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1
p. 623-626
IMITATION De l'Ode d'Horace, qui commence : Mercuri, nam te docilis magistro, &c.
Début :
Mercure, inspire-moi ; docile à tes maximes, [...]
Mots clefs :
Horace, Mercure, Époux, Monstres, Dessein
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texteReconnaissance textuelle : IMITATION De l'Ode d'Horace, qui commence : Mercuri, nam te docilis magistro, &c.
IMITATION
"
De l'Ode d'Horace , qui commences
Mercuri , nam te docilis magistro , &c.
M
Ercure , inspire-moi , docile à tes
maximes ,
Amphion ton Eleve eut jadis le
pouvoir
D'exciter par ses Chants , harmonieux, sublimes,
Les Rochers même à se mouvoir.
A ij
By
624 MERCURE DE FRANCE
Et toi , Lyre autrefois triste et presque muette ,
Mais dont on admira le charme séduisant ,
Aussi-tôt que ce Dieu , pour te rendre parfaite ,
De sept Cordes t'eut fait présent.
柒
Toi qui combles les coeurs d'un plaisir indicible,
A la Table des Grands , dans les Temples des
Dieux ,
Puisse la fiere Lyde être aujourd'hui sensible
A tes accords mélodieux .
Tu peux par leur douceur entraîner à ta suite
Les Monts et les Forêts , les Tygres et les Ours ;
Des Fleuves , des Ruisseaux les plus prompts dans
leur fuite ,
Tu sçais l'art d'enchaîner le cours.
M
Muni de trois gosiers , écumant de colere ,
Garde affreux d'un séjour aux Vivans interdit
Herissé de Serpens , le terrible Cerbere
A tes sons flateurs se rendit.
Ixion , Tityus , que leurs appas touche rent ,
Tressaillirent de joye au milieu des tourmens ,
Et des Brus d'Egyptus les Urnes se secherent ,
Immobiles quelques momens.
Qu'au
AVRIL. 1734 625
Qu'aujourd'hui Lyde écoute et leur crime perfide ,
Et la juste rigueur du châtiment divin
Qui les force à remplir un tonneau toujours
vuide ,
Et rend leur travail toujours vain.
Ces Monstres (que peut - on oser de plus atroce?)
Ces Monstres que le Ciel poursuit jusqu'aux Enfers
,
Oserent , ô noirceur ! ô cruauté féroce !
Perdre leurs Maris par le fer.
Pour conserver le sien , une entre autres insigne,
Trahissant noblement le dessein paternel ,
Du flambeau nuptial scule se montra digne ,
Et rendit son nom éternel.
諾
"Leve-toi , cher Epoux , d'un long sommeil ,
dit - elle ,
» Hâte- toi , malheureux , d'éviter les horreurs ,
Leve toi , trompe ainsi ton beau - pere infidele,
» Trompe ainsi mes barbares Soeurs .
» Hélas ! telles qu'on voit des Lionnes farouches
Déchirer les Agneaux dans leur ardent courroux
,
A iij >> Telles
626 MERCURE DE FRANCE
» Telles en ce moment elles soüillent leurs couches
ni
» Du sang de leurs jeunes Epoux.
» Ah ! je suis plus humaine , et j'ai trop de tendresse
,
-50
Pour pouvoir me résoudre à te percer le sein ;
Qui ! moi , trancher tes jours ! si j'en fis la
promesse ,
Je n'en eus jamais le dessein .
» Cher Epoux , que mon Pere en me chargeant
de chaînes ,
» Me punisse demain de t'avoir épargné :
" Qu'il m'éxile , s'il veut, dans les arides Plaines,
» Du climat le plus éloigné .
dérobe ta vie ,
Et par terre et par mer va ,
→ Á l'inhumanité d'un attentat affreux ;
La nuit te favorise et Venus t'y convie :
Va , fui sous un auspice heureux . "3
Adieu . Mais daigne au moins conserver la mémoire
,
De ma tendre pitié, de ma constante foi;
Daigne sur mon tombeau graver un jour l'histoire
,
).
De ce qu'ici je fais pour toi.
F. M , F.
"
De l'Ode d'Horace , qui commences
Mercuri , nam te docilis magistro , &c.
M
Ercure , inspire-moi , docile à tes
maximes ,
Amphion ton Eleve eut jadis le
pouvoir
D'exciter par ses Chants , harmonieux, sublimes,
Les Rochers même à se mouvoir.
A ij
By
624 MERCURE DE FRANCE
Et toi , Lyre autrefois triste et presque muette ,
Mais dont on admira le charme séduisant ,
Aussi-tôt que ce Dieu , pour te rendre parfaite ,
De sept Cordes t'eut fait présent.
柒
Toi qui combles les coeurs d'un plaisir indicible,
A la Table des Grands , dans les Temples des
Dieux ,
Puisse la fiere Lyde être aujourd'hui sensible
A tes accords mélodieux .
Tu peux par leur douceur entraîner à ta suite
Les Monts et les Forêts , les Tygres et les Ours ;
Des Fleuves , des Ruisseaux les plus prompts dans
leur fuite ,
Tu sçais l'art d'enchaîner le cours.
M
Muni de trois gosiers , écumant de colere ,
Garde affreux d'un séjour aux Vivans interdit
Herissé de Serpens , le terrible Cerbere
A tes sons flateurs se rendit.
Ixion , Tityus , que leurs appas touche rent ,
Tressaillirent de joye au milieu des tourmens ,
Et des Brus d'Egyptus les Urnes se secherent ,
Immobiles quelques momens.
Qu'au
AVRIL. 1734 625
Qu'aujourd'hui Lyde écoute et leur crime perfide ,
Et la juste rigueur du châtiment divin
Qui les force à remplir un tonneau toujours
vuide ,
Et rend leur travail toujours vain.
Ces Monstres (que peut - on oser de plus atroce?)
Ces Monstres que le Ciel poursuit jusqu'aux Enfers
,
Oserent , ô noirceur ! ô cruauté féroce !
Perdre leurs Maris par le fer.
Pour conserver le sien , une entre autres insigne,
Trahissant noblement le dessein paternel ,
Du flambeau nuptial scule se montra digne ,
Et rendit son nom éternel.
諾
"Leve-toi , cher Epoux , d'un long sommeil ,
dit - elle ,
» Hâte- toi , malheureux , d'éviter les horreurs ,
Leve toi , trompe ainsi ton beau - pere infidele,
» Trompe ainsi mes barbares Soeurs .
» Hélas ! telles qu'on voit des Lionnes farouches
Déchirer les Agneaux dans leur ardent courroux
,
A iij >> Telles
626 MERCURE DE FRANCE
» Telles en ce moment elles soüillent leurs couches
ni
» Du sang de leurs jeunes Epoux.
» Ah ! je suis plus humaine , et j'ai trop de tendresse
,
-50
Pour pouvoir me résoudre à te percer le sein ;
Qui ! moi , trancher tes jours ! si j'en fis la
promesse ,
Je n'en eus jamais le dessein .
» Cher Epoux , que mon Pere en me chargeant
de chaînes ,
» Me punisse demain de t'avoir épargné :
" Qu'il m'éxile , s'il veut, dans les arides Plaines,
» Du climat le plus éloigné .
dérobe ta vie ,
Et par terre et par mer va ,
→ Á l'inhumanité d'un attentat affreux ;
La nuit te favorise et Venus t'y convie :
Va , fui sous un auspice heureux . "3
Adieu . Mais daigne au moins conserver la mémoire
,
De ma tendre pitié, de ma constante foi;
Daigne sur mon tombeau graver un jour l'histoire
,
).
De ce qu'ici je fais pour toi.
F. M , F.
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Résumé : IMITATION De l'Ode d'Horace, qui commence : Mercuri, nam te docilis magistro, &c.
Le texte est une imitation de l'Ode d'Horace dédiée à Mercure, le dieu des arts et des voyageurs. Le poète sollicite l'inspiration de Mercure, évoquant Amphion, élève de Mercure, qui déplaçait les rochers par ses chants. Mercure a perfectionné la lyre en lui ajoutant sept cordes. Le poète souhaite que Lyde, une femme fière, soit sensible aux accords de la lyre. Cette lyre est décrite comme capable de déplacer les montagnes, les forêts, et même d'apaiser des créatures féroces comme les tigres et les ours. Elle ralentit le cours des fleuves et a apaisé Cerbère, le chien des Enfers, ainsi que des figures mythologiques telles qu'Ixion et Tityus. Le texte mentionne aussi les Danaïdes, condamnées à remplir un tonneau percé. Le poème se concentre ensuite sur Lyde, qui écoute les histoires de monstres ayant tué leurs maris. Une femme trahit le dessein paternel pour sauver son époux, préférant être punie par son père. Elle supplie son mari de fuir les horreurs et l'inhumanité de ses sœurs, lui demandant de se souvenir de sa tendresse et de graver cette histoire sur son tombeau.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 627-640
SUITE de la Lettre de M. D. B. contenant l'Analyse de la Dissertation sur la circulation de la Séve dans les Plantes.
Début :
Dans le 12. Article pag. 57. M. de la Baïsse tâche de montrer qu'il résulte [...]
Mots clefs :
Air, Circulation de la sève dans les plantes, Sève, M. de la Baïsse, Plante, Plantes, Moelle, Animaux, Bois, Animaux, Poumons, Arbres, Suc, Eau, Action
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texteReconnaissance textuelle : SUITE de la Lettre de M. D. B. contenant l'Analyse de la Dissertation sur la circulation de la Séve dans les Plantes.
SUIT E de la Lettre de M. D. B. contenant
l'Analyse de la Dissertation sur la
circulation de la Séve dans les Plantes.
D
Ans le 12. Article pag. 57. M. de la
Baïsse tâche de montrer qu'il résuite
principalement de ses observations
et de ses expériences que l'analogie qu'on
avoit d'abord soupçonnée entre la maniere
de végeter des Plantes et celle des animaux
est beaucoup plus grande encore
qu'on ne se l'étoit imaginé: voici un échantillon
des vûës de ce Physicien sur cètte
matiere.
>
Le suc terrestre entre dans les filets de
la racine par les pores peu serrez de l'écor
ce comme par autant de bouches; il y reçoit
une premiere digestion semblable à celle
que la nourriture de l'animal reçoit par
la mastication ; des bouches de l'écorce
le suc passe dans les fibres ligneuses de la
racine , qui comme autant d'oesophages
servent de canaux à porter la nourriture
au principal estomach de la Plante , scitué
au noeud ou insertion de la tige , avec la
racine suivant l'observation de M. de
la Baïsse , les fibres ligneuses repliées circulairement
à cet endroit
.>
tourmentent le
A iiij
suc
628 MERCURE DE FRANCE
suc qu'elles contiennent et lui donnent
une deuxième façon assez semblable à
celle que reçoit la nourriture dans l'estomach
: de plus les liqueurs qui s'y jettent
doivent y causer des fermentations , et le
bassin situé au milieu de ce noeud peut
par les dilatationsdu liquide qu'il contient ,
causer des pressions ou mouvemens vermiculaires
dans cette espece d'estomuch , qui.
ne représenteroient pas mal le mouvement
peristaltique de cet intestin dans les animaux.
Toutes les articulations des branches
avec les tiges sont des nauds et doivent
être regardées comme autant de
moindres estomachs , dont la structure et
les fonctions sont précisement les mêmes.
Les duretez pierreuses nommées nauds
sont analogues aux pierres qui se forment
souvent dans les visceres des animaux .
De l'estomach des animaux la nourriture
plus qu'à moitié digerée , passe dans les
boyaux où le discernement acheve de se
faire du noeud de la tige , le suc passé
dans les fibres de la portion ligneuse , où
s'acheve la digestion . M. de la Baïsse a eu
grand soin de faire observer qu'entre ces
canaux ligneux des Plantes et les boyaux
des animaux il se trouve des differences
remarquables ; car les entrailles de l'animal
sont repliées sans division et n'ont
qu'une
AVRIL 1734. 629
qu'une voye par où elles se déchargent ,
au lieu que celles des Plantes se divisent
en plusieurs branches , et se terminent
en une infinité d'orifices imperceptibles
par où se vuident leurs excremens . Ces excremens,
suivant cet Auteur,dans quelques
Plantes sont aisez à distinguer ; dans les
ficoides , par exemple , ce sont les perles
qui les couvrent de tout côté ,
la poussiere
ou fleur qui se trouve sur les fruits
et les feuilles de plusieurs Arbres sont
aussi des excremens de même que la
manne et le Lodanum .
Des boyaux de l'animal , le suc nourricier
se serre en passant dans les veines
lactées pour êe conduit de-là dans des
reservoirs particuliers , et ensuite dans la
masse du sang. Des fibres ligneuses ,
le
suc le mieux digeré se filtre dans les feuilles
et les fleurs de plusieurs Plantes , passe
ensuite par des canaux collateraux dans
les utricules voisins et delà dans la masse
des liquides .
» Jusques- là , s'écrie avec enthousiasme
» M. de la Baïsse ; j'ai suivi ou plutôt j'ai
» vû de mes yeux le cours du suc nour-
» ricier des Plantes , j'ai même mis tout le
>> monde en état de voir comme moi à quel
» point se res emble l'animal et la Plante
» dans les premieres préparations de ce
A v » Suc,
630 MERCURE DE FRANCE
» suc ; mais puisque les yeux ont conduit
» si loin cette analogie , n'a t'on pas droit
» de conclure qu'elle ne se dément point
» dans toute la suite des distributions se-
» condaires des liquides : Cette seule raison
» pourroit suffire pour conclure que la
» séve digerée et portée hors des premiers
» canaux doit circuler dans la Plante
» comme le chile porté dans le sang , et
» transformé en ce liquide , circule dans
» l'animal ; cependant je crois, avoir assez ·
» bien prouvé indépendamment de cette
>> raison l'existance d'un suc descendant
» dans les Plantes et la communication
» de celui qu'on y voit monter . » C'est .
ainsi que finit M. de la Baïsse en s'applaudissant
de ses grandes découvertes
malgré la difficulté de la matiere.
Art. 13. pag. 62. Il ajoute cépendant
encore à sa dissertation un treizième article,
dans lequel il renferme quelques petites
échapées d'imagination pour le dédommager
d'un travail plus rude qu'on ne pense. La
nourriture terrestre des Plantes est mêlée,
selon lui,de plusieurs principes héteroge
nes. L'eau en est le premier vehicule ,
elle ramollit la semence et met les sels en
action , les sels entraînent après . eux les
parties oleogineuses qui enveloppent dans
leurs branchages quantité de parties terrest
res
AVRIL 1734 . 631
restres , tout cela se mêle dans la Plante
et y reçoit par les fermentations et filtrations
différentes les façons nécessaires
pour devenir un suc loüable. M. de la
Baïsse dit qu'il ne borne pas là ses conjectures
, toutes ces parties héterogenes ne
seront après tout qu'à la nutrition de la
Plante , et la nutrition dans les Plantes
comme dans la végetation de l'animal , ne
fait qu'une partie moins nécessaire que ne
l'est la respiration ; en effer , qu'est- ce
qu'une Plante ? C'est une machine dont les
ressorts cachez opérent tous les mouvemens .
que nous , y découvrons ; il faut une force
qui regle ses mouvemens à peu près
و
comme le fait le balancier dans les Montres
et on ne peut trouver cette force
que dans une respiration continue qui
consiste dans un jeu réciproque de l'air
extérieur et de l'air intérieur , et par conséquent
qui produit une double action ,
capable de bander et de débander les
ressorts avec regle et mesure ; ce n'est
jusques là que la vûë generale du sistême,
en voici le détail .
Dans les Plantes l'air entre avec le suc,
et il se sépare de la séve dès son entrée ;
lorsqu'il est une fois débarrassé , il va se
rendre dans les trachées , et les trachées
se terminent à la moëlle , afin d'y attirer
A vj
Pais
632 MERCURE DE FRANCE
l'air non seulement des extrémitez des
racines , mais encore de tout le contour
extérieur du tronc , où elles aboutissent.
Il est bon de remarquer que nous devons
la connoissance de cette merveilleuse
disposition des trachées à M. de la Baïsse.
L'analogie la lui a sans doute fait imaginer
; car il observe que les arbres ont
une ressemblance marquée avec les chenilles
qui respirent par les bouches qu'elles
ont de part et d'autre dans toute la
longueur de leurs flancs .
La moelle paroît à notre Auteur être
destinée aux mêmes usages dans les
Plantes , que les poulmons dans les animaux,
parce que la substance de la moelle
est spongieuse et que les trachées y por
tent l'air dans toutes les cellules comme
la trachée artere dans les poulmons. Le
suc digeré qui du sommet de la Plante se
répand dans la moëlle , y reçoit par son
mélange avec l'air une préparation semblable
à celle que donne dans les poulmons
l'air au sang ; et comme le sang
passe du ventricule droit du coeur dans
les poulmons et des poulmons revient au
ventricule gauche ; de même il aa paru
M. de la Baïsse dans quelques Plantes
dont la moëlle est renfermée entre deux
noeuds , que du noeud supérieur le suc
à
pas
A VRI L. 633 1734.
passoit à la moëlle et de la moëlle au
noeud inférieur ; d'où il a jugé que ces
noeuds sont comme le coeur de la Plante
dont le supérieur fait à quelques égards
la fonction du ventricule droit et l'inférieur
celle du gauche . Je doute qu'on se
fut jamais attendu à une pareille analogie
entre les Plantes et les animaux. Il y a
cependant suivant notre Physicien , une
différence bien remarquable entre la
Plante et l'animal ; car il se forme dans
les Plantes successivement de nouveaux
poulmons et de nouveaux coeurs souvent
aux dépens des anciens qui se détruisent.
Il est vrai qu'on trouve dans certains
animaux des singularitez qui ont quelque
rapport à celle- ci , puisqu'on en connoît
qui poussent de nouveaux membres,
et quelques - uns même qui changent
d'estomach ; mais certe multiplicité de
parties , essentielle dans une même Plante
est admirable ; elle est , dit M. de la
Baïsse , la cause primitive par laquelle les
fragmens des Plantes deviennent si aisément
des Plantes entieres , parce que
chaque Plante peut être regardée comme
un assemblage de plusieurs réunies sculement
par la continuité des canaux.
L'air introduit dans la Plante doit cn
être exhalé , c'est suivant M. de la Baïsse
d'en634
MERCURE DE FRANCE
1
d'entre les nouvelles feuilles qui terminent
les branches , et du milieu des fleurs,
que sort cet air : voici les raisons de sa
conjecture. Les boutons à fleurs ou à
feuilles ne peuvent s'ouvrir que par un
air qui s'insinue entre deux aussi ces
boutons se gonflent avant de s'épanouiir
et par une imitation aveugle de la nature,
lorsqu'on veut faire ouvrir une Rose ,
on souffle dedans pour en faire écarter ies
petales ; ce que nous faisons par dehors
l'arbrisseau le fait par dedans , en y
poussant l'air surabondant qu'il chasse de
ses poulmons. 2 ° . L'épanouissement se
fait selon notre Auteur le matin οι le
soir ; ainsi on ne peut attribuer cet effet
ni à la force du Soleil ni à la chaleur
extérieure. 3 ° . L'odeur qui s'exhale des
boutons nouvellement épanouis , ne peut
venir que d'un air qui sort du corps de
la Plante ; enfin certaines odeurs ne sortent
qué par intervalles et comme par
bouffées , ce qui n'imite pas mal la respiration
alternative des animaux, et qui doit
sans doute provenir d'une semblable cause,
ce qu'il y a de sûr , dit M. de la Baïsse ,
c'est que les Plantes ont un grand besoin
d'air , qu'elles ne peuvent s'en passer ,
qu'il y a une action réciproque entre l'air
extérieur et l'intérieur , et qu'il y a de
l'air
AVRI L. 1734 635
Pair renfermé dans les concavitez de la
Plante , et surtout dans les vessicules de
la moëlle .
,
De la différente action de l'air sur les
Plantes , M. de la Baïsse veut déduire tous
les Phénomenes de la végetation des
Plantes pendant les quatre Saisons de
l'année. Voici ce qu'il dit : pendant l'hyver
les sucs de la terre n'ont aucun mouvement
, l'air intérieur se trouve comprimé
par le froid , les pores de l'écorce
et du bois sont trop resserrés , ils sont de
plus bouchez par les sucs qui s'y sont
figez ; ainsi l'air extérieur ne peut entrer,
l'action des deux airs cesse , l'arbre par
conséquent ne pousse plus et toute son
action est suspendue. Ce sçavant Physicien
a sans doute oublié que c'est pendant
l'hyver que les bourgeons et les racines
poussent ; An.gros de l'Eté les pores
sont trop ouverts , il y a une communi-
Ication trop libre d'un air avec l'autre ,
d'où suit ,selon notre Auteur , équilibre et
inaction . Au Printems par la chaleur du
Soleil l'air intérieur est dilaté , les pores
ne sont pas bien débarrassez des sucs qui
s'y étoient figez . Pendant l'hyver la fraîcheur
de la nuit survient ; elle le resserre
et comprime l'air par dehors , l'air inté-
.rieur n'a pû encore se refroidir . il en fait
done
836 MERCURE DE FRANCE
donc plus d'effort , il se jette de toutes
parts , il pousse les sucs , il perce
l'écorce,
et c'est ainsi que selon M. de la Baïsse,
l'arbre se renouvelle , que les boutons se
développent et que les feuilles se déployent.
A la fin de l'Eté ou au commencement
de l'Automne , la fraîcheur des
nuits opére le même effet dans les arbres,
ce qui produit la deuxième séve dans
cette action et réaction de l'air , comme
aussi dans les vicissitudes de ressort et de
pésanteur du même air consiste toute
l'oeconomie végetable . Aussi M. de la
Baisse dit qu'il a remarqué après M. Duhamel
( Mem . de l'Académie Royale
des Sciences 1729. ) que les Plantes aquatiques
quoique dans l'eau , croissent plus
sensiblement dans les tems de pluye ,
M. de la Baïsse aussi bien que M. Duhamel
auroenit dû nous dire pourquoi on
n'a jamais observé un si grand nombre de
Plantes aquatiques que pendant les années
séches , surtout en 1731 et 1733. Ainsi
que l'a fait remarquer l'illustre M. de
Jussieu l'Aîné,dans un Mémoire qu'il lut
à la derniere rentrée publique de l'Académie
Royale des Sciences.
Sur les principes que nous venons
d'exposer après notre Auteur , il prétend
expliquer aisément plusieurs Phénomenes ,
d'Ag i
}
AVRIL 1734 637
d'Agriculture et de Botanique. 1 ° . On
foüit profondement la terre au pied des
jeunes arbres, on laboure avant que de
semer dans les Jardins il faut souvent
renverser la terre , à quoi bon tous ces
labours. M. de la Baïsse répond * que c'est
pour fournir aux Plantes l'air dont elles
ont besoin ; car la terre en s'affaissant par
son propre poids force l'air à entrer
dans les pores des racines ; et comme cet
air s'épuise, il faut en introduire de nouveau
; c'est précisément ce qu'on fait en
remuant la terre , aussi quand les racines
des arbres sont trop profondes , il est
inutile de labourer , et pour lors l'écorce
gersée ouvre à l'air des passages suffisans .
2º . Dans les vieux arbres il n'y a que
les extrémitez qui végetent , parce que
cesseules parties contiennent de la moëlle ,
et par conséquent sont les seules pourvues
des réservoirs d'air nécessaires à la
* La même chose avoit été avancée par Borelli
de motu animal. part. 2. prop. 181. par M. Astruc
, trait. de motu fermentat . causâ p . 125.
dans le Journal de Trévoux Mars 1722. art. 25. et
M. Attier le jeune , qui rappelle le sentiment de
tous ces Auteurs , admet pour cause de la fertilité
de la terre la matiere étherée . V.la Relat. de l'Assemblée
publique de l'Académie des Sciences et
belles Lettres de Beziers , du Jeudi 12 Avril 1731 .
in 4. P. 2. }
vége638
MERCURE DE FRANCE
végetation . A l'égard.des arbres dont let
tronc est usé et la moëlle cariée , ce sont,
dit notre sçavant Physicien , des pulmoniques
qui ont une partie considérable de
leurs poulmons gâtée , et qui ne laissent
pas que de vivre. 3 ° . Les petites pluyes
servent plus à l'accroissement des Plantes
que les grandes. Jamais avant M. de la
Baïsse on n'en a donné une bonne raison ;
cependant rien ne lui paroît plus consé
quent dans son systême ; car dans les
petites pluyes les goutes d'eau doivent
emmener autour d'elles un tourbillon
d'air proportionné à leur surface 3
et
comme elles font plus de surface, le tourbillon
doit être plus grand , ainsi elles
font insinuer en terre plus d'air. 4 ° . Par
la même raison les Plantes aquatiques ,
selon notre Auteur ,sur tout celles des Eaux
dormantes , profitent beaucoup en tems
de pluye ; car outre l'effet que produisent
les variations de l'air , il faut faire attention
que l'air renfermé dans les eaux des
étangs s'épuise , tant par la consomption
qu'en font les Plantes , que par la chaleur
de la Saison ; ainsi les goutes de pluye
en tombant labourent la surface de l'eau , et
insinuent l'air dans les creux qu'elles.
font. Par - là les Plantes reçoivent un secours
nécessaire à leur respiration épuisée;.
il
AVRIL. 1734. 639
il est bien triste pour un Physicien de
s'être mis l'esprit à la torture , pour enfanter
l'explication d'un fait qui est faux .
5°. Quand on a mis du gros bois au feu
il s'y fait des fentes irrégulieres qui tendent
au centre de l'arbre : ces fentes sont
justement , si on en veut croire M. de la
Baïsse , les routes de l'air extérieur pour
s'insinuer dans l'arbre quand il est sur
pied. Pour qu'un bois brule bien il ne
faut pas qu'il soit privé de cet air , aussi
un bois mort sur pied ne brule pas bien,
parce qu'il se trouve dépourvû d'air.
Un bois flotté ne brule pas mieux, parce
que l'eau en a chassé l'air et les sels . Ap .
paremment dans le Pays de M. de la
Baïsse on ne brule point de bois flotté
car il nous auroit parlé plus juste sur la
qualité de ce bois .6. Il faut tremper dans
l'eau leChêne,leNoyer, et quelques autres
arbres avant de les employer en oeuvre ,
autrement ils se déjettent et ils s'écaillent
lorsque les Ouvriers coupent avec leurs
instrumens tranchans une partie des liens
qui tiennent quelques bulles d'air génées
dans les cellules intérieures du bois. L'eau
où on fait tremper ces bois prévient ecs
inconvéniens en ouvrant des passages à
cet air enfermé. 7 ° . Enfin l'air renfermé
dans la moëlle des Plantes , contribuë à
,
pousser
640 MERCURE DE FRANCE
pousser et à perfectionner les sucs ; delà
vient que dans les Entes , lorsque la
moëlle du sujet communique avec celle
de la greffe , les fruits s'en ressentent presque
toujours. Ainsi une branche d'Oranger
entée en fente sur un pied de Jasmin
qui abonde en moëlle , porte des fleurs
qui tiennent plus de la fleur de Jasmin
que de celle de l'Oranger . Si ce fait avancé
par M. de la Baïsse étoit vrai que
viendroient les recherches de M. Duhamel
sur l'analogie des sujets qu'on doit
greffer avec les greffes.
de-
C'est par cette observation , Monsieur,
que M.de la Baïsse finit une Dissertation
que l'Académie Royale de Bourdeaux
a jugée digne du Prix , et qu'elle a eu la
satisfaction de choisir entre plusieurs
sçavans Ouvrages. J'ai l'honneur d'être
M. &c. D. B. *** à Paris ce 23 Novembre
1733 .
l'Analyse de la Dissertation sur la
circulation de la Séve dans les Plantes.
D
Ans le 12. Article pag. 57. M. de la
Baïsse tâche de montrer qu'il résuite
principalement de ses observations
et de ses expériences que l'analogie qu'on
avoit d'abord soupçonnée entre la maniere
de végeter des Plantes et celle des animaux
est beaucoup plus grande encore
qu'on ne se l'étoit imaginé: voici un échantillon
des vûës de ce Physicien sur cètte
matiere.
>
Le suc terrestre entre dans les filets de
la racine par les pores peu serrez de l'écor
ce comme par autant de bouches; il y reçoit
une premiere digestion semblable à celle
que la nourriture de l'animal reçoit par
la mastication ; des bouches de l'écorce
le suc passe dans les fibres ligneuses de la
racine , qui comme autant d'oesophages
servent de canaux à porter la nourriture
au principal estomach de la Plante , scitué
au noeud ou insertion de la tige , avec la
racine suivant l'observation de M. de
la Baïsse , les fibres ligneuses repliées circulairement
à cet endroit
.>
tourmentent le
A iiij
suc
628 MERCURE DE FRANCE
suc qu'elles contiennent et lui donnent
une deuxième façon assez semblable à
celle que reçoit la nourriture dans l'estomach
: de plus les liqueurs qui s'y jettent
doivent y causer des fermentations , et le
bassin situé au milieu de ce noeud peut
par les dilatationsdu liquide qu'il contient ,
causer des pressions ou mouvemens vermiculaires
dans cette espece d'estomuch , qui.
ne représenteroient pas mal le mouvement
peristaltique de cet intestin dans les animaux.
Toutes les articulations des branches
avec les tiges sont des nauds et doivent
être regardées comme autant de
moindres estomachs , dont la structure et
les fonctions sont précisement les mêmes.
Les duretez pierreuses nommées nauds
sont analogues aux pierres qui se forment
souvent dans les visceres des animaux .
De l'estomach des animaux la nourriture
plus qu'à moitié digerée , passe dans les
boyaux où le discernement acheve de se
faire du noeud de la tige , le suc passé
dans les fibres de la portion ligneuse , où
s'acheve la digestion . M. de la Baïsse a eu
grand soin de faire observer qu'entre ces
canaux ligneux des Plantes et les boyaux
des animaux il se trouve des differences
remarquables ; car les entrailles de l'animal
sont repliées sans division et n'ont
qu'une
AVRIL 1734. 629
qu'une voye par où elles se déchargent ,
au lieu que celles des Plantes se divisent
en plusieurs branches , et se terminent
en une infinité d'orifices imperceptibles
par où se vuident leurs excremens . Ces excremens,
suivant cet Auteur,dans quelques
Plantes sont aisez à distinguer ; dans les
ficoides , par exemple , ce sont les perles
qui les couvrent de tout côté ,
la poussiere
ou fleur qui se trouve sur les fruits
et les feuilles de plusieurs Arbres sont
aussi des excremens de même que la
manne et le Lodanum .
Des boyaux de l'animal , le suc nourricier
se serre en passant dans les veines
lactées pour êe conduit de-là dans des
reservoirs particuliers , et ensuite dans la
masse du sang. Des fibres ligneuses ,
le
suc le mieux digeré se filtre dans les feuilles
et les fleurs de plusieurs Plantes , passe
ensuite par des canaux collateraux dans
les utricules voisins et delà dans la masse
des liquides .
» Jusques- là , s'écrie avec enthousiasme
» M. de la Baïsse ; j'ai suivi ou plutôt j'ai
» vû de mes yeux le cours du suc nour-
» ricier des Plantes , j'ai même mis tout le
>> monde en état de voir comme moi à quel
» point se res emble l'animal et la Plante
» dans les premieres préparations de ce
A v » Suc,
630 MERCURE DE FRANCE
» suc ; mais puisque les yeux ont conduit
» si loin cette analogie , n'a t'on pas droit
» de conclure qu'elle ne se dément point
» dans toute la suite des distributions se-
» condaires des liquides : Cette seule raison
» pourroit suffire pour conclure que la
» séve digerée et portée hors des premiers
» canaux doit circuler dans la Plante
» comme le chile porté dans le sang , et
» transformé en ce liquide , circule dans
» l'animal ; cependant je crois, avoir assez ·
» bien prouvé indépendamment de cette
>> raison l'existance d'un suc descendant
» dans les Plantes et la communication
» de celui qu'on y voit monter . » C'est .
ainsi que finit M. de la Baïsse en s'applaudissant
de ses grandes découvertes
malgré la difficulté de la matiere.
Art. 13. pag. 62. Il ajoute cépendant
encore à sa dissertation un treizième article,
dans lequel il renferme quelques petites
échapées d'imagination pour le dédommager
d'un travail plus rude qu'on ne pense. La
nourriture terrestre des Plantes est mêlée,
selon lui,de plusieurs principes héteroge
nes. L'eau en est le premier vehicule ,
elle ramollit la semence et met les sels en
action , les sels entraînent après . eux les
parties oleogineuses qui enveloppent dans
leurs branchages quantité de parties terrest
res
AVRIL 1734 . 631
restres , tout cela se mêle dans la Plante
et y reçoit par les fermentations et filtrations
différentes les façons nécessaires
pour devenir un suc loüable. M. de la
Baïsse dit qu'il ne borne pas là ses conjectures
, toutes ces parties héterogenes ne
seront après tout qu'à la nutrition de la
Plante , et la nutrition dans les Plantes
comme dans la végetation de l'animal , ne
fait qu'une partie moins nécessaire que ne
l'est la respiration ; en effer , qu'est- ce
qu'une Plante ? C'est une machine dont les
ressorts cachez opérent tous les mouvemens .
que nous , y découvrons ; il faut une force
qui regle ses mouvemens à peu près
و
comme le fait le balancier dans les Montres
et on ne peut trouver cette force
que dans une respiration continue qui
consiste dans un jeu réciproque de l'air
extérieur et de l'air intérieur , et par conséquent
qui produit une double action ,
capable de bander et de débander les
ressorts avec regle et mesure ; ce n'est
jusques là que la vûë generale du sistême,
en voici le détail .
Dans les Plantes l'air entre avec le suc,
et il se sépare de la séve dès son entrée ;
lorsqu'il est une fois débarrassé , il va se
rendre dans les trachées , et les trachées
se terminent à la moëlle , afin d'y attirer
A vj
Pais
632 MERCURE DE FRANCE
l'air non seulement des extrémitez des
racines , mais encore de tout le contour
extérieur du tronc , où elles aboutissent.
Il est bon de remarquer que nous devons
la connoissance de cette merveilleuse
disposition des trachées à M. de la Baïsse.
L'analogie la lui a sans doute fait imaginer
; car il observe que les arbres ont
une ressemblance marquée avec les chenilles
qui respirent par les bouches qu'elles
ont de part et d'autre dans toute la
longueur de leurs flancs .
La moelle paroît à notre Auteur être
destinée aux mêmes usages dans les
Plantes , que les poulmons dans les animaux,
parce que la substance de la moelle
est spongieuse et que les trachées y por
tent l'air dans toutes les cellules comme
la trachée artere dans les poulmons. Le
suc digeré qui du sommet de la Plante se
répand dans la moëlle , y reçoit par son
mélange avec l'air une préparation semblable
à celle que donne dans les poulmons
l'air au sang ; et comme le sang
passe du ventricule droit du coeur dans
les poulmons et des poulmons revient au
ventricule gauche ; de même il aa paru
M. de la Baïsse dans quelques Plantes
dont la moëlle est renfermée entre deux
noeuds , que du noeud supérieur le suc
à
pas
A VRI L. 633 1734.
passoit à la moëlle et de la moëlle au
noeud inférieur ; d'où il a jugé que ces
noeuds sont comme le coeur de la Plante
dont le supérieur fait à quelques égards
la fonction du ventricule droit et l'inférieur
celle du gauche . Je doute qu'on se
fut jamais attendu à une pareille analogie
entre les Plantes et les animaux. Il y a
cependant suivant notre Physicien , une
différence bien remarquable entre la
Plante et l'animal ; car il se forme dans
les Plantes successivement de nouveaux
poulmons et de nouveaux coeurs souvent
aux dépens des anciens qui se détruisent.
Il est vrai qu'on trouve dans certains
animaux des singularitez qui ont quelque
rapport à celle- ci , puisqu'on en connoît
qui poussent de nouveaux membres,
et quelques - uns même qui changent
d'estomach ; mais certe multiplicité de
parties , essentielle dans une même Plante
est admirable ; elle est , dit M. de la
Baïsse , la cause primitive par laquelle les
fragmens des Plantes deviennent si aisément
des Plantes entieres , parce que
chaque Plante peut être regardée comme
un assemblage de plusieurs réunies sculement
par la continuité des canaux.
L'air introduit dans la Plante doit cn
être exhalé , c'est suivant M. de la Baïsse
d'en634
MERCURE DE FRANCE
1
d'entre les nouvelles feuilles qui terminent
les branches , et du milieu des fleurs,
que sort cet air : voici les raisons de sa
conjecture. Les boutons à fleurs ou à
feuilles ne peuvent s'ouvrir que par un
air qui s'insinue entre deux aussi ces
boutons se gonflent avant de s'épanouiir
et par une imitation aveugle de la nature,
lorsqu'on veut faire ouvrir une Rose ,
on souffle dedans pour en faire écarter ies
petales ; ce que nous faisons par dehors
l'arbrisseau le fait par dedans , en y
poussant l'air surabondant qu'il chasse de
ses poulmons. 2 ° . L'épanouissement se
fait selon notre Auteur le matin οι le
soir ; ainsi on ne peut attribuer cet effet
ni à la force du Soleil ni à la chaleur
extérieure. 3 ° . L'odeur qui s'exhale des
boutons nouvellement épanouis , ne peut
venir que d'un air qui sort du corps de
la Plante ; enfin certaines odeurs ne sortent
qué par intervalles et comme par
bouffées , ce qui n'imite pas mal la respiration
alternative des animaux, et qui doit
sans doute provenir d'une semblable cause,
ce qu'il y a de sûr , dit M. de la Baïsse ,
c'est que les Plantes ont un grand besoin
d'air , qu'elles ne peuvent s'en passer ,
qu'il y a une action réciproque entre l'air
extérieur et l'intérieur , et qu'il y a de
l'air
AVRI L. 1734 635
Pair renfermé dans les concavitez de la
Plante , et surtout dans les vessicules de
la moëlle .
,
De la différente action de l'air sur les
Plantes , M. de la Baïsse veut déduire tous
les Phénomenes de la végetation des
Plantes pendant les quatre Saisons de
l'année. Voici ce qu'il dit : pendant l'hyver
les sucs de la terre n'ont aucun mouvement
, l'air intérieur se trouve comprimé
par le froid , les pores de l'écorce
et du bois sont trop resserrés , ils sont de
plus bouchez par les sucs qui s'y sont
figez ; ainsi l'air extérieur ne peut entrer,
l'action des deux airs cesse , l'arbre par
conséquent ne pousse plus et toute son
action est suspendue. Ce sçavant Physicien
a sans doute oublié que c'est pendant
l'hyver que les bourgeons et les racines
poussent ; An.gros de l'Eté les pores
sont trop ouverts , il y a une communi-
Ication trop libre d'un air avec l'autre ,
d'où suit ,selon notre Auteur , équilibre et
inaction . Au Printems par la chaleur du
Soleil l'air intérieur est dilaté , les pores
ne sont pas bien débarrassez des sucs qui
s'y étoient figez . Pendant l'hyver la fraîcheur
de la nuit survient ; elle le resserre
et comprime l'air par dehors , l'air inté-
.rieur n'a pû encore se refroidir . il en fait
done
836 MERCURE DE FRANCE
donc plus d'effort , il se jette de toutes
parts , il pousse les sucs , il perce
l'écorce,
et c'est ainsi que selon M. de la Baïsse,
l'arbre se renouvelle , que les boutons se
développent et que les feuilles se déployent.
A la fin de l'Eté ou au commencement
de l'Automne , la fraîcheur des
nuits opére le même effet dans les arbres,
ce qui produit la deuxième séve dans
cette action et réaction de l'air , comme
aussi dans les vicissitudes de ressort et de
pésanteur du même air consiste toute
l'oeconomie végetable . Aussi M. de la
Baisse dit qu'il a remarqué après M. Duhamel
( Mem . de l'Académie Royale
des Sciences 1729. ) que les Plantes aquatiques
quoique dans l'eau , croissent plus
sensiblement dans les tems de pluye ,
M. de la Baïsse aussi bien que M. Duhamel
auroenit dû nous dire pourquoi on
n'a jamais observé un si grand nombre de
Plantes aquatiques que pendant les années
séches , surtout en 1731 et 1733. Ainsi
que l'a fait remarquer l'illustre M. de
Jussieu l'Aîné,dans un Mémoire qu'il lut
à la derniere rentrée publique de l'Académie
Royale des Sciences.
Sur les principes que nous venons
d'exposer après notre Auteur , il prétend
expliquer aisément plusieurs Phénomenes ,
d'Ag i
}
AVRIL 1734 637
d'Agriculture et de Botanique. 1 ° . On
foüit profondement la terre au pied des
jeunes arbres, on laboure avant que de
semer dans les Jardins il faut souvent
renverser la terre , à quoi bon tous ces
labours. M. de la Baïsse répond * que c'est
pour fournir aux Plantes l'air dont elles
ont besoin ; car la terre en s'affaissant par
son propre poids force l'air à entrer
dans les pores des racines ; et comme cet
air s'épuise, il faut en introduire de nouveau
; c'est précisément ce qu'on fait en
remuant la terre , aussi quand les racines
des arbres sont trop profondes , il est
inutile de labourer , et pour lors l'écorce
gersée ouvre à l'air des passages suffisans .
2º . Dans les vieux arbres il n'y a que
les extrémitez qui végetent , parce que
cesseules parties contiennent de la moëlle ,
et par conséquent sont les seules pourvues
des réservoirs d'air nécessaires à la
* La même chose avoit été avancée par Borelli
de motu animal. part. 2. prop. 181. par M. Astruc
, trait. de motu fermentat . causâ p . 125.
dans le Journal de Trévoux Mars 1722. art. 25. et
M. Attier le jeune , qui rappelle le sentiment de
tous ces Auteurs , admet pour cause de la fertilité
de la terre la matiere étherée . V.la Relat. de l'Assemblée
publique de l'Académie des Sciences et
belles Lettres de Beziers , du Jeudi 12 Avril 1731 .
in 4. P. 2. }
vége638
MERCURE DE FRANCE
végetation . A l'égard.des arbres dont let
tronc est usé et la moëlle cariée , ce sont,
dit notre sçavant Physicien , des pulmoniques
qui ont une partie considérable de
leurs poulmons gâtée , et qui ne laissent
pas que de vivre. 3 ° . Les petites pluyes
servent plus à l'accroissement des Plantes
que les grandes. Jamais avant M. de la
Baïsse on n'en a donné une bonne raison ;
cependant rien ne lui paroît plus consé
quent dans son systême ; car dans les
petites pluyes les goutes d'eau doivent
emmener autour d'elles un tourbillon
d'air proportionné à leur surface 3
et
comme elles font plus de surface, le tourbillon
doit être plus grand , ainsi elles
font insinuer en terre plus d'air. 4 ° . Par
la même raison les Plantes aquatiques ,
selon notre Auteur ,sur tout celles des Eaux
dormantes , profitent beaucoup en tems
de pluye ; car outre l'effet que produisent
les variations de l'air , il faut faire attention
que l'air renfermé dans les eaux des
étangs s'épuise , tant par la consomption
qu'en font les Plantes , que par la chaleur
de la Saison ; ainsi les goutes de pluye
en tombant labourent la surface de l'eau , et
insinuent l'air dans les creux qu'elles.
font. Par - là les Plantes reçoivent un secours
nécessaire à leur respiration épuisée;.
il
AVRIL. 1734. 639
il est bien triste pour un Physicien de
s'être mis l'esprit à la torture , pour enfanter
l'explication d'un fait qui est faux .
5°. Quand on a mis du gros bois au feu
il s'y fait des fentes irrégulieres qui tendent
au centre de l'arbre : ces fentes sont
justement , si on en veut croire M. de la
Baïsse , les routes de l'air extérieur pour
s'insinuer dans l'arbre quand il est sur
pied. Pour qu'un bois brule bien il ne
faut pas qu'il soit privé de cet air , aussi
un bois mort sur pied ne brule pas bien,
parce qu'il se trouve dépourvû d'air.
Un bois flotté ne brule pas mieux, parce
que l'eau en a chassé l'air et les sels . Ap .
paremment dans le Pays de M. de la
Baïsse on ne brule point de bois flotté
car il nous auroit parlé plus juste sur la
qualité de ce bois .6. Il faut tremper dans
l'eau leChêne,leNoyer, et quelques autres
arbres avant de les employer en oeuvre ,
autrement ils se déjettent et ils s'écaillent
lorsque les Ouvriers coupent avec leurs
instrumens tranchans une partie des liens
qui tiennent quelques bulles d'air génées
dans les cellules intérieures du bois. L'eau
où on fait tremper ces bois prévient ecs
inconvéniens en ouvrant des passages à
cet air enfermé. 7 ° . Enfin l'air renfermé
dans la moëlle des Plantes , contribuë à
,
pousser
640 MERCURE DE FRANCE
pousser et à perfectionner les sucs ; delà
vient que dans les Entes , lorsque la
moëlle du sujet communique avec celle
de la greffe , les fruits s'en ressentent presque
toujours. Ainsi une branche d'Oranger
entée en fente sur un pied de Jasmin
qui abonde en moëlle , porte des fleurs
qui tiennent plus de la fleur de Jasmin
que de celle de l'Oranger . Si ce fait avancé
par M. de la Baïsse étoit vrai que
viendroient les recherches de M. Duhamel
sur l'analogie des sujets qu'on doit
greffer avec les greffes.
de-
C'est par cette observation , Monsieur,
que M.de la Baïsse finit une Dissertation
que l'Académie Royale de Bourdeaux
a jugée digne du Prix , et qu'elle a eu la
satisfaction de choisir entre plusieurs
sçavans Ouvrages. J'ai l'honneur d'être
M. &c. D. B. *** à Paris ce 23 Novembre
1733 .
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Résumé : SUITE de la Lettre de M. D. B. contenant l'Analyse de la Dissertation sur la circulation de la Séve dans les Plantes.
Le texte présente les observations de M. de la Baïsse sur la circulation de la sève dans les plantes, en établissant une analogie avec la physiologie animale. Selon M. de la Baïsse, le suc terrestre pénètre dans les racines par les pores de l'écorce, subissant une première digestion similaire à la mastication animale. Ce suc passe ensuite dans les fibres ligneuses de la racine, agissant comme des œsophages, pour atteindre l'estomac principal de la plante situé au nœud de la tige. À cet endroit, les fibres ligneuses repliées tourmentent le suc, lui donnant une deuxième digestion comparable à celle de l'estomac animal. Les liqueurs ajoutées causent des fermentations, et le bassin situé au milieu du nœud peut provoquer des mouvements vermiculaires similaires au péristaltisme intestinal. Les articulations des branches avec les tiges sont également des nœuds, fonctionnant comme des estomacs plus petits. Les duretés pierreuses nommées nœuds sont analogues aux pierres formées dans les viscères des animaux. Après digestion, le suc passe dans les fibres de la portion ligneuse où la digestion s'achève. Contrairement aux entrailles animales, les canaux ligneux des plantes se divisent en plusieurs branches et se terminent par des orifices imperceptibles pour évacuer les excréments. M. de la Baïsse observe que le suc nourricier des plantes, une fois digéré, se filtre dans les feuilles et les fleurs, passant ensuite par des canaux collatéraux dans les utricules voisins et la masse des liquides. Il conclut que la sève digérée circule dans la plante de manière similaire au chyle dans le sang animal. Il ajoute que la nutrition des plantes, comme celle des animaux, est moins nécessaire que la respiration. Les plantes sont des machines dont les mouvements sont régulés par une force similaire à celle d'un balancier, nécessitant une respiration continue. L'air entre avec le suc dans la plante et se sépare dès son entrée, se rendant dans les trachées qui aboutissent à la moelle. La moelle, spongieuse, semble jouer le rôle des poumons chez les animaux. Le suc digéré se mélange avec l'air dans la moelle, recevant une préparation similaire à celle du sang dans les poumons. M. de la Baïsse observe que certains nœuds de la plante fonctionnent comme le cœur, avec un nœud supérieur et un nœud inférieur jouant respectivement les rôles des ventricules droit et gauche. Les plantes exhalent l'air par les nouvelles feuilles et les fleurs, imitant la respiration alternative des animaux. L'action réciproque entre l'air extérieur et intérieur est essentielle pour la végétation des plantes. M. de la Baïsse explique les phénomènes de la végétation des plantes selon les saisons en fonction de la compression et de la dilatation de l'air intérieur et extérieur. Il conclut que les labours et le remuage de la terre fournissent aux plantes l'air nécessaire à leur croissance.
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3
p. 640-643
TANTALE. Cantate à mettre en Musique.
Début :
Quel honneur éclatant ! quelle gloire immortelle ! [...]
Mots clefs :
Tantale, Crime, Dieux, Sang, Roi, Nature, Horreur
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texteReconnaissance textuelle : TANTALE. Cantate à mettre en Musique.
TANTA L, E.
Cantate à mettre en Musique.
Uel honneur éclatant ! quelle gloire immortelle
!
Tantale voit les Dieux assemblez dans sa cour :
Et
AVRIL. 641 1734.
Et du grand Jupiter la bonté paternelle ,
Pour lui parle seule en ce jour.
Mais,ô Ciel ! quel forfait ! tremble Roy temé
raire ?
La Nature en ton coeur vient - elle de se taire s
Dans le sang de ton Fils pourquoi te baignes - tu ?
Dieux ! sous cent mets divers vous offrant sa
victime ,
- Il veut voir si vos yeux reconnoissent le crime
masque de la Vertu. Sous le
Déja de sang , et de
carnage ,
Fume le céleste Banquet.
Tout frémit d'horreur , et de
Le crime seul est satisfait .
rage ,
Un Monstre à l'immortelle Troupe
Ose présenter pour Boisson ,
Dans une abominable Coupe ,
Du fiel du sang et du poison;
Mais Jupiter lance la Foudre ,*
Le Banquet se change en Autel.
L'Encens brule , tout est en poudre ,
Il va juger le Criminel.
Le Souverain des Cieux , pour son Fils sacrilége
,
Şent naître dans son coeur la haine et le couroux
;
V ictime de ton propre piège
Barbare, entends ( dit-il) l'arrêt d'un Dieu jaloux.
,
Que ce Roy criminel aille au fond du Tartare
Expier ses forfaits par de nouveaux tourmens ;
Plus un crime est affreux et rare,
Plus il doit recevoir d'inouïs châtimens.
Que la Faim, que la soif au sein de l'abondance,
v Le dévorentd'intelligence,
Ainsi que deux cruels Vautours ;
Qu'il espére sans cesse, et qu'il souffre toujours
Il dit, l'Olimpe entier frémit de son martyre,
Mercure le conduitauténébreux Empire.
Et la Deésse Ailée apprend à l'Univers
Que qui ne craint les Dieux
,
doit craindre lefi
Enfers.
Némesis,Mégère,
Minos, et Cerbére
,
A ce Roy cruel
,
-
Font par les Harpies,
Près des Rois impies
Dresser un Autel.
Tout l'Enfer contemple
Ce nouvel exemple,
De crime et d'horreur j
Et du sein des flames, u
Il entend les ames
Blâmer sa fureur.
Entouré d'une eau vive et pure,
Que n'endurcit jamais la rigueur des Hyvers;
Et qu'un Arbre charmant qu'ignore la Nature,
Couvre sans se lasser de millefruits divers,
Tantale tourmemé par un double supplice,
Ne peut rendre à ses voeux l'Eau, ni l'Arbre
propice;
Tout se refuse à ses douleurs.
Mais quel surcroît de maux ! de lui-même victime
,
Les pleurs que les remords arrachent à son crime
Augmentent encor ses malheurs.
C'est envain qu'aux yeux de la Terre,
Nous pouvons cacher nos forfaits;
Si ceux du séjour du Tonnere
Découvrent jusqu'à nos projets.
Périsse, qui s'ose promettre
De tromper la Divinité,
Ah! peut-elle ignorer un Etre,
Qui sans elle n'eut point été.
C'est envain.
Far M. de S. R.
Cantate à mettre en Musique.
Uel honneur éclatant ! quelle gloire immortelle
!
Tantale voit les Dieux assemblez dans sa cour :
Et
AVRIL. 641 1734.
Et du grand Jupiter la bonté paternelle ,
Pour lui parle seule en ce jour.
Mais,ô Ciel ! quel forfait ! tremble Roy temé
raire ?
La Nature en ton coeur vient - elle de se taire s
Dans le sang de ton Fils pourquoi te baignes - tu ?
Dieux ! sous cent mets divers vous offrant sa
victime ,
- Il veut voir si vos yeux reconnoissent le crime
masque de la Vertu. Sous le
Déja de sang , et de
carnage ,
Fume le céleste Banquet.
Tout frémit d'horreur , et de
Le crime seul est satisfait .
rage ,
Un Monstre à l'immortelle Troupe
Ose présenter pour Boisson ,
Dans une abominable Coupe ,
Du fiel du sang et du poison;
Mais Jupiter lance la Foudre ,*
Le Banquet se change en Autel.
L'Encens brule , tout est en poudre ,
Il va juger le Criminel.
Le Souverain des Cieux , pour son Fils sacrilége
,
Şent naître dans son coeur la haine et le couroux
;
V ictime de ton propre piège
Barbare, entends ( dit-il) l'arrêt d'un Dieu jaloux.
,
Que ce Roy criminel aille au fond du Tartare
Expier ses forfaits par de nouveaux tourmens ;
Plus un crime est affreux et rare,
Plus il doit recevoir d'inouïs châtimens.
Que la Faim, que la soif au sein de l'abondance,
v Le dévorentd'intelligence,
Ainsi que deux cruels Vautours ;
Qu'il espére sans cesse, et qu'il souffre toujours
Il dit, l'Olimpe entier frémit de son martyre,
Mercure le conduitauténébreux Empire.
Et la Deésse Ailée apprend à l'Univers
Que qui ne craint les Dieux
,
doit craindre lefi
Enfers.
Némesis,Mégère,
Minos, et Cerbére
,
A ce Roy cruel
,
-
Font par les Harpies,
Près des Rois impies
Dresser un Autel.
Tout l'Enfer contemple
Ce nouvel exemple,
De crime et d'horreur j
Et du sein des flames, u
Il entend les ames
Blâmer sa fureur.
Entouré d'une eau vive et pure,
Que n'endurcit jamais la rigueur des Hyvers;
Et qu'un Arbre charmant qu'ignore la Nature,
Couvre sans se lasser de millefruits divers,
Tantale tourmemé par un double supplice,
Ne peut rendre à ses voeux l'Eau, ni l'Arbre
propice;
Tout se refuse à ses douleurs.
Mais quel surcroît de maux ! de lui-même victime
,
Les pleurs que les remords arrachent à son crime
Augmentent encor ses malheurs.
C'est envain qu'aux yeux de la Terre,
Nous pouvons cacher nos forfaits;
Si ceux du séjour du Tonnere
Découvrent jusqu'à nos projets.
Périsse, qui s'ose promettre
De tromper la Divinité,
Ah! peut-elle ignorer un Etre,
Qui sans elle n'eut point été.
C'est envain.
Far M. de S. R.
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Résumé : TANTALE. Cantate à mettre en Musique.
La cantate raconte le châtiment de Tantale, roi ayant sacrifié son propre fils lors d'un banquet divin. Horrifiés, les dieux transforment le banquet en autel et condamnent Tantale. Jupiter, en colère, le condamne à souffrir éternellement dans le Tartare, tourmenté par la faim et la soif malgré la présence d'eau et de fruits inaccessibles. Les dieux soulignent que nul ne peut tromper la divinité et que les crimes seront toujours punis. Le texte se conclut par une mise en garde contre ceux qui tenteraient de tromper les dieux, affirmant que la divinité connaît toujours les projets et les forfaits des hommes.
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4
p. 644-657
LETTRE écrite [à] M. D. L. R. / A MONSIEUR *** Auteur des Dons des Enfans de Latone, Poëme sur la Musique, et sur la Chasse du Cerf.
Début :
Je ne connois point personnellement, Monsieur, l'Auteur des Dons des Enfans [...]
Mots clefs :
Chasse, Cerf, Chiens, Temps, Ouvrage, Chasseurs, Chasse du cerf, Savary, Veneurs, Principes, Auteur, Poème, Connaissances
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite [à] M. D. L. R. / A MONSIEUR *** Auteur des Dons des Enfans de Latone, Poëme sur la Musique, et sur la Chasse du Cerf.
LETTRE écrite à M. D. L. R.
E ne connois point personnellement ,
Monsieur , l'Auteur des Dons des Eng
fans de Latone , cependant je vous adresse
une Lettre , contenant les Réfléxions que
j'ai faites sur son Poëme de la Chasse du
Cerf. Vous me ferez plaisir de l'inserer
dans le premier Mercure. Je serai bienaise
de lui faire part et au public , par
votre entremise, de la justice que je rends
à son Ouvrage. J'ai l'honneur d'être, &c.
A MONSIEUR ***
Auteur des Dons des Enfans de Latone,
Poëme sur la Musique , et sur
la Chasse du Cerf.
U
pour
N Chasseur de profession hazarde
Monsieur , de prendre la plume
vous faire part de ses Réfléxions sur
la traduction libre que vous venez de
donner au public , du Poëme Latin de
Savary , sur la Chasse du Cerf ; c'est un
Auteur que j'ai étudié il y a long- temps,
et que j'ai toujours souhaité de voir traduit
en François, pour le rendre plus à la
portée des jeunes Chasseurs, à qui la Langue
A VRIL. 1734. 645
gue Latine est devenue moins familiere
qu'elle ne l'étoit de son temps .
L'Ouvrage étoit difficile , et vous avez
surpassé mes souhaits , en le rendant en
Vers , et en le faisant précéder par deux
autres Poëmes sur la Musique. Je les ai
lûs avec tout le plaisir imaginable ; mais
comme je suis moins Musicien que Chas-,
seur , je laisse le soin d'en faire l'éloge à
gens plus connoisseurs que moi en Musique
, et je me renferme uniquement dans
l'examen de votre Poëme sur la Chasse.
- J'ai toujours regardé la Chasse du Cerf
comme le plus noble , et le plus parfait
* amusement, dont les Rois , les Princes et
les Seigneurs pouvoient s'occuper ; mais
en même temps je l'ai regardé comme un
Art difficile , où 20 ans d'étude et une
grande aplication suffiroient à peine pour
découvrir tous les secrets qui en font
partie ; j'ai cru qu'il étoit indigne d'un
homme raisonnable d'y perdre son tems,
s'il ne se mettoit en état d'en acquerir.
toutes les connoissances , sans lesquelles il
ne peut trouver qu'un plaisir chimerique,
beaucoup d'ennuis, de dégoût et un
vuide aussi languissant que fatiguant,
Car est- ce en effet avoir du plaisir que
de n'être au fait de rien ? de voir passer
un Cerf sans en peuvoir rendre compte ?
B d'en
646 MERCURE DE FRANCE
d'en revoir du pied sans pouvoir juger
ni de son espece , ni de son âge ? d'être
dans l'embarras , ou se porter par l'ignorance
où l'on est des refuites du Cerf, de
ses faux rembuchemens, de ses retours et
de ses ruzes ? de ne point sçavoir comment
on s'y prend pour relever un deffaut
de ne point suivre la voix des
Chiens ? de ne point distinguer les bons
cris d'avec les mauvais ? enfin de ne faire
aucun usage de sa raison dans les occasions
embarrassantes ? Suffit- il, en verité, de
s'en rapporter à des Piqueurs, dont les lumieres
sont souvent médiocres , et le raisonnement
peu solide et un homme
d'esprit peut-il borner tous ses amusemens
à être bien monté, à enfiler de longues
routes , à courir toute une journée
sans sçavoir ce qui se passe , ce qu'on a
fait , ce qu'on peut faire , où on doit aller
, si la Meute est dans la bonne voïe ,
ou si elle a pris le change? C'est- là cependant
la situation où se trouvent les jeunes
Chasseurs pendant long- temps , et
souvent toute leur vie ; ils n'ont acquis
aucuns principes ; ils ne font que balbutier
les termes qu'ils n'ont point étudiez ; ils
n'ont fait aucunes réfléxions sur la diversité
des connoissances , faute de sçavoir où
aller,ils ne voyent rien, n'entendent rien,
perAVRIL.
1734- 647
perdent la Chasse et mettent toute leur
fortune à suivre quelquefois un bon Chasseur,
comme un Postillon qui leur procure
par hazard l'avantage de se trouver à
un Halali , ou à la mort du Cerf, C'est-là
le grand triomphe ; car tout fiers d'une
victoire où ils n'ont point contribué , ils
se croyent les plus habiles Chasseurs du
monde , et s'imaginent avoir goûté tous
les plaisirs imaginables , lorsque réellement
ils n'ont eu que beaucoup d'ennuis
et de fatigues. Ce n'est pas la maniere
dont chassoit Charles IX. et Louis
XIV. ce dernier sçavoit tout , jugeoit par
lui -même , décidoit, vouloit qu'on suivit
ses décisions , et ne se trompoit pas.
Charles IX. dans le Livre qu'il a composé
lui - même, fait voir quelles étoient
ses connoissances , par le détail où il est
entré , et de la nature des Cerfs , et de
toutes les parties de laChasse.Le sage Roi
qui nous gouverne aujourd'hui, suit parfaitement
les traces de ses deux Prédècesseurs
, et rien n'est plus juste, Monsieur ,
que quatre Vers qui se voïent dans
votre Epître.
les
La Déesse n'a plus de secret à t'apprendre ;
De ses sçavantes Loix , Interprête encor tendre,
Tu rens des jugemens sages et raisonnez ,
Que n'oseroient porter des Veneurs surannez .
Bij
Mais
648 MERCURE DE FRANCE
. Mais est-il imité dans son application ?
je n'ose l'assurer ; ce qu'il y a de certain
c'est que Savary que vous avez traduit est
le seul Auteur capable d'apprendre tous
les secrets de l'Art à ceux qui l'ignorent,
non seulement les François , mais encore
tous les Etrangers conviennent qu'il n'a
paru dans ce genre aucun Ouvrage comparable
au sien , pour l'ordre , la suite , la
précision , l'arrangement des matieres , et
la netteté avec laquelle elles sont expliquées,
toutes les idées y sont placées , raprochées
et rendues sensibles ; y a-t-il
quelqu'apprentilf chasseur,qui n'ait voulu
lire et Fouilloux et Salnouë ? en est-on
devenu plus habile ? s'y est- on fait des
principes certains , les différentes matieres
y sont- elles traitées dans un ordre
propre à se faire retenir ?
Fouilloux est confus et plein de verbiages
; Salnouë à tout dit , mais il ne l'a pas
arrangé , et les matiéres y sont souvent
transposées ; Savary qui a écrit après lui,
y a mis l'ordre qu'elles demandoient ; il a
réduit à 2500 Vers latins , la moitié d'un
volume in 4° . fait par Salnoue sur la
Chasse du Cerf; et vous , Monsieur , dans
votre Traduction vous avez encore plus
fait que Savary , puisqu'en n'obmettant
rien de tout ce qui étoit nécessaire, vous
avez
AVRIL. 1734 649
avez dit en 1500 Vers François , ce que
Savari n'avoit pû faire en latin qu'en
2500 ; quelle précision ; aussi n'y voit- on
pas un Vers qui n'ait son sens et son instruction
. On n'y trouve rien d'inutile
et de superflu ; c'est un véritable Poëme
didactique , mais ennobli par Diane
qu'on y fait parler avec dignité , enrichi
d'images et de comparaisons élevées , et
où mille traits d'une Poësie élégante rendent
parfaitement votre original . Quelles
graces n'ont point les six premieres pages
de votre premier Chant , où après votre
invocation , vous détaillez l'origine de la
Chasse dans les Gaules , les exercices des
Gaulois , et la maniere qu'ils avoient de
conserver la connoissance des Arts et des
Sciences ?
Peut- on expliquer avec plus de nettcté
l'âge des Cerfs , depuis le Faon , jusqu'aux
vieuxCerfs , avec les noms différens *
qu'on leur a donnez , par rapport à leur
Tête .
Est-il permis à quelqu'un de ne pas entendre
clairement toutes les différentes .
parties des quatre especes de têtes dont
vous donnez le modele , et sur lesquelles
il ne reste aucun doute ? Pour en sentir la
différence , la connoissance des pieds ne
devient - elle pas sensible par le détail
Biij heus
so MERCURE DE FRANCE
heureux des quatre pieds, relatifs aux parties
des figures , si exactement dessinées ?
et 20 pages de lecture des autres Auteurs
les peuvent- elles faire comprendre avec
autant de facilité ? La connoissance des
fumées n'est pas moins bien éclaircie dans
le second Chant, par rapport aux saisons,
par rapport aux Biches , et à l'âge des différens
Cerfs , et vous terminez enfin toutes
les lumieres qu'on peut tirer du corps
du Fauve , par l'explication des abbatures
, des portées , du raire et du frayoir
où vous marquez précisément le dégré
de foy que l'on peut ajouter à des témoignages
aussi incertains.
Après avoir établi ces principes generaux
, vous déterminez les lieux où l'on
doit chercher les Cerfs , pour les détourner
selon les différentes saisons ; sçavoir
dans l'Hyver , au fond des Forêts , où
vous expliquez et la maniere dont ils se
nourrissent et dont ils se garentissent du
froid ; et comment dans les autres saisons
ils se séparent , prennent leur Buisson à
l'extrémité des grands Païs, pour se nourrir
avec plus de facilité , et mettre bas
leurs têtes dont vous expliquez la chute,
et les causes que les Naturalistes y attribuent.
Des lieux , vous passez au temps que
l'on
AVRIL. 1734.
l'on doit prendre pour les détourner ;
l'agitation continuelle où ils sont pendant
le rut , l'embarras de les trouver
pendant ce temps , où toutes leurs démarches
sont incertaines .
Peut- on assez admirer la description
charmante que vous en faites , sous l'Image
d'un Tournoy , leurs Combats, leur
Victoire , le prix dont elle est suivie , et le
nombre des Spectateurs qui en sont les
témoins? Pouvoit- on distraire plus agréablement
le Lecteur du Didactique , qui a
précédé, que par des Images aussi noblement
imaginées ?
Quel heureux détail du Limier qu'on
veut dresser dans le troisiémeChant! Tous
les termes de l'art y sont si heureusement
employez qu'ils ne pourroient être substituez
par d'autres , il semble qu'ils se
soient venus offrir à la rime , sans qu'il
vous en ait rien couté. On y voit quel
doit être le nombre de Picqueurs; en quoi
consistent leurs devoirs, la qualité et l'espece
des differens Chiens , leurs bontez
ou leurs défauts , l'instruction donnée
aux Valets de Limier pour détourner, les
précautions qu'ils doivent prendre , et les
observations qu'ils doivent faire.
Ce détail est terminé par l'appareil de
eette assemblée générale où se font les
B iiij dif-
>
652 MERCURE DE FRANCE
·
différens rapports. Pouvoit on décrire
avec plus d'élevation ce celebre conseil ,
où tous les Veneurs décident du Cerf
que
l'on doit lancer , par les principes que
vous établissez ?
Le quatrième Chant regarde la disposition
des Relais , les noms différens qu'on
leur donne , l'espece et la nature des
Chiens qui les doivent composer , les
postes où il les faut placer , l'usage que
les Valets de Chiens en doivent faire
l'arrivée au laissez - coure , la verification
qu'on y doit faire du rapport , la maniere
dont on lance aujourd'hui , différente
de celle où on lançoit autrefois à trait de
Limier, ce que les Veneurs dispersez doivent
observer quand le Cerf est lancé ; la
crainte d'un faux rembuchement , la nécessité
de laisser agir les Chiens sans les
presser de trop près ; la deffense de Diane
, d'enlever la Meute , comme l'impatience
Françoise ne force que trop
souvent de le faire , et enfin les temps
et les précautions nécessaires que doivent
prendre les Valets de Chiens pour
ne donner les Relais qu'à propos et
quand ils sont demandez .
L'heureux trait de morale par où vous
commencez le cinquième Chant , est une
juste application des inconveniens qui
sura
AVRIL. 1734. 653
surviennent dans le cours de la Chasse ,
soit pour les Chiens , soit pour les Veneurs
; on y voit toutes les différentes
ruses des Cerfs , le désordre que causent
les jeunes Chiens , la sagesse des vieux ,
les lumieres qu'ils donnent pour sortir
d'embarras , pour relever les deffauts et
relancer le Cerf , comment on le suit.
dans l'eau , comment on découvre s'il y
est resté , s'il en est sorti , les secrets pour
en retrouver seurement la voye , et enfin
l'halali et la mort du Cerf, dont vous faites
un détail aussi - vrai qu'interessant.
Je finirai , Monsieur , par l'éloge que
mérite votre dernier Chant,d'autant plus
que sa principale beauté est bien moins
dûë à votre original qu'à vos heureuses
idées ; Pouviez - vous relever plus noblement
le bas Didactique où vous étiez forcé
d'entrer par le détail de la Curée, qu'en
le représentant sous l'image d'un Sacrifice
offert à Diane . Comment avez - vous
pû ennoblir un pareil carnage par tant
de richesses d'expressions ? Pouviez - vous
mieux établir les droits qui appartiennent
au Maître ,auxVeneurs ,aux Limiers et aux
Chiens dans les différentes parties du
Cerf. C'étoit une connoissance fondée de
temps immémorial que vous ne pouviez
omettre , et qui servira de loi immuable
dans
B v
654 MERCURE DE FRANCE
dans tous les temps pour les Chasseurs.
Enfin pouviez-vous mieux terminer tous
les Préceptes que renferme votre Ouvrage
que par cette Fête qu'un retour general
de la Chasse attire dans le Parvis du
Temple de Diane , où tous les Chasseurs
réunis dans un jour fameux , consacré
plus particulierement à sa gloire , passent
la nuit à celebrer ses loüanges et à chanter
les victoires que les différens Chasseurs
ont remportées ?
On voit bien , Monsieur, que vous n'avez
pas voulu travailler pour des Picqueurs
seulement ; ce ne sont pas eux en
effet qui avoient besoin de vos leçons , leur
application , la routine , la longue expérience
leur donnent à la fin toutes les
connoissances qui leur sont nécessaires ;
cependant votre ouvrage est si clair par
lui -même qu'il leur sera aisé d'y apprendre
tous les principes aussi - aisément qu'ils
l'auroienr pû faire s'il avoit été en Prose ;
mais je m'imagine que l'intention de Savary
a été d'endoctriner la Noblesse et de
la tirer agréablement de l'ignorance où
elle croupit ordinairement ; il a voulu
leur parler un langage conforme à leur
éducation en les instruisant.
Et vous , Monsieur , vous leur avez encore
abrégé la peine en le mettant en
Vers
AVRIL 1734. 655
Vers François , qui se retiennent incomparablement
mieux que la Prose.
, Je finirai , Monsieur , mes Réfléxions
en vous répétant que votre Ouvrage par
lui- même , est admirable ; jamais Auteur
n'a pû former un plus beau plan , et suivre
un meilleur ordre que Savary ; ce sera
une instruction éternelle pour tous ceux
qui voudront acquerir des connoissances
dans la Chasse du Cerf , chasser avec esprit
et goûter les parfaits plaisirs qu'un
homme raisonnable y doit rechercher ; il
dit tout ce qu'il faut dire , renferme tout
ce qu'il faut sçavoir , et éclaircit tout ce
que les autres Auteurs dans de gros volumes
entiers n'avoient traité qu'avec
confusion .
Votre traduction l'a considérablement
embelli , par ce que vous y avez ajouté, et
par ce que vous en avez sagement retranché;
vous l'avez rendu avec clarté et précision
, votre Poësie est noble, naturelle,
non entortillée , ni louche ; elle ne sent ni
l'huile, ni la lime , et fait sentir quelque
chose de supérieur à celle d'un Poëte de
profession.
Il ne me reste plus , Monsieur , qu'à
vous parler de votre Dictionnaire et du
Recueil des Tons de Chasse et Fanfares
qui terminent votre Livre ; ce sont les
B vj deux
656 MERCURE DE FRANCE
deux plus beaux et plus utiles présens
que vous pouviez faire au Public ; personne
ne s'étoit encore avisé de faire un
Dictionnaire de Chasse aussi exact et aussi
étendu que le vôtre. Il ne vous a rien
échapé des termes tant anciens que
nouveaux, répandus dans tous les Livres,
ou de ceux que l'usage a consacrés ; c'est
une instruction admirable , soit pour les
Picqueurs, soit pour les jeunes Chasseurs
qui auront la curiosité de sçavoir. A l'égard
des Tons de chasse et Fanfares ,
vous en avez l'obligation à M. de Dampierre,
Gentilhomme des Plaisirs du Roy,
il a l'avantage d'être excellent Musicien
et grand Chasseur ; ses Fanfares sont d'un
goût charmant , mais on ne peut trop
admirer l'application merveilleuse et nouvelle
qu'il a inventée pour les faire servir
de signaux, qui apprennent aux Veneurs
dispersez , l'espece du Cerf que l'on court,
+
ses mouvemens et toutes ses ruses.
C'est un moyen facile pour mettre au
蜜
fait de ce qui se passe , et une pareille
Méthode doit passer non seulement dans
toutes les Provinces , mais encore chez
les Etrangers . Les Parodies des Fanfares
que vous avez ramassées , y donnent encore
une nouvelle grace , et peuvent extrêmement
divertir dans un retour de
Chasse. • Le
AVRIL 1734
657
Le Public doit de grands remercimens
à M. de Dampierre , de vous avoir bien
voulu communiquer son travail. Et vous ,
Monsieur , vous lui en devez beaucoup ,
pour les Eloges qu'il ne cesse de donner
à ce qu'on m'a dit , à votre Ouvrage ;
témoignages
seuls capables d'en relever infiniment
le prix. J'ai l'honneur d'être ,
Monsieur , & c .
E ne connois point personnellement ,
Monsieur , l'Auteur des Dons des Eng
fans de Latone , cependant je vous adresse
une Lettre , contenant les Réfléxions que
j'ai faites sur son Poëme de la Chasse du
Cerf. Vous me ferez plaisir de l'inserer
dans le premier Mercure. Je serai bienaise
de lui faire part et au public , par
votre entremise, de la justice que je rends
à son Ouvrage. J'ai l'honneur d'être, &c.
A MONSIEUR ***
Auteur des Dons des Enfans de Latone,
Poëme sur la Musique , et sur
la Chasse du Cerf.
U
pour
N Chasseur de profession hazarde
Monsieur , de prendre la plume
vous faire part de ses Réfléxions sur
la traduction libre que vous venez de
donner au public , du Poëme Latin de
Savary , sur la Chasse du Cerf ; c'est un
Auteur que j'ai étudié il y a long- temps,
et que j'ai toujours souhaité de voir traduit
en François, pour le rendre plus à la
portée des jeunes Chasseurs, à qui la Langue
A VRIL. 1734. 645
gue Latine est devenue moins familiere
qu'elle ne l'étoit de son temps .
L'Ouvrage étoit difficile , et vous avez
surpassé mes souhaits , en le rendant en
Vers , et en le faisant précéder par deux
autres Poëmes sur la Musique. Je les ai
lûs avec tout le plaisir imaginable ; mais
comme je suis moins Musicien que Chas-,
seur , je laisse le soin d'en faire l'éloge à
gens plus connoisseurs que moi en Musique
, et je me renferme uniquement dans
l'examen de votre Poëme sur la Chasse.
- J'ai toujours regardé la Chasse du Cerf
comme le plus noble , et le plus parfait
* amusement, dont les Rois , les Princes et
les Seigneurs pouvoient s'occuper ; mais
en même temps je l'ai regardé comme un
Art difficile , où 20 ans d'étude et une
grande aplication suffiroient à peine pour
découvrir tous les secrets qui en font
partie ; j'ai cru qu'il étoit indigne d'un
homme raisonnable d'y perdre son tems,
s'il ne se mettoit en état d'en acquerir.
toutes les connoissances , sans lesquelles il
ne peut trouver qu'un plaisir chimerique,
beaucoup d'ennuis, de dégoût et un
vuide aussi languissant que fatiguant,
Car est- ce en effet avoir du plaisir que
de n'être au fait de rien ? de voir passer
un Cerf sans en peuvoir rendre compte ?
B d'en
646 MERCURE DE FRANCE
d'en revoir du pied sans pouvoir juger
ni de son espece , ni de son âge ? d'être
dans l'embarras , ou se porter par l'ignorance
où l'on est des refuites du Cerf, de
ses faux rembuchemens, de ses retours et
de ses ruzes ? de ne point sçavoir comment
on s'y prend pour relever un deffaut
de ne point suivre la voix des
Chiens ? de ne point distinguer les bons
cris d'avec les mauvais ? enfin de ne faire
aucun usage de sa raison dans les occasions
embarrassantes ? Suffit- il, en verité, de
s'en rapporter à des Piqueurs, dont les lumieres
sont souvent médiocres , et le raisonnement
peu solide et un homme
d'esprit peut-il borner tous ses amusemens
à être bien monté, à enfiler de longues
routes , à courir toute une journée
sans sçavoir ce qui se passe , ce qu'on a
fait , ce qu'on peut faire , où on doit aller
, si la Meute est dans la bonne voïe ,
ou si elle a pris le change? C'est- là cependant
la situation où se trouvent les jeunes
Chasseurs pendant long- temps , et
souvent toute leur vie ; ils n'ont acquis
aucuns principes ; ils ne font que balbutier
les termes qu'ils n'ont point étudiez ; ils
n'ont fait aucunes réfléxions sur la diversité
des connoissances , faute de sçavoir où
aller,ils ne voyent rien, n'entendent rien,
perAVRIL.
1734- 647
perdent la Chasse et mettent toute leur
fortune à suivre quelquefois un bon Chasseur,
comme un Postillon qui leur procure
par hazard l'avantage de se trouver à
un Halali , ou à la mort du Cerf, C'est-là
le grand triomphe ; car tout fiers d'une
victoire où ils n'ont point contribué , ils
se croyent les plus habiles Chasseurs du
monde , et s'imaginent avoir goûté tous
les plaisirs imaginables , lorsque réellement
ils n'ont eu que beaucoup d'ennuis
et de fatigues. Ce n'est pas la maniere
dont chassoit Charles IX. et Louis
XIV. ce dernier sçavoit tout , jugeoit par
lui -même , décidoit, vouloit qu'on suivit
ses décisions , et ne se trompoit pas.
Charles IX. dans le Livre qu'il a composé
lui - même, fait voir quelles étoient
ses connoissances , par le détail où il est
entré , et de la nature des Cerfs , et de
toutes les parties de laChasse.Le sage Roi
qui nous gouverne aujourd'hui, suit parfaitement
les traces de ses deux Prédècesseurs
, et rien n'est plus juste, Monsieur ,
que quatre Vers qui se voïent dans
votre Epître.
les
La Déesse n'a plus de secret à t'apprendre ;
De ses sçavantes Loix , Interprête encor tendre,
Tu rens des jugemens sages et raisonnez ,
Que n'oseroient porter des Veneurs surannez .
Bij
Mais
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. Mais est-il imité dans son application ?
je n'ose l'assurer ; ce qu'il y a de certain
c'est que Savary que vous avez traduit est
le seul Auteur capable d'apprendre tous
les secrets de l'Art à ceux qui l'ignorent,
non seulement les François , mais encore
tous les Etrangers conviennent qu'il n'a
paru dans ce genre aucun Ouvrage comparable
au sien , pour l'ordre , la suite , la
précision , l'arrangement des matieres , et
la netteté avec laquelle elles sont expliquées,
toutes les idées y sont placées , raprochées
et rendues sensibles ; y a-t-il
quelqu'apprentilf chasseur,qui n'ait voulu
lire et Fouilloux et Salnouë ? en est-on
devenu plus habile ? s'y est- on fait des
principes certains , les différentes matieres
y sont- elles traitées dans un ordre
propre à se faire retenir ?
Fouilloux est confus et plein de verbiages
; Salnouë à tout dit , mais il ne l'a pas
arrangé , et les matiéres y sont souvent
transposées ; Savary qui a écrit après lui,
y a mis l'ordre qu'elles demandoient ; il a
réduit à 2500 Vers latins , la moitié d'un
volume in 4° . fait par Salnoue sur la
Chasse du Cerf; et vous , Monsieur , dans
votre Traduction vous avez encore plus
fait que Savary , puisqu'en n'obmettant
rien de tout ce qui étoit nécessaire, vous
avez
AVRIL. 1734 649
avez dit en 1500 Vers François , ce que
Savari n'avoit pû faire en latin qu'en
2500 ; quelle précision ; aussi n'y voit- on
pas un Vers qui n'ait son sens et son instruction
. On n'y trouve rien d'inutile
et de superflu ; c'est un véritable Poëme
didactique , mais ennobli par Diane
qu'on y fait parler avec dignité , enrichi
d'images et de comparaisons élevées , et
où mille traits d'une Poësie élégante rendent
parfaitement votre original . Quelles
graces n'ont point les six premieres pages
de votre premier Chant , où après votre
invocation , vous détaillez l'origine de la
Chasse dans les Gaules , les exercices des
Gaulois , et la maniere qu'ils avoient de
conserver la connoissance des Arts et des
Sciences ?
Peut- on expliquer avec plus de nettcté
l'âge des Cerfs , depuis le Faon , jusqu'aux
vieuxCerfs , avec les noms différens *
qu'on leur a donnez , par rapport à leur
Tête .
Est-il permis à quelqu'un de ne pas entendre
clairement toutes les différentes .
parties des quatre especes de têtes dont
vous donnez le modele , et sur lesquelles
il ne reste aucun doute ? Pour en sentir la
différence , la connoissance des pieds ne
devient - elle pas sensible par le détail
Biij heus
so MERCURE DE FRANCE
heureux des quatre pieds, relatifs aux parties
des figures , si exactement dessinées ?
et 20 pages de lecture des autres Auteurs
les peuvent- elles faire comprendre avec
autant de facilité ? La connoissance des
fumées n'est pas moins bien éclaircie dans
le second Chant, par rapport aux saisons,
par rapport aux Biches , et à l'âge des différens
Cerfs , et vous terminez enfin toutes
les lumieres qu'on peut tirer du corps
du Fauve , par l'explication des abbatures
, des portées , du raire et du frayoir
où vous marquez précisément le dégré
de foy que l'on peut ajouter à des témoignages
aussi incertains.
Après avoir établi ces principes generaux
, vous déterminez les lieux où l'on
doit chercher les Cerfs , pour les détourner
selon les différentes saisons ; sçavoir
dans l'Hyver , au fond des Forêts , où
vous expliquez et la maniere dont ils se
nourrissent et dont ils se garentissent du
froid ; et comment dans les autres saisons
ils se séparent , prennent leur Buisson à
l'extrémité des grands Païs, pour se nourrir
avec plus de facilité , et mettre bas
leurs têtes dont vous expliquez la chute,
et les causes que les Naturalistes y attribuent.
Des lieux , vous passez au temps que
l'on
AVRIL. 1734.
l'on doit prendre pour les détourner ;
l'agitation continuelle où ils sont pendant
le rut , l'embarras de les trouver
pendant ce temps , où toutes leurs démarches
sont incertaines .
Peut- on assez admirer la description
charmante que vous en faites , sous l'Image
d'un Tournoy , leurs Combats, leur
Victoire , le prix dont elle est suivie , et le
nombre des Spectateurs qui en sont les
témoins? Pouvoit- on distraire plus agréablement
le Lecteur du Didactique , qui a
précédé, que par des Images aussi noblement
imaginées ?
Quel heureux détail du Limier qu'on
veut dresser dans le troisiémeChant! Tous
les termes de l'art y sont si heureusement
employez qu'ils ne pourroient être substituez
par d'autres , il semble qu'ils se
soient venus offrir à la rime , sans qu'il
vous en ait rien couté. On y voit quel
doit être le nombre de Picqueurs; en quoi
consistent leurs devoirs, la qualité et l'espece
des differens Chiens , leurs bontez
ou leurs défauts , l'instruction donnée
aux Valets de Limier pour détourner, les
précautions qu'ils doivent prendre , et les
observations qu'ils doivent faire.
Ce détail est terminé par l'appareil de
eette assemblée générale où se font les
B iiij dif-
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652 MERCURE DE FRANCE
·
différens rapports. Pouvoit on décrire
avec plus d'élevation ce celebre conseil ,
où tous les Veneurs décident du Cerf
que
l'on doit lancer , par les principes que
vous établissez ?
Le quatrième Chant regarde la disposition
des Relais , les noms différens qu'on
leur donne , l'espece et la nature des
Chiens qui les doivent composer , les
postes où il les faut placer , l'usage que
les Valets de Chiens en doivent faire
l'arrivée au laissez - coure , la verification
qu'on y doit faire du rapport , la maniere
dont on lance aujourd'hui , différente
de celle où on lançoit autrefois à trait de
Limier, ce que les Veneurs dispersez doivent
observer quand le Cerf est lancé ; la
crainte d'un faux rembuchement , la nécessité
de laisser agir les Chiens sans les
presser de trop près ; la deffense de Diane
, d'enlever la Meute , comme l'impatience
Françoise ne force que trop
souvent de le faire , et enfin les temps
et les précautions nécessaires que doivent
prendre les Valets de Chiens pour
ne donner les Relais qu'à propos et
quand ils sont demandez .
L'heureux trait de morale par où vous
commencez le cinquième Chant , est une
juste application des inconveniens qui
sura
AVRIL. 1734. 653
surviennent dans le cours de la Chasse ,
soit pour les Chiens , soit pour les Veneurs
; on y voit toutes les différentes
ruses des Cerfs , le désordre que causent
les jeunes Chiens , la sagesse des vieux ,
les lumieres qu'ils donnent pour sortir
d'embarras , pour relever les deffauts et
relancer le Cerf , comment on le suit.
dans l'eau , comment on découvre s'il y
est resté , s'il en est sorti , les secrets pour
en retrouver seurement la voye , et enfin
l'halali et la mort du Cerf, dont vous faites
un détail aussi - vrai qu'interessant.
Je finirai , Monsieur , par l'éloge que
mérite votre dernier Chant,d'autant plus
que sa principale beauté est bien moins
dûë à votre original qu'à vos heureuses
idées ; Pouviez - vous relever plus noblement
le bas Didactique où vous étiez forcé
d'entrer par le détail de la Curée, qu'en
le représentant sous l'image d'un Sacrifice
offert à Diane . Comment avez - vous
pû ennoblir un pareil carnage par tant
de richesses d'expressions ? Pouviez - vous
mieux établir les droits qui appartiennent
au Maître ,auxVeneurs ,aux Limiers et aux
Chiens dans les différentes parties du
Cerf. C'étoit une connoissance fondée de
temps immémorial que vous ne pouviez
omettre , et qui servira de loi immuable
dans
B v
654 MERCURE DE FRANCE
dans tous les temps pour les Chasseurs.
Enfin pouviez-vous mieux terminer tous
les Préceptes que renferme votre Ouvrage
que par cette Fête qu'un retour general
de la Chasse attire dans le Parvis du
Temple de Diane , où tous les Chasseurs
réunis dans un jour fameux , consacré
plus particulierement à sa gloire , passent
la nuit à celebrer ses loüanges et à chanter
les victoires que les différens Chasseurs
ont remportées ?
On voit bien , Monsieur, que vous n'avez
pas voulu travailler pour des Picqueurs
seulement ; ce ne sont pas eux en
effet qui avoient besoin de vos leçons , leur
application , la routine , la longue expérience
leur donnent à la fin toutes les
connoissances qui leur sont nécessaires ;
cependant votre ouvrage est si clair par
lui -même qu'il leur sera aisé d'y apprendre
tous les principes aussi - aisément qu'ils
l'auroienr pû faire s'il avoit été en Prose ;
mais je m'imagine que l'intention de Savary
a été d'endoctriner la Noblesse et de
la tirer agréablement de l'ignorance où
elle croupit ordinairement ; il a voulu
leur parler un langage conforme à leur
éducation en les instruisant.
Et vous , Monsieur , vous leur avez encore
abrégé la peine en le mettant en
Vers
AVRIL 1734. 655
Vers François , qui se retiennent incomparablement
mieux que la Prose.
, Je finirai , Monsieur , mes Réfléxions
en vous répétant que votre Ouvrage par
lui- même , est admirable ; jamais Auteur
n'a pû former un plus beau plan , et suivre
un meilleur ordre que Savary ; ce sera
une instruction éternelle pour tous ceux
qui voudront acquerir des connoissances
dans la Chasse du Cerf , chasser avec esprit
et goûter les parfaits plaisirs qu'un
homme raisonnable y doit rechercher ; il
dit tout ce qu'il faut dire , renferme tout
ce qu'il faut sçavoir , et éclaircit tout ce
que les autres Auteurs dans de gros volumes
entiers n'avoient traité qu'avec
confusion .
Votre traduction l'a considérablement
embelli , par ce que vous y avez ajouté, et
par ce que vous en avez sagement retranché;
vous l'avez rendu avec clarté et précision
, votre Poësie est noble, naturelle,
non entortillée , ni louche ; elle ne sent ni
l'huile, ni la lime , et fait sentir quelque
chose de supérieur à celle d'un Poëte de
profession.
Il ne me reste plus , Monsieur , qu'à
vous parler de votre Dictionnaire et du
Recueil des Tons de Chasse et Fanfares
qui terminent votre Livre ; ce sont les
B vj deux
656 MERCURE DE FRANCE
deux plus beaux et plus utiles présens
que vous pouviez faire au Public ; personne
ne s'étoit encore avisé de faire un
Dictionnaire de Chasse aussi exact et aussi
étendu que le vôtre. Il ne vous a rien
échapé des termes tant anciens que
nouveaux, répandus dans tous les Livres,
ou de ceux que l'usage a consacrés ; c'est
une instruction admirable , soit pour les
Picqueurs, soit pour les jeunes Chasseurs
qui auront la curiosité de sçavoir. A l'égard
des Tons de chasse et Fanfares ,
vous en avez l'obligation à M. de Dampierre,
Gentilhomme des Plaisirs du Roy,
il a l'avantage d'être excellent Musicien
et grand Chasseur ; ses Fanfares sont d'un
goût charmant , mais on ne peut trop
admirer l'application merveilleuse et nouvelle
qu'il a inventée pour les faire servir
de signaux, qui apprennent aux Veneurs
dispersez , l'espece du Cerf que l'on court,
+
ses mouvemens et toutes ses ruses.
C'est un moyen facile pour mettre au
蜜
fait de ce qui se passe , et une pareille
Méthode doit passer non seulement dans
toutes les Provinces , mais encore chez
les Etrangers . Les Parodies des Fanfares
que vous avez ramassées , y donnent encore
une nouvelle grace , et peuvent extrêmement
divertir dans un retour de
Chasse. • Le
AVRIL 1734
657
Le Public doit de grands remercimens
à M. de Dampierre , de vous avoir bien
voulu communiquer son travail. Et vous ,
Monsieur , vous lui en devez beaucoup ,
pour les Eloges qu'il ne cesse de donner
à ce qu'on m'a dit , à votre Ouvrage ;
témoignages
seuls capables d'en relever infiniment
le prix. J'ai l'honneur d'être ,
Monsieur , & c .
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Résumé : LETTRE écrite [à] M. D. L. R. / A MONSIEUR *** Auteur des Dons des Enfans de Latone, Poëme sur la Musique, et sur la Chasse du Cerf.
La correspondance entre deux individus traite d'un poème sur la chasse au cerf. Le premier auteur, inconnu de l'auteur des 'Dons des Enfants de Latone', envoie une lettre contenant ses réflexions sur le poème 'La Chasse du Cerf' à un destinataire pour qu'il l'insère dans le Mercure. Le second auteur, un chasseur de profession, félicite l'auteur du poème pour sa traduction libre du poème latin de Savary sur la chasse au cerf. Il souligne la difficulté de l'ouvrage et la qualité de la traduction en vers, ainsi que les poèmes sur la musique qui précèdent le poème principal. Le chasseur de profession exprime son admiration pour la chasse au cerf, qu'il considère comme un amusement noble et parfait pour les rois, princes et seigneurs, mais aussi comme un art difficile nécessitant une grande application et des connaissances approfondies. Il critique les jeunes chasseurs qui manquent de principes et de réflexions, se contentant souvent de suivre des piqueurs sans comprendre les secrets de la chasse. Il loue Savary, dont la traduction est considérée comme la meilleure dans ce genre, pour l'ordre, la précision et la clarté de ses explications. Il compare favorablement la traduction de l'auteur à celles de Fouilloux et Salnouë, jugées confuses ou mal organisées. Le poème est structuré en plusieurs chants qui couvrent divers aspects de la chasse : l'origine de la chasse dans les Gaules, la description des cerfs, les différentes parties des têtes de cerf, la connaissance des fumées, les lieux et les saisons pour chasser, la description des combats entre cerfs, le dressage des limiers, la disposition des relais, les ruses des cerfs, et enfin la curée représentée comme un sacrifice à Diane. Le chasseur de profession termine en soulignant que l'ouvrage n'est pas seulement destiné aux piqueurs, mais à tous les chasseurs, et qu'il est suffisamment clair pour être compris par tous, même en prose. Le texte, daté d'avril 1734, discute de l'œuvre de Savary sur la chasse au cerf. L'auteur imagine que Savary a voulu instruire la noblesse en adaptant son langage à leur éducation. Il loue la traduction en vers de l'ouvrage, soulignant que les vers se retiennent mieux que la prose. Il considère l'ouvrage de Savary comme admirable, bien structuré et complet, offrant une instruction éternelle pour ceux qui souhaitent acquérir des connaissances sur la chasse au cerf. L'auteur apprécie également la traduction, qui a embelli l'œuvre par des ajouts et des suppressions judicieuses, et loue la poésie pour sa noblesse et sa naturalité. Il mentionne ensuite le dictionnaire de chasse et le recueil des tons de chasse et fanfares, qualifiés de présents précieux pour le public. Le dictionnaire est salué pour son exactitude et son étendue, couvrant tous les termes anciens et nouveaux. Les fanfares, attribuées à M. de Dampierre, sont décrites comme charmantes et innovantes, servant de signaux pour informer les veneurs des mouvements et des ruses du cerf. Les parodies des fanfares ajoutent une touche divertissante.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 657-659
LES DOUCEURS DU PRINTEMS.
Début :
Quand te reverrons-nous, Printems délicieux, [...]
Mots clefs :
Printemps, Voeux, Temps délicieux, Plaine, Yeux, Foule
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texteReconnaissance textuelle : LES DOUCEURS DU PRINTEMS.
LES DOUCEURS DU PRINTEMS .
Uand te reverrons - nous , Printems déli-
Q
cieux ,
Qui depuis tant de jours es l'objet de nos voeux
Badin zéphir de cette plaine
Chasse l'Aquilon furieux ;
Et qu'on n'entende dans ces lieux
Que le doux bruit de ton haleine .
Toi , Soleil , dissous les Glaçons
Qui couvrent ces Montagnes :
Du brillant feu de tes rayons ,
Décore nos Campagnes ;
Et ramène au plutôt ce temps plutôt ce temps délicieux
?
Qui depuis tant de jours est l'objet de nos voeux.
Mais que vois- je ! à ces voeux le Ciel est faverable
,
L'air
658 MERCURE DE FRANCE
L'air tout-à- coup devient serein ;
Et la Terre quitte soudain ;
Pour prendre un dehors agréable ,
Ce qu'elle avoit de plus hideux ,
Quelle foule d'objets se présente à mes yeux !
Ici paroît une verdure ;
Là, ce sont des Jardins tout émaillez de fleurs ;
Quel mélange charmant des plus vives couleurs
!
Oui , l'on diroit que la nature ,
Pour nous offrir un spectacle si beau ;
A mis au jour quelque secret nouveau.
Tous les Arbres de nos bocages.
80
Se parent de tendres feuillages ;
On voit en de gros Pâturages ,
Bondir les Boeufs et les Agneaux s
Une Troupe volage
De jeunes Oyseaux ,
Font répéter aux Echos
Les accens de leur doux ramage ;
Et par ces Airs mélodieux ,
Semblent nous annoncer le temps délicieux
Qui depuis tant de jours est l'objet de nos voeux
D'autre part j'apperçois une claire Fontaine
Qui roulant ses paisibles eaux
Au travers d'une vaste Plaine ,
Forme à nos yeux mille canaux.
C'est
AVRIL. 1734. 659
C'est - à-présent , Bergers , que laissant vos Hameaux
,
Vous viendrez tous en foule admirer ces Ruisseaux
>
Ce Gazon parsemé de pâles Violettes :
C'est à présent qu'épris du changement heureux
Qui vient de se faire en ces Lieux ,
Vous chanterez sur vos Musettes ,
Il est enfin venu ce temps délicieux
Qui depuis tant de jours est l'objet de nos voeux,
A. X. H.
Uand te reverrons - nous , Printems déli-
Q
cieux ,
Qui depuis tant de jours es l'objet de nos voeux
Badin zéphir de cette plaine
Chasse l'Aquilon furieux ;
Et qu'on n'entende dans ces lieux
Que le doux bruit de ton haleine .
Toi , Soleil , dissous les Glaçons
Qui couvrent ces Montagnes :
Du brillant feu de tes rayons ,
Décore nos Campagnes ;
Et ramène au plutôt ce temps plutôt ce temps délicieux
?
Qui depuis tant de jours est l'objet de nos voeux.
Mais que vois- je ! à ces voeux le Ciel est faverable
,
L'air
658 MERCURE DE FRANCE
L'air tout-à- coup devient serein ;
Et la Terre quitte soudain ;
Pour prendre un dehors agréable ,
Ce qu'elle avoit de plus hideux ,
Quelle foule d'objets se présente à mes yeux !
Ici paroît une verdure ;
Là, ce sont des Jardins tout émaillez de fleurs ;
Quel mélange charmant des plus vives couleurs
!
Oui , l'on diroit que la nature ,
Pour nous offrir un spectacle si beau ;
A mis au jour quelque secret nouveau.
Tous les Arbres de nos bocages.
80
Se parent de tendres feuillages ;
On voit en de gros Pâturages ,
Bondir les Boeufs et les Agneaux s
Une Troupe volage
De jeunes Oyseaux ,
Font répéter aux Echos
Les accens de leur doux ramage ;
Et par ces Airs mélodieux ,
Semblent nous annoncer le temps délicieux
Qui depuis tant de jours est l'objet de nos voeux
D'autre part j'apperçois une claire Fontaine
Qui roulant ses paisibles eaux
Au travers d'une vaste Plaine ,
Forme à nos yeux mille canaux.
C'est
AVRIL. 1734. 659
C'est - à-présent , Bergers , que laissant vos Hameaux
,
Vous viendrez tous en foule admirer ces Ruisseaux
>
Ce Gazon parsemé de pâles Violettes :
C'est à présent qu'épris du changement heureux
Qui vient de se faire en ces Lieux ,
Vous chanterez sur vos Musettes ,
Il est enfin venu ce temps délicieux
Qui depuis tant de jours est l'objet de nos voeux,
A. X. H.
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Résumé : LES DOUCEURS DU PRINTEMS.
Le texte 'Les Douceurs du Printemps' décrit l'attente et l'arrivée du printemps, présenté comme un vœu longtemps désiré. Le poème invite le printemps à chasser les vents furieux et à faire fondre les glaces grâce à la chaleur du soleil. L'auteur observe une transformation soudaine de l'air et de la terre, qui devient agréable et se pare de verdure et de fleurs. La nature révèle une palette de couleurs vives, les arbres se couvrent de feuilles tendres, et les animaux manifestent leur joie. Une fontaine claire roule ses eaux paisibles à travers une vaste plaine, formant de nombreux canaux. Les bergers sont invités à quitter leurs hameaux pour admirer les ruisseaux et le gazon parsemé de violettes, et à célébrer l'arrivée du printemps tant attendu.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 659-669
SECONDE Partie de la Comparaison de Descartes et de Newton.
Début :
Les Newtoniens s'efforcent d'abord d'élever leur Philosophie sur les ruines de celle de [...]
Mots clefs :
Descartes, Newton, Mouvement, Matière, Force, Corps, Espace, Comètes, Lieu, Rayons, Tourbillons, Principe, Pesanteur, Action, Attraction
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texteReconnaissance textuelle : SECONDE Partie de la Comparaison de Descartes et de Newton.
SECONDE Partie de la Comparaison
de Descartes et de Newton .
•
Es Newtoniens s'efforcent d'abord d'élever
LeurPhilosophie sur les ruines de celle de
>
Descartes. Ils soutiennent que le vuide est nécessaire
dans la Nature , pour qu'il puisse y
avoir du mouvement. Si la matiere peut être
plus ou moins rarefiée dit Newton , f Prin
cip. Math. p. 368. Edit. 1723. ) rien n'empêche
qu'elle ne le soit à l'infini , et il conclut
de ce principe , que non- seulement il y a du
vuide dans les espaces éthérées , mais encore que
ces espaces sont ( Nevv. Optic. ) entierement vuides.
Newton avance comme des axiomes dont il
n'est pas permis de douter , qu'il y a des lieux
( Princip. Math. définit, 8. Schol . p. 7. ) absolus
et primitifs , qui sont tels par leur essence et
auxquels on ne peut attribuer le mouvement.
ΤΟΙ
660 MERCURE DE FRANCE
Tous ces Principes de Newton sont insoute
nables , suivant le plus grand nombre des Physiciens
qui rejettent le vuide. Il n'y a point de
lieux absolus et primitifs ; et l'opinion du vuide
l'une des fondamentales de la Philosophie Newtonienne
tombant en ruine , entraîne toute cette
Philosophie avec elle. Le lieu ne devient tel, que
par la matiere ou l'étenduë qu'il contient. S'il
est sans matiere , il est sans étenduë , il cesse
d'être ; car le néant ne peut être étendu , et des
espaces séparez par rien , sont des espaces non
séparez , ou qui se touchent immédiatement.
L'espace ne peut pas davantage exister sans matiere
, ( Cartes. princip . part. 2. ) qu'une Montagne
sans vallée . L'étendue et l'espace ont commencé
par la création de la matiere et ont les
mêmes limites qu'elle. Penser autrement , c'est
se laisser éblouir par une image superficielle tracée
dans l'imagination et par l'habitude que les
rapports des sens ont causée en elle , en nous réprésentant
certains espaces comme vuides , parce
qu'ils sont remplis d'air ou de quelque autre
matiere encore plus déliée et plus imperceptible .
Au- delà des bornes du Monde matériel il n'y a
ni lieu ni espace ; autrement le lieu et l'espace
seroient infinis et éternels , ce qui mene aux consequences
les plus absurdes. Je suppose que les
derniers tourbillons qui composent l'Univers ,
s'étendent ou se resserrent , comme il seroit trèspossible
à l'Etre Souverain de les étendre ou de
les resserrer , le lieu et l'espace seroient augmentez
ou diminuez à proportion ; ce qui n'étoit pas
lieu , deviendroit tel , ou ce qui étoit lieu cesseroit
de l'être. Il n'y a donc ni espace ni lieu absolus
et primitifs , qui existent indépendamment
ou séparément du corps qui les remplit. Le lieu
AVRIL. 1734. 661
et l'espace ne sont autre chose que le corps luimême
, ayant differentes relations aux corps qui
l'environnent. Ils ne sont pas plus réels que la
situation ou la relation du corps . Le mouvement
se fait sans obstacle dans le plein . Pour peu que
la matiere soit rarefiée , elle cede facilement à un
corps plus massif. Il faut seulement que la force
motrice surpasse la résistance du fluide. Alors
il est également certain par le raisonnement et
par les experiences , qu'un corps avançant dans
le plein , la matiere dont il prend la place , reflue
vers ses côtez , et qu'en même temps la matiere
des côtez passe en arriere ; ensorte qu'un
mouvement direct en produit plusieurs circulaires,
ce qui n'arriveroit pas dans le vuide . Suivant
Descartes , dans tout espace égal , il y a toujours
même quantité de matiere , soit rarefiée , soit
condensée ; la situation , la figure et le mouvement
des particules en font toute la difference .
Les Newtoniens ( Prafat. editor . in Nevvton. )
objectent à la Physique corpusculaire de Descartes
, que la licence d'imaginer à son gré les figures
et les mouvemens d'une matiere imperceptible
, de supposer l'arrangement et l'impulsion
de ses particules , suivant le besoin qu'on
en a , de feindre des corps si déliez et si subtils ,
qu'ils traversent et remplissent toutes sortes d'interstices
avec une rapidité et une force de mouvement
qui n'ont aucune vrai - semblance ,
renoncer à ce qu'il y a de réel dans la Physique
pour s'attacher à des entitez inconnues , que
c'est abandonner la vraie constitution des choses
, pour s'appuyer sur des conjectures chimeri-
.ques ; que les causes occultes ne sont pas celles
qui produisent des effets évidents , et certains
comme la gravité, mais plutôt celles qui depenc'est
dent
662 MERCURE DE FRANCE
,
dent d'hypothèses purement imaginaires , comme
une matiere subtile et des tourbillons. Qu'une
cause n'est point occulte pour être primitive
et très-simple , et qu'une pareille cause n'est point
susceptible d'explications méchaniques. Que
pour expliquer la constitution d'une Horloge
il ne s'agit pas d'une supposition vague de ressorts
inconnus , qu'il faut faire connoître quelle
est la proportion et l'action de toutes les machines
qui la composent , et quel est leur effet
sensible. Que Galilée , par exemple , ayant établi
cette regle conforme à l'experience ; que les
corps jettez décrivent une parabole , si un Philosophe
vient dire que le corps jetté décrit cette
courbe , parce qu'il y a dans l'air une matiere
subtile qui la décrit aussi , un pareil raisonnement
ne peut paroître ai solide ni utile. Que si
vous mêlez dans un vase plusieurs liqueurs d'une
pesanteur inégale , il n'y aura de mouvement
entr'elles que jusqu'à ce qu'elles se soient arrangées
aux differentes hauteurs proportionnées à
leur gravité , et que de même dans les tourbillons
Cartésiens le mouvement doit cesser , lorsque
les Elemens occupent la place qui convient à
leurs forces centrifuges.
Les Cartésiens répondent que ce seroit faire
grand tort au raisonnement , que de ne vouloir
pas qu'il pénetre plus loin que les yeux ;
que si l'on considere l'augmentation et diminution
des corps dont l'experience est continuelle,
si l'on fait attention aux découvertes surprenantes
qui ont été faites par les Microscopes , on
ne peut nier que les parties imperceptibles ne
soient aussi réelles dans la Nature que celles
qui donnent prise à nos sens . Que puisque nous
sommes assurez que chaque corps est composé
de
AVRIL. 1734. 663
de plusieurs autres corps si petits , que nous ne
pouvons en avoir qu'une connoissance intellectuelle
tout Philosophe doit avouer qu'il est
très - avantageux de juger des Phénomenes perceptibles
aux sens , par une méchanique supposée
avec beaucoup de vrai- semblance dans les
Elemens imperceptibles ; de rendre raison par ce
moyen de tout ce qui est en la Nature; et de substituer
des causes vraiment physiques à des termes
qui ne signifient rien, comme les formes substan
tielles des Péripatéticiens, ou à des qualitez dont
on suppose des effets , sans expliquer de quelle
maniere ces effets peuvent être produits , comme
dans le Sistême de l'attraction Newtonienne.
Que les liqueurs mêlées dans un vase , demeurent
en repos après s'être arrangées convenablement
à leur pesanteur, parce que la résistance que
leur mouvement est obligé de vaincre , anéantit
à la fin ce mouvement , mais que les tourbillons
n'éprouvent aucune résistance pareille.
Que ces mouvemens nécessaires à la conservation
de l'Univers sont entretenus par la même
Providence qui les a créez et établis. Et bien loin
que la matiere liquide dont les Cieux sont remplis
dans le Systême Cartésien , nuise au mouvement
rapide des corps Celestes , comme Newton
l'a prétendu, rien n'est plus capable d'aider le
mouvement d'un Globe qui circule , qu'un fluide
déterminé à se mouvoir vers le même côté avec
autant et plus de force que le Globe lui- même; et
ce véhicule paroît absolument nécessaire pour
imaginer les révolutions rapides des corps celestes .
L'objection contre le Systême Cartésien , sur
laquelle Neuwton paroît se fonder avec le plus
de confiance , est tirée des Cométes. Il est impossible
, dit- il , ( Nevut. Princip. Math . p.
481. )
664 MERCURE DE FRANCE
ton ,
481. ) que les tourbillons subsistent et puissent
être conciliez avec les mouvemens irréguliers des
Cométes qui les font errer dans toutes les parties
du Ciel. Cette objection se rétorque contre Newcar
les Cométes ne sont pas plus fideles
aux loix de l'attraction , à moins que quelque
Newtonien , à l'exemple du Maître , ne nous
donne dans un calcul précis le degré de pesanteur
réciproque de chaque Planette sur chaque
Cométe ; car la précision des calculs ne coute
rien à cette Philosophie. Dans le Systême Cartésien
il est aisé de répondre , touchant l'irrégularité
du cours des Cométes , que ces Phénomenes
passagers ne doivent pas suivre le mouvement
des Cieux des Planetes ; si les Cometes ne
sont autre chose que des amas de matiere , irréguliers
dans le temps de leur durée et dans leur
cours , la cause qui les produit est aussi celle qui
dirige leur mouvement ; comme les vents dans
notre atmosphere ont une égale violence en tout
sens , et ne sont point assujettis au cours uniforme
du fluide qui accompagne la révolution du
Globle Terrestre , ni aux loix de l'attraction
Newtonienne. Si les Cométes sont des Astres
dont le cours soit reglé et qui ne soient visibles
pour nous , que lorsque leurs révolutions périodiques
les ramenent aux confins de notre
tourbillon , les Cometes suivent le courant d'un
Auide étranger , qui n'a rien de commun avec
ceux de nos Planetes. Alors les Cométes sont à
peu près dans la Région de Saturne , et peut- être
même plus proches. Car les tourbillons remplis
à leurs extremitez d'une matiere fort déliée , cédent
facilement à la moindre impression ; et il
est assez vrai semblable que les courants d'un
tourbillon peuvent penetrer dans un tourbillon
voiAVRIL.
173 4. 565
voisin , à peu près comme les eaux de la
Mer entrent dans un Golphe, Ces fluides des
differents tourbillons ne se mêlent pas pour cela
et ne changent pas la direction de leur mouvement.
On remarque néanmoins que les Cométes
approchant du Soleil , reçoivent une impression
sensible de ses rayons ; car la queue ou plutôt
l'atmosphere de la Cométe , qui , suivant l'observation
de Képler , paroît toujours opposée au
Soleil, est rejettée en arriere par l'impulsion de ses
rayons , comme une chevelure exposée aux vents.
Newton a mieux traité le mouvement que
Descartes , mais ni l'un ni l'autre ne sont parvenus
à en donner une idée entierement juste .
Descartes entend par le mouvement les differentes
relations d'un corps. Il avoue ( Prin
cip. part. 2. ) que , suivant ses principes , on peut
dire qu'un corps se meut en même -temps et ne
se meut pas. Il soutient qu'il ne faut pas plus
d'action pour le mouvement que pour le repos .
D'où l'on peut conclure qu'une Statuë est dans
le même mouvement qu'un homme qui s'éloigne
d'elle. Il attribue le mouvement d'un corps
à la relation des corps qui le touchent immédiatement
; ce qui étant pris au pied de la lettre ,
signifie qu'un homme qui feroit à pied le tour
du Monde dans les mêmes habits , në se remuëroit
pas , et il s'ensuivroit cette conséquence .
qu'un corps seroit mû en même- temps dans des
sens contraires , comme un Plan sur lequel
deux corps seroient poussez l'un à droite ,
l'autre à gauche. Newton ( Princip . Math . définit,
8. Schol. p . 8. et 9. et axiom . p . 18. ) distingue
le mouvement vrai du mouvement relatif. Suivant
les explications qu'il donne , le mouvement
vrai consiste dans la force qui agity soit que
cette
€65 MERCURE DE FRANCE
le cette force soit dans le corps même , soit que
corps la reçoive d'ailleurs . Le mouvement relatif
ne dépend que des changemens de situation
des corps , les uns à l'égard des autres . Il suit de
ces principes , qu'il peut y avoir un mouvement
veritable avec plusieurs repos relatifs , comme
lorsqu'un corps avance et que plusieurs corps
qui l'environnent , avancent en même temps ; et
qu'il peut y avoir au contraire plusieurs mouvemens
relatifs sans aucun mouvement veritable ,
comme lorsqu'un homme est tranquille dans un
vaisseau dont le mouvement est égal et uniforme
; et qu'ainsi le mouvement véritable ne consiste
pas dans les relations .Mais quoique le mou
vement veritable ne consiste pas uniquement
dans les relations , il ne peut être neanmoins
sans quelque changement de rapports , sinon aux
objets prochains , du moins aux éloignez . La
force seule ne fait pas le mouvement ; car si elle
rencontre des obstacles plus puissants qu'elle , le
coips reste dans un veritable repos . En réunissant
donc ces principes , le mouvement peut être
défini , ce me semble , le changement de relations
d'un corps à des objets prochains ou éloignez
par l'action d'une force que ce corps a en luimême
ou qu'il a reçûë d'ailleurs .
Newton a penetré plus avant que Descartes
dans la théorie des couleurs . Suivant les principes
Cartésiens , si la superficie des corps ne laisse
aucun accès dans ses interstices aux globules
du second Element , les corps paroissent lumineux
ou sont au moins fort blancs , lorsqu'ils
ne sont pas enflammez , et les globules repoussez
ont une force qui éblouit. Si les pores fort
ouverts , comme un petit crible , reçoivent dans
toute leur surface les globules du second Element
AVRIL. 1734. 667
>
ment , ils absorbent les rayons de lumiere , et
leur couleur est très - noire . Si l'angle de reflexion
est tel , que les globules flattent l'organe visuel ,
la couleur est agréable , comme le verd . Newton
a suivi une route differente . Il établit une espece
de gamme des couleurs élementaires , et entreprenant
en quelque sorte l'anatomie de la lumiere
, il pose pour principes sept especes de
rayons , dont chacun porte sa couleur particuliere
; sçavoir , rouge , orangé , jaune , verd
bleu , indigo , violet ; en sorte que le rayon qui
porte une couleur , n'en porte jamais d'autre.
Exposez aux rayons du Soleil un prisme triangulaire
à une certaine distance d'un papier , qui
puisse renvoyer les rayons rompus et séparez ;
Vous voyez sur le papier sept couleurs bien distinctes
et disposées dans l'ordre qui vient d'être
rémarqué , de la couleur rouge , orangée , jaune
verte , bleue , indigo et violette. Newton a de
plus remarqué que les espaces occupés par les
couleurs sur le papier , sont en même proportion
que les chiffres qui expriment les intervales
des sept tons de Musique. Faites au papier une
petite ouverture , qui ne laisse passer qu'une espece
de rayon qui porte , par exemple , le rouge
ou le violet , rompez de nouveau le rayon avec
un second prisme , un troisiéme ; faites - les tourner
sur les axes ; le rayon differemment rompu,
refléchi differemment , présente toûjours la même
sorte de couleur. Dans cette hypothèse , le blanc
résulte du mêlange des sept couleurs principales,
et les corps paroissent differemment colorez ,
parce que la figure de leurs pores , la tissure et
la consistance de leurs parties refléchissent une
plus grande quantité de rayons d'une certaine
espece , tandis que les interstices de ces corps
trans668
MERCURE DE FRANCE
transmettent la plupart des autres rayons ou
qu'ils les absorbent.
Newton a été moins heureux dans les loix du
mouvement qu'il a établies ; il prétend que les
actions de deux corps sont toujours mutuelles
égales et opposées, ( Nevvt, Princip . Math. axiom.
leg. 3. p. 13. ) ensorte que la réaction est toujours
contraire et égale à l'action . Ce principe
dont il fait l'axiome fondamental ( Ib . Coroll. 3 .
p. 15, et seq. ) de ses démonstrations , détruit
toutes les loix de la statique et de l'équilibre ; car
si la réaction est toujours égale à l'action ,
les corps agiront avec des forces égales et tous
les contrepoids demeureront en suspens et sans
action. Le prétendu axiome , au lieu d'être un
principe de mouvement , seroit le principe d'une
immobilité generale , puisqu'il est certain
qu'un carosse et six chevaux demeureront immobiles
, si la réaction du carosse est égale et
opposée à l'action des six chevaux.
tous
Newton dit ailleurs que la pesanteur ou la gra
vité des corps ( Princip. Math. lib . 3. Propos.
7. Theor. 7.p.369 . ) est universelle et qu'elle est
proportionnée à la quantité de matiere qui est
en eux. Les calculs de la pesanteur des Planetes
roulent sur cet axiome contraire au sentiment du
plus grand nombre des Physiciens qui rejettent
le vuide , et suivant lesquels chaque espace égal
contient toujours une égale quantité de matiere.
Newton avance un autre principe fort opposé
aux idées naturelles, sçavoir , que moins un
corps qu'on jette ( Princip. Math definit . 5. p. 3. )
a de gravité , moins il s'écarte de la ligne droite
et plus il va loin. Suivant ce principe , un
Globe de liége . poussé avec beaucoup de force ,
devroit aller plus loin qu'un Globe de plomb ,
poussé
AVRIL. 1734. 669
poussé avec une force égale , le Globe de liege
ayant moins de gravité ; à moins qu'on ne regarde
le Globe de liege comme ayant plus de
gravité qu'un Globe de plomb , parce que le Globe
de liege est attiré plus promptement vers la
terre ; et alors celui qui auroit , suivant Newton,
le moins de matiere , auroit le plus de gravité.
Le fondement géneral du Systême Newtonien,
l'axe, pour ainsi- dire, sur lequel toute cette Philosophie
tourne , c'est l'attraction . Newton admet
aussi dans la matiere une hétérogénéïté ou diversité
de genres , qualité aussi occulte que l'attraction,
et qui n'a aucune signification Physique.Descartes
ne reconnoît dans la Nature qu'un mouvement
d'impulsion, et il rapporte le mouvement au
Créateur, comme à sa cause unique et immédiate
Newton regarde le mouvement comme l'effet de
Pattraction. Il y a donc entre ces deux Philosophes
une opposition de sentimens sur la cause
physique generale et primitive ; ce que l'un considére
comme la causé , l'autre lui donne la qualification
d'effet ; Descartes déduit la pesanteur
du mouvement , Newton déduit le mouvement
de la pesanteur ou de l'attraction .
La suite dans le Mercure prochain.
de Descartes et de Newton .
•
Es Newtoniens s'efforcent d'abord d'élever
LeurPhilosophie sur les ruines de celle de
>
Descartes. Ils soutiennent que le vuide est nécessaire
dans la Nature , pour qu'il puisse y
avoir du mouvement. Si la matiere peut être
plus ou moins rarefiée dit Newton , f Prin
cip. Math. p. 368. Edit. 1723. ) rien n'empêche
qu'elle ne le soit à l'infini , et il conclut
de ce principe , que non- seulement il y a du
vuide dans les espaces éthérées , mais encore que
ces espaces sont ( Nevv. Optic. ) entierement vuides.
Newton avance comme des axiomes dont il
n'est pas permis de douter , qu'il y a des lieux
( Princip. Math. définit, 8. Schol . p. 7. ) absolus
et primitifs , qui sont tels par leur essence et
auxquels on ne peut attribuer le mouvement.
ΤΟΙ
660 MERCURE DE FRANCE
Tous ces Principes de Newton sont insoute
nables , suivant le plus grand nombre des Physiciens
qui rejettent le vuide. Il n'y a point de
lieux absolus et primitifs ; et l'opinion du vuide
l'une des fondamentales de la Philosophie Newtonienne
tombant en ruine , entraîne toute cette
Philosophie avec elle. Le lieu ne devient tel, que
par la matiere ou l'étenduë qu'il contient. S'il
est sans matiere , il est sans étenduë , il cesse
d'être ; car le néant ne peut être étendu , et des
espaces séparez par rien , sont des espaces non
séparez , ou qui se touchent immédiatement.
L'espace ne peut pas davantage exister sans matiere
, ( Cartes. princip . part. 2. ) qu'une Montagne
sans vallée . L'étendue et l'espace ont commencé
par la création de la matiere et ont les
mêmes limites qu'elle. Penser autrement , c'est
se laisser éblouir par une image superficielle tracée
dans l'imagination et par l'habitude que les
rapports des sens ont causée en elle , en nous réprésentant
certains espaces comme vuides , parce
qu'ils sont remplis d'air ou de quelque autre
matiere encore plus déliée et plus imperceptible .
Au- delà des bornes du Monde matériel il n'y a
ni lieu ni espace ; autrement le lieu et l'espace
seroient infinis et éternels , ce qui mene aux consequences
les plus absurdes. Je suppose que les
derniers tourbillons qui composent l'Univers ,
s'étendent ou se resserrent , comme il seroit trèspossible
à l'Etre Souverain de les étendre ou de
les resserrer , le lieu et l'espace seroient augmentez
ou diminuez à proportion ; ce qui n'étoit pas
lieu , deviendroit tel , ou ce qui étoit lieu cesseroit
de l'être. Il n'y a donc ni espace ni lieu absolus
et primitifs , qui existent indépendamment
ou séparément du corps qui les remplit. Le lieu
AVRIL. 1734. 661
et l'espace ne sont autre chose que le corps luimême
, ayant differentes relations aux corps qui
l'environnent. Ils ne sont pas plus réels que la
situation ou la relation du corps . Le mouvement
se fait sans obstacle dans le plein . Pour peu que
la matiere soit rarefiée , elle cede facilement à un
corps plus massif. Il faut seulement que la force
motrice surpasse la résistance du fluide. Alors
il est également certain par le raisonnement et
par les experiences , qu'un corps avançant dans
le plein , la matiere dont il prend la place , reflue
vers ses côtez , et qu'en même temps la matiere
des côtez passe en arriere ; ensorte qu'un
mouvement direct en produit plusieurs circulaires,
ce qui n'arriveroit pas dans le vuide . Suivant
Descartes , dans tout espace égal , il y a toujours
même quantité de matiere , soit rarefiée , soit
condensée ; la situation , la figure et le mouvement
des particules en font toute la difference .
Les Newtoniens ( Prafat. editor . in Nevvton. )
objectent à la Physique corpusculaire de Descartes
, que la licence d'imaginer à son gré les figures
et les mouvemens d'une matiere imperceptible
, de supposer l'arrangement et l'impulsion
de ses particules , suivant le besoin qu'on
en a , de feindre des corps si déliez et si subtils ,
qu'ils traversent et remplissent toutes sortes d'interstices
avec une rapidité et une force de mouvement
qui n'ont aucune vrai - semblance ,
renoncer à ce qu'il y a de réel dans la Physique
pour s'attacher à des entitez inconnues , que
c'est abandonner la vraie constitution des choses
, pour s'appuyer sur des conjectures chimeri-
.ques ; que les causes occultes ne sont pas celles
qui produisent des effets évidents , et certains
comme la gravité, mais plutôt celles qui depenc'est
dent
662 MERCURE DE FRANCE
,
dent d'hypothèses purement imaginaires , comme
une matiere subtile et des tourbillons. Qu'une
cause n'est point occulte pour être primitive
et très-simple , et qu'une pareille cause n'est point
susceptible d'explications méchaniques. Que
pour expliquer la constitution d'une Horloge
il ne s'agit pas d'une supposition vague de ressorts
inconnus , qu'il faut faire connoître quelle
est la proportion et l'action de toutes les machines
qui la composent , et quel est leur effet
sensible. Que Galilée , par exemple , ayant établi
cette regle conforme à l'experience ; que les
corps jettez décrivent une parabole , si un Philosophe
vient dire que le corps jetté décrit cette
courbe , parce qu'il y a dans l'air une matiere
subtile qui la décrit aussi , un pareil raisonnement
ne peut paroître ai solide ni utile. Que si
vous mêlez dans un vase plusieurs liqueurs d'une
pesanteur inégale , il n'y aura de mouvement
entr'elles que jusqu'à ce qu'elles se soient arrangées
aux differentes hauteurs proportionnées à
leur gravité , et que de même dans les tourbillons
Cartésiens le mouvement doit cesser , lorsque
les Elemens occupent la place qui convient à
leurs forces centrifuges.
Les Cartésiens répondent que ce seroit faire
grand tort au raisonnement , que de ne vouloir
pas qu'il pénetre plus loin que les yeux ;
que si l'on considere l'augmentation et diminution
des corps dont l'experience est continuelle,
si l'on fait attention aux découvertes surprenantes
qui ont été faites par les Microscopes , on
ne peut nier que les parties imperceptibles ne
soient aussi réelles dans la Nature que celles
qui donnent prise à nos sens . Que puisque nous
sommes assurez que chaque corps est composé
de
AVRIL. 1734. 663
de plusieurs autres corps si petits , que nous ne
pouvons en avoir qu'une connoissance intellectuelle
tout Philosophe doit avouer qu'il est
très - avantageux de juger des Phénomenes perceptibles
aux sens , par une méchanique supposée
avec beaucoup de vrai- semblance dans les
Elemens imperceptibles ; de rendre raison par ce
moyen de tout ce qui est en la Nature; et de substituer
des causes vraiment physiques à des termes
qui ne signifient rien, comme les formes substan
tielles des Péripatéticiens, ou à des qualitez dont
on suppose des effets , sans expliquer de quelle
maniere ces effets peuvent être produits , comme
dans le Sistême de l'attraction Newtonienne.
Que les liqueurs mêlées dans un vase , demeurent
en repos après s'être arrangées convenablement
à leur pesanteur, parce que la résistance que
leur mouvement est obligé de vaincre , anéantit
à la fin ce mouvement , mais que les tourbillons
n'éprouvent aucune résistance pareille.
Que ces mouvemens nécessaires à la conservation
de l'Univers sont entretenus par la même
Providence qui les a créez et établis. Et bien loin
que la matiere liquide dont les Cieux sont remplis
dans le Systême Cartésien , nuise au mouvement
rapide des corps Celestes , comme Newton
l'a prétendu, rien n'est plus capable d'aider le
mouvement d'un Globe qui circule , qu'un fluide
déterminé à se mouvoir vers le même côté avec
autant et plus de force que le Globe lui- même; et
ce véhicule paroît absolument nécessaire pour
imaginer les révolutions rapides des corps celestes .
L'objection contre le Systême Cartésien , sur
laquelle Neuwton paroît se fonder avec le plus
de confiance , est tirée des Cométes. Il est impossible
, dit- il , ( Nevut. Princip. Math . p.
481. )
664 MERCURE DE FRANCE
ton ,
481. ) que les tourbillons subsistent et puissent
être conciliez avec les mouvemens irréguliers des
Cométes qui les font errer dans toutes les parties
du Ciel. Cette objection se rétorque contre Newcar
les Cométes ne sont pas plus fideles
aux loix de l'attraction , à moins que quelque
Newtonien , à l'exemple du Maître , ne nous
donne dans un calcul précis le degré de pesanteur
réciproque de chaque Planette sur chaque
Cométe ; car la précision des calculs ne coute
rien à cette Philosophie. Dans le Systême Cartésien
il est aisé de répondre , touchant l'irrégularité
du cours des Cométes , que ces Phénomenes
passagers ne doivent pas suivre le mouvement
des Cieux des Planetes ; si les Cometes ne
sont autre chose que des amas de matiere , irréguliers
dans le temps de leur durée et dans leur
cours , la cause qui les produit est aussi celle qui
dirige leur mouvement ; comme les vents dans
notre atmosphere ont une égale violence en tout
sens , et ne sont point assujettis au cours uniforme
du fluide qui accompagne la révolution du
Globle Terrestre , ni aux loix de l'attraction
Newtonienne. Si les Cométes sont des Astres
dont le cours soit reglé et qui ne soient visibles
pour nous , que lorsque leurs révolutions périodiques
les ramenent aux confins de notre
tourbillon , les Cometes suivent le courant d'un
Auide étranger , qui n'a rien de commun avec
ceux de nos Planetes. Alors les Cométes sont à
peu près dans la Région de Saturne , et peut- être
même plus proches. Car les tourbillons remplis
à leurs extremitez d'une matiere fort déliée , cédent
facilement à la moindre impression ; et il
est assez vrai semblable que les courants d'un
tourbillon peuvent penetrer dans un tourbillon
voiAVRIL.
173 4. 565
voisin , à peu près comme les eaux de la
Mer entrent dans un Golphe, Ces fluides des
differents tourbillons ne se mêlent pas pour cela
et ne changent pas la direction de leur mouvement.
On remarque néanmoins que les Cométes
approchant du Soleil , reçoivent une impression
sensible de ses rayons ; car la queue ou plutôt
l'atmosphere de la Cométe , qui , suivant l'observation
de Képler , paroît toujours opposée au
Soleil, est rejettée en arriere par l'impulsion de ses
rayons , comme une chevelure exposée aux vents.
Newton a mieux traité le mouvement que
Descartes , mais ni l'un ni l'autre ne sont parvenus
à en donner une idée entierement juste .
Descartes entend par le mouvement les differentes
relations d'un corps. Il avoue ( Prin
cip. part. 2. ) que , suivant ses principes , on peut
dire qu'un corps se meut en même -temps et ne
se meut pas. Il soutient qu'il ne faut pas plus
d'action pour le mouvement que pour le repos .
D'où l'on peut conclure qu'une Statuë est dans
le même mouvement qu'un homme qui s'éloigne
d'elle. Il attribue le mouvement d'un corps
à la relation des corps qui le touchent immédiatement
; ce qui étant pris au pied de la lettre ,
signifie qu'un homme qui feroit à pied le tour
du Monde dans les mêmes habits , në se remuëroit
pas , et il s'ensuivroit cette conséquence .
qu'un corps seroit mû en même- temps dans des
sens contraires , comme un Plan sur lequel
deux corps seroient poussez l'un à droite ,
l'autre à gauche. Newton ( Princip . Math . définit,
8. Schol. p . 8. et 9. et axiom . p . 18. ) distingue
le mouvement vrai du mouvement relatif. Suivant
les explications qu'il donne , le mouvement
vrai consiste dans la force qui agity soit que
cette
€65 MERCURE DE FRANCE
le cette force soit dans le corps même , soit que
corps la reçoive d'ailleurs . Le mouvement relatif
ne dépend que des changemens de situation
des corps , les uns à l'égard des autres . Il suit de
ces principes , qu'il peut y avoir un mouvement
veritable avec plusieurs repos relatifs , comme
lorsqu'un corps avance et que plusieurs corps
qui l'environnent , avancent en même temps ; et
qu'il peut y avoir au contraire plusieurs mouvemens
relatifs sans aucun mouvement veritable ,
comme lorsqu'un homme est tranquille dans un
vaisseau dont le mouvement est égal et uniforme
; et qu'ainsi le mouvement véritable ne consiste
pas dans les relations .Mais quoique le mou
vement veritable ne consiste pas uniquement
dans les relations , il ne peut être neanmoins
sans quelque changement de rapports , sinon aux
objets prochains , du moins aux éloignez . La
force seule ne fait pas le mouvement ; car si elle
rencontre des obstacles plus puissants qu'elle , le
coips reste dans un veritable repos . En réunissant
donc ces principes , le mouvement peut être
défini , ce me semble , le changement de relations
d'un corps à des objets prochains ou éloignez
par l'action d'une force que ce corps a en luimême
ou qu'il a reçûë d'ailleurs .
Newton a penetré plus avant que Descartes
dans la théorie des couleurs . Suivant les principes
Cartésiens , si la superficie des corps ne laisse
aucun accès dans ses interstices aux globules
du second Element , les corps paroissent lumineux
ou sont au moins fort blancs , lorsqu'ils
ne sont pas enflammez , et les globules repoussez
ont une force qui éblouit. Si les pores fort
ouverts , comme un petit crible , reçoivent dans
toute leur surface les globules du second Element
AVRIL. 1734. 667
>
ment , ils absorbent les rayons de lumiere , et
leur couleur est très - noire . Si l'angle de reflexion
est tel , que les globules flattent l'organe visuel ,
la couleur est agréable , comme le verd . Newton
a suivi une route differente . Il établit une espece
de gamme des couleurs élementaires , et entreprenant
en quelque sorte l'anatomie de la lumiere
, il pose pour principes sept especes de
rayons , dont chacun porte sa couleur particuliere
; sçavoir , rouge , orangé , jaune , verd
bleu , indigo , violet ; en sorte que le rayon qui
porte une couleur , n'en porte jamais d'autre.
Exposez aux rayons du Soleil un prisme triangulaire
à une certaine distance d'un papier , qui
puisse renvoyer les rayons rompus et séparez ;
Vous voyez sur le papier sept couleurs bien distinctes
et disposées dans l'ordre qui vient d'être
rémarqué , de la couleur rouge , orangée , jaune
verte , bleue , indigo et violette. Newton a de
plus remarqué que les espaces occupés par les
couleurs sur le papier , sont en même proportion
que les chiffres qui expriment les intervales
des sept tons de Musique. Faites au papier une
petite ouverture , qui ne laisse passer qu'une espece
de rayon qui porte , par exemple , le rouge
ou le violet , rompez de nouveau le rayon avec
un second prisme , un troisiéme ; faites - les tourner
sur les axes ; le rayon differemment rompu,
refléchi differemment , présente toûjours la même
sorte de couleur. Dans cette hypothèse , le blanc
résulte du mêlange des sept couleurs principales,
et les corps paroissent differemment colorez ,
parce que la figure de leurs pores , la tissure et
la consistance de leurs parties refléchissent une
plus grande quantité de rayons d'une certaine
espece , tandis que les interstices de ces corps
trans668
MERCURE DE FRANCE
transmettent la plupart des autres rayons ou
qu'ils les absorbent.
Newton a été moins heureux dans les loix du
mouvement qu'il a établies ; il prétend que les
actions de deux corps sont toujours mutuelles
égales et opposées, ( Nevvt, Princip . Math. axiom.
leg. 3. p. 13. ) ensorte que la réaction est toujours
contraire et égale à l'action . Ce principe
dont il fait l'axiome fondamental ( Ib . Coroll. 3 .
p. 15, et seq. ) de ses démonstrations , détruit
toutes les loix de la statique et de l'équilibre ; car
si la réaction est toujours égale à l'action ,
les corps agiront avec des forces égales et tous
les contrepoids demeureront en suspens et sans
action. Le prétendu axiome , au lieu d'être un
principe de mouvement , seroit le principe d'une
immobilité generale , puisqu'il est certain
qu'un carosse et six chevaux demeureront immobiles
, si la réaction du carosse est égale et
opposée à l'action des six chevaux.
tous
Newton dit ailleurs que la pesanteur ou la gra
vité des corps ( Princip. Math. lib . 3. Propos.
7. Theor. 7.p.369 . ) est universelle et qu'elle est
proportionnée à la quantité de matiere qui est
en eux. Les calculs de la pesanteur des Planetes
roulent sur cet axiome contraire au sentiment du
plus grand nombre des Physiciens qui rejettent
le vuide , et suivant lesquels chaque espace égal
contient toujours une égale quantité de matiere.
Newton avance un autre principe fort opposé
aux idées naturelles, sçavoir , que moins un
corps qu'on jette ( Princip. Math definit . 5. p. 3. )
a de gravité , moins il s'écarte de la ligne droite
et plus il va loin. Suivant ce principe , un
Globe de liége . poussé avec beaucoup de force ,
devroit aller plus loin qu'un Globe de plomb ,
poussé
AVRIL. 1734. 669
poussé avec une force égale , le Globe de liege
ayant moins de gravité ; à moins qu'on ne regarde
le Globe de liege comme ayant plus de
gravité qu'un Globe de plomb , parce que le Globe
de liege est attiré plus promptement vers la
terre ; et alors celui qui auroit , suivant Newton,
le moins de matiere , auroit le plus de gravité.
Le fondement géneral du Systême Newtonien,
l'axe, pour ainsi- dire, sur lequel toute cette Philosophie
tourne , c'est l'attraction . Newton admet
aussi dans la matiere une hétérogénéïté ou diversité
de genres , qualité aussi occulte que l'attraction,
et qui n'a aucune signification Physique.Descartes
ne reconnoît dans la Nature qu'un mouvement
d'impulsion, et il rapporte le mouvement au
Créateur, comme à sa cause unique et immédiate
Newton regarde le mouvement comme l'effet de
Pattraction. Il y a donc entre ces deux Philosophes
une opposition de sentimens sur la cause
physique generale et primitive ; ce que l'un considére
comme la causé , l'autre lui donne la qualification
d'effet ; Descartes déduit la pesanteur
du mouvement , Newton déduit le mouvement
de la pesanteur ou de l'attraction .
La suite dans le Mercure prochain.
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Résumé : SECONDE Partie de la Comparaison de Descartes et de Newton.
Le texte compare les philosophies de Descartes et de Newton, en soulignant les divergences entre les Newtoniens et les Cartésiens. Les Newtoniens affirment que le vide est nécessaire pour le mouvement et qu'il existe des lieux absolus et primitifs. Ils considèrent l'espace éthéré comme entièrement vide. En revanche, les Cartésiens rejettent l'idée de lieux absolus et de vide, estimant que l'espace est rempli de matière, même si elle est rarefiée. Ils pensent que l'espace et l'étendue commencent avec la création de la matière et sont limités par elle. Les Newtoniens critiquent la physique corpusculaire de Descartes, la jugeant trop spéculative et imaginative, tandis que les Cartésiens défendent l'idée que les phénomènes perceptibles peuvent être expliqués par des mécanismes imperceptibles. Le texte aborde également la question des comètes. Les Cartésiens expliquent leur mouvement par des courants de fluides, tandis que Newton utilise les comètes pour critiquer les tourbillons cartésiens. De plus, le texte compare les conceptions du mouvement chez Descartes et Newton. Newton distingue le mouvement vrai du mouvement relatif, contrairement à Descartes. Le texte traite également des théories de Newton sur la lumière et la gravité. Newton a établi une gamme de sept couleurs élémentaires : rouge, orangé, jaune, vert, bleu, indigo et violet. En exposant les rayons du Soleil à travers un prisme, ces couleurs apparaissent distinctement et dans un ordre spécifique. Newton a noté que les proportions des espaces occupés par ces couleurs sur un papier correspondent aux intervalles des tons musicaux. Il a démontré que chaque couleur reste inchangée même après être passée à travers plusieurs prismes. Selon Newton, le blanc résulte du mélange de ces sept couleurs principales, et les objets apparaissent colorés en fonction de la réflexion et de l'absorption des rayons lumineux par leurs pores et interstices. Le texte critique les lois du mouvement de Newton, notamment son principe selon lequel les actions de deux corps sont toujours mutuelles, égales et opposées. Ce principe est jugé destructeur des lois de la statique et de l'équilibre, car il conduirait à une immobilité générale. Newton a également affirmé que la gravité est universelle et proportionnelle à la quantité de matière dans un corps, une idée contraire à celle de nombreux physiciens de l'époque. Il a proposé que moins un corps a de gravité, plus il s'écarte de la ligne droite. Le fondement du système newtonien repose sur l'attraction, une qualité occulte selon le texte. Newton et Descartes ont des opinions opposées sur la cause physique générale et primitive : Descartes attribue le mouvement au Créateur, tandis que Newton le voit comme un effet de l'attraction.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 669-670
POESIE ANACRÉONTIQUE. Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic, en Bretagne.
Début :
Coq pompeux, dont la voix se fait par tout entendre, [...]
Mots clefs :
Coq, Plaisirs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : POESIE ANACRÉONTIQUE. Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic, en Bretagne.
POESIE ANACRE’ONTIQUE.
Par Mile de Malerais de la Vigne , du
Croisic , en Bretagne.
Oq pompeux , dont la voix se fait
entendre ,
par tout
Dans ces lieux éloignez de la Ville et du bruit ,
C Pour
670 MERCURE DE FRANCE
Pourquoi m'arrachez -vous au rêve le plus tendre?
M'enviez- vous, hélas ! un moment dans la nuit ,
Où le sommeil étoit venu suspendre
Le noir chagrin qui me poursuit ,
Et qui même , aussi- tôt que le Soleil nous luit
Au fond de nos Bois va m'attendre.
Impérieux Oyseau , que je trouve en vos chants,
De vanité , de folle gloire !
Vous faites comme les Amans
Et sans avoir vaincu , vous chantez la victoire.
Mais ne pourriez-vous pas contenter vos désirs ,
Sans en faire éclater la superbe nouvelle
Ah ! l'indiscrétion cruelle ,
Augmente- t- elle les plaisirs ?
Par Mile de Malerais de la Vigne , du
Croisic , en Bretagne.
Oq pompeux , dont la voix se fait
entendre ,
par tout
Dans ces lieux éloignez de la Ville et du bruit ,
C Pour
670 MERCURE DE FRANCE
Pourquoi m'arrachez -vous au rêve le plus tendre?
M'enviez- vous, hélas ! un moment dans la nuit ,
Où le sommeil étoit venu suspendre
Le noir chagrin qui me poursuit ,
Et qui même , aussi- tôt que le Soleil nous luit
Au fond de nos Bois va m'attendre.
Impérieux Oyseau , que je trouve en vos chants,
De vanité , de folle gloire !
Vous faites comme les Amans
Et sans avoir vaincu , vous chantez la victoire.
Mais ne pourriez-vous pas contenter vos désirs ,
Sans en faire éclater la superbe nouvelle
Ah ! l'indiscrétion cruelle ,
Augmente- t- elle les plaisirs ?
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Résumé : POESIE ANACRÉONTIQUE. Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic, en Bretagne.
'Poésie Anacréontique' de Mile de Malerais de la Vigne exprime la frustration de l'auteur face à un oiseau dont le chant interrompt un rêve agréable. L'auteur reproche à l'oiseau sa vanité et compare son comportement à celui des amants vantards. Il déplore l'indiscrétion cruelle de l'oiseau, soulignant qu'elle n'augmente pas les plaisirs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
8
p. 670-686
LETTRE de M..... au sujet de la nouvelle Histoire de la Ville et Abbaye de S. Filibert de Tournus ; dédiée à son Eminence M. le Cardinal de Fleury, Abbé de Tournus.
Début :
Ce ne sont pas toujours les Villes Episcopales qui sont en état de fournir [...]
Mots clefs :
Abbaye Saint-Philibert de Tournus, Tournus, Abbé, Auteur, Abbaye, Monastère, Religieux, Saint Philibert, Comte de Chalon, Église, Moines, Évêque, Cour, Saint Valérien, Roi, Anciens
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M..... au sujet de la nouvelle Histoire de la Ville et Abbaye de S. Filibert de Tournus ; dédiée à son Eminence M. le Cardinal de Fleury, Abbé de Tournus.
LETTRE de M..... au sujet de la
nouvelle Histoire de la Ville et Abbaye
de S. Filibert de Tournus ; dédiée à son
Eminence M. le Cardinal de Fleury ;
Abbé de Tournus .
CE
E ne sont pas toujours les Villes
Episcopales qui sont en état de fournir
une matiere suffisante pour composer
de gros volumes d'Histoire . Souvent
en recherchant ce qu'il y a à dire d'une
Ville qui n'a commencé que par un simple
Château , et où dans la suite il s'est
étaAVRIL.
1734.
671
établi un Monastere , on trouve une plus
ample moisson qu'on ne croyoit , et enfin
de quoi former un volume complet.
C'est ce qui est arrivé à la Ville de Tournus
en Bourgogne , dont un Chanoine
vient de publier l'Histoire.
L'Auteur remonte jusqu'à l'origine de
la Ville , pour donner une connoissance
entiere du sujet qu'il traite. Tournus
étoit du Païs des Eduens ; c'étoit une
espece de Grenier ou de Magazin , qui
est appellé , Horreum Castrense , dans les
Actes de S. Valerien . Le martyre de ce
Saint rendit ce lieu encore plus célébre.
Il est nommé Tinurtium , Tenurcium , Ternocium
, Trinorcium , dans des Auteurs du
4. 5. et 6e siécles , et souvent avec le substantif
castrum.
On ne sçait pas bien en quel temps it
commença à y avoir un Monastere sur
le Tombeau de S. Valérien ; mais il étoit
déja ancien au 1x. siecle , lorsque l'Abbé
des Moines de Nermoutier , refugiez en
Auvergne , passant par Tournus , trouva
l'endroit si agréable , qu'il prit tous les
moyens de persuader aux anciens Religieux
de permettre que ses Moines vinssent
demeurer avec eux , pour ne faire
tous ensemble qu'une même Communauté.
De là vint l'accroissement de cette
Cij Ab-
·
672 MERCURE DE FRANCE
Abbaye , puisqu'alors elle augmenta en
biens comme en Religieux. Charles le
Chauve confirma la réunion de tous les
Prieurez de Nermoutier et autres dépendences
, à l'Eglise de Tournus , et il y
ajouta d'autres biens tres - considérables;
Apparemment le nom de la Sainte Vier-
. ge , et celui de S. Valerien , anciens Patrons
du lieu , commencerent alors à être
éclypsez par celui de S. Filibert , dont la
' nouvelle Colonie venoit d'y apporter les
Reliques .
C'est depuis ce temps - là que M.Juenin ,
Auteur de cette Histoire , donne une Liste
très -curieuse des Abbez de ce Monastere
; ceux des siècles précédens étant restez
inconnus . Géilon , auteur de la réünion
des deux Maisons , est le premier
dont il parle. Il rapporte à son temps , la
donation d'un Privilége accordé par le
Pape Jean VIII. au Concile de Troyes ,
et deux de Louis le Begue , de l'an 878 .
Cet Abbé étoit doté d'un si grand mérite
qu'il fut fait Evêque de Langres après
la mort d'Isaac. On croit que ce fut lui
qui tira de Tournus les Corps de S. Vétérin
et de S. Léonard , pour les donner
au Monastere de Corbigny.Sous Gautier,
second Abbé , est une suite de donations.
Le troisième , nommé Blitgaire , obtint
du
AVRIL . 1734 673
du Prince Eudes , le droit de faire battre
Monnoye.
L'Auteur représente icy deux sortes de
ces Monnoyes battuës à Tournus. A l'une
on lit d'un côté : scs VALERIANVS , et de
l'autre côté : TORNVCIO CASTRO . L'autre
Monnoye ne paroît pas si ancienne. Le
nom de S. Filibert y est écrit d'une maniere
corrompuë , puisqu'on y lit , S. PHILIBERTI
MONETA , comme si un nom purement
Teutonique pouvoit venir du
Grec. Ce fut aussi de son tems qu'on
croît qu'Adalger, Evêque d'Autun , mourut
à Tournus ; mais s'il n'y mourut pas,
il est certain qu'il y fut inhumé , à moins
que la Pierre où on lit Adalgerius hic
quiescit Episcopus , n'eût été apportée
d'ailleurs. La mort de cet Evêque avoit
fait du bruit : Un Moine de Flavigny
soupçonné d'en être l'Auteur , fut obligé
de se purger par la reception de la sainte
Eucharistie.La Communauté de Tournus
grossit encore sous Hervé , quatriéme
Abbé. Les Moines de S. Florent le vieux ,
en Anjou , craignant les courses des Normans
, vinrent se refugier chez eux avec
le Corps de leur S. Patron . Il est vrai
qu'ils n'y firent pas une longue réſidence
, mais ils furent toujours obligez de
laisser à Tournus leurs Reliques , et ils
Ciij ne
674 MERCURE DE FRANCE
ne purent les t'avoir que vers l'an 946.
par un effet de la subtilité de l'un d'entr'eux
.
Quoique la Ville eut été brûlée en
937. par des Barbares venus de Scythie
le Monastere qui étoit dans le Château
ne se ressentit pas beaucoup de ce malheur.
Il ne falloit pas alors des sommes
considérables pour la nourriture des Religieux
, puisque dans uue donation que
leur fit l'Archevêque de Besançon en 945 ,
il est dit que les Serviteurs de Dieu s'occupoient
à cultiver la terre. L'Abbaye préservée
de l'incendie , fut fatiguée vers le
même temps , par les poursuites de Gilbert,
Comte de Châllon ; ce qui fit que
les Moines prirent la résolution de quitter
le Lieu et de s'en aller avec le Corps
de S.Filibert et leurs autres Reliques , jusqu'à
S. Pourçain en Auvergne. Plusieurs
Evêques s'assemblérent à Tournus en
949. pour chercher les moyens de faire
revenir cés sacrez trésors ; ils revinrent en
effet , et quatre Evêques allerent audevant
jusqu'à un quart de lieuë de la ville.
De -là l'origine de plusieurs Processions
qui venoient autrefois à Tournus après
l'Ascension , des Diocèses de Besançon ,
de Mâcon, de Châllon et d'Autun . Il peut
paroître surprenant que les Evêques n'eussent
AVRIL. 1734.
675
sent pas songé à dédommager la Ville de
Tournus de la perte du Corps de S. Filibert,
par celui de S. Valerien . Il étoit toujours
resté dans un Cercueil de Pierre ,
dont ils auroient pû le tirer . Mais il ne le
fut que par l'Abbé Etienne. La cérémonie
est icy tres-bien détaillée , et l'Historien
la fixe au Dimanche 26 Janvier 76.
L'Abbaye de Tournus fut brûlée le 16
Octobre de l'an 1006.par un accident im
prévu ; et l'Eglise réparée de nouveau fut
consacrée l'an 1019. Hugues , Evêque
d'Auxerre , qui étoit Comte de Châllon ,
fit aux Moines des donations considérables
à l'occasion de cette cérémonie , et en
reconnoissance ils lui prétêrent la Banniere
de S Filibert , dont il avoit besoin
dans les Guerres qu'il soûtenoit pour lcs
intérêts du Roy Robert.L'Auteur en parlant
de S Ardaing qui est compté pour
13 Abbé de Tournus , attribue à S. Odilon
de Cluni , ce que M. Chastelain dans
son Martyrologe ( I Bémestre, 11 Février,
page 6 24. ) dit de S. Ardaing. L'un assure
que c'est à S. Odilon que l'Empereur
S. Henry envoya sa Couronne ; l'autre
écrit , que ce fut à l'Abbé de Tournus . Il
paroît que M. Juenin , qui n'oublie rien
de ce qui concerne le culte des Saints de
son Abbaye , n'a pas été informé qu'il est
C iiij ho676
MERCURE DE FRANCE
honoré, particulierement dans le Prieuré
de S. Syphorien d'Autun , qu'il y a en
cette Eglise une Chapelle de son nom ,
avec des Reliques , et un Puits proche de
l'Eglise , où on lit autour du bord : LE
PUITS SAINTARDAN.La politesse de l'Abbé
Guillaume de Jaligny fut poussée jusqu'au
point qu'il ne pouvoit souffrir que
les Bourgeois ou Bourgeoises de Tournus
se présentassent devant lui avec des habits.
négligez ; il leur en faisoit des reproches ,
et si c'étoit par indigence , il les secouroit.
Pierre , le 16 ° Abbé, reçut en 1105 ,
une Bulle qui lui permettoit de dire à la
Messe le Gloria in excelsis, le jour de l'Annonciation
, sans doute , parce que cette
Fête tombe le plus souvent en Carême
où alors ce Cantique ne se disoit pas aux
Fêtes , quoiqu'il n'y en eut que fort peu ,
dans le temps du grand jeûne .
Depuis le 12 siècle , l'Histoire est plei .
ne d'Actes de donations, accords , transactions
, échanges , confirmations de
droits , concessions de nouveaux droits ,
aux Habitans de Tournus. On y remarque
, pag. 132. que le Roy Loüis le Jeune
fut obligé de venir à Tournus pour accorder
les habitans avec l'Abbé, quoique
les contestations n'eussent pas été poussées
au point que l'avoient été celles de
l'Abbé
AVRIL 1734. 677
, 1245 . V
Ï'Abbé de Vezelay , contre ses habitans .
Outre les deux incendies dont il a été
parlé plus haut , il en survint un troisiéme
vers l'an On eut besoin des
aumônes des Fideles , pour la réparation
des dégats qu'il avoit causés. Les Moines
de Tournus se servirent de toutes les
voyes imaginables pour en attirer . Ils obtinrent
même de l'Abbé Général de Citeaux
des Lettres de recommandation ,
par lesquelles il promettoit à tous ceux
qui leur feroient quelque aumône, d'avoir
part aux suffrages de son Ordre. Ces quêtes
faites par des Moines , jointes à la séparation
de leur Mense , d'avec la Mense
Abbatiale , ne contribuerent pas peu à
introduire le relâchement parmi eux ,
aussi bien que l'érection des Offices
Claustraux en titre. Cependant ces Religieux
n'avoient encore alors par repas ,
qu'une portion de Fromage et trois Oeufs
où du poisson à l'équivalent ; cette simplicité
dans la nourriture dura jusqu'à ce
Î'Abbé Renaud augmenta la pitance en
1253. et permit d'augmenter la portion
de viande des malades de l'Infirmerie.
L'Auteur nous apprend qu'en blanchissant
dans ces derniers temps l'Eglise de
Tournus , on a effacé quelques monumens
des Abbez du 13siccle , et d'un
-
C v Sei68
MERCURE DE FRANCE
Seigneur de Montbelet . C'est une chose
que les Supérieurs des Lieux devroient
soigneusement empêcher. On rompt , on
brise , on efface , on détruit tout , et souvent
personne ne se plaint. Ceux qui aiment
à détruire , devroient au moins retenir
des copies figurées des anciens Monumens
avant que de les livrer au bras séculier.
C'est une réfléxion que M. Juenin
nous a laissé à faire.
En 1318 , l'Abbé fit avec Eudes IV.Duc
de Bourgogne un Traité , qu'on peut
voir à la page 176.Les droits du Maréchal
de l'Abbaye en 1334. sont curieux à lire.
Le premier Dimanche du Carême n'y est
pas nommé Brandonum , mais Bordarum ;
l'Auteur n'oublie point , lorsqu'il en est
au temps du Roy Jean , de dire que ce
Prince vint à Tournus en 1362. et qu'il y
confirma aux Religieux le droit de Pêche
dans la Rivire de Saone. Le reste de ce
qui se passa à Tournus au 14° siecle , finit
par un fait plus interessant. C'est l'érection
d'une Commune que les Bourgeois
tenterent encore, comme ils l'avoient fait
au 12 ° siècle, mais ils succomberent encore
cette fois ; l'Arrêt est de l'an 1399. La
Ville fut prise et pillée en 1422. par les
Troupes du Dauphin de France que l'on
nommoit les Armagnacs , et cette prise occaAVRIL.
1734. 679
casionna , dit l'Auteur , un mal qui n'est
pas encore entierement cessé. Il veut parler
de certains procès au sujet des usages
d'un Village voisin nommé Arbigny . On
voit aux années 1447 et aux suivantes , les
différens qui furent mus alors entre l'Evêque
diocésain , qui est celui de Châllon
et les Abbez de Tournus , touchant la
Jurisdiction .
?
Les Abbez Commandataires eurent lieu
à Tournus comme ailleurs , au commencement
du 16 siécle ; le premier fut Robert
de Lénoncourt, mort Archevêque de
Reims , lequel fit du bien à l'Abbaye. En
1501. Jean de Châllon , Prince d'Orange,
vint avec sa femme en dévotion à Tournus
, promettant à Dieu , que s'il leur
accordoit un fils ,ils le nommeroient Filbert.
Cet Enfant obtenu dans l'année- même
fut depuis le fameux Philibert , Prince
d'Orange , Vice Roy de Naples , pour
Charles- Quint , lequel quitta la France
pour une raison , rapportée par Gollut *.
Charles III. Duc de Savoye , ayant imité
en 1527 , la piété de Jean de Châllon , obtint
aussi du ciel , par l'intercession de
* Selon cet Auteur , dans ses Mémoires , sur la
Franche- Comté,ilfut cho qué étant à Fontainebleau,
qu'ont l'eutfait sortir de son logis ponrfaire place à
un Nonce du Pape.
C vj
S.
1
680 MERCURE DE FRANCE
Ş. Filibert , un fils qui porta le nom de
ce Saint. Cette dévotion des Princes ne
peut servir qu'à condamner les Auteurs
de quelques nouveaux Bréviaires ,qui ont
supprimé tout à fait du Calendrier le
nom de S. Filibert.
·
Une remarque curieuse que M. Juenin
insére dans son Histoire , quoiqu'elle regarde
plus naturellement l'Histoire de
Mâcon , est qu'en 1518 , le Pont de Mâcon
menaçant ruine , l'Evêque ne donna
permission de faire gras le Lundy et
Mardy qui précedent le jour des Cendres
et d'user de laitages pendant le Carême ,
qu'à ceux qui contribueroient aux réparations
de ce Port. Il faut entendre l'Auteur
rapporter lui - même un fait qu'il a
tiré des preuves des libertez de l'Eglise
Gallicane.Ce fait est de l'an 1530. » Frere
» Jean de Trappes , dit de la Graverote
» Moine de Tournus mais Aumônier
» de Pairie en Bourgogne , fut trouvé le
de Juin à Paris , en la Salle du Pa-
» lais , vétu d'une maniere un peu extra-
» vagante pour un Moine. Il avoit un
» Pourpoint de Satin , une Robbe dou-
» blée de damas et un Froc de serge de
» soye. Il fut arrêté par des Huissiers de
» la Cour , et mené au Parquet des Gens
» du Roy. Ayant été mandé en ladite
»
27
,
>> Cour
AVRIL 1734 681
» Cour , après qu'il y eut été interrogé ;
» et que les Gens du Roy eurent été oüis,
» la Cour lui enjoignit de se conformer
» dans son habit aux autres Religieux
» de S. Benoît , lui fit inhibitions et dé
>> fenses sur peine de mille livres d'a-
» mende , de plus paroître au Palais avec
» un habit , tel que celui dans lequel il
» avoit été arrêté , ou avec tel autre ha-
>> bit qui ne conviendroit point à un Religieux
de son Ordre. La Cour ordonna
» outre cela qu'il fut mené au Monastere
» de S. Martin des Champs , pour y de-
» meurer ce jour-là , et y être admonesté
» de bien vivre. Le lendemain il présenta
» Requête à la Cour , pour qu'il lui fut
33
33
permis de se retirer en fon Abbaye de
>> Tournus ; sur quoi la Cour ordonna
» que le Prieur de S. Martin des Champs
» le feroit habiller selon son état ; que
»pour cet effet , il feroit vendre les ha-
» bits dont il étoit vêtu , et que le surplus
de l'argent seroit distribué aux
» pauvres ; après quoi il seroit mis hors
» du Monastere .
>>
M. Juenin dit qu'il ne connoît point
le Monastere de Pairie,dont ce Religieux
étoit Aumônier. Il y a grande apparence
que c'est celui de Paroy ou Parey , dont
le nom aura été mal orthographié. C'est
un
682 MERCURE DE FRANCE
un Prieuré de l'Ordre de Cluny , au
Diocèse d'Autun.
A l'occasion du différend qui s'éleva¸
sur la Pêche , sous le Cardinal de Tournon
, on fit à Tournus des recherches
des Bornes anciennes dans la Riviere de
Saone. On y trouva en 1548. une Pierre
longue de quatre pieds , et large de deux ,
sur laquelle étoient figurez deux personnages
que l'Historien de Tournus a fait
graver. La premiere figure qui est à droite
de l'autre , représente , à ce qu'il prétend
, un Religieux . Il a un Oyseau sur
le poing de la main droite , et il paroît
tenir de la main gauche une espece de
Corbeille ; l'autre figure paroît représenter
un jeune Seigneur. L'Auteur est persuadé
que cette Pierre avoit servi à marquer
les limites du droit de Pêche que
Hugues de Châllon , Evêque d'Auxerre,
avoit donné à ce Monastere au 11 siècle ,
et il croit que la Corbeille ovale , qui a
un manche semblable à celui d'une Raquette
, est pour figurer celle qui renfermoit
le titre de cette donation . Mais comme
l'Oyseau de la main droite démontre
surement le droit de Chasse , il s'ensuit
aussi que l'instrument d'Ozier , placé
dans l'autre main , est plutôt une espece
d'Engin destiné pour la Pêche ; et qu'ainså
AVRIL 1734 683'
si la figure de ce Moine représente le droit
de Chasse et de Pêche réunis ensemble.
C'est à quoi il y a d'autant plus d'apparence
, que la Pierre a dû être placée sur
le bord de la Riviere , avant que la rapidité
des Eaux eût entraîné les terres qui
la soutenoient.
Je ne suivrai point cet Auteur dans
ce qu'il rapporte de la guerre des Huguenots
et de celle de la Ligue , relativement
à Tournus . Il s'étend aussi beaucoup
à raconter l'Histoire de la sécularization
de cette Abbaye , qui fut faite
il y a environ cenr dix ans , à l'exemple
de celle de S. Etienne de Dijon et
de S. Pierre de Vienne. Cette nouvelle
Collégiale reçut en 1632. des Statuts
de M. de Neufchese , Evêque de Challon.
On fait remarquer parmi les Eyenemens
singuliers de ia Ville de Tournus
, que la peste y ayant été comme
ailleurs en 1630. ou environ , les Ha-,
bitans se voüerent à S. Charles , Archevêque
de Milan , à l'exemple de ceux
de Challon , et qu'on y fit voeu de chommer
sa Fête. C'est ce qui fait voir que
quelquefois les Saints nouveaux préjudicient
aux anciens , comme l'a dit Nicolas
de Clamengis , puisque presque partout
ailleurs les voeux faits à l'occasion
de
384 MERCURE DE FRANCE
de la peste se réunissoient dans l'augmentation
du culte de Saint Sebastien et
dans celui de. S. Roch.
que
Le reste de cette Histoire n'est qu'un
narré des changemens arrivez dans le
Pays , et autres Evenemens peu interessants
, tels la réunion de l'Aumônerie
de l'Abbaye à l'Hôpital du lieu ;
la dérogation qui fut faite aux droits de
l'Abbé par la création des Maire , Assesseurs
, &c. de Tournus ; differentes
décorations de l'Eglise , passages extraordinaires
, comme celui des Religieux de
la Trappe qui alloient s'établir en Toscane.
Ce fait est de l'an 1705. Le Lecteur
peut cependant y voir avec édification
, l'endroit où M. Juenin marque
la bonne réception que leur fir le Cardinal
de Bouillon , Abbé de Tournus ;
et comment les Chanoines , entez sur
les anciens Moines , parurent les regarder
comme une espece de Confreres.
Tout ce qu'il raconte depuis ce tempsrécent
pour nous y arrêter.
là est trop
Comme l'Auteur a mis à la tête de
son Ouvrage un Plan et un Profil de
la Ville et de l'Abbaye de Tournus , il
donne aussi à la fin des Pieces du même
genre. On y voit aussi un plan géométral
de l'Eglise de S.Filibert et de l'Eglise
AVRIL. 1734.
685
glise souterraine. Il ne croit pas cellecy
si ancienne que l'a crû Dom Martenne
, et il peut avoir raison. Il n'a
pas oublié non plus de donner dans le
corps de l'Ouvrage le dessein d'un Eventail
de vélin très ancien , qui servoit dans
les Saints Mysteres pour chasser les Mouches
qui auroient incommodé le Prêtre.
Ce meuble aisé à transporter , venoit ,
sans doute , du Monastere de Nermoutier
en Bretagne , selon qu'il est aisé d'en
juger par le nom de S. Philibert et de
S. Martin de Vertou , qui s'y lisent, pendant
que celui de S. Valerien n'y paroît
en aucun endroit . On voit parmi les
Pieces justificatives de cette Histoire ,
qui sont en 339. pages , les Vies de saint
Valerien , de S. Marcel Martyr de Challon
une Chronique de Tournus , qui
n'a jamais été publiée ; une Description
curieuse conservée dans l'Eglise de saint
Marcel de Cayret , au Diocèse d'Uzés .
On y trouve aussi la Vie , les Tranflations
et les Miracles de S. Filibert , où
l'on ne trouve point le trait fabuleux
qui a tant décrié la Légende de ce Saint.
>
Il est à souhaiter que l'exemple de
l'Historien de Tournus soit suivi , et que
dans chacune des Eglises Collegiales qui
ont succedé à d'anciens Monasteres , if
Se
686 MERCURE DE FRANCE
se trouve un Sujet aussi zelé que le paroît
M. Juenin , pour faire connoître la
celebrité des Lieux , et pour en conserver
à la posterité tous les monumens
qui sont dignes d'attention . Je suis , &c.
A A .... le 10. Octobre 1733.
nouvelle Histoire de la Ville et Abbaye
de S. Filibert de Tournus ; dédiée à son
Eminence M. le Cardinal de Fleury ;
Abbé de Tournus .
CE
E ne sont pas toujours les Villes
Episcopales qui sont en état de fournir
une matiere suffisante pour composer
de gros volumes d'Histoire . Souvent
en recherchant ce qu'il y a à dire d'une
Ville qui n'a commencé que par un simple
Château , et où dans la suite il s'est
étaAVRIL.
1734.
671
établi un Monastere , on trouve une plus
ample moisson qu'on ne croyoit , et enfin
de quoi former un volume complet.
C'est ce qui est arrivé à la Ville de Tournus
en Bourgogne , dont un Chanoine
vient de publier l'Histoire.
L'Auteur remonte jusqu'à l'origine de
la Ville , pour donner une connoissance
entiere du sujet qu'il traite. Tournus
étoit du Païs des Eduens ; c'étoit une
espece de Grenier ou de Magazin , qui
est appellé , Horreum Castrense , dans les
Actes de S. Valerien . Le martyre de ce
Saint rendit ce lieu encore plus célébre.
Il est nommé Tinurtium , Tenurcium , Ternocium
, Trinorcium , dans des Auteurs du
4. 5. et 6e siécles , et souvent avec le substantif
castrum.
On ne sçait pas bien en quel temps it
commença à y avoir un Monastere sur
le Tombeau de S. Valérien ; mais il étoit
déja ancien au 1x. siecle , lorsque l'Abbé
des Moines de Nermoutier , refugiez en
Auvergne , passant par Tournus , trouva
l'endroit si agréable , qu'il prit tous les
moyens de persuader aux anciens Religieux
de permettre que ses Moines vinssent
demeurer avec eux , pour ne faire
tous ensemble qu'une même Communauté.
De là vint l'accroissement de cette
Cij Ab-
·
672 MERCURE DE FRANCE
Abbaye , puisqu'alors elle augmenta en
biens comme en Religieux. Charles le
Chauve confirma la réunion de tous les
Prieurez de Nermoutier et autres dépendences
, à l'Eglise de Tournus , et il y
ajouta d'autres biens tres - considérables;
Apparemment le nom de la Sainte Vier-
. ge , et celui de S. Valerien , anciens Patrons
du lieu , commencerent alors à être
éclypsez par celui de S. Filibert , dont la
' nouvelle Colonie venoit d'y apporter les
Reliques .
C'est depuis ce temps - là que M.Juenin ,
Auteur de cette Histoire , donne une Liste
très -curieuse des Abbez de ce Monastere
; ceux des siècles précédens étant restez
inconnus . Géilon , auteur de la réünion
des deux Maisons , est le premier
dont il parle. Il rapporte à son temps , la
donation d'un Privilége accordé par le
Pape Jean VIII. au Concile de Troyes ,
et deux de Louis le Begue , de l'an 878 .
Cet Abbé étoit doté d'un si grand mérite
qu'il fut fait Evêque de Langres après
la mort d'Isaac. On croit que ce fut lui
qui tira de Tournus les Corps de S. Vétérin
et de S. Léonard , pour les donner
au Monastere de Corbigny.Sous Gautier,
second Abbé , est une suite de donations.
Le troisième , nommé Blitgaire , obtint
du
AVRIL . 1734 673
du Prince Eudes , le droit de faire battre
Monnoye.
L'Auteur représente icy deux sortes de
ces Monnoyes battuës à Tournus. A l'une
on lit d'un côté : scs VALERIANVS , et de
l'autre côté : TORNVCIO CASTRO . L'autre
Monnoye ne paroît pas si ancienne. Le
nom de S. Filibert y est écrit d'une maniere
corrompuë , puisqu'on y lit , S. PHILIBERTI
MONETA , comme si un nom purement
Teutonique pouvoit venir du
Grec. Ce fut aussi de son tems qu'on
croît qu'Adalger, Evêque d'Autun , mourut
à Tournus ; mais s'il n'y mourut pas,
il est certain qu'il y fut inhumé , à moins
que la Pierre où on lit Adalgerius hic
quiescit Episcopus , n'eût été apportée
d'ailleurs. La mort de cet Evêque avoit
fait du bruit : Un Moine de Flavigny
soupçonné d'en être l'Auteur , fut obligé
de se purger par la reception de la sainte
Eucharistie.La Communauté de Tournus
grossit encore sous Hervé , quatriéme
Abbé. Les Moines de S. Florent le vieux ,
en Anjou , craignant les courses des Normans
, vinrent se refugier chez eux avec
le Corps de leur S. Patron . Il est vrai
qu'ils n'y firent pas une longue réſidence
, mais ils furent toujours obligez de
laisser à Tournus leurs Reliques , et ils
Ciij ne
674 MERCURE DE FRANCE
ne purent les t'avoir que vers l'an 946.
par un effet de la subtilité de l'un d'entr'eux
.
Quoique la Ville eut été brûlée en
937. par des Barbares venus de Scythie
le Monastere qui étoit dans le Château
ne se ressentit pas beaucoup de ce malheur.
Il ne falloit pas alors des sommes
considérables pour la nourriture des Religieux
, puisque dans uue donation que
leur fit l'Archevêque de Besançon en 945 ,
il est dit que les Serviteurs de Dieu s'occupoient
à cultiver la terre. L'Abbaye préservée
de l'incendie , fut fatiguée vers le
même temps , par les poursuites de Gilbert,
Comte de Châllon ; ce qui fit que
les Moines prirent la résolution de quitter
le Lieu et de s'en aller avec le Corps
de S.Filibert et leurs autres Reliques , jusqu'à
S. Pourçain en Auvergne. Plusieurs
Evêques s'assemblérent à Tournus en
949. pour chercher les moyens de faire
revenir cés sacrez trésors ; ils revinrent en
effet , et quatre Evêques allerent audevant
jusqu'à un quart de lieuë de la ville.
De -là l'origine de plusieurs Processions
qui venoient autrefois à Tournus après
l'Ascension , des Diocèses de Besançon ,
de Mâcon, de Châllon et d'Autun . Il peut
paroître surprenant que les Evêques n'eussent
AVRIL. 1734.
675
sent pas songé à dédommager la Ville de
Tournus de la perte du Corps de S. Filibert,
par celui de S. Valerien . Il étoit toujours
resté dans un Cercueil de Pierre ,
dont ils auroient pû le tirer . Mais il ne le
fut que par l'Abbé Etienne. La cérémonie
est icy tres-bien détaillée , et l'Historien
la fixe au Dimanche 26 Janvier 76.
L'Abbaye de Tournus fut brûlée le 16
Octobre de l'an 1006.par un accident im
prévu ; et l'Eglise réparée de nouveau fut
consacrée l'an 1019. Hugues , Evêque
d'Auxerre , qui étoit Comte de Châllon ,
fit aux Moines des donations considérables
à l'occasion de cette cérémonie , et en
reconnoissance ils lui prétêrent la Banniere
de S Filibert , dont il avoit besoin
dans les Guerres qu'il soûtenoit pour lcs
intérêts du Roy Robert.L'Auteur en parlant
de S Ardaing qui est compté pour
13 Abbé de Tournus , attribue à S. Odilon
de Cluni , ce que M. Chastelain dans
son Martyrologe ( I Bémestre, 11 Février,
page 6 24. ) dit de S. Ardaing. L'un assure
que c'est à S. Odilon que l'Empereur
S. Henry envoya sa Couronne ; l'autre
écrit , que ce fut à l'Abbé de Tournus . Il
paroît que M. Juenin , qui n'oublie rien
de ce qui concerne le culte des Saints de
son Abbaye , n'a pas été informé qu'il est
C iiij ho676
MERCURE DE FRANCE
honoré, particulierement dans le Prieuré
de S. Syphorien d'Autun , qu'il y a en
cette Eglise une Chapelle de son nom ,
avec des Reliques , et un Puits proche de
l'Eglise , où on lit autour du bord : LE
PUITS SAINTARDAN.La politesse de l'Abbé
Guillaume de Jaligny fut poussée jusqu'au
point qu'il ne pouvoit souffrir que
les Bourgeois ou Bourgeoises de Tournus
se présentassent devant lui avec des habits.
négligez ; il leur en faisoit des reproches ,
et si c'étoit par indigence , il les secouroit.
Pierre , le 16 ° Abbé, reçut en 1105 ,
une Bulle qui lui permettoit de dire à la
Messe le Gloria in excelsis, le jour de l'Annonciation
, sans doute , parce que cette
Fête tombe le plus souvent en Carême
où alors ce Cantique ne se disoit pas aux
Fêtes , quoiqu'il n'y en eut que fort peu ,
dans le temps du grand jeûne .
Depuis le 12 siècle , l'Histoire est plei .
ne d'Actes de donations, accords , transactions
, échanges , confirmations de
droits , concessions de nouveaux droits ,
aux Habitans de Tournus. On y remarque
, pag. 132. que le Roy Loüis le Jeune
fut obligé de venir à Tournus pour accorder
les habitans avec l'Abbé, quoique
les contestations n'eussent pas été poussées
au point que l'avoient été celles de
l'Abbé
AVRIL 1734. 677
, 1245 . V
Ï'Abbé de Vezelay , contre ses habitans .
Outre les deux incendies dont il a été
parlé plus haut , il en survint un troisiéme
vers l'an On eut besoin des
aumônes des Fideles , pour la réparation
des dégats qu'il avoit causés. Les Moines
de Tournus se servirent de toutes les
voyes imaginables pour en attirer . Ils obtinrent
même de l'Abbé Général de Citeaux
des Lettres de recommandation ,
par lesquelles il promettoit à tous ceux
qui leur feroient quelque aumône, d'avoir
part aux suffrages de son Ordre. Ces quêtes
faites par des Moines , jointes à la séparation
de leur Mense , d'avec la Mense
Abbatiale , ne contribuerent pas peu à
introduire le relâchement parmi eux ,
aussi bien que l'érection des Offices
Claustraux en titre. Cependant ces Religieux
n'avoient encore alors par repas ,
qu'une portion de Fromage et trois Oeufs
où du poisson à l'équivalent ; cette simplicité
dans la nourriture dura jusqu'à ce
Î'Abbé Renaud augmenta la pitance en
1253. et permit d'augmenter la portion
de viande des malades de l'Infirmerie.
L'Auteur nous apprend qu'en blanchissant
dans ces derniers temps l'Eglise de
Tournus , on a effacé quelques monumens
des Abbez du 13siccle , et d'un
-
C v Sei68
MERCURE DE FRANCE
Seigneur de Montbelet . C'est une chose
que les Supérieurs des Lieux devroient
soigneusement empêcher. On rompt , on
brise , on efface , on détruit tout , et souvent
personne ne se plaint. Ceux qui aiment
à détruire , devroient au moins retenir
des copies figurées des anciens Monumens
avant que de les livrer au bras séculier.
C'est une réfléxion que M. Juenin
nous a laissé à faire.
En 1318 , l'Abbé fit avec Eudes IV.Duc
de Bourgogne un Traité , qu'on peut
voir à la page 176.Les droits du Maréchal
de l'Abbaye en 1334. sont curieux à lire.
Le premier Dimanche du Carême n'y est
pas nommé Brandonum , mais Bordarum ;
l'Auteur n'oublie point , lorsqu'il en est
au temps du Roy Jean , de dire que ce
Prince vint à Tournus en 1362. et qu'il y
confirma aux Religieux le droit de Pêche
dans la Rivire de Saone. Le reste de ce
qui se passa à Tournus au 14° siecle , finit
par un fait plus interessant. C'est l'érection
d'une Commune que les Bourgeois
tenterent encore, comme ils l'avoient fait
au 12 ° siècle, mais ils succomberent encore
cette fois ; l'Arrêt est de l'an 1399. La
Ville fut prise et pillée en 1422. par les
Troupes du Dauphin de France que l'on
nommoit les Armagnacs , et cette prise occaAVRIL.
1734. 679
casionna , dit l'Auteur , un mal qui n'est
pas encore entierement cessé. Il veut parler
de certains procès au sujet des usages
d'un Village voisin nommé Arbigny . On
voit aux années 1447 et aux suivantes , les
différens qui furent mus alors entre l'Evêque
diocésain , qui est celui de Châllon
et les Abbez de Tournus , touchant la
Jurisdiction .
?
Les Abbez Commandataires eurent lieu
à Tournus comme ailleurs , au commencement
du 16 siécle ; le premier fut Robert
de Lénoncourt, mort Archevêque de
Reims , lequel fit du bien à l'Abbaye. En
1501. Jean de Châllon , Prince d'Orange,
vint avec sa femme en dévotion à Tournus
, promettant à Dieu , que s'il leur
accordoit un fils ,ils le nommeroient Filbert.
Cet Enfant obtenu dans l'année- même
fut depuis le fameux Philibert , Prince
d'Orange , Vice Roy de Naples , pour
Charles- Quint , lequel quitta la France
pour une raison , rapportée par Gollut *.
Charles III. Duc de Savoye , ayant imité
en 1527 , la piété de Jean de Châllon , obtint
aussi du ciel , par l'intercession de
* Selon cet Auteur , dans ses Mémoires , sur la
Franche- Comté,ilfut cho qué étant à Fontainebleau,
qu'ont l'eutfait sortir de son logis ponrfaire place à
un Nonce du Pape.
C vj
S.
1
680 MERCURE DE FRANCE
Ş. Filibert , un fils qui porta le nom de
ce Saint. Cette dévotion des Princes ne
peut servir qu'à condamner les Auteurs
de quelques nouveaux Bréviaires ,qui ont
supprimé tout à fait du Calendrier le
nom de S. Filibert.
·
Une remarque curieuse que M. Juenin
insére dans son Histoire , quoiqu'elle regarde
plus naturellement l'Histoire de
Mâcon , est qu'en 1518 , le Pont de Mâcon
menaçant ruine , l'Evêque ne donna
permission de faire gras le Lundy et
Mardy qui précedent le jour des Cendres
et d'user de laitages pendant le Carême ,
qu'à ceux qui contribueroient aux réparations
de ce Port. Il faut entendre l'Auteur
rapporter lui - même un fait qu'il a
tiré des preuves des libertez de l'Eglise
Gallicane.Ce fait est de l'an 1530. » Frere
» Jean de Trappes , dit de la Graverote
» Moine de Tournus mais Aumônier
» de Pairie en Bourgogne , fut trouvé le
de Juin à Paris , en la Salle du Pa-
» lais , vétu d'une maniere un peu extra-
» vagante pour un Moine. Il avoit un
» Pourpoint de Satin , une Robbe dou-
» blée de damas et un Froc de serge de
» soye. Il fut arrêté par des Huissiers de
» la Cour , et mené au Parquet des Gens
» du Roy. Ayant été mandé en ladite
»
27
,
>> Cour
AVRIL 1734 681
» Cour , après qu'il y eut été interrogé ;
» et que les Gens du Roy eurent été oüis,
» la Cour lui enjoignit de se conformer
» dans son habit aux autres Religieux
» de S. Benoît , lui fit inhibitions et dé
>> fenses sur peine de mille livres d'a-
» mende , de plus paroître au Palais avec
» un habit , tel que celui dans lequel il
» avoit été arrêté , ou avec tel autre ha-
>> bit qui ne conviendroit point à un Religieux
de son Ordre. La Cour ordonna
» outre cela qu'il fut mené au Monastere
» de S. Martin des Champs , pour y de-
» meurer ce jour-là , et y être admonesté
» de bien vivre. Le lendemain il présenta
» Requête à la Cour , pour qu'il lui fut
33
33
permis de se retirer en fon Abbaye de
>> Tournus ; sur quoi la Cour ordonna
» que le Prieur de S. Martin des Champs
» le feroit habiller selon son état ; que
»pour cet effet , il feroit vendre les ha-
» bits dont il étoit vêtu , et que le surplus
de l'argent seroit distribué aux
» pauvres ; après quoi il seroit mis hors
» du Monastere .
>>
M. Juenin dit qu'il ne connoît point
le Monastere de Pairie,dont ce Religieux
étoit Aumônier. Il y a grande apparence
que c'est celui de Paroy ou Parey , dont
le nom aura été mal orthographié. C'est
un
682 MERCURE DE FRANCE
un Prieuré de l'Ordre de Cluny , au
Diocèse d'Autun.
A l'occasion du différend qui s'éleva¸
sur la Pêche , sous le Cardinal de Tournon
, on fit à Tournus des recherches
des Bornes anciennes dans la Riviere de
Saone. On y trouva en 1548. une Pierre
longue de quatre pieds , et large de deux ,
sur laquelle étoient figurez deux personnages
que l'Historien de Tournus a fait
graver. La premiere figure qui est à droite
de l'autre , représente , à ce qu'il prétend
, un Religieux . Il a un Oyseau sur
le poing de la main droite , et il paroît
tenir de la main gauche une espece de
Corbeille ; l'autre figure paroît représenter
un jeune Seigneur. L'Auteur est persuadé
que cette Pierre avoit servi à marquer
les limites du droit de Pêche que
Hugues de Châllon , Evêque d'Auxerre,
avoit donné à ce Monastere au 11 siècle ,
et il croit que la Corbeille ovale , qui a
un manche semblable à celui d'une Raquette
, est pour figurer celle qui renfermoit
le titre de cette donation . Mais comme
l'Oyseau de la main droite démontre
surement le droit de Chasse , il s'ensuit
aussi que l'instrument d'Ozier , placé
dans l'autre main , est plutôt une espece
d'Engin destiné pour la Pêche ; et qu'ainså
AVRIL 1734 683'
si la figure de ce Moine représente le droit
de Chasse et de Pêche réunis ensemble.
C'est à quoi il y a d'autant plus d'apparence
, que la Pierre a dû être placée sur
le bord de la Riviere , avant que la rapidité
des Eaux eût entraîné les terres qui
la soutenoient.
Je ne suivrai point cet Auteur dans
ce qu'il rapporte de la guerre des Huguenots
et de celle de la Ligue , relativement
à Tournus . Il s'étend aussi beaucoup
à raconter l'Histoire de la sécularization
de cette Abbaye , qui fut faite
il y a environ cenr dix ans , à l'exemple
de celle de S. Etienne de Dijon et
de S. Pierre de Vienne. Cette nouvelle
Collégiale reçut en 1632. des Statuts
de M. de Neufchese , Evêque de Challon.
On fait remarquer parmi les Eyenemens
singuliers de ia Ville de Tournus
, que la peste y ayant été comme
ailleurs en 1630. ou environ , les Ha-,
bitans se voüerent à S. Charles , Archevêque
de Milan , à l'exemple de ceux
de Challon , et qu'on y fit voeu de chommer
sa Fête. C'est ce qui fait voir que
quelquefois les Saints nouveaux préjudicient
aux anciens , comme l'a dit Nicolas
de Clamengis , puisque presque partout
ailleurs les voeux faits à l'occasion
de
384 MERCURE DE FRANCE
de la peste se réunissoient dans l'augmentation
du culte de Saint Sebastien et
dans celui de. S. Roch.
que
Le reste de cette Histoire n'est qu'un
narré des changemens arrivez dans le
Pays , et autres Evenemens peu interessants
, tels la réunion de l'Aumônerie
de l'Abbaye à l'Hôpital du lieu ;
la dérogation qui fut faite aux droits de
l'Abbé par la création des Maire , Assesseurs
, &c. de Tournus ; differentes
décorations de l'Eglise , passages extraordinaires
, comme celui des Religieux de
la Trappe qui alloient s'établir en Toscane.
Ce fait est de l'an 1705. Le Lecteur
peut cependant y voir avec édification
, l'endroit où M. Juenin marque
la bonne réception que leur fir le Cardinal
de Bouillon , Abbé de Tournus ;
et comment les Chanoines , entez sur
les anciens Moines , parurent les regarder
comme une espece de Confreres.
Tout ce qu'il raconte depuis ce tempsrécent
pour nous y arrêter.
là est trop
Comme l'Auteur a mis à la tête de
son Ouvrage un Plan et un Profil de
la Ville et de l'Abbaye de Tournus , il
donne aussi à la fin des Pieces du même
genre. On y voit aussi un plan géométral
de l'Eglise de S.Filibert et de l'Eglise
AVRIL. 1734.
685
glise souterraine. Il ne croit pas cellecy
si ancienne que l'a crû Dom Martenne
, et il peut avoir raison. Il n'a
pas oublié non plus de donner dans le
corps de l'Ouvrage le dessein d'un Eventail
de vélin très ancien , qui servoit dans
les Saints Mysteres pour chasser les Mouches
qui auroient incommodé le Prêtre.
Ce meuble aisé à transporter , venoit ,
sans doute , du Monastere de Nermoutier
en Bretagne , selon qu'il est aisé d'en
juger par le nom de S. Philibert et de
S. Martin de Vertou , qui s'y lisent, pendant
que celui de S. Valerien n'y paroît
en aucun endroit . On voit parmi les
Pieces justificatives de cette Histoire ,
qui sont en 339. pages , les Vies de saint
Valerien , de S. Marcel Martyr de Challon
une Chronique de Tournus , qui
n'a jamais été publiée ; une Description
curieuse conservée dans l'Eglise de saint
Marcel de Cayret , au Diocèse d'Uzés .
On y trouve aussi la Vie , les Tranflations
et les Miracles de S. Filibert , où
l'on ne trouve point le trait fabuleux
qui a tant décrié la Légende de ce Saint.
>
Il est à souhaiter que l'exemple de
l'Historien de Tournus soit suivi , et que
dans chacune des Eglises Collegiales qui
ont succedé à d'anciens Monasteres , if
Se
686 MERCURE DE FRANCE
se trouve un Sujet aussi zelé que le paroît
M. Juenin , pour faire connoître la
celebrité des Lieux , et pour en conserver
à la posterité tous les monumens
qui sont dignes d'attention . Je suis , &c.
A A .... le 10. Octobre 1733.
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Résumé : LETTRE de M..... au sujet de la nouvelle Histoire de la Ville et Abbaye de S. Filibert de Tournus ; dédiée à son Eminence M. le Cardinal de Fleury, Abbé de Tournus.
La lettre traite de l'histoire de la ville et de l'abbaye de Saint-Filibert de Tournus, dédiée au Cardinal de Fleury. L'auteur met en avant la richesse historique des villes non épiscopales comme Tournus. L'histoire de la ville remonte à l'époque des Éduens, avec des mentions dans divers textes anciens. Le martyre de Saint-Valérien a rendu le lieu célèbre, conduisant à l'établissement d'un monastère sur son tombeau. Au IXe siècle, des moines de Nermoutier ont rejoint la communauté, augmentant ainsi les biens et les religieux de l'abbaye. Charles le Chauve a confirmé cette union et ajouté des biens considérables. L'histoire de l'abbaye est marquée par des donations, des privilèges et des événements marquants, tels que des incendies et des conflits avec les comtes et les évêques. Plusieurs abbés notables sont mentionnés, ainsi que des faits historiques comme des processions et des donations royales. La lettre critique également la destruction de monuments anciens lors de rénovations et mentionne des événements du XVIe siècle, comme la visite de Jean de Châlon et la dévotion des princes pour Saint-Filibert. Par ailleurs, un religieux fut arrêté et conduit au monastère de Saint-Martin-des-Champs pour y être admonesté. Il demanda ensuite à être transféré à l'abbaye de Tournus, ce que la Cour accepta. Le monastère de Pairie, dont ce religieux était aumônier, est identifié comme étant probablement celui de Paroy ou Parey, un prieuré de l'Ordre de Cluny dans le diocèse d'Autun. En 1548, des recherches sur les bornes anciennes dans la rivière Saône à Tournus révélèrent une pierre gravée représentant un religieux et un jeune seigneur. Cette pierre marquait les limites du droit de pêche accordé au monastère par Hugues de Châllon, évêque d'Auxerre, au XIe siècle. Elle figurait également le droit de chasse et de pêche réunis. Le texte mentionne également des événements historiques à Tournus, comme la peste de 1630 et les vœux faits à saint Charles, archevêque de Milan. Il évoque la sécularisation de l'abbaye de Tournus, qui reçut des statuts en 1632. Divers changements et événements mineurs sont également relatés, comme la réunion de l'aumônerie de l'abbaye à l'hôpital local et la création de maires et d'assesseurs à Tournus. L'auteur de l'ouvrage sur l'histoire de Tournus inclut des plans et des profils de la ville et de l'abbaye, ainsi que des pièces justificatives telles que des vies de saints, des chroniques et des descriptions curieuses. Il est souhaité que d'autres historiens suivent l'exemple de M. Juenin pour conserver et faire connaître les monuments dignes d'attention.
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9
p. 686-689
LE TRIOMPHE DE LA RAISON, Par M. Claville, à Mlle de Bailleul, pour le jour de sa Naissance. EPITRE
Début :
Trop severe Bailleul, l'Hymenée et l'Amour [...]
Mots clefs :
Amour, Raison, Mlle de Bailleul, Dieu
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texteReconnaissance textuelle : LE TRIOMPHE DE LA RAISON, Par M. Claville, à Mlle de Bailleul, pour le jour de sa Naissance. EPITRE
LE TRIOMPHE DE LA RAISON,
Par M. Claville , à Mlle de Bailleul
pour le jour de sa Naissance.
EPITRE
TRop severe Bailleul , l'Hymenée et l'Amour
Soupant ensemble un certain jour ,
Concerterent votre naissance.
Chacun des trois fit de son mieux ;
Et chacun réussit. Jamais entre ces Dieux ,
On ne vit tant d'intelligence.
La vertu , les dons , les talens ,
Tandis que lesAmours crayonnoient votre image,
Charmez des dehors de l'ouvrage ,
Jurerent à l'envi d'enrichir les dedans.
Ce projet flatte la Nature ,
Au succès le Destin souscrit.
La
AVRIL: 787
1734
La raison prend soin de l'esprit ,
Et les graces de la figure.
Enfin , Dieu merci vous voilà ;
L'attente generale est dignement remplie.
On voit qu'à tous égards vous êtes accomplie ;.
Mais croyez-vous qu'Amour veuille en demenrer
là g
Ce petit usurier fait bien payer ses graces ;
A chaque instant le séducteur ,
Se loge dans vos yeux, par tout il suit vos traces,
Je crois que le fripon en veut à votre coeur.
Helas ! j'en puis parler en Maître ,
Il est bien séduisant , mais il est un peu traître.
Heureux qui peut s'en garantir !
Ne craignez pas de le connoître ,
Ne craignez que de le sentir .
Je sçais tout ce qui vous rassure ;
Vous aimez vos devoirs , le travail , la lecture ,
Vous ne lisez que du meilleur ,
Et le nom de Roman vous fit toujours horreur
Le Latin , la Musique et la Géographie
Font vos plus doux plaisirs , prennent tous vos
momens ,
Ce sont vos seuls amusemens .
Tant de préservatifs et de Philosophie
Ne conviennent pas trop aux tendres sentimens.
Mais
788 MERCURE DE FRANCE
Mais que l'Amour a de finesse !
Lui qui connoît à fond toute votre sagesse ,
Ne viendra pas grossierement
Vous faire un mauvais compliment ;
Vous n'entendrez qu'esprit , respect et politesse,
Il vous prendra par la raison ,
-
Et par ce nouveau tour d'adresse ,
Subtilisera son poison."
Il choisira pour Interprete ,
Quelque Cavalier bien bâti ,
Riche autant que Crésus , et d'un nom assorti ,
Qui sans vouloir foüiller au fond de la cassette j
Se croira trop heureux d'avoir
Le seul le digne objet qui flate son espoir ;
Enfin il contera son amoureux martyre ,
Et Dieu sçait ce qu'Amour inspire ;
Mais votre coeur , Iris , ne sent- il encor rien
Non. Il faut donc tenter un plus puissant moyen;
Hé bien ! on prend la main , on la baise , on la
serre ;
à terre Larmes aux yeux , genoux
On fait les sermens les plus doux
De n'adorer jamais que vous ;
On hazardera quelque Lettre ;
Mais quoi vous ne voulez permettre
Regards , soupirs , discours , billets , ni tendres
soins
Bien
A VRIL. 1734. 689
Bien d'autres se rendroient à moins ;
Mais avant le Contrat rien ne peut vous soumettre.
• L'Amour va donc secher d'ennui ,
De trouver la raison plus puissante que lui.
L'exemple est rare , il en soupire ;
Et Fille qui ne veut voir , entendre , ni lire ,
Est un vrai Phénix aujourd'hui.
l'ai bien deviné , j'entends quelqu'un qui crie.
Tout doux , beau petit Dieu , calmez- vous , je
vous prie ;
Bien- tôt vous aurez du bọn bon.
Voyez cette sotte raison
Qui met notre Enfant en furie.
Voulez-vous , chez Iris, trouver le même accès ,
Consultez , tendre Amour , l'aimable simpathie ,
Qu'elle plaide votre procès ;
Mettez l'Hymen de la partie ,
Et je vous réponds du succès.
Par M. Claville , à Mlle de Bailleul
pour le jour de sa Naissance.
EPITRE
TRop severe Bailleul , l'Hymenée et l'Amour
Soupant ensemble un certain jour ,
Concerterent votre naissance.
Chacun des trois fit de son mieux ;
Et chacun réussit. Jamais entre ces Dieux ,
On ne vit tant d'intelligence.
La vertu , les dons , les talens ,
Tandis que lesAmours crayonnoient votre image,
Charmez des dehors de l'ouvrage ,
Jurerent à l'envi d'enrichir les dedans.
Ce projet flatte la Nature ,
Au succès le Destin souscrit.
La
AVRIL: 787
1734
La raison prend soin de l'esprit ,
Et les graces de la figure.
Enfin , Dieu merci vous voilà ;
L'attente generale est dignement remplie.
On voit qu'à tous égards vous êtes accomplie ;.
Mais croyez-vous qu'Amour veuille en demenrer
là g
Ce petit usurier fait bien payer ses graces ;
A chaque instant le séducteur ,
Se loge dans vos yeux, par tout il suit vos traces,
Je crois que le fripon en veut à votre coeur.
Helas ! j'en puis parler en Maître ,
Il est bien séduisant , mais il est un peu traître.
Heureux qui peut s'en garantir !
Ne craignez pas de le connoître ,
Ne craignez que de le sentir .
Je sçais tout ce qui vous rassure ;
Vous aimez vos devoirs , le travail , la lecture ,
Vous ne lisez que du meilleur ,
Et le nom de Roman vous fit toujours horreur
Le Latin , la Musique et la Géographie
Font vos plus doux plaisirs , prennent tous vos
momens ,
Ce sont vos seuls amusemens .
Tant de préservatifs et de Philosophie
Ne conviennent pas trop aux tendres sentimens.
Mais
788 MERCURE DE FRANCE
Mais que l'Amour a de finesse !
Lui qui connoît à fond toute votre sagesse ,
Ne viendra pas grossierement
Vous faire un mauvais compliment ;
Vous n'entendrez qu'esprit , respect et politesse,
Il vous prendra par la raison ,
-
Et par ce nouveau tour d'adresse ,
Subtilisera son poison."
Il choisira pour Interprete ,
Quelque Cavalier bien bâti ,
Riche autant que Crésus , et d'un nom assorti ,
Qui sans vouloir foüiller au fond de la cassette j
Se croira trop heureux d'avoir
Le seul le digne objet qui flate son espoir ;
Enfin il contera son amoureux martyre ,
Et Dieu sçait ce qu'Amour inspire ;
Mais votre coeur , Iris , ne sent- il encor rien
Non. Il faut donc tenter un plus puissant moyen;
Hé bien ! on prend la main , on la baise , on la
serre ;
à terre Larmes aux yeux , genoux
On fait les sermens les plus doux
De n'adorer jamais que vous ;
On hazardera quelque Lettre ;
Mais quoi vous ne voulez permettre
Regards , soupirs , discours , billets , ni tendres
soins
Bien
A VRIL. 1734. 689
Bien d'autres se rendroient à moins ;
Mais avant le Contrat rien ne peut vous soumettre.
• L'Amour va donc secher d'ennui ,
De trouver la raison plus puissante que lui.
L'exemple est rare , il en soupire ;
Et Fille qui ne veut voir , entendre , ni lire ,
Est un vrai Phénix aujourd'hui.
l'ai bien deviné , j'entends quelqu'un qui crie.
Tout doux , beau petit Dieu , calmez- vous , je
vous prie ;
Bien- tôt vous aurez du bọn bon.
Voyez cette sotte raison
Qui met notre Enfant en furie.
Voulez-vous , chez Iris, trouver le même accès ,
Consultez , tendre Amour , l'aimable simpathie ,
Qu'elle plaide votre procès ;
Mettez l'Hymen de la partie ,
Et je vous réponds du succès.
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Résumé : LE TRIOMPHE DE LA RAISON, Par M. Claville, à Mlle de Bailleul, pour le jour de sa Naissance. EPITRE
M. Claville adresse une épître à Mlle de Bailleul pour son anniversaire, célébrant la conjonction de l'Hyménée, de l'Amour et de la vertu lors de sa naissance. Il loue les qualités intérieures et extérieures de la jeune fille, protégée par la raison et les grâces. L'auteur met en garde contre les séductions de l'Amour, tout en reconnaissant les passions de Mlle de Bailleul pour le travail, la lecture et les arts. Il prédit que l'Amour tentera de la séduire par la raison et la politesse, utilisant des intermédiaires respectables. Cependant, Mlle de Bailleul reste insensible à ces avances, préférant la raison à l'amour. L'Amour, frustré, reconnaît la puissance de la raison chez elle, un cas rare selon lui. L'auteur conseille à l'Amour de recourir à la sympathie et à l'Hyménée pour espérer réussir.
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10
p. 690-697
RÉPONSE à la Lettre où l'on a eu envie de critiquer un Livre qui a pour titre : Refléxions sur la Poësie en general, sur la Fable, sur l'Elegie, sur la Satyre, sur l'Ode, sur le Sonnet, Rondeau, Madrigal. Suivies de trois Lettres sur la décadence du Goût en France. Par M. R. D. S. M.
Début :
Sçavez-vous bien, Monsieur, qu'il n'y a rien de plus flateur pour M. [...]
Mots clefs :
Auteur, Ouvrage, Critique, Lettre, Réflexions, Naturel, Principes, Critiquer
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE à la Lettre où l'on a eu envie de critiquer un Livre qui a pour titre : Refléxions sur la Poësie en general, sur la Fable, sur l'Elegie, sur la Satyre, sur l'Ode, sur le Sonnet, Rondeau, Madrigal. Suivies de trois Lettres sur la décadence du Goût en France. Par M. R. D. S. M.
REPONSE à la Lettre où l'on a
eu envie de critiquer un Livre qui a
pour titre Refléxions sur la Poësie ent
general , sur la Fable , sur l'Elegie ,
sur la Satyre , sur l'Ode , sur le Sonnet,
Rondeau , Madrigal . Suivies de trois
Lettres sur la décadence du Goût er
France. Par M. R. D. S. M.
S
Çavez - vous bien , Monsieur , qu'il
n'y a rien de plus flateur pour M.
nya rien
R. D. S. M. que la Critique que vous
avez faite de son Ouvrage. Aussi y a - t'il
quantité de gens fort raisonnables qui
n'ont point pris le change. Ils disent
hautement que vous êtes ami de l'Auteur
, et que pour ôter aux louanges la
fadeur qui en est presque inséparable ,
vous avez voulu donner à votre Lettre
un air de Critique ; qu'il est bien vrai
qu'on y voit par cy par là quelques
ironies , mais que vous sçaviez bien qu'on
les trouveroit mauvaises ; qu'à l'égard
des falsifications qui sont en fort grand
nombre , vous étiez bien sûr qu'elles ne
porteroient aucun préjudice à la réputation
de l'Auteur , parce que la lecture
de
AVRIL. 1734 691
de son Ouvrage les feroit bien-tôt disparoître.
Je ne vous rends compte , Monsieur ,
de l'effet de votre Lettre, que pour vous
faire sentir que le but n'en est pas net.
C'est trop peu pour un Eloge , ce n'est
pas assez pour une Critique. Il falloit aller
attaquer l'Auteur dans ses principes ,
les dépouiller des graces et de l'agrément
qu'il leur a donnés , les remettre
dans leur secheresse naturelle ; vous auriez
eu le mérite de les appercevoir , et ,
si vous aviez pû , l'honneur de les détruire
; mais il vous a parû plus commode
de dire que l'Auteur aimoit l'Eglogue
à la folie , qu'on le séduiroit
avec le murmure d'une Fontaine , quil
étoit bien aise que tout le monde vécût,
que quant à lui il n'avoit pas la moindre
envie de mourir ; et enfin pour achever
le dénombrement de ses goûts , vous
nous avez appris qu'il aimeroit mieux
avoir fait un Sonnet que quatre Tragédies.
Vous êtes un galant homme , Monsieur
, tout le monde le dit ; et après
une déposition si generale, il n'est point
permis d'en douter . Cependant permettez
moi de vous dire qu'il y a quelque
chose d'irrégulier dans votre conduite.
Tirer quelques paroles d'un Auteur , les
séparer
62 MERCURE DE FRANCE
séparer de ce qui les environne , de ce
qui en change ou modifie le sens , faire
un assortiment bizare de ce qu'il y a
dans un Ouvrage de sérieux et de badin,
charger l'Auteur d'un pareil assortiment;
et pour qu'il en soit plus sûrement chargé
, mettre le tout en lettres italiques ,
c'est un procedé qui n'a pas d'exemple
dans la République des Lettres , où l'on
ne se picque pas neanmoins d'une Morale
bien severe.
La même bonne foi , le même esprit
de sincerité regne dans votre Lettre d'un
bout à l'autre .
A l'imitation du pour et contre , dont
à cela près que vous êtes un peu plus
poli , vous suivez assez exactement les
traces , vous accusez l'Auteur des Reflé.
xions sur la Poësie , d'avoir pris dans son
Morceau sur le Sublime , trois pages entieres
de M. Despreaux. Il falloit donc
extraire ces trois pages. Dailleurs accordez
-vous avec l'Auteur du Pour et Contre
; il prétend lui que le Morceau du
Sublime est pris dans M. Nicole . Ne
sentez vous pas que cette accusation de
vol n'étant pas prouvée, il en résulte une
absolution entiere pour M. D. S. M. qui
n'a pas la réputation de s'être enrichi des
dépouilles d'autrui.
Voilà
AVRIL. 1734- 693
Voilà , Monsieur , tout ce que j'ai à
dire sur votre Lettie , car vous n'y dites
rien . Je sçai bien que vous avez à repliquer
que vous avez fait une espece
d'Extrait de chaque morceau de l'Ouvrage
en question ; mais si l'Extrait est
infidele , je ne dois point y répondre
parce qu'alors ce ne sera pas l'Ouvrage
que vous aurez critiqué ; parce que je ne
suis point obligé à prendre le parti d'un
fantôme que vous avez fait tel qu'il vous
le falloit pour vous ménager le plaisir
d'en triompher.
Il faut convenir , Monsieur , que vous
êtes bien malheureux. Vous avez eu envie
de critiquer l'Auteur des Refléxions
sur la Poësie , vous n'avez pû en venir à
bout , votre dessein étoit de loüer M. de
Fontenelle , et vous l'avez critiqué ; car
entre nous , c'est le critiquer et faire
pis encore , que de dire qu'on reproche
ce bel Esprit de manquer de génie.
Avec votre permission , M. D. S. M.
ne l'a point dit , et quand ( ce que je
ne sçai pas ) une pareille consequence
couleroit sourdement de ses principes ,
pourquoi , vous , Monsieur , avez - vous
la malice de la tirer ? D'ailleurs, pourquoi.
ne point mettre de distance entre M. de
la Motte et M. de Fontenelle ? L'Auteur
D des
694 MERCURE DE FRANCE
des Refléxions ne s'est point caché de
l'admiration qu'il avoit pour l'un , et
peut- être n'a- t'il que trop exprimé le
mépris qu'il avoit pour l'autre. Enfin ,
comment avez - vous osé dire en face au
» Public , qu'il a toujours comparé les
» Fables de M. de la Motte à celles de´la
» Fontaine , ses Tragédies à celles de Cor-
» neille et de Racine , ses Operas à ceux
» de Quinault , et qu'enfin il a assigné à
>> ses Discours d'Eloquence et à toute sa
» Prose , une classe à part , pour ne la
»comparer qu'à lui- même.
C'est au Public à vous donner sur cela
un démenti , s'il le juge à propos . Je reviens
moi au Livre qui a fait l'objet de votre
Critique , et c'est sur cela que j'ai quelques
refléxions à vous faire faire.
Si vous aviez sérieusement envie de
critiquer M. D. S. M. il falloit lire son
Ouvrage avec toute l'attention dont un
homme d'esprit comme vous est capable
, il falloit tâcher d'en penetrer les
principes , en bien embrasser toutes les
consequences , sur tout , et c'est ce qui
étoit le plus necessaire , il falloit vous
bien mettre son but dans la tête. Vous
auriez vû que l'Auteur , pour bien remplir
son projet , avoit été obligé de ne
prendre que la fleur de ce qu'il avoit à
dire;
AVRIL. 1734-
695
dire ; que dans le dessein où il étoit d'instruire
, sans pour cela renoncer à plaire ,
il avoit été réduit à ôter à ses principes.
le faste et la secheresse ordinaire qui les
accompagnent ; ce qui , en les adoucissant
peut quelquefois les avoir rendus méconnoissables.
N'en doutez point , Monsieur , une
attention sérieuse sur le but de l'Auteur
, vous auroit épargné bien des injustices
. Vous n'auriez pas dit, par exemple
, que l'Auteur des Refléxions s'est
dévoué tout entier au sentiment, et qu'il
trouve fort mauvais qu'on raisonne . Hé ,
Monsieur , lisez l'Ouvrage , vous verrez
qu'on y prêche par tout l'accord de la
raison et de l'imagination ; vous verrez
que de toutes les qualitez de l'esprit , celle
que l'Auteur estime le plus , celle qui lui
est la plus chere , c'est la justesse et la
précision ; mais à dire vrai , il la veut
ménagée et temperée par les graces , il
ne la croit point incompatible avec les
tours vifs et les expressions de génie. Y
a-t'il là en verité de quoi lui faire un
procès ?
Il me reste à justifier l'Auteur sur un
reproche que vous lui faites au commencement
de votre Lettre , c'est de s'être
un peu laissé gagner par la contagion ,
Dijet
496 MERCURE DE FRANCE
et comme il l'avoit prévû lui - même , de
n'avoir pas pû être toujours naturel. Je
suis de bonne foi , Monsieur , et je passe
volontiers condamnation sur cinq ou six
expressions , qui , dans le goût où nous
sommes du brillant , sont d'un mauvais
exemple. Mais je vous soutiens que le
stile de l'Ouvrage est en general fort naturel
; je soupçonne qu'on prend le chan
ge , et qu'on ne dit pas bien ce qu'on
veut dire quand on reproche à l'Auteur
de manquer quelquefois de naturel . Une
des grandes attentions de M. D. S. M.
autant que j'ai pû le remarquer , est d'être
serré sans en avoir l'air . Il arrive delà
qu'en certains cas le Lecteur peine ;
et comme ce qui le peine est quelquefois
couvert de fleurs assaisonnées de graces ,
il n'ose s'en prendre à l'idée qu'il voit
ainsi embellie. Il ne songe pas que l'idée
pour être ainsi parée , n'en est souvent
que plus fine et plus déliée ; que d'ailleurs
cette idée étant serrée , son rapport
avec les autres idées , n'est pas assez prononcé
pour lui , qu'on a trop compté
sur sa pénetration , et alors le petit embarras
qu'il éprouve n'étant pas bien analisé
dans son esprit , non plus que ce qui
le cause , il n'y sçait que dire que l'Auteur
n'est pas naturel , il s'en prend à
son
AVRIL 1734. 697
son stile , au lieu de s'en prendre à l'idée
qui , avec le défaut d'être fine , a quelquefois
celui de n'être pas assez épaissie
et assez étendue pour la petitesse de son
intelligence. Faites attention à ce que
j'ai l'honneur de vous dire , vous trouverez
la vraie cause des reproches que
quelques Gens ont fait à M. D. S. M.
pousurr moi je suis persuadé que vous ne
en ferez plus. Vous êtes homme d'esprit
, la prévention vous avoit gagné.
Le petit mal qu'on avoit dit de M. de
la Motte avoit excité votre colere. Vous
avez soulagé votre coeur , et je ne m'en
prends point à votre esprit. J'ay l'honneur
d'être , Monsieur , votre , &c.
eu envie de critiquer un Livre qui a
pour titre Refléxions sur la Poësie ent
general , sur la Fable , sur l'Elegie ,
sur la Satyre , sur l'Ode , sur le Sonnet,
Rondeau , Madrigal . Suivies de trois
Lettres sur la décadence du Goût er
France. Par M. R. D. S. M.
S
Çavez - vous bien , Monsieur , qu'il
n'y a rien de plus flateur pour M.
nya rien
R. D. S. M. que la Critique que vous
avez faite de son Ouvrage. Aussi y a - t'il
quantité de gens fort raisonnables qui
n'ont point pris le change. Ils disent
hautement que vous êtes ami de l'Auteur
, et que pour ôter aux louanges la
fadeur qui en est presque inséparable ,
vous avez voulu donner à votre Lettre
un air de Critique ; qu'il est bien vrai
qu'on y voit par cy par là quelques
ironies , mais que vous sçaviez bien qu'on
les trouveroit mauvaises ; qu'à l'égard
des falsifications qui sont en fort grand
nombre , vous étiez bien sûr qu'elles ne
porteroient aucun préjudice à la réputation
de l'Auteur , parce que la lecture
de
AVRIL. 1734 691
de son Ouvrage les feroit bien-tôt disparoître.
Je ne vous rends compte , Monsieur ,
de l'effet de votre Lettre, que pour vous
faire sentir que le but n'en est pas net.
C'est trop peu pour un Eloge , ce n'est
pas assez pour une Critique. Il falloit aller
attaquer l'Auteur dans ses principes ,
les dépouiller des graces et de l'agrément
qu'il leur a donnés , les remettre
dans leur secheresse naturelle ; vous auriez
eu le mérite de les appercevoir , et ,
si vous aviez pû , l'honneur de les détruire
; mais il vous a parû plus commode
de dire que l'Auteur aimoit l'Eglogue
à la folie , qu'on le séduiroit
avec le murmure d'une Fontaine , quil
étoit bien aise que tout le monde vécût,
que quant à lui il n'avoit pas la moindre
envie de mourir ; et enfin pour achever
le dénombrement de ses goûts , vous
nous avez appris qu'il aimeroit mieux
avoir fait un Sonnet que quatre Tragédies.
Vous êtes un galant homme , Monsieur
, tout le monde le dit ; et après
une déposition si generale, il n'est point
permis d'en douter . Cependant permettez
moi de vous dire qu'il y a quelque
chose d'irrégulier dans votre conduite.
Tirer quelques paroles d'un Auteur , les
séparer
62 MERCURE DE FRANCE
séparer de ce qui les environne , de ce
qui en change ou modifie le sens , faire
un assortiment bizare de ce qu'il y a
dans un Ouvrage de sérieux et de badin,
charger l'Auteur d'un pareil assortiment;
et pour qu'il en soit plus sûrement chargé
, mettre le tout en lettres italiques ,
c'est un procedé qui n'a pas d'exemple
dans la République des Lettres , où l'on
ne se picque pas neanmoins d'une Morale
bien severe.
La même bonne foi , le même esprit
de sincerité regne dans votre Lettre d'un
bout à l'autre .
A l'imitation du pour et contre , dont
à cela près que vous êtes un peu plus
poli , vous suivez assez exactement les
traces , vous accusez l'Auteur des Reflé.
xions sur la Poësie , d'avoir pris dans son
Morceau sur le Sublime , trois pages entieres
de M. Despreaux. Il falloit donc
extraire ces trois pages. Dailleurs accordez
-vous avec l'Auteur du Pour et Contre
; il prétend lui que le Morceau du
Sublime est pris dans M. Nicole . Ne
sentez vous pas que cette accusation de
vol n'étant pas prouvée, il en résulte une
absolution entiere pour M. D. S. M. qui
n'a pas la réputation de s'être enrichi des
dépouilles d'autrui.
Voilà
AVRIL. 1734- 693
Voilà , Monsieur , tout ce que j'ai à
dire sur votre Lettie , car vous n'y dites
rien . Je sçai bien que vous avez à repliquer
que vous avez fait une espece
d'Extrait de chaque morceau de l'Ouvrage
en question ; mais si l'Extrait est
infidele , je ne dois point y répondre
parce qu'alors ce ne sera pas l'Ouvrage
que vous aurez critiqué ; parce que je ne
suis point obligé à prendre le parti d'un
fantôme que vous avez fait tel qu'il vous
le falloit pour vous ménager le plaisir
d'en triompher.
Il faut convenir , Monsieur , que vous
êtes bien malheureux. Vous avez eu envie
de critiquer l'Auteur des Refléxions
sur la Poësie , vous n'avez pû en venir à
bout , votre dessein étoit de loüer M. de
Fontenelle , et vous l'avez critiqué ; car
entre nous , c'est le critiquer et faire
pis encore , que de dire qu'on reproche
ce bel Esprit de manquer de génie.
Avec votre permission , M. D. S. M.
ne l'a point dit , et quand ( ce que je
ne sçai pas ) une pareille consequence
couleroit sourdement de ses principes ,
pourquoi , vous , Monsieur , avez - vous
la malice de la tirer ? D'ailleurs, pourquoi.
ne point mettre de distance entre M. de
la Motte et M. de Fontenelle ? L'Auteur
D des
694 MERCURE DE FRANCE
des Refléxions ne s'est point caché de
l'admiration qu'il avoit pour l'un , et
peut- être n'a- t'il que trop exprimé le
mépris qu'il avoit pour l'autre. Enfin ,
comment avez - vous osé dire en face au
» Public , qu'il a toujours comparé les
» Fables de M. de la Motte à celles de´la
» Fontaine , ses Tragédies à celles de Cor-
» neille et de Racine , ses Operas à ceux
» de Quinault , et qu'enfin il a assigné à
>> ses Discours d'Eloquence et à toute sa
» Prose , une classe à part , pour ne la
»comparer qu'à lui- même.
C'est au Public à vous donner sur cela
un démenti , s'il le juge à propos . Je reviens
moi au Livre qui a fait l'objet de votre
Critique , et c'est sur cela que j'ai quelques
refléxions à vous faire faire.
Si vous aviez sérieusement envie de
critiquer M. D. S. M. il falloit lire son
Ouvrage avec toute l'attention dont un
homme d'esprit comme vous est capable
, il falloit tâcher d'en penetrer les
principes , en bien embrasser toutes les
consequences , sur tout , et c'est ce qui
étoit le plus necessaire , il falloit vous
bien mettre son but dans la tête. Vous
auriez vû que l'Auteur , pour bien remplir
son projet , avoit été obligé de ne
prendre que la fleur de ce qu'il avoit à
dire;
AVRIL. 1734-
695
dire ; que dans le dessein où il étoit d'instruire
, sans pour cela renoncer à plaire ,
il avoit été réduit à ôter à ses principes.
le faste et la secheresse ordinaire qui les
accompagnent ; ce qui , en les adoucissant
peut quelquefois les avoir rendus méconnoissables.
N'en doutez point , Monsieur , une
attention sérieuse sur le but de l'Auteur
, vous auroit épargné bien des injustices
. Vous n'auriez pas dit, par exemple
, que l'Auteur des Refléxions s'est
dévoué tout entier au sentiment, et qu'il
trouve fort mauvais qu'on raisonne . Hé ,
Monsieur , lisez l'Ouvrage , vous verrez
qu'on y prêche par tout l'accord de la
raison et de l'imagination ; vous verrez
que de toutes les qualitez de l'esprit , celle
que l'Auteur estime le plus , celle qui lui
est la plus chere , c'est la justesse et la
précision ; mais à dire vrai , il la veut
ménagée et temperée par les graces , il
ne la croit point incompatible avec les
tours vifs et les expressions de génie. Y
a-t'il là en verité de quoi lui faire un
procès ?
Il me reste à justifier l'Auteur sur un
reproche que vous lui faites au commencement
de votre Lettre , c'est de s'être
un peu laissé gagner par la contagion ,
Dijet
496 MERCURE DE FRANCE
et comme il l'avoit prévû lui - même , de
n'avoir pas pû être toujours naturel. Je
suis de bonne foi , Monsieur , et je passe
volontiers condamnation sur cinq ou six
expressions , qui , dans le goût où nous
sommes du brillant , sont d'un mauvais
exemple. Mais je vous soutiens que le
stile de l'Ouvrage est en general fort naturel
; je soupçonne qu'on prend le chan
ge , et qu'on ne dit pas bien ce qu'on
veut dire quand on reproche à l'Auteur
de manquer quelquefois de naturel . Une
des grandes attentions de M. D. S. M.
autant que j'ai pû le remarquer , est d'être
serré sans en avoir l'air . Il arrive delà
qu'en certains cas le Lecteur peine ;
et comme ce qui le peine est quelquefois
couvert de fleurs assaisonnées de graces ,
il n'ose s'en prendre à l'idée qu'il voit
ainsi embellie. Il ne songe pas que l'idée
pour être ainsi parée , n'en est souvent
que plus fine et plus déliée ; que d'ailleurs
cette idée étant serrée , son rapport
avec les autres idées , n'est pas assez prononcé
pour lui , qu'on a trop compté
sur sa pénetration , et alors le petit embarras
qu'il éprouve n'étant pas bien analisé
dans son esprit , non plus que ce qui
le cause , il n'y sçait que dire que l'Auteur
n'est pas naturel , il s'en prend à
son
AVRIL 1734. 697
son stile , au lieu de s'en prendre à l'idée
qui , avec le défaut d'être fine , a quelquefois
celui de n'être pas assez épaissie
et assez étendue pour la petitesse de son
intelligence. Faites attention à ce que
j'ai l'honneur de vous dire , vous trouverez
la vraie cause des reproches que
quelques Gens ont fait à M. D. S. M.
pousurr moi je suis persuadé que vous ne
en ferez plus. Vous êtes homme d'esprit
, la prévention vous avoit gagné.
Le petit mal qu'on avoit dit de M. de
la Motte avoit excité votre colere. Vous
avez soulagé votre coeur , et je ne m'en
prends point à votre esprit. J'ay l'honneur
d'être , Monsieur , votre , &c.
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Résumé : RÉPONSE à la Lettre où l'on a eu envie de critiquer un Livre qui a pour titre : Refléxions sur la Poësie en general, sur la Fable, sur l'Elegie, sur la Satyre, sur l'Ode, sur le Sonnet, Rondeau, Madrigal. Suivies de trois Lettres sur la décadence du Goût en France. Par M. R. D. S. M.
Le texte est une réponse à une lettre critique adressée à M. R. D. S. M., auteur des 'Réflexions sur la Poésie'. L'auteur de la réponse conteste les accusations portées contre M. R. D. S. M., les qualifiant de malveillantes et mal fondées. Il souligne que la lettre critique est ambiguë, ni vraiment un éloge ni une critique sérieuse. L'auteur reproche à son interlocuteur d'avoir mal interprété les propos de M. R. D. S. M. et d'avoir sorti des phrases de leur contexte pour les déformer. Il accuse également la critique de manquer de rigueur et de bonne foi, notamment en ce qui concerne l'accusation de plagiat concernant un passage sur le sublime. L'auteur défend le style et les intentions de M. R. D. S. M., affirmant que ses principes sont souvent mal compris et que ses expressions sont naturelles et soignées. Il conclut en suggérant que la critique est motivée par des préventions personnelles plutôt que par une analyse objective.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 697
A MLLE DE POUR LE JOUR DE L'AN. VOEU.
Début :
Un seul ; de la santé. Je ne suis pas si gruë, [...]
Mots clefs :
Voeu, Jour de l'an
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A MLLE DE POUR LE JOUR DE L'AN. VOEU.
A MLLE DE
POUR LE JOUR DE L'AN,
VOE V.
UN seul ; de la santé . Je ne suis pas si gruë ;
D'en faire plus pour vous ; tout le reste est pour
moy ,
La raison , belle Iris , quand on vous a connue,
N'en laisse à faire que pour soi.
POUR LE JOUR DE L'AN,
VOE V.
UN seul ; de la santé . Je ne suis pas si gruë ;
D'en faire plus pour vous ; tout le reste est pour
moy ,
La raison , belle Iris , quand on vous a connue,
N'en laisse à faire que pour soi.
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12
p. 698-706
LETTRE de ..... à M. Pilleret, Maître d'Ecole à Cousance en Barrois, au sujet du Systême Typographique.
Début :
Enfin, Monsieur, le Systême Typographique paroît en son entier ; il y a des Bureaux, [...]
Mots clefs :
Système typographique, Système, Enfant, Bureau, Maître, Livre, Jouer, Travailler, Enfants, Règles, Beau, Apprendre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de ..... à M. Pilleret, Maître d'Ecole à Cousance en Barrois, au sujet du Systême Typographique.
LETTRE de ..... à M. Pilleret
Maitre d'Ecole à Cousance en Barrois ,
au sujet du Systême Typographique .
Enfin,
Nfin , Monsieur , le Systême Typographique
paroît en son entier ; il y a des Bureaux ,
et nous avons le Livre dans lequel cette matiere
est amplement traitée . Tout préambule à part ,
je vous dirai librement ce que je pense et du Systême
et du Livre.
Un Sçavant du premier ordre dit qu'une des
premieres regles de critique , pour entrer dans l'esprit
d'un Auteur est d'examiner quel caractere il
soutient dans l'Ouvrage dont il est question . Ce
n'est , sans doute , qu'en partant de ce principe
et en s'y tenant fortement attaché , qu'on peut
éviter deux écueils également dangereux , ou de
tout approuver sans discernement , ou de tout
condamner sans réserve . Telle est cependant la
disposition des Partisans et des ennemis du nouveau
Systême , que les premiers suivent aveuglement
toutes les idées de l'Auteur et que les autres
ne veulent y reconnoître rien de bon.
Qu'on se donne donc la peine d'étudier le caractere
de M.D.M.soit dans son Systême , soit dans
ce qu'il en a écrit , on y découvrira par tout cet
esprit de franchise et d'amour pour la Patrie
qui doit toujours être l'ame de ce que nous entreprenons.
On y verra sans peine que c'est uniquement
pour le bien et l'avancement de notre
Jeunesse, qui , après s'être rendu habile dans les
Sciences les plus abstraites et les plus épineuses,
M.
AVRIL. 1734. 699
M. D. ne dédaigne pas de descendre jusqu'à
l'A. B. C. il se montre peu jaloux de l'encens
après lequel nous voyons courir tant de froids
Ecrivains , et que nous prodiguons sottement à
ceux qui pour faire parade d'une vaine érudition
plutôt que pour se rendre utiles au Public , composent
des Ouvrages dont il est vrai que souvent
la lecture est agréable ; mais qui ne contribuent
en rien ni à nous rendre meilleurs , ni à nous
faciliter les moyens de le devenir. Encore si nous
nous contentions de ceux-cy ; mais n'est - il pas
honteux que tant de conteurs de nouveaux riens
et de riens dangereux , enlevent notre estime et
notre approbation , que nous ne devons qu'au
vrai que nous négligeons , que nous méprisons
et que souvent nous combattons.
Nous faisons cas du beau , nous méprisons l'utile .
Voila le mal commun ; et si quelques génies
supérieurs se sont élevez au - dessus et nous en
ont fait voir le danger et le ridicule , nous les
admirons ; mais nous en demeurons-là , nous
persuadant facilement que nous ne sommes pas
dans le cas. Ce qui nous trompe en cela , c'est
que nous prenons le faux pour le vrai , le beau
pour l'utile , le brillant pour le veritable beau ;
que nous croyons veritablement tenir pour le
bon , et que ceux qui ne pensent pas comme
nous sont dans l'erreur . C'est aussi ce qui a suscité
tant d'adversaires aux nouvelles idées de
M. D. qui fait tout revenir dans son Systême ,
au point de vue que se doit proposer tout Auteur
désinteressé, c'est - à - dire , au vrai , à l'utile , au
veritable beau . Des intentions si droites , quand
elles ne se trouveroient pas exactement remplies,
devroient , sans doute , imposer silence à l'envie
D iiij
et
700 MERCURE DE + FRANCE
et à la mauvaise humeur de quelques petits esprits
pleins d'eux- mêmes ; mais dès-lors ils ne
seroient plus ce qu'ils sont,
-
L'usage du Bureau Typographique a de grands
avantages , il en faut convenir ; mais on les trouve
mêlez avec des inconveniens très considerables
qui en ralentiront peut - être encore
long-temps le succès . Je ne parle pas de la dépense
de la machine que tout le monde ne peut
pas faire , ni de la difficulté de trouver des Maîtres
instruits du Systême , ce qu'on a déja objecté
à l'Auteur ; mais il n'est pas facile de comprendre
comment un Maître d'Ecole pourroit
s'en servir utilement . J'ai vu travailler des Enfans
au Bureau , je les ai suivis , et s'il y a un profil réel
dans l'usage de cette Machine , je crois que ce ne
peut être que dans la pratique assidue, le Maître
toujours présent et attentifà ce que fait l'Enfant.
On ne peut faire travailler qu'un Enfant à la fois ;
s'ils sont deux ou trois , ils s'embarassent, ilsjouent
et perdent leur temps. De plus l'étude , pour lui
être utile, doit être d'une heure au moins le matin
et autant le soir. Où en seroit un Maître qui
auroit , je ne dis pas cent , mais seulement quinze
ou vingt Ecoliers ? Comment exercer chacun
d'eux en particulier ? Lui donner une heure le
matin et autant le soir ? Etre présent là pendant
qu'il opere ? Le guider , l'animer , et rire ? Car
tout cela est du Systême. Que feront tous les
autres pendant ce temps-là ? Leur donner des leçons
à apprendre ? Rien n'est plus ridicule selon
le nouveau Systême , c'est même une injustice.On
doit toujours travailler avec l'Enfant , aller au devant
de toutes les difficultez , et étudier avec lui.
Qu'on les oblige d'écouter et de voir celui qui
travaille , cela est , sans doute , impraticable . Il
faudra
AVRIL. 1734 .
701
faudra donc
que tous les autres demeurent oisifs,
tandis qu'un seul sera occupé. Il est vrai que
tous ces inconveniens se trouvent aussi liez avec
la Méthode ordinaire ; mais le nouveau Systême
n'y obviant pas , et ayant même ceci de plus qu'il
coûte et qu'il est d'un grand embarras , je ne
yois pas pourquoi on le préfereroit.
Ce qui fait le fort du Systême Typographi
que , c'est que l'Enfant passant continuellement
d'un objet à un autre , peut bien apprendre avec
plus d'agrément et peut- être avec plus de profit
pour le présent ; mais il y a tout lieu de Graindre
qu'il ne s'y forme un grand fond d'inconstance
et de legereté , ce qui n'est pas un petit défaut.
Je me trouvai un jour chez un des plus zelez
Typographistes , où , après avoir caressé un
Enfant qu'il instruisoit selon le Systême , je lui
témoignai l'envie que j'avois de le voir travailler
au Bureau.La personne qui le conduisoit, s'étant
approchée , m'avertit secrettement de ne point
me servir du mot travailler , mais de jouer ; et
en même-temps prenant la parole , eh bien , mon
fils , dit- il , voulez- vous jouer à present. Comment
un Enfant élevé de cette maniere , passera- t'il à
une étude sérieuse ? Comment en supportera- t'il
la peine et le travail , lui à qui on n'aura jamais
parlé que de jeu ? Comment enfin y apporterat'il
une application qu'on ne lui aura jamais demandée.
C'est pour entretenir dans l'Enfant cet
esprit de satisfaction que lui procure cette pensée
qu'il joue ; qu'il ne faut jamais le contraindre
; que s'il ne lui plaisoir pas de jouer , il
ne faudroit pas l'y forcer. Il faut attendre ses
momens et se conformer à ses petites volontez.
Ces caprices doivent servir de regles , et ce seroit
une injustice que de vouloir que les regles res-
DY traignissent
702 MERCURE DE FRANCE
traignissent ses fantaisies. Dira - t'on que tout
cela n'est rien ; que ce ne sont que préventions ,
que préjugez.
Ce que je crois de plus fort contre le nouveau
Systême , c'est que l'amour propre y est érigé en
premier Maître des Enfans , et que ce vice dangereux
s'y trouve l'ame et le grand mobile de
tout ce qu'on leur fait faire. Leur petite imagination
se repaît agréablement des loüanges qu'il
faut leur prodiguer , ce qui les remplit insensiblement
de sentimens d'estime pour eux - mêmes
et de mépris pour les autres. En voici un trait
que je tiens de personnes non suspectes. On faisoit
jouer un Enfant au Bureau , ou plutôt on
jouoit avec lui . Le pere voulut aussi s'en mêler ;
mais par malheur ayant mis une lettre pour une
autre , un j consone , à ce qu'on m'a dit , pour
un i voyele dans le mot jgnorant au lieu -d'ignorant
; l'enfant se retourna et dit tout bas à l'oreille
de son Maître , je crois que mon cher Pere
est un peu bête ; on l'entendit , mais on jugea à
propos de faire la sourde oreille. Que n'y a t'il
pas à craindre pour des Enfans élevez dans ces
principes ! Ajoutons à cela que la conviction du
Mérite qu'ils s'imaginent avoir , les remplit
de vanité , de hauteur et d'impatience . J'en ai vû
qui écoutoient d'un air dédaigneux et moqueur
d'autres Enfans qui n'avoient pas été élevez
comme eux , et qui railloient des personnes qu'ils
devoient respecter , parce qu'ils prononçoient leslettres
autrement qu'eux . Quand une fois ils ont
fait ce qu'on appelle leurs Thêmes , on n'oseroit
y toucher, c'est -à - dire , y déranger quelque cho
se , sans les irriter. Je fus un jour témoin oculaire
d'un soufflet très - sec qu'un Enfant élevé
selon le Systême , donna à un autre Enfant qui
Dai
AVRIL 1734. 703
lui avoit brouillé un mot qu'il venoit d'imprimer.
Voilà , Monsieur , ce qui a suspendu jusqu'ici
le jugement de plusieurs ; la difficulté ou
plutot l'impossibilité de se servir du Bureau dans
les Ecoles publiques ; la nécessité de la préfence
du Maître à tout ce que fait l'Enfant , si on veut
qu'il avance plus que par la Méthode ordinaire ;
celle de jouer , de badiner et de rire avec l'Enfant,
quand il opere , le danger qu'il y a que l'Enfant
ne retire de tout ce manége , qu'un esprit d'inconstance
et de legereté , et enfin celui de prendre
l'Enfant la vanité et de faire l'amour
par
propre l'ame et le grand mobile de son étude.
Mais venons au Livre.
Tout Livre de Grammaire porte avec soi quelque
chose d'aride , le titre même rebute et ne
rappelle point le Lecteur. Il faut donc , pour
vaincre ce dégoût , présenter cette sorte de matiere
avec quelque apprêt , sans quoi un Livrede.
cette espece ne sera jamais lû que par ceux qui en
ont unbesoin extrême . Beaucoup de gens croyent
en sçavoir assez , et il y en a peu qui en fassent
une étude sérieuse. Le Systême Typographique
a cela de particulier , qu'il ett susceptible d'une
infinité d'agrémens , malgré la secheiesse apparente
des instructions qu'il renferme, et l'Auteur,
par je ne sçai quelles idées , a répandu sur tout
son Ouvrage une mélancolie , une tristesse qui
rebutera bien des Lecteurs ; et par consequent
arrêtera dès le commencement , les progrès de
cette invention . On rencontre presque à chaque
page un M. G. Professeur de l'Université , qui
semble être l'unique objet de l'Auteur , pour qui
ce Régent est une source perpetuelle de chagrin
et de déclamations qui n'éclaircissent en rien le
fond du Systême. C'eût été répondre solidement
D vj
aux
704 MERCURE DE FRANCE.
aux frivoles objections de ce Professeur , que de
garder un silence profond à cet égard ; enfin ôtez
de tout le Livre ce qui regarde cete dispute particuliere
, les redites fréquentes des mêmes choses
, les citations trop réiterées de gens favorables
au Systême et d'Enfans qu'on instruit
par le Bureau , choses qui interessent fort peu lc
Lecteur avide d'être au fait ; voici à quoi se reduit
cet Ouvrage.
i
Il faut , suivant l'Auteur , nommer un C. lé ké;
PF. fé ; le Ph. fé ; le G. gné, guéné ; le H. hê ;
le J. je -ja ; le K. ka- ku ; le L. lé ; le M. mé ; le
Q. qu - ka ; le R. rê ; le S. lé- zé; le T. te-ci ; le
V. vé ; le X. ksé , quézé ; le Y. i- ié , le Z. zé- sé ;
le &t . cté- csi ; le ft. sté ; le &. et ; le æ. é ; le oe . é;
le è. ais ; le ê. ais ; le ch. ché- ké , &c. Il faut remarquer
que ces lettres ausquelles il a donné une
double valeur , comme au C. ne seront appelées
que d'une de ces valeurs , suivant le lieu où elles
se trouveront , par exemple , dans Ciconia , on
dira sé , i , ci : ké , o , co : cico , & c ainsi des
autres.
De-là on vient aux sons , découverte des plus
importantes qu'on ait jamais faites pour faciliter
la lecture et abreger le temps qu'on y employe
ordinairement ; il appelle donc par un seul son
toutes les lettres qui , unies ensemble , n'en font
qu'un. Par exemple , Caux , on l'appelle o simplement.
Les nazales an , en , in , on , un. Ensuite
les autres sons que vous pourrez voir dans son
A. B. C. comme oient , qu'il appelle ais ou ê.
Voilà pour la lecture.
A l'égard des premiers principes de la Langue
Latine ou de la Grecque , car ce seroit la même
chose , il faut donner un thême ou une version
interlineaire à l'Enfant , qu'il imprimera sur le
Bureau
AVRIL 1734 70s
Bureau. Donnons un exemble dans lequel on
peat voit tout le Systême , tant pour apprendre
à lire , que pour apprendre les principes de la
Langue Latine, ou de telle autre qu'on voudra enseigner
à l'Enfant . On pourroit faire un Thême
ou un Exemple dans lequel se trouveroit une
chose de chaque Logette du Bureau. Mais comme
cela nous meneroit trop loin , contentonsnous
de celui - cy : Mon Dieu , je vous aime bienè
Supposons qu'un Enfant connoît déja les lettres
simplement sans les sons , on lui fait ranger sur
le Bureau : m , o , n , D , i , c , u , j , e , v , o , u , s,
a , i , m , e , b e , n. S'il connoît les sons ,
en lui fait ranger de cette sorte ; m, on, D, i , eu,
j , e , v , ou , s , ai , m , e , b , i ,en.
S'il commence à lire , on lui fait ranger par
mots de cette maniere : mon , dans le pronom
possessif. Dieu , dans les noms substantifs . je,
dans le pronom de la premiere personne . vous
dans le pronom de la seconde personne. aime ,
dans les verbes François. bien , dans les indéclinables
François. Voilà pour la Langue Françoise,'
ainsi de même pour le Latin. Car les Logettes
pour le Latin sont aussi dans le Bureau . Il faut
donner le Thême tout fait à l'Enfant ; et en lui
faisant prendre mi dans la Logette des pronoms
possessifs , on lui fait remarquer que s'est le vocatif
: Deus , dans les noms substantifs Latins
&c. on doir en même- temps lui expliquer les
regles de la Sintaxe. Voilà à peu près à quoi se
réduit tout le Systême . L'Auteur ayant une fois
posé ses principes , pouvoit , par le moyen d'un
seul exemple , mettre le Lecteur au fait , et il se
seroit épargné la dépense d'un gros Livre , qui
dans l'état où il est , ne servira qu'à rebuter
ceux qui veulent sçavoir son Systême. J'ai l'hon
neur d'être , Monsieur , &c.
>
706 MERCURE DE FRANCE
Nota. Nous donnerons dans le mois prochain la
Réponse à cette Lettre , que la longueur ne nous
permet pas d'inserer ici . comme nous l'avions déja
promis sur cette matiere.
Maitre d'Ecole à Cousance en Barrois ,
au sujet du Systême Typographique .
Enfin,
Nfin , Monsieur , le Systême Typographique
paroît en son entier ; il y a des Bureaux ,
et nous avons le Livre dans lequel cette matiere
est amplement traitée . Tout préambule à part ,
je vous dirai librement ce que je pense et du Systême
et du Livre.
Un Sçavant du premier ordre dit qu'une des
premieres regles de critique , pour entrer dans l'esprit
d'un Auteur est d'examiner quel caractere il
soutient dans l'Ouvrage dont il est question . Ce
n'est , sans doute , qu'en partant de ce principe
et en s'y tenant fortement attaché , qu'on peut
éviter deux écueils également dangereux , ou de
tout approuver sans discernement , ou de tout
condamner sans réserve . Telle est cependant la
disposition des Partisans et des ennemis du nouveau
Systême , que les premiers suivent aveuglement
toutes les idées de l'Auteur et que les autres
ne veulent y reconnoître rien de bon.
Qu'on se donne donc la peine d'étudier le caractere
de M.D.M.soit dans son Systême , soit dans
ce qu'il en a écrit , on y découvrira par tout cet
esprit de franchise et d'amour pour la Patrie
qui doit toujours être l'ame de ce que nous entreprenons.
On y verra sans peine que c'est uniquement
pour le bien et l'avancement de notre
Jeunesse, qui , après s'être rendu habile dans les
Sciences les plus abstraites et les plus épineuses,
M.
AVRIL. 1734. 699
M. D. ne dédaigne pas de descendre jusqu'à
l'A. B. C. il se montre peu jaloux de l'encens
après lequel nous voyons courir tant de froids
Ecrivains , et que nous prodiguons sottement à
ceux qui pour faire parade d'une vaine érudition
plutôt que pour se rendre utiles au Public , composent
des Ouvrages dont il est vrai que souvent
la lecture est agréable ; mais qui ne contribuent
en rien ni à nous rendre meilleurs , ni à nous
faciliter les moyens de le devenir. Encore si nous
nous contentions de ceux-cy ; mais n'est - il pas
honteux que tant de conteurs de nouveaux riens
et de riens dangereux , enlevent notre estime et
notre approbation , que nous ne devons qu'au
vrai que nous négligeons , que nous méprisons
et que souvent nous combattons.
Nous faisons cas du beau , nous méprisons l'utile .
Voila le mal commun ; et si quelques génies
supérieurs se sont élevez au - dessus et nous en
ont fait voir le danger et le ridicule , nous les
admirons ; mais nous en demeurons-là , nous
persuadant facilement que nous ne sommes pas
dans le cas. Ce qui nous trompe en cela , c'est
que nous prenons le faux pour le vrai , le beau
pour l'utile , le brillant pour le veritable beau ;
que nous croyons veritablement tenir pour le
bon , et que ceux qui ne pensent pas comme
nous sont dans l'erreur . C'est aussi ce qui a suscité
tant d'adversaires aux nouvelles idées de
M. D. qui fait tout revenir dans son Systême ,
au point de vue que se doit proposer tout Auteur
désinteressé, c'est - à - dire , au vrai , à l'utile , au
veritable beau . Des intentions si droites , quand
elles ne se trouveroient pas exactement remplies,
devroient , sans doute , imposer silence à l'envie
D iiij
et
700 MERCURE DE + FRANCE
et à la mauvaise humeur de quelques petits esprits
pleins d'eux- mêmes ; mais dès-lors ils ne
seroient plus ce qu'ils sont,
-
L'usage du Bureau Typographique a de grands
avantages , il en faut convenir ; mais on les trouve
mêlez avec des inconveniens très considerables
qui en ralentiront peut - être encore
long-temps le succès . Je ne parle pas de la dépense
de la machine que tout le monde ne peut
pas faire , ni de la difficulté de trouver des Maîtres
instruits du Systême , ce qu'on a déja objecté
à l'Auteur ; mais il n'est pas facile de comprendre
comment un Maître d'Ecole pourroit
s'en servir utilement . J'ai vu travailler des Enfans
au Bureau , je les ai suivis , et s'il y a un profil réel
dans l'usage de cette Machine , je crois que ce ne
peut être que dans la pratique assidue, le Maître
toujours présent et attentifà ce que fait l'Enfant.
On ne peut faire travailler qu'un Enfant à la fois ;
s'ils sont deux ou trois , ils s'embarassent, ilsjouent
et perdent leur temps. De plus l'étude , pour lui
être utile, doit être d'une heure au moins le matin
et autant le soir. Où en seroit un Maître qui
auroit , je ne dis pas cent , mais seulement quinze
ou vingt Ecoliers ? Comment exercer chacun
d'eux en particulier ? Lui donner une heure le
matin et autant le soir ? Etre présent là pendant
qu'il opere ? Le guider , l'animer , et rire ? Car
tout cela est du Systême. Que feront tous les
autres pendant ce temps-là ? Leur donner des leçons
à apprendre ? Rien n'est plus ridicule selon
le nouveau Systême , c'est même une injustice.On
doit toujours travailler avec l'Enfant , aller au devant
de toutes les difficultez , et étudier avec lui.
Qu'on les oblige d'écouter et de voir celui qui
travaille , cela est , sans doute , impraticable . Il
faudra
AVRIL. 1734 .
701
faudra donc
que tous les autres demeurent oisifs,
tandis qu'un seul sera occupé. Il est vrai que
tous ces inconveniens se trouvent aussi liez avec
la Méthode ordinaire ; mais le nouveau Systême
n'y obviant pas , et ayant même ceci de plus qu'il
coûte et qu'il est d'un grand embarras , je ne
yois pas pourquoi on le préfereroit.
Ce qui fait le fort du Systême Typographi
que , c'est que l'Enfant passant continuellement
d'un objet à un autre , peut bien apprendre avec
plus d'agrément et peut- être avec plus de profit
pour le présent ; mais il y a tout lieu de Graindre
qu'il ne s'y forme un grand fond d'inconstance
et de legereté , ce qui n'est pas un petit défaut.
Je me trouvai un jour chez un des plus zelez
Typographistes , où , après avoir caressé un
Enfant qu'il instruisoit selon le Systême , je lui
témoignai l'envie que j'avois de le voir travailler
au Bureau.La personne qui le conduisoit, s'étant
approchée , m'avertit secrettement de ne point
me servir du mot travailler , mais de jouer ; et
en même-temps prenant la parole , eh bien , mon
fils , dit- il , voulez- vous jouer à present. Comment
un Enfant élevé de cette maniere , passera- t'il à
une étude sérieuse ? Comment en supportera- t'il
la peine et le travail , lui à qui on n'aura jamais
parlé que de jeu ? Comment enfin y apporterat'il
une application qu'on ne lui aura jamais demandée.
C'est pour entretenir dans l'Enfant cet
esprit de satisfaction que lui procure cette pensée
qu'il joue ; qu'il ne faut jamais le contraindre
; que s'il ne lui plaisoir pas de jouer , il
ne faudroit pas l'y forcer. Il faut attendre ses
momens et se conformer à ses petites volontez.
Ces caprices doivent servir de regles , et ce seroit
une injustice que de vouloir que les regles res-
DY traignissent
702 MERCURE DE FRANCE
traignissent ses fantaisies. Dira - t'on que tout
cela n'est rien ; que ce ne sont que préventions ,
que préjugez.
Ce que je crois de plus fort contre le nouveau
Systême , c'est que l'amour propre y est érigé en
premier Maître des Enfans , et que ce vice dangereux
s'y trouve l'ame et le grand mobile de
tout ce qu'on leur fait faire. Leur petite imagination
se repaît agréablement des loüanges qu'il
faut leur prodiguer , ce qui les remplit insensiblement
de sentimens d'estime pour eux - mêmes
et de mépris pour les autres. En voici un trait
que je tiens de personnes non suspectes. On faisoit
jouer un Enfant au Bureau , ou plutôt on
jouoit avec lui . Le pere voulut aussi s'en mêler ;
mais par malheur ayant mis une lettre pour une
autre , un j consone , à ce qu'on m'a dit , pour
un i voyele dans le mot jgnorant au lieu -d'ignorant
; l'enfant se retourna et dit tout bas à l'oreille
de son Maître , je crois que mon cher Pere
est un peu bête ; on l'entendit , mais on jugea à
propos de faire la sourde oreille. Que n'y a t'il
pas à craindre pour des Enfans élevez dans ces
principes ! Ajoutons à cela que la conviction du
Mérite qu'ils s'imaginent avoir , les remplit
de vanité , de hauteur et d'impatience . J'en ai vû
qui écoutoient d'un air dédaigneux et moqueur
d'autres Enfans qui n'avoient pas été élevez
comme eux , et qui railloient des personnes qu'ils
devoient respecter , parce qu'ils prononçoient leslettres
autrement qu'eux . Quand une fois ils ont
fait ce qu'on appelle leurs Thêmes , on n'oseroit
y toucher, c'est -à - dire , y déranger quelque cho
se , sans les irriter. Je fus un jour témoin oculaire
d'un soufflet très - sec qu'un Enfant élevé
selon le Systême , donna à un autre Enfant qui
Dai
AVRIL 1734. 703
lui avoit brouillé un mot qu'il venoit d'imprimer.
Voilà , Monsieur , ce qui a suspendu jusqu'ici
le jugement de plusieurs ; la difficulté ou
plutot l'impossibilité de se servir du Bureau dans
les Ecoles publiques ; la nécessité de la préfence
du Maître à tout ce que fait l'Enfant , si on veut
qu'il avance plus que par la Méthode ordinaire ;
celle de jouer , de badiner et de rire avec l'Enfant,
quand il opere , le danger qu'il y a que l'Enfant
ne retire de tout ce manége , qu'un esprit d'inconstance
et de legereté , et enfin celui de prendre
l'Enfant la vanité et de faire l'amour
par
propre l'ame et le grand mobile de son étude.
Mais venons au Livre.
Tout Livre de Grammaire porte avec soi quelque
chose d'aride , le titre même rebute et ne
rappelle point le Lecteur. Il faut donc , pour
vaincre ce dégoût , présenter cette sorte de matiere
avec quelque apprêt , sans quoi un Livrede.
cette espece ne sera jamais lû que par ceux qui en
ont unbesoin extrême . Beaucoup de gens croyent
en sçavoir assez , et il y en a peu qui en fassent
une étude sérieuse. Le Systême Typographique
a cela de particulier , qu'il ett susceptible d'une
infinité d'agrémens , malgré la secheiesse apparente
des instructions qu'il renferme, et l'Auteur,
par je ne sçai quelles idées , a répandu sur tout
son Ouvrage une mélancolie , une tristesse qui
rebutera bien des Lecteurs ; et par consequent
arrêtera dès le commencement , les progrès de
cette invention . On rencontre presque à chaque
page un M. G. Professeur de l'Université , qui
semble être l'unique objet de l'Auteur , pour qui
ce Régent est une source perpetuelle de chagrin
et de déclamations qui n'éclaircissent en rien le
fond du Systême. C'eût été répondre solidement
D vj
aux
704 MERCURE DE FRANCE.
aux frivoles objections de ce Professeur , que de
garder un silence profond à cet égard ; enfin ôtez
de tout le Livre ce qui regarde cete dispute particuliere
, les redites fréquentes des mêmes choses
, les citations trop réiterées de gens favorables
au Systême et d'Enfans qu'on instruit
par le Bureau , choses qui interessent fort peu lc
Lecteur avide d'être au fait ; voici à quoi se reduit
cet Ouvrage.
i
Il faut , suivant l'Auteur , nommer un C. lé ké;
PF. fé ; le Ph. fé ; le G. gné, guéné ; le H. hê ;
le J. je -ja ; le K. ka- ku ; le L. lé ; le M. mé ; le
Q. qu - ka ; le R. rê ; le S. lé- zé; le T. te-ci ; le
V. vé ; le X. ksé , quézé ; le Y. i- ié , le Z. zé- sé ;
le &t . cté- csi ; le ft. sté ; le &. et ; le æ. é ; le oe . é;
le è. ais ; le ê. ais ; le ch. ché- ké , &c. Il faut remarquer
que ces lettres ausquelles il a donné une
double valeur , comme au C. ne seront appelées
que d'une de ces valeurs , suivant le lieu où elles
se trouveront , par exemple , dans Ciconia , on
dira sé , i , ci : ké , o , co : cico , & c ainsi des
autres.
De-là on vient aux sons , découverte des plus
importantes qu'on ait jamais faites pour faciliter
la lecture et abreger le temps qu'on y employe
ordinairement ; il appelle donc par un seul son
toutes les lettres qui , unies ensemble , n'en font
qu'un. Par exemple , Caux , on l'appelle o simplement.
Les nazales an , en , in , on , un. Ensuite
les autres sons que vous pourrez voir dans son
A. B. C. comme oient , qu'il appelle ais ou ê.
Voilà pour la lecture.
A l'égard des premiers principes de la Langue
Latine ou de la Grecque , car ce seroit la même
chose , il faut donner un thême ou une version
interlineaire à l'Enfant , qu'il imprimera sur le
Bureau
AVRIL 1734 70s
Bureau. Donnons un exemble dans lequel on
peat voit tout le Systême , tant pour apprendre
à lire , que pour apprendre les principes de la
Langue Latine, ou de telle autre qu'on voudra enseigner
à l'Enfant . On pourroit faire un Thême
ou un Exemple dans lequel se trouveroit une
chose de chaque Logette du Bureau. Mais comme
cela nous meneroit trop loin , contentonsnous
de celui - cy : Mon Dieu , je vous aime bienè
Supposons qu'un Enfant connoît déja les lettres
simplement sans les sons , on lui fait ranger sur
le Bureau : m , o , n , D , i , c , u , j , e , v , o , u , s,
a , i , m , e , b e , n. S'il connoît les sons ,
en lui fait ranger de cette sorte ; m, on, D, i , eu,
j , e , v , ou , s , ai , m , e , b , i ,en.
S'il commence à lire , on lui fait ranger par
mots de cette maniere : mon , dans le pronom
possessif. Dieu , dans les noms substantifs . je,
dans le pronom de la premiere personne . vous
dans le pronom de la seconde personne. aime ,
dans les verbes François. bien , dans les indéclinables
François. Voilà pour la Langue Françoise,'
ainsi de même pour le Latin. Car les Logettes
pour le Latin sont aussi dans le Bureau . Il faut
donner le Thême tout fait à l'Enfant ; et en lui
faisant prendre mi dans la Logette des pronoms
possessifs , on lui fait remarquer que s'est le vocatif
: Deus , dans les noms substantifs Latins
&c. on doir en même- temps lui expliquer les
regles de la Sintaxe. Voilà à peu près à quoi se
réduit tout le Systême . L'Auteur ayant une fois
posé ses principes , pouvoit , par le moyen d'un
seul exemple , mettre le Lecteur au fait , et il se
seroit épargné la dépense d'un gros Livre , qui
dans l'état où il est , ne servira qu'à rebuter
ceux qui veulent sçavoir son Systême. J'ai l'hon
neur d'être , Monsieur , &c.
>
706 MERCURE DE FRANCE
Nota. Nous donnerons dans le mois prochain la
Réponse à cette Lettre , que la longueur ne nous
permet pas d'inserer ici . comme nous l'avions déja
promis sur cette matiere.
Fermer
Résumé : LETTRE de ..... à M. Pilleret, Maître d'Ecole à Cousance en Barrois, au sujet du Systême Typographique.
La lettre traite du Système Typographique, récemment publié dans un livre et disponible dans divers bureaux. L'auteur examine les critiques et les partisans du système, notant que les premiers approuvent sans discernement tandis que les seconds ne reconnaissent rien de bon. Il recommande d'évaluer le caractère de l'auteur, M. D. M., qui démontre un esprit de franchise et d'amour pour la patrie, visant à l'avancement de la jeunesse. L'auteur critique les écrivains qui cherchent la reconnaissance plutôt que l'utilité. Il souligne que, bien que le système typographique présente des avantages, il comporte des inconvénients majeurs, notamment la difficulté de son utilisation dans les écoles publiques. Ce système nécessite la présence constante du maître pour chaque élève, ce qui est impraticable avec un grand nombre d'élèves. Le texte mentionne également les dangers de l'inconstance et de la légèreté chez les enfants formés par ce système, ainsi que le risque de développer de la vanité et de l'amour-propre. Les enfants élevés selon ce système peuvent devenir impatients et moqueurs envers ceux qui ne suivent pas la même méthode. Concernant le livre, l'auteur note qu'il est aride et rebutant, malgré les efforts de l'auteur pour le rendre agréable. Le livre contient des disputes inutiles et des redites fréquentes, ce qui le rend peu attrayant pour les lecteurs. Le système typographique propose de nommer les lettres et les sons de manière spécifique pour faciliter la lecture et l'apprentissage des langues. Par exemple, les lettres comme le C peuvent avoir une double valeur selon leur position dans un mot. Le texte fournit un exemple pratique avec la phrase 'Mon Dieu, je vous aime bien' pour illustrer l'application du système. Le texte discute également d'une méthode pédagogique pour enseigner la grammaire latine. L'auteur suggère de présenter directement le thème à l'élève et de lui faire comprendre l'utilisation des pronoms possessifs et du vocatif dans les noms substantifs latins. Il insiste sur l'importance d'expliquer simultanément les règles de la syntaxe. Selon l'auteur, ce système pourrait être expliqué en un seul exemple, rendant ainsi inutile la publication d'un gros livre qui pourrait décourager les lecteurs intéressés par ce système. Le Mercure de France annonce qu'il publiera la réponse à cette lettre dans le mois suivant, en raison de la longueur qui ne permet pas son insertion immédiate.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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13
p. 706
A MLLE DE AU JOUR DE SA NAISSANCE.
Début :
Votre Naissance, Iris, est un deüil à Cythere, [...]
Mots clefs :
Naissance, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A MLLE DE AU JOUR DE SA NAISSANCE.
A MLLE DE
AU JOUR DE SA NAISSANCE.
V
Otre Naissance , Iris , est un deüil à Cythere
,
Ah ! craignez la vengeance et les traits de l'Amour
;
Vos charmes , de dépit ont fait mourir sa Mere;
Mais tant que vous vivrez , son fils verra le jour.
AU JOUR DE SA NAISSANCE.
V
Otre Naissance , Iris , est un deüil à Cythere
,
Ah ! craignez la vengeance et les traits de l'Amour
;
Vos charmes , de dépit ont fait mourir sa Mere;
Mais tant que vous vivrez , son fils verra le jour.
Fermer
14
p. 706-714
LETTRE écrite à M. *** sur l'Edition du Dictionnaire de Moreri, faite à Basle.
Début :
Vous me demandez, Monsieur, ce que je pense de l'Edition du Dictionnaire [...]
Mots clefs :
Moréri, Édition, Genève, Bâle, Titon du Tillet, Paris, Supplément, Savoie, Dictionnaire, Article
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite à M. *** sur l'Edition du Dictionnaire de Moreri, faite à Basle.
LETTRE écrite à M. *** sur
P'Edition du Dictionnaire de Moreri ,
faite à Basle.
V
Ous me demandez , Monsieur , ce
que je pense de l'Edition du Dictionnaire
Historique , connu sous le nom
de Dictionnaire de Moreri , que Jean
Brandmuller a publiée depuis peu à Basle .
Vous connoissez ma sincerité , je ne puis
louer ce qui ne mérite pas de l'être . De
toutes les Editions du Moreri faites depuis
1712. la moins estimable , au jugement
AVRIL. 1734 707
gement de tout Critique un peu éclairé ,
est celle de 1725. et ce n'est pas sans
raison que le Public s'est obstiné à lui
préferer celle de 1718. avant la derniere.
qui a paru à Paris en 1732. Outre que
la plupart des Génealogies ne sont que
de petits Romans dans l'Edition de 1725 .
on en avoit retranché bien des faits importants
; il est vrai qu'on a ajoûté dans
cette même Edition quantité d'articles
nouveaux . Mais la plupart ne sont que
traduits , et quelquefois peu correctement
, du Bibliothecaire Konig , l'Auteur
le moins judicieux et le moins exact
en ce genre que je connoisse . C'est neanmoins
sur cette Edition de 1725. que
l'on a donné , même avec les fautes
d'impression , celle de Basle ; les Additions
qu'on a faites à celle- cy ne servant,
pour la plupart , qu'à tirer de l'obscurité
quantité de Ministres Luthériens ,
Calvinistes et Sociniens , que ceux même
de leur Secte avoient oubliés depuis
long temps. Les articles amplifiez ne regardent
que des Auteurs du caractere
de ceux dont je viens de vous parler ;
consultez cette Edition de Basle et vous
trouverez presque à chaque page de quoi
vous en convaincre. Ce n'est pas - là ce
que Brandmuller , ou celui qui a conduit
708 MERCURE DE FRANCE
duit son Edition , avoient promis ; leur
projet nous annonçoit une Edition corrigée
et augmentée , et c'étoit plus le
premier avantage que le second que l'on
avoit lieu d'attendre. Cependant la plupart
des augmentations étant telles que
je viens de vous le dire , ne méritoient
pas d'être tant vantées , et à l'égard des
corrections , on les y cherche presque
toujours envain . L'article de Genève ,
par exemple , n'étoit- il pas un de ceux
que des Editeurs de Basle auroient dû
réformer , préferablement même à d'autres
; cependant tout ce qui regarde dans
cet article les Comtes de Genève est rempli
de fautes grossieres.
10. On y dit que Gerard ou Gerold I.
prit alliance avec Cisele , qui est nommé
, ajoûte- t'on , dans un Titre de l'Eglise
de Genève ; tout cela est faux ; Gerard
prit alliance avec Berthe , non avec
Cisele , et ce n'est point dans un Titre
de l'Eglise de Genève , que celle- cy est
nommée , mais dans une Lettre de Renaud
, Comte de Porceau , écrite à Guy
Geoffroy , Comte de Guyenne , après l'an
1060.2°. On nomme Amé II. Comte
de Savoye , au lieu de dire Comte de Maurienne..
Après Gérold II. on oublie
Chimoin II . Ebal étant neveu de
GuilAVRIL.
1734 709
Guillaume II. et souvent nommé Ebles
par les Historiens , il falloit le faire remarquer
de peur d'induire en erreur.
5°. En parlant d'Alise , on a tort de
l'appeller seulement Alise de la Tour ,
il falloit dire Alise de la Tour du Pin .
6º. On fait vivre Rodolphe jusqu'en
1285. il est sûr qu'il étoit mort avant
1275-7°. On donne deux femmes à
Guillaume III. Agnès de Savoye , et
Emeraude de la Frasse , la seconde cependant
n'a jamais été qu'une Concubine .
Guillaume n'eut pour femme légitime
qu'Agnès de Savoye , et il n'en eut qu'un
Enfant , et non deux , comme on l'a encore
dit , et cet Enfant fut Amé III.
Ioland , qu'on donne pour soeur à celuicy,
est supposée gratuitement.Pierre, qui
fut la Tige des Marquis de Lullin , et
non de Lullins , n'étoit que fils naturel
de Guillaume, Il eut cet Enfant d'Emeraude
de la Frasse , sa Maîtresse 8 °. Mahaud
n'étoit pas fille de Robert VIII.
Mais de Robert VII.9°. Aimoin , Seigneur
d'Anton , devoit être appellé Aimoin
IV. et non Aimoin III. Il n'est
pas vrai non plus qu'il mourut avant son
Pere vers l'an 1366. il est constant qu'il
lui succeda dans le Comté de Genève et
qu'il ne mourut qu'après le 30. d'Août
1367. 10°
710 MERCURE DE FRANCE
10°. On ne marque pas la mort de
Pierre , Comte de Genève ; on voit cependant
par les Historiens qu'on auroit
dû consulter , qu'il mourut peu après le
23. de Mars 1393 .
›
11º. On ne désigne pas suffisamment
les deux Epoux que Marie eut successivement
en disant qu'elle épousa , 1 °.
Jean de Challon , et 20. Humbert ; il
falloit dire Jean de Chalon II . du nom ,
et Humbert VII . du nom . Pareille faute
en parlant de Raimond de Baux ; on devoit
ajoûter IV. du nom , Prince d'Orange
; dans le même endroit , on dit
que Jeanne sa femme n'en eut point
Enfans , elle en eut neanmoins une Fille.
12º. Pierre de Genève , qui fut la Tige
des Marquis de Lullin , est dit l'un des
fils de Guillaume III. c'est fort mal s'exprimer.
Un Historien correct auroit dit,
quant à la Branche de Lullin , sortie de
Pierre de Genève , fils naturel de Guillaume
III . du nom , et d'Emeraude de
la Frasse , Dame de Montjoie , sa Maîtresse
, &c. On a tort aussi de dire que
Thomas , fils de ce Pierre , fut Seigneur
de Laix et d'Espagnies , au lieu de dire ,
Seigneur d'Aix , d'Espagne , &c.
13 °. On fait vivre Guillaume de Geneve
vers 1380. et on le dit Grand- Maître
AVRIL 1734. 71 1
tre d'Hôtel de Savoye ; ce sont en deux
lignes deux fautes grossieres . Guillaume
ne fut que Chambellan du Duc de Savoye
, Gouverneur du Pays de Vaud , et
Chevalier de l'Ordre , et il vivoit encore
en 1472.
14°. Albert Eugene de Genève , vivoit,
dit-on , en 1654. pourquoi ne pas dire
qu'il mourut sans posterité en 1663 ? Il
y a encore d'autres fautes dans cet article
, que je laisse à relever à l'Auteur
du Supplement au Dictionnaire Historique
que l'on imprime . Celles- cy suffi
sent pour vous faire connoître quelle est
l'exactitude de l'Edition de Basle.
N'est- il pas encore ridicule de faire
vivre le Pape Gregoire XIV . en 1391 .
c'est- à- dire , un siecle plutôt qu'il n'a
vécu . Cette faute se trouve avec plusieurs
autres dans l'article de Genebrard.
Dans l'Edition de Paris 1725. article
Gemma ( Corneille ) on avoit dit que cet
habile homme pensoit que depuis la
Naissance de J. C. on n'avoit point vû
de Phénomene comparable à celui qui
parut en 1572. pour sa dureté; il falloit dire
pour sa durée ; mais les Editeurs de Basle
fideles Copistes de toutes les fautes même
d'impression de l'Edition de Paris ,
n'ont pas non-plus oublié celle - là. Je ferois
712 MERCURE DE FRANCE
rois un gros volume si je voulois en relever
touses les bévûës. Ce n'est pas
mon dessein , et vous ne l'exigez pas de
moi ; que ces échantillons vous suffisent.
A quelle Edition faut- il donc s'arrê
ter , me direz - vous ? A celle de Paris de
1732. C'est celle , au moins que je préfere
à toutes les autres , mais je ne prétends
pas que mon jugement fasse loi .
Les motifs de préference m'ont parû
décisifs ; vous êtes assez judicieux pour
ne les pas rejetter ; les voici toutes refléxions
faites. J'ai trouvé que la plupart
des Génealogies fautives étoient rectifiées ;
qu'un grand nombre de dattes fausses
étoient remplacées par d'autres , qui sont
justes , que beaucoup de Citations peu
correctes, avoient acquis le point de justesse
qui leur est nécessaire pour ne point
égarer un Lecteur , qui veut verifier dans
les sources ; que beaucoup de noms estropiez
ou mis pour d'autres y étoient donnez
comme ils devoient l'être ; que d'ailleurs
on avoit ajoûté les dates de la mort
des Personnes qui avoient été enlevées
de ce Monde depuis 1725. qu'on avoit
parlé des Ouvrages qu'ils avoient plubliés
depuis la même année jusqu'en 1731
J'ai trouvé de plus que ce que le Public
avoit recherché dans l'Edition de 1718.
ct
AVRIL 173.4. 713
et qu'on avoit supprimé mal à propos
dans celle de 1725. se trouvoit presqu'en
tout dans celle de 1732. et quelquefois
même , tantôt avec quelques mots , tantôr
avec quelques lignes , que je n'étois
pas fâché d'y voir.
L'Edition de Paris de 1732. auroit pû
être encore plus correcte , si avant que
de la mettre sous presse , les Imprimeurs
essent laissé leur Dictionnaire entre les
mains de plusieurs Sçavans pendant quelques
années , pour leur donner le temps
de tout verifier ; mais on doit toujours
leur sçavoir beaucoup de gré d'en avoir
êté tous les deffauts qui ne s'y trouvent
plus ; its suppléent même en quelque sorte
à ceux que l'on y trouve encore , par
le Supplément qu'ils ont annoncé en
plusieurs endroits de cette nouvelle Edition
et qu'ils impriment actuellement
quoiqu'en dise l'Editeur de Basle , qui
paroît douter de ce Supplement et qui
le renvoye au moins à un temps fort
incertain. Pour moi qui ai été sur les
Lieux , je puis vous assurer que l'impression
de ce Supplément avance beaucoup,
J'en connois d'ailleurs l'Auteur et je
pourrai vous le nommer un jour . Pour
lui il ne cherche gueres à être connû ;
nous en avons déja plusieurs Ouvrages ,
auxquels
714 MERCURE DE FRANCE
auxquels il n'a jamais voulu qu'on mît
son nom. Il m'a montré plusieurs articles
de son Supplément , et j'y ai vû
qu'il corrigeoit l'Edition même de Moreri
de 1732. en quantité d'Endroits importants.
Son dessein capital est de denner
des Articles nouveaux et il m'en a
lû de fort curieux , les Relations qu'il
a lui ont été d'un grand secours. Il a
consulté l'Edition de Basle , dont il m'a
assuré n'avoir pas tiré grande utilité ; il
s'est servi de même que l'Editeur de
Basle , des curieux Mémoires du P. Niceron
, du Parnasse Francois de M. Titon
du Tillet , &c . mais il redresse ces
Auteurs , quand il s'apperçoit qu'ils se
sont trompez : il travaille à ce Supplément
depuis quelques années , et je crois
qu'il pourra être publié vers les Vacances
prochaines, au moins il l'espere,je le desire
aussi ,et je ne doute point que les Libraires
de Paris ne l'annoncent bientôt ; quand
j'en aurai des nouvelles positives je vous
en ferai part. Aimez - moi toujours et
croyez-moi le plus humble de vos serviteurs.
Ce premier Février · 1734 .
P'Edition du Dictionnaire de Moreri ,
faite à Basle.
V
Ous me demandez , Monsieur , ce
que je pense de l'Edition du Dictionnaire
Historique , connu sous le nom
de Dictionnaire de Moreri , que Jean
Brandmuller a publiée depuis peu à Basle .
Vous connoissez ma sincerité , je ne puis
louer ce qui ne mérite pas de l'être . De
toutes les Editions du Moreri faites depuis
1712. la moins estimable , au jugement
AVRIL. 1734 707
gement de tout Critique un peu éclairé ,
est celle de 1725. et ce n'est pas sans
raison que le Public s'est obstiné à lui
préferer celle de 1718. avant la derniere.
qui a paru à Paris en 1732. Outre que
la plupart des Génealogies ne sont que
de petits Romans dans l'Edition de 1725 .
on en avoit retranché bien des faits importants
; il est vrai qu'on a ajoûté dans
cette même Edition quantité d'articles
nouveaux . Mais la plupart ne sont que
traduits , et quelquefois peu correctement
, du Bibliothecaire Konig , l'Auteur
le moins judicieux et le moins exact
en ce genre que je connoisse . C'est neanmoins
sur cette Edition de 1725. que
l'on a donné , même avec les fautes
d'impression , celle de Basle ; les Additions
qu'on a faites à celle- cy ne servant,
pour la plupart , qu'à tirer de l'obscurité
quantité de Ministres Luthériens ,
Calvinistes et Sociniens , que ceux même
de leur Secte avoient oubliés depuis
long temps. Les articles amplifiez ne regardent
que des Auteurs du caractere
de ceux dont je viens de vous parler ;
consultez cette Edition de Basle et vous
trouverez presque à chaque page de quoi
vous en convaincre. Ce n'est pas - là ce
que Brandmuller , ou celui qui a conduit
708 MERCURE DE FRANCE
duit son Edition , avoient promis ; leur
projet nous annonçoit une Edition corrigée
et augmentée , et c'étoit plus le
premier avantage que le second que l'on
avoit lieu d'attendre. Cependant la plupart
des augmentations étant telles que
je viens de vous le dire , ne méritoient
pas d'être tant vantées , et à l'égard des
corrections , on les y cherche presque
toujours envain . L'article de Genève ,
par exemple , n'étoit- il pas un de ceux
que des Editeurs de Basle auroient dû
réformer , préferablement même à d'autres
; cependant tout ce qui regarde dans
cet article les Comtes de Genève est rempli
de fautes grossieres.
10. On y dit que Gerard ou Gerold I.
prit alliance avec Cisele , qui est nommé
, ajoûte- t'on , dans un Titre de l'Eglise
de Genève ; tout cela est faux ; Gerard
prit alliance avec Berthe , non avec
Cisele , et ce n'est point dans un Titre
de l'Eglise de Genève , que celle- cy est
nommée , mais dans une Lettre de Renaud
, Comte de Porceau , écrite à Guy
Geoffroy , Comte de Guyenne , après l'an
1060.2°. On nomme Amé II. Comte
de Savoye , au lieu de dire Comte de Maurienne..
Après Gérold II. on oublie
Chimoin II . Ebal étant neveu de
GuilAVRIL.
1734 709
Guillaume II. et souvent nommé Ebles
par les Historiens , il falloit le faire remarquer
de peur d'induire en erreur.
5°. En parlant d'Alise , on a tort de
l'appeller seulement Alise de la Tour ,
il falloit dire Alise de la Tour du Pin .
6º. On fait vivre Rodolphe jusqu'en
1285. il est sûr qu'il étoit mort avant
1275-7°. On donne deux femmes à
Guillaume III. Agnès de Savoye , et
Emeraude de la Frasse , la seconde cependant
n'a jamais été qu'une Concubine .
Guillaume n'eut pour femme légitime
qu'Agnès de Savoye , et il n'en eut qu'un
Enfant , et non deux , comme on l'a encore
dit , et cet Enfant fut Amé III.
Ioland , qu'on donne pour soeur à celuicy,
est supposée gratuitement.Pierre, qui
fut la Tige des Marquis de Lullin , et
non de Lullins , n'étoit que fils naturel
de Guillaume, Il eut cet Enfant d'Emeraude
de la Frasse , sa Maîtresse 8 °. Mahaud
n'étoit pas fille de Robert VIII.
Mais de Robert VII.9°. Aimoin , Seigneur
d'Anton , devoit être appellé Aimoin
IV. et non Aimoin III. Il n'est
pas vrai non plus qu'il mourut avant son
Pere vers l'an 1366. il est constant qu'il
lui succeda dans le Comté de Genève et
qu'il ne mourut qu'après le 30. d'Août
1367. 10°
710 MERCURE DE FRANCE
10°. On ne marque pas la mort de
Pierre , Comte de Genève ; on voit cependant
par les Historiens qu'on auroit
dû consulter , qu'il mourut peu après le
23. de Mars 1393 .
›
11º. On ne désigne pas suffisamment
les deux Epoux que Marie eut successivement
en disant qu'elle épousa , 1 °.
Jean de Challon , et 20. Humbert ; il
falloit dire Jean de Chalon II . du nom ,
et Humbert VII . du nom . Pareille faute
en parlant de Raimond de Baux ; on devoit
ajoûter IV. du nom , Prince d'Orange
; dans le même endroit , on dit
que Jeanne sa femme n'en eut point
Enfans , elle en eut neanmoins une Fille.
12º. Pierre de Genève , qui fut la Tige
des Marquis de Lullin , est dit l'un des
fils de Guillaume III. c'est fort mal s'exprimer.
Un Historien correct auroit dit,
quant à la Branche de Lullin , sortie de
Pierre de Genève , fils naturel de Guillaume
III . du nom , et d'Emeraude de
la Frasse , Dame de Montjoie , sa Maîtresse
, &c. On a tort aussi de dire que
Thomas , fils de ce Pierre , fut Seigneur
de Laix et d'Espagnies , au lieu de dire ,
Seigneur d'Aix , d'Espagne , &c.
13 °. On fait vivre Guillaume de Geneve
vers 1380. et on le dit Grand- Maître
AVRIL 1734. 71 1
tre d'Hôtel de Savoye ; ce sont en deux
lignes deux fautes grossieres . Guillaume
ne fut que Chambellan du Duc de Savoye
, Gouverneur du Pays de Vaud , et
Chevalier de l'Ordre , et il vivoit encore
en 1472.
14°. Albert Eugene de Genève , vivoit,
dit-on , en 1654. pourquoi ne pas dire
qu'il mourut sans posterité en 1663 ? Il
y a encore d'autres fautes dans cet article
, que je laisse à relever à l'Auteur
du Supplement au Dictionnaire Historique
que l'on imprime . Celles- cy suffi
sent pour vous faire connoître quelle est
l'exactitude de l'Edition de Basle.
N'est- il pas encore ridicule de faire
vivre le Pape Gregoire XIV . en 1391 .
c'est- à- dire , un siecle plutôt qu'il n'a
vécu . Cette faute se trouve avec plusieurs
autres dans l'article de Genebrard.
Dans l'Edition de Paris 1725. article
Gemma ( Corneille ) on avoit dit que cet
habile homme pensoit que depuis la
Naissance de J. C. on n'avoit point vû
de Phénomene comparable à celui qui
parut en 1572. pour sa dureté; il falloit dire
pour sa durée ; mais les Editeurs de Basle
fideles Copistes de toutes les fautes même
d'impression de l'Edition de Paris ,
n'ont pas non-plus oublié celle - là. Je ferois
712 MERCURE DE FRANCE
rois un gros volume si je voulois en relever
touses les bévûës. Ce n'est pas
mon dessein , et vous ne l'exigez pas de
moi ; que ces échantillons vous suffisent.
A quelle Edition faut- il donc s'arrê
ter , me direz - vous ? A celle de Paris de
1732. C'est celle , au moins que je préfere
à toutes les autres , mais je ne prétends
pas que mon jugement fasse loi .
Les motifs de préference m'ont parû
décisifs ; vous êtes assez judicieux pour
ne les pas rejetter ; les voici toutes refléxions
faites. J'ai trouvé que la plupart
des Génealogies fautives étoient rectifiées ;
qu'un grand nombre de dattes fausses
étoient remplacées par d'autres , qui sont
justes , que beaucoup de Citations peu
correctes, avoient acquis le point de justesse
qui leur est nécessaire pour ne point
égarer un Lecteur , qui veut verifier dans
les sources ; que beaucoup de noms estropiez
ou mis pour d'autres y étoient donnez
comme ils devoient l'être ; que d'ailleurs
on avoit ajoûté les dates de la mort
des Personnes qui avoient été enlevées
de ce Monde depuis 1725. qu'on avoit
parlé des Ouvrages qu'ils avoient plubliés
depuis la même année jusqu'en 1731
J'ai trouvé de plus que ce que le Public
avoit recherché dans l'Edition de 1718.
ct
AVRIL 173.4. 713
et qu'on avoit supprimé mal à propos
dans celle de 1725. se trouvoit presqu'en
tout dans celle de 1732. et quelquefois
même , tantôt avec quelques mots , tantôr
avec quelques lignes , que je n'étois
pas fâché d'y voir.
L'Edition de Paris de 1732. auroit pû
être encore plus correcte , si avant que
de la mettre sous presse , les Imprimeurs
essent laissé leur Dictionnaire entre les
mains de plusieurs Sçavans pendant quelques
années , pour leur donner le temps
de tout verifier ; mais on doit toujours
leur sçavoir beaucoup de gré d'en avoir
êté tous les deffauts qui ne s'y trouvent
plus ; its suppléent même en quelque sorte
à ceux que l'on y trouve encore , par
le Supplément qu'ils ont annoncé en
plusieurs endroits de cette nouvelle Edition
et qu'ils impriment actuellement
quoiqu'en dise l'Editeur de Basle , qui
paroît douter de ce Supplement et qui
le renvoye au moins à un temps fort
incertain. Pour moi qui ai été sur les
Lieux , je puis vous assurer que l'impression
de ce Supplément avance beaucoup,
J'en connois d'ailleurs l'Auteur et je
pourrai vous le nommer un jour . Pour
lui il ne cherche gueres à être connû ;
nous en avons déja plusieurs Ouvrages ,
auxquels
714 MERCURE DE FRANCE
auxquels il n'a jamais voulu qu'on mît
son nom. Il m'a montré plusieurs articles
de son Supplément , et j'y ai vû
qu'il corrigeoit l'Edition même de Moreri
de 1732. en quantité d'Endroits importants.
Son dessein capital est de denner
des Articles nouveaux et il m'en a
lû de fort curieux , les Relations qu'il
a lui ont été d'un grand secours. Il a
consulté l'Edition de Basle , dont il m'a
assuré n'avoir pas tiré grande utilité ; il
s'est servi de même que l'Editeur de
Basle , des curieux Mémoires du P. Niceron
, du Parnasse Francois de M. Titon
du Tillet , &c . mais il redresse ces
Auteurs , quand il s'apperçoit qu'ils se
sont trompez : il travaille à ce Supplément
depuis quelques années , et je crois
qu'il pourra être publié vers les Vacances
prochaines, au moins il l'espere,je le desire
aussi ,et je ne doute point que les Libraires
de Paris ne l'annoncent bientôt ; quand
j'en aurai des nouvelles positives je vous
en ferai part. Aimez - moi toujours et
croyez-moi le plus humble de vos serviteurs.
Ce premier Février · 1734 .
Fermer
Résumé : LETTRE écrite à M. *** sur l'Edition du Dictionnaire de Moreri, faite à Basle.
La lettre discute de l'édition du Dictionnaire Historique de Moreri, publiée par Jean Brandmuller à Bâle. L'auteur critique cette édition, la jugeant inférieure à celles de 1718 et 1732 publiées à Paris. Il souligne que l'édition de Bâle est basée sur celle de 1725, qui contient des erreurs et des omissions importantes, notamment dans les généalogies. Les ajouts réalisés dans l'édition de Bâle sont souvent des traductions incorrectes du Bibliothécaire Konig et mettent en avant des figures religieuses oubliées. L'auteur mentionne plusieurs erreurs factuelles spécifiques, telles que des dates incorrectes et des erreurs dans les généalogies des Comtes de Genève. Il préfère l'édition de Paris de 1732, qui corrige de nombreuses erreurs et ajoute des informations actualisées. L'auteur mentionne également un supplément en préparation, destiné à corriger et améliorer l'édition de 1732, qui devrait être publié prochainement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
15
p. 715
EPIGRAMME. Imitée d'Owen, contre un Menteur.
Début :
Paul, ne sois point surpris si tu vois dans tes songes [...]
Mots clefs :
Menteur, Owen
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPIGRAMME. Imitée d'Owen, contre un Menteur.
EPIGRAMM E..
Imitée d'Owen , contre un Menteur.
Paul, ne sois point surpris si tu vois dans tes
Ce qui n'est , ne sera , ni n'a jamais été.
Toi , qui le long du jour ne dis que des men
songes ,
Comment dois- tu la nuit , rêver la verité a
Imitée d'Owen , contre un Menteur.
Paul, ne sois point surpris si tu vois dans tes
Ce qui n'est , ne sera , ni n'a jamais été.
Toi , qui le long du jour ne dis que des men
songes ,
Comment dois- tu la nuit , rêver la verité a
Fermer
16
p. 715
AUTRE. Imitée du même contre un Medecin.
Début :
A l'Hypocondre Argan tu donnes ta phiole, [...]
Mots clefs :
Owen, Médecin
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE. Imitée du même contre un Medecin.
AUTRE.
Imitée du même contre un Medecin.
A 'Hypocondre Argan tu donnes ta phioe,
Puis il te donne sa pistole ;
Moyennant quoi ,tout va fort bien.
Tu soulages son mal , il soulage le tien .
Imitée du même contre un Medecin.
A 'Hypocondre Argan tu donnes ta phioe,
Puis il te donne sa pistole ;
Moyennant quoi ,tout va fort bien.
Tu soulages son mal , il soulage le tien .
Fermer
17
p. 715-720
LETTRE de M. d'Anville, Géographe ordinaire du Roy, sur une Carte du Paraguai, du 21. Mars.
Début :
Vous avez rendu, Monsieur, votre Livre si interessant sur les matieres [...]
Mots clefs :
Paraguay, Carte, Buenos Aires, Rivière, Tebiquary, Côte, La Plata, Brésil, Missions
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. d'Anville, Géographe ordinaire du Roy, sur une Carte du Paraguai, du 21. Mars.
LETTRE de M. d'Anville , Géographe
ordinaire du Roy , sur une Carte du
Paraguai , du 21. Mars.
V
Ous avez rendu , Monsieur , votre
Livre si interessant sur les matieres
d'Erudition et de connoissance , que j'y
ai
716 MERCURE DE FRANCE
ai recours pour avertir le Public d'une
augmentation ou réforme à faire dans
un Ecrit de ma part , que le R. P. du
Halde , Jesuite , a bien voulu inserer
avec une Carte du Paraguay , dans le
vingt et uniéme Recueil des Lettres édifianies
qu'il vient de donner tout récemment.
L'Ecrit dont il s'agit est une Analyse
succincte de la construction de cette
Carte. Je m'y suis deffendu d'assigner
des bornes bien précises aux diverses
contrées renfermées dans la Carte , me
contentant d'indiquer à peu près les
Endroits où il peut y avoir quelque détermination
de limites. J'ai crû pouvoir
dire qu'il y avoit une extension du Bresil
le long de la Côte , jusques dans la
Riviere de Plata , parce que les Portugais
y occupent effectivement la Colonie
du S. Sacrement , vis- à - vis des petites
Isles de S. Gabriel . J'ignorois alors
que les Espagnols ont formé depuis quelques
années un Etablissement assez considerable
sur la Baye de Monte- Video.
Ainsi il ne seroit pas exact de joindre
la Colonie Portugaise de la Riviere de
la Plata avec la Côte dépendante du Bresil
, sans interruption . L'intention des
Portugais ne differoit peut- être pas de
ce
AVRIL. 1734. 717
ee qui a été écrit de cette continuation
du Bresil dans la Riviere de la Plata ;
mais il est de fait que les Espagnols ont
mis la chose sur un autre pied. Si les
Pieces du Recueil m'avoient été communiquées
avant l'impression , j'aurois
eu plutôt quelque connoissance de cet
Etablissement Espagnol de Monte- Vide.
J'ai trouvé dans ces Pieces un fait qui
me justifie de n'avoir pas donné dans
des divisions particulieres de Provinces ,
qui paroissent de l'invention des Auteurs
des Cartes précedentes. Car il ne paroît
d'autre distinction de limites bien marquée
dans tout le quartier du Paraguay ,
que celle
e que la Riviere de Tebiquari
qui coule au Midi de la Ville de l'As-,
somption , met entre le Gouvernement
ou la Province de Buenos- Ayres et celle
du Paraguay er de l'Assomption. Les
Peuplades et le district des Missions des
RR. PP. Jesuites , sont dans le ressort
de Buenos Ayres , tant au temporel qu'au
spirituel. Je m'accuse de n'avoir pas fait
mettre par le Graveur une Croix Episcopale
sur la position de Buenos - Ayres,
Quelque récent que soit cet Ouvrage ,
j'en ai déja recueilli des Critiques. On
a trouvé à redire que le nom de Paraguay
ne fût pas placé dans la Carte . A
E cela
718 MERCURE DE FRANCE
cela je puis répondre qu'il est ordinaire
dans les Cartes de ne mettre le nom
principal du Pays qu'elles représentent ,
que dans le titre. On a crû même qu'il y
suffisoit d'autant mieux dans celle cy ,
que par l'Ecrit ajoûté à la Carte , on
donne à juger de l'étendue et de la place.
que prennent les Contrées limitrophes
du Paraguay. Si pourtant le district du
Paraguay n'étoit pas assez exprimé , on
peut ajoûter qu'il est compris dans les
Gouvernemens de l'Assomption et de
Buenos. Ayres. Le premier s'étend dans
l'intervale du Fleuve Paraguay et du Parana
, au- dessus de la Riviere de Tebiquari.
Le second renferme tout l'espace
compris entre l'embouchure du Fleuve
ou Rio de la Plata , et ladire Riviere
de Tebiquari. L'objet essentiel de la Carte
et du Paraguay , qui sont , les Peuplades
gouvernées par les RR. PP. Jesuites,
est suffisamment désigné par une marque
particuliere de position pour ces
Lieux-là seuls.
On a dit encore , et peut-être avec
quelque préoccupation qui ne doit point
me regarder , que j'avois resserré le Pays
des Missions ; mais la Carte que j'ai dressée
, n'apporte point de réduction sur les
autres , dans les espaces entre le Nord
et
CE
AVRIL
. 1734.
719
et
nom
ent,
оп
lace
-r du
ns les
de
et le Sud. La réduction qui a été faite
avec grand ménagement d'Occident en
Orient , tombe presque uniquement sur
le quartier du Tucuman , qui n'est point
le Pays des Missions , et ce Pays n'y
entre presque pour rien . Je ne crois
pas que la Geographie puisse admettre une
phes complaisance qu'on n'a point exigée de
moi. Mais il faut qu'on soit prévenu
que pour traverser un espace de vingt
lieues dans ces Pays sauvages , le Voyaheures
en margeur
est souvent quarante
che ; obligé quelquefois de se frayer un
passage avec la hache au travers des bois
et des ronces , il se verra contraint de
remonter vers le haut d'une Riviere pour
la trouver guéable. Si cependant on s'ayisoit
de comparer le compte qu'un
Voyageur aura donné des distances ou
plutôt de la longueur de sa marche , avec
la mesure de l'Echelle d'une Carte , il
seroit assez naturel de rencontrer une
difference considerable .
dang
P
Tebl
space
Jeuv
vier
Car
upl
aires
,
Indépendemment de mes fautes particulieres
, j'en ai reconnu quelques - unes
dans l'impression de Ecrit inseré dans
le Recueil des Lettres Edifiantes. A la
page 431. ligne r . il y a pourroient , au
lieu de pouvoient. P. 442. lig. 4. renvoyer
la Côte , c'est remuer la Côte. Page.
E ij 446*
720 MERCURE DE FRANCE
446 , lig. 7. au lieu de penetrent , mettez
penchent. Qu'il me soit permis de dire
en même- temps qu'à la page 394. lig.
12. le nom de Nocomies ne paroît pas
correct et cache celui des Mocobis , qui
sont effectivement exposez sur la Carte
dans une place convenable à ce que l'Histoire
rapporte d'eux .
Je vous serai infiniment redevable ;
Monsieur , si vous voulez bien me faire
l'honneur d'admettre ces Observations
dans votre Livre , que votre discernement
ne restraint pas aux choses purement
agréables. Je suis , &c.
ordinaire du Roy , sur une Carte du
Paraguai , du 21. Mars.
V
Ous avez rendu , Monsieur , votre
Livre si interessant sur les matieres
d'Erudition et de connoissance , que j'y
ai
716 MERCURE DE FRANCE
ai recours pour avertir le Public d'une
augmentation ou réforme à faire dans
un Ecrit de ma part , que le R. P. du
Halde , Jesuite , a bien voulu inserer
avec une Carte du Paraguay , dans le
vingt et uniéme Recueil des Lettres édifianies
qu'il vient de donner tout récemment.
L'Ecrit dont il s'agit est une Analyse
succincte de la construction de cette
Carte. Je m'y suis deffendu d'assigner
des bornes bien précises aux diverses
contrées renfermées dans la Carte , me
contentant d'indiquer à peu près les
Endroits où il peut y avoir quelque détermination
de limites. J'ai crû pouvoir
dire qu'il y avoit une extension du Bresil
le long de la Côte , jusques dans la
Riviere de Plata , parce que les Portugais
y occupent effectivement la Colonie
du S. Sacrement , vis- à - vis des petites
Isles de S. Gabriel . J'ignorois alors
que les Espagnols ont formé depuis quelques
années un Etablissement assez considerable
sur la Baye de Monte- Video.
Ainsi il ne seroit pas exact de joindre
la Colonie Portugaise de la Riviere de
la Plata avec la Côte dépendante du Bresil
, sans interruption . L'intention des
Portugais ne differoit peut- être pas de
ce
AVRIL. 1734. 717
ee qui a été écrit de cette continuation
du Bresil dans la Riviere de la Plata ;
mais il est de fait que les Espagnols ont
mis la chose sur un autre pied. Si les
Pieces du Recueil m'avoient été communiquées
avant l'impression , j'aurois
eu plutôt quelque connoissance de cet
Etablissement Espagnol de Monte- Vide.
J'ai trouvé dans ces Pieces un fait qui
me justifie de n'avoir pas donné dans
des divisions particulieres de Provinces ,
qui paroissent de l'invention des Auteurs
des Cartes précedentes. Car il ne paroît
d'autre distinction de limites bien marquée
dans tout le quartier du Paraguay ,
que celle
e que la Riviere de Tebiquari
qui coule au Midi de la Ville de l'As-,
somption , met entre le Gouvernement
ou la Province de Buenos- Ayres et celle
du Paraguay er de l'Assomption. Les
Peuplades et le district des Missions des
RR. PP. Jesuites , sont dans le ressort
de Buenos Ayres , tant au temporel qu'au
spirituel. Je m'accuse de n'avoir pas fait
mettre par le Graveur une Croix Episcopale
sur la position de Buenos - Ayres,
Quelque récent que soit cet Ouvrage ,
j'en ai déja recueilli des Critiques. On
a trouvé à redire que le nom de Paraguay
ne fût pas placé dans la Carte . A
E cela
718 MERCURE DE FRANCE
cela je puis répondre qu'il est ordinaire
dans les Cartes de ne mettre le nom
principal du Pays qu'elles représentent ,
que dans le titre. On a crû même qu'il y
suffisoit d'autant mieux dans celle cy ,
que par l'Ecrit ajoûté à la Carte , on
donne à juger de l'étendue et de la place.
que prennent les Contrées limitrophes
du Paraguay. Si pourtant le district du
Paraguay n'étoit pas assez exprimé , on
peut ajoûter qu'il est compris dans les
Gouvernemens de l'Assomption et de
Buenos. Ayres. Le premier s'étend dans
l'intervale du Fleuve Paraguay et du Parana
, au- dessus de la Riviere de Tebiquari.
Le second renferme tout l'espace
compris entre l'embouchure du Fleuve
ou Rio de la Plata , et ladire Riviere
de Tebiquari. L'objet essentiel de la Carte
et du Paraguay , qui sont , les Peuplades
gouvernées par les RR. PP. Jesuites,
est suffisamment désigné par une marque
particuliere de position pour ces
Lieux-là seuls.
On a dit encore , et peut-être avec
quelque préoccupation qui ne doit point
me regarder , que j'avois resserré le Pays
des Missions ; mais la Carte que j'ai dressée
, n'apporte point de réduction sur les
autres , dans les espaces entre le Nord
et
CE
AVRIL
. 1734.
719
et
nom
ent,
оп
lace
-r du
ns les
de
et le Sud. La réduction qui a été faite
avec grand ménagement d'Occident en
Orient , tombe presque uniquement sur
le quartier du Tucuman , qui n'est point
le Pays des Missions , et ce Pays n'y
entre presque pour rien . Je ne crois
pas que la Geographie puisse admettre une
phes complaisance qu'on n'a point exigée de
moi. Mais il faut qu'on soit prévenu
que pour traverser un espace de vingt
lieues dans ces Pays sauvages , le Voyaheures
en margeur
est souvent quarante
che ; obligé quelquefois de se frayer un
passage avec la hache au travers des bois
et des ronces , il se verra contraint de
remonter vers le haut d'une Riviere pour
la trouver guéable. Si cependant on s'ayisoit
de comparer le compte qu'un
Voyageur aura donné des distances ou
plutôt de la longueur de sa marche , avec
la mesure de l'Echelle d'une Carte , il
seroit assez naturel de rencontrer une
difference considerable .
dang
P
Tebl
space
Jeuv
vier
Car
upl
aires
,
Indépendemment de mes fautes particulieres
, j'en ai reconnu quelques - unes
dans l'impression de Ecrit inseré dans
le Recueil des Lettres Edifiantes. A la
page 431. ligne r . il y a pourroient , au
lieu de pouvoient. P. 442. lig. 4. renvoyer
la Côte , c'est remuer la Côte. Page.
E ij 446*
720 MERCURE DE FRANCE
446 , lig. 7. au lieu de penetrent , mettez
penchent. Qu'il me soit permis de dire
en même- temps qu'à la page 394. lig.
12. le nom de Nocomies ne paroît pas
correct et cache celui des Mocobis , qui
sont effectivement exposez sur la Carte
dans une place convenable à ce que l'Histoire
rapporte d'eux .
Je vous serai infiniment redevable ;
Monsieur , si vous voulez bien me faire
l'honneur d'admettre ces Observations
dans votre Livre , que votre discernement
ne restraint pas aux choses purement
agréables. Je suis , &c.
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Résumé : LETTRE de M. d'Anville, Géographe ordinaire du Roy, sur une Carte du Paraguai, du 21. Mars.
M. d'Anville, géographe du roi, écrit une lettre datée du 21 mars pour signaler une mise à jour nécessaire dans un de ses écrits, publié dans le vingt-et-unième recueil des Lettres édifiantes par le R. P. du Halde. Cet écrit traite de la construction d'une carte du Paraguay, où M. d'Anville n'a pas défini de bornes précises aux différentes contrées, se contentant d'indiquer des zones approximatives. Il mentionne une extension du Brésil le long de la côte jusqu'à la rivière de la Plata, en raison de la présence portugaise à la colonie du Sacrement, face aux îles de San Gabriel. Cependant, il ignore alors la présence d'un établissement espagnol à Monte-Video. M. d'Anville reconnaît par la suite la présence espagnole à Monte-Video, ce qui rend inexacte la continuité directe entre la colonie portugaise et la côte brésilienne. Il regrette de ne pas avoir eu accès aux pièces du recueil avant l'impression, ce qui lui aurait permis de connaître cet établissement espagnol. Il note également que les seules limites bien définies dans la région du Paraguay sont celles tracées par la rivière Tebiquari, séparant les gouvernements de Buenos Aires et de l'Assomption. La carte et l'écrit visent principalement à représenter les peuplades gouvernées par les Jésuites. M. d'Anville répond aux critiques en expliquant que le nom 'Paraguay' est souvent placé dans le titre des cartes et que l'étendue du pays est décrite dans l'écrit accompagnant la carte. Il précise que le district du Paraguay est compris dans les gouvernements de l'Assomption et de Buenos Aires. Il réfute également les accusations de réduction du territoire des missions, affirmant que la réduction concerne principalement la région du Tucuman, non liée aux missions. Il conclut en mentionnant des erreurs d'impression dans son écrit et en demandant à ce que ses observations soient intégrées dans le livre du destinataire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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18
p. 720
« Chapeau, Ramage, Louvre, Cornu, sont les mots de l'Enigme et des Logogryphes [...] »
Début :
Chapeau, Ramage, Louvre, Cornu, sont les mots de l'Enigme et des Logogryphes [...]
Mots clefs :
Chapeau, Ramage, Louvre, Cornu
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Chapeau, Ramage, Louvre, Cornu, sont les mots de l'Enigme et des Logogryphes [...] »
Chapeau , Ramage , Louvre , Cornu ;
sont les mots de l'Enigne et des Logogryphes
du mois de Mars .
sont les mots de l'Enigne et des Logogryphes
du mois de Mars .
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19
p. 720-721
ENIGME.
Début :
C'est avec le Printemps que le Ciel me fait naître ; [...]
Mots clefs :
Poisson d'avril
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
ENIGM E.
A
C'est avec le Printemps que le Ciel me faiɛ
naître ;
Mais un même destin ne nous est pas commun ;
Ce n'est qu'après trois mois qu'au moins il cesse
d'être ,
Et dans mon cours je n'en ai qu'un .
En termes plus précis faut- il que je m'explique ?
Eh
AVRIL 1734. 721
Eh bien ; je dirai sans façon
Que je suis appellé Poisson ,
Sans être animal aquatique.
La Terre , non-plus que la Mer
N'est pas le lieu de ma naissance ;
Bien plus , ni du Feu ni de l'Air
Je ne tire mon existence ;
Non ; les quatre Elemens ensemble réunis
Ne peuvent se vanter d'avoir fait un tel Fils.
D'où suis- je donc originaire
Lecteur , je te trouve en deffaut ;
Mais si tu te faisois éclairer par mon Pere ,
Tu me devinerois bien -tôt.
On a besoin pour me connoître
Du secours de qui me produit ;
Le jour brille quand l'esprit luit ,
Et l'Enigme doit disparoître.
Je devois être fier d'avoir un tel Auteur ;
Mais à quoi bon m'en faire accroire
Ma naissance nuit à ma gloire ,
:
Puisque pour me produire il faut qu'on soit
menteur.
A
C'est avec le Printemps que le Ciel me faiɛ
naître ;
Mais un même destin ne nous est pas commun ;
Ce n'est qu'après trois mois qu'au moins il cesse
d'être ,
Et dans mon cours je n'en ai qu'un .
En termes plus précis faut- il que je m'explique ?
Eh
AVRIL 1734. 721
Eh bien ; je dirai sans façon
Que je suis appellé Poisson ,
Sans être animal aquatique.
La Terre , non-plus que la Mer
N'est pas le lieu de ma naissance ;
Bien plus , ni du Feu ni de l'Air
Je ne tire mon existence ;
Non ; les quatre Elemens ensemble réunis
Ne peuvent se vanter d'avoir fait un tel Fils.
D'où suis- je donc originaire
Lecteur , je te trouve en deffaut ;
Mais si tu te faisois éclairer par mon Pere ,
Tu me devinerois bien -tôt.
On a besoin pour me connoître
Du secours de qui me produit ;
Le jour brille quand l'esprit luit ,
Et l'Enigme doit disparoître.
Je devois être fier d'avoir un tel Auteur ;
Mais à quoi bon m'en faire accroire
Ma naissance nuit à ma gloire ,
:
Puisque pour me produire il faut qu'on soit
menteur.
Fermer
20
p. 721-723
LOGOGRYPHE.
Début :
Je porte un nom de six lettres formé. [...]
Mots clefs :
Broche
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LOGOGRYPHE.
LOGOGRYPHE.
JEE
porte un nom de six lettres formé ,
Je suis journellement d'usage chez le Riche ;
Mais chez l'Indigent , ou le Chiche
E iij
>
Très
722
MERCURE DE
FRANCE
Très- rarement utile , ou souvent réformé ,
En un besoin je suis arme offensive.
Mes deux derniers membres ôtez ,
Je rassemble plus d'un Convive ,
En des lieux de grand bruit , des Beuveurs fré
quentez.
Retranchez , combinez dans ma fécondité ,
Lecteur , voicy ce que j'opere ,
Le nom d'un Saint qu'à Paris on revers
Et que le Peuple invoque en sa calamité
Une lettre de moins ,
j'exprime
L'héroïque
fermeté ,
J'exprime aussi l'extréme dureté
Qu'un coeur compatissant regarde comme u
crime
Contraire à la charité.
D'un Oiseau certaine partie ,
Sans laquelle il ne vivroit pas.
Un Instrument dont l'harmonie
Excite et reveille l'ardeur
De celui dont la manie
Forte chez les Silvains la guerre et sa fureur.
On trouve encor en moi chose utile en peinture
Et de
differentes couleurs ,
Specifique par ma nature ,
Pour dessecher les humeurs ,
L'habillement qu'on porte dès l'enfance ,
Dont l'un et l'autre Sexe usent
également ;
Chez les Dames sur tout est ma
magnificence ;
Chez
です
AVRIL. 1734. 723
Chez le Peuple toujours je suis fort simplement ;
On peut aussi me voir à l'Audiance ;
Là , je parois lugubrement ;
Et certains jours superbement.
Je suis encor , pardon si je change sans cesse,
Un terme qui du coeur exprimant la tendresse
Fait pressentir le bonheur de l'Amant ,
Et ce que pense la Maitresse .
Sans rien changer je suis un Element ,
Ou pour parler plus juste , une Riviere ;
Et ce n'est pas encor tout le
Si vous combinez autrement ,
mystere ;
Je suis d'une humeur indiscrete ,
Un Amoureux ne peut me conter son tourment
Qu'aussi- tôt je ne le repete ;
Mais bien loin qu'il s'en inquiete ,
Je le flate agréablement .
Je fournis un ton de Musique ,
Qui commence et finit comme le mot rubrique.
Enfin l'on voit en moi ce métal précieux ,
Qui produit les plaisirs , les honneurs , l'abondance
;
Non pas chez l'avaricieux ;
Il ne
peut flater
que ses yeux ,
Puisqu'en
le possedant
il vit dans
l'indigenee
Et n'en est que plus malheureux .
F. D. C.
JEE
porte un nom de six lettres formé ,
Je suis journellement d'usage chez le Riche ;
Mais chez l'Indigent , ou le Chiche
E iij
>
Très
722
MERCURE DE
FRANCE
Très- rarement utile , ou souvent réformé ,
En un besoin je suis arme offensive.
Mes deux derniers membres ôtez ,
Je rassemble plus d'un Convive ,
En des lieux de grand bruit , des Beuveurs fré
quentez.
Retranchez , combinez dans ma fécondité ,
Lecteur , voicy ce que j'opere ,
Le nom d'un Saint qu'à Paris on revers
Et que le Peuple invoque en sa calamité
Une lettre de moins ,
j'exprime
L'héroïque
fermeté ,
J'exprime aussi l'extréme dureté
Qu'un coeur compatissant regarde comme u
crime
Contraire à la charité.
D'un Oiseau certaine partie ,
Sans laquelle il ne vivroit pas.
Un Instrument dont l'harmonie
Excite et reveille l'ardeur
De celui dont la manie
Forte chez les Silvains la guerre et sa fureur.
On trouve encor en moi chose utile en peinture
Et de
differentes couleurs ,
Specifique par ma nature ,
Pour dessecher les humeurs ,
L'habillement qu'on porte dès l'enfance ,
Dont l'un et l'autre Sexe usent
également ;
Chez les Dames sur tout est ma
magnificence ;
Chez
です
AVRIL. 1734. 723
Chez le Peuple toujours je suis fort simplement ;
On peut aussi me voir à l'Audiance ;
Là , je parois lugubrement ;
Et certains jours superbement.
Je suis encor , pardon si je change sans cesse,
Un terme qui du coeur exprimant la tendresse
Fait pressentir le bonheur de l'Amant ,
Et ce que pense la Maitresse .
Sans rien changer je suis un Element ,
Ou pour parler plus juste , une Riviere ;
Et ce n'est pas encor tout le
Si vous combinez autrement ,
mystere ;
Je suis d'une humeur indiscrete ,
Un Amoureux ne peut me conter son tourment
Qu'aussi- tôt je ne le repete ;
Mais bien loin qu'il s'en inquiete ,
Je le flate agréablement .
Je fournis un ton de Musique ,
Qui commence et finit comme le mot rubrique.
Enfin l'on voit en moi ce métal précieux ,
Qui produit les plaisirs , les honneurs , l'abondance
;
Non pas chez l'avaricieux ;
Il ne
peut flater
que ses yeux ,
Puisqu'en
le possedant
il vit dans
l'indigenee
Et n'en est que plus malheureux .
F. D. C.
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21
p. 724
AUTRE.
Début :
J'ay six lettres pour mon partage ; [...]
Mots clefs :
Bourse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE.
AUTR E.
J'Ay six lettres pour mon partage ;
Entier , je sers à maint usage ,
Qu'il seroit trop long d'expliquer ;
Mais vous n'avez qu'à me tronquer
Précisément la tête et changeant de visage ,
Je deviens constellation ;
Faites à l'autre bout même amputation ,
¿ Me prenant entre queue et tète ,
Je suis alors une cruelle bête ,
Dont le voisinage est fatal.
Si vous joignez à ma deuxième
De mes lettres la quatrième ,
Vous rencontrerez un métal
Qu'on me laisse avec confiance :
¿
Ces deux lettres de moins , je deviens à l'instant
Synonyme de l'ignorance ,
Et trait malin d'un mépris insultant ;
En me laissant ainsi , retranchez la premiere ,
Et mettez pour chef en son lieu
Des consonnes l'avant - derniere ;
Je suis quelquefois nécessaire ,
Mais de moi cependant méfiez -vous : adieu,
J'Ay six lettres pour mon partage ;
Entier , je sers à maint usage ,
Qu'il seroit trop long d'expliquer ;
Mais vous n'avez qu'à me tronquer
Précisément la tête et changeant de visage ,
Je deviens constellation ;
Faites à l'autre bout même amputation ,
¿ Me prenant entre queue et tète ,
Je suis alors une cruelle bête ,
Dont le voisinage est fatal.
Si vous joignez à ma deuxième
De mes lettres la quatrième ,
Vous rencontrerez un métal
Qu'on me laisse avec confiance :
¿
Ces deux lettres de moins , je deviens à l'instant
Synonyme de l'ignorance ,
Et trait malin d'un mépris insultant ;
En me laissant ainsi , retranchez la premiere ,
Et mettez pour chef en son lieu
Des consonnes l'avant - derniere ;
Je suis quelquefois nécessaire ,
Mais de moi cependant méfiez -vous : adieu,
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22
p. 724-726
AUTRE.
Début :
Plus connuë aux Champs qu'à la Ville, [...]
Mots clefs :
Grange
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE.
AUTRE.
Lus connue aux Champs qu'à la Ville ,
En tout temps je puis être utile ,
Suz
AVRIL.
725
1734.
>
Sur tout en certaine saison ,
Quand joyeux de voir l'abondance
Le Laboureur rit , fait bombance ;
De biens je regorge à foison.
Mais du sort l'injustice extrême ,
Fait que par un desir pressant ,
Mon Maître peu reconnoissant
Me fait battre ; jugez s'il m'aime.
Lecteur , six Lettres font mon tout
Gardez d'en changer la structure .
De moi vient une nourriture ,
Dont vous vous servez avec goût.
Retranchez ma lettre seconde ,
Vous verrez un Fleuve fameux ,
Qui par un cours majestueux
Fait couler l'or avec son Onde.
Fleuve sur qui , par les Mortels ,
Bacchus , après une victoire ,
Triomphant et chargé de gloire ,
Se fit élever des Autels.
En cet état ôtez la lettre :
Qui fait mon chef Je suis un Etre
Que l'Eternel chargea du soin
De vous être en tout un témoin.
Ici retranchez ma seconde ,
C'est par moi que les jours du Monde
Sont calculez. Je nais du temps ,
De lui je tire ma substance ,
C'est lui qui fait ma consistance ,
V C'est
726 MERCURE DE FRANCE
C'est de lui seul que je dépens.
Rendez - moi pour chef ma premiere ,
Je serai par ce changement
Chose maintes fois nécessaire
Pour vivre entre amis sûrement.
Ce n'est tout. Je suis le salaire ,
( Car en cet état j'ay deux sens
Dans le monde fort differens )
D'un Serviteur , d'un Mercenaire.
Pour , finir renverse mon tout ,
Lecteur , de l'un à l'autre bout ,
Contre moi je vois ton courage
S'irriter ; fuis , tu seras sage.
L. H. D.
Lus connue aux Champs qu'à la Ville ,
En tout temps je puis être utile ,
Suz
AVRIL.
725
1734.
>
Sur tout en certaine saison ,
Quand joyeux de voir l'abondance
Le Laboureur rit , fait bombance ;
De biens je regorge à foison.
Mais du sort l'injustice extrême ,
Fait que par un desir pressant ,
Mon Maître peu reconnoissant
Me fait battre ; jugez s'il m'aime.
Lecteur , six Lettres font mon tout
Gardez d'en changer la structure .
De moi vient une nourriture ,
Dont vous vous servez avec goût.
Retranchez ma lettre seconde ,
Vous verrez un Fleuve fameux ,
Qui par un cours majestueux
Fait couler l'or avec son Onde.
Fleuve sur qui , par les Mortels ,
Bacchus , après une victoire ,
Triomphant et chargé de gloire ,
Se fit élever des Autels.
En cet état ôtez la lettre :
Qui fait mon chef Je suis un Etre
Que l'Eternel chargea du soin
De vous être en tout un témoin.
Ici retranchez ma seconde ,
C'est par moi que les jours du Monde
Sont calculez. Je nais du temps ,
De lui je tire ma substance ,
C'est lui qui fait ma consistance ,
V C'est
726 MERCURE DE FRANCE
C'est de lui seul que je dépens.
Rendez - moi pour chef ma premiere ,
Je serai par ce changement
Chose maintes fois nécessaire
Pour vivre entre amis sûrement.
Ce n'est tout. Je suis le salaire ,
( Car en cet état j'ay deux sens
Dans le monde fort differens )
D'un Serviteur , d'un Mercenaire.
Pour , finir renverse mon tout ,
Lecteur , de l'un à l'autre bout ,
Contre moi je vois ton courage
S'irriter ; fuis , tu seras sage.
L. H. D.
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