Résultats : 37 texte(s)
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1
p. [2695]-2700
ODE SUR LA NAISSANCE DE LA SAINTE VIERGE.
Début :
Qu'elle est cette brillante Aurore, [...]
Mots clefs :
Aurore, Sainte Vierge, Rubis, Splendeur, Cieux, Anne, Trinité, Naissance
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texteReconnaissance textuelle : ODE SUR LA NAISSANCE DE LA SAINTE VIERGE.
ODE
SUR LA NAISSANCE
DE LA SAINTE VIERGE.
Q
U'elle est cette brillante Aurore ,
Qui vient arrêter mes regards ?
Dans les Airs que sa lueur dore
Je ne vois que Rubis épars.
Vois-je l'Etoile matiniere ?
Elle paroît sur la barriere ,
Et brille de cent feux divers ;
1. Vol A i Le
2696 MERCURE DE FRANCE
La vive splendeur qu'elle entraîne ,
Semble annoncer la Souveraine ,
Des Cieux, de la Terre , et des Mers
Quel charme ! est - ce une vaine image
Mortels , j'abandonne ces lieux;
Un chant mélodieux m'engage ,
A prendre un essor vers les Cieux,
Me voici porté dans les nuës ;
Ah ! de Terres inconnuës ?
que
Je passe , je franchis les Mers ;
Compagnon d'une Troupe aîlée ,
Je plane sur la Galilée ;
Je plonge , j'ay quitté les Airs.
*
Que yeut ce Choeur d'Esprits Celestes ,
Ministres Saints du Dieu de paix ,
Qui respectueux
et modestes ,
D'Anne environnent le Palais ?
Le Dieu , qui ses oeuvres contemple ,
A-t'il fait choix d'un nouveau Temple ,
Qu'il remplit de sa Majesté ?
Oui , des Lys l'odeur ravissante ,
M'assure déja qu'Anne enfante
Le Temple de la Trinité,
1. Vol
C'est
DECEMBRE . 1731. 2697
C'est donc vous , tant de fois prédite ,
'Auguste Fille d'un saint Roy ,
Du Roy des Rois la Favorite,
Des Enfers la rage et l'effroy;
Espoir , amour de tous les âges ,
Des Peuples , des Rois et des Sages ,
Par ma voix recevez sa foy ;
Purs Esprits , souffrez ma presence ;
Les fruits d'une telle Naissance ,
Ne sont pas pour vous , mais
讚
pour
Anges du Ciel , Troupe fidelle ,
Zelez Champions du Très- Haut
Qui du Chefdu Parti rebelle
Jadis repoussâtes l'assaut ,
Honorez cette Chair naissante ;
Révérez cette Arche vivante ,
Où le Saint des Saints entrera ;
Celui qui commande aux tempêtes
Et qui fait tonner sur nos têtes ,
Dans son sein se reposera.
moit
Grand Dieu , que de profond's Misteres
Dévoile un saint ravissement !
Exempt des sentimens vulgaires ,
Que vois-je sur le Firmament-
I. Vol.
A iij Je
2698 MERCURE DE FRANCE
Je prôneray seul Adorable ,
L'Alliance à jamais durable ,
Que tu fais avec les Mortels :
Peuples heureux , venez entendre ,
Quels trésors le Ciel va répandre ,
Sur la Terre et sur vos Autels.
M
L'oeil ne l'a vûë : eh ! qui l'a peinte,
La Majesté du Dieu vivant ?
Gloire , splendeur , terreur et crainte ,
Peignent mal son Trône éclatant.
Qu'elle est brillante cette lame "
Empreinte d'un Burin de flâme ,
Au sein de la Divinité ?
Son Image me représente ,
Qu'après quatre mille ans d'attente
Israël sera visité.
Sacrée Image es- tu fidelle ?
Celui qui meut l'Astre du jour ,
D'une Ambassade solemnelle ,
Honore-t'il l'humain séjour ?
Le divin Messager s'envole ;
Il a de son Dieu la parole ,
D'une Vierge il veut l'agrément ,
Du haut de la Voute azurée ,
I. Vol. L'auguste
DECEMBRE . 1731. 2699
L'auguste Cour de l'Empirée ,
En suspens , le voit et l'attend .
Salut , ô divine allegresse !
L'état de l'homme est immortel ,
Marie a rempli la promesse ,
Qu'autrefois nous fit l'Eternel.
Mais, ô l'inéfable Mistere !
Mere de son Dieu , Vierge et Mere ,
C'est ton sort , Fleur de chasteté ;
Non , non , le Soleil de Justice ,
Aux chastes desirs si propice ,
Ne peut souiller ta pureté.
*
Quel bruit , quel siflement horrible ,
Sort de l'abîme tenebreux ?
Quel Monstre , quel Serpent horrible ,
Fait mugir ces cachots affreux ?
#
Roy du Ciel , lance ton Tonnerres
Ce Dragon ébranle la Terre ,
La terreur saisit les Humains ;
Mais non , le doux fruit de Maric ,
Brise la tête à la Furie ;
Calmons- nous , ses efforts sont vains
味
Sacrez Flancs d'une Vierge pure ,
I. Vol. A iiij
Dont
2700 MERCURE DE FRANCE
Dont l'heureuse fécondité ,
·
Eleve l'humaine Nature
Au rang de la Divinité ;
C'est par vous que l'homme rebelle ,
Rentre en ses droits , devient fidelle ,
Son Dieu présent reçoit ses voeux ;
Quelle bonté ! si le coupable ,
Eût pû n'être pas miserable ,
Il auroit été moins heureux .
Par M. Julien , fuge de Montblanc
SUR LA NAISSANCE
DE LA SAINTE VIERGE.
Q
U'elle est cette brillante Aurore ,
Qui vient arrêter mes regards ?
Dans les Airs que sa lueur dore
Je ne vois que Rubis épars.
Vois-je l'Etoile matiniere ?
Elle paroît sur la barriere ,
Et brille de cent feux divers ;
1. Vol A i Le
2696 MERCURE DE FRANCE
La vive splendeur qu'elle entraîne ,
Semble annoncer la Souveraine ,
Des Cieux, de la Terre , et des Mers
Quel charme ! est - ce une vaine image
Mortels , j'abandonne ces lieux;
Un chant mélodieux m'engage ,
A prendre un essor vers les Cieux,
Me voici porté dans les nuës ;
Ah ! de Terres inconnuës ?
que
Je passe , je franchis les Mers ;
Compagnon d'une Troupe aîlée ,
Je plane sur la Galilée ;
Je plonge , j'ay quitté les Airs.
*
Que yeut ce Choeur d'Esprits Celestes ,
Ministres Saints du Dieu de paix ,
Qui respectueux
et modestes ,
D'Anne environnent le Palais ?
Le Dieu , qui ses oeuvres contemple ,
A-t'il fait choix d'un nouveau Temple ,
Qu'il remplit de sa Majesté ?
Oui , des Lys l'odeur ravissante ,
M'assure déja qu'Anne enfante
Le Temple de la Trinité,
1. Vol
C'est
DECEMBRE . 1731. 2697
C'est donc vous , tant de fois prédite ,
'Auguste Fille d'un saint Roy ,
Du Roy des Rois la Favorite,
Des Enfers la rage et l'effroy;
Espoir , amour de tous les âges ,
Des Peuples , des Rois et des Sages ,
Par ma voix recevez sa foy ;
Purs Esprits , souffrez ma presence ;
Les fruits d'une telle Naissance ,
Ne sont pas pour vous , mais
讚
pour
Anges du Ciel , Troupe fidelle ,
Zelez Champions du Très- Haut
Qui du Chefdu Parti rebelle
Jadis repoussâtes l'assaut ,
Honorez cette Chair naissante ;
Révérez cette Arche vivante ,
Où le Saint des Saints entrera ;
Celui qui commande aux tempêtes
Et qui fait tonner sur nos têtes ,
Dans son sein se reposera.
moit
Grand Dieu , que de profond's Misteres
Dévoile un saint ravissement !
Exempt des sentimens vulgaires ,
Que vois-je sur le Firmament-
I. Vol.
A iij Je
2698 MERCURE DE FRANCE
Je prôneray seul Adorable ,
L'Alliance à jamais durable ,
Que tu fais avec les Mortels :
Peuples heureux , venez entendre ,
Quels trésors le Ciel va répandre ,
Sur la Terre et sur vos Autels.
M
L'oeil ne l'a vûë : eh ! qui l'a peinte,
La Majesté du Dieu vivant ?
Gloire , splendeur , terreur et crainte ,
Peignent mal son Trône éclatant.
Qu'elle est brillante cette lame "
Empreinte d'un Burin de flâme ,
Au sein de la Divinité ?
Son Image me représente ,
Qu'après quatre mille ans d'attente
Israël sera visité.
Sacrée Image es- tu fidelle ?
Celui qui meut l'Astre du jour ,
D'une Ambassade solemnelle ,
Honore-t'il l'humain séjour ?
Le divin Messager s'envole ;
Il a de son Dieu la parole ,
D'une Vierge il veut l'agrément ,
Du haut de la Voute azurée ,
I. Vol. L'auguste
DECEMBRE . 1731. 2699
L'auguste Cour de l'Empirée ,
En suspens , le voit et l'attend .
Salut , ô divine allegresse !
L'état de l'homme est immortel ,
Marie a rempli la promesse ,
Qu'autrefois nous fit l'Eternel.
Mais, ô l'inéfable Mistere !
Mere de son Dieu , Vierge et Mere ,
C'est ton sort , Fleur de chasteté ;
Non , non , le Soleil de Justice ,
Aux chastes desirs si propice ,
Ne peut souiller ta pureté.
*
Quel bruit , quel siflement horrible ,
Sort de l'abîme tenebreux ?
Quel Monstre , quel Serpent horrible ,
Fait mugir ces cachots affreux ?
#
Roy du Ciel , lance ton Tonnerres
Ce Dragon ébranle la Terre ,
La terreur saisit les Humains ;
Mais non , le doux fruit de Maric ,
Brise la tête à la Furie ;
Calmons- nous , ses efforts sont vains
味
Sacrez Flancs d'une Vierge pure ,
I. Vol. A iiij
Dont
2700 MERCURE DE FRANCE
Dont l'heureuse fécondité ,
·
Eleve l'humaine Nature
Au rang de la Divinité ;
C'est par vous que l'homme rebelle ,
Rentre en ses droits , devient fidelle ,
Son Dieu présent reçoit ses voeux ;
Quelle bonté ! si le coupable ,
Eût pû n'être pas miserable ,
Il auroit été moins heureux .
Par M. Julien , fuge de Montblanc
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Résumé : ODE SUR LA NAISSANCE DE LA SAINTE VIERGE.
L''Ode sur la naissance de la Sainte Vierge' décrit la naissance de Marie comme un événement céleste et miraculeux. L'auteur commence par une vision d'une brillante aurore et d'une étoile matinière annonçant la venue d'une souveraine des Cieux, de la Terre et des Mers. Transporté dans les airs, il observe un chœur d'esprits célestes autour du palais d'Anne, la mère de Marie. Le poème célèbre Marie comme la fille prédite et favorite du Roi des Rois, espérance de tous les âges. Il mentionne les mystères divins et l'alliance éternelle entre Dieu et les mortels. Le texte évoque la majesté de Dieu et la promesse faite à Israël. Il se termine par la description de Marie comme la mère de Dieu, vierge et pure, et par la victoire sur les forces du mal, symbolisées par un monstre ou un serpent. La naissance de Marie est présentée comme un événement qui élève l'humanité et permet à l'homme de retrouver sa fidélité à Dieu.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 2700-2714
DISSERTATION sur l'état où étoit l'Euphrate à Babylone, du temps d'Alexandre le Grand, et sur l'ouvrage que ce Prince y vouloit faire construire pour servir à une nouvelle Edition de l'Histoire Ancienne, composée par un Auteur moderne.
Début :
L'Auteur moderne de l'Histoire Ancienne, a voulu en un endroit de [...]
Mots clefs :
Euphrate, Babylone, Alexandre le Grand, Lit, Livres, Arabes, Assyriens, Xénophon
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texteReconnaissance textuelle : DISSERTATION sur l'état où étoit l'Euphrate à Babylone, du temps d'Alexandre le Grand, et sur l'ouvrage que ce Prince y vouloit faire construire pour servir à une nouvelle Edition de l'Histoire Ancienne, composée par un Auteur moderne.
DISSERTATION sur l'état où étoit
l'Euphrate à Babylone , du temps d'Alexandre
le Grand, et sur l'ouvrage que ce
Prince y vouloitfaire construire pour servir
à une nouvelle Edition de l'Histoire
Ancienne , composée par un Auteur moderne.
'Auteur moderne de l'Histoire Ana
voulu en un endroit de
son Ouvrage , montrer l'accomplissement
des Prédictions des Prophctes contre la
Ville de Babylone et contre l'Euphrate ,
qui la traversoit ; mais dans son zele , qui
est très- loüable , il n'a pas cu toute l'at-
I. Vol.
L'eienne, en un
tention
DECEMBRE 1931. 2751
tention qu'il falloit avoir pour ne pas s'écarter
de la verité ; le zele trompe quelquefois
s
Decipimur specie recti.
Commençons par rapporter sur cet article
les paroles mêmes de cet Auteur ;
nous observerons d'abord ses méprises ,
et ensuite nous les réfuterons .
» Dès le temps d'Alexandre le Grand ,
>> dit- il , le Fleuve , ( c'est à dire l'Eu-
» phrate * ) étoit sorti de son lit ordinai-
» re par l'ouverture que Cyrus avoit fait
»faire au Canal dont nous avons parlé ,
» ( c'est -à- dire, à ses lignes de circonvallation,
p. 231. et 251. ) et qui depuis avoit
» éte mal fermée , et il avoit inondé tout
» le Pays.
Ces paroles contiennent trois faits également
faciles à détruire , 1 ° . Que l'Euphrate
eût alors quitté son lit. 2 ° . Que l'ouverture
faite au Fossé ou à la Tranchée de
Cyrus , eût éré mal fermée. 3 ° . Que tout le
Pays en eût été inondé. Nous avons sur
chacun de ces trois faits de quoi montrer
le contraire par de bonnes preuves ; mais
écoutons l'Auteur qui continue en ces
termes.
>> Ce Prince , dit- il , ( c'est d'Alexandre
dont il parle ) dans le dessein qu'il avoit
* Tom. 2. pag. 258.
J Vol
Av
d'éta
2702 MERCURE DE FRANCE
» d'établir le Siege de son Empire à Ba-
>> bylone , songea à rappeller l'Euphrate
» dans son lit naturel , et l'ouvrage étoit
» déja commencé ; mais Dieu qui veilloit
à l'accomplissement de sa Prophetie ,
>> et qui avoit déclaré qu'il détruiroit jus
» qu'aux restes et aux vestiges de Baby-
» lone , ( Perdam Babylonis nomen et reliquias
, ) dissipa ce projet par la mort
» d'Alexandre , qui arriva peu après .
L'Auteur persevere dans son idée, mais
par deux nouvelles erreurs.La premiere est
que l'Ouvrage que voulut faire Alexandre ,
jut de rappeller l'Euphrate dans son lit , et
il n'en étoit pas sorti . La seconde est , que
Dieu l'empêcha pour l'accomplissement de
ses Propheties , et l'entreprise d'Alexandre
ne les interressoit en aucune sorte..
Avant que de donner sur ces faits ;
comme sur les précedents , les preuves
évidentes qui les détruisent , remarquons
d'abord que l'Auteur dont il est question,
cite à la marge le huitième Livre de l'Histoire
d'Alexandre par Arrien , comme
pour donner un garant d'une partie , au
moins de ce qu'il avance ; mais c'est une
chose certaine , premierement que cette
Histoire d'Arien n'a que sept Livres
et non pas buit ; en second lieu , qu'elle
est absolument contraire au systême de
P'Auteur moderne.
DECEMBRE. 1931. 2793
"
Arrien ne dit point du tout , qu' Al:-
xandre voulût remettre l'Euphrate dans son
lit. Cette idée de l'entreprise d'Alexandre
est une pure imagination d'Isaac Vossius ,
faute de bien prendre le sens d'Arrien.
Aussi Gronovius a-t'il eu soin de le réfuter
, et il l'a fait d'une maniere qui
ne souffre point de replique. Il a aussi
réfuté M. Huet , qui dans son Ouvrage
sur le Paradis Terrestre , avoit copié Vossius.
La même réfutation tombe sur l'Auteur
moderne de l'Histoire Ancienne ,
qui a pris de M. Huet la même idée de
FOuvrage d'Alexandre .
L'Auteur moderne de l'Histoire Ancienne
ne suit pas M. Huet en toutes
choses ; mais lorsqu'il le quitte , il ne
s'égare pas moins que lui. Il croit , par
exemple , que l'entreprise d'Alexandre
ne fut jamais achevée , Dien l'ayant empêché
, à ce qu'il dit , pour l'accomplissement
de ses Propheties ; et M. Huet dit
que cet Ouvrage , qui ne fut point alors
consommé , l'a été depuis. Ce dernier ne
croit donc pas que les Propheties s'y trou
vassent interressées en cela il a raison ;
mais il se trompe , en ce qu'il croit
l'Euphrate fût rappellédans son lit, comme
s'il en fût sorti , ce qui n'étoit pas.
Secondement l'Auteur moderne de
A vj l'His
1. Vol.
que
2704 MERCURE DE FRANCE
l'Histoire Ancienne regarde le Canal ,
dont parle Arrien , * comme le Fossé ou
les tranchées de Cyrus ; et M, Huet le
regarde comme une saignée faite furtivement
à l'Euphrate par les Arabes pour
arroser leurs terres , qui en avoient grand
besoin. Ces deux Auteurs , dans leurs
diverses opinions , ne se trompent pas .
moins l'un que l'autre.
En troisiéme lieu , M. Huet ajoûte qu'en
cela les Arabes avoient à faire aux Assyriens
, qui de l'autre côté de l'Euphrate ,
avoient besoin des mêmes Eaux , et empêchoient
les Arabes de les détourner.
C'étoit , selon lui , une semence de guerre
entre eux qu'Alexandre voulut termi
ner ; et pour le faire à l'avantage des
Assyriens , il entreprit de boucher pour
toûjours cette ouverture furtive .
En cet endroit M. Huet se trompe
dans l'idée qu'il a de l'entreprise d'Alexandre
; il se trompe aussi dans le motif
qu'il lui attribuë , et il ne pense bien
qu'en ce qu'il ne croit pas , comme l'Auteur
moderne de l'Histoire Ancienne
que le Canal où ce Prince voulut faire
travailler , fût le Fossé de Cyrus.
Une démonstration de cela fort aisée :
c'est que les saignées que Cyrus fit faire
* P. 231. 251. et 2580
I. Vol.
DECEMBRE . 1731 . 2705
༡ *
à l'Euphrate , furent des Tranchées autour
de Babylone. L'Auteur moderne de
l'Histoire Ancienne le dit lui - même.
comme on l'a vû , * en quoi il est d'accord
avec Xenophon elles coupoient le
Fleuve à droite et à gauche au- dessus de
Babylone , pour dessecher son lit dans:
la Ville , ou le rendre guéable. Elles al--
loient se décharger de part et d'autre audessous
de la Ville , dans le lit naturel de
l'Euphrate. Il est évident que M. Huet
ne parle point de ces Tranchées , et on
montrera que c'étoit fort loin de- là qu'Alexandre
vouloit faire son Ouvrage.
la
Comme il n'est dit nulle part que cer
Ouvrage fût de rappeller le Fleuve dans son
Lit ; il n'est aussi dit nulle part que le Pays
autour de la Ville eût été inondé , ni
que
tête de la Tranchée eût donné lieu à l'inondation
, pour avoir été mal fermée. Bien plus il
eût fallu , pour causer une inondation ,
que la seconde ouverture au- dessous de
la Ville , eût été bien rebouchée , tandis
que la premiere ne l'étoit pas. Or c'est ce
que le Texte d'Arrien ne permet pas de
croire,non plus que le Texte de Q Curce.
Le premier dit d'abord qu'Alexandre
fit travailler à Babylone , à bâtir un Port
et à construire des Galeres ; il y avoit
* T. 2. P. 231. et 25№
To Vola
donc
2706 MERCURE DE FRANCE
donc une Riviere qui n'étoit autre que
l'Euphrate. Il ajoûte en effet , que pendant
ce travail Alexandre se mit sur l'Euphrate
pour aller , en suivant le cours de
l'eau , voir le Pallacopas.
Le Pallacopas est le Canal dont parle
Arrien, c'est celui où il dit qu'Alexandre
voulut faire travailler. On va voir sa situation
, la nature de l'Ouvrage et le
motif qui le faisoit entreprendre. Ecoutons
cet Auteur.
*
»Le Pallacopas , dit -il , en suivant le
» cours de l'eau , est environ à huit cent
» stades de Babylone , c'est- à- dire , à qua-
» rante lieües au - dessous , et plus de quarante-
six lieuës loin de la tête de la Tranchée
de Cyrus. On voit évidemment la
difference des lieux et la méprise de l'Auteur
moderne , tant en ce qu'il avance ,
qu'en ce qu'il cite Arrien pour son garant.
Arrien dit encore , que » le Pallacopas
» n'est pas une Riviere naturellement
>>> formée par des eaux de source ; mais
» un Canal qu'on avoit fait à l'Euphrate . »
Car ce Fleuve qui vient des Montagnes
d'Armenie , se contient dans son lit pendant
tout l'Hyver , parce qu'il n'y a que
très-peu d'eau ; mais au commencement
du Printemps, et plus encore vers le sols-
* L. 7.
I. Vol.
C. 21
tice
DECEMBRE. 1731. 2707
-
tice d'Eté , il s'enfle prodigieusement ;
desorte qu'au dessous de Babylone ,
surmontant particulierement son bord
Oriental , à cause qu'il est plus bas que
l'autre bord , il inonde le Pays des Assyriens
, et ce sont les neges d'Armenie
qui le grossissent , parce que c'est alors
que la chaleur les fait fondre , et par consequent
elles font déborder l'Euphrate ,
fort loin au-dessous de la Ville , à moins
qu'on ne prévienne cette inondation par
l'ouverture du Pallacopas , qui recevant
les eaux du Fleuve , les laisse aller à quatre-
vingt lieuës loin de là , sur les confins
de l'Arabie , où elles se déchargent
d'abord dans desMares ou dans desEtangs ,
et ensuite dans la Mer par un grand
nombre de souterrains.
Ce récit tout naturel d'Arrien , dissipe
les idées de M. Huet sur l'entreprise furtive
des Arabes , qui pour lors étoient à
plus de 80. lieues de l'Euphrate, et qui en
étoient même séparez par une chaîne de
Montagnes , des Lacs , des Mares , et des
Etangs , que ce Fleuve formoit sur les
confins de leur Pays.
Le même récit fait disparoître les prétendues
contestations de ces Peuples avec
les Assiriens , pour ces Eaux ainsi détournées.
Quel tort pouvoit faire aux derniers
1. Vol. une
2708 MERCURE DE FRANCE
une saignée que les premiers auroient
faite à des Marais , à 8. lieues de l'Euphrate
? On voit disparoître en mêmetemps
la prétendue décision d'Alexandre
en faveur des Assiriens ; mais il faut achever
d'entendre Arrien pour une plus
grande évidence .
» Lorsque les neiges , dit-il , se sont
» écoulées , les Eaux de l'Euphrate sont
»fort basses , et neanmoins elles s'écou
» leroient toutes par l'ouverture du Pallacopas
, si on ne la rebouchoit . On la
rebouche pour donner aux Assyriens ,
» de l'autre côté , le moyen d'arroser leurs
Terres qui ont besoin d'être arrosées .
» Ce soin regardoit les Satrapes de Baby-
>> lone. L'Ouvrage étoit difficile , il de-
" mandoit tous les ans dix milles Ou-
»vriers pendant trois mois entiers.
» Alexandre instruit de tout ce détail ,
» voulut faire plaisir aux Assyriens ; il
>>>résolut de boucher pour toûjours l'an-
» cienne ouverture de ce Canal , si dif-
» ficile à fermer , lorsqu'il en étoit be-
» soin , à cause que cet endroit n'étoit que
» de la terre et du limon ou du sable
»
que l'eau emportoit aisément. Il pour-
» suivit d'abord sa route par le Pallaco-
» pas , jusqu'aux Marais sur les confins
» de l'Arabie ; après quoi étant revenu à
J. Fol
DECEMBRE. 1731. 2709
la tête de ce Canal , et de -là , remon-
»tant vers Babylone , il trouva à la distance
de 30. Stades , c'est -à- dire , d'une
» lieuë et demie , un terrain ferme et pierreux
, et ainsi plus propre à retenir
» l'eau , si on le creusoit. Il voulut donc
» faire en cet endroit une nouvelle ou-
» verture à l'Euphrate , qui seroit très-
» aisée à fermer quand on voudroit , et
>> tirer de - là un nouveau Canal qui iroit
joindre l'ancien Canal du Pallacopas.
Voilà le dessein d'Alexandre , voilà
son motif; c'est tout ce que nous lisons
dans Arrien. Il ne faut donc pas le citer
pour nous faire croire que du temps d'Alexandre
, l'Euphrate avoit déja quitté
son lit , ni lui faire dire que cela étoit
arrivé par l'ouverture du Fossé de Cyrus
, ni qu'elle n'avoit pas été bien fermée
, ni que cette négligence avoit été
cause de l'inondation du Pays , ni enfin
que l'entreprise d'Alexandre fût de faire
rentrer le Fleuve dans son lit. Elle ne consistoit
qu'à fermer l'ancienne Ouverture
du Pallacopas , et à lui en donner une
autre , et elle n'interessoit en rien l'accomplissement
des Propheties.
Il est vrai , que selon les Propheties ,
Babylone avec son Fleuve ne devoit plus
être qu'un Marais : il ne devoit demeurer
I. Vela aucun
2710 MERCURE DE FRANCE
vestige de cette Villes son nom ne devoit
plus exister. Mais cela devoit s'accomplir
par degrez. Du temps de Pausanias , qui
est le temps de l'Empereur Adrien , on
en voyoit encore les murs , mais elle n'étoit
plus que la retraite des bêtes sauvages.
Du temps de Théodoret et de saint
Jerôme , ce Fleuve n'étoit en effet qu'un
Marais ou qu'un très- petit Ruisseau , mais
non pas encore du temps d'Alexandre .
Dês le temps de Cyrus , l'Empire des Babyloniens
fut détruit , et la Race de ses
Rois fut éteinte . Cela conduisoit à la
Ruine de Babylone , qui s'est enfin totalement
accomplie. Aujourd'hui on nomme
encore Babylone ; mais ce que ce nom
a signifié n'existe plus. Ce qu'on appelle
perdre le nom d'un Peuple , c'est détruire
le Peuple même , comme Annibal s'étoi
proposé de perdre le Nom Romain. Ces
vrayes idées des évenemens suffisent à la.
Religion , elle n'a que faire d'imaginations
fausses et mal concertées , et qui
n'ont aucun fondement.
Quint-Curce est d'accord avec Arrien ,
il nous dit formellement que lorsqu'Alexandre
vint à Babyione , l'Euphrate
couloit à l'ordinaire par le milieu de cette
Ville ( 1 ) Euphrates interfluit. Il étoit en-
( 1 ) Liv. s . ch.4. pag. 136. in 12.
1. Vol. .core
DECEMBRE. 1731. 2711.
core alors muni de hauts parapets , pour
en empêcher les débordemens. Et parce que
dans la fonte des Neges , il auroit encore
surmonté ces Parapets, Quinte - Curce observe
qu'autour de tous les grands Ouvrages
de cette Ville , on avoit creusé des
Cavernes et des Lacs fort profonds , pour
y recevoir cette surabondance d'eau , qui
sans cela ,auroit débordé dans la Ville même
, et auroit emporté les Maisons . Ces
Cavernes et ces Lacs étoient revêtus de
brique et recrépis de bitume.
Comment concevoir qu'en faisant , ou
en conservant de tels ouvrages , on eût
négligé de bien fermer la tête du fossé de
Cyrus , s'il étoit vrai qu'elle inondoit tout
le Païs ? Comment Quinte-Curce n'auroitil
pas parlé de ce fossé , comme il parle
de ces Cavernes ; puisque ce fossé , s'il
eût alors subsisté , auroit servi au même
usage ? Comment n'auroit- il pas parlé de
l'inondation de tout le Païs , qui n'eût
été qu'une Mer , puisqu'alors cette inondation
auroit duré depuis plus de deux
cens ans , c'est -à- dire depuis Cyrus ? Il ( 1 ).
avoit occasion d'en parler , lorsqu'il représente
toute la Ville de Babylone , venant
à pied , ou à cheval audevant d'Aléxandre
, comme il parle de l'inonda-
( 1 ) Liv. s . ch. 3. p. 134, in 12.
I. Vel. tion
712 MERCURE DE FRANCE
tion des confins de l'Arabie , par les Eaux
du Pallacopas , à l'occasion du voyage
qu'Alexandre y fit par Eau , parce qu'il
ne l'auroit pû faire autrement. ( r ) Il appelle
alors le Pallacopas , du nom de Riviere
, per amnem Pallacopam ; nouvelle
preuve qu'il ne le prend pas pour le fossé
de Cyrus .
Il y a des Cartes Géographiques qui placent
Babylone sur les Marais , ou au dessous
de l'ouverture du Pallacopas. Cela se
détruit tout seul, après ce que nous avons
dit , et par un trait remarquable , que
nous trouvons encore dans Arrien ; qui
est , qu'Alexandre revenant des confins
de l'Arabie par ces Marais du Pallacopas,
avoit Babylone à gauche , non à la gauche
du Fleuve , mais à sa gauche à luimême.
Or cela ne pouvoit être , si Babylone
eût été au dessous de ce Canal , il
l'auroit euë à sa droite. C'est pourquoi
la Carte de l'Empire Romain, par le Pere
Briet , Jésuite , et celles de l'Asie , selon
Prolomée , placent toutes ce Canal au dessous
, et le font aboutir vers les Montagnes
, qui bornent l'Arabie , d'où l'on
ne peut revenir , sans qu'on ait Babylone
à sa gauche. Et il faut faire cas de l'autorité
d'Arrien , parce qu'il s'est fait un
( 1 ) Liv. 1o. ch. 10. pag. 45.3 et 45˚4.
devoir
DECEMBR E. 1731. 271 3
devoir de suivre Prolomée et Aristobule
dans , les choses où ils sont tous deux
d'accord sur les actions et les entreprises
d'Alexandre.
L'Euphrate se divisoit en deux bras
assez loin au dessus de Babylone. Son bras
Oriental alloit se jetter dans le Tigre, et delà
dans la Mer. L'autre bras , qui est l'Occidental
, passoit à Babylone ; et à quarante
lieues au dessous , il se divisoit encore
en deux par le Pallacopas , qui alloit
dans la Mer , de la maniere que nous l'avons
dit.Il ne faut pas confondre ces deux
divisions de l'Euphrate.
11 ) Quinte- Curce ne donne de tour à
Babylone que 368 stades ; et Vaugelas l'a
suivi . L'Auteur moderne de l'histoire an
cienne lui en donne 480. communément
on fait le stade de 125 pas ; les huit stades
font le mille , et quatre milles font la
grande lieuë. L'Auteur moderne fait le
stade de 104 toises ; les 20 stades , selon
lui , font la lieuë ; ainsi 800 stades font
40
o lieuës.
Voilà ce que nous avions à dire sur les
deux articles proposez , qui sont l'état de
P'Euphrate à Babylone , du temps d'Aléxandre
, et la nature de l'Ouvrage que ce
Prince entreprit de faire faire sur ce Fleu
( x ) Liv. 5.ch. 4.
1.Vola
2,14 MERCURE DE FRANCE
ye. Nous croions que ces veritez que
nous avons établies , ne sont point à née
gliger.
l'Euphrate à Babylone , du temps d'Alexandre
le Grand, et sur l'ouvrage que ce
Prince y vouloitfaire construire pour servir
à une nouvelle Edition de l'Histoire
Ancienne , composée par un Auteur moderne.
'Auteur moderne de l'Histoire Ana
voulu en un endroit de
son Ouvrage , montrer l'accomplissement
des Prédictions des Prophctes contre la
Ville de Babylone et contre l'Euphrate ,
qui la traversoit ; mais dans son zele , qui
est très- loüable , il n'a pas cu toute l'at-
I. Vol.
L'eienne, en un
tention
DECEMBRE 1931. 2751
tention qu'il falloit avoir pour ne pas s'écarter
de la verité ; le zele trompe quelquefois
s
Decipimur specie recti.
Commençons par rapporter sur cet article
les paroles mêmes de cet Auteur ;
nous observerons d'abord ses méprises ,
et ensuite nous les réfuterons .
» Dès le temps d'Alexandre le Grand ,
>> dit- il , le Fleuve , ( c'est à dire l'Eu-
» phrate * ) étoit sorti de son lit ordinai-
» re par l'ouverture que Cyrus avoit fait
»faire au Canal dont nous avons parlé ,
» ( c'est -à- dire, à ses lignes de circonvallation,
p. 231. et 251. ) et qui depuis avoit
» éte mal fermée , et il avoit inondé tout
» le Pays.
Ces paroles contiennent trois faits également
faciles à détruire , 1 ° . Que l'Euphrate
eût alors quitté son lit. 2 ° . Que l'ouverture
faite au Fossé ou à la Tranchée de
Cyrus , eût éré mal fermée. 3 ° . Que tout le
Pays en eût été inondé. Nous avons sur
chacun de ces trois faits de quoi montrer
le contraire par de bonnes preuves ; mais
écoutons l'Auteur qui continue en ces
termes.
>> Ce Prince , dit- il , ( c'est d'Alexandre
dont il parle ) dans le dessein qu'il avoit
* Tom. 2. pag. 258.
J Vol
Av
d'éta
2702 MERCURE DE FRANCE
» d'établir le Siege de son Empire à Ba-
>> bylone , songea à rappeller l'Euphrate
» dans son lit naturel , et l'ouvrage étoit
» déja commencé ; mais Dieu qui veilloit
à l'accomplissement de sa Prophetie ,
>> et qui avoit déclaré qu'il détruiroit jus
» qu'aux restes et aux vestiges de Baby-
» lone , ( Perdam Babylonis nomen et reliquias
, ) dissipa ce projet par la mort
» d'Alexandre , qui arriva peu après .
L'Auteur persevere dans son idée, mais
par deux nouvelles erreurs.La premiere est
que l'Ouvrage que voulut faire Alexandre ,
jut de rappeller l'Euphrate dans son lit , et
il n'en étoit pas sorti . La seconde est , que
Dieu l'empêcha pour l'accomplissement de
ses Propheties , et l'entreprise d'Alexandre
ne les interressoit en aucune sorte..
Avant que de donner sur ces faits ;
comme sur les précedents , les preuves
évidentes qui les détruisent , remarquons
d'abord que l'Auteur dont il est question,
cite à la marge le huitième Livre de l'Histoire
d'Alexandre par Arrien , comme
pour donner un garant d'une partie , au
moins de ce qu'il avance ; mais c'est une
chose certaine , premierement que cette
Histoire d'Arien n'a que sept Livres
et non pas buit ; en second lieu , qu'elle
est absolument contraire au systême de
P'Auteur moderne.
DECEMBRE. 1931. 2793
"
Arrien ne dit point du tout , qu' Al:-
xandre voulût remettre l'Euphrate dans son
lit. Cette idée de l'entreprise d'Alexandre
est une pure imagination d'Isaac Vossius ,
faute de bien prendre le sens d'Arrien.
Aussi Gronovius a-t'il eu soin de le réfuter
, et il l'a fait d'une maniere qui
ne souffre point de replique. Il a aussi
réfuté M. Huet , qui dans son Ouvrage
sur le Paradis Terrestre , avoit copié Vossius.
La même réfutation tombe sur l'Auteur
moderne de l'Histoire Ancienne ,
qui a pris de M. Huet la même idée de
FOuvrage d'Alexandre .
L'Auteur moderne de l'Histoire Ancienne
ne suit pas M. Huet en toutes
choses ; mais lorsqu'il le quitte , il ne
s'égare pas moins que lui. Il croit , par
exemple , que l'entreprise d'Alexandre
ne fut jamais achevée , Dien l'ayant empêché
, à ce qu'il dit , pour l'accomplissement
de ses Propheties ; et M. Huet dit
que cet Ouvrage , qui ne fut point alors
consommé , l'a été depuis. Ce dernier ne
croit donc pas que les Propheties s'y trou
vassent interressées en cela il a raison ;
mais il se trompe , en ce qu'il croit
l'Euphrate fût rappellédans son lit, comme
s'il en fût sorti , ce qui n'étoit pas.
Secondement l'Auteur moderne de
A vj l'His
1. Vol.
que
2704 MERCURE DE FRANCE
l'Histoire Ancienne regarde le Canal ,
dont parle Arrien , * comme le Fossé ou
les tranchées de Cyrus ; et M, Huet le
regarde comme une saignée faite furtivement
à l'Euphrate par les Arabes pour
arroser leurs terres , qui en avoient grand
besoin. Ces deux Auteurs , dans leurs
diverses opinions , ne se trompent pas .
moins l'un que l'autre.
En troisiéme lieu , M. Huet ajoûte qu'en
cela les Arabes avoient à faire aux Assyriens
, qui de l'autre côté de l'Euphrate ,
avoient besoin des mêmes Eaux , et empêchoient
les Arabes de les détourner.
C'étoit , selon lui , une semence de guerre
entre eux qu'Alexandre voulut termi
ner ; et pour le faire à l'avantage des
Assyriens , il entreprit de boucher pour
toûjours cette ouverture furtive .
En cet endroit M. Huet se trompe
dans l'idée qu'il a de l'entreprise d'Alexandre
; il se trompe aussi dans le motif
qu'il lui attribuë , et il ne pense bien
qu'en ce qu'il ne croit pas , comme l'Auteur
moderne de l'Histoire Ancienne
que le Canal où ce Prince voulut faire
travailler , fût le Fossé de Cyrus.
Une démonstration de cela fort aisée :
c'est que les saignées que Cyrus fit faire
* P. 231. 251. et 2580
I. Vol.
DECEMBRE . 1731 . 2705
༡ *
à l'Euphrate , furent des Tranchées autour
de Babylone. L'Auteur moderne de
l'Histoire Ancienne le dit lui - même.
comme on l'a vû , * en quoi il est d'accord
avec Xenophon elles coupoient le
Fleuve à droite et à gauche au- dessus de
Babylone , pour dessecher son lit dans:
la Ville , ou le rendre guéable. Elles al--
loient se décharger de part et d'autre audessous
de la Ville , dans le lit naturel de
l'Euphrate. Il est évident que M. Huet
ne parle point de ces Tranchées , et on
montrera que c'étoit fort loin de- là qu'Alexandre
vouloit faire son Ouvrage.
la
Comme il n'est dit nulle part que cer
Ouvrage fût de rappeller le Fleuve dans son
Lit ; il n'est aussi dit nulle part que le Pays
autour de la Ville eût été inondé , ni
que
tête de la Tranchée eût donné lieu à l'inondation
, pour avoir été mal fermée. Bien plus il
eût fallu , pour causer une inondation ,
que la seconde ouverture au- dessous de
la Ville , eût été bien rebouchée , tandis
que la premiere ne l'étoit pas. Or c'est ce
que le Texte d'Arrien ne permet pas de
croire,non plus que le Texte de Q Curce.
Le premier dit d'abord qu'Alexandre
fit travailler à Babylone , à bâtir un Port
et à construire des Galeres ; il y avoit
* T. 2. P. 231. et 25№
To Vola
donc
2706 MERCURE DE FRANCE
donc une Riviere qui n'étoit autre que
l'Euphrate. Il ajoûte en effet , que pendant
ce travail Alexandre se mit sur l'Euphrate
pour aller , en suivant le cours de
l'eau , voir le Pallacopas.
Le Pallacopas est le Canal dont parle
Arrien, c'est celui où il dit qu'Alexandre
voulut faire travailler. On va voir sa situation
, la nature de l'Ouvrage et le
motif qui le faisoit entreprendre. Ecoutons
cet Auteur.
*
»Le Pallacopas , dit -il , en suivant le
» cours de l'eau , est environ à huit cent
» stades de Babylone , c'est- à- dire , à qua-
» rante lieües au - dessous , et plus de quarante-
six lieuës loin de la tête de la Tranchée
de Cyrus. On voit évidemment la
difference des lieux et la méprise de l'Auteur
moderne , tant en ce qu'il avance ,
qu'en ce qu'il cite Arrien pour son garant.
Arrien dit encore , que » le Pallacopas
» n'est pas une Riviere naturellement
>>> formée par des eaux de source ; mais
» un Canal qu'on avoit fait à l'Euphrate . »
Car ce Fleuve qui vient des Montagnes
d'Armenie , se contient dans son lit pendant
tout l'Hyver , parce qu'il n'y a que
très-peu d'eau ; mais au commencement
du Printemps, et plus encore vers le sols-
* L. 7.
I. Vol.
C. 21
tice
DECEMBRE. 1731. 2707
-
tice d'Eté , il s'enfle prodigieusement ;
desorte qu'au dessous de Babylone ,
surmontant particulierement son bord
Oriental , à cause qu'il est plus bas que
l'autre bord , il inonde le Pays des Assyriens
, et ce sont les neges d'Armenie
qui le grossissent , parce que c'est alors
que la chaleur les fait fondre , et par consequent
elles font déborder l'Euphrate ,
fort loin au-dessous de la Ville , à moins
qu'on ne prévienne cette inondation par
l'ouverture du Pallacopas , qui recevant
les eaux du Fleuve , les laisse aller à quatre-
vingt lieuës loin de là , sur les confins
de l'Arabie , où elles se déchargent
d'abord dans desMares ou dans desEtangs ,
et ensuite dans la Mer par un grand
nombre de souterrains.
Ce récit tout naturel d'Arrien , dissipe
les idées de M. Huet sur l'entreprise furtive
des Arabes , qui pour lors étoient à
plus de 80. lieues de l'Euphrate, et qui en
étoient même séparez par une chaîne de
Montagnes , des Lacs , des Mares , et des
Etangs , que ce Fleuve formoit sur les
confins de leur Pays.
Le même récit fait disparoître les prétendues
contestations de ces Peuples avec
les Assiriens , pour ces Eaux ainsi détournées.
Quel tort pouvoit faire aux derniers
1. Vol. une
2708 MERCURE DE FRANCE
une saignée que les premiers auroient
faite à des Marais , à 8. lieues de l'Euphrate
? On voit disparoître en mêmetemps
la prétendue décision d'Alexandre
en faveur des Assiriens ; mais il faut achever
d'entendre Arrien pour une plus
grande évidence .
» Lorsque les neiges , dit-il , se sont
» écoulées , les Eaux de l'Euphrate sont
»fort basses , et neanmoins elles s'écou
» leroient toutes par l'ouverture du Pallacopas
, si on ne la rebouchoit . On la
rebouche pour donner aux Assyriens ,
» de l'autre côté , le moyen d'arroser leurs
Terres qui ont besoin d'être arrosées .
» Ce soin regardoit les Satrapes de Baby-
>> lone. L'Ouvrage étoit difficile , il de-
" mandoit tous les ans dix milles Ou-
»vriers pendant trois mois entiers.
» Alexandre instruit de tout ce détail ,
» voulut faire plaisir aux Assyriens ; il
>>>résolut de boucher pour toûjours l'an-
» cienne ouverture de ce Canal , si dif-
» ficile à fermer , lorsqu'il en étoit be-
» soin , à cause que cet endroit n'étoit que
» de la terre et du limon ou du sable
»
que l'eau emportoit aisément. Il pour-
» suivit d'abord sa route par le Pallaco-
» pas , jusqu'aux Marais sur les confins
» de l'Arabie ; après quoi étant revenu à
J. Fol
DECEMBRE. 1731. 2709
la tête de ce Canal , et de -là , remon-
»tant vers Babylone , il trouva à la distance
de 30. Stades , c'est -à- dire , d'une
» lieuë et demie , un terrain ferme et pierreux
, et ainsi plus propre à retenir
» l'eau , si on le creusoit. Il voulut donc
» faire en cet endroit une nouvelle ou-
» verture à l'Euphrate , qui seroit très-
» aisée à fermer quand on voudroit , et
>> tirer de - là un nouveau Canal qui iroit
joindre l'ancien Canal du Pallacopas.
Voilà le dessein d'Alexandre , voilà
son motif; c'est tout ce que nous lisons
dans Arrien. Il ne faut donc pas le citer
pour nous faire croire que du temps d'Alexandre
, l'Euphrate avoit déja quitté
son lit , ni lui faire dire que cela étoit
arrivé par l'ouverture du Fossé de Cyrus
, ni qu'elle n'avoit pas été bien fermée
, ni que cette négligence avoit été
cause de l'inondation du Pays , ni enfin
que l'entreprise d'Alexandre fût de faire
rentrer le Fleuve dans son lit. Elle ne consistoit
qu'à fermer l'ancienne Ouverture
du Pallacopas , et à lui en donner une
autre , et elle n'interessoit en rien l'accomplissement
des Propheties.
Il est vrai , que selon les Propheties ,
Babylone avec son Fleuve ne devoit plus
être qu'un Marais : il ne devoit demeurer
I. Vela aucun
2710 MERCURE DE FRANCE
vestige de cette Villes son nom ne devoit
plus exister. Mais cela devoit s'accomplir
par degrez. Du temps de Pausanias , qui
est le temps de l'Empereur Adrien , on
en voyoit encore les murs , mais elle n'étoit
plus que la retraite des bêtes sauvages.
Du temps de Théodoret et de saint
Jerôme , ce Fleuve n'étoit en effet qu'un
Marais ou qu'un très- petit Ruisseau , mais
non pas encore du temps d'Alexandre .
Dês le temps de Cyrus , l'Empire des Babyloniens
fut détruit , et la Race de ses
Rois fut éteinte . Cela conduisoit à la
Ruine de Babylone , qui s'est enfin totalement
accomplie. Aujourd'hui on nomme
encore Babylone ; mais ce que ce nom
a signifié n'existe plus. Ce qu'on appelle
perdre le nom d'un Peuple , c'est détruire
le Peuple même , comme Annibal s'étoi
proposé de perdre le Nom Romain. Ces
vrayes idées des évenemens suffisent à la.
Religion , elle n'a que faire d'imaginations
fausses et mal concertées , et qui
n'ont aucun fondement.
Quint-Curce est d'accord avec Arrien ,
il nous dit formellement que lorsqu'Alexandre
vint à Babyione , l'Euphrate
couloit à l'ordinaire par le milieu de cette
Ville ( 1 ) Euphrates interfluit. Il étoit en-
( 1 ) Liv. s . ch.4. pag. 136. in 12.
1. Vol. .core
DECEMBRE. 1731. 2711.
core alors muni de hauts parapets , pour
en empêcher les débordemens. Et parce que
dans la fonte des Neges , il auroit encore
surmonté ces Parapets, Quinte - Curce observe
qu'autour de tous les grands Ouvrages
de cette Ville , on avoit creusé des
Cavernes et des Lacs fort profonds , pour
y recevoir cette surabondance d'eau , qui
sans cela ,auroit débordé dans la Ville même
, et auroit emporté les Maisons . Ces
Cavernes et ces Lacs étoient revêtus de
brique et recrépis de bitume.
Comment concevoir qu'en faisant , ou
en conservant de tels ouvrages , on eût
négligé de bien fermer la tête du fossé de
Cyrus , s'il étoit vrai qu'elle inondoit tout
le Païs ? Comment Quinte-Curce n'auroitil
pas parlé de ce fossé , comme il parle
de ces Cavernes ; puisque ce fossé , s'il
eût alors subsisté , auroit servi au même
usage ? Comment n'auroit- il pas parlé de
l'inondation de tout le Païs , qui n'eût
été qu'une Mer , puisqu'alors cette inondation
auroit duré depuis plus de deux
cens ans , c'est -à- dire depuis Cyrus ? Il ( 1 ).
avoit occasion d'en parler , lorsqu'il représente
toute la Ville de Babylone , venant
à pied , ou à cheval audevant d'Aléxandre
, comme il parle de l'inonda-
( 1 ) Liv. s . ch. 3. p. 134, in 12.
I. Vel. tion
712 MERCURE DE FRANCE
tion des confins de l'Arabie , par les Eaux
du Pallacopas , à l'occasion du voyage
qu'Alexandre y fit par Eau , parce qu'il
ne l'auroit pû faire autrement. ( r ) Il appelle
alors le Pallacopas , du nom de Riviere
, per amnem Pallacopam ; nouvelle
preuve qu'il ne le prend pas pour le fossé
de Cyrus .
Il y a des Cartes Géographiques qui placent
Babylone sur les Marais , ou au dessous
de l'ouverture du Pallacopas. Cela se
détruit tout seul, après ce que nous avons
dit , et par un trait remarquable , que
nous trouvons encore dans Arrien ; qui
est , qu'Alexandre revenant des confins
de l'Arabie par ces Marais du Pallacopas,
avoit Babylone à gauche , non à la gauche
du Fleuve , mais à sa gauche à luimême.
Or cela ne pouvoit être , si Babylone
eût été au dessous de ce Canal , il
l'auroit euë à sa droite. C'est pourquoi
la Carte de l'Empire Romain, par le Pere
Briet , Jésuite , et celles de l'Asie , selon
Prolomée , placent toutes ce Canal au dessous
, et le font aboutir vers les Montagnes
, qui bornent l'Arabie , d'où l'on
ne peut revenir , sans qu'on ait Babylone
à sa gauche. Et il faut faire cas de l'autorité
d'Arrien , parce qu'il s'est fait un
( 1 ) Liv. 1o. ch. 10. pag. 45.3 et 45˚4.
devoir
DECEMBR E. 1731. 271 3
devoir de suivre Prolomée et Aristobule
dans , les choses où ils sont tous deux
d'accord sur les actions et les entreprises
d'Alexandre.
L'Euphrate se divisoit en deux bras
assez loin au dessus de Babylone. Son bras
Oriental alloit se jetter dans le Tigre, et delà
dans la Mer. L'autre bras , qui est l'Occidental
, passoit à Babylone ; et à quarante
lieues au dessous , il se divisoit encore
en deux par le Pallacopas , qui alloit
dans la Mer , de la maniere que nous l'avons
dit.Il ne faut pas confondre ces deux
divisions de l'Euphrate.
11 ) Quinte- Curce ne donne de tour à
Babylone que 368 stades ; et Vaugelas l'a
suivi . L'Auteur moderne de l'histoire an
cienne lui en donne 480. communément
on fait le stade de 125 pas ; les huit stades
font le mille , et quatre milles font la
grande lieuë. L'Auteur moderne fait le
stade de 104 toises ; les 20 stades , selon
lui , font la lieuë ; ainsi 800 stades font
40
o lieuës.
Voilà ce que nous avions à dire sur les
deux articles proposez , qui sont l'état de
P'Euphrate à Babylone , du temps d'Aléxandre
, et la nature de l'Ouvrage que ce
Prince entreprit de faire faire sur ce Fleu
( x ) Liv. 5.ch. 4.
1.Vola
2,14 MERCURE DE FRANCE
ye. Nous croions que ces veritez que
nous avons établies , ne sont point à née
gliger.
Fermer
Résumé : DISSERTATION sur l'état où étoit l'Euphrate à Babylone, du temps d'Alexandre le Grand, et sur l'ouvrage que ce Prince y vouloit faire construire pour servir à une nouvelle Edition de l'Histoire Ancienne, composée par un Auteur moderne.
La dissertation examine l'état de l'Euphrate à Babylone du temps d'Alexandre le Grand et un projet de construction lié à ce fleuve. Un auteur moderne affirme que l'Euphrate avait quitté son lit à cause d'une ouverture mal fermée dans le canal de Cyrus, inondant ainsi le pays. Cet auteur soutient également qu'Alexandre avait entrepris de ramener le fleuve dans son lit, mais que ce projet fut interrompu par la mort du roi. La dissertation réfute ces affirmations en soulignant plusieurs erreurs factuelles. Premièrement, l'Euphrate n'avait pas quitté son lit. Deuxièmement, l'ouverture du canal de Cyrus n'était pas mal fermée. Troisièmement, le pays n'avait pas été inondé. De plus, l'auteur moderne se trompe en attribuant à Alexandre l'intention de ramener le fleuve dans son lit et en prétendant que Dieu avait empêché ce projet pour accomplir des prophéties. La dissertation cite Arrien, un historien contemporain d'Alexandre, pour montrer que le projet d'Alexandre concernait en réalité le canal du Pallacopas, situé à environ 80 lieues de Babylone. Alexandre voulait boucher l'ancienne ouverture de ce canal et en créer une nouvelle pour mieux contrôler les inondations. Ce projet visait à aider les Assyriens à arroser leurs terres et n'avait aucun lien avec les prophéties concernant la destruction de Babylone. Le texte mentionne également des ouvrages hydrauliques autour de Babylone, tels que des cavernes et des lacs profonds revêtus de brique et de bitume, destinés à gérer l'excès d'eau. Quinte-Curce décrit ces structures et soulève des questions sur la négligence supposée de la tête du fossé de Cyrus. Il est noté qu'Alexandre le Grand a navigué sur le Pallacopas, une rivière, et non sur le fossé de Cyrus. Des cartes géographiques et des descriptions d'Arrien et d'autres historiens sont utilisées pour situer Babylone par rapport au Pallacopas et aux marais environnants. L'Euphrate est décrit comme se divisant en deux bras, l'un oriental se jetant dans le Tigre et l'autre occidental passant par Babylone. Le texte mentionne également les dimensions de Babylone selon différentes sources, avec des variations dans la longueur des stades et des lieues. Enfin, il conclut en affirmant l'importance des vérités établies concernant l'état de l'Euphrate et les ouvrages entrepris par Alexandre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 2714-2718
DAPHNIS, EGLOGUE.
Début :
Tytire et Palemon, assis au pied d'un hestre, [...]
Mots clefs :
Églogue, Troupeaux, Liqueur souveraine, Clémence
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DAPHNIS, EGLOGUE.
DAPHNI S
EGLOGUE.
་
Tytire et Palemon , assis au pied d'un hestre ,
En l'honneur de Daphnis , sur un pipeau champestre
,
Exprimoient l'autre jour , ces agréables sons ,
Tandis que leurs Troupeaux paissoient dans les
Vallons,
Tytire.
L'absence de Daphnis exilant l'allégresse ,
Répandit dans nos champs une sombre tris
tesse ;
Les fougueux Aquilons rassemblant les frimats ,
D'un éternel hyver couvrirent nos climats ;
L'herbe secha par tout , et la naissante Aurore
Ne versa plus ses pleurs sur les présens de
Flore ;
De ses utiles dons , la prodigue Cérès
Ne se ressouvint plus d'enrichir nos Guérets ;
Dans nos Vases taris , l'éleve de Silene ,
Refusa d'épancher sa liqueur souveraine.
Les malignes vapeurs , de l'ardente saison ,
1. Vol. Sur
>
DECEMBRE 1731. 2715
Sur nos Troupeaux mourans , verserent leur poison
;
A nos champs altérez les Fontaines fécondes ,
Cesserent de payer le tribut de leurs ondes,
Palémon.
Daphnis est de retour. La clemence des
Dieux ,
Comble par ce present , le plus doux de nos
voeux ;
Conduit par son destin , au bord d'une Onde
claire ,
Auprès du Chien oisif , le Dain se désaltere ;
Le vent n'agite plus les fragiles roseaux ;
Le Loup paît dans les bois au milieu des
Agneaux ;
Loin du Faune importun , Pinnocente Bergere
Danse d'un pas léger sur la tendre fougere ;
La Colombe en tremblant ne fuit plus le Vau
tour ,
Depuis que sur ces bords Daphnis est de retou
Tytire.
Quand des Dieux irritez , l'infléxible van
geance
'
De l'aimable Daphnis nous fit sentir l'absence ,
Quels furent nos soupirs ? Les hôtes des Forêts ,
Poussant sans cesse au ciel d'inutiles regrets ,
Laisserent écouler les beaux jours de l'Automne ,
1. Vol. Sans
2716 MERCURE DE FRANCE
Sans songer à cueillir les faveurs de Pomone ;
Philomele livrée à ses vives douleurs
D'une race coupable oublia les malheurs ;
Et tes tendres accents , plaintive Tourterelle ,
Cesserent d'appeller ta Compagne fidelle.
Palemon.
Daphnis est de retour. Son aspect gracieux
A changé tout à coup la face de ces lieux.
Les Nymphes par des chants , prémices de leur
joye ,
Celebrant le bonheur que le ciel leur envoye ,
Précipitant leurs pas , au son des Chalumeaux ,
Les Bergers pour le voir, désertent les Hameaux ;
Les Oyseaux soupirant, leur amoureux martyre,
Les hestres agitez au souffle de Zéphire ,
Et les ruisseaux plaintifs , redisent tour 3 tour;
Sur nos bords fortunez , Daphnis est de retour.
Tytire.
Quand Daphnis cut quitté nos retraites paisibles
,
Les Nymphes aux plaisirs devinrent insensibles
Les Bergers accablez sous le poids des ennuis ,
Négligerent long - temps le soin de leurs Brebis.
Les Taureaux paresseux , couchez dans les campagnes
,
De leurs mugissemens remplirent les montagnes,
A Vol.
Les
DECEMBRE. 1731. 2717
Les Echos d'alentour , touchez de leurs malheurs
,
Daignerent par pitié répondre à leurs douleurs ;
Et les Dieux dégoutez de ce funeste azile ,
Chercherent dans le ciel un séjour plus tranquile.
Palemon.
Daphnis est de retour. Dans le moindre Bercail
,
Nous verrons désormais abonder le Bétail.
Dans nos champs par ses soins l'innocence adorée
,
Va bien- tôt ramener l'heureux siecle de Rhée.
Prodigue du talent qu'elle a reçû du ciel ,
L'Abeille augmentera le tribut de son miel.
Rien ne troublera plus la paix de nos retraites ,
Que les Agneaux bélans , et le son des Musettes
Qui feront répéter aux Côteaux d'alentour ,
Sur nos bords fortunez , Daphnis est de retour.
Tytire.
Sur un Autel sanglant , des Victimes mourantes
>
Nos Prêtres consultoient les entrailles fumantes
Lorsque le ciel enfin , touché de nos malheurs
Résolut de tarir la source de nos pleurs
Et sa bonté propice à notre impatience ,
De l'aimable Daphnis , nous rendit la, présence.
1. Vol. B Le
2718 MERCURE DE FRANC
Le Soleil plus brillant , sortit du sein des Eaux ,
L'Olympe se dora de ses feux les plus beaux .
Aimons toûjours Daphnis , qu'il nous aime de
même ,
Bergers , telle est des Dieux la volonté suprême.
Palemon .
Avant que dans nos coeurs, par un honteux
retour ,
Nous sentions pour Daphnis , rallentir notre
amour ,
On verra les Poissons habiter les Montagnes ;
Le lait à flots pressez , couler dans les Campagnes.
La Colombe éviter l'Oyseleur captieux ,
L'Abeille abandonner son travail précieux;
Les Astres de la nuit , interrompre leur course
Les Fleuves étonnez , remonter vers leur sources
Tytire.
Il suffit , reprenons le chemin des Hameaux ,
Déja l'Astre du jour se cache sous les Eaux.
J. M. GAULTISA,
EGLOGUE.
་
Tytire et Palemon , assis au pied d'un hestre ,
En l'honneur de Daphnis , sur un pipeau champestre
,
Exprimoient l'autre jour , ces agréables sons ,
Tandis que leurs Troupeaux paissoient dans les
Vallons,
Tytire.
L'absence de Daphnis exilant l'allégresse ,
Répandit dans nos champs une sombre tris
tesse ;
Les fougueux Aquilons rassemblant les frimats ,
D'un éternel hyver couvrirent nos climats ;
L'herbe secha par tout , et la naissante Aurore
Ne versa plus ses pleurs sur les présens de
Flore ;
De ses utiles dons , la prodigue Cérès
Ne se ressouvint plus d'enrichir nos Guérets ;
Dans nos Vases taris , l'éleve de Silene ,
Refusa d'épancher sa liqueur souveraine.
Les malignes vapeurs , de l'ardente saison ,
1. Vol. Sur
>
DECEMBRE 1731. 2715
Sur nos Troupeaux mourans , verserent leur poison
;
A nos champs altérez les Fontaines fécondes ,
Cesserent de payer le tribut de leurs ondes,
Palémon.
Daphnis est de retour. La clemence des
Dieux ,
Comble par ce present , le plus doux de nos
voeux ;
Conduit par son destin , au bord d'une Onde
claire ,
Auprès du Chien oisif , le Dain se désaltere ;
Le vent n'agite plus les fragiles roseaux ;
Le Loup paît dans les bois au milieu des
Agneaux ;
Loin du Faune importun , Pinnocente Bergere
Danse d'un pas léger sur la tendre fougere ;
La Colombe en tremblant ne fuit plus le Vau
tour ,
Depuis que sur ces bords Daphnis est de retou
Tytire.
Quand des Dieux irritez , l'infléxible van
geance
'
De l'aimable Daphnis nous fit sentir l'absence ,
Quels furent nos soupirs ? Les hôtes des Forêts ,
Poussant sans cesse au ciel d'inutiles regrets ,
Laisserent écouler les beaux jours de l'Automne ,
1. Vol. Sans
2716 MERCURE DE FRANCE
Sans songer à cueillir les faveurs de Pomone ;
Philomele livrée à ses vives douleurs
D'une race coupable oublia les malheurs ;
Et tes tendres accents , plaintive Tourterelle ,
Cesserent d'appeller ta Compagne fidelle.
Palemon.
Daphnis est de retour. Son aspect gracieux
A changé tout à coup la face de ces lieux.
Les Nymphes par des chants , prémices de leur
joye ,
Celebrant le bonheur que le ciel leur envoye ,
Précipitant leurs pas , au son des Chalumeaux ,
Les Bergers pour le voir, désertent les Hameaux ;
Les Oyseaux soupirant, leur amoureux martyre,
Les hestres agitez au souffle de Zéphire ,
Et les ruisseaux plaintifs , redisent tour 3 tour;
Sur nos bords fortunez , Daphnis est de retour.
Tytire.
Quand Daphnis cut quitté nos retraites paisibles
,
Les Nymphes aux plaisirs devinrent insensibles
Les Bergers accablez sous le poids des ennuis ,
Négligerent long - temps le soin de leurs Brebis.
Les Taureaux paresseux , couchez dans les campagnes
,
De leurs mugissemens remplirent les montagnes,
A Vol.
Les
DECEMBRE. 1731. 2717
Les Echos d'alentour , touchez de leurs malheurs
,
Daignerent par pitié répondre à leurs douleurs ;
Et les Dieux dégoutez de ce funeste azile ,
Chercherent dans le ciel un séjour plus tranquile.
Palemon.
Daphnis est de retour. Dans le moindre Bercail
,
Nous verrons désormais abonder le Bétail.
Dans nos champs par ses soins l'innocence adorée
,
Va bien- tôt ramener l'heureux siecle de Rhée.
Prodigue du talent qu'elle a reçû du ciel ,
L'Abeille augmentera le tribut de son miel.
Rien ne troublera plus la paix de nos retraites ,
Que les Agneaux bélans , et le son des Musettes
Qui feront répéter aux Côteaux d'alentour ,
Sur nos bords fortunez , Daphnis est de retour.
Tytire.
Sur un Autel sanglant , des Victimes mourantes
>
Nos Prêtres consultoient les entrailles fumantes
Lorsque le ciel enfin , touché de nos malheurs
Résolut de tarir la source de nos pleurs
Et sa bonté propice à notre impatience ,
De l'aimable Daphnis , nous rendit la, présence.
1. Vol. B Le
2718 MERCURE DE FRANC
Le Soleil plus brillant , sortit du sein des Eaux ,
L'Olympe se dora de ses feux les plus beaux .
Aimons toûjours Daphnis , qu'il nous aime de
même ,
Bergers , telle est des Dieux la volonté suprême.
Palemon .
Avant que dans nos coeurs, par un honteux
retour ,
Nous sentions pour Daphnis , rallentir notre
amour ,
On verra les Poissons habiter les Montagnes ;
Le lait à flots pressez , couler dans les Campagnes.
La Colombe éviter l'Oyseleur captieux ,
L'Abeille abandonner son travail précieux;
Les Astres de la nuit , interrompre leur course
Les Fleuves étonnez , remonter vers leur sources
Tytire.
Il suffit , reprenons le chemin des Hameaux ,
Déja l'Astre du jour se cache sous les Eaux.
J. M. GAULTISA,
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Résumé : DAPHNIS, EGLOGUE.
L'églogue 'Daphnis' présente une conversation entre deux bergers, Tytire et Palémon, sur les conséquences de l'absence et du retour de Daphnis. En l'absence de Daphnis, la nature et les habitants des champs sont plongés dans la tristesse et la désolation. Les vents froids, la sécheresse et l'absence de récoltes affectent les champs, rendant la vie difficile pour les animaux et les bergers. Même les dieux semblent abandonner ces lieux. Cependant, avec le retour de Daphnis, la nature retrouve sa beauté et sa fertilité. Les animaux vivent en harmonie, les bergers et les nymphes célèbrent son retour, et la paix revient dans les champs. Les bergers expriment leur joie et leur gratitude envers Daphnis, affirmant que son retour est un don des dieux. Ils décident de retourner aux hameaux, marquant la fin de leur discussion.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 2719-2725
EXTRAIT d'une Lettre écrite à M. le. B... Chanoine d'Auxerre, par M. A... Medecin de Paris, au mois de Juin 1731. au sujet des Cristallizations qu'on trouve en Bourgogne.
Début :
Je vous suis tres-obligé, Monsieur, de l'inclination que vous continuez d'avoir [...]
Mots clefs :
Cristallisations, Bourgogne, Diamants, Histoire naturelle, Mines de fer
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre écrite à M. le. B... Chanoine d'Auxerre, par M. A... Medecin de Paris, au mois de Juin 1731. au sujet des Cristallizations qu'on trouve en Bourgogne.
EXTRAIT d'une Lettre écrite à M. le.
B... Chanoine d'Auxerre, par M. A...
Medecin de Paris, au mois de Juin 1731 .
au sujet des Cristallizations qu'on trouve
en Bourgogne.
J
E vous suis tres-obligé , Monsieur , de
l'inclination que vous continuez d'avoir
à me faire plaisir , et sur tout de l'attention
que vous avez euë en dernier
lieu , de m'envoier des curiositez que la
nature a produites dans votre païs . Je les
ai reçues en bon état : Ce sont des Cristallizations
curieuses ; et quoique j'en aye
déja de semblables , je ne laisserai pas de
garder celles que vous m'avez envoyées ,
par la raison qu'elles sont Regnigenites : les
miennes m'ayant été données à Genéve
par l'illustre M. le Clerc.
2
Il n'est pas besoin , je croi , de vous
marquer que ces Cristallizations sont de
l'espece des Diamans , qui ont l'éclat du
Fer poli , et qu'on appelle Siderites. Pline
en fait mention dans son 37 liv. chap . 4.
où après avoir parlé de plusieurs sortes
de Pierres ou Cristallizations , il me paroît
faire la description de celles que vous
B ij avez I. Vol.
1720 MERCURE DE FRANCE
avez bien voulu partager avec moi . Voici
ses termes : Voyez , je vous prie , si vous
y reconnoîtrez nos Siderites. Post hunc
dit ce Pere de l'Histoire naturelle, est Siderites
ferrei splendoris pondere ante cetexos
, sed naturâ dissimilis : Nam et ictibus
frangitur et alio adamante perforari potest.
Je croi trouver dans les Siderites d'Auxerre
, ce que Pline trouvoit dans les Siderites
de Macedoine, les uns et les autres
sont d'une eau terne et approchante de la
couleur du Fer poli. Les nôtres , comme
ceux de Pline , sont des plus pesans , eu
égard à leur grosseur , je m'en suis convaincu
par l'experience ; car ayant mis
dans un Trébuchet un Diamant et un Siderite
d'un égal volume : ce dernier s'est
trouvé exceder le poids du Diamant de
trois Karats et demi . Enfin les nôtres sont
si tendres , que non seulement je n'ai pas
de peine à en réduire plusieurs en miet
tes , mais même en moins de trois heures,
j'en ai presque consommé un à le tenir
dans ma bouche. J'en ai encore fait plusieurs
essais par le feu et par d'autres
agents : mais je crois qu'il est inutile de
vous les rapporter ici . Ces Cristallizations
, selon Marbodeus , se trouvent ordinairement
dans les Mines de fer. Quarturn
producit ferraria vena Philippis , ce qui
eu
I. Vol.
-
leur
DECEMBRE . 1731. 1721
leur a fait donner le nom de Siderites ,
du mot grec d'apòv fer. Ainsi sans vouloir
faire icy le Prophete , je ne doute
nullement qu'on ne découvre quelque
jour une Mine de Fer aux environs de
l'endroit d'où vous les avez tirez . Une
chose que j'ai à vous faire remarquer ,
c'est que dans les cinq ou six matrices de
Siderites que vous m'avez envoyées , il
s'en trouve une, si vous vous en souvenez,
grosse comme le poingt , et à demi Sphérique.
De sorte que je puis m'adapter à
present ce que l'infatigable Saumaise rapporte
de lui-même dans ses Notes sur
Solin. Je puis dire , comme ce Sçavant
critique : Habeo inter med nunzia lapidem
ferrei coloris ac ponderis pugni , magnitudine
rotundum , undique secus formis
quadrangulis in mucronem turbinatis asperum
, diceres manu politas et in levorem quadrangulum
attritas quâ facie hodie tenentur
ignobiles adamantes , quos à solo natali
•Alenconios appellamus. Sidentem nuncupari
posse illum lapidem nullus dubitat, ita planè
splendorem ferri exhibet ac pondus habet ,
mirumprorsus natura φιλοτέχνημα . Saumaise
ajoute que son Siderite avoit été apporté
des Indes , et qu'on le faisoit passer pour
un Diamant ; ou , si vous voulez que je
rende ses termes à la lettre , il dit qu'on
I.Vol.
Biij le
2712 MERCURE DE FRANCE
le lui vendit pour une Pierre de Diamant.
Lapidem adamantis vocabat qui mihi
vendidit. Sans doute que Saumaise , dans
le temps qu'il acheta son prétendu Diaman
des Indes , ignoroit qu'il y en cûr
de semblables en France , et même si proche
du lieu de sa naissance : Car , s'il en
eut eu connoissance , je doute qu'un
Bourguignon tel que lui , s'y fut laissé
tromper. L'Acarnart de la Société de Londres
, c'est - à - dire , M. Scheutzer , Medecin
, nous apprend qu'on trouve beaucoup
de Siderites en Suisse. Il ajoute qu'il
en trouva un dans le premier voyage qu'il
Y fit , semblable , à peu de chose près , à
celui de Saumaise . Monsieur le Chevalier
Aston en a fait graver la figure , qui est
semblable au Sidérite que je tiens de vous;
ce qui ne sert pas peu à m'affermir dans
mes conjectures. Ainsi , Monsieur , comme
je prépare des Mémoires sur l'histoire
naturelle de France , dont j'ai déja une
bonne collection ; je vous prie de me faire
connoître exactement les lieux où vos Sidérites
ont pris naissance .
Vous marquez que dans quelques uns
de vos voyages vous avez ramassé dans
les Sentiers de quelques terres fraîchement
labourées , des Pétrifications de
couleur brune , qui sont faites comme
I. Vol. des
DECEMBRE 1732. 2713
des fragmens de pointes de Fuzeaux ou
de Chandelier à mettre des Cierges d'Eglise
, et vous me demandez si ce ne seroit
point de la bouë qui auroit rempli
la corne de quelque Poisson Marin , laquelle
se seroit ainsi pétrifiée . Sans avoir
vû la chose , je pourrois m'imaginer que
ce sont des fragmens d'une plante de corail
bâtard , dont Aldrovandus nous décrit
la pareille dans son Cabinet des Métaux.
Il nous apprend qu'elle est assez
commune en Allemagne; mais on en trouve
aussi en France , et j'en ai vû depuis
peu dans plusieurs endroits de la Normandie
, &c... Je suis .
terre ,
Nous ajouterons icy en faveur des personnes
qui sont curieuses de ces sortes de
cristallizations , ce que M. le Chanoine
d'Auxerre nous a dit de vive voix au mois
de Juillet dernier ; sçavoir , que les Sidérites
dont il est parlé dans cette lettre , ne
sont point cachez dans les entrailles de la
de maniere qu'il faille creuser pour
les avoir ; mais qu'ils sont simplement
dans les fentes des Rochers qui se voyent
à l'entrée de quelques Perrieres . C'est - là
qu'on les trouve collez et appliquez
sur ces Rochers , comme une espece de
croute , qu'on détache aisément avec le
doigt ou avec le couteau . Cette croute est
I.Vol.
B iiij
sim2724
MERCURE DE FRANCE
simple et d'une couleur plus sombre lorsque
la surface de la Pierre est à l'air , et
elle est double , lorsqu'elle se rencontre
entre deux Pierres , qui ne laissent entre
elles que l'espace d'une legere fente , parce
qu'en ce cas la croute de chacune des
deux superficies se trouve liée et conglutinée
l'une à l'autre à peu près
comme les parois des rayons de miel .
Quelques personnes qui ont voulu passer
sur leurs lévres des fragmens de ces
sortes de cristallizations et les y moüillet
un temps considérable , ont ressenti
une sécheresse de lévres pendant plus de
huit jours. Quant à la situation des Perrieres
dont ces cristallizations ornent
l'entrée , il nous a fait observer que l'entrée
de toutes regarde le Soleil couchant ,
que la Riviere d'Yonne coule immédiatement
au dessous à 12 ou 15 toises plus
bas ; que ces Perrieres supportent des Vignes
d'un produit excellent , et que le
tout n'est situé qu'à deux lieuës et demie
ou trois lieuës au dessus d'Auxerre.
A l'égard des pétrifications qui finissent
en pointe de Fuseau , il croît que ce
sont des Pierres belemnites vulgaire.
ment appellées Pierres de tonnerre. Leur
figure cylindrique favorise assez la pensée
de ceux qui croyent que ce peuvent
I. Vol. avoir
DECEMBRE. 1731. 2725
avoir été des dents d'une espece de Crocodile
; cependant il est plus porté à penser
que ces Pierres ont été formées dans
le moule d'une substance cartilagineuse ,
qui auroit appartenu à quelque poisson ,
ensorte que ce ne seroit qu'une espece
de bourbe , plus claire et plus fine qui
auroit été pétrifiée à la longueur du tems,
en effet le couronnement qui paroît figuré
à la pointe de cette Pierre aiguë , a
tout l'air d'avoir été formé dans quelque
moule de Corne ou de Cartilage.Il a trouvé
de ces pétrifications dans des chemins
qui traversent des terres labourées , au
dessous de Salmaise en Bourgogne , et
dans le Nivernois , proche Mez - le-Comte.
B... Chanoine d'Auxerre, par M. A...
Medecin de Paris, au mois de Juin 1731 .
au sujet des Cristallizations qu'on trouve
en Bourgogne.
J
E vous suis tres-obligé , Monsieur , de
l'inclination que vous continuez d'avoir
à me faire plaisir , et sur tout de l'attention
que vous avez euë en dernier
lieu , de m'envoier des curiositez que la
nature a produites dans votre païs . Je les
ai reçues en bon état : Ce sont des Cristallizations
curieuses ; et quoique j'en aye
déja de semblables , je ne laisserai pas de
garder celles que vous m'avez envoyées ,
par la raison qu'elles sont Regnigenites : les
miennes m'ayant été données à Genéve
par l'illustre M. le Clerc.
2
Il n'est pas besoin , je croi , de vous
marquer que ces Cristallizations sont de
l'espece des Diamans , qui ont l'éclat du
Fer poli , et qu'on appelle Siderites. Pline
en fait mention dans son 37 liv. chap . 4.
où après avoir parlé de plusieurs sortes
de Pierres ou Cristallizations , il me paroît
faire la description de celles que vous
B ij avez I. Vol.
1720 MERCURE DE FRANCE
avez bien voulu partager avec moi . Voici
ses termes : Voyez , je vous prie , si vous
y reconnoîtrez nos Siderites. Post hunc
dit ce Pere de l'Histoire naturelle, est Siderites
ferrei splendoris pondere ante cetexos
, sed naturâ dissimilis : Nam et ictibus
frangitur et alio adamante perforari potest.
Je croi trouver dans les Siderites d'Auxerre
, ce que Pline trouvoit dans les Siderites
de Macedoine, les uns et les autres
sont d'une eau terne et approchante de la
couleur du Fer poli. Les nôtres , comme
ceux de Pline , sont des plus pesans , eu
égard à leur grosseur , je m'en suis convaincu
par l'experience ; car ayant mis
dans un Trébuchet un Diamant et un Siderite
d'un égal volume : ce dernier s'est
trouvé exceder le poids du Diamant de
trois Karats et demi . Enfin les nôtres sont
si tendres , que non seulement je n'ai pas
de peine à en réduire plusieurs en miet
tes , mais même en moins de trois heures,
j'en ai presque consommé un à le tenir
dans ma bouche. J'en ai encore fait plusieurs
essais par le feu et par d'autres
agents : mais je crois qu'il est inutile de
vous les rapporter ici . Ces Cristallizations
, selon Marbodeus , se trouvent ordinairement
dans les Mines de fer. Quarturn
producit ferraria vena Philippis , ce qui
eu
I. Vol.
-
leur
DECEMBRE . 1731. 1721
leur a fait donner le nom de Siderites ,
du mot grec d'apòv fer. Ainsi sans vouloir
faire icy le Prophete , je ne doute
nullement qu'on ne découvre quelque
jour une Mine de Fer aux environs de
l'endroit d'où vous les avez tirez . Une
chose que j'ai à vous faire remarquer ,
c'est que dans les cinq ou six matrices de
Siderites que vous m'avez envoyées , il
s'en trouve une, si vous vous en souvenez,
grosse comme le poingt , et à demi Sphérique.
De sorte que je puis m'adapter à
present ce que l'infatigable Saumaise rapporte
de lui-même dans ses Notes sur
Solin. Je puis dire , comme ce Sçavant
critique : Habeo inter med nunzia lapidem
ferrei coloris ac ponderis pugni , magnitudine
rotundum , undique secus formis
quadrangulis in mucronem turbinatis asperum
, diceres manu politas et in levorem quadrangulum
attritas quâ facie hodie tenentur
ignobiles adamantes , quos à solo natali
•Alenconios appellamus. Sidentem nuncupari
posse illum lapidem nullus dubitat, ita planè
splendorem ferri exhibet ac pondus habet ,
mirumprorsus natura φιλοτέχνημα . Saumaise
ajoute que son Siderite avoit été apporté
des Indes , et qu'on le faisoit passer pour
un Diamant ; ou , si vous voulez que je
rende ses termes à la lettre , il dit qu'on
I.Vol.
Biij le
2712 MERCURE DE FRANCE
le lui vendit pour une Pierre de Diamant.
Lapidem adamantis vocabat qui mihi
vendidit. Sans doute que Saumaise , dans
le temps qu'il acheta son prétendu Diaman
des Indes , ignoroit qu'il y en cûr
de semblables en France , et même si proche
du lieu de sa naissance : Car , s'il en
eut eu connoissance , je doute qu'un
Bourguignon tel que lui , s'y fut laissé
tromper. L'Acarnart de la Société de Londres
, c'est - à - dire , M. Scheutzer , Medecin
, nous apprend qu'on trouve beaucoup
de Siderites en Suisse. Il ajoute qu'il
en trouva un dans le premier voyage qu'il
Y fit , semblable , à peu de chose près , à
celui de Saumaise . Monsieur le Chevalier
Aston en a fait graver la figure , qui est
semblable au Sidérite que je tiens de vous;
ce qui ne sert pas peu à m'affermir dans
mes conjectures. Ainsi , Monsieur , comme
je prépare des Mémoires sur l'histoire
naturelle de France , dont j'ai déja une
bonne collection ; je vous prie de me faire
connoître exactement les lieux où vos Sidérites
ont pris naissance .
Vous marquez que dans quelques uns
de vos voyages vous avez ramassé dans
les Sentiers de quelques terres fraîchement
labourées , des Pétrifications de
couleur brune , qui sont faites comme
I. Vol. des
DECEMBRE 1732. 2713
des fragmens de pointes de Fuzeaux ou
de Chandelier à mettre des Cierges d'Eglise
, et vous me demandez si ce ne seroit
point de la bouë qui auroit rempli
la corne de quelque Poisson Marin , laquelle
se seroit ainsi pétrifiée . Sans avoir
vû la chose , je pourrois m'imaginer que
ce sont des fragmens d'une plante de corail
bâtard , dont Aldrovandus nous décrit
la pareille dans son Cabinet des Métaux.
Il nous apprend qu'elle est assez
commune en Allemagne; mais on en trouve
aussi en France , et j'en ai vû depuis
peu dans plusieurs endroits de la Normandie
, &c... Je suis .
terre ,
Nous ajouterons icy en faveur des personnes
qui sont curieuses de ces sortes de
cristallizations , ce que M. le Chanoine
d'Auxerre nous a dit de vive voix au mois
de Juillet dernier ; sçavoir , que les Sidérites
dont il est parlé dans cette lettre , ne
sont point cachez dans les entrailles de la
de maniere qu'il faille creuser pour
les avoir ; mais qu'ils sont simplement
dans les fentes des Rochers qui se voyent
à l'entrée de quelques Perrieres . C'est - là
qu'on les trouve collez et appliquez
sur ces Rochers , comme une espece de
croute , qu'on détache aisément avec le
doigt ou avec le couteau . Cette croute est
I.Vol.
B iiij
sim2724
MERCURE DE FRANCE
simple et d'une couleur plus sombre lorsque
la surface de la Pierre est à l'air , et
elle est double , lorsqu'elle se rencontre
entre deux Pierres , qui ne laissent entre
elles que l'espace d'une legere fente , parce
qu'en ce cas la croute de chacune des
deux superficies se trouve liée et conglutinée
l'une à l'autre à peu près
comme les parois des rayons de miel .
Quelques personnes qui ont voulu passer
sur leurs lévres des fragmens de ces
sortes de cristallizations et les y moüillet
un temps considérable , ont ressenti
une sécheresse de lévres pendant plus de
huit jours. Quant à la situation des Perrieres
dont ces cristallizations ornent
l'entrée , il nous a fait observer que l'entrée
de toutes regarde le Soleil couchant ,
que la Riviere d'Yonne coule immédiatement
au dessous à 12 ou 15 toises plus
bas ; que ces Perrieres supportent des Vignes
d'un produit excellent , et que le
tout n'est situé qu'à deux lieuës et demie
ou trois lieuës au dessus d'Auxerre.
A l'égard des pétrifications qui finissent
en pointe de Fuseau , il croît que ce
sont des Pierres belemnites vulgaire.
ment appellées Pierres de tonnerre. Leur
figure cylindrique favorise assez la pensée
de ceux qui croyent que ce peuvent
I. Vol. avoir
DECEMBRE. 1731. 2725
avoir été des dents d'une espece de Crocodile
; cependant il est plus porté à penser
que ces Pierres ont été formées dans
le moule d'une substance cartilagineuse ,
qui auroit appartenu à quelque poisson ,
ensorte que ce ne seroit qu'une espece
de bourbe , plus claire et plus fine qui
auroit été pétrifiée à la longueur du tems,
en effet le couronnement qui paroît figuré
à la pointe de cette Pierre aiguë , a
tout l'air d'avoir été formé dans quelque
moule de Corne ou de Cartilage.Il a trouvé
de ces pétrifications dans des chemins
qui traversent des terres labourées , au
dessous de Salmaise en Bourgogne , et
dans le Nivernois , proche Mez - le-Comte.
Fermer
Résumé : EXTRAIT d'une Lettre écrite à M. le. B... Chanoine d'Auxerre, par M. A... Medecin de Paris, au mois de Juin 1731. au sujet des Cristallizations qu'on trouve en Bourgogne.
En juin 1731, M. A..., un médecin parisien, exprime sa gratitude à M. le Chanoine d'Auxerre pour l'envoi de cristallisations découvertes en Bourgogne. Ces cristallisations, nommées Siderites, appartiennent à l'espèce des diamants et présentent un éclat similaire à celui du fer poli. Pline, dans son ouvrage, mentionne des pierres similaires en Macédoine. Les Siderites d'Auxerre partagent des caractéristiques avec celles décrites par Pline, notamment leur poids et leur fragilité. Elles sont souvent trouvées dans les mines de fer et ont une couleur terne, proche de celle du fer poli. M. A... observe également une matrice de Siderite de forme sphérique et demi-sphérique, comparable à celle décrite par Saumaise. Les Siderites peuvent être facilement détachées des rochers à l'entrée de certaines perrières situées à deux ou trois lieues au-dessus d'Auxerre, en direction du soleil couchant et près de la rivière d'Yonne. Le chanoine d'Auxerre mentionne aussi des pétrifications en forme de pointe de fuseau, qu'il identifie comme des pierres belemnites, souvent appelées pierres de tonnerre. Ces pierres sont découvertes dans des chemins traversant des terres labourées en Bourgogne et dans le Nivernois.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 2725-2726
CONTE EN EPIGRAMME.
Début :
Certain jeune Avocat, affamé de procès [...]
Mots clefs :
Avocat, Cicéron, Railleur
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texteReconnaissance textuelle : CONTE EN EPIGRAMME.
CONTE
EN EPIGRAMM E.
Certain jeune Avocat , affamé de procès
N'avoit ni Client , ni Cliente ;
Envain il balayoit chaque jour le Palais ,
Et disoit à la Gent Plaidante :
Chez moi , Messieurs , on écrit propre
ment ;
En nouveau Ciceron je plaide éloquemment ,
1.Vol. B v Le
2726 MERCURE DE FRANCE
Le tout à juste prix ; il employoit la force
De maint autre raisonement ;
Autant en emporte le vent.
Pas le moindre Plaideur ne venoit à l'amorce ;
Comment faire ! on le raille impitoyablement ;
Ecoute , te voilà dans un âge nubile ,
Lui disoit l'autre jour un de ses bons amis ,
Il faut te marier , et c'est là mon avis.
Alors tout te sera facile ,
Faute de mieux , ce remede aigre- doux ;
Fut accepté par l'Avocat docile.
Il promit de porter le beau titre d'Epoux ;
Pendant qu'une femme on lui quête
Un jour l'ami railleur vint lui parler ainsi ,
Je sais que ton Hymen s'aprête ,
Les affaires , dis -moy , viennent- elles aussi ?
Oh ! bien- tôt , répondit notre futur mari ,
J'en aurai par dessus la tête.
M. D. S. Avocat.
EN EPIGRAMM E.
Certain jeune Avocat , affamé de procès
N'avoit ni Client , ni Cliente ;
Envain il balayoit chaque jour le Palais ,
Et disoit à la Gent Plaidante :
Chez moi , Messieurs , on écrit propre
ment ;
En nouveau Ciceron je plaide éloquemment ,
1.Vol. B v Le
2726 MERCURE DE FRANCE
Le tout à juste prix ; il employoit la force
De maint autre raisonement ;
Autant en emporte le vent.
Pas le moindre Plaideur ne venoit à l'amorce ;
Comment faire ! on le raille impitoyablement ;
Ecoute , te voilà dans un âge nubile ,
Lui disoit l'autre jour un de ses bons amis ,
Il faut te marier , et c'est là mon avis.
Alors tout te sera facile ,
Faute de mieux , ce remede aigre- doux ;
Fut accepté par l'Avocat docile.
Il promit de porter le beau titre d'Epoux ;
Pendant qu'une femme on lui quête
Un jour l'ami railleur vint lui parler ainsi ,
Je sais que ton Hymen s'aprête ,
Les affaires , dis -moy , viennent- elles aussi ?
Oh ! bien- tôt , répondit notre futur mari ,
J'en aurai par dessus la tête.
M. D. S. Avocat.
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Résumé : CONTE EN EPIGRAMME.
Le texte narre l'histoire d'un jeune avocat qui, malgré ses compétences en écriture et en plaidoirie, échoue à attirer des clients. Ses efforts pour se faire connaître restent infructueux et il est moqué par ses pairs. Sur les conseils d'un ami, il décide de se marier dans l'espoir d'améliorer sa situation professionnelle. Plus tard, cet ami lui demande si ses affaires commencent à prospérer. L'avocat répond de manière optimiste qu'il en aura bientôt en abondance. Le récit se conclut sans fournir de détails supplémentaires sur l'évolution de sa carrière.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 2727-2744
DISSERTATION CRITIQUE, sur l'Etat present de l'Italie, concernant les Sciences et les Arts.
Début :
On est si prévenu aujourd'hui en faveur de l'Italie, qu'il a paru nécessaire [...]
Mots clefs :
Italie, Dissertation critique, Gens de Lettres, Livourne, Milan, Sciences, Théologiens, Humanités, Théologie scolastique, Physique
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texteReconnaissance textuelle : DISSERTATION CRITIQUE, sur l'Etat present de l'Italie, concernant les Sciences et les Arts.
DISSERTATION CRITIQUE , sur
l'Etat present de l'Italie , concernant les
Sciences et les Arts.
O
,
N est si prévenu aujourd'hui en
faveur de l'Italie , qu'il a paru nécessaire
de détromper quantité de Personnes
là- dessus. On entend les gens
raisonnables , car pour les entêtez qui
n'ont rapporté pour tout fruit de leurs
Voyages , que beaucoup de prévention
qu'ils communiquent à tout le monde
ou qui ont contracté ce mauvais goût
avec gens de leur caractere ; franchement
ce seroit peine perduë ; mais les Personnes
judicieuses me sçauront gré de les
avoir mises au fait sur tout le merveil
leux qu'on leur débite touchant l'Italie.
Un Voyage de plus de deux ans en ce
Pays-là , et quelque pratique dans les
Arts , peuvent assurer le Lecteur de la
certitude de ce qu'on avance et lui
faire esperer qu'il y trouvera de l'utilité.
Les Italiens ont eû comme toutes les
autres Nations , de grands Hommes dans
les Sciences et dans les Arts. On peut
leur reprocher en general , qu'ils n'ont
1. Vol. Bvj ja-
>
2728 MERCURE DE FRANCE
1.
jamais autant approfondi les Sciences que
les Allemands , les Anglois et les François.
Un peu trop paresseux de leur naturel
, ils prennent pour excuse la chaleur
excessive de leur climat.
On étudie presentement à Rome le
Droit Canon , à Venise la Politique ,
Florence , Boulogne et Padouë , autrefois
si fameuses par leurs Académies ,
n'offrent plus rien presentement que de
médiocre. Les Gens de Lettres , et les
Professeurs qui les composent sont la
plûpart Etrangers. Pour les Villes de Naples
, de Milan , Genes et Livourne , on
n'y parle que de commerce. Les autres
Villes suivent assez ce Plan general .
Les Sciences.
›
pen Tout le monde sçait qu'ils ont eû
de Théologiens depuis environ 2oo . ans ,
( terme que l'on s'est prescrit dans cette
Dissertation. ) On distingue Jerôme Savanarolle
, de Ferrare en 1452. Corneille
Musso , de Plaisance en 1511. le Cardinal
Bellarmin en 1621. Le Cardinal
Laurent Brancati , de Laurea , en 1681.
et le Cardinal Noris en 1704. Le Droit
Canon est aujourd'hui le seul objet des
gens d'Eglise , et ce dont ils ont le plus
I.Vol.
,
de
DECEMBRE. 1731. 2729
de besoin pour s'avancer dans la Chambre
Ecclesiastique. Les Jesuites même ne
s'attachent gueres qu'à la Politique et
aux humanitez. Les seuls Dominicains
du Couvent de la Minerve s'appliquent à
la Théologie Scholastique ; rien n'est
plus ignorant que les autres Moines ; cela
est si vrai , que quand il est question de
décider quelque Dogme de l'Eglise , on
fait venir des Espagnols et des Théologiens
Etrangers.
Ils ont eû quelques fameux Jurisconsultes
, comme Philippe Dece , de Milan
, en 1535. André Alciat , aussi Milanois
, en 1549. Tibere Decian , de
Frioul , en 1581. et Jean Vincent Gra
Calabrois en 1718. Aujourd'hui
leurs Avocats à la Rotte n'étudient que
le Droit écrit , et ne produisent point de
ces beaux Plaidoyers. Rien n'est plus
rare que de voir des ouvrages nouveaux
sur cette matiere .
vina , >
Leurs Philosophes , depuis deux siécles
, sont Jean-Baptiste Platina , de Cremone
, en 1481. Alexandre Picolomini
de Sienne , en 1508. Jerôme Cardan
Padoüan , en 1576. Thomas Campanella ,
Calabrois , mort en 1639. Fortunio Liceti
, Genois , en 1656. et Ulysse Aldrovandus
, Boulonnois , en 1605. qui s'est
I. Vol. dis2730
MERCURE DE FRANCE
distingué par ses beaux ouvrages sur
la Physique et sur l'Histoire naturelle.
Il y a encore cû Angeliste Torricelli ,
mort en 1647. et François Redi , Florentin
, en 1697. On ne voit presque plus
actuellement de Philosophes en Italie.
Il y a quelques Medecins à Padouë et à
Pise , chez qui j'ai trouvé des Cabinets
touchant l'Histoire Naturelle .
,
La Grammaire et l'Eloquence, comptent
parmi ses plus habiles gens , Jean
Bocace , Toscan , en 1313 Ange Politien
, de Florence , en 1494. François
Philelphe , de la Marche d'Anconne , en
1500. le Cardinal Guido Bentivoglio ,
Ferrarois , en 1579. François Panigarole ,
Milanois , Evêque d'Aste en 1582 .
Pierre -Victor , Florentin , en 1585. Jean-
François Loredano , noble Venitien , en
1606. Gabriel Bonarelli , Malvelzi , Gregorrio
, Leti , et Jean Mario Crezinbeni ,
mort depuis peu . L'Académie de la Crus
ca de Florence se soutient encore par
quelques bons ouvrages ; son seul Dictionnaire
l'a renduë fameuse.
Ils ont eû de bons Historiens . Le Cardinal
Pierre Bembo , Venitien , en 1470 .
François Guichardin , Florentin en 1480.
Jean-Baptiste Platina , de Cremone , en
1481. Paul Joue , Milanois , en 1552 .
I. Vol. FraDECEMBR
E. 1731. 2791
Frapaolo , Venitien , en 1552. Onuphre
Panvinius , Veronois , en 1568. le Čardinal
Baronius , Napolitain , en 1607.
Faminius Strada , Jesuite Romain , en
1649. et Bap. Nani , noble Venitien , en
1676.
On s'est toujours attaché en Italie à la
recherche de l'Antiquité , par la nécessité
d'expliquer les beaux restes qui s'y trouvent
de tous côtez . On leur connoît Fulvius
Ursinus , Romain , en 1597. Laurent
Pignoria , Padouan , en 1571. Raphaël
Fabretti , le Pere Kirker , Nardini ,
Donati , Bellori , Mezzabarba , Bonani ,
Rossi. Aujourd'hui cette Science a passé
à des gens qui en font métier public ; on
les appelle Ciceroni.
"
Les meilleurs Medecins qu'ils ayent eû
depuis deux siècles , sont Antonio Francantiani
, en 1500. Jerôme Mercurialis
de Forli , en 1530. Pierre- André Mathiole
, de Sienne , en 1554. Jerôme Fracastor
, de Verone , en 1549. Jules - Paul
Crasso , de Padouë , en 1600. Louis Septal
, Milanois , en 1628. Sanctorius , en
16 11. et Bernardin Ramazzini , en 1714 .
On éprouve presentement à Rome plus
qu'ailleurs , l'incertitude de cette Science
conjecturale la Reine de Pologne en
1714. pensa mourir par l'assistance de
1. Vol. deux
2732 MERCURE DE FRANCE
deux ( 1 ) Medecins que Clement XI. lui
envoya. Heureusement pour elle , un Medecin
Etranger qui voyageoit , et qui
passoit par Rome , la tira d'affaire.
,
On distingue dans l'Anatomie Gabriel
Fallope , de Modene en 1562 , il étoit
aussi très-bon Medecin. Pour la Chirurgie
, les Princes Italiens font venir dans
les grandes operations , des François ,
qui ont porté , comme l'on sçait , cet Art
à un grand degré de perfection.
La Pharmacie est un peu plus cultivée
en Italie , où le soin de la santé occupe
tout le monde. Les laboratoires y sont
fournis de tout. On connoit Hiacinto
Cestoni , en 1713. Les Jardins de simples
sont par tout negligez ; il y en a un à Padoue
un peu en meilleur état ; l'on y fait
peu de Demonstrations publiques . Fabio
Columna Lyncei , Napolitain , s'est distingué
en 1592. et Prosper Alpini , Venitien
, en 1616. Ce n'est pas faute de Professeurs
; ce sont les Disciples qui manquent.
Les Mathématiques ne fournissent pas
d'aussi grands hommes que les autres
Sciences. Ils ont eû Galilée Galilei , de
Florence , en 1642. Cassini , Astronome ,
(1) Jean-Marie Lancisi , Medecin de Clement
XI.
I.Vol.
qui
DECEMBRE 1731 2733
›
qui s'est venu établir en France , Vincent
Viviani , Florentin de l'Académie des
Sciences de France , en 1703. et Bianchini
, Prélat domestique de Clement XI ,
bon Astronome , mort depuis peu . Actuellement
les Professeurs du College de
la Sapience sont presque tous Etrangers.
Le Cavalier Fontana s'est distingué dans
les machines qu'il a inventées du tems
de Sixte V, pour élever ces fameux Obelisques.
Il est aisé de voir par les Profils
qu'il en a donnés , qu'on feroit aujourd'hui
les mêmes Operations , en retranchant
la moitié des mouvemens et de la
dépense. Augustin Ramelli a donné un
Traité de Fontaines et de Machines hydrauliques.
Nous avons le Théatre de
Vittorio Zonca : Torelli et Vigarani , se
sont distinguez en France par leurs belles
Inventions pour le Théatre et pour
les Fontaines.
La Poësie est la Science qui est à present
la mieux cultivée en Italie , mais quel
Parallele à faire de leurs Poëtes d'aujourd'hui
avec ceux qu'ils ont perdus ? Ce
Tasse , fameux Auteur d'un Poëme Epique
que l'on compare à l'Eneïde , Dante
Alighiri , l'Arioste , Petrarque Pietro
Aretino , Sanazar , Fluvio Testi , Joan.
Bap. Marini , Guarini , Scipio Maffei , et
I. Vol.
Joan.
›
2734 MERCURE DE FRANCE
Joan. Georg. Trissino , dont les Livres
sont entre les mains dé tout le monde .
En quoi consiste ce talent d'aujourd'hui ?
Est- ce à produire de beaux Poëmes , des
Pieces de Théatre bien travaillées ? Non :
c'est en Saillies , en pointes d'Esprit , en
Concetti , qui étourdissent le Lecteur , saisissent
d'abord son esprit , l'ébranlent , et
enfin il revient , par la réfléxion de ce
faux merveilleux.
J
La Poësie Italienne ayant des mots élevez
qui ne servent point dans le Discours
ordinaire et qui lui sont , pour ainsi
dire , consacrez devient plus aisée en
cette Langue qu'en toute autre, où il faut
s'écarter des paroles usitées , et s'élever
infiniment pour plaire. Leurs Tragedies
ou Operas sont l'ouvrage de quinze jours.
On prend un sujet pour Cannevas ; on y
larde des ariettes sur l'Amour sur la
jalousie , sur l'inconstance , sur la beauté ,
en un mot , sur quantité de lieux communs
, dont un Poëte a toujours provision
dans son Magazin , et que l'on peut
appeller des selles à tous chevaux . Il n'en
coute qu'un peu de recitatif pour coudre
,
le tout ensemble ; voilà au naturel le travail
d'une Tragedie en musique. Je fus
témoin en 1714 que Carto Sigismondo
Capeci , Académicien de l'Arcadia , et
I. Vol. SecreDECEMBRE
1731. 2735
Secretaire de la Reine de Pologne , composa
deux Tragedies en moins d'un mois.
Quand les Ariettes ne plaisent pas , on
en remet d'autres sur le champ , cela ne
coute rien . Un petit Sonnet , un Madrigal
faux dans la pensée , pourvû qu'il ait
une pointe , suffit pour élever un Italien ,
et l'admettre aux Académies .
Qu'on ne me reproche point de parler
en homme qui a quelque aigreur contre
les Italiens j'en ai reçu tout ce que je
pouvois souhaitter. Clement XI . m'a fait
Chevalier Romain , et les Académiciens
de l'Arcadia m'admirent dans leur corps
sur un petit ouvrage que je leur presentay.
J'allois deux fois la semaine à leurs
conférences , qui se passoient à parler de
nouvelles , et à lire quelque Sonnet . Peutêtre
me taxera-t'on , d'un autre côté, d'ingratitude
c'est la verité qui me fait
agir en cette occasion , et l'envie seule de
détromper bien des gens trop prévenus
pour I'Italie , en lisant à quel degré étoit
montée son ancienne gloire dans les Arts
et les Sciences , sans songer à l'état present
où elle se trouve . ( 1 )
( 1 ) Le Journal Litteraire d'Italie , qui paroit
depuis deux ou trois années , malgré son
Emphase , hors des Poëtes et des Antiquaires ,
produit peu d'autres Sçavans.
I. Vol. Les
2736 MERCURE DE FRANCE
Les Arts paroissent d'abord avoir moins
perdu que les Sciences en Italie cepen- ;
dant c'est l'endroit le plus foible ; je n'en
excepte que la Musique.
>
L'Architecture a été portée fort loin ,“
et ils ont eû de fort habiles gens . Je ne
parle pas de Vitruve , et des anciens Romains
qui la tenoient des Grecs , je parle
depuis deux siècles , à commencer par
Bramante,Michel Ange Buonarotta,Jule ,
Romain , Le Vignole , Sansovino , Charles
Maderno , Palladio , Scamozzi , Serlio
, Fontana , Porta , Le Bernin , l'Algarde
, Guarini , Rainaldi et Le Borromini.
Ce dernier par la bizarrerie de ses
Profils a corrompu tout le bon goût des
anciens et des modernes , affectant de ne
jamais employer une ligne droite dans ses
corniches et dans ses couronnements. Ces
idées extravagantes , pour s'écarter de la
route ordinaire , ont frayé une fort mauvaise
voie qui n'est que trop suivie para
les Architectes du temps. Il faut avoir les
yeux bien bouchez pour ne les pas ouvrir
sur tous ces grands modeles qui sont de
vant eux . Ce Pantheon admirable pour
les proportions , ce Colisée pour la gran
de Ordonnance le Temple de la Paix
pour la magnificence de ses voutes , les
Arcs de Septime Severe et de Titus pour
I.Vol.
و
leurs
DECEMBRE 1731. 2737
,
leurs belles Colonnes , les Temples de la
Fortune virile , de Vesta , d'Antonin et
= de Faustine , un reste d'un Temple de
Minerve dans le Campo Vacino et le
Portique de Septimius dans le Marché
aux Poissons , si élegants pour l'Ordonnance
, les Chapiteaux et les belles Corniches
, avec des morceaux d'une Sculp-
4ture excellente. Leurs Palais presentement
sont d'un goût mesquin dans les Ringhieres
les couronnements et les Pourtours
des Croisées. Rien n'est si mal distribué
pour les Escaliers et pour les commoditez
de la vie ; il semble que la Façade
soit faite aux dépens du dedans.
,
و
Pour la Peinture , c'est peut-être en cet
Art où les Italiens ont le plus perdu. Dégenerez
de cet ancien lustre , où Raphaël
et Jule- Romain l'avoient porté à
Rome , Michel- Ange à Florence , le Titien
à Venise , Le Correge à Parme , et
les Carraches à Boulogne , ils n'ont pas
aujourd'hui un Peintre qu'ils puissent citer.
Andrea Sacchi , Carlo Marati , et Benedetto
Lutti, ont soutenu pendant que !-
que temps la Peinture à Rome , Sebastien
( 1 ) Ricci à Venise , Carlo Cigniani
à Boulogne , et Solimene à Naples ; ils ne
sont plus.
(1) Le Ricci est très -vieux , et ne travaille
plus.
I. Vol . Est2738
MERCURE DE FRANCE
, Est- ce un Sebastien Concha à Rome
un Crespi à Boulogne , un Piazetti à Venise
, qui étayeront la réputation de ces
grands hommes ? Trop foibles Dessinateurs
, ou trop mauvais Coloristes , personne
ne les en croira capables. Quels reproches
tacites ne leur font pas tous les
beaux morceaux de Peinture qu'ils possedent
à commencer par le grand Raphaël
; il est vrai que la plus grande partie
en est effacée ou retouchée ; mais on y
trouve toujours les pensées fines de ce
grand Peintre , les beaux contours
la
partie du coloris où il étoit le plus foible ,
est celle qui a le plus perdu . Le petit (1)
Palais Farnese en est une preuve , ayant
été retouché par Carlomarati , qui ayant
couvert tous les fonds d'Outremer , en a
ôté l'accord , et a rendu la couleur des
chairs plus noires et tirant sur la brique.
Les douze grands morceaux peints à Fresque
dans les salles du Vatican , ont été
la plupart rétouchez , et les autres sont
si noircis par le temps , qu'on a de la peine
à en jouir , excepté dans quelques heures
de la journée. Qui ne se rappelle à regret
,
(x) Raphaël y a peint un plafond , en deux
grands morceaux , le Banquet des Dieux pour
Les nopces de Psyché , l'autre leur assamblée
pour la déïfier.
I. Vol. Cette
DECEMBRE . 1731. 2739
י ז
.
Cette fameuse Ecole d'Athénes , la dispute
du Saint Sacrement , l'Incendie du
Bourg S. Pierre , le Mont Parnasse , la
Prison de S. Pierre , et le morceau que
tous les curieux connoissent sous le nom.
de la Messe ?
La grande Bataille de Constantin contre
le Tyran Maxence , peinte par Jule Romain,
est bien conservée , et est un grand
objet à imiter pour les caracteres. Les ( 1)
Loges du Vatican étant exposées à l'injure
des temps dans les trois étages , sont
fort effacées cependant on y découvre
une grande maniere , capable de former
un habile homme qui y feroit les réfléxions
nécessaires .
Sans parler des Tableaux de Chevalet qui
se trouvent en grand nombre dans tous
les Palais ; quel beau modele n'est - ce pas
pour un Peintre , que le ( 2 ) Plafond du
Palais Barberin , peint par Pierre de Cors
tonne; rien de plus grand, rien de mieux
( 1 ) Ces Loges représentent au premier étage
des feuillages et des Oyseaux. Au second , qui
est le plus beau ; c'est l'histoire de l'ancien et
du nouveau Testament . Le troisiéme Etage est
peint en sujet d'histoire , d'ornemens , avec des
Paisages et des Cartes Géographiques .
( Onnyy voit le Triomphe de la Gloire , ac
compagné des Vertus et d'autres Figures allé,
goriques à l'histoire d'Urbain VIII.
1. Vol
pensé
2740 MERCURE DE FRANCE.
pensé ne se peut imaginer. La belle touche
, le grand ton de couleur y égalent la
correction. L'Eglise de S. André Dellavallé
, offre ( 3 ) quatre Angles du Dominiquain
, qui sont des Morceaux admirables
et bien conservez , et un Dôme , où
le Cavalier Lanfranc a representé le Paradis
, d'une force et d'un caractere inimitables.
و
>
A Venise , ce sont des Paul Véronese ,
des Tintoret , et des Bassans qui enchantent
et qui paroissent tout neufs , hors
les Titien qui sont un peu gâtez.
A Naples , on voit des Fresques de Lucas
Jordans et de Solimene , qui éton
nent ; ainsi que des morceaux de Ribera
ou l'Espagnolet. Florence offre des Peintures
de quelques Maîtres Florentins , as -
sez bons ; mais la Galerie du Grand Duc
est remplie de tant de belles choses , que
c'est un Trésor pour un Peintre.
Parme est enrichie des Ouvrages du
Parmesan; il ne faut plus parler des beaux
Correges qui étoient dans les Eglises , le
temps les a entierement ruinez . Modéne ,
dans le Palais du Duc , en est encore toute
remplie. Boulogne est celebre par les
beaux Caraches . Milan et Gênes possedent
des Fresques étonnans de Bibiena , de
( 3 ) Ce sont les quatre Evangelistes .
I. Vol. Carlone
DECEMBRE 1731. 2741
Carlone , de Francischini et de Quaini,
Tous ces beaux Monumens font le procès
à l'ignorance actuelle des Italiens.
Sans parler de Michel -Ange , de Bacio
Bandinelli , de Sansovino , du Sardi, Donatelli
, Francesco Rustichi , Daniel de
Volterre , Jean Bologna , l'Algarde , le
Cavalier Bernin , Domenico Guidi , et
Camille Rusconi , qui est le dernier mort,
On peut dire qu'ils n'ont pas actuellement
un bon Sculpteur. Les François et
les autres Etrangers y suppléent depuis
long- temps ( 1 ) .
Ce n'est pas manque de beaux Morceaux
antiques: Quels exemples à suivre que les
Colonnes Trajanne et Antonine , les Basreliefs
de l'Arc de Constantin et les belles
Figures qui sont à Belvedere , pour ne
pas entrer dans un plus grand détail.
Il ne faut pas parler des Graveurs Italiens
modernes , aussi ne s'en piquent-ils
pas. Ce sont ordinairement des François
2 ) et des Allemans , qui s'y viennent
établir. Tout le monde sçait qu'ils ont eu
autrefois le fameux Marc- Antoine , Graveur
de Raphaël , Augustin Vénitien
Eneas Vicus , Sylvestre de Ravenne,Jule
( 1 ) Le Gros , Théodon , François Flamant,
dit le Quenoy , Bouchardon.
( 2 ) Jacques Freii.
I. Vol.
C Be2742
MERCURE DE FRANCE
Bonasone , Suavius , Augustin Carache
Villamena , Martin Rota , les Mantuans
Cherubin- Albert , et Pietro Sancti Barto'i.
Le Vigarani et l'Algardi ont imaginé
autrefois d'assez beaux Jardins , avec des
Fontaines ingénieuses ; présentement les
Ducs de Parme et de Modéne , ainsi que
le Roy de Sardaigne , ont fait venir des
Jardiniers François. Les Jardins de Tivoli
, de Frescati , de Colorne , Sassuolo,
Pratolino et la Vénerie , qui sont les plus
fameux Jardins d'Italie , sont d'un goût
fort mesquin , et ceux à Rome qui se distinguent
le plus, comme les Vignes Pamphile
et Ludovisi , sont du dessein de le
Nôtre.
La Musique est la partie des Arts la
mieux cultivée en Italie , et c'est celle où
f'on réussit le mieux. On sçait assez qu'elle
est la ressource des Faineans. Comme
l'on paye bien les Musiciens , chacun s'efforce
à réussir ; les parens y sacrifient la
virilité de leurs garçons. Nous avons de
beaux morceaux de Bassani , de Carissimi,
du fameux Corelli , Albinoni , Vivaldi
Scarlatti , Valentini et autres ; rien ne les
gêne dans leurs caprices; on ne s'embarasse
point de suivre le sens des paroles et d'en
rendre en Musique l'expression . Le méri-
1.Vol. te
DECEMBRE 1731 2743
que
te de Lully qui a si - bien exprimé les paroles
, y est compté pour rien ; pourva
le Musicien ait une saillie nouvelle et
qui soit tres-vive , on n'en demande pas
davantage , son but n'est pas d'aller au
coeur, il se contente de surprendre l'oreille
; il fait chanter la partie du Violon à la
voix qui se donne bien du tourment pour
y réussir , jusqu'à employer des grimaces
affreuses sur le Théatre ; cela est divin , selon
eux. Albinoni me disoit à Venise
qu'il n'étoit jamais un mois à composer
un Opéra, Il en a fait plus de 200. Il n'y
a point de Choeurs ni de Danses , ce qui
fait le grand travail des Musiciens. Deux
Duo , un Trio , quelquefois un Quatuor ,
se trouvent à la fin ; aussi ces Ouvrages
meurent-ils en naissant,on ne les reprend
jamais ; on veut toujours du nouveau ;
l'ennui qu'ils vous causent n'est pas concevable
, et l'on y dormiroit sans le secours
des Ariettes qui vous reveillent de
temps en temps.
Un Lecteur judicieux après avoir lû
ces Remarques , peut- il encore conserver
sa prévention pour l'Italie , et ne pas
jetter des yeux desinterressez sur les belles
choses qu'il trouve en son Païs et dans
les autres Parties de l'Europe. Combien y
en a - t - il en France , en Angleterre , en
1. Vol. Cij Es
2744 MERCURE DE FRANCE
Espagne , en Portugal , en Hollande et en
Flandres ? Pourquoi ne pas rendre justice
à tant d'habiles gens qui habitent ces differens
Climats ? Ils ne sont pas Italiens , je
l'avouë , il ne reste plus qu'à examiner ,
s'il ne valent pas mieux qu'eux dans la
Litterature et dans les Arts qu'ils professent.
C'est une compensation de mérite
que la justice doit faire , sans avoir égard aut
Païs.J'aime le beau ,disoit un de nos grands
(i ) Curieux , mais le Beau de tout Païs.
( 1 ) Feu M. de Montarsis , Garde des Pierres
vies de la Couronne.
l'Etat present de l'Italie , concernant les
Sciences et les Arts.
O
,
N est si prévenu aujourd'hui en
faveur de l'Italie , qu'il a paru nécessaire
de détromper quantité de Personnes
là- dessus. On entend les gens
raisonnables , car pour les entêtez qui
n'ont rapporté pour tout fruit de leurs
Voyages , que beaucoup de prévention
qu'ils communiquent à tout le monde
ou qui ont contracté ce mauvais goût
avec gens de leur caractere ; franchement
ce seroit peine perduë ; mais les Personnes
judicieuses me sçauront gré de les
avoir mises au fait sur tout le merveil
leux qu'on leur débite touchant l'Italie.
Un Voyage de plus de deux ans en ce
Pays-là , et quelque pratique dans les
Arts , peuvent assurer le Lecteur de la
certitude de ce qu'on avance et lui
faire esperer qu'il y trouvera de l'utilité.
Les Italiens ont eû comme toutes les
autres Nations , de grands Hommes dans
les Sciences et dans les Arts. On peut
leur reprocher en general , qu'ils n'ont
1. Vol. Bvj ja-
>
2728 MERCURE DE FRANCE
1.
jamais autant approfondi les Sciences que
les Allemands , les Anglois et les François.
Un peu trop paresseux de leur naturel
, ils prennent pour excuse la chaleur
excessive de leur climat.
On étudie presentement à Rome le
Droit Canon , à Venise la Politique ,
Florence , Boulogne et Padouë , autrefois
si fameuses par leurs Académies ,
n'offrent plus rien presentement que de
médiocre. Les Gens de Lettres , et les
Professeurs qui les composent sont la
plûpart Etrangers. Pour les Villes de Naples
, de Milan , Genes et Livourne , on
n'y parle que de commerce. Les autres
Villes suivent assez ce Plan general .
Les Sciences.
›
pen Tout le monde sçait qu'ils ont eû
de Théologiens depuis environ 2oo . ans ,
( terme que l'on s'est prescrit dans cette
Dissertation. ) On distingue Jerôme Savanarolle
, de Ferrare en 1452. Corneille
Musso , de Plaisance en 1511. le Cardinal
Bellarmin en 1621. Le Cardinal
Laurent Brancati , de Laurea , en 1681.
et le Cardinal Noris en 1704. Le Droit
Canon est aujourd'hui le seul objet des
gens d'Eglise , et ce dont ils ont le plus
I.Vol.
,
de
DECEMBRE. 1731. 2729
de besoin pour s'avancer dans la Chambre
Ecclesiastique. Les Jesuites même ne
s'attachent gueres qu'à la Politique et
aux humanitez. Les seuls Dominicains
du Couvent de la Minerve s'appliquent à
la Théologie Scholastique ; rien n'est
plus ignorant que les autres Moines ; cela
est si vrai , que quand il est question de
décider quelque Dogme de l'Eglise , on
fait venir des Espagnols et des Théologiens
Etrangers.
Ils ont eû quelques fameux Jurisconsultes
, comme Philippe Dece , de Milan
, en 1535. André Alciat , aussi Milanois
, en 1549. Tibere Decian , de
Frioul , en 1581. et Jean Vincent Gra
Calabrois en 1718. Aujourd'hui
leurs Avocats à la Rotte n'étudient que
le Droit écrit , et ne produisent point de
ces beaux Plaidoyers. Rien n'est plus
rare que de voir des ouvrages nouveaux
sur cette matiere .
vina , >
Leurs Philosophes , depuis deux siécles
, sont Jean-Baptiste Platina , de Cremone
, en 1481. Alexandre Picolomini
de Sienne , en 1508. Jerôme Cardan
Padoüan , en 1576. Thomas Campanella ,
Calabrois , mort en 1639. Fortunio Liceti
, Genois , en 1656. et Ulysse Aldrovandus
, Boulonnois , en 1605. qui s'est
I. Vol. dis2730
MERCURE DE FRANCE
distingué par ses beaux ouvrages sur
la Physique et sur l'Histoire naturelle.
Il y a encore cû Angeliste Torricelli ,
mort en 1647. et François Redi , Florentin
, en 1697. On ne voit presque plus
actuellement de Philosophes en Italie.
Il y a quelques Medecins à Padouë et à
Pise , chez qui j'ai trouvé des Cabinets
touchant l'Histoire Naturelle .
,
La Grammaire et l'Eloquence, comptent
parmi ses plus habiles gens , Jean
Bocace , Toscan , en 1313 Ange Politien
, de Florence , en 1494. François
Philelphe , de la Marche d'Anconne , en
1500. le Cardinal Guido Bentivoglio ,
Ferrarois , en 1579. François Panigarole ,
Milanois , Evêque d'Aste en 1582 .
Pierre -Victor , Florentin , en 1585. Jean-
François Loredano , noble Venitien , en
1606. Gabriel Bonarelli , Malvelzi , Gregorrio
, Leti , et Jean Mario Crezinbeni ,
mort depuis peu . L'Académie de la Crus
ca de Florence se soutient encore par
quelques bons ouvrages ; son seul Dictionnaire
l'a renduë fameuse.
Ils ont eû de bons Historiens . Le Cardinal
Pierre Bembo , Venitien , en 1470 .
François Guichardin , Florentin en 1480.
Jean-Baptiste Platina , de Cremone , en
1481. Paul Joue , Milanois , en 1552 .
I. Vol. FraDECEMBR
E. 1731. 2791
Frapaolo , Venitien , en 1552. Onuphre
Panvinius , Veronois , en 1568. le Čardinal
Baronius , Napolitain , en 1607.
Faminius Strada , Jesuite Romain , en
1649. et Bap. Nani , noble Venitien , en
1676.
On s'est toujours attaché en Italie à la
recherche de l'Antiquité , par la nécessité
d'expliquer les beaux restes qui s'y trouvent
de tous côtez . On leur connoît Fulvius
Ursinus , Romain , en 1597. Laurent
Pignoria , Padouan , en 1571. Raphaël
Fabretti , le Pere Kirker , Nardini ,
Donati , Bellori , Mezzabarba , Bonani ,
Rossi. Aujourd'hui cette Science a passé
à des gens qui en font métier public ; on
les appelle Ciceroni.
"
Les meilleurs Medecins qu'ils ayent eû
depuis deux siècles , sont Antonio Francantiani
, en 1500. Jerôme Mercurialis
de Forli , en 1530. Pierre- André Mathiole
, de Sienne , en 1554. Jerôme Fracastor
, de Verone , en 1549. Jules - Paul
Crasso , de Padouë , en 1600. Louis Septal
, Milanois , en 1628. Sanctorius , en
16 11. et Bernardin Ramazzini , en 1714 .
On éprouve presentement à Rome plus
qu'ailleurs , l'incertitude de cette Science
conjecturale la Reine de Pologne en
1714. pensa mourir par l'assistance de
1. Vol. deux
2732 MERCURE DE FRANCE
deux ( 1 ) Medecins que Clement XI. lui
envoya. Heureusement pour elle , un Medecin
Etranger qui voyageoit , et qui
passoit par Rome , la tira d'affaire.
,
On distingue dans l'Anatomie Gabriel
Fallope , de Modene en 1562 , il étoit
aussi très-bon Medecin. Pour la Chirurgie
, les Princes Italiens font venir dans
les grandes operations , des François ,
qui ont porté , comme l'on sçait , cet Art
à un grand degré de perfection.
La Pharmacie est un peu plus cultivée
en Italie , où le soin de la santé occupe
tout le monde. Les laboratoires y sont
fournis de tout. On connoit Hiacinto
Cestoni , en 1713. Les Jardins de simples
sont par tout negligez ; il y en a un à Padoue
un peu en meilleur état ; l'on y fait
peu de Demonstrations publiques . Fabio
Columna Lyncei , Napolitain , s'est distingué
en 1592. et Prosper Alpini , Venitien
, en 1616. Ce n'est pas faute de Professeurs
; ce sont les Disciples qui manquent.
Les Mathématiques ne fournissent pas
d'aussi grands hommes que les autres
Sciences. Ils ont eû Galilée Galilei , de
Florence , en 1642. Cassini , Astronome ,
(1) Jean-Marie Lancisi , Medecin de Clement
XI.
I.Vol.
qui
DECEMBRE 1731 2733
›
qui s'est venu établir en France , Vincent
Viviani , Florentin de l'Académie des
Sciences de France , en 1703. et Bianchini
, Prélat domestique de Clement XI ,
bon Astronome , mort depuis peu . Actuellement
les Professeurs du College de
la Sapience sont presque tous Etrangers.
Le Cavalier Fontana s'est distingué dans
les machines qu'il a inventées du tems
de Sixte V, pour élever ces fameux Obelisques.
Il est aisé de voir par les Profils
qu'il en a donnés , qu'on feroit aujourd'hui
les mêmes Operations , en retranchant
la moitié des mouvemens et de la
dépense. Augustin Ramelli a donné un
Traité de Fontaines et de Machines hydrauliques.
Nous avons le Théatre de
Vittorio Zonca : Torelli et Vigarani , se
sont distinguez en France par leurs belles
Inventions pour le Théatre et pour
les Fontaines.
La Poësie est la Science qui est à present
la mieux cultivée en Italie , mais quel
Parallele à faire de leurs Poëtes d'aujourd'hui
avec ceux qu'ils ont perdus ? Ce
Tasse , fameux Auteur d'un Poëme Epique
que l'on compare à l'Eneïde , Dante
Alighiri , l'Arioste , Petrarque Pietro
Aretino , Sanazar , Fluvio Testi , Joan.
Bap. Marini , Guarini , Scipio Maffei , et
I. Vol.
Joan.
›
2734 MERCURE DE FRANCE
Joan. Georg. Trissino , dont les Livres
sont entre les mains dé tout le monde .
En quoi consiste ce talent d'aujourd'hui ?
Est- ce à produire de beaux Poëmes , des
Pieces de Théatre bien travaillées ? Non :
c'est en Saillies , en pointes d'Esprit , en
Concetti , qui étourdissent le Lecteur , saisissent
d'abord son esprit , l'ébranlent , et
enfin il revient , par la réfléxion de ce
faux merveilleux.
J
La Poësie Italienne ayant des mots élevez
qui ne servent point dans le Discours
ordinaire et qui lui sont , pour ainsi
dire , consacrez devient plus aisée en
cette Langue qu'en toute autre, où il faut
s'écarter des paroles usitées , et s'élever
infiniment pour plaire. Leurs Tragedies
ou Operas sont l'ouvrage de quinze jours.
On prend un sujet pour Cannevas ; on y
larde des ariettes sur l'Amour sur la
jalousie , sur l'inconstance , sur la beauté ,
en un mot , sur quantité de lieux communs
, dont un Poëte a toujours provision
dans son Magazin , et que l'on peut
appeller des selles à tous chevaux . Il n'en
coute qu'un peu de recitatif pour coudre
,
le tout ensemble ; voilà au naturel le travail
d'une Tragedie en musique. Je fus
témoin en 1714 que Carto Sigismondo
Capeci , Académicien de l'Arcadia , et
I. Vol. SecreDECEMBRE
1731. 2735
Secretaire de la Reine de Pologne , composa
deux Tragedies en moins d'un mois.
Quand les Ariettes ne plaisent pas , on
en remet d'autres sur le champ , cela ne
coute rien . Un petit Sonnet , un Madrigal
faux dans la pensée , pourvû qu'il ait
une pointe , suffit pour élever un Italien ,
et l'admettre aux Académies .
Qu'on ne me reproche point de parler
en homme qui a quelque aigreur contre
les Italiens j'en ai reçu tout ce que je
pouvois souhaitter. Clement XI . m'a fait
Chevalier Romain , et les Académiciens
de l'Arcadia m'admirent dans leur corps
sur un petit ouvrage que je leur presentay.
J'allois deux fois la semaine à leurs
conférences , qui se passoient à parler de
nouvelles , et à lire quelque Sonnet . Peutêtre
me taxera-t'on , d'un autre côté, d'ingratitude
c'est la verité qui me fait
agir en cette occasion , et l'envie seule de
détromper bien des gens trop prévenus
pour I'Italie , en lisant à quel degré étoit
montée son ancienne gloire dans les Arts
et les Sciences , sans songer à l'état present
où elle se trouve . ( 1 )
( 1 ) Le Journal Litteraire d'Italie , qui paroit
depuis deux ou trois années , malgré son
Emphase , hors des Poëtes et des Antiquaires ,
produit peu d'autres Sçavans.
I. Vol. Les
2736 MERCURE DE FRANCE
Les Arts paroissent d'abord avoir moins
perdu que les Sciences en Italie cepen- ;
dant c'est l'endroit le plus foible ; je n'en
excepte que la Musique.
>
L'Architecture a été portée fort loin ,“
et ils ont eû de fort habiles gens . Je ne
parle pas de Vitruve , et des anciens Romains
qui la tenoient des Grecs , je parle
depuis deux siècles , à commencer par
Bramante,Michel Ange Buonarotta,Jule ,
Romain , Le Vignole , Sansovino , Charles
Maderno , Palladio , Scamozzi , Serlio
, Fontana , Porta , Le Bernin , l'Algarde
, Guarini , Rainaldi et Le Borromini.
Ce dernier par la bizarrerie de ses
Profils a corrompu tout le bon goût des
anciens et des modernes , affectant de ne
jamais employer une ligne droite dans ses
corniches et dans ses couronnements. Ces
idées extravagantes , pour s'écarter de la
route ordinaire , ont frayé une fort mauvaise
voie qui n'est que trop suivie para
les Architectes du temps. Il faut avoir les
yeux bien bouchez pour ne les pas ouvrir
sur tous ces grands modeles qui sont de
vant eux . Ce Pantheon admirable pour
les proportions , ce Colisée pour la gran
de Ordonnance le Temple de la Paix
pour la magnificence de ses voutes , les
Arcs de Septime Severe et de Titus pour
I.Vol.
و
leurs
DECEMBRE 1731. 2737
,
leurs belles Colonnes , les Temples de la
Fortune virile , de Vesta , d'Antonin et
= de Faustine , un reste d'un Temple de
Minerve dans le Campo Vacino et le
Portique de Septimius dans le Marché
aux Poissons , si élegants pour l'Ordonnance
, les Chapiteaux et les belles Corniches
, avec des morceaux d'une Sculp-
4ture excellente. Leurs Palais presentement
sont d'un goût mesquin dans les Ringhieres
les couronnements et les Pourtours
des Croisées. Rien n'est si mal distribué
pour les Escaliers et pour les commoditez
de la vie ; il semble que la Façade
soit faite aux dépens du dedans.
,
و
Pour la Peinture , c'est peut-être en cet
Art où les Italiens ont le plus perdu. Dégenerez
de cet ancien lustre , où Raphaël
et Jule- Romain l'avoient porté à
Rome , Michel- Ange à Florence , le Titien
à Venise , Le Correge à Parme , et
les Carraches à Boulogne , ils n'ont pas
aujourd'hui un Peintre qu'ils puissent citer.
Andrea Sacchi , Carlo Marati , et Benedetto
Lutti, ont soutenu pendant que !-
que temps la Peinture à Rome , Sebastien
( 1 ) Ricci à Venise , Carlo Cigniani
à Boulogne , et Solimene à Naples ; ils ne
sont plus.
(1) Le Ricci est très -vieux , et ne travaille
plus.
I. Vol . Est2738
MERCURE DE FRANCE
, Est- ce un Sebastien Concha à Rome
un Crespi à Boulogne , un Piazetti à Venise
, qui étayeront la réputation de ces
grands hommes ? Trop foibles Dessinateurs
, ou trop mauvais Coloristes , personne
ne les en croira capables. Quels reproches
tacites ne leur font pas tous les
beaux morceaux de Peinture qu'ils possedent
à commencer par le grand Raphaël
; il est vrai que la plus grande partie
en est effacée ou retouchée ; mais on y
trouve toujours les pensées fines de ce
grand Peintre , les beaux contours
la
partie du coloris où il étoit le plus foible ,
est celle qui a le plus perdu . Le petit (1)
Palais Farnese en est une preuve , ayant
été retouché par Carlomarati , qui ayant
couvert tous les fonds d'Outremer , en a
ôté l'accord , et a rendu la couleur des
chairs plus noires et tirant sur la brique.
Les douze grands morceaux peints à Fresque
dans les salles du Vatican , ont été
la plupart rétouchez , et les autres sont
si noircis par le temps , qu'on a de la peine
à en jouir , excepté dans quelques heures
de la journée. Qui ne se rappelle à regret
,
(x) Raphaël y a peint un plafond , en deux
grands morceaux , le Banquet des Dieux pour
Les nopces de Psyché , l'autre leur assamblée
pour la déïfier.
I. Vol. Cette
DECEMBRE . 1731. 2739
י ז
.
Cette fameuse Ecole d'Athénes , la dispute
du Saint Sacrement , l'Incendie du
Bourg S. Pierre , le Mont Parnasse , la
Prison de S. Pierre , et le morceau que
tous les curieux connoissent sous le nom.
de la Messe ?
La grande Bataille de Constantin contre
le Tyran Maxence , peinte par Jule Romain,
est bien conservée , et est un grand
objet à imiter pour les caracteres. Les ( 1)
Loges du Vatican étant exposées à l'injure
des temps dans les trois étages , sont
fort effacées cependant on y découvre
une grande maniere , capable de former
un habile homme qui y feroit les réfléxions
nécessaires .
Sans parler des Tableaux de Chevalet qui
se trouvent en grand nombre dans tous
les Palais ; quel beau modele n'est - ce pas
pour un Peintre , que le ( 2 ) Plafond du
Palais Barberin , peint par Pierre de Cors
tonne; rien de plus grand, rien de mieux
( 1 ) Ces Loges représentent au premier étage
des feuillages et des Oyseaux. Au second , qui
est le plus beau ; c'est l'histoire de l'ancien et
du nouveau Testament . Le troisiéme Etage est
peint en sujet d'histoire , d'ornemens , avec des
Paisages et des Cartes Géographiques .
( Onnyy voit le Triomphe de la Gloire , ac
compagné des Vertus et d'autres Figures allé,
goriques à l'histoire d'Urbain VIII.
1. Vol
pensé
2740 MERCURE DE FRANCE.
pensé ne se peut imaginer. La belle touche
, le grand ton de couleur y égalent la
correction. L'Eglise de S. André Dellavallé
, offre ( 3 ) quatre Angles du Dominiquain
, qui sont des Morceaux admirables
et bien conservez , et un Dôme , où
le Cavalier Lanfranc a representé le Paradis
, d'une force et d'un caractere inimitables.
و
>
A Venise , ce sont des Paul Véronese ,
des Tintoret , et des Bassans qui enchantent
et qui paroissent tout neufs , hors
les Titien qui sont un peu gâtez.
A Naples , on voit des Fresques de Lucas
Jordans et de Solimene , qui éton
nent ; ainsi que des morceaux de Ribera
ou l'Espagnolet. Florence offre des Peintures
de quelques Maîtres Florentins , as -
sez bons ; mais la Galerie du Grand Duc
est remplie de tant de belles choses , que
c'est un Trésor pour un Peintre.
Parme est enrichie des Ouvrages du
Parmesan; il ne faut plus parler des beaux
Correges qui étoient dans les Eglises , le
temps les a entierement ruinez . Modéne ,
dans le Palais du Duc , en est encore toute
remplie. Boulogne est celebre par les
beaux Caraches . Milan et Gênes possedent
des Fresques étonnans de Bibiena , de
( 3 ) Ce sont les quatre Evangelistes .
I. Vol. Carlone
DECEMBRE 1731. 2741
Carlone , de Francischini et de Quaini,
Tous ces beaux Monumens font le procès
à l'ignorance actuelle des Italiens.
Sans parler de Michel -Ange , de Bacio
Bandinelli , de Sansovino , du Sardi, Donatelli
, Francesco Rustichi , Daniel de
Volterre , Jean Bologna , l'Algarde , le
Cavalier Bernin , Domenico Guidi , et
Camille Rusconi , qui est le dernier mort,
On peut dire qu'ils n'ont pas actuellement
un bon Sculpteur. Les François et
les autres Etrangers y suppléent depuis
long- temps ( 1 ) .
Ce n'est pas manque de beaux Morceaux
antiques: Quels exemples à suivre que les
Colonnes Trajanne et Antonine , les Basreliefs
de l'Arc de Constantin et les belles
Figures qui sont à Belvedere , pour ne
pas entrer dans un plus grand détail.
Il ne faut pas parler des Graveurs Italiens
modernes , aussi ne s'en piquent-ils
pas. Ce sont ordinairement des François
2 ) et des Allemans , qui s'y viennent
établir. Tout le monde sçait qu'ils ont eu
autrefois le fameux Marc- Antoine , Graveur
de Raphaël , Augustin Vénitien
Eneas Vicus , Sylvestre de Ravenne,Jule
( 1 ) Le Gros , Théodon , François Flamant,
dit le Quenoy , Bouchardon.
( 2 ) Jacques Freii.
I. Vol.
C Be2742
MERCURE DE FRANCE
Bonasone , Suavius , Augustin Carache
Villamena , Martin Rota , les Mantuans
Cherubin- Albert , et Pietro Sancti Barto'i.
Le Vigarani et l'Algardi ont imaginé
autrefois d'assez beaux Jardins , avec des
Fontaines ingénieuses ; présentement les
Ducs de Parme et de Modéne , ainsi que
le Roy de Sardaigne , ont fait venir des
Jardiniers François. Les Jardins de Tivoli
, de Frescati , de Colorne , Sassuolo,
Pratolino et la Vénerie , qui sont les plus
fameux Jardins d'Italie , sont d'un goût
fort mesquin , et ceux à Rome qui se distinguent
le plus, comme les Vignes Pamphile
et Ludovisi , sont du dessein de le
Nôtre.
La Musique est la partie des Arts la
mieux cultivée en Italie , et c'est celle où
f'on réussit le mieux. On sçait assez qu'elle
est la ressource des Faineans. Comme
l'on paye bien les Musiciens , chacun s'efforce
à réussir ; les parens y sacrifient la
virilité de leurs garçons. Nous avons de
beaux morceaux de Bassani , de Carissimi,
du fameux Corelli , Albinoni , Vivaldi
Scarlatti , Valentini et autres ; rien ne les
gêne dans leurs caprices; on ne s'embarasse
point de suivre le sens des paroles et d'en
rendre en Musique l'expression . Le méri-
1.Vol. te
DECEMBRE 1731 2743
que
te de Lully qui a si - bien exprimé les paroles
, y est compté pour rien ; pourva
le Musicien ait une saillie nouvelle et
qui soit tres-vive , on n'en demande pas
davantage , son but n'est pas d'aller au
coeur, il se contente de surprendre l'oreille
; il fait chanter la partie du Violon à la
voix qui se donne bien du tourment pour
y réussir , jusqu'à employer des grimaces
affreuses sur le Théatre ; cela est divin , selon
eux. Albinoni me disoit à Venise
qu'il n'étoit jamais un mois à composer
un Opéra, Il en a fait plus de 200. Il n'y
a point de Choeurs ni de Danses , ce qui
fait le grand travail des Musiciens. Deux
Duo , un Trio , quelquefois un Quatuor ,
se trouvent à la fin ; aussi ces Ouvrages
meurent-ils en naissant,on ne les reprend
jamais ; on veut toujours du nouveau ;
l'ennui qu'ils vous causent n'est pas concevable
, et l'on y dormiroit sans le secours
des Ariettes qui vous reveillent de
temps en temps.
Un Lecteur judicieux après avoir lû
ces Remarques , peut- il encore conserver
sa prévention pour l'Italie , et ne pas
jetter des yeux desinterressez sur les belles
choses qu'il trouve en son Païs et dans
les autres Parties de l'Europe. Combien y
en a - t - il en France , en Angleterre , en
1. Vol. Cij Es
2744 MERCURE DE FRANCE
Espagne , en Portugal , en Hollande et en
Flandres ? Pourquoi ne pas rendre justice
à tant d'habiles gens qui habitent ces differens
Climats ? Ils ne sont pas Italiens , je
l'avouë , il ne reste plus qu'à examiner ,
s'il ne valent pas mieux qu'eux dans la
Litterature et dans les Arts qu'ils professent.
C'est une compensation de mérite
que la justice doit faire , sans avoir égard aut
Païs.J'aime le beau ,disoit un de nos grands
(i ) Curieux , mais le Beau de tout Païs.
( 1 ) Feu M. de Montarsis , Garde des Pierres
vies de la Couronne.
Fermer
Résumé : DISSERTATION CRITIQUE, sur l'Etat present de l'Italie, concernant les Sciences et les Arts.
La dissertation critique sur l'état présent de l'Italie concernant les sciences et les arts vise à corriger les perceptions erronées sur la supériorité italienne. L'auteur, ayant voyagé en Italie pendant plus de deux ans et ayant une pratique des arts, reconnaît que les Italiens ont eu des grands hommes dans les sciences et les arts, mais note qu'ils n'ont pas autant approfondi les sciences que les Allemands, les Anglais et les Français. Les Italiens sont souvent perçus comme paresseux, ce que l'auteur attribue à la chaleur excessive de leur climat. À Rome, les études se concentrent principalement sur le droit canon, tandis que Venise se focalise sur la politique. Florence, Boulogne et Padoue, autrefois célèbres pour leurs académies, offrent aujourd'hui des résultats médiocres. Les villes de Naples, Milan, Gênes et Livourne sont principalement tournées vers le commerce. Les sciences en Italie ont connu des figures notables comme Jérôme Savonarole, le Cardinal Bellarmin et Jean-Baptiste Platina, mais actuellement, les philosophes et les théologiens sont rares. Les juristes italiens se limitent au droit écrit, et les ouvrages nouveaux sur cette matière sont rares. En médecine, des noms comme Antonio Francantiani et Jérôme Mercurialis sont célèbres, mais la pratique médicale actuelle est incertaine. Les mathématiques ont vu des figures comme Galilée et Cassini, mais les professeurs actuels sont souvent étrangers. La poésie est la science la mieux cultivée, mais elle se limite souvent à des saillies et des points d'esprit plutôt qu'à des œuvres profondes. Les tragédies et opéras sont produits rapidement et sans grande originalité. Les arts, bien que moins affectés que les sciences, montrent des signes de déclin. L'architecture a connu des maîtres comme Bramante et Michel-Ange, mais le goût actuel est corrompu par des idées extravagantes. La peinture, autrefois illustre avec des noms comme Raphaël et le Titien, ne compte plus de grands peintres contemporains. Les palais italiens actuels sont critiqués pour leur mauvais goût et leur mauvaise distribution intérieure. De nombreux tableaux, y compris ceux de Raphaël, ont été retouchés ou effacés. Les fresques du Vatican, bien que noircies par le temps, conservent des éléments remarquables. À Venise, les œuvres de Paul Véronèse, Tintoret et Bassano sont bien conservées, tandis que celles de Titien sont légèrement endommagées. Naples, Florence, Parme, Modène, Boulogne, Milan et Gênes possèdent des fresques et des tableaux de maîtres renommés. Le texte critique l'absence de sculpteurs italiens contemporains de renom, notant que les Français et autres étrangers les suppléent. La musique, bien que superficielle, reste excellente. Le texte invite à reconnaître les talents artistiques dans d'autres pays européens, soulignant que la qualité des arts ne dépend pas de l'origine géographique.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 2744-2749
L'HYMEN ET L'AMOUR, Cantate à deux voix,
Début :
Triste Hymen, quel est ton partage, [...]
Mots clefs :
Hymen, Amour, Esclavage, Rigueurs, Cœur, Langage, Foi, Loi
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'HYMEN ET L'AMOUR, Cantate à deux voix,
L'HYMEN ET L'AMOUR ,
Cantate à deux voix ,
L'Hymen.
TRiste Hymen , quel est ton partage;
Tu ne promets que des faveurs ,
Et malgré toutes tes douceurs ,
On craint , on fuit ton esclavage.
L'Amour n'offre que des rigueurs ,
Et l'Amour seul a l'avantage
De triompher de tous les coeurs.
Я
L'Hymen
DECEMBRE 1731. 2745
L'Hymen dans les bois de Cythere ,
Exprimoit en ces mots ces tristes déplaisirs ,
L'Amo qui l'observoit dans ce lieu solitaire ,
Etoit témoin de ses soupirs.
Tandis que se livrant à sa douleur secrette ,
En vains regrets i alloit s'épancher :
L'Amour sortit de sa retraite ;
L'Amour long-temps ne sçauroit se cacher.
L'Hymen le vit , il en frémit de rage ,
Et lui tint ce langage :
L'Hymen.
Amour , cruel auteur de tous mes déplaisirs ,
Quoi ! ne puis-je éviter ta présence importune ?
Te verrai -je en tous lieux traverser mes desirs ?
Qu'il te suffise , helas ! de troubler ma fortune ,
Ne viens point troubler mes soupics.
L'Amour.
L'Amour ne cherche pas,Hymen,à te contraindre,
Pourquoi l'Amour te fait-il peur ?
Mais sans cesse l'Hymen est de mauvaise hemeur
,
Et l'on l'entend toûjours se plaindre
L'Hymen.
L'Amour cause tout mon ennui ,
De l'Amour seul j'ai tout à craindre ;
Et je në me plains que de lui .
I. Veh Cij
L'A
2746 MERCURE DE FRANCE
L'Amour.
Quel transport contre moi t'anime ?
Je ne blesse point de Mortels
Que ce ne soit une victime ,
Que je pare pour tes Autels.
L'Hymen.
Jous ce piege trompeur tu triomphes d'une ame ,
Dont tu surprens la foy :
Et pour l'asservir à ta loi ,
Sous les feux de l'Hymen tu déguises la Яâme ,
Que tu n'allumes que pour toi,
L'Amour.
Je ne réponds pas des caprices ,
D'un coeur qu'épouventent tes noeuds ;
Et je n'ai pas besoin de tous ces artifices ,
Pour faire triompher mes feux.
Le pouvoir de mes armes ,
Est dans mes seuls attraits ;
Je ne dois qu'à mes charmes ;
Les coeurs que je soumets ;
Le pouvoir de mes armes ,
Est dans mes seuls attraits.
L'Hymen.
Sous ton Empire redoutable ;
1. Vol.
Quel
DECEMBRE. 1731. 2747
}
Quel coeur peut vivre heureux ?
u lui fais éprouver des maux les plus affreux ,
La rigueur insupportable ;
L'Hymen plus favorable ,
Assure son bonheur et comble tous ses voeux.
Qui de nous deux est plus aimable
L'Amour et l'Hymen ensemble.
Sous ton Empire redoutable ,
Quel coeur peut vivre heureux ,
Tu lui fais ressentir des maux les plus affreux ,
La rigueur insupportable.
L'H.
LA.
L'Hymen plus favorable ,
L'Amour plus favorable ,
L'H. Assure son bonheur et comble tous see
voeux :
L'A. Assure ses plaisirs sans contraindre seg
feux :
Ens. Qui de nous deux est plus aimable,
L'Hymen.
L'Amour n'entend que les soupirs
Des Amans que ses loix ont rendus miserables
L'Amour.
Il n'est point sous mes loix de peines comparables
Aux ennuis , au dégout qui suivent tes plaisirs.
L'Hymen.
Tes biens sont imparfaits , mes plaisirs sont dua
rables Ciiij L'A2748
MERCURE DE FRANCE
L'Amour.
En peut- il être sans desirs.
L'Hymen.
Quand on possede ce qu'on aime
Que refte-t'il à desirer ?
L'Amour.
Qui ne desire rien , ne doit rien esperer ;
Et c'est un mal extrême .
De l'Amant le plus malheureux
L'espoir adoucit les allarmes ,
L'espoir assaisonne les charmes ,
Du bonheur qui comble nos voeux.
L'Hymen.
L'espoir et les desirs sont de vaines chimeres ,
Dont tu repais mille Amans abusez ;
Ce sont des biens imaginaires ,
Ou plutôt des maux déguisez.
L'Amour.
Les biens que promettent tes chaînes ,
Sont trop sujets aux repentirs ;
Mes maux deviennent des plaisirs ,
Tes plaisirs deviennent des peines .
Mais sur nos interêts pourquoi nous aigrir tant
Hymen, cessons de nous plaindre !
1. Vol.
L'Hymen
DECEMBRE 1731. 2742,
L'Hymen.
'Amour , cessons de nous craindre .
L'Hymen et l'Amour.
N'ayons jamais de different.
L'Amour.
L'Amour t'en presse.
L'H.
L'A.
L'Hymen
Et l'Hymen y consens.
L'Amour et l'Hymen ensemble.
Portons nos coups d'intelligence ,
NNee ffeerrmmoonnss que d'aimables noeuds.
N'allumons que d'aimables feux ;
Aux plus tendres liens attachons la constance.
L'A. Rendons tous les Amans heureux.
L'H. Rendons tous les Epoux heureux ;
Qu'ils soient toujours unis , et toûjours amou
reux.
Cantate à deux voix ,
L'Hymen.
TRiste Hymen , quel est ton partage;
Tu ne promets que des faveurs ,
Et malgré toutes tes douceurs ,
On craint , on fuit ton esclavage.
L'Amour n'offre que des rigueurs ,
Et l'Amour seul a l'avantage
De triompher de tous les coeurs.
Я
L'Hymen
DECEMBRE 1731. 2745
L'Hymen dans les bois de Cythere ,
Exprimoit en ces mots ces tristes déplaisirs ,
L'Amo qui l'observoit dans ce lieu solitaire ,
Etoit témoin de ses soupirs.
Tandis que se livrant à sa douleur secrette ,
En vains regrets i alloit s'épancher :
L'Amour sortit de sa retraite ;
L'Amour long-temps ne sçauroit se cacher.
L'Hymen le vit , il en frémit de rage ,
Et lui tint ce langage :
L'Hymen.
Amour , cruel auteur de tous mes déplaisirs ,
Quoi ! ne puis-je éviter ta présence importune ?
Te verrai -je en tous lieux traverser mes desirs ?
Qu'il te suffise , helas ! de troubler ma fortune ,
Ne viens point troubler mes soupics.
L'Amour.
L'Amour ne cherche pas,Hymen,à te contraindre,
Pourquoi l'Amour te fait-il peur ?
Mais sans cesse l'Hymen est de mauvaise hemeur
,
Et l'on l'entend toûjours se plaindre
L'Hymen.
L'Amour cause tout mon ennui ,
De l'Amour seul j'ai tout à craindre ;
Et je në me plains que de lui .
I. Veh Cij
L'A
2746 MERCURE DE FRANCE
L'Amour.
Quel transport contre moi t'anime ?
Je ne blesse point de Mortels
Que ce ne soit une victime ,
Que je pare pour tes Autels.
L'Hymen.
Jous ce piege trompeur tu triomphes d'une ame ,
Dont tu surprens la foy :
Et pour l'asservir à ta loi ,
Sous les feux de l'Hymen tu déguises la Яâme ,
Que tu n'allumes que pour toi,
L'Amour.
Je ne réponds pas des caprices ,
D'un coeur qu'épouventent tes noeuds ;
Et je n'ai pas besoin de tous ces artifices ,
Pour faire triompher mes feux.
Le pouvoir de mes armes ,
Est dans mes seuls attraits ;
Je ne dois qu'à mes charmes ;
Les coeurs que je soumets ;
Le pouvoir de mes armes ,
Est dans mes seuls attraits.
L'Hymen.
Sous ton Empire redoutable ;
1. Vol.
Quel
DECEMBRE. 1731. 2747
}
Quel coeur peut vivre heureux ?
u lui fais éprouver des maux les plus affreux ,
La rigueur insupportable ;
L'Hymen plus favorable ,
Assure son bonheur et comble tous ses voeux.
Qui de nous deux est plus aimable
L'Amour et l'Hymen ensemble.
Sous ton Empire redoutable ,
Quel coeur peut vivre heureux ,
Tu lui fais ressentir des maux les plus affreux ,
La rigueur insupportable.
L'H.
LA.
L'Hymen plus favorable ,
L'Amour plus favorable ,
L'H. Assure son bonheur et comble tous see
voeux :
L'A. Assure ses plaisirs sans contraindre seg
feux :
Ens. Qui de nous deux est plus aimable,
L'Hymen.
L'Amour n'entend que les soupirs
Des Amans que ses loix ont rendus miserables
L'Amour.
Il n'est point sous mes loix de peines comparables
Aux ennuis , au dégout qui suivent tes plaisirs.
L'Hymen.
Tes biens sont imparfaits , mes plaisirs sont dua
rables Ciiij L'A2748
MERCURE DE FRANCE
L'Amour.
En peut- il être sans desirs.
L'Hymen.
Quand on possede ce qu'on aime
Que refte-t'il à desirer ?
L'Amour.
Qui ne desire rien , ne doit rien esperer ;
Et c'est un mal extrême .
De l'Amant le plus malheureux
L'espoir adoucit les allarmes ,
L'espoir assaisonne les charmes ,
Du bonheur qui comble nos voeux.
L'Hymen.
L'espoir et les desirs sont de vaines chimeres ,
Dont tu repais mille Amans abusez ;
Ce sont des biens imaginaires ,
Ou plutôt des maux déguisez.
L'Amour.
Les biens que promettent tes chaînes ,
Sont trop sujets aux repentirs ;
Mes maux deviennent des plaisirs ,
Tes plaisirs deviennent des peines .
Mais sur nos interêts pourquoi nous aigrir tant
Hymen, cessons de nous plaindre !
1. Vol.
L'Hymen
DECEMBRE 1731. 2742,
L'Hymen.
'Amour , cessons de nous craindre .
L'Hymen et l'Amour.
N'ayons jamais de different.
L'Amour.
L'Amour t'en presse.
L'H.
L'A.
L'Hymen
Et l'Hymen y consens.
L'Amour et l'Hymen ensemble.
Portons nos coups d'intelligence ,
NNee ffeerrmmoonnss que d'aimables noeuds.
N'allumons que d'aimables feux ;
Aux plus tendres liens attachons la constance.
L'A. Rendons tous les Amans heureux.
L'H. Rendons tous les Epoux heureux ;
Qu'ils soient toujours unis , et toûjours amou
reux.
Fermer
Résumé : L'HYMEN ET L'AMOUR, Cantate à deux voix,
Le texte présente une cantate intitulée 'L'Hymen et l'Amour', structurée sous forme de dialogue entre deux personnages : l'Hymen et l'Amour. L'Hymen exprime son désarroi et sa crainte face à l'Amour, qu'il considère comme la source de tous ses malheurs. Il reproche à l'Amour de troubler ses désirs et de causer son ennui. L'Amour, en réponse, affirme que ses charmes et ses attraits suffisent à conquérir les cœurs sans besoin de tromperie. L'Hymen accuse l'Amour de piéger les âmes et de les asservir, tandis que l'Amour rétorque que les liens de l'Hymen entraînent des maux affreux et une rigueur insupportable. Les deux personnages débattent ensuite des plaisirs et des peines qu'ils apportent. L'Hymen assure que ses plaisirs sont durables, tandis que l'Amour argue que ses désirs et ses espoirs adoucissent les alarmes des amants. Finalement, ils décident de cesser leurs plaintes et leurs craintes mutuelles et de collaborer pour rendre les amants et les époux heureux et unis.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 2749-2762
ONZIÈME LETTRE, sur la Bibliotheque des enfants.
Début :
Vous avez lû, Monsieur, dans la septiéme Lettre de la Bibliotheque des enfans [...]
Mots clefs :
Bureau typographique, Table générale des caractères, Planche gravée, Lettres, Démonstration géométrique, Abc, Institution littéraire, Logettes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ONZIÈME LETTRE, sur la Bibliotheque des enfants.
ONZIE'ME LETTRE
Bibliotheque des enfans , &c.
Vou
sur la
Ous avez lû , Monsieur,dans la septiéme
Lettre de la Biblioteque des enfans
une Table générale des caracteres , des
I. Vol. C.v sons
750 MERCURE DE FRANCE
sons simples , des sons composez , et des
combinaisons necessaires pour la garniture
des quatre premiers rangs du Bureau
tipografique. Vous avez même pû voir
une Planche gravée exprés pour donner
quelque idée du Bureau ; mais vous n'avez
pas la Table précise et détaillée des
180 étiquetes , des six rangs de logetes et
de la garniture complete de chaque fogete
séparément. Je vous envoye donc
cette Table , afin que dans la Province
vous puissiez facilement garnir vousmême
les classes du Bureau , à mesure
que vous les voudrez donner à vos chers.
enfans.
Pour la parfaite intelligence de cette
Table il sufit de savoir , Io. que le Bureau
complet est composé de six étages
ou de six rangs, chacun de trente cassetins
ou logetes- 2 ° .Que pour imprimer le françois
on emploie en noir les lettres romaines
, et que pour le latin on fait usage
des lettres italiques ou manuscrites , en
rouge. 3 ° . Que l'on imprime séparément
sur autant de cartes non-seulement les
lettres du grand et du petit Abécé , les
sons au , eau , eu , oient , ph, &c. mais
encore les indéclinables en , hem , ut , si,
quia, sine, & c. les déclinables luna , lupus,
c. les terminaisons an , â , arum,
J.Fol.
Λ
&c.
les
1
DECEMBRE 1731. 2731
les conjugables et leurs terminaisons , ex.
amo , amabam , bam , bas , bat , & c. et
cela afin que l'enfant exercé au Bureau
puisse facilement trouver dans leurs veritables
logetes étiquetées et indiquées
les deux Tables ci - dessous , les lettres
les sons , les signes et chaque partie d'oraison
, donnée sur la copie du thême , à
composer sur la table du Bureau.
par
Les personnes qui verront ces Tables
et qui examineront de près et avec attention
de quoi est composée la garniture
complete d'un Bureau tipografique, trouveront
qu'elle va de douze , à quinze et
à vingt mille lettres , imprimées ou manuscrites
, en noir ou en rouge , sur neuf
à dix mille cartes. Ouvrage tres pénible
et connu du seul artisan , Ceux , qui comme
vous , Monsieur , feront monter leurs
enfans peu à peu , d'une classe à l'autre ,
auront bien le loisir de garnir jou de faire
garnir les classes du Bureau , à proportion
de l'âge et des progrès de l'Enfant.
Vous faites prudemment,Monsieur , de
pratiquer la nouvelle déromination des
lettres. Ceux qui en fesant usage du Bureau
pour montrer à lire aux enfans , ont
cependant conservé l'ancienne dénomi
nation des lettres , quoique fausse , équivoque
ou captieuse , retardent beaucoup
1. Vol.
Cvjxles
2752 MERCURE DE FRANCE
les progrès des enfans ; et pour lors on
auroit tort de mettre sur la métode du
Bureau , la cause de ce retardement ; il
sera toujours considerable , parce que la
dénomination vulgaire tend continuellement
des piéges aux enfans , et que la
vraie dénomination des lettres , forme au
contraire en bien moins de temps , de fi
deles échos pour la prononciation des
lettres , des silabes et des mots en l'une
et en l'autre langue , cela étant susceptible
de démonstration géométrique ; ne
doit- on pas être surpris de trouver tant
de gens de merite et de beaucoup d'esprit,
esclaves du préjugé vulgaire , plutôt
que d'agir consequemment même sur
l'Abc.
On a remarqué que les enfans qui ont
la commodité de pouvoir laisser leur Bureau
toujourt ouvert , du moins les jours
d'exercice, profitoient beaucoup plus que
les enfans qui ne voyoient leur Bureau
qu'en présence du Maître , et seulement
pendant la leçon. Comme vous avez l'art
de mettre tout à profit , j'aurai soin de
vous faire part des nouvelles Tipogra
fiques les plus interessantes , pour la premiere
institution literaire.
I.Vols
TABLE
DECEMBRE
1731. 2753
TABLE des 180. Etiquetes , des six
rangs du Bureau Tipographique.
PREMIER rang de 30. logettes
I a 11 k 21
2 b 12 l
22 V
3 с 13 m 23 X
4. d 14 n
24 Y
S IS O 25 2
6 f 16
P
26 &
7 g
17 9 27 è
8 h 18 r 28 é
9 i
19 fsc
29 géogr.
10 J
20 t 30 fable.
SECOND rang de 30. logettes.
I A II K
2 B 21 U
12 L
3
C 22 V
13
M 4
D
23
X
14 N 24 Y
SE
15
O 25.23
6 F
16 P
26 ET
7
G
17 a 27 E
8 H 18 R
1
9 I
28 E
19 S
10 J
29 hift . f.
20 T
30 hift. p.
TROL
2754 MERCURE DE FRANCE
TROISIEME rang de 30. logettes.
I ha I themes
21 hu
2 bb
12 If
22 W
3 & 13 mm 23 caledr
. 4 dd
14 n n
24 hy
Ss he rf cau 25 livret
6 ph 16 PP
26 & c.
7 gu
17 qu
27 oient
8
magaz
18 rh 28 æoe
9 hi 19 ft
29 §5 *
10 tèmes 20 th
30 +=
QUATRIEME
rang de 30 lugettes.
5
II [ ] ( ) 21 ΟΙ
29
3 :
12 ill
22 2
13 ui 23 3
4
•
1+
oi
24 4
Seu 15 ou
25 5
6 ? 16 á an 26 6
7 gn 17 é en 27 7
8 ! 18 í in 28 8
9 l'apoft. 19 o on 29 9
10 ch 20 u un 30 10
CINQUIEME rang de 30. logettes
I a &
2 us i
3 or ,
oris
4 us ûs
I. Vol.
S es , ei
6 obus
9 parfait
10 pq parf.
II futur
12 îfinit
7 present
8 iparfait
13
༣
2755
DECEMBRE. 1731.
Is amor
16 v.dep:
17 v. com . 23 copat .
13 partici. 19 v. Iperf.
14 aris, atur 20 t. n. fr.
21 avoir
22 art. fr.
25 part. fr.
26 quia
27 bic vir
28 viri
29 xi, Elu
18 v. recip. 24 pr. poff. 30 tu es
i Je , 11 futur
\ SIXIÈME rang de
, ego
2 tu , tu
30. logeltes.
21 eftre
3 il , ille
12 íperat.
13 ger. fup.
22 n. fubft.
23 n. adject.
4 ce , bic
14 as , as
5 qui, qui 15 amo
24 pro.dem.
25 V, friç.
6 -là , met 16 v. neut. 26 ideclin .
7 presēt 17 v. iregul. 27 geres
8 Iparfait 18 v. fubft.
28 declin.
9 parfait 19 v. defect.
29 cojug.
10 pq parf 20 v . fráç.
30 sintaxe
•
TABLE de la garniture des 10 logettes
des six rangs du Bureau tipographique.
PREMIER rang
de
・30. logettes.
I vingt- cinq a "a 8 vingt
h b
2 vingt
b b 9 vingt- cinq i
i
3 vingt с C 10 vingt
4 vingt d d 11 dix k
s vingt-cinq e e 12 vingt
6 vingt
ff
7 vinge
g g
13 vingt
14 vingt
m m
n 22
1 Vol.
15
2756 MERCURE DE FRANCE
15 vingt- cinq o0 0 22 vingt
V ย
16 vingt
17 vingt
PP 23 - vingt
X
9 9 24 vingt Y y
I r Z Z
18 vingt
19 quinze
quinze
cinq
20 vingt
25 vingt
ff 26 dix
S
C
t t
21 vingt- cinqu u
& &
27 vingt - cinq è
28 vingt-cinq é
29 Paris
30 Pan
Parifit
Pan
SECOND rang de 30. logettes
I quinze A A 18 dix
1
R R
2 dix
B B
19 dix S S
3 dix
сс zo dix
T. T 4. dix
D D
21 quinze U v
S quinze E E 22 dix V V
6 dix F F 23 dix
X X
7 dix G G 24
dix
Y r
8. dix H H 25 dix Z Z
9 quinze I
I 26 trois ET ET
10 dix
J J fix Et Et
11 cinq K K fix et et
12 dix L L
13 dix
M M
27 quinze É
14 dix
N N
15 quinze O O
28 quinze É
29 Adam Adam
16 dix
17 dix
P P 30 Darius Darins
Q &
1. Vol
TROI
DECEMBRE. 1731. 2757.
TROISIEME rang de 30. logettes.
I six ha as af
six â à 2 æ
item en latin.
2 dix bb bb
3 dix CC сс
cinq ct &
dd dd
six he.es.ef.ê.ë
item en latin.
4 dix
✔ dix ff.6.ph.2 f.
2. M.
item en latin.
7dix gg. six gu.
item en latin.
8 Magasin
9 six hi. is. if. î. i.
autantpourle lat
10 Themes à faire.
11 themes faits.
12 dix ll. dix ll.
13 dix mm dix mm
cinq m . cinq m
14 dix nn . dix nn.
cinq n. cinq .
15 dix au 6 eau an
six ho . 6. of.
six bo . 6. of.
605.6 .Ô.60560
16 dix pp . dix pp.
17 six
qu .
six
gia
qua
six
qu .
deux Qu. z Qu
18 dix rr. dix rr.
cinq rh. cinq rh
19 10 ff5ft 10 $ſt
2 fç. 2 fc. 2 fa
20 dix tt. dix tt.
cinq th. cinq th
24 six hu. uf. us. â.
six ü. "
autant en italiq.
22 cinq W. 5 w.
autant en italiq.
23 calend. so cartes
du Calendrier.
24 six hy. six by.
deux ys. deux s
25 Livr. et nombr.
26 six &c. 6 & Ca
27 6 oi . oient. oiết
3 ai. aient. aiét.
3 ais. ais. aî.
3 cî. eif. el.
3 ay.cy. oif. of
28 10 x oe . 10 & oe .
SÆOE. Æ.
29 599 *... § 5*...
item 30 10+
2758 MERCURE DE FRANCE
QUATRIEME rang de 30. logettes :
1 dix , dix
2 dix ; dix ;
3 dix : dix :
4 dix . dix ..
5 six eu . heu .
trois eû. eü.
deux cu . euf.
dix ?. dix ?.
7
dix
gn . dix gn.
8 dix . dix !.
9 vingt apoft .
10 dix ch. dix ch.
11 six [ ]. ( )
autant en rouge.
deux oî
If six ou . où. trois
ouf. ous. oû.
hou. oü .
16 six a . an. 6 a. an
un aon. aën .
17 six é. en . 6 ẽ. en
18 six i. in . 6 7. in.
3. ain. aí. ein . cī
19 6 6. on . 6 . an *
I aon. I. ahon.
20 six ũ . un . 6 й m
un eun.
21 dix o . 1.
12 six ill. ille. lle. 22 dix 2
six il. deux lh.
23
dix 3
dix ill. dix
24 4
3 six ui.trois hui.
25
dix
S
trois uin. 2 uí 26 dix
4 item en rouge. 27 dix 7
six oi. oif. ois. 28 dix 8
deux hoi.
Troisoy.
29 dix 9
oin. of
30 dix 10
I. Vol.
RU
DECEMBRE . 1731. 2759
RUDIMENT PRATIQUE
de la Langue Latine.
CINQUIEME rang de 30 logettes.
CINQUIEME rang
six am. â. arum, as. is.
deux a. ab , deux a . un. Luna.
2 six um. orum. if, os, un Lupus.
3 six is. em. es . um. ibus:
trois ium. ora. tia. ius. ia. un Soror
4 six us. ûs. ui. um. uum. ibus.
trois ubus . ib . ub⁹. un fructus.
's six ei. em. es . ebus. erum.
deux eb . un facies.
am. arum, as. abus, ebus. ibus.
trois obus. ubus. um. orum. is.
os. erum.
7 amen. doceam . legum. audiam.
trois
es. et. emus. etis. ent.
as, at, amus. atis . ant.
amarem. docerem. legerem. audirem.
trois rem . res. ret. rem . retis . rent.
amaverim. docuerim.
legerim. audiverim.
trois rim, ris . rit, rim®, ritis. rint.
10 amaviffem. docuiffem.legiffem audiviffem
sem. fses. fset. fsemus.
fsetis. fsent.
trois
trois.
Ra
2760 MERCURE DE FRANCE
11 amavero , docuero . legero. audivero.
trois ero. eris. erit. erim . eritis , erint.
12 amare. docere. legere. audire. ,
iffe. aturum. atum . ire.
trois effe. Elurum . iturum.
Elum. itum. amari. &c.
13 Participes . amans, &c.
terminaisons . ans. &'c.
14 or. aris. are …atur.
amur. amini. antur , &c.
15 amor. doceor. legor. audior.
16 verbes déponens, horor. polliceor, &c.
17 verbes communs , dignor , & c.
18 verbes réciproques.
19 verbes impersonnels oportet , &c.
20 terminaisons . noms françois , able, & c.
21 verbes auxiliaires , avoir , & c.
22 article françois , le . la , &c .
23 comparatifs superlatifs. terminaisons .
24 pronoms possessifs . meus , &c.
25 participes françois . aïant.
26 indéclinables latins. quia , &c.
27 genres. exemple , hic vir , &c.
28 déclinaisons. exemple , viri. utis , &6.
29 conjugaisons. exemple , xi, ctum, &c.
30 sintaxe. exemple , tu es. & c.
SIXIEME rang de 30. logettes.
1 Je. J'. je. j' . Ego. ego , &c.
1. Vol.
་
?
DECEMBRE. 1731. 2761
2 tu. toi, te. tu. tui. tibi. & c.
3 il . elle. foi. fe . s' . ille, illa, fui , & c.
4 ce. cet. cette hic. hac ,
& c .
5 que . quel . quelle . qui. quod , & c.
6 ci-là. même. met. libet , & c.
7 amo. doceo. lego . audio.
as . at. amus. aris , ant
trois es. et. emus . etis. ent.
is . it. imus . itis. unt.
amabam. docebam. legebam , & e,
trois bam. bas. bat. bamus , & c.
9 amavi. docui. legi , &c.
ΤΟ
trois sti. it. istis . erunt , ere , &e,
amaveram. docueram , &c,
trois eram. eras. erat , &c.
11 amabo. docebo.legam , &c.
trois bo. bis. bit. bimus , &c.
es. et. emus , &c.
י
& c.
12 imperatifs et terminaisons.
i3 gerondifs , supins , terminaisons,
14 o. as. at. amus. atis ,
15 amo. doceo . lego.'audio .
16 verbes neutres. venio , &c.
17 verbes irreguliers . malo.
18 sum. es. est. sumus , &c.
19 verbes defectifs . inquio , &e.
20 terminaisons , verbes françois .
21 Je suis. tu es. il est. & c .
22 noms substantifs. Deus. coelum , &
23 noms adjectifs. bonus , &c.
Le Vol
24
4762 MERCURE DE FRANCE
44 pronoms démonstratifs, celui- là , &c.
as verbes françois. J'aime , & c.
26 indéclinables françois. pourquoi , &c.
27 gentes . regles en themes .
28 déclinaisons. regles en themes.
29 conjugaisons . regles en themes .
30 sintaxe. regles en themes.
J'ai l'honneur d'être , &c.
Bibliotheque des enfans , &c.
Vou
sur la
Ous avez lû , Monsieur,dans la septiéme
Lettre de la Biblioteque des enfans
une Table générale des caracteres , des
I. Vol. C.v sons
750 MERCURE DE FRANCE
sons simples , des sons composez , et des
combinaisons necessaires pour la garniture
des quatre premiers rangs du Bureau
tipografique. Vous avez même pû voir
une Planche gravée exprés pour donner
quelque idée du Bureau ; mais vous n'avez
pas la Table précise et détaillée des
180 étiquetes , des six rangs de logetes et
de la garniture complete de chaque fogete
séparément. Je vous envoye donc
cette Table , afin que dans la Province
vous puissiez facilement garnir vousmême
les classes du Bureau , à mesure
que vous les voudrez donner à vos chers.
enfans.
Pour la parfaite intelligence de cette
Table il sufit de savoir , Io. que le Bureau
complet est composé de six étages
ou de six rangs, chacun de trente cassetins
ou logetes- 2 ° .Que pour imprimer le françois
on emploie en noir les lettres romaines
, et que pour le latin on fait usage
des lettres italiques ou manuscrites , en
rouge. 3 ° . Que l'on imprime séparément
sur autant de cartes non-seulement les
lettres du grand et du petit Abécé , les
sons au , eau , eu , oient , ph, &c. mais
encore les indéclinables en , hem , ut , si,
quia, sine, & c. les déclinables luna , lupus,
c. les terminaisons an , â , arum,
J.Fol.
Λ
&c.
les
1
DECEMBRE 1731. 2731
les conjugables et leurs terminaisons , ex.
amo , amabam , bam , bas , bat , & c. et
cela afin que l'enfant exercé au Bureau
puisse facilement trouver dans leurs veritables
logetes étiquetées et indiquées
les deux Tables ci - dessous , les lettres
les sons , les signes et chaque partie d'oraison
, donnée sur la copie du thême , à
composer sur la table du Bureau.
par
Les personnes qui verront ces Tables
et qui examineront de près et avec attention
de quoi est composée la garniture
complete d'un Bureau tipografique, trouveront
qu'elle va de douze , à quinze et
à vingt mille lettres , imprimées ou manuscrites
, en noir ou en rouge , sur neuf
à dix mille cartes. Ouvrage tres pénible
et connu du seul artisan , Ceux , qui comme
vous , Monsieur , feront monter leurs
enfans peu à peu , d'une classe à l'autre ,
auront bien le loisir de garnir jou de faire
garnir les classes du Bureau , à proportion
de l'âge et des progrès de l'Enfant.
Vous faites prudemment,Monsieur , de
pratiquer la nouvelle déromination des
lettres. Ceux qui en fesant usage du Bureau
pour montrer à lire aux enfans , ont
cependant conservé l'ancienne dénomi
nation des lettres , quoique fausse , équivoque
ou captieuse , retardent beaucoup
1. Vol.
Cvjxles
2752 MERCURE DE FRANCE
les progrès des enfans ; et pour lors on
auroit tort de mettre sur la métode du
Bureau , la cause de ce retardement ; il
sera toujours considerable , parce que la
dénomination vulgaire tend continuellement
des piéges aux enfans , et que la
vraie dénomination des lettres , forme au
contraire en bien moins de temps , de fi
deles échos pour la prononciation des
lettres , des silabes et des mots en l'une
et en l'autre langue , cela étant susceptible
de démonstration géométrique ; ne
doit- on pas être surpris de trouver tant
de gens de merite et de beaucoup d'esprit,
esclaves du préjugé vulgaire , plutôt
que d'agir consequemment même sur
l'Abc.
On a remarqué que les enfans qui ont
la commodité de pouvoir laisser leur Bureau
toujourt ouvert , du moins les jours
d'exercice, profitoient beaucoup plus que
les enfans qui ne voyoient leur Bureau
qu'en présence du Maître , et seulement
pendant la leçon. Comme vous avez l'art
de mettre tout à profit , j'aurai soin de
vous faire part des nouvelles Tipogra
fiques les plus interessantes , pour la premiere
institution literaire.
I.Vols
TABLE
DECEMBRE
1731. 2753
TABLE des 180. Etiquetes , des six
rangs du Bureau Tipographique.
PREMIER rang de 30. logettes
I a 11 k 21
2 b 12 l
22 V
3 с 13 m 23 X
4. d 14 n
24 Y
S IS O 25 2
6 f 16
P
26 &
7 g
17 9 27 è
8 h 18 r 28 é
9 i
19 fsc
29 géogr.
10 J
20 t 30 fable.
SECOND rang de 30. logettes.
I A II K
2 B 21 U
12 L
3
C 22 V
13
M 4
D
23
X
14 N 24 Y
SE
15
O 25.23
6 F
16 P
26 ET
7
G
17 a 27 E
8 H 18 R
1
9 I
28 E
19 S
10 J
29 hift . f.
20 T
30 hift. p.
TROL
2754 MERCURE DE FRANCE
TROISIEME rang de 30. logettes.
I ha I themes
21 hu
2 bb
12 If
22 W
3 & 13 mm 23 caledr
. 4 dd
14 n n
24 hy
Ss he rf cau 25 livret
6 ph 16 PP
26 & c.
7 gu
17 qu
27 oient
8
magaz
18 rh 28 æoe
9 hi 19 ft
29 §5 *
10 tèmes 20 th
30 +=
QUATRIEME
rang de 30 lugettes.
5
II [ ] ( ) 21 ΟΙ
29
3 :
12 ill
22 2
13 ui 23 3
4
•
1+
oi
24 4
Seu 15 ou
25 5
6 ? 16 á an 26 6
7 gn 17 é en 27 7
8 ! 18 í in 28 8
9 l'apoft. 19 o on 29 9
10 ch 20 u un 30 10
CINQUIEME rang de 30. logettes
I a &
2 us i
3 or ,
oris
4 us ûs
I. Vol.
S es , ei
6 obus
9 parfait
10 pq parf.
II futur
12 îfinit
7 present
8 iparfait
13
༣
2755
DECEMBRE. 1731.
Is amor
16 v.dep:
17 v. com . 23 copat .
13 partici. 19 v. Iperf.
14 aris, atur 20 t. n. fr.
21 avoir
22 art. fr.
25 part. fr.
26 quia
27 bic vir
28 viri
29 xi, Elu
18 v. recip. 24 pr. poff. 30 tu es
i Je , 11 futur
\ SIXIÈME rang de
, ego
2 tu , tu
30. logeltes.
21 eftre
3 il , ille
12 íperat.
13 ger. fup.
22 n. fubft.
23 n. adject.
4 ce , bic
14 as , as
5 qui, qui 15 amo
24 pro.dem.
25 V, friç.
6 -là , met 16 v. neut. 26 ideclin .
7 presēt 17 v. iregul. 27 geres
8 Iparfait 18 v. fubft.
28 declin.
9 parfait 19 v. defect.
29 cojug.
10 pq parf 20 v . fráç.
30 sintaxe
•
TABLE de la garniture des 10 logettes
des six rangs du Bureau tipographique.
PREMIER rang
de
・30. logettes.
I vingt- cinq a "a 8 vingt
h b
2 vingt
b b 9 vingt- cinq i
i
3 vingt с C 10 vingt
4 vingt d d 11 dix k
s vingt-cinq e e 12 vingt
6 vingt
ff
7 vinge
g g
13 vingt
14 vingt
m m
n 22
1 Vol.
15
2756 MERCURE DE FRANCE
15 vingt- cinq o0 0 22 vingt
V ย
16 vingt
17 vingt
PP 23 - vingt
X
9 9 24 vingt Y y
I r Z Z
18 vingt
19 quinze
quinze
cinq
20 vingt
25 vingt
ff 26 dix
S
C
t t
21 vingt- cinqu u
& &
27 vingt - cinq è
28 vingt-cinq é
29 Paris
30 Pan
Parifit
Pan
SECOND rang de 30. logettes
I quinze A A 18 dix
1
R R
2 dix
B B
19 dix S S
3 dix
сс zo dix
T. T 4. dix
D D
21 quinze U v
S quinze E E 22 dix V V
6 dix F F 23 dix
X X
7 dix G G 24
dix
Y r
8. dix H H 25 dix Z Z
9 quinze I
I 26 trois ET ET
10 dix
J J fix Et Et
11 cinq K K fix et et
12 dix L L
13 dix
M M
27 quinze É
14 dix
N N
15 quinze O O
28 quinze É
29 Adam Adam
16 dix
17 dix
P P 30 Darius Darins
Q &
1. Vol
TROI
DECEMBRE. 1731. 2757.
TROISIEME rang de 30. logettes.
I six ha as af
six â à 2 æ
item en latin.
2 dix bb bb
3 dix CC сс
cinq ct &
dd dd
six he.es.ef.ê.ë
item en latin.
4 dix
✔ dix ff.6.ph.2 f.
2. M.
item en latin.
7dix gg. six gu.
item en latin.
8 Magasin
9 six hi. is. if. î. i.
autantpourle lat
10 Themes à faire.
11 themes faits.
12 dix ll. dix ll.
13 dix mm dix mm
cinq m . cinq m
14 dix nn . dix nn.
cinq n. cinq .
15 dix au 6 eau an
six ho . 6. of.
six bo . 6. of.
605.6 .Ô.60560
16 dix pp . dix pp.
17 six
qu .
six
gia
qua
six
qu .
deux Qu. z Qu
18 dix rr. dix rr.
cinq rh. cinq rh
19 10 ff5ft 10 $ſt
2 fç. 2 fc. 2 fa
20 dix tt. dix tt.
cinq th. cinq th
24 six hu. uf. us. â.
six ü. "
autant en italiq.
22 cinq W. 5 w.
autant en italiq.
23 calend. so cartes
du Calendrier.
24 six hy. six by.
deux ys. deux s
25 Livr. et nombr.
26 six &c. 6 & Ca
27 6 oi . oient. oiết
3 ai. aient. aiét.
3 ais. ais. aî.
3 cî. eif. el.
3 ay.cy. oif. of
28 10 x oe . 10 & oe .
SÆOE. Æ.
29 599 *... § 5*...
item 30 10+
2758 MERCURE DE FRANCE
QUATRIEME rang de 30. logettes :
1 dix , dix
2 dix ; dix ;
3 dix : dix :
4 dix . dix ..
5 six eu . heu .
trois eû. eü.
deux cu . euf.
dix ?. dix ?.
7
dix
gn . dix gn.
8 dix . dix !.
9 vingt apoft .
10 dix ch. dix ch.
11 six [ ]. ( )
autant en rouge.
deux oî
If six ou . où. trois
ouf. ous. oû.
hou. oü .
16 six a . an. 6 a. an
un aon. aën .
17 six é. en . 6 ẽ. en
18 six i. in . 6 7. in.
3. ain. aí. ein . cī
19 6 6. on . 6 . an *
I aon. I. ahon.
20 six ũ . un . 6 й m
un eun.
21 dix o . 1.
12 six ill. ille. lle. 22 dix 2
six il. deux lh.
23
dix 3
dix ill. dix
24 4
3 six ui.trois hui.
25
dix
S
trois uin. 2 uí 26 dix
4 item en rouge. 27 dix 7
six oi. oif. ois. 28 dix 8
deux hoi.
Troisoy.
29 dix 9
oin. of
30 dix 10
I. Vol.
RU
DECEMBRE . 1731. 2759
RUDIMENT PRATIQUE
de la Langue Latine.
CINQUIEME rang de 30 logettes.
CINQUIEME rang
six am. â. arum, as. is.
deux a. ab , deux a . un. Luna.
2 six um. orum. if, os, un Lupus.
3 six is. em. es . um. ibus:
trois ium. ora. tia. ius. ia. un Soror
4 six us. ûs. ui. um. uum. ibus.
trois ubus . ib . ub⁹. un fructus.
's six ei. em. es . ebus. erum.
deux eb . un facies.
am. arum, as. abus, ebus. ibus.
trois obus. ubus. um. orum. is.
os. erum.
7 amen. doceam . legum. audiam.
trois
es. et. emus. etis. ent.
as, at, amus. atis . ant.
amarem. docerem. legerem. audirem.
trois rem . res. ret. rem . retis . rent.
amaverim. docuerim.
legerim. audiverim.
trois rim, ris . rit, rim®, ritis. rint.
10 amaviffem. docuiffem.legiffem audiviffem
sem. fses. fset. fsemus.
fsetis. fsent.
trois
trois.
Ra
2760 MERCURE DE FRANCE
11 amavero , docuero . legero. audivero.
trois ero. eris. erit. erim . eritis , erint.
12 amare. docere. legere. audire. ,
iffe. aturum. atum . ire.
trois effe. Elurum . iturum.
Elum. itum. amari. &c.
13 Participes . amans, &c.
terminaisons . ans. &'c.
14 or. aris. are …atur.
amur. amini. antur , &c.
15 amor. doceor. legor. audior.
16 verbes déponens, horor. polliceor, &c.
17 verbes communs , dignor , & c.
18 verbes réciproques.
19 verbes impersonnels oportet , &c.
20 terminaisons . noms françois , able, & c.
21 verbes auxiliaires , avoir , & c.
22 article françois , le . la , &c .
23 comparatifs superlatifs. terminaisons .
24 pronoms possessifs . meus , &c.
25 participes françois . aïant.
26 indéclinables latins. quia , &c.
27 genres. exemple , hic vir , &c.
28 déclinaisons. exemple , viri. utis , &6.
29 conjugaisons. exemple , xi, ctum, &c.
30 sintaxe. exemple , tu es. & c.
SIXIEME rang de 30. logettes.
1 Je. J'. je. j' . Ego. ego , &c.
1. Vol.
་
?
DECEMBRE. 1731. 2761
2 tu. toi, te. tu. tui. tibi. & c.
3 il . elle. foi. fe . s' . ille, illa, fui , & c.
4 ce. cet. cette hic. hac ,
& c .
5 que . quel . quelle . qui. quod , & c.
6 ci-là. même. met. libet , & c.
7 amo. doceo. lego . audio.
as . at. amus. aris , ant
trois es. et. emus . etis. ent.
is . it. imus . itis. unt.
amabam. docebam. legebam , & e,
trois bam. bas. bat. bamus , & c.
9 amavi. docui. legi , &c.
ΤΟ
trois sti. it. istis . erunt , ere , &e,
amaveram. docueram , &c,
trois eram. eras. erat , &c.
11 amabo. docebo.legam , &c.
trois bo. bis. bit. bimus , &c.
es. et. emus , &c.
י
& c.
12 imperatifs et terminaisons.
i3 gerondifs , supins , terminaisons,
14 o. as. at. amus. atis ,
15 amo. doceo . lego.'audio .
16 verbes neutres. venio , &c.
17 verbes irreguliers . malo.
18 sum. es. est. sumus , &c.
19 verbes defectifs . inquio , &e.
20 terminaisons , verbes françois .
21 Je suis. tu es. il est. & c .
22 noms substantifs. Deus. coelum , &
23 noms adjectifs. bonus , &c.
Le Vol
24
4762 MERCURE DE FRANCE
44 pronoms démonstratifs, celui- là , &c.
as verbes françois. J'aime , & c.
26 indéclinables françois. pourquoi , &c.
27 gentes . regles en themes .
28 déclinaisons. regles en themes.
29 conjugaisons . regles en themes .
30 sintaxe. regles en themes.
J'ai l'honneur d'être , &c.
Fermer
Résumé : ONZIÈME LETTRE, sur la Bibliotheque des enfants.
La dix-septième lettre de la 'Bibliothèque des enfants' complète les informations fournies dans la septième lettre concernant la configuration d'un bureau typographique. Elle présente une table détaillée des 180 étiquettes, des six rangs de logettes et de la garniture complète de chaque logette. Le bureau typographique est structuré en six étages ou rangs, chacun contenant trente cassetins ou logettes. Pour l'impression en français, les lettres romaines en noir sont utilisées, tandis que pour le latin, les lettres italiques ou manuscrites en rouge sont employées. La lettre recommande d'imprimer séparément sur des cartes divers éléments linguistiques tels que les lettres de l'alphabet, les sons composés, les indéclinables, les déclinables, les conjugables et leurs terminaisons. Cette organisation permet aux enfants de trouver facilement les éléments nécessaires pour composer des textes sur le bureau typographique. La garniture complète d'un bureau typographique peut varier de douze à vingt mille lettres, imprimées ou manuscrites, réparties sur neuf à dix mille cartes. L'auteur insiste sur l'importance de la nouvelle dénomination des lettres pour éviter les pièges linguistiques et accélérer les progrès des enfants. Il observe que les enfants ayant un accès constant à leur bureau typographique progressent plus rapidement que ceux qui ne l'utilisent qu'en présence du maître. La lettre se conclut par une table détaillée des étiquettes et de la garniture des logettes, organisée par rang.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 2762-2765
EXPLICATION de la Médaille frapée en l'honneur de S. E. Monseigneur le Cardinal DE FLEURY, STANCES.
Début :
Vos yeux ne pouvoient voir cet auguste visage, [...]
Mots clefs :
Médaille, Art, Miroir, Vertus, Génie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXPLICATION de la Médaille frapée en l'honneur de S. E. Monseigneur le Cardinal DE FLEURY, STANCES.
EXPLICATION de la Médaille ( 1`)
frapée en l'honneur de S. E. Monsej
gneur le Cardinal DE FLEURY,
STANCE S.
Vos yeux ne pouvoient voir cet auguste visage
,
Peuples , qu'an sort privé retient loin de la
Cour ;
Un Art ingénieux vous en offre l'image :
Contentez vos regards, contentez votre amours
( 1 ) Il y en a d'Or , d'Argent et de Bronze ,
frapées par l'ordre de Monseigneur le Duc d'An-
1in. Cette Médaille porte le Buste de S. E. avec
cette Légende : Andrea Herculi de Fleury, S.R.E.
Cardinali , Primario Regina Elemosinario. Et au
revers les quatre Vertus Cardinales. La Prudence
tient un Miroir. La Justice , un Balance. La for-
1. Vel. Admirez
1
DECEMBRE . 1721. 2763
Admirez ce maintien doux , tranquile , me
deste ;
Contemplez de ce front la noble gravité ;
Ila je ne sçai-quoi d'aimable et de celeste ,
Qui tient l'oeil attentif , et le coeur enchant
Il consacre avec fruit ses veilles assidues
A la gloire du Prince , au bonheur des Sujets
L'Elite des Vertus icy - bas descenduës
L'accompagne , l'inspire , et guide ses projets.
Voïez-vous ce Miroir ? C'est - là que la PREZ
DENCE
Lui montre le chemin qui conduit au succès ,
Et THEMIS de concert lui montre sa Balance
Pour régler du Public les divers interêts,
*
La FORCE le soutient , par son secours fidelle
Cet HERCUL E nouveau du crime est la te£
reur ;
Il préserve nos Lys d'une Guerre cruelle ;
Du Démon des combats il calme la fureur,
ce , un Lyon sous ses pieds. La Tempérance , un
Mords de bride . Au milieu est un Globe , élevé
sur une Colonne , avec trois Fleurs de Lys , er
eette Légende : Virtutes Regni administra.Voicz
le Mercure d'Aoust 1731 .
1. Vol. Pra
2764 MERCURE DE FRANCE
Par sa voix chaque jour la douce TE-MIRANCE
Modere de LOUIS les sentimens guerriers ;
Et craignant de troubler le repos de la France ,
Szait préférer l'Olive à de sanglans Lauriers.
Sous les yeux de FLEURY , quel astre te
.peut nuire ?
François, que taGrandeur
est solide aujourd'hui
! L'Enfer voudroit envain ébranler un Empire
De qui la Vertu même est le Guide et l'appui.
Poursuis , heureux Génie ; ajoute à ce miracles
;
Jadis , Rome à ta gloire , eut dressé des Autels
Mais lorsque ta Vertu n'y mettra plus d'obstacles
,
La France te rendra des honneurs immortels.
Ce riche Monument , t'en est le doux présage.
A nos tendres désirs D'ANTIN s'est conformé ;
Fécond en grands desseins , il enfante l'ouvrage
Que mille voeux secrets avoient déja formé.
ΕΝΤΟΥ.
Ministre infatigable , et si cher à la France ,
Reçoi ce trait leger de ma Reconnoissance.
1. Vol.
Pardonne
DECEMBRE. 1731.
2763
Fardonne , si mon Chant , dont Toy scul
l'objet ,
Rabaisse la grandeur d'an si noble Sujet.
C'est payer foiblement les glorieux suffrages
Dont tu daignas trois fois honorer mes ou
vrages :
C'est payer foiblement ce Don trop généreux
Que m'adressa ta main , sans attendre mes voeux,
Oh ! si jamais le sort , au gré de mon envie
Tempére ses rigueurs , et prolonge ma vie!
Coulant mes heureux jours dans un docte loisir
[ Ciel tu m'en es témoin ) mon plus charmant
plaisir
Sera de célébrer aux yeux de la Province
Les Vertus du Ministre , et la Gloire du Prince
HEURTAULD , Prêtre , Pro
fesseur en l'Université de Caën.
frapée en l'honneur de S. E. Monsej
gneur le Cardinal DE FLEURY,
STANCE S.
Vos yeux ne pouvoient voir cet auguste visage
,
Peuples , qu'an sort privé retient loin de la
Cour ;
Un Art ingénieux vous en offre l'image :
Contentez vos regards, contentez votre amours
( 1 ) Il y en a d'Or , d'Argent et de Bronze ,
frapées par l'ordre de Monseigneur le Duc d'An-
1in. Cette Médaille porte le Buste de S. E. avec
cette Légende : Andrea Herculi de Fleury, S.R.E.
Cardinali , Primario Regina Elemosinario. Et au
revers les quatre Vertus Cardinales. La Prudence
tient un Miroir. La Justice , un Balance. La for-
1. Vel. Admirez
1
DECEMBRE . 1721. 2763
Admirez ce maintien doux , tranquile , me
deste ;
Contemplez de ce front la noble gravité ;
Ila je ne sçai-quoi d'aimable et de celeste ,
Qui tient l'oeil attentif , et le coeur enchant
Il consacre avec fruit ses veilles assidues
A la gloire du Prince , au bonheur des Sujets
L'Elite des Vertus icy - bas descenduës
L'accompagne , l'inspire , et guide ses projets.
Voïez-vous ce Miroir ? C'est - là que la PREZ
DENCE
Lui montre le chemin qui conduit au succès ,
Et THEMIS de concert lui montre sa Balance
Pour régler du Public les divers interêts,
*
La FORCE le soutient , par son secours fidelle
Cet HERCUL E nouveau du crime est la te£
reur ;
Il préserve nos Lys d'une Guerre cruelle ;
Du Démon des combats il calme la fureur,
ce , un Lyon sous ses pieds. La Tempérance , un
Mords de bride . Au milieu est un Globe , élevé
sur une Colonne , avec trois Fleurs de Lys , er
eette Légende : Virtutes Regni administra.Voicz
le Mercure d'Aoust 1731 .
1. Vol. Pra
2764 MERCURE DE FRANCE
Par sa voix chaque jour la douce TE-MIRANCE
Modere de LOUIS les sentimens guerriers ;
Et craignant de troubler le repos de la France ,
Szait préférer l'Olive à de sanglans Lauriers.
Sous les yeux de FLEURY , quel astre te
.peut nuire ?
François, que taGrandeur
est solide aujourd'hui
! L'Enfer voudroit envain ébranler un Empire
De qui la Vertu même est le Guide et l'appui.
Poursuis , heureux Génie ; ajoute à ce miracles
;
Jadis , Rome à ta gloire , eut dressé des Autels
Mais lorsque ta Vertu n'y mettra plus d'obstacles
,
La France te rendra des honneurs immortels.
Ce riche Monument , t'en est le doux présage.
A nos tendres désirs D'ANTIN s'est conformé ;
Fécond en grands desseins , il enfante l'ouvrage
Que mille voeux secrets avoient déja formé.
ΕΝΤΟΥ.
Ministre infatigable , et si cher à la France ,
Reçoi ce trait leger de ma Reconnoissance.
1. Vol.
Pardonne
DECEMBRE. 1731.
2763
Fardonne , si mon Chant , dont Toy scul
l'objet ,
Rabaisse la grandeur d'an si noble Sujet.
C'est payer foiblement les glorieux suffrages
Dont tu daignas trois fois honorer mes ou
vrages :
C'est payer foiblement ce Don trop généreux
Que m'adressa ta main , sans attendre mes voeux,
Oh ! si jamais le sort , au gré de mon envie
Tempére ses rigueurs , et prolonge ma vie!
Coulant mes heureux jours dans un docte loisir
[ Ciel tu m'en es témoin ) mon plus charmant
plaisir
Sera de célébrer aux yeux de la Province
Les Vertus du Ministre , et la Gloire du Prince
HEURTAULD , Prêtre , Pro
fesseur en l'Université de Caën.
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Résumé : EXPLICATION de la Médaille frapée en l'honneur de S. E. Monseigneur le Cardinal DE FLEURY, STANCES.
Le texte décrit une médaille frappée en l'honneur du Cardinal de Fleury, disponible en or, argent et bronze, commandée par le Duc d'Anjou. Au recto, elle présente le buste du Cardinal avec la légende 'Andrea Herculi de Fleury, S.R.E. Cardinali, Primario Regina Elemosinario'. Au verso, elle représente les quatre vertus cardinales : Prudence, Justice, Force et Tempérance, chacune symbolisée par un attribut spécifique. La légende au revers est 'Virtutes Regni administra'. Le texte met en avant les qualités du Cardinal, telles que son maintien doux et tranquille, sa noble gravité et son dévouement à la gloire du Prince et au bonheur des sujets. Les vertus guident ses projets et actions : la Prudence lui montre le chemin du succès, la Justice régule les intérêts publics, la Force le soutient contre le crime, et la Tempérance modère les sentiments guerriers du roi Louis. Enfin, le texte exprime reconnaissance et admiration envers le Duc d'Anjou pour la réalisation de cette médaille et envers les vertus et actions du Cardinal de Fleury.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 2765-2770
CAUSE singuliere. Extrait d'une Lettre écrite par un Avocat du Parlement de Paris, à un Avocat de Province.
Début :
Après avoir entendu d'Affaires et de Décisions sérieuses, il faut, [...]
Mots clefs :
Avocat, Divertissement, Loi, Recueil, Pâté, Procureur
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texteReconnaissance textuelle : CAUSE singuliere. Extrait d'une Lettre écrite par un Avocat du Parlement de Paris, à un Avocat de Province.
CAUSE singuliere. Extrait d'une Lettre
écrite par un Avocat du Parlement de
Paris,à un Avocat de Province.
A
Près vous avoir entretenu d'Affaires
et de Décisions sérieuses , il faut ,
mon cher Confrere , vous divertir un
peu , et ce divertissement , qui convient
1.Val
D asses
66 MERCURE DE FRANCE"
* ་
3.
assés au temps où nous sommes Vous
sera , je m'assure , d'autant plus agréable,
qu'il vous deviendra , en quelque façon ,
utile : il vous fournira une Loy en cette
matiere , digne de trouver une place dans
vôtre Recueil , et le Public aura sa part
dans cette utilité. Voici le fait:
>
On adressa sur la fin du mois d'Août
1730. par la voye du Coche d'Eau d'Au
xerre , un Pâté au Sr. Claude Babellot .
chez le Sr. Garnier Procureur en la
Cour. La Feüille en fut exactement char
gée. Le Coche arriva à Paris le Samedi 2 .
Septembre. Deux Femmes , Porteuses or
dinaires du Bureau , se saisissent , selon
leur coutume , de ce Pâté , ainsi que des
autres Paquets , et portent le Pâté chez
le Sr. Garnier , Procureur , conformé
ment à l'adresse. Soyez les bien-venues
répondit - on chez ce Procureur , apportez
toujours , M. Babellot est en Ville , si -tôt
qu'il sera de retour on le lui remettra
fidelement ; repassez demain , il déchar
gera votre Livre. Ainsi s'en vont les deux
Porteuses fort contentes ; mais voici l'encloueure.
Babellot Clerc ne demeuroit plus.
chez le Procureur Garnier depuis plus de
deux mois. Ce jeune homme ayant reçu
le même jour Samedi fort tard sa Lettre
I.Vola d'avis ,
DECEMBRE. 17310 2767
>
,
d'avis , alla le Dimanche dès la pointe du
jour au Bureau du Goche : ily demande
son Pâté , on lui raconte l'Histoire il
fait du bruit , les Porteuses courent chez
le Procureur , lequel d'accord avec la
Servante , dénie formellement la récep
tion : les Porteuses irritées du Procedê
tirent la Servante dans la rue , et à force
de coups de poings , &c. la forcent d'a-
Nouer la verité , en presence d'une nombreuse
assemblée que le vacarme avoit
attirée . Le Procureur, sans se déconcerter,
après avoir distribué quelque petit argent
aux Porteuses , les fit entrer chez lui , et
les engagea à se contenter d'une décharge
de la Servante , qui , par malheur , sçadécharge
qu'il dicta lui
même. De retour au Bureau , ces Femmes
montrerent au Sieur Babellot
pour toute
afson , leur Registre déchargé.
Voit écrire
Dès le lendemain lundy 4 Septembre ,
Demande de Babellot contre la Dame
Jeanne Hardouin , veuve Gauné , Fermiere
des Coches , en restitution du
Pâté. Dénonciation par celle- cy au Procureur
Garnier et à sa Servante. Sur ce
Plaidoirie de 4. Avocats , qui tint une
Hongue Audience au Bureau de la Ville ;
Chauveau pour Babellot , Lambert pour
Aa veuve Gauné , Fermiere des Coches
A. Valu Dij N
0768 MERCURE DE FRANCE
"
Nivelle pour Garnier , Procureur , et
Guerin des Girardieres pour la Servante :
Sur quoi Sentence contradictoire le 9 .
Septembre , qui ordonne que la Servante
sur laquelle le Procureur se déchargeoit
sera entendue.
Le 12 ,' après une autre Plaidoirie opi
niâtre des mêmes Avocats , Sentence dé
-finitive , qui , la Servante entenduë , et
-sur les conclusions du Procureur du Roi ,
condamne la veuve Gauné par corps ,
payer trente livres pour le Pâté , et aux
dépens envers le Sr. Babellot , et condamne
le Procureur et sa Servante soli
dairement par les mêmes voyes ,
quitter la veuve Gauné , et en tous les
dépens . liud
à ac-
Appel en la Cour de la part du Procureur
>
pour
et de la veuve Gauné. La Cause
portée à l'Audience de la Grand' Chambre
, après avoir entendu dans leurs Plaidoiries
Chauveau pour Babellot , Griffon
la Fermiere des Coches , et Paillet
des Brunieres pour Garnier , Procureur,
Arrêt contradictoire le 27 Juillet , prononcé
par M. le Premier Président , qui
confirme avec amande , condamne la
veuve Gauné en tous les dépens faits par
: le Sr. Babellot contre toutes les Parties ,
et le Procureur en tous ceux de ladite
AN I. Kol Gauné
1
DECEMBRE. 1731. 2769
Gauné , et à l'acquitter de cette condamnation.
Cet Arrêt fut rendu , Summo popu
lorum concursu er plausu. Un Plaisant qui
avoit suivi l'Affaire , soûtint que si ç'eût
été le Clerc qui eût mangé le Pâté du
Procureur , la chose étant assez dans les
regles , on auroit dû prononcer un hors
de Cour sans dépens ; mais un Procureur
qui mange le Pâté de son Clerc , est , ditil
, plus qu'amandable.
On ,
Au reste , ce petit Procez qui a donné
une espece de Comedie au Palais , n'est
pas , à ce qu'on assure , entierement terminé
, et on se promet d'en rire encore
après la S. Martin . Le Procureur a , ditformé
une tierce opposition à l'Arrêt
sous le nom de sa Servante , qui n'étoit
pas partie en cause d'Appel. S'il succombe
, comme cela est presque certain , il
en coutera bon au Procureur ; car dès
present tous les dépens ausquels il est -
condamné se montent à plus de cinq
cens livres .
à
›
De cet Arrêt deux conséquences à tirer
,et utiles pour le Public. La premiere
, que les Fermiers des Voitures publi
ques ne doivent rendre les Pacquets
qu'aux vrais Proprietaires , ou à personnes
envoyées de leur part , avec les Lettres
d'avis. La deuxième , que pour les
1. Vol. Diij fajes
1770 MERCURE DE FRANCE
faits civils , on est responsable de son
Domestique.
A Paris le 10 Septembre 1731
écrite par un Avocat du Parlement de
Paris,à un Avocat de Province.
A
Près vous avoir entretenu d'Affaires
et de Décisions sérieuses , il faut ,
mon cher Confrere , vous divertir un
peu , et ce divertissement , qui convient
1.Val
D asses
66 MERCURE DE FRANCE"
* ་
3.
assés au temps où nous sommes Vous
sera , je m'assure , d'autant plus agréable,
qu'il vous deviendra , en quelque façon ,
utile : il vous fournira une Loy en cette
matiere , digne de trouver une place dans
vôtre Recueil , et le Public aura sa part
dans cette utilité. Voici le fait:
>
On adressa sur la fin du mois d'Août
1730. par la voye du Coche d'Eau d'Au
xerre , un Pâté au Sr. Claude Babellot .
chez le Sr. Garnier Procureur en la
Cour. La Feüille en fut exactement char
gée. Le Coche arriva à Paris le Samedi 2 .
Septembre. Deux Femmes , Porteuses or
dinaires du Bureau , se saisissent , selon
leur coutume , de ce Pâté , ainsi que des
autres Paquets , et portent le Pâté chez
le Sr. Garnier , Procureur , conformé
ment à l'adresse. Soyez les bien-venues
répondit - on chez ce Procureur , apportez
toujours , M. Babellot est en Ville , si -tôt
qu'il sera de retour on le lui remettra
fidelement ; repassez demain , il déchar
gera votre Livre. Ainsi s'en vont les deux
Porteuses fort contentes ; mais voici l'encloueure.
Babellot Clerc ne demeuroit plus.
chez le Procureur Garnier depuis plus de
deux mois. Ce jeune homme ayant reçu
le même jour Samedi fort tard sa Lettre
I.Vola d'avis ,
DECEMBRE. 17310 2767
>
,
d'avis , alla le Dimanche dès la pointe du
jour au Bureau du Goche : ily demande
son Pâté , on lui raconte l'Histoire il
fait du bruit , les Porteuses courent chez
le Procureur , lequel d'accord avec la
Servante , dénie formellement la récep
tion : les Porteuses irritées du Procedê
tirent la Servante dans la rue , et à force
de coups de poings , &c. la forcent d'a-
Nouer la verité , en presence d'une nombreuse
assemblée que le vacarme avoit
attirée . Le Procureur, sans se déconcerter,
après avoir distribué quelque petit argent
aux Porteuses , les fit entrer chez lui , et
les engagea à se contenter d'une décharge
de la Servante , qui , par malheur , sçadécharge
qu'il dicta lui
même. De retour au Bureau , ces Femmes
montrerent au Sieur Babellot
pour toute
afson , leur Registre déchargé.
Voit écrire
Dès le lendemain lundy 4 Septembre ,
Demande de Babellot contre la Dame
Jeanne Hardouin , veuve Gauné , Fermiere
des Coches , en restitution du
Pâté. Dénonciation par celle- cy au Procureur
Garnier et à sa Servante. Sur ce
Plaidoirie de 4. Avocats , qui tint une
Hongue Audience au Bureau de la Ville ;
Chauveau pour Babellot , Lambert pour
Aa veuve Gauné , Fermiere des Coches
A. Valu Dij N
0768 MERCURE DE FRANCE
"
Nivelle pour Garnier , Procureur , et
Guerin des Girardieres pour la Servante :
Sur quoi Sentence contradictoire le 9 .
Septembre , qui ordonne que la Servante
sur laquelle le Procureur se déchargeoit
sera entendue.
Le 12 ,' après une autre Plaidoirie opi
niâtre des mêmes Avocats , Sentence dé
-finitive , qui , la Servante entenduë , et
-sur les conclusions du Procureur du Roi ,
condamne la veuve Gauné par corps ,
payer trente livres pour le Pâté , et aux
dépens envers le Sr. Babellot , et condamne
le Procureur et sa Servante soli
dairement par les mêmes voyes ,
quitter la veuve Gauné , et en tous les
dépens . liud
à ac-
Appel en la Cour de la part du Procureur
>
pour
et de la veuve Gauné. La Cause
portée à l'Audience de la Grand' Chambre
, après avoir entendu dans leurs Plaidoiries
Chauveau pour Babellot , Griffon
la Fermiere des Coches , et Paillet
des Brunieres pour Garnier , Procureur,
Arrêt contradictoire le 27 Juillet , prononcé
par M. le Premier Président , qui
confirme avec amande , condamne la
veuve Gauné en tous les dépens faits par
: le Sr. Babellot contre toutes les Parties ,
et le Procureur en tous ceux de ladite
AN I. Kol Gauné
1
DECEMBRE. 1731. 2769
Gauné , et à l'acquitter de cette condamnation.
Cet Arrêt fut rendu , Summo popu
lorum concursu er plausu. Un Plaisant qui
avoit suivi l'Affaire , soûtint que si ç'eût
été le Clerc qui eût mangé le Pâté du
Procureur , la chose étant assez dans les
regles , on auroit dû prononcer un hors
de Cour sans dépens ; mais un Procureur
qui mange le Pâté de son Clerc , est , ditil
, plus qu'amandable.
On ,
Au reste , ce petit Procez qui a donné
une espece de Comedie au Palais , n'est
pas , à ce qu'on assure , entierement terminé
, et on se promet d'en rire encore
après la S. Martin . Le Procureur a , ditformé
une tierce opposition à l'Arrêt
sous le nom de sa Servante , qui n'étoit
pas partie en cause d'Appel. S'il succombe
, comme cela est presque certain , il
en coutera bon au Procureur ; car dès
present tous les dépens ausquels il est -
condamné se montent à plus de cinq
cens livres .
à
›
De cet Arrêt deux conséquences à tirer
,et utiles pour le Public. La premiere
, que les Fermiers des Voitures publi
ques ne doivent rendre les Pacquets
qu'aux vrais Proprietaires , ou à personnes
envoyées de leur part , avec les Lettres
d'avis. La deuxième , que pour les
1. Vol. Diij fajes
1770 MERCURE DE FRANCE
faits civils , on est responsable de son
Domestique.
A Paris le 10 Septembre 1731
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Résumé : CAUSE singuliere. Extrait d'une Lettre écrite par un Avocat du Parlement de Paris, à un Avocat de Province.
En 1730, une affaire judiciaire impliquant un pâté destiné à Claude Babellot, un clerc, a été relatée dans une lettre d'un avocat du Parlement de Paris à un avocat de province. Le pâté, destiné à Babellot, a été livré par erreur chez le procureur Garnier, où Babellot ne résidait plus depuis deux mois. Les porteuses du pâté ont informé Babellot qu'il recevrait le colis à son retour. Cependant, Babellot a réclamé son pâté au bureau du coche, mais les porteuses et le procureur Garnier ont nié avoir reçu le colis. Une altercation a suivi, au cours de laquelle la servante du procureur a été forcée d'avouer la vérité. Babellot a alors intenté une action en justice contre la veuve Gauné, fermière des coches, pour restitution du pâté. Après plusieurs audiences et plaidoiries, la veuve Gauné a été condamnée à payer trente livres pour le pâté et à couvrir les dépens. Le procureur Garnier et sa servante ont également été condamnés à acquitter la veuve Gauné de ses dépens. Le procureur Garnier a fait appel, mais l'arrêt a été confirmé par la Cour. Cette affaire a mis en lumière deux principes juridiques : les fermiers des voitures publiques doivent rendre les paquets uniquement aux véritables propriétaires ou à des personnes mandatées, et les individus sont responsables des actes de leurs domestiques dans les affaires civiles.
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11
p. 2770-2773
TRIOMPHE DE PLUTUS. ODE.
Début :
C'est vainement que sur la terre, [...]
Mots clefs :
Plutus, Triomphe, Jupiter, Brillante folie, Adulateurs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TRIOMPHE DE PLUTUS. ODE.
TRIOMPHE DE PLUTUS
O DE.
C'Est vainement que sur la terre
Jupiter , pour être adoré ,.
Tu fais entendre le Tonnerre
Tu n'en es pas plus réveré .
En vain tes rédoutables Freres
Arment contre des témeraires ,
Et les flots , et les sombres bords
L'homme brave votre puissance ,
Et n'implore que l'assistance
Du Dieu qui préside aux trésors.
Que Mars , pour tout remplir d'allarmes] .
Marche environné de Soldats.
Rien n'est plus foible que ses armes ,
Si Plutus ne les soutient pas.
Minerve , autrefois honorée ,
Est maintenant presqu'ignorée.
DECEMBRE 1731. 2778
Er voir ses Temples renversés.
Rome naissante , tes grands Hommes
Ne seroient au siécle où nous sommes
Que de celebres- insensés .
Qu'on dise que , pour la Patrie ,
Leur amour toujours indompté ,
Leur faisait immoler leur vie ,
Leurs enfans et leur liberté.
Antiques Héros d'Italie ,
Comme une brillante folie ,
Nous regardons vos plus hauts faits :
L'interêt de la République
N'est plus qu'un être chimerique ,
Qui n'excite point nós souhaits,
A ce Récit , fameuses ombres ,
De qui Plutus fut abhorré ,
Repassez les Rivages sombres ,
Pour voir comme il est adoré .
'Accourés , mais pour des prestiges
Ne prenés pas les grands prodiges
Qu'il fait éclatér à nos yeux.
Voyés comment , par sa puissance ,
Des gens sans vertu , sans naissance ,'
Sont devenus des demi-Dieux.
1. Vol
D iiij
ans
1
2772 MERCURE DE FRANCE
Dans les honneurs , dans les délices.
D'Adulateurs environnés ,
Ils triomphent sous ses auspices ;
Ils n'ont que des jours fortunés.
L'industrie en secrets féconde ,
Des fleuves fait remonter Ponde
Sur les monts qu'ils ont enrichiss
Toujours Bacchus , Flore et Pomone
Chez eux du Printemps , de l'Automne
Offrent les dons les plus exquis.
En leur faveur , Dieu des richesses ;
Que ne fais-tu pas en ce temps ?
Sans mérite , par tes largesses ,
Ils s'élevent aux plus hauts rangs .
* Si Themis contre eux prend les armes ;
Dès qu'ils sentent quelques allarmes ,
Tu sçais les mettre en sûreté.
Que peut leur faire sa vangeance ?
Quand tu veux , on voit sa balance
Prête à pancher de ton côté.
Qu'aux Mortels , le Dieu de Cyther
Ne vante plus ses traits vainqueurs ;
Plutus habile en l'art de plaire ,
Mieux que lui triomphe des coeurs
a. Vol.
Pow
DECEMBRE 1731. 2773.
Pour les allier , la Noblesse ,
L'Esprit , la beauté , la sagesse
Ne déterminent plus le choix :
Il est seul l'Arbitre suprême .
Et jusqu'auprès du Diadême ,
L'Hymen est soumis à ses loiz.
Vainement la stoïque Ecole
Condamne ses adorateurs ;
Chez nous sa morale frivole
Ne trouve plus de Sénateurs.
Quelle erreur de penser qu'Astrée ,
De chez les humains retirée ,
Puisse encore les rendre heureux ?
Ce Dieu qui la fit disparoître ,
Est le seul par qui l'on voit naître
Des siécles dignes de leurs voeux.
Par M. de Monfort l'Amaury.
O DE.
C'Est vainement que sur la terre
Jupiter , pour être adoré ,.
Tu fais entendre le Tonnerre
Tu n'en es pas plus réveré .
En vain tes rédoutables Freres
Arment contre des témeraires ,
Et les flots , et les sombres bords
L'homme brave votre puissance ,
Et n'implore que l'assistance
Du Dieu qui préside aux trésors.
Que Mars , pour tout remplir d'allarmes] .
Marche environné de Soldats.
Rien n'est plus foible que ses armes ,
Si Plutus ne les soutient pas.
Minerve , autrefois honorée ,
Est maintenant presqu'ignorée.
DECEMBRE 1731. 2778
Er voir ses Temples renversés.
Rome naissante , tes grands Hommes
Ne seroient au siécle où nous sommes
Que de celebres- insensés .
Qu'on dise que , pour la Patrie ,
Leur amour toujours indompté ,
Leur faisait immoler leur vie ,
Leurs enfans et leur liberté.
Antiques Héros d'Italie ,
Comme une brillante folie ,
Nous regardons vos plus hauts faits :
L'interêt de la République
N'est plus qu'un être chimerique ,
Qui n'excite point nós souhaits,
A ce Récit , fameuses ombres ,
De qui Plutus fut abhorré ,
Repassez les Rivages sombres ,
Pour voir comme il est adoré .
'Accourés , mais pour des prestiges
Ne prenés pas les grands prodiges
Qu'il fait éclatér à nos yeux.
Voyés comment , par sa puissance ,
Des gens sans vertu , sans naissance ,'
Sont devenus des demi-Dieux.
1. Vol
D iiij
ans
1
2772 MERCURE DE FRANCE
Dans les honneurs , dans les délices.
D'Adulateurs environnés ,
Ils triomphent sous ses auspices ;
Ils n'ont que des jours fortunés.
L'industrie en secrets féconde ,
Des fleuves fait remonter Ponde
Sur les monts qu'ils ont enrichiss
Toujours Bacchus , Flore et Pomone
Chez eux du Printemps , de l'Automne
Offrent les dons les plus exquis.
En leur faveur , Dieu des richesses ;
Que ne fais-tu pas en ce temps ?
Sans mérite , par tes largesses ,
Ils s'élevent aux plus hauts rangs .
* Si Themis contre eux prend les armes ;
Dès qu'ils sentent quelques allarmes ,
Tu sçais les mettre en sûreté.
Que peut leur faire sa vangeance ?
Quand tu veux , on voit sa balance
Prête à pancher de ton côté.
Qu'aux Mortels , le Dieu de Cyther
Ne vante plus ses traits vainqueurs ;
Plutus habile en l'art de plaire ,
Mieux que lui triomphe des coeurs
a. Vol.
Pow
DECEMBRE 1731. 2773.
Pour les allier , la Noblesse ,
L'Esprit , la beauté , la sagesse
Ne déterminent plus le choix :
Il est seul l'Arbitre suprême .
Et jusqu'auprès du Diadême ,
L'Hymen est soumis à ses loiz.
Vainement la stoïque Ecole
Condamne ses adorateurs ;
Chez nous sa morale frivole
Ne trouve plus de Sénateurs.
Quelle erreur de penser qu'Astrée ,
De chez les humains retirée ,
Puisse encore les rendre heureux ?
Ce Dieu qui la fit disparoître ,
Est le seul par qui l'on voit naître
Des siécles dignes de leurs voeux.
Par M. de Monfort l'Amaury.
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Résumé : TRIOMPHE DE PLUTUS. ODE.
Le texte 'Triumphes de Plutus' souligne la domination du dieu Plutus, associé à la richesse, sur les autres divinités et les valeurs traditionnelles. Jupiter, Mars et Minerve apparaissent impuissants face à la puissance de Plutus, qui soutient les armes et assure la prospérité. Les anciens héros de Rome et d'Italie sont perçus comme des insensés dans le contexte actuel, où l'amour pour la patrie est devenu illusoire. Plutus permet à des individus sans vertu ni naissance d'accéder à des positions élevées et de jouir de jours fortunés. L'industrie et les dieux des récoltes (Bacchus, Flore, Pomone) offrent leurs dons à ceux que Plutus favorise. Même la justice (Themis) et l'amour (le dieu de Cyther) sont subordonnés à Plutus, qui détermine les alliances et les mariages, y compris ceux proches du pouvoir royal. La morale stoïque est rejetée, et Plutus est vu comme le seul capable de créer des époques dignes des aspirations humaines. Le texte est signé par M. de Monfort l'Amaury et date de décembre 1731.
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12
p. 2773-2780
NOUVELLE Machine pour la saignée du pied, inventée par M. Bourgeois Me. Chirurgien d'Auxerre.
Début :
La Saignée du pied étant aujourd'hui aussi commune que celle du bras, [...]
Mots clefs :
Machine, Saignée du pied, Chirurgien, Ligature, Veine, Tibia, Tendon d'Achille, Ivoire, Soie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : NOUVELLE Machine pour la saignée du pied, inventée par M. Bourgeois Me. Chirurgien d'Auxerre.
NOUVELLE Machine pour la saignée
du pied , inventée par M. Bourgeois
Me. Chirurgien d'Auxerre.
L
A Saignée du pied étant aujourd'hui
aussi commune que celle du bras ,
nous devons faire nos efforts pour les
I. Vol.
Dv rendre
2774 MERCURE DE FRANCE
rendre aussi aisées à pratiquer l'une que:
l'autre tout le monde convient que la
Ligature que l'on employe ordinairement
pour faire les saignées du pied , n'est pas
suffisante pour faire enfler les veines qui:
sont au- dessous des Maleolles , ni pour
faire jaillir le sang quand quelques- unes
de ces veines sont ouvertes , parce que
se trouvant posée sur une espece de triangle
, formé par le Tibia , le Tibia , le Peroné et le
tendon d'Achile , le milieu de la Ligature
n'apuyant pas assez sur les faces du triangle
, les veines qui y passent n'en sont
point ou très- peu comprimées ; et c'est
ce qui a fait employer l'eau chaude
procurer la plenitude et la tention des
veines , afin d'en faciliter l'ouverture ;
mais comme elle n'empêche pas le sang
venal de passer par dessous la Ligature
pour continuer sa route vers le coeur
nous avons le chagrin de voir le sang
s'arrêter , et d'être obligés de réiterer la
piquûre cette disgrace m'a déterminé à
construire , il y a environ quatre ans ,
une petite machine dans le goût du tourniquet
de Mr. Petit , qui paroit remplir
toutes ces indications.
:
pour
3
1º, Elle comprime beaucoup , et sans
douleur , ce qui fait qu'on sent la veine
avec le doigt comme unecorde très- dure ,
I. Vol. quoi
DECEMBRE . 1731 2775
quoique profonde , ce qui est un grand
avantage dans cette operation. 2 ° . Le
point de compression étant diametralement
opposé à la vis , on est maître de le
faire précisément dans l'endroit où passent
les veines. 39. Enfin on peut serrer
et déserrer la Ligature sans remuer le
pied , et sans déranger les ouvertures de
la veine et de la peau du Parallele , ou
niveau qu'elles avoient , ce qui arrive
au moindre mouvement du pied , à cause
que les veines y sont roulantes. Voicy
comme cette machine est construite .
que
Elle est composée de trois pieces d'Ivoire
, et d'une Ligature de Soye ; l'I
voire convient mieux que le Bois , parce
le Bois s'enflant dans l'eau , la vis
ne pourroit plus tourner dans son Ecrou..
La premiere piece est la lame externe
ou superieuré. Elle est convexe exterieurement
, et concave dans sa face interne ,
de même que la lame inferieure pour s'accommoder
à la figure de la partie où elle
s'applique cette lame peut avoir dixhuit
lignes de longueur sur douze de
largeur , et pour l'épaisseur , deux lignes
sur les bords , et quatre dans le milieu
par rapport à l'Ecrou de la vis ; elle est
armée dans sa face convexe de quatre
cloux , dont les pointes en grains d'orge
Dvj sont
I. Vol.
:
2776 MERCURE DE FRANCE
sont retournées du côté de la vis , ils
servent à arrêter les chefs de la Ligature
sur cette lame ; on y pratique encore
deux trous aux parties moyennes laterales
, à une ligne ou une ligne et demie
près du rebord , un de chaque côté , dans
lesquels glissent les deux piliers ou colomnes
dont je vais parler. Ces colomnes
doivent avoir environ un pouce de longneur
, et être rivées sur l'Ivoire , tant
dans la face interne de la lame inferieure ,
que
dans la face externe de cette même
lame afin qu'elles soient absolument
fixes. On pratique à la partie superieure
de chaque colomne une tête ou rivûre
de peur que la lame superieure ne sorte
de ces piliers. Remarquez que pour la
propreté , les deux piliers aussi- bien
que les quatre cloux , doivent être d'ar
gent , ou du moins de cuivre , parceque
le fer est sujet à la rouille .
›
La seconde piece est la lame inférieure :
Elle est aussi large que la superieure ,
mais moins longue par une raison que la
pratique m'a fait appercevoir , qui étoit
que la peau du malade se trouvoit pincée
entre les bouts de cette lame et la Ligature
, et on n'a pas pû sauver cet incons
venient au malade , qu'en rendant cette
piece plus courte que la supérieure de
I. Vol. deux
DECEMBRE 1731 2777
deux lignes sur chaque bout au moins
ou bien en faisant faire à la Ligature deux
tours autour de la jambe. On creuse une
petite fosse dans la partie moyenne de la
face convexé de cette seconde lame , qui
loge le bout de la vis , ce qui l'empêche
de sortir de la ligne perpendiculaire.
La troisiéme piece d'Ivoire de cette
machine est la vis qui doit être bien proportionnée
à l'Ecrou de la piece superieure
, parce qu'elle n'y doit être ni
trop lâche ni trop serrée.
C'est un principe de méchanique , que
plus les pas d'une vis sont couchez , et
près les uns des autres , moins il faut de
force pour faire mouvoir,et plus les mouvemens
en sont doux ; ce qui est un
grand avantage dans cette occasion , à
cause qu'on est obligé quelquefois de serrer
beaucoup pour faire faire à la veine
une bonne réponse au doigt du Ghirurgien
, et le Malade ne s'apperçoit presque
pas de cette compression , parce que les
pas de la vis sont comme nous venons
de le dire , près les uns des autres. La
figure de cette vis , par le bout de sa
pincée , est , à peu près , semblable aux
chevilles d'an Violon ; j'appelle pincée
l'extrêmité l'on tient avec le pouce ,
et l'indicateur quand on la tourne ; le
I. Vol.
que
>
reste
2778 MERCURE DE FRANCE
reste est un cylindre qui doit avoir la
même grosseur dans toute sa longueur ,
autour duquel on pratique les
une filiere..
pas
dans
Les deux lames ne doivent s'éloigner
F'une de l'autre , par le moyen de la vis ,
que de neuf à dix lignes au plus ; cette
distance étant suffisante pour faire une
forte compression ; c'est pourquoi la vis
ne doit avoir que la même longueur , et
être bien proportionnée à la hauteur des
piliers , par rapport à leurs rivûres supericures.
Enfin , la derniere piece essentielle à
cette machine , est la Ligature qui doit
être tissuë de grosse soye , composée de
fils longitudinaux , et d'un transversal
comme aux rubans ordinaires , mais plus
lâche et moins serrée afin que les
cloux puissent entrer sans beaucoup de
résistance ; sa longueur doit être d'un
pied et demi sur dix lignes de largeur..
Remarquez encore que l'on peut faire
cette Ligature d'un seul tour ; mais com→
me elle laisse du vuide par où le sang
venal peut s'échaper , il vaut mieux lui
faire faire deux tours en là passant entre
les deux lames , croisant les deux chefs
pour les attacher aux cloux de la lame
superieure , et on évitera par là de pin-
1. Vol. cer
1
DECEMBRE. 1731. 2779
cet la peau , comme nous l'avons dit.
Cette Ligature , armée de son tourni--
quet , n'est point embarassante dans son
application , puisqu'il n'y a qu'à faire:
entrer les cloux dans la Ligature , ce qui
est aussi-tôt fait qu'un neud coulant.
ود
J'aurois pû me dispenser de faire cette
description , puisque M. de Garangeot
Démonstrateur Royal , en a fait la démonstration
dans deux leçons publiques
à S. Côme, au mois de Juin dernier ; mais
on m'a voulu persuader qu'une déscription
rendue publique pourroit donner
l'idée à plusieurs Chirurgiens répandus :
dans les Provinces , d'en faire de pareils ,.
et de s'en servir , non-seulement pour
les saignées du pied , mais encore dans de
certains cas qui n'arrivent que trop sou
vent aux saignées du bras , je veux dire
dans l'anévrisme faux , qui est l'ouverture
de l'artere brachiale , accident quelquefois
très-funeste aux Chirurgiens et
aux Malades.
Lorsque ce malheur arrive à celui qui
auroit sur lui cette machine toute prête
il n'auroit qu'à l'appliquer dans l'instant ,
observant de mettre un morceau de
pa
pier mâché au- dessus de l'ouverture pour
faire le point de compression précisement
sur le corps du vaisseau ouvert , ce qui
-I. Vol. n'em2780
MERCURE DE FRANCE
n'empêcheroit pas les vaisseaux collateraux
de porter le sang arteriel dans l'avant-
bras et dans la main , ni aux veines
de remonter , à cause du vuide que laisse
la Ligature, quand elle ne fait qu'un tour.
du pied , inventée par M. Bourgeois
Me. Chirurgien d'Auxerre.
L
A Saignée du pied étant aujourd'hui
aussi commune que celle du bras ,
nous devons faire nos efforts pour les
I. Vol.
Dv rendre
2774 MERCURE DE FRANCE
rendre aussi aisées à pratiquer l'une que:
l'autre tout le monde convient que la
Ligature que l'on employe ordinairement
pour faire les saignées du pied , n'est pas
suffisante pour faire enfler les veines qui:
sont au- dessous des Maleolles , ni pour
faire jaillir le sang quand quelques- unes
de ces veines sont ouvertes , parce que
se trouvant posée sur une espece de triangle
, formé par le Tibia , le Tibia , le Peroné et le
tendon d'Achile , le milieu de la Ligature
n'apuyant pas assez sur les faces du triangle
, les veines qui y passent n'en sont
point ou très- peu comprimées ; et c'est
ce qui a fait employer l'eau chaude
procurer la plenitude et la tention des
veines , afin d'en faciliter l'ouverture ;
mais comme elle n'empêche pas le sang
venal de passer par dessous la Ligature
pour continuer sa route vers le coeur
nous avons le chagrin de voir le sang
s'arrêter , et d'être obligés de réiterer la
piquûre cette disgrace m'a déterminé à
construire , il y a environ quatre ans ,
une petite machine dans le goût du tourniquet
de Mr. Petit , qui paroit remplir
toutes ces indications.
:
pour
3
1º, Elle comprime beaucoup , et sans
douleur , ce qui fait qu'on sent la veine
avec le doigt comme unecorde très- dure ,
I. Vol. quoi
DECEMBRE . 1731 2775
quoique profonde , ce qui est un grand
avantage dans cette operation. 2 ° . Le
point de compression étant diametralement
opposé à la vis , on est maître de le
faire précisément dans l'endroit où passent
les veines. 39. Enfin on peut serrer
et déserrer la Ligature sans remuer le
pied , et sans déranger les ouvertures de
la veine et de la peau du Parallele , ou
niveau qu'elles avoient , ce qui arrive
au moindre mouvement du pied , à cause
que les veines y sont roulantes. Voicy
comme cette machine est construite .
que
Elle est composée de trois pieces d'Ivoire
, et d'une Ligature de Soye ; l'I
voire convient mieux que le Bois , parce
le Bois s'enflant dans l'eau , la vis
ne pourroit plus tourner dans son Ecrou..
La premiere piece est la lame externe
ou superieuré. Elle est convexe exterieurement
, et concave dans sa face interne ,
de même que la lame inferieure pour s'accommoder
à la figure de la partie où elle
s'applique cette lame peut avoir dixhuit
lignes de longueur sur douze de
largeur , et pour l'épaisseur , deux lignes
sur les bords , et quatre dans le milieu
par rapport à l'Ecrou de la vis ; elle est
armée dans sa face convexe de quatre
cloux , dont les pointes en grains d'orge
Dvj sont
I. Vol.
:
2776 MERCURE DE FRANCE
sont retournées du côté de la vis , ils
servent à arrêter les chefs de la Ligature
sur cette lame ; on y pratique encore
deux trous aux parties moyennes laterales
, à une ligne ou une ligne et demie
près du rebord , un de chaque côté , dans
lesquels glissent les deux piliers ou colomnes
dont je vais parler. Ces colomnes
doivent avoir environ un pouce de longneur
, et être rivées sur l'Ivoire , tant
dans la face interne de la lame inferieure ,
que
dans la face externe de cette même
lame afin qu'elles soient absolument
fixes. On pratique à la partie superieure
de chaque colomne une tête ou rivûre
de peur que la lame superieure ne sorte
de ces piliers. Remarquez que pour la
propreté , les deux piliers aussi- bien
que les quatre cloux , doivent être d'ar
gent , ou du moins de cuivre , parceque
le fer est sujet à la rouille .
›
La seconde piece est la lame inférieure :
Elle est aussi large que la superieure ,
mais moins longue par une raison que la
pratique m'a fait appercevoir , qui étoit
que la peau du malade se trouvoit pincée
entre les bouts de cette lame et la Ligature
, et on n'a pas pû sauver cet incons
venient au malade , qu'en rendant cette
piece plus courte que la supérieure de
I. Vol. deux
DECEMBRE 1731 2777
deux lignes sur chaque bout au moins
ou bien en faisant faire à la Ligature deux
tours autour de la jambe. On creuse une
petite fosse dans la partie moyenne de la
face convexé de cette seconde lame , qui
loge le bout de la vis , ce qui l'empêche
de sortir de la ligne perpendiculaire.
La troisiéme piece d'Ivoire de cette
machine est la vis qui doit être bien proportionnée
à l'Ecrou de la piece superieure
, parce qu'elle n'y doit être ni
trop lâche ni trop serrée.
C'est un principe de méchanique , que
plus les pas d'une vis sont couchez , et
près les uns des autres , moins il faut de
force pour faire mouvoir,et plus les mouvemens
en sont doux ; ce qui est un
grand avantage dans cette occasion , à
cause qu'on est obligé quelquefois de serrer
beaucoup pour faire faire à la veine
une bonne réponse au doigt du Ghirurgien
, et le Malade ne s'apperçoit presque
pas de cette compression , parce que les
pas de la vis sont comme nous venons
de le dire , près les uns des autres. La
figure de cette vis , par le bout de sa
pincée , est , à peu près , semblable aux
chevilles d'an Violon ; j'appelle pincée
l'extrêmité l'on tient avec le pouce ,
et l'indicateur quand on la tourne ; le
I. Vol.
que
>
reste
2778 MERCURE DE FRANCE
reste est un cylindre qui doit avoir la
même grosseur dans toute sa longueur ,
autour duquel on pratique les
une filiere..
pas
dans
Les deux lames ne doivent s'éloigner
F'une de l'autre , par le moyen de la vis ,
que de neuf à dix lignes au plus ; cette
distance étant suffisante pour faire une
forte compression ; c'est pourquoi la vis
ne doit avoir que la même longueur , et
être bien proportionnée à la hauteur des
piliers , par rapport à leurs rivûres supericures.
Enfin , la derniere piece essentielle à
cette machine , est la Ligature qui doit
être tissuë de grosse soye , composée de
fils longitudinaux , et d'un transversal
comme aux rubans ordinaires , mais plus
lâche et moins serrée afin que les
cloux puissent entrer sans beaucoup de
résistance ; sa longueur doit être d'un
pied et demi sur dix lignes de largeur..
Remarquez encore que l'on peut faire
cette Ligature d'un seul tour ; mais com→
me elle laisse du vuide par où le sang
venal peut s'échaper , il vaut mieux lui
faire faire deux tours en là passant entre
les deux lames , croisant les deux chefs
pour les attacher aux cloux de la lame
superieure , et on évitera par là de pin-
1. Vol. cer
1
DECEMBRE. 1731. 2779
cet la peau , comme nous l'avons dit.
Cette Ligature , armée de son tourni--
quet , n'est point embarassante dans son
application , puisqu'il n'y a qu'à faire:
entrer les cloux dans la Ligature , ce qui
est aussi-tôt fait qu'un neud coulant.
ود
J'aurois pû me dispenser de faire cette
description , puisque M. de Garangeot
Démonstrateur Royal , en a fait la démonstration
dans deux leçons publiques
à S. Côme, au mois de Juin dernier ; mais
on m'a voulu persuader qu'une déscription
rendue publique pourroit donner
l'idée à plusieurs Chirurgiens répandus :
dans les Provinces , d'en faire de pareils ,.
et de s'en servir , non-seulement pour
les saignées du pied , mais encore dans de
certains cas qui n'arrivent que trop sou
vent aux saignées du bras , je veux dire
dans l'anévrisme faux , qui est l'ouverture
de l'artere brachiale , accident quelquefois
très-funeste aux Chirurgiens et
aux Malades.
Lorsque ce malheur arrive à celui qui
auroit sur lui cette machine toute prête
il n'auroit qu'à l'appliquer dans l'instant ,
observant de mettre un morceau de
pa
pier mâché au- dessus de l'ouverture pour
faire le point de compression précisement
sur le corps du vaisseau ouvert , ce qui
-I. Vol. n'em2780
MERCURE DE FRANCE
n'empêcheroit pas les vaisseaux collateraux
de porter le sang arteriel dans l'avant-
bras et dans la main , ni aux veines
de remonter , à cause du vuide que laisse
la Ligature, quand elle ne fait qu'un tour.
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Résumé : NOUVELLE Machine pour la saignée du pied, inventée par M. Bourgeois Me. Chirurgien d'Auxerre.
Le texte décrit une nouvelle machine pour la saignée du pied, inventée par M. Bourgeois, chirurgien à Auxerre. La saignée du pied étant devenue aussi courante que celle du bras, M. Bourgeois a cherché à améliorer cette pratique. Il critique la ligature traditionnelle, jugée insuffisante pour comprimer les veines sous les malléoles et faire jaillir le sang. Pour résoudre ce problème, il a conçu une machine inspirée du tourniquet de M. Petit. Cette machine est composée de trois pièces d'ivoire et d'une ligature de soie. Elle permet de comprimer les veines sans douleur, de localiser précisément le point de compression et de serrer ou desserrer la ligature sans bouger le pied. La machine est détaillée : la lame supérieure est convexe extérieurement et concave intérieurement, armée de clous pour fixer la ligature. La lame inférieure est légèrement plus courte pour éviter de pincer la peau. La vis, proportionnée à l'écrou, permet un serrage doux et efficace. La ligature, en soie, est passée entre les lames et fixée par les clous. M. Bourgeois mentionne également que cette machine peut être utilisée pour traiter l'anévrisme faux, une ouverture de l'artère brachiale. Dans ce cas, un morceau de pain mâché est appliqué sur l'ouverture pour comprimer précisément le vaisseau.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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13
p. 2780-2783
LA COQUETTE, CANTATE. Mise en Musique par M. Clerambault ; Organiste de S. Sulpice.
Début :
Dans un miroir flatteur consultant ses attraits, [...]
Mots clefs :
Coquette, Miroir, Chimère, Jaloux, Courroux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA COQUETTE, CANTATE. Mise en Musique par M. Clerambault ; Organiste de S. Sulpice.
LA COQUETTE,
CANTAT E.
'Mise en Musique par M. Clerambault ;
Organiste de S. Sulpice.
DANSAns un miroir flateur consultant ses attraits,
Dorine , artistement parée ,
Croyoit avoir de Cytherée ,
Get éclat que les ans ne ternissent jamais
Illusion ! vaine chimere !
De la volage Deïté ,
Elle a toute l'humeur et rien de la beauté
Que l'amour progre lui suggere,
Venez admirer mès appas ;
Jeunes coeurs , volez sur mes pas :
Une autre Venus vous appelle,
Sans vous , sans les heureux momens ;
Que produit une Cour d'Amans ,
Que me serviroit d'être belle
1. Vol
D'un
DECEMBRE. 1737. 278€
D'un Alcide vif et jaloux ,
J'ai l'Art d'appaiser le couroux ,
Par un souris de préference ;
It d'ua Adonis languissant ,
Je sçai d'un coup d'oeil caressant
Flater la timide esperance.
De Dorine en ces mots se dévoile le coeut j
Quand Lisandre jaloux de fixer l'inconstante
L'aborde contre son attente ,
>
lui déclare ainsi son amoureuse ardeur. -
D'un Amant qui cherche à vous plaire .
Dorine , recevez les voeux ;
Pour la Déesse de Cythere ,
Mars n'eut jamais un coeur plus amoureux,
Des Adorateurs que vous faites ,
Ilne troublera point la Cour.
Partagez leur vos amourettes ;
Mais à lui seul accordez votre amour.
Il dit sous les dehors de la délicatesse ,
Dorine assez long- temps scut contraindre
feux :
Enfin l'Amant devint heureux;
Les mêmes soins alors et la même tendresse ;
J. Vola
Sent
4781 MERCURE DE FRANCE
Sembloient les animer tous deux ;
Mais l'Amante bien-tôt se lafla de ses noeuds,
Qui peut d'une Coquette attendre un coeur fidele
L'esprit et la discretion ,
Ont de foibles attraits pour elle ;
Lisandre se douta d'une intrigue nouvelle
Et n'eut qu'un pas à faire à la conviction,
La Coquette vole sans cesse ,
Où l'appelle la nouveauté.
L'instant même de sa tendresse
N'est pas sans infidelité.
Jamais la jalousie,
Ne réveille ses desirs ;
Sans effort elle oublie
Amans, faveurs, et plaisirs
Sa fiere indifference ,
N'est qu'une bienseance
Que dément sa passion ;
Trouvez-la dans le silence ,
Bien-tôt elle vous dispense .
Della déclaration.
Telle est une Enigme ambiguë ::
Elle amuse notre loisir
Vol Mais
DECEMBRE 1731 2782
Mais souvent lorsqu'elle est connuë ,,
Le dégout succede au plaisir.
P. F. M ***** de Blois:
CANTAT E.
'Mise en Musique par M. Clerambault ;
Organiste de S. Sulpice.
DANSAns un miroir flateur consultant ses attraits,
Dorine , artistement parée ,
Croyoit avoir de Cytherée ,
Get éclat que les ans ne ternissent jamais
Illusion ! vaine chimere !
De la volage Deïté ,
Elle a toute l'humeur et rien de la beauté
Que l'amour progre lui suggere,
Venez admirer mès appas ;
Jeunes coeurs , volez sur mes pas :
Une autre Venus vous appelle,
Sans vous , sans les heureux momens ;
Que produit une Cour d'Amans ,
Que me serviroit d'être belle
1. Vol
D'un
DECEMBRE. 1737. 278€
D'un Alcide vif et jaloux ,
J'ai l'Art d'appaiser le couroux ,
Par un souris de préference ;
It d'ua Adonis languissant ,
Je sçai d'un coup d'oeil caressant
Flater la timide esperance.
De Dorine en ces mots se dévoile le coeut j
Quand Lisandre jaloux de fixer l'inconstante
L'aborde contre son attente ,
>
lui déclare ainsi son amoureuse ardeur. -
D'un Amant qui cherche à vous plaire .
Dorine , recevez les voeux ;
Pour la Déesse de Cythere ,
Mars n'eut jamais un coeur plus amoureux,
Des Adorateurs que vous faites ,
Ilne troublera point la Cour.
Partagez leur vos amourettes ;
Mais à lui seul accordez votre amour.
Il dit sous les dehors de la délicatesse ,
Dorine assez long- temps scut contraindre
feux :
Enfin l'Amant devint heureux;
Les mêmes soins alors et la même tendresse ;
J. Vola
Sent
4781 MERCURE DE FRANCE
Sembloient les animer tous deux ;
Mais l'Amante bien-tôt se lafla de ses noeuds,
Qui peut d'une Coquette attendre un coeur fidele
L'esprit et la discretion ,
Ont de foibles attraits pour elle ;
Lisandre se douta d'une intrigue nouvelle
Et n'eut qu'un pas à faire à la conviction,
La Coquette vole sans cesse ,
Où l'appelle la nouveauté.
L'instant même de sa tendresse
N'est pas sans infidelité.
Jamais la jalousie,
Ne réveille ses desirs ;
Sans effort elle oublie
Amans, faveurs, et plaisirs
Sa fiere indifference ,
N'est qu'une bienseance
Que dément sa passion ;
Trouvez-la dans le silence ,
Bien-tôt elle vous dispense .
Della déclaration.
Telle est une Enigme ambiguë ::
Elle amuse notre loisir
Vol Mais
DECEMBRE 1731 2782
Mais souvent lorsqu'elle est connuë ,,
Le dégout succede au plaisir.
P. F. M ***** de Blois:
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Résumé : LA COQUETTE, CANTATE. Mise en Musique par M. Clerambault ; Organiste de S. Sulpice.
Le texte décrit une pièce intitulée 'La Coquette', composée par M. Clerambault, organiste de Saint-Sulpice. L'intrigue se concentre sur Dorine, une jeune femme convaincue de sa beauté éternelle après s'être observée dans un miroir flatteur. Elle se compare à Vénus et invite les jeunes cœurs à l'admirer, tout en reconnaissant que son charme est éphémère et dépend de l'amour. Dorine se vante de pouvoir apaiser la jalousie d'Alcide et flatter l'espoir d'Adonis. Lisandre lui déclare son amour et lui demande son cœur exclusif. Après une résistance initiale, Dorine finit par céder, mais se lasse rapidement de ses engagements amoureux. Sa nature inconstante et son attirance pour la nouveauté la poussent à oublier facilement ses amants et les plaisirs passés. Sa fière indifférence cache une passion qu'elle révèle seulement dans le silence, la rendant énigmatique et souvent décevante pour ceux qui la connaissent.
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14
p. 2783-2789
RÉFLEXIONS de M. Simonnet, Prieur d'Heurgeville, près de Vernon, sur les deux Questions proposées dans le Mercure de Mai 1731.
Début :
I. QUESTION. Si l'Amour et la Raison peuvent se trouver en même temps dans [...]
Mots clefs :
Réflexions, Prieur, Amour, Raison, Enfants, Fibres
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉFLEXIONS de M. Simonnet, Prieur d'Heurgeville, près de Vernon, sur les deux Questions proposées dans le Mercure de Mai 1731.
REFLEXIONS de M. Simonnet , Prieur
d'Heurgeville , près de Vernon sur
les deux Questions proposées dans le
Mercure de Mai 1731.
1. QUESTION. Si l'Amour et la Rai--
son peuvent se trouver en même temps danse
la même
personne &c ?:
T
Oute Passion dominante ne s'ac
corde point avec la raison : si elle
ne la banit pas entieremént , elle la rend
esclave , et ne lui laisse plus de mouve
ment ni d'action. Où la passion domine ,
la raison n'est plus la maîtresse ; il faut
donc ou qu'elle cede la place , ou qu'ellesoit
réduite à la servitude ..
Point de passion si imperieuse et si absolue
que l'Amour : tout lui cede. Dès
qu'il attaque , il est presque sûr de vainere
; A- til vaincu ? il use de sa victoire
avec hauteur. Quelquefois la raison crie ,
sagite , réclame ses droits : l'Amour ne
До Кова peut:
784 MERCURE DE FRANCE
peut souffrir cette importune ; d'abord
lui impose silence , et pour s'en débarasser
, il l'exclurt de sa domination . On sent
bien qu'on est en proye à un Tyran , on
soupire dans ses fers on voudroit les
briser , on rappelle la raison à son se
cours , mais elle est trop foible pour un
tel ennemi : il se jouë de ses attaques ,
et la répousse bien loin. Elle a beau reve
nir à la charge , et faire de nouveaux efforts
, P'Amour sçait s'en tirer avec avantage
, et n'en devient souvent que plus
fougueux.
Il parolt doux cependant , et c'est par
sa maligne douceur qu'il séduit , qu'il
s'insinue et qu'il triomphe aux dépens de
la raison. Les lumieres de celle - ci sont
bien- tôt éteintes , par les vapeurs enchanteresses
qu'il répand , et dont on es
comme enyvré.
L'Amour est un petit libertin qui
'entend point raison . S'il l'entendoit
il changeroit de nature ; s'il étoit sage ,
il ne seroit plus amour ; et comment seroit-
il sage ? Il marche en aveugle. La
folie et la témérité sont ses compagnes
inséparables. Il vole au gré de ses désirs
et ses désirs sont indiscrets. Il veut par
tout être maître à quelque prix que ce
soit avec son carquois et ses fléches em-
1 1. Vol
poi-
1
DECEMBRE. 1931. 2785
poisonnées il attaque les coeurs , les bles
se , les dompte , et dès-là , vertu , sagesse
prudence , et raison n'y peuvent plus
tenir.
Son air gracieux lui donne une facila
entrée ; mais à peine est- il en place , que
sa malice jouë son rôle , et quels ravages
ne fait-il pas ? Il va jusqu'à la fureur :
il ne respecte ni le sacré ni le profane s
pour satisfaire ses désirs ou son désespoir,
il n'épargne point le sang et le carnage ;
témoins tant d'histoires tragiques dont
l'amour est l'ame , et dont le monde est
continuellement le Theatre..
Si l'on aime raisonnablement , si l'on
se renferme dans les bornes du devoir
ce n'est plus amour , ce n'est plus cette
passion de jeunesse , passion aveugle
passion vive , inquiete , turbulente , ef-
Frenée , qui ne sent , qui n'écoute , qui
ne suit que son impetueuse ardeur.
Il est vrai que l'amour a regné dans le
coeur des plus grands hommes , dans les
sages même ; mais s'ils étoient grands
s'ils étoient sages , judicieux , raisonnables
, ce ne fut pas dans les accès de la
P sion ; car on les a vûs tomber , comme
les autres , dans des folies et dans des
extravagances , se ruiner , se dégrader ,
s'avilir par des actions basses et indignes.
S 1. Veh Om
2788 MERCURE DE FRANCE
On a vû un Salomon offrir de l'Encens
à des Idoles ét donner dans les der
niers excès. Si jamais la raison dut se
maintenir avec l'amour , et en moderer
des saillies , ce fut dans ce prodige de
sagesse : Exemple qui prouve assez com
bien la raison et l'amour sont incompa
tibles.
II. QUESTION. Quelle ett la Canes
Physique ou Morale de l'effet qui arrive
dans les Enfans qui meurent jeunes , après
savoir donné de grandes esperances , et dars
les Enfans dont la vivacité s'est changes
son 'stupidité ? & c.
H peut arriver
qu'un
grand
nombr
d'Enfans de toutes conditions meurenter
bas âge par des accidens inévitables . 11
ise trouve quelquefois en eux des semences
de corruption , qui , dans la suice ,
venant à se développer , gâtent toute la
substance de ces petits corps , et les fo at
tomber en pourriture. Il ne faut qu'une
intemperie de l'air , quelque souffle empoisonné
, un aliment mal- sain , ou peu
convenable 'une nourriture `trop forts
ou trop legere , pour endommager de
tendres Enfans , et les faire périr , pendant
que d'autres ne se trouveront pas
3
1.Vole
dans
DECEMBRE. 1731 2787
dans les mêmes circonstances , ou auront
le bonheur de s'en tirer par une forte
complexion à peu près comme des fruits
d'une même espece , sur le même arbre
dans la même exposition , les uns réüssissent
, pendant que quantité d'autres
tombent par differentes infortunes.
Pour ce qui regarde en particulier les
Enfans dont l'esprit et la vivacité promettent
beaucoup , on ne peut disconvenir
que le trop grand soin que l'on
prend de leur éducation , ne contribue
beaucoup à avancer leurs jours , ou à faire
dégenerer leur esprit en stupidité.
Dans ces Enfans les fibres sont plus
molles et plus flexibles , les petits vaisseaux
plus déliez , et par conséquent plus
foibles que dans les Enfans d'un genio
grossier et tardif , qui ne sont tels que
par la dureté et le peu de fléxibilité de
leurs organes ; c'est de l'aveu presque
universel , ce qui fait la difference des
uns et des autres.
Or quand on voit un Enfant né avec
cès heureuses et rares dispositions d'esprit
, on croit ne pouvoir trop tôt en
profiter. On pousse , on force , on accable
une imagination quelquefois déja
trop vive. Il suffit qu'elle plaise , qu'elle
charme , on ne craint point de la fati-
1. Vota
guer.
88 MERCURE DE FRANC
:
guer. De-là qu'arrive-t'il En peu de
temps les esprits s'épuisent , les fibres
s'émoussent et s'affoiblissent , les traces st
confondent : ces vaisseaux si délicats n'y
peuvent plus résister le jeu et tout le
ressort de la Nature manque insensible
ment : le corps se mine . et enfin tombe
en ruine ; ou s'il ne succombe pas à tant
d'efforts , la tête se dérange : cette grande
vivacité s'évanouit , et l'esprit disparoît ,
parce qu'il n'y a plus dans les organes
usez cette juste proportion qui devoit
P'entretenir.
Quelque excellent que soit un Arbre
si , lorsqu'il est jeune , on lui donn
trop de portée , si on lui laisse produir
une surabondance de fruits qui se mon
trent , il mourra bien-tôt , ou ne fera que
languir. Il en est de même d'un Enfant
plein d'esprit et de vivacité. Il ne demar
de qu'à produire les plus beaux fruits
mais dès que vous le surchargez
que vous voulez en tirer trop d'abord
c'est un grand hazard si vous ne le voyez
aussi-tôt déperir , et si une mort préma
turée ne vous l'enleve. Quelques-uns plus
robustes y résisteront mais le grand
nombre en sera la victime .
Pour obvier à un si funeste inconve
mient , on ne peut , avec trop d'atten
1. Vol
ci
tion
DECEMBRE 1731. 2789
tion , ménager ces jeunes esprits . Leur
extrême vivacité les porte assez d'ellemême
à vouloir tout connoître , tout
approfondir ; bien loin donc de les pousser
et de les animer , il faudroit ne les
faire avancer dans les études et dans les
differentes connoissances que pied à pied.
Plus ils apprennent facilement , plus on
devroit leur donner de récréations et de
divertissemens honnêtes ; les arracher
même à l'étude quand ils s'y veulent trop
appliquer , ne perdant jamais de vûë cette
sage maxime : L'Arc trop souvent tendu ,
ne peut durer long-temps.
d'Heurgeville , près de Vernon sur
les deux Questions proposées dans le
Mercure de Mai 1731.
1. QUESTION. Si l'Amour et la Rai--
son peuvent se trouver en même temps danse
la même
personne &c ?:
T
Oute Passion dominante ne s'ac
corde point avec la raison : si elle
ne la banit pas entieremént , elle la rend
esclave , et ne lui laisse plus de mouve
ment ni d'action. Où la passion domine ,
la raison n'est plus la maîtresse ; il faut
donc ou qu'elle cede la place , ou qu'ellesoit
réduite à la servitude ..
Point de passion si imperieuse et si absolue
que l'Amour : tout lui cede. Dès
qu'il attaque , il est presque sûr de vainere
; A- til vaincu ? il use de sa victoire
avec hauteur. Quelquefois la raison crie ,
sagite , réclame ses droits : l'Amour ne
До Кова peut:
784 MERCURE DE FRANCE
peut souffrir cette importune ; d'abord
lui impose silence , et pour s'en débarasser
, il l'exclurt de sa domination . On sent
bien qu'on est en proye à un Tyran , on
soupire dans ses fers on voudroit les
briser , on rappelle la raison à son se
cours , mais elle est trop foible pour un
tel ennemi : il se jouë de ses attaques ,
et la répousse bien loin. Elle a beau reve
nir à la charge , et faire de nouveaux efforts
, P'Amour sçait s'en tirer avec avantage
, et n'en devient souvent que plus
fougueux.
Il parolt doux cependant , et c'est par
sa maligne douceur qu'il séduit , qu'il
s'insinue et qu'il triomphe aux dépens de
la raison. Les lumieres de celle - ci sont
bien- tôt éteintes , par les vapeurs enchanteresses
qu'il répand , et dont on es
comme enyvré.
L'Amour est un petit libertin qui
'entend point raison . S'il l'entendoit
il changeroit de nature ; s'il étoit sage ,
il ne seroit plus amour ; et comment seroit-
il sage ? Il marche en aveugle. La
folie et la témérité sont ses compagnes
inséparables. Il vole au gré de ses désirs
et ses désirs sont indiscrets. Il veut par
tout être maître à quelque prix que ce
soit avec son carquois et ses fléches em-
1 1. Vol
poi-
1
DECEMBRE. 1931. 2785
poisonnées il attaque les coeurs , les bles
se , les dompte , et dès-là , vertu , sagesse
prudence , et raison n'y peuvent plus
tenir.
Son air gracieux lui donne une facila
entrée ; mais à peine est- il en place , que
sa malice jouë son rôle , et quels ravages
ne fait-il pas ? Il va jusqu'à la fureur :
il ne respecte ni le sacré ni le profane s
pour satisfaire ses désirs ou son désespoir,
il n'épargne point le sang et le carnage ;
témoins tant d'histoires tragiques dont
l'amour est l'ame , et dont le monde est
continuellement le Theatre..
Si l'on aime raisonnablement , si l'on
se renferme dans les bornes du devoir
ce n'est plus amour , ce n'est plus cette
passion de jeunesse , passion aveugle
passion vive , inquiete , turbulente , ef-
Frenée , qui ne sent , qui n'écoute , qui
ne suit que son impetueuse ardeur.
Il est vrai que l'amour a regné dans le
coeur des plus grands hommes , dans les
sages même ; mais s'ils étoient grands
s'ils étoient sages , judicieux , raisonnables
, ce ne fut pas dans les accès de la
P sion ; car on les a vûs tomber , comme
les autres , dans des folies et dans des
extravagances , se ruiner , se dégrader ,
s'avilir par des actions basses et indignes.
S 1. Veh Om
2788 MERCURE DE FRANCE
On a vû un Salomon offrir de l'Encens
à des Idoles ét donner dans les der
niers excès. Si jamais la raison dut se
maintenir avec l'amour , et en moderer
des saillies , ce fut dans ce prodige de
sagesse : Exemple qui prouve assez com
bien la raison et l'amour sont incompa
tibles.
II. QUESTION. Quelle ett la Canes
Physique ou Morale de l'effet qui arrive
dans les Enfans qui meurent jeunes , après
savoir donné de grandes esperances , et dars
les Enfans dont la vivacité s'est changes
son 'stupidité ? & c.
H peut arriver
qu'un
grand
nombr
d'Enfans de toutes conditions meurenter
bas âge par des accidens inévitables . 11
ise trouve quelquefois en eux des semences
de corruption , qui , dans la suice ,
venant à se développer , gâtent toute la
substance de ces petits corps , et les fo at
tomber en pourriture. Il ne faut qu'une
intemperie de l'air , quelque souffle empoisonné
, un aliment mal- sain , ou peu
convenable 'une nourriture `trop forts
ou trop legere , pour endommager de
tendres Enfans , et les faire périr , pendant
que d'autres ne se trouveront pas
3
1.Vole
dans
DECEMBRE. 1731 2787
dans les mêmes circonstances , ou auront
le bonheur de s'en tirer par une forte
complexion à peu près comme des fruits
d'une même espece , sur le même arbre
dans la même exposition , les uns réüssissent
, pendant que quantité d'autres
tombent par differentes infortunes.
Pour ce qui regarde en particulier les
Enfans dont l'esprit et la vivacité promettent
beaucoup , on ne peut disconvenir
que le trop grand soin que l'on
prend de leur éducation , ne contribue
beaucoup à avancer leurs jours , ou à faire
dégenerer leur esprit en stupidité.
Dans ces Enfans les fibres sont plus
molles et plus flexibles , les petits vaisseaux
plus déliez , et par conséquent plus
foibles que dans les Enfans d'un genio
grossier et tardif , qui ne sont tels que
par la dureté et le peu de fléxibilité de
leurs organes ; c'est de l'aveu presque
universel , ce qui fait la difference des
uns et des autres.
Or quand on voit un Enfant né avec
cès heureuses et rares dispositions d'esprit
, on croit ne pouvoir trop tôt en
profiter. On pousse , on force , on accable
une imagination quelquefois déja
trop vive. Il suffit qu'elle plaise , qu'elle
charme , on ne craint point de la fati-
1. Vota
guer.
88 MERCURE DE FRANC
:
guer. De-là qu'arrive-t'il En peu de
temps les esprits s'épuisent , les fibres
s'émoussent et s'affoiblissent , les traces st
confondent : ces vaisseaux si délicats n'y
peuvent plus résister le jeu et tout le
ressort de la Nature manque insensible
ment : le corps se mine . et enfin tombe
en ruine ; ou s'il ne succombe pas à tant
d'efforts , la tête se dérange : cette grande
vivacité s'évanouit , et l'esprit disparoît ,
parce qu'il n'y a plus dans les organes
usez cette juste proportion qui devoit
P'entretenir.
Quelque excellent que soit un Arbre
si , lorsqu'il est jeune , on lui donn
trop de portée , si on lui laisse produir
une surabondance de fruits qui se mon
trent , il mourra bien-tôt , ou ne fera que
languir. Il en est de même d'un Enfant
plein d'esprit et de vivacité. Il ne demar
de qu'à produire les plus beaux fruits
mais dès que vous le surchargez
que vous voulez en tirer trop d'abord
c'est un grand hazard si vous ne le voyez
aussi-tôt déperir , et si une mort préma
turée ne vous l'enleve. Quelques-uns plus
robustes y résisteront mais le grand
nombre en sera la victime .
Pour obvier à un si funeste inconve
mient , on ne peut , avec trop d'atten
1. Vol
ci
tion
DECEMBRE 1731. 2789
tion , ménager ces jeunes esprits . Leur
extrême vivacité les porte assez d'ellemême
à vouloir tout connoître , tout
approfondir ; bien loin donc de les pousser
et de les animer , il faudroit ne les
faire avancer dans les études et dans les
differentes connoissances que pied à pied.
Plus ils apprennent facilement , plus on
devroit leur donner de récréations et de
divertissemens honnêtes ; les arracher
même à l'étude quand ils s'y veulent trop
appliquer , ne perdant jamais de vûë cette
sage maxime : L'Arc trop souvent tendu ,
ne peut durer long-temps.
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Résumé : RÉFLEXIONS de M. Simonnet, Prieur d'Heurgeville, près de Vernon, sur les deux Questions proposées dans le Mercure de Mai 1731.
Le texte 'Réflexions de M. Simonnet, Prieur d'Heurgeville' traite de deux questions soulevées dans le Mercure de mai 1731. La première question porte sur la compatibilité de l'amour et de la raison. Simonnet soutient que toute passion dominante, notamment l'amour, est incompatible avec la raison. L'amour, qualifié de tyran, asservit la raison et la domine de manière impérieuse et absolue. Cette passion triomphe toujours au détriment de la raison, même chez les grands hommes et les sages, qui peuvent sombrer dans des folies et des extravagances sous son influence, comme en témoigne l'exemple de Salomon. La deuxième question explore les causes physiques ou morales de la mort prématurée des enfants prometteurs ou de la dégénérescence de leur vivacité en stupidité. Simonnet identifie plusieurs facteurs possibles, tels que des accidents inévitables, des semences de corruption ou des intempéries, qui peuvent entraîner la mort des enfants. Pour les enfants brillants, un excès de soin dans leur éducation peut épuiser leurs esprits et affaiblir leurs organes. Il compare cette situation à un jeune arbre surchargé de fruits, qui finit par mourir ou languir. Pour éviter ce phénomène, il est essentiel de ménager ces jeunes esprits, de leur offrir des récréations et de ne pas les surcharger d'études.
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15
p. 2789-2791
A M. LE DUC DE S. AIGNAN, Ambassadeur du Roy à Rome, &c.
Début :
Loin ces Héros que nous vante l'Histoire ; [...]
Mots clefs :
Héros, Ambassadeur, Antiquité, Muses, Louange
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A M. LE DUC DE S. AIGNAN, Ambassadeur du Roy à Rome, &c.
A M. LE DUC
DE S. AIGNAN ,
Ambassadeur du Roy à Rome , &c.
LOin ces Héros que nous vante l'Hisg
toire v
Souvent d'un faux éclat ils furent révêtus ;
L'Aveugle Antiquité , pour conserver leur gloid
re ,
De leurs vices fit leurs vertus.
1. Vol E St
2790 MERCURE DE FRANCE
Si nos Muses , Seigneur , vous offrent un hommage
,
Du coeur le plus modeste il peut être avoué.
De la verité seule emprunter le langage ,
C'est vous avoir assez loué.
Pour vous , qui craignez la loüange
Autant que vous la méritez ;
Des Faits de vos Дyeux le fastueux mélange
Ne fourniroit que des traits empruntez.,
Leur noble sang qui vous anime
Science , Dignitez , Exploits dans les Combats ;
Ces sources d'un éclat sublime
En ornant vos vertus , Seigneur , ne les font pas.
Je vous cherche en vous seul , en vous seul j'en¬
visage
Un accord de vertus peu connu jusqu'à vous.
Quel sublime genie avec vous prit naissance !
Vous seul paroissez l'ignorer :
*
'Autrefois l'Iberie en connut la puissance,
Jalouse encore , elle envie à la France
Le plaisir de vous admirer.
Allez , Seigneur , après la Renommée
Aux bords du Tibre encore étaler vos vertus,
En vous voyant Rome charmée ,
Croira revoir Fabrice , et Caton , et Titus ;
Yous retracez ces coeurs sublimes
* Son Ambassade d'Espagne,
J. Val. Par
DECEMBRE 1731. 2791
Par les traits éclatans qu'en vous nous admi¬
rons.
Mêmes vertus ,
mêmes maximess ;
Ils n'ont fait que changer de noms.
Par le R. P. RAINAUD ;
de l'Oratoire , Professeur de Rhetorique
au College de Marseille.
DE S. AIGNAN ,
Ambassadeur du Roy à Rome , &c.
LOin ces Héros que nous vante l'Hisg
toire v
Souvent d'un faux éclat ils furent révêtus ;
L'Aveugle Antiquité , pour conserver leur gloid
re ,
De leurs vices fit leurs vertus.
1. Vol E St
2790 MERCURE DE FRANCE
Si nos Muses , Seigneur , vous offrent un hommage
,
Du coeur le plus modeste il peut être avoué.
De la verité seule emprunter le langage ,
C'est vous avoir assez loué.
Pour vous , qui craignez la loüange
Autant que vous la méritez ;
Des Faits de vos Дyeux le fastueux mélange
Ne fourniroit que des traits empruntez.,
Leur noble sang qui vous anime
Science , Dignitez , Exploits dans les Combats ;
Ces sources d'un éclat sublime
En ornant vos vertus , Seigneur , ne les font pas.
Je vous cherche en vous seul , en vous seul j'en¬
visage
Un accord de vertus peu connu jusqu'à vous.
Quel sublime genie avec vous prit naissance !
Vous seul paroissez l'ignorer :
*
'Autrefois l'Iberie en connut la puissance,
Jalouse encore , elle envie à la France
Le plaisir de vous admirer.
Allez , Seigneur , après la Renommée
Aux bords du Tibre encore étaler vos vertus,
En vous voyant Rome charmée ,
Croira revoir Fabrice , et Caton , et Titus ;
Yous retracez ces coeurs sublimes
* Son Ambassade d'Espagne,
J. Val. Par
DECEMBRE 1731. 2791
Par les traits éclatans qu'en vous nous admi¬
rons.
Mêmes vertus ,
mêmes maximess ;
Ils n'ont fait que changer de noms.
Par le R. P. RAINAUD ;
de l'Oratoire , Professeur de Rhetorique
au College de Marseille.
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Résumé : A M. LE DUC DE S. AIGNAN, Ambassadeur du Roy à Rome, &c.
Le texte est une lettre adressée à M. le Duc de Saint Aignan, ambassadeur du roi à Rome. L'auteur critique l'histoire qui idéalise souvent les héros en cachant leurs vices. Il exprime son admiration pour le duc, préférant la vérité à la flatterie. Le duc est décrit comme un homme de science, de dignité et de bravoure, dont les vertus sont authentiques. L'auteur admire son génie et note que l'Espagne, autrefois jalouse, envie désormais à la France le plaisir de l'admirer. Il encourage le duc à continuer de montrer ses vertus à Rome, où il sera comparé à des figures historiques comme Fabrice, Caton et Titus. Le texte se conclut par une comparaison des vertus et des maximes du duc avec celles des grands hommes du passé, soulignant leur similitude malgré les différences de noms.
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16
p. 2791-2793
PLAINTES de la Riviere d'Yonne. Extrait d'une Lettre de Sens, écrite au mois de Novembre.
Début :
Cette Riviere dont je ne ferai qu'emprunter les griefs de plainte, qui [...]
Mots clefs :
Plainte, Rivière d'Yonne, Bourgogne, Seine
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PLAINTES de la Riviere d'Yonne. Extrait d'une Lettre de Sens, écrite au mois de Novembre.
PLAINTES de la Riviere d'Yonne.
Extrait d'une Lettre de Sens , écrite an
mois de Novembre.
C
Ette Riviere dont je ne ferai qu'emprunter
les griefs de plainte , qui
sont déduits dans un Factum qu'elle a
fait répandre depuis peu en Europe , répresente
d'abord les sujets de mécontentement
qu'elle a , de ce qu'on lui ôte le
Privilege dont elle auroit dû joüir , de
porter son nom jusqu'à la Mer ; plainte
autrefois très- sérieuse et très- amere dans
la bouche d'un des Préchantres de nôtre
Ville , homme três- judicieux et très - sensé
, qui pensa en mourir de chagrin . En
effet , c'est une chose étonnante , qu'une
Riviere qui est navigable des douze ou
I. Vol. E ij quinze
2792 MERCURE DE FRANCE
et
quinze lieuës au - dessous de sa source , et
qui porte Bateau des dix - huit ou vingt
au- dessous du même Endroit , qui passe
par plusieurs belles et bonnes Citez antiques
, et Villes Episcopales de renom ,
qui entretient presque tout le commerce
de la Bourgogne avec les Pays Bas , soit
obligé de ceder l'honneur à une autre
qui ne commence à porter Bateau qu'a
plus de trente lieues depuis sa source , et
qui ne passe que dans une seule Ville de
distinction , où , à peine est- elle réconnoissable
, tant elle y a de ressemblance
à un simple Ruisseau de Moulin . On entend
assez que c'est la Seine qui est désignée
par cette derniere Riviere , laquelle
a un peu moins de cours que l'Yonne de
puis sa source jusqu'à sa jonction , et qui
a beaucoup moins d'avantages du côté
de la nature , à moins qu'on ne mette aų
nombre des grandes faveurs , que ses
Eaux sont détersives et laxatives aux paproches
de Paris ce qui peut provenir
autant de l'une que de l'autre.
,
On ne peut réfuser à la Riviere d'Yonne
la justice de réconnoître qu'elle fournit
toute l'Année des provisions de bouche
à la Ville de Paris et que la Seine
se joignant à elle à Montereau , au - dessous
des Ponts , c'est un Passedroit qu'on
1. Vol
Juj
DECEMBRE 1731. 279
lul fait , de cesser alors de l'appeller Yonne
, attendu que l'utile pour l'homme
vient de dessous le Pont d'Yonne , et non
de dessous celui de la Seine. Elle invite
tous les gens équitables à faire une descente
sur les lieux , pour voir de quel
côté est le bon droit . Mais dans le Factum
qu'elle présente à Neptune , rien n'est
plus digne de l'attention des Voyageurs ,
Commerçans , et de toute la Nation Marchande
, tant Normande que Picarde
Angloise , &c. que la plainte qu'elle fait
de ce qu'on a avancé depuis peu pour
détruire ses plus anciens et plus expérimentez
Navigateurs ; sçavoir , qu'ils fendoient
trop rapidement ses eaux
qu'ils descendoient avec trop de celerité
de l'embouchure de Senin à Paris , et remontoient
de même de Paris à l'embouchure
de ce Fleuve en trop peu de temps .
C'est à ce sujet qu'elle demande justice
et qu'elle réclame l'autorité du Tribunal
de Neptune , qui , de concert avec Mercure
,jugera , sans doute , favorablement ,
et à l'honneur de cette Riviere , dans une
matiere si importante pour la Capitale
du Royaume , et pour les Pays d'au-
dessous , aboutissans à l'Ocean.
Extrait d'une Lettre de Sens , écrite an
mois de Novembre.
C
Ette Riviere dont je ne ferai qu'emprunter
les griefs de plainte , qui
sont déduits dans un Factum qu'elle a
fait répandre depuis peu en Europe , répresente
d'abord les sujets de mécontentement
qu'elle a , de ce qu'on lui ôte le
Privilege dont elle auroit dû joüir , de
porter son nom jusqu'à la Mer ; plainte
autrefois très- sérieuse et très- amere dans
la bouche d'un des Préchantres de nôtre
Ville , homme três- judicieux et très - sensé
, qui pensa en mourir de chagrin . En
effet , c'est une chose étonnante , qu'une
Riviere qui est navigable des douze ou
I. Vol. E ij quinze
2792 MERCURE DE FRANCE
et
quinze lieuës au - dessous de sa source , et
qui porte Bateau des dix - huit ou vingt
au- dessous du même Endroit , qui passe
par plusieurs belles et bonnes Citez antiques
, et Villes Episcopales de renom ,
qui entretient presque tout le commerce
de la Bourgogne avec les Pays Bas , soit
obligé de ceder l'honneur à une autre
qui ne commence à porter Bateau qu'a
plus de trente lieues depuis sa source , et
qui ne passe que dans une seule Ville de
distinction , où , à peine est- elle réconnoissable
, tant elle y a de ressemblance
à un simple Ruisseau de Moulin . On entend
assez que c'est la Seine qui est désignée
par cette derniere Riviere , laquelle
a un peu moins de cours que l'Yonne de
puis sa source jusqu'à sa jonction , et qui
a beaucoup moins d'avantages du côté
de la nature , à moins qu'on ne mette aų
nombre des grandes faveurs , que ses
Eaux sont détersives et laxatives aux paproches
de Paris ce qui peut provenir
autant de l'une que de l'autre.
,
On ne peut réfuser à la Riviere d'Yonne
la justice de réconnoître qu'elle fournit
toute l'Année des provisions de bouche
à la Ville de Paris et que la Seine
se joignant à elle à Montereau , au - dessous
des Ponts , c'est un Passedroit qu'on
1. Vol
Juj
DECEMBRE 1731. 279
lul fait , de cesser alors de l'appeller Yonne
, attendu que l'utile pour l'homme
vient de dessous le Pont d'Yonne , et non
de dessous celui de la Seine. Elle invite
tous les gens équitables à faire une descente
sur les lieux , pour voir de quel
côté est le bon droit . Mais dans le Factum
qu'elle présente à Neptune , rien n'est
plus digne de l'attention des Voyageurs ,
Commerçans , et de toute la Nation Marchande
, tant Normande que Picarde
Angloise , &c. que la plainte qu'elle fait
de ce qu'on a avancé depuis peu pour
détruire ses plus anciens et plus expérimentez
Navigateurs ; sçavoir , qu'ils fendoient
trop rapidement ses eaux
qu'ils descendoient avec trop de celerité
de l'embouchure de Senin à Paris , et remontoient
de même de Paris à l'embouchure
de ce Fleuve en trop peu de temps .
C'est à ce sujet qu'elle demande justice
et qu'elle réclame l'autorité du Tribunal
de Neptune , qui , de concert avec Mercure
,jugera , sans doute , favorablement ,
et à l'honneur de cette Riviere , dans une
matiere si importante pour la Capitale
du Royaume , et pour les Pays d'au-
dessous , aboutissans à l'Ocean.
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Résumé : PLAINTES de la Riviere d'Yonne. Extrait d'une Lettre de Sens, écrite au mois de Novembre.
La lettre de Sens de novembre expose les plaintes de la rivière d'Yonne. L'Yonne se plaint de la perte de son privilège de porter son nom jusqu'à la mer, un sujet déjà soulevé par un préchantre de Sens. Navigable sur douze à quinze lieues depuis sa source, elle peut transporter des bateaux sur dix-huit à vingt lieues, traversant plusieurs villes importantes et soutenant le commerce entre la Bourgogne et les Pays-Bas. Cependant, elle doit céder son nom à la Seine, qui commence à être navigable à plus de trente lieues de sa source et traverse une seule ville notable. La Seine est également connue pour ses eaux détersives et laxatives près de Paris. L'Yonne fournit des provisions à Paris toute l'année et se joint à la Seine à Montereau. Elle demande une inspection sur place pour déterminer le bon droit. De plus, l'Yonne se plaint de récentes accusations contre ses navigateurs, accusés de naviguer trop rapidement, et demande justice au Tribunal de Neptune et de Mercure pour une matière importante pour la capitale et les pays environnants.
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17
p. 2794-2795
AUX Auteurs des Enigmes et des Logogryphes, attaquez par les Stances du Mercure d'Octobre.
Début :
Ingenieux Auteurs d'Enigme et Logogryphe, [...]
Mots clefs :
Auteurs des Énigmes et des Logogriphes, Avocat, Humeur caustique
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUX Auteurs des Enigmes et des Logogryphes, attaquez par les Stances du Mercure d'Octobre.
AUX Auteurs des Enigmes et des Logogryphes
, attaquez par les Stances dis
Mercure d'Octobre.
Ngenieux Auteurs "d'Enigme et Logogryphe ;
Garderez vous donc le tacet
Contre les malins coups de griffe
De Monsieur l'Avocat P ....R
Souffrirés-vous que son humeur caustique
Fasse à tout le Public la Loy ,
Et que sa Muse froide étique
Vous vomisse des Vers de si mauvaise aloy:
Eh ! que vous importe qu'il peste
Et qu'il morde son Maroquin ?
Que ne ronge-t'il son Digeste,
Plutôt que de chercher des Enigmes le fin.
Vite , d'un tel Censeur punissez l'insolence ;
Mais , non: pardonnez - lui pour la premiere fois,
Oubliés par pitié l'offenseur et l'offense ,
Et l'envoyez apprendre le François.
I. Vol. Faites
NOVEMBRE. 1731.2795
Faites lui voir aussi qu'une telle manie ,
Doit àjamais être banie
De l'Empire du Dieu des Vers 3
Les Chants de la Poësie
Ne doivent frapper les airs ,
Que pour,avec plaisirs instruire l'Univers.
, attaquez par les Stances dis
Mercure d'Octobre.
Ngenieux Auteurs "d'Enigme et Logogryphe ;
Garderez vous donc le tacet
Contre les malins coups de griffe
De Monsieur l'Avocat P ....R
Souffrirés-vous que son humeur caustique
Fasse à tout le Public la Loy ,
Et que sa Muse froide étique
Vous vomisse des Vers de si mauvaise aloy:
Eh ! que vous importe qu'il peste
Et qu'il morde son Maroquin ?
Que ne ronge-t'il son Digeste,
Plutôt que de chercher des Enigmes le fin.
Vite , d'un tel Censeur punissez l'insolence ;
Mais , non: pardonnez - lui pour la premiere fois,
Oubliés par pitié l'offenseur et l'offense ,
Et l'envoyez apprendre le François.
I. Vol. Faites
NOVEMBRE. 1731.2795
Faites lui voir aussi qu'une telle manie ,
Doit àjamais être banie
De l'Empire du Dieu des Vers 3
Les Chants de la Poësie
Ne doivent frapper les airs ,
Que pour,avec plaisirs instruire l'Univers.
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Résumé : AUX Auteurs des Enigmes et des Logogryphes, attaquez par les Stances du Mercure d'Octobre.
En novembre 1731, une critique est adressée aux auteurs d'énigmes et de logogryphes pour réagir contre les attaques de l'avocat P....R., décrit comme ayant une humeur caustique et écrivant des vers de mauvaise qualité. Le texte les incite à punir son insolence tout en lui pardonnant et en lui enseignant le français. Il met en garde contre la critique excessive des œuvres poétiques, affirmant que la poésie doit instruire avec plaisir.
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18
p. [2915]-2921
LA JEUNESSE, CHANTATE,
Début :
Dans un songe flatteur, une jeune Déesse, [...]
Mots clefs :
Jeunesse, Déesse, Plaisir, Bacchus, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA JEUNESSE, CHANTATE,
LA JEUNESSE,
D
CHANTATE ,
Par M. Cavalies , Avocat.
Ans un songe flateur , une jeune
Déesse ,
Vint séduire mes sens par les plàs
doux attraits.
A son air vif, brillant et frais,
Je reconnus bientôt l'agréable Jeunesse.
Autour d'Hébé voloient mille petits Amours ,
11. Vol. A ij Qui
C
2916 MERCURE DE FRANCE
Qui pour dompter les coeurs rebelles ,
Empruntoient de ses yeux l'infaillible secours ;
Le temps sur ses rapides aîles ,
Portoit cette Divinité ,
Et le Printemps soigneux de sa beauté ,
Répandoit sur son teint des fleurs toûjours nou
velles ;
Les Graces dévançoient la fille de Junon ,
Ou s'arrêtoient sur son visage ;
Les folâtres plaisirs , le galant badinage ,
Par son ordre enchaînoient la severe Raison.
La Troupe immortelle,
Du plus haut des Cieux ,
Répandoit sur elle ,
Ses dons précieux.
Mars épris des charmes
Dont brilloient ses yeux ,
Lui donnoit ses armes ;
Venus , sa douceur ,
Le fils de Seméle ,
Plein de sa liqueur ,
L'offroit à la Belle,
La Reine des Bois ,
Son Arc , son Carquois,
Pour toi des plus beaux jours je vois ourdir la
trame ,
1. Vola Choisis
DECEMBRE . 1731. 2917
Choisis , me dit Hébé , d'un air doux, gracieux >
Des présens des Dieux',
Gelui qui maintenant flate le plus ton ame.
Veux-tu dans les combats à la suite de Mars ,
Affronter les hazards ?'
Tu verras bien- tôt la victoire ,
Rendre de tes Exploits tout l'Univers témoin ,,
Et prendre également le soin ,
Et de tes jours et de ta gloire :
J'obéïs , et je cours au milieu des combats ;
Mille foudres d'airain tournent contre ma tête
Une affreuse tempête ;
Le plomb vole , avec lui vole encor le trépas ;
Mais en vain ; la fureur pousse , anime mon bras;
Par mille cruautez j'exerce mon courage ;
Mais enfin fatigué de sang et de carnage ,
De mes cruels transports je reconnois l'horreur ››
Et j'ay honte de ma fureur.
Aimable Jeunesse ,
Regle mes plaisirs ;
Mais vers la tendresse ,
Tourne mes desirs.
Que loin des allarmes ,
Le paisible Amour ,
Na Vol .
A iij Par
2918 MER CURE DE FRANCE
Par de plus doux charmes,
M'occupe à son tour.
Aimable Jeunesse , &c. ,
Mais des Nymphes d'Hebé , quelle Troupe bril .
lante ,
Se presente à mes yeux , me ravit et m'enchante
Venus leur prête encor ses plus vifs agrémens ;
Dans mon coeur agité , grands Dieux ! quels
mouvemens !
Les Nymphes de ma Cour, dit la jeune Déesse ,
Brulent de t'engager sous leurs aimables Loix ;
Leur égale beauté , leur égale tendresse ,
Ne laissent à ton coeur que l'embarras du choix,
Ebloui par l'éclat de sa bonne fortune ,
Mon coeur chancelle quelque tems ;
Mais il se rend enfin aux attraits d'une Brune ,
A l'air vif , aux yeux perçans.
Quels transports , hélas ! quelle joye ,
Dans ces heureux commencemens !
Les douceurs , les plaisirs où mon ame se noye¸¸
Sont autant de ravissemens ;
Je lui jure cent fois une amour éternelle ,
Et de sa bonté naturelle ,
".
J'obtiens bien- tôt mille bienfaits ;
Amour en ma faveur dévoilant ses attraits ,
II. Vol.
Allume
DECEMBRE 1731. 29·19.
Allume dans nos coeurs une'ardeur mutuelle ;
Mais en comblant mes désirs ,
Il m'enleve mes plaisirs.
Un peu trop de perseverance ,.
Pousse un Amant à bout ;
Mais une foible résistance ,.
Apporte le dégout .
`Je t'entends , dit Hebé , dans la Forêt prochaine
Kegarde les Chasseurs que Diane ramene ;
Va , cours apprendre sous ses loix ,
A relancer un Cerf , à le mettre aux abois ¿
C'est elle-même qui s'avance ,
Et perce des traits qu'elle lance ,
Les plus fiers habitans des Bois.
Du Cor qui m'appelle ,
Le son éclatant ,
Du Chasseur trop lent ,
Ranime le zele ;
Mais le Cerf timide , à ce bruit ,
Tremble , s'épouvante , s'enfuits-
Dans les Bois la Louve en colere ,
Va chercher un sombre réduit ;
Et dans sa Taniere ,
Le Renard frémit.
En vain l'impatiente Aurore ,
Se hâte de rouvrir la barriere du jour ,
...
II. Vol A iiij Plus
29.20 MERCURE DE FRANCE
Plus impatient encore ,
Je devance son retour.
Diane secondant ma vigilante audace ,
Je traverse aisément les plus vastes Guerets ;
Je suis la Déesse à la trace ;
Les Cerfs , les Sangliers sont percez de mes traits;
L'été n'a point de feux , l'hiver n'a point de glaçe
Qui puisse garantir les Hôtes des Forêts.
Mais déja le Soleil éteint ses feux dans l'Onde ,
Et la Nuit déployant ses plus sombres drapeaux
Vient donner le repos au Monde ,
Et terminer trop tôt d'agréables travaux.
Vien , Bacchus , vien par ta presence ,
Hearter loin de moi ses ennuyeux Pavots ;
Seroit-ce profiter du temps qu'Hébé dispense ,,
Que le passer dans le repos ?
Tandis que l'Univers sommeille ,
Quel agréable son vient frapper mon oreille ?
Est-ce Arion-sauvé de la fureur des flots
Non, c'est Bacchus qui me réveille ,
Au bruit des flacons et des pots.
Beuvons , amis que l'allegresse , ;
Soit l'arbitre de ce Festin ,
Et que chacun de nous s'empresse ,
De contenter le Dieu du vin.
II. Vol.
Versez
DECEMBRE 1731. 2921
Versez , amis , versez sans cesse ,
De ce Nectar délicieux ,
Vien me saisir , charmante yvresse ,
Tu vas me rendre égal aux Dieux.
Cen est fait de mes sens , Bacchus se rend te
Maître ;
Amis , secondez mon transport ,
Versez et redoublez .... versez .... un coup?
encor ....
Et ma raison va disparoître.
Ce fut ainsi qu'Hebé par une illusion ,
De mes jeunes ar deurs me retraça l'image ;` ,
Je crus en m'éveillant être encore au
Hélas ! avec ma vision ,
Disparut à l'instant la Déesse volage.
bel âge.,
Mortels , qui commencez à peine votre cours
Ma jeunesse en effet a passé comme un songe ; ;
Hebé vous offre de beaux jours ;
Craignez un semblable mensonge
D
CHANTATE ,
Par M. Cavalies , Avocat.
Ans un songe flateur , une jeune
Déesse ,
Vint séduire mes sens par les plàs
doux attraits.
A son air vif, brillant et frais,
Je reconnus bientôt l'agréable Jeunesse.
Autour d'Hébé voloient mille petits Amours ,
11. Vol. A ij Qui
C
2916 MERCURE DE FRANCE
Qui pour dompter les coeurs rebelles ,
Empruntoient de ses yeux l'infaillible secours ;
Le temps sur ses rapides aîles ,
Portoit cette Divinité ,
Et le Printemps soigneux de sa beauté ,
Répandoit sur son teint des fleurs toûjours nou
velles ;
Les Graces dévançoient la fille de Junon ,
Ou s'arrêtoient sur son visage ;
Les folâtres plaisirs , le galant badinage ,
Par son ordre enchaînoient la severe Raison.
La Troupe immortelle,
Du plus haut des Cieux ,
Répandoit sur elle ,
Ses dons précieux.
Mars épris des charmes
Dont brilloient ses yeux ,
Lui donnoit ses armes ;
Venus , sa douceur ,
Le fils de Seméle ,
Plein de sa liqueur ,
L'offroit à la Belle,
La Reine des Bois ,
Son Arc , son Carquois,
Pour toi des plus beaux jours je vois ourdir la
trame ,
1. Vola Choisis
DECEMBRE . 1731. 2917
Choisis , me dit Hébé , d'un air doux, gracieux >
Des présens des Dieux',
Gelui qui maintenant flate le plus ton ame.
Veux-tu dans les combats à la suite de Mars ,
Affronter les hazards ?'
Tu verras bien- tôt la victoire ,
Rendre de tes Exploits tout l'Univers témoin ,,
Et prendre également le soin ,
Et de tes jours et de ta gloire :
J'obéïs , et je cours au milieu des combats ;
Mille foudres d'airain tournent contre ma tête
Une affreuse tempête ;
Le plomb vole , avec lui vole encor le trépas ;
Mais en vain ; la fureur pousse , anime mon bras;
Par mille cruautez j'exerce mon courage ;
Mais enfin fatigué de sang et de carnage ,
De mes cruels transports je reconnois l'horreur ››
Et j'ay honte de ma fureur.
Aimable Jeunesse ,
Regle mes plaisirs ;
Mais vers la tendresse ,
Tourne mes desirs.
Que loin des allarmes ,
Le paisible Amour ,
Na Vol .
A iij Par
2918 MER CURE DE FRANCE
Par de plus doux charmes,
M'occupe à son tour.
Aimable Jeunesse , &c. ,
Mais des Nymphes d'Hebé , quelle Troupe bril .
lante ,
Se presente à mes yeux , me ravit et m'enchante
Venus leur prête encor ses plus vifs agrémens ;
Dans mon coeur agité , grands Dieux ! quels
mouvemens !
Les Nymphes de ma Cour, dit la jeune Déesse ,
Brulent de t'engager sous leurs aimables Loix ;
Leur égale beauté , leur égale tendresse ,
Ne laissent à ton coeur que l'embarras du choix,
Ebloui par l'éclat de sa bonne fortune ,
Mon coeur chancelle quelque tems ;
Mais il se rend enfin aux attraits d'une Brune ,
A l'air vif , aux yeux perçans.
Quels transports , hélas ! quelle joye ,
Dans ces heureux commencemens !
Les douceurs , les plaisirs où mon ame se noye¸¸
Sont autant de ravissemens ;
Je lui jure cent fois une amour éternelle ,
Et de sa bonté naturelle ,
".
J'obtiens bien- tôt mille bienfaits ;
Amour en ma faveur dévoilant ses attraits ,
II. Vol.
Allume
DECEMBRE 1731. 29·19.
Allume dans nos coeurs une'ardeur mutuelle ;
Mais en comblant mes désirs ,
Il m'enleve mes plaisirs.
Un peu trop de perseverance ,.
Pousse un Amant à bout ;
Mais une foible résistance ,.
Apporte le dégout .
`Je t'entends , dit Hebé , dans la Forêt prochaine
Kegarde les Chasseurs que Diane ramene ;
Va , cours apprendre sous ses loix ,
A relancer un Cerf , à le mettre aux abois ¿
C'est elle-même qui s'avance ,
Et perce des traits qu'elle lance ,
Les plus fiers habitans des Bois.
Du Cor qui m'appelle ,
Le son éclatant ,
Du Chasseur trop lent ,
Ranime le zele ;
Mais le Cerf timide , à ce bruit ,
Tremble , s'épouvante , s'enfuits-
Dans les Bois la Louve en colere ,
Va chercher un sombre réduit ;
Et dans sa Taniere ,
Le Renard frémit.
En vain l'impatiente Aurore ,
Se hâte de rouvrir la barriere du jour ,
...
II. Vol A iiij Plus
29.20 MERCURE DE FRANCE
Plus impatient encore ,
Je devance son retour.
Diane secondant ma vigilante audace ,
Je traverse aisément les plus vastes Guerets ;
Je suis la Déesse à la trace ;
Les Cerfs , les Sangliers sont percez de mes traits;
L'été n'a point de feux , l'hiver n'a point de glaçe
Qui puisse garantir les Hôtes des Forêts.
Mais déja le Soleil éteint ses feux dans l'Onde ,
Et la Nuit déployant ses plus sombres drapeaux
Vient donner le repos au Monde ,
Et terminer trop tôt d'agréables travaux.
Vien , Bacchus , vien par ta presence ,
Hearter loin de moi ses ennuyeux Pavots ;
Seroit-ce profiter du temps qu'Hébé dispense ,,
Que le passer dans le repos ?
Tandis que l'Univers sommeille ,
Quel agréable son vient frapper mon oreille ?
Est-ce Arion-sauvé de la fureur des flots
Non, c'est Bacchus qui me réveille ,
Au bruit des flacons et des pots.
Beuvons , amis que l'allegresse , ;
Soit l'arbitre de ce Festin ,
Et que chacun de nous s'empresse ,
De contenter le Dieu du vin.
II. Vol.
Versez
DECEMBRE 1731. 2921
Versez , amis , versez sans cesse ,
De ce Nectar délicieux ,
Vien me saisir , charmante yvresse ,
Tu vas me rendre égal aux Dieux.
Cen est fait de mes sens , Bacchus se rend te
Maître ;
Amis , secondez mon transport ,
Versez et redoublez .... versez .... un coup?
encor ....
Et ma raison va disparoître.
Ce fut ainsi qu'Hebé par une illusion ,
De mes jeunes ar deurs me retraça l'image ;` ,
Je crus en m'éveillant être encore au
Hélas ! avec ma vision ,
Disparut à l'instant la Déesse volage.
bel âge.,
Mortels , qui commencez à peine votre cours
Ma jeunesse en effet a passé comme un songe ; ;
Hebé vous offre de beaux jours ;
Craignez un semblable mensonge
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Résumé : LA JEUNESSE, CHANTATE,
Le poème 'La Jeunesse' de M. Cavalies, avocat, relate une vision onirique où la déesse Jeunesse, Hébé, apparaît au narrateur. Hébé est entourée de petits Amours et accompagnée par le Temps, le Printemps, les Grâces et les plaisirs. Mars, Vénus, Apollon et Diane offrent chacun leurs dons à la Jeunesse. Hébé propose au narrateur de choisir parmi ces présents celui qui flatte le plus son âme. Initialement attiré par les combats de Mars, le narrateur se lasse rapidement de la violence. Il se tourne ensuite vers l'amour, charmé par une jeune femme brune, mais l'amour devient monotone et le déçoit. Hébé le dirige alors vers la chasse avec Diane, où il montre son adresse. À la nuit tombée, il se tourne vers Bacchus pour éviter l'ennui, s'enivre et perd la raison. À son réveil, la vision de la Jeunesse disparaît, et il réalise que sa jeunesse a passé comme un songe. Le poème se conclut par une mise en garde aux mortels de profiter des beaux jours offerts par Hébé sans se laisser tromper par l'illusion.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
19
p. 2922-2938
LETTRE à Messieurs les Auteurs du Journal de Trévoux.
Début :
Javois lû le Poëme de la Henriade lorsqu'il parut la premiere fois sous le [...]
Mots clefs :
Voltaire, Poème, Critique, Ouvrage, Virgile, Fictions
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE à Messieurs les Auteurs du Journal de Trévoux.
LETTRE à Messieurs les Auteurs dis
Journal de Trévoux .
MESS
ESSIEURS ,
Javois lû le Poëme de la Henriade
lorsqu'il parut la premiere fois sous le
nom de la Ligue,et je ne le regardois alors
que comme un ouvrage informe , plein .
d'inégalitez et de beaux Vers ; j'avouerai
même que je desesperois de voir jamais
l'honneur de la France bien rétabli dans
le Genre de l'Epopée ; mais enfin , il fautrendre
gloire à la vérité , et je ne ferai
aucune difficulté de dire que la France
peut aujourd'hui , en ce genre , se comparer
à l'Italie , et se préférer à l'Angleterre.
?
J'écrivis une Lettre critique à l'Illustre
M. de Voltaire dès que la Ligue parut, etje
l'avertis sincerement , combien il étoit
loin de la perfection . Heureusement il a
été assez supérieur pour ne le pas croire
parfait ; il a travaillé , il s'est corrigé , etau
licu d'avertissement , nous ne lui devons
plus que des Eloges. Il sera à jamais.
JJ Vol un
DECEMBRE 1731. 2938
un grand exemple , que la docilité et le
travail continue , peuvent seuls mener
à l'immortalité.
"
On vous a adressé contre ce fameux
ouvrage , une critique que vous avez inserée
dans votre Journal du mois de Juin
dernier. Je vous supplie , Mess. et j'ose
vous sommer , comme juges de la question
, de décider entre cette Critique et
mes Observations.
On semble d'abord refuser à la Henriade
le nom de Poëme épique. Je vous demande
quel nom mérite donc un ouvragequi
a unité d'action , de lieu , de tems :
et d'interêt , plus que toute autre Ouvrage
de cette espece. J'en appelle à Vous et
à tous les Sçavans de l'Europe. L'interêtne
porte-t- il pas du premier Vers jus
qu'au dernier , sur HENRY LE GRAND .
Le Poëme commence ainsi :
Je chante ce Héros , qui regna dans la France
,
Et par droit de conquête , et par droit de nais
sance ,
Qui parle malheur même apprit à gouverner
» Persécuté long - tems , sçut vaincre et par
donner ,
» Confondit , et Mayenne , et la Ligue , et l'Ibere
,
II. Vol. A vj Etx
2924 MERCURE DE FRANCE
D. Et fut de ses sujets , le Vainqueur et le Pere.
Ce que l'Auteur promet dans cette
annonce , il le tient dans tout le cours
du Poëme , et enfin.:.
>> Tout le peuple changé dans ce jour salutaire ,
» Reconnoit son vrai Roy , son Vainqueur et son ·
Pere.
Pour l'unité de lieu , elle est observés
en ce que Paris est supposé toujours assiégé
, et que le commencement du Siégo
et l'entrée du Roy dans la Ville , sont le
sujet de l'ouvrage.
L'unité de temps , est encore plus ri
goureusement suivie , puisque toute l'ac
tion est supposée se passer en un seul
Eté.
L'unité d'interêt est évidente , puisque
l'on ne s'interesse que pour HENRY LE
GRAND.
Il faut donc avouer que toutes les regles
sont icy inviolablement observées .
Je n'entens rien aux reproches qu'on
fait à M. de Voltaire , de n'avoir pas interessé
le Ciel , la Terre et les Enfers à son
action. On ne demande pas , sans doute
que Jupiter et Venus se mêlent des affaires
d'Henry IV . et nous devons , je croi
sçavoir bon gré à l'Auteur de n'avoir
II. Yola point
DECEMBRE. 1731. 2925
point introduit de Magiciens , comme le
Tasse , ni fait battre les Anges à coups .
de Canon , comme Milton , et il me paroît
qu'il y a une singuliere dexterité à
avoir employé des fictions qui ne sont ni
pueriles , ni extravagantes dans ce siecla
éclairé et philosophique , où l'on regarde :
les fictions purementPoëtiques, comme des .
débauches d'esprit , où l'on méprise souverainement
tout ce qui n'est pas raison.
nable.
Or je prétends que de toutes les fictions
employées par M. de Voltaire , il n'y en a
pas une qui ne soit ce qu'elle doit être
pour nous plaire , je veux dire , vraie .
>
Que la discorde ait animé la Ligue , que
la Politique ait eu son séjour à Rome, que
l'Esperance , les Vices et les Chagrins
soient sans cesse les suivans de l'Amour
que S.. Louis , protecteur de la France , et
Ancêtre de Henry IV. intercede pour lui
auprès du Tres - Haut ;il n'y a rien là
de chrétien et de vrai.
que
L'Auteur a imité Virgile dans la descente
aux enfers; je suis bien loin de désaprouver
cette imitation , et je ne suis.
point du nombre de ceux qui regardent
comme des Plagiaires ces nobles esprits ,
qui sçavent s'approprier les beautez antiques
, et faire des originaux François de
ces beaux morceaux Grecs et Romains.
11. Vol . Je
2926 MERCURE DE FRANCE
Je ne crains point même d'affirmer qu'en
plusieurs endroits notre Auteur enchérit
sur son modéle , et pour le prouver ,
comparez la Philosophie de Virgile avec
celle de M. de Voltaire.
Principio coelum ac Terras camposque virentes
Spiritus intus alit .
» Dans le centre éclatant de ces orbes immen--
"
ses ,
Qui n'ont pu nous cacher leur marche , epleurs
distances ,
Luit cet Astre du jour par Dieu même allumé ,.
** Qui tourne autour de soi sur son axe enfla¬
mé ,
» De lui partent sans fin des Torrens de lu .
miere ,
» Il donne , en se montrant , la vie à la ma_
tiere.
» Et dispense les jours , les saisons , et les ans ,
A des Mondes divers autour de lui flottans.
Ces Astres asservis à la loy qui les presse ,
» S'attirent dans leur course , et l'évitent sans
cesse.
» Et servant l'un à l'autre et de regle et d'appuy
,
» Se prêtent les clartez qu'ils reçoivent de lui.
Au-delà de leurs cours et loin dans cet espace
,
a ) Chant VII.
11. Vol. On
DECEMBRE 1731. 2927
Où la matiere nage , et que Dieu seul , embrasse.
» Sont des Soleils sans nombre , et des mondes
sans fin.
Dans cet abîme immense , il leur ouvre un
chemin ,
Par delà tous ces Cieux , le Dieu des Cieux
réside,
Je ne sçai si je me trompe , mais avoir
ainsi expliqué le systême du monde avec
une Poësie si majestueuse , et une précision
si exacte , me paroît l'effort de l'Es- .
prit. Virgile a mis aux portes des Enfers les
maux qui affligent les hommes.
Vestibulum ante ipsum primisque in fancibus
orci,
12. Luctus et ultrices posuere cubilia cura ;
Pallentesque habitant morbi , tristisque Senectus
;
» Et Metus , et male suada fames et turpis
egestas ,
Terribiles visu forma , lethumque laborque ,
»Tum consanguineus lethi sopor , et mala men➡
tis
» Gaudia
bellum.
> mortiferumque adverso limine '
M. de Voltaire a placé les Vices à peu
près au même endroit.
11. Vol Là
2928 MERCURE DE FRANCE
(a ) Là , gist la sombre envie à l'oeil timide et
.louche ,
» Versant sur des Lauriers les poisons de sa bou--
che.
Le jour blesse ses yeux dans l'ombre étince--
lans , ..
Triste Amante des Morts , elle hait les Vivans.
Elle apperçoit HENRY , se détourne et soupire
,
Auprès d'elle est l'orgueil , qui se plaît , et
s'admire.
La foiblesse au teint pâle , aux- regards abatus
Tiran qui cede au crime , et détruit les Vertus ;
» L'Ambition sanglante , inquiéte , égarée ,
22 De Trones , de Tombeaux ; d'Esclaves entou
rée ,
» La tendre hypocrisie aux yeux pleins de douceur
,
(Le Ciel est dans ses yeux, l'Enfer est dans son
coeur.)
Le faux zele étalant ses barbares maximes
» Et l'interêt enfin , pere de tous les crimes.
Que l'on compare encore le bonheur
que les ames des Héros goutent dans les
Champs Elisiens , avec la félicité des bien
heureux , décrite dans la Henriade.
» ( b ) Amour en ces climats , tout ressent ton
empire ,
( a ) Chant VII.
(b) Chant VII,
il. Vol.
Ca
DECEMBRE. 1731 2929!
» Ce n'est point cet amour , que la molesse ins
pire.
» C'est ce flambeau divin , ce feu pur et sacré ,
» Ce pur enfant des Cieux , sur la Terre ignoré..
» De lui seul à jamais tous les coeurs se remplissent
,
» Ils désirent sans cesse , et sans cesse jouissent ;
» Et goutent dans les feux d'une éternelle ardeur,,
» Des plaisirs sans regrets , du repos sans langueur,
Je ne rapporte aucun de ces morceaux :
sans en être ému , et je vous avoue que
le plaisir qu'ils me causent , me donne quel--
que indignation contre des François qui
préférent le Tasse et Milton à l'Auteurde
la Henriade. Je n'ai sur cela qu'un mot
à dire : Le Tasse et Milton sont pleins de
concetti et de pensées fausses. Qu'on me
trouve dans M.de Voltaire une seule pensée
fausse , une seule comparaison qui ne
soit pas- noble et juste , et j'abandonne sa
cause .
Mais sur tout , ce qui doit plaire davantage
dans la Henriade à des esprits .
sensez , c'est que l'Auteur a parlé humainement
, quoique poëtiquement ; il a
peint nos moeurs et nos usages , et il faut
avouer que nul Poëte épique, hors Home,
re, n'avoit été assez heureux pour faire
II.Vol.
dos
2930 MERCURE DE FRANCE
des portaits ressemblans. Vous trouvez
dans la Henriade nos manieres de combatre
, nos Fortifications , nos Siéges , nos
Loix , nos Coutumes , nos Interêts , ceux
de nos Voisins , et ce qui est plus que tout
cela , les Peintures vivantes de tous les
hommes du tems de Henry IV. Le Lecteur
doit être charmé de trouver tant de
veritez dans une sorte d'ouvrage, où d'ordinaire
on ne trouve que des fictions.
On affecte à tout propos d'appeller le
Telemaque un Poëme Epique , je suis
bien persuadé que M. de Fenelon lui - même
n'auroit pas osé donner ce grand titres
à son Ouvrage . Ceux qui parlent si improprement
sont des personnes qui voudroient
avoir la gloire d'être Poëtes sans
en avoir la peine . Ils débitent hardiment
qu'un long Ouvrage en Vers ne peut réüsparce
qu'ils sont incapables d'en
faire , et j'ose dire même qu'il a fallu que
la Henriade parut pour faire voir à la
Nation qu'elle pouvoit avoir un Poëte
Epique.
sir ,
M. de Fenelon avoit crû , je l'avoue ,
que les François ne pourroient jamais s'élever
jusqu'à l'Epopée ; il ne connoissoit
pas notre Poësie . Lui - même il étoit un
fort mauvais Poëte , on le voit par le peu
de Vers qu'on a imprimez de lui , ii pen-
LI. Vol.. soit
DECEMBRE 1731. 2937
soit que la mesure de l'Ode faisoit plus
de plaisir à l'oreille que nos grands Vers,
et que cette mesure seule pouvoit se soutenir
sans fatiguer ; mais s'il avoit voulu
considerer que nos Tregédies sont écrites
en Vers Alexandrins
de douze sillabes
, il n'auroit pas. pas voulu que les Poëmes
Epiques fussent composez de Strophes. ,
Avant que l'aimable la Fontaine eût mis.
les Fables en Vers , toute l'Académie soutenoit
qu'on ne les pouvoit écrire qu'en
Prose. Avant que M. de Voltaire enrichît
notre siecle et notre Nation d'un
Poëme Epique , on croyoit aussi qu'il
falloit faire des Poëmes en Prose. On a
toûjours regardé notre Langue comme
incapable des Ouvrages hardis , jusqu'à
ce qu'il soit venu de grands Hommes.
qui ayent montré qu'un esprit original
fait du Langage l'usage qu'il lui plaît.
En un mot , fentens dire aujourd'hui
aux Esprits sérieux et pleins d'impartialité
, que le Télemaque est le seul Roman
moral, et la Henriade le seul Poëme Epique
que nous ayons.
Le Critique reproche à M. de Voltaire
une chose qui , si elle etoit vraye , le
rendroit certainement un mauvais Poëte;
il insinue qu'on ne lit point la Henriade
avec cette curiosité et cet empressement
II. Vol.
qu'inspire
2932 MERCURE DE FRANCE
qu'inspire un Roman bien composé.
Je plains ce Critique severe, qui se plaît
si fort à la lecture des Romans , et qui
s'ennuye à la Henriade ; pour moi qui
l'ai lûe dix fois , toûjours avec le même
plaisir , j'ai recherché la cause pour laquelle
cet Ouvrage se fait lire de tout
le monde ; j'ai ccrrûu trouver que la vivacité
et la netteté de la diction en étoient
la principale raison , le stile rapide emporte
son Lecteur avec soi telle est , par
exemple , la peinture dès Combats , que
j'avoue ne pouvoir lire que dans la Henriade..
Le Soldat à son gré , sur ce funeste mur ,
Combattant de plus près, porte un trépas plus sur,
Alors on n'entend plus ces foudres de la guerre ,,
Dont les bouches de bronze épouventoient la
Terre..
Un farouche silence , enfant de la fureur ,
A ces bruyants éclats succede avec horreur.
D'un bras déterminé , d'un oeil brulant de rage ,
Parmi ses ennemis chacun s'ouvre un passage.
On saisit, on reprend par un contraire effort ,
Ce Rempart plein de sang , Théatre de la mort,
Dans ses fatales mains la victoire incertaine ,
Tient encor près des Lys , l'Etendart de Lorraine
Les Assiegeans surpris , sont par tout renversez :
Gent fois victorieux et cent fois terrassez .
11. Vd . Pareil
DECEMBRE . 1731. 2933
Pareil à l'Ocean poussé par les orages ,
Qui couvre à chaque instant et qui suit ses Rivages.
Jamais le Roy , jamais son illustre Rival
N'avoient été si grands qu'en cet assaut fatal.
François , Anglois , Lorrains , que la fureur assemble
,
Avançoient , combattoient , frappoient , mouroient
ensemble .
Ange qui conduisiez leur fureur et leur bras ,
Ange Exterminateur , ame de ces Combats ,
De quel Heros enfin prîtes - vous la querelle ?
Une autre raison encore qui fait lire ce
Poëme avec tant d'avidité , c'est un artifice
qui me semble particulier à l'Auteur
; il a eu soin de finir chaque Chant
d'une maniere qui excite la curiosité
de lire le suivant , en laissant toûjours
attendre quelque évenement.
Par exemple , au premier Chant Henry
IV. finit par ce Discours à la Reine
Elizabeth.
Sur tout en écoutant ces tristes avantures,
On s'attend donc de voir ces avantures
au second Chant.
A la fin du troisième :
La voix de la victoire en son Camp le rappelle
II. Vol. On
2934 MERCURE . DE FRANCE
On a donc envie d'apprendre ce qu'il
va faire.
A la fin du cinquième :
Henry du haut du Trône alloit les foudroyer.
A la fin du sixiéme S. Louis lui apparoît
, et l'Auteur réserve adroitement la
vision pour le septième.
A la fin du huitiéme , en parlant de
la Discorde :
Dans un Char teint de sang qui fait pâlir le jour,
Elle part , elle vole , et va trouver l'Amour.
Avec quelle impatience n'attend - on
pas le succès du voyage de la Discorde ?
Plus je réfléchis sur cet artifice que per
sonne jusqu'à present n'a remarqué , plus
je suis persuadé que c'est à lui qu'on
doit le succès de la Henriade .
Le petit nombre d'ennemis que ce Poëme
fameux a encore , triomphe de ce
que l'Episode de Didon est beaucoup plus
interessant que celui d'Elizabeth, et reproche
à notre Auteur d'avoir mis le Chant,
qu'on appelle le Chant des Amours , à
la fin du Poëme , au lieu de l'avoir mis
au commencement , comme Virgile. Il
est bien certain que l'Episode de Didon
dans l'Eneïde , est un morceau parfait ,
dont l'Episode d'Elizabeth , dont le Poë
II. Vol me
DECEMBRE 1731. 2935
me François n'approche pas. Que conclure
de- là ? Rien autre chose , sinon ,
que Virgile est principalement admirable
dans cette Episode , et M. de Voltaire
dans la saint Barthelemy , dans l'assauť
de Paris , dans la Description de la Politique
, dans le Temple de l'Amour. En
verité le Critique voudroit- il qu'Henry
IV. fût amoureux de la Reine Elizabeth,
parce qu'Enée fit l'amour à Didon ?
C'est ici , sur tout , que le Critique me
paroît se tromper et qu'il importe pour
la perfection du goût de remarquer son
erreur.
Le neuvième Chant ; dit- il , n'est point
à sa place à la fin de l'Action. Il la fait
languir , il me semble que c'est tout le
contraire. Je suis persuadé que l'admirable
Episode de Didon a fait grand tort
à l'Encïde en cela seul qu'il est au commencement
du Poëme ; en effet les Combats
dans le Lavinium , sont bien froids
quand on vient de lire le quatriéme Livre
de Virgile .
Il y a encore ici une observation trésutile
à faire , c'est que dans presque
tous les Poëmes et dans presque tous les
Romans il ya toûjours une Episode amoureuse
, qui par la corruption de notre
Nature, est d'ordinaire l'endroit de l'Ou-
II. Vol. vrage
f
12936 MERCURE DE FRANCE
vrage le plus picquant ; on en voit des
exemples dans Virgile , dans le Tasse et
dans tous nos Romans, même dans le Roman
Moral de Telemaque.
Cette sorte de beauté est devenuë enfin
un lieu commun usé . Qu'a donc fait
ce semble , très - habilement M. de Voltaire
? au lieu de nous donner une avanture
Romanesque , il nous a donné un
Chant tout allégorique ! Ce n'est pas une
avanture amoureuse qu'il peint , c'est le
Palais de l'Amour , c'est - à-dire , uniquement
les dangers de cette Passion .
C'est-là, c'est au milieu de cette Cour affreuse ,
Des plaisirs des Humains , Compagne malheu
.reuse ,
Que l'Amour a choisi son séjour éternel ,
Ce dangereux Enfant si tendre et si cruel ,
Tient en sa foible main les destins de la Terre
, &c.
Il me paroît que cette Description si
ingenieuse et si morale , vaut bien les
emportemens d'une Heroïne de Théatre
qui se plaint d'être abandonnée par son
Amant. Je finis là mes Remarques sur
la Critique de la Henriade. Je vous prie
MM. de vouloir bien juger entre l'Observateur
et moi. J'aurai ensuite l'hon-
II. Vol. neut
DECEMBRE 1731. 2937
neur de vous demander aussi votre décision
sur des points concernant le Civil,
le Sacré et le Moral , sur lesquels on attaque
M. de Voltaire dans la seconde Partie.
Je ne suis ami que de la verité , et si
M. de Voltaire a laissé échapper des expressions
peu mésurées ,,
permettez-moi
de m'unir à vous pour le prier solemnellement
de les corriger ; car en verité ,
toute la France doit s'interresser à la perfection
de cet Ouvrage. Je suis , MM. &c.
Signé , LA BRUÏERE,
Nous prions l'Auteur de cette Lettre ,
au cas qu'il nous adresse encore quelque
chose sur le même sujet , comme il semble
l'annoncer sur la fin , de vouloir bien
se servir d'une main moins ignorante
pour transcrire son Original , ou de prendre
la peine de faire lui- même les corrections
necessaires ; il nous a fallu employer
un temps considerable pour mettre
cette Piece en état d'être imprimée ,
chercher sur tout dans Virgile et dans
la Henriade , les endroits rapportez , non
citez , et presque tous estropiez par le
Copiste.
Nous prenons cette occasion pour prier,
en réïterant nos précedens Avis , toutes
les personnes qui trouveront à propos de
II. Vol. B nous
2938 MERCURE DE FRANCE
nous envoyer des Pieces , de les écrire
ou faire écrire lisiblement et le plus correctement
qu'il se pourra , pour nous
épargner une peine qui nous est souvent
impossible , et le chagrin de rebuter ces
Pieces.
Au reste, nous croyons qu'on ne peut,
sans injustice , attribuer aux Journalistes
de Trévoux les deux Lettres contre
M. de Voltaire . Ils ont souvent déclaré
qu'en imprimant les Pieces étrangeres
qu'on leur envoye , telles qu'elles sont ,
ils ne prétendent point en répondre , et
qu'ils offrent un champ libre aux Répliques.
Nous sçavons que plusieurs Jesuites
distinguez désaprouvent hautement
ces deux Lettres .
Il ne faut pas craindre que la Critique
tardive et outrée d'un Censeur , qui n'ose
se faire connoître , fasse après plus de
deux ans , changer les sentimens de la
France et de l'Angleterre sur la derniere
Edition de la Henriade . Il resteroit quelques
corrections à faire ; celles que l'Auteur
a faites , répondent du soin qu'il
aura de n'y rien laisser qui puisse blesser
personne . On doit l'excuser sur sa Théologie
, quelquefois peu exacte ; il a reconnu
lui- même de bonne grace ce deffaut.
Journal de Trévoux .
MESS
ESSIEURS ,
Javois lû le Poëme de la Henriade
lorsqu'il parut la premiere fois sous le
nom de la Ligue,et je ne le regardois alors
que comme un ouvrage informe , plein .
d'inégalitez et de beaux Vers ; j'avouerai
même que je desesperois de voir jamais
l'honneur de la France bien rétabli dans
le Genre de l'Epopée ; mais enfin , il fautrendre
gloire à la vérité , et je ne ferai
aucune difficulté de dire que la France
peut aujourd'hui , en ce genre , se comparer
à l'Italie , et se préférer à l'Angleterre.
?
J'écrivis une Lettre critique à l'Illustre
M. de Voltaire dès que la Ligue parut, etje
l'avertis sincerement , combien il étoit
loin de la perfection . Heureusement il a
été assez supérieur pour ne le pas croire
parfait ; il a travaillé , il s'est corrigé , etau
licu d'avertissement , nous ne lui devons
plus que des Eloges. Il sera à jamais.
JJ Vol un
DECEMBRE 1731. 2938
un grand exemple , que la docilité et le
travail continue , peuvent seuls mener
à l'immortalité.
"
On vous a adressé contre ce fameux
ouvrage , une critique que vous avez inserée
dans votre Journal du mois de Juin
dernier. Je vous supplie , Mess. et j'ose
vous sommer , comme juges de la question
, de décider entre cette Critique et
mes Observations.
On semble d'abord refuser à la Henriade
le nom de Poëme épique. Je vous demande
quel nom mérite donc un ouvragequi
a unité d'action , de lieu , de tems :
et d'interêt , plus que toute autre Ouvrage
de cette espece. J'en appelle à Vous et
à tous les Sçavans de l'Europe. L'interêtne
porte-t- il pas du premier Vers jus
qu'au dernier , sur HENRY LE GRAND .
Le Poëme commence ainsi :
Je chante ce Héros , qui regna dans la France
,
Et par droit de conquête , et par droit de nais
sance ,
Qui parle malheur même apprit à gouverner
» Persécuté long - tems , sçut vaincre et par
donner ,
» Confondit , et Mayenne , et la Ligue , et l'Ibere
,
II. Vol. A vj Etx
2924 MERCURE DE FRANCE
D. Et fut de ses sujets , le Vainqueur et le Pere.
Ce que l'Auteur promet dans cette
annonce , il le tient dans tout le cours
du Poëme , et enfin.:.
>> Tout le peuple changé dans ce jour salutaire ,
» Reconnoit son vrai Roy , son Vainqueur et son ·
Pere.
Pour l'unité de lieu , elle est observés
en ce que Paris est supposé toujours assiégé
, et que le commencement du Siégo
et l'entrée du Roy dans la Ville , sont le
sujet de l'ouvrage.
L'unité de temps , est encore plus ri
goureusement suivie , puisque toute l'ac
tion est supposée se passer en un seul
Eté.
L'unité d'interêt est évidente , puisque
l'on ne s'interesse que pour HENRY LE
GRAND.
Il faut donc avouer que toutes les regles
sont icy inviolablement observées .
Je n'entens rien aux reproches qu'on
fait à M. de Voltaire , de n'avoir pas interessé
le Ciel , la Terre et les Enfers à son
action. On ne demande pas , sans doute
que Jupiter et Venus se mêlent des affaires
d'Henry IV . et nous devons , je croi
sçavoir bon gré à l'Auteur de n'avoir
II. Yola point
DECEMBRE. 1731. 2925
point introduit de Magiciens , comme le
Tasse , ni fait battre les Anges à coups .
de Canon , comme Milton , et il me paroît
qu'il y a une singuliere dexterité à
avoir employé des fictions qui ne sont ni
pueriles , ni extravagantes dans ce siecla
éclairé et philosophique , où l'on regarde :
les fictions purementPoëtiques, comme des .
débauches d'esprit , où l'on méprise souverainement
tout ce qui n'est pas raison.
nable.
Or je prétends que de toutes les fictions
employées par M. de Voltaire , il n'y en a
pas une qui ne soit ce qu'elle doit être
pour nous plaire , je veux dire , vraie .
>
Que la discorde ait animé la Ligue , que
la Politique ait eu son séjour à Rome, que
l'Esperance , les Vices et les Chagrins
soient sans cesse les suivans de l'Amour
que S.. Louis , protecteur de la France , et
Ancêtre de Henry IV. intercede pour lui
auprès du Tres - Haut ;il n'y a rien là
de chrétien et de vrai.
que
L'Auteur a imité Virgile dans la descente
aux enfers; je suis bien loin de désaprouver
cette imitation , et je ne suis.
point du nombre de ceux qui regardent
comme des Plagiaires ces nobles esprits ,
qui sçavent s'approprier les beautez antiques
, et faire des originaux François de
ces beaux morceaux Grecs et Romains.
11. Vol . Je
2926 MERCURE DE FRANCE
Je ne crains point même d'affirmer qu'en
plusieurs endroits notre Auteur enchérit
sur son modéle , et pour le prouver ,
comparez la Philosophie de Virgile avec
celle de M. de Voltaire.
Principio coelum ac Terras camposque virentes
Spiritus intus alit .
» Dans le centre éclatant de ces orbes immen--
"
ses ,
Qui n'ont pu nous cacher leur marche , epleurs
distances ,
Luit cet Astre du jour par Dieu même allumé ,.
** Qui tourne autour de soi sur son axe enfla¬
mé ,
» De lui partent sans fin des Torrens de lu .
miere ,
» Il donne , en se montrant , la vie à la ma_
tiere.
» Et dispense les jours , les saisons , et les ans ,
A des Mondes divers autour de lui flottans.
Ces Astres asservis à la loy qui les presse ,
» S'attirent dans leur course , et l'évitent sans
cesse.
» Et servant l'un à l'autre et de regle et d'appuy
,
» Se prêtent les clartez qu'ils reçoivent de lui.
Au-delà de leurs cours et loin dans cet espace
,
a ) Chant VII.
11. Vol. On
DECEMBRE 1731. 2927
Où la matiere nage , et que Dieu seul , embrasse.
» Sont des Soleils sans nombre , et des mondes
sans fin.
Dans cet abîme immense , il leur ouvre un
chemin ,
Par delà tous ces Cieux , le Dieu des Cieux
réside,
Je ne sçai si je me trompe , mais avoir
ainsi expliqué le systême du monde avec
une Poësie si majestueuse , et une précision
si exacte , me paroît l'effort de l'Es- .
prit. Virgile a mis aux portes des Enfers les
maux qui affligent les hommes.
Vestibulum ante ipsum primisque in fancibus
orci,
12. Luctus et ultrices posuere cubilia cura ;
Pallentesque habitant morbi , tristisque Senectus
;
» Et Metus , et male suada fames et turpis
egestas ,
Terribiles visu forma , lethumque laborque ,
»Tum consanguineus lethi sopor , et mala men➡
tis
» Gaudia
bellum.
> mortiferumque adverso limine '
M. de Voltaire a placé les Vices à peu
près au même endroit.
11. Vol Là
2928 MERCURE DE FRANCE
(a ) Là , gist la sombre envie à l'oeil timide et
.louche ,
» Versant sur des Lauriers les poisons de sa bou--
che.
Le jour blesse ses yeux dans l'ombre étince--
lans , ..
Triste Amante des Morts , elle hait les Vivans.
Elle apperçoit HENRY , se détourne et soupire
,
Auprès d'elle est l'orgueil , qui se plaît , et
s'admire.
La foiblesse au teint pâle , aux- regards abatus
Tiran qui cede au crime , et détruit les Vertus ;
» L'Ambition sanglante , inquiéte , égarée ,
22 De Trones , de Tombeaux ; d'Esclaves entou
rée ,
» La tendre hypocrisie aux yeux pleins de douceur
,
(Le Ciel est dans ses yeux, l'Enfer est dans son
coeur.)
Le faux zele étalant ses barbares maximes
» Et l'interêt enfin , pere de tous les crimes.
Que l'on compare encore le bonheur
que les ames des Héros goutent dans les
Champs Elisiens , avec la félicité des bien
heureux , décrite dans la Henriade.
» ( b ) Amour en ces climats , tout ressent ton
empire ,
( a ) Chant VII.
(b) Chant VII,
il. Vol.
Ca
DECEMBRE. 1731 2929!
» Ce n'est point cet amour , que la molesse ins
pire.
» C'est ce flambeau divin , ce feu pur et sacré ,
» Ce pur enfant des Cieux , sur la Terre ignoré..
» De lui seul à jamais tous les coeurs se remplissent
,
» Ils désirent sans cesse , et sans cesse jouissent ;
» Et goutent dans les feux d'une éternelle ardeur,,
» Des plaisirs sans regrets , du repos sans langueur,
Je ne rapporte aucun de ces morceaux :
sans en être ému , et je vous avoue que
le plaisir qu'ils me causent , me donne quel--
que indignation contre des François qui
préférent le Tasse et Milton à l'Auteurde
la Henriade. Je n'ai sur cela qu'un mot
à dire : Le Tasse et Milton sont pleins de
concetti et de pensées fausses. Qu'on me
trouve dans M.de Voltaire une seule pensée
fausse , une seule comparaison qui ne
soit pas- noble et juste , et j'abandonne sa
cause .
Mais sur tout , ce qui doit plaire davantage
dans la Henriade à des esprits .
sensez , c'est que l'Auteur a parlé humainement
, quoique poëtiquement ; il a
peint nos moeurs et nos usages , et il faut
avouer que nul Poëte épique, hors Home,
re, n'avoit été assez heureux pour faire
II.Vol.
dos
2930 MERCURE DE FRANCE
des portaits ressemblans. Vous trouvez
dans la Henriade nos manieres de combatre
, nos Fortifications , nos Siéges , nos
Loix , nos Coutumes , nos Interêts , ceux
de nos Voisins , et ce qui est plus que tout
cela , les Peintures vivantes de tous les
hommes du tems de Henry IV. Le Lecteur
doit être charmé de trouver tant de
veritez dans une sorte d'ouvrage, où d'ordinaire
on ne trouve que des fictions.
On affecte à tout propos d'appeller le
Telemaque un Poëme Epique , je suis
bien persuadé que M. de Fenelon lui - même
n'auroit pas osé donner ce grand titres
à son Ouvrage . Ceux qui parlent si improprement
sont des personnes qui voudroient
avoir la gloire d'être Poëtes sans
en avoir la peine . Ils débitent hardiment
qu'un long Ouvrage en Vers ne peut réüsparce
qu'ils sont incapables d'en
faire , et j'ose dire même qu'il a fallu que
la Henriade parut pour faire voir à la
Nation qu'elle pouvoit avoir un Poëte
Epique.
sir ,
M. de Fenelon avoit crû , je l'avoue ,
que les François ne pourroient jamais s'élever
jusqu'à l'Epopée ; il ne connoissoit
pas notre Poësie . Lui - même il étoit un
fort mauvais Poëte , on le voit par le peu
de Vers qu'on a imprimez de lui , ii pen-
LI. Vol.. soit
DECEMBRE 1731. 2937
soit que la mesure de l'Ode faisoit plus
de plaisir à l'oreille que nos grands Vers,
et que cette mesure seule pouvoit se soutenir
sans fatiguer ; mais s'il avoit voulu
considerer que nos Tregédies sont écrites
en Vers Alexandrins
de douze sillabes
, il n'auroit pas. pas voulu que les Poëmes
Epiques fussent composez de Strophes. ,
Avant que l'aimable la Fontaine eût mis.
les Fables en Vers , toute l'Académie soutenoit
qu'on ne les pouvoit écrire qu'en
Prose. Avant que M. de Voltaire enrichît
notre siecle et notre Nation d'un
Poëme Epique , on croyoit aussi qu'il
falloit faire des Poëmes en Prose. On a
toûjours regardé notre Langue comme
incapable des Ouvrages hardis , jusqu'à
ce qu'il soit venu de grands Hommes.
qui ayent montré qu'un esprit original
fait du Langage l'usage qu'il lui plaît.
En un mot , fentens dire aujourd'hui
aux Esprits sérieux et pleins d'impartialité
, que le Télemaque est le seul Roman
moral, et la Henriade le seul Poëme Epique
que nous ayons.
Le Critique reproche à M. de Voltaire
une chose qui , si elle etoit vraye , le
rendroit certainement un mauvais Poëte;
il insinue qu'on ne lit point la Henriade
avec cette curiosité et cet empressement
II. Vol.
qu'inspire
2932 MERCURE DE FRANCE
qu'inspire un Roman bien composé.
Je plains ce Critique severe, qui se plaît
si fort à la lecture des Romans , et qui
s'ennuye à la Henriade ; pour moi qui
l'ai lûe dix fois , toûjours avec le même
plaisir , j'ai recherché la cause pour laquelle
cet Ouvrage se fait lire de tout
le monde ; j'ai ccrrûu trouver que la vivacité
et la netteté de la diction en étoient
la principale raison , le stile rapide emporte
son Lecteur avec soi telle est , par
exemple , la peinture dès Combats , que
j'avoue ne pouvoir lire que dans la Henriade..
Le Soldat à son gré , sur ce funeste mur ,
Combattant de plus près, porte un trépas plus sur,
Alors on n'entend plus ces foudres de la guerre ,,
Dont les bouches de bronze épouventoient la
Terre..
Un farouche silence , enfant de la fureur ,
A ces bruyants éclats succede avec horreur.
D'un bras déterminé , d'un oeil brulant de rage ,
Parmi ses ennemis chacun s'ouvre un passage.
On saisit, on reprend par un contraire effort ,
Ce Rempart plein de sang , Théatre de la mort,
Dans ses fatales mains la victoire incertaine ,
Tient encor près des Lys , l'Etendart de Lorraine
Les Assiegeans surpris , sont par tout renversez :
Gent fois victorieux et cent fois terrassez .
11. Vd . Pareil
DECEMBRE . 1731. 2933
Pareil à l'Ocean poussé par les orages ,
Qui couvre à chaque instant et qui suit ses Rivages.
Jamais le Roy , jamais son illustre Rival
N'avoient été si grands qu'en cet assaut fatal.
François , Anglois , Lorrains , que la fureur assemble
,
Avançoient , combattoient , frappoient , mouroient
ensemble .
Ange qui conduisiez leur fureur et leur bras ,
Ange Exterminateur , ame de ces Combats ,
De quel Heros enfin prîtes - vous la querelle ?
Une autre raison encore qui fait lire ce
Poëme avec tant d'avidité , c'est un artifice
qui me semble particulier à l'Auteur
; il a eu soin de finir chaque Chant
d'une maniere qui excite la curiosité
de lire le suivant , en laissant toûjours
attendre quelque évenement.
Par exemple , au premier Chant Henry
IV. finit par ce Discours à la Reine
Elizabeth.
Sur tout en écoutant ces tristes avantures,
On s'attend donc de voir ces avantures
au second Chant.
A la fin du troisième :
La voix de la victoire en son Camp le rappelle
II. Vol. On
2934 MERCURE . DE FRANCE
On a donc envie d'apprendre ce qu'il
va faire.
A la fin du cinquième :
Henry du haut du Trône alloit les foudroyer.
A la fin du sixiéme S. Louis lui apparoît
, et l'Auteur réserve adroitement la
vision pour le septième.
A la fin du huitiéme , en parlant de
la Discorde :
Dans un Char teint de sang qui fait pâlir le jour,
Elle part , elle vole , et va trouver l'Amour.
Avec quelle impatience n'attend - on
pas le succès du voyage de la Discorde ?
Plus je réfléchis sur cet artifice que per
sonne jusqu'à present n'a remarqué , plus
je suis persuadé que c'est à lui qu'on
doit le succès de la Henriade .
Le petit nombre d'ennemis que ce Poëme
fameux a encore , triomphe de ce
que l'Episode de Didon est beaucoup plus
interessant que celui d'Elizabeth, et reproche
à notre Auteur d'avoir mis le Chant,
qu'on appelle le Chant des Amours , à
la fin du Poëme , au lieu de l'avoir mis
au commencement , comme Virgile. Il
est bien certain que l'Episode de Didon
dans l'Eneïde , est un morceau parfait ,
dont l'Episode d'Elizabeth , dont le Poë
II. Vol me
DECEMBRE 1731. 2935
me François n'approche pas. Que conclure
de- là ? Rien autre chose , sinon ,
que Virgile est principalement admirable
dans cette Episode , et M. de Voltaire
dans la saint Barthelemy , dans l'assauť
de Paris , dans la Description de la Politique
, dans le Temple de l'Amour. En
verité le Critique voudroit- il qu'Henry
IV. fût amoureux de la Reine Elizabeth,
parce qu'Enée fit l'amour à Didon ?
C'est ici , sur tout , que le Critique me
paroît se tromper et qu'il importe pour
la perfection du goût de remarquer son
erreur.
Le neuvième Chant ; dit- il , n'est point
à sa place à la fin de l'Action. Il la fait
languir , il me semble que c'est tout le
contraire. Je suis persuadé que l'admirable
Episode de Didon a fait grand tort
à l'Encïde en cela seul qu'il est au commencement
du Poëme ; en effet les Combats
dans le Lavinium , sont bien froids
quand on vient de lire le quatriéme Livre
de Virgile .
Il y a encore ici une observation trésutile
à faire , c'est que dans presque
tous les Poëmes et dans presque tous les
Romans il ya toûjours une Episode amoureuse
, qui par la corruption de notre
Nature, est d'ordinaire l'endroit de l'Ou-
II. Vol. vrage
f
12936 MERCURE DE FRANCE
vrage le plus picquant ; on en voit des
exemples dans Virgile , dans le Tasse et
dans tous nos Romans, même dans le Roman
Moral de Telemaque.
Cette sorte de beauté est devenuë enfin
un lieu commun usé . Qu'a donc fait
ce semble , très - habilement M. de Voltaire
? au lieu de nous donner une avanture
Romanesque , il nous a donné un
Chant tout allégorique ! Ce n'est pas une
avanture amoureuse qu'il peint , c'est le
Palais de l'Amour , c'est - à-dire , uniquement
les dangers de cette Passion .
C'est-là, c'est au milieu de cette Cour affreuse ,
Des plaisirs des Humains , Compagne malheu
.reuse ,
Que l'Amour a choisi son séjour éternel ,
Ce dangereux Enfant si tendre et si cruel ,
Tient en sa foible main les destins de la Terre
, &c.
Il me paroît que cette Description si
ingenieuse et si morale , vaut bien les
emportemens d'une Heroïne de Théatre
qui se plaint d'être abandonnée par son
Amant. Je finis là mes Remarques sur
la Critique de la Henriade. Je vous prie
MM. de vouloir bien juger entre l'Observateur
et moi. J'aurai ensuite l'hon-
II. Vol. neut
DECEMBRE 1731. 2937
neur de vous demander aussi votre décision
sur des points concernant le Civil,
le Sacré et le Moral , sur lesquels on attaque
M. de Voltaire dans la seconde Partie.
Je ne suis ami que de la verité , et si
M. de Voltaire a laissé échapper des expressions
peu mésurées ,,
permettez-moi
de m'unir à vous pour le prier solemnellement
de les corriger ; car en verité ,
toute la France doit s'interresser à la perfection
de cet Ouvrage. Je suis , MM. &c.
Signé , LA BRUÏERE,
Nous prions l'Auteur de cette Lettre ,
au cas qu'il nous adresse encore quelque
chose sur le même sujet , comme il semble
l'annoncer sur la fin , de vouloir bien
se servir d'une main moins ignorante
pour transcrire son Original , ou de prendre
la peine de faire lui- même les corrections
necessaires ; il nous a fallu employer
un temps considerable pour mettre
cette Piece en état d'être imprimée ,
chercher sur tout dans Virgile et dans
la Henriade , les endroits rapportez , non
citez , et presque tous estropiez par le
Copiste.
Nous prenons cette occasion pour prier,
en réïterant nos précedens Avis , toutes
les personnes qui trouveront à propos de
II. Vol. B nous
2938 MERCURE DE FRANCE
nous envoyer des Pieces , de les écrire
ou faire écrire lisiblement et le plus correctement
qu'il se pourra , pour nous
épargner une peine qui nous est souvent
impossible , et le chagrin de rebuter ces
Pieces.
Au reste, nous croyons qu'on ne peut,
sans injustice , attribuer aux Journalistes
de Trévoux les deux Lettres contre
M. de Voltaire . Ils ont souvent déclaré
qu'en imprimant les Pieces étrangeres
qu'on leur envoye , telles qu'elles sont ,
ils ne prétendent point en répondre , et
qu'ils offrent un champ libre aux Répliques.
Nous sçavons que plusieurs Jesuites
distinguez désaprouvent hautement
ces deux Lettres .
Il ne faut pas craindre que la Critique
tardive et outrée d'un Censeur , qui n'ose
se faire connoître , fasse après plus de
deux ans , changer les sentimens de la
France et de l'Angleterre sur la derniere
Edition de la Henriade . Il resteroit quelques
corrections à faire ; celles que l'Auteur
a faites , répondent du soin qu'il
aura de n'y rien laisser qui puisse blesser
personne . On doit l'excuser sur sa Théologie
, quelquefois peu exacte ; il a reconnu
lui- même de bonne grace ce deffaut.
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Résumé : LETTRE à Messieurs les Auteurs du Journal de Trévoux.
La lettre adressée à Messieurs les Auteurs du Journal de Trévoux traite de 'La Henriade', un poème épique de Voltaire. L'auteur de la lettre reconnaît les imperfections initiales de l'œuvre, publiée sous le nom de 'La Ligue', mais admire la version révisée. Il affirme que la France peut désormais rivaliser avec l'Italie et se préférer à l'Angleterre dans le genre épique grâce à Voltaire, qui a corrigé et amélioré son œuvre, démontrant ainsi une docilité et un travail continu menant à l'immortalité. La lettre réfute une critique publiée dans le Journal de juin précédent, qui contestait le statut de poème épique de 'La Henriade'. L'auteur argue que l'œuvre respecte les règles de l'unité d'action, de lieu, de temps et d'intérêt, en se concentrant sur Henri IV et le siège de Paris. Il défend également les choix poétiques de Voltaire, comme l'absence de divinités ou de magiciens, et compare favorablement les fictions de Voltaire à celles de Tasse et Milton. L'auteur loue la précision et la majestuosité de la poésie de Voltaire, notamment dans la description du système du monde et des vices. Il critique ceux qui préfèrent Tasse et Milton, les jugeant pleins de concetti et de pensées fausses. Il souligne que Voltaire a peint les mœurs et les usages de son époque avec une grande véracité, offrant des portraits ressemblants des hommes du temps d'Henri IV. La lettre conclut en affirmant que 'La Henriade' est le seul poème épique français, contrairement au 'Télémaque' de Fénelon, considéré comme un roman moral. Elle défend la vivacité et la netteté de la diction de Voltaire, ainsi que l'artifice de finir chaque chant de manière à exciter la curiosité du lecteur.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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20
p. 2939-2949
REMEDIUM AMORIS.
Début :
Beau Sexe, c'est en vain que tes Adorateurs, [...]
Mots clefs :
Beaux sexe, Amour, Femmes, Discours, Grâces
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texteReconnaissance textuelle : REMEDIUM AMORIS.
REMEDIUM AMORIS.
BEEAaUu Sexe, c'est en vain que tes Adorateurs ,
De tes moindres attraits faux apréciateurs ,
Par un culte , fondé sur de fameux exemples ,
Te dressent des Autels et t'élevent des Temples ;
En vain dans leur yvresse et leur enchantement
Je les entends par tout publier hautement ,
Que les Palais des Rois, que le Ciel, le Ciel même,
Ne vaut pas un Desert où l'on voit ce qu'on aime,
Et qu'il n'est point enfin de sauvage séjour
Qui ne soit embelli par les mains de l'Amour ,
D'un fanatisme outré Sectateur temeraire ,
Je l'abjure , et j'ai trop éprouvé le contraire,
O vous à qui ce Dieu fait perdre la raison ,
Je vous offre ces Vers pour votre guérison.
Puissent dans ce récit mes tristes avantures ,
Passer de main en main jusqu'aux races futures.
D'un Enclos tout couvert d'ossemens infectez ,
Restes encor chéris , mais fuis et respectez ,
S'éleve une vapeur du centre de la Terre ,
Que le Dieu des Enfers pour nous livrer la
Et grossir à la fois ses immenses trésors ,
Exhale contre nous de l'Empire des Morts.
Des arbres jaunissans couvrent de leur verdure ,
guerre,
* Cimetiere.
I I. Vol.
Bij
Les
2940 MERCURE DE FRANCE
Les Squeletes voisins privez de sépulture ,
Et semblent reconnoître , en cachant leurs af
fronts ,
Le suc qui les sustente en passant dans leurs
-troncs .
Nul Oyseau ne nicha sous leur triste feuillage ,
Et nul n'y fit jamais entendre son ramage ,
Si ce n'est le Hibou qui s'en vient tous les soirs ,
Effrayer par ses cris les plus prochains Manoirs,
Les Corbeaux , attirez par tant de pourriture ,
Y croassent le jour en cherchant leur pâture ;
Mais leur croassement cede aux chants importuns
,
Que l'usage consacre à l'honneur des deffunts.
Ici les hurlemens dune veuve affligée ,
Et ceux de sa famille autour d'elle rangée ,
De leurs cris pénetrants formant des unissons ,
Font lever les chassis de toutes les maisons.
Quel spectacle d'y voir et le fils et le pere ,
Et le frere et la soeur , et la fille et la mere ,
Embrasser un cadavre , et vouloir avec lui
S'enfermer au tombeau pour finir leur ennui ;
Tous dans le desespoir dont l'excès les consume,
Semblent de l'Indoustan envier la coûtume :
Mais malgré les horreurs qu'on trouve dans ces
lieux ,
Il est d'autres objets encor plus odieux ;
Car jamais , après tout, quoiqu'on en puisse dire,
11. Vol.
Les
DECEMBRE 1737. 2941
Les Morts sur les vivans n'ont eu beaucoup d'Empire
;
Malgré les Contes bleux dont nous sommes
bercez ,
Je crains plus un Voleur que mille Trépassez ;
Et je traverserois plutôt dix Cimetieres ,
Quelqu'horreur que l'on ait et des Morts et des
Bieres ,
Que je n'affronterois le Cul-de - sac affreux ,
Que je passois les soirs , lorsqu'étant amoureux
J'allois me délasser avec ma Dulcinée ,
Des occupations de toute ma journée ,
Et chercher auprès d'elle un aimable loisir ;
Je risquois plus cent fois lorsque j'osois franchir ,
De ces lieux meurtiers le terrible passage ,
Que l'Amant de Hero qui gagnoit à la nâge ,
Les bords de l'Helespont , éclairé d'une Tour,
Ou plutôt du flambeau que lui prêtoit l'Amour .
Lieu terrible où cent fois Cartouche en ses batailles
,
A teint du sang humain le pied de ses murailles ,
Si je n'y reçûs point quelque coup de poignard ,
J'en rends graces au Dieu qui préside au hazard;
Ainsi dans l'Art d'aimer j'éprouvois plus d'allarmes
,
Qu'on n'en peut essuyer dans le métier des arines.
Quand après ces dangers et ces désagrémens ,
Je voulois à l'Amour donner quelques momens ,
II. Vol.
Bij
Tou
2942 MERCURE DE FRANCE
Toujours au tête-à- tête on mettoit quelqu'obs
tacle ,
Et pour nous trouver seuls , il falloit un miracle.
Tantôt une Nourrice apportoit son Poupon ,
Qu'allaitoit devant nous un dégoutant teton ;
L'enfant crie ; Amours , Jeux , Plaisirs , tout se
disperse
Un giron le reçoit ; on l'agite , on le berce ,
Il s'endort ; par malheur ce n'est pas pour longtemps
,
Nous entendons bien- tôt des cris plus éclatans.
Un bruit sourd de boyaux nous annonce une
pluye ;
L'enfant est inondé ; la Nourrice l'essuye ,
Et du débordement à nos yeux étalé ,
Notre nez pour surcroît est encor régalé.
En vain par des secours , maussadement utiles ,
Le Poupon se rendort ; sommes -nous plus tranquiles
a
La Nourrice bientôt nous apprend à quel prix ;
Elle entonne des chants plus aigres que les cris ;
Elle a pourtant le front de demander silence ,
Et , croyant nous payer de notre complaisance ,
Par de longs tremblemens elle commence un air
Propre à sonner l'allarmes aux Rives de l'Enfer.
Nous respirons enfin , grace au sommeil propice ,
Qui saisit à la fois et Poupon et Nourrice ;
Lorsqu'une Chambriere encor vient nous troubler
;
11. Vol. La
DECEMBRE. 1731. 2943
La Maîtresse l'envoye et nous fait appeller ;
On nous dit desa part qu'il n'est pas trop honnête;
De faire si long - temps durer un tête - à-tête.
C'est ainsi qu'abusoit de son autorité ,
La Dame du Logis sur la foi d'un Traité ,
Dont j'avois bien voulu convenir avec elle ,
Quand je lui confiai ma jeune Jouvencelle ;
Sur tout prendre bien soin de sauver les dehors,
Etoit specifié par nos communs accords ,
Et comme c'est la loy qui rend l'homme cou
pable ,
Par ces mots à ses yeux tout étoit condamnable..
Jugez par ces objets fâcheux et dégoutans ,
Si ma Maitresse et moi nous étions bien contens ,
Et moi , sur tout , qui hais à tel point la con
trainte ;
Que je préfererois à la plus belle Aminte ,
Le précieux trésor de vivre en liberté .
Un Soldat qu'on reprend quand il a deserté,
Bt qu'un Sergent conduit à la prison prochaine ,
L'Esclave fugitif qu'à son Maître on ramene ,
Ont l'air plus assuré que nous n'avions tous deux,
Quand nous obéissions à l'ordre rigoureux ,
De venir augmenter la charmante Assemblée ;
A peine arrivons-nous , que dix femmes d'emblée,
Se levent et nous font un assez froid accueil ;
Cependant on nous traîne à chacun un fauteiiil ,
Quand trois chiens , que pour nous on fit sortir.
de place ,
t
2944 MERCURE DE FRANCE
2
Semblent pour s'en venger et punir notre audace ,
Par de longs aboyemens
, réunis contre nous ,
Témoigner
à la fois leur peine et leur couroux :
On a beau menacer cette Troupe en furie ,
Elle aboye encor plus à mesure qu'on crie ;
On capitule enfin , et par convention
,
Trois Dames les prenant sous leur protection
Au mal qu'on leur a fait fournissent le remede ;
Mais quel triste silence à ce grand bruit succede !
Harpocrate , ce Dieu des femmes , ignoré ,
Pour la premiere fois , là se vit honoré .
Toutes se regardoient , honteuses d'un silence ,
Qu'elles ne supportoient
qu'avec impatience
;
La Dame du logis le prit pour un affront ,
La rougeur à l'instant lui monta sur le front
Puis donnant à son cercle une libre carriere ,
A rompre le silence elle fut la premiere :
Au flux de leurs caquets laissant un libre cours ,
Nos Dames à l'instant commencent
cent discours
,
Toutes dix à la fois saisissant la parole ;
Tels Virgile nous peint les Vents que lâche Eole ,
Pour faire succomber la Flotte des Troyens ;
Tels sont tous ces discours qui renferment des
riens ;
Encore s'ils sortoient de ces bouches vermeilles ,
Qui font plaisir aux yeux pour mieux plaire aux
oreilles
11. Vol.
Qui
DECEMBRE . 1731. 2945
Qui montrent en s'ouvrant deux rateliers charmans
Garnis d'un beau corail et de plus belles dents ;
Tout ce qui sort alors d'une si belle bouche ,
Paroît spirituel , nous enchante et nous touche ,
Et ne nous parla - t'on qu'ajustement , couleur ,
Tout est dit avec grace et tout va jusqu'au coeur
Mais celles qui parloient exhaloient une haleine ,
Qui n'auroit pas permis d'entendre Demosthene .
Quels furent donc pour moi les ennuyeux discours
,
Ausquels dans tout le cercle on donnoit libre
cours ?
A chaque quolibet que l'on venoit de dire ,
J'entendois coup sur coup de grands éclats de rires
J'aurois aussi ri moi ; mais à juste raison
De tous ces ris lâchez si fort hors de saison ,
Si toutes ces beautez, rien moins que Printanieres,,
Ne m'eussent fait songer aux quatre fins der
nieres.
Hélas ! disois-je alors , leur Eté s'est passé ,
Et tout leur sang bien - tôt dans leurs veines glacé,,
Ne soutenir leurs tremblantes carcasses pourra ;
Temps cruel, il n'est rien qu'à la fin tu n'effaces;
Et malgré les efforts du Talc et du Carmin ,
On reconnoît toujours l'ouvrage de la main ; ,
L'on ne voit plus ici l'éclar de la Jeunesse ;
Le tems l'a moissonnée avec trop de vitesse ,
Et les tristes regrets d'avoir jadis été ,
11. Vol,
B.V Est
2946 MERCURE DE FRANCE
Est tout ce qu'elles ont du fruit de leur beautés
J'avouerai cependant qu'à leur dixiéme lustre,
Ces femmes faisoient voir encore quelque lustre,
Quelqu'agrément , leur front , leur teint étoient
unis
Leurs sourcils n'étoient pas tout- à -fait dégarnis ;
C'étoient leurs propres dents qu'on voyoit dans
leur bouche ;
Elles n'avoient pas tant l'air de femmes en cou→
che ,
Enfin , en ménageant adroitement leur jour ,
Elles auroient encore inspiré de l'amour.
J'en aurois pû choisir sur tout une d'entre elles ,
Digne , à quelques ans près , d'être au nombre
des belles;
Mais , nouvelle Niobe , elle vantoit toujours ,
Deux enfans , jeunes fruits de ses vieilles amours.
J'aurois voulu la voir en Rocher transformée ,
Qu du moins que sa bouche à jamais fût fermée
Faites venir mon fils , qu'il amene sa soeur ;
»Dit - elle , vous verrez leur beauté , leur douceur:
» Mon fils est gros et fort , se tient plus droit
qu'un cierge ;
Ma fille a le teint frais et tout l'air d'une vierge,
Elle n'a qu'un deffaut, sa bouche enfonce un peu;
Mais ( vous devez m'en croire après un tel aveu) .
Combien elle a d'attraits ! sa beauté feroit honte
» A la Divinité qui regne en Amathonte ;
C'est tout mon vrai Portrait , il n'est rien de
plus beau ;
DECEMBRE . 1731 2947
Dans quelque temps
peau !
d'ici que de coups de cha-
Quelle nombreuse Cour , quand sa beauté
formée ,
Fera par tout Paris voler sa renommée !
» Que d'infidelitez causeront ses appas !
Que de femmes voudroient qu'on ne la connûr
pas !
Mais ce ne sera point son unique appanage ,
Elle aura de l'esprit , des talens , du langage ,
➡ Elle danse , elle chante , et sur un Clavecin ,
Les Graces et les Jeux guident sa juste main.
»Je reviens à mon fils ; à lui rendre justice ,
» Ce n'est point un Rival d'Adonis, de Narcisse ;
Il n'est pas des plus beaux , mais l'Empire
amoureux ,
»Demande seulement des Heros vigoureux.
2
Jamais en son chemin ne trouvant de cruelles ,
>>Sur tous ses concurrens primant dans les ruelles,
Je le vois devenir la terreur des Maris ,
Et les associer à l'Epoux de Cypris .
Quel flux ! ma patience à bout étoit poussée ,
Lorsqu'une Hebé parat la main embarassée ,
De cinq verres de vin rangez entre ses doigts ,
Dont elle m'arrosa de la valeur de trois ,
En voulant de son pied sur nous fermer la porte
Cet accident fit rire , et d'une telle sorte ,
Qu'à peine entendoit on la Dame de ces lieux ,
1.1. Vol Byj Qui
2948 MERCURE DE FRANCE
Qui crioit cependant et juroit de son mieux
Contre la pauvre Hebé , qu'on traita d'étourdie ;
Mais ne la croyant pas encore assez punie
Des paroles , la Dame en vint à l'action ,
Un soufflet mit le comble à la punition ,
Et ce coup , peu s'en faut ensanglantant la Scene,
Les ris à la pitié , firent place sans peine.
Alors voyant la part qu'on prend à son malheur,
Hebé fait sans contrainte éclater sa douleur ,
Se venge par ses cris des coups de sa Maîtresse
Et le cercle lui sert comme de Forteresse.
Pour moi , ne méditant que mon évasion ,
Je voulus profiter de la confusion ,
Pour quitter ce Sabbat et regagner mon gîte ,
Et j'enfilois déja le palier au plus vite ,
Quand , tel que Don Japhet , transi sur son-
Balcon
Je me trouve arrosé de la tête au talon ,,
D'une eau.... Grand Dieu ! quelle cau , je ne
pris pas le change ,
Jusqu'à prendre cela pour eau de fleur d'Orange ;
Je ne m'épuisai point en regrets superflus ,
Mais je résolus bien de n'y revenir plus.
Encore trop heureux même dans mes disgraces
Et je rendis au Ciel mille actions de graces ,
De me voir éloigné d'une telle maison ,
Plus affreuse pour moi qu'une horrible prison.
Amans qui gémissez sous le poids de vos chaînes;
II. Vol Voulez
DECEMBRE 1731. 2949%
Voulez - vous pour toujours mettre fin à vos
peines ?
Dans de semblables lieux allez faire l'amour ;.
Et comptez de guérir avant la fin du jour.
BEEAaUu Sexe, c'est en vain que tes Adorateurs ,
De tes moindres attraits faux apréciateurs ,
Par un culte , fondé sur de fameux exemples ,
Te dressent des Autels et t'élevent des Temples ;
En vain dans leur yvresse et leur enchantement
Je les entends par tout publier hautement ,
Que les Palais des Rois, que le Ciel, le Ciel même,
Ne vaut pas un Desert où l'on voit ce qu'on aime,
Et qu'il n'est point enfin de sauvage séjour
Qui ne soit embelli par les mains de l'Amour ,
D'un fanatisme outré Sectateur temeraire ,
Je l'abjure , et j'ai trop éprouvé le contraire,
O vous à qui ce Dieu fait perdre la raison ,
Je vous offre ces Vers pour votre guérison.
Puissent dans ce récit mes tristes avantures ,
Passer de main en main jusqu'aux races futures.
D'un Enclos tout couvert d'ossemens infectez ,
Restes encor chéris , mais fuis et respectez ,
S'éleve une vapeur du centre de la Terre ,
Que le Dieu des Enfers pour nous livrer la
Et grossir à la fois ses immenses trésors ,
Exhale contre nous de l'Empire des Morts.
Des arbres jaunissans couvrent de leur verdure ,
guerre,
* Cimetiere.
I I. Vol.
Bij
Les
2940 MERCURE DE FRANCE
Les Squeletes voisins privez de sépulture ,
Et semblent reconnoître , en cachant leurs af
fronts ,
Le suc qui les sustente en passant dans leurs
-troncs .
Nul Oyseau ne nicha sous leur triste feuillage ,
Et nul n'y fit jamais entendre son ramage ,
Si ce n'est le Hibou qui s'en vient tous les soirs ,
Effrayer par ses cris les plus prochains Manoirs,
Les Corbeaux , attirez par tant de pourriture ,
Y croassent le jour en cherchant leur pâture ;
Mais leur croassement cede aux chants importuns
,
Que l'usage consacre à l'honneur des deffunts.
Ici les hurlemens dune veuve affligée ,
Et ceux de sa famille autour d'elle rangée ,
De leurs cris pénetrants formant des unissons ,
Font lever les chassis de toutes les maisons.
Quel spectacle d'y voir et le fils et le pere ,
Et le frere et la soeur , et la fille et la mere ,
Embrasser un cadavre , et vouloir avec lui
S'enfermer au tombeau pour finir leur ennui ;
Tous dans le desespoir dont l'excès les consume,
Semblent de l'Indoustan envier la coûtume :
Mais malgré les horreurs qu'on trouve dans ces
lieux ,
Il est d'autres objets encor plus odieux ;
Car jamais , après tout, quoiqu'on en puisse dire,
11. Vol.
Les
DECEMBRE 1737. 2941
Les Morts sur les vivans n'ont eu beaucoup d'Empire
;
Malgré les Contes bleux dont nous sommes
bercez ,
Je crains plus un Voleur que mille Trépassez ;
Et je traverserois plutôt dix Cimetieres ,
Quelqu'horreur que l'on ait et des Morts et des
Bieres ,
Que je n'affronterois le Cul-de - sac affreux ,
Que je passois les soirs , lorsqu'étant amoureux
J'allois me délasser avec ma Dulcinée ,
Des occupations de toute ma journée ,
Et chercher auprès d'elle un aimable loisir ;
Je risquois plus cent fois lorsque j'osois franchir ,
De ces lieux meurtiers le terrible passage ,
Que l'Amant de Hero qui gagnoit à la nâge ,
Les bords de l'Helespont , éclairé d'une Tour,
Ou plutôt du flambeau que lui prêtoit l'Amour .
Lieu terrible où cent fois Cartouche en ses batailles
,
A teint du sang humain le pied de ses murailles ,
Si je n'y reçûs point quelque coup de poignard ,
J'en rends graces au Dieu qui préside au hazard;
Ainsi dans l'Art d'aimer j'éprouvois plus d'allarmes
,
Qu'on n'en peut essuyer dans le métier des arines.
Quand après ces dangers et ces désagrémens ,
Je voulois à l'Amour donner quelques momens ,
II. Vol.
Bij
Tou
2942 MERCURE DE FRANCE
Toujours au tête-à- tête on mettoit quelqu'obs
tacle ,
Et pour nous trouver seuls , il falloit un miracle.
Tantôt une Nourrice apportoit son Poupon ,
Qu'allaitoit devant nous un dégoutant teton ;
L'enfant crie ; Amours , Jeux , Plaisirs , tout se
disperse
Un giron le reçoit ; on l'agite , on le berce ,
Il s'endort ; par malheur ce n'est pas pour longtemps
,
Nous entendons bien- tôt des cris plus éclatans.
Un bruit sourd de boyaux nous annonce une
pluye ;
L'enfant est inondé ; la Nourrice l'essuye ,
Et du débordement à nos yeux étalé ,
Notre nez pour surcroît est encor régalé.
En vain par des secours , maussadement utiles ,
Le Poupon se rendort ; sommes -nous plus tranquiles
a
La Nourrice bientôt nous apprend à quel prix ;
Elle entonne des chants plus aigres que les cris ;
Elle a pourtant le front de demander silence ,
Et , croyant nous payer de notre complaisance ,
Par de longs tremblemens elle commence un air
Propre à sonner l'allarmes aux Rives de l'Enfer.
Nous respirons enfin , grace au sommeil propice ,
Qui saisit à la fois et Poupon et Nourrice ;
Lorsqu'une Chambriere encor vient nous troubler
;
11. Vol. La
DECEMBRE. 1731. 2943
La Maîtresse l'envoye et nous fait appeller ;
On nous dit desa part qu'il n'est pas trop honnête;
De faire si long - temps durer un tête - à-tête.
C'est ainsi qu'abusoit de son autorité ,
La Dame du Logis sur la foi d'un Traité ,
Dont j'avois bien voulu convenir avec elle ,
Quand je lui confiai ma jeune Jouvencelle ;
Sur tout prendre bien soin de sauver les dehors,
Etoit specifié par nos communs accords ,
Et comme c'est la loy qui rend l'homme cou
pable ,
Par ces mots à ses yeux tout étoit condamnable..
Jugez par ces objets fâcheux et dégoutans ,
Si ma Maitresse et moi nous étions bien contens ,
Et moi , sur tout , qui hais à tel point la con
trainte ;
Que je préfererois à la plus belle Aminte ,
Le précieux trésor de vivre en liberté .
Un Soldat qu'on reprend quand il a deserté,
Bt qu'un Sergent conduit à la prison prochaine ,
L'Esclave fugitif qu'à son Maître on ramene ,
Ont l'air plus assuré que nous n'avions tous deux,
Quand nous obéissions à l'ordre rigoureux ,
De venir augmenter la charmante Assemblée ;
A peine arrivons-nous , que dix femmes d'emblée,
Se levent et nous font un assez froid accueil ;
Cependant on nous traîne à chacun un fauteiiil ,
Quand trois chiens , que pour nous on fit sortir.
de place ,
t
2944 MERCURE DE FRANCE
2
Semblent pour s'en venger et punir notre audace ,
Par de longs aboyemens
, réunis contre nous ,
Témoigner
à la fois leur peine et leur couroux :
On a beau menacer cette Troupe en furie ,
Elle aboye encor plus à mesure qu'on crie ;
On capitule enfin , et par convention
,
Trois Dames les prenant sous leur protection
Au mal qu'on leur a fait fournissent le remede ;
Mais quel triste silence à ce grand bruit succede !
Harpocrate , ce Dieu des femmes , ignoré ,
Pour la premiere fois , là se vit honoré .
Toutes se regardoient , honteuses d'un silence ,
Qu'elles ne supportoient
qu'avec impatience
;
La Dame du logis le prit pour un affront ,
La rougeur à l'instant lui monta sur le front
Puis donnant à son cercle une libre carriere ,
A rompre le silence elle fut la premiere :
Au flux de leurs caquets laissant un libre cours ,
Nos Dames à l'instant commencent
cent discours
,
Toutes dix à la fois saisissant la parole ;
Tels Virgile nous peint les Vents que lâche Eole ,
Pour faire succomber la Flotte des Troyens ;
Tels sont tous ces discours qui renferment des
riens ;
Encore s'ils sortoient de ces bouches vermeilles ,
Qui font plaisir aux yeux pour mieux plaire aux
oreilles
11. Vol.
Qui
DECEMBRE . 1731. 2945
Qui montrent en s'ouvrant deux rateliers charmans
Garnis d'un beau corail et de plus belles dents ;
Tout ce qui sort alors d'une si belle bouche ,
Paroît spirituel , nous enchante et nous touche ,
Et ne nous parla - t'on qu'ajustement , couleur ,
Tout est dit avec grace et tout va jusqu'au coeur
Mais celles qui parloient exhaloient une haleine ,
Qui n'auroit pas permis d'entendre Demosthene .
Quels furent donc pour moi les ennuyeux discours
,
Ausquels dans tout le cercle on donnoit libre
cours ?
A chaque quolibet que l'on venoit de dire ,
J'entendois coup sur coup de grands éclats de rires
J'aurois aussi ri moi ; mais à juste raison
De tous ces ris lâchez si fort hors de saison ,
Si toutes ces beautez, rien moins que Printanieres,,
Ne m'eussent fait songer aux quatre fins der
nieres.
Hélas ! disois-je alors , leur Eté s'est passé ,
Et tout leur sang bien - tôt dans leurs veines glacé,,
Ne soutenir leurs tremblantes carcasses pourra ;
Temps cruel, il n'est rien qu'à la fin tu n'effaces;
Et malgré les efforts du Talc et du Carmin ,
On reconnoît toujours l'ouvrage de la main ; ,
L'on ne voit plus ici l'éclar de la Jeunesse ;
Le tems l'a moissonnée avec trop de vitesse ,
Et les tristes regrets d'avoir jadis été ,
11. Vol,
B.V Est
2946 MERCURE DE FRANCE
Est tout ce qu'elles ont du fruit de leur beautés
J'avouerai cependant qu'à leur dixiéme lustre,
Ces femmes faisoient voir encore quelque lustre,
Quelqu'agrément , leur front , leur teint étoient
unis
Leurs sourcils n'étoient pas tout- à -fait dégarnis ;
C'étoient leurs propres dents qu'on voyoit dans
leur bouche ;
Elles n'avoient pas tant l'air de femmes en cou→
che ,
Enfin , en ménageant adroitement leur jour ,
Elles auroient encore inspiré de l'amour.
J'en aurois pû choisir sur tout une d'entre elles ,
Digne , à quelques ans près , d'être au nombre
des belles;
Mais , nouvelle Niobe , elle vantoit toujours ,
Deux enfans , jeunes fruits de ses vieilles amours.
J'aurois voulu la voir en Rocher transformée ,
Qu du moins que sa bouche à jamais fût fermée
Faites venir mon fils , qu'il amene sa soeur ;
»Dit - elle , vous verrez leur beauté , leur douceur:
» Mon fils est gros et fort , se tient plus droit
qu'un cierge ;
Ma fille a le teint frais et tout l'air d'une vierge,
Elle n'a qu'un deffaut, sa bouche enfonce un peu;
Mais ( vous devez m'en croire après un tel aveu) .
Combien elle a d'attraits ! sa beauté feroit honte
» A la Divinité qui regne en Amathonte ;
C'est tout mon vrai Portrait , il n'est rien de
plus beau ;
DECEMBRE . 1731 2947
Dans quelque temps
peau !
d'ici que de coups de cha-
Quelle nombreuse Cour , quand sa beauté
formée ,
Fera par tout Paris voler sa renommée !
» Que d'infidelitez causeront ses appas !
Que de femmes voudroient qu'on ne la connûr
pas !
Mais ce ne sera point son unique appanage ,
Elle aura de l'esprit , des talens , du langage ,
➡ Elle danse , elle chante , et sur un Clavecin ,
Les Graces et les Jeux guident sa juste main.
»Je reviens à mon fils ; à lui rendre justice ,
» Ce n'est point un Rival d'Adonis, de Narcisse ;
Il n'est pas des plus beaux , mais l'Empire
amoureux ,
»Demande seulement des Heros vigoureux.
2
Jamais en son chemin ne trouvant de cruelles ,
>>Sur tous ses concurrens primant dans les ruelles,
Je le vois devenir la terreur des Maris ,
Et les associer à l'Epoux de Cypris .
Quel flux ! ma patience à bout étoit poussée ,
Lorsqu'une Hebé parat la main embarassée ,
De cinq verres de vin rangez entre ses doigts ,
Dont elle m'arrosa de la valeur de trois ,
En voulant de son pied sur nous fermer la porte
Cet accident fit rire , et d'une telle sorte ,
Qu'à peine entendoit on la Dame de ces lieux ,
1.1. Vol Byj Qui
2948 MERCURE DE FRANCE
Qui crioit cependant et juroit de son mieux
Contre la pauvre Hebé , qu'on traita d'étourdie ;
Mais ne la croyant pas encore assez punie
Des paroles , la Dame en vint à l'action ,
Un soufflet mit le comble à la punition ,
Et ce coup , peu s'en faut ensanglantant la Scene,
Les ris à la pitié , firent place sans peine.
Alors voyant la part qu'on prend à son malheur,
Hebé fait sans contrainte éclater sa douleur ,
Se venge par ses cris des coups de sa Maîtresse
Et le cercle lui sert comme de Forteresse.
Pour moi , ne méditant que mon évasion ,
Je voulus profiter de la confusion ,
Pour quitter ce Sabbat et regagner mon gîte ,
Et j'enfilois déja le palier au plus vite ,
Quand , tel que Don Japhet , transi sur son-
Balcon
Je me trouve arrosé de la tête au talon ,,
D'une eau.... Grand Dieu ! quelle cau , je ne
pris pas le change ,
Jusqu'à prendre cela pour eau de fleur d'Orange ;
Je ne m'épuisai point en regrets superflus ,
Mais je résolus bien de n'y revenir plus.
Encore trop heureux même dans mes disgraces
Et je rendis au Ciel mille actions de graces ,
De me voir éloigné d'une telle maison ,
Plus affreuse pour moi qu'une horrible prison.
Amans qui gémissez sous le poids de vos chaînes;
II. Vol Voulez
DECEMBRE 1731. 2949%
Voulez - vous pour toujours mettre fin à vos
peines ?
Dans de semblables lieux allez faire l'amour ;.
Et comptez de guérir avant la fin du jour.
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Résumé : REMEDIUM AMORIS.
Le texte 'Remedium Amoris' critique l'amour et ceux qui l'idéalisent. L'auteur, ayant vécu des expériences contraires, propose ses vers comme remède à ceux qui perdent la raison à cause de l'amour. Il décrit un cimetière lugubre, peuplé de squelettes et d'oiseaux comme le hibou et les corbeaux, préférant affronter des dangers réels plutôt que cette atmosphère morbide. L'auteur relate ensuite les obstacles rencontrés lors de ses rendez-vous amoureux, tels que la présence d'un nourrisson et de sa nourrice, ou les interruptions constantes par des servantes et des visites impromptues. Les réunions sociales sont dépeintes comme des moments de contrainte et de malaise, avec des femmes âgées et des chiens hostiles. L'auteur exprime son dégoût pour ces situations et préfère la liberté à l'amour contraint. Il conclut en conseillant aux amants de fréquenter de tels lieux pour se guérir rapidement de leurs peines amoureuses.
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21
p. 2949-2952
ACADEMIE DE CHIRURGIE.
Début :
Le 18. Decembre 1731. il y eut une assemblée de 70. Maîtres Chirurgiens [...]
Mots clefs :
Observations, Académie, Chirurgiens, Secrétaire, Société académique, Correspondances
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ACADEMIE DE CHIRURGIE.
ACADEMIE DE CHIRURGIE.
L
la-
E 18. Decembre 1731. il y eut
une assemblée de 70. Maîtres Chirurgiens
de Paris , convoquée par M. le
premier Chirurgien du Roy , qui y présida.
On y lût un projet de Reglement
pour une Académie de Chirurgie établie
sous la protection du Roy , et l'inspec-.
tion du premier Chirurgien de Sa Majesté
; ensuite une Lettre de M. le Comte ..
de Maurepas , Sécretaire d'Etat , par
quelle il mande à M. Mareschal , que
S. M. a approuvé ce projet , qu'elle ap-..
prouve aussi que les Assemblées Académiques
de Chirurgie se tiennent conformément
à ce projet ; qu'elle a reglé le
nombre des Chirurgiens de Paris qui doivent
composer cette Societé Académique;
qu'Elle souhaitte que M. Maréchal en-..
voye à M. le Comte de Maurepas , un
II, Vol.
ad
2950 MERCURE DE FRANCE
état de ceux qu'il croira à propos d'y
admettre , sur quoi il sera informé des
ordres de S. M.
Après cette Lettre , on lût la Liste des
Académiciens , qui sont , Mrs. Maréchal
et La Peyronie , dix Académiciens libres
et soixante ordinaires. De ces derniers il
y a six Officiers agréés par le Roy , qui
sont , les Srs. Petit , Directeur , Malaval,
Vice-Directeur , Morand , Sécretaire , Le
Dran , chargé des correspondances , Garengeot
, chargé des Extraits des Livres de
Chirurgie , et Bourgeois fils , Trésorier.
Sa Majesté a approuvé le choix de M.
Mareschal , qui a reçu , à ce sujet , une
seconde Lettre de M. le Comte de Maurepas.
Voici les principaux articles , et en
même temps les motifs de cet établissement
dont l'objet est de perfection--
ner la Chirurgie par l'expérience et l'ob-
,
servation.
La Societé Académique s'assemblera
dans la grande Sale de Saint Côme
tous les Mardis , pour y recevoir les observations
qui seront présentées et luës
tant par les Académiciens que par les.
autres Maîtres Chirurgiens , qui ne sont
point ordinaires de l'Académie
II. Kola
mais
point
DECEMBRE. 1731 2957
qui en sont censés les Adjoints , et qui y
prendront séance chaque fois qu'ils y apporteront
quelques observations de Chirurgie.
Les observations ne rouleront que sur des á
histoires de Maladies Chirurgicales singulieres
, operations nouvelles , effets re- ,
marquables de remedes topiques , soitconnus
, soit particuliers à quelques- uns..
Les observations seront écrites dans la
forme des Memoires Académiques
délivrées au Sécretaire , pour en être fait
Fusage convenable , au jugement d'un Comité
composé des six Officiers et de sept
Commissaires , élus librement et par voie
de suffrage .
و
ct
Ces observations composeront le recueil
que la Societé Académique donnera au
Public , partie dans l'Histoire , partic
dans les Mémoires au long , chaque observation
portant à la tête le nom de
son Auteur,
Les habiles Chirurgiens du Royaume
et même des Pays Etrangers , sont invitez
à faire part de leurs découvertes à
l'Académie , qui se fera un honneur de
les associer à ses travaux , et qui , sur
deux morceaux approuvez par elle , leur
envoyera des Lettres de correspondance...
II. Kol
Pour
2352 MERCURE DE FRANCE
›
Pour exciter de plus en plus l'émula--
tion , elle donnera tous les ans une Mé-.
daille d'or à celui qui aura fourni le meilleur
Mémoire sur une question impor-.
tante de Chirurgie , indiquée par l'Académie
, et annoncée dans les Journaux
et Nouvelles Litteraires .
On n'entre point icy dans le détail des
articles qui regardent la direction de cette
Académie , et les fonctions de ses Officiers.
Il faut pour cela consulter le Ré-.
glement qui vient d'être imprimé. On
annoncera dans le mois de Janvier 1732 .
la question proposée pour le prix de l'Académie.
Lû et approuvé dans l'Assemblée du 24
Decembre. MORAND.
L
la-
E 18. Decembre 1731. il y eut
une assemblée de 70. Maîtres Chirurgiens
de Paris , convoquée par M. le
premier Chirurgien du Roy , qui y présida.
On y lût un projet de Reglement
pour une Académie de Chirurgie établie
sous la protection du Roy , et l'inspec-.
tion du premier Chirurgien de Sa Majesté
; ensuite une Lettre de M. le Comte ..
de Maurepas , Sécretaire d'Etat , par
quelle il mande à M. Mareschal , que
S. M. a approuvé ce projet , qu'elle ap-..
prouve aussi que les Assemblées Académiques
de Chirurgie se tiennent conformément
à ce projet ; qu'elle a reglé le
nombre des Chirurgiens de Paris qui doivent
composer cette Societé Académique;
qu'Elle souhaitte que M. Maréchal en-..
voye à M. le Comte de Maurepas , un
II, Vol.
ad
2950 MERCURE DE FRANCE
état de ceux qu'il croira à propos d'y
admettre , sur quoi il sera informé des
ordres de S. M.
Après cette Lettre , on lût la Liste des
Académiciens , qui sont , Mrs. Maréchal
et La Peyronie , dix Académiciens libres
et soixante ordinaires. De ces derniers il
y a six Officiers agréés par le Roy , qui
sont , les Srs. Petit , Directeur , Malaval,
Vice-Directeur , Morand , Sécretaire , Le
Dran , chargé des correspondances , Garengeot
, chargé des Extraits des Livres de
Chirurgie , et Bourgeois fils , Trésorier.
Sa Majesté a approuvé le choix de M.
Mareschal , qui a reçu , à ce sujet , une
seconde Lettre de M. le Comte de Maurepas.
Voici les principaux articles , et en
même temps les motifs de cet établissement
dont l'objet est de perfection--
ner la Chirurgie par l'expérience et l'ob-
,
servation.
La Societé Académique s'assemblera
dans la grande Sale de Saint Côme
tous les Mardis , pour y recevoir les observations
qui seront présentées et luës
tant par les Académiciens que par les.
autres Maîtres Chirurgiens , qui ne sont
point ordinaires de l'Académie
II. Kola
mais
point
DECEMBRE. 1731 2957
qui en sont censés les Adjoints , et qui y
prendront séance chaque fois qu'ils y apporteront
quelques observations de Chirurgie.
Les observations ne rouleront que sur des á
histoires de Maladies Chirurgicales singulieres
, operations nouvelles , effets re- ,
marquables de remedes topiques , soitconnus
, soit particuliers à quelques- uns..
Les observations seront écrites dans la
forme des Memoires Académiques
délivrées au Sécretaire , pour en être fait
Fusage convenable , au jugement d'un Comité
composé des six Officiers et de sept
Commissaires , élus librement et par voie
de suffrage .
و
ct
Ces observations composeront le recueil
que la Societé Académique donnera au
Public , partie dans l'Histoire , partic
dans les Mémoires au long , chaque observation
portant à la tête le nom de
son Auteur,
Les habiles Chirurgiens du Royaume
et même des Pays Etrangers , sont invitez
à faire part de leurs découvertes à
l'Académie , qui se fera un honneur de
les associer à ses travaux , et qui , sur
deux morceaux approuvez par elle , leur
envoyera des Lettres de correspondance...
II. Kol
Pour
2352 MERCURE DE FRANCE
›
Pour exciter de plus en plus l'émula--
tion , elle donnera tous les ans une Mé-.
daille d'or à celui qui aura fourni le meilleur
Mémoire sur une question impor-.
tante de Chirurgie , indiquée par l'Académie
, et annoncée dans les Journaux
et Nouvelles Litteraires .
On n'entre point icy dans le détail des
articles qui regardent la direction de cette
Académie , et les fonctions de ses Officiers.
Il faut pour cela consulter le Ré-.
glement qui vient d'être imprimé. On
annoncera dans le mois de Janvier 1732 .
la question proposée pour le prix de l'Académie.
Lû et approuvé dans l'Assemblée du 24
Decembre. MORAND.
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Résumé : ACADEMIE DE CHIRURGIE.
Le 18 décembre 1731, une assemblée de 70 Maîtres Chirurgiens de Paris, convoquée par le premier Chirurgien du Roi, a approuvé la création d'une Académie de Chirurgie sous la protection du Roi. Le projet a été validé par le Roi, qui a également régulé le nombre de chirurgiens composant cette société académique. La lettre du Comte de Maurepas, Secrétaire d'État, a été lue, indiquant que le Roi souhaitait une liste des chirurgiens à admettre. La liste des académiciens, comprenant M. Maréchal et La Peyronie, dix académiciens libres et soixante ordinaires, a été lue. Six officiers, agréés par le Roi, ont été nommés pour des rôles spécifiques. L'objectif de l'Académie est de perfectionner la chirurgie par l'expérience et l'observation. Les assemblées se tiendront tous les mardis à Saint Côme pour discuter des observations sur des maladies chirurgicales, des opérations nouvelles et des remèdes. Ces observations seront écrites sous forme de mémoires académiques et jugées par un comité. L'Académie invitera les chirurgiens du Royaume et des pays étrangers à partager leurs découvertes et offrira une médaille d'or chaque année pour le meilleur mémoire. La question pour le prix de l'Académie sera annoncée en janvier 1732. Le règlement détaillé de l'Académie a été approuvé lors de l'assemblée du 24 décembre.
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22
p. 2952-2957
L'ALMANACH NANTOIS, NOUVELLE. Par Mlle. MALCRAIS DE LA VIGNE, du Croisic, en Bretagne.
Début :
Feu M*** jadis Libraire à Nantes, [...]
Mots clefs :
Almanach nantais, Libraire, Calculs astronomiques, Lessive, Audace, Barbare, Astrologue, Canicule
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'ALMANACH NANTOIS, NOUVELLE. Par Mlle. MALCRAIS DE LA VIGNE, du Croisic, en Bretagne.
L'ALMANACH NANTOIS ,
NOUVELLE..
Par Mlle. MALCRAIS DE LA VIGNE , dus:
Croisic , en Bretagne.
FEù M*** jadis Libraire à Nantes ,
Faisoit mouler un Almanach nouveau ,
Pär chacun an grande en étoit la vente ,
11 Vol . Non
DECEMBRE .
2953 1731.
Non sans raison , car l'ouvrage étoit beau.
Par quoi d'abord qu'il trottoit par les Villes ,
Les curieux des mains se l'arrachoient.
Les Quatre- temps , les Jeûnes , les Vigiles ,
Les jours fêtez à coup sûr s'y nichoient ;
Bien désignez en lettres italiques.
A leur ordo tous Gens Ecclésiastiques ,
Jà dédaignoient de croyance ajoûter ,
Par préférence its alloient consulter ,
Sire Almanach , Magister en rubriques.
Là se trouvoient calculs astronomiques ,
Le temps qu'il faut semer , ou transplanter
Choufleur , chou vert , concombre , pastenade ,
Bête , épinard , cerfeuil , persil , salade ,
Melon , raifort , ozeille , séléri ,
Nous expliquant en langage fleuri ,
Le mal , le bien que fait chaque légume ;
Mieux n'en.a sçu discourir l'Emeri ,
Ni Tournefort , en main docte volume.
P'uis prédisoit que quiconque en Janvier
Iroit nuds pieds., s'exposeroit au rhume
Et qu'en Eté , miracle singulier ,
Bien on pourroit selon ses justes notes ,
Phébus venant à se clarifier ,
L'après -midi quitter les Redingotes ,.
Şans crainte avoir d'en être mal mené.
La paroissoient les Marchez et les Foires ;
II. Vol. Les
2954 MERCURE DE FRANCE
Le tout étoit dûment assaisonné
De mots joyeux , de gaillardes histoires.
Tout ce pourtant n'étoit rien , comparé
Au bel endroit où M *** Prophete
Des temps futurs devenoit l'Interprete.
Car c'est un fait parmi nous assuré ,
Que le bon homme aidé de sa servante ,
Agée au moins de deux fois quarante ans ,
( Jaquette étoit le nom de la sçavante , }
Nous prédisoit la pluye et le beau temps ,
Le chaud , le froid , le calme , et la tourmentes-
On y croyoit à la Ville , au Hameau.
Advint qu'un soir avec sa chambriere ,
Embeguiné sous un bonnet de peau ,
Enveloppé dans un triple Manteau ,
Il s'en alla guetter dans la goutiere ,
Lunette en main , les aspects differens ,
Bon ou mauvais de tant d'Astres errans ,
S'étant promis qu'il eûr à la pipée ,
D'Endimion la maîtresse attrapée.
Après minuit , ses calculs disposez
Exactement , l'heure et le jour pesez ,
Dans son grenier il rentre en diligence ,
Et met le tout hardiment par écrit.
C'étoit à May pour lors d'entrer en danse :
Or ce beau mois , où tout pousse et fleurit ,
D'un bout à l'autre il le chargea de pluye..
II. Vol. Avec
DECEMBRE 1731. 2995.
Avec Jacquette ensuite il vérifie ,
Ce qu'il avoit composé sur ce mois.
Moliere ( De sa Servante on nous dit. que
Faisoit ainsi son Censeur autrefois )
A peine cût- il fait la lecture entiere ,
Qu'en un instant les mains sur les rognons ,
Voilà Jacquette invoquant les Démons ,
Pestant , jurant de la belle maniere ,
De son Toquet le devant est derriere ,
Sur son front sec par les ans labouré ,
Se dresse épars le reste bigarré
De sa blanchâtre et terrible criniere.
Sa large gueule , où sont au plus deux dents ,
Qui du Pain frais craindroient des accidents ,
Ne peut grincer , elle écume , et la rage
De la raison lui fait perdre l'usage
Sur son menton pointu , recoquillé ,
La barbe frise en bouquets séparée ,
D'un jaune obscur sa face est colorée ,
Son oeil profond de ses cils dépouillé
A dans son antre égaré sa prunelle ,
Sa gorge s'enfle , et Virgile cût sur elle ,
S'il eût vécu , pris un autre patron
De sa funeste et sanglante Alecton
Quand tout à coup sa voix dans l'air tonnante-
Du galetas fait trembler la charpente ;
Lors sécouant son Maître épouvanté ,
Nostradamus , en tous lieux si vanté ,
11. Vol.
n'est
2956 MERCURE DE FRANCE
N'est point l'Auteur de ta perfide race ,
Loup garou , chien , et tu suis mal la trace
Du vieux Tycho , de qui la parenté
Mal prétendue enfle à tort ton audace :
Mais tu nacquis , s'il le faut trancher net ,
Au fond d'un Bois d'une Ourse , et d'un Baudets
Quoi donc cruel .... mais voyez si la Grive
A mes discours à l'oreille attentive ::
Quoi Malotru ne te souvient - il pas ,
Qu'en Mai toûjours nous faisons la lessive
Sans qu'en tout l'an jamais autre la suive ?
Comment veux -tu que nos linges , nos draps ,
Puissent sécher ? Jarni , mort de ma vie ……...
Si nuit et jour tu fais tomber la pluye ?
Ah ! si du moins quatre jours de bon temps
S'y rencontroient ! mes voeux seroient contents.
Non , laisse-moi , barbare , je te quitte ;
Je vais ailleurs engager mon mérite.
Puis lui portant le poing sous le museau ;
Regarde un peu ma phisionomie ;
Vois-tu Medée , ensemble et Canidie.
Mais les vapeurs ont gripé mon cerveau ,
Je meurs , je tombe , et mon corps tout en cau ,
Fait à mon ame humer sa maladie ,
Et tristement déjà la congédie.
D'un tel courroux l'Astrologue est surpris ,
Son corps frissonne , et sa langue est gêlée .
II. Vol..
Ca
t
DECEMBRE. 1731 .
2957
Ce nonobstant rappellant ses esprits ,
Il est donc vrai , Prophetes mal- appris ,
Que pour vous seuls avez l'âme aveuglée ?
Témoin Cardan * et moi qui n'ai compris
L'effort prochain de cette Giboullée ,
Calme ton ire , aimable échevelée ;
Tais- toi , dit- il , j'ai tort , et cette fois
D'en convenir point n'aurai de scrupule.
Bien ai-je aussi le remede en mes doigts ;
Je vais adonc r'habiller tout ce mois ,
Et pour te plaire , et rendre l'erreur nulle ,
Je veux en May mettre la Canicule .
* Voyez le Dictionnaire de Bayle , au mot
Cardan.
NOUVELLE..
Par Mlle. MALCRAIS DE LA VIGNE , dus:
Croisic , en Bretagne.
FEù M*** jadis Libraire à Nantes ,
Faisoit mouler un Almanach nouveau ,
Pär chacun an grande en étoit la vente ,
11 Vol . Non
DECEMBRE .
2953 1731.
Non sans raison , car l'ouvrage étoit beau.
Par quoi d'abord qu'il trottoit par les Villes ,
Les curieux des mains se l'arrachoient.
Les Quatre- temps , les Jeûnes , les Vigiles ,
Les jours fêtez à coup sûr s'y nichoient ;
Bien désignez en lettres italiques.
A leur ordo tous Gens Ecclésiastiques ,
Jà dédaignoient de croyance ajoûter ,
Par préférence its alloient consulter ,
Sire Almanach , Magister en rubriques.
Là se trouvoient calculs astronomiques ,
Le temps qu'il faut semer , ou transplanter
Choufleur , chou vert , concombre , pastenade ,
Bête , épinard , cerfeuil , persil , salade ,
Melon , raifort , ozeille , séléri ,
Nous expliquant en langage fleuri ,
Le mal , le bien que fait chaque légume ;
Mieux n'en.a sçu discourir l'Emeri ,
Ni Tournefort , en main docte volume.
P'uis prédisoit que quiconque en Janvier
Iroit nuds pieds., s'exposeroit au rhume
Et qu'en Eté , miracle singulier ,
Bien on pourroit selon ses justes notes ,
Phébus venant à se clarifier ,
L'après -midi quitter les Redingotes ,.
Şans crainte avoir d'en être mal mené.
La paroissoient les Marchez et les Foires ;
II. Vol. Les
2954 MERCURE DE FRANCE
Le tout étoit dûment assaisonné
De mots joyeux , de gaillardes histoires.
Tout ce pourtant n'étoit rien , comparé
Au bel endroit où M *** Prophete
Des temps futurs devenoit l'Interprete.
Car c'est un fait parmi nous assuré ,
Que le bon homme aidé de sa servante ,
Agée au moins de deux fois quarante ans ,
( Jaquette étoit le nom de la sçavante , }
Nous prédisoit la pluye et le beau temps ,
Le chaud , le froid , le calme , et la tourmentes-
On y croyoit à la Ville , au Hameau.
Advint qu'un soir avec sa chambriere ,
Embeguiné sous un bonnet de peau ,
Enveloppé dans un triple Manteau ,
Il s'en alla guetter dans la goutiere ,
Lunette en main , les aspects differens ,
Bon ou mauvais de tant d'Astres errans ,
S'étant promis qu'il eûr à la pipée ,
D'Endimion la maîtresse attrapée.
Après minuit , ses calculs disposez
Exactement , l'heure et le jour pesez ,
Dans son grenier il rentre en diligence ,
Et met le tout hardiment par écrit.
C'étoit à May pour lors d'entrer en danse :
Or ce beau mois , où tout pousse et fleurit ,
D'un bout à l'autre il le chargea de pluye..
II. Vol. Avec
DECEMBRE 1731. 2995.
Avec Jacquette ensuite il vérifie ,
Ce qu'il avoit composé sur ce mois.
Moliere ( De sa Servante on nous dit. que
Faisoit ainsi son Censeur autrefois )
A peine cût- il fait la lecture entiere ,
Qu'en un instant les mains sur les rognons ,
Voilà Jacquette invoquant les Démons ,
Pestant , jurant de la belle maniere ,
De son Toquet le devant est derriere ,
Sur son front sec par les ans labouré ,
Se dresse épars le reste bigarré
De sa blanchâtre et terrible criniere.
Sa large gueule , où sont au plus deux dents ,
Qui du Pain frais craindroient des accidents ,
Ne peut grincer , elle écume , et la rage
De la raison lui fait perdre l'usage
Sur son menton pointu , recoquillé ,
La barbe frise en bouquets séparée ,
D'un jaune obscur sa face est colorée ,
Son oeil profond de ses cils dépouillé
A dans son antre égaré sa prunelle ,
Sa gorge s'enfle , et Virgile cût sur elle ,
S'il eût vécu , pris un autre patron
De sa funeste et sanglante Alecton
Quand tout à coup sa voix dans l'air tonnante-
Du galetas fait trembler la charpente ;
Lors sécouant son Maître épouvanté ,
Nostradamus , en tous lieux si vanté ,
11. Vol.
n'est
2956 MERCURE DE FRANCE
N'est point l'Auteur de ta perfide race ,
Loup garou , chien , et tu suis mal la trace
Du vieux Tycho , de qui la parenté
Mal prétendue enfle à tort ton audace :
Mais tu nacquis , s'il le faut trancher net ,
Au fond d'un Bois d'une Ourse , et d'un Baudets
Quoi donc cruel .... mais voyez si la Grive
A mes discours à l'oreille attentive ::
Quoi Malotru ne te souvient - il pas ,
Qu'en Mai toûjours nous faisons la lessive
Sans qu'en tout l'an jamais autre la suive ?
Comment veux -tu que nos linges , nos draps ,
Puissent sécher ? Jarni , mort de ma vie ……...
Si nuit et jour tu fais tomber la pluye ?
Ah ! si du moins quatre jours de bon temps
S'y rencontroient ! mes voeux seroient contents.
Non , laisse-moi , barbare , je te quitte ;
Je vais ailleurs engager mon mérite.
Puis lui portant le poing sous le museau ;
Regarde un peu ma phisionomie ;
Vois-tu Medée , ensemble et Canidie.
Mais les vapeurs ont gripé mon cerveau ,
Je meurs , je tombe , et mon corps tout en cau ,
Fait à mon ame humer sa maladie ,
Et tristement déjà la congédie.
D'un tel courroux l'Astrologue est surpris ,
Son corps frissonne , et sa langue est gêlée .
II. Vol..
Ca
t
DECEMBRE. 1731 .
2957
Ce nonobstant rappellant ses esprits ,
Il est donc vrai , Prophetes mal- appris ,
Que pour vous seuls avez l'âme aveuglée ?
Témoin Cardan * et moi qui n'ai compris
L'effort prochain de cette Giboullée ,
Calme ton ire , aimable échevelée ;
Tais- toi , dit- il , j'ai tort , et cette fois
D'en convenir point n'aurai de scrupule.
Bien ai-je aussi le remede en mes doigts ;
Je vais adonc r'habiller tout ce mois ,
Et pour te plaire , et rendre l'erreur nulle ,
Je veux en May mettre la Canicule .
* Voyez le Dictionnaire de Bayle , au mot
Cardan.
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Résumé : L'ALMANACH NANTOIS, NOUVELLE. Par Mlle. MALCRAIS DE LA VIGNE, du Croisic, en Bretagne.
L'Almanach Nantois, édité par Mlle Malcrais de La Vigne, était un ouvrage très prisé à Nantes. Chaque année, sa vente était significative grâce à la qualité de son contenu. L'almanach incluait les Quatre-Temps, les jours de jeûne, les vigiles et les jours fériés, tous clairement indiqués en lettres italiques. Les ecclésiastiques le préféraient pour ses rubriques précises. Il contenait également des calculs astronomiques et des conseils détaillés sur les meilleures périodes pour semer ou transplanter divers légumes. L'Almanach Nantois fournissait aussi des prédictions météorologiques, comme les risques de rhume en janvier ou la possibilité de se passer de redingote l'après-midi en été. Il listait également les marchés et les foires, agrémentés de mots joyeux et d'histoires amusantes. L'auteur de l'almanach, assisté de sa servante Jacquette, prédisait le temps avec une grande précision. Un soir, après avoir observé les astres, il prédit un mois de mai pluvieux. Jacquette, furieuse, invoqua les démons et jura, reprochant à son maître de ne pas tenir compte des habitudes locales, comme la lessive en mai. Elle exigea des jours de beau temps. Surpris par cette réaction, l'astrologue finit par céder et modifia sa prédiction pour inclure la canicule en mai.
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23
p. 2957-2963
EXTRAIT d'un Mémoire lû à la rentrée de l'Académie Royale des Sciences, le 14 Novembre 1731. par M. Duhamel du Monceau,
Début :
Dans le dessein que M. D. s'est formé, de faire sur des Plantes des [...]
Mots clefs :
Arbres, Greffes, Poirier, Sauvageon, Expériences, Agriculture
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'un Mémoire lû à la rentrée de l'Académie Royale des Sciences, le 14 Novembre 1731. par M. Duhamel du Monceau,
EXTRAIT d'un Mémoire lû à la rentrée
de l'Académie Royale des Sciences , le
14 Novembre 1731. par M. Duhamel
du Monceau ,
Dmé
و
Ans le dessein- que M. D. s'est forde
faire sur les Plantes des
recherches physiques dont on pût retirer
des avantages pour l'Agriculture , la
Greffe , ne pouvoit pas manquer de devenir
l'objet de son travail , la singularité
II. Vol.
qu'il
298 MERCURE DE FRANCE
gere ,
qu'il y a de voir un Arbre adopter sur
'son tronc une branche qui lui est étranet
la nourrir comme les siennes
propres , est un fait assès singulier "pour
mériter l'application d'un Physicien , et
le grand usage que l'on fait de cette pratique
d'Agriculture , pour multiplier les
bonnes especes de fruits , la rend extrêmement
utile , et par conséquent digne
de l'attention de celui qui travaille à perfectionner
l'Agriculture.
A peine aussi la Greffe a- t'elle été connuë
, que tous les Auteurs d'Agriculture
se sont efforcez de lui donner des louanges
, et ont été à ce point d'éxageration ,
qu'ils lui ont attribue le pouvoir de changer
entierement les especes , et d'autres
proprietés merveilleuses , dont M. D. ne
convient pas. Et pour ne laisser aucun
doute sur ce point , et prouver incontestablement
que , quoique la Greffe donne
quelque perfection aux fruits , elle ne
peut cependant changer les especes ; M.
D... s'est engagé dans un nombre prodigieux
d'esperances. Non - seulement tous
Les Arbres ont été greffés les uns sur les
autres comme le Poirier sur l'Epine , le
Neflier , l'Alisier , le Cormier , l'Orme ,
le Chêne , l'Erable le Charme , &c.
mais même ils l'ont été de differentes ma-
II. Vol. nieres
و
DECEMBRE . 1731. 2959.
nieres , en fente , en couronne , en écusson
, à oeil poussant , et à oeil dormant ,
ou par approche. Bien plus , ces expériences
ont été répetées trois ans de suite,.
afin qu'on ne pût imputer ni à l'impéritie
du Jardinier , ni à quelques fâcheuses
circonstances des saisons , le mauvais succès
de plusieurs de ces Greffes ; aussi après
toutes ces précautions , M. D ... croit- il
pouvoir assurer qu'entre les Greffes qui
sont rapportées dans les ouvrages d'Agriculture
, les unes ne peuvent absolument
réüssir , et celles qui réussissent ne changent
jamais les especes. Mais comme M.
D... ne s'est pas contenté , en faisant ses
expériences , de remarquer les Greffes qui
ont réussi , et celles qui ont péri , mais
qu'il a encore observé les circonstances
qui ont accompagné la réussite des unes ,
et la mort des autres. Par exemple , que
quelques Greffes périssoient d'une surabondance
de substance et comme noyées
par la sève du sujet , pendant que
d'autres mouroient d'inanition , et après
avoir désseché et appauvri le tronc sur
lequel elles étoient appliquées. Ces observations
, et quantité d'autres , lui ont
donné lieu d'avancer comme un principe
certain que la réussite des Greffes n'est
assurée et satisfaisante pour celui qui la
11. Vol.
pra
2960 MERCURE DE FRANCE
pratique , que quand il se trouve un cèrtain
rapport et une conformité entre la
Greffe et le sujet. Le Poirier , par exemple
,, pousse avec force et vigueur sur son
sauvageon , et est presque à tous égards
semblable aux Arbres non greffés. Quand
au contraire les oppositions sont grandes,
il est inutile d'y mettre ces expériences ,
le Prunier et l'Orme ont toûjours réfusé
de s'allier , et si le Poirier et l'Erable ou
le Chêne , le Prunier et l'Amandier , le
Meurier et l'Orme , et beaucoup d'autres
Arbres greffés les uns sur les autres ont
repris , leurs pousses étoient petites , leurs
feuilles étoient jaunes , d'autant moins vigoureuses
, que la disproportion étoit
plus considerable , ces Greffes ont enfin
perdu tous leurs Gets , et sont enfin péris
comme les autres .
-D...
Il s'embleroit suivre delà , continue M.
que notre travail sur la Greffe devroit
principalement se borner à étudier le
rapport des Arbres entr'eux , pour n'appliquer
les uns sur les autres , que ceux
qui ont entr'eux une Analogie la plus
parfaite , et cette pratique est veritablement
la meilleure , quand il ne s'agit que
d'avoir des Arbres forts , vigoureux et de
longue durée , comme sont ceux qu'on
met en avenue ; mais à l'égard des Arbres
II. Vol.
FruiDECEMBRE.
1731. 2961
por-
Fruitiers , le but principal de leur cul
ture étant d'avoir beaucoup de beau et
bon Fruit , M. D... croit qu'il peut être
avantageux pour remplir ces vûës d'éviter
une Analogie trop parfaite entre la
Greffe et le sujet or voici son raisonnément
; beaucoup d'Arbres ne portent
point de fruits , parce qu'ils poussent
avec trop de force et de vigueur , il faut
donc les affoiblir pour leur en faire
ter en abondance. Assurés par plusieurs
expériences, premierement , que la Greffe
affoiblit toûjours les Arbres , et en second
lieu , qu'elle les affoiblit à proportion ,
qu'il y a moins d'Analogie entre la Greffe
et le sujet , nous pouvons leur ôter cette
trop grande vigueur qui les rend infructueux
soit en faisant plusieurs Greffes
les unes sur les autres comme en greffant
sur un Sauvageon un Beuré et sur
le Beuré un Colmar ou une autre espece
qu'on veut avoir dans son Jardin
en choisissant des sujets qui ayent moins
d'Analagie avec le Poirier qu'il n'en a
avec son Sauvageon , comme sont les Coignassiers
, ou les Nefliers ou les Cormiers
, ou les Epines blanches , et plusieurs
autres Arbres sur lesquels le Poirier
ne laisse
pas de reprendre , quoique
leur Analogie avec le Poirier soit moins
11. Vol. G par
,
›
soit
2962 MERCURE DE FRANCE
parfaite que celle du Poirier franc avec
son Sauvageon ; mais cès Arbres ne viennent
pas également bien par tout , et il
y a quantité de Terroirs où les Poiriers
greffés sur des Coignassiers ne font que
languir , de même que dans plusieurs
endroits , il n'est pas possible d'élever des
Poiriers sur le Neflier ..ou sur l'Epine ;
c'est ce qui engage M. D... à proposer
un troisiéme moyen d'affoiblir les Arbres
et qui pourra être employé dans
ces sortes de Terres , aussi bien que celui
qu'il a proposé en premier lieu , il consiste
à rompre la trop grande Anologie ,
qui est entre le Poirier franc et son Sauvageon
, par l'interposition d'une espece
qui soit moins analogue à l'un et à l'autre,
comme seroit , par exemple un Coignassier
; ainsi , après avoir greffé un
Coignassier sur Sauvageon , il faudroit
greffer le Poirier franc sur la pousse du
Coignassier. Au reste , M. D... avouë
que les expériences qu'il a faites pour
s'assurer de la bonté de ce dernier moïen ,
ne sont pas assès avancées pour en assurer
entierement la réussite ; mais il la croit
assès probable pour inviter ceux qui ont
des Arbres qui ne donnent point de fruit,
à tenter de les réduire par quelques - uns
de ces moyens.
II. Vol.
›
M.
1
DECEMBRE 1731.
2963
M. D... remarque ensuite que par ces
differentes pratiques , on ne peut qu'àméliorer
les fruits d'autant que les unes
et les autres tendent ou à multiplier un
noeud , ou un certain entortillement de
Vaisseaux qui se rencontrent toûjours à
l'endroit de l'application de la Greffe , et
l'autre à le rendre plus compacte , plus
serré , et ainsi plus efficace ; car les recherches
que M. D... a faites sur la Greffe
, l'ont persuadé que l'avantage que les
fruits en retirent dépend principalement
de ce noeud , qui fait , en quelque maniere
, l'office d'une glande .
Enfin , M. D. , réfute quelques Auteurs
qui ont proposé de fortifier les Arbres
par des Greffes réïverées , et il conclud
sa Dissertation par une Table des
meilleures especes de Poires, rangées sous
trois colomnes , l'une renferme les especes
de Poires qui se mettent très aisément
à fruit , l'autre , celles qui se mettent assès
aisément et enfin la troisiéme contiennent
celles qui ne s'y mettent que
difficilement.
de l'Académie Royale des Sciences , le
14 Novembre 1731. par M. Duhamel
du Monceau ,
Dmé
و
Ans le dessein- que M. D. s'est forde
faire sur les Plantes des
recherches physiques dont on pût retirer
des avantages pour l'Agriculture , la
Greffe , ne pouvoit pas manquer de devenir
l'objet de son travail , la singularité
II. Vol.
qu'il
298 MERCURE DE FRANCE
gere ,
qu'il y a de voir un Arbre adopter sur
'son tronc une branche qui lui est étranet
la nourrir comme les siennes
propres , est un fait assès singulier "pour
mériter l'application d'un Physicien , et
le grand usage que l'on fait de cette pratique
d'Agriculture , pour multiplier les
bonnes especes de fruits , la rend extrêmement
utile , et par conséquent digne
de l'attention de celui qui travaille à perfectionner
l'Agriculture.
A peine aussi la Greffe a- t'elle été connuë
, que tous les Auteurs d'Agriculture
se sont efforcez de lui donner des louanges
, et ont été à ce point d'éxageration ,
qu'ils lui ont attribue le pouvoir de changer
entierement les especes , et d'autres
proprietés merveilleuses , dont M. D. ne
convient pas. Et pour ne laisser aucun
doute sur ce point , et prouver incontestablement
que , quoique la Greffe donne
quelque perfection aux fruits , elle ne
peut cependant changer les especes ; M.
D... s'est engagé dans un nombre prodigieux
d'esperances. Non - seulement tous
Les Arbres ont été greffés les uns sur les
autres comme le Poirier sur l'Epine , le
Neflier , l'Alisier , le Cormier , l'Orme ,
le Chêne , l'Erable le Charme , &c.
mais même ils l'ont été de differentes ma-
II. Vol. nieres
و
DECEMBRE . 1731. 2959.
nieres , en fente , en couronne , en écusson
, à oeil poussant , et à oeil dormant ,
ou par approche. Bien plus , ces expériences
ont été répetées trois ans de suite,.
afin qu'on ne pût imputer ni à l'impéritie
du Jardinier , ni à quelques fâcheuses
circonstances des saisons , le mauvais succès
de plusieurs de ces Greffes ; aussi après
toutes ces précautions , M. D ... croit- il
pouvoir assurer qu'entre les Greffes qui
sont rapportées dans les ouvrages d'Agriculture
, les unes ne peuvent absolument
réüssir , et celles qui réussissent ne changent
jamais les especes. Mais comme M.
D... ne s'est pas contenté , en faisant ses
expériences , de remarquer les Greffes qui
ont réussi , et celles qui ont péri , mais
qu'il a encore observé les circonstances
qui ont accompagné la réussite des unes ,
et la mort des autres. Par exemple , que
quelques Greffes périssoient d'une surabondance
de substance et comme noyées
par la sève du sujet , pendant que
d'autres mouroient d'inanition , et après
avoir désseché et appauvri le tronc sur
lequel elles étoient appliquées. Ces observations
, et quantité d'autres , lui ont
donné lieu d'avancer comme un principe
certain que la réussite des Greffes n'est
assurée et satisfaisante pour celui qui la
11. Vol.
pra
2960 MERCURE DE FRANCE
pratique , que quand il se trouve un cèrtain
rapport et une conformité entre la
Greffe et le sujet. Le Poirier , par exemple
,, pousse avec force et vigueur sur son
sauvageon , et est presque à tous égards
semblable aux Arbres non greffés. Quand
au contraire les oppositions sont grandes,
il est inutile d'y mettre ces expériences ,
le Prunier et l'Orme ont toûjours réfusé
de s'allier , et si le Poirier et l'Erable ou
le Chêne , le Prunier et l'Amandier , le
Meurier et l'Orme , et beaucoup d'autres
Arbres greffés les uns sur les autres ont
repris , leurs pousses étoient petites , leurs
feuilles étoient jaunes , d'autant moins vigoureuses
, que la disproportion étoit
plus considerable , ces Greffes ont enfin
perdu tous leurs Gets , et sont enfin péris
comme les autres .
-D...
Il s'embleroit suivre delà , continue M.
que notre travail sur la Greffe devroit
principalement se borner à étudier le
rapport des Arbres entr'eux , pour n'appliquer
les uns sur les autres , que ceux
qui ont entr'eux une Analogie la plus
parfaite , et cette pratique est veritablement
la meilleure , quand il ne s'agit que
d'avoir des Arbres forts , vigoureux et de
longue durée , comme sont ceux qu'on
met en avenue ; mais à l'égard des Arbres
II. Vol.
FruiDECEMBRE.
1731. 2961
por-
Fruitiers , le but principal de leur cul
ture étant d'avoir beaucoup de beau et
bon Fruit , M. D... croit qu'il peut être
avantageux pour remplir ces vûës d'éviter
une Analogie trop parfaite entre la
Greffe et le sujet or voici son raisonnément
; beaucoup d'Arbres ne portent
point de fruits , parce qu'ils poussent
avec trop de force et de vigueur , il faut
donc les affoiblir pour leur en faire
ter en abondance. Assurés par plusieurs
expériences, premierement , que la Greffe
affoiblit toûjours les Arbres , et en second
lieu , qu'elle les affoiblit à proportion ,
qu'il y a moins d'Analogie entre la Greffe
et le sujet , nous pouvons leur ôter cette
trop grande vigueur qui les rend infructueux
soit en faisant plusieurs Greffes
les unes sur les autres comme en greffant
sur un Sauvageon un Beuré et sur
le Beuré un Colmar ou une autre espece
qu'on veut avoir dans son Jardin
en choisissant des sujets qui ayent moins
d'Analagie avec le Poirier qu'il n'en a
avec son Sauvageon , comme sont les Coignassiers
, ou les Nefliers ou les Cormiers
, ou les Epines blanches , et plusieurs
autres Arbres sur lesquels le Poirier
ne laisse
pas de reprendre , quoique
leur Analogie avec le Poirier soit moins
11. Vol. G par
,
›
soit
2962 MERCURE DE FRANCE
parfaite que celle du Poirier franc avec
son Sauvageon ; mais cès Arbres ne viennent
pas également bien par tout , et il
y a quantité de Terroirs où les Poiriers
greffés sur des Coignassiers ne font que
languir , de même que dans plusieurs
endroits , il n'est pas possible d'élever des
Poiriers sur le Neflier ..ou sur l'Epine ;
c'est ce qui engage M. D... à proposer
un troisiéme moyen d'affoiblir les Arbres
et qui pourra être employé dans
ces sortes de Terres , aussi bien que celui
qu'il a proposé en premier lieu , il consiste
à rompre la trop grande Anologie ,
qui est entre le Poirier franc et son Sauvageon
, par l'interposition d'une espece
qui soit moins analogue à l'un et à l'autre,
comme seroit , par exemple un Coignassier
; ainsi , après avoir greffé un
Coignassier sur Sauvageon , il faudroit
greffer le Poirier franc sur la pousse du
Coignassier. Au reste , M. D... avouë
que les expériences qu'il a faites pour
s'assurer de la bonté de ce dernier moïen ,
ne sont pas assès avancées pour en assurer
entierement la réussite ; mais il la croit
assès probable pour inviter ceux qui ont
des Arbres qui ne donnent point de fruit,
à tenter de les réduire par quelques - uns
de ces moyens.
II. Vol.
›
M.
1
DECEMBRE 1731.
2963
M. D... remarque ensuite que par ces
differentes pratiques , on ne peut qu'àméliorer
les fruits d'autant que les unes
et les autres tendent ou à multiplier un
noeud , ou un certain entortillement de
Vaisseaux qui se rencontrent toûjours à
l'endroit de l'application de la Greffe , et
l'autre à le rendre plus compacte , plus
serré , et ainsi plus efficace ; car les recherches
que M. D... a faites sur la Greffe
, l'ont persuadé que l'avantage que les
fruits en retirent dépend principalement
de ce noeud , qui fait , en quelque maniere
, l'office d'une glande .
Enfin , M. D. , réfute quelques Auteurs
qui ont proposé de fortifier les Arbres
par des Greffes réïverées , et il conclud
sa Dissertation par une Table des
meilleures especes de Poires, rangées sous
trois colomnes , l'une renferme les especes
de Poires qui se mettent très aisément
à fruit , l'autre , celles qui se mettent assès
aisément et enfin la troisiéme contiennent
celles qui ne s'y mettent que
difficilement.
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Résumé : EXTRAIT d'un Mémoire lû à la rentrée de l'Académie Royale des Sciences, le 14 Novembre 1731. par M. Duhamel du Monceau,
En novembre 1731, M. Duhamel du Monceau soumet un mémoire à l'Académie Royale des Sciences sur les recherches physiques des plantes, visant à améliorer l'agriculture. Il se concentre particulièrement sur la greffe, une technique permettant de multiplier les bonnes espèces de fruits. La greffe consiste à attacher une branche étrangère sur le tronc d'un arbre, qui la nourrit comme ses propres branches. Cette pratique est reconnue par de nombreux auteurs d'agriculture, bien que certains lui attribuent des propriétés merveilleuses que M. Duhamel conteste. M. Duhamel a réalisé de nombreuses expériences en greffant divers arbres les uns sur les autres, utilisant différentes techniques. Il conclut que certaines greffes ne peuvent réussir et que celles qui réussissent ne changent jamais les espèces. La réussite des greffes dépend d'un certain rapport et d'une conformité entre la greffe et le sujet. Par exemple, le poirier pousse bien sur son sauvageon, tandis que des combinaisons comme le prunier et l'orme échouent. Pour les arbres fruitiers, M. Duhamel suggère d'éviter une analogie trop parfaite entre la greffe et le sujet afin d'affaiblir la vigueur excessive des arbres et favoriser la production de fruits. Il propose plusieurs méthodes pour y parvenir, comme greffer plusieurs espèces les unes sur les autres ou interposer une espèce moins analogue. Il note également que certaines pratiques améliorent les fruits en multipliant ou en compactant un nœud vasculaire à l'endroit de la greffe. Enfin, M. Duhamel réfute les auteurs proposant de fortifier les arbres par des greffes réitérées et conclut son mémoire par une table des meilleures espèces de poires, classées selon leur facilité à produire des fruits.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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24
p. 2964-2969
COMBAT DE LA PROSE ET DE LA RIME. Donné sur le Parnasse, le 2 Juin 1730.
Début :
Dans le fond du sacré Vallon [...]
Mots clefs :
Prose, Rime, Parnasse, Apollon, Orateurs, Romanciers, Terreur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : COMBAT DE LA PROSE ET DE LA RIME. Donné sur le Parnasse, le 2 Juin 1730.
COMBAT DE LA PROSE
ET DE LA RIME.
Donné sur le Parnasse , le 2 Juin 1730.
Dans le fond du sacré Vallon
Se donna bataille importante ,
Sous le bon plaisir d'Apollon :
Ce fut en l'an mil sept cens trente.
La Prose n'étoit pas contente >
dit-on :
Et la Rime encor moins ,
Prose vouloit que de la Tragedie
Fussent chassés les Vers rimés ;
Rime vouloit qu'elle en fut toute ourdie :
L'une étoit fiere , et l'autre étoit hardie ,
Voilà deux coeurs bien animés !
Coeurs feminins ne sont si-tôt calmés. -
Chacune d'elles se provoque ,
Tant qu'enfin pour un prompt combat ,
Gens Prosateurs , gens de rime on convoque
Pour terminer ce 'grand débat.
De son côté Prose range en Bataille
Les Orateurs , les Romanciers ,
? Tant modernes que devanciers ;
t
II. Vol.
No
DECEMBRE. 1731. 2969
Ne furent pris que ceux de haute taille ,
Comme le sont les Houdarts , les Flechiers ,
Acoutrés de leur jacquemaille
Avec les Balzacs , les Daciers ,
Et le reste vaille que vaille ,
Tels que Goujats furent mis les derniers.
Fier Don Quichot , d'avantures avide ,
La pris pour leur Chef , pour leur guide
Bien se flattoit , monté sur son Grison.
De mettre Rime à la raison.
De l'autre part , on voit aussi la rime:
De ses Héros la troupe rassembler.
Cet Escadron faisoit trembler ,
Tant il avoit l'air à l'escrime !
La plume en main , le nez au vent ,
Chaque rimeur sur son Pegaze ,
Plein du saint dépit qui l'embraze ,
Court , galope et vole en avant ;,,
On n'avoit pris des rimeurs que l'élite ,
Tous gens qu'un tel débat irrite
On avoit laissé les Pradons ,.
Les Martignacs , les Duriers , les Gacons
Aux rangs derniers , lieu d'où prennent la fuite
Bien plus aisément les Poltrons ,
S'étoient offerts de la fiere Angleterre.
Quelques Poëtes Prosateurs ,
Mais on craignit qu'en cette Guerre
H..Vol. Ciij
Ils
2966 MERCURE DEFRANCE
Ils ne dévinssent déserteurs.
Donc l'Escadron des rimeurs s'achemine ;
Pour Chefs il avoit deux Guerriers
Déja couverts de cent lauriers
C'étoit et Corneille et Racine ;
La Prose pálit , à la mine
De ces deux Paladins si fiers.
Sur front Cornelien éclate
Je ne sçai quoi de sublime et de grand ;
Là pour son Pompée on le prend ,
Racine , pour son Mitridate ,
Tant ils ont l'air et tendre et conquerant.
Voilà donc que nos deux armées
Sont en presence et déja sous le feu ,
La Prose tremblotoit un peu ,
La Rime voit , comme pigmées ,
Ses Ennemis , s'en fait un jeu .
C'est donc alors qu'on entre en danse
Que de part et d'autre on se lance
Un million des plus terribles traits ;
Corneille frappant de fort près ,
Faisoit réculer l'éloquence :
Rime le battoit en cadence.
Bien assenoit ses coups , Prose jamais ;
Corneille visoit à la tête ,
Et Racine donnoit au coeur :
inspiroient la pitié , la terreur ;
1, Vol.
Jamais
DECEMBRE 1731. 2967
Jamais on ne vêt télle fête ,
Tel carillon , telle rumeur :
Alors la Prose épouvantée ,
Et par la Rime à demi culbutée ,
Au Dieu du Parnasse a recours.
Ah ! prête - moi , dit- elle , ton secours !
Le Dieu vient , la sauve , il exige ,
Pour maintenir et la paix , et leurs droits ,
Que très-pomptement on rédige
Sur Parchemin , par articles , ses loix :
Je le veux , dit- il , qu'on transige
Or , ces articles. Les voicy.
Rapportons - les en racourcy ;
Je prétends , dit- il , que la Prose
Pas ne se mêle d'autre chose ,
Que de la Chaire et du Barreau ;
Et qu'au Théatre elle ait la bouche close
Condamnons le projet nouveau ,
De prosaïser Tragedie -
Voulons , pour garder l'ancien us ,
Que seulement en Comédie.
Elle conserve cet abus ? 41
Voulons aussi , qu'au Barreau ni qu'en Chaire
Rimeurs ne soient si témeraires
Que de rimer Sermons et Plaidoyers •
Si non passer pour Pradons , pour Boyers ,
Ou pour Tragiques à l'Angloise
H. Vol..
Ciiij
> -
Qui
1968 MERCURE DE FRANCE
Qui trop cruels de la moitié ,
Négligeant l'Art , ne leur déplaise ,
Inspirent plus d'horreur que de pitié”,
Font en Vers blancs enrager Melpomene ,
De voir le vice revêtu
Sur leur licentieuse scene
Des parures de la vertu ..
Laissons - les donc cothurner à leur guise
Et seulement , de peur qu'on prosaïse
La Tragedie , agissons vivement
Four Substitut contre cette entreprise ,
Prenons Voltaire ... afin que promptement
S'éxecute mon réglement ? »
Et pour qu'il use de main mise.
Contre qui trop avidement
Embrasseroit aveuglement
Le préjugé de la Tamise ?
Dorc , enjoignons au Tragique Arroüet-
D'amener sur la double cime ,
Qui conque écrit contre la Rime ? .
que des Muses le joüet Pour
Sa honte lave au moins son crime.
our qu'y voyant le noble et juste pri
Que Melpomene offre à Voltaire ,
Il rime , comme il le sçait faire ,
Et que de même ardeur épris ,
sçache l'art d'éffrayer et de plaire ,
II. Vol.
D'ate
DECEMBRE 1731. 2969
D'attendrir la Cour et Paris ;
Qu'enfin quittant un parti témeraire ,
Il force la Prose à se taire
Dans tous les Tragiques Ecrits..
Datté du Camp près l'hypocrène ,
Signé, du sang des morts et des blessés ,
Pleurés les pauvres Trépassés ,
Quoi que Turbateurs de la scene ::
Fait ce deux Juin , et paraffé
Jour , où la Rime a triomphé..
ET DE LA RIME.
Donné sur le Parnasse , le 2 Juin 1730.
Dans le fond du sacré Vallon
Se donna bataille importante ,
Sous le bon plaisir d'Apollon :
Ce fut en l'an mil sept cens trente.
La Prose n'étoit pas contente >
dit-on :
Et la Rime encor moins ,
Prose vouloit que de la Tragedie
Fussent chassés les Vers rimés ;
Rime vouloit qu'elle en fut toute ourdie :
L'une étoit fiere , et l'autre étoit hardie ,
Voilà deux coeurs bien animés !
Coeurs feminins ne sont si-tôt calmés. -
Chacune d'elles se provoque ,
Tant qu'enfin pour un prompt combat ,
Gens Prosateurs , gens de rime on convoque
Pour terminer ce 'grand débat.
De son côté Prose range en Bataille
Les Orateurs , les Romanciers ,
? Tant modernes que devanciers ;
t
II. Vol.
No
DECEMBRE. 1731. 2969
Ne furent pris que ceux de haute taille ,
Comme le sont les Houdarts , les Flechiers ,
Acoutrés de leur jacquemaille
Avec les Balzacs , les Daciers ,
Et le reste vaille que vaille ,
Tels que Goujats furent mis les derniers.
Fier Don Quichot , d'avantures avide ,
La pris pour leur Chef , pour leur guide
Bien se flattoit , monté sur son Grison.
De mettre Rime à la raison.
De l'autre part , on voit aussi la rime:
De ses Héros la troupe rassembler.
Cet Escadron faisoit trembler ,
Tant il avoit l'air à l'escrime !
La plume en main , le nez au vent ,
Chaque rimeur sur son Pegaze ,
Plein du saint dépit qui l'embraze ,
Court , galope et vole en avant ;,,
On n'avoit pris des rimeurs que l'élite ,
Tous gens qu'un tel débat irrite
On avoit laissé les Pradons ,.
Les Martignacs , les Duriers , les Gacons
Aux rangs derniers , lieu d'où prennent la fuite
Bien plus aisément les Poltrons ,
S'étoient offerts de la fiere Angleterre.
Quelques Poëtes Prosateurs ,
Mais on craignit qu'en cette Guerre
H..Vol. Ciij
Ils
2966 MERCURE DEFRANCE
Ils ne dévinssent déserteurs.
Donc l'Escadron des rimeurs s'achemine ;
Pour Chefs il avoit deux Guerriers
Déja couverts de cent lauriers
C'étoit et Corneille et Racine ;
La Prose pálit , à la mine
De ces deux Paladins si fiers.
Sur front Cornelien éclate
Je ne sçai quoi de sublime et de grand ;
Là pour son Pompée on le prend ,
Racine , pour son Mitridate ,
Tant ils ont l'air et tendre et conquerant.
Voilà donc que nos deux armées
Sont en presence et déja sous le feu ,
La Prose tremblotoit un peu ,
La Rime voit , comme pigmées ,
Ses Ennemis , s'en fait un jeu .
C'est donc alors qu'on entre en danse
Que de part et d'autre on se lance
Un million des plus terribles traits ;
Corneille frappant de fort près ,
Faisoit réculer l'éloquence :
Rime le battoit en cadence.
Bien assenoit ses coups , Prose jamais ;
Corneille visoit à la tête ,
Et Racine donnoit au coeur :
inspiroient la pitié , la terreur ;
1, Vol.
Jamais
DECEMBRE 1731. 2967
Jamais on ne vêt télle fête ,
Tel carillon , telle rumeur :
Alors la Prose épouvantée ,
Et par la Rime à demi culbutée ,
Au Dieu du Parnasse a recours.
Ah ! prête - moi , dit- elle , ton secours !
Le Dieu vient , la sauve , il exige ,
Pour maintenir et la paix , et leurs droits ,
Que très-pomptement on rédige
Sur Parchemin , par articles , ses loix :
Je le veux , dit- il , qu'on transige
Or , ces articles. Les voicy.
Rapportons - les en racourcy ;
Je prétends , dit- il , que la Prose
Pas ne se mêle d'autre chose ,
Que de la Chaire et du Barreau ;
Et qu'au Théatre elle ait la bouche close
Condamnons le projet nouveau ,
De prosaïser Tragedie -
Voulons , pour garder l'ancien us ,
Que seulement en Comédie.
Elle conserve cet abus ? 41
Voulons aussi , qu'au Barreau ni qu'en Chaire
Rimeurs ne soient si témeraires
Que de rimer Sermons et Plaidoyers •
Si non passer pour Pradons , pour Boyers ,
Ou pour Tragiques à l'Angloise
H. Vol..
Ciiij
> -
Qui
1968 MERCURE DE FRANCE
Qui trop cruels de la moitié ,
Négligeant l'Art , ne leur déplaise ,
Inspirent plus d'horreur que de pitié”,
Font en Vers blancs enrager Melpomene ,
De voir le vice revêtu
Sur leur licentieuse scene
Des parures de la vertu ..
Laissons - les donc cothurner à leur guise
Et seulement , de peur qu'on prosaïse
La Tragedie , agissons vivement
Four Substitut contre cette entreprise ,
Prenons Voltaire ... afin que promptement
S'éxecute mon réglement ? »
Et pour qu'il use de main mise.
Contre qui trop avidement
Embrasseroit aveuglement
Le préjugé de la Tamise ?
Dorc , enjoignons au Tragique Arroüet-
D'amener sur la double cime ,
Qui conque écrit contre la Rime ? .
que des Muses le joüet Pour
Sa honte lave au moins son crime.
our qu'y voyant le noble et juste pri
Que Melpomene offre à Voltaire ,
Il rime , comme il le sçait faire ,
Et que de même ardeur épris ,
sçache l'art d'éffrayer et de plaire ,
II. Vol.
D'ate
DECEMBRE 1731. 2969
D'attendrir la Cour et Paris ;
Qu'enfin quittant un parti témeraire ,
Il force la Prose à se taire
Dans tous les Tragiques Ecrits..
Datté du Camp près l'hypocrène ,
Signé, du sang des morts et des blessés ,
Pleurés les pauvres Trépassés ,
Quoi que Turbateurs de la scene ::
Fait ce deux Juin , et paraffé
Jour , où la Rime a triomphé..
Fermer
Résumé : COMBAT DE LA PROSE ET DE LA RIME. Donné sur le Parnasse, le 2 Juin 1730.
Le 2 juin 1730, un affrontement littéraire entre la Prose et la Rime se déroula sur le Parnasse sous la supervision d'Apollon. La Prose, mécontente, cherchait à exclure les vers rimés des tragédies, tandis que la Rime voulait les y intégrer. Chaque camp rassembla ses partisans : la Prose réunit des orateurs et des romanciers, et la Rime mobilisa ses meilleurs poètes, dirigés par Corneille et Racine. Les deux armées s'affrontèrent dans un échange intense. Corneille et Racine, chefs des rimeurs, impressionnèrent par leur maîtrise. La Prose, effrayée, fit appel à Apollon, qui intervint pour rétablir la paix. Il édicta des lois stipulant que la Prose devait se limiter à la chaire et au barreau, et ne pas interférer avec les tragédies. La Rime, quant à elle, ne devait pas rimer sermons ou plaidoyers. Voltaire fut désigné pour faire respecter ces règles, et Jean-Baptiste Rousseau fut puni pour avoir écrit contre la Rime. Le combat se conclut par la victoire de la Rime, officialisée par un document signé du sang des blessés et des morts.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
25
p. 2969-2979
LETTRE écrite à M. de L. R. au sujet du Provençal qui a combattu le Livre du P. le Brun sur la Comédie, avec quelques Remarques sur un des Discours de M. l'Abbé Fleury, nouvellement imprimé.
Début :
Ce n'est pas , Monsieur , un si grand mal que vous pourriez le penser [...]
Mots clefs :
Comédie, Spectacles, Neutralité littéraire, Langue vulgaire, Piété chrétienne, Messe, Prologue
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite à M. de L. R. au sujet du Provençal qui a combattu le Livre du P. le Brun sur la Comédie, avec quelques Remarques sur un des Discours de M. l'Abbé Fleury, nouvellement imprimé.
LETTRE écrite à M. de L. R. au sujet
du Provençal qui a combattu le Livre
du P. le Brun sur la Comédie , avec quetques
Remarques sur un des Discours de
M. l'Abbé Fleury , nouvellement im--
primé.
E n'est pas , Monsieur , un si grand
Cmal que vous pourriez le penser
ވ
que le Livre du Pere le Brun contre la
Comédie ait irrité la personne qui vous a
écrit de Marseille , et que dans la Lettre
qu'il a composée à cette occasion , et
qu'un esprit de neutralité litteraire vous
a fait insérer dans le Mercure d'Août
dernier , il se déclare en faveur de ce que
II..Vol CT le
2970 MERCURE DE FRANCE
7
le P: le Brun condamne. Outre l'Extraitque
le Journal des Sçavans du mois de
Septembre dernier a fait d'un Sermon
que prêcha autrefois l'Abbé Anselme
contre les Spectacles , et qui servit en
particulier contre la Comédie , voilà
M. l'Abbé Fleury qui vient au secours du
docte Oratorien . Le Sçavant , qui de
tems en tems fait présent au Public de
Mémoires choisis de Litterature et d'Histoire
, vient de publier un volume , dans ,
lequel on voit assez les sentimens de cecélébre
Historien Ecclésiastique. C'est
son Discours sur la Poesie des Hebreux ..
Comme ces Mémoires ne sont peut-être
pas si communément répandus que l'est
votre Journal , vous pourriez en extraire .
l'endroit que je vous indique , qui commence
à la page 71. du onzième volume
de cette continuation . La lecture que je
viens d'en faire m'a véritablement édifié ;
j'y reconnois par tout le caractere de sincerité
et de pieté qui releve si noblement
les Ouvrages de cet illustre Abbé , et qui
les fait préférer à tous ces Ecrivains , done.
le style montre souvent plus de brillant
qu'il ne renferme de solidité.
܂
Je ne puis cependant , Monsieur ;
m'empêcher de vous faire part d'une
observation que j'ai faite sur ce qui se lit
11. Vol . dans
DECEMBRE . 1731 2971
page
dáns le même Discours au haut de la
74. » On ne voit point , dit M. l'Abbé
» Fleury , qu'on ait fait en ces tems -là
vers le x11 . et XIII . siécles ) des Poësies
» vulgaires pour honorer Dieu , ou pour
» exciter à la pieté , si ce n'est que l'on
» veüille mettre en ce rang certaines
> chansons très- vieilles , dont le petit
» peuple conserve encore quelque mé
moire , et les Noëls que Pon trouve
encore écrits.Cette proposition de l'Auteur
du Discours ne me paroît point exac
tement véritable. Comme il m'a passé
par les mains une infinité de Manuscrits
du XII. et XII. siécles , je suis bien assûré
d'avoir vû de la Poësie en Langue vulgaire
sur des sujets pieux , qui étoit d'une
écriture du treizième siècle , & quid
pouvoit avoir été composée à la fin du
douzième , et cette Poësie ne consiste
point en chansons , dont le peuple se
ressouvienne encore , ni à plus forte rai
son en Noëls.
J'ai trouvé en Picardie un Manuscrit
in- 12 . du treiziéme siécle , entiérements
en Vers françois , dont la premiere moi
tié , car il est sans commencement , m'a
parû contenir une Critique ou censure
des abus ou des moeurs corrompues de ce:
tems- là , avec plusieurs éloges des anciens
C.vjj H. Vol .
2972 MERCURE DE FRANCE
modéles de la piété chrétienne . Je ne
puis vous dépeindre la forme du caractere
de ce volume , qui ressent tout- àfait
le siécle que je vous ai nommé : mais
Vous pouvez juger de l'antiquité de la
composition du Livre , par les morceaux
que j'en extrairai . Voici , par exemple, une
des Strophes de l'éloge qui y est fait du
saint homme Job. J'userai de points , de
virgules , et d'apostrophes , pour faciliter
l'intelligence du sens de ces Vers : il n'y
en a point dans l'Original.
Job de richoise pas n'usa ,
Si com ti siécles en us a ,
Car plusor malement en usént 3 :
Job au monde pas ne nuisa
Job tous malvais us desusa :
>
Mais or en vois -je moult qui nuifent ,,
Qui por des malvais us desusent ,
Pres tout honor faire refusent ;
Mais Job onques nel refusa :
Si voi moult de chiaux qui s'escusent
De che dont lor coër les accusent ,
Mais oncques Job ne s'escusa.
Après l'Explicit de la premiere partie.
de ce volume , on lit cette Rubrique
Chi se commenche li Livres là on reprent.
U.Vol.
les
DECEMBRE 1731 297
tes, vices et loë les vertus , et est miserere mei
Deus. La premiere Strophe commence.c
effet
par
Miserere mei Deus ,
Car longement je me suis teus.
Voici la morale qui se lit touchant l'aus
mône vers le milieu de ce Livre ?
Qui done aumosne , il se désdete , *
Car aumosne est et dons et déte :
Mais Diex n'en rechut onques une
Ne quidiés pas qu'il en promete
Guerredon , s'ele de main nete
Ne vient , & de nete pécune.
Qui envers son proisme (a) a rancune-
Diex voit sa conscience brune ,
Et par ce s'aumosne ( 6 ) degete :
Et se autrui talt rien aucune ( c) .
Ne lui valt s'aumosne une prune
Mais là ou l'a pris la remete,
De même , après l'Explicit de ce sea .
cond volume on lit : Ci commence li escrit
* C'est-à-dire , il paye fes dettes.
(a ) C'est- à- dire , prochain du latin proximus.
( b ) C'est-à- dire , rejette son aumône ou sa
#umone.
(c) Rem ullam , chose aucune : preuve évis
dente que rien vient de xesø
11. Vol.
Qui
2974 MERCURE DE FRANCE
des IIII verbus, misericorde , verité , pais ,
justice , selont saint Bernart.
Qui en bel rimer velé entendre ,
Il doit bien tel matiere prendre
Dont autrui puist edéfier ,
Ne nus hom ne doit entreprendre ¿ ,
Autrui chastoijer & reprendre
Se il soi ne velt chastoijer :
Car mal faire & bien enseigner
Moult fet tes vie à mespriser
La colpe ne tymie mendre
Que Dieu loër et losengier
Et puis laidir et blascengier :
De tout convenra raiſon rendre .
Ici d'un côté , l'antiquité du langage
jointe à la forme du caractere , prouve
évidemment que cet Ecrit doit être dus
treiziéme siécle : de l'autre , la longueur
des Strophes et la diversité des métres
font voir que ces Poësies ne se chantoient
point. Ainsi voilà de la Poësie vulgaire
sans chant , faite pour honorer Dieu et
pour exciter à la pieté par la seule lecture
: et même le Prologue que je viens deciter
de ce troisiéme Livre , marque ex...
pressément que le Poëte avoit choisi ces
matiéres d'édification , afin de passer pour
un homme entendu , en bel rimer.
II. Vol
DECEMBRE 1731. 2975
On ne peut nier non plus que les les
sons farsies que l'on chantoit en France
à la Messe des grandes Fêtes , dès le douziéme
et treizième siècles , ne fussent des .
Poësies vulgaires . Dom Edmond Martenne
a donné un Fragment de celle du
jour de S. Etienne , par un Manuscrit de
six cens ans , conservé à S. Gatien de
Tours ( a ) C'étoit une explication de
chaque Période de l'Epître de la Messe
qu'une ou deux personnes chantoient du
haut de la Tribune ou du Jubé , après
que le Sous- Diacre avoit prononcé quelques
mots de cette Période , et ainsi par
parcelles et cette explication se faisoit
en Vers françois dans le ton d'une complainte
, lorsqu'il étoit question du martyre
d'un Saint. Cet usage avoit commencé
par la lecture de la vie des Saints ,
peut- être par une suite de l'ancien usage
où l'on étoit dans l'Eglise Gallicane , de
lire à la Messe la Passion des Martyrs ,
ou l'histoire de leur mort. Les bonnes
gens du treizième siècle , sur - tout dans
les Païs - bas , accoûtumez à dire la vie de
S. Etienne , la vie des Innocens , disoient
de même la vie du premier jour de l'An ;
La vie de l'Epiphanie ou de la Tiphaine..
C'est ce que j'ai lû en titre dans un Ma .
( a) Tract. de Sacrif. Missa , page 279.
II. Vol. Aus2976
MERCURE DE FRANCE
"
nuscrit de la fin du treizième siècle.
Mais j'aime mieux attribuer au. Maître
d'Ecole , qu'au Curé de la Paroisse , d'où
venoit ce Manuscrit , la plaisante bévûë
d'avoir intitulé l'explication de la Leçon.
d'Isaïe du jour de l'Epiphanie , vita sanc- :
ta Epiphania. La vie du premier jour de
l'An s'y trouve précedée de ce Prologue..
Bone gent pour qui sauvemens
Dieus de char vestir se deigna ,
En en bercheul vit humlément
Qui tout le mond en sa main a ,,
Rendons li graces douchement ,,
Qui si bien en sa vie ouvra ,
Et pour notre racatement
Dusca le mort s'umilia.
Lectio Epistola B. P. Ap..
Il paroît que ce Prologue tient un peu
de nos vieux Noëls au moins il peut se
chanter sur l'air : Ala venue de Noël.
Mais ce que j'ai rapporté du premier Ma →
nuscrit de Picardie , suffira toujours pour
prouver que M. l'Abbé Fleury a avancé
une proposition un peu trop generale
lorsque sans autre réserve que celles qu'il
a faites , il a ôté au douzième et treizié
me siécles l'honneur d'avoir produit de
la Poësie vulgaire, sur des matiéres de-
II. Vol.
moras
DECEMBRE. 1731. 2977
-
morale. Ce n'est pas une faute de la der
niere conséquence : mais l'exactitude demande
toujours qu'on ne fasse pas les
siécles passez plus obscurs qu'ils n'étoient.
Je reviens , Monsieur , à mon premier
sujet , et pour vous exempter la peine de
recourir aux Mémoires de Litterature
touchant la Comédie , je joins ici ce que
M. l'Abbé Fleury dit en peu de lignes
contre les Poësies françoises qu'on débite
sur les Théatres , leur origine , selon lui
et leur succès.
» Il ne faut point s'étonner , dit- il
si nous sommes si éloignez du goût de
» l'Antiquité sur le sujet de la Poësie ;
c'est qu'en effet , pour ne nous point:
» flater , toute notre Poësie moderne est
» fort miserable en comparaison ; elle a
» commencé par lesTroubadours Proven-
» ceaux , et les Conteurs , Jongleurs et
» Menestrels , dont Fauchet nous a don-
»,né l'Histoire. C'étoient des débauchez
vagabonds , qui lorsque les hostilitez
» universelles commencerent à cesser, et la
» barbarie à diminuer , c'est -à - dire vers
» le douzième siècle commencerent à
» courir les Cours des Princes
, pour
> .chanter à leurs Festins dans les jours de
grande Assemblée. Comme ils avoient
"
IL. Kola
›
naffaire
2978 MERCURE DE FRANCE
» affaire à des Seigneurs très-ignorans ,
» et qu'ils l'étoient fort eux- mêmes , tous
>> leurs sujets n'étoient que des fables
>> impertinentes et monstrueuses , ou des
» histoires si défigurées , qu'elles n'étoient
» pas connoissables , ou des contes médi
» sans de Clercs ér de Moines ; et comme
» ils ne travailloient que par interêt , ils
» ne parloient que de ce qui pouvoit ré-
» jouir leurs Auditeurs . c'est à- dire , de
» Combats et d'Amours ; mais d'Amours
>> brutales et sottes comme celles des
» gens grossiers , outre que ces Auditeurs .
» étoient eux- mêmes de fort malhonnê-
» tes gens : pour ce qui est de l'élocution ,.
» ils furent les premiers qui oserent écrire
» en Langues vulgaires ; car elles avoient
» passé jusques-là pour jargons si absur◄
ndes , que l'on avoit eu per d'en profa-
» ner le papier. De là vient , comme l'on
,
sçait , le nom de Romans François e
" de Romans Espagnols. Il nous reste:
» assez de ces vieilles chansons pour
prouver tout ce que j'ai dit ; et le Ro-
» man de la Rose qui a duré le plus long-
» tems , est un des plus pernicieux Li
»vres pour la Morale , des plus sales et
>> des plus impies qui ayent été écrits dans :
» les derniers siécles. Aussi de tout tems:
les gens vertueux , les faints Evêques
11. Vol
99
les
DECEMBRE. 1731. 2979
les bons Religieux , ont crié hautement
» contre les Poësies profanes , contre les
Jongleurs & les Boufons des Princes : &.
» le-là est venue la guerre que les Prédica-
» teurs ont déclarée aux Romans & aux
2. Comédies.
Animé du même zele contre les Comédiens
qui déclament en public les Poësies
dont M. l'Abbé Fleury vient de par
ler ; et par conséquent contre leurs Apologistes
, j'ajoûterai à tout ce que le Pere
le Brun a écrit contre eux , et ceci servira
en particulier de réponse aux deffenseurs
de la Comédie moderne , j'ajoûterai , dis- je,
qu'en l'année 1701. à l'occasion du grand
Jubilé , les Comédiens François ayant
prétendu être absous sans restriction , et
Messieurs les Curez de Paris ayant tenu
ferme , ils s'aviserent de présenter une
Requête au Pape Clement XI , dans la
quelle rien ne fut oublié . Ce Pape ayant
fait examiner la Requête , elle fut rejettée
, et la discipline des Curez confirmée.
Voilà ce que l'écoulement de six lustres
n'est pas capable de faire oublier dans une
Ville aussi grande que l'est celle de Paris ,
et ce qui doit confondre les Ecrivains qui
se sont déclarez partisans d'une si mauvaise
cause. Je suis , & c .
A Auxerre , ce 15. Novembre 1731 .
du Provençal qui a combattu le Livre
du P. le Brun sur la Comédie , avec quetques
Remarques sur un des Discours de
M. l'Abbé Fleury , nouvellement im--
primé.
E n'est pas , Monsieur , un si grand
Cmal que vous pourriez le penser
ވ
que le Livre du Pere le Brun contre la
Comédie ait irrité la personne qui vous a
écrit de Marseille , et que dans la Lettre
qu'il a composée à cette occasion , et
qu'un esprit de neutralité litteraire vous
a fait insérer dans le Mercure d'Août
dernier , il se déclare en faveur de ce que
II..Vol CT le
2970 MERCURE DE FRANCE
7
le P: le Brun condamne. Outre l'Extraitque
le Journal des Sçavans du mois de
Septembre dernier a fait d'un Sermon
que prêcha autrefois l'Abbé Anselme
contre les Spectacles , et qui servit en
particulier contre la Comédie , voilà
M. l'Abbé Fleury qui vient au secours du
docte Oratorien . Le Sçavant , qui de
tems en tems fait présent au Public de
Mémoires choisis de Litterature et d'Histoire
, vient de publier un volume , dans ,
lequel on voit assez les sentimens de cecélébre
Historien Ecclésiastique. C'est
son Discours sur la Poesie des Hebreux ..
Comme ces Mémoires ne sont peut-être
pas si communément répandus que l'est
votre Journal , vous pourriez en extraire .
l'endroit que je vous indique , qui commence
à la page 71. du onzième volume
de cette continuation . La lecture que je
viens d'en faire m'a véritablement édifié ;
j'y reconnois par tout le caractere de sincerité
et de pieté qui releve si noblement
les Ouvrages de cet illustre Abbé , et qui
les fait préférer à tous ces Ecrivains , done.
le style montre souvent plus de brillant
qu'il ne renferme de solidité.
܂
Je ne puis cependant , Monsieur ;
m'empêcher de vous faire part d'une
observation que j'ai faite sur ce qui se lit
11. Vol . dans
DECEMBRE . 1731 2971
page
dáns le même Discours au haut de la
74. » On ne voit point , dit M. l'Abbé
» Fleury , qu'on ait fait en ces tems -là
vers le x11 . et XIII . siécles ) des Poësies
» vulgaires pour honorer Dieu , ou pour
» exciter à la pieté , si ce n'est que l'on
» veüille mettre en ce rang certaines
> chansons très- vieilles , dont le petit
» peuple conserve encore quelque mé
moire , et les Noëls que Pon trouve
encore écrits.Cette proposition de l'Auteur
du Discours ne me paroît point exac
tement véritable. Comme il m'a passé
par les mains une infinité de Manuscrits
du XII. et XII. siécles , je suis bien assûré
d'avoir vû de la Poësie en Langue vulgaire
sur des sujets pieux , qui étoit d'une
écriture du treizième siècle , & quid
pouvoit avoir été composée à la fin du
douzième , et cette Poësie ne consiste
point en chansons , dont le peuple se
ressouvienne encore , ni à plus forte rai
son en Noëls.
J'ai trouvé en Picardie un Manuscrit
in- 12 . du treiziéme siécle , entiérements
en Vers françois , dont la premiere moi
tié , car il est sans commencement , m'a
parû contenir une Critique ou censure
des abus ou des moeurs corrompues de ce:
tems- là , avec plusieurs éloges des anciens
C.vjj H. Vol .
2972 MERCURE DE FRANCE
modéles de la piété chrétienne . Je ne
puis vous dépeindre la forme du caractere
de ce volume , qui ressent tout- àfait
le siécle que je vous ai nommé : mais
Vous pouvez juger de l'antiquité de la
composition du Livre , par les morceaux
que j'en extrairai . Voici , par exemple, une
des Strophes de l'éloge qui y est fait du
saint homme Job. J'userai de points , de
virgules , et d'apostrophes , pour faciliter
l'intelligence du sens de ces Vers : il n'y
en a point dans l'Original.
Job de richoise pas n'usa ,
Si com ti siécles en us a ,
Car plusor malement en usént 3 :
Job au monde pas ne nuisa
Job tous malvais us desusa :
>
Mais or en vois -je moult qui nuifent ,,
Qui por des malvais us desusent ,
Pres tout honor faire refusent ;
Mais Job onques nel refusa :
Si voi moult de chiaux qui s'escusent
De che dont lor coër les accusent ,
Mais oncques Job ne s'escusa.
Après l'Explicit de la premiere partie.
de ce volume , on lit cette Rubrique
Chi se commenche li Livres là on reprent.
U.Vol.
les
DECEMBRE 1731 297
tes, vices et loë les vertus , et est miserere mei
Deus. La premiere Strophe commence.c
effet
par
Miserere mei Deus ,
Car longement je me suis teus.
Voici la morale qui se lit touchant l'aus
mône vers le milieu de ce Livre ?
Qui done aumosne , il se désdete , *
Car aumosne est et dons et déte :
Mais Diex n'en rechut onques une
Ne quidiés pas qu'il en promete
Guerredon , s'ele de main nete
Ne vient , & de nete pécune.
Qui envers son proisme (a) a rancune-
Diex voit sa conscience brune ,
Et par ce s'aumosne ( 6 ) degete :
Et se autrui talt rien aucune ( c) .
Ne lui valt s'aumosne une prune
Mais là ou l'a pris la remete,
De même , après l'Explicit de ce sea .
cond volume on lit : Ci commence li escrit
* C'est-à-dire , il paye fes dettes.
(a ) C'est- à- dire , prochain du latin proximus.
( b ) C'est-à- dire , rejette son aumône ou sa
#umone.
(c) Rem ullam , chose aucune : preuve évis
dente que rien vient de xesø
11. Vol.
Qui
2974 MERCURE DE FRANCE
des IIII verbus, misericorde , verité , pais ,
justice , selont saint Bernart.
Qui en bel rimer velé entendre ,
Il doit bien tel matiere prendre
Dont autrui puist edéfier ,
Ne nus hom ne doit entreprendre ¿ ,
Autrui chastoijer & reprendre
Se il soi ne velt chastoijer :
Car mal faire & bien enseigner
Moult fet tes vie à mespriser
La colpe ne tymie mendre
Que Dieu loër et losengier
Et puis laidir et blascengier :
De tout convenra raiſon rendre .
Ici d'un côté , l'antiquité du langage
jointe à la forme du caractere , prouve
évidemment que cet Ecrit doit être dus
treiziéme siécle : de l'autre , la longueur
des Strophes et la diversité des métres
font voir que ces Poësies ne se chantoient
point. Ainsi voilà de la Poësie vulgaire
sans chant , faite pour honorer Dieu et
pour exciter à la pieté par la seule lecture
: et même le Prologue que je viens deciter
de ce troisiéme Livre , marque ex...
pressément que le Poëte avoit choisi ces
matiéres d'édification , afin de passer pour
un homme entendu , en bel rimer.
II. Vol
DECEMBRE 1731. 2975
On ne peut nier non plus que les les
sons farsies que l'on chantoit en France
à la Messe des grandes Fêtes , dès le douziéme
et treizième siècles , ne fussent des .
Poësies vulgaires . Dom Edmond Martenne
a donné un Fragment de celle du
jour de S. Etienne , par un Manuscrit de
six cens ans , conservé à S. Gatien de
Tours ( a ) C'étoit une explication de
chaque Période de l'Epître de la Messe
qu'une ou deux personnes chantoient du
haut de la Tribune ou du Jubé , après
que le Sous- Diacre avoit prononcé quelques
mots de cette Période , et ainsi par
parcelles et cette explication se faisoit
en Vers françois dans le ton d'une complainte
, lorsqu'il étoit question du martyre
d'un Saint. Cet usage avoit commencé
par la lecture de la vie des Saints ,
peut- être par une suite de l'ancien usage
où l'on étoit dans l'Eglise Gallicane , de
lire à la Messe la Passion des Martyrs ,
ou l'histoire de leur mort. Les bonnes
gens du treizième siècle , sur - tout dans
les Païs - bas , accoûtumez à dire la vie de
S. Etienne , la vie des Innocens , disoient
de même la vie du premier jour de l'An ;
La vie de l'Epiphanie ou de la Tiphaine..
C'est ce que j'ai lû en titre dans un Ma .
( a) Tract. de Sacrif. Missa , page 279.
II. Vol. Aus2976
MERCURE DE FRANCE
"
nuscrit de la fin du treizième siècle.
Mais j'aime mieux attribuer au. Maître
d'Ecole , qu'au Curé de la Paroisse , d'où
venoit ce Manuscrit , la plaisante bévûë
d'avoir intitulé l'explication de la Leçon.
d'Isaïe du jour de l'Epiphanie , vita sanc- :
ta Epiphania. La vie du premier jour de
l'An s'y trouve précedée de ce Prologue..
Bone gent pour qui sauvemens
Dieus de char vestir se deigna ,
En en bercheul vit humlément
Qui tout le mond en sa main a ,,
Rendons li graces douchement ,,
Qui si bien en sa vie ouvra ,
Et pour notre racatement
Dusca le mort s'umilia.
Lectio Epistola B. P. Ap..
Il paroît que ce Prologue tient un peu
de nos vieux Noëls au moins il peut se
chanter sur l'air : Ala venue de Noël.
Mais ce que j'ai rapporté du premier Ma →
nuscrit de Picardie , suffira toujours pour
prouver que M. l'Abbé Fleury a avancé
une proposition un peu trop generale
lorsque sans autre réserve que celles qu'il
a faites , il a ôté au douzième et treizié
me siécles l'honneur d'avoir produit de
la Poësie vulgaire, sur des matiéres de-
II. Vol.
moras
DECEMBRE. 1731. 2977
-
morale. Ce n'est pas une faute de la der
niere conséquence : mais l'exactitude demande
toujours qu'on ne fasse pas les
siécles passez plus obscurs qu'ils n'étoient.
Je reviens , Monsieur , à mon premier
sujet , et pour vous exempter la peine de
recourir aux Mémoires de Litterature
touchant la Comédie , je joins ici ce que
M. l'Abbé Fleury dit en peu de lignes
contre les Poësies françoises qu'on débite
sur les Théatres , leur origine , selon lui
et leur succès.
» Il ne faut point s'étonner , dit- il
si nous sommes si éloignez du goût de
» l'Antiquité sur le sujet de la Poësie ;
c'est qu'en effet , pour ne nous point:
» flater , toute notre Poësie moderne est
» fort miserable en comparaison ; elle a
» commencé par lesTroubadours Proven-
» ceaux , et les Conteurs , Jongleurs et
» Menestrels , dont Fauchet nous a don-
»,né l'Histoire. C'étoient des débauchez
vagabonds , qui lorsque les hostilitez
» universelles commencerent à cesser, et la
» barbarie à diminuer , c'est -à - dire vers
» le douzième siècle commencerent à
» courir les Cours des Princes
, pour
> .chanter à leurs Festins dans les jours de
grande Assemblée. Comme ils avoient
"
IL. Kola
›
naffaire
2978 MERCURE DE FRANCE
» affaire à des Seigneurs très-ignorans ,
» et qu'ils l'étoient fort eux- mêmes , tous
>> leurs sujets n'étoient que des fables
>> impertinentes et monstrueuses , ou des
» histoires si défigurées , qu'elles n'étoient
» pas connoissables , ou des contes médi
» sans de Clercs ér de Moines ; et comme
» ils ne travailloient que par interêt , ils
» ne parloient que de ce qui pouvoit ré-
» jouir leurs Auditeurs . c'est à- dire , de
» Combats et d'Amours ; mais d'Amours
>> brutales et sottes comme celles des
» gens grossiers , outre que ces Auditeurs .
» étoient eux- mêmes de fort malhonnê-
» tes gens : pour ce qui est de l'élocution ,.
» ils furent les premiers qui oserent écrire
» en Langues vulgaires ; car elles avoient
» passé jusques-là pour jargons si absur◄
ndes , que l'on avoit eu per d'en profa-
» ner le papier. De là vient , comme l'on
,
sçait , le nom de Romans François e
" de Romans Espagnols. Il nous reste:
» assez de ces vieilles chansons pour
prouver tout ce que j'ai dit ; et le Ro-
» man de la Rose qui a duré le plus long-
» tems , est un des plus pernicieux Li
»vres pour la Morale , des plus sales et
>> des plus impies qui ayent été écrits dans :
» les derniers siécles. Aussi de tout tems:
les gens vertueux , les faints Evêques
11. Vol
99
les
DECEMBRE. 1731. 2979
les bons Religieux , ont crié hautement
» contre les Poësies profanes , contre les
Jongleurs & les Boufons des Princes : &.
» le-là est venue la guerre que les Prédica-
» teurs ont déclarée aux Romans & aux
2. Comédies.
Animé du même zele contre les Comédiens
qui déclament en public les Poësies
dont M. l'Abbé Fleury vient de par
ler ; et par conséquent contre leurs Apologistes
, j'ajoûterai à tout ce que le Pere
le Brun a écrit contre eux , et ceci servira
en particulier de réponse aux deffenseurs
de la Comédie moderne , j'ajoûterai , dis- je,
qu'en l'année 1701. à l'occasion du grand
Jubilé , les Comédiens François ayant
prétendu être absous sans restriction , et
Messieurs les Curez de Paris ayant tenu
ferme , ils s'aviserent de présenter une
Requête au Pape Clement XI , dans la
quelle rien ne fut oublié . Ce Pape ayant
fait examiner la Requête , elle fut rejettée
, et la discipline des Curez confirmée.
Voilà ce que l'écoulement de six lustres
n'est pas capable de faire oublier dans une
Ville aussi grande que l'est celle de Paris ,
et ce qui doit confondre les Ecrivains qui
se sont déclarez partisans d'une si mauvaise
cause. Je suis , & c .
A Auxerre , ce 15. Novembre 1731 .
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Résumé : LETTRE écrite à M. de L. R. au sujet du Provençal qui a combattu le Livre du P. le Brun sur la Comédie, avec quelques Remarques sur un des Discours de M. l'Abbé Fleury, nouvellement imprimé.
La lettre aborde la controverse suscitée par le livre du Père le Brun contre la comédie, notamment en réponse à un Provençal. L'auteur mentionne que l'Abbé Fleury, dans un récent discours, appuie les arguments du Père le Brun. Cependant, l'auteur conteste une affirmation de l'Abbé Fleury selon laquelle il n'existait pas de poésie vulgaire pieuse aux XIIe et XIIIe siècles, à l'exception de quelques chansons et noëls. Pour prouver le contraire, l'auteur présente des exemples de manuscrits du XIIIe siècle en langue vulgaire traitant de sujets pieux. Il cite des fragments de ces manuscrits pour illustrer leur contenu moral et religieux. L'auteur revient ensuite sur la comédie, affirmant que les troubadours provençaux et les jongleurs, à l'origine de la poésie moderne, étaient des débauchés vagabonds dont les œuvres étaient immorales. Il conclut en rappelant que les autorités religieuses ont toujours condamné les poésies profanes et les comédies. Il cite un exemple récent où les comédiens français ont été refusés l'absolution lors du grand Jubilé de 1701.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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26
p. 2980-2982
L'AMI RIVAL, OU LA MORT DE TIRCIS. EGLOGUE.
Début :
Assès loin des Hameaux, une verte Colline [...]
Mots clefs :
Ruisseau, Hameaux, Bergères, Amour, Allégresse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'AMI RIVAL, OU LA MORT DE TIRCIS. EGLOGUE.
L'AMI RIVAL ,.
OU LA MORT DE TIRCIS
ου
EGLOGUE.
Assès loin des Hameaux , une verte Colline
Fait couler un Ruisseau , dont l'onde cristalline
En arrosant la Plaine exprime tendrement
Le regret de quitter un séjour si charmant.
Là , des Arbres touffus le spacieux ombrage.
Avoisine le Ciel de son vaste branchage ;
Là mille et mille oiseaux , dès la pointe du jour
Font redire leurs chants aux échos d'alentour ;
L'infortuné Tircis dans ce lieu solitaire ,
Devançoit le retour du Dieu qui nous éclaire ,,
Depuis que par ses feux et sa tendre langueur-
L'amour avoit troublé le repos de son coeur ;
De l'adorable Iris un regard vif et tendre ,
L'avoit rendu Rival de son ami Timandre ;
Le sort lui ravissoit en cet état fatal ,
La funeste douceur de hair son Rival :
Ami parfait , amant trop sensible à sa flamme ;
L'amour et l'amitié tyrannisent son ame :
Mais malgré tous les feux dont il se sent brûler
Il aime mieux mourir que de les relever.
II. Vol..
Ses
DECEMBRE 1731 2981
Ses jours ne coulent plus que dans l'inquiétude ,
Le soin de son troupeau ne fait plus son étude.
Ses chalumeaux oisifs pendent à son côté ;
Hors Iris , dans son coeur pour rien tout est
compté ,
Quand pour ne pas troubler le bonheur de Timandre
,
Il veut cacher les feux qui vinrent le surprendre.
Languissant , abbatu par ce cruel effort ,
Il souffre des tourmens plus affreux que la mort,
Mais à peine le jour ( qu'une foy mutuelle
Doit unir à jamais Timandre avec sa belle )
Pour accabler son coeur , éclaire les coteaux ;
Que les doux Rosignols l'annoncent aux Hameaux.
Les Bergeres auprès viennent parer leur tête ;
L'amour sur mille coeurs medite sa conquête ,
L'on entend retentir le bruit confus et doux
Des Flutes , des Hautbois , et des oiseaux jaloux.
Tout paroit ressentir la commune allegresse ,
Tout au plus insensible , inspire la tendresse ;
De toutes parts enfin par mille jeux divers ,
A la joye , aux plaisirs , tous les coeurs sont ou
verts.
Tircis , le seul Tircis n'en peut être capable ,
A peine il voit briller un jour si remarquable ,
Que d'un trouble mortel tous ses sens sont sur
pris ,
Triste , mais tendre effet de la
perte
d'Iris.
11, Vol.
2982 MERCURE DE FRANCE
Il se dérobe , il fuit une importune foule ;
Par des chemins couverts en secret il s'écoule ;
Il arrive bientôt dans un bois écarté ,
Pour réver au dessein qu'il a prémedité ;
Ah ! dit -il,noirs chagrins , sombre mélancolie )
Terminés , s'il se peut , une odieuse vie :
Il interrompt ses pleurs au son des chalumeaux
Et tournant ses regards du côté des hameaux ::
Il y voit l'allegresse en tous lieux répanduë ,
Pour un Amant qui souffre, insuportable vûë !
Il frémit , et pressé de ses vives douleurs :
» Tout rit , tout est en joye , et moi , ( dit-il , )
je meurs.
A la perte d'Iris je ne sçaurois survivre.
→ Mourons de tant de maux que la mort me délivre
:
Mourons... pour éviter un éternel tourment
» Il ne m'en va couter qu'un seul cruel moment;
» L'amour et l'amitié veulent ce sacrifice :
Fleuve , tu me rendras ce funeste service ,
» Finissant mes malheurs , tu seras mon tom
beau ,
» Tu seras.... dans son sein il s'élance aussitôt
;
A son dernier moment il court , il vole , il
touche
L'onde étouffe sa voix dans sa mourante bouche
Et lorsque cet hymen réjouit les hameaux ,
Le malheureux Tircis expire au fond des Eaux.
OU LA MORT DE TIRCIS
ου
EGLOGUE.
Assès loin des Hameaux , une verte Colline
Fait couler un Ruisseau , dont l'onde cristalline
En arrosant la Plaine exprime tendrement
Le regret de quitter un séjour si charmant.
Là , des Arbres touffus le spacieux ombrage.
Avoisine le Ciel de son vaste branchage ;
Là mille et mille oiseaux , dès la pointe du jour
Font redire leurs chants aux échos d'alentour ;
L'infortuné Tircis dans ce lieu solitaire ,
Devançoit le retour du Dieu qui nous éclaire ,,
Depuis que par ses feux et sa tendre langueur-
L'amour avoit troublé le repos de son coeur ;
De l'adorable Iris un regard vif et tendre ,
L'avoit rendu Rival de son ami Timandre ;
Le sort lui ravissoit en cet état fatal ,
La funeste douceur de hair son Rival :
Ami parfait , amant trop sensible à sa flamme ;
L'amour et l'amitié tyrannisent son ame :
Mais malgré tous les feux dont il se sent brûler
Il aime mieux mourir que de les relever.
II. Vol..
Ses
DECEMBRE 1731 2981
Ses jours ne coulent plus que dans l'inquiétude ,
Le soin de son troupeau ne fait plus son étude.
Ses chalumeaux oisifs pendent à son côté ;
Hors Iris , dans son coeur pour rien tout est
compté ,
Quand pour ne pas troubler le bonheur de Timandre
,
Il veut cacher les feux qui vinrent le surprendre.
Languissant , abbatu par ce cruel effort ,
Il souffre des tourmens plus affreux que la mort,
Mais à peine le jour ( qu'une foy mutuelle
Doit unir à jamais Timandre avec sa belle )
Pour accabler son coeur , éclaire les coteaux ;
Que les doux Rosignols l'annoncent aux Hameaux.
Les Bergeres auprès viennent parer leur tête ;
L'amour sur mille coeurs medite sa conquête ,
L'on entend retentir le bruit confus et doux
Des Flutes , des Hautbois , et des oiseaux jaloux.
Tout paroit ressentir la commune allegresse ,
Tout au plus insensible , inspire la tendresse ;
De toutes parts enfin par mille jeux divers ,
A la joye , aux plaisirs , tous les coeurs sont ou
verts.
Tircis , le seul Tircis n'en peut être capable ,
A peine il voit briller un jour si remarquable ,
Que d'un trouble mortel tous ses sens sont sur
pris ,
Triste , mais tendre effet de la
perte
d'Iris.
11, Vol.
2982 MERCURE DE FRANCE
Il se dérobe , il fuit une importune foule ;
Par des chemins couverts en secret il s'écoule ;
Il arrive bientôt dans un bois écarté ,
Pour réver au dessein qu'il a prémedité ;
Ah ! dit -il,noirs chagrins , sombre mélancolie )
Terminés , s'il se peut , une odieuse vie :
Il interrompt ses pleurs au son des chalumeaux
Et tournant ses regards du côté des hameaux ::
Il y voit l'allegresse en tous lieux répanduë ,
Pour un Amant qui souffre, insuportable vûë !
Il frémit , et pressé de ses vives douleurs :
» Tout rit , tout est en joye , et moi , ( dit-il , )
je meurs.
A la perte d'Iris je ne sçaurois survivre.
→ Mourons de tant de maux que la mort me délivre
:
Mourons... pour éviter un éternel tourment
» Il ne m'en va couter qu'un seul cruel moment;
» L'amour et l'amitié veulent ce sacrifice :
Fleuve , tu me rendras ce funeste service ,
» Finissant mes malheurs , tu seras mon tom
beau ,
» Tu seras.... dans son sein il s'élance aussitôt
;
A son dernier moment il court , il vole , il
touche
L'onde étouffe sa voix dans sa mourante bouche
Et lorsque cet hymen réjouit les hameaux ,
Le malheureux Tircis expire au fond des Eaux.
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Résumé : L'AMI RIVAL, OU LA MORT DE TIRCIS. EGLOGUE.
L'églogue 'L'Ami Rival, ou La Mort de Tircis' se déroule dans un paysage idyllique où un ruisseau arrose une plaine ombragée par des arbres touffus et habitée par de nombreux oiseaux. Tircis, un berger, y trouve refuge pour échapper à son amour pour Iris, qui l'a rendu rival de son ami Timandre. Tircis souffre de l'amour et de l'amitié qui tyrannisent son âme. Il préfère mourir plutôt que de révéler ses sentiments et néglige son troupeau. Consumé par des tourments plus affreux que la mort, il tente de cacher ses sentiments pour ne pas troubler le bonheur de Timandre. Le jour du mariage de Timandre approche, et Tircis, incapable de supporter cette joie, se retire dans un bois écarté. Il décide de mettre fin à ses jours pour échapper à ses souffrances et se jette dans un fleuve, où il expire au moment où l'hymen de Timandre réjouit les hameaux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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27
p. 2983-2989
LETTRE écrite de Châlons en Champagne, le 9. Decembre 1731. par M. A M. N.... au sujet de la Fille sauvage, trouvée aux environs de cette Ville.
Début :
Persuadé, Monsieur, que vous ne cherchez qu'à contribuer, par vos [...]
Mots clefs :
Sauvage, Mers, Nègre, Cru, Pain, Biscuit, Viande
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite de Châlons en Champagne, le 9. Decembre 1731. par M. A M. N.... au sujet de la Fille sauvage, trouvée aux environs de cette Ville.
LETTRE écrite de Châlons en Champagne
, le 9. Decembre 1731. par M.
AM. N.... au sujet de la Fille sauvage,
trouvée aux environs de cette Ville.
Ersuadé , Monsieur , que vous ne
P cherchez qu'à contribuer , par vos
Mémoires , à satisfaire la curiosité du Public
en tout ce qui peut l'interesser agréa
blement et utilement , j'aurai l'honneur
de répondre à votre Lettre du 2. de ce
mois , sur l'état de la Sauvage qui a été
trouvée aux environs de Châlons , tant
sur ce que j'en ai appris , que sur ce que
j'en ai connu moi-même , pour l'avoir
fait venir chez moi ; je vous dirai d'abord
, que pour le peu de fréquentation
qu'elle a eûe avec le monde , ne sçachant
encore que quelques mots françois malarticulez
, on ne peut presque pas conjecturer
dans quel pays elle est née ; mais
certainement
par les circonstances
dont
je vais vous entretenir , elle n'est point de
Norvege , ( comme on l'a dit , ) on croit
plutôt qu'elle est née dans les Isles Antilles
de l'Amerique , qui appartiennent
aux François , comme la Gadaloupe
, la
11. Vol. Mar
984 MERCURE DE FRANCE
44
,
Martinique , S. Christophe , S. Domin
gue , &c . parce qu'un Particulier de Châ
lons , qni a été à la Gadaloupe , lui ayant
montré de la Cassave Ou Manioque ,
qui est un Pain dont se nourrissent les
Sauvages des Antilles , elle s'écria de joye
sur ce Pain , et en ayant pris un morceau
elle le mangea avec grand appetit ; il lui
fit voir aussi d'autres curiositez du même
pays , à quoi elle prit un plaisir extraordinaire
, faisant connoître qu'elle avoit
vû de semblables choses ; de sorte qu'il
est à présumer qu'elle vient plutôt de ce
Pays là que de la Norvege.
A force de la faire parler , on a sçû
qu'elle a passé les Mers ; qu'ensuite une
Dame de qualité a pris soin de son éducation
, l'ayant fait habiller , car auparavant
elle n'avoit qu'une peau qui la
couvroit. Cette Dame la tenoit enfermée
dans sa maison , sans la laisser voir
à personne ; mais le Mary de la Dame
ne voulant plus la voir chez lui , pour
ne point laisser trop long- temps un objet
semblable devant les yeux de son Epouse,
cette Fille fut obligée de se sauver ; enfin
, à la faveur de la Lune , qu'elle appelle
la lumiere de la bonne Vierge , ne
marchant que la nuit , elle est parvenuë
au mois de Septembre dernier , jusqu'à
II. Vol.
Songy
DECEMBRE . 1731. 2985
Songy , Village à quatre lieues de Châlons
, lequel appartient à Mr. d'Epinoy ,
dont vous avez , depuis peu , annoncé le
mariage avec Mlle De Lannoy , Fille de
M. le Comte de Lannoy.
و
On sçait , d'ailleurs , qu'avant qu'elle
fut arrivée à Songy on l'avoit vûe audessus
de Vitry - le - François , accompagnée
d'une Negre , avec laquelle elle se
battit , parce que la Negre ne vouloit
pas qu'elle portât sur elle un Chapelet ,
qu'elle appelle un grand Chimes que la
Sauvage s'étant trouvée la plus forte , la
Negre la quitta , et depuis la Negre a été
vue auprès du Village de Cheppe , proche
Songy , d'où elle a ensuite disparu .
Pour notre Sauvage , le Berger de Songy
l'ayant apperçue dans les Vignes , écorchant
des Grenouilles et les mangeant
avec des Feuilles d'Arbres , elle fut amenée
par ce Berger au Château de M. d'Epinoy
, qui donna ordre au Berger de la
loger , ajoûtant qu'il auroit soin de sa
nourriture , & c. L'attention que ce Seigneur
a eue pour elle pendant près de
deux mois , la souffrant la plus grande
partie du jour à son Château , la laissant
pêcher dans ses Fossez , et chercher des
Racines dans ses Jardins , a attiré beaucoup
de monde chez lui . On remarquoit
11. Vol
,
D
que
2986 MERCURE DE FRANCE
>
que tout ce qu'elle mangeoit, elle le mangeoit
cru , ainsi que des Lapins qu'elle
dépouilloit avec ses doigts aussi habilement
qu'un Cuisinier , on la voyoit
grimper sur les Arbres plus facilement
que les plus agiles Bucherons ; et quand
elle étoit au haut elle contrefaisoit le
chant de differens Oiseaux de son Pays ;
je l'ai vûe moi même dans un Jardin de
Châlons , cherchant des Racines dans la
terre avec l'usage seul de son Pouce et
du doigt suivant , faisant ainsi des trous
comme des Terriers en un moment de
temps , aussi habilement que si on se fût
servi d'un Hoyau.
>
M. l'Evêque de Châlons et M. l'Intendant
l'ont vue dans ces sortes d'exercices ;
M. l'Evêque a pris soin depuis de la placer
dans l'Hôpital General de cette Ville ,
où l'on reçoit les Enfans des pauvres Habitans
, de l'un et de l'autre sexe, pour les
y nourrir jusqu'à l'âge de quinze à seize
ans , qu'on leur fait apprendre des Métiers.
C'est là qu'on tâche de l'humaniser
tout-à-fait , et de l'instruire. Elle mange
quelquefois du Pain ce qu'elle fait par
complaisance , car il lui fait mal au coeur ,
aussi bien que tout ce qui est sallé ; le
Biscuit et la Viande cuite la font vomir
elle ne peut enfin rien souffrir où il entre.
II. Vol.
و
de
DECEMBRE. 1731. 2987
de la Farine ; M. l'Intendant a voulu lui
faire manger des Bignets , elle n'a pû en
goûter par cette raison. Elle trouve le
Macaron bon et aime l'Eau- de Vie
>
>
l'appellant un Brûle ventre. Pour l'Eau , sa
boisson ordinaire , elle la boit dans un
seau , la tirant comme une Vache , et
étant à genoux . Elle ne veut point cou
cher sur des Matelats , le. Plancher lui
´suffit ; elle nage fort bien , et pêche dans
le fond des Rivieres ; elle appelle un Filet
Debily , dans le patois de son Pays ; pour
dire bon jour , Fille , on dit , selon elle
Yas yas , fioul , ajoûtant que quand on
l'appelloit , on disoit Riam riam , fioul s
c'est ce qui fait connoître qu'elle commence
à entendre la signification des ter
mes françois , les interprétant par ceux
de son Pays.
Au reste elle paroit âgée d'environ
18 ans , étant de moyenne taille , avec
le teint un peu bazanné ; cependant sa
peau au haut du bras paroît blanche ,
aussi- bien que la gorge ; elle a les yeux
vifs et bleus ; son parler est clair et brus
que ; elle paroît avoir de l'esprit , car elle
apprend aisément ce qu'on lui montre
cousant asses proprement ; elle fait connoître
qu'elle sçait travailler à la Tapis-.
serie au petit point , par la maniere dont
II Vol. Dij elle
2988 MERCURE DE FRANCE
elle indique qu'il s'y faut prendre , en
faisant passer l'aiguille de dessus en dessous
, et du dessous en dessus. La Supérieure
de l'Hôpital dit qu'elle sçait bien
broder , ce qu'elle a appris de la Dame
qui en avoit pris soin ; mais la Fille ne
peut dire dans quel Pays ce pouvoit être.
parce qu'elle ne parloit à personne , et ne
sortoit point. On l'instruit cependant
dans la Religion Chrétienne , elle dit
qu'elle veut être baptisée dans le Paradis
Terrestre , terme dont elle se sert pour
signifier nos Eglises les Curez du voisinage
de Songy lui ont fait comprendre
par des signes qu'il ne falloit point
grimper sur les Arbres , cela étant indécent
à une fille , aussi s'en abstient- t'elle
presentement. Le bruit a couru qu'il y
avoit des ordres pour la faire venir à la
Cour,on ne sçait comment elle l'a pu apprendre
; mais depuis, quand on vient la
voir à l'Hôpital, elle n'ose presque paroître
, pleure et s'afflige , craignant que ce
ne soit pour l'en faire sortir, parce qu'elle
s'y plaît fort , et qu'on a beaucoup d'attention
pour elle.
و
Voilà , Monsieur , tout ce que j'ai pû
sçavoir sur l'état de cette Fille. J'aurai
soin de vous apprendre ses progrès spirituels
, et la cérémonie de son Baptême ,
II. Vol
quand
DECEMBRE . 1731. 2939
quand il en sera temps . J'ay l'honneur
d'être &c.
, le 9. Decembre 1731. par M.
AM. N.... au sujet de la Fille sauvage,
trouvée aux environs de cette Ville.
Ersuadé , Monsieur , que vous ne
P cherchez qu'à contribuer , par vos
Mémoires , à satisfaire la curiosité du Public
en tout ce qui peut l'interesser agréa
blement et utilement , j'aurai l'honneur
de répondre à votre Lettre du 2. de ce
mois , sur l'état de la Sauvage qui a été
trouvée aux environs de Châlons , tant
sur ce que j'en ai appris , que sur ce que
j'en ai connu moi-même , pour l'avoir
fait venir chez moi ; je vous dirai d'abord
, que pour le peu de fréquentation
qu'elle a eûe avec le monde , ne sçachant
encore que quelques mots françois malarticulez
, on ne peut presque pas conjecturer
dans quel pays elle est née ; mais
certainement
par les circonstances
dont
je vais vous entretenir , elle n'est point de
Norvege , ( comme on l'a dit , ) on croit
plutôt qu'elle est née dans les Isles Antilles
de l'Amerique , qui appartiennent
aux François , comme la Gadaloupe
, la
11. Vol. Mar
984 MERCURE DE FRANCE
44
,
Martinique , S. Christophe , S. Domin
gue , &c . parce qu'un Particulier de Châ
lons , qni a été à la Gadaloupe , lui ayant
montré de la Cassave Ou Manioque ,
qui est un Pain dont se nourrissent les
Sauvages des Antilles , elle s'écria de joye
sur ce Pain , et en ayant pris un morceau
elle le mangea avec grand appetit ; il lui
fit voir aussi d'autres curiositez du même
pays , à quoi elle prit un plaisir extraordinaire
, faisant connoître qu'elle avoit
vû de semblables choses ; de sorte qu'il
est à présumer qu'elle vient plutôt de ce
Pays là que de la Norvege.
A force de la faire parler , on a sçû
qu'elle a passé les Mers ; qu'ensuite une
Dame de qualité a pris soin de son éducation
, l'ayant fait habiller , car auparavant
elle n'avoit qu'une peau qui la
couvroit. Cette Dame la tenoit enfermée
dans sa maison , sans la laisser voir
à personne ; mais le Mary de la Dame
ne voulant plus la voir chez lui , pour
ne point laisser trop long- temps un objet
semblable devant les yeux de son Epouse,
cette Fille fut obligée de se sauver ; enfin
, à la faveur de la Lune , qu'elle appelle
la lumiere de la bonne Vierge , ne
marchant que la nuit , elle est parvenuë
au mois de Septembre dernier , jusqu'à
II. Vol.
Songy
DECEMBRE . 1731. 2985
Songy , Village à quatre lieues de Châlons
, lequel appartient à Mr. d'Epinoy ,
dont vous avez , depuis peu , annoncé le
mariage avec Mlle De Lannoy , Fille de
M. le Comte de Lannoy.
و
On sçait , d'ailleurs , qu'avant qu'elle
fut arrivée à Songy on l'avoit vûe audessus
de Vitry - le - François , accompagnée
d'une Negre , avec laquelle elle se
battit , parce que la Negre ne vouloit
pas qu'elle portât sur elle un Chapelet ,
qu'elle appelle un grand Chimes que la
Sauvage s'étant trouvée la plus forte , la
Negre la quitta , et depuis la Negre a été
vue auprès du Village de Cheppe , proche
Songy , d'où elle a ensuite disparu .
Pour notre Sauvage , le Berger de Songy
l'ayant apperçue dans les Vignes , écorchant
des Grenouilles et les mangeant
avec des Feuilles d'Arbres , elle fut amenée
par ce Berger au Château de M. d'Epinoy
, qui donna ordre au Berger de la
loger , ajoûtant qu'il auroit soin de sa
nourriture , & c. L'attention que ce Seigneur
a eue pour elle pendant près de
deux mois , la souffrant la plus grande
partie du jour à son Château , la laissant
pêcher dans ses Fossez , et chercher des
Racines dans ses Jardins , a attiré beaucoup
de monde chez lui . On remarquoit
11. Vol
,
D
que
2986 MERCURE DE FRANCE
>
que tout ce qu'elle mangeoit, elle le mangeoit
cru , ainsi que des Lapins qu'elle
dépouilloit avec ses doigts aussi habilement
qu'un Cuisinier , on la voyoit
grimper sur les Arbres plus facilement
que les plus agiles Bucherons ; et quand
elle étoit au haut elle contrefaisoit le
chant de differens Oiseaux de son Pays ;
je l'ai vûe moi même dans un Jardin de
Châlons , cherchant des Racines dans la
terre avec l'usage seul de son Pouce et
du doigt suivant , faisant ainsi des trous
comme des Terriers en un moment de
temps , aussi habilement que si on se fût
servi d'un Hoyau.
>
M. l'Evêque de Châlons et M. l'Intendant
l'ont vue dans ces sortes d'exercices ;
M. l'Evêque a pris soin depuis de la placer
dans l'Hôpital General de cette Ville ,
où l'on reçoit les Enfans des pauvres Habitans
, de l'un et de l'autre sexe, pour les
y nourrir jusqu'à l'âge de quinze à seize
ans , qu'on leur fait apprendre des Métiers.
C'est là qu'on tâche de l'humaniser
tout-à-fait , et de l'instruire. Elle mange
quelquefois du Pain ce qu'elle fait par
complaisance , car il lui fait mal au coeur ,
aussi bien que tout ce qui est sallé ; le
Biscuit et la Viande cuite la font vomir
elle ne peut enfin rien souffrir où il entre.
II. Vol.
و
de
DECEMBRE. 1731. 2987
de la Farine ; M. l'Intendant a voulu lui
faire manger des Bignets , elle n'a pû en
goûter par cette raison. Elle trouve le
Macaron bon et aime l'Eau- de Vie
>
>
l'appellant un Brûle ventre. Pour l'Eau , sa
boisson ordinaire , elle la boit dans un
seau , la tirant comme une Vache , et
étant à genoux . Elle ne veut point cou
cher sur des Matelats , le. Plancher lui
´suffit ; elle nage fort bien , et pêche dans
le fond des Rivieres ; elle appelle un Filet
Debily , dans le patois de son Pays ; pour
dire bon jour , Fille , on dit , selon elle
Yas yas , fioul , ajoûtant que quand on
l'appelloit , on disoit Riam riam , fioul s
c'est ce qui fait connoître qu'elle commence
à entendre la signification des ter
mes françois , les interprétant par ceux
de son Pays.
Au reste elle paroit âgée d'environ
18 ans , étant de moyenne taille , avec
le teint un peu bazanné ; cependant sa
peau au haut du bras paroît blanche ,
aussi- bien que la gorge ; elle a les yeux
vifs et bleus ; son parler est clair et brus
que ; elle paroît avoir de l'esprit , car elle
apprend aisément ce qu'on lui montre
cousant asses proprement ; elle fait connoître
qu'elle sçait travailler à la Tapis-.
serie au petit point , par la maniere dont
II Vol. Dij elle
2988 MERCURE DE FRANCE
elle indique qu'il s'y faut prendre , en
faisant passer l'aiguille de dessus en dessous
, et du dessous en dessus. La Supérieure
de l'Hôpital dit qu'elle sçait bien
broder , ce qu'elle a appris de la Dame
qui en avoit pris soin ; mais la Fille ne
peut dire dans quel Pays ce pouvoit être.
parce qu'elle ne parloit à personne , et ne
sortoit point. On l'instruit cependant
dans la Religion Chrétienne , elle dit
qu'elle veut être baptisée dans le Paradis
Terrestre , terme dont elle se sert pour
signifier nos Eglises les Curez du voisinage
de Songy lui ont fait comprendre
par des signes qu'il ne falloit point
grimper sur les Arbres , cela étant indécent
à une fille , aussi s'en abstient- t'elle
presentement. Le bruit a couru qu'il y
avoit des ordres pour la faire venir à la
Cour,on ne sçait comment elle l'a pu apprendre
; mais depuis, quand on vient la
voir à l'Hôpital, elle n'ose presque paroître
, pleure et s'afflige , craignant que ce
ne soit pour l'en faire sortir, parce qu'elle
s'y plaît fort , et qu'on a beaucoup d'attention
pour elle.
و
Voilà , Monsieur , tout ce que j'ai pû
sçavoir sur l'état de cette Fille. J'aurai
soin de vous apprendre ses progrès spirituels
, et la cérémonie de son Baptême ,
II. Vol
quand
DECEMBRE . 1731. 2939
quand il en sera temps . J'ay l'honneur
d'être &c.
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Résumé : LETTRE écrite de Châlons en Champagne, le 9. Decembre 1731. par M. A M. N.... au sujet de la Fille sauvage, trouvée aux environs de cette Ville.
Le 9 décembre 1731, une lettre relate la découverte d'une 'fille sauvage' près de Châlons en Champagne. L'auteur décrit les circonstances de cette découverte et les origines présumées de la jeune fille. Bien que son origine exacte reste incertaine, des indices suggèrent qu'elle provienne des îles antillaises françaises, comme la Guadeloupe ou la Martinique, plutôt que de Norvège comme initialement pensé. Un particulier de Châlons, ayant vécu en Guadeloupe, a reconnu des objets antillais que la fille a identifiés avec joie. La fille a traversé les mers et a été prise en charge par une dame de qualité qui l'a habillée et éduquée. Cependant, elle s'est enfuie après que le mari de cette dame l'a chassée. Elle a été vue à plusieurs reprises, notamment accompagnée d'une négresse avec laquelle elle s'est battue. Elle a été finalement amenée au château de M. d'Epinoy à Songy, où elle a été nourrie et observée. Elle mangeait des aliments crus, grimpait aux arbres et imitait les chants d'oiseaux. L'évêque et l'intendant de Châlons ont pris en charge son éducation et son bien-être. Elle a été placée à l'hôpital général de la ville, où elle apprend des métiers et est instruite dans la religion chrétienne. Elle préfère l'eau et les aliments non cuits, et dort sur le plancher. Elle montre des signes d'intelligence et apprend rapidement. La rumeur de son transfert à la cour la trouble, car elle se plaît à l'hôpital. L'auteur promet de tenir informé le destinataire de ses progrès et de la cérémonie de son baptême.
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28
p. 2989-2991
EXTRAIT d'une autre Lettre sur le même sujet.
Début :
Dans le séjour qu'elle a fait au Château et au Village de M. d'Epinoy, [...]
Mots clefs :
Sagesse, Menaces, Caresses, Hôpitaux, Renfermerie, Sacrement
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une autre Lettre sur le même sujet.
EXTRAIT d'une autre Lettre sur le
même sujet.
D
Ans le séjour qu'elle a fait au Château
et au Village de M. d'Epinoy ,
on a observé que la sagesse de cette jeune
Fille est à toute épreuve l'argent dont
elle ignore la valeur , et peut-être l'usage,
les ménaces et les caresses n'ont rien pû
sur elle ; l'approche seul d'Homme qui
veut la toucher , lui fait jetter des cris
perçans , et jette dans ses yeux et dans
tout son maintien un trouble que l'on
ne peut assurément pas imiter .
On trouve que M. l'Intendant a trèssagement
fait de la faire transferer dans
un des Hôpitaux de Châlons , qu'on
nomme la Renfermerie , pour être plus
à portée d'approfondir son état et son origine
, et pour lui donner l'éducation et
les instructions dont elle paroît déja ca- cả
pable.
Avant cette retraite , elle étoit beaucoup
plus sauvage ; ceux qui l'ont vwa
courir à la Campagne , disent que sa
course a quelque chose d'extrêmement
singulier ; son pas est court et peu avan,
cé , mais si précipité , et redoublé aveo
11. Vol. Diijant
2990 MERCURE DE FRANCE
tant de vitesse , qu'elle suivroit l'homme
le plus leger
et le meilleur coureur
Basque.
Cependant on l'employe aux ouvrages
de la Maison , elle se prête à tout de bonne
grace , rien ne paroît au dessus de ses
forces , ni contre sa volonté , persuadéẹ
qu'elle est , qu'il faut qu'elle obéisse pour
aller voir un jour la Ste Vierge sa Mere .
un
coup
M. l'Archevêque de Vienne passant
dernierement par cette Ville , voulut la
voir. Elle fut menée pour cela chez M.
l'Intendant par des Soeurs de la Maison.
Nous vîmes ce jour là , avec une espece
d'horreur , cette Fille manger plus d'une
livre et demie de Boeuf crû , sans y donner
de dent , puis se jetter avec
une espece de fureur sur un Lapreaiz
qu'on mit devant elle , qu'elle déshabilla
en un clin d'oeil avec une facilité qui suppose
un grand usage , puis le dévorer en
un instant sans le vuider. M. l'Archevêque
lui fit beaucoup de questions aux
quelles elle répondit comme elle avoit dé
ja fait à d'autres Personnes , sans oublier
l'avanture d'une Moresse , sa Compagne
de Voyage , qu'on a revue depuis , mais
qu'on n'a pû encore joindre. Les Soeurs
dirent que depuis quelque temps on travailloit
à la rapprocher par degrez . de
H.Vol notre
DECEMBRE . 1731. 2971
notre façon ordinaire de vivre , malgré
Pantipatie de son Estomach pour la viande
euite et le pain , ce qui la fait vomir jusqu'au
sang. On travaille singulierement
à lui apprendre les Principes de la Religion
, pour la mettre en état de recevoir
le premier Sacrement.
même sujet.
D
Ans le séjour qu'elle a fait au Château
et au Village de M. d'Epinoy ,
on a observé que la sagesse de cette jeune
Fille est à toute épreuve l'argent dont
elle ignore la valeur , et peut-être l'usage,
les ménaces et les caresses n'ont rien pû
sur elle ; l'approche seul d'Homme qui
veut la toucher , lui fait jetter des cris
perçans , et jette dans ses yeux et dans
tout son maintien un trouble que l'on
ne peut assurément pas imiter .
On trouve que M. l'Intendant a trèssagement
fait de la faire transferer dans
un des Hôpitaux de Châlons , qu'on
nomme la Renfermerie , pour être plus
à portée d'approfondir son état et son origine
, et pour lui donner l'éducation et
les instructions dont elle paroît déja ca- cả
pable.
Avant cette retraite , elle étoit beaucoup
plus sauvage ; ceux qui l'ont vwa
courir à la Campagne , disent que sa
course a quelque chose d'extrêmement
singulier ; son pas est court et peu avan,
cé , mais si précipité , et redoublé aveo
11. Vol. Diijant
2990 MERCURE DE FRANCE
tant de vitesse , qu'elle suivroit l'homme
le plus leger
et le meilleur coureur
Basque.
Cependant on l'employe aux ouvrages
de la Maison , elle se prête à tout de bonne
grace , rien ne paroît au dessus de ses
forces , ni contre sa volonté , persuadéẹ
qu'elle est , qu'il faut qu'elle obéisse pour
aller voir un jour la Ste Vierge sa Mere .
un
coup
M. l'Archevêque de Vienne passant
dernierement par cette Ville , voulut la
voir. Elle fut menée pour cela chez M.
l'Intendant par des Soeurs de la Maison.
Nous vîmes ce jour là , avec une espece
d'horreur , cette Fille manger plus d'une
livre et demie de Boeuf crû , sans y donner
de dent , puis se jetter avec
une espece de fureur sur un Lapreaiz
qu'on mit devant elle , qu'elle déshabilla
en un clin d'oeil avec une facilité qui suppose
un grand usage , puis le dévorer en
un instant sans le vuider. M. l'Archevêque
lui fit beaucoup de questions aux
quelles elle répondit comme elle avoit dé
ja fait à d'autres Personnes , sans oublier
l'avanture d'une Moresse , sa Compagne
de Voyage , qu'on a revue depuis , mais
qu'on n'a pû encore joindre. Les Soeurs
dirent que depuis quelque temps on travailloit
à la rapprocher par degrez . de
H.Vol notre
DECEMBRE . 1731. 2971
notre façon ordinaire de vivre , malgré
Pantipatie de son Estomach pour la viande
euite et le pain , ce qui la fait vomir jusqu'au
sang. On travaille singulierement
à lui apprendre les Principes de la Religion
, pour la mettre en état de recevoir
le premier Sacrement.
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Résumé : EXTRAIT d'une autre Lettre sur le même sujet.
Durant son séjour au Château et au Village de M. d'Epinoy, une jeune fille a montré une sagesse et une résistance exceptionnelles, restant insensible à l'argent, aux menaces et aux caresses. Elle réagissait violemment à la présence d'hommes, manifestant un trouble profond. M. l'Intendant a décidé de la transférer à la Renfermerie de Châlons pour mieux comprendre son état et son origine, et lui offrir une éducation appropriée. Avant son transfert, elle se comportait de manière sauvage, courant rapidement, mais était coopérative dans les tâches domestiques, croyant devoir obéir pour voir la Sainte Vierge, qu'elle considérait comme sa mère. Lors de la visite de M. l'Archevêque de Vienne, elle a consommé une grande quantité de viande crue et un lapereau avec facilité. Elle a mentionné une compagne de voyage nommée Moresse, que l'on a revue sans pouvoir la joindre. Les sœurs de la maison travaillent à l'habituer à une alimentation ordinaire et à lui enseigner les principes de la religion pour qu'elle puisse recevoir le premier sacrement.
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29
p. 2991-2992
ÉTRENNES.
Début :
Pour vous trouver de brillantes Etrennes, [...]
Mots clefs :
Apollon, Interprètes, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ÉTRENNES.
ETRENNE S.
& & & &
Our vous trouver de brillantes Etrennes ,
J'allai chercher Plutus , j'implorai sa faveur.
Ah! que tu connois peu Marianne et son coeur
Me dit-il , tu perdrois mon offrande et tes peines
Très -loin de -là dans le sacré Valon ,
Je me rendis chez Apollon ,
Je lui proposai ma pensée ;
Elle fut long- temps ressassée.
Crois-tu , me répondit le Maître des neuf Soeurs:
Qu'Hypocrene à mon gré répande ses douceurs!
Je voudrois bien chanter l'Objet qui t'interesse ,
Sur cent tons choisis er divers ,
Mais sur les Rives du Permesse ,
La bonne intention ne fait pas les bons Vers.
Il faut l'avouer à ma honte ,
Quelquefois pour encens je présente l'ennui ::
Va plutôt du Dieu d'Amathonte
1.1. Kob
2.
Diiij
In2992
MERCURE DE FRANCE
Invoquer le grand nom, et demander l'appui
Tu veux un Présent sûr de plaire è
Cupidon fera ton affaire.
L'avis me parut de bon sens ,
Quoiqu'issu du cerveau du Patron des Poëtes..
Je courus à Paphos , où mille voeux pressans ,
De mon juste dessein furent les Interpretes .
Quoi , s'écria l'Amour ! ch quoi !
C'est ta voix que j'entends ! qu'exiges - tu de moi
Sçais- tu pour qui tu viens m'adresser ta priere?
Ta jeune Marianne a pillé dans Cithere
Mes trésors les plus doux ; les biens les plus char
mans ,
Elle a fait son profit de tous mes agrémens ;
::
Et même sans Ceinture elle a laissé ma Mere.
Il ne me reste rien quel don puis - je lui faire,
L'Amour enfin n'a plus que lui -même à donne■ -
A celle qui sans cesse usurpe son Empire :
Sans doute elle dira que c'est mal l'étrenner ...
Je sçai pourtant quelqu'un qui , quoiqu'elle pú
dire ,
Voudroit bien la forcer d'accepter un tel don .
Heureux qui commettroit pareille violence !
Vaincre une Belle , est une offense ,
Non- seulement très digne de pardon ,
Mais encore de récompense.
& & & &
Our vous trouver de brillantes Etrennes ,
J'allai chercher Plutus , j'implorai sa faveur.
Ah! que tu connois peu Marianne et son coeur
Me dit-il , tu perdrois mon offrande et tes peines
Très -loin de -là dans le sacré Valon ,
Je me rendis chez Apollon ,
Je lui proposai ma pensée ;
Elle fut long- temps ressassée.
Crois-tu , me répondit le Maître des neuf Soeurs:
Qu'Hypocrene à mon gré répande ses douceurs!
Je voudrois bien chanter l'Objet qui t'interesse ,
Sur cent tons choisis er divers ,
Mais sur les Rives du Permesse ,
La bonne intention ne fait pas les bons Vers.
Il faut l'avouer à ma honte ,
Quelquefois pour encens je présente l'ennui ::
Va plutôt du Dieu d'Amathonte
1.1. Kob
2.
Diiij
In2992
MERCURE DE FRANCE
Invoquer le grand nom, et demander l'appui
Tu veux un Présent sûr de plaire è
Cupidon fera ton affaire.
L'avis me parut de bon sens ,
Quoiqu'issu du cerveau du Patron des Poëtes..
Je courus à Paphos , où mille voeux pressans ,
De mon juste dessein furent les Interpretes .
Quoi , s'écria l'Amour ! ch quoi !
C'est ta voix que j'entends ! qu'exiges - tu de moi
Sçais- tu pour qui tu viens m'adresser ta priere?
Ta jeune Marianne a pillé dans Cithere
Mes trésors les plus doux ; les biens les plus char
mans ,
Elle a fait son profit de tous mes agrémens ;
::
Et même sans Ceinture elle a laissé ma Mere.
Il ne me reste rien quel don puis - je lui faire,
L'Amour enfin n'a plus que lui -même à donne■ -
A celle qui sans cesse usurpe son Empire :
Sans doute elle dira que c'est mal l'étrenner ...
Je sçai pourtant quelqu'un qui , quoiqu'elle pú
dire ,
Voudroit bien la forcer d'accepter un tel don .
Heureux qui commettroit pareille violence !
Vaincre une Belle , est une offense ,
Non- seulement très digne de pardon ,
Mais encore de récompense.
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Résumé : ÉTRENNES.
Le narrateur cherche un cadeau d'Étrennes pour Marianne. Il invoque d'abord Plutus, qui prédit que Marianne ne valorisera pas son offrande. Ensuite, il consulte Apollon, qui refuse d'aider, estimant que l'intention ne suffit pas pour créer de bons vers, et suggère de voir le dieu d'Amathonte, probablement Vénus. Le narrateur décide alors d'invoquer Cupidon. Cupidon, étonné, affirme que Marianne a déjà reçu ses meilleurs trésors et même volé la ceinture de sa mère. Il déclare ne plus avoir rien à offrir, sauf lui-même. Cependant, il connaît quelqu'un capable de forcer Marianne à accepter ce don, soulignant que vaincre une belle est une offense pardonnable et même récompensable.
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30
p. 2993-2996
LETTRE écrite de Joigny, le 12. Decembre 1731. par M. L. B. au sujet d'une Comédie représentée en cette Ville.
Début :
L'Interêt que vous prenez, Monsieur, à tout ce qui nous regarde, m'engage [...]
Mots clefs :
Comédie, Succès, Spectateurs, Actrices
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite de Joigny, le 12. Decembre 1731. par M. L. B. au sujet d'une Comédie représentée en cette Ville.
LETTRE écrite de foigny , le 12.
Decembre 1731. par M. L. B. au sujet
d'une Comédie représentée en cette Ville:
L
'Interêt que vous prenez , Monsieur .
à tout ce qui nous regarde , m'engage
de vous faire sçavoir que la Comé
die du Joueur , l'une des meilleures , com ,
me vous sçavez , de M. Regnard , laquelle
avoit déja été représentée dans cette Villele
26. Novembre dernier, fut jouée avant
hier 10. du courant , dans une des Sales
du Château , avec un succès fort au - des--
sus de ce qu'on peut attendre de Person--
nes qui ne font pas profession de monter
sur le Théatre ; aussi fut- elle applaudie
par une nombreuse et belle Assemblée
dont l'élite étoit plusieurs Dames et Seigneurs
de distinction , et d'un très - bongoût.
Je ne vous nommerai que le Commandeur
de Vatange , le Marquis de Pel--
port , le Comte de Villefranche , le Ba
ron de Poely , le Chevalier de S. Andiol,,
&c. Parmi les Dames , les Marquises da :
Matange , de Pelport , &c.
Les Acteurs , personnes la plupart de
naissance , de mérite, et capables de rem-
Lek. Vol Dv plier
2994 MERCURE DE FRANCE
plir l'attente des Spectateurs , surpasserent
, pour ainsi dire , cette attente . Le
Joueur sur tout se fit admirer par la
maniere dont il exprima les differens caracteres
qui lui conviennent : le jeu , sa,
passion dominante , amour , crainte , desespoir
, &c. suivant les diverses situations
, tout parut vrai et original en lui.
Hector excella dans son Rôle , qu'il
caracterisa par tout ce qu'il a de naïf, de
plaisant , de particulier , d'instructif même
et de moral.
Le pere du Joueur soutint également
son caractere d'homme sage , de Censeur
et de Pere.
Le faux, Marquis ne se distingua pas
moins par l'air emprunté et par ses ma- .
nieres d'homme vain et sans sentiment ,
dont il joua son personnage.
Le Maître de Trictrac rappella parfaitement
le fameux Desmares , de la Comedie
Françoise , et égaya la Scene d'une
maniere tout à-fait plaisante.
Les Actrices ne cederent en rien, aux
Acteurs. Jamais Angelique ne se présenta
sur le Théa re qu'elle ne parût penetrée
de ce qu'elle sentoit pour son Amant , et
touchée de ses égaremens. Ses yeux annonçoient
toûjours ce qu'elle alloit dire .
La Comtesse auroit trompé des gens
La Vol
qui
DECEMBRE 1731. 2995 .
8
qui ne la connoissent pas , tant elle pric
le ton , l'air et les manieres d'une excellente
Actrice de profession , selon les
divers mouvemens qu'exigeoit son Rôle..
On voyoit dans les yeux de Nerine
pour le moins autant d'esprit et d'expression
qu'en sa Maîtresse , aussi fut- elles
en particulier très- applaudie.
Enfin le jea de Madame de la Ressource
parût tres naturel , laissant toujours entrevoir
malgré son apparente simplicité ,.
lê fonds d'un esprit rusé , et dun coeur.
souverainement interressé.
On est particulierement obligé à Ma
dame de la Prée , veuve du Maréchal dés
Camps et Armées du Roi , de la Repré
sentation de cetre Piece , qui fut suivie
du Retour imprévû du même Auteur . Tout
le monde sortit parfaitement content de
l'une et de l'autre..
La Sale dont j'ai parlé au commences->
ment , étoit magnifiquement parée et ingenieusement
disposée. L'Amphithéatre
seul contenoit au moins sept cent per
sonnes. Je ne vous parle point des habits
des Acteurs et des Actrices ; ceux
qui pouvoient être superbes , l'étoient en
effet , les autres répondirent parfaitement :
aux Personnages.
Il y eut Bal après. un grand souper ,,
11. Kob Dvj oli
2996 MERCURE DE FRANCE
où l'abondance se trouva jointe à la dé
licatesse . Nos vins choisis ne furent pas
jugez inferieurs , par les Etrangers , à
d'autres qu'on y but des plus . vantez de
cette Province .
Et à propos des Vins de Joigny , je crois
que vous aurez ri avec nous de l'Ordonnance
Bachique que nos Emules , Mrs.
d'Auxerre , ont fait paroître dans le Mercure
de Septembre dernier. La Piece est
divertissante et puis c'est tout . Il faut
qu'ils croyent leur cause bien mauvaise
puisque pour la soutenir ils ont recours
aux fictions , et qu'ils employent une
Divinité, qui n'est pas , comme l'on sçait,
la plus sensée ni la plus équitable , il en
paroîtra peut-être d'autres sur la Scene .
Si l'Auteur continue de mettre ainsi les
Dieux en mouvement , c'est le commencement
d'une Iliade ; mais quelle Iliade !
an Plaisant qui n'a rien dans la querelle ,
a déja nommé cette Production la Ba
chicomachie. Permettez - moi de parler Pro
verbe, en finissant et d'y ajoûter que bien
Fira qui rira le dernier. Je suis Mon
sieur , & c.
Decembre 1731. par M. L. B. au sujet
d'une Comédie représentée en cette Ville:
L
'Interêt que vous prenez , Monsieur .
à tout ce qui nous regarde , m'engage
de vous faire sçavoir que la Comé
die du Joueur , l'une des meilleures , com ,
me vous sçavez , de M. Regnard , laquelle
avoit déja été représentée dans cette Villele
26. Novembre dernier, fut jouée avant
hier 10. du courant , dans une des Sales
du Château , avec un succès fort au - des--
sus de ce qu'on peut attendre de Person--
nes qui ne font pas profession de monter
sur le Théatre ; aussi fut- elle applaudie
par une nombreuse et belle Assemblée
dont l'élite étoit plusieurs Dames et Seigneurs
de distinction , et d'un très - bongoût.
Je ne vous nommerai que le Commandeur
de Vatange , le Marquis de Pel--
port , le Comte de Villefranche , le Ba
ron de Poely , le Chevalier de S. Andiol,,
&c. Parmi les Dames , les Marquises da :
Matange , de Pelport , &c.
Les Acteurs , personnes la plupart de
naissance , de mérite, et capables de rem-
Lek. Vol Dv plier
2994 MERCURE DE FRANCE
plir l'attente des Spectateurs , surpasserent
, pour ainsi dire , cette attente . Le
Joueur sur tout se fit admirer par la
maniere dont il exprima les differens caracteres
qui lui conviennent : le jeu , sa,
passion dominante , amour , crainte , desespoir
, &c. suivant les diverses situations
, tout parut vrai et original en lui.
Hector excella dans son Rôle , qu'il
caracterisa par tout ce qu'il a de naïf, de
plaisant , de particulier , d'instructif même
et de moral.
Le pere du Joueur soutint également
son caractere d'homme sage , de Censeur
et de Pere.
Le faux, Marquis ne se distingua pas
moins par l'air emprunté et par ses ma- .
nieres d'homme vain et sans sentiment ,
dont il joua son personnage.
Le Maître de Trictrac rappella parfaitement
le fameux Desmares , de la Comedie
Françoise , et égaya la Scene d'une
maniere tout à-fait plaisante.
Les Actrices ne cederent en rien, aux
Acteurs. Jamais Angelique ne se présenta
sur le Théa re qu'elle ne parût penetrée
de ce qu'elle sentoit pour son Amant , et
touchée de ses égaremens. Ses yeux annonçoient
toûjours ce qu'elle alloit dire .
La Comtesse auroit trompé des gens
La Vol
qui
DECEMBRE 1731. 2995 .
8
qui ne la connoissent pas , tant elle pric
le ton , l'air et les manieres d'une excellente
Actrice de profession , selon les
divers mouvemens qu'exigeoit son Rôle..
On voyoit dans les yeux de Nerine
pour le moins autant d'esprit et d'expression
qu'en sa Maîtresse , aussi fut- elles
en particulier très- applaudie.
Enfin le jea de Madame de la Ressource
parût tres naturel , laissant toujours entrevoir
malgré son apparente simplicité ,.
lê fonds d'un esprit rusé , et dun coeur.
souverainement interressé.
On est particulierement obligé à Ma
dame de la Prée , veuve du Maréchal dés
Camps et Armées du Roi , de la Repré
sentation de cetre Piece , qui fut suivie
du Retour imprévû du même Auteur . Tout
le monde sortit parfaitement content de
l'une et de l'autre..
La Sale dont j'ai parlé au commences->
ment , étoit magnifiquement parée et ingenieusement
disposée. L'Amphithéatre
seul contenoit au moins sept cent per
sonnes. Je ne vous parle point des habits
des Acteurs et des Actrices ; ceux
qui pouvoient être superbes , l'étoient en
effet , les autres répondirent parfaitement :
aux Personnages.
Il y eut Bal après. un grand souper ,,
11. Kob Dvj oli
2996 MERCURE DE FRANCE
où l'abondance se trouva jointe à la dé
licatesse . Nos vins choisis ne furent pas
jugez inferieurs , par les Etrangers , à
d'autres qu'on y but des plus . vantez de
cette Province .
Et à propos des Vins de Joigny , je crois
que vous aurez ri avec nous de l'Ordonnance
Bachique que nos Emules , Mrs.
d'Auxerre , ont fait paroître dans le Mercure
de Septembre dernier. La Piece est
divertissante et puis c'est tout . Il faut
qu'ils croyent leur cause bien mauvaise
puisque pour la soutenir ils ont recours
aux fictions , et qu'ils employent une
Divinité, qui n'est pas , comme l'on sçait,
la plus sensée ni la plus équitable , il en
paroîtra peut-être d'autres sur la Scene .
Si l'Auteur continue de mettre ainsi les
Dieux en mouvement , c'est le commencement
d'une Iliade ; mais quelle Iliade !
an Plaisant qui n'a rien dans la querelle ,
a déja nommé cette Production la Ba
chicomachie. Permettez - moi de parler Pro
verbe, en finissant et d'y ajoûter que bien
Fira qui rira le dernier. Je suis Mon
sieur , & c.
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Résumé : LETTRE écrite de Joigny, le 12. Decembre 1731. par M. L. B. au sujet d'une Comédie représentée en cette Ville.
La lettre datée du 12 décembre 1731 décrit la représentation de la comédie 'Le Joueur' de Jean-François Regnard à Foigny. La pièce, déjà jouée le 26 novembre précédent, a été reprise le 10 décembre dans une salle du château, devant une assemblée distinguée composée de dames et seigneurs de renom, tels que le Commandeur de Vatange, le Marquis de Pelport et le Comte de Villefranche. Les acteurs, principalement issus de la noblesse, ont surpassé les attentes du public. Le rôle du Joueur a été particulièrement admiré pour sa diversité de caractères et son authenticité. Hector a excellé dans son rôle, caractérisé par sa naïveté et son instruction. Le père du Joueur a incarné un homme sage et moralisateur, tandis que le faux Marquis a joué un personnage vain et sans sentiment. Le Maître de Trictrac a rappelé le célèbre Desmares par son jeu plaisant. Les actrices ont également été remarquées pour leur talent. Angelique a montré une profonde émotion pour son amant, et la Comtesse a trompé le public par son jeu professionnel. Nerine a été applaudie pour son esprit et son expression, et Madame de la Ressource a joué un rôle naturel malgré son apparente simplicité. La représentation a été organisée par Madame de la Prée, veuve du Maréchal des Camps et Armées du Roi, et a été suivie de la pièce 'Le Retour imprévu' du même auteur. La salle, magnifiquement décorée, pouvait contenir environ sept cents personnes. Un bal et un grand souper ont suivi la représentation, avec des vins choisis jugés supérieurs à ceux d'autres provinces. La lettre mentionne également une ordonnance bachique publiée par des émules d'Auxerre, qualifiée de divertissante mais sans grande valeur. L'auteur de la lettre conclut en plaisantant sur cette querelle, qualifiée de 'Bachicomachie'.
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31
p. 2997-2998
ETRENNE. A Madame la Comtesse du Roure.
Début :
Puissiez-vous vivre sans souci, [...]
Mots clefs :
Comtesse, Couronne, Compliment, Cœur, Muse
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texteReconnaissance textuelle : ETRENNE. A Madame la Comtesse du Roure.
E TRENNE.
A Madame la Comtesse du Roure..
Puissie Uissiez- vous vivre sans souci ,
Sous les douces loix d'Hymenée
'Accoucher d'un fils dans l'année
Etre belle à trente ans d'ici ;
S'accomplisse encor ce voeu- cy :
Qu'aux Cieux votre vertu prônée ,.
Après cent ans soit couronnée
Vous la seriez bien - tôt ici ,
Si la Couronne étoit donnée
Toûjours au mérite éclairci.
Mais en vous dévoüant ceci ,
Ma Muse à demi consternée ,
Prévoit bien qu'en cette journée .
L'élegant Abbé du Poncy ,
Par quelque Etrenne rafinée ,
Vous rendra son hommage aussi ;
Par ce voisinage obscurci ,
Je plains , hélas , la destinée ,
D'un Compliment peu dégrossi ,
D'une Etrenne mal façonnée ;
Dans quelque coin abandonnée ;
Je crois la voir à la mercy
1. Vol
Deg
998 MERCURE DE FRANCE
Des Rats , cette race effrenée ,
Qui s'en prend depuis qu'elle est née ; „
A Pieces telles que voicy ,
Ou peut-être au feu condamnée ,.
Périr plus promptement ainsi,
Telle donc de l'infortunée ,
Sera la fin en racourci ;
Mais si votre ame au bien tournée ,
Regarde d'un oeil adouci ,
Le coeur dont elle est émanée ,
A cet unique objet bornée ,
Lors , ma Muse aura réussi.
Monteil , Chanoine..
A Madame la Comtesse du Roure..
Puissie Uissiez- vous vivre sans souci ,
Sous les douces loix d'Hymenée
'Accoucher d'un fils dans l'année
Etre belle à trente ans d'ici ;
S'accomplisse encor ce voeu- cy :
Qu'aux Cieux votre vertu prônée ,.
Après cent ans soit couronnée
Vous la seriez bien - tôt ici ,
Si la Couronne étoit donnée
Toûjours au mérite éclairci.
Mais en vous dévoüant ceci ,
Ma Muse à demi consternée ,
Prévoit bien qu'en cette journée .
L'élegant Abbé du Poncy ,
Par quelque Etrenne rafinée ,
Vous rendra son hommage aussi ;
Par ce voisinage obscurci ,
Je plains , hélas , la destinée ,
D'un Compliment peu dégrossi ,
D'une Etrenne mal façonnée ;
Dans quelque coin abandonnée ;
Je crois la voir à la mercy
1. Vol
Deg
998 MERCURE DE FRANCE
Des Rats , cette race effrenée ,
Qui s'en prend depuis qu'elle est née ; „
A Pieces telles que voicy ,
Ou peut-être au feu condamnée ,.
Périr plus promptement ainsi,
Telle donc de l'infortunée ,
Sera la fin en racourci ;
Mais si votre ame au bien tournée ,
Regarde d'un oeil adouci ,
Le coeur dont elle est émanée ,
A cet unique objet bornée ,
Lors , ma Muse aura réussi.
Monteil , Chanoine..
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Résumé : ETRENNE. A Madame la Comtesse du Roure.
La lettre est adressée à Madame la Comtesse du Roure et exprime des vœux pour son bonheur et sa prospérité. L'auteur souhaite qu'elle vive sans souci, accouche d'un fils dans l'année, reste belle à trente ans et voie sa vertu reconnue après cent ans. Il reconnaît que la comtesse mérite une couronne pour ses qualités. Cependant, il anticipe que l'Abbé du Poncy lui offrira un présent raffiné, ce qui mettra en lumière la modestie de son propre hommage. L'auteur imagine que son cadeau, moins élégant, pourrait être délaissé ou détruit par des rats. Néanmoins, il espère que la comtesse appréciera la sincérité de son geste, ce qui lui permettrait de considérer sa muse comme ayant réussi. La lettre est signée Monteil, Chanoine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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32
p. 2998-3004
REPONSE de M. A. C. D. V. à deux des Demandes faites dans le premier Volume du Mercure de Juin dernier, p. 1344. sur quelques Proverbes, &c.
Début :
J'ay refléchi, Monsieur, sur l'article du Mercure de Juin, où l'on demande [...]
Mots clefs :
Proverbes, Patries, Châteaux, Espagne, Explication, Familiarité, Jalousie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REPONSE de M. A. C. D. V. à deux des Demandes faites dans le premier Volume du Mercure de Juin dernier, p. 1344. sur quelques Proverbes, &c.
REPONSE de M. A. C, D. V. à den
desDemandes faites dans le premier Vclume
du Mercure de Juin dernier, p.1344 •
sur quelques Proverbes , &c.
'Ay refléchi , Monsieur , sur l'article
du Mercure de Juin , où l'on demande
l'explication de quelques manicres de
parler qui sont d'un usage familier dans
notre Langue, dont la raison ou l'Allegerie
ne se presente pas d'abord à l'esprit ,
et qu'il ne seroit peut- être pas inutile
d'éclaircir . Je n'entreprens pas de sa
11. Vol
satis
DECEMBRE. 1731 299
tisfaire le Public sur tous les articles pro.
posez ; je me contente de vous envoyer
pour cette fois l'Explication de deux de
ces expressions proverbiales. Nul n'est
Prophete en son Pays , et faire des Châteaux:
en Espagne.
Je tire cette Explication d'un Livre
imprimé à Paris en 1665. intitulé : le Di-.
vertissement des Sages , vol. in 8. Ouvrage
d'un Religieux Pénitent , ou du Tiers
Ordre de S. François , nommé à Paris
Picpus , lequel a aussi composé d'autres
Ouvrages , où l'on remarque beaucoup
de pieté. Celui dont il s'agit ici contient
un Recueil de Proverbes François ,
tous expliquez par l'Ecriture et par les
Peres.
Sur le premier Proverbe. Nul n'est Prophete
, &c. Il faut , dit le pieux Auteur
aimer et honoter sa Patrie sans s'y attacher
, et comme Notre Seigneur est Auteur
de ce Proverbe , il faut l'expliquer.
selon sa pensée et faire attention que le
Sauveur prêchoit alors dans la Ville de
Nazareth et devant les Nazaréens , ses
Compatriotes . Par son exemple et par ses
paroles , il nous écarte de notre pays natal
, puisqu'il a exccuté lui - même l'avis
qu'il donne , il honora peu Nazareth de
ses Prédications et de ses visites , quand
1. Vol il
3000 MERCURE DE FRANCE
it eut commencé d'annoncer l'Evangile ,
quoiqu'il y eût assez long- temps fait sa
demeure. Faisons - en de même , nous serons
plus utiles à notre Patrie de loin que
de près ne la négligeons pas , mais ser- ;
vons-la en lui faisant honneur par le re
glement de nos moeurs et par le bon usage
de notre esprit , plus que par les emplois
dont elle pourroit nous charger , ou
par les travaux du corps qu'elle a droit
d'exiger de nous ; c'est l'intention du
Créateur , à qui nous devons tout ce que
nous sommes . La lignée des impies sera dé
truite , dit l'Ecclesiaste . ( Eccl . 16. ) pourvû
qu'il reste seulement un homme sense
lė pays ne sera point désert. Ce n'est
point l'abondance des enfans qui relevo
lés familles ou qui donne de l'éclat à un
Pays , multiplicasti gentem , sed non magni→
ficasti latitiam. C'est le mérite des gene
d'honneur qui en sont originaires , soit
qu'il y établissent leur demeure, ou qu'ils
fassent ailleurs leur retraite. Les Maccha
bées ont beaucoup plus augmenté la gloire
de leur Patrie par leur mort avancée ,
que s'ils avoient vécu pendant plusieurs
siecles . Leur Ste . Mere contribua tant
qu'elle put à leur triomphe , et c'étoit
pour la deffense des Loix de leur Patrie
que la Mere et les Enfans combattirenz
L ..Vols avec
*
DECEMBRE. 1731. 3000
avec tant de courage. Il est bien doux de
mourir pour sa Patrie , mais on n'en trou .
ve pas toujours l'occasion , il suffit de
vivre pour elle , en la rendant illustre ,
lorsque nous tâchons nous- mêmes de
devenir illustres par nos mérites. On dit
en commun Proverbe , Que la fumée du
Pays vaut et plaît mieux que le feu d'ail
leurs ce n'est qu'un préjugé qui nous fair
préferer une vapeur obscure , épaisse er
importune au feu clair et luisant qui ré◄
jouit les yeux comme le corps. De - là
vient le respect dû aux parens dont nous
tenons la vie ; mais comme dans son établissement
on se sépare d'eux sans manà
quer à ce respect, on se sépare de même de
la Patrie, sans cesser de l'aimer .
La familiarité engendre le mépris , la
jalousie engendre la division ; tout Royaume
divisé ne sçauroit se soutenir ; pour
éviter des inconveniens si communs, trai
tons la Patrie comme les Parens , quittons
l'un comme l'autre , honorons l'un comme
l'autre , et c'est tout ce que notre reconnoissance
exige de nous à l'égard do
l'un comme de l'autre. Voila le sens dans
lequel nous devons aimer notre Patrie ;
mais que ce soit en y demeurant , c'est
être trop délicat, dit Hugues de S.Victor,
que d'avoir un attachement si naturel
II. Vol.
pou
3002 MERCURE DE FRANCE
pour elle ; c'est être genereux que de regarder
toute la Terre comme son Pays ,
c'est être parfait que de la regarder comme
son exil , parce que le Ciel seul est;
et doit être notre seule Patrie.
Passons à l'autre maniere de parler ,,
Bâtir des Châteaux en Espagne. Le même
Auteur qui prend ce Proverbe dans le sens.
moral , comme le premier ; après avoir
moralisé , dit qu'à la lettre il vient de
ce qu'on voit très-peu de Palais dans
les Campagnes de ce vaste Pays , et qu'il
n'y a que de petites Maisons pour servir
d'Hôtelleries ; la raison de cela est que les
Maures faisant souvent des courses dans
les Espagnes , on en abbatit tous les lieux
qui pouvoient donner retraite à ces Barbares
, desorte que les Esprits vains qui
s'occupent de leur grandeur imaginaire ,
dont on ne voit point les effets , sont des
Ouvriers de Châteaux en Espagne , qui
ne sont pas faisables et on appelle cela
dans nos idées ordinaires des fantaisies.
musquées , et quand on passe jusqu'à la
narration des contes à la Cigogne ; en
Normandie , des Histoires du Roy Guillemot
( par rapport à Guillaume le Conquerant
) nous disons aussi que ceux qui
nous ennuyent de la sorte ont des Chambres
à louer dans leur tête , qu'ils ont des
rats , &c.
DECEMBRE 1731. 3003
Comme je venois ces jours passez de
parcourir le Dictionnaire de Nicod, quand
je reçûs le Mercure , je pris aussi tôt la
résolution de vous envoyer la Réponse à
ce Proverbe , qu'il tire de plus haut que
notre Religieux, mais dont je ne vous garantis
pas la verité , il dit donc qu'on
peut exprimer ce Proverbe en Grec aepóvæ
et en Latin par aërem verberare
en François , par se promener dans les
espaces imaginaires , tuer le temps , s'amuser
à des riens. Ceux qui recherchent
de plus loin l'origine de ce Proverbe
continue t'il , disent que Cecilius Metellus
, ayant assiegé une Ville d'Espagne
dans l'Arragon , et reconnu que pour être
trop bien munie il ne pouvoit venir à
bout de son dessein , il leva le Siege etcourut
tout le Pays d'alentour en bâtissant
sur le haut des Montagnes beaucoup
de Forteresses qu'il commençoit et qu'il
n'achevoit pas , ( Forteresses que nous appellons
des Châteaux en France ) et en
faisant creuser dans les Vallées , comme
pour disposer les fondemens de bâtimens ,
là où il n'y en avoit jamais cû , et tout cela
n'étoit qu'un stratagême qui fut si bien
suivi , que
les Arragonois le firent passer
pour un insensé , qui repaissoit son imagination
de ces nouvelles constructions
II, Vol.
9
parce
3004 MERCURE DE FRANCE
parce qu'il se sentoit incapable d'attaquer
leurs Places . Cette conduite donna
Occasion à un de ses amis de s'informer
à quel dessein il faisoit cela , si ma chemise
en pouvoit dire quelque chose , répondit-
il , je la brulerois sur l'heure ; là - dessusles
Aragonnois demeurant tranquiles er
ne se défiant point de lui ; où est l'Ennemi
( disoient- ils ) il bâtit des Châteaux
( répondoit - on ) laissons le faire , tanɛ
qu'il fera cela il ne prendra pas les nôtres .
Mais quand le Guerrier vit l'occasion
belle , il retourna promptement sur ses
pas , s'alla camper devant la Ville qui
étoit sans provision et sans deffense , et
l'obligea de se rendre. Voila , dit- il alors,
comme je bâtis des Châteaux ailleurs ,
je prens les vôtres , prenez les miens . Jo
suis , &c..
desDemandes faites dans le premier Vclume
du Mercure de Juin dernier, p.1344 •
sur quelques Proverbes , &c.
'Ay refléchi , Monsieur , sur l'article
du Mercure de Juin , où l'on demande
l'explication de quelques manicres de
parler qui sont d'un usage familier dans
notre Langue, dont la raison ou l'Allegerie
ne se presente pas d'abord à l'esprit ,
et qu'il ne seroit peut- être pas inutile
d'éclaircir . Je n'entreprens pas de sa
11. Vol
satis
DECEMBRE. 1731 299
tisfaire le Public sur tous les articles pro.
posez ; je me contente de vous envoyer
pour cette fois l'Explication de deux de
ces expressions proverbiales. Nul n'est
Prophete en son Pays , et faire des Châteaux:
en Espagne.
Je tire cette Explication d'un Livre
imprimé à Paris en 1665. intitulé : le Di-.
vertissement des Sages , vol. in 8. Ouvrage
d'un Religieux Pénitent , ou du Tiers
Ordre de S. François , nommé à Paris
Picpus , lequel a aussi composé d'autres
Ouvrages , où l'on remarque beaucoup
de pieté. Celui dont il s'agit ici contient
un Recueil de Proverbes François ,
tous expliquez par l'Ecriture et par les
Peres.
Sur le premier Proverbe. Nul n'est Prophete
, &c. Il faut , dit le pieux Auteur
aimer et honoter sa Patrie sans s'y attacher
, et comme Notre Seigneur est Auteur
de ce Proverbe , il faut l'expliquer.
selon sa pensée et faire attention que le
Sauveur prêchoit alors dans la Ville de
Nazareth et devant les Nazaréens , ses
Compatriotes . Par son exemple et par ses
paroles , il nous écarte de notre pays natal
, puisqu'il a exccuté lui - même l'avis
qu'il donne , il honora peu Nazareth de
ses Prédications et de ses visites , quand
1. Vol il
3000 MERCURE DE FRANCE
it eut commencé d'annoncer l'Evangile ,
quoiqu'il y eût assez long- temps fait sa
demeure. Faisons - en de même , nous serons
plus utiles à notre Patrie de loin que
de près ne la négligeons pas , mais ser- ;
vons-la en lui faisant honneur par le re
glement de nos moeurs et par le bon usage
de notre esprit , plus que par les emplois
dont elle pourroit nous charger , ou
par les travaux du corps qu'elle a droit
d'exiger de nous ; c'est l'intention du
Créateur , à qui nous devons tout ce que
nous sommes . La lignée des impies sera dé
truite , dit l'Ecclesiaste . ( Eccl . 16. ) pourvû
qu'il reste seulement un homme sense
lė pays ne sera point désert. Ce n'est
point l'abondance des enfans qui relevo
lés familles ou qui donne de l'éclat à un
Pays , multiplicasti gentem , sed non magni→
ficasti latitiam. C'est le mérite des gene
d'honneur qui en sont originaires , soit
qu'il y établissent leur demeure, ou qu'ils
fassent ailleurs leur retraite. Les Maccha
bées ont beaucoup plus augmenté la gloire
de leur Patrie par leur mort avancée ,
que s'ils avoient vécu pendant plusieurs
siecles . Leur Ste . Mere contribua tant
qu'elle put à leur triomphe , et c'étoit
pour la deffense des Loix de leur Patrie
que la Mere et les Enfans combattirenz
L ..Vols avec
*
DECEMBRE. 1731. 3000
avec tant de courage. Il est bien doux de
mourir pour sa Patrie , mais on n'en trou .
ve pas toujours l'occasion , il suffit de
vivre pour elle , en la rendant illustre ,
lorsque nous tâchons nous- mêmes de
devenir illustres par nos mérites. On dit
en commun Proverbe , Que la fumée du
Pays vaut et plaît mieux que le feu d'ail
leurs ce n'est qu'un préjugé qui nous fair
préferer une vapeur obscure , épaisse er
importune au feu clair et luisant qui ré◄
jouit les yeux comme le corps. De - là
vient le respect dû aux parens dont nous
tenons la vie ; mais comme dans son établissement
on se sépare d'eux sans manà
quer à ce respect, on se sépare de même de
la Patrie, sans cesser de l'aimer .
La familiarité engendre le mépris , la
jalousie engendre la division ; tout Royaume
divisé ne sçauroit se soutenir ; pour
éviter des inconveniens si communs, trai
tons la Patrie comme les Parens , quittons
l'un comme l'autre , honorons l'un comme
l'autre , et c'est tout ce que notre reconnoissance
exige de nous à l'égard do
l'un comme de l'autre. Voila le sens dans
lequel nous devons aimer notre Patrie ;
mais que ce soit en y demeurant , c'est
être trop délicat, dit Hugues de S.Victor,
que d'avoir un attachement si naturel
II. Vol.
pou
3002 MERCURE DE FRANCE
pour elle ; c'est être genereux que de regarder
toute la Terre comme son Pays ,
c'est être parfait que de la regarder comme
son exil , parce que le Ciel seul est;
et doit être notre seule Patrie.
Passons à l'autre maniere de parler ,,
Bâtir des Châteaux en Espagne. Le même
Auteur qui prend ce Proverbe dans le sens.
moral , comme le premier ; après avoir
moralisé , dit qu'à la lettre il vient de
ce qu'on voit très-peu de Palais dans
les Campagnes de ce vaste Pays , et qu'il
n'y a que de petites Maisons pour servir
d'Hôtelleries ; la raison de cela est que les
Maures faisant souvent des courses dans
les Espagnes , on en abbatit tous les lieux
qui pouvoient donner retraite à ces Barbares
, desorte que les Esprits vains qui
s'occupent de leur grandeur imaginaire ,
dont on ne voit point les effets , sont des
Ouvriers de Châteaux en Espagne , qui
ne sont pas faisables et on appelle cela
dans nos idées ordinaires des fantaisies.
musquées , et quand on passe jusqu'à la
narration des contes à la Cigogne ; en
Normandie , des Histoires du Roy Guillemot
( par rapport à Guillaume le Conquerant
) nous disons aussi que ceux qui
nous ennuyent de la sorte ont des Chambres
à louer dans leur tête , qu'ils ont des
rats , &c.
DECEMBRE 1731. 3003
Comme je venois ces jours passez de
parcourir le Dictionnaire de Nicod, quand
je reçûs le Mercure , je pris aussi tôt la
résolution de vous envoyer la Réponse à
ce Proverbe , qu'il tire de plus haut que
notre Religieux, mais dont je ne vous garantis
pas la verité , il dit donc qu'on
peut exprimer ce Proverbe en Grec aepóvæ
et en Latin par aërem verberare
en François , par se promener dans les
espaces imaginaires , tuer le temps , s'amuser
à des riens. Ceux qui recherchent
de plus loin l'origine de ce Proverbe
continue t'il , disent que Cecilius Metellus
, ayant assiegé une Ville d'Espagne
dans l'Arragon , et reconnu que pour être
trop bien munie il ne pouvoit venir à
bout de son dessein , il leva le Siege etcourut
tout le Pays d'alentour en bâtissant
sur le haut des Montagnes beaucoup
de Forteresses qu'il commençoit et qu'il
n'achevoit pas , ( Forteresses que nous appellons
des Châteaux en France ) et en
faisant creuser dans les Vallées , comme
pour disposer les fondemens de bâtimens ,
là où il n'y en avoit jamais cû , et tout cela
n'étoit qu'un stratagême qui fut si bien
suivi , que
les Arragonois le firent passer
pour un insensé , qui repaissoit son imagination
de ces nouvelles constructions
II, Vol.
9
parce
3004 MERCURE DE FRANCE
parce qu'il se sentoit incapable d'attaquer
leurs Places . Cette conduite donna
Occasion à un de ses amis de s'informer
à quel dessein il faisoit cela , si ma chemise
en pouvoit dire quelque chose , répondit-
il , je la brulerois sur l'heure ; là - dessusles
Aragonnois demeurant tranquiles er
ne se défiant point de lui ; où est l'Ennemi
( disoient- ils ) il bâtit des Châteaux
( répondoit - on ) laissons le faire , tanɛ
qu'il fera cela il ne prendra pas les nôtres .
Mais quand le Guerrier vit l'occasion
belle , il retourna promptement sur ses
pas , s'alla camper devant la Ville qui
étoit sans provision et sans deffense , et
l'obligea de se rendre. Voila , dit- il alors,
comme je bâtis des Châteaux ailleurs ,
je prens les vôtres , prenez les miens . Jo
suis , &c..
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Résumé : REPONSE de M. A. C. D. V. à deux des Demandes faites dans le premier Volume du Mercure de Juin dernier, p. 1344. sur quelques Proverbes, &c.
Dans une réponse publiée dans le Mercure de Juin 1731, M. A. C, D. V. explique deux proverbes : 'Nul n'est prophète en son pays' et 'faire des châteaux en Espagne'. Pour le premier proverbe, l'auteur se réfère à 'Le Divertissement des Sages', un ouvrage imprimé à Paris en 1665. Ce proverbe signifie qu'il faut aimer et honorer sa patrie sans s'y attacher excessivement. Jésus, par exemple, n'a pas beaucoup prêché dans sa ville natale de Nazareth, illustrant ainsi l'idée que l'on peut être plus utile à sa patrie de loin que de près. Pour le second proverbe, 'faire des châteaux en Espagne', l'auteur explique qu'il désigne des projets irréalistes ou des fantasmes. Historiquement, cette expression trouve son origine dans les stratégies militaires de Cecilius Metellus, qui a construit des forteresses inachevées en Espagne pour tromper ses ennemis. L'auteur mentionne également des références littéraires et historiques, comme les Macchabées et Guillaume le Conquerant, pour enrichir ses explications. Il conclut en soulignant l'importance de vivre pour sa patrie en la rendant illustre par ses mérites.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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33
p. 3004-3005
ENIGME.
Début :
Nous sommes plusieurs soeurs, [...]
Mots clefs :
Cartes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
ENIG ME.
Nous sommes plusieurs soeurs ,
Et n'avons point de freres ,
Notre taille est des plus legeres ;
que nos Valets nous portons les couleurs .
La joye et la sombre tristesse ,
Nous accompagnent en- tous lieux ;
II. Vol. A
DECEMBRE . 1731. 3005
A Paris comme à Rome on nous trouve sans cesse,
Prodiguant nos faveurs aux jeunes comme aux
vieux.
Quand par hazard notre inconstance ,
Vient troubler les plaisirs que goutent nos Amans
Nous souffrons leurs emportemens
Sans nous plaindre de leur vengeance
Si notre réputation ,
S'y soutient malgré nos caprices ,
C'est que toujours, l'une à l'autre propice ,
Nous gardons entre nous une étroite union.
Nous sommes plusieurs soeurs ,
Et n'avons point de freres ,
Notre taille est des plus legeres ;
que nos Valets nous portons les couleurs .
La joye et la sombre tristesse ,
Nous accompagnent en- tous lieux ;
II. Vol. A
DECEMBRE . 1731. 3005
A Paris comme à Rome on nous trouve sans cesse,
Prodiguant nos faveurs aux jeunes comme aux
vieux.
Quand par hazard notre inconstance ,
Vient troubler les plaisirs que goutent nos Amans
Nous souffrons leurs emportemens
Sans nous plaindre de leur vengeance
Si notre réputation ,
S'y soutient malgré nos caprices ,
C'est que toujours, l'une à l'autre propice ,
Nous gardons entre nous une étroite union.
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34
p. 3005
LOGOGRYPHE.
Début :
Avec quatre Lettres, Legume. [...]
Mots clefs :
Fève
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texteReconnaissance textuelle : LOGOGRYPHE.
LOGOGRYPHE.
Vec quatre Lettres , Legume.
Je suis femme ma tête à bas,
Otez ma queue , et peur du rûme
En hyver ne me quittez pas.
La Motte-Tilloy.
Vec quatre Lettres , Legume.
Je suis femme ma tête à bas,
Otez ma queue , et peur du rûme
En hyver ne me quittez pas.
La Motte-Tilloy.
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35
p. 3005
SECOND LOGOGRYPHE.
Début :
Mets quatre Lettres à mon nom : [...]
Mots clefs :
Foie
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texteReconnaissance textuelle : SECOND LOGOGRYPHE.
SECOND LOGOGRYPHE
Mets quatre Lettres à mon nom ;
Chez toi , Lecteur est ma prison.
Si tu retranches la premiere ,
Je ne suis plus qu'un franc Oison;
Mais n'effaçant que la derniere ,
Qui me suit a toujours raison.
La Motte-Tilley.
Mets quatre Lettres à mon nom ;
Chez toi , Lecteur est ma prison.
Si tu retranches la premiere ,
Je ne suis plus qu'un franc Oison;
Mais n'effaçant que la derniere ,
Qui me suit a toujours raison.
La Motte-Tilley.
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36
p. 3006
TROISIEME LOGOGRYPHE.
Début :
L'on trouve exprimé dans mon nom, [...]
Mots clefs :
Corail
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texteReconnaissance textuelle : TROISIEME LOGOGRYPHE.
TROISIEME LOGOGRYPHE.
L'on trouve exprimé dans mon nom , On
Un Arbrisseau de grand renom ;
Coupez en deux moitiez; deux choses differentes,
Cher Lecteur , à vos yeux se trouveront presentes,
Dans un sens la premiere exprime un instrument
Dans l'autre un Hôte qui fait
S'il n'est logé bien largement.
rage ,
Qu'on me mette à rebours , je me ris de l'orage
Remis en mon état et le chef retranché ,
Je suis d'un chacun recherché.
La seconde moitié présente une Légume ,
Qui n'est pas bonne pour le rhume.
Je suis , me prenant autrement ,
Femme de l'Ancien Testament.
Arrachez- moi le coeur , je sers à la Musique ,
Rendez le moi , puis sans réplique ,
Retranchez mon membre dernier ,
Dans sa place aussi- tôt mettez -y le premier ,
Vous avez un pronom : la personne ! oh , je n'ose,
Mais après tout ceci , si l'on mè recompose ,
Joignant mes deux moitiez , et n'en faisant qu'un
tout ,
Chiffrez bien, quatre, cinq et trois, je suis par tout.
Quatie , trois , un , aux Cieux quelquefois je demeure
,
Mais il faut bien-tôt que j'y meuré .
L. G. De Ch .
L'on trouve exprimé dans mon nom , On
Un Arbrisseau de grand renom ;
Coupez en deux moitiez; deux choses differentes,
Cher Lecteur , à vos yeux se trouveront presentes,
Dans un sens la premiere exprime un instrument
Dans l'autre un Hôte qui fait
S'il n'est logé bien largement.
rage ,
Qu'on me mette à rebours , je me ris de l'orage
Remis en mon état et le chef retranché ,
Je suis d'un chacun recherché.
La seconde moitié présente une Légume ,
Qui n'est pas bonne pour le rhume.
Je suis , me prenant autrement ,
Femme de l'Ancien Testament.
Arrachez- moi le coeur , je sers à la Musique ,
Rendez le moi , puis sans réplique ,
Retranchez mon membre dernier ,
Dans sa place aussi- tôt mettez -y le premier ,
Vous avez un pronom : la personne ! oh , je n'ose,
Mais après tout ceci , si l'on mè recompose ,
Joignant mes deux moitiez , et n'en faisant qu'un
tout ,
Chiffrez bien, quatre, cinq et trois, je suis par tout.
Quatie , trois , un , aux Cieux quelquefois je demeure
,
Mais il faut bien-tôt que j'y meuré .
L. G. De Ch .
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37
p. 3007-3013
Nouvelles Litteraires, et Bibliotheque raisonnée. [titre d'après la table]
Début :
BIBLIOTHEQUE Raisonnée des Ouvrages des Sçavans de l'Europe Tome III. [...]
Mots clefs :
Journaliste, Estampe, Or, Argent, Histoire véritable, Anecdotes, Mémoires
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texteReconnaissance textuelle : Nouvelles Litteraires, et Bibliotheque raisonnée. [titre d'après la table]
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , & c.
IBLIOTHEQUE Raisonnée des
BOuvrages des Sçavans de l'Europe
Tome III. premiere et seconde partie
in 12 , de 475 pages . A Amsterdam , chez
les Westeins et Smith. 1729.
L'Histoire naturelle de l'or et de l'argent,
extraite de Pline le naturaliste , liv. 33. avec
le Texte latin , corrigé sur les Manuscrits de
Vossius, et sur la premiere édition , et éclaici
par des Remarques nouvelles , outre
celles de J. F. Gronovius , et un Poëme sur
la chute de l'homme , et sur les ravages de
l'or et de l'argent ; dédié au Roy et à la
Reine : Par David Durand , Ministre de
l'Eglise de S. Martin et membre de la Société
Royale . A Londres, chez G. Bouvier,
1728. in fol. de 262 pages pour le corps du
livre , et de 72. pour le Poëme, sans compter
les Préfaces .
Le Journaliste paroît fort réservé dans
l'Extrait qu'il donne de cet Ouvrage ; il
ne s'écrie que sur la variété qu'on y troue
: Une belle Estampe , dit-il , un Poë-
11. Vol me
Boos MERCURE DE FRANCE
me nouveau en 7 chants , et une histoire
Eaturelle de l'or et de l'argent , traduite
d'un excellent Auteur; un Supplément sur
le même sujet , plus long que l'histoire
même ; et enfin tout le 33 livre de Pline ;
dans sa propre langue , imprimé très correctement
et éclairci par des remarques
nouvelles , outre celles de Gronovius qui
sont ajoutées à la fin voilà tout ce que
l'on y trouve de remarquable .
;
Si l'on juge du Poëme par les traits qui
sont rapportez dans la Bibliotheque raisonnée
, on sera porté à croire que M.Durand
n'est pas Poëte , ou qu'il ne sent pas
la force de notre langue , ni la signification
des termes François ; les Chevilles
sont répandues en grand nombre dans le
peu que nous en expose le Journaliste.
L'Histoire veritable et secrette des Vies et
des Regnes de tous les Rois et de toutes les
Reines d'Angleterre, depuis Guillaume I. surnommé
le Conquerant , jusqu'à la fin du Regne
de la Reine Anne , cù l'on a joint un
abregé de l'histoire generale de chaque Regne
, tirée principalement des Manuscrits
originaux , des meilleurs Memoires Anecdotes
et Historiens authentiques. Traduite de
l'Anglois. A Amsterdam, chez les Westeins
et Smith. 1729. 3 vol. in 12. le 1er, de 621
le 2º ,
pages ,
de 636 ,
et le 3º , de 428 ;
ans la table , qui en comprend 42.-
II. Vol.
L'AuDECEMBRE.
1731. 3009
L'Auteur de l'Extrait de cet Ouvrage
prend icy la défense de ceux qui donnent
au public des Anecdotes désavantageuses
à la mémoire des plus Grands Hommes.
La médisance n'est point blâmable , selon
lui , à moins que par médire , l'on n'entende
mal parler de quelqu'un , exposer sous
des couleurs desavantageuses ses meilleures
actions , donner à sa conduite un air de blâ-
&c.c. c'est seulement , dit- il , exposer
des veritez qui ne sont pas toutes bonnes
à dire ; mais on voit par -là que l'Auteur
de l'Extrait confond la médisance avec
la calomnie.
me ,
>
Mémoires touchant le tres-honorable Ordre
du Bain , où l'on décrit son origine , ses progrès
, son rétablissement , ses regles et sa dignité.
On y a joint la liste et les armes des
Chevaliers , et leurs Statuts , en Anglois et
en Latin, par M. Juste- Christ Dithmar
Membre de l'Académie des Sciences de
Berlin , et Professeur public en Droit et
en Histoire , dans l'Académie Royale de
Francfort sur l'Oder. A Francfort , sur
L'Oder , chez Jean Godefroy Conrad. 1729.
petit in fol. de 138 pages , y compris 20
Planches , où sont gravées les armes des
Chevaliers et celles de leurs Ecuyers. Plus
12 pages pour la Préface, l'Epître dédicatoire
au Duc de Montaigu , Grand - Maî-
II. Vole E tre
3010 MERCURE DE FRANCE
tre , et la Table . Cet Ouvrage est en
Latin.
, 9
L'Auteur fait dans les Paragrafes 8
10 , et 11. une Liste des differentes Promotions
qui ont été faites par les Rois
des differentes Maisons qui ont regné en
Angleterre , jusqu'à Charles II. le dernier
Roy qui ait été créé Chevalier de cet Ordre
, lequel est resté dans une espece d'oubli
sous Jacques II. et sous, Guillaume, Marie
et Anne , jusqu'à la résolution que prit le
Roy George I. de le rétablir et de lui
donner la forme réguliere des autres Ordres
militaires.
Les nouvelles Litteraires de la premiere
Partie de ce Volume , qui comprend
les mois de Juillet , Aoust et Septembre ,
apprennent que M.Bucklei a proposé son
édition de l'Histoire de M. de Thou, par
souscriptions. Le terme marqué pour les
Souscripteurs a été jusqu'au mois de Novembre
de la même année 1729 .
Dans la 2 pattie de ce volume , qui
comprend les mois d'Octobre, Novembre
et Decembre , l'article 2 nous a frappés.
Il contient l'Extrait d'un Ouvrage latin ,
dont le titre est ainsi traduit : Considerations
de Physique , de Medecine et de Bar
reau , sur ia salive humaine , où l'on traite
de sa nature , de son usage , de la morsure
II. Vol.
des
DECEMBRE 1731. 3011
des bêtes et de l'homme , de la rage, de l'hy-.
drophobie , &c. par Martin Gurisch. A
Leipsic , 1729, in 4. de 406 pages.
Le Journaliste paroît nene pas faire grand
cas de cet Ouvrage , et il le témoigne en
plus d'un endroit Mais nous sommes surpris
qu'il n'ait fait aucune Remarque sur
un endroit du livre extraordinairement
hardi dans lequel l'Auteur donne une cau
se naturelle d'un des plus grands Miracles
que J. C. ait fait pendant sa vie. C'est la
faculté de voir que J. C. donna à l'Aveugle
né. Ce seroit anéantir la preuve que
les Chrétiens ont toujours tirée contre les
Juifs , er que J. G. lui- même tiroit, lorsqu'il
dit à ses Disciples : ( Joan. 9. 3. ) Ce
n'est ni pour ses pechez , ni pour ceux de son
pere ni de sa mere , ( que cet homme est né
aveugle ) , mais c'est afin que les oeuvres de
Dieu se voyent évidemment en lui. Fe dois
faire les oeuvres de celui qui m'a envoyé pendant
qu'il est jour. Ce n'étoit donc point-là
une oeuvre de la nature , mais une oeuvre
de Dieu le Pere par son Fils. Cependant M,
Gurisch , quoique Chrétien , en attribuë
tout le merveilleux à la salive de Jesus-
Christ. Mais on pourroit lui demander,
avec l'Aveugle né, si on ajamais entendu dire
quepersonne ait donné la vûë à un aveugle de
naissance , en lui appliquant sur les yeux
AII. Vol. E ij
de
3012 MERCURE DE FRANCE
ve,
de la poussiere détrempée avec de la sali
d'autant plus que cet Auteur révoque
en doute le fait que Tacite rapporte de
Vespasien. Ce n'est pas la peine de réfuter
davantage cette hardie supposition ; elle
se détruira d'elle- même , si on fait seulement
attention que l'Aveugle-né ne fut
pas guéri sur le champ, v. 7. Ily alla ( à la
Piscine de Siloë , ) il fe lava et revint
voyant clair: Il n'avoit employé de temps
celui qu'il lui falloit que pour laver cette
bouë que Jesus-Christ lui avoit étenduë
sur les yeux.
9
RETRAITE SPIRITUELLE , sur les Vertus
de JESUS-CHRIST , avec un Discours sur
la necessité de le connoître et de l'aimer.
A Paris , Quai des Augustins , chez Rollin
, in 12. de 332 pages.
ALMANACL ROYAL pour l'année 1732 .
calculé au Méridien deParis ,où l'on trouve
le lever et le coucher du Soleil , ceux
de la Lune et ses mouvemens ; les Naissances
des Princes et Princesses de l'Europe
, le Clergé , les Conseils du Roy , la
Chancellerie , les Officiers d'Epée de
Robe et de Finance ; les Postes et Messageries
; et autres choses utiles au Public ;
nouvellement augmenté des noms des
II. Vol. AbDECEMBRE
1731 3013
raux ,
Abbez commandataires , Colonels gene-
Lieutenans generaux des Armées
du Roy , Maréchaux de Camp, Brigadiers
d'Armées , Lieutenans generaux des Armées
Navales et des Galeres , Chefs d'Escadres
, &c. et la datte de la nomination
et reception de tous les Officiers. Avec
une Table Alphabétique des Matieres.
Prix ,broché , 4 liv. A Paris , chez la veuve
d'Houry , au bas de la rue de la Harpe.
Nous avons déja parlé plusieurs fois
de l'utilité reconnue de ce livre , que le
public goûte de plus en plus.
DES BEAUX ARTS , & c.
IBLIOTHEQUE Raisonnée des
BOuvrages des Sçavans de l'Europe
Tome III. premiere et seconde partie
in 12 , de 475 pages . A Amsterdam , chez
les Westeins et Smith. 1729.
L'Histoire naturelle de l'or et de l'argent,
extraite de Pline le naturaliste , liv. 33. avec
le Texte latin , corrigé sur les Manuscrits de
Vossius, et sur la premiere édition , et éclaici
par des Remarques nouvelles , outre
celles de J. F. Gronovius , et un Poëme sur
la chute de l'homme , et sur les ravages de
l'or et de l'argent ; dédié au Roy et à la
Reine : Par David Durand , Ministre de
l'Eglise de S. Martin et membre de la Société
Royale . A Londres, chez G. Bouvier,
1728. in fol. de 262 pages pour le corps du
livre , et de 72. pour le Poëme, sans compter
les Préfaces .
Le Journaliste paroît fort réservé dans
l'Extrait qu'il donne de cet Ouvrage ; il
ne s'écrie que sur la variété qu'on y troue
: Une belle Estampe , dit-il , un Poë-
11. Vol me
Boos MERCURE DE FRANCE
me nouveau en 7 chants , et une histoire
Eaturelle de l'or et de l'argent , traduite
d'un excellent Auteur; un Supplément sur
le même sujet , plus long que l'histoire
même ; et enfin tout le 33 livre de Pline ;
dans sa propre langue , imprimé très correctement
et éclairci par des remarques
nouvelles , outre celles de Gronovius qui
sont ajoutées à la fin voilà tout ce que
l'on y trouve de remarquable .
;
Si l'on juge du Poëme par les traits qui
sont rapportez dans la Bibliotheque raisonnée
, on sera porté à croire que M.Durand
n'est pas Poëte , ou qu'il ne sent pas
la force de notre langue , ni la signification
des termes François ; les Chevilles
sont répandues en grand nombre dans le
peu que nous en expose le Journaliste.
L'Histoire veritable et secrette des Vies et
des Regnes de tous les Rois et de toutes les
Reines d'Angleterre, depuis Guillaume I. surnommé
le Conquerant , jusqu'à la fin du Regne
de la Reine Anne , cù l'on a joint un
abregé de l'histoire generale de chaque Regne
, tirée principalement des Manuscrits
originaux , des meilleurs Memoires Anecdotes
et Historiens authentiques. Traduite de
l'Anglois. A Amsterdam, chez les Westeins
et Smith. 1729. 3 vol. in 12. le 1er, de 621
le 2º ,
pages ,
de 636 ,
et le 3º , de 428 ;
ans la table , qui en comprend 42.-
II. Vol.
L'AuDECEMBRE.
1731. 3009
L'Auteur de l'Extrait de cet Ouvrage
prend icy la défense de ceux qui donnent
au public des Anecdotes désavantageuses
à la mémoire des plus Grands Hommes.
La médisance n'est point blâmable , selon
lui , à moins que par médire , l'on n'entende
mal parler de quelqu'un , exposer sous
des couleurs desavantageuses ses meilleures
actions , donner à sa conduite un air de blâ-
&c.c. c'est seulement , dit- il , exposer
des veritez qui ne sont pas toutes bonnes
à dire ; mais on voit par -là que l'Auteur
de l'Extrait confond la médisance avec
la calomnie.
me ,
>
Mémoires touchant le tres-honorable Ordre
du Bain , où l'on décrit son origine , ses progrès
, son rétablissement , ses regles et sa dignité.
On y a joint la liste et les armes des
Chevaliers , et leurs Statuts , en Anglois et
en Latin, par M. Juste- Christ Dithmar
Membre de l'Académie des Sciences de
Berlin , et Professeur public en Droit et
en Histoire , dans l'Académie Royale de
Francfort sur l'Oder. A Francfort , sur
L'Oder , chez Jean Godefroy Conrad. 1729.
petit in fol. de 138 pages , y compris 20
Planches , où sont gravées les armes des
Chevaliers et celles de leurs Ecuyers. Plus
12 pages pour la Préface, l'Epître dédicatoire
au Duc de Montaigu , Grand - Maî-
II. Vole E tre
3010 MERCURE DE FRANCE
tre , et la Table . Cet Ouvrage est en
Latin.
, 9
L'Auteur fait dans les Paragrafes 8
10 , et 11. une Liste des differentes Promotions
qui ont été faites par les Rois
des differentes Maisons qui ont regné en
Angleterre , jusqu'à Charles II. le dernier
Roy qui ait été créé Chevalier de cet Ordre
, lequel est resté dans une espece d'oubli
sous Jacques II. et sous, Guillaume, Marie
et Anne , jusqu'à la résolution que prit le
Roy George I. de le rétablir et de lui
donner la forme réguliere des autres Ordres
militaires.
Les nouvelles Litteraires de la premiere
Partie de ce Volume , qui comprend
les mois de Juillet , Aoust et Septembre ,
apprennent que M.Bucklei a proposé son
édition de l'Histoire de M. de Thou, par
souscriptions. Le terme marqué pour les
Souscripteurs a été jusqu'au mois de Novembre
de la même année 1729 .
Dans la 2 pattie de ce volume , qui
comprend les mois d'Octobre, Novembre
et Decembre , l'article 2 nous a frappés.
Il contient l'Extrait d'un Ouvrage latin ,
dont le titre est ainsi traduit : Considerations
de Physique , de Medecine et de Bar
reau , sur ia salive humaine , où l'on traite
de sa nature , de son usage , de la morsure
II. Vol.
des
DECEMBRE 1731. 3011
des bêtes et de l'homme , de la rage, de l'hy-.
drophobie , &c. par Martin Gurisch. A
Leipsic , 1729, in 4. de 406 pages.
Le Journaliste paroît nene pas faire grand
cas de cet Ouvrage , et il le témoigne en
plus d'un endroit Mais nous sommes surpris
qu'il n'ait fait aucune Remarque sur
un endroit du livre extraordinairement
hardi dans lequel l'Auteur donne une cau
se naturelle d'un des plus grands Miracles
que J. C. ait fait pendant sa vie. C'est la
faculté de voir que J. C. donna à l'Aveugle
né. Ce seroit anéantir la preuve que
les Chrétiens ont toujours tirée contre les
Juifs , er que J. G. lui- même tiroit, lorsqu'il
dit à ses Disciples : ( Joan. 9. 3. ) Ce
n'est ni pour ses pechez , ni pour ceux de son
pere ni de sa mere , ( que cet homme est né
aveugle ) , mais c'est afin que les oeuvres de
Dieu se voyent évidemment en lui. Fe dois
faire les oeuvres de celui qui m'a envoyé pendant
qu'il est jour. Ce n'étoit donc point-là
une oeuvre de la nature , mais une oeuvre
de Dieu le Pere par son Fils. Cependant M,
Gurisch , quoique Chrétien , en attribuë
tout le merveilleux à la salive de Jesus-
Christ. Mais on pourroit lui demander,
avec l'Aveugle né, si on ajamais entendu dire
quepersonne ait donné la vûë à un aveugle de
naissance , en lui appliquant sur les yeux
AII. Vol. E ij
de
3012 MERCURE DE FRANCE
ve,
de la poussiere détrempée avec de la sali
d'autant plus que cet Auteur révoque
en doute le fait que Tacite rapporte de
Vespasien. Ce n'est pas la peine de réfuter
davantage cette hardie supposition ; elle
se détruira d'elle- même , si on fait seulement
attention que l'Aveugle-né ne fut
pas guéri sur le champ, v. 7. Ily alla ( à la
Piscine de Siloë , ) il fe lava et revint
voyant clair: Il n'avoit employé de temps
celui qu'il lui falloit que pour laver cette
bouë que Jesus-Christ lui avoit étenduë
sur les yeux.
9
RETRAITE SPIRITUELLE , sur les Vertus
de JESUS-CHRIST , avec un Discours sur
la necessité de le connoître et de l'aimer.
A Paris , Quai des Augustins , chez Rollin
, in 12. de 332 pages.
ALMANACL ROYAL pour l'année 1732 .
calculé au Méridien deParis ,où l'on trouve
le lever et le coucher du Soleil , ceux
de la Lune et ses mouvemens ; les Naissances
des Princes et Princesses de l'Europe
, le Clergé , les Conseils du Roy , la
Chancellerie , les Officiers d'Epée de
Robe et de Finance ; les Postes et Messageries
; et autres choses utiles au Public ;
nouvellement augmenté des noms des
II. Vol. AbDECEMBRE
1731 3013
raux ,
Abbez commandataires , Colonels gene-
Lieutenans generaux des Armées
du Roy , Maréchaux de Camp, Brigadiers
d'Armées , Lieutenans generaux des Armées
Navales et des Galeres , Chefs d'Escadres
, &c. et la datte de la nomination
et reception de tous les Officiers. Avec
une Table Alphabétique des Matieres.
Prix ,broché , 4 liv. A Paris , chez la veuve
d'Houry , au bas de la rue de la Harpe.
Nous avons déja parlé plusieurs fois
de l'utilité reconnue de ce livre , que le
public goûte de plus en plus.
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Résumé : Nouvelles Litteraires, et Bibliotheque raisonnée. [titre d'après la table]
Le document présente une sélection de publications littéraires et scientifiques. La 'Bibliothèque Raisonnée des Ouvrages des Sçavans de l'Europe' est un ouvrage en deux parties, publié à Amsterdam en 1729, totalisant 475 pages. Parmi les œuvres notables, figure 'L'Histoire naturelle de l'or et de l'argent' de David Durand, publiée à Londres en 1728. Cet ouvrage inclut un poème et des remarques sur le texte latin de Pline, bien que le journaliste critique la qualité poétique de Durand. Une autre œuvre mentionnée est 'L'Histoire veritable et secrette des Vies et des Regnes de tous les Rois et de toutes les Reines d'Angleterre', traduite de l'anglais et publiée en trois volumes à Amsterdam en 1729. L'auteur de cette œuvre défend la publication d'anecdotes désavantageuses sur les grands hommes. Le document évoque également les 'Mémoires touchant le tres-honorable Ordre du Bain' par Juste-Christ Dithmar, publié à Francfort en 1729, qui détaille l'histoire et les règles de cet ordre. Parmi les autres publications, on trouve une édition de l'Histoire de M. de Thou proposée par souscriptions. Un ouvrage latin sur la salive humaine par Martin Gurisch, publié à Leipsic en 1729, est critiqué pour son interprétation naturelle d'un miracle de Jésus-Christ. Enfin, le document mentionne une 'Retraite Spirituelle' sur les vertus de Jésus-Christ, publiée à Paris, et l''Almanach Royal' pour l'année 1732, contenant diverses informations utiles au public.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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