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51
p. 263-266
LE JEUNE ELEAZAR. POEME.
Début :
Le fils d'Antiochus opprimoit les Hebreux, [...]
Mots clefs :
Sang, Armes, Dieu
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texteReconnaissance textuelle : LE JEUNE ELEAZAR. POEME.
LE JEUNE ELEAZAR.
P- O E M E.
T E fils d'Antiochus opprimoit les Hébreux^-
■■-'D'un pere criminel le châtiment affreux»-
Du céleste courroux monument formidable»
Sert à rendre le fils encore plus coupable y
Au lieu d'en profiter , il jure d'abolir
le culte que les Juifs viennent de rétablir;;
II déclare au vrai Dieu la plus cruelle guerres?
ies Syriens armés couvrent deja la Terre.
Confonds tes ennemis & fauve tes enfans,
Seigneur , vois oes apprêts , ces nombre u*'-
Elephans ;
Chacun d'eux fur son dos porte *des Tours
énormes}
Au sommet deces Tours , fous cent terribles .
formes ,
La mort menace au loin ton peuple consternés
Boúr briser tes Autels le signal est donné.
Notre cause est la tienne , embrasseTa deffenfej ■
Ex au ce nos soupirs, protège l'innocence ;
Que dans leur sang impur les méchans soient
noyés l
•i€4 MEUCtTRÉ DE FRANCE.
Disperse au gré des Vents leurs restes fou
droyés, i
Tels fondes eris des Juifs > ils volent tous»
aux armes ,
Et le Très Haut s'apprête à finir leurs allarmes;
Sur un Trône éternel , digne de fa Grandeur»'
Dieu repose en son sein , revêtu de splendeurs
Le pouvoir , la bonté , la sagesse y résident »
A ce vaste Univers ces attributs président >
ta sagesse conduit ,1a puissance soutient»
La bonté fit le monde , & l'amour l'entretient"'
Cet amour a souvent arraché le tonnere
Au bras de la Justice armé contre la Terre >
Et c'est lui qui pour lors appaìlant son cour--
roux ,■
Surl'ennemi des Juifs en détourna les coupí;
Judas , Eleazar , restes d'un Sang illustre ,
Tous deux touchoient à peine à leur cinquiè
me Luitre ;
Tous deuxd'Anriochus repoussoient les efforts;
E'Eternel seconda leurs généreux transports.
De Siriens mourans la campagne est feme'e ;
Deux Héros font trembler une effroyable Ar
mée.
Qiie ne pent la valeur ! sous lesr coups de l'aî»
■ né t
Ee destin , de six cens , estdéja terminé
Du côté qu'il combat tout tombe , fuit ou cède;
ie carnage le fuit , la teneur le précède ».
t É V R s E R; T7JÒ*: igf
le jeune Eleasar attaque , & se deffend
II voit venir de loin un superbe Eléphant 5
Sous ses pas fastueux des flots de sang ruiflffr
lentV
Et les Armes du Roi fur son dos écincellent ;
De la Tour qu'il soûtient le sommet radieux
Domine suri' Armée, éblouit tous les yeux,
Et fur lui du Soleil les flammes recueillies
Forment de toutes parts de brillans parelies;
Le luxe y réunit les plus rares trésors
Que l'Inde avec éclat voit germer fur ses
bords j ^
On croit qu'en cette Tour d'où cent guerriers
combattent ,
D'où les traits échapés volent, percent» abbâtent
,
Le Roi caché lui même est témoin des Exploits'
D'un monde de Soldats triomphans sous ses
Loix.
Bleatar flatté d'une douce espérance >■
Des Hébreux gemiffans médite la vengeance» .
Et veut pour leur salut sacrifier ses jours ,
Trop heureux à ce prix d'en abréger le cours,- -
Intrépide Lion , guidé par son courage,
A travers mille morts.il se fait un paíJage,.
Se cache sous les flancs de l'énorme animal
Qui portoit, orgueilleux , lePavilloB Royal »
Et dans ses flancs profonds il plonge son épée» -
De leur sang confondu la campagne est crem-.-
L'Elephan».
'éiê MÈRCU-RE DE FRANCE;
i'Elóphant blessé tombe i ô funeste malheur !
Sous son poids effroyable expire le Vainqueur.
On frémit , on s'écatce , on fuit , & la pouClìere
- W:
Sous un nuage épais obscurcie la lumière;
Les juifs encouragés par ce revers heureux'
Poursuivent l'ennemi qui tremble devant eux 5
Judas pleure son frète , il le vange , & ses
: larmes
Coulent avec le sang dont il rougit ses a^rmes
;
Le scul Antiochus échape à son courroux ;
Mais bientôt de Dieu même il subira les
coups ;
Sa vengeance l'attend aux bords du préci.
pice j
ï'Bternel aux Tirans ne fut jamais pro
pice,
J*. B. Poney J.
P- O E M E.
T E fils d'Antiochus opprimoit les Hébreux^-
■■-'D'un pere criminel le châtiment affreux»-
Du céleste courroux monument formidable»
Sert à rendre le fils encore plus coupable y
Au lieu d'en profiter , il jure d'abolir
le culte que les Juifs viennent de rétablir;;
II déclare au vrai Dieu la plus cruelle guerres?
ies Syriens armés couvrent deja la Terre.
Confonds tes ennemis & fauve tes enfans,
Seigneur , vois oes apprêts , ces nombre u*'-
Elephans ;
Chacun d'eux fur son dos porte *des Tours
énormes}
Au sommet deces Tours , fous cent terribles .
formes ,
La mort menace au loin ton peuple consternés
Boúr briser tes Autels le signal est donné.
Notre cause est la tienne , embrasseTa deffenfej ■
Ex au ce nos soupirs, protège l'innocence ;
Que dans leur sang impur les méchans soient
noyés l
•i€4 MEUCtTRÉ DE FRANCE.
Disperse au gré des Vents leurs restes fou
droyés, i
Tels fondes eris des Juifs > ils volent tous»
aux armes ,
Et le Très Haut s'apprête à finir leurs allarmes;
Sur un Trône éternel , digne de fa Grandeur»'
Dieu repose en son sein , revêtu de splendeurs
Le pouvoir , la bonté , la sagesse y résident »
A ce vaste Univers ces attributs président >
ta sagesse conduit ,1a puissance soutient»
La bonté fit le monde , & l'amour l'entretient"'
Cet amour a souvent arraché le tonnere
Au bras de la Justice armé contre la Terre >
Et c'est lui qui pour lors appaìlant son cour--
roux ,■
Surl'ennemi des Juifs en détourna les coupí;
Judas , Eleazar , restes d'un Sang illustre ,
Tous deux touchoient à peine à leur cinquiè
me Luitre ;
Tous deuxd'Anriochus repoussoient les efforts;
E'Eternel seconda leurs généreux transports.
De Siriens mourans la campagne est feme'e ;
Deux Héros font trembler une effroyable Ar
mée.
Qiie ne pent la valeur ! sous lesr coups de l'aî»
■ né t
Ee destin , de six cens , estdéja terminé
Du côté qu'il combat tout tombe , fuit ou cède;
ie carnage le fuit , la teneur le précède ».
t É V R s E R; T7JÒ*: igf
le jeune Eleasar attaque , & se deffend
II voit venir de loin un superbe Eléphant 5
Sous ses pas fastueux des flots de sang ruiflffr
lentV
Et les Armes du Roi fur son dos écincellent ;
De la Tour qu'il soûtient le sommet radieux
Domine suri' Armée, éblouit tous les yeux,
Et fur lui du Soleil les flammes recueillies
Forment de toutes parts de brillans parelies;
Le luxe y réunit les plus rares trésors
Que l'Inde avec éclat voit germer fur ses
bords j ^
On croit qu'en cette Tour d'où cent guerriers
combattent ,
D'où les traits échapés volent, percent» abbâtent
,
Le Roi caché lui même est témoin des Exploits'
D'un monde de Soldats triomphans sous ses
Loix.
Bleatar flatté d'une douce espérance >■
Des Hébreux gemiffans médite la vengeance» .
Et veut pour leur salut sacrifier ses jours ,
Trop heureux à ce prix d'en abréger le cours,- -
Intrépide Lion , guidé par son courage,
A travers mille morts.il se fait un paíJage,.
Se cache sous les flancs de l'énorme animal
Qui portoit, orgueilleux , lePavilloB Royal »
Et dans ses flancs profonds il plonge son épée» -
De leur sang confondu la campagne est crem-.-
L'Elephan».
'éiê MÈRCU-RE DE FRANCE;
i'Elóphant blessé tombe i ô funeste malheur !
Sous son poids effroyable expire le Vainqueur.
On frémit , on s'écatce , on fuit , & la pouClìere
- W:
Sous un nuage épais obscurcie la lumière;
Les juifs encouragés par ce revers heureux'
Poursuivent l'ennemi qui tremble devant eux 5
Judas pleure son frète , il le vange , & ses
: larmes
Coulent avec le sang dont il rougit ses a^rmes
;
Le scul Antiochus échape à son courroux ;
Mais bientôt de Dieu même il subira les
coups ;
Sa vengeance l'attend aux bords du préci.
pice j
ï'Bternel aux Tirans ne fut jamais pro
pice,
J*. B. Poney J.
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Résumé : LE JEUNE ELEAZAR. POEME.
Le poème 'Le Jeune Eleazar' décrit la répression des Hébreux par Antiochus et son fils, qui décide d'abolir le culte juif et de déclarer la guerre au Dieu des Juifs. Les Syriens, équipés d'éléphants portant des tours, menacent les autels juifs. Le peuple juif implore Dieu de les protéger et de confondre leurs ennemis. Dieu, représenté comme tout-puissant, sage et bon, intervient en faveur des Juifs. Judas et Eleazar, deux jeunes héros, repoussent les attaques syriennes. Eleazar attaque un éléphant royal et le blesse mortellement, mais meurt écrasé sous l'animal. La mort d'Eleazar encourage les Juifs, qui poursuivent et vainquent leurs ennemis. Judas venge son frère en combattant Antiochus, qui finit par subir la vengeance divine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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52
p. 266-284
EXTRAIT du Panegyrique de S. Sulpice.
Début :
Le 17. Janvier, l'Abbé Seguy, nommé par le Roi à l'Abbaye de Genlis, [...]
Mots clefs :
Église, Peuple, Saint Sulpice, Dieu, Vertu, Chrétiens, Cour, Évêque, Dignité
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT du Panegyrique de S. Sulpice.
EXTR AIT dit Panégyriquede
S. Sulpice-
LE 1 7. Janvier , P Abbé Seguy , nom
mé par le Roi à- P Abbaye de Gcnlis ,
prononça ce Discoucs dans l'Eglise Parói.'
îul; de S. Suldce, avec uli applau»
diíse.neat universel. Jamais réputation
a'*
FE V R ÏE R. 17% o.
í'k été plus prompte que celle de ce non»
vel Orateur , dont le premier succès a et©'
assez éclatant pour être honoré de Pattendon
8c des récompenses de la Cour^
Le Public échauffé fur ion compte , at- -
tendoit avec impatience ce second Dis
cours » qui a mis , pour ainsi dire , le sceau1
à sa réputation , & avec d'autant plus de
Ì'ustice que son sujet , bien moins favora-
>le que 1c premier, ne pàroiffoit point
susceptible des traits vifs & grands qu'il
lui a prêtez. L'Extrait du Panégyrique d©'
S. Louis a fait? tant de plaisir , qu'on a'
fort souhaité voir aussi celui du Panégy
rique de S.Sulpice, Se nous avons enfin;
obtenu le consentement de M. l'Abbé Se--
guy pour faire usage du secours des Co-j
pistes qui lui ont enlevé son Discours.
-L'Orateur a pris pour Texte ces paroles
de l'Ecclesiastique : Fattum est illi fungi
facerdotin , . .& habere lait ier)* in nomine;
ejus. Voici l'Exorde , à quelques lignes^
près>
Si l'on fçait à travers les expressions
les plus simples pénétrer le sens le plus
élevé , quelles grandes idées se présentent
à ces mots ! Voilà , Chrétiens , un
Eloge digne d'Àaron , qui en est l'ob'jet
& pour dire encore plus , digne de l'Esprit
Saint qui en est l'Auteur. En effet:
loiier un homme d'avoir mérité le Sacer
doce
MERCÙRE Ï>È FÍIANCÉ.
doce & U plénitude du Sacerdoce , qtíî
«st le Pontificat , n'est-ce pas le rôties
d'avoir mérité le plus sublime de rous le»
Ministères, celui de Pacificateur , de Mé
diateur entre Dieu & son Peuple , & quelle
louange pourroit, ce semble , égaler celle
îà , si ce qui suit n'y mettoit le comble
en ajoutant que ce Ministère si auguste^
Aaron l'exerça avec gloire en Israël ,
FaSinm est Mi fungi facerdotio .... &
habere laudem ih nomme ejuù
Cette idée , toute grande qu'elle est y
Chrétiens Auditeurs , l'est-elle trop pour
k sujet qui nous assemble .... Par tout
l'Histoite de fa vie ( de S. Sulpice) m'a
présenté un homme visiblement destinés
pour entrer en part du gouvernement de
l'Eglise ; un homme que la Grâce de Jé
sus- Christ prit soin de préparer dès soit
enfance à la dignité de Pasteur dans l'E
glise; Un homme élevé d'une commune
voix à ce comble d'honneur pour l'édiSfication
& pour l'utilité de PEglise.
C'est à ce point de vûë que m'ont paru se
íapporter toutes les faces sous lesquelles
on peut l'envifager quand j'entre
prends de vous retracer une si belle vie,-
c'est ou comme la préparation la plusparfaite
à la dignité Episcopale , ou com
me l'accomplissement le plus entier des
ieyoiis qui y sont attachez ; car voici et»
FEVRIER. 1730. ìSf
in deux mots le Plan du Discours que je
consacre à la gloire de S. Sulpice. II mé
rita d'être élevé à l'honneur suprême de
l'Episcopar , & il soutint glorieusement
le poids immense de ''Episcopat. FaElum
eft illi fungi Sacerdotio .... & habere
Uudem in nornine ejus.
Dieu immortel , qui n'aliénez jamais»
votre gloire,c'est à vous que se rapportent
fes louanges de vos Saints , & c'est à vous
aussi que se rapporteroient celles d'un
de vos plus dignesMinistres qui m'écoute..
dans ce saint Temple , dont la construc--
fion n'etoit possible qu'à lui seul. Avec
quel zelc vous prépare-t-il une demeure,
pendant qu'un autre Serviteur fidèle que
tous vous êtes choisi dans fa maison , tra
vaille sans relâche à votre gloire j Pon-i
tifc & deffenscur illustre de votre Reli
gion sacrée. Ainsi Moyse executoit le Pla»
de votre auguste Tabernacle, tandis qu'ho
noré du Pontificat, Aaron son frère préíîdoit
à votre culte divin ... Je rentre
dans mon sujet , mais je sens que je n'enpuis
soutenir le poids si Marie ne s'intefefle
à^'entreprise.
Le comprenons-nous ce que c'est que
d'être un des Pasteurs préposez au gou
vernement de l'Eglise que J.C. a acquise
j»ar son Sang ? nous formons-nous une
aslez haute idée de la grandeur de ce Mi
nistère
t7ò MËRCÚRE DE FRANGÉ; .
«istere ? L'Episcopat , Chrétiens , l'Epìs»
copat n'est rien moins que le Tribunal
irréprochable de cette foi , fans laquelle
on ne peut être sauvé ; la succession non
interrompue du pouvoir &é des fonctions
des Apôtres, le complément, la plénitu
de surabondante du caractère conféré aux
autres Ministres de l' Autel , l'autorité dtf
droit ..divin fur les Fidèles & Air les Pré*
tres qui les conduisent , le gage sensible
de l'union de J. C avec son Eglise , la
participation immédiate de la puissance du
Fils de Dieu lui-même, la íourec primi-*
tive du pouvoir de Her & dé délier suc
la Terre , de conférer la Grâce & de la
suspendre* de rendre présente la Victime
adorable ôc de l'immolct!, Quelle dignité
que celle qui réunit en soi de si grandes
choses , mais aussi de la part de notre
Saint, quelle vertu, quelle capacité à
tous égards , quelle répugnance à aceep.
ter tant de grandeur.Pen rendirent digne l
trois principaux chefs dont je fais tout le
fond de cette première Parrîe. Reprenons.
U semble, Chrétiens, que Sulpice ne
pouvoit naturellement échapper au mon»
de,si son cceiK n'eût été spécialement desti
né de Dieu pour être à lui. La Cour , où sa
naissance Cappella dès ses premières an
nées- la Cour est-elle l'ecole ordinaire de
í* vcítu- > Cet âge même où lc coeur tout
m
FEVRIER. 1730. t7t
m bute aux passions , à peine Ce trouva
libre , est peut-être moins dangereux , 8ç
foubliois presque de vous dire que Sul
pice fut au Seigneur dès le point du jour,
itomme parle le Prophète , dès fa jeunesse,
parce que j'ai quelque chose de plus glo
rieux pour lui à vous dire ; c'est qu'il fut
au Seigneur dans des lieux, the'atre uni
versel desfoiblesses & des vanitez humai
nes , à la Cour. Ce n'est donc pas ici ,
Chrétiens 4 une vertu à l'abri des dangers
du siécle ; c'est une vertu à l'épreuvc des
charmes & des engagemens du monde le
plus séduisant, que l'on appelle le grand
monde , une vertu constamment sollicitée
& constamment victorieuse. . . .
L'Abbé Seguy , après avoir mis dans
tout son jour la vertu de S. Sulpice au
milieu des dangers de la Cour , le repré
sente dans fa Retraire domestique , &
voici comment il en parle.
Il quitte donc cette Cour, où il ne
voit aucun des vrais biens qu'il aime,
où font réunis ensemble tous les faus
biens qu'il n'aime pas j il se fait de sa
maison une retraite particulière aussi inr
accessible aux attaques des folles passions
que le fut jamais celle des Hilarions 8c
des Antoines. La solitude Chrétienne ,
mes frères , ne pensez pas qu'il faille ab
solument l'aller cherchée dans l'ornbre
>7* MERCURE DE FRANCE. ...^
-du Cloitre ou dans l'horreur des Déserts.'
,Un coeur tumultueux , plein des ide'es
des engagemens du siécle ne feroit pas
seul dans les Antres profonds de la Thé-
.baïde même. La vraye solitude est souyent
dans un genre de vie retirée , quoiqu'au
milieu du monde , dans les senti-» ,
.mens qui y font conformes dans le coeur,
L'Orateur , en parlant de l'humble
•résistance de S. Sulpice , lorsque son Evo
que voulut l'ordonner Prêrre, dit: T'
Malgte' un attrait naturel pour cet état ,
3e Serviteur de Dieu, par un effet de cette
íhurnilké qui met le comble à sa vertu re
fuse de repondre à un dessein qu'a fait
jiaître sa vertu même, & pour le fairô
passer de l'état laïque à la Cléricature,
de la Cléricature au Sacerdoce , il faut
que le saint Evêque engage les Princes à
íe joindre à lui. C'est ainsi que la mo
destie des Saints leur cache quelquefois
la volonté divine qu'ils adorent , & que
le Ciel fait exécuter fur eux fa volonté
fans rien faire perdre à leur modestie.
Vous résistiez donc en vain , digne Disci
ple de J. C. yous en deviez être le Prêrre ,
parce que vous en fûtes la Victime. Il étoit,
il étoit convenable que vous pussiez osfric
à l'Autel l'Agneau sans tache , vous qui
pouviez vous offrir avec lui. Vous sçaveát .
É?éja ce qu'il fut dans la vie scculkre,Chré.
liens
FEVRIER. 1730. *73
{tiens Auditeurs , jugez de ce qu'il fut dans,
le Sacerdoce. . . Sa vie inspire, persuade
la vertu que respirent tous ses discours 4
íes exemples font citez dans les familles ,
son simple aspect est une leçon , son seul
nom rappelle une idée salutaire. De'ja se
répand le bruit de sa sainteté dans les Pro
vinces voisines. La Cour l'entendir, & le
Prince Religieux qui commandoit alors
à nos Ancêtres , Clotaire II. jetta les yeux
fur le Serviteur de J. C. pour le charger
d'un emploi plus honorable encore par !»
sainteté de ses fonctions , que considérable
par l'accès & le crédit qu'il donnoit au
près du Monarque . • . Mais il s'agissoit
d'engager l'Homme de Dieu à l'accepter
& son Evêque fut intéressé pour cela ; car
Comme ce Prélat n'eût jamais pû fans le
Prince , forcer l'humilité de Sulpice à re
cevoir le Sacerdoce , le Prince n'eut aust|
jamais pû fans lui,forcer la vertu du Saint
à rentrer dans le grand monde. On l'y sic
rentrer. Sulpice reparoît à la Cour & il
l'édisie de nouveau. La Cour , quelques
passions qui y règnent s n'en est pas moins
pleine d'estime pour la vertu , & fans la.
pratiquer mieux que le peuple , elle fçaic
& la connoître mieux & la respecter dar
vantage.
Rien n'est plus beau & plus délicat que
1c Porcraic que fait V dateur de son Saint;
úm
*74 MERCURE DE FRANCE. - "
áans le crédit que lui donnoient fa Char»
,ge de Grand- Aumônier & l 'amitié de Clo-
,«aire.
Clotaire , dit-il , qui lui doit la conser
vation de ses jours , veut qu'il ait aux
affaires une part considérable , qui ne fut
jamaisl'objet de ses voeux... Je reconnois
ici , ô mon Dieu ! un grand exemple de
;la conduite que vous tenez quelquefois
^ur ceux qui vous aiment ; quoiqu'ordinairement
jaloux de les cacher dans le
secret de votre face, cependant pour lc
bien de leurs frères , pour l'honneur mêjne
de la vertu , vous les menez de temps
jcn temps comme par la main fur la Scène
changeante du monde , vous leur faites
trouver grâce devant les Dieux de la
Terre & toujours fur de leur coeur , vous
les prêtez pour récompense aux bons Rois,
À qui ils font nécessaires.
Ensuite l'Abbé Seguy fait voir S. S ulice
attentif dans fa faveur à ménager pou r
a timide vertu la protection du Monar
que , charmé de pouvoir prêter la voix
aux larmes des malheureux , se rendant
cher à sa Nation , comme un autre M ardochée
, & par le charme d'une douceur
toute Chrétienne , trouvant lc secret de
ne mécontenter personne, malgré l'impuissance
, de procurer des grâces à tous,
conduisant & exécutant tout ce qu'il se
propose
t
FEVRIER; 1730. 171
propose par une nouvelle sorte de politi
que., la droiture & la sincérités agissanc
afec zele & avec zele sçlon la science
dans tout ce qui a rapport à la Religion ,
& qui demande l'appui de l'autorité Roya
le pour l'Eglise ; enfin dans une situation
où d'autres sacrifieroient leur ame , ayant
aux yeux des hommes mêmes le mérite
de ne sacrifier que son repos : tel & plus
grand encore par le saint usage de son cré
dit étoit Sulpice, Chr. Aud. & s'il n'est pa»
le seul1 que son Portrait vous représente,
c'est une heureuse ressemblance qui honore
notre siécle. Au reste , il est bon pour votre
instruction , mes Frères , que vous remar
quiez la cause du saint usage que fit Sulpice
de sa faveur à la Cour, & la raison du bon
heur qu'il eut d'y conserver sa vertu dans
tous les temps. Dieu l'y avoit appelle ; &
parce qu'il l'y avoit appelle , il le sauva,
des écueils dangereux contre lesquels onc
brisés mille autres ; parce qu'il l'y avoit
appelle , il le mit au-dessus des foiblesses
ordinaires du sang , il lui fît oublier le
soin de l'élevation des siens & de leur
fortune particulière ; parce qu'il l'y avoie
appelle , bien loin de l'abandonner à l'amour
du plaisir qui y règne , il se servit
de lui pour y confondre les voluptueux
par son exemple ; parce qu'il l'y avoit
a^pellé, il fit faire en lui la voix de la
g cupidit4
íT6 MERCURE DE FRANCeI^I
cupidité , il lui donna ce détachement ÍÎ
nécellâire à qui peut obtenir tout ce qu'il
désire ; parce qu'il l'y avoit appelle , il
lui conserva au milieu de la pompe &c du
luxe de la Cour , un gout constant pour
la simplicité la plus modeste 3, parce qu'il
l'y avoit appellé , il l'entretint au centre
même du grand monde dans un esprit de
retraite qui l'engageoit à se dérober de
temps en temps à la Cour , pour donner
au loin de recueillir son coeur tous les
momens dont il étoit le maître ; parce
qu'il l'y avoit appellé , il justifia fa voca
tion. Ceux que Dieu lui-même expose,,
sont dans le monde fans appartenir au
monde -, Dieu est avec eux , mais aussi
ceux qui s'exposent sans son aveu, y pensent-
ils sérieusement ....
Si Sulpice y eût été porté par ses pro
pres conseils , il y auroit fait infaillible
ment naufrage. La Providence qui veut
peut-êtte tel d'entre vous loin du tumulte
du monde, le voulut long-temps lui au
rnilieu des dangers du siécle , & elle avoit
ses raisons. Ce n'étoit pas fans dessein,
qu'elle l'avoit fait naître avec les avan
tages des richesses & du rang , qu'elle lui
fit passer plusieurs années parmi les déli
ces & les vaihes pompes contre lesquelles
il étoit obligé de se deffendre. Elle le des.
«inpit à remplir dan&son Eglise une place
fEVRIER. 1730. 277:
^ni pour erre sainte , sacrée, de droit di
vin , n'en expose pás moins aux périls in
séparables des grandes places , une place
qu'une vertu à l'épreuve des tentation»
de la grandeur & de l'abondance , est feule
digne de remplir.Car depuis que les Chrér
tiens , trop indignes de leurs premier*
Ancêtres , ont renoncé à cette heureuse
pauvreté qui fut comme le berceau de leuc
Religion , depuis que l'amour des abbaifiemens
a fait place chez eux aux fatales
chimères de l'orgueil, il a fallu appuyer
l'autorité Episcopale de tout ce que l'ofmlence
, le rang ont de plus imposant à
eurs yeux. Sulpice avoit donc beloin d'u
ne vertu, éminente > éprouvée., pour ré
pondre dignement aux desseins de Dieu
fur lui , & vous avez vû si la sienne ne
fut pas telle, in integritate\ mais la vertu
feule n'eût pas suífi sans une capacité pro
portionnée à fa destination , in doftrina...
Il l'avoit , & si vous me demandez com
ment parmi les distractions & tumulte du
siécle il trouva le temps de l'acquerir , je
vous répondrai qu'il le trouva 3 force
d'attention à saisir & à employer des momens
qu'un autre auroit perdus en amufemens
frivoles ou criminels , je vous fe
rai ressouvenir de cette Retraite domcstN
que de plusieurs années où tout son temp»
jgtoit partagé entre Dieu & une étude re-
P i) glce
' ' '
*78 MERCURE D£ FRANCE; .
glée qui avoic rapporc à lui. Lorsqu'il so
faisoit ainsi par principe d'occupation un
fond de saintes connoissances , il ne prêt
voyoit pas qu'il dût un jour par état les
communiquer aux autres ... U n'e'toit pas
moins propre à annoncer les veritez Evan
géliques aux Grands, qu'à instruise les
petits & à cathéchiser les Habitans des
Campagnes , il éclaircuìoit les doutes des
âmes timorées , il assermissoit la foi des
ames foibles , il étoit utile à son Evêque
Blême qui le consultoit. .....
Voilà ce que c'étoit que les lumières
de Sulpice, Chrétiens Auditeurs, elles
ne faisoient point peut-être cette science
si étendue, li variée, de beaucoup de Sçavans
de nos jours , mais elles faisoient
une science utile à son prochain , à luimême
, & sur tout sobre, modeste , s'arrêtant
où elle devoit ; & plut à Dieu que
plusieurs de nos frères n'en eussent point
d'autre , qu'ils fussent & bien plus hum
bles ôc moins curieux, & par là moins
sujets à des égaremens déplorables. Car ,
ô Ciel ! vous confondez le téméraire re
gard qui veut s'élever jusqu'à la hauteuç
inaccessible des trésors de votre sagesse*
Rendez- nous l'heureuse simplicité des pre
miers temps de l'Eglise.'On ne sçavoit pas
disputer, ah I mais on sçavoit obéïr. . . . ,
L'Orateur , après avoir pafl[é avec un
«P*
FEVRIER. i7?ò. if9
írt infini au troisième Chef de sa subdi-,
vision , continue :
Ici, Chrétiens, s'offre un nouveau spec-i
tacle. C'est une aíTemble'e d'esprits violens
& factieux , qui se calme au seul nom de
Sulpice. Le Siège Episcopal e'toit vacant
& le peuple, alors maître du choix de son
Evêque.étok divisé en plusieurs partis qui
«n alloient venir aux mains , si une voix
sortie du milieu de tant de clameurs, n'eût
tout-à-coUp nommé Sulpice. A un nom
si respecté les troubles cessent, les esprits
font d'accord , & cette Assemblée tumul
tueuse , dont les cris differens étoient la
voix de mille passions différentes , devient
eh un moment par la réunion inespérés
de ses suffrages, l'Infcrprete du choix de
Dieu-même. Mais voici un spectacle plus
grand encore } c'est Sulpice qui refuse
d'accepter la dignité sacrée qu'on lui dé
fère ; on le presse & il résiste pour la pre
mière fois à la volonté de son Dieu , mais
remarquez qu'il y résiste dans une occa
sion où il est beau , j'ose le dire , de la
méconnoître .... c'est mériter l'Episcopat
que d'avoir la pieté , la science né
cessaire pour en exercer avec fruit les
fonctions augustes ; le refuser toutefois
par Religion , c'est avoir un mérite aufli
éminent que la place même. .. .
La résistance de Sulpice aux empréssemens
du peuple , venoit de son profond[
*8a MERCURE DE FRANCE,
respect pour la dignité sacrée qu'il mt*
ritoit si parfaitement, il regardok l'Episcopat
comme le caractère le plus auguste, le
plus élevé dont un Chrétien puisse être
revêtu ici bas. Il avoir toujours été parti
culièrement recommandable par son res
pect pour les premiers Oints duSeigneur,
& il vivoit dans un siécle où des discours»
injurieux à leur gloire , étoient un crime
presque inconnu. >
L'Abbé Seguy termine cette première
Partie pat une morale forte & convena
ble., & passe à son second Point , où it
fait voir S. Sulpice soutenant dignement
le poids immense de l'Episcopat»
La plus grande idée qu'on puisse don
ner d'un Ministre du Seigneur, n'ëst pas;
de dire qu'il mérita d'être honoré du ca
ractère Episcopal ; non , quelque grand
que soit un, tel éloge : mais dire qu'ayant
ïeçû ce caractère sacré , il le mérita tou
jours , est la suprême louange. Il y a
Chrétiens entre la gloire d'être élevé pas
fes vertus à une dignité éminente &c celle
d'en remplk parfaitement les devoirs, une
différence qu'il est aisé de sentir.pour peu
qu'on y réfléchisse . ... Audi parmi rant
d'hommes que les suffrages des peuples
élevèrent 3ux places les plus augustes ;
combien en a-t'on vû qui en auroient
toujours paru dignes s'ils ne les eussent
jamais occupées. Sulpice digne de l'Egifç
i
Ê E VRIER. 1730. M
-tèçat y ôc avant d'y parvenir , & après
y êtrcparvenUjjustifia pleinement le choix
de son peuple, & cela par Pesprit de son
gouvernement , par ses travaux , par se*
succès mêmes. '
L'Abbé Seguy, dans le premier mem
bre de cette subdivision , fait voir Pesprit
du gouvernement du S. Evêque comme
nn esprit de bonté , de fermeté, de sagesse,
& il en rapporte entr'autres exemples un
trait de ce S. Pasteur à Poccasion des ve
xations inoiiies & des cruautez qu'exerçoient
certains exacteurs d'un impôt trop
fort qui mettoit le comble à la misère du)
peuple. 1
Sulpice én est témoin', dit Phabile Pa--
-ft-egyriste , & ses entrailles paternelles en
font émues. Il s'adresse avec douceur aux
barbares Officiers , il leur fait la plus tou
chante peinture de Pétat déplorable de
son peuple, il les conjure au nom du Dieu
■ée bonté de cesser d'indignes poursuites,:
qui auiïì bien ne servent qu'à réduire au
plus affreux desespoir une partie de sort
troupeau, & sans doure il leur auroit ins
piré des fentimens plus humains, si de tels
coeurs en eussent été capables. Eh bien ,
cruels ! je me fuis inutilement abbaiffé
jusqu'à la prière -, il ne me reste qu'à vous
lancer les foudres spirituels qui m'ont été
confies. A Dieu ne plaise , que je m'op-
D iiij pose
*#* MERCURE DE FRANCÈ
pose aux ordres du Prince ; ce n'est páS
a vos pareils qu'il est donné de lui être
plus soumis & plus attachez qu'un Evê
que. Mon Rot n'ignore pas mon zele , il
n'ignore que vos cruautez. Je lui écris-,
il nous fera fçavoir sa volonté souverai
ne... Je vous abandonnerai , s'il l'exige,
& le Troupeau & le Pasteur même ; mars
en attendant n'espérez pas que je souffre
votre barbarie 5 je ne verrai point écraser
ainsi mon peuple , dont lés cris me dé
chirent ; percez plutôt ce coeur qui ne peut
vous abandonner.
Fermeté héroïque, Chrétiens Auditeurs,
qui fans une prudence infinie auroit eu-,
je l'avoue , ses dangers ; mais l'esprit de
sagesse égak toûjours en Sulpice l'esprit
de force. Spiritus fortitudinis , fpiritus fa~
■pievtì* & intelleSius. Tandis que par la
vigueur de fa conduite il arrête les per
sécutions des Publicains barbares , il ex
horte d'un autre côté les riches à leur
payer le nouveau tribut , il recommande
vivement au peuple les sentimens d'atta
chement 8c d'obéissance qu'il doit à son
Souverain , il paraît prêt à accabler da
poids de son indignation quiconque óferoit
s'en écarter, & cependant il conjure
celui qui tient en ses mains les coeurs des
Rois-, de lui rendre favorable Dagobert ,
qui avoit succédé à Clouirc.
L'ait
FEVRIER. 1730. igj
L'art avec lequel l'Oratcur entre dans
la seconde partie de sa subdivision, & la
manière dont il décrit les travaux Aposto
liques du saint Evêque , auroient ici leur
place , si on pouvoit abréger cet endroit
sans le gâter. . . .
Que vous dirai-je de plus ? aussi infa
tigable , aussi prompt que plein de zelc ,
occupé sans relâche , íans altération , il
ne l'est que des intérêts du Ciel & du foin
de son Diocèse. U ne tient d'une main qu'à
ses Ouailles & de l'autre qu'à son Dieu.
L'article des succès du saint Evêque est
traité avec la même dignité & le même
feu. La conversion des Juifs de Bourges
faite par son ministère , n'y est pas ou
bliée , & l'Orateur pour relever ce grand
succès , parlant de ['obstination des Juifs
dit ... . malheureuse race , ton aveugle
ment est la peine de tes ingratitudes. C'est'
du trésor de la colère qu'est sortie ton
obstination insensée ; terrible exemple des
vengeances du Seigneur , tu portes im
primez fur toi les signes les plus marquezde
fa colère , & toi feule ne les reconnòfs
pas ; tu gardes chèrement les Livres saints
où fe lit ta condamnation manifeste , &
toi feule ne l'y trouves pas ; tu fers au
monde entier de témoin contre toi-même
& toi feule ne t'en apperçois pas ; & fi
par une eípece de prodige la vérité puis-
, v ; D v saute
i84< MERCURE DE FRANCE;
íante arrache à quelques-uns des tiens le*
fatal bandeau , ne les voit-on pas presquo
toûjours lui enlever peu de temps après
fa victoire ,& lui voiier une haine plus
cruelle que jamais ; ainsi se justifient les
oracles de tesProphetes par qui a été pre'dk
ton endurciflemenr déplorable. \4ais,Chrétiens,
Sulpice devoir avoir la gloire de
triompher de tant d'obstination. Il prêche
donc J. O crucifié à des infortunez qui le
regardent comme un sujet de scandale , iÈ
lutte contre leurs opiniâtres préjugez Sc
il en triomphe. Ce ne font plus ces enne
mis irréconciliables de rHomme-Dieu ;
ce font des vaincus, qui trop contens de
l'être, baignent de larmes de joye les ar
mes qu'ils remettent au vainqueur. Que
j'aime á les voir gémir amoureusement au
pied de>Ja Croix , ils en font le glorieux
& nouveau trophée. Plus de différence:
de culte dans la même Ville. Les enfans
de Sara Sc d'Agar se font réunis. Que les
Esprits Célestes en soient transportez de
joye , que l'Eglise en faíse retenrir ses
Temples de Chanrs d'allegreíse , que la
Îostcrité de ces Esclaves devenus libres en
. Chemise à jamais ta mémoire du siint:
Pasteur lonr Di u s'est íervi pour renou-
Tcller fur letirs pères Sc fur eux ses an
ciennes miséricordes.
S. Sulpice-
LE 1 7. Janvier , P Abbé Seguy , nom
mé par le Roi à- P Abbaye de Gcnlis ,
prononça ce Discoucs dans l'Eglise Parói.'
îul; de S. Suldce, avec uli applau»
diíse.neat universel. Jamais réputation
a'*
FE V R ÏE R. 17% o.
í'k été plus prompte que celle de ce non»
vel Orateur , dont le premier succès a et©'
assez éclatant pour être honoré de Pattendon
8c des récompenses de la Cour^
Le Public échauffé fur ion compte , at- -
tendoit avec impatience ce second Dis
cours » qui a mis , pour ainsi dire , le sceau1
à sa réputation , & avec d'autant plus de
Ì'ustice que son sujet , bien moins favora-
>le que 1c premier, ne pàroiffoit point
susceptible des traits vifs & grands qu'il
lui a prêtez. L'Extrait du Panégyrique d©'
S. Louis a fait? tant de plaisir , qu'on a'
fort souhaité voir aussi celui du Panégy
rique de S.Sulpice, Se nous avons enfin;
obtenu le consentement de M. l'Abbé Se--
guy pour faire usage du secours des Co-j
pistes qui lui ont enlevé son Discours.
-L'Orateur a pris pour Texte ces paroles
de l'Ecclesiastique : Fattum est illi fungi
facerdotin , . .& habere lait ier)* in nomine;
ejus. Voici l'Exorde , à quelques lignes^
près>
Si l'on fçait à travers les expressions
les plus simples pénétrer le sens le plus
élevé , quelles grandes idées se présentent
à ces mots ! Voilà , Chrétiens , un
Eloge digne d'Àaron , qui en est l'ob'jet
& pour dire encore plus , digne de l'Esprit
Saint qui en est l'Auteur. En effet:
loiier un homme d'avoir mérité le Sacer
doce
MERCÙRE Ï>È FÍIANCÉ.
doce & U plénitude du Sacerdoce , qtíî
«st le Pontificat , n'est-ce pas le rôties
d'avoir mérité le plus sublime de rous le»
Ministères, celui de Pacificateur , de Mé
diateur entre Dieu & son Peuple , & quelle
louange pourroit, ce semble , égaler celle
îà , si ce qui suit n'y mettoit le comble
en ajoutant que ce Ministère si auguste^
Aaron l'exerça avec gloire en Israël ,
FaSinm est Mi fungi facerdotio .... &
habere laudem ih nomme ejuù
Cette idée , toute grande qu'elle est y
Chrétiens Auditeurs , l'est-elle trop pour
k sujet qui nous assemble .... Par tout
l'Histoite de fa vie ( de S. Sulpice) m'a
présenté un homme visiblement destinés
pour entrer en part du gouvernement de
l'Eglise ; un homme que la Grâce de Jé
sus- Christ prit soin de préparer dès soit
enfance à la dignité de Pasteur dans l'E
glise; Un homme élevé d'une commune
voix à ce comble d'honneur pour l'édiSfication
& pour l'utilité de PEglise.
C'est à ce point de vûë que m'ont paru se
íapporter toutes les faces sous lesquelles
on peut l'envifager quand j'entre
prends de vous retracer une si belle vie,-
c'est ou comme la préparation la plusparfaite
à la dignité Episcopale , ou com
me l'accomplissement le plus entier des
ieyoiis qui y sont attachez ; car voici et»
FEVRIER. 1730. ìSf
in deux mots le Plan du Discours que je
consacre à la gloire de S. Sulpice. II mé
rita d'être élevé à l'honneur suprême de
l'Episcopar , & il soutint glorieusement
le poids immense de ''Episcopat. FaElum
eft illi fungi Sacerdotio .... & habere
Uudem in nornine ejus.
Dieu immortel , qui n'aliénez jamais»
votre gloire,c'est à vous que se rapportent
fes louanges de vos Saints , & c'est à vous
aussi que se rapporteroient celles d'un
de vos plus dignesMinistres qui m'écoute..
dans ce saint Temple , dont la construc--
fion n'etoit possible qu'à lui seul. Avec
quel zelc vous prépare-t-il une demeure,
pendant qu'un autre Serviteur fidèle que
tous vous êtes choisi dans fa maison , tra
vaille sans relâche à votre gloire j Pon-i
tifc & deffenscur illustre de votre Reli
gion sacrée. Ainsi Moyse executoit le Pla»
de votre auguste Tabernacle, tandis qu'ho
noré du Pontificat, Aaron son frère préíîdoit
à votre culte divin ... Je rentre
dans mon sujet , mais je sens que je n'enpuis
soutenir le poids si Marie ne s'intefefle
à^'entreprise.
Le comprenons-nous ce que c'est que
d'être un des Pasteurs préposez au gou
vernement de l'Eglise que J.C. a acquise
j»ar son Sang ? nous formons-nous une
aslez haute idée de la grandeur de ce Mi
nistère
t7ò MËRCÚRE DE FRANGÉ; .
«istere ? L'Episcopat , Chrétiens , l'Epìs»
copat n'est rien moins que le Tribunal
irréprochable de cette foi , fans laquelle
on ne peut être sauvé ; la succession non
interrompue du pouvoir &é des fonctions
des Apôtres, le complément, la plénitu
de surabondante du caractère conféré aux
autres Ministres de l' Autel , l'autorité dtf
droit ..divin fur les Fidèles & Air les Pré*
tres qui les conduisent , le gage sensible
de l'union de J. C avec son Eglise , la
participation immédiate de la puissance du
Fils de Dieu lui-même, la íourec primi-*
tive du pouvoir de Her & dé délier suc
la Terre , de conférer la Grâce & de la
suspendre* de rendre présente la Victime
adorable ôc de l'immolct!, Quelle dignité
que celle qui réunit en soi de si grandes
choses , mais aussi de la part de notre
Saint, quelle vertu, quelle capacité à
tous égards , quelle répugnance à aceep.
ter tant de grandeur.Pen rendirent digne l
trois principaux chefs dont je fais tout le
fond de cette première Parrîe. Reprenons.
U semble, Chrétiens, que Sulpice ne
pouvoit naturellement échapper au mon»
de,si son cceiK n'eût été spécialement desti
né de Dieu pour être à lui. La Cour , où sa
naissance Cappella dès ses premières an
nées- la Cour est-elle l'ecole ordinaire de
í* vcítu- > Cet âge même où lc coeur tout
m
FEVRIER. 1730. t7t
m bute aux passions , à peine Ce trouva
libre , est peut-être moins dangereux , 8ç
foubliois presque de vous dire que Sul
pice fut au Seigneur dès le point du jour,
itomme parle le Prophète , dès fa jeunesse,
parce que j'ai quelque chose de plus glo
rieux pour lui à vous dire ; c'est qu'il fut
au Seigneur dans des lieux, the'atre uni
versel desfoiblesses & des vanitez humai
nes , à la Cour. Ce n'est donc pas ici ,
Chrétiens 4 une vertu à l'abri des dangers
du siécle ; c'est une vertu à l'épreuvc des
charmes & des engagemens du monde le
plus séduisant, que l'on appelle le grand
monde , une vertu constamment sollicitée
& constamment victorieuse. . . .
L'Abbé Seguy , après avoir mis dans
tout son jour la vertu de S. Sulpice au
milieu des dangers de la Cour , le repré
sente dans fa Retraire domestique , &
voici comment il en parle.
Il quitte donc cette Cour, où il ne
voit aucun des vrais biens qu'il aime,
où font réunis ensemble tous les faus
biens qu'il n'aime pas j il se fait de sa
maison une retraite particulière aussi inr
accessible aux attaques des folles passions
que le fut jamais celle des Hilarions 8c
des Antoines. La solitude Chrétienne ,
mes frères , ne pensez pas qu'il faille ab
solument l'aller cherchée dans l'ornbre
>7* MERCURE DE FRANCE. ...^
-du Cloitre ou dans l'horreur des Déserts.'
,Un coeur tumultueux , plein des ide'es
des engagemens du siécle ne feroit pas
seul dans les Antres profonds de la Thé-
.baïde même. La vraye solitude est souyent
dans un genre de vie retirée , quoiqu'au
milieu du monde , dans les senti-» ,
.mens qui y font conformes dans le coeur,
L'Orateur , en parlant de l'humble
•résistance de S. Sulpice , lorsque son Evo
que voulut l'ordonner Prêrre, dit: T'
Malgte' un attrait naturel pour cet état ,
3e Serviteur de Dieu, par un effet de cette
íhurnilké qui met le comble à sa vertu re
fuse de repondre à un dessein qu'a fait
jiaître sa vertu même, & pour le fairô
passer de l'état laïque à la Cléricature,
de la Cléricature au Sacerdoce , il faut
que le saint Evêque engage les Princes à
íe joindre à lui. C'est ainsi que la mo
destie des Saints leur cache quelquefois
la volonté divine qu'ils adorent , & que
le Ciel fait exécuter fur eux fa volonté
fans rien faire perdre à leur modestie.
Vous résistiez donc en vain , digne Disci
ple de J. C. yous en deviez être le Prêrre ,
parce que vous en fûtes la Victime. Il étoit,
il étoit convenable que vous pussiez osfric
à l'Autel l'Agneau sans tache , vous qui
pouviez vous offrir avec lui. Vous sçaveát .
É?éja ce qu'il fut dans la vie scculkre,Chré.
liens
FEVRIER. 1730. *73
{tiens Auditeurs , jugez de ce qu'il fut dans,
le Sacerdoce. . . Sa vie inspire, persuade
la vertu que respirent tous ses discours 4
íes exemples font citez dans les familles ,
son simple aspect est une leçon , son seul
nom rappelle une idée salutaire. De'ja se
répand le bruit de sa sainteté dans les Pro
vinces voisines. La Cour l'entendir, & le
Prince Religieux qui commandoit alors
à nos Ancêtres , Clotaire II. jetta les yeux
fur le Serviteur de J. C. pour le charger
d'un emploi plus honorable encore par !»
sainteté de ses fonctions , que considérable
par l'accès & le crédit qu'il donnoit au
près du Monarque . • . Mais il s'agissoit
d'engager l'Homme de Dieu à l'accepter
& son Evêque fut intéressé pour cela ; car
Comme ce Prélat n'eût jamais pû fans le
Prince , forcer l'humilité de Sulpice à re
cevoir le Sacerdoce , le Prince n'eut aust|
jamais pû fans lui,forcer la vertu du Saint
à rentrer dans le grand monde. On l'y sic
rentrer. Sulpice reparoît à la Cour & il
l'édisie de nouveau. La Cour , quelques
passions qui y règnent s n'en est pas moins
pleine d'estime pour la vertu , & fans la.
pratiquer mieux que le peuple , elle fçaic
& la connoître mieux & la respecter dar
vantage.
Rien n'est plus beau & plus délicat que
1c Porcraic que fait V dateur de son Saint;
úm
*74 MERCURE DE FRANCE. - "
áans le crédit que lui donnoient fa Char»
,ge de Grand- Aumônier & l 'amitié de Clo-
,«aire.
Clotaire , dit-il , qui lui doit la conser
vation de ses jours , veut qu'il ait aux
affaires une part considérable , qui ne fut
jamaisl'objet de ses voeux... Je reconnois
ici , ô mon Dieu ! un grand exemple de
;la conduite que vous tenez quelquefois
^ur ceux qui vous aiment ; quoiqu'ordinairement
jaloux de les cacher dans le
secret de votre face, cependant pour lc
bien de leurs frères , pour l'honneur mêjne
de la vertu , vous les menez de temps
jcn temps comme par la main fur la Scène
changeante du monde , vous leur faites
trouver grâce devant les Dieux de la
Terre & toujours fur de leur coeur , vous
les prêtez pour récompense aux bons Rois,
À qui ils font nécessaires.
Ensuite l'Abbé Seguy fait voir S. S ulice
attentif dans fa faveur à ménager pou r
a timide vertu la protection du Monar
que , charmé de pouvoir prêter la voix
aux larmes des malheureux , se rendant
cher à sa Nation , comme un autre M ardochée
, & par le charme d'une douceur
toute Chrétienne , trouvant lc secret de
ne mécontenter personne, malgré l'impuissance
, de procurer des grâces à tous,
conduisant & exécutant tout ce qu'il se
propose
t
FEVRIER; 1730. 171
propose par une nouvelle sorte de politi
que., la droiture & la sincérités agissanc
afec zele & avec zele sçlon la science
dans tout ce qui a rapport à la Religion ,
& qui demande l'appui de l'autorité Roya
le pour l'Eglise ; enfin dans une situation
où d'autres sacrifieroient leur ame , ayant
aux yeux des hommes mêmes le mérite
de ne sacrifier que son repos : tel & plus
grand encore par le saint usage de son cré
dit étoit Sulpice, Chr. Aud. & s'il n'est pa»
le seul1 que son Portrait vous représente,
c'est une heureuse ressemblance qui honore
notre siécle. Au reste , il est bon pour votre
instruction , mes Frères , que vous remar
quiez la cause du saint usage que fit Sulpice
de sa faveur à la Cour, & la raison du bon
heur qu'il eut d'y conserver sa vertu dans
tous les temps. Dieu l'y avoit appelle ; &
parce qu'il l'y avoit appelle , il le sauva,
des écueils dangereux contre lesquels onc
brisés mille autres ; parce qu'il l'y avoit
appelle , il le mit au-dessus des foiblesses
ordinaires du sang , il lui fît oublier le
soin de l'élevation des siens & de leur
fortune particulière ; parce qu'il l'y avoie
appelle , bien loin de l'abandonner à l'amour
du plaisir qui y règne , il se servit
de lui pour y confondre les voluptueux
par son exemple ; parce qu'il l'y avoit
a^pellé, il fit faire en lui la voix de la
g cupidit4
íT6 MERCURE DE FRANCeI^I
cupidité , il lui donna ce détachement ÍÎ
nécellâire à qui peut obtenir tout ce qu'il
désire ; parce qu'il l'y avoit appelle , il
lui conserva au milieu de la pompe &c du
luxe de la Cour , un gout constant pour
la simplicité la plus modeste 3, parce qu'il
l'y avoit appellé , il l'entretint au centre
même du grand monde dans un esprit de
retraite qui l'engageoit à se dérober de
temps en temps à la Cour , pour donner
au loin de recueillir son coeur tous les
momens dont il étoit le maître ; parce
qu'il l'y avoit appellé , il justifia fa voca
tion. Ceux que Dieu lui-même expose,,
sont dans le monde fans appartenir au
monde -, Dieu est avec eux , mais aussi
ceux qui s'exposent sans son aveu, y pensent-
ils sérieusement ....
Si Sulpice y eût été porté par ses pro
pres conseils , il y auroit fait infaillible
ment naufrage. La Providence qui veut
peut-êtte tel d'entre vous loin du tumulte
du monde, le voulut long-temps lui au
rnilieu des dangers du siécle , & elle avoit
ses raisons. Ce n'étoit pas fans dessein,
qu'elle l'avoit fait naître avec les avan
tages des richesses & du rang , qu'elle lui
fit passer plusieurs années parmi les déli
ces & les vaihes pompes contre lesquelles
il étoit obligé de se deffendre. Elle le des.
«inpit à remplir dan&son Eglise une place
fEVRIER. 1730. 277:
^ni pour erre sainte , sacrée, de droit di
vin , n'en expose pás moins aux périls in
séparables des grandes places , une place
qu'une vertu à l'épreuve des tentation»
de la grandeur & de l'abondance , est feule
digne de remplir.Car depuis que les Chrér
tiens , trop indignes de leurs premier*
Ancêtres , ont renoncé à cette heureuse
pauvreté qui fut comme le berceau de leuc
Religion , depuis que l'amour des abbaifiemens
a fait place chez eux aux fatales
chimères de l'orgueil, il a fallu appuyer
l'autorité Episcopale de tout ce que l'ofmlence
, le rang ont de plus imposant à
eurs yeux. Sulpice avoit donc beloin d'u
ne vertu, éminente > éprouvée., pour ré
pondre dignement aux desseins de Dieu
fur lui , & vous avez vû si la sienne ne
fut pas telle, in integritate\ mais la vertu
feule n'eût pas suífi sans une capacité pro
portionnée à fa destination , in doftrina...
Il l'avoit , & si vous me demandez com
ment parmi les distractions & tumulte du
siécle il trouva le temps de l'acquerir , je
vous répondrai qu'il le trouva 3 force
d'attention à saisir & à employer des momens
qu'un autre auroit perdus en amufemens
frivoles ou criminels , je vous fe
rai ressouvenir de cette Retraite domcstN
que de plusieurs années où tout son temp»
jgtoit partagé entre Dieu & une étude re-
P i) glce
' ' '
*78 MERCURE D£ FRANCE; .
glée qui avoic rapporc à lui. Lorsqu'il so
faisoit ainsi par principe d'occupation un
fond de saintes connoissances , il ne prêt
voyoit pas qu'il dût un jour par état les
communiquer aux autres ... U n'e'toit pas
moins propre à annoncer les veritez Evan
géliques aux Grands, qu'à instruise les
petits & à cathéchiser les Habitans des
Campagnes , il éclaircuìoit les doutes des
âmes timorées , il assermissoit la foi des
ames foibles , il étoit utile à son Evêque
Blême qui le consultoit. .....
Voilà ce que c'étoit que les lumières
de Sulpice, Chrétiens Auditeurs, elles
ne faisoient point peut-être cette science
si étendue, li variée, de beaucoup de Sçavans
de nos jours , mais elles faisoient
une science utile à son prochain , à luimême
, & sur tout sobre, modeste , s'arrêtant
où elle devoit ; & plut à Dieu que
plusieurs de nos frères n'en eussent point
d'autre , qu'ils fussent & bien plus hum
bles ôc moins curieux, & par là moins
sujets à des égaremens déplorables. Car ,
ô Ciel ! vous confondez le téméraire re
gard qui veut s'élever jusqu'à la hauteuç
inaccessible des trésors de votre sagesse*
Rendez- nous l'heureuse simplicité des pre
miers temps de l'Eglise.'On ne sçavoit pas
disputer, ah I mais on sçavoit obéïr. . . . ,
L'Orateur , après avoir pafl[é avec un
«P*
FEVRIER. i7?ò. if9
írt infini au troisième Chef de sa subdi-,
vision , continue :
Ici, Chrétiens, s'offre un nouveau spec-i
tacle. C'est une aíTemble'e d'esprits violens
& factieux , qui se calme au seul nom de
Sulpice. Le Siège Episcopal e'toit vacant
& le peuple, alors maître du choix de son
Evêque.étok divisé en plusieurs partis qui
«n alloient venir aux mains , si une voix
sortie du milieu de tant de clameurs, n'eût
tout-à-coUp nommé Sulpice. A un nom
si respecté les troubles cessent, les esprits
font d'accord , & cette Assemblée tumul
tueuse , dont les cris differens étoient la
voix de mille passions différentes , devient
eh un moment par la réunion inespérés
de ses suffrages, l'Infcrprete du choix de
Dieu-même. Mais voici un spectacle plus
grand encore } c'est Sulpice qui refuse
d'accepter la dignité sacrée qu'on lui dé
fère ; on le presse & il résiste pour la pre
mière fois à la volonté de son Dieu , mais
remarquez qu'il y résiste dans une occa
sion où il est beau , j'ose le dire , de la
méconnoître .... c'est mériter l'Episcopat
que d'avoir la pieté , la science né
cessaire pour en exercer avec fruit les
fonctions augustes ; le refuser toutefois
par Religion , c'est avoir un mérite aufli
éminent que la place même. .. .
La résistance de Sulpice aux empréssemens
du peuple , venoit de son profond[
*8a MERCURE DE FRANCE,
respect pour la dignité sacrée qu'il mt*
ritoit si parfaitement, il regardok l'Episcopat
comme le caractère le plus auguste, le
plus élevé dont un Chrétien puisse être
revêtu ici bas. Il avoir toujours été parti
culièrement recommandable par son res
pect pour les premiers Oints duSeigneur,
& il vivoit dans un siécle où des discours»
injurieux à leur gloire , étoient un crime
presque inconnu. >
L'Abbé Seguy termine cette première
Partie pat une morale forte & convena
ble., & passe à son second Point , où it
fait voir S. Sulpice soutenant dignement
le poids immense de l'Episcopat»
La plus grande idée qu'on puisse don
ner d'un Ministre du Seigneur, n'ëst pas;
de dire qu'il mérita d'être honoré du ca
ractère Episcopal ; non , quelque grand
que soit un, tel éloge : mais dire qu'ayant
ïeçû ce caractère sacré , il le mérita tou
jours , est la suprême louange. Il y a
Chrétiens entre la gloire d'être élevé pas
fes vertus à une dignité éminente &c celle
d'en remplk parfaitement les devoirs, une
différence qu'il est aisé de sentir.pour peu
qu'on y réfléchisse . ... Audi parmi rant
d'hommes que les suffrages des peuples
élevèrent 3ux places les plus augustes ;
combien en a-t'on vû qui en auroient
toujours paru dignes s'ils ne les eussent
jamais occupées. Sulpice digne de l'Egifç
i
Ê E VRIER. 1730. M
-tèçat y ôc avant d'y parvenir , & après
y êtrcparvenUjjustifia pleinement le choix
de son peuple, & cela par Pesprit de son
gouvernement , par ses travaux , par se*
succès mêmes. '
L'Abbé Seguy, dans le premier mem
bre de cette subdivision , fait voir Pesprit
du gouvernement du S. Evêque comme
nn esprit de bonté , de fermeté, de sagesse,
& il en rapporte entr'autres exemples un
trait de ce S. Pasteur à Poccasion des ve
xations inoiiies & des cruautez qu'exerçoient
certains exacteurs d'un impôt trop
fort qui mettoit le comble à la misère du)
peuple. 1
Sulpice én est témoin', dit Phabile Pa--
-ft-egyriste , & ses entrailles paternelles en
font émues. Il s'adresse avec douceur aux
barbares Officiers , il leur fait la plus tou
chante peinture de Pétat déplorable de
son peuple, il les conjure au nom du Dieu
■ée bonté de cesser d'indignes poursuites,:
qui auiïì bien ne servent qu'à réduire au
plus affreux desespoir une partie de sort
troupeau, & sans doure il leur auroit ins
piré des fentimens plus humains, si de tels
coeurs en eussent été capables. Eh bien ,
cruels ! je me fuis inutilement abbaiffé
jusqu'à la prière -, il ne me reste qu'à vous
lancer les foudres spirituels qui m'ont été
confies. A Dieu ne plaise , que je m'op-
D iiij pose
*#* MERCURE DE FRANCÈ
pose aux ordres du Prince ; ce n'est páS
a vos pareils qu'il est donné de lui être
plus soumis & plus attachez qu'un Evê
que. Mon Rot n'ignore pas mon zele , il
n'ignore que vos cruautez. Je lui écris-,
il nous fera fçavoir sa volonté souverai
ne... Je vous abandonnerai , s'il l'exige,
& le Troupeau & le Pasteur même ; mars
en attendant n'espérez pas que je souffre
votre barbarie 5 je ne verrai point écraser
ainsi mon peuple , dont lés cris me dé
chirent ; percez plutôt ce coeur qui ne peut
vous abandonner.
Fermeté héroïque, Chrétiens Auditeurs,
qui fans une prudence infinie auroit eu-,
je l'avoue , ses dangers ; mais l'esprit de
sagesse égak toûjours en Sulpice l'esprit
de force. Spiritus fortitudinis , fpiritus fa~
■pievtì* & intelleSius. Tandis que par la
vigueur de fa conduite il arrête les per
sécutions des Publicains barbares , il ex
horte d'un autre côté les riches à leur
payer le nouveau tribut , il recommande
vivement au peuple les sentimens d'atta
chement 8c d'obéissance qu'il doit à son
Souverain , il paraît prêt à accabler da
poids de son indignation quiconque óferoit
s'en écarter, & cependant il conjure
celui qui tient en ses mains les coeurs des
Rois-, de lui rendre favorable Dagobert ,
qui avoit succédé à Clouirc.
L'ait
FEVRIER. 1730. igj
L'art avec lequel l'Oratcur entre dans
la seconde partie de sa subdivision, & la
manière dont il décrit les travaux Aposto
liques du saint Evêque , auroient ici leur
place , si on pouvoit abréger cet endroit
sans le gâter. . . .
Que vous dirai-je de plus ? aussi infa
tigable , aussi prompt que plein de zelc ,
occupé sans relâche , íans altération , il
ne l'est que des intérêts du Ciel & du foin
de son Diocèse. U ne tient d'une main qu'à
ses Ouailles & de l'autre qu'à son Dieu.
L'article des succès du saint Evêque est
traité avec la même dignité & le même
feu. La conversion des Juifs de Bourges
faite par son ministère , n'y est pas ou
bliée , & l'Orateur pour relever ce grand
succès , parlant de ['obstination des Juifs
dit ... . malheureuse race , ton aveugle
ment est la peine de tes ingratitudes. C'est'
du trésor de la colère qu'est sortie ton
obstination insensée ; terrible exemple des
vengeances du Seigneur , tu portes im
primez fur toi les signes les plus marquezde
fa colère , & toi feule ne les reconnòfs
pas ; tu gardes chèrement les Livres saints
où fe lit ta condamnation manifeste , &
toi feule ne l'y trouves pas ; tu fers au
monde entier de témoin contre toi-même
& toi feule ne t'en apperçois pas ; & fi
par une eípece de prodige la vérité puis-
, v ; D v saute
i84< MERCURE DE FRANCE;
íante arrache à quelques-uns des tiens le*
fatal bandeau , ne les voit-on pas presquo
toûjours lui enlever peu de temps après
fa victoire ,& lui voiier une haine plus
cruelle que jamais ; ainsi se justifient les
oracles de tesProphetes par qui a été pre'dk
ton endurciflemenr déplorable. \4ais,Chrétiens,
Sulpice devoir avoir la gloire de
triompher de tant d'obstination. Il prêche
donc J. O crucifié à des infortunez qui le
regardent comme un sujet de scandale , iÈ
lutte contre leurs opiniâtres préjugez Sc
il en triomphe. Ce ne font plus ces enne
mis irréconciliables de rHomme-Dieu ;
ce font des vaincus, qui trop contens de
l'être, baignent de larmes de joye les ar
mes qu'ils remettent au vainqueur. Que
j'aime á les voir gémir amoureusement au
pied de>Ja Croix , ils en font le glorieux
& nouveau trophée. Plus de différence:
de culte dans la même Ville. Les enfans
de Sara Sc d'Agar se font réunis. Que les
Esprits Célestes en soient transportez de
joye , que l'Eglise en faíse retenrir ses
Temples de Chanrs d'allegreíse , que la
Îostcrité de ces Esclaves devenus libres en
. Chemise à jamais ta mémoire du siint:
Pasteur lonr Di u s'est íervi pour renou-
Tcller fur letirs pères Sc fur eux ses an
ciennes miséricordes.
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Résumé : EXTRAIT du Panegyrique de S. Sulpice.
Le 17 janvier 1730, l'abbé Seguy, nommé par le roi à l'abbaye de Genlis, prononça un discours panégyrique de Saint Sulpice dans l'église paroissiale de Saint Sulpice, suscitant une admiration universelle. Ce discours confirma sa réputation, déjà établie par un précédent succès. L'extrait du panégyrique de Saint Louis ayant été bien accueilli, le public attendait avec impatience celui de Saint Sulpice. L'abbé Seguy accepta de partager son discours, qui fut publié dans le Mercure de France. L'orateur choisit comme texte les paroles de l'Ecclésiastique : 'Il lui fut donné de remplir l'office de prêtre, et de louer son nom.' Il souligna que louer un homme ayant mérité le sacerdoce et la plénitude du pontificat est le plus sublime des ministères, celui de pacificateur et médiateur entre Dieu et son peuple. Saint Sulpice fut présenté comme un homme destiné au gouvernement de l'Église, préparé dès son enfance à la dignité de pasteur. Le discours se structura autour de deux axes principaux : la préparation parfaite de Saint Sulpice à la dignité épiscopale et l'accomplissement entier des devoirs attachés à cette fonction. L'orateur insista sur la grandeur du ministère épiscopal, qui est le tribunal irréprochable de la foi, la succession des Apôtres, et l'autorité divine sur les fidèles. Saint Sulpice, malgré les dangers et les séductions de la cour, resta fidèle à sa vocation. Il quitta la cour pour une retraite domestique, refusant les honneurs et les passions mondaines. Son évêque et le prince Clotaire II durent insister pour qu'il accepte le sacerdoce et des responsabilités plus importantes. À la cour, il se distingua par sa vertu, son humilité et son zèle pour la religion. L'abbé Seguy conclut en soulignant que Saint Sulpice, appelé par Dieu à la cour, y conserva sa vertu grâce à la protection divine. Il utilisa son crédit pour le bien de l'Église et des malheureux, restant toujours humble et détaché des plaisirs mondains. Le texte traite également de la vie et des vertus de Sulpice, un homme d'Église ayant occupé une place éminente dans son diocèse. Sulpice a passé plusieurs années à se défendre contre les délices et les vaines pompes, tout en remplissant une fonction sacrée et divine dans son Église. Sa vertu, éprouvée par les tentations de la grandeur et de l'abondance, était nécessaire pour répondre aux desseins de Dieu. Sulpice a acquis une capacité proportionnée à sa destination grâce à une attention constante et à une retraite domestique dédiée à l'étude et à la prière. Lorsqu'il a été nommé évêque, Sulpice a refusé la dignité sacrée par humilité, mais il a finalement accepté pour répondre à la volonté divine. Son gouvernement épiscopal était marqué par la bonté, la fermeté et la sagesse. Il a protégé son peuple contre les cruautés des exacteurs d'impôts et a exhorté les riches à payer leurs tributs tout en recommandant l'obéissance au souverain. Sulpice a également mené des travaux apostoliques infatigables, convertissant notamment les Juifs de Bourges. Sa vie et son œuvre ont été marquées par une science utile, sobre et modeste, toujours au service de son prochain et de Dieu.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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53
p. 471-473
SUR LE MARIAGE DE MADEMOISELLE D***
Début :
Na guere, Amour voulant faire recruë [...]
Mots clefs :
Mariage, Amour, Dieu
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUR LE MARIAGE DE MADEMOISELLE D***
SUR LE MARIAGE
DE MADEMOISELLE D ***
NAguere , Amour voulant faire recruë
De nouveaux coeurs Citoyens de Paris ,
( Pour fa Milice & celle de Cypris ,
N'eft Ville en tout de Sujets mieux pourvuë )
Le Dieu remarque en faifant fa Revuë ,
Jeune Tendron d'ineftimable prix.
L'Amour alors n'avoit point à fa fuite
Jeux, Graces, Ris & tout fon Comité :
C 11
472 MERCURE DE FRANCE.
11 le trouva près de cette Beauté.
vertu
?
Trop bien lui plut la rencontre fubite ,
De tel objet. Or je vous veux conter ,
Comment il fit pour nous l'efcamoter.
Ce Dieu fçavoit que notre Jouvencelle ,
En documents d'honneur & de
Etoit nourrie , & que fa parentelle ,
Lui préfentoit le fentier tout battu :
L'Enfant aflé n'ignoroit pas encore ,
Que , furveillant au bonheur des Humains ,
Minerve avoit cultivé de fes mains ,
La chafte Fleur , dès qu'on la vit éclore,
De la cueillir , fans certaine façon ,
N'étoit moyen. Cette façon , fans doute ,
Etoit l'Hymen. Le Dieu pourfuit fa route
Et va trouver cet honnête garçon ,
Le fage Hymen : quand il ne fçait mieux faire
L'Amour fe fert volontiers de fon frere.
Viens , lui dit-il , il nous faut conquêter ,
Sans plus attendre une jeune Mortelle ,
Qui fuit Minerve , & vit fous fa tutelle,
L'exploit eft beau , nous le devons tenter.
Vole au Logis de la gente Pucelle ,
Parois en fonge aux Auteurs de fes jours ,
Difpofe -les à vouloir que leur fille ,
Sous ta Banniere & celle des Amours ,
Faffe l'honneur de plus d'une Famille,
1 dit , l'Hymen l'entend à demi mot ,
Plein
MARS. 1730.
473-
Plein de fon Rôle , il le joué aufli -tôt.
L'Amour content repaffe en fa memoire
Qui des Mortels fenfibles à ſes Traits ,
Parut toûjours plus zelé pour fa gloire ,
Et fut par- là digne de tant d'attraits.
D ** d'abord lui vient à la penſée.
Bon, fa vertu fera récompensée ,
Dit-il , c'eft fait ; je dois juſtice à tous :
Son heureux fort fera bien des jaloux.
Or il s'agit de former l'entrevûë.
Le temps arrive , il le ſaiſit au bond ,
Et c'eft ce temps en fouhaits fi fécond ,
Où quand l'année eſt enfin révoluë ,
Chacun fuivant un ufage reçû ,
De complimens forme un nouveau tiffų.
Notre Heros que ce devoir appelle ,
Court vifiter les Parens de la Belle :
A fes regards le Dieu l'offre d'abord ,
Saifit fon Arc , tire , & fans grand effort ;
A ces deux coeurs fes Traits font breche entiere :
Puis fatisfait d'un triomphe fi beau ,
Il part & laiffe un rayon de lumiere ,
Qui de l'Hymen allume le flambeau.
M. Tanevot.
DE MADEMOISELLE D ***
NAguere , Amour voulant faire recruë
De nouveaux coeurs Citoyens de Paris ,
( Pour fa Milice & celle de Cypris ,
N'eft Ville en tout de Sujets mieux pourvuë )
Le Dieu remarque en faifant fa Revuë ,
Jeune Tendron d'ineftimable prix.
L'Amour alors n'avoit point à fa fuite
Jeux, Graces, Ris & tout fon Comité :
C 11
472 MERCURE DE FRANCE.
11 le trouva près de cette Beauté.
vertu
?
Trop bien lui plut la rencontre fubite ,
De tel objet. Or je vous veux conter ,
Comment il fit pour nous l'efcamoter.
Ce Dieu fçavoit que notre Jouvencelle ,
En documents d'honneur & de
Etoit nourrie , & que fa parentelle ,
Lui préfentoit le fentier tout battu :
L'Enfant aflé n'ignoroit pas encore ,
Que , furveillant au bonheur des Humains ,
Minerve avoit cultivé de fes mains ,
La chafte Fleur , dès qu'on la vit éclore,
De la cueillir , fans certaine façon ,
N'étoit moyen. Cette façon , fans doute ,
Etoit l'Hymen. Le Dieu pourfuit fa route
Et va trouver cet honnête garçon ,
Le fage Hymen : quand il ne fçait mieux faire
L'Amour fe fert volontiers de fon frere.
Viens , lui dit-il , il nous faut conquêter ,
Sans plus attendre une jeune Mortelle ,
Qui fuit Minerve , & vit fous fa tutelle,
L'exploit eft beau , nous le devons tenter.
Vole au Logis de la gente Pucelle ,
Parois en fonge aux Auteurs de fes jours ,
Difpofe -les à vouloir que leur fille ,
Sous ta Banniere & celle des Amours ,
Faffe l'honneur de plus d'une Famille,
1 dit , l'Hymen l'entend à demi mot ,
Plein
MARS. 1730.
473-
Plein de fon Rôle , il le joué aufli -tôt.
L'Amour content repaffe en fa memoire
Qui des Mortels fenfibles à ſes Traits ,
Parut toûjours plus zelé pour fa gloire ,
Et fut par- là digne de tant d'attraits.
D ** d'abord lui vient à la penſée.
Bon, fa vertu fera récompensée ,
Dit-il , c'eft fait ; je dois juſtice à tous :
Son heureux fort fera bien des jaloux.
Or il s'agit de former l'entrevûë.
Le temps arrive , il le ſaiſit au bond ,
Et c'eft ce temps en fouhaits fi fécond ,
Où quand l'année eſt enfin révoluë ,
Chacun fuivant un ufage reçû ,
De complimens forme un nouveau tiffų.
Notre Heros que ce devoir appelle ,
Court vifiter les Parens de la Belle :
A fes regards le Dieu l'offre d'abord ,
Saifit fon Arc , tire , & fans grand effort ;
A ces deux coeurs fes Traits font breche entiere :
Puis fatisfait d'un triomphe fi beau ,
Il part & laiffe un rayon de lumiere ,
Qui de l'Hymen allume le flambeau.
M. Tanevot.
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Résumé : SUR LE MARIAGE DE MADEMOISELLE D***
Le texte relate une intervention divine pour organiser le mariage d'une jeune femme parisienne. L'Amour, désirant recruter de nouveaux cœurs, remarque une jeune fille de grande valeur et décide de la marier. Il sollicite l'aide de l'Hymen, le dieu du mariage. La jeune fille, élevée dans les principes de l'honneur et de la vertu, est sous la protection de Minerve, déesse de la sagesse. L'Amour et l'Hymen convainquent ses parents de la marier. Le futur mari rend visite aux parents de la jeune femme pour préparer le mariage. L'Amour unit les deux cœurs par ses flèches. L'événement se déroule autour de la période des vœux de fin d'année.
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54
p. 779-793
Opera de Telemaque, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
Le 24 Mars, l'Académie Royale de Musique remit au Théatre la Tragedie de Telemaque, [...]
Mots clefs :
Académie royale de musique, Dieux, Dieu, Amour, Coeur, Tragédie, Tragédie de Télémaque, Paix, Autel, Temple
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Opera de Telemaque, Extrait, [titre d'après la table]
Le 24 Mars , l'Académie Royale de Mufique
remit au Théatre la Tragedie de Telemaque ,
dont M. le Chevalier Pellegrin a compofé le
Poëme ; & M. Deftouches , Directeur, de cette.
Académie , a fait la Mufique. Le fuccès que cet
Opera avoit eu en 1714. où il fut donné pour la
premiere fois , fembloit répondre de celui de ta
reprife ; l'attente du Public n'a pas
pée ; les applaudiffemens qu'on a donnez à la p
miere repréfentation de la repriſe continuent.
Tout le monde convient qu'il n'a jamais été fibien
reprefenté. La De Antier n'y fait point regretter
la De Journet, & la Dle Pelliffier égale
au moins la De Heufé, qui avoit joué le rôle
d'Eucharis. Le fieur Chaffé s'eft fait applaudir.
par la maniere dont il a chanté & joué la Scene
d'Adrafte. Le fieur Tribou joue le rôle de Telemad'une
maniere à fe concilier tous les ſuffrages
dont il eft en poffeffion depuis quelques années.
que
Gij Le
80 MERCURE DE FRANCE
Le Ballet eft des plus brillants , & les Des Fres
voft , Camargo Salé n'y laiffent rien à défirer.
Nous avons crû que le Public verroit avec plaiſir
un Extrait de cette Tragedie.
PROLOGUE .
Le Théatre reprefente un lieu que les Arts
viennent de construire & d'orner, par ordre de
Minerve , à l'honneur du Roy qui vient de donner
la paix à l'Europe . On y voit des Trophées .
Minerve & Apollon paroiffent au fond. Minerve
eft fuivie des Vertus des Arts , & Apol
lon eft accompagné des Mufes .
Rien n'eft plus heureux pour un deffein de Prologue,
que de fervir d'Epoque à un grand évenement.
Perfonne n'ignore que la celebre journée
de Denain fut décifive pour la paix , & changea
la face de l'Europe entiere. C'est dans cette vûë
que
Minerve dit :
Que j'aime à porter mes regards
Sur cet amas pompeux d'armes & d'étendards !
D'un Roy que je cheris,tout m'annonce la gloire;
Vous , Apollon ; vous , Filles de mémoire,
Préparez vos chants & vos jeux :
Pour rendre les Mortels heureux
La Paix du haut des Cieux vole après la victoire.
Apollon répond à Minerve , que c'eſt à elle à
ordonner les Jeux, puifqu'il s'agit de celebrer un
Héros qui calme la Terre. Minerve invite Apollon
& les Mufes à chanter les bienfaits d'un Roy
qui en donnant la Paix au monde , les met en liberté
de former des Concerts que le bruit des
Armes
AVRIL. 1730. 781
Armes ne puiffe troubler. Apollon lui fait entendre
qu'il a befoin de l'Amour pour fes tragiques
Jeux ; mais qu'il craint que fa prefence ne bleffe
fes yeux. Minerve lui répond , qu'en faveur de
la Paix , elle confent que l'Amour foit de la fête.
On appelle l'Amour , il defcend des Cieux & té
moigne d'abord fa furprife par ce Vers :
Quoy! Minerve en ce lieu m'appelle !
Minerve lui répond :
Ne prétends pas regner fur elle :
L'Amour lui dit :
C'est
pour fuivre mes loix
que tous les cours
font faits ,
Tout cede à mon pouvoir fuprême ,
Vous feule échappez à des traits
Qui font trembler Jupiter même.
Minerve tire une nouvelle gloire de cette petite
Vanité de l'Amour. Voicy fa réponſe :
Quand je te voi vainqueur du Souverain des
Dieux ,
La gloire de mon nom vole au plus haut des
Cieux :
Que devant toi Jupiter tremble ,
C'eft un nouvel éclat pour moi.
Tu triomphes de lui ; je triomphe de toi ,
N'est- ce pas triompher de tous les Dieux enfemble
Gij L'Amour
82 MERCURE DE FRANCE
L'Amour ne veut pas pouffer la rancune plus
loin , & finit cette petite altercation par ces deux
Vers :
Il eft temps d'embellir
ces lieux ;
La Paix doit réunir les Mortels & les Dieux.
Après la Fête , Minerve annonce la Tragédie
qu'elle fouhaite voir , par ces quatre Vers adref→
fez à Apollon & aux Muſes.
Rappellez Telemaque à la clarté du jour
Au ravage des ans , dérobez fa memoire
Mais ne le livrez à l'Amour ,
Que pour faire éclater fa gloire.
ACTE I.
>
Le Théatre représente l'Ile d'Ogygie. On y
voit des Palais renversez par des inondations ;
un côté du Temple de Neptune que les flots
ont respecté.
Eucharis ouvre la Scene par un court Monologue
qui fait allufion aux ravages que Neptune
irrité, exerce fur l'Ile d'Ogygie. Cleone, fa Confidente
, vient lui demander d'où peuvent naître
fes nouvelles plaintes ; Eucharis lui découvre fa
foibleffe pour un Inconnu qui a fait naufrage
après elle fur ces funeftes bords ; voici comment
elle fait cette expofition.
Tu fus témoin du trouble de mes fens ,
Quand ce jeune Etranger , par la fureur des vents,
Fit naufrage fur cette Rive ;
Ses yeux étoient fermez à la clarté du jour ;
Déja fon ame fugitive ,
Etoit
AVRIL. 1730. 783
Etoit prête à defcendre au tenebreux féjour ;
Cleone , quel objet ! que j'en fus attendrie !
Envain à mon fecours j'appellai ma fierté ;
Je ne pus lui rendre la vie ,
Qu'aux dépens de ma liberté.
Cet amour d'Eucharis pour un Inconnu , donne
lieu à Cleone de lui repréſenter qu'elle doit fe
fouvenir qu'elle eft du Sang des Rols ; elle l'invite à
laiffer toujours ignorer qu'elleeft fille d'Idomenée,
d'autant plus queNeptune eft ennemi de ce malheureux
Roi de Crete , & qu'elle feroit perdue fi l'ont
venoit à fçavoir qu'elle eft d'un Sang odieux à ce
Dieu terrible, dont on cherche à appaifer le courroux
; elle voit paroître Calypfo , & prie fa Princeffe
de cacher toujours fon veritable nom d'An
tiope , fous le nom emprunté d'Eucharis.
Calypfo fort toute éperdue du Temple de Nepune
; elle dit à Eucharis que rien ne peut calmer
ce Dieu vengeur ; qu'il vient de lui faire entendre
fon crime, qui eft d'avoir laiffé partir Uliffe, dont
il lui avoit demandé le fang ; elle ajoûte que ce
Dieu cruel perfifte à lui demander fa Victime ,
quoiqu'elle ne foit plus en fon pouvoir ; elle apprend
à Eucharis que ce qui l'avoit encore plus
portée à defobéir à Neptune, & à renvoyer Uliffe
à Itaque , c'eft qu'elle commençoit à fentir une
pitié trop tendre pour ce Heros , quoique les Enfers
lui euffent prédit qu'elle feroit très -malheu
reufe , fi jamais elle livroit fon coeur à l'Amour.
Eucharis lui fait efperer qu'après avoir détourné
les préfages des Enfers , elle pourra parvenir
appailer les Dieux , ce qui oblige Calypſo à lui
découvrir fes nouvelles frayeurs par ces Vers :
Un fonge... ah ! je fremis quand je me le rappelle
Giiij Je
784 MERCURE DE FRANCE
Je l'ai vu ce Heros que Neptune pourfuit ,
Je l'ai vu fur ces bords: une troupe cruelle
L'alloit précipiter dans l'éternelle nuit :
Il n'étoit plus armé d'une auſtere ſageffe ;
L'Amour qui voloit fur fes pas
De la plus brillante jeuneffe ,
Sembloit lui prêter les
appas.
Far un charme inconnu contrainte à le deffendre,
J'ai détourné le fer
vengeur ;
Helas ! pour prix d'un foin fi tendre ,
Le cruel m'a percé le coeur.
Adrafte vient faire une defcription des ravages
qui défolent l'Empire de Calypfo ; il s'en plaint
d'autant plus , qu'ils different fon Hymen avec
elle , arrêté par Athlas , pere de cette Reine . Ca→
Jypfo l'oblige à la quitter pour confulter les Enfers
fur les moyens qu'elle pourra prendre pour
fatisfaire Neptune. Quelques Critiques feveres ont
trouvé qu'une Fête magique ne devoit pas être
dans un premier Acte , fondez fur la feule raiſon
qu'il n'y en a point de pareille dans aucun premier
Acte d'Opera ; mais les Partiſans de cette
Tragedie ont répondu , que le deffaut d'exemples
n'eft pas une regle exclufive , à quoi ils ont ajoûté
que cette Fête eft plutôt une confultation d'Oracles,
qu'une Magie ordinaire ; en effet Calypfo le
fait entendre par ces deux Vers.
Mais comment de Neptune appaiſer la colere ?
L'Enfer peut me le reveler.
Le Muficien eft parfaitement bien entré dans
l'efprit du Poëte , par la maniere dont il a traité
cette
AVRIL. 1730. 785
cette Fête ; elle eft plus vive que terrible , & la
joye barbare des Démons y eft parfaitement cafacterifée.
Voici le réfultat de la Fête .
Calypfo aux Démons .
Neptune fur ces bords demande un facrifice
Je ne puis l'appaiſer à moins du ſang d'Uliffe ;
Ce fang n'eſt plus en mon pouvoir.
Choeur.
Dreffe l'Autel , fais ton devoir ;
Tu ne peux balancer ſans crime.
Calypfo.
Où dois-je chercher la Victime
Choeur.
Neptune y va pourvoir.
Calypfo fe détermine à executer ce que les Eas
fers confultez lui preſcrivent , & finit ce premier
Acte par ces deux Vers :-
La plus aveugle obéiffance ,
Eft la plus agréable aux Dieux .
Le Théatre reprefente au deuxième Acte le Tem
ple de Neptune. On y voit un Autel dreffé .
Telemaque fait entendre à Idas , fon Confident,
que les dangers continuels où fon pere eft exposé
par le courroux de Neptune , lui font une loi indifpenfable
de venir au moins joindre fes voeux
au pompeux facrifice qu'on va celebrer
sher ce terrible Dieu des flots. Idas lui reproche
Gy fon
pour cal786
MERCURE DE FRANCE
fon amour pour Eucharis , malgré le choix que
Minerve , fa Protectrice , a fait d'Antíope pour
être un jour fon Epoufe. Télemaque ne peut
vaincre fa foibleffe , il fait connoître à Idas qu'Eu--
charis ne répond pas à fon amour.
Eucharis vient féliciter Télemaque de l'heu
reux fuccès qu'on efpere du facrifice qu'on va
offrir à Neptune , après lequel il pourra partir de
ce fatal Rivage , au lieu que l'efclavage où Calypfo
la réduit ne peut finir que par la mort. Telemaque
lui promet de rompre fes fers par le fecours des
Sujets de fon pere , dont les Vaiffeaux difperfez
viendront le joindre ; il lui apprend qu'il eft fils.
d'Uliffe , à ce nom d'Uliffe Eucharis frémit ;
Télemaque lui demande le fujet de fa frayeur ;.
Eucharis le lui explique par ces Vers :
Neptune en courroux ,
Veut que le fang d'Uliffe aujourd'hui fe répande ;
Ah ! c'eft le vôtre qu'il demande ;
Et ce barbare Autel n'eft dreffé que pour vous.
Cette Scene a paru très-intereffante , quoique
la Parodic ait voulu faire entendre que Telemaque
fe livroit fans raifon à une mort qui peut-être
ne fauveroit pas fon pere ; ceux qui fçavent
que l'amour filial fait le caractère dominant
de Telemaque , n'ont eu garde de le blâmer
de ce dévouement volontaire , en faveur duquel
Neptune calme fa colere , comme on le verra
dans l'Acte fuivant ; Eucharis voyant approcher
Calypfo avec les Miniftres de Neptune , preffe
plus que jamais Telemaque de fe retirer ; elle fe
flatte de l'y réfoudre par l'aveu de fon amour
pour lui , Telemaque ne la fuit que pour empêcher
qu'elle ne fe livre à fon defefpoir, & revient
Pour être facrifié à Neptune , il déclare a Calypfo
qu'il
AVRIL . 1730. 787
qu'il eft fils d'Uliffe . Cette Reine attentive à exami
ñer fes traits , reconnoît en lui cet Uliffe rajeuni
qu'elle a vû en fonge; elle s'attendrit par degrez &
Parrache enfin de l'Autel, malgré les menaces des
Prêtres de Neptune & les remontrances d'Adrafte..
Au troifiéme Acte le Théatre reprefente un
Defert, Adrafte irrité de l'Amour de Calypfo pour
Telemaque , exprime fon defeſpoir . Il demande à
Arcas ,fon Confident , s'il a tout préparé pour
fa vengeance ; Arcas lui répond que fes amis s'affemblent
& viendront bien- tôt le joindre; il tâche
pourtan: de le détourner d'un projet, où vrai-femblablement
il doit périr , attendu le violent amour
que la Reine à pris pour Telemaque ; Adrafte lut
que le Peuple & les Dieux font pour lui. dit
Adrafte reproche à Calypfo le nouvel outrage
qu'elle vient de faire à Neptune ; Calypfo lui rẻ-
pond que fa fureur a fait place à fa pitié , &
qu'elle a fait ce qu'elle a dû ; Adrafte lui dic , en
parlant de Telemaque :
Non , la feule pitié ,
N'a pas pour lui démandé grace.
Ce dernier reproche irrite Calypfo ; la Scène
devient très-vive de part & d'autre„& finit par
ce Duo.
Enfemble.
Le dépit , la haîné & la rage ,
Vengerons ce mortel outrage ;
Tremblez , & c .
Adrafte. Calypfo.
Ensemble.
Tremblez pour lui ; tremblez pour vous..
Tremblez ; redoutez mon courroux.-
G. vj Eu88
MERCURE DE FRANCE
Eucharis vient annoncer à Calypfo , que la fou
miffion de Telemaque a défarmé la colere de Nep .
& que les Miniftres de ce Dieu irrité vien →
nent de l'annoncer au Peuple ; Calypſo ſe défiant
toûjours de Neptune , s'explique ainfi :
tune ,
Je vois trop ce qu'il médite ,
1
Lorfqu'il nous rend le repos ;
Et le trouble qui m'agite ,
Le venge mieux que fes flots.
Dans cette Scene , Calipfo fait connoître for
amour à Eucharis , qui lui rappelle les malheurs
dont les Enfers l'ont menacée, fi jamais elle vient
à aimer ; elle la preffe de combattre fon amour
Calypfo lui répond :
Tout l'Enfer m'obeït , je regne dans les Airs ,
Je fais gronder la Foudre & briller les Eclairs ;
Le jour quand il me plaît fe change en nuit obfcure
;
Le Ciel même eft foumis à mon pouvoir vain◄
queur ;
Mon Art donne des loix à toute la Nature ;
Mais l'Amour en donne à mon coeur.
Telemaque , mandé par Calypfo, vient , elle lui ✨
témoigne la joye qu'elle a de voir fes jours deformais
en fureté ; Telemaque lui fait connoître que
le calme qui regne fur ces Bords ne regne pas
dans fon coeur. Calypfo attribuant cette inquietude
à un defir fecret qu'il a de revoir Itaque , ordonne
aux Démons d'embellir ces lieux , les Démons
obéiffent , & font une Fête pour amolir
le coeur de ce jeune Heros ; après la Fête qu'on
1
་
AVRIL. 1730. 789
د
a trouvée trés-brillante , Calypfo demande à Te
lemaque fi un féjour fi charmant ne fera pas ca
pable de l'arrêter ; Telemaque lui répond d'une
maniere qui lui fait prendre le change , voici les
Vers qui produifent cet équivoque ; il faut fuppofer
Eucharis prefente.
Telemaque.
Mes yeux font enchantez; je ne m'en deffends pas
Mais pour bien gouter tant d'appas ,
Mon coeur n'eft pas affez tranquille.
Calypfo.
Vous n'êtes pas tranquille en ce charmant
féjour !
A ce trouble fecret , je reconnois l'Amour.
Telemaque à part.
Vous auriez pénétré ... Dieux ! que lui vais -je
apprendre ?
Calypfo.
On penetre aifément les fecrets d'un coeur tendre.
Telemaque .
Le deſtin de mes feux eft en votre pouvoir.
Calypso.
Au Temple de l'Amour , hâtez-vous de vous
rendre ,
Prince , ce jour vous fera voir ,
Qu'au plus parfait bonheur votre coeur doit
prétendre ,
Eucharis
790 MERCURE DE FRANCE
"
Eucharis aura foin de vous le faire entendre.
Telemaque à part.
Dieux , ne trompez pas mon eſpoir.
Au quatriéme Acte où on voit le Temple de
P'Amour, Eucharis chargée par Calypfo de parler
à Telemaque de l'amour que cette Reine a pour lui
exprime fa fituation par ce Monologue.
Lieux facrez , où l'Amour reçoit für fes Autels ,-
L'hommage de tous les Mortels ,
Voyez mon trifte fort ; je perds tout ce que
: j'aime ,
Et je viens à l'Amour immoler l'Amour même
, & c.
Elle fe détermine à cacher fa naiffance à Telemaque
, pour le mieux difpofer en faveur d'une
grande Reine. Elle finit fon Monologue par cesdeux
Vers :
Il vient. Pour lui fauver le jour ,
Immolons à la fois ma gloire & mon amour.
La Scene fuivante , qui eft entre Telemaque &
Eucharis, a paru très intereffante; Eucharis voyant.
approcher Calypfo , prie Telemaque de feindre au
moins ; ce Prince vertueux & digne de la protection
de Minerve, lui répond ,
Quoi ! d'un détour fi bas vous me croyez capable
!
Elle a fauvé mes jours , je ferois trop 'coupable
Fuyons-la , je ne puis la tromper ni l'aimer.
La
AVRIL. 1730 . 791
La troifiéme Scene n'a pas fait moins de plai-
-fir que les deux précedentes ; Calypfo furprife de
la fuite de Telemaque, commence à le foupçonner
d'ingratitude ; Eucharis a beau lui dire que ce-
- Prince ne fçauroit jamais oublier,fans ingratitude,
qu'elle lui a ſauvé la vie , elle lui répond :
Il peut avoir pour moi de la reconnoiffance ,
Et n'en être pas moins ingrat.
- Elle fe rappelle que Telemaque lui a paru amou
reux , d'ou elle conclut qu'elle a donc une Rivale;
Voici comment elle s'exprime ::
Ah ! fi jamais l'Amour jaloux ,
De mon coeur malheureux s'empare ,
Qu'il tremble , au feul bruit de mes coups ,
Je remplirai d'effroi l'Averne & le Tenare ;
L'Amour eft plus cruel que l'Enfer en courroux,
Quand on l'ofe forcer à devenir barbare.
La cruelle incertitude où fe trouve Calypfo , lat
porte à confulter l'Amour fur le fort qu'elle doit
attendre , ce qui produit une . Fête très - galante ,
nous en fupprimons le détail , pour ne point
quitter le fil de Faction. La Grande- Prêtreffe de
Amour prononce cet Oracle à Calypfo :
Minerve a difpofé du fort de Telemaque ;
Antiope avec lui doit regner fur Itaque.
Cet Oracle defefperant pour Calypfo , eft ſuivi
d'un coup encore plus terrible ; Adrafte mortellement
bleffé par Telemaque , vient lui annoncer
que ce Prince aime Eucharis , & finit par ces Vers :
Mon
192 MERCURE DE FRANCE
Mon tourment finit & le vôtre commence :
Du coup qui m'a frappé , je fens moins la rigueurs
J'avois perdu l'espoir de ma vengeance ,
Je la laiffe en mourant au fond de votre coeur."
On voit à la Décoration du cinquiéme Acte le
Port d'Ogygie ; Calypfo en fureur le détermine à
perdre fa Rivale. Elle dit à Telemaque qu'il pèut
partir & qu'elle eft inftruite des deffeins queMinerve
a formez fur lui ; Telemaque foupire de doufeur
, Calypfo lui reproche fon indigne amour
pour une vile Eſclave,& fon ingratitude pour une
Reineimmortelle , par ces Vers , qui rappellent co
qui s'eft paffé dans les premiers Actes :
Ton coeur gémit ! quel indigne langage !
Dans les fers d'une Efclave un tendre amour t’en→
gage !
Du moins fi cet amour ... Dieux ! quel eft mox
malheur !
Dieu des flots, noirs Enfers , fonge rempli d'hor
reur
Votre menace eft accomplie ; -
Je t'aime , tu me hais : je t'ai fauvé la vie ;
Cruel , tu me perces le coeur.
Telemaque mortellement frappé des menaces de
Calypfo , preffe Eucharis de fe fauver , s'il eſt
poffible. Cette Scene a été trouvée la plus intereflante
de la Piece , & a fait verfer des larmes
en voici la fin.
Eucharis.
Par ces triftes adieux, c'eft trop nous attendrir.
partez
AVRIL 793 1730.
Partez ; au nom d'Uliffe , au nom de Penelope ;
Au nom de vos heureux Sujets ,
Parmi de fi tendres objets
Je n'ofe nommer Antiope.
Telemaque.
Demeurez, Eucharis ; quel nom prononcez-vous ?
Antiope ! non , non ; une auguſte Immortelle
Veut en vain m'unir avec elle ;
Je ne puis être fon Epoux.
Eucharis.
Dieux , la réſerviez- vous à ce bonheur extréme
Telemaqué.
Non ; faut-il qu'un ferment raffure vos eſprits
Dieux , armez contre moi votre pouvoir fupréme
Si jamais ...
Eucharis.
Arrêtez ; c'eft Antiope même ,
Que vous aimez dans Eucharis
Les Vaiffeaux de Telemaque viennent à ſon ſe→
cours ; Minerve combat pour eux ; leur victoire
donne lieu à une Fête marine. Minerve apprend à
Calypfo qu'Eucharis eft Antiope. Elle ordonne
aux Zephirs de tranfporter ces deux Amans à
Itaque. Calypfo au defefpoir , biafphême contre
les Dieux qui foudroyent & engloutiffent ſon Iſle
La Piece finit par ce Vers de Calypfo :
Dieux , en me puniffant vous ſervez ma fureur.
remit au Théatre la Tragedie de Telemaque ,
dont M. le Chevalier Pellegrin a compofé le
Poëme ; & M. Deftouches , Directeur, de cette.
Académie , a fait la Mufique. Le fuccès que cet
Opera avoit eu en 1714. où il fut donné pour la
premiere fois , fembloit répondre de celui de ta
reprife ; l'attente du Public n'a pas
pée ; les applaudiffemens qu'on a donnez à la p
miere repréfentation de la repriſe continuent.
Tout le monde convient qu'il n'a jamais été fibien
reprefenté. La De Antier n'y fait point regretter
la De Journet, & la Dle Pelliffier égale
au moins la De Heufé, qui avoit joué le rôle
d'Eucharis. Le fieur Chaffé s'eft fait applaudir.
par la maniere dont il a chanté & joué la Scene
d'Adrafte. Le fieur Tribou joue le rôle de Telemad'une
maniere à fe concilier tous les ſuffrages
dont il eft en poffeffion depuis quelques années.
que
Gij Le
80 MERCURE DE FRANCE
Le Ballet eft des plus brillants , & les Des Fres
voft , Camargo Salé n'y laiffent rien à défirer.
Nous avons crû que le Public verroit avec plaiſir
un Extrait de cette Tragedie.
PROLOGUE .
Le Théatre reprefente un lieu que les Arts
viennent de construire & d'orner, par ordre de
Minerve , à l'honneur du Roy qui vient de donner
la paix à l'Europe . On y voit des Trophées .
Minerve & Apollon paroiffent au fond. Minerve
eft fuivie des Vertus des Arts , & Apol
lon eft accompagné des Mufes .
Rien n'eft plus heureux pour un deffein de Prologue,
que de fervir d'Epoque à un grand évenement.
Perfonne n'ignore que la celebre journée
de Denain fut décifive pour la paix , & changea
la face de l'Europe entiere. C'est dans cette vûë
que
Minerve dit :
Que j'aime à porter mes regards
Sur cet amas pompeux d'armes & d'étendards !
D'un Roy que je cheris,tout m'annonce la gloire;
Vous , Apollon ; vous , Filles de mémoire,
Préparez vos chants & vos jeux :
Pour rendre les Mortels heureux
La Paix du haut des Cieux vole après la victoire.
Apollon répond à Minerve , que c'eſt à elle à
ordonner les Jeux, puifqu'il s'agit de celebrer un
Héros qui calme la Terre. Minerve invite Apollon
& les Mufes à chanter les bienfaits d'un Roy
qui en donnant la Paix au monde , les met en liberté
de former des Concerts que le bruit des
Armes
AVRIL. 1730. 781
Armes ne puiffe troubler. Apollon lui fait entendre
qu'il a befoin de l'Amour pour fes tragiques
Jeux ; mais qu'il craint que fa prefence ne bleffe
fes yeux. Minerve lui répond , qu'en faveur de
la Paix , elle confent que l'Amour foit de la fête.
On appelle l'Amour , il defcend des Cieux & té
moigne d'abord fa furprife par ce Vers :
Quoy! Minerve en ce lieu m'appelle !
Minerve lui répond :
Ne prétends pas regner fur elle :
L'Amour lui dit :
C'est
pour fuivre mes loix
que tous les cours
font faits ,
Tout cede à mon pouvoir fuprême ,
Vous feule échappez à des traits
Qui font trembler Jupiter même.
Minerve tire une nouvelle gloire de cette petite
Vanité de l'Amour. Voicy fa réponſe :
Quand je te voi vainqueur du Souverain des
Dieux ,
La gloire de mon nom vole au plus haut des
Cieux :
Que devant toi Jupiter tremble ,
C'eft un nouvel éclat pour moi.
Tu triomphes de lui ; je triomphe de toi ,
N'est- ce pas triompher de tous les Dieux enfemble
Gij L'Amour
82 MERCURE DE FRANCE
L'Amour ne veut pas pouffer la rancune plus
loin , & finit cette petite altercation par ces deux
Vers :
Il eft temps d'embellir
ces lieux ;
La Paix doit réunir les Mortels & les Dieux.
Après la Fête , Minerve annonce la Tragédie
qu'elle fouhaite voir , par ces quatre Vers adref→
fez à Apollon & aux Muſes.
Rappellez Telemaque à la clarté du jour
Au ravage des ans , dérobez fa memoire
Mais ne le livrez à l'Amour ,
Que pour faire éclater fa gloire.
ACTE I.
>
Le Théatre représente l'Ile d'Ogygie. On y
voit des Palais renversez par des inondations ;
un côté du Temple de Neptune que les flots
ont respecté.
Eucharis ouvre la Scene par un court Monologue
qui fait allufion aux ravages que Neptune
irrité, exerce fur l'Ile d'Ogygie. Cleone, fa Confidente
, vient lui demander d'où peuvent naître
fes nouvelles plaintes ; Eucharis lui découvre fa
foibleffe pour un Inconnu qui a fait naufrage
après elle fur ces funeftes bords ; voici comment
elle fait cette expofition.
Tu fus témoin du trouble de mes fens ,
Quand ce jeune Etranger , par la fureur des vents,
Fit naufrage fur cette Rive ;
Ses yeux étoient fermez à la clarté du jour ;
Déja fon ame fugitive ,
Etoit
AVRIL. 1730. 783
Etoit prête à defcendre au tenebreux féjour ;
Cleone , quel objet ! que j'en fus attendrie !
Envain à mon fecours j'appellai ma fierté ;
Je ne pus lui rendre la vie ,
Qu'aux dépens de ma liberté.
Cet amour d'Eucharis pour un Inconnu , donne
lieu à Cleone de lui repréſenter qu'elle doit fe
fouvenir qu'elle eft du Sang des Rols ; elle l'invite à
laiffer toujours ignorer qu'elleeft fille d'Idomenée,
d'autant plus queNeptune eft ennemi de ce malheureux
Roi de Crete , & qu'elle feroit perdue fi l'ont
venoit à fçavoir qu'elle eft d'un Sang odieux à ce
Dieu terrible, dont on cherche à appaifer le courroux
; elle voit paroître Calypfo , & prie fa Princeffe
de cacher toujours fon veritable nom d'An
tiope , fous le nom emprunté d'Eucharis.
Calypfo fort toute éperdue du Temple de Nepune
; elle dit à Eucharis que rien ne peut calmer
ce Dieu vengeur ; qu'il vient de lui faire entendre
fon crime, qui eft d'avoir laiffé partir Uliffe, dont
il lui avoit demandé le fang ; elle ajoûte que ce
Dieu cruel perfifte à lui demander fa Victime ,
quoiqu'elle ne foit plus en fon pouvoir ; elle apprend
à Eucharis que ce qui l'avoit encore plus
portée à defobéir à Neptune, & à renvoyer Uliffe
à Itaque , c'eft qu'elle commençoit à fentir une
pitié trop tendre pour ce Heros , quoique les Enfers
lui euffent prédit qu'elle feroit très -malheu
reufe , fi jamais elle livroit fon coeur à l'Amour.
Eucharis lui fait efperer qu'après avoir détourné
les préfages des Enfers , elle pourra parvenir
appailer les Dieux , ce qui oblige Calypſo à lui
découvrir fes nouvelles frayeurs par ces Vers :
Un fonge... ah ! je fremis quand je me le rappelle
Giiij Je
784 MERCURE DE FRANCE
Je l'ai vu ce Heros que Neptune pourfuit ,
Je l'ai vu fur ces bords: une troupe cruelle
L'alloit précipiter dans l'éternelle nuit :
Il n'étoit plus armé d'une auſtere ſageffe ;
L'Amour qui voloit fur fes pas
De la plus brillante jeuneffe ,
Sembloit lui prêter les
appas.
Far un charme inconnu contrainte à le deffendre,
J'ai détourné le fer
vengeur ;
Helas ! pour prix d'un foin fi tendre ,
Le cruel m'a percé le coeur.
Adrafte vient faire une defcription des ravages
qui défolent l'Empire de Calypfo ; il s'en plaint
d'autant plus , qu'ils different fon Hymen avec
elle , arrêté par Athlas , pere de cette Reine . Ca→
Jypfo l'oblige à la quitter pour confulter les Enfers
fur les moyens qu'elle pourra prendre pour
fatisfaire Neptune. Quelques Critiques feveres ont
trouvé qu'une Fête magique ne devoit pas être
dans un premier Acte , fondez fur la feule raiſon
qu'il n'y en a point de pareille dans aucun premier
Acte d'Opera ; mais les Partiſans de cette
Tragedie ont répondu , que le deffaut d'exemples
n'eft pas une regle exclufive , à quoi ils ont ajoûté
que cette Fête eft plutôt une confultation d'Oracles,
qu'une Magie ordinaire ; en effet Calypfo le
fait entendre par ces deux Vers.
Mais comment de Neptune appaiſer la colere ?
L'Enfer peut me le reveler.
Le Muficien eft parfaitement bien entré dans
l'efprit du Poëte , par la maniere dont il a traité
cette
AVRIL. 1730. 785
cette Fête ; elle eft plus vive que terrible , & la
joye barbare des Démons y eft parfaitement cafacterifée.
Voici le réfultat de la Fête .
Calypfo aux Démons .
Neptune fur ces bords demande un facrifice
Je ne puis l'appaiſer à moins du ſang d'Uliffe ;
Ce fang n'eſt plus en mon pouvoir.
Choeur.
Dreffe l'Autel , fais ton devoir ;
Tu ne peux balancer ſans crime.
Calypfo.
Où dois-je chercher la Victime
Choeur.
Neptune y va pourvoir.
Calypfo fe détermine à executer ce que les Eas
fers confultez lui preſcrivent , & finit ce premier
Acte par ces deux Vers :-
La plus aveugle obéiffance ,
Eft la plus agréable aux Dieux .
Le Théatre reprefente au deuxième Acte le Tem
ple de Neptune. On y voit un Autel dreffé .
Telemaque fait entendre à Idas , fon Confident,
que les dangers continuels où fon pere eft exposé
par le courroux de Neptune , lui font une loi indifpenfable
de venir au moins joindre fes voeux
au pompeux facrifice qu'on va celebrer
sher ce terrible Dieu des flots. Idas lui reproche
Gy fon
pour cal786
MERCURE DE FRANCE
fon amour pour Eucharis , malgré le choix que
Minerve , fa Protectrice , a fait d'Antíope pour
être un jour fon Epoufe. Télemaque ne peut
vaincre fa foibleffe , il fait connoître à Idas qu'Eu--
charis ne répond pas à fon amour.
Eucharis vient féliciter Télemaque de l'heu
reux fuccès qu'on efpere du facrifice qu'on va
offrir à Neptune , après lequel il pourra partir de
ce fatal Rivage , au lieu que l'efclavage où Calypfo
la réduit ne peut finir que par la mort. Telemaque
lui promet de rompre fes fers par le fecours des
Sujets de fon pere , dont les Vaiffeaux difperfez
viendront le joindre ; il lui apprend qu'il eft fils.
d'Uliffe , à ce nom d'Uliffe Eucharis frémit ;
Télemaque lui demande le fujet de fa frayeur ;.
Eucharis le lui explique par ces Vers :
Neptune en courroux ,
Veut que le fang d'Uliffe aujourd'hui fe répande ;
Ah ! c'eft le vôtre qu'il demande ;
Et ce barbare Autel n'eft dreffé que pour vous.
Cette Scene a paru très-intereffante , quoique
la Parodic ait voulu faire entendre que Telemaque
fe livroit fans raifon à une mort qui peut-être
ne fauveroit pas fon pere ; ceux qui fçavent
que l'amour filial fait le caractère dominant
de Telemaque , n'ont eu garde de le blâmer
de ce dévouement volontaire , en faveur duquel
Neptune calme fa colere , comme on le verra
dans l'Acte fuivant ; Eucharis voyant approcher
Calypfo avec les Miniftres de Neptune , preffe
plus que jamais Telemaque de fe retirer ; elle fe
flatte de l'y réfoudre par l'aveu de fon amour
pour lui , Telemaque ne la fuit que pour empêcher
qu'elle ne fe livre à fon defefpoir, & revient
Pour être facrifié à Neptune , il déclare a Calypfo
qu'il
AVRIL . 1730. 787
qu'il eft fils d'Uliffe . Cette Reine attentive à exami
ñer fes traits , reconnoît en lui cet Uliffe rajeuni
qu'elle a vû en fonge; elle s'attendrit par degrez &
Parrache enfin de l'Autel, malgré les menaces des
Prêtres de Neptune & les remontrances d'Adrafte..
Au troifiéme Acte le Théatre reprefente un
Defert, Adrafte irrité de l'Amour de Calypfo pour
Telemaque , exprime fon defeſpoir . Il demande à
Arcas ,fon Confident , s'il a tout préparé pour
fa vengeance ; Arcas lui répond que fes amis s'affemblent
& viendront bien- tôt le joindre; il tâche
pourtan: de le détourner d'un projet, où vrai-femblablement
il doit périr , attendu le violent amour
que la Reine à pris pour Telemaque ; Adrafte lut
que le Peuple & les Dieux font pour lui. dit
Adrafte reproche à Calypfo le nouvel outrage
qu'elle vient de faire à Neptune ; Calypfo lui rẻ-
pond que fa fureur a fait place à fa pitié , &
qu'elle a fait ce qu'elle a dû ; Adrafte lui dic , en
parlant de Telemaque :
Non , la feule pitié ,
N'a pas pour lui démandé grace.
Ce dernier reproche irrite Calypfo ; la Scène
devient très-vive de part & d'autre„& finit par
ce Duo.
Enfemble.
Le dépit , la haîné & la rage ,
Vengerons ce mortel outrage ;
Tremblez , & c .
Adrafte. Calypfo.
Ensemble.
Tremblez pour lui ; tremblez pour vous..
Tremblez ; redoutez mon courroux.-
G. vj Eu88
MERCURE DE FRANCE
Eucharis vient annoncer à Calypfo , que la fou
miffion de Telemaque a défarmé la colere de Nep .
& que les Miniftres de ce Dieu irrité vien →
nent de l'annoncer au Peuple ; Calypſo ſe défiant
toûjours de Neptune , s'explique ainfi :
tune ,
Je vois trop ce qu'il médite ,
1
Lorfqu'il nous rend le repos ;
Et le trouble qui m'agite ,
Le venge mieux que fes flots.
Dans cette Scene , Calipfo fait connoître for
amour à Eucharis , qui lui rappelle les malheurs
dont les Enfers l'ont menacée, fi jamais elle vient
à aimer ; elle la preffe de combattre fon amour
Calypfo lui répond :
Tout l'Enfer m'obeït , je regne dans les Airs ,
Je fais gronder la Foudre & briller les Eclairs ;
Le jour quand il me plaît fe change en nuit obfcure
;
Le Ciel même eft foumis à mon pouvoir vain◄
queur ;
Mon Art donne des loix à toute la Nature ;
Mais l'Amour en donne à mon coeur.
Telemaque , mandé par Calypfo, vient , elle lui ✨
témoigne la joye qu'elle a de voir fes jours deformais
en fureté ; Telemaque lui fait connoître que
le calme qui regne fur ces Bords ne regne pas
dans fon coeur. Calypfo attribuant cette inquietude
à un defir fecret qu'il a de revoir Itaque , ordonne
aux Démons d'embellir ces lieux , les Démons
obéiffent , & font une Fête pour amolir
le coeur de ce jeune Heros ; après la Fête qu'on
1
་
AVRIL. 1730. 789
د
a trouvée trés-brillante , Calypfo demande à Te
lemaque fi un féjour fi charmant ne fera pas ca
pable de l'arrêter ; Telemaque lui répond d'une
maniere qui lui fait prendre le change , voici les
Vers qui produifent cet équivoque ; il faut fuppofer
Eucharis prefente.
Telemaque.
Mes yeux font enchantez; je ne m'en deffends pas
Mais pour bien gouter tant d'appas ,
Mon coeur n'eft pas affez tranquille.
Calypfo.
Vous n'êtes pas tranquille en ce charmant
féjour !
A ce trouble fecret , je reconnois l'Amour.
Telemaque à part.
Vous auriez pénétré ... Dieux ! que lui vais -je
apprendre ?
Calypfo.
On penetre aifément les fecrets d'un coeur tendre.
Telemaque .
Le deſtin de mes feux eft en votre pouvoir.
Calypso.
Au Temple de l'Amour , hâtez-vous de vous
rendre ,
Prince , ce jour vous fera voir ,
Qu'au plus parfait bonheur votre coeur doit
prétendre ,
Eucharis
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"
Eucharis aura foin de vous le faire entendre.
Telemaque à part.
Dieux , ne trompez pas mon eſpoir.
Au quatriéme Acte où on voit le Temple de
P'Amour, Eucharis chargée par Calypfo de parler
à Telemaque de l'amour que cette Reine a pour lui
exprime fa fituation par ce Monologue.
Lieux facrez , où l'Amour reçoit für fes Autels ,-
L'hommage de tous les Mortels ,
Voyez mon trifte fort ; je perds tout ce que
: j'aime ,
Et je viens à l'Amour immoler l'Amour même
, & c.
Elle fe détermine à cacher fa naiffance à Telemaque
, pour le mieux difpofer en faveur d'une
grande Reine. Elle finit fon Monologue par cesdeux
Vers :
Il vient. Pour lui fauver le jour ,
Immolons à la fois ma gloire & mon amour.
La Scene fuivante , qui eft entre Telemaque &
Eucharis, a paru très intereffante; Eucharis voyant.
approcher Calypfo , prie Telemaque de feindre au
moins ; ce Prince vertueux & digne de la protection
de Minerve, lui répond ,
Quoi ! d'un détour fi bas vous me croyez capable
!
Elle a fauvé mes jours , je ferois trop 'coupable
Fuyons-la , je ne puis la tromper ni l'aimer.
La
AVRIL. 1730 . 791
La troifiéme Scene n'a pas fait moins de plai-
-fir que les deux précedentes ; Calypfo furprife de
la fuite de Telemaque, commence à le foupçonner
d'ingratitude ; Eucharis a beau lui dire que ce-
- Prince ne fçauroit jamais oublier,fans ingratitude,
qu'elle lui a ſauvé la vie , elle lui répond :
Il peut avoir pour moi de la reconnoiffance ,
Et n'en être pas moins ingrat.
- Elle fe rappelle que Telemaque lui a paru amou
reux , d'ou elle conclut qu'elle a donc une Rivale;
Voici comment elle s'exprime ::
Ah ! fi jamais l'Amour jaloux ,
De mon coeur malheureux s'empare ,
Qu'il tremble , au feul bruit de mes coups ,
Je remplirai d'effroi l'Averne & le Tenare ;
L'Amour eft plus cruel que l'Enfer en courroux,
Quand on l'ofe forcer à devenir barbare.
La cruelle incertitude où fe trouve Calypfo , lat
porte à confulter l'Amour fur le fort qu'elle doit
attendre , ce qui produit une . Fête très - galante ,
nous en fupprimons le détail , pour ne point
quitter le fil de Faction. La Grande- Prêtreffe de
Amour prononce cet Oracle à Calypfo :
Minerve a difpofé du fort de Telemaque ;
Antiope avec lui doit regner fur Itaque.
Cet Oracle defefperant pour Calypfo , eft ſuivi
d'un coup encore plus terrible ; Adrafte mortellement
bleffé par Telemaque , vient lui annoncer
que ce Prince aime Eucharis , & finit par ces Vers :
Mon
192 MERCURE DE FRANCE
Mon tourment finit & le vôtre commence :
Du coup qui m'a frappé , je fens moins la rigueurs
J'avois perdu l'espoir de ma vengeance ,
Je la laiffe en mourant au fond de votre coeur."
On voit à la Décoration du cinquiéme Acte le
Port d'Ogygie ; Calypfo en fureur le détermine à
perdre fa Rivale. Elle dit à Telemaque qu'il pèut
partir & qu'elle eft inftruite des deffeins queMinerve
a formez fur lui ; Telemaque foupire de doufeur
, Calypfo lui reproche fon indigne amour
pour une vile Eſclave,& fon ingratitude pour une
Reineimmortelle , par ces Vers , qui rappellent co
qui s'eft paffé dans les premiers Actes :
Ton coeur gémit ! quel indigne langage !
Dans les fers d'une Efclave un tendre amour t’en→
gage !
Du moins fi cet amour ... Dieux ! quel eft mox
malheur !
Dieu des flots, noirs Enfers , fonge rempli d'hor
reur
Votre menace eft accomplie ; -
Je t'aime , tu me hais : je t'ai fauvé la vie ;
Cruel , tu me perces le coeur.
Telemaque mortellement frappé des menaces de
Calypfo , preffe Eucharis de fe fauver , s'il eſt
poffible. Cette Scene a été trouvée la plus intereflante
de la Piece , & a fait verfer des larmes
en voici la fin.
Eucharis.
Par ces triftes adieux, c'eft trop nous attendrir.
partez
AVRIL 793 1730.
Partez ; au nom d'Uliffe , au nom de Penelope ;
Au nom de vos heureux Sujets ,
Parmi de fi tendres objets
Je n'ofe nommer Antiope.
Telemaque.
Demeurez, Eucharis ; quel nom prononcez-vous ?
Antiope ! non , non ; une auguſte Immortelle
Veut en vain m'unir avec elle ;
Je ne puis être fon Epoux.
Eucharis.
Dieux , la réſerviez- vous à ce bonheur extréme
Telemaqué.
Non ; faut-il qu'un ferment raffure vos eſprits
Dieux , armez contre moi votre pouvoir fupréme
Si jamais ...
Eucharis.
Arrêtez ; c'eft Antiope même ,
Que vous aimez dans Eucharis
Les Vaiffeaux de Telemaque viennent à ſon ſe→
cours ; Minerve combat pour eux ; leur victoire
donne lieu à une Fête marine. Minerve apprend à
Calypfo qu'Eucharis eft Antiope. Elle ordonne
aux Zephirs de tranfporter ces deux Amans à
Itaque. Calypfo au defefpoir , biafphême contre
les Dieux qui foudroyent & engloutiffent ſon Iſle
La Piece finit par ce Vers de Calypfo :
Dieux , en me puniffant vous ſervez ma fureur.
Fermer
Résumé : Opera de Telemaque, Extrait, [titre d'après la table]
Le 24 mars, l'Académie Royale de Musique a présenté au Théâtre la tragédie 'Télémaque', composée par le Chevalier Pellegrin et mise en musique par Destouches, directeur de l'Académie. Cette œuvre, déjà acclamée en 1714, a été saluée par le public lors de sa reprise. Les interprètes, notamment la Demoiselle Antier et la Demoiselle Pellissier, ainsi que les danseurs Les Fres et Camargo, ont été particulièrement appréciés. Le prologue se déroule dans un lieu construit et orné par les Arts sous l'ordre de Minerve, en l'honneur du roi qui a apporté la paix en Europe. Minerve et Apollon apparaissent, accompagnés des Vertus, des Arts et des Muses. Minerve célèbre la paix après la victoire, et Apollon invite à célébrer les bienfaits du roi. L'Amour est appelé pour participer à la fête, et Minerve accepte sa présence en faveur de la paix. Le prologue se conclut par l'annonce de la tragédie de Télémaque. Dans l'acte I, sur l'île d'Ogygie ravagée par des inondations, Eucharis, amoureuse d'un inconnu naufragé, exprime son désespoir à sa confidente Cleone. Calypso révèle à Eucharis qu'elle a sauvé Ulysse malgré les ordres de Neptune. Adraste décrit les ravages sur l'île, et Calypso consulte les Enfers pour apaiser Neptune. La fête magique révèle que Neptune exige le sang d'Ulysse, mais celui-ci n'est plus en son pouvoir. Dans l'acte II, au temple de Neptune, Télémaque exprime son désir de sauver son père. Eucharis lui révèle que Neptune exige son sang. Télémaque se prépare à se sacrifier, mais Neptune calme sa colère. Calypso, émue, sauve Télémaque et reconnaît en lui Ulysse rajeuni. Dans l'acte III, Adraste, jaloux, prépare sa vengeance contre Télémaque. Calypso, malgré les menaces, sauve Télémaque et exprime son amour pour lui. La tragédie se conclut par une fête organisée par Calypso pour apaiser Télémaque. La pièce se poursuit avec Télémaque, enchanté par la beauté d'Eucharis, exprimant son trouble face à ses sentiments. Calypso, consciente de l'amour de Télémaque, lui demande de se rendre au Temple de l'Amour. Eucharis, chargée par Calypso de révéler les sentiments de la reine à Télémaque, hésite à lui avouer sa propre naissance pour mieux le disposer en faveur de Calypso. Télémaque, vertueux, refuse de tromper Calypso et fuit lorsqu'il la voit approcher. Calypso, surprise par la fuite de Télémaque, le soupçonne d'ingratitude et d'amour pour une rivale. Un oracle révèle que Minerve a décidé que Télémaque doit régner avec Antiope sur Ithaque. Adraste, blessé par Télémaque, révèle que ce dernier aime Eucharis. Calypso, en fureur, menace Télémaque et lui ordonne de partir. Télémaque, désespéré, presse Eucharis de se sauver. Eucharis révèle alors qu'elle est Antiope. Minerve intervient, ordonne aux Zephirs de transporter les amants à Ithaque et punit Calypso. La pièce se termine par la défaite et la malédiction de Calypso.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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55
p. 794-806
EXTRAIT du nouveau Samson, annoncé dans le dernier Mercure.
Début :
L'Auteur est très-modeste, quand il ne donne cette Tragi-Comédie, que comme une simple [...]
Mots clefs :
Samson, Théâtre, Tragicomédie, Amour, Secret, Force, Mort, Dieu, Coeur, Caractère
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT du nouveau Samson, annoncé dans le dernier Mercure.
EXTRAIT du nouveau Samfon
annoncé dans le dernier Mercure .
'Auteur eft très-modefte , quand il ne donne
cette Tragi- Comédie , que comme une fimple
Traduction ; la nouvelle forme fous laquelle il l'a
fait reparoître , mérite bien qu'il s'en dife l'Auteur
; le fieur Riccoboni , qui la mit au Théatre
én 1717. en avoue les deffauts dans fon Avis aux
Lecteurs : voici les termes dont il fe fert. La compofition
Théatrale que je vous prefente aujourd'hui
eft un de ces Monftres dont le Théatrefut
f prodigue en Italie pendant le dernier fiecle.
Cette Piece , telle qu'elle étoit alors , ne laiffa pas
d'avoir un grand fuccès. Le fieur Romagneſi en
a retranché ce qu'il y avoit de monſtrueux. La
Dalila d'autre fois étoit infoutenable au Théatre,
au lieu que celle d'aujourd'hui eft intereffante &
ne tombe dans le malheur que par foibleffe. On
n'a vu de long-temps de fuccès plus frappant que
celui-cy. On n'a pas laiffé cependant de trouver
des deffauts dans la Piéce ; nous ferons part au
Public de ce qui eft venu jufqu'à nous, à la fin de
cet Extrait.
Le Théatre repréfente im Bois, dans l'enfoncement
duquel on découvre le Temple de Dagon.
Dalila ouvre la Scene avec fa Suivante Armillā ; -
elle fait connoître qu'elle s'eft dérobée de la Cour
de Gaza, pour venir implorer le fecours de Dagon,
Idole des Philiftins; elle apprend à Armilla qu'elle
brûle d'un coupable amour pour un Hebreu qu'elle
ne trouva que trop aimable la premiere fois qu'il
parut à fes yeux parmi les Captifs qu'Achab avoit
faits dans fa derniere victoire. Samfon eft . cet
Hebreu dont elle parle ; elle ne laiffe pas de fe
promettre de triompher d'un amour condamné
par une Loi expreffe du Roi des Philiftins. Azael
reproche
AVRIL. 1730. 795
1
1
reproche à Samſon l'indigne repos dans lequel il
languit , au lieu de tourner contre les ennemis de
Dieu ces traits qu'il n'employe que contre des
animaux , dans les vains plaifirs de la Chaffe, Samfon
lui répond qu'il foufcrit aux decrets éternels
qui ont condamné les Hebreux à un pénible ef
clavage , en punition de leurs crimes ; voici comment
il s'exprime :
Du Dieu qui nous punit refpectons la puiffance ;
J'éprouve en l'adorant les traits de fa vengeance,
Et je ne porterois que coups criminels ,
Si je les oppofois aux decrets éternels.
des
L'Auteur ne pouvoit mieux excufer l'inaction
de Samfon . En effet il n'eft déterminé à faire
éclater la force prodigieufe dont le Ciel l'a
doué , que par ces mêmes decrets qu'il refpecte.
Il s'endort fous un Olivier.Pendant fon fommeil
il entend une voix qui chante les Vers fuivans :
La gloire en d'autres lieux t'appelle ,
Samfon , brife ton Arc , abandonne ces bois ;
Que fans tarder le Philiftin rebelle ,
De ton bras triomphant éprouve tout le poids
Que ton coeur à ce bruit de guerre ,
A ces Eclairs , à ce Tonnerre ,
Du Ciel reconnoiffe la voix ;
Et que cet Olivier paifible ,
Difparoiffe à l'afpect terrible ,
De ce Laurier , garant de tes exploits ..
Tout ce qui eft exprimé dans ces Vers arrive
796 MERCURE DE FFRRAANNCE
à mesure qu'on les chante ; les Eclairs brillent , le
Tonnerre gronde & l'Olivier eft changé en Laurier.
Samfon , rempli de l'Efprit de Dieu , jette
fon Carquois comme un indigne ornement ,
il fe prépare à venger les Hebreux , & à les tirer
d'eclavage. Il combat un Lion prêt à dévorer
Dalila , il l'étouffe . Dalila reconnoît l'objet
de fon amour dans celui qui vient de lui fauver
la vie. Samfon ne peut voir tant d'attraits fans
leur rendre les armes. Dalila oppoſe à cet amour
fon devoir & fa Religion ; elle lui fait connoître
qu'elle doit en ce même jour épouſer Achab ,
General des Philiftins ; Samfon fe roidit contre
tous ces obftacles ; Dalila le quitte après lui avoir
fait connoître qu'elle n'eft que trop fenfible à fon
amour. Nous fupprimons ici les Scenes comiques;
elles font trop de diverfion à l'interêt , & ce n'eft
que fur le Théatre Italien que de pareilles difparates
peuvent être excufées ; d'ailleurs la Piece n'a'
pas befoin d'un épiſode fi monftrueux.
Au fecond Acte , le Théatre repréfente le Palais
du Roi des Philiftins . Achab & Dalila com→
mencent cet Acte. Dalila avoue ingenument à
Achab , non-feulement qu'elle ne l'aime point ,'
mais qu'elle aime Samfon ; elle s'excufe par ces
Vers qu'on a trouvés des plus beaux de la Piéce :
Acab , de notre coeur les mouvemens rapides
Naiffent des paffions qui leur fervent de guides ;
Sur nos foibles efprits leur empire abſolu
Malgré tous nos efforts a toûjours prévalu ;
Pour l'un indifferents, pour l'autre pleins de flam
mes ,
Nous ne difpofons point du penchant de nos ames
Sous les traits de l'Amour , lorfque nous flechif-
Lons , Ce
AVRIL. 1730.
797
Ce Dieu nomme l'objet , & nous obéiffons.
On croit que ces Vers feroient encore plus
beaux dans le fiftême Payen. On a trouvé que l'amour
déifié ne convient pas à une Philiftine.
A l'approche de Samfon , Acab redouble fa colere
contre un Rival aimé ; Dalila le fait retirer
par ce Vers , dont on n'a pas bien compris le fens :
Suis mes pas ; vien fçavoir ce que le fort t'aprête.
Emanuel reproche à Samfon fon amour pour
Dalila ; Samfon le raffure par ce ferment :
Oui , je jure , Seigneur , par vos jours précieux
De brifer , de venger nos fers injurieux ,
Et fi je ne remplis toute votre efperance ,
Puiffe pour m'en punir la celefte vengeance -
Me livrer en opprobre aux Philiftins cruets ;
Que traîné par leurs mains au pied de leurs Autels
, ·
Je ferve de jouet à tout ce Peuple impie ,
Et que j'y meure enfin couvert d'ignominie.
Ce ferment n'eft pas tout-à- fait verifié à la fin
de la Piece. Samfon meurt comblé de gloire &
non d'ignominie,
Dans la Scene fuivante qui eft entre Phanor ,
Acab & Dalila , Samfon fe tient au fond du Théatre
fans être apperçû. Le Roi fait d'abord parade
d'un caractere de vertu , qu'il ne foûtient pas dans
la fuite ; il rend ce qu'il doit à la valeur de Samfon
, & dit qu'il l'admire fans la craindre. Samfon
indigné des menaces d'Acab s'approche ; il
défie fon Rival , & brave le Roi même. Le Roi
affectant une espece de juftice , confent que Dalila
798 MERCURE DE FRANCE
lila prononce entre fes deux Amans ; Dalila ne fe
déclare pour aucun des deux ; & n'écoutant que
le zele de la Religion , ôte toute efperance à Samfon
, & dit en fe retirant :
- Je n'épouferai point Samfon. à part , Cruel
devoir !
1
Sur un coeur vertueux connois tout ton pouvoir.
Samfon croyant que Dalila n'a fait jufqu'ici
que le jouer , s'abandonne à toute fa fureur.
Le Théatre repréſente au troifiéme Acte le
Camp des Philiftins . Acab , pour confoler le Roi
du carnage que Samfon feul vient de faire de fes
meilleures Troupes , lui apprend que le Grand-
Prêtre des Hebreux , intimidé par fes menaces
lui a promis de livrer Samfon entre ſes mains
Phanor n'en eft pas plus raffuré.
que
On amene Emanuel , pere de Samfon , priſonnier
; ce genereux Vieillard brave le Roi , & lui
dit fi l'amour de Samfon pour Dalila a long
tems fufpendu fa vengeance , la priſon de fon Pere
le va determiner à la faire éclater. Phanor ordonne
qu'on l'enferme dans une Tour qui paroit
au fond du Théatre.
On vient annoncer à Phanor que Samfon
s'eft laiffé furprendre , & qu'on le lui amene
chargé de fers ; le Roi fort , après avoir rendu
Acab Arbitre du fort de fon Rival . Samfon paroît
chargé de fers; il fait connoître pour quoi il
paroît en cet état par cet à parte.
Pour punir mes Tyrans ma haine a profité
D'un ftratagême heureux qu'eux -mêmes ont inventé
;
Traîtres , qui n'avez pû me vaincre à force oui
yerte ,
Votre
AVRIL. 1730. 799
Votre propre artifice avance votre perte ,
Puifqu'il m'approche enfin de ces lâches Soldats
de mourir déroboit à bras.
Que la peur mon
Acab ordonne à fes Soldats de donner la mort
à Samfon ; l'Hebreu lui dit que c'eft à lui-même
& à tous fes Soldats à trembler ; Acab le menace
d'époufer Dalila en fa préfence même ; ce dernier
outrage pouffe à bout la patience de Samfon ;
il brife fes chaînes , & trouvant par hazard une
mâchoire d'Afne à fes pieds , il les met tous en
fuite avec ce vil inftrument.
Les efforts que Samfon vient de faire lui caufent
une foif qui lui annonce une mort prochai
ne , il reconnoît alors que le bras du Seigneur
s'appefantit fur lui pour le punir de fon amour
pour une Philiftine . Voici comment s'expriment
Les juftes remords,
Mais quel aveuglement fuit ta préfomption
Tu n'as pû furmonter ta folle paffion ,
Et tu veux ignorer , lâche , quels font les crimes
Qui rendent aujourd'hui tes tourmens legitimes!
Souviens- toi que tu viens de combattre en ce lieu
Pour venger ton amour , & non pas pour ton
Dieu,
Malheureux ! tu croyois ne devoir qu'à toi -même
Le fuccès que tu tiens de la bonté fuprême ;
Appuyé de fon bras tu faifois tout trembler ; .
Mais fans lui le plus foible auroit pû t'accabler.
Les Vers fuivans ne font pas moins beaux.
Mon mal redouble ; helas ! mes fens s'évanouifil
tombe ,
Lent ;
Mcs
800 MERCURE DE FRANCE
font obfcurcis & mes genoux flechif
Mes yeux
fent ;
Je vois l'horrible Mort errer autour de moi ;
C'en eft fait ... Dieu puiffant , j'efpere encore en
toi.
Sur les maux de Samfon jette un regard propice
Ta clemence toujours balança ta juftice.
Indigne des honneurs que tu m'as préſentés
Que je partage ici tes immenfes bontés ;
Ah ! fi le repentir fait defcendre ta grace ,
Je ne fçaurois périr , & mon crime s'efface ;
Ce foudre , deftructeur de tant de Philiftins
Produira , fi tu veux , une fource en mes mains ;
C'est toi qui me l'offris contre ce Peuple impie
Il lui donna la mort ; qu'il me rende la vie ,
Semblable à ce Rocher dont Moïfe autrefois
Vit jaillir un torrent fur ton Peuple aux abois.
Ou t'exauce Samfon &c.
il met
II fort une fource d'eau de la mâchoire d'Afne;
..Samfon ayant étanché fa foif, force la Prifon de
fon Pere , & chargé d'une proye fi chere ,
encore fur fes épaules les portes de la Prifon , dont
le poids eft énorme.
Nous fupprimons la premiere Scene du quatriéme
Acte ( où le Théatre repréfente le Palais
du Roi des Philiftins ) à caufe du comique deplacé.
Dans la feconde , le Roi inftruit de la défaite
de fes Troupes n'a point d'autre confident que
Ja fuivante de Dalila , qui lui confeille d'employer
l'artifice , puifque la force ne fert de rien contre
Samfon ; elle lui dit qu'il faut que fa Maîtreffe
Alatte
AVRIL. 1730. 801.
flatte l'efpoir de ce terrible fleau de fes Sujets ,
pour l'engager à lui declarer d'où naît fa prodigieufe
valeur ; Samſòn , continuë -t'elle , a autrefois
brulé pour Tamnatée , il faut faire croire à
Dalila qu'il l'aime encore , afin que fon Amant
ne puiffe calmer fa défiance qu'en lui revelant ce
fatal fecret . Le Roi dont le caractere , comme on
l'a déja remarqué , eft tantôt vicieux , tantôt vertueux
, ne fe détermine qu'avec peine à recourir
à la tromperie qu'avec ce temperament.
Qu'elle perde Samfon ; mais dans cette entre
prife
Que l'amour du devoir , s'il fe peut , la conduiſed
Dalila vient ; le Roi la preffe d'employer pour
le falut de fa Patrie ces mêmes charmes qui ont
triomphé de Samfon. Voici comment il s'exprime.
La force dont Samfon nous accable aujour
d'hui
Confiſte en un ſecret qui n'eſt ſçû que de lui ;
Flattez le d'un hymen , pour percer ce myſtere
Il eft vaincu.
Dalila fe refufe à la perfidie que le Roi exige
d'elle. Acab effrayé vient annoncer au Roi que
tout eft perdu , & le prie de garantir la Tête du
péril qui la menace par une promte fuite. Phanor
ordonne à Dalila de voir Samfon & d'executer
ce qu'il vient de lui propofer pour le bien
de fes Sujets.
Armilla jette adroitement des foupçons jaloux
dans le coeur de Dalila au fujet de Tamnatée , &
lui perfuade qu'elle ne peut mieux s'affurer de la
fidelité de Samfon qu'en exigeant de lui qu'il lui
H dife
802 -MERCURE DE FRANCE
dife d'où peut naître fa force prodigieufe ; Dalila
qui voit alors les confequences d'un tel fecret lui
répond
Et s'il peut reveler ce fecret important
J'en dois aux Philiftins l'avis au même inftant.
Armilla lui fait entendre que rien ne l'oblige`
à donner cet avis , & qu'elle pourra ſe conferver
Samfon , affurée de fa fidelité par cette marque
de confiance .
Samfon arrive ; Armilla fe retire dans le deffein
d'écouter fans être apperçue .
La Scene entre Samfon & Dalila a paru fort
belle , quoique fufceptible de beaucoup de critique.
Samfon fans appercevoir Dalila dont il fe
croit trahi en faveur d'Acab , jure de perdre fon
Rival & le Roi même. Dalila rompant le filence
lui offre fon coeur à percer ; elle fe juftifie de l'infidelité
qu'il lui reproche , & l'ayant amené au
point qu'elle s'eft propofé , elle lui demande le
fatal fecret ; Samfon lui fait entendre qu'il ne
peut lui accorder ce qu'elle lui demande. Voici
les propres paroles :
Princeffe , épargnez-vous un inutile effort ;
Si ce fatal fecret n'entraînoit que ma mort ....
Mais , Madame , à lui feul ma gloire eft attachée
D'une honte éternelle elle feroit tachée ;
A tout autre péril je m'offre fans regret ;
Je vous accorde tout ; laiffez moi mon fecret.
Dalila fe retire , indignée du refus de Samfon,
& lui défend de la yoir jamais ; Samfon la fuit
fans fçavoir ce qu'il doit faire.
Armilla , dans la premiere Scene du cinquiéme
Acto
I
AVRIL. 1730. 803
Acte raconte au Roi tout ce qui s'eft paffé dans
l'Appartement de Dalila ; elle lui dit que s'étant
cachée de maniere à pouvoir tout voir & tour
entendre fans être apperçue , elle a vû Samſon ſe
jetter aux pieds de Dalila , que cette Princeffe
s'obftinant à vouloir apprendre fon fecret , il l'a
voit long- tems trompée par de fauffes confidences
, qu'enfin pour calmer fa colere , il lui avoit
avoué que fa force confiftoit dans fes cheveux ;
elle ajoûte qu'à peine Samfon avoit - il fait ce fatal,
aveu qu'il s'étoit plongé dans un profond fommeil
, qu'elle s'étoit approchée alors , & qu'elle
avoit dit à Dalila que fans doute Samſon la trompoit
& que fa Rivale fe vantoit hautement d'être
la feule dépofitaire de fon fecret , que Dalila pour
le convaincre de menfonge avoit confenti à faire
l'épreuve de fa fincerité ou de fa tromperie , en
lui faifant couper les cheveux , ce qui avoit d'abord
été executé par Armilla. Le Roi promet à
cette perfide fuivante des récompenfes dignes du
fervice qu'elle vient de rendre à fa Patrie.
Le Théatre repréfente l'Appartement de Dalila.
Dalila allarmée du long fommeil de Samfon ,
commence à craindre qu'il n'ait été que trop fincere
, & voyant le Roi fuivi d'une Troupe de
Soldats pour ſe ſaiſir de ſon Amant , elle l'éveille ;
Samfon voulant fe défendre tombe de foibleffe ;
il reproche à Dalila fa perfidie , & avoue qu'il
ne l'a que trop meritée. Phanor ordonne qu'on
lui aille crever les yeux. Dalila fe plonge un poignard
dans le fein. Nous fupprimons encore ici
une Scene comique qui a été trouvée déplacéedans
un fujet fi refpectable.
il
Le Théatre repréfente le Temple de Dagon
où le Roi & toute fa Cour font affemblés. Samfon
privé de la lumiere reconnoit fon crime ,
Lent un repentir fincere , & prie le Seigneur de lui´
rendre
H
804 MERCURE DE FRANCE
rendre fa premiere force afin qu'il puiffe employer
fes derniers momens à delivrer les Hebreux
de l'esclavage & à perdre fes ennemis en
periffant avec eux . Voici une partie de l'ardente
priere qu'il adreffe au Seigneur :
:
Rends leur premiere force à mes bras défarmés
;
Que ma mort foit utile aux Hebreux opprimés
Anime de mes mains les fecouffes rapides ,
Que je puiffe ébranler ces colomnes folides ,
Et que tes ennemis trouvent leurs monumens
Sous ces murs écroulés jufques aux fondemens .
Sanfon eft exaucé : il fecoue les colomnes , &
il est écrafé lui- même avec tous les Philiftins
fous les ruines du Temple de Dagon , ce qui fait
un fpectacle auffi terrible qu'admirable. Ce Temple
, pour le dire en paffant , eft un riche morceau
d'Architecture en rotonde , d'Ordre compofite
, à colomnes torfes de marbre , dont les
Chapiteaux , Bazes & autres ornemens font en
or. Sur le premier Ordre eft une Gallerie remplie
de plufieurs figures de coloris , repréfentant les
Peuples Philiftins. Les Arçades du bas qui conduifent
aux bas côtés font auffi remplies d'un grand
nombre de figures , ainfi que fur la Gallerie d'en
haut. Cette décoration produit un effet admirable
à la vue , fur tout la deftruction totale de ce
fuperbe Edifice . Elle a été compofée fur les deffeins
de M. Le Maire , & peinte par lui .
'Le fuccès étonnant de Samfon , n'a pas peu
contribué à rendre la critique plus fevere qu'elle
ne l'eft ordinairement pour le Théatre Italien .
La juftice qu'on a rendue à beauconp de beaux
Vers qui font répandus dans la Piéce n'a pas empêché
AVRIL. 1730. 805
pêché que les fpectateurs délicats n'ayent fed
mauvais gré à l'Auteur de s'être , pour ainfi dire,
laffé de bien faire dans plufieurs endroits. Tout
le monde a condamné la difparate du bas comique
, & fi la gentilleffe du jeu du St Thomaffin a
fait paffer ce deffaut dans la Repréfentation , la
lecture l'a fait fentir tout entier ; les caracteres
n'ont pas paru également foutenus. Achab , ar'on
dit , n'a prefque point de fentimens d'honneur
, il n'a en vûë que la mort de fon Rival , &
ne veut parvenir à fon but que par des chemins
indignes d'un Chef d'Armée . Phanor n'a rien de
Roi qu'un vain exterieur ; il fait parade de generofité
dans fes paroles ; mais fes actions démentent
fes maximes. Pour Samfon , on convient
qu'il eft tel que l'Ecriture le dépeint , c'eſt - à-dire,
aveuglé par un fol amour ; on peut même dire
que l'Auteur rectifie fon caractere autant que le
refpect qu'on doit avoir pour l'Histoire Sacrée
le peut permettre. Tout le monde a fait un mérite
au fieur Romagnefi d'avoir ennobli le caractere
de Dalila ; mais il ne l'a pu faire fans tomber
dans des inconveniens prefque inévitables . Dalila
a-t'on ajoûté , telle qu'elle eft vertueufe & fidelle
Amante , ne doit pas exiger de Samſon un ſecret
qui doit lui couter & l'honneur & la vie ; elle doit
fe contenter de l'offre qu'il lui fait d'épargner le
fang des Philiftins : en effet peut-elle exiger une
plus grande preuve de fon amour. Samfon ( pourfuivit-
on ) ne doit pas lui feveler fon fecret , furtout
, lui ayant déja voulu donner le change ; fes
premiers menfonges doivent rendre fufpecte à
Dalila la verité qu'il va lui dire ; fa juſte défiance
doit la porter à en faire l'épreuve , & cette épreuve
doit le livrer à la fureur des Philiftins , & entraîner
tous les Hebreux dans fa perte ; on dit à
la décharge de l'Auteur que fon caractere eſt en-
H iij core
306 MERCURE DE FRANCE
core plus defectueux dans l'Hiftoire , mais c'étoit
à l'Auteur à fubftituer le vrai- femblable Théatral
au vrai hiftorique ; on convient que cela éto it
très- embaraffant , mais du moins il n'étoit pas
bien difficile à l'Auteur de rendre fa Dalila vertueufe
jufqu'au bout , & de ne la point faire confentir
à la fatale épreuve ; Armilla auroit pû la
faire à l'infçu de fa Maîtreffe , & même contre fa
défenfe expreffe.
annoncé dans le dernier Mercure .
'Auteur eft très-modefte , quand il ne donne
cette Tragi- Comédie , que comme une fimple
Traduction ; la nouvelle forme fous laquelle il l'a
fait reparoître , mérite bien qu'il s'en dife l'Auteur
; le fieur Riccoboni , qui la mit au Théatre
én 1717. en avoue les deffauts dans fon Avis aux
Lecteurs : voici les termes dont il fe fert. La compofition
Théatrale que je vous prefente aujourd'hui
eft un de ces Monftres dont le Théatrefut
f prodigue en Italie pendant le dernier fiecle.
Cette Piece , telle qu'elle étoit alors , ne laiffa pas
d'avoir un grand fuccès. Le fieur Romagneſi en
a retranché ce qu'il y avoit de monſtrueux. La
Dalila d'autre fois étoit infoutenable au Théatre,
au lieu que celle d'aujourd'hui eft intereffante &
ne tombe dans le malheur que par foibleffe. On
n'a vu de long-temps de fuccès plus frappant que
celui-cy. On n'a pas laiffé cependant de trouver
des deffauts dans la Piéce ; nous ferons part au
Public de ce qui eft venu jufqu'à nous, à la fin de
cet Extrait.
Le Théatre repréfente im Bois, dans l'enfoncement
duquel on découvre le Temple de Dagon.
Dalila ouvre la Scene avec fa Suivante Armillā ; -
elle fait connoître qu'elle s'eft dérobée de la Cour
de Gaza, pour venir implorer le fecours de Dagon,
Idole des Philiftins; elle apprend à Armilla qu'elle
brûle d'un coupable amour pour un Hebreu qu'elle
ne trouva que trop aimable la premiere fois qu'il
parut à fes yeux parmi les Captifs qu'Achab avoit
faits dans fa derniere victoire. Samfon eft . cet
Hebreu dont elle parle ; elle ne laiffe pas de fe
promettre de triompher d'un amour condamné
par une Loi expreffe du Roi des Philiftins. Azael
reproche
AVRIL. 1730. 795
1
1
reproche à Samſon l'indigne repos dans lequel il
languit , au lieu de tourner contre les ennemis de
Dieu ces traits qu'il n'employe que contre des
animaux , dans les vains plaifirs de la Chaffe, Samfon
lui répond qu'il foufcrit aux decrets éternels
qui ont condamné les Hebreux à un pénible ef
clavage , en punition de leurs crimes ; voici comment
il s'exprime :
Du Dieu qui nous punit refpectons la puiffance ;
J'éprouve en l'adorant les traits de fa vengeance,
Et je ne porterois que coups criminels ,
Si je les oppofois aux decrets éternels.
des
L'Auteur ne pouvoit mieux excufer l'inaction
de Samfon . En effet il n'eft déterminé à faire
éclater la force prodigieufe dont le Ciel l'a
doué , que par ces mêmes decrets qu'il refpecte.
Il s'endort fous un Olivier.Pendant fon fommeil
il entend une voix qui chante les Vers fuivans :
La gloire en d'autres lieux t'appelle ,
Samfon , brife ton Arc , abandonne ces bois ;
Que fans tarder le Philiftin rebelle ,
De ton bras triomphant éprouve tout le poids
Que ton coeur à ce bruit de guerre ,
A ces Eclairs , à ce Tonnerre ,
Du Ciel reconnoiffe la voix ;
Et que cet Olivier paifible ,
Difparoiffe à l'afpect terrible ,
De ce Laurier , garant de tes exploits ..
Tout ce qui eft exprimé dans ces Vers arrive
796 MERCURE DE FFRRAANNCE
à mesure qu'on les chante ; les Eclairs brillent , le
Tonnerre gronde & l'Olivier eft changé en Laurier.
Samfon , rempli de l'Efprit de Dieu , jette
fon Carquois comme un indigne ornement ,
il fe prépare à venger les Hebreux , & à les tirer
d'eclavage. Il combat un Lion prêt à dévorer
Dalila , il l'étouffe . Dalila reconnoît l'objet
de fon amour dans celui qui vient de lui fauver
la vie. Samfon ne peut voir tant d'attraits fans
leur rendre les armes. Dalila oppoſe à cet amour
fon devoir & fa Religion ; elle lui fait connoître
qu'elle doit en ce même jour épouſer Achab ,
General des Philiftins ; Samfon fe roidit contre
tous ces obftacles ; Dalila le quitte après lui avoir
fait connoître qu'elle n'eft que trop fenfible à fon
amour. Nous fupprimons ici les Scenes comiques;
elles font trop de diverfion à l'interêt , & ce n'eft
que fur le Théatre Italien que de pareilles difparates
peuvent être excufées ; d'ailleurs la Piece n'a'
pas befoin d'un épiſode fi monftrueux.
Au fecond Acte , le Théatre repréfente le Palais
du Roi des Philiftins . Achab & Dalila com→
mencent cet Acte. Dalila avoue ingenument à
Achab , non-feulement qu'elle ne l'aime point ,'
mais qu'elle aime Samfon ; elle s'excufe par ces
Vers qu'on a trouvés des plus beaux de la Piéce :
Acab , de notre coeur les mouvemens rapides
Naiffent des paffions qui leur fervent de guides ;
Sur nos foibles efprits leur empire abſolu
Malgré tous nos efforts a toûjours prévalu ;
Pour l'un indifferents, pour l'autre pleins de flam
mes ,
Nous ne difpofons point du penchant de nos ames
Sous les traits de l'Amour , lorfque nous flechif-
Lons , Ce
AVRIL. 1730.
797
Ce Dieu nomme l'objet , & nous obéiffons.
On croit que ces Vers feroient encore plus
beaux dans le fiftême Payen. On a trouvé que l'amour
déifié ne convient pas à une Philiftine.
A l'approche de Samfon , Acab redouble fa colere
contre un Rival aimé ; Dalila le fait retirer
par ce Vers , dont on n'a pas bien compris le fens :
Suis mes pas ; vien fçavoir ce que le fort t'aprête.
Emanuel reproche à Samfon fon amour pour
Dalila ; Samfon le raffure par ce ferment :
Oui , je jure , Seigneur , par vos jours précieux
De brifer , de venger nos fers injurieux ,
Et fi je ne remplis toute votre efperance ,
Puiffe pour m'en punir la celefte vengeance -
Me livrer en opprobre aux Philiftins cruets ;
Que traîné par leurs mains au pied de leurs Autels
, ·
Je ferve de jouet à tout ce Peuple impie ,
Et que j'y meure enfin couvert d'ignominie.
Ce ferment n'eft pas tout-à- fait verifié à la fin
de la Piece. Samfon meurt comblé de gloire &
non d'ignominie,
Dans la Scene fuivante qui eft entre Phanor ,
Acab & Dalila , Samfon fe tient au fond du Théatre
fans être apperçû. Le Roi fait d'abord parade
d'un caractere de vertu , qu'il ne foûtient pas dans
la fuite ; il rend ce qu'il doit à la valeur de Samfon
, & dit qu'il l'admire fans la craindre. Samfon
indigné des menaces d'Acab s'approche ; il
défie fon Rival , & brave le Roi même. Le Roi
affectant une espece de juftice , confent que Dalila
798 MERCURE DE FRANCE
lila prononce entre fes deux Amans ; Dalila ne fe
déclare pour aucun des deux ; & n'écoutant que
le zele de la Religion , ôte toute efperance à Samfon
, & dit en fe retirant :
- Je n'épouferai point Samfon. à part , Cruel
devoir !
1
Sur un coeur vertueux connois tout ton pouvoir.
Samfon croyant que Dalila n'a fait jufqu'ici
que le jouer , s'abandonne à toute fa fureur.
Le Théatre repréſente au troifiéme Acte le
Camp des Philiftins . Acab , pour confoler le Roi
du carnage que Samfon feul vient de faire de fes
meilleures Troupes , lui apprend que le Grand-
Prêtre des Hebreux , intimidé par fes menaces
lui a promis de livrer Samfon entre ſes mains
Phanor n'en eft pas plus raffuré.
que
On amene Emanuel , pere de Samfon , priſonnier
; ce genereux Vieillard brave le Roi , & lui
dit fi l'amour de Samfon pour Dalila a long
tems fufpendu fa vengeance , la priſon de fon Pere
le va determiner à la faire éclater. Phanor ordonne
qu'on l'enferme dans une Tour qui paroit
au fond du Théatre.
On vient annoncer à Phanor que Samfon
s'eft laiffé furprendre , & qu'on le lui amene
chargé de fers ; le Roi fort , après avoir rendu
Acab Arbitre du fort de fon Rival . Samfon paroît
chargé de fers; il fait connoître pour quoi il
paroît en cet état par cet à parte.
Pour punir mes Tyrans ma haine a profité
D'un ftratagême heureux qu'eux -mêmes ont inventé
;
Traîtres , qui n'avez pû me vaincre à force oui
yerte ,
Votre
AVRIL. 1730. 799
Votre propre artifice avance votre perte ,
Puifqu'il m'approche enfin de ces lâches Soldats
de mourir déroboit à bras.
Que la peur mon
Acab ordonne à fes Soldats de donner la mort
à Samfon ; l'Hebreu lui dit que c'eft à lui-même
& à tous fes Soldats à trembler ; Acab le menace
d'époufer Dalila en fa préfence même ; ce dernier
outrage pouffe à bout la patience de Samfon ;
il brife fes chaînes , & trouvant par hazard une
mâchoire d'Afne à fes pieds , il les met tous en
fuite avec ce vil inftrument.
Les efforts que Samfon vient de faire lui caufent
une foif qui lui annonce une mort prochai
ne , il reconnoît alors que le bras du Seigneur
s'appefantit fur lui pour le punir de fon amour
pour une Philiftine . Voici comment s'expriment
Les juftes remords,
Mais quel aveuglement fuit ta préfomption
Tu n'as pû furmonter ta folle paffion ,
Et tu veux ignorer , lâche , quels font les crimes
Qui rendent aujourd'hui tes tourmens legitimes!
Souviens- toi que tu viens de combattre en ce lieu
Pour venger ton amour , & non pas pour ton
Dieu,
Malheureux ! tu croyois ne devoir qu'à toi -même
Le fuccès que tu tiens de la bonté fuprême ;
Appuyé de fon bras tu faifois tout trembler ; .
Mais fans lui le plus foible auroit pû t'accabler.
Les Vers fuivans ne font pas moins beaux.
Mon mal redouble ; helas ! mes fens s'évanouifil
tombe ,
Lent ;
Mcs
800 MERCURE DE FRANCE
font obfcurcis & mes genoux flechif
Mes yeux
fent ;
Je vois l'horrible Mort errer autour de moi ;
C'en eft fait ... Dieu puiffant , j'efpere encore en
toi.
Sur les maux de Samfon jette un regard propice
Ta clemence toujours balança ta juftice.
Indigne des honneurs que tu m'as préſentés
Que je partage ici tes immenfes bontés ;
Ah ! fi le repentir fait defcendre ta grace ,
Je ne fçaurois périr , & mon crime s'efface ;
Ce foudre , deftructeur de tant de Philiftins
Produira , fi tu veux , une fource en mes mains ;
C'est toi qui me l'offris contre ce Peuple impie
Il lui donna la mort ; qu'il me rende la vie ,
Semblable à ce Rocher dont Moïfe autrefois
Vit jaillir un torrent fur ton Peuple aux abois.
Ou t'exauce Samfon &c.
il met
II fort une fource d'eau de la mâchoire d'Afne;
..Samfon ayant étanché fa foif, force la Prifon de
fon Pere , & chargé d'une proye fi chere ,
encore fur fes épaules les portes de la Prifon , dont
le poids eft énorme.
Nous fupprimons la premiere Scene du quatriéme
Acte ( où le Théatre repréfente le Palais
du Roi des Philiftins ) à caufe du comique deplacé.
Dans la feconde , le Roi inftruit de la défaite
de fes Troupes n'a point d'autre confident que
Ja fuivante de Dalila , qui lui confeille d'employer
l'artifice , puifque la force ne fert de rien contre
Samfon ; elle lui dit qu'il faut que fa Maîtreffe
Alatte
AVRIL. 1730. 801.
flatte l'efpoir de ce terrible fleau de fes Sujets ,
pour l'engager à lui declarer d'où naît fa prodigieufe
valeur ; Samſòn , continuë -t'elle , a autrefois
brulé pour Tamnatée , il faut faire croire à
Dalila qu'il l'aime encore , afin que fon Amant
ne puiffe calmer fa défiance qu'en lui revelant ce
fatal fecret . Le Roi dont le caractere , comme on
l'a déja remarqué , eft tantôt vicieux , tantôt vertueux
, ne fe détermine qu'avec peine à recourir
à la tromperie qu'avec ce temperament.
Qu'elle perde Samfon ; mais dans cette entre
prife
Que l'amour du devoir , s'il fe peut , la conduiſed
Dalila vient ; le Roi la preffe d'employer pour
le falut de fa Patrie ces mêmes charmes qui ont
triomphé de Samfon. Voici comment il s'exprime.
La force dont Samfon nous accable aujour
d'hui
Confiſte en un ſecret qui n'eſt ſçû que de lui ;
Flattez le d'un hymen , pour percer ce myſtere
Il eft vaincu.
Dalila fe refufe à la perfidie que le Roi exige
d'elle. Acab effrayé vient annoncer au Roi que
tout eft perdu , & le prie de garantir la Tête du
péril qui la menace par une promte fuite. Phanor
ordonne à Dalila de voir Samfon & d'executer
ce qu'il vient de lui propofer pour le bien
de fes Sujets.
Armilla jette adroitement des foupçons jaloux
dans le coeur de Dalila au fujet de Tamnatée , &
lui perfuade qu'elle ne peut mieux s'affurer de la
fidelité de Samfon qu'en exigeant de lui qu'il lui
H dife
802 -MERCURE DE FRANCE
dife d'où peut naître fa force prodigieufe ; Dalila
qui voit alors les confequences d'un tel fecret lui
répond
Et s'il peut reveler ce fecret important
J'en dois aux Philiftins l'avis au même inftant.
Armilla lui fait entendre que rien ne l'oblige`
à donner cet avis , & qu'elle pourra ſe conferver
Samfon , affurée de fa fidelité par cette marque
de confiance .
Samfon arrive ; Armilla fe retire dans le deffein
d'écouter fans être apperçue .
La Scene entre Samfon & Dalila a paru fort
belle , quoique fufceptible de beaucoup de critique.
Samfon fans appercevoir Dalila dont il fe
croit trahi en faveur d'Acab , jure de perdre fon
Rival & le Roi même. Dalila rompant le filence
lui offre fon coeur à percer ; elle fe juftifie de l'infidelité
qu'il lui reproche , & l'ayant amené au
point qu'elle s'eft propofé , elle lui demande le
fatal fecret ; Samfon lui fait entendre qu'il ne
peut lui accorder ce qu'elle lui demande. Voici
les propres paroles :
Princeffe , épargnez-vous un inutile effort ;
Si ce fatal fecret n'entraînoit que ma mort ....
Mais , Madame , à lui feul ma gloire eft attachée
D'une honte éternelle elle feroit tachée ;
A tout autre péril je m'offre fans regret ;
Je vous accorde tout ; laiffez moi mon fecret.
Dalila fe retire , indignée du refus de Samfon,
& lui défend de la yoir jamais ; Samfon la fuit
fans fçavoir ce qu'il doit faire.
Armilla , dans la premiere Scene du cinquiéme
Acto
I
AVRIL. 1730. 803
Acte raconte au Roi tout ce qui s'eft paffé dans
l'Appartement de Dalila ; elle lui dit que s'étant
cachée de maniere à pouvoir tout voir & tour
entendre fans être apperçue , elle a vû Samſon ſe
jetter aux pieds de Dalila , que cette Princeffe
s'obftinant à vouloir apprendre fon fecret , il l'a
voit long- tems trompée par de fauffes confidences
, qu'enfin pour calmer fa colere , il lui avoit
avoué que fa force confiftoit dans fes cheveux ;
elle ajoûte qu'à peine Samfon avoit - il fait ce fatal,
aveu qu'il s'étoit plongé dans un profond fommeil
, qu'elle s'étoit approchée alors , & qu'elle
avoit dit à Dalila que fans doute Samſon la trompoit
& que fa Rivale fe vantoit hautement d'être
la feule dépofitaire de fon fecret , que Dalila pour
le convaincre de menfonge avoit confenti à faire
l'épreuve de fa fincerité ou de fa tromperie , en
lui faifant couper les cheveux , ce qui avoit d'abord
été executé par Armilla. Le Roi promet à
cette perfide fuivante des récompenfes dignes du
fervice qu'elle vient de rendre à fa Patrie.
Le Théatre repréfente l'Appartement de Dalila.
Dalila allarmée du long fommeil de Samfon ,
commence à craindre qu'il n'ait été que trop fincere
, & voyant le Roi fuivi d'une Troupe de
Soldats pour ſe ſaiſir de ſon Amant , elle l'éveille ;
Samfon voulant fe défendre tombe de foibleffe ;
il reproche à Dalila fa perfidie , & avoue qu'il
ne l'a que trop meritée. Phanor ordonne qu'on
lui aille crever les yeux. Dalila fe plonge un poignard
dans le fein. Nous fupprimons encore ici
une Scene comique qui a été trouvée déplacéedans
un fujet fi refpectable.
il
Le Théatre repréfente le Temple de Dagon
où le Roi & toute fa Cour font affemblés. Samfon
privé de la lumiere reconnoit fon crime ,
Lent un repentir fincere , & prie le Seigneur de lui´
rendre
H
804 MERCURE DE FRANCE
rendre fa premiere force afin qu'il puiffe employer
fes derniers momens à delivrer les Hebreux
de l'esclavage & à perdre fes ennemis en
periffant avec eux . Voici une partie de l'ardente
priere qu'il adreffe au Seigneur :
:
Rends leur premiere force à mes bras défarmés
;
Que ma mort foit utile aux Hebreux opprimés
Anime de mes mains les fecouffes rapides ,
Que je puiffe ébranler ces colomnes folides ,
Et que tes ennemis trouvent leurs monumens
Sous ces murs écroulés jufques aux fondemens .
Sanfon eft exaucé : il fecoue les colomnes , &
il est écrafé lui- même avec tous les Philiftins
fous les ruines du Temple de Dagon , ce qui fait
un fpectacle auffi terrible qu'admirable. Ce Temple
, pour le dire en paffant , eft un riche morceau
d'Architecture en rotonde , d'Ordre compofite
, à colomnes torfes de marbre , dont les
Chapiteaux , Bazes & autres ornemens font en
or. Sur le premier Ordre eft une Gallerie remplie
de plufieurs figures de coloris , repréfentant les
Peuples Philiftins. Les Arçades du bas qui conduifent
aux bas côtés font auffi remplies d'un grand
nombre de figures , ainfi que fur la Gallerie d'en
haut. Cette décoration produit un effet admirable
à la vue , fur tout la deftruction totale de ce
fuperbe Edifice . Elle a été compofée fur les deffeins
de M. Le Maire , & peinte par lui .
'Le fuccès étonnant de Samfon , n'a pas peu
contribué à rendre la critique plus fevere qu'elle
ne l'eft ordinairement pour le Théatre Italien .
La juftice qu'on a rendue à beauconp de beaux
Vers qui font répandus dans la Piéce n'a pas empêché
AVRIL. 1730. 805
pêché que les fpectateurs délicats n'ayent fed
mauvais gré à l'Auteur de s'être , pour ainfi dire,
laffé de bien faire dans plufieurs endroits. Tout
le monde a condamné la difparate du bas comique
, & fi la gentilleffe du jeu du St Thomaffin a
fait paffer ce deffaut dans la Repréfentation , la
lecture l'a fait fentir tout entier ; les caracteres
n'ont pas paru également foutenus. Achab , ar'on
dit , n'a prefque point de fentimens d'honneur
, il n'a en vûë que la mort de fon Rival , &
ne veut parvenir à fon but que par des chemins
indignes d'un Chef d'Armée . Phanor n'a rien de
Roi qu'un vain exterieur ; il fait parade de generofité
dans fes paroles ; mais fes actions démentent
fes maximes. Pour Samfon , on convient
qu'il eft tel que l'Ecriture le dépeint , c'eſt - à-dire,
aveuglé par un fol amour ; on peut même dire
que l'Auteur rectifie fon caractere autant que le
refpect qu'on doit avoir pour l'Histoire Sacrée
le peut permettre. Tout le monde a fait un mérite
au fieur Romagnefi d'avoir ennobli le caractere
de Dalila ; mais il ne l'a pu faire fans tomber
dans des inconveniens prefque inévitables . Dalila
a-t'on ajoûté , telle qu'elle eft vertueufe & fidelle
Amante , ne doit pas exiger de Samſon un ſecret
qui doit lui couter & l'honneur & la vie ; elle doit
fe contenter de l'offre qu'il lui fait d'épargner le
fang des Philiftins : en effet peut-elle exiger une
plus grande preuve de fon amour. Samfon ( pourfuivit-
on ) ne doit pas lui feveler fon fecret , furtout
, lui ayant déja voulu donner le change ; fes
premiers menfonges doivent rendre fufpecte à
Dalila la verité qu'il va lui dire ; fa juſte défiance
doit la porter à en faire l'épreuve , & cette épreuve
doit le livrer à la fureur des Philiftins , & entraîner
tous les Hebreux dans fa perte ; on dit à
la décharge de l'Auteur que fon caractere eſt en-
H iij core
306 MERCURE DE FRANCE
core plus defectueux dans l'Hiftoire , mais c'étoit
à l'Auteur à fubftituer le vrai- femblable Théatral
au vrai hiftorique ; on convient que cela éto it
très- embaraffant , mais du moins il n'étoit pas
bien difficile à l'Auteur de rendre fa Dalila vertueufe
jufqu'au bout , & de ne la point faire confentir
à la fatale épreuve ; Armilla auroit pû la
faire à l'infçu de fa Maîtreffe , & même contre fa
défenfe expreffe.
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Résumé : EXTRAIT du nouveau Samson, annoncé dans le dernier Mercure.
Le texte présente la tragédie 'Dalila', initialement jouée en 1717 et révisée par le sieur Riccoboni. La pièce, malgré ses défauts, a connu un grand succès. Elle raconte l'histoire de Dalila, une Philistine amoureuse de Samson, un Hébreu. Dalila doit épouser Achab, le général des Philistins, mais elle est déchirée entre son devoir et son amour pour Samson. Ce dernier, initialement passif, est poussé à l'action par une vision divine et combat les Philistins. Dalila finit par trahir Samson en révélant son secret de force. Samson meurt en héros après une série de combats et de révélations. Une scène spécifique de la pièce 'Samson', jouée en avril 1730, est également décrite. Dans la première scène du cinquième acte, Armilla informe le roi de ce qu'elle a observé dans l'appartement de Dalila. Elle révèle que Samson a avoué à Dalila que sa force résidait dans ses cheveux. Dalila, aidée par Armilla, fait couper les cheveux de Samson pendant qu'il dort, le privant ainsi de sa force. Le roi récompense Armilla pour sa trahison. Dans la scène suivante, Dalila découvre que les soldats du roi sont venus arrêter Samson. Samson, réveillé, reproche à Dalila sa perfidie avant d'être aveuglé. Dalila se suicide. Dans le temple de Dagon, Samson prie pour retrouver sa force afin de délivrer les Hébreux. Sa prière est exaucée, et il détruit le temple en se sacrifiant, tuant ainsi les Philistins. La critique de la pièce souligne des incohérences dans les personnages et l'inclusion de scènes comiques inappropriées. Les spectateurs ont apprécié certains vers mais ont critiqué la disparité des styles et la faiblesse de certains caractères. Dalila est jugée vertueuse, mais son insistance à connaître le secret de Samson est critiquée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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56
p. 831-835
Sermon de l'Abbé de Rosay, [titre d'après la table]
Début :
M. l'Abbé de Rozay, Docteur de Sorbonne, Prédicateur du Roi, dans son Sermon de la Cêne [...]
Mots clefs :
Prédicateur du roi, Reine, Dieu, Vertus
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Sermon de l'Abbé de Rosay, [titre d'après la table]
M. l'Abbé de Rozay , Docteur de Sorbonne ,
Prédicateur du Roi , dans fon Sermon de la Cênc
du Jeudi Saint dernier , devant la Reine , lui parla
en ces termes. Dans l'exorde , après avoir repréfenté
l'exemple de J. C. lavant les pieds de fes
Difciples,comme un fpectacle digne d'admiration.
C'est ce spectacle , Madame , fpectacle d'hu
milité & de charité tout ensemble , qui mit dans
l'etonnement le Prince des Apôtres , dont votre
Majesté s'empreffe de nous retracer une fidelle
image ; déja tous les yeux tournés fur elle voyent
avec édification l'impatience qu'elle a de dépofer
aux pieds de J. C. ce diadême dont fa
mainfe plait quelquefois à couronner la fageffe,
:
cette magnificence Royale qui femble en fa
préfence importuner votre Religion du plus
baut degré de la grandeur humaine , vous def
I iiij *cendez
832 MERCURE DE FRANCE
eendez , Madame , jufqu'à la plus profonde
bumiliation d'un Dieu , & votre exemple aufft
puiffant fur vos Sujets qui vous regardent com
me leur modele , que l'eft fur vous celui du Roi
des Rois que vous prenez pour le vôtre , tranf,
forme aujourd'hui en une Cour fimple & modefte
une Cour en tout autre tems fi brillante ,
peut-êtrefi faftueuse .
Mais comme c'eft l'humilité d'un Dieu dont
vous renouvellez l'exemple , & que ce Dieu tout
humilié qu'il eft , ne fit jamais paroître , an
rapport de l'Evangeliſte * plus de majesté & de
grandeur , non-feulement vous ne perdez rien
de la vôtre par l'acte de Religion qui nous af- ·
femble , mais vous y acquerez une gloire nouvelle
, gloire bien fuperieure à celle qui vous
environne lorsqu'affife fur le premier Trône du
monde , vous y fixez avec le coeur du plus puiſfant
& du plus cheri des Monarques les coeurs
de tous les Peuples dont il fait la felicité.
Dans le premier Point , après avoir établi par
rapport aux Grands la neceffité d'une humilité
de dépendance envers Dieu fur les obligations
qu'ils lui ont.
Selon ces principes , quelle fera la vôtre
Madame , envers le difpenfateur des Couronnes ,
qui vous ayant placé fi heureuſement pour nous
fur nos têtes , eft le feul que vous voyez au
deffus de la vôtre ; car de quelle forte de bienfaits
n'a t'il pas comblé V. M. juſqu'à ce jour ?
une Naiffance illuftre le Sceptre dans votre
augufte Maifon , votre Royale perſonne renduë
•
un Trône auffi ftable qu'il eft glorieux , un
Heros pour Epoux , digne de toute votre tendreffe
, une fecondité , fruit délicieux de vos
* Sciens Jefus quia omnia dedit ei Pater in manus
&c.
vertus
AVRIL. 1730.
833
le .
vertus & de nos voeux , des Sujets qui vous
adorent & qui fe croyent heureufe de votre felicité
propre voilà des presens du Ciel que lo
monde lui- même ne fçauroit méconnoître , &
qu'il regarde fans doute avec des yeux d'envier
mais ma Religion m'en découvre en V. M. dé
plus eftimables & de plus précieux encore ; c'est
ane éducation noble & chrétienne , un coeur
formé pour la fageſſe , un goût de tout tems décidé
pour la pieté , un de ces caracteres heureux
qui n'ont qu'à fe communiquer pour plaire's
pour dire plus , une belle ame en qui la nature
a preparé un riche fond à la grace & des vertus
bien raves à la Cour qui ne fe démentiront
point fur le Théatre du plus grand monde .
"
Or à qui V. M. doit- elle des faveurs fi fignalees
? n'est ce point à ce Dieu remunerateur des
hambles qui femble épuifer pour vous les plus
douces effufions de fa mifericorde , & voila
Madame , fi vous me permettez de vous le dire
en paffant , voilà ce qui doit vous rendre auſſi
reconnoiffante envers lui qu'il eft liberal envers
vous , auffi foumife à fes ordres qu'il eft magnifique
dans fes bienfaits, vous êtes dépofitaire.
de fa puiffance ; c'est vous que regarde le foin
de fa gloire , religieufe à lui renvoyer celle qui
vous viendra des hommes & à lui faire un hommage
de leurs hommages mêmes ; vous devez -
aimer à favorifer dans les autres la vertu qu'il
a couronnée en vous , & peu contente de paroître
par la Majefté du Trône l'image de la
grandeur d'un Dieu qui par la raison qu'il eft
grand he fe familiarife qu'avec les petits *
de vos devoirs , encore que vous goûtez fi bien,
c'est de l'être effectivement par une bonté genereufe
& magnanime envers eux.
un
* Deus humiles refpicit , humilibus dat gra
tiam.
I v Daus
834 MERCURE DE FRANCE
Dans le fecond Point à la fin , après avoir
prouvé que c'étoit par l'humilité que l'homme
devenoit veritablement grand.
Et c'est là , Madame , ce qui fait que je
vous trouve une plus grande Reine fous ces
voiles de l'humilité que dans tout l'éclat de
votre magnificence ; c'est là ce qui m'engage à
vous dire que l'action que vous allez faire doit
être à vos yeux une des plus glorieufes actions
de votre vie heureuſe , fi les fentimens Chrétiens
que je que je
ens d'exprimer font exactement
Les vôtres puifque tels font ceux que le Maître
des maîtres du monde prendra plaisir à.
voir dans tout tems dans une Reine très chrétienne
; mais fur tout pendant cette édifiante
Ceremonie ; car il eft vrai ( l'Apôtre me l'apprend,
mon miniftere eft de vous le faire
entendre ) il est vrai qu'il ne fuffit pas de faire
ce que fait J. C. fi l'on n'entre dans les vûës
21
dans les difpofitions de I. C. fi V M.
n'étoit animée interieurement de fon efprit
ce feroit en vain qu'elle se profterneroit comme
lui devant les pauvres , cette action , quelques
admirable qu'elle fut à nos yeux , feroit aw
fonds un spectacle de vanité & non de Religion
, une représentation de l'humiliation du
Sauveur plutôt qu'une imitation de fon bumilité.
Seigneur , qui donnez (ouvent les Royaumesfans
donner la gloire du Regne , faites rejaillir
long- tems les rayons de la vôtre fur une Princaffe
ft aimée des hommes qu'elle n'a rien à
defirer que d'être autant aimée de vous ,
fi religieufe envers vous que son exemple
j'ofe le dire , eft après celui d'un Dieu la plus
touchante des leçons pour nous, Vous avez reme
pli fes grandes destinées , vous la faites regner
Lur
AVRIL . 1730. 835
fur une Nation de tout tems fidelle à fes maires
; dans l'époque du Gouvernement le plus
Sage & le plus applaudi , vous lui donnez une
posterite nombreuſe , gage d'une paix durable
qu'elle verra croître autour d'elle comme dé
tendres Rameaux d'Olivier * vous l'avez affo
ciée à la gloire d'un pieux Monarque , nou
beau Salomon qui peut bien dire qu'en ſe hâ'
tant d'époufer la fageffe , il a vû entrer dans fa
maison tous les biens & tous les bonheurs enfemble
** ajoûtez , s'il se peut , quelque chofe
à fa grandeur ; mais non , elle aime mieux que
je vous demande pour elle des vertus que des
profperités ajoutez beaucoup plus à fa Religion
; & puifque c'est à vous à donner le falut*
aux Rois , felon le langage de vos Ecritures
continuez à repandre fur une tête fi chere les
benedictions de douceur dont vous l'avez prévenue
, que nous ne ceffons d'implorer pour
elle , afin qu'après avoir porté faintement la
Couronne que vous lui avez donnée fur laȚèrreselle
jouiffe un jour de celle que vous le préparez
dans le Ciel.
Filii tui ficut novella Olivarum in circuitu
menfæ tuæ.
*** Venerunt mihi omnia bona pariter cum illa.”
Prédicateur du Roi , dans fon Sermon de la Cênc
du Jeudi Saint dernier , devant la Reine , lui parla
en ces termes. Dans l'exorde , après avoir repréfenté
l'exemple de J. C. lavant les pieds de fes
Difciples,comme un fpectacle digne d'admiration.
C'est ce spectacle , Madame , fpectacle d'hu
milité & de charité tout ensemble , qui mit dans
l'etonnement le Prince des Apôtres , dont votre
Majesté s'empreffe de nous retracer une fidelle
image ; déja tous les yeux tournés fur elle voyent
avec édification l'impatience qu'elle a de dépofer
aux pieds de J. C. ce diadême dont fa
mainfe plait quelquefois à couronner la fageffe,
:
cette magnificence Royale qui femble en fa
préfence importuner votre Religion du plus
baut degré de la grandeur humaine , vous def
I iiij *cendez
832 MERCURE DE FRANCE
eendez , Madame , jufqu'à la plus profonde
bumiliation d'un Dieu , & votre exemple aufft
puiffant fur vos Sujets qui vous regardent com
me leur modele , que l'eft fur vous celui du Roi
des Rois que vous prenez pour le vôtre , tranf,
forme aujourd'hui en une Cour fimple & modefte
une Cour en tout autre tems fi brillante ,
peut-êtrefi faftueuse .
Mais comme c'eft l'humilité d'un Dieu dont
vous renouvellez l'exemple , & que ce Dieu tout
humilié qu'il eft , ne fit jamais paroître , an
rapport de l'Evangeliſte * plus de majesté & de
grandeur , non-feulement vous ne perdez rien
de la vôtre par l'acte de Religion qui nous af- ·
femble , mais vous y acquerez une gloire nouvelle
, gloire bien fuperieure à celle qui vous
environne lorsqu'affife fur le premier Trône du
monde , vous y fixez avec le coeur du plus puiſfant
& du plus cheri des Monarques les coeurs
de tous les Peuples dont il fait la felicité.
Dans le premier Point , après avoir établi par
rapport aux Grands la neceffité d'une humilité
de dépendance envers Dieu fur les obligations
qu'ils lui ont.
Selon ces principes , quelle fera la vôtre
Madame , envers le difpenfateur des Couronnes ,
qui vous ayant placé fi heureuſement pour nous
fur nos têtes , eft le feul que vous voyez au
deffus de la vôtre ; car de quelle forte de bienfaits
n'a t'il pas comblé V. M. juſqu'à ce jour ?
une Naiffance illuftre le Sceptre dans votre
augufte Maifon , votre Royale perſonne renduë
•
un Trône auffi ftable qu'il eft glorieux , un
Heros pour Epoux , digne de toute votre tendreffe
, une fecondité , fruit délicieux de vos
* Sciens Jefus quia omnia dedit ei Pater in manus
&c.
vertus
AVRIL. 1730.
833
le .
vertus & de nos voeux , des Sujets qui vous
adorent & qui fe croyent heureufe de votre felicité
propre voilà des presens du Ciel que lo
monde lui- même ne fçauroit méconnoître , &
qu'il regarde fans doute avec des yeux d'envier
mais ma Religion m'en découvre en V. M. dé
plus eftimables & de plus précieux encore ; c'est
ane éducation noble & chrétienne , un coeur
formé pour la fageſſe , un goût de tout tems décidé
pour la pieté , un de ces caracteres heureux
qui n'ont qu'à fe communiquer pour plaire's
pour dire plus , une belle ame en qui la nature
a preparé un riche fond à la grace & des vertus
bien raves à la Cour qui ne fe démentiront
point fur le Théatre du plus grand monde .
"
Or à qui V. M. doit- elle des faveurs fi fignalees
? n'est ce point à ce Dieu remunerateur des
hambles qui femble épuifer pour vous les plus
douces effufions de fa mifericorde , & voila
Madame , fi vous me permettez de vous le dire
en paffant , voilà ce qui doit vous rendre auſſi
reconnoiffante envers lui qu'il eft liberal envers
vous , auffi foumife à fes ordres qu'il eft magnifique
dans fes bienfaits, vous êtes dépofitaire.
de fa puiffance ; c'est vous que regarde le foin
de fa gloire , religieufe à lui renvoyer celle qui
vous viendra des hommes & à lui faire un hommage
de leurs hommages mêmes ; vous devez -
aimer à favorifer dans les autres la vertu qu'il
a couronnée en vous , & peu contente de paroître
par la Majefté du Trône l'image de la
grandeur d'un Dieu qui par la raison qu'il eft
grand he fe familiarife qu'avec les petits *
de vos devoirs , encore que vous goûtez fi bien,
c'est de l'être effectivement par une bonté genereufe
& magnanime envers eux.
un
* Deus humiles refpicit , humilibus dat gra
tiam.
I v Daus
834 MERCURE DE FRANCE
Dans le fecond Point à la fin , après avoir
prouvé que c'étoit par l'humilité que l'homme
devenoit veritablement grand.
Et c'est là , Madame , ce qui fait que je
vous trouve une plus grande Reine fous ces
voiles de l'humilité que dans tout l'éclat de
votre magnificence ; c'est là ce qui m'engage à
vous dire que l'action que vous allez faire doit
être à vos yeux une des plus glorieufes actions
de votre vie heureuſe , fi les fentimens Chrétiens
que je que je
ens d'exprimer font exactement
Les vôtres puifque tels font ceux que le Maître
des maîtres du monde prendra plaisir à.
voir dans tout tems dans une Reine très chrétienne
; mais fur tout pendant cette édifiante
Ceremonie ; car il eft vrai ( l'Apôtre me l'apprend,
mon miniftere eft de vous le faire
entendre ) il est vrai qu'il ne fuffit pas de faire
ce que fait J. C. fi l'on n'entre dans les vûës
21
dans les difpofitions de I. C. fi V M.
n'étoit animée interieurement de fon efprit
ce feroit en vain qu'elle se profterneroit comme
lui devant les pauvres , cette action , quelques
admirable qu'elle fut à nos yeux , feroit aw
fonds un spectacle de vanité & non de Religion
, une représentation de l'humiliation du
Sauveur plutôt qu'une imitation de fon bumilité.
Seigneur , qui donnez (ouvent les Royaumesfans
donner la gloire du Regne , faites rejaillir
long- tems les rayons de la vôtre fur une Princaffe
ft aimée des hommes qu'elle n'a rien à
defirer que d'être autant aimée de vous ,
fi religieufe envers vous que son exemple
j'ofe le dire , eft après celui d'un Dieu la plus
touchante des leçons pour nous, Vous avez reme
pli fes grandes destinées , vous la faites regner
Lur
AVRIL . 1730. 835
fur une Nation de tout tems fidelle à fes maires
; dans l'époque du Gouvernement le plus
Sage & le plus applaudi , vous lui donnez une
posterite nombreuſe , gage d'une paix durable
qu'elle verra croître autour d'elle comme dé
tendres Rameaux d'Olivier * vous l'avez affo
ciée à la gloire d'un pieux Monarque , nou
beau Salomon qui peut bien dire qu'en ſe hâ'
tant d'époufer la fageffe , il a vû entrer dans fa
maison tous les biens & tous les bonheurs enfemble
** ajoûtez , s'il se peut , quelque chofe
à fa grandeur ; mais non , elle aime mieux que
je vous demande pour elle des vertus que des
profperités ajoutez beaucoup plus à fa Religion
; & puifque c'est à vous à donner le falut*
aux Rois , felon le langage de vos Ecritures
continuez à repandre fur une tête fi chere les
benedictions de douceur dont vous l'avez prévenue
, que nous ne ceffons d'implorer pour
elle , afin qu'après avoir porté faintement la
Couronne que vous lui avez donnée fur laȚèrreselle
jouiffe un jour de celle que vous le préparez
dans le Ciel.
Filii tui ficut novella Olivarum in circuitu
menfæ tuæ.
*** Venerunt mihi omnia bona pariter cum illa.”
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Résumé : Sermon de l'Abbé de Rosay, [titre d'après la table]
Le texte relate un sermon prononcé par l'Abbé de Rozay, Docteur de Sorbonne et Prédicateur du Roi, devant la Reine lors de la Cène du Jeudi Saint. L'Abbé commence par évoquer l'exemple de Jésus lavant les pieds de ses disciples, soulignant l'humilité et la charité de ce geste. Il compare la Reine à l'Apôtre Pierre, admirant son impatience de se soumettre à Dieu en déposant son diadème. L'Abbé loue la Reine pour sa magnificence royale et son humilité, notant que son exemple transforme la cour en un modèle de simplicité et de modestie. L'Abbé insiste sur la nécessité de l'humilité pour les grands, rappelant les bienfaits que Dieu a accordés à la Reine, tels qu'une naissance illustre, un trône stable, un époux héroïque, et des sujets dévoués. Il encourage la Reine à être reconnaissante envers Dieu et à favoriser la vertu chez les autres. Il conclut en affirmant que l'humilité véritable est la source de la grandeur, et que l'action de la Reine doit être motivée par un esprit chrétien authentique. Il prie pour que la Reine continue de régner avec sagesse et de recevoir les bénédictions divines.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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57
p. 861-868
LA POESIE, ODE A M. de la Faye, de l'Académie Françoise. Par M. Richer.
Début :
Quel Profane sur le Parnasse, [...]
Mots clefs :
Coeur, Dieu, Génie, Muses, Vers, Poésie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA POESIE, ODE A M. de la Faye, de l'Académie Françoise. Par M. Richer.
LA POESIE ,
ODE
A M. de la Faye , de l'Académie Fran
goife. Par M. Richer .
Quel
Jel Profane fur le Parnaffe ,
Ferme l'oreille à tes accens ;
Dieu des Vers , confonds fon audace ,
Fail
862 MERCURE DE FRANCE
Fais briller tes charmes puiffants.
C'eſt envain que dans fon délire ,
Mufes , il ofe contredire ,
Les fuffrages de l'Univers :
Paroiffez , Filles de Memoire ,
Chantez vous- même votre gloire ,
Infpirez -moi vos plus beaux Airs.
Sorti des mains de Promethée ,
L'homme errant , féroce & fans Loi ,
Sur la Terre à peine habitée ,
Répandoit le trouble & l'effroi.
Cette lumiere vive & pure ,
Don précieux de la Nature ,
Ne lui deffilloit point les yeux :
Livrez aux paffions perfides ,
Les coeurs féduits n'avoient pour guides ,
Que ces Tyrans imperieux.
Age malheureux ! où la Terre ,
Etoit un Théatre d'horreurs.
La Difcorde y foufloit la Guerre ;
En tous lieux regnoient fes fureurs.
Hideux alors & fans culture , -
Les Champs n'offroient pour nourriture
Que du Gland & des fruits amers :
Vous ignoriez les Arts utiles ,
Mortels , vous n'aviez
pour
aziles ,
Que les Rochers & les Deſerts.
Mais
MAY . 863
1730.
Mais , quel Dieu ? Quel puiffant génie ,
Vient enfin de changer les coeurs ?
C'eſt toi , raviffante Harmonie !
Qui fur eux répans tes douceurs.
Illuftre fils de Calliope ,
De l'erreur qui les enveloppe ,
Tu peux feul diffiper la nuit ;
De tes Preceptes efficaces ,
Dictez par la bouche des Graces ,
Je les voi recueillir le fruit.
A ta voix féconde en miracles ,
Quittant leurs Antres efcarpez ,
Du fon de tes facrez Oracles ,
Ces coeurs farouches font frappez ;
Ils en admirent la fageffe ,
Les moeurs dépouillent leur rudeffe :
Tu fais triompher l'équité :
Soumis à des Loix refpectables ,
Ils goutent de ces noeuds aimables ,
L'agrément & l'utilité.
Ainfi la Fable nous figure
Les Rochers émus de tes fons ,
Et jufqu'en fa Caverne obfcure ,
L'Ours attendri par tes Chanſons ::
Ainfi d'un Chantre de la Grece ,
" Jadis la Lyre enchantereffe ,
Eleva
864 MERCURE DE FRANCE
Eleva les murs des Thébains :
Vives , mais trop foibles images ,
Pour nous peindre les avantages ,
D'un Art , le Maître des Humains !
Cet Art , aux plus fages maximes ,
Joint des accens mélodieux .
Ses accords font touchants , fublimes :
C'eft ainfi que parlent les Dieux.
Par fa Peinture noble & vive ,
Il frappe , il rend l'ame attentive ,
Plein de force & d'aménité ;
Et fouvent fes doctes Myfteres,
Sous des fictions falutaires ,
Voilent l'auftere verité.
Dans une Scene intereſſante ,
Retraçant d'illuftres malheurs ,
Voi Melpomene gémiffante ,
De nos yeux
Sur l'ame vivement
atteinte ,
La compaffion
& la crainte ,
Font d'utiles impreffions
;
Et l'affreuſe
image du crime ,
Dont le coupable
eft la victime
Du coeur banuit les paffions.
arracher des pleurs.
Des jeux Innocens de Thalie ;
Le
MAY. 865 1730 .
Le riant fpectacle étalé ,
De l'homme montre la folie ,
Aux ris le vice eft immolé.
La fureur du jeu , l'imprudence ,
Le faux fçavoir & l'arrogance ,
Y font percez de mille traits.
De ces Dramatiques merveilles ,
Les fons qui charment nos oreilles ,
Nous y font trouver plus d'attraits.
Mais animé du même zele ,
Par qui le vice eft combattu ,
D'un trait de fon Crayon fidele ,
Ce grand Art nous peint la vertu.
Pindare dans fes fons Lyriques ,
Chante les Vainqueurs Olympiques ;
Homere chante les Guerriers ,
Sans cette vivante peinture ,
Le temps , dont ils bravent l'injure ,
N'eût pas refpecté leurs Lauriers.
Oui , Mufes , votre Art eft utile ,
Aux fameux Guerriers , aux grands Rois,
Sans vous d'Agamemnon , d'Achille ,
L'oubli voileroit les exploits.
Des Héros que l'Hiftoire vante ,
La vertu paroît plus brillante ,
Lorfque vous celebrez leur nom
..lexandre , avide de gloire ,
866 MERCURE DE FRANCE
Se plaignoit après la victoire ,
Qu'Homere eût paffé l'Acheron,
Dans une agréable retraite ,
Ou les Nymphes font leur féjour ,
Le beau Thyrfis , fur ſa Mufette ,
Chante le pouvoir de l'Amour.
Un autre à l'ombre de la Treille ,
Epris de la Liqueur vermeille ,
D'un Dieu vante les dons chéris :
Venus & le fils de Séméle ,
Ornent d'une grace nouvelle ,
Les Chanfons de leurs Favoris.
Mais ce langage du Permeffe ,
'Au gré d'un fubtil Novateur ,
N'eſt qu'une ridicule yvrefſe ,
Dont le caprice eft inventeur.
Séduits par un ufage étrange ,
Pourquoi prodiguer la loüange ,
A de pareils amuſemens ?
Penible abus de la parole ,
A qui notre folie immole ,
La Nature & fes fentimens !
Muſes , l'honneur de ce Rivage ,
Qu'infenfible à vos doux accords ,
Pour décrier votre langage ,
L'Ingrat
ΤΟ
867 .. MAY. 1730.
L'Ingrat faffe de vains efforts :
Pour dégrader les doctes veilles
Du fameux Rival des Corneilles ,
Qu'il décompofe fes écrits :
Racine , un fol efpoir le flatte ;
Et des beaux Vers de Mithridate ,
Tu nous vois encor plus épris.
De la meſure & de la Rime ,
Qu'il brave l'importune loi :
Tu leur conferves notre eftime ;
Ce bel Art triomphe chez toi.
Les mots foumis à la meſure ,
N'y font qu'embellir la Nature ,
Malgré leur étroite priſon ;
Et par l'effort de ton génie ,
La cadence au droit ſens unie
Charme l'oreille & la raiſon,
Non , ce travail n'eſt point ſterile ;
Fruit d'un laborieux loifir ;
Moins le fuccès en eſt facile ,
Plus il nous caufe de plaifir.
De tout temps l'Univers l'admire :
Si les fons qu'enfante la Lyre ,
Charment aujourd'hui les Mortels ,
Le Monde encor dans fon enfance ,
Sans
868 MERCURE DE FRANCE
Sans fçavoir , fans expérience ,
Aux Mufes dreffa des Autels.
En vain par une audace extrême ,
L *** infultant aux neuf Soeurs ,
Sur le fommet du Pinde même ,
Ofe méprifer leurs faveurs.
Pour le confondre Polymnie,
Echauffant ton heureux génie ,
Fait entendre de nouveaux Airs ,
La Faye , & ta Lyre fidelle ,
Nous donne une preuve immortelle ,
De la puiffance des beaux Vers.
ODE
A M. de la Faye , de l'Académie Fran
goife. Par M. Richer .
Quel
Jel Profane fur le Parnaffe ,
Ferme l'oreille à tes accens ;
Dieu des Vers , confonds fon audace ,
Fail
862 MERCURE DE FRANCE
Fais briller tes charmes puiffants.
C'eſt envain que dans fon délire ,
Mufes , il ofe contredire ,
Les fuffrages de l'Univers :
Paroiffez , Filles de Memoire ,
Chantez vous- même votre gloire ,
Infpirez -moi vos plus beaux Airs.
Sorti des mains de Promethée ,
L'homme errant , féroce & fans Loi ,
Sur la Terre à peine habitée ,
Répandoit le trouble & l'effroi.
Cette lumiere vive & pure ,
Don précieux de la Nature ,
Ne lui deffilloit point les yeux :
Livrez aux paffions perfides ,
Les coeurs féduits n'avoient pour guides ,
Que ces Tyrans imperieux.
Age malheureux ! où la Terre ,
Etoit un Théatre d'horreurs.
La Difcorde y foufloit la Guerre ;
En tous lieux regnoient fes fureurs.
Hideux alors & fans culture , -
Les Champs n'offroient pour nourriture
Que du Gland & des fruits amers :
Vous ignoriez les Arts utiles ,
Mortels , vous n'aviez
pour
aziles ,
Que les Rochers & les Deſerts.
Mais
MAY . 863
1730.
Mais , quel Dieu ? Quel puiffant génie ,
Vient enfin de changer les coeurs ?
C'eſt toi , raviffante Harmonie !
Qui fur eux répans tes douceurs.
Illuftre fils de Calliope ,
De l'erreur qui les enveloppe ,
Tu peux feul diffiper la nuit ;
De tes Preceptes efficaces ,
Dictez par la bouche des Graces ,
Je les voi recueillir le fruit.
A ta voix féconde en miracles ,
Quittant leurs Antres efcarpez ,
Du fon de tes facrez Oracles ,
Ces coeurs farouches font frappez ;
Ils en admirent la fageffe ,
Les moeurs dépouillent leur rudeffe :
Tu fais triompher l'équité :
Soumis à des Loix refpectables ,
Ils goutent de ces noeuds aimables ,
L'agrément & l'utilité.
Ainfi la Fable nous figure
Les Rochers émus de tes fons ,
Et jufqu'en fa Caverne obfcure ,
L'Ours attendri par tes Chanſons ::
Ainfi d'un Chantre de la Grece ,
" Jadis la Lyre enchantereffe ,
Eleva
864 MERCURE DE FRANCE
Eleva les murs des Thébains :
Vives , mais trop foibles images ,
Pour nous peindre les avantages ,
D'un Art , le Maître des Humains !
Cet Art , aux plus fages maximes ,
Joint des accens mélodieux .
Ses accords font touchants , fublimes :
C'eft ainfi que parlent les Dieux.
Par fa Peinture noble & vive ,
Il frappe , il rend l'ame attentive ,
Plein de force & d'aménité ;
Et fouvent fes doctes Myfteres,
Sous des fictions falutaires ,
Voilent l'auftere verité.
Dans une Scene intereſſante ,
Retraçant d'illuftres malheurs ,
Voi Melpomene gémiffante ,
De nos yeux
Sur l'ame vivement
atteinte ,
La compaffion
& la crainte ,
Font d'utiles impreffions
;
Et l'affreuſe
image du crime ,
Dont le coupable
eft la victime
Du coeur banuit les paffions.
arracher des pleurs.
Des jeux Innocens de Thalie ;
Le
MAY. 865 1730 .
Le riant fpectacle étalé ,
De l'homme montre la folie ,
Aux ris le vice eft immolé.
La fureur du jeu , l'imprudence ,
Le faux fçavoir & l'arrogance ,
Y font percez de mille traits.
De ces Dramatiques merveilles ,
Les fons qui charment nos oreilles ,
Nous y font trouver plus d'attraits.
Mais animé du même zele ,
Par qui le vice eft combattu ,
D'un trait de fon Crayon fidele ,
Ce grand Art nous peint la vertu.
Pindare dans fes fons Lyriques ,
Chante les Vainqueurs Olympiques ;
Homere chante les Guerriers ,
Sans cette vivante peinture ,
Le temps , dont ils bravent l'injure ,
N'eût pas refpecté leurs Lauriers.
Oui , Mufes , votre Art eft utile ,
Aux fameux Guerriers , aux grands Rois,
Sans vous d'Agamemnon , d'Achille ,
L'oubli voileroit les exploits.
Des Héros que l'Hiftoire vante ,
La vertu paroît plus brillante ,
Lorfque vous celebrez leur nom
..lexandre , avide de gloire ,
866 MERCURE DE FRANCE
Se plaignoit après la victoire ,
Qu'Homere eût paffé l'Acheron,
Dans une agréable retraite ,
Ou les Nymphes font leur féjour ,
Le beau Thyrfis , fur ſa Mufette ,
Chante le pouvoir de l'Amour.
Un autre à l'ombre de la Treille ,
Epris de la Liqueur vermeille ,
D'un Dieu vante les dons chéris :
Venus & le fils de Séméle ,
Ornent d'une grace nouvelle ,
Les Chanfons de leurs Favoris.
Mais ce langage du Permeffe ,
'Au gré d'un fubtil Novateur ,
N'eſt qu'une ridicule yvrefſe ,
Dont le caprice eft inventeur.
Séduits par un ufage étrange ,
Pourquoi prodiguer la loüange ,
A de pareils amuſemens ?
Penible abus de la parole ,
A qui notre folie immole ,
La Nature & fes fentimens !
Muſes , l'honneur de ce Rivage ,
Qu'infenfible à vos doux accords ,
Pour décrier votre langage ,
L'Ingrat
ΤΟ
867 .. MAY. 1730.
L'Ingrat faffe de vains efforts :
Pour dégrader les doctes veilles
Du fameux Rival des Corneilles ,
Qu'il décompofe fes écrits :
Racine , un fol efpoir le flatte ;
Et des beaux Vers de Mithridate ,
Tu nous vois encor plus épris.
De la meſure & de la Rime ,
Qu'il brave l'importune loi :
Tu leur conferves notre eftime ;
Ce bel Art triomphe chez toi.
Les mots foumis à la meſure ,
N'y font qu'embellir la Nature ,
Malgré leur étroite priſon ;
Et par l'effort de ton génie ,
La cadence au droit ſens unie
Charme l'oreille & la raiſon,
Non , ce travail n'eſt point ſterile ;
Fruit d'un laborieux loifir ;
Moins le fuccès en eſt facile ,
Plus il nous caufe de plaifir.
De tout temps l'Univers l'admire :
Si les fons qu'enfante la Lyre ,
Charment aujourd'hui les Mortels ,
Le Monde encor dans fon enfance ,
Sans
868 MERCURE DE FRANCE
Sans fçavoir , fans expérience ,
Aux Mufes dreffa des Autels.
En vain par une audace extrême ,
L *** infultant aux neuf Soeurs ,
Sur le fommet du Pinde même ,
Ofe méprifer leurs faveurs.
Pour le confondre Polymnie,
Echauffant ton heureux génie ,
Fait entendre de nouveaux Airs ,
La Faye , & ta Lyre fidelle ,
Nous donne une preuve immortelle ,
De la puiffance des beaux Vers.
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Résumé : LA POESIE, ODE A M. de la Faye, de l'Académie Françoise. Par M. Richer.
Le texte est une ode dédiée à M. de la Faye, membre de l'Académie Française, écrite par M. Richer. L'auteur commence par inviter les Muses à chanter leur propre gloire et à inspirer ses vers. Il décrit l'état primitif de l'humanité, marqué par la violence et l'absence de lois, avant l'avènement de l'harmonie et de la poésie. La poésie, personnifiée par les Muses, est présentée comme une force capable de civiliser les hommes, de les rendre plus justes et de les guider vers des mœurs plus douces. L'ode met en avant les vertus de la poésie, qui non seulement divertit mais éduque également en illustrant les conséquences des vices et en célébrant la vertu. Les grands poètes comme Pindare et Homère sont cités pour leur capacité à immortaliser les exploits des héros. L'auteur critique ceux qui méprisent la poésie et loue Racine pour son art. Il conclut en affirmant que la poésie, malgré ses contraintes, charme l'oreille et la raison, et qu'elle a toujours été admirée par l'humanité depuis ses origines. L'ode se termine par une louange à M. de la Faye et à sa lyre fidèle, preuve de la puissance des beaux vers.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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58
p. 897-905
QUESTION NOTABLE, jugée par Arrêt du Parlement de Provence au mois de Janvier 1730.
Début :
Il s'agissoit de sçavoir s'il y a abus dans la Profession Religieuse, faite par un fils [...]
Mots clefs :
Couvent, Profession, Dieu, Obéissance, Ordonnances, Arrêts
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : QUESTION NOTABLE, jugée par Arrêt du Parlement de Provence au mois de Janvier 1730.
QUESTION NOTABLE , jugée
par Arrêt du Parlement de Provence
au mois de Janvier 1730.
Il s'agiffoit de fçavoir s'il y a abus dans
la Profeffion Religieufe , faite par un fils
de famille,fans le confentement defon pere.
FAIT .
Laude Jouvin , fils d'un Bourgeois
Ca Cde Marfeille , ayant atteint l'âge requis
par les Conciles & par les Ordonnances
pour entrer en Religion , ſe rendit
au Convent des Capucins de la Ville
"d'Aix , fur la fin du mois de Janvier 1726.
il demanda l'habit , & il le reçut le 5. Fevrier
de la même année , après avoir été
examiné. L'année du Noviciat expirée ,
il fit fa Profeffion le 9. Fevrier 1727.
Le repentir fuivit de près fon engagement.
Il s'évada du Convent de Sifteron,
où on l'avoit envoyé pour fe rendre à
Marſeille chez fon pere , qui le fit paffer
à Avignon ; mais le Frere Jouvin , frappé
de la crainte d'être traité en Apoftat ,
reprit des habits féculiers, & vint une feconde
fois chercher un azile dans la maifon
paternelle : il n'y refta pas long-temps ;
car ayant été découvert , il fut conduit
C iij par
898 MERCURE DE FRANCE
par des Archers au Convent des Capucins
de Marſeille .
Jouvin , attendri par Ies regrets de fon
fils , & touché de l'état fâcheux où il fe
trouvoit , réfolut de l'en retirer . Il appella
comme d'abus de la Profeffion faite
par fon fils. Il fit intimer le Gardien du
Convent de la Ville d'Aix , par exploit
du 7. Janvier. La Cour , par un Decret
contradictoire du 28 ordonna la fequeftration
de la perfonne de Frere Jouvin
au Convent des Religieux de l'Obfervance
S. François de Marfeille. La Cauſe en
cet état , portée à l'Audiance , attira par
fa nouveauté un grand nombre d'Auditeurs
, qui furent très- fatisfaits de la maniere
dont elle fut plaidée.
M. Reboul , pour Jouvin pere , dit que
la Profeffion faite par un fils de famille ,
mineur , fans la prefence & fans le confentement
de fon pere , violoit également
Tes Loix divines , les Conftitutions Canoques
, les Capitulaires de nos Rois & les
Ordonnances du Royaume.
La Loi de Dieu rejette l'engagement de
T'enfant s'il n'eft autorifé de celui de qui
il a reçû le jour. C'eft ce que nous lifons
dans le Chapitre 30. des Nombres. Mulier
fi quidpiam voverit & fe conftituerit
juramento , que eft in domo patris fui & in
atate adhuc puellari , fi cognoverit pater
Votum
MAY. 1730.
8995
voti
Votum quod pollicita eft , & juramentum quo
obligavit animam fuam & tacuerit ,
rea erit & quidquid pollicita eft opere complebit.
Sin autem ftatim ut audivit contradixerit
pater , & vota & juramenta ejus
irrita erunt nec obnoxia tenebitur fponfioni
eo quod contradixerit pater. Cette même
Loi nous apprend aufli que l'obéïffance
vaut toûjours mieux que fe facrifice . Melior
eft obedientia quàm victima. Liv. 1. des
Rois , Chap. 15. Verfet 22 .
Les promeffes qu'on fait à Dieu , n'ont
de force qu'en ce qui concerne les chofes
à quoi nous fommes affranchis de la puiffance
d'autrui , c'eſt le fentiment de faint
Thomas. D'où il s'enfuit que ces promeffes
ne peuvent produire aucun engagement
valable , par rapport à un fils de
famille , au préjudice des droits qui font
acquis à fon pere fur fa perfonne.
Les Canons , loin d'approuver de tels
Vaux , prononcent anathême contre les
enfans qui s'engagent dans la Profeflion
Religieufe, fans avoir confulté leurs peres.
Tel eft dans le Decret, le Can . 1. diſt. 30 .
& le Canon Oportet. Cauf. 20. Queft. 2 .
Parmi les Capitulaires de Charlemagne
il y en a un qui n'eft jamais oublié fur
cette matiere. Il y eft dit dans le Ch . ior .
du I. Liv. Ne pueri fine voluntate parentum
tonfurentur vel puella velentur modis omnibus
inhibitum eft. Ciiij L'añ
900 MERCURE DE FRANCE
L'ancienne Difcipline donnoit tout à
l'autorité paternelle , quand il s'agiffoit
de la confécration des enfans au culte divin.
Les peres confacroient leurs enfans
à l'état Religieux , & ceux-cy ne pouvoient
rompre de tels engagemens. Cette
* Diſcipline fut changée fous le regne de
Charlemagne , & elle fut réduite à ce
point qu'il n'y auroit point de validité
dans les Profeffions du fils de famille , fi
ce n'eſt que la volonté du pere concourut
avec celle du fils . C'eft ce que nous apprend
le fameux Pere Thomaffin , dans
la Difcipline de l'Eglife. Part. 2. Liv. 1 .
Chap. 42 .
La Jurifprudence Françoiſe n'a point
dérogé à la difpofition des faints Canons.
Nos Ordonnances n'établiffent pas moins
la neceffité du confentement des parens.
La difpofition de l'Edit d'Henry II. de
l'Ordonnance de Blois , Art. 40. de celle
d'Henry IV. du mois de Decembre 1606.
de celle de Louis XIII . du mois de Janvier
1629. & la Déclaration du 26. Novembre
1639. font des Loix generalement
connuës.
Les Compilateurs des Arrêts nous fourniffent
un grand nombre de Décifions für
ce point. Tels font ceux qui font rapportez
par Choppin , dans fon Monafticon, Liv . 1.
Tit. 2. N. 4. par des Henrys , Tom. 2 .
Liv,
MAY. 1730. 901
Liv. 1. Q.33 . par Boniface , dans fa premiere
Compilation , Liv. 2. Tit. 31. Ch. 5.
par l'Auteur du Journal du Palais , Tom.
2. pag. 612. & Tom. 1. pag. 260.
Telles furent les principles raifons fur
lefquelles fe fondoit l'Avocat de Jouvin
pere , pour faire déclarer nulle la Profeffion
faite par fon fils .
M. Chery fils , qui plaidoit pour le Gardien
des Capucins , répondit à toutes ces
Objections. Il dit que quoiqu'un enfant
foit obligé d'honorer fon pere & fa mere,
& que de cette obligation naiffent tous les
devoirs d'une veritable obéiffance , cependant
ce précepte ne regarde que les
devoirs purement humains , & il eft fubordonné
à celui de l'amour de Dieu , avec
lequel nous confommons le grand ouvra
ge de notre falut.
Dieu ne reçoit agréablement nos Holocauftes
, que lorfque nous avons acquis
la parfaite abnégation de nous- mêmes &
de tout ce qui nous eft cher. Ce n'eſt
qu'en lui failant un facrifice de l'obéïffance
nous devons à nos parens , que
que
nous devenons dignes de lui. Il nous dit
lui- même dans l'Ecriture-Sainte , que celui-
là feul obfervera fes Commandemens,
qui s'attachant à fon fervice , dira à fon
pere & à fa mere , qu'il ne les connoît
plus. Qui dixerunt patri & matri non no-
C.v vimus
902 MERCURE DE FRANCE
vimus vos ifti cuftodierant mandatum meum ..
Lorfque Dieu nous appelle à lui , il ne
s'agit pas d'obeïr à fes parens , ce n'eft
point dans ce cas qu'il faut fuivre leur
choix & leur détermination . S. Jerôme
écrivant à Héliodore , s'exprime en ces .
termes : Licet parvulus ex collo pendeat
nepos licet fparfo crine , & fciffis veftibus
ubera quibus te nutrierat mater oftendat. Licet
in limine pater jaceat , per calcatum perge:
patrem , ficcis oculis ad vexillum crucis evola.
Et dans une autres Lettre écrite à Fabiolà
, il affure que bien loin qu'il foit du
devoir des enfans de manquer à leur vo
cation par obéïffance pour leurs parens
.
ils commettroient un crime s'ils
quoient.
y' man.
Il eft dit dans le 30. Chap..des Nom
bres , que fi le pere n'approuve pas le:
voeu de fa fille , elle n'eft pas obligée de
l'accomplir , mais il faut faire une gran--
de difference de l'ancienne Loi d'avec la
Loi de grace . Parmi les Juifs les filles ne
pouvoient point faire de voeux qui regardaffent
le choix de vies tous leurs
voeux regardoient des actions particulicres
, dont les peres étoient maîtres.
२
Les Conftitutions Canoniques n'ont
point requis ce confentement. Les Conci--
lès ont feulement fixé l'âge qu'il falloit:
avoir pour pouvoir.embraffer l'état Re
ligieux,,
MAY. 1730. 903
ligieux , & ils ont ordonné qu'une Profellion
faite par un fils de famille avant
cet âge requis , feroit nulle & abufive.
C'est ce qu'on voit dans le Concile de
Tibur. Si une fille avant l'âge de douze
ans entre en Religion , alors fes parens
peuvent s'y oppofer , mais fi elle a atteint
l'âge requis , il n'eft plus permis aux parens
de l'en détourner ; telle eft la déci--
fion de ce Concile. Celui de Gange prononce
anathême contre les enfans qui
abandonnent leurs parens pour fe vouër
à Dieu ; mais il parle de ces enfans
dont le fecours feroit neceffaire à un pere
accablé d'infirmitez,& de mifere; en ce cas
il eft incontestable qu'un fils doit refter
près de celui de qui il a reçû le jour.
Les Loix du Royaume ne font point
contraires à ces faintes autoritez , & on
ne doit point fe prévaloir des Capitulai--
res de Charlemagne . Les peres avoient
alors le droit d'offrir leurs enfans aux
Monafteres , jufques-là même qu'ils deftinoient
à l'état Religieux leurs enfans à
naître; c'eft ce qu'on voit dans la difpo-:
fition teftamentaire de Louis VIII. Il or--
donne à fon cinquiéme fils & à tous ceux
qui naîtront après lui , de fe faire Reli--
gieux . Mais ces Capitulaires qui ne por--
toient pas même la nullité de la Profeffion
, & qui condamnoient feulement à
C - vj une
904 MERCURE DE FRANCE
une amende le Superieur qui y admettroit
les fils de famille fans le confentement
de leurs peres , ne font plus en ufage
parmi nous. Si les peres n'ont plus
aujourd'hui le pouvoir d'immoler leurs
enfans à leur avidité, & de les deftiner au
Monachifme , les enfans font libres d'y
entrer , parce que la victime doit fe vouer
elle-même.
L'Ordonnance d'Orleans fixe l'âge auquel
on peut s'engager valablement dans
l'état Religieux , & deffend aux peres
& meres de permettre à leurs enfans
d'embraffer cet état jufqu'à ce qu'ils ayent
atteint cet âge ; mais elle ne dit point
que les Profeffions faites par ces enfans à
Fâge requis , feront nulles , fi les parens
n'y ont donné leur confentement. Celle
de Blois ne parle point du tout de ce
confentement, & n'y en a aucune qui dife
qu'il foit neceffaire.
Les Arrêts citez ne font point du tout
favorables à Jouvin pere . Ils ont deffendu
à des Superieurs d'admettre à la Profeffion
des fils de famille mineurs , qui
s'étoient retirez dans leurs Convents à
l'infçû de leurs parens , & dont la jeuneffe
donnoit lieu de foupçonner qu'ils avoient
été féduits ; mais il n'y a aucun Arrêt qui
annulle une Profeffion faite fans le confentement
des parens.
I
MAY. 1730. 905
Il y a plus , Jouvin a lui- même confenti
à la Profeffion de fon fils , il n'a
pû l'ignorer , puifqu'il envoya fon Epoufe
pour y aflifter , & pour fournir de fa part
tout ce qui étoit neceffaire à cette dépenfe.
Sur toutes ces raifons il intervint Arrêt
le 26. Janvier 1730. prononcé par M. le
Premier Preſident Lebret , qui déclara
n'y avoir abus dans la Profeffion de Claude
Jouvin , conformément aux Conclufions
de M. l'Avocat General de Gueydan .
par Arrêt du Parlement de Provence
au mois de Janvier 1730.
Il s'agiffoit de fçavoir s'il y a abus dans
la Profeffion Religieufe , faite par un fils
de famille,fans le confentement defon pere.
FAIT .
Laude Jouvin , fils d'un Bourgeois
Ca Cde Marfeille , ayant atteint l'âge requis
par les Conciles & par les Ordonnances
pour entrer en Religion , ſe rendit
au Convent des Capucins de la Ville
"d'Aix , fur la fin du mois de Janvier 1726.
il demanda l'habit , & il le reçut le 5. Fevrier
de la même année , après avoir été
examiné. L'année du Noviciat expirée ,
il fit fa Profeffion le 9. Fevrier 1727.
Le repentir fuivit de près fon engagement.
Il s'évada du Convent de Sifteron,
où on l'avoit envoyé pour fe rendre à
Marſeille chez fon pere , qui le fit paffer
à Avignon ; mais le Frere Jouvin , frappé
de la crainte d'être traité en Apoftat ,
reprit des habits féculiers, & vint une feconde
fois chercher un azile dans la maifon
paternelle : il n'y refta pas long-temps ;
car ayant été découvert , il fut conduit
C iij par
898 MERCURE DE FRANCE
par des Archers au Convent des Capucins
de Marſeille .
Jouvin , attendri par Ies regrets de fon
fils , & touché de l'état fâcheux où il fe
trouvoit , réfolut de l'en retirer . Il appella
comme d'abus de la Profeffion faite
par fon fils. Il fit intimer le Gardien du
Convent de la Ville d'Aix , par exploit
du 7. Janvier. La Cour , par un Decret
contradictoire du 28 ordonna la fequeftration
de la perfonne de Frere Jouvin
au Convent des Religieux de l'Obfervance
S. François de Marfeille. La Cauſe en
cet état , portée à l'Audiance , attira par
fa nouveauté un grand nombre d'Auditeurs
, qui furent très- fatisfaits de la maniere
dont elle fut plaidée.
M. Reboul , pour Jouvin pere , dit que
la Profeffion faite par un fils de famille ,
mineur , fans la prefence & fans le confentement
de fon pere , violoit également
Tes Loix divines , les Conftitutions Canoques
, les Capitulaires de nos Rois & les
Ordonnances du Royaume.
La Loi de Dieu rejette l'engagement de
T'enfant s'il n'eft autorifé de celui de qui
il a reçû le jour. C'eft ce que nous lifons
dans le Chapitre 30. des Nombres. Mulier
fi quidpiam voverit & fe conftituerit
juramento , que eft in domo patris fui & in
atate adhuc puellari , fi cognoverit pater
Votum
MAY. 1730.
8995
voti
Votum quod pollicita eft , & juramentum quo
obligavit animam fuam & tacuerit ,
rea erit & quidquid pollicita eft opere complebit.
Sin autem ftatim ut audivit contradixerit
pater , & vota & juramenta ejus
irrita erunt nec obnoxia tenebitur fponfioni
eo quod contradixerit pater. Cette même
Loi nous apprend aufli que l'obéïffance
vaut toûjours mieux que fe facrifice . Melior
eft obedientia quàm victima. Liv. 1. des
Rois , Chap. 15. Verfet 22 .
Les promeffes qu'on fait à Dieu , n'ont
de force qu'en ce qui concerne les chofes
à quoi nous fommes affranchis de la puiffance
d'autrui , c'eſt le fentiment de faint
Thomas. D'où il s'enfuit que ces promeffes
ne peuvent produire aucun engagement
valable , par rapport à un fils de
famille , au préjudice des droits qui font
acquis à fon pere fur fa perfonne.
Les Canons , loin d'approuver de tels
Vaux , prononcent anathême contre les
enfans qui s'engagent dans la Profeflion
Religieufe, fans avoir confulté leurs peres.
Tel eft dans le Decret, le Can . 1. diſt. 30 .
& le Canon Oportet. Cauf. 20. Queft. 2 .
Parmi les Capitulaires de Charlemagne
il y en a un qui n'eft jamais oublié fur
cette matiere. Il y eft dit dans le Ch . ior .
du I. Liv. Ne pueri fine voluntate parentum
tonfurentur vel puella velentur modis omnibus
inhibitum eft. Ciiij L'añ
900 MERCURE DE FRANCE
L'ancienne Difcipline donnoit tout à
l'autorité paternelle , quand il s'agiffoit
de la confécration des enfans au culte divin.
Les peres confacroient leurs enfans
à l'état Religieux , & ceux-cy ne pouvoient
rompre de tels engagemens. Cette
* Diſcipline fut changée fous le regne de
Charlemagne , & elle fut réduite à ce
point qu'il n'y auroit point de validité
dans les Profeffions du fils de famille , fi
ce n'eſt que la volonté du pere concourut
avec celle du fils . C'eft ce que nous apprend
le fameux Pere Thomaffin , dans
la Difcipline de l'Eglife. Part. 2. Liv. 1 .
Chap. 42 .
La Jurifprudence Françoiſe n'a point
dérogé à la difpofition des faints Canons.
Nos Ordonnances n'établiffent pas moins
la neceffité du confentement des parens.
La difpofition de l'Edit d'Henry II. de
l'Ordonnance de Blois , Art. 40. de celle
d'Henry IV. du mois de Decembre 1606.
de celle de Louis XIII . du mois de Janvier
1629. & la Déclaration du 26. Novembre
1639. font des Loix generalement
connuës.
Les Compilateurs des Arrêts nous fourniffent
un grand nombre de Décifions für
ce point. Tels font ceux qui font rapportez
par Choppin , dans fon Monafticon, Liv . 1.
Tit. 2. N. 4. par des Henrys , Tom. 2 .
Liv,
MAY. 1730. 901
Liv. 1. Q.33 . par Boniface , dans fa premiere
Compilation , Liv. 2. Tit. 31. Ch. 5.
par l'Auteur du Journal du Palais , Tom.
2. pag. 612. & Tom. 1. pag. 260.
Telles furent les principles raifons fur
lefquelles fe fondoit l'Avocat de Jouvin
pere , pour faire déclarer nulle la Profeffion
faite par fon fils .
M. Chery fils , qui plaidoit pour le Gardien
des Capucins , répondit à toutes ces
Objections. Il dit que quoiqu'un enfant
foit obligé d'honorer fon pere & fa mere,
& que de cette obligation naiffent tous les
devoirs d'une veritable obéiffance , cependant
ce précepte ne regarde que les
devoirs purement humains , & il eft fubordonné
à celui de l'amour de Dieu , avec
lequel nous confommons le grand ouvra
ge de notre falut.
Dieu ne reçoit agréablement nos Holocauftes
, que lorfque nous avons acquis
la parfaite abnégation de nous- mêmes &
de tout ce qui nous eft cher. Ce n'eſt
qu'en lui failant un facrifice de l'obéïffance
nous devons à nos parens , que
que
nous devenons dignes de lui. Il nous dit
lui- même dans l'Ecriture-Sainte , que celui-
là feul obfervera fes Commandemens,
qui s'attachant à fon fervice , dira à fon
pere & à fa mere , qu'il ne les connoît
plus. Qui dixerunt patri & matri non no-
C.v vimus
902 MERCURE DE FRANCE
vimus vos ifti cuftodierant mandatum meum ..
Lorfque Dieu nous appelle à lui , il ne
s'agit pas d'obeïr à fes parens , ce n'eft
point dans ce cas qu'il faut fuivre leur
choix & leur détermination . S. Jerôme
écrivant à Héliodore , s'exprime en ces .
termes : Licet parvulus ex collo pendeat
nepos licet fparfo crine , & fciffis veftibus
ubera quibus te nutrierat mater oftendat. Licet
in limine pater jaceat , per calcatum perge:
patrem , ficcis oculis ad vexillum crucis evola.
Et dans une autres Lettre écrite à Fabiolà
, il affure que bien loin qu'il foit du
devoir des enfans de manquer à leur vo
cation par obéïffance pour leurs parens
.
ils commettroient un crime s'ils
quoient.
y' man.
Il eft dit dans le 30. Chap..des Nom
bres , que fi le pere n'approuve pas le:
voeu de fa fille , elle n'eft pas obligée de
l'accomplir , mais il faut faire une gran--
de difference de l'ancienne Loi d'avec la
Loi de grace . Parmi les Juifs les filles ne
pouvoient point faire de voeux qui regardaffent
le choix de vies tous leurs
voeux regardoient des actions particulicres
, dont les peres étoient maîtres.
२
Les Conftitutions Canoniques n'ont
point requis ce confentement. Les Conci--
lès ont feulement fixé l'âge qu'il falloit:
avoir pour pouvoir.embraffer l'état Re
ligieux,,
MAY. 1730. 903
ligieux , & ils ont ordonné qu'une Profellion
faite par un fils de famille avant
cet âge requis , feroit nulle & abufive.
C'est ce qu'on voit dans le Concile de
Tibur. Si une fille avant l'âge de douze
ans entre en Religion , alors fes parens
peuvent s'y oppofer , mais fi elle a atteint
l'âge requis , il n'eft plus permis aux parens
de l'en détourner ; telle eft la déci--
fion de ce Concile. Celui de Gange prononce
anathême contre les enfans qui
abandonnent leurs parens pour fe vouër
à Dieu ; mais il parle de ces enfans
dont le fecours feroit neceffaire à un pere
accablé d'infirmitez,& de mifere; en ce cas
il eft incontestable qu'un fils doit refter
près de celui de qui il a reçû le jour.
Les Loix du Royaume ne font point
contraires à ces faintes autoritez , & on
ne doit point fe prévaloir des Capitulai--
res de Charlemagne . Les peres avoient
alors le droit d'offrir leurs enfans aux
Monafteres , jufques-là même qu'ils deftinoient
à l'état Religieux leurs enfans à
naître; c'eft ce qu'on voit dans la difpo-:
fition teftamentaire de Louis VIII. Il or--
donne à fon cinquiéme fils & à tous ceux
qui naîtront après lui , de fe faire Reli--
gieux . Mais ces Capitulaires qui ne por--
toient pas même la nullité de la Profeffion
, & qui condamnoient feulement à
C - vj une
904 MERCURE DE FRANCE
une amende le Superieur qui y admettroit
les fils de famille fans le confentement
de leurs peres , ne font plus en ufage
parmi nous. Si les peres n'ont plus
aujourd'hui le pouvoir d'immoler leurs
enfans à leur avidité, & de les deftiner au
Monachifme , les enfans font libres d'y
entrer , parce que la victime doit fe vouer
elle-même.
L'Ordonnance d'Orleans fixe l'âge auquel
on peut s'engager valablement dans
l'état Religieux , & deffend aux peres
& meres de permettre à leurs enfans
d'embraffer cet état jufqu'à ce qu'ils ayent
atteint cet âge ; mais elle ne dit point
que les Profeffions faites par ces enfans à
Fâge requis , feront nulles , fi les parens
n'y ont donné leur confentement. Celle
de Blois ne parle point du tout de ce
confentement, & n'y en a aucune qui dife
qu'il foit neceffaire.
Les Arrêts citez ne font point du tout
favorables à Jouvin pere . Ils ont deffendu
à des Superieurs d'admettre à la Profeffion
des fils de famille mineurs , qui
s'étoient retirez dans leurs Convents à
l'infçû de leurs parens , & dont la jeuneffe
donnoit lieu de foupçonner qu'ils avoient
été féduits ; mais il n'y a aucun Arrêt qui
annulle une Profeffion faite fans le confentement
des parens.
I
MAY. 1730. 905
Il y a plus , Jouvin a lui- même confenti
à la Profeffion de fon fils , il n'a
pû l'ignorer , puifqu'il envoya fon Epoufe
pour y aflifter , & pour fournir de fa part
tout ce qui étoit neceffaire à cette dépenfe.
Sur toutes ces raifons il intervint Arrêt
le 26. Janvier 1730. prononcé par M. le
Premier Preſident Lebret , qui déclara
n'y avoir abus dans la Profeffion de Claude
Jouvin , conformément aux Conclufions
de M. l'Avocat General de Gueydan .
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Résumé : QUESTION NOTABLE, jugée par Arrêt du Parlement de Provence au mois de Janvier 1730.
En janvier 1730, le Parlement de Provence a examiné une affaire concernant la validité de la profession religieuse de Claude Jouvin, fils d'un bourgeois de Marseille, qui avait rejoint les Capucins d'Aix en janvier 1726 et fait sa profession en février 1727. Après un repentir, Jouvin avait quitté le couvent et était retourné chez son père, qui avait tenté de le retirer de la vie religieuse en appelant d'abus. M. Reboul, représentant le père de Jouvin, a soutenu que la profession religieuse d'un mineur sans le consentement paternel violait les lois divines, les constitutions canoniques, les capitulaires des rois et les ordonnances du royaume. Il a cité des textes bibliques et des autorités ecclésiastiques pour affirmer que les promesses faites à Dieu doivent être autorisées par les parents. M. Chery fils, représentant les Capucins, a argumenté que l'obéissance à Dieu primait sur l'obéissance aux parents. Il a invoqué des passages bibliques et des écrits de saints pour affirmer que Dieu appelle parfois les individus à se détacher de leurs familles pour le servir. Le débat a porté sur l'interprétation des lois et des traditions concernant le consentement parental pour les professions religieuses. Les ordonnances royales et les décisions juridiques antérieures ont été examinées pour déterminer si elles exigeaient le consentement des parents. Finalement, le 26 janvier 1730, le Parlement a rendu un arrêt déclarant qu'il n'y avait pas d'abus dans la profession de Claude Jouvin, conformément aux conclusions de l'avocat général de Gueydan.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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59
p. 979-981
COUPLETS.
Début :
Vous êtes ma belle Amourette ; [...]
Mots clefs :
Amour, Amourette, Dieu
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : COUPLETS.
COUPLETS.
Vous êtes ma belle Amourette ;
J'ai tout quitté pour être à vous.
Je
980 MERCURE DE FRANCE
Je fouffre , mais je ſuis jaloux ,
Du mal que vous me faites.
Un jour fi vous m'aimez , Lifette
Mon mal deviendra doux.
Rifquez une tendre avanture ;
L'Amour est un fi doux vainqueur ! .
Vous feule ignorez le bonheur ,
De toute la Nature.
De ce Dieu voyez la Peinture
Et plaignez votre erreur.
Un charme fecret le fait naître
Un tendre defir le retient ;
L'eſpoir l'anime & l'entretient ;
Les faveurs le font croître.
· Voila l'Amour tel qu'il doit être
Si mon coeur vous obtient.
Seul on fe plaît dans un Bocage ,
Le tendre Amour aime à rêver.
Un mal qu'on fent fait foupirer ,
Il enchante , il engage.
Il eft charmant quand fous l'ombrage ,
Deux coeurs vont l'éprouver.
Je crois tout voir dans ma Climene ;
Pour le refte je fuis fans yeux.
MAY. 981 1730.
Je croi tout avoir dans les lieux ,
Où l'Amour me l'amene.
Je ne quitterois pas ma chaîne ,
Pour être au rang des Dieux.
Vous êtes ma belle Amourette ;
J'ai tout quitté pour être à vous.
Je
980 MERCURE DE FRANCE
Je fouffre , mais je ſuis jaloux ,
Du mal que vous me faites.
Un jour fi vous m'aimez , Lifette
Mon mal deviendra doux.
Rifquez une tendre avanture ;
L'Amour est un fi doux vainqueur ! .
Vous feule ignorez le bonheur ,
De toute la Nature.
De ce Dieu voyez la Peinture
Et plaignez votre erreur.
Un charme fecret le fait naître
Un tendre defir le retient ;
L'eſpoir l'anime & l'entretient ;
Les faveurs le font croître.
· Voila l'Amour tel qu'il doit être
Si mon coeur vous obtient.
Seul on fe plaît dans un Bocage ,
Le tendre Amour aime à rêver.
Un mal qu'on fent fait foupirer ,
Il enchante , il engage.
Il eft charmant quand fous l'ombrage ,
Deux coeurs vont l'éprouver.
Je crois tout voir dans ma Climene ;
Pour le refte je fuis fans yeux.
MAY. 981 1730.
Je croi tout avoir dans les lieux ,
Où l'Amour me l'amene.
Je ne quitterois pas ma chaîne ,
Pour être au rang des Dieux.
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Résumé : COUPLETS.
Le texte est un recueil de couplets lyriques exprimant des sentiments amoureux envers Amourette. Le locuteur déclare sa jalousie et sa douleur face à un amour non réciproque, espérant que son mal deviendra doux si Amourette l'aime en retour. Il décrit l'amour comme un bonheur ignoré par Amourette et espère obtenir son cœur. Il exprime également sa dévotion envers Climène, préférant sa condition amoureuse à celle des dieux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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60
p. 1074-1079
L'AMOUR DE LA PATRIE. ODE
Début :
Dans cet azile solitaire, [...]
Mots clefs :
Patrie, Amour, Dieu
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texteReconnaissance textuelle : L'AMOUR DE LA PATRIE. ODE
L'AMOUR DE LA PATRIE.
D
O DE
Ans cét azile folitaire ,
Prête ta voix à ma douleur ,
Mufe , unique dépofitaire
Des ennuis fecrets de mon coeur.
Aux ris , aux jeux quand tout conſpire ,
Pardonne-mei fi fur ta Lyre
Je n'exprime que des regrets' ;
Plus à craindre que Philomele ,
Je viens foupirer avec elle.
Dans le filence des Forêts.
En vain fur cette aimable rive
La jeune Flore eft de retour ;
En vain Cerès long- tems captive
Rouvre fon fein au Dieu du Jour ;
Ces bords chéris de la Nature
Pour charmer l'ennui que j'endure
N'ont point d'attraits affez flatteurs ,
Par le defir de ma Patrie
Mon ame toujours attendrie
EA peu fenfible à leurs douceurs.
Loin
U IN 1730 . 1075
Loin du féjour que je regrette
J'ai déja vû quatre Printems ;
Une inquiétude fecrette
En a marqué tous les inftans.
De cette demeure chérie
Une importune rêverie
Me rappelle l'éloignement ;
Faut-il qu'un fouvenir que j'aime
Loin d'adoucir ma peine extrême
En aigriffe le fentiment ?
Mais que dis -je , forçant l'obftacle:
Qui me fépare de ces lieux ,
Mon efprit fe donne un fpectacle
Dont ne peuvent jouir mes yeux.
Pourquoi m'en ferois -je une peine
La douce erreur qui me ramene
Vers les objets de mes foupirs
Eft le feul plaifir qui me refte
Dans la privation funefte
D'un bien qui manque à mes defirs.
Soit inftinct , foit reconnoiffance
L'homme par un penchant fecret
Cherit le lieu de fa Naiffance
Et ne le quitte qu'à regret ;
Les Regions Hyperborées
Les plus infertiles Contrées
1
I Fol Sont
1076 MERCURE DE FRANCE
Sont cheres à leurs Habitans ;
Tranſplantez fur nos doux rivages
Les Peuples nés aux lieux fauvages ;
Leurs coeurs y feront peu contens.
Sans ce penchant qui nous domine
Par un invifible reffort ,
Le Laboureur en fa chaumine
Vivroit-il content de fon fort ?
Helas ! au foyer de fes Peres ,
Trifte héritier de leurs miferes ,
Que pourroit- il trouver d'attraits
Si la naiffance & l'habitude.
Ne lui rendoient fa folitude
Plus charmante que les Palais ?
Ceux qu'un deftin libre & tranquile
Retient fous leurs propres lambris-
Jouiffent de ce bien facile
Sans en connoître tout le prix ;
Mais quand le Ciel moins favorable
Nous prive du Pays aimable
Où nous avons reçû le jour ,
La voix du coeur fe fait entendre ,
Et nous inſpire un défir tendre
De revoir cet heureux féjour.
I. Vol. Pour
JUIN. 1730. 1077
Pour fixer le volage Ulyffe
Par Neptune perſecuté ,
En vain Calypfo plus propice
Lui promet l'immortalité ;
Cette efperance fi flatteufe
Dans une Ile délicieuſe
Ne peut captiver le Heros ;
Sa chere Itaque le rappelle';
Il part , il brave encor pour elle
La fureur des vents & des flots .
來
Mais tandis que ce Roi d'Itaque
Fuit Calypfo malgré l'Amour ,
Je vois le jeune Telemaque
Aborder à la même Cour ;
Autre Ulyffe pour la Déeffe ,
Ce fils guidé par la Sageffe
Refufe des jours immortels ,
Fidele à ces Dieux domestiques ,
Il veut de leurs Temples antiques
Encenfer encor les Autels.
A ces traits , qui peut méconnoître
L'Amour genéreux & puiſſant
Que le climat qui nous yoit naître
Nous infpire à tous en naiffant ?
Ce noble Amour dans la difgrace
Nous arme d'une utile audace
I. Vol.
Contre
1078 MERCURE DE FRANCE
Contre le fort & le danger ;
Si par des routes peu connuës
*
Un Mortel vole au fein des Nuës ,
fuir un Cielé tranger.
C'est
pour
Quand cet Amour est notre guide
Pour nous la Mort a des appas ;
Par lui plus d'une ame intrépide
A fçû triompher du trépas.
Quel eft ce Guerrier magnanime
Qui dans un tenebreux abîme
Se précipite fans effroi ?
C'eft Curtius , reconnois , Rome ,
Le dévouement de ce grand homme
Il vient de périr ; c'eſt pour toi.
N'admirons plus l'humeur barbare
De ces Philofophes errans
Qu'on a vûs par un goût bizarre
Pour leur Patrie indifferens.
Orgueilleux Citoyens du monde
De votre fecte vagabonde
Ma raiſon ne peut faire cas ;
Je n'y vois que des coeurs fauvages ,
Des fous parés du nom de fages
Bien plus dignes du nom d'ingrats,
* Dédale .
I. Vol.
Bords
JUIN. 1730. 1079
Bords de la Somme , aimables Plaines ,
Dont m'éloigne un deftin jaloux ,
Que ne puis -je brifer les chaines
Qui me retiennent loin de vous !
Que ne puis-je , nouveau Dédale ,
un fi vafte intervale Franchir
Par un induftrieux effor ,
Et jouir enfin fans allarmes
D'un féjour où regnent les charmes
Et les vertus de l'Age d'Or.
Greffet.
Cette Ode venuë de Tours , auroit été
imprimée dans le Mercure de May , fi elle
fut arrivée à tems.
D
O DE
Ans cét azile folitaire ,
Prête ta voix à ma douleur ,
Mufe , unique dépofitaire
Des ennuis fecrets de mon coeur.
Aux ris , aux jeux quand tout conſpire ,
Pardonne-mei fi fur ta Lyre
Je n'exprime que des regrets' ;
Plus à craindre que Philomele ,
Je viens foupirer avec elle.
Dans le filence des Forêts.
En vain fur cette aimable rive
La jeune Flore eft de retour ;
En vain Cerès long- tems captive
Rouvre fon fein au Dieu du Jour ;
Ces bords chéris de la Nature
Pour charmer l'ennui que j'endure
N'ont point d'attraits affez flatteurs ,
Par le defir de ma Patrie
Mon ame toujours attendrie
EA peu fenfible à leurs douceurs.
Loin
U IN 1730 . 1075
Loin du féjour que je regrette
J'ai déja vû quatre Printems ;
Une inquiétude fecrette
En a marqué tous les inftans.
De cette demeure chérie
Une importune rêverie
Me rappelle l'éloignement ;
Faut-il qu'un fouvenir que j'aime
Loin d'adoucir ma peine extrême
En aigriffe le fentiment ?
Mais que dis -je , forçant l'obftacle:
Qui me fépare de ces lieux ,
Mon efprit fe donne un fpectacle
Dont ne peuvent jouir mes yeux.
Pourquoi m'en ferois -je une peine
La douce erreur qui me ramene
Vers les objets de mes foupirs
Eft le feul plaifir qui me refte
Dans la privation funefte
D'un bien qui manque à mes defirs.
Soit inftinct , foit reconnoiffance
L'homme par un penchant fecret
Cherit le lieu de fa Naiffance
Et ne le quitte qu'à regret ;
Les Regions Hyperborées
Les plus infertiles Contrées
1
I Fol Sont
1076 MERCURE DE FRANCE
Sont cheres à leurs Habitans ;
Tranſplantez fur nos doux rivages
Les Peuples nés aux lieux fauvages ;
Leurs coeurs y feront peu contens.
Sans ce penchant qui nous domine
Par un invifible reffort ,
Le Laboureur en fa chaumine
Vivroit-il content de fon fort ?
Helas ! au foyer de fes Peres ,
Trifte héritier de leurs miferes ,
Que pourroit- il trouver d'attraits
Si la naiffance & l'habitude.
Ne lui rendoient fa folitude
Plus charmante que les Palais ?
Ceux qu'un deftin libre & tranquile
Retient fous leurs propres lambris-
Jouiffent de ce bien facile
Sans en connoître tout le prix ;
Mais quand le Ciel moins favorable
Nous prive du Pays aimable
Où nous avons reçû le jour ,
La voix du coeur fe fait entendre ,
Et nous inſpire un défir tendre
De revoir cet heureux féjour.
I. Vol. Pour
JUIN. 1730. 1077
Pour fixer le volage Ulyffe
Par Neptune perſecuté ,
En vain Calypfo plus propice
Lui promet l'immortalité ;
Cette efperance fi flatteufe
Dans une Ile délicieuſe
Ne peut captiver le Heros ;
Sa chere Itaque le rappelle';
Il part , il brave encor pour elle
La fureur des vents & des flots .
來
Mais tandis que ce Roi d'Itaque
Fuit Calypfo malgré l'Amour ,
Je vois le jeune Telemaque
Aborder à la même Cour ;
Autre Ulyffe pour la Déeffe ,
Ce fils guidé par la Sageffe
Refufe des jours immortels ,
Fidele à ces Dieux domestiques ,
Il veut de leurs Temples antiques
Encenfer encor les Autels.
A ces traits , qui peut méconnoître
L'Amour genéreux & puiſſant
Que le climat qui nous yoit naître
Nous infpire à tous en naiffant ?
Ce noble Amour dans la difgrace
Nous arme d'une utile audace
I. Vol.
Contre
1078 MERCURE DE FRANCE
Contre le fort & le danger ;
Si par des routes peu connuës
*
Un Mortel vole au fein des Nuës ,
fuir un Cielé tranger.
C'est
pour
Quand cet Amour est notre guide
Pour nous la Mort a des appas ;
Par lui plus d'une ame intrépide
A fçû triompher du trépas.
Quel eft ce Guerrier magnanime
Qui dans un tenebreux abîme
Se précipite fans effroi ?
C'eft Curtius , reconnois , Rome ,
Le dévouement de ce grand homme
Il vient de périr ; c'eſt pour toi.
N'admirons plus l'humeur barbare
De ces Philofophes errans
Qu'on a vûs par un goût bizarre
Pour leur Patrie indifferens.
Orgueilleux Citoyens du monde
De votre fecte vagabonde
Ma raiſon ne peut faire cas ;
Je n'y vois que des coeurs fauvages ,
Des fous parés du nom de fages
Bien plus dignes du nom d'ingrats,
* Dédale .
I. Vol.
Bords
JUIN. 1730. 1079
Bords de la Somme , aimables Plaines ,
Dont m'éloigne un deftin jaloux ,
Que ne puis -je brifer les chaines
Qui me retiennent loin de vous !
Que ne puis-je , nouveau Dédale ,
un fi vafte intervale Franchir
Par un induftrieux effor ,
Et jouir enfin fans allarmes
D'un féjour où regnent les charmes
Et les vertus de l'Age d'Or.
Greffet.
Cette Ode venuë de Tours , auroit été
imprimée dans le Mercure de May , fi elle
fut arrivée à tems.
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Résumé : L'AMOUR DE LA PATRIE. ODE
Le texte 'L'AMOUR DE LA PATRIE' est une ode qui exprime la douleur de l'exil et l'amour profond pour la patrie. Le poète, dans un lieu solitaire, confie ses regrets et ses souffrances à la muse. Malgré la beauté de la nature environnante, son cœur est tourmenté par la nostalgie de sa patrie. Il évoque les quatre printemps passés loin de son foyer, marqués par une inquiétude secrète. La douce erreur de se remémorer sa patrie est le seul plaisir qui lui reste dans l'absence de ce bien désiré. L'homme, par un penchant naturel, chérit le lieu de sa naissance et le quitte à regret. Même les régions les plus inhospitalières sont chères à leurs habitants. Le poète souligne que sans ce penchant, le laboureur ne trouverait pas de charme dans sa chaumine. Ceux qui restent chez eux ignorent la valeur de ce bien, mais ceux qui en sont privés ressentent un désir tendre de revoir leur foyer. L'exemple d'Ulysse, qui préfère retourner à Ithaque malgré les promesses de Calypso, illustre cet amour pour la patrie. De même, Télémaque refuse l'immortalité pour rester fidèle à ses dieux domestiques. Cet amour généreux et puissant inspire courage et audace face à l'adversité. Le poète admire le dévouement de Curtius, qui se sacrifie pour Rome, et critique les philosophes indifférents à leur patrie, les qualifiant d'ingrats. Enfin, le poète exprime son désir de revenir sur les bords de la Somme, comparant son souhait à celui de Dédale voulant franchir un vaste intervalle pour retrouver son foyer.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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61
p. 1344-1349
SUR LE RÉTABLISSEMENT DE LA SANTÉ DE MAD...
Début :
Cessez, cessez, mes yeux, de répandre des pleurs, [...]
Mots clefs :
Amour, Yeux, Bonheur, Mort, Dieu
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUR LE RÉTABLISSEMENT DE LA SANTÉ DE MAD...
SUR LE RETABLISSEMENT
DE LA SANTE DE MAD ...
C Effez , ceffez , mes yeux , de répandre des
>
- pleurs ,
Il eft tems de calmer ma crainte , & mes douleurs
:
Des portes du trépas mon Iris revenuë ,
Plus belle que jamais va paroître à ma vûë ,
Des horreurs de la mort fes yeux déja cou
verts ,
'A la clarté du jour fe font enfin ouverts .
O vous qui refpirez l'air tendre de Cythere ,
Vous , fideles fujets du Dieu qu'on y revére ,
Venez , accourez tous , que vos plus doux concerts
,
En ce jour fortuné raiſonnent dans les airs ;
Qu'aux jeux les plus charmans fuccede la tendreffe
;
Vous ne fçauriez trop loin pouffer votre allegreffe
;
11. Vol. C'eft
JUIN. 1730. 1345..
C'eft votre aimable Dieu qui triomphe du fort ,
Il a ſçû déſarmer l'inéxorable mort.
A ma voix, attentifs , apprenez fa victoire ,
Et chantez avec moi , fon triomphe & ſa gloire .
A peine les dangers d'Iris me font connus ,
Que mes triftes fanglots ne font plus retenus ;
Une fombre pâleur , fur mon vifage empreinte
Marque le noir chagrin dont mon ame eft
atteinte,
Et du jour qui me luit , déteftant, le flambeau ,-
Déja je me prépare à la fuivre au tombeau,
Mais enfin au milieu de mes plus vives craintes ,
Addreffant à l'Amour ma priere , & mes plaintes
Dieu puiffant , m'écriai- je , ô toi , qui de mon
coeur ,
Fis toujours le plaifir , la joye & le bonheur ,
Toi , que je connoiffois avant de me connoître,
Toi , de mes fentimens , feul , & fouverain
maître
Amour , daigne , pour moi , t'employer aujour
d'hui ,
;
Signale ta puiffance , & deviens mon appui.
La mort impunément ofe attaquer la vie ,
De l'adorable objet dont mon ame eſt ravie
Pour terminer des jours fi précieux , fi beaux ,
Je la vois éguifer fon implacable Faux :
Verras - tu fans courroux cette horrible injuftice
?
JI.Vol Souffriras- tu
1346 MERCURE DE FRANCE
Souffriras- tu , grand Dieu ! ce cruel facrifice ! ~
Laifferas-tu périr cette jeune beauté ?
Réferves- tu ce prix à ma fidelité
Iris feule , à tes loix , fçut affervir mon ame ;
Elle feule , en mon coeur , fçut allumer ta flme.
Et depuis le moment que les traits de fes yeux
M'ont caufé des tranfports qui m'égaloient aux
Dieux.
Toujours conftant , toujours plus charmé de ma
chaîne ,
J'en ai porté le poids fans murmure & fans
peine ,
Je n'ai jamais tenté de brifer un lien ,
Trop doux , puifqu'il unit mon coeur avec le
fien.
Depuis cet heureux jour que j'adore ſes char—
mes J
Mon coeur n'a reffenti que ces douces allarmes
و ت
Que l'amour fait fentir aux coeurs les plus heureux
,
Et dont nul n'eft exempt dans l'empire amoureux
.
Mais faut - il que la mort , plus que jamais
cruelle ,
Ofe couper les noeuds d'une union fi belle !
Veut-elle , la barbare , enlever à mon coeur
D'un fi parfait amour la charmante douceur
>
Mon Iris n'étant plus , quel objet dans mon
ame ,
11, Vol.
Eft
T JUIN. 1730. 1347
Eft digne d'allumer une nouvelle flâme ?
Si , d'Orphée autrefois animant les Concerts ,
Tu fçus fléchir , pour lui , le fier Dieu des en
fers ,
Tente un nouvel effort , dans ce péril extrême ,
Entreprens tout, grand Dieu !
j'aime.
Si ce n'eft
pour
fauver ce que
pas affez , pour attendrir ton coeur
De mon interêt feul , & de mon feul bonheur
Ne regarde que toi , c'est toi que l'on outrage ;
Voy tout ce que tu perds, & quel affreux ravage ,
Dans ton empire heureux va caufer cette mort.
Que de coeurs dégagez , & maîtres de leur fort !
Iris n'avoit fur eux remporté la victoire ,
Que pour faire éclater ta puiſſance & ta gloire .
Ah ! ne balance pas , cours arrêter le trait ,
Qui menace les jours de cet aimable objet !
Touché de mes regrets , fenfible à ma priere ,
L'amour part auffi - tôt du temple de Cythere ,. !
Et d'un effor hardi s'elevant dans les airs ,
Traverfe d'un coup d'aile , & la terre & les
mers ;
Il pénétre bien- tôt dans la demeure affreufe
Qu'enceint neuf fois , du Stix , l'Onde noire &
bourbeufe.
Tout tremble à fon afpect , Pluton faifi d'ef
froi ,
Craint qu'à tout fon Empire il ne donne la loy
JJ. Vel L'Amor
$348 MERCURE DE FRANCE
L'Amour vole au milieu du tenebreux Aver
ne ;
Sous un Roc, va fe perdre une horrible caverne,
L'aftre brillant du jour n'y pénétra jamais ,
Nul mortel , en ce lieu , ne peut avoir d'accès :
Ceft - là que dans l'horreur d'un éternel filence ,
Minos tient dans fes mains la terrible balance
Là , roule inceffamment l'Urne ou de chaque
humain ,
Eft renfermé le nom tracé par le Deſtin
Là , de rage écumant , la Parque inéxorable
Coupe le fil des jours du Mortel déplorable ,›
Dont le nom malheureux eft tiré par le fort.
L'amour découvre enfin ce féjour de la mort
Il y court , quelle horreur ! le fort impitoya
ble
$
Avoit déja d'Iris , tiré le nom aimable ;
Déja pour la plonger dans la nuit du Tombeau ,,
La cruelle Atropos apprêtoit fon Cizeau ;
Mais retenant ce bras armé de barbarie ,
Arrêté , dit l'Amour , implacable furie ;
Quoi , peux-tu , fans pitié , trancher de fi beauxjours
?
Et détruire par là l'empire des Amours ?
Porte tes coups ailleurs , & change de victime
Ou je vais , par mes traits , te punir de ton
crime.
Pour te dédommager , dans peu tu me verras , ›
11-Voli Porter
JUIN. 1730. 1349
Porter dans mille coeurs de funeftes trépas ;
Pour en venir à bout , Iris me doit fuffire ,
Ses yeux fçauront peupler le tenebreux empire :
Il dit , des mains du fort arrachant le billet
Dans le Vaſe fatal , lui même il le remet
La Parque n'ofe alors s'oppoſer à fon zele ,
Et cachant fon dépit , je me rends , lui dit - elle
Le plus barbare coeur s'adoucit à ta voix ,
Dans les Cieux , aux Enfers , tes défirs font des
Loix ;
Mais garde ta promeffe , & prends foin de ma
gloire.
Charmé de ce triomphe , & fier de fa victoire.
Le Dieu fuit auffi - tôt ce féjour odieux ,
Et revient m'annoncer ce fuccès glorieux.
Séche , féche , dit- il , la fource de tes larmes ,
Calme , Berger heureux , de fi juftes allarmes,
Ton -Iris va revoir la lumiere du jour ,
Et ce parfait bonheur tu le dois à l'Amour.
A vivre fous mes Loix fois toujours plus fidele ,
Tu vois comme je fers la conftance & le zéle.
Il me laiffe à ces mots , & depuis mon Iris ,
Recouvre tous les jours , fa force , & ſes efprits.
Elle reprend ce feu , doux vainqueur de mor
ame
>
Et par qui de l'Amour tout fent la vive flamme.
Que la plus vive joye éclate dans mon coeur ,
Que les plus doux tranſports annoncent mon
bonheur.
DE LA SANTE DE MAD ...
C Effez , ceffez , mes yeux , de répandre des
>
- pleurs ,
Il eft tems de calmer ma crainte , & mes douleurs
:
Des portes du trépas mon Iris revenuë ,
Plus belle que jamais va paroître à ma vûë ,
Des horreurs de la mort fes yeux déja cou
verts ,
'A la clarté du jour fe font enfin ouverts .
O vous qui refpirez l'air tendre de Cythere ,
Vous , fideles fujets du Dieu qu'on y revére ,
Venez , accourez tous , que vos plus doux concerts
,
En ce jour fortuné raiſonnent dans les airs ;
Qu'aux jeux les plus charmans fuccede la tendreffe
;
Vous ne fçauriez trop loin pouffer votre allegreffe
;
11. Vol. C'eft
JUIN. 1730. 1345..
C'eft votre aimable Dieu qui triomphe du fort ,
Il a ſçû déſarmer l'inéxorable mort.
A ma voix, attentifs , apprenez fa victoire ,
Et chantez avec moi , fon triomphe & ſa gloire .
A peine les dangers d'Iris me font connus ,
Que mes triftes fanglots ne font plus retenus ;
Une fombre pâleur , fur mon vifage empreinte
Marque le noir chagrin dont mon ame eft
atteinte,
Et du jour qui me luit , déteftant, le flambeau ,-
Déja je me prépare à la fuivre au tombeau,
Mais enfin au milieu de mes plus vives craintes ,
Addreffant à l'Amour ma priere , & mes plaintes
Dieu puiffant , m'écriai- je , ô toi , qui de mon
coeur ,
Fis toujours le plaifir , la joye & le bonheur ,
Toi , que je connoiffois avant de me connoître,
Toi , de mes fentimens , feul , & fouverain
maître
Amour , daigne , pour moi , t'employer aujour
d'hui ,
;
Signale ta puiffance , & deviens mon appui.
La mort impunément ofe attaquer la vie ,
De l'adorable objet dont mon ame eſt ravie
Pour terminer des jours fi précieux , fi beaux ,
Je la vois éguifer fon implacable Faux :
Verras - tu fans courroux cette horrible injuftice
?
JI.Vol Souffriras- tu
1346 MERCURE DE FRANCE
Souffriras- tu , grand Dieu ! ce cruel facrifice ! ~
Laifferas-tu périr cette jeune beauté ?
Réferves- tu ce prix à ma fidelité
Iris feule , à tes loix , fçut affervir mon ame ;
Elle feule , en mon coeur , fçut allumer ta flme.
Et depuis le moment que les traits de fes yeux
M'ont caufé des tranfports qui m'égaloient aux
Dieux.
Toujours conftant , toujours plus charmé de ma
chaîne ,
J'en ai porté le poids fans murmure & fans
peine ,
Je n'ai jamais tenté de brifer un lien ,
Trop doux , puifqu'il unit mon coeur avec le
fien.
Depuis cet heureux jour que j'adore ſes char—
mes J
Mon coeur n'a reffenti que ces douces allarmes
و ت
Que l'amour fait fentir aux coeurs les plus heureux
,
Et dont nul n'eft exempt dans l'empire amoureux
.
Mais faut - il que la mort , plus que jamais
cruelle ,
Ofe couper les noeuds d'une union fi belle !
Veut-elle , la barbare , enlever à mon coeur
D'un fi parfait amour la charmante douceur
>
Mon Iris n'étant plus , quel objet dans mon
ame ,
11, Vol.
Eft
T JUIN. 1730. 1347
Eft digne d'allumer une nouvelle flâme ?
Si , d'Orphée autrefois animant les Concerts ,
Tu fçus fléchir , pour lui , le fier Dieu des en
fers ,
Tente un nouvel effort , dans ce péril extrême ,
Entreprens tout, grand Dieu !
j'aime.
Si ce n'eft
pour
fauver ce que
pas affez , pour attendrir ton coeur
De mon interêt feul , & de mon feul bonheur
Ne regarde que toi , c'est toi que l'on outrage ;
Voy tout ce que tu perds, & quel affreux ravage ,
Dans ton empire heureux va caufer cette mort.
Que de coeurs dégagez , & maîtres de leur fort !
Iris n'avoit fur eux remporté la victoire ,
Que pour faire éclater ta puiſſance & ta gloire .
Ah ! ne balance pas , cours arrêter le trait ,
Qui menace les jours de cet aimable objet !
Touché de mes regrets , fenfible à ma priere ,
L'amour part auffi - tôt du temple de Cythere ,. !
Et d'un effor hardi s'elevant dans les airs ,
Traverfe d'un coup d'aile , & la terre & les
mers ;
Il pénétre bien- tôt dans la demeure affreufe
Qu'enceint neuf fois , du Stix , l'Onde noire &
bourbeufe.
Tout tremble à fon afpect , Pluton faifi d'ef
froi ,
Craint qu'à tout fon Empire il ne donne la loy
JJ. Vel L'Amor
$348 MERCURE DE FRANCE
L'Amour vole au milieu du tenebreux Aver
ne ;
Sous un Roc, va fe perdre une horrible caverne,
L'aftre brillant du jour n'y pénétra jamais ,
Nul mortel , en ce lieu , ne peut avoir d'accès :
Ceft - là que dans l'horreur d'un éternel filence ,
Minos tient dans fes mains la terrible balance
Là , roule inceffamment l'Urne ou de chaque
humain ,
Eft renfermé le nom tracé par le Deſtin
Là , de rage écumant , la Parque inéxorable
Coupe le fil des jours du Mortel déplorable ,›
Dont le nom malheureux eft tiré par le fort.
L'amour découvre enfin ce féjour de la mort
Il y court , quelle horreur ! le fort impitoya
ble
$
Avoit déja d'Iris , tiré le nom aimable ;
Déja pour la plonger dans la nuit du Tombeau ,,
La cruelle Atropos apprêtoit fon Cizeau ;
Mais retenant ce bras armé de barbarie ,
Arrêté , dit l'Amour , implacable furie ;
Quoi , peux-tu , fans pitié , trancher de fi beauxjours
?
Et détruire par là l'empire des Amours ?
Porte tes coups ailleurs , & change de victime
Ou je vais , par mes traits , te punir de ton
crime.
Pour te dédommager , dans peu tu me verras , ›
11-Voli Porter
JUIN. 1730. 1349
Porter dans mille coeurs de funeftes trépas ;
Pour en venir à bout , Iris me doit fuffire ,
Ses yeux fçauront peupler le tenebreux empire :
Il dit , des mains du fort arrachant le billet
Dans le Vaſe fatal , lui même il le remet
La Parque n'ofe alors s'oppoſer à fon zele ,
Et cachant fon dépit , je me rends , lui dit - elle
Le plus barbare coeur s'adoucit à ta voix ,
Dans les Cieux , aux Enfers , tes défirs font des
Loix ;
Mais garde ta promeffe , & prends foin de ma
gloire.
Charmé de ce triomphe , & fier de fa victoire.
Le Dieu fuit auffi - tôt ce féjour odieux ,
Et revient m'annoncer ce fuccès glorieux.
Séche , féche , dit- il , la fource de tes larmes ,
Calme , Berger heureux , de fi juftes allarmes,
Ton -Iris va revoir la lumiere du jour ,
Et ce parfait bonheur tu le dois à l'Amour.
A vivre fous mes Loix fois toujours plus fidele ,
Tu vois comme je fers la conftance & le zéle.
Il me laiffe à ces mots , & depuis mon Iris ,
Recouvre tous les jours , fa force , & ſes efprits.
Elle reprend ce feu , doux vainqueur de mor
ame
>
Et par qui de l'Amour tout fent la vive flamme.
Que la plus vive joye éclate dans mon coeur ,
Que les plus doux tranſports annoncent mon
bonheur.
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Résumé : SUR LE RÉTABLISSEMENT DE LA SANTÉ DE MAD...
Le texte décrit la joie et le soulagement du narrateur face au rétablissement de la santé d'Iris, une femme qu'il aime profondément. Initialement, il exprime sa douleur et sa crainte de la perdre, décrivant les dangers qu'elle a affrontés et les moments de désespoir qu'il a vécus. Le narrateur invoque l'amour et le pouvoir de l'Amour, le dieu, pour sauver Iris de la mort. Il se remémore sa fidélité et son amour constant pour Iris, soulignant que leur union est précieuse et belle. Il implore l'Amour de sauver Iris, comparant la situation à celle d'Orphée qui avait sauvé Eurydice. Touché par ses prières, l'Amour se rend aux Enfers, affrontant Pluton et les Parques pour empêcher la mort d'Iris. Grâce à cette intervention divine, Iris est sauvée et retrouve sa santé. Le narrateur exprime alors sa joie et son bonheur, reconnaissant la puissance de l'Amour qui a triomphé de la mort.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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62
p. 1395-1398
Panegyrique de S. Jean-Baptiste, par l'Abbé Seguy, [titre d'après la table]
Début :
L'Abbé Ségui prêcha à Sceaux le 24 de ce mois, le Panegyrique de S. Jean-Baptiste [...]
Mots clefs :
Panégyrique, Saint Jean Baptiste, Dieu
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texteReconnaissance textuelle : Panegyrique de S. Jean-Baptiste, par l'Abbé Seguy, [titre d'après la table]
L'Abbé Ségui prêcha à Sceaux le 24 de
ce mois , le Panegyrique de S. Jean- Baptifte
, devant leurs A. S. Monfeigneur le
Duc du Maine & Madame la Ducheffe
du Maine . Nous aurions fouhaité pouvoir
donner l'Extrait de fon Difcours &
de celui qu'il avoit fait quelque temps
II. Vol. aupa1396
MERCURE DE FRANCE
·
auparavant fur une Profeffion Religieufe
; mais tout ce que nous avons pû obtenir
de lui , c'eft de mettre icy ce qu'il dit
fur la fin de fa premiere Partie du Panegyrique
de S. Jean , à la louange de S.A.S.
M. la Ducheffe du Maine , de Monfeigneur
le Duc du Maine & de Mademoi
felle du Maine..... Notre vie répondt-
elle aux vûës de celui qui nous a confié
cette forte de Miniftere & par nos
moeurs , nos difcours , nos exemples ;
rendons - nous à notre maniere , après
Jean Baptifte , quelque témoignage à
Jefus Chrift ? car c'eft ,mes freres, en être
vraiment le Prédicateur que d'en être lè
vrai difciple. N'alléguons point vainement
les féductions du fiecle & les trop
grandes difficultez de la vertu . Ćes
Grands du monde , ces Dieux de la terre ,
ou qui du moins le feroient s'ils n'étoient
mortels,bien plus expofez que nous, fans
doute , ne font pas plus difpenfez que
nous de ce devoir , & il en eft neanmoins ,
malgré la foule qui s'égare & les dangers
toujours plus grands au milieu des
humaines grandeurs , il en eft encore qui
fçavent rendre à J.C. le témoignage dont
je parle. Religion fainte qui les conduifez
, vous nous en faites voir icy deux
grands exemples . Un Prince aufli digne
de vos éloges qu'il l'a été de bonne heu-
II. Vol. re
JUIN. 1730 1397
re de l'amour des peuples & de l'eftime
de ce grand Roy dont la mémoire faira à
jamais honneur à la Royauté. Un Prince
à qui le Dieu qu'il adore a ménagé des
traits également éclatans de moderation
& de conftance ; un Prince en qui fe trouvent
tout à la fois les qualitez du Prince
& les lumieres du Sage , & la perfection
de l'honnête homme & les fentimens du
Heros , & la piété du chrétien qui confacre
toutes ces vertus ; piété conftante que
rien ne peut alterer dans fon efprit ni
déranger dans fes pratiques. Une Princef
fe,l'admiration des deux Sexes , & l'honneur
du fien , qui édifie par la fincerité
de fa Religion ceux qu'elle étonne par la
fupériorité de fon génie, pénétrant,beau,
jufte , facile , étendu jufqu'au prodige ;
une Princeffe qui joignant aux profon
deurs des Sciences qu'elle fubftitue à un
dangereux loifir , les plus vifs agrémens
que la fageffe peut avouer , ne fent de
toutes les veritez qu'elle a pénétrées , ne
fent rien tant que la vérité de la foy ,
n'aime rien tant qu'à la mettre en évidence
aux yeux des autres , n'admet à fa
Cour l'efprit même qu'à la recomman
dation de la vertu , & de la vertu fondée
fur le Chriftianifme ; heureufe de voir le
fruit fenfible de fes exemples dans cette
II. Vol. jeune
1398 MERCURE DE FRANCÉ
jeune Princeffe ( a ) qui la paye fi bien
de l'éducation précieufe qu'elle en reçut ,
enforte qu'on demande ce qu'elle a en
un dégré plus éminent des charmes de
l'efprit , des graces , ou des fentimens de
Religion. Ainfi fçait - on , quand on le veut ,
efficacement rendre témoignage à J.C. au
milieu des dangers attachez à la grandeur .
ce mois , le Panegyrique de S. Jean- Baptifte
, devant leurs A. S. Monfeigneur le
Duc du Maine & Madame la Ducheffe
du Maine . Nous aurions fouhaité pouvoir
donner l'Extrait de fon Difcours &
de celui qu'il avoit fait quelque temps
II. Vol. aupa1396
MERCURE DE FRANCE
·
auparavant fur une Profeffion Religieufe
; mais tout ce que nous avons pû obtenir
de lui , c'eft de mettre icy ce qu'il dit
fur la fin de fa premiere Partie du Panegyrique
de S. Jean , à la louange de S.A.S.
M. la Ducheffe du Maine , de Monfeigneur
le Duc du Maine & de Mademoi
felle du Maine..... Notre vie répondt-
elle aux vûës de celui qui nous a confié
cette forte de Miniftere & par nos
moeurs , nos difcours , nos exemples ;
rendons - nous à notre maniere , après
Jean Baptifte , quelque témoignage à
Jefus Chrift ? car c'eft ,mes freres, en être
vraiment le Prédicateur que d'en être lè
vrai difciple. N'alléguons point vainement
les féductions du fiecle & les trop
grandes difficultez de la vertu . Ćes
Grands du monde , ces Dieux de la terre ,
ou qui du moins le feroient s'ils n'étoient
mortels,bien plus expofez que nous, fans
doute , ne font pas plus difpenfez que
nous de ce devoir , & il en eft neanmoins ,
malgré la foule qui s'égare & les dangers
toujours plus grands au milieu des
humaines grandeurs , il en eft encore qui
fçavent rendre à J.C. le témoignage dont
je parle. Religion fainte qui les conduifez
, vous nous en faites voir icy deux
grands exemples . Un Prince aufli digne
de vos éloges qu'il l'a été de bonne heu-
II. Vol. re
JUIN. 1730 1397
re de l'amour des peuples & de l'eftime
de ce grand Roy dont la mémoire faira à
jamais honneur à la Royauté. Un Prince
à qui le Dieu qu'il adore a ménagé des
traits également éclatans de moderation
& de conftance ; un Prince en qui fe trouvent
tout à la fois les qualitez du Prince
& les lumieres du Sage , & la perfection
de l'honnête homme & les fentimens du
Heros , & la piété du chrétien qui confacre
toutes ces vertus ; piété conftante que
rien ne peut alterer dans fon efprit ni
déranger dans fes pratiques. Une Princef
fe,l'admiration des deux Sexes , & l'honneur
du fien , qui édifie par la fincerité
de fa Religion ceux qu'elle étonne par la
fupériorité de fon génie, pénétrant,beau,
jufte , facile , étendu jufqu'au prodige ;
une Princeffe qui joignant aux profon
deurs des Sciences qu'elle fubftitue à un
dangereux loifir , les plus vifs agrémens
que la fageffe peut avouer , ne fent de
toutes les veritez qu'elle a pénétrées , ne
fent rien tant que la vérité de la foy ,
n'aime rien tant qu'à la mettre en évidence
aux yeux des autres , n'admet à fa
Cour l'efprit même qu'à la recomman
dation de la vertu , & de la vertu fondée
fur le Chriftianifme ; heureufe de voir le
fruit fenfible de fes exemples dans cette
II. Vol. jeune
1398 MERCURE DE FRANCÉ
jeune Princeffe ( a ) qui la paye fi bien
de l'éducation précieufe qu'elle en reçut ,
enforte qu'on demande ce qu'elle a en
un dégré plus éminent des charmes de
l'efprit , des graces , ou des fentimens de
Religion. Ainfi fçait - on , quand on le veut ,
efficacement rendre témoignage à J.C. au
milieu des dangers attachez à la grandeur .
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Résumé : Panegyrique de S. Jean-Baptiste, par l'Abbé Seguy, [titre d'après la table]
Le 24 juin 1730, l'Abbé Ségui a prononcé un sermon à Sceaux en présence du Duc et de la Duchesse du Maine. L'Abbé Ségui avait déjà prêché sur la profession religieuse. Le texte mentionne un projet de publication d'extraits de ses discours, mais seul un passage final du panégyrique de Saint Jean-Baptiste est fourni. Ce passage encourage les auditeurs à vivre selon les vues de Dieu et à témoigner de leur foi en Jésus-Christ malgré les difficultés et les tentations du monde. L'Abbé Ségui cite les exemples du Duc et de la Duchesse du Maine, soulignant leurs vertus chrétiennes et leur piété constante. La Duchesse est particulièrement louée pour son intelligence, sa sagesse et son engagement envers la foi chrétienne, ainsi que pour son influence positive sur la jeune princesse qu'elle éduque.
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63
p. 1565-1568
A MONSIEUR L'ABBÉ DE ... EPITRE.
Début :
Abbé, dont la Lyre résonne [...]
Mots clefs :
Ami, Dieu, Dieux
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texteReconnaissance textuelle : A MONSIEUR L'ABBÉ DE ... EPITRE.
A MONSIEUR L'ABBE DE ..
EPITRE ..
A Bbé , dont la Lyre réfonne
Sur un ton fi doux & fi beau ,
Que le Dieu du double Côteau
Penfa plus d'une fois te donner la Couronne
Ami , ton talent merveilleux
Chaque jour fait pâlir l'envie ,
Et moi - même je fens que mon coeur orgueilleux
En eft bleffé de jalouſie.
Bien fouvent j'en perds le repos ;
Mais pour furcroît de maladie ,
Quand Morphée à fur moi répandu fes pavots ,
Songes
1 566 MERCURE DE FRANCE
Songes pires que l'infomnie
M'agitent fort mal à propos:
Au fameux Temple de memoire ,
En bufte d'un marbre très blanc ,
Je te vis l'autre nuit tout rayonant de gloire
Avec Pindare , occuper même rang ;
C'eft alors qu'accablé fous le poids de ma peine
De l'ingrat Apollon je deteftai la haine.
A mon réveil , l'efprit plein de ſouci ,›
Fatigué de fouffrir ainfi ,
Je refolus de faire un nouveau Rôle ,
Et d'effayer fi fous un autre Pôle ,
Je pourrois d'autres Dieux être confideré.
Je quitte donc ( Ami ) le Mont facré ;
Je démenage du Parnaffe
Et dès demain ( cher Abbé ) fans retour ,
En attendant qu'ailleurs je puiffe trouver place ,
Par interim , il me faut un féjour.
Il eft un endroit de plaifance
Dont le Maître avec goût fçait placer la dépenſe;
On y voit Boulingrins , Terraffes & Berceaux , →
La Marne au pied vient promener les eaux :
En facé , à diverſe diſtance ,
Ormes , Chênes , Tilleuls forment plufieurs ri
deaux ,
Que Vertumne embellit avec magnificence.
Entre la Riviere & ces Bois ,
Nature a mis une Prairie ;
La
JUILLET. 1730. 1567
Là , couché fur l'herbe feurie ,.
Fantôt de la Mufette , & tantôt du Hautbois ,
Damon forme une aimable & douce mélodie ; ›
Là, fur un vert tapis des plus vives couleurs ,
Jeune Berger , jeune Bergere
Danfent parés de guirlandes de fleurs ;
Plus loin bondit l'Agneau fur la verte fougere
Au chant de mille & mille Oiſeaux ,
Pan affis à l'ombre d'un Hêtre
Mêle les tendres fons de fa Flute champêtre ;
Pour l'entendre on accourt des plus lointains Ha
meaux ;
Le Faune quitte le Bocage ;
La Nymphe eft attentive au travers des rofeaux.
Cet admirable Payſage
Forme l'afpect de Bauregard ;
C'eft ce charmant réduit où je veux fans retard³
Pour un jour feulement faire mon domicile
Peut-on fi pour tems court refufer un azile ?
Tu fus Auteur du mal dont je me fens bleffé
Tu m'en dois fournir le remede ;
Un jour fera bientôt paffé.
Ton Belveder auquel tout autre cede ,
Me convient mieux que l'Helicon.
Je veux pour braver Apollon
A qui je déclare la guerre ,
Dans ton champêtre apartement
Sacrifier au Dieu du Verre ;.
IE
1568 MERCURE DE FRANCE
Il me rendra bientôt le calme & l'enjoument.
C'eft à toi , cher ami , pour la cerémonie ,
De mettre le comble à mes voeux ;
De peu d'amis choifis affembler compagnie
Et j'attens cette courtoifie
De ton coeur noble & genéreux .
Sommevefle.
EPITRE ..
A Bbé , dont la Lyre réfonne
Sur un ton fi doux & fi beau ,
Que le Dieu du double Côteau
Penfa plus d'une fois te donner la Couronne
Ami , ton talent merveilleux
Chaque jour fait pâlir l'envie ,
Et moi - même je fens que mon coeur orgueilleux
En eft bleffé de jalouſie.
Bien fouvent j'en perds le repos ;
Mais pour furcroît de maladie ,
Quand Morphée à fur moi répandu fes pavots ,
Songes
1 566 MERCURE DE FRANCE
Songes pires que l'infomnie
M'agitent fort mal à propos:
Au fameux Temple de memoire ,
En bufte d'un marbre très blanc ,
Je te vis l'autre nuit tout rayonant de gloire
Avec Pindare , occuper même rang ;
C'eft alors qu'accablé fous le poids de ma peine
De l'ingrat Apollon je deteftai la haine.
A mon réveil , l'efprit plein de ſouci ,›
Fatigué de fouffrir ainfi ,
Je refolus de faire un nouveau Rôle ,
Et d'effayer fi fous un autre Pôle ,
Je pourrois d'autres Dieux être confideré.
Je quitte donc ( Ami ) le Mont facré ;
Je démenage du Parnaffe
Et dès demain ( cher Abbé ) fans retour ,
En attendant qu'ailleurs je puiffe trouver place ,
Par interim , il me faut un féjour.
Il eft un endroit de plaifance
Dont le Maître avec goût fçait placer la dépenſe;
On y voit Boulingrins , Terraffes & Berceaux , →
La Marne au pied vient promener les eaux :
En facé , à diverſe diſtance ,
Ormes , Chênes , Tilleuls forment plufieurs ri
deaux ,
Que Vertumne embellit avec magnificence.
Entre la Riviere & ces Bois ,
Nature a mis une Prairie ;
La
JUILLET. 1730. 1567
Là , couché fur l'herbe feurie ,.
Fantôt de la Mufette , & tantôt du Hautbois ,
Damon forme une aimable & douce mélodie ; ›
Là, fur un vert tapis des plus vives couleurs ,
Jeune Berger , jeune Bergere
Danfent parés de guirlandes de fleurs ;
Plus loin bondit l'Agneau fur la verte fougere
Au chant de mille & mille Oiſeaux ,
Pan affis à l'ombre d'un Hêtre
Mêle les tendres fons de fa Flute champêtre ;
Pour l'entendre on accourt des plus lointains Ha
meaux ;
Le Faune quitte le Bocage ;
La Nymphe eft attentive au travers des rofeaux.
Cet admirable Payſage
Forme l'afpect de Bauregard ;
C'eft ce charmant réduit où je veux fans retard³
Pour un jour feulement faire mon domicile
Peut-on fi pour tems court refufer un azile ?
Tu fus Auteur du mal dont je me fens bleffé
Tu m'en dois fournir le remede ;
Un jour fera bientôt paffé.
Ton Belveder auquel tout autre cede ,
Me convient mieux que l'Helicon.
Je veux pour braver Apollon
A qui je déclare la guerre ,
Dans ton champêtre apartement
Sacrifier au Dieu du Verre ;.
IE
1568 MERCURE DE FRANCE
Il me rendra bientôt le calme & l'enjoument.
C'eft à toi , cher ami , pour la cerémonie ,
De mettre le comble à mes voeux ;
De peu d'amis choifis affembler compagnie
Et j'attens cette courtoifie
De ton coeur noble & genéreux .
Sommevefle.
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Résumé : A MONSIEUR L'ABBÉ DE ... EPITRE.
L'auteur adresse une épître à un abbé pour louer son talent poétique et exprimer son admiration. Il avoue ressentir de la jalousie face au succès de l'abbé, au point de troubler son sommeil. Dans un rêve, il voit l'abbé glorifié aux côtés de Pindare, ce qui accentue son sentiment d'infériorité. À son réveil, il décide de quitter le Mont Parnasse, symbole de la poésie. Il envisage de se retirer temporairement à Bauregard, un lieu de plaisance avec des boulingrins, terrasses, berceaux et une rivière. Ce lieu est habité par des bergers, des agneaux et des divinités pastorales comme Pan et les Nymphes. L'auteur demande à l'abbé de l'accueillir à Bauregard, où il espère retrouver la paix et l'enjouement en sacrifiant au Dieu du Verre. Il sollicite également la compagnie de quelques amis choisis pour une cérémonie en son honneur.
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64
p. 1669-1671
HARANGUE faite à S. A. S. Madame la Princesse de Conti, Princesse d'Orange, & à Monseigneur le Prince de Conti son fils, par Jasseda de la Roque, Juif de Carpentras, à Orange. / HARANGUE faite à S. A. S. Madame la Princesse de Conti, Princesse d'Orange, & à Monseigneur le Prince de Conti son fils, par Jasseda de la Roque, Juif de Carpentras, à Carpentras.
Début :
MADAME, Notre Nation sentit autrefois moins de joye à l'arrivée de la Reine de Saba, que nous [...]
Mots clefs :
Prince de Conti, Princesse de Conti, Orange, Carpentras, Dieu
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texteReconnaissance textuelle : HARANGUE faite à S. A. S. Madame la Princesse de Conti, Princesse d'Orange, & à Monseigneur le Prince de Conti son fils, par Jasseda de la Roque, Juif de Carpentras, à Orange. / HARANGUE faite à S. A. S. Madame la Princesse de Conti, Princesse d'Orange, & à Monseigneur le Prince de Conti son fils, par Jasseda de la Roque, Juif de Carpentras, à Carpentras.
HARANGUE faite à S. A. S. Mada
me la Princeffe de Conti , Princeffe d'Orange
, & à Monfeigneur le Prince de
Conti fon fils , par Jaffeda de la Roque,
Juif de Carpentras , à Orange
MADAME,
- Notre Nation fentit autrefois moins de
joye à l'arrivée de la Reine de Saba, que nous
en reffentons aujourd'hui à celle de V. A.S.
& de Monfeigneur le Prince votre augufte
Fils.
Nous venons nous profterner aux pieds de
V. A. S. & nous remarquons en elle les mêmes
vertus & les mêmes charmes que le Roi
•Salomon & le Peuple d'Ifraël admirerent tant
dans cette Reine incomparable.
Vous joignez à cela la fageffe d' Abigail;
la douceur d'Efter & le courage de Judith.
Faffe l'Eternel que Votre Alteffe & Mon-
Seigneur le Prince votre Fils foit comblée de
benedictions & de profperités semblables à
celles qui ont été repandues fur les Familles
de nos premiers Peres.
Nous lifons , MADAME , dans les Pfeaumes
de David Qui Ran Adonaïve fafal ire,
c'est- à-dire , que Dieu tout grand qu'il eft J
I ne
7670 MERCURE DE FRANCE
ne laiffe pas de regarder ce qui eft au-deffous
de luis & comme les Princes font les images
de Dieu fur la terre , nous efperons qu'à fon
axemple Vous & Monseigneur votre Fils ,
voudrez bien nous honorer de votre puiffante
protection dans les occafions qui ne font pour
nous que tropfréquentes,pourrecourir à fa clemence
ordinaire.
C'eft la grace que nous vous demandons ,
& celle d'accepter ce petit Prefent comme une
marque que nos biens , de même que nos per
Jannes feront toujours aufervice de V. Á. S.
&foumis à Monfeigneur le Prince votre Fils ;
efperant de vivre tranquilement fous la douceur
d'un Prince fi bien né,
HARANGUE faite à S .. A. S, Madame
la Princeffe de Conti , Princeffe d'O
range , & à Monfeigneur le Prince de
Conti fon Fils, par Jaffeda de la Roque,
Juifde Carpentras , à Carpentras,
MADAM ADAME ,
Ne nous fera- t'il pas permis de joindre
notre voix , toute foible qu'elle eft , aux acclamations
publiques dont tout ce Pays s'empreffe
de témoigner la joye qu'il reffent de
votre arrivée & de celle de Monfeigneur le
Prince votre augufte Fils.
Etpendant que tous viennent enfoule rendre
JUILLET . 1730. 1671:
dre leurs refpects à Vos Alteffes , agréez
s'il vous plaît , MADAME , que ce petit reſte
du peuple d'Ifraël vienne vous rendre les
fiens , & vous marquer qu'il n'eft pas moins.
fenfible que les autres au bonheur que nous
reffentons aujourd'hui de voir une Princeffe
autant illuftre par fes vertus que par fa naiffance.
à nos anciens
Il n'appartient pas à nous , MADAME , de
rapporter ici ce que l'on pouroit dire de grand
de votre illuftre Naiffance , & de toutes les
belles qualités qui vous rendent fi recomman➡
dable , & qui vous font briller en tout lieus
nous laiffons cela à des bouches plus éloquen
tes que les nôtres , & nous nous contentons
de vous dire que nous voyons dans l'Ecriture
Sainte qu'il n'étoit pas permts
Peres d'entrer dans le Temple les mains vuides
, de même nous aurions honte de paroître
les mains vuides devant Vos Alteffes , qui
nous mettent fous les yeux tout ce qui peut fe
-trouver de plus grand & de plus refpectable.
Daignez donc, MADAME, recevoir ce petit
Préfent, ainfi que Dieu agréoit les holocauftes
des pauvres comme des riches.
me la Princeffe de Conti , Princeffe d'Orange
, & à Monfeigneur le Prince de
Conti fon fils , par Jaffeda de la Roque,
Juif de Carpentras , à Orange
MADAME,
- Notre Nation fentit autrefois moins de
joye à l'arrivée de la Reine de Saba, que nous
en reffentons aujourd'hui à celle de V. A.S.
& de Monfeigneur le Prince votre augufte
Fils.
Nous venons nous profterner aux pieds de
V. A. S. & nous remarquons en elle les mêmes
vertus & les mêmes charmes que le Roi
•Salomon & le Peuple d'Ifraël admirerent tant
dans cette Reine incomparable.
Vous joignez à cela la fageffe d' Abigail;
la douceur d'Efter & le courage de Judith.
Faffe l'Eternel que Votre Alteffe & Mon-
Seigneur le Prince votre Fils foit comblée de
benedictions & de profperités semblables à
celles qui ont été repandues fur les Familles
de nos premiers Peres.
Nous lifons , MADAME , dans les Pfeaumes
de David Qui Ran Adonaïve fafal ire,
c'est- à-dire , que Dieu tout grand qu'il eft J
I ne
7670 MERCURE DE FRANCE
ne laiffe pas de regarder ce qui eft au-deffous
de luis & comme les Princes font les images
de Dieu fur la terre , nous efperons qu'à fon
axemple Vous & Monseigneur votre Fils ,
voudrez bien nous honorer de votre puiffante
protection dans les occafions qui ne font pour
nous que tropfréquentes,pourrecourir à fa clemence
ordinaire.
C'eft la grace que nous vous demandons ,
& celle d'accepter ce petit Prefent comme une
marque que nos biens , de même que nos per
Jannes feront toujours aufervice de V. Á. S.
&foumis à Monfeigneur le Prince votre Fils ;
efperant de vivre tranquilement fous la douceur
d'un Prince fi bien né,
HARANGUE faite à S .. A. S, Madame
la Princeffe de Conti , Princeffe d'O
range , & à Monfeigneur le Prince de
Conti fon Fils, par Jaffeda de la Roque,
Juifde Carpentras , à Carpentras,
MADAM ADAME ,
Ne nous fera- t'il pas permis de joindre
notre voix , toute foible qu'elle eft , aux acclamations
publiques dont tout ce Pays s'empreffe
de témoigner la joye qu'il reffent de
votre arrivée & de celle de Monfeigneur le
Prince votre augufte Fils.
Etpendant que tous viennent enfoule rendre
JUILLET . 1730. 1671:
dre leurs refpects à Vos Alteffes , agréez
s'il vous plaît , MADAME , que ce petit reſte
du peuple d'Ifraël vienne vous rendre les
fiens , & vous marquer qu'il n'eft pas moins.
fenfible que les autres au bonheur que nous
reffentons aujourd'hui de voir une Princeffe
autant illuftre par fes vertus que par fa naiffance.
à nos anciens
Il n'appartient pas à nous , MADAME , de
rapporter ici ce que l'on pouroit dire de grand
de votre illuftre Naiffance , & de toutes les
belles qualités qui vous rendent fi recomman➡
dable , & qui vous font briller en tout lieus
nous laiffons cela à des bouches plus éloquen
tes que les nôtres , & nous nous contentons
de vous dire que nous voyons dans l'Ecriture
Sainte qu'il n'étoit pas permts
Peres d'entrer dans le Temple les mains vuides
, de même nous aurions honte de paroître
les mains vuides devant Vos Alteffes , qui
nous mettent fous les yeux tout ce qui peut fe
-trouver de plus grand & de plus refpectable.
Daignez donc, MADAME, recevoir ce petit
Préfent, ainfi que Dieu agréoit les holocauftes
des pauvres comme des riches.
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Résumé : HARANGUE faite à S. A. S. Madame la Princesse de Conti, Princesse d'Orange, & à Monseigneur le Prince de Conti son fils, par Jasseda de la Roque, Juif de Carpentras, à Orange. / HARANGUE faite à S. A. S. Madame la Princesse de Conti, Princesse d'Orange, & à Monseigneur le Prince de Conti son fils, par Jasseda de la Roque, Juif de Carpentras, à Carpentras.
Jaffeda de la Roque, un Juif de Carpentras, adresse une harangue à Son Altesse Sérénissime Madame la Princesse de Conti, Princesse d'Orange, et à Monseigneur le Prince de Conti, son fils. Il exprime une joie immense à leur arrivée, comparant cette joie à celle du peuple d'Israël accueillant la Reine de Saba. Il loue les vertus de la princesse, les comparant à celles d'Abigail, Esther et Judith. L'orateur souhaite des bénédictions et des prospérités pour la princesse et son fils, espérant leur protection et leur bienveillance. Il souligne que les princes sont les images de Dieu sur terre et espère leur soutien en cas de besoin. Enfin, il offre un modeste présent en signe de dévouement et de respect, rappelant que même les pauvres offrent des holocaustes acceptés par Dieu.
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64
HARANGUE faite à S. A. S. Madame la Princesse de Conti, Princesse d'Orange, & à Monseigneur le Prince de Conti son fils, par Jasseda de la Roque, Juif de Carpentras, à Orange. / HARANGUE faite à S. A. S. Madame la Princesse de Conti, Princesse d'Orange, & à Monseigneur le Prince de Conti son fils, par Jasseda de la Roque, Juif de Carpentras, à Carpentras.
65
p. 1752-1756
LES MIRACLES, ODE DE M. PIRON.
Début :
Homme incredule, écoute, & soumets ton audace, [...]
Mots clefs :
Yeux, Nature, Miracle, Eau, Dieu
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LES MIRACLES, ODE DE M. PIRON.
LES MIRACLES ,.
O DE
DE M. PIRON.
Omme incredule , écoute , & foumets ton
audace,
L'Epouvante fur toi va répandre fa glace.
Que ton front pâliffe une fois !
Viens , contemple avec moi dans toute fa puiffance
Celui dont les éclairs annoncent la préſence ,
Et dont le Tonnerre eft la voix :
Quelle eft la Majefté de cet Etre fublime ,
Dont le haut Firmament & le profond abîme
Ne limitent pas le pouvoir ?
Vain Monarque , à les yeux , que paroît to
Royaume ,
Quand l'Univers entier n'eft qu'un leger atomes
Que de fon foufle-il fiy -mouvoir
Dez
AO UST. 1730. 1733
De ce fouffe divin s'anima la Nature ;
Elle reçût de lui fa loi conftante & pure .
nous fommes tous ! Infenfés que
Parceque cette Loi triomphe fans obftacles ,
Que rien n'en interrompt à nos yeux les miracles
Ils ceffent de l'être pour nous.
Les Tenebres , le jour , les Ondes refrenées ;
Le cercle des Saifons l'une à l'autre enchaînées
Contre l'Athée ont prononcé.
Reconnoîtrons-nous moins la fageffe éternelle
Au bel ordre établi qui par tout la revele ,
Qu'à ce bel ordre renverſé ?
Hé bien ! Mortel aveugle , il faut te ſatisfaire,
Préfere un Phénomene à l'Aftre qui t'éclaire
Dieu fe conforme à ton erreur ;
A ta fragilité fon pouvoir ſe meſure ;
Interrompant le cours des loix de la Nature
Il va s'en déclarer l'Auteur.
Sous un Prince endurci , toute l'Egypte en ar
mes
A volé fur les pas de Jacob en allarmes ;
Il n'a que fon Dieu pour appui.
De fes perfécuteurs la courfe impitoyable
Le ferre entre les bords d'une Mer effroyable ,
Et le trépas qui fond fur lui.
L'Elér
1754 MERCURE DE FRANCE
L'Element redouté lui préfente un azile ;
L'onde fuit , fe divife , & le flot immobile
Refte fufpendu dans les airs ;
La main qui , ravageant de coupables Campagnes,
Jadis fous l'Eau profonde a caché les Montagnes.
Vient fecher le gouffre des Mers.
Dans ce Vallon bordé de hauts Rochers liquides
Je vois entrer les Chars des Guerriers homicides
Leurs pas n'en font point rallentis ;
Mais le peuple chéri touche à peine au rivage
Que du flot qui reprend fon empire & fa rage
Les Barbares font engloutis .
Le Defert à ce peuple inſpire une autre crainte,
Là jamais de l'Oifeau la foif ne fut éteinte ;
Jamais fruit ne s'y recueillit.
L'Air offre l'aliment que refufoit la terre ;
Le reinede à la foif fort du fein de la pierre-
Le Roc eft frappé ; l'eau jaillit .
Je garde devant vous un timide filence ;
Sommet du Mont facré qu'embraſa la préſence
Du difpenfateur de la Loi !
Le miracle vivant de cette Loi fuprême
Que de fon doigt fur vous Dieu nous traça lui
même ,
Parle fuffifamment fans moi.
Aux
A O UST. 1730. 1733
Aux Rives du Jourdain fuivons l'Arche terri
ble ;
L'Hebreu mal agueri par elle eft invincible ;
Les Clairons ont frappé l'écho.
L'eau remonte à fa fource , où l'effroi la rappelles
L'Arche avance , elle aborde ; & je vois devant elle
Tomber les murs de Jericho.
L'Amorrhéen faifi d'une terreur panique ,
Dans laNuit qui s'approche a fa reffource unique,
Vain efpoir dont il fe nourrit !
Celui de fes Vainqueurs peut -il être frivole a
Arrête , dit leur Chef, au Soleil qui s'envole ;
L'Aftre s'arrête , & tout périt.
La flamme , ou l'eau du Ciel tombe à la voix
d'Elie :
Des Monftres dont la faim redouble la furie
Daniel n'eft point offenfé.
Leur fein fert à Jonas de retraite paiſible.
Sous les coups foudroyans d'un vengeur invif
ble
Sennacherib eft terraffé.
L'Arche a brifé Dagon ... Mais quels plus grands
miracles
Imposent tout à coup filence aux faux Oracles ?
Satan fuit au fond des Enfers.
O prodige qui rend la Nature interdite!!
Dien
1756 MERCURE DE FRANCE
Dieu fe fait homme , il naît , il meurt , il reſſuſcite
;
Les Cieux par lui nous font ouverts.
Leve les yeux , ôtoi , qu'un foufle met en poudre
,
Mortel , ici t'attend ou la palme , ou la foudre ;
Choifis , tu n'as plus qu'un moment ;
Préviens le jour d'horreur, d'ire , & d'ignomini
Ou le coupable doit revenir à la vie
Pour mourir éternellement.
O DE
DE M. PIRON.
Omme incredule , écoute , & foumets ton
audace,
L'Epouvante fur toi va répandre fa glace.
Que ton front pâliffe une fois !
Viens , contemple avec moi dans toute fa puiffance
Celui dont les éclairs annoncent la préſence ,
Et dont le Tonnerre eft la voix :
Quelle eft la Majefté de cet Etre fublime ,
Dont le haut Firmament & le profond abîme
Ne limitent pas le pouvoir ?
Vain Monarque , à les yeux , que paroît to
Royaume ,
Quand l'Univers entier n'eft qu'un leger atomes
Que de fon foufle-il fiy -mouvoir
Dez
AO UST. 1730. 1733
De ce fouffe divin s'anima la Nature ;
Elle reçût de lui fa loi conftante & pure .
nous fommes tous ! Infenfés que
Parceque cette Loi triomphe fans obftacles ,
Que rien n'en interrompt à nos yeux les miracles
Ils ceffent de l'être pour nous.
Les Tenebres , le jour , les Ondes refrenées ;
Le cercle des Saifons l'une à l'autre enchaînées
Contre l'Athée ont prononcé.
Reconnoîtrons-nous moins la fageffe éternelle
Au bel ordre établi qui par tout la revele ,
Qu'à ce bel ordre renverſé ?
Hé bien ! Mortel aveugle , il faut te ſatisfaire,
Préfere un Phénomene à l'Aftre qui t'éclaire
Dieu fe conforme à ton erreur ;
A ta fragilité fon pouvoir ſe meſure ;
Interrompant le cours des loix de la Nature
Il va s'en déclarer l'Auteur.
Sous un Prince endurci , toute l'Egypte en ar
mes
A volé fur les pas de Jacob en allarmes ;
Il n'a que fon Dieu pour appui.
De fes perfécuteurs la courfe impitoyable
Le ferre entre les bords d'une Mer effroyable ,
Et le trépas qui fond fur lui.
L'Elér
1754 MERCURE DE FRANCE
L'Element redouté lui préfente un azile ;
L'onde fuit , fe divife , & le flot immobile
Refte fufpendu dans les airs ;
La main qui , ravageant de coupables Campagnes,
Jadis fous l'Eau profonde a caché les Montagnes.
Vient fecher le gouffre des Mers.
Dans ce Vallon bordé de hauts Rochers liquides
Je vois entrer les Chars des Guerriers homicides
Leurs pas n'en font point rallentis ;
Mais le peuple chéri touche à peine au rivage
Que du flot qui reprend fon empire & fa rage
Les Barbares font engloutis .
Le Defert à ce peuple inſpire une autre crainte,
Là jamais de l'Oifeau la foif ne fut éteinte ;
Jamais fruit ne s'y recueillit.
L'Air offre l'aliment que refufoit la terre ;
Le reinede à la foif fort du fein de la pierre-
Le Roc eft frappé ; l'eau jaillit .
Je garde devant vous un timide filence ;
Sommet du Mont facré qu'embraſa la préſence
Du difpenfateur de la Loi !
Le miracle vivant de cette Loi fuprême
Que de fon doigt fur vous Dieu nous traça lui
même ,
Parle fuffifamment fans moi.
Aux
A O UST. 1730. 1733
Aux Rives du Jourdain fuivons l'Arche terri
ble ;
L'Hebreu mal agueri par elle eft invincible ;
Les Clairons ont frappé l'écho.
L'eau remonte à fa fource , où l'effroi la rappelles
L'Arche avance , elle aborde ; & je vois devant elle
Tomber les murs de Jericho.
L'Amorrhéen faifi d'une terreur panique ,
Dans laNuit qui s'approche a fa reffource unique,
Vain efpoir dont il fe nourrit !
Celui de fes Vainqueurs peut -il être frivole a
Arrête , dit leur Chef, au Soleil qui s'envole ;
L'Aftre s'arrête , & tout périt.
La flamme , ou l'eau du Ciel tombe à la voix
d'Elie :
Des Monftres dont la faim redouble la furie
Daniel n'eft point offenfé.
Leur fein fert à Jonas de retraite paiſible.
Sous les coups foudroyans d'un vengeur invif
ble
Sennacherib eft terraffé.
L'Arche a brifé Dagon ... Mais quels plus grands
miracles
Imposent tout à coup filence aux faux Oracles ?
Satan fuit au fond des Enfers.
O prodige qui rend la Nature interdite!!
Dien
1756 MERCURE DE FRANCE
Dieu fe fait homme , il naît , il meurt , il reſſuſcite
;
Les Cieux par lui nous font ouverts.
Leve les yeux , ôtoi , qu'un foufle met en poudre
,
Mortel , ici t'attend ou la palme , ou la foudre ;
Choifis , tu n'as plus qu'un moment ;
Préviens le jour d'horreur, d'ire , & d'ignomini
Ou le coupable doit revenir à la vie
Pour mourir éternellement.
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Résumé : LES MIRACLES, ODE DE M. PIRON.
Le poème 'Les Miracles, ou de M. Piron' invite les incrédules à reconnaître la puissance divine à travers divers miracles. Il décrit la majesté de Dieu, dont le pouvoir dépasse les limites du firmament et de l'abîme. Le texte souligne que la nature et l'univers entier sont soumis à la loi divine, et que les miracles en sont des manifestations. Plusieurs miracles bibliques sont cités, tels que la traversée de la mer Rouge par les Hébreux, la chute des murs de Jéricho, l'arrêt du soleil pour Josué, et la résurrection de Jésus-Christ. Le poème met en garde les incrédules contre l'erreur de privilégier des phénomènes naturels à la sagesse divine et les exhorte à reconnaître la puissance de Dieu.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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66
p. 1794-1800
« MONUMENTI AElia Laelia Crispis, sive celeberrimi AEnigmatis Bononiensis, [...] »
Début :
MONUMENTI AElia Laelia Crispis, sive celeberrimi AEnigmatis Bononiensis, [...]
Mots clefs :
Épitaphe, Tombeau, Monument, Pyramide, Dieu
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texteReconnaissance textuelle : « MONUMENTI AElia Laelia Crispis, sive celeberrimi AEnigmatis Bononiensis, [...] »
MONUMENTI Elia Lælia Crifpis ,.
five celeberrimi Enigmatis Bononienfis ,
Hiftorica Explicatio , Fragmentum Anti--
quum incerti Auctoris Bononiæ Senatui :
FRANCISCUS MASTRIUS . Additis
aliquibus Notis D. D. D. Bononiæ , typis
Conftantini Pifarri , vol . in- 4. 1717. C'eſtà-
dire ,, EXPLICATION hiftorique de las
fameufe Epitaphe énigmatique de Boulogne ,
&c. dédiée au Sénat de cette Ville, parFrançois
Mafirius, & c..
+
Comme ces Sçavans Journaliſtes onts.
parlé de ce Livre en l'année 1706. à l'oc--
afion
AOUST. 1730. 1793
cafion de la premiere Edition qui en fut
faite à Veniſe en 1702. & que dès l'année
1684. ils avoient auffi parlé dans leur
Journal de l'Ouvrage compofé fur le même
fujet par le Docteur Charles- CefarMalvafia
, celebre Jurifconfulte & Profeffeur
en Droit à Boulogne , ils ont eftimé
inutile de donner deux Extraits de la Differtation
de Maftrius ; mais le Public doit
leur fçavoir gré de produire ici , au lieu
d'une répetition , l'Explication de la même
Enigme , donnée par M. Heuman ,
leur Collegue , dans une Differtation imprimée
en 1706. & réimprimée deux ans
après fous ce titre , De Fato Uxoris Loti.
Car ce Sçavant croit , & il eft étonnant ,
difent nos Journaliſtes , que cette penſée
ne foit encore venue à perfonne ; il croit ,
dis- je , que l'Auteur du Monument énigmatique
de Boulogne , n'a eu d'autre intention,
en le compofant ,que d'écrire d'u
ne maniere ingénieufe & obfcure , le
malheur arrivé à la femme de Lor . Mais
avant que de voir l'application qu'il fait
dés termes de l'Infcription au fujer que
nous venons de dire , il eft bon de rap
porter cette Infcription dans fon entier ,
& telle que Maftrius l'a donnée plus ré--
cemment dans la feconde Edition de fon
Ouvrage , faite , comme nous l'avons dit ,
à Boulogne même en l'année 1717.
E vj DI.
(1796 MERCURE DE FRANCE
D. M.
Alia Lalia Crifpis
Nec Vir Nec Mulier
Nec Androgyna
Nec Puella nec Juvenis
Nec Anus
Nec cafta nec Meretrix
Nec Pudica
Sed omnia
Sublata
Neque fame neque ferro
Neque Veneno
Sed omnibus
Nec Colo nec Terris
Nec Aquis
Sed Ubique jacet.
Lucius Agatho Prifcius
Nec Maritus nec Amator
Nec Neceffarius
Neque Moerens neque gaudens
Neque Flens
Hanc
Nec Molem nec Pyramidem
Nec
Sepulcrum
Sed omnia
Scit & nefcit cui Pofuerit.
Nous la donnerons auffi en François , afin
que tous nos Lecteurs puiffent l'entendre
juger de l'interpretation de M. Heuman ,
& ufer auffi du droit que tout le Monde
AOUST . 1730. 1797
a de s'exercer fur cette fameufe Enigme ;
dans un temps , fur tout,où les fujets énigmatiques
paroiffent devenir du gout du
Public.
AUX DIEUX MANE S.
Alia , Lalia Crifpis , qui n'eft ni Hom
me , ni Femme , ni Hermaphrodite , ni Fille,
nijeune , ni vieille , ni chafte , ni prostituée,
ni pudique, mais tout cela enfemble : qui n'eft
ni morte de faim , qui n'a été tuée ni par
le fer , ni par le poifon ; mais par ces trois
chofes ensemble : n'eft ni au Ciel , ni dans
Peau , ni dans la terre ; mais eft par tout.
Lucius Agathon Prifcius , qui n'eft ni fon
mari , ni fon amant , ni fon parent ; ni trifte
ni joyeux , ni pleurant ; fçait & ne sçait pas
pour qui il a pofé ceci , qui n'est ni Monument
, ni Pyramide , ni Tombeau.
Voici quelles font les penfées de M.Heuman.
La femme de Lot , dit- il , changée ,
felon la plus commune opinion , en Statuë
de Sel , n'étoit plus ni homme , ni femme
, ni hermaphrodite , ni rien de tout
ce que marquent les premieres lignes de
l'Epitaphe , cependant elle avoit été tout
cela enfemble. Car elle a été femme & vieille
, & d'elle ont pû fortir un homme , un
Hermaphrodite , une fille , &c. deforte qu'étant
, pour ainfi- dire , la matiere premiere
de
1798 MERCURE DE FRANCE
de toutes ces chofes , on peut dire avec
raifon qu'elle a été tout cela.
Ce qui fuit marque encore mieux fon
deftin , & convient parfaitement à la fenime
de Lot ; car elle n'a péri ni par la faim,
ni par le fer , ni par le poifon ; quoiqu'on
puiffe dire que ces trois chofes enfemble lui
ont ôté la vie. 1º . Elle avala un mortel
poifon répandu dans l'air par la pluye de
fouffre qui tomboit alors du Ciel. 2º . Elle
fouffrit une faim fpirituelle par le regret
qu'elle eut en regardant Sodome , aux
biens qu'elle y laiffoit , dont le defir &
la convoitife la devoroient , regret & faim -
dans lefquels elle ceffa de vivre. 3 ° . J'avouë
, continue M. Heuman , que le fer
m'embarraffe un peu ; peut-être l'Auteur
de l'Epitaphe a- t- il eu en vûe le récit de
quelques Voyageurs , qui content que
cette Statue de Sel eft fouvent mutilée
par ceux qui én coupent des morceauxavec
un couteau ou autre inftrument der
fer , ajoûtant que ce qu'ils en enlevent
eft auffi- tôt reproduit , enforte que la Sta--
tuë ne paroît preſque jamais défectueuſe,
ce que notre Interprete eftime fabuleux.-
Au refte , il est très - vrai de dire que
la femme de Loth n'eft ni au Ciel , ni dans
Les eaux , ni fur la terre , c'est-à - dire fépa--
rément, & cependant elle eſt partout. Car
elle eft fituée comme dans l'air , par con--
Lequenes
AOUST. 1730. 1799
fequent on peut dire qu'elle eft au Ciel ,
elle n'eft pas moins tout enſemble dans
·les eaux lorfqu'il pleut , & fur la terre
puifqu'elle eft pofée deffus .
L'Auteur de ce Monument eft Dieu.
même , ainfi il eft appellé très- à propos
Lucius , car il eft la lumiere , le Pere des
lumieres , qui habite dans une lumiere
inacceffible , &c. Le nom d'Agatho lui
convient auffi parfaitement , car nul n'eft
parfaitement bon , fi ce n'eft Dieu . Enfin ›
ce n'eſt pas fans raifon que Prifcius eft à·
la fuite de ces deux noms , c'eft en effet
ce Vieillard reſpectable qui eft ainfi repré--
fenté par le Prophete Daniel. On peut
bien dire auffi de Dieu , que ce neft ni
le Mari, ni l'Amant , ni le parent de la
femme de Loth , ainfi il n'eft pas éton--
nant qu'en dreffant ce Monument
il
n'ait été ni trifte , ni joyeux , ni en état de
verfer des larmes.
.
,
Si quelqu'un regarde ce Monument
comme une Piramide , un Sépulchre , & c . il·
s'écartera de la maniere ordinaire de par--
ler. Cependant on peut dire que la Statue
de Sel femble avoir été tout cela. En effet
elle a été tout enfemble & Monument &
Pyramide , s'élevant en l'air à la maniere
des Pyramides , elle a été auffi un Séput--
chre , qui contient une perfonne fans vie..
Enfin Dieu fait , fans doute , ce qu'il a :
Rosé,
1800 MERCURE DE FRANCE
pofé , mais on peut dire , en un lens , qu'il
nefçait pas fi c'eft là un Monument ou une
Pyramide , ou un Tombeau , car Dieu n'a
voulu faire aucune de ces trois choſes.
D'autres finiffent l'Epitaphe par ces paroles.
C'est ici un Tombeau qui ne renferme
point de Cadavre , c'eft un Cadavre qui n'a
point de Tombeau , mais c'eft un Cadavre
qui eft lui-même fon Tombeau. Ces paroles
font fi claires , dit M.Heuman , en finiffant
fon Interpretation , & s'appliquent fi parfaitement
à la femme de Loth , que ce
feror perdre le temps que d'en ajoûter ici
l'explication
five celeberrimi Enigmatis Bononienfis ,
Hiftorica Explicatio , Fragmentum Anti--
quum incerti Auctoris Bononiæ Senatui :
FRANCISCUS MASTRIUS . Additis
aliquibus Notis D. D. D. Bononiæ , typis
Conftantini Pifarri , vol . in- 4. 1717. C'eſtà-
dire ,, EXPLICATION hiftorique de las
fameufe Epitaphe énigmatique de Boulogne ,
&c. dédiée au Sénat de cette Ville, parFrançois
Mafirius, & c..
+
Comme ces Sçavans Journaliſtes onts.
parlé de ce Livre en l'année 1706. à l'oc--
afion
AOUST. 1730. 1793
cafion de la premiere Edition qui en fut
faite à Veniſe en 1702. & que dès l'année
1684. ils avoient auffi parlé dans leur
Journal de l'Ouvrage compofé fur le même
fujet par le Docteur Charles- CefarMalvafia
, celebre Jurifconfulte & Profeffeur
en Droit à Boulogne , ils ont eftimé
inutile de donner deux Extraits de la Differtation
de Maftrius ; mais le Public doit
leur fçavoir gré de produire ici , au lieu
d'une répetition , l'Explication de la même
Enigme , donnée par M. Heuman ,
leur Collegue , dans une Differtation imprimée
en 1706. & réimprimée deux ans
après fous ce titre , De Fato Uxoris Loti.
Car ce Sçavant croit , & il eft étonnant ,
difent nos Journaliſtes , que cette penſée
ne foit encore venue à perfonne ; il croit ,
dis- je , que l'Auteur du Monument énigmatique
de Boulogne , n'a eu d'autre intention,
en le compofant ,que d'écrire d'u
ne maniere ingénieufe & obfcure , le
malheur arrivé à la femme de Lor . Mais
avant que de voir l'application qu'il fait
dés termes de l'Infcription au fujer que
nous venons de dire , il eft bon de rap
porter cette Infcription dans fon entier ,
& telle que Maftrius l'a donnée plus ré--
cemment dans la feconde Edition de fon
Ouvrage , faite , comme nous l'avons dit ,
à Boulogne même en l'année 1717.
E vj DI.
(1796 MERCURE DE FRANCE
D. M.
Alia Lalia Crifpis
Nec Vir Nec Mulier
Nec Androgyna
Nec Puella nec Juvenis
Nec Anus
Nec cafta nec Meretrix
Nec Pudica
Sed omnia
Sublata
Neque fame neque ferro
Neque Veneno
Sed omnibus
Nec Colo nec Terris
Nec Aquis
Sed Ubique jacet.
Lucius Agatho Prifcius
Nec Maritus nec Amator
Nec Neceffarius
Neque Moerens neque gaudens
Neque Flens
Hanc
Nec Molem nec Pyramidem
Nec
Sepulcrum
Sed omnia
Scit & nefcit cui Pofuerit.
Nous la donnerons auffi en François , afin
que tous nos Lecteurs puiffent l'entendre
juger de l'interpretation de M. Heuman ,
& ufer auffi du droit que tout le Monde
AOUST . 1730. 1797
a de s'exercer fur cette fameufe Enigme ;
dans un temps , fur tout,où les fujets énigmatiques
paroiffent devenir du gout du
Public.
AUX DIEUX MANE S.
Alia , Lalia Crifpis , qui n'eft ni Hom
me , ni Femme , ni Hermaphrodite , ni Fille,
nijeune , ni vieille , ni chafte , ni prostituée,
ni pudique, mais tout cela enfemble : qui n'eft
ni morte de faim , qui n'a été tuée ni par
le fer , ni par le poifon ; mais par ces trois
chofes ensemble : n'eft ni au Ciel , ni dans
Peau , ni dans la terre ; mais eft par tout.
Lucius Agathon Prifcius , qui n'eft ni fon
mari , ni fon amant , ni fon parent ; ni trifte
ni joyeux , ni pleurant ; fçait & ne sçait pas
pour qui il a pofé ceci , qui n'est ni Monument
, ni Pyramide , ni Tombeau.
Voici quelles font les penfées de M.Heuman.
La femme de Lot , dit- il , changée ,
felon la plus commune opinion , en Statuë
de Sel , n'étoit plus ni homme , ni femme
, ni hermaphrodite , ni rien de tout
ce que marquent les premieres lignes de
l'Epitaphe , cependant elle avoit été tout
cela enfemble. Car elle a été femme & vieille
, & d'elle ont pû fortir un homme , un
Hermaphrodite , une fille , &c. deforte qu'étant
, pour ainfi- dire , la matiere premiere
de
1798 MERCURE DE FRANCE
de toutes ces chofes , on peut dire avec
raifon qu'elle a été tout cela.
Ce qui fuit marque encore mieux fon
deftin , & convient parfaitement à la fenime
de Lot ; car elle n'a péri ni par la faim,
ni par le fer , ni par le poifon ; quoiqu'on
puiffe dire que ces trois chofes enfemble lui
ont ôté la vie. 1º . Elle avala un mortel
poifon répandu dans l'air par la pluye de
fouffre qui tomboit alors du Ciel. 2º . Elle
fouffrit une faim fpirituelle par le regret
qu'elle eut en regardant Sodome , aux
biens qu'elle y laiffoit , dont le defir &
la convoitife la devoroient , regret & faim -
dans lefquels elle ceffa de vivre. 3 ° . J'avouë
, continue M. Heuman , que le fer
m'embarraffe un peu ; peut-être l'Auteur
de l'Epitaphe a- t- il eu en vûe le récit de
quelques Voyageurs , qui content que
cette Statue de Sel eft fouvent mutilée
par ceux qui én coupent des morceauxavec
un couteau ou autre inftrument der
fer , ajoûtant que ce qu'ils en enlevent
eft auffi- tôt reproduit , enforte que la Sta--
tuë ne paroît preſque jamais défectueuſe,
ce que notre Interprete eftime fabuleux.-
Au refte , il est très - vrai de dire que
la femme de Loth n'eft ni au Ciel , ni dans
Les eaux , ni fur la terre , c'est-à - dire fépa--
rément, & cependant elle eſt partout. Car
elle eft fituée comme dans l'air , par con--
Lequenes
AOUST. 1730. 1799
fequent on peut dire qu'elle eft au Ciel ,
elle n'eft pas moins tout enſemble dans
·les eaux lorfqu'il pleut , & fur la terre
puifqu'elle eft pofée deffus .
L'Auteur de ce Monument eft Dieu.
même , ainfi il eft appellé très- à propos
Lucius , car il eft la lumiere , le Pere des
lumieres , qui habite dans une lumiere
inacceffible , &c. Le nom d'Agatho lui
convient auffi parfaitement , car nul n'eft
parfaitement bon , fi ce n'eft Dieu . Enfin ›
ce n'eſt pas fans raifon que Prifcius eft à·
la fuite de ces deux noms , c'eft en effet
ce Vieillard reſpectable qui eft ainfi repré--
fenté par le Prophete Daniel. On peut
bien dire auffi de Dieu , que ce neft ni
le Mari, ni l'Amant , ni le parent de la
femme de Loth , ainfi il n'eft pas éton--
nant qu'en dreffant ce Monument
il
n'ait été ni trifte , ni joyeux , ni en état de
verfer des larmes.
.
,
Si quelqu'un regarde ce Monument
comme une Piramide , un Sépulchre , & c . il·
s'écartera de la maniere ordinaire de par--
ler. Cependant on peut dire que la Statue
de Sel femble avoir été tout cela. En effet
elle a été tout enfemble & Monument &
Pyramide , s'élevant en l'air à la maniere
des Pyramides , elle a été auffi un Séput--
chre , qui contient une perfonne fans vie..
Enfin Dieu fait , fans doute , ce qu'il a :
Rosé,
1800 MERCURE DE FRANCE
pofé , mais on peut dire , en un lens , qu'il
nefçait pas fi c'eft là un Monument ou une
Pyramide , ou un Tombeau , car Dieu n'a
voulu faire aucune de ces trois choſes.
D'autres finiffent l'Epitaphe par ces paroles.
C'est ici un Tombeau qui ne renferme
point de Cadavre , c'eft un Cadavre qui n'a
point de Tombeau , mais c'eft un Cadavre
qui eft lui-même fon Tombeau. Ces paroles
font fi claires , dit M.Heuman , en finiffant
fon Interpretation , & s'appliquent fi parfaitement
à la femme de Loth , que ce
feror perdre le temps que d'en ajoûter ici
l'explication
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Résumé : « MONUMENTI AElia Laelia Crispis, sive celeberrimi AEnigmatis Bononiensis, [...] »
Le texte traite de l'explication historique d'une épitaphe énigmatique de Boulogne, dédiée au Sénat de cette ville par François Mastrius en 1717. Cette épitaphe a été mentionnée dans des journaux savants dès 1706 et 1684, où ils parlaient également d'un ouvrage similaire du Docteur Charles-César Malvasia. Les journalistes ont choisi de ne pas reproduire deux extraits de la dissertation de Mastrius, mais ont présenté l'explication de l'énigme par M. Heuman, publiée en 1706 et réimprimée en 1708. M. Heuman propose que l'épigramme énigmatique de Boulogne fait référence à la femme de Lot, transformée en statue de sel. Il explique que cette femme n'était plus ni homme, ni femme, ni hermaphrodite, mais avait été tout cela ensemble. Elle n'est morte ni de faim, ni par le fer, ni par le poison, mais par une combinaison de ces éléments. Heuman interprète également que la femme de Lot n'est ni au ciel, ni dans les eaux, ni sur la terre, mais partout à la fois. L'auteur du monument est identifié comme étant Dieu, représenté sous le nom de Lucius Agatho Prifcius. Dieu n'est ni le mari, ni l'amant, ni le parent de la femme de Lot, et n'a pas de sentiments humains. L'épigramme est vue comme une métaphore complexe de la condition de la femme de Lot, transformée en statue de sel.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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67
p. 1856-1864
La Tragédie de Maurice, &c. & Ballet, [titre d'après la table]
Début :
Le 2 Août, on representa au College de Louis le Grand, pour la Distribution [...]
Mots clefs :
Théâtre, Ballet, Ridicule, Dieu, Armée, Mort, Collège de Louis le Grand, Histoire, Tyran, Prince, Tragédie
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texteReconnaissance textuelle : La Tragédie de Maurice, &c. & Ballet, [titre d'après la table]
Le 2 Août , on reprefenta au College
de Louis le Grand , pour la Diftribution
des Prix , fondé par S. M. la Tragédie
de Maurice , Empereur d'Orient cette
Tragédie fut fuivie d'un Ballet . Nous allons
donner de l'une & de l'autre un Extrait
le plus fuccinct qu'il nous fera
poffible.
Argument de la Tragédie.
Maurice
AOUST. 1730. 1857
Maurice agité de remords pour avoir
laiffé périr dans les fers un nombre confiderable
de fes fujets , qu'il n'avoit tenu
qu'à lui de racheter , fe reconnoît coupable
devant Dieu , & le prie de lui faire
expier fon crime dans ce monde plutôt
que dans l'autre. Sa priere eft exaucée ;
Dieu lui fait voir fon châtiment en fonge ;
il confeffe humblement qu'il l'a merité.
Il est déthrôné par Phocas ; & prêt à
mourir il prononce fouvent ces paroles ,
qui furent les dernieres de ſa vie : Vous
êtes jufte , Seigneur , & votre Jugement eft
équitable.
La Scene eft à Conftantinople , dans le
Palais Imperial.
ACTE I.
Maurice avoit fait arrêter Germain , Beau
Pere de fon fils Theodore , fur une Lettre anonyme
, par laquelle on lui offroit l'Empire ; mais
ayant vú en fonge un ufurpateur qui vouloit lui
arracher le Sceptre , & la lettre Ph. étant
gravée fur le front du coupable , fes foupçons
tombent fur Philipiccus , fon beau- frere ; il fait
remettre Germain en liberté , & ordonne qu'on
lui amene Philipiccus ; celui- ci fe contente de
faire parler fon innocence dans le tems que Mau
rice l'accable de fanglans reproches . Ce dernier
accufé eft encore juftifié par la nouvelle que
PEmpereur apprend de la révolte de Phocas , l'un
des Officiers Generaux de fon Armée. Il veug
aller
H
1858 MERCURE DE FRANCE
aller reprimer les Rebelles ; Philippicus l'en détourne
, en lui reprefentant le danger évident
où il s'expoferoit ; cependant il va raffembler ce
qui refte de fujets fideles à Maurice pour le mettre
en état de diffiper les Factieux . Maurice effrayé
du fonge qu'il a fait ; & voyant bien que
Dieu eft prêt à le punir de fon crime , fonge
plutôt à fauver fes Enfans qu'à fe fauver lui-même
; il leur ordonne d'aller chercher un azile fous
la conduite de Prifcus , Gouverneur de Juftin ,
fon fils. Theodofe , fon autre fils , refuſe d'obéïr
, & veut périr en deffendant le Trône & la
vie de fon Pere ; l'Empereur confie à Prifcus le
fecond de fes Enfans , & va fe mettre à la tête
de quelques Troupes que Philippicus à ramaffées
pour combattre les révoltez .
ACTE I I..
Maurice ayant été lâchement abandonné des
Troupes qu'il croyoit lui être fideles , Germain
irrité de fon emprifonnement , fe flate que Phocas
n'a confpiré que pour le mettre fur le Trône
; il introduit ce traître dans le Palais . Alcime ,
Officier de l'Armée , & Confident de Phocas
vient annoncer à Germain la défaite & la prife
de Maurice & de Theodore , fon fils aîné. Germain
voudroit qu'on leur eut laiffé la liberté de
fuïr ; il craint que leur préfence n'intereffe les
Peuples en leur faveur ; Alcime ſoutient au contraire
que
la fuite les auroit pû mettre en état
de remonter fur le Trône. On préfente à Phocas
Maurice chargé de fers ; Germain , par un reſte
de vertu , ne peut en foûtenir la vûë , & fe reti
re. Phocas s'efforce envain d'engager Maurice à
lui livrer fon fecond fils Juftin , fous prétexte.
de le mettre à couvert de la fureur du peuple ; co
pere
A O UST . 1730. 1859
ce
Pere infortuné ne donne pas dans un piége fi
groffier ; on amene Theodore à Phocas
Prince fier & intrépide détefte la perfidie de Ger
main , & reproche à Phocas d'avoir confpiré
pour le mettre fur le Trône. Phocas lui fait entendre
en termes équivoques , qu'il n'ôtera jamais
la Couronne à Maurice , pour la mettre
fur la tête d'un autre. L'Empereur & fon fils
s'étant retirez , il ouvre fon coeur à Alcime , &
lui déclare qu'il n'a travaillé que pour lui - mêil
l'envoye recevoir en fon nom le ferment
de l'Armée , & fort pour aller donner ordre à
la recherche de Juftin , frere de Theodore.
me ;
ACTE I I I..
pour faire rentrer Philippicus n'oublie rien
Germain dans fon devoir ; ce dernier offre le
Trône Imperial à fon Gendre Theodore , qui le
refufe genereufement comme appartenant à fon
pere ; il fait entendre à Germain que Phocas ne
l'a ufurpé que pour lui - même. Germain ne le
peut croire ; cependant il fort avec Philippicus
pour penetrer avec lui un deffein dont il commence
à fe défier. Prifcus , dont Phocas a enfin
découvert la retraite , eft amené au Palais , avec
fon fils Heraclius , à qui il a donné le nom &
l'habit de Juftin , pour fauver ce jeune Prince
aux dépens de la vie de fon propre fils . Les difcours
du faux Juftin épouventent Phocas , qu'on
fuppofe n'avoir jamais vu le fecond fils de Maurice
; il efpere abbattre ce noble orgüeil , en luž
montrant Maurice chargé de fers ; Prifcus tâ
che envain de détourner une entr'vûë qui doit
trahir fon fecret. Heureufement pour lui Phocas
fe retire , & ce n'eft qu'en fon abfence que
Murice reconnoît le genereux artifice de Prif-
Hij cus i
1860 MERCURE DE FRANCE
cus ; il veut genereulement en avertir Phocas ;
mais l'un & l'autre le prient fi ardemment de
laiffer le Tyran dans l'erreur , qu'il y confent ,
dans la crainte d'expofer infructueufement Heraclius
au reffentiment de Phocas , qui ne manqueroit
pas de fe venger fur le Pere & fur le Fils
d'un fi genereux artifice. Prifcus ordonne qu'on
enferme fon fils , & va retrouver le veritable
Justin,
ACTE I V,
Germain ne doutant plus que Phocas ne
yeuille s'emparer du Trône au lieu de lui , fe
réfout à le perdre ; il a un entretien avec cet
ambitieux concurrent , où ce dernier s'explique
affez ouvertement, Germain s'emporte , & fort
pour courir à la vengeance , en fe joignant à
Philippicus. Alcime confeille à Phocas de le faire
obferver & arrêter s'il fe peut ; mais Phocas occupé
des frayeurs que la fierté d'Heraclius lui a
infpirée, le veut entretenir ; il croit le faire trembler
, & tremble lui -même ; il fe réfout à le
faire périr , mais Heraclius furvenant , lui déclare
qu'il n'eft point fon fils. Phocas ordonne
qu'on cherche le vrai Juftin. Ce dernier s'étant
échappé des mains de Prifcus , vient redemander
fon Pere & reprendre fon nom qu'Heraclius lui
a dérobé. Tout femble flatter la fureur de Phocas
, lorfqu'il apprend que Theodore a briſé ſes
fers ; il veut s'en venger par la mort de Juftin ;
mais l'avis foudain qu'il reçoit , que Germain
foutenu de Philippicus & de Prifcus a foulevé le
peuple , & vient l'inveſtir dans le Palais , l'oblige
fufpendre fa fanglante execution,
ACTE
A OUST . 1730. 1861
ACTE V..
Phocas triomphant de Germain , qui vient
d'être tué , & de Theodore qui a été bleffé , veut
faire périr Philippicus & Prifcus ; mais comme
ces deux Generaux font refpectés de l'Armée ;
Alcime lui fait voir à quel danger il s'expoferoit
s'il leur faifoit donner la mort . Phocas ordonne
qu'on les amene devant lui avec Heraclius ; il fe
réfout à facrifier à fa sûreté Maurice & fes
deux enfans . Philippicus , Prifcus , & Heraclius
paroiffent devant Phocas ; ils ne daignent pas
écouter les flatteufes promeffes qu'il leur fait , &
demandent pour toute grace qu'on leur faffe
voir leur Empereur. Phocas y confent , & fort
pour aller entretenir les Chefs de l'Armée , qui
fe font affemblés , & qui lui demandent la grace
de ces trois Prifonniers ; Maurice eft amené
chargé de fers ; quel fpectacle pour ces trois fideles
fujets ! le fon de la Trompette leur annonce
la proclamation de Phocas ; on les fépare de
Maurice ; ce déplorable Prince demeure feul . On
aporte leTrône Imperial où Phocas fe doit placer
à fes yeux ; Maurice s'humilie devant Dieu ,
confeffe qu'il a merité le fort dont la justice Paccable
; il demande au Ciel vengeur , pour toute
grace , que fes Enfans ne foyent pas enveloppés
dans fa ruïne. Phocas n'eft pas plutôt affis fur le
Trône , qu'il commande qu'on enleve Theodore
& Juftin pour leur donner la mort. Theodore
déja bleffé expire aux yeux de fon malheureux
Pere , Juftin eft arraché d'entre les bras de Maurice,
Le Tyran envoye Maurice à la mort , quoique
le Peuple & l'Armée lui laiffent la liberté de
vivre ; le Heros allant à la mort , prédit à Phocas
le châtiment que le Ciel vengeur réſerve à
Hiij tous
& -
1862 MERCURE DE FRANCE
tous fes crimes. L'ufurpateur en eft fi épouvanté
, que le Sceptre lui tombe des mains , c'eft
ainfi qu'il commence à recevoir la peine dûë à
fon parricide. Le Théatre fut fermé par un éloge
du Roy.
Cette Tragédie fut fuivie du Ballet
dont nous allons parler. Le ridicule
des hommes en fit le fujet : en voici la
Divifion. Ce ridicule , exprimé par la
Danfe , fe fait connoître dans le Balet en
quatre manieres , qui en font le partage.
1º . Dans leurs Caracteres . 2 ° . Dans leurs
Entreprises. 3. Dans leurs Déguisemens.
4 Dans leurs Amuſemens. Ce ridicule a
trop d'étenduë pour pouvoir être contenu
dans un feul Ballet ; on s'eft contenté
de le borner à ces quatre parties ; la Fable
& l'Hiftoire y ont été employées avec
beaucoup d'art.
Minerve defcend du Ciel avec plufieurs Génies
férieux pour corriger les deffauts des hommes
; elle n'y réuffit prefque point , ce qui l'oblige
de ceder la place à Momus. Ce dernier
contrefait le ridicule de plufieurs perfonnes qui
commencent à fe corriger. Ce premier fuccès enhardit
ce Dieu de la cenfure , & lui fait former
le deffein de donner le ridicule des hommes en
fpectacle.
Les Amateurs d'eux - mêmes font la premiere
Entrée ; la feconde eft compofée des foupçonneux
, & la troifiéme des préfomptueux. La Fable
de Narciffe fonde la premiere. Denis le Tyran
AOUST. 1730. 1863
ran de Siracuſe , amene la feconde , & Mydas ,
Roi de Phrigie , eft à la tête des préfomptueux ,
pour avoir préferé la Flute de Pan à la Lyre
d'Apollon.
Anthée voulant éprouver les forces contre le
fils de Jupiter , fonde la premiere Entrée de la
feconde Partie , fçavoir , l'Entreprife au- deffus
des forces. L'Entreprise au- deffus des moyens
fait la feconde Entrée , l'Hiftoire qui y donne
lieu , eft celle de Pyrrhus , Roy d'Epire , qui for
me le deffein de conftruire un Pont d'environ
dix-fept lieuës fur la Mer Adriatique . Bavins ,
Mavius , & autres Poëtes femblables , font plufieurs
tentatives pour occuper le Parnaffe ; ce qui
amene la troifiéme Entrée , qui a pour
treprise au- deffus des talens .
titre : Enveut
Pâris , qui , couvert d'une peau de Lion ,
combattre Menelas , à qui il n'échappe que par
une honteuſe fuite , établit la premiere Entrée ,
qui a pour titre la Lâcheté mafquée . La feconde
qui eft la Fidelité fimulée , eft marquée par un
Monument élevé à la memoire de Nabopharzan,
par ordre de fon Epouſe qui ne l'avoit jamais
aimé. La troifiéme Entrée , qui eft la Débauche
cachée , eft peinte par ce trait d'Hiftoire des
Etruciens paroiffent accompagnez des Vertus pendant
le jour , l'Abftinence & la Temperance leur
fervent un repas frugal , fur le modele de celui
du fameux Curius ; mais à peine la nuit eft - elle
arrivée que ces faux Curius font une Bacchanale,
dans laquelle les Vices danfent à la place des
Vertus.
:
La vaine Parure , la Curiofité frivole & les
Idées chimériques , forment les trois Entrées de
cette derniere Partie. De jeunes Sibarites établiffent
la premiere. Des Athéniens , qui s'étant affemblez
pour entendre difcourir leurs plus cele-
Hij bres
1864 MERCURE DE FRANCE
bres Orateurs fur des affaires importantes , les
quittent pour voir des Joueurs de Gobelets , fondent
la feconde. Quelques traits bizarrès du fameux
Chevalier de la Manche , donnent lieu à la
troifléme , &c. Minerve voyant l'utilité des leçons
de Momus , fe réconcilie avee lui ; ce qui
fait le Balet general & l'Epilogue du deffein .
de Louis le Grand , pour la Diftribution
des Prix , fondé par S. M. la Tragédie
de Maurice , Empereur d'Orient cette
Tragédie fut fuivie d'un Ballet . Nous allons
donner de l'une & de l'autre un Extrait
le plus fuccinct qu'il nous fera
poffible.
Argument de la Tragédie.
Maurice
AOUST. 1730. 1857
Maurice agité de remords pour avoir
laiffé périr dans les fers un nombre confiderable
de fes fujets , qu'il n'avoit tenu
qu'à lui de racheter , fe reconnoît coupable
devant Dieu , & le prie de lui faire
expier fon crime dans ce monde plutôt
que dans l'autre. Sa priere eft exaucée ;
Dieu lui fait voir fon châtiment en fonge ;
il confeffe humblement qu'il l'a merité.
Il est déthrôné par Phocas ; & prêt à
mourir il prononce fouvent ces paroles ,
qui furent les dernieres de ſa vie : Vous
êtes jufte , Seigneur , & votre Jugement eft
équitable.
La Scene eft à Conftantinople , dans le
Palais Imperial.
ACTE I.
Maurice avoit fait arrêter Germain , Beau
Pere de fon fils Theodore , fur une Lettre anonyme
, par laquelle on lui offroit l'Empire ; mais
ayant vú en fonge un ufurpateur qui vouloit lui
arracher le Sceptre , & la lettre Ph. étant
gravée fur le front du coupable , fes foupçons
tombent fur Philipiccus , fon beau- frere ; il fait
remettre Germain en liberté , & ordonne qu'on
lui amene Philipiccus ; celui- ci fe contente de
faire parler fon innocence dans le tems que Mau
rice l'accable de fanglans reproches . Ce dernier
accufé eft encore juftifié par la nouvelle que
PEmpereur apprend de la révolte de Phocas , l'un
des Officiers Generaux de fon Armée. Il veug
aller
H
1858 MERCURE DE FRANCE
aller reprimer les Rebelles ; Philippicus l'en détourne
, en lui reprefentant le danger évident
où il s'expoferoit ; cependant il va raffembler ce
qui refte de fujets fideles à Maurice pour le mettre
en état de diffiper les Factieux . Maurice effrayé
du fonge qu'il a fait ; & voyant bien que
Dieu eft prêt à le punir de fon crime , fonge
plutôt à fauver fes Enfans qu'à fe fauver lui-même
; il leur ordonne d'aller chercher un azile fous
la conduite de Prifcus , Gouverneur de Juftin ,
fon fils. Theodofe , fon autre fils , refuſe d'obéïr
, & veut périr en deffendant le Trône & la
vie de fon Pere ; l'Empereur confie à Prifcus le
fecond de fes Enfans , & va fe mettre à la tête
de quelques Troupes que Philippicus à ramaffées
pour combattre les révoltez .
ACTE I I..
Maurice ayant été lâchement abandonné des
Troupes qu'il croyoit lui être fideles , Germain
irrité de fon emprifonnement , fe flate que Phocas
n'a confpiré que pour le mettre fur le Trône
; il introduit ce traître dans le Palais . Alcime ,
Officier de l'Armée , & Confident de Phocas
vient annoncer à Germain la défaite & la prife
de Maurice & de Theodore , fon fils aîné. Germain
voudroit qu'on leur eut laiffé la liberté de
fuïr ; il craint que leur préfence n'intereffe les
Peuples en leur faveur ; Alcime ſoutient au contraire
que
la fuite les auroit pû mettre en état
de remonter fur le Trône. On préfente à Phocas
Maurice chargé de fers ; Germain , par un reſte
de vertu , ne peut en foûtenir la vûë , & fe reti
re. Phocas s'efforce envain d'engager Maurice à
lui livrer fon fecond fils Juftin , fous prétexte.
de le mettre à couvert de la fureur du peuple ; co
pere
A O UST . 1730. 1859
ce
Pere infortuné ne donne pas dans un piége fi
groffier ; on amene Theodore à Phocas
Prince fier & intrépide détefte la perfidie de Ger
main , & reproche à Phocas d'avoir confpiré
pour le mettre fur le Trône. Phocas lui fait entendre
en termes équivoques , qu'il n'ôtera jamais
la Couronne à Maurice , pour la mettre
fur la tête d'un autre. L'Empereur & fon fils
s'étant retirez , il ouvre fon coeur à Alcime , &
lui déclare qu'il n'a travaillé que pour lui - mêil
l'envoye recevoir en fon nom le ferment
de l'Armée , & fort pour aller donner ordre à
la recherche de Juftin , frere de Theodore.
me ;
ACTE I I I..
pour faire rentrer Philippicus n'oublie rien
Germain dans fon devoir ; ce dernier offre le
Trône Imperial à fon Gendre Theodore , qui le
refufe genereufement comme appartenant à fon
pere ; il fait entendre à Germain que Phocas ne
l'a ufurpé que pour lui - même. Germain ne le
peut croire ; cependant il fort avec Philippicus
pour penetrer avec lui un deffein dont il commence
à fe défier. Prifcus , dont Phocas a enfin
découvert la retraite , eft amené au Palais , avec
fon fils Heraclius , à qui il a donné le nom &
l'habit de Juftin , pour fauver ce jeune Prince
aux dépens de la vie de fon propre fils . Les difcours
du faux Juftin épouventent Phocas , qu'on
fuppofe n'avoir jamais vu le fecond fils de Maurice
; il efpere abbattre ce noble orgüeil , en luž
montrant Maurice chargé de fers ; Prifcus tâ
che envain de détourner une entr'vûë qui doit
trahir fon fecret. Heureufement pour lui Phocas
fe retire , & ce n'eft qu'en fon abfence que
Murice reconnoît le genereux artifice de Prif-
Hij cus i
1860 MERCURE DE FRANCE
cus ; il veut genereulement en avertir Phocas ;
mais l'un & l'autre le prient fi ardemment de
laiffer le Tyran dans l'erreur , qu'il y confent ,
dans la crainte d'expofer infructueufement Heraclius
au reffentiment de Phocas , qui ne manqueroit
pas de fe venger fur le Pere & fur le Fils
d'un fi genereux artifice. Prifcus ordonne qu'on
enferme fon fils , & va retrouver le veritable
Justin,
ACTE I V,
Germain ne doutant plus que Phocas ne
yeuille s'emparer du Trône au lieu de lui , fe
réfout à le perdre ; il a un entretien avec cet
ambitieux concurrent , où ce dernier s'explique
affez ouvertement, Germain s'emporte , & fort
pour courir à la vengeance , en fe joignant à
Philippicus. Alcime confeille à Phocas de le faire
obferver & arrêter s'il fe peut ; mais Phocas occupé
des frayeurs que la fierté d'Heraclius lui a
infpirée, le veut entretenir ; il croit le faire trembler
, & tremble lui -même ; il fe réfout à le
faire périr , mais Heraclius furvenant , lui déclare
qu'il n'eft point fon fils. Phocas ordonne
qu'on cherche le vrai Juftin. Ce dernier s'étant
échappé des mains de Prifcus , vient redemander
fon Pere & reprendre fon nom qu'Heraclius lui
a dérobé. Tout femble flatter la fureur de Phocas
, lorfqu'il apprend que Theodore a briſé ſes
fers ; il veut s'en venger par la mort de Juftin ;
mais l'avis foudain qu'il reçoit , que Germain
foutenu de Philippicus & de Prifcus a foulevé le
peuple , & vient l'inveſtir dans le Palais , l'oblige
fufpendre fa fanglante execution,
ACTE
A OUST . 1730. 1861
ACTE V..
Phocas triomphant de Germain , qui vient
d'être tué , & de Theodore qui a été bleffé , veut
faire périr Philippicus & Prifcus ; mais comme
ces deux Generaux font refpectés de l'Armée ;
Alcime lui fait voir à quel danger il s'expoferoit
s'il leur faifoit donner la mort . Phocas ordonne
qu'on les amene devant lui avec Heraclius ; il fe
réfout à facrifier à fa sûreté Maurice & fes
deux enfans . Philippicus , Prifcus , & Heraclius
paroiffent devant Phocas ; ils ne daignent pas
écouter les flatteufes promeffes qu'il leur fait , &
demandent pour toute grace qu'on leur faffe
voir leur Empereur. Phocas y confent , & fort
pour aller entretenir les Chefs de l'Armée , qui
fe font affemblés , & qui lui demandent la grace
de ces trois Prifonniers ; Maurice eft amené
chargé de fers ; quel fpectacle pour ces trois fideles
fujets ! le fon de la Trompette leur annonce
la proclamation de Phocas ; on les fépare de
Maurice ; ce déplorable Prince demeure feul . On
aporte leTrône Imperial où Phocas fe doit placer
à fes yeux ; Maurice s'humilie devant Dieu ,
confeffe qu'il a merité le fort dont la justice Paccable
; il demande au Ciel vengeur , pour toute
grace , que fes Enfans ne foyent pas enveloppés
dans fa ruïne. Phocas n'eft pas plutôt affis fur le
Trône , qu'il commande qu'on enleve Theodore
& Juftin pour leur donner la mort. Theodore
déja bleffé expire aux yeux de fon malheureux
Pere , Juftin eft arraché d'entre les bras de Maurice,
Le Tyran envoye Maurice à la mort , quoique
le Peuple & l'Armée lui laiffent la liberté de
vivre ; le Heros allant à la mort , prédit à Phocas
le châtiment que le Ciel vengeur réſerve à
Hiij tous
& -
1862 MERCURE DE FRANCE
tous fes crimes. L'ufurpateur en eft fi épouvanté
, que le Sceptre lui tombe des mains , c'eft
ainfi qu'il commence à recevoir la peine dûë à
fon parricide. Le Théatre fut fermé par un éloge
du Roy.
Cette Tragédie fut fuivie du Ballet
dont nous allons parler. Le ridicule
des hommes en fit le fujet : en voici la
Divifion. Ce ridicule , exprimé par la
Danfe , fe fait connoître dans le Balet en
quatre manieres , qui en font le partage.
1º . Dans leurs Caracteres . 2 ° . Dans leurs
Entreprises. 3. Dans leurs Déguisemens.
4 Dans leurs Amuſemens. Ce ridicule a
trop d'étenduë pour pouvoir être contenu
dans un feul Ballet ; on s'eft contenté
de le borner à ces quatre parties ; la Fable
& l'Hiftoire y ont été employées avec
beaucoup d'art.
Minerve defcend du Ciel avec plufieurs Génies
férieux pour corriger les deffauts des hommes
; elle n'y réuffit prefque point , ce qui l'oblige
de ceder la place à Momus. Ce dernier
contrefait le ridicule de plufieurs perfonnes qui
commencent à fe corriger. Ce premier fuccès enhardit
ce Dieu de la cenfure , & lui fait former
le deffein de donner le ridicule des hommes en
fpectacle.
Les Amateurs d'eux - mêmes font la premiere
Entrée ; la feconde eft compofée des foupçonneux
, & la troifiéme des préfomptueux. La Fable
de Narciffe fonde la premiere. Denis le Tyran
AOUST. 1730. 1863
ran de Siracuſe , amene la feconde , & Mydas ,
Roi de Phrigie , eft à la tête des préfomptueux ,
pour avoir préferé la Flute de Pan à la Lyre
d'Apollon.
Anthée voulant éprouver les forces contre le
fils de Jupiter , fonde la premiere Entrée de la
feconde Partie , fçavoir , l'Entreprife au- deffus
des forces. L'Entreprise au- deffus des moyens
fait la feconde Entrée , l'Hiftoire qui y donne
lieu , eft celle de Pyrrhus , Roy d'Epire , qui for
me le deffein de conftruire un Pont d'environ
dix-fept lieuës fur la Mer Adriatique . Bavins ,
Mavius , & autres Poëtes femblables , font plufieurs
tentatives pour occuper le Parnaffe ; ce qui
amene la troifiéme Entrée , qui a pour
treprise au- deffus des talens .
titre : Enveut
Pâris , qui , couvert d'une peau de Lion ,
combattre Menelas , à qui il n'échappe que par
une honteuſe fuite , établit la premiere Entrée ,
qui a pour titre la Lâcheté mafquée . La feconde
qui eft la Fidelité fimulée , eft marquée par un
Monument élevé à la memoire de Nabopharzan,
par ordre de fon Epouſe qui ne l'avoit jamais
aimé. La troifiéme Entrée , qui eft la Débauche
cachée , eft peinte par ce trait d'Hiftoire des
Etruciens paroiffent accompagnez des Vertus pendant
le jour , l'Abftinence & la Temperance leur
fervent un repas frugal , fur le modele de celui
du fameux Curius ; mais à peine la nuit eft - elle
arrivée que ces faux Curius font une Bacchanale,
dans laquelle les Vices danfent à la place des
Vertus.
:
La vaine Parure , la Curiofité frivole & les
Idées chimériques , forment les trois Entrées de
cette derniere Partie. De jeunes Sibarites établiffent
la premiere. Des Athéniens , qui s'étant affemblez
pour entendre difcourir leurs plus cele-
Hij bres
1864 MERCURE DE FRANCE
bres Orateurs fur des affaires importantes , les
quittent pour voir des Joueurs de Gobelets , fondent
la feconde. Quelques traits bizarrès du fameux
Chevalier de la Manche , donnent lieu à la
troifléme , &c. Minerve voyant l'utilité des leçons
de Momus , fe réconcilie avee lui ; ce qui
fait le Balet general & l'Epilogue du deffein .
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Résumé : La Tragédie de Maurice, &c. & Ballet, [titre d'après la table]
Le 2 août 1730, la tragédie 'Maurice, Empereur d'Orient' a été représentée au Collège de Louis le Grand pour la distribution des prix. Cette tragédie, suivie d'un ballet, raconte l'histoire de Maurice, empereur de Constantinople, tourmenté par des remords pour avoir laissé périr de nombreux sujets qu'il aurait pu sauver. Il prie Dieu de lui faire expier son crime dans ce monde plutôt que dans l'autre. Sa prière est exaucée, et il est déchu de son trône par Phocas, qui le fait emprisonner. Maurice meurt en confessant la justice de Dieu. L'intrigue se déroule en cinq actes. Dans le premier acte, Maurice, après avoir fait arrêter Germain, le beau-père de son fils Theodore, sur la base d'une lettre anonyme, découvre que Philippicus, son beau-frère, est le véritable coupable. Il libère Germain et prépare une armée pour réprimer la révolte de Phocas. Maurice, effrayé par un songe, décide de sauver ses enfants plutôt que lui-même. Theodore refuse de fuir et veut défendre le trône. Dans le deuxième acte, Maurice est abandonné par ses troupes et capturé par Phocas. Germain, irrité par son emprisonnement, introduit Phocas dans le palais. Alcime, confident de Phocas, annonce la défaite de Maurice et de Theodore. Phocas tente de faire livrer Justin, le fils cadet de Maurice, mais ce dernier refuse de tomber dans le piège. Dans le troisième acte, Philippicus et Germain découvrent les intentions de Phocas. Priscus, gouverneur de Justin, sauve le jeune prince en le faisant passer pour son propre fils, Heraclius. Phocas, trompé, ne reconnaît pas Justin. Dans le quatrième acte, Germain, réalisant les ambitions de Phocas, se joint à Philippicus pour le combattre. Phocas, effrayé par la fierté d'Heraclius, décide de le faire périr. Justin, échappant à Priscus, réclame son père et son nom. Phocas, apprenant la révolte de Germain soutenue par Philippicus et Priscus, suspend l'exécution de Justin. Dans le cinquième et dernier acte, Phocas triomphe de Germain et de Theodore, mais épargne Philippicus et Priscus en raison de leur respect au sein de l'armée. Maurice, amené chargé de fers, confesse ses fautes et demande que ses enfants soient épargnés. Phocas fait exécuter Theodore et Justin sous les yeux de Maurice, qui prédit à Phocas un châtiment divin. Le théâtre se ferme par un éloge du roi. La tragédie est suivie d'un ballet satirique sur le ridicule des hommes, divisé en quatre parties : leurs caractères, leurs entreprises, leurs déguisements et leurs amusements. Minerve et Momus tentent de corriger les défauts humains, mais sans grand succès. Le ballet se conclut par une réconciliation entre Minerve et Momus.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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68
p. 2006-2010
EXTRAIT du Panegirique de S. Louis prononcé en présence des Académies des Belles Lettres & des Sciences, auquel présidoit M. l'Abbé Bignon, par le Reverend Pere Dom Leandre Petuzet, Benedictin Reformé de l'Ordre de Cluni, dans l'Eglise des P P. de l'Oratoire de la rüe S. Honoré.
Début :
Il prit pour texte ce Passage de la Sagesse, Chapitre 9. Envoyez-moi, Seigneur, [...]
Mots clefs :
Saint Louis, Seigneur, Dieu, Sagesse, Ciel, Trône, Armée, Monarque, Tranquillité, Royaume, Royauté, Académie des Belles-Lettres, Académie des sciences
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT du Panegirique de S. Louis prononcé en présence des Académies des Belles Lettres & des Sciences, auquel présidoit M. l'Abbé Bignon, par le Reverend Pere Dom Leandre Petuzet, Benedictin Reformé de l'Ordre de Cluni, dans l'Eglise des P P. de l'Oratoire de la rüe S. Honoré.
EXTRAIT du Panegirique de S. Louis
prononcé en présence des Académies des
Belles Lettres & des Sciences , auquel
préfidoit M. l'Abbé Bignon , par le Reverend
Pere Dom Leandre Petuzet , Benedictin
Reformé de l'Ordre de Cluni ,
dans l'Eglife des P P. de l'Oratoire de la
rue S. Honoré.
Il prit pour texte ce Paffage de la Sageffe
, Chapitre 9. Envoyez-moi , Seigneur,
la fageffe du Ciel , votre Sanctuaire , qui eft
le Trône de votre Grandeur , afin qu'elle foit
& travaille avec moi.
P
Our prouver que S. Louis a été orné du don
de fageffe , l'Orateur diftingua deux chofes
effentielles dans la Royauté , qu'on ne peut défunir
fans en faire un phantôme. L'une que les
Rois doivent éviter , & ce font les dangers qui
en font incomparables ; l'autre qu'ils doivent
remplir , & ce font les charges qui y font attachées.
Ce font ces Charges & ces dangers qui lui
ont fourni la matiere de l'éloge de S. Louis.
En parlant de l'humilité de ce S. Roi , il dit
qu'il l'avoit portée à un point qu'on auroit peine
à atteindre ; mais qu'elle ne fut point l'effet du
temperament, & que s'il la poffeda dans un fouverain
degré , elle fut en lui une vertu chrétienne.
Jamais il n'y eut une ame plus douce , plus
debonnaire & plus humble, & jamais on n'en vît
de plus remplie de courage. Jamais Prince ne fut
plus difpofé que lui à s'aneantir devant le Seigneur
, & jamais il n'y en eut qui montrât plus
de
1
SEPTEMBRE. 1730. 2007
de fermeté devant les hommes , quand il s'agit de
foutenir les interêts de fa Couronne. Jamais Monarque
n'eut moins d'ambition pour étendre les
limites de fon Royaume , & jamais on n'en trouya
qui eut une plus fainte jaloufie de conferver
celui que le Ciel lui avoit donné pour fon heritage.
Il renonce au droit legitime qu'il avoit fur
le Royaume de Caftille , parce que la conquête
ne pouvoit s'en faire qu'aux dépens du fang de
fes Sujets. Il refuſe genereuſement l'Empire que
Gregoire IX . lui préfente , content de comman
der à ceux que le Ciel avoit foumis à ſa puiſfance
, & fi ce Souverain Pontife veut en revêtir
le Comte d'Artois , frere de ce S. Roi , il fçait
lui faire fentir ,fans s'éloigner de l'obéiffance qu'il
lui doit , qu'il n'appartient pas plus à la puiffance
Ecclefiaftique de toucher au Trône , qu'à là
temporelle de s'ingerer dans le Miniftere Sacré ;
mais il n'oublie rien pour contenir fes Sujets dans
les bornes étroites du devoir ; il porte , quand il
le faut, la terreur dans le coeur de ceux qui trou
blent la tranquillité publique &c.
En parlant de fa charité , il dit que cette divi
ne vertu qui avoit pris de profondes racines dans
fon coeur , ne lui permit pas d'avoir des entrail
les de fer pour le pauvre & le miſerable ; & ſi
Job nous dit que la mifericorde étoit fortie avec
lui du fein de fa mere & avoit crû enſemble ,
qu'on le pouvoit dire avec autant de juftice de
Louis , dequoi le Panegiriſte donna des preuves
par des faits éclatans .
>
En parlant des Charges attachées à la Royauté,
il en diftingua deux aufquelles toutes les autres
peuvent fe rapporter , & dont aucun Roi ne fe
peut difpenfer : l'une d'être équitable à l'égard
de leur peuple , l'autre d'être fidele à Dieu. Il remarqua
avec S. Jacques deux caracteres dans la
E vj Lageffe
2008 MERCURE DE FRANCE
fageffe Chrétienne qui engagent ceux qui la poffedent
à les remplir dignement ; elle n'eft point
diffimulée ; elle le porte avec docilité à tout le
bien qu'on lui propofe.
Quel eft , dit-il , le Roi Chrétien qui réduifie
plus fidelement en pratique ces deux nobles caracteres
Jufte à l'égard de fon peuple , il jugea
fans diffimulation , & avec équité. Fidele à Dieu,
il procura avec un faint zele toutes les bonnes
oeuvres qui pouvoient lui rendre le cu te qui lui
eft dû. I s'étendit beaucoup fur les preuves de
ces deux Propofitions , & retraça de beaux traits
de l'Histoire du S. Monarque.
Il peignit l'état pitoyable où étoit réduite la
Paleſtine , & tout ce que fit l'Eglife pour engager
les Princes Chrétiens à rendre la liberté cette
Terre fainte, où nous avions été délivrez de la fervitude
du démon. En falloit - il davantage , dit-il ,
pour remplir d'une fainte & noble ardeur le Fils
aîné de l'Eglife , & lui faire dire dans l'efprit de
David , je le jure devant le Seigneur , & j'en fais
un voeu au Dieu de Jacob , je n'entrerai point
dans ma maiſon , je ne repoſerai point fur mon
lit , je ne permettrai point à mes yeux de dormir
, ni à mes paupieres de fommeiller , que je
n'aye trouvé le moyen de rétablir le Seigneur
dans fa Maiſon.
Il entra dans le détail de toutes les rencontres
où S. Louis fignaia fon courage & donna à toute
fon armée le charmant fpectacle d'un Héros
vraiment Chrétien , il décrivit le Siege de Damiete
, la perte d'une Bataille qui mit l'armée de
S. Louis aux abois , & enfin la captivité. Que
vos Jugemens , ô mon Dieu , s'écria- t-il , font
impenetrables ! qui n'en admirera la profondeur ,
quand nous voyons dans les chaînes un Roi
Chrétien qui vient pour délivrer d'une cruelle
oppreffion
SEPTEMBRE . 1730. 2009
oppreffion ceux que vous avez rachetez de votre
Sang précieux ; mais ne le perdons pas de vûë
dans cette fâcheufe extremité ; le Seigneur qui
l'humilie eft à fes côtez pour le foutenir . Semblable
à Jofeph , fa fageffe ne l'abandonne pas dans la
prifon , ou comme l'Arche captive chez les Philifins
, ce Heros prifonnier fait plus honorer Dieu
par fa réfignation , que vainqueur des Infideles .
Il parla de fa feconde expedition contre les Infideles
pour aller fecourir les Chrétiens d'Afrique,
qui gémiffoient fans efperance & fans confolation .
Que n'eût - il pas fait , dit-il , pour la gloire du
Seigneur , fi en exigeant le facrifice de fa vie , il
ne le fût contenté de fa bonne volonté... Que ne
puis -je vous le préfenter accablé fous fa Tente
d'une maladie mortelle & prêt à recevoir fa récompenfe
de celui pour lequel il avoit fi glorieufement
combattu. Vit- on jamais une tranquillité
plus inalterable, une réfignation plus parfaite, des
defirs plus ardens de s'unir à fon Dieu , une préfence
d'efprit plus entiere il donne fes ordres
aux principaux Chefs de fon armée & leur recommande
de ne point faire de paix avec ceux
qui n'en avoient point avec Dieu ; il appelle fon
Fils , fucceffeur de fa Couronne , & lui fait des
leçons pleines de lumieres , de fageffe & de charité
; il donne à tous des exemples preffans d'une
folide pieté , il meurt enfin comme Moyfe dans
le baifer du Seigneur , & fi comme ce Patriarche
il n'entre pas en poffeffion de la Terre qui lui
fembloit promife , il va établir fon féjour dans
les Tabernacles éternels .
Après une courte morale le Panegyrifte finit
en s'adreffant à S. Louis & lui difant : Daignez
grand Roi , du haut du Ciel où vous regnez avec
Dieu , recevoir les voeux d'un Peuple zele pour
votre gloire , fidele à votre Sang & plein de
confiance
2010 MERCURE DE FRANCE
confiance en votre puissante protection . Mais
regardez toûjours d'un oeil propice cet augufte
Monarque , qui eft affis fur votre Trône , qui
n'eft pas moins heritier de vos vertus que de vctre
Sceptre, & qui fe voit heureusement renaître
dans un Prince que le Ciel n'a pas refufé à
la ferveur de nos prieres qu'il a accordé à la
falide pieté d'une Reine digne du fublime rang
qu'elle remplit & dont la Naissance affermit
notre esperance & affure notre tranquillité.
Seyez beni , ô mon Dieu , de nous avoirfait un
don fi précieux , confervez les pour en faire un
jour de bonheur du Royaume que S. Louis gouverna
avec tant de fageffe ; formez-le fur ce
modele des veritables Rois , & que semblable
à fon Pere , il exprime avec lui la valeur qui
le rendit redoutable à fes ennemis , la charité
qui le fit pere de fon Peuple , la Religion qui le
fanctifia fur le Trône.
prononcé en présence des Académies des
Belles Lettres & des Sciences , auquel
préfidoit M. l'Abbé Bignon , par le Reverend
Pere Dom Leandre Petuzet , Benedictin
Reformé de l'Ordre de Cluni ,
dans l'Eglife des P P. de l'Oratoire de la
rue S. Honoré.
Il prit pour texte ce Paffage de la Sageffe
, Chapitre 9. Envoyez-moi , Seigneur,
la fageffe du Ciel , votre Sanctuaire , qui eft
le Trône de votre Grandeur , afin qu'elle foit
& travaille avec moi.
P
Our prouver que S. Louis a été orné du don
de fageffe , l'Orateur diftingua deux chofes
effentielles dans la Royauté , qu'on ne peut défunir
fans en faire un phantôme. L'une que les
Rois doivent éviter , & ce font les dangers qui
en font incomparables ; l'autre qu'ils doivent
remplir , & ce font les charges qui y font attachées.
Ce font ces Charges & ces dangers qui lui
ont fourni la matiere de l'éloge de S. Louis.
En parlant de l'humilité de ce S. Roi , il dit
qu'il l'avoit portée à un point qu'on auroit peine
à atteindre ; mais qu'elle ne fut point l'effet du
temperament, & que s'il la poffeda dans un fouverain
degré , elle fut en lui une vertu chrétienne.
Jamais il n'y eut une ame plus douce , plus
debonnaire & plus humble, & jamais on n'en vît
de plus remplie de courage. Jamais Prince ne fut
plus difpofé que lui à s'aneantir devant le Seigneur
, & jamais il n'y en eut qui montrât plus
de
1
SEPTEMBRE. 1730. 2007
de fermeté devant les hommes , quand il s'agit de
foutenir les interêts de fa Couronne. Jamais Monarque
n'eut moins d'ambition pour étendre les
limites de fon Royaume , & jamais on n'en trouya
qui eut une plus fainte jaloufie de conferver
celui que le Ciel lui avoit donné pour fon heritage.
Il renonce au droit legitime qu'il avoit fur
le Royaume de Caftille , parce que la conquête
ne pouvoit s'en faire qu'aux dépens du fang de
fes Sujets. Il refuſe genereuſement l'Empire que
Gregoire IX . lui préfente , content de comman
der à ceux que le Ciel avoit foumis à ſa puiſfance
, & fi ce Souverain Pontife veut en revêtir
le Comte d'Artois , frere de ce S. Roi , il fçait
lui faire fentir ,fans s'éloigner de l'obéiffance qu'il
lui doit , qu'il n'appartient pas plus à la puiffance
Ecclefiaftique de toucher au Trône , qu'à là
temporelle de s'ingerer dans le Miniftere Sacré ;
mais il n'oublie rien pour contenir fes Sujets dans
les bornes étroites du devoir ; il porte , quand il
le faut, la terreur dans le coeur de ceux qui trou
blent la tranquillité publique &c.
En parlant de fa charité , il dit que cette divi
ne vertu qui avoit pris de profondes racines dans
fon coeur , ne lui permit pas d'avoir des entrail
les de fer pour le pauvre & le miſerable ; & ſi
Job nous dit que la mifericorde étoit fortie avec
lui du fein de fa mere & avoit crû enſemble ,
qu'on le pouvoit dire avec autant de juftice de
Louis , dequoi le Panegiriſte donna des preuves
par des faits éclatans .
>
En parlant des Charges attachées à la Royauté,
il en diftingua deux aufquelles toutes les autres
peuvent fe rapporter , & dont aucun Roi ne fe
peut difpenfer : l'une d'être équitable à l'égard
de leur peuple , l'autre d'être fidele à Dieu. Il remarqua
avec S. Jacques deux caracteres dans la
E vj Lageffe
2008 MERCURE DE FRANCE
fageffe Chrétienne qui engagent ceux qui la poffedent
à les remplir dignement ; elle n'eft point
diffimulée ; elle le porte avec docilité à tout le
bien qu'on lui propofe.
Quel eft , dit-il , le Roi Chrétien qui réduifie
plus fidelement en pratique ces deux nobles caracteres
Jufte à l'égard de fon peuple , il jugea
fans diffimulation , & avec équité. Fidele à Dieu,
il procura avec un faint zele toutes les bonnes
oeuvres qui pouvoient lui rendre le cu te qui lui
eft dû. I s'étendit beaucoup fur les preuves de
ces deux Propofitions , & retraça de beaux traits
de l'Histoire du S. Monarque.
Il peignit l'état pitoyable où étoit réduite la
Paleſtine , & tout ce que fit l'Eglife pour engager
les Princes Chrétiens à rendre la liberté cette
Terre fainte, où nous avions été délivrez de la fervitude
du démon. En falloit - il davantage , dit-il ,
pour remplir d'une fainte & noble ardeur le Fils
aîné de l'Eglife , & lui faire dire dans l'efprit de
David , je le jure devant le Seigneur , & j'en fais
un voeu au Dieu de Jacob , je n'entrerai point
dans ma maiſon , je ne repoſerai point fur mon
lit , je ne permettrai point à mes yeux de dormir
, ni à mes paupieres de fommeiller , que je
n'aye trouvé le moyen de rétablir le Seigneur
dans fa Maiſon.
Il entra dans le détail de toutes les rencontres
où S. Louis fignaia fon courage & donna à toute
fon armée le charmant fpectacle d'un Héros
vraiment Chrétien , il décrivit le Siege de Damiete
, la perte d'une Bataille qui mit l'armée de
S. Louis aux abois , & enfin la captivité. Que
vos Jugemens , ô mon Dieu , s'écria- t-il , font
impenetrables ! qui n'en admirera la profondeur ,
quand nous voyons dans les chaînes un Roi
Chrétien qui vient pour délivrer d'une cruelle
oppreffion
SEPTEMBRE . 1730. 2009
oppreffion ceux que vous avez rachetez de votre
Sang précieux ; mais ne le perdons pas de vûë
dans cette fâcheufe extremité ; le Seigneur qui
l'humilie eft à fes côtez pour le foutenir . Semblable
à Jofeph , fa fageffe ne l'abandonne pas dans la
prifon , ou comme l'Arche captive chez les Philifins
, ce Heros prifonnier fait plus honorer Dieu
par fa réfignation , que vainqueur des Infideles .
Il parla de fa feconde expedition contre les Infideles
pour aller fecourir les Chrétiens d'Afrique,
qui gémiffoient fans efperance & fans confolation .
Que n'eût - il pas fait , dit-il , pour la gloire du
Seigneur , fi en exigeant le facrifice de fa vie , il
ne le fût contenté de fa bonne volonté... Que ne
puis -je vous le préfenter accablé fous fa Tente
d'une maladie mortelle & prêt à recevoir fa récompenfe
de celui pour lequel il avoit fi glorieufement
combattu. Vit- on jamais une tranquillité
plus inalterable, une réfignation plus parfaite, des
defirs plus ardens de s'unir à fon Dieu , une préfence
d'efprit plus entiere il donne fes ordres
aux principaux Chefs de fon armée & leur recommande
de ne point faire de paix avec ceux
qui n'en avoient point avec Dieu ; il appelle fon
Fils , fucceffeur de fa Couronne , & lui fait des
leçons pleines de lumieres , de fageffe & de charité
; il donne à tous des exemples preffans d'une
folide pieté , il meurt enfin comme Moyfe dans
le baifer du Seigneur , & fi comme ce Patriarche
il n'entre pas en poffeffion de la Terre qui lui
fembloit promife , il va établir fon féjour dans
les Tabernacles éternels .
Après une courte morale le Panegyrifte finit
en s'adreffant à S. Louis & lui difant : Daignez
grand Roi , du haut du Ciel où vous regnez avec
Dieu , recevoir les voeux d'un Peuple zele pour
votre gloire , fidele à votre Sang & plein de
confiance
2010 MERCURE DE FRANCE
confiance en votre puissante protection . Mais
regardez toûjours d'un oeil propice cet augufte
Monarque , qui eft affis fur votre Trône , qui
n'eft pas moins heritier de vos vertus que de vctre
Sceptre, & qui fe voit heureusement renaître
dans un Prince que le Ciel n'a pas refufé à
la ferveur de nos prieres qu'il a accordé à la
falide pieté d'une Reine digne du fublime rang
qu'elle remplit & dont la Naissance affermit
notre esperance & affure notre tranquillité.
Seyez beni , ô mon Dieu , de nous avoirfait un
don fi précieux , confervez les pour en faire un
jour de bonheur du Royaume que S. Louis gouverna
avec tant de fageffe ; formez-le fur ce
modele des veritables Rois , & que semblable
à fon Pere , il exprime avec lui la valeur qui
le rendit redoutable à fes ennemis , la charité
qui le fit pere de fon Peuple , la Religion qui le
fanctifia fur le Trône.
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Résumé : EXTRAIT du Panegirique de S. Louis prononcé en présence des Académies des Belles Lettres & des Sciences, auquel présidoit M. l'Abbé Bignon, par le Reverend Pere Dom Leandre Petuzet, Benedictin Reformé de l'Ordre de Cluni, dans l'Eglise des P P. de l'Oratoire de la rüe S. Honoré.
Le Panégyrique de Saint Louis, prononcé par le Révérend Père Dom Leandre Petuzet, met en lumière les vertus et les actions du roi Saint Louis. L'orateur utilise un passage de la Sagesse pour démontrer que Saint Louis était doté du don de sagesse. Il distingue deux aspects essentiels de la royauté : les dangers à éviter et les charges à remplir. Saint Louis est loué pour son humilité, une vertu chrétienne qu'il cultivait malgré son rang. Il était à la fois doux et courageux, humble devant Dieu et ferme devant les hommes. Il refusait d'étendre son royaume par la violence et renonça à des opportunités de pouvoir, comme le trône de Castille et l'Empire offert par Grégoire IX. La charité de Saint Louis est également mise en avant. Il avait un profond sens de la miséricorde envers les pauvres. Les deux charges principales de la royauté, selon le texte, sont d'être équitable envers le peuple et fidèle à Dieu. Saint Louis est décrit comme un roi juste et zélé pour les bonnes œuvres. Le texte détaille ses actions en Terre Sainte, son courage lors des batailles, et sa captivité, où il resta fidèle à Dieu. Il mentionne également sa seconde expédition en Afrique pour secourir les chrétiens. Saint Louis est présenté comme un modèle de piété et de sagesse, mourant en paix et recommandant à son fils de ne pas faire la paix avec les infidèles. Le panégyrique se termine par des vœux pour que le roi actuel, héritier des vertus de Saint Louis, gouverne avec la même sagesse et charité.
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69
p. 2022-2032
Le Bouquet du Roi, Piece en Vaudeville, [titre d'après la table]
Début :
Le 24. Août, veille de la Fête de Saint Louis, l'Opera Comique donna une petite [...]
Mots clefs :
Opéra comique, Amour, Paris, Dieu, Reine, Province, Roi, Apollon, Vaudeville
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le Bouquet du Roi, Piece en Vaudeville, [titre d'après la table]
Le 24. Août , veille de la Fête de Saint
Louis , l'Opera Comique donna une petite
Piece nouvelle d'un Acte , en Vaudeville
, intitulée Le Bouquet du Roi , à la
quelle on a fait depuis quelques augmentations
à l'occafion de la Ñaiffance de
Monſeigneur le Duc d'Anjou , Cette Piéce
eft de M. Panard , & la Mufique de M.
Gillier: en voici en peu de mots le Sujet.
Premiere Entrée,
La Ville de Paris perſonifiée , accom→
pagnée de fa fuite , invite fes habitans à
celebrer la Fête du Roi , & chante fur
l'Air : F'entends déja le bruit des armes,
A chanter un fi digne Maître
Tout doit nous porter aujourd'hui ;
Les Dieux même nous font connoître
Qu'ils
SEPTEMBRE. 1730. 2023
Qu'ils fe font déclarés pour lui ,
Et le Prince qui vient de naître
Eft un gage de leur appui.
C'est là le Bouquet que le Ciel lui refer
voit , ajoûte la Ville de Paris ; après quoi
on chante':
Que des Dieux la bonté fouveraine
A fur nous répandu de bienfaits !
D'un Roi charmant , d'une charmante Reine
Nous fommes les enfans plutôt que les Sujets.
Les coeurs , dès qu'on le voit , font à lui fans reſerve
;
Chez elle les vertus ont fixé leur féjour ;
Elle eft l'image de Minerve ;
Il eft l'image de l'Amour.
Les Habitans de Paris forment enfuite
le Divertiſſement , & expriment leur joye
par des danfes & c.
Seconde Entrée.
Les Députés des principales Provinces
de France viennent fe joindre à la Ville
de Paris pour mêler leur joye à la fienne,
& forment chacune un nouveau Balet
dans leur different caractere ; après quoi
le Député de la Normandie chante le
Couplet fuivant , fur l'Air : Pierre Bagnolet
Fij Heu
2024 MERCURE DE FRANCE
Heureux qui fera l'apanage
Du nouveau fils de notre Roi.
La Gascogne,
N'efperez pas cet avantage ;
Vous ne l'aurez pas fur ma foi ;
Ce fera moi.
La Ville de Paris voyant arriver le Député
de la Province d'Anjou , acheve de
chanter l'Air,
Ne conteftez pas davantage ,
Cedez à celui que je voi .
Ce Député chante ces paroles avec ur
Accompagnement de Fanfares.
Triomphe , victoire ;
Honneur à l'Anjou ;
D'ici jufqu'au Perou ,
Que tout chante ma gloire,
Triomphe Victoire &c.
Votre difpute eft vaïne ,
Vous perdez votre peine ;
C'eſt à moi qu'eft deſtiné
Le Prince nouveau né.
Triomphe Victoire &c.
Les autres Provinces paroiffent fort
confternées de cette préference ; la Ville
de Paris leur dit de ne pas s'en allarmer
&
SEPTEMBRE . 1730. 2025
& chante fur l'Air , O reguinqué :
Le Ciel qui vous protege tous
Ne veut point faire de jaloux ;
Allez , allez , raffurez-vous ;
Vous verrez que chaque Province
L'une après l'autre aura fon Prince.
Le Député de la Gascogne répond , Oh!
pour moi je lui cede volontiers le pas , &
chante fur l'Air : Ma raifon s'en va beau
train :
Me
Un deſtin plus rare un jour
payera de mon amour.
*
Toi qui t'applaudis
Des fils de Louis ,
Tu n'as que le deuxième ,
Pour ma Province , Cadedis ,
On garde le douziéme ,
Lon la ,
On garde le douziéme.
Toutes les Provinces fe retirent après
le Divertiffement .
Troifiéme Entrée des Arts.
Cette Entrée eft précedée de trois Scenes.
Dans la premiere , l'Opera Comique
fe plaint à la Ville de ce qu'elle ne l'hos
nore plus de fes vifites dans le Fauxbourg,
* Regardant l'Anjou,
F iij la
2026 MERCURE DE FRANCE
la Ville lui répond qu'elle a de plus juftes
reproches à lui faire , & chante fur l'Air
de foconde :
Tandis que tous mes habitans
Pour un Roi qu'ils cheriffent
Font voir des tranſports éclatans
Dont les Cieux retentiffent ,
L'Opera Comique fe tait ;
It eft dans l'indolence ;
Lui que j'ai vu le premier prêt :
D'où vient donc ce filence
J
L'Opera Comique lui répond qu'il ne
mérite point ce reproche , & qu'il n'a
jamais eu tant de zele : Jugez en , dit-il
par ce que j'ai fait ; s'agiffant d'une matiere
auffi importante ,j'ai cru ... & chante fur
l'Air : M. le Prevêt des Marchands :
Qu'il falloit au facré Valon
Chercher le fecours d'Apollon ;
J'ai choifi pour cette Ambaffade
De mes Acteurs le plus cheri ,
Quoique mon Théatre malade
Ait peine à fe paffer de lui.
Pierot arrive , & fait un recit Comique
de fa reception au Parnaffe , & dit qu'Apollon
étoit fi fort occupé à chaffer la
Profe qui inondoit le facré Valon , qu'il
n'a
SEPTEMBRE. 1730. 2027
n'a pû tirer aucun fecours de lui : A qui
donc auraisje recours ? dit l'Opera Comi
que : A moi , répond l'Amour , qui en
tre dans ce moment fur la ſcene , & chante
fur l'Air : Les filles font fi fottes , lon la :
D'Apollon eft-ce là l'emploi ?
Non , ne vous addreffez qu'à moi ,
Seul je puis vous fuffire.
Tout ce qu'on fait pour votre Roi ,
C'est l'Amour qui l'inſpire ,
Lon la ,
C'est l'Amour & c.
Pourquoi chercher d'autre fecours que le
mien ?dit l'Amour à Pierot , avez - vous
oublié ce que j'ai fait pour vous l'année paf
fe , & chante fur l'Air des Triolets :
N'eft- ce pas moi qui l'an paffé
Pour un Maitre fi débonaire
Vous fit rifquer un coup d'effai
N'est-ce pas moi qui l'an paffé ,
Rechaufai votre coeur glacé ,
Par la crainte de lui déplaire.
N'eft-ce pas moi qui l'an paffé
Dictai l'Hopegué , ma Comere.
L'Amour promet enfuite à Pierot d'aller
prefenter au Roi leurs voeux & leurs
hommages après qu'il aura affifté à la
Fiiij Fête
2028 MERCURE DE FRANCE
Fête que les Arts vont donner , à laquelle
il doit préfider , & chante fnr un Air
nouveau :
L'Amour par ma voix vous appelle ,
Beaux Arts , fignalez votre zele ,
Formez un Monument qui de ce jour heureux
Confacre la mémoire ;
Difputez-vous la gloire
De feconder nos foins & d'embellir nos jeux."
L'Amour fe met à la tête des Arts qui
font une marche , après laquelle ils élevent
un Trophée à la gloire du Roi . C'eſt
une espece d'Obelifque de 12. piés de haut,
terminé par deux Lys , figurant le Roi
& la Reine , & cinq boutons de Lys , figurant
la Famille Royale. Au deffous eft
un Globe tranfparent, avec ces mots, Non
deerunt. Le pied de l'Obelifque forme un
Entablement fur lequel les Arts pofent
chacun leurs Attributs , & au milieu on
voit deux riches bordures , garnies de
toiles , fur lesquelles la Peinture fait peindre
les Portraits du Roi & de la Reine.
Après qu'ils font finis , la Ville de Paris
chante ces paroles fur l'Air d'un Menuet
nouveau :
De ceux qui regnent ſur nous
Voyez vous
L'auSEPTEMBRE.
1730. 2829.
·
L'augufte & brillante image.
Que chacun dans ce beau jour,
¡ Afon tour
Vienne lui rendre hommage..
De ces Aftres les doux regards
Vous font un heureux partage ;
Leur regne eft celui des beaux Arts.
La Décoration du Trophée a été trouvée
très bien imaginée , & parfaitement
bien executée.
Tous les Arts forment un Balet
general
; il eft fuivi d'un Vaudeville , dont
voici quelques Couplets.
La Mufique
Je fuis cet Art mélodietix
Qui forme l'harmonie ;
Souvent les Heros & les Dieux
Occupent mon génie ;
Mais jamais avec tant d'ardeur ,
Je n'exerce ma Lyre
Que quand je chante la douceur
Reine , de votre Empire.
La Peinture.
C'eft moi dont l'Art ingénieux
Imite la Nature ;
De tout ce qu'on voit fous les Cieux
Je trace la figure ;
F Souvent
2030 MERCURE DE FRANCE
Souvent pour peindre votre Roi ,
Je me mets à l'ouvrage ;
Mais l'Amour encor mieux que
En fçait graver l'image.
L'Aftrologie.
Dans les Aftres je lis fans fin,
C'eft moi qui les confulte ;
Ils m'ont appris que le Dauphin
Caufera du tumulte ;
moi
Rempli des charmes les plus dour
Je prévoi qu'il doit rendre
La moitié du monde jaloux
Et l'autre moitié tendre.
La Navigation.
Mon partage eft de naviguer ,
C'eſt à quoi je préfide ,
Jeunes Marins , venez voguer ,
Je ferai votre guide ,
Vous ne payerez point le tribut
Aux caprices d'Eole ,
Et pour vous mener droit au bur
Je porte la Boufole.
L'Art Militaire.
Servez un Prince aimé des Dieux ,
Venez , Jeuneffe aimable ,
Autant qu'il eft charmant , je veux
La
SEPTEMBRE. 1730. 2031
Le rendre redoutable ;
Si tôt que je vois l'Ennemi
Ma contenance eft fiere ,
Et mon oeil jamais endormi
Garde bien la Frontiere.
L'Art de plaire.
Du fecret de parler au coeur
Je fuis dépofitaire ;
Par un regard doux & flatteur
Je montre l'Art de plaire ;
Mais je croi que de mes Leçons
On n'aura point affaire ;
Car ce bel Art eft aux Bourbons
Un Art hereditaire.
Pierrot an Partere.
Si le Prince que nous chantons ,
Meffieurs , vous intereffe ,
Pour le prouver dans nos Cantons
Faites voir plus de preffe ;
Venez, & qu'un fi beau fujet
Pour nos jeux vous reveille ;
Nous vous faifons voir fon Portrait ,
Rendez-nous la pareille,
On trouvera l'Air noté avec la Chanfon
page 2020.
Le premier Septembre on donna ce
F vj
fpecta2032
MERCURE DE FRANCE
fpectacle gratis à l'occafion de la Naiffance
de Monfeigneur le Duc D'ANJOU
On joija la Comédie des Deux Suivantes
dont il a été parlé , & le Bouquet du Roi
Il y eut le même jour Bal dans l'enclos de
la Foire , & des Illuminations . Tout s'y
pafla fans defordre , & au grand contentement
d'une multitude de peuples
que ces Réjouiffances avoient attires , tant
de la Ville , que du Fauxbourg.
Le 5. le même Opera Comique donna
la premiere Repréſentation de deux Piéces
nouvelles en un Acte chacune ; la
premiere a pour titre L'Amour Marin ,
& l'autre L'Esperance , en Vaudevilles ,
& des Divertiffemens , de la compofition
de M. Gillier,
Louis , l'Opera Comique donna une petite
Piece nouvelle d'un Acte , en Vaudeville
, intitulée Le Bouquet du Roi , à la
quelle on a fait depuis quelques augmentations
à l'occafion de la Ñaiffance de
Monſeigneur le Duc d'Anjou , Cette Piéce
eft de M. Panard , & la Mufique de M.
Gillier: en voici en peu de mots le Sujet.
Premiere Entrée,
La Ville de Paris perſonifiée , accom→
pagnée de fa fuite , invite fes habitans à
celebrer la Fête du Roi , & chante fur
l'Air : F'entends déja le bruit des armes,
A chanter un fi digne Maître
Tout doit nous porter aujourd'hui ;
Les Dieux même nous font connoître
Qu'ils
SEPTEMBRE. 1730. 2023
Qu'ils fe font déclarés pour lui ,
Et le Prince qui vient de naître
Eft un gage de leur appui.
C'est là le Bouquet que le Ciel lui refer
voit , ajoûte la Ville de Paris ; après quoi
on chante':
Que des Dieux la bonté fouveraine
A fur nous répandu de bienfaits !
D'un Roi charmant , d'une charmante Reine
Nous fommes les enfans plutôt que les Sujets.
Les coeurs , dès qu'on le voit , font à lui fans reſerve
;
Chez elle les vertus ont fixé leur féjour ;
Elle eft l'image de Minerve ;
Il eft l'image de l'Amour.
Les Habitans de Paris forment enfuite
le Divertiſſement , & expriment leur joye
par des danfes & c.
Seconde Entrée.
Les Députés des principales Provinces
de France viennent fe joindre à la Ville
de Paris pour mêler leur joye à la fienne,
& forment chacune un nouveau Balet
dans leur different caractere ; après quoi
le Député de la Normandie chante le
Couplet fuivant , fur l'Air : Pierre Bagnolet
Fij Heu
2024 MERCURE DE FRANCE
Heureux qui fera l'apanage
Du nouveau fils de notre Roi.
La Gascogne,
N'efperez pas cet avantage ;
Vous ne l'aurez pas fur ma foi ;
Ce fera moi.
La Ville de Paris voyant arriver le Député
de la Province d'Anjou , acheve de
chanter l'Air,
Ne conteftez pas davantage ,
Cedez à celui que je voi .
Ce Député chante ces paroles avec ur
Accompagnement de Fanfares.
Triomphe , victoire ;
Honneur à l'Anjou ;
D'ici jufqu'au Perou ,
Que tout chante ma gloire,
Triomphe Victoire &c.
Votre difpute eft vaïne ,
Vous perdez votre peine ;
C'eſt à moi qu'eft deſtiné
Le Prince nouveau né.
Triomphe Victoire &c.
Les autres Provinces paroiffent fort
confternées de cette préference ; la Ville
de Paris leur dit de ne pas s'en allarmer
&
SEPTEMBRE . 1730. 2025
& chante fur l'Air , O reguinqué :
Le Ciel qui vous protege tous
Ne veut point faire de jaloux ;
Allez , allez , raffurez-vous ;
Vous verrez que chaque Province
L'une après l'autre aura fon Prince.
Le Député de la Gascogne répond , Oh!
pour moi je lui cede volontiers le pas , &
chante fur l'Air : Ma raifon s'en va beau
train :
Me
Un deſtin plus rare un jour
payera de mon amour.
*
Toi qui t'applaudis
Des fils de Louis ,
Tu n'as que le deuxième ,
Pour ma Province , Cadedis ,
On garde le douziéme ,
Lon la ,
On garde le douziéme.
Toutes les Provinces fe retirent après
le Divertiffement .
Troifiéme Entrée des Arts.
Cette Entrée eft précedée de trois Scenes.
Dans la premiere , l'Opera Comique
fe plaint à la Ville de ce qu'elle ne l'hos
nore plus de fes vifites dans le Fauxbourg,
* Regardant l'Anjou,
F iij la
2026 MERCURE DE FRANCE
la Ville lui répond qu'elle a de plus juftes
reproches à lui faire , & chante fur l'Air
de foconde :
Tandis que tous mes habitans
Pour un Roi qu'ils cheriffent
Font voir des tranſports éclatans
Dont les Cieux retentiffent ,
L'Opera Comique fe tait ;
It eft dans l'indolence ;
Lui que j'ai vu le premier prêt :
D'où vient donc ce filence
J
L'Opera Comique lui répond qu'il ne
mérite point ce reproche , & qu'il n'a
jamais eu tant de zele : Jugez en , dit-il
par ce que j'ai fait ; s'agiffant d'une matiere
auffi importante ,j'ai cru ... & chante fur
l'Air : M. le Prevêt des Marchands :
Qu'il falloit au facré Valon
Chercher le fecours d'Apollon ;
J'ai choifi pour cette Ambaffade
De mes Acteurs le plus cheri ,
Quoique mon Théatre malade
Ait peine à fe paffer de lui.
Pierot arrive , & fait un recit Comique
de fa reception au Parnaffe , & dit qu'Apollon
étoit fi fort occupé à chaffer la
Profe qui inondoit le facré Valon , qu'il
n'a
SEPTEMBRE. 1730. 2027
n'a pû tirer aucun fecours de lui : A qui
donc auraisje recours ? dit l'Opera Comi
que : A moi , répond l'Amour , qui en
tre dans ce moment fur la ſcene , & chante
fur l'Air : Les filles font fi fottes , lon la :
D'Apollon eft-ce là l'emploi ?
Non , ne vous addreffez qu'à moi ,
Seul je puis vous fuffire.
Tout ce qu'on fait pour votre Roi ,
C'est l'Amour qui l'inſpire ,
Lon la ,
C'est l'Amour & c.
Pourquoi chercher d'autre fecours que le
mien ?dit l'Amour à Pierot , avez - vous
oublié ce que j'ai fait pour vous l'année paf
fe , & chante fur l'Air des Triolets :
N'eft- ce pas moi qui l'an paffé
Pour un Maitre fi débonaire
Vous fit rifquer un coup d'effai
N'est-ce pas moi qui l'an paffé ,
Rechaufai votre coeur glacé ,
Par la crainte de lui déplaire.
N'eft-ce pas moi qui l'an paffé
Dictai l'Hopegué , ma Comere.
L'Amour promet enfuite à Pierot d'aller
prefenter au Roi leurs voeux & leurs
hommages après qu'il aura affifté à la
Fiiij Fête
2028 MERCURE DE FRANCE
Fête que les Arts vont donner , à laquelle
il doit préfider , & chante fnr un Air
nouveau :
L'Amour par ma voix vous appelle ,
Beaux Arts , fignalez votre zele ,
Formez un Monument qui de ce jour heureux
Confacre la mémoire ;
Difputez-vous la gloire
De feconder nos foins & d'embellir nos jeux."
L'Amour fe met à la tête des Arts qui
font une marche , après laquelle ils élevent
un Trophée à la gloire du Roi . C'eſt
une espece d'Obelifque de 12. piés de haut,
terminé par deux Lys , figurant le Roi
& la Reine , & cinq boutons de Lys , figurant
la Famille Royale. Au deffous eft
un Globe tranfparent, avec ces mots, Non
deerunt. Le pied de l'Obelifque forme un
Entablement fur lequel les Arts pofent
chacun leurs Attributs , & au milieu on
voit deux riches bordures , garnies de
toiles , fur lesquelles la Peinture fait peindre
les Portraits du Roi & de la Reine.
Après qu'ils font finis , la Ville de Paris
chante ces paroles fur l'Air d'un Menuet
nouveau :
De ceux qui regnent ſur nous
Voyez vous
L'auSEPTEMBRE.
1730. 2829.
·
L'augufte & brillante image.
Que chacun dans ce beau jour,
¡ Afon tour
Vienne lui rendre hommage..
De ces Aftres les doux regards
Vous font un heureux partage ;
Leur regne eft celui des beaux Arts.
La Décoration du Trophée a été trouvée
très bien imaginée , & parfaitement
bien executée.
Tous les Arts forment un Balet
general
; il eft fuivi d'un Vaudeville , dont
voici quelques Couplets.
La Mufique
Je fuis cet Art mélodietix
Qui forme l'harmonie ;
Souvent les Heros & les Dieux
Occupent mon génie ;
Mais jamais avec tant d'ardeur ,
Je n'exerce ma Lyre
Que quand je chante la douceur
Reine , de votre Empire.
La Peinture.
C'eft moi dont l'Art ingénieux
Imite la Nature ;
De tout ce qu'on voit fous les Cieux
Je trace la figure ;
F Souvent
2030 MERCURE DE FRANCE
Souvent pour peindre votre Roi ,
Je me mets à l'ouvrage ;
Mais l'Amour encor mieux que
En fçait graver l'image.
L'Aftrologie.
Dans les Aftres je lis fans fin,
C'eft moi qui les confulte ;
Ils m'ont appris que le Dauphin
Caufera du tumulte ;
moi
Rempli des charmes les plus dour
Je prévoi qu'il doit rendre
La moitié du monde jaloux
Et l'autre moitié tendre.
La Navigation.
Mon partage eft de naviguer ,
C'eſt à quoi je préfide ,
Jeunes Marins , venez voguer ,
Je ferai votre guide ,
Vous ne payerez point le tribut
Aux caprices d'Eole ,
Et pour vous mener droit au bur
Je porte la Boufole.
L'Art Militaire.
Servez un Prince aimé des Dieux ,
Venez , Jeuneffe aimable ,
Autant qu'il eft charmant , je veux
La
SEPTEMBRE. 1730. 2031
Le rendre redoutable ;
Si tôt que je vois l'Ennemi
Ma contenance eft fiere ,
Et mon oeil jamais endormi
Garde bien la Frontiere.
L'Art de plaire.
Du fecret de parler au coeur
Je fuis dépofitaire ;
Par un regard doux & flatteur
Je montre l'Art de plaire ;
Mais je croi que de mes Leçons
On n'aura point affaire ;
Car ce bel Art eft aux Bourbons
Un Art hereditaire.
Pierrot an Partere.
Si le Prince que nous chantons ,
Meffieurs , vous intereffe ,
Pour le prouver dans nos Cantons
Faites voir plus de preffe ;
Venez, & qu'un fi beau fujet
Pour nos jeux vous reveille ;
Nous vous faifons voir fon Portrait ,
Rendez-nous la pareille,
On trouvera l'Air noté avec la Chanfon
page 2020.
Le premier Septembre on donna ce
F vj
fpecta2032
MERCURE DE FRANCE
fpectacle gratis à l'occafion de la Naiffance
de Monfeigneur le Duc D'ANJOU
On joija la Comédie des Deux Suivantes
dont il a été parlé , & le Bouquet du Roi
Il y eut le même jour Bal dans l'enclos de
la Foire , & des Illuminations . Tout s'y
pafla fans defordre , & au grand contentement
d'une multitude de peuples
que ces Réjouiffances avoient attires , tant
de la Ville , que du Fauxbourg.
Le 5. le même Opera Comique donna
la premiere Repréſentation de deux Piéces
nouvelles en un Acte chacune ; la
premiere a pour titre L'Amour Marin ,
& l'autre L'Esperance , en Vaudevilles ,
& des Divertiffemens , de la compofition
de M. Gillier,
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70
p. 2022-2032
Le Bouquet du Roi, Piece en Vaudeville, Extrait [titre d'après la table]
Début :
Le 24. Août, veille de la Fête de Saint Louis, l'Opera Comique donna une petite [...]
Mots clefs :
Opéra comique, Amour, Paris, Dieu, Reine, Province, Roi, Apollon, Vaudeville
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le Bouquet du Roi, Piece en Vaudeville, Extrait [titre d'après la table]
Le 24. Août , veille de la Fête de Saint
Louis , l'Opera Comique donna une petite
Piece nouvelle d'un Acte , en Vaudeville
, intitulée Le Bouquet du Roi , à la
quelle on a fait depuis quelques augmentations
à l'occafion de la Ñaiffance de
Monſeigneur le Duc d'Anjou , Cette Piéce
eft de M. Panard , & la Mufique de M.
Gillier: en voici en peu de mots le Sujet.
Premiere Entrée,
La Ville de Paris perſonifiée , accom→
pagnée de fa fuite , invite fes habitans à
celebrer la Fête du Roi , & chante fur
l'Air : F'entends déja le bruit des armes,
A chanter un fi digne Maître
Tout doit nous porter aujourd'hui ;
Les Dieux même nous font connoître
Qu'ils
SEPTEMBRE. 1730. 2023
Qu'ils fe font déclarés pour lui ,
Et le Prince qui vient de naître
Eft un gage de leur appui.
C'est là le Bouquet que le Ciel lui refer
voit , ajoûte la Ville de Paris ; après quoi
on chante':
Que des Dieux la bonté fouveraine
A fur nous répandu de bienfaits !
D'un Roi charmant , d'une charmante Reine
Nous fommes les enfans plutôt que les Sujets.
Les coeurs , dès qu'on le voit , font à lui fans reſerve
;
Chez elle les vertus ont fixé leur féjour ;
Elle eft l'image de Minerve ;
Il eft l'image de l'Amour.
Les Habitans de Paris forment enfuite
le Divertiſſement , & expriment leur joye
par des danfes & c.
Seconde Entrée.
Les Députés des principales Provinces
de France viennent fe joindre à la Ville
de Paris pour mêler leur joye à la fienne,
& forment chacune un nouveau Balet
dans leur different caractere ; après quoi
le Député de la Normandie chante le
Couplet fuivant , fur l'Air : Pierre Bagnolet
Fij Heu
2024 MERCURE DE FRANCE
Heureux qui fera l'apanage
Du nouveau fils de notre Roi.
La Gascogne,
N'efperez pas cet avantage ;
Vous ne l'aurez pas fur ma foi ;
Ce fera moi.
La Ville de Paris voyant arriver le Député
de la Province d'Anjou , acheve de
chanter l'Air,
Ne conteftez pas davantage ,
Cedez à celui que je voi .
Ce Député chante ces paroles avec ur
Accompagnement de Fanfares.
Triomphe , victoire ;
Honneur à l'Anjou ;
D'ici jufqu'au Perou ,
Que tout chante ma gloire,
Triomphe Victoire &c.
Votre difpute eft vaïne ,
Vous perdez votre peine ;
C'eſt à moi qu'eft deſtiné
Le Prince nouveau né.
Triomphe Victoire &c.
Les autres Provinces paroiffent fort
confternées de cette préference ; la Ville
de Paris leur dit de ne pas s'en allarmer
&
SEPTEMBRE . 1730. 2025
& chante fur l'Air , O reguinqué :
Le Ciel qui vous protege tous
Ne veut point faire de jaloux ;
Allez , allez , raffurez-vous ;
Vous verrez que chaque Province
L'une après l'autre aura fon Prince.
Le Député de la Gascogne répond , Oh!
pour moi je lui cede volontiers le pas , &
chante fur l'Air : Ma raifon s'en va beau
train :
Me
Un deſtin plus rare un jour
payera de mon amour.
*
Toi qui t'applaudis
Des fils de Louis ,
Tu n'as que le deuxième ,
Pour ma Province , Cadedis ,
On garde le douziéme ,
Lon la ,
On garde le douziéme.
Toutes les Provinces fe retirent après
le Divertiffement .
Troifiéme Entrée des Arts.
Cette Entrée eft précedée de trois Scenes.
Dans la premiere , l'Opera Comique
fe plaint à la Ville de ce qu'elle ne l'hos
nore plus de fes vifites dans le Fauxbourg,
* Regardant l'Anjou,
F iij la
2026 MERCURE DE FRANCE
la Ville lui répond qu'elle a de plus juftes
reproches à lui faire , & chante fur l'Air
de foconde :
Tandis que tous mes habitans
Pour un Roi qu'ils cheriffent
Font voir des tranſports éclatans
Dont les Cieux retentiffent ,
L'Opera Comique fe tait ;
It eft dans l'indolence ;
Lui que j'ai vu le premier prêt :
D'où vient donc ce filence
J
L'Opera Comique lui répond qu'il ne
mérite point ce reproche , & qu'il n'a
jamais eu tant de zele : Jugez en , dit-il
par ce que j'ai fait ; s'agiffant d'une matiere
auffi importante ,j'ai cru ... & chante fur
l'Air : M. le Prevêt des Marchands :
Qu'il falloit au facré Valon
Chercher le fecours d'Apollon ;
J'ai choifi pour cette Ambaffade
De mes Acteurs le plus cheri ,
Quoique mon Théatre malade
Ait peine à fe paffer de lui.
Pierot arrive , & fait un recit Comique
de fa reception au Parnaffe , & dit qu'Apollon
étoit fi fort occupé à chaffer la
Profe qui inondoit le facré Valon , qu'il
n'a
SEPTEMBRE. 1730. 2027
n'a pû tirer aucun fecours de lui : A qui
donc auraisje recours ? dit l'Opera Comi
que : A moi , répond l'Amour , qui en
tre dans ce moment fur la ſcene , & chante
fur l'Air : Les filles font fi fottes , lon la :
D'Apollon eft-ce là l'emploi ?
Non , ne vous addreffez qu'à moi ,
Seul je puis vous fuffire.
Tout ce qu'on fait pour votre Roi ,
C'est l'Amour qui l'inſpire ,
Lon la ,
C'est l'Amour & c.
Pourquoi chercher d'autre fecours que le
mien ?dit l'Amour à Pierot , avez - vous
oublié ce que j'ai fait pour vous l'année paf
fe , & chante fur l'Air des Triolets :
N'eft- ce pas moi qui l'an paffé
Pour un Maitre fi débonaire
Vous fit rifquer un coup d'effai
N'est-ce pas moi qui l'an paffé ,
Rechaufai votre coeur glacé ,
Par la crainte de lui déplaire.
N'eft-ce pas moi qui l'an paffé
Dictai l'Hopegué , ma Comere.
L'Amour promet enfuite à Pierot d'aller
prefenter au Roi leurs voeux & leurs
hommages après qu'il aura affifté à la
Fiiij Fête
2028 MERCURE DE FRANCE
Fête que les Arts vont donner , à laquelle
il doit préfider , & chante fnr un Air
nouveau :
L'Amour par ma voix vous appelle ,
Beaux Arts , fignalez votre zele ,
Formez un Monument qui de ce jour heureux
Confacre la mémoire ;
Difputez-vous la gloire
De feconder nos foins & d'embellir nos jeux."
L'Amour fe met à la tête des Arts qui
font une marche , après laquelle ils élevent
un Trophée à la gloire du Roi . C'eſt
une espece d'Obelifque de 12. piés de haut,
terminé par deux Lys , figurant le Roi
& la Reine , & cinq boutons de Lys , figurant
la Famille Royale. Au deffous eft
un Globe tranfparent, avec ces mots, Non
deerunt. Le pied de l'Obelifque forme un
Entablement fur lequel les Arts pofent
chacun leurs Attributs , & au milieu on
voit deux riches bordures , garnies de
toiles , fur lesquelles la Peinture fait peindre
les Portraits du Roi & de la Reine.
Après qu'ils font finis , la Ville de Paris
chante ces paroles fur l'Air d'un Menuet
nouveau :
De ceux qui regnent ſur nous
Voyez vous
L'auSEPTEMBRE.
1730. 2829.
·
L'augufte & brillante image.
Que chacun dans ce beau jour,
¡ Afon tour
Vienne lui rendre hommage..
De ces Aftres les doux regards
Vous font un heureux partage ;
Leur regne eft celui des beaux Arts.
La Décoration du Trophée a été trouvée
très bien imaginée , & parfaitement
bien executée.
Tous les Arts forment un Balet
general
; il eft fuivi d'un Vaudeville , dont
voici quelques Couplets.
La Mufique
Je fuis cet Art mélodietix
Qui forme l'harmonie ;
Souvent les Heros & les Dieux
Occupent mon génie ;
Mais jamais avec tant d'ardeur ,
Je n'exerce ma Lyre
Que quand je chante la douceur
Reine , de votre Empire.
La Peinture.
C'eft moi dont l'Art ingénieux
Imite la Nature ;
De tout ce qu'on voit fous les Cieux
Je trace la figure ;
F Souvent
2030 MERCURE DE FRANCE
Souvent pour peindre votre Roi ,
Je me mets à l'ouvrage ;
Mais l'Amour encor mieux que
En fçait graver l'image.
L'Aftrologie.
Dans les Aftres je lis fans fin,
C'eft moi qui les confulte ;
Ils m'ont appris que le Dauphin
Caufera du tumulte ;
moi
Rempli des charmes les plus dour
Je prévoi qu'il doit rendre
La moitié du monde jaloux
Et l'autre moitié tendre.
La Navigation.
Mon partage eft de naviguer ,
C'eſt à quoi je préfide ,
Jeunes Marins , venez voguer ,
Je ferai votre guide ,
Vous ne payerez point le tribut
Aux caprices d'Eole ,
Et pour vous mener droit au bur
Je porte la Boufole.
L'Art Militaire.
Servez un Prince aimé des Dieux ,
Venez , Jeuneffe aimable ,
Autant qu'il eft charmant , je veux
La
SEPTEMBRE. 1730. 2031
Le rendre redoutable ;
Si tôt que je vois l'Ennemi
Ma contenance eft fiere ,
Et mon oeil jamais endormi
Garde bien la Frontiere.
L'Art de plaire.
Du fecret de parler au coeur
Je fuis dépofitaire ;
Par un regard doux & flatteur
Je montre l'Art de plaire ;
Mais je croi que de mes Leçons
On n'aura point affaire ;
Car ce bel Art eft aux Bourbons
Un Art hereditaire.
Pierrot an Partere.
Si le Prince que nous chantons ,
Meffieurs , vous intereffe ,
Pour le prouver dans nos Cantons
Faites voir plus de preffe ;
Venez, & qu'un fi beau fujet
Pour nos jeux vous reveille ;
Nous vous faifons voir fon Portrait ,
Rendez-nous la pareille,
On trouvera l'Air noté avec la Chanfon
page 2020.
Le premier Septembre on donna ce
F vj
fpecta2032
MERCURE DE FRANCE
fpectacle gratis à l'occafion de la Naiffance
de Monfeigneur le Duc D'ANJOU
On joija la Comédie des Deux Suivantes
dont il a été parlé , & le Bouquet du Roi
Il y eut le même jour Bal dans l'enclos de
la Foire , & des Illuminations . Tout s'y
pafla fans defordre , & au grand contentement
d'une multitude de peuples
que ces Réjouiffances avoient attires , tant
de la Ville , que du Fauxbourg.
Le 5. le même Opera Comique donna
la premiere Repréſentation de deux Piéces
nouvelles en un Acte chacune ; la
premiere a pour titre L'Amour Marin ,
& l'autre L'Esperance , en Vaudevilles ,
& des Divertiffemens , de la compofition
de M. Gillier,
Louis , l'Opera Comique donna une petite
Piece nouvelle d'un Acte , en Vaudeville
, intitulée Le Bouquet du Roi , à la
quelle on a fait depuis quelques augmentations
à l'occafion de la Ñaiffance de
Monſeigneur le Duc d'Anjou , Cette Piéce
eft de M. Panard , & la Mufique de M.
Gillier: en voici en peu de mots le Sujet.
Premiere Entrée,
La Ville de Paris perſonifiée , accom→
pagnée de fa fuite , invite fes habitans à
celebrer la Fête du Roi , & chante fur
l'Air : F'entends déja le bruit des armes,
A chanter un fi digne Maître
Tout doit nous porter aujourd'hui ;
Les Dieux même nous font connoître
Qu'ils
SEPTEMBRE. 1730. 2023
Qu'ils fe font déclarés pour lui ,
Et le Prince qui vient de naître
Eft un gage de leur appui.
C'est là le Bouquet que le Ciel lui refer
voit , ajoûte la Ville de Paris ; après quoi
on chante':
Que des Dieux la bonté fouveraine
A fur nous répandu de bienfaits !
D'un Roi charmant , d'une charmante Reine
Nous fommes les enfans plutôt que les Sujets.
Les coeurs , dès qu'on le voit , font à lui fans reſerve
;
Chez elle les vertus ont fixé leur féjour ;
Elle eft l'image de Minerve ;
Il eft l'image de l'Amour.
Les Habitans de Paris forment enfuite
le Divertiſſement , & expriment leur joye
par des danfes & c.
Seconde Entrée.
Les Députés des principales Provinces
de France viennent fe joindre à la Ville
de Paris pour mêler leur joye à la fienne,
& forment chacune un nouveau Balet
dans leur different caractere ; après quoi
le Député de la Normandie chante le
Couplet fuivant , fur l'Air : Pierre Bagnolet
Fij Heu
2024 MERCURE DE FRANCE
Heureux qui fera l'apanage
Du nouveau fils de notre Roi.
La Gascogne,
N'efperez pas cet avantage ;
Vous ne l'aurez pas fur ma foi ;
Ce fera moi.
La Ville de Paris voyant arriver le Député
de la Province d'Anjou , acheve de
chanter l'Air,
Ne conteftez pas davantage ,
Cedez à celui que je voi .
Ce Député chante ces paroles avec ur
Accompagnement de Fanfares.
Triomphe , victoire ;
Honneur à l'Anjou ;
D'ici jufqu'au Perou ,
Que tout chante ma gloire,
Triomphe Victoire &c.
Votre difpute eft vaïne ,
Vous perdez votre peine ;
C'eſt à moi qu'eft deſtiné
Le Prince nouveau né.
Triomphe Victoire &c.
Les autres Provinces paroiffent fort
confternées de cette préference ; la Ville
de Paris leur dit de ne pas s'en allarmer
&
SEPTEMBRE . 1730. 2025
& chante fur l'Air , O reguinqué :
Le Ciel qui vous protege tous
Ne veut point faire de jaloux ;
Allez , allez , raffurez-vous ;
Vous verrez que chaque Province
L'une après l'autre aura fon Prince.
Le Député de la Gascogne répond , Oh!
pour moi je lui cede volontiers le pas , &
chante fur l'Air : Ma raifon s'en va beau
train :
Me
Un deſtin plus rare un jour
payera de mon amour.
*
Toi qui t'applaudis
Des fils de Louis ,
Tu n'as que le deuxième ,
Pour ma Province , Cadedis ,
On garde le douziéme ,
Lon la ,
On garde le douziéme.
Toutes les Provinces fe retirent après
le Divertiffement .
Troifiéme Entrée des Arts.
Cette Entrée eft précedée de trois Scenes.
Dans la premiere , l'Opera Comique
fe plaint à la Ville de ce qu'elle ne l'hos
nore plus de fes vifites dans le Fauxbourg,
* Regardant l'Anjou,
F iij la
2026 MERCURE DE FRANCE
la Ville lui répond qu'elle a de plus juftes
reproches à lui faire , & chante fur l'Air
de foconde :
Tandis que tous mes habitans
Pour un Roi qu'ils cheriffent
Font voir des tranſports éclatans
Dont les Cieux retentiffent ,
L'Opera Comique fe tait ;
It eft dans l'indolence ;
Lui que j'ai vu le premier prêt :
D'où vient donc ce filence
J
L'Opera Comique lui répond qu'il ne
mérite point ce reproche , & qu'il n'a
jamais eu tant de zele : Jugez en , dit-il
par ce que j'ai fait ; s'agiffant d'une matiere
auffi importante ,j'ai cru ... & chante fur
l'Air : M. le Prevêt des Marchands :
Qu'il falloit au facré Valon
Chercher le fecours d'Apollon ;
J'ai choifi pour cette Ambaffade
De mes Acteurs le plus cheri ,
Quoique mon Théatre malade
Ait peine à fe paffer de lui.
Pierot arrive , & fait un recit Comique
de fa reception au Parnaffe , & dit qu'Apollon
étoit fi fort occupé à chaffer la
Profe qui inondoit le facré Valon , qu'il
n'a
SEPTEMBRE. 1730. 2027
n'a pû tirer aucun fecours de lui : A qui
donc auraisje recours ? dit l'Opera Comi
que : A moi , répond l'Amour , qui en
tre dans ce moment fur la ſcene , & chante
fur l'Air : Les filles font fi fottes , lon la :
D'Apollon eft-ce là l'emploi ?
Non , ne vous addreffez qu'à moi ,
Seul je puis vous fuffire.
Tout ce qu'on fait pour votre Roi ,
C'est l'Amour qui l'inſpire ,
Lon la ,
C'est l'Amour & c.
Pourquoi chercher d'autre fecours que le
mien ?dit l'Amour à Pierot , avez - vous
oublié ce que j'ai fait pour vous l'année paf
fe , & chante fur l'Air des Triolets :
N'eft- ce pas moi qui l'an paffé
Pour un Maitre fi débonaire
Vous fit rifquer un coup d'effai
N'est-ce pas moi qui l'an paffé ,
Rechaufai votre coeur glacé ,
Par la crainte de lui déplaire.
N'eft-ce pas moi qui l'an paffé
Dictai l'Hopegué , ma Comere.
L'Amour promet enfuite à Pierot d'aller
prefenter au Roi leurs voeux & leurs
hommages après qu'il aura affifté à la
Fiiij Fête
2028 MERCURE DE FRANCE
Fête que les Arts vont donner , à laquelle
il doit préfider , & chante fnr un Air
nouveau :
L'Amour par ma voix vous appelle ,
Beaux Arts , fignalez votre zele ,
Formez un Monument qui de ce jour heureux
Confacre la mémoire ;
Difputez-vous la gloire
De feconder nos foins & d'embellir nos jeux."
L'Amour fe met à la tête des Arts qui
font une marche , après laquelle ils élevent
un Trophée à la gloire du Roi . C'eſt
une espece d'Obelifque de 12. piés de haut,
terminé par deux Lys , figurant le Roi
& la Reine , & cinq boutons de Lys , figurant
la Famille Royale. Au deffous eft
un Globe tranfparent, avec ces mots, Non
deerunt. Le pied de l'Obelifque forme un
Entablement fur lequel les Arts pofent
chacun leurs Attributs , & au milieu on
voit deux riches bordures , garnies de
toiles , fur lesquelles la Peinture fait peindre
les Portraits du Roi & de la Reine.
Après qu'ils font finis , la Ville de Paris
chante ces paroles fur l'Air d'un Menuet
nouveau :
De ceux qui regnent ſur nous
Voyez vous
L'auSEPTEMBRE.
1730. 2829.
·
L'augufte & brillante image.
Que chacun dans ce beau jour,
¡ Afon tour
Vienne lui rendre hommage..
De ces Aftres les doux regards
Vous font un heureux partage ;
Leur regne eft celui des beaux Arts.
La Décoration du Trophée a été trouvée
très bien imaginée , & parfaitement
bien executée.
Tous les Arts forment un Balet
general
; il eft fuivi d'un Vaudeville , dont
voici quelques Couplets.
La Mufique
Je fuis cet Art mélodietix
Qui forme l'harmonie ;
Souvent les Heros & les Dieux
Occupent mon génie ;
Mais jamais avec tant d'ardeur ,
Je n'exerce ma Lyre
Que quand je chante la douceur
Reine , de votre Empire.
La Peinture.
C'eft moi dont l'Art ingénieux
Imite la Nature ;
De tout ce qu'on voit fous les Cieux
Je trace la figure ;
F Souvent
2030 MERCURE DE FRANCE
Souvent pour peindre votre Roi ,
Je me mets à l'ouvrage ;
Mais l'Amour encor mieux que
En fçait graver l'image.
L'Aftrologie.
Dans les Aftres je lis fans fin,
C'eft moi qui les confulte ;
Ils m'ont appris que le Dauphin
Caufera du tumulte ;
moi
Rempli des charmes les plus dour
Je prévoi qu'il doit rendre
La moitié du monde jaloux
Et l'autre moitié tendre.
La Navigation.
Mon partage eft de naviguer ,
C'eſt à quoi je préfide ,
Jeunes Marins , venez voguer ,
Je ferai votre guide ,
Vous ne payerez point le tribut
Aux caprices d'Eole ,
Et pour vous mener droit au bur
Je porte la Boufole.
L'Art Militaire.
Servez un Prince aimé des Dieux ,
Venez , Jeuneffe aimable ,
Autant qu'il eft charmant , je veux
La
SEPTEMBRE. 1730. 2031
Le rendre redoutable ;
Si tôt que je vois l'Ennemi
Ma contenance eft fiere ,
Et mon oeil jamais endormi
Garde bien la Frontiere.
L'Art de plaire.
Du fecret de parler au coeur
Je fuis dépofitaire ;
Par un regard doux & flatteur
Je montre l'Art de plaire ;
Mais je croi que de mes Leçons
On n'aura point affaire ;
Car ce bel Art eft aux Bourbons
Un Art hereditaire.
Pierrot an Partere.
Si le Prince que nous chantons ,
Meffieurs , vous intereffe ,
Pour le prouver dans nos Cantons
Faites voir plus de preffe ;
Venez, & qu'un fi beau fujet
Pour nos jeux vous reveille ;
Nous vous faifons voir fon Portrait ,
Rendez-nous la pareille,
On trouvera l'Air noté avec la Chanfon
page 2020.
Le premier Septembre on donna ce
F vj
fpecta2032
MERCURE DE FRANCE
fpectacle gratis à l'occafion de la Naiffance
de Monfeigneur le Duc D'ANJOU
On joija la Comédie des Deux Suivantes
dont il a été parlé , & le Bouquet du Roi
Il y eut le même jour Bal dans l'enclos de
la Foire , & des Illuminations . Tout s'y
pafla fans defordre , & au grand contentement
d'une multitude de peuples
que ces Réjouiffances avoient attires , tant
de la Ville , que du Fauxbourg.
Le 5. le même Opera Comique donna
la premiere Repréſentation de deux Piéces
nouvelles en un Acte chacune ; la
premiere a pour titre L'Amour Marin ,
& l'autre L'Esperance , en Vaudevilles ,
& des Divertiffemens , de la compofition
de M. Gillier,
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Résumé : Le Bouquet du Roi, Piece en Vaudeville, Extrait [titre d'après la table]
Le 24 août 1730, veille de la Fête de Saint Louis, l'Opéra Comique a présenté une pièce en vaudeville intitulée 'Le Bouquet du Roi' en l'honneur de la naissance du Duc d'Anjou. Cette pièce, écrite par M. Panard et accompagnée de la musique de M. Gillier, se compose de trois entrées. Dans la première entrée, la Ville de Paris, personnifiée et accompagnée de sa suite, invite ses habitants à célébrer la fête du roi. Elle chante les bienfaits du ciel et la joie apportée par la naissance du prince. Les habitants expriment leur allégresse par des danses. Dans la seconde entrée, les députés des principales provinces de France rejoignent la Ville de Paris pour partager leur joie. Chaque province forme un ballet et exprime son désir de voir le nouveau prince comme héritier. La Normandie et la Gascogne rivalisent pour cet honneur, mais la Ville de Paris assure que chaque province aura son prince. La troisième entrée est précédée de trois scènes. L'Opéra Comique se plaint à la Ville de Paris de ne plus être visité dans le faubourg. La Ville répond en reprochant à l'Opéra Comique son silence. L'Opéra Comique rétorque qu'il a toujours été zélé et raconte une visite au Parnasse où Apollon était occupé. L'Amour intervient alors, affirmant qu'il est le seul à pouvoir aider. Il promet d'aller présenter les vœux au roi après une fête des Arts. Les Arts, dirigés par l'Amour, élèvent un trophée à la gloire du roi, représentant la famille royale. La Ville de Paris chante ensuite l'image auguste et brillante des souverains. La décoration du trophée est bien imaginée et exécutée. Les Arts forment un ballet général suivi d'un vaudeville où chaque art exprime son rôle et son admiration pour le roi. Le 1er septembre, ce spectacle a été donné gratuitement à l'occasion de la naissance du Duc d'Anjou. La journée a également inclus une comédie, un bal et des illuminations, se déroulant sans désordre et au grand contentement du public. Le 5 septembre, l'Opéra Comique a présenté deux nouvelles pièces en un acte : 'L'Amour Marin' et 'L'Espérance'.
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71
p. 2092-2095
« Cette heureuse Naissance étant une suite des Benedictions que Dieu répand sur [...] »
Début :
Cette heureuse Naissance étant une suite des Benedictions que Dieu répand sur [...]
Mots clefs :
Dieu, Roi, Officiers, Archevêque, Naissance, Feux d'artifice
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Cette heureuse Naissance étant une suite des Benedictions que Dieu répand sur [...] »
Cette heureufe Naiffance étant une fuite
des Benedictions que Dieu répand fur
la Perfonne du Roy & fur l'Etats le
-( 2 ) Ad Tim. c. 2. v. 3. & 2,
( 3 ) Prov. 20. v. 28.
premier
SEPTEMBRE. 1730. 2098
mier foin de S.M. dans cet heureux évenement
, a été d'en rendre à Dieu de folemnelles
actions de graces ; & le 2 de ce
mois , le Roy fe rendit à Paris , pour af
fifter au Te Deum , qui devoit y être chanté,
fuivant les Ordres que l'Archevêque de
Paris en avoit reçus de S. M.
Le Roy partit du Château de Verfailles
vers les trois heures après midi , accompagné
, dans fon Caroffe , du Comte de
Clermont , du Prince de Conti , du Prince
de Dombes , du Comte d'Eu & du
Comte de Toulouſe. Les trois autres Caroffes
étoient remplis par les principaux
Officiers de Sa Maifon , & par les Seigneurs
de la Cour. Les détachemens des
Gendarmes , des Chevaux - Legers & les
deux Compagnies des Moufquetaires de
la Garde du Roy , & le détachement des
Gardes du Corps précédoient & fuivoient
le Caroffe de S. M. & le Vol du Cabinet
étoit immédiatement devant le Caroffe de
fuite.
Le Roy arriva vers les cinq heures à la
Porte S. Honoré , d'où S. M. fe rendit à
l'Eglife Métropolitaine.Les Regimens des
Gardes Françoifes & Suiffes étoient rangez
en haye , & préfentoient leurs Armes,
dans toutes les rues par lefquelles le Roy
paffa en allant à l'Eglife Métropolitaine ,
& en retournant à Verfailles.
I Le
2094 MERCURE DE FRANCE
Le Roy fut reçu à la porte de l'Eglife
par le Chapitre , à la tête duquel l'Archevêque
de Paris complimenta S. M. & lui
prefenta l'Eau benite. Le Roy entra dans
f'Eglife au bruit des Trompettes & des
Hautbois de la Chambre , étant précédé
du Grand Maître & du Maître des Cérémonies
, devant lefquels marchoient le
-Roy & les Hérauts d'Armes , & S. M.
alla fe placer au milieu du Choeur , fur un
Prie - Dieu , au deffus duquel étoit un Dais .
Le Duc d'Orleans , le Duc de Bourbon ,
le Comte de Charolois, le Comte de Cletmont
, le Prince de Conti , le Prince de
Dombes , le Comte d'Eu & le Comte de
Toulouſe , le Cardinal de Fleury , les Officiers
de la Couronne, les Principaux Of
ficiers de S.M. & les Seigneurs de la Cour
étoient placez auprès du Roy' pendant le
Te Deum , auquel le Chancelier de France
& le Garde des Sceaux affifterent, étant I
accompagnez de plufieurs Confeillers d'Etat
& Maîtres des Requêtes.
C
>
Le Clergé , le Parlement , la Chambre
des Comptes , la Cour des Aydes & lo
Corps de Ville ayant été invitez en la maniére
accoutumée y affifterent en Robes
de Ceremonie & à leurs places ordinaires
. L'Archevêque de Paris officia pontificalement
au Te Deum , qui fut chanté au
bruit d'une Salve generale des Canons de
la Baftille & de ceux de la Ville.
Lcs
SEPTEMBRE. 1730. 2095
Les Regimens des Gardes Françoiles &
Suiffes y répondirent par trois décharges
de leur Moufqueterie.
Après le Te Deum , le Roy vint faire fa
Priére devant l'Autel de la fainte Vierge ,
d'où S.M.fut reconduite à la porte de l'Eglife
, avec les cérémonies qui avoient été
obfervées à fon arrivée. Et S. M. étant remontée
en caroffe , partit pour retourner
à Verfalles avec le même Cortege qui
l'avoit accompagnée en entrant dans Paris.
Pendant la Marche , les Officiers des Gardes
du Corps qui étoient auprès du carof
fe du Roy,jetterent de l'argent au peuple,
qui par fes acclamations cherchoit à don
ner à S. M. des preuves de fon amour ,de
fon zele & de fa joye.
Le même jour,les Prevot des Marchands
& Echevins qui la furveille avoient fait
'lluminer l'Hôtel de Ville avec beaucoup
de magnificence , firent couler des Fontaines
de vin dans la place , & le foir ils firent
tirer un tres-beau Feu d'artifice, qui
fut précédé d'une décharge de Boëtes &
de Canons de la Ville . Il y eut en même
temps chez le Duc de Gévres , chez les
Prevôt des Marchands & Echevins , ainfi
que dans toutes les rues , des Illuminations
, des Feux & toutes autres marques
de réjouiffance poffible.
des Benedictions que Dieu répand fur
la Perfonne du Roy & fur l'Etats le
-( 2 ) Ad Tim. c. 2. v. 3. & 2,
( 3 ) Prov. 20. v. 28.
premier
SEPTEMBRE. 1730. 2098
mier foin de S.M. dans cet heureux évenement
, a été d'en rendre à Dieu de folemnelles
actions de graces ; & le 2 de ce
mois , le Roy fe rendit à Paris , pour af
fifter au Te Deum , qui devoit y être chanté,
fuivant les Ordres que l'Archevêque de
Paris en avoit reçus de S. M.
Le Roy partit du Château de Verfailles
vers les trois heures après midi , accompagné
, dans fon Caroffe , du Comte de
Clermont , du Prince de Conti , du Prince
de Dombes , du Comte d'Eu & du
Comte de Toulouſe. Les trois autres Caroffes
étoient remplis par les principaux
Officiers de Sa Maifon , & par les Seigneurs
de la Cour. Les détachemens des
Gendarmes , des Chevaux - Legers & les
deux Compagnies des Moufquetaires de
la Garde du Roy , & le détachement des
Gardes du Corps précédoient & fuivoient
le Caroffe de S. M. & le Vol du Cabinet
étoit immédiatement devant le Caroffe de
fuite.
Le Roy arriva vers les cinq heures à la
Porte S. Honoré , d'où S. M. fe rendit à
l'Eglife Métropolitaine.Les Regimens des
Gardes Françoifes & Suiffes étoient rangez
en haye , & préfentoient leurs Armes,
dans toutes les rues par lefquelles le Roy
paffa en allant à l'Eglife Métropolitaine ,
& en retournant à Verfailles.
I Le
2094 MERCURE DE FRANCE
Le Roy fut reçu à la porte de l'Eglife
par le Chapitre , à la tête duquel l'Archevêque
de Paris complimenta S. M. & lui
prefenta l'Eau benite. Le Roy entra dans
f'Eglife au bruit des Trompettes & des
Hautbois de la Chambre , étant précédé
du Grand Maître & du Maître des Cérémonies
, devant lefquels marchoient le
-Roy & les Hérauts d'Armes , & S. M.
alla fe placer au milieu du Choeur , fur un
Prie - Dieu , au deffus duquel étoit un Dais .
Le Duc d'Orleans , le Duc de Bourbon ,
le Comte de Charolois, le Comte de Cletmont
, le Prince de Conti , le Prince de
Dombes , le Comte d'Eu & le Comte de
Toulouſe , le Cardinal de Fleury , les Officiers
de la Couronne, les Principaux Of
ficiers de S.M. & les Seigneurs de la Cour
étoient placez auprès du Roy' pendant le
Te Deum , auquel le Chancelier de France
& le Garde des Sceaux affifterent, étant I
accompagnez de plufieurs Confeillers d'Etat
& Maîtres des Requêtes.
C
>
Le Clergé , le Parlement , la Chambre
des Comptes , la Cour des Aydes & lo
Corps de Ville ayant été invitez en la maniére
accoutumée y affifterent en Robes
de Ceremonie & à leurs places ordinaires
. L'Archevêque de Paris officia pontificalement
au Te Deum , qui fut chanté au
bruit d'une Salve generale des Canons de
la Baftille & de ceux de la Ville.
Lcs
SEPTEMBRE. 1730. 2095
Les Regimens des Gardes Françoiles &
Suiffes y répondirent par trois décharges
de leur Moufqueterie.
Après le Te Deum , le Roy vint faire fa
Priére devant l'Autel de la fainte Vierge ,
d'où S.M.fut reconduite à la porte de l'Eglife
, avec les cérémonies qui avoient été
obfervées à fon arrivée. Et S. M. étant remontée
en caroffe , partit pour retourner
à Verfalles avec le même Cortege qui
l'avoit accompagnée en entrant dans Paris.
Pendant la Marche , les Officiers des Gardes
du Corps qui étoient auprès du carof
fe du Roy,jetterent de l'argent au peuple,
qui par fes acclamations cherchoit à don
ner à S. M. des preuves de fon amour ,de
fon zele & de fa joye.
Le même jour,les Prevot des Marchands
& Echevins qui la furveille avoient fait
'lluminer l'Hôtel de Ville avec beaucoup
de magnificence , firent couler des Fontaines
de vin dans la place , & le foir ils firent
tirer un tres-beau Feu d'artifice, qui
fut précédé d'une décharge de Boëtes &
de Canons de la Ville . Il y eut en même
temps chez le Duc de Gévres , chez les
Prevôt des Marchands & Echevins , ainfi
que dans toutes les rues , des Illuminations
, des Feux & toutes autres marques
de réjouiffance poffible.
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Résumé : « Cette heureuse Naissance étant une suite des Benedictions que Dieu répand sur [...] »
Le 1er septembre 1730, le roi exprima sa gratitude à Dieu pour un événement heureux. Le 2 septembre, il se rendit à Paris pour assister au Te Deum à l'église métropolitaine. Accompagné de nobles et d'officiers, le cortège royal comprenait des gendarmes, des chevau-légers, des mousquetaires et des gardes du corps. À la porte Saint-Honoré, le roi fut accueilli par le chapitre de l'église, dirigé par l'archevêque de Paris, qui lui présenta l'eau bénite. Le Te Deum fut chanté au son des canons de la Bastille et de la ville, et des régiments des gardes françaises et suisses répondirent par des salves de mousqueterie. Après la cérémonie, le roi pria devant l'autel de la sainte Vierge et fut reconduit à la porte de l'église avec les mêmes honneurs. Pendant le retour à Versailles, les officiers des gardes du corps distribuèrent de l'argent au peuple. À Paris, les prévôts des marchands et échevins illuminèrent l'hôtel de ville, firent couler des fontaines de vin et tirèrent un feu d'artifice. Des illuminations et des feux furent également allumés chez le duc de Guèvres, chez les prévôts des marchands et échevins, ainsi que dans toutes les rues.
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72
p. 2168-2181
LETTRE de M... sur un Songe.
Début :
Il m'est arrivé bien des choses extraordinaires depuis que je ne vous ai [...]
Mots clefs :
Passions, Hommes, Songe, Amour, Ennui, Temple, Dieu, Nature, Génie, Philosophes, Désirs, Coeur, Vision
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M... sur un Songe.
LETTRE de M... fur un Songe.
I
L m'eft arrivé bien des chofes extraordinaires
depuis que je ne vous ai
vûë ; j'ai cu un fonge , Mile ; mais un
fonge comme on n'en à jamais fait , &
qui eft du moins auffi vrai qu'aucun autre.
N'allez pas croire foit conque
ce par
tagion que je vous raconte mon rêve ; je
ne prens point les défauts de ceux que
j'ai l'honneur de connoître ; & pour avoir
le
OCTOBRE. 1730. 2169
le droit de la nouveauté , je le nommerai
vifion , fi vous voulez. Vifion foit. La
mienne a quelque chofe de particulier
par une fuite d'Evenemens arrangés qui
s'y trouvent.
A peine étois-je arrivé dans * * qu'il
m'a femblé être à la porte du Temple de
l'Ennui ; je ne ſçai fi je dormois ou fi j'étois
bien éveillé ; mais il ne me fouvient
point de m'être endormi ; car ma vifion
ou mon rêve , comme il vous plaira de
l'apeller, a commencé dès l'inftant que j'ai
mis pied à terre.
Ici regne un fombre filence ;
Arbres , rochers , deferts affreux ;
Eole & fa terrible engeance
N'abandonnent jamais ces lieux.
Des Ris , des Jeux la Troupe aimable
Eft inconnue en ces triftes féjours ;
Je m'y trouvai , victime déplorable ,
Abandonné de tout fécours.
Quoique je connuffe toute l'horreur de
mon fort , un charme invincible qui eft
répandu dans l'air qu'on y refpire , m'engageoit
malgré moi d'aller jufqu'au Temple.
Je fus reçû à la porte par des femmes
déja fur l'âge qui vouloient encore
plaire , malgré la nature même qui avoit
C v
pourvû
2170 MERCURE DE FRANCE
pourvû de refte à leurs défagrémens ;
elles avoient envain employé tout ce
que Part peut fournir pour recrépir un
vifage dont les rides ne laiffoient pas de
paroître au travers de la pomade dont il
étoit rempli ; & malgré les grimaces que
le dérangement d'un nouveau ratelier
de dents les obligeoit de faire , elles vouloient
compofer une belle bouche. La
porte du Temple me fut ouverte par cette
efpece de femmes , & fe referma fi - tôt
que je fus entré avec un bruit effroïable.
J'en trouvai dans l'interieur un autre effain
qui m'acofta ; c'étoient des Précieufes
qui avec un faux efprit & un fçavoir
fuperficiel vous affomment par un langage
affecté & impertinent. Je me fauvai
le plus vite que je pus de leurs mains ;
mais je tombai , comme on dit , de Caribde
en Scilla ; car à peine avois - je mis
le pied dans le Sanctuaire où elles m'avoient
conduit , que je me trouvai parmi
un nombre infini d'originaux , tous
Miniftres de l'ennui. Je m'y vis auffi - tôt
environné par un tas d'Auteurs. Ah ! la
maudite efpece.
L'un tire un long Poëme Epique ;
L'autre une Piece Dramatique :
Celui - ci dans le doux Lyrique ;
Celui-là pour le bon Comique ,
Prétend
OCTOBRE. 1730. 2170)
Prétend qu'il eft Auteur unique ,
Et d'original il fe pique.
Parmi ces objets fantaſtiques
J'y vis encor des Politiques ,
Qui prétendoient fuivant leurs loix
Diriger le Confeil des Rois.
3
Si je les en avois crûs , ils m'auroient
perfuadé qu'ils avoient des corefpondances
fecrettes avec le Divan , les négocia
tions les plus délicates leur étoient connuës
; ils avoient la clef du Cabinet de
tous les Potentats de l'Univers , & ils
étoient initiés dans tous les Confeils de
l'Europe ; tantôt ils faifoient la guerre ,
tantôt ils faifoient la paix. Ce n'étoit que
tréves , ccoonnggrrééss , interêt des Princes
Places prifes ou renduës , batailles gagnées,
faute d'un General , Campement , Marches
; ils faifoient changer de face à toute
l'Europe , chaffoient des Rois , en remettoient
d'autres en leurs places ; enfin
en un quart d'heure de tems ils firent faire
plus de mouvemens fur la furface de la
terre que fix mille ans n'en pourroient produire.
Je m'éloignai de ces M M. & je fus
repris par un Auteur dont la phifionomie
noire annonçoit l'amertume & le fiel qu'il
avoit dans le coeur ; il me lut mauffadement
, & cependant avec fureur quelques
C vj
Pié2172
MERCURE DE FRANCE
Piéces fatiriques qui attaquoient ouvertement
, & jufqu'au vif , l'honneur de ſes
confreres. Après m'en avoir lû deux ou
trois qui étoient fes morceaux favoris
& vomi mille invectives contre la
Cour & la Ville , il voulut encore en tirer
d'autres ; mais la cruelle fituation où
je me trouvois d'être obligé de les entendre
, me fit tomber dans un fommeil léthargique
dour je ne revins qu'au bout
de quelque tems . J'ignore ce que mon furieux
devint ; je me trouvai feul à mon
reveil dans un coin du Temple ; là , je fis
des reflexions bien triftes Helas ! difoisje
en moi- même , encore fi j'étois amoureux
, je pourrois m'occuper agréablement
; je fongeai dans ce moment à une
perfonne que je connois , & je fouhaitai
violemment de l'aimer , & d'en être aimé.
J'adreffai ma priere à l'Amour , & je l'invoquai
en ces termes :
O toi ! charmant Amour , des doux plaifirs le
pere ,
Quitte l'heureux féjour de Paphos , de Cithere ; }
Hâte-toi , viens me fecour :
Voudrois -tu me laiffer périr
Dieu puiffant aujourd'hui brûle-mol de tes feux...
Comme j'étois encore dans l'entouſiaſme
de mon invocation , je vis paroître
l'Amour
OCTOBRE. 1730. 2173
l'Amour qui me demanda d'un ton railleur
ce que j'exigeois de lui ; je lui dis
qu'ayant toujours été un de fes plus fideles
fectateurs , que l'ayant toujours bien
fervi , j'ofois efperer qu'il ne me refuſeroit
pas une grace ; que je me trouvois
malheureufement enfermé dans le Temple
de l'Ennui , que je le priois inftamment
de me frapper de fes traits pour
Belle que je lui nommois , & de la rendrefenfible
à ma tendreffe . L'Amour m'interrompit
en levant les épaules , & d'une
voix méprilante il me dit ces mots :
Eh ! que penfes- tu faire avec tant de foiblefle ?
Il n'eft qu'un tems pour gouter les plaiſirs :
Quoi ! voudrois-tu , fi loin de la jeuneſſe ,
Conferver dans ton coeur d'inutiles defirs ?
Non , non , à d'autres foins ...
2
la
Ah ! Dieu cruel , m'écriai -je , l'inter
rompant, outré de defefpoir, peux- tu me
reprocher ma foibleffe & n'eft-ce point
à ton fervice que j'ai perdu ma vigueur ?
Je t'en ai recompenfe , repartit-il à l'inf
tant , de quoi te plains-tu ? tant que tu
as jɔui de ton Printems , ne t'ai-je point
fans ceffe offert de nouvelles conquêtes ?
nomme-moi les cruelles que tu n'as pû
fléchir fi tu m'as bien fervi , je t'ai bien
protegé , & entre nous , continua -t'il ,
par
2174 MERCURE DE FRANCE
par quelle qualité éminente meritois- tu
fi fort ma protection ? difpenfe- moi du
détail de tes mérites , il ne tourneroit
qu'à notre confufion . Il s'envole à ces
mots qui me rendirent encore plus trifte ;
j'y entrevoyois une verité peu fatisfaifante
pour moi .
Je pris mon parti d'un autre coté ; je
voulus faire des Vers , croyant que ce
pourroit être un Talifman qui feroit ouvrir
les portes du Temple .
Mis, quoi ? fans l'aveu d'Appollon
Prétend- on s'établir dans le facré Vallon ?
J'eus beau implorer les Mufes , le Dieu -
du Parnaffe , tout fut fourd à ma voix .
Je ne fçavois que devenir , lorfque mon
génie m'apparut : votre génie , me direzvous
? oui , mon génie ; nous en avons
tous un qui veille fur nous , & qui détermine
nos actions. Notre génie eſt toujours
à la portée de nos organes ; c'eft
felon qu'ils font difpofés qu'il agit bien
ou mal ; ainfi il ne faut pas s'étonner
lorfque l'on voit les génies faire commetre
des fautes fi confiderables aux uns ,
pendant qu'ils conduifent fi fagement les
autres : c'eft , comme je l'ai dit , felon les
difpofitions qu'ils trouvent dans les fujets
.
Cette
OCTOBRE . 1730. 2175
Cette difference d'agir dans les génies
fit faire fon fiftême d'efprits au Comte de
Gabelis. Il s'imagina que les diverfes
actions des hommes étoient dirigées par
autant de fortes de génies ; il établit donc ,
comme vous le fçavez , les Gnomes dans
la terre , les Nymphes dans les eaux , les
Sylphes dans l'air & les Salamandres dans
le feu : chaque efpece avoit fes fonctions
differentes. Moyennant cette idée il crut
avoir donné une folution jufte de tout ce
qui arrive dans le monde ; mais il s'eft
trompé bien lourdement .
Je reviens au mien qui m'apparut fous
ma forme , c'étoit le moyen d'être bien
reçû. Je connois bien des femmes à qui
je ferois fûr de plaire , fi je me préſentois
fous leur figure. Notre premiere paffion
, c'eft . l'amour propre. Je vis mon
génie ; il étoit trifte comme moi , & me
dit qu'il ne pouvoit par lui- même me
tirer de l'affreux féjour où j'étois ; mais
qu'il voyoit dans la poche d'un des Miniftres
de l'Ennui un livre qui pouvoir
contenir des fecrets pour fortir du Temple
; il me montra celui qui en étoit porteur
, & difparut.
Je m'approchai de ce Miniftre ; je lui
fis des politeffes qu'il reçût fort bien ; il
m'aprit qu'il étoit Bibliotequaire du Dieu
de l'Ennui : il ajoûta qu'il vouloit me donner
2176 MERCURE DE FRANCE
ner le plaifir d'examiner fes Livres ; j'euffe
bien voulu m'en difpenfer , mais l'envie
que j'avois de poffeder celui qu'il avoit
dans fa poche, me donna la complaifance
de le fuivre. J'entrai dans la Biblioteque
qui étoit d'un bois rembruni , orné par
intervales de faux clinquant qui fatiguoit
plus la vûë qu'il ne la réjouiffoit. Il me
lut le Catalogue de fes Livres : c'étoit ,
il m'en fouvient encore la Dialectique
d'Ariftote , une partie de fa Phyfique ,
le Siftême harmonique de l'Univers par
Pythagore , plufieurs Traités de Morale,
tant des Anciens que des Modernes , tous
les Poëmes Epiques François , Recüeil
des Oraifons Funebres , Piéces fugitives
à la louange des Grands , Opera , Tragédies
& Comédies nouvelles , plufieurs
Romans les Journées Amulantes y
avoient place , & une quantité innombrable
d'autres livres fur differentes matieres
. Mon Conducteur fe récria fur tout
fur un Volume qu'il difoit être un des
plus grands foutiens de leur Temple : c'étoit
les Piéces de Poëfie de * * Comme il
me faifoit la lecture d'une , je vis fes
s'appefantir & fe fermer , comme s'il alloit
tomber dans un profond fommeil .
De peur qu'il ne m'en arrivât autant , je
me faifis au plus vite du livre qui faifoit
tout mon efpoir : jugez quelle fut ma joye
>
yeux,
quand
OCTOBRE. 1730. 2177
quand je vis par le titre que c'étoit les
Oeuvres de Clement Marot. J'ignore par
quelle avanture ce Miniftre fe trouvoit
muni d'un pareil livre . Quoiqu'il en foit,
je l'ouvris avec précipitation ; mais à
peine en avois - je lû la moitié d'une page,
ô prodige incroyable ! le Temple s'abîma
& je me trouvai dans une autre Biblioteque
charmante ; tout s'y fentoit des mains
de la nature , & l'art n'avoit , ou fembloit
n'avoir aucune part à l'ouvrage . Enchantê
d'un fr beau fpectacle , j'examinai les livres
; ils avoient tous pour infcription en
lettres d'or : Remede contre l'ennui ; je les
ouvris l'un après l'autre , j'y trouvai les
Oeuvres d'Anacréon , les Poëfies du tendre
Tibulle & de Catulle les Elegies
d'Ovide , les Satires d'Horace , les Epigrammes
de Martial , les Poëmes d'Homere
, de Virgile , de l'Ariofte & du Taffe,
les Romans de Petrone , de Michel Cervantes
& de Rabelais , les Fables de la
Fontaine étoient proprement reliées avec
celles de Phédre ; fes Contes feuls étoient
placés à l'écart. J'y vis auffi les Comédies
d'Ariftophane , de Plaute , de Terence &
de Moliere ; les Tragédies de Sophocle
d'Euripide , de Corneille & de Racine
étoient fur la même planche ; les Opera
de Quinaut , les Oeuvres de Pavillon &
de Bourfault y tenoient une place hono-
T'hélitois
›
218 MERCURE DE FRANCE
J'héfitois dans le choix que j'en devois
faire , lorsqu'une grande femme s'avance
vers moi avec un maintien noble , fon
front étoit ferein , dans fes yeux brilloit
la douceur , un air de bonté & de tranquilité
étoit répandu dans toute fa perfonne
: elle vit fans doute ma furpriſe ;
& ouvrant la bouche avec des graces admirables
, elle me tint ce difcours : Je
fuis Uranie , Muſe qui préfide à la Philofophie
; tu t'étonnes , fans doute , de
me voir au milieu de gens qui n'ont jamais
eu le titre de Philofophes dans le
monde ; j'excufe ta furprife. Apprens que
tous ces grands hommes dont tu vois ici
les Ouvrages ont été les feuls & les vrais
Philofophes , & que ceux qui paffent pour
tels dans le monde n'en ont jamais eu que
le nom. La vraie Philofophie , me ditque
elle , confifte à fuir les violens excès ou
conduit une paffion trop emportée , à
regler fes defirs fur une volupté permife;
car c'eſt une erreur qui tient de la folie
de vouloir éteindre les paffions ; il faudroit
éteindre la nature ; ils en font une
fuite indifpenfable . Que les hommes ,
s'écria Uranie , connoiffent peu ce qui
leur eft utile ! les paffions leur ont été
données pour les dédommager des miferes
de l'humanité , & ils les méprifent :
cela eſt incroyable : oüi , continua-t'elle,
les
OCTOBRE. 1730. 2179
les paffions ont été accordées aux fages
comme le plus beau preſent que
les Dieux
ayent pû leur faire ; mais c'eft auffi le
fleau le plus terrible dont ils ſe ſervent
dans leur colere , pour qui n'en fçait pas
faire ufage.
Je ne pûs m'empêcher de paroitre furpris
d'un pareil raifonnement ; je ne pouvois
concevoir comment les paffions faifoient
en même tems tant de bien & tant
de mal . La Mufe s'apperçut de mon
étonnement : Je veux bien , me dit - elle ,
vous défiller les yeux : les hommes font
tous nés avec une même meſure de paſfion
dans le coeur ; la feule difference de
bien employer cette dofe de paffion diftingue
le vrai Philofophe d'avec celui qui
ne l'eft pas. Il en eft des paffions comme
d'un fleuve , qui refferré dans un lit trop
étroit , devient un torrent furieux , brife
& ravage tout ce qu'on pourroit employer
pour refifter à fes efforts ; mais
fi vous lui ouvrez plufieurs routes dans
lefquelles il puiffe s'étendre , alors ce torrent
dont un feul lit ne pouvoit contenir
l'eau , forme , étant divifé , plufieurs ruiffeaux
, dont le cours doux & tranquille
vous offre un fpectacle agréable. L'infenſé ,
femblable à ce fleuve , place fans reflexion
tout ce qu'il a reçû de paffions dans
un unique objet : c'eft en vain alors qu'il
you2180
MERCURE DE FRANCE
voudroit y mettre les digues que la raiſon
lui offre , ce font de trop foibles barrieres
que l'impetuofité de les defirs a bientôt
renversées. Tous les mouvemens de
fon ame . fe portant en foule fur un feul
point , le tourmentent , le defefperenr
le portent à des extrémités horribles , &
ne lui laiffent pas un moment de repos.
C'eft delà que nous voyons des joueurs
furieux , des avares méprifables , des
Amans defefperés , des ambitieux extravagans
; le fage , au contraire , qui reconnoît
la neceffité des paffions , mais
qui connoît auffi le mal qu'elles peuvent
produire , en diminue la violence en les
divifant ; il leur donne differens emplois
pour s'en rendre le maitre , & forme au
lieu d'un torrent qui détruit tout , ces
doux ruiffeaux dont le cours aimable ne
peut porter aucun dommage.
C'eft ainfi que vivent les Philofophes ;
ils jouiffent de tous les agrémens de la vie ,
ils reconnoiffent que le fouverain bien
confifte dans la privation du mal , ils en
évitent jufqu'à l'idée. Les plaifirs , continua
Uranie , font faits pour les hommes;
les chagrins devroient leur être étrangers :
ils dégradent leurs ames , & ne font qu'uné
fuite de la foibleffe de leur nature. Je
te quitte , ajoûta - t'elle , fuis mes confeils ,
entretiens familiarité avec ces grands
hommes
OCTOBRE. 1730. 2181
hommes , tu vivras heureux. A ces mots
elle difparut. La yifion finit.
akakakakaka
D. L. C.
I
L m'eft arrivé bien des chofes extraordinaires
depuis que je ne vous ai
vûë ; j'ai cu un fonge , Mile ; mais un
fonge comme on n'en à jamais fait , &
qui eft du moins auffi vrai qu'aucun autre.
N'allez pas croire foit conque
ce par
tagion que je vous raconte mon rêve ; je
ne prens point les défauts de ceux que
j'ai l'honneur de connoître ; & pour avoir
le
OCTOBRE. 1730. 2169
le droit de la nouveauté , je le nommerai
vifion , fi vous voulez. Vifion foit. La
mienne a quelque chofe de particulier
par une fuite d'Evenemens arrangés qui
s'y trouvent.
A peine étois-je arrivé dans * * qu'il
m'a femblé être à la porte du Temple de
l'Ennui ; je ne ſçai fi je dormois ou fi j'étois
bien éveillé ; mais il ne me fouvient
point de m'être endormi ; car ma vifion
ou mon rêve , comme il vous plaira de
l'apeller, a commencé dès l'inftant que j'ai
mis pied à terre.
Ici regne un fombre filence ;
Arbres , rochers , deferts affreux ;
Eole & fa terrible engeance
N'abandonnent jamais ces lieux.
Des Ris , des Jeux la Troupe aimable
Eft inconnue en ces triftes féjours ;
Je m'y trouvai , victime déplorable ,
Abandonné de tout fécours.
Quoique je connuffe toute l'horreur de
mon fort , un charme invincible qui eft
répandu dans l'air qu'on y refpire , m'engageoit
malgré moi d'aller jufqu'au Temple.
Je fus reçû à la porte par des femmes
déja fur l'âge qui vouloient encore
plaire , malgré la nature même qui avoit
C v
pourvû
2170 MERCURE DE FRANCE
pourvû de refte à leurs défagrémens ;
elles avoient envain employé tout ce
que Part peut fournir pour recrépir un
vifage dont les rides ne laiffoient pas de
paroître au travers de la pomade dont il
étoit rempli ; & malgré les grimaces que
le dérangement d'un nouveau ratelier
de dents les obligeoit de faire , elles vouloient
compofer une belle bouche. La
porte du Temple me fut ouverte par cette
efpece de femmes , & fe referma fi - tôt
que je fus entré avec un bruit effroïable.
J'en trouvai dans l'interieur un autre effain
qui m'acofta ; c'étoient des Précieufes
qui avec un faux efprit & un fçavoir
fuperficiel vous affomment par un langage
affecté & impertinent. Je me fauvai
le plus vite que je pus de leurs mains ;
mais je tombai , comme on dit , de Caribde
en Scilla ; car à peine avois - je mis
le pied dans le Sanctuaire où elles m'avoient
conduit , que je me trouvai parmi
un nombre infini d'originaux , tous
Miniftres de l'ennui. Je m'y vis auffi - tôt
environné par un tas d'Auteurs. Ah ! la
maudite efpece.
L'un tire un long Poëme Epique ;
L'autre une Piece Dramatique :
Celui - ci dans le doux Lyrique ;
Celui-là pour le bon Comique ,
Prétend
OCTOBRE. 1730. 2170)
Prétend qu'il eft Auteur unique ,
Et d'original il fe pique.
Parmi ces objets fantaſtiques
J'y vis encor des Politiques ,
Qui prétendoient fuivant leurs loix
Diriger le Confeil des Rois.
3
Si je les en avois crûs , ils m'auroient
perfuadé qu'ils avoient des corefpondances
fecrettes avec le Divan , les négocia
tions les plus délicates leur étoient connuës
; ils avoient la clef du Cabinet de
tous les Potentats de l'Univers , & ils
étoient initiés dans tous les Confeils de
l'Europe ; tantôt ils faifoient la guerre ,
tantôt ils faifoient la paix. Ce n'étoit que
tréves , ccoonnggrrééss , interêt des Princes
Places prifes ou renduës , batailles gagnées,
faute d'un General , Campement , Marches
; ils faifoient changer de face à toute
l'Europe , chaffoient des Rois , en remettoient
d'autres en leurs places ; enfin
en un quart d'heure de tems ils firent faire
plus de mouvemens fur la furface de la
terre que fix mille ans n'en pourroient produire.
Je m'éloignai de ces M M. & je fus
repris par un Auteur dont la phifionomie
noire annonçoit l'amertume & le fiel qu'il
avoit dans le coeur ; il me lut mauffadement
, & cependant avec fureur quelques
C vj
Pié2172
MERCURE DE FRANCE
Piéces fatiriques qui attaquoient ouvertement
, & jufqu'au vif , l'honneur de ſes
confreres. Après m'en avoir lû deux ou
trois qui étoient fes morceaux favoris
& vomi mille invectives contre la
Cour & la Ville , il voulut encore en tirer
d'autres ; mais la cruelle fituation où
je me trouvois d'être obligé de les entendre
, me fit tomber dans un fommeil léthargique
dour je ne revins qu'au bout
de quelque tems . J'ignore ce que mon furieux
devint ; je me trouvai feul à mon
reveil dans un coin du Temple ; là , je fis
des reflexions bien triftes Helas ! difoisje
en moi- même , encore fi j'étois amoureux
, je pourrois m'occuper agréablement
; je fongeai dans ce moment à une
perfonne que je connois , & je fouhaitai
violemment de l'aimer , & d'en être aimé.
J'adreffai ma priere à l'Amour , & je l'invoquai
en ces termes :
O toi ! charmant Amour , des doux plaifirs le
pere ,
Quitte l'heureux féjour de Paphos , de Cithere ; }
Hâte-toi , viens me fecour :
Voudrois -tu me laiffer périr
Dieu puiffant aujourd'hui brûle-mol de tes feux...
Comme j'étois encore dans l'entouſiaſme
de mon invocation , je vis paroître
l'Amour
OCTOBRE. 1730. 2173
l'Amour qui me demanda d'un ton railleur
ce que j'exigeois de lui ; je lui dis
qu'ayant toujours été un de fes plus fideles
fectateurs , que l'ayant toujours bien
fervi , j'ofois efperer qu'il ne me refuſeroit
pas une grace ; que je me trouvois
malheureufement enfermé dans le Temple
de l'Ennui , que je le priois inftamment
de me frapper de fes traits pour
Belle que je lui nommois , & de la rendrefenfible
à ma tendreffe . L'Amour m'interrompit
en levant les épaules , & d'une
voix méprilante il me dit ces mots :
Eh ! que penfes- tu faire avec tant de foiblefle ?
Il n'eft qu'un tems pour gouter les plaiſirs :
Quoi ! voudrois-tu , fi loin de la jeuneſſe ,
Conferver dans ton coeur d'inutiles defirs ?
Non , non , à d'autres foins ...
2
la
Ah ! Dieu cruel , m'écriai -je , l'inter
rompant, outré de defefpoir, peux- tu me
reprocher ma foibleffe & n'eft-ce point
à ton fervice que j'ai perdu ma vigueur ?
Je t'en ai recompenfe , repartit-il à l'inf
tant , de quoi te plains-tu ? tant que tu
as jɔui de ton Printems , ne t'ai-je point
fans ceffe offert de nouvelles conquêtes ?
nomme-moi les cruelles que tu n'as pû
fléchir fi tu m'as bien fervi , je t'ai bien
protegé , & entre nous , continua -t'il ,
par
2174 MERCURE DE FRANCE
par quelle qualité éminente meritois- tu
fi fort ma protection ? difpenfe- moi du
détail de tes mérites , il ne tourneroit
qu'à notre confufion . Il s'envole à ces
mots qui me rendirent encore plus trifte ;
j'y entrevoyois une verité peu fatisfaifante
pour moi .
Je pris mon parti d'un autre coté ; je
voulus faire des Vers , croyant que ce
pourroit être un Talifman qui feroit ouvrir
les portes du Temple .
Mis, quoi ? fans l'aveu d'Appollon
Prétend- on s'établir dans le facré Vallon ?
J'eus beau implorer les Mufes , le Dieu -
du Parnaffe , tout fut fourd à ma voix .
Je ne fçavois que devenir , lorfque mon
génie m'apparut : votre génie , me direzvous
? oui , mon génie ; nous en avons
tous un qui veille fur nous , & qui détermine
nos actions. Notre génie eſt toujours
à la portée de nos organes ; c'eft
felon qu'ils font difpofés qu'il agit bien
ou mal ; ainfi il ne faut pas s'étonner
lorfque l'on voit les génies faire commetre
des fautes fi confiderables aux uns ,
pendant qu'ils conduifent fi fagement les
autres : c'eft , comme je l'ai dit , felon les
difpofitions qu'ils trouvent dans les fujets
.
Cette
OCTOBRE . 1730. 2175
Cette difference d'agir dans les génies
fit faire fon fiftême d'efprits au Comte de
Gabelis. Il s'imagina que les diverfes
actions des hommes étoient dirigées par
autant de fortes de génies ; il établit donc ,
comme vous le fçavez , les Gnomes dans
la terre , les Nymphes dans les eaux , les
Sylphes dans l'air & les Salamandres dans
le feu : chaque efpece avoit fes fonctions
differentes. Moyennant cette idée il crut
avoir donné une folution jufte de tout ce
qui arrive dans le monde ; mais il s'eft
trompé bien lourdement .
Je reviens au mien qui m'apparut fous
ma forme , c'étoit le moyen d'être bien
reçû. Je connois bien des femmes à qui
je ferois fûr de plaire , fi je me préſentois
fous leur figure. Notre premiere paffion
, c'eft . l'amour propre. Je vis mon
génie ; il étoit trifte comme moi , & me
dit qu'il ne pouvoit par lui- même me
tirer de l'affreux féjour où j'étois ; mais
qu'il voyoit dans la poche d'un des Miniftres
de l'Ennui un livre qui pouvoir
contenir des fecrets pour fortir du Temple
; il me montra celui qui en étoit porteur
, & difparut.
Je m'approchai de ce Miniftre ; je lui
fis des politeffes qu'il reçût fort bien ; il
m'aprit qu'il étoit Bibliotequaire du Dieu
de l'Ennui : il ajoûta qu'il vouloit me donner
2176 MERCURE DE FRANCE
ner le plaifir d'examiner fes Livres ; j'euffe
bien voulu m'en difpenfer , mais l'envie
que j'avois de poffeder celui qu'il avoit
dans fa poche, me donna la complaifance
de le fuivre. J'entrai dans la Biblioteque
qui étoit d'un bois rembruni , orné par
intervales de faux clinquant qui fatiguoit
plus la vûë qu'il ne la réjouiffoit. Il me
lut le Catalogue de fes Livres : c'étoit ,
il m'en fouvient encore la Dialectique
d'Ariftote , une partie de fa Phyfique ,
le Siftême harmonique de l'Univers par
Pythagore , plufieurs Traités de Morale,
tant des Anciens que des Modernes , tous
les Poëmes Epiques François , Recüeil
des Oraifons Funebres , Piéces fugitives
à la louange des Grands , Opera , Tragédies
& Comédies nouvelles , plufieurs
Romans les Journées Amulantes y
avoient place , & une quantité innombrable
d'autres livres fur differentes matieres
. Mon Conducteur fe récria fur tout
fur un Volume qu'il difoit être un des
plus grands foutiens de leur Temple : c'étoit
les Piéces de Poëfie de * * Comme il
me faifoit la lecture d'une , je vis fes
s'appefantir & fe fermer , comme s'il alloit
tomber dans un profond fommeil .
De peur qu'il ne m'en arrivât autant , je
me faifis au plus vite du livre qui faifoit
tout mon efpoir : jugez quelle fut ma joye
>
yeux,
quand
OCTOBRE. 1730. 2177
quand je vis par le titre que c'étoit les
Oeuvres de Clement Marot. J'ignore par
quelle avanture ce Miniftre fe trouvoit
muni d'un pareil livre . Quoiqu'il en foit,
je l'ouvris avec précipitation ; mais à
peine en avois - je lû la moitié d'une page,
ô prodige incroyable ! le Temple s'abîma
& je me trouvai dans une autre Biblioteque
charmante ; tout s'y fentoit des mains
de la nature , & l'art n'avoit , ou fembloit
n'avoir aucune part à l'ouvrage . Enchantê
d'un fr beau fpectacle , j'examinai les livres
; ils avoient tous pour infcription en
lettres d'or : Remede contre l'ennui ; je les
ouvris l'un après l'autre , j'y trouvai les
Oeuvres d'Anacréon , les Poëfies du tendre
Tibulle & de Catulle les Elegies
d'Ovide , les Satires d'Horace , les Epigrammes
de Martial , les Poëmes d'Homere
, de Virgile , de l'Ariofte & du Taffe,
les Romans de Petrone , de Michel Cervantes
& de Rabelais , les Fables de la
Fontaine étoient proprement reliées avec
celles de Phédre ; fes Contes feuls étoient
placés à l'écart. J'y vis auffi les Comédies
d'Ariftophane , de Plaute , de Terence &
de Moliere ; les Tragédies de Sophocle
d'Euripide , de Corneille & de Racine
étoient fur la même planche ; les Opera
de Quinaut , les Oeuvres de Pavillon &
de Bourfault y tenoient une place hono-
T'hélitois
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218 MERCURE DE FRANCE
J'héfitois dans le choix que j'en devois
faire , lorsqu'une grande femme s'avance
vers moi avec un maintien noble , fon
front étoit ferein , dans fes yeux brilloit
la douceur , un air de bonté & de tranquilité
étoit répandu dans toute fa perfonne
: elle vit fans doute ma furpriſe ;
& ouvrant la bouche avec des graces admirables
, elle me tint ce difcours : Je
fuis Uranie , Muſe qui préfide à la Philofophie
; tu t'étonnes , fans doute , de
me voir au milieu de gens qui n'ont jamais
eu le titre de Philofophes dans le
monde ; j'excufe ta furprife. Apprens que
tous ces grands hommes dont tu vois ici
les Ouvrages ont été les feuls & les vrais
Philofophes , & que ceux qui paffent pour
tels dans le monde n'en ont jamais eu que
le nom. La vraie Philofophie , me ditque
elle , confifte à fuir les violens excès ou
conduit une paffion trop emportée , à
regler fes defirs fur une volupté permife;
car c'eſt une erreur qui tient de la folie
de vouloir éteindre les paffions ; il faudroit
éteindre la nature ; ils en font une
fuite indifpenfable . Que les hommes ,
s'écria Uranie , connoiffent peu ce qui
leur eft utile ! les paffions leur ont été
données pour les dédommager des miferes
de l'humanité , & ils les méprifent :
cela eſt incroyable : oüi , continua-t'elle,
les
OCTOBRE. 1730. 2179
les paffions ont été accordées aux fages
comme le plus beau preſent que
les Dieux
ayent pû leur faire ; mais c'eft auffi le
fleau le plus terrible dont ils ſe ſervent
dans leur colere , pour qui n'en fçait pas
faire ufage.
Je ne pûs m'empêcher de paroitre furpris
d'un pareil raifonnement ; je ne pouvois
concevoir comment les paffions faifoient
en même tems tant de bien & tant
de mal . La Mufe s'apperçut de mon
étonnement : Je veux bien , me dit - elle ,
vous défiller les yeux : les hommes font
tous nés avec une même meſure de paſfion
dans le coeur ; la feule difference de
bien employer cette dofe de paffion diftingue
le vrai Philofophe d'avec celui qui
ne l'eft pas. Il en eft des paffions comme
d'un fleuve , qui refferré dans un lit trop
étroit , devient un torrent furieux , brife
& ravage tout ce qu'on pourroit employer
pour refifter à fes efforts ; mais
fi vous lui ouvrez plufieurs routes dans
lefquelles il puiffe s'étendre , alors ce torrent
dont un feul lit ne pouvoit contenir
l'eau , forme , étant divifé , plufieurs ruiffeaux
, dont le cours doux & tranquille
vous offre un fpectacle agréable. L'infenſé ,
femblable à ce fleuve , place fans reflexion
tout ce qu'il a reçû de paffions dans
un unique objet : c'eft en vain alors qu'il
you2180
MERCURE DE FRANCE
voudroit y mettre les digues que la raiſon
lui offre , ce font de trop foibles barrieres
que l'impetuofité de les defirs a bientôt
renversées. Tous les mouvemens de
fon ame . fe portant en foule fur un feul
point , le tourmentent , le defefperenr
le portent à des extrémités horribles , &
ne lui laiffent pas un moment de repos.
C'eft delà que nous voyons des joueurs
furieux , des avares méprifables , des
Amans defefperés , des ambitieux extravagans
; le fage , au contraire , qui reconnoît
la neceffité des paffions , mais
qui connoît auffi le mal qu'elles peuvent
produire , en diminue la violence en les
divifant ; il leur donne differens emplois
pour s'en rendre le maitre , & forme au
lieu d'un torrent qui détruit tout , ces
doux ruiffeaux dont le cours aimable ne
peut porter aucun dommage.
C'eft ainfi que vivent les Philofophes ;
ils jouiffent de tous les agrémens de la vie ,
ils reconnoiffent que le fouverain bien
confifte dans la privation du mal , ils en
évitent jufqu'à l'idée. Les plaifirs , continua
Uranie , font faits pour les hommes;
les chagrins devroient leur être étrangers :
ils dégradent leurs ames , & ne font qu'uné
fuite de la foibleffe de leur nature. Je
te quitte , ajoûta - t'elle , fuis mes confeils ,
entretiens familiarité avec ces grands
hommes
OCTOBRE. 1730. 2181
hommes , tu vivras heureux. A ces mots
elle difparut. La yifion finit.
akakakakaka
D. L. C.
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Résumé : LETTRE de M... sur un Songe.
Dans une lettre, l'auteur décrit une vision onirique où il se retrouve à la porte du Temple de l'Ennui, un lieu silencieux et désolé. Il est accueilli par des femmes âgées cherchant à paraître jeunes et par des précieuses affectées et impertinentes. À l'intérieur du temple, il rencontre divers personnages, dont des auteurs, des politiques et des satiristes. Les politiques se vantent de diriger les conseils des rois et de connaître les négociations secrètes, tandis qu'un satiriste lit des pièces fustigeant ses confrères et la cour. Désespéré, l'auteur invoque l'Amour pour échapper à l'ennui, mais l'Amour le raille et lui reproche sa faiblesse. L'auteur tente ensuite d'écrire des vers pour sortir du temple, mais les muses et Apollon restent sourds à ses prières. Son génie lui apparaît et lui indique un livre dans la poche d'un ministre de l'ennui. Ce livre, les œuvres de Clément Marot, permet à l'auteur de sortir du temple et de se retrouver dans une bibliothèque enchantée. Dans cette bibliothèque, les livres portent l'inscription 'Remède contre l'ennui' et contiennent des œuvres de grands auteurs comme Anacréon, Tibulle, Ovide, Homère et Molière. La muse Uranie apparaît et explique que les véritables philosophes sont ceux dont les œuvres sont présentes dans cette bibliothèque, et que les passions, bien utilisées, sont un don des dieux. Le texte aborde également la gestion des passions humaines, soulignant que tous les individus naissent avec une même mesure de passion, mais la différence réside dans l'aptitude à bien l'employer. Les passions, comparées à un fleuve, peuvent devenir destructrices si elles sont confinées dans un seul objet, comme le font les insensés. Ces derniers, en concentrant toutes leurs passions sur un seul point, se trouvent tourmentés et poussés à des extrémités horribles, devenant ainsi des joueurs furieux, des avares méprisables, des amants désespérés ou des ambitieux extravagants. En revanche, le sage reconnaît la nécessité des passions mais en diminue la violence en les divisant. Il leur donne différents emplois pour en devenir maître, transformant ainsi un torrent destructeur en doux ruisseaux agréables. Les philosophes, en suivant cette voie, jouissent de tous les agréments de la vie et évitent les chagrins, qui dégradent l'âme et révèlent la faiblesse de la nature humaine. Uranie conseille de suivre les préceptes des grands hommes pour vivre heureux.
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73
p. [2331]-2335
L'ENFER, ODE.
Début :
Ou suis-je ? Quel abîme s'ouvre ! [...]
Mots clefs :
Enfer, Dieu
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texteReconnaissance textuelle : L'ENFER, ODE.
L'ENFER ,
O D E.
U fuis-je ? Quel abîme s'ouvre !
Tout m'aveugle , tout m'éblouit ,
Le Soleil fuit , le Ciel fe couvre ,
Et l'Univers s'évanouit !
Quelle lumiere tenebreufe ,
Répand dans une nuit affreufe,
Des feux incertains & tremblans ?
A ij Ah !
2332 MERCURE DE FRANCE
Ah ! je fuis dans le précipice ;
Quelle Puiffance affez propice ,
Conduira mes pas chancelans ?
Je vois le centre de la Terre ,
Mais tout redouble mon effroy :
J'entends l'impatient Tonnerre ,
:
Qui gronde horriblement fous moi :
Quel bruit ! quelle ardeur dans ce Goufre!
Un feu de bitume & de fouffre ,
Seconde les efforts du fer :
Les cris , les grincemens , la rage ,
Jufqu'à moi fe font un paffage ;
Ah , Crel ! que vois-je ? c'eſt l'Enfer.
*
C'eft dans ces Cavernes brulantes ,
Grand Dieu , que ton bras tout-puiflant,
Par des chaînes toujours ardentes ,
Retient le Pécheur frémiſſant.
•
C'est là qu'une Ame criminelle ,
Brule d'une flamme éternelle
Et qui ne la confume pas :
Là , l'Adultere & le Parjure ;
Contre la gêne & la torture,
Appellent en vain le Trépas.
Quelle main invifible arrête ›
NOVEMBRE. 1730. 2333
Ces Monts & ces Rocs fufpendus ?
Ah Lque n'écrafent-ils la tête ,
De ces coupables confondus ?
Hélas ! les foupirs & les larmes ,
N'ont plus ces invincibles charmes ,
Qui defarmoient un Dieu vengeur :
Pour punir une race ingrate ,
Son pouvoir en ces lieux n'éclate ,
Que par fon extrême rigueur.
Objets de courroux & de haîne
Pour vous , il n'eft plus de pardon :
De vos crimes portez lá peine ,
Dans un éternel abandon .
Loin des bons que vous pouviez fuivre ;
Eprouvez , indignes de vivre ,
Mille morts fans pouvoir mourir.
Votre malheur eft votre ouvrage ,
Vous recevez votre partage ,
Jamais vivre & toûjours fouffrir.
*
Qu'entends-je ? Quelle voix horrible ,
Dans l'amertume de ces pleurs ,
Vient m'apprendre un mal plus terrible ;
Que les plus cuifantes douleurs ?
Quoy donc ! la flamme petillante,
Le fer ardent , l'huille bouillante ,
A iij
Ne
2334 MERCURE DE FRANCE
Ne font ici qu'un vain effort ,
Eh! quel fupplice les furmonte
Seroit - ce la fatale honte ,
Ou l'impitoyable remord
Ovous , qui vivant de chimeres
Doutez de ce qu'on ne peut voir :
Ecoutez les plaintès ameres ,
Qu'éxale un affreux deſeſpoir :
Ah , Juftice ! Ah , Loi fouveraine ,
Redouble en augmentant la peine
De nos maux l'active lenteur ;
Mais que le fort qui nous accable ,
Nous laiffe l'espoir fecourable ,
De voir un jour le Créateur.
Non , traîtres , votre ame égarée ,
Dans un Dédale de projets ,
Pour jamais fera féparée ,
Du Dieu , qu'ont armé vos forfaits,
Trop indignes de voir fa face ,
Oppofez votre vaine audace ,
Au plus terrible des malheurs ,
Mais cet invincible courage ,
N'eft plus qu'une impuiſſante rage ;
Et je n'apperçois que des pleurs.
Ainfi
NOVEMBRE. 1730. 233 5
'Ainfi gémiffent fans refſource ,
Dans les abîmes foûterrains ,
Ces hommes vains , qui dans leur courſe ,
Par le crime ont fouillé leurs mains :
Ainfi l'Avare au coeur perfide ,
Le Sacrilege parricide ,
Trouvent le prix de leur noirceur ;
Pendant qu'à leurs maux infenfible ,
Le Jufte , d'un féjour paiſible ,
Goute l'éternelle douceur.
Grand Dieu , dont la fage indulgence ,
Souffre encor mon iniquité :
J'adore & je crains ta vengeance ,
Mais j'efpere dans ta bonté.
Souvent prêt à nous mettre en poudre ;
Ton bras qui va lancer la foudre ,
Releve un coeur triſte , abbatu ;
Et toûjours ta fainte Juſtice ,
Qui dans l'Enfer punit le vice ,
Dans le Ciel place la vertu.
In malitia eorum diſperdet eos . Pl. 933
O D E.
U fuis-je ? Quel abîme s'ouvre !
Tout m'aveugle , tout m'éblouit ,
Le Soleil fuit , le Ciel fe couvre ,
Et l'Univers s'évanouit !
Quelle lumiere tenebreufe ,
Répand dans une nuit affreufe,
Des feux incertains & tremblans ?
A ij Ah !
2332 MERCURE DE FRANCE
Ah ! je fuis dans le précipice ;
Quelle Puiffance affez propice ,
Conduira mes pas chancelans ?
Je vois le centre de la Terre ,
Mais tout redouble mon effroy :
J'entends l'impatient Tonnerre ,
:
Qui gronde horriblement fous moi :
Quel bruit ! quelle ardeur dans ce Goufre!
Un feu de bitume & de fouffre ,
Seconde les efforts du fer :
Les cris , les grincemens , la rage ,
Jufqu'à moi fe font un paffage ;
Ah , Crel ! que vois-je ? c'eſt l'Enfer.
*
C'eft dans ces Cavernes brulantes ,
Grand Dieu , que ton bras tout-puiflant,
Par des chaînes toujours ardentes ,
Retient le Pécheur frémiſſant.
•
C'est là qu'une Ame criminelle ,
Brule d'une flamme éternelle
Et qui ne la confume pas :
Là , l'Adultere & le Parjure ;
Contre la gêne & la torture,
Appellent en vain le Trépas.
Quelle main invifible arrête ›
NOVEMBRE. 1730. 2333
Ces Monts & ces Rocs fufpendus ?
Ah Lque n'écrafent-ils la tête ,
De ces coupables confondus ?
Hélas ! les foupirs & les larmes ,
N'ont plus ces invincibles charmes ,
Qui defarmoient un Dieu vengeur :
Pour punir une race ingrate ,
Son pouvoir en ces lieux n'éclate ,
Que par fon extrême rigueur.
Objets de courroux & de haîne
Pour vous , il n'eft plus de pardon :
De vos crimes portez lá peine ,
Dans un éternel abandon .
Loin des bons que vous pouviez fuivre ;
Eprouvez , indignes de vivre ,
Mille morts fans pouvoir mourir.
Votre malheur eft votre ouvrage ,
Vous recevez votre partage ,
Jamais vivre & toûjours fouffrir.
*
Qu'entends-je ? Quelle voix horrible ,
Dans l'amertume de ces pleurs ,
Vient m'apprendre un mal plus terrible ;
Que les plus cuifantes douleurs ?
Quoy donc ! la flamme petillante,
Le fer ardent , l'huille bouillante ,
A iij
Ne
2334 MERCURE DE FRANCE
Ne font ici qu'un vain effort ,
Eh! quel fupplice les furmonte
Seroit - ce la fatale honte ,
Ou l'impitoyable remord
Ovous , qui vivant de chimeres
Doutez de ce qu'on ne peut voir :
Ecoutez les plaintès ameres ,
Qu'éxale un affreux deſeſpoir :
Ah , Juftice ! Ah , Loi fouveraine ,
Redouble en augmentant la peine
De nos maux l'active lenteur ;
Mais que le fort qui nous accable ,
Nous laiffe l'espoir fecourable ,
De voir un jour le Créateur.
Non , traîtres , votre ame égarée ,
Dans un Dédale de projets ,
Pour jamais fera féparée ,
Du Dieu , qu'ont armé vos forfaits,
Trop indignes de voir fa face ,
Oppofez votre vaine audace ,
Au plus terrible des malheurs ,
Mais cet invincible courage ,
N'eft plus qu'une impuiſſante rage ;
Et je n'apperçois que des pleurs.
Ainfi
NOVEMBRE. 1730. 233 5
'Ainfi gémiffent fans refſource ,
Dans les abîmes foûterrains ,
Ces hommes vains , qui dans leur courſe ,
Par le crime ont fouillé leurs mains :
Ainfi l'Avare au coeur perfide ,
Le Sacrilege parricide ,
Trouvent le prix de leur noirceur ;
Pendant qu'à leurs maux infenfible ,
Le Jufte , d'un féjour paiſible ,
Goute l'éternelle douceur.
Grand Dieu , dont la fage indulgence ,
Souffre encor mon iniquité :
J'adore & je crains ta vengeance ,
Mais j'efpere dans ta bonté.
Souvent prêt à nous mettre en poudre ;
Ton bras qui va lancer la foudre ,
Releve un coeur triſte , abbatu ;
Et toûjours ta fainte Juſtice ,
Qui dans l'Enfer punit le vice ,
Dans le Ciel place la vertu.
In malitia eorum diſperdet eos . Pl. 933
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Résumé : L'ENFER, ODE.
Le texte décrit une vision de l'Enfer, marquée par la terreur et le désespoir. Le narrateur découvre un abîme effrayant où tout semble s'évanouir, illuminé par une lumière ténébreuse et des feux incertains. Il entend des cris et des grincements de rage. L'Enfer est un lieu de souffrances éternelles, où les pécheurs sont retenus par des chaînes ardentes et brûlent d'une flamme éternelle sans jamais être consumés. Les criminels, tels que les adultères et les parjures, appellent en vain la mort pour échapper à leurs tourments. Les supplices y sont intenses et variés, mais la pire souffrance est la honte et le remord. Les âmes damnées sont privées de tout espoir de voir le Créateur. Le texte oppose les pécheurs, qui souffrent éternellement, aux justes, qui goûtent une éternelle douceur dans un séjour paisible. Le narrateur, conscient de ses propres fautes, implore la miséricorde divine, craignant la vengeance tout en espérant la bonté de Dieu. Il reconnaît que la justice divine punit le vice en Enfer et récompense la vertu au Ciel.
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74
p. 2417-2419
ODE SUR LA NAISSANCE DE MONSEIGNEUR LE DUC D'ANJOU.
Début :
Approchez, Enfans de la Lyre ; [...]
Mots clefs :
Naissance, Duc d'Anjou, Roi, Monarque, France, Dieu
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ODE SUR LA NAISSANCE DE MONSEIGNEUR LE DUC D'ANJOU.
ODE
SUR LA NAISSANCE
DE MONSEIGNEUR
LE DUC D'ANJOU
APprochez , Enfans de la Lyre ;
Uniffez vos fons à mon chant :
Un Dieu redoutable m'infpire
D'annoncer un Héros naiffant.
Lucine à qui la France eſt chere ,
Au préfent qu'elle vient de faire
Ajoute de nouveaux bienfaits.
Оные
2418 MERCURE DE FRANCE
Que l'Anjou treffaille de joye ;
Un Prince que le Ciel envoye
Comble en ce jour tous les fouhairs
Agde qu'on vit fi plein de zele
Pour le premier né de LOUIS ,
Que ton ardeur ſe renouvelle
A l'afpect de fon fecond fils.
L'un précieux fruit de nos larmes
Vint au plus fort de nos allarmes
Calmer notre jufte frayeur.
Digne objet de notre tendreffe ,
Celui- ci naît dans l'allegreffe
Pour confirmer notre bonheur.
Pour le Monarque , pour le Trône ,
Qu'avons-nous à craindre aujourd'hui a
De fon Sceptre , de ſa Couronne
Les Dieux font eux - mêmes l'appui.
C'est par leur faveur falutaire
Que LOUIS eft devenu pere
Du Dauphin , l'objet de nos voeux
Si fon augufte Race augmente ,
Peuple , c'eft à leur main paillante
Que tu dois ce fæccès heureur.
Grand Dieu , ce que ta main commence ;
Elle feule peut l'achever ;
Tu
NOVEMBRE. 1730. 2419
Tu donnes des Rois à la France ;
C'eft à toi de les conferver.
Fais croître ces Enfans aimables
Qui fur des Peuples redoutables
Feront un jour regner tes Loix :
Et dès leur plus tendre jeuneffe
Infpire -leur cette fageffe
Qui feule forme les grands Rois.
L'Abbé L.. d'Agde:
SUR LA NAISSANCE
DE MONSEIGNEUR
LE DUC D'ANJOU
APprochez , Enfans de la Lyre ;
Uniffez vos fons à mon chant :
Un Dieu redoutable m'infpire
D'annoncer un Héros naiffant.
Lucine à qui la France eſt chere ,
Au préfent qu'elle vient de faire
Ajoute de nouveaux bienfaits.
Оные
2418 MERCURE DE FRANCE
Que l'Anjou treffaille de joye ;
Un Prince que le Ciel envoye
Comble en ce jour tous les fouhairs
Agde qu'on vit fi plein de zele
Pour le premier né de LOUIS ,
Que ton ardeur ſe renouvelle
A l'afpect de fon fecond fils.
L'un précieux fruit de nos larmes
Vint au plus fort de nos allarmes
Calmer notre jufte frayeur.
Digne objet de notre tendreffe ,
Celui- ci naît dans l'allegreffe
Pour confirmer notre bonheur.
Pour le Monarque , pour le Trône ,
Qu'avons-nous à craindre aujourd'hui a
De fon Sceptre , de ſa Couronne
Les Dieux font eux - mêmes l'appui.
C'est par leur faveur falutaire
Que LOUIS eft devenu pere
Du Dauphin , l'objet de nos voeux
Si fon augufte Race augmente ,
Peuple , c'eft à leur main paillante
Que tu dois ce fæccès heureur.
Grand Dieu , ce que ta main commence ;
Elle feule peut l'achever ;
Tu
NOVEMBRE. 1730. 2419
Tu donnes des Rois à la France ;
C'eft à toi de les conferver.
Fais croître ces Enfans aimables
Qui fur des Peuples redoutables
Feront un jour regner tes Loix :
Et dès leur plus tendre jeuneffe
Infpire -leur cette fageffe
Qui feule forme les grands Rois.
L'Abbé L.. d'Agde:
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Résumé : ODE SUR LA NAISSANCE DE MONSEIGNEUR LE DUC D'ANJOU.
L'ode célèbre la naissance du Duc d'Anjou, fils du roi Louis, en novembre 1730. L'auteur, l'abbé d'Agde, invite les poètes à proclamer cet événement joyeux. La France est bénie par cette naissance, qui apporte joie et sécurité. Le Duc d'Anjou est décrit comme un prince céleste destiné à combler les désirs et apaiser les craintes. Sa venue est perçue comme un signe de bonheur et de continuité pour le trône. Les dieux sont appelés à protéger et guider le jeune prince, afin qu'il devienne un roi sage et redoutable, capable de régner sur la France et de faire respecter les lois divines.
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75
p. 2582-2596
DEFENSE de la Lettre écrite à M. l'Abbé de Cheret, & inserée dans le Mercure du mois de May 1729. au sujet du Projet du nouveau Missel, à l'usage du Diocèse de Chartres ; en reponse à un Article des Memoires de Trevoux, du mois d'Aoust de la même année.
Début :
Premierement, l'Auteur de cette Lettre avertit le Public qu'il s'y est glissé [...]
Mots clefs :
Missel, Mémoires de Trévoux, Diocèse de Chartres, Église, Sacrifice, Jésus, Prêtre, Dieu, Médiateur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DEFENSE de la Lettre écrite à M. l'Abbé de Cheret, & inserée dans le Mercure du mois de May 1729. au sujet du Projet du nouveau Missel, à l'usage du Diocèse de Chartres ; en reponse à un Article des Memoires de Trevoux, du mois d'Aoust de la même année.
DEFFENSE de la Lettre écrite à
M.l'Abbé de Cheret , & inferée dans le
Mercure du mois de May 1729. au´ſujet
du Projet du nouveau Miffel , à l'ufage
du Diocèfe de Chartres ; en reponse à un
Article des Memoires de Trevoux , du
mois d'Aouft de la même année.:
page
Remierement,l'Auteur de cette Let-
P tre avertit le Public qu'il s'y eft glif
fé plufieurs fautes d'Impreffion.Par exemple,
au lieu de Sauveau , il faut lire Fauveau
, c'eft le nom de l'Auteur. A la
864. ligne 1ere , au lieu des trois Mages ,
lifez le trois May. A la page 867.ligne 10.
il faut lire pofita , au lieu de pofita ; fans
compter les fautes de ponctuation , qui
alterent fouvent le fens.
Secondement , l'Imprimeur a'oublié de
marquer à la niarge,vis- à- vis l'endroit où
il eft parlé de Maldonat ; le monument
public , d'où l'on a tiré les Paffages Extraits
de cet Auteur , qui eft la 29 des
Lettres choifies de M. Simon , du Tome
2. de l'édition de 1704. A Roterdam
chez Reinier Leers , pages 180 & 181 .
Les Curieux liront fans doute cette Lettre.
M. Simon y fait l'Analyſe du Traité
I.Vol. manuf
DECEMBRE . 1730. 2583
manufcrit de Maldonat qu'il avoit , fur
les ceremonies en general ; & en particulier
fur les ceremonies de la Meffe . On
y trouvera mot à mot les paffages latins ,
citez dans la Lettre cy - deſſus , & que Maldonat
eft réellement & authentiquement
la caution de la Critique du Doyen de Maintenon.
Quoiqu'on en dife dans les Mémoires
impriméz à Trevoux, au mois d'Aouſt
1729. page 1475. On y trouvera auffi que
ce Sçavant Jéfuite y tient le même langage
,que l'on femble relever dans le Pere
le Brun de l'Oratoire , lorſqu'on cite l'endroit
où il a dit , que toutes les anciennes.
Collectes s'addreffent à Dieu le Pers ; ầ
moins que des gens exceffivement clairvoyans
, ne prétendent que cette Propofition
du P. le Brun , eft plus hardie &
moins ménagée que celle- cy de Maldonat
, rapportée par M. Simon , dans fa
Lettre cy - deffus citée. Numquam Ecclefia
direxit fuas orationes nifi ad Deum
Patrem quod à Chrifio fponfo fuo didicit.
On jugera par cet endroit dont on n'avoit
point parlé; fi loin d'avoir ajouté ,
on n'a pas au contraire fupprimé les
termes de Maldonat , qui pouvoient paroître
un peu forts , & un peu trop étendus
, pour le renfermer dans les Oraifons
& Collectes de la Meffe.
Il ne manque rien à l'Exemplaire que
I. Vol. B¯`vj j'ai
2584 MERCURE DE FRANCE
j'ai dit : M.Simon , dans la derniere page
de cette même Lettre 29. qui commence
à la page 174. & finit à la page 186.
On peut encore lire la Lettre 17. du 1er
tome , du même Auteur. ( C'eft apparemment
la même que Bayle cite , la i 、e
de l'édition de Trévoux , à l'article de
Maldonat ; ) on y trouvera plufieurs particularitez
affez curieufes au fujet des Ouvrages
MS S. de Maldonat. Comme les
Continuateurs de Morery nous affurent
dans l'édition de 1725. que M. Simon
a laiffé en mourant , fes Ecrits & fes Papiers
à la Bibliotheque de la Cathedrale
de Rouen. Le Manufcrit en queſtion de
M. Simon pourroit peut - être s'y trouver.
D'ailleurs , puifque M. Simon dans fa
17 Lettre cy-deffus , nous marque , qu'il
n'a rien vû de plus exact fur les Ouvrages
MSS. de Maldonat , qu'un Recueil
qu'il a vû , & qui étoit entre les mains
de M. Dubois , Docteur de Sorbonne ,
qui a fait imprimer quelques opufcules
de Maldonat en 1677. & qui eft l'Auteur
de l'Epître dédicatoire , & du Difcours
qui fuit , qui font à la tête de ces Opufcules.
On peut vérifier les citations cydeffus
, fur ce Recueil de M. Dubois , en
s'informant de ceux qui en font les Poffeffeurs
: Mais , au refte , fi malgré tout cela,
on ne vouloir point encore que Maldo-
1. Vol.
nat
DECEMBRE . 1730. 2585
nat fut notre caution , on en trouvera
d'autres qui le valent bien , & qui ne le
tier.dront point à deshonneur,
3° . On remarquera que l'Auteur de la
Lettre à M. l'Abbé de Cheret , n'ayant
pû , dans les bornes étroites de fa Lettre ,
renfermer toutes les preuves & authori
tez qu'il avoit en main , pour appuyer la
propofition qu'il a avancée , que les Colfectes
de la Meffe , doivent réguliérement
s'addreffer au Pere Eternel . Il pric
le public d'y fuppléer , en recourant à
l'excellent Traité de Ritibus Ecclefia du
Préfident Duranti , Auteur dont l'Ouvrage
eft generalement cftimé & regardé
comme un des meilleurs dans ce genre
de Litterature.
Duranti , dans le chap. 16. du 2. Liv.
de Ritibus Ecclefie , num. 12. 13. 14. 15.
16. & 17. de l'Edition de Cologne en
1592. pag. 385. auffi-bien que dans le ch.
31. du même livre , num. 8. pag. 464.
comme encore , ch . 33. num . 2. pag.49 3 .
& ch. 48. n. 1. pag. 635. foutient cette
même Theſe , & la prouve à fon ordinaire,
par les authoritez des Peres & des Auteurs
Eccléfiaftiques , des différens fiécles
de l'Eglife , en faifant voir la Tradition
fur ce dogme. On peut bien croire , qu'il
n'oublie pas le Capitule 23. du 3 Concile
I. Vol. de
2586 MERCURE DE FRANCE
de Carthage , que l'on a cité dans la Lettre
de M. l'Abbé de Cheret.
Mais afin que l'on ne croye pas que ce
foit là un Reglement des Evêques d'Af
frique , fur un point de difcipline , qui
ait changé dans les fiecles fuivans ; on
trouvera dans cet Auteur des Palages
tres-formels de prefque tous les fiecles de
l'Eglife , depuis ce Concile , qui tiennent
le même langage, Comme ont fait S.Fulgence
, lib. 2. ad Monimum , quaft. 1 .
Charlemagne , in fragmentis de Ritibus
Ecclefia veteris. Alcuin , femel atq . iterùm
de Divinis Officiis . cap. de celebratione
Miffa. Radulphus Tungrefis , de Canonis
obferv . prop. 23. Florus Magifter in Exegefi
Miffa: Micrologus : Stephanus Eduenfis.
lib. de Sacram. Altaris. Odo Cameracenfis
in expof. facri Canonis . S. Bernardus
, ou plutôt Guill. à S. Theodorico ,
lib. de amore Dei , cap. 8. & plures alii.
Je me contenterai de rapporter icy
quelques-uns de ces paffages , qui font fi
formels & fi précis , pour la preuve de la
propofition dont il s'agit , que je n'ai pas
la force de les fupprimer. Ils m'échappent
malgré moi. Voici comme parle , aunom
de tous les autres , Florus Magifter , in expofitione
Miffa fur ces mots : Te igitur ,
clementiffime Pater. Dirigiturhac oratio , dit
I. Vol.
cet
DECEMBRE. 1730. 2587
1
tet Auteur : Sicut reliqua Orationes juxta
Regulam fidei & morem Ecclefiæ ad Clementiffimum
Patrem ...... & hoc perJefum
Chriftum Filium tuum , Dominum noftrum ,
per quem , omnis fupplicatio , & petitio noftra
, ad Deum dirigi debet , tanquam per
verum mediatorem, & æternum Sacerdotem .
Le même Auteur , fur ces mots : Per
Dominum noftrum , de l'Oraiſon : Libera
nos , ajoute encore , quod utique certâ ras
tione ut fæpè dictum eft , Catholica concelebrat
Ecclefia, propter illud utique Sacramen▾
tum , quod Mediator Dei & hominum
factus eft homo Chriftus , & c.
,
L'Auteur , nommé Micrologue , ch. 5.
Oratio quidem ad Patrem dirigenda eft.
Juxta Domini Praeceptum , & c. Le même
Auteur , au ch. 6. de Conclufione oratio
dit encore : Concludimus orationes
per Dominum noftrum videlicet Patrem
orando
per Filium , juxta ejufdem Filii preceptum.
Le même Duranti , lib . 2. cap.48.pag.
635. rapporte encore un long Paffage ,
tiré des Capitulaires de Charlemagne , qui
femble être comme la bafe & le fondement
de cette Théologie des anciens.
Carolus Magnus in fragmentis de Ritibus
veteris Ecclefia : ut ad folum Patrem dirigatur
oratio : cùm totius fanita Trinitatis ,
ficnt una eft deitas , ita aqualis honor &
I. Vol. glori
2588 MERCURE DE FRANCE
glorificatio debeatur. Id Apoftoli, per eos,ordinante
Spiritu , fanxerunt , ut qui multorum
Deorum errores , unius Dei Pradicatione
, nitebantur evellere , fub Trinitatis
Sacramento , uni Perfona , in Sacrificiorum
ritu , fupplicare decernerent rectif
fime ergo conftitutum , ut quia Pater, &
Filius , & Spiritusfanctus , unius deitatis ,
unius naturæ , unius ſubſtantia , unius de- .
nique poteftatis exiftant , una ex eis Perfona,
propter unitatis Myfterium retinendum,
in facrificio invocaretur.
·
J
Combien de Dogmes , fur lefquels la
tradition n'eft pas plus claire , plus précife
& plus conftante ? Ne voit - on pas
d'abord que fi l'Auteur de l'Article en
queftion , des Mémoires de Trévoux
croit avoir droit de foupçonner l'Au--
teur de la Lettre , de croire que le Nom
de Dieu et proprement affecté au Pere,
& ne fe peut donner directement au Fils,
& de chercher à favorifer les nouveaux
Ariens ou Sociniens , pour avoir foutenus
la Theſe cy-deffus ( quoiqu'il ait répeté
plufieurs fois dans fa Lettre , que le
Fils étoit également Dieu comme le
Pere ; fi cela ne fuffit pas , on ajoutera
encore qu'il eft confubftantiel au Pere ,
& qu'il eft prêt de verfer fon fang ,
pour la confeffion de cette verité capi
tale de notre Foy. Ne voit- on pas , dis-
I.Vol.
je ,
DECEMBRE. 1730. 2589
›
je , que ce reproche & ces foupçons doivent
tomber également fur tous les Auteurs
cy- deffus citez ; & même à plus jufte titre
? Mais S. Fulgence , lib. 2. ad Monimum
, quæft. 1. raiſonnoit bien differemment
, fuivant en cela les Regles d'une
dialectique , bien plus conforme à l'efprit
de l'Evangile , & à la doctrine des
Saints Peres. Voicy comme il réfutoit ces
fauffes conféquences : Neque enim, dit il
prajudicium Filio , vel Spiritui fan &to comparatur,
dùm ad Patris perfonam precatio
ab offerente dirigitur , cujus confummatio
dum Filii & Spiritus fancti complectitur
nomen ; oftendit nullum effe in Trinitate difcrimen;
quia dùm ad folius Patris perfonam,
honoris fermo dirigitur , benè credentis fede ,
tota Trinitas honoratur , & cum ad Patrem
litantis deftinatur intentio , facrificii munus ,
omni Trinitati , uno eodemque offertur litantis
officio. Ne peut- on pas , après cela ,
en fe plaignant , fe fervir des termes
d'Optat de Mileve : Paganum vocas , ditil
, eum qui Deum Patrem per Filium ejus
ante altare oraverit , lib. 3 .
On voit par tous ces Paffages & par
les authoritez cy- deffus rapportées
que ces anciens Auteurs ne s'embaraf
foient guere des objections que l'on fait
dans les Mémoires de Trevoux , contre
cette Theſe , en difant que ce raiſonne-
I. Vol. ment
2590 MERCURE DE FRANCE
...
ment meneroit trop loin , qu'on doit
avoir égard non feulement au Sacrifice ,
mais encore au Sacrement , qui eft lié
étroitement au Sacrifice..
qu'on
doit trouver bon que des Collectes , où
l'on a en vûë le fruit du Sacrement , &
la participation à la victime , foient
quelquefois addreffées à JESUS- CHRIST
&c. Comme ces anciens font les garants
de l'Auteur de la Lettre , c'eft à eux ,
pour ainsi dire , à répondre pour lui
s'il eft neceffaire.
Mais s'il paroît que la principale objection
qu'on propofe avec un air de
triomphe & de confiance contre la Thefe
de l'Auteur de la Lettre , qu'apparemment
on a cru être une idée nouvelle
& particuliere , & n'avoir , aucun font
dement dans l'antiquité & la tradition
de l'Eglife. Il' paroît , dis -je , que la prin
cipale objection que l'on fait , & que l'on
croioit ne retomber que fur l'Auteur de
cette Lettre , eft que l'on addreffe à J.C.
en toutes les Meffes , les trois Oraifons
qui précedent immédiatement la Com
munion du Prêtre , & que c'eſt encore à
J. C. que s'addreffe l'Agnus Dei , & la
priere : Corpus tuum quodfumpfi.
Pour répondre à cette objection , il
eft bon de faire attention , 1°. à une remarque
que nous fait faire le Micrologue,
1. Vol. &
DECEMBRE 1730. 2391
,
& après lui Raoul ou Radulphe de Tongres
, fur ces mêmes Orailons. On ne
manqueroit pas de la trouver trop hardie
, fi on l'avançoit aujourd'hui pour la
premiere fois , dira - t- on ; cependant
que les fiecles où ont vécu ces Auteurs
fuffent trop délicats , & trop critiques.
Orationem dit Radulphe de Tongres,
quam inclinati dicimus , antequam communiamus
, non ex ordine , fed ex Religioforum
traditione habemus fcilicet hanc Domine
Jefu Chrifte , qui, &c. ac illud Corpus
& Sanguis Domini noftri Jefu Chrifti , quod
dicimus cum aliis Euchariftiam diftribuimus.
Sunt & alia multe orationes , quafquidem
ad Pacem & Communionem , privatim frequentant,
fed fecundum Micrologum, cap.18,
diligentiores antiquarum traditionum obfer
vatores , nos in hujufmodi privatis oratio.
nibus , brevitati ftudere docuerunt : potiuf
que publicis Precibus , in officio Miffa occupare
voluerunt. Nam B. Innocentius
Papa fcribens B. Auguftino & Aurelis
Epifcopis , afferit , quod nos plus communibus
& publicis , quam fingularibus & privatis
orationibus proficere poterimus.
On peut inférer de cette obfervation,
que ces Oraifons ne fe difoient pas encore
à la Meffe du temps du troifiéme
Concile de Carthage , & qu'ainfi fon Or
donnance du Capitule 23.cy- deffus citée,
I.Vol. n'étoit
2592 MERCURE DE FRANCE
n'étoit point encore contredite , par la
forme & la difpofition de ces Oraifons de
la Communion qui s'addreffent à Jefus-
Chrift. Auffi le Pere le Brun foutient - il
que ces trois Oraiſons n'ont pas plus de
fept à huit cens ans d'antiquité.
2.Ces Oraifons femblent être particulie
res pour la perfonne même du Prêtre ,
qui étant fur le point de communier
quitte , pour ainfi dire , l'action du Sacrifice
, & le perfonage de Sacrificateur,
pour adorer & prier Jefus- Chrift pour
foy même, avant que de le recevoir. C'eſt
pour cela apparemment , qu'il parle au
fingulier dans ces Oraifons ; l'Eglife qui
a adopté ces Prieres , qui nous viennent
des pratiques de dévotion de quelques
particuliers , felon les deux Auteurs cydeffus
: Non ex ordine , fed ex Religioforum
traditione, n'a pas cru apparemment qu'elles
fuffent à rejetter & condamnables ,
pour cela feul , qu'elles n'entrent peut-être
pas fi parfaitement dans l'action & le caractere
du Sacrifice , que les autres Collectes
& Oraifons , dans lefquelles le Peuple
s'unit au Prêtre , & s'affocie avec lui
pour offrir & participer au Sacrifice . Or il
ne s'agit que des Collectes & Oraifons de
la Meffe , lefquelles doivent exprimer les
voeux & les priéres de l'Eglife & du peuple.
I.Vol. De
DECEMBRE . 1730. 259 3
De même encore l'Agnus Dei , étant
une adoration de Jefus- Chriſt , comme
Agneau qui efface les péchez du monde ,
l'invocation n'en doit point être féparée ;
autrement on ſembleroit ignorer ſa Divinité
, & ne l'a pas reconnoître. Par cette
priére de l'Agnus Dei, & par ces Oraifons
de la Communion du Prêtre , nous pratiquons
ce que demande S. Auguftin , fur
le Pleaume 98. comme le remarque Duranti
, page 685. Sane hâc précatione obfervamus
quod Auguftinus ad Pfalmum 98 .
feribit , nemo carnem Chrifti manducat , nifi
priùs adoraverit : adorationem autem , &
oratio confequitur,quare hanc precationem &
eas que fequuntur,ad ipfum Chriftum conver
timus , dicentes : Agnus Dei , qui tollis peccata
mundi .
Au reste , quoique Fuxta Regulam fidei.
& morem Ecclefia , comme parlent les
Auteurs cy - deffus , les Oraifons de la
Meffe doivent s'adreffer au Pere Eternel ;
s'enfuit-il de - là qu'on ne puiffe jamais
adreffer fes Prieres à Jefus-Chrift ? Nullement
; car puifqu'il eft également Dieu ,
comme le Pere , il mérite également nos
voeux , nos hommages & nos Prieres . On
vient de le voir dans les Paffages de Charlemagne
& de S. Fulgence , cy- deffus rapportez
; mais c'est qu'il y a , felon les faints
Peres & les Théologiens , une certaine
oeconomie à obſerver. L'ex2594
MERCURE DE FRANCE
L'extrême difproportion & la diftance
infinie qu'il y a de notre baffeffe , notre
néant , notre indignité , à la Divinité
qui feule peut remplir nos befoins , a formé
la néceffité d'un Médiateur , pour
nous approcher de Dieu , & en être
pour ainfi-dire, plus à portée. Jefus Chriſt
Dieu & Homme , eft ce Médiateur qui
touche & joint ces deux extrémitez : Vnus
Médiator Dei & hominum , homo Chrif
tus Jefus. C'eſt lui qui nous fert comme
de degré pour nous élever & nous faire
arriver jufqu'à Dieu . Or c'eft précisément
felon fon humanité & en tant qu'homme,
que J.C. nous rend cet office, fuivant
S. Auguftin , Lib. de Peccato Originali ,
Cap. 28. Per hoc prodeft Chriftus , quia eft
Mediator ad vitam ; non autem per hoc Mediator
eft , quod aqualis eft Patri ; per hoc
enim , quantum Pater, tantùm & ipfe diftat
à nobis : & quomodo erit medietas , ubi
eadem diftantia eft. Ideò Apoftolus non ait ,
unus Mediator Dei & hominum Chriftus
Fefus , fed homo Chriftus Jefus : per hoc ergo
Mediator, per quod homo , &c. Si nous
confiderons Jefus - Chrift comme Dieu ,
la Priere qui lui eft adreffée eft alors ,
per ipfum implenda , comme parlent les
Théologiens ; fi nous le regardons comme
homme, la Priere eft alors , per ipfum impetranda.
Comme donc c'eft proprement .
7
L. Vol.
dans
DECEMBRE. 1730. 2595
1
dans le faint Sacrifice de la Mefle que J.C.
exerce cet office de Médiateur ; que fon
humanité , qui y eft le Sacrifice , eft la
médiatrice & la caufe méritoire ; il s'enfuit
que l'on confidere principalement
alors Jefus- Chrift fous le refpect & la
précifion d'homme , & qu'ainfi ce n'eft
point directement à J. C. mais par J. C.
qu'on doit alors adreffer les Prieres à Dieu
le Pere , autrement c'eſt ſortir du caractere
& de l'economie de ce Sacrifice ;
c'eft à Dieu le Pere , ou fi l'on veut à toute
la fainte Trinité , qu'on offre le Sacrifice
pour obtenir des graces & des
bienfaits , par la médiation de l'humanité
de J. C. qui y eft immolée , lequel on ne
confidere alors , à proprement parler ,
que comme Agneau , Victime , Holocaufte
, Prêtre , Ambaffadeur , Suppliant
Médiateur , & c.
Or n'eft-ce pas , pour ainfi - dire , pren
dre le change & varier , que de s'adreffer
dans cette action , à l'Agneau , à la
Victime , à l'Holocaufte , au Suppliant
même? & c. Les Collectes de la Melle font
comme des Actes de pouvoir & des pro-.
curations que le Peuple donne au Prêtre
d'agir en fon nom , pour négocier , pour
ainfi dire , la paix avec Dieu ; elles pechent
donc dans la forme & elles font
défectueufes quand elles ne s'adreffent
à celui avec qui on a à traiter,
pas
2596 MERCURE DE FRANCE
-. Enfin c'eft par Jefus- Chrift , en lui
& avec lui , que l'on offre ce Sacrifice
à Dieu le Pere , mais non pas à Jefus-
Chrift même , qui foutient alors un
caractere tout different , comme on l'a
déja dit tant de fois . Per ipfum , & cum
ipfo , & in ipfo , eft tibi Deo Patri , &c.
Lefquelles paroles Duranti regarde comme
la conclufion & l'abregé du Canon de
la Meffe : Ecce , dit- il , præclara Canonis
conclufio , quâ ex ordine , qua in hoc Sacrificio
peraguntur , compreffius recenfentur.
Par cette oeconomie , l'action du Sacrifice
en eft plus clairement exprimée ; car comme
dans le Sacrifice , le Prêtre , le Suppliant
, le Médiateur , &c . doivent être
diftinguez de celui à qui on facrifie , en
addreffant le Sacrifice à Dieu le Pere , par
Jefus- Chriſt , Prêtre Suppliant , Médiateur
; cette diftinction fe fait mieux fentir
que fi ce Sacrifice étoit addreffé par
Jeſus- Chrift, à Jeſus- Chrift même en tant
que Dieu.
Voilà les Reflexions que l'Auteur de
la Lettre à M. l'Abbé de Cheret , a crû
devoir communiquer au Public fur cette
matiere , tant pour fa propre juftification ,
que pour un plus grand éclairciffement
de la theſe qu'on a avancée , fans vouloir,
aù refte , s'écarter en tout ceci de la regle.
d'une parfaite foumiffion au jugement
de l'Eglife.
ODE
M.l'Abbé de Cheret , & inferée dans le
Mercure du mois de May 1729. au´ſujet
du Projet du nouveau Miffel , à l'ufage
du Diocèfe de Chartres ; en reponse à un
Article des Memoires de Trevoux , du
mois d'Aouft de la même année.:
page
Remierement,l'Auteur de cette Let-
P tre avertit le Public qu'il s'y eft glif
fé plufieurs fautes d'Impreffion.Par exemple,
au lieu de Sauveau , il faut lire Fauveau
, c'eft le nom de l'Auteur. A la
864. ligne 1ere , au lieu des trois Mages ,
lifez le trois May. A la page 867.ligne 10.
il faut lire pofita , au lieu de pofita ; fans
compter les fautes de ponctuation , qui
alterent fouvent le fens.
Secondement , l'Imprimeur a'oublié de
marquer à la niarge,vis- à- vis l'endroit où
il eft parlé de Maldonat ; le monument
public , d'où l'on a tiré les Paffages Extraits
de cet Auteur , qui eft la 29 des
Lettres choifies de M. Simon , du Tome
2. de l'édition de 1704. A Roterdam
chez Reinier Leers , pages 180 & 181 .
Les Curieux liront fans doute cette Lettre.
M. Simon y fait l'Analyſe du Traité
I.Vol. manuf
DECEMBRE . 1730. 2583
manufcrit de Maldonat qu'il avoit , fur
les ceremonies en general ; & en particulier
fur les ceremonies de la Meffe . On
y trouvera mot à mot les paffages latins ,
citez dans la Lettre cy - deſſus , & que Maldonat
eft réellement & authentiquement
la caution de la Critique du Doyen de Maintenon.
Quoiqu'on en dife dans les Mémoires
impriméz à Trevoux, au mois d'Aouſt
1729. page 1475. On y trouvera auffi que
ce Sçavant Jéfuite y tient le même langage
,que l'on femble relever dans le Pere
le Brun de l'Oratoire , lorſqu'on cite l'endroit
où il a dit , que toutes les anciennes.
Collectes s'addreffent à Dieu le Pers ; ầ
moins que des gens exceffivement clairvoyans
, ne prétendent que cette Propofition
du P. le Brun , eft plus hardie &
moins ménagée que celle- cy de Maldonat
, rapportée par M. Simon , dans fa
Lettre cy - deffus citée. Numquam Ecclefia
direxit fuas orationes nifi ad Deum
Patrem quod à Chrifio fponfo fuo didicit.
On jugera par cet endroit dont on n'avoit
point parlé; fi loin d'avoir ajouté ,
on n'a pas au contraire fupprimé les
termes de Maldonat , qui pouvoient paroître
un peu forts , & un peu trop étendus
, pour le renfermer dans les Oraifons
& Collectes de la Meffe.
Il ne manque rien à l'Exemplaire que
I. Vol. B¯`vj j'ai
2584 MERCURE DE FRANCE
j'ai dit : M.Simon , dans la derniere page
de cette même Lettre 29. qui commence
à la page 174. & finit à la page 186.
On peut encore lire la Lettre 17. du 1er
tome , du même Auteur. ( C'eft apparemment
la même que Bayle cite , la i 、e
de l'édition de Trévoux , à l'article de
Maldonat ; ) on y trouvera plufieurs particularitez
affez curieufes au fujet des Ouvrages
MS S. de Maldonat. Comme les
Continuateurs de Morery nous affurent
dans l'édition de 1725. que M. Simon
a laiffé en mourant , fes Ecrits & fes Papiers
à la Bibliotheque de la Cathedrale
de Rouen. Le Manufcrit en queſtion de
M. Simon pourroit peut - être s'y trouver.
D'ailleurs , puifque M. Simon dans fa
17 Lettre cy-deffus , nous marque , qu'il
n'a rien vû de plus exact fur les Ouvrages
MSS. de Maldonat , qu'un Recueil
qu'il a vû , & qui étoit entre les mains
de M. Dubois , Docteur de Sorbonne ,
qui a fait imprimer quelques opufcules
de Maldonat en 1677. & qui eft l'Auteur
de l'Epître dédicatoire , & du Difcours
qui fuit , qui font à la tête de ces Opufcules.
On peut vérifier les citations cydeffus
, fur ce Recueil de M. Dubois , en
s'informant de ceux qui en font les Poffeffeurs
: Mais , au refte , fi malgré tout cela,
on ne vouloir point encore que Maldo-
1. Vol.
nat
DECEMBRE . 1730. 2585
nat fut notre caution , on en trouvera
d'autres qui le valent bien , & qui ne le
tier.dront point à deshonneur,
3° . On remarquera que l'Auteur de la
Lettre à M. l'Abbé de Cheret , n'ayant
pû , dans les bornes étroites de fa Lettre ,
renfermer toutes les preuves & authori
tez qu'il avoit en main , pour appuyer la
propofition qu'il a avancée , que les Colfectes
de la Meffe , doivent réguliérement
s'addreffer au Pere Eternel . Il pric
le public d'y fuppléer , en recourant à
l'excellent Traité de Ritibus Ecclefia du
Préfident Duranti , Auteur dont l'Ouvrage
eft generalement cftimé & regardé
comme un des meilleurs dans ce genre
de Litterature.
Duranti , dans le chap. 16. du 2. Liv.
de Ritibus Ecclefie , num. 12. 13. 14. 15.
16. & 17. de l'Edition de Cologne en
1592. pag. 385. auffi-bien que dans le ch.
31. du même livre , num. 8. pag. 464.
comme encore , ch . 33. num . 2. pag.49 3 .
& ch. 48. n. 1. pag. 635. foutient cette
même Theſe , & la prouve à fon ordinaire,
par les authoritez des Peres & des Auteurs
Eccléfiaftiques , des différens fiécles
de l'Eglife , en faifant voir la Tradition
fur ce dogme. On peut bien croire , qu'il
n'oublie pas le Capitule 23. du 3 Concile
I. Vol. de
2586 MERCURE DE FRANCE
de Carthage , que l'on a cité dans la Lettre
de M. l'Abbé de Cheret.
Mais afin que l'on ne croye pas que ce
foit là un Reglement des Evêques d'Af
frique , fur un point de difcipline , qui
ait changé dans les fiecles fuivans ; on
trouvera dans cet Auteur des Palages
tres-formels de prefque tous les fiecles de
l'Eglife , depuis ce Concile , qui tiennent
le même langage, Comme ont fait S.Fulgence
, lib. 2. ad Monimum , quaft. 1 .
Charlemagne , in fragmentis de Ritibus
Ecclefia veteris. Alcuin , femel atq . iterùm
de Divinis Officiis . cap. de celebratione
Miffa. Radulphus Tungrefis , de Canonis
obferv . prop. 23. Florus Magifter in Exegefi
Miffa: Micrologus : Stephanus Eduenfis.
lib. de Sacram. Altaris. Odo Cameracenfis
in expof. facri Canonis . S. Bernardus
, ou plutôt Guill. à S. Theodorico ,
lib. de amore Dei , cap. 8. & plures alii.
Je me contenterai de rapporter icy
quelques-uns de ces paffages , qui font fi
formels & fi précis , pour la preuve de la
propofition dont il s'agit , que je n'ai pas
la force de les fupprimer. Ils m'échappent
malgré moi. Voici comme parle , aunom
de tous les autres , Florus Magifter , in expofitione
Miffa fur ces mots : Te igitur ,
clementiffime Pater. Dirigiturhac oratio , dit
I. Vol.
cet
DECEMBRE. 1730. 2587
1
tet Auteur : Sicut reliqua Orationes juxta
Regulam fidei & morem Ecclefiæ ad Clementiffimum
Patrem ...... & hoc perJefum
Chriftum Filium tuum , Dominum noftrum ,
per quem , omnis fupplicatio , & petitio noftra
, ad Deum dirigi debet , tanquam per
verum mediatorem, & æternum Sacerdotem .
Le même Auteur , fur ces mots : Per
Dominum noftrum , de l'Oraiſon : Libera
nos , ajoute encore , quod utique certâ ras
tione ut fæpè dictum eft , Catholica concelebrat
Ecclefia, propter illud utique Sacramen▾
tum , quod Mediator Dei & hominum
factus eft homo Chriftus , & c.
,
L'Auteur , nommé Micrologue , ch. 5.
Oratio quidem ad Patrem dirigenda eft.
Juxta Domini Praeceptum , & c. Le même
Auteur , au ch. 6. de Conclufione oratio
dit encore : Concludimus orationes
per Dominum noftrum videlicet Patrem
orando
per Filium , juxta ejufdem Filii preceptum.
Le même Duranti , lib . 2. cap.48.pag.
635. rapporte encore un long Paffage ,
tiré des Capitulaires de Charlemagne , qui
femble être comme la bafe & le fondement
de cette Théologie des anciens.
Carolus Magnus in fragmentis de Ritibus
veteris Ecclefia : ut ad folum Patrem dirigatur
oratio : cùm totius fanita Trinitatis ,
ficnt una eft deitas , ita aqualis honor &
I. Vol. glori
2588 MERCURE DE FRANCE
glorificatio debeatur. Id Apoftoli, per eos,ordinante
Spiritu , fanxerunt , ut qui multorum
Deorum errores , unius Dei Pradicatione
, nitebantur evellere , fub Trinitatis
Sacramento , uni Perfona , in Sacrificiorum
ritu , fupplicare decernerent rectif
fime ergo conftitutum , ut quia Pater, &
Filius , & Spiritusfanctus , unius deitatis ,
unius naturæ , unius ſubſtantia , unius de- .
nique poteftatis exiftant , una ex eis Perfona,
propter unitatis Myfterium retinendum,
in facrificio invocaretur.
·
J
Combien de Dogmes , fur lefquels la
tradition n'eft pas plus claire , plus précife
& plus conftante ? Ne voit - on pas
d'abord que fi l'Auteur de l'Article en
queftion , des Mémoires de Trévoux
croit avoir droit de foupçonner l'Au--
teur de la Lettre , de croire que le Nom
de Dieu et proprement affecté au Pere,
& ne fe peut donner directement au Fils,
& de chercher à favorifer les nouveaux
Ariens ou Sociniens , pour avoir foutenus
la Theſe cy-deffus ( quoiqu'il ait répeté
plufieurs fois dans fa Lettre , que le
Fils étoit également Dieu comme le
Pere ; fi cela ne fuffit pas , on ajoutera
encore qu'il eft confubftantiel au Pere ,
& qu'il eft prêt de verfer fon fang ,
pour la confeffion de cette verité capi
tale de notre Foy. Ne voit- on pas , dis-
I.Vol.
je ,
DECEMBRE. 1730. 2589
›
je , que ce reproche & ces foupçons doivent
tomber également fur tous les Auteurs
cy- deffus citez ; & même à plus jufte titre
? Mais S. Fulgence , lib. 2. ad Monimum
, quæft. 1. raiſonnoit bien differemment
, fuivant en cela les Regles d'une
dialectique , bien plus conforme à l'efprit
de l'Evangile , & à la doctrine des
Saints Peres. Voicy comme il réfutoit ces
fauffes conféquences : Neque enim, dit il
prajudicium Filio , vel Spiritui fan &to comparatur,
dùm ad Patris perfonam precatio
ab offerente dirigitur , cujus confummatio
dum Filii & Spiritus fancti complectitur
nomen ; oftendit nullum effe in Trinitate difcrimen;
quia dùm ad folius Patris perfonam,
honoris fermo dirigitur , benè credentis fede ,
tota Trinitas honoratur , & cum ad Patrem
litantis deftinatur intentio , facrificii munus ,
omni Trinitati , uno eodemque offertur litantis
officio. Ne peut- on pas , après cela ,
en fe plaignant , fe fervir des termes
d'Optat de Mileve : Paganum vocas , ditil
, eum qui Deum Patrem per Filium ejus
ante altare oraverit , lib. 3 .
On voit par tous ces Paffages & par
les authoritez cy- deffus rapportées
que ces anciens Auteurs ne s'embaraf
foient guere des objections que l'on fait
dans les Mémoires de Trevoux , contre
cette Theſe , en difant que ce raiſonne-
I. Vol. ment
2590 MERCURE DE FRANCE
...
ment meneroit trop loin , qu'on doit
avoir égard non feulement au Sacrifice ,
mais encore au Sacrement , qui eft lié
étroitement au Sacrifice..
qu'on
doit trouver bon que des Collectes , où
l'on a en vûë le fruit du Sacrement , &
la participation à la victime , foient
quelquefois addreffées à JESUS- CHRIST
&c. Comme ces anciens font les garants
de l'Auteur de la Lettre , c'eft à eux ,
pour ainsi dire , à répondre pour lui
s'il eft neceffaire.
Mais s'il paroît que la principale objection
qu'on propofe avec un air de
triomphe & de confiance contre la Thefe
de l'Auteur de la Lettre , qu'apparemment
on a cru être une idée nouvelle
& particuliere , & n'avoir , aucun font
dement dans l'antiquité & la tradition
de l'Eglife. Il' paroît , dis -je , que la prin
cipale objection que l'on fait , & que l'on
croioit ne retomber que fur l'Auteur de
cette Lettre , eft que l'on addreffe à J.C.
en toutes les Meffes , les trois Oraifons
qui précedent immédiatement la Com
munion du Prêtre , & que c'eſt encore à
J. C. que s'addreffe l'Agnus Dei , & la
priere : Corpus tuum quodfumpfi.
Pour répondre à cette objection , il
eft bon de faire attention , 1°. à une remarque
que nous fait faire le Micrologue,
1. Vol. &
DECEMBRE 1730. 2391
,
& après lui Raoul ou Radulphe de Tongres
, fur ces mêmes Orailons. On ne
manqueroit pas de la trouver trop hardie
, fi on l'avançoit aujourd'hui pour la
premiere fois , dira - t- on ; cependant
que les fiecles où ont vécu ces Auteurs
fuffent trop délicats , & trop critiques.
Orationem dit Radulphe de Tongres,
quam inclinati dicimus , antequam communiamus
, non ex ordine , fed ex Religioforum
traditione habemus fcilicet hanc Domine
Jefu Chrifte , qui, &c. ac illud Corpus
& Sanguis Domini noftri Jefu Chrifti , quod
dicimus cum aliis Euchariftiam diftribuimus.
Sunt & alia multe orationes , quafquidem
ad Pacem & Communionem , privatim frequentant,
fed fecundum Micrologum, cap.18,
diligentiores antiquarum traditionum obfer
vatores , nos in hujufmodi privatis oratio.
nibus , brevitati ftudere docuerunt : potiuf
que publicis Precibus , in officio Miffa occupare
voluerunt. Nam B. Innocentius
Papa fcribens B. Auguftino & Aurelis
Epifcopis , afferit , quod nos plus communibus
& publicis , quam fingularibus & privatis
orationibus proficere poterimus.
On peut inférer de cette obfervation,
que ces Oraifons ne fe difoient pas encore
à la Meffe du temps du troifiéme
Concile de Carthage , & qu'ainfi fon Or
donnance du Capitule 23.cy- deffus citée,
I.Vol. n'étoit
2592 MERCURE DE FRANCE
n'étoit point encore contredite , par la
forme & la difpofition de ces Oraifons de
la Communion qui s'addreffent à Jefus-
Chrift. Auffi le Pere le Brun foutient - il
que ces trois Oraiſons n'ont pas plus de
fept à huit cens ans d'antiquité.
2.Ces Oraifons femblent être particulie
res pour la perfonne même du Prêtre ,
qui étant fur le point de communier
quitte , pour ainfi dire , l'action du Sacrifice
, & le perfonage de Sacrificateur,
pour adorer & prier Jefus- Chrift pour
foy même, avant que de le recevoir. C'eſt
pour cela apparemment , qu'il parle au
fingulier dans ces Oraifons ; l'Eglife qui
a adopté ces Prieres , qui nous viennent
des pratiques de dévotion de quelques
particuliers , felon les deux Auteurs cydeffus
: Non ex ordine , fed ex Religioforum
traditione, n'a pas cru apparemment qu'elles
fuffent à rejetter & condamnables ,
pour cela feul , qu'elles n'entrent peut-être
pas fi parfaitement dans l'action & le caractere
du Sacrifice , que les autres Collectes
& Oraifons , dans lefquelles le Peuple
s'unit au Prêtre , & s'affocie avec lui
pour offrir & participer au Sacrifice . Or il
ne s'agit que des Collectes & Oraifons de
la Meffe , lefquelles doivent exprimer les
voeux & les priéres de l'Eglife & du peuple.
I.Vol. De
DECEMBRE . 1730. 259 3
De même encore l'Agnus Dei , étant
une adoration de Jefus- Chriſt , comme
Agneau qui efface les péchez du monde ,
l'invocation n'en doit point être féparée ;
autrement on ſembleroit ignorer ſa Divinité
, & ne l'a pas reconnoître. Par cette
priére de l'Agnus Dei, & par ces Oraifons
de la Communion du Prêtre , nous pratiquons
ce que demande S. Auguftin , fur
le Pleaume 98. comme le remarque Duranti
, page 685. Sane hâc précatione obfervamus
quod Auguftinus ad Pfalmum 98 .
feribit , nemo carnem Chrifti manducat , nifi
priùs adoraverit : adorationem autem , &
oratio confequitur,quare hanc precationem &
eas que fequuntur,ad ipfum Chriftum conver
timus , dicentes : Agnus Dei , qui tollis peccata
mundi .
Au reste , quoique Fuxta Regulam fidei.
& morem Ecclefia , comme parlent les
Auteurs cy - deffus , les Oraifons de la
Meffe doivent s'adreffer au Pere Eternel ;
s'enfuit-il de - là qu'on ne puiffe jamais
adreffer fes Prieres à Jefus-Chrift ? Nullement
; car puifqu'il eft également Dieu ,
comme le Pere , il mérite également nos
voeux , nos hommages & nos Prieres . On
vient de le voir dans les Paffages de Charlemagne
& de S. Fulgence , cy- deffus rapportez
; mais c'est qu'il y a , felon les faints
Peres & les Théologiens , une certaine
oeconomie à obſerver. L'ex2594
MERCURE DE FRANCE
L'extrême difproportion & la diftance
infinie qu'il y a de notre baffeffe , notre
néant , notre indignité , à la Divinité
qui feule peut remplir nos befoins , a formé
la néceffité d'un Médiateur , pour
nous approcher de Dieu , & en être
pour ainfi-dire, plus à portée. Jefus Chriſt
Dieu & Homme , eft ce Médiateur qui
touche & joint ces deux extrémitez : Vnus
Médiator Dei & hominum , homo Chrif
tus Jefus. C'eſt lui qui nous fert comme
de degré pour nous élever & nous faire
arriver jufqu'à Dieu . Or c'eft précisément
felon fon humanité & en tant qu'homme,
que J.C. nous rend cet office, fuivant
S. Auguftin , Lib. de Peccato Originali ,
Cap. 28. Per hoc prodeft Chriftus , quia eft
Mediator ad vitam ; non autem per hoc Mediator
eft , quod aqualis eft Patri ; per hoc
enim , quantum Pater, tantùm & ipfe diftat
à nobis : & quomodo erit medietas , ubi
eadem diftantia eft. Ideò Apoftolus non ait ,
unus Mediator Dei & hominum Chriftus
Fefus , fed homo Chriftus Jefus : per hoc ergo
Mediator, per quod homo , &c. Si nous
confiderons Jefus - Chrift comme Dieu ,
la Priere qui lui eft adreffée eft alors ,
per ipfum implenda , comme parlent les
Théologiens ; fi nous le regardons comme
homme, la Priere eft alors , per ipfum impetranda.
Comme donc c'eft proprement .
7
L. Vol.
dans
DECEMBRE. 1730. 2595
1
dans le faint Sacrifice de la Mefle que J.C.
exerce cet office de Médiateur ; que fon
humanité , qui y eft le Sacrifice , eft la
médiatrice & la caufe méritoire ; il s'enfuit
que l'on confidere principalement
alors Jefus- Chrift fous le refpect & la
précifion d'homme , & qu'ainfi ce n'eft
point directement à J. C. mais par J. C.
qu'on doit alors adreffer les Prieres à Dieu
le Pere , autrement c'eſt ſortir du caractere
& de l'economie de ce Sacrifice ;
c'eft à Dieu le Pere , ou fi l'on veut à toute
la fainte Trinité , qu'on offre le Sacrifice
pour obtenir des graces & des
bienfaits , par la médiation de l'humanité
de J. C. qui y eft immolée , lequel on ne
confidere alors , à proprement parler ,
que comme Agneau , Victime , Holocaufte
, Prêtre , Ambaffadeur , Suppliant
Médiateur , & c.
Or n'eft-ce pas , pour ainfi - dire , pren
dre le change & varier , que de s'adreffer
dans cette action , à l'Agneau , à la
Victime , à l'Holocaufte , au Suppliant
même? & c. Les Collectes de la Melle font
comme des Actes de pouvoir & des pro-.
curations que le Peuple donne au Prêtre
d'agir en fon nom , pour négocier , pour
ainfi dire , la paix avec Dieu ; elles pechent
donc dans la forme & elles font
défectueufes quand elles ne s'adreffent
à celui avec qui on a à traiter,
pas
2596 MERCURE DE FRANCE
-. Enfin c'eft par Jefus- Chrift , en lui
& avec lui , que l'on offre ce Sacrifice
à Dieu le Pere , mais non pas à Jefus-
Chrift même , qui foutient alors un
caractere tout different , comme on l'a
déja dit tant de fois . Per ipfum , & cum
ipfo , & in ipfo , eft tibi Deo Patri , &c.
Lefquelles paroles Duranti regarde comme
la conclufion & l'abregé du Canon de
la Meffe : Ecce , dit- il , præclara Canonis
conclufio , quâ ex ordine , qua in hoc Sacrificio
peraguntur , compreffius recenfentur.
Par cette oeconomie , l'action du Sacrifice
en eft plus clairement exprimée ; car comme
dans le Sacrifice , le Prêtre , le Suppliant
, le Médiateur , &c . doivent être
diftinguez de celui à qui on facrifie , en
addreffant le Sacrifice à Dieu le Pere , par
Jefus- Chriſt , Prêtre Suppliant , Médiateur
; cette diftinction fe fait mieux fentir
que fi ce Sacrifice étoit addreffé par
Jeſus- Chrift, à Jeſus- Chrift même en tant
que Dieu.
Voilà les Reflexions que l'Auteur de
la Lettre à M. l'Abbé de Cheret , a crû
devoir communiquer au Public fur cette
matiere , tant pour fa propre juftification ,
que pour un plus grand éclairciffement
de la theſe qu'on a avancée , fans vouloir,
aù refte , s'écarter en tout ceci de la regle.
d'une parfaite foumiffion au jugement
de l'Eglife.
ODE
Fermer
Résumé : DEFENSE de la Lettre écrite à M. l'Abbé de Cheret, & inserée dans le Mercure du mois de May 1729. au sujet du Projet du nouveau Missel, à l'usage du Diocèse de Chartres ; en reponse à un Article des Memoires de Trevoux, du mois d'Aoust de la même année.
Le texte est une défense d'une lettre adressée à l'abbé de Cheret concernant un projet de nouveau missel pour le diocèse de Chartres, en réponse à un article des Mémoires de Trévoux d'août 1729. L'auteur signale plusieurs fautes d'impression et de ponctuation dans la lettre et mentionne que l'imprimeur a omis de référencer Maldonat, dont les extraits proviennent des Lettres choisies de M. Simon, tome 2, édition de 1704. Il invite les lecteurs à consulter cette lettre pour l'analyse du traité manuscrit de Maldonat sur les cérémonies de la messe. L'auteur souligne que Maldonat et le père Le Brun de l'Oratoire partagent la même critique concernant les collectes de la messe adressées à Dieu le Père. Il précise que l'exemplaire de la lettre de M. Simon est complet et que d'autres preuves peuvent être trouvées dans le traité de Ritibus Ecclesiae du président Duranti, qui soutient que les collectes de la messe doivent être adressées au Père Éternel, appuyé par des autorités ecclésiastiques et des traditions de l'Église. L'auteur réfute les objections des Mémoires de Trévoux en citant des auteurs anciens comme Florus, Charlemagne et Alcuin, qui confirment cette tradition. Il conclut en affirmant que les objections des Mémoires de Trévoux ne tiennent pas compte des traditions anciennes et des pratiques liturgiques établies. Le texte traite également des prières et des oraisons dans la liturgie de la messe, en particulier celles adressées à Jésus-Christ. L'Église a adopté ces prières, issues des pratiques de dévotion de certains particuliers, sans les rejeter ou les condamner, bien qu'elles ne s'intègrent pas parfaitement dans l'action et le caractère du sacrifice. Les collectes et oraisons de la messe doivent exprimer les vœux et les prières de l'Église et du peuple. L'Agnus Dei, une adoration de Jésus-Christ comme Agneau qui efface les péchés du monde, ne doit pas être séparée de l'invocation. Les prières de la communion du prêtre et de l'Agnus Dei suivent les enseignements de saint Augustin, qui insiste sur l'adoration de Jésus-Christ avant de recevoir son corps. Les oraisons de la messe doivent s'adresser au Père Éternel, mais cela n'exclut pas de prier Jésus-Christ, qui est également Dieu et mérite nos vœux et nos hommages. Jésus-Christ, en tant que Médiateur, permet aux humains de s'approcher de Dieu. Dans le sacrifice de la messe, c'est l'humanité de Jésus-Christ qui est considérée comme médiatrice et cause méritoire. Les prières doivent donc être adressées à Dieu le Père par l'intermédiaire de Jésus-Christ, conformément à l'économie du sacrifice. Les collectes de la messe sont des actes de pouvoir et des procurations que le peuple donne au prêtre pour négocier avec Dieu. Elles doivent s'adresser à celui avec qui on a à traiter, c'est-à-dire Dieu le Père, par l'intermédiaire de Jésus-Christ. Cette distinction est essentielle pour exprimer clairement l'action du sacrifice. L'auteur de la lettre à M. l'Abbé de Cheret communique ces réflexions pour justifier sa position et éclairer la thèse avancée, tout en restant soumis au jugement de l'Église.
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76
p. 492-495
LA PROVIDENCE, ODE.
Début :
O Vous, qui méritez les justes anathêmes [...]
Mots clefs :
Providence, Dieu, Bonté, Foi, Chrétiens, Seigneur, Moïse, Jonas
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA PROVIDENCE, ODE.
LA PROVIDENCE ,
O DE.
O -Vous , qui méritez les justes anathêmes
Dont l'Eglise vous a frappés ,
Trop aveugles Auteurs , et trop tard détrompés
Allez dans les Enfers abjurer vos sistêmes ;
Dieu n'est point un maître inhumain
Il ne voit point avec dédain
Les ouvrages de sa puissance ;
Il les conserve tous ; l'insecte le plus vil ;
Le juste et le pecheur , le Juif et le Gentil
Annoncent sa magnificence.
諾
S'il est le Roi des Rois , s'il est le Dieu des
Dieux ,
S'il est Juge saint et severe ,
Il veut être nommé mon refuge et mon pere
Et sa bonté remplit et la terre et les Cieux ,
Elle fournit à nos délices ,
Elle asservit à nos caprices
?
La nature et les élemens ;
Seule elle sçait fixer la jeunesse indocile
Et seule elle soutient la vieillesse débile ,
Qui gémit sous le poids des ans.
}
Quelle
MARS. 17318 493
Quelle vive splendeur vient éclairer mon ame a
Grand Dieu ! j'adore tes decrets ,
Tu daignes à mes yeux dévoiler tes secrets ;
Terre , écoutez ; je cede à l'ardeur qui m'enflâme;
Je vois Noë braver les eaux ;
Ici des esprits infernaux
Moïse confond les prestiges ;
Là , triomphe Israël ; ses tyrans sont punis ;
Les flots émus , calmés , divisés , réunis,
M'attestent le Dieu des prodiges.
Qu'aperçois-je ? Joseph indignement lié
Au fond d'une prison obscure ;
Tout innocent qu'il est ,
il souffre sans murmure ,
Mais le Dieu de Jacob ne l'a point oublié ;
> Ses soupirs ont percé la núë :
C'est par une route inconnuë
Qu'il monte aux suprêmes honneurs :
Joseph passe soudain de la honte à la gloire ,
D'une indigne prison sur un char de victoire ;
Il doit sa joye à ses douleurs.
Ciel ! qu'entens- je ! les vents sur la liquide plaine
Se livrent d'horribles combats ;
La mer s'enfle et mugit ; rien ne trouble Jonas ,
il prie , adore , espere au sein de la Baleine.
Seigneur , tu le conduis au port ;
D v Tu
་
494 MERCURE DE FRANCE
Tu te déclares le support
D'un coeur pénitent qui t'implore ;
J'ai moi-même cent fois éprouvé ton secours ;
Pere tendre , déja tu veillois sur mes jours
Qui venoient à peine d'éclore.
粥
La nouvelle Sion en bute à mille assauts ,
Leve sa tête triomphante ;
On la poursuit en vain , les chrétiens qu'elle en
fante
Renaissent de leur cendre , et sur les échafauts
Je la vois toujours immuable ;
Sur ce rocher inébranlable
Ses ennemis sont écrasés ;
L'esprit Saint la dirige , et que peuvent contre elle
Les vents impétueux et leur soufle rebelle ?
Dès qu'il parle , ils sont appaisés.
Pardonne moi , Dieu saint , le murmure coupable
Qu'excita souvent dans mon coeur
De l'impie élevé le fastueux bonheur ;
Ce bonheur doit le rendre un jour plus misérable.
Il est un moment arrêté
Pour confondre l'iniquité :
Que ce moment sera terrible !
Le pêcheur dort au sein d'une trompeuse paix ;
La mort vient et le frappe , il gémit, vains regrets !
Le Juge est pour lors inflexible,
Oui ,
MARS. 1731. 495
Oui , je mets en toi seul et mon unique espoir
Et ma plus ferme confiance ;
De ton Verbe avec nous l'inéfable alliance
M'apprend que ton amour égale ton pouvoir ;
C'est cet amour que je réclame ;
Dans mon coeur allume sa flamme.
Dés lors je ne craindrai plus rien ,
L'indigence , les fers , la honte , la mort même ;
Eh ! Seigneur , quel revers peut craindre un coeur
qui t'aime ,
N'es-tu pas le souverain bien ?
Deus meus et omnia.
Poncy de Neuville , Prêtre.
O DE.
O -Vous , qui méritez les justes anathêmes
Dont l'Eglise vous a frappés ,
Trop aveugles Auteurs , et trop tard détrompés
Allez dans les Enfers abjurer vos sistêmes ;
Dieu n'est point un maître inhumain
Il ne voit point avec dédain
Les ouvrages de sa puissance ;
Il les conserve tous ; l'insecte le plus vil ;
Le juste et le pecheur , le Juif et le Gentil
Annoncent sa magnificence.
諾
S'il est le Roi des Rois , s'il est le Dieu des
Dieux ,
S'il est Juge saint et severe ,
Il veut être nommé mon refuge et mon pere
Et sa bonté remplit et la terre et les Cieux ,
Elle fournit à nos délices ,
Elle asservit à nos caprices
?
La nature et les élemens ;
Seule elle sçait fixer la jeunesse indocile
Et seule elle soutient la vieillesse débile ,
Qui gémit sous le poids des ans.
}
Quelle
MARS. 17318 493
Quelle vive splendeur vient éclairer mon ame a
Grand Dieu ! j'adore tes decrets ,
Tu daignes à mes yeux dévoiler tes secrets ;
Terre , écoutez ; je cede à l'ardeur qui m'enflâme;
Je vois Noë braver les eaux ;
Ici des esprits infernaux
Moïse confond les prestiges ;
Là , triomphe Israël ; ses tyrans sont punis ;
Les flots émus , calmés , divisés , réunis,
M'attestent le Dieu des prodiges.
Qu'aperçois-je ? Joseph indignement lié
Au fond d'une prison obscure ;
Tout innocent qu'il est ,
il souffre sans murmure ,
Mais le Dieu de Jacob ne l'a point oublié ;
> Ses soupirs ont percé la núë :
C'est par une route inconnuë
Qu'il monte aux suprêmes honneurs :
Joseph passe soudain de la honte à la gloire ,
D'une indigne prison sur un char de victoire ;
Il doit sa joye à ses douleurs.
Ciel ! qu'entens- je ! les vents sur la liquide plaine
Se livrent d'horribles combats ;
La mer s'enfle et mugit ; rien ne trouble Jonas ,
il prie , adore , espere au sein de la Baleine.
Seigneur , tu le conduis au port ;
D v Tu
་
494 MERCURE DE FRANCE
Tu te déclares le support
D'un coeur pénitent qui t'implore ;
J'ai moi-même cent fois éprouvé ton secours ;
Pere tendre , déja tu veillois sur mes jours
Qui venoient à peine d'éclore.
粥
La nouvelle Sion en bute à mille assauts ,
Leve sa tête triomphante ;
On la poursuit en vain , les chrétiens qu'elle en
fante
Renaissent de leur cendre , et sur les échafauts
Je la vois toujours immuable ;
Sur ce rocher inébranlable
Ses ennemis sont écrasés ;
L'esprit Saint la dirige , et que peuvent contre elle
Les vents impétueux et leur soufle rebelle ?
Dès qu'il parle , ils sont appaisés.
Pardonne moi , Dieu saint , le murmure coupable
Qu'excita souvent dans mon coeur
De l'impie élevé le fastueux bonheur ;
Ce bonheur doit le rendre un jour plus misérable.
Il est un moment arrêté
Pour confondre l'iniquité :
Que ce moment sera terrible !
Le pêcheur dort au sein d'une trompeuse paix ;
La mort vient et le frappe , il gémit, vains regrets !
Le Juge est pour lors inflexible,
Oui ,
MARS. 1731. 495
Oui , je mets en toi seul et mon unique espoir
Et ma plus ferme confiance ;
De ton Verbe avec nous l'inéfable alliance
M'apprend que ton amour égale ton pouvoir ;
C'est cet amour que je réclame ;
Dans mon coeur allume sa flamme.
Dés lors je ne craindrai plus rien ,
L'indigence , les fers , la honte , la mort même ;
Eh ! Seigneur , quel revers peut craindre un coeur
qui t'aime ,
N'es-tu pas le souverain bien ?
Deus meus et omnia.
Poncy de Neuville , Prêtre.
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Résumé : LA PROVIDENCE, ODE.
Le poème 'La Providence' célèbre la puissance et la bonté de Dieu. Il critique les interprétations erronées de la nature divine et invite à les rejeter. Dieu est présenté comme un maître bienveillant qui protège toutes ses créatures, des plus humbles aux plus nobles, et manifeste sa magnificence à travers elles. Le texte met en avant la royauté, la justice, la bonté et la providence divine, qui soutiennent la jeunesse et la vieillesse. Le poète admire les œuvres de Dieu, illustrées par des événements bibliques comme le déluge, la sortie d'Égypte, et les épreuves de Joseph et Jonas. Ces récits montrent la protection et le soutien divin face aux adversités. Le texte évoque également la persécution et la résilience des chrétiens, guidés par l'Esprit Saint, et la justice divine qui confondra les impies. Le poète conclut en plaçant toute sa confiance en Dieu, affirmant que l'amour divin surpasse tout pouvoir et que rien ne peut effrayer un cœur qui aime Dieu. Il souhaite voir la flamme de cet amour allumée dans son cœur, le rendant invulnérable à l'indigence, aux fers, à la honte et même à la mort.
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77
p. 1170-1172
Mandement de l'Archevêque de Paris, [titre d'après la table]
Début :
Le 7. Avril, M. l'Archevêque de Paris donna un Mandement qui ordonne des [...]
Mots clefs :
Archevêque, Prières, Sécheresse , Misère, Pauvres, Pluie, Dieu
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Mandement de l'Archevêque de Paris, [titre d'après la table]
Le 7. Avril , M. l'Archevêque de Paris
donna un Mandement qui ordonne des
des Prieres pour la conservation des biens
de la terre , en voici la teneur :
CHARLES-GASPARD -GUILLAUME , &c.'
Dans la crainte qu'une longue secheresse ne
nuisit aux Fruits de la Terre , et que nous n'eussions
la douleur de voir augmenter la misere des
Pauvres , qui doivent être le premier objet de
notre charité , nous nous sommes addressez à
celui
MAY. 1731 1171
"
celui qui dispense à son gré les biens et les maux,
l'abondance et la sterilité , et nous avons ordonné
à tous les Prêtres de notie Diocèse de réciter
à la Messe la Collecte inserée dans le Missel ,
pour demander à Dieu la pluye dont nos Campagnes
ont besoin. Nous voyons avec consolation
que le Seigneur , sensible à nos Prieres , commence
à les exaucer , et c'est ce qui doit nous engager
à les redoubler avec autant de ferveur que
de confiance , pour conjurer le Pere des misericordes
, d'ouvrir ses trésors et de répandre sur
la Terre ces rosées de benediction , d'où dépend
la fécondité . Implorons l'intercession de nos
saints Patrons , si puissante auprès de Dieu , et
dont nous avons tant de fois éprouvé les salutaires
effers ; mais souvenons- nous que ce sont nos pe-
*
chez qui arrêtent le cours des graces et des bienfaits
de Dieu , que c'est parce que nous l'irritons
continuellement par nos desordres , que selon ses
menaces , le Ciel devient d'airain , et la Terre
de fer. Appaisons donc sa colere , par une conversion
sincere , par nos gémissemens et par nos
larmes ; que les Prêtres et les Ministres sacrez ,
prosternez entre le Vestibule et l'Autel , prient le
Seigneur de pardonner à son Peuple , et que les
Pécheurs penetrez du plus amer regret de leurs
fautes , s'efforcent d'en obtenir le pardon par de
dignes fruits de pénitence.
A ces causes , après en avoir conferé avec nos
venerables Freres les Doyen , Chanoines et Cha-
* Deut. 28. 12. Aperiet Dominus thesaurum
suum optimum , Coelum , ut tribuat pluviam
terra tua in tempore suo.
* Deuter. 28. 23. Sit calum , quod supra te
est , aneum ; et terra , quam calcas , ferrea.
pitre
1172 MERCURE DE FRANCE
pitre de notre Eglise Métropolitaine , ayant égard
à la priere des premiers Magistrats , nous ordonnons
que dans toutes les Eglises de cette Ville et de
ce Diocèse, outre la Collecte intitulée , Ad petendam
pluviam , on dise à l'issue de la principale
Messe le Trait , Domine , non secundùm , &c.
avec le Verset , Ostende nobis , &c. et l'Oraison
Effunde , &c. Et à l'issue des Vêpres les Litanies
des Saints pendant neuf jours , à compter du jour
de la réception de notre present Mandement. Exhortons
le Clergé et le Peuple de visiter , soit en
Procession, soit en particulier , l'Eglise de Notre-
Dame et celle de sainte Geneviève du Mont , Ou
les Châsses de S. Marcel et de cette Sainte seront
découvertes pour exciter la ferveur et la confiance
des Fideles . Afin que tout se fasse avec ordre ,,
et sans interrompre le service de ces Eglises , les
Curez et autres Superieurs conviendront avec
nosdits Venerables Freres de notre Eglise Métropolitaine
, et les Sieur Abbé , Prieur et Religieux
de sainte Geneviève du Mont , des jours et heures,
ausquels chaque Procession pourra se rendre,,
aprés la Fête de l'Ascension , dans lesdites Eglises.
Si vous mandons , &c.
donna un Mandement qui ordonne des
des Prieres pour la conservation des biens
de la terre , en voici la teneur :
CHARLES-GASPARD -GUILLAUME , &c.'
Dans la crainte qu'une longue secheresse ne
nuisit aux Fruits de la Terre , et que nous n'eussions
la douleur de voir augmenter la misere des
Pauvres , qui doivent être le premier objet de
notre charité , nous nous sommes addressez à
celui
MAY. 1731 1171
"
celui qui dispense à son gré les biens et les maux,
l'abondance et la sterilité , et nous avons ordonné
à tous les Prêtres de notie Diocèse de réciter
à la Messe la Collecte inserée dans le Missel ,
pour demander à Dieu la pluye dont nos Campagnes
ont besoin. Nous voyons avec consolation
que le Seigneur , sensible à nos Prieres , commence
à les exaucer , et c'est ce qui doit nous engager
à les redoubler avec autant de ferveur que
de confiance , pour conjurer le Pere des misericordes
, d'ouvrir ses trésors et de répandre sur
la Terre ces rosées de benediction , d'où dépend
la fécondité . Implorons l'intercession de nos
saints Patrons , si puissante auprès de Dieu , et
dont nous avons tant de fois éprouvé les salutaires
effers ; mais souvenons- nous que ce sont nos pe-
*
chez qui arrêtent le cours des graces et des bienfaits
de Dieu , que c'est parce que nous l'irritons
continuellement par nos desordres , que selon ses
menaces , le Ciel devient d'airain , et la Terre
de fer. Appaisons donc sa colere , par une conversion
sincere , par nos gémissemens et par nos
larmes ; que les Prêtres et les Ministres sacrez ,
prosternez entre le Vestibule et l'Autel , prient le
Seigneur de pardonner à son Peuple , et que les
Pécheurs penetrez du plus amer regret de leurs
fautes , s'efforcent d'en obtenir le pardon par de
dignes fruits de pénitence.
A ces causes , après en avoir conferé avec nos
venerables Freres les Doyen , Chanoines et Cha-
* Deut. 28. 12. Aperiet Dominus thesaurum
suum optimum , Coelum , ut tribuat pluviam
terra tua in tempore suo.
* Deuter. 28. 23. Sit calum , quod supra te
est , aneum ; et terra , quam calcas , ferrea.
pitre
1172 MERCURE DE FRANCE
pitre de notre Eglise Métropolitaine , ayant égard
à la priere des premiers Magistrats , nous ordonnons
que dans toutes les Eglises de cette Ville et de
ce Diocèse, outre la Collecte intitulée , Ad petendam
pluviam , on dise à l'issue de la principale
Messe le Trait , Domine , non secundùm , &c.
avec le Verset , Ostende nobis , &c. et l'Oraison
Effunde , &c. Et à l'issue des Vêpres les Litanies
des Saints pendant neuf jours , à compter du jour
de la réception de notre present Mandement. Exhortons
le Clergé et le Peuple de visiter , soit en
Procession, soit en particulier , l'Eglise de Notre-
Dame et celle de sainte Geneviève du Mont , Ou
les Châsses de S. Marcel et de cette Sainte seront
découvertes pour exciter la ferveur et la confiance
des Fideles . Afin que tout se fasse avec ordre ,,
et sans interrompre le service de ces Eglises , les
Curez et autres Superieurs conviendront avec
nosdits Venerables Freres de notre Eglise Métropolitaine
, et les Sieur Abbé , Prieur et Religieux
de sainte Geneviève du Mont , des jours et heures,
ausquels chaque Procession pourra se rendre,,
aprés la Fête de l'Ascension , dans lesdites Eglises.
Si vous mandons , &c.
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Résumé : Mandement de l'Archevêque de Paris, [titre d'après la table]
Le 7 avril, l'Archevêque de Paris publia un mandement ordonnant des prières pour la conservation des biens de la terre, en raison d'une sécheresse prolongée menaçant les récoltes et aggravant la misère des pauvres. Il demanda à Dieu d'envoyer la pluie et ordonna aux prêtres de son diocèse de réciter une collecte spéciale lors de la messe. Notant une possible réponse divine, il encouragea à intensifier les prières. Le mandement souligna que les péchés humains pouvaient entraver les bienfaits divins et appela à une conversion sincère et à la pénitence. Après consultation avec les dignitaires de son église métropolitaine et à la demande des premiers magistrats, l'Archevêque ordonna des prières supplémentaires pendant neuf jours après la principale messe et les vêpres. Il exhorta le clergé et le peuple à visiter les églises de Notre-Dame et de sainte Geneviève du Mont, où les reliques de saints seraient exposées pour stimuler la ferveur des fidèles, tout en assurant la continuité du service des églises.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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78
p. 2568-2572
A M. BOUHIER, Nommé premier Evêque de Dijon. ODE.
Début :
Dieu, dont la bonté féconde, [...]
Mots clefs :
Dieu, Bonté féconde, Miracles, Lyre, Zèle, Censure
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A M. BOUHIER, Nommé premier Evêque de Dijon. ODE.
A M. BOUHIER ,
Nommé premier Evêque de Dijon.
ODE.
Dieu , dont la bonté féconde ,
Par des Miracles divers ,
Remplissant la Terre et l'Onde ,
Embrasse tout l'Univers :
Fais retentir sur ma Lyre ,
Ce qu'un saint amour m'inspire ,
En un jour si plein d'attraits.
J'encourage le Fidele ,
A s'enflammer d'un beau zele ,
Pour celebrer tes bienfaits.
Je n'irai point au Parnasse ,
Pour y chercher des accords.
Je n'ai pas besoin d'Horace y
Pour animer mes efforts.
Je suis la verité pure ,
Et méprisant la censure ,
Je
NOVEMBRE. 1731 ° 2569
Je publie avec éclat ,
Du grand BоUHIER la noblesse ,
Les Vertus et la Sagesse ,
Qui l'ont fait notre Prélat.
Je consacre les prémices ;
Du feu qui saisit mon coeur ,
A faire sous ses auspices ,
L'essai de ma noble ardeur.
'Aux vertus qu'il fit paroître ,
Depuis qu'on le put connoître ,
J'offre un légitime encens .
Heureux ! si ma voix timide ,
Dans le transport qui me guide ,
Exprime ce que je sens !
Comme on voit une Fontaine ,
Par le secours de ses Eaux ,
'Arroser toute une Plaine
Et former mille Ruisseaux :
BOUHIER , ainsi ta Famille ,
Ici se répand et brille ;
De Dijon elle est l'honneur
Du Peuple la Protectrice
De l'Orphelin la Nourrice ,
De tous elle est le bonheur.
Combien
2570 MERCURE DE FRANCE
Combien en a- t'on vû naître
De Guerriers et de Héros ?
Que de Magistrats paroître ,
Pour remplir nos Tribunaux !
Dans le Sénat équitable ,
Dans les Combats redoutable
Son lustre éclata toûjours .
Du Peuple , des Grands , chérie,
Elle fit de sa Patrie ,
Et la gloire et les amours.
Tu suis noblement les traces ,
De tes illustres Ayeux ;
graces ,
Que de vertus , que de
Tu fais briller à nos yeux !
Quant à la Cour on t'honore ;
A tous tu parois encore ,
Bien plus grand par ta vertu
Que par le glorieux Titre ,
Et par la brillante Mitre ,
Dont Louis t'a revétu.
Le courage que te donne
Ton amour pour l'équité
Te fait la ferme Colomne ,
Qui soutient la verité
Thémis , à qui tu sçûs plaire ,
Te fit dans son Sanctuaire ,
・
1
L'inNOVEMBRE
1731. 2579.
L'Interprete de ses Loix ;
Te mit en main sa Balance ;
Et sûre de ta prudence ,
T'abandonna tous ses droits.
C'est de toi que la Province ,
A reçû tant de bienfaits ,
Par toi , son AUGUSTE PRINCE ,
Comble nos plus doux souhaits.
A ton zele infatigable ,
La Bourgogne est redevable ,
De ces sçavantes leçons ,
Qui dans une illustre Ecole ,
De Gratien , de Barthole ,
Instruisent les Nourrissons.
La vertu toûjours entiere
Depuis long-temps éclatoit ;
Dans l'Eglise ta lumiere ,
De plus en plus s'augmentoit
Il étoit temps que la France ,
Vît placer en évidence ,
Ton Chandelier sur l'Autel ,
Que la divine Sagesse ,
Accomplissant sa promesse ,
Rendit ton nom immortel.
Plus ta vertu favorite ,
Te
2572 MERCURE DE FRANCE
Te faisoit fuir la grandeur ;
Plus le prix qu'elle mérite ,
Fera briller ta splendeur.
C'est ainsi que sur la Terre
La main qui tient le Tonnerre
Exalte l'humilité :
Cette humilité profonde ,
Trouve son prix dans le monde ;
Comme dans l'Eternité.
L *. B *.
Nommé premier Evêque de Dijon.
ODE.
Dieu , dont la bonté féconde ,
Par des Miracles divers ,
Remplissant la Terre et l'Onde ,
Embrasse tout l'Univers :
Fais retentir sur ma Lyre ,
Ce qu'un saint amour m'inspire ,
En un jour si plein d'attraits.
J'encourage le Fidele ,
A s'enflammer d'un beau zele ,
Pour celebrer tes bienfaits.
Je n'irai point au Parnasse ,
Pour y chercher des accords.
Je n'ai pas besoin d'Horace y
Pour animer mes efforts.
Je suis la verité pure ,
Et méprisant la censure ,
Je
NOVEMBRE. 1731 ° 2569
Je publie avec éclat ,
Du grand BоUHIER la noblesse ,
Les Vertus et la Sagesse ,
Qui l'ont fait notre Prélat.
Je consacre les prémices ;
Du feu qui saisit mon coeur ,
A faire sous ses auspices ,
L'essai de ma noble ardeur.
'Aux vertus qu'il fit paroître ,
Depuis qu'on le put connoître ,
J'offre un légitime encens .
Heureux ! si ma voix timide ,
Dans le transport qui me guide ,
Exprime ce que je sens !
Comme on voit une Fontaine ,
Par le secours de ses Eaux ,
'Arroser toute une Plaine
Et former mille Ruisseaux :
BOUHIER , ainsi ta Famille ,
Ici se répand et brille ;
De Dijon elle est l'honneur
Du Peuple la Protectrice
De l'Orphelin la Nourrice ,
De tous elle est le bonheur.
Combien
2570 MERCURE DE FRANCE
Combien en a- t'on vû naître
De Guerriers et de Héros ?
Que de Magistrats paroître ,
Pour remplir nos Tribunaux !
Dans le Sénat équitable ,
Dans les Combats redoutable
Son lustre éclata toûjours .
Du Peuple , des Grands , chérie,
Elle fit de sa Patrie ,
Et la gloire et les amours.
Tu suis noblement les traces ,
De tes illustres Ayeux ;
graces ,
Que de vertus , que de
Tu fais briller à nos yeux !
Quant à la Cour on t'honore ;
A tous tu parois encore ,
Bien plus grand par ta vertu
Que par le glorieux Titre ,
Et par la brillante Mitre ,
Dont Louis t'a revétu.
Le courage que te donne
Ton amour pour l'équité
Te fait la ferme Colomne ,
Qui soutient la verité
Thémis , à qui tu sçûs plaire ,
Te fit dans son Sanctuaire ,
・
1
L'inNOVEMBRE
1731. 2579.
L'Interprete de ses Loix ;
Te mit en main sa Balance ;
Et sûre de ta prudence ,
T'abandonna tous ses droits.
C'est de toi que la Province ,
A reçû tant de bienfaits ,
Par toi , son AUGUSTE PRINCE ,
Comble nos plus doux souhaits.
A ton zele infatigable ,
La Bourgogne est redevable ,
De ces sçavantes leçons ,
Qui dans une illustre Ecole ,
De Gratien , de Barthole ,
Instruisent les Nourrissons.
La vertu toûjours entiere
Depuis long-temps éclatoit ;
Dans l'Eglise ta lumiere ,
De plus en plus s'augmentoit
Il étoit temps que la France ,
Vît placer en évidence ,
Ton Chandelier sur l'Autel ,
Que la divine Sagesse ,
Accomplissant sa promesse ,
Rendit ton nom immortel.
Plus ta vertu favorite ,
Te
2572 MERCURE DE FRANCE
Te faisoit fuir la grandeur ;
Plus le prix qu'elle mérite ,
Fera briller ta splendeur.
C'est ainsi que sur la Terre
La main qui tient le Tonnerre
Exalte l'humilité :
Cette humilité profonde ,
Trouve son prix dans le monde ;
Comme dans l'Eternité.
L *. B *.
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Résumé : A M. BOUHIER, Nommé premier Evêque de Dijon. ODE.
Le texte est une ode dédiée à M. Bouhier, nommé premier évêque de Dijon en novembre 1731. L'auteur exprime sa dévotion et son admiration pour Bouhier, soulignant ses vertus, sa sagesse et sa noblesse. La famille de Bouhier est célèbre pour avoir produit des guerriers, des héros et des magistrats, toujours chérie par le peuple et les grands. Bouhier est loué pour suivre les traces de ses ancêtres et pour être honoré à la cour non seulement pour son titre, mais surtout pour sa vertu. Sa passion pour l'équité et la justice lui a valu la confiance de Thémis, la déesse de la justice. La province de Bourgogne lui doit de nombreux bienfaits, notamment des leçons savantes dispensées dans une école illustre. L'auteur conclut en affirmant que la vertu de Bouhier, malgré son humilité, le mènera à une splendeur éternelle, exaltée par la main divine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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79
p. 605-611
EPITRE A URANIE, Contre les Impies.
Début :
Vous voulez donc, sage Uranie, [...]
Mots clefs :
Impies, Dieu, Orgueil, Punition, Vertu, Foi
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPITRE A URANIE, Contre les Impies.
EPITRE A URANIE
Contre les Impies..
Vous voulez donc , sage Uranie ,
Que je m'érige en Apôtre nouveau
Contre l'Impiété . qui d'une voix hardie
S'expliquant sans détour , sans voile , sans ban deau ,
Nous offre l'horrible tableau
Des fureurs dont elle est remplie ·
Maudit orgueil ! fausse Philosophie!
Que servent tes Leçons à l'aspect du tombeau
Quand on n'a point pensé qu'il est une autre,
vie ,
Et que l'on n'a suivi que l'empire des sens ş
I ij Dans
1
26 MERCURE DE FRANCE
Dans ses derniers momens , l'incrédule prophane ,
Gémit , peut- être tard , de ses égaremens.
Tout l'intimide et le condamne.
Heureux qui sur soi - même attentif, scrupuleux ,
Ne connoît que la foy , quand il voit un Mys- tere ,
Marchant d'un pas respectueux
Dans le chemin qui mene au Sanctuaire
Du Dieu mort sur la Croix , que le monde ré- vere.
Ce Dieu Tout- puissant laisse en une affreuse nuit ,
L'orgueilleux et le temeraire.
Implorons son secours , sa bonté nous conduit.
Gémissons et prions , sa grace nous éclaire ;
Les cœurs ingrats en font un Dieu sévere
Mais nous-mêmes plutôt nous devons nous haïr,
Nous , que le péché seul a rendus misérables
Nous seuls , qui devenus coupables
Sentons le droit qu'il a de nous punir.
Nous , enfin , qui, créés à lui-même semblables
Nous éloignons de lui , pour nous mieux ayilir.
On déshonore son Image,
;
Les crimes redoublez , chassent le repentir,
Et le plus grand des maux est de ne pas sentir
Que cet Etre indulgent , pour sauver son Qurage
Par
MARS. 1732 607
$
Par mille doux bienfaits ; cherche à nous pré
venir.
Les hommes ont armé leur fareur meurtriere
De la Religion sappé les fondemens ,
Ils devoient tous périr en même-temps se
Mais la bonté de Dieu , sauve des habitans
Pour instruire la Terre entiere ,
De la punition de ses déréglemens.
Le Déluge causa d'utiles changemens.
La Race qui devoit bien- tôt voir la lumiere
Sur des exemples innocens ,
Auroit dû de son cœur , regler les mouvemens.
Mais l'homme oublie encor qu'il est cendre et
poussiere ,
La Révolte , l'Orgueil , produisent des Titans
Qui dans leurs noirs forfaits , dans leurs empor
temens ,
Surpassent les horreurs de la Race premiere.
Dieu , loin de retirer ses bienfaits éclatans ,
Et par des châtimens sévéres;
Contre ces cœurs ingrats , armer les Elemens.
OO! prodige de grace !! ô8 Tendresse! ô Mysteres!!
Ce qu'il avoit promis à la foy de leurs Peres
Fidele en sa parole , il l'accorde aux Enfans.
Quand sonpeuple devient volage ,
Amateur insensé des superstitions
Il l'abandonne à l'esclavage ,
Ile rend le mépris des autres Nations ,
3
I iij Mais
608 MERCURE DE FRANCE
Mais aux yeux du Sauveur , qui montre sa Puis- sance ,
Tous les cœurs ne sont pas criminels , odieux :
Dans les Flancs d'une Vierge , il vient prendre
. naissance ,
La lumiere qui doit briller à tous les yeux
Se découvre déja sous les traits de l'enfance
Dans l'Etable de Betléhem.
Il fait de notre bien , son plus doux exercice
Mais , ô comble d'horreur ! l'ingrat Iduméen ,
Prépare au Saint des Saints , le plus honteux supplice !
Le Sang d'un Dieu coule pour nous.
Quelle victime , et plus noble et plus rare !
Tremblez, cœurs endurcis, et redoutez les coups,
Que sa justice vous prépare.
Dieu veut mourir pour le salut de tous.
Votre incrédulité , rend sa mort inutile,
Avez-vous mérité sa clémence facile ,
Vous qui n'êtes qu'objets de haine et de cou roux ?
Vous courez vous plonger en d'éternels abîmes
veut vous en tirer à force de bienfaits. ·
Peuple sans foy , lui seul peut compter tous vos crimes ,
Vous n'avez pas compté les biens qu'il vous a
faits.
Ce Dieu vous abandonne en sa juste colere ,
Mais, ( ce qu'il a promis à notre premier Pere)
Le
MARS. 1732. вод
Le salut va passer à cent Peuples divers.
La Vérité détruira le mensonge ,
Dieu dissipe la nuit où le crime les plonge ,
L'Evangile et la Grace éclairent l'Univers.
Amerique , vastes contrées ;
Peuples que Dieu fit naître aux portes du So- leil ,
Vous , Nations hyperborées ,
Qui languites long- temps dans un profond som : merl ,
De toutes vos erreurs , vous serez délivrées ,
Vous ouvrirez les yeux , apprenant qu'autrefois
Dieu daigna se faire Homme , aux plaines Idu-- mées ,
Vous ne rougirez point , le voyant sur la Croix ,
Et vous reconnoîtrez à cette digne Image ,
Le Dieu que l'on doit adorer.
Vous chercherez à l'honorer
Par un culte assidu , par un pieux hommage :..
Ce Vainqueur de la mort , entend du haut des Cieux ,
Une voix plaintive et sincere ;
Ouy, l'incrédulité peut seule lui déplaire ,
L'Impie est seul exécrable à ses yeux.
Qui ne connoîtra pas son Sauveur et son Pere ,
Ne méritera pas d'en être connu mieux.
Quels objets éclatans , viennent frapper ma vûë?
Je vois le CHRIST puissant et glorieux ,
Auprès de lui , dans une nuë ,
I j
Sa
ro MERCURE DE FRANCE..
Sa Croix se découvre à mes yeux ;
Sous ses pieds triomphans , la mort est abbatuë ,
Des Portes de l'Enfer , il sort victorieux,
Son regne est annoncé par la foy des Oracles ;
Son Trône est cimenté par le Sang des Martyrs ;
Tous les pas de ses Saints , sont autant de Miracles;
Il leur promet des biens plus grands que leurs désirs.
Ses Exemples sont saints , sa Morale est divine }
Il console en secret les cœurs qu'il illumine,
Par d'inexprimables plaisirs ;
Sa Sagesse éternelle a fondé sa doctrine ,
t
Nul n'est heureux , ni sage que par
Vous voyez pourtant , Uranic ,
Qu'on tâche d'obscurcir la sainte verité ,
lui.
Mais quel pouvoir , quel effort , quel génie ,
Détruira ja mais sa beauté ? も
Le Tres-haut a parlé; sa Lumiere immortelle
Eclaire , frappe, allume au fond de notre cœur
Pour le vrai Culte , une ardeur naturelle.
La foy , l'humilité , la bonté , la douceur ,
Habiteront sa demeure éternelle.
Devant son Trône , en tout temps , en toys.
lieux ,
Le cœur du Juste est précieux..
Il nous a déclaré qu'une ame charitable ,
Trouve toujours grace à ses yeux ,
Mais il hait l'orgueilleux , le cœur impitoyable ,
Et
MARS. 611 1732.
Et le superbe ambitieux.
Pour le prix de son sang , est-ce trop qu'on l'im
plore?
Ce Dieu que la vertu , que la foy seule honore :
Il régit l'Univers , et ses soins assidus ,
Daignent le conserver malgré nos injustices. "
Adorons ses bontez , offrons-lui des vertus ;
C'est le plus éloquent de tous les Sacrifices.
Contre les Impies..
Vous voulez donc , sage Uranie ,
Que je m'érige en Apôtre nouveau
Contre l'Impiété . qui d'une voix hardie
S'expliquant sans détour , sans voile , sans ban deau ,
Nous offre l'horrible tableau
Des fureurs dont elle est remplie ·
Maudit orgueil ! fausse Philosophie!
Que servent tes Leçons à l'aspect du tombeau
Quand on n'a point pensé qu'il est une autre,
vie ,
Et que l'on n'a suivi que l'empire des sens ş
I ij Dans
1
26 MERCURE DE FRANCE
Dans ses derniers momens , l'incrédule prophane ,
Gémit , peut- être tard , de ses égaremens.
Tout l'intimide et le condamne.
Heureux qui sur soi - même attentif, scrupuleux ,
Ne connoît que la foy , quand il voit un Mys- tere ,
Marchant d'un pas respectueux
Dans le chemin qui mene au Sanctuaire
Du Dieu mort sur la Croix , que le monde ré- vere.
Ce Dieu Tout- puissant laisse en une affreuse nuit ,
L'orgueilleux et le temeraire.
Implorons son secours , sa bonté nous conduit.
Gémissons et prions , sa grace nous éclaire ;
Les cœurs ingrats en font un Dieu sévere
Mais nous-mêmes plutôt nous devons nous haïr,
Nous , que le péché seul a rendus misérables
Nous seuls , qui devenus coupables
Sentons le droit qu'il a de nous punir.
Nous , enfin , qui, créés à lui-même semblables
Nous éloignons de lui , pour nous mieux ayilir.
On déshonore son Image,
;
Les crimes redoublez , chassent le repentir,
Et le plus grand des maux est de ne pas sentir
Que cet Etre indulgent , pour sauver son Qurage
Par
MARS. 1732 607
$
Par mille doux bienfaits ; cherche à nous pré
venir.
Les hommes ont armé leur fareur meurtriere
De la Religion sappé les fondemens ,
Ils devoient tous périr en même-temps se
Mais la bonté de Dieu , sauve des habitans
Pour instruire la Terre entiere ,
De la punition de ses déréglemens.
Le Déluge causa d'utiles changemens.
La Race qui devoit bien- tôt voir la lumiere
Sur des exemples innocens ,
Auroit dû de son cœur , regler les mouvemens.
Mais l'homme oublie encor qu'il est cendre et
poussiere ,
La Révolte , l'Orgueil , produisent des Titans
Qui dans leurs noirs forfaits , dans leurs empor
temens ,
Surpassent les horreurs de la Race premiere.
Dieu , loin de retirer ses bienfaits éclatans ,
Et par des châtimens sévéres;
Contre ces cœurs ingrats , armer les Elemens.
OO! prodige de grace !! ô8 Tendresse! ô Mysteres!!
Ce qu'il avoit promis à la foy de leurs Peres
Fidele en sa parole , il l'accorde aux Enfans.
Quand sonpeuple devient volage ,
Amateur insensé des superstitions
Il l'abandonne à l'esclavage ,
Ile rend le mépris des autres Nations ,
3
I iij Mais
608 MERCURE DE FRANCE
Mais aux yeux du Sauveur , qui montre sa Puis- sance ,
Tous les cœurs ne sont pas criminels , odieux :
Dans les Flancs d'une Vierge , il vient prendre
. naissance ,
La lumiere qui doit briller à tous les yeux
Se découvre déja sous les traits de l'enfance
Dans l'Etable de Betléhem.
Il fait de notre bien , son plus doux exercice
Mais , ô comble d'horreur ! l'ingrat Iduméen ,
Prépare au Saint des Saints , le plus honteux supplice !
Le Sang d'un Dieu coule pour nous.
Quelle victime , et plus noble et plus rare !
Tremblez, cœurs endurcis, et redoutez les coups,
Que sa justice vous prépare.
Dieu veut mourir pour le salut de tous.
Votre incrédulité , rend sa mort inutile,
Avez-vous mérité sa clémence facile ,
Vous qui n'êtes qu'objets de haine et de cou roux ?
Vous courez vous plonger en d'éternels abîmes
veut vous en tirer à force de bienfaits. ·
Peuple sans foy , lui seul peut compter tous vos crimes ,
Vous n'avez pas compté les biens qu'il vous a
faits.
Ce Dieu vous abandonne en sa juste colere ,
Mais, ( ce qu'il a promis à notre premier Pere)
Le
MARS. 1732. вод
Le salut va passer à cent Peuples divers.
La Vérité détruira le mensonge ,
Dieu dissipe la nuit où le crime les plonge ,
L'Evangile et la Grace éclairent l'Univers.
Amerique , vastes contrées ;
Peuples que Dieu fit naître aux portes du So- leil ,
Vous , Nations hyperborées ,
Qui languites long- temps dans un profond som : merl ,
De toutes vos erreurs , vous serez délivrées ,
Vous ouvrirez les yeux , apprenant qu'autrefois
Dieu daigna se faire Homme , aux plaines Idu-- mées ,
Vous ne rougirez point , le voyant sur la Croix ,
Et vous reconnoîtrez à cette digne Image ,
Le Dieu que l'on doit adorer.
Vous chercherez à l'honorer
Par un culte assidu , par un pieux hommage :..
Ce Vainqueur de la mort , entend du haut des Cieux ,
Une voix plaintive et sincere ;
Ouy, l'incrédulité peut seule lui déplaire ,
L'Impie est seul exécrable à ses yeux.
Qui ne connoîtra pas son Sauveur et son Pere ,
Ne méritera pas d'en être connu mieux.
Quels objets éclatans , viennent frapper ma vûë?
Je vois le CHRIST puissant et glorieux ,
Auprès de lui , dans une nuë ,
I j
Sa
ro MERCURE DE FRANCE..
Sa Croix se découvre à mes yeux ;
Sous ses pieds triomphans , la mort est abbatuë ,
Des Portes de l'Enfer , il sort victorieux,
Son regne est annoncé par la foy des Oracles ;
Son Trône est cimenté par le Sang des Martyrs ;
Tous les pas de ses Saints , sont autant de Miracles;
Il leur promet des biens plus grands que leurs désirs.
Ses Exemples sont saints , sa Morale est divine }
Il console en secret les cœurs qu'il illumine,
Par d'inexprimables plaisirs ;
Sa Sagesse éternelle a fondé sa doctrine ,
t
Nul n'est heureux , ni sage que par
Vous voyez pourtant , Uranic ,
Qu'on tâche d'obscurcir la sainte verité ,
lui.
Mais quel pouvoir , quel effort , quel génie ,
Détruira ja mais sa beauté ? も
Le Tres-haut a parlé; sa Lumiere immortelle
Eclaire , frappe, allume au fond de notre cœur
Pour le vrai Culte , une ardeur naturelle.
La foy , l'humilité , la bonté , la douceur ,
Habiteront sa demeure éternelle.
Devant son Trône , en tout temps , en toys.
lieux ,
Le cœur du Juste est précieux..
Il nous a déclaré qu'une ame charitable ,
Trouve toujours grace à ses yeux ,
Mais il hait l'orgueilleux , le cœur impitoyable ,
Et
MARS. 611 1732.
Et le superbe ambitieux.
Pour le prix de son sang , est-ce trop qu'on l'im
plore?
Ce Dieu que la vertu , que la foy seule honore :
Il régit l'Univers , et ses soins assidus ,
Daignent le conserver malgré nos injustices. "
Adorons ses bontez , offrons-lui des vertus ;
C'est le plus éloquent de tous les Sacrifices.
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Résumé : EPITRE A URANIE, Contre les Impies.
L'épître à Uranie critique l'impiété et l'orgueil, qualifiés de 'fausse Philosophie', qui conduisent à l'égarement et à la souffrance. Le texte met en garde contre les dangers de se fier uniquement aux sens sans considérer l'au-delà. Il souligne que même les incrédules peuvent regretter leurs erreurs à la fin de leur vie. Le bonheur est réservé à ceux qui respectent les mystères divins et suivent la foi chrétienne. Le texte évoque la miséricorde de Dieu, qui sauve les hommes malgré leurs péchés, et les avertit des conséquences de leurs actions. Il rappelle les châtiments divins, comme le Déluge, et la nécessité du repentir. La naissance et le sacrifice du Christ sont présentés comme des actes de salut pour l'humanité. Le texte appelle à la reconnaissance des bienfaits divins et à l'abandon de l'incrédulité. Il mentionne également la diffusion de la foi chrétienne à travers le monde, y compris en Amérique et chez les Nations hyperborées, invitant tous les peuples à adorer Dieu. Le Christ est décrit comme victorieux de la mort, son règne étant fondé sur la foi et le sang des martyrs. Le texte se termine par un appel à la foi, à l'humilité, à la bonté et à la douceur, et à l'adoration des bontés divines.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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80
s. p.
A L'AUTEUR DE L'EPITRE A URANIE.
Début :
Quelle audace effrenée ! Ô ciel ! qu'ai-je entendu ? [...]
Mots clefs :
Uranie, Dieu, Religion, Culte antique, Révélation
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A L'AUTEUR DE L'EPITRE A URANIE.
A L'AUTEUR
DE L'EPITRE A URANIE.
Uelle audace effrenée ! ô Ciel!
qu'ai-je entendu ?
Qui que tu sois , dont le systême impie ,
Insulte à la foi d'Uranie,
Par un și vain effort as-tu donc prétendu ,
Arracher de nos cœurs les profondes racines ,
Qu'y jetterent jadis les Semences divines ,
D'un culte antique et du Ciel descendu ?
A ij Pour
626 MERCURE DE FRANCE
Pour la Religion que mon ame respecte ,
Ta haine me paroît suspecte.
La destruction des Autels ,
Flatte nos penchants criminels ;
Que ces penchants sont doux ! que le vice est aimable ,
Dès qu'on ne connoît plus d'avenir redoutable !
Quelques soient tes raisonnemens
Certes , pour moi je me deffie ,
De l'étrange Philosophie ,
Qui dans les Passions puise ses Argumens.
La Vertu tyrannise. Un Dieu vengeur nous gêne
Et le cœur vicieux qui redoute sa haine ,
Pour mieux s'en garentir ,
Voudroit pouvoir l'anéantir.
Nul frein , pour lors , à la licence,
Gardez l'équilibre un moment,
De quel côté penchera la balance ,
Si le vice est sans châtiment ,
Et la Vertu sans récompense ?
Loin d'ici tes projets dans le crime enfantez ;
E mille fois en naissant avortez.
Les saints dogmes de l'Evangile ,
Surchargent ta raison débile ;
Elle ne peut , dis- tu , les accorder ;
Avec ce qu'on doit demander ,
D'un Dieu juste et débonnaire;
J'en tire un Argument contraire,
Et
AVRIL. 17328 6207
Ét s'il est un Dieu juste et bon ,
Tout est certain dans ma Religion.
Quelle foule de témoignages,
Dans tous les tems , dans tous les âges ,
De Jesus Christ prouvent la Mission !
La foi d'un Dieu Sauveur en Miracles féconde
A commencé les Annales du Monde.
Ouvre les Volumes sacrez ,
De ces Ecrivains inspirez ,
Qui , dans ce qu'ils ont sçû prédire ,
Dudivin Auteur des Chrétiens ,
Semblent être à qui veut les lire ,
Moins Prophetes qu'Historiens.
Quel autre que Dieu même a pû les faire écrire
Juge enfin sans prévention.
Que te produit la Revelation ?
Des Prodiges incontestables
Et des témoins irreprochables ;
Du Monde converti le Miracle éclattant ,
Du Peuple vagabond , détruit et subsistant ,
Qui porte dans cent Républiques ,
Dusalut des Humains les gages authentiques.
D'humbles Pecheurs que l'on charge de fers ,
Troupe aux yeux des Mortels et vile et mépri sable ,
Apeine ont répandu leur doctrine adorable ,
Que les Vertus inondent l'Univers.
Als déposent au fond , qu'après que le Messie ,
A iij Suv
628 MERCURE DE FRANCE
Sur l'Autel de la Croix eut immolé sa vie ,
De la Grace nouvelle allumant le flambeau ,
Il sortit triomphant de la nuit du Tombeau,
Et que montant au Ciel , une brillante nuë ,
Vint comme un Trône d'or l'enlever à leur vûë.
Je croirai , quoiqu'ici l'Impie ose en juger ,
Je croirai des Témoins qui se font égorger.
Je n'ai pas entrepris de retracer l'Histoire ,
De l'Evangile et de sa gloire ;
De sublimes Ecrits pleins de force et de sens
En conservent les Monumens ;
Mais tous ces faits sont de nature ,
An'être point soupçonnez d'imposture
Dieu qui les a permis ne peut être trompeur
Il le seroit pourtant , au gré de ton erreur
Si du vrai dont il est le pere ,
Le mensonge odieux portoit le caractére.
Sa bonté, je l'ai dit , doit m'être un sûr garand;
Des merveilles qu'enfin l'Evangile m'apprend
Sur cent vertus sa doctrine se fonde ,
Et ton systême fait horreur,
Qui par la porte de l'erreur ,
Veut les faire entrer dans le monde.
L'Eclat dont luit la Révelation ,
Et les tenebres du Mystere ,
C'est la Nuée obscure et claire ,
Qui des Hébreux guidoit la Nation.
Tu ne peux concevoir la chute déplorable,
Qui
AVRIL. 1732. 629
Qui de l'Homme innocent fit un homme cou
pable.
Tu ne peux concevoir qu'un Dieu soit mort
pour nous ,
Sans toutesfois nous sauver tous';
Et cet adorable Mystere ,
Pour ta raison est un joug trop austere ;
Mais quand tu veux t'en affranchir ,
La Révelation , source de l'évidence ,
Malgré toi , l'oblige à fléchir ,
Sous une immortelle Puissance.
De Lucrece aujourd'hui dangereux Nourrisson ,
Sauve- toi des écarts de l'humaine raison ,
Son devoir n'est pas de comprendre ,
· Ce que Dieu nous a revelé ,
Mais de se taire et de se rendre
S'il est vrai qu'il nous ait parlé.
Cette raison reçoit des bornes legitimes ;
C'est agir contre ses maximes ,
ปี
Que de restraindre ainsi Dieu même et son pou voir ,
Ace qu'elle en peut concevoir.
Dépouille donc ici l'orgueil de ton Deïsme ,
Et crois - moi , rends ton vieux sophisme,
ACelse , à Porphire , à Julien ,
Quoique leurs plumes criminelles ,
En eussent armé leurs Libelles ,
Le monde entier n'en fut pas moins chrétien.
A iiij Où
63030 MERCURE DE FRANCE
Où suis- je ? ô Ciel ! quelle terreur subite ,
Se répand au fond de mon cœur ?
Tout s'ébranle. La Mer s'agite ,
Et les flots irritez font un bruit plein d'horreur;
Les antres au loin en mugissent.´
Le Soleil perd ses feux, les Astres s'obcurcissent
Da Firmament tous ces corps détachez ,
S'envont-ils fondre sur ma tête ?
Qù fuir l'effroyable tempête
Terre ouvre- moi tes abymes cachez.
De tout secours mon ame est- elle dénuée ;
Mais tout à coup les Cieux sont éclaircis ,
Le Tonnerre et les feux partent de la Nuée,
Où le fils de l'Homme est assis.
Crains l'Eternel; crains ses vengeances &
Par un prompt repentir appaise son courroux ;
Sçache qu'il doit , ce Dieu jaloux ,.
Tejuger sur ta foi comme sur tes offenses.
M. Tanevot.
DE L'EPITRE A URANIE.
Uelle audace effrenée ! ô Ciel!
qu'ai-je entendu ?
Qui que tu sois , dont le systême impie ,
Insulte à la foi d'Uranie,
Par un și vain effort as-tu donc prétendu ,
Arracher de nos cœurs les profondes racines ,
Qu'y jetterent jadis les Semences divines ,
D'un culte antique et du Ciel descendu ?
A ij Pour
626 MERCURE DE FRANCE
Pour la Religion que mon ame respecte ,
Ta haine me paroît suspecte.
La destruction des Autels ,
Flatte nos penchants criminels ;
Que ces penchants sont doux ! que le vice est aimable ,
Dès qu'on ne connoît plus d'avenir redoutable !
Quelques soient tes raisonnemens
Certes , pour moi je me deffie ,
De l'étrange Philosophie ,
Qui dans les Passions puise ses Argumens.
La Vertu tyrannise. Un Dieu vengeur nous gêne
Et le cœur vicieux qui redoute sa haine ,
Pour mieux s'en garentir ,
Voudroit pouvoir l'anéantir.
Nul frein , pour lors , à la licence,
Gardez l'équilibre un moment,
De quel côté penchera la balance ,
Si le vice est sans châtiment ,
Et la Vertu sans récompense ?
Loin d'ici tes projets dans le crime enfantez ;
E mille fois en naissant avortez.
Les saints dogmes de l'Evangile ,
Surchargent ta raison débile ;
Elle ne peut , dis- tu , les accorder ;
Avec ce qu'on doit demander ,
D'un Dieu juste et débonnaire;
J'en tire un Argument contraire,
Et
AVRIL. 17328 6207
Ét s'il est un Dieu juste et bon ,
Tout est certain dans ma Religion.
Quelle foule de témoignages,
Dans tous les tems , dans tous les âges ,
De Jesus Christ prouvent la Mission !
La foi d'un Dieu Sauveur en Miracles féconde
A commencé les Annales du Monde.
Ouvre les Volumes sacrez ,
De ces Ecrivains inspirez ,
Qui , dans ce qu'ils ont sçû prédire ,
Dudivin Auteur des Chrétiens ,
Semblent être à qui veut les lire ,
Moins Prophetes qu'Historiens.
Quel autre que Dieu même a pû les faire écrire
Juge enfin sans prévention.
Que te produit la Revelation ?
Des Prodiges incontestables
Et des témoins irreprochables ;
Du Monde converti le Miracle éclattant ,
Du Peuple vagabond , détruit et subsistant ,
Qui porte dans cent Républiques ,
Dusalut des Humains les gages authentiques.
D'humbles Pecheurs que l'on charge de fers ,
Troupe aux yeux des Mortels et vile et mépri sable ,
Apeine ont répandu leur doctrine adorable ,
Que les Vertus inondent l'Univers.
Als déposent au fond , qu'après que le Messie ,
A iij Suv
628 MERCURE DE FRANCE
Sur l'Autel de la Croix eut immolé sa vie ,
De la Grace nouvelle allumant le flambeau ,
Il sortit triomphant de la nuit du Tombeau,
Et que montant au Ciel , une brillante nuë ,
Vint comme un Trône d'or l'enlever à leur vûë.
Je croirai , quoiqu'ici l'Impie ose en juger ,
Je croirai des Témoins qui se font égorger.
Je n'ai pas entrepris de retracer l'Histoire ,
De l'Evangile et de sa gloire ;
De sublimes Ecrits pleins de force et de sens
En conservent les Monumens ;
Mais tous ces faits sont de nature ,
An'être point soupçonnez d'imposture
Dieu qui les a permis ne peut être trompeur
Il le seroit pourtant , au gré de ton erreur
Si du vrai dont il est le pere ,
Le mensonge odieux portoit le caractére.
Sa bonté, je l'ai dit , doit m'être un sûr garand;
Des merveilles qu'enfin l'Evangile m'apprend
Sur cent vertus sa doctrine se fonde ,
Et ton systême fait horreur,
Qui par la porte de l'erreur ,
Veut les faire entrer dans le monde.
L'Eclat dont luit la Révelation ,
Et les tenebres du Mystere ,
C'est la Nuée obscure et claire ,
Qui des Hébreux guidoit la Nation.
Tu ne peux concevoir la chute déplorable,
Qui
AVRIL. 1732. 629
Qui de l'Homme innocent fit un homme cou
pable.
Tu ne peux concevoir qu'un Dieu soit mort
pour nous ,
Sans toutesfois nous sauver tous';
Et cet adorable Mystere ,
Pour ta raison est un joug trop austere ;
Mais quand tu veux t'en affranchir ,
La Révelation , source de l'évidence ,
Malgré toi , l'oblige à fléchir ,
Sous une immortelle Puissance.
De Lucrece aujourd'hui dangereux Nourrisson ,
Sauve- toi des écarts de l'humaine raison ,
Son devoir n'est pas de comprendre ,
· Ce que Dieu nous a revelé ,
Mais de se taire et de se rendre
S'il est vrai qu'il nous ait parlé.
Cette raison reçoit des bornes legitimes ;
C'est agir contre ses maximes ,
ปี
Que de restraindre ainsi Dieu même et son pou voir ,
Ace qu'elle en peut concevoir.
Dépouille donc ici l'orgueil de ton Deïsme ,
Et crois - moi , rends ton vieux sophisme,
ACelse , à Porphire , à Julien ,
Quoique leurs plumes criminelles ,
En eussent armé leurs Libelles ,
Le monde entier n'en fut pas moins chrétien.
A iiij Où
63030 MERCURE DE FRANCE
Où suis- je ? ô Ciel ! quelle terreur subite ,
Se répand au fond de mon cœur ?
Tout s'ébranle. La Mer s'agite ,
Et les flots irritez font un bruit plein d'horreur;
Les antres au loin en mugissent.´
Le Soleil perd ses feux, les Astres s'obcurcissent
Da Firmament tous ces corps détachez ,
S'envont-ils fondre sur ma tête ?
Qù fuir l'effroyable tempête
Terre ouvre- moi tes abymes cachez.
De tout secours mon ame est- elle dénuée ;
Mais tout à coup les Cieux sont éclaircis ,
Le Tonnerre et les feux partent de la Nuée,
Où le fils de l'Homme est assis.
Crains l'Eternel; crains ses vengeances &
Par un prompt repentir appaise son courroux ;
Sçache qu'il doit , ce Dieu jaloux ,.
Tejuger sur ta foi comme sur tes offenses.
M. Tanevot.
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Résumé : A L'AUTEUR DE L'EPITRE A URANIE.
La lettre est adressée à un individu anonyme qui remet en question la foi d'Uranie. L'auteur exprime son indignation face à l'audace et à l'impiété de cet individu, qui cherche à détruire les fondements de la foi chrétienne et à encourager les penchants criminels. Il souligne que la destruction des autels et la liberté sans frein mènent à la licence et au vice, mettant en avant la nécessité de la vertu et de la crainte de Dieu pour maintenir l'équilibre moral. L'auteur défend la religion chrétienne en soulignant les témoignages et les miracles qui prouvent la mission de Jésus-Christ. Il cite les prophéties et les écrits sacrés qui attestent de la vérité de la révélation divine. Il argue que les faits relatés dans l'Évangile sont authentiques et ne peuvent être soupçonnés d'imposture, car Dieu ne peut être trompeur. La lettre critique la raison humaine qui cherche à comprendre les mystères divins au-delà de ses limites légitimes. Elle invite à se soumettre à la révélation divine et à éviter les écarts de la raison humaine. L'auteur conclut en appelant à la crainte de Dieu et au repentir pour échapper à sa vengeance.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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81
p. 1337-13[4]4
ODE SACRÉE, Tirée du Pseaume 113, In Exitu Israël, &c.
Début :
Irrité par la barbarie, [...]
Mots clefs :
Dieu, Seigneur, Psaume, Israël, Voeux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ODE SACRÉE, Tirée du Pseaume 113, In Exitu Israël, &c.
DE SA CREE,
Tirée du Pseaume 113 , In Exitu Israël, &c.
IRrité Rrité par la barbarie ,
D'un Peuple idolâtre et cruel ,
Le Seigneur , aux Fils d'Israël ,
Promit leur ancienne Patrie.
Alors , sous un Chef redouté ,
De Jacob la féconde Race ,
Brisa par une sainte audace ,
Les fers de sa Captivité.
Heureuses Plaines de Judée ,
Le Ciel daigna vous confier ,
La gloire de sanctifier ,
La Troupe qu'il avoit guidée ;
Votre bonheur fut résolu ,
Quand l'Etre par qui tout respire ,
Soumit vos guerets à l'Empire ,
Du Peuple qu'il avoit élû.
Mais en la présence terrible ,
Du Dieu qui créa l'Univers ,
Combien de prodiges divers !
La Mer même y parut sensible ;;
IL Vol. D V Son
1338 MERCURE DE FRANCESon vaste sein s'épouventa ;
Ses flots fuyoient d'un cours rapide,
Tandis que le Jourdain timide ,
Jusqu'à sa source remonta.
On vous vit , superbes Montagnes
On vous vit , steriles Côteaux ,
Aussi legers que les Troupeaux ,
Qui bondissent dans les Campagnes.
O! Mer, qui te fit reculer 2
O! Jourdain , pourquoi sur tes Rives ,
Vit- on les ondes fugitives ,
Vers leur origine couler ?.
Monts sacrez , Collines tranquiles ,,
Apprenez -nous quel changement s
Vous imprime le mouvement ,.
Des animaux les plus agiles ;,
L'Etre Eternel se découvroit ;
La Terre cessa d'être stable ,
A l'aspect du Dieu redoutable ,
Du Dieu que Jacob adoroit.
C'est lui dont la bonté presente ,
Aux cœurs qui sçavent le chercher ,
Change le sterile Rocher ,
En une Source bienfaisante ;
La pierre obéit à sa voix;'
II Vol. M
༣ JUIN 1732 1339 .
Il parle et soudain l'Onde coule ,
'Au gré de cette ingrate foule ,
Qui murmure contre ses Loix.
Seigneur, aux yeux des foibles hommes ;
Quand tu fais briller ta splendeur ,
L'immensité de ta grandeur ,
Nous instruit du peu que nous sommes :
Sage Auteur de notre raison "
Inspire-nous toûjours de croire
Qu'il ne nous est point dû de gloire ;
Qu'il n'en appartient qu'à ton Nom.
Fais que malgré leur arrogance
Les Humains puissent concevoir ,
La verité de ton pouvoir "
Et les trésors de ta clémence ;
Que les. Infideles privez ,
Des avantages de ton culte
N'osent plus dire avec insulte 9
Quel est le Dieu que vous servez ?
Le Dieu qui reçoit notre hommage ,
'Assis sur la Voute des cieux ,
'Attache ŝans cesse ses yeux ,
1
Sur l'homme , son plus cher ouvrage ;
Aux tendres soins de sa bonté ,
Le Monde entier doit sa naissance ,
IL. Vol Et D vj
1340 MERCURE DE FRANCE
Et, pour limite , sa puissance ,
Ne connoît que sa volonté.
Flatez d'esperances frivoles ,
Chaque jour on voit des Mortels,
Dresser, à l'envi , des Autels ,
A de chimeriques Idoles ;
Quelle honte pour les Humains
D'adorer un Métail sordide !
De fléchir un genoüil timide ,
Devant l'ouvrage de leurs mains.
Vainement l'Ouvrier habile,
Prête une bouche à ces faux Dieux
En vain le ciseau sur leurs yeux ,
Taille une paupiere immobile ;
On ne verra point à des sons
Ceder leurs levres inflexibles ,
Ni leurs yeux devenir sensibles ,
Au Soleil dont nous jouissons.
Tel qui veut chanter les merveilles ,
Des Dieux qu'il se fait à son choix,
Ose-t'il penser que sa voix ,
Percera leurs sourdes oreilles ?
Ces vains fantômes de l'erreur ,
Honorez d'un Peuple crédule ,
Dans le moment que l'encens brule ,
Ignorent quelle en est l'odeur.
II. Vol. Sans
JUIN. 1732. 1347
Sans cesse ma raison demande ,
Si jamais leurs pieds agiront ,
Ou si leurs mains discerneront ,
Le prix d'une riche Guirlande ;
Ont-ils quelques droits sur nos jours.
Quand leur silence opiniâtre ,
Résiste aux cris de l'Idolâtre,
Qui les appelle à son secours.
•
Malheur à l'aveugle qui compte,
Sur un Métail inanimé ;
Puisse celui qui l'a forme,
De son Dieu partager la honte!
Puissent tous ceux de qui l'encens,
Indignement se prostituë ,
Devant une froide Statuë,
Perdre l'usage de leurs sens !
Aux pieds du vrai Dieu prosternée,
La sage Maison d'Israël ,
Fonda sur son bras immortel ,
Tout l'espoir de sa destinée.
Par quel secours , par quel appui ,
Le Seigneur , prodigue pour elle ,
A-t'il récompensé le zele ,
Des cœurs qui n'invoquoient que lui ?
Avec la même confiance ,
II.Vol.
Les
1342 MERCURE DE FRANCE
Les Fils illustres d'Aaron ,
En la grandeur de son saint nom ,
Mettant leur plus ferme esperance ;
Par mille bienfaits répandus ,
A chaque instant Dieu se déclare
Le Protecteur de la Thiare ,
Dontil couronne leurs vertus,
Qu'ils sont forts , malgré leur foiblesse
Ceux qui porte au fond du cœur ,
Cette humble crainte du Seigneur
D'où naît la plus haute sagesse ;
Tous ces illustres Combattans ,
Pour prix d'une fidelle attente
Reçoivent la grace constante ,
Qui les soutient dans tous les temps.
".
Mais dans notre triste carriere ,
Nous-mêmes n'éprouvons nous pas
Que le Seigneur à tous nos pas
Prête sa divine lumiere ?
Loin que nos vœux soient oubliez
Tout nous apprend que sa Justice ,
Abeni l'ardent SacrificeDe nos desirs humilicz.
Ainsi d'un secours efficace ,
Israël mérita le don…
II. Vale Ainsi
JUIN. 173.20 7343 Ainsi le Pontife Aaron ,
L'obtint pour son Auguste Race;
Ainsi le Dieu de Verité ,
Soutient par les graces qu'il donne ,
Et la Houlette et la Couronne
De qui craint sa Divinité.
Puisse-t'il, ce Dieu favorable
A qui vous adressez vos vœux
Et sur vous et sur vos neveux
Répandre sa grace ineffable !
Soyez tous benis, du Seigneur,
Dont la voix commande au Tannerre,
Er #
que le Ciel avec la Terre,
Reconnoît pour son Créateur.
Lorsqu'il se proposa lui- même ,
De regler le Monde à son gré,
Au-dessus du Ciel azuré ,
Il plaça son. Trône suprême.
Le Firmament fut son séjour ,
Et la Terre obscure où nous sommes
Devint le partage des hommes,
Qu'avoit enfantez son amour.
Dieu puissant , Souverain des Anges,.
Les Humains plongez par le sort ,
Dans les tenebres de la mort ,
Ne publieront point tes louanges ;
IL. Vob Tom
1334 MERCURE DE FRANCE 4
Ton nom ne sera point chanté ,
Par ces ames infortunées ,
Que tajustice a condamnées ,
Agémir loin de ta clarté,
Mais nous , qui jouissons encore
Du Soleil , que tu fais mouvoir ,
Seigneur , pour benir ton pouvoir ,
Nous sçavons devancer l'Aurore :
Tous nos vœux seront satisfaits,
Des jours que ta bonté nous laisse
Si nous les consacrons sans cesse ,
Au souvenir de tes bienfaits
Tirée du Pseaume 113 , In Exitu Israël, &c.
IRrité Rrité par la barbarie ,
D'un Peuple idolâtre et cruel ,
Le Seigneur , aux Fils d'Israël ,
Promit leur ancienne Patrie.
Alors , sous un Chef redouté ,
De Jacob la féconde Race ,
Brisa par une sainte audace ,
Les fers de sa Captivité.
Heureuses Plaines de Judée ,
Le Ciel daigna vous confier ,
La gloire de sanctifier ,
La Troupe qu'il avoit guidée ;
Votre bonheur fut résolu ,
Quand l'Etre par qui tout respire ,
Soumit vos guerets à l'Empire ,
Du Peuple qu'il avoit élû.
Mais en la présence terrible ,
Du Dieu qui créa l'Univers ,
Combien de prodiges divers !
La Mer même y parut sensible ;;
IL Vol. D V Son
1338 MERCURE DE FRANCESon vaste sein s'épouventa ;
Ses flots fuyoient d'un cours rapide,
Tandis que le Jourdain timide ,
Jusqu'à sa source remonta.
On vous vit , superbes Montagnes
On vous vit , steriles Côteaux ,
Aussi legers que les Troupeaux ,
Qui bondissent dans les Campagnes.
O! Mer, qui te fit reculer 2
O! Jourdain , pourquoi sur tes Rives ,
Vit- on les ondes fugitives ,
Vers leur origine couler ?.
Monts sacrez , Collines tranquiles ,,
Apprenez -nous quel changement s
Vous imprime le mouvement ,.
Des animaux les plus agiles ;,
L'Etre Eternel se découvroit ;
La Terre cessa d'être stable ,
A l'aspect du Dieu redoutable ,
Du Dieu que Jacob adoroit.
C'est lui dont la bonté presente ,
Aux cœurs qui sçavent le chercher ,
Change le sterile Rocher ,
En une Source bienfaisante ;
La pierre obéit à sa voix;'
II Vol. M
༣ JUIN 1732 1339 .
Il parle et soudain l'Onde coule ,
'Au gré de cette ingrate foule ,
Qui murmure contre ses Loix.
Seigneur, aux yeux des foibles hommes ;
Quand tu fais briller ta splendeur ,
L'immensité de ta grandeur ,
Nous instruit du peu que nous sommes :
Sage Auteur de notre raison "
Inspire-nous toûjours de croire
Qu'il ne nous est point dû de gloire ;
Qu'il n'en appartient qu'à ton Nom.
Fais que malgré leur arrogance
Les Humains puissent concevoir ,
La verité de ton pouvoir "
Et les trésors de ta clémence ;
Que les. Infideles privez ,
Des avantages de ton culte
N'osent plus dire avec insulte 9
Quel est le Dieu que vous servez ?
Le Dieu qui reçoit notre hommage ,
'Assis sur la Voute des cieux ,
'Attache ŝans cesse ses yeux ,
1
Sur l'homme , son plus cher ouvrage ;
Aux tendres soins de sa bonté ,
Le Monde entier doit sa naissance ,
IL. Vol Et D vj
1340 MERCURE DE FRANCE
Et, pour limite , sa puissance ,
Ne connoît que sa volonté.
Flatez d'esperances frivoles ,
Chaque jour on voit des Mortels,
Dresser, à l'envi , des Autels ,
A de chimeriques Idoles ;
Quelle honte pour les Humains
D'adorer un Métail sordide !
De fléchir un genoüil timide ,
Devant l'ouvrage de leurs mains.
Vainement l'Ouvrier habile,
Prête une bouche à ces faux Dieux
En vain le ciseau sur leurs yeux ,
Taille une paupiere immobile ;
On ne verra point à des sons
Ceder leurs levres inflexibles ,
Ni leurs yeux devenir sensibles ,
Au Soleil dont nous jouissons.
Tel qui veut chanter les merveilles ,
Des Dieux qu'il se fait à son choix,
Ose-t'il penser que sa voix ,
Percera leurs sourdes oreilles ?
Ces vains fantômes de l'erreur ,
Honorez d'un Peuple crédule ,
Dans le moment que l'encens brule ,
Ignorent quelle en est l'odeur.
II. Vol. Sans
JUIN. 1732. 1347
Sans cesse ma raison demande ,
Si jamais leurs pieds agiront ,
Ou si leurs mains discerneront ,
Le prix d'une riche Guirlande ;
Ont-ils quelques droits sur nos jours.
Quand leur silence opiniâtre ,
Résiste aux cris de l'Idolâtre,
Qui les appelle à son secours.
•
Malheur à l'aveugle qui compte,
Sur un Métail inanimé ;
Puisse celui qui l'a forme,
De son Dieu partager la honte!
Puissent tous ceux de qui l'encens,
Indignement se prostituë ,
Devant une froide Statuë,
Perdre l'usage de leurs sens !
Aux pieds du vrai Dieu prosternée,
La sage Maison d'Israël ,
Fonda sur son bras immortel ,
Tout l'espoir de sa destinée.
Par quel secours , par quel appui ,
Le Seigneur , prodigue pour elle ,
A-t'il récompensé le zele ,
Des cœurs qui n'invoquoient que lui ?
Avec la même confiance ,
II.Vol.
Les
1342 MERCURE DE FRANCE
Les Fils illustres d'Aaron ,
En la grandeur de son saint nom ,
Mettant leur plus ferme esperance ;
Par mille bienfaits répandus ,
A chaque instant Dieu se déclare
Le Protecteur de la Thiare ,
Dontil couronne leurs vertus,
Qu'ils sont forts , malgré leur foiblesse
Ceux qui porte au fond du cœur ,
Cette humble crainte du Seigneur
D'où naît la plus haute sagesse ;
Tous ces illustres Combattans ,
Pour prix d'une fidelle attente
Reçoivent la grace constante ,
Qui les soutient dans tous les temps.
".
Mais dans notre triste carriere ,
Nous-mêmes n'éprouvons nous pas
Que le Seigneur à tous nos pas
Prête sa divine lumiere ?
Loin que nos vœux soient oubliez
Tout nous apprend que sa Justice ,
Abeni l'ardent SacrificeDe nos desirs humilicz.
Ainsi d'un secours efficace ,
Israël mérita le don…
II. Vale Ainsi
JUIN. 173.20 7343 Ainsi le Pontife Aaron ,
L'obtint pour son Auguste Race;
Ainsi le Dieu de Verité ,
Soutient par les graces qu'il donne ,
Et la Houlette et la Couronne
De qui craint sa Divinité.
Puisse-t'il, ce Dieu favorable
A qui vous adressez vos vœux
Et sur vous et sur vos neveux
Répandre sa grace ineffable !
Soyez tous benis, du Seigneur,
Dont la voix commande au Tannerre,
Er #
que le Ciel avec la Terre,
Reconnoît pour son Créateur.
Lorsqu'il se proposa lui- même ,
De regler le Monde à son gré,
Au-dessus du Ciel azuré ,
Il plaça son. Trône suprême.
Le Firmament fut son séjour ,
Et la Terre obscure où nous sommes
Devint le partage des hommes,
Qu'avoit enfantez son amour.
Dieu puissant , Souverain des Anges,.
Les Humains plongez par le sort ,
Dans les tenebres de la mort ,
Ne publieront point tes louanges ;
IL. Vob Tom
1334 MERCURE DE FRANCE 4
Ton nom ne sera point chanté ,
Par ces ames infortunées ,
Que tajustice a condamnées ,
Agémir loin de ta clarté,
Mais nous , qui jouissons encore
Du Soleil , que tu fais mouvoir ,
Seigneur , pour benir ton pouvoir ,
Nous sçavons devancer l'Aurore :
Tous nos vœux seront satisfaits,
Des jours que ta bonté nous laisse
Si nous les consacrons sans cesse ,
Au souvenir de tes bienfaits
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Résumé : ODE SACRÉE, Tirée du Pseaume 113, In Exitu Israël, &c.
Le poème relate l'exode des Israélites hors d'Égypte et leur traversée miraculeuse de la mer Rouge. Dieu, irrité par la barbarie d'un peuple idolâtre et cruel, promet aux Israélites leur ancienne patrie. Sous la conduite d'un chef redouté, les Israélites brisent les fers de leur captivité par une sainte audace. Les plaines de Judée sont confiées à la gloire de sanctifier le peuple guidé par Dieu. La mer Rouge et le Jourdain accomplissent des prodiges, comme reculer et remonter à leur source, tandis que les montagnes et les collines se comportent comme des troupeaux légers. Ces événements miraculeux montrent la puissance de Dieu, qui change les rochers en sources bienfaisantes et fait couler l'eau au gré d'une foule ingrate. Le poème exalte la grandeur de Dieu, qui surveille constamment l'homme, son ouvrage le plus cher. Il critique l'adoration des idoles et des faux dieux, incapables de réagir ou d'agir. La Maison d'Israël, prosternée devant le vrai Dieu, fonde son espoir sur son bras immortel. Les fils d'Aaron mettent leur confiance en Dieu, qui les récompense par mille bienfaits. Le texte se conclut par une prière pour que Dieu répande sa grâce sur les fidèles et leurs descendants, reconnaissant son pouvoir sur le ciel et la terre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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82
s. p.
STANCES IRREGULIERES Sur l'avantage qu'il y a d'aimer Dieu, préférablement aux Créatures.
Début :
Je déteste vos impostures, [...]
Mots clefs :
Coeurs, Amours, Créatures, Dieu, Plaisirs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : STANCES IRREGULIERES Sur l'avantage qu'il y a d'aimer Dieu, préférablement aux Créatures.
STANCES IRREGULIERES
Sur l'avantage qu'il y a d'aimer Dien ,
préférablement aux Créatures.
33 J
13
E déteste vos impostures ,
Funeste amour des Créatures ;
Cédez pour jamais dans mon
、 cœur
A l'amour de mon Créateur.
Combien de fois séduit d'une fausse apparence,
La légéreté, l'inconstance ,
A ij De
1676 MERCURE DE FRANCE
De la plus piquante beauté ,
Ont-elles trompé l'esperance ,
Dont on s'étoit trop- tôt flatté ?
Combien l'aveugle phrénésie ,
D'une barbare jalousie ,
A-t-elle tourmenté de cœurs !
Et la cruelle maladie ,
Effacé de charmes vainqueurs ,
Et changé d'amours en horreurs!
Si , pour prix de notre constance,
Une flateuse préférence ,
Couronne notre passion ,
Une longue possession ,
Une facile jouissance ,
Fait cesser les tendres soupirs ;
L'amour tombe dans l'indolence ;
Le dégoût succéde aux désirs ,
Et le repentir aux plaisirs,
Mais je veux qu'il se trouve au monde
Deux cœurs si tendrement unis
Qu'au milieu d'une paix profonde ,
Ils goûtent des biens infinis ,
Et que leur ardeur mutuelle ,
A chaque instant se renouvelle ;
Ces cœurs sont-ils long- temps heureux à
Les rigueurs d'une longue absence ,
Les
A
OUST. 1732 1677
Traverseront de si beaux feux ,
Où la mort avec violence ,
Viendra briser de si doux nœuds.
Grand Dieu , l'on trouve en vous une beauté
parfaite ;
On n'y craint point de changement ;
Plus nous vous aimons constamment .
"
Et plus notre ame est satisfaite.
A celui qui veut vous chercher ;
Jamais rien ne vous peut cacher ;
Ni tumulte , ni solitude ;
Vous sçavez remplir nos désirs ,
Et par l'avant- goût des plaisirs ,
D'une sainte beatitude ,
Adoucir notre inquiétude.
La mort si terrible aux Amans ,
N'a rien à nos yeux que d'aimable ;
Nous en attendons les momens,
Comme le terme désirable ,
Qui doit à l'objet adorable
us unir éternellemen
Sur l'avantage qu'il y a d'aimer Dien ,
préférablement aux Créatures.
33 J
13
E déteste vos impostures ,
Funeste amour des Créatures ;
Cédez pour jamais dans mon
、 cœur
A l'amour de mon Créateur.
Combien de fois séduit d'une fausse apparence,
La légéreté, l'inconstance ,
A ij De
1676 MERCURE DE FRANCE
De la plus piquante beauté ,
Ont-elles trompé l'esperance ,
Dont on s'étoit trop- tôt flatté ?
Combien l'aveugle phrénésie ,
D'une barbare jalousie ,
A-t-elle tourmenté de cœurs !
Et la cruelle maladie ,
Effacé de charmes vainqueurs ,
Et changé d'amours en horreurs!
Si , pour prix de notre constance,
Une flateuse préférence ,
Couronne notre passion ,
Une longue possession ,
Une facile jouissance ,
Fait cesser les tendres soupirs ;
L'amour tombe dans l'indolence ;
Le dégoût succéde aux désirs ,
Et le repentir aux plaisirs,
Mais je veux qu'il se trouve au monde
Deux cœurs si tendrement unis
Qu'au milieu d'une paix profonde ,
Ils goûtent des biens infinis ,
Et que leur ardeur mutuelle ,
A chaque instant se renouvelle ;
Ces cœurs sont-ils long- temps heureux à
Les rigueurs d'une longue absence ,
Les
A
OUST. 1732 1677
Traverseront de si beaux feux ,
Où la mort avec violence ,
Viendra briser de si doux nœuds.
Grand Dieu , l'on trouve en vous une beauté
parfaite ;
On n'y craint point de changement ;
Plus nous vous aimons constamment .
"
Et plus notre ame est satisfaite.
A celui qui veut vous chercher ;
Jamais rien ne vous peut cacher ;
Ni tumulte , ni solitude ;
Vous sçavez remplir nos désirs ,
Et par l'avant- goût des plaisirs ,
D'une sainte beatitude ,
Adoucir notre inquiétude.
La mort si terrible aux Amans ,
N'a rien à nos yeux que d'aimable ;
Nous en attendons les momens,
Comme le terme désirable ,
Qui doit à l'objet adorable
us unir éternellemen
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Résumé : STANCES IRREGULIERES Sur l'avantage qu'il y a d'aimer Dieu, préférablement aux Créatures.
Le texte 'Stances irrégulières' met en avant les avantages d'aimer Dieu plutôt que les créatures terrestres. L'auteur critique l'amour terrestre, qui trompe souvent par des apparences fallacieuses et cause des souffrances par la jalousie et l'inconstance. Même lorsqu'il semble récompensé, il mène souvent à l'indolence, au dégoût et au repentir. Les cœurs les plus unis finissent par souffrir des rigueurs de l'absence ou de la mort. En contraste, aimer Dieu offre une beauté parfaite et constante. Dieu sait remplir les désirs et adoucir l'inquiétude par la promesse d'une béatitude sainte. La mort, redoutable pour les amants terrestres, devient désirable car elle unit éternellement à Dieu.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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83
p. 1736-1755
TRADUCTION d'une Relation Turque, sur ce qui s'est passé dans les Conferences teuuës pour la Paix entre les Turcs et les Persans, à l'Armée du Grand-Seigneur, près d'Hamadan, par les Plénipotentiaires de Sa Hautesse, et ceux de Chah Thamas, Roy de Perse.
Début :
Achmet-Pacha, Seraskier ou General de l'Armée Otomane, et [...]
Mots clefs :
Traduction, Achmet Pacha, Sérasker, Province de Babylone, Conférences, Paix, Turques, Persans, Plénipotentiaires, Empires, Royaume de Perse, Moscovites, Cours, Gratitude, Dieu
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TRADUCTION d'une Relation Turque, sur ce qui s'est passé dans les Conferences teuuës pour la Paix entre les Turcs et les Persans, à l'Armée du Grand-Seigneur, près d'Hamadan, par les Plénipotentiaires de Sa Hautesse, et ceux de Chah Thamas, Roy de Perse.
TRADUCTION d'une Relation Turque,
sur ce qui s'est passé dans les Conferences tennës pour la Paix entre les Turcs et les
Persans , à l'Armée du Grand- Seigneur,
près d' Hamadan, par les Plénipotentiaires de Sa Hautesse , et ceux de ChabThamas , Roy de Perse.
Chmer- Pacha, Seraskier ou General
Adel'armée Otomane, et BeylerBey,
( c'est-à- dire Gouverneur ) de la Province de Babylone , en vertu des pleins
pouvoirs que le G. S. lui envoit envoyez pour faire la paix avec les Persans,
ayant nommé Achmet- Pacha , Beylerbey
de Rika, (1) Abdi- Pacha-Zadé- Ali- Bey,
Salahor ( 2 ) de S. H. Kassim- Effendi ,
Defterdar ( 3 ) de l'Armée , et Raghib
Effendi , Defterdar de Bagdat , pour PleB
( 1) Rika , est un des 17. Beylerbeys ou
Grand - Gouvernemens d'Asie , qu'on appelle
Hassilez. Voyez Ricaut , et le 3. du Diarbekir ,
consideré seulement comme l'ancienne Mesopotamie , renfermée entre le Tygre et l'Euphrate.
(2) Salahor, Ecuyer Cavalcadour , qui exerceet travaille les Chevaux du G. S. il y en a″12.
( 3 ) Defterdar , Intendant des Finances et Trésorier. 1
nipo
A O UST. 1732. 1737
nipotentiaires de la Poste > et ChahThamas , ayant choisi pour les siens ,
Mehemet-Riza-Khan , ( 1 ) _ Kouroudgi
Bachi, et Mustapha Khan. Tous ces Ministres se rendirent au quartier du Beylerbey de Rika , où ils s'assemblerent
sous sa Tente , le premier de Janvier de
la présente année 1732.
PREMIERE CONFERENCE.
Après que les Plenipotentiaires respectifs se furent fait les complimens et les
politesses d'usage en pareille occasion .
ceux de la Porte ouvrant la Conférence
dirent à ceux du Roy de Perse.
7
Le Seraskier Achmet-Pacha , nous. a
donné pouvoir d'entrer avec vos Excellences , dans une négociation dont le
succès ne peut être que très- avantageux
à la Perse. Nous sommes disposez de notre part à travailler si éfficacement a la
paix qu'il ne dependra certainement pas
de ncs foins que nous n'en voyions bientôt une heureuse conclusion. Ainsi c'est
à vos Excellences à nous faire connoître
jusqu'à quel point elles sont autorisées de
(1 ) Khan , est la même chose en Perse qu'un Pacha ou un Gouverneur de Province en Turquie, et Kouroudgi Bachi , y fait l'équivalent da
Janissaire Aga chez les Turcs.
leur
1738 MERCURE DE FRANCE
leur Maître , et quelles sont leurs pré- tentions.
Les Plenipotentiaires de Perse, prenant
alors la parole , répondirent que de tout
temps l'illustre Maison des Rois de Perse
avoit été liée d'amitié avec l'illustreMaison
Otomane , et que cette amitié n'avoit jamais été interrompuë que par la fatalité
du destin , qui avoit quelquefois produit
des évenemens surnaturels , suivis de la
discorde , et contre toute attente. Mais
ajoûterent- ils , nous desirons aujourd'hui
avec ardeur de faire revivre entre nous une
union si intime, qu'elle puisse rétablir
une tranquillité inalterable entre ces deux
Empires.
C'est aussi le même motif qui nous
anime, répliquerent les Ministres Turcs ;
mais pour parvenir au but que nous nous
proposons tous, il faut commencer par
convenir de certains points fondamentaux
qui puissent servir de base au Traité qui
nous assemble , et il est necessaire pour
cela que vous nous découvriez d'abord
sans détour, vos véritables intentions, afin
qu'après en avoir informé le très heureux
Seraskier , nous puissions , sur les ordres
que nous en recevrons , donner quelque
forme à la Négociation que nous enta
mons aujourd'hui.
Puisque
1
A O UST. 1732. 1739
Puisque vos Excellences souhaitent
que nous nous expliquions nettement ,
reprirent les Ministres de Perse , nous
demandons que generalement tous les
Pays que vous nous avez prís nous soient
restituez , et que la Paix et nos Frontieres avec l'EmpireOtoman soient reglées
sur le même pied qu'elles le furent sous
le Regne du Sultan Soliman , ( 1 ) de
glorieuse memoire.
Ce discours a de quoi nous surprendre,
répartirent les Turcs , et vous nous faiteslà une proposition des plus nouvelles. Il
a toûjours été d'usage , lorsque des Princes ennemis font la paix ensemble , que
non-seulement le vainqueur conserve les
conquêtes dont il est en possession , mais
que le vaincu lui fasse encore des avantages. C'est le cours ordinaire ; les Histoires , tant anciennes que modernes ,
en fournissent mille exemples , et nous
nedoutons pas que vous ne sçachiez tout
cela comme nous. D'ailleurs dans la Paix
que vous nous citez , qui fut concluë entre nos devanciers et les vôtres sous l'Emperéur Soliman , on y convint pour Préliminaires , que les Provinces de Tchildir , ( 2 ) de Cars , ( 3 ) de Van , ( 4 ) et
(1) Soliman II. prit et pilla Tauris en 1535
( 2 ) Tchildir est le ye Gouvernement d'Asie ,
plu-
1740 MERCURE DE FRANCE
plusieurs autres lieux resteroient à la Porte ; et vous , bien loin de nous offrir au
moins quelques Places au- delà des Pays
que le sort des armes a mis entre nos mains , vous demandez que nous vous
rendions ces mêmes Pays , qui subis
sent nos Loix depuis long - temps et
dont la conquête nous a coûté des trésors immenses et des torrens de notre
sang.
Vous avez raison , dirent les Persans ;
` nous convenons de la justesse de vos rai
sonnemens, mais un Empire aussi puissant et d'une aussi prodigieuse érenduë
que le vôtre , ne doit pas s'attacher , ni
même daigner faire attention à quelques
coins de terre si ruinez , qu'ils sont devenus plus propres à servir de retraite à
de tristes Hiboux , que de demeure à
de valeureux Soldats comme les- Otomans. Neanmoins quoique ces contrées
désolées ne puissent êtte considerées
1
que
de ceux qu'on appelle Hasilé. Il est sur les Frontieres de la Georgie.
(3) Cars , Ville de la grande Armenie , dans
cette partie qu'on appelle aujourd'hui Iran , ou
Carabag , entre l'Araxe et le Cyrus.
(4) Van , Ville de la même contrée que Cars,
et située sur un Lac du même nom , que l'on
appelle la Mer de Van ou d'Armenie , à cause
de son extréme grandeur... comme
A O UST. 1732. 1740
.
comme un rien pour votre Empire il est
pourtant vrai qu'elles sont un objet fort
considerable pour le nôtre , et que nous
en regarderons la restitution comme une
grace singuliere , purement émanée de
la clémence du G. S. que nous osons implorer aujourd'hui ; au surplus vous êtes
les Maîtres et nous nous en remettons
à vous avec une entiere confiance.
II. CONFERENCE, tenu le lendemais
entre les mêmes Ministres et au même
endroit.
Les Plénipotentiaires Turcs adressant
la parole à ceux de Perse , leur dirent :
si vous êtes effectivement dans le dessein
de finir la guerre , ( 1 ) ne vous amusez pas,
comme vous fites hier , à battre le fer
froid. Mais au lieu de vous entretenir
dans la vaine idée de la pouvoir terminer sur le même plan que nos Ancêtres
suivirent sous Soliman , songez plutôt à
joindre à nos conquêtes quelques Pro
vinces qui puissent nous convenir , ainsi
que les vaincus en ont toûjours agi envers leurs vainqueurs.
Et que nous reste-t'il , pour vous don
ner de nouvelles Provinces , se récrierent
(1 )Proverbe Arabe , qui revient au nôtre , il
faut battre le fer tandis qu'il est chaud,
les
1742 MERCURE DE FRANCE
les Persans ? Nous venons humblement
vous demander grace ; nous reclamons
la misericorde de la Porte ; notre intention n'est pas de marchander ni de chicaner avec vous ; nous connoissons.trop
l'état d'humiliation où l'enchainement de
nos malheurs nous a réduits , pour avoir
la présomption de vous rien contester
mais si la décadence de nos affaires , arrivée par le concours de mille fâcheux évenemens , a été cause que vous nous avez
traitez de la maniere la plus cruelle, pourriez vous laisser échapper la belle occasion que le Ciel vous offre aujourd'hui de
réparer nos maux , en faisant autant de
bien à notre Monarque , que vous lui
-avez porté de préjudice ? non , au lieu
de lui rien demander davantage , réta
blissez-le sur son Trône , avec autant de
puissance et de splendeur qu'y brillerent
autrefois ses illustres Ayeux , et persua
dez- vous que la gloire de votre Empire.
et de votre Empereur y est interessée. Du
reste, à notre égard, nous serons toujours
satisfaits de tout ce que feront vos Excellences.
Nous voulons bien le croire ainsi , répondirent les Plénipotentiaires de la
Porte , et votre modestie nous confirme
dans l'opinion que nous avions déja conçuë
A O UST. 1732. 1743
çue de votre prudence et ' de votre capacité. C'est pourquoi nous vous déclarons de la part de l'Empereur notre Maî
tre, que par un excès de bonté pour vous,
il veut bien , non- seulement vous accorder la Paix et se désister des justes prétentions qu'il auroit comme victorieux
d'exiger de nouveaux Païs qui seroient
à sa bienseance , outre ceux qu'il a conquis sur vous , il veut encore faire plus
en votre faveur , et pour vous marquer
jusqu'où va son extrême generosité , il
vous donne le choix entre les derniers
Pays que ses Armes lui ont acquis en
deçà de l'Araxe , et à l'exception de la
Province de Tauris , ( ) vous n'avez qu'à
demander , tout vous sera accordé.
Nous vous avons exposé ce que nous
desirions , répliquerent les Persans , et
sans varier dans l'unique point- de- vûë
qu'il nous est permis d'avoir , nous continuons à vous prier de rétablir notre Roy
dans tous ses Etats. Faites cependant ce
que vous jugerez de plus digne de vous
et de la gloire de votre Empire. Mais
comme nous nous app rcevons que nos
instances les plus vives ne produisent pas
(1) Tauris ou Tebris , grande Ville et Provin- ce enclavée dans l'Airbeitzan ou Edzerbaijan
qui fait partie de l'ancienne Médie,
sur
1744 MERCURE DE FRANCE
sur vos Excellences l'effet que nous avions
crû pouvoir nous en promettre , qu'elles
nous donnent , s'il leur plaît le reste du
jour pour consulter entre nous , et demain matin Mustapha Khan (. ) viendra
vous rendre compte de la résolution que
nous aurons prise.
III. CONFERENCE , où il n'y ent
que Mustapha - Khan , de la part de Chah-Thamas.
Le lendemain , ainsi que les Plénipotentiaires Persans l'avoient promis , Mustapha- Kan se rendit au lieu de l'Assemblée et dit aux Ministres Turcs qui l'y
attendoient. A la verité jusqu'à present
nous avions été obligez , Mehemet RizaKhan et moi , de nous en tenir , conformement à nos instructions , à vous
prier de restituer generalement à notre
Souverain tous les Pays que la Porte lui
a enlevez , mais ayant reconnu combien
vos Excellences étoient éloignées de remplir nos souhaits à cet égard , nous hous
sommes retranchez à les supplier d'agréer
une des deux propositions que je vais
avoir l'honneur de leur faire. La premie-
*
(1) N. B. c'étoir Mehemet Riza Khan , qui
tomme Premier Plénipotentiaire , portoit la parolc.
A O UST. 17327 1745
re, que la Perse payera annuellement à
la sublime Porte une certaine somme
dont on conviendra , moyennant quoi
les limites des deux Empires seront bor :
nées par les Rivieres d'Arpatchaï ( 1 ) et :
de Karct-Kalkan , et vous nous restituerez tous les Etats que vous avez conquis .
sur nous. La seconde , qui vous sera peutêtre plus agréable , que les Provinces de
Tiflis ( 2 ) d'Herdelan, resteront sous votre
domination , et que vous nous ferez la
grace de laisser rentrer le reste sous celle
de notre Roy.
Ni l'une ni l'autre de ces propositions
n'est acceptable , répondirent les Plenipotentiaires de Turquie , et il nous paroît si hors de propos , que vous fassiez
la moindre ouverture sur les Pays audelà del'Araxe qu'il ne nous convient ›
même pas d'ouvrir la bouche pour vous
répondre sur cet article. En verité , continua le Pacha de Rika , qui comme le
premier entre ses Collegues parloit pour
tous , il est bien étrange , que dans le
temps même qu'également touchez de
11) Ces deux Rivieres sont en Géorgie.
(2) Tiflis , ou Téffis , Capitaine du Gurgistan,
qui est la Géorgie , proprement dite. Elle est si- tuée sur le bord du Kur , anciennement le Cyrus.
Herdelan est dans le même Pays.
D YOS
1746 MERCURE DE FRANCE
vos malheurs et de vos prieres , nous
consentons , non- seulement à renoncer
en faveur de la Paix aux Provinces que
nous serions en droit d'exiger par- dessusnos conquêtes , mais que notre complaisance pour vous s'étend jusqu'à vous of→
frir de vous en rendre de celles que nous
venons d'acquerir ; il est bien étrange ,
dis-je , que vous nous fassiez sérieusement
des propositions si éloignées de toute raison. Vous voulez ceci , vous ne vou
lez pas cela , et vous prétendez disposer
des Pays qui sont entre nos mains, comme
si vous en étiez encore les paisibles possesseurs.N'avez vous donc pas de honte d'ê
tre si peu judicieux ? Le Pacha s'emporta
en proferant ces dernieres paroles , ou
du moins fit semblant de s'emporter ,
car il se radoucit bien- tôt , quand Mustapha l'interrompant d'un air humble et
flateur , s'exprima en ces termes : Nous
sommes venus implorer la générosité de
la sublime Porte , à laquelle nous nous
abandonnons sans réserve , et dont la
puissance s'étend d'un bout du Pole à l'au
tre; vous nous voyez accablez de revers,
sans appui , sans secours; nous ne possedons plus rien qui mérite de porter le
nom de Païs et de Provinces ; il n'est pas
étonnant que dans des circonstances si
affligeantes,
A O UST. 1732. 1747
affligeantes , nous vous fassions des demandes qui vous paroissent inconsiderées , mais vous ne devez pas nous en
sçavoir mauvais gré , et quelque extraordinaires que vous semblent nos prétentions , l'état violent où nous sommes,
doit les excuser auprès de vos Excellences.
Pourquoi , reprirent les Turcs , faites-vous tant les miserables ? Est- ce que
le Royaume de Perse est renfermé seulement dans les conquêtes que nous y
avons faites ? et peut-on appeller pauvre
un Souverain qui possede Ispaham , le
Guilhan , ( 1 ) Chiras , ( 2 ) le Korassan , (3)
et tant d'autres Contrées , qui forment
encore un vaste Empire ?
De tous les Etats , dont vous venez de
faire l'énumération , repartit Mustapha ,
en soupirant , une partie a passé sous les
Loix des Infideles Moscovites , et l'autre
est , pour ainsi dire , totalement boule-
(i) Le Guilhan ou Kilan , est le long de la
Mer Caspienne , et compose avec le Mazandran ,
l'ancienne Hyrcanie.
(2 ) Chiras ou Schiras , Ville sur le Kur, dans
le Farsistan ou la Perse proprement dite.
(3) Le Korassan , Corasan , ou Chorasan ,
comprend l'anciene Ariane , partie de la Bactriane , et du Païs des Parthes , c'est une des plus
Considerables Contrées de la Perse.
Dij versée
1748 MERCURE DE FRANCE
1
versée par les ravages et les désordres
qu'y ont faits , ou qu'y ont attirez les
cruels ( 1 ) Esghans. De sorte qu'à proprement parler , nous n'avons plus frien
de quelque conséquence que Coni ( 2 ) ,
Kiachan ( 3 ), et ( 4 ) Ispaham.
Mais si votre situation , repliquerent
les Turcs , est aussi déplorable que vous
nous la dépeignez ; si outre cela vous affectez dans toutes les occasions de vous
dire , nos Freres , de vous vanter d'être
avec nous dans la même unité de Religion, et si vous avez d'ailleurs tant d'embarras et d'ennemis sur les bras, d'où vient
ne vous pas appliquer à vous en délivrer?
Pourquoi vous acharner particulierement
contre nous , comme vous faites ? Car s'il
en faut juger par toutes vos démarches ,
il n'y a que nous seuls qui vous occu-
( 1 ) Esghans , Eughans , ou Aguans , Peuples
du Candahar , qui fait partie du Sablustan , autrefois le Paropamisus.
(2 ) Com , ou Kom , Ville dans l'Hierak ou
Yerak- Agemi , partie de l'ancien Royaume des
Parthes.
( 3 ) Kiachan ou Cachan, grande Ville du même Pais.
( 4 ) Ispaham , Spahan , ou Spahon , comme prononcent les Persans , est aussi dans le même
Païs. Les uns croient que cette Capitale de toute
la Perse , a été bârie sur les ruines d'HécatomPylos , et d'autres sur celles d'Aspa.
pions ;
AOUST. 1732. 1749
}
pions ; vos divisions , vos disputes , vos
guerres,votre empressement pour la Paix,
tout semble en vous n'avoir que Nous
pour unique objet.
C'est aussi , dit Mustapha , l'affaire qui
nous interesse le plus , et que nous prenons le plus à cœur. Vous êtes l'ennemi
le plus redoutable que nous ayions en tête;
si nous pouvons parvenir à cimenter avec
vous une Paix solide , nous nous démêlerons facilement de nos autres ennemis ;
et s'il plaît à Dieu, nous vérifierons bientôt le Proverbe Arabe, qui dit que l'hommese releve où il est tombé.
Mais enfin , continua- t-il , si les Otomans nous ont fait éprouver la fureur de
leurs armes , et s'ils nous ont maltraitez
au delà de ce que nous pouvions jamais
prévoir , nous esperons qu'à tant de calamitez qu'ils nous ont fait souffrir , ils feront succeder des dédommagemens qui
Ies égaleront. C'est uniquement dans cet
esprit, que nous venons négocier avec
vous, et non pour disputer sur le plus ou
le moins de Pais à prétendre et à ceder.
Nous vous retraçons au naturel l'image
de nos infortunes ; nos prieres y sont relatives ; c'est à vos Excellences , comme
nous leur avons déja dit, de prendre une
détermination à notre égard , qui distinDiij gue
1750 MERCURE DE FRANCE
gue d'une façon glorieuse , la grandeur et
la dignité de votre Empire.
Tout cela est excellent , répondirent les
Ministres Turcs , et vous avez raison de
vous attendre à recevoir des faveurs de la
Porte ; mais votre attente, pour être bien
fondée , ne doit pas être sans mesure , et
nous voyons avec peine , qu'au lieu de
resserrer vos désirs dans de justes bornes,
vous n'avez fait , jusqu'icy , que vous répandre en demandes indiscretes , qui
loin de nous approcher du but , nous en
écartent. Ainsi comme vous n'avancerez
jamais rien avec nous , si vous ne prenez
une autre route , nous voulons bien encore vous donner le loisir de réfléchir de
nouveau plus murement , sur vos véri
tables intérêts, et nous les discuterons vo
lontiers plus en détail dans la Conféren
ce que nous tiendrons demain.
IV. CONFERENCE , où tous les Ple
nipotentiaires des deux Cours assisterent.
Le 4 dudit mois de Janvier , les Ministres de la Porte , parlant toujours les
premiers , dirent à ceux de Perse : Nous
nous étions persuadez , qu'en agitant une
affaire d'aussi grande importance que celle.
de la Paix , nous ne devions rien négliger
pour la porter à son point de perfectionle
AOUST. 1732. 1791 8
le plutôt qu'il se pourroit ; et nous nous
étions flatez de trouver dans vos Excellences , des dispositions conformes aux
nôtres en cela. Mais nous reconnoissons ,
à regret , que nous avions mal pénétré
leurs intentions , puisqu'il paroît clairement , qu'elles ne cherchent qu'à éluder
les nôtres, et qu'à gagner du temps, pour
faire échouer la négociation à force de la
tirer en longueur. En effet , si ce n'étoit
pas là votre vûë, pourriez- vous vous opiniatrer , comme vous faites , à former des
prétentions , ausqu'elles vous sçavez bien
vous-même qu'il ne nous est pas possible
de souscrire ?
Nous sommes pleinement convaincus
de notre impuissance, répondirent les Persans, et que nous ne pourrons secoüer le
joug qu'il vous plaira de nous imposer.
Vous possedez tout, nous sommes privez
de tout ; c'est à vous d'ordonner,èt à nous
d'obéïr.
S'il étoit vrai , comme vous le dites, reprirent les Turcs , qu'il ne dépendit que
de nous d'achever heureusement cette
négociation , vous ne nous feriez pas des
demandes si peu mesurées , et toutes nos
prétentions réciproques seroient reglées
dans un moment. Il faut être équitable,
et que vos Excellences se restraignent à ce
Diiij qu'on
1752 MERCURE DE FRANCE
qu'on peut raisonnablement leur accorder. Ainsi, sans perdre davantage le temps
en discours specieux , qui ne conduisent
à rien de décisif, parlez- nous une bonne
fois positivement ; nous vous réïterons ,
que vous nous trouverez toujours disposez à nous prêter à tout ce que vous nous
proposerez de faisable. Mais nous devons
vous prévenir auparavant , qu'il ne faut
plus nous contester la possession des Païs
au-delà de l'Araxe , ni que vous insistiez
de nouveau sur la restitution de Tauris ,
qui est en deçà de ce Fleuve. Hors ces
deux articles , vous pouvez tout esperer
du désir sincere que nous avons de faire
tenaître entre les deux Empires une harmonie inalterable.
qui
Vous êtes les maîtres , encore un coup,
repliquerent les Persans ; nous continuons d'avouer que tout vous appartient chez nous ; mais dès que vous rejetteż la priere que nous vous faisons , de
-nous rendre nos Etats au delà de l'Araxe,
set la Province de Tauris en deçà ; surquoi
voulez-vous que roulent nos Conféren-
´ces, puisque tout ce qui nous reste de notre Monarchie , ne vaut pas seulement la
peine qu'on en fasse mention ?
Comment , s'écrierent les Plénipotentiaires de la Porte; n'y at- il pas encore
( 1)
A OUST. 1732. 1753
(1 ) Amadan , avec son vaste territoire ?
et si nous vous le rendons , ne devez- vous
pas être satisfaits ?
-
Nous avions toujours esperé , repartirent ceux de Perse , que vous fériez rentrer Chah Tahmas dans les Païs d'audelà de l'Araxe , et toute la faveur que
vous voulez lui faire , consiste à lui rendre Amadan , qui est en deçà. Dès que
vous montrez si peu d'égard à nos humbles et constantes supplications , nous ne
sçavons plus que vous proposer , et votre infléxibilité nous rend muets.
Que nous dites- vous-là , reprirent les
Turcs; avez- vous oublié , que lors même
que votre Maître se vantoit de nous avoir
battus , il envoïa à la Porte (2) Riza Kouli Khan et Méhémet-Veli - Khan, qui dans
leurs conférences, avec nos Ministres , cederent tous ces Païs Surquoi , s'il vous
plaît , aujourd'hui que vous vous confessez vaincus, pouvez appuïer votre obs
tination à les répéter ?
>
Nous convenons de ce fait , replique-
( 1 ) Hamadan , Ville des plus considérables de
Perse. Elle est dans l'Yerax - Agemi , qui est l'ancienne region des Parthes.
( 2 )Ils firent leur entrée à Constantinople le
18 Juin 1730. Riza- Kouli-Khan , qui étoit le
chef de l'ambassade , eut la tête tranchée peu
après son retour en Perse.
D v rent
1754 MERCURE DE FRANCE
rent les Persans ; mais peut-être feignezvous d'ignorer , que ce fut par l'habileté
et les adroites insinuations de vos négociateurs , que les nôtres consentirent im
prudemmentàce que ces Païs vous restassent ,en quoi ayant excedé leur pouvoir,
ils furent fort désaprouvez de notre Souverain. Aussi pouvons- nous dire , que ce
fut la source de tous les malheurs qui nous
ont accablez depuis ! Mais ne nous rapellez plus des temps funestes , que nous
voudrions pouvoir ensevelir dans un éternel oubli ; rappellez vous seulement que
l'infortuné Chah Tahmas a recours à la
clémence de la sublime Porte , et qu'il remet entierementson sort entre vos mains.
C'est sur ce principe que vous devez raisonner , et vous résoudre ensuite au parti
qui vous paroîtra le plus glorieux à votre
Empire.
>
N'est ce donc pas une grande grace de
notre part , dirent les Ministres Turcs
que tout ce que nous vous offrons ? Il est
vtai , répondirent ceux de Perse , qu'à ne
considerer , que la ruine presqu'universelle où notre Royaume est tombé , ce qué
vous voulez bien nous rendre , peut passer pour une faveur signalée , mais cette
faveur,toute rare qu'elle est , ne répond
pas encore ni à notre état , ni à nos prieres
AOUST. 17320 1755
res ; daignez - y faire plus d'attention , et
vous conviendrez que la Porte qui nous a
tant fait de maux , depuis l'inondation
des Esghans sur nos terres , est en quelque façon obligée pour son honneur de
réparer, autant qu'il est en elle, les dommages infinis qu'elle nous a causez , et que
la compassion qu'elle aura pour nous,doit
être au moins proportionnée à la reconnoissance que nous en conserverons éternellement. Nous osons même ajouter ,
que si votre tres-magnifique Empereur
reconnoit ,comme il le doit , que ses Vic.
toires et le bonheur de ses armes,sont des
bien faits qu'il a reçus de la Providence s
il est de sa piété d'en témoigner à Dieu
sa gratitude d'une maniere extraordinaire. Hé! comment peut-il mieux s'en acquitter , qu'en nous faisant ressentir de si
grands effets de sa magnanimité, que tous
les Monarques de la terre, surpris, soient
forcez deconvenir qu'ils n'ont jamais rien
vû , ni entendu parler de semblable ?
On donnera la suite dans le prochain
Mercure.
sur ce qui s'est passé dans les Conferences tennës pour la Paix entre les Turcs et les
Persans , à l'Armée du Grand- Seigneur,
près d' Hamadan, par les Plénipotentiaires de Sa Hautesse , et ceux de ChabThamas , Roy de Perse.
Chmer- Pacha, Seraskier ou General
Adel'armée Otomane, et BeylerBey,
( c'est-à- dire Gouverneur ) de la Province de Babylone , en vertu des pleins
pouvoirs que le G. S. lui envoit envoyez pour faire la paix avec les Persans,
ayant nommé Achmet- Pacha , Beylerbey
de Rika, (1) Abdi- Pacha-Zadé- Ali- Bey,
Salahor ( 2 ) de S. H. Kassim- Effendi ,
Defterdar ( 3 ) de l'Armée , et Raghib
Effendi , Defterdar de Bagdat , pour PleB
( 1) Rika , est un des 17. Beylerbeys ou
Grand - Gouvernemens d'Asie , qu'on appelle
Hassilez. Voyez Ricaut , et le 3. du Diarbekir ,
consideré seulement comme l'ancienne Mesopotamie , renfermée entre le Tygre et l'Euphrate.
(2) Salahor, Ecuyer Cavalcadour , qui exerceet travaille les Chevaux du G. S. il y en a″12.
( 3 ) Defterdar , Intendant des Finances et Trésorier. 1
nipo
A O UST. 1732. 1737
nipotentiaires de la Poste > et ChahThamas , ayant choisi pour les siens ,
Mehemet-Riza-Khan , ( 1 ) _ Kouroudgi
Bachi, et Mustapha Khan. Tous ces Ministres se rendirent au quartier du Beylerbey de Rika , où ils s'assemblerent
sous sa Tente , le premier de Janvier de
la présente année 1732.
PREMIERE CONFERENCE.
Après que les Plenipotentiaires respectifs se furent fait les complimens et les
politesses d'usage en pareille occasion .
ceux de la Porte ouvrant la Conférence
dirent à ceux du Roy de Perse.
7
Le Seraskier Achmet-Pacha , nous. a
donné pouvoir d'entrer avec vos Excellences , dans une négociation dont le
succès ne peut être que très- avantageux
à la Perse. Nous sommes disposez de notre part à travailler si éfficacement a la
paix qu'il ne dependra certainement pas
de ncs foins que nous n'en voyions bientôt une heureuse conclusion. Ainsi c'est
à vos Excellences à nous faire connoître
jusqu'à quel point elles sont autorisées de
(1 ) Khan , est la même chose en Perse qu'un Pacha ou un Gouverneur de Province en Turquie, et Kouroudgi Bachi , y fait l'équivalent da
Janissaire Aga chez les Turcs.
leur
1738 MERCURE DE FRANCE
leur Maître , et quelles sont leurs pré- tentions.
Les Plenipotentiaires de Perse, prenant
alors la parole , répondirent que de tout
temps l'illustre Maison des Rois de Perse
avoit été liée d'amitié avec l'illustreMaison
Otomane , et que cette amitié n'avoit jamais été interrompuë que par la fatalité
du destin , qui avoit quelquefois produit
des évenemens surnaturels , suivis de la
discorde , et contre toute attente. Mais
ajoûterent- ils , nous desirons aujourd'hui
avec ardeur de faire revivre entre nous une
union si intime, qu'elle puisse rétablir
une tranquillité inalterable entre ces deux
Empires.
C'est aussi le même motif qui nous
anime, répliquerent les Ministres Turcs ;
mais pour parvenir au but que nous nous
proposons tous, il faut commencer par
convenir de certains points fondamentaux
qui puissent servir de base au Traité qui
nous assemble , et il est necessaire pour
cela que vous nous découvriez d'abord
sans détour, vos véritables intentions, afin
qu'après en avoir informé le très heureux
Seraskier , nous puissions , sur les ordres
que nous en recevrons , donner quelque
forme à la Négociation que nous enta
mons aujourd'hui.
Puisque
1
A O UST. 1732. 1739
Puisque vos Excellences souhaitent
que nous nous expliquions nettement ,
reprirent les Ministres de Perse , nous
demandons que generalement tous les
Pays que vous nous avez prís nous soient
restituez , et que la Paix et nos Frontieres avec l'EmpireOtoman soient reglées
sur le même pied qu'elles le furent sous
le Regne du Sultan Soliman , ( 1 ) de
glorieuse memoire.
Ce discours a de quoi nous surprendre,
répartirent les Turcs , et vous nous faiteslà une proposition des plus nouvelles. Il
a toûjours été d'usage , lorsque des Princes ennemis font la paix ensemble , que
non-seulement le vainqueur conserve les
conquêtes dont il est en possession , mais
que le vaincu lui fasse encore des avantages. C'est le cours ordinaire ; les Histoires , tant anciennes que modernes ,
en fournissent mille exemples , et nous
nedoutons pas que vous ne sçachiez tout
cela comme nous. D'ailleurs dans la Paix
que vous nous citez , qui fut concluë entre nos devanciers et les vôtres sous l'Emperéur Soliman , on y convint pour Préliminaires , que les Provinces de Tchildir , ( 2 ) de Cars , ( 3 ) de Van , ( 4 ) et
(1) Soliman II. prit et pilla Tauris en 1535
( 2 ) Tchildir est le ye Gouvernement d'Asie ,
plu-
1740 MERCURE DE FRANCE
plusieurs autres lieux resteroient à la Porte ; et vous , bien loin de nous offrir au
moins quelques Places au- delà des Pays
que le sort des armes a mis entre nos mains , vous demandez que nous vous
rendions ces mêmes Pays , qui subis
sent nos Loix depuis long - temps et
dont la conquête nous a coûté des trésors immenses et des torrens de notre
sang.
Vous avez raison , dirent les Persans ;
` nous convenons de la justesse de vos rai
sonnemens, mais un Empire aussi puissant et d'une aussi prodigieuse érenduë
que le vôtre , ne doit pas s'attacher , ni
même daigner faire attention à quelques
coins de terre si ruinez , qu'ils sont devenus plus propres à servir de retraite à
de tristes Hiboux , que de demeure à
de valeureux Soldats comme les- Otomans. Neanmoins quoique ces contrées
désolées ne puissent êtte considerées
1
que
de ceux qu'on appelle Hasilé. Il est sur les Frontieres de la Georgie.
(3) Cars , Ville de la grande Armenie , dans
cette partie qu'on appelle aujourd'hui Iran , ou
Carabag , entre l'Araxe et le Cyrus.
(4) Van , Ville de la même contrée que Cars,
et située sur un Lac du même nom , que l'on
appelle la Mer de Van ou d'Armenie , à cause
de son extréme grandeur... comme
A O UST. 1732. 1740
.
comme un rien pour votre Empire il est
pourtant vrai qu'elles sont un objet fort
considerable pour le nôtre , et que nous
en regarderons la restitution comme une
grace singuliere , purement émanée de
la clémence du G. S. que nous osons implorer aujourd'hui ; au surplus vous êtes
les Maîtres et nous nous en remettons
à vous avec une entiere confiance.
II. CONFERENCE, tenu le lendemais
entre les mêmes Ministres et au même
endroit.
Les Plénipotentiaires Turcs adressant
la parole à ceux de Perse , leur dirent :
si vous êtes effectivement dans le dessein
de finir la guerre , ( 1 ) ne vous amusez pas,
comme vous fites hier , à battre le fer
froid. Mais au lieu de vous entretenir
dans la vaine idée de la pouvoir terminer sur le même plan que nos Ancêtres
suivirent sous Soliman , songez plutôt à
joindre à nos conquêtes quelques Pro
vinces qui puissent nous convenir , ainsi
que les vaincus en ont toûjours agi envers leurs vainqueurs.
Et que nous reste-t'il , pour vous don
ner de nouvelles Provinces , se récrierent
(1 )Proverbe Arabe , qui revient au nôtre , il
faut battre le fer tandis qu'il est chaud,
les
1742 MERCURE DE FRANCE
les Persans ? Nous venons humblement
vous demander grace ; nous reclamons
la misericorde de la Porte ; notre intention n'est pas de marchander ni de chicaner avec vous ; nous connoissons.trop
l'état d'humiliation où l'enchainement de
nos malheurs nous a réduits , pour avoir
la présomption de vous rien contester
mais si la décadence de nos affaires , arrivée par le concours de mille fâcheux évenemens , a été cause que vous nous avez
traitez de la maniere la plus cruelle, pourriez vous laisser échapper la belle occasion que le Ciel vous offre aujourd'hui de
réparer nos maux , en faisant autant de
bien à notre Monarque , que vous lui
-avez porté de préjudice ? non , au lieu
de lui rien demander davantage , réta
blissez-le sur son Trône , avec autant de
puissance et de splendeur qu'y brillerent
autrefois ses illustres Ayeux , et persua
dez- vous que la gloire de votre Empire.
et de votre Empereur y est interessée. Du
reste, à notre égard, nous serons toujours
satisfaits de tout ce que feront vos Excellences.
Nous voulons bien le croire ainsi , répondirent les Plénipotentiaires de la
Porte , et votre modestie nous confirme
dans l'opinion que nous avions déja conçuë
A O UST. 1732. 1743
çue de votre prudence et ' de votre capacité. C'est pourquoi nous vous déclarons de la part de l'Empereur notre Maî
tre, que par un excès de bonté pour vous,
il veut bien , non- seulement vous accorder la Paix et se désister des justes prétentions qu'il auroit comme victorieux
d'exiger de nouveaux Païs qui seroient
à sa bienseance , outre ceux qu'il a conquis sur vous , il veut encore faire plus
en votre faveur , et pour vous marquer
jusqu'où va son extrême generosité , il
vous donne le choix entre les derniers
Pays que ses Armes lui ont acquis en
deçà de l'Araxe , et à l'exception de la
Province de Tauris , ( ) vous n'avez qu'à
demander , tout vous sera accordé.
Nous vous avons exposé ce que nous
desirions , répliquerent les Persans , et
sans varier dans l'unique point- de- vûë
qu'il nous est permis d'avoir , nous continuons à vous prier de rétablir notre Roy
dans tous ses Etats. Faites cependant ce
que vous jugerez de plus digne de vous
et de la gloire de votre Empire. Mais
comme nous nous app rcevons que nos
instances les plus vives ne produisent pas
(1) Tauris ou Tebris , grande Ville et Provin- ce enclavée dans l'Airbeitzan ou Edzerbaijan
qui fait partie de l'ancienne Médie,
sur
1744 MERCURE DE FRANCE
sur vos Excellences l'effet que nous avions
crû pouvoir nous en promettre , qu'elles
nous donnent , s'il leur plaît le reste du
jour pour consulter entre nous , et demain matin Mustapha Khan (. ) viendra
vous rendre compte de la résolution que
nous aurons prise.
III. CONFERENCE , où il n'y ent
que Mustapha - Khan , de la part de Chah-Thamas.
Le lendemain , ainsi que les Plénipotentiaires Persans l'avoient promis , Mustapha- Kan se rendit au lieu de l'Assemblée et dit aux Ministres Turcs qui l'y
attendoient. A la verité jusqu'à present
nous avions été obligez , Mehemet RizaKhan et moi , de nous en tenir , conformement à nos instructions , à vous
prier de restituer generalement à notre
Souverain tous les Pays que la Porte lui
a enlevez , mais ayant reconnu combien
vos Excellences étoient éloignées de remplir nos souhaits à cet égard , nous hous
sommes retranchez à les supplier d'agréer
une des deux propositions que je vais
avoir l'honneur de leur faire. La premie-
*
(1) N. B. c'étoir Mehemet Riza Khan , qui
tomme Premier Plénipotentiaire , portoit la parolc.
A O UST. 17327 1745
re, que la Perse payera annuellement à
la sublime Porte une certaine somme
dont on conviendra , moyennant quoi
les limites des deux Empires seront bor :
nées par les Rivieres d'Arpatchaï ( 1 ) et :
de Karct-Kalkan , et vous nous restituerez tous les Etats que vous avez conquis .
sur nous. La seconde , qui vous sera peutêtre plus agréable , que les Provinces de
Tiflis ( 2 ) d'Herdelan, resteront sous votre
domination , et que vous nous ferez la
grace de laisser rentrer le reste sous celle
de notre Roy.
Ni l'une ni l'autre de ces propositions
n'est acceptable , répondirent les Plenipotentiaires de Turquie , et il nous paroît si hors de propos , que vous fassiez
la moindre ouverture sur les Pays audelà del'Araxe qu'il ne nous convient ›
même pas d'ouvrir la bouche pour vous
répondre sur cet article. En verité , continua le Pacha de Rika , qui comme le
premier entre ses Collegues parloit pour
tous , il est bien étrange , que dans le
temps même qu'également touchez de
11) Ces deux Rivieres sont en Géorgie.
(2) Tiflis , ou Téffis , Capitaine du Gurgistan,
qui est la Géorgie , proprement dite. Elle est si- tuée sur le bord du Kur , anciennement le Cyrus.
Herdelan est dans le même Pays.
D YOS
1746 MERCURE DE FRANCE
vos malheurs et de vos prieres , nous
consentons , non- seulement à renoncer
en faveur de la Paix aux Provinces que
nous serions en droit d'exiger par- dessusnos conquêtes , mais que notre complaisance pour vous s'étend jusqu'à vous of→
frir de vous en rendre de celles que nous
venons d'acquerir ; il est bien étrange ,
dis-je , que vous nous fassiez sérieusement
des propositions si éloignées de toute raison. Vous voulez ceci , vous ne vou
lez pas cela , et vous prétendez disposer
des Pays qui sont entre nos mains, comme
si vous en étiez encore les paisibles possesseurs.N'avez vous donc pas de honte d'ê
tre si peu judicieux ? Le Pacha s'emporta
en proferant ces dernieres paroles , ou
du moins fit semblant de s'emporter ,
car il se radoucit bien- tôt , quand Mustapha l'interrompant d'un air humble et
flateur , s'exprima en ces termes : Nous
sommes venus implorer la générosité de
la sublime Porte , à laquelle nous nous
abandonnons sans réserve , et dont la
puissance s'étend d'un bout du Pole à l'au
tre; vous nous voyez accablez de revers,
sans appui , sans secours; nous ne possedons plus rien qui mérite de porter le
nom de Païs et de Provinces ; il n'est pas
étonnant que dans des circonstances si
affligeantes,
A O UST. 1732. 1747
affligeantes , nous vous fassions des demandes qui vous paroissent inconsiderées , mais vous ne devez pas nous en
sçavoir mauvais gré , et quelque extraordinaires que vous semblent nos prétentions , l'état violent où nous sommes,
doit les excuser auprès de vos Excellences.
Pourquoi , reprirent les Turcs , faites-vous tant les miserables ? Est- ce que
le Royaume de Perse est renfermé seulement dans les conquêtes que nous y
avons faites ? et peut-on appeller pauvre
un Souverain qui possede Ispaham , le
Guilhan , ( 1 ) Chiras , ( 2 ) le Korassan , (3)
et tant d'autres Contrées , qui forment
encore un vaste Empire ?
De tous les Etats , dont vous venez de
faire l'énumération , repartit Mustapha ,
en soupirant , une partie a passé sous les
Loix des Infideles Moscovites , et l'autre
est , pour ainsi dire , totalement boule-
(i) Le Guilhan ou Kilan , est le long de la
Mer Caspienne , et compose avec le Mazandran ,
l'ancienne Hyrcanie.
(2 ) Chiras ou Schiras , Ville sur le Kur, dans
le Farsistan ou la Perse proprement dite.
(3) Le Korassan , Corasan , ou Chorasan ,
comprend l'anciene Ariane , partie de la Bactriane , et du Païs des Parthes , c'est une des plus
Considerables Contrées de la Perse.
Dij versée
1748 MERCURE DE FRANCE
1
versée par les ravages et les désordres
qu'y ont faits , ou qu'y ont attirez les
cruels ( 1 ) Esghans. De sorte qu'à proprement parler , nous n'avons plus frien
de quelque conséquence que Coni ( 2 ) ,
Kiachan ( 3 ), et ( 4 ) Ispaham.
Mais si votre situation , repliquerent
les Turcs , est aussi déplorable que vous
nous la dépeignez ; si outre cela vous affectez dans toutes les occasions de vous
dire , nos Freres , de vous vanter d'être
avec nous dans la même unité de Religion, et si vous avez d'ailleurs tant d'embarras et d'ennemis sur les bras, d'où vient
ne vous pas appliquer à vous en délivrer?
Pourquoi vous acharner particulierement
contre nous , comme vous faites ? Car s'il
en faut juger par toutes vos démarches ,
il n'y a que nous seuls qui vous occu-
( 1 ) Esghans , Eughans , ou Aguans , Peuples
du Candahar , qui fait partie du Sablustan , autrefois le Paropamisus.
(2 ) Com , ou Kom , Ville dans l'Hierak ou
Yerak- Agemi , partie de l'ancien Royaume des
Parthes.
( 3 ) Kiachan ou Cachan, grande Ville du même Pais.
( 4 ) Ispaham , Spahan , ou Spahon , comme prononcent les Persans , est aussi dans le même
Païs. Les uns croient que cette Capitale de toute
la Perse , a été bârie sur les ruines d'HécatomPylos , et d'autres sur celles d'Aspa.
pions ;
AOUST. 1732. 1749
}
pions ; vos divisions , vos disputes , vos
guerres,votre empressement pour la Paix,
tout semble en vous n'avoir que Nous
pour unique objet.
C'est aussi , dit Mustapha , l'affaire qui
nous interesse le plus , et que nous prenons le plus à cœur. Vous êtes l'ennemi
le plus redoutable que nous ayions en tête;
si nous pouvons parvenir à cimenter avec
vous une Paix solide , nous nous démêlerons facilement de nos autres ennemis ;
et s'il plaît à Dieu, nous vérifierons bientôt le Proverbe Arabe, qui dit que l'hommese releve où il est tombé.
Mais enfin , continua- t-il , si les Otomans nous ont fait éprouver la fureur de
leurs armes , et s'ils nous ont maltraitez
au delà de ce que nous pouvions jamais
prévoir , nous esperons qu'à tant de calamitez qu'ils nous ont fait souffrir , ils feront succeder des dédommagemens qui
Ies égaleront. C'est uniquement dans cet
esprit, que nous venons négocier avec
vous, et non pour disputer sur le plus ou
le moins de Pais à prétendre et à ceder.
Nous vous retraçons au naturel l'image
de nos infortunes ; nos prieres y sont relatives ; c'est à vos Excellences , comme
nous leur avons déja dit, de prendre une
détermination à notre égard , qui distinDiij gue
1750 MERCURE DE FRANCE
gue d'une façon glorieuse , la grandeur et
la dignité de votre Empire.
Tout cela est excellent , répondirent les
Ministres Turcs , et vous avez raison de
vous attendre à recevoir des faveurs de la
Porte ; mais votre attente, pour être bien
fondée , ne doit pas être sans mesure , et
nous voyons avec peine , qu'au lieu de
resserrer vos désirs dans de justes bornes,
vous n'avez fait , jusqu'icy , que vous répandre en demandes indiscretes , qui
loin de nous approcher du but , nous en
écartent. Ainsi comme vous n'avancerez
jamais rien avec nous , si vous ne prenez
une autre route , nous voulons bien encore vous donner le loisir de réfléchir de
nouveau plus murement , sur vos véri
tables intérêts, et nous les discuterons vo
lontiers plus en détail dans la Conféren
ce que nous tiendrons demain.
IV. CONFERENCE , où tous les Ple
nipotentiaires des deux Cours assisterent.
Le 4 dudit mois de Janvier , les Ministres de la Porte , parlant toujours les
premiers , dirent à ceux de Perse : Nous
nous étions persuadez , qu'en agitant une
affaire d'aussi grande importance que celle.
de la Paix , nous ne devions rien négliger
pour la porter à son point de perfectionle
AOUST. 1732. 1791 8
le plutôt qu'il se pourroit ; et nous nous
étions flatez de trouver dans vos Excellences , des dispositions conformes aux
nôtres en cela. Mais nous reconnoissons ,
à regret , que nous avions mal pénétré
leurs intentions , puisqu'il paroît clairement , qu'elles ne cherchent qu'à éluder
les nôtres, et qu'à gagner du temps, pour
faire échouer la négociation à force de la
tirer en longueur. En effet , si ce n'étoit
pas là votre vûë, pourriez- vous vous opiniatrer , comme vous faites , à former des
prétentions , ausqu'elles vous sçavez bien
vous-même qu'il ne nous est pas possible
de souscrire ?
Nous sommes pleinement convaincus
de notre impuissance, répondirent les Persans, et que nous ne pourrons secoüer le
joug qu'il vous plaira de nous imposer.
Vous possedez tout, nous sommes privez
de tout ; c'est à vous d'ordonner,èt à nous
d'obéïr.
S'il étoit vrai , comme vous le dites, reprirent les Turcs , qu'il ne dépendit que
de nous d'achever heureusement cette
négociation , vous ne nous feriez pas des
demandes si peu mesurées , et toutes nos
prétentions réciproques seroient reglées
dans un moment. Il faut être équitable,
et que vos Excellences se restraignent à ce
Diiij qu'on
1752 MERCURE DE FRANCE
qu'on peut raisonnablement leur accorder. Ainsi, sans perdre davantage le temps
en discours specieux , qui ne conduisent
à rien de décisif, parlez- nous une bonne
fois positivement ; nous vous réïterons ,
que vous nous trouverez toujours disposez à nous prêter à tout ce que vous nous
proposerez de faisable. Mais nous devons
vous prévenir auparavant , qu'il ne faut
plus nous contester la possession des Païs
au-delà de l'Araxe , ni que vous insistiez
de nouveau sur la restitution de Tauris ,
qui est en deçà de ce Fleuve. Hors ces
deux articles , vous pouvez tout esperer
du désir sincere que nous avons de faire
tenaître entre les deux Empires une harmonie inalterable.
qui
Vous êtes les maîtres , encore un coup,
repliquerent les Persans ; nous continuons d'avouer que tout vous appartient chez nous ; mais dès que vous rejetteż la priere que nous vous faisons , de
-nous rendre nos Etats au delà de l'Araxe,
set la Province de Tauris en deçà ; surquoi
voulez-vous que roulent nos Conféren-
´ces, puisque tout ce qui nous reste de notre Monarchie , ne vaut pas seulement la
peine qu'on en fasse mention ?
Comment , s'écrierent les Plénipotentiaires de la Porte; n'y at- il pas encore
( 1)
A OUST. 1732. 1753
(1 ) Amadan , avec son vaste territoire ?
et si nous vous le rendons , ne devez- vous
pas être satisfaits ?
-
Nous avions toujours esperé , repartirent ceux de Perse , que vous fériez rentrer Chah Tahmas dans les Païs d'audelà de l'Araxe , et toute la faveur que
vous voulez lui faire , consiste à lui rendre Amadan , qui est en deçà. Dès que
vous montrez si peu d'égard à nos humbles et constantes supplications , nous ne
sçavons plus que vous proposer , et votre infléxibilité nous rend muets.
Que nous dites- vous-là , reprirent les
Turcs; avez- vous oublié , que lors même
que votre Maître se vantoit de nous avoir
battus , il envoïa à la Porte (2) Riza Kouli Khan et Méhémet-Veli - Khan, qui dans
leurs conférences, avec nos Ministres , cederent tous ces Païs Surquoi , s'il vous
plaît , aujourd'hui que vous vous confessez vaincus, pouvez appuïer votre obs
tination à les répéter ?
>
Nous convenons de ce fait , replique-
( 1 ) Hamadan , Ville des plus considérables de
Perse. Elle est dans l'Yerax - Agemi , qui est l'ancienne region des Parthes.
( 2 )Ils firent leur entrée à Constantinople le
18 Juin 1730. Riza- Kouli-Khan , qui étoit le
chef de l'ambassade , eut la tête tranchée peu
après son retour en Perse.
D v rent
1754 MERCURE DE FRANCE
rent les Persans ; mais peut-être feignezvous d'ignorer , que ce fut par l'habileté
et les adroites insinuations de vos négociateurs , que les nôtres consentirent im
prudemmentàce que ces Païs vous restassent ,en quoi ayant excedé leur pouvoir,
ils furent fort désaprouvez de notre Souverain. Aussi pouvons- nous dire , que ce
fut la source de tous les malheurs qui nous
ont accablez depuis ! Mais ne nous rapellez plus des temps funestes , que nous
voudrions pouvoir ensevelir dans un éternel oubli ; rappellez vous seulement que
l'infortuné Chah Tahmas a recours à la
clémence de la sublime Porte , et qu'il remet entierementson sort entre vos mains.
C'est sur ce principe que vous devez raisonner , et vous résoudre ensuite au parti
qui vous paroîtra le plus glorieux à votre
Empire.
>
N'est ce donc pas une grande grace de
notre part , dirent les Ministres Turcs
que tout ce que nous vous offrons ? Il est
vtai , répondirent ceux de Perse , qu'à ne
considerer , que la ruine presqu'universelle où notre Royaume est tombé , ce qué
vous voulez bien nous rendre , peut passer pour une faveur signalée , mais cette
faveur,toute rare qu'elle est , ne répond
pas encore ni à notre état , ni à nos prieres
AOUST. 17320 1755
res ; daignez - y faire plus d'attention , et
vous conviendrez que la Porte qui nous a
tant fait de maux , depuis l'inondation
des Esghans sur nos terres , est en quelque façon obligée pour son honneur de
réparer, autant qu'il est en elle, les dommages infinis qu'elle nous a causez , et que
la compassion qu'elle aura pour nous,doit
être au moins proportionnée à la reconnoissance que nous en conserverons éternellement. Nous osons même ajouter ,
que si votre tres-magnifique Empereur
reconnoit ,comme il le doit , que ses Vic.
toires et le bonheur de ses armes,sont des
bien faits qu'il a reçus de la Providence s
il est de sa piété d'en témoigner à Dieu
sa gratitude d'une maniere extraordinaire. Hé! comment peut-il mieux s'en acquitter , qu'en nous faisant ressentir de si
grands effets de sa magnanimité, que tous
les Monarques de la terre, surpris, soient
forcez deconvenir qu'ils n'ont jamais rien
vû , ni entendu parler de semblable ?
On donnera la suite dans le prochain
Mercure.
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Résumé : TRADUCTION d'une Relation Turque, sur ce qui s'est passé dans les Conferences teuuës pour la Paix entre les Turcs et les Persans, à l'Armée du Grand-Seigneur, près d'Hamadan, par les Plénipotentiaires de Sa Hautesse, et ceux de Chah Thamas, Roy de Perse.
En 1732, des conférences de paix entre les Turcs et les Persans se tinrent près d'Hamadan. Du côté ottoman, Chmer-Pacha, gouverneur de Babylone, nomma plusieurs plénipotentiaires, dont Achmet-Pacha et Salahor. Du côté persan, Chah-Thamas choisit Mehemet-Riza-Khan et Mustapha Khan. Lors de la première conférence, les Turcs exprimèrent leur volonté de paix, tandis que les Persans souhaitaient rétablir une union intime entre les deux empires. Les Persans demandèrent la restitution des territoires conquis par les Turcs et la régulation des frontières comme sous le règne de Soliman II, ce que les Turcs refusèrent, arguant que les vainqueurs conservent généralement leurs conquêtes. Lors de la deuxième conférence, les Turcs insistèrent sur la nécessité de conclure la paix sans revenir aux conditions de Soliman II. Les Persans, reconnaissant leur état d'humiliation, demandèrent miséricorde et la restauration de leur roi sur son trône. Les Turcs offrirent aux Persans de choisir entre les derniers pays conquis, à l'exception de la province de Tauris. Lors de la troisième conférence, Mustapha Khan proposa deux solutions : un paiement annuel à la Porte ottomane ou la rétention des provinces de Tiflis et d'Herdelan par les Turcs. Les Turcs rejetèrent ces propositions, trouvant inappropriées les demandes persanes concernant les territoires au-delà de l'Araxe. En août 1732, les Persans demandèrent aux Turcs de considérer leurs prétentions malgré des circonstances affligeantes. Les Turcs rappelèrent que le Royaume de Perse possédait encore des territoires importants, mais Mustapha Khan expliqua que ces territoires étaient soit sous contrôle des Moscovites, soit ravagés par les Esghans. Les Turcs, sceptiques, interrogèrent la stratégie perse de les considérer comme frères tout en étant en conflit. Lors de la conférence du 4 janvier, les Turcs accusèrent les Perses de vouloir gagner du temps. Les Perses, reconnaissant leur impuissance, acceptèrent de se soumettre aux décisions turques. Les Turcs proposèrent de ne plus contester la possession des territoires au-delà de l'Araxe et la restitution de Tauris. Les Persans insistèrent sur la restitution de leurs États et se dirent prêts à accepter toute décision turque. Les Turcs rappelèrent la cession des territoires lors des négociations précédentes et la désapprobation du souverain perse. Les Persans demandèrent clémence et remirent leur sort entre les mains des Turcs, mais les Turcs trouvèrent les Persans ingrats et insistèrent sur la réparation des dommages causés.
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84
p. 2112-2117
LE PROGRÈS DE LA TRAGÉDIE, Sous le Régne de Louis le Grand. ODE.
Début :
Vois-tu, divine Melpomene, [...]
Mots clefs :
Prière, Louis le Grand, Dieu, Tragédie, Progrès, Scène, Siècle, Gloire
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texteReconnaissance textuelle : LE PROGRÈS DE LA TRAGÉDIE, Sous le Régne de Louis le Grand. ODE.
LE PROGRE'S
DE LA TRAGEDIE,
V
Sous le Regne de Louis le Grand.
O D E.
Oiś-tu , divine Melpomene
Cette foule de Spectateurs ?
C'est toi qui venant sur la Scene
En fais autant d'admirateurs :
Pleins d'un trouble qui les enchante
Saisis d'une terreur charmante ,
Touchés de tes tristes soupirs ;
Leurs cœurs partagent tes allarmes ;
Et verser avec toi des larmes
Est le plus doux de leurs plaisirs.-
>
Rappelle ces jours pleins de gloire ,
Où le plus grand de tous nos Rois ,
Suivi par tout de la victoire
Faisoit par tout suivre ses loix ;
Où seul , de l'Europe étonnée ,
Dissipant la Ligue effrennée 2
Vaing
OCTOBRE. 1732. 211
Vainqueur de cent Peuples divers ,
LOUIS faisoit par sa prudence ,
Et les délices de la France ,
Et la terreur de l'Univers.
O qu'avant ce Régne héroïque ,
Tu brillois peu dans nos Etats ?
Envain sur la Scene Tragique ,
Eut-on cherché de vrais appas.
Quel amas de pointes frivoles !
Quel cahos de gaines paroles !
Que de sang versé quelle horreur !
Fades Sujets , Heros vulgaires ,
Sans art , sans choix , sans caractere ,
Que dis-je , souvent sans pudeur.
Mais Ciel ! est ce erreur ou miracle &
La Scene change ; ô doux momens !
Je vois à ce grossier spectacle
Succeder mille enchantemens.
Déja les passions émûës
Les sources du beau reconnuës ,
Tout frappe mes yeux éblouis.
Fuyez loin , ignorance vaine ,
Triomphez, raison souveraine ,
C'est le siécle du Grand Lo U I S.
Siécle
2114 MERCURE DE FRANCE
Siécle heureux , où les doctes Fées
Admirant ses nobles travaux ,
Dressent chaque jour des Trophées ,
Ala vertu de ce Heros.
Où sur ses Conquêtes rapides ,
Nos Sophocles nos Euripides ,
Forment leurs plus pompeux Concerts,
Plus animés dans leurs ouvrages ,
Par l'espoir d'avoir ses suffrages ,
Que par le feu du Dieu des Vers.
Oui , grand Roi , de leurs doctes veilles;
Tu fus toujours l'objet flateur ;
Les Racines et les Corneilles ,
A ta gloire doivent la leur..
Jamais leur Muse dramatique
Ne nous eut du vrai pathetique ,
Fait sentir toutes les beautés ,
Si dans leurs immortelles rimes ,
On n'eut vù tes vertus sublimes ,
Briller sous des noms empruntés,
Et toi jadis deshonorée ,
Dans plus d'un spectacle indécent ,
Goute enfin, Probité sacrée ,
Le plaisir le plus ravissant
Voi l'utile joint à l'aimable ,
Le merveilleux au vraisemblable,
Le
OCTOBRE. 1732. 2115
Le simple et le grand tour à tour
Voi même , ô merveille étonnante
Voi la sagesse triomphante ,
Eclater jusques dans l'Amour.
Louerai-je ici cette élegance
Qui brille dans l'expression è
Décrirai-je la véhemence
Qui régne dans la passion ?
Rappellerai-je ces figures >
Ces beaux traits , ces vives peintures
Qui charment si bien mes ennuis
Toujours sûr de m'y reconnoître
Peint tantôt tel que je dois être ,
Et tantôt peint tel que je suis,
[ Ah ! que dans mon ame attendrie ,
J'éprouve un doux ravissement !
Polieucte , Esther , Athalie ,
Que vous m'instruisés noblement !
Que je t'adinire vieil Horace !
Cinna , que je plains ta disgrace !
Que ta candeur me plaît , Burrhus !
Ainsi , par un sage artifice ,
Ou fut le Théatre du vice
S'ouvre l'Ecole des vertus.
2.
Poursui,
2116 MERCURE DE FRANCE
Poursui , trop aimable Déesse ,
Et pour avancer tes progrès ,
Hâte-toi de former sans cesse
Sur Louis les plus beaux Portraits.
Quel vaste champ , quelle abondance !
Un Prince , l'amour de la France ,
L'Arbitre et la gloire des Rois ,
Aussi cher par la paix qu'il donne ,
Que celui dont il tient le Trône ,
Fut redouté par ses exploits..
Quod si me lyricis , &c. Hor..
PRIERE POUR LE ROI.
SEigneur , écoutez nos prieres
Voulez-vous nous combler de vos dons les plus
beaux ?
Daignés sur ce jeune Heros ,
Verser vos faveurs les plus cheres !'
Dans des Princes digne de lui ,
Il se voit déja reproduire :
Poursuivés , ô mon Dieu ! soyez toujours
l'appui ,
Et du Monarque et de l'Empire ,
Nous ne demandons pas qu'au gré de sa va- leur ,
Un jour de ses hauts faits il remplisse le monde ;
Qu'il
OCTOBRE. 1732 2117
Qu'il vive seulement ; sa sagesse profonde
Nous répond de sa gloire et de notre bon heur.
?
Par M. l'Abbé Portes Chanoine du
Chapitre Royal de S. Louis , à la Fere.
DE LA TRAGEDIE,
V
Sous le Regne de Louis le Grand.
O D E.
Oiś-tu , divine Melpomene
Cette foule de Spectateurs ?
C'est toi qui venant sur la Scene
En fais autant d'admirateurs :
Pleins d'un trouble qui les enchante
Saisis d'une terreur charmante ,
Touchés de tes tristes soupirs ;
Leurs cœurs partagent tes allarmes ;
Et verser avec toi des larmes
Est le plus doux de leurs plaisirs.-
>
Rappelle ces jours pleins de gloire ,
Où le plus grand de tous nos Rois ,
Suivi par tout de la victoire
Faisoit par tout suivre ses loix ;
Où seul , de l'Europe étonnée ,
Dissipant la Ligue effrennée 2
Vaing
OCTOBRE. 1732. 211
Vainqueur de cent Peuples divers ,
LOUIS faisoit par sa prudence ,
Et les délices de la France ,
Et la terreur de l'Univers.
O qu'avant ce Régne héroïque ,
Tu brillois peu dans nos Etats ?
Envain sur la Scene Tragique ,
Eut-on cherché de vrais appas.
Quel amas de pointes frivoles !
Quel cahos de gaines paroles !
Que de sang versé quelle horreur !
Fades Sujets , Heros vulgaires ,
Sans art , sans choix , sans caractere ,
Que dis-je , souvent sans pudeur.
Mais Ciel ! est ce erreur ou miracle &
La Scene change ; ô doux momens !
Je vois à ce grossier spectacle
Succeder mille enchantemens.
Déja les passions émûës
Les sources du beau reconnuës ,
Tout frappe mes yeux éblouis.
Fuyez loin , ignorance vaine ,
Triomphez, raison souveraine ,
C'est le siécle du Grand Lo U I S.
Siécle
2114 MERCURE DE FRANCE
Siécle heureux , où les doctes Fées
Admirant ses nobles travaux ,
Dressent chaque jour des Trophées ,
Ala vertu de ce Heros.
Où sur ses Conquêtes rapides ,
Nos Sophocles nos Euripides ,
Forment leurs plus pompeux Concerts,
Plus animés dans leurs ouvrages ,
Par l'espoir d'avoir ses suffrages ,
Que par le feu du Dieu des Vers.
Oui , grand Roi , de leurs doctes veilles;
Tu fus toujours l'objet flateur ;
Les Racines et les Corneilles ,
A ta gloire doivent la leur..
Jamais leur Muse dramatique
Ne nous eut du vrai pathetique ,
Fait sentir toutes les beautés ,
Si dans leurs immortelles rimes ,
On n'eut vù tes vertus sublimes ,
Briller sous des noms empruntés,
Et toi jadis deshonorée ,
Dans plus d'un spectacle indécent ,
Goute enfin, Probité sacrée ,
Le plaisir le plus ravissant
Voi l'utile joint à l'aimable ,
Le merveilleux au vraisemblable,
Le
OCTOBRE. 1732. 2115
Le simple et le grand tour à tour
Voi même , ô merveille étonnante
Voi la sagesse triomphante ,
Eclater jusques dans l'Amour.
Louerai-je ici cette élegance
Qui brille dans l'expression è
Décrirai-je la véhemence
Qui régne dans la passion ?
Rappellerai-je ces figures >
Ces beaux traits , ces vives peintures
Qui charment si bien mes ennuis
Toujours sûr de m'y reconnoître
Peint tantôt tel que je dois être ,
Et tantôt peint tel que je suis,
[ Ah ! que dans mon ame attendrie ,
J'éprouve un doux ravissement !
Polieucte , Esther , Athalie ,
Que vous m'instruisés noblement !
Que je t'adinire vieil Horace !
Cinna , que je plains ta disgrace !
Que ta candeur me plaît , Burrhus !
Ainsi , par un sage artifice ,
Ou fut le Théatre du vice
S'ouvre l'Ecole des vertus.
2.
Poursui,
2116 MERCURE DE FRANCE
Poursui , trop aimable Déesse ,
Et pour avancer tes progrès ,
Hâte-toi de former sans cesse
Sur Louis les plus beaux Portraits.
Quel vaste champ , quelle abondance !
Un Prince , l'amour de la France ,
L'Arbitre et la gloire des Rois ,
Aussi cher par la paix qu'il donne ,
Que celui dont il tient le Trône ,
Fut redouté par ses exploits..
Quod si me lyricis , &c. Hor..
PRIERE POUR LE ROI.
SEigneur , écoutez nos prieres
Voulez-vous nous combler de vos dons les plus
beaux ?
Daignés sur ce jeune Heros ,
Verser vos faveurs les plus cheres !'
Dans des Princes digne de lui ,
Il se voit déja reproduire :
Poursuivés , ô mon Dieu ! soyez toujours
l'appui ,
Et du Monarque et de l'Empire ,
Nous ne demandons pas qu'au gré de sa va- leur ,
Un jour de ses hauts faits il remplisse le monde ;
Qu'il
OCTOBRE. 1732 2117
Qu'il vive seulement ; sa sagesse profonde
Nous répond de sa gloire et de notre bon heur.
?
Par M. l'Abbé Portes Chanoine du
Chapitre Royal de S. Louis , à la Fere.
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Résumé : LE PROGRÈS DE LA TRAGÉDIE, Sous le Régne de Louis le Grand. ODE.
Le poème célèbre le règne de Louis XIV et son influence sur le théâtre tragique. Il commence par une invocation à Melpomène, la muse de la tragédie, qui enchante et émeut les spectateurs. Le texte évoque ensuite les jours glorieux du règne de Louis XIV, où le roi, victorieux et sage, imposait ses lois et inspirait la terreur et l'admiration en Europe. Avant son règne, le théâtre français était marqué par des sujets frivoles, des personnages vulgaires et un manque d'art. Sous Louis XIV, le théâtre connaît une transformation profonde, devenant un reflet des passions humaines et des vertus héroïques. Les dramaturges comme Racine et Corneille trouvent leur inspiration dans les vertus du roi, qui brillent à travers leurs œuvres. Le théâtre devient alors une école de vertus, où des pièces comme 'Polyeucte', 'Esther', 'Athalie', 'Cinna' et 'Horace' instruisent et émouviennent les spectateurs. Le poème se conclut par une prière pour le roi, souhaitant sa longévité et sa sagesse pour le bien de la France et de l'empire.
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85
p. 2906-2907
MORTS, NAISSANCES des Pays Etrangers.
Début :
Il semble que dans ces derniers temps, Dieu ait bien voulu par sa toute-puissance, reculer [...]
Mots clefs :
Dieu, Portugal, 123 ans, Cas singulier
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texteReconnaissance textuelle : MORTS, NAISSANCES des Pays Etrangers.
MORTS, NAISSANCE S
des Pays Etrangers.
11, stiebleque dansces derniers temps,Dies ait bien voulu par sa toute - puissance , reculer les bornes ordinaires de la vie des hommes. Les
articles qu'on va lire justifieront cette Réflexion.
On apprend de Portugal , que la nommée
Brieres Rodrigues , veuve de Dominique Dias ,
mourut au commencement de ce mois , dans la
Ville de Palmelas , àgée de 123. ans.
Le nommé François Cordeiro , du Bourg de
Montes , prés de la même Ville , y est mort âgé de 104. ans. et la nommée Antoinette Correa,
âgée de 115,
Don Philippe Rocabert , Lieutenant dans le
II. Val. Ré
DECEMBRE. - 1732. 2907
Régiment des Cuirassiers de Cordoue , moutut le 8. Décembre , âgé de 114. ans.
On a reçu avis de Dublin , que M. Leland ,
Gentilhomme Anglois , étoit mort depuis peu
Lignasken , âge de 140. ans , sans avoir jamais
ressenti la plus legere indisposition.
On écrit d'Anvers , que la femme d'un Fermier près de cette Ville , étoit accouchée depuis
peu de son quinziéme fils , sans avoir eu de filles.
On assure que l'Empereur fera tenir sur les Fonts le nouveau né , en son nom , àcause de ce
cas singulier.
Suivant les Extraits tirez des Registres Bap
tistaires et Mortuaires , depuis le 25. Décembre
1731. jusqu'au 25. Décembre 1732. dont le
rapport en a été fait par les Clercs des diverses
Paroisses de Londres et de Westminster , on a
baptisé 9144 garçons et 8644 filles . faisant ensemble 17788. et il est mort 11655. hommes ou
garçons , et 11703. femmes ou filles , faisant ensemble 23358. par conséquent 1904. personnes
moins que l'année précedente ; on remarque que
parmi ceux qui sont morts , il y en a 950 audessous de deux ans ; 1517. entre deux et cinq
ans ; 716. entre f. et 10 ; 611. entre 10. et 20 ;
1627. entre 20. et 30 , 2175. entre 30. et 40;
2121. entre 40. et 50 ; 1741. entre fo. et 60 ;
1581. entre 60 et 70 ; 974. entre 70 et 80
660 entre 80. et 90 ; 121. entre 90. et 100 ; cr
9. entre 100. et 10s
des Pays Etrangers.
11, stiebleque dansces derniers temps,Dies ait bien voulu par sa toute - puissance , reculer les bornes ordinaires de la vie des hommes. Les
articles qu'on va lire justifieront cette Réflexion.
On apprend de Portugal , que la nommée
Brieres Rodrigues , veuve de Dominique Dias ,
mourut au commencement de ce mois , dans la
Ville de Palmelas , àgée de 123. ans.
Le nommé François Cordeiro , du Bourg de
Montes , prés de la même Ville , y est mort âgé de 104. ans. et la nommée Antoinette Correa,
âgée de 115,
Don Philippe Rocabert , Lieutenant dans le
II. Val. Ré
DECEMBRE. - 1732. 2907
Régiment des Cuirassiers de Cordoue , moutut le 8. Décembre , âgé de 114. ans.
On a reçu avis de Dublin , que M. Leland ,
Gentilhomme Anglois , étoit mort depuis peu
Lignasken , âge de 140. ans , sans avoir jamais
ressenti la plus legere indisposition.
On écrit d'Anvers , que la femme d'un Fermier près de cette Ville , étoit accouchée depuis
peu de son quinziéme fils , sans avoir eu de filles.
On assure que l'Empereur fera tenir sur les Fonts le nouveau né , en son nom , àcause de ce
cas singulier.
Suivant les Extraits tirez des Registres Bap
tistaires et Mortuaires , depuis le 25. Décembre
1731. jusqu'au 25. Décembre 1732. dont le
rapport en a été fait par les Clercs des diverses
Paroisses de Londres et de Westminster , on a
baptisé 9144 garçons et 8644 filles . faisant ensemble 17788. et il est mort 11655. hommes ou
garçons , et 11703. femmes ou filles , faisant ensemble 23358. par conséquent 1904. personnes
moins que l'année précedente ; on remarque que
parmi ceux qui sont morts , il y en a 950 audessous de deux ans ; 1517. entre deux et cinq
ans ; 716. entre f. et 10 ; 611. entre 10. et 20 ;
1627. entre 20. et 30 , 2175. entre 30. et 40;
2121. entre 40. et 50 ; 1741. entre fo. et 60 ;
1581. entre 60 et 70 ; 974. entre 70 et 80
660 entre 80. et 90 ; 121. entre 90. et 100 ; cr
9. entre 100. et 10s
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Résumé : MORTS, NAISSANCES des Pays Etrangers.
Le document traite de cas exceptionnels de longévité et de natalité dans divers pays. Au Portugal, plusieurs personnes ont atteint des âges avancés : Brieres Rodrigues est décédée à 123 ans, François Cordeiro à 104 ans, Antoinette Correa à 115 ans, et Don Philippe Rocabert à 114 ans. À Dublin, M. Leland est décédé à 140 ans sans avoir jamais été malade. En Belgique, une fermière a donné naissance à son quinzième fils, attirant l'attention de l'Empereur. Le document présente également des statistiques sur les naissances et les décès à Londres et Westminster entre le 25 décembre 1731 et le 25 décembre 1732. Durant cette période, 17788 naissances ont été enregistrées (9144 garçons et 8644 filles). Parallèlement, 23358 décès ont été enregistrés (11655 hommes ou garçons et 11703 femmes ou filles), marquant une diminution de 1904 personnes par rapport à l'année précédente. Les décès sont répartis selon les tranches d'âge, avec une proportion notable de jeunes enfants : 950 décès en dessous de deux ans et 1517 entre deux et cinq ans.
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86
p. 50-53
LES NOCES DE PLUTUS, CANTATE.
Début :
Travaillant nuit et jour, et calculant sans cesse, [...]
Mots clefs :
Dieu, Plutus, Coeur, Vieillard
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LES NOCES DE PLUTUS, CANTATE.
LES NOCES DEPLUTUS;
CANTATE.
. Ravaillant nuit et jour. et calculant sana
cesse ,
Plutus a quoi quäccablé d’une longue vieil-f
5. lesse, ,
4' grossir ses trésors bornoit tous soe plais,’
strs ;
Insensible aux tendres desirs ,
_ Sans cesse on Pentendoit médite
De PAmour et de son Empire;
-Et PCSprÎt agité d’un orgucillcursouci.
,4 Un jour il ÿexprimoit ainsi_: .
i Perfide Enfant, Dieu de Citherc.
Qii sous les appels séduisans ,
D’unc volupté passagere .
Causes les maux les plus cuisans ,
En vain , ton Sot orgueil sc vante
D’avoir soumis et la Terre ‘e: les Cieux.‘
Je vois d’une ame indiEerentc
Tous res elforts audacieux ;
Mon trésor me plaît et mknchanteg
- De lui seul je suis amoureux, '
Contre moi ta rage imyuissante
r-‘v
' Lance
JANVIER. I735. 51
Lance en vain tes traits dangereux.
Àinsi du fier Plurus la langue satirique
sur PAmour se divertissoit ,
Lorsque ce Dieu ‘qui par hazard passoil
Entcndit son panegyrique; ‘
Vieil insensé , dit-il , transporté de couroux ,
Tu ne braveras pas plus long-tcms ma puise‘
sauce;
Ton coeur percé ale-mille coups
servira de victime à ma juste vengeance.
{l ces mots, dans sa main tenant un trait vaini
queur ,
Çonneis-moi mieux, dit-il , "cède au Dieu d!
_Citherc,
Si tu ne peux Paimer , du moins crains sa co-ë
1ere :
Le trait vole , et soudain il va frapper Il
coeur '
Du vieux Plutus trop témeraire ;
Il ressent tout à coup une amoureuse ara
«leur,
Dont il veut en vain se drfîendre ;
Malgré lui son coeur devient tendre,
Philis par hazard à ses yeux
Présente sa beauté naissante ;
Cette Belle aussi-tôt Penchante,‘
Et ne pouvant résister â ses feux ,
Il implore à son tour , quoique scxagenairç;
Le secours du Dieu de Cithctc , "
Je
3-2 MERCURE DE FRANCE
je te Êéde , dit-il , aimable Dieu dvimour",
Tu m’as soumis à ton Empire 5 ‘ ‘_
Heureux si ce: objet pour qui mon coeur sou
pire _
Me payoit d’un tendre retour !
Vous changez bien-tôt de langage,‘
Dit l’Amour , en riant, vous aimez â votre
âge a
Fi donc! sage Vieillard , fy! vous n’y pensez
pas 5
Vous imaginez-vous que de jeunes apas
‘Puissent devenir le partage
D’un Vieillard décrcpit tel que le Dieu Fine
tus ë
Non , tout Péclat de vos écus
Ne peut ricn sur VolrC Maîtresse ;
i
.
On aimera votre richesse; , .
‘Mais vous serez haï plus que la mort;
Philis sera pourtant unie à votre sort
Par les liens de PHymcnée ,
Mais , malheureux Plutus , quelle est ta destîg‘
née Î’
Je frémis en voyant les sujets de chagrin ,
Q1: pendant ton hymen vont naître dans ton‘
sein. '
Tout vieillard qui se marie ,
S’apprête un cruel ennui;
S’il choisit femme jolie ,
Çe choix n’est pas fait pour lui g
Tout
JANVIER. I733. 5}
Tout â coup la jalousie
Régie tous ses mouvemens 3
Tous les instans de sa vie
Sont des-instans de tourmens.
‘ La vieillesse a‘. la jeunesse
Ne peut jamais convenir ,
Plutus aura sa Maîtresse ,
Mais gare le repentir.
' ‘V. D. G.
CANTATE.
. Ravaillant nuit et jour. et calculant sana
cesse ,
Plutus a quoi quäccablé d’une longue vieil-f
5. lesse, ,
4' grossir ses trésors bornoit tous soe plais,’
strs ;
Insensible aux tendres desirs ,
_ Sans cesse on Pentendoit médite
De PAmour et de son Empire;
-Et PCSprÎt agité d’un orgucillcursouci.
,4 Un jour il ÿexprimoit ainsi_: .
i Perfide Enfant, Dieu de Citherc.
Qii sous les appels séduisans ,
D’unc volupté passagere .
Causes les maux les plus cuisans ,
En vain , ton Sot orgueil sc vante
D’avoir soumis et la Terre ‘e: les Cieux.‘
Je vois d’une ame indiEerentc
Tous res elforts audacieux ;
Mon trésor me plaît et mknchanteg
- De lui seul je suis amoureux, '
Contre moi ta rage imyuissante
r-‘v
' Lance
JANVIER. I735. 51
Lance en vain tes traits dangereux.
Àinsi du fier Plurus la langue satirique
sur PAmour se divertissoit ,
Lorsque ce Dieu ‘qui par hazard passoil
Entcndit son panegyrique; ‘
Vieil insensé , dit-il , transporté de couroux ,
Tu ne braveras pas plus long-tcms ma puise‘
sauce;
Ton coeur percé ale-mille coups
servira de victime à ma juste vengeance.
{l ces mots, dans sa main tenant un trait vaini
queur ,
Çonneis-moi mieux, dit-il , "cède au Dieu d!
_Citherc,
Si tu ne peux Paimer , du moins crains sa co-ë
1ere :
Le trait vole , et soudain il va frapper Il
coeur '
Du vieux Plutus trop témeraire ;
Il ressent tout à coup une amoureuse ara
«leur,
Dont il veut en vain se drfîendre ;
Malgré lui son coeur devient tendre,
Philis par hazard à ses yeux
Présente sa beauté naissante ;
Cette Belle aussi-tôt Penchante,‘
Et ne pouvant résister â ses feux ,
Il implore à son tour , quoique scxagenairç;
Le secours du Dieu de Cithctc , "
Je
3-2 MERCURE DE FRANCE
je te Êéde , dit-il , aimable Dieu dvimour",
Tu m’as soumis à ton Empire 5 ‘ ‘_
Heureux si ce: objet pour qui mon coeur sou
pire _
Me payoit d’un tendre retour !
Vous changez bien-tôt de langage,‘
Dit l’Amour , en riant, vous aimez â votre
âge a
Fi donc! sage Vieillard , fy! vous n’y pensez
pas 5
Vous imaginez-vous que de jeunes apas
‘Puissent devenir le partage
D’un Vieillard décrcpit tel que le Dieu Fine
tus ë
Non , tout Péclat de vos écus
Ne peut ricn sur VolrC Maîtresse ;
i
.
On aimera votre richesse; , .
‘Mais vous serez haï plus que la mort;
Philis sera pourtant unie à votre sort
Par les liens de PHymcnée ,
Mais , malheureux Plutus , quelle est ta destîg‘
née Î’
Je frémis en voyant les sujets de chagrin ,
Q1: pendant ton hymen vont naître dans ton‘
sein. '
Tout vieillard qui se marie ,
S’apprête un cruel ennui;
S’il choisit femme jolie ,
Çe choix n’est pas fait pour lui g
Tout
JANVIER. I733. 5}
Tout â coup la jalousie
Régie tous ses mouvemens 3
Tous les instans de sa vie
Sont des-instans de tourmens.
‘ La vieillesse a‘. la jeunesse
Ne peut jamais convenir ,
Plutus aura sa Maîtresse ,
Mais gare le repentir.
' ‘V. D. G.
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Résumé : LES NOCES DE PLUTUS, CANTATE.
Le texte 'Les Noces de Plutus' raconte l'histoire de Plutus, le dieu de la richesse, qui méprise l'amour et se consacre à l'accumulation de trésors. L'Amour, offensé par les propos de Plutus, décide de se venger en le rendant amoureux de Philis, une jeune femme. Plutus, malgré son âge avancé, implore l'aide de l'Amour pour conquérir Philis. L'Amour, amusé, lui répond que l'amour des jeunes ne peut être partagé par un vieillard. Philis accepte finalement d'épouser Plutus, mais l'Amour prévient ce dernier des tourments à venir. La jalousie et les tourments régiront sa vie, car la vieillesse et la jeunesse sont incompatibles. Plutus obtiendra sa maîtresse, mais devra affronter le repentir.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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87
p. 85-91
Recueil de Pieces d'Histoire et de Litterature, &c. [titre d'après la table]
Début :
Recueil des Piéces d'Histoire et de Litterature, Tome 2 de 234 pages, [...]
Mots clefs :
Religion, Papes, Collection, Dieu, Dieux, Empire, Église, Messie, Roi, Nations
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Recueil de Pieces d'Histoire et de Litterature, &c. [titre d'après la table]
E cu si L de Piéces d’Histoire et de
[Littérature , Tome a de 2.34 pages,
sans la Table des Piéces contenuës dans
ce Volume , et celle des Matieres des deux
premieres Parties de ce Recüeil.
l Ce Volume contient des Pièces curieuse
ses en elles-mêmes, et dont la matiere
. est digne d’être traitée , mais qui piquent
moins la curiosité des Gens de Lettres ,'
parce qu'on les rencontre en plusieurs En
droits : cependant on ytrouve aussi du
neuf, et ce qui fait le plus de plaisir,c’est
que cette collection évite au Lecteur la.
peine de lire des Dissertations longues et: . ’
ennuyeuses , en lui présentant_les mêmes
matieres traitées en peu de mots , succ_inc- q
tement, solidement et avec clarté. ' _
_La premicre Piéce est une Vie de Plu-q‘
rauque , traduite en François: de l’Angloîs
de M. Dryden. C'est un morceau cu
rîeux qui méritoit bien d'être traduit en
notre Langue. On trouve ensuite un Dis
cours sur l’Etat des Nations à la naissance;
‘ E xij de
e; MERCURE DE FRANCE '
de l’Eglise. L’Auteur s’applique à mon
trer que tout concouroit à la Naissancè
de Jesus-Christ pour Pétablissement d:
son Eglise , PEtatlet la Religion. C’est>
comme l’on voit le même Plan qu’a tenu.
M. Bossuet dans son Discours sur l’His
toire Universelle. L’Empire Romain est
étendu dans les trois parties du monde
connu , et est regardé comme le seul Efm
pire de la Terre , lorsque le grand Roi ,
le Roi de l’Univers va paroître. Le Mon
de goûte une aix generale lorsque le Roi
de Paix vient ‘apporter avec lui. La puis-j
sànce des Romains sert à Paccomp isse—
rnent des Propheties par Pordre qui en.
vient dans les diflèrcntes Provinces de
PEmpire , pour une Description generala
d‘: tous les Sujets de cette puissante Mo-Ç
narchie 5 le Messie naît dans Bethléem de
Jirda; par cette puissance la Tribu qui
porte ce nom pet son autorité , les Gen-ï
tlls qui devoienr entrer dans les promes-e
ses et dans l'alliance de misericorde , se
rêünissent avec les J uifs pour immolet
PÏ-Ïiostie de ptopitiation , qui par le méï
rite de son Sang va desdeux Peuples n’en.
faire qu’un; enfin par cette même puis
sance Jerusalem est détruite , le Temple
.rasé et la Synagogue des Juifs anéantie
avec ses Autels. '
._ v _ ce
JANVIER. 17'3;.' 87
Ce n’est pas non plus sans misterc que
Rome devient le centre de l’Empire de’
lÏUnivers , pour Pêcrc ensuite de la veri
table Religion; que les Nations y aboraj
dent de toutes parts , afin quklles y teçoi-f
vent le cuit; du vrai Dieu au lieu des vaiä,
ries richessespti des honneurs périssables,’
qui étoientle but de leurs voyages telle
envoya: par tout des Colonies pour y pot‘)
ter ensuite la Foi de PEvangile; le Messie
pvient dans le Temple lorsque Rome est
dans le plus haut point de sa grandeur, e:
t que la politesse , l’E5prit , les belles Let
tres et les Sciences y brillent avec plus
d’éclat , afin u’en étendant tous ces
avantages dans (ies Pays où elle étend sa»
uissance , elle y établisse la politesse,»
iiurbanité; en un mot, un esprit de socien‘
tÉ-qtii donnât quelque ouverture à la pré
dicarion de [Évangile , et qui disposât
les Esprits à lÎécouter. Par là PEV-angile
(Ïevoit heriter de toutela richesseet de la‘
Sçience de Rome : par là la Foi fait voit‘
qu’elle sçaifsoumettre â sa misterieuse obsi
curité les plus sublimes génies, et qu’ellc
n’a pas besoin de leurs secours et de leur
éloquence pour établit son Empire pat
toute la terre. . . *
« , Si l’Etat Civil disposait tout à Parrivéa
du..Messie , jlîfime de 1a Religion mon-x.
;__ ,, E iiij trois
à? 77"
à? MERCURE DE FRANCE
troit encore davantage le besoin que les
hommes avoient de la nouvelle Alliance‘.
Ils avoient de belles Loix‘, mais elles n'é
toient point observées; le Corps de leurs
Loix étoir corrompu par un grand nom
brc d'autres. qui permettoicnt plusieurs
désordres ; la Religion étoit plus horri-r
ble encore , c’étoit elle qui apprenoit aux
hommes à devenir méchans , les Fêtes des
Dieux étoient des jours de brigandagcs cc
de désordres ; les Temples étoient des
Ecoles dîmpureté , dïrreligion ;_ tout
Dieu y étoit bien reçû : Rome adoroit
ceux qu’elle avoir vaincus , et de vaines
Statuës sans sentiment et sans connois
sancc étoient victorieuses des vainqueurs
des Nations et des maîtres du. monde. Le
seul vrai Dieu y étoit inconnu , lui seul
n'avoir point dfAutels nide sacrificateutâ;
point de culte ni (Ÿadorateurs. UEgyptc
et la Gréce avoient aussi leurs Dieux 5
mais quels Dieux! ose-t-on les nom
mer , tant ils sont capables d’humilier
Ïhomme.
: La‘ Religion des Juifs étoit elle-même
mêlée de superstitions et de Traditions‘
purement humaines; en un mot, toute la
Rcligion des diflerens Peuples _, leurs"
Loix mal observées , leurs Sacrifices abo- '
minables aux yeux » de Dieu 3‘ leurs cr—"
. {CHIE
J A N VIE R. 1733.‘ '89‘;
\
rçurs montées à. leur comble, tous les
raisonnements et les Systemes des Philo
sophes épuisés , montroient à Phomme le‘
besoin qu’il avoir d'une Religion qui lui
apportat enfin des connaissances , qui
pûssent fixer leurs esprits au milieu de
tant de monstrueux égaremens , et qui‘ '
. leur donnât des forces" dont ils sentaient
la necessitê ’g pour accomplir leur devoir ,‘
et pour suivre la voye de la verité et ‘de
la vertu.
_La Piêce suivante traite des donations
de Pcpin et de Charlemagne faites à l’E-'
glise de Rome; on y montre qu’ellesï
sont le commencement de la souveraineté
temporelle des Papes; L’Auteur de cette
Dissertation ÿapplique à y montrer q.u’a'-'
vaut la donation de Pepin les. Papes n'ont,
eu aucune souveraineté 5 ni à‘ Rome ni
en Italie , ni en aucun Endroit : et que;
les Rois Pepin et Charlemagne étoienc»
Maîtres et légitimes possesseurs des Pays
qu’ils ont donnés "aux Evêques der
Rome. v ».
La 3.Piéce est une petiteDissertation sur t
les faux Prophetes , et sur les moyens de
a legdiscernet d’avec les Prophetes vérita-j:
bles; L’Auteur yléxamine trois Points.
Le premier , quels étoient ceux que l’E-;'
crieur; repûsentç comme de faux P104
E v pheg
LÀ
9e MER"CURE' DE FRÏANCE
phètes , et de combien de sortes elle en"
distingue. Le second , si ces faux Pro-'
phetes pouvaient reconnaître eux-mêmes
quïls étaient dans l’illusion. Le troisiéa
me , à quelles marques extetieures le peu-i
ple pouvoir discerner les vrais Ptophetcs
' dävec les faux.
- On trouve ensuite une autre‘ Disset.‘
ration sur la Collection (Plsidore , ct sur
les Décretales attribuées aux premiers Pas;
es. On y examine 1°. Qxelles étaient
lesCollecrions de Décrets‘ avant le neu
v-iéme siècle , et s’il y en avoir quelqtfu.‘
ne qui pût être regardée comme le Code
de PEgIise Universelle , ou comme le
Code d’une Eglise particuliere. 2". Ce
qäfavoit de particulier cette nouvelle
Collection , et qui s’en est déclaré PAu-f"
tèur. 3°. Si cette Collection-des Décreta-ä
les est suposée par un imposteur comme
on le dit communément. 4°. Si ces Let
tres des Papes , "inconnuës avant ChatleJ
magna: , inttoduisoient un nouveau droit
touchant lcs appellations à Rome. 5°. Sis
on peut croire que ces Lettres sont des
Papes dentelles portent le nom. 6°. Qxel
usage il faut faire de ces Lettres pour le
Dogme ou pour la Discipline. Ce dernier '
article n’est pas rempli.
» A la suive de cette Pièce l"Auteur’ de
‘ -. - ' se
4
J A NV I ER. 1733. 9;‘
‘ce Reciieil en‘ a joint une autre intitu
lée : Senfimens dfim homme d'esprit Jur l4
nouvelle intitulée Don Carla: .- destpune
Critique délicate et polie des défauts de
cette Nouvelle. " '
f. La Pièce qui termine‘ ce Volume est une
Réponse de M. B. . . Conseiller au Parle-j
mentde B. . . à une Lettre que M. Du-e
rand lui a écrireau sujet des Discours de
M.- de la. Motte sur la Poësie Dramati
que. L’on y trouve plusieurs expressions
basses et triviales‘, et des traits dans les
quels cet. illustre Auteur n’est pas beau
coup menage. .
On ‘voit ,«au reste , que PAuteur de ce
nouveau Recueil shpplique à diveisifiet‘
ses matieres ,et a promener agréablement
son Lecteur , tantôt dans les détours de
lïi-Lisroirc ,.ranrôt dans ceux de la-Criti
que , tantôt dans le sérieux 5 et. tantôt
dans le stile cnjoüé et badin.‘ Il.y a lieu
dïes ercr u’il continuera de rendre le‘
q .
même soin pour le choix de ses Pièces.
Son Recueil en- ce cas sera curieux et reg‘
cherché.
[Littérature , Tome a de 2.34 pages,
sans la Table des Piéces contenuës dans
ce Volume , et celle des Matieres des deux
premieres Parties de ce Recüeil.
l Ce Volume contient des Pièces curieuse
ses en elles-mêmes, et dont la matiere
. est digne d’être traitée , mais qui piquent
moins la curiosité des Gens de Lettres ,'
parce qu'on les rencontre en plusieurs En
droits : cependant on ytrouve aussi du
neuf, et ce qui fait le plus de plaisir,c’est
que cette collection évite au Lecteur la.
peine de lire des Dissertations longues et: . ’
ennuyeuses , en lui présentant_les mêmes
matieres traitées en peu de mots , succ_inc- q
tement, solidement et avec clarté. ' _
_La premicre Piéce est une Vie de Plu-q‘
rauque , traduite en François: de l’Angloîs
de M. Dryden. C'est un morceau cu
rîeux qui méritoit bien d'être traduit en
notre Langue. On trouve ensuite un Dis
cours sur l’Etat des Nations à la naissance;
‘ E xij de
e; MERCURE DE FRANCE '
de l’Eglise. L’Auteur s’applique à mon
trer que tout concouroit à la Naissancè
de Jesus-Christ pour Pétablissement d:
son Eglise , PEtatlet la Religion. C’est>
comme l’on voit le même Plan qu’a tenu.
M. Bossuet dans son Discours sur l’His
toire Universelle. L’Empire Romain est
étendu dans les trois parties du monde
connu , et est regardé comme le seul Efm
pire de la Terre , lorsque le grand Roi ,
le Roi de l’Univers va paroître. Le Mon
de goûte une aix generale lorsque le Roi
de Paix vient ‘apporter avec lui. La puis-j
sànce des Romains sert à Paccomp isse—
rnent des Propheties par Pordre qui en.
vient dans les diflèrcntes Provinces de
PEmpire , pour une Description generala
d‘: tous les Sujets de cette puissante Mo-Ç
narchie 5 le Messie naît dans Bethléem de
Jirda; par cette puissance la Tribu qui
porte ce nom pet son autorité , les Gen-ï
tlls qui devoienr entrer dans les promes-e
ses et dans l'alliance de misericorde , se
rêünissent avec les J uifs pour immolet
PÏ-Ïiostie de ptopitiation , qui par le méï
rite de son Sang va desdeux Peuples n’en.
faire qu’un; enfin par cette même puis
sance Jerusalem est détruite , le Temple
.rasé et la Synagogue des Juifs anéantie
avec ses Autels. '
._ v _ ce
JANVIER. 17'3;.' 87
Ce n’est pas non plus sans misterc que
Rome devient le centre de l’Empire de’
lÏUnivers , pour Pêcrc ensuite de la veri
table Religion; que les Nations y aboraj
dent de toutes parts , afin quklles y teçoi-f
vent le cuit; du vrai Dieu au lieu des vaiä,
ries richessespti des honneurs périssables,’
qui étoientle but de leurs voyages telle
envoya: par tout des Colonies pour y pot‘)
ter ensuite la Foi de PEvangile; le Messie
pvient dans le Temple lorsque Rome est
dans le plus haut point de sa grandeur, e:
t que la politesse , l’E5prit , les belles Let
tres et les Sciences y brillent avec plus
d’éclat , afin u’en étendant tous ces
avantages dans (ies Pays où elle étend sa»
uissance , elle y établisse la politesse,»
iiurbanité; en un mot, un esprit de socien‘
tÉ-qtii donnât quelque ouverture à la pré
dicarion de [Évangile , et qui disposât
les Esprits à lÎécouter. Par là PEV-angile
(Ïevoit heriter de toutela richesseet de la‘
Sçience de Rome : par là la Foi fait voit‘
qu’elle sçaifsoumettre â sa misterieuse obsi
curité les plus sublimes génies, et qu’ellc
n’a pas besoin de leurs secours et de leur
éloquence pour établit son Empire pat
toute la terre. . . *
« , Si l’Etat Civil disposait tout à Parrivéa
du..Messie , jlîfime de 1a Religion mon-x.
;__ ,, E iiij trois
à? 77"
à? MERCURE DE FRANCE
troit encore davantage le besoin que les
hommes avoient de la nouvelle Alliance‘.
Ils avoient de belles Loix‘, mais elles n'é
toient point observées; le Corps de leurs
Loix étoir corrompu par un grand nom
brc d'autres. qui permettoicnt plusieurs
désordres ; la Religion étoit plus horri-r
ble encore , c’étoit elle qui apprenoit aux
hommes à devenir méchans , les Fêtes des
Dieux étoient des jours de brigandagcs cc
de désordres ; les Temples étoient des
Ecoles dîmpureté , dïrreligion ;_ tout
Dieu y étoit bien reçû : Rome adoroit
ceux qu’elle avoir vaincus , et de vaines
Statuës sans sentiment et sans connois
sancc étoient victorieuses des vainqueurs
des Nations et des maîtres du. monde. Le
seul vrai Dieu y étoit inconnu , lui seul
n'avoir point dfAutels nide sacrificateutâ;
point de culte ni (Ÿadorateurs. UEgyptc
et la Gréce avoient aussi leurs Dieux 5
mais quels Dieux! ose-t-on les nom
mer , tant ils sont capables d’humilier
Ïhomme.
: La‘ Religion des Juifs étoit elle-même
mêlée de superstitions et de Traditions‘
purement humaines; en un mot, toute la
Rcligion des diflerens Peuples _, leurs"
Loix mal observées , leurs Sacrifices abo- '
minables aux yeux » de Dieu 3‘ leurs cr—"
. {CHIE
J A N VIE R. 1733.‘ '89‘;
\
rçurs montées à. leur comble, tous les
raisonnements et les Systemes des Philo
sophes épuisés , montroient à Phomme le‘
besoin qu’il avoir d'une Religion qui lui
apportat enfin des connaissances , qui
pûssent fixer leurs esprits au milieu de
tant de monstrueux égaremens , et qui‘ '
. leur donnât des forces" dont ils sentaient
la necessitê ’g pour accomplir leur devoir ,‘
et pour suivre la voye de la verité et ‘de
la vertu.
_La Piêce suivante traite des donations
de Pcpin et de Charlemagne faites à l’E-'
glise de Rome; on y montre qu’ellesï
sont le commencement de la souveraineté
temporelle des Papes; L’Auteur de cette
Dissertation ÿapplique à y montrer q.u’a'-'
vaut la donation de Pepin les. Papes n'ont,
eu aucune souveraineté 5 ni à‘ Rome ni
en Italie , ni en aucun Endroit : et que;
les Rois Pepin et Charlemagne étoienc»
Maîtres et légitimes possesseurs des Pays
qu’ils ont donnés "aux Evêques der
Rome. v ».
La 3.Piéce est une petiteDissertation sur t
les faux Prophetes , et sur les moyens de
a legdiscernet d’avec les Prophetes vérita-j:
bles; L’Auteur yléxamine trois Points.
Le premier , quels étoient ceux que l’E-;'
crieur; repûsentç comme de faux P104
E v pheg
LÀ
9e MER"CURE' DE FRÏANCE
phètes , et de combien de sortes elle en"
distingue. Le second , si ces faux Pro-'
phetes pouvaient reconnaître eux-mêmes
quïls étaient dans l’illusion. Le troisiéa
me , à quelles marques extetieures le peu-i
ple pouvoir discerner les vrais Ptophetcs
' dävec les faux.
- On trouve ensuite une autre‘ Disset.‘
ration sur la Collection (Plsidore , ct sur
les Décretales attribuées aux premiers Pas;
es. On y examine 1°. Qxelles étaient
lesCollecrions de Décrets‘ avant le neu
v-iéme siècle , et s’il y en avoir quelqtfu.‘
ne qui pût être regardée comme le Code
de PEgIise Universelle , ou comme le
Code d’une Eglise particuliere. 2". Ce
qäfavoit de particulier cette nouvelle
Collection , et qui s’en est déclaré PAu-f"
tèur. 3°. Si cette Collection-des Décreta-ä
les est suposée par un imposteur comme
on le dit communément. 4°. Si ces Let
tres des Papes , "inconnuës avant ChatleJ
magna: , inttoduisoient un nouveau droit
touchant lcs appellations à Rome. 5°. Sis
on peut croire que ces Lettres sont des
Papes dentelles portent le nom. 6°. Qxel
usage il faut faire de ces Lettres pour le
Dogme ou pour la Discipline. Ce dernier '
article n’est pas rempli.
» A la suive de cette Pièce l"Auteur’ de
‘ -. - ' se
4
J A NV I ER. 1733. 9;‘
‘ce Reciieil en‘ a joint une autre intitu
lée : Senfimens dfim homme d'esprit Jur l4
nouvelle intitulée Don Carla: .- destpune
Critique délicate et polie des défauts de
cette Nouvelle. " '
f. La Pièce qui termine‘ ce Volume est une
Réponse de M. B. . . Conseiller au Parle-j
mentde B. . . à une Lettre que M. Du-e
rand lui a écrireau sujet des Discours de
M.- de la. Motte sur la Poësie Dramati
que. L’on y trouve plusieurs expressions
basses et triviales‘, et des traits dans les
quels cet. illustre Auteur n’est pas beau
coup menage. .
On ‘voit ,«au reste , que PAuteur de ce
nouveau Recueil shpplique à diveisifiet‘
ses matieres ,et a promener agréablement
son Lecteur , tantôt dans les détours de
lïi-Lisroirc ,.ranrôt dans ceux de la-Criti
que , tantôt dans le sérieux 5 et. tantôt
dans le stile cnjoüé et badin.‘ Il.y a lieu
dïes ercr u’il continuera de rendre le‘
q .
même soin pour le choix de ses Pièces.
Son Recueil en- ce cas sera curieux et reg‘
cherché.
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Résumé : Recueil de Pieces d'Histoire et de Litterature, &c. [titre d'après la table]
Le texte présente un recueil intitulé 'Pièces d’Histoire et de Littérature', composé de 234 pages et dépourvu de table des matières. Ce volume rassemble des documents curieux et intéressants, bien que certains soient déjà connus. Il se distingue par son approche concise, solide et claire, évitant les dissertations longues et ennuyeuses. La première pièce est une traduction en français de la vie de Plutarque par M. Dryden. Le recueil inclut également un discours sur l’état des nations à la naissance de l’Église, où l’auteur explique comment divers éléments ont contribué à l’établissement de l’Église et de la religion chrétienne. Ce discours est comparé à celui de Bossuet sur l’histoire universelle. Le texte décrit ensuite l’Empire Romain à son apogée et l’arrivée du Messie, soulignant comment la puissance romaine a facilité la propagation des prophéties et la réunion des tribus pour le sacrifice expiatoire. Le recueil aborde également les donations de Pépin et de Charlemagne à l’Église de Rome, discutant de la souveraineté temporelle des Papes. Une autre dissertation traite des faux prophètes et des moyens de les discerner. Une autre encore examine les collections de décrets avant le neuvième siècle et les Décretales attribuées aux premiers Papes. Le volume se termine par une critique de la nouvelle 'Don Carlos' et une réponse de M. B... à une lettre de M. Dugrand concernant les discours de M. de la Motte sur la poésie dramatique. L’auteur diversifie les matières, alternant entre histoire, critique et styles sérieux ou badins, promettant ainsi un recueil curieux et recherché.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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88
p. 523-528
La Religion deffenduë, Poëme, [titre d'après la table]
Début :
LA RELIGION DEFENDUE, Poëme. Brochure in 8. de 46. pages, 1733. [...]
Mots clefs :
Dieu, Religion, Esprit, Épître à Uranie, Poème, Poète chrétien
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : La Religion deffenduë, Poëme, [titre d'après la table]
LA RELIGION DEFFENDUE , Poëme.
Brochure in 8. de 46. pages , 1733.
Rien n'est plus loüable et plus digne
d'un Poëte Chrétien , que le sujet de ce
Poëme , auquel une autre Piece de Poësie
d'une trempe toute differente , qui
n'a trouvé aucun Approbateur parmi les
honnêtes Gens , a donné lieu . Il paroît
au contraire que celle- cy a été goutée
de tous les Gens de bien et de plusieurs
Connoisseurs , à la tête desquels nous
n'hésiterons point de mettre M.leCardinal
de Polignac , dont le suffrage est important.
S. E. ne s'est pas contentée de loüer
le Poëme , mais nous apprenons qu'elle
s'est fait un plaisir d'en distribuer plusieurs
Exemplaires. La Piece mérite
en effet cette distinction. L'Auteur ,
que nous sçavons être un homme du
monde , connu par d'autres Ouvrages
y répond exactement à l'Epitre à Uranie,
em
524 MERCURE DE FRANCE
en ornant des agrémens de la Poësie les
preuves sensibles et invincibles de la Religion
Chrétienne . Donnons ici quelques
de ce que nous venons de dire preuves
par deux ou trois Endroits de ce Poëme,
dont le commencement est tel.
Un Lucrece nouveau prétend que ton Génie ,
De la Religion sonde la verité :
J'y consens , sçavante Uranie
La Foi de la Raison ne craint point la clarté.
Mais ne présumons pas de notre intelligence ,
Que tout à ses efforts soit pleinement ouvert.
Nous jugeons des faits seuls et de leur évidence
Et le reste est pour nous de tenebres couvert.
Ces Globes enflamez qui roulent sur nos têtes ,
Et ceux qui des premiers empruntent leur splen
deur ,
Mon esprit veut avec ardeur ,
>
Les mettre au rang de ses conquêtes ;
Il n'apperçoit de ces grands Corps ,
Que les mouvemens , l'ordre etles divers rapports
Mais leur harmonie admirable ,
Le ressort qui les meut , et leur germe
Sont un abyme impenetrable ,
Qui me surpasse et me confond.
fécond ,
Le Poëte passe ensuite à la connoissance
de l'Homme , et s'exprime ainsi :
Si
MARS. 1733.
525
Je n'ose m'observer , eh ! que suis- je moi-même ?
Prodige merveilleux , autant qu'il est commun !
Deux Etres distinguez qui n'en composent qu'un,
Vivant et sublime Problême ;
Deux Etres ennemis qui font societé ,
Deux Etres assortis qui souvent sont en guerre ;
Un Atome enchaîné dans un coin de la Terre ,
Comme un point de l'Immensité ;
Un Esprit qui , brisant le joug de la matiere ,
Par sa grande velocité ,
unit dans un moment à la Nature entiere
Se plonge dans l'infinité ,
Et par les plus sûrs témognages ,
Trouve enfin la Divinité ,
Peinte et cachée en ses Ouvrages .
De l'Ame avec le Corps je connois l'union ,
Je sens l'alternative étrange et réguliere
De leur mutuelle action ;
Mais j'en ignore la maniere,
Puis refléchissant sur ce qu'il vient
d'exposer si noblement , il conclud .
C'est ainsi que nos connoissances ,
Se bornent toutes à des faits ,
Dont nous tirons des conséquences ,
pour nous la Source est sous un voile
Mais dont
épais.
Aces Principes il en ajoûte d'autres
aussi
$ 26 MERCURE DE FRANCE
aussi solidement établis , et il les oppose
en ces termes à la Doctrine erronée de
l'Auteur de l'Epitre à Uranie.
Voilà des Principes sacrés ,
Et d'une éternelle origine ;
Que l'Esprit fort qui t'endoctrine , `
Ou te cache, Uranie , ou n'a point penetrés ,
C'est eux que ta raison doit recevoir pour guides
. Dans l'examen qu'elle entreprend ;
Devant eux passeront de même qu'un Torrent ,
Ces Vers bien cadencés , mais de sens toujours
vuides ,
Qui du Dieu des Chrétiens font un Monstre
odieux .
De ton Lucrece alors les routes détournées ,
Par toi seront abandonnées ,
Et le sentier du Christ plaira seul à tes yeux.
Nous sommes forcez par la necessité
de nos bornes , de nous arrêter là et de
ne pas suivre le Poëte Chrétien dans le
reste de son Ouvrage , qui contient proprement
l'Histoire abregée et une Apologie
solide de notre sainte Religion ;
on y trouve des traits charmans et lumineux
, avec une réfutation , toujours
invincible , des Argumens proposez par
l'Esprit d'erreur et de mensonge.
Nous ne sçaurions omettre en finissane
MARS. 1733 527
sant , que rien n'est plus heureusement
développé que le salutaire Mystere de
la Grace , exposé , suivant la Doctri
ne de l'Eglise : la bonté et la justice de
Dieu y sont conciliées selon le même esprit
; et le Poëte termine enfin cette importante
matiere , et tout son Ouvrage ,
par ces Vers cy , que le temps où nous
sommes , particulierement consacré à la
Religion et à la pieté, rendra encore plus
dignes dattention.
Aces fideles traits reconnois , Uranie ,
Le Dieu qu'adorent les Chrétiens,
Non , ce n'est point ce Dieu qui dans sa tyrannic
Des vertus qu'il prescrit nous ôtant les moyens ,
Nous punit de sa barbarie ;
Ce Dieu plein de fureur en son aveuglement ,
Ce Dieu ridicule et volage ,
Qui n'agit qu'au hazard et toujours se dément ;
Tel enfin que l'Impie en a tracé l'image.
Notre Dieu , juste , égal et rempli de bonté,
N'ordonne rien qu'il n'aide à faire ,
Ne punit que l'iniquité ,
Se donne à la vertu lui-même pour salaire ,
Et sa sagesse éclate en tout ce qu'il opere.
Pour un Dieu qui n'a pas limité ses bienfaits ;
Oserions-nous borner notre reconnoissance ?
Soyons de son amour embrasez à jamais ;
Qu'il
28 MERCURE DE FRANCE
Qu'il soit toute notre esperance .
Si nous devons l'aimer , nous devons le servir
Dans la Religion qu'il établit lui- même ,
Afin que nous puissions ravir
La Palme du bonheur suprême.
Sans doute que de l'homme un si juste retour
N'acroîtra point de Dieu la gloire ou la puissance.
Mais il a mis sa complaisance ,
Dans ce tribut de notre amour.
Tout autre culte est un outrage
Qui le rend contre nous un Juge rigoureux ;
Et la forme de notre hommage
Lui fait seule adopter nos vertus et nos voeux .
Brochure in 8. de 46. pages , 1733.
Rien n'est plus loüable et plus digne
d'un Poëte Chrétien , que le sujet de ce
Poëme , auquel une autre Piece de Poësie
d'une trempe toute differente , qui
n'a trouvé aucun Approbateur parmi les
honnêtes Gens , a donné lieu . Il paroît
au contraire que celle- cy a été goutée
de tous les Gens de bien et de plusieurs
Connoisseurs , à la tête desquels nous
n'hésiterons point de mettre M.leCardinal
de Polignac , dont le suffrage est important.
S. E. ne s'est pas contentée de loüer
le Poëme , mais nous apprenons qu'elle
s'est fait un plaisir d'en distribuer plusieurs
Exemplaires. La Piece mérite
en effet cette distinction. L'Auteur ,
que nous sçavons être un homme du
monde , connu par d'autres Ouvrages
y répond exactement à l'Epitre à Uranie,
em
524 MERCURE DE FRANCE
en ornant des agrémens de la Poësie les
preuves sensibles et invincibles de la Religion
Chrétienne . Donnons ici quelques
de ce que nous venons de dire preuves
par deux ou trois Endroits de ce Poëme,
dont le commencement est tel.
Un Lucrece nouveau prétend que ton Génie ,
De la Religion sonde la verité :
J'y consens , sçavante Uranie
La Foi de la Raison ne craint point la clarté.
Mais ne présumons pas de notre intelligence ,
Que tout à ses efforts soit pleinement ouvert.
Nous jugeons des faits seuls et de leur évidence
Et le reste est pour nous de tenebres couvert.
Ces Globes enflamez qui roulent sur nos têtes ,
Et ceux qui des premiers empruntent leur splen
deur ,
Mon esprit veut avec ardeur ,
>
Les mettre au rang de ses conquêtes ;
Il n'apperçoit de ces grands Corps ,
Que les mouvemens , l'ordre etles divers rapports
Mais leur harmonie admirable ,
Le ressort qui les meut , et leur germe
Sont un abyme impenetrable ,
Qui me surpasse et me confond.
fécond ,
Le Poëte passe ensuite à la connoissance
de l'Homme , et s'exprime ainsi :
Si
MARS. 1733.
525
Je n'ose m'observer , eh ! que suis- je moi-même ?
Prodige merveilleux , autant qu'il est commun !
Deux Etres distinguez qui n'en composent qu'un,
Vivant et sublime Problême ;
Deux Etres ennemis qui font societé ,
Deux Etres assortis qui souvent sont en guerre ;
Un Atome enchaîné dans un coin de la Terre ,
Comme un point de l'Immensité ;
Un Esprit qui , brisant le joug de la matiere ,
Par sa grande velocité ,
unit dans un moment à la Nature entiere
Se plonge dans l'infinité ,
Et par les plus sûrs témognages ,
Trouve enfin la Divinité ,
Peinte et cachée en ses Ouvrages .
De l'Ame avec le Corps je connois l'union ,
Je sens l'alternative étrange et réguliere
De leur mutuelle action ;
Mais j'en ignore la maniere,
Puis refléchissant sur ce qu'il vient
d'exposer si noblement , il conclud .
C'est ainsi que nos connoissances ,
Se bornent toutes à des faits ,
Dont nous tirons des conséquences ,
pour nous la Source est sous un voile
Mais dont
épais.
Aces Principes il en ajoûte d'autres
aussi
$ 26 MERCURE DE FRANCE
aussi solidement établis , et il les oppose
en ces termes à la Doctrine erronée de
l'Auteur de l'Epitre à Uranie.
Voilà des Principes sacrés ,
Et d'une éternelle origine ;
Que l'Esprit fort qui t'endoctrine , `
Ou te cache, Uranie , ou n'a point penetrés ,
C'est eux que ta raison doit recevoir pour guides
. Dans l'examen qu'elle entreprend ;
Devant eux passeront de même qu'un Torrent ,
Ces Vers bien cadencés , mais de sens toujours
vuides ,
Qui du Dieu des Chrétiens font un Monstre
odieux .
De ton Lucrece alors les routes détournées ,
Par toi seront abandonnées ,
Et le sentier du Christ plaira seul à tes yeux.
Nous sommes forcez par la necessité
de nos bornes , de nous arrêter là et de
ne pas suivre le Poëte Chrétien dans le
reste de son Ouvrage , qui contient proprement
l'Histoire abregée et une Apologie
solide de notre sainte Religion ;
on y trouve des traits charmans et lumineux
, avec une réfutation , toujours
invincible , des Argumens proposez par
l'Esprit d'erreur et de mensonge.
Nous ne sçaurions omettre en finissane
MARS. 1733 527
sant , que rien n'est plus heureusement
développé que le salutaire Mystere de
la Grace , exposé , suivant la Doctri
ne de l'Eglise : la bonté et la justice de
Dieu y sont conciliées selon le même esprit
; et le Poëte termine enfin cette importante
matiere , et tout son Ouvrage ,
par ces Vers cy , que le temps où nous
sommes , particulierement consacré à la
Religion et à la pieté, rendra encore plus
dignes dattention.
Aces fideles traits reconnois , Uranie ,
Le Dieu qu'adorent les Chrétiens,
Non , ce n'est point ce Dieu qui dans sa tyrannic
Des vertus qu'il prescrit nous ôtant les moyens ,
Nous punit de sa barbarie ;
Ce Dieu plein de fureur en son aveuglement ,
Ce Dieu ridicule et volage ,
Qui n'agit qu'au hazard et toujours se dément ;
Tel enfin que l'Impie en a tracé l'image.
Notre Dieu , juste , égal et rempli de bonté,
N'ordonne rien qu'il n'aide à faire ,
Ne punit que l'iniquité ,
Se donne à la vertu lui-même pour salaire ,
Et sa sagesse éclate en tout ce qu'il opere.
Pour un Dieu qui n'a pas limité ses bienfaits ;
Oserions-nous borner notre reconnoissance ?
Soyons de son amour embrasez à jamais ;
Qu'il
28 MERCURE DE FRANCE
Qu'il soit toute notre esperance .
Si nous devons l'aimer , nous devons le servir
Dans la Religion qu'il établit lui- même ,
Afin que nous puissions ravir
La Palme du bonheur suprême.
Sans doute que de l'homme un si juste retour
N'acroîtra point de Dieu la gloire ou la puissance.
Mais il a mis sa complaisance ,
Dans ce tribut de notre amour.
Tout autre culte est un outrage
Qui le rend contre nous un Juge rigoureux ;
Et la forme de notre hommage
Lui fait seule adopter nos vertus et nos voeux .
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Résumé : La Religion deffenduë, Poëme, [titre d'après la table]
La brochure 'LA RELIGION DEFFENDUE, Poëme', publiée en 1733, est une œuvre poétique de 46 pages. Elle est acclamée pour son sujet digne d'un poète chrétien et a été appréciée par des personnes respectables, dont le Cardinal de Polignac. Le poème répond à une autre œuvre poétique jugée inappropriée par les honnêtes gens. L'auteur, un homme du monde connu pour ses autres ouvrages, utilise la poésie pour présenter les preuves de la religion chrétienne. Le poème commence par une réflexion sur les limites de la compréhension humaine face à la complexité de l'univers et de l'âme humaine. Il explore ensuite la nature duale de l'homme, à la fois matériel et spirituel, et conclut que les connaissances humaines sont limitées à des faits observables. Le poème oppose ensuite les principes sacrés de la religion chrétienne aux doctrines erronées, réfutant les arguments des esprits forts. Il développe également le mystère de la grâce, conciliant la bonté et la justice de Dieu. Le poème se termine par une description du Dieu chrétien comme juste, égal et rempli de bonté. Il invite à adorer et servir ce Dieu dans la religion qu'il établit, soulignant que tout autre culte est un outrage.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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89
p. 651-656
LETTRE de M. L... à M. l'Abbé S.... en lui renvoyant la Lettre de M. Rousseau, sur la Zaïre de M. de Voltaire.
Début :
Estes-vous, Monsieur, du sentiment de M. Rousseau, sur la Zaïre de [...]
Mots clefs :
Zaïre, Voltaire, Pièce, Rousseau, Orosmane, Polyeucte, Raison, Critique, Dieu, Religion
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. L... à M. l'Abbé S.... en lui renvoyant la Lettre de M. Rousseau, sur la Zaïre de M. de Voltaire.
LETTRE de M. L... à M. l'Abbé
S .... en lui renvoyant la Lettre de
M. Rousseau , sur la Zaïre de M. de
Voltaire.
Stes -vous , Monsieur , du sentiment
M. de Voltaire ? 11 me semble qué sa Critique
est un peu chargée . Il prétend , que
tout le sentiment qui regne dans cette Piece
tend seulement à faire voir que tous les
efforts de la grace n'ont aucun pouvoir sur
les passions.
Il est pourtant impossible de n'y point
appercevoir une espece de triomphe que
la misericorde divine remporte sur la
foiblesse humaine . Dès le second Acte
Zaïre ne répond- elle pas à son pere , qui
la presse de se déclarer Chrétienne ...
Oui ... Seigneur ...je le suis . Au troisiéme
Acte, elle le dit avec un peu plus
de fermeté. Dans le quatrième et le cinquiéme
, son sacrifice est encore plus
avancé , elle va jusqu'au pied de l'Autel.
Enfin elle implore en expirant le Dieu
qu'elle vouloit connoître. Je me meurs ,
↑ mon Dieu!.
B v A
652 MERCURE DE FRANCE
A ces traits , M.M. on reconnoît que la
Grace n'a pas été absolument impuissante
sur cette ame. Ce n'est point un dogme,
impie, comme le dit M.Rousseau , qui fait
le fondement de la Piece ; c'est un dogme,
qui ne montre à la verité , que le premier
trait de la puissance divine , et les premieres
étincelles de la Foy. La moralité qui résulte
de cette Tragédie , tend à prouver
que l'on ne peut être trop en garde
contre l'emportement des passions , si
l'on ne veut s'exposer aux chutes et aux
excès les plus honteux. En effet dans
quels précipices la passion de Zaïre ne
la conduit- elle point ? Son Amant est
son Dieu , il fait sa Religion avant qu'u
ne lueur de Foy brille pour elle. Eh ! qui
peut ne pas mettre à profit pour soimême
un si funeste exemple ?
Selon la Critique , Zaïre perd deux
Occasions qui se présentent de déclarer
au Soudan qu'elle est Chrétienne , en
s'enfuyant sans aucune raison ; mais estil
bien vrai qu'elle fuit , comme il le
dit ? S'il veut parler des deux momens
où elle paroît devant Orosmane , et où
elle le prie de la laisser à elle- même dévorer
ses amertumes , on ne sçauroit dire
qu'alors elle fuit ; elle se retire pour ne
pas réveler un secret dont dépend la li
berté ,
AVRIL. 1733. 953
berté , peut- être la vie de son frere et
des autres Chrétiens. On ne peut pas dire
non- plus qu'elle fuit sans raison , quand
elle entreprend de sortir du Serrail ,
puisque c'est pour aller au rendez - vous
que son frere lui a marqué , et où elle
ne va que dans la résolution d'obéïr.
Vous allez croire , M. en me voyant
repousser ces traits de la Critique , que
je suis aveugle adorateur de Zaïre , et
que peut- être je place cette Piece au même
rang que Poliencte et Athalie ; non
en verité , je ne pense point ainsi ; mais
enfin il y a des places honorables à côté
ou même un peu au - dessous des Césars ;
et si j'écrivois ce que je pense de cette
Piece , en l'attaquant par les mêmes en--
droits que M. Rousseau a choisis , je hazarderois
de dire qu'elle n'est que le revers
de Polieucte .
"
Corneille nous a donné de la Religion
une image majestueuse , pleine de force
et de dignité , qui ne peut que toucher:
et saisir ceux qui s'arrêtent à la contempler
, et afin que la Grace agît dans toute
l'étendue de sa puissance , Polieucte
reçoit le Baptême dès le commencement
de la Piece ; M. de Voltaire , au contraire
, n'a fait que l'ébauche d'une grace ,
qui n'est qu'à son aurore , ébauche , par
B.vj. cec
654 MERCURE DE FRANCE
cet endroit même, infiniment inferieure à
la noblesse du premier tableau ,et afin qu'il
eût un prétexte de soutenir jusqu'à la
fin cette foible imagination , il ne fait
point recevoir à Zaïre l'Eau salutaire qui
fortifie le Chrétien . Si Polieucte est irrésolu
, s'il balance , s'il differe , cet étaz
ne dure qu'un instant ; cet instant passé,
quelle foi vive ! quelle admirable fermeté
! mais comme il ne peut être accusé
d'impieté pour avoir chancell ' quelques
momens ; de même Zair ( qui vraisemblablement
a été imaginée sur les deux
premieres Scenes de Polieucte ) ne doit
point être regardée comme impie , quoi
que son irrésolution et son combat du
rent plus long temps.
Mais il fut convenir avec M. Rous
seau , que M. de Voltaire , maître comme
il l'étoit de sa Fable , a manqué dans le
choix qu'il en a fur et dans celui des
situations ausquelles il s'est restraint ;
pour avoi trop écouté son imagination ,
il n'a pû voir qu'il donnoit à sa Piece un
fondement trop foible du côté de la Religion
, qui doit toujours triompher pleinement
quand elle agit.Que n'a-t'il écarté
la premiére illusion dont il a été frappé;
Lusignan et Nerestan font preuve qu'il
pouvoit donner de la Foi , un systême
plus
AVRIL. 1733 655
plus fort et plus juste qu'il n'a fait.
Ce seroit sur ce Plan , M. que j'examinerois
le fonds de la Fable de Zaïre ,
et passant aux deffauts que j'ai remarquez
dans l'execution , jobserverois que l'Art
Y laisse. peu ou point de place au vrai ,
je parle de celui que l'on veut trouver
dans les Romans et de l'Art même , le Poëte
en a employé les détours et la finesse ,
plutôt que la justesse et la précision.
L'action de son Poëme , s'il y en a une ,
est peu digne de la majesté de la Tragé
die. Le caractere d'Orosmane est hors du
vrai ; car en supposant même que la Nature
puisse former un Soudan aussi peu
attaché que l'est Orosmane aux moeurs ,
aux usages de sa Patrie , aussi convaincu
de la fidelité de son Amante , qu'il veüille
bien lui épargner la contrainte des surveillants
; pourquoi ce beau Portrait se
termine- t'il en un Monstre ? Pourquoi
ce coeur si noble est- il si promptement
défiguré ? En vain M. de Voltaire a tâché
d'insinuer que son Héros porte tout
à l'excès , que son coeur est né violent
et qu'il est blessé ; il ne pourra justifier
ni dans la Nature ni dans la vrai semblance
, li contrarieté de ce caractere. La
catastrophe sous un air de ressemblance
avec celle de l'Opera d'Athys , est plus
dure
656 MERCURE DE FRANCE
dure que celle- cy ; Athys tuë Sangaride ,
sans volonté de commettre ce meurtre ;
il agit aveuglé par la jalouse Cybele , qui
déguise à ses yeux l'objet qu'il immole.
Orosmane poignarde , assassine l'Amante
qu'il adoroit un instant auparavant, poussé
à faire ce meurtre par une folle jalousie
qui n'a que des prétextes chimériques
et mal appuyez ; il se tuë ensuite
de sens froid et sans sçavoir pourquoi.
Mon dessein n'est pas de m'engager
dans une plus longue décision ; il me
suffit de vous avoir prouvé que j'ai vû
Zaïre sans me laisser ébloüir , et qu'en
même temps j'ai raison de remarquer
que quelques- unes des. Observations de
M. Rousseau ne sont pas tout- à- fait
exactes. Au reste , tout ce qui sort de
sa Plume est bien digne d'être lû ; je
vous suis très obligé de m'avoir envoyé
sa Lettre , si elle n'est pas en tout
exactement judicieuse , c'est que , selon
toutes les apparences , il n'avoit fait qu'u
ne lecture rapide de Zaïre quand il en
a porté son jugement. Je suis , Monsieur
, & c.
·
A Paris , ce 8. de Mars 1733 .
S .... en lui renvoyant la Lettre de
M. Rousseau , sur la Zaïre de M. de
Voltaire.
Stes -vous , Monsieur , du sentiment
M. de Voltaire ? 11 me semble qué sa Critique
est un peu chargée . Il prétend , que
tout le sentiment qui regne dans cette Piece
tend seulement à faire voir que tous les
efforts de la grace n'ont aucun pouvoir sur
les passions.
Il est pourtant impossible de n'y point
appercevoir une espece de triomphe que
la misericorde divine remporte sur la
foiblesse humaine . Dès le second Acte
Zaïre ne répond- elle pas à son pere , qui
la presse de se déclarer Chrétienne ...
Oui ... Seigneur ...je le suis . Au troisiéme
Acte, elle le dit avec un peu plus
de fermeté. Dans le quatrième et le cinquiéme
, son sacrifice est encore plus
avancé , elle va jusqu'au pied de l'Autel.
Enfin elle implore en expirant le Dieu
qu'elle vouloit connoître. Je me meurs ,
↑ mon Dieu!.
B v A
652 MERCURE DE FRANCE
A ces traits , M.M. on reconnoît que la
Grace n'a pas été absolument impuissante
sur cette ame. Ce n'est point un dogme,
impie, comme le dit M.Rousseau , qui fait
le fondement de la Piece ; c'est un dogme,
qui ne montre à la verité , que le premier
trait de la puissance divine , et les premieres
étincelles de la Foy. La moralité qui résulte
de cette Tragédie , tend à prouver
que l'on ne peut être trop en garde
contre l'emportement des passions , si
l'on ne veut s'exposer aux chutes et aux
excès les plus honteux. En effet dans
quels précipices la passion de Zaïre ne
la conduit- elle point ? Son Amant est
son Dieu , il fait sa Religion avant qu'u
ne lueur de Foy brille pour elle. Eh ! qui
peut ne pas mettre à profit pour soimême
un si funeste exemple ?
Selon la Critique , Zaïre perd deux
Occasions qui se présentent de déclarer
au Soudan qu'elle est Chrétienne , en
s'enfuyant sans aucune raison ; mais estil
bien vrai qu'elle fuit , comme il le
dit ? S'il veut parler des deux momens
où elle paroît devant Orosmane , et où
elle le prie de la laisser à elle- même dévorer
ses amertumes , on ne sçauroit dire
qu'alors elle fuit ; elle se retire pour ne
pas réveler un secret dont dépend la li
berté ,
AVRIL. 1733. 953
berté , peut- être la vie de son frere et
des autres Chrétiens. On ne peut pas dire
non- plus qu'elle fuit sans raison , quand
elle entreprend de sortir du Serrail ,
puisque c'est pour aller au rendez - vous
que son frere lui a marqué , et où elle
ne va que dans la résolution d'obéïr.
Vous allez croire , M. en me voyant
repousser ces traits de la Critique , que
je suis aveugle adorateur de Zaïre , et
que peut- être je place cette Piece au même
rang que Poliencte et Athalie ; non
en verité , je ne pense point ainsi ; mais
enfin il y a des places honorables à côté
ou même un peu au - dessous des Césars ;
et si j'écrivois ce que je pense de cette
Piece , en l'attaquant par les mêmes en--
droits que M. Rousseau a choisis , je hazarderois
de dire qu'elle n'est que le revers
de Polieucte .
"
Corneille nous a donné de la Religion
une image majestueuse , pleine de force
et de dignité , qui ne peut que toucher:
et saisir ceux qui s'arrêtent à la contempler
, et afin que la Grace agît dans toute
l'étendue de sa puissance , Polieucte
reçoit le Baptême dès le commencement
de la Piece ; M. de Voltaire , au contraire
, n'a fait que l'ébauche d'une grace ,
qui n'est qu'à son aurore , ébauche , par
B.vj. cec
654 MERCURE DE FRANCE
cet endroit même, infiniment inferieure à
la noblesse du premier tableau ,et afin qu'il
eût un prétexte de soutenir jusqu'à la
fin cette foible imagination , il ne fait
point recevoir à Zaïre l'Eau salutaire qui
fortifie le Chrétien . Si Polieucte est irrésolu
, s'il balance , s'il differe , cet étaz
ne dure qu'un instant ; cet instant passé,
quelle foi vive ! quelle admirable fermeté
! mais comme il ne peut être accusé
d'impieté pour avoir chancell ' quelques
momens ; de même Zair ( qui vraisemblablement
a été imaginée sur les deux
premieres Scenes de Polieucte ) ne doit
point être regardée comme impie , quoi
que son irrésolution et son combat du
rent plus long temps.
Mais il fut convenir avec M. Rous
seau , que M. de Voltaire , maître comme
il l'étoit de sa Fable , a manqué dans le
choix qu'il en a fur et dans celui des
situations ausquelles il s'est restraint ;
pour avoi trop écouté son imagination ,
il n'a pû voir qu'il donnoit à sa Piece un
fondement trop foible du côté de la Religion
, qui doit toujours triompher pleinement
quand elle agit.Que n'a-t'il écarté
la premiére illusion dont il a été frappé;
Lusignan et Nerestan font preuve qu'il
pouvoit donner de la Foi , un systême
plus
AVRIL. 1733 655
plus fort et plus juste qu'il n'a fait.
Ce seroit sur ce Plan , M. que j'examinerois
le fonds de la Fable de Zaïre ,
et passant aux deffauts que j'ai remarquez
dans l'execution , jobserverois que l'Art
Y laisse. peu ou point de place au vrai ,
je parle de celui que l'on veut trouver
dans les Romans et de l'Art même , le Poëte
en a employé les détours et la finesse ,
plutôt que la justesse et la précision.
L'action de son Poëme , s'il y en a une ,
est peu digne de la majesté de la Tragé
die. Le caractere d'Orosmane est hors du
vrai ; car en supposant même que la Nature
puisse former un Soudan aussi peu
attaché que l'est Orosmane aux moeurs ,
aux usages de sa Patrie , aussi convaincu
de la fidelité de son Amante , qu'il veüille
bien lui épargner la contrainte des surveillants
; pourquoi ce beau Portrait se
termine- t'il en un Monstre ? Pourquoi
ce coeur si noble est- il si promptement
défiguré ? En vain M. de Voltaire a tâché
d'insinuer que son Héros porte tout
à l'excès , que son coeur est né violent
et qu'il est blessé ; il ne pourra justifier
ni dans la Nature ni dans la vrai semblance
, li contrarieté de ce caractere. La
catastrophe sous un air de ressemblance
avec celle de l'Opera d'Athys , est plus
dure
656 MERCURE DE FRANCE
dure que celle- cy ; Athys tuë Sangaride ,
sans volonté de commettre ce meurtre ;
il agit aveuglé par la jalouse Cybele , qui
déguise à ses yeux l'objet qu'il immole.
Orosmane poignarde , assassine l'Amante
qu'il adoroit un instant auparavant, poussé
à faire ce meurtre par une folle jalousie
qui n'a que des prétextes chimériques
et mal appuyez ; il se tuë ensuite
de sens froid et sans sçavoir pourquoi.
Mon dessein n'est pas de m'engager
dans une plus longue décision ; il me
suffit de vous avoir prouvé que j'ai vû
Zaïre sans me laisser ébloüir , et qu'en
même temps j'ai raison de remarquer
que quelques- unes des. Observations de
M. Rousseau ne sont pas tout- à- fait
exactes. Au reste , tout ce qui sort de
sa Plume est bien digne d'être lû ; je
vous suis très obligé de m'avoir envoyé
sa Lettre , si elle n'est pas en tout
exactement judicieuse , c'est que , selon
toutes les apparences , il n'avoit fait qu'u
ne lecture rapide de Zaïre quand il en
a porté son jugement. Je suis , Monsieur
, & c.
·
A Paris , ce 8. de Mars 1733 .
Fermer
Résumé : LETTRE de M. L... à M. l'Abbé S.... en lui renvoyant la Lettre de M. Rousseau, sur la Zaïre de M. de Voltaire.
La lettre de M. L... à l'Abbé S.... examine la critique de Jean-Jacques Rousseau sur la pièce 'Zaïre' de Voltaire. M. L... conteste l'analyse de Rousseau, qui soutient que la grâce divine est impuissante face aux passions dans 'Zaïre'. Selon M. L..., la pièce illustre un triomphe progressif de la miséricorde divine sur la faiblesse humaine, notamment à travers les déclarations successives de foi chrétienne de Zaïre. Il souligne que la moralité de la pièce met en garde contre les dangers des passions débridées. M. L... critique également la vision de Rousseau sur les moments où Zaïre ne déclare pas sa foi au Sultan, arguant qu'elle agit par prudence pour protéger des secrets importants. Il reconnaît que 'Zaïre' n'atteint pas la même majesté que les œuvres de Corneille comme 'Polyeucte', mais il estime que la pièce possède des mérites propres. La lettre met en évidence les défauts de la pièce, notamment le caractère d'Orosmane, qui passe d'un amour noble à une jalousie meurtrière de manière peu justifiée. M. L... compare la catastrophe de 'Zaïre' à celle de l'opéra 'Athys', jugeant la première plus dure et moins justifiée. Il conclut en affirmant qu'il a lu 'Zaïre' avec un regard critique et qu'il trouve certaines observations de Rousseau inexactes, tout en reconnaissant la valeur de ses écrits.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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90
p. 682-691
LES PLAISIRS CHAMPETRES, EPITRE à M. D***.
Début :
Quoi ! le sort en est donc jetté, [...]
Mots clefs :
Plaisirs champêtres, Yeux, Dieu, Oeil, Nature, Onde, Muse, Feux, Grâces
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LES PLAISIRS CHAMPETRES, EPITRE à M. D***.
LES PLAISIRS CHAMPETRES
Quoi
EPITRE
"
à M. D ***
Uoi le sort en est donc jetté ,
Et dans le dépit qui te presse ,
Cher ami , ton coeur révolté ,
Se dérobe au Finde , au Permesse !
Oui , j'abandonne le Valon ,
Dis - tu , pénetré de colere ,
Habitant d'une autre Hémisphere ;
Chez le Sarmate ou le Lapon ,
Je prétends à mon gré me faire ,
Un tout autre Dieu qu'Apollon .
Eh ! crois-moi , jamais nul Poëte ,
Propre Artisan de son malheur ,
Ne sacrifia de bon coeur ,
Ni sa Lire , ni sa Musette ,
Aux voeux d'une injuste douleur .
En divorce avec Uranie ,
'Avec Euterpe et Polymnie ,
Pourras- tu d'un amusement ,
Qui de tout temps sous leurs auspices ,
A fait tes plus cheres délices ,
Te priver jusqu'au Monument ?
3
Sa
AVRIL
683 1733
Se dérider avec les Muses ,
Tu le sçais , rien n'est plus charmant ;
Et dans ton fol
emportement ,
A leurs bontez tu le réfuses !
Qui peut ,
hélas sans leur secours ,
Saisi de la divine yvresse ,
Que donne l'Onde du Permesse ,
Soupirer les tendres Amours ?
Dans cette sombre inquiétude ,
Qui ne fait qu'amortir nos feux ;
Il n'est plus de ces Vers heureux ,
Qu'enfante une paisible étude ,
A l'honneur des Héros , des Dieux.
Quoi ! prétendre , au mépris des Cieux ,
Sans Entousiasme , sans verve ,
Chanter les Combats , les beaux- Arts ,
Peindre aux yeux les travaux de Mars ,
Ou raconter ceux de Minerve
D'un bel esprit , qui se dément ,
Quelle illusion ! quel délire !
Ami , révoque ton serment ,
Contre un Dieu qui t'aide et t'inspire ,
Etouffe un vain ressentiment ,
Et reconnois son doux Empire ;
Phébus lui-même en ce moment ,
Où ta plume , ingrat , le déchire
Phébus daigne encor te sourire.
Sur les Coteaux de Beauregard
Viɔns
684 MERCURE DE FRANCE
Viens , cher ami , d'un tel écart ,
Expier la courte folie ,
Viens d'un serment fait au hazard ,
Abjurer la vaine saíllic.
Là, sans façons et sans apprêts ,
Bacchus assis auprès d'un Hêrre ,
Nous présents , à ses propres frais,
Avec Apollon notre Maître
Le verre en main fera ta paix .
Vers ce champêtre domicile ,
Où loin du tumulte et du bruit ,
J'offre à ta Muse un doux azile ,
Quelquefois la mienne me fuit ,
Elle m'y fuit sous les Portiques ,
D'un riche et superbe Lointain
Que vous formez , Ormes antiques ,
A travers un vaste terrain.
Dans cet agréable Hermitage ,
Séjour de la simplicité ; ·
Je ris , ô fortune volage ,
De ta folle malignité ,
Là , guidé par un doux caprice ;
Je prends ma Lire et me soustraits ,
Au noir Destin , à l'injustice ,
Dont j'ai trop ressenti les traits.
Contre le chagrin , mes Terrasses ,
Me forment un triple Rampart ,
Fortifié de toute part ,
J'y
AVRIL . 689 1733
Ty brave ses vaines menaces .
Le sort irrité me poursuit ,
Mais à ma Muse fugitive ,
Dans plus d'une route furtive ,
Mes Bosquets ouvrent un Réduit.
Sous leur délicieux ombrage ,
Où le Rossignol amoureux
Exprime et soulage ses feux ,
Par les sons d'un tendre ramage ,
La Marne forme un long Canal ,
Et dans son liquide Cristal ,
Fait revivre un riant feüillage.
Sous mes yeux , avec majesté ,
Son Onde incessamment voyage ,
Et servant à ma sureté ,
Elle semble me rendre hommage.
Sur un immense Paysage ,
Où s'égare l'oeil enchanté ,
De mes Balcons et du Rivage ,
Je commande avec liberté ,
Et m'en fais un riche appanage.
Oh ! vous que de ses propres mains ,
A tracez le Dieu des Jardins ,
Vergers , Palissades , Parterres ,
Boulingrins , qui m'environnez >
C'est de ce Dieu que vous tenez ,
Vos beautez , vos graces legeres.
Isolé dans tous ses appas
686
MERCURE DE
FRANCE
Un Pavillon , dont la structure
N'offre en racourci que les traits ,
D'une très-simple Architecture ,
M'y tient lieu d'un vaste Palais.
Construit avec assez d'entente ,
Sur un Tertre uni , spacieux ,
Dont la vue est toute charmante ,
Cet Edifice gracieux ,
Embellit mon petit Domaine.
C'est-là qu'étranger à la Plaine ,
Et presque Citoyen des Cieux ,
Je puis sans effort et sans gêne ,
Lier commerce avec les Dieux.
Dans cette Région moyenne ,
Où j'ai conçu l'heureux dessein ,
De fixer ma course incertaine ,
Je respire un air pur et sain.
Mieux placé que les Zoroastres ,
Spéculateur audacieux ,
D'un coup d'oeil j'atteins jusqu'aux Astres ,
Et j'en démêle tous les feux .
Soit au Printemps , soit en Automne
S'offrent à mes sens satisfaits ,
Les dons de Flore et de Pomone ,
Ceux de Bacchus et de Cerés.
Que vois-je armée à la legere ,
Et brossant les Taillis épais ,
Diane se presse de fairs ,
•
Aux
A
687
L:
17330
Aux Hôtes des sombres Forêts ,
Jusques dans leurs Antres secrets ,
Une vive et
bruyante guerre ;
Le lond du Fleuve avec succès ,
Glaucus d'une Pêche abondante ,
A mes yeux remplit ses Filets.
Sur le sein de l'Onde écumante ,
Mercure vogue à pleins Vaisseaux ;
Je le vois planant sur les Flots ,
Porter à la Reine des Villes ,
Les Trésors de nos Champs fertiles ,
Et le tribut de nos travaux.
Au son d'une Flute élegante ,
Pan conduit sur l'herbe naissante
De nombreux et de gras Troupeaux.
D'une herbe tendre et nourissante ,
Dans les Bois , le jeune Silvain ,
Dans les Vergers la jeune Amante ,
Font au loin un riche butin .
La Nymphe Echo , dans nos Campagnes ,
Où tout retentit de ses sons ,
Du fond des Forêts , des Vallons ,
Vers les Rochets et les Montagnes ,
Promene ses courtes Chansons.
Vous rappellez , vertes Saisons ,
A mes yeux le siecle de Rhée ,,
Siecle heureux , qui dans sa dutée ,
Servit aux Graces de Berceau ,
E
688 MERCURE DE FRANCE
Et d'Epoque à la belle Astrée ,
Je vois du haut de mon Côteau ,
D'un verd incessamment nouveau
Vertumne embellir la Contrée.
A peine le fougueux Borée ,
Par son souffle a glacé les airs ,
D'une haleine plus temperée ,
Zéphire en chasse les Hyvers.
Dès son lever l'aimable Aurore ,
Sur nos Collines fait éclore ,
Un Soleil brillant et serain
Par le vif éclat de son teint ,
Hesperus à mes yeux encore ,
Le promet pour le lendemain.
Divinitez , que je revere ,
Vous prétez ainsi vos grands noms ,
A la Nature notre Mere ,
Qui sur nous repand tous ces dons.
Mais que dis-je ! d'un faux sistême ,
Par un vieux zele accrédité ;
Je hais l'antique absurdité ,
J'en meprise l'erreur extréme.
Non , non , le seul Etre suprême ,
Quiseul merite des Autels ,
Se communique ainsi lui même ,
Aux besoins des foibles Mortels.
Que ne puis-je en cette Retraite
Où ses dons étonnent mes sens ,
•
Lui
AVK TL.
1733. 889
Lui consacrer tous les accens ,
D'une Muse trop satisfaite !
Agréable tranquillité ,
Où sans orgueil et sans envie ,
A profit s'écoule la vie ,
Inestimable obscurité ,
Où mon propre goût me convie ,
C'est en vous que du vrai bonheur ,
L'ame extasiée et ravie ,
Sçait goûter toute la douceur ,
Graces à la Philosophie ,
Qui salutaire aux Nourrissons ,
Que la main d'un Dieu lui confie
Leur en fait d'utiles Leçons .
Sous sa conduite toujours sûre ,
Epiant la sage Nature ,
Je la suis d'un oeil curieux.
De ses progrès ingénieux ,
Si l'uniformité constante ,
A mon esprit se fait sentir ;
Leur varieté qui m'enchante ,
Irritant en moi le desir ,
Et comblant toujours mon attente
Semble ajoûter à mon plaisir.
Sans cesse attentif à saisir ,
Les instans qu'elle est agissante ,
Je sonde , je pese à loisir ,
Ses merveilles les plus secrettes ,
Souvent
90 MERCURE DE FRANCE
Souvent même par le bienfait ,
De la Lentille et des Lunettes ,
J'aime à la prendre sur le fait.
A ses mysteres respectables .
Elle daigne m'initier ,
Et de ses ressorts admirables ,
Me donne le Spectacle entier.
C'est -là que s'offrent à ma vûë ;
Quelle gloire pour un Mortel !
Dans leur force et leur étendue ,
Les Miracles de P'Eternel .
Le Moucheron imperceptible ,
Le Globe entier du Firmament ;
M'y démontrent également ,
La Sagesse immense , indicible ,
De la main qui les a formez.
A l'aspect de leur excellence ,
Mes sens éperdus et charmez ,
Adorent la Toute- Puissance
Qui d'objets si grands , si divers ,
Enrichit
pour
moi l'Univers .
D'une Nature toujours belie ,
Toujours la même en ses Concerts ,
Crayon imparfait , mais fidele ,
A peine ébauché dans ces Vers !
Or , qu'êtes- vous , en parallele ,
Vous qu'on estime uniquement ,
Vous qu'on adore aveuglément ,
HonAVRIL
1733.
691
Honneurs ,
voluptez ,
opulence ,
Idoles de notre
ignorance ,
Faitris de fumée et de vent ,
Qu'êtes- vous ? un vuide , un néant.
Je sens qu'à la honte des hommes ,
Qui de vous follement jaloux ,
Sont mille fois plus vains que
vous ,
Vous vous perdez , foibles Atômes ,
Dans les lointaias
prodigieux ,
De
l'admirable
Perspective ,
Dont sans cesse , à
l'aide des
yeux ,
Jouit ici l'ame attentive .
Cher ami , c'est en ces beaux lieux ,
Qu'à l'ombre d'un profond silence ,
Etudiant avec
constance ,
La précieuse verité ,
J'éprouve une félicité ,
Qui suivant que je le projette ,
Dans notre petit Comité ,
Ne peut être que plus complette.
D. V.
Quoi
EPITRE
"
à M. D ***
Uoi le sort en est donc jetté ,
Et dans le dépit qui te presse ,
Cher ami , ton coeur révolté ,
Se dérobe au Finde , au Permesse !
Oui , j'abandonne le Valon ,
Dis - tu , pénetré de colere ,
Habitant d'une autre Hémisphere ;
Chez le Sarmate ou le Lapon ,
Je prétends à mon gré me faire ,
Un tout autre Dieu qu'Apollon .
Eh ! crois-moi , jamais nul Poëte ,
Propre Artisan de son malheur ,
Ne sacrifia de bon coeur ,
Ni sa Lire , ni sa Musette ,
Aux voeux d'une injuste douleur .
En divorce avec Uranie ,
'Avec Euterpe et Polymnie ,
Pourras- tu d'un amusement ,
Qui de tout temps sous leurs auspices ,
A fait tes plus cheres délices ,
Te priver jusqu'au Monument ?
3
Sa
AVRIL
683 1733
Se dérider avec les Muses ,
Tu le sçais , rien n'est plus charmant ;
Et dans ton fol
emportement ,
A leurs bontez tu le réfuses !
Qui peut ,
hélas sans leur secours ,
Saisi de la divine yvresse ,
Que donne l'Onde du Permesse ,
Soupirer les tendres Amours ?
Dans cette sombre inquiétude ,
Qui ne fait qu'amortir nos feux ;
Il n'est plus de ces Vers heureux ,
Qu'enfante une paisible étude ,
A l'honneur des Héros , des Dieux.
Quoi ! prétendre , au mépris des Cieux ,
Sans Entousiasme , sans verve ,
Chanter les Combats , les beaux- Arts ,
Peindre aux yeux les travaux de Mars ,
Ou raconter ceux de Minerve
D'un bel esprit , qui se dément ,
Quelle illusion ! quel délire !
Ami , révoque ton serment ,
Contre un Dieu qui t'aide et t'inspire ,
Etouffe un vain ressentiment ,
Et reconnois son doux Empire ;
Phébus lui-même en ce moment ,
Où ta plume , ingrat , le déchire
Phébus daigne encor te sourire.
Sur les Coteaux de Beauregard
Viɔns
684 MERCURE DE FRANCE
Viens , cher ami , d'un tel écart ,
Expier la courte folie ,
Viens d'un serment fait au hazard ,
Abjurer la vaine saíllic.
Là, sans façons et sans apprêts ,
Bacchus assis auprès d'un Hêrre ,
Nous présents , à ses propres frais,
Avec Apollon notre Maître
Le verre en main fera ta paix .
Vers ce champêtre domicile ,
Où loin du tumulte et du bruit ,
J'offre à ta Muse un doux azile ,
Quelquefois la mienne me fuit ,
Elle m'y fuit sous les Portiques ,
D'un riche et superbe Lointain
Que vous formez , Ormes antiques ,
A travers un vaste terrain.
Dans cet agréable Hermitage ,
Séjour de la simplicité ; ·
Je ris , ô fortune volage ,
De ta folle malignité ,
Là , guidé par un doux caprice ;
Je prends ma Lire et me soustraits ,
Au noir Destin , à l'injustice ,
Dont j'ai trop ressenti les traits.
Contre le chagrin , mes Terrasses ,
Me forment un triple Rampart ,
Fortifié de toute part ,
J'y
AVRIL . 689 1733
Ty brave ses vaines menaces .
Le sort irrité me poursuit ,
Mais à ma Muse fugitive ,
Dans plus d'une route furtive ,
Mes Bosquets ouvrent un Réduit.
Sous leur délicieux ombrage ,
Où le Rossignol amoureux
Exprime et soulage ses feux ,
Par les sons d'un tendre ramage ,
La Marne forme un long Canal ,
Et dans son liquide Cristal ,
Fait revivre un riant feüillage.
Sous mes yeux , avec majesté ,
Son Onde incessamment voyage ,
Et servant à ma sureté ,
Elle semble me rendre hommage.
Sur un immense Paysage ,
Où s'égare l'oeil enchanté ,
De mes Balcons et du Rivage ,
Je commande avec liberté ,
Et m'en fais un riche appanage.
Oh ! vous que de ses propres mains ,
A tracez le Dieu des Jardins ,
Vergers , Palissades , Parterres ,
Boulingrins , qui m'environnez >
C'est de ce Dieu que vous tenez ,
Vos beautez , vos graces legeres.
Isolé dans tous ses appas
686
MERCURE DE
FRANCE
Un Pavillon , dont la structure
N'offre en racourci que les traits ,
D'une très-simple Architecture ,
M'y tient lieu d'un vaste Palais.
Construit avec assez d'entente ,
Sur un Tertre uni , spacieux ,
Dont la vue est toute charmante ,
Cet Edifice gracieux ,
Embellit mon petit Domaine.
C'est-là qu'étranger à la Plaine ,
Et presque Citoyen des Cieux ,
Je puis sans effort et sans gêne ,
Lier commerce avec les Dieux.
Dans cette Région moyenne ,
Où j'ai conçu l'heureux dessein ,
De fixer ma course incertaine ,
Je respire un air pur et sain.
Mieux placé que les Zoroastres ,
Spéculateur audacieux ,
D'un coup d'oeil j'atteins jusqu'aux Astres ,
Et j'en démêle tous les feux .
Soit au Printemps , soit en Automne
S'offrent à mes sens satisfaits ,
Les dons de Flore et de Pomone ,
Ceux de Bacchus et de Cerés.
Que vois-je armée à la legere ,
Et brossant les Taillis épais ,
Diane se presse de fairs ,
•
Aux
A
687
L:
17330
Aux Hôtes des sombres Forêts ,
Jusques dans leurs Antres secrets ,
Une vive et
bruyante guerre ;
Le lond du Fleuve avec succès ,
Glaucus d'une Pêche abondante ,
A mes yeux remplit ses Filets.
Sur le sein de l'Onde écumante ,
Mercure vogue à pleins Vaisseaux ;
Je le vois planant sur les Flots ,
Porter à la Reine des Villes ,
Les Trésors de nos Champs fertiles ,
Et le tribut de nos travaux.
Au son d'une Flute élegante ,
Pan conduit sur l'herbe naissante
De nombreux et de gras Troupeaux.
D'une herbe tendre et nourissante ,
Dans les Bois , le jeune Silvain ,
Dans les Vergers la jeune Amante ,
Font au loin un riche butin .
La Nymphe Echo , dans nos Campagnes ,
Où tout retentit de ses sons ,
Du fond des Forêts , des Vallons ,
Vers les Rochets et les Montagnes ,
Promene ses courtes Chansons.
Vous rappellez , vertes Saisons ,
A mes yeux le siecle de Rhée ,,
Siecle heureux , qui dans sa dutée ,
Servit aux Graces de Berceau ,
E
688 MERCURE DE FRANCE
Et d'Epoque à la belle Astrée ,
Je vois du haut de mon Côteau ,
D'un verd incessamment nouveau
Vertumne embellir la Contrée.
A peine le fougueux Borée ,
Par son souffle a glacé les airs ,
D'une haleine plus temperée ,
Zéphire en chasse les Hyvers.
Dès son lever l'aimable Aurore ,
Sur nos Collines fait éclore ,
Un Soleil brillant et serain
Par le vif éclat de son teint ,
Hesperus à mes yeux encore ,
Le promet pour le lendemain.
Divinitez , que je revere ,
Vous prétez ainsi vos grands noms ,
A la Nature notre Mere ,
Qui sur nous repand tous ces dons.
Mais que dis-je ! d'un faux sistême ,
Par un vieux zele accrédité ;
Je hais l'antique absurdité ,
J'en meprise l'erreur extréme.
Non , non , le seul Etre suprême ,
Quiseul merite des Autels ,
Se communique ainsi lui même ,
Aux besoins des foibles Mortels.
Que ne puis-je en cette Retraite
Où ses dons étonnent mes sens ,
•
Lui
AVK TL.
1733. 889
Lui consacrer tous les accens ,
D'une Muse trop satisfaite !
Agréable tranquillité ,
Où sans orgueil et sans envie ,
A profit s'écoule la vie ,
Inestimable obscurité ,
Où mon propre goût me convie ,
C'est en vous que du vrai bonheur ,
L'ame extasiée et ravie ,
Sçait goûter toute la douceur ,
Graces à la Philosophie ,
Qui salutaire aux Nourrissons ,
Que la main d'un Dieu lui confie
Leur en fait d'utiles Leçons .
Sous sa conduite toujours sûre ,
Epiant la sage Nature ,
Je la suis d'un oeil curieux.
De ses progrès ingénieux ,
Si l'uniformité constante ,
A mon esprit se fait sentir ;
Leur varieté qui m'enchante ,
Irritant en moi le desir ,
Et comblant toujours mon attente
Semble ajoûter à mon plaisir.
Sans cesse attentif à saisir ,
Les instans qu'elle est agissante ,
Je sonde , je pese à loisir ,
Ses merveilles les plus secrettes ,
Souvent
90 MERCURE DE FRANCE
Souvent même par le bienfait ,
De la Lentille et des Lunettes ,
J'aime à la prendre sur le fait.
A ses mysteres respectables .
Elle daigne m'initier ,
Et de ses ressorts admirables ,
Me donne le Spectacle entier.
C'est -là que s'offrent à ma vûë ;
Quelle gloire pour un Mortel !
Dans leur force et leur étendue ,
Les Miracles de P'Eternel .
Le Moucheron imperceptible ,
Le Globe entier du Firmament ;
M'y démontrent également ,
La Sagesse immense , indicible ,
De la main qui les a formez.
A l'aspect de leur excellence ,
Mes sens éperdus et charmez ,
Adorent la Toute- Puissance
Qui d'objets si grands , si divers ,
Enrichit
pour
moi l'Univers .
D'une Nature toujours belie ,
Toujours la même en ses Concerts ,
Crayon imparfait , mais fidele ,
A peine ébauché dans ces Vers !
Or , qu'êtes- vous , en parallele ,
Vous qu'on estime uniquement ,
Vous qu'on adore aveuglément ,
HonAVRIL
1733.
691
Honneurs ,
voluptez ,
opulence ,
Idoles de notre
ignorance ,
Faitris de fumée et de vent ,
Qu'êtes- vous ? un vuide , un néant.
Je sens qu'à la honte des hommes ,
Qui de vous follement jaloux ,
Sont mille fois plus vains que
vous ,
Vous vous perdez , foibles Atômes ,
Dans les lointaias
prodigieux ,
De
l'admirable
Perspective ,
Dont sans cesse , à
l'aide des
yeux ,
Jouit ici l'ame attentive .
Cher ami , c'est en ces beaux lieux ,
Qu'à l'ombre d'un profond silence ,
Etudiant avec
constance ,
La précieuse verité ,
J'éprouve une félicité ,
Qui suivant que je le projette ,
Dans notre petit Comité ,
Ne peut être que plus complette.
D. V.
Fermer
Résumé : LES PLAISIRS CHAMPETRES, EPITRE à M. D***.
Le texte 'Les Plaisirs Champêtres' est une épître adressée à un ami qui souhaite abandonner la poésie et les muses. L'auteur tente de le convaincre de l'importance des muses et de l'inspiration divine pour créer des œuvres dignes des héros et des dieux. Il l'invite à se rendre dans un lieu champêtre, loin du tumulte, pour profiter de la paix et de l'inspiration. L'auteur décrit son domaine situé près de la Marne, avec ses terrasses, ses bosquets et ses jardins, où il trouve refuge contre les tracas du monde. Il y respire un air pur et observe la nature, admirant les saisons et les divinités qui y sont associées. Il exalte la tranquillité et la philosophie qui lui permettent de goûter au vrai bonheur. Le texte se conclut par une réflexion sur la vanité des honneurs et des richesses face à la grandeur de la nature et de l'univers. L'auteur souligne la sagesse et la puissance divine qui régissent ces éléments. Il exprime sa préférence pour une vie simple et contemplative, loin des vaines ambitions humaines.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
91
p. 789-792
ODE.
Début :
Toi, qui de nos Jeux est le guide, [...]
Mots clefs :
Dieu, Public, Théâtre, Critique, Raillerie, Ton sévère
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ODE.
Le 13. Avril , les Comédiens Italiens
firent l'ouverture de leur Théatre par la
Tragi- Comédie de Simson. Le sicur Ric
coboni prononça, une Ode qui tint lieu ,
du Compliment qu'on fait toutes les années
à parcil jour , laquelle fut fort applaudie.
La voici .
O DE.
શું
Toi , qui de nos' Jeux est le guide , from
aux , q
Juge aimable de nos travaux
MOR ..
Toi , dont le seul Arrêt décide ,
Du prix des Ouvrages nouveaux ;
Dieu du Goût , qu'Apollon revére
Tu ne sçais point d'un ton severe it d'un ton severe side com
Condamner avec dureté 2007
Hij
Mais
3
790 MERCURE DE FRANCE
Mais flatté d'une noble audace ,
Au défaut tu sçais faire grace ,
S'il est suivi d'une beauté.
諾
C'est toi , Dieu puissant , que j'implore ;
Daigne m'accorder ton appui ,
Conduits mes pas , tremblans encore
Loin de nous écarte l'Ennui.
C'est l'ennemi que je redoute ;
Cent fois il traverse ma route ,
Quand je te cherche en mes transports
Il est le fléau du Théatre ,
Et , même en un sujet folâtre ,
Fait bâiller , malgré nos efforts .
Apprens-moi quel est ton azile ;
Dis-moi qui pourra m'aplanir ,
Ta route à l'esprit difficile ,
Quel mortel peut y parvenir ;
C'est en vain qu'un brillant génie
Chéri du Dieu de l'harmonie ,
De ton nom voudroit se parer ,
Il croit en vain , par son exemple ,
Montrer les chemins de ton Temple
C
Il ne fait que nous égarer.
諮
Non , ton séjour ne sçauroit être ,
Celui qu'on nous veut indiquer ;
Comment
AVRIL.
791 1733
Comment pouvoir le reconnoître
Tu ne t'y fais point remarquer.
J'y vois Peinture , Architecture ,
Vers , Danse , Musique , Sculpture ;
Tous les Arts , sans choix entassez :
La Critique et la Raillerie ,
Y font succomber le génie ;
L'ordre et la grace en sont chassez .
M
>
Mais quel objet s'offre à ma vûë ¿
Le Dieu qui daigne m'écouter ,
Vient , par une grace imprévûë ,
A mes regards se présenter ;
Je vois le séjour respectable ,
Où sa puissance redoutable ,
Sans se tromper , juge de tout ;
Je vois l'équitable Parterre ,
'Au mauvais déclarer la guerre .
C'est- là le vrai Temple du Goût.
Le judicieux assemblage ,
De tous les Etats réunis ,
De l'esprit est l'Aréopage ;
Les préjugez en sont bannis.
En vain , après la réussite ,
Le Censeur en blâmant s'excite
'A faire briller son sçavoir ;
Le Public ne peut se dédire.
Hiij Voit
792 MERCURE DE FRANCE
Soit : l'Ouvrage est mauvais à lire ;
Mais il est agréable à voir .
Par sa Critique raisonnée .
Un seul cause peu de terreur ;
Après une étude obstinée ,
Rarement il connoît l'Erreur.
Guidé par un sens infaillible ,
Le Public irrépréhensible ,
Voit et prononce sen un moment's
Respectons ses Arrêts augustes ,
Les décisions les plus justes ,
Ne partent que
du sentiment.
Puisse - t'il nous être propice!
Puissions - nous le voir à nos Jeux ,
Par bonté , comme par justice ,
Approuver nos soins plus heureux !
Que la Critique envenimée ,
Contre ce Théatre animée ,
Méprise tout ce qui s'y dit ;
Au-dessus de la Raillerie ,
Nous en méprisons la furie ,
Si le Public nous applaudit.
firent l'ouverture de leur Théatre par la
Tragi- Comédie de Simson. Le sicur Ric
coboni prononça, une Ode qui tint lieu ,
du Compliment qu'on fait toutes les années
à parcil jour , laquelle fut fort applaudie.
La voici .
O DE.
શું
Toi , qui de nos' Jeux est le guide , from
aux , q
Juge aimable de nos travaux
MOR ..
Toi , dont le seul Arrêt décide ,
Du prix des Ouvrages nouveaux ;
Dieu du Goût , qu'Apollon revére
Tu ne sçais point d'un ton severe it d'un ton severe side com
Condamner avec dureté 2007
Hij
Mais
3
790 MERCURE DE FRANCE
Mais flatté d'une noble audace ,
Au défaut tu sçais faire grace ,
S'il est suivi d'une beauté.
諾
C'est toi , Dieu puissant , que j'implore ;
Daigne m'accorder ton appui ,
Conduits mes pas , tremblans encore
Loin de nous écarte l'Ennui.
C'est l'ennemi que je redoute ;
Cent fois il traverse ma route ,
Quand je te cherche en mes transports
Il est le fléau du Théatre ,
Et , même en un sujet folâtre ,
Fait bâiller , malgré nos efforts .
Apprens-moi quel est ton azile ;
Dis-moi qui pourra m'aplanir ,
Ta route à l'esprit difficile ,
Quel mortel peut y parvenir ;
C'est en vain qu'un brillant génie
Chéri du Dieu de l'harmonie ,
De ton nom voudroit se parer ,
Il croit en vain , par son exemple ,
Montrer les chemins de ton Temple
C
Il ne fait que nous égarer.
諮
Non , ton séjour ne sçauroit être ,
Celui qu'on nous veut indiquer ;
Comment
AVRIL.
791 1733
Comment pouvoir le reconnoître
Tu ne t'y fais point remarquer.
J'y vois Peinture , Architecture ,
Vers , Danse , Musique , Sculpture ;
Tous les Arts , sans choix entassez :
La Critique et la Raillerie ,
Y font succomber le génie ;
L'ordre et la grace en sont chassez .
M
>
Mais quel objet s'offre à ma vûë ¿
Le Dieu qui daigne m'écouter ,
Vient , par une grace imprévûë ,
A mes regards se présenter ;
Je vois le séjour respectable ,
Où sa puissance redoutable ,
Sans se tromper , juge de tout ;
Je vois l'équitable Parterre ,
'Au mauvais déclarer la guerre .
C'est- là le vrai Temple du Goût.
Le judicieux assemblage ,
De tous les Etats réunis ,
De l'esprit est l'Aréopage ;
Les préjugez en sont bannis.
En vain , après la réussite ,
Le Censeur en blâmant s'excite
'A faire briller son sçavoir ;
Le Public ne peut se dédire.
Hiij Voit
792 MERCURE DE FRANCE
Soit : l'Ouvrage est mauvais à lire ;
Mais il est agréable à voir .
Par sa Critique raisonnée .
Un seul cause peu de terreur ;
Après une étude obstinée ,
Rarement il connoît l'Erreur.
Guidé par un sens infaillible ,
Le Public irrépréhensible ,
Voit et prononce sen un moment's
Respectons ses Arrêts augustes ,
Les décisions les plus justes ,
Ne partent que
du sentiment.
Puisse - t'il nous être propice!
Puissions - nous le voir à nos Jeux ,
Par bonté , comme par justice ,
Approuver nos soins plus heureux !
Que la Critique envenimée ,
Contre ce Théatre animée ,
Méprise tout ce qui s'y dit ;
Au-dessus de la Raillerie ,
Nous en méprisons la furie ,
Si le Public nous applaudit.
Fermer
Résumé : ODE.
Le 13 avril, les Comédiens Italiens inaugurèrent leur théâtre avec la tragicomédie 'Simson'. Riccardo Broschi, dit Riccoboni, prononça une ode à la place du compliment annuel habituel, qui fut très applaudie. Cette ode s'adresse au guide des jeux et au juge des travaux, implorant leur soutien pour éviter l'ennui, ennemi du théâtre. Elle critique les arts entassés sans choix et la critique qui fait succomber le génie. L'ode reconnaît le parterre comme le véritable temple du goût, où les préjugés sont bannis et le public prononce des jugements justes. Elle exprime l'espoir que le public soit propice et approuve leurs efforts, méprisant la critique envenimée si le public les applaudit.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
92
p. 857-862
JUGEMENT DE THEMIS. A MADAME DE ***. Sur le rétablissement de sa santé.
Début :
C'etoit fait de vos jours, ô divine Uranie ; [...]
Mots clefs :
Mort, Thémis, Rage, Apollon, Phébus, Jours, Paix, Dieu, Mortels, Rétablissement, Jugement, Santé
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : JUGEMENT DE THEMIS. A MADAME DE ***. Sur le rétablissement de sa santé.
JUGEMENT DE THEMIS.
A MADAME DE * * *
1
Sur le rétablissement de sa santé.
C'Etoit fait de vos jours , ô divine Uranie;
De son double ciseau la cruelle Atropos ,
Alloit trancher le fil de la plus belle vie.
Bij
.
Mettre
858 MERCURE DE FRANCE
Mettre le comble à tous nos maux ,
Et d'un seul coup , hélas ! ouvrir mille tom
beaux.
On implore à grands cris la Déesse infléxible ;
Mais d'un air indigné , méprisant , insensible
Elle insulte aux soupits des foibles Orphelins ,
Soulagez tant de fois par vos puissantes mains.
Son oeil plein de rage et de joye ,
Contemple avidement ces restes malheureux ,
Qui par vous échappez à ses coups rigoureux
Bien- tôt en vous perdant vont devenir sa proye
Elle avance en couroux ; on fuit de toutes parts ,
Le poison meurtrier de ses affreux regards.
Une illustre famille où regnent la Sagesse ,
L'Honneur , la Probité , l'Union , la Tendresse ,
Prosternée et tremblante , offre inutilement
Ses plus précieuses années ,
Pour prolonger vos destinées ;
Rien ne peut retarder le funeste moment ,
Le Monstre impitoyable approche fierement :
Mais tout à coup sous un heureux auspice ,
Une Divinité propice ,
La celeste Thémis précipitant ses pas ,
Vint arracher vos jours aux horreurs du trépas
Fatale Mort , s'écria - t'elle ,
Arrêté de ton bras l'audace criminelle ,
Respecte les Mortels à tes pieds abattus ;
Apprends à choisir tes victimes ,
TE
MAY. 1733 855
Tu ne dois foudroyer que le vice et les crimes ,
Et c'est ici l'Empire des Vertus .
Set Arrêt prononcé d'une voix formidable ,
De la Déesse inexorable ,
Arrêta les premiers accès ;
Soudain un murmure agréable ,
Annonça par tout le succès ,
D'un jugement si favorable ,
La seule Mort étoit inconsolable ,
D'avoir perdu sa peine et son procès.
. Mais elle eut beau gémir et se deffendre ,
Vanter ses droits et follement prétendre ,
Qu'on trahissoit l'équité , la raison ;
On écouta la froide Demoiselle ,
Puis on siffla sa lugubre Oraison ;
Point d'Orateur ne soutint sa querelle ;
Et pour punir sa noire trahison ,
On opinoit à proceder contre elle ,
A lui donner pour demeure éternelle ,
L'affreux cachot d'une obscure prison ,
Ou renvoyer la hideuse Fémelle ,
Dans le Manoir de la sombre Alecton.
Phébus jugea la peine trop cruelle :
Bannir la Mort ! eh ! que seront les Dieux ,
Si les Humains sont immortels comme eux !
Bien- tôt peut- être une orgueilleuse audace ,
Reproduira de superbes Titans ,
Qui par des coups encor plus éclatants ,
Biij Scauront
860 MERCURE DE FRANCE
Sçauront vanger l'ancienne disgrace ,
Et les malheurs de leur coupable race ,
De Typheus iront briser les fers ,
Et troubleront le Ciel et les Enfers .
Ainsi parla d'un ton fier et sévere ,
Le Dieu brillant qu'à Délos on révere ,
Thémis sourit et loüa gravement ,
Du blond Phébus le discours véhement,
Puis expliquant la raison singuliere ,
Pourquoi le Dieu qui produit la lumiere ,
Parloit si haut pour une Déïté ,
Fille du Stix et de l'obscurité :
Messieurs , dit- elle , avec un air rigide ,
Trahi cent fois par un soûris malin ,
Vous le sçavez , Phébus est Medecin ,
Et doit chérir la Déesse homicide.
Ils sont tous deux l'un pour l'autre formez ;
Ils sont tous deux l'un de l'autre charmez.
Si quelquefois Apollon se déchaîne ,
Traite la Mort d'injuste , d'inhumaine ,
N'en croyez pas ses discours animez ,
C'est pour dupper les Mortels allarmeż ;
Il l'aime au fond et son coeur est sans haine ,
Malgré le feu de ses yeux allumez ,
Bien plus d'amour que de rage enflâmez.
Mêmes projets , même fin , même Empire ,
Et même droit sur tout ce qui respire ,
Unit leurs coeurs et leur funebre Cour ,
It
MAY 1733.
861
Et l'interêt cimente leur amour ;
Car sans la Mort , dont on craint les empreintes,
L'Art d'Apollon seroit moins respecté:
Sans Apollon et son Art si vanté ,
Peu de la Mort sentiroient les atteintes.
Or en faveur du Dieu de la santé ,
Nous épargnons à son illustre amie ,
Un sort cruel , une juste infamie ,
Et maint affront que sa témerité ,
merité.
A plus d'un titre avoit trop
Alors la Deïté des mortelles allarmes ,
Laissant de rage échapper quelques larmes,
Et l'oeil étincelant de colere et de feu :
Fuyons , dit- elle , un triste lieu ,
De la Paix le séjour tranquile ,
Et de Thémis le redoutable azile ,
Sortons pour ne rentrer jamais .
A ces mots elle fuit . Le Dépit et la Honte ,
D'une aîle obéissante et prompte ,
Volerent sur ses pas , suivis des vains regrets ,
Et des soucis cuisans ennemis de la Paix .
Ah ! si le Roy des Dieux , Maître des destinées ,
Ecoutoit les voeux que j'ai faits !
Si par des Loix justes et fortunées ,
Il mésuroit le cours de vos années ,
Sur vos vertus et vos bienfaits !
Deslors vos jours serains, sombres, et sans nuages,
Biiij Cou
862 MERCURE DE FRANCE
Couleroient dans la gloire et verroient tous l
âges ;
Et la solide Verité ,
Sur votre Palais respecté ,
Graveroit d'une main hardie ,
Ces Vers l'effroi da Temps et de la noire Envie
De ce brillant séjour par Themis habité ,
La jalouse Mort est bannie ;
Le Cielpour couronner de la sage
L'inestimable pieté ,
Uranie ,
Veut qu'elle mene en paix une tranquille vie,
Dans le sein glorieux de l'Immortalité.
A MADAME DE * * *
1
Sur le rétablissement de sa santé.
C'Etoit fait de vos jours , ô divine Uranie;
De son double ciseau la cruelle Atropos ,
Alloit trancher le fil de la plus belle vie.
Bij
.
Mettre
858 MERCURE DE FRANCE
Mettre le comble à tous nos maux ,
Et d'un seul coup , hélas ! ouvrir mille tom
beaux.
On implore à grands cris la Déesse infléxible ;
Mais d'un air indigné , méprisant , insensible
Elle insulte aux soupits des foibles Orphelins ,
Soulagez tant de fois par vos puissantes mains.
Son oeil plein de rage et de joye ,
Contemple avidement ces restes malheureux ,
Qui par vous échappez à ses coups rigoureux
Bien- tôt en vous perdant vont devenir sa proye
Elle avance en couroux ; on fuit de toutes parts ,
Le poison meurtrier de ses affreux regards.
Une illustre famille où regnent la Sagesse ,
L'Honneur , la Probité , l'Union , la Tendresse ,
Prosternée et tremblante , offre inutilement
Ses plus précieuses années ,
Pour prolonger vos destinées ;
Rien ne peut retarder le funeste moment ,
Le Monstre impitoyable approche fierement :
Mais tout à coup sous un heureux auspice ,
Une Divinité propice ,
La celeste Thémis précipitant ses pas ,
Vint arracher vos jours aux horreurs du trépas
Fatale Mort , s'écria - t'elle ,
Arrêté de ton bras l'audace criminelle ,
Respecte les Mortels à tes pieds abattus ;
Apprends à choisir tes victimes ,
TE
MAY. 1733 855
Tu ne dois foudroyer que le vice et les crimes ,
Et c'est ici l'Empire des Vertus .
Set Arrêt prononcé d'une voix formidable ,
De la Déesse inexorable ,
Arrêta les premiers accès ;
Soudain un murmure agréable ,
Annonça par tout le succès ,
D'un jugement si favorable ,
La seule Mort étoit inconsolable ,
D'avoir perdu sa peine et son procès.
. Mais elle eut beau gémir et se deffendre ,
Vanter ses droits et follement prétendre ,
Qu'on trahissoit l'équité , la raison ;
On écouta la froide Demoiselle ,
Puis on siffla sa lugubre Oraison ;
Point d'Orateur ne soutint sa querelle ;
Et pour punir sa noire trahison ,
On opinoit à proceder contre elle ,
A lui donner pour demeure éternelle ,
L'affreux cachot d'une obscure prison ,
Ou renvoyer la hideuse Fémelle ,
Dans le Manoir de la sombre Alecton.
Phébus jugea la peine trop cruelle :
Bannir la Mort ! eh ! que seront les Dieux ,
Si les Humains sont immortels comme eux !
Bien- tôt peut- être une orgueilleuse audace ,
Reproduira de superbes Titans ,
Qui par des coups encor plus éclatants ,
Biij Scauront
860 MERCURE DE FRANCE
Sçauront vanger l'ancienne disgrace ,
Et les malheurs de leur coupable race ,
De Typheus iront briser les fers ,
Et troubleront le Ciel et les Enfers .
Ainsi parla d'un ton fier et sévere ,
Le Dieu brillant qu'à Délos on révere ,
Thémis sourit et loüa gravement ,
Du blond Phébus le discours véhement,
Puis expliquant la raison singuliere ,
Pourquoi le Dieu qui produit la lumiere ,
Parloit si haut pour une Déïté ,
Fille du Stix et de l'obscurité :
Messieurs , dit- elle , avec un air rigide ,
Trahi cent fois par un soûris malin ,
Vous le sçavez , Phébus est Medecin ,
Et doit chérir la Déesse homicide.
Ils sont tous deux l'un pour l'autre formez ;
Ils sont tous deux l'un de l'autre charmez.
Si quelquefois Apollon se déchaîne ,
Traite la Mort d'injuste , d'inhumaine ,
N'en croyez pas ses discours animez ,
C'est pour dupper les Mortels allarmeż ;
Il l'aime au fond et son coeur est sans haine ,
Malgré le feu de ses yeux allumez ,
Bien plus d'amour que de rage enflâmez.
Mêmes projets , même fin , même Empire ,
Et même droit sur tout ce qui respire ,
Unit leurs coeurs et leur funebre Cour ,
It
MAY 1733.
861
Et l'interêt cimente leur amour ;
Car sans la Mort , dont on craint les empreintes,
L'Art d'Apollon seroit moins respecté:
Sans Apollon et son Art si vanté ,
Peu de la Mort sentiroient les atteintes.
Or en faveur du Dieu de la santé ,
Nous épargnons à son illustre amie ,
Un sort cruel , une juste infamie ,
Et maint affront que sa témerité ,
merité.
A plus d'un titre avoit trop
Alors la Deïté des mortelles allarmes ,
Laissant de rage échapper quelques larmes,
Et l'oeil étincelant de colere et de feu :
Fuyons , dit- elle , un triste lieu ,
De la Paix le séjour tranquile ,
Et de Thémis le redoutable azile ,
Sortons pour ne rentrer jamais .
A ces mots elle fuit . Le Dépit et la Honte ,
D'une aîle obéissante et prompte ,
Volerent sur ses pas , suivis des vains regrets ,
Et des soucis cuisans ennemis de la Paix .
Ah ! si le Roy des Dieux , Maître des destinées ,
Ecoutoit les voeux que j'ai faits !
Si par des Loix justes et fortunées ,
Il mésuroit le cours de vos années ,
Sur vos vertus et vos bienfaits !
Deslors vos jours serains, sombres, et sans nuages,
Biiij Cou
862 MERCURE DE FRANCE
Couleroient dans la gloire et verroient tous l
âges ;
Et la solide Verité ,
Sur votre Palais respecté ,
Graveroit d'une main hardie ,
Ces Vers l'effroi da Temps et de la noire Envie
De ce brillant séjour par Themis habité ,
La jalouse Mort est bannie ;
Le Cielpour couronner de la sage
L'inestimable pieté ,
Uranie ,
Veut qu'elle mene en paix une tranquille vie,
Dans le sein glorieux de l'Immortalité.
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Résumé : JUGEMENT DE THEMIS. A MADAME DE ***. Sur le rétablissement de sa santé.
Le poème 'Jugement de Thémis' relate la guérison miraculeuse d'une dame anonyme. La Mort, personnifiée, est sur le point de mettre fin à la vie de cette femme, mais Thémis, la déesse de la justice, intervient pour la sauver. Thémis arrête la Mort, affirmant que celle-ci ne doit frapper que le vice et les crimes, et non les vertueux. La Mort, en colère, tente de se justifier, mais Thémis la condamne à être bannie ou emprisonnée. Phébus, le dieu du soleil et de la médecine, intervient alors pour adoucir la peine. Il explique que la Mort et lui sont liés, car la médecine est respectée grâce à la crainte de la Mort. Thémis accepte cette argumentation et épargne la Mort, qui quitte les lieux enragée. Le poème se conclut par un vœu pour que la vie de la dame soit prolongée et honorée, avec la Vertu régnant sur la Mort.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
93
p. 1101-1125
TROISIÈME LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. A. C. D. S. T. au sujet du Marquis de Rosny, depuis Duc de Sully, &c. contenant quelques Remarques Historiques.
Début :
Vous me marquez, Monsieur, quelque satisfaction des Eclaircissemens contenus dans [...]
Mots clefs :
Marquis de Rosny, Prince, Artillerie, Religion, Duc de Sully, Duc de Savoie, Médaille, Mémoires, Seigneur, Dieu, Corps, Esprit, Enfants, Béthune, Melun
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TROISIÈME LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. A. C. D. S. T. au sujet du Marquis de Rosny, depuis Duc de Sully, &c. contenant quelques Remarques Historiques.
TROISIEME LETTRE de M. D. L.
R. écrite à M. A. C. D. S.T.au sujet du
Marquis de Rosny , depuis Duc de Sully
, &c. contenant quelques Remarques
Historiques.
Ous me Monsieur
quelque satisfaction des Eclaircissemens
contenus dans mes deux Lettres
précédentes , sur la premiere Question
que vous m'avez faite , au sujet du
Marquis de Rosny , premier Ministre
du Roi Henri Le Grand. Cela m'engage
de redoubler mes soins pour répondre
avec la même éxactitude et le même succès
aux autres demandes que vous me
faites sur ce sujet.
و
Instruit par P'Histoire de l'ancienneté
et de la Catholicité de la Maison de Bethune
dont le Marquis de Rosny se
trouvoit le Chef , vous êtes surpris que
ce Seigneur n'ait pas persevere dans la
Religion de ses Ancêtres vous me demandez
la cause de ce changement , à
quoi vous ajoutez deux ou trois autres
Questions , dont la Réponse fera tout le
sujet de cette Lettre.:
1. Fol. Cvi Da1102
MERCURE DE FRANCE
D'abord il est bon de vous dire , Monsieur
, que ce n'est pas le Marquis de
Rosny qui fait la premiere cause de cette
variation . Pour en être bien instruit , il
faut remonter jusqu'à Jean de Bethune
IV. du nom son Ayeul , lequel étant
encore assez jeune épousa Anne de Melun
, qui lui apporta en dot la Baronie
de Rosny , &c. Il en eut plusieurs Enfans
, lesquels eurent un double malheur
; le premier de perdre leur Mere
dans leur bas âge , et le second de voir
remarier leur Pere avec une simple Demoiselle
sans biens. Un troisiéme malheur
, suite des premiers , voulut que
Jean de Bethune n'eut ni ordre , ni oeconomie
dans ses affaires , qu'il s'endetta -
beaucoup , et qu'en mourant enfin retiré
au Château de Coucy , après avoir
aliené ses plus beaux Domaines
il ne
laissa presque rien à ses Enfans : de sorte
que François de Bethune son fils aîné ,
dépouillé de tous les grands biens de ses
Ancêtres , et ne jouissant que de ceux
d'Anne de Melun sa Mere , est comparé
par un Historien au Prince * Jean , surnommé
sans Terre , qui étant fils de Roi ,
se trouva presque sans aucune possession
, & c.
D
* Jean , fils de Henri II . Roi d'Angleterre .
1. Vol.
Ce
JUIN. 1733- 1103
Ce fils aîné épousa en 1557. Charlotte
Dauvet , qui lui donna sept Enfans. Il
s'attacha de bonne heure à Louis de Bourbon
, Prince de Condé , qui étoit alors
le Chef des Huguenots , et fit Profession
de la nouvelle Religion , à l'imitation de
plusieurs Grands Seigneurs , séduits par
les opinions des Novateurs , ou par des
motifs humains. En courant toutes les
fortunes du Prince il se trouva à la Bataille
de Jarnac , où il fut fait Prisonnier ;
j'omets le reste de son histoire pour marquer
seulement qu'en mourant en l'année
1577. il laissa pour Chef de sa Maison
Maximilien de Bethune, son Fils puisné ,
dont il s'agit particulierement ici .
Ce Seigneur suivit les traces de Fran
çois de Bethune son Pere , tant pour la
Religion dans laquelle il étoit né , que
du côté de la Fortune; il pourroit fournir
seul la matière d'une longue Histoire ,
que j'avois eu autrefois dessein d'entreprendre
ce Pere homme vertueux
de bon esprit , et brûlant du
loüable désir de relever sa Maison , avoit
jetté les yeux sur notre Maximilien , le
second des quatre fils qu'il eut de Charlotte
Dauvet.
,
د
Il avoit remarqué en lui non - seulement
une grande vigueur de corps et
I. Vol. d'es
1104 MERCURE DE FRANCE
d'esprit , mais encore une grande inclination
à la vertu , et une forte aversion
pour le vice , ce qui lui ayant fait concevoir
une grande espérance , il le fit appeller
un jour , disent les Mémoires qui
portent son nom , dans sa Chambre de
la Haute Tour , et en la seule présence
de la Durandiere , son Précepteur, il lui
tint un discours que sa briéveté et l'importance
du sujet m'engagent de rappor
ter ici.
» Maximilian , puisque la Coûtume
ne me permet pas de vous faire le prin-
» cipal Héritier de mes biens , je veux en
» récompense essayer de vous enrichir
» de vertus , et par le moyen d'icelles
» comme on me l'a prédit , j'espere que
» vous serez un jour quelque chose . Pré-
» parez- vous donc à supporter avec cou-
» rage , toutes les traverses et difficultez
» que vous rencontrerez dans le monde ,
» ct en les surmontant genereusement ,
acquerez- vous l'estime des gens d'hon-
» neur , et particulierement celle du
» Maître à qui je veux vous donner ; au
Service duquel je vous commande de
» vivre et mourir. Et quand je serai sur
mon partement pour aller à Vendôme
>> trouver la Reine de Navarre , et Mon-
» sieur le Prince son fils , auquel je veux
»
1. Vol. » Yous
JUIN. 1733- 1109
» vous donner , disposez-vous à venir
» avec moi , et vous préparer par une
Harangue à lui offrir votre service
» lors que je lui présenterai votre -Per-
» sonne .
la
Ce Discours pathétique et sensé , écou
té avec attention par un fils né pour
vertu , eut dans les suites tout le succès
que l'affection et la prévoyance d'un sage
Pere pouvoient esperer. Le Pere et le
Fils se rendirent bien-tôt auprès de la
Reine de Navarre , et le jeune Rosny
fut présenté au Prince son Fils , qui étoit
aussi fort jeune.
»
*
» Cela se fit , disent les Auteurs des
» Mémoires , en présence de la Reine sa
mere , avec des protestations que
» vous lui seriez à jamais très - fidele er
n très- obéïssant serviteur : ee que vous.
» lui jurâtes aussi , en si beaux termes
» avec tant de grace et d'assûrance
>> et un ton de voix si agréable , qu'il
conçût dès lors de bonnes espérances de
» vous. Et vous ayant relevé ( car vous
>> étiez à genoux , ) il vous embrassa deux
» fois , et vous dit : qu'il admiroit votre
gentillesse , vû votre âge , qui n'étoit
"
ת
La parole est ici adressée au Marquis de
Rosny , comme dans tout le corps de l'Ouvrage.
I. Vol.
» que
1106 MERCURE DE FRANCE
>>
que de onze années , et que lui aviés
» présenté votre service avec une si gran-
» de facilité , et étiés de si bonne race
» qu'il ne doutoit point qu'un jour vous
» n'en fissiés paroître les effets en vrai
» Gentilhomme . Et aussi vous promit il
» en foi de Prince , qu'en vous recevant
» de fort bon coeur , il vous aimeroit tou-
» jours , et qu'il ne se présenteroit jamais
» occasion de vous faire acquerir du bien
>> et de l'honneur , qu'il ne s'y employât
» de tout son coeur. Tous lesquels dis-
» cours , qui n'étoient lors que par com-
» plimens , ont eu depuis des Evénemens.
» plus avantageux que vous n'aviez ´es-
» péré.
Ces Evénemens que les mêmes Auteurs
ont rapporté fort au long , furent précédez
et mêlez de bien des traversés. La
Religion surtout , dont ce jeune Seigneur
faisoit profession , et qui fait le
principal article de vos demandes , pensa
lui coûter cher , dans la fatale journée
qui vit couler tant de sang François , au
milieu d'une profonde paix. Sa conservation
a quelque chose de singulier et de
merveilleux : elle merite bien que j'en
place ici le petit détail , tiré des mêmes
Mémoires .
» Voici ce que nous vous en avons
1. Vol. » oui
JUIN. 1733. 1107
noui conter : à sçavoir que vous ayant
» fait dessein d'aller faire votre Cour ce
» jour là , vous vous étiés couché la veille
de bonne heure , et que sur les trois
>> heures du matin , vous vous réveillâ-
» tes au bruit de plusieurs cris de peu-
» ples , et des allarmes que l'on sonnoit
» dans tous les Clochers. Le sieur de
» S. Julien , votre Gouverneur , et votre
» Valet de Chambre , ( qui s'étoient aussi
» éveillés au bruit , ) étant sortis de vo-
» tre logis , pour apprendre ce que c'é-
» toit , n'y rentrerent point ; et n'avez-
» vous jamais sçû ce qu'ils étoient deve-
» nus. De sorte qu'étant réduit vous
>> seul dans votre chambre et votre
» Hôte qui étoit de la Religion , vous
» pressant d'aller avec lui à la Messe , afin
» de garantir sa vie et sa maison de sac-
» cagement , vous vous résolûtes d'es-
» sayer à vous sauver dans le College de
Bourgogne.
"3
,
>> Pour ce faire,yous prîtes votre Robbe
>> d'Ecolier , un Livre sous votre bras , et
» vous vous mîtes en chemin . Par les
» ruës vous rencontrâtes trois Corps de
» Garde , l'un à celle de S. Jacques , un
>> autre à celle de la Harpe , et l'autre à
» l'issue du Cloître de S. Benoît. Au pre
» mier ayant été arrêté et rudoyé par
1. Vol. >> ceux
108 MERCURE DE FRANCE
» ceux de la Garde , un d'entr'eux pre
> nant votre Livre , et voyant que , de
» bonheur pour vous , c'étoit de grosses'
» Heures , vous fit passer , ce qui vous
» servit de passeport aux autres. En al-
>> lant vous vîtes enfoncer et piller des
» maisons , massacrer hommes , femmes .
» et enfans , avec les cris de tuë , tuë , ô
»Huguenot , ô Huguenot , ce qui vous
» faisoit souhaiter avec impatience d'être
» arrivé à la porte du College , où enfin
>> Dieu vous accompagna , sans qu'il vous
>> fût arrivé autre mal que la peur.
»
» A l'abord , le Portier vous refusa deux
» fois l'entrée de la porte mais enfin
» moyennant quatre Testons que vous
» lui donnâtes , il alla dire au Principal ,
» nommé la Faye , que vous étiés à la
» porte , et ce que vous demandiez , lequel
aussi- tôt meu de compassion
» étant votre particulier ami , vous vint
» faire entrer , empêché toutefois de ce
» qu'il feroit de vous , à cause de deux
» Ecclésiastiques qui étoient dans sa
» chambre , et qui disoient y avoir des-
» sein formé de tuer tous les Huguenots ,
» jusqu'aux enfans à la mammelle , et ce
à l'exemple des Vêpres Siciliennes .
» Néanmoins , par pitié , ce bon Personnage
vous mit dans une chambre fort
"
I. Vol. ≫ seJUIN.
1733.
1109
» secrette , dans laquelle personne n'en-
» trât que son Valet , qui vous y por-
» toit des vivres , et vous y servît trois
» jours durant , au bout desquels il se
» fit une publication de par le Roi , por-
" tant deffenses de plus tuer ni saccager
>> personne.
» Alors deux Archers de la Garde, Vas-
» saux de M. votre Pere , l'un nommé
» Ferrieres , et l'autre la Vieville , vin-
» rent avec leurs Hocquetons , et Halle-
» bardes à ce College , pour s'enquerir de
» vos nouvelles , et les mander à M. vo-
» tre Pere , qui étoit fort en peine de
» vous , duquel vous reçûtes une Lettre
» trois jours après , par laquelle il vous
mandoit de demeurer à Paris , et d'y
» continuer vos Etudes comme auparavant.
Et pour ce faire il jugeoit bien
qu'il vous faudroit aller à la Messe , à
» quoi il vous falloit résoudre , aussi-
» bien avoit fait votre Maître et beau-
>> coup d'autres : et que sur tout il vou-
» loit que vous courussiez toutes les for-
» tunes de ce Prince jusqu'à la mort
» afin que l'on ne vous pût reprocher de
l'avoir quitté en son adversité : à quoi
» vous vous rendîtes si soigneux , que
» vous en acquires l'estime d'un chacun .
Tout le monde sçait avec quelle exac-
I. Vol. titude
1110 MERCURE DE FRANCE
titude et quelle constante fidelité ce dernier
commandement de courir toutes les
fortunes de ce grand Prince fut éxécuté.
On en peut voir la preuve dans l'Histoire
, et sur tout dans les Mémoires des
Ecrivains que nous avons citez , lesquels
remarquent particulierement qu'au milieu
de toutes ses assiduitez auprès du
Prince , dans ces premiers tems de trouble
et de confusion , le jeune Rosny s'appliquoit
toujours à cultiver son esprit
par des connoissances solides. Ils parlent
en ces termes de cette circonstance ; en
» quelque condition que vous fussiés
» vous preniés toujours le tems de conti-
» nuer vos Etudes , sur tout de l'Histoi
de laquelle vous faisiés déja des Ex-
>> traits , tant pour les moeurs , que pour
» les choses naturelles ; et des Mathéma
>> re ,
tiques , lesquelles occupations fai-
» soient paroître votre inclination à la
>> vertu .
Dans la suite il se présenta une occasion
qui auroit pû , si Dieu l'avoit permis
, servir à éclairer ce jeune Seigneur
et à le faire rentrer dans la Religion de
ses Ancêtres. Il n'avoit qu'environ vingtdeux
ans , lorsqu'en l'année 1581. il lui
prit envie de faire un petit voyage en
Flandres , principalement pour y visiter
la
矍
1
•
M•
DEL
SVLLY
HO
DVC
•DE
NAHL
FDE
BETHUN
01
SA
SSA
JUIN. 1733 1111
la Comtesse de Mastin sa Tante . Cette
Tante et le Vicomte de Gand son Ayeul
maternel , et son Parrain , l'avoient deshérité
, lui et François de Bethune son-
Pere , à cause de la Religion, Il partit
muni d'un Passe- port du Comte * de
Barlemont , son Parent et se rendit à
la Bassée , où demeuroit cette Dame. Il
en fut accueilli assez froidement , préve
nuë sur son sujet de la maniere que nous
allons le voir,
ར་ ་ .
Le lendemain matin elle mena son Ne
veu dans la grande Eglise de l'Abbaye
qu'elle avoit fondée , pour lui faire voir
les Sépultures de Marbre de ses Ancêtres,
qu'elle y avoit fait construire ; et entre
les autres celles d'Helene de Melun , femme
de Robert d'Artois , d'Hugues de
Melun , son Ayeul , le même qui l'avoit
deshérité , et d'Anne de Melun son Ayeule
, celle enfin qu'elle avoit fait élever
pour elle-même. Elle lui dit alors , ayant
les larmes aux yeux : » hélas ! mon Ne-
» veu , mon ami , que mon Pere votre
» Ayeul , et ma Soeur votre Grand mere,
* Le Comte de Barlemont étoit Président du
Conseil Royal des Finances , Gouverneur de Namur
Chevalier de la Toison d'Or , &c. J'ai
une Médaille de ce Seigneur frapée en 1576. selon
Laquelle il faut lire BERLAYMONT.
>
"
» s'ils
1112 MERCURE DE FRANCE
» s'ils étoient en vie , jetteroient de lar-
>> mes , et ressentiroient de déplaisirs ,
» aussi-bien que moi , de voir en vous
» l'un de leurs Enfans , ne point croire
» en Dieu , ni en sa Messe , et n'adresser
» ses Prieres qu'à l'ennemi d'enfer , qui
» vous renal ennemi des bonnes oeuvres ,
» ainsi que je l'ai entendu dire à nos bons
>> Peres ! & c.
"
•
Le jeune Neveu étrangement surpris ,
s'écria là- dessus : » Vrai Dieu , ma Tan-
» te , que dites - vous ? Jesus ! seroit- il
> bien possible que vous disiés ceci à bon
» escient , et qu'il y ait eu des gens si
pleins d'impostures et de calomnies
» que de vous avoir voulu persuader tel-
» les éxécrations , qui nous rendroient
indignes de vivre sur la terre ? 11 lui fit
ensuite un détail de sa Créance, lui récita
même l'Oraison Dominicale , le Symbole
, &c. Tout cela fait un Dialogue qui
mérite d'être lû dans le 18. Chap. du pre
mier Tome des Mémoires , on en jugera
par la fin , qui est telle. La Dame écou
ta fort attentivement cette récitation
sans rien repondre , tant que le Neveu
ne parla que de Dieu , de Jesus-Christ
et du S. Esprit , mais lorsqu'il dit qui est
né de la Vierge Marie , et ensuite , je crois
Ja Communion des Saints , & c. Elle se mit
JUIN. 1733. 1113
à crier , » hélas ! mon Neveu , mon ami ,
» est- il possible qu'en vos Oraisons vous
» parliés de la bonne Dame , et fassiés
» mention des Saints Bienheureux ? Or
» venez m'embrasser , puisque cela est :
» car je vous aime comme mon bon Ne-
» veu , et me semble en vous voyant , et
" vous oyant parler , que ma pauvre soeur
» est encore en vie : ô que j'ai de déplai-
» sir que mon Neveu votre Parrain et
» moi , vous avons deshérité : vrayement
je veux essayer à rompre tout cela , et
» vous le jure par la Sainte Vierge : les
» effets néanmoins ne suivirent pas les
» paroles , &c.
>>
t
Il faut convenir , Monsieur , qu'une
telle occasion de parler de la nouvelle
Religion , mieux ménagée , auroit pû
produire quelque bon effet sur l'esprit
du jeune Parent , mais ce n'étoit pas le
moyen sans doute de le faire entrer dans
la bonne voye , que d'employer de pareils
argumens , on ne corrige point l'erreur
par
d'autres erreurs .
Quoiqu'il en soit , le Marquis de Rosny
, en quittant la Dame sa Tante prit
le chemin de Bethune , Ville qu'il avoit
toujours souhaité de voir , et où malgré
sa Religion , opposée à la grande Catholicité
de ses Ancêtres , à celle des Fla-
S
I. Vol. mands
1114 MERCURE DE FRANCE
mands en général , et aux circonstances
du tems , il fut parfaitement bien reçû
régalé du vin de Ville , et honoré en plu
sieurs manieres comme descendu de
l'antique Maison des anciens Seigneurs
de Bethune. Il vit tout ce qui étoit à
voir dans cette Ville , et visita principalement
les Eglises où sont les Mausolées
de ces Seigneurs , d'où il revint en droi
ture à Rosny. 7
L'ordre des tems , qui s'accorde avec
celui de vos demandes , me fait passer ,
Monsicur , de la Religion de Maximilien
de Bethune , à laquelle j'aurai occasion
de revenir , à ses grandeurs temporelles
, récompense de son mérite et de
son attachement à la fortune et aux interêts
d'un grand Prince. Vous voulez
sçavoir d'abord quand et comment il fût
pourvû de la Charge de Grand - Maître
de l'Artillerie , et comment il en fût destitué
après la mort de son cher Maître.
Je crois d'abord trouver la premiere
origine de son élévation à cette Charge
dans l'Evénement de la Bataille de Coutras
, donnée le 20 Octobre 1587. entre
l'Armée Royale , ou plutôt de la Ligue ,
commandée par M. de Joyeuse , et celle
du Roi de Navarre , commandée par ce
Prince en personne , accompagné du
I. Vol. Prince
JUI N. 1733 : 1115
·
Prince de Condé , du Comte de Soissons
; et d'un nombre de Seigneurs des
plus qualifiez , qui suivoient sa Religion
et sa fortune . Le Marquis de Rosny
étoit non seulement des premiers
dans ce nombre ; mais le Roy son
Maître lui commit dans cette importante
journée le soin de tout ce qui regardoit
l'Artillerie , quoiqu'il ne fût encore
âgé que de 28 ans .
>>
,
Je n'oublierai pas ici ce que lui dit ce
vaillant Prince , au moment qu'il se sépara
de sa Personne pour aller éxécuter
ses ordres. » Mon ami Rosny ,
» c'est à ce coup qu'il faut faire paroî-
» tre votre esprit et votre diligence , qui
» nous est mille fois plus nécessaire
» qu'elle n'étoit hier , à cause que le
» corps nous presse , et que de l'Artillerie
bien logée , bien munie et bien exploitée
, dépendra en grande partie le
» gain de la bataille , lequelj'attends de
» Dieu , & c. Les Mémoires qui ont conservé
ce trait , marquent aussi de quelle
maniere le Marquis de Rosny éxécuta
les ordres du Roi , ils détaillent particulierement
l'opération de deux Canons et
d'une Coulevrine , placées et employées
» si à propos , qu'elles firent des mer-
» veilles , ne tirant une seule volée
I. Vol. D » qu'ils
1116 MERCURE DE FRANCE
» qu'ils ne fissent des rues dans les Es
» cadrons et Bataillons du Camp ennemi
, qui étoient jonchées de douze
» quinze , vingt , et quelquefois jusqu'à
vingt- cinq corps d'hommes et
» chevaux ; si bien que les ennemis , &c .
Le reste du Narré mene au gain entier
de la Bataille , dû en bonne partie
à cette vigoureuse canonade , ainsi que
le Roi l'avoit prédit.
Les Auteurs en finissant ce Narré
ajoûtent une circonstance qui ne doit
pas être omise , et qui confirme d'ailleurs
ce que je viens de dire au sujet de
l'Artillerie.
39 Si- tôt que vous vîtes les ennemis
» en déroute ( c'est toujours à M、de
» Rosny qu'ils parlent ) et que sans
» doute la Bataille étant gagnée , vous
» n'aviez plus que faire au Canon : Vous
» montâtes sur votre grand Cheval d'Es-
» pagne Bay , lequel M. de Bois- Breuil
>> vous faisoit tenir prêt derriere les Pié-
» ces , pour essayer d'apprendre des
> nouvelles de Mrs vos Freres que vous
cuidiés être avec M. de Joyeuse , er
» sçavoir aussi en quel état le Roy de
» Navarre étoit , lequel vous rencontrâ-
» tes. par- delà la Garenne , l'épée toute
sanglante au poing , poursuivant la
>>
1. Vol.
vicJUIN.
1733. 1117
>
» victoire et si- tôt qu'il vous apper-
» çût , vous cría ; et bien , mon ami
c'est à ce coup que nous ferons per-
»> dre l'opinion que l'on avoit prise
» que les Huguenots ne gagnoient jamais
de Batailles ; car en celle- ci la
» victoire est toute entiere.... et faut
>> confesser qu'à Dieu seul en appar-
" tient la gloire , car ils étoient deux
» fois aussi forts que nous ; et s'il en
» faut attribuer quelque chose aux hom-
» mes , croyez que M. de Clermont
» vous , et Bois du Lys , y devez avoir
» bonne part ; car vos Piéces ont fait
» merveilles aussi vous promets- je que
» je n'oublierai jamais le service que vous
» m'y avez rendu .
C'est ainsi que lui parla ce Prince
incomparable , et on peut dire qu'il
tint magnifiquement sa parole Royale :
car dès qu'il fût Roi de France , ce
qui arriva deux ans après , il eut une
attention particulière sur la fortune
d'un homme qui le servoit si bien , et
qui ne le quitta pas d'un pas , surtout
aux Batailles d'Arques et d'Ivry qui
suivirent , où l'Artillerie fit encore des
merveilles , et où M. de Rosny emporté
par sa valeur , fut percé de coups.
Enfin , le Roi après l'avoir fait suc-
1. Vol. Dij ces
1118 MERCURE DE FRANCE
· ,
>
après
cessivement Grand Voyer de France
Sur Intendant des Finances
avoir érigé la Baronie de Rosny en
Marquisat , lui accorda en l'année 1599.
la Charge de Grand - Maître de l'Artillerie
, sur la démission de M. d'Etrées
avec la qualité d'Officier de la Couronne
, Charge que ce Prince lui ménageoit
depuis long- tems , et dont il y a lieu de
croire que
la journée de Coutras avoit
été comme le gage. Il fut presque en
même- tems pourvû de la Sur- Intendance
des Bâtimens et de celles des Fortifications
, qui furent suivies du Gouverne
ment de la Bastille , de la grande Maîtrise
des Ports et Havres du Royaume
et du Gouvernement de Poictou,
L'Artillerie avoit asşûrément besoin
d'un Grand - Maître aussi entendu et
aussi vigilant , que l'étoit le Marquis
de Rosny. Tout étoit en désordre à cer
égard dans les Provinces , où il fut obligé
de casser près de 500 Officiers , inuti
les ou mal - intentionnez , et l'Arcenal
étoit dénué presque de toutes choses
quand il en prit possession . Le Roi l'y
vint voir quinze jours après. Il reçût ensuite
un pareil honneur de Charles Emanuel
, Duc de Savoye , qui étoit venu
en France pour traiter en pe sonne d'af-
>
faires importantes.
JUIN. 1733 1119
T
Les Mémoires qui font le détail de
cette visite , marquent une circonstance
qui doit avoir icy sa place.
» Comme M. de Savoye fût arrivé à
» l'Arsenac, il vous demanda aussi- tôt où
» étoient toutes vos Armes , Munitions
» et Artilleries; sur quoi vous vous trouvâtes
bien empêché , ayant honte de
» lui faire voir une Maison si pauvre et
» dénuée de toutes ces choses , qu'étoit
» l'Arsenac ; tellement qu'au lieu d'aller
aux Magazins, vous le menates aux At-
» teliers , ausquels vous faisiez ouvrer à
» puissance; et lors voyant quelques qua-
» rante affuts et rouage , ésquels on tra
» vailloit ; vingt Canons , nouvellement
» fondus , et des provisions et préparatifs
pour en fondre encore autant ; il
» vous demanda que c'est que vous vou-
» liez faire de tant d'Artillerie nouvelle-
» ment fonduë ? Vous lui répondites en
» riant : Monsieur , c'est pour prendre
" Mont-Mélian. Lors il vous demanda
y avez vous été ? Non, Monsieur , dit-
» tes-vous ; vraiement je le vois bien , ré-
' pondit- il , car vous ne diriez pas cela ;
>> Mont-Mélian ne se peut prendre. Bien ,
>> bien , Monsieur , dittes - vous , je vous
» en crois , neanmoins ne mettez pas le
» Roy en cette peine ; s'il me l'avoit
I.Vol. Diij >> com1120
MERCURE DE FRANCE
» commandé j'en viendrois bien à bout
>> mais je veux croire qu'il n'en sera point
» besoin, et que le Roy et vous, vous sé-
»parerez bien contens l'un de l'autre, & c. .
M. de Rosny avoit sans doute ses raisons
pour parler ainsi au Duc de Savoye ,
qui n'oublia rien pour le mettre dans ses
interêts. C'est en partie la matiere du 93
chap. dans le second volume des Mémoires
, où l'on voit que si ce Seigneur refusa
, de la part du Prince , une Boëte de
Diamans , et jusqu'à son Portrait , enrichi
de Pierreries , de trop grand prix , il
ne manqua en rien à son égard du côté
des bienséances et de la politesse . Dans le
même jour que se passa ce que je viens
de rapporter ; il eût l'honneur de traiter
splendidement à souper, dans l'Arsenal ,le
Roy , le Duc de Savoye , les Dames et les
Seigneurs les plus qualifiez de la Cour :
mais revenons à l'Artillerie.
Elle changea absolument de face sous
sa conduite , et l'Arsenal cy - devant si
dépourvu, qu'on n'osoit presque le laisser
voir aux Etrangers , devint , pour ainsi
dire , sous le nouveau Grand- Maître , la
terreur des Ennemis de la France , et cela
dans moins d'une année. Le premier
Prince , à qui la vigilance du Marquis de
Rosny devint fatale fut le Duc de Sa-
1. Vol.
voye
JUIN. 1733. 1121
voye même , et ce qui s'étoit dit dans
l'Arsenal entre ce Prince et le Grand
Maître , par maniere d'entretien et de
plaisanterie , au sujet de Mont - Mélian' ,
devint une affaire sérieuse et une verité
dont les circonstances sont marquées
dans l'Histoire.
»
Je n'en rapporterai icy qu'une. Le Duc
de Savoye refufant d'exécuter le Traité
conclu à Paris , le Roy lui déclara la Guerre
, marcha en personne avec deux corps
d'Armée , qui firent des Exploits rapides
dans la Savoye et dans la Bresse; et Montmélian
, Place prétendue imprénable ,
fut prise ; le Marquis de Rosny se signala
en plusieurs manieres dans cette Expedi
tion , et fit plus que le devoir de sa Charge
, en ne s'exposant que trop par tout.
La diligence de Rosny , dit Mezerai ;
» pourvût. si bien aux Munitions et à
» l'Artillerie , les ayant fait charrier par
» les Rivieres,qu'à la fin de Juillet(1600)
» il eût en ce Païs-là 40 Piéces de Canon
>> et de quoi tirer quarante mille coups.
» Aussi n'oublia -t - il rien en cette occa-
»sion pour se montrer digne de la Char-
>> ge de Grand- Maître de l'Artillerie, dont
» le Roy venoit de l'honorer , l'ayant
» même érigée en Charge de la Couron-
» ne. Deux ans auparavant il lui avoit
-
I. Vol.
D iiij » aussi
Î122 MERCURE DE FRANCE
» aussi donné celle de Grand -Voyer, con-
» noissant qu'il étoit Homme d'ordre et
qu'il pourvoiroit soigneusement à la
» réparation et à l'entretenement des
» Chemins, pour la commodité du Char-
» roy , dont en effet il s'acquitta fort
» bien. Entre autres choses , il obligea les
» Particuliers de planter des Ormes de
» distance en distance dans leurs Terres ,
» sur les bords des grands Chemins , pour
» fournir un jour de bois de Charonage
au roulage de l'Artillerie. On appelle
» encore aujourd'hui ces Arbres des
» Rosnys.
>
C'est à cette occasion de la Guerre de
Savoye , que fût frappée une belle Médaille
d'Henri IV. en opposition et pour
répondre à la Médaille satyrique , que les-
Courtisans du Duc de Savoye firent fraper
peu de temps après qu'il se fût emparé
du Marquisat de Saluces , en profitant
des Troubles de la Ligue. Sur celle - cy on
voyoit d'un côté la tête du Prince , avec
cette Légende : CAR . EM. D.G.Dux Sab .
P. PED . Et sur le Revers , un Centaure
qui en décochant une Fléche pose le pied
sur une Couronne renversée ; ce seul mot
OPPORTUNE se lisoit autour ; et dans
l'Exergue M. D. LXXXVIII . Dans la Médaille
du Roy , la face étoit chargée du
>
I.Vol. Buste
JUIN. 1733. 1123
Buste de ce grand Prince , la tête ceinte
de Laurier, et les épaules couvertes d'une
Peau de Lyon , avec cette Inscription :
ALCIDES HIC NOVUS OR BI . Au revers ,
le Roy , armé d'une Massuë , paroît assommer
d'une main le Centaure abbatu ,"
sur lequel est posé l'un des pieds du Vainqueur
, qui de l'autre main releve une
Couronne , avec ce seul mot : OPPORTUNIUS
. Cette Médaille qui n'est chargée.
d'aucune datte , doit avoir été frappée
dans le courant de l'année 1600.ou avant
le Traité de Paix conclu entre les deux
Princes , en l'année 1601.
Le Marquis de Rosny , qui avoit eu tant
de part aux travaux de son Maître dans
cette Guerre , eut aussi part à sa gloire ; car
quelque tems après on lui frappa une Médaille,
où l'on voit d'un côté sonBuste, avec
cette Légende : MAXI. DE BETHUNE , DUC
DE SULLY.G.M.DE L'ART.DE F.Et sur le revers
, une Aigle élevée dans les Airs , la
tête tournée vers le ciel , tenant dans ses
Serres la Foudre de Jupiter , dont ilsemble
attendre les ordres pour la lancer
avec ces mots : Quo JUSSA Jovis . Dans
l'Exergue M. DC. VII. Cette Devise semble
faire allusion à ce que notre Grand
Maître répondit au Duc de Savoye , au
sujet de Mont-Mélian : Si le Roy m'avoit
1.Vol DY
Ccm1124
MERCURE DE FRANCE
commandé de le prendre,j'en viendrois bien- '
tôt à bout , &c. L'Evenement justifia cette
réponse.» Le Gouverneur de cette Place,
» dit Mezeray , triompha d'abord en pa-
» roles , parce qu'il ne croyoit pas.qu'on
put dresser des Batteries pour l'attaquer;
» mais quand Rosny eut trouvé moyen
» d'en planter à cinq ou six endroits (car
que ne peuvent l'argent et le travail ) sa
» fierté s'amollit tout d'un coup ; il per-
» mit que sa femme nouât conversation
avec celle de Rosny , et ses craintes
» s'augmentant d'heure en heure , il ca-
» pitula le 14 Octobre , &c.
»
Maximilien de Bethune .est qualifié
Duc de Sully sur cette Médaille , parce
qu'en l'année précédente 1606. le Roy
avoit érigé la Baronie de Sully en Duché
et Pairie ; sa reception fut des plus magnifiques
, le Roy ayant assisté au Festin ,
qui fut donné à l'Arsenal , &c. Ce Grand-
Prince lui donna aussi la même année , la
Charge de Capitaine - Lieutenant de deux
cent Hommes d'Armes de la Reine.
Comme la Médaille de ce premier Duc
'de Sully , Grand- Maître de l'Artillerie ,
&c. est assez rare , je vous envoïe la gra
vure , que j'en ai fait faire par une ha-
* Anne de Courtenay , Epouse du Marquis de
Rosny , qui l'avoit suivi dans cette Guerre.
I.Vol bile
JUIN. 1733. 1125
bile main , sur l'Original du Cabinet de
M. le Duc de Sully , que ce Seigneur a
bien voulu me communiquer. Cet Original
est des mieux conservez , et si beau
que je le crois de Germain Dupré , cxcellent
Graveur de ce temps-là , dont
nous avons de tres - belles Médailles. Les
deux autres Médailles dont je viens de
vous parler,de Henry le Grand et du Duc
de Savoye , sont dans mon Cabinet .Vous
pourrez les voir quand vous viendrez à
Paris.
Je suis forcé de renvoyer à une autre
Lettre ce qui me reste à vous dire pour
satisfaire pleinement à toutes vos demandes
, et pour ne point allonger celle - ci
lavantage. Je suis toujours , Monsieur ,
& c .
A Paris , le 25 Avril 1733 .
R. écrite à M. A. C. D. S.T.au sujet du
Marquis de Rosny , depuis Duc de Sully
, &c. contenant quelques Remarques
Historiques.
Ous me Monsieur
quelque satisfaction des Eclaircissemens
contenus dans mes deux Lettres
précédentes , sur la premiere Question
que vous m'avez faite , au sujet du
Marquis de Rosny , premier Ministre
du Roi Henri Le Grand. Cela m'engage
de redoubler mes soins pour répondre
avec la même éxactitude et le même succès
aux autres demandes que vous me
faites sur ce sujet.
و
Instruit par P'Histoire de l'ancienneté
et de la Catholicité de la Maison de Bethune
dont le Marquis de Rosny se
trouvoit le Chef , vous êtes surpris que
ce Seigneur n'ait pas persevere dans la
Religion de ses Ancêtres vous me demandez
la cause de ce changement , à
quoi vous ajoutez deux ou trois autres
Questions , dont la Réponse fera tout le
sujet de cette Lettre.:
1. Fol. Cvi Da1102
MERCURE DE FRANCE
D'abord il est bon de vous dire , Monsieur
, que ce n'est pas le Marquis de
Rosny qui fait la premiere cause de cette
variation . Pour en être bien instruit , il
faut remonter jusqu'à Jean de Bethune
IV. du nom son Ayeul , lequel étant
encore assez jeune épousa Anne de Melun
, qui lui apporta en dot la Baronie
de Rosny , &c. Il en eut plusieurs Enfans
, lesquels eurent un double malheur
; le premier de perdre leur Mere
dans leur bas âge , et le second de voir
remarier leur Pere avec une simple Demoiselle
sans biens. Un troisiéme malheur
, suite des premiers , voulut que
Jean de Bethune n'eut ni ordre , ni oeconomie
dans ses affaires , qu'il s'endetta -
beaucoup , et qu'en mourant enfin retiré
au Château de Coucy , après avoir
aliené ses plus beaux Domaines
il ne
laissa presque rien à ses Enfans : de sorte
que François de Bethune son fils aîné ,
dépouillé de tous les grands biens de ses
Ancêtres , et ne jouissant que de ceux
d'Anne de Melun sa Mere , est comparé
par un Historien au Prince * Jean , surnommé
sans Terre , qui étant fils de Roi ,
se trouva presque sans aucune possession
, & c.
D
* Jean , fils de Henri II . Roi d'Angleterre .
1. Vol.
Ce
JUIN. 1733- 1103
Ce fils aîné épousa en 1557. Charlotte
Dauvet , qui lui donna sept Enfans. Il
s'attacha de bonne heure à Louis de Bourbon
, Prince de Condé , qui étoit alors
le Chef des Huguenots , et fit Profession
de la nouvelle Religion , à l'imitation de
plusieurs Grands Seigneurs , séduits par
les opinions des Novateurs , ou par des
motifs humains. En courant toutes les
fortunes du Prince il se trouva à la Bataille
de Jarnac , où il fut fait Prisonnier ;
j'omets le reste de son histoire pour marquer
seulement qu'en mourant en l'année
1577. il laissa pour Chef de sa Maison
Maximilien de Bethune, son Fils puisné ,
dont il s'agit particulierement ici .
Ce Seigneur suivit les traces de Fran
çois de Bethune son Pere , tant pour la
Religion dans laquelle il étoit né , que
du côté de la Fortune; il pourroit fournir
seul la matière d'une longue Histoire ,
que j'avois eu autrefois dessein d'entreprendre
ce Pere homme vertueux
de bon esprit , et brûlant du
loüable désir de relever sa Maison , avoit
jetté les yeux sur notre Maximilien , le
second des quatre fils qu'il eut de Charlotte
Dauvet.
,
د
Il avoit remarqué en lui non - seulement
une grande vigueur de corps et
I. Vol. d'es
1104 MERCURE DE FRANCE
d'esprit , mais encore une grande inclination
à la vertu , et une forte aversion
pour le vice , ce qui lui ayant fait concevoir
une grande espérance , il le fit appeller
un jour , disent les Mémoires qui
portent son nom , dans sa Chambre de
la Haute Tour , et en la seule présence
de la Durandiere , son Précepteur, il lui
tint un discours que sa briéveté et l'importance
du sujet m'engagent de rappor
ter ici.
» Maximilian , puisque la Coûtume
ne me permet pas de vous faire le prin-
» cipal Héritier de mes biens , je veux en
» récompense essayer de vous enrichir
» de vertus , et par le moyen d'icelles
» comme on me l'a prédit , j'espere que
» vous serez un jour quelque chose . Pré-
» parez- vous donc à supporter avec cou-
» rage , toutes les traverses et difficultez
» que vous rencontrerez dans le monde ,
» ct en les surmontant genereusement ,
acquerez- vous l'estime des gens d'hon-
» neur , et particulierement celle du
» Maître à qui je veux vous donner ; au
Service duquel je vous commande de
» vivre et mourir. Et quand je serai sur
mon partement pour aller à Vendôme
>> trouver la Reine de Navarre , et Mon-
» sieur le Prince son fils , auquel je veux
»
1. Vol. » Yous
JUIN. 1733- 1109
» vous donner , disposez-vous à venir
» avec moi , et vous préparer par une
Harangue à lui offrir votre service
» lors que je lui présenterai votre -Per-
» sonne .
la
Ce Discours pathétique et sensé , écou
té avec attention par un fils né pour
vertu , eut dans les suites tout le succès
que l'affection et la prévoyance d'un sage
Pere pouvoient esperer. Le Pere et le
Fils se rendirent bien-tôt auprès de la
Reine de Navarre , et le jeune Rosny
fut présenté au Prince son Fils , qui étoit
aussi fort jeune.
»
*
» Cela se fit , disent les Auteurs des
» Mémoires , en présence de la Reine sa
mere , avec des protestations que
» vous lui seriez à jamais très - fidele er
n très- obéïssant serviteur : ee que vous.
» lui jurâtes aussi , en si beaux termes
» avec tant de grace et d'assûrance
>> et un ton de voix si agréable , qu'il
conçût dès lors de bonnes espérances de
» vous. Et vous ayant relevé ( car vous
>> étiez à genoux , ) il vous embrassa deux
» fois , et vous dit : qu'il admiroit votre
gentillesse , vû votre âge , qui n'étoit
"
ת
La parole est ici adressée au Marquis de
Rosny , comme dans tout le corps de l'Ouvrage.
I. Vol.
» que
1106 MERCURE DE FRANCE
>>
que de onze années , et que lui aviés
» présenté votre service avec une si gran-
» de facilité , et étiés de si bonne race
» qu'il ne doutoit point qu'un jour vous
» n'en fissiés paroître les effets en vrai
» Gentilhomme . Et aussi vous promit il
» en foi de Prince , qu'en vous recevant
» de fort bon coeur , il vous aimeroit tou-
» jours , et qu'il ne se présenteroit jamais
» occasion de vous faire acquerir du bien
>> et de l'honneur , qu'il ne s'y employât
» de tout son coeur. Tous lesquels dis-
» cours , qui n'étoient lors que par com-
» plimens , ont eu depuis des Evénemens.
» plus avantageux que vous n'aviez ´es-
» péré.
Ces Evénemens que les mêmes Auteurs
ont rapporté fort au long , furent précédez
et mêlez de bien des traversés. La
Religion surtout , dont ce jeune Seigneur
faisoit profession , et qui fait le
principal article de vos demandes , pensa
lui coûter cher , dans la fatale journée
qui vit couler tant de sang François , au
milieu d'une profonde paix. Sa conservation
a quelque chose de singulier et de
merveilleux : elle merite bien que j'en
place ici le petit détail , tiré des mêmes
Mémoires .
» Voici ce que nous vous en avons
1. Vol. » oui
JUIN. 1733. 1107
noui conter : à sçavoir que vous ayant
» fait dessein d'aller faire votre Cour ce
» jour là , vous vous étiés couché la veille
de bonne heure , et que sur les trois
>> heures du matin , vous vous réveillâ-
» tes au bruit de plusieurs cris de peu-
» ples , et des allarmes que l'on sonnoit
» dans tous les Clochers. Le sieur de
» S. Julien , votre Gouverneur , et votre
» Valet de Chambre , ( qui s'étoient aussi
» éveillés au bruit , ) étant sortis de vo-
» tre logis , pour apprendre ce que c'é-
» toit , n'y rentrerent point ; et n'avez-
» vous jamais sçû ce qu'ils étoient deve-
» nus. De sorte qu'étant réduit vous
>> seul dans votre chambre et votre
» Hôte qui étoit de la Religion , vous
» pressant d'aller avec lui à la Messe , afin
» de garantir sa vie et sa maison de sac-
» cagement , vous vous résolûtes d'es-
» sayer à vous sauver dans le College de
Bourgogne.
"3
,
>> Pour ce faire,yous prîtes votre Robbe
>> d'Ecolier , un Livre sous votre bras , et
» vous vous mîtes en chemin . Par les
» ruës vous rencontrâtes trois Corps de
» Garde , l'un à celle de S. Jacques , un
>> autre à celle de la Harpe , et l'autre à
» l'issue du Cloître de S. Benoît. Au pre
» mier ayant été arrêté et rudoyé par
1. Vol. >> ceux
108 MERCURE DE FRANCE
» ceux de la Garde , un d'entr'eux pre
> nant votre Livre , et voyant que , de
» bonheur pour vous , c'étoit de grosses'
» Heures , vous fit passer , ce qui vous
» servit de passeport aux autres. En al-
>> lant vous vîtes enfoncer et piller des
» maisons , massacrer hommes , femmes .
» et enfans , avec les cris de tuë , tuë , ô
»Huguenot , ô Huguenot , ce qui vous
» faisoit souhaiter avec impatience d'être
» arrivé à la porte du College , où enfin
>> Dieu vous accompagna , sans qu'il vous
>> fût arrivé autre mal que la peur.
»
» A l'abord , le Portier vous refusa deux
» fois l'entrée de la porte mais enfin
» moyennant quatre Testons que vous
» lui donnâtes , il alla dire au Principal ,
» nommé la Faye , que vous étiés à la
» porte , et ce que vous demandiez , lequel
aussi- tôt meu de compassion
» étant votre particulier ami , vous vint
» faire entrer , empêché toutefois de ce
» qu'il feroit de vous , à cause de deux
» Ecclésiastiques qui étoient dans sa
» chambre , et qui disoient y avoir des-
» sein formé de tuer tous les Huguenots ,
» jusqu'aux enfans à la mammelle , et ce
à l'exemple des Vêpres Siciliennes .
» Néanmoins , par pitié , ce bon Personnage
vous mit dans une chambre fort
"
I. Vol. ≫ seJUIN.
1733.
1109
» secrette , dans laquelle personne n'en-
» trât que son Valet , qui vous y por-
» toit des vivres , et vous y servît trois
» jours durant , au bout desquels il se
» fit une publication de par le Roi , por-
" tant deffenses de plus tuer ni saccager
>> personne.
» Alors deux Archers de la Garde, Vas-
» saux de M. votre Pere , l'un nommé
» Ferrieres , et l'autre la Vieville , vin-
» rent avec leurs Hocquetons , et Halle-
» bardes à ce College , pour s'enquerir de
» vos nouvelles , et les mander à M. vo-
» tre Pere , qui étoit fort en peine de
» vous , duquel vous reçûtes une Lettre
» trois jours après , par laquelle il vous
mandoit de demeurer à Paris , et d'y
» continuer vos Etudes comme auparavant.
Et pour ce faire il jugeoit bien
qu'il vous faudroit aller à la Messe , à
» quoi il vous falloit résoudre , aussi-
» bien avoit fait votre Maître et beau-
>> coup d'autres : et que sur tout il vou-
» loit que vous courussiez toutes les for-
» tunes de ce Prince jusqu'à la mort
» afin que l'on ne vous pût reprocher de
l'avoir quitté en son adversité : à quoi
» vous vous rendîtes si soigneux , que
» vous en acquires l'estime d'un chacun .
Tout le monde sçait avec quelle exac-
I. Vol. titude
1110 MERCURE DE FRANCE
titude et quelle constante fidelité ce dernier
commandement de courir toutes les
fortunes de ce grand Prince fut éxécuté.
On en peut voir la preuve dans l'Histoire
, et sur tout dans les Mémoires des
Ecrivains que nous avons citez , lesquels
remarquent particulierement qu'au milieu
de toutes ses assiduitez auprès du
Prince , dans ces premiers tems de trouble
et de confusion , le jeune Rosny s'appliquoit
toujours à cultiver son esprit
par des connoissances solides. Ils parlent
en ces termes de cette circonstance ; en
» quelque condition que vous fussiés
» vous preniés toujours le tems de conti-
» nuer vos Etudes , sur tout de l'Histoi
de laquelle vous faisiés déja des Ex-
>> traits , tant pour les moeurs , que pour
» les choses naturelles ; et des Mathéma
>> re ,
tiques , lesquelles occupations fai-
» soient paroître votre inclination à la
>> vertu .
Dans la suite il se présenta une occasion
qui auroit pû , si Dieu l'avoit permis
, servir à éclairer ce jeune Seigneur
et à le faire rentrer dans la Religion de
ses Ancêtres. Il n'avoit qu'environ vingtdeux
ans , lorsqu'en l'année 1581. il lui
prit envie de faire un petit voyage en
Flandres , principalement pour y visiter
la
矍
1
•
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BETHUN
01
SA
SSA
JUIN. 1733 1111
la Comtesse de Mastin sa Tante . Cette
Tante et le Vicomte de Gand son Ayeul
maternel , et son Parrain , l'avoient deshérité
, lui et François de Bethune son-
Pere , à cause de la Religion, Il partit
muni d'un Passe- port du Comte * de
Barlemont , son Parent et se rendit à
la Bassée , où demeuroit cette Dame. Il
en fut accueilli assez froidement , préve
nuë sur son sujet de la maniere que nous
allons le voir,
ར་ ་ .
Le lendemain matin elle mena son Ne
veu dans la grande Eglise de l'Abbaye
qu'elle avoit fondée , pour lui faire voir
les Sépultures de Marbre de ses Ancêtres,
qu'elle y avoit fait construire ; et entre
les autres celles d'Helene de Melun , femme
de Robert d'Artois , d'Hugues de
Melun , son Ayeul , le même qui l'avoit
deshérité , et d'Anne de Melun son Ayeule
, celle enfin qu'elle avoit fait élever
pour elle-même. Elle lui dit alors , ayant
les larmes aux yeux : » hélas ! mon Ne-
» veu , mon ami , que mon Pere votre
» Ayeul , et ma Soeur votre Grand mere,
* Le Comte de Barlemont étoit Président du
Conseil Royal des Finances , Gouverneur de Namur
Chevalier de la Toison d'Or , &c. J'ai
une Médaille de ce Seigneur frapée en 1576. selon
Laquelle il faut lire BERLAYMONT.
>
"
» s'ils
1112 MERCURE DE FRANCE
» s'ils étoient en vie , jetteroient de lar-
>> mes , et ressentiroient de déplaisirs ,
» aussi-bien que moi , de voir en vous
» l'un de leurs Enfans , ne point croire
» en Dieu , ni en sa Messe , et n'adresser
» ses Prieres qu'à l'ennemi d'enfer , qui
» vous renal ennemi des bonnes oeuvres ,
» ainsi que je l'ai entendu dire à nos bons
>> Peres ! & c.
"
•
Le jeune Neveu étrangement surpris ,
s'écria là- dessus : » Vrai Dieu , ma Tan-
» te , que dites - vous ? Jesus ! seroit- il
> bien possible que vous disiés ceci à bon
» escient , et qu'il y ait eu des gens si
pleins d'impostures et de calomnies
» que de vous avoir voulu persuader tel-
» les éxécrations , qui nous rendroient
indignes de vivre sur la terre ? 11 lui fit
ensuite un détail de sa Créance, lui récita
même l'Oraison Dominicale , le Symbole
, &c. Tout cela fait un Dialogue qui
mérite d'être lû dans le 18. Chap. du pre
mier Tome des Mémoires , on en jugera
par la fin , qui est telle. La Dame écou
ta fort attentivement cette récitation
sans rien repondre , tant que le Neveu
ne parla que de Dieu , de Jesus-Christ
et du S. Esprit , mais lorsqu'il dit qui est
né de la Vierge Marie , et ensuite , je crois
Ja Communion des Saints , & c. Elle se mit
JUIN. 1733. 1113
à crier , » hélas ! mon Neveu , mon ami ,
» est- il possible qu'en vos Oraisons vous
» parliés de la bonne Dame , et fassiés
» mention des Saints Bienheureux ? Or
» venez m'embrasser , puisque cela est :
» car je vous aime comme mon bon Ne-
» veu , et me semble en vous voyant , et
" vous oyant parler , que ma pauvre soeur
» est encore en vie : ô que j'ai de déplai-
» sir que mon Neveu votre Parrain et
» moi , vous avons deshérité : vrayement
je veux essayer à rompre tout cela , et
» vous le jure par la Sainte Vierge : les
» effets néanmoins ne suivirent pas les
» paroles , &c.
>>
t
Il faut convenir , Monsieur , qu'une
telle occasion de parler de la nouvelle
Religion , mieux ménagée , auroit pû
produire quelque bon effet sur l'esprit
du jeune Parent , mais ce n'étoit pas le
moyen sans doute de le faire entrer dans
la bonne voye , que d'employer de pareils
argumens , on ne corrige point l'erreur
par
d'autres erreurs .
Quoiqu'il en soit , le Marquis de Rosny
, en quittant la Dame sa Tante prit
le chemin de Bethune , Ville qu'il avoit
toujours souhaité de voir , et où malgré
sa Religion , opposée à la grande Catholicité
de ses Ancêtres , à celle des Fla-
S
I. Vol. mands
1114 MERCURE DE FRANCE
mands en général , et aux circonstances
du tems , il fut parfaitement bien reçû
régalé du vin de Ville , et honoré en plu
sieurs manieres comme descendu de
l'antique Maison des anciens Seigneurs
de Bethune. Il vit tout ce qui étoit à
voir dans cette Ville , et visita principalement
les Eglises où sont les Mausolées
de ces Seigneurs , d'où il revint en droi
ture à Rosny. 7
L'ordre des tems , qui s'accorde avec
celui de vos demandes , me fait passer ,
Monsicur , de la Religion de Maximilien
de Bethune , à laquelle j'aurai occasion
de revenir , à ses grandeurs temporelles
, récompense de son mérite et de
son attachement à la fortune et aux interêts
d'un grand Prince. Vous voulez
sçavoir d'abord quand et comment il fût
pourvû de la Charge de Grand - Maître
de l'Artillerie , et comment il en fût destitué
après la mort de son cher Maître.
Je crois d'abord trouver la premiere
origine de son élévation à cette Charge
dans l'Evénement de la Bataille de Coutras
, donnée le 20 Octobre 1587. entre
l'Armée Royale , ou plutôt de la Ligue ,
commandée par M. de Joyeuse , et celle
du Roi de Navarre , commandée par ce
Prince en personne , accompagné du
I. Vol. Prince
JUI N. 1733 : 1115
·
Prince de Condé , du Comte de Soissons
; et d'un nombre de Seigneurs des
plus qualifiez , qui suivoient sa Religion
et sa fortune . Le Marquis de Rosny
étoit non seulement des premiers
dans ce nombre ; mais le Roy son
Maître lui commit dans cette importante
journée le soin de tout ce qui regardoit
l'Artillerie , quoiqu'il ne fût encore
âgé que de 28 ans .
>>
,
Je n'oublierai pas ici ce que lui dit ce
vaillant Prince , au moment qu'il se sépara
de sa Personne pour aller éxécuter
ses ordres. » Mon ami Rosny ,
» c'est à ce coup qu'il faut faire paroî-
» tre votre esprit et votre diligence , qui
» nous est mille fois plus nécessaire
» qu'elle n'étoit hier , à cause que le
» corps nous presse , et que de l'Artillerie
bien logée , bien munie et bien exploitée
, dépendra en grande partie le
» gain de la bataille , lequelj'attends de
» Dieu , & c. Les Mémoires qui ont conservé
ce trait , marquent aussi de quelle
maniere le Marquis de Rosny éxécuta
les ordres du Roi , ils détaillent particulierement
l'opération de deux Canons et
d'une Coulevrine , placées et employées
» si à propos , qu'elles firent des mer-
» veilles , ne tirant une seule volée
I. Vol. D » qu'ils
1116 MERCURE DE FRANCE
» qu'ils ne fissent des rues dans les Es
» cadrons et Bataillons du Camp ennemi
, qui étoient jonchées de douze
» quinze , vingt , et quelquefois jusqu'à
vingt- cinq corps d'hommes et
» chevaux ; si bien que les ennemis , &c .
Le reste du Narré mene au gain entier
de la Bataille , dû en bonne partie
à cette vigoureuse canonade , ainsi que
le Roi l'avoit prédit.
Les Auteurs en finissant ce Narré
ajoûtent une circonstance qui ne doit
pas être omise , et qui confirme d'ailleurs
ce que je viens de dire au sujet de
l'Artillerie.
39 Si- tôt que vous vîtes les ennemis
» en déroute ( c'est toujours à M、de
» Rosny qu'ils parlent ) et que sans
» doute la Bataille étant gagnée , vous
» n'aviez plus que faire au Canon : Vous
» montâtes sur votre grand Cheval d'Es-
» pagne Bay , lequel M. de Bois- Breuil
>> vous faisoit tenir prêt derriere les Pié-
» ces , pour essayer d'apprendre des
> nouvelles de Mrs vos Freres que vous
cuidiés être avec M. de Joyeuse , er
» sçavoir aussi en quel état le Roy de
» Navarre étoit , lequel vous rencontrâ-
» tes. par- delà la Garenne , l'épée toute
sanglante au poing , poursuivant la
>>
1. Vol.
vicJUIN.
1733. 1117
>
» victoire et si- tôt qu'il vous apper-
» çût , vous cría ; et bien , mon ami
c'est à ce coup que nous ferons per-
»> dre l'opinion que l'on avoit prise
» que les Huguenots ne gagnoient jamais
de Batailles ; car en celle- ci la
» victoire est toute entiere.... et faut
>> confesser qu'à Dieu seul en appar-
" tient la gloire , car ils étoient deux
» fois aussi forts que nous ; et s'il en
» faut attribuer quelque chose aux hom-
» mes , croyez que M. de Clermont
» vous , et Bois du Lys , y devez avoir
» bonne part ; car vos Piéces ont fait
» merveilles aussi vous promets- je que
» je n'oublierai jamais le service que vous
» m'y avez rendu .
C'est ainsi que lui parla ce Prince
incomparable , et on peut dire qu'il
tint magnifiquement sa parole Royale :
car dès qu'il fût Roi de France , ce
qui arriva deux ans après , il eut une
attention particulière sur la fortune
d'un homme qui le servoit si bien , et
qui ne le quitta pas d'un pas , surtout
aux Batailles d'Arques et d'Ivry qui
suivirent , où l'Artillerie fit encore des
merveilles , et où M. de Rosny emporté
par sa valeur , fut percé de coups.
Enfin , le Roi après l'avoir fait suc-
1. Vol. Dij ces
1118 MERCURE DE FRANCE
· ,
>
après
cessivement Grand Voyer de France
Sur Intendant des Finances
avoir érigé la Baronie de Rosny en
Marquisat , lui accorda en l'année 1599.
la Charge de Grand - Maître de l'Artillerie
, sur la démission de M. d'Etrées
avec la qualité d'Officier de la Couronne
, Charge que ce Prince lui ménageoit
depuis long- tems , et dont il y a lieu de
croire que
la journée de Coutras avoit
été comme le gage. Il fut presque en
même- tems pourvû de la Sur- Intendance
des Bâtimens et de celles des Fortifications
, qui furent suivies du Gouverne
ment de la Bastille , de la grande Maîtrise
des Ports et Havres du Royaume
et du Gouvernement de Poictou,
L'Artillerie avoit asşûrément besoin
d'un Grand - Maître aussi entendu et
aussi vigilant , que l'étoit le Marquis
de Rosny. Tout étoit en désordre à cer
égard dans les Provinces , où il fut obligé
de casser près de 500 Officiers , inuti
les ou mal - intentionnez , et l'Arcenal
étoit dénué presque de toutes choses
quand il en prit possession . Le Roi l'y
vint voir quinze jours après. Il reçût ensuite
un pareil honneur de Charles Emanuel
, Duc de Savoye , qui étoit venu
en France pour traiter en pe sonne d'af-
>
faires importantes.
JUIN. 1733 1119
T
Les Mémoires qui font le détail de
cette visite , marquent une circonstance
qui doit avoir icy sa place.
» Comme M. de Savoye fût arrivé à
» l'Arsenac, il vous demanda aussi- tôt où
» étoient toutes vos Armes , Munitions
» et Artilleries; sur quoi vous vous trouvâtes
bien empêché , ayant honte de
» lui faire voir une Maison si pauvre et
» dénuée de toutes ces choses , qu'étoit
» l'Arsenac ; tellement qu'au lieu d'aller
aux Magazins, vous le menates aux At-
» teliers , ausquels vous faisiez ouvrer à
» puissance; et lors voyant quelques qua-
» rante affuts et rouage , ésquels on tra
» vailloit ; vingt Canons , nouvellement
» fondus , et des provisions et préparatifs
pour en fondre encore autant ; il
» vous demanda que c'est que vous vou-
» liez faire de tant d'Artillerie nouvelle-
» ment fonduë ? Vous lui répondites en
» riant : Monsieur , c'est pour prendre
" Mont-Mélian. Lors il vous demanda
y avez vous été ? Non, Monsieur , dit-
» tes-vous ; vraiement je le vois bien , ré-
' pondit- il , car vous ne diriez pas cela ;
>> Mont-Mélian ne se peut prendre. Bien ,
>> bien , Monsieur , dittes - vous , je vous
» en crois , neanmoins ne mettez pas le
» Roy en cette peine ; s'il me l'avoit
I.Vol. Diij >> com1120
MERCURE DE FRANCE
» commandé j'en viendrois bien à bout
>> mais je veux croire qu'il n'en sera point
» besoin, et que le Roy et vous, vous sé-
»parerez bien contens l'un de l'autre, & c. .
M. de Rosny avoit sans doute ses raisons
pour parler ainsi au Duc de Savoye ,
qui n'oublia rien pour le mettre dans ses
interêts. C'est en partie la matiere du 93
chap. dans le second volume des Mémoires
, où l'on voit que si ce Seigneur refusa
, de la part du Prince , une Boëte de
Diamans , et jusqu'à son Portrait , enrichi
de Pierreries , de trop grand prix , il
ne manqua en rien à son égard du côté
des bienséances et de la politesse . Dans le
même jour que se passa ce que je viens
de rapporter ; il eût l'honneur de traiter
splendidement à souper, dans l'Arsenal ,le
Roy , le Duc de Savoye , les Dames et les
Seigneurs les plus qualifiez de la Cour :
mais revenons à l'Artillerie.
Elle changea absolument de face sous
sa conduite , et l'Arsenal cy - devant si
dépourvu, qu'on n'osoit presque le laisser
voir aux Etrangers , devint , pour ainsi
dire , sous le nouveau Grand- Maître , la
terreur des Ennemis de la France , et cela
dans moins d'une année. Le premier
Prince , à qui la vigilance du Marquis de
Rosny devint fatale fut le Duc de Sa-
1. Vol.
voye
JUIN. 1733. 1121
voye même , et ce qui s'étoit dit dans
l'Arsenal entre ce Prince et le Grand
Maître , par maniere d'entretien et de
plaisanterie , au sujet de Mont - Mélian' ,
devint une affaire sérieuse et une verité
dont les circonstances sont marquées
dans l'Histoire.
»
Je n'en rapporterai icy qu'une. Le Duc
de Savoye refufant d'exécuter le Traité
conclu à Paris , le Roy lui déclara la Guerre
, marcha en personne avec deux corps
d'Armée , qui firent des Exploits rapides
dans la Savoye et dans la Bresse; et Montmélian
, Place prétendue imprénable ,
fut prise ; le Marquis de Rosny se signala
en plusieurs manieres dans cette Expedi
tion , et fit plus que le devoir de sa Charge
, en ne s'exposant que trop par tout.
La diligence de Rosny , dit Mezerai ;
» pourvût. si bien aux Munitions et à
» l'Artillerie , les ayant fait charrier par
» les Rivieres,qu'à la fin de Juillet(1600)
» il eût en ce Païs-là 40 Piéces de Canon
>> et de quoi tirer quarante mille coups.
» Aussi n'oublia -t - il rien en cette occa-
»sion pour se montrer digne de la Char-
>> ge de Grand- Maître de l'Artillerie, dont
» le Roy venoit de l'honorer , l'ayant
» même érigée en Charge de la Couron-
» ne. Deux ans auparavant il lui avoit
-
I. Vol.
D iiij » aussi
Î122 MERCURE DE FRANCE
» aussi donné celle de Grand -Voyer, con-
» noissant qu'il étoit Homme d'ordre et
qu'il pourvoiroit soigneusement à la
» réparation et à l'entretenement des
» Chemins, pour la commodité du Char-
» roy , dont en effet il s'acquitta fort
» bien. Entre autres choses , il obligea les
» Particuliers de planter des Ormes de
» distance en distance dans leurs Terres ,
» sur les bords des grands Chemins , pour
» fournir un jour de bois de Charonage
au roulage de l'Artillerie. On appelle
» encore aujourd'hui ces Arbres des
» Rosnys.
>
C'est à cette occasion de la Guerre de
Savoye , que fût frappée une belle Médaille
d'Henri IV. en opposition et pour
répondre à la Médaille satyrique , que les-
Courtisans du Duc de Savoye firent fraper
peu de temps après qu'il se fût emparé
du Marquisat de Saluces , en profitant
des Troubles de la Ligue. Sur celle - cy on
voyoit d'un côté la tête du Prince , avec
cette Légende : CAR . EM. D.G.Dux Sab .
P. PED . Et sur le Revers , un Centaure
qui en décochant une Fléche pose le pied
sur une Couronne renversée ; ce seul mot
OPPORTUNE se lisoit autour ; et dans
l'Exergue M. D. LXXXVIII . Dans la Médaille
du Roy , la face étoit chargée du
>
I.Vol. Buste
JUIN. 1733. 1123
Buste de ce grand Prince , la tête ceinte
de Laurier, et les épaules couvertes d'une
Peau de Lyon , avec cette Inscription :
ALCIDES HIC NOVUS OR BI . Au revers ,
le Roy , armé d'une Massuë , paroît assommer
d'une main le Centaure abbatu ,"
sur lequel est posé l'un des pieds du Vainqueur
, qui de l'autre main releve une
Couronne , avec ce seul mot : OPPORTUNIUS
. Cette Médaille qui n'est chargée.
d'aucune datte , doit avoir été frappée
dans le courant de l'année 1600.ou avant
le Traité de Paix conclu entre les deux
Princes , en l'année 1601.
Le Marquis de Rosny , qui avoit eu tant
de part aux travaux de son Maître dans
cette Guerre , eut aussi part à sa gloire ; car
quelque tems après on lui frappa une Médaille,
où l'on voit d'un côté sonBuste, avec
cette Légende : MAXI. DE BETHUNE , DUC
DE SULLY.G.M.DE L'ART.DE F.Et sur le revers
, une Aigle élevée dans les Airs , la
tête tournée vers le ciel , tenant dans ses
Serres la Foudre de Jupiter , dont ilsemble
attendre les ordres pour la lancer
avec ces mots : Quo JUSSA Jovis . Dans
l'Exergue M. DC. VII. Cette Devise semble
faire allusion à ce que notre Grand
Maître répondit au Duc de Savoye , au
sujet de Mont-Mélian : Si le Roy m'avoit
1.Vol DY
Ccm1124
MERCURE DE FRANCE
commandé de le prendre,j'en viendrois bien- '
tôt à bout , &c. L'Evenement justifia cette
réponse.» Le Gouverneur de cette Place,
» dit Mezeray , triompha d'abord en pa-
» roles , parce qu'il ne croyoit pas.qu'on
put dresser des Batteries pour l'attaquer;
» mais quand Rosny eut trouvé moyen
» d'en planter à cinq ou six endroits (car
que ne peuvent l'argent et le travail ) sa
» fierté s'amollit tout d'un coup ; il per-
» mit que sa femme nouât conversation
avec celle de Rosny , et ses craintes
» s'augmentant d'heure en heure , il ca-
» pitula le 14 Octobre , &c.
»
Maximilien de Bethune .est qualifié
Duc de Sully sur cette Médaille , parce
qu'en l'année précédente 1606. le Roy
avoit érigé la Baronie de Sully en Duché
et Pairie ; sa reception fut des plus magnifiques
, le Roy ayant assisté au Festin ,
qui fut donné à l'Arsenal , &c. Ce Grand-
Prince lui donna aussi la même année , la
Charge de Capitaine - Lieutenant de deux
cent Hommes d'Armes de la Reine.
Comme la Médaille de ce premier Duc
'de Sully , Grand- Maître de l'Artillerie ,
&c. est assez rare , je vous envoïe la gra
vure , que j'en ai fait faire par une ha-
* Anne de Courtenay , Epouse du Marquis de
Rosny , qui l'avoit suivi dans cette Guerre.
I.Vol bile
JUIN. 1733. 1125
bile main , sur l'Original du Cabinet de
M. le Duc de Sully , que ce Seigneur a
bien voulu me communiquer. Cet Original
est des mieux conservez , et si beau
que je le crois de Germain Dupré , cxcellent
Graveur de ce temps-là , dont
nous avons de tres - belles Médailles. Les
deux autres Médailles dont je viens de
vous parler,de Henry le Grand et du Duc
de Savoye , sont dans mon Cabinet .Vous
pourrez les voir quand vous viendrez à
Paris.
Je suis forcé de renvoyer à une autre
Lettre ce qui me reste à vous dire pour
satisfaire pleinement à toutes vos demandes
, et pour ne point allonger celle - ci
lavantage. Je suis toujours , Monsieur ,
& c .
A Paris , le 25 Avril 1733 .
Fermer
Résumé : TROISIÈME LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. A. C. D. S. T. au sujet du Marquis de Rosny, depuis Duc de Sully, &c. contenant quelques Remarques Historiques.
La troisième lettre de M. D. L. à M. A. C. D. S. T. traite de la vie et de la conversion religieuse du Marquis de Rosny, devenu Duc de Sully. L'auteur répond à des questions sur les raisons de cette conversion et sur l'histoire de la famille Bethune. Jean de Bethune IV, ancêtre de Rosny, avait épousé Anne de Melun, apportant ainsi la Baronie de Rosny en dot. Après la mort de sa première épouse, il se remaria et dilapida ses biens, laissant ses enfants dans une situation précaire. François de Bethune, fils aîné de Jean, épousa Charlotte Dauvet et eut sept enfants. Il s'attacha au Prince de Condé et adopta la religion protestante. Son fils Maximilien, futur Marquis de Rosny, suivit ses traces. François, conscient des qualités de Maximilien, le prépara à servir le Prince de Condé, futur Henri IV. Maximilien fut présenté au Prince et jura fidélité, débutant ainsi une carrière marquée par la fidélité et l'excellence. Lors du massacre de la Saint-Barthélemy, Maximilien échappa à la mort en se déguisant et en se réfugiant au Collège de Bourgogne. Il continua ses études et servit fidèlement Henri IV, cultivant son esprit par des connaissances solides en histoire et en mathématiques. En 1581, il visita sa tante en Flandres, mais celle-ci, en raison de sa religion, l'accueillit froidement. Malgré les tentatives de retour à la foi catholique, Maximilien resta protestant et continua à servir Henri IV avec dévouement. La carrière militaire de Rosny fut marquée par des événements cruciaux, notamment la bataille de Coutras en 1587, où il dirigea l'artillerie pour le Roi de Navarre. Cette victoire fut en grande partie due à l'efficacité de l'artillerie dirigée par Rosny. Après la bataille, le Roi de Navarre exprima sa gratitude et reconnut l'importance de Rosny dans la victoire. Rosny reçut plusieurs charges et honneurs, notamment celle de Grand Maître de l'Artillerie en 1599, après avoir été successivement Grand Voyer de France et Surintendant des Finances. Il réorganisa l'artillerie, cassa des officiers inutiles ou mal intentionnés, et modernisa l'arsenal. Sa gestion fut si efficace que l'arsenal devint une terreur pour les ennemis de la France. Lors de la guerre contre le Duc de Savoie, Rosny joua un rôle clé en assurant les munitions et l'artillerie, contribuant à la prise de Montmélian. Sa diligence et son organisation furent saluées par Mezeray. Rosny avait également été chargé de la réparation et de l'entretien des chemins, obligeant les particuliers à planter des ormes pour le charroi de l'artillerie. Ces arbres sont encore appelés 'les Rosnys' de nos jours. Maximilien de Bethune fut élevé au rang de Duc de Sully en 1606, et reçut la charge de Capitaine-Lieutenant de deux cents hommes d'armes de la Reine la même année.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
94
p. 1154-1161
Traité de l'Opinion, [titre d'après la table]
Début :
Nous achevons ici l'Extrait du Traité de l'Opinion, bien moins [...]
Mots clefs :
Opinions, Traité, Médecine, Matière, Dieu, Astronomie, Naturalistes, Politique, Commencement, Esprit humain
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Traité de l'Opinion, [titre d'après la table]
Ous acheverons ici l'Extrait du
N Traité de l'Opinion , bien moins.
pour faire connoître un Ouvrage dont
la réputation est autant répandue et aussi
bien établie que pour nous acquitter de
notre promesse. Les Citations d'un Ouvra
ge n'entrent pas ordinairemens dan tunExtrait;
nous nous contenterons d'observer à
cet égard qu'on trouve sur chaque matiere
le précis de ce que les Auteurs anciens
et modernes ont dit de plus remarquable
, que leurs propres paroles sont souvent
citées , et les passages toujours choisis
avec discernement , ensorte que dans
la seule lecture de cet Ouvrage on peut
recueillir le fruit de beaucoup de travail
et de recherches en tout genre.
Le quatrième Livre , où nous avons
terminé la premiere partie de notre Extrait
, renferme principalement les contradictions
des Savans sur la Physique ,
l'Astronomie et la Médecine ; les impostures
des Alchimistes et des Astrologues,
les opinions outrées des Naturalistes , et
I. Vol. en
JUIN. 1733. 1155
en même-temps les progrès de l'Esprit
humain et ses nouvelles découvertes dans
les Sciences qui ont des objets corporels.
Le Chapitre premier contient quelques
objections faites aux Mathématiciens
avec des Refléxions sur le systême de
l'infini et sur l'état présent de la Géométrie.
Les trois Figures placées au commencement
du Chapitre de la Physique ,
représentent,l'une les Tourbillons de Descartes
, et les deux autres , la Masse du
Soleil , composée , selon Descartes , de la
matiere subtile , et selon l'Auteur da
Traité de l'Opinion , de la matiere compacte
du troisiéme Element , penetrée de
la matiere subtile du premier. Tout ce
qu'il dit à cet égard est neuf et digne
de l'attention des plus habiles Physiciens.
Le Chapitre de l'Astronomie explique
les quatre principaux Systêmes de Ptolomée
, de Copernic , de Tycho- Brahé et
de Longomontan , et renferme les dif
ferentes opinions des Astronomes , entre
lesquelles il se trouve de prodigieuses
distances. Après avoir observé qu'il y a
telle Etoile , qu'on croit avec raison plu
sieurs millions de fois plus grande que
le Soleil , et qu'il est inconcevable de
combien la grandeur de cette Etoile surpasse
celle du Globe de la Terre , que
I. Vola
l'Astro1156
MERCURE DE FRANCE
l'Astronomie la plus nouvelle tient plus
petit que le Soleil un million de fois ,
Î'Auteur ajoûte : » C'est ainsi que plus on
» fait de progrès dans une Science , plus
» l'objet auquel tendent nos travaux , sem-
» ble s'éloigner de nous ; plus on acquiert
» de connoissances , plus on s'apperçoit
» de l'étenduë de celles qui manquent ,
» et comme le sçavant , semblable à l'am-
» bitieux , ne regarde jamais derriere lui ,
plus il apprend , plus il ignore. Ses dé-
»couvertes lui offrent des travaux de plus
» en plus inépuisables,il demeure convain-
» cu de la maxime de Socrate , qu'il ne sçait
>>autre chose , sinon qu'il ne sçait rien .
Il est ensuite traité de la Médecine.
L'Auteur a dit dans sa Préface qu'il ne
peut se refuser la satisfaction de déclarerson
sentiment particulier ; sçavoir , que si
la Médecine est un Art en lui - même rempli
d'incertitude et de dangers , il n'y
a point de secours plus nécessaire à un
malade que celui de la prudence d'un
bon Médecin , et qu'il y auroit une grande
témérité de prétendre se conduire par
son goût ou par ses lumieres dans l'état
auquel on est réduit par la maladie . Ce
Chapitre de la Médecine expose les differens
systêmes et les contradictions des
Médecins , les changemens arrivez dans
1. Vol. la
JUIN. 1733. 1157
la Médecine , les contestations survenuës
au sujet de l'Emétique , avec des Dissertations
sur les manieres de traiter la petite
verole , sur les saignées et sur les dé
couvertes nouvelles de la Médecine.
Le Chapitre suivant de la Chimie est
écrit de cette maniere , également instructive
et amusante , dont l'Auteur ne s'écarte
jamais , et avec la clarté qu'il sçait répandre
sur toutes sortes de sujets . Il dévoile
les supercheries des Alchimistes et réfute
leurs raisonnemens les plus spécieux;
mais il rend justice aux découvertes utiles
d'une Chimie très- sage , qui ne s'applique
qu'à la connoissance de la Nature
et à la préparation des Remedes.
Les préceptes frivoles de l'Astrologie
judiciaire sont détruits et renversez dans
le Chapitre sixième. Les exemples des
prédictions les plus célebres , n'y sont
pas oubliés. Les autres especes de divinations
prétendues naturelles , comme
phisionomie , Chiromancie , Talismans
&c. sont traitées suivant la méthode de
rapporter les opinions des anciens et des
modernes avec les exemples historiques.
Dans le Chapitre des Naturalistes ,
P'Auteur avertit que le vrai se trouve
mêlé avec le faux , et qu'il lui eut été
impossible d'assigner les limites de l'un
I. Vol. et
1158 MERCURE DE FRANCE
de l'autre. Ce mêlange des opinions des
Naturalistes , dont les unes sont outrées
à l'excès , d'autres fort incertaines , et
quelques- unes veritables, fournit des Mémoires
très - amples pour l'Histoire de
l'Esprit humain sur cette matiere .
La Dissertation sur les Arts n'est pas
moins curieuse , et l'Auteur discute cnsuite
en Philosophe profond , les opinions
sur la formation des idées , et ce qui regarde
l'imagination et les sens .
>
Dans le Livre cinquième qui traite de
la Politique , il fait connoître les differentes
sortes de Gouvernemens par l'Histoire
ancienne et moderne ; il donne des
Tableaux finis des Etats de la Grèce et
de la République Romaine ; il explique
avec une grande connoissance du Droit
Public , la véritable constitution du Gouvernement
de France ; il marche d'un
pas hardi et ferme entre les écueils , et
il réfute avec force les fausses opinions
répandues sur des matieres si importantes.
Dans le second Chapitre , l'Auteur
éxamine les maximes politiques. Il excepte
du nombre des opinions quelques
principes certains , par exemple , que
comme Archimede ne demandoit qu'un
point d'appui , pour remuer le Globe de
1. Vol. la
JUIN. 1733. 1159
fa Terre à son gré , ce point d'appui
pour la politique est la bonne foi ; que
le principe de toute verité étant que Dieu
est incapable de tromper , le principe de
toute bonne politique est aussi que le
Monarque soit incapable de tromper ;
que les hommes ne résisteront jamais à
un Empire qui réunit la justice et la
force , &c.
Le sixième Livre renferme les pensées
les plus sublimes , en même temps que
les opinions les plus déraisonnables sur
la Morale et les differentes Loix et Coûtumes
des Peuples. Le Chapitre des Loix
commence par une réfutation très forte
de Spinosa , de Montagne et autres qui
ont nié une justice naturelle ; et l'Auteur
établit que les grands principes de Morale
sont susceptibles de démonstration.
On trouve dans ce Chapitre une Histoire
plus étendue que par tout ailleurs ,
de toutes les épreuves appellées Jugemens
de Dieu."
La diversité des Coûtumes est propo
sée comme une source de Refléxions salutaires.
Le Lecteur s'y trouve disposé
par ce commencement du cinquième
Chapitre, » Platon remercioit Dieu de
l'avoir fait homme et non pas bête ,
Grec er non pas Barbare ; pour nous en
I. Vol.
» faisant
1160 MERCURE DE FRANCE
ノ
» sant refléxion sur plusieurs Coûtumes .
» et opinions abominables qui inondent
» la surface de la Terre , concevons - en
» une juste horreur et remercions Dieu
» de nous avoir fait naître Chrétiens , sous
» une domination équitable et dans un
» siecle éclairé .... Les meilleures ins-
>> tructions se tirent quelquefois des exem-
» ples les plus défectueux ; Ismenias fai-
» soit entendre à ses Ecoliers les plus
» mauvais Joueurs de flute ; le pere d'Ho-
» race lui mettoit devant les yeux la Jeu-
» nesse de Rome la plus corrompuë ;
»Quintilien vouloit que les Professeurs
d'Eloquence lûssent à leurs Disciples
» des Oraisons d'un stile insipide ; les La-
» cédémoniens obligeoient les Ilotes de
» s'enyvrer en présence de leurs enfans
& c.
ر د
>>
L'Ouvrage est terminé par une Dissertation
éloquente sur la douleur et sur
la mort. Mais nous nous appercevons
que nous passons les bornes d'un Extrait
; nous ajoûterons seulement que
ceux qui ont acheté des Exemplaires
du Traité de l'Opinion , sont avertis que
l'Auteur à joint à chaque volume quelques
Observations. Ils les trouveront
contenues séparément dans une petite
Brochure , chez Antoine - Claude Brias-
I. Vel. son
JUIN. 1733. 1161
son , qui débite présentement ce Traité ;
et à l'égard des Exemplaires qui seront
vendus par la suite , ces Observations y
seront insérées au commencement de
chaque volume . Elles renferment des
Eclaircissemens , Additions , Corrections
et un Errata plus exact .
N Traité de l'Opinion , bien moins.
pour faire connoître un Ouvrage dont
la réputation est autant répandue et aussi
bien établie que pour nous acquitter de
notre promesse. Les Citations d'un Ouvra
ge n'entrent pas ordinairemens dan tunExtrait;
nous nous contenterons d'observer à
cet égard qu'on trouve sur chaque matiere
le précis de ce que les Auteurs anciens
et modernes ont dit de plus remarquable
, que leurs propres paroles sont souvent
citées , et les passages toujours choisis
avec discernement , ensorte que dans
la seule lecture de cet Ouvrage on peut
recueillir le fruit de beaucoup de travail
et de recherches en tout genre.
Le quatrième Livre , où nous avons
terminé la premiere partie de notre Extrait
, renferme principalement les contradictions
des Savans sur la Physique ,
l'Astronomie et la Médecine ; les impostures
des Alchimistes et des Astrologues,
les opinions outrées des Naturalistes , et
I. Vol. en
JUIN. 1733. 1155
en même-temps les progrès de l'Esprit
humain et ses nouvelles découvertes dans
les Sciences qui ont des objets corporels.
Le Chapitre premier contient quelques
objections faites aux Mathématiciens
avec des Refléxions sur le systême de
l'infini et sur l'état présent de la Géométrie.
Les trois Figures placées au commencement
du Chapitre de la Physique ,
représentent,l'une les Tourbillons de Descartes
, et les deux autres , la Masse du
Soleil , composée , selon Descartes , de la
matiere subtile , et selon l'Auteur da
Traité de l'Opinion , de la matiere compacte
du troisiéme Element , penetrée de
la matiere subtile du premier. Tout ce
qu'il dit à cet égard est neuf et digne
de l'attention des plus habiles Physiciens.
Le Chapitre de l'Astronomie explique
les quatre principaux Systêmes de Ptolomée
, de Copernic , de Tycho- Brahé et
de Longomontan , et renferme les dif
ferentes opinions des Astronomes , entre
lesquelles il se trouve de prodigieuses
distances. Après avoir observé qu'il y a
telle Etoile , qu'on croit avec raison plu
sieurs millions de fois plus grande que
le Soleil , et qu'il est inconcevable de
combien la grandeur de cette Etoile surpasse
celle du Globe de la Terre , que
I. Vola
l'Astro1156
MERCURE DE FRANCE
l'Astronomie la plus nouvelle tient plus
petit que le Soleil un million de fois ,
Î'Auteur ajoûte : » C'est ainsi que plus on
» fait de progrès dans une Science , plus
» l'objet auquel tendent nos travaux , sem-
» ble s'éloigner de nous ; plus on acquiert
» de connoissances , plus on s'apperçoit
» de l'étenduë de celles qui manquent ,
» et comme le sçavant , semblable à l'am-
» bitieux , ne regarde jamais derriere lui ,
plus il apprend , plus il ignore. Ses dé-
»couvertes lui offrent des travaux de plus
» en plus inépuisables,il demeure convain-
» cu de la maxime de Socrate , qu'il ne sçait
>>autre chose , sinon qu'il ne sçait rien .
Il est ensuite traité de la Médecine.
L'Auteur a dit dans sa Préface qu'il ne
peut se refuser la satisfaction de déclarerson
sentiment particulier ; sçavoir , que si
la Médecine est un Art en lui - même rempli
d'incertitude et de dangers , il n'y
a point de secours plus nécessaire à un
malade que celui de la prudence d'un
bon Médecin , et qu'il y auroit une grande
témérité de prétendre se conduire par
son goût ou par ses lumieres dans l'état
auquel on est réduit par la maladie . Ce
Chapitre de la Médecine expose les differens
systêmes et les contradictions des
Médecins , les changemens arrivez dans
1. Vol. la
JUIN. 1733. 1157
la Médecine , les contestations survenuës
au sujet de l'Emétique , avec des Dissertations
sur les manieres de traiter la petite
verole , sur les saignées et sur les dé
couvertes nouvelles de la Médecine.
Le Chapitre suivant de la Chimie est
écrit de cette maniere , également instructive
et amusante , dont l'Auteur ne s'écarte
jamais , et avec la clarté qu'il sçait répandre
sur toutes sortes de sujets . Il dévoile
les supercheries des Alchimistes et réfute
leurs raisonnemens les plus spécieux;
mais il rend justice aux découvertes utiles
d'une Chimie très- sage , qui ne s'applique
qu'à la connoissance de la Nature
et à la préparation des Remedes.
Les préceptes frivoles de l'Astrologie
judiciaire sont détruits et renversez dans
le Chapitre sixième. Les exemples des
prédictions les plus célebres , n'y sont
pas oubliés. Les autres especes de divinations
prétendues naturelles , comme
phisionomie , Chiromancie , Talismans
&c. sont traitées suivant la méthode de
rapporter les opinions des anciens et des
modernes avec les exemples historiques.
Dans le Chapitre des Naturalistes ,
P'Auteur avertit que le vrai se trouve
mêlé avec le faux , et qu'il lui eut été
impossible d'assigner les limites de l'un
I. Vol. et
1158 MERCURE DE FRANCE
de l'autre. Ce mêlange des opinions des
Naturalistes , dont les unes sont outrées
à l'excès , d'autres fort incertaines , et
quelques- unes veritables, fournit des Mémoires
très - amples pour l'Histoire de
l'Esprit humain sur cette matiere .
La Dissertation sur les Arts n'est pas
moins curieuse , et l'Auteur discute cnsuite
en Philosophe profond , les opinions
sur la formation des idées , et ce qui regarde
l'imagination et les sens .
>
Dans le Livre cinquième qui traite de
la Politique , il fait connoître les differentes
sortes de Gouvernemens par l'Histoire
ancienne et moderne ; il donne des
Tableaux finis des Etats de la Grèce et
de la République Romaine ; il explique
avec une grande connoissance du Droit
Public , la véritable constitution du Gouvernement
de France ; il marche d'un
pas hardi et ferme entre les écueils , et
il réfute avec force les fausses opinions
répandues sur des matieres si importantes.
Dans le second Chapitre , l'Auteur
éxamine les maximes politiques. Il excepte
du nombre des opinions quelques
principes certains , par exemple , que
comme Archimede ne demandoit qu'un
point d'appui , pour remuer le Globe de
1. Vol. la
JUIN. 1733. 1159
fa Terre à son gré , ce point d'appui
pour la politique est la bonne foi ; que
le principe de toute verité étant que Dieu
est incapable de tromper , le principe de
toute bonne politique est aussi que le
Monarque soit incapable de tromper ;
que les hommes ne résisteront jamais à
un Empire qui réunit la justice et la
force , &c.
Le sixième Livre renferme les pensées
les plus sublimes , en même temps que
les opinions les plus déraisonnables sur
la Morale et les differentes Loix et Coûtumes
des Peuples. Le Chapitre des Loix
commence par une réfutation très forte
de Spinosa , de Montagne et autres qui
ont nié une justice naturelle ; et l'Auteur
établit que les grands principes de Morale
sont susceptibles de démonstration.
On trouve dans ce Chapitre une Histoire
plus étendue que par tout ailleurs ,
de toutes les épreuves appellées Jugemens
de Dieu."
La diversité des Coûtumes est propo
sée comme une source de Refléxions salutaires.
Le Lecteur s'y trouve disposé
par ce commencement du cinquième
Chapitre, » Platon remercioit Dieu de
l'avoir fait homme et non pas bête ,
Grec er non pas Barbare ; pour nous en
I. Vol.
» faisant
1160 MERCURE DE FRANCE
ノ
» sant refléxion sur plusieurs Coûtumes .
» et opinions abominables qui inondent
» la surface de la Terre , concevons - en
» une juste horreur et remercions Dieu
» de nous avoir fait naître Chrétiens , sous
» une domination équitable et dans un
» siecle éclairé .... Les meilleures ins-
>> tructions se tirent quelquefois des exem-
» ples les plus défectueux ; Ismenias fai-
» soit entendre à ses Ecoliers les plus
» mauvais Joueurs de flute ; le pere d'Ho-
» race lui mettoit devant les yeux la Jeu-
» nesse de Rome la plus corrompuë ;
»Quintilien vouloit que les Professeurs
d'Eloquence lûssent à leurs Disciples
» des Oraisons d'un stile insipide ; les La-
» cédémoniens obligeoient les Ilotes de
» s'enyvrer en présence de leurs enfans
& c.
ر د
>>
L'Ouvrage est terminé par une Dissertation
éloquente sur la douleur et sur
la mort. Mais nous nous appercevons
que nous passons les bornes d'un Extrait
; nous ajoûterons seulement que
ceux qui ont acheté des Exemplaires
du Traité de l'Opinion , sont avertis que
l'Auteur à joint à chaque volume quelques
Observations. Ils les trouveront
contenues séparément dans une petite
Brochure , chez Antoine - Claude Brias-
I. Vel. son
JUIN. 1733. 1161
son , qui débite présentement ce Traité ;
et à l'égard des Exemplaires qui seront
vendus par la suite , ces Observations y
seront insérées au commencement de
chaque volume . Elles renferment des
Eclaircissemens , Additions , Corrections
et un Errata plus exact .
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Résumé : Traité de l'Opinion, [titre d'après la table]
Le 'Traité de l'Opinion' explore divers sujets à travers plusieurs livres, en mettant l'accent sur les contradictions et les progrès dans différentes disciplines scientifiques et philosophiques. Le quatrième livre examine les divergences entre savants, les impostures des alchimistes et des astrologues, ainsi que les avancées scientifiques. En physique, il discute des tourbillons de Descartes et des opinions sur la matière. En astronomie, il présente les systèmes de Ptolémée, Copernic, Tycho Brahé et Longomontan, soulignant l'immensité de l'univers et l'ignorance persistante malgré les progrès. La médecine est abordée en mettant en avant les incertitudes et la nécessité de la prudence médicale. La chimie est analysée en révélant les supercheries des alchimistes et en valorisant les découvertes utiles. L'astrologie est critiquée pour ses prédictions frivoles. Les naturalistes sont étudiés pour leur mélange d'opinions vraies et fausses. Le cinquième livre traite des différentes formes de gouvernements et des maximes politiques, insistant sur la bonne foi et la justice. Le sixième livre explore la morale et les lois, réfutant les opinions nihilistes et proposant des réflexions sur les coutumes diverses. L'ouvrage se termine par une dissertation sur la douleur et la mort. Des observations supplémentaires sont disponibles séparément ou insérées dans les futurs exemplaires.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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95
p. 1307-1309
EPITRE à M. de S...... pour le prier de lui renvoyer une Canne, appellée Roseau.
Début :
Des Chansons de ta Muse élégante et fertile, [...]
Mots clefs :
Muse, Dieu, Canne, Roseau
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPITRE à M. de S...... pour le prier de lui renvoyer une Canne, appellée Roseau.
EPITRE à M. de S ..... Pour le
prier de lui renvoyer une Canne ,
appellée Roseau .
Es Chansons de ta Muse élégante et fer-
DES
Tile,
J'entendois autrefois résonner les Echos ;
Devenue aujourd'hui paresseuse et stérile ,
Elle s'endort dans le repos.
Par un innocent badinage ,
Je me flattois de l'agacer ,
Mais vainement par là j'ai voulu l'amorcer ,
Elle n'entend plus ce langage ,
( 2 ) Dans son Traité du contentement ou repos
de l'esprit , ch. 4. de la Traduction d'Amyot.
II. Vol
C iij RE1308
MERCURE DE FRANCE
Renoncer tout à coup aux faveurs d'Apollon ,
Est le moïen d'attirer sa disgrace.
Jusqu'en ces lieux un bruit transpire du Vallom ,
Que par sanglant Decret du Maître du Parnasse
,
Ton nom quoiqu'icy consacré ,
'Au double Mont , bien- tôt doit être lacéré.
On dit autre nouvelle , et qui me semble folle
On assure pour fait certain ,
Que tous les jours soir et matin
Tu viens faire la cour aux Suppôts de Barthole ,
Et que dans leur poudreuse Ecole ,
Ta Muse perdit sọn Latin.
Purge- toi d'un cas qui t'offense ,
Quoiqu'il en soit , du Dieu désarme la vers
geance :
Par un prompt repentir , tu pourras l'arrêter.
Venir implorer sa clemence ,
Est pour ce Dieu la mériter.
De notre 1 ) Jard en perspective ;
On découvre un ( 2 ) Temple fameux ;
Là , chacun de tout âge et de tout sexe arrive ,
Au Dieu des Vers offrir des voeux ,
En ce lieu Saint et vénérable ,
Est le grand ( 3 ) Sacrificateur.
( 1 ) Le Jard est un lieu celebrepour la prome.
made , aux Portes de Châlons.
( 2 ) Beat regard.
( 3 ) M. PAbbé de ***
11. Vol. MoJUI
N. 1733.
1309
Modeste et doux , sérieux , mais affable
Compatissant et charitable ;
Du Dieu qu'il sert , possédant la faveur ;
Il sera ton Médiateur.
Cours à ce Temple, au Dieu présenter en hommage
,
Sonnet , Ode , Elégie , Epigramme et Ron
deau ,
Et pour t'encourager je serai du voyage ;
L'air est serain , le temps est beau ,
Mais tu le sçais , ami , je suis déja sur l'âge,
Ainsi pour ce pelerinage ,
J'aurai besoin de mon Roseau.
Par M. DE SOMMEVES
prier de lui renvoyer une Canne ,
appellée Roseau .
Es Chansons de ta Muse élégante et fer-
DES
Tile,
J'entendois autrefois résonner les Echos ;
Devenue aujourd'hui paresseuse et stérile ,
Elle s'endort dans le repos.
Par un innocent badinage ,
Je me flattois de l'agacer ,
Mais vainement par là j'ai voulu l'amorcer ,
Elle n'entend plus ce langage ,
( 2 ) Dans son Traité du contentement ou repos
de l'esprit , ch. 4. de la Traduction d'Amyot.
II. Vol
C iij RE1308
MERCURE DE FRANCE
Renoncer tout à coup aux faveurs d'Apollon ,
Est le moïen d'attirer sa disgrace.
Jusqu'en ces lieux un bruit transpire du Vallom ,
Que par sanglant Decret du Maître du Parnasse
,
Ton nom quoiqu'icy consacré ,
'Au double Mont , bien- tôt doit être lacéré.
On dit autre nouvelle , et qui me semble folle
On assure pour fait certain ,
Que tous les jours soir et matin
Tu viens faire la cour aux Suppôts de Barthole ,
Et que dans leur poudreuse Ecole ,
Ta Muse perdit sọn Latin.
Purge- toi d'un cas qui t'offense ,
Quoiqu'il en soit , du Dieu désarme la vers
geance :
Par un prompt repentir , tu pourras l'arrêter.
Venir implorer sa clemence ,
Est pour ce Dieu la mériter.
De notre 1 ) Jard en perspective ;
On découvre un ( 2 ) Temple fameux ;
Là , chacun de tout âge et de tout sexe arrive ,
Au Dieu des Vers offrir des voeux ,
En ce lieu Saint et vénérable ,
Est le grand ( 3 ) Sacrificateur.
( 1 ) Le Jard est un lieu celebrepour la prome.
made , aux Portes de Châlons.
( 2 ) Beat regard.
( 3 ) M. PAbbé de ***
11. Vol. MoJUI
N. 1733.
1309
Modeste et doux , sérieux , mais affable
Compatissant et charitable ;
Du Dieu qu'il sert , possédant la faveur ;
Il sera ton Médiateur.
Cours à ce Temple, au Dieu présenter en hommage
,
Sonnet , Ode , Elégie , Epigramme et Ron
deau ,
Et pour t'encourager je serai du voyage ;
L'air est serain , le temps est beau ,
Mais tu le sçais , ami , je suis déja sur l'âge,
Ainsi pour ce pelerinage ,
J'aurai besoin de mon Roseau.
Par M. DE SOMMEVES
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Résumé : EPITRE à M. de S...... pour le prier de lui renvoyer une Canne, appellée Roseau.
L'épître est adressée à M. de S..... afin de lui demander de renvoyer une canne nommée 'Roseau'. L'auteur exprime son regret de ne plus pouvoir inspirer la Muse, autrefois active, mais désormais paresseuse et stérile. Il craint de perdre les faveurs d'Apollon et d'attirer sa disgrâce. Des rumeurs circulent, affirmant que le nom de l'interlocuteur sera bientôt lacéré par un décret du maître du Parnasse et qu'il fréquente l'école de Barthole, perdant ainsi son latin. L'auteur conseille de se purger de cette offense et d'implorer la clémence d'Apollon par un prompt repentir. Il mentionne un temple célèbre près de Châlons, où chacun offre des vœux au Dieu des Vers. Le grand sacrificateur, décrit comme modeste et charitable, pourra servir de médiateur. L'auteur propose de se rendre au temple pour offrir des poèmes et encourage son ami à l'accompagner, tout en soulignant son besoin de la canne pour ce pèlerinage.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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96
p. 1547-1551
ODE en l'honneur de l'Immaculée Conception de la Vierge, qui a remporté le Prix au Palinod de l'Université de Caën, le 8 Décembre 1732. SUJET. Le coeur de la Pucelle d'Orléans fut trouvé entier au milieu du feu après sa mort.
Début :
Ou vont ces Enfans de la terre, [...]
Mots clefs :
Sang, Coeur, Victoire, Gloire, Horreur, Dieu, Prix, Pucelle d'Orléans, Immaculée Conception de la Vierge, Palinod, Université de Caen
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ODE en l'honneur de l'Immaculée Conception de la Vierge, qui a remporté le Prix au Palinod de l'Université de Caën, le 8 Décembre 1732. SUJET. Le coeur de la Pucelle d'Orléans fut trouvé entier au milieu du feu après sa mort.
ODE en l'honneur de l'Immaculée
Conception de la Vierge , qui a rem
porté le Prix au Palinod de l'Université
de Caën , le 8 Décembre 1732.A
?
SUJET Le coeur de la Pucelle d'Orleans
fut trouvé entier au milieu du feu après
sa mort.
7
U vont ces Enfans de la terre ,
Porter le ravage et l'horreur ?
La discorde souffle la guerre ,
Dvj
En
1548 MERCURE DE FRANCE
En vient seconder leur fureur ;
Le cruel démon du carnage ,
Les yeux étincelans de rage ,
Conduit leurs sacrileges pas ,
Leurs mains de sang toutes fumantes
Offrent des victimes sanglantes ,
Au Dieu barbare des combats.
FRANCE , cette affreuse tempête ,
Va dans ton sein porter l'effroi ,
Albion tente la conquête
Du Trône sacré de ton Roi :
Déja cette troupe homicide ,
Dans le fol espoir qui la guide ,
Fait avancer ses . Bataillons :
La Victoire errante et séduite
Marche sans rougir à la suite
De leurs superbes Pavillons.
Nos Citadelles foudroyées ,
Nos champs pleins de sang et d'horreur
}
De nos Cohortes effraïées ,
Ne peuvent réveiller l'ardeur :
François , qu'on va charger de chaînes ,
Songés que le sang de vos veines
Est celui de ces fiers Guerriers
Dom le courage infatigable ,
Au
JUILLET.
1733. 1549
Au Capitole redoutable ,
Alloit moissonner des lauriers.
La Fortune aux Anglois fidéle
Sur ses yeux mettant son bandeau ,
Ose ' armer pour leur querelle ,
Et se ranger sous leur drapeau ;
Leurs Troupes de sang alterées ,
De nos déplorables Contrées ,
Couvrent les campagnes de morts :
Jamais l'Euphrate sur ses rives ,
Ne vît tant de Meres plaintives ,
Que la Seine en voit sur ses bords.
Mais quoi quelle main vengeresse !
Vient frapper ces nouveaux Titans ?
Quelle foudroïante Déesse ;
Renverse leurs Drapeaux flotans !
Du Dieu terrible de la Thrace ,
Elle a le courage et l'audace ;
Bellone marche à ses côtés ;
Et son bras s'arme de la foudre ,
Qui va faire mordre la poudre
Aux ennemis épouventés
De nos Troupes le triste reste ,
Brûle de marcher sur ses pas :
Elle
1550 MERCURE DE FRANCE
Elle frape , et sa main funeste
Abbat des milliers de Soldats ;
Tel l'Ange en sa fureur rapide ,
Frapa le Soldat homicide
De l'infidele Assyrien ,
Lorsque son glaive redoutable
Dans une nuit épouventable ,
Vengea le Peuple Iduméen.
Avec une ardeur redoublée
Bravant les efforts ennemis ,
Nos Guerriers vont dans la mêlée ,
Venger la gloire de nos Lys :
Des blessés les clameurs touchantes
Des morts les entrailles fumantes ,
Redoublent l'horreur et l'effroi ;
Chacun jaloux de la victoire ,
Se trouve heureux d'avoir la gloire ,
De verser son sang pour son Roi.
A ces effrayantes images ,
Semble succeder le repos ;
Tant de meurtres et de ravages ,
Ont lassé la fiere Atropos :
Le bruit des guerrieres Trompettes
Ne fait plus taire nos Musettes :
Mais quoi quel funeste retour !
I
I
I
La
JUILLET.
1733. I551
La Fortune nous abandonne ,
Et notre vaillante Amazonne
Tombe dans les fers à son tour.
L'Anglois que la vengeance anime ,
Fait dresser un bucher cruel ,
Où cette innocente Victime
Va recevoir le coup mortel ;
Son coeur , l'appui de nos murailles ,
Son coeur qui gagnoit des Batailles,
Triomphe encore après sa mort ;
Et par une grace invisible ,`
Du Ciel , à son malheur sensible
Des feux brave le vain effort.
ALLUSIO N.
Ce coeur d'une nouvelle gloire
Brille encore au milieu du feu ,
En nous figurant la victoire
De l'Auguste Mere de Dieu :
Τ .
Le Démon par son imposture
Embrasa toute la Nature"
De son souffle pernicieux ;"
par une grace céleste , Mais
La VIERGE en ce débris funeste
Fût seule exempte de ses feux.
Par M. l'Abbé Turpin.
Conception de la Vierge , qui a rem
porté le Prix au Palinod de l'Université
de Caën , le 8 Décembre 1732.A
?
SUJET Le coeur de la Pucelle d'Orleans
fut trouvé entier au milieu du feu après
sa mort.
7
U vont ces Enfans de la terre ,
Porter le ravage et l'horreur ?
La discorde souffle la guerre ,
Dvj
En
1548 MERCURE DE FRANCE
En vient seconder leur fureur ;
Le cruel démon du carnage ,
Les yeux étincelans de rage ,
Conduit leurs sacrileges pas ,
Leurs mains de sang toutes fumantes
Offrent des victimes sanglantes ,
Au Dieu barbare des combats.
FRANCE , cette affreuse tempête ,
Va dans ton sein porter l'effroi ,
Albion tente la conquête
Du Trône sacré de ton Roi :
Déja cette troupe homicide ,
Dans le fol espoir qui la guide ,
Fait avancer ses . Bataillons :
La Victoire errante et séduite
Marche sans rougir à la suite
De leurs superbes Pavillons.
Nos Citadelles foudroyées ,
Nos champs pleins de sang et d'horreur
}
De nos Cohortes effraïées ,
Ne peuvent réveiller l'ardeur :
François , qu'on va charger de chaînes ,
Songés que le sang de vos veines
Est celui de ces fiers Guerriers
Dom le courage infatigable ,
Au
JUILLET.
1733. 1549
Au Capitole redoutable ,
Alloit moissonner des lauriers.
La Fortune aux Anglois fidéle
Sur ses yeux mettant son bandeau ,
Ose ' armer pour leur querelle ,
Et se ranger sous leur drapeau ;
Leurs Troupes de sang alterées ,
De nos déplorables Contrées ,
Couvrent les campagnes de morts :
Jamais l'Euphrate sur ses rives ,
Ne vît tant de Meres plaintives ,
Que la Seine en voit sur ses bords.
Mais quoi quelle main vengeresse !
Vient frapper ces nouveaux Titans ?
Quelle foudroïante Déesse ;
Renverse leurs Drapeaux flotans !
Du Dieu terrible de la Thrace ,
Elle a le courage et l'audace ;
Bellone marche à ses côtés ;
Et son bras s'arme de la foudre ,
Qui va faire mordre la poudre
Aux ennemis épouventés
De nos Troupes le triste reste ,
Brûle de marcher sur ses pas :
Elle
1550 MERCURE DE FRANCE
Elle frape , et sa main funeste
Abbat des milliers de Soldats ;
Tel l'Ange en sa fureur rapide ,
Frapa le Soldat homicide
De l'infidele Assyrien ,
Lorsque son glaive redoutable
Dans une nuit épouventable ,
Vengea le Peuple Iduméen.
Avec une ardeur redoublée
Bravant les efforts ennemis ,
Nos Guerriers vont dans la mêlée ,
Venger la gloire de nos Lys :
Des blessés les clameurs touchantes
Des morts les entrailles fumantes ,
Redoublent l'horreur et l'effroi ;
Chacun jaloux de la victoire ,
Se trouve heureux d'avoir la gloire ,
De verser son sang pour son Roi.
A ces effrayantes images ,
Semble succeder le repos ;
Tant de meurtres et de ravages ,
Ont lassé la fiere Atropos :
Le bruit des guerrieres Trompettes
Ne fait plus taire nos Musettes :
Mais quoi quel funeste retour !
I
I
I
La
JUILLET.
1733. I551
La Fortune nous abandonne ,
Et notre vaillante Amazonne
Tombe dans les fers à son tour.
L'Anglois que la vengeance anime ,
Fait dresser un bucher cruel ,
Où cette innocente Victime
Va recevoir le coup mortel ;
Son coeur , l'appui de nos murailles ,
Son coeur qui gagnoit des Batailles,
Triomphe encore après sa mort ;
Et par une grace invisible ,`
Du Ciel , à son malheur sensible
Des feux brave le vain effort.
ALLUSIO N.
Ce coeur d'une nouvelle gloire
Brille encore au milieu du feu ,
En nous figurant la victoire
De l'Auguste Mere de Dieu :
Τ .
Le Démon par son imposture
Embrasa toute la Nature"
De son souffle pernicieux ;"
par une grace céleste , Mais
La VIERGE en ce débris funeste
Fût seule exempte de ses feux.
Par M. l'Abbé Turpin.
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Résumé : ODE en l'honneur de l'Immaculée Conception de la Vierge, qui a remporté le Prix au Palinod de l'Université de Caën, le 8 Décembre 1732. SUJET. Le coeur de la Pucelle d'Orléans fut trouvé entier au milieu du feu après sa mort.
Le texte est une ode en l'honneur de l'Immaculée Conception, récompensée au Palinod de l'Université de Caen le 8 décembre 1732. Il évoque le cœur intact de Jeanne d'Arc retrouvé après sa mort. Le poème décrit les horreurs de la guerre, notamment les conflits entre la France et l'Angleterre au XVIe siècle. La France est menacée par les troupes anglaises, et la victoire semble incertaine. Une figure divine, comparée à Bellone, intervient pour renverser les ennemis. Les soldats français, malgré leurs pertes, continuent de se battre avec courage. Le texte se termine par une allusion au cœur de Jeanne d'Arc, symbolisant la victoire et la grâce divine. Cette image est comparée à la Vierge Marie, exemptée des feux de l'imposture démoniaque.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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97
p. 1630-1634
Le Temple du Goût, Comédie, [titre d'après la table]
Début :
Les Comédiens Italiens représenterent le 11 Juillet une petite Piéce en un Acte, [...]
Mots clefs :
Temple du goût, Goût, Dieu, Critique, Sens, Esprit, Comédiens-Italiens, Lélio, Arlequin
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le Temple du Goût, Comédie, [titre d'après la table]
Les Comédiens Italiens représenterent
le 11 Juillet une petite Piéce en un Acte ,
et en Vers libres , intitulée : le Temple
du Goût , ornée d'un Divertissement :
nous n'en donnerons qu'une légere idée
en attendant que l'impression nous donne
lieu d'en détacher quelques fragmens.
ACTEURS.
Le Dieu du Goût ,
La Critique ,
le Sr Romagnesi.
la Dlle Belmont.
Une Habitante du Temple du Goût
la Dile Sylvia.
L'EsJUILLET.
1733. 1631
la même.
L'Esprit ,
Le bon Sens
Arlequin.
Le Faux Goût ,
le Sr Dominique.
le Sr Lelio.
La Scene est dans le Temple du Goût.
Le Théatre représente d'abord le nouyeau
Temple du Goût. Une Habitante du
Temple , surprise du changement qu'on
y a fait en son absence , s'en plaint à la
Critique , à qui elle attribue cette nouvelle
métamorphose : la Critique lui répond
qu'elle n'y a point de part , et que
c'est l'ouvrage de sa soeur la Raillerie
qui à inspiré cette réforme à un Génie du
premier ordre.
: Le Dieu du Goût arrive , tout instruit
de ce qui s'est passé ; il rétablit son premier
Temple , et charge la Critique d'y
introduire ceux qu'elles en trouvera dignes.
Le bon Sens et l'Esprit y sont les premiers
introduits ; comme ils entrent en
se querellant , le Dieu du Goût les prend
pour un mari et sa femme. Ils se font
connoître à lui pour ce qu'ils sont en
effet , et lui font réciproquement leurs
plaintes. Le Dieu du Goût les écoute
avec douceur , et n'oublie rien pour les
réunir , attendu qu'ils ne peuvent rien
faire
1632 MERCURE DE FRANCE
faire de bon l'un sans l'autre ; il leur
dit que l'Esprit est Métaphisicien , et le
bon Sens Geometre. L'Esprit s'obstine à
ne vouloir point de commerce avec le
bon Sens ; il méprise la décision du Dieu
du Goût; il se retire , le bon Sens le suit
pésamment , et comme l'Esprit est fémelle
, il dit au bon Sens qu'il faut être
plus léger pour attraper les Belles.
Arlequin est introduit le second dans
le Temple rétabli ; il est étonné de l'honneur
que la Critique lui a fait de lui en
ouvrir l'entrée ; le Dieu du Goût lui dit
obligeamment qu'il est plus digne qu'il
ne pense d'y occuper une place ; Arlequin
lui avoue qu'il est venu dans son Temple
sans le sçavoir ; il ajoûte qu'il jouit
d'un heureux loisir depuis qu'il a quitté
son métier de Comédien..Le Dieu du
Goût lui demande d'où vient qu'il a
quitté un Théatré dont il faisoir le prin
cipal ornement . Arlequin lui répond ;
qu'il n'y faisoit plus rien , attendu la
désertion presque generale des Spectateurs
; il prie le Dieu du Goût de lui
donner quelques Piéces qui ramenent le
Public chez ses Camarades , s'il veut qu'il
les aille rejoindres le Dieu lui dit qu'il
juge des Ouvrages , mais qu'il n'en fait
point ; il lui annonce qu'il trouvera sur
le
JUILLET. 1733 1635
* {
le Theatre qu'il a quitté une Piéce nouvelle
qui pourra lui attirer de nouvelles
Pratiques , mais qu'il ne répond pas die
succès, flatté de cette espérance, toute incertaine
qu'elle est ; il sort du Temple
pour aller reparoître sur son Théatre.
Le faux Goût en arrivant , ordonne
aux Danseurs et aux Chanteurs de sa
suite , de se tenir prêts pour la Fête nouvelle
qu'il veur célébrer dans son nouveau
Temple ; il est très - étonné de trouver
toutes choses dans leur premier état ;
il s'en plaint au Dieu du Goût , qui lui
reproche la temerité qu'il a euë de vouloir
réformer son Temple : cette Scene
donne licu à des traits décochez de part
et d'autre le Faux Goût se retiré pour
åller rassembler ses Chanteurs et ses Danseurs.
·
La Critique vient rendre compte au
Dieu du Goût du soin qu'elle a pris d'e
xécuter ses ordres , et finit la Piéce par
une Fable , qui pour prouver trop ne
prouve rien. Elle suppose dans cette Fable
que dans les premiers tems Jupiter
donna tous les talens à ceux qui se présenterent
à lui , et ne donna aux derniers
venus que la bonne opinion d'euxmêmes,
2012
Au reste cette Piéce est bien repré-
H seni
1634 MERCURE DE FRANCE
sentée , et le Public la voit avec beau
coup de satisfaction. Il y a plusieurs
traits de critiques répandus dans l'Ouvrage.
Le sieur Lélio , à la tête du Di,
vertissement , danse une Entrée avec la
Dile Rolland , avec autant de justesse que
de vivacité et après plusieurs Danses figurées,
la Fête est terminée par une autre
Entrée , dansée par la Dile Sylvia , et le
sigur Romagnesy , qui est très - applaudie.
La Décoration de l'ancien Temple du
Goût , éxecutée par le sieur le Maire
est très- bien caracterisée et goûtée des
Connoisseurs on en ppaarrlleerraa plus au
long.
le 11 Juillet une petite Piéce en un Acte ,
et en Vers libres , intitulée : le Temple
du Goût , ornée d'un Divertissement :
nous n'en donnerons qu'une légere idée
en attendant que l'impression nous donne
lieu d'en détacher quelques fragmens.
ACTEURS.
Le Dieu du Goût ,
La Critique ,
le Sr Romagnesi.
la Dlle Belmont.
Une Habitante du Temple du Goût
la Dile Sylvia.
L'EsJUILLET.
1733. 1631
la même.
L'Esprit ,
Le bon Sens
Arlequin.
Le Faux Goût ,
le Sr Dominique.
le Sr Lelio.
La Scene est dans le Temple du Goût.
Le Théatre représente d'abord le nouyeau
Temple du Goût. Une Habitante du
Temple , surprise du changement qu'on
y a fait en son absence , s'en plaint à la
Critique , à qui elle attribue cette nouvelle
métamorphose : la Critique lui répond
qu'elle n'y a point de part , et que
c'est l'ouvrage de sa soeur la Raillerie
qui à inspiré cette réforme à un Génie du
premier ordre.
: Le Dieu du Goût arrive , tout instruit
de ce qui s'est passé ; il rétablit son premier
Temple , et charge la Critique d'y
introduire ceux qu'elles en trouvera dignes.
Le bon Sens et l'Esprit y sont les premiers
introduits ; comme ils entrent en
se querellant , le Dieu du Goût les prend
pour un mari et sa femme. Ils se font
connoître à lui pour ce qu'ils sont en
effet , et lui font réciproquement leurs
plaintes. Le Dieu du Goût les écoute
avec douceur , et n'oublie rien pour les
réunir , attendu qu'ils ne peuvent rien
faire
1632 MERCURE DE FRANCE
faire de bon l'un sans l'autre ; il leur
dit que l'Esprit est Métaphisicien , et le
bon Sens Geometre. L'Esprit s'obstine à
ne vouloir point de commerce avec le
bon Sens ; il méprise la décision du Dieu
du Goût; il se retire , le bon Sens le suit
pésamment , et comme l'Esprit est fémelle
, il dit au bon Sens qu'il faut être
plus léger pour attraper les Belles.
Arlequin est introduit le second dans
le Temple rétabli ; il est étonné de l'honneur
que la Critique lui a fait de lui en
ouvrir l'entrée ; le Dieu du Goût lui dit
obligeamment qu'il est plus digne qu'il
ne pense d'y occuper une place ; Arlequin
lui avoue qu'il est venu dans son Temple
sans le sçavoir ; il ajoûte qu'il jouit
d'un heureux loisir depuis qu'il a quitté
son métier de Comédien..Le Dieu du
Goût lui demande d'où vient qu'il a
quitté un Théatré dont il faisoir le prin
cipal ornement . Arlequin lui répond ;
qu'il n'y faisoit plus rien , attendu la
désertion presque generale des Spectateurs
; il prie le Dieu du Goût de lui
donner quelques Piéces qui ramenent le
Public chez ses Camarades , s'il veut qu'il
les aille rejoindres le Dieu lui dit qu'il
juge des Ouvrages , mais qu'il n'en fait
point ; il lui annonce qu'il trouvera sur
le
JUILLET. 1733 1635
* {
le Theatre qu'il a quitté une Piéce nouvelle
qui pourra lui attirer de nouvelles
Pratiques , mais qu'il ne répond pas die
succès, flatté de cette espérance, toute incertaine
qu'elle est ; il sort du Temple
pour aller reparoître sur son Théatre.
Le faux Goût en arrivant , ordonne
aux Danseurs et aux Chanteurs de sa
suite , de se tenir prêts pour la Fête nouvelle
qu'il veur célébrer dans son nouveau
Temple ; il est très - étonné de trouver
toutes choses dans leur premier état ;
il s'en plaint au Dieu du Goût , qui lui
reproche la temerité qu'il a euë de vouloir
réformer son Temple : cette Scene
donne licu à des traits décochez de part
et d'autre le Faux Goût se retiré pour
åller rassembler ses Chanteurs et ses Danseurs.
·
La Critique vient rendre compte au
Dieu du Goût du soin qu'elle a pris d'e
xécuter ses ordres , et finit la Piéce par
une Fable , qui pour prouver trop ne
prouve rien. Elle suppose dans cette Fable
que dans les premiers tems Jupiter
donna tous les talens à ceux qui se présenterent
à lui , et ne donna aux derniers
venus que la bonne opinion d'euxmêmes,
2012
Au reste cette Piéce est bien repré-
H seni
1634 MERCURE DE FRANCE
sentée , et le Public la voit avec beau
coup de satisfaction. Il y a plusieurs
traits de critiques répandus dans l'Ouvrage.
Le sieur Lélio , à la tête du Di,
vertissement , danse une Entrée avec la
Dile Rolland , avec autant de justesse que
de vivacité et après plusieurs Danses figurées,
la Fête est terminée par une autre
Entrée , dansée par la Dile Sylvia , et le
sigur Romagnesy , qui est très - applaudie.
La Décoration de l'ancien Temple du
Goût , éxecutée par le sieur le Maire
est très- bien caracterisée et goûtée des
Connoisseurs on en ppaarrlleerraa plus au
long.
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Résumé : Le Temple du Goût, Comédie, [titre d'après la table]
Le 11 juillet 1733, les Comédiens Italiens ont présenté 'Le Temple du Goût', une pièce en un acte et en vers libres, accompagnée d'un divertissement. L'action se déroule dans le Temple du Goût, où une habitante, surprise par les modifications effectuées en son absence, s'en plaint à la Critique. Cette dernière révèle que la réforme a été réalisée par la Raillerie, inspirée par un génie du premier ordre. Le Dieu du Goût rétablit alors son temple et charge la Critique d'y introduire les personnes dignes. Le bon Sens et l'Esprit sont les premiers introduits, mais ils se disputent. Le Dieu du Goût les réconcilie en soulignant leur complémentarité. L'Esprit, obstiné, se retire, suivi par le bon Sens. Ensuite, Arlequin est introduit et exprime sa surprise d'être admis dans le temple. Il explique avoir quitté le théâtre en raison de la désertion des spectateurs et demande des pièces pour ramener le public. Le Dieu du Goût lui annonce qu'une nouvelle pièce pourrait attirer de nouvelles pratiques. Le faux Goût arrive ensuite, ordonnant des préparatifs pour une fête dans son nouveau temple, mais il trouve tout restauré à l'état initial. Le Dieu du Goût lui reproche sa témérité. La Critique rend compte de ses actions et conclut la pièce par une fable. La représentation est bien accueillie par le public, avec des danses et des entrées applaudies. La décoration de l'ancien Temple du Goût, exécutée par le sieur Le Maire, est particulièrement appréciée des connaisseurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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98
p. 1728-1731
ODE SACRÉE, Tirée du Pseaume XXVIII. Afferte Domino filii Dei.
Début :
Images du Tres-Haut, Princes, Dieux de la Terre, [...]
Mots clefs :
Voix, Dieu, Gloire, Terrible, Ciel, Tourbillons
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ODE SACRÉE, Tirée du Pseaume XXVIII. Afferte Domino filii Dei.
ODE SACRE' E ,
Tirée du Pseaume X X VI I I.
Afferte Domina filii Dei..
I Mages du Tres- Haut , Princes , Dieux de "Iz
Terre ,
Qu'il instruit dans la Paix et qu'il forme â la
Guerre ,
Apprenez aux mortels à respecter ses Loix ;
Et que le Peuple Saint, conduit par votre Exem
ple ,
Adore dans son Temple,
Le Dieu , Maître des Rois.
La gloire de son Nom , fit toute votre gloire ,
Que pouvoient , sans l'aveu du Dieu de la victoire
>
Le zéle de vos coeurs ? l'effort de votre bras
Venez ,reconnoissez pleins d'amour et de crainte,
Dans
AOUST. 1733- 1729
Dans sa Majesté sainte ,
Un pouvoir que vous n'avez pas.
來
Quellé éclatante voix , dans les airs répanduë
,
Fait frémir de respect cette mer suspanduë ,
Qu'une invisible main soutient du haut des
Cieux ?
C'est la voix du Seigneur ; les abîmes l'enten
dent ;
Et les Ondes suspendent ,
Leurs Flots tumultueux.
Lâche intrépidité , constance de l'Impie ,
Pourras-tu soutenir cette voix ennemie
Que fait tonner sur toi le Dieu de Majesté ,
Tandis que l'innocent rempli de confiance ,
Même dans sa Puissance ,
Adore sa bonté ?
Quels Tourbillons affreux suivent sa voix
terrible ?
Quels cris ? Quels sifflemens ? Quelle tempête
horrible ?
Les Cedres du Liban volent en mille éclats :
Quels efforts redoublez , ébranlent leurs racines ,
Jus1730
MERCURE DE FRANCE
Jusqu'aux voutes voisines ,
Des Portes du trépasa
Liban , et vous Sion , fameux par cent mirzcles
,
Monts chéris , où le ciel nous rendoit des Ora
cles ,
Vos Sommets chancelants , s'éloignent de mes
yeux ,
:
Vous fuyez Telle on voit la Licorne tremblante
,
Fuir l'approche sanglante ,
Du Lion furieux .
Quels nuages , percez d'éclairs épouvantables ,
'Annoncent cette voix , aux Déserts effroyables ,
Où Jacob opprimé , fuyoit son ennemi ?
Queile pâle clarté , plus triste que les ombres ,
Luit dans ces antres sombres ?
Cades en a frémi.
Les Echos allarmez dans leur retraite obscure .
Répondent à la voix par un affreux murmure
Les Monstres des Forêts en avortent d'effroi :
Et l'Impie allarmé de sa perte infaillible ,
Voudroit du Dieu terrible ,
Avoir suivi la Loy.
Vain
AOUST . 1733 1731
Vains remors ! Dieu paroît , la gloire l'environne
,
Quels tourbillons de feux s'élancent de son
Trône ?
La Terre est embrasée , et le Ciel s'est enfui ;
Et la nature entiere , étonnée , éperduë ,
A ses pieds confonduë ,
Ne voit d'Etre que lui.
Mais le Juste , brillant d'une splendeur nou
velle ,
Retrouve avec transport cet objet de son zele ,
Terrible en sa fureur , prodigue en ses bienfaits
De son bonheur immense , il partage les charmes
,
Et goute sans allarmes ,
Une éternelle paix.
Tirée du Pseaume X X VI I I.
Afferte Domina filii Dei..
I Mages du Tres- Haut , Princes , Dieux de "Iz
Terre ,
Qu'il instruit dans la Paix et qu'il forme â la
Guerre ,
Apprenez aux mortels à respecter ses Loix ;
Et que le Peuple Saint, conduit par votre Exem
ple ,
Adore dans son Temple,
Le Dieu , Maître des Rois.
La gloire de son Nom , fit toute votre gloire ,
Que pouvoient , sans l'aveu du Dieu de la victoire
>
Le zéle de vos coeurs ? l'effort de votre bras
Venez ,reconnoissez pleins d'amour et de crainte,
Dans
AOUST. 1733- 1729
Dans sa Majesté sainte ,
Un pouvoir que vous n'avez pas.
來
Quellé éclatante voix , dans les airs répanduë
,
Fait frémir de respect cette mer suspanduë ,
Qu'une invisible main soutient du haut des
Cieux ?
C'est la voix du Seigneur ; les abîmes l'enten
dent ;
Et les Ondes suspendent ,
Leurs Flots tumultueux.
Lâche intrépidité , constance de l'Impie ,
Pourras-tu soutenir cette voix ennemie
Que fait tonner sur toi le Dieu de Majesté ,
Tandis que l'innocent rempli de confiance ,
Même dans sa Puissance ,
Adore sa bonté ?
Quels Tourbillons affreux suivent sa voix
terrible ?
Quels cris ? Quels sifflemens ? Quelle tempête
horrible ?
Les Cedres du Liban volent en mille éclats :
Quels efforts redoublez , ébranlent leurs racines ,
Jus1730
MERCURE DE FRANCE
Jusqu'aux voutes voisines ,
Des Portes du trépasa
Liban , et vous Sion , fameux par cent mirzcles
,
Monts chéris , où le ciel nous rendoit des Ora
cles ,
Vos Sommets chancelants , s'éloignent de mes
yeux ,
:
Vous fuyez Telle on voit la Licorne tremblante
,
Fuir l'approche sanglante ,
Du Lion furieux .
Quels nuages , percez d'éclairs épouvantables ,
'Annoncent cette voix , aux Déserts effroyables ,
Où Jacob opprimé , fuyoit son ennemi ?
Queile pâle clarté , plus triste que les ombres ,
Luit dans ces antres sombres ?
Cades en a frémi.
Les Echos allarmez dans leur retraite obscure .
Répondent à la voix par un affreux murmure
Les Monstres des Forêts en avortent d'effroi :
Et l'Impie allarmé de sa perte infaillible ,
Voudroit du Dieu terrible ,
Avoir suivi la Loy.
Vain
AOUST . 1733 1731
Vains remors ! Dieu paroît , la gloire l'environne
,
Quels tourbillons de feux s'élancent de son
Trône ?
La Terre est embrasée , et le Ciel s'est enfui ;
Et la nature entiere , étonnée , éperduë ,
A ses pieds confonduë ,
Ne voit d'Etre que lui.
Mais le Juste , brillant d'une splendeur nou
velle ,
Retrouve avec transport cet objet de son zele ,
Terrible en sa fureur , prodigue en ses bienfaits
De son bonheur immense , il partage les charmes
,
Et goute sans allarmes ,
Une éternelle paix.
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Résumé : ODE SACRÉE, Tirée du Pseaume XXVIII. Afferte Domino filii Dei.
Le poème 'ODE SACRE' E' du Psaume 118 s'adresse aux 'Mages du Très-Haut,' 'Princes' et 'Dieux de la Terre,' les exhortant à instruire les mortels dans la paix et la guerre et à les guider pour respecter les lois divines. Le peuple saint doit adorer Dieu, maître des rois, dans son temple. La gloire de Dieu est la seule source de gloire pour ces dirigeants, car sans l'approbation divine, leurs efforts sont vains. Le poème décrit la voix puissante de Dieu, qui fait trembler la mer et les abîmes. Les impies ne peuvent soutenir cette voix, tandis que les innocents l'adorent avec confiance. Cette voix provoque des tourbillons, des cris et des tempêtes, ébranlant les cèdres du Liban et les montagnes de Sion. Les impies, alarmés par leur perte imminente, regrettent de ne pas avoir suivi la loi divine. Enfin, le poème décrit l'apparition de Dieu, entouré de gloire et de tourbillons de feu, embrasant la terre et effrayant le ciel. La nature entière est confondue et ne voit que Dieu. Les justes, brillants d'une nouvelle splendeur, retrouvent avec transport cet objet de leur zèle, partageant les charmes de son bonheur immense et goûtant une paix éternelle.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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99
p. 1731-1747
DÉFENSE du Cartésianisme, par M. le Gendre de S. Aubin ; contre les accusations des Docteurs Cudwort et Ray.
Début :
Un zèle indiscret est souvent l'occasion d'un scandale ; c'est l'idée qu'on [...]
Mots clefs :
Dieu, Cause, Sagesse, Mécanisme, Ray, Création, Physique, Mouvement, Nature, Lois, Corps, Causes, Principes, Cartésianisme, Descartes, Philosophie, Système, Phénomènes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DÉFENSE du Cartésianisme, par M. le Gendre de S. Aubin ; contre les accusations des Docteurs Cudwort et Ray.
DEFENSE du Cartesianisme, par M. le
Gendre de S. Aubin ; contre les accusations
des Docteurs Cudwort et Ray.
UN
N zéle indiscret est souvent l'occasion
d'un scandale;c'est l'idée qu'on
doit se former des accufations intentées
par les Docteurs Cudwort et Ray , contre
le Cartesianisme. Elles sont contenuës
dans un Livre Anglois , intitulé : L'Existenca
" 1732 MERCURE DE FRANCE
sence et la Sagesse de Dieu, manifestées dans
les Oeuvres de la Création ; par le sieur
Ray,Membre de la Société Royale. La Traduction
Françoise , imprimée à Utrecht,
en 1723. se débite depuis peu à Paris.
On est étonné qu'un Philosophe , qui
écrit uniquement en vûë de manifester la
Sagesse de Dieu dans la Création, débute,
page 5. par approuver un sentiment qu'il
atribue à des Philosophes judicieux ; sçavoir
, que plus les genres , ou les ordres
des Etres sont imparfaits , plus les especes
en sont nombreuses . Est- ce là un
préambule convenable à un Panégyriste
de la Sagesse de Dieu dans la Création ?
Ne devoit il pas plutôt dire que ce qui
paroît imparfait aux vues bornées de notre
entendement , a son utilité et sa destination
dans les Décrets éternels de la Providence
? Ce seroit là un beau champ
pour les Cartésiens qu'il attaque d'une
maniere outrageante ; ne pourroient- ils
pas le traiter de prévaricateur dans une
cause si évidente , et qu'il soutient si
mal ?
Pour faire éclater , dit il , page 12. la
grandeur et l'étendue infinie de l'esprit
de Dieu , il observe que rien ne marque
davantage la supériorité du génie , que
d'inventer des Machines differentes , qui
pros
AOU'ST. 1733. 1733
E
4
€
>
produisent le même effet , et soient destinées
aux mêmes fins . Mais suivant les notions
les plus saines et les plus communes ,
rien ne marque davantage la sagesse
de
l'ouvrier que le Méchanisme le plus simple
et le moins chargé de ressorts . C'est donc
sur une sorte de Méchanisme qu'il fonde
la sagesse de Dieu dans la Création, mais
sur un Mechanisme de détail , qu'il présente
à la pensée , d'une maniere aussi
basse , que celui des Cartésiens est sublime.
Quoique le sieur Ray tâche de décrier
le Cartesianisme sans ménagement, il établit
, pages 2 et 3. comme le sentiment le
plus universellement
reçu , tout ce que
cette Philosophie dans sa nouveauté parut
avoir de plus difficile à concilier avec la
Religion ; sçavoir, l Hypothèse des Tourbillons
, suivant laquelle chaque Etoile ,
pour me servir des propres termes du
Traducteur , est un Soleil ou un Corps
semblable à cet astre , environné de même
d'un Choeur de Planetes , qui tournent
autour de lui. Il avance de plus , qu'il
n'y a aucune de ces Planétes qui ne soit
remplie, selon toutes les apparences , d'une
grande variété de créatures corporelles ,
animées et inanimées . Personne n'ignore
que cette partie de la Physique nouvelle
fut
1734 MERCURE DE FRANCE
fut exposée à la censure , et allarma quelques
personnes pieuses , qui trouvoient
ce systême peu conforme à ce qui nous
cst enseigné sur la Création dans la Genése
; mais il a été reçu depuis comme
une hypothese , sur laquelle on écrit et
on dispute publiquement , et il y a longtemps
que tous les scrupules sont levez à
cet égard.
A la maniére dont le S Ray fait connoître
quels sont les principes de sa Phylosophie
, qui ne le prendroit pour un
Cartésien ? Sectateur de cette Physique ,
il va néanmoins lui imputer les intentions
les plus criminelles. » Il semble
» dit-il, pag. 28.qu'il soit necessaire d'exa-
>> miner un peu les principes d'une Secte
» de Déïstes de profession; j'entends celle
» de Descartes et de ses Disciples , qui
» ont pour but d'éluder et de détruire un
» argument qui a eu tant de force dans
» tous les siècles , pour prouver l'exis-
» tence d'un Dieu . Le premier grief d'une
accusation si grave , est que Descartes
exclud de la Physique toute la considération
des causes finales . Le Sr Ray cite ,
pages 29 et 30. les Passages des Méditations
Métaphysiques , des principes de
Philosophie , et de la quatrième Réponse
aux Objections de Gassendi , où Descartes
dit
AOUST. 1733 1735
1
dit
que toutes
les causes
qu'on
a accoutumé
de tirer
de la fin , ne sont
d'aucun
usage
dans
la Physique
,puisqu'on
ne sçauroit
se persuader
, sans
témérité
, qu'on
puisse
pénétrer
dans
les fins
que
Dieu
s'est proposées
. Il est facile
de répondre
à
cette
objection
, que
la raison
alléguée
par Descartes
, pour
ne pas expliquer
les effets
naturels
par
les fins que
Dieu s'est
proposées
, est trèspieuse
et trèsédifiante
, et qu'il
auro
t pû se contenter
d'établir
en général
, que la Physique
étant
une
recherche
des causes
naturelles
, ce
n'est
pas
parler
en Physicien
, que
de
donner
pour
cause
de la production
d'un Phénoméne
, que Dieu
a eu en vûë
de le
produire
. Car
c'est
ce que tout
Chrétien
sçait
, sans
étudier
la Physique
; cette
science
de tres
- bornée
qu'elle
est , deviendroit
infiniment
étenduë
, si l'on
recevoit
au nombre
des explications
Physiques
, qu'un
efft
naturel
arrive
, parce
qu'il
est conforme
à la fin que Dieu
s'est proposée
. Je suppose
que pour
expliquer
la construction
d'une
Montre
, on s'avisat
de dire
que
ce qui cause
les mouvemens
réglez
de cette
machine
, c'est
l'intention
de l'ouvrier
qui l'a faite
dans
le
dessein
de marquer
les heures
; cette
cause
finale
en Physique
ne seroit
comptée
G
pour
1736 MERCURE DE FRANCE
pour rien ; et on ne pourroit prouver
mieux que cette Montre est l'ouvrage
d'un Artiste , et non l'effet du hazard
qu'en faisant observer l'action du ressort,
le tirage de la chaîne , les engrainures des
rouës , et sur tout la proportion et le concours
des mouvemens. Quel est donc le
véritable objet de la Physique ,? C'est de
déduire les Phénoménes , des Loix géné
rales de la nature , établies par Dieu , et
rapportées au Créateur . Une pareille Philosophie
peut- elle donner lieu aux inveçtives
de l'Auteur Anglois » Les Carthé
» siens , dit- il , page 34. tâchent de dé-
» truire notre grand argument , en pré-
»tendant résoudre tous les Phénomènes
» de la nature , et rendre compte de la
» production et de la formation de l'Uni-
» vers , et de tous les Etres corporels qu'il
» contient , soit celestes ou terrestres ; ani-
» mez ou inanimcz , même sans en exclunre
les animaux , et cela par une foible
»hypothèse de la matiere divisée, et mise
» en mouvement de telle ct telle maniés
» re. . . . . De maniére que Dieu n'a eu
» autre chose à faire qu'à créer la matiére ,
»la diviser en partics , et la mettre en
»mouvement , suivant un petit nombre
de certaines Loix , et que cela ne pouvoit
manquer de produite de soi-même
...
12
AOUST. 1733 : 1737
le monde et toutes les créatures qui y
sont contenues. Pour la réfutation de
cette hypothése ,, continue cet Auteur ,
n'aurois qu'à renvoyer le Lecteur au
» systême du Docteur Cudwort ; mais
» pour lui épargner cette peine, je vais en
transcrire les paroles..... Dieuse con
tentant de regarder en spectateur in-
» différents ce Lusus Atomorum , ou cette
» danse agréable des Atômes , et les différents
effets qui en résultent. Non con-
» tens de cela , ces Déïstes méchaniques
» ont excédé et surpassé en ceci les Athées
» atomiques , par une extravagance plus
oursée que la leur ; car les Athées de
profession n'ont jamais osé affirmer que
» ce systéme régulier des choses fut le ré-
» sultat d'un mouvement fortuit d'Atomes
au commencement , avant d'avoir
produit pendant bien du temps des
combinaisons ineptes ou des assembla-
» ges de choses particulières , et des sys-
» têmes ridicules du tout. Ils supposoient
» même que la régularité des choses de ce
monde ne subsisteroit pas toujours , et
» que la confusion et le désordre s'y re-
> mettroient avec le temps ; qu'outre le
monde que nous habitons , il y en a encore
en ce moment un nombre inexprimable
d'autres irréguliers , dont il
Cij n'y
1738 MERCURE DE FRANCE
» n'y en a pas d'un entre mille et dix mil-
» le , qui ait une régularité pareille au
» nôtre ...... Mais nos Déïstes micha
» niques prétendent que leurs Atomes
» n'ont jamais bronché dans leurs mou-
» vemens, ni produit aucun systéme inep-
» te , ni aucunes formes impropres , et
» qu'ils se sont placez et rangez dès le
commencement avec tant d'ordre et de
» méthode , que la sagesse même n'auroit
» pû le faire mieux , ni avec plus d'exactitude.
C'est par cette raison que çes
» Déi tes re ettent absolument le grand
» a gument qui prouve l'Existence de
Dicu , tiré du Phénoméne de la nature
n artificielle des choses , sur lequel on a si
» fort insisé dans tous les siècles , et qui
» fait ordinairement le plus d'effet sur l'es-
» prit humain. Les Athées s'applaudissent
» cependant en secret , er triomphent de
>> voir la cause du Déïsme trahie de cette
» maniere par ses partisans et ses défen-
» seurs les plus zélez , et le grand argu-
» ment éludé pour favoriser leur cause.
Rien ne sçauroit marquer une plus gran
» de dépravation d'esprit , ni plus de folic
et de stupidité dans les Déïstes pré.en-
» dus , que de n'avoir aucun égard à la
forme régulière et artificielle des cho
ses , ni aux impressions de l'art et de
AOUST . 1733 . 1739
wla
sagesse divine , et de ne regarder
» le Monde et les productions de la Na-
» ture , qu'avec des yeux de boeuf ou de
» cheval.
Le sieur Ray , dans la fureur qui le
transporte , n'entend pas les termes dont
il se sert car qu'est- ce qu'un Déïste , suivant
la notion génerale ? C'est un impiet
qui ne suit aucune Religion particuliere ,
qui reconnoît , à la verité , l'existence de
Dieu mais qui refuse de croire les Mysteres
que Dieu a révelez. Or ces Deïstes qui refusent
de se rendre à l'évidence de la révé.
lation , ne sont pas ceux qui font le moins
valoir le grand argument de l'existence
de Dieu , tiré de sa sagesse dans la Création.
On ne sçait ce que le sieur Ray
veut dire par ces paroles : » Les Athées
» s'applaudissent cependant en secret , et
» triomphent de voir la cause du Déïsme
>>trahie de cette maniere par ses Parti-
» sans et ses Deffenseurs les plus zelez .
Il prend ici la cause du Déïsme pour une
bonne cause trahie , et il semble appli
quer aux Carthésiens les termes de Partis
sans et de Deffenseurs les plus zelez de
la bonne cause. Mais c'est bien plutôt
cet Auteur qui trahit la cause qu'il entreprend
de soutenir , par la foiblesse
avec laquelle il traite son sujet . S'il eût
Ciij fair
1740 MERCURE DE FRANCE
ა
fait remarquer , comme les Carthésiensces
Loix générales dont l'uniformité produit
un Monde si diversifié ; s'il se fût
élevé jusqu'à un méchanisme sublime
qui donnât une idée de la Création proportionnée
à ce que notre foible esprit
peut concevoir de plus grand et de plus
magnifique ; si en s'attachant à ce qu'il.
ya de plus merveilleux dans la Nature
il eût observé , comme ceux qu'il appelle-
Deistes , que cette multitude immense
de mouvemens des Corps Celestes , que
révolutions si constantes des Astres ,
que cette fécondité si riche et si brillan-.
te de l'Univers , que tous ces Phénomenes
si utiles à l'homme , et qui étalent
à ses yeux un spectacle digne du Créateur
, qu'enfin la beauté ravissante de
toutes les Oeuvres de Dieu , est un
témoignage continuel et invincible de sa
sagesse et de sa toute- puissance dans la
Création , par la simplicité et l'ordre des
ressorts qui y sont employez , il eût rem--
pli son sujet avec la dignité convenable ,
mais il ne s'arrête qu'à un petit détail ,
et ne présente par tout que des images.
basses et imparfaites d'un sujet qui surpasse
ses forces.
C'est favoriser l'athéïsme et le syste
me du hazard , que de rejetter le méchaA
O UST. 173′3 ; 1741
chanisme de la Nature , par lequel les
Carthésiens n'entendent autre chose que
les loix generales du mouvement établics
par le Créateur. Que chaque Philosophe
conçoive et suppose ces Loix
générales à son gré , que
differens Phisiciens
suivent des vues systématiquesfort
éloignées ; tous au moins doivent
convenir que ce n'est pas une pensée raisonnable
sur l'Etre suprême , de croire
que l'uniformité et la simplicité manquent
à ses Productions . Le principal but
de la Physique est donc de rapporter tous
les raisonnemens à ces principes. C'est à
quoi les Carthésiens ont beaucoup mieux
réussi qu'aucune autre Secte de Philosophes
, ayant mieux expliqué le méchanisme
general de la Nature; et ' on peut
dire que ceux qui tâchent d'étendre et
de pousser plus loin ce méchanisme , sont
ceux qui pensent et qui s'expliquent le
mieux au sujet de la sagesse et de la toùte-
puissance de Dieu dans la Création . A
la verité , le Philosophe rempli de pré
somption , se persuade qu'il peut concevoir
et faire entendre aux autres cet ordre
admirable établi dans les Ouvrages
de Dieu ; au lieu que le Physitien modeste
, qui connoît la foiblesse et l'incer
titude de ses lumieres , ne regarde tous
Ciij les
742 MERCURE DE FRANCE
les raisonnemens physiques que comme
des hypothéses.
>>
Continuons de rapporter la censure de
la Philosophie Carthésienne par l'Auteur
Anglois. Il se trouve , dit-il , pag. 35 .
» plusieurs Phénomenes dans la Ñature ,
» lesquels étant en partie au- dessus de la
»force et de la portée , et en partie con-
>> traires aux Loix du Méchanisme , ils
» ne sçauroient se résoudre sans avoir re-
>> cours aux causes finales et à quelques
» principes de vie ; par exemple , ce-
» lui de la gravité ou du penchant que
» les corps ont à descendre , le mouve-
» ment du diaphragme dans la respira-
» tion , la systole et la diastole du coeur ,
» qui n'est autre chose qu'une contraction
et un relâchement des muscles ,
» et par consequent ne sçauroit être un
» mouvement méchanique , mais un prin-
» cipe de vie. Nous pourrions encore
» ajoûter à cela entre plusieurs autres
» choses , l'intersection des plans de l'E-
» quateur et de l'Ecliptique ou du mou-
» vement diurne ou journalier de la Ter-
» re sur un axe qui n'est pas parallele à
celui de l'écliptique , ni perpendiculaire
à son plan ..... On ne sçauroit
» donc attribuer la continuation de ce
» double mouvement annuel et diurne
nde
23
A O UST. 17337 1748
de la Terre sur des axes non paralleles,
» à autre chose qu'à une cause finale ou
» mentale , ou rò fixTisov , parce qu'il
étoit à propos que cela fût ainsi , la
» varieté des saisons de l'année en dé
» pendant. Mais le plus considerable de
» tous les Phénoménes pir içuliers est la
»formation et l'organisation des corps
>> des animaux , remplis de tant de varietez
et de merveilles , que ces Philo-
» sophes méchaniques n'en pouvant faire
»la solution par le mouvement nécessaire
» de la matiere , sans qu'elle fût dirigée
par l'esprit à de certaines fins , ont pru-
» demment interrompu leur systéme en
» cet endroit , où ils devoient traiter des
» animaux , et n'en ont pas touché un
» seul mot.
23
On connoît clairement par cette critique
, que le sieur Ray est aussi peu
versé dans la Philosophie Carthésienne
qu'il est injuste dans l'accusation qu'il
intente contre elle. Nous avons vû plus
haut qu'il attribuë aux Carthésiens un
systéme d'Atomes , quoique les trois Elemens
de Descartes soient divisibles à l'infini
, et que par conséquent Descartes
rejette les Atomes , qui signifient des Elemens
indivisibles. Le sieur Ray ne se
trompe pas moins, en disant que dans les
C v Phé1744
MERCURE DE FRANCE
:
Phénomenes qu'il cite , il y a de la contrarieté
au Mechanisme de la Nature. Il
est vrai que les loix générales du mouvement
n'expliquent pas la construction
du corps des animaux , ni la forme de
ces organes merveilleux qui servent aux
differentes fonctions du principe qui les
anime. Le mouvement circulaire des
trois Elémens de Descartes ne peut faires
concevoir , par exemple, comment ont
été produits les instrumens de la faculté
visuelle ; mais les Carthésiens doivent :
seulement avouer que leur méchanisme ,
quoiqu'il n'y ait aucune contrarieté , est
insuffisant pour expliquer tous les Phé
noménes , et sur tout l'organisation admirable
des animaux ,, les corps animezz
et inanimez étant vrai- semblable--
ment produits suivant des loix differen--
tes, ou plutôt dont nous n'appercevons
pas la liaison. * Il ne s'ensuit pas de ce
que la Créature est incapable de conce
voir entierement le grand Ouvrage de :
la Création , qu'il lui soit defendu de rechercher
les causes physiques et naturel
+
La plupart même des Carthésiens estiment aun
aujet de l'organisation continuelle et toujours
cemblable , des Plantes et des Animaux , que tous :
res corps formez en même-temps par le Souve
fain Etre , dans les graines ou dans les oeufs , nesont
que se développer successivement,
leas
A O UST. 1733. 17455
les , suivant les principes les plus géné
caux et les plus simples , en les rappor
tánt à la sagesse et à la toute- puissance
du Créateur.
Les difficultez qui se trouveut sur la
pesanteur , ne peuvent se résoudre par
des principes de vie qui n'ont aucun rapport
avec elle , ou par des causes finales ,.
qui ne sont en aucune maniere des causes
physiques ; et si les explications que
Descartes a données de la pesanteur , ont
été attaquées par de fortes objections ,
tous les Philosophes se sont au moins
accordez à tirer ces Explications d'un '
méchanisme général de la Nature. Le
'steur Ray est si peu d'accord avec luid
même au sujet de la respiration et de la¹
systole et diastole du coeur, qu'après avoir
affirmé que ces mouvemens ne peuvent
être méchaniques , il regarde ailleurs com
me une question douteuse de sçavoir si
les bêtes sont des vrayes machines , ou
s'il convient de leur attribuer la vie et le
sentiment.
cliptiqueant
à l'intersection
de l'é-
1
de l'équateur , on en peut donner
plusieurs raisons qui n'ont rien de
contraire au systéme Carthésien . L'obli
quité de l'écliptique par rapport à l'équateur
, dont l'axe conserve toujours
son parallelisme est assurément la cause
av de
1746 MERCURE DE FRANCE
de la varieté des Saisons , mais cette cause
finale , encore une fois , ne peut passer
pour une cause phisique. L'Explication
naturelle de ce phénoméne peut se rapporter
, suivant les principes d'un Méchanisme
général , ou aux particules cannelées
, qui traversant les pores du G'obe
Terrestre d'un certain sens , déterminent
sa position , ou à la qualité du fluide qui
emporte la Terre par un mouvement
circulaire , ou à la pression des tourbillons
voisins , ou à la résistance que tout
corps solide apporte à l'impression du
mouvement qu'il reçoit , ou à toutes ces
causes réunis , ou aux differentes hypotheses
que la sagacité du Physicien lui
fera inventer. Dieu permet à l'homme
de faire quelques raisonnemens assez vraisemblables
sur les Corps Celestes , si prodigieusement
éloignez de nous ,
afin que
cette étude éleve notre esprit à la Majesté
de l'Etre suprême , en même - temps
que la présomption de l'homme est domptée
par la profonde ignorance où il est
de ce qui est au- dedans de lui - même et
de ce qui fait partie de sa propre substance.
C'est une calomnie insoutenable de
dire que les Carthésiens rejettent absolument
le grand argument qui prouve
» l'eA
O UST. 1733 1747
» l'éxistence de Dieu , tiré du phénoméne
de la forme artificielle des choses .
Nulle Philosophie au contraire ne donne
des idées aussi sublimes de la sagesse
de Dieu dans la Création ; nulle Physique
ne ramene davantage l'esprit au
Créateur , en rapportant tous les phénoménes
qu'elle peut expliquer à des loix
simples et génerales émanées nécessairement
de la Toute puissance divine . C'est
l'argument le plus invincible contre l'Athéïsme
, c'est l'exclusion la plus forte du
hazard , dont la régularité et l'uniformité
ne peuvent être les productions . Plus l'idée
d'un méchanisme est générale , constante
et uniforme , comme dans le Carthésianisme
, plus elle est inséparable des
idées de dessein et de sagesse. Ces Re-
Aléxions suffisent pour prouver des veritez
si évidentes, d'autant plus que pour
détruire l'Athéïsme par le raisonnement ,
il faudroit que quelque homme qui raisonne
fût capable d'Athéïsme , ce qui est
impossible. Il est donc certain que l'accusation
du Carthésianisme par les Docteurs
Cudwort et Ray , est au fond trèsfrivole
et très mal fondée , injurieuse à
plusieurs saints et sçavans personnages ,
qui ont soutenu cette Philosophie , et aux
Écoles qui l'enseignent publiquement.
Gendre de S. Aubin ; contre les accusations
des Docteurs Cudwort et Ray.
UN
N zéle indiscret est souvent l'occasion
d'un scandale;c'est l'idée qu'on
doit se former des accufations intentées
par les Docteurs Cudwort et Ray , contre
le Cartesianisme. Elles sont contenuës
dans un Livre Anglois , intitulé : L'Existenca
" 1732 MERCURE DE FRANCE
sence et la Sagesse de Dieu, manifestées dans
les Oeuvres de la Création ; par le sieur
Ray,Membre de la Société Royale. La Traduction
Françoise , imprimée à Utrecht,
en 1723. se débite depuis peu à Paris.
On est étonné qu'un Philosophe , qui
écrit uniquement en vûë de manifester la
Sagesse de Dieu dans la Création, débute,
page 5. par approuver un sentiment qu'il
atribue à des Philosophes judicieux ; sçavoir
, que plus les genres , ou les ordres
des Etres sont imparfaits , plus les especes
en sont nombreuses . Est- ce là un
préambule convenable à un Panégyriste
de la Sagesse de Dieu dans la Création ?
Ne devoit il pas plutôt dire que ce qui
paroît imparfait aux vues bornées de notre
entendement , a son utilité et sa destination
dans les Décrets éternels de la Providence
? Ce seroit là un beau champ
pour les Cartésiens qu'il attaque d'une
maniere outrageante ; ne pourroient- ils
pas le traiter de prévaricateur dans une
cause si évidente , et qu'il soutient si
mal ?
Pour faire éclater , dit il , page 12. la
grandeur et l'étendue infinie de l'esprit
de Dieu , il observe que rien ne marque
davantage la supériorité du génie , que
d'inventer des Machines differentes , qui
pros
AOU'ST. 1733. 1733
E
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€
>
produisent le même effet , et soient destinées
aux mêmes fins . Mais suivant les notions
les plus saines et les plus communes ,
rien ne marque davantage la sagesse
de
l'ouvrier que le Méchanisme le plus simple
et le moins chargé de ressorts . C'est donc
sur une sorte de Méchanisme qu'il fonde
la sagesse de Dieu dans la Création, mais
sur un Mechanisme de détail , qu'il présente
à la pensée , d'une maniere aussi
basse , que celui des Cartésiens est sublime.
Quoique le sieur Ray tâche de décrier
le Cartesianisme sans ménagement, il établit
, pages 2 et 3. comme le sentiment le
plus universellement
reçu , tout ce que
cette Philosophie dans sa nouveauté parut
avoir de plus difficile à concilier avec la
Religion ; sçavoir, l Hypothèse des Tourbillons
, suivant laquelle chaque Etoile ,
pour me servir des propres termes du
Traducteur , est un Soleil ou un Corps
semblable à cet astre , environné de même
d'un Choeur de Planetes , qui tournent
autour de lui. Il avance de plus , qu'il
n'y a aucune de ces Planétes qui ne soit
remplie, selon toutes les apparences , d'une
grande variété de créatures corporelles ,
animées et inanimées . Personne n'ignore
que cette partie de la Physique nouvelle
fut
1734 MERCURE DE FRANCE
fut exposée à la censure , et allarma quelques
personnes pieuses , qui trouvoient
ce systême peu conforme à ce qui nous
cst enseigné sur la Création dans la Genése
; mais il a été reçu depuis comme
une hypothese , sur laquelle on écrit et
on dispute publiquement , et il y a longtemps
que tous les scrupules sont levez à
cet égard.
A la maniére dont le S Ray fait connoître
quels sont les principes de sa Phylosophie
, qui ne le prendroit pour un
Cartésien ? Sectateur de cette Physique ,
il va néanmoins lui imputer les intentions
les plus criminelles. » Il semble
» dit-il, pag. 28.qu'il soit necessaire d'exa-
>> miner un peu les principes d'une Secte
» de Déïstes de profession; j'entends celle
» de Descartes et de ses Disciples , qui
» ont pour but d'éluder et de détruire un
» argument qui a eu tant de force dans
» tous les siècles , pour prouver l'exis-
» tence d'un Dieu . Le premier grief d'une
accusation si grave , est que Descartes
exclud de la Physique toute la considération
des causes finales . Le Sr Ray cite ,
pages 29 et 30. les Passages des Méditations
Métaphysiques , des principes de
Philosophie , et de la quatrième Réponse
aux Objections de Gassendi , où Descartes
dit
AOUST. 1733 1735
1
dit
que toutes
les causes
qu'on
a accoutumé
de tirer
de la fin , ne sont
d'aucun
usage
dans
la Physique
,puisqu'on
ne sçauroit
se persuader
, sans
témérité
, qu'on
puisse
pénétrer
dans
les fins
que
Dieu
s'est proposées
. Il est facile
de répondre
à
cette
objection
, que
la raison
alléguée
par Descartes
, pour
ne pas expliquer
les effets
naturels
par
les fins que
Dieu s'est
proposées
, est trèspieuse
et trèsédifiante
, et qu'il
auro
t pû se contenter
d'établir
en général
, que la Physique
étant
une
recherche
des causes
naturelles
, ce
n'est
pas
parler
en Physicien
, que
de
donner
pour
cause
de la production
d'un Phénoméne
, que Dieu
a eu en vûë
de le
produire
. Car
c'est
ce que tout
Chrétien
sçait
, sans
étudier
la Physique
; cette
science
de tres
- bornée
qu'elle
est , deviendroit
infiniment
étenduë
, si l'on
recevoit
au nombre
des explications
Physiques
, qu'un
efft
naturel
arrive
, parce
qu'il
est conforme
à la fin que Dieu
s'est proposée
. Je suppose
que pour
expliquer
la construction
d'une
Montre
, on s'avisat
de dire
que
ce qui cause
les mouvemens
réglez
de cette
machine
, c'est
l'intention
de l'ouvrier
qui l'a faite
dans
le
dessein
de marquer
les heures
; cette
cause
finale
en Physique
ne seroit
comptée
G
pour
1736 MERCURE DE FRANCE
pour rien ; et on ne pourroit prouver
mieux que cette Montre est l'ouvrage
d'un Artiste , et non l'effet du hazard
qu'en faisant observer l'action du ressort,
le tirage de la chaîne , les engrainures des
rouës , et sur tout la proportion et le concours
des mouvemens. Quel est donc le
véritable objet de la Physique ,? C'est de
déduire les Phénoménes , des Loix géné
rales de la nature , établies par Dieu , et
rapportées au Créateur . Une pareille Philosophie
peut- elle donner lieu aux inveçtives
de l'Auteur Anglois » Les Carthé
» siens , dit- il , page 34. tâchent de dé-
» truire notre grand argument , en pré-
»tendant résoudre tous les Phénomènes
» de la nature , et rendre compte de la
» production et de la formation de l'Uni-
» vers , et de tous les Etres corporels qu'il
» contient , soit celestes ou terrestres ; ani-
» mez ou inanimcz , même sans en exclunre
les animaux , et cela par une foible
»hypothèse de la matiere divisée, et mise
» en mouvement de telle ct telle maniés
» re. . . . . De maniére que Dieu n'a eu
» autre chose à faire qu'à créer la matiére ,
»la diviser en partics , et la mettre en
»mouvement , suivant un petit nombre
de certaines Loix , et que cela ne pouvoit
manquer de produite de soi-même
...
12
AOUST. 1733 : 1737
le monde et toutes les créatures qui y
sont contenues. Pour la réfutation de
cette hypothése ,, continue cet Auteur ,
n'aurois qu'à renvoyer le Lecteur au
» systême du Docteur Cudwort ; mais
» pour lui épargner cette peine, je vais en
transcrire les paroles..... Dieuse con
tentant de regarder en spectateur in-
» différents ce Lusus Atomorum , ou cette
» danse agréable des Atômes , et les différents
effets qui en résultent. Non con-
» tens de cela , ces Déïstes méchaniques
» ont excédé et surpassé en ceci les Athées
» atomiques , par une extravagance plus
oursée que la leur ; car les Athées de
profession n'ont jamais osé affirmer que
» ce systéme régulier des choses fut le ré-
» sultat d'un mouvement fortuit d'Atomes
au commencement , avant d'avoir
produit pendant bien du temps des
combinaisons ineptes ou des assembla-
» ges de choses particulières , et des sys-
» têmes ridicules du tout. Ils supposoient
» même que la régularité des choses de ce
monde ne subsisteroit pas toujours , et
» que la confusion et le désordre s'y re-
> mettroient avec le temps ; qu'outre le
monde que nous habitons , il y en a encore
en ce moment un nombre inexprimable
d'autres irréguliers , dont il
Cij n'y
1738 MERCURE DE FRANCE
» n'y en a pas d'un entre mille et dix mil-
» le , qui ait une régularité pareille au
» nôtre ...... Mais nos Déïstes micha
» niques prétendent que leurs Atomes
» n'ont jamais bronché dans leurs mou-
» vemens, ni produit aucun systéme inep-
» te , ni aucunes formes impropres , et
» qu'ils se sont placez et rangez dès le
commencement avec tant d'ordre et de
» méthode , que la sagesse même n'auroit
» pû le faire mieux , ni avec plus d'exactitude.
C'est par cette raison que çes
» Déi tes re ettent absolument le grand
» a gument qui prouve l'Existence de
Dicu , tiré du Phénoméne de la nature
n artificielle des choses , sur lequel on a si
» fort insisé dans tous les siècles , et qui
» fait ordinairement le plus d'effet sur l'es-
» prit humain. Les Athées s'applaudissent
» cependant en secret , er triomphent de
>> voir la cause du Déïsme trahie de cette
» maniere par ses partisans et ses défen-
» seurs les plus zélez , et le grand argu-
» ment éludé pour favoriser leur cause.
Rien ne sçauroit marquer une plus gran
» de dépravation d'esprit , ni plus de folic
et de stupidité dans les Déïstes pré.en-
» dus , que de n'avoir aucun égard à la
forme régulière et artificielle des cho
ses , ni aux impressions de l'art et de
AOUST . 1733 . 1739
wla
sagesse divine , et de ne regarder
» le Monde et les productions de la Na-
» ture , qu'avec des yeux de boeuf ou de
» cheval.
Le sieur Ray , dans la fureur qui le
transporte , n'entend pas les termes dont
il se sert car qu'est- ce qu'un Déïste , suivant
la notion génerale ? C'est un impiet
qui ne suit aucune Religion particuliere ,
qui reconnoît , à la verité , l'existence de
Dieu mais qui refuse de croire les Mysteres
que Dieu a révelez. Or ces Deïstes qui refusent
de se rendre à l'évidence de la révé.
lation , ne sont pas ceux qui font le moins
valoir le grand argument de l'existence
de Dieu , tiré de sa sagesse dans la Création.
On ne sçait ce que le sieur Ray
veut dire par ces paroles : » Les Athées
» s'applaudissent cependant en secret , et
» triomphent de voir la cause du Déïsme
>>trahie de cette maniere par ses Parti-
» sans et ses Deffenseurs les plus zelez .
Il prend ici la cause du Déïsme pour une
bonne cause trahie , et il semble appli
quer aux Carthésiens les termes de Partis
sans et de Deffenseurs les plus zelez de
la bonne cause. Mais c'est bien plutôt
cet Auteur qui trahit la cause qu'il entreprend
de soutenir , par la foiblesse
avec laquelle il traite son sujet . S'il eût
Ciij fair
1740 MERCURE DE FRANCE
ა
fait remarquer , comme les Carthésiensces
Loix générales dont l'uniformité produit
un Monde si diversifié ; s'il se fût
élevé jusqu'à un méchanisme sublime
qui donnât une idée de la Création proportionnée
à ce que notre foible esprit
peut concevoir de plus grand et de plus
magnifique ; si en s'attachant à ce qu'il.
ya de plus merveilleux dans la Nature
il eût observé , comme ceux qu'il appelle-
Deistes , que cette multitude immense
de mouvemens des Corps Celestes , que
révolutions si constantes des Astres ,
que cette fécondité si riche et si brillan-.
te de l'Univers , que tous ces Phénomenes
si utiles à l'homme , et qui étalent
à ses yeux un spectacle digne du Créateur
, qu'enfin la beauté ravissante de
toutes les Oeuvres de Dieu , est un
témoignage continuel et invincible de sa
sagesse et de sa toute- puissance dans la
Création , par la simplicité et l'ordre des
ressorts qui y sont employez , il eût rem--
pli son sujet avec la dignité convenable ,
mais il ne s'arrête qu'à un petit détail ,
et ne présente par tout que des images.
basses et imparfaites d'un sujet qui surpasse
ses forces.
C'est favoriser l'athéïsme et le syste
me du hazard , que de rejetter le méchaA
O UST. 173′3 ; 1741
chanisme de la Nature , par lequel les
Carthésiens n'entendent autre chose que
les loix generales du mouvement établics
par le Créateur. Que chaque Philosophe
conçoive et suppose ces Loix
générales à son gré , que
differens Phisiciens
suivent des vues systématiquesfort
éloignées ; tous au moins doivent
convenir que ce n'est pas une pensée raisonnable
sur l'Etre suprême , de croire
que l'uniformité et la simplicité manquent
à ses Productions . Le principal but
de la Physique est donc de rapporter tous
les raisonnemens à ces principes. C'est à
quoi les Carthésiens ont beaucoup mieux
réussi qu'aucune autre Secte de Philosophes
, ayant mieux expliqué le méchanisme
general de la Nature; et ' on peut
dire que ceux qui tâchent d'étendre et
de pousser plus loin ce méchanisme , sont
ceux qui pensent et qui s'expliquent le
mieux au sujet de la sagesse et de la toùte-
puissance de Dieu dans la Création . A
la verité , le Philosophe rempli de pré
somption , se persuade qu'il peut concevoir
et faire entendre aux autres cet ordre
admirable établi dans les Ouvrages
de Dieu ; au lieu que le Physitien modeste
, qui connoît la foiblesse et l'incer
titude de ses lumieres , ne regarde tous
Ciij les
742 MERCURE DE FRANCE
les raisonnemens physiques que comme
des hypothéses.
>>
Continuons de rapporter la censure de
la Philosophie Carthésienne par l'Auteur
Anglois. Il se trouve , dit-il , pag. 35 .
» plusieurs Phénomenes dans la Ñature ,
» lesquels étant en partie au- dessus de la
»force et de la portée , et en partie con-
>> traires aux Loix du Méchanisme , ils
» ne sçauroient se résoudre sans avoir re-
>> cours aux causes finales et à quelques
» principes de vie ; par exemple , ce-
» lui de la gravité ou du penchant que
» les corps ont à descendre , le mouve-
» ment du diaphragme dans la respira-
» tion , la systole et la diastole du coeur ,
» qui n'est autre chose qu'une contraction
et un relâchement des muscles ,
» et par consequent ne sçauroit être un
» mouvement méchanique , mais un prin-
» cipe de vie. Nous pourrions encore
» ajoûter à cela entre plusieurs autres
» choses , l'intersection des plans de l'E-
» quateur et de l'Ecliptique ou du mou-
» vement diurne ou journalier de la Ter-
» re sur un axe qui n'est pas parallele à
celui de l'écliptique , ni perpendiculaire
à son plan ..... On ne sçauroit
» donc attribuer la continuation de ce
» double mouvement annuel et diurne
nde
23
A O UST. 17337 1748
de la Terre sur des axes non paralleles,
» à autre chose qu'à une cause finale ou
» mentale , ou rò fixTisov , parce qu'il
étoit à propos que cela fût ainsi , la
» varieté des saisons de l'année en dé
» pendant. Mais le plus considerable de
» tous les Phénoménes pir içuliers est la
»formation et l'organisation des corps
>> des animaux , remplis de tant de varietez
et de merveilles , que ces Philo-
» sophes méchaniques n'en pouvant faire
»la solution par le mouvement nécessaire
» de la matiere , sans qu'elle fût dirigée
par l'esprit à de certaines fins , ont pru-
» demment interrompu leur systéme en
» cet endroit , où ils devoient traiter des
» animaux , et n'en ont pas touché un
» seul mot.
23
On connoît clairement par cette critique
, que le sieur Ray est aussi peu
versé dans la Philosophie Carthésienne
qu'il est injuste dans l'accusation qu'il
intente contre elle. Nous avons vû plus
haut qu'il attribuë aux Carthésiens un
systéme d'Atomes , quoique les trois Elemens
de Descartes soient divisibles à l'infini
, et que par conséquent Descartes
rejette les Atomes , qui signifient des Elemens
indivisibles. Le sieur Ray ne se
trompe pas moins, en disant que dans les
C v Phé1744
MERCURE DE FRANCE
:
Phénomenes qu'il cite , il y a de la contrarieté
au Mechanisme de la Nature. Il
est vrai que les loix générales du mouvement
n'expliquent pas la construction
du corps des animaux , ni la forme de
ces organes merveilleux qui servent aux
differentes fonctions du principe qui les
anime. Le mouvement circulaire des
trois Elémens de Descartes ne peut faires
concevoir , par exemple, comment ont
été produits les instrumens de la faculté
visuelle ; mais les Carthésiens doivent :
seulement avouer que leur méchanisme ,
quoiqu'il n'y ait aucune contrarieté , est
insuffisant pour expliquer tous les Phé
noménes , et sur tout l'organisation admirable
des animaux ,, les corps animezz
et inanimez étant vrai- semblable--
ment produits suivant des loix differen--
tes, ou plutôt dont nous n'appercevons
pas la liaison. * Il ne s'ensuit pas de ce
que la Créature est incapable de conce
voir entierement le grand Ouvrage de :
la Création , qu'il lui soit defendu de rechercher
les causes physiques et naturel
+
La plupart même des Carthésiens estiment aun
aujet de l'organisation continuelle et toujours
cemblable , des Plantes et des Animaux , que tous :
res corps formez en même-temps par le Souve
fain Etre , dans les graines ou dans les oeufs , nesont
que se développer successivement,
leas
A O UST. 1733. 17455
les , suivant les principes les plus géné
caux et les plus simples , en les rappor
tánt à la sagesse et à la toute- puissance
du Créateur.
Les difficultez qui se trouveut sur la
pesanteur , ne peuvent se résoudre par
des principes de vie qui n'ont aucun rapport
avec elle , ou par des causes finales ,.
qui ne sont en aucune maniere des causes
physiques ; et si les explications que
Descartes a données de la pesanteur , ont
été attaquées par de fortes objections ,
tous les Philosophes se sont au moins
accordez à tirer ces Explications d'un '
méchanisme général de la Nature. Le
'steur Ray est si peu d'accord avec luid
même au sujet de la respiration et de la¹
systole et diastole du coeur, qu'après avoir
affirmé que ces mouvemens ne peuvent
être méchaniques , il regarde ailleurs com
me une question douteuse de sçavoir si
les bêtes sont des vrayes machines , ou
s'il convient de leur attribuer la vie et le
sentiment.
cliptiqueant
à l'intersection
de l'é-
1
de l'équateur , on en peut donner
plusieurs raisons qui n'ont rien de
contraire au systéme Carthésien . L'obli
quité de l'écliptique par rapport à l'équateur
, dont l'axe conserve toujours
son parallelisme est assurément la cause
av de
1746 MERCURE DE FRANCE
de la varieté des Saisons , mais cette cause
finale , encore une fois , ne peut passer
pour une cause phisique. L'Explication
naturelle de ce phénoméne peut se rapporter
, suivant les principes d'un Méchanisme
général , ou aux particules cannelées
, qui traversant les pores du G'obe
Terrestre d'un certain sens , déterminent
sa position , ou à la qualité du fluide qui
emporte la Terre par un mouvement
circulaire , ou à la pression des tourbillons
voisins , ou à la résistance que tout
corps solide apporte à l'impression du
mouvement qu'il reçoit , ou à toutes ces
causes réunis , ou aux differentes hypotheses
que la sagacité du Physicien lui
fera inventer. Dieu permet à l'homme
de faire quelques raisonnemens assez vraisemblables
sur les Corps Celestes , si prodigieusement
éloignez de nous ,
afin que
cette étude éleve notre esprit à la Majesté
de l'Etre suprême , en même - temps
que la présomption de l'homme est domptée
par la profonde ignorance où il est
de ce qui est au- dedans de lui - même et
de ce qui fait partie de sa propre substance.
C'est une calomnie insoutenable de
dire que les Carthésiens rejettent absolument
le grand argument qui prouve
» l'eA
O UST. 1733 1747
» l'éxistence de Dieu , tiré du phénoméne
de la forme artificielle des choses .
Nulle Philosophie au contraire ne donne
des idées aussi sublimes de la sagesse
de Dieu dans la Création ; nulle Physique
ne ramene davantage l'esprit au
Créateur , en rapportant tous les phénoménes
qu'elle peut expliquer à des loix
simples et génerales émanées nécessairement
de la Toute puissance divine . C'est
l'argument le plus invincible contre l'Athéïsme
, c'est l'exclusion la plus forte du
hazard , dont la régularité et l'uniformité
ne peuvent être les productions . Plus l'idée
d'un méchanisme est générale , constante
et uniforme , comme dans le Carthésianisme
, plus elle est inséparable des
idées de dessein et de sagesse. Ces Re-
Aléxions suffisent pour prouver des veritez
si évidentes, d'autant plus que pour
détruire l'Athéïsme par le raisonnement ,
il faudroit que quelque homme qui raisonne
fût capable d'Athéïsme , ce qui est
impossible. Il est donc certain que l'accusation
du Carthésianisme par les Docteurs
Cudwort et Ray , est au fond trèsfrivole
et très mal fondée , injurieuse à
plusieurs saints et sçavans personnages ,
qui ont soutenu cette Philosophie , et aux
Écoles qui l'enseignent publiquement.
Fermer
Résumé : DÉFENSE du Cartésianisme, par M. le Gendre de S. Aubin ; contre les accusations des Docteurs Cudwort et Ray.
Le texte est une défense du cartésianisme contre les critiques des docteurs Cudworth et Ray, exprimées dans leur ouvrage 'L'Existence et la Sagesse de Dieu, manifestées dans les Oeuvres de la Création'. Le défenseur du cartésianisme reproche à Ray d'avoir commencé son livre en approuvant l'idée que les êtres imparfaits sont plus nombreux que les parfaits, ce qui est jugé inapproprié pour un panégyriste de la sagesse divine. Ray est également critiqué pour avoir fondé la sagesse divine sur un mécanisme de détail, jugé bas et imparfait comparé au mécanisme sublime des cartésiens. Malgré ses attaques contre le cartésianisme, Ray reconnaît certaines hypothèses cartésiennes, comme celle des tourbillons et la diversité des créatures sur les planètes. Le défenseur du cartésianisme répond aux accusations de Ray en expliquant que Descartes exclut les causes finales de la physique pour se concentrer sur les causes naturelles. Il argue que cette approche est pieuse et édifiante, et que la physique doit déduire les phénomènes des lois générales de la nature établies par Dieu. Le texte critique Ray pour avoir accusé les cartésiens de détruire l'argument de l'existence de Dieu en réduisant la création à des lois mécaniques. Le défenseur du cartésianisme conclut que les cartésiens ont mieux expliqué le mécanisme général de la nature et la sagesse divine que toute autre secte philosophique. Le texte discute également de divers phénomènes naturels, comme la gravité, la respiration, les mouvements du cœur, et les mouvements de la Terre, qui semblent défier les lois du mécanisme et nécessitent l'intervention de causes finales ou de principes de vie. Il critique l'incapacité des philosophes mécanistes à expliquer l'organisation des corps animaux, soulignant que ces philosophes interrompent leur système lorsqu'ils abordent ce sujet. Les cartésiens reconnaissent l'insuffisance de leur mécanisme pour expliquer tous les phénomènes, notamment l'organisation des animaux, mais estiment que les corps animés et inanimés sont produits selon des lois différentes. Le texte aborde des difficultés spécifiques comme la pesanteur, la respiration, et les mouvements du cœur, soulignant que les explications cartésiennes, bien que critiquées, restent mécanistes. Il mentionne l'obliquité de l'écliptique par rapport à l'équateur et les diverses causes possibles de ce phénomène, tout en insistant sur le fait que les causes finales ne peuvent être des causes physiques. Enfin, le texte réfute l'accusation selon laquelle les cartésiens rejettent l'argument de la forme artificielle des choses pour prouver l'existence de Dieu. Il affirme que la philosophie cartésienne donne des idées sublimes de la sagesse divine et constitue un argument fort contre l'athéisme. Le texte conclut en dénonçant les accusations frivoles et mal fondées contre le cartésianisme.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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100
p. 1889-1892
DISCOURS prononcé par M. l'Evêque Duc de Laon, dans son Eglise Cathedrale, pour la Benediction des Etendarts du Régiment de LA CORNETTE BLANCHE, au mois d'Août 1733.
Début :
Per turmas, signa atque vexilla, Castrametabuntum Filii Israel, per gyrum Tabernaculi Foederis. [...]
Mots clefs :
Dieu, Gloire, Seigneur, Armées, Victoire, Turenne, Bénédiction, Régiment
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DISCOURS prononcé par M. l'Evêque Duc de Laon, dans son Eglise Cathedrale, pour la Benediction des Etendarts du Régiment de LA CORNETTE BLANCHE, au mois d'Août 1733.
DISCOURS prononcé par M. PEvêque
Duc de Laon , dans son Eglise
Cathedrale , pour la Benediction des
Etendarts du Régiment de LA CORNETTE
BLANCHE , au mois d'Août
1733.
Per turmas , signa atque vexilla, Castrametabun
tum Filii Israel . per gyrum Tabernaculı Foederis.
Num 2.
I
de
plus
L n'est rien , MESSIEURS ,
gréable gré ble au Seigneur que les hommages
des Guerriers. Mettre au pied de ses
Autels des Erendirts , c'est le reconnoître
pour le Dieu des Combats , le Dieu
des Triomphes et de la Victoire ; c'est lui
donner le titre sublime de Dieu des Armées
, qu'il prend lui- même si souvent
dans les Saintes Ecritures : Dominus Deus
exercituum.
Avec quelle complaisance ne jette til
donc pas les yeux sur cette auguste Céré
monie , sur cette Pompe brillante , avec
laquelle vous venez révérer dans son
Temple sa Grandeur et sa Puissance.
Oi , MESSIEURS , c'est parce que vous
l'avez toujours reconnu comme l'arbitre
suprême de votre destinée et l'unique
source du véritable héroisme , qu'il a ré--
Ivi panda vj
1890 MERCURE DE FRANCE
pandu tant de Gloire sur votre Illustre
Corps , et qu'il lui a donné de si fréquens
et de si heureux succès .
>
Il est vrai que tout a concouru à
vous les procurer , ces succès éclatans
conduits autrefois par M. de Turenne
c'est-à dire , par un Héros dont les rares
qualitez égaloient la haute Naissance ; et
commandez aujourd'hui par un Seigneur
du même Sang et de la même valeur
, il n'est pas surprenant que la Victoire
vous ait fuivi par tout, et que dans
le temps même de la Paix , la Gloire ne
Vous ait pas abandonné . Que vous ayez
fait tant de prodiges en Allemagne et en
Italie ; que M. de Turenne se soit crû invincible
à la tête de votre Régialent; que
Messieurs deCatinat et deVilleroy l'ayent
comblé d'Eloges; qu'à Luzara et à Calciil
ait ravi d'admiration M. le Duc
de Vendôme ; que vous soyez devenus ,
pour ainsi dire , sa Troupe favorie
qu'au lieu de prendre dans l'Infanterie
selon l'usage ordinaire , une Garde pour
sa Personne , il n'en ait pas voulu d'autre
que des Cavaliers si braves et si vigilans.
nato ,
et
3
Mais l'on peut dire aussi que sans le
secours du Tres- Haut , ces grands Capitaines
n'auroient pû inspirer à leurs Trou
pes de si glorieux sentimens.
A O UST. 1733. 1891
Oui , je le répéte , si vous avez été jusqu'ici
la terreur des Ennemis par votre
bravoure ,et si vous êtes aujourd'hui l'ornement
de l'Etat par votre Naissance et
vorre Probité , c'est qu'autrefois , comme
aujourd'hui , vous avez offert à Dieu vos
Armes avant les Batailles , et vos Trophées
après vos Victoires. Cette succession
de courage qu'on admire dans votre
invincible Légion , et qui a fourni aux
Armées du Roy des Généraux si distinguez
, n'est autre chose que la récompense
d'une si constante vertu .
Venez donc , Illustres Guerriers , consacrer
encore au Seigneur les préparatifs
de vos nouveaux Combats : Venez vous
dévouer vous - mêmes à la défenfe des
Autels de votre Dieu , de l'autorité de
votre Roy et de la sûreté de votre Patrie .
Semblables à cette Colomne de feu qui
brille sur vos Etendarts , continuez de
montrer aux autres le chemin de la Gloire
, et de leur apprendre, par votre exemple
, qu'il n'y a pas de valeur plus parfaite
que celle qui est soutenue par l'esprit.
de Religion .
Tel est . MESSIEURS , la grande , mais la
juste idée que vous laissez de vous dans
une Contrée qui ne vous perd qu'avec un
regret infini , et qui édifiée de la sagesse
de
1892 MERCURE DE FRANCE
de votre conduite , ne ces era de la proposer
pour modele à ceux qui vous y succederont.
Plaise au Ciel d'exaucer les voeux que je
fais pour une si noble Portion de nos Armées
, et après vous avoir accordé mille
Triomphes sur la terre , vous couronner
ensuite d'une gloire qui ne passera jamais.
Duc de Laon , dans son Eglise
Cathedrale , pour la Benediction des
Etendarts du Régiment de LA CORNETTE
BLANCHE , au mois d'Août
1733.
Per turmas , signa atque vexilla, Castrametabun
tum Filii Israel . per gyrum Tabernaculı Foederis.
Num 2.
I
de
plus
L n'est rien , MESSIEURS ,
gréable gré ble au Seigneur que les hommages
des Guerriers. Mettre au pied de ses
Autels des Erendirts , c'est le reconnoître
pour le Dieu des Combats , le Dieu
des Triomphes et de la Victoire ; c'est lui
donner le titre sublime de Dieu des Armées
, qu'il prend lui- même si souvent
dans les Saintes Ecritures : Dominus Deus
exercituum.
Avec quelle complaisance ne jette til
donc pas les yeux sur cette auguste Céré
monie , sur cette Pompe brillante , avec
laquelle vous venez révérer dans son
Temple sa Grandeur et sa Puissance.
Oi , MESSIEURS , c'est parce que vous
l'avez toujours reconnu comme l'arbitre
suprême de votre destinée et l'unique
source du véritable héroisme , qu'il a ré--
Ivi panda vj
1890 MERCURE DE FRANCE
pandu tant de Gloire sur votre Illustre
Corps , et qu'il lui a donné de si fréquens
et de si heureux succès .
>
Il est vrai que tout a concouru à
vous les procurer , ces succès éclatans
conduits autrefois par M. de Turenne
c'est-à dire , par un Héros dont les rares
qualitez égaloient la haute Naissance ; et
commandez aujourd'hui par un Seigneur
du même Sang et de la même valeur
, il n'est pas surprenant que la Victoire
vous ait fuivi par tout, et que dans
le temps même de la Paix , la Gloire ne
Vous ait pas abandonné . Que vous ayez
fait tant de prodiges en Allemagne et en
Italie ; que M. de Turenne se soit crû invincible
à la tête de votre Régialent; que
Messieurs deCatinat et deVilleroy l'ayent
comblé d'Eloges; qu'à Luzara et à Calciil
ait ravi d'admiration M. le Duc
de Vendôme ; que vous soyez devenus ,
pour ainsi dire , sa Troupe favorie
qu'au lieu de prendre dans l'Infanterie
selon l'usage ordinaire , une Garde pour
sa Personne , il n'en ait pas voulu d'autre
que des Cavaliers si braves et si vigilans.
nato ,
et
3
Mais l'on peut dire aussi que sans le
secours du Tres- Haut , ces grands Capitaines
n'auroient pû inspirer à leurs Trou
pes de si glorieux sentimens.
A O UST. 1733. 1891
Oui , je le répéte , si vous avez été jusqu'ici
la terreur des Ennemis par votre
bravoure ,et si vous êtes aujourd'hui l'ornement
de l'Etat par votre Naissance et
vorre Probité , c'est qu'autrefois , comme
aujourd'hui , vous avez offert à Dieu vos
Armes avant les Batailles , et vos Trophées
après vos Victoires. Cette succession
de courage qu'on admire dans votre
invincible Légion , et qui a fourni aux
Armées du Roy des Généraux si distinguez
, n'est autre chose que la récompense
d'une si constante vertu .
Venez donc , Illustres Guerriers , consacrer
encore au Seigneur les préparatifs
de vos nouveaux Combats : Venez vous
dévouer vous - mêmes à la défenfe des
Autels de votre Dieu , de l'autorité de
votre Roy et de la sûreté de votre Patrie .
Semblables à cette Colomne de feu qui
brille sur vos Etendarts , continuez de
montrer aux autres le chemin de la Gloire
, et de leur apprendre, par votre exemple
, qu'il n'y a pas de valeur plus parfaite
que celle qui est soutenue par l'esprit.
de Religion .
Tel est . MESSIEURS , la grande , mais la
juste idée que vous laissez de vous dans
une Contrée qui ne vous perd qu'avec un
regret infini , et qui édifiée de la sagesse
de
1892 MERCURE DE FRANCE
de votre conduite , ne ces era de la proposer
pour modele à ceux qui vous y succederont.
Plaise au Ciel d'exaucer les voeux que je
fais pour une si noble Portion de nos Armées
, et après vous avoir accordé mille
Triomphes sur la terre , vous couronner
ensuite d'une gloire qui ne passera jamais.
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Résumé : DISCOURS prononcé par M. l'Evêque Duc de Laon, dans son Eglise Cathedrale, pour la Benediction des Etendarts du Régiment de LA CORNETTE BLANCHE, au mois d'Août 1733.
En août 1733, dans la cathédrale de Laon, l'évêque Duc de Laon bénit les étendards du Régiment de La Cornette Blanche. Il exprime sa gratitude envers Dieu, le qualifiant de 'Dieu des Combats, des Triomphes et de la Victoire'. L'orateur célèbre les succès militaires du régiment, autrefois dirigé par M. de Turenne et aujourd'hui par un seigneur de même lignée. Il mentionne les éloges reçus de généraux comme Messieurs de Catinat et de Villeroi. Les victoires sont attribuées aux talents des capitaines et au soutien divin. L'évêque encourage les soldats à continuer de consacrer leurs armes et trophées à Dieu, à défendre les autels, l'autorité du roi et la sûreté de la patrie. Le discours se conclut par un vœu pour que le régiment continue de briller par sa valeur et sa piété, servant de modèle aux générations futures.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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