autre pour trouver à subsister , sans même
emporter le Canon que les Turcs lui abandonnerent
avec le Champ de bataille . Secondement,
il est certain qu'il continue ses instances
pour obtenir la Paix qu'il avoit demandée aux
Turcs depuis long- temps et que leur Ordon-
Cadi , qu'il avoit renvoyé ici sur sa parole pour
cette négociation , s'en est retourné sans qu'on
ait seulement voulu écouter les propositions
que cè General l'avoit chargé de faire de sa part
Ja Porte.
est
Il y a bien plus que cela , s'il en faut croire
certaines nouvelles , que je tiens de fort bon lieu:
elles portent que Kouli - Kan , n'ayant plus un
assez gros parti pour soutenir sa rebellion en
Perse , n'ose pas y retourner , parce qu'il y
regardé comme le fleau et l'unique auteur des
dernieres calamitez dont ce malheureux Royaume
est désolé ; qu'aussi - tôt qu'il eut perdu la
Bataille du 19 Juillet , un Seigneur Persan fort
acredité , qu'on appelle le vieux Khan , & qu'il
avoit laissé devant Bagdad pour y continuer le
blocus , l'abandonna , partit en poste et s'en alla
droit à Hispahan soulever les esprits contre lui ;
que delà il passa dans le Corassan , où il tira
Schaph- Thamas de sa prison ; qu'il ramena ce
Prince dans sa Capitale et le rétablit sur son
Tiêu
$90 MERCURE DE FRANCE
Trône aux acclamations de tout le peuple ; qu'en
suite le Roy de Perse avoit de nouveau déclaré
qu'il condamnoit en tout la conduite de Kouli-
Kan depuis qu'il avoit violé la derniere Paix
qu'il persistoit à le proscrire comme rebelle à
son Souverain , et traître à sa patrie ; qu'il levoit
des Troupes pour marcher contre lui le prendre
vif ou mort, s'il étoit possible , et le livrer à
la vengeance des Turcs , et qu'il renouvelloit
sans restrition la ratification qu'il avoit faite
du Traité d'Amadan.
Je ne vous dissimulerai point , Monsieur , que
je ne voudrois pas vous garantir la verité de ces
nouvelles en leur entier , parce que je sçais qu'on
soupçonne toujours ici , que Schah- Thamas et
son premier Ministre s'entendent ensemble ; mais
je ne vous garantirai pas davantage non plus les
Nouvelles suivantes , arrivées ici depuis peu de
jours.
Les unes disent que Kouli-Kan ayant voulu
risquer une tentative sur Kerkout, Memis Pacha
étoit sorti de cette Place , et l'avoit défait à plate
Couture. Les autres portent au contraire , qu'Achmet
Pacha de Bagdad , sur l'avis qu'on lui
avoit donné , que Thamas- Kouli - Kan avoit dé
taché 4000 hommes pour aller s'emparer de
Khillet * il étoit sorti de Bagdad avec la meilleure
partie de sa Garnison dans le dessein d'enlever
ce Détachement ennemi ; mais qu'ayant
appris en route que Kouli- Kan étoit lui - même à
›
* C'est un gros Bourg avec une petite forteresse
sur le chemin de Bagdad à Bassora , lequel étant
situé au bord de l'Euphrate , sert de Magasin et
d'entrepôts aux provisions pour cette premiere
Place.
KhilMARS
1734.
591
"
Khillet avec 30 à 40 mille hommes , il avoit rebroussé
chemin en dilligence , & qu'étant rentré
dans Bagdad , où il y aa fort peu de vivres , il en
avoit fait sortir les vieillards , les femmes , les
enfans ; en un mot , toutes les bouches inutiles
dans l'aprehension que le General Persan , après
avoir établi ses Magazins à Khillet , ne revint
encore former le blocus de Bagdad ; qu'avant
que d'y être de retour , un autre Achmet , qui
est Capidgi-Bachi , et son Divan- Effendi ** , se
ressouvenant de tout ce qu'il avoit souffert l'année
passée dans cette Place , et craignant de s'y
voir renfermé de nouveau pour long- tems , avoit
débauché 6000 hommes des Troupes qui étoient
sorties avec Achmet Pacha , et que s'étant mis à
leur tête , il les avoit conduit à Kerkout , od
Memis Pacha indigné de sa désertion l'avoit fait
mettre aux fers , et se tenoit sur ses gardes avec
ce renfort contre les entreprises que Kouli-Kam
pourroit faire sur Kerkout.
Vous voyez , Monsieur , par toutes ces nonvelles
, qui se contredisent et qui se débitent
pourtant à Constantinople aussi affirmativement
les unes que les autres , combien il est difficile
pour ne rien dire de plus , de sçavoir positive.
ment ce qui se passe dans ces Contrées éloignées,
où les Etrangers qui sont ici , n'ayant point de
correspondance , ne peuvent que rarement être
instruits du véritable état des choses.
Mais ce dont je puis vous parler avec certitu
de , c'est que depuis la mort de Topal - Osman
on fait de tous côtez dans cet Empire , des préparatifs
extraordinaires contre la Pers . Tous les
** Secretaire du Conseil , ou son premier Secttaire.
7
Pachas
192 MERCURE DE FRANCE
>
Pachas d'Asie ont eu ordre de marcher sans
délai avec le plus de Milices qu'ils pourront rassembler,
chacun dans l'étendue de son Gouvernement
il doit partir d'ici vingt chambrées de
Jannissaires qui composeront environ 8000
hommes. On compte que quand toutes ces
Troupes seront arrivées au lieu du rendez.vous ,
elles se monteront à 90 mille combattans , qui
joints à ce qu'il y en a déja en Perse formeront
une armée formidable ; et l'on s'en promet d'antant
plus de succès , que le G. S. pour encouràger
les gens de Guerre , a considérablement augmenté
la paye , ou les apointemens de tous ceux
qui serviroient dans cette armée pendant la campagne
prochaine. D'ailleurs trois Bâtimens François
frettez par sa hautesse ont déja fait voile
ces jours- ci , chargez de Canons , de Poudre ,
de Boulets , & c . qu'ils doivent débarquer à Alexandrete.
:
Abdoulla Cuperli , ci -devant Pacha du Caire ,
et à présent de Cogni , a été nommé pour remplacer
Topal - Osman , et le G. V. a déclaré en
public , qu'il marcheroit lui - même , pour exterminer
les Persans cette année , ou les forcer du
moins à faire une Paix solide , et honorable à la
Porte.
Au reste , Monsieur , pour finir ma Lettre ,
par quelque chose de consolant sur la mort de
Topal - Osman Pacha , je vous dirai que le G. S.
voulant donner des marques éclatantes du cas
qu'il faisoit de cet illustre et fidele sujet à récompensé
dans la personne de son fils Achmet , les
services que le Pere rendoit depuis si longtems à
cet Empire ; quoique ce jeune Seigneur n'aitt pas
encore 24 ans sa hautesse l'a fait tout d'un
coup et de son propre mouvement Pacha à trois
queües ,
>
MARS 1734.
593
*
queues , et Beylerbey de Romelie ; il est parti
d'ici dernierement avec un Equipage aussi nombreux
que superbe , pour se rendre à Nissa , ré..
sidence affectée au Pacha qui est revêtu de ce
Beylerbeylik .
Ce bienfait tout grand qu'il est en lui - même ,
a été cependant accompagné d'une circonstance,
qui à notre maniere de penser semble en dimi
nuer beaucoup le prix , et que ceux qui ne sont
pas au fait des maximes de l'Empire Ottoman ',
trouveront sans - doute fort extraordinaire , c'est
que dans le même tems que le G. S. a temoigné
avec tant de distinction sa reconnoissance envers
Topal - Osman , en élevant son fils si jeune encore
aux premieres dignitez de l'Etat , Sa Hautesse a
dépêché un Capidgi -Bachi en Perse , pour confisquer
au profit du Trésor Imperial tous les
effets mobiliers du deffunt : de sorte qu'il ne reste
à Achmet Pacha , de la grande succession de son
pere , qui passoit pour extrémement riche , que
les immeubles consistant en Maisons &c. parcè
que Topal Osman avoit eu la précaution de rendre
tous ces bens - là Vacoufs : c'est - à - dire de les
donner en proprieté à des Mosquées et de s'en
réserver l'usufruit pour lui , et pour ses descendans
jusqu'à l'extinction de sa race. Cette précaution
fort en usage dans ce Païs - ci , est le seul
moyen , par lequel ceux qui ont eu quelque part
aux affaires publiques peuvent assurer leur héritage
à leurs enfans : car les biens devenus Vacoufs
sont sacrez : pour quelque cause que ce soit ,
personne ne peut s'en emparer ; et ils ne sont dévolus
aux Mosquées pour la jouissance effective
qu'après le décès du dernier usufruitier .Je suis & c .
P. V. D.
Fermer
Résumé : A Constantinople le 15. Janvier 1734.
Le 15 janvier 1734, à Constantinople, un auteur rapporte la défaite et la mort de Topal Osman Pacha, un général ottoman, lors d'une bataille contre Thamas Kouli-Kan en Perse. Initialement, Topal Osman semblait en position de victoire, mais des événements imprévus ont conduit à sa défaite. Memis Pacha, envoyé pour poursuivre Thamas Kouli-Kan, a fui sans combattre, laissant Topal Osman seul face à l'ennemi. Malgré une résistance héroïque, Topal Osman a été tué, provoquant la débandade de ses troupes. Thamas Kouli-Kan, connu pour son orgueil et sa férocité, a montré une marque de grandeur en renvoyant le corps de Topal Osman à Constantinople pour des funérailles dignes. Cette action a été interprétée comme une reconnaissance de la noblesse de Topal Osman, qui avait récemment libéré des prisonniers persans. La nouvelle de la mort de Topal Osman a semé la consternation à Constantinople, mais des informations ultérieures ont rassuré la population sur l'état des forces ottomanes. Thamas Kouli-Kan, malgré sa victoire, n'a pas pu exploiter pleinement son avantage et a dû se retirer. De plus, des nouvelles indiquent que Kouli-Kan est isolé et que le roi de Perse le considère comme un rebelle. En réponse à cette situation, l'Empire ottoman prépare une grande offensive contre la Perse. Des troupes sont mobilisées et des renforts sont envoyés. Abdoulla Cuperli a été nommé pour remplacer Topal Osman, et le sultan a déclaré qu'il mènerait personnellement la campagne pour vaincre les Persans ou les forcer à faire la paix. Enfin, le sultan a honoré la mémoire de Topal Osman en nommant son fils Achmet Pacha à un haut poste, malgré la confiscation des biens mobiliers du défunt au profit du trésor impérial. Cette pratique est courante dans l'Empire ottoman pour protéger les héritages des familles impliquées dans les affaires publiques.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer