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1
p. 1689-1693
LA FLATERIE. ODE.
Début :
Plein de cette noble furie, [...]
Mots clefs :
Flatterie, Coeurs, Conseils
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texteReconnaissance textuelle : LA FLATERIE. ODE.
LA FLATERIE.
CORDE
Lein de cette noble furie ,
Qu'Horace sentit autrefois ,
Contre la basse flaterie ,
Aujourd'hui j'éleve ma voix;
Tremblez , sujets de la perfide ,
Le Dieu qui m'anime , et me guide ,
Dans mes mains a mis son pinceau ;
Je vais par des traits pleins de flammes ,
A ij De
1690 MERCURE DE FRANCE
De l'imposture de vos ames ,
Immortaliser le tableau.
+
Loin de moi , Troupe abominable
Dont l'Univers est infecté ;
Du Monstre le plus effroïable ,
Je crains moins la férocité :
Contre sa meurtriere rage
On peut opposer un courage ,
Un bras qui triomphe en Vainqueur ; "
Mais contre vous on est sans armes ,
Vos mensonges ont tant de charmes
Que l'on n'en peut sauver son coeur !
T
C'est nous qui sommes vos Ministres ;
Verra-t-on toujours les mortels ,
Charmezl que vos bouches sinistres , I
Les trouvent dignes des Autels ?
Le fol amour qui les domine
Sera - t- il toujours l'origine
De leur vaine crédulité ?
N'auront-ils jamais le courage ,
xicy am svoldi imenom
De ne point accepter l'hommage ,
Base al so se uz sadmit
Qu'ils connoîtront peu mérité ?
९ Sin 19 sminn'in up wɔɑ ɔI
assoliq nos & anism 29m 272Ɑ
vous , redoutables Monarquesa la mag day :1
ImaAOUST.
1733.
1691
Images vivantes des Dieux ,
Montrez-vous par d'illustres marques ;
Dignes d'un nom si glorieux,
Vos Palais seroient- ils l'azyle ,
D'une Troupe infâme et servile ,
D'Admirateurs de vos défauts?
Trop heureux celui qui gouverne ,
Quand du haut du Thrône il discerne ,
Les vrais honneurs d'avec les faux !
M
Tels que les trompeuses Sirénes ,
Dont les chants font faits pour toucher,
Donnent sur les liquides plaintes ,
Le trépas au foible Nocher.
t
Tels des flateurs , les traits fanestes ,
Dans des ames toutes célestes ,
Font couler leur fatal poison ;
Rois , imitez le sage Ulisse ;
Il triompha de leur malice ,
Par le flambeau de la raison.
W
Ainsi , jaloux de votre gloire ,
N'écoutez que la vérité ;
Elle rendra votre memoire ,
Plus chere à la postérité ;
Méprisez ces langues maudites
Qui sçavent peindre les Thersites
之
A iij Avec
1692 MERCURE DE FRANCE
Avec les couleurs des Héros ;
Et malgré la Parque , elle- même ,
Vous porterez le Diadême ,
Jusques dans le sein des Tombeaux.
M
Flateurs , que votre art disparoisse ;
Non , ne croyez pas désormais ,
Triompher de notre foiblesse ;
Nos coeurs vont repousser vos traits ;
De vos conseils illégitimes ,
Les vertus étoient les victimes ;
Nous en ignorions les beautez ;
Quelle étoit notre erreur extrême !
Nous préférions au bien suprême ,
Les vices les plus détestez.
Delâ la parricide rage ,
Qui massacra tant de Romains
Barbares , ce fut là l'ouvrage ,
De vos conseils trop inhumains .
Sans vous , ni Néron , ni Tibere ,
Jusqu'au sein d'un fils , d'une mere ;
N'eussent point porté leur fureur ;
Malheureux qui vous prend pour guides !
Il ose jusqu'aux parricides ,
De ses forfaits porter l'horreur.
Fille
A OUST.
1693 1733.
Fille du ciel , vérné sainte
Viens nous éclairer à jamais ,
Afin que leur maligne feinte ,,
Dans nos coeurs n'ait aucun accès ,
Ennemis de ce doux délire ,
Qui nous arrache à ton empire ,
Tout notre encen's sera pour toi ;
Et loin d'applaudir au mensonge ;
Nous le traiterons comme un songe ,
Trop indigne de notre foy.
Craignez la colère céleste ,
Vous qui sous des dehors charmans ;
Cachez un venin plus funeste ,
Que ne l'est celui des Serpens.
Déja sur vos coupables têtes ,
J'entends gronder mille tempêtes ,
L'air s'embraze , le jour s'enfuit ;
Et la foudre qui vous menace ,
A cette clarté qui s'efface ,
Va joindreune éternelle nuit.
Par M. de S. R.
CORDE
Lein de cette noble furie ,
Qu'Horace sentit autrefois ,
Contre la basse flaterie ,
Aujourd'hui j'éleve ma voix;
Tremblez , sujets de la perfide ,
Le Dieu qui m'anime , et me guide ,
Dans mes mains a mis son pinceau ;
Je vais par des traits pleins de flammes ,
A ij De
1690 MERCURE DE FRANCE
De l'imposture de vos ames ,
Immortaliser le tableau.
+
Loin de moi , Troupe abominable
Dont l'Univers est infecté ;
Du Monstre le plus effroïable ,
Je crains moins la férocité :
Contre sa meurtriere rage
On peut opposer un courage ,
Un bras qui triomphe en Vainqueur ; "
Mais contre vous on est sans armes ,
Vos mensonges ont tant de charmes
Que l'on n'en peut sauver son coeur !
T
C'est nous qui sommes vos Ministres ;
Verra-t-on toujours les mortels ,
Charmezl que vos bouches sinistres , I
Les trouvent dignes des Autels ?
Le fol amour qui les domine
Sera - t- il toujours l'origine
De leur vaine crédulité ?
N'auront-ils jamais le courage ,
xicy am svoldi imenom
De ne point accepter l'hommage ,
Base al so se uz sadmit
Qu'ils connoîtront peu mérité ?
९ Sin 19 sminn'in up wɔɑ ɔI
assoliq nos & anism 29m 272Ɑ
vous , redoutables Monarquesa la mag day :1
ImaAOUST.
1733.
1691
Images vivantes des Dieux ,
Montrez-vous par d'illustres marques ;
Dignes d'un nom si glorieux,
Vos Palais seroient- ils l'azyle ,
D'une Troupe infâme et servile ,
D'Admirateurs de vos défauts?
Trop heureux celui qui gouverne ,
Quand du haut du Thrône il discerne ,
Les vrais honneurs d'avec les faux !
M
Tels que les trompeuses Sirénes ,
Dont les chants font faits pour toucher,
Donnent sur les liquides plaintes ,
Le trépas au foible Nocher.
t
Tels des flateurs , les traits fanestes ,
Dans des ames toutes célestes ,
Font couler leur fatal poison ;
Rois , imitez le sage Ulisse ;
Il triompha de leur malice ,
Par le flambeau de la raison.
W
Ainsi , jaloux de votre gloire ,
N'écoutez que la vérité ;
Elle rendra votre memoire ,
Plus chere à la postérité ;
Méprisez ces langues maudites
Qui sçavent peindre les Thersites
之
A iij Avec
1692 MERCURE DE FRANCE
Avec les couleurs des Héros ;
Et malgré la Parque , elle- même ,
Vous porterez le Diadême ,
Jusques dans le sein des Tombeaux.
M
Flateurs , que votre art disparoisse ;
Non , ne croyez pas désormais ,
Triompher de notre foiblesse ;
Nos coeurs vont repousser vos traits ;
De vos conseils illégitimes ,
Les vertus étoient les victimes ;
Nous en ignorions les beautez ;
Quelle étoit notre erreur extrême !
Nous préférions au bien suprême ,
Les vices les plus détestez.
Delâ la parricide rage ,
Qui massacra tant de Romains
Barbares , ce fut là l'ouvrage ,
De vos conseils trop inhumains .
Sans vous , ni Néron , ni Tibere ,
Jusqu'au sein d'un fils , d'une mere ;
N'eussent point porté leur fureur ;
Malheureux qui vous prend pour guides !
Il ose jusqu'aux parricides ,
De ses forfaits porter l'horreur.
Fille
A OUST.
1693 1733.
Fille du ciel , vérné sainte
Viens nous éclairer à jamais ,
Afin que leur maligne feinte ,,
Dans nos coeurs n'ait aucun accès ,
Ennemis de ce doux délire ,
Qui nous arrache à ton empire ,
Tout notre encen's sera pour toi ;
Et loin d'applaudir au mensonge ;
Nous le traiterons comme un songe ,
Trop indigne de notre foy.
Craignez la colère céleste ,
Vous qui sous des dehors charmans ;
Cachez un venin plus funeste ,
Que ne l'est celui des Serpens.
Déja sur vos coupables têtes ,
J'entends gronder mille tempêtes ,
L'air s'embraze , le jour s'enfuit ;
Et la foudre qui vous menace ,
A cette clarté qui s'efface ,
Va joindreune éternelle nuit.
Par M. de S. R.
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Résumé : LA FLATERIE. ODE.
Le poème 'La Flaterie', publié dans le Mercure de France entre 1690 et 1693, exprime la colère de l'auteur contre la flatterie, qu'il considère comme une perfidie. Il dénonce les flatteurs, les qualifiant de 'troupe abominable' et 'infâme', et les compare à des sirènes trompeuses. L'auteur met en garde contre les dangers de la flatterie, capable de corrompre les âmes et de conduire à des actes odieux, comme les parricides commis par des empereurs romains tels que Néron et Tibère. Il appelle à rejeter la flatterie et à préférer la vérité, qui rendra la mémoire des rois plus chère à la postérité. Le poème se termine par une invocation à une entité céleste pour protéger les cœurs de la malice des flatteurs et par une menace de châtiment divin contre ces derniers.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 1694-1709
LETTRE de M. Clerot, Avocat au Parlement de Roüen, sur le Droit de Viduité, le Doüaire, le Don mobile, et les autres avantages des gens mariez en Normandie.
Début :
Vous voulez absolument, Monsieur, que je vous explique ce que [...]
Mots clefs :
Lois, Droit, Loi, Parents, Enfant, Époux, Droits, Filles, Partie, Épouse, Père, Succession, Alleuds, Portion, Héritage, Terres, Normandie, Possession, Mariage, Viduité
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. Clerot, Avocat au Parlement de Roüen, sur le Droit de Viduité, le Doüaire, le Don mobile, et les autres avantages des gens mariez en Normandie.
LETTRE de M. Clerot, Avocat au Par
lement de Rollen , sur le Droit de Viduité
le Donaire , le Don mobile , et les autres
avantages des gens mariez en Nor
mandie.
V
-
7 :6 7
Ous voulez absolument Monsieur
, que je vous explique ce que
c'est que notre Droit de Viduité , et vous
souhaitez qu'en même temps je vous
donne quelque idée des autres Droits des
Gens mariez en notre Province ; vous allez
être satisfait : Voici sur cela mes Observations.
Selon l'article 382. de notre
Coutume : Homme ayant eu un enfant , né
vif de sa femme , jouit par usufruit , tant
qu'il se tient en viduité , de tout le revenu
appartenant à saditte femme , lors de son
décès , encore que l'enfant soit mort avant la
dissolution du mariage.
Les Auteurs sont partagez sur l'origine
, l'essence , et les effets de ce Droit.
1. Les Anglois prétendent qu'il a pris
naissance chez eux : Litleton assurant
même qu'il étoit appellé Curtesie d'Angleterre
, parce que l'on n'en use en aucun
autre réalme , fors que tant seulement en Engleterre.
Nos Normands au contraire,sur le
texte
AOUST. 1733- 1695
que Texte de l'ancien Coutumier , disent
nous l'avons porté chez les Anglois . Consuetudo
est enim in Normannia ex antiquitate
approbata ; et plusieurs Auteurs François
croient le voir dans les Capitulaires de
nos premiers Rois ; ce qui fait dire à l'un
d'eux contre Cowel, Smith , et Litleton ,
Illa est verè nationis nostra -humanitas.
que
2°. Quelques-uns ont avancé que pour
acquerir par le mari cet avantage , il
suffisoit l'enfant eut été conçû , et que
la mere eût témoigné l'avoir senti remuer
dans ses flancs. Quelques autres ,
au contraire , ont dit que l'enfant devoit
être absolument sorti des entrailles de sa
mere, et que des gens dignes de foy l'eussent
vû vif; plusieurs se sont persuadé
qu'il ne suffisoit pas que l'enfant eut été
vû remuer,mais qu'il falloit encore qu'on
l'eut entendu pleurer ou crier.
3. Il y en a qui pensent que cet usufruit
est acquis par la volonté seule de la
Loy : Beneficio Legis ; d'autres , au contraire
, soutiennent que c'est une possession
à droit successif : Fure hæreditario ;
mais d'une espece particuliere; et plusieurs
représentent ce droit comme une espece
de legs , que la Loy fait faire par la fem- ·
me ,jure nuptiali , à celui qui l'a renduë
féconde. Voici , Monsieur , de quoi vous
Ay Can
1696 MERCURE DE FRANCE
convaincre là dessus. 1 ° .Ce droit, comme
ce qui forme toute notre ancienne Coûtume
, ( je n'en excepte pas même la clameur
de Haro ) vient des Loix des premiers
Rois de France , que nos premiers
Ducs ont adoptées , en y faisant quelques
changemens , et Guillaume le Conquerant
l'a porté en Angleterre , d'où il est
même passé en Ecosse. 2° . A prendre ce
droit dans le sens où il a été introduit , il
ne peut être acquis au mari que quand
l'enfant a été vû remuer , et qu'il a été
entendu crier. 3 ° . Ce même droit dans
son origine étoit une espéce de succession
, il a été ensuite une véritable donation
, et à présent ce n'est ni succession ,
ni donation , mais un avantage de la loy
qui tient de l'une et de l'autre.
Pour faire cette démonstration
par or
dre , et pour vous donner les éclaircissemens
que vous demandés , je vais vous
exposer ici quelles ont été les differentes
espéces de possessions dans les principales
Epoques de la Monarchie.
PREMIER TEMPS.
Les Bourguignons , les Francs , les Saxons
et autres Peuples venus du fond de
l'Allemagne , s'étant emparés de différentes
A OU SI. 1733. 1697
rentes Provinces de la Gaule , leurs Capi- .
caines , et leurs Soldats partagerent nonseulement
les Terres qu'ils venoient de
conquerir , mais encore les dépouilles des
Peuples qu'ils venoient de subjuguer , ce
qu'ils appelloient pour chaque particulier,
sertem , ou ce qui est la même chose,
Allodium , du mot Allemand All , qui
signifie tout , et de Lods , los ou lot , qui
signifie part , portion , ou Partage ; d'où
vient que dans la suite ils ont indistinctement
appelić Allodium tout ce qu'ils
ont possedé comme proprietaires. Je ne
vous citerai sur cela qu'une Lettre du
Pape Jean VIII . où l'on trouve : Proprietates
Bosonis et Engeltrudis quas vos
Alladium dicitis , filiabus eorum hæredibus
restituatis.
Il y avoit une autre sorte de possession
, mais que l'on ne tenoit que de la
grace du Roi, ou de l'élection du peuple ,
ou de la faveur des premiers Officiers de
la Couronne ; c'étoient les D chés pour
léver , conduire et commander les Troupes
de toute une Province . Les Comtés
pour éxécuter les ordres des Ducs , de
ménager les revenus roïaux , et de rendre
la justice dans certains Parlemens , les
Marquisats pour veiller sur les Frontieres
, les Chastellenies pour recevoir nos
A vj
Pria1698
MERCURE DE FRANCE
Princes dans leurs fréquens Voyages , et
cent autres places pareilles qui produisoient
un certain revenu , mais qui ne
passoient point aux héritiers , si ce n'est
dans le cas de ce que nous appellons aujourd'hui
survivance .
La facilité qu'il y eut dans la suite à
avoir de ces Benefices pour les Descendans
, les fit regarder comme des especes
d'héritages ; on en obtint même plusieurs
in Allodium , selon l'interêt ou la bonté
de nos premiers Reis ; et enfin dans de
certaines Révolutions de l'Etat , il en fur
abandonné des plus considérables. Ainsi ,
Monsieur , cette partie de la Neustrie
que nous occupons aujourd'hui , fut- elle
laissée à notre premier Duc Raoul , pour
en jouir comme de son propre bien. Ab
Epia fluviole usque ad mare ut teneat ipse
et successores ejus infundum sempiternum.
>
Jusqu'ici , la maniere de posseder ne
changea point ; on compta toujours les
meubles , les immeubles , les droits et
les actions , dans un seul corps de -possession
, sous le nom d'Aleu. Vous verrez
cela dans plusieurs Titres , et partis
culierement dans celui que je vous al
quelquefois fait voir sur cette matiere
où on lit cette formule : Asserens perjuramentum
suum , res , jura , dominia , et
›
usagia
AOUST. 1733. 1699
usagia inferius annotata ab aliquo non tenere
, sed eadem in Francum purum et libe».
rum Allodium se habere. Examinons maintenant
comment nos premiers François.
divisoient cette possession.
D'abord les Esclaves , les Pierreries , les
Meubles , les Hardes ; ensemble les
Droits , les Actions , et quelquefois même
les Maisons des Villes , faisoient la
premiere partie , sous cette dénomination
Mancipia. Je ne vous citerai point
d'éxemples sur cette portion des Aleuds,
Yous sçavez que dans nos anciennes loix
La maison dans la Ville est souvent mar
quée sous cette dénomination Mancipiata
Casa.
Ensuite les Chevaux , les Boeufs et Va
ches , les Moutons , et generalement tou
tes les bêtes domestiques ; ensemble les
Harnois , les Fourages , les Grains , et
tout ce qui convenoit à ces choses , faisoient
la seconde partie que l'on désignoit
sous ce nom Pecunia. Vous sçavez,
Monsieur , qu'en quelque maniere cela
étoit encore d'usage sous le Regne de notre
Guillaume le Conquerant , puisque
ce Prince deffendant dans le Chap. 9. de
ses Loix , la vente ou l'achapt des bêtes
vives ailleurs que dans les Villes , se sert
de cette expression : Interdicimus ut nulla
peci
1700 MERCURE DE FRANCE
pecunia viva vendatur aut ematur , nisi intra
civitates.
Enfin , les Maisons de Campagne , les
Terres , les Forêts , les Eaux , les Droits
de Chasse et de Parc , formoient la troisiéme
partie que l'on appelloit chez les
Francs Terra Salica sive Francica , parce
qu'en general c'étoit le propre de la valeur
Françoise , et chez les Ripuariens ,
Terra Aviatica , parce qu'ils la tenoient,
non à droit de Conquête , mais au droit
de leurs Ayeux , ausquels les Romains
l'avoient donnée. Voyons présentement
l'ordre de succeder , et à cet égard une
nouvelle division des Aleuds . "
Nos premieres Loix sous le nom hareditas
, font pas er tout en general aux
plus proches parens , mâles , ou femelles
; mais ces mêmes loix portent une
exception pour la Terre : Aviatica , aut
Salica sive Francica , car elles ne veulent
pas que les femmes y ayent aucune
part , et c'est la distinction qu'il ne faut
pas omettre.
>
Ainsi , l'héritage d'une personne , ses
Aleuds , son Patrimoine , forment deux
successions différentes : la premiere , où
l'on comprend tout ce qui est meuble
tout ce qui est héritage de Ville , tout
ce qui est acquêts : la seconde , où sont
renAOUST.
1733. 1708
y renfermées les Terres de Campagnes
ayant fait souche et passé des peres ou
meres aux enfans . Examinez bien , Monsieur
, nos premieres Loix , vous verrez
que cette derniere succession , ou seule
ou jointe à son tout , est appellée hareditatem
paternam aut maternam , et que la
premiere est appellée simplement heredi
tatem. Je passe aux preuves .
La Loy des Ripuariens , au titre de
Alodibus,fait passer en general les Aleuds
aux pere , mere , freres et soeurs , oncles
et tantes , et deinceps usque ad quintumgeniculum
qui proximus fuerit in hæreditatem
succedat. Mais pour cette portion qui est
appeliée Terra Aviatica , tant qu'il y a
des mâles , les filles n'y peuvent rien prétendre.
Sed dum virilis sexus extiterit ,femina
in hæreditatem Aviaticam non suecedat.
Dans les Loix Saliques , au même titre
, nous voyons en general les . Aleuds
passer de même aux pere et mere , freres
et soeurs , oncles et tantes. Si autem nulli
borumfuerint quicumque proximiores fuerint
de paterna generatione ipsi in hæreditatem
succedant. Mais pour cette portion , qui
est appellée Terra Salica , les filles en
sont absolument excluës : De terra verè
Salica nulla portio hæreditatis mulieri veniat,
sed
1702 MERCURE DE FRANCE
•
sed ad virilem sexum tota terra hereditas
perveniat.
ブ
Enfin , Monsieur , dans les Loix de la
Thuringe , ce Païs qui , selon Gregoire
de Tours , avoit été long- tems le séjour
des François , nous trouvons au même
titre de Alodibus , notre distinction d'héritage
, et notre exception en faveur des
mâles clairement établie ; que l'héritage
d'un deffunt , dit cette Loi , soit appréhendé
par le fils , et non par
et non par la fille : si
le deffunt n'a point de fils , que la fille
aye les esclaves , les maisons de Ville , les
troupeaux , l'argent , en un mot ,
cipia et pecunia ; mais que les terres , les
maisons de campagne , les droits de
chasse , en un mot , ce que l'on désigne
sous ce mot terra passe aux plus proches
parens paternels. Hareditatem defuncti filius
, non filia , suscipiat : Si filium non
habuit qui defunctus est , ad filiam pecunia,
et mancipia , terra verò ad proximum paterne
generationis consanguineum pertineat.
man-
C'est dans cette Loy qu'on observe que
quiconque a la Terre , a aussi les équipages
, les droits de la Guerre , et la contribution
dûë par les Vassaux : Ad quemcumque
hæreditas terra pervenerit , ad illum
vestis Bellica , id est Lorica , ultio proximi
et salutio debet pertinere.
C'est
A O UST. 1733. 1703
C'est dans cette Loy qu'on trouve enfin
quel étoit le sort des filles , lorsqu'elles
avoient des freres ; elles n'avoient que
quelques ornemens que leur laissoient
leurs meres , et qui consistoient en Chainettes
, Tresses ou Noeuds , Coliers , Pendans
d'Oreilles , &c. Mater moriens filio
terram , mancipia et pecuniam dimittat , filia
verò spolia colli , id est Murenas , Muscas
, Monilia , Inaures , vestes, Armillas ",
vel quidquid ornamenti proprii videbatur
babuisse.
> Les femmes , comme vous le voyés ;
Monsieur , étoient alors peu avantagées,
car dans ces premiers tems les enfans des
Concubines étant indistinctement appellés
aux successions , avec les enfans des
femmes légitimes , il arrivoit peu que les
successions manquassent de mâles ; cependant
il y avoit des cas où , comme dit
cette Loy , l'héritage passoit de l'Epée à
la Quenouille. Post quintam generationem
filia ex toto, sive de patris , sive matris parte
in hæreditatem succedat ; et tunc demum
hareditas adfusum à lancea transeat.
La liberté que les François , fixés dans
les Gaules par la valeur de Clovis , eurent
de régler le partage de leurs biens
selon les Loix de la Nation , ou les Loix
Romaines , rendit enfin la condition des
fem
1704 MERCURE DE FRANCE
femmes plus avantageuse. On s'accoutu
ma peu à peu aux impressions que les Ecclesiastiques
, qui suivoient le Code de
Théodose , donnoient contre les Loix Saliques
; on poussa même les choses jusqu'à
l'excès , soit en regardant ces Loix comme
détestables , soit en ne mettant aucunes
bornes à la liberté de tester , pour
se soustraire à leurs dispositions.
En effet, nous voïons dans la douzième
Formule de Marculphe , qu'un Pere appelle
l'exclusion des filles en la Terre,
Salique , une Coutume impie : Diuturna
sed impia inter nos consuetudo tenetur , ut de
terrâ paterna sorores cum fratribus portionem
non habeant. Que ce Pere pour cela ordonne
le partage de sa succession entre
ses fils et filles également , sed ego bane
impietatem , &c.
Une femme sous la puissance de son
mari , au point que dans la dix- septiéme
des mêmes Formules , elle l'appelle son
Seigneur et son Maître. Ege ancilla tua
Domine et Jugalis meus , a cependant le
pouvoir de disposer des biens et d'appeller
ses filles à sa succession ; ce qui diminue
encore les avantages que les Loix de
la Nation accordent aux mâles.
-
Enfin dans ce même temps , les Loix
Ecclesiastiques
favorisent encore les femmes
;
AOUST. 1739 : 1705
mes , car elles ordonnent la nécessité de
·les doter ; deffendant même dans le Concile
d'Arles , tenu l'an 524. qu'il ne se
celebre aucun mariage sans dot : Nullum
sine dote fiat conjugium ; décidant ailleurs,
qu'il n'y aura point de dot , où il n'y
aura point de mariage : Ubi nullum omninò
matrimonium ibi nulla dos ; quia opportet
quod constitutio dotis sit facta publicè
et cum solemnitate ad ostium Ecclesia .Voions
présentement les avantages respectifs entre
les mariez.
Lorsqu'il étoit question de contracter ,
on s'assembloit de part et d'autre , en famille
, amis et voisins. D'abord les parens
de l'époux promettoient à la future épouse
une dot qui consistoit alors en quelques
Esclaves , quelques Bestiaux , quelques
meubles et certaine somme d'argent
; ensuite cette convention des parens
se faisoit , comme parlent les Loix
Ripuaires : Per tabularum seu chartarum
instrumenta ; et elle consistoit non-seule
ment en Esclaves , Bestiaux , argent, & c.
mais encore en terres et en richesses considérables
, même des Autels , des Eglises
et des Dixmes.
Le jour des nôces venu , jour qui dans
les premiers- temps arrivoit quelquefois
des années entieres après les fiançailles, er
qui
1706 MERCURE DE FRANCE
;
qui se passoit souvent sans autre cérémo
nie que la conduite de la fiancée chez le
fiancé les parens de l'épouse faisoient
leur présent à l'époux, qui consistoit d'abord
en quelques Flêches , quelque Bou
clier , quelque Cheval , quelque Equipa- ,
ge de Chasse , & c. mais qui dans la suite
a été la possession , ut custos , de tout le
bien de l'Epouse , appellé en ce cas Maritagium
, et la donation d'une partie de
ce même bien , en ce qui consistoit en
meubles ; d'où est venu ce que nous appellons
présentement Don Mobile. Chez
les premiers Saxons , ce qu'on a appellé
depuis Maritagium , étoit nommé Faderfium
, et la portion dont les parens de l'épousée
faisoient présent au mari , et qui
a été appellée Don Mobile, étoit nommée.
dans les premiers temps , Methium, Melphium
ou Mephium.
Lors de la solemnité du mariage ; ad
estium Ecclesia , l'époux donnoit à l'é
pouse la Charte de la dot , arrêtée entre
les deux familles , et ainsi il lui assuroit
en cas de prédécès , ce que l'on a appellé
d'abord Dos , ensuite Dotalitium , enfin
Dotarium , et Doarium , d'où nous avons
fait le mot Donaire , mais qui est bien
different de ce qu'il étoit dans les premiers
temps , puisqu'alors c'étoit réellement
AOUST. 1733
1707
lement la Dot de l'Epouse , donnée par
l'Epoux, selon l'usage , rapporté par Tacite
: Dotem non uxor marito , sed maritus
uxori offert.
Le lendemain, dès le matin , les parens
venans présenter leurs voeux aux nouveaux
mariez , l'Epoux faisoir à l'Epouse,
un présent , appellé d'abord Morgangeba
ou Morgengab en Allemand , et en,
Latin Matutinale donum , enfin osculagium.
aut osculum ; il consistoit en quelques
pierreries , ornemens et hardes. Il est ce
que chez plusieurs on appelle Augment ;
ce que chez d'autres on nomme Onelages;
et ce qu'en Normandie on désigne
Sous le titre de Chambrée , Bagues , et
Joyaux.
"
Les Loix Ripuaires dans le tit. 59.poussent
icy l'attention en faveur de l'Epouse,
jusqu'à fixerà sosols d'or ce qui doit fai
re sa dot , s'il ne lui en a pas été promis ;
elles lui permettent outre cela de retenir
le Morgangeba , et elles luioaccordent
la
tierce partie de ce qui aura été aquis
dans son mariage ; ce qui peut être en
quelque maniere le commencement du
Droit de conquêts, qui , à l'exception de
quelques susages locaux est fixé chez
nous au tiers et tertiam partem de omni res
0
quam
1708 MERCURE DE FRANCE
quam simul conglobaverint sibi studeat vindicare
, vel quicquid ei in Morgangeba tra
ditum fuerat similiterfaciat.
Vous ne voyez encore icy , Monsieur .
que peu de chose en faveur de l'Epoux.
Le Capitulaire de Dagobert , de l'an 630.
ou la Loy des Allemands , tit . 92. va lui
fournir un avantage considérable, en décidant
que si la femme décéde en couche,
et que l'enfant lui survive quelque tems,
la succession maternelle appartiendra au
pere : Siqua Mulier que hæreditatem paternam
habet , post nuptum pragnans peperit
puerum , et in ipsa hori mortua fuerit ,
et infans vivus remanserit aliquanto spatio ,
vel unius hora , ut possit aperire oculos et
videre culmen Domus et quatuor parietes
et posteà defunctus fuerit , hæreditas materna
ad patrem ejus pertineat. Examinez deprès
cette Loy , Monsieur , et vous serez
convaincu qu'elle est la véritable source
de notre Droit de Viduité.
*
Elle ne se contente pas de vouloir que
PEnfant demeure vif une espace ou une
heure de temps ; et infans vivus remanserit
aliquanto spatio vel unius hora ; mais
elle veut que cela soit de telle sorte qu'il
puisse ouvrir les yeux , voir le toît de la
maison , et se tourner vers les quatre
mu
AO
UST.
1733-
1709
murailles ; ut possit aperire oculos et videre
culmen domûs et quatuor parietes. Ce n'est «
pas assez ; la même Loy nous assûre que
ce n'est que quand le pere a des témoins
de toutes ces choses , qu'il peut conserver
son droit. Et tamen si testes habet pater
ejus quod vidissent, illum infantem oculos
aperire et potuisset culmen domus videre et
quatuor parietes , tunc pater ejus habeat li- "
centiam cum lege ipsas res deffendere. Enfin
la Loy ajoute que s'il en est
autrement
celui auquel
appartient la propriété doit
l'emporter Si autem aliter cujus est proprietas
ipse
conquirat. Voilà
expressément ,
Monsieur,les
dispositions que nous trouvons
dans les Loix du Droit de Viduité
en
Angleterre , en Ecosse , en France , en
Normandie , et ailleurs.
La suitepour le Mercure prochain.
lement de Rollen , sur le Droit de Viduité
le Donaire , le Don mobile , et les autres
avantages des gens mariez en Nor
mandie.
V
-
7 :6 7
Ous voulez absolument Monsieur
, que je vous explique ce que
c'est que notre Droit de Viduité , et vous
souhaitez qu'en même temps je vous
donne quelque idée des autres Droits des
Gens mariez en notre Province ; vous allez
être satisfait : Voici sur cela mes Observations.
Selon l'article 382. de notre
Coutume : Homme ayant eu un enfant , né
vif de sa femme , jouit par usufruit , tant
qu'il se tient en viduité , de tout le revenu
appartenant à saditte femme , lors de son
décès , encore que l'enfant soit mort avant la
dissolution du mariage.
Les Auteurs sont partagez sur l'origine
, l'essence , et les effets de ce Droit.
1. Les Anglois prétendent qu'il a pris
naissance chez eux : Litleton assurant
même qu'il étoit appellé Curtesie d'Angleterre
, parce que l'on n'en use en aucun
autre réalme , fors que tant seulement en Engleterre.
Nos Normands au contraire,sur le
texte
AOUST. 1733- 1695
que Texte de l'ancien Coutumier , disent
nous l'avons porté chez les Anglois . Consuetudo
est enim in Normannia ex antiquitate
approbata ; et plusieurs Auteurs François
croient le voir dans les Capitulaires de
nos premiers Rois ; ce qui fait dire à l'un
d'eux contre Cowel, Smith , et Litleton ,
Illa est verè nationis nostra -humanitas.
que
2°. Quelques-uns ont avancé que pour
acquerir par le mari cet avantage , il
suffisoit l'enfant eut été conçû , et que
la mere eût témoigné l'avoir senti remuer
dans ses flancs. Quelques autres ,
au contraire , ont dit que l'enfant devoit
être absolument sorti des entrailles de sa
mere, et que des gens dignes de foy l'eussent
vû vif; plusieurs se sont persuadé
qu'il ne suffisoit pas que l'enfant eut été
vû remuer,mais qu'il falloit encore qu'on
l'eut entendu pleurer ou crier.
3. Il y en a qui pensent que cet usufruit
est acquis par la volonté seule de la
Loy : Beneficio Legis ; d'autres , au contraire
, soutiennent que c'est une possession
à droit successif : Fure hæreditario ;
mais d'une espece particuliere; et plusieurs
représentent ce droit comme une espece
de legs , que la Loy fait faire par la fem- ·
me ,jure nuptiali , à celui qui l'a renduë
féconde. Voici , Monsieur , de quoi vous
Ay Can
1696 MERCURE DE FRANCE
convaincre là dessus. 1 ° .Ce droit, comme
ce qui forme toute notre ancienne Coûtume
, ( je n'en excepte pas même la clameur
de Haro ) vient des Loix des premiers
Rois de France , que nos premiers
Ducs ont adoptées , en y faisant quelques
changemens , et Guillaume le Conquerant
l'a porté en Angleterre , d'où il est
même passé en Ecosse. 2° . A prendre ce
droit dans le sens où il a été introduit , il
ne peut être acquis au mari que quand
l'enfant a été vû remuer , et qu'il a été
entendu crier. 3 ° . Ce même droit dans
son origine étoit une espéce de succession
, il a été ensuite une véritable donation
, et à présent ce n'est ni succession ,
ni donation , mais un avantage de la loy
qui tient de l'une et de l'autre.
Pour faire cette démonstration
par or
dre , et pour vous donner les éclaircissemens
que vous demandés , je vais vous
exposer ici quelles ont été les differentes
espéces de possessions dans les principales
Epoques de la Monarchie.
PREMIER TEMPS.
Les Bourguignons , les Francs , les Saxons
et autres Peuples venus du fond de
l'Allemagne , s'étant emparés de différentes
A OU SI. 1733. 1697
rentes Provinces de la Gaule , leurs Capi- .
caines , et leurs Soldats partagerent nonseulement
les Terres qu'ils venoient de
conquerir , mais encore les dépouilles des
Peuples qu'ils venoient de subjuguer , ce
qu'ils appelloient pour chaque particulier,
sertem , ou ce qui est la même chose,
Allodium , du mot Allemand All , qui
signifie tout , et de Lods , los ou lot , qui
signifie part , portion , ou Partage ; d'où
vient que dans la suite ils ont indistinctement
appelić Allodium tout ce qu'ils
ont possedé comme proprietaires. Je ne
vous citerai sur cela qu'une Lettre du
Pape Jean VIII . où l'on trouve : Proprietates
Bosonis et Engeltrudis quas vos
Alladium dicitis , filiabus eorum hæredibus
restituatis.
Il y avoit une autre sorte de possession
, mais que l'on ne tenoit que de la
grace du Roi, ou de l'élection du peuple ,
ou de la faveur des premiers Officiers de
la Couronne ; c'étoient les D chés pour
léver , conduire et commander les Troupes
de toute une Province . Les Comtés
pour éxécuter les ordres des Ducs , de
ménager les revenus roïaux , et de rendre
la justice dans certains Parlemens , les
Marquisats pour veiller sur les Frontieres
, les Chastellenies pour recevoir nos
A vj
Pria1698
MERCURE DE FRANCE
Princes dans leurs fréquens Voyages , et
cent autres places pareilles qui produisoient
un certain revenu , mais qui ne
passoient point aux héritiers , si ce n'est
dans le cas de ce que nous appellons aujourd'hui
survivance .
La facilité qu'il y eut dans la suite à
avoir de ces Benefices pour les Descendans
, les fit regarder comme des especes
d'héritages ; on en obtint même plusieurs
in Allodium , selon l'interêt ou la bonté
de nos premiers Reis ; et enfin dans de
certaines Révolutions de l'Etat , il en fur
abandonné des plus considérables. Ainsi ,
Monsieur , cette partie de la Neustrie
que nous occupons aujourd'hui , fut- elle
laissée à notre premier Duc Raoul , pour
en jouir comme de son propre bien. Ab
Epia fluviole usque ad mare ut teneat ipse
et successores ejus infundum sempiternum.
>
Jusqu'ici , la maniere de posseder ne
changea point ; on compta toujours les
meubles , les immeubles , les droits et
les actions , dans un seul corps de -possession
, sous le nom d'Aleu. Vous verrez
cela dans plusieurs Titres , et partis
culierement dans celui que je vous al
quelquefois fait voir sur cette matiere
où on lit cette formule : Asserens perjuramentum
suum , res , jura , dominia , et
›
usagia
AOUST. 1733. 1699
usagia inferius annotata ab aliquo non tenere
, sed eadem in Francum purum et libe».
rum Allodium se habere. Examinons maintenant
comment nos premiers François.
divisoient cette possession.
D'abord les Esclaves , les Pierreries , les
Meubles , les Hardes ; ensemble les
Droits , les Actions , et quelquefois même
les Maisons des Villes , faisoient la
premiere partie , sous cette dénomination
Mancipia. Je ne vous citerai point
d'éxemples sur cette portion des Aleuds,
Yous sçavez que dans nos anciennes loix
La maison dans la Ville est souvent mar
quée sous cette dénomination Mancipiata
Casa.
Ensuite les Chevaux , les Boeufs et Va
ches , les Moutons , et generalement tou
tes les bêtes domestiques ; ensemble les
Harnois , les Fourages , les Grains , et
tout ce qui convenoit à ces choses , faisoient
la seconde partie que l'on désignoit
sous ce nom Pecunia. Vous sçavez,
Monsieur , qu'en quelque maniere cela
étoit encore d'usage sous le Regne de notre
Guillaume le Conquerant , puisque
ce Prince deffendant dans le Chap. 9. de
ses Loix , la vente ou l'achapt des bêtes
vives ailleurs que dans les Villes , se sert
de cette expression : Interdicimus ut nulla
peci
1700 MERCURE DE FRANCE
pecunia viva vendatur aut ematur , nisi intra
civitates.
Enfin , les Maisons de Campagne , les
Terres , les Forêts , les Eaux , les Droits
de Chasse et de Parc , formoient la troisiéme
partie que l'on appelloit chez les
Francs Terra Salica sive Francica , parce
qu'en general c'étoit le propre de la valeur
Françoise , et chez les Ripuariens ,
Terra Aviatica , parce qu'ils la tenoient,
non à droit de Conquête , mais au droit
de leurs Ayeux , ausquels les Romains
l'avoient donnée. Voyons présentement
l'ordre de succeder , et à cet égard une
nouvelle division des Aleuds . "
Nos premieres Loix sous le nom hareditas
, font pas er tout en general aux
plus proches parens , mâles , ou femelles
; mais ces mêmes loix portent une
exception pour la Terre : Aviatica , aut
Salica sive Francica , car elles ne veulent
pas que les femmes y ayent aucune
part , et c'est la distinction qu'il ne faut
pas omettre.
>
Ainsi , l'héritage d'une personne , ses
Aleuds , son Patrimoine , forment deux
successions différentes : la premiere , où
l'on comprend tout ce qui est meuble
tout ce qui est héritage de Ville , tout
ce qui est acquêts : la seconde , où sont
renAOUST.
1733. 1708
y renfermées les Terres de Campagnes
ayant fait souche et passé des peres ou
meres aux enfans . Examinez bien , Monsieur
, nos premieres Loix , vous verrez
que cette derniere succession , ou seule
ou jointe à son tout , est appellée hareditatem
paternam aut maternam , et que la
premiere est appellée simplement heredi
tatem. Je passe aux preuves .
La Loy des Ripuariens , au titre de
Alodibus,fait passer en general les Aleuds
aux pere , mere , freres et soeurs , oncles
et tantes , et deinceps usque ad quintumgeniculum
qui proximus fuerit in hæreditatem
succedat. Mais pour cette portion qui est
appeliée Terra Aviatica , tant qu'il y a
des mâles , les filles n'y peuvent rien prétendre.
Sed dum virilis sexus extiterit ,femina
in hæreditatem Aviaticam non suecedat.
Dans les Loix Saliques , au même titre
, nous voyons en general les . Aleuds
passer de même aux pere et mere , freres
et soeurs , oncles et tantes. Si autem nulli
borumfuerint quicumque proximiores fuerint
de paterna generatione ipsi in hæreditatem
succedant. Mais pour cette portion , qui
est appellée Terra Salica , les filles en
sont absolument excluës : De terra verè
Salica nulla portio hæreditatis mulieri veniat,
sed
1702 MERCURE DE FRANCE
•
sed ad virilem sexum tota terra hereditas
perveniat.
ブ
Enfin , Monsieur , dans les Loix de la
Thuringe , ce Païs qui , selon Gregoire
de Tours , avoit été long- tems le séjour
des François , nous trouvons au même
titre de Alodibus , notre distinction d'héritage
, et notre exception en faveur des
mâles clairement établie ; que l'héritage
d'un deffunt , dit cette Loi , soit appréhendé
par le fils , et non par
et non par la fille : si
le deffunt n'a point de fils , que la fille
aye les esclaves , les maisons de Ville , les
troupeaux , l'argent , en un mot ,
cipia et pecunia ; mais que les terres , les
maisons de campagne , les droits de
chasse , en un mot , ce que l'on désigne
sous ce mot terra passe aux plus proches
parens paternels. Hareditatem defuncti filius
, non filia , suscipiat : Si filium non
habuit qui defunctus est , ad filiam pecunia,
et mancipia , terra verò ad proximum paterne
generationis consanguineum pertineat.
man-
C'est dans cette Loy qu'on observe que
quiconque a la Terre , a aussi les équipages
, les droits de la Guerre , et la contribution
dûë par les Vassaux : Ad quemcumque
hæreditas terra pervenerit , ad illum
vestis Bellica , id est Lorica , ultio proximi
et salutio debet pertinere.
C'est
A O UST. 1733. 1703
C'est dans cette Loy qu'on trouve enfin
quel étoit le sort des filles , lorsqu'elles
avoient des freres ; elles n'avoient que
quelques ornemens que leur laissoient
leurs meres , et qui consistoient en Chainettes
, Tresses ou Noeuds , Coliers , Pendans
d'Oreilles , &c. Mater moriens filio
terram , mancipia et pecuniam dimittat , filia
verò spolia colli , id est Murenas , Muscas
, Monilia , Inaures , vestes, Armillas ",
vel quidquid ornamenti proprii videbatur
babuisse.
> Les femmes , comme vous le voyés ;
Monsieur , étoient alors peu avantagées,
car dans ces premiers tems les enfans des
Concubines étant indistinctement appellés
aux successions , avec les enfans des
femmes légitimes , il arrivoit peu que les
successions manquassent de mâles ; cependant
il y avoit des cas où , comme dit
cette Loy , l'héritage passoit de l'Epée à
la Quenouille. Post quintam generationem
filia ex toto, sive de patris , sive matris parte
in hæreditatem succedat ; et tunc demum
hareditas adfusum à lancea transeat.
La liberté que les François , fixés dans
les Gaules par la valeur de Clovis , eurent
de régler le partage de leurs biens
selon les Loix de la Nation , ou les Loix
Romaines , rendit enfin la condition des
fem
1704 MERCURE DE FRANCE
femmes plus avantageuse. On s'accoutu
ma peu à peu aux impressions que les Ecclesiastiques
, qui suivoient le Code de
Théodose , donnoient contre les Loix Saliques
; on poussa même les choses jusqu'à
l'excès , soit en regardant ces Loix comme
détestables , soit en ne mettant aucunes
bornes à la liberté de tester , pour
se soustraire à leurs dispositions.
En effet, nous voïons dans la douzième
Formule de Marculphe , qu'un Pere appelle
l'exclusion des filles en la Terre,
Salique , une Coutume impie : Diuturna
sed impia inter nos consuetudo tenetur , ut de
terrâ paterna sorores cum fratribus portionem
non habeant. Que ce Pere pour cela ordonne
le partage de sa succession entre
ses fils et filles également , sed ego bane
impietatem , &c.
Une femme sous la puissance de son
mari , au point que dans la dix- septiéme
des mêmes Formules , elle l'appelle son
Seigneur et son Maître. Ege ancilla tua
Domine et Jugalis meus , a cependant le
pouvoir de disposer des biens et d'appeller
ses filles à sa succession ; ce qui diminue
encore les avantages que les Loix de
la Nation accordent aux mâles.
-
Enfin dans ce même temps , les Loix
Ecclesiastiques
favorisent encore les femmes
;
AOUST. 1739 : 1705
mes , car elles ordonnent la nécessité de
·les doter ; deffendant même dans le Concile
d'Arles , tenu l'an 524. qu'il ne se
celebre aucun mariage sans dot : Nullum
sine dote fiat conjugium ; décidant ailleurs,
qu'il n'y aura point de dot , où il n'y
aura point de mariage : Ubi nullum omninò
matrimonium ibi nulla dos ; quia opportet
quod constitutio dotis sit facta publicè
et cum solemnitate ad ostium Ecclesia .Voions
présentement les avantages respectifs entre
les mariez.
Lorsqu'il étoit question de contracter ,
on s'assembloit de part et d'autre , en famille
, amis et voisins. D'abord les parens
de l'époux promettoient à la future épouse
une dot qui consistoit alors en quelques
Esclaves , quelques Bestiaux , quelques
meubles et certaine somme d'argent
; ensuite cette convention des parens
se faisoit , comme parlent les Loix
Ripuaires : Per tabularum seu chartarum
instrumenta ; et elle consistoit non-seule
ment en Esclaves , Bestiaux , argent, & c.
mais encore en terres et en richesses considérables
, même des Autels , des Eglises
et des Dixmes.
Le jour des nôces venu , jour qui dans
les premiers- temps arrivoit quelquefois
des années entieres après les fiançailles, er
qui
1706 MERCURE DE FRANCE
;
qui se passoit souvent sans autre cérémo
nie que la conduite de la fiancée chez le
fiancé les parens de l'épouse faisoient
leur présent à l'époux, qui consistoit d'abord
en quelques Flêches , quelque Bou
clier , quelque Cheval , quelque Equipa- ,
ge de Chasse , & c. mais qui dans la suite
a été la possession , ut custos , de tout le
bien de l'Epouse , appellé en ce cas Maritagium
, et la donation d'une partie de
ce même bien , en ce qui consistoit en
meubles ; d'où est venu ce que nous appellons
présentement Don Mobile. Chez
les premiers Saxons , ce qu'on a appellé
depuis Maritagium , étoit nommé Faderfium
, et la portion dont les parens de l'épousée
faisoient présent au mari , et qui
a été appellée Don Mobile, étoit nommée.
dans les premiers temps , Methium, Melphium
ou Mephium.
Lors de la solemnité du mariage ; ad
estium Ecclesia , l'époux donnoit à l'é
pouse la Charte de la dot , arrêtée entre
les deux familles , et ainsi il lui assuroit
en cas de prédécès , ce que l'on a appellé
d'abord Dos , ensuite Dotalitium , enfin
Dotarium , et Doarium , d'où nous avons
fait le mot Donaire , mais qui est bien
different de ce qu'il étoit dans les premiers
temps , puisqu'alors c'étoit réellement
AOUST. 1733
1707
lement la Dot de l'Epouse , donnée par
l'Epoux, selon l'usage , rapporté par Tacite
: Dotem non uxor marito , sed maritus
uxori offert.
Le lendemain, dès le matin , les parens
venans présenter leurs voeux aux nouveaux
mariez , l'Epoux faisoir à l'Epouse,
un présent , appellé d'abord Morgangeba
ou Morgengab en Allemand , et en,
Latin Matutinale donum , enfin osculagium.
aut osculum ; il consistoit en quelques
pierreries , ornemens et hardes. Il est ce
que chez plusieurs on appelle Augment ;
ce que chez d'autres on nomme Onelages;
et ce qu'en Normandie on désigne
Sous le titre de Chambrée , Bagues , et
Joyaux.
"
Les Loix Ripuaires dans le tit. 59.poussent
icy l'attention en faveur de l'Epouse,
jusqu'à fixerà sosols d'or ce qui doit fai
re sa dot , s'il ne lui en a pas été promis ;
elles lui permettent outre cela de retenir
le Morgangeba , et elles luioaccordent
la
tierce partie de ce qui aura été aquis
dans son mariage ; ce qui peut être en
quelque maniere le commencement du
Droit de conquêts, qui , à l'exception de
quelques susages locaux est fixé chez
nous au tiers et tertiam partem de omni res
0
quam
1708 MERCURE DE FRANCE
quam simul conglobaverint sibi studeat vindicare
, vel quicquid ei in Morgangeba tra
ditum fuerat similiterfaciat.
Vous ne voyez encore icy , Monsieur .
que peu de chose en faveur de l'Epoux.
Le Capitulaire de Dagobert , de l'an 630.
ou la Loy des Allemands , tit . 92. va lui
fournir un avantage considérable, en décidant
que si la femme décéde en couche,
et que l'enfant lui survive quelque tems,
la succession maternelle appartiendra au
pere : Siqua Mulier que hæreditatem paternam
habet , post nuptum pragnans peperit
puerum , et in ipsa hori mortua fuerit ,
et infans vivus remanserit aliquanto spatio ,
vel unius hora , ut possit aperire oculos et
videre culmen Domus et quatuor parietes
et posteà defunctus fuerit , hæreditas materna
ad patrem ejus pertineat. Examinez deprès
cette Loy , Monsieur , et vous serez
convaincu qu'elle est la véritable source
de notre Droit de Viduité.
*
Elle ne se contente pas de vouloir que
PEnfant demeure vif une espace ou une
heure de temps ; et infans vivus remanserit
aliquanto spatio vel unius hora ; mais
elle veut que cela soit de telle sorte qu'il
puisse ouvrir les yeux , voir le toît de la
maison , et se tourner vers les quatre
mu
AO
UST.
1733-
1709
murailles ; ut possit aperire oculos et videre
culmen domûs et quatuor parietes. Ce n'est «
pas assez ; la même Loy nous assûre que
ce n'est que quand le pere a des témoins
de toutes ces choses , qu'il peut conserver
son droit. Et tamen si testes habet pater
ejus quod vidissent, illum infantem oculos
aperire et potuisset culmen domus videre et
quatuor parietes , tunc pater ejus habeat li- "
centiam cum lege ipsas res deffendere. Enfin
la Loy ajoute que s'il en est
autrement
celui auquel
appartient la propriété doit
l'emporter Si autem aliter cujus est proprietas
ipse
conquirat. Voilà
expressément ,
Monsieur,les
dispositions que nous trouvons
dans les Loix du Droit de Viduité
en
Angleterre , en Ecosse , en France , en
Normandie , et ailleurs.
La suitepour le Mercure prochain.
Fermer
Résumé : LETTRE de M. Clerot, Avocat au Parlement de Roüen, sur le Droit de Viduité, le Doüaire, le Don mobile, et les autres avantages des gens mariez en Normandie.
La lettre de M. Clerot, avocat au Parlement de Rouen, expose le droit de viduité en Normandie et divers droits des époux dans cette province. Selon l'article 382 de la coutume normande, un homme ayant eu un enfant né vivant de sa femme jouit par usufruit des revenus de la femme décédée, même si l'enfant meurt avant la dissolution du mariage. Les origines et les effets de ce droit sont débattus : les Anglais le revendiquent comme leur, tandis que les Normands affirment l'avoir apporté en Angleterre. Les auteurs divergent également sur les conditions d'acquisition de ce droit, notamment la nécessité que l'enfant soit vu remuer ou entendu crier. Le droit de viduité est perçu différemment selon les auteurs : certains le voient comme une succession, d'autres comme une donation ou un legs fait par la loi. Historiquement, ce droit provient des lois des premiers rois de France, adoptées par les ducs de Normandie et portées en Angleterre par Guillaume le Conquerant. Il a évolué au fil du temps, passant d'une succession à une donation, puis à un avantage légal mixte. Le texte détaille également les différentes formes de possession et de succession dans les principales époques de la monarchie française. Les peuples germaniques, comme les Bourguignons et les Francs, partageaient les terres conquises et les dépouilles des peuples soumis, appelées allodium. Il existait aussi des bénéfices tenus de la grâce du roi ou de l'élection du peuple, qui ne passaient pas aux héritiers sauf en cas de survivance. Ces bénéfices furent progressivement regardés comme des héritages et parfois transformés en allodium. Les possessions étaient divisées en trois parties : les mancipia (esclaves, meubles, droits), la pecunia (bêtes domestiques, harnois, grains), et la terra (terres, forêts, droits de chasse). Les lois saliques et ripuariennes excluaient les femmes de la succession des terres, réservant ces biens aux mâles. Les femmes avaient cependant accès aux meubles et aux biens acquis. Cette distinction entre héritage meuble et héritage foncier est fondamentale dans les lois franques. Les lois ecclésiastiques, telles que celles du Concile d'Arles en 524, imposaient la nécessité d'une dot pour les femmes, stipulant que tout mariage devait inclure une dot. Lors des fiançailles, les parents de l'époux promettaient une dot à la future épouse, composée de biens divers comme des esclaves, du bétail, des meubles et de l'argent. Cette convention était formalisée par des documents légaux. Le jour du mariage, les parents de l'épouse offraient des présents à l'époux, qui pouvaient inclure des armes, des chevaux ou des biens mobiliers. Ces présents évoluèrent pour devenir la possession de l'épouse, appelée Maritagium. L'époux, à son tour, donnait à l'épouse une charte de la dot, lui assurant des biens en cas de prédécès. Les Lois Ripuaires accordaient des protections spécifiques à l'épouse, fixant la valeur de la dot et permettant à l'épouse de conserver certains biens comme le Morgangeba, un présent offert le lendemain du mariage. Elles lui accordaient également un tiers des biens acquis pendant le mariage, précurseur du droit de conquêts. Le Capitulaire de Dagobert, en 630, établissait que si une femme décédait en couches et que l'enfant survivait, la succession maternelle revenait au père. Cette loi est considérée comme la source du droit de viduité, adopté dans plusieurs pays européens, y compris l'Angleterre, l'Écosse, la France et la Normandie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 1710-1713
L'AMOUR ET LA BEAUTÉ, CANTATE A DEUX VOIX, A mettre en Musique.
Début :
L'Amour. / C'est à toi, charmante Beauté, [...]
Mots clefs :
Amour, Beauté, Plaisirs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'AMOUR ET LA BEAUTÉ, CANTATE A DEUX VOIX, A mettre en Musique.
L'AMOUR ET LA BEAUTE' ,
ANTATE A DEUX VOIX ,
3
"A mettre en Musique.
L'Amour, 200
C'Est à toi , charmante Beauté ,
Que je dois mon immense Empire ;
Par toi tout souffre mon martyre,
Ou goûte ma félicité.
J
Mortels, qui redoutés le pouvoir de mes armes
Redoutés plutôt ses attraits.
Ce sont là mes feux et mes traits ,
Mes chaînes , mon carquois , mes plaisirs et mes
larmes.
sirdangLaw Beautés sang rebus mus
Tendre et cruel Enfant , dont tout chérit les
fers ,
Si c'est de mes attraits que tu tiens ta puissance
,
N'est-ce pas par tes soins qu'à l'envi l'on m'encense
Sur la Terre , dans l'Onde , aux Cieux , dans
les Enfers ?
Jeunes
AOUST. 1733- 1711
Jeunes coeurs , venés rendre hommage
Au plus puissant des immortels .
Ignorer son tendre esclavage ,
C'est perdre les seuls biens réels.
L'Amour.
«Et vous , tendres Amans , qui vivés dans mes
chaînes ,
Sans cesse à la Beauté prodigués votre Encens
:
Ne vous piqués jamais de ces constances vaines
,
Qui font de mes plaisirs de trop cruels tourmens.
C'est à ses charmes seuls que je dois l'éxistence
;
Oû je ne les vois plus , j'expire dans l'instant.
Et ce n'est que par l'inconstance ,
Qu'un coeur peut devenir constant.
Beauté , porte par tout mes flammes ,
Prens soin d'un Dieu qui t'est soumis
C'est faire le bonheur des ames ,
Que d'y faire régner ton Fils.
Ensemble.
Unissons à jamais nos charmes ,
Partageons l'empire des coeurs ;
Leur pouvoir triomphe des armes
Des plus redoutables Vainqueurs.
B
i
La
1712 MERCURE
DE FRANCE
La Beauté.
Au succès de tes feux , mon bonheur s'inte
resse ;
Je m'immole moi même à leurs vives ardeurs.
Helas ! je ne serois , sans l'aimable tendresse ,
Qu'un Printems dépouillé de fleurs,
Vole sur mes traces ,
Vole , tendre Amour.
Les Jeux , et les Graces ,
Vont former ta Cour,
C'est moi qui t'appelle ,
Cours ; vienm'emflamer.]
Déja Philoméle
Me parle d'aimer.
Elle te prépare
Un nouveau flambeau ,
Tandis que je pare
Ton heureux bandeau.
L'Amour.
Comment pourrois- je füir le seul objet que
{ _j'aime ?
Sans relâche je suis à te suivre empressé.
Où tu portes tes pas , on y voit l'Amour même,
Je ne suis point ailleurs , ou j'y suis déguisé. ▲
Je
AOUST. 1733.
1713
Je trouverois des coeurs rébelles ,
Qui mépriseroient mon carquois ,
Si mes Conquêtes les plus belles ,
N'étoient celles que je te dois ,
Les beaux Lauriers qui me couronnent
Far toi seul ont été cueillis ;
Et tous les feux qui m'environnent ,
Par ton éclat sont réfléchis .
Ensemble.
L'Univers nous doit sa naissance
Ainsi que ses plus doux plaisirs ;
Et pour toute reconnoissance
Nous n'éxigeons que ses désirs.
Par M. de S. R.
ANTATE A DEUX VOIX ,
3
"A mettre en Musique.
L'Amour, 200
C'Est à toi , charmante Beauté ,
Que je dois mon immense Empire ;
Par toi tout souffre mon martyre,
Ou goûte ma félicité.
J
Mortels, qui redoutés le pouvoir de mes armes
Redoutés plutôt ses attraits.
Ce sont là mes feux et mes traits ,
Mes chaînes , mon carquois , mes plaisirs et mes
larmes.
sirdangLaw Beautés sang rebus mus
Tendre et cruel Enfant , dont tout chérit les
fers ,
Si c'est de mes attraits que tu tiens ta puissance
,
N'est-ce pas par tes soins qu'à l'envi l'on m'encense
Sur la Terre , dans l'Onde , aux Cieux , dans
les Enfers ?
Jeunes
AOUST. 1733- 1711
Jeunes coeurs , venés rendre hommage
Au plus puissant des immortels .
Ignorer son tendre esclavage ,
C'est perdre les seuls biens réels.
L'Amour.
«Et vous , tendres Amans , qui vivés dans mes
chaînes ,
Sans cesse à la Beauté prodigués votre Encens
:
Ne vous piqués jamais de ces constances vaines
,
Qui font de mes plaisirs de trop cruels tourmens.
C'est à ses charmes seuls que je dois l'éxistence
;
Oû je ne les vois plus , j'expire dans l'instant.
Et ce n'est que par l'inconstance ,
Qu'un coeur peut devenir constant.
Beauté , porte par tout mes flammes ,
Prens soin d'un Dieu qui t'est soumis
C'est faire le bonheur des ames ,
Que d'y faire régner ton Fils.
Ensemble.
Unissons à jamais nos charmes ,
Partageons l'empire des coeurs ;
Leur pouvoir triomphe des armes
Des plus redoutables Vainqueurs.
B
i
La
1712 MERCURE
DE FRANCE
La Beauté.
Au succès de tes feux , mon bonheur s'inte
resse ;
Je m'immole moi même à leurs vives ardeurs.
Helas ! je ne serois , sans l'aimable tendresse ,
Qu'un Printems dépouillé de fleurs,
Vole sur mes traces ,
Vole , tendre Amour.
Les Jeux , et les Graces ,
Vont former ta Cour,
C'est moi qui t'appelle ,
Cours ; vienm'emflamer.]
Déja Philoméle
Me parle d'aimer.
Elle te prépare
Un nouveau flambeau ,
Tandis que je pare
Ton heureux bandeau.
L'Amour.
Comment pourrois- je füir le seul objet que
{ _j'aime ?
Sans relâche je suis à te suivre empressé.
Où tu portes tes pas , on y voit l'Amour même,
Je ne suis point ailleurs , ou j'y suis déguisé. ▲
Je
AOUST. 1733.
1713
Je trouverois des coeurs rébelles ,
Qui mépriseroient mon carquois ,
Si mes Conquêtes les plus belles ,
N'étoient celles que je te dois ,
Les beaux Lauriers qui me couronnent
Far toi seul ont été cueillis ;
Et tous les feux qui m'environnent ,
Par ton éclat sont réfléchis .
Ensemble.
L'Univers nous doit sa naissance
Ainsi que ses plus doux plaisirs ;
Et pour toute reconnoissance
Nous n'éxigeons que ses désirs.
Par M. de S. R.
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Résumé : L'AMOUR ET LA BEAUTÉ, CANTATE A DEUX VOIX, A mettre en Musique.
Le texte 'L'AMOUR ET LA BEAUTE' est une antate à deux voix destinée à être mise en musique. Il présente un dialogue entre l'Amour et la Beauté. L'Amour reconnaît que son pouvoir et son empire proviennent de la Beauté, qui inspire à la fois souffrance et félicité. Il met en garde les mortels contre les attraits de l'amour plutôt que ses armes. La Beauté affirme que son bonheur dépend du succès des feux de l'Amour et se décrit comme un printemps fleuri grâce à la tendresse de l'Amour. L'Amour déclare qu'il ne peut fuir l'objet de son amour et suit la Beauté partout, même déguisé. Ensemble, ils reconnaissent que l'univers doit sa naissance et ses plaisirs à leur union et qu'ils n'exigent en retour que les désirs des hommes. Le texte est daté d'août 1733 et a été publié dans le Mercure de France en 1712.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 1713-1728
DISSERTATION sur le Genabum ou Cenabum des Anciens, par le R. P. Dom Toussaints Duplessis, Benedictin de la Congrégation de S. Maur.
Début :
Ceux qui ne trouvent aucune difficulté à faire descendre nos Rois en [...]
Mots clefs :
Orléans, Genabum, Ville, César, Anciens, Aurélien, Aurèle, Jargeau, Peuples, Antonin, Duchesne, Empereur, Papire Masson
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texteReconnaissance textuelle : DISSERTATION sur le Genabum ou Cenabum des Anciens, par le R. P. Dom Toussaints Duplessis, Benedictin de la Congrégation de S. Maur.
DISSERTATION sur le Genabum
ou Cenabum des Anciens , par le R. P.
Dom Toussaints Duplessis, Benedictin de
la Congrégation de S. Maur.
Cue
Eux qui ne trouvent aucune difficulté
à faire descendre nos Rois en
droite ligne de Priam , Roy de Troye ,
n'en trouveront pas davantage à croire
avec Guyon , (a) que la Ville d'Orleans
Bij fut
(a) Guyon , page 3 .
1714 MERCURE DE FRANCE
fut bâtie quatre cens après le Déluge ;
ils pourront même , s'ils veulent , s'arrê
ter au sentiment de le Maire , qui est
encore plus liberal de cinquante années .
Pour nous qui ne pouvons pas penetrer
si loin dans l'Antiquité , nous nous en
tenons au temps de Jules Cesar , c'està-
dire , à l'an 702, de la fondation de
Rome , sous le Consulat de Pompée sans
Collegue ; non que cette Ville ne soit
plus ancienne que César même , puisqu'elle
subsistoit déja de son temps, mais
parce que nous n'avons point d'Auteur
plus ancien qui en fasse mention . Il en est
de l'origine des Villes, comme de celle des
Familles ; vous remontez extrémement
haut , sans pouvoir percer plus loin ; et
l'obscurité de ce qui est au- delà , ne deshonore
point. Telle est la Maison de
Bourbon , dont nous ne trouvons la tige
que dans Robert Le Fort , sous la seconde
Race de nos Rois et dont on ne peut
douter que la Maison ne fût très-ancienne,
quoiqu'il n'y ait que nuages et obscuritez
au- delà. Telle est aussi la Ville d'Orleans
, qui étoit déja celebre du temps de
Jules-César , et à laquelle le silence des
Auteurs plus anciens ne peut rien ôter
de sa noblesse ni de sa dignité .
Qu'il soit fait mention de la Ville
d'Ors
A O UST. 1733. 1715
d'Orleans dans les Commentaires de César
, ou , ce qui revient au même , que
le Genabum ou Cenabum des Anciens ,
ne soit point different de la Ville d'Orleans
c'est un fait qu'on ne révoque plus
en doute . Marius Niger , Vigenere , Ortelus
, et d'autres Auteurs , se sont néanmoins
imaginé que ce devoit être Gien ,
et quelques uns même ont voulu que
ce fût Gergeau , S'il ne s'agissoit que d'autoritez
, les témoins qui déposent pour
Orleans , sont plus anciens , plus celebres
et en plus grand nombre ; on compte
parmi ceux- cy , Aimoin , Moine de saint
Benoît sur Loire , qui vivoit sous le Roy
Robert au dixième et onzième siecle ;
Hugues , Moine de la même Abbaye, qui
composa son Histoire Ecclesiastique en
1109. Gilles de Paris , qui écrivoit à la
fin du 12. siecle ; Robert Gaguin ; Papire
Masson ; Joseph Scaliger ; Aubert le Mire
; Cellarius ; Baudrand ; Sanson ; Adrien
de Valois , et une infinité d'autres . Mais
si ces grands noms ne suffisent pas pour
décider une question de ce genre , les
raisons sur lesquelles ils se sont fondez ,
sont absolument sans réplique.
En effet , selon César , L. 7. C. 2. et
Strabon , L.L. 4. Genabum étoit dans le
Pays des Chartrains ; et les Peuples Char-
B iij trains
1716 MERCURE DE FRANCE
trains n'ont habité que ce qui est aujourd'hui
renfermé dans les Diocèses de Chartres
, de Blois et d'Orleans . Or Gien
n'est pas dans le Diocèse d'Orleans , encore
moins dans ceux de Chartres ou
de Blois , dont celui - cy n'est qu'un démembrement
moderne de l'autre : il est
dans celui d'Auxerre , qui a fait partie
des Peuples Sénonois , et par cette raison
il ne peut point être le Genabum de César
et de Strabon . D'un autre côté l'Itineraire
d'Antonin , pag. 83. qui met
Genabum sur le grand chemin d'Autun
à Paris , compte 77. milles de Nevers à
Genabum , et 48. milles de Genabum à Paris
. Or Gien est beaucoup plus près de
Nevers que de Paris ; et Orleans au contraire
, est beaucoup plus près de Paris
que de Nevers. Ajoûtez à cela que Gien
n'est jamais connu que sous les noms
de Giemum ou Giemacum , soit dans notre
Histoire , ( a) soit dans les Titres les plus
anciens . Genabum ne peut donc point
se rapporter à Gen ; et si ce n'est pas
à Orleans , ce ne peut plus être que Gaygeau.
Mais pourquoi Gergeau plutôt qu'Orlean
Premierement , la Tradition est
pour Orleans , et non point pour Ger-
(a) Vales, Notit. Galliar. p. 226. col. 2.
geau
A O UST. 1733. 1717 €
..
geau. En second lieu , les Evêchez n'ont
été au commencement établis que dans
les Villes les plus considerables de chaque
contrée . Or dans le Pays des Chartrains
, ( a) Ptolomée ne compte que deux
grandes Villes ; sçavoir Autricum , qui est
Chartres , et Genabum ou Cenabum. Si
donc Genabum n'eût été autre chose que
Gergeau , le Siege Episcopal eût été établi
à Gergeau , et non à Orleans , au lieu
qu'il a été établi dans cette derniere Ville,
sans jamais y avoir été transferé d'ailleurs.
Enfin il est certain , par le récit de
César , que Genabum étoit sur la Rive
droite de la Loire , puisque étant venu
de Sens pour assieger cette Ville , il mit
deux Légions en garde vers le Pont ', pour
empêcher que les Assiegêz ne se retirassent
par là de l'autre côté de la Riviere ;
et que lui- même,après avoir pris la Ville,
passa le Pont pour entrer dans le Berry.
Or cette situation ne peut convenir qu'à
Orleans , qui est du côté de Sens , et nullement
à Gergeau , qui est si bien du côté
de Bourges , que de Gergeau il faut ,
au contraire , passer le Pont pour aller
à Sens. Il est inutile de s'arrêter davantage
sur ce point.
Je remarquerai seulement avec Adrien
(a) Ptolom. Geogr. 1. 2. c. 7. p. § 1 .
B iiij de
1718 MERCURE DE FRANCE
de Valois , Page 225. qu'il est vrai - semblable
que le premier nom d'Orleans
ait été Čenabum , dont on aura fait ensuite
Genabum , comme Gebenna et Andegavi
, sont venus de Cebenna et d'Andecavi.
Car pour ce qui est de Genapus ,
de Cenapum , ou d'autres noms approchants
que l'on trouve en quelques endroits
, ce n'est que par corruption du
vrai mot , ou par licence poëtique . Les
anciens Munuscrits sont pour KevaCov
ou Cenabum ; Jerôme ( a) Sutita , s'échauf
fe extrémement contre ceux qui ont subtitué
à ce mot celui de Genabum .
Au reste , quand Luc de Holstein prétend
( b ) que le Cenabum d'Antonin
n'est autre que Geneve , il n'a pas fait
attention que l'Itineraire fait mention du
Cenabum en deux endroits diff rens , l'un
sur la route de Milan à Strasbourg , qu'on
reconnoît volontiers avec lui et avec Sanson
, convenir à Geneve ; l'autre sur la
ronte d'Autun à Paris , qui ne peut être
qu'Orleans , et qui lui est sans doute
échapé.
De sçavoir
maintenant pourquoi la
( a ) Surita , Comment. in Itiner. Antonin
502. 503.
(b Luc de Holstein . Annot, in Thesau. Geogr.
Ortel. p. 86.
Ville
A O UST. 1733 1719
་
Ville d'Orleans a quitté son ancien nom
de Genabum , pour prendre celui d'Orleans
, et de fixer la veritable origine de
ce dernier nom , c'est le sujet d'une autre
discussion dans laquelle il est à propos
d'entrer. Jules- Cesar avoit ruiné cette
Ville de fond en comble ; et comme elle
reparoît dans la suite de l'Histoire sous
un autre nom , il est naturel de croire.
que ce nouveau nom lui fut affecté en
memoire de celui qui la releva de ses
ruines. C'est donc ce nouveau Fondateur
qu'il faut chercher , et selon toutes les
apparences , ce fut Aurelien.
Cet Empereur vint dans les Gaules
l'an de J. C. 274 ce sera donc cette année-
là même qu'il aura songé à rebâtir.
Orleans , et qu'on aura vû renaître cette
Ville de ses cendres. Adrien de Valois
Tillemont , Basnage , l'Abbé de Longuerue
, et les meilleurs Critiques , après
Othon de Frisingue , sont tous de ce
sentiment , et le nouveau nom de la
Ville favorise entierement cette opinion.
On voit en effet dans une ancienne ( a)
Notice des Provinces de la Gaule , écrite,
comme l'on croit , sous l'Empire d'Honorius
, qu'on l'appelloit déja alors Ci-
(a) Notit. Provinc, apud Duchesne Hist. Fram.
tom, I. p . s . col. 1 .
B v vitas
1720 MERCURE DE FRANCE
vitas Aurelianorum , et qu'elle étoit comprise
dans le quatriéme Lyonnois , ou
dans la Province de Sens , dont les Villes
soumises à cette Métropole sont rangées
en cet ordre : Chartres , Auxerre ,
Troyes , Orleans , Paris , Meaux .
S. Sidoine Apollinaire , qui vivoit sous
Valentinien III. l'appelle , 1. 8. Aurelianensis
Urbs. Ainsi il n'est pas le premier ,
comme le veut Papire Masson , qui en
parle sous un autre nom que sous celui
de Genabum. Les Evêques d'Orleans , qui
assisterent (a) aux Conciles tenus en cette
Ville au sixiéme Siecle , donnent à leurs
Eglises le nom d'Ecclesia Aurelianensis.
Grégoire de Tours , 1. 5. et 7. l'appelle
Aurelianensis Urbs , et Aurelianensis Civitas.
Les Capitulaires de Charlemagne
l'appellent aussi Aurelianensis Civitas , et
Thegan (b) lui donne le nom d'Aurelianensium
Civitas ; ce qui revient au mot
d'Aurelianenses , que Grégoire de Tours
donne encore souvent à ses Habitans.
Jornandes , ( c ) Evêque de Ravenne ,
qui vivoit sous l'Empereur Justinien I.
(a) Conc. Labb. Tom. 4. p. 1410. 1783. et .
Tom. 5. p. 304. 389.
&
(b) Thegan. apud Duchesne. Ibid. p. 284.
(c) Jornand, apud Duchesne , Sup . Tom. 1. p.
227.
et
AOUST. 1733.
1721
et l'ancien Auteur de la Vie de Louis
le Debonnaire , lui donnant le nom d'Aureliana
Civitas. D'autres anciens Auteurs
P'appellent d'un nom indéclinable Aurelianis
comme Fredegaire , Marius ,
Aimoin , l'Anonime de Ravenne , et quantité
d'autres du nombre desquels est encore
Grégoire de Tours , (4 ) ausquels il
faut joindre les Monnoyes qui furent frappées
à Orleans sous nos Kois de la premiere
Race , et qui toutes portent le nom
d'Aurelianis ou Aurilianis . Enfin plusieurs
, comme Robert Gaguin , lui donnent
le nom d'Aurelianum ; ensorte qu'on
ne peut gueres douter que ce changement
de nom ne lui soit venu de l'Empereur
Aurelien , qui par cette raison en
est regardé , avec justice , comme le Restaurateur.
Ce n'est pas qu'on ne trouve quelquefois
la Ville d'Orleans appellée Aurelia
ou Urbs Aurelia. Le Moine Roricon
et l'Auteur de la Vie de S. Eucher , Evêque
d'Orleans , dans Duchesne , se sont
servis de ce mot. Papire Masson les a
imitez ; et il a aujourd'hui tant d'imitateurs
à son tour , qu'il paroît bien qu'on
ne s'embarrasse gueres de la critique qu'en
a fait Joseph Scaliger en trois mots : In-
(a ) Greg. Turon. l. 2. c. 7. p. 53-
B vj eptè
1722 MERCURE DE FRANCE
eptè vocant Aureliam. Le Prere Briet , et
Baudrand , qui ont employé Aurelia au
pluriel, ne se sont pas mis pour cela à couvert
de la censure ; et on pourroit leur
opposer de plus qu'Aurelia est encore
moins autorisé qu'Aurelia.
Il est vrai que plusieurs Auteurs ont
crû que ce n'étoit point Aurelien , mais
Marc- Aurele , qui avoit rebâti la Ville
d'Orleans ; et nous avons vû renouveller
les difficultez à ce sujet , lorsqu'on
fit ( a) en 1643. la découverte de plusieurs
Médailles de Marc- Aurele , à 13.
ou 14. toises de profondeur sous les fondemens
des murailles de l'ancienne clôture
que l'Evêque d'Orleans faisoit abatre
alors pour achever son Palais Episcopal.
Quelques- uns même , comme Papire
Masson, ont voulu que Jules - Cesar , après
avoir détruit cette Ville , Peût ensuite
relevée de ses ruines , et lui eût donné
le nom de sa mere Aurelia. D'autres enfin
, comme Lasaussaye , L. 1. n. 16. p. 24.
qui souhaiteroient aussi que ce rétablssement
fût plus ancien que l'Empereur Aurelien
, donnent à choisir entre Jules-
Cesar, Lucius Aurelius- Verus , Marc - Aurele-
Antonin , Aurelius Commodus , et
tous les Prédecesseurs d'Aurelien, qui ont
porté le nom d'Aurele.
(a) Le Maire , Ch . 3. p.
A O UST. 1732 1723
Il n'est pas moins vrai , qu'en fuppo
sant Orleans bâti par l'un ou l'autre de
tous ces Empereurs ,le nom d'Aurelia lui
convient mieux que tout autre ; mais
c'est supposer ce qui est en question . It
ne s'agit pas de sçavoir le nom qu'il
faut donner à Orleans ; si cette Ville doit
son rétablissement à l'un des Aureles , il
faut lui conserver celui que les anciens
lui ont donné, et trouver dans cet ancien
nom des vestiges de son fondateur . Or
l'ancien nom d'Orleans , c'est - à - dire , celui
dont le nom même d'Orleans a été
formé, indique l'Empereur Aurelien , et
exclut tous les Aureles.C'est donc à Aurelien
qu'il est juste de s'en tenir .
Pour ce qui est des Médailles de Marc-
Aurele , trouvées à Orleans , vers le milieu
du siecle passé . Cette découverte ne
prouve quoi que ce soit contre Aurelien ;
tous les jours on en trouve de semblables,
soit d'Aurele , soit de Néron , soit de
quelqu'autre Empereur, dans des Endroits
où ces Empereurs n'ont jamais fait travailler.
Que ces Médailles ayent été jet--
tées sous les fondemens de quelques tra→
vaux entrepris à Orleans , du temps même
de Marc- Aurele ; cela se peur , et il
s'ensuit qu'Orleans subsistoit alors , ce
qu'on ne nie point. Mais on n'en sçausoit
1724 MERCURE DE FRANCE
roit conclure que Marc- Aurele lui- même
ait fait entreprendre ces travaux. Si l'on
veut quelque chose de plus , rien n'empêche
que cet Empereur ou ceux qui
gouvernoient pour lui dans les Gaules
n'ayent fait construire à Orleans quelque
Forteresse , ou quelque Château pour
garder le passage de la Loire. Mais pour
ce qui est du renouvellement entier de la
Ville , il faut toujours en revenir à Aurelien
.
Au reste , le nouveau nom d'Orleans
n'a pas tellement pris d'abord le dessus,
qu'il air effacé l'ancien . On trouve indifféremment
l'un ou l'autre pendant quelque
temps , et Genabum ou Cenabum , s'est
maintenu jusqu'aprês le grand Constantin
, puisque ce mot se trouve dans l'Itineraire
d'Antonin , et qu'on ne peut guerre
douter que cet Itinéraire n'ait reçu que
vers ce temps là au plutôt la forme où,
nous le voyons aujourd'hui , soit qu'il ait
passé par les mains d'Ethicus , comme le
pensent d'habiles Critiques ; soit même
qu'il faille l'attribuer à Ammien Marcellin
, comme le prétend Cluvier. Je ne
parle point de la vie de S. Liphard , qui
n'a pu être écrite qu'au sixième siècle,au
plutôt après la mort de ce S. Abbé , et où
Lasaussaye , liv. 1. num . 16. prétend que
l'EvêAO
UST. 1733 . 1729
l'Evêque d'Orleans est encore appellé
Episcopus Genabensis. Ce seroit une authorité
de plus pour montrer la persua
sion où l'on étoit anciennement qu'Orleans
n'étoit point différent de Genabum :
mais je ne sçais dans quel Exemplaire Lasaussaye
a lû ce mot. Celui que Dom
(a) Mabillon avoit devant les yeux porte
Aurelianensis , au lieu de Genabensis.
J'ai lieu de douter si aprés cette discussion
sur le rétablissement et le changement
de nom de la Ville d'Orleans , le
Lecteur verra avec plaisir l'étimologie
qu'en a donné Glaber Rodulphe , dans
Duchesne, tom.4.à qui l'opinion la mieux
appuyée, n'a pas eu le don de plaire ; cependant
il ne faut rien omettre : Ex Ligeri
, dit cet Auteur , sibi congruo flumine
agnomen habet inditum ; diciturque Aureliana
, quasi ore ligeriana ; eo videlicet
quod in ore ejusdem fluminis ripa sit constituta
; non ut quidem minus cauti existimant
, ab Aureliano Augusto , quasi eam
ipse alificaverit , sic vocatam ; quin potius
ab amne , ut diximus , quod rectius , veriusque
illi congruit. Voilà ce que c'est quelquefois
que d'être plus clair - voïant et
d'avoir plus d'esprit que les autres ; mais
(a) Mabill, act. SS.Bened. tom.x. p. iss. m³.
le
1726 MERCURE DE FRANCE
que
que
l'adire
de celui (b) qui a découvert que
le mot celtique , Genabum , n'est
brégé de cette phrase latine : Gignens omne
bonum ? Ceux qui dans le Maire ont
crû qu'Aureliani tiroit son nom d'Aulerci,
sont un peu plus excusables. Ils avoient
lû dans Ptolomée , liv . 2. ch . 7. qu'une
partie des peuples , appellez Aulerciens
s'étendoient depuis la Loire jusqu'à la
Seine , et que Mediolanium , Ville Capi-.
tale de ces Peuples , étoit assise sur la
Loire. Ils ont aussi - tôt conjecturé que ce
Mediolanium ne pouvoit être qu'Orleans;
et selon cette Hypotese , Aurelia ou
Aureliani , sembloit naître assez naturellement
d'Aulerci ; le mal est que Prolo
mée s'étoit trompé le premier , et qu'il
les a entraînez dans l'erreur. Le Mediolanium
et les Aulertiens dont il s'agit
dans cet endroit , ne sont autres que la
Ville et les Peuples d'Evreux.
Il ne me reste plus pour finir cette Dissertation
,
que
ordinairement ceux de
de répondre à une objection
, que font
Gien , pour se maintenir dans la possession
où ils croient être de l'ancien Genabum.
Un Fauxbourg de Gien , disent - ils ,
porte encore aujourd'hui le nom de Genabie
, et ce nom , aussi-bien que celui
(b ) Le Maire , cap. 3.
de
AOUST. 1733. 1727
•
de Gien , approche assez de Genabum
pour croire qu'il ne faille point chercher
ailleurs cette ancienne Ville des Gaules ;
mais où en serions-nous s'il falloit prendre
ces ressemblances de noms pour des
Démonstrations ? Il ne faudroit point
chercher ailleurs qu'en France , la Breta-`
gne des anciens , et nous confondrions
une infinité de Villes considérables , avec
autant de Bourgs ou de Villages, dont les
noms modernes approchent plus de l'ancien
nom de ces mêmes Villes , que ceux
sous lesquels elles sont aujourd'hui connuës.
Laissons donc ces raisons , tirées
de la conformité des noms , lorsqu'elles
sont combattuës par d'autres raisons ausquelles
on n'a rien à repliquer tout ce
qu'on peut appeller du nom de preuves ,
tend à persuader que le Genabum des anciens
n'est point different de la Ville
d'Orleans ; et un Critique judicieux doit
s'en tenir là. Si le nom de Génabie est af
fecté à un Faubourg dc Gien , c'est à ceux
de Gien même à découvrir l'origine de ce
nom , qui peut- être n'a rien de commun
avec Orleans , à moins qu'on ne`veuille
supposer , ce qui ne se trouve neanmoins
marqué nulle part dans l'Histoire , qu'après
la prise et l'incendie de cette dernie
re Ville par Jules César ; la plus grande
partie
1728 MERCURE DE FRANCE
parties de ses habitans qui échaperent au
Vainqueur , remonta la Loire , et alla fi
xer sa demeure auprès de Gien , dans le
lieu même qui porte encore aujourd'hui ,
en mémoire de cette transmigration , le
nom de la Ville dont ils avoient été
chassez.
ou Cenabum des Anciens , par le R. P.
Dom Toussaints Duplessis, Benedictin de
la Congrégation de S. Maur.
Cue
Eux qui ne trouvent aucune difficulté
à faire descendre nos Rois en
droite ligne de Priam , Roy de Troye ,
n'en trouveront pas davantage à croire
avec Guyon , (a) que la Ville d'Orleans
Bij fut
(a) Guyon , page 3 .
1714 MERCURE DE FRANCE
fut bâtie quatre cens après le Déluge ;
ils pourront même , s'ils veulent , s'arrê
ter au sentiment de le Maire , qui est
encore plus liberal de cinquante années .
Pour nous qui ne pouvons pas penetrer
si loin dans l'Antiquité , nous nous en
tenons au temps de Jules Cesar , c'està-
dire , à l'an 702, de la fondation de
Rome , sous le Consulat de Pompée sans
Collegue ; non que cette Ville ne soit
plus ancienne que César même , puisqu'elle
subsistoit déja de son temps, mais
parce que nous n'avons point d'Auteur
plus ancien qui en fasse mention . Il en est
de l'origine des Villes, comme de celle des
Familles ; vous remontez extrémement
haut , sans pouvoir percer plus loin ; et
l'obscurité de ce qui est au- delà , ne deshonore
point. Telle est la Maison de
Bourbon , dont nous ne trouvons la tige
que dans Robert Le Fort , sous la seconde
Race de nos Rois et dont on ne peut
douter que la Maison ne fût très-ancienne,
quoiqu'il n'y ait que nuages et obscuritez
au- delà. Telle est aussi la Ville d'Orleans
, qui étoit déja celebre du temps de
Jules-César , et à laquelle le silence des
Auteurs plus anciens ne peut rien ôter
de sa noblesse ni de sa dignité .
Qu'il soit fait mention de la Ville
d'Ors
A O UST. 1733. 1715
d'Orleans dans les Commentaires de César
, ou , ce qui revient au même , que
le Genabum ou Cenabum des Anciens ,
ne soit point different de la Ville d'Orleans
c'est un fait qu'on ne révoque plus
en doute . Marius Niger , Vigenere , Ortelus
, et d'autres Auteurs , se sont néanmoins
imaginé que ce devoit être Gien ,
et quelques uns même ont voulu que
ce fût Gergeau , S'il ne s'agissoit que d'autoritez
, les témoins qui déposent pour
Orleans , sont plus anciens , plus celebres
et en plus grand nombre ; on compte
parmi ceux- cy , Aimoin , Moine de saint
Benoît sur Loire , qui vivoit sous le Roy
Robert au dixième et onzième siecle ;
Hugues , Moine de la même Abbaye, qui
composa son Histoire Ecclesiastique en
1109. Gilles de Paris , qui écrivoit à la
fin du 12. siecle ; Robert Gaguin ; Papire
Masson ; Joseph Scaliger ; Aubert le Mire
; Cellarius ; Baudrand ; Sanson ; Adrien
de Valois , et une infinité d'autres . Mais
si ces grands noms ne suffisent pas pour
décider une question de ce genre , les
raisons sur lesquelles ils se sont fondez ,
sont absolument sans réplique.
En effet , selon César , L. 7. C. 2. et
Strabon , L.L. 4. Genabum étoit dans le
Pays des Chartrains ; et les Peuples Char-
B iij trains
1716 MERCURE DE FRANCE
trains n'ont habité que ce qui est aujourd'hui
renfermé dans les Diocèses de Chartres
, de Blois et d'Orleans . Or Gien
n'est pas dans le Diocèse d'Orleans , encore
moins dans ceux de Chartres ou
de Blois , dont celui - cy n'est qu'un démembrement
moderne de l'autre : il est
dans celui d'Auxerre , qui a fait partie
des Peuples Sénonois , et par cette raison
il ne peut point être le Genabum de César
et de Strabon . D'un autre côté l'Itineraire
d'Antonin , pag. 83. qui met
Genabum sur le grand chemin d'Autun
à Paris , compte 77. milles de Nevers à
Genabum , et 48. milles de Genabum à Paris
. Or Gien est beaucoup plus près de
Nevers que de Paris ; et Orleans au contraire
, est beaucoup plus près de Paris
que de Nevers. Ajoûtez à cela que Gien
n'est jamais connu que sous les noms
de Giemum ou Giemacum , soit dans notre
Histoire , ( a) soit dans les Titres les plus
anciens . Genabum ne peut donc point
se rapporter à Gen ; et si ce n'est pas
à Orleans , ce ne peut plus être que Gaygeau.
Mais pourquoi Gergeau plutôt qu'Orlean
Premierement , la Tradition est
pour Orleans , et non point pour Ger-
(a) Vales, Notit. Galliar. p. 226. col. 2.
geau
A O UST. 1733. 1717 €
..
geau. En second lieu , les Evêchez n'ont
été au commencement établis que dans
les Villes les plus considerables de chaque
contrée . Or dans le Pays des Chartrains
, ( a) Ptolomée ne compte que deux
grandes Villes ; sçavoir Autricum , qui est
Chartres , et Genabum ou Cenabum. Si
donc Genabum n'eût été autre chose que
Gergeau , le Siege Episcopal eût été établi
à Gergeau , et non à Orleans , au lieu
qu'il a été établi dans cette derniere Ville,
sans jamais y avoir été transferé d'ailleurs.
Enfin il est certain , par le récit de
César , que Genabum étoit sur la Rive
droite de la Loire , puisque étant venu
de Sens pour assieger cette Ville , il mit
deux Légions en garde vers le Pont ', pour
empêcher que les Assiegêz ne se retirassent
par là de l'autre côté de la Riviere ;
et que lui- même,après avoir pris la Ville,
passa le Pont pour entrer dans le Berry.
Or cette situation ne peut convenir qu'à
Orleans , qui est du côté de Sens , et nullement
à Gergeau , qui est si bien du côté
de Bourges , que de Gergeau il faut ,
au contraire , passer le Pont pour aller
à Sens. Il est inutile de s'arrêter davantage
sur ce point.
Je remarquerai seulement avec Adrien
(a) Ptolom. Geogr. 1. 2. c. 7. p. § 1 .
B iiij de
1718 MERCURE DE FRANCE
de Valois , Page 225. qu'il est vrai - semblable
que le premier nom d'Orleans
ait été Čenabum , dont on aura fait ensuite
Genabum , comme Gebenna et Andegavi
, sont venus de Cebenna et d'Andecavi.
Car pour ce qui est de Genapus ,
de Cenapum , ou d'autres noms approchants
que l'on trouve en quelques endroits
, ce n'est que par corruption du
vrai mot , ou par licence poëtique . Les
anciens Munuscrits sont pour KevaCov
ou Cenabum ; Jerôme ( a) Sutita , s'échauf
fe extrémement contre ceux qui ont subtitué
à ce mot celui de Genabum .
Au reste , quand Luc de Holstein prétend
( b ) que le Cenabum d'Antonin
n'est autre que Geneve , il n'a pas fait
attention que l'Itineraire fait mention du
Cenabum en deux endroits diff rens , l'un
sur la route de Milan à Strasbourg , qu'on
reconnoît volontiers avec lui et avec Sanson
, convenir à Geneve ; l'autre sur la
ronte d'Autun à Paris , qui ne peut être
qu'Orleans , et qui lui est sans doute
échapé.
De sçavoir
maintenant pourquoi la
( a ) Surita , Comment. in Itiner. Antonin
502. 503.
(b Luc de Holstein . Annot, in Thesau. Geogr.
Ortel. p. 86.
Ville
A O UST. 1733 1719
་
Ville d'Orleans a quitté son ancien nom
de Genabum , pour prendre celui d'Orleans
, et de fixer la veritable origine de
ce dernier nom , c'est le sujet d'une autre
discussion dans laquelle il est à propos
d'entrer. Jules- Cesar avoit ruiné cette
Ville de fond en comble ; et comme elle
reparoît dans la suite de l'Histoire sous
un autre nom , il est naturel de croire.
que ce nouveau nom lui fut affecté en
memoire de celui qui la releva de ses
ruines. C'est donc ce nouveau Fondateur
qu'il faut chercher , et selon toutes les
apparences , ce fut Aurelien.
Cet Empereur vint dans les Gaules
l'an de J. C. 274 ce sera donc cette année-
là même qu'il aura songé à rebâtir.
Orleans , et qu'on aura vû renaître cette
Ville de ses cendres. Adrien de Valois
Tillemont , Basnage , l'Abbé de Longuerue
, et les meilleurs Critiques , après
Othon de Frisingue , sont tous de ce
sentiment , et le nouveau nom de la
Ville favorise entierement cette opinion.
On voit en effet dans une ancienne ( a)
Notice des Provinces de la Gaule , écrite,
comme l'on croit , sous l'Empire d'Honorius
, qu'on l'appelloit déja alors Ci-
(a) Notit. Provinc, apud Duchesne Hist. Fram.
tom, I. p . s . col. 1 .
B v vitas
1720 MERCURE DE FRANCE
vitas Aurelianorum , et qu'elle étoit comprise
dans le quatriéme Lyonnois , ou
dans la Province de Sens , dont les Villes
soumises à cette Métropole sont rangées
en cet ordre : Chartres , Auxerre ,
Troyes , Orleans , Paris , Meaux .
S. Sidoine Apollinaire , qui vivoit sous
Valentinien III. l'appelle , 1. 8. Aurelianensis
Urbs. Ainsi il n'est pas le premier ,
comme le veut Papire Masson , qui en
parle sous un autre nom que sous celui
de Genabum. Les Evêques d'Orleans , qui
assisterent (a) aux Conciles tenus en cette
Ville au sixiéme Siecle , donnent à leurs
Eglises le nom d'Ecclesia Aurelianensis.
Grégoire de Tours , 1. 5. et 7. l'appelle
Aurelianensis Urbs , et Aurelianensis Civitas.
Les Capitulaires de Charlemagne
l'appellent aussi Aurelianensis Civitas , et
Thegan (b) lui donne le nom d'Aurelianensium
Civitas ; ce qui revient au mot
d'Aurelianenses , que Grégoire de Tours
donne encore souvent à ses Habitans.
Jornandes , ( c ) Evêque de Ravenne ,
qui vivoit sous l'Empereur Justinien I.
(a) Conc. Labb. Tom. 4. p. 1410. 1783. et .
Tom. 5. p. 304. 389.
&
(b) Thegan. apud Duchesne. Ibid. p. 284.
(c) Jornand, apud Duchesne , Sup . Tom. 1. p.
227.
et
AOUST. 1733.
1721
et l'ancien Auteur de la Vie de Louis
le Debonnaire , lui donnant le nom d'Aureliana
Civitas. D'autres anciens Auteurs
P'appellent d'un nom indéclinable Aurelianis
comme Fredegaire , Marius ,
Aimoin , l'Anonime de Ravenne , et quantité
d'autres du nombre desquels est encore
Grégoire de Tours , (4 ) ausquels il
faut joindre les Monnoyes qui furent frappées
à Orleans sous nos Kois de la premiere
Race , et qui toutes portent le nom
d'Aurelianis ou Aurilianis . Enfin plusieurs
, comme Robert Gaguin , lui donnent
le nom d'Aurelianum ; ensorte qu'on
ne peut gueres douter que ce changement
de nom ne lui soit venu de l'Empereur
Aurelien , qui par cette raison en
est regardé , avec justice , comme le Restaurateur.
Ce n'est pas qu'on ne trouve quelquefois
la Ville d'Orleans appellée Aurelia
ou Urbs Aurelia. Le Moine Roricon
et l'Auteur de la Vie de S. Eucher , Evêque
d'Orleans , dans Duchesne , se sont
servis de ce mot. Papire Masson les a
imitez ; et il a aujourd'hui tant d'imitateurs
à son tour , qu'il paroît bien qu'on
ne s'embarrasse gueres de la critique qu'en
a fait Joseph Scaliger en trois mots : In-
(a ) Greg. Turon. l. 2. c. 7. p. 53-
B vj eptè
1722 MERCURE DE FRANCE
eptè vocant Aureliam. Le Prere Briet , et
Baudrand , qui ont employé Aurelia au
pluriel, ne se sont pas mis pour cela à couvert
de la censure ; et on pourroit leur
opposer de plus qu'Aurelia est encore
moins autorisé qu'Aurelia.
Il est vrai que plusieurs Auteurs ont
crû que ce n'étoit point Aurelien , mais
Marc- Aurele , qui avoit rebâti la Ville
d'Orleans ; et nous avons vû renouveller
les difficultez à ce sujet , lorsqu'on
fit ( a) en 1643. la découverte de plusieurs
Médailles de Marc- Aurele , à 13.
ou 14. toises de profondeur sous les fondemens
des murailles de l'ancienne clôture
que l'Evêque d'Orleans faisoit abatre
alors pour achever son Palais Episcopal.
Quelques- uns même , comme Papire
Masson, ont voulu que Jules - Cesar , après
avoir détruit cette Ville , Peût ensuite
relevée de ses ruines , et lui eût donné
le nom de sa mere Aurelia. D'autres enfin
, comme Lasaussaye , L. 1. n. 16. p. 24.
qui souhaiteroient aussi que ce rétablssement
fût plus ancien que l'Empereur Aurelien
, donnent à choisir entre Jules-
Cesar, Lucius Aurelius- Verus , Marc - Aurele-
Antonin , Aurelius Commodus , et
tous les Prédecesseurs d'Aurelien, qui ont
porté le nom d'Aurele.
(a) Le Maire , Ch . 3. p.
A O UST. 1732 1723
Il n'est pas moins vrai , qu'en fuppo
sant Orleans bâti par l'un ou l'autre de
tous ces Empereurs ,le nom d'Aurelia lui
convient mieux que tout autre ; mais
c'est supposer ce qui est en question . It
ne s'agit pas de sçavoir le nom qu'il
faut donner à Orleans ; si cette Ville doit
son rétablissement à l'un des Aureles , il
faut lui conserver celui que les anciens
lui ont donné, et trouver dans cet ancien
nom des vestiges de son fondateur . Or
l'ancien nom d'Orleans , c'est - à - dire , celui
dont le nom même d'Orleans a été
formé, indique l'Empereur Aurelien , et
exclut tous les Aureles.C'est donc à Aurelien
qu'il est juste de s'en tenir .
Pour ce qui est des Médailles de Marc-
Aurele , trouvées à Orleans , vers le milieu
du siecle passé . Cette découverte ne
prouve quoi que ce soit contre Aurelien ;
tous les jours on en trouve de semblables,
soit d'Aurele , soit de Néron , soit de
quelqu'autre Empereur, dans des Endroits
où ces Empereurs n'ont jamais fait travailler.
Que ces Médailles ayent été jet--
tées sous les fondemens de quelques tra→
vaux entrepris à Orleans , du temps même
de Marc- Aurele ; cela se peur , et il
s'ensuit qu'Orleans subsistoit alors , ce
qu'on ne nie point. Mais on n'en sçausoit
1724 MERCURE DE FRANCE
roit conclure que Marc- Aurele lui- même
ait fait entreprendre ces travaux. Si l'on
veut quelque chose de plus , rien n'empêche
que cet Empereur ou ceux qui
gouvernoient pour lui dans les Gaules
n'ayent fait construire à Orleans quelque
Forteresse , ou quelque Château pour
garder le passage de la Loire. Mais pour
ce qui est du renouvellement entier de la
Ville , il faut toujours en revenir à Aurelien
.
Au reste , le nouveau nom d'Orleans
n'a pas tellement pris d'abord le dessus,
qu'il air effacé l'ancien . On trouve indifféremment
l'un ou l'autre pendant quelque
temps , et Genabum ou Cenabum , s'est
maintenu jusqu'aprês le grand Constantin
, puisque ce mot se trouve dans l'Itineraire
d'Antonin , et qu'on ne peut guerre
douter que cet Itinéraire n'ait reçu que
vers ce temps là au plutôt la forme où,
nous le voyons aujourd'hui , soit qu'il ait
passé par les mains d'Ethicus , comme le
pensent d'habiles Critiques ; soit même
qu'il faille l'attribuer à Ammien Marcellin
, comme le prétend Cluvier. Je ne
parle point de la vie de S. Liphard , qui
n'a pu être écrite qu'au sixième siècle,au
plutôt après la mort de ce S. Abbé , et où
Lasaussaye , liv. 1. num . 16. prétend que
l'EvêAO
UST. 1733 . 1729
l'Evêque d'Orleans est encore appellé
Episcopus Genabensis. Ce seroit une authorité
de plus pour montrer la persua
sion où l'on étoit anciennement qu'Orleans
n'étoit point différent de Genabum :
mais je ne sçais dans quel Exemplaire Lasaussaye
a lû ce mot. Celui que Dom
(a) Mabillon avoit devant les yeux porte
Aurelianensis , au lieu de Genabensis.
J'ai lieu de douter si aprés cette discussion
sur le rétablissement et le changement
de nom de la Ville d'Orleans , le
Lecteur verra avec plaisir l'étimologie
qu'en a donné Glaber Rodulphe , dans
Duchesne, tom.4.à qui l'opinion la mieux
appuyée, n'a pas eu le don de plaire ; cependant
il ne faut rien omettre : Ex Ligeri
, dit cet Auteur , sibi congruo flumine
agnomen habet inditum ; diciturque Aureliana
, quasi ore ligeriana ; eo videlicet
quod in ore ejusdem fluminis ripa sit constituta
; non ut quidem minus cauti existimant
, ab Aureliano Augusto , quasi eam
ipse alificaverit , sic vocatam ; quin potius
ab amne , ut diximus , quod rectius , veriusque
illi congruit. Voilà ce que c'est quelquefois
que d'être plus clair - voïant et
d'avoir plus d'esprit que les autres ; mais
(a) Mabill, act. SS.Bened. tom.x. p. iss. m³.
le
1726 MERCURE DE FRANCE
que
que
l'adire
de celui (b) qui a découvert que
le mot celtique , Genabum , n'est
brégé de cette phrase latine : Gignens omne
bonum ? Ceux qui dans le Maire ont
crû qu'Aureliani tiroit son nom d'Aulerci,
sont un peu plus excusables. Ils avoient
lû dans Ptolomée , liv . 2. ch . 7. qu'une
partie des peuples , appellez Aulerciens
s'étendoient depuis la Loire jusqu'à la
Seine , et que Mediolanium , Ville Capi-.
tale de ces Peuples , étoit assise sur la
Loire. Ils ont aussi - tôt conjecturé que ce
Mediolanium ne pouvoit être qu'Orleans;
et selon cette Hypotese , Aurelia ou
Aureliani , sembloit naître assez naturellement
d'Aulerci ; le mal est que Prolo
mée s'étoit trompé le premier , et qu'il
les a entraînez dans l'erreur. Le Mediolanium
et les Aulertiens dont il s'agit
dans cet endroit , ne sont autres que la
Ville et les Peuples d'Evreux.
Il ne me reste plus pour finir cette Dissertation
,
que
ordinairement ceux de
de répondre à une objection
, que font
Gien , pour se maintenir dans la possession
où ils croient être de l'ancien Genabum.
Un Fauxbourg de Gien , disent - ils ,
porte encore aujourd'hui le nom de Genabie
, et ce nom , aussi-bien que celui
(b ) Le Maire , cap. 3.
de
AOUST. 1733. 1727
•
de Gien , approche assez de Genabum
pour croire qu'il ne faille point chercher
ailleurs cette ancienne Ville des Gaules ;
mais où en serions-nous s'il falloit prendre
ces ressemblances de noms pour des
Démonstrations ? Il ne faudroit point
chercher ailleurs qu'en France , la Breta-`
gne des anciens , et nous confondrions
une infinité de Villes considérables , avec
autant de Bourgs ou de Villages, dont les
noms modernes approchent plus de l'ancien
nom de ces mêmes Villes , que ceux
sous lesquels elles sont aujourd'hui connuës.
Laissons donc ces raisons , tirées
de la conformité des noms , lorsqu'elles
sont combattuës par d'autres raisons ausquelles
on n'a rien à repliquer tout ce
qu'on peut appeller du nom de preuves ,
tend à persuader que le Genabum des anciens
n'est point different de la Ville
d'Orleans ; et un Critique judicieux doit
s'en tenir là. Si le nom de Génabie est af
fecté à un Faubourg dc Gien , c'est à ceux
de Gien même à découvrir l'origine de ce
nom , qui peut- être n'a rien de commun
avec Orleans , à moins qu'on ne`veuille
supposer , ce qui ne se trouve neanmoins
marqué nulle part dans l'Histoire , qu'après
la prise et l'incendie de cette dernie
re Ville par Jules César ; la plus grande
partie
1728 MERCURE DE FRANCE
parties de ses habitans qui échaperent au
Vainqueur , remonta la Loire , et alla fi
xer sa demeure auprès de Gien , dans le
lieu même qui porte encore aujourd'hui ,
en mémoire de cette transmigration , le
nom de la Ville dont ils avoient été
chassez.
Fermer
Résumé : DISSERTATION sur le Genabum ou Cenabum des Anciens, par le R. P. Dom Toussaints Duplessis, Benedictin de la Congrégation de S. Maur.
La 'DISSERTATION sur le Genabum ou Cenabum des Anciens' de Dom Toussaints Duplessis explore l'origine et l'évolution du nom de la ville d'Orléans. L'auteur examine diverses théories sur l'antiquité d'Orléans, allant de sa fondation après le Déluge à des hypothèses plus récentes. Il se concentre sur la période de Jules César, en 702 de la fondation de Rome, car il n'existe pas de sources plus anciennes mentionnant la ville. Le texte affirme que Genabum ou Cenabum, mentionné par César et Strabon, est bien Orléans. Plusieurs auteurs, comme Marius Niger et Vigenere, ont proposé d'autres localisations telles que Gien ou Gergeau, mais les preuves historiques et géographiques soutiennent qu'Orléans est la ville en question. Les arguments incluent la localisation de Genabum dans le pays des Chartrains et les distances mentionnées dans l'Itinéraire d'Antonin. L'auteur discute également du changement de nom de Genabum à Orléans, attribuant ce changement à l'empereur Aurélien, qui aurait reconstruit la ville après sa destruction par César. Cette théorie est soutenue par de nombreux auteurs anciens et par des documents historiques. Le texte mentionne des débats sur d'autres empereurs potentiels, comme Marc-Aurèle, mais conclut qu'Aurélien est le plus probable. Le nom d'Orléans a coexisté avec son ancien nom pendant une période avant de devenir prédominant. Le nom 'Aureliana' est examiné, avec des théories proposant qu'il vient du fleuve Loire ou des Aulerciens, un peuple mentionné par Ptolémée. Cependant, Ptolémée se serait trompé, car les Aulerciens et leur capitale Mediolanium se trouvent près d'Évreux, et non à Orléans. Le texte réfute également l'objection de Gien, qui prétend que Genabum serait situé près de cette ville en raison de la similitude des noms. L'auteur conclut que les preuves tendent à montrer que Genabum est bien Orléans, et que les habitants de Gien doivent expliquer l'origine du nom Genabie dans leur faubourg.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 1728-1731
ODE SACRÉE, Tirée du Pseaume XXVIII. Afferte Domino filii Dei.
Début :
Images du Tres-Haut, Princes, Dieux de la Terre, [...]
Mots clefs :
Voix, Dieu, Gloire, Terrible, Ciel, Tourbillons
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ODE SACRÉE, Tirée du Pseaume XXVIII. Afferte Domino filii Dei.
ODE SACRE' E ,
Tirée du Pseaume X X VI I I.
Afferte Domina filii Dei..
I Mages du Tres- Haut , Princes , Dieux de "Iz
Terre ,
Qu'il instruit dans la Paix et qu'il forme â la
Guerre ,
Apprenez aux mortels à respecter ses Loix ;
Et que le Peuple Saint, conduit par votre Exem
ple ,
Adore dans son Temple,
Le Dieu , Maître des Rois.
La gloire de son Nom , fit toute votre gloire ,
Que pouvoient , sans l'aveu du Dieu de la victoire
>
Le zéle de vos coeurs ? l'effort de votre bras
Venez ,reconnoissez pleins d'amour et de crainte,
Dans
AOUST. 1733- 1729
Dans sa Majesté sainte ,
Un pouvoir que vous n'avez pas.
來
Quellé éclatante voix , dans les airs répanduë
,
Fait frémir de respect cette mer suspanduë ,
Qu'une invisible main soutient du haut des
Cieux ?
C'est la voix du Seigneur ; les abîmes l'enten
dent ;
Et les Ondes suspendent ,
Leurs Flots tumultueux.
Lâche intrépidité , constance de l'Impie ,
Pourras-tu soutenir cette voix ennemie
Que fait tonner sur toi le Dieu de Majesté ,
Tandis que l'innocent rempli de confiance ,
Même dans sa Puissance ,
Adore sa bonté ?
Quels Tourbillons affreux suivent sa voix
terrible ?
Quels cris ? Quels sifflemens ? Quelle tempête
horrible ?
Les Cedres du Liban volent en mille éclats :
Quels efforts redoublez , ébranlent leurs racines ,
Jus1730
MERCURE DE FRANCE
Jusqu'aux voutes voisines ,
Des Portes du trépasa
Liban , et vous Sion , fameux par cent mirzcles
,
Monts chéris , où le ciel nous rendoit des Ora
cles ,
Vos Sommets chancelants , s'éloignent de mes
yeux ,
:
Vous fuyez Telle on voit la Licorne tremblante
,
Fuir l'approche sanglante ,
Du Lion furieux .
Quels nuages , percez d'éclairs épouvantables ,
'Annoncent cette voix , aux Déserts effroyables ,
Où Jacob opprimé , fuyoit son ennemi ?
Queile pâle clarté , plus triste que les ombres ,
Luit dans ces antres sombres ?
Cades en a frémi.
Les Echos allarmez dans leur retraite obscure .
Répondent à la voix par un affreux murmure
Les Monstres des Forêts en avortent d'effroi :
Et l'Impie allarmé de sa perte infaillible ,
Voudroit du Dieu terrible ,
Avoir suivi la Loy.
Vain
AOUST . 1733 1731
Vains remors ! Dieu paroît , la gloire l'environne
,
Quels tourbillons de feux s'élancent de son
Trône ?
La Terre est embrasée , et le Ciel s'est enfui ;
Et la nature entiere , étonnée , éperduë ,
A ses pieds confonduë ,
Ne voit d'Etre que lui.
Mais le Juste , brillant d'une splendeur nou
velle ,
Retrouve avec transport cet objet de son zele ,
Terrible en sa fureur , prodigue en ses bienfaits
De son bonheur immense , il partage les charmes
,
Et goute sans allarmes ,
Une éternelle paix.
Tirée du Pseaume X X VI I I.
Afferte Domina filii Dei..
I Mages du Tres- Haut , Princes , Dieux de "Iz
Terre ,
Qu'il instruit dans la Paix et qu'il forme â la
Guerre ,
Apprenez aux mortels à respecter ses Loix ;
Et que le Peuple Saint, conduit par votre Exem
ple ,
Adore dans son Temple,
Le Dieu , Maître des Rois.
La gloire de son Nom , fit toute votre gloire ,
Que pouvoient , sans l'aveu du Dieu de la victoire
>
Le zéle de vos coeurs ? l'effort de votre bras
Venez ,reconnoissez pleins d'amour et de crainte,
Dans
AOUST. 1733- 1729
Dans sa Majesté sainte ,
Un pouvoir que vous n'avez pas.
來
Quellé éclatante voix , dans les airs répanduë
,
Fait frémir de respect cette mer suspanduë ,
Qu'une invisible main soutient du haut des
Cieux ?
C'est la voix du Seigneur ; les abîmes l'enten
dent ;
Et les Ondes suspendent ,
Leurs Flots tumultueux.
Lâche intrépidité , constance de l'Impie ,
Pourras-tu soutenir cette voix ennemie
Que fait tonner sur toi le Dieu de Majesté ,
Tandis que l'innocent rempli de confiance ,
Même dans sa Puissance ,
Adore sa bonté ?
Quels Tourbillons affreux suivent sa voix
terrible ?
Quels cris ? Quels sifflemens ? Quelle tempête
horrible ?
Les Cedres du Liban volent en mille éclats :
Quels efforts redoublez , ébranlent leurs racines ,
Jus1730
MERCURE DE FRANCE
Jusqu'aux voutes voisines ,
Des Portes du trépasa
Liban , et vous Sion , fameux par cent mirzcles
,
Monts chéris , où le ciel nous rendoit des Ora
cles ,
Vos Sommets chancelants , s'éloignent de mes
yeux ,
:
Vous fuyez Telle on voit la Licorne tremblante
,
Fuir l'approche sanglante ,
Du Lion furieux .
Quels nuages , percez d'éclairs épouvantables ,
'Annoncent cette voix , aux Déserts effroyables ,
Où Jacob opprimé , fuyoit son ennemi ?
Queile pâle clarté , plus triste que les ombres ,
Luit dans ces antres sombres ?
Cades en a frémi.
Les Echos allarmez dans leur retraite obscure .
Répondent à la voix par un affreux murmure
Les Monstres des Forêts en avortent d'effroi :
Et l'Impie allarmé de sa perte infaillible ,
Voudroit du Dieu terrible ,
Avoir suivi la Loy.
Vain
AOUST . 1733 1731
Vains remors ! Dieu paroît , la gloire l'environne
,
Quels tourbillons de feux s'élancent de son
Trône ?
La Terre est embrasée , et le Ciel s'est enfui ;
Et la nature entiere , étonnée , éperduë ,
A ses pieds confonduë ,
Ne voit d'Etre que lui.
Mais le Juste , brillant d'une splendeur nou
velle ,
Retrouve avec transport cet objet de son zele ,
Terrible en sa fureur , prodigue en ses bienfaits
De son bonheur immense , il partage les charmes
,
Et goute sans allarmes ,
Une éternelle paix.
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Résumé : ODE SACRÉE, Tirée du Pseaume XXVIII. Afferte Domino filii Dei.
Le poème 'ODE SACRE' E' du Psaume 118 s'adresse aux 'Mages du Très-Haut,' 'Princes' et 'Dieux de la Terre,' les exhortant à instruire les mortels dans la paix et la guerre et à les guider pour respecter les lois divines. Le peuple saint doit adorer Dieu, maître des rois, dans son temple. La gloire de Dieu est la seule source de gloire pour ces dirigeants, car sans l'approbation divine, leurs efforts sont vains. Le poème décrit la voix puissante de Dieu, qui fait trembler la mer et les abîmes. Les impies ne peuvent soutenir cette voix, tandis que les innocents l'adorent avec confiance. Cette voix provoque des tourbillons, des cris et des tempêtes, ébranlant les cèdres du Liban et les montagnes de Sion. Les impies, alarmés par leur perte imminente, regrettent de ne pas avoir suivi la loi divine. Enfin, le poème décrit l'apparition de Dieu, entouré de gloire et de tourbillons de feu, embrasant la terre et effrayant le ciel. La nature entière est confondue et ne voit que Dieu. Les justes, brillants d'une nouvelle splendeur, retrouvent avec transport cet objet de leur zèle, partageant les charmes de son bonheur immense et goûtant une paix éternelle.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 1731-1747
DÉFENSE du Cartésianisme, par M. le Gendre de S. Aubin ; contre les accusations des Docteurs Cudwort et Ray.
Début :
Un zèle indiscret est souvent l'occasion d'un scandale ; c'est l'idée qu'on [...]
Mots clefs :
Dieu, Cause, Sagesse, Mécanisme, Ray, Création, Physique, Mouvement, Nature, Lois, Corps, Causes, Principes, Cartésianisme, Descartes, Philosophie, Système, Phénomènes
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texteReconnaissance textuelle : DÉFENSE du Cartésianisme, par M. le Gendre de S. Aubin ; contre les accusations des Docteurs Cudwort et Ray.
DEFENSE du Cartesianisme, par M. le
Gendre de S. Aubin ; contre les accusations
des Docteurs Cudwort et Ray.
UN
N zéle indiscret est souvent l'occasion
d'un scandale;c'est l'idée qu'on
doit se former des accufations intentées
par les Docteurs Cudwort et Ray , contre
le Cartesianisme. Elles sont contenuës
dans un Livre Anglois , intitulé : L'Existenca
" 1732 MERCURE DE FRANCE
sence et la Sagesse de Dieu, manifestées dans
les Oeuvres de la Création ; par le sieur
Ray,Membre de la Société Royale. La Traduction
Françoise , imprimée à Utrecht,
en 1723. se débite depuis peu à Paris.
On est étonné qu'un Philosophe , qui
écrit uniquement en vûë de manifester la
Sagesse de Dieu dans la Création, débute,
page 5. par approuver un sentiment qu'il
atribue à des Philosophes judicieux ; sçavoir
, que plus les genres , ou les ordres
des Etres sont imparfaits , plus les especes
en sont nombreuses . Est- ce là un
préambule convenable à un Panégyriste
de la Sagesse de Dieu dans la Création ?
Ne devoit il pas plutôt dire que ce qui
paroît imparfait aux vues bornées de notre
entendement , a son utilité et sa destination
dans les Décrets éternels de la Providence
? Ce seroit là un beau champ
pour les Cartésiens qu'il attaque d'une
maniere outrageante ; ne pourroient- ils
pas le traiter de prévaricateur dans une
cause si évidente , et qu'il soutient si
mal ?
Pour faire éclater , dit il , page 12. la
grandeur et l'étendue infinie de l'esprit
de Dieu , il observe que rien ne marque
davantage la supériorité du génie , que
d'inventer des Machines differentes , qui
pros
AOU'ST. 1733. 1733
E
4
€
>
produisent le même effet , et soient destinées
aux mêmes fins . Mais suivant les notions
les plus saines et les plus communes ,
rien ne marque davantage la sagesse
de
l'ouvrier que le Méchanisme le plus simple
et le moins chargé de ressorts . C'est donc
sur une sorte de Méchanisme qu'il fonde
la sagesse de Dieu dans la Création, mais
sur un Mechanisme de détail , qu'il présente
à la pensée , d'une maniere aussi
basse , que celui des Cartésiens est sublime.
Quoique le sieur Ray tâche de décrier
le Cartesianisme sans ménagement, il établit
, pages 2 et 3. comme le sentiment le
plus universellement
reçu , tout ce que
cette Philosophie dans sa nouveauté parut
avoir de plus difficile à concilier avec la
Religion ; sçavoir, l Hypothèse des Tourbillons
, suivant laquelle chaque Etoile ,
pour me servir des propres termes du
Traducteur , est un Soleil ou un Corps
semblable à cet astre , environné de même
d'un Choeur de Planetes , qui tournent
autour de lui. Il avance de plus , qu'il
n'y a aucune de ces Planétes qui ne soit
remplie, selon toutes les apparences , d'une
grande variété de créatures corporelles ,
animées et inanimées . Personne n'ignore
que cette partie de la Physique nouvelle
fut
1734 MERCURE DE FRANCE
fut exposée à la censure , et allarma quelques
personnes pieuses , qui trouvoient
ce systême peu conforme à ce qui nous
cst enseigné sur la Création dans la Genése
; mais il a été reçu depuis comme
une hypothese , sur laquelle on écrit et
on dispute publiquement , et il y a longtemps
que tous les scrupules sont levez à
cet égard.
A la maniére dont le S Ray fait connoître
quels sont les principes de sa Phylosophie
, qui ne le prendroit pour un
Cartésien ? Sectateur de cette Physique ,
il va néanmoins lui imputer les intentions
les plus criminelles. » Il semble
» dit-il, pag. 28.qu'il soit necessaire d'exa-
>> miner un peu les principes d'une Secte
» de Déïstes de profession; j'entends celle
» de Descartes et de ses Disciples , qui
» ont pour but d'éluder et de détruire un
» argument qui a eu tant de force dans
» tous les siècles , pour prouver l'exis-
» tence d'un Dieu . Le premier grief d'une
accusation si grave , est que Descartes
exclud de la Physique toute la considération
des causes finales . Le Sr Ray cite ,
pages 29 et 30. les Passages des Méditations
Métaphysiques , des principes de
Philosophie , et de la quatrième Réponse
aux Objections de Gassendi , où Descartes
dit
AOUST. 1733 1735
1
dit
que toutes
les causes
qu'on
a accoutumé
de tirer
de la fin , ne sont
d'aucun
usage
dans
la Physique
,puisqu'on
ne sçauroit
se persuader
, sans
témérité
, qu'on
puisse
pénétrer
dans
les fins
que
Dieu
s'est proposées
. Il est facile
de répondre
à
cette
objection
, que
la raison
alléguée
par Descartes
, pour
ne pas expliquer
les effets
naturels
par
les fins que
Dieu s'est
proposées
, est trèspieuse
et trèsédifiante
, et qu'il
auro
t pû se contenter
d'établir
en général
, que la Physique
étant
une
recherche
des causes
naturelles
, ce
n'est
pas
parler
en Physicien
, que
de
donner
pour
cause
de la production
d'un Phénoméne
, que Dieu
a eu en vûë
de le
produire
. Car
c'est
ce que tout
Chrétien
sçait
, sans
étudier
la Physique
; cette
science
de tres
- bornée
qu'elle
est , deviendroit
infiniment
étenduë
, si l'on
recevoit
au nombre
des explications
Physiques
, qu'un
efft
naturel
arrive
, parce
qu'il
est conforme
à la fin que Dieu
s'est proposée
. Je suppose
que pour
expliquer
la construction
d'une
Montre
, on s'avisat
de dire
que
ce qui cause
les mouvemens
réglez
de cette
machine
, c'est
l'intention
de l'ouvrier
qui l'a faite
dans
le
dessein
de marquer
les heures
; cette
cause
finale
en Physique
ne seroit
comptée
G
pour
1736 MERCURE DE FRANCE
pour rien ; et on ne pourroit prouver
mieux que cette Montre est l'ouvrage
d'un Artiste , et non l'effet du hazard
qu'en faisant observer l'action du ressort,
le tirage de la chaîne , les engrainures des
rouës , et sur tout la proportion et le concours
des mouvemens. Quel est donc le
véritable objet de la Physique ,? C'est de
déduire les Phénoménes , des Loix géné
rales de la nature , établies par Dieu , et
rapportées au Créateur . Une pareille Philosophie
peut- elle donner lieu aux inveçtives
de l'Auteur Anglois » Les Carthé
» siens , dit- il , page 34. tâchent de dé-
» truire notre grand argument , en pré-
»tendant résoudre tous les Phénomènes
» de la nature , et rendre compte de la
» production et de la formation de l'Uni-
» vers , et de tous les Etres corporels qu'il
» contient , soit celestes ou terrestres ; ani-
» mez ou inanimcz , même sans en exclunre
les animaux , et cela par une foible
»hypothèse de la matiere divisée, et mise
» en mouvement de telle ct telle maniés
» re. . . . . De maniére que Dieu n'a eu
» autre chose à faire qu'à créer la matiére ,
»la diviser en partics , et la mettre en
»mouvement , suivant un petit nombre
de certaines Loix , et que cela ne pouvoit
manquer de produite de soi-même
...
12
AOUST. 1733 : 1737
le monde et toutes les créatures qui y
sont contenues. Pour la réfutation de
cette hypothése ,, continue cet Auteur ,
n'aurois qu'à renvoyer le Lecteur au
» systême du Docteur Cudwort ; mais
» pour lui épargner cette peine, je vais en
transcrire les paroles..... Dieuse con
tentant de regarder en spectateur in-
» différents ce Lusus Atomorum , ou cette
» danse agréable des Atômes , et les différents
effets qui en résultent. Non con-
» tens de cela , ces Déïstes méchaniques
» ont excédé et surpassé en ceci les Athées
» atomiques , par une extravagance plus
oursée que la leur ; car les Athées de
profession n'ont jamais osé affirmer que
» ce systéme régulier des choses fut le ré-
» sultat d'un mouvement fortuit d'Atomes
au commencement , avant d'avoir
produit pendant bien du temps des
combinaisons ineptes ou des assembla-
» ges de choses particulières , et des sys-
» têmes ridicules du tout. Ils supposoient
» même que la régularité des choses de ce
monde ne subsisteroit pas toujours , et
» que la confusion et le désordre s'y re-
> mettroient avec le temps ; qu'outre le
monde que nous habitons , il y en a encore
en ce moment un nombre inexprimable
d'autres irréguliers , dont il
Cij n'y
1738 MERCURE DE FRANCE
» n'y en a pas d'un entre mille et dix mil-
» le , qui ait une régularité pareille au
» nôtre ...... Mais nos Déïstes micha
» niques prétendent que leurs Atomes
» n'ont jamais bronché dans leurs mou-
» vemens, ni produit aucun systéme inep-
» te , ni aucunes formes impropres , et
» qu'ils se sont placez et rangez dès le
commencement avec tant d'ordre et de
» méthode , que la sagesse même n'auroit
» pû le faire mieux , ni avec plus d'exactitude.
C'est par cette raison que çes
» Déi tes re ettent absolument le grand
» a gument qui prouve l'Existence de
Dicu , tiré du Phénoméne de la nature
n artificielle des choses , sur lequel on a si
» fort insisé dans tous les siècles , et qui
» fait ordinairement le plus d'effet sur l'es-
» prit humain. Les Athées s'applaudissent
» cependant en secret , er triomphent de
>> voir la cause du Déïsme trahie de cette
» maniere par ses partisans et ses défen-
» seurs les plus zélez , et le grand argu-
» ment éludé pour favoriser leur cause.
Rien ne sçauroit marquer une plus gran
» de dépravation d'esprit , ni plus de folic
et de stupidité dans les Déïstes pré.en-
» dus , que de n'avoir aucun égard à la
forme régulière et artificielle des cho
ses , ni aux impressions de l'art et de
AOUST . 1733 . 1739
wla
sagesse divine , et de ne regarder
» le Monde et les productions de la Na-
» ture , qu'avec des yeux de boeuf ou de
» cheval.
Le sieur Ray , dans la fureur qui le
transporte , n'entend pas les termes dont
il se sert car qu'est- ce qu'un Déïste , suivant
la notion génerale ? C'est un impiet
qui ne suit aucune Religion particuliere ,
qui reconnoît , à la verité , l'existence de
Dieu mais qui refuse de croire les Mysteres
que Dieu a révelez. Or ces Deïstes qui refusent
de se rendre à l'évidence de la révé.
lation , ne sont pas ceux qui font le moins
valoir le grand argument de l'existence
de Dieu , tiré de sa sagesse dans la Création.
On ne sçait ce que le sieur Ray
veut dire par ces paroles : » Les Athées
» s'applaudissent cependant en secret , et
» triomphent de voir la cause du Déïsme
>>trahie de cette maniere par ses Parti-
» sans et ses Deffenseurs les plus zelez .
Il prend ici la cause du Déïsme pour une
bonne cause trahie , et il semble appli
quer aux Carthésiens les termes de Partis
sans et de Deffenseurs les plus zelez de
la bonne cause. Mais c'est bien plutôt
cet Auteur qui trahit la cause qu'il entreprend
de soutenir , par la foiblesse
avec laquelle il traite son sujet . S'il eût
Ciij fair
1740 MERCURE DE FRANCE
ა
fait remarquer , comme les Carthésiensces
Loix générales dont l'uniformité produit
un Monde si diversifié ; s'il se fût
élevé jusqu'à un méchanisme sublime
qui donnât une idée de la Création proportionnée
à ce que notre foible esprit
peut concevoir de plus grand et de plus
magnifique ; si en s'attachant à ce qu'il.
ya de plus merveilleux dans la Nature
il eût observé , comme ceux qu'il appelle-
Deistes , que cette multitude immense
de mouvemens des Corps Celestes , que
révolutions si constantes des Astres ,
que cette fécondité si riche et si brillan-.
te de l'Univers , que tous ces Phénomenes
si utiles à l'homme , et qui étalent
à ses yeux un spectacle digne du Créateur
, qu'enfin la beauté ravissante de
toutes les Oeuvres de Dieu , est un
témoignage continuel et invincible de sa
sagesse et de sa toute- puissance dans la
Création , par la simplicité et l'ordre des
ressorts qui y sont employez , il eût rem--
pli son sujet avec la dignité convenable ,
mais il ne s'arrête qu'à un petit détail ,
et ne présente par tout que des images.
basses et imparfaites d'un sujet qui surpasse
ses forces.
C'est favoriser l'athéïsme et le syste
me du hazard , que de rejetter le méchaA
O UST. 173′3 ; 1741
chanisme de la Nature , par lequel les
Carthésiens n'entendent autre chose que
les loix generales du mouvement établics
par le Créateur. Que chaque Philosophe
conçoive et suppose ces Loix
générales à son gré , que
differens Phisiciens
suivent des vues systématiquesfort
éloignées ; tous au moins doivent
convenir que ce n'est pas une pensée raisonnable
sur l'Etre suprême , de croire
que l'uniformité et la simplicité manquent
à ses Productions . Le principal but
de la Physique est donc de rapporter tous
les raisonnemens à ces principes. C'est à
quoi les Carthésiens ont beaucoup mieux
réussi qu'aucune autre Secte de Philosophes
, ayant mieux expliqué le méchanisme
general de la Nature; et ' on peut
dire que ceux qui tâchent d'étendre et
de pousser plus loin ce méchanisme , sont
ceux qui pensent et qui s'expliquent le
mieux au sujet de la sagesse et de la toùte-
puissance de Dieu dans la Création . A
la verité , le Philosophe rempli de pré
somption , se persuade qu'il peut concevoir
et faire entendre aux autres cet ordre
admirable établi dans les Ouvrages
de Dieu ; au lieu que le Physitien modeste
, qui connoît la foiblesse et l'incer
titude de ses lumieres , ne regarde tous
Ciij les
742 MERCURE DE FRANCE
les raisonnemens physiques que comme
des hypothéses.
>>
Continuons de rapporter la censure de
la Philosophie Carthésienne par l'Auteur
Anglois. Il se trouve , dit-il , pag. 35 .
» plusieurs Phénomenes dans la Ñature ,
» lesquels étant en partie au- dessus de la
»force et de la portée , et en partie con-
>> traires aux Loix du Méchanisme , ils
» ne sçauroient se résoudre sans avoir re-
>> cours aux causes finales et à quelques
» principes de vie ; par exemple , ce-
» lui de la gravité ou du penchant que
» les corps ont à descendre , le mouve-
» ment du diaphragme dans la respira-
» tion , la systole et la diastole du coeur ,
» qui n'est autre chose qu'une contraction
et un relâchement des muscles ,
» et par consequent ne sçauroit être un
» mouvement méchanique , mais un prin-
» cipe de vie. Nous pourrions encore
» ajoûter à cela entre plusieurs autres
» choses , l'intersection des plans de l'E-
» quateur et de l'Ecliptique ou du mou-
» vement diurne ou journalier de la Ter-
» re sur un axe qui n'est pas parallele à
celui de l'écliptique , ni perpendiculaire
à son plan ..... On ne sçauroit
» donc attribuer la continuation de ce
» double mouvement annuel et diurne
nde
23
A O UST. 17337 1748
de la Terre sur des axes non paralleles,
» à autre chose qu'à une cause finale ou
» mentale , ou rò fixTisov , parce qu'il
étoit à propos que cela fût ainsi , la
» varieté des saisons de l'année en dé
» pendant. Mais le plus considerable de
» tous les Phénoménes pir içuliers est la
»formation et l'organisation des corps
>> des animaux , remplis de tant de varietez
et de merveilles , que ces Philo-
» sophes méchaniques n'en pouvant faire
»la solution par le mouvement nécessaire
» de la matiere , sans qu'elle fût dirigée
par l'esprit à de certaines fins , ont pru-
» demment interrompu leur systéme en
» cet endroit , où ils devoient traiter des
» animaux , et n'en ont pas touché un
» seul mot.
23
On connoît clairement par cette critique
, que le sieur Ray est aussi peu
versé dans la Philosophie Carthésienne
qu'il est injuste dans l'accusation qu'il
intente contre elle. Nous avons vû plus
haut qu'il attribuë aux Carthésiens un
systéme d'Atomes , quoique les trois Elemens
de Descartes soient divisibles à l'infini
, et que par conséquent Descartes
rejette les Atomes , qui signifient des Elemens
indivisibles. Le sieur Ray ne se
trompe pas moins, en disant que dans les
C v Phé1744
MERCURE DE FRANCE
:
Phénomenes qu'il cite , il y a de la contrarieté
au Mechanisme de la Nature. Il
est vrai que les loix générales du mouvement
n'expliquent pas la construction
du corps des animaux , ni la forme de
ces organes merveilleux qui servent aux
differentes fonctions du principe qui les
anime. Le mouvement circulaire des
trois Elémens de Descartes ne peut faires
concevoir , par exemple, comment ont
été produits les instrumens de la faculté
visuelle ; mais les Carthésiens doivent :
seulement avouer que leur méchanisme ,
quoiqu'il n'y ait aucune contrarieté , est
insuffisant pour expliquer tous les Phé
noménes , et sur tout l'organisation admirable
des animaux ,, les corps animezz
et inanimez étant vrai- semblable--
ment produits suivant des loix differen--
tes, ou plutôt dont nous n'appercevons
pas la liaison. * Il ne s'ensuit pas de ce
que la Créature est incapable de conce
voir entierement le grand Ouvrage de :
la Création , qu'il lui soit defendu de rechercher
les causes physiques et naturel
+
La plupart même des Carthésiens estiment aun
aujet de l'organisation continuelle et toujours
cemblable , des Plantes et des Animaux , que tous :
res corps formez en même-temps par le Souve
fain Etre , dans les graines ou dans les oeufs , nesont
que se développer successivement,
leas
A O UST. 1733. 17455
les , suivant les principes les plus géné
caux et les plus simples , en les rappor
tánt à la sagesse et à la toute- puissance
du Créateur.
Les difficultez qui se trouveut sur la
pesanteur , ne peuvent se résoudre par
des principes de vie qui n'ont aucun rapport
avec elle , ou par des causes finales ,.
qui ne sont en aucune maniere des causes
physiques ; et si les explications que
Descartes a données de la pesanteur , ont
été attaquées par de fortes objections ,
tous les Philosophes se sont au moins
accordez à tirer ces Explications d'un '
méchanisme général de la Nature. Le
'steur Ray est si peu d'accord avec luid
même au sujet de la respiration et de la¹
systole et diastole du coeur, qu'après avoir
affirmé que ces mouvemens ne peuvent
être méchaniques , il regarde ailleurs com
me une question douteuse de sçavoir si
les bêtes sont des vrayes machines , ou
s'il convient de leur attribuer la vie et le
sentiment.
cliptiqueant
à l'intersection
de l'é-
1
de l'équateur , on en peut donner
plusieurs raisons qui n'ont rien de
contraire au systéme Carthésien . L'obli
quité de l'écliptique par rapport à l'équateur
, dont l'axe conserve toujours
son parallelisme est assurément la cause
av de
1746 MERCURE DE FRANCE
de la varieté des Saisons , mais cette cause
finale , encore une fois , ne peut passer
pour une cause phisique. L'Explication
naturelle de ce phénoméne peut se rapporter
, suivant les principes d'un Méchanisme
général , ou aux particules cannelées
, qui traversant les pores du G'obe
Terrestre d'un certain sens , déterminent
sa position , ou à la qualité du fluide qui
emporte la Terre par un mouvement
circulaire , ou à la pression des tourbillons
voisins , ou à la résistance que tout
corps solide apporte à l'impression du
mouvement qu'il reçoit , ou à toutes ces
causes réunis , ou aux differentes hypotheses
que la sagacité du Physicien lui
fera inventer. Dieu permet à l'homme
de faire quelques raisonnemens assez vraisemblables
sur les Corps Celestes , si prodigieusement
éloignez de nous ,
afin que
cette étude éleve notre esprit à la Majesté
de l'Etre suprême , en même - temps
que la présomption de l'homme est domptée
par la profonde ignorance où il est
de ce qui est au- dedans de lui - même et
de ce qui fait partie de sa propre substance.
C'est une calomnie insoutenable de
dire que les Carthésiens rejettent absolument
le grand argument qui prouve
» l'eA
O UST. 1733 1747
» l'éxistence de Dieu , tiré du phénoméne
de la forme artificielle des choses .
Nulle Philosophie au contraire ne donne
des idées aussi sublimes de la sagesse
de Dieu dans la Création ; nulle Physique
ne ramene davantage l'esprit au
Créateur , en rapportant tous les phénoménes
qu'elle peut expliquer à des loix
simples et génerales émanées nécessairement
de la Toute puissance divine . C'est
l'argument le plus invincible contre l'Athéïsme
, c'est l'exclusion la plus forte du
hazard , dont la régularité et l'uniformité
ne peuvent être les productions . Plus l'idée
d'un méchanisme est générale , constante
et uniforme , comme dans le Carthésianisme
, plus elle est inséparable des
idées de dessein et de sagesse. Ces Re-
Aléxions suffisent pour prouver des veritez
si évidentes, d'autant plus que pour
détruire l'Athéïsme par le raisonnement ,
il faudroit que quelque homme qui raisonne
fût capable d'Athéïsme , ce qui est
impossible. Il est donc certain que l'accusation
du Carthésianisme par les Docteurs
Cudwort et Ray , est au fond trèsfrivole
et très mal fondée , injurieuse à
plusieurs saints et sçavans personnages ,
qui ont soutenu cette Philosophie , et aux
Écoles qui l'enseignent publiquement.
Gendre de S. Aubin ; contre les accusations
des Docteurs Cudwort et Ray.
UN
N zéle indiscret est souvent l'occasion
d'un scandale;c'est l'idée qu'on
doit se former des accufations intentées
par les Docteurs Cudwort et Ray , contre
le Cartesianisme. Elles sont contenuës
dans un Livre Anglois , intitulé : L'Existenca
" 1732 MERCURE DE FRANCE
sence et la Sagesse de Dieu, manifestées dans
les Oeuvres de la Création ; par le sieur
Ray,Membre de la Société Royale. La Traduction
Françoise , imprimée à Utrecht,
en 1723. se débite depuis peu à Paris.
On est étonné qu'un Philosophe , qui
écrit uniquement en vûë de manifester la
Sagesse de Dieu dans la Création, débute,
page 5. par approuver un sentiment qu'il
atribue à des Philosophes judicieux ; sçavoir
, que plus les genres , ou les ordres
des Etres sont imparfaits , plus les especes
en sont nombreuses . Est- ce là un
préambule convenable à un Panégyriste
de la Sagesse de Dieu dans la Création ?
Ne devoit il pas plutôt dire que ce qui
paroît imparfait aux vues bornées de notre
entendement , a son utilité et sa destination
dans les Décrets éternels de la Providence
? Ce seroit là un beau champ
pour les Cartésiens qu'il attaque d'une
maniere outrageante ; ne pourroient- ils
pas le traiter de prévaricateur dans une
cause si évidente , et qu'il soutient si
mal ?
Pour faire éclater , dit il , page 12. la
grandeur et l'étendue infinie de l'esprit
de Dieu , il observe que rien ne marque
davantage la supériorité du génie , que
d'inventer des Machines differentes , qui
pros
AOU'ST. 1733. 1733
E
4
€
>
produisent le même effet , et soient destinées
aux mêmes fins . Mais suivant les notions
les plus saines et les plus communes ,
rien ne marque davantage la sagesse
de
l'ouvrier que le Méchanisme le plus simple
et le moins chargé de ressorts . C'est donc
sur une sorte de Méchanisme qu'il fonde
la sagesse de Dieu dans la Création, mais
sur un Mechanisme de détail , qu'il présente
à la pensée , d'une maniere aussi
basse , que celui des Cartésiens est sublime.
Quoique le sieur Ray tâche de décrier
le Cartesianisme sans ménagement, il établit
, pages 2 et 3. comme le sentiment le
plus universellement
reçu , tout ce que
cette Philosophie dans sa nouveauté parut
avoir de plus difficile à concilier avec la
Religion ; sçavoir, l Hypothèse des Tourbillons
, suivant laquelle chaque Etoile ,
pour me servir des propres termes du
Traducteur , est un Soleil ou un Corps
semblable à cet astre , environné de même
d'un Choeur de Planetes , qui tournent
autour de lui. Il avance de plus , qu'il
n'y a aucune de ces Planétes qui ne soit
remplie, selon toutes les apparences , d'une
grande variété de créatures corporelles ,
animées et inanimées . Personne n'ignore
que cette partie de la Physique nouvelle
fut
1734 MERCURE DE FRANCE
fut exposée à la censure , et allarma quelques
personnes pieuses , qui trouvoient
ce systême peu conforme à ce qui nous
cst enseigné sur la Création dans la Genése
; mais il a été reçu depuis comme
une hypothese , sur laquelle on écrit et
on dispute publiquement , et il y a longtemps
que tous les scrupules sont levez à
cet égard.
A la maniére dont le S Ray fait connoître
quels sont les principes de sa Phylosophie
, qui ne le prendroit pour un
Cartésien ? Sectateur de cette Physique ,
il va néanmoins lui imputer les intentions
les plus criminelles. » Il semble
» dit-il, pag. 28.qu'il soit necessaire d'exa-
>> miner un peu les principes d'une Secte
» de Déïstes de profession; j'entends celle
» de Descartes et de ses Disciples , qui
» ont pour but d'éluder et de détruire un
» argument qui a eu tant de force dans
» tous les siècles , pour prouver l'exis-
» tence d'un Dieu . Le premier grief d'une
accusation si grave , est que Descartes
exclud de la Physique toute la considération
des causes finales . Le Sr Ray cite ,
pages 29 et 30. les Passages des Méditations
Métaphysiques , des principes de
Philosophie , et de la quatrième Réponse
aux Objections de Gassendi , où Descartes
dit
AOUST. 1733 1735
1
dit
que toutes
les causes
qu'on
a accoutumé
de tirer
de la fin , ne sont
d'aucun
usage
dans
la Physique
,puisqu'on
ne sçauroit
se persuader
, sans
témérité
, qu'on
puisse
pénétrer
dans
les fins
que
Dieu
s'est proposées
. Il est facile
de répondre
à
cette
objection
, que
la raison
alléguée
par Descartes
, pour
ne pas expliquer
les effets
naturels
par
les fins que
Dieu s'est
proposées
, est trèspieuse
et trèsédifiante
, et qu'il
auro
t pû se contenter
d'établir
en général
, que la Physique
étant
une
recherche
des causes
naturelles
, ce
n'est
pas
parler
en Physicien
, que
de
donner
pour
cause
de la production
d'un Phénoméne
, que Dieu
a eu en vûë
de le
produire
. Car
c'est
ce que tout
Chrétien
sçait
, sans
étudier
la Physique
; cette
science
de tres
- bornée
qu'elle
est , deviendroit
infiniment
étenduë
, si l'on
recevoit
au nombre
des explications
Physiques
, qu'un
efft
naturel
arrive
, parce
qu'il
est conforme
à la fin que Dieu
s'est proposée
. Je suppose
que pour
expliquer
la construction
d'une
Montre
, on s'avisat
de dire
que
ce qui cause
les mouvemens
réglez
de cette
machine
, c'est
l'intention
de l'ouvrier
qui l'a faite
dans
le
dessein
de marquer
les heures
; cette
cause
finale
en Physique
ne seroit
comptée
G
pour
1736 MERCURE DE FRANCE
pour rien ; et on ne pourroit prouver
mieux que cette Montre est l'ouvrage
d'un Artiste , et non l'effet du hazard
qu'en faisant observer l'action du ressort,
le tirage de la chaîne , les engrainures des
rouës , et sur tout la proportion et le concours
des mouvemens. Quel est donc le
véritable objet de la Physique ,? C'est de
déduire les Phénoménes , des Loix géné
rales de la nature , établies par Dieu , et
rapportées au Créateur . Une pareille Philosophie
peut- elle donner lieu aux inveçtives
de l'Auteur Anglois » Les Carthé
» siens , dit- il , page 34. tâchent de dé-
» truire notre grand argument , en pré-
»tendant résoudre tous les Phénomènes
» de la nature , et rendre compte de la
» production et de la formation de l'Uni-
» vers , et de tous les Etres corporels qu'il
» contient , soit celestes ou terrestres ; ani-
» mez ou inanimcz , même sans en exclunre
les animaux , et cela par une foible
»hypothèse de la matiere divisée, et mise
» en mouvement de telle ct telle maniés
» re. . . . . De maniére que Dieu n'a eu
» autre chose à faire qu'à créer la matiére ,
»la diviser en partics , et la mettre en
»mouvement , suivant un petit nombre
de certaines Loix , et que cela ne pouvoit
manquer de produite de soi-même
...
12
AOUST. 1733 : 1737
le monde et toutes les créatures qui y
sont contenues. Pour la réfutation de
cette hypothése ,, continue cet Auteur ,
n'aurois qu'à renvoyer le Lecteur au
» systême du Docteur Cudwort ; mais
» pour lui épargner cette peine, je vais en
transcrire les paroles..... Dieuse con
tentant de regarder en spectateur in-
» différents ce Lusus Atomorum , ou cette
» danse agréable des Atômes , et les différents
effets qui en résultent. Non con-
» tens de cela , ces Déïstes méchaniques
» ont excédé et surpassé en ceci les Athées
» atomiques , par une extravagance plus
oursée que la leur ; car les Athées de
profession n'ont jamais osé affirmer que
» ce systéme régulier des choses fut le ré-
» sultat d'un mouvement fortuit d'Atomes
au commencement , avant d'avoir
produit pendant bien du temps des
combinaisons ineptes ou des assembla-
» ges de choses particulières , et des sys-
» têmes ridicules du tout. Ils supposoient
» même que la régularité des choses de ce
monde ne subsisteroit pas toujours , et
» que la confusion et le désordre s'y re-
> mettroient avec le temps ; qu'outre le
monde que nous habitons , il y en a encore
en ce moment un nombre inexprimable
d'autres irréguliers , dont il
Cij n'y
1738 MERCURE DE FRANCE
» n'y en a pas d'un entre mille et dix mil-
» le , qui ait une régularité pareille au
» nôtre ...... Mais nos Déïstes micha
» niques prétendent que leurs Atomes
» n'ont jamais bronché dans leurs mou-
» vemens, ni produit aucun systéme inep-
» te , ni aucunes formes impropres , et
» qu'ils se sont placez et rangez dès le
commencement avec tant d'ordre et de
» méthode , que la sagesse même n'auroit
» pû le faire mieux , ni avec plus d'exactitude.
C'est par cette raison que çes
» Déi tes re ettent absolument le grand
» a gument qui prouve l'Existence de
Dicu , tiré du Phénoméne de la nature
n artificielle des choses , sur lequel on a si
» fort insisé dans tous les siècles , et qui
» fait ordinairement le plus d'effet sur l'es-
» prit humain. Les Athées s'applaudissent
» cependant en secret , er triomphent de
>> voir la cause du Déïsme trahie de cette
» maniere par ses partisans et ses défen-
» seurs les plus zélez , et le grand argu-
» ment éludé pour favoriser leur cause.
Rien ne sçauroit marquer une plus gran
» de dépravation d'esprit , ni plus de folic
et de stupidité dans les Déïstes pré.en-
» dus , que de n'avoir aucun égard à la
forme régulière et artificielle des cho
ses , ni aux impressions de l'art et de
AOUST . 1733 . 1739
wla
sagesse divine , et de ne regarder
» le Monde et les productions de la Na-
» ture , qu'avec des yeux de boeuf ou de
» cheval.
Le sieur Ray , dans la fureur qui le
transporte , n'entend pas les termes dont
il se sert car qu'est- ce qu'un Déïste , suivant
la notion génerale ? C'est un impiet
qui ne suit aucune Religion particuliere ,
qui reconnoît , à la verité , l'existence de
Dieu mais qui refuse de croire les Mysteres
que Dieu a révelez. Or ces Deïstes qui refusent
de se rendre à l'évidence de la révé.
lation , ne sont pas ceux qui font le moins
valoir le grand argument de l'existence
de Dieu , tiré de sa sagesse dans la Création.
On ne sçait ce que le sieur Ray
veut dire par ces paroles : » Les Athées
» s'applaudissent cependant en secret , et
» triomphent de voir la cause du Déïsme
>>trahie de cette maniere par ses Parti-
» sans et ses Deffenseurs les plus zelez .
Il prend ici la cause du Déïsme pour une
bonne cause trahie , et il semble appli
quer aux Carthésiens les termes de Partis
sans et de Deffenseurs les plus zelez de
la bonne cause. Mais c'est bien plutôt
cet Auteur qui trahit la cause qu'il entreprend
de soutenir , par la foiblesse
avec laquelle il traite son sujet . S'il eût
Ciij fair
1740 MERCURE DE FRANCE
ა
fait remarquer , comme les Carthésiensces
Loix générales dont l'uniformité produit
un Monde si diversifié ; s'il se fût
élevé jusqu'à un méchanisme sublime
qui donnât une idée de la Création proportionnée
à ce que notre foible esprit
peut concevoir de plus grand et de plus
magnifique ; si en s'attachant à ce qu'il.
ya de plus merveilleux dans la Nature
il eût observé , comme ceux qu'il appelle-
Deistes , que cette multitude immense
de mouvemens des Corps Celestes , que
révolutions si constantes des Astres ,
que cette fécondité si riche et si brillan-.
te de l'Univers , que tous ces Phénomenes
si utiles à l'homme , et qui étalent
à ses yeux un spectacle digne du Créateur
, qu'enfin la beauté ravissante de
toutes les Oeuvres de Dieu , est un
témoignage continuel et invincible de sa
sagesse et de sa toute- puissance dans la
Création , par la simplicité et l'ordre des
ressorts qui y sont employez , il eût rem--
pli son sujet avec la dignité convenable ,
mais il ne s'arrête qu'à un petit détail ,
et ne présente par tout que des images.
basses et imparfaites d'un sujet qui surpasse
ses forces.
C'est favoriser l'athéïsme et le syste
me du hazard , que de rejetter le méchaA
O UST. 173′3 ; 1741
chanisme de la Nature , par lequel les
Carthésiens n'entendent autre chose que
les loix generales du mouvement établics
par le Créateur. Que chaque Philosophe
conçoive et suppose ces Loix
générales à son gré , que
differens Phisiciens
suivent des vues systématiquesfort
éloignées ; tous au moins doivent
convenir que ce n'est pas une pensée raisonnable
sur l'Etre suprême , de croire
que l'uniformité et la simplicité manquent
à ses Productions . Le principal but
de la Physique est donc de rapporter tous
les raisonnemens à ces principes. C'est à
quoi les Carthésiens ont beaucoup mieux
réussi qu'aucune autre Secte de Philosophes
, ayant mieux expliqué le méchanisme
general de la Nature; et ' on peut
dire que ceux qui tâchent d'étendre et
de pousser plus loin ce méchanisme , sont
ceux qui pensent et qui s'expliquent le
mieux au sujet de la sagesse et de la toùte-
puissance de Dieu dans la Création . A
la verité , le Philosophe rempli de pré
somption , se persuade qu'il peut concevoir
et faire entendre aux autres cet ordre
admirable établi dans les Ouvrages
de Dieu ; au lieu que le Physitien modeste
, qui connoît la foiblesse et l'incer
titude de ses lumieres , ne regarde tous
Ciij les
742 MERCURE DE FRANCE
les raisonnemens physiques que comme
des hypothéses.
>>
Continuons de rapporter la censure de
la Philosophie Carthésienne par l'Auteur
Anglois. Il se trouve , dit-il , pag. 35 .
» plusieurs Phénomenes dans la Ñature ,
» lesquels étant en partie au- dessus de la
»force et de la portée , et en partie con-
>> traires aux Loix du Méchanisme , ils
» ne sçauroient se résoudre sans avoir re-
>> cours aux causes finales et à quelques
» principes de vie ; par exemple , ce-
» lui de la gravité ou du penchant que
» les corps ont à descendre , le mouve-
» ment du diaphragme dans la respira-
» tion , la systole et la diastole du coeur ,
» qui n'est autre chose qu'une contraction
et un relâchement des muscles ,
» et par consequent ne sçauroit être un
» mouvement méchanique , mais un prin-
» cipe de vie. Nous pourrions encore
» ajoûter à cela entre plusieurs autres
» choses , l'intersection des plans de l'E-
» quateur et de l'Ecliptique ou du mou-
» vement diurne ou journalier de la Ter-
» re sur un axe qui n'est pas parallele à
celui de l'écliptique , ni perpendiculaire
à son plan ..... On ne sçauroit
» donc attribuer la continuation de ce
» double mouvement annuel et diurne
nde
23
A O UST. 17337 1748
de la Terre sur des axes non paralleles,
» à autre chose qu'à une cause finale ou
» mentale , ou rò fixTisov , parce qu'il
étoit à propos que cela fût ainsi , la
» varieté des saisons de l'année en dé
» pendant. Mais le plus considerable de
» tous les Phénoménes pir içuliers est la
»formation et l'organisation des corps
>> des animaux , remplis de tant de varietez
et de merveilles , que ces Philo-
» sophes méchaniques n'en pouvant faire
»la solution par le mouvement nécessaire
» de la matiere , sans qu'elle fût dirigée
par l'esprit à de certaines fins , ont pru-
» demment interrompu leur systéme en
» cet endroit , où ils devoient traiter des
» animaux , et n'en ont pas touché un
» seul mot.
23
On connoît clairement par cette critique
, que le sieur Ray est aussi peu
versé dans la Philosophie Carthésienne
qu'il est injuste dans l'accusation qu'il
intente contre elle. Nous avons vû plus
haut qu'il attribuë aux Carthésiens un
systéme d'Atomes , quoique les trois Elemens
de Descartes soient divisibles à l'infini
, et que par conséquent Descartes
rejette les Atomes , qui signifient des Elemens
indivisibles. Le sieur Ray ne se
trompe pas moins, en disant que dans les
C v Phé1744
MERCURE DE FRANCE
:
Phénomenes qu'il cite , il y a de la contrarieté
au Mechanisme de la Nature. Il
est vrai que les loix générales du mouvement
n'expliquent pas la construction
du corps des animaux , ni la forme de
ces organes merveilleux qui servent aux
differentes fonctions du principe qui les
anime. Le mouvement circulaire des
trois Elémens de Descartes ne peut faires
concevoir , par exemple, comment ont
été produits les instrumens de la faculté
visuelle ; mais les Carthésiens doivent :
seulement avouer que leur méchanisme ,
quoiqu'il n'y ait aucune contrarieté , est
insuffisant pour expliquer tous les Phé
noménes , et sur tout l'organisation admirable
des animaux ,, les corps animezz
et inanimez étant vrai- semblable--
ment produits suivant des loix differen--
tes, ou plutôt dont nous n'appercevons
pas la liaison. * Il ne s'ensuit pas de ce
que la Créature est incapable de conce
voir entierement le grand Ouvrage de :
la Création , qu'il lui soit defendu de rechercher
les causes physiques et naturel
+
La plupart même des Carthésiens estiment aun
aujet de l'organisation continuelle et toujours
cemblable , des Plantes et des Animaux , que tous :
res corps formez en même-temps par le Souve
fain Etre , dans les graines ou dans les oeufs , nesont
que se développer successivement,
leas
A O UST. 1733. 17455
les , suivant les principes les plus géné
caux et les plus simples , en les rappor
tánt à la sagesse et à la toute- puissance
du Créateur.
Les difficultez qui se trouveut sur la
pesanteur , ne peuvent se résoudre par
des principes de vie qui n'ont aucun rapport
avec elle , ou par des causes finales ,.
qui ne sont en aucune maniere des causes
physiques ; et si les explications que
Descartes a données de la pesanteur , ont
été attaquées par de fortes objections ,
tous les Philosophes se sont au moins
accordez à tirer ces Explications d'un '
méchanisme général de la Nature. Le
'steur Ray est si peu d'accord avec luid
même au sujet de la respiration et de la¹
systole et diastole du coeur, qu'après avoir
affirmé que ces mouvemens ne peuvent
être méchaniques , il regarde ailleurs com
me une question douteuse de sçavoir si
les bêtes sont des vrayes machines , ou
s'il convient de leur attribuer la vie et le
sentiment.
cliptiqueant
à l'intersection
de l'é-
1
de l'équateur , on en peut donner
plusieurs raisons qui n'ont rien de
contraire au systéme Carthésien . L'obli
quité de l'écliptique par rapport à l'équateur
, dont l'axe conserve toujours
son parallelisme est assurément la cause
av de
1746 MERCURE DE FRANCE
de la varieté des Saisons , mais cette cause
finale , encore une fois , ne peut passer
pour une cause phisique. L'Explication
naturelle de ce phénoméne peut se rapporter
, suivant les principes d'un Méchanisme
général , ou aux particules cannelées
, qui traversant les pores du G'obe
Terrestre d'un certain sens , déterminent
sa position , ou à la qualité du fluide qui
emporte la Terre par un mouvement
circulaire , ou à la pression des tourbillons
voisins , ou à la résistance que tout
corps solide apporte à l'impression du
mouvement qu'il reçoit , ou à toutes ces
causes réunis , ou aux differentes hypotheses
que la sagacité du Physicien lui
fera inventer. Dieu permet à l'homme
de faire quelques raisonnemens assez vraisemblables
sur les Corps Celestes , si prodigieusement
éloignez de nous ,
afin que
cette étude éleve notre esprit à la Majesté
de l'Etre suprême , en même - temps
que la présomption de l'homme est domptée
par la profonde ignorance où il est
de ce qui est au- dedans de lui - même et
de ce qui fait partie de sa propre substance.
C'est une calomnie insoutenable de
dire que les Carthésiens rejettent absolument
le grand argument qui prouve
» l'eA
O UST. 1733 1747
» l'éxistence de Dieu , tiré du phénoméne
de la forme artificielle des choses .
Nulle Philosophie au contraire ne donne
des idées aussi sublimes de la sagesse
de Dieu dans la Création ; nulle Physique
ne ramene davantage l'esprit au
Créateur , en rapportant tous les phénoménes
qu'elle peut expliquer à des loix
simples et génerales émanées nécessairement
de la Toute puissance divine . C'est
l'argument le plus invincible contre l'Athéïsme
, c'est l'exclusion la plus forte du
hazard , dont la régularité et l'uniformité
ne peuvent être les productions . Plus l'idée
d'un méchanisme est générale , constante
et uniforme , comme dans le Carthésianisme
, plus elle est inséparable des
idées de dessein et de sagesse. Ces Re-
Aléxions suffisent pour prouver des veritez
si évidentes, d'autant plus que pour
détruire l'Athéïsme par le raisonnement ,
il faudroit que quelque homme qui raisonne
fût capable d'Athéïsme , ce qui est
impossible. Il est donc certain que l'accusation
du Carthésianisme par les Docteurs
Cudwort et Ray , est au fond trèsfrivole
et très mal fondée , injurieuse à
plusieurs saints et sçavans personnages ,
qui ont soutenu cette Philosophie , et aux
Écoles qui l'enseignent publiquement.
Fermer
Résumé : DÉFENSE du Cartésianisme, par M. le Gendre de S. Aubin ; contre les accusations des Docteurs Cudwort et Ray.
Le texte est une défense du cartésianisme contre les critiques des docteurs Cudworth et Ray, exprimées dans leur ouvrage 'L'Existence et la Sagesse de Dieu, manifestées dans les Oeuvres de la Création'. Le défenseur du cartésianisme reproche à Ray d'avoir commencé son livre en approuvant l'idée que les êtres imparfaits sont plus nombreux que les parfaits, ce qui est jugé inapproprié pour un panégyriste de la sagesse divine. Ray est également critiqué pour avoir fondé la sagesse divine sur un mécanisme de détail, jugé bas et imparfait comparé au mécanisme sublime des cartésiens. Malgré ses attaques contre le cartésianisme, Ray reconnaît certaines hypothèses cartésiennes, comme celle des tourbillons et la diversité des créatures sur les planètes. Le défenseur du cartésianisme répond aux accusations de Ray en expliquant que Descartes exclut les causes finales de la physique pour se concentrer sur les causes naturelles. Il argue que cette approche est pieuse et édifiante, et que la physique doit déduire les phénomènes des lois générales de la nature établies par Dieu. Le texte critique Ray pour avoir accusé les cartésiens de détruire l'argument de l'existence de Dieu en réduisant la création à des lois mécaniques. Le défenseur du cartésianisme conclut que les cartésiens ont mieux expliqué le mécanisme général de la nature et la sagesse divine que toute autre secte philosophique. Le texte discute également de divers phénomènes naturels, comme la gravité, la respiration, les mouvements du cœur, et les mouvements de la Terre, qui semblent défier les lois du mécanisme et nécessitent l'intervention de causes finales ou de principes de vie. Il critique l'incapacité des philosophes mécanistes à expliquer l'organisation des corps animaux, soulignant que ces philosophes interrompent leur système lorsqu'ils abordent ce sujet. Les cartésiens reconnaissent l'insuffisance de leur mécanisme pour expliquer tous les phénomènes, notamment l'organisation des animaux, mais estiment que les corps animés et inanimés sont produits selon des lois différentes. Le texte aborde des difficultés spécifiques comme la pesanteur, la respiration, et les mouvements du cœur, soulignant que les explications cartésiennes, bien que critiquées, restent mécanistes. Il mentionne l'obliquité de l'écliptique par rapport à l'équateur et les diverses causes possibles de ce phénomène, tout en insistant sur le fait que les causes finales ne peuvent être des causes physiques. Enfin, le texte réfute l'accusation selon laquelle les cartésiens rejettent l'argument de la forme artificielle des choses pour prouver l'existence de Dieu. Il affirme que la philosophie cartésienne donne des idées sublimes de la sagesse divine et constitue un argument fort contre l'athéisme. Le texte conclut en dénonçant les accusations frivoles et mal fondées contre le cartésianisme.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 1748-1751
L'INDISCRETION. CANTATE. Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
Début :
Reine des Airs, pompeuse Aurore, [...]
Mots clefs :
Échos, Vers, Thémire, Zéphyrs, Lenteur, Coeur, Peindre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'INDISCRETION. CANTATE. Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
L'INDISCRETION..
CANT ATE.
Par Me de Malcrais de la Vigne ,
du Croisic en Bretagne.
REine Eine des Airs , pompeuse Aurore ,
Que vous restez long- temps au lit d'un vieu
Epoux !!
Sortez du sein des flots ; la Belle que j'adore ,
Thémire en ces Vallons doit paroître avec vous¿
Je vais entre ses bras , en dépit des jaloux ,
Gouter les dons qu'Amour pour moi seul fi☛
éclore
Mömens délicieux , momens trop attendus ,,
Vous voila donc enfin rendus.
Parfumez ces lieux , fleurs brillantes ¿ ›
Badinez avec les Zéphirs ,
Faites sur vos tiges flotantes ,
Le prélude de mes plaisirs. -
Chantez mon bonheur par avance
Atroupez-vous , petits Oiseaux ;;
Ruisseaux , allez en diligence ,
Le dire à mes tristes Rivaux ;
44
Arbres
A O UST. 1733
1745 Arbres, à travers vos rameaux ,
Laissez voir aux Dieux ma victoire
Que tous les témoins de mes maux ,
Le soient aujourd'hui de ma gloire. -
+
L'aimable Lisidor triomphoit en ces mots §.
D'un avant-goût charmant son ame possedée 5 ,
Caressoit sa flateuse idée ; ·
L'espoir tranquillement le berçoit sur ses flots.
Quand l'Aurore à la fin déployant dans la nuë ,,
Des trésors d'Orient le superbe appareil ,
Le surprit, le troubla n'offrant point à sa vûë,
Celle qu'il aimoit mieux revoir que le Soleil.
Ah ! cria-t'il tout haut , que vous tardez , Thé
mire ? ...
Paresseuse arrivez ™, arrivez™, ou j'expire
Auriez-vous à l'Amour préferé le sommeil à ?
Zéphirs , volez vers ma Maîtresse ,,
Peignez-lui l'état de mon coeur , »
Echos , rappellez- la sans cesse , ›
En lui reprochant sa lenteur.
Thémire ne vient point encore ;' ;
Le sommeil s'en est emparé ; ›
Thémire ... ah ! la soif me dévore,,
Quand je devrois m'être enyyré. -
Zephirs, yolez vers ma Maîtrese ,,
Peignez
1750 MERCURE DE FRANCE
Peignez-lui l'état de mon coeur ;
Echos , rappellez - la sans cesse ,
En lui reprochant sa lenteur.
La Bergere arrivoit à travers la Ramée ;
Son nom qui raisonnoit dans l'air ,
Etonna de fort loin son oreille allarmée.
De haine et de dépit cette Amante animée ,
Aux yeux de l'Indiscret s'offrit comme un éclair
Adieu , dit-elle , adieu , montant sur la Colline ,
Et courant à grands pas vers la maison voisine ,
Puisque des biens fondez sur un frivole espoir ,
Ta voix a sçû parler aux Echos du Boccage ,
Perfide , s'ils étoient jamais en ton pouvoir,
Tu l'aurois bien-tôt dit aux Echos du Village.
Amans , sur tout soyez discrets ,
L'Art d'aimer est l'Art de se taire ;
N'apprenez pas même aux Forêts ,
Le nom des ravissans Objets ,
A qui vous vous flattez de plaire,
Les Ruisseaux rouleront
Des Ondes indiscrettes
Les Oiseaux chanteront
Vos douces amourettes
D
Les fleurs , comme autrefois ,
Cessant d'être muettes ,
RetrouA
O UST. 1751 1733
Retrouveront leur voix ,
Pour conter vos fleurettes.
Amans , sur tout soyez discrets , &c.
CANT ATE.
Par Me de Malcrais de la Vigne ,
du Croisic en Bretagne.
REine Eine des Airs , pompeuse Aurore ,
Que vous restez long- temps au lit d'un vieu
Epoux !!
Sortez du sein des flots ; la Belle que j'adore ,
Thémire en ces Vallons doit paroître avec vous¿
Je vais entre ses bras , en dépit des jaloux ,
Gouter les dons qu'Amour pour moi seul fi☛
éclore
Mömens délicieux , momens trop attendus ,,
Vous voila donc enfin rendus.
Parfumez ces lieux , fleurs brillantes ¿ ›
Badinez avec les Zéphirs ,
Faites sur vos tiges flotantes ,
Le prélude de mes plaisirs. -
Chantez mon bonheur par avance
Atroupez-vous , petits Oiseaux ;;
Ruisseaux , allez en diligence ,
Le dire à mes tristes Rivaux ;
44
Arbres
A O UST. 1733
1745 Arbres, à travers vos rameaux ,
Laissez voir aux Dieux ma victoire
Que tous les témoins de mes maux ,
Le soient aujourd'hui de ma gloire. -
+
L'aimable Lisidor triomphoit en ces mots §.
D'un avant-goût charmant son ame possedée 5 ,
Caressoit sa flateuse idée ; ·
L'espoir tranquillement le berçoit sur ses flots.
Quand l'Aurore à la fin déployant dans la nuë ,,
Des trésors d'Orient le superbe appareil ,
Le surprit, le troubla n'offrant point à sa vûë,
Celle qu'il aimoit mieux revoir que le Soleil.
Ah ! cria-t'il tout haut , que vous tardez , Thé
mire ? ...
Paresseuse arrivez ™, arrivez™, ou j'expire
Auriez-vous à l'Amour préferé le sommeil à ?
Zéphirs , volez vers ma Maîtresse ,,
Peignez-lui l'état de mon coeur , »
Echos , rappellez- la sans cesse , ›
En lui reprochant sa lenteur.
Thémire ne vient point encore ;' ;
Le sommeil s'en est emparé ; ›
Thémire ... ah ! la soif me dévore,,
Quand je devrois m'être enyyré. -
Zephirs, yolez vers ma Maîtrese ,,
Peignez
1750 MERCURE DE FRANCE
Peignez-lui l'état de mon coeur ;
Echos , rappellez - la sans cesse ,
En lui reprochant sa lenteur.
La Bergere arrivoit à travers la Ramée ;
Son nom qui raisonnoit dans l'air ,
Etonna de fort loin son oreille allarmée.
De haine et de dépit cette Amante animée ,
Aux yeux de l'Indiscret s'offrit comme un éclair
Adieu , dit-elle , adieu , montant sur la Colline ,
Et courant à grands pas vers la maison voisine ,
Puisque des biens fondez sur un frivole espoir ,
Ta voix a sçû parler aux Echos du Boccage ,
Perfide , s'ils étoient jamais en ton pouvoir,
Tu l'aurois bien-tôt dit aux Echos du Village.
Amans , sur tout soyez discrets ,
L'Art d'aimer est l'Art de se taire ;
N'apprenez pas même aux Forêts ,
Le nom des ravissans Objets ,
A qui vous vous flattez de plaire,
Les Ruisseaux rouleront
Des Ondes indiscrettes
Les Oiseaux chanteront
Vos douces amourettes
D
Les fleurs , comme autrefois ,
Cessant d'être muettes ,
RetrouA
O UST. 1751 1733
Retrouveront leur voix ,
Pour conter vos fleurettes.
Amans , sur tout soyez discrets , &c.
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Résumé : L'INDISCRETION. CANTATE. Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
Le poème 'L'INDISCRETION' de Me de Malcrais de la Vigne raconte l'histoire de Lisidor, qui attend impatiemment Thémire, la femme qu'il aime. Lisidor invite la nature, les fleurs, les zéphyrs et les oiseaux à célébrer son bonheur imminent. Il imagine déjà les moments délicieux qu'il passera avec Thémire, malgré la jalousie des rivaux. Cependant, à son réveil, Thémire n'est pas là. Désespéré, Lisidor appelle les zéphyrs et les échos pour qu'ils la rappellent. Thémire apparaît finalement, mais furieuse d'avoir été surprise par l'indiscrétion de Lisidor. Elle lui reproche son manque de discrétion et s'enfuit. Le poème se conclut par une mise en garde aux amants : ils doivent être discrets pour éviter que leurs secrets ne soient révélés par la nature elle-même.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 1751-1757
EXTRAIT d'une Lettre de Czaritien, contenant quelques Particularitez du Pays des Tartares Kalmuques.
Début :
Depuis la Lettre que je vous écrivis de Nova-Paulava, j'ai continué ma [...]
Mots clefs :
Kalmouks, Tartares, Pays, Nez, Femmes, Tentes, Tribut, Crimée, Gengis Khan
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre de Czaritien, contenant quelques Particularitez du Pays des Tartares Kalmuques.
EXTRAIT d'une Lettre de Czaritien,
contenant quelques Particularitez du
Pays des Tartares Kalmuques .
Epuis la Lettre que je vous écrivis
trivia
de Nova- Paulava , j'ai continué ma
route jusqu'aux Lignes de Czaritien , et la
Ville de ce nom , où je me trouve à present
est presque
dans un nouveau Monde.Rien
ne s'y voit que des Kalmuques et des
Dromadaires
; et vers le Levant , il n'y
a pas une seule Ville jusqu'aux Frontieres
de la Chine . Le Pays au - delà du Volga
, Fleuve qui lave cette Ville , est entierement
habité par les Kalmuques ,
dans l'étenduë de 2000. Woërtes , du côté
de l'Orient . Ils sont sujets à l'Empire de
Russie , et gouvernez par un Kan de
leur Nation , qui est nommé par la Czarine
, quoique toujours choisi dans la mê
me Maison. Cette forme de Gouvernement
n'est pas ancienne parmi eux , car
le Kan d'aujourd'hui
n'en est que le septiéme
.
Au1752
MERCURE DE FRANCE
•
Autrefois chique Famille étoit gouvernée
par son Chef , sans relever que du
Souverain de la Russie ; mais à la fin ,
ce Prince trouva à propos de gouverner
ces Peuples par un Kan ou Viceroy , qui
tient de lui toute son autorité , et dont
la Charge est à vie. Je n'ai pû encore
apprendre s'ils payent de tribut ; mais
je suis plus disposé à croire qu'ils ne sont
obligez que de servir à leurs dépens ,
quand ils sont commandez dans les Expeditions
militaires. Ils sont tous Cavaliers
, et peuvent monter , à ce que j'ai
oui dire , à 200000. Combattans . Ils ne'
Sçavent presque ce que c'est que les Armes
à feu , mais ils sont très - adroits à ti
rer de l'Arc , et 1000. Kalmuques tiennent
bien tête à 3 ou 4. mille Tartares de
Krimée . Ils ont beaucoup de l'air des Negres
d'Affrique , mais leurs nez sont encore
plus camus , et leurs yeux à la Chinoise
, ne sont pas si ouverts de la moitié
Ils sont originairement Mogols , et fu÷
rent , dit-on , laissez dans ce Pays par
Ghengis Khan , lorsqu'il fit la conquête
de l'Asie; et quoiqu'ils disent eux -mê
mes qu'ils sont un reste de l'Armée Macédonienne
, qu'Alexandre le Grand laissa
sur les bords du Volga , leur langage et
leur écriture , qui sont un mauvais Mogol
,
A OUST . 1753 1733.
gol , prouvent clairement leur origine ;
outre qu'ils ont la même Religion , et
que leur Grand- Prêtre , ou Lama , réside
dans le Pays des Mogols , où les principaux
de leur Clergé sont obligez d'ailer
pour recevoir les Ordres Sacrez de leur
Religion. Ils sont fort dévots ; car dès
qu'ils cessent de parler , on les voit occupez
à dire leurs Chapelets , qu'ils portent
toujours pendus à leur col. Un jour
étant surpris de la vitesse avec laquelle
ils parcouroient ces Chapelets , je leur
dis que leur formule de priere devoit être
extrémement courte , ils me répondirent
qu'elle ne consistoit qu'en deux paroles.
mystérieuses , sçavoir , Ommani Badmehunc
, ce qui signifie une belle Fleur , et
une Pierre qui ne tire sa lumiere d'ellemêmes
mais de temps- en- temps ils prennent
un Grain de Chapeler plus grand
qui sert à des Prieres plus longues , dont
je n'ai pas appris le sens.
que
Ces gens - là content mille Miracles deleur
Lama , disant , que celui qui lui doit
succeder , déclare sa Mission aussi - tôt
qu'il est né. Ils s'imaginent qu'il connoît
leurs pensées et sçait leur faire
des réponses , sans qu'ils se donnent la
peine de lui parler. Il y a parmi eux plusieurs
Sectes differentes , quelques - uns
adorent
1754 MERCURE DE FRANCE
adorent des Idoles , les autres la Peau
d'un Lievre , car ils prétendent qu'autrefois
pendant tout le temps d'une famine,
40000. personnes avoient été nourries de
la chair d'un seul animal de cette espece.
Ils traitent leurs Morts de quatre manieres
differentes , suivant les quatre Elemens
, car ils brûlent les uns , ils jertent
les autres dans l'eau , ils en enterrent , et
11 y en a qu'ils exposent à l'air , observant
pour cela le temps de la Lune qu'ils
sont nez , ou qu'ils sont morts . Ils n'ont
presque aucune idée de compassion ; car
si leurs Femmes , leurs Peres ou leurs
Meres sont travaillez d'une longue maladie
, ou vicillissent , il les laissent mourir
de faim .
Leurs Tentes sont infiniment mieux
imaginées que les nôtres , et garantissent
mieux du froid ; aussi aimerois je mieux
y loger que dans certaines maisons que
j'ai vûës ailleurs . On place le feu au beau
milieu de la Tente , et l'on pratique une
ouverture dans le toit , qui est façonné
en dôme , par où la fumée monte , et
quand il ne fume plus , on ferme l'ouverture
; de sorte qu'on s'y chauffe tout
aussi-bien que dans une maison . Ces Tentes
sont construites d'une espece de Feutre
, mais qui est six fois plus épais que
celui
AOUS T. 1733 1755
celui dont on fait nos chapeaux , ce qui
fait qu'on y est chaudement en hyver
et fraîchement en é é . Mais le malheur
est qu'elles sont si pesantes , que la plus
ordinaire fait la charge d'un Dromadaire,
car je n'ai point vŷ de Chameaux à une
bosse , et une bonne Tente , ou dix ou̟
douze personnes pourroient coucher , feroit
bien la charge de deux de ces animaux
. Le Kan est à present à 15. ou, 16,
lieues d'ici , avec 10000. Tentes , habitées
par ses Sujets ; je compte de l'aller
voir avant de quitter ce Pays,
Les Kalmuques ont un usage singulier
en fait d'hospitalité , quand un Etranger
vient chez eux , la marque la plus
ordinaire de leur distinction , c'est de
lui donner le choix de leurs femmes ou
de leurs filles , pour passer la nuit avec
celle qu'il trouve le plus à son gré. Les
femmes sont habillées de même que les
hommes , ce qui cause souvent qu'on
se méprend de Sexe. Ils n'ont d'autres ri
chesses que leur Bétail , dont ils font un
grand trafic avec les Rus es. Leurs Chevaux
ne sont pas beaux , mais ils sont
d'une vigueur surprenante , ils font 20,
ou 25. liües par jour sans se fatiguer,
Le meilleur Cheval du Pays se vend 4,
5. pistoles , et un Cheval ordinaire ne
vaus
1756 MERCURE DE FRANCE
vaut que 4. ou 5. écus ; il est cependant
difficile de dompter leur férocité natarelle
,
ils vont presque tous le pas naturellement.
Je viens d'acheter ici quel
ques- uns de leurs Arcs et de leurs Fleches
, et comme vous me mandez que
vous en avez des Indes Occidentales , j'en
troquerai volontiers deux contre un des
vôtres.
J'espere partir de ce Pays- cy dans 8.
ou 10. jouts , et de continuer mon voyage
par le Don jusqu'à Asoph , là je serai
voisin d'un Peuple poli , et de deux Peuples
barbares. Vous jugerez facilement
que par le premier , j'entends les Turcs ,
et que les deux autres sont les Tartares
de Krimée et ceux de Cuban , les uns
sont au Couchant du Don , les autres au
Levant. Si j'y vois quelque chose digne
de remarque , je ne manquerai pas de
Vous en faire part.
Vous trouverez cy - jointe un Lettre du
Baron de Wedel ; il avoit la fievre lorsqu'il
l'écrivit , c'est une espece de tribut
que tout Etranger doit à ce climat , lorsqu'il
arrive , mais on en est quitte pour
3. ou 4. accès. Il paroît par sa Lettre
qu'il alloit marcher contre quelques Kalmuques
qui refusoient de déferer aux ordres
du Kan .
J'ai
A O UST. 1733. 1757
J'ai acheté un petit Kalmuque qui est
d'une beauté parfaite , selon cux , il n'a
presque rien qui ressemble à un nez , excepté
les narinesses yeux ne sont ouverts
que de la largeur d'une paille. Il est d'un
teint couleut de caivre , couleur trèsestimée
parmi eux.; sçachant lire et écrire
sa Langue. Si vous en avez la moindre
envie , mandez - le- moi , et aussi - tôt
que je serai à Petersbourg , où je compte
d'arriver vers la fin de l'année , je le ferai
partir.
contenant quelques Particularitez du
Pays des Tartares Kalmuques .
Epuis la Lettre que je vous écrivis
trivia
de Nova- Paulava , j'ai continué ma
route jusqu'aux Lignes de Czaritien , et la
Ville de ce nom , où je me trouve à present
est presque
dans un nouveau Monde.Rien
ne s'y voit que des Kalmuques et des
Dromadaires
; et vers le Levant , il n'y
a pas une seule Ville jusqu'aux Frontieres
de la Chine . Le Pays au - delà du Volga
, Fleuve qui lave cette Ville , est entierement
habité par les Kalmuques ,
dans l'étenduë de 2000. Woërtes , du côté
de l'Orient . Ils sont sujets à l'Empire de
Russie , et gouvernez par un Kan de
leur Nation , qui est nommé par la Czarine
, quoique toujours choisi dans la mê
me Maison. Cette forme de Gouvernement
n'est pas ancienne parmi eux , car
le Kan d'aujourd'hui
n'en est que le septiéme
.
Au1752
MERCURE DE FRANCE
•
Autrefois chique Famille étoit gouvernée
par son Chef , sans relever que du
Souverain de la Russie ; mais à la fin ,
ce Prince trouva à propos de gouverner
ces Peuples par un Kan ou Viceroy , qui
tient de lui toute son autorité , et dont
la Charge est à vie. Je n'ai pû encore
apprendre s'ils payent de tribut ; mais
je suis plus disposé à croire qu'ils ne sont
obligez que de servir à leurs dépens ,
quand ils sont commandez dans les Expeditions
militaires. Ils sont tous Cavaliers
, et peuvent monter , à ce que j'ai
oui dire , à 200000. Combattans . Ils ne'
Sçavent presque ce que c'est que les Armes
à feu , mais ils sont très - adroits à ti
rer de l'Arc , et 1000. Kalmuques tiennent
bien tête à 3 ou 4. mille Tartares de
Krimée . Ils ont beaucoup de l'air des Negres
d'Affrique , mais leurs nez sont encore
plus camus , et leurs yeux à la Chinoise
, ne sont pas si ouverts de la moitié
Ils sont originairement Mogols , et fu÷
rent , dit-on , laissez dans ce Pays par
Ghengis Khan , lorsqu'il fit la conquête
de l'Asie; et quoiqu'ils disent eux -mê
mes qu'ils sont un reste de l'Armée Macédonienne
, qu'Alexandre le Grand laissa
sur les bords du Volga , leur langage et
leur écriture , qui sont un mauvais Mogol
,
A OUST . 1753 1733.
gol , prouvent clairement leur origine ;
outre qu'ils ont la même Religion , et
que leur Grand- Prêtre , ou Lama , réside
dans le Pays des Mogols , où les principaux
de leur Clergé sont obligez d'ailer
pour recevoir les Ordres Sacrez de leur
Religion. Ils sont fort dévots ; car dès
qu'ils cessent de parler , on les voit occupez
à dire leurs Chapelets , qu'ils portent
toujours pendus à leur col. Un jour
étant surpris de la vitesse avec laquelle
ils parcouroient ces Chapelets , je leur
dis que leur formule de priere devoit être
extrémement courte , ils me répondirent
qu'elle ne consistoit qu'en deux paroles.
mystérieuses , sçavoir , Ommani Badmehunc
, ce qui signifie une belle Fleur , et
une Pierre qui ne tire sa lumiere d'ellemêmes
mais de temps- en- temps ils prennent
un Grain de Chapeler plus grand
qui sert à des Prieres plus longues , dont
je n'ai pas appris le sens.
que
Ces gens - là content mille Miracles deleur
Lama , disant , que celui qui lui doit
succeder , déclare sa Mission aussi - tôt
qu'il est né. Ils s'imaginent qu'il connoît
leurs pensées et sçait leur faire
des réponses , sans qu'ils se donnent la
peine de lui parler. Il y a parmi eux plusieurs
Sectes differentes , quelques - uns
adorent
1754 MERCURE DE FRANCE
adorent des Idoles , les autres la Peau
d'un Lievre , car ils prétendent qu'autrefois
pendant tout le temps d'une famine,
40000. personnes avoient été nourries de
la chair d'un seul animal de cette espece.
Ils traitent leurs Morts de quatre manieres
differentes , suivant les quatre Elemens
, car ils brûlent les uns , ils jertent
les autres dans l'eau , ils en enterrent , et
11 y en a qu'ils exposent à l'air , observant
pour cela le temps de la Lune qu'ils
sont nez , ou qu'ils sont morts . Ils n'ont
presque aucune idée de compassion ; car
si leurs Femmes , leurs Peres ou leurs
Meres sont travaillez d'une longue maladie
, ou vicillissent , il les laissent mourir
de faim .
Leurs Tentes sont infiniment mieux
imaginées que les nôtres , et garantissent
mieux du froid ; aussi aimerois je mieux
y loger que dans certaines maisons que
j'ai vûës ailleurs . On place le feu au beau
milieu de la Tente , et l'on pratique une
ouverture dans le toit , qui est façonné
en dôme , par où la fumée monte , et
quand il ne fume plus , on ferme l'ouverture
; de sorte qu'on s'y chauffe tout
aussi-bien que dans une maison . Ces Tentes
sont construites d'une espece de Feutre
, mais qui est six fois plus épais que
celui
AOUS T. 1733 1755
celui dont on fait nos chapeaux , ce qui
fait qu'on y est chaudement en hyver
et fraîchement en é é . Mais le malheur
est qu'elles sont si pesantes , que la plus
ordinaire fait la charge d'un Dromadaire,
car je n'ai point vŷ de Chameaux à une
bosse , et une bonne Tente , ou dix ou̟
douze personnes pourroient coucher , feroit
bien la charge de deux de ces animaux
. Le Kan est à present à 15. ou, 16,
lieues d'ici , avec 10000. Tentes , habitées
par ses Sujets ; je compte de l'aller
voir avant de quitter ce Pays,
Les Kalmuques ont un usage singulier
en fait d'hospitalité , quand un Etranger
vient chez eux , la marque la plus
ordinaire de leur distinction , c'est de
lui donner le choix de leurs femmes ou
de leurs filles , pour passer la nuit avec
celle qu'il trouve le plus à son gré. Les
femmes sont habillées de même que les
hommes , ce qui cause souvent qu'on
se méprend de Sexe. Ils n'ont d'autres ri
chesses que leur Bétail , dont ils font un
grand trafic avec les Rus es. Leurs Chevaux
ne sont pas beaux , mais ils sont
d'une vigueur surprenante , ils font 20,
ou 25. liües par jour sans se fatiguer,
Le meilleur Cheval du Pays se vend 4,
5. pistoles , et un Cheval ordinaire ne
vaus
1756 MERCURE DE FRANCE
vaut que 4. ou 5. écus ; il est cependant
difficile de dompter leur férocité natarelle
,
ils vont presque tous le pas naturellement.
Je viens d'acheter ici quel
ques- uns de leurs Arcs et de leurs Fleches
, et comme vous me mandez que
vous en avez des Indes Occidentales , j'en
troquerai volontiers deux contre un des
vôtres.
J'espere partir de ce Pays- cy dans 8.
ou 10. jouts , et de continuer mon voyage
par le Don jusqu'à Asoph , là je serai
voisin d'un Peuple poli , et de deux Peuples
barbares. Vous jugerez facilement
que par le premier , j'entends les Turcs ,
et que les deux autres sont les Tartares
de Krimée et ceux de Cuban , les uns
sont au Couchant du Don , les autres au
Levant. Si j'y vois quelque chose digne
de remarque , je ne manquerai pas de
Vous en faire part.
Vous trouverez cy - jointe un Lettre du
Baron de Wedel ; il avoit la fievre lorsqu'il
l'écrivit , c'est une espece de tribut
que tout Etranger doit à ce climat , lorsqu'il
arrive , mais on en est quitte pour
3. ou 4. accès. Il paroît par sa Lettre
qu'il alloit marcher contre quelques Kalmuques
qui refusoient de déferer aux ordres
du Kan .
J'ai
A O UST. 1733. 1757
J'ai acheté un petit Kalmuque qui est
d'une beauté parfaite , selon cux , il n'a
presque rien qui ressemble à un nez , excepté
les narinesses yeux ne sont ouverts
que de la largeur d'une paille. Il est d'un
teint couleut de caivre , couleur trèsestimée
parmi eux.; sçachant lire et écrire
sa Langue. Si vous en avez la moindre
envie , mandez - le- moi , et aussi - tôt
que je serai à Petersbourg , où je compte
d'arriver vers la fin de l'année , je le ferai
partir.
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Résumé : EXTRAIT d'une Lettre de Czaritien, contenant quelques Particularitez du Pays des Tartares Kalmuques.
L'auteur d'une lettre, écrite depuis Czaritien, décrit les particularités du pays des Tartares Kalmuques. Il a voyagé depuis Nova-Paulava jusqu'à Czaritien, une ville peuplée uniquement de Kalmuques et de dromadaires. Le territoire au-delà du Volga, s'étendant sur 2000 Woërtes vers l'Orient, est entièrement habité par les Kalmuques, qui sont sujets de l'Empire de Russie. Ils sont gouvernés par un Kan nommé par la Czarine, le Kan actuel étant le septième de cette lignée. Les Kalmuques sont des cavaliers experts, capables de mobiliser 200 000 combattants. Ils maîtrisent l'arc mais ignorent les armes à feu. Physiquement, ils présentent des traits asiatiques et se considèrent comme les descendants de Gengis Khan, bien que leur langue et leur écriture soient mogoles. Leur religion est dirigée par un Lama résidant en pays mogol. Ils pratiquent diverses formes de dévotion, utilisant des chapelets pour prier et croient en plusieurs sectes, certaines adorant des idoles, d'autres la peau d'un lièvre. Ils traitent leurs morts selon les quatre éléments : par le feu, l'eau, la terre ou l'air. L'hospitalité kalmuque inclut l'offre de leurs femmes ou filles aux étrangers. Leurs tentes, en feutre épais, sont adaptées au climat et transportables par des dromadaires. Ils possèdent des chevaux vigoureux mais difficiles à dompter. L'auteur prévoit de quitter le pays dans huit à dix jours pour continuer son voyage vers le Don, puis vers Azoph, où il rencontrera les Turcs, les Tartares de Crimée et ceux de Cuban. Il mentionne également une lettre du Baron de Wedel, souffrant de fièvre, et l'achat d'un jeune Kalmuque qu'il propose de vendre.
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9
p. 1757-1759
DEMOSTHENE ET LAIS. CONTE.
Début :
Corinthe vit une Jeune Beauté, [...]
Mots clefs :
Démosthène, Laïs, Amant, Financier, Somme, Corinthe, Avare, Talent, Orateur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DEMOSTHENE ET LAIS. CONTE.
DEMOSTHENE ET LAIS.
CONTE.
Corinthe vit une Jeune Beauté ,
Dont les appas faisoient bruit dans la Grece
Chez elle alloit la brillante Jeunesse ;
Plus d'un Amant en étoit enchanté ;
Pour peu qu'on eût le gousset argenté,
Qu'à pleines mains on jettât la richesse ,
Tenez pour sûr qu'on étoit écouté ;
Mais un Amant avare ou sans finance
Ne Lecevoit gracieuse audiance ,
Point de faveurs ; il étoit rebuté
Il avoit beau vaater son éloquence,
Son
1758 MERCURE DE FRANCE
Son bel esprit , ou bien sa qualité ,
On le traitoit avec sévérité ;
Car rien pour rien, en Grecé comme en France ,
C'est de tout temps un Proverbe usité ;
Un petit Maître en vain contoit fleurette ,
S'il n'ajoûtoit encor quelque bijou ;
De passemens s'il ne faisoit emplette ,
On le laissit morfondre tout son sou ;
Bref, telle étoit l'humeur de la Donzelle ;
Argent et dous faisoient tout son attrait ,
Le demeurant n'étoit que bagatelle ;
Qu'un Financier cût bien été son fait !
Un Financier admis chez une Belle ,
D'une faveur paye au double le prix ;
Il ne connoît ni dédains ni mépris ;
On le prévient , jamais sujet de plainte ,
Il est toujours chéri de son Aminthe ;
Trois fois heureux , mais il n'est pas permis ,
A tout Mortel d'arriver à Corinthe ;
On dit pourant que Démosthène épris ,
Des yeux vainqueurs de la jeune Laïs ,
C'étoit le nom de notre belle Infante )
Lui présenta requête suppliante ,
Pour ce qu'en France on paye en beaux Louis,
Or sçavez-vous ce que pour son offrande ,
Elle exigea de son illustre Amant ?
Vous donnerez , lui dit- elle , un talent ;
Un seul talent ! la somme n'est pas grande ;
Et
AOUST. 1733 : 1759
; Et je devrois vous en demander deux
Mais votre nom mérite quelque grace ;
Vous jugez bien que la somme embarrasse
Notre Rhéteur qui n'est pécunieux ;
Fournir ne peut à si grande largesse ;
Et renonçant au frivole plaisir ,
Non , répond- t-il à l'avare Maîtresse ,
Un Orateur nourri dans la sagesse ,
N'achepte pas si cher un repentir.
PIERRE DEFRASNA
CONTE.
Corinthe vit une Jeune Beauté ,
Dont les appas faisoient bruit dans la Grece
Chez elle alloit la brillante Jeunesse ;
Plus d'un Amant en étoit enchanté ;
Pour peu qu'on eût le gousset argenté,
Qu'à pleines mains on jettât la richesse ,
Tenez pour sûr qu'on étoit écouté ;
Mais un Amant avare ou sans finance
Ne Lecevoit gracieuse audiance ,
Point de faveurs ; il étoit rebuté
Il avoit beau vaater son éloquence,
Son
1758 MERCURE DE FRANCE
Son bel esprit , ou bien sa qualité ,
On le traitoit avec sévérité ;
Car rien pour rien, en Grecé comme en France ,
C'est de tout temps un Proverbe usité ;
Un petit Maître en vain contoit fleurette ,
S'il n'ajoûtoit encor quelque bijou ;
De passemens s'il ne faisoit emplette ,
On le laissit morfondre tout son sou ;
Bref, telle étoit l'humeur de la Donzelle ;
Argent et dous faisoient tout son attrait ,
Le demeurant n'étoit que bagatelle ;
Qu'un Financier cût bien été son fait !
Un Financier admis chez une Belle ,
D'une faveur paye au double le prix ;
Il ne connoît ni dédains ni mépris ;
On le prévient , jamais sujet de plainte ,
Il est toujours chéri de son Aminthe ;
Trois fois heureux , mais il n'est pas permis ,
A tout Mortel d'arriver à Corinthe ;
On dit pourant que Démosthène épris ,
Des yeux vainqueurs de la jeune Laïs ,
C'étoit le nom de notre belle Infante )
Lui présenta requête suppliante ,
Pour ce qu'en France on paye en beaux Louis,
Or sçavez-vous ce que pour son offrande ,
Elle exigea de son illustre Amant ?
Vous donnerez , lui dit- elle , un talent ;
Un seul talent ! la somme n'est pas grande ;
Et
AOUST. 1733 : 1759
; Et je devrois vous en demander deux
Mais votre nom mérite quelque grace ;
Vous jugez bien que la somme embarrasse
Notre Rhéteur qui n'est pécunieux ;
Fournir ne peut à si grande largesse ;
Et renonçant au frivole plaisir ,
Non , répond- t-il à l'avare Maîtresse ,
Un Orateur nourri dans la sagesse ,
N'achepte pas si cher un repentir.
PIERRE DEFRASNA
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Résumé : DEMOSTHENE ET LAIS. CONTE.
Le texte raconte l'histoire d'une jeune femme de Corinthe, Laïs, connue pour sa beauté et ses exigences financières. Elle accordait ses faveurs uniquement aux hommes riches et généreux, rejetant les autres malgré leurs qualités. Laïs demandait des présents coûteux en échange de son affection. Un financier, par exemple, devait payer cher pour obtenir ses faveurs et était toujours bien accueilli. Démosthène, un célèbre orateur, tomba amoureux de Laïs et lui fit une demande. Elle exigea un talent (une somme d'argent) en échange de ses faveurs. Démosthène, incapable de payer une telle somme, refusa, déclarant qu'un orateur sage ne devrait pas acheter un repentir à un tel prix.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 1759-1763
REMARQUES sur les Dictionaires.
Début :
La foule de Sçavans ou de Gens de Lettres avec vocation, ou sans talens, [...]
Mots clefs :
Dictionnaires, Ordre alphabétique, Dictionnaire, Fin, Table, Moréri, Matières
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REMARQUES sur les Dictionaires.
REMARQUES sur les Dictionaires.
LA
A foule de Sçavans ou de Gens de
Lettres avec vocation , ou sans talens,
nous inonde de Dictionaires en tous genres
. Outre les Dictionaires publics , chacun
s'en fait de particuliers,et se croit bien
avancé quand il a ramassé sur des Cartes
, ce qu'il a lû , et qu'il a commencé
à ranger par ordre alphabétique.
Toutes les idées , toutes les connoisşances
vont donc bien - tôt rouler sur cet
ordre alphabétique. On benit le siecle où
les Sciences sont devenues si aisées à l'aide
des Dictionaires. Mais quelqu'un a- t - il encore
pris garde qu'on donne trop
dans cet
ordre, et qu'il faudroit distinguer en quot
il est bon,et en quoi il est mauvais. Il est
D bon
1760 MERCURE DE FRANCE
bon à faire retrouver ce qu'on a perdu
il est fort secourable pour les ignorans ,
mais il ne les tire que pour un moment
de leur ignorance,
L'ordre de raison , tel qu'il se trouve ,
dans un Traité bien complet , divisé par
Livres et par Chapitres,selon les matietes
qu'il embrasse ,quand elles sont bien dígé
rées et subordonnées les unes aux autres ,
selon leur suite naturelle et essentielle ,
est bien préférable. Quelle comparaison
peut- on faire de ces deux ordres ? Il en
est de cela comme de ranger une Bibliotheque
par l'ordre des grandeurs , ou de
la relieure des Volumes , ou par l'ordre
des matieres , ajoutez à la fin d'un Trai
té complet, ou d'une Histoire, une Table
alphabétique des matieres , vous avez en
même- temps les deux , vous avez la commodité
du Dictionaire et l'avantage d'un
Traité complet , ou d'une Histoire que
vous pouvez lire de suite , en profiter et
la critiquer avec justesse.
: Le Dictionaire universel de Morery ;
qui a eu tant de succès , pourroit être refondu
suivant ce principe, sans consulter
aucun autre livre pour le recomposer ;
on pourroit des mêmes matériaux en former
une Histoire universelle , une Géographie
, une Histoire généalogique des
princiAOUST.
1733. 1761
principales Maisons , &c . et à la fin de
ces Traitez , une Table alphabétique des
matieres , avec des renvois au tome , à la
page et même à la ligne , vous donneroit
le même avantage que le Dictionaire, tel
qu'il est aujourd'hui.
leTexte pour
Peu de personnes peuvent lire le Dictionaire
de Bayle de suite; l'inversion des
temps,la confusion des personnages , dont
Bayle nous apprend des Anecdotes, l'incommodité
de couper leTexte pour descendre
aux Remarques , rebute souvent
d'une lecture si aimable d'ailleurs . Qui
empêcheroit d'en faire , comme on vient
de dire , du Morery , de refondre ce Dictionaire
, de restituer les Remarques dans
le Texte et d'en faire une histoire univer
selle des hommes les plus connus dans le
monde , par ordre de temps ou de dignité
des personnages , avec une Table generale
alphabétique à la fin ? Le Dictionaire
Oeconomique produiroit dans le même
goût une excellente Maison rustique. Les
Dictionaires des Langues mêmes , ausquels
l'ordre alphabétique paroît le plus
-affecté , seroient mis en Grammaire , ou
en Recueil de Racines des mots , rangez
suivant leurs usages comme de choses naturelles
, de meubles , de mets , de maladies
, &c. Il y a de ces Recueils de Ra-
Dij cines
1762 MERCURE DE FRANCE
-
cines rangez en cet ordre dans plusieurs
Grammaires. Par exemple , dans celle de
Veneroni ; cet ordre de raison contribue
à faire mieux retenir les choses qu'on lit
de suite, qu'on compare et dont on prend
une idée complette , et la Table alphabetique
de la fin présente l'utilité du Dictionaire.
On a depuis peu donné au public une
Bibliotheque des Théatres , où la justice de
mon reproche contre les Dictionaires, est
mise dans tout son jour ; on n'y a suivi
d'autre ordre que l'alphabétique,du commencement
à la fin , au lieu de ranger les
Piéces par oeuvres d'Auteurs , et ces Auteurs
selon leur temps ; par là nous cussions
eu une Histoire du Theatres une
Table à la fin auroit fait trouver commodement
les Piéces qu'on eûteu à chercher.
A la place de cet Ouvrage, on n'a entre
les mains qu'un Livre impossible à
lire de suite , et qui ne sera consulté que
quelquefois par fantaisie.
Il faut encore observer qu'en refondant
des Dictionaires dans l'ordre naturel et de
raison , on épargne beaucoup de répétitions
indispensables aux Dictionaires ; je
suis sûr que le Morery auroit un bon
quart de moins , et contiendroit les mêmes
choses dans l'ordre que je propose.
On
A CUST. 1733-1
1763
On pourra m'accuser de singularité
dans ce que je viens de dire , principalement
sur les Dictionaires des Langues ;
mais qu'on examine ceci sans préjugé, es
on goûtera ma nouveauté ; qui a le plus
a le moins je le répere ; dans l'ordre de
raison , avec la Table alphabétique à la
fin , on a les deux ; qui a un Dictionaire,
n'en a qu'une .
LA
A foule de Sçavans ou de Gens de
Lettres avec vocation , ou sans talens,
nous inonde de Dictionaires en tous genres
. Outre les Dictionaires publics , chacun
s'en fait de particuliers,et se croit bien
avancé quand il a ramassé sur des Cartes
, ce qu'il a lû , et qu'il a commencé
à ranger par ordre alphabétique.
Toutes les idées , toutes les connoisşances
vont donc bien - tôt rouler sur cet
ordre alphabétique. On benit le siecle où
les Sciences sont devenues si aisées à l'aide
des Dictionaires. Mais quelqu'un a- t - il encore
pris garde qu'on donne trop
dans cet
ordre, et qu'il faudroit distinguer en quot
il est bon,et en quoi il est mauvais. Il est
D bon
1760 MERCURE DE FRANCE
bon à faire retrouver ce qu'on a perdu
il est fort secourable pour les ignorans ,
mais il ne les tire que pour un moment
de leur ignorance,
L'ordre de raison , tel qu'il se trouve ,
dans un Traité bien complet , divisé par
Livres et par Chapitres,selon les matietes
qu'il embrasse ,quand elles sont bien dígé
rées et subordonnées les unes aux autres ,
selon leur suite naturelle et essentielle ,
est bien préférable. Quelle comparaison
peut- on faire de ces deux ordres ? Il en
est de cela comme de ranger une Bibliotheque
par l'ordre des grandeurs , ou de
la relieure des Volumes , ou par l'ordre
des matieres , ajoutez à la fin d'un Trai
té complet, ou d'une Histoire, une Table
alphabétique des matieres , vous avez en
même- temps les deux , vous avez la commodité
du Dictionaire et l'avantage d'un
Traité complet , ou d'une Histoire que
vous pouvez lire de suite , en profiter et
la critiquer avec justesse.
: Le Dictionaire universel de Morery ;
qui a eu tant de succès , pourroit être refondu
suivant ce principe, sans consulter
aucun autre livre pour le recomposer ;
on pourroit des mêmes matériaux en former
une Histoire universelle , une Géographie
, une Histoire généalogique des
princiAOUST.
1733. 1761
principales Maisons , &c . et à la fin de
ces Traitez , une Table alphabétique des
matieres , avec des renvois au tome , à la
page et même à la ligne , vous donneroit
le même avantage que le Dictionaire, tel
qu'il est aujourd'hui.
leTexte pour
Peu de personnes peuvent lire le Dictionaire
de Bayle de suite; l'inversion des
temps,la confusion des personnages , dont
Bayle nous apprend des Anecdotes, l'incommodité
de couper leTexte pour descendre
aux Remarques , rebute souvent
d'une lecture si aimable d'ailleurs . Qui
empêcheroit d'en faire , comme on vient
de dire , du Morery , de refondre ce Dictionaire
, de restituer les Remarques dans
le Texte et d'en faire une histoire univer
selle des hommes les plus connus dans le
monde , par ordre de temps ou de dignité
des personnages , avec une Table generale
alphabétique à la fin ? Le Dictionaire
Oeconomique produiroit dans le même
goût une excellente Maison rustique. Les
Dictionaires des Langues mêmes , ausquels
l'ordre alphabétique paroît le plus
-affecté , seroient mis en Grammaire , ou
en Recueil de Racines des mots , rangez
suivant leurs usages comme de choses naturelles
, de meubles , de mets , de maladies
, &c. Il y a de ces Recueils de Ra-
Dij cines
1762 MERCURE DE FRANCE
-
cines rangez en cet ordre dans plusieurs
Grammaires. Par exemple , dans celle de
Veneroni ; cet ordre de raison contribue
à faire mieux retenir les choses qu'on lit
de suite, qu'on compare et dont on prend
une idée complette , et la Table alphabetique
de la fin présente l'utilité du Dictionaire.
On a depuis peu donné au public une
Bibliotheque des Théatres , où la justice de
mon reproche contre les Dictionaires, est
mise dans tout son jour ; on n'y a suivi
d'autre ordre que l'alphabétique,du commencement
à la fin , au lieu de ranger les
Piéces par oeuvres d'Auteurs , et ces Auteurs
selon leur temps ; par là nous cussions
eu une Histoire du Theatres une
Table à la fin auroit fait trouver commodement
les Piéces qu'on eûteu à chercher.
A la place de cet Ouvrage, on n'a entre
les mains qu'un Livre impossible à
lire de suite , et qui ne sera consulté que
quelquefois par fantaisie.
Il faut encore observer qu'en refondant
des Dictionaires dans l'ordre naturel et de
raison , on épargne beaucoup de répétitions
indispensables aux Dictionaires ; je
suis sûr que le Morery auroit un bon
quart de moins , et contiendroit les mêmes
choses dans l'ordre que je propose.
On
A CUST. 1733-1
1763
On pourra m'accuser de singularité
dans ce que je viens de dire , principalement
sur les Dictionaires des Langues ;
mais qu'on examine ceci sans préjugé, es
on goûtera ma nouveauté ; qui a le plus
a le moins je le répere ; dans l'ordre de
raison , avec la Table alphabétique à la
fin , on a les deux ; qui a un Dictionaire,
n'en a qu'une .
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Résumé : REMARQUES sur les Dictionaires.
Le texte traite de la prolifération des dictionnaires et de leur organisation. Il met en avant l'utilité des dictionnaires alphabétiques pour retrouver des informations perdues et aider les ignorants, mais souligne que cette aide est temporaire. L'auteur privilégie l'ordre de raison, tel que trouvé dans les traités complets divisés par livres et chapitres, qui permet une compréhension plus approfondie et naturelle des sujets. Cette méthode est comparée à l'organisation d'une bibliothèque par matière plutôt que par taille ou reliure. L'auteur propose d'ajouter une table alphabétique à la fin des traités pour combiner les avantages des deux systèmes. Il suggère de refondre des dictionnaires comme celui de Morery en une histoire universelle ou une géographie, avec une table alphabétique pour faciliter la recherche. Le texte critique des ouvrages comme le dictionnaire de Bayle et la Bibliothèque des Théâtres pour leur organisation alphabétique, qui rend leur lecture difficile et peu pratique. L'auteur affirme que refondre les dictionnaires dans un ordre naturel réduirait les répétitions et améliorerait leur utilité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 1763
EPIGRAMME.
Début :
L'Amour, pour se loger chez l'aimable Uranie, [...]
Mots clefs :
Tabac, Uranie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPIGRAMME.
EPIGRAM ME.
'Amour , pour se loger chez l'aimable Uranic
·
Ayant fait mille fois d'inutiles efforts ,
Dans du Tabac de Virginie ,
Enveloppa son petit corps.
Bien-tôt à travers une rappe ,
En poudre menuë il s'échappes
Prête à le respirer délicieusement ,
Uranié à son nez le porte avidement ,
L'amour sourit. N'étoit son attente remplie ;
Hélas ! il le croit vainement
Uranie aime à la folie ;
Mais c'est le Tabac seulement.
'Amour , pour se loger chez l'aimable Uranic
·
Ayant fait mille fois d'inutiles efforts ,
Dans du Tabac de Virginie ,
Enveloppa son petit corps.
Bien-tôt à travers une rappe ,
En poudre menuë il s'échappes
Prête à le respirer délicieusement ,
Uranié à son nez le porte avidement ,
L'amour sourit. N'étoit son attente remplie ;
Hélas ! il le croit vainement
Uranie aime à la folie ;
Mais c'est le Tabac seulement.
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12
p. 1764-1771
LETTRE écrite d'Auxerre, à M.... sur cette expression : Faire le déposuit, et sur les Bâtons des Confreries.
Début :
Vous me marquez, Monsieur, la peine où vous êtes de comprendre [...]
Mots clefs :
Deposuit, Bâton, Confréries, Verset, Vêpres, Bâtons, Paris, Évêque, Magnificat, Règlement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite d'Auxerre, à M.... sur cette expression : Faire le déposuit, et sur les Bâtons des Confreries.
LETTRE écrite d'Auxerre , à M. ...
sur cette expression : Faire le déposuit ,
et sur les Bâtons des Confreries.
Ous me marquez , Monsieur , la
peine où vous êtes de comprendre
le sens d'un ancien Reglement de Saint
Jacques de l'Hôpital de Paris , dont on
vous afait voir une copie ; et quoique ce
Reglement n'ait que 230 ans ou environ ,
il contient , dites - vous , certains usages
que vous n'entendez pas , et dont vous
souhaiteriez avoir l'explication. Selon ce
Reglement le Crieur est tenu , avant la
» Fête Monseigneur S. Jacques , d'aller
>> par la Ville à tout sa Clochette , et ves-
» tu de son Corset , crier la Confrairie.
» Item , doit à chaque Pelerin et Peleri-
»> ne quatre épingles pour attacher les
» quatre Cornets des Mantelets des hom-
» mes et les Chapeaux de fleurs des Fem--
» mes ; les Pelerins au Cueur , les Peleri-
» nes hors le Cueur . Item , doit May et
herbes vertes pour la jonchée. Et après
le dîner on porte le Bâton au Cueur , et l'a
est le Trésorier , qui chante et fait le Dé-
» posuit. » Vous demandez ce que c'est
"'
» que
AOUST. 1733. 1765
que faire le Deposuit. On dit bien en
France : Faire le Pain - beni , faire la Saint
Martin . On disoit autrefois, faire les Anges
, faire les trois Maries ,faire le Defruc
in , et même faire les Rois , pour signifier
que trois Ecclesiastiques étoient habillez
en maniere de Rois le jour de l'Epiphanie.
Mais il n'étoit pas plus rare d'y faire
le Deposuit. Ce n'est que le non- usage
qui a fit perdre de vûë la signification
de ce langage . Je vous prie d'avoir attention
à la pénultiéme ligne du Reglement;
elle sert à donner le dénouement de la
cérémonie du Deposuit. ( On porte le Bâton
au Cueur. )
C'est que dans les Confreries , outre
l'Image du S. Patron , placée ordinairement
au dessus des Autels des Eglises ,
ou dans quelque niche , et qu'il est impossible
de transporter , il y en avoit une
petite , que chacun des Confreres étoit
tenu de conserver chez lui pendant un
an à tour de Rôle , et cette Image au retour
de la Fêre, chaque année , étoit mise
sur la Table des Trésoriers ou Receveurs
de la Confrerie, dans la Nef de l'Eglise ,
ou même au Vestibule ; et afiu qu'elle
ne fut pas portée rustiquement par les
rues , mais avec dignité , on avoit un Bâ
ton , orné et embelli selon le temps , au
D iiij
bout
1766 MERCURE DE FRANCE
bout duquel on la portoit élevée ; et même
depuis cette Image resta ainsi posée
sur le Bâton même , qu'on orna dans la
suite de Fuzeaux , garnis de Fleurs et de
Rubans , et on eut soin de la couvrir
d'un petit Plafond ou d'une Arcade en
forme de Coquille ..
Les Bâtons modernes des Chantres de
plusieurs Eglises sont des diminutifs de
ces Bâtons de Confreries pour la forme ; il
n'y a que dans quelques-unes que l'on a
conservé l'ancien usage de les terminer
en Pommeau , en figure d'Oiseau , ou en
bec de Corbin , sans mettre aucun Saint
dessus . Mais venons au Deposuit. Le Magnificat
des Vêpres étant commencé , રે
T'approche du Verset :Deposuit potentes de
sede celui qui avoit rendu ou rapporté
le Bâton , sortoit de Charge ; et à ces paroles
suivantes : Et exaltavit humiles, on
mettoit en place celui à qui c'étoit le tour
de le prendre. Il y avoit quelques variétez
là- dessus selon les Païs ; mais presque
dans toute la France on avoit imaginé
que ce Verset du Magnificat exprimeroit
fort bien la céremonie ; l'un descendoit
en sortant de charge , et l'autre
montoit en y entrant.
;
Il y avoit des Endroits où c'étoit aux
Prêtres à faire cette espece d'installation;
d'au
AOUST. 1733. 1767
d'autres , où celui qui quittoit le Bâton
le mettoit entre les mains de celui qui lui
succedoit. Il paroît qu'à S. Jacques de
l'Hôpital c'étoit le Trésorier qui installoit
le nouveau Bâtonnier , et qui déposoit
l'ancien , en chantant Deposuit , ou'
bien c'étoit celui qui rendoit le Bâton
qu'on appelloit du nom de Trésorier.
Mais en quelques sens que vous le preniez
, soit qu'il installât et mît en place
ou qu'il cedât seulement sa place à un
autre , cela s'appelloit faire le Deposuit..
Dans le Diocèse dont je suis , je sçai que,
jusques bien avant dans le dernier siécle
le Deposuit étoit un Verset si distingué
dans le Magnifieit des secondes Vêpres
d'une Confrerie , qu'aussi - tôt qu'on le
commençoit , celui qui finissoit son année
de Bâtonnier , mettoit le Bâton entre
les mains de celui qui entroit en Charge ,
et à l'instant on sortoit du Choeur et les
Confreres alloient conduire le Bâ:on et
le Bâtonnier jusques dans sa maison.
剩
De vous dire si le Clergé étoit de cette
Procession , c'est ce que je ne sçai pas :
A Paris c'étoit l'usage au milieu de l'avant-
dernier siécle ; mais j'ai reconnu
par un grand nombre d'Ordonnances
Episcopales, faites vers l'an 16 20 et 1622 .
qne l'on finissoit ces jours- là les Vêpres
D.v ex:
1768 MERCURE DE FRANCE
ex abrupto , à Deposuit inclusivement ;
ce qui fut condamné avec raison par
M. de Donadieu , noire Evêque , qui
prescrit de finir les Vêpres à l'ordinaire ;
ce mauvais usage de cesser l'Office à ce
Verset , et de ne le pas continuer , mais
d'entonner tout d'un coup le Te Deum ,
ne pouvoit venir que de la complaisance
de quelques Ecclesiastiques , qui pour un´
leger interêt s'avillissoient jusqu'à aller
conduire des Laïques chez eux , et rendoient
ainsi ces Larques les maîtres des
cérémonies ; de même qu'on a vu encore
de nos jours , des ignares et non - lettrez
qui ont osé s'immiscer de montrer les
Rubriques à leurs Prêtres , et de regler
P'Office divin à leur fantaisie.
Comme un abus invetéré ne peut être
aboli que peu à peu et par la suite du
temps , qu'arriva-t- il de ces deffenses ?
On acheva les Vêpres ; mais après qu'el
les furent dites , on recommençoit le Magnificat
de nouveau , pour faire la cérémonie
; et afin d'avoir occasion de chanter
ce Cantique en entier, on trouva qu'il
étoit plus à propos de ne délivrer le Bâvon
à celui qui devoit le prendre , qu'au
Verset : Suscepit Israël , mais c'étoit toujours
à Deposuit que se faisoit l'abdication
de la Charge du Bâtonnier précédent.
AOUST. 1733. 1769
dent. Voici les termes d'un des Statuts
Synodaux , du 6 May 1642. Nous avions
alors pour Evêque Pierre de Broc. Pendant
que les Baons de Confrerie seront exposez
pour être encheris , l'on ne chantera
Magnificat , et n'appliquera- t- on point ces
Versets Deposuit et Suscepit àla délivranse
d'iceux ; ains , on chantera quelque Antienne
et Répons avec l'Oraison propre en
bonneur du Saint duquel on celebre la fête.
Que l'usage de faire ainsi le Deposuit fur
ancien , c'est ce qui paroît par le Régle
ment d'une des plus anciennes Confrexies
que je connoisse. C'e t celle de la
Fête du premier Janvier , qu'on appelloit
en quelques li ux La Fête des Foux &
Eudes de Sully , Evêque de Paris , ne
voulant et n'osant peut-ut-être pas Fabolir
sout à fait , se contenta de lui prescrire
certaines bornes , er statua pour ce qui
étoit des secondes Vêpres , que le Verset
Deposuit seroit dit tout au plus cinq fois à
et que si le Bâton étoit p is par quel
qu'un , alors on insererot le Te Deum
dans les Vêpres qui seroient terminées
par celui qui les auroit commencées
Deposuit quinquies ad plus dicetur loco
suo , er , si captus fuerit baculus , finito Te
Deum , consummabuntur Vespera ab eo
quofuerant inchoata.
*...
D vj
Co
1770 MERCURE DE FRANCE
Ce Statut qui est de l'an 1198 nous ap
prend l'antiquité des Bâtons des Confre
ries ; mais il nous insinue en même tems
qu'à Paris l'usage avoit été jusqu'alors
de chanter le Verset Deposuit tout autant
de fois qu'il étoit necessaire , jusqu'à ce
que quelqu'un eut pris le Bâton. Le Re
glement de l'Evêque restraint ce nombre
à cinq fois , en supposant qu'il pouvoir
arriver que le Bâton ne fut pas pris ; mais
il permet , au cas qu'il soit accepté , que
ie Te Deum. soit placé dans les Vêpres en
action de graces. Il semble par cet exposé
, que faire alors le Deposuit , étoit de
présenter le Baton pendant qu'on chante
le Verset Deposuit. Je ne sçai si je vous
mets au fait de ce langage, comme j'y suis;
moi , qui dès ma jeunesse , ait été accou
tumé à entendre faire des encheres sur
ces Batons des Saints après l'Office fini .
Voilà , au reste , une espece de Baton à
inserer dans le Glossaire de M.du Cange,
sous le titre de Baculus Confratriarum ou
Festivitatum. J'ai été surpris de ne le pas
trouver dans la nouvelle Edition qui
vient de paroître , non plus que le Defructus
, dont j'ai donné une ample explication
dans le Mercure de Février
1726. pag. 218.-
Je ne suis pas sorti des limites de l'ang
cienne
AOUST. 1733- 1771
cienne Province de Sens , pour ne pas
trop m'étendre en remarques sur cet usage
de faire le Deposuit ; vous pourrez apprendre
dans la suite , quelle étoit la pra
tique de quelques autres Provinces . Voici
les termes des Staturs du Synode de Paris-
1557. que j'ai cité cy dessus : Baculorum
eum imaginibus conductum ad domos Late
corum cum turba Sacerdotum Laïcorum mimorum
districtè.. .inhibemus . (fol.1 . n.18 . ),
Le P. le Brun a paru croire dans son Livre
contre les Comédiens que l'on faisoit des
boufonneries de Théatre en ces sortes,
d'occasions ; mais , non ; il est seulement
vrai que pour la conduite de ces Batons , il
y avoit des Violons qui joüoient des airs
d'Eglise , et les Farceurs ne sont nommez
dans ce Statut , que parce que souvent on
se servoit d'eux pour enen jouer, mais alors
ils étoient habillez modestement et de la
même maniere que l'on a pû en voir en
certains Pays encore de nos jours , à la
Procession de la Fête-Dieu , avant que le
tems fut venu d'y regarder de plus près.
Je suis , Monsieur , & c.
Ce 10 Avril 1733 .
sur cette expression : Faire le déposuit ,
et sur les Bâtons des Confreries.
Ous me marquez , Monsieur , la
peine où vous êtes de comprendre
le sens d'un ancien Reglement de Saint
Jacques de l'Hôpital de Paris , dont on
vous afait voir une copie ; et quoique ce
Reglement n'ait que 230 ans ou environ ,
il contient , dites - vous , certains usages
que vous n'entendez pas , et dont vous
souhaiteriez avoir l'explication. Selon ce
Reglement le Crieur est tenu , avant la
» Fête Monseigneur S. Jacques , d'aller
>> par la Ville à tout sa Clochette , et ves-
» tu de son Corset , crier la Confrairie.
» Item , doit à chaque Pelerin et Peleri-
»> ne quatre épingles pour attacher les
» quatre Cornets des Mantelets des hom-
» mes et les Chapeaux de fleurs des Fem--
» mes ; les Pelerins au Cueur , les Peleri-
» nes hors le Cueur . Item , doit May et
herbes vertes pour la jonchée. Et après
le dîner on porte le Bâton au Cueur , et l'a
est le Trésorier , qui chante et fait le Dé-
» posuit. » Vous demandez ce que c'est
"'
» que
AOUST. 1733. 1765
que faire le Deposuit. On dit bien en
France : Faire le Pain - beni , faire la Saint
Martin . On disoit autrefois, faire les Anges
, faire les trois Maries ,faire le Defruc
in , et même faire les Rois , pour signifier
que trois Ecclesiastiques étoient habillez
en maniere de Rois le jour de l'Epiphanie.
Mais il n'étoit pas plus rare d'y faire
le Deposuit. Ce n'est que le non- usage
qui a fit perdre de vûë la signification
de ce langage . Je vous prie d'avoir attention
à la pénultiéme ligne du Reglement;
elle sert à donner le dénouement de la
cérémonie du Deposuit. ( On porte le Bâton
au Cueur. )
C'est que dans les Confreries , outre
l'Image du S. Patron , placée ordinairement
au dessus des Autels des Eglises ,
ou dans quelque niche , et qu'il est impossible
de transporter , il y en avoit une
petite , que chacun des Confreres étoit
tenu de conserver chez lui pendant un
an à tour de Rôle , et cette Image au retour
de la Fêre, chaque année , étoit mise
sur la Table des Trésoriers ou Receveurs
de la Confrerie, dans la Nef de l'Eglise ,
ou même au Vestibule ; et afiu qu'elle
ne fut pas portée rustiquement par les
rues , mais avec dignité , on avoit un Bâ
ton , orné et embelli selon le temps , au
D iiij
bout
1766 MERCURE DE FRANCE
bout duquel on la portoit élevée ; et même
depuis cette Image resta ainsi posée
sur le Bâton même , qu'on orna dans la
suite de Fuzeaux , garnis de Fleurs et de
Rubans , et on eut soin de la couvrir
d'un petit Plafond ou d'une Arcade en
forme de Coquille ..
Les Bâtons modernes des Chantres de
plusieurs Eglises sont des diminutifs de
ces Bâtons de Confreries pour la forme ; il
n'y a que dans quelques-unes que l'on a
conservé l'ancien usage de les terminer
en Pommeau , en figure d'Oiseau , ou en
bec de Corbin , sans mettre aucun Saint
dessus . Mais venons au Deposuit. Le Magnificat
des Vêpres étant commencé , રે
T'approche du Verset :Deposuit potentes de
sede celui qui avoit rendu ou rapporté
le Bâton , sortoit de Charge ; et à ces paroles
suivantes : Et exaltavit humiles, on
mettoit en place celui à qui c'étoit le tour
de le prendre. Il y avoit quelques variétez
là- dessus selon les Païs ; mais presque
dans toute la France on avoit imaginé
que ce Verset du Magnificat exprimeroit
fort bien la céremonie ; l'un descendoit
en sortant de charge , et l'autre
montoit en y entrant.
;
Il y avoit des Endroits où c'étoit aux
Prêtres à faire cette espece d'installation;
d'au
AOUST. 1733. 1767
d'autres , où celui qui quittoit le Bâton
le mettoit entre les mains de celui qui lui
succedoit. Il paroît qu'à S. Jacques de
l'Hôpital c'étoit le Trésorier qui installoit
le nouveau Bâtonnier , et qui déposoit
l'ancien , en chantant Deposuit , ou'
bien c'étoit celui qui rendoit le Bâton
qu'on appelloit du nom de Trésorier.
Mais en quelques sens que vous le preniez
, soit qu'il installât et mît en place
ou qu'il cedât seulement sa place à un
autre , cela s'appelloit faire le Deposuit..
Dans le Diocèse dont je suis , je sçai que,
jusques bien avant dans le dernier siécle
le Deposuit étoit un Verset si distingué
dans le Magnifieit des secondes Vêpres
d'une Confrerie , qu'aussi - tôt qu'on le
commençoit , celui qui finissoit son année
de Bâtonnier , mettoit le Bâton entre
les mains de celui qui entroit en Charge ,
et à l'instant on sortoit du Choeur et les
Confreres alloient conduire le Bâ:on et
le Bâtonnier jusques dans sa maison.
剩
De vous dire si le Clergé étoit de cette
Procession , c'est ce que je ne sçai pas :
A Paris c'étoit l'usage au milieu de l'avant-
dernier siécle ; mais j'ai reconnu
par un grand nombre d'Ordonnances
Episcopales, faites vers l'an 16 20 et 1622 .
qne l'on finissoit ces jours- là les Vêpres
D.v ex:
1768 MERCURE DE FRANCE
ex abrupto , à Deposuit inclusivement ;
ce qui fut condamné avec raison par
M. de Donadieu , noire Evêque , qui
prescrit de finir les Vêpres à l'ordinaire ;
ce mauvais usage de cesser l'Office à ce
Verset , et de ne le pas continuer , mais
d'entonner tout d'un coup le Te Deum ,
ne pouvoit venir que de la complaisance
de quelques Ecclesiastiques , qui pour un´
leger interêt s'avillissoient jusqu'à aller
conduire des Laïques chez eux , et rendoient
ainsi ces Larques les maîtres des
cérémonies ; de même qu'on a vu encore
de nos jours , des ignares et non - lettrez
qui ont osé s'immiscer de montrer les
Rubriques à leurs Prêtres , et de regler
P'Office divin à leur fantaisie.
Comme un abus invetéré ne peut être
aboli que peu à peu et par la suite du
temps , qu'arriva-t- il de ces deffenses ?
On acheva les Vêpres ; mais après qu'el
les furent dites , on recommençoit le Magnificat
de nouveau , pour faire la cérémonie
; et afin d'avoir occasion de chanter
ce Cantique en entier, on trouva qu'il
étoit plus à propos de ne délivrer le Bâvon
à celui qui devoit le prendre , qu'au
Verset : Suscepit Israël , mais c'étoit toujours
à Deposuit que se faisoit l'abdication
de la Charge du Bâtonnier précédent.
AOUST. 1733. 1769
dent. Voici les termes d'un des Statuts
Synodaux , du 6 May 1642. Nous avions
alors pour Evêque Pierre de Broc. Pendant
que les Baons de Confrerie seront exposez
pour être encheris , l'on ne chantera
Magnificat , et n'appliquera- t- on point ces
Versets Deposuit et Suscepit àla délivranse
d'iceux ; ains , on chantera quelque Antienne
et Répons avec l'Oraison propre en
bonneur du Saint duquel on celebre la fête.
Que l'usage de faire ainsi le Deposuit fur
ancien , c'est ce qui paroît par le Régle
ment d'une des plus anciennes Confrexies
que je connoisse. C'e t celle de la
Fête du premier Janvier , qu'on appelloit
en quelques li ux La Fête des Foux &
Eudes de Sully , Evêque de Paris , ne
voulant et n'osant peut-ut-être pas Fabolir
sout à fait , se contenta de lui prescrire
certaines bornes , er statua pour ce qui
étoit des secondes Vêpres , que le Verset
Deposuit seroit dit tout au plus cinq fois à
et que si le Bâton étoit p is par quel
qu'un , alors on insererot le Te Deum
dans les Vêpres qui seroient terminées
par celui qui les auroit commencées
Deposuit quinquies ad plus dicetur loco
suo , er , si captus fuerit baculus , finito Te
Deum , consummabuntur Vespera ab eo
quofuerant inchoata.
*...
D vj
Co
1770 MERCURE DE FRANCE
Ce Statut qui est de l'an 1198 nous ap
prend l'antiquité des Bâtons des Confre
ries ; mais il nous insinue en même tems
qu'à Paris l'usage avoit été jusqu'alors
de chanter le Verset Deposuit tout autant
de fois qu'il étoit necessaire , jusqu'à ce
que quelqu'un eut pris le Bâton. Le Re
glement de l'Evêque restraint ce nombre
à cinq fois , en supposant qu'il pouvoir
arriver que le Bâton ne fut pas pris ; mais
il permet , au cas qu'il soit accepté , que
ie Te Deum. soit placé dans les Vêpres en
action de graces. Il semble par cet exposé
, que faire alors le Deposuit , étoit de
présenter le Baton pendant qu'on chante
le Verset Deposuit. Je ne sçai si je vous
mets au fait de ce langage, comme j'y suis;
moi , qui dès ma jeunesse , ait été accou
tumé à entendre faire des encheres sur
ces Batons des Saints après l'Office fini .
Voilà , au reste , une espece de Baton à
inserer dans le Glossaire de M.du Cange,
sous le titre de Baculus Confratriarum ou
Festivitatum. J'ai été surpris de ne le pas
trouver dans la nouvelle Edition qui
vient de paroître , non plus que le Defructus
, dont j'ai donné une ample explication
dans le Mercure de Février
1726. pag. 218.-
Je ne suis pas sorti des limites de l'ang
cienne
AOUST. 1733- 1771
cienne Province de Sens , pour ne pas
trop m'étendre en remarques sur cet usage
de faire le Deposuit ; vous pourrez apprendre
dans la suite , quelle étoit la pra
tique de quelques autres Provinces . Voici
les termes des Staturs du Synode de Paris-
1557. que j'ai cité cy dessus : Baculorum
eum imaginibus conductum ad domos Late
corum cum turba Sacerdotum Laïcorum mimorum
districtè.. .inhibemus . (fol.1 . n.18 . ),
Le P. le Brun a paru croire dans son Livre
contre les Comédiens que l'on faisoit des
boufonneries de Théatre en ces sortes,
d'occasions ; mais , non ; il est seulement
vrai que pour la conduite de ces Batons , il
y avoit des Violons qui joüoient des airs
d'Eglise , et les Farceurs ne sont nommez
dans ce Statut , que parce que souvent on
se servoit d'eux pour enen jouer, mais alors
ils étoient habillez modestement et de la
même maniere que l'on a pû en voir en
certains Pays encore de nos jours , à la
Procession de la Fête-Dieu , avant que le
tems fut venu d'y regarder de plus près.
Je suis , Monsieur , & c.
Ce 10 Avril 1733 .
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Résumé : LETTRE écrite d'Auxerre, à M.... sur cette expression : Faire le déposuit, et sur les Bâtons des Confreries.
En août 1733, une lettre rédigée à Auxerre répond à une demande d'explication sur un ancien règlement de la confrérie de Saint-Jacques de l'Hôpital de Paris, daté d'environ 230 ans plus tôt. Ce règlement décrit plusieurs pratiques, notamment le rôle du crieur avant la fête de Saint-Jacques, la distribution d'épingles aux pèlerins, et la préparation de jonchées pour la cérémonie. La lettre se concentre principalement sur l'explication de l'expression 'faire le déposuit,' une cérémonie où le bâton de la confrérie est porté au cœur de l'église. Ce bâton, souvent orné et surmonté d'une image sainte, est transmis d'un confrère à un autre lors du verset 'Deposuit' du Magnificat des vêpres. Cette cérémonie marque la fin du mandat d'un confrère et l'entrée en fonction d'un nouveau. La lettre mentionne également les variations de cette pratique selon les régions et les époques, soulignant l'antiquité et la diversité des usages associés aux bâtons des confréries.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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13
p. 1772-1774
IMITATION de la XXIIe Ode d'Horace, liv. I. Integer vitae, &c.
Début :
Loin celui qui dans le vice, [...]
Mots clefs :
Horace, Terreur, Rage, Bois, Pallas, Guide, Méprise
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texteReconnaissance textuelle : IMITATION de la XXIIe Ode d'Horace, liv. I. Integer vitae, &c.
IMITATION de la XXII Ode
d'Horace , liv. I.
Integer vita , & c.
Loin celui qui dans le vice
A passé ses plus beaux jours ;
Celui qui de l'injustice ,
A pratiqué les détours ;
Les Cyclopes effroyables
Dans leurs antres redoutables ,
Pour lui forgent mille traits ,
Qu'il arme sa main perfide ,
D'un Javelot homicide ,
Pour s'assurer ses forfaits.
▸
Celui qui de l'innocence ,
Suivit toujours le sentier ,
N'a besoin pour sa deffense ,
De Dard ni de Bouclier ;
も
Sa vertu lui sert d'Ægide ,
La sage Pallas son guide ,
Toujours le conduit au Port ;
Et d'une main salutaire
La sagesse qui l'éclaire ,
L'arrache aux coups
ì....
•
de la mort
Sans
AOUST. 1733 . 3773
Sans armes , seul et tranquille ,
Je m'égarois dans le Bois ,
Je chantois ; l'Echo docile ,
Rendoit les sons de ma voix ,
Que vois- je ? En ce lieu sauvage ,
Un Loup guidé par sa rage ,
Porte par tout la terreur ;
Pour moi l'Esperance est vaine ,
Ou fuir ! Ma perte est certaine
Dieux, prévenez mon malheur.
2
Prodige! heureuse méprise !
Il retourne sur ses pas ;
Est-ce une vaine surprise ,
Pour m'arracher au trépasz
Pallas vient sur une nuë ,
Je me rassure à sa vuë ,
Mortel , fidele à mes Loix ,
Dit-elle C'est le seul sage ,
Qui triomphe de la rage ,
Des Loups , habitans des Bois.
*
Loin la terreur au tein pâle.
Jaffronte tous les revers
Que la fureur infernale
Prépare pour mai des fers ;
Que
1974 MERCURE DE FRANCE
Que l'air gronde sur ma tête ,
Je méprise la tempête ;
Que la Mer ouvre son sein
Au milieu de cet abîme' ,
Un coeur exempt de tout crime
Est ferme comme l'airain .
Par P. D. C
d'Horace , liv. I.
Integer vita , & c.
Loin celui qui dans le vice
A passé ses plus beaux jours ;
Celui qui de l'injustice ,
A pratiqué les détours ;
Les Cyclopes effroyables
Dans leurs antres redoutables ,
Pour lui forgent mille traits ,
Qu'il arme sa main perfide ,
D'un Javelot homicide ,
Pour s'assurer ses forfaits.
▸
Celui qui de l'innocence ,
Suivit toujours le sentier ,
N'a besoin pour sa deffense ,
De Dard ni de Bouclier ;
も
Sa vertu lui sert d'Ægide ,
La sage Pallas son guide ,
Toujours le conduit au Port ;
Et d'une main salutaire
La sagesse qui l'éclaire ,
L'arrache aux coups
ì....
•
de la mort
Sans
AOUST. 1733 . 3773
Sans armes , seul et tranquille ,
Je m'égarois dans le Bois ,
Je chantois ; l'Echo docile ,
Rendoit les sons de ma voix ,
Que vois- je ? En ce lieu sauvage ,
Un Loup guidé par sa rage ,
Porte par tout la terreur ;
Pour moi l'Esperance est vaine ,
Ou fuir ! Ma perte est certaine
Dieux, prévenez mon malheur.
2
Prodige! heureuse méprise !
Il retourne sur ses pas ;
Est-ce une vaine surprise ,
Pour m'arracher au trépasz
Pallas vient sur une nuë ,
Je me rassure à sa vuë ,
Mortel , fidele à mes Loix ,
Dit-elle C'est le seul sage ,
Qui triomphe de la rage ,
Des Loups , habitans des Bois.
*
Loin la terreur au tein pâle.
Jaffronte tous les revers
Que la fureur infernale
Prépare pour mai des fers ;
Que
1974 MERCURE DE FRANCE
Que l'air gronde sur ma tête ,
Je méprise la tempête ;
Que la Mer ouvre son sein
Au milieu de cet abîme' ,
Un coeur exempt de tout crime
Est ferme comme l'airain .
Par P. D. C
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Résumé : IMITATION de la XXIIe Ode d'Horace, liv. I. Integer vitae, &c.
Le texte imite la XXII Ode d'Horace, intitulée 'Integer vita', et oppose deux types d'individus : ceux qui vivent dans le vice et l'injustice, et ceux qui suivent le chemin de l'innocence et de la vertu. Les premiers sont menacés par des forces maléfiques, symbolisées par les Cyclopes, qui forgent des armes pour assurer leurs forfaits. Les seconds, protégés par leur vertu et guidés par la sagesse, n'ont besoin d'aucune défense matérielle. Le narrateur, se promenant seul dans un bois, rencontre un loup enragé et invoque les dieux pour éviter le danger. Le loup recule et la déesse Pallas apparaît, confirmant que seul le sage triomphe des dangers. Le narrateur exprime sa confiance en sa propre innocence, affirmant qu'il peut affronter toutes les adversités, qu'elles viennent des éléments naturels ou des forces maléfiques. Un cœur exempt de tout crime est comparé à l'airain pour sa fermeté.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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14
p. 1774-1787
LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. l'Abbé Foubert, Docteur de Sorbonne, au sujet d'une Prophetie attribuée au Roy David.
Début :
La difficulté que je vous ai proposée, Monsieur, il y a quelque temps, et [...]
Mots clefs :
Texte hébreu, Septante, Anciens, Paroles, Église, Calmet, Version, Auteur, Psautier, David, Vulgate, Génébrard, Justin, Verset, Hymne, Leçon
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. l'Abbé Foubert, Docteur de Sorbonne, au sujet d'une Prophetie attribuée au Roy David.
LETTRE de M. D. L. R. écrite à:
M.l'Abbé Foubert , Docteur de Sorbonne,
au sujet d'une Prophetie attribuée au
Roy David.
1
LA
A difficulté que je vous ai proposée,
y a et
Monsieur , il y a quelque temps ,
que vos occupations ne vous permirent
pas alors de me résoudre , a fait le sujet
de quelques recherches de ma part ; vous.
me demandez ce que j'ai appris là- dessus
; la demande ne sçauroit venir plus
propos ; car d'un côté je suis en état
de vous rendre quelque compte , et de
l'autre nous voila dans le temps où l'Eglise
a commencé de chanter l'Hymne
respectable qui a donné lieu à la diffi
• à
culté .
Il s'agit , comme vous sçavez , d'accorder:
A O UST. 1733. 1775
der l'exacte verité avec les paroles de la
strophe que voici de l'Hymne Vexilla
Regis , &c.
Impleta sunt qua concinit
Davidfideli carmine "
Dicens in Nationibus ,
Regnavit à ligno Deus.
David , selon le pieux Auteur de l'Hym
ne , a donc chanté prophétiquement dans
ses Pseaumes que J. C. regneroit par le
Bois de la Croix , et c'est , Monsieur , ce
que d'abord j'ai été chercher dans ces sacrez
Cantiques dans la Vulgate , ne me
souvenant pas d'y avoir jamais lû rien
de pareil. Il est vrai que dans le Pseaume
XCV. Verset 10. on trouve ces paroles ,
dicite in gentibus quia Dominus regnavit
et rien davantage. Est- ce assez pour attribuer
à David la Prophétie en question?
Cependant c'est Fortunat , Evêque de
Poitiers , selon la plus commune opinion ,
qui a composé cet Hymne au vi . sie
cle , et il y a preuve qu'on l'a chanté en
France , au moins dès le IX.
Comme tout le monde n'a pas chez
soi une Bibliotheque , je n'ai pas été en
état d'abord de voir dans les sources ce
qui peut avoir donné lieu aux paroles de
Fortunat , mais j'ai tiré de Genebrard ,
dont
1776 MERCURE DE FRANCE
dont j'ai le Pseautier dans mon Cabinet ,
autant de lumieres qu'il m'en falloit pour
commencer au moins d'éclaircir ma dif
ficulté.
Vous sçavez que Genebrard , sçavant
Benedictin Docteur de Paris , Professeur
des Langues Saintes au College Royal ,
puis Archevêque d'Aix , a donné une Edition
des Pacaumes , selon la Vulgate, qu'il
a accompagnée de sçavans Commentaires
, Ouvrage dont il étoit plus capable
qu'un autre , et dont il y a eu cinq Editions.
La mienne est d'Anvers 1592. et
toute la derniere ,
Son Commentaire sur ce 10. Verset
du Pseaume 95. est assez long et rempli
d'une pieuse érudition . Voici le précis
de ce qui regarde notre Question . Genebrard
convient que regnavu à ligno n'est
point dans le Texte Hebreu ; mais il prétend
que les Septante l'ont ajoûté par
an esprit prophétique , en traduisant ce
Verset , trois cent ans avant J. C. c'est
ainsi , dit-il , que les Anciens l'ont tou
jours cité , sçavoir , S. Justin Martyr, Lactance
, Tertullien , Arnobe , S. Augustin,
Cassiodore, Théodulphe, (4 ) le Pseautier
Romain , &c. c'étoit , selon lui , la ma
(a) Théodulphe , Evêque d'Orleans , auquel on
attribuë aussi l'Hymne de la Passion.
niere
A O UST. 17335 1777
niere des Anciens , en traduisant l'Ecri
ture , d'insérer quelques mots , en passant
, pour servir à l'intelligence de ce
que la Lettre renferme de mysterieux.
c'est ainsi , continue- t'il , qu'en ont souvent
usé Jonathan et Onkelos , qui pour
cela même ne sont pas tant appellez Traducteurs
que Paraphrastes Chaldéens , en
quoi ils ont été imitcz par les Septante..
Genebrard donne ensuite quelques exemples
de cette maniere de traduire des
Septante , pour éclairer davantage le
Texte , et il paroît si persuadé de ce sentiment
, qu'il traite d'imprudence et de
témerité d'avoir retranché à ligno des
Exemplaires qui ont suivi , ces paroles
ayant , dit- il , été inspirées (a) par le
S. Esprit à ces très saints Prophetes ,
Traducteurs des Livres Sacrez. Il accuse
de ce retranchement les Juifs , comme
S. Justin le leur a effectivement reproché
, ou quelques demi sçavans , pour,
faire montre de leur capacité dans la
Langue Hébraïque , et pour critiquer les
Septante , ce qu'il appelle une vanité et
une méchanceté dont on ne voit , dit- il ,
(a) Male ergo has duas Voculas è nostris Exemplaribus
, qua de industria et per Spiritum Sanctum
a sanctissimis
his Prophetis fuerant interjecta sustlerunt
, sive Judai, &c. Genebr.
que
1778 MERCURE DE FRANCE
que trop d'exemples . Il finit en soute
mant la nécessité de cette Leçon , et en
l'expliquant d'une maniere plausible et
toujours édifiante par rapport à l'appli
cation qu'il en fait.
Je crois , Monsieur qu'en voilà autant
qu'il en faut pour justifier , du moins
pour autoriser l'Auteur de l'Hymne Ve
xilla Regis , d'avoir cité David avec l'addition
à ligno , qui a tant de Deffenseurs
et de si illustres Garants . Mais est- ce
assez , encore une fois , en bonne crititique
pour admettre des paroles qui ne
se trouvent ni dans le Texte Hébreu
qui est l'original , ni dans les Exemplaires
que nous avons aujourd'hui de la
Version des Septante , premiers Auteurs ,
selon Genebrard , de cette Addition ? Ce
qui , à vous dire le vrai , me paroît un
peu embarassant. Vous sçavez qu'on ne
peut jamais prescrire contre la verité
c'est un des plus beaux mots (a) de Tertullien
et une maxime certaine. Vous sçavez
aussi que la Mort du Messie est assez marquée
dans les Prophetes , dans David même
, qui en est lui- même une figure , sans
qu'il soit besoin de la caractériser ici
(a) Veritati nemo prascribere potest , non spatium
temporum , non patrocinia personarum , non privil
Begium regionum . Lib. de Velan. Virginib.
Par
JUILLET. 17337 1779
par des termes qui ne se trouvent pas
dans le Texte original .
it
A
i. Cela supposé , je crois qu'on peut en-
Gore reclamer en faveur de la verité contre
l'addition ou la glose attribuée aux
Septante , que je ne sçaurois encore bien
me persuader venir de la plume de ces
fameux Interpretes ; mais je n'ai pas envie
, Monsieur , pour constater ce fait ,
du moins pour l'éclaircir , d'aller m'enfoncer
dans une Bibliotheque avec une
foule d'Interpretes , de Commentateurs
de Critiques , qui peut- être , après avoir
employé bien du temps , me laisseroient
encore dans le doute où je suis. Je vous
défere cette pénible entreprise , comme
vous convenant mieux qu'à moy , et je
me contente de joindre à ce que j'ai déja
eu l'honneur de vous dire , quelques Remarques
d'un Critique moderne sur le
sujet en question , qui m'ont parâ avoir
de la solidité. Ce Critique est Dom Augustin
Calmet , Auteur d'un Commenraire
Litteral sur tous les Livres de l'Ancien
et du Nouveau Testament , dont
les premiers Volumes ont parû au commencement
de ce siecle. Vous connoissez
Get Ouvrage et vous pouvez en juger
mieux qu'un autre. Pour moi je fais un
sas particulier de son travail sur les Pseaumés,
1780 MERCURE DE FRANCE
mes. Ce Livre publié en 1713. 2. vol. in
4. chez Emery , a mérité l'Approbation
d'un ( 4 ) de vos illustres Confreres , qui
nous assure que les Explications de l'Auteur
, tirées des S S. Peres et des meilleurs
Interpretes , contribuent beaucoup à faire
entendre ce qu'il y a de plus difficile
et de plus obscur dans ce Livre divin .
Dom Calmet , après avoir rapporté le
Verset en question , Commoveatur ....
Dicite in gentibus quia Dominus regnavit
du XCV . Pseaume , et rapporte aussi un
Passage des Paralipomenes , parallele à
ce Verset pour le sens , mais un peu different
pour les expressions , fait voir qu'il
y a là -dessus dans les anciens Peres et
dans quelques anciens Pseautiers , une varieté
encore plus grande et bien plus importante
, qui est de lire regnavit à ligno ,
et il ajoûte aux autoritez citées par Genebrard
, celles de S. Léon Pape , de
l'Auteur de l'Opuscule des Montagnes de
Sina et de Sion. Sous le nom de S. Cyprien
, le Pseautier Gotique, celui de saint.
Germain des Prez , celui de Chartres , tous
Monumens où on lit , Dominus regnavit
àligno. Le P. Calmet auroit pû ajoûter
que cette Leçon se trouve aussi dansa
(a) M. Pastel, Docteur et ancien Professeur
orbonne.
Version
A O UST. 1733. 1781
Version Italique de l'Ecriture , faite sur
le Grec dès le siécle des Apôtres , et dont
toute l'Eglise Latine s'est servie jusqu'à
la Version de S. Jérôme , l'Eglise de Ro
me n'en ayant point eû d'autre dans l'Office
public , jusqu'au Pontificat de Pie V.
qui fit recevoir la Vulgate dans Rome.
C'est D. Calmet * même qui nous donne
cette instruction ; or cette ancienne Version
Italique , publiée de nouveau à
Rome en 1683. par le Cardinal Thomasi,
porte aussi Dominus regnavit à ligno.
Pour ne rien oublier , s'il est possible,
sur ce sujet , notre habile Commentateur
rapporte jusqu'à une conjecture proposée
par Agellius ; sçavoir , que les anciens
Textes Hébreux , au moins dans quelques
Livres , au lieu de Aph , que nous
lisons aujourd'hui après Malac, il a regné,
lisoient He du bois ; ce qui auroit donné
lieu aux Septante de traduire par : Le
Seigneur a regné par le bois . Leçon qui a
subsisté pendant quelques siecles , jusqu'à
ce que les Sçavans en Hébreu s'étant apperçus
que cela ne s'accordoit pas avec
le vrai Original , ils la retrancherent et
conserverent etenim , du . suivant , qui .
répond à Aph de l'Hébreu . Conjecture®
Dissert, sur le Texte et sur les anciennes V´ersions
des Pseaumes. Art. III . p. xxv.
assez
1782 MERCURE DE FRANCE
assez foible et assez mal appuyée , dit
D. Calmet , qui ouvre enfin son sentiment
particulier , et raisonne ainsi sur la
glose en question.
Si cette Leçon étoit autrefois géneralement
dans tous les Exemplaires des Septante
et dans les premieres Traductions.
Latines qui furent faites à l'usage des
Chrétiens , comment ceux - ci ont- ils si
facilement abandonné un Texte qui leur
étoit si favorable ? Si ce sont les Juifs
qui ont fait ce retranchement , pourquoi
les Chrétiens ont- ils eu pour eux la condescendance
d'admettre leur correction
dans leurs Exemplaires. Enfin si quelque
demi sçavant a pû êter de son Livre à
ligno , comment a- t'il pû faire le même
changement dans tous les Exemplaires
du Monde ?
Ces paroles ne sont en effet ni dans
PHébreu, ni dans le Chaldaique , ni dans
le Syriaque , ni dans les anciennes Versions
Grecques , faites sur l'Hébreu , ni
dans la Vulgate , l'Arabe et l'Ethiopienne,
faites sur les Septante ; ni dans la
Version de S. Jerôme , faite sur l'Hebreu.
Personne , que je sçache , continue Dom
Calmet , n'a accusé les Juifs d'avoir ôté
ces termes de leurs Exemplaires Hébreus
on ne les y trouve ni ici , ni dans le
passage
A O UST. 1733. 1783
passage parallele des Paralipomenes. Depuis
S. Justin on ne les a point vûs dans
les Septante.
N'est- il donc pas bien plus probable , com .
me le veut le Févre d'Estaples , et après
lui Justiniani , de Muis et quelques - autres
, que ces paroles à ligno , ayant été
mises par quelqu'un sur la marge de son
Pseautier , à l'endroit de regnavit , furent
ensuite inconsidérément fourrées dans le
Texte ; d'où enfin elles ont été bannies ,
parce qu'on a reconnu qu'elles n'étoient
ni dans les sources hébraïques , ni dans
les anciennes Versions des Grecs .
Il y a beaucoup d'apparence , ajoûtet'il
, que les Hexaples d'Origene servic
rent à arrêter le cours de cette maniere
de lire , en montrant qu'elle n'étoit fondée
ni dans le Texte Hébreu , ni dans
aucune Version ; et en effet , dit D. Calmet
en finissant , je ne sçache que saint
Justin le Martyr parmi les Grecs , qui
l'ait suivie ; tous les autres Peres , qui
ont vécu depuis Origene , et qui sont
en très - grand nombre , ne faisant pas
même mention de cette Leçon . Si elle
subsista plus long- temps parmi les Latins,
c'est que les Hexaples y furent moins
connues et qu'on étoit moins en état de reconnoître
l'erreur de cette Glose ajoutée, et ,
Ε inserée
1984 MERCURE DE FRANCE
inserée dans le Texte , par l'inspection
des Originaux .
Je crois , Monsieur, que ce raisonnement
et la conséquence vous paroîtront
justes. Il peut cependant rester un scrupule
là- dessus , c'est que si d'un côté les
Peres Grecs , à l'exception de S. Justin ,
n'ont point admis , n'ont pas même connû
la glose à ligno ; d'un autre côté l'E
glise Romaine l'a non - seulement admise,
mais elle l'a en quelque façon consacrée ,
en la chantant universellement par tout
dans son Office public , comme elle fait
depuis plus de 700. ans.
On pourroit opposer d'abord à cette
difficulté la grande maxime de Tertullien
, déja rapportée ; mais j'estime qu'il
est plus naturel de la concilier par l'autorité
de S. Jérôme , que vous trouverez ,
je crois , formelle et venir expressément
au sujet que nous traitons . Elle se trou-
·
* Outre S. Justin , on pourroit croire que Les
Heretiques dont il est parlé dans Origane , L. VI,
P. 298. contre Celse , faisoient allusion à ce Passage,
repetant sans cesse dans leurs Ecrits ces paroles
: Ubique autem illic lignum vitæ et Resurrec
tio carnis à ligno. Et en remontant encore plus
haut , l'Auteur de l'Epitre attribuée à S. Barnabé
pouvoit avoir en vûë ce même Passage, lorsqu'il dit.
Regnum Jesu in ligno extitit βασιλεία τοῦ Ἰησοῦ
καὶ τῷ ξύλω,
ve
A OUST. 1733 1785
ve dans l'Epitre à Sunia et à Fréteila
qui est toute remplie de varietez de Leçons
et de Remarques critiques sur le
Texte des Septante et sur la Vulgate. C'est
dans cette Lettre que le S. Docteur propose
une belle Regle dont l'application
se fait ici naturellement. Ilfaut , dit- il ,
réciter et chanter les Pseaumes ainsi que
Eglise les chante , mais aussi il faut sçavoir
, autant que l'on peut , ce que porte
le Texte Hébreu , et qu'autre chose est ce
qu'il faut chanter dans l'Eglise , par respect
pour l'Antiquité ; et autre chose , ce
qu'il faut sçavoir pour la parfaite intelligence
des Ecritures.
Le même S. Docteur qui a proposé cett
Regle , se plaint cependant qu'après avoi
corrigé le Pseautier de l'ancienne Vulgate
qui étoit fort altérée , par l'ordre du
Pape Damase , l'ancienne erreur eût plus
de force qu'à sa nouvelle réformation
plus antiquum errorem , quàm novam emendationem
valere , tant il est difficile d'abolir
certaines choses quand elles ont été
* Sic omninò psallendum ut fit in Ecclesia : es
tamen sciendum quid Hebraica veritas habeat :
atque aliud esse propter vetustatem in Ecclesia
decantandum , aliud sciendum propter eruditionem
scripturarum. S. Hyeron. Epist, ad Sun. es
Fretell.
Eij en
1736 MERCURE DE FRANCE .
en quelque façon consacrées par leur antiquité.
Je finis , .Monsieur , en soumettant à
vos lumieres tout ce que je viens de vous
exposer , et en vous exhortant d'étudier
vous-même cette matiere pour l'éclaircir
encore davantage. Vous trouverez un trèsbeau
Pseautier dans votre Bibliotheque de
Sorbonne, c'est un des plus anciens Manuscrits
de ce genre et des plus curieux. Si ,
quand j'étois au milieu de l'Eglise Marónite
du Mont Liban , la difficulté s'étoit
présentée , j'aurois pû m'assurer de
l'état où sont les anciens Pseautiers des
Maronites par rapport à la glose à
ligno si unis , comme ils se picquent de
l'être de tout temps , à l'Eglise Romaine
, ils l'ont admise , ou si , au contraire,
ils ont suivi la façon de lire le Verset
en question, comme le lit l'Eglise Orientale
, sans addition et conformément au
Texte Hébreu , cela peut avoir sa curiosité.
Je pourrai m'en éclaircir avec le
sçavant M. Assemanni , Maronite, dont
je vous ai parlé plus d'une fois , et à qui
>
Joseph Assemanni , Maronite du Mont Liban ;
Garde de la Bibliotheque du Vatican et Auteur
d'un nouveau Recueil d'anciens Monumens Ecclesiastiques
, sous le titre de Bibiotheque Orientale ,
&c, imprimé à Rome,
AOUST. 1733. 1787
je dois écrire au premier jour sur d'autres
sujets. J'ai l'honneur d'être , &c .
A Paris le 27. Mars 1733 .
M.l'Abbé Foubert , Docteur de Sorbonne,
au sujet d'une Prophetie attribuée au
Roy David.
1
LA
A difficulté que je vous ai proposée,
y a et
Monsieur , il y a quelque temps ,
que vos occupations ne vous permirent
pas alors de me résoudre , a fait le sujet
de quelques recherches de ma part ; vous.
me demandez ce que j'ai appris là- dessus
; la demande ne sçauroit venir plus
propos ; car d'un côté je suis en état
de vous rendre quelque compte , et de
l'autre nous voila dans le temps où l'Eglise
a commencé de chanter l'Hymne
respectable qui a donné lieu à la diffi
• à
culté .
Il s'agit , comme vous sçavez , d'accorder:
A O UST. 1733. 1775
der l'exacte verité avec les paroles de la
strophe que voici de l'Hymne Vexilla
Regis , &c.
Impleta sunt qua concinit
Davidfideli carmine "
Dicens in Nationibus ,
Regnavit à ligno Deus.
David , selon le pieux Auteur de l'Hym
ne , a donc chanté prophétiquement dans
ses Pseaumes que J. C. regneroit par le
Bois de la Croix , et c'est , Monsieur , ce
que d'abord j'ai été chercher dans ces sacrez
Cantiques dans la Vulgate , ne me
souvenant pas d'y avoir jamais lû rien
de pareil. Il est vrai que dans le Pseaume
XCV. Verset 10. on trouve ces paroles ,
dicite in gentibus quia Dominus regnavit
et rien davantage. Est- ce assez pour attribuer
à David la Prophétie en question?
Cependant c'est Fortunat , Evêque de
Poitiers , selon la plus commune opinion ,
qui a composé cet Hymne au vi . sie
cle , et il y a preuve qu'on l'a chanté en
France , au moins dès le IX.
Comme tout le monde n'a pas chez
soi une Bibliotheque , je n'ai pas été en
état d'abord de voir dans les sources ce
qui peut avoir donné lieu aux paroles de
Fortunat , mais j'ai tiré de Genebrard ,
dont
1776 MERCURE DE FRANCE
dont j'ai le Pseautier dans mon Cabinet ,
autant de lumieres qu'il m'en falloit pour
commencer au moins d'éclaircir ma dif
ficulté.
Vous sçavez que Genebrard , sçavant
Benedictin Docteur de Paris , Professeur
des Langues Saintes au College Royal ,
puis Archevêque d'Aix , a donné une Edition
des Pacaumes , selon la Vulgate, qu'il
a accompagnée de sçavans Commentaires
, Ouvrage dont il étoit plus capable
qu'un autre , et dont il y a eu cinq Editions.
La mienne est d'Anvers 1592. et
toute la derniere ,
Son Commentaire sur ce 10. Verset
du Pseaume 95. est assez long et rempli
d'une pieuse érudition . Voici le précis
de ce qui regarde notre Question . Genebrard
convient que regnavu à ligno n'est
point dans le Texte Hebreu ; mais il prétend
que les Septante l'ont ajoûté par
an esprit prophétique , en traduisant ce
Verset , trois cent ans avant J. C. c'est
ainsi , dit-il , que les Anciens l'ont tou
jours cité , sçavoir , S. Justin Martyr, Lactance
, Tertullien , Arnobe , S. Augustin,
Cassiodore, Théodulphe, (4 ) le Pseautier
Romain , &c. c'étoit , selon lui , la ma
(a) Théodulphe , Evêque d'Orleans , auquel on
attribuë aussi l'Hymne de la Passion.
niere
A O UST. 17335 1777
niere des Anciens , en traduisant l'Ecri
ture , d'insérer quelques mots , en passant
, pour servir à l'intelligence de ce
que la Lettre renferme de mysterieux.
c'est ainsi , continue- t'il , qu'en ont souvent
usé Jonathan et Onkelos , qui pour
cela même ne sont pas tant appellez Traducteurs
que Paraphrastes Chaldéens , en
quoi ils ont été imitcz par les Septante..
Genebrard donne ensuite quelques exemples
de cette maniere de traduire des
Septante , pour éclairer davantage le
Texte , et il paroît si persuadé de ce sentiment
, qu'il traite d'imprudence et de
témerité d'avoir retranché à ligno des
Exemplaires qui ont suivi , ces paroles
ayant , dit- il , été inspirées (a) par le
S. Esprit à ces très saints Prophetes ,
Traducteurs des Livres Sacrez. Il accuse
de ce retranchement les Juifs , comme
S. Justin le leur a effectivement reproché
, ou quelques demi sçavans , pour,
faire montre de leur capacité dans la
Langue Hébraïque , et pour critiquer les
Septante , ce qu'il appelle une vanité et
une méchanceté dont on ne voit , dit- il ,
(a) Male ergo has duas Voculas è nostris Exemplaribus
, qua de industria et per Spiritum Sanctum
a sanctissimis
his Prophetis fuerant interjecta sustlerunt
, sive Judai, &c. Genebr.
que
1778 MERCURE DE FRANCE
que trop d'exemples . Il finit en soute
mant la nécessité de cette Leçon , et en
l'expliquant d'une maniere plausible et
toujours édifiante par rapport à l'appli
cation qu'il en fait.
Je crois , Monsieur qu'en voilà autant
qu'il en faut pour justifier , du moins
pour autoriser l'Auteur de l'Hymne Ve
xilla Regis , d'avoir cité David avec l'addition
à ligno , qui a tant de Deffenseurs
et de si illustres Garants . Mais est- ce
assez , encore une fois , en bonne crititique
pour admettre des paroles qui ne
se trouvent ni dans le Texte Hébreu
qui est l'original , ni dans les Exemplaires
que nous avons aujourd'hui de la
Version des Septante , premiers Auteurs ,
selon Genebrard , de cette Addition ? Ce
qui , à vous dire le vrai , me paroît un
peu embarassant. Vous sçavez qu'on ne
peut jamais prescrire contre la verité
c'est un des plus beaux mots (a) de Tertullien
et une maxime certaine. Vous sçavez
aussi que la Mort du Messie est assez marquée
dans les Prophetes , dans David même
, qui en est lui- même une figure , sans
qu'il soit besoin de la caractériser ici
(a) Veritati nemo prascribere potest , non spatium
temporum , non patrocinia personarum , non privil
Begium regionum . Lib. de Velan. Virginib.
Par
JUILLET. 17337 1779
par des termes qui ne se trouvent pas
dans le Texte original .
it
A
i. Cela supposé , je crois qu'on peut en-
Gore reclamer en faveur de la verité contre
l'addition ou la glose attribuée aux
Septante , que je ne sçaurois encore bien
me persuader venir de la plume de ces
fameux Interpretes ; mais je n'ai pas envie
, Monsieur , pour constater ce fait ,
du moins pour l'éclaircir , d'aller m'enfoncer
dans une Bibliotheque avec une
foule d'Interpretes , de Commentateurs
de Critiques , qui peut- être , après avoir
employé bien du temps , me laisseroient
encore dans le doute où je suis. Je vous
défere cette pénible entreprise , comme
vous convenant mieux qu'à moy , et je
me contente de joindre à ce que j'ai déja
eu l'honneur de vous dire , quelques Remarques
d'un Critique moderne sur le
sujet en question , qui m'ont parâ avoir
de la solidité. Ce Critique est Dom Augustin
Calmet , Auteur d'un Commenraire
Litteral sur tous les Livres de l'Ancien
et du Nouveau Testament , dont
les premiers Volumes ont parû au commencement
de ce siecle. Vous connoissez
Get Ouvrage et vous pouvez en juger
mieux qu'un autre. Pour moi je fais un
sas particulier de son travail sur les Pseaumés,
1780 MERCURE DE FRANCE
mes. Ce Livre publié en 1713. 2. vol. in
4. chez Emery , a mérité l'Approbation
d'un ( 4 ) de vos illustres Confreres , qui
nous assure que les Explications de l'Auteur
, tirées des S S. Peres et des meilleurs
Interpretes , contribuent beaucoup à faire
entendre ce qu'il y a de plus difficile
et de plus obscur dans ce Livre divin .
Dom Calmet , après avoir rapporté le
Verset en question , Commoveatur ....
Dicite in gentibus quia Dominus regnavit
du XCV . Pseaume , et rapporte aussi un
Passage des Paralipomenes , parallele à
ce Verset pour le sens , mais un peu different
pour les expressions , fait voir qu'il
y a là -dessus dans les anciens Peres et
dans quelques anciens Pseautiers , une varieté
encore plus grande et bien plus importante
, qui est de lire regnavit à ligno ,
et il ajoûte aux autoritez citées par Genebrard
, celles de S. Léon Pape , de
l'Auteur de l'Opuscule des Montagnes de
Sina et de Sion. Sous le nom de S. Cyprien
, le Pseautier Gotique, celui de saint.
Germain des Prez , celui de Chartres , tous
Monumens où on lit , Dominus regnavit
àligno. Le P. Calmet auroit pû ajoûter
que cette Leçon se trouve aussi dansa
(a) M. Pastel, Docteur et ancien Professeur
orbonne.
Version
A O UST. 1733. 1781
Version Italique de l'Ecriture , faite sur
le Grec dès le siécle des Apôtres , et dont
toute l'Eglise Latine s'est servie jusqu'à
la Version de S. Jérôme , l'Eglise de Ro
me n'en ayant point eû d'autre dans l'Office
public , jusqu'au Pontificat de Pie V.
qui fit recevoir la Vulgate dans Rome.
C'est D. Calmet * même qui nous donne
cette instruction ; or cette ancienne Version
Italique , publiée de nouveau à
Rome en 1683. par le Cardinal Thomasi,
porte aussi Dominus regnavit à ligno.
Pour ne rien oublier , s'il est possible,
sur ce sujet , notre habile Commentateur
rapporte jusqu'à une conjecture proposée
par Agellius ; sçavoir , que les anciens
Textes Hébreux , au moins dans quelques
Livres , au lieu de Aph , que nous
lisons aujourd'hui après Malac, il a regné,
lisoient He du bois ; ce qui auroit donné
lieu aux Septante de traduire par : Le
Seigneur a regné par le bois . Leçon qui a
subsisté pendant quelques siecles , jusqu'à
ce que les Sçavans en Hébreu s'étant apperçus
que cela ne s'accordoit pas avec
le vrai Original , ils la retrancherent et
conserverent etenim , du . suivant , qui .
répond à Aph de l'Hébreu . Conjecture®
Dissert, sur le Texte et sur les anciennes V´ersions
des Pseaumes. Art. III . p. xxv.
assez
1782 MERCURE DE FRANCE
assez foible et assez mal appuyée , dit
D. Calmet , qui ouvre enfin son sentiment
particulier , et raisonne ainsi sur la
glose en question.
Si cette Leçon étoit autrefois géneralement
dans tous les Exemplaires des Septante
et dans les premieres Traductions.
Latines qui furent faites à l'usage des
Chrétiens , comment ceux - ci ont- ils si
facilement abandonné un Texte qui leur
étoit si favorable ? Si ce sont les Juifs
qui ont fait ce retranchement , pourquoi
les Chrétiens ont- ils eu pour eux la condescendance
d'admettre leur correction
dans leurs Exemplaires. Enfin si quelque
demi sçavant a pû êter de son Livre à
ligno , comment a- t'il pû faire le même
changement dans tous les Exemplaires
du Monde ?
Ces paroles ne sont en effet ni dans
PHébreu, ni dans le Chaldaique , ni dans
le Syriaque , ni dans les anciennes Versions
Grecques , faites sur l'Hébreu , ni
dans la Vulgate , l'Arabe et l'Ethiopienne,
faites sur les Septante ; ni dans la
Version de S. Jerôme , faite sur l'Hebreu.
Personne , que je sçache , continue Dom
Calmet , n'a accusé les Juifs d'avoir ôté
ces termes de leurs Exemplaires Hébreus
on ne les y trouve ni ici , ni dans le
passage
A O UST. 1733. 1783
passage parallele des Paralipomenes. Depuis
S. Justin on ne les a point vûs dans
les Septante.
N'est- il donc pas bien plus probable , com .
me le veut le Févre d'Estaples , et après
lui Justiniani , de Muis et quelques - autres
, que ces paroles à ligno , ayant été
mises par quelqu'un sur la marge de son
Pseautier , à l'endroit de regnavit , furent
ensuite inconsidérément fourrées dans le
Texte ; d'où enfin elles ont été bannies ,
parce qu'on a reconnu qu'elles n'étoient
ni dans les sources hébraïques , ni dans
les anciennes Versions des Grecs .
Il y a beaucoup d'apparence , ajoûtet'il
, que les Hexaples d'Origene servic
rent à arrêter le cours de cette maniere
de lire , en montrant qu'elle n'étoit fondée
ni dans le Texte Hébreu , ni dans
aucune Version ; et en effet , dit D. Calmet
en finissant , je ne sçache que saint
Justin le Martyr parmi les Grecs , qui
l'ait suivie ; tous les autres Peres , qui
ont vécu depuis Origene , et qui sont
en très - grand nombre , ne faisant pas
même mention de cette Leçon . Si elle
subsista plus long- temps parmi les Latins,
c'est que les Hexaples y furent moins
connues et qu'on étoit moins en état de reconnoître
l'erreur de cette Glose ajoutée, et ,
Ε inserée
1984 MERCURE DE FRANCE
inserée dans le Texte , par l'inspection
des Originaux .
Je crois , Monsieur, que ce raisonnement
et la conséquence vous paroîtront
justes. Il peut cependant rester un scrupule
là- dessus , c'est que si d'un côté les
Peres Grecs , à l'exception de S. Justin ,
n'ont point admis , n'ont pas même connû
la glose à ligno ; d'un autre côté l'E
glise Romaine l'a non - seulement admise,
mais elle l'a en quelque façon consacrée ,
en la chantant universellement par tout
dans son Office public , comme elle fait
depuis plus de 700. ans.
On pourroit opposer d'abord à cette
difficulté la grande maxime de Tertullien
, déja rapportée ; mais j'estime qu'il
est plus naturel de la concilier par l'autorité
de S. Jérôme , que vous trouverez ,
je crois , formelle et venir expressément
au sujet que nous traitons . Elle se trou-
·
* Outre S. Justin , on pourroit croire que Les
Heretiques dont il est parlé dans Origane , L. VI,
P. 298. contre Celse , faisoient allusion à ce Passage,
repetant sans cesse dans leurs Ecrits ces paroles
: Ubique autem illic lignum vitæ et Resurrec
tio carnis à ligno. Et en remontant encore plus
haut , l'Auteur de l'Epitre attribuée à S. Barnabé
pouvoit avoir en vûë ce même Passage, lorsqu'il dit.
Regnum Jesu in ligno extitit βασιλεία τοῦ Ἰησοῦ
καὶ τῷ ξύλω,
ve
A OUST. 1733 1785
ve dans l'Epitre à Sunia et à Fréteila
qui est toute remplie de varietez de Leçons
et de Remarques critiques sur le
Texte des Septante et sur la Vulgate. C'est
dans cette Lettre que le S. Docteur propose
une belle Regle dont l'application
se fait ici naturellement. Ilfaut , dit- il ,
réciter et chanter les Pseaumes ainsi que
Eglise les chante , mais aussi il faut sçavoir
, autant que l'on peut , ce que porte
le Texte Hébreu , et qu'autre chose est ce
qu'il faut chanter dans l'Eglise , par respect
pour l'Antiquité ; et autre chose , ce
qu'il faut sçavoir pour la parfaite intelligence
des Ecritures.
Le même S. Docteur qui a proposé cett
Regle , se plaint cependant qu'après avoi
corrigé le Pseautier de l'ancienne Vulgate
qui étoit fort altérée , par l'ordre du
Pape Damase , l'ancienne erreur eût plus
de force qu'à sa nouvelle réformation
plus antiquum errorem , quàm novam emendationem
valere , tant il est difficile d'abolir
certaines choses quand elles ont été
* Sic omninò psallendum ut fit in Ecclesia : es
tamen sciendum quid Hebraica veritas habeat :
atque aliud esse propter vetustatem in Ecclesia
decantandum , aliud sciendum propter eruditionem
scripturarum. S. Hyeron. Epist, ad Sun. es
Fretell.
Eij en
1736 MERCURE DE FRANCE .
en quelque façon consacrées par leur antiquité.
Je finis , .Monsieur , en soumettant à
vos lumieres tout ce que je viens de vous
exposer , et en vous exhortant d'étudier
vous-même cette matiere pour l'éclaircir
encore davantage. Vous trouverez un trèsbeau
Pseautier dans votre Bibliotheque de
Sorbonne, c'est un des plus anciens Manuscrits
de ce genre et des plus curieux. Si ,
quand j'étois au milieu de l'Eglise Marónite
du Mont Liban , la difficulté s'étoit
présentée , j'aurois pû m'assurer de
l'état où sont les anciens Pseautiers des
Maronites par rapport à la glose à
ligno si unis , comme ils se picquent de
l'être de tout temps , à l'Eglise Romaine
, ils l'ont admise , ou si , au contraire,
ils ont suivi la façon de lire le Verset
en question, comme le lit l'Eglise Orientale
, sans addition et conformément au
Texte Hébreu , cela peut avoir sa curiosité.
Je pourrai m'en éclaircir avec le
sçavant M. Assemanni , Maronite, dont
je vous ai parlé plus d'une fois , et à qui
>
Joseph Assemanni , Maronite du Mont Liban ;
Garde de la Bibliotheque du Vatican et Auteur
d'un nouveau Recueil d'anciens Monumens Ecclesiastiques
, sous le titre de Bibiotheque Orientale ,
&c, imprimé à Rome,
AOUST. 1733. 1787
je dois écrire au premier jour sur d'autres
sujets. J'ai l'honneur d'être , &c .
A Paris le 27. Mars 1733 .
Fermer
Résumé : LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. l'Abbé Foubert, Docteur de Sorbonne, au sujet d'une Prophetie attribuée au Roy David.
La lettre de M. D. L. R. à l'Abbé Foubert traite d'une prophétie attribuée au roi David, mentionnée dans l'hymne 'Vexilla Regis'. L'auteur cherche à vérifier l'exactitude des paroles 'Regnavit à ligno Deus' (Dieu a régné par le bois de la croix) dans les Psaumes. Ces mots ne figurent pas dans le texte hébreu original mais sont présents dans la version des Septante, traduite trois cents ans avant J.-C. Genebrard, un érudit bénédictin, soutient que les Septante ont ajouté ces mots par esprit prophétique, une pratique confirmée par plusieurs Pères de l'Église. Dom Augustin Calmet rapporte diverses lectures anciennes et suggère que les mots 'à ligno' pourraient avoir été ajoutés en marge et ensuite intégrés dans le texte. Calmet estime que cette glose n'est pas originaire des Septante et a été retirée lorsque les savants ont reconnu son inexactitude. L'auteur conclut en soulignant la difficulté de concilier ces divergences et en se référant à l'autorité de saint Jérôme pour résoudre cette question. Par ailleurs, un saint docteur propose une règle pour la récitation et le chant des Psaumes, recommandant de suivre la tradition de l'Église tout en connaissant le texte hébreu pour une meilleure compréhension des Écritures. Il déplore que, malgré la correction du Psaume par le Pape Damase, l'ancienne erreur ait persisté, soulignant la difficulté de réformer des pratiques anciennes. L'auteur mentionne également un Psaume ancien et curieux dans la bibliothèque de la Sorbonne et évoque une difficulté rencontrée au sein de l'Église Maronite du Mont Liban concernant la glose et la lecture des versets. Il se demande si les Maronites suivent la tradition romaine ou orientale et envisage de consulter Joseph Assemanni, un Maronite savant et gardien de la bibliothèque du Vatican, auteur d'un recueil de monuments ecclésiastiques. La lettre se conclut par une soumission des propos à la lumière du destinataire, l'encourageant à étudier davantage la matière.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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15
p. 1787
VERS pour mettre au bas du Portrait de M. Pibrac, Comte de Marigny.
Début :
Fuyant les vains honneurs qu'au mérite on défere, [...]
Mots clefs :
Portrait, Pibrac, Comte de Marigny
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texteReconnaissance textuelle : VERS pour mettre au bas du Portrait de M. Pibrac, Comte de Marigny.
VERS pour mettre au bas du Portrait
de M. Pibrac , Comte de Marigny.
Uyant les vains honneurs qu'au mérite on
défere , FU
Je tournai tous mes voeux vers le souverain bien ;
Et né d'un noble sang , je fus bon Fils , bon Pere,
Bon Mari , bon Parent , bon Ami , bon Chrétien.
Par M. CocQUARD.
de M. Pibrac , Comte de Marigny.
Uyant les vains honneurs qu'au mérite on
défere , FU
Je tournai tous mes voeux vers le souverain bien ;
Et né d'un noble sang , je fus bon Fils , bon Pere,
Bon Mari , bon Parent , bon Ami , bon Chrétien.
Par M. CocQUARD.
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16
p. 1787-1797
ELOGE de la Pauvreté, par M....
Début :
La nouveauté a un droit décidé de nous plaire, lorsqu'elle est ensemble [...]
Mots clefs :
Pauvreté, Biens, Heureux, Richesses, Bonheur, Pauvre, Opulence, Nature, Médiocrité, Besoins
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ELOGE de la Pauvreté, par M....
ELOGE de la Pauvreté
LA
M
....
par M.
A nouveauté a un droit décidé de
nous plaire , lorsqu'elle est ensemble
ingénieuse et utile ; ces deux qualitez ont
acquis l'immortalité à l'Eloge de la Folie
; mais les Emulateurs d'Erasme , plus
sensibles à l'envie de faire briller leur esprit
, que touchez du plaisir d'instruire¸
n'ont saisi que le titre pointilleux de son
Ouvrage , sa morale leur a échappé . Mon
E iij dessein
1788 MERCURE DE FRANCE
dessein est bien different dans cet Eloge ;
je quitte volontiers de toute admiration ,
pourvû que je persuade utilement que
la Pauvreté est le plus grand de tous les
biens , et le seul qui puisse nous procurer
une félicité constante .
Comme les raisons que j'employerai
ne paroîtront peut-être pas assez sérieuses
, je déclare que je ne prétens point
le prendre ici sur le ton dogmatique ;
je sçai que la verité , qui est triste d'ellemême
, ne s'insinue jamais plus sûrement
que lorsqu'elle se montre sous un visage
agréable.
Je trouve d'abord un air de mode
dans la Pauvreté qui me donne toute
la confiance dont j'ai besoin pour parler
sur une matiere si délicate ; elle
s'est glissée dans tous les Etats et dans
toutes les conditions . Ne seroit- ce point
parce qu'elle plaît , qu'elle est devenue .
si commune et le goût imitateur qui
regne aujourd'hui , n'auroit - il point servi
à son progrès quoiqu'il en soit , c'est
un détail où je ne dois point entrer ; il
me suffit que le plus grand nombre soit
interessé à me croire , et qu'il fasse par
prudence quelque cas d'un état dont il
est si près.
Pour ceux qui, nourris dans une aisance
V.QA
OUST . 17337 1989
voluptueuse , ne peuvent regarder la
Pauvreté sans effroi ; qu'ils apprennent
que celui qui me connoît point l'opulence
, trouve inutile tout ce qui n'est
pas nécessaire , qu'ils sont eux - mêmes
noyez dans des superfluitez que leurs
Peres ignoroient , et que le seul moyen
d'être vraiment heureux , c'est de regler
ses besoins sur la Nature et non pas sur
l'opinion.
En effet le plus grand malheur des
hommes , c'est de se persuader que les
richesses peuvent seules leur procurer le
repos , cette idée les engage à travailler
dans leur jeunesse , pour s'assurer dans
le déclin de leur âge , des jours sereins
et tranquiles. Quelle erreur ! Le principe
de leur félicité est dans leur coeur ,,
et non dans les biens qu'ils ont acquis ;
d'ailleurs l'experience fait connoître que
leur conservation coûte autant que leur
acquisition même.
L'on dira peut- la même expeut-
être que
perience décide contre moi , puisque le
Pauvre , malgré le bonheur que je lui
prête , semble faire tous ses efforts pour
se tirer de l'indigence . Que la Pauvreté
soit la mere de l'industrie , j'y consens
et c'est pour elle un grand éloge d'avoir
enfanté les Arts ; mais je soutiens
E iiij que
1790 MERCURE DE FRANCE
que l'envie de s'enrichir n'a point reveillé
le génie des Pauvres ; trop satisfaits
de leur indépendance , ils ont eû
pitié de l'esclavage des Riches , et leur
ont fourni charitablement les moyens de
recouvrer leur liberté , par un emploi indiscret
de leurs richesses .
Supposons , si l'on veut , que
l'homme
est aussi heureux avec l'abondance , qu'il
l'est en effet dans le sein de la Pauvreté .
Dans cette hypothese il en coûteroit bien
plus à l'indigent d'acquerir laborieusement
l'opulence , que d'être assez sage
pour s'en passer. L'un demande des soins ,
l'autre laisse une entiere liberté. Or s'il
étoit deux voyes pour arriver à un sort
heureux , celle qui va à son but à moins
des frais , doit , sans contredit , être préferée
.
J'avoüe que si les richesses n'étoient
attachées qu'à la vertu , il y auroit de la
honte à n'être pas riche ; mais si le hazard
distribue les biens , si la violence
les ravit , s'il faut souvent des crimes pour
se dérober à la Pauvreté , seroit - il raisonnable
d'attacher une espece d'opprobre
à un état , qui semble être le partage
de la Nature et de la vertu ?
Nos premiers Législateurs , les Philosophes
et les Poëtes , ces génies divins
3
A O UST. 1733. 1791
vins , qui ont eû une idée si juste du
Parfait et du Vrai , ont méprisé les richesses
avec tant de constance et sans
doute avec tant de sincerité, qu'ils furent
toujours mal nourris et mal vétus . Les
uns tendoient à l'état le plus vertueux ,
les autres prétendoient à une réputation
immortelle ; il faudroit être de bien mauvaise
humeur pour ne pas vouloir ressembler
à d'aussi honnêtes gens.
Parlons plus sérieusement. Nous ne
pouvons douter que la Nature ne soit
aussi prévoyante qu'elle est parfaite dans
ses productions ; il n'est point d'Animaux
à qui elle ne donne , avec la vie ,
tout ce qui est utile pour la conserver.
Seroit- elle plus injuste envers les hommes?
non , sans doute , elle a placé dans
le coeur et dans l'esprit de nos parens
toute la sensibilité et toute l'industrie
nécessaire pour fournir à nos besoins . Mais
elle n'est point allée au delà , les richesses
n'entrent pour rien dans le sistême.
de notre conservation ; ensorte qu'elles
sont à notre égard des biens étrangers
et superflus ; car on n'accuseroit pas la
Nature de nous les avoir refusées , si elles
nous eussent été nécessaires.
D'ailleurs son intention a été de mettre
une parfaite égalité entre les hom,
E v mes
1792 MERCURE DE FRANCE
mes . Mere tendre et affectionnée , elle
leur a également départi ses faveurs . Ce
principe bien reconnu , il est évident que
la force ou la fraude ont été les instru→
mens de la fortune du premier Riche ,
et qu'on doit regarder encore aujourd'hui
un nouveau Parvenu , comme l'ent
nemi et le tyran du genre humain . Mais
heureusement son iniquité no passe jamais.
à des successeurs éloignéz , et nous voyons
avec complaisance que le fils même restitue
bien-tôt au Public par de folles dé
penses , ce que le Pere avoit injustement
enlevé.
C'est peut-être dans la médiocrité que
l'on trouve le bonheur , les grands biens.
peuvent causer des peines , mais une fortune
médiocre exempte également et
des besoins de la vie , et de l'embarras
des richesses. Voila ce que le préjugé
offre de plus spécieux en faveur de la
médiocrité ; qu'il m'en coûtera peu pour
combattre ce raisonnement ! que la vic
roire est facile !
Si la médiocrité des biens faisoit celle
des désirs , il seroit juste de la préferer
à tous les autres Etats; mais la cupidité de
l'homme est si inquiéte , qu'elle le porte
à faire sans cesse des efforts pour s'accroître
et saisir avidement tout ce qui
t
peut
AOUST. 1733 : 1793
peut le conduire à un sort qu'il estime
plus heureux. Celui qui se trouve dans la
médiocrité , souhaite à proportion de ses
facultez , et dès qu'il souhaire il est malheureux.
Ce qui fait le bonheur du Pauvre
, c'est qu'il n'a rien pour soutenir ou
exciter son ambition , et que l'envie qu'il
pourroit avoir de s'élever , cesse ou s'évanouit
dès que les moyens lui en sont
ravis.
Il est aisé à présent de conclure qu'on
a eu tort de donner tant de louanges à
cette médiocrité chimérique , qui ne fait
qu'allumer nos desirs , sans pouvoir les
satisfaire . Examinez un Pere de famille
dans une fortune médiocre , si le present
F'agite , l'avenir l'inquiete encore davantage
; il n'y découvre que des changemens
fâcheux ; il y voit ses biens dissipez
avec profusion , ou du moins mal
ménagez. L'avenir est au contraire un
sujet de joye pour le Pauvre , tous les
hazards et toutes les révolutions sont
pour lui , et quand on supposeroit que
son coeur formât quelques desirs , il en
ressent la douceur sans en avoir l'inquiétude
; l'élevation de ses pareils le fait
jouir par avance des biens qu'il n'a pas ,
mais qu'il peut avoir ; le Riche vit dans la
crainte , le Pauvre dans l'esperance; quelle
disparité de bonheur ! Evi Dès
1794 MERCURE DE FRANCE
Dès- là nous voyons que la Pauvreté
ne nous prive d'aucuns des biens solides
de la vie , et qu'il ne manque pour achever
son triomphe que de montrer qu'elle
nous procure des plaisirs plus vifs et plus
que l'opulence même. délicats
La crainte de ne devoir qu'à ses largesses
, les complaisances d'un sexe enchanteur
, empoisonne nos plaisirs , et en ôte
tout le piquant ; notre délicatesse s'en offense
, et veut une tendresse toute gratuite.
Le Pauvre jouit de ce bonheur , et
ne le doit qu'à son mérite personnel ; tandis
que le Riche peut craindre à chaque
instant que les faveurs qu'on lui accorde
, ne prennent leur source dans la va
nité ou dans l'interêt.
Pareil avantage dans l'amitié. La Félicité
la plus parfaite , celle des Dieux, dit .
un ancien , seroit ennuïeuse sans la confiance
d'un ami ; ainsi tâchons d'ajoûter à
notre bonheur celui de nous attacher un
ami sincere , également sensible à nos
biens et à nos maux . Mais où le trouver ,
et comment le connoître ? Si des avantages
apparens surprennent sa complai
sance ; sous le nom d'ami , ne sera ce
point un fateur , dévoué à la fortune ,
plutôt qu'à la personne ? Pour faire cette
épreuve délicate , feignons qu'un malheur
AOUST. 1733. 1798
heur imprévu vient de nous enlever nos
richesses ; dans l'instant nous verrons ces
amis prétendus nous abandonner rapidement
, heureux encore si nos bienfaits
passez ne deviennent pas pour eux des
raisons de nous mépriser et de nous haïr .:
Mais le plus heureux effet de la Pauvreté
, c'est qu'elle nous ôte la cause des
vices , et nous laisse toutes les vertus à
pratiquer. L'humilité s'attire le respect
par elle - même ; c'est le fondement de
toutes les vertus , et nous aimons naturellement
autant les personnes humbles
et modestes , que nous fuïons les arrogans
et les présomptueux . Dans l'usage
du monde nous voïons que l'o gueil , la
jalousie , la haine sont des vices attach z
à l'opulence , et que l'honnêteté , la douceur
, la patience suivent la disette ; mais,
par une bizarrerie , dont on ne peut rendre
raison , on fuit les gens vertueux dans
l'indigence , pour idolatrer des insolens
dans la prosperité , comme si le respect
qu'on a pour les biens , devoit passer
jusqu'à ceux qui les possedent.
La reconnoissance seroit ignorée parmi
les hommes , si les pauvres ne l'avoient
fait connoître. Cette vertu des belles
ames agit chez l'indigent avec autant de
vivacité que l'esperance même ; les besoins
1797 MERCURE DE FRANCE
soins la multiplient et lui prêtent tous
les jours un nouveau feu.
La politique s'accorde enfin avec la
morale , à donner la préférence aux pauvres
sur les riches ; ceux cy sont infiniment
moins utiles à l'Etat que les premiers.
Retire til , en effet , quelque profit
de la bravoure meurtriere des Gens de
Guerre , des décisions innombrables et
ambigues des Juri consultes ; de l'esprit
inventif et ruineux des Partisans ; il ne
reste que des voeux à faire sur ce sujets
cependant tous ces membres de la République
ne peuvent se passer des pauvres
pour fournir à leurs besoinss mais le pauvre
qui travaille , subsiste indépendemment
d'eux le labour de ses mains lui
suffit , et il arrive à la fin de ses jours ;
sans superflu et sans misere.
Que dirai je davantage en faveur de
la Pauvreté ? J'ai fait voir qu'elle nous
rapproche de la nature , qu'elle éloigne
de nous des maux cruels , qui sont comme
l'appanage de la cupidité ; qu'elle
nous apprête des plaisirs purs et tranquiles
Il ne me reste qu'à donner un avis
salutaire aux Riches , que mon Discours
aura persuadeż : Je ne veux point qu'ils
imitent ce Philosophe insensé
*
qui jetta
* Cratés ou Aristippe , on attribuë cette espece
de folie à l'un et à l'autre.
AOUST. 1733. 1797
son argent dans la Mer , comme si la sagesse
eut été incompatible avec l'opulence
; la raison n'exige point un pareil
sacrifice . Elle nous avertit seulement de
ne souhaitter jamais plus de bien qu'il
n'en faut aux simples besoins de la natu
re , et nous montre le cas que nous devons
faire des Richesses , en voyant on
le de mérite de ceux qui les possepeu
dent , ou le mauvais usage qu'ils en font
LA
M
....
par M.
A nouveauté a un droit décidé de
nous plaire , lorsqu'elle est ensemble
ingénieuse et utile ; ces deux qualitez ont
acquis l'immortalité à l'Eloge de la Folie
; mais les Emulateurs d'Erasme , plus
sensibles à l'envie de faire briller leur esprit
, que touchez du plaisir d'instruire¸
n'ont saisi que le titre pointilleux de son
Ouvrage , sa morale leur a échappé . Mon
E iij dessein
1788 MERCURE DE FRANCE
dessein est bien different dans cet Eloge ;
je quitte volontiers de toute admiration ,
pourvû que je persuade utilement que
la Pauvreté est le plus grand de tous les
biens , et le seul qui puisse nous procurer
une félicité constante .
Comme les raisons que j'employerai
ne paroîtront peut-être pas assez sérieuses
, je déclare que je ne prétens point
le prendre ici sur le ton dogmatique ;
je sçai que la verité , qui est triste d'ellemême
, ne s'insinue jamais plus sûrement
que lorsqu'elle se montre sous un visage
agréable.
Je trouve d'abord un air de mode
dans la Pauvreté qui me donne toute
la confiance dont j'ai besoin pour parler
sur une matiere si délicate ; elle
s'est glissée dans tous les Etats et dans
toutes les conditions . Ne seroit- ce point
parce qu'elle plaît , qu'elle est devenue .
si commune et le goût imitateur qui
regne aujourd'hui , n'auroit - il point servi
à son progrès quoiqu'il en soit , c'est
un détail où je ne dois point entrer ; il
me suffit que le plus grand nombre soit
interessé à me croire , et qu'il fasse par
prudence quelque cas d'un état dont il
est si près.
Pour ceux qui, nourris dans une aisance
V.QA
OUST . 17337 1989
voluptueuse , ne peuvent regarder la
Pauvreté sans effroi ; qu'ils apprennent
que celui qui me connoît point l'opulence
, trouve inutile tout ce qui n'est
pas nécessaire , qu'ils sont eux - mêmes
noyez dans des superfluitez que leurs
Peres ignoroient , et que le seul moyen
d'être vraiment heureux , c'est de regler
ses besoins sur la Nature et non pas sur
l'opinion.
En effet le plus grand malheur des
hommes , c'est de se persuader que les
richesses peuvent seules leur procurer le
repos , cette idée les engage à travailler
dans leur jeunesse , pour s'assurer dans
le déclin de leur âge , des jours sereins
et tranquiles. Quelle erreur ! Le principe
de leur félicité est dans leur coeur ,,
et non dans les biens qu'ils ont acquis ;
d'ailleurs l'experience fait connoître que
leur conservation coûte autant que leur
acquisition même.
L'on dira peut- la même expeut-
être que
perience décide contre moi , puisque le
Pauvre , malgré le bonheur que je lui
prête , semble faire tous ses efforts pour
se tirer de l'indigence . Que la Pauvreté
soit la mere de l'industrie , j'y consens
et c'est pour elle un grand éloge d'avoir
enfanté les Arts ; mais je soutiens
E iiij que
1790 MERCURE DE FRANCE
que l'envie de s'enrichir n'a point reveillé
le génie des Pauvres ; trop satisfaits
de leur indépendance , ils ont eû
pitié de l'esclavage des Riches , et leur
ont fourni charitablement les moyens de
recouvrer leur liberté , par un emploi indiscret
de leurs richesses .
Supposons , si l'on veut , que
l'homme
est aussi heureux avec l'abondance , qu'il
l'est en effet dans le sein de la Pauvreté .
Dans cette hypothese il en coûteroit bien
plus à l'indigent d'acquerir laborieusement
l'opulence , que d'être assez sage
pour s'en passer. L'un demande des soins ,
l'autre laisse une entiere liberté. Or s'il
étoit deux voyes pour arriver à un sort
heureux , celle qui va à son but à moins
des frais , doit , sans contredit , être préferée
.
J'avoüe que si les richesses n'étoient
attachées qu'à la vertu , il y auroit de la
honte à n'être pas riche ; mais si le hazard
distribue les biens , si la violence
les ravit , s'il faut souvent des crimes pour
se dérober à la Pauvreté , seroit - il raisonnable
d'attacher une espece d'opprobre
à un état , qui semble être le partage
de la Nature et de la vertu ?
Nos premiers Législateurs , les Philosophes
et les Poëtes , ces génies divins
3
A O UST. 1733. 1791
vins , qui ont eû une idée si juste du
Parfait et du Vrai , ont méprisé les richesses
avec tant de constance et sans
doute avec tant de sincerité, qu'ils furent
toujours mal nourris et mal vétus . Les
uns tendoient à l'état le plus vertueux ,
les autres prétendoient à une réputation
immortelle ; il faudroit être de bien mauvaise
humeur pour ne pas vouloir ressembler
à d'aussi honnêtes gens.
Parlons plus sérieusement. Nous ne
pouvons douter que la Nature ne soit
aussi prévoyante qu'elle est parfaite dans
ses productions ; il n'est point d'Animaux
à qui elle ne donne , avec la vie ,
tout ce qui est utile pour la conserver.
Seroit- elle plus injuste envers les hommes?
non , sans doute , elle a placé dans
le coeur et dans l'esprit de nos parens
toute la sensibilité et toute l'industrie
nécessaire pour fournir à nos besoins . Mais
elle n'est point allée au delà , les richesses
n'entrent pour rien dans le sistême.
de notre conservation ; ensorte qu'elles
sont à notre égard des biens étrangers
et superflus ; car on n'accuseroit pas la
Nature de nous les avoir refusées , si elles
nous eussent été nécessaires.
D'ailleurs son intention a été de mettre
une parfaite égalité entre les hom,
E v mes
1792 MERCURE DE FRANCE
mes . Mere tendre et affectionnée , elle
leur a également départi ses faveurs . Ce
principe bien reconnu , il est évident que
la force ou la fraude ont été les instru→
mens de la fortune du premier Riche ,
et qu'on doit regarder encore aujourd'hui
un nouveau Parvenu , comme l'ent
nemi et le tyran du genre humain . Mais
heureusement son iniquité no passe jamais.
à des successeurs éloignéz , et nous voyons
avec complaisance que le fils même restitue
bien-tôt au Public par de folles dé
penses , ce que le Pere avoit injustement
enlevé.
C'est peut-être dans la médiocrité que
l'on trouve le bonheur , les grands biens.
peuvent causer des peines , mais une fortune
médiocre exempte également et
des besoins de la vie , et de l'embarras
des richesses. Voila ce que le préjugé
offre de plus spécieux en faveur de la
médiocrité ; qu'il m'en coûtera peu pour
combattre ce raisonnement ! que la vic
roire est facile !
Si la médiocrité des biens faisoit celle
des désirs , il seroit juste de la préferer
à tous les autres Etats; mais la cupidité de
l'homme est si inquiéte , qu'elle le porte
à faire sans cesse des efforts pour s'accroître
et saisir avidement tout ce qui
t
peut
AOUST. 1733 : 1793
peut le conduire à un sort qu'il estime
plus heureux. Celui qui se trouve dans la
médiocrité , souhaite à proportion de ses
facultez , et dès qu'il souhaire il est malheureux.
Ce qui fait le bonheur du Pauvre
, c'est qu'il n'a rien pour soutenir ou
exciter son ambition , et que l'envie qu'il
pourroit avoir de s'élever , cesse ou s'évanouit
dès que les moyens lui en sont
ravis.
Il est aisé à présent de conclure qu'on
a eu tort de donner tant de louanges à
cette médiocrité chimérique , qui ne fait
qu'allumer nos desirs , sans pouvoir les
satisfaire . Examinez un Pere de famille
dans une fortune médiocre , si le present
F'agite , l'avenir l'inquiete encore davantage
; il n'y découvre que des changemens
fâcheux ; il y voit ses biens dissipez
avec profusion , ou du moins mal
ménagez. L'avenir est au contraire un
sujet de joye pour le Pauvre , tous les
hazards et toutes les révolutions sont
pour lui , et quand on supposeroit que
son coeur formât quelques desirs , il en
ressent la douceur sans en avoir l'inquiétude
; l'élevation de ses pareils le fait
jouir par avance des biens qu'il n'a pas ,
mais qu'il peut avoir ; le Riche vit dans la
crainte , le Pauvre dans l'esperance; quelle
disparité de bonheur ! Evi Dès
1794 MERCURE DE FRANCE
Dès- là nous voyons que la Pauvreté
ne nous prive d'aucuns des biens solides
de la vie , et qu'il ne manque pour achever
son triomphe que de montrer qu'elle
nous procure des plaisirs plus vifs et plus
que l'opulence même. délicats
La crainte de ne devoir qu'à ses largesses
, les complaisances d'un sexe enchanteur
, empoisonne nos plaisirs , et en ôte
tout le piquant ; notre délicatesse s'en offense
, et veut une tendresse toute gratuite.
Le Pauvre jouit de ce bonheur , et
ne le doit qu'à son mérite personnel ; tandis
que le Riche peut craindre à chaque
instant que les faveurs qu'on lui accorde
, ne prennent leur source dans la va
nité ou dans l'interêt.
Pareil avantage dans l'amitié. La Félicité
la plus parfaite , celle des Dieux, dit .
un ancien , seroit ennuïeuse sans la confiance
d'un ami ; ainsi tâchons d'ajoûter à
notre bonheur celui de nous attacher un
ami sincere , également sensible à nos
biens et à nos maux . Mais où le trouver ,
et comment le connoître ? Si des avantages
apparens surprennent sa complai
sance ; sous le nom d'ami , ne sera ce
point un fateur , dévoué à la fortune ,
plutôt qu'à la personne ? Pour faire cette
épreuve délicate , feignons qu'un malheur
AOUST. 1733. 1798
heur imprévu vient de nous enlever nos
richesses ; dans l'instant nous verrons ces
amis prétendus nous abandonner rapidement
, heureux encore si nos bienfaits
passez ne deviennent pas pour eux des
raisons de nous mépriser et de nous haïr .:
Mais le plus heureux effet de la Pauvreté
, c'est qu'elle nous ôte la cause des
vices , et nous laisse toutes les vertus à
pratiquer. L'humilité s'attire le respect
par elle - même ; c'est le fondement de
toutes les vertus , et nous aimons naturellement
autant les personnes humbles
et modestes , que nous fuïons les arrogans
et les présomptueux . Dans l'usage
du monde nous voïons que l'o gueil , la
jalousie , la haine sont des vices attach z
à l'opulence , et que l'honnêteté , la douceur
, la patience suivent la disette ; mais,
par une bizarrerie , dont on ne peut rendre
raison , on fuit les gens vertueux dans
l'indigence , pour idolatrer des insolens
dans la prosperité , comme si le respect
qu'on a pour les biens , devoit passer
jusqu'à ceux qui les possedent.
La reconnoissance seroit ignorée parmi
les hommes , si les pauvres ne l'avoient
fait connoître. Cette vertu des belles
ames agit chez l'indigent avec autant de
vivacité que l'esperance même ; les besoins
1797 MERCURE DE FRANCE
soins la multiplient et lui prêtent tous
les jours un nouveau feu.
La politique s'accorde enfin avec la
morale , à donner la préférence aux pauvres
sur les riches ; ceux cy sont infiniment
moins utiles à l'Etat que les premiers.
Retire til , en effet , quelque profit
de la bravoure meurtriere des Gens de
Guerre , des décisions innombrables et
ambigues des Juri consultes ; de l'esprit
inventif et ruineux des Partisans ; il ne
reste que des voeux à faire sur ce sujets
cependant tous ces membres de la République
ne peuvent se passer des pauvres
pour fournir à leurs besoinss mais le pauvre
qui travaille , subsiste indépendemment
d'eux le labour de ses mains lui
suffit , et il arrive à la fin de ses jours ;
sans superflu et sans misere.
Que dirai je davantage en faveur de
la Pauvreté ? J'ai fait voir qu'elle nous
rapproche de la nature , qu'elle éloigne
de nous des maux cruels , qui sont comme
l'appanage de la cupidité ; qu'elle
nous apprête des plaisirs purs et tranquiles
Il ne me reste qu'à donner un avis
salutaire aux Riches , que mon Discours
aura persuadeż : Je ne veux point qu'ils
imitent ce Philosophe insensé
*
qui jetta
* Cratés ou Aristippe , on attribuë cette espece
de folie à l'un et à l'autre.
AOUST. 1733. 1797
son argent dans la Mer , comme si la sagesse
eut été incompatible avec l'opulence
; la raison n'exige point un pareil
sacrifice . Elle nous avertit seulement de
ne souhaitter jamais plus de bien qu'il
n'en faut aux simples besoins de la natu
re , et nous montre le cas que nous devons
faire des Richesses , en voyant on
le de mérite de ceux qui les possepeu
dent , ou le mauvais usage qu'ils en font
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Résumé : ELOGE de la Pauvreté, par M....
Le texte 'Éloge de la Pauvreté' défend la pauvreté comme le plus grand des biens, en se distinguant des émulateurs d'Érasme qui ont simplement copié le titre de 'L'Éloge de la Folie' sans en comprendre la morale. L'auteur vise à démontrer que la pauvreté procure une félicité constante. L'auteur observe que la pauvreté est devenue commune et populaire, peut-être en raison de son attrait et du goût imitatif contemporain. Il s'adresse à ceux qui craignent la pauvreté, expliquant que ceux qui ignorent l'opulence trouvent inutiles les superflus et que le bonheur réside dans la régulation des besoins selon la nature. Le texte critique l'idée que les richesses apportent le repos, affirmant que le véritable bonheur est intérieur et non matériel. Il souligne que la conservation des richesses coûte autant que leur acquisition. L'auteur reconnaît que la pauvreté stimule l'industrie, mais il soutient que l'envie de s'enrichir n'est pas la source du génie des pauvres. Il compare les efforts nécessaires pour acquérir l'opulence à la simplicité de se contenter de peu, préférant la voie qui demande moins d'efforts. L'auteur argue que les richesses ne sont pas nécessaires à la survie et que la nature a doté les hommes de tout ce qui est utile pour vivre. Le texte met en avant l'égalité naturelle entre les hommes et critique l'injustice des riches, qui acquièrent leurs biens par la force ou la fraude. Il souligne que la médiocrité des biens n'apporte pas le bonheur, car elle excite les désirs sans les satisfaire. L'auteur conclut que la pauvreté ne prive pas des biens solides de la vie et procure des plaisirs plus vifs et délicats. Il souligne que les pauvres jouissent de faveurs gratuites, contrairement aux riches qui peuvent craindre que les complaisances ne soient motivées par l'intérêt. La pauvreté est également présentée comme un moyen d'éviter les vices et de pratiquer les vertus, comme l'humilité et la reconnaissance. Enfin, le texte affirme que les pauvres sont plus utiles à l'État que les riches, car ils travaillent indépendamment et subsistent par leurs propres moyens. L'auteur conseille aux riches de ne pas souhaiter plus de biens que nécessaire pour les besoins naturels.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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17
p. 1797
« La Premiere Enigme du mois de Juillet, a été faite sur les pieds ; et la seconde, sur [...] »
Début :
La Premiere Enigme du mois de Juillet, a été faite sur les pieds ; et la seconde, sur [...]
Mots clefs :
Pieds, Vent, Liard, Meaux, Constantinople, Épingle
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « La Premiere Enigme du mois de Juillet, a été faite sur les pieds ; et la seconde, sur [...] »
La Premiere Enigme du mois de Juillet,
a été faite sur les pieds ; et la second , sur
le vent. Les Logogryphes ont é é faits sur
Liard , Meaux , Constantinople , Epingle.
a été faite sur les pieds ; et la second , sur
le vent. Les Logogryphes ont é é faits sur
Liard , Meaux , Constantinople , Epingle.
Fermer
18
p. 1797-1798
ENIGME.
Début :
Entre tout ce qui doit vous être nécessaire, [...]
Mots clefs :
Toile
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
ENIGM E.
E Ntre tout ce qui doit vous être nécessaire
Si je n'ai pas le premier rang ,
J'y tiens un des premiers , et suis dépositaire ,
A la vie , à la mort , du petit et du grand ,
On connoît mon usage aux quatre coins da
monde ,
Et quoique je serve aux mortels ,
Mon service s'étend jusques sur les Autels ,
Ce que je suis , provient d'une Coeffure blonde
Es
1798 MERCURE DE FRANCE
Et l'on voit quelquefois le fatal instrument ,
Du superbe Ixion , par un doux mouvement ,
Aider à qui l'arrache ; et le secours de l'Onde ,
Y contribue également.
E Ntre tout ce qui doit vous être nécessaire
Si je n'ai pas le premier rang ,
J'y tiens un des premiers , et suis dépositaire ,
A la vie , à la mort , du petit et du grand ,
On connoît mon usage aux quatre coins da
monde ,
Et quoique je serve aux mortels ,
Mon service s'étend jusques sur les Autels ,
Ce que je suis , provient d'une Coeffure blonde
Es
1798 MERCURE DE FRANCE
Et l'on voit quelquefois le fatal instrument ,
Du superbe Ixion , par un doux mouvement ,
Aider à qui l'arrache ; et le secours de l'Onde ,
Y contribue également.
Fermer
19
p. 1798
AUTRE.
Début :
Je suis connu de tous, je ne connois personne, [...]
Mots clefs :
Fusil
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE.
AUTRE.
E suis connu de tous ,je ne connois personne,
Un élement subtil , fait voler de mes flancs ,
Au gré de ma fureur , des Messagers brûlans ;
Trop tard j'avertis ceux , sur qui je m'abandonne
,
Je travaille aux plus beaux repas ,
Dans les mains du beau sexe , on ne me trouvé
guerre ,
Par moi , les Grands font bonne chere ;
Mais il en coute bien des pas-
E suis connu de tous ,je ne connois personne,
Un élement subtil , fait voler de mes flancs ,
Au gré de ma fureur , des Messagers brûlans ;
Trop tard j'avertis ceux , sur qui je m'abandonne
,
Je travaille aux plus beaux repas ,
Dans les mains du beau sexe , on ne me trouvé
guerre ,
Par moi , les Grands font bonne chere ;
Mais il en coute bien des pas-
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20
p. 1798-1799
LOGOGRYPHE.
Début :
De l'état le plus vil et du plus respectable, [...]
Mots clefs :
Crosse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LOGOGRYPHE.
LOGOGRYPHE.
E l'état le plus vil et du plus respectable
Je suis également la marque et le soutien ,
Le plus adroit Chasseur , le plus infatigable ,
Šans mon secours n'attrape rien.
Dans mon nom et dans ma figure ,
On peut aisément découvrir
L'objet de maint er maint parjure ,
Ce
AOUST. 17331 1799
Ce qui lava plus d'une injure ,
Ce qui sert
à prouver qu'un mortel doit faillir.
Ce qu'un habit paroît quand il vient à vieillir ,
Est dans mon nom tout seul . Avec un peu de
peine ,
On y voit le portrait du coeur d'une inhuma
ne.
Retournez- moi dans cet état ,
Je deviens les plaisirs d'un sage Potentat ,
Mais quoique pour lui plein de charmes
Je fais aux innocens répandre mille larmes ;
Et dans ce même état , grand ennemi du Bal ,
Aux plus fameux Danseurs , j'ai causé bien da
mal.
Si d'une aimable fleur qu'on fuit et qu'on
estime ,
Vous composez un de mes noms
Vous y trouvez avec la rime ,
>
Le conseil qu'on donne aux Poltrons.
Enfin je présente une bête ,
Dont le sort dépend du Lecteur ;
Car si l'on me coupoit la tête ,
J'irois -bien -tôt à l'Ecorcheur.
M. DUVIGNA U.
E l'état le plus vil et du plus respectable
Je suis également la marque et le soutien ,
Le plus adroit Chasseur , le plus infatigable ,
Šans mon secours n'attrape rien.
Dans mon nom et dans ma figure ,
On peut aisément découvrir
L'objet de maint er maint parjure ,
Ce
AOUST. 17331 1799
Ce qui lava plus d'une injure ,
Ce qui sert
à prouver qu'un mortel doit faillir.
Ce qu'un habit paroît quand il vient à vieillir ,
Est dans mon nom tout seul . Avec un peu de
peine ,
On y voit le portrait du coeur d'une inhuma
ne.
Retournez- moi dans cet état ,
Je deviens les plaisirs d'un sage Potentat ,
Mais quoique pour lui plein de charmes
Je fais aux innocens répandre mille larmes ;
Et dans ce même état , grand ennemi du Bal ,
Aux plus fameux Danseurs , j'ai causé bien da
mal.
Si d'une aimable fleur qu'on fuit et qu'on
estime ,
Vous composez un de mes noms
Vous y trouvez avec la rime ,
>
Le conseil qu'on donne aux Poltrons.
Enfin je présente une bête ,
Dont le sort dépend du Lecteur ;
Car si l'on me coupoit la tête ,
J'irois -bien -tôt à l'Ecorcheur.
M. DUVIGNA U.
Fermer
21
p. 1800
AUTRE.
Début :
Enfant d'un dangereux loisir, [...]
Mots clefs :
Crime
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texteReconnaissance textuelle : AUTRE.
AUTRE.
Enfant d'un dangereux loisir ,
Le moment où je nais , fait voir quelqu'avan
tage ;
Mais d'un heureux retour le tacite langage ,
Condamne en peu de temps un coupable plaisir.
Je sçais pour plaire , en me faisant connoître,
Emprunter à mon gré la riante couleur ,
D'un chimerique bien d'un espoir trop fatteur ;
Au monde , sans ces traits , oserois- je paroitre ?
Tel en me pratiquant , las d'être criminel ,
reformer un actuel usage ,
Veut en soy ,
Qui toujours de l'Etre éternel ,
Blesse la Majesté , par un sanglant outrage.'
De son état la tristesse et l'horreur ,
Font , ou qu'il le déteste , ou bien il l'appre
hende ;
Veut il calmer la celeste fureur?
Qu'il me transpose , alors je suis ce qu'il demande.
L. H. D,
Enfant d'un dangereux loisir ,
Le moment où je nais , fait voir quelqu'avan
tage ;
Mais d'un heureux retour le tacite langage ,
Condamne en peu de temps un coupable plaisir.
Je sçais pour plaire , en me faisant connoître,
Emprunter à mon gré la riante couleur ,
D'un chimerique bien d'un espoir trop fatteur ;
Au monde , sans ces traits , oserois- je paroitre ?
Tel en me pratiquant , las d'être criminel ,
reformer un actuel usage ,
Veut en soy ,
Qui toujours de l'Etre éternel ,
Blesse la Majesté , par un sanglant outrage.'
De son état la tristesse et l'horreur ,
Font , ou qu'il le déteste , ou bien il l'appre
hende ;
Veut il calmer la celeste fureur?
Qu'il me transpose , alors je suis ce qu'il demande.
L. H. D,
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22
p. 1800-1801
AUTRE.
Début :
Mon tout avec cinq pieds fleurit, [...]
Mots clefs :
Pavot
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texteReconnaissance textuelle : AUTRE.
AUTR E.
On tout avec cinq pieds fleurit ,
Porte sa graine et puis périt ,
D'sA
OUST. 1733 . 1801
D'abord je présente une Ville ;
Un , quatre et cinq , chose pour
Lors ôtant mon dernier lambeau ,
On ne trouve en moi que de l'eau.
Si quatre et trois suivent ma tête ,
On n'y trouve plus qu'une bête,
boire utile
LA MOTTE - TILLOY.
On tout avec cinq pieds fleurit ,
Porte sa graine et puis périt ,
D'sA
OUST. 1733 . 1801
D'abord je présente une Ville ;
Un , quatre et cinq , chose pour
Lors ôtant mon dernier lambeau ,
On ne trouve en moi que de l'eau.
Si quatre et trois suivent ma tête ,
On n'y trouve plus qu'une bête,
boire utile
LA MOTTE - TILLOY.
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24
p. 1801
LOGOGRYPHUS.
Début :
Astra colo soboles aterni virgo tonantis, [...]
Mots clefs :
Vérité
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texteReconnaissance textuelle : LOGOGRYPHUS.
LOGOGRYPHUS.
AStra colo soboles aterni virgo tonantis ,
Raro terra tenet , fallacia tartara nunquam ,
Bina , meum , repetita dabit ter littera nomen ;
In partes , cautus , quod si diviseris aquas ;
Sancta, prior , tolerata diu jejunia claudet ,
Altera , Christiadum sacris sinit ire peractis
AStra colo soboles aterni virgo tonantis ,
Raro terra tenet , fallacia tartara nunquam ,
Bina , meum , repetita dabit ter littera nomen ;
In partes , cautus , quod si diviseris aquas ;
Sancta, prior , tolerata diu jejunia claudet ,
Altera , Christiadum sacris sinit ire peractis
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