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1
s. p.
STANCES IRREGULIERES Sur l'avantage qu'il y a d'aimer Dieu, préférablement aux Créatures.
Début :
Je déteste vos impostures, [...]
Mots clefs :
Coeurs, Amours, Créatures, Dieu, Plaisirs
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texteReconnaissance textuelle : STANCES IRREGULIERES Sur l'avantage qu'il y a d'aimer Dieu, préférablement aux Créatures.
STANCES IRREGULIERES
Sur l'avantage qu'il y a d'aimer Dien ,
préférablement aux Créatures.
33 J
13
E déteste vos impostures ,
Funeste amour des Créatures ;
Cédez pour jamais dans mon
、 cœur
A l'amour de mon Créateur.
Combien de fois séduit d'une fausse apparence,
La légéreté, l'inconstance ,
A ij De
1676 MERCURE DE FRANCE
De la plus piquante beauté ,
Ont-elles trompé l'esperance ,
Dont on s'étoit trop- tôt flatté ?
Combien l'aveugle phrénésie ,
D'une barbare jalousie ,
A-t-elle tourmenté de cœurs !
Et la cruelle maladie ,
Effacé de charmes vainqueurs ,
Et changé d'amours en horreurs!
Si , pour prix de notre constance,
Une flateuse préférence ,
Couronne notre passion ,
Une longue possession ,
Une facile jouissance ,
Fait cesser les tendres soupirs ;
L'amour tombe dans l'indolence ;
Le dégoût succéde aux désirs ,
Et le repentir aux plaisirs,
Mais je veux qu'il se trouve au monde
Deux cœurs si tendrement unis
Qu'au milieu d'une paix profonde ,
Ils goûtent des biens infinis ,
Et que leur ardeur mutuelle ,
A chaque instant se renouvelle ;
Ces cœurs sont-ils long- temps heureux à
Les rigueurs d'une longue absence ,
Les
A
OUST. 1732 1677
Traverseront de si beaux feux ,
Où la mort avec violence ,
Viendra briser de si doux nœuds.
Grand Dieu , l'on trouve en vous une beauté
parfaite ;
On n'y craint point de changement ;
Plus nous vous aimons constamment .
"
Et plus notre ame est satisfaite.
A celui qui veut vous chercher ;
Jamais rien ne vous peut cacher ;
Ni tumulte , ni solitude ;
Vous sçavez remplir nos désirs ,
Et par l'avant- goût des plaisirs ,
D'une sainte beatitude ,
Adoucir notre inquiétude.
La mort si terrible aux Amans ,
N'a rien à nos yeux que d'aimable ;
Nous en attendons les momens,
Comme le terme désirable ,
Qui doit à l'objet adorable
us unir éternellemen
Sur l'avantage qu'il y a d'aimer Dien ,
préférablement aux Créatures.
33 J
13
E déteste vos impostures ,
Funeste amour des Créatures ;
Cédez pour jamais dans mon
、 cœur
A l'amour de mon Créateur.
Combien de fois séduit d'une fausse apparence,
La légéreté, l'inconstance ,
A ij De
1676 MERCURE DE FRANCE
De la plus piquante beauté ,
Ont-elles trompé l'esperance ,
Dont on s'étoit trop- tôt flatté ?
Combien l'aveugle phrénésie ,
D'une barbare jalousie ,
A-t-elle tourmenté de cœurs !
Et la cruelle maladie ,
Effacé de charmes vainqueurs ,
Et changé d'amours en horreurs!
Si , pour prix de notre constance,
Une flateuse préférence ,
Couronne notre passion ,
Une longue possession ,
Une facile jouissance ,
Fait cesser les tendres soupirs ;
L'amour tombe dans l'indolence ;
Le dégoût succéde aux désirs ,
Et le repentir aux plaisirs,
Mais je veux qu'il se trouve au monde
Deux cœurs si tendrement unis
Qu'au milieu d'une paix profonde ,
Ils goûtent des biens infinis ,
Et que leur ardeur mutuelle ,
A chaque instant se renouvelle ;
Ces cœurs sont-ils long- temps heureux à
Les rigueurs d'une longue absence ,
Les
A
OUST. 1732 1677
Traverseront de si beaux feux ,
Où la mort avec violence ,
Viendra briser de si doux nœuds.
Grand Dieu , l'on trouve en vous une beauté
parfaite ;
On n'y craint point de changement ;
Plus nous vous aimons constamment .
"
Et plus notre ame est satisfaite.
A celui qui veut vous chercher ;
Jamais rien ne vous peut cacher ;
Ni tumulte , ni solitude ;
Vous sçavez remplir nos désirs ,
Et par l'avant- goût des plaisirs ,
D'une sainte beatitude ,
Adoucir notre inquiétude.
La mort si terrible aux Amans ,
N'a rien à nos yeux que d'aimable ;
Nous en attendons les momens,
Comme le terme désirable ,
Qui doit à l'objet adorable
us unir éternellemen
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Résumé : STANCES IRREGULIERES Sur l'avantage qu'il y a d'aimer Dieu, préférablement aux Créatures.
Le texte 'Stances irrégulières' met en avant les avantages d'aimer Dieu plutôt que les créatures terrestres. L'auteur critique l'amour terrestre, qui trompe souvent par des apparences fallacieuses et cause des souffrances par la jalousie et l'inconstance. Même lorsqu'il semble récompensé, il mène souvent à l'indolence, au dégoût et au repentir. Les cœurs les plus unis finissent par souffrir des rigueurs de l'absence ou de la mort. En contraste, aimer Dieu offre une beauté parfaite et constante. Dieu sait remplir les désirs et adoucir l'inquiétude par la promesse d'une béatitude sainte. La mort, redoutable pour les amants terrestres, devient désirable car elle unit éternellement à Dieu.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 1678-1705
SUITE de l'Histoire DU PRINCE JALOUX.
Début :
Don Rodrigue flottant entre la crainte et l'esperance, se [...]
Mots clefs :
Rival, Don Alphonse, Don Pedro, Delmire, Don Rodrigue, Princesse, Amour, Prince jaloux, Lettres, Amant, Lit, Appartement, Couronne de Valence, Héritier
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texteReconnaissance textuelle : SUITE de l'Histoire DU PRINCE JALOUX.
SUITE de l'Histoire DU PRINCE
D
JALOUX.
ON Rodrigue flottant entre la crain
te et l'esperance , se hâte d'aller rejoindre l'irritée Delmire,pour ne lui donner pas le temps de s'affermir dans les
fâcheuses dispositions où sa jalousie l'a- voit mise contre lui. Delmire accablée
d'une douleur mortelle , s'étoit renfermée dans son appartement , avec ordre
de n'y laisser entrer que D. Rodrigue. Ce
Prince aussi amoureux que jaloux, ne tarda
guére à s'y rendre il n'y entra qu'en
tremblant ; les pleurs dont il trouva le visage de sa chere Princesse tout inondé , et
ses soupirs , qu'elle sembloit plutôt adresser au ciel qu'à son Amant , lui firent
sentir à quel point il l'avoit offensée. Il
se jetta à ses pieds , et y demeura longtemps sans pouvoir proferer un seul mot.
Delmire fut la premiere à rompre le silence » Eh bien ! lui dit- elle , êtes- vous
>> assez convaincu de mon innocence ? et
» venez-vous me demander par quel gen-
» re de peine je dois vous faire expier
votre crime ? J'ai merité la mort , lui
» répondit Don Rodrigue , et je viens
> expi-
AOUST. 17320 1679
expirer à vos genoux ; mais si un cri
>> me que l'amour seul fait commettre,
» peut exciter la pitié , suspendez un mo-
>> ment une colere plus terrible pour moi
»que la mort même, et daignez examiner » les circonstances dont a été accompa-
>>gné ce même crime que vous allez
»nir. Eh ! quel autre que moy ne fut pas
>> devenu coupable? Qui n'eût pas cru que
pucette fatale Lettre , que le destin jaloux
»de mon repos, a fait tomber entre mes
»mains , s'addressoit à unRival secret ?
»Arrêtez, interrompit Delmire, vous par-
»lez icy le langage de tous les coupables ;
»ils ne manquent jamais d'attribuer au
·29
1
»destin les fautes dont on les accuse , et
»dont ils sont les premiers Auteurs. Je
>> conviens , poursuivit - elle , que cette
moitié de Lettre, qui vous a fait concevoir des soupçons si injurieux à ma gloire, auroit pû induire en erreur les cœurs .
les moins susceptiblés de jalousie , elle
»étoit de ma main ; elle s'addressoit à un
»Amant qui est en Arragon , tandis que
>>vous étiez dans Valence ; la signature
»présentoit à vos yeux la moitié de mon
»nom ; en un mot , toutes ces circons
>>tances , dont vous attendez votre justi-
»fication , le sort les avoient combinées
d'une maniere à vous rendre le plus jaAiiij loux
1680 MERCURE DE FRANCE
·
loux de tous les hommes ; mais n'avez-
»vous pas été le premier instrument de
Votre perte ? Quel Démon , l'ennemi de
»votre repos et du mien vous a porté à
faire intercepter cette Lettre , qui a fait
»en même temps votre crime et votre
supplice. N'accusez donc plus le destin,
il ne vous a fait commettre un second
crime que pour vous punir du premier.
>>Vous m'aviez déja soupçonnée , avant
que le hazard vous donnat de nouvelles
»défiances ; le destin les a plutôt confir-
» mées , qu'il ne les a fait naître , et je ne
» puis vous en punir avec trop de ri-
» gueur.
»
D. Rodrigue ne put disconvenir qu'il
ne fut allé lui-même au- devant de son
malheur. Puisque vous justifiez le destin , lui dit Delmire , d'un ton de voix.
» radouci ; c'est à la pitié ou plutôt à l'A-
» mour à vous justifier dans mon cœur ;
>> mais je crains bien que vous n'ayez sou-
» vent besoin de cette indulgence , et que
>> toute ma vie ne se passe à vous par-
» donner , parce que vous ne cesserez ja-
» mais de m'offenser. Le Prince amoureux
n'oublia rien pour la rassurer sur l'avenir ; mais il retomba bien- tôt dans le crime dont il venoit d'obtenir le pardon :
Voicy ce qui contribua à le rendre encore
criminel. Don
ན AOUST. 1732. 1681
Don Pedre, Frere de Delmire , avoit
souvent entendu parler de la jalousie de
Don Rodrigue; il n'avoit consenti à la
paix qu'aux pressantes instances de sa
sœur ; mais il l'aimoit trop pour vouloir
la rendre malheureuse ; l'amour fraternel
F'emporta dans son cœur sur la dignité
Royale , et le fit descendre jusqu'à se travestir , pour s'instruire par lui- même de
ce qui se passoit entre ces deux Amans
que l'hymen devoit unir. Le Roy de Valence ne l'avoit jamais vû; il n'avoit confié son dessein qu'à Florent ; ainsi tout
lui répondoit de l'incognito qu'il vouloit
garder dans la Cour de son beau frere
futur. Il n'y fut pas plutôt arrivé , que
Florent , à la faveur d'une nuit des plus
obscures , le conduisit à l'appartement
de Delmire ; cependant cela ne fut pas
assez secret , pour échapper à l'attention
de ce même confident , que nous avons
appellé Octave , et qui , comme nous l'avons déja dit , recherchoit la faveur de
son maître, aux dépens de son repos ; il
courut faire part de sa découverte à Don
Rodrigue.
963
Que devint ce Prince à un indice si peu
douteux de l'infidelité de Delmire ? Ce
n'étoit plus une Lettre équivoque, c'étoit
un Rival introduit la nuit dans l'appar
A v tement
1682 MERCURE DE FRANCE
tement d'une Princesse qu'il devoit épouser dans peu de jours. Cependant la promesse qu'il venoit de lui faire de n'être
plus jaloux , ne laissa pas de lui faire
craindre d'encourir sa disgrace éternelle ;
il ne voulut s'en fier qu'au rapport de ses
yeux , et ce fut dans cette pensée qu'il se
laissa guider par Octave jusqu'à l'appar
tement de Delmire.
Cette Princesse avoit déja reconnu son
cher Frere , qui l'avoit informée du dessein qui l'amenoit à Valence. Il l'a pria
de supprimer les noms de Frere et de Roi,
et de ne l'appeller qu'Evandre. Dom Rodrigue n'arriva qu'à la fin de leur conversation , oùFlorent étoit présent ; il prê
ta une oreille attentive , et entendit ces
mots , qui ne le laisserent plus douter de
son malheur. » Il est temps , dit Delinire
» à Florent, que mon cher Evandre se re-
»pose , allez le conduire dans la cham-
»bre la plus secrette demon appartement,
et prenez garde qu'aucun ne le voïe en-
>> trer ; je ferai tout ce qu'il vous plaît ,
» répondit le faux Evandre ; c'est à vous
»de me commander , ct à moi de vous
obeïr , lui répliqua Delmire ; l'amour
que j'ai pour vous , ajouta D. Pedro
Vous donne un droit suprême sur tou-
»tes mes volontez. Adieu , ma chere
» Delmire ,
7
A OUST. 1732. 1683
»Delmire , je me retire , pour n'être pas
» découvert.
A ces mots , Florent conduisit le Roy
d'Arragon dans l'appartement de Delmire; l'entretien qu'elle avoit eu avec son
Frere , s'étoit passé.dans une avant cour
et sans lumiere , comme l'entre- vûë le
demandoit. Elle alloit rentrer après lui ::
-97 Arrêtez , lui dit D. Rodrigue ; ne vous.
»pressez pas tant d'aller joüir d'un repos
>> que vous ôtez aux autres ; pourvû que
»ce ne soit que l'amour qui vous empê
» che d'être tranquille , lui répondit Delmire , je ne m'en plaindrai pas ; mais si
>> c'est encore la jalousie qui vous rend
»aussi agité que vous le paroissez , je ne
vous le pardonnerai de ma vie. Vous
"parlez de pardonner , reprit D. Rodri
" gue , quand c'est - à- yous à demander:
»grace ? Perfide que vous êtes ! préten 23. dez-vous démentir mes oreilles ? Mais
» c'est trop perdre de temps en discours ;
» il périra, cet heureux Evandre que vous
» me préferez , et je cours immoler cette
» premiere victime à mon juste ressenti-
»ment. A ces mots, il s'avança vers l'en
>> droit par où son prétendu Rival s'étoit
>> retiré: Juste- ciel ! s'écria Delmire ; de-
>> meurez ; qu'allez-vous faire ? quel sang
allez-vous répandre ? Non , non ; - lui
A vj » répon
1684 MERCURE DE FRANCE
❤
répondit le furieux Rodrigue, je ne puis
» assez- tôt le verser , ce sang qui doit m'ê-
» tre d'autant plus odieux , que l'amour
» vous le rend cher. Je frémis , lui dit la
»tremblante Delmire , en le retenant ,
» autant que sa foiblesse le lui pouvoit
»permettre ; mais son furieux Amant
n'eût pas beaucoup de peine à se déro-
» ber d'entre ses bras. Il couroit rapido-
» ment à sa vengeance , lorsque D.Pedro,
>> attiré par les cris de sa sœur , s'avança ,
l'épée à la main pour la secourir , sans
»sçavoir contre qui il devoit la deffendre.
Dans quelle affreuse situation se trouva
pour lors la malheureuse Delmire ; les
deux hommes que l'Amour er le sang lui
rendoient les plus chers ,
étoient prêts
périr l'un par l'autre. Quel parti pren- dre ? Elle n'en eut point d'autre que de
se précipiter entre les deux Epées. Ar-
» rête , s'écria t- elle , impétueux Amant
» et commence par me percer le cœur , si
» tu veux aller jusqu'à celui de mon Frere.
» Votre Frere , lui dit Rodrigue , en bais-
» sant la pointe de son épée par terre ; ô
»destin , quel sang m'allois-tu faire répandre ?
à
Ce terrible spectacle devint touchant :
par le repentir de Rodrigue ; peu s'en fallut qu'il ne se prosternât aux pieds de Dom
1
AOUST. 17; 2. 1681
Dom Pedro pour lui demander cette mort qu'il avoit voulu lui donner.
» Je suis plus coupable que vous, lui ré-
» pondit le Roy d'Arragon ; mon dégui-
» sement a causé votre erreur , mais vous
» devez le pardonner aux interêts du
» sang. J'ai voulu sçavoir de la propre
>> bouche de ma sœur , si cet hymen que
» vous m'avez assuré devoit faire votre
» bonheur , ne seroit pas un malheur
pour elle ; j'avois déja appris à quel ex-
» cès alloit votre amour pour Delmire ,
» et j'en suis plus convaincu que jamais
" par mes propres yeux. Je vous entends,
» Seigneur, lui répondit D. Rodrigue ;
» vous allez vous joindre à l'irritée Del-
» mire , pour me faire un crime de cet
» excès d'amour , et pour m'en punir par
la privation de ce que j'ai de plus cher ;
» j'attends l'Arrêt de ma mort déclaré ;
» je l'ai trop bien méritée , poursuivit-il
» en se jettant aux pieds de Delmire, mais
» n'y employez que vous- même , ajouta-
» t-il , en lui présentant son épée , et per-
>> cez un cœur plus malheureux encore
» qu'il n'est coupable.
Tout l'attendrissement de la triste Delmire n'auroit pas sauvé son Amant des
justes reproches qu'elle lui auroit pû faire , mais la conjoncture favorisoit le criminel ;
1686 MERCURE DE FRANCE
minel ; la Princesse n'osa faire connoître
au Roy son Frere tous les sujets de plainte qu'elle avoit eus précedemment , de
peur de lui donner de l'éloignement pour
un hymen qu'elle souhaitoit,autant qu'elle le craignoit. Elle ordonna à Rodrigue
de se lever , sans prononcer ni sa grace ,
ni sa condamnation ; elle se contenta de
jetter un profond soûpir que son Amant
attribua plus à sa douleur qu'à son amour..
D. Pedro lui donna une explication plus
favorable ; il ne douta point de la tendresse de sa sœur pour son Amant , et
n'imputa son silence qu'à sa modestie. Je
ne veux plus differer votre union , dit- il
à Rodrigue et à Delmire ; si toutes les jalousies du Roy de Valence étoient aussi
bien fondées qne celle- ci , il y auroit de
Pinjustice à s'en plaindre. Le hazard a pro
duit dans son cœur des mouvemens dont
la sagesse même auroit eu peine à se deffendre , et toute l'estime que j'ai pour
la Duchesse du Tirol ne seroit pas à l'épreuve d'une pareille aventure. Il ne me
refte plus , continua- t- il en s'addressant
au Roy de Valence , qu'à vous donner
des preuves de ma sincerité en vous déclarant mon Hymen , secret avec l'aimale Princesse dont je viens de vous par
er ; j'ai eu des raisons de politique pour
lev
AOUST. 1732 1687
pas
le cacher ; mais ces raisons ne doivent
aller jusqu'à tromper un Prince avec
qui je prétends être uni à jamais ; l'amour
me paroît assez puissant sur votre cœur
pour n'y laisser point de place à l'ambition , et je suis persuadé que dans l'Hymen qui va donner la paix à nos Peuples , vous envisagez plutôt la possession
de Delmire , que la brillante succession
qui lui appartiendroit par le droit de la
naissance , si le ciel me laissoit mourir
sans posterité. » Non, répondit D. Ro-
»drigue , tous les Empires du monde ne
>> sçauroient balancer dans mon cœur lese
>> charmes de l'adorable Delmire , et puis
» que je l'obtiens , je n'ai plus rien à dé-
>> sirer.
Alphonse lui renouvella les assurances
de son bonheur, et le pria seulement de
vouloir bien le differer jusqu'à l'arrivée
de la Duchesse du Tirol , qu'il vouloit
faire reconnoître Reine d'Arragon dans
le même jour où sa seeur. seroit déclarée
Reine de Valence. Delmire n'osa s'opposer ouvertement à la volonté de son Pere;
mais comme elle étoit tendrement aimée
de la Duchesse du Tirol , qu'elle attendoit incessamment; elle se promit d'ob
tenir , par son moïen , les délais dont elle
avoit encore besoin pour éprouver D. Ro
drigue.
Nous
1688 MERCURE DE FRANCE
Nous avons parlé au commencement
de cette Histoire de deux Lettres , que
ces deux tendres amies s'étoient écrites ;
la Princesse du Tirol n'avoit point fait
part de la sienne au Roy son époux , et
vouloit se reserver le plaisir de le surprendre. Cela ne tarda guére d'arriver , et ce
fut justement un nouveau piége que la
fortune tendit au jaloux Rodrigue , pour
le faire retomber dans cette espece de
frénesie qui l'avoit déja rendu si coupable
aux yeux de Delmire. Cette capricieuse
Déesse avoit arrêté qu'il le deviendroit
trois fois presque dans le cours d'une
même journée.
L'incertitude où Delmire l'avoit laissé
ne lui permit pas de joüir du repos oùla
nuit invite toute la nature ; son insomnie
causée par le trouble dont il étoit agité ,
l'obligea à se lever quelques heures après
qu'il se fut couché; et conduit par son
amour, ou par son mauvais génie, il porta
ses pas vers cette fatale Galerie, où sa derniere Scene, avec Delmire etle Roy d'Arragon s'étoit passée; c'étoit- là que la fortune lui en gardoit une derniere plus funeste encore.
A peine y avoit - il resté quelques momens au milieu des tenebres , occupé de
sa derniere aventure , qu'il fut tiré de sa
profon-
AOUST. 1732 1689
profonde réverie , par un éclat de rire qui
partoit de la Chambre de Delmire. Cette
joïe qui regnoit chez son Amante , tandis
qu'il étoit accablé de douleur , ne lui fit
que trop entendre qu'on ne l'aimoit pas
assez pour partager ses chagrins ; il s'approcha pour mieux distinguer les voix ,
mais elles furent interrompues par de
nouveaux éclats de rire , qui acheverent
de le picquer. » Que vous êtes heureuse ,
» dit-il tout bas , insensible Delmire , de
» pouvoir passer si subitement de la dou-
» leur au plaisir ? A cette douloureuse réfléxion il succeda un désir curieux ; l'ap
partement de Delmire étoit éclairé , D.Rodrigue voulut voir à travers la Serrure ce
qui se passoit chez son Amante , qui pût
donner lieu à cette joye immodérée. Quel
spectacle pour un Jaloux ! Il vit sa Prin
cesse entre les bras d'un jeune Cavalier ;
quel nouveau trouble s'empara de son
cœur à cette fatale vûë! La raison fit la
place à la fureur ; aucun respect ne le retint plus ; il frappa à la porte , et ordonna qu'on l'ouvrit , d'un ton de maître irrité.
Delmire ne douta point que ce ne fut-là
un nouvel accès de jalousie ; et prenant
son parti sur le champ , elle pria le Cavalier de se cacher pour quelques momens ,
ct
1690 MERCURE DE FRANCE
et fit ouvrir la porte au furieux Don Ro
drigue.
A peine fut-il entré , qu'il porta ses
yeux égarez de toutes parts , et ne trouvant plus l'objet de sa rage , il l'a déchargea toute entiere sur Delmire, qu'il
accabla des injures les plus sanglantes. La
Princesse garda un long silence , pour
voir jusqu'à quel excès pouvoit se répandre la fureur d'un Amant jaloux. Ce silence parut si injurieux à D. Rodrigue
que sa rage en prit de nouvelles forces ;
les reproches devenoient toujours plus
outrageans. » C'en est assez , lui dit Del-
»mire , avec une modération qui l'irrita
» encore davantage j'ai voulu voir de
» quels traits la jalousie pourroit peindre
»aux yeux d'un Amant, l'objet de sa ten-
» dresse ; la vôtre a répandu son plus noir
»poison sur la malheureuse Delmire. Je
» ne suis que trop payée de ma curiosité ;
je ne suis plus digne de votre amour ,
puisque j'ai perdu votre estime ; et deshonorée dans votre esprit , je ne dois
plus me flatter de regner sur votre >>> cœur.
» Moy , répondit l'impétueux Rodri
gue , je pourrois encore vous aimer ,
après ce que je viens de voir ! Oseriez-
» vous encore démentir mes yeux ? Non,
VOS
AOUST. 1732. 1691
>>
vos yeux ne vous ont point trompé ?
» lui répondit Delmire toujours plus
»tranquille en apparence ; quand ils vous
Dont montré Delmire entre les bras d'un
Cavalier ; mais ils vous ont justement
» puni de venir épier ce qui se passe chez
selle , et vous ne sçauriez vous disculper
» d'une défiance incompatible avec l'es-
» time que vous devez avoir pour une »Princesse destinée à votre lit. Ne m'in-
»terrompez pas , continua t- elle , voyant
» qu'il alloit ouvrir la bouche pour l'accabler de nouvelles injures; j'avoue que
»jamais soupçon ne fut mieux fondé que
>> le vôtre ; mais vous vous seriez épargné
»le supplice de me croire infidelle , si
» vous vous en étiez reposé sur ma vertu
»et sur ma gloire . Vous voyez que je ne
cherche point à vous nier le crime dont
vous m'accusez et dont vos propres
» yeux vous ont convaincu , mais voicy
ce que ma gloire exige de vous. L'offense est assez grande pour mériter ce
sacrifice ; j'exige donc de vous que vous
,, ne m'abbaissiez pas jusqu'à me justifier,
toute coupable que vous me croyez ; je
ne puis vous pardonner qu'à ce prix ;
c'est à vous à prendre une derniere résolution. Ma résolution est prise, lui répondit D. Rodrigue , je ne respire que
>>
>>
22
>>
>>
>>
» ven-
1692 MERCURE DE FRANCE
vengeance; je veux laver dans le sang
» d'un Rival l'outrage que vous m'avez
fait ; si l'amour ne retenoit mon bras ,
»mes coups iroient jusqu'à vous ; mais je
»le surmonterai cet indigne amour ; il ne
»sçauroit subsister sans l'estime dans un
» cœur tel que le mien ; il fera place à
» l'indifference; et peut- être au mépris, in-
»terrompit Delmire ; eh!n'a- t- il pas com-
»mencé par là? Tout soupçon jaloux qui
» Alétrit la gloire de ce qu'on aime, suppose
» un mépris éclatant. Mais il est temps de
finir une conversation qui ne sert qu'à
»vous aigrir davantage et à vous rendre
plus coupable ; j'ai voulu vous donner
» les moïens d'obtenir votre pardon ;
» vous n'avez pas voulu le meriter aux
» conditions que je vous ai imposées ; il
❤ne me reste plus qu'à me justifier et à
» vous punir ; s'il est vrai , comme vous
» venez de m'en assurer, que l'amour sub-
» siste encore dans votre cœur. Vous jus-
» tifier , s'écria D. Rodrigue , et par quel
» charme , par quel enchantement , par
» quel prestige le pourriez- vous? Plut au
" ciel , lui dit Delmire , avec un soupir
>> douloureux , qu'il vous fut aussi facile
» de cesser d'être jaloux , qu'à moi de
>> cesser d'être coupable à vos yeux ! Je ne
כן
» dis
AOUST. 1732. -1693
» dis plus qu'un mot ; si vous pouvez
>> vous résoudre à me croire innocente
sur ma seule parole ; je vous accepte
» pour époux , sans vous mettre à de nou-
»velles épreuves , mais si vous exigez que
»je me justifie , je renonce à vous pour
» jamais je n'ai plus rien à dire , c'est à
» vous de choisir,
Le ton absolu dont la Princeffe prononça ces dernieres paroles , commença
à donner quelque émotion à D. Rodrigue; mais ce qu'il avoit vû, le tenoit dans
une si parfaite sécurité , qu'il ne balança
plus à suivre le parti qu'il avoit déja pris ,
et qu'il croyoit le seul à prendre : » Oui ,
lui dit-il , je consens à vous perdre pour
»jamais , si vous prouvez votre innocen-
»ce ; elle m'est assez précieuse pour l'achepter aux dépens de ce qui devoit
»faire tout le bonheur de ma vie.
n
>> C'est assez , dit la Princesse , qu'on
aille éveiller le Roy mon Frere ? Quoi !
» lui dit le Roy de Valence , vous voulez
»le rendre témoin de votre honte ; dites
plutôt de votre injustice , répondit Del-
>> mire; j'ai besoin de sa présence , pour
n réprimer vos premiers transports , à la
» vûë de l'objet de votre jalousie.
Cette fermeté , qui est plutôt compagne de l'innocence que du crime , étonnale
1694 MERCURE DE FRANCE
le Prince jaloux ; il craignit de se voir confondu pour la troisiéme fois , quoique
tout l'assurât du contraire; il étoit même
prêt à se retracter ; mais l'arrivée de D.
Pedro ne lui en donna pas le temps , et
l'approche de son Rival acheva de l'affermir dans ses injustes soupçons. » Pardon-
» nez-moy, Seigneur, dit Delmire au Roy
»son Frere , si je trouble votre repos ,
» pour quelques momens , mais il s'agit
» d'assurer le mien pour toute ma vie.
» Jettez les yeux sur ce Cavalier , et déclarez son sort au plus jaloux de tous رو
les Amans. Cet éclaircissement n'a pas
»besoin de ma présence : Elle se retira en
» proférant ces dernieres paroles , avec
»une émotion qui acheva de faire trem-
» bler D. Rodrigue.
D. Pedro ne sçavoit que penser de la
prompte retraite de sa soeur ; il en chercha la cause dans les traits du Cavalier
mais quel fut son étonnement quand il
le reconnut pour sa chere Bélize , Duchesse de Tirol; il ne l'eût pas plutôt
nommée , que D. Rodrigue fit un grand
cri : Qu'ai-je fait , dit-il ? je suis le plus
malheureux et le plus criminel de tous les
hommes.
Le Roy d'Arragon comprit bien par
cette exclamation , que c'étoit quelque
nouvel effet de jalousie qui venoit brouil- ler
A OUST. 17320 1695
ler l'Amantavec l'Amantes mais comme il
ignoroit les conditions imposées et acceptées d'une et d'autre part , il crut que le
racommodement ne seroit pas difficile à
faire entre deux personnes dont il connoissoit l'amour réciproque. Il rassura
D Rodrigue sur les suites de ce nouvel
incident , et l'ayant prié d'aller se reposer, il entra chez Delmire avec sa charmante Epouse; qui sans doute n'eût pas
tant de peine à justifier son travestissement , que Rodrigue en trouvoit à révoquer l'Arrêt fatal auquel il avoit souscrit lui - même.
Il ne fut pas plutôt seul , qu'il se rappella tout ce que sa situation avoit de plus
funeste ; les injures atroces ou plutôt les
blasphêmes qu'il avoit vomis contre un
objet adorable; la bonté avec laquelle Delmíre avoit daigné les lui pardonner à des
conditions qu'elle n'exigeoit que pour sa
gloire , et sur tout la peine à laquelle il
s'étoit soumis lui même , si elle justifioit
son innocence; tout cela se présentant en
foule à sa mémoire , le mit dans un dé
sespoir le plus affreux qu'on puisse s'imaginer. » Quoi ? dit- il , j'ai été capable de
>> renoncer à Delmire ! fatale jalousie , à
» quel excès d'aveuglément m'as- tu por-
»té. C'en est trop , abandonnons une vie
que
1696 MERCURE DE FRANCE
»que la seule possession de ma Princesse
pouvoit me rendre agréable; il est temps
» qu'un sang criminel expie l'injure que
» j'ai faite à la vertu et à l'innocence mê-
» me. A ces mots, il alloit se percer d'un
coup mortel,si une main secourable n'eût
retenu le coup , prêt à tomber. » Qui
» m'empêche de venger Delmire outragée s'écria-t- il. C'est Delmire même ,
lui répondit cette Princesse , qui , ayant craint les suites de l'accablement où elle
l'avoit laissé , étoit sortie de son appartement pour les prévenir.
1
Elle s'étoit fait suivre par Téodore et
par Délie, prévoïant bien le besoin qu'elle pourroit avoir de leur secours contre
un désesperé : On a déja remarqué que
cette premiere étoit aussi favorable à D.
Rodrigue , que la derniere lui étoit contraire. Téodore frémit en voyant ce malheureux Prince prêt à se donner la mort ;
l'interêt qu'elle prenoit dans son Hymen et dans ses jours avoit un motif secret , dont on sera instruit à la fin de cette
histoire , que nous allons abreger autant
qu'il nous sera possible.
Delmire n'oublia rien pour remettre
l'esprit de son Amant dans une assiette
plus tranquille ; larmes, soupirs , sermens
de lui pardonner , assurance de le rendre
вен-
AOUST. 1732 1697
heureux , tout fut employé , mais inutilement. D. Rodrigue se crut indigne de la
grace qu'elle lui promettoit , et persista
dans le dessein de mourir. » Eh bien !
» jurez - moi du moins , lui dit-elle , que
» vous ne me rendrez pas témoin de vo-
>> tre morts et pour gage de votre ser-
>> ment , rendez- moi cette épée , dont la
>> seule vûë me fait frémir : la voilà , lui
» répondit D. Rodrigue. A peine l'eût- il
remise entre ses mains , qu'elle lui dit :
Vous pouvez exécuter le cruel dessein
dont tout mon amour ne peut vous distraire ; mais je vous jure , que je me percerai moi-même de ce fer que vous venez
de me donner , si vous ne respectez des
jours ausquels les miens sont attachez.
Quoi ? s'écria l'amoureux Rodrigue , c'est
moi qui ai fait le crime , et c'est vous que
vous voulez punir.
par
Cette Scene , où l'amour commençoit
à prendre le dessus , fut terminée l'amour même ; Rodrigue imposa des loix
à son tour , et ne promit de vivre à la
tendre Delmire qu'à condition qu'elle consentiroit à lui donner la main avant
que de se séparer de lui.
Votre pitié , lui dit - il , a plus de part
que votre amour , à la promesse que vous
me faites , d'oublier mon crime ; vous
B cherchez
1698 MERCURE DE FRANCE
cherchez du moins à prolonger mesjours
de quelques heures , mais je n'en puis
souffrir la durée, dans la crainte où je suis
de vous perdre pour jamais , je ne balance
plus voilà mon partage ; la mort ou
Delmire
La Princesse s'opposa long-temps à cette
résolution ; mais l'amoureux Prince n'en
voulant point démordre, Théodore et Dé
lie même y déterminerent Delmire ; la foy
mutuelle fût jurée en leur présence ; Delmire fut reconduite dans son appartement
par son Epoux. Nous allons voir en peu
de mots les suites fâcheuses que pensa
avoir cet Hymen clandestin .
A peine le jour commença à luire qu'on
wint annoncer à Delmire qu'un Cavalier
que ses rides rendoient respectable , lui
demandoit une audience secrete. Delmire
fit sortir tout le monde de son cabinet
et ordonna qu'on fit entrer l'inconnu . A
peine l'eût elle apperçû , qu'elle le reconnut pour un des plus affectionnez serviteurs de feu son pere. Que j'ai de plaisir,
d'Alvar, lui dit elle , de vous revoir après
une absence de 5 ou 6 années » Je serois
» encore dans les Prisons de Portugal , lui
dit- il si la nouvelle de votre prochain
Mariage ne m'avoit porté à mettre tout
> en
1
AOUST. 1732. 1896
» en usage pour recouvrer la liberté , je
»rends graces au ciel , poursuivit il , de
» m'avoir fait arriver assez à temps pour
>> le rompre.
» Rompre monHymen avec D. Rodri-
» gue , que dites- vous , D. Alvar ? Son-
» gez vous bien qu'il doit faire la félicité
» de deux Peuples ; dites plutôt, Madame,
» lui répondit-il , qu'il attireroit sur eux
» la malédiction du ciel ; mais c'est trop
» vous laisser en suspens , Madame , ap-
» prenez que D. Rodrigue est votre Fre-
»re Mon Frere , lui répondit Delmire
» en frémissant ! Qu'osez vous avancer ?
Ce que je ne suis que trop en état de
vous prouver, répondit D. Alvar ; achevez de me donner la mort , lui dit la
riste Delmire , par le récit d'une si fu-
» neste histoire.
D. Alvar n'attribuant la douleur de la
Princesse qu'à l'amour extrême qu'elle
avoit pour D. Rodrigue , l'éclaircit par
ces mots.
" Vous n'ignorez pas , Madame , l'étroi-
» te liaison qui avoit toujours uni D. Alphonse , Roy d'Arragon , et D. Fernand , Roy de Val nce ; ce dernier ce
trouvant sans enfans , dans un âge où
» il n'esperoir plus d'en avoir, eût recours
» à son ami ; la Reine , votre mere, étoit
Bij » déja
1700 MERCURE DE FRANCE
»déja accouchée de D. Pedro, et se trou-
"voit enceinte , pour la seconde fois ; D.
»Fernand pria D. Alphonse de vouloir
>>bien lui donner l'enfant qu'elle mettroit
»au monde , supposé que ce fut unPrin-
»ce. Quand D. Alphonse n'y auroit pas
»trouvé ses avantages , l'amitié qu'il por-
>>toit à D. Fernand , auroit obtenu de lui
» ce qu'on lui demandoit; on fit courir le
» bruit que la Reine de Valence étoit
»grosse, et la Reine d'Arragon ayant mis
>>au monde un enfant mâle , on fit entendre qu'il étoit mort en naissant, et il
>> fut donné à D. Fernand , qui l'appella
»D. Rodrigue. C'est le même que vous
>>alliez épouser; le ciel n'a pas voulu lais
» ser consommer un inceste si abomina-
»ble ; c'est à vous , Madame , à prendre
les mesures les plus convenables , dans
» une conjoncture si délicate.
>>
J'y penserai , lui dit Delmire , en levant au ciel des yeux remplis de larmes .
Aces mots elle congédia D. Alvar , et lui
promit de lui envoyer sa réponse la nuit
prochaine.
Elle fit dire qu'elle étoit indisposée , et
deffendit qu'on laissât entrer qui que ce
fut dans son appartement , jusqu'à nouvel ordre.
Le Roy de Valence fut surpris que cet
ordre
A O UST. 1732. 1701
ordre fut pour lui , après le don qu'elle
lui avoir fait de sa foy ; cependant son
respect l'empêcha de s'en plaindre. Tout
le jour se passa, sans que l'ordre fut révoqué ; ce qui redoubla l'inquiétude de l'amoureux Rodrigue.
La nuit étant venue , ce Prince impa
tient s'approcha de l'appartement de Delmire. Quelle fut sa surprise lorsqu'il en
vit sortir Florent , à qui Délie recomman
da de faire diligence pour remettre un
Billet entre les mains de D. Alvar ! il
craignit que le Roy d'Arragon ne s'opposât à son bonheur , et n'envoyât quelques ordres secrets à ce fidele Sujet. La
crainte qu'on ne lui enlevât sa chere Delmire , le porta à intercepter ce Billet ;
Florent intimidé par ses menaces ,
livra et retourna à l'Appartement de la
Princesse pour l'informer du mauvais succès de son Ambassade. De quelle horreur
ne fut pas saisi D. Rodrigue à la lecture
du Billet intercepté , on en va juger par
ce qu'il contenoit.
Delmire à D. Alvar.
le lui
Faites préparer le plus promptement que
vous pourrez une Barque qui m'éloigne de
ce funeste Rivage , je n'en puis plus soutenir la vie après le crime qui vient de s'y
com-
1702 MERCURE DE FRANCE
commettre ; je frissonne à l'aveu que je vous
en fais ; mon frere est entré dans mon lit.
Ne refusez pas votre secours à la plus malheureuse Princesse qui fût jamais.
D. Rodrigue fut d'abord si frappé qu'il
en perdit l'usage de ses sens ; mais après
quelques momens de reflexion , le crine lui parut si noir qu'il ne put le croire,
quoiqu'il fût tracé de la main même de
Delmire: » Non , dit- il , vertueuse Prin-
»cesse , je vous connois trop bien pour » vous croire si coupable ; vous voulez ,
»sans doute , éprouver si je serai encore
capable de me livrer à cette funeste
» passion qui faisoit mon malheur et le
» vôtre , mais elle ne seroit plus pardon-
>> nable ; vous étiez maîtresse de votre
» cœur quand je craignois votre infide-
» lité ; mais vous êtes mon Epouse , je ne
> crains plus rien , votre vertu me ré-
»pond de votre foi.
Après cette reflexion , qui remit le
calme dans son ame, il courut à l'Appartement de Delmire. Cette Princesse
instruite par Florent de . ce qui s'étoit
passé , avoit ordonné qu'on le laissât entrer; les remords dont elle étoit déchirée,
la rendirent d'abord interdite et muette ;
mais voyant D. Rodrigue se jetter à ses
pieds dans la posture du plus passionné
de
A O UST. 1732 1703
de tous les Amans : » Eloignez-vous , lui
» dit- elle , vous me faites frémir ; cessez
de me présenter un Epoux qui doit
» m'être odieux , depuis que j'ai appris
» qu'il est mon frere. Moi , votre frere ,
» s'écria D. Rodrigue ! Eh n'avez- vous
» pas lû ce funeste secret , lui répondit
»Delmire , dans le Billet que vous avez
>arraché à Florent.
La connoissance d'un malheur que ce
Prince n'avoit pris que pour une feinte ,
le mit dans un desespoir qui donna tout
à craindre à Delmire ; elle ne l'avoit ja
mais trouvé si digne d'être aimé ; ce n'étoit plus cet Amant jaloux , qui ne lui
prouvoit l'excès de son amour que par
les plus sanglans outrages , c'étoit un
Epoux fidele et passionné , qui n'étoit
sensible qu'au malheur d'être séparé pour
jamais du seul bien qui pouvoit faire sa
felicité.
Il est temps de tirer ces Amans infortunez d'une peine si cruelle ; D. Rodri
gue manda D. Alvar , pour être mieux
éclairci de son malheur. Il fit prier en
même- temps le Roy d'Arragon de venir
à l'Appartement de sa sœur , afin que
la présence du Souverain , imposant au
Sujet , l'empêchât de soutenir une imposture. D. Alvar confirma tout ce qu'il
B iij avoit
1704 MERCURE DE FRANCE
avoit dit à Delmire ; et pour ne laisser
aucun doute sur ce qu'il venoit de raconter , il voulut l'appuyer du témoignage de Théodore , qui avoit prêté son
ministere à la supposition d'enfant dont
il étoit question. Théodore ! s'écria Delmire; ô Monstre que les Enfers ont vomi
»pour le malheur de ma vie ; elle sça-
»voit que j'étois sœur de D. Rodrigue
»et c'est elle- même qui m'a déterminée
» à le recevoir pour Epoux.
20
Théodore arriva bientôt. » Oserez-
» vous nier , lui dit D. Alvar, que D. Rodrigue ne soit frere du Roy d'Arragon
et de la Princesse Delmire ? Je suis
prête à justifier le contraire , lui repon-
» dit Théodore. Ces mots et la fermeté
avec laquelle ils furent prononcez , em-
» pêcherent D. Rodrigue de l'accabler de
reproches , dont il se seroit repenti.
Finissons. Théodore convint de tout
ce que D. Alvar avoit revelé ; mais elle
déclara ce qui n'étoit pas venu à la connoissance de ce sage Vieillard. Le fils
supposé que D. Alphonse avoit donné à
D. Pedro étant mort , D. Pedro en substitua un autre en sa place sous le nom
de Rodrigue ; il avoit eu ce dernier de
Théodore , qui pour garantir la verité
de ce qu'elle avançoit , produisit un Acte
revêty
A OUS T. 1732. 1705
revêtu de toutes les formalitez et signé
de la main de D. Alphonse même. Par
cet Acte D.Pedro reconnoissoit Théodore
pour son Epouse et le fruit de lent hymen pour le legitime heritier de la Couronne de Valence. Ce dernier éclaircissement remit le calme dans tous les
cœurs ; et le double Mariage fut celebré
dès le lendemain , à la vûë des deux Peuples dont il devoit faire le bonheur.
D
JALOUX.
ON Rodrigue flottant entre la crain
te et l'esperance , se hâte d'aller rejoindre l'irritée Delmire,pour ne lui donner pas le temps de s'affermir dans les
fâcheuses dispositions où sa jalousie l'a- voit mise contre lui. Delmire accablée
d'une douleur mortelle , s'étoit renfermée dans son appartement , avec ordre
de n'y laisser entrer que D. Rodrigue. Ce
Prince aussi amoureux que jaloux, ne tarda
guére à s'y rendre il n'y entra qu'en
tremblant ; les pleurs dont il trouva le visage de sa chere Princesse tout inondé , et
ses soupirs , qu'elle sembloit plutôt adresser au ciel qu'à son Amant , lui firent
sentir à quel point il l'avoit offensée. Il
se jetta à ses pieds , et y demeura longtemps sans pouvoir proferer un seul mot.
Delmire fut la premiere à rompre le silence » Eh bien ! lui dit- elle , êtes- vous
>> assez convaincu de mon innocence ? et
» venez-vous me demander par quel gen-
» re de peine je dois vous faire expier
votre crime ? J'ai merité la mort , lui
» répondit Don Rodrigue , et je viens
> expi-
AOUST. 17320 1679
expirer à vos genoux ; mais si un cri
>> me que l'amour seul fait commettre,
» peut exciter la pitié , suspendez un mo-
>> ment une colere plus terrible pour moi
»que la mort même, et daignez examiner » les circonstances dont a été accompa-
>>gné ce même crime que vous allez
»nir. Eh ! quel autre que moy ne fut pas
>> devenu coupable? Qui n'eût pas cru que
pucette fatale Lettre , que le destin jaloux
»de mon repos, a fait tomber entre mes
»mains , s'addressoit à unRival secret ?
»Arrêtez, interrompit Delmire, vous par-
»lez icy le langage de tous les coupables ;
»ils ne manquent jamais d'attribuer au
·29
1
»destin les fautes dont on les accuse , et
»dont ils sont les premiers Auteurs. Je
>> conviens , poursuivit - elle , que cette
moitié de Lettre, qui vous a fait concevoir des soupçons si injurieux à ma gloire, auroit pû induire en erreur les cœurs .
les moins susceptiblés de jalousie , elle
»étoit de ma main ; elle s'addressoit à un
»Amant qui est en Arragon , tandis que
>>vous étiez dans Valence ; la signature
»présentoit à vos yeux la moitié de mon
»nom ; en un mot , toutes ces circons
>>tances , dont vous attendez votre justi-
»fication , le sort les avoient combinées
d'une maniere à vous rendre le plus jaAiiij loux
1680 MERCURE DE FRANCE
·
loux de tous les hommes ; mais n'avez-
»vous pas été le premier instrument de
Votre perte ? Quel Démon , l'ennemi de
»votre repos et du mien vous a porté à
faire intercepter cette Lettre , qui a fait
»en même temps votre crime et votre
supplice. N'accusez donc plus le destin,
il ne vous a fait commettre un second
crime que pour vous punir du premier.
>>Vous m'aviez déja soupçonnée , avant
que le hazard vous donnat de nouvelles
»défiances ; le destin les a plutôt confir-
» mées , qu'il ne les a fait naître , et je ne
» puis vous en punir avec trop de ri-
» gueur.
»
D. Rodrigue ne put disconvenir qu'il
ne fut allé lui-même au- devant de son
malheur. Puisque vous justifiez le destin , lui dit Delmire , d'un ton de voix.
» radouci ; c'est à la pitié ou plutôt à l'A-
» mour à vous justifier dans mon cœur ;
>> mais je crains bien que vous n'ayez sou-
» vent besoin de cette indulgence , et que
>> toute ma vie ne se passe à vous par-
» donner , parce que vous ne cesserez ja-
» mais de m'offenser. Le Prince amoureux
n'oublia rien pour la rassurer sur l'avenir ; mais il retomba bien- tôt dans le crime dont il venoit d'obtenir le pardon :
Voicy ce qui contribua à le rendre encore
criminel. Don
ན AOUST. 1732. 1681
Don Pedre, Frere de Delmire , avoit
souvent entendu parler de la jalousie de
Don Rodrigue; il n'avoit consenti à la
paix qu'aux pressantes instances de sa
sœur ; mais il l'aimoit trop pour vouloir
la rendre malheureuse ; l'amour fraternel
F'emporta dans son cœur sur la dignité
Royale , et le fit descendre jusqu'à se travestir , pour s'instruire par lui- même de
ce qui se passoit entre ces deux Amans
que l'hymen devoit unir. Le Roy de Valence ne l'avoit jamais vû; il n'avoit confié son dessein qu'à Florent ; ainsi tout
lui répondoit de l'incognito qu'il vouloit
garder dans la Cour de son beau frere
futur. Il n'y fut pas plutôt arrivé , que
Florent , à la faveur d'une nuit des plus
obscures , le conduisit à l'appartement
de Delmire ; cependant cela ne fut pas
assez secret , pour échapper à l'attention
de ce même confident , que nous avons
appellé Octave , et qui , comme nous l'avons déja dit , recherchoit la faveur de
son maître, aux dépens de son repos ; il
courut faire part de sa découverte à Don
Rodrigue.
963
Que devint ce Prince à un indice si peu
douteux de l'infidelité de Delmire ? Ce
n'étoit plus une Lettre équivoque, c'étoit
un Rival introduit la nuit dans l'appar
A v tement
1682 MERCURE DE FRANCE
tement d'une Princesse qu'il devoit épouser dans peu de jours. Cependant la promesse qu'il venoit de lui faire de n'être
plus jaloux , ne laissa pas de lui faire
craindre d'encourir sa disgrace éternelle ;
il ne voulut s'en fier qu'au rapport de ses
yeux , et ce fut dans cette pensée qu'il se
laissa guider par Octave jusqu'à l'appar
tement de Delmire.
Cette Princesse avoit déja reconnu son
cher Frere , qui l'avoit informée du dessein qui l'amenoit à Valence. Il l'a pria
de supprimer les noms de Frere et de Roi,
et de ne l'appeller qu'Evandre. Dom Rodrigue n'arriva qu'à la fin de leur conversation , oùFlorent étoit présent ; il prê
ta une oreille attentive , et entendit ces
mots , qui ne le laisserent plus douter de
son malheur. » Il est temps , dit Delinire
» à Florent, que mon cher Evandre se re-
»pose , allez le conduire dans la cham-
»bre la plus secrette demon appartement,
et prenez garde qu'aucun ne le voïe en-
>> trer ; je ferai tout ce qu'il vous plaît ,
» répondit le faux Evandre ; c'est à vous
»de me commander , ct à moi de vous
obeïr , lui répliqua Delmire ; l'amour
que j'ai pour vous , ajouta D. Pedro
Vous donne un droit suprême sur tou-
»tes mes volontez. Adieu , ma chere
» Delmire ,
7
A OUST. 1732. 1683
»Delmire , je me retire , pour n'être pas
» découvert.
A ces mots , Florent conduisit le Roy
d'Arragon dans l'appartement de Delmire; l'entretien qu'elle avoit eu avec son
Frere , s'étoit passé.dans une avant cour
et sans lumiere , comme l'entre- vûë le
demandoit. Elle alloit rentrer après lui ::
-97 Arrêtez , lui dit D. Rodrigue ; ne vous.
»pressez pas tant d'aller joüir d'un repos
>> que vous ôtez aux autres ; pourvû que
»ce ne soit que l'amour qui vous empê
» che d'être tranquille , lui répondit Delmire , je ne m'en plaindrai pas ; mais si
>> c'est encore la jalousie qui vous rend
»aussi agité que vous le paroissez , je ne
vous le pardonnerai de ma vie. Vous
"parlez de pardonner , reprit D. Rodri
" gue , quand c'est - à- yous à demander:
»grace ? Perfide que vous êtes ! préten 23. dez-vous démentir mes oreilles ? Mais
» c'est trop perdre de temps en discours ;
» il périra, cet heureux Evandre que vous
» me préferez , et je cours immoler cette
» premiere victime à mon juste ressenti-
»ment. A ces mots, il s'avança vers l'en
>> droit par où son prétendu Rival s'étoit
>> retiré: Juste- ciel ! s'écria Delmire ; de-
>> meurez ; qu'allez-vous faire ? quel sang
allez-vous répandre ? Non , non ; - lui
A vj » répon
1684 MERCURE DE FRANCE
❤
répondit le furieux Rodrigue, je ne puis
» assez- tôt le verser , ce sang qui doit m'ê-
» tre d'autant plus odieux , que l'amour
» vous le rend cher. Je frémis , lui dit la
»tremblante Delmire , en le retenant ,
» autant que sa foiblesse le lui pouvoit
»permettre ; mais son furieux Amant
n'eût pas beaucoup de peine à se déro-
» ber d'entre ses bras. Il couroit rapido-
» ment à sa vengeance , lorsque D.Pedro,
>> attiré par les cris de sa sœur , s'avança ,
l'épée à la main pour la secourir , sans
»sçavoir contre qui il devoit la deffendre.
Dans quelle affreuse situation se trouva
pour lors la malheureuse Delmire ; les
deux hommes que l'Amour er le sang lui
rendoient les plus chers ,
étoient prêts
périr l'un par l'autre. Quel parti pren- dre ? Elle n'en eut point d'autre que de
se précipiter entre les deux Epées. Ar-
» rête , s'écria t- elle , impétueux Amant
» et commence par me percer le cœur , si
» tu veux aller jusqu'à celui de mon Frere.
» Votre Frere , lui dit Rodrigue , en bais-
» sant la pointe de son épée par terre ; ô
»destin , quel sang m'allois-tu faire répandre ?
à
Ce terrible spectacle devint touchant :
par le repentir de Rodrigue ; peu s'en fallut qu'il ne se prosternât aux pieds de Dom
1
AOUST. 17; 2. 1681
Dom Pedro pour lui demander cette mort qu'il avoit voulu lui donner.
» Je suis plus coupable que vous, lui ré-
» pondit le Roy d'Arragon ; mon dégui-
» sement a causé votre erreur , mais vous
» devez le pardonner aux interêts du
» sang. J'ai voulu sçavoir de la propre
>> bouche de ma sœur , si cet hymen que
» vous m'avez assuré devoit faire votre
» bonheur , ne seroit pas un malheur
pour elle ; j'avois déja appris à quel ex-
» cès alloit votre amour pour Delmire ,
» et j'en suis plus convaincu que jamais
" par mes propres yeux. Je vous entends,
» Seigneur, lui répondit D. Rodrigue ;
» vous allez vous joindre à l'irritée Del-
» mire , pour me faire un crime de cet
» excès d'amour , et pour m'en punir par
la privation de ce que j'ai de plus cher ;
» j'attends l'Arrêt de ma mort déclaré ;
» je l'ai trop bien méritée , poursuivit-il
» en se jettant aux pieds de Delmire, mais
» n'y employez que vous- même , ajouta-
» t-il , en lui présentant son épée , et per-
>> cez un cœur plus malheureux encore
» qu'il n'est coupable.
Tout l'attendrissement de la triste Delmire n'auroit pas sauvé son Amant des
justes reproches qu'elle lui auroit pû faire , mais la conjoncture favorisoit le criminel ;
1686 MERCURE DE FRANCE
minel ; la Princesse n'osa faire connoître
au Roy son Frere tous les sujets de plainte qu'elle avoit eus précedemment , de
peur de lui donner de l'éloignement pour
un hymen qu'elle souhaitoit,autant qu'elle le craignoit. Elle ordonna à Rodrigue
de se lever , sans prononcer ni sa grace ,
ni sa condamnation ; elle se contenta de
jetter un profond soûpir que son Amant
attribua plus à sa douleur qu'à son amour..
D. Pedro lui donna une explication plus
favorable ; il ne douta point de la tendresse de sa sœur pour son Amant , et
n'imputa son silence qu'à sa modestie. Je
ne veux plus differer votre union , dit- il
à Rodrigue et à Delmire ; si toutes les jalousies du Roy de Valence étoient aussi
bien fondées qne celle- ci , il y auroit de
Pinjustice à s'en plaindre. Le hazard a pro
duit dans son cœur des mouvemens dont
la sagesse même auroit eu peine à se deffendre , et toute l'estime que j'ai pour
la Duchesse du Tirol ne seroit pas à l'épreuve d'une pareille aventure. Il ne me
refte plus , continua- t- il en s'addressant
au Roy de Valence , qu'à vous donner
des preuves de ma sincerité en vous déclarant mon Hymen , secret avec l'aimale Princesse dont je viens de vous par
er ; j'ai eu des raisons de politique pour
lev
AOUST. 1732 1687
pas
le cacher ; mais ces raisons ne doivent
aller jusqu'à tromper un Prince avec
qui je prétends être uni à jamais ; l'amour
me paroît assez puissant sur votre cœur
pour n'y laisser point de place à l'ambition , et je suis persuadé que dans l'Hymen qui va donner la paix à nos Peuples , vous envisagez plutôt la possession
de Delmire , que la brillante succession
qui lui appartiendroit par le droit de la
naissance , si le ciel me laissoit mourir
sans posterité. » Non, répondit D. Ro-
»drigue , tous les Empires du monde ne
>> sçauroient balancer dans mon cœur lese
>> charmes de l'adorable Delmire , et puis
» que je l'obtiens , je n'ai plus rien à dé-
>> sirer.
Alphonse lui renouvella les assurances
de son bonheur, et le pria seulement de
vouloir bien le differer jusqu'à l'arrivée
de la Duchesse du Tirol , qu'il vouloit
faire reconnoître Reine d'Arragon dans
le même jour où sa seeur. seroit déclarée
Reine de Valence. Delmire n'osa s'opposer ouvertement à la volonté de son Pere;
mais comme elle étoit tendrement aimée
de la Duchesse du Tirol , qu'elle attendoit incessamment; elle se promit d'ob
tenir , par son moïen , les délais dont elle
avoit encore besoin pour éprouver D. Ro
drigue.
Nous
1688 MERCURE DE FRANCE
Nous avons parlé au commencement
de cette Histoire de deux Lettres , que
ces deux tendres amies s'étoient écrites ;
la Princesse du Tirol n'avoit point fait
part de la sienne au Roy son époux , et
vouloit se reserver le plaisir de le surprendre. Cela ne tarda guére d'arriver , et ce
fut justement un nouveau piége que la
fortune tendit au jaloux Rodrigue , pour
le faire retomber dans cette espece de
frénesie qui l'avoit déja rendu si coupable
aux yeux de Delmire. Cette capricieuse
Déesse avoit arrêté qu'il le deviendroit
trois fois presque dans le cours d'une
même journée.
L'incertitude où Delmire l'avoit laissé
ne lui permit pas de joüir du repos oùla
nuit invite toute la nature ; son insomnie
causée par le trouble dont il étoit agité ,
l'obligea à se lever quelques heures après
qu'il se fut couché; et conduit par son
amour, ou par son mauvais génie, il porta
ses pas vers cette fatale Galerie, où sa derniere Scene, avec Delmire etle Roy d'Arragon s'étoit passée; c'étoit- là que la fortune lui en gardoit une derniere plus funeste encore.
A peine y avoit - il resté quelques momens au milieu des tenebres , occupé de
sa derniere aventure , qu'il fut tiré de sa
profon-
AOUST. 1732 1689
profonde réverie , par un éclat de rire qui
partoit de la Chambre de Delmire. Cette
joïe qui regnoit chez son Amante , tandis
qu'il étoit accablé de douleur , ne lui fit
que trop entendre qu'on ne l'aimoit pas
assez pour partager ses chagrins ; il s'approcha pour mieux distinguer les voix ,
mais elles furent interrompues par de
nouveaux éclats de rire , qui acheverent
de le picquer. » Que vous êtes heureuse ,
» dit-il tout bas , insensible Delmire , de
» pouvoir passer si subitement de la dou-
» leur au plaisir ? A cette douloureuse réfléxion il succeda un désir curieux ; l'ap
partement de Delmire étoit éclairé , D.Rodrigue voulut voir à travers la Serrure ce
qui se passoit chez son Amante , qui pût
donner lieu à cette joye immodérée. Quel
spectacle pour un Jaloux ! Il vit sa Prin
cesse entre les bras d'un jeune Cavalier ;
quel nouveau trouble s'empara de son
cœur à cette fatale vûë! La raison fit la
place à la fureur ; aucun respect ne le retint plus ; il frappa à la porte , et ordonna qu'on l'ouvrit , d'un ton de maître irrité.
Delmire ne douta point que ce ne fut-là
un nouvel accès de jalousie ; et prenant
son parti sur le champ , elle pria le Cavalier de se cacher pour quelques momens ,
ct
1690 MERCURE DE FRANCE
et fit ouvrir la porte au furieux Don Ro
drigue.
A peine fut-il entré , qu'il porta ses
yeux égarez de toutes parts , et ne trouvant plus l'objet de sa rage , il l'a déchargea toute entiere sur Delmire, qu'il
accabla des injures les plus sanglantes. La
Princesse garda un long silence , pour
voir jusqu'à quel excès pouvoit se répandre la fureur d'un Amant jaloux. Ce silence parut si injurieux à D. Rodrigue
que sa rage en prit de nouvelles forces ;
les reproches devenoient toujours plus
outrageans. » C'en est assez , lui dit Del-
»mire , avec une modération qui l'irrita
» encore davantage j'ai voulu voir de
» quels traits la jalousie pourroit peindre
»aux yeux d'un Amant, l'objet de sa ten-
» dresse ; la vôtre a répandu son plus noir
»poison sur la malheureuse Delmire. Je
» ne suis que trop payée de ma curiosité ;
je ne suis plus digne de votre amour ,
puisque j'ai perdu votre estime ; et deshonorée dans votre esprit , je ne dois
plus me flatter de regner sur votre >>> cœur.
» Moy , répondit l'impétueux Rodri
gue , je pourrois encore vous aimer ,
après ce que je viens de voir ! Oseriez-
» vous encore démentir mes yeux ? Non,
VOS
AOUST. 1732. 1691
>>
vos yeux ne vous ont point trompé ?
» lui répondit Delmire toujours plus
»tranquille en apparence ; quand ils vous
Dont montré Delmire entre les bras d'un
Cavalier ; mais ils vous ont justement
» puni de venir épier ce qui se passe chez
selle , et vous ne sçauriez vous disculper
» d'une défiance incompatible avec l'es-
» time que vous devez avoir pour une »Princesse destinée à votre lit. Ne m'in-
»terrompez pas , continua t- elle , voyant
» qu'il alloit ouvrir la bouche pour l'accabler de nouvelles injures; j'avoue que
»jamais soupçon ne fut mieux fondé que
>> le vôtre ; mais vous vous seriez épargné
»le supplice de me croire infidelle , si
» vous vous en étiez reposé sur ma vertu
»et sur ma gloire . Vous voyez que je ne
cherche point à vous nier le crime dont
vous m'accusez et dont vos propres
» yeux vous ont convaincu , mais voicy
ce que ma gloire exige de vous. L'offense est assez grande pour mériter ce
sacrifice ; j'exige donc de vous que vous
,, ne m'abbaissiez pas jusqu'à me justifier,
toute coupable que vous me croyez ; je
ne puis vous pardonner qu'à ce prix ;
c'est à vous à prendre une derniere résolution. Ma résolution est prise, lui répondit D. Rodrigue , je ne respire que
>>
>>
22
>>
>>
>>
» ven-
1692 MERCURE DE FRANCE
vengeance; je veux laver dans le sang
» d'un Rival l'outrage que vous m'avez
fait ; si l'amour ne retenoit mon bras ,
»mes coups iroient jusqu'à vous ; mais je
»le surmonterai cet indigne amour ; il ne
»sçauroit subsister sans l'estime dans un
» cœur tel que le mien ; il fera place à
» l'indifference; et peut- être au mépris, in-
»terrompit Delmire ; eh!n'a- t- il pas com-
»mencé par là? Tout soupçon jaloux qui
» Alétrit la gloire de ce qu'on aime, suppose
» un mépris éclatant. Mais il est temps de
finir une conversation qui ne sert qu'à
»vous aigrir davantage et à vous rendre
plus coupable ; j'ai voulu vous donner
» les moïens d'obtenir votre pardon ;
» vous n'avez pas voulu le meriter aux
» conditions que je vous ai imposées ; il
❤ne me reste plus qu'à me justifier et à
» vous punir ; s'il est vrai , comme vous
» venez de m'en assurer, que l'amour sub-
» siste encore dans votre cœur. Vous jus-
» tifier , s'écria D. Rodrigue , et par quel
» charme , par quel enchantement , par
» quel prestige le pourriez- vous? Plut au
" ciel , lui dit Delmire , avec un soupir
>> douloureux , qu'il vous fut aussi facile
» de cesser d'être jaloux , qu'à moi de
>> cesser d'être coupable à vos yeux ! Je ne
כן
» dis
AOUST. 1732. -1693
» dis plus qu'un mot ; si vous pouvez
>> vous résoudre à me croire innocente
sur ma seule parole ; je vous accepte
» pour époux , sans vous mettre à de nou-
»velles épreuves , mais si vous exigez que
»je me justifie , je renonce à vous pour
» jamais je n'ai plus rien à dire , c'est à
» vous de choisir,
Le ton absolu dont la Princeffe prononça ces dernieres paroles , commença
à donner quelque émotion à D. Rodrigue; mais ce qu'il avoit vû, le tenoit dans
une si parfaite sécurité , qu'il ne balança
plus à suivre le parti qu'il avoit déja pris ,
et qu'il croyoit le seul à prendre : » Oui ,
lui dit-il , je consens à vous perdre pour
»jamais , si vous prouvez votre innocen-
»ce ; elle m'est assez précieuse pour l'achepter aux dépens de ce qui devoit
»faire tout le bonheur de ma vie.
n
>> C'est assez , dit la Princesse , qu'on
aille éveiller le Roy mon Frere ? Quoi !
» lui dit le Roy de Valence , vous voulez
»le rendre témoin de votre honte ; dites
plutôt de votre injustice , répondit Del-
>> mire; j'ai besoin de sa présence , pour
n réprimer vos premiers transports , à la
» vûë de l'objet de votre jalousie.
Cette fermeté , qui est plutôt compagne de l'innocence que du crime , étonnale
1694 MERCURE DE FRANCE
le Prince jaloux ; il craignit de se voir confondu pour la troisiéme fois , quoique
tout l'assurât du contraire; il étoit même
prêt à se retracter ; mais l'arrivée de D.
Pedro ne lui en donna pas le temps , et
l'approche de son Rival acheva de l'affermir dans ses injustes soupçons. » Pardon-
» nez-moy, Seigneur, dit Delmire au Roy
»son Frere , si je trouble votre repos ,
» pour quelques momens , mais il s'agit
» d'assurer le mien pour toute ma vie.
» Jettez les yeux sur ce Cavalier , et déclarez son sort au plus jaloux de tous رو
les Amans. Cet éclaircissement n'a pas
»besoin de ma présence : Elle se retira en
» proférant ces dernieres paroles , avec
»une émotion qui acheva de faire trem-
» bler D. Rodrigue.
D. Pedro ne sçavoit que penser de la
prompte retraite de sa soeur ; il en chercha la cause dans les traits du Cavalier
mais quel fut son étonnement quand il
le reconnut pour sa chere Bélize , Duchesse de Tirol; il ne l'eût pas plutôt
nommée , que D. Rodrigue fit un grand
cri : Qu'ai-je fait , dit-il ? je suis le plus
malheureux et le plus criminel de tous les
hommes.
Le Roy d'Arragon comprit bien par
cette exclamation , que c'étoit quelque
nouvel effet de jalousie qui venoit brouil- ler
A OUST. 17320 1695
ler l'Amantavec l'Amantes mais comme il
ignoroit les conditions imposées et acceptées d'une et d'autre part , il crut que le
racommodement ne seroit pas difficile à
faire entre deux personnes dont il connoissoit l'amour réciproque. Il rassura
D Rodrigue sur les suites de ce nouvel
incident , et l'ayant prié d'aller se reposer, il entra chez Delmire avec sa charmante Epouse; qui sans doute n'eût pas
tant de peine à justifier son travestissement , que Rodrigue en trouvoit à révoquer l'Arrêt fatal auquel il avoit souscrit lui - même.
Il ne fut pas plutôt seul , qu'il se rappella tout ce que sa situation avoit de plus
funeste ; les injures atroces ou plutôt les
blasphêmes qu'il avoit vomis contre un
objet adorable; la bonté avec laquelle Delmíre avoit daigné les lui pardonner à des
conditions qu'elle n'exigeoit que pour sa
gloire , et sur tout la peine à laquelle il
s'étoit soumis lui même , si elle justifioit
son innocence; tout cela se présentant en
foule à sa mémoire , le mit dans un dé
sespoir le plus affreux qu'on puisse s'imaginer. » Quoi ? dit- il , j'ai été capable de
>> renoncer à Delmire ! fatale jalousie , à
» quel excès d'aveuglément m'as- tu por-
»té. C'en est trop , abandonnons une vie
que
1696 MERCURE DE FRANCE
»que la seule possession de ma Princesse
pouvoit me rendre agréable; il est temps
» qu'un sang criminel expie l'injure que
» j'ai faite à la vertu et à l'innocence mê-
» me. A ces mots, il alloit se percer d'un
coup mortel,si une main secourable n'eût
retenu le coup , prêt à tomber. » Qui
» m'empêche de venger Delmire outragée s'écria-t- il. C'est Delmire même ,
lui répondit cette Princesse , qui , ayant craint les suites de l'accablement où elle
l'avoit laissé , étoit sortie de son appartement pour les prévenir.
1
Elle s'étoit fait suivre par Téodore et
par Délie, prévoïant bien le besoin qu'elle pourroit avoir de leur secours contre
un désesperé : On a déja remarqué que
cette premiere étoit aussi favorable à D.
Rodrigue , que la derniere lui étoit contraire. Téodore frémit en voyant ce malheureux Prince prêt à se donner la mort ;
l'interêt qu'elle prenoit dans son Hymen et dans ses jours avoit un motif secret , dont on sera instruit à la fin de cette
histoire , que nous allons abreger autant
qu'il nous sera possible.
Delmire n'oublia rien pour remettre
l'esprit de son Amant dans une assiette
plus tranquille ; larmes, soupirs , sermens
de lui pardonner , assurance de le rendre
вен-
AOUST. 1732 1697
heureux , tout fut employé , mais inutilement. D. Rodrigue se crut indigne de la
grace qu'elle lui promettoit , et persista
dans le dessein de mourir. » Eh bien !
» jurez - moi du moins , lui dit-elle , que
» vous ne me rendrez pas témoin de vo-
>> tre morts et pour gage de votre ser-
>> ment , rendez- moi cette épée , dont la
>> seule vûë me fait frémir : la voilà , lui
» répondit D. Rodrigue. A peine l'eût- il
remise entre ses mains , qu'elle lui dit :
Vous pouvez exécuter le cruel dessein
dont tout mon amour ne peut vous distraire ; mais je vous jure , que je me percerai moi-même de ce fer que vous venez
de me donner , si vous ne respectez des
jours ausquels les miens sont attachez.
Quoi ? s'écria l'amoureux Rodrigue , c'est
moi qui ai fait le crime , et c'est vous que
vous voulez punir.
par
Cette Scene , où l'amour commençoit
à prendre le dessus , fut terminée l'amour même ; Rodrigue imposa des loix
à son tour , et ne promit de vivre à la
tendre Delmire qu'à condition qu'elle consentiroit à lui donner la main avant
que de se séparer de lui.
Votre pitié , lui dit - il , a plus de part
que votre amour , à la promesse que vous
me faites , d'oublier mon crime ; vous
B cherchez
1698 MERCURE DE FRANCE
cherchez du moins à prolonger mesjours
de quelques heures , mais je n'en puis
souffrir la durée, dans la crainte où je suis
de vous perdre pour jamais , je ne balance
plus voilà mon partage ; la mort ou
Delmire
La Princesse s'opposa long-temps à cette
résolution ; mais l'amoureux Prince n'en
voulant point démordre, Théodore et Dé
lie même y déterminerent Delmire ; la foy
mutuelle fût jurée en leur présence ; Delmire fut reconduite dans son appartement
par son Epoux. Nous allons voir en peu
de mots les suites fâcheuses que pensa
avoir cet Hymen clandestin .
A peine le jour commença à luire qu'on
wint annoncer à Delmire qu'un Cavalier
que ses rides rendoient respectable , lui
demandoit une audience secrete. Delmire
fit sortir tout le monde de son cabinet
et ordonna qu'on fit entrer l'inconnu . A
peine l'eût elle apperçû , qu'elle le reconnut pour un des plus affectionnez serviteurs de feu son pere. Que j'ai de plaisir,
d'Alvar, lui dit elle , de vous revoir après
une absence de 5 ou 6 années » Je serois
» encore dans les Prisons de Portugal , lui
dit- il si la nouvelle de votre prochain
Mariage ne m'avoit porté à mettre tout
> en
1
AOUST. 1732. 1896
» en usage pour recouvrer la liberté , je
»rends graces au ciel , poursuivit il , de
» m'avoir fait arriver assez à temps pour
>> le rompre.
» Rompre monHymen avec D. Rodri-
» gue , que dites- vous , D. Alvar ? Son-
» gez vous bien qu'il doit faire la félicité
» de deux Peuples ; dites plutôt, Madame,
» lui répondit-il , qu'il attireroit sur eux
» la malédiction du ciel ; mais c'est trop
» vous laisser en suspens , Madame , ap-
» prenez que D. Rodrigue est votre Fre-
»re Mon Frere , lui répondit Delmire
» en frémissant ! Qu'osez vous avancer ?
Ce que je ne suis que trop en état de
vous prouver, répondit D. Alvar ; achevez de me donner la mort , lui dit la
riste Delmire , par le récit d'une si fu-
» neste histoire.
D. Alvar n'attribuant la douleur de la
Princesse qu'à l'amour extrême qu'elle
avoit pour D. Rodrigue , l'éclaircit par
ces mots.
" Vous n'ignorez pas , Madame , l'étroi-
» te liaison qui avoit toujours uni D. Alphonse , Roy d'Arragon , et D. Fernand , Roy de Val nce ; ce dernier ce
trouvant sans enfans , dans un âge où
» il n'esperoir plus d'en avoir, eût recours
» à son ami ; la Reine , votre mere, étoit
Bij » déja
1700 MERCURE DE FRANCE
»déja accouchée de D. Pedro, et se trou-
"voit enceinte , pour la seconde fois ; D.
»Fernand pria D. Alphonse de vouloir
>>bien lui donner l'enfant qu'elle mettroit
»au monde , supposé que ce fut unPrin-
»ce. Quand D. Alphonse n'y auroit pas
»trouvé ses avantages , l'amitié qu'il por-
>>toit à D. Fernand , auroit obtenu de lui
» ce qu'on lui demandoit; on fit courir le
» bruit que la Reine de Valence étoit
»grosse, et la Reine d'Arragon ayant mis
>>au monde un enfant mâle , on fit entendre qu'il étoit mort en naissant, et il
>> fut donné à D. Fernand , qui l'appella
»D. Rodrigue. C'est le même que vous
>>alliez épouser; le ciel n'a pas voulu lais
» ser consommer un inceste si abomina-
»ble ; c'est à vous , Madame , à prendre
les mesures les plus convenables , dans
» une conjoncture si délicate.
>>
J'y penserai , lui dit Delmire , en levant au ciel des yeux remplis de larmes .
Aces mots elle congédia D. Alvar , et lui
promit de lui envoyer sa réponse la nuit
prochaine.
Elle fit dire qu'elle étoit indisposée , et
deffendit qu'on laissât entrer qui que ce
fut dans son appartement , jusqu'à nouvel ordre.
Le Roy de Valence fut surpris que cet
ordre
A O UST. 1732. 1701
ordre fut pour lui , après le don qu'elle
lui avoir fait de sa foy ; cependant son
respect l'empêcha de s'en plaindre. Tout
le jour se passa, sans que l'ordre fut révoqué ; ce qui redoubla l'inquiétude de l'amoureux Rodrigue.
La nuit étant venue , ce Prince impa
tient s'approcha de l'appartement de Delmire. Quelle fut sa surprise lorsqu'il en
vit sortir Florent , à qui Délie recomman
da de faire diligence pour remettre un
Billet entre les mains de D. Alvar ! il
craignit que le Roy d'Arragon ne s'opposât à son bonheur , et n'envoyât quelques ordres secrets à ce fidele Sujet. La
crainte qu'on ne lui enlevât sa chere Delmire , le porta à intercepter ce Billet ;
Florent intimidé par ses menaces ,
livra et retourna à l'Appartement de la
Princesse pour l'informer du mauvais succès de son Ambassade. De quelle horreur
ne fut pas saisi D. Rodrigue à la lecture
du Billet intercepté , on en va juger par
ce qu'il contenoit.
Delmire à D. Alvar.
le lui
Faites préparer le plus promptement que
vous pourrez une Barque qui m'éloigne de
ce funeste Rivage , je n'en puis plus soutenir la vie après le crime qui vient de s'y
com-
1702 MERCURE DE FRANCE
commettre ; je frissonne à l'aveu que je vous
en fais ; mon frere est entré dans mon lit.
Ne refusez pas votre secours à la plus malheureuse Princesse qui fût jamais.
D. Rodrigue fut d'abord si frappé qu'il
en perdit l'usage de ses sens ; mais après
quelques momens de reflexion , le crine lui parut si noir qu'il ne put le croire,
quoiqu'il fût tracé de la main même de
Delmire: » Non , dit- il , vertueuse Prin-
»cesse , je vous connois trop bien pour » vous croire si coupable ; vous voulez ,
»sans doute , éprouver si je serai encore
capable de me livrer à cette funeste
» passion qui faisoit mon malheur et le
» vôtre , mais elle ne seroit plus pardon-
>> nable ; vous étiez maîtresse de votre
» cœur quand je craignois votre infide-
» lité ; mais vous êtes mon Epouse , je ne
> crains plus rien , votre vertu me ré-
»pond de votre foi.
Après cette reflexion , qui remit le
calme dans son ame, il courut à l'Appartement de Delmire. Cette Princesse
instruite par Florent de . ce qui s'étoit
passé , avoit ordonné qu'on le laissât entrer; les remords dont elle étoit déchirée,
la rendirent d'abord interdite et muette ;
mais voyant D. Rodrigue se jetter à ses
pieds dans la posture du plus passionné
de
A O UST. 1732 1703
de tous les Amans : » Eloignez-vous , lui
» dit- elle , vous me faites frémir ; cessez
de me présenter un Epoux qui doit
» m'être odieux , depuis que j'ai appris
» qu'il est mon frere. Moi , votre frere ,
» s'écria D. Rodrigue ! Eh n'avez- vous
» pas lû ce funeste secret , lui répondit
»Delmire , dans le Billet que vous avez
>arraché à Florent.
La connoissance d'un malheur que ce
Prince n'avoit pris que pour une feinte ,
le mit dans un desespoir qui donna tout
à craindre à Delmire ; elle ne l'avoit ja
mais trouvé si digne d'être aimé ; ce n'étoit plus cet Amant jaloux , qui ne lui
prouvoit l'excès de son amour que par
les plus sanglans outrages , c'étoit un
Epoux fidele et passionné , qui n'étoit
sensible qu'au malheur d'être séparé pour
jamais du seul bien qui pouvoit faire sa
felicité.
Il est temps de tirer ces Amans infortunez d'une peine si cruelle ; D. Rodri
gue manda D. Alvar , pour être mieux
éclairci de son malheur. Il fit prier en
même- temps le Roy d'Arragon de venir
à l'Appartement de sa sœur , afin que
la présence du Souverain , imposant au
Sujet , l'empêchât de soutenir une imposture. D. Alvar confirma tout ce qu'il
B iij avoit
1704 MERCURE DE FRANCE
avoit dit à Delmire ; et pour ne laisser
aucun doute sur ce qu'il venoit de raconter , il voulut l'appuyer du témoignage de Théodore , qui avoit prêté son
ministere à la supposition d'enfant dont
il étoit question. Théodore ! s'écria Delmire; ô Monstre que les Enfers ont vomi
»pour le malheur de ma vie ; elle sça-
»voit que j'étois sœur de D. Rodrigue
»et c'est elle- même qui m'a déterminée
» à le recevoir pour Epoux.
20
Théodore arriva bientôt. » Oserez-
» vous nier , lui dit D. Alvar, que D. Rodrigue ne soit frere du Roy d'Arragon
et de la Princesse Delmire ? Je suis
prête à justifier le contraire , lui repon-
» dit Théodore. Ces mots et la fermeté
avec laquelle ils furent prononcez , em-
» pêcherent D. Rodrigue de l'accabler de
reproches , dont il se seroit repenti.
Finissons. Théodore convint de tout
ce que D. Alvar avoit revelé ; mais elle
déclara ce qui n'étoit pas venu à la connoissance de ce sage Vieillard. Le fils
supposé que D. Alphonse avoit donné à
D. Pedro étant mort , D. Pedro en substitua un autre en sa place sous le nom
de Rodrigue ; il avoit eu ce dernier de
Théodore , qui pour garantir la verité
de ce qu'elle avançoit , produisit un Acte
revêty
A OUS T. 1732. 1705
revêtu de toutes les formalitez et signé
de la main de D. Alphonse même. Par
cet Acte D.Pedro reconnoissoit Théodore
pour son Epouse et le fruit de lent hymen pour le legitime heritier de la Couronne de Valence. Ce dernier éclaircissement remit le calme dans tous les
cœurs ; et le double Mariage fut celebré
dès le lendemain , à la vûë des deux Peuples dont il devoit faire le bonheur.
Fermer
Résumé : SUITE de l'Histoire DU PRINCE JALOUX.
Le texte relate les péripéties de Rodrigue et Delmire, marquées par la jalousie et les malentendus. Rodrigue, tourmenté par la jalousie, se rend auprès de Delmire après avoir trouvé une lettre équivoque. Delmire, accablée de douleur, accuse Rodrigue de l'avoir soupçonnée injustement. Rodrigue, conscient de son erreur, implore son pardon. Delmire, bien que blessée, accepte de lui pardonner, mais exprime ses craintes quant à la récurrence de sa jalousie. Rodrigue promet de changer, mais sa promesse est rapidement mise à l'épreuve. Don Pedro, frère de Delmire, se déguise pour vérifier la fidélité de Delmire et de Rodrigue. Rodrigue, informé par Octave, un confident, surprend Don Pedro dans l'appartement de Delmire. Dans un accès de jalousie, Rodrigue s'apprête à tuer Don Pedro, mais Delmire s'interpose. Don Pedro révèle alors son identité et explique son déguisement. Rodrigue, repentant, demande pardon. Don Pedro, touché par la sincérité de Rodrigue, accepte de pardonner et décide d'accélérer l'union entre Rodrigue et Delmire. Plus tard, la Duchesse du Tirol, amie de Delmire, arrive et écrit une lettre à Delmire, qui est interceptée par Rodrigue. Cette lettre, mal interprétée, ravive la jalousie de Rodrigue, le plongeant à nouveau dans le doute et la suspicion. Rodrigue, agité par un trouble, se rend dans la galerie où il avait vécu une scène précédente avec Delmire et le roi d'Aragon. Il entend des rires provenant de la chambre de Delmire, ce qui le pousse à observer à travers la serrure. Il découvre Delmire dans les bras d'un jeune cavalier, ce qui le plonge dans une fureur jalouse. Il frappe à la porte et, après avoir été introduit, accuse Delmire d'infidélité. Delmire, gardant son calme, lui explique qu'il a mal interprété la scène et lui propose de choisir entre la croire sur parole ou la perdre à jamais. Rodrigue, aveuglé par sa jalousie, insiste pour qu'elle se justifie. Delmire appelle alors son frère, le roi, qui révèle que le cavalier est en réalité la duchesse de Tirol, Bélize, déguisée. Rodrigue, pris de désespoir, décide de se suicider, mais Delmire l'en empêche et lui jure de l'aimer malgré son comportement. Ils finissent par se marier secrètement. Le lendemain, un serviteur de Delmire, Alvar, arrive et menace de révéler le mariage, espérant ainsi le rompre. Don Alvar informe la princesse Delmire que Don Rodrigue, qu'elle doit épouser, est en réalité son frère. Il explique que le roi Ferdinand de Valence, ami du roi Alphonse d'Aragon, avait demandé à Alphonse de lui donner l'enfant que la reine d'Aragon portait, car Ferdinand n'avait pas d'héritier. L'enfant, un garçon, fut présenté comme mort-né et donné à Ferdinand, qui le nomma Rodrigue. Delmire, horrifiée, décide de fuir mais est interceptée par Rodrigue, qui ne croit pas à sa culpabilité. Après des révélations supplémentaires, il s'avère que Théodore, une servante, avait substitué un autre enfant à celui de Pedro, fils de la reine d'Aragon. Théodore produit un acte confirmant ces faits. Finalement, le double mariage est célébré, apportant le bonheur aux deux peuples.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 1705-1708
EPITHALAME, De Madlle de la Briffe, fille de M. l'Intendant de Bourgogne, et de M. le Comte de Morges, Chevalier d'Honneur au Parlement de Dauphiné.
Début :
Pour ce beau jour, mon aimable Cousine, [...]
Mots clefs :
Hymen, De la Briffe, Amour, Époux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPITHALAME, De Madlle de la Briffe, fille de M. l'Intendant de Bourgogne, et de M. le Comte de Morges, Chevalier d'Honneur au Parlement de Dauphiné.
EPITH ALAME,
De Madle de la Briffe , fille de M. l'Intendant de Bourgogne , et de M. le Comte
de Morges, Chevalier d'Honneur au Parlement de Dauphiné.
PourOur ce beau jour , mon aimable Cousine ,
Il faut des Vers , vous l'avez souhaité ,
Et le bonheur charmant , où l'hymen vous d'estine,
Merite bien d'être chanté ,
Mais ce sujet voudroit être traité ,
Par une main plus galante et plus fine ;
Car enfin quand je m'examine ,
Je n'ai point cette humeur badine ,
Qu'on voit briller dans les écrits ,
B v De
1706 MERCURE DE FRANCE
De ceux que l'aimable Cyprine ,
Bien mieux que Phoebus endoctrine
Et telles gens auront toujours leur prix.
A m'excuser plus ne m'obstine ,
Je vois bien que c'est vainement ,
Votre ordre enfin me détermine ,
Puisqu'il vous faut des Vers , sur la double Ce line ,
Je vais en chercher promptement,
Je vois Hymen , vers vous il s'achemine ;
Qu'il a bon air de Mirthes couronné ?
Vive allegresse en ses doux yeux domine ,
Et son flambeau de rares fleurs orné ,
Répand au loin une clarté divine ;
De cet Augure aisément je devine ,
Qu'aurez toujours parfait contentement ;
Amour le suit , la pudeur enfantine
Fait de son front le naïf ornement :
Mais que dit-il ? Car tout bas il rumine ,
C'est contre Hymen, au moins je l'imagine ,
Ces deux rivaux d'accord ne sont jamais ;
De lui ceder si gente Chérubine,
Il est dolent , voudroit que tels attraits.
Du Dieu goulu ne fussent la rapine ,
Desireroit en faire tous les frais.
Gentil
AOUST. 1732 1707
Gentil Amour , n'ayez l'ame chagrine ,
Rassurez-vous , hymen , avec vos traits ,
Prétend blesser la charmante Dorine ,
Et dans vos mains il met ses interêts ,
Amis , enfin soyez donc desormais ,
Et chassez loin toute haine intestine.
L'accord se fait , sous galante Courtine ,
Jà ces deux Dieux brillent de vous tenir ;
Or de ceci ne perdez souvenir,
Gardez-vous bien de faire la mutine ,
Quand ils voudront se servir de leurs droits
Depuis long temps on ne fait plus la mine ,
Qu'en pareil cas on faisoit autrefois ,
( D'où pouvez voir que sur tout on rafine. )
Ne la ferez , je crois ; de votre Epoux ,
L'air engageant , l'amour qu'il a pour vous,
M'en sont garants ; de tant bonne doctrine ,
Docilement profiter aimerez ,
Et plus que lui bien-tôt vous en sçaurezg
Car ce n'est rien enfin qu'une routine.
Que de plaisirs je lui vois préparez !
Il trouve en vous un maintien d'Héroïne ,
Esprit charmant , air doux et plein d'attraits
Pour tel Epoux , avec raison j'opine,
Que la nature aussi vous fit exprès ,
De m'y tromper bien-fort m'étonnerois ,
De licu trop bon , tirez votre origine.
B vi Que
1708 MERCURE DE FRANCE
Que de vertus vos illustres ayeux ,
N'ont-ils pas fait éclater en tous lieux !
De l'injustice ils furent la ruine ,
Pour en juger , n'en croions que nos yeux?
D'aimable Mere aussi la discipline,
Sçait vous former et les mœurs et l'esprit ;
Dans votre cœur vertus ont pris racine ,
De son exemple en vous on voit le fruit.
Pas ne me sens assez bonne poitrine ,
Pour dignement pouvoir chanter leur los
Quand même aurois l'éloquence de Pline ;
Or de m'en taire , il est plus à propos.
Qu'hymen pour vous , soit bonne Médecine
Jeune beauté , goutez un sort heureux.
Puissiez avoir rose , sans nulle épine ,
Puissiez enfin avant un an ou deux ,
Avoir besoin du secours de Lucine.
Mais ja l'hymen vous prenant par la main
Au benoit lit , veut vous mener soudain ;
Adieu vous dis , gentille pellerine ,
Vous m'en direz des nouvelles demain.
Par M. DE RUFFIX.
De Madle de la Briffe , fille de M. l'Intendant de Bourgogne , et de M. le Comte
de Morges, Chevalier d'Honneur au Parlement de Dauphiné.
PourOur ce beau jour , mon aimable Cousine ,
Il faut des Vers , vous l'avez souhaité ,
Et le bonheur charmant , où l'hymen vous d'estine,
Merite bien d'être chanté ,
Mais ce sujet voudroit être traité ,
Par une main plus galante et plus fine ;
Car enfin quand je m'examine ,
Je n'ai point cette humeur badine ,
Qu'on voit briller dans les écrits ,
B v De
1706 MERCURE DE FRANCE
De ceux que l'aimable Cyprine ,
Bien mieux que Phoebus endoctrine
Et telles gens auront toujours leur prix.
A m'excuser plus ne m'obstine ,
Je vois bien que c'est vainement ,
Votre ordre enfin me détermine ,
Puisqu'il vous faut des Vers , sur la double Ce line ,
Je vais en chercher promptement,
Je vois Hymen , vers vous il s'achemine ;
Qu'il a bon air de Mirthes couronné ?
Vive allegresse en ses doux yeux domine ,
Et son flambeau de rares fleurs orné ,
Répand au loin une clarté divine ;
De cet Augure aisément je devine ,
Qu'aurez toujours parfait contentement ;
Amour le suit , la pudeur enfantine
Fait de son front le naïf ornement :
Mais que dit-il ? Car tout bas il rumine ,
C'est contre Hymen, au moins je l'imagine ,
Ces deux rivaux d'accord ne sont jamais ;
De lui ceder si gente Chérubine,
Il est dolent , voudroit que tels attraits.
Du Dieu goulu ne fussent la rapine ,
Desireroit en faire tous les frais.
Gentil
AOUST. 1732 1707
Gentil Amour , n'ayez l'ame chagrine ,
Rassurez-vous , hymen , avec vos traits ,
Prétend blesser la charmante Dorine ,
Et dans vos mains il met ses interêts ,
Amis , enfin soyez donc desormais ,
Et chassez loin toute haine intestine.
L'accord se fait , sous galante Courtine ,
Jà ces deux Dieux brillent de vous tenir ;
Or de ceci ne perdez souvenir,
Gardez-vous bien de faire la mutine ,
Quand ils voudront se servir de leurs droits
Depuis long temps on ne fait plus la mine ,
Qu'en pareil cas on faisoit autrefois ,
( D'où pouvez voir que sur tout on rafine. )
Ne la ferez , je crois ; de votre Epoux ,
L'air engageant , l'amour qu'il a pour vous,
M'en sont garants ; de tant bonne doctrine ,
Docilement profiter aimerez ,
Et plus que lui bien-tôt vous en sçaurezg
Car ce n'est rien enfin qu'une routine.
Que de plaisirs je lui vois préparez !
Il trouve en vous un maintien d'Héroïne ,
Esprit charmant , air doux et plein d'attraits
Pour tel Epoux , avec raison j'opine,
Que la nature aussi vous fit exprès ,
De m'y tromper bien-fort m'étonnerois ,
De licu trop bon , tirez votre origine.
B vi Que
1708 MERCURE DE FRANCE
Que de vertus vos illustres ayeux ,
N'ont-ils pas fait éclater en tous lieux !
De l'injustice ils furent la ruine ,
Pour en juger , n'en croions que nos yeux?
D'aimable Mere aussi la discipline,
Sçait vous former et les mœurs et l'esprit ;
Dans votre cœur vertus ont pris racine ,
De son exemple en vous on voit le fruit.
Pas ne me sens assez bonne poitrine ,
Pour dignement pouvoir chanter leur los
Quand même aurois l'éloquence de Pline ;
Or de m'en taire , il est plus à propos.
Qu'hymen pour vous , soit bonne Médecine
Jeune beauté , goutez un sort heureux.
Puissiez avoir rose , sans nulle épine ,
Puissiez enfin avant un an ou deux ,
Avoir besoin du secours de Lucine.
Mais ja l'hymen vous prenant par la main
Au benoit lit , veut vous mener soudain ;
Adieu vous dis , gentille pellerine ,
Vous m'en direz des nouvelles demain.
Par M. DE RUFFIX.
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Résumé : EPITHALAME, De Madlle de la Briffe, fille de M. l'Intendant de Bourgogne, et de M. le Comte de Morges, Chevalier d'Honneur au Parlement de Dauphiné.
Le poème célèbre le mariage de Madle de la Briffe, fille de l'Intendant de Bourgogne, avec le Comte de Morges, Chevalier d'Honneur au Parlement de Dauphiné. L'auteur exprime sa joie pour cette union et reconnaît la valeur du sujet, bien qu'il se considère moins habile pour les vers galants. Il décrit l'arrivée de l'Hymen, symbolisant le mariage, accompagné d'allégresse et de clarté divine, suivi par Amour et pudeur. Le poème évoque la rivalité entre Amour et Hymen, mais conclut à leur accord et à l'harmonie future du couple. L'auteur loue les qualités de la jeune femme, son maintien héroïque, son esprit charmant et ses attraits, soulignant l'influence positive de ses illustres ancêtres et de sa mère. Il souhaite à la jeune mariée un mariage heureux et fécond, espérant qu'elle aura bientôt besoin de l'aide de Lucine, la déesse des accouchements. Le poème se termine par des vœux de bonheur et l'attente des nouvelles du lendemain.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 1709-1734
DEFFENSE d'un Trait Historique de Lampride sur Ovinius Camillus, adressée à M. Bouhier, President au Parlement de Dijon.
Début :
Il a dû vous paroître, Monsieur, par ce que j'ai [...]
Mots clefs :
Trait historique, Lampride, Ovinius Camillus, Association, Histoire, Empereur, Alexandre, Médailles, Lois, Xiphilin
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texteReconnaissance textuelle : DEFFENSE d'un Trait Historique de Lampride sur Ovinius Camillus, adressée à M. Bouhier, President au Parlement de Dijon.
DEFFENS E d'un Trait Historique
de Lampride sur Ovinius Camillus ,
adressée à M. Bouhier , President an
Parlement de Dijon.
Ice
La dû vous paroître , Monsieur , par
ce que j'ai dit dans les Mercures de
May et d'Octobre 1731. pages 1052. et
2347. que je n'ai point prétendu que
l'explication que j'ai donnée du PRO
SALUTE DOMINORUM , de l'Inscription
trouvée proche notre Ville , fût la seule
et unique qu'on pût en donner. J'ai toûjours attendu qu'on détruisît solidement
ce que j'ai avancé sur la foi de M. de
Tillemont , dès le lendemain que cette
découverte fut faite , et avant que d'avoir eu le loisir de feüilleter les immenses
Recueils d'Inscriptions qui peuvent servir à mettre la verité dans un plus grand
jour. Un Curieux d'Orleans , qui ne se
fait connoître que sous ces deux Lettres
initiales D. P. a enfin trouvé au bout de
quelques mois après la publication de
ma Lettre , que l'on pouvoit entendre ce
DOMINORUM , d'autre que d'Alexandre
Severe et Ovinius , joints ensemble , etil
"
1710 MERCURE DE FRANCE.
il écrit non seulement qu'on le peut ,
mais qu'on le doits et qu'il est impossible
que cette domination ou cet Empire commun attribué à deux Princes convienne
à ces deux-là. Ce qu'il y a d'étonnant
dans son Ecrit imprimé dans le dernier
Mercure , est que pour faire tomber nécessairement les vœux contenus dans notre Inscription sur la prosperité d'Alexandre et de Mammée sa Mere , il persiste à vouloir qu'on regarde comme faux
tout ce que Lampride rapporte de l'association d'Ovinius à l'Empire. Il peut trouver en moi un Lecteur assez docile pour
embrasser l'explication qu'il donne du termeDominorum , comme étant plus aisée à
sauver; mais il ne s'ensuivra pas de- làqueje
doive croire qu'Ovinius est une chimere,
et que tout ce que Lampride en rapporte
est une fible. L'autorité de Lampride est
trop bien établie, pour qu'on puisse révoquer en doute un fait qu'il arevêtu detous
les motifs de credibilité qu'on peut exiger pour l'appui d'un évenement extraor
dinaire. En passant donc à M. P. que ce
fut pour la prosperité de Mammée et
d'Alexandre , que le Monument en question fut érigé , il n'en faut point conclure pour cela que l'association d'Ovinius soit une fiction de quelqueModerne,
A O UST. 1732. 1711
et une invention de quelque Manu- facture d'Ecrivains. Tout ce qu'il pour
ra inferer de ce que je lui accorde , est
que M. Tillemont n'a pas toûjours.
bien examiné les choses avant que de les
assurer, et que quelquefois on peut se
tromper lorsqu'on s'en rapporte trop vîte à son jugement. J'avoueray donc que cet
Historien , tout judicieux qu'il étoit , a
manqué de preuves suffisantes fixer pour l'association d'Ovinius à l'an 223. mais
j'ajoûte bien plus , qu'il ne s'est pas exprimé bien exactement lorsqu'il a dit qu'il
ya dans l'Histoire de cette Association des
circonstances qui paroissent tenir de la Fable. On entrevoit que ce grave Historien a
voulu insinuer seulement que cette association a eu quelques circonstances qui
tiennent du comique , ce que je ne nie
pass mais des circonstances , pour › pour être
comiquès , n'empêchent point le fond
de l'Evenement d'être très- réel. M. de
Tillemont l'a crû tel , puisqu'il a
ployé un article entier de ses Notes pour
en fixer l'époque, Alexandre s'est comporté comme il a dû faire dans la conjoncture où il se trouvoit ; et c'est un
des traits de politique les mieux jouez ,
que celui qui est rapporté par Lampride.
Comme M. P. d'Orleans traite de fable
emtout
1712 MERCURE DE FRANCE
*
tout le récit de Lampride , le point de
difficulté qui nous sépare ne consiste plus
que dans la verification de ce récit que
je soutiens sincere et non controuvé ni
fabriqué à plaisir. Il ne sera plus fait
mention entre nous de l'Inscription d'Auxerre ; mais seulement de cette question
de fait que l'Inscription a occasionnée.
Quelles que soient les louanges qu'il me
donne dans ses deux Ecrits , je ne m'en
laisse point éblouir , et je fais gloire d'être mis au rang des Lecteurs les plus crédules et que la lecture de Lampride ne révolte point , lorsque je m'y trouve dans la compagnie d'une personne aussi profondément versée dans ces matieres que
vous l'êtes. Vous avez eu la bonté de me
faire part de ce que vous opposeriez à
M. P. si c'étoit à vous qu'il eût affaire :
vous allez juger , Monsieur , si j'en ai
fait usage suivant vos intentions , et si
ce que j'ai découvert depuis par une lecture attentive de Lampride , et que j'ai
joint à vos Observations , n'est pas suffisant pour convaincre quiconque n'éxigera point des preuves métaphisiques ou
d'un genre superieur.
Les preuves exterieures de l'Association
d'Ovinius à l'Empire par Alexandre ,
consistent à assurer l'autorité de Lampride
A O UST. 1732. 1713
pride qui le rapporte. Il est inutile de
repeter ce que j'en ai dit dans le Mercure d'Octobre , page 2337. On y voit
les précautions que cet Historien à prises
pour constater la chose ; et vouloir en
douter c'est comme si l'on soutenoit que
tout ce que les Historiens d'aujourd'hui
rapportent de la vie du Roy Henry IV.
sur la foi des Memoires de ses Courti
sans ou de ses Generaux d'Armées , n'est
pas assez appuyé pour être crû , et qu'il
faut qu'ils produisent ces Memoires tels
qu'ils ont été rédigez dans le Cabinet ou
sous les Tentes. Comme nous nous contentons des Extraits qu'on nous donne
aujourd'hui de ces Memoires , de même
dans le siecle de Constantin , on n'exigea
point de Lampride , qu'il joignit à sa vie
d'Alexandre les Memoires qu'en avoient
redigé séparément Septimius , Encolpius,
Acolius , &c. on se contenta des Extraits
qu'il en fit et qu'il ajusta à son style ,
qui est fort simple et fort coupé. Son
dessein étant d'exposer à Constantin
quel fut le caractere des Princes plutôt
que d'entreprendre une Histoire suivie ,
il ne faut pas être surpris qu'il ne tire
des amples Memoires qu'il avoit , qu'un
simple Sommaire qui présente plutôt l'état des mœurs , les maximes et la conduite
1714 MERCURE DE FRANCE
duite de ce Prince , qu'un détail circons→
tancié de ses campagnes C'est l'idée qu'il
faut se faire de Limpride , comme de
quelques autres qui ont compilé les
actions de certains Empereurs , à dessein de donner une idée de Fur caractere On voit par son narré qu'il avoit
sous les yeux les cinq ou six A teurs qui
avoient écrit uniquement sur Alexandre,
et même qu'il tiroir d'Herodien ce qu'il
jugeoit à propos , le refutant lorsqu'il
étoit necessaire. Il n'est point étonnant
après cela que cet Auteur et ses semblables ayent quelques deffiuts ; mais ces
deffauts ne sont pas essentiels. Les Ecrivains de cette espece pechent ordinaire- ment par le manque d'ordre et de méthode. Ils tombent dans des redites ;
mais avec tout cela ils n'écrivent rien de
faux ; ils promettent de s'étendre sur certaines choses , et ils l'oublient ensuite ,
ou ne les font qu'effleurer. Lampride est
précisement dans ce cas-là , au jugement
de Vopisque , dans la vie de l'Empereur
Probus. Il y paroît dans le rang
qui ont transmis l'Histoire à la posterité
non tam disertè quam verè. Laissant l'élegance et l'emphase , il a écrit avec simplicité , mais avec verité. Il ne rapporte
point non- plus les faits par ordre chrode ceux
nologi-
A OUST 1732. 1715
nologique , mais suivant qu'ils se sont
présentez à sa plume , en traçant les traits.
qui caract risent l'Empereur Alexandre.
On ne l'accuse point comme Herodien ,
d'avoir composé les Harangues qu'il met
dans la bouche des Empereurs , ni les
Lettres qu'il leur fait éc ire ; il rapporte
le peu de paroles que le Prince a prononcées ; et s'il ne les rapporte pas diserè ,
du moins on doit dire qu'il les rapporte
verè. Il n'est pas éloquent ; mais il est
fidele. C'est de l'une de ces courtes Harangues que j'espere, Monsieur , tirer cydessous la preuve du temps auquel a été
faite l'Association d'Ovinius.
L'autorité de Lampride étant suffisamment à couvert , malgré le décri dans lequel l'Ecrivain d'Orléans voudroit la mettre , il faut maintenant faire voir que
l'Histoire de l'Association d'Ovinius n'a
rien d'incroyable en elle même , et qu'au
contraire elle est revêtuë de circonstances
qui s'accordent très- fort avec la situation
où Alexandre se trouva. Loin qu'Alexan
dre Sevére fut un Prince puissant , etque
tout fut paisible de son temps , au point
que se le figure M. P. il n'y a gueres eu
d'Empereur plus traversé par ses propres
Sujets , et qui ait essuyé plus de soulévemens. Il est certain que ce jeune Prince
avoit
1716 MERCURE DE FRANCE
avoit par lui- même un bon caractere et
d'excellentes inclinations, qui le portoient
aux grandes choses. Mais sa mere l'avoit
élevé dans une dépendance servile , à laquelle il n'eut pas la force de se soustraire. Ainsi on peut dire que c'étoit elle qui
gouvernoit sous le nom de son fils. Fecit
cuncta cum matre , ut et illa videretur pariter imperare , dit Lampride ; et plus bas :
Egit omnia ex consilio matris. C'est pour
cela que l'Empereur Julien en ses Césars,
lui fait ce reproche amer : Pauvre sot , qui
maître de l'Empire , n'a pas eu l'esprit de
gouverner tes propres Sujets , mais a remis
tes trésors entre les mains de ta mere ! Un des
traits les plus marquez de cette dépendance de sa mere , fut la foiblesse avec laquelle il souffrit l'indigne procédé qu'elle
garda envers sa femme et son beau pere.
Si ce Prince eut été si puissant que le dit
M. P. auroit-on vû arriver sous ses yeux
le meurtre d'Ulpien son favori, et Prefet
du Prétoire , par les Soldats de la Garde
Prétorienne , sans qu'il osât s'élever alors
contre cet attentat ? Loin de punir aussitôt le principal auteur , il lui donne la
Préfecture d'Egypte , en attendant qu'il se sente assez fort pour s'en venger. Depuis cette mort les Prétoriens ne lui obéïrent plus qu'à regret ; leur haine se porta contre
AO.UST. 1732 1717
contre Dion , son Collegue de l'an 229.
et elle éclata si fort que ce Consul n'eut
pas le courage de paroître dans Rome
avec les marques de sa dignité; et il fallut
que l'Empereur lui conseillât de s'en éloigner , pour éviter leur fureur. Dira- t- on
après cela que ce Prince fut regardé comme Puissant , et que son regne fut fort
paisible? Ce n'est pas encore tout; un
nomméTaurin et un autre particulier ,
appellé Urane ( a ) , furent élevez à l'Empire par les armées d'Orient. Un troisiéme, nommé Antonin , fut pareillement
proclamé Auguste , par les Prétoriens. Il
est vrai que ces personnages refuserent la
dignité qu'on leur offroit ; mais ce n'en
est pas moins une preuve que le regne
d'Alexandre ne fut pas si paisible que le
prétend M. P. Peut- être que pour ne rien
rabattre de ses prétentions , il soutiendra que ces proclamations ne se trouvant
marquées que dans le jeune Victor et dans
Zozyme, elles ne meritent aucune créance.Acela je réponds que comme ces deux
Ecrivains vivoient dans un siecle peu
éloigné de celui d'Alexandre , il ne faut
point douter qu'il n'eussent devant eux
les Mémoires de quelques uns des cinq ou
( a ) Je croirai , si l'on veut , que Taurin et Urane aété le même ; rien n'empêche de lesdistinguer.
six
1718 MERCURE DE FRANCE
amis
six Auteurs qui avoient écrit les évenemens du regne de ce Prince , et dont l'éloignement des temps nous a privez Au
reste , ce que Dion rapporte de lui - même
personnellen ent , marque assez l'appré- hension où Al xandre étoit de voir ses
rsécutez ; et peut être aussi de se P
voir lui- même livré au caprice des Soldats. Or je demande si avec de tels soupçons , un Prince peut passer pour avoir
tou ours mené une vie tranquille , si on
peut dire que son regne a été paisible, et
que lui même gouvernoit ses Sujets avec
puissance et empire.
Si donc l'on trouve du foible dans la
maniere dont il se conduit , pour écarter ce qui se tramoit en faveur d'Ovinius,
P'on pourroit l'attribuer aux con eils timides de sa mere : Mais non ; il semble
au contraire que ce fut un trait de prudence qui le fit agir ainsi, Les Prétoriens,
dont l'autorité étoit enracinée dansRome,
avoient conçu une telle haine contre
Mammée , et par conséquent contre son
fils , que tout éroit à craindre de leur
part. Dès qu'ils croyoient voir dans le Sénat quelque Sujet propre à être élevé à
l'Empire , ou , pour mieux dire , à condescendre à leurs volontez , ils ne manquoient pas de ménager des pratiques
sour
D
AOUST. 1732. 1719
sourdes , pour faire déclarer Rome en sa
faveur. Ovinius convenoit apparemment
à leur dessein , et il se trouva disposé à
y concourir. Alexandre en étant averti ,
crut le prévenir , non en se défaisant de
lui , à force ouverte , mais en faisant semblant d'entrer dans les vûës des Prétoriens , jusqu'à ce qu'il trouvât le moment
favorable de perdre son concurrent.Ayant
été averti d'un remuëment , de la part de
certains Barbares , il se servi. de cette occasion pour faire connoître à toute l'armée jusqu'où s'étendoit la force et la vigueur de cet homme si désiré . Il l'associa
donc à l'Empire , avec quelqu'une au
moins des solemnitez ordinaires ; mais
pour le faire en même temps tomber
dans le mépris , et montrer combien il
étoit peu digne de lui être con paré ; il
lui proposa d aller avec lui à la guerre
qui se présentoit à faire contre les Barbares , prévoïant bien qu'il n'oseroit le lui
refuser , mais que délicat comme il étoit,
il ne pourroit jamais résister aux fatigues
dont il lui donneroit l'exemple , et que
son entreprise tourneroit à sa confusion.
En effet , la chose réüssit , comme Aléxandre l'avoit prévû , et par là l'Empereur se vit délivré d'un ennemi qui cassa
d'être dangereux dès qu'il commença à
·
être.
1720 MERCURE DE FRANCE
être méprisé. Ce tour de politique est- il
donc si ridicule et si hors de vrai-semblance que l'assure le Critique d'Orleans?
Pour moi j'y vois toutes chose admirablement bien concertées , pour venir à bout
de décrier Ovinius ; et cela me rappelle le
souvenir d'un artifice assez semblable dont
usa , quelques années auparavant, l'Empereur Septime- Severe, à l'égard d'Albin.
Ce Prince voïant qu'Albin qui descendoit d'une ancienne Maison , étoit aimé
du Sénat, n'osant l'attaquer à force ouverte , fit mine de vouloir l'associer à
l'Empire , et lui écrivit à cet effet des Lettres très-affectueuses en apparence ; mais
en même- temps il chargea secretement
ceux qui les lui porterent de sa part,de se
défaire adroitement de lui; et s'il n'y réüssit pas , ce ne fut pas sa faute. Je pourrois aussi produire d'autres exemples de
tours de politique plus semblables à celui
qu'employa Alexandre , et aussi plus récens. Mais je croi m'être assez étendu sur
cet article , pour persuader à mon adversaire que ce n'est pas sans fondement que
je regarde l'expedient rapporté par Lampride , comme ayant été réellement et
véritablement mis en usage. J'avouë, avec
lui , qu'il n'y a aucune apparence qu'Alexandre cut voulu dans de pareilles circons-
AOUST. 1732. 1721
Constances abandonner à Ovinius , la conduite de son armée; c'eut été le comble de
l'imprudence. Aussi n'est-ce pas le sens
qu'il faut donner au texte de l'Historien .
Monsieur de Tillemont l'a induit en erreur , par la traduction qu'il a faite de ce
texte Latin , en ces termes : Alexandre
offrit à ( Ovinius Camillus de l'y mener
avec lui , s'il n'aimoit mieux y aller lui
seul. Dans ce texte,ainsi conçu ; vel ipsum
si vellet, ire, vel ut secum proficisceretur, bortatus est , la particule vel, doit être prise
non disjonctivement , mais conjonctivement c'est-à- dire pour et , comme dans
une infinité d'autres endroits des Auteurs de l'Histoire Auguste. Monsieur de
Saumaise l'a remarqué plusieurs fois , et
entr'autres sur Lampride, par cette petite
notte; (vel pro et ; quod sexcentis locis apud
hos autores observavimus ) ( a ) Icy P'Hi
torien en a usé de la sorte , d'autant pl
volontiers que la répetition de la part.
cule et qu'il avoit employée peu aupara
vant , et qui revient peu après , auroi
été trop désagréable. ( b ) Lampride a
donc seulement donné à entendre qu'Alexandre invita Ovinius à aller à la Guer-
( a ) Edition de 1620. pag. 184.
(b) Voyez le Mercure d'Oct. 1731. pag. 2338.
C
1722 MERCURE DE FRANCE
re contre les Barbares , et même à faire
le voyage avec lui.
Je n'étois aucunementobligé de désigner
l'habitation de ces Peuples , lorsque je fis
ma premiere Lettre adressée aux Auteurs
du Mercure, dans le mois de May dernier,
n'y d'ajouter dant la seconde , pour plus
grande explication, que l'expedition Ġermanique , qui suivit l'association , se rapportoit à celle où Varius Macrinus se signala dans Pillyrie; et j'aurois pû me borner au simple texte de Lampride , qui ne
les nomme qu'en général , sous le nom
de Barbares. Mais m'étant reposé sur
l'exactitude qu'on attribuë à M. de Tillemont , j'ai cru avec lui, qu'il s'agissoit de
l'expédition qui se fit par Alexandre,contre les Germains , dont le triomphe qui
suivit est marqué chez Occo , sur une
Médaille d'argent en ces deux mots DE
GERMANIS , avec cette note chronologique TR. P. VIII.cos. III. La Victoire étant
rapportée à l'an 229. de Jesus- Christ , il étoit assez naturel de croire que la guerre
cut pû commencer en 228. c'est ce qui
-me déterminoit à faire partir en cette
année Ovinius avec Alexandre. Mais depuis , j'ai fait réfléxion sur un discours
fit Alexandre à ses Soldats étant à An- que
tioche l'an 233 , lorsqu'il les conduisoit
contre
AAOUST. 1732 1723
contre la Perse L'Empereur voulant éteindre les semences de sédition qui se formoient dans son armée, rappella à ses anciens Soldats l'usage qu'on leur avoit enseigné de faire de leur voix , d'abord
contre les Sarmates , ensuite contre les
Germains , et enfin contre les Perses ,
ajoutant qu'il étoit étonnant qu'ils voulussent s'en servir contre celui qui leur
fournissoit la nourriture,les vétemens, &c.
Qui in concione estis , leur dit- il , vocem in
bello cantra hostem , non contra Imperatorem
vestrum necessariam , certè Campidoctores
vestri hanc vos docuerunt contra Sarmatas et
Germanos ac Persas emittere , non contra eum
qui acceptam à Provincialibus annonam ,
qui vestem , qui stipendia vobis attribuit.
Monsieur de Tillemont n'ayant traduit
dans notre langue qu'une partie de ce dis- cours , n'a pas fait sentir que les Sarmates
ysont nommez en premier lieu , et les
Germains ensuite. Ce fut donc l'occasion.
de l'irruption des uns ou des autres de ces
Barbares qu'Alexandre saisit , pour convaincre les Soldats , combien ils se connoissoient peu en vrai mérite , lorsqu'ils
marquoient quelque inclination d'obéïrà
Ovinius. L'Empereur qui étoit jeune , af
fecta apparemment d'aller exprès à pied,
afin de faire succomber son concurrent
Cij Sous
1924 MERCURE DE FRANCE
sous la fatigue, et il en vint à bout en peu
de jours. Comme il est évidenr qu'Alexandre dans le discours qu'il tint à ses
Troupes , les faisoit ressouvenir par ordre des temps de toutes les Campagnes
qu'ils avoient faites; il est necessaire de
placer celle de Sarmatie la premiere ; et
par consequent comme celle de Germanie est de l'an 229 , au plus tard ; on doit
celle que qui se fit contre les
Sarmates a dû être aussi au plus tard l'an
convenir
228.
On ne peut pas assurer si Alexandre
alla en personne jusques dans la Sarmatie; c'est un fait qu'Acolius auroit sans
doute éclairci par le moyen de son livre
des Voyages de cet Empereur. Mais ses
Mémoires étant perdus , on doit se contenter de sçavoir simplement que la premiere guerre que cet Empereur eut à soutenir, fut contre ces peuples. Il seroit fort
à propos , je l'avoue , que quelque Médaille vint au secours de la notice que je
prétends tirer en faveur de cette guerre
Sarmatique , du discours qu'Alexandre
tint à ses Soldats , de méme que nous en
avons une qui constate celle de Germanie. Mais il ne faut point désesperer d'en
trouver quelquejour où la victoire sur les
Sarmates sera rapportée à l'une des 6 premieres
AOUST. 1732 1725
,
mieres années du regne d'Alexandre ,
pourvû que l'on soit plus soigneux de les
conserver , que ne l'a été un Orfévre de
notre Ville , qui au mois de Juin dernier,
en ayant acheté d'un passant un grand
nombre d'argent , du regne de cet Empereur et des autres Princes qui lui succederent , les fondit une demie - heure
après, sans qu'on ait pû en sauver qu'une
seule d'Alexandre. Ces monumens,moins
sujets aux accidens que les livres, peuvent
suppléer en quelque sorte , à ce que nous
- sçaurions plus en détail , si nous avions
en original les Memoites que Septimius ,
Acolus , Encolpe , Gargilius-Martialis
Marius Maximus , Aurele- Philippe et
encore d'autres témoins oculaires avoient
dressés touchant le regne de cet Empereur. Cette guerre Sarmatique s'offre icy
d'autant plus à propos,avant celle de Germanie , que plus elle sera rapprochée du
regne d'Alexandre , plus on sera fondé à
suivre l'explication que Saumaise a donnée au texte de Lampride , et à dire avec
lui que ce fat Alexandre même qui donna ordre de tuer Ovinius dans l'une de
ses terres , où il demeuroit depuis long- temps,
et à ne pas rejetter , sans necessité , cette
mort sur l'Empereur suivants tutum ad
Willas suas irepræcepit in quibus DIU VIXIT,
C iij
K
sed
1726 MERCURE DE FRANCE
sed post , jussu Imperatoris occisus est. Depuis la remarque que vous , Monsieur ,
m'avez fait faire , après Saumaise , que
tout Historien qui dit simplement l'Ēmpereur , entend celui dont il écrit l'histoire , et non son successeur; je ne panche
plus en aucune maniere pour le sentiment que M. de Tillemont insinuë.
M. P. d'Orleans a proposé le silence de
deux Ecrivains contemporains à Alexandre ; sçavoir , Dion et Hérodien , comme
un grand argument contre l'histoire de
l'association d'Ovinius, Mais il faut d'abord retrancher de ce nombre l'Historien
Dion , pour plusieurs considerations. La
premiere est , que nous avons perdu le
livre de son histoire, qui comprenoit une
partie duregne d'Alexandre; car nous n'en
avons qu'un abregé des plus succincts ,
fait par Xiphilin , lequel a retranché ce
qui lui a plus la seconde est , que si
l'association d'Ovinius s'est faite dans le
temps que Dion a renfermé dans son Histoire , c'est-à-dire , avant l'an 229 , comme je n'en doute aucunement , Xiphilin
a voulu la comprendre sous ces termes
generaux qui se trouvent dans son abregé: Per id tempus multe rebelliones facta
sunt à multis quarum aliquot , quum fuissent formidolosa , repressa ac restrincta sunt.
Les
AOUST. 1732. 1727
Les sourdes pratiques d'Ovinius pour par
venir à l'Empire, sontsans doute du nom
bre de ces rebellions dangereuses qui furent réprimées par Alexandre. Can Ovinius rebellare voluisset tyrannidem affecians,
dit Lampride.
ро
Qu'importe , en effet , de quel moyen
on se serve pour réussir à étouffer une rebellion formée secretement , force ou
adresse , pourvu qu'on parvienne au bur
qu'on s'est proposé. Alexandre usa de
litique, de même qu'il venoit de faire unt
peu auparavant , incontinent après le
meurtre d'Ulpien son favori. Le même
Dion dit que la raison pour laquelle Epagathe , Auteur de ce meurtre , ne fut
point puni sur le champ et pourquoi
l'Empereur parut dissimuler la peine que
lui faisoit cette action , fut la crainte qu'il
eut d'exciter une émotion dans Rome.
Epagathus qui Vlpiano magna ex parte
causa necis fuerat , missus est in Ægyptum,
ut Præfectus ejus Provincia , ne forte si de eo
Rome supplicium sumptum esset , tumultus
aliquis connectaretur; atque inde reductus in
Cretam , condemnatus est. Per id tempus , et
le reste , comme cy- dessus.
Quelque année que l'on choisisse entre les six premieres du regne d'Alexandre,
pour placer la mort d'Ulpien , il est évi- C iiij dent
7728 MERCURE DE FRANCE
dent que la rebellion d'Ovinius ne tarda
gueres à suivre cet évenement. On doit
aussi placer vers ce temps-là les procla
mations des autres Augustes dont j'ai parlé plus hauts et le texte de Dion le demande.
A l'égard d'Herodien , ce n'est rien
moins qu'un Auteur exact , suivant les
Critiques et suivant M. de Tillemont
même. Aussi le reprend-il très-souvent ;
ainsi sans entrer dans le détail, qu'il mesoit
permis de renvoyer M. P: à la table de
son troisiéme volume de l'Histoire des
Empereurs. Lampride pareillement , qui
avoit l'ouvrage d'Herodien sous les yeux,
en faisant la vie d'Alexandre , est obligé
de le corriger , lorqu'il contredit les Annales de la Ville de Rome , et tous les
Auteurs contemporains , qui étoient plus
à portée que lui d'examiner les démar
ches de cet Empereur , et sa maniere de
vivre. Cet Historien Grec a pû être mieux
informé de quelques- unes des choses qui
se passerent en Orient , mais il n'eut pas
les mêmes facilitez pour apprendre tout
ce qui arriva dans l'Occident. Il en raconta des Histoires autrement qu'elles n'étoient , et il en obmit plusieurs qui ne
vinrent point à sa connoissance , même
de celles qui regardent l'Orient.
S'il
AOUST. 1732. 1729
S'il falloit n'admettre que ce qu'il a inseré dans son Ouvrage , il faudroit effacer
de la vie d'Alexandre la révolte des Troupes de Mésopotamie , contre Flavius Heracleon , leur Commandant, dont Dion a
parlé; il ne faudroit rien croire du meurtre d'Ulpien, rapporté par le même Dion.
Si Herodlen a obmis l'association d'Ovinius , il a aussi passé sous silence la victoire sur les Germains, remportée en 229,
dont les Médailles ont conservé la mémoire ; il n'a pas fait là moindre men--
tion du triomphe glorieux d'Alexandre ,
au retour de la guerre de Perse. Loin de
cela ,on croiroit à le lire , que l'Empëreur confus de n'avoir pû vaincre Arta--
xerxes , vola brusquement d'Antioche sur
les bords du Rhin ,, pour l'éxpédition
d'Allemagne ; confectoque celeriter itinere
consistit ad Rheni ripas. Il ne dit rien non
plus de l'élevation de Taurin et d'Urane
à l'Empire. Faut-il donc s'étonner s'il en a
fait autant d'Ovinius.
Je ne m'étendrai point à refuter la proposition extraordinaire par laquelle M. P.
avance,qu'à moins que les faits que Lam--
pride a tirés des Historiens contemporains
d'Alexandre , ne se rencontrent ailleurs ;
on est toujours bien reçu à les rejetter.
Javoiie que ce principe est très- commode
G. v pour
1730 MERCURE DE FRANCE
pour n'admettre que ce que l'on veut. Il
suffit de l'exposer , pour faire voir à quel
dégré d'incrédulité il conduiroit les Lecteurs , s'ils en étoient susceptibles , et il
n'est pas difficile de prévoir qu'après l'avoir admis , à l'égard des Historiens du
Paganisme,on pourroit bien l'étendre sur
d'autres , d'une importance bien plus
grande. Je suis donc d'avis, comme vous,
Monsieur , que loin de rejetter le témoignage des Auteurs réunis ensemble , dans
la compilation de l'Histoire Auguste ,
tout imparfaits qu'ils sont; la raison veut
qu'on y ajoute foy , comme à toute autre
Histoire , à moins qu'il n'y ait des motifs
très-pressans de s'en écarter, et des objections qui soient sans replique.
La derniere objection de M. P. contre
l'association d'Ovinius à l'Empire , consiste en ce qu'il ne se trouve aucune Médaille qui fasse mention de lui,ni aucune
Loy où son nom soit marqué. Mais fait- il
attention , que selon l'Historien sur lequel nous nous fondons , cette association fut de très peu de durée , et qu'Ovinius fatigué du métier de la guerre , au
bout de trois ou quatre jours de marche,
abdiqua l'Empireset qu'Alexandre l'ayant
aussi- tôt confié à des Soldats , de la fidèlité desquels il étoit très-sûr,le fit conduire
dans
AOUST. 1732. 1731
dans ses terres, où il vécut en simple particulier. Quoiqu'on ne puisse gueres dou
ter qu'il n'y ait eu quelques Médailles
à l'occasion de l'association d'Ovinius
il n'est pas extraordinaire qu'il ne s'en
trouve point aujourd'hui. Combien y en
a-t-il eu qui n'existent plus , et combien
n'en reste- t- il pas encore à découvrir? On
donne communément trois femmes à Alexandre Severe ; où sont les Médailles des
deux dernieres ? Où est celle qui fut sans
doure frappée pour le triomphe de cet
Empereur. L'Histoire ne nous apprend- elle pas que certaines personnes ont porté le titre d'Empereur , sans qu'il en reste
des Médailles, ou du moins dont on n'en a
que de tres douteuses. Tel est un Jotapianus , un Lucius - Priscus , un JuliusValens , un Perpenna- Lucinianus, un Firmius , &c. S'il ne se trouve point de Médailles de tous les Princes dont l'Histoire
fait mention , il faut aussi avouer que les
Médailles nous ont conservé le nom de
quelques Princes , qui sans cela ne seroient point connus, les Livres qui en
pouvoient traiter ayant été perdus. Tel
est un Pacatianus , un Nigrianus, une Bar
bia Orbiana , &c. On ne peut donc point
conclure avec certitude, qu'un Prince n'a
point existé , de ce qu'on ne trouve poinɛ Cvj son
1732 MERCURE DE FRANCE
son nom sur les Médailles qu'on a aujourd'hui,ou qu'il ne paroît pas dans les Hitsoriens ,parce qu'on a perdu beaucoupde mo
numens en l'un et en l'autre genre. On peut
encore moins le conclure de ce que son
nom n'est dans aucune Loy. Cette raison
est des plus frivoles dans l'affaire d'Ovinius. Il peut se faire qu'il n'y ait eu aucune
Loy expédiée , du moins qui soit parve
nue jusqu'à nous , pendant le court inter valle de son association. Si donc il se rencontre des vuides considérables , sans promulgation de Loix , pendant les années ,
à l'une desquelles on est obligé de fixer
cette association , l'argument de M. P.
n'est d'aucun poids , et il tombe de luimême.
nuë
Quoique jaye accordé à M.P. qu'une
Inscription votive, de l'an 228. qui porte
ces mots: Pre salute Dominorum, pourroit
s'entendre plus naturellement de l'Im
pératrice Mammée , avec son fils ; je n'abandonne point cependant tout-à- fait la
part qu'Ovinius peut avoir dans ce nom
bre plurier; parce qu'à la lecture de Dion,
tout abregé qu'il est par Xiphilin ; on
voit clairement que la mort d'Ulpien n'a
pas dû précéder de beaucoup de temps le
Consular du même Dion , qui fut sûrement l'an 229. Il faut donc mettre certe
mort
A' O UST. 、 1732. 1733
mort vers la fin de l'an 227 , ou au commencement de 228. Or comme , selon le
même Dion , l'intervalle entre ces deux
époques fut celui pendant lequel se for- merent diverses rebellions : Multa rebelLiones à multis celle d'Ovinius ayant été
l'une des plus dangereuses, il paroît qu'on
doit toujours la rapporter à l'an 228 ; et que
par conséquent son association seroit du
même-temps, et sous le Consulat de Mcdeste et Probus. C'est ce qu'il faut esperer
que la postérité verra un jour éclairci par
les Médailles , dont on fera la découverte, ou par d'autres monumens plus en- tiers que n'est celui d'Auxerre. Au reste
cet Ovinius-Camillus estsi peu une chime
re et unpersonnage fabriqué par Lampride, ou par quelque Ecrivain posterieur
selon le jugement de Tristan , que ce celebre Antiquaire le croit fils d'un autre
Ovinius-Tertullus , Président de la Mysie inférieure , auquel fut adressé un Réscrit très-connu dans le Droit , et qui a
fait donner le nom de : Ad Senatus Consulium Tertullianum , au tit . 17 du 38 liv.
du Digeste. Les Deux Empereurs qui y
sont nommez , sont Septime Sévére , et
Caracalla , son fils ; et le Jurisconsulte ,
qui cite le Réscrit, n'est autre que le fameux Ulpien , dont j'ai déja parlé plu- sieurs
1734 MERCURE DE FRANCE
sieurs fois. Je vous ai , Monsieur , l'obligation de cette remarque , qui n'est pas
icy hors de propos , et qui fait voir en
même- temps, qu'en lisant les Loix, vous
ne perdez aucun des fruits qu'on en peut
tirer pour la littérature. Comme les Livres du Droit sont moins suspects de
falsification que les Livres d'Histoire ,
j'espere que mon Adversaire aura assez
d'équité pour ne pas prétendre que la
généalogie , indiquée par Tristan , pêche
jusques dans sa source. Il faut qu'il convienne au moins que le nom d'Ovinius
ne se rencontre guéres ailleurs qu'en ces
-deux endroits. De mon côté , si le tout
est controuvé et fabriqué à plaisir , j'avouerai que la manufacture d'Ecrivains ,
Imaginée par quelques modernes , a eu
des correspondances admirablement bien
soûtenues par tout l'Occident , pour y
faire trouver en tous lieux , dans le Corps
du Droit , un Ovinius- Tertullus , Pere
environ l'an 200 , et dans la compila
tion de l'histoire Auguste , un OviniusCamillus , fils , l'an 228. ou environ.
AAuxerre , ce 26 May 1732
de Lampride sur Ovinius Camillus ,
adressée à M. Bouhier , President an
Parlement de Dijon.
Ice
La dû vous paroître , Monsieur , par
ce que j'ai dit dans les Mercures de
May et d'Octobre 1731. pages 1052. et
2347. que je n'ai point prétendu que
l'explication que j'ai donnée du PRO
SALUTE DOMINORUM , de l'Inscription
trouvée proche notre Ville , fût la seule
et unique qu'on pût en donner. J'ai toûjours attendu qu'on détruisît solidement
ce que j'ai avancé sur la foi de M. de
Tillemont , dès le lendemain que cette
découverte fut faite , et avant que d'avoir eu le loisir de feüilleter les immenses
Recueils d'Inscriptions qui peuvent servir à mettre la verité dans un plus grand
jour. Un Curieux d'Orleans , qui ne se
fait connoître que sous ces deux Lettres
initiales D. P. a enfin trouvé au bout de
quelques mois après la publication de
ma Lettre , que l'on pouvoit entendre ce
DOMINORUM , d'autre que d'Alexandre
Severe et Ovinius , joints ensemble , etil
"
1710 MERCURE DE FRANCE.
il écrit non seulement qu'on le peut ,
mais qu'on le doits et qu'il est impossible
que cette domination ou cet Empire commun attribué à deux Princes convienne
à ces deux-là. Ce qu'il y a d'étonnant
dans son Ecrit imprimé dans le dernier
Mercure , est que pour faire tomber nécessairement les vœux contenus dans notre Inscription sur la prosperité d'Alexandre et de Mammée sa Mere , il persiste à vouloir qu'on regarde comme faux
tout ce que Lampride rapporte de l'association d'Ovinius à l'Empire. Il peut trouver en moi un Lecteur assez docile pour
embrasser l'explication qu'il donne du termeDominorum , comme étant plus aisée à
sauver; mais il ne s'ensuivra pas de- làqueje
doive croire qu'Ovinius est une chimere,
et que tout ce que Lampride en rapporte
est une fible. L'autorité de Lampride est
trop bien établie, pour qu'on puisse révoquer en doute un fait qu'il arevêtu detous
les motifs de credibilité qu'on peut exiger pour l'appui d'un évenement extraor
dinaire. En passant donc à M. P. que ce
fut pour la prosperité de Mammée et
d'Alexandre , que le Monument en question fut érigé , il n'en faut point conclure pour cela que l'association d'Ovinius soit une fiction de quelqueModerne,
A O UST. 1732. 1711
et une invention de quelque Manu- facture d'Ecrivains. Tout ce qu'il pour
ra inferer de ce que je lui accorde , est
que M. Tillemont n'a pas toûjours.
bien examiné les choses avant que de les
assurer, et que quelquefois on peut se
tromper lorsqu'on s'en rapporte trop vîte à son jugement. J'avoueray donc que cet
Historien , tout judicieux qu'il étoit , a
manqué de preuves suffisantes fixer pour l'association d'Ovinius à l'an 223. mais
j'ajoûte bien plus , qu'il ne s'est pas exprimé bien exactement lorsqu'il a dit qu'il
ya dans l'Histoire de cette Association des
circonstances qui paroissent tenir de la Fable. On entrevoit que ce grave Historien a
voulu insinuer seulement que cette association a eu quelques circonstances qui
tiennent du comique , ce que je ne nie
pass mais des circonstances , pour › pour être
comiquès , n'empêchent point le fond
de l'Evenement d'être très- réel. M. de
Tillemont l'a crû tel , puisqu'il a
ployé un article entier de ses Notes pour
en fixer l'époque, Alexandre s'est comporté comme il a dû faire dans la conjoncture où il se trouvoit ; et c'est un
des traits de politique les mieux jouez ,
que celui qui est rapporté par Lampride.
Comme M. P. d'Orleans traite de fable
emtout
1712 MERCURE DE FRANCE
*
tout le récit de Lampride , le point de
difficulté qui nous sépare ne consiste plus
que dans la verification de ce récit que
je soutiens sincere et non controuvé ni
fabriqué à plaisir. Il ne sera plus fait
mention entre nous de l'Inscription d'Auxerre ; mais seulement de cette question
de fait que l'Inscription a occasionnée.
Quelles que soient les louanges qu'il me
donne dans ses deux Ecrits , je ne m'en
laisse point éblouir , et je fais gloire d'être mis au rang des Lecteurs les plus crédules et que la lecture de Lampride ne révolte point , lorsque je m'y trouve dans la compagnie d'une personne aussi profondément versée dans ces matieres que
vous l'êtes. Vous avez eu la bonté de me
faire part de ce que vous opposeriez à
M. P. si c'étoit à vous qu'il eût affaire :
vous allez juger , Monsieur , si j'en ai
fait usage suivant vos intentions , et si
ce que j'ai découvert depuis par une lecture attentive de Lampride , et que j'ai
joint à vos Observations , n'est pas suffisant pour convaincre quiconque n'éxigera point des preuves métaphisiques ou
d'un genre superieur.
Les preuves exterieures de l'Association
d'Ovinius à l'Empire par Alexandre ,
consistent à assurer l'autorité de Lampride
A O UST. 1732. 1713
pride qui le rapporte. Il est inutile de
repeter ce que j'en ai dit dans le Mercure d'Octobre , page 2337. On y voit
les précautions que cet Historien à prises
pour constater la chose ; et vouloir en
douter c'est comme si l'on soutenoit que
tout ce que les Historiens d'aujourd'hui
rapportent de la vie du Roy Henry IV.
sur la foi des Memoires de ses Courti
sans ou de ses Generaux d'Armées , n'est
pas assez appuyé pour être crû , et qu'il
faut qu'ils produisent ces Memoires tels
qu'ils ont été rédigez dans le Cabinet ou
sous les Tentes. Comme nous nous contentons des Extraits qu'on nous donne
aujourd'hui de ces Memoires , de même
dans le siecle de Constantin , on n'exigea
point de Lampride , qu'il joignit à sa vie
d'Alexandre les Memoires qu'en avoient
redigé séparément Septimius , Encolpius,
Acolius , &c. on se contenta des Extraits
qu'il en fit et qu'il ajusta à son style ,
qui est fort simple et fort coupé. Son
dessein étant d'exposer à Constantin
quel fut le caractere des Princes plutôt
que d'entreprendre une Histoire suivie ,
il ne faut pas être surpris qu'il ne tire
des amples Memoires qu'il avoit , qu'un
simple Sommaire qui présente plutôt l'état des mœurs , les maximes et la conduite
1714 MERCURE DE FRANCE
duite de ce Prince , qu'un détail circons→
tancié de ses campagnes C'est l'idée qu'il
faut se faire de Limpride , comme de
quelques autres qui ont compilé les
actions de certains Empereurs , à dessein de donner une idée de Fur caractere On voit par son narré qu'il avoit
sous les yeux les cinq ou six A teurs qui
avoient écrit uniquement sur Alexandre,
et même qu'il tiroir d'Herodien ce qu'il
jugeoit à propos , le refutant lorsqu'il
étoit necessaire. Il n'est point étonnant
après cela que cet Auteur et ses semblables ayent quelques deffiuts ; mais ces
deffauts ne sont pas essentiels. Les Ecrivains de cette espece pechent ordinaire- ment par le manque d'ordre et de méthode. Ils tombent dans des redites ;
mais avec tout cela ils n'écrivent rien de
faux ; ils promettent de s'étendre sur certaines choses , et ils l'oublient ensuite ,
ou ne les font qu'effleurer. Lampride est
précisement dans ce cas-là , au jugement
de Vopisque , dans la vie de l'Empereur
Probus. Il y paroît dans le rang
qui ont transmis l'Histoire à la posterité
non tam disertè quam verè. Laissant l'élegance et l'emphase , il a écrit avec simplicité , mais avec verité. Il ne rapporte
point non- plus les faits par ordre chrode ceux
nologi-
A OUST 1732. 1715
nologique , mais suivant qu'ils se sont
présentez à sa plume , en traçant les traits.
qui caract risent l'Empereur Alexandre.
On ne l'accuse point comme Herodien ,
d'avoir composé les Harangues qu'il met
dans la bouche des Empereurs , ni les
Lettres qu'il leur fait éc ire ; il rapporte
le peu de paroles que le Prince a prononcées ; et s'il ne les rapporte pas diserè ,
du moins on doit dire qu'il les rapporte
verè. Il n'est pas éloquent ; mais il est
fidele. C'est de l'une de ces courtes Harangues que j'espere, Monsieur , tirer cydessous la preuve du temps auquel a été
faite l'Association d'Ovinius.
L'autorité de Lampride étant suffisamment à couvert , malgré le décri dans lequel l'Ecrivain d'Orléans voudroit la mettre , il faut maintenant faire voir que
l'Histoire de l'Association d'Ovinius n'a
rien d'incroyable en elle même , et qu'au
contraire elle est revêtuë de circonstances
qui s'accordent très- fort avec la situation
où Alexandre se trouva. Loin qu'Alexan
dre Sevére fut un Prince puissant , etque
tout fut paisible de son temps , au point
que se le figure M. P. il n'y a gueres eu
d'Empereur plus traversé par ses propres
Sujets , et qui ait essuyé plus de soulévemens. Il est certain que ce jeune Prince
avoit
1716 MERCURE DE FRANCE
avoit par lui- même un bon caractere et
d'excellentes inclinations, qui le portoient
aux grandes choses. Mais sa mere l'avoit
élevé dans une dépendance servile , à laquelle il n'eut pas la force de se soustraire. Ainsi on peut dire que c'étoit elle qui
gouvernoit sous le nom de son fils. Fecit
cuncta cum matre , ut et illa videretur pariter imperare , dit Lampride ; et plus bas :
Egit omnia ex consilio matris. C'est pour
cela que l'Empereur Julien en ses Césars,
lui fait ce reproche amer : Pauvre sot , qui
maître de l'Empire , n'a pas eu l'esprit de
gouverner tes propres Sujets , mais a remis
tes trésors entre les mains de ta mere ! Un des
traits les plus marquez de cette dépendance de sa mere , fut la foiblesse avec laquelle il souffrit l'indigne procédé qu'elle
garda envers sa femme et son beau pere.
Si ce Prince eut été si puissant que le dit
M. P. auroit-on vû arriver sous ses yeux
le meurtre d'Ulpien son favori, et Prefet
du Prétoire , par les Soldats de la Garde
Prétorienne , sans qu'il osât s'élever alors
contre cet attentat ? Loin de punir aussitôt le principal auteur , il lui donne la
Préfecture d'Egypte , en attendant qu'il se sente assez fort pour s'en venger. Depuis cette mort les Prétoriens ne lui obéïrent plus qu'à regret ; leur haine se porta contre
AO.UST. 1732 1717
contre Dion , son Collegue de l'an 229.
et elle éclata si fort que ce Consul n'eut
pas le courage de paroître dans Rome
avec les marques de sa dignité; et il fallut
que l'Empereur lui conseillât de s'en éloigner , pour éviter leur fureur. Dira- t- on
après cela que ce Prince fut regardé comme Puissant , et que son regne fut fort
paisible? Ce n'est pas encore tout; un
nomméTaurin et un autre particulier ,
appellé Urane ( a ) , furent élevez à l'Empire par les armées d'Orient. Un troisiéme, nommé Antonin , fut pareillement
proclamé Auguste , par les Prétoriens. Il
est vrai que ces personnages refuserent la
dignité qu'on leur offroit ; mais ce n'en
est pas moins une preuve que le regne
d'Alexandre ne fut pas si paisible que le
prétend M. P. Peut- être que pour ne rien
rabattre de ses prétentions , il soutiendra que ces proclamations ne se trouvant
marquées que dans le jeune Victor et dans
Zozyme, elles ne meritent aucune créance.Acela je réponds que comme ces deux
Ecrivains vivoient dans un siecle peu
éloigné de celui d'Alexandre , il ne faut
point douter qu'il n'eussent devant eux
les Mémoires de quelques uns des cinq ou
( a ) Je croirai , si l'on veut , que Taurin et Urane aété le même ; rien n'empêche de lesdistinguer.
six
1718 MERCURE DE FRANCE
amis
six Auteurs qui avoient écrit les évenemens du regne de ce Prince , et dont l'éloignement des temps nous a privez Au
reste , ce que Dion rapporte de lui - même
personnellen ent , marque assez l'appré- hension où Al xandre étoit de voir ses
rsécutez ; et peut être aussi de se P
voir lui- même livré au caprice des Soldats. Or je demande si avec de tels soupçons , un Prince peut passer pour avoir
tou ours mené une vie tranquille , si on
peut dire que son regne a été paisible, et
que lui même gouvernoit ses Sujets avec
puissance et empire.
Si donc l'on trouve du foible dans la
maniere dont il se conduit , pour écarter ce qui se tramoit en faveur d'Ovinius,
P'on pourroit l'attribuer aux con eils timides de sa mere : Mais non ; il semble
au contraire que ce fut un trait de prudence qui le fit agir ainsi, Les Prétoriens,
dont l'autorité étoit enracinée dansRome,
avoient conçu une telle haine contre
Mammée , et par conséquent contre son
fils , que tout éroit à craindre de leur
part. Dès qu'ils croyoient voir dans le Sénat quelque Sujet propre à être élevé à
l'Empire , ou , pour mieux dire , à condescendre à leurs volontez , ils ne manquoient pas de ménager des pratiques
sour
D
AOUST. 1732. 1719
sourdes , pour faire déclarer Rome en sa
faveur. Ovinius convenoit apparemment
à leur dessein , et il se trouva disposé à
y concourir. Alexandre en étant averti ,
crut le prévenir , non en se défaisant de
lui , à force ouverte , mais en faisant semblant d'entrer dans les vûës des Prétoriens , jusqu'à ce qu'il trouvât le moment
favorable de perdre son concurrent.Ayant
été averti d'un remuëment , de la part de
certains Barbares , il se servi. de cette occasion pour faire connoître à toute l'armée jusqu'où s'étendoit la force et la vigueur de cet homme si désiré . Il l'associa
donc à l'Empire , avec quelqu'une au
moins des solemnitez ordinaires ; mais
pour le faire en même temps tomber
dans le mépris , et montrer combien il
étoit peu digne de lui être con paré ; il
lui proposa d aller avec lui à la guerre
qui se présentoit à faire contre les Barbares , prévoïant bien qu'il n'oseroit le lui
refuser , mais que délicat comme il étoit,
il ne pourroit jamais résister aux fatigues
dont il lui donneroit l'exemple , et que
son entreprise tourneroit à sa confusion.
En effet , la chose réüssit , comme Aléxandre l'avoit prévû , et par là l'Empereur se vit délivré d'un ennemi qui cassa
d'être dangereux dès qu'il commença à
·
être.
1720 MERCURE DE FRANCE
être méprisé. Ce tour de politique est- il
donc si ridicule et si hors de vrai-semblance que l'assure le Critique d'Orleans?
Pour moi j'y vois toutes chose admirablement bien concertées , pour venir à bout
de décrier Ovinius ; et cela me rappelle le
souvenir d'un artifice assez semblable dont
usa , quelques années auparavant, l'Empereur Septime- Severe, à l'égard d'Albin.
Ce Prince voïant qu'Albin qui descendoit d'une ancienne Maison , étoit aimé
du Sénat, n'osant l'attaquer à force ouverte , fit mine de vouloir l'associer à
l'Empire , et lui écrivit à cet effet des Lettres très-affectueuses en apparence ; mais
en même- temps il chargea secretement
ceux qui les lui porterent de sa part,de se
défaire adroitement de lui; et s'il n'y réüssit pas , ce ne fut pas sa faute. Je pourrois aussi produire d'autres exemples de
tours de politique plus semblables à celui
qu'employa Alexandre , et aussi plus récens. Mais je croi m'être assez étendu sur
cet article , pour persuader à mon adversaire que ce n'est pas sans fondement que
je regarde l'expedient rapporté par Lampride , comme ayant été réellement et
véritablement mis en usage. J'avouë, avec
lui , qu'il n'y a aucune apparence qu'Alexandre cut voulu dans de pareilles circons-
AOUST. 1732. 1721
Constances abandonner à Ovinius , la conduite de son armée; c'eut été le comble de
l'imprudence. Aussi n'est-ce pas le sens
qu'il faut donner au texte de l'Historien .
Monsieur de Tillemont l'a induit en erreur , par la traduction qu'il a faite de ce
texte Latin , en ces termes : Alexandre
offrit à ( Ovinius Camillus de l'y mener
avec lui , s'il n'aimoit mieux y aller lui
seul. Dans ce texte,ainsi conçu ; vel ipsum
si vellet, ire, vel ut secum proficisceretur, bortatus est , la particule vel, doit être prise
non disjonctivement , mais conjonctivement c'est-à- dire pour et , comme dans
une infinité d'autres endroits des Auteurs de l'Histoire Auguste. Monsieur de
Saumaise l'a remarqué plusieurs fois , et
entr'autres sur Lampride, par cette petite
notte; (vel pro et ; quod sexcentis locis apud
hos autores observavimus ) ( a ) Icy P'Hi
torien en a usé de la sorte , d'autant pl
volontiers que la répetition de la part.
cule et qu'il avoit employée peu aupara
vant , et qui revient peu après , auroi
été trop désagréable. ( b ) Lampride a
donc seulement donné à entendre qu'Alexandre invita Ovinius à aller à la Guer-
( a ) Edition de 1620. pag. 184.
(b) Voyez le Mercure d'Oct. 1731. pag. 2338.
C
1722 MERCURE DE FRANCE
re contre les Barbares , et même à faire
le voyage avec lui.
Je n'étois aucunementobligé de désigner
l'habitation de ces Peuples , lorsque je fis
ma premiere Lettre adressée aux Auteurs
du Mercure, dans le mois de May dernier,
n'y d'ajouter dant la seconde , pour plus
grande explication, que l'expedition Ġermanique , qui suivit l'association , se rapportoit à celle où Varius Macrinus se signala dans Pillyrie; et j'aurois pû me borner au simple texte de Lampride , qui ne
les nomme qu'en général , sous le nom
de Barbares. Mais m'étant reposé sur
l'exactitude qu'on attribuë à M. de Tillemont , j'ai cru avec lui, qu'il s'agissoit de
l'expédition qui se fit par Alexandre,contre les Germains , dont le triomphe qui
suivit est marqué chez Occo , sur une
Médaille d'argent en ces deux mots DE
GERMANIS , avec cette note chronologique TR. P. VIII.cos. III. La Victoire étant
rapportée à l'an 229. de Jesus- Christ , il étoit assez naturel de croire que la guerre
cut pû commencer en 228. c'est ce qui
-me déterminoit à faire partir en cette
année Ovinius avec Alexandre. Mais depuis , j'ai fait réfléxion sur un discours
fit Alexandre à ses Soldats étant à An- que
tioche l'an 233 , lorsqu'il les conduisoit
contre
AAOUST. 1732 1723
contre la Perse L'Empereur voulant éteindre les semences de sédition qui se formoient dans son armée, rappella à ses anciens Soldats l'usage qu'on leur avoit enseigné de faire de leur voix , d'abord
contre les Sarmates , ensuite contre les
Germains , et enfin contre les Perses ,
ajoutant qu'il étoit étonnant qu'ils voulussent s'en servir contre celui qui leur
fournissoit la nourriture,les vétemens, &c.
Qui in concione estis , leur dit- il , vocem in
bello cantra hostem , non contra Imperatorem
vestrum necessariam , certè Campidoctores
vestri hanc vos docuerunt contra Sarmatas et
Germanos ac Persas emittere , non contra eum
qui acceptam à Provincialibus annonam ,
qui vestem , qui stipendia vobis attribuit.
Monsieur de Tillemont n'ayant traduit
dans notre langue qu'une partie de ce dis- cours , n'a pas fait sentir que les Sarmates
ysont nommez en premier lieu , et les
Germains ensuite. Ce fut donc l'occasion.
de l'irruption des uns ou des autres de ces
Barbares qu'Alexandre saisit , pour convaincre les Soldats , combien ils se connoissoient peu en vrai mérite , lorsqu'ils
marquoient quelque inclination d'obéïrà
Ovinius. L'Empereur qui étoit jeune , af
fecta apparemment d'aller exprès à pied,
afin de faire succomber son concurrent
Cij Sous
1924 MERCURE DE FRANCE
sous la fatigue, et il en vint à bout en peu
de jours. Comme il est évidenr qu'Alexandre dans le discours qu'il tint à ses
Troupes , les faisoit ressouvenir par ordre des temps de toutes les Campagnes
qu'ils avoient faites; il est necessaire de
placer celle de Sarmatie la premiere ; et
par consequent comme celle de Germanie est de l'an 229 , au plus tard ; on doit
celle que qui se fit contre les
Sarmates a dû être aussi au plus tard l'an
convenir
228.
On ne peut pas assurer si Alexandre
alla en personne jusques dans la Sarmatie; c'est un fait qu'Acolius auroit sans
doute éclairci par le moyen de son livre
des Voyages de cet Empereur. Mais ses
Mémoires étant perdus , on doit se contenter de sçavoir simplement que la premiere guerre que cet Empereur eut à soutenir, fut contre ces peuples. Il seroit fort
à propos , je l'avoue , que quelque Médaille vint au secours de la notice que je
prétends tirer en faveur de cette guerre
Sarmatique , du discours qu'Alexandre
tint à ses Soldats , de méme que nous en
avons une qui constate celle de Germanie. Mais il ne faut point désesperer d'en
trouver quelquejour où la victoire sur les
Sarmates sera rapportée à l'une des 6 premieres
AOUST. 1732 1725
,
mieres années du regne d'Alexandre ,
pourvû que l'on soit plus soigneux de les
conserver , que ne l'a été un Orfévre de
notre Ville , qui au mois de Juin dernier,
en ayant acheté d'un passant un grand
nombre d'argent , du regne de cet Empereur et des autres Princes qui lui succederent , les fondit une demie - heure
après, sans qu'on ait pû en sauver qu'une
seule d'Alexandre. Ces monumens,moins
sujets aux accidens que les livres, peuvent
suppléer en quelque sorte , à ce que nous
- sçaurions plus en détail , si nous avions
en original les Memoites que Septimius ,
Acolus , Encolpe , Gargilius-Martialis
Marius Maximus , Aurele- Philippe et
encore d'autres témoins oculaires avoient
dressés touchant le regne de cet Empereur. Cette guerre Sarmatique s'offre icy
d'autant plus à propos,avant celle de Germanie , que plus elle sera rapprochée du
regne d'Alexandre , plus on sera fondé à
suivre l'explication que Saumaise a donnée au texte de Lampride , et à dire avec
lui que ce fat Alexandre même qui donna ordre de tuer Ovinius dans l'une de
ses terres , où il demeuroit depuis long- temps,
et à ne pas rejetter , sans necessité , cette
mort sur l'Empereur suivants tutum ad
Willas suas irepræcepit in quibus DIU VIXIT,
C iij
K
sed
1726 MERCURE DE FRANCE
sed post , jussu Imperatoris occisus est. Depuis la remarque que vous , Monsieur ,
m'avez fait faire , après Saumaise , que
tout Historien qui dit simplement l'Ēmpereur , entend celui dont il écrit l'histoire , et non son successeur; je ne panche
plus en aucune maniere pour le sentiment que M. de Tillemont insinuë.
M. P. d'Orleans a proposé le silence de
deux Ecrivains contemporains à Alexandre ; sçavoir , Dion et Hérodien , comme
un grand argument contre l'histoire de
l'association d'Ovinius, Mais il faut d'abord retrancher de ce nombre l'Historien
Dion , pour plusieurs considerations. La
premiere est , que nous avons perdu le
livre de son histoire, qui comprenoit une
partie duregne d'Alexandre; car nous n'en
avons qu'un abregé des plus succincts ,
fait par Xiphilin , lequel a retranché ce
qui lui a plus la seconde est , que si
l'association d'Ovinius s'est faite dans le
temps que Dion a renfermé dans son Histoire , c'est-à-dire , avant l'an 229 , comme je n'en doute aucunement , Xiphilin
a voulu la comprendre sous ces termes
generaux qui se trouvent dans son abregé: Per id tempus multe rebelliones facta
sunt à multis quarum aliquot , quum fuissent formidolosa , repressa ac restrincta sunt.
Les
AOUST. 1732. 1727
Les sourdes pratiques d'Ovinius pour par
venir à l'Empire, sontsans doute du nom
bre de ces rebellions dangereuses qui furent réprimées par Alexandre. Can Ovinius rebellare voluisset tyrannidem affecians,
dit Lampride.
ро
Qu'importe , en effet , de quel moyen
on se serve pour réussir à étouffer une rebellion formée secretement , force ou
adresse , pourvu qu'on parvienne au bur
qu'on s'est proposé. Alexandre usa de
litique, de même qu'il venoit de faire unt
peu auparavant , incontinent après le
meurtre d'Ulpien son favori. Le même
Dion dit que la raison pour laquelle Epagathe , Auteur de ce meurtre , ne fut
point puni sur le champ et pourquoi
l'Empereur parut dissimuler la peine que
lui faisoit cette action , fut la crainte qu'il
eut d'exciter une émotion dans Rome.
Epagathus qui Vlpiano magna ex parte
causa necis fuerat , missus est in Ægyptum,
ut Præfectus ejus Provincia , ne forte si de eo
Rome supplicium sumptum esset , tumultus
aliquis connectaretur; atque inde reductus in
Cretam , condemnatus est. Per id tempus , et
le reste , comme cy- dessus.
Quelque année que l'on choisisse entre les six premieres du regne d'Alexandre,
pour placer la mort d'Ulpien , il est évi- C iiij dent
7728 MERCURE DE FRANCE
dent que la rebellion d'Ovinius ne tarda
gueres à suivre cet évenement. On doit
aussi placer vers ce temps-là les procla
mations des autres Augustes dont j'ai parlé plus hauts et le texte de Dion le demande.
A l'égard d'Herodien , ce n'est rien
moins qu'un Auteur exact , suivant les
Critiques et suivant M. de Tillemont
même. Aussi le reprend-il très-souvent ;
ainsi sans entrer dans le détail, qu'il mesoit
permis de renvoyer M. P: à la table de
son troisiéme volume de l'Histoire des
Empereurs. Lampride pareillement , qui
avoit l'ouvrage d'Herodien sous les yeux,
en faisant la vie d'Alexandre , est obligé
de le corriger , lorqu'il contredit les Annales de la Ville de Rome , et tous les
Auteurs contemporains , qui étoient plus
à portée que lui d'examiner les démar
ches de cet Empereur , et sa maniere de
vivre. Cet Historien Grec a pû être mieux
informé de quelques- unes des choses qui
se passerent en Orient , mais il n'eut pas
les mêmes facilitez pour apprendre tout
ce qui arriva dans l'Occident. Il en raconta des Histoires autrement qu'elles n'étoient , et il en obmit plusieurs qui ne
vinrent point à sa connoissance , même
de celles qui regardent l'Orient.
S'il
AOUST. 1732. 1729
S'il falloit n'admettre que ce qu'il a inseré dans son Ouvrage , il faudroit effacer
de la vie d'Alexandre la révolte des Troupes de Mésopotamie , contre Flavius Heracleon , leur Commandant, dont Dion a
parlé; il ne faudroit rien croire du meurtre d'Ulpien, rapporté par le même Dion.
Si Herodlen a obmis l'association d'Ovinius , il a aussi passé sous silence la victoire sur les Germains, remportée en 229,
dont les Médailles ont conservé la mémoire ; il n'a pas fait là moindre men--
tion du triomphe glorieux d'Alexandre ,
au retour de la guerre de Perse. Loin de
cela ,on croiroit à le lire , que l'Empëreur confus de n'avoir pû vaincre Arta--
xerxes , vola brusquement d'Antioche sur
les bords du Rhin ,, pour l'éxpédition
d'Allemagne ; confectoque celeriter itinere
consistit ad Rheni ripas. Il ne dit rien non
plus de l'élevation de Taurin et d'Urane
à l'Empire. Faut-il donc s'étonner s'il en a
fait autant d'Ovinius.
Je ne m'étendrai point à refuter la proposition extraordinaire par laquelle M. P.
avance,qu'à moins que les faits que Lam--
pride a tirés des Historiens contemporains
d'Alexandre , ne se rencontrent ailleurs ;
on est toujours bien reçu à les rejetter.
Javoiie que ce principe est très- commode
G. v pour
1730 MERCURE DE FRANCE
pour n'admettre que ce que l'on veut. Il
suffit de l'exposer , pour faire voir à quel
dégré d'incrédulité il conduiroit les Lecteurs , s'ils en étoient susceptibles , et il
n'est pas difficile de prévoir qu'après l'avoir admis , à l'égard des Historiens du
Paganisme,on pourroit bien l'étendre sur
d'autres , d'une importance bien plus
grande. Je suis donc d'avis, comme vous,
Monsieur , que loin de rejetter le témoignage des Auteurs réunis ensemble , dans
la compilation de l'Histoire Auguste ,
tout imparfaits qu'ils sont; la raison veut
qu'on y ajoute foy , comme à toute autre
Histoire , à moins qu'il n'y ait des motifs
très-pressans de s'en écarter, et des objections qui soient sans replique.
La derniere objection de M. P. contre
l'association d'Ovinius à l'Empire , consiste en ce qu'il ne se trouve aucune Médaille qui fasse mention de lui,ni aucune
Loy où son nom soit marqué. Mais fait- il
attention , que selon l'Historien sur lequel nous nous fondons , cette association fut de très peu de durée , et qu'Ovinius fatigué du métier de la guerre , au
bout de trois ou quatre jours de marche,
abdiqua l'Empireset qu'Alexandre l'ayant
aussi- tôt confié à des Soldats , de la fidèlité desquels il étoit très-sûr,le fit conduire
dans
AOUST. 1732. 1731
dans ses terres, où il vécut en simple particulier. Quoiqu'on ne puisse gueres dou
ter qu'il n'y ait eu quelques Médailles
à l'occasion de l'association d'Ovinius
il n'est pas extraordinaire qu'il ne s'en
trouve point aujourd'hui. Combien y en
a-t-il eu qui n'existent plus , et combien
n'en reste- t- il pas encore à découvrir? On
donne communément trois femmes à Alexandre Severe ; où sont les Médailles des
deux dernieres ? Où est celle qui fut sans
doure frappée pour le triomphe de cet
Empereur. L'Histoire ne nous apprend- elle pas que certaines personnes ont porté le titre d'Empereur , sans qu'il en reste
des Médailles, ou du moins dont on n'en a
que de tres douteuses. Tel est un Jotapianus , un Lucius - Priscus , un JuliusValens , un Perpenna- Lucinianus, un Firmius , &c. S'il ne se trouve point de Médailles de tous les Princes dont l'Histoire
fait mention , il faut aussi avouer que les
Médailles nous ont conservé le nom de
quelques Princes , qui sans cela ne seroient point connus, les Livres qui en
pouvoient traiter ayant été perdus. Tel
est un Pacatianus , un Nigrianus, une Bar
bia Orbiana , &c. On ne peut donc point
conclure avec certitude, qu'un Prince n'a
point existé , de ce qu'on ne trouve poinɛ Cvj son
1732 MERCURE DE FRANCE
son nom sur les Médailles qu'on a aujourd'hui,ou qu'il ne paroît pas dans les Hitsoriens ,parce qu'on a perdu beaucoupde mo
numens en l'un et en l'autre genre. On peut
encore moins le conclure de ce que son
nom n'est dans aucune Loy. Cette raison
est des plus frivoles dans l'affaire d'Ovinius. Il peut se faire qu'il n'y ait eu aucune
Loy expédiée , du moins qui soit parve
nue jusqu'à nous , pendant le court inter valle de son association. Si donc il se rencontre des vuides considérables , sans promulgation de Loix , pendant les années ,
à l'une desquelles on est obligé de fixer
cette association , l'argument de M. P.
n'est d'aucun poids , et il tombe de luimême.
nuë
Quoique jaye accordé à M.P. qu'une
Inscription votive, de l'an 228. qui porte
ces mots: Pre salute Dominorum, pourroit
s'entendre plus naturellement de l'Im
pératrice Mammée , avec son fils ; je n'abandonne point cependant tout-à- fait la
part qu'Ovinius peut avoir dans ce nom
bre plurier; parce qu'à la lecture de Dion,
tout abregé qu'il est par Xiphilin ; on
voit clairement que la mort d'Ulpien n'a
pas dû précéder de beaucoup de temps le
Consular du même Dion , qui fut sûrement l'an 229. Il faut donc mettre certe
mort
A' O UST. 、 1732. 1733
mort vers la fin de l'an 227 , ou au commencement de 228. Or comme , selon le
même Dion , l'intervalle entre ces deux
époques fut celui pendant lequel se for- merent diverses rebellions : Multa rebelLiones à multis celle d'Ovinius ayant été
l'une des plus dangereuses, il paroît qu'on
doit toujours la rapporter à l'an 228 ; et que
par conséquent son association seroit du
même-temps, et sous le Consulat de Mcdeste et Probus. C'est ce qu'il faut esperer
que la postérité verra un jour éclairci par
les Médailles , dont on fera la découverte, ou par d'autres monumens plus en- tiers que n'est celui d'Auxerre. Au reste
cet Ovinius-Camillus estsi peu une chime
re et unpersonnage fabriqué par Lampride, ou par quelque Ecrivain posterieur
selon le jugement de Tristan , que ce celebre Antiquaire le croit fils d'un autre
Ovinius-Tertullus , Président de la Mysie inférieure , auquel fut adressé un Réscrit très-connu dans le Droit , et qui a
fait donner le nom de : Ad Senatus Consulium Tertullianum , au tit . 17 du 38 liv.
du Digeste. Les Deux Empereurs qui y
sont nommez , sont Septime Sévére , et
Caracalla , son fils ; et le Jurisconsulte ,
qui cite le Réscrit, n'est autre que le fameux Ulpien , dont j'ai déja parlé plu- sieurs
1734 MERCURE DE FRANCE
sieurs fois. Je vous ai , Monsieur , l'obligation de cette remarque , qui n'est pas
icy hors de propos , et qui fait voir en
même- temps, qu'en lisant les Loix, vous
ne perdez aucun des fruits qu'on en peut
tirer pour la littérature. Comme les Livres du Droit sont moins suspects de
falsification que les Livres d'Histoire ,
j'espere que mon Adversaire aura assez
d'équité pour ne pas prétendre que la
généalogie , indiquée par Tristan , pêche
jusques dans sa source. Il faut qu'il convienne au moins que le nom d'Ovinius
ne se rencontre guéres ailleurs qu'en ces
-deux endroits. De mon côté , si le tout
est controuvé et fabriqué à plaisir , j'avouerai que la manufacture d'Ecrivains ,
Imaginée par quelques modernes , a eu
des correspondances admirablement bien
soûtenues par tout l'Occident , pour y
faire trouver en tous lieux , dans le Corps
du Droit , un Ovinius- Tertullus , Pere
environ l'an 200 , et dans la compila
tion de l'histoire Auguste , un OviniusCamillus , fils , l'an 228. ou environ.
AAuxerre , ce 26 May 1732
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Résumé : DEFFENSE d'un Trait Historique de Lampride sur Ovinius Camillus, adressée à M. Bouhier, President au Parlement de Dijon.
La lettre adressée à M. Bouhier, président au Parlement de Dijon, traite de l'interprétation d'une inscription découverte près de Dijon. L'auteur, Defens, reconnaît qu'il existe plusieurs explications possibles pour le terme 'PRO SALUTE DOMINORUM'. Il mentionne qu'un individu d'Orléans, se faisant appeler D.P., a proposé une autre interprétation, contestant l'association d'Ovinius Camillus avec l'Empire d'Alexandre Sévère. Defens défend l'autorité de Lampride, l'historien qui rapporte cette association, et souligne que les circonstances politiques de l'époque rendent cette association plausible. L'Empire d'Alexandre Sévère fut marqué par des soulèvements et des menaces internes, justifiant la prudence d'Alexandre en associant Ovinius à l'Empire pour apaiser les Prétoriens. Le texte discute également de la stratégie politique d'Alexandre Sévère visant à discréditer Ovinius, un rival potentiel. Alexandre proposa à Ovinius de l'accompagner en guerre contre les Barbares, anticipant que ce dernier ne pourrait supporter les fatigues du voyage. Cette manœuvre réussit, permettant à Alexandre de se débarrasser d'un ennemi dangereux. Le texte compare cette stratégie à celle utilisée par Septime Sévère contre Albin, soulignant l'efficacité de telles tactiques politiques. Une controverse sur l'interprétation d'un passage de Lampride est également abordée. Monsieur de Tillemont avait traduit ce passage de manière erronée, suggérant qu'Alexandre avait offert à Ovinius de conduire l'armée seul. Cependant, la particule 'vel' dans le texte latin doit être interprétée comme 'et', indiquant qu'Alexandre invita Ovinius à se joindre à lui en guerre. Le texte mentionne les campagnes militaires d'Alexandre contre les Sarmates et les Germains, soulignant leur importance dans la consolidation de son pouvoir. Il discute également de la fiabilité des historiens contemporains, comme Dion et Hérodien, notant leurs omissions et erreurs. L'auteur affirme que l'association d'Ovinius avec Alexandre est un fait historique, malgré les silences de certains historiens. Le Mercure de France, daté de 1730 à 1734, défend l'idée que les témoignages des historiens, même imparfaits, doivent être pris en compte. L'auteur réfute l'objection de M. P. concernant l'association d'Ovinius à l'Empire, soulignant que cette association fut de courte durée et que l'absence de médailles ou de lois mentionnant Ovinius n'est pas une preuve de son inexistence. Il argue que de nombreux monuments et documents historiques ont été perdus ou ne sont pas encore découverts. L'auteur conclut que l'on ne peut pas conclure avec certitude à l'inexistence d'un prince en l'absence de preuves contemporaines. Il discute également de l'inscription votive de l'an 228 et de la généalogie d'Ovinius, citée par Tristan, ainsi que de la présence du nom Ovinius dans les lois et l'Histoire Auguste.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 1735
BOUTS RIMEZ, proposez. dans le Mercure de Mars 1732.
Début :
Charmant jus de Bachus, de toy seul je veux Boire, [...]
Mots clefs :
Boire, Jus
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : BOUTS RIMEZ, proposez. dans le Mercure de Mars 1732.
BOUTS RIME Z , proposez dans
le Mercure de Mars 1732.
Charmant jus de Bachus , de toy seul, je
Pour toi , je donnerois le plus riche
Boire,
Butin "
Pour te trouver, j'irois jusqu'au mont Pa-Latin,
Je vaguerois par tout , j'irois de Foire en Foire.
Je passerois le Rhin , la Garonne , et la Loire ;
On me verroit aller en nocturne
Comme fait un Coureur (a) en trousse de
Lutin,
Satin.
Mais pour ce jus Normand , ou de Pomme , ou de
Qu'on me mette plutôt sous le fer du.
Poire,
Rabot,
Que je sois à l'instant plus petit qu'un Nabot ,
Plus gauche , plus tortu, que la plus laide Souche,
Qu'on m'oblige à tirer la Rame d'un Batean ,
Mon vrai baume est le vin qu'il coule
plein Ruisseau,
Je m'embarasse peu qu'il soit dur , clair , ou
Louche
Par l'Abbé LANIBXE
( a) Espece de Haut-de-Chausse , que portent
les Coureurs des Gens de qualité
le Mercure de Mars 1732.
Charmant jus de Bachus , de toy seul, je
Pour toi , je donnerois le plus riche
Boire,
Butin "
Pour te trouver, j'irois jusqu'au mont Pa-Latin,
Je vaguerois par tout , j'irois de Foire en Foire.
Je passerois le Rhin , la Garonne , et la Loire ;
On me verroit aller en nocturne
Comme fait un Coureur (a) en trousse de
Lutin,
Satin.
Mais pour ce jus Normand , ou de Pomme , ou de
Qu'on me mette plutôt sous le fer du.
Poire,
Rabot,
Que je sois à l'instant plus petit qu'un Nabot ,
Plus gauche , plus tortu, que la plus laide Souche,
Qu'on m'oblige à tirer la Rame d'un Batean ,
Mon vrai baume est le vin qu'il coule
plein Ruisseau,
Je m'embarasse peu qu'il soit dur , clair , ou
Louche
Par l'Abbé LANIBXE
( a) Espece de Haut-de-Chausse , que portent
les Coureurs des Gens de qualité
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Résumé : BOUTS RIMEZ, proposez. dans le Mercure de Mars 1732.
Le poème 'BOUTS RIME Z', publié en 1732, exalte le vin comme le breuvage le plus précieux. L'auteur, l'Abbé LANIBXE, évoque des voyages et des obstacles pour l'obtenir, mentionnant le mont Palatin et des rivières comme le Rhin, la Garonne et la Loire. Il refuse les jus normands, préférant des punitions sévères. Le vin, quel que soit son aspect, est son véritable baume.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 1736-1755
TRADUCTION d'une Relation Turque, sur ce qui s'est passé dans les Conferences teuuës pour la Paix entre les Turcs et les Persans, à l'Armée du Grand-Seigneur, près d'Hamadan, par les Plénipotentiaires de Sa Hautesse, et ceux de Chah Thamas, Roy de Perse.
Début :
Achmet-Pacha, Seraskier ou General de l'Armée Otomane, et [...]
Mots clefs :
Traduction, Achmet Pacha, Sérasker, Province de Babylone, Conférences, Paix, Turques, Persans, Plénipotentiaires, Empires, Royaume de Perse, Moscovites, Cours, Gratitude, Dieu
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TRADUCTION d'une Relation Turque, sur ce qui s'est passé dans les Conferences teuuës pour la Paix entre les Turcs et les Persans, à l'Armée du Grand-Seigneur, près d'Hamadan, par les Plénipotentiaires de Sa Hautesse, et ceux de Chah Thamas, Roy de Perse.
TRADUCTION d'une Relation Turque,
sur ce qui s'est passé dans les Conferences tennës pour la Paix entre les Turcs et les
Persans , à l'Armée du Grand- Seigneur,
près d' Hamadan, par les Plénipotentiaires de Sa Hautesse , et ceux de ChabThamas , Roy de Perse.
Chmer- Pacha, Seraskier ou General
Adel'armée Otomane, et BeylerBey,
( c'est-à- dire Gouverneur ) de la Province de Babylone , en vertu des pleins
pouvoirs que le G. S. lui envoit envoyez pour faire la paix avec les Persans,
ayant nommé Achmet- Pacha , Beylerbey
de Rika, (1) Abdi- Pacha-Zadé- Ali- Bey,
Salahor ( 2 ) de S. H. Kassim- Effendi ,
Defterdar ( 3 ) de l'Armée , et Raghib
Effendi , Defterdar de Bagdat , pour PleB
( 1) Rika , est un des 17. Beylerbeys ou
Grand - Gouvernemens d'Asie , qu'on appelle
Hassilez. Voyez Ricaut , et le 3. du Diarbekir ,
consideré seulement comme l'ancienne Mesopotamie , renfermée entre le Tygre et l'Euphrate.
(2) Salahor, Ecuyer Cavalcadour , qui exerceet travaille les Chevaux du G. S. il y en a″12.
( 3 ) Defterdar , Intendant des Finances et Trésorier. 1
nipo
A O UST. 1732. 1737
nipotentiaires de la Poste > et ChahThamas , ayant choisi pour les siens ,
Mehemet-Riza-Khan , ( 1 ) _ Kouroudgi
Bachi, et Mustapha Khan. Tous ces Ministres se rendirent au quartier du Beylerbey de Rika , où ils s'assemblerent
sous sa Tente , le premier de Janvier de
la présente année 1732.
PREMIERE CONFERENCE.
Après que les Plenipotentiaires respectifs se furent fait les complimens et les
politesses d'usage en pareille occasion .
ceux de la Porte ouvrant la Conférence
dirent à ceux du Roy de Perse.
7
Le Seraskier Achmet-Pacha , nous. a
donné pouvoir d'entrer avec vos Excellences , dans une négociation dont le
succès ne peut être que très- avantageux
à la Perse. Nous sommes disposez de notre part à travailler si éfficacement a la
paix qu'il ne dependra certainement pas
de ncs foins que nous n'en voyions bientôt une heureuse conclusion. Ainsi c'est
à vos Excellences à nous faire connoître
jusqu'à quel point elles sont autorisées de
(1 ) Khan , est la même chose en Perse qu'un Pacha ou un Gouverneur de Province en Turquie, et Kouroudgi Bachi , y fait l'équivalent da
Janissaire Aga chez les Turcs.
leur
1738 MERCURE DE FRANCE
leur Maître , et quelles sont leurs pré- tentions.
Les Plenipotentiaires de Perse, prenant
alors la parole , répondirent que de tout
temps l'illustre Maison des Rois de Perse
avoit été liée d'amitié avec l'illustreMaison
Otomane , et que cette amitié n'avoit jamais été interrompuë que par la fatalité
du destin , qui avoit quelquefois produit
des évenemens surnaturels , suivis de la
discorde , et contre toute attente. Mais
ajoûterent- ils , nous desirons aujourd'hui
avec ardeur de faire revivre entre nous une
union si intime, qu'elle puisse rétablir
une tranquillité inalterable entre ces deux
Empires.
C'est aussi le même motif qui nous
anime, répliquerent les Ministres Turcs ;
mais pour parvenir au but que nous nous
proposons tous, il faut commencer par
convenir de certains points fondamentaux
qui puissent servir de base au Traité qui
nous assemble , et il est necessaire pour
cela que vous nous découvriez d'abord
sans détour, vos véritables intentions, afin
qu'après en avoir informé le très heureux
Seraskier , nous puissions , sur les ordres
que nous en recevrons , donner quelque
forme à la Négociation que nous enta
mons aujourd'hui.
Puisque
1
A O UST. 1732. 1739
Puisque vos Excellences souhaitent
que nous nous expliquions nettement ,
reprirent les Ministres de Perse , nous
demandons que generalement tous les
Pays que vous nous avez prís nous soient
restituez , et que la Paix et nos Frontieres avec l'EmpireOtoman soient reglées
sur le même pied qu'elles le furent sous
le Regne du Sultan Soliman , ( 1 ) de
glorieuse memoire.
Ce discours a de quoi nous surprendre,
répartirent les Turcs , et vous nous faiteslà une proposition des plus nouvelles. Il
a toûjours été d'usage , lorsque des Princes ennemis font la paix ensemble , que
non-seulement le vainqueur conserve les
conquêtes dont il est en possession , mais
que le vaincu lui fasse encore des avantages. C'est le cours ordinaire ; les Histoires , tant anciennes que modernes ,
en fournissent mille exemples , et nous
nedoutons pas que vous ne sçachiez tout
cela comme nous. D'ailleurs dans la Paix
que vous nous citez , qui fut concluë entre nos devanciers et les vôtres sous l'Emperéur Soliman , on y convint pour Préliminaires , que les Provinces de Tchildir , ( 2 ) de Cars , ( 3 ) de Van , ( 4 ) et
(1) Soliman II. prit et pilla Tauris en 1535
( 2 ) Tchildir est le ye Gouvernement d'Asie ,
plu-
1740 MERCURE DE FRANCE
plusieurs autres lieux resteroient à la Porte ; et vous , bien loin de nous offrir au
moins quelques Places au- delà des Pays
que le sort des armes a mis entre nos mains , vous demandez que nous vous
rendions ces mêmes Pays , qui subis
sent nos Loix depuis long - temps et
dont la conquête nous a coûté des trésors immenses et des torrens de notre
sang.
Vous avez raison , dirent les Persans ;
` nous convenons de la justesse de vos rai
sonnemens, mais un Empire aussi puissant et d'une aussi prodigieuse érenduë
que le vôtre , ne doit pas s'attacher , ni
même daigner faire attention à quelques
coins de terre si ruinez , qu'ils sont devenus plus propres à servir de retraite à
de tristes Hiboux , que de demeure à
de valeureux Soldats comme les- Otomans. Neanmoins quoique ces contrées
désolées ne puissent êtte considerées
1
que
de ceux qu'on appelle Hasilé. Il est sur les Frontieres de la Georgie.
(3) Cars , Ville de la grande Armenie , dans
cette partie qu'on appelle aujourd'hui Iran , ou
Carabag , entre l'Araxe et le Cyrus.
(4) Van , Ville de la même contrée que Cars,
et située sur un Lac du même nom , que l'on
appelle la Mer de Van ou d'Armenie , à cause
de son extréme grandeur... comme
A O UST. 1732. 1740
.
comme un rien pour votre Empire il est
pourtant vrai qu'elles sont un objet fort
considerable pour le nôtre , et que nous
en regarderons la restitution comme une
grace singuliere , purement émanée de
la clémence du G. S. que nous osons implorer aujourd'hui ; au surplus vous êtes
les Maîtres et nous nous en remettons
à vous avec une entiere confiance.
II. CONFERENCE, tenu le lendemais
entre les mêmes Ministres et au même
endroit.
Les Plénipotentiaires Turcs adressant
la parole à ceux de Perse , leur dirent :
si vous êtes effectivement dans le dessein
de finir la guerre , ( 1 ) ne vous amusez pas,
comme vous fites hier , à battre le fer
froid. Mais au lieu de vous entretenir
dans la vaine idée de la pouvoir terminer sur le même plan que nos Ancêtres
suivirent sous Soliman , songez plutôt à
joindre à nos conquêtes quelques Pro
vinces qui puissent nous convenir , ainsi
que les vaincus en ont toûjours agi envers leurs vainqueurs.
Et que nous reste-t'il , pour vous don
ner de nouvelles Provinces , se récrierent
(1 )Proverbe Arabe , qui revient au nôtre , il
faut battre le fer tandis qu'il est chaud,
les
1742 MERCURE DE FRANCE
les Persans ? Nous venons humblement
vous demander grace ; nous reclamons
la misericorde de la Porte ; notre intention n'est pas de marchander ni de chicaner avec vous ; nous connoissons.trop
l'état d'humiliation où l'enchainement de
nos malheurs nous a réduits , pour avoir
la présomption de vous rien contester
mais si la décadence de nos affaires , arrivée par le concours de mille fâcheux évenemens , a été cause que vous nous avez
traitez de la maniere la plus cruelle, pourriez vous laisser échapper la belle occasion que le Ciel vous offre aujourd'hui de
réparer nos maux , en faisant autant de
bien à notre Monarque , que vous lui
-avez porté de préjudice ? non , au lieu
de lui rien demander davantage , réta
blissez-le sur son Trône , avec autant de
puissance et de splendeur qu'y brillerent
autrefois ses illustres Ayeux , et persua
dez- vous que la gloire de votre Empire.
et de votre Empereur y est interessée. Du
reste, à notre égard, nous serons toujours
satisfaits de tout ce que feront vos Excellences.
Nous voulons bien le croire ainsi , répondirent les Plénipotentiaires de la
Porte , et votre modestie nous confirme
dans l'opinion que nous avions déja conçuë
A O UST. 1732. 1743
çue de votre prudence et ' de votre capacité. C'est pourquoi nous vous déclarons de la part de l'Empereur notre Maî
tre, que par un excès de bonté pour vous,
il veut bien , non- seulement vous accorder la Paix et se désister des justes prétentions qu'il auroit comme victorieux
d'exiger de nouveaux Païs qui seroient
à sa bienseance , outre ceux qu'il a conquis sur vous , il veut encore faire plus
en votre faveur , et pour vous marquer
jusqu'où va son extrême generosité , il
vous donne le choix entre les derniers
Pays que ses Armes lui ont acquis en
deçà de l'Araxe , et à l'exception de la
Province de Tauris , ( ) vous n'avez qu'à
demander , tout vous sera accordé.
Nous vous avons exposé ce que nous
desirions , répliquerent les Persans , et
sans varier dans l'unique point- de- vûë
qu'il nous est permis d'avoir , nous continuons à vous prier de rétablir notre Roy
dans tous ses Etats. Faites cependant ce
que vous jugerez de plus digne de vous
et de la gloire de votre Empire. Mais
comme nous nous app rcevons que nos
instances les plus vives ne produisent pas
(1) Tauris ou Tebris , grande Ville et Provin- ce enclavée dans l'Airbeitzan ou Edzerbaijan
qui fait partie de l'ancienne Médie,
sur
1744 MERCURE DE FRANCE
sur vos Excellences l'effet que nous avions
crû pouvoir nous en promettre , qu'elles
nous donnent , s'il leur plaît le reste du
jour pour consulter entre nous , et demain matin Mustapha Khan (. ) viendra
vous rendre compte de la résolution que
nous aurons prise.
III. CONFERENCE , où il n'y ent
que Mustapha - Khan , de la part de Chah-Thamas.
Le lendemain , ainsi que les Plénipotentiaires Persans l'avoient promis , Mustapha- Kan se rendit au lieu de l'Assemblée et dit aux Ministres Turcs qui l'y
attendoient. A la verité jusqu'à present
nous avions été obligez , Mehemet RizaKhan et moi , de nous en tenir , conformement à nos instructions , à vous
prier de restituer generalement à notre
Souverain tous les Pays que la Porte lui
a enlevez , mais ayant reconnu combien
vos Excellences étoient éloignées de remplir nos souhaits à cet égard , nous hous
sommes retranchez à les supplier d'agréer
une des deux propositions que je vais
avoir l'honneur de leur faire. La premie-
*
(1) N. B. c'étoir Mehemet Riza Khan , qui
tomme Premier Plénipotentiaire , portoit la parolc.
A O UST. 17327 1745
re, que la Perse payera annuellement à
la sublime Porte une certaine somme
dont on conviendra , moyennant quoi
les limites des deux Empires seront bor :
nées par les Rivieres d'Arpatchaï ( 1 ) et :
de Karct-Kalkan , et vous nous restituerez tous les Etats que vous avez conquis .
sur nous. La seconde , qui vous sera peutêtre plus agréable , que les Provinces de
Tiflis ( 2 ) d'Herdelan, resteront sous votre
domination , et que vous nous ferez la
grace de laisser rentrer le reste sous celle
de notre Roy.
Ni l'une ni l'autre de ces propositions
n'est acceptable , répondirent les Plenipotentiaires de Turquie , et il nous paroît si hors de propos , que vous fassiez
la moindre ouverture sur les Pays audelà del'Araxe qu'il ne nous convient ›
même pas d'ouvrir la bouche pour vous
répondre sur cet article. En verité , continua le Pacha de Rika , qui comme le
premier entre ses Collegues parloit pour
tous , il est bien étrange , que dans le
temps même qu'également touchez de
11) Ces deux Rivieres sont en Géorgie.
(2) Tiflis , ou Téffis , Capitaine du Gurgistan,
qui est la Géorgie , proprement dite. Elle est si- tuée sur le bord du Kur , anciennement le Cyrus.
Herdelan est dans le même Pays.
D YOS
1746 MERCURE DE FRANCE
vos malheurs et de vos prieres , nous
consentons , non- seulement à renoncer
en faveur de la Paix aux Provinces que
nous serions en droit d'exiger par- dessusnos conquêtes , mais que notre complaisance pour vous s'étend jusqu'à vous of→
frir de vous en rendre de celles que nous
venons d'acquerir ; il est bien étrange ,
dis-je , que vous nous fassiez sérieusement
des propositions si éloignées de toute raison. Vous voulez ceci , vous ne vou
lez pas cela , et vous prétendez disposer
des Pays qui sont entre nos mains, comme
si vous en étiez encore les paisibles possesseurs.N'avez vous donc pas de honte d'ê
tre si peu judicieux ? Le Pacha s'emporta
en proferant ces dernieres paroles , ou
du moins fit semblant de s'emporter ,
car il se radoucit bien- tôt , quand Mustapha l'interrompant d'un air humble et
flateur , s'exprima en ces termes : Nous
sommes venus implorer la générosité de
la sublime Porte , à laquelle nous nous
abandonnons sans réserve , et dont la
puissance s'étend d'un bout du Pole à l'au
tre; vous nous voyez accablez de revers,
sans appui , sans secours; nous ne possedons plus rien qui mérite de porter le
nom de Païs et de Provinces ; il n'est pas
étonnant que dans des circonstances si
affligeantes,
A O UST. 1732. 1747
affligeantes , nous vous fassions des demandes qui vous paroissent inconsiderées , mais vous ne devez pas nous en
sçavoir mauvais gré , et quelque extraordinaires que vous semblent nos prétentions , l'état violent où nous sommes,
doit les excuser auprès de vos Excellences.
Pourquoi , reprirent les Turcs , faites-vous tant les miserables ? Est- ce que
le Royaume de Perse est renfermé seulement dans les conquêtes que nous y
avons faites ? et peut-on appeller pauvre
un Souverain qui possede Ispaham , le
Guilhan , ( 1 ) Chiras , ( 2 ) le Korassan , (3)
et tant d'autres Contrées , qui forment
encore un vaste Empire ?
De tous les Etats , dont vous venez de
faire l'énumération , repartit Mustapha ,
en soupirant , une partie a passé sous les
Loix des Infideles Moscovites , et l'autre
est , pour ainsi dire , totalement boule-
(i) Le Guilhan ou Kilan , est le long de la
Mer Caspienne , et compose avec le Mazandran ,
l'ancienne Hyrcanie.
(2 ) Chiras ou Schiras , Ville sur le Kur, dans
le Farsistan ou la Perse proprement dite.
(3) Le Korassan , Corasan , ou Chorasan ,
comprend l'anciene Ariane , partie de la Bactriane , et du Païs des Parthes , c'est une des plus
Considerables Contrées de la Perse.
Dij versée
1748 MERCURE DE FRANCE
1
versée par les ravages et les désordres
qu'y ont faits , ou qu'y ont attirez les
cruels ( 1 ) Esghans. De sorte qu'à proprement parler , nous n'avons plus frien
de quelque conséquence que Coni ( 2 ) ,
Kiachan ( 3 ), et ( 4 ) Ispaham.
Mais si votre situation , repliquerent
les Turcs , est aussi déplorable que vous
nous la dépeignez ; si outre cela vous affectez dans toutes les occasions de vous
dire , nos Freres , de vous vanter d'être
avec nous dans la même unité de Religion, et si vous avez d'ailleurs tant d'embarras et d'ennemis sur les bras, d'où vient
ne vous pas appliquer à vous en délivrer?
Pourquoi vous acharner particulierement
contre nous , comme vous faites ? Car s'il
en faut juger par toutes vos démarches ,
il n'y a que nous seuls qui vous occu-
( 1 ) Esghans , Eughans , ou Aguans , Peuples
du Candahar , qui fait partie du Sablustan , autrefois le Paropamisus.
(2 ) Com , ou Kom , Ville dans l'Hierak ou
Yerak- Agemi , partie de l'ancien Royaume des
Parthes.
( 3 ) Kiachan ou Cachan, grande Ville du même Pais.
( 4 ) Ispaham , Spahan , ou Spahon , comme prononcent les Persans , est aussi dans le même
Païs. Les uns croient que cette Capitale de toute
la Perse , a été bârie sur les ruines d'HécatomPylos , et d'autres sur celles d'Aspa.
pions ;
AOUST. 1732. 1749
}
pions ; vos divisions , vos disputes , vos
guerres,votre empressement pour la Paix,
tout semble en vous n'avoir que Nous
pour unique objet.
C'est aussi , dit Mustapha , l'affaire qui
nous interesse le plus , et que nous prenons le plus à cœur. Vous êtes l'ennemi
le plus redoutable que nous ayions en tête;
si nous pouvons parvenir à cimenter avec
vous une Paix solide , nous nous démêlerons facilement de nos autres ennemis ;
et s'il plaît à Dieu, nous vérifierons bientôt le Proverbe Arabe, qui dit que l'hommese releve où il est tombé.
Mais enfin , continua- t-il , si les Otomans nous ont fait éprouver la fureur de
leurs armes , et s'ils nous ont maltraitez
au delà de ce que nous pouvions jamais
prévoir , nous esperons qu'à tant de calamitez qu'ils nous ont fait souffrir , ils feront succeder des dédommagemens qui
Ies égaleront. C'est uniquement dans cet
esprit, que nous venons négocier avec
vous, et non pour disputer sur le plus ou
le moins de Pais à prétendre et à ceder.
Nous vous retraçons au naturel l'image
de nos infortunes ; nos prieres y sont relatives ; c'est à vos Excellences , comme
nous leur avons déja dit, de prendre une
détermination à notre égard , qui distinDiij gue
1750 MERCURE DE FRANCE
gue d'une façon glorieuse , la grandeur et
la dignité de votre Empire.
Tout cela est excellent , répondirent les
Ministres Turcs , et vous avez raison de
vous attendre à recevoir des faveurs de la
Porte ; mais votre attente, pour être bien
fondée , ne doit pas être sans mesure , et
nous voyons avec peine , qu'au lieu de
resserrer vos désirs dans de justes bornes,
vous n'avez fait , jusqu'icy , que vous répandre en demandes indiscretes , qui
loin de nous approcher du but , nous en
écartent. Ainsi comme vous n'avancerez
jamais rien avec nous , si vous ne prenez
une autre route , nous voulons bien encore vous donner le loisir de réfléchir de
nouveau plus murement , sur vos véri
tables intérêts, et nous les discuterons vo
lontiers plus en détail dans la Conféren
ce que nous tiendrons demain.
IV. CONFERENCE , où tous les Ple
nipotentiaires des deux Cours assisterent.
Le 4 dudit mois de Janvier , les Ministres de la Porte , parlant toujours les
premiers , dirent à ceux de Perse : Nous
nous étions persuadez , qu'en agitant une
affaire d'aussi grande importance que celle.
de la Paix , nous ne devions rien négliger
pour la porter à son point de perfectionle
AOUST. 1732. 1791 8
le plutôt qu'il se pourroit ; et nous nous
étions flatez de trouver dans vos Excellences , des dispositions conformes aux
nôtres en cela. Mais nous reconnoissons ,
à regret , que nous avions mal pénétré
leurs intentions , puisqu'il paroît clairement , qu'elles ne cherchent qu'à éluder
les nôtres, et qu'à gagner du temps, pour
faire échouer la négociation à force de la
tirer en longueur. En effet , si ce n'étoit
pas là votre vûë, pourriez- vous vous opiniatrer , comme vous faites , à former des
prétentions , ausqu'elles vous sçavez bien
vous-même qu'il ne nous est pas possible
de souscrire ?
Nous sommes pleinement convaincus
de notre impuissance, répondirent les Persans, et que nous ne pourrons secoüer le
joug qu'il vous plaira de nous imposer.
Vous possedez tout, nous sommes privez
de tout ; c'est à vous d'ordonner,èt à nous
d'obéïr.
S'il étoit vrai , comme vous le dites, reprirent les Turcs , qu'il ne dépendit que
de nous d'achever heureusement cette
négociation , vous ne nous feriez pas des
demandes si peu mesurées , et toutes nos
prétentions réciproques seroient reglées
dans un moment. Il faut être équitable,
et que vos Excellences se restraignent à ce
Diiij qu'on
1752 MERCURE DE FRANCE
qu'on peut raisonnablement leur accorder. Ainsi, sans perdre davantage le temps
en discours specieux , qui ne conduisent
à rien de décisif, parlez- nous une bonne
fois positivement ; nous vous réïterons ,
que vous nous trouverez toujours disposez à nous prêter à tout ce que vous nous
proposerez de faisable. Mais nous devons
vous prévenir auparavant , qu'il ne faut
plus nous contester la possession des Païs
au-delà de l'Araxe , ni que vous insistiez
de nouveau sur la restitution de Tauris ,
qui est en deçà de ce Fleuve. Hors ces
deux articles , vous pouvez tout esperer
du désir sincere que nous avons de faire
tenaître entre les deux Empires une harmonie inalterable.
qui
Vous êtes les maîtres , encore un coup,
repliquerent les Persans ; nous continuons d'avouer que tout vous appartient chez nous ; mais dès que vous rejetteż la priere que nous vous faisons , de
-nous rendre nos Etats au delà de l'Araxe,
set la Province de Tauris en deçà ; surquoi
voulez-vous que roulent nos Conféren-
´ces, puisque tout ce qui nous reste de notre Monarchie , ne vaut pas seulement la
peine qu'on en fasse mention ?
Comment , s'écrierent les Plénipotentiaires de la Porte; n'y at- il pas encore
( 1)
A OUST. 1732. 1753
(1 ) Amadan , avec son vaste territoire ?
et si nous vous le rendons , ne devez- vous
pas être satisfaits ?
-
Nous avions toujours esperé , repartirent ceux de Perse , que vous fériez rentrer Chah Tahmas dans les Païs d'audelà de l'Araxe , et toute la faveur que
vous voulez lui faire , consiste à lui rendre Amadan , qui est en deçà. Dès que
vous montrez si peu d'égard à nos humbles et constantes supplications , nous ne
sçavons plus que vous proposer , et votre infléxibilité nous rend muets.
Que nous dites- vous-là , reprirent les
Turcs; avez- vous oublié , que lors même
que votre Maître se vantoit de nous avoir
battus , il envoïa à la Porte (2) Riza Kouli Khan et Méhémet-Veli - Khan, qui dans
leurs conférences, avec nos Ministres , cederent tous ces Païs Surquoi , s'il vous
plaît , aujourd'hui que vous vous confessez vaincus, pouvez appuïer votre obs
tination à les répéter ?
>
Nous convenons de ce fait , replique-
( 1 ) Hamadan , Ville des plus considérables de
Perse. Elle est dans l'Yerax - Agemi , qui est l'ancienne region des Parthes.
( 2 )Ils firent leur entrée à Constantinople le
18 Juin 1730. Riza- Kouli-Khan , qui étoit le
chef de l'ambassade , eut la tête tranchée peu
après son retour en Perse.
D v rent
1754 MERCURE DE FRANCE
rent les Persans ; mais peut-être feignezvous d'ignorer , que ce fut par l'habileté
et les adroites insinuations de vos négociateurs , que les nôtres consentirent im
prudemmentàce que ces Païs vous restassent ,en quoi ayant excedé leur pouvoir,
ils furent fort désaprouvez de notre Souverain. Aussi pouvons- nous dire , que ce
fut la source de tous les malheurs qui nous
ont accablez depuis ! Mais ne nous rapellez plus des temps funestes , que nous
voudrions pouvoir ensevelir dans un éternel oubli ; rappellez vous seulement que
l'infortuné Chah Tahmas a recours à la
clémence de la sublime Porte , et qu'il remet entierementson sort entre vos mains.
C'est sur ce principe que vous devez raisonner , et vous résoudre ensuite au parti
qui vous paroîtra le plus glorieux à votre
Empire.
>
N'est ce donc pas une grande grace de
notre part , dirent les Ministres Turcs
que tout ce que nous vous offrons ? Il est
vtai , répondirent ceux de Perse , qu'à ne
considerer , que la ruine presqu'universelle où notre Royaume est tombé , ce qué
vous voulez bien nous rendre , peut passer pour une faveur signalée , mais cette
faveur,toute rare qu'elle est , ne répond
pas encore ni à notre état , ni à nos prieres
AOUST. 17320 1755
res ; daignez - y faire plus d'attention , et
vous conviendrez que la Porte qui nous a
tant fait de maux , depuis l'inondation
des Esghans sur nos terres , est en quelque façon obligée pour son honneur de
réparer, autant qu'il est en elle, les dommages infinis qu'elle nous a causez , et que
la compassion qu'elle aura pour nous,doit
être au moins proportionnée à la reconnoissance que nous en conserverons éternellement. Nous osons même ajouter ,
que si votre tres-magnifique Empereur
reconnoit ,comme il le doit , que ses Vic.
toires et le bonheur de ses armes,sont des
bien faits qu'il a reçus de la Providence s
il est de sa piété d'en témoigner à Dieu
sa gratitude d'une maniere extraordinaire. Hé! comment peut-il mieux s'en acquitter , qu'en nous faisant ressentir de si
grands effets de sa magnanimité, que tous
les Monarques de la terre, surpris, soient
forcez deconvenir qu'ils n'ont jamais rien
vû , ni entendu parler de semblable ?
On donnera la suite dans le prochain
Mercure.
sur ce qui s'est passé dans les Conferences tennës pour la Paix entre les Turcs et les
Persans , à l'Armée du Grand- Seigneur,
près d' Hamadan, par les Plénipotentiaires de Sa Hautesse , et ceux de ChabThamas , Roy de Perse.
Chmer- Pacha, Seraskier ou General
Adel'armée Otomane, et BeylerBey,
( c'est-à- dire Gouverneur ) de la Province de Babylone , en vertu des pleins
pouvoirs que le G. S. lui envoit envoyez pour faire la paix avec les Persans,
ayant nommé Achmet- Pacha , Beylerbey
de Rika, (1) Abdi- Pacha-Zadé- Ali- Bey,
Salahor ( 2 ) de S. H. Kassim- Effendi ,
Defterdar ( 3 ) de l'Armée , et Raghib
Effendi , Defterdar de Bagdat , pour PleB
( 1) Rika , est un des 17. Beylerbeys ou
Grand - Gouvernemens d'Asie , qu'on appelle
Hassilez. Voyez Ricaut , et le 3. du Diarbekir ,
consideré seulement comme l'ancienne Mesopotamie , renfermée entre le Tygre et l'Euphrate.
(2) Salahor, Ecuyer Cavalcadour , qui exerceet travaille les Chevaux du G. S. il y en a″12.
( 3 ) Defterdar , Intendant des Finances et Trésorier. 1
nipo
A O UST. 1732. 1737
nipotentiaires de la Poste > et ChahThamas , ayant choisi pour les siens ,
Mehemet-Riza-Khan , ( 1 ) _ Kouroudgi
Bachi, et Mustapha Khan. Tous ces Ministres se rendirent au quartier du Beylerbey de Rika , où ils s'assemblerent
sous sa Tente , le premier de Janvier de
la présente année 1732.
PREMIERE CONFERENCE.
Après que les Plenipotentiaires respectifs se furent fait les complimens et les
politesses d'usage en pareille occasion .
ceux de la Porte ouvrant la Conférence
dirent à ceux du Roy de Perse.
7
Le Seraskier Achmet-Pacha , nous. a
donné pouvoir d'entrer avec vos Excellences , dans une négociation dont le
succès ne peut être que très- avantageux
à la Perse. Nous sommes disposez de notre part à travailler si éfficacement a la
paix qu'il ne dependra certainement pas
de ncs foins que nous n'en voyions bientôt une heureuse conclusion. Ainsi c'est
à vos Excellences à nous faire connoître
jusqu'à quel point elles sont autorisées de
(1 ) Khan , est la même chose en Perse qu'un Pacha ou un Gouverneur de Province en Turquie, et Kouroudgi Bachi , y fait l'équivalent da
Janissaire Aga chez les Turcs.
leur
1738 MERCURE DE FRANCE
leur Maître , et quelles sont leurs pré- tentions.
Les Plenipotentiaires de Perse, prenant
alors la parole , répondirent que de tout
temps l'illustre Maison des Rois de Perse
avoit été liée d'amitié avec l'illustreMaison
Otomane , et que cette amitié n'avoit jamais été interrompuë que par la fatalité
du destin , qui avoit quelquefois produit
des évenemens surnaturels , suivis de la
discorde , et contre toute attente. Mais
ajoûterent- ils , nous desirons aujourd'hui
avec ardeur de faire revivre entre nous une
union si intime, qu'elle puisse rétablir
une tranquillité inalterable entre ces deux
Empires.
C'est aussi le même motif qui nous
anime, répliquerent les Ministres Turcs ;
mais pour parvenir au but que nous nous
proposons tous, il faut commencer par
convenir de certains points fondamentaux
qui puissent servir de base au Traité qui
nous assemble , et il est necessaire pour
cela que vous nous découvriez d'abord
sans détour, vos véritables intentions, afin
qu'après en avoir informé le très heureux
Seraskier , nous puissions , sur les ordres
que nous en recevrons , donner quelque
forme à la Négociation que nous enta
mons aujourd'hui.
Puisque
1
A O UST. 1732. 1739
Puisque vos Excellences souhaitent
que nous nous expliquions nettement ,
reprirent les Ministres de Perse , nous
demandons que generalement tous les
Pays que vous nous avez prís nous soient
restituez , et que la Paix et nos Frontieres avec l'EmpireOtoman soient reglées
sur le même pied qu'elles le furent sous
le Regne du Sultan Soliman , ( 1 ) de
glorieuse memoire.
Ce discours a de quoi nous surprendre,
répartirent les Turcs , et vous nous faiteslà une proposition des plus nouvelles. Il
a toûjours été d'usage , lorsque des Princes ennemis font la paix ensemble , que
non-seulement le vainqueur conserve les
conquêtes dont il est en possession , mais
que le vaincu lui fasse encore des avantages. C'est le cours ordinaire ; les Histoires , tant anciennes que modernes ,
en fournissent mille exemples , et nous
nedoutons pas que vous ne sçachiez tout
cela comme nous. D'ailleurs dans la Paix
que vous nous citez , qui fut concluë entre nos devanciers et les vôtres sous l'Emperéur Soliman , on y convint pour Préliminaires , que les Provinces de Tchildir , ( 2 ) de Cars , ( 3 ) de Van , ( 4 ) et
(1) Soliman II. prit et pilla Tauris en 1535
( 2 ) Tchildir est le ye Gouvernement d'Asie ,
plu-
1740 MERCURE DE FRANCE
plusieurs autres lieux resteroient à la Porte ; et vous , bien loin de nous offrir au
moins quelques Places au- delà des Pays
que le sort des armes a mis entre nos mains , vous demandez que nous vous
rendions ces mêmes Pays , qui subis
sent nos Loix depuis long - temps et
dont la conquête nous a coûté des trésors immenses et des torrens de notre
sang.
Vous avez raison , dirent les Persans ;
` nous convenons de la justesse de vos rai
sonnemens, mais un Empire aussi puissant et d'une aussi prodigieuse érenduë
que le vôtre , ne doit pas s'attacher , ni
même daigner faire attention à quelques
coins de terre si ruinez , qu'ils sont devenus plus propres à servir de retraite à
de tristes Hiboux , que de demeure à
de valeureux Soldats comme les- Otomans. Neanmoins quoique ces contrées
désolées ne puissent êtte considerées
1
que
de ceux qu'on appelle Hasilé. Il est sur les Frontieres de la Georgie.
(3) Cars , Ville de la grande Armenie , dans
cette partie qu'on appelle aujourd'hui Iran , ou
Carabag , entre l'Araxe et le Cyrus.
(4) Van , Ville de la même contrée que Cars,
et située sur un Lac du même nom , que l'on
appelle la Mer de Van ou d'Armenie , à cause
de son extréme grandeur... comme
A O UST. 1732. 1740
.
comme un rien pour votre Empire il est
pourtant vrai qu'elles sont un objet fort
considerable pour le nôtre , et que nous
en regarderons la restitution comme une
grace singuliere , purement émanée de
la clémence du G. S. que nous osons implorer aujourd'hui ; au surplus vous êtes
les Maîtres et nous nous en remettons
à vous avec une entiere confiance.
II. CONFERENCE, tenu le lendemais
entre les mêmes Ministres et au même
endroit.
Les Plénipotentiaires Turcs adressant
la parole à ceux de Perse , leur dirent :
si vous êtes effectivement dans le dessein
de finir la guerre , ( 1 ) ne vous amusez pas,
comme vous fites hier , à battre le fer
froid. Mais au lieu de vous entretenir
dans la vaine idée de la pouvoir terminer sur le même plan que nos Ancêtres
suivirent sous Soliman , songez plutôt à
joindre à nos conquêtes quelques Pro
vinces qui puissent nous convenir , ainsi
que les vaincus en ont toûjours agi envers leurs vainqueurs.
Et que nous reste-t'il , pour vous don
ner de nouvelles Provinces , se récrierent
(1 )Proverbe Arabe , qui revient au nôtre , il
faut battre le fer tandis qu'il est chaud,
les
1742 MERCURE DE FRANCE
les Persans ? Nous venons humblement
vous demander grace ; nous reclamons
la misericorde de la Porte ; notre intention n'est pas de marchander ni de chicaner avec vous ; nous connoissons.trop
l'état d'humiliation où l'enchainement de
nos malheurs nous a réduits , pour avoir
la présomption de vous rien contester
mais si la décadence de nos affaires , arrivée par le concours de mille fâcheux évenemens , a été cause que vous nous avez
traitez de la maniere la plus cruelle, pourriez vous laisser échapper la belle occasion que le Ciel vous offre aujourd'hui de
réparer nos maux , en faisant autant de
bien à notre Monarque , que vous lui
-avez porté de préjudice ? non , au lieu
de lui rien demander davantage , réta
blissez-le sur son Trône , avec autant de
puissance et de splendeur qu'y brillerent
autrefois ses illustres Ayeux , et persua
dez- vous que la gloire de votre Empire.
et de votre Empereur y est interessée. Du
reste, à notre égard, nous serons toujours
satisfaits de tout ce que feront vos Excellences.
Nous voulons bien le croire ainsi , répondirent les Plénipotentiaires de la
Porte , et votre modestie nous confirme
dans l'opinion que nous avions déja conçuë
A O UST. 1732. 1743
çue de votre prudence et ' de votre capacité. C'est pourquoi nous vous déclarons de la part de l'Empereur notre Maî
tre, que par un excès de bonté pour vous,
il veut bien , non- seulement vous accorder la Paix et se désister des justes prétentions qu'il auroit comme victorieux
d'exiger de nouveaux Païs qui seroient
à sa bienseance , outre ceux qu'il a conquis sur vous , il veut encore faire plus
en votre faveur , et pour vous marquer
jusqu'où va son extrême generosité , il
vous donne le choix entre les derniers
Pays que ses Armes lui ont acquis en
deçà de l'Araxe , et à l'exception de la
Province de Tauris , ( ) vous n'avez qu'à
demander , tout vous sera accordé.
Nous vous avons exposé ce que nous
desirions , répliquerent les Persans , et
sans varier dans l'unique point- de- vûë
qu'il nous est permis d'avoir , nous continuons à vous prier de rétablir notre Roy
dans tous ses Etats. Faites cependant ce
que vous jugerez de plus digne de vous
et de la gloire de votre Empire. Mais
comme nous nous app rcevons que nos
instances les plus vives ne produisent pas
(1) Tauris ou Tebris , grande Ville et Provin- ce enclavée dans l'Airbeitzan ou Edzerbaijan
qui fait partie de l'ancienne Médie,
sur
1744 MERCURE DE FRANCE
sur vos Excellences l'effet que nous avions
crû pouvoir nous en promettre , qu'elles
nous donnent , s'il leur plaît le reste du
jour pour consulter entre nous , et demain matin Mustapha Khan (. ) viendra
vous rendre compte de la résolution que
nous aurons prise.
III. CONFERENCE , où il n'y ent
que Mustapha - Khan , de la part de Chah-Thamas.
Le lendemain , ainsi que les Plénipotentiaires Persans l'avoient promis , Mustapha- Kan se rendit au lieu de l'Assemblée et dit aux Ministres Turcs qui l'y
attendoient. A la verité jusqu'à present
nous avions été obligez , Mehemet RizaKhan et moi , de nous en tenir , conformement à nos instructions , à vous
prier de restituer generalement à notre
Souverain tous les Pays que la Porte lui
a enlevez , mais ayant reconnu combien
vos Excellences étoient éloignées de remplir nos souhaits à cet égard , nous hous
sommes retranchez à les supplier d'agréer
une des deux propositions que je vais
avoir l'honneur de leur faire. La premie-
*
(1) N. B. c'étoir Mehemet Riza Khan , qui
tomme Premier Plénipotentiaire , portoit la parolc.
A O UST. 17327 1745
re, que la Perse payera annuellement à
la sublime Porte une certaine somme
dont on conviendra , moyennant quoi
les limites des deux Empires seront bor :
nées par les Rivieres d'Arpatchaï ( 1 ) et :
de Karct-Kalkan , et vous nous restituerez tous les Etats que vous avez conquis .
sur nous. La seconde , qui vous sera peutêtre plus agréable , que les Provinces de
Tiflis ( 2 ) d'Herdelan, resteront sous votre
domination , et que vous nous ferez la
grace de laisser rentrer le reste sous celle
de notre Roy.
Ni l'une ni l'autre de ces propositions
n'est acceptable , répondirent les Plenipotentiaires de Turquie , et il nous paroît si hors de propos , que vous fassiez
la moindre ouverture sur les Pays audelà del'Araxe qu'il ne nous convient ›
même pas d'ouvrir la bouche pour vous
répondre sur cet article. En verité , continua le Pacha de Rika , qui comme le
premier entre ses Collegues parloit pour
tous , il est bien étrange , que dans le
temps même qu'également touchez de
11) Ces deux Rivieres sont en Géorgie.
(2) Tiflis , ou Téffis , Capitaine du Gurgistan,
qui est la Géorgie , proprement dite. Elle est si- tuée sur le bord du Kur , anciennement le Cyrus.
Herdelan est dans le même Pays.
D YOS
1746 MERCURE DE FRANCE
vos malheurs et de vos prieres , nous
consentons , non- seulement à renoncer
en faveur de la Paix aux Provinces que
nous serions en droit d'exiger par- dessusnos conquêtes , mais que notre complaisance pour vous s'étend jusqu'à vous of→
frir de vous en rendre de celles que nous
venons d'acquerir ; il est bien étrange ,
dis-je , que vous nous fassiez sérieusement
des propositions si éloignées de toute raison. Vous voulez ceci , vous ne vou
lez pas cela , et vous prétendez disposer
des Pays qui sont entre nos mains, comme
si vous en étiez encore les paisibles possesseurs.N'avez vous donc pas de honte d'ê
tre si peu judicieux ? Le Pacha s'emporta
en proferant ces dernieres paroles , ou
du moins fit semblant de s'emporter ,
car il se radoucit bien- tôt , quand Mustapha l'interrompant d'un air humble et
flateur , s'exprima en ces termes : Nous
sommes venus implorer la générosité de
la sublime Porte , à laquelle nous nous
abandonnons sans réserve , et dont la
puissance s'étend d'un bout du Pole à l'au
tre; vous nous voyez accablez de revers,
sans appui , sans secours; nous ne possedons plus rien qui mérite de porter le
nom de Païs et de Provinces ; il n'est pas
étonnant que dans des circonstances si
affligeantes,
A O UST. 1732. 1747
affligeantes , nous vous fassions des demandes qui vous paroissent inconsiderées , mais vous ne devez pas nous en
sçavoir mauvais gré , et quelque extraordinaires que vous semblent nos prétentions , l'état violent où nous sommes,
doit les excuser auprès de vos Excellences.
Pourquoi , reprirent les Turcs , faites-vous tant les miserables ? Est- ce que
le Royaume de Perse est renfermé seulement dans les conquêtes que nous y
avons faites ? et peut-on appeller pauvre
un Souverain qui possede Ispaham , le
Guilhan , ( 1 ) Chiras , ( 2 ) le Korassan , (3)
et tant d'autres Contrées , qui forment
encore un vaste Empire ?
De tous les Etats , dont vous venez de
faire l'énumération , repartit Mustapha ,
en soupirant , une partie a passé sous les
Loix des Infideles Moscovites , et l'autre
est , pour ainsi dire , totalement boule-
(i) Le Guilhan ou Kilan , est le long de la
Mer Caspienne , et compose avec le Mazandran ,
l'ancienne Hyrcanie.
(2 ) Chiras ou Schiras , Ville sur le Kur, dans
le Farsistan ou la Perse proprement dite.
(3) Le Korassan , Corasan , ou Chorasan ,
comprend l'anciene Ariane , partie de la Bactriane , et du Païs des Parthes , c'est une des plus
Considerables Contrées de la Perse.
Dij versée
1748 MERCURE DE FRANCE
1
versée par les ravages et les désordres
qu'y ont faits , ou qu'y ont attirez les
cruels ( 1 ) Esghans. De sorte qu'à proprement parler , nous n'avons plus frien
de quelque conséquence que Coni ( 2 ) ,
Kiachan ( 3 ), et ( 4 ) Ispaham.
Mais si votre situation , repliquerent
les Turcs , est aussi déplorable que vous
nous la dépeignez ; si outre cela vous affectez dans toutes les occasions de vous
dire , nos Freres , de vous vanter d'être
avec nous dans la même unité de Religion, et si vous avez d'ailleurs tant d'embarras et d'ennemis sur les bras, d'où vient
ne vous pas appliquer à vous en délivrer?
Pourquoi vous acharner particulierement
contre nous , comme vous faites ? Car s'il
en faut juger par toutes vos démarches ,
il n'y a que nous seuls qui vous occu-
( 1 ) Esghans , Eughans , ou Aguans , Peuples
du Candahar , qui fait partie du Sablustan , autrefois le Paropamisus.
(2 ) Com , ou Kom , Ville dans l'Hierak ou
Yerak- Agemi , partie de l'ancien Royaume des
Parthes.
( 3 ) Kiachan ou Cachan, grande Ville du même Pais.
( 4 ) Ispaham , Spahan , ou Spahon , comme prononcent les Persans , est aussi dans le même
Païs. Les uns croient que cette Capitale de toute
la Perse , a été bârie sur les ruines d'HécatomPylos , et d'autres sur celles d'Aspa.
pions ;
AOUST. 1732. 1749
}
pions ; vos divisions , vos disputes , vos
guerres,votre empressement pour la Paix,
tout semble en vous n'avoir que Nous
pour unique objet.
C'est aussi , dit Mustapha , l'affaire qui
nous interesse le plus , et que nous prenons le plus à cœur. Vous êtes l'ennemi
le plus redoutable que nous ayions en tête;
si nous pouvons parvenir à cimenter avec
vous une Paix solide , nous nous démêlerons facilement de nos autres ennemis ;
et s'il plaît à Dieu, nous vérifierons bientôt le Proverbe Arabe, qui dit que l'hommese releve où il est tombé.
Mais enfin , continua- t-il , si les Otomans nous ont fait éprouver la fureur de
leurs armes , et s'ils nous ont maltraitez
au delà de ce que nous pouvions jamais
prévoir , nous esperons qu'à tant de calamitez qu'ils nous ont fait souffrir , ils feront succeder des dédommagemens qui
Ies égaleront. C'est uniquement dans cet
esprit, que nous venons négocier avec
vous, et non pour disputer sur le plus ou
le moins de Pais à prétendre et à ceder.
Nous vous retraçons au naturel l'image
de nos infortunes ; nos prieres y sont relatives ; c'est à vos Excellences , comme
nous leur avons déja dit, de prendre une
détermination à notre égard , qui distinDiij gue
1750 MERCURE DE FRANCE
gue d'une façon glorieuse , la grandeur et
la dignité de votre Empire.
Tout cela est excellent , répondirent les
Ministres Turcs , et vous avez raison de
vous attendre à recevoir des faveurs de la
Porte ; mais votre attente, pour être bien
fondée , ne doit pas être sans mesure , et
nous voyons avec peine , qu'au lieu de
resserrer vos désirs dans de justes bornes,
vous n'avez fait , jusqu'icy , que vous répandre en demandes indiscretes , qui
loin de nous approcher du but , nous en
écartent. Ainsi comme vous n'avancerez
jamais rien avec nous , si vous ne prenez
une autre route , nous voulons bien encore vous donner le loisir de réfléchir de
nouveau plus murement , sur vos véri
tables intérêts, et nous les discuterons vo
lontiers plus en détail dans la Conféren
ce que nous tiendrons demain.
IV. CONFERENCE , où tous les Ple
nipotentiaires des deux Cours assisterent.
Le 4 dudit mois de Janvier , les Ministres de la Porte , parlant toujours les
premiers , dirent à ceux de Perse : Nous
nous étions persuadez , qu'en agitant une
affaire d'aussi grande importance que celle.
de la Paix , nous ne devions rien négliger
pour la porter à son point de perfectionle
AOUST. 1732. 1791 8
le plutôt qu'il se pourroit ; et nous nous
étions flatez de trouver dans vos Excellences , des dispositions conformes aux
nôtres en cela. Mais nous reconnoissons ,
à regret , que nous avions mal pénétré
leurs intentions , puisqu'il paroît clairement , qu'elles ne cherchent qu'à éluder
les nôtres, et qu'à gagner du temps, pour
faire échouer la négociation à force de la
tirer en longueur. En effet , si ce n'étoit
pas là votre vûë, pourriez- vous vous opiniatrer , comme vous faites , à former des
prétentions , ausqu'elles vous sçavez bien
vous-même qu'il ne nous est pas possible
de souscrire ?
Nous sommes pleinement convaincus
de notre impuissance, répondirent les Persans, et que nous ne pourrons secoüer le
joug qu'il vous plaira de nous imposer.
Vous possedez tout, nous sommes privez
de tout ; c'est à vous d'ordonner,èt à nous
d'obéïr.
S'il étoit vrai , comme vous le dites, reprirent les Turcs , qu'il ne dépendit que
de nous d'achever heureusement cette
négociation , vous ne nous feriez pas des
demandes si peu mesurées , et toutes nos
prétentions réciproques seroient reglées
dans un moment. Il faut être équitable,
et que vos Excellences se restraignent à ce
Diiij qu'on
1752 MERCURE DE FRANCE
qu'on peut raisonnablement leur accorder. Ainsi, sans perdre davantage le temps
en discours specieux , qui ne conduisent
à rien de décisif, parlez- nous une bonne
fois positivement ; nous vous réïterons ,
que vous nous trouverez toujours disposez à nous prêter à tout ce que vous nous
proposerez de faisable. Mais nous devons
vous prévenir auparavant , qu'il ne faut
plus nous contester la possession des Païs
au-delà de l'Araxe , ni que vous insistiez
de nouveau sur la restitution de Tauris ,
qui est en deçà de ce Fleuve. Hors ces
deux articles , vous pouvez tout esperer
du désir sincere que nous avons de faire
tenaître entre les deux Empires une harmonie inalterable.
qui
Vous êtes les maîtres , encore un coup,
repliquerent les Persans ; nous continuons d'avouer que tout vous appartient chez nous ; mais dès que vous rejetteż la priere que nous vous faisons , de
-nous rendre nos Etats au delà de l'Araxe,
set la Province de Tauris en deçà ; surquoi
voulez-vous que roulent nos Conféren-
´ces, puisque tout ce qui nous reste de notre Monarchie , ne vaut pas seulement la
peine qu'on en fasse mention ?
Comment , s'écrierent les Plénipotentiaires de la Porte; n'y at- il pas encore
( 1)
A OUST. 1732. 1753
(1 ) Amadan , avec son vaste territoire ?
et si nous vous le rendons , ne devez- vous
pas être satisfaits ?
-
Nous avions toujours esperé , repartirent ceux de Perse , que vous fériez rentrer Chah Tahmas dans les Païs d'audelà de l'Araxe , et toute la faveur que
vous voulez lui faire , consiste à lui rendre Amadan , qui est en deçà. Dès que
vous montrez si peu d'égard à nos humbles et constantes supplications , nous ne
sçavons plus que vous proposer , et votre infléxibilité nous rend muets.
Que nous dites- vous-là , reprirent les
Turcs; avez- vous oublié , que lors même
que votre Maître se vantoit de nous avoir
battus , il envoïa à la Porte (2) Riza Kouli Khan et Méhémet-Veli - Khan, qui dans
leurs conférences, avec nos Ministres , cederent tous ces Païs Surquoi , s'il vous
plaît , aujourd'hui que vous vous confessez vaincus, pouvez appuïer votre obs
tination à les répéter ?
>
Nous convenons de ce fait , replique-
( 1 ) Hamadan , Ville des plus considérables de
Perse. Elle est dans l'Yerax - Agemi , qui est l'ancienne region des Parthes.
( 2 )Ils firent leur entrée à Constantinople le
18 Juin 1730. Riza- Kouli-Khan , qui étoit le
chef de l'ambassade , eut la tête tranchée peu
après son retour en Perse.
D v rent
1754 MERCURE DE FRANCE
rent les Persans ; mais peut-être feignezvous d'ignorer , que ce fut par l'habileté
et les adroites insinuations de vos négociateurs , que les nôtres consentirent im
prudemmentàce que ces Païs vous restassent ,en quoi ayant excedé leur pouvoir,
ils furent fort désaprouvez de notre Souverain. Aussi pouvons- nous dire , que ce
fut la source de tous les malheurs qui nous
ont accablez depuis ! Mais ne nous rapellez plus des temps funestes , que nous
voudrions pouvoir ensevelir dans un éternel oubli ; rappellez vous seulement que
l'infortuné Chah Tahmas a recours à la
clémence de la sublime Porte , et qu'il remet entierementson sort entre vos mains.
C'est sur ce principe que vous devez raisonner , et vous résoudre ensuite au parti
qui vous paroîtra le plus glorieux à votre
Empire.
>
N'est ce donc pas une grande grace de
notre part , dirent les Ministres Turcs
que tout ce que nous vous offrons ? Il est
vtai , répondirent ceux de Perse , qu'à ne
considerer , que la ruine presqu'universelle où notre Royaume est tombé , ce qué
vous voulez bien nous rendre , peut passer pour une faveur signalée , mais cette
faveur,toute rare qu'elle est , ne répond
pas encore ni à notre état , ni à nos prieres
AOUST. 17320 1755
res ; daignez - y faire plus d'attention , et
vous conviendrez que la Porte qui nous a
tant fait de maux , depuis l'inondation
des Esghans sur nos terres , est en quelque façon obligée pour son honneur de
réparer, autant qu'il est en elle, les dommages infinis qu'elle nous a causez , et que
la compassion qu'elle aura pour nous,doit
être au moins proportionnée à la reconnoissance que nous en conserverons éternellement. Nous osons même ajouter ,
que si votre tres-magnifique Empereur
reconnoit ,comme il le doit , que ses Vic.
toires et le bonheur de ses armes,sont des
bien faits qu'il a reçus de la Providence s
il est de sa piété d'en témoigner à Dieu
sa gratitude d'une maniere extraordinaire. Hé! comment peut-il mieux s'en acquitter , qu'en nous faisant ressentir de si
grands effets de sa magnanimité, que tous
les Monarques de la terre, surpris, soient
forcez deconvenir qu'ils n'ont jamais rien
vû , ni entendu parler de semblable ?
On donnera la suite dans le prochain
Mercure.
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Résumé : TRADUCTION d'une Relation Turque, sur ce qui s'est passé dans les Conferences teuuës pour la Paix entre les Turcs et les Persans, à l'Armée du Grand-Seigneur, près d'Hamadan, par les Plénipotentiaires de Sa Hautesse, et ceux de Chah Thamas, Roy de Perse.
En 1732, des conférences de paix entre les Turcs et les Persans se tinrent près d'Hamadan. Du côté ottoman, Chmer-Pacha, gouverneur de Babylone, nomma plusieurs plénipotentiaires, dont Achmet-Pacha et Salahor. Du côté persan, Chah-Thamas choisit Mehemet-Riza-Khan et Mustapha Khan. Lors de la première conférence, les Turcs exprimèrent leur volonté de paix, tandis que les Persans souhaitaient rétablir une union intime entre les deux empires. Les Persans demandèrent la restitution des territoires conquis par les Turcs et la régulation des frontières comme sous le règne de Soliman II, ce que les Turcs refusèrent, arguant que les vainqueurs conservent généralement leurs conquêtes. Lors de la deuxième conférence, les Turcs insistèrent sur la nécessité de conclure la paix sans revenir aux conditions de Soliman II. Les Persans, reconnaissant leur état d'humiliation, demandèrent miséricorde et la restauration de leur roi sur son trône. Les Turcs offrirent aux Persans de choisir entre les derniers pays conquis, à l'exception de la province de Tauris. Lors de la troisième conférence, Mustapha Khan proposa deux solutions : un paiement annuel à la Porte ottomane ou la rétention des provinces de Tiflis et d'Herdelan par les Turcs. Les Turcs rejetèrent ces propositions, trouvant inappropriées les demandes persanes concernant les territoires au-delà de l'Araxe. En août 1732, les Persans demandèrent aux Turcs de considérer leurs prétentions malgré des circonstances affligeantes. Les Turcs rappelèrent que le Royaume de Perse possédait encore des territoires importants, mais Mustapha Khan expliqua que ces territoires étaient soit sous contrôle des Moscovites, soit ravagés par les Esghans. Les Turcs, sceptiques, interrogèrent la stratégie perse de les considérer comme frères tout en étant en conflit. Lors de la conférence du 4 janvier, les Turcs accusèrent les Perses de vouloir gagner du temps. Les Perses, reconnaissant leur impuissance, acceptèrent de se soumettre aux décisions turques. Les Turcs proposèrent de ne plus contester la possession des territoires au-delà de l'Araxe et la restitution de Tauris. Les Persans insistèrent sur la restitution de leurs États et se dirent prêts à accepter toute décision turque. Les Turcs rappelèrent la cession des territoires lors des négociations précédentes et la désapprobation du souverain perse. Les Persans demandèrent clémence et remirent leur sort entre les mains des Turcs, mais les Turcs trouvèrent les Persans ingrats et insistèrent sur la réparation des dommages causés.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 1756
EPIGRAMME, Sur celles de M. Rousseau, Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic, en Bretagne.
Début :
Ces jours derniers Catulle et Martial, [...]
Mots clefs :
Épigramme, Rousseau, Auteur, Livre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPIGRAMME, Sur celles de M. Rousseau, Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic, en Bretagne.
EPIGRAMME,
Sur celles de M. Rousseau ,
"Par Me de Malcrais de la Vigne , du
Croisic , en Bretagne.
•
CEsjours derniers Catulle et Martial ;
Sur Pinde avoient procès de conséquence ,
Sçavoir des deux qui fut l'original ,
Par qui Rousseau , Celebre Auteur de France ,
De l'Epigramme , attrappa l'excellence ;
Sire Apollón , dudit lieu Sénéchal ,
Ouvrit son Livre , il en lut quelques-unes ,
Et n'y trouvant onc de beautez communes ,
Cet or , dit- il , paroît bon et loyal ,
Et si n'aviez eu le bonheur de naître ,
· Avant cettui qui n'a point son égal ,
Croirois , pour sûr , sans être partial ,
Qu'à tous les deux il cût servi de Maître
Sur celles de M. Rousseau ,
"Par Me de Malcrais de la Vigne , du
Croisic , en Bretagne.
•
CEsjours derniers Catulle et Martial ;
Sur Pinde avoient procès de conséquence ,
Sçavoir des deux qui fut l'original ,
Par qui Rousseau , Celebre Auteur de France ,
De l'Epigramme , attrappa l'excellence ;
Sire Apollón , dudit lieu Sénéchal ,
Ouvrit son Livre , il en lut quelques-unes ,
Et n'y trouvant onc de beautez communes ,
Cet or , dit- il , paroît bon et loyal ,
Et si n'aviez eu le bonheur de naître ,
· Avant cettui qui n'a point son égal ,
Croirois , pour sûr , sans être partial ,
Qu'à tous les deux il cût servi de Maître
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Résumé : EPIGRAMME, Sur celles de M. Rousseau, Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic, en Bretagne.
L'épigramme examine la paternité littéraire en opposant Catulle et Martial à Jean-Jacques Rousseau. Un procès fictif, jugé par Apollon, évalue l'originalité des épigrammes de Rousseau. Apollon les trouve remarquables et authentiques, soulignant leur qualité exceptionnelle.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 1757-1759
LETTRE de M. D... au sujet de l'Eloge de l'Humeur Capricieuse.
Début :
Vous avez lû, Monsieur, dans le Mercure du mois de [...]
Mots clefs :
Humeur capricieuse, Gaieté, Egalité d'humeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. D... au sujet de l'Eloge de l'Humeur Capricieuse.
LETTRE de M. D.... au sujet de
l'Eloge de l'HumeurCapricieuse.
V
Ous avez lû , Monsieur , dans le
Mercure du mois de May dernier
P'Eloge de l'Humeur Capricieuse ; il y a
bien de l'apparence , soit dit sans en offenser l'Auteur , qu'il s'est dépeint luimême; cependant malgré les avantages
qu'il trouve dans le caprice , je croi qu'il
suffiroit pour le détromper de lui faire
le portrait de Mlle de C... Jamais humeur
ne fut plus égale et plus charmante que
la sienne , vous la connoissez , Monsieur ,
elle est gaye , polie , gracieuse , préve
nante , douce , modeste , vertueuse et
d'une si aimable figure, qu'il seroit difficile de décider si tant de belles qualitez rassemblées dans une aussi jolie personne , doivent inspirer plus d'amour
que de respect , ou plus de respect que
d'amour ; en effet si l'on découvre à chaque instant de nouveaux charmes dans
son esprit et dans son caractere , m lle
beautez nouvelles se font admirer tous
les jours dans sa personne ; en vain le
Partisan de l'Humeur Capricieuse dira
que
1758 MERCURE DE FRANCE
que l'humeur égale devient insipide , ennuyeuse , qu'elle nous fait tomber dans
la tiedeur et dans l'indolence ; l'humeur
de Mile C.... est , à la verité , toujours
égale dans sa gayeté ; mais cette gayeté
est soutenue de tant de graces et d'attraits si séduisants , que plus on la connoît , plus on cn est enchanté ; peut- on
comparer l'incertitude gênante où nous
jette l'humeur capricieuse , au plaisir que
P'on trouve dans l'égalité d'humeur de
Mile de.... plaisir sans cesse ranimé par
des traits si vifs et si spirituels , qu'il
paroît toujours nouveau ; qui ne préferera pas un chemin semé de roses à un
autre qui sera mêlé de roses et d'épines.
Je me trompe peut-être , mais je pense
que l'égalité d'humeur est le caractere
d'unebelle ame et la marque certaine de
cette bonté de cœur dont tout le monde
se picque,et qui est si rare. Effectivement
rien de si commun en apparence que
bons cœurs , rien de si difficile à trouver
qu'un cœur bon, sans interêt, sans amour
propre, sans respect humain , sans ostentation ; tel est uniquement le cœur de
celui qui dans un heureux calme , jouit
d'une paix que la violence et le desordre
des passions ne peuvent troubler. Il faut
de l'esprit, dit- on, pour être capricieux;
les
assuré-
AOUST. 17320 1759
assurément Mlle de C .... en a autant
qu'il en faut , mais son esprit assez enjoué pour être agréable , a de- même assez
de solidité pour se faire une douce ha- bitude de résister aux mouvemens tumultueux qui causent le caprice ; enfin je
veux bien demeurer d'accord avec notre
Auteur qu'il faut un génie superieur pour
être parfaitement capricieux , pourvû
qu'il convienne à son tour que le caprice est l'effet d'un génie mal reglé.
Après cela qui pourroit hesiter à donner la préference à l'humeur égale , telle
que l'est celle de Mile de C....
Jamais il ne parut un objet plus charmant è
Douce , modeste , vertueuse
Mais prévenante , gracieuse ,
De son aimable Sexe elle fait l'ornement,
Et par des graces naturelles ,
Par des beautez toujours nouvelles ,
Elle sçait à nos cœurs inspirer tour à tour,
Autant de respect que d'amour
l'Eloge de l'HumeurCapricieuse.
V
Ous avez lû , Monsieur , dans le
Mercure du mois de May dernier
P'Eloge de l'Humeur Capricieuse ; il y a
bien de l'apparence , soit dit sans en offenser l'Auteur , qu'il s'est dépeint luimême; cependant malgré les avantages
qu'il trouve dans le caprice , je croi qu'il
suffiroit pour le détromper de lui faire
le portrait de Mlle de C... Jamais humeur
ne fut plus égale et plus charmante que
la sienne , vous la connoissez , Monsieur ,
elle est gaye , polie , gracieuse , préve
nante , douce , modeste , vertueuse et
d'une si aimable figure, qu'il seroit difficile de décider si tant de belles qualitez rassemblées dans une aussi jolie personne , doivent inspirer plus d'amour
que de respect , ou plus de respect que
d'amour ; en effet si l'on découvre à chaque instant de nouveaux charmes dans
son esprit et dans son caractere , m lle
beautez nouvelles se font admirer tous
les jours dans sa personne ; en vain le
Partisan de l'Humeur Capricieuse dira
que
1758 MERCURE DE FRANCE
que l'humeur égale devient insipide , ennuyeuse , qu'elle nous fait tomber dans
la tiedeur et dans l'indolence ; l'humeur
de Mile C.... est , à la verité , toujours
égale dans sa gayeté ; mais cette gayeté
est soutenue de tant de graces et d'attraits si séduisants , que plus on la connoît , plus on cn est enchanté ; peut- on
comparer l'incertitude gênante où nous
jette l'humeur capricieuse , au plaisir que
P'on trouve dans l'égalité d'humeur de
Mile de.... plaisir sans cesse ranimé par
des traits si vifs et si spirituels , qu'il
paroît toujours nouveau ; qui ne préferera pas un chemin semé de roses à un
autre qui sera mêlé de roses et d'épines.
Je me trompe peut-être , mais je pense
que l'égalité d'humeur est le caractere
d'unebelle ame et la marque certaine de
cette bonté de cœur dont tout le monde
se picque,et qui est si rare. Effectivement
rien de si commun en apparence que
bons cœurs , rien de si difficile à trouver
qu'un cœur bon, sans interêt, sans amour
propre, sans respect humain , sans ostentation ; tel est uniquement le cœur de
celui qui dans un heureux calme , jouit
d'une paix que la violence et le desordre
des passions ne peuvent troubler. Il faut
de l'esprit, dit- on, pour être capricieux;
les
assuré-
AOUST. 17320 1759
assurément Mlle de C .... en a autant
qu'il en faut , mais son esprit assez enjoué pour être agréable , a de- même assez
de solidité pour se faire une douce ha- bitude de résister aux mouvemens tumultueux qui causent le caprice ; enfin je
veux bien demeurer d'accord avec notre
Auteur qu'il faut un génie superieur pour
être parfaitement capricieux , pourvû
qu'il convienne à son tour que le caprice est l'effet d'un génie mal reglé.
Après cela qui pourroit hesiter à donner la préference à l'humeur égale , telle
que l'est celle de Mile de C....
Jamais il ne parut un objet plus charmant è
Douce , modeste , vertueuse
Mais prévenante , gracieuse ,
De son aimable Sexe elle fait l'ornement,
Et par des graces naturelles ,
Par des beautez toujours nouvelles ,
Elle sçait à nos cœurs inspirer tour à tour,
Autant de respect que d'amour
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Résumé : LETTRE de M. D... au sujet de l'Eloge de l'Humeur Capricieuse.
Dans une lettre, M. D.... commente un éloge de l'humeur capricieuse paru dans le Mercure de mai précédent. Il suggère que l'auteur de cet éloge se serait dépeint lui-même. Pour contester les avantages du caprice, M. D.... décrit Mlle de C..., dont l'humeur est toujours égale et charmante. Elle est gaie, polie, gracieuse, prévenante, douce, modeste, vertueuse et d'une beauté remarquable. Son esprit et son caractère révèlent constamment de nouveaux charmes. L'auteur critique l'humeur capricieuse, la qualifiant d'incertaine et gênante, contrairement à l'humeur égale de Mlle de C..., soutenue par des grâces et des attraits séduisants. Il préfère l'égalité d'humeur, signe d'une belle âme et d'une véritable bonté de cœur. Il souligne que les bons cœurs sont rares et que l'humeur égale résulte d'un esprit enjoué mais solide, capable de résister aux mouvements tumultueux. M. D.... reconnaît que l'humeur capricieuse peut nécessiter un génie supérieur, mais la voit comme l'effet d'un génie mal réglé. Il conclut en affirmant que l'humeur égale, telle que celle de Mlle de C..., est préférable.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 1760-1762
LA JEUNESSE. CANTATE.
Début :
Quel objet vient frapper mes yeux ? [...]
Mots clefs :
Jeunesse, Plaisirs, Agrément, Printemps
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA JEUNESSE. CANTATE.
LA JEUNESSE.
CANTATE.
Quel objet vient frapper mes yeux ?
Quel éclat ! quelle grace extreme !
Ses regards enchanteurs , son souris gracieux ,
Soumettent tous les cœurs à son pouvoir su
prême.
Est-ce le Dieu qui fait qu'on aime,
Qui daigne descendre des Cieux ?
Non , c'est la Jeunesse elle- même ,
Que je vois paroître en ces lieux.
Les Ris , les Amours et les Graces ,
Suivent ses charmes divins ,
On voit folâtrer sur ses traces ,
Les Jeux enjouez et badins.
Regnez sur nous , douce Jeunesse,
Reine des plus tendres desirs ,
Sans vous tout languit de tristesse ;
Vous êtes l'ame des plaisirs.
Vous enchantez toute la Terre ,
Chacun adore vos attraits ,
On seroit toujours sûr de plaire ,
Si l'on ne vous perdoit jamais,
2
Heureus
AOUST. 1732. 1761
Heureux qui fixeroit votre course volage !
Seroit- il des trésors plus grands , plus précieux ?
Les fragiles Mortels égaleroient les Dieux ,
S'ils jouissoient toujours des douceurs du bel
âge :
En possedant des biens si vifs et si charmans ,
On ne peut exprimer les plaisirs qu'on éprouve ,
Mais hélas ! on vous perd , Jeunesse , en peu de
temps ,
Et jamais on ne vous retrouve.
L'Aigle avec moins de vîtesse ,
Fend l'air d'un rapide cours ,
Que ne s'envole la Jeunesse ,
Et l'éclat de nos beaux jours.
Ainsi que la Rose brillante ,
Elle ne dure qu'un matin ;
Pourquoi ne peut- elle être exempte ,
Des loix qu'impose le Destin ?
Déesse , répondez à mon ardente envie :
Favorisez mes plus tendres souhaits ,
Faites long- temps le bonheur de ma vie ,
Ou plutôt , s'il se peut , ne me quittez jamais,
Mais que me sert cette frivole attente ?
Mes vœux sont des vœux superflus ;
Lesmomens que je passe à flater l'inconstante ,
Şont autant de momens psrdus.
Vou
1762 MERCURE DE FRANCE
Vous qui possedez en partage,
•
La Jeunesse et ses agrémens
Faites- en un aimable usage ,
Employez bien tous ses instans.
Mais lorsquelle , vous abandonne ,
Pour moins regretter vos beaux ans
Renouvellez dans votre Automne,
Les plaisirs de votre Printemps.
LE MAIRE.
CANTATE.
Quel objet vient frapper mes yeux ?
Quel éclat ! quelle grace extreme !
Ses regards enchanteurs , son souris gracieux ,
Soumettent tous les cœurs à son pouvoir su
prême.
Est-ce le Dieu qui fait qu'on aime,
Qui daigne descendre des Cieux ?
Non , c'est la Jeunesse elle- même ,
Que je vois paroître en ces lieux.
Les Ris , les Amours et les Graces ,
Suivent ses charmes divins ,
On voit folâtrer sur ses traces ,
Les Jeux enjouez et badins.
Regnez sur nous , douce Jeunesse,
Reine des plus tendres desirs ,
Sans vous tout languit de tristesse ;
Vous êtes l'ame des plaisirs.
Vous enchantez toute la Terre ,
Chacun adore vos attraits ,
On seroit toujours sûr de plaire ,
Si l'on ne vous perdoit jamais,
2
Heureus
AOUST. 1732. 1761
Heureux qui fixeroit votre course volage !
Seroit- il des trésors plus grands , plus précieux ?
Les fragiles Mortels égaleroient les Dieux ,
S'ils jouissoient toujours des douceurs du bel
âge :
En possedant des biens si vifs et si charmans ,
On ne peut exprimer les plaisirs qu'on éprouve ,
Mais hélas ! on vous perd , Jeunesse , en peu de
temps ,
Et jamais on ne vous retrouve.
L'Aigle avec moins de vîtesse ,
Fend l'air d'un rapide cours ,
Que ne s'envole la Jeunesse ,
Et l'éclat de nos beaux jours.
Ainsi que la Rose brillante ,
Elle ne dure qu'un matin ;
Pourquoi ne peut- elle être exempte ,
Des loix qu'impose le Destin ?
Déesse , répondez à mon ardente envie :
Favorisez mes plus tendres souhaits ,
Faites long- temps le bonheur de ma vie ,
Ou plutôt , s'il se peut , ne me quittez jamais,
Mais que me sert cette frivole attente ?
Mes vœux sont des vœux superflus ;
Lesmomens que je passe à flater l'inconstante ,
Şont autant de momens psrdus.
Vou
1762 MERCURE DE FRANCE
Vous qui possedez en partage,
•
La Jeunesse et ses agrémens
Faites- en un aimable usage ,
Employez bien tous ses instans.
Mais lorsquelle , vous abandonne ,
Pour moins regretter vos beaux ans
Renouvellez dans votre Automne,
Les plaisirs de votre Printemps.
LE MAIRE.
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Résumé : LA JEUNESSE. CANTATE.
La cantate 'La Jeunesse' célèbre les attraits et les vertus de la jeunesse, présentée comme une déesse qui charme et conquiert les cœurs par sa grâce et son éclat. Elle est entourée des Rires, des Amours, des Grâces et des Jeux enjoués, incarnant la source des désirs les plus tendres et des plaisirs terrestres. Cependant, l'auteur exprime une tristesse face à la brièveté de la jeunesse, comparant sa fugacité à la rapidité de l'aigle ou à la durée éphémère d'une rose. Il souhaite ardemment que la jeunesse puisse durer éternellement, mais reconnaît l'inévitable passage du temps. Le texte se conclut par un conseil aux jeunes de profiter pleinement de leur jeunesse et de renouveler leurs plaisirs même lorsque la jeunesse les abandonne.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 1768-1769
ENIGME.
Début :
Je suis de figure attrayante ; [...]
Mots clefs :
Coquette
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
ENIGM E.
E suis de figure attrayante ;
Un composé de rien , uné Enigme vivante ;
Enfin le plus joli de tous les animaux ;
Je serois moins joli , si j'étois raisonnable ,
Je plais par mes vertus , je plais par mes deffaute,
Mais je suis indéfinissable.
Les yeux d'un Basilic , la tête d'un Mouton
Et le cœur d'un Caméléon.
I
Voilà dequoi former un Monstre épouvantable ,
Et voilà cependant ce qui me rend aimable.
C'est assez , je veux t'épargner :
Lecteur
AOUST. 1732 1769
Lecteur , en me voyant dans mon ample panier ,
Tu me devineras peut-être;
Ce sera toutefois , sans jamais me connoître.
E suis de figure attrayante ;
Un composé de rien , uné Enigme vivante ;
Enfin le plus joli de tous les animaux ;
Je serois moins joli , si j'étois raisonnable ,
Je plais par mes vertus , je plais par mes deffaute,
Mais je suis indéfinissable.
Les yeux d'un Basilic , la tête d'un Mouton
Et le cœur d'un Caméléon.
I
Voilà dequoi former un Monstre épouvantable ,
Et voilà cependant ce qui me rend aimable.
C'est assez , je veux t'épargner :
Lecteur
AOUST. 1732 1769
Lecteur , en me voyant dans mon ample panier ,
Tu me devineras peut-être;
Ce sera toutefois , sans jamais me connoître.
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11
p. 1769
LOGOGRYPHE.
Début :
Animal tres-commun, [...]
Mots clefs :
Chien
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LOGOGRYPHE.
LOGOGRYPHE.
ANimal tres-commun ,
Cinq lettres font le nom de ma naturėj
Mon maître m'en donne encore un ;
Tu trouveras , sans trop de tablature ,
Dans majuste anagramme , un Royaume , ou
mon lit ;
Devine, Lecteur , j'ai tout dit.
G...
ANimal tres-commun ,
Cinq lettres font le nom de ma naturėj
Mon maître m'en donne encore un ;
Tu trouveras , sans trop de tablature ,
Dans majuste anagramme , un Royaume , ou
mon lit ;
Devine, Lecteur , j'ai tout dit.
G...
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12
p. 1769-1770
AUTRE LOGOGRYPHE.
Début :
Mon nom comprend, Guerrier, animal, et Present (a), [...]
Mots clefs :
Castor
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE LOGOGRYPHE.
AUTRE LOGO GRYPHE.
Mon
On nom comprend , Guerrier , animal , et Present (a) ,
Comme Guerrier , aidé d'un frere ,
Tant que nous fumes sur la terre
On vit la Mer libre de tout Brigant ;
Depuis , au ciel est notre logement.
Comme animal , je suis un Amphibie ;
Climat froid me donne la vie.
Enfin , comme présent ,
Je suis utile à l'homme seulement ;
(a) Don on Liberalité.
Six
1976 MERCURE DE FRANCE
Six lettres font mon nom , prenez les trois pres
mieres ,
Je puis être tres-grand et reservé ;
Renversez-moi ; cherement conservé ,
T
Je sers aux Avocats , Procureurs , gens d'affaires,
Mes trois membres derniers étans lûs à rebours;
Forment un son qui ne peut plaire ;
Et cependant pour l'ordinaire.
Dans les bonnes maisons on me sert tous les
jours :
Remis en mon entier , si vous joignez ma tête ,
Aux deux membres derniers , je suis un instrument ;
Retournez-moi présentement ;
53.2
Le Nocher me redoute au fort de la tempête.
Mon
On nom comprend , Guerrier , animal , et Present (a) ,
Comme Guerrier , aidé d'un frere ,
Tant que nous fumes sur la terre
On vit la Mer libre de tout Brigant ;
Depuis , au ciel est notre logement.
Comme animal , je suis un Amphibie ;
Climat froid me donne la vie.
Enfin , comme présent ,
Je suis utile à l'homme seulement ;
(a) Don on Liberalité.
Six
1976 MERCURE DE FRANCE
Six lettres font mon nom , prenez les trois pres
mieres ,
Je puis être tres-grand et reservé ;
Renversez-moi ; cherement conservé ,
T
Je sers aux Avocats , Procureurs , gens d'affaires,
Mes trois membres derniers étans lûs à rebours;
Forment un son qui ne peut plaire ;
Et cependant pour l'ordinaire.
Dans les bonnes maisons on me sert tous les
jours :
Remis en mon entier , si vous joignez ma tête ,
Aux deux membres derniers , je suis un instrument ;
Retournez-moi présentement ;
53.2
Le Nocher me redoute au fort de la tempête.
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