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1
p. 13-16
Digression sur les Nouvelles. [titre d'après la table]
Début :
Continuons à examiner ce que j'ay sur mon bureau [...]
Mots clefs :
Nouvelles, Politique, Journaux
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texteReconnaissance textuelle : Digression sur les Nouvelles. [titre d'après la table]
Continuons à examiner
ce que j'ay sur mon
Bureau. Encre les Mémoires
qu'on m'a donnez,
choisissons ceux
qui conviennent à mon
dessein.
Qifell: cecy ? c'est un
gros paquet de Relations
,
de Journaux, de
Nouvelles à la. main.
Voila des Lettres toutes
pleines d'érudition politique.
Ceux qui m'écrivent
assistent apparemment
incognito à tous
les Conseilsde l'Europe.
A les voiraffirmertrancher,
décider, leurs dé.
cisions sont des Maximes
d'Etat. L'un veut m'apprendre
les Interests des
Princes ; l'autre me jure
qu'il a le secret des Mi
nistres, & que ses avis
feront des Tresors pour
moy.
, Que derichesses dont
je n'ay pas besoin ! Je
vous remercie ,
Messieurs;
je vous rends grâces
de vos avis,&je vous
déclare que je ne me mêle
point de Politique. J'ai.
me à raisonner sur des
principes clairs, car Couvent
on se trompequand
on ne juge des causes
que par les évenemens.
Je me contenteray
doncd'exposersimplement
les faits publics U
averez sans m'amuser à
copierla Gazette. Je tâcheray
de récapituler en
peu demots, l'action,le
lieu, les noms, & sur tout
les dates des évenemens
afin que mon Mercure
puisse servir de Mémorial
pour en aller chercher
les détails dans les
Journaux.
Voicy par exemple la
forme que je donneray
à l'Article du Siege de
Douay.
ce que j'ay sur mon
Bureau. Encre les Mémoires
qu'on m'a donnez,
choisissons ceux
qui conviennent à mon
dessein.
Qifell: cecy ? c'est un
gros paquet de Relations
,
de Journaux, de
Nouvelles à la. main.
Voila des Lettres toutes
pleines d'érudition politique.
Ceux qui m'écrivent
assistent apparemment
incognito à tous
les Conseilsde l'Europe.
A les voiraffirmertrancher,
décider, leurs dé.
cisions sont des Maximes
d'Etat. L'un veut m'apprendre
les Interests des
Princes ; l'autre me jure
qu'il a le secret des Mi
nistres, & que ses avis
feront des Tresors pour
moy.
, Que derichesses dont
je n'ay pas besoin ! Je
vous remercie ,
Messieurs;
je vous rends grâces
de vos avis,&je vous
déclare que je ne me mêle
point de Politique. J'ai.
me à raisonner sur des
principes clairs, car Couvent
on se trompequand
on ne juge des causes
que par les évenemens.
Je me contenteray
doncd'exposersimplement
les faits publics U
averez sans m'amuser à
copierla Gazette. Je tâcheray
de récapituler en
peu demots, l'action,le
lieu, les noms, & sur tout
les dates des évenemens
afin que mon Mercure
puisse servir de Mémorial
pour en aller chercher
les détails dans les
Journaux.
Voicy par exemple la
forme que je donneray
à l'Article du Siege de
Douay.
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Résumé : Digression sur les Nouvelles. [titre d'après la table]
Le texte traite de la sélection de mémoires et de documents pour un projet spécifique. L'auteur examine divers documents, tels que des relations, des journaux et des lettres de correspondants bien informés sur la politique européenne. Ces lettres prétendent divulguer des secrets d'État et des intérêts des princes, mais l'auteur refuse poliment cette information, affirmant ne pas se mêler de politique. Il préfère se baser sur des principes clairs et éviter les erreurs de jugement fondées uniquement sur les événements. L'auteur choisit d'exposer les faits publics de manière concise, en récapitulant l'action, le lieu, les noms et surtout les dates des événements. Il illustre cette approche avec un exemple de la forme qu'il donnera à l'article sur le siège de Douai.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 1154-1161
Traité de l'Opinion, [titre d'après la table]
Début :
Nous achevons ici l'Extrait du Traité de l'Opinion, bien moins [...]
Mots clefs :
Opinions, Traité, Médecine, Matière, Dieu, Astronomie, Naturalistes, Politique, Commencement, Esprit humain
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Traité de l'Opinion, [titre d'après la table]
Ous acheverons ici l'Extrait du
N Traité de l'Opinion , bien moins.
pour faire connoître un Ouvrage dont
la réputation est autant répandue et aussi
bien établie que pour nous acquitter de
notre promesse. Les Citations d'un Ouvra
ge n'entrent pas ordinairemens dan tunExtrait;
nous nous contenterons d'observer à
cet égard qu'on trouve sur chaque matiere
le précis de ce que les Auteurs anciens
et modernes ont dit de plus remarquable
, que leurs propres paroles sont souvent
citées , et les passages toujours choisis
avec discernement , ensorte que dans
la seule lecture de cet Ouvrage on peut
recueillir le fruit de beaucoup de travail
et de recherches en tout genre.
Le quatrième Livre , où nous avons
terminé la premiere partie de notre Extrait
, renferme principalement les contradictions
des Savans sur la Physique ,
l'Astronomie et la Médecine ; les impostures
des Alchimistes et des Astrologues,
les opinions outrées des Naturalistes , et
I. Vol. en
JUIN. 1733. 1155
en même-temps les progrès de l'Esprit
humain et ses nouvelles découvertes dans
les Sciences qui ont des objets corporels.
Le Chapitre premier contient quelques
objections faites aux Mathématiciens
avec des Refléxions sur le systême de
l'infini et sur l'état présent de la Géométrie.
Les trois Figures placées au commencement
du Chapitre de la Physique ,
représentent,l'une les Tourbillons de Descartes
, et les deux autres , la Masse du
Soleil , composée , selon Descartes , de la
matiere subtile , et selon l'Auteur da
Traité de l'Opinion , de la matiere compacte
du troisiéme Element , penetrée de
la matiere subtile du premier. Tout ce
qu'il dit à cet égard est neuf et digne
de l'attention des plus habiles Physiciens.
Le Chapitre de l'Astronomie explique
les quatre principaux Systêmes de Ptolomée
, de Copernic , de Tycho- Brahé et
de Longomontan , et renferme les dif
ferentes opinions des Astronomes , entre
lesquelles il se trouve de prodigieuses
distances. Après avoir observé qu'il y a
telle Etoile , qu'on croit avec raison plu
sieurs millions de fois plus grande que
le Soleil , et qu'il est inconcevable de
combien la grandeur de cette Etoile surpasse
celle du Globe de la Terre , que
I. Vola
l'Astro1156
MERCURE DE FRANCE
l'Astronomie la plus nouvelle tient plus
petit que le Soleil un million de fois ,
Î'Auteur ajoûte : » C'est ainsi que plus on
» fait de progrès dans une Science , plus
» l'objet auquel tendent nos travaux , sem-
» ble s'éloigner de nous ; plus on acquiert
» de connoissances , plus on s'apperçoit
» de l'étenduë de celles qui manquent ,
» et comme le sçavant , semblable à l'am-
» bitieux , ne regarde jamais derriere lui ,
plus il apprend , plus il ignore. Ses dé-
»couvertes lui offrent des travaux de plus
» en plus inépuisables,il demeure convain-
» cu de la maxime de Socrate , qu'il ne sçait
>>autre chose , sinon qu'il ne sçait rien .
Il est ensuite traité de la Médecine.
L'Auteur a dit dans sa Préface qu'il ne
peut se refuser la satisfaction de déclarerson
sentiment particulier ; sçavoir , que si
la Médecine est un Art en lui - même rempli
d'incertitude et de dangers , il n'y
a point de secours plus nécessaire à un
malade que celui de la prudence d'un
bon Médecin , et qu'il y auroit une grande
témérité de prétendre se conduire par
son goût ou par ses lumieres dans l'état
auquel on est réduit par la maladie . Ce
Chapitre de la Médecine expose les differens
systêmes et les contradictions des
Médecins , les changemens arrivez dans
1. Vol. la
JUIN. 1733. 1157
la Médecine , les contestations survenuës
au sujet de l'Emétique , avec des Dissertations
sur les manieres de traiter la petite
verole , sur les saignées et sur les dé
couvertes nouvelles de la Médecine.
Le Chapitre suivant de la Chimie est
écrit de cette maniere , également instructive
et amusante , dont l'Auteur ne s'écarte
jamais , et avec la clarté qu'il sçait répandre
sur toutes sortes de sujets . Il dévoile
les supercheries des Alchimistes et réfute
leurs raisonnemens les plus spécieux;
mais il rend justice aux découvertes utiles
d'une Chimie très- sage , qui ne s'applique
qu'à la connoissance de la Nature
et à la préparation des Remedes.
Les préceptes frivoles de l'Astrologie
judiciaire sont détruits et renversez dans
le Chapitre sixième. Les exemples des
prédictions les plus célebres , n'y sont
pas oubliés. Les autres especes de divinations
prétendues naturelles , comme
phisionomie , Chiromancie , Talismans
&c. sont traitées suivant la méthode de
rapporter les opinions des anciens et des
modernes avec les exemples historiques.
Dans le Chapitre des Naturalistes ,
P'Auteur avertit que le vrai se trouve
mêlé avec le faux , et qu'il lui eut été
impossible d'assigner les limites de l'un
I. Vol. et
1158 MERCURE DE FRANCE
de l'autre. Ce mêlange des opinions des
Naturalistes , dont les unes sont outrées
à l'excès , d'autres fort incertaines , et
quelques- unes veritables, fournit des Mémoires
très - amples pour l'Histoire de
l'Esprit humain sur cette matiere .
La Dissertation sur les Arts n'est pas
moins curieuse , et l'Auteur discute cnsuite
en Philosophe profond , les opinions
sur la formation des idées , et ce qui regarde
l'imagination et les sens .
>
Dans le Livre cinquième qui traite de
la Politique , il fait connoître les differentes
sortes de Gouvernemens par l'Histoire
ancienne et moderne ; il donne des
Tableaux finis des Etats de la Grèce et
de la République Romaine ; il explique
avec une grande connoissance du Droit
Public , la véritable constitution du Gouvernement
de France ; il marche d'un
pas hardi et ferme entre les écueils , et
il réfute avec force les fausses opinions
répandues sur des matieres si importantes.
Dans le second Chapitre , l'Auteur
éxamine les maximes politiques. Il excepte
du nombre des opinions quelques
principes certains , par exemple , que
comme Archimede ne demandoit qu'un
point d'appui , pour remuer le Globe de
1. Vol. la
JUIN. 1733. 1159
fa Terre à son gré , ce point d'appui
pour la politique est la bonne foi ; que
le principe de toute verité étant que Dieu
est incapable de tromper , le principe de
toute bonne politique est aussi que le
Monarque soit incapable de tromper ;
que les hommes ne résisteront jamais à
un Empire qui réunit la justice et la
force , &c.
Le sixième Livre renferme les pensées
les plus sublimes , en même temps que
les opinions les plus déraisonnables sur
la Morale et les differentes Loix et Coûtumes
des Peuples. Le Chapitre des Loix
commence par une réfutation très forte
de Spinosa , de Montagne et autres qui
ont nié une justice naturelle ; et l'Auteur
établit que les grands principes de Morale
sont susceptibles de démonstration.
On trouve dans ce Chapitre une Histoire
plus étendue que par tout ailleurs ,
de toutes les épreuves appellées Jugemens
de Dieu."
La diversité des Coûtumes est propo
sée comme une source de Refléxions salutaires.
Le Lecteur s'y trouve disposé
par ce commencement du cinquième
Chapitre, » Platon remercioit Dieu de
l'avoir fait homme et non pas bête ,
Grec er non pas Barbare ; pour nous en
I. Vol.
» faisant
1160 MERCURE DE FRANCE
ノ
» sant refléxion sur plusieurs Coûtumes .
» et opinions abominables qui inondent
» la surface de la Terre , concevons - en
» une juste horreur et remercions Dieu
» de nous avoir fait naître Chrétiens , sous
» une domination équitable et dans un
» siecle éclairé .... Les meilleures ins-
>> tructions se tirent quelquefois des exem-
» ples les plus défectueux ; Ismenias fai-
» soit entendre à ses Ecoliers les plus
» mauvais Joueurs de flute ; le pere d'Ho-
» race lui mettoit devant les yeux la Jeu-
» nesse de Rome la plus corrompuë ;
»Quintilien vouloit que les Professeurs
d'Eloquence lûssent à leurs Disciples
» des Oraisons d'un stile insipide ; les La-
» cédémoniens obligeoient les Ilotes de
» s'enyvrer en présence de leurs enfans
& c.
ر د
>>
L'Ouvrage est terminé par une Dissertation
éloquente sur la douleur et sur
la mort. Mais nous nous appercevons
que nous passons les bornes d'un Extrait
; nous ajoûterons seulement que
ceux qui ont acheté des Exemplaires
du Traité de l'Opinion , sont avertis que
l'Auteur à joint à chaque volume quelques
Observations. Ils les trouveront
contenues séparément dans une petite
Brochure , chez Antoine - Claude Brias-
I. Vel. son
JUIN. 1733. 1161
son , qui débite présentement ce Traité ;
et à l'égard des Exemplaires qui seront
vendus par la suite , ces Observations y
seront insérées au commencement de
chaque volume . Elles renferment des
Eclaircissemens , Additions , Corrections
et un Errata plus exact .
N Traité de l'Opinion , bien moins.
pour faire connoître un Ouvrage dont
la réputation est autant répandue et aussi
bien établie que pour nous acquitter de
notre promesse. Les Citations d'un Ouvra
ge n'entrent pas ordinairemens dan tunExtrait;
nous nous contenterons d'observer à
cet égard qu'on trouve sur chaque matiere
le précis de ce que les Auteurs anciens
et modernes ont dit de plus remarquable
, que leurs propres paroles sont souvent
citées , et les passages toujours choisis
avec discernement , ensorte que dans
la seule lecture de cet Ouvrage on peut
recueillir le fruit de beaucoup de travail
et de recherches en tout genre.
Le quatrième Livre , où nous avons
terminé la premiere partie de notre Extrait
, renferme principalement les contradictions
des Savans sur la Physique ,
l'Astronomie et la Médecine ; les impostures
des Alchimistes et des Astrologues,
les opinions outrées des Naturalistes , et
I. Vol. en
JUIN. 1733. 1155
en même-temps les progrès de l'Esprit
humain et ses nouvelles découvertes dans
les Sciences qui ont des objets corporels.
Le Chapitre premier contient quelques
objections faites aux Mathématiciens
avec des Refléxions sur le systême de
l'infini et sur l'état présent de la Géométrie.
Les trois Figures placées au commencement
du Chapitre de la Physique ,
représentent,l'une les Tourbillons de Descartes
, et les deux autres , la Masse du
Soleil , composée , selon Descartes , de la
matiere subtile , et selon l'Auteur da
Traité de l'Opinion , de la matiere compacte
du troisiéme Element , penetrée de
la matiere subtile du premier. Tout ce
qu'il dit à cet égard est neuf et digne
de l'attention des plus habiles Physiciens.
Le Chapitre de l'Astronomie explique
les quatre principaux Systêmes de Ptolomée
, de Copernic , de Tycho- Brahé et
de Longomontan , et renferme les dif
ferentes opinions des Astronomes , entre
lesquelles il se trouve de prodigieuses
distances. Après avoir observé qu'il y a
telle Etoile , qu'on croit avec raison plu
sieurs millions de fois plus grande que
le Soleil , et qu'il est inconcevable de
combien la grandeur de cette Etoile surpasse
celle du Globe de la Terre , que
I. Vola
l'Astro1156
MERCURE DE FRANCE
l'Astronomie la plus nouvelle tient plus
petit que le Soleil un million de fois ,
Î'Auteur ajoûte : » C'est ainsi que plus on
» fait de progrès dans une Science , plus
» l'objet auquel tendent nos travaux , sem-
» ble s'éloigner de nous ; plus on acquiert
» de connoissances , plus on s'apperçoit
» de l'étenduë de celles qui manquent ,
» et comme le sçavant , semblable à l'am-
» bitieux , ne regarde jamais derriere lui ,
plus il apprend , plus il ignore. Ses dé-
»couvertes lui offrent des travaux de plus
» en plus inépuisables,il demeure convain-
» cu de la maxime de Socrate , qu'il ne sçait
>>autre chose , sinon qu'il ne sçait rien .
Il est ensuite traité de la Médecine.
L'Auteur a dit dans sa Préface qu'il ne
peut se refuser la satisfaction de déclarerson
sentiment particulier ; sçavoir , que si
la Médecine est un Art en lui - même rempli
d'incertitude et de dangers , il n'y
a point de secours plus nécessaire à un
malade que celui de la prudence d'un
bon Médecin , et qu'il y auroit une grande
témérité de prétendre se conduire par
son goût ou par ses lumieres dans l'état
auquel on est réduit par la maladie . Ce
Chapitre de la Médecine expose les differens
systêmes et les contradictions des
Médecins , les changemens arrivez dans
1. Vol. la
JUIN. 1733. 1157
la Médecine , les contestations survenuës
au sujet de l'Emétique , avec des Dissertations
sur les manieres de traiter la petite
verole , sur les saignées et sur les dé
couvertes nouvelles de la Médecine.
Le Chapitre suivant de la Chimie est
écrit de cette maniere , également instructive
et amusante , dont l'Auteur ne s'écarte
jamais , et avec la clarté qu'il sçait répandre
sur toutes sortes de sujets . Il dévoile
les supercheries des Alchimistes et réfute
leurs raisonnemens les plus spécieux;
mais il rend justice aux découvertes utiles
d'une Chimie très- sage , qui ne s'applique
qu'à la connoissance de la Nature
et à la préparation des Remedes.
Les préceptes frivoles de l'Astrologie
judiciaire sont détruits et renversez dans
le Chapitre sixième. Les exemples des
prédictions les plus célebres , n'y sont
pas oubliés. Les autres especes de divinations
prétendues naturelles , comme
phisionomie , Chiromancie , Talismans
&c. sont traitées suivant la méthode de
rapporter les opinions des anciens et des
modernes avec les exemples historiques.
Dans le Chapitre des Naturalistes ,
P'Auteur avertit que le vrai se trouve
mêlé avec le faux , et qu'il lui eut été
impossible d'assigner les limites de l'un
I. Vol. et
1158 MERCURE DE FRANCE
de l'autre. Ce mêlange des opinions des
Naturalistes , dont les unes sont outrées
à l'excès , d'autres fort incertaines , et
quelques- unes veritables, fournit des Mémoires
très - amples pour l'Histoire de
l'Esprit humain sur cette matiere .
La Dissertation sur les Arts n'est pas
moins curieuse , et l'Auteur discute cnsuite
en Philosophe profond , les opinions
sur la formation des idées , et ce qui regarde
l'imagination et les sens .
>
Dans le Livre cinquième qui traite de
la Politique , il fait connoître les differentes
sortes de Gouvernemens par l'Histoire
ancienne et moderne ; il donne des
Tableaux finis des Etats de la Grèce et
de la République Romaine ; il explique
avec une grande connoissance du Droit
Public , la véritable constitution du Gouvernement
de France ; il marche d'un
pas hardi et ferme entre les écueils , et
il réfute avec force les fausses opinions
répandues sur des matieres si importantes.
Dans le second Chapitre , l'Auteur
éxamine les maximes politiques. Il excepte
du nombre des opinions quelques
principes certains , par exemple , que
comme Archimede ne demandoit qu'un
point d'appui , pour remuer le Globe de
1. Vol. la
JUIN. 1733. 1159
fa Terre à son gré , ce point d'appui
pour la politique est la bonne foi ; que
le principe de toute verité étant que Dieu
est incapable de tromper , le principe de
toute bonne politique est aussi que le
Monarque soit incapable de tromper ;
que les hommes ne résisteront jamais à
un Empire qui réunit la justice et la
force , &c.
Le sixième Livre renferme les pensées
les plus sublimes , en même temps que
les opinions les plus déraisonnables sur
la Morale et les differentes Loix et Coûtumes
des Peuples. Le Chapitre des Loix
commence par une réfutation très forte
de Spinosa , de Montagne et autres qui
ont nié une justice naturelle ; et l'Auteur
établit que les grands principes de Morale
sont susceptibles de démonstration.
On trouve dans ce Chapitre une Histoire
plus étendue que par tout ailleurs ,
de toutes les épreuves appellées Jugemens
de Dieu."
La diversité des Coûtumes est propo
sée comme une source de Refléxions salutaires.
Le Lecteur s'y trouve disposé
par ce commencement du cinquième
Chapitre, » Platon remercioit Dieu de
l'avoir fait homme et non pas bête ,
Grec er non pas Barbare ; pour nous en
I. Vol.
» faisant
1160 MERCURE DE FRANCE
ノ
» sant refléxion sur plusieurs Coûtumes .
» et opinions abominables qui inondent
» la surface de la Terre , concevons - en
» une juste horreur et remercions Dieu
» de nous avoir fait naître Chrétiens , sous
» une domination équitable et dans un
» siecle éclairé .... Les meilleures ins-
>> tructions se tirent quelquefois des exem-
» ples les plus défectueux ; Ismenias fai-
» soit entendre à ses Ecoliers les plus
» mauvais Joueurs de flute ; le pere d'Ho-
» race lui mettoit devant les yeux la Jeu-
» nesse de Rome la plus corrompuë ;
»Quintilien vouloit que les Professeurs
d'Eloquence lûssent à leurs Disciples
» des Oraisons d'un stile insipide ; les La-
» cédémoniens obligeoient les Ilotes de
» s'enyvrer en présence de leurs enfans
& c.
ر د
>>
L'Ouvrage est terminé par une Dissertation
éloquente sur la douleur et sur
la mort. Mais nous nous appercevons
que nous passons les bornes d'un Extrait
; nous ajoûterons seulement que
ceux qui ont acheté des Exemplaires
du Traité de l'Opinion , sont avertis que
l'Auteur à joint à chaque volume quelques
Observations. Ils les trouveront
contenues séparément dans une petite
Brochure , chez Antoine - Claude Brias-
I. Vel. son
JUIN. 1733. 1161
son , qui débite présentement ce Traité ;
et à l'égard des Exemplaires qui seront
vendus par la suite , ces Observations y
seront insérées au commencement de
chaque volume . Elles renferment des
Eclaircissemens , Additions , Corrections
et un Errata plus exact .
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Résumé : Traité de l'Opinion, [titre d'après la table]
Le 'Traité de l'Opinion' explore divers sujets à travers plusieurs livres, en mettant l'accent sur les contradictions et les progrès dans différentes disciplines scientifiques et philosophiques. Le quatrième livre examine les divergences entre savants, les impostures des alchimistes et des astrologues, ainsi que les avancées scientifiques. En physique, il discute des tourbillons de Descartes et des opinions sur la matière. En astronomie, il présente les systèmes de Ptolémée, Copernic, Tycho Brahé et Longomontan, soulignant l'immensité de l'univers et l'ignorance persistante malgré les progrès. La médecine est abordée en mettant en avant les incertitudes et la nécessité de la prudence médicale. La chimie est analysée en révélant les supercheries des alchimistes et en valorisant les découvertes utiles. L'astrologie est critiquée pour ses prédictions frivoles. Les naturalistes sont étudiés pour leur mélange d'opinions vraies et fausses. Le cinquième livre traite des différentes formes de gouvernements et des maximes politiques, insistant sur la bonne foi et la justice. Le sixième livre explore la morale et les lois, réfutant les opinions nihilistes et proposant des réflexions sur les coutumes diverses. L'ouvrage se termine par une dissertation sur la douleur et la mort. Des observations supplémentaires sont disponibles séparément ou insérées dans les futurs exemplaires.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 111-147
« MEMOIRES historiques, militaires & politiques de l'Europe, depuis l'élévation [...] »
Début :
MEMOIRES historiques, militaires & politiques de l'Europe, depuis l'élévation [...]
Mots clefs :
Mémoires historiques, Suède, Angleterre, Prince, Pape, Clergé, Cour, Royaume, Divorce, Divorce de Henri VIII, Henri VIII, Roi d'Angleterre, Catherine d'Aragon, Révolutions en Suède, Conjuration de Fiesque, Conjuration , Politique, Danemark
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « MEMOIRES historiques, militaires & politiques de l'Europe, depuis l'élévation [...] »
MEMOIRES hiftoriques , militaires &
politiques de l'Europe , depuis l'élévation
de Charles- Quint au thrône de l'Empire ,
jufqu'au traité d'Aix - la-Chapelle en 1748.
Par M. l'Abbé Raynal , de la Société royale
de Londres , & de l'Académie royale des
Sciences & Belles Lettres de Pruffe . Se
vend chez Durand , au Griffon , rue Saint
-Jacques ; 1754 , 3 vol . in- 8 °.
J'ai déja rendu compte des deux pres
miers volumes de mon ouvrage , je vais
donner l'extrait du troifieme ; il renferme
trois morceaux.
112 MERCURE DE FRANCE.
Hiftoire des révolutions arrivées en Suede
depuis 1515 jufqu'en 1544.
La Suede qui avoit jetté un fi grand éclat ,
lorfque fes habitans , connus fous le nom
de Goths , renverferent l'Empire romain &
changerent la face de l'Europe , étoit retombée
peu -à-peu dans l'obfcurité . Des dif
fenfions domeftiques & les vices du gouvernement
, avoient formé une efpece
d'anarchie , qui auroit cent fois perdu le
Royaume fi les peuples voifins avoient eu
des loix plus fages . Toutes les nations du
Nord languiffoient dans la même barbarie ,
& l'afcendant que les unes pouvoient prendre
fur les autres , ne devoit point venir
de la fupériorité de politique , mais du
bonheur des circonftances ; elles furent
pour le Dannemarc.
Marguerite qui y regnoit , joignoit à
»l'ambition ordinaire à fon fexe , une fui-
» te de vûes qu'il n'a pas fi communément.
» Elle parloit avec grace , & fçavoit em-
»ployer au befoin ce ton de fentiment , qui
» tient fouvent lieu de raifon & qui la rend
toujours plus forte. Contre l'ufage des
» Souverains , elle abandonnoit les appa-
» rences de l'autorité pour l'autorité même ;
» & elle retenoit le Clergé dans fes inté-
» rêts , en lui faifant prendre des déférences
DECEMBRE. 1754 113
»
ور
»
"
pour du crédit. Ce qu'elle faifoit éclater
de magnificence , n'avoit jamais pour ob-
»jet fes goûts , mais fa place ; & foit qu'el-
» le donnât , foit qu'elle récompenfât , c'é
»toit toujours en Reine & au profit de la
Royauté. Lorfque fes projets n'étoient
pas traversés par la loi , elle la faifoit
» obferver avec une fermeté louable ; &
» l'ordre public étoit ce qu'elle aimoit le
» mieux après fes intérêts particuliers . On
» n'a gueres pouffé plus loin qu'elle le faifoit
le talent de paroître redoutable fans
l'être : elle intimidoit fes ennerais par
» d'autres ennemis qu'elle avoit l'art de
» faire croire fes partifans. Ce que fes
» moeurs avoient d'irrégulier étoit réparé
» dans l'efprit des peuples par les dons
» qu'elle faifoit aux Eglifes. Ces facrifices
» coûtoient à fon caractere ; mais fa politique
les faifoit à fa réputation.
"
"
Cette Princeffe entreprit de réunir la
Suede à fes autres Etats , & elle y réuſſit :
mais les Danois ayant abufé de leur fupériorité
, les Suédois trouverent bientôt l'occafion
de fecouer un joug qu'ils déteftoient
, & ils fe donnerent un maître qui
prit le titre d'Aminiftrateur. Les Rois de
Dannemarc n'abandonnerent pas les droits
qu'ils prétendoient avoir fur la Suede , &
ce fut une fource de guerres longues &
114 MERCURE DE FRANCE .
fanglantes entre ces deux Etats.
Chriftiern étoit monté fur le thrône de
Dannemarc ; c'étoit un monftre , qui prefque
au fortir de l'enfance avoit pouffé aux
derniers excès tous les vices , & n'avoit
pas même le mafque d'une vertu . Il ne
chercha point à rapprocher les Suedois du
traité d'union des deux Royaumes , il ne
chercha qu'à les foumettre. Le mécontentement
du Clergé de Suede étoit une difpofition
favorable pour ce Prince. Les Evêques
avoient joui d'une autorité fi étendue
fous les Rois Danois , qu'ils croyoient
ne devoir rien oublier pour ramener les
mêmes circonftances. L'Adminiftrateur
étant mort , ils voulurent mettre à fa place
Elric Trolle , vieillard timide , indolent
irréfolu , & qu'ils auroient fait fervir à
leurs vûes ; mais ce projet échoua. Stenon ,
fils du dernier Adminiftrateur , fut élu , &
il fit conférer l'Archevêché d'Upfal au fils
de Trolle ; démarche qu'il crut propre ,
fans doute , à confoler fon rival de fon
exclufion . Ĉe bienfait politique n'eut pas
le fuccès qu'il en attendoit . Trolle plus humilié
que touché du tendre & généreux
intérêt que ce Prince avoit pris à lui , fit
éclater un reffentiment qui allarma égale
ment pour Stenon & pour la patrie. Le
jeune Prélat ne pouvoit pas fe conføler de
DECEM BR E. 1754. 115
n'être que le fecond dans un état qu'il avoit
compté gouverner d'abord ſous le nom de
fon pere , & dans la fuite fous le fien . Son
mécontentement éclata bientôt.Il fe mit à la
tête du Clergé , s'unit avec les Danois , &
corrompit le Gouverneur de quelques places
fortes. Stenon inftruit de tout ce qui
fe tramoit contre l'Etat , convoqua le Sénat
, & Trolle fut reconnu pour l'auteur
& le chef de la confpiration. L'Archevêque
déterminé à la ruine de fon pays , par
un reffentiment que les contretems rendoient
plus vif, ne daigna ni juftifier fa
conduite , ni fe plaindre de fes complices :
il fe retira dans le châreau de Steke , en
attendant du fecours de Chriftiern. A perne
l'Adminiftrateur eut - il commencé le
fiége de cette place , que les Danois vinrent
faire une defcente près de Stockolm ;
Stenon y marcha avec une partie de fon
armée , & il fe livra un combat auffi fanglant
qu'il devoit l'être au commencement
d'une campagne entre deux nations rivales
, dans une occafion décifive & pour de
grands intérêts. La victoire fe déclara pour
La Suede , les Danois regagnerent leurs
vaiſſeaux , & l'Archevêque fut obligé de
fe rendre. Les Etats le déclarerent ennemi
de la patrie , l'obligerent de renoncer à fa
dignité , & le condamnerent à finir fés
jours dans un cloître.
116 MERCURE DE FRANCE.
"
23
» Quand le Pape n'auroit pas été follicité
par le Prélat dépofé & par Chriftiern
» de s'élever contre ce jugement , il l'au- |
» roit fait. La Cour de Rome dont les droits
» n'avoient pas été auffi bien éclaircis
» qu'ils l'ont été depuis , appuyoit indiffé-
» remment le Clergé dans toutes les affai-
» res , avec une vivacité & une fierté qui
» ne fe démentirent pas en cette occaſion .
» Elle fit menacer les Etats & l'Adminif
» trateur des cenfures de l'Eglife , s'il ne
rétabliffoient fans tarder l'Archevêque
fur fon fiége , & dans tous les avantages
» dont on l'avoit privé.
"
» Il eft glorieux pour l'humanité que
» dans un fiécle où la Philofophie avoit fait
» fi peu de progrès , un peuple entier ait
» diftingué l'autorité légitime du chef de
» la religion , de l'abus qu'il en peut faire.
» Les Suédois en marquant beaucoup de
» refpect au Souverain Pontife , parurent
» affez tranquilles fur les foudres qu'il préparoit
contr'eux. Ils témoignerent de la
répugnance à lui defobéir ; mais enfin ils
» lui defobéirent , & ils aimerent mieux
» l'avoir pour ennemi que de rifquer de
» rallumer dans leur patrie le feu des
» guerres civiles qu'ils avoient eu tant de
peine à éteindre. Si cette généreufe réfolution
avoit été accompagnée d'un ex-
"
و د
DECEMBRE. 1754 117
cès d'emportement , Rome fe feroit trou-
» vée heureufe : dans la réfolution où elle
» étoit de pouffer les chofes à l'extrêmité ,
elle auroit voula paroître forcée à des
❞ violences par des outrages qui les juftifiaffent.
L'impoffibilité de mettre les apparences
de fon côté , ne lui fit pas aban-
» donner fes vûes : elle mit en interdit la
» Suede , excommunia l'Administrateur &
» le Sénat , ordonna le rétabliſſement de
» Trolle , & pour comble d'injuftice , chargea
le Roi de Dannemarc de procurer
" par la voie des armes l'exécution d'une
Bulle fi odieufe.
و د
Chriſtiern étoit & fe montra digne d'une
telle commiffion. Il entra en Suede , & mit
tout à feu & à fang ; après bien des ravages
& bien des cruautés , les Suédois furent
défaits dans une bataille où Stenon fut
rué ; cet événement fit la deftinée de la
Suede ; tout tomba dans une confufion
horrible. Trolle qui avoit profité des malheurs
publics pour remonter fur fon fiége ,
convoqua les Etats. La craintelou la féduc
tion y firent reconnoître fans obftacle l'au
torité de Chriftiern , qui commença par
immoler à fon reffentiment & à fon ambition
tout ce qui auroit pu lui faire quelque
ombrage. Il fit maffacrer les Seigneurs
les plus diftingués de Suede & tout ce qui
118 MERCURE DE FRANCE.
reltoit d'hommes puiffans affectionnés à
leur patrie , ou aimés des peuples. Avec ces
victimes expira l'efpérance & prefque le
defir de la liberté. Les loix anciennes furent
abrogées , le defpotifme porté au dernier
période , & il ne fe fit aucun mouve
ment . Rien ne caufoit & ne pouvoit caufer
d'inquiétude à Chriftiern que la
fonne de Guftave Vaſa.
per-
Ce jeune Seigneur defcendoit des anciens
Rois de Suede , & s'étoit fignalé dans
plufieurs occafions ; c'étoit un homme fupérieur
, né pour l'honneur de fa nation
& de fon fiécle , qui n'eut point de vices ,
peu de défauts , de grandes vertus & encore
plus de grands talens.
Retenu en Dannemarc par une perfidie ,
il avoit trouvé l'occafion de s'échapper des
mains de Chriftiern , & s'étoit caché dans
les montagnes de la Dalecarlie. Après avoir
erré long- tems , forcé par le befoin de travailler
aux mines , il trouva enfin chez un
Curé un afyle , qui devint le berceâu de la
liberté , de la gloire & du bonheur de la
Suede. De concert avec cet Eccléfiaftique ,
homme fage , defintéreffé , inftruit , accrédité
, zélé pour fa patrie , Guftave commença
par échauffer les efprits , & il profita
du premier feu de l'enthoufiafme qu'il fit
aaître pour fe faire un parti. A la tête de
DECEMBRE. 1754. 119
par
quatre cens hommes il emporta d'affaut
une place commandée le Gouverneur
de la province ; fes premiers fuccès donnerent
de l'audace ; fa petite armée s'accrut
à vûe d'oeil , & il n'eût qu'à fe montrer
dans les provinces voisines de la Dalecarlie
pour les foulever. La timidité & l'indolence
du Viceroi que Chriftiern avoit
laiffé en Suede , donna à Guſtave le tems
de faire des progrès plus confidérables , de
groffir & de difcipliner fes troupes . Trolle
faifit le tems où les Dalecarliens s'étoient
retirés dans leurs pays pour faire la moiffon
; il fe mit à la tête de quatre mille
hommes , & alla attaquer brufquement
Guftave , qui n'étoit pas affez fort pour
l'attendre. Ce léger échec fut bientôt réparé
par Guftave , qui l'attaqua à fon tour
fi vivement , que l'Archevêque échappa à
peine avec la dixieme partie de fes troupes.
Les vainqueurs marcherent droit à Stockholm
; le Viceroi & l'Archevêque , dans la
crainte que quelque malheureux hazard
ne les fit tomber entre les mains de leurs
ennemis , s'enfuirent en Dannemarc . Leur
retraite fut un événement décifif pour
mécontens. L'indépendance du Royaume
parut affez affurée
pour qu'on crût pouvoir
convoquer fans rifque les Etats Généraux
, & donner quelque forme à un
,
les
120 MERCURE DE FRANCE.
Gouvernement qui n'en avoit point .
» L'affemblée ne fut pas nombreufe ; il
ne s'y trouva de Députés que ceux que
» l'amour de la patrie & la haine des tyrans
» élevoient au - deffus de tous les périls.
» Les réfolutions des hommes de ce carac-
» tere ne pouvoient manquer d'être har-
» dies & leurs démarches vigoureufes . Ils
» renoncerent folemnellement à l'obéïffan
» ce qu'ils avoient promife à Chriftiern ,
» éleverent leur Général , qui n'avoit dû
» jufqu'alors for autorité qu'à fon coura-
» ge , à la dignité d'Adminiftrateur , & ar-
» rêterent qu'on continueroit à faire une
» guerre vive & fanglante.
Tandis que Guftave reprenoit fur les
Danois les places qui leur reftoient en Suede
& qu'il formoit le fiége de Stockholm ;
la révolution qui fe fit en Dannemarc affûra
l'indépendance de la Suede. La tyrannie
& les excès de Chriftiern révolterent fes
fujets , & leur infpirerent une réfolution
violente . Ils déthrônerent ce Prince , qui
fe retira auprès de Charles - Quint fon beaufrere
, & ils placerent fur le thrône Frideric
, Duc de Holſtein.
Cet événement ôta aux Danois , qui
étoient encore en Suede , le courage , l'efpérance
& la force de s'y maintenir. Ceux
qui défendoient Stockholm offrirent de
capituler;
DECEMBRE . 1754. 125
capituler ; mais l'Adminiftrateur laiffa traîner
le fiége , fous prétexte de le finir d'une
maniere plus honorable , mais en effet pour
obliger par ce fantôme de péril les Etats
Généraux de lui déférer la couronne . Cette
politique étoit plus artificieufe que néceffaire.
Guftave fut proclamé Roi avec une
unanimité & un enthouſiaſme qui étoient
fûrement les fuites de la plus vive admiration
& d'une efpece d'idolâtrie . L'union
que fit ce Prince avec Frideric , acheva
d'établir la tranquillité , la gloire & l'indépendance
de la Suede. Guftave ne fongea
plus qu'à réformer l'intérieur du Royaume
, en fubftituant de bonnes loix à la barbarie
ancienne, & une police fage aux abus
introduits par les troubles civils. Il fut
éclairé , foutenu & dirigé dans fes vûes
par un homme célebre , qu'il eft important
de connoître à fond.
Ce confident habile fe nommoit Larz-
Anderfon , né de parens obfcurs & fans
fortune. Il avoit commencé à fe diftinguer
dans l'Eglife ; mais dégoûté d'une carriere
où l'on n'avançoit que par les fuffrages de
la multitude , il s'attacha à la Cour. » Guftave
démêla bientôt dans la foule des
» courtifans empreffés à lui plaire, un hom-
» me propre à le fervir ; & dédaignant
»toutes ces petites expériences fi néceffai-
11. Fol.
و د
F
22 MERCURE DE FRANCE.
» res aux Princes médiocres , & qui ne leur
»fuffifent même pas , il l'éleva tout de
» fuite au premier pofte du Royaume , &
» le fit fon Chancelier,
و ر
» Anderſon juſtifia cette hardieffe . C'é-
» toit un génie que la nature avoit fait pro-
» fond , & que les réflexions avoient étendu,
Quoiqu'il eut l'ambition des grandes
places , il avoit encore plus l'ambition
» des grandes chofes , & il aimoit mieux
voir croître fa réputation que fon crédit.
» Il n'étoit pas citoyen dans ce fens qu'il fe
» fût facrifié pour fa patrie ; mais il méri-
>> toit ce beau nom , fi on veut l'accorder
» aux Miniftres qui ont des idées aflez juf-
» tes pour croire que leur gloire eft infé-
»parable de celle de leur Roi & de leur na-
» tion. L'exemple de ceux qui l'avoient pré-
» cédé ni le jugement de ceux qui le devoient
» fuivre , n'étoient pas la régle de fa con-
»duite ; fes projets n'étoient cités qu'à fon
» tribunal & à celui de fon maître. Cette
» indépendance qui ne peut être fentie que
» par ceux qui l'ont , étoit accompagnée
» d'une fagacité qui faififfoit tout , depuis
»les premiers principes jufqu'aux dernie-
" res conféquences , & d'une lumiere qui
» fourniffoit des vûes fublimes & les expédiens
propres à les faire réuffir . Letalent
» de hâter les événemens fans les précipi
ter lui étoit comme naturel ; & en par
و د
39
DECEMBRE. 1754 123
-99
93
و د
roiffant céder quelquefois aux difficultés,
il venoit toujours à bout de les furmonter.
L'étude de l'hiftoire & fes réflexions
» l'avoient affermi contre les murmures ,
les tumultes , les révoltes même ; & il
» étoit convaincu qu'avec du courage , du
fang froid & de la politique on vient
» tôt ou tard à bout de fubjuguer les hom-
" mes & de les ramener à leurs intérêts. Il
fçavoit le détail des loix comme un Ma-
» giftrat , & en poffédoit l'efprit en Légiflateur.
On réfiftoit d'autant moins à fon
éloquence , qu'elle partoit d'une raifon
» forte . Ce Miniftre appartenoit plus à un
autre âge qu'à celui où il vivoit ; & fes
» contemporains qui n'étoient pas à beau-
>> coup près auffi avancés que lui , n'apperçurent
pas toute l'élévation de fon ca-
» ractere , ni l'influence qu'il eut fur les
» révolutions qu'éprouva la Suede .
บ
93
"
Ce Royaume étoit la proye des Eccléfiaftiques
: leur autorité pouvoit exciter de
nouveaux troubles , & ils poffédoient tout
l'argent , toutes les richeffes de la Suede . I
falloit trouver un prétexte pour les dépouiller.
Anderſon en imagina un ; c'étoit
d'introduire le Luthéranifme , qui faifoit
des progrès rapides en Allemagne , & qu'il
avoit adopté par cet efprit d'inquiétude fi
ordinaire à ceux qui font nés plus grands
Fij
124 MERCURE DE FRANCE .
que leur condition. Guſtave adopta les
vûes de fon Chancelier ; mais cette révolution
ne pouvoit fe faire que par dégrés :
on laiffa le tems au Luthéranifme de s'établir
dans le Royaume. Des Docteurs de
réputation qu'on fit venir d'Allemagne , lui
donnerent de l'éclat ; la faveur qu'ils parurent
avoir, leurs déclamations, le goût de la
nouveauté entraînerent bientôt une partie
de la nation . A mefure que le Luthéranifme
faifoit des conquêtes fur le Royaume ,
Guftave en faifoit fur le Clergé. Il commença
par abolir une efpece d'impôt que
les Curés avoient mis fur certains péchés .
Il ôta aux Evêques le droit qu'ils avoient
ufurpé d'hériter de tous les Eccléfiaftiques
du fecond ordre. Les troupes furent mifes
en quartier d'hiver fur les terres du Clergé ,
ce qui étoit fans exemple : enfin il propofa
de prendre les deux tiers des dîmes pour
l'entretien des troupes , & une partie de
l'argenterie & des cloches des Eglifes riches
pour abolir , en payant les étrangers ,
les privileges odieux dont ils jouiffoient.
Ces expédiens furent généralement approuvés
; & s'il y eut quelque mécontentement
, il n'éclata pas.
Guftave mit la derniere main à fes grands
deffeins, en convoquant les Etats Généraux
à Vefteras en 1527. Les innovations qu'il
DECEMBRE . 1754. 125
propofa pour achever d'écrafer la puiffance
du Clergé , parurent trop hardies , &
le ton de defpotifine qu'il prit étoit trop
nouveaupour ne pas exciter quelques mou.
vemens ; mais ils n'eurent point de fuites .
Les troubles furent bientôt appaifés , & ce
que les Etats avoient arrêté fut établi fans
obftacle. » Le mépris pour la Communion
» Romaine fuivit la ruine & l'aviliffement
» du Clergé , qui avoient été le but de tou-
» tes les innovations qu'on venoit d'intro-
» duire. Guftave fe déclara enfin Luthe-
» rien , & toute la nation voulut être de
» la religion du Prince . Rien ne prouve
» les progrès de l'efprit de fervitude dans
» un Etat , comme l'influence du Souverain
fur la croyance des peuples. Le facrifice
de fes opinions qui coûte fi peu à
» la Cour , où on n'a proprement que des
préjugés , eft fi grand à la ville & dans
» les provinces où on a des principes ,
» qu'il prépare à tous les autres facrifices ,
» & même les affure . Auffi lorfque Guf-
» tave demanda aux Etats en 1544 , que
» la Couronne qui avoit toujours été élec-
» tive fû: déclarée héréditaire , il n'éprou
» ya point de contradictions .
" Tel fut le dernier acte d'un des regnes
les plus éclatans que le Nord ai vû ;
» nous ajouterions d'un des plus heureux ,
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
»fi Guſtave avoit été auffi jufte qu'il étoir
»grand , & fi en faifant par fon caractere
»le bonheur de la génération qu'il gou-
» vernoit , il n'avoit pas préparé le mal-
» heur de celles qui devoient la fuivre ,
en établiffant un defpotifme dont fes fuc-
»ceffeurs ne pouvoient manquer d'abuſer .
Hiftoire du divorce de Henri VIII. Roi
d'Angleterre , & de Catherine d' Arragon ,
depuis 1527 jufqu'en 1534.
Henri VII , furnommé dans l'hiftoire le
Salomon de l'Angleterre , voulut rendre à
fa couronne , par une alliance avantageufe,
l'éclat que les guerres civiles lui avoient
fait perdre , & il obtint pour le Prince de
Galles fon fils , Catherine d'Arragon . Ce
mariage ne fut pas heureux ; le jeune Prince
mourut un an après , à l'âge de quinze
ou de feize ans. Cet événement pouvoit
Fompre les liens qui uniffoient l'Espagne
& l'Angleterre , & qui les rendoient redoutables
à tous leurs voifins. Pour calmer
les inquiétudes des deux Puiffances , il fut
arrêté que le nouveau Prince de Galles
épouferoit la veuve de fon frere . Pour former
ces nouveaux noeuds , on eut befoin
d'une difpenfe , & le Pape Jules fecond
l'accorda,
DECEMBRE. 1754. 127
Henri & fa belle-four furent fiancés
folemnellement en 150;, & le Prince qui
n'avoit alors que douze ans , n'eut pas
plutôt atteint fa quatorziéme année qu'il
it en préſence de plufieurs témoins une
proteftation en forme contre le confentement
qu'il avoit donné. Cette proteſtation
fut tenue fecrette jufqu'à la mort de
Henri VII en 1509 , & le mariage fur
célébré la même année . » Catherine avoit
» des vertus , mais les agrémens de fon
» fexe lui manquerent. Elle n'avoit ni grace
» ni dignité , ni defir de plaire ; fa triftefle
» & fon indolence augmenterent avec l'âge
» & les infirmités . Le dégoût de Henri qui
»> ne l'avoit jamais aimée , devint infen-
» fiblement extrême , & ouvrit le coeur de
» ce Prince à une paffion fort vive pour
» Anne de Boulen.
Anne étoit plus que belle , elle étoit
piquante. Ses traits manquoient de régularité
; il en réfultoit cependant un
enfemble qui furpaffoit la beauté même.
» Une taille parfaite , le goût de la danfe ,
» une voix touchante , & le talent de
jouer avec grace de plufieurs inftru-
» mens , relevoient en elle l'éclat de la
premiere jeuneffe. Quoique la France
ne fût pas alors autant qu'elle l'a été
depuis en poffeffion de fervir de modele
"
Fiiij
128 MERCURE DE FRANCE.
» aux autres peuples , Anne y avoit pris
» des manieres , un ton , des modes , qui
» fixerent fur elle les yeux & prefque l'ad-
» miration de la Cour de Londres. Cette
premiere impreffion fut foutenue par une
» converfation vive & légere , par un enjouement
ingénieux & de tous les inftans.
Les foupçons que pouvoit faire naître
fon air libre & trop carreffant, étoient
détruits par fon âge & par fa diffipation.
Elle ne montroit de l'empreffement
"que pour les plaifirs & pour les fêtes ; &
il paroiffoit fi peu d'art dans fa conduite Ᏺ
qu'il étoit prefque impoffible de lui fup-
»pofer des projets. Sa coquetterie ne fit
pas & ne devoit pas faire des impref-
»lions fâcheufes on la regarda comme
» une fuite de l'éducation frivole qu'elle
avoit reçue , & non comme un vice du
» coeur, ou le fruit de la réflexion . Les
» événemens prouverent que fon caractere
» avoit échappé aux courtifans les plus dé-
» liés : elle fe trouva diffimulée , profonde
, ambitieufe , & fut tout cela à un
» haut dégré & avant vingt ans.
Percy parut le premier fenfible aux char
mes d'Anne , ou fut , fi l'on veut , le premier
féduit par fon adreffe. Ses foins furent
acceptés , & leur union alloit être
confommée fi l'amour du Roi n'y avoit mis
DECEMBRE. 1754. 129
1
obftacle. Percy fut forcé de renoncer à fa
maîtrelle : Henri déclara lui-même à Anne
les fentimens qu'il avoit pour elle , mais
il la trouva plus fiere qu'il ne l'avoit cru.
Eclairée fur la violence de la paffion qu'elle
avoit infpirée , elle parut plus offenfée que
Alattée des propofitions du Prince , & lui
fignifia qu'elle feroit fa femme ou ne lui
feroit rien. C'est à cette époque que les
écrivains Catholiques fixent la premiere
idée qu'eut Henri de faire divorce avec
Catherine ; les Proteftans la font remonter
plus haut. On n'eft pas moins embarraſſé
fur la date précife de la réfolution qu'il
en prit ; on auroit évité de longues & ameres
conteftations , fi on avoit été affez
defintéreffé de part & d'autre , pour voir
que le Cardinal Wolfey étoit l'unique ,
ou du moins la principale caufe de ce
grand événement.
Cet homme célébre , rapidement paffé
de la condition la plus baffe au miniſtere
& à la pourpre , avoit d'abord embraffé le
parti de l'Empereur , & il l'abandonna
enfuite , parce qu'il vit que ce Prince l'avoit
trompé par les fauffes efpérances qu'il
lui avoit données de le placer fur le trône
de l'Eglife . Wolfey voulut humilier Charles-
Quint , en faisant répudier Catherine
d'Arragon fa tante. Ce Cardinal porta
Fv
130 MERCURE DE FRANCE..
dans cet odieux procès plus d'adreffe que :
la paffion n'en permet ordinairement , &
plus de circonfpection qu'on ne l'auroit:
dû efpérer de la hauteur & de l'emporte--
ment de fon caractere. Il commença par
perfuader le Confeffeur du Roi , dont les .
remontrances firent naître des doutes dans
l'efprit de Henri , & ces fcrupules joints à
la décision de quelques Théologiens , le
déciderent entierement pour le divorce..
Sa réfolution ne tarda pas d'éclater. Trois
Ambaffadeurs François étant arrivés en Angleterre
, conclurent fans beaucoup de difficultés
, un traité de paix perpétuelle entre
les deux nations , & ils arrêterent que:
Marie , fille de Henri , épouferoit François
I. ou fon fecond fils le Duc d'Orléans
.
"
"
» L'Evêque de Tarbes , celui des Am-
» baffadeurs qui avoit le plus le talent des
" affaires , & le feul qui eut le fecret de
» celle-là , parut environ huit jours après
la fignature du traité , mécontent d'une
» négociation dont le fuccès éroit regardé
» comme complet. Son chagrin fut remar
» qué comme il le devoit être , & on cher-
» cha à en deviner la caufe . Le public s'é-
" puifa à l'ordinaire en conjectures , & les
gens en place en queftions. Lorfque le
» Prélat crut avoir affez long-tems tenu
DECEMBRE. 1754. 131
les efprits en fufpens , il fe laiffa arra-
» chet fon fecret : il dit avec un certain
embarras affez ordinaire à ceux qui ont
des vérités fâcheufes à annoncer aux
Princes , qu'il craignoit beaucoup qu'u-
»ne partie des liens que venoient de for-
>> mer les deux nations , ne fuffent bien-
» tôt rompus , & qu'en particulier le mariage
projetté ne pût pas s'exécuter. Preffé
» de s'expliquer fur le myftere que renfer-
» moient ces dernieres paroles , il avoua
» qu'il croyoit nulle l'union de Henri &
» de Catherine , & qu'il étoit inftruit que
» les Théologiens les plus habiles ne pen-
» foient pas autrement que lui.
» Le Roi parut frappé de ce difcours
» comme il l'eût été d'un coup de foudre ;
fon but étoit de perfuader par cet éton-
» nement à l'Europe que le premier doute
» fur fon mariage lui étoit venu à cette oc--
» cafion.
Les fcrupules de l'Evêque de Tarbes furent
regardés comme des vérités incontef
tables , & il partit fur le champ pour l'I--
talie un Miniſtre , chargé de folliciter au--
près du Saint Siége la diffolution du ma--
riage avec Catherine .
Člement VII . qui gouvernoit alors , étoit
encore prifonnier au Château Saint - Ange.-
Le fecours prompt & affuré qu'on lui pro-
Fvj
132 MERCURE DE FRANCE.
mit , l'auroit infailliblement déterminé à
faire ce qu'on exigeoit de lui , s'il n'eût
été arrêté par la crainte de Charles - Quint.
Lorfque le Pape fut libre , les négociateurs
Anglois devinrent plus preffans , mais leur
adreffe & leur activité ne purent vaincre
fes irréfolutions. Il vint à bout de faire
naître des obftacles & des incidens fort
naturels , qui reculoient la décifion de cette
affaire . Après bien des détours & des lenteurs
, preflé par les inftances de l'Angleterre
, Clement établit enfin Wolfey juge
de l'affaire du divorce , & on lui donna
pour adjoint le Cardinal de Campege , qui
s'étoit trouvé du goût des deux Cours.
Il n'y avoit qu'à fuivre la négociation
de Campege , pour être convaincu que le
Pape ne donneroit jamais les mains à un
projet contraire aux intérêts de fon Siége
& à ceux de fa maifon , & qu'il vouloit
feulement obtenir par ce moyen un traitement
plus avantageux de Charles. Quint.
L'affaire fe rempliffoit tous les jours de
nouvelles difficultés. Henri que fa paffion
mettoit dans un état violent , fatigué
de tant d'indécifions , envoya de nouveau
à Clément deux Miniftres pour preffer l'exécution
de fon projet ; mais leurs infinuations
n'ayant pas eu le fuccès qu'ils
s'étoient promis , ils eurent recours à des
DECEMBRE. 1754 133
moyens odieux. Ils joignirent aux reproches
les plus humilians , des menaces effrayantes.
On faifoit craindre au Pape d'être déposé ,
fous prétexte que fon élection avoit été
irréguliere ; que l'Angleterre ne fecouât un
joug qui devenoit tous les jours plus dur &
plus injufte , & que l'Europe entiere éclairée
& enhardie par un exemple fi frappant ,
ne renonçât à l'ancien préjugé qui la tenoit
fous la domination du S. Siége. Ces
moyens ne réuffirent pas , & l'affaire du
divorce fut ramenée au tribunal de Wolfey
& de Campege. Les Légats , après l'examen
de cette caufe finguliere , citerent le
Roi & la Reine pour le 18 Juin 1529. La
Reine comparut devant eux , mais les recufa
pour juges , & ne voulut jamais fe
défifter de fa récufation . » On l'auroit peut-
» être crue occupée de fa vengeance , fi
nenfe précipitant devant toute l'aflemblée
" aux pieds du Roi , elle n'avoit fait voir
» qu'il n'y avoit dans fon coeur que le défir
» & peut- être l'efpérance de regagner un
» coeur qu'elle avoit malheureufement perdu.
Cette pofture , fon amour & fes infortunes
lui infpirerent tout ce qu'on
peut imaginer de plus modeste , de plus
» tendre & de plus touchant. Dès qu'elle
» eut fini de parler , elle fe retira , & alla
attendre dans l'obfcurité , dans les lar134
MERCURE DE FRANCE.
" mes & dans l'incertitude les effets d'une
» fcene aufli attendriffante que celle qui
» venoit de fe paller.
» Le denouement de ce coup de théatre
» ne fut pas tel qu'on avoit cru pouvoir
» l'efpérer. Tout l'attendriffement qu'on
avoit remarqué dans le Prince fe réduifoit
à une compaffion ftérile , & à des
éloges vagues. Henri rendit justice à la
» conduite exemplaire , à l'humeur douce ,
» à la foumiffion fans bornes de Cathe-
» rine ; & il parut fâché que la religion &
la confcience ne lui permiffent pas de
finir fes jours avec une Reine malheureufe
, qui n'avoit jamais rien dit ni rien-
»fait que de louable .
Tandis que Campege éloignoit tant qu'il
pouvoit la décifion de cette affaire , l'Empereur
fit un traité à Barcelone , dans lequel
il traitoit favorablement le S. Siége
dans la vûe de fe venger , fur tout du Roi
d'Angleterre , qui l'infultoit cruellement
dans la perfonne de fa tante. Le Pape immédiatement
après fon raccommodement
avec l'Empereur , évoqua l'affaire du divorce
, & fe rendit par cette démarche foible
& imprudente , l'inftrument d'une hai
ne , d'un orgueil , d'une politique qu'il auroit
dû traverfer , & dont il pouvoit trèsaifément
devenir la victime.
DECEMBRE.
1754. 135
Campege s'en retourna à Rome , & Wol- .
fey fut immolé au reffentiment du Roi ; il
fe vit accablé d'une fuite d'accufations
d'opprobres & de malheurs qui le conduifirent
au tombeau.
Henri dont les contretems ne faifoient
qu'irriter la paffion , fut obligé de chercher
d'autres moyens on lui confeilla deconfulter
toutes les Univerfités de l'Europe.
Celle d'Oxford & de Cambridge étoient
vendues à la Cour , & déclarerent le mariage
nul. Celles de France furent affez
partagées , & la Sorbonne , divifée en plufieurs
factions , ne céda qu'à des vûes d'intérêt
& de politique à la volonté du Roi
& à l'argent d'Angleterre. Le dernier de
ces moyens fut feul affez puiffant pour gagner
les Univerfités d'Italie . La fureur de
fe vendre étoit montée à tel point qu'on
avoit un Théologien pour un écu ; quelquefois
pour deux une Communauté entiere
, & qu'un Couvent de Cordeliers
paffa pour cher parce qu'il en coûtoit dix.
Mais les Théologiens Allemans ne cederent
ni à la féduction ni aux follicitations ,.
& refuferent de fe déclarer pour le divorce.
La Cour de Rome vit ces manoeuvres
avec une indifférence méprifante : c'étoit
un étrange aveuglement de penfer qu'on
136 MERCURE DE FRANCE.
la fubjugueroit par les décisions de quelques
Théologiens . Cette Cour trop intéreffée
depuis long-tems , & trop politique
pour fe conduire par les maximes foibles ,
bornées & incertaines des cafuiftes , regardoit
malheureufement moins la religion
comme fa fin , que comme un moyen d'y
arriver.
Henri qui voyoit avec douleur le peu
de fruit qu'il tiroit de toutes fes démarches
, forma , pour fe venger de Clement ,
le deffein de lui enlever l'Angleterre . Il
commença par défendre , fous des peines
capitales , de recevoir aucune expédition
de Rome qui ne fût appuyée de fon autorité
. Il attaqua les privileges du Clergé , &
dépouilla le Pape de fes droits les plus effentiels.
Dans le même tems , Catherine
preffée de nouveau de confentir au divorce
, & toujours ferme dans ſon refus , fut
obligée de s'éloigner de la Cour , où elle
ne retourna jamais.
Le Roi d'Angleterre voulut enfin terminer
fes irréfolutions , en fuivant le confeil
que lui donna François I. de fe paffer
de la difpenfe du Pape , & d'époufer fans
délai une femme aimable , qui étoit devenue
néceffaire à fon bonheur. Le mariage
fe fit , & demeura fecret jufqu'à la
groffeffe d'Anne de Boulen , qui força de
DECEMBRE . 1754. 137
le rendre public avant même qu'on eût pû
déclarer nul celui de Catherine. Cette derniere
opération fut l'ouvrage de Cranmer ,
Archevêque de Cantorbery , qui engagea
le Clergé d'Angleterre à prononcer fur
l'affaire du divorce ; & malgré la précaution
qu'avoit prife le Pape de fe referver
la connoiffance de ce grand procès , le ma--
riage fut caffé folemnellement. Anne entra
en triomphe dans Londres , & y fut reçue
avec un éclat & une magnificence finguliere
.
Clément apprit avec un dépit fenfible
ce qui venoit de fe paffer : il fit une Bulle
qui excommunioit Henri & Anne de Boulen
, s'ils ne fe quittoient dans quelques
mois ; & après de nouvelles négociations
pour terminer cette affaire , le Pape affembla
fon Confiftoire , & le réfultat fut une
fentence qui obligeoit le Prince à repren
dre Catherine , fous peine d'excommunication
pour lui , & d'interdit pour fon
Royaume. Le Parlement avoit prévenu ce
jugement par une loi qu'il avoit faite quelques
jours aparavant , & qui défendoit de
reconnoître l'autorité du Pape. Henri recueillir
le fruit d'une politique profonde &
fuivie ; & fans faire d'autres changemens
dans la religion , il défendit tout commerce
avec le S. Siége , & voulut être lui -même
138 MERCURE DE FRANCE.
chef de l'Eglife dans fon Royaume . La nation
adopta les idées fchifmatiques qu'on
lui préfentoit ; elle fuivit depuis les opinion
de Zuingle fous Edouard , retourna à
la communion de Rome fous Marie , & fe
forma fous Elizabeth un culte qu'elle profeffe
encore aujourd'hui , fous le nom de
Religion Anglicane.
Hiftoire de la conjuration de Fiefque
en 1546 & 1547.
André Doria délivra en 1528 la République
de Gênes du joug de la France ,
& y établit l'ordre qui fubfifte encore aujourd'hui,
Ce plan de Gouvernement , le feul
peut-être qui pût convenir au caractere
» des Génois , & à la fituation où ils fe
» trouvoient , les devoit raffurer naturelle-
» ment contre les entreprifes de Doria . Si
» ce grand Capitaine eût en réellement
» les vûes que lui ont fuppofées la plupart
" des hiftoriens , ou il auroit laillé fon
"pays dans l'anarchie , ou il y auroit éta-
39
bli des loix mauvaifes , ou il fe feroit
" emparé de la dignité de Doge ; trois
» voies qu'il lui étoit aifé de prendre , &
» dont chacune devoit prefque néceffaire-
» ment le rendre maître de la République.:
33
DECEMBRE. 1754. 139
» Avec un peu d'attention , on démêle
» qu'il ne cherchoit ni à être tyran ni à
» être citoyen , & qu'il vouloit fe venger
» feulement de la France , qu'il avoit bien
fervie , & dont il étoit mal traité. Ce
projet qui étoit connu de tout le monde
, & celui de maintenir la révolution ,
» l'autorifoit , fans qu'on en prît ombrage ,
» à fe charger , comme il fit , du comman
dement des galeres de Charles Quint . 11
eft vrai que ce moyen avoit quelque
» chofe d'équivoque , & qu'il pouvoit fer-
» vir à opprimer la liberté publique auffi
bien qu'à la défendre : mais l'ordre que
» Doria avoit d'abord établi dans l'Etat ,
étoit une preuve de modération , que ce
» qu'il avoit laiffé voir d'ambition ne de-
» voit gueres affoiblir , & que fa conduite
» fortifioit extrêmement. Content de l'em-
» pire que lui donnoient fur les efprits &
>> fur les coeurs les grandes chofes qu'il
» avoit faites , il paroiffoit préférer de
» bonne foi la tranquillité de la vie privée
» à l'embarras des grandes places , & fe
» livrer aux affaires plutôt par zéle que
" par goût. Il y a apparence que des dehors
auffi impofans auroient trouvé une
» confiance entiere , fans la préfomption:
» & les hauteurs d'un parent éloigné qu'il.
avoit adopté pour fils ..
140 MERCURE DE FRANCE.
Ce jeune homme fe nommoit Jeannetin
Doria : condamné dès fes premieres années
à des travaux obfcurs , l'yvreffe où le jetta
le changement de fa fortune lui donna un
orgueil & des manieres qui révolterent
tout ce qui avoit de l'élévation dans l'ame ,
& fingulierement Jean- Louis de Fiefque ,
Comte de Lavagna. Ce jeune Seigneur ,
l'homme le plus riche de la République ,
éroit magnifique , aimable & féduifant :
avec un grand nombre de qualités brillan
res , il avoit l'apparence de plufieurs vertus.
» L'inquiétude qui le pouffoit aux gran-
» des places , venoit du defir qu'il avoit de
» faire de grandes chofes ; l'ambition ne
» lui étoit infpirée que par la gloire. Une
" erreur , qui étoit plutôt un malheur de
» fon âge qu'un défaut de fon efprit , lui
» fit confondre la célébrité avec une répu-
" tation fondée : il alla jufqu'à croire qu'il
» lui fuffiroit d'occuper de lui fes contem-
" porains , pour llaaiiffffeerr uunn grand nom à la
» poftérité. Tous ceux qui l'avoient étu-
» dié & qui fe connoiffoient en hommes ,
» lui trouvoient à vingt- deux ans une po-
»litique très- raffinée & une diffimulation
impénétrable : il leur paroiffoit né pour
» affervir fa patrie ou pour l'illuftrer .
Fiefque ne pouvoit manquer d'être mécontent
de la fituation où fe trouvoit la
DECEMBRE.
1754. 141
République . Il lui parut également indigne
de lui de vivre dans l'obfcurité , ou d'en
fortir par la faveur d'un homme qu'il méprifoit.
» Entre plufieurs moyens que lui
و ر
préfenta une imagination forte & impé-
» tueufe , celui de faire périr les Doria fut
» le feul qui lui parût infaillible , & il s'y
» arrêta avec beaucoup de fang-froid & de
» fermeté. La néceffité de changer la for-
» me du Gouvernement pour foutenir
» une démarche auffi hardie , ne l'effraya
» pas , & fut peut -être fans qu'il s'en dou-
» tât un motif de plus : il devoit paroître
» doux à un homme de fon caractere d'ab-
» battre d'un même coup fes ennemis , &
» de fe placer à la tête d'un Etat affez puif-
» fant. La révolution devoit être l'ouvrage
» du génie feul pour la maintenir , la
force étoit néceflaire , & Fiefque qui le
» vit , penſa à ſe ménager l'appui de la
» France.
Cette Cour entra aifément dans les vûes
de Fiefque ; & dans l'efpérance de fe venger
de Doria & de reprendre le Milanès fur
l'Empereur , elle accorda des fecours confidérables.
Fiefque inftruit que les mêmes
paffions qui lui avoient rendu la Cour de
France favorable , regnoient à celle du
Pape , s'occuppa du foin de les mettre en
jeu. Il alla lui-même à Rome pour négo142
MERCURE DE FRANCE.
cier cette affaire , & il écarta les foupçons
que ce voyage pouvoit faire naître , par,
l'attention qu'il eut au milieu de fes projets
de ne paroître occupé que de fes plaifirs
, & par l'art de cacher des deffeins
profonds fous un air frivole. Il trouva
Paul III. auffi bien difpofé qu'il le fouhaitoit
, & ce Pontife approuva la révolution
avec de grands éloges .
Fiefque ne s'occupa plus que du foin
de mettre la derniere main à fon entre-"
prife , & il ne put en être détourné
par les
remontrances d'un de fes plus zélés partifans
: c'étoit Vincent Calcagno , homme
d'un certain âge , & qui avoit une efpéce
de paffion pour le jeune Comte. » Comme
" il avoit le fens droit , les grandes entre-
» prifes commencoient par lui être toujours
fufpectes . Il étoit d'ailleurs né timide ,
» & les réflexions ou l'expérience qui chan
» gent quelquefois les caracteres , l'avoient
» affermi dans le fien. Tout ce qui avoit
» l'air trop élevé lui paroiffoit chimérique ,
" & il regardoit comme imprudent tout
» ce qu'on abandonnoit au hazard. Son
imagination étoit plus aifément étonnee
» que fon coeur ; & il étoit ferme jufques
» dans les périls qu'il avoit prévûs & qu'il
ور
و ر
avoit craints.
Le chef de la conjuration forma d'i
DECEMBRE. 1754. 143
bord fon attention à ne pas fe laiffer pénétrer
, & il fe rendit en effet impénétrable.
Sa conduite avoit quelque chofe de fi naturel
& de fiaifé , qu'il n'étoit pas poffible d'y
foupçonner le moindre myftere. André Doria
, malgré la profonde connoiffance qu'il
-avoit des hommes , fe laiffa impofer par ces
apparences , & Jeannetin fut féduit par les
témoignages d'eftime & d'attachement que
Fiefque lui prodigua.
Le Comte fçut fe concilier les négocians
, cette précieufe portion de citoyens
fi honorée dans le gouvernement populaire
, fi opprimée dans le defpotique , fi
négligée dans le monarchique , & fi méprifée
dans l'ariftocratique , en leur exagérant
le tyrannique orgueil des nobles
& en leur laiffant entrevoir la poffibilité
-de s'en délivrer. Par là il s'affuroit du peuple
, qui fuit aveuglément le mouvement
qui lui eft communiqué par ceux qui le font
travailler ou qui le font vivre un extérieur
brillant , des manieres ouvertes & polies
, des bienfaits répandus adroitement ,
acheverent de lui gagner la multitude.
Il ne manquoit à Fiefque que des fol-
' dats. Il eut une occafion favorable , & qui
fe préfentoit naturellement , d'en lever dans
fes terres. Il prit des arrangemens fecrets
avec Pierre- Louis Farnefe Duc de Parme
144 MERCURE DE FRANCE.
& de Plaifance , qui lui promit un fecours
de deux mille hommes. Il fit venir une
galere qui lui appartenoit , dans le port de
Gênes fes amis débaucherent quelques
foldats de la garnifon , & s'affurerent dedix
mille habitans déterminés : avec ces forces
réunies , les conjurés crurent qu'il étoit
tems de prendre une derniere réfolution.
La nuit du premier au fecond Janvier
fut l'inftant arrêté pour l'exécution de leur
projet . L'époque étoit adroitement fixée.
Comme le Doge qui fortoit de place le
premier du mois , ne pouvoit être remplacé
que le quatre , la République devoit fe
trouver dans une eſpèce d'anarchie , dont
il étoit poffible de tirer parti.
Un des chefs de la conjuration , & un
de ceux fur qui Fiefque comptoit le plus ,
étoit Jean Baptifte Verrina , » homme bra-
» ve , impétueux , éloquent : il avoit l'efprit
vafte , mais déréglé ; le coeur élevé ,
» mais corrompu . Son penchant l'entraî
»noit au crime , & le mauvais état de
» fes affaires le lui rendoit prefque indifpenfable.
Une imagination vive &
» forte lui préfentoit fans ceffe des projets
finguliers & hardis , dont il n'examinoit
» jamais ni la juftice ni les refforts , &
» dont il prévoyoit rarement les fuites. Il
étoit ennemi de tout repos , du fien
33
par
inquiétude ,
DÉCEMBRE. 1754. 145
99
inquiétude , de celui des autres par ambition
. Le Gouvernement établi dans fa
patrie lui déplaifoit , précisément parce
qu'il y étoit établi ; & tous ceux qui
» entreprendroient de le changer étoient
fûrs de trouver en lui des confeils dangereux
& des fervices utiles . Ce caractere
»l'avoit rendu cher à Fiefque , dont il régloit
les plaifirs , partageoit la fortune
» & dirigeoit en quelque maniere les paf-
"
fions.
>
Le jour arrêté pour la révolution commençoit
à luire , que les conjurés firent les
dernieres difpofitions. Verrina fe rendit à
l'entrée de la nuit fur la galere de Fieſque
qui étoit fon pofte ; il donna par un coup
de canon le fignal de l'attaque , & l'action
fut auffi - tôt engagée dans l'ordre qui avoit
été projetté. On commença par attaquer
ceux qui défendoient les portes de la ville
les plus effentielles , & dont on ſe rendit
bientôt maître . Jeannetin s'étant éveillé au
bruit , & étant accouru , fut reconnu &
maffacré fur le champ. André Doria euc
le tems de fe fauver dans un château à
quinze mille de Gênes . Cette lâcheté dans
un vieillard célébre par fa valeur , ne doit
furprendre que ceux qui ne connoiffent pas
les hommes .
Les avantages que remporterent les con-
II.Fol, G
146 MERCURE DE FRANCE.
jurés , redoubla leur activité & leur courage
: après s'être fortifiés à la hâte dans les
poftes dont ils s'étoient emparés , ils ſe
répandirent dans les rues en criant , Fiefque
& liberté. Ces deux mots , dont l'un rappelloit
à un grand nombre d'ouvriers le
nom de leur bienfaicteur , & l'autre réveil
loit dans tous les efprits l'idée du plus
grand des biens , féduifirent la populace ,
qui prit auffi-tôt les armes.
Les tentatives que fit le Sénat pour oppofer
la force aux conjurés ayant été funeftes
, il tourna fes'vûes vers la négociation.
Anfaldo Juftiniani , un des Sénateurs
députés , s'avança dans le lieu du tumulte
, & demanda froidement à parler au
nom de la République , au Comte de Fiefque
. Cet homme dangereux n'étoit plus ;
en voulant paffer fur une galere , il étoit
tombé dans la mer , & s'y étoit noyé. » Le
» fecret pouvoit être facilement gardé juf-
» qu'à la fin de l'action , fans la vanité
» puérilę de Jerôme , qui répondit à Juſ
» tiniani qu'il n'y avoit plus d'autre Com-
» te de Fiefque que lui , & qu'il n'écou-
» teroit les propofitions qu'on avoit à lui
faire , que lorfqu'on lui auroit livré le
Palais . Une réponſe auffi imprudente
» eut les fuites qu'elle devoit avoir. Le Sénat
raſſuré par le feul événement qui pût
"
DECEMBRE. 1754. 147.
changer fur le champ & d'une maniere
» ftable la fituation des chofes , montra de
» la fermeté ; & les conjurés , par une rai-
» fon contraire , perdirent toute leur au-
ور
"
dace. A mefure que la mort de leur
» cheffe répandoit , & elle fe répandit fort
» vîte , on voyoit les efprits fe refroidir ,
le-courage expirer dans tous les coeurs ,
& les armes tomber des mains . Ceux
»même que des haines plus vives , de
plus grands intérêts, ou un caractere plus
emporté avoient rendus jufqu'alors plus
» redoutables que les autres , fe laiffoient
» abbattre par la terreur commune. La ré-
» volution fut fi générale , qu'au point du
" jour il n'y avoit pas un feul factieux dans
» les rues de Gênes : ils étoient tous reti-
» rés dans leurs maifons , difperfés dans
» la campagne , ou retranchés dans quel-
» que pofte .
Aing finit cette confpiration , qui par
l'événement établit fur des fondemens prefque
inébranlables l'autorité qu'on avoit
voulu détruire.
politiques de l'Europe , depuis l'élévation
de Charles- Quint au thrône de l'Empire ,
jufqu'au traité d'Aix - la-Chapelle en 1748.
Par M. l'Abbé Raynal , de la Société royale
de Londres , & de l'Académie royale des
Sciences & Belles Lettres de Pruffe . Se
vend chez Durand , au Griffon , rue Saint
-Jacques ; 1754 , 3 vol . in- 8 °.
J'ai déja rendu compte des deux pres
miers volumes de mon ouvrage , je vais
donner l'extrait du troifieme ; il renferme
trois morceaux.
112 MERCURE DE FRANCE.
Hiftoire des révolutions arrivées en Suede
depuis 1515 jufqu'en 1544.
La Suede qui avoit jetté un fi grand éclat ,
lorfque fes habitans , connus fous le nom
de Goths , renverferent l'Empire romain &
changerent la face de l'Europe , étoit retombée
peu -à-peu dans l'obfcurité . Des dif
fenfions domeftiques & les vices du gouvernement
, avoient formé une efpece
d'anarchie , qui auroit cent fois perdu le
Royaume fi les peuples voifins avoient eu
des loix plus fages . Toutes les nations du
Nord languiffoient dans la même barbarie ,
& l'afcendant que les unes pouvoient prendre
fur les autres , ne devoit point venir
de la fupériorité de politique , mais du
bonheur des circonftances ; elles furent
pour le Dannemarc.
Marguerite qui y regnoit , joignoit à
»l'ambition ordinaire à fon fexe , une fui-
» te de vûes qu'il n'a pas fi communément.
» Elle parloit avec grace , & fçavoit em-
»ployer au befoin ce ton de fentiment , qui
» tient fouvent lieu de raifon & qui la rend
toujours plus forte. Contre l'ufage des
» Souverains , elle abandonnoit les appa-
» rences de l'autorité pour l'autorité même ;
» & elle retenoit le Clergé dans fes inté-
» rêts , en lui faifant prendre des déférences
DECEMBRE. 1754 113
»
ور
»
"
pour du crédit. Ce qu'elle faifoit éclater
de magnificence , n'avoit jamais pour ob-
»jet fes goûts , mais fa place ; & foit qu'el-
» le donnât , foit qu'elle récompenfât , c'é
»toit toujours en Reine & au profit de la
Royauté. Lorfque fes projets n'étoient
pas traversés par la loi , elle la faifoit
» obferver avec une fermeté louable ; &
» l'ordre public étoit ce qu'elle aimoit le
» mieux après fes intérêts particuliers . On
» n'a gueres pouffé plus loin qu'elle le faifoit
le talent de paroître redoutable fans
l'être : elle intimidoit fes ennerais par
» d'autres ennemis qu'elle avoit l'art de
» faire croire fes partifans. Ce que fes
» moeurs avoient d'irrégulier étoit réparé
» dans l'efprit des peuples par les dons
» qu'elle faifoit aux Eglifes. Ces facrifices
» coûtoient à fon caractere ; mais fa politique
les faifoit à fa réputation.
"
"
Cette Princeffe entreprit de réunir la
Suede à fes autres Etats , & elle y réuſſit :
mais les Danois ayant abufé de leur fupériorité
, les Suédois trouverent bientôt l'occafion
de fecouer un joug qu'ils déteftoient
, & ils fe donnerent un maître qui
prit le titre d'Aminiftrateur. Les Rois de
Dannemarc n'abandonnerent pas les droits
qu'ils prétendoient avoir fur la Suede , &
ce fut une fource de guerres longues &
114 MERCURE DE FRANCE .
fanglantes entre ces deux Etats.
Chriftiern étoit monté fur le thrône de
Dannemarc ; c'étoit un monftre , qui prefque
au fortir de l'enfance avoit pouffé aux
derniers excès tous les vices , & n'avoit
pas même le mafque d'une vertu . Il ne
chercha point à rapprocher les Suedois du
traité d'union des deux Royaumes , il ne
chercha qu'à les foumettre. Le mécontentement
du Clergé de Suede étoit une difpofition
favorable pour ce Prince. Les Evêques
avoient joui d'une autorité fi étendue
fous les Rois Danois , qu'ils croyoient
ne devoir rien oublier pour ramener les
mêmes circonftances. L'Adminiftrateur
étant mort , ils voulurent mettre à fa place
Elric Trolle , vieillard timide , indolent
irréfolu , & qu'ils auroient fait fervir à
leurs vûes ; mais ce projet échoua. Stenon ,
fils du dernier Adminiftrateur , fut élu , &
il fit conférer l'Archevêché d'Upfal au fils
de Trolle ; démarche qu'il crut propre ,
fans doute , à confoler fon rival de fon
exclufion . Ĉe bienfait politique n'eut pas
le fuccès qu'il en attendoit . Trolle plus humilié
que touché du tendre & généreux
intérêt que ce Prince avoit pris à lui , fit
éclater un reffentiment qui allarma égale
ment pour Stenon & pour la patrie. Le
jeune Prélat ne pouvoit pas fe conføler de
DECEM BR E. 1754. 115
n'être que le fecond dans un état qu'il avoit
compté gouverner d'abord ſous le nom de
fon pere , & dans la fuite fous le fien . Son
mécontentement éclata bientôt.Il fe mit à la
tête du Clergé , s'unit avec les Danois , &
corrompit le Gouverneur de quelques places
fortes. Stenon inftruit de tout ce qui
fe tramoit contre l'Etat , convoqua le Sénat
, & Trolle fut reconnu pour l'auteur
& le chef de la confpiration. L'Archevêque
déterminé à la ruine de fon pays , par
un reffentiment que les contretems rendoient
plus vif, ne daigna ni juftifier fa
conduite , ni fe plaindre de fes complices :
il fe retira dans le châreau de Steke , en
attendant du fecours de Chriftiern. A perne
l'Adminiftrateur eut - il commencé le
fiége de cette place , que les Danois vinrent
faire une defcente près de Stockolm ;
Stenon y marcha avec une partie de fon
armée , & il fe livra un combat auffi fanglant
qu'il devoit l'être au commencement
d'une campagne entre deux nations rivales
, dans une occafion décifive & pour de
grands intérêts. La victoire fe déclara pour
La Suede , les Danois regagnerent leurs
vaiſſeaux , & l'Archevêque fut obligé de
fe rendre. Les Etats le déclarerent ennemi
de la patrie , l'obligerent de renoncer à fa
dignité , & le condamnerent à finir fés
jours dans un cloître.
116 MERCURE DE FRANCE.
"
23
» Quand le Pape n'auroit pas été follicité
par le Prélat dépofé & par Chriftiern
» de s'élever contre ce jugement , il l'au- |
» roit fait. La Cour de Rome dont les droits
» n'avoient pas été auffi bien éclaircis
» qu'ils l'ont été depuis , appuyoit indiffé-
» remment le Clergé dans toutes les affai-
» res , avec une vivacité & une fierté qui
» ne fe démentirent pas en cette occaſion .
» Elle fit menacer les Etats & l'Adminif
» trateur des cenfures de l'Eglife , s'il ne
rétabliffoient fans tarder l'Archevêque
fur fon fiége , & dans tous les avantages
» dont on l'avoit privé.
"
» Il eft glorieux pour l'humanité que
» dans un fiécle où la Philofophie avoit fait
» fi peu de progrès , un peuple entier ait
» diftingué l'autorité légitime du chef de
» la religion , de l'abus qu'il en peut faire.
» Les Suédois en marquant beaucoup de
» refpect au Souverain Pontife , parurent
» affez tranquilles fur les foudres qu'il préparoit
contr'eux. Ils témoignerent de la
répugnance à lui defobéir ; mais enfin ils
» lui defobéirent , & ils aimerent mieux
» l'avoir pour ennemi que de rifquer de
» rallumer dans leur patrie le feu des
» guerres civiles qu'ils avoient eu tant de
peine à éteindre. Si cette généreufe réfolution
avoit été accompagnée d'un ex-
"
و د
DECEMBRE. 1754 117
cès d'emportement , Rome fe feroit trou-
» vée heureufe : dans la réfolution où elle
» étoit de pouffer les chofes à l'extrêmité ,
elle auroit voula paroître forcée à des
❞ violences par des outrages qui les juftifiaffent.
L'impoffibilité de mettre les apparences
de fon côté , ne lui fit pas aban-
» donner fes vûes : elle mit en interdit la
» Suede , excommunia l'Administrateur &
» le Sénat , ordonna le rétabliſſement de
» Trolle , & pour comble d'injuftice , chargea
le Roi de Dannemarc de procurer
" par la voie des armes l'exécution d'une
Bulle fi odieufe.
و د
Chriſtiern étoit & fe montra digne d'une
telle commiffion. Il entra en Suede , & mit
tout à feu & à fang ; après bien des ravages
& bien des cruautés , les Suédois furent
défaits dans une bataille où Stenon fut
rué ; cet événement fit la deftinée de la
Suede ; tout tomba dans une confufion
horrible. Trolle qui avoit profité des malheurs
publics pour remonter fur fon fiége ,
convoqua les Etats. La craintelou la féduc
tion y firent reconnoître fans obftacle l'au
torité de Chriftiern , qui commença par
immoler à fon reffentiment & à fon ambition
tout ce qui auroit pu lui faire quelque
ombrage. Il fit maffacrer les Seigneurs
les plus diftingués de Suede & tout ce qui
118 MERCURE DE FRANCE.
reltoit d'hommes puiffans affectionnés à
leur patrie , ou aimés des peuples. Avec ces
victimes expira l'efpérance & prefque le
defir de la liberté. Les loix anciennes furent
abrogées , le defpotifme porté au dernier
période , & il ne fe fit aucun mouve
ment . Rien ne caufoit & ne pouvoit caufer
d'inquiétude à Chriftiern que la
fonne de Guftave Vaſa.
per-
Ce jeune Seigneur defcendoit des anciens
Rois de Suede , & s'étoit fignalé dans
plufieurs occafions ; c'étoit un homme fupérieur
, né pour l'honneur de fa nation
& de fon fiécle , qui n'eut point de vices ,
peu de défauts , de grandes vertus & encore
plus de grands talens.
Retenu en Dannemarc par une perfidie ,
il avoit trouvé l'occafion de s'échapper des
mains de Chriftiern , & s'étoit caché dans
les montagnes de la Dalecarlie. Après avoir
erré long- tems , forcé par le befoin de travailler
aux mines , il trouva enfin chez un
Curé un afyle , qui devint le berceâu de la
liberté , de la gloire & du bonheur de la
Suede. De concert avec cet Eccléfiaftique ,
homme fage , defintéreffé , inftruit , accrédité
, zélé pour fa patrie , Guftave commença
par échauffer les efprits , & il profita
du premier feu de l'enthoufiafme qu'il fit
aaître pour fe faire un parti. A la tête de
DECEMBRE. 1754. 119
par
quatre cens hommes il emporta d'affaut
une place commandée le Gouverneur
de la province ; fes premiers fuccès donnerent
de l'audace ; fa petite armée s'accrut
à vûe d'oeil , & il n'eût qu'à fe montrer
dans les provinces voisines de la Dalecarlie
pour les foulever. La timidité & l'indolence
du Viceroi que Chriftiern avoit
laiffé en Suede , donna à Guſtave le tems
de faire des progrès plus confidérables , de
groffir & de difcipliner fes troupes . Trolle
faifit le tems où les Dalecarliens s'étoient
retirés dans leurs pays pour faire la moiffon
; il fe mit à la tête de quatre mille
hommes , & alla attaquer brufquement
Guftave , qui n'étoit pas affez fort pour
l'attendre. Ce léger échec fut bientôt réparé
par Guftave , qui l'attaqua à fon tour
fi vivement , que l'Archevêque échappa à
peine avec la dixieme partie de fes troupes.
Les vainqueurs marcherent droit à Stockholm
; le Viceroi & l'Archevêque , dans la
crainte que quelque malheureux hazard
ne les fit tomber entre les mains de leurs
ennemis , s'enfuirent en Dannemarc . Leur
retraite fut un événement décifif pour
mécontens. L'indépendance du Royaume
parut affez affurée
pour qu'on crût pouvoir
convoquer fans rifque les Etats Généraux
, & donner quelque forme à un
,
les
120 MERCURE DE FRANCE.
Gouvernement qui n'en avoit point .
» L'affemblée ne fut pas nombreufe ; il
ne s'y trouva de Députés que ceux que
» l'amour de la patrie & la haine des tyrans
» élevoient au - deffus de tous les périls.
» Les réfolutions des hommes de ce carac-
» tere ne pouvoient manquer d'être har-
» dies & leurs démarches vigoureufes . Ils
» renoncerent folemnellement à l'obéïffan
» ce qu'ils avoient promife à Chriftiern ,
» éleverent leur Général , qui n'avoit dû
» jufqu'alors for autorité qu'à fon coura-
» ge , à la dignité d'Adminiftrateur , & ar-
» rêterent qu'on continueroit à faire une
» guerre vive & fanglante.
Tandis que Guftave reprenoit fur les
Danois les places qui leur reftoient en Suede
& qu'il formoit le fiége de Stockholm ;
la révolution qui fe fit en Dannemarc affûra
l'indépendance de la Suede. La tyrannie
& les excès de Chriftiern révolterent fes
fujets , & leur infpirerent une réfolution
violente . Ils déthrônerent ce Prince , qui
fe retira auprès de Charles - Quint fon beaufrere
, & ils placerent fur le thrône Frideric
, Duc de Holſtein.
Cet événement ôta aux Danois , qui
étoient encore en Suede , le courage , l'efpérance
& la force de s'y maintenir. Ceux
qui défendoient Stockholm offrirent de
capituler;
DECEMBRE . 1754. 125
capituler ; mais l'Adminiftrateur laiffa traîner
le fiége , fous prétexte de le finir d'une
maniere plus honorable , mais en effet pour
obliger par ce fantôme de péril les Etats
Généraux de lui déférer la couronne . Cette
politique étoit plus artificieufe que néceffaire.
Guftave fut proclamé Roi avec une
unanimité & un enthouſiaſme qui étoient
fûrement les fuites de la plus vive admiration
& d'une efpece d'idolâtrie . L'union
que fit ce Prince avec Frideric , acheva
d'établir la tranquillité , la gloire & l'indépendance
de la Suede. Guftave ne fongea
plus qu'à réformer l'intérieur du Royaume
, en fubftituant de bonnes loix à la barbarie
ancienne, & une police fage aux abus
introduits par les troubles civils. Il fut
éclairé , foutenu & dirigé dans fes vûes
par un homme célebre , qu'il eft important
de connoître à fond.
Ce confident habile fe nommoit Larz-
Anderfon , né de parens obfcurs & fans
fortune. Il avoit commencé à fe diftinguer
dans l'Eglife ; mais dégoûté d'une carriere
où l'on n'avançoit que par les fuffrages de
la multitude , il s'attacha à la Cour. » Guftave
démêla bientôt dans la foule des
» courtifans empreffés à lui plaire, un hom-
» me propre à le fervir ; & dédaignant
»toutes ces petites expériences fi néceffai-
11. Fol.
و د
F
22 MERCURE DE FRANCE.
» res aux Princes médiocres , & qui ne leur
»fuffifent même pas , il l'éleva tout de
» fuite au premier pofte du Royaume , &
» le fit fon Chancelier,
و ر
» Anderſon juſtifia cette hardieffe . C'é-
» toit un génie que la nature avoit fait pro-
» fond , & que les réflexions avoient étendu,
Quoiqu'il eut l'ambition des grandes
places , il avoit encore plus l'ambition
» des grandes chofes , & il aimoit mieux
voir croître fa réputation que fon crédit.
» Il n'étoit pas citoyen dans ce fens qu'il fe
» fût facrifié pour fa patrie ; mais il méri-
>> toit ce beau nom , fi on veut l'accorder
» aux Miniftres qui ont des idées aflez juf-
» tes pour croire que leur gloire eft infé-
»parable de celle de leur Roi & de leur na-
» tion. L'exemple de ceux qui l'avoient pré-
» cédé ni le jugement de ceux qui le devoient
» fuivre , n'étoient pas la régle de fa con-
»duite ; fes projets n'étoient cités qu'à fon
» tribunal & à celui de fon maître. Cette
» indépendance qui ne peut être fentie que
» par ceux qui l'ont , étoit accompagnée
» d'une fagacité qui faififfoit tout , depuis
»les premiers principes jufqu'aux dernie-
" res conféquences , & d'une lumiere qui
» fourniffoit des vûes fublimes & les expédiens
propres à les faire réuffir . Letalent
» de hâter les événemens fans les précipi
ter lui étoit comme naturel ; & en par
و د
39
DECEMBRE. 1754 123
-99
93
و د
roiffant céder quelquefois aux difficultés,
il venoit toujours à bout de les furmonter.
L'étude de l'hiftoire & fes réflexions
» l'avoient affermi contre les murmures ,
les tumultes , les révoltes même ; & il
» étoit convaincu qu'avec du courage , du
fang froid & de la politique on vient
» tôt ou tard à bout de fubjuguer les hom-
" mes & de les ramener à leurs intérêts. Il
fçavoit le détail des loix comme un Ma-
» giftrat , & en poffédoit l'efprit en Légiflateur.
On réfiftoit d'autant moins à fon
éloquence , qu'elle partoit d'une raifon
» forte . Ce Miniftre appartenoit plus à un
autre âge qu'à celui où il vivoit ; & fes
» contemporains qui n'étoient pas à beau-
>> coup près auffi avancés que lui , n'apperçurent
pas toute l'élévation de fon ca-
» ractere , ni l'influence qu'il eut fur les
» révolutions qu'éprouva la Suede .
บ
93
"
Ce Royaume étoit la proye des Eccléfiaftiques
: leur autorité pouvoit exciter de
nouveaux troubles , & ils poffédoient tout
l'argent , toutes les richeffes de la Suede . I
falloit trouver un prétexte pour les dépouiller.
Anderſon en imagina un ; c'étoit
d'introduire le Luthéranifme , qui faifoit
des progrès rapides en Allemagne , & qu'il
avoit adopté par cet efprit d'inquiétude fi
ordinaire à ceux qui font nés plus grands
Fij
124 MERCURE DE FRANCE .
que leur condition. Guſtave adopta les
vûes de fon Chancelier ; mais cette révolution
ne pouvoit fe faire que par dégrés :
on laiffa le tems au Luthéranifme de s'établir
dans le Royaume. Des Docteurs de
réputation qu'on fit venir d'Allemagne , lui
donnerent de l'éclat ; la faveur qu'ils parurent
avoir, leurs déclamations, le goût de la
nouveauté entraînerent bientôt une partie
de la nation . A mefure que le Luthéranifme
faifoit des conquêtes fur le Royaume ,
Guftave en faifoit fur le Clergé. Il commença
par abolir une efpece d'impôt que
les Curés avoient mis fur certains péchés .
Il ôta aux Evêques le droit qu'ils avoient
ufurpé d'hériter de tous les Eccléfiaftiques
du fecond ordre. Les troupes furent mifes
en quartier d'hiver fur les terres du Clergé ,
ce qui étoit fans exemple : enfin il propofa
de prendre les deux tiers des dîmes pour
l'entretien des troupes , & une partie de
l'argenterie & des cloches des Eglifes riches
pour abolir , en payant les étrangers ,
les privileges odieux dont ils jouiffoient.
Ces expédiens furent généralement approuvés
; & s'il y eut quelque mécontentement
, il n'éclata pas.
Guftave mit la derniere main à fes grands
deffeins, en convoquant les Etats Généraux
à Vefteras en 1527. Les innovations qu'il
DECEMBRE . 1754. 125
propofa pour achever d'écrafer la puiffance
du Clergé , parurent trop hardies , &
le ton de defpotifine qu'il prit étoit trop
nouveaupour ne pas exciter quelques mou.
vemens ; mais ils n'eurent point de fuites .
Les troubles furent bientôt appaifés , & ce
que les Etats avoient arrêté fut établi fans
obftacle. » Le mépris pour la Communion
» Romaine fuivit la ruine & l'aviliffement
» du Clergé , qui avoient été le but de tou-
» tes les innovations qu'on venoit d'intro-
» duire. Guftave fe déclara enfin Luthe-
» rien , & toute la nation voulut être de
» la religion du Prince . Rien ne prouve
» les progrès de l'efprit de fervitude dans
» un Etat , comme l'influence du Souverain
fur la croyance des peuples. Le facrifice
de fes opinions qui coûte fi peu à
» la Cour , où on n'a proprement que des
préjugés , eft fi grand à la ville & dans
» les provinces où on a des principes ,
» qu'il prépare à tous les autres facrifices ,
» & même les affure . Auffi lorfque Guf-
» tave demanda aux Etats en 1544 , que
» la Couronne qui avoit toujours été élec-
» tive fû: déclarée héréditaire , il n'éprou
» ya point de contradictions .
" Tel fut le dernier acte d'un des regnes
les plus éclatans que le Nord ai vû ;
» nous ajouterions d'un des plus heureux ,
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
»fi Guſtave avoit été auffi jufte qu'il étoir
»grand , & fi en faifant par fon caractere
»le bonheur de la génération qu'il gou-
» vernoit , il n'avoit pas préparé le mal-
» heur de celles qui devoient la fuivre ,
en établiffant un defpotifme dont fes fuc-
»ceffeurs ne pouvoient manquer d'abuſer .
Hiftoire du divorce de Henri VIII. Roi
d'Angleterre , & de Catherine d' Arragon ,
depuis 1527 jufqu'en 1534.
Henri VII , furnommé dans l'hiftoire le
Salomon de l'Angleterre , voulut rendre à
fa couronne , par une alliance avantageufe,
l'éclat que les guerres civiles lui avoient
fait perdre , & il obtint pour le Prince de
Galles fon fils , Catherine d'Arragon . Ce
mariage ne fut pas heureux ; le jeune Prince
mourut un an après , à l'âge de quinze
ou de feize ans. Cet événement pouvoit
Fompre les liens qui uniffoient l'Espagne
& l'Angleterre , & qui les rendoient redoutables
à tous leurs voifins. Pour calmer
les inquiétudes des deux Puiffances , il fut
arrêté que le nouveau Prince de Galles
épouferoit la veuve de fon frere . Pour former
ces nouveaux noeuds , on eut befoin
d'une difpenfe , & le Pape Jules fecond
l'accorda,
DECEMBRE. 1754. 127
Henri & fa belle-four furent fiancés
folemnellement en 150;, & le Prince qui
n'avoit alors que douze ans , n'eut pas
plutôt atteint fa quatorziéme année qu'il
it en préſence de plufieurs témoins une
proteftation en forme contre le confentement
qu'il avoit donné. Cette proteſtation
fut tenue fecrette jufqu'à la mort de
Henri VII en 1509 , & le mariage fur
célébré la même année . » Catherine avoit
» des vertus , mais les agrémens de fon
» fexe lui manquerent. Elle n'avoit ni grace
» ni dignité , ni defir de plaire ; fa triftefle
» & fon indolence augmenterent avec l'âge
» & les infirmités . Le dégoût de Henri qui
»> ne l'avoit jamais aimée , devint infen-
» fiblement extrême , & ouvrit le coeur de
» ce Prince à une paffion fort vive pour
» Anne de Boulen.
Anne étoit plus que belle , elle étoit
piquante. Ses traits manquoient de régularité
; il en réfultoit cependant un
enfemble qui furpaffoit la beauté même.
» Une taille parfaite , le goût de la danfe ,
» une voix touchante , & le talent de
jouer avec grace de plufieurs inftru-
» mens , relevoient en elle l'éclat de la
premiere jeuneffe. Quoique la France
ne fût pas alors autant qu'elle l'a été
depuis en poffeffion de fervir de modele
"
Fiiij
128 MERCURE DE FRANCE.
» aux autres peuples , Anne y avoit pris
» des manieres , un ton , des modes , qui
» fixerent fur elle les yeux & prefque l'ad-
» miration de la Cour de Londres. Cette
premiere impreffion fut foutenue par une
» converfation vive & légere , par un enjouement
ingénieux & de tous les inftans.
Les foupçons que pouvoit faire naître
fon air libre & trop carreffant, étoient
détruits par fon âge & par fa diffipation.
Elle ne montroit de l'empreffement
"que pour les plaifirs & pour les fêtes ; &
il paroiffoit fi peu d'art dans fa conduite Ᏺ
qu'il étoit prefque impoffible de lui fup-
»pofer des projets. Sa coquetterie ne fit
pas & ne devoit pas faire des impref-
»lions fâcheufes on la regarda comme
» une fuite de l'éducation frivole qu'elle
avoit reçue , & non comme un vice du
» coeur, ou le fruit de la réflexion . Les
» événemens prouverent que fon caractere
» avoit échappé aux courtifans les plus dé-
» liés : elle fe trouva diffimulée , profonde
, ambitieufe , & fut tout cela à un
» haut dégré & avant vingt ans.
Percy parut le premier fenfible aux char
mes d'Anne , ou fut , fi l'on veut , le premier
féduit par fon adreffe. Ses foins furent
acceptés , & leur union alloit être
confommée fi l'amour du Roi n'y avoit mis
DECEMBRE. 1754. 129
1
obftacle. Percy fut forcé de renoncer à fa
maîtrelle : Henri déclara lui-même à Anne
les fentimens qu'il avoit pour elle , mais
il la trouva plus fiere qu'il ne l'avoit cru.
Eclairée fur la violence de la paffion qu'elle
avoit infpirée , elle parut plus offenfée que
Alattée des propofitions du Prince , & lui
fignifia qu'elle feroit fa femme ou ne lui
feroit rien. C'est à cette époque que les
écrivains Catholiques fixent la premiere
idée qu'eut Henri de faire divorce avec
Catherine ; les Proteftans la font remonter
plus haut. On n'eft pas moins embarraſſé
fur la date précife de la réfolution qu'il
en prit ; on auroit évité de longues & ameres
conteftations , fi on avoit été affez
defintéreffé de part & d'autre , pour voir
que le Cardinal Wolfey étoit l'unique ,
ou du moins la principale caufe de ce
grand événement.
Cet homme célébre , rapidement paffé
de la condition la plus baffe au miniſtere
& à la pourpre , avoit d'abord embraffé le
parti de l'Empereur , & il l'abandonna
enfuite , parce qu'il vit que ce Prince l'avoit
trompé par les fauffes efpérances qu'il
lui avoit données de le placer fur le trône
de l'Eglife . Wolfey voulut humilier Charles-
Quint , en faisant répudier Catherine
d'Arragon fa tante. Ce Cardinal porta
Fv
130 MERCURE DE FRANCE..
dans cet odieux procès plus d'adreffe que :
la paffion n'en permet ordinairement , &
plus de circonfpection qu'on ne l'auroit:
dû efpérer de la hauteur & de l'emporte--
ment de fon caractere. Il commença par
perfuader le Confeffeur du Roi , dont les .
remontrances firent naître des doutes dans
l'efprit de Henri , & ces fcrupules joints à
la décision de quelques Théologiens , le
déciderent entierement pour le divorce..
Sa réfolution ne tarda pas d'éclater. Trois
Ambaffadeurs François étant arrivés en Angleterre
, conclurent fans beaucoup de difficultés
, un traité de paix perpétuelle entre
les deux nations , & ils arrêterent que:
Marie , fille de Henri , épouferoit François
I. ou fon fecond fils le Duc d'Orléans
.
"
"
» L'Evêque de Tarbes , celui des Am-
» baffadeurs qui avoit le plus le talent des
" affaires , & le feul qui eut le fecret de
» celle-là , parut environ huit jours après
la fignature du traité , mécontent d'une
» négociation dont le fuccès éroit regardé
» comme complet. Son chagrin fut remar
» qué comme il le devoit être , & on cher-
» cha à en deviner la caufe . Le public s'é-
" puifa à l'ordinaire en conjectures , & les
gens en place en queftions. Lorfque le
» Prélat crut avoir affez long-tems tenu
DECEMBRE. 1754. 131
les efprits en fufpens , il fe laiffa arra-
» chet fon fecret : il dit avec un certain
embarras affez ordinaire à ceux qui ont
des vérités fâcheufes à annoncer aux
Princes , qu'il craignoit beaucoup qu'u-
»ne partie des liens que venoient de for-
>> mer les deux nations , ne fuffent bien-
» tôt rompus , & qu'en particulier le mariage
projetté ne pût pas s'exécuter. Preffé
» de s'expliquer fur le myftere que renfer-
» moient ces dernieres paroles , il avoua
» qu'il croyoit nulle l'union de Henri &
» de Catherine , & qu'il étoit inftruit que
» les Théologiens les plus habiles ne pen-
» foient pas autrement que lui.
» Le Roi parut frappé de ce difcours
» comme il l'eût été d'un coup de foudre ;
fon but étoit de perfuader par cet éton-
» nement à l'Europe que le premier doute
» fur fon mariage lui étoit venu à cette oc--
» cafion.
Les fcrupules de l'Evêque de Tarbes furent
regardés comme des vérités incontef
tables , & il partit fur le champ pour l'I--
talie un Miniſtre , chargé de folliciter au--
près du Saint Siége la diffolution du ma--
riage avec Catherine .
Člement VII . qui gouvernoit alors , étoit
encore prifonnier au Château Saint - Ange.-
Le fecours prompt & affuré qu'on lui pro-
Fvj
132 MERCURE DE FRANCE.
mit , l'auroit infailliblement déterminé à
faire ce qu'on exigeoit de lui , s'il n'eût
été arrêté par la crainte de Charles - Quint.
Lorfque le Pape fut libre , les négociateurs
Anglois devinrent plus preffans , mais leur
adreffe & leur activité ne purent vaincre
fes irréfolutions. Il vint à bout de faire
naître des obftacles & des incidens fort
naturels , qui reculoient la décifion de cette
affaire . Après bien des détours & des lenteurs
, preflé par les inftances de l'Angleterre
, Clement établit enfin Wolfey juge
de l'affaire du divorce , & on lui donna
pour adjoint le Cardinal de Campege , qui
s'étoit trouvé du goût des deux Cours.
Il n'y avoit qu'à fuivre la négociation
de Campege , pour être convaincu que le
Pape ne donneroit jamais les mains à un
projet contraire aux intérêts de fon Siége
& à ceux de fa maifon , & qu'il vouloit
feulement obtenir par ce moyen un traitement
plus avantageux de Charles. Quint.
L'affaire fe rempliffoit tous les jours de
nouvelles difficultés. Henri que fa paffion
mettoit dans un état violent , fatigué
de tant d'indécifions , envoya de nouveau
à Clément deux Miniftres pour preffer l'exécution
de fon projet ; mais leurs infinuations
n'ayant pas eu le fuccès qu'ils
s'étoient promis , ils eurent recours à des
DECEMBRE. 1754 133
moyens odieux. Ils joignirent aux reproches
les plus humilians , des menaces effrayantes.
On faifoit craindre au Pape d'être déposé ,
fous prétexte que fon élection avoit été
irréguliere ; que l'Angleterre ne fecouât un
joug qui devenoit tous les jours plus dur &
plus injufte , & que l'Europe entiere éclairée
& enhardie par un exemple fi frappant ,
ne renonçât à l'ancien préjugé qui la tenoit
fous la domination du S. Siége. Ces
moyens ne réuffirent pas , & l'affaire du
divorce fut ramenée au tribunal de Wolfey
& de Campege. Les Légats , après l'examen
de cette caufe finguliere , citerent le
Roi & la Reine pour le 18 Juin 1529. La
Reine comparut devant eux , mais les recufa
pour juges , & ne voulut jamais fe
défifter de fa récufation . » On l'auroit peut-
» être crue occupée de fa vengeance , fi
nenfe précipitant devant toute l'aflemblée
" aux pieds du Roi , elle n'avoit fait voir
» qu'il n'y avoit dans fon coeur que le défir
» & peut- être l'efpérance de regagner un
» coeur qu'elle avoit malheureufement perdu.
Cette pofture , fon amour & fes infortunes
lui infpirerent tout ce qu'on
peut imaginer de plus modeste , de plus
» tendre & de plus touchant. Dès qu'elle
» eut fini de parler , elle fe retira , & alla
attendre dans l'obfcurité , dans les lar134
MERCURE DE FRANCE.
" mes & dans l'incertitude les effets d'une
» fcene aufli attendriffante que celle qui
» venoit de fe paller.
» Le denouement de ce coup de théatre
» ne fut pas tel qu'on avoit cru pouvoir
» l'efpérer. Tout l'attendriffement qu'on
avoit remarqué dans le Prince fe réduifoit
à une compaffion ftérile , & à des
éloges vagues. Henri rendit justice à la
» conduite exemplaire , à l'humeur douce ,
» à la foumiffion fans bornes de Cathe-
» rine ; & il parut fâché que la religion &
la confcience ne lui permiffent pas de
finir fes jours avec une Reine malheureufe
, qui n'avoit jamais rien dit ni rien-
»fait que de louable .
Tandis que Campege éloignoit tant qu'il
pouvoit la décifion de cette affaire , l'Empereur
fit un traité à Barcelone , dans lequel
il traitoit favorablement le S. Siége
dans la vûe de fe venger , fur tout du Roi
d'Angleterre , qui l'infultoit cruellement
dans la perfonne de fa tante. Le Pape immédiatement
après fon raccommodement
avec l'Empereur , évoqua l'affaire du divorce
, & fe rendit par cette démarche foible
& imprudente , l'inftrument d'une hai
ne , d'un orgueil , d'une politique qu'il auroit
dû traverfer , & dont il pouvoit trèsaifément
devenir la victime.
DECEMBRE.
1754. 135
Campege s'en retourna à Rome , & Wol- .
fey fut immolé au reffentiment du Roi ; il
fe vit accablé d'une fuite d'accufations
d'opprobres & de malheurs qui le conduifirent
au tombeau.
Henri dont les contretems ne faifoient
qu'irriter la paffion , fut obligé de chercher
d'autres moyens on lui confeilla deconfulter
toutes les Univerfités de l'Europe.
Celle d'Oxford & de Cambridge étoient
vendues à la Cour , & déclarerent le mariage
nul. Celles de France furent affez
partagées , & la Sorbonne , divifée en plufieurs
factions , ne céda qu'à des vûes d'intérêt
& de politique à la volonté du Roi
& à l'argent d'Angleterre. Le dernier de
ces moyens fut feul affez puiffant pour gagner
les Univerfités d'Italie . La fureur de
fe vendre étoit montée à tel point qu'on
avoit un Théologien pour un écu ; quelquefois
pour deux une Communauté entiere
, & qu'un Couvent de Cordeliers
paffa pour cher parce qu'il en coûtoit dix.
Mais les Théologiens Allemans ne cederent
ni à la féduction ni aux follicitations ,.
& refuferent de fe déclarer pour le divorce.
La Cour de Rome vit ces manoeuvres
avec une indifférence méprifante : c'étoit
un étrange aveuglement de penfer qu'on
136 MERCURE DE FRANCE.
la fubjugueroit par les décisions de quelques
Théologiens . Cette Cour trop intéreffée
depuis long-tems , & trop politique
pour fe conduire par les maximes foibles ,
bornées & incertaines des cafuiftes , regardoit
malheureufement moins la religion
comme fa fin , que comme un moyen d'y
arriver.
Henri qui voyoit avec douleur le peu
de fruit qu'il tiroit de toutes fes démarches
, forma , pour fe venger de Clement ,
le deffein de lui enlever l'Angleterre . Il
commença par défendre , fous des peines
capitales , de recevoir aucune expédition
de Rome qui ne fût appuyée de fon autorité
. Il attaqua les privileges du Clergé , &
dépouilla le Pape de fes droits les plus effentiels.
Dans le même tems , Catherine
preffée de nouveau de confentir au divorce
, & toujours ferme dans ſon refus , fut
obligée de s'éloigner de la Cour , où elle
ne retourna jamais.
Le Roi d'Angleterre voulut enfin terminer
fes irréfolutions , en fuivant le confeil
que lui donna François I. de fe paffer
de la difpenfe du Pape , & d'époufer fans
délai une femme aimable , qui étoit devenue
néceffaire à fon bonheur. Le mariage
fe fit , & demeura fecret jufqu'à la
groffeffe d'Anne de Boulen , qui força de
DECEMBRE . 1754. 137
le rendre public avant même qu'on eût pû
déclarer nul celui de Catherine. Cette derniere
opération fut l'ouvrage de Cranmer ,
Archevêque de Cantorbery , qui engagea
le Clergé d'Angleterre à prononcer fur
l'affaire du divorce ; & malgré la précaution
qu'avoit prife le Pape de fe referver
la connoiffance de ce grand procès , le ma--
riage fut caffé folemnellement. Anne entra
en triomphe dans Londres , & y fut reçue
avec un éclat & une magnificence finguliere
.
Clément apprit avec un dépit fenfible
ce qui venoit de fe paffer : il fit une Bulle
qui excommunioit Henri & Anne de Boulen
, s'ils ne fe quittoient dans quelques
mois ; & après de nouvelles négociations
pour terminer cette affaire , le Pape affembla
fon Confiftoire , & le réfultat fut une
fentence qui obligeoit le Prince à repren
dre Catherine , fous peine d'excommunication
pour lui , & d'interdit pour fon
Royaume. Le Parlement avoit prévenu ce
jugement par une loi qu'il avoit faite quelques
jours aparavant , & qui défendoit de
reconnoître l'autorité du Pape. Henri recueillir
le fruit d'une politique profonde &
fuivie ; & fans faire d'autres changemens
dans la religion , il défendit tout commerce
avec le S. Siége , & voulut être lui -même
138 MERCURE DE FRANCE.
chef de l'Eglife dans fon Royaume . La nation
adopta les idées fchifmatiques qu'on
lui préfentoit ; elle fuivit depuis les opinion
de Zuingle fous Edouard , retourna à
la communion de Rome fous Marie , & fe
forma fous Elizabeth un culte qu'elle profeffe
encore aujourd'hui , fous le nom de
Religion Anglicane.
Hiftoire de la conjuration de Fiefque
en 1546 & 1547.
André Doria délivra en 1528 la République
de Gênes du joug de la France ,
& y établit l'ordre qui fubfifte encore aujourd'hui,
Ce plan de Gouvernement , le feul
peut-être qui pût convenir au caractere
» des Génois , & à la fituation où ils fe
» trouvoient , les devoit raffurer naturelle-
» ment contre les entreprifes de Doria . Si
» ce grand Capitaine eût en réellement
» les vûes que lui ont fuppofées la plupart
" des hiftoriens , ou il auroit laillé fon
"pays dans l'anarchie , ou il y auroit éta-
39
bli des loix mauvaifes , ou il fe feroit
" emparé de la dignité de Doge ; trois
» voies qu'il lui étoit aifé de prendre , &
» dont chacune devoit prefque néceffaire-
» ment le rendre maître de la République.:
33
DECEMBRE. 1754. 139
» Avec un peu d'attention , on démêle
» qu'il ne cherchoit ni à être tyran ni à
» être citoyen , & qu'il vouloit fe venger
» feulement de la France , qu'il avoit bien
fervie , & dont il étoit mal traité. Ce
projet qui étoit connu de tout le monde
, & celui de maintenir la révolution ,
» l'autorifoit , fans qu'on en prît ombrage ,
» à fe charger , comme il fit , du comman
dement des galeres de Charles Quint . 11
eft vrai que ce moyen avoit quelque
» chofe d'équivoque , & qu'il pouvoit fer-
» vir à opprimer la liberté publique auffi
bien qu'à la défendre : mais l'ordre que
» Doria avoit d'abord établi dans l'Etat ,
étoit une preuve de modération , que ce
» qu'il avoit laiffé voir d'ambition ne de-
» voit gueres affoiblir , & que fa conduite
» fortifioit extrêmement. Content de l'em-
» pire que lui donnoient fur les efprits &
>> fur les coeurs les grandes chofes qu'il
» avoit faites , il paroiffoit préférer de
» bonne foi la tranquillité de la vie privée
» à l'embarras des grandes places , & fe
» livrer aux affaires plutôt par zéle que
" par goût. Il y a apparence que des dehors
auffi impofans auroient trouvé une
» confiance entiere , fans la préfomption:
» & les hauteurs d'un parent éloigné qu'il.
avoit adopté pour fils ..
140 MERCURE DE FRANCE.
Ce jeune homme fe nommoit Jeannetin
Doria : condamné dès fes premieres années
à des travaux obfcurs , l'yvreffe où le jetta
le changement de fa fortune lui donna un
orgueil & des manieres qui révolterent
tout ce qui avoit de l'élévation dans l'ame ,
& fingulierement Jean- Louis de Fiefque ,
Comte de Lavagna. Ce jeune Seigneur ,
l'homme le plus riche de la République ,
éroit magnifique , aimable & féduifant :
avec un grand nombre de qualités brillan
res , il avoit l'apparence de plufieurs vertus.
» L'inquiétude qui le pouffoit aux gran-
» des places , venoit du defir qu'il avoit de
» faire de grandes chofes ; l'ambition ne
» lui étoit infpirée que par la gloire. Une
" erreur , qui étoit plutôt un malheur de
» fon âge qu'un défaut de fon efprit , lui
» fit confondre la célébrité avec une répu-
" tation fondée : il alla jufqu'à croire qu'il
» lui fuffiroit d'occuper de lui fes contem-
" porains , pour llaaiiffffeerr uunn grand nom à la
» poftérité. Tous ceux qui l'avoient étu-
» dié & qui fe connoiffoient en hommes ,
» lui trouvoient à vingt- deux ans une po-
»litique très- raffinée & une diffimulation
impénétrable : il leur paroiffoit né pour
» affervir fa patrie ou pour l'illuftrer .
Fiefque ne pouvoit manquer d'être mécontent
de la fituation où fe trouvoit la
DECEMBRE.
1754. 141
République . Il lui parut également indigne
de lui de vivre dans l'obfcurité , ou d'en
fortir par la faveur d'un homme qu'il méprifoit.
» Entre plufieurs moyens que lui
و ر
préfenta une imagination forte & impé-
» tueufe , celui de faire périr les Doria fut
» le feul qui lui parût infaillible , & il s'y
» arrêta avec beaucoup de fang-froid & de
» fermeté. La néceffité de changer la for-
» me du Gouvernement pour foutenir
» une démarche auffi hardie , ne l'effraya
» pas , & fut peut -être fans qu'il s'en dou-
» tât un motif de plus : il devoit paroître
» doux à un homme de fon caractere d'ab-
» battre d'un même coup fes ennemis , &
» de fe placer à la tête d'un Etat affez puif-
» fant. La révolution devoit être l'ouvrage
» du génie feul pour la maintenir , la
force étoit néceflaire , & Fiefque qui le
» vit , penſa à ſe ménager l'appui de la
» France.
Cette Cour entra aifément dans les vûes
de Fiefque ; & dans l'efpérance de fe venger
de Doria & de reprendre le Milanès fur
l'Empereur , elle accorda des fecours confidérables.
Fiefque inftruit que les mêmes
paffions qui lui avoient rendu la Cour de
France favorable , regnoient à celle du
Pape , s'occuppa du foin de les mettre en
jeu. Il alla lui-même à Rome pour négo142
MERCURE DE FRANCE.
cier cette affaire , & il écarta les foupçons
que ce voyage pouvoit faire naître , par,
l'attention qu'il eut au milieu de fes projets
de ne paroître occupé que de fes plaifirs
, & par l'art de cacher des deffeins
profonds fous un air frivole. Il trouva
Paul III. auffi bien difpofé qu'il le fouhaitoit
, & ce Pontife approuva la révolution
avec de grands éloges .
Fiefque ne s'occupa plus que du foin
de mettre la derniere main à fon entre-"
prife , & il ne put en être détourné
par les
remontrances d'un de fes plus zélés partifans
: c'étoit Vincent Calcagno , homme
d'un certain âge , & qui avoit une efpéce
de paffion pour le jeune Comte. » Comme
" il avoit le fens droit , les grandes entre-
» prifes commencoient par lui être toujours
fufpectes . Il étoit d'ailleurs né timide ,
» & les réflexions ou l'expérience qui chan
» gent quelquefois les caracteres , l'avoient
» affermi dans le fien. Tout ce qui avoit
» l'air trop élevé lui paroiffoit chimérique ,
" & il regardoit comme imprudent tout
» ce qu'on abandonnoit au hazard. Son
imagination étoit plus aifément étonnee
» que fon coeur ; & il étoit ferme jufques
» dans les périls qu'il avoit prévûs & qu'il
ور
و ر
avoit craints.
Le chef de la conjuration forma d'i
DECEMBRE. 1754. 143
bord fon attention à ne pas fe laiffer pénétrer
, & il fe rendit en effet impénétrable.
Sa conduite avoit quelque chofe de fi naturel
& de fiaifé , qu'il n'étoit pas poffible d'y
foupçonner le moindre myftere. André Doria
, malgré la profonde connoiffance qu'il
-avoit des hommes , fe laiffa impofer par ces
apparences , & Jeannetin fut féduit par les
témoignages d'eftime & d'attachement que
Fiefque lui prodigua.
Le Comte fçut fe concilier les négocians
, cette précieufe portion de citoyens
fi honorée dans le gouvernement populaire
, fi opprimée dans le defpotique , fi
négligée dans le monarchique , & fi méprifée
dans l'ariftocratique , en leur exagérant
le tyrannique orgueil des nobles
& en leur laiffant entrevoir la poffibilité
-de s'en délivrer. Par là il s'affuroit du peuple
, qui fuit aveuglément le mouvement
qui lui eft communiqué par ceux qui le font
travailler ou qui le font vivre un extérieur
brillant , des manieres ouvertes & polies
, des bienfaits répandus adroitement ,
acheverent de lui gagner la multitude.
Il ne manquoit à Fiefque que des fol-
' dats. Il eut une occafion favorable , & qui
fe préfentoit naturellement , d'en lever dans
fes terres. Il prit des arrangemens fecrets
avec Pierre- Louis Farnefe Duc de Parme
144 MERCURE DE FRANCE.
& de Plaifance , qui lui promit un fecours
de deux mille hommes. Il fit venir une
galere qui lui appartenoit , dans le port de
Gênes fes amis débaucherent quelques
foldats de la garnifon , & s'affurerent dedix
mille habitans déterminés : avec ces forces
réunies , les conjurés crurent qu'il étoit
tems de prendre une derniere réfolution.
La nuit du premier au fecond Janvier
fut l'inftant arrêté pour l'exécution de leur
projet . L'époque étoit adroitement fixée.
Comme le Doge qui fortoit de place le
premier du mois , ne pouvoit être remplacé
que le quatre , la République devoit fe
trouver dans une eſpèce d'anarchie , dont
il étoit poffible de tirer parti.
Un des chefs de la conjuration , & un
de ceux fur qui Fiefque comptoit le plus ,
étoit Jean Baptifte Verrina , » homme bra-
» ve , impétueux , éloquent : il avoit l'efprit
vafte , mais déréglé ; le coeur élevé ,
» mais corrompu . Son penchant l'entraî
»noit au crime , & le mauvais état de
» fes affaires le lui rendoit prefque indifpenfable.
Une imagination vive &
» forte lui préfentoit fans ceffe des projets
finguliers & hardis , dont il n'examinoit
» jamais ni la juftice ni les refforts , &
» dont il prévoyoit rarement les fuites. Il
étoit ennemi de tout repos , du fien
33
par
inquiétude ,
DÉCEMBRE. 1754. 145
99
inquiétude , de celui des autres par ambition
. Le Gouvernement établi dans fa
patrie lui déplaifoit , précisément parce
qu'il y étoit établi ; & tous ceux qui
» entreprendroient de le changer étoient
fûrs de trouver en lui des confeils dangereux
& des fervices utiles . Ce caractere
»l'avoit rendu cher à Fiefque , dont il régloit
les plaifirs , partageoit la fortune
» & dirigeoit en quelque maniere les paf-
"
fions.
>
Le jour arrêté pour la révolution commençoit
à luire , que les conjurés firent les
dernieres difpofitions. Verrina fe rendit à
l'entrée de la nuit fur la galere de Fieſque
qui étoit fon pofte ; il donna par un coup
de canon le fignal de l'attaque , & l'action
fut auffi - tôt engagée dans l'ordre qui avoit
été projetté. On commença par attaquer
ceux qui défendoient les portes de la ville
les plus effentielles , & dont on ſe rendit
bientôt maître . Jeannetin s'étant éveillé au
bruit , & étant accouru , fut reconnu &
maffacré fur le champ. André Doria euc
le tems de fe fauver dans un château à
quinze mille de Gênes . Cette lâcheté dans
un vieillard célébre par fa valeur , ne doit
furprendre que ceux qui ne connoiffent pas
les hommes .
Les avantages que remporterent les con-
II.Fol, G
146 MERCURE DE FRANCE.
jurés , redoubla leur activité & leur courage
: après s'être fortifiés à la hâte dans les
poftes dont ils s'étoient emparés , ils ſe
répandirent dans les rues en criant , Fiefque
& liberté. Ces deux mots , dont l'un rappelloit
à un grand nombre d'ouvriers le
nom de leur bienfaicteur , & l'autre réveil
loit dans tous les efprits l'idée du plus
grand des biens , féduifirent la populace ,
qui prit auffi-tôt les armes.
Les tentatives que fit le Sénat pour oppofer
la force aux conjurés ayant été funeftes
, il tourna fes'vûes vers la négociation.
Anfaldo Juftiniani , un des Sénateurs
députés , s'avança dans le lieu du tumulte
, & demanda froidement à parler au
nom de la République , au Comte de Fiefque
. Cet homme dangereux n'étoit plus ;
en voulant paffer fur une galere , il étoit
tombé dans la mer , & s'y étoit noyé. » Le
» fecret pouvoit être facilement gardé juf-
» qu'à la fin de l'action , fans la vanité
» puérilę de Jerôme , qui répondit à Juſ
» tiniani qu'il n'y avoit plus d'autre Com-
» te de Fiefque que lui , & qu'il n'écou-
» teroit les propofitions qu'on avoit à lui
faire , que lorfqu'on lui auroit livré le
Palais . Une réponſe auffi imprudente
» eut les fuites qu'elle devoit avoir. Le Sénat
raſſuré par le feul événement qui pût
"
DECEMBRE. 1754. 147.
changer fur le champ & d'une maniere
» ftable la fituation des chofes , montra de
» la fermeté ; & les conjurés , par une rai-
» fon contraire , perdirent toute leur au-
ور
"
dace. A mefure que la mort de leur
» cheffe répandoit , & elle fe répandit fort
» vîte , on voyoit les efprits fe refroidir ,
le-courage expirer dans tous les coeurs ,
& les armes tomber des mains . Ceux
»même que des haines plus vives , de
plus grands intérêts, ou un caractere plus
emporté avoient rendus jufqu'alors plus
» redoutables que les autres , fe laiffoient
» abbattre par la terreur commune. La ré-
» volution fut fi générale , qu'au point du
" jour il n'y avoit pas un feul factieux dans
» les rues de Gênes : ils étoient tous reti-
» rés dans leurs maifons , difperfés dans
» la campagne , ou retranchés dans quel-
» que pofte .
Aing finit cette confpiration , qui par
l'événement établit fur des fondemens prefque
inébranlables l'autorité qu'on avoit
voulu détruire.
Fermer
Résumé : « MEMOIRES historiques, militaires & politiques de l'Europe, depuis l'élévation [...] »
Le texte extrait des 'Mémoires historiques, militaires & politiques de l'Europe' de l'Abbé Raynal couvre la période de l'élévation de Charles Quint au trône de l'Empire jusqu'au traité d'Aix-la-Chapelle en 1748. Il se concentre sur les révolutions en Suède de 1515 à 1544. La Suède, autrefois puissante sous les Goths, était retombée dans l'obscurité en raison de divisions internes et de vices gouvernementaux. Marguerite, reine du Danemark, ambitieuse et politique, chercha à réunir la Suède à ses autres États. Les Suédois se rebellèrent contre le joug danois et se donnèrent un administrateur. Les conflits entre la Suède et le Danemark s'intensifièrent sous le règne de Christiern, un monarque cruel et tyrannique. Christiern chercha à soumettre les Suédois et exploita les mécontentements du clergé. Stenon, fils du dernier administrateur, fut élu pour succéder à l'administrateur décédé, mais des conspirations menées par Trolle, un archevêque déchu, compliquèrent la situation. Stenon dut faire face à une rébellion soutenue par les Danois et le clergé. Après une victoire suédoise, Trolle fut déclaré ennemi de la patrie et exilé. Le pape, sollicité par Trolle et Christiern, menaça les Suédois d'excommunication s'ils ne rétablissaient pas Trolle. Les Suédois refusèrent de se soumettre pour éviter des guerres civiles. Rome excommunia alors l'administrateur et le Sénat, et ordonna à Christiern de rétablir Trolle par la force. Christiern envahit la Suède, semant la destruction et la cruauté. Stenon fut tué, et Christiern établit une tyrannie en Suède. Cependant, Gustave Vasa, descendant des anciens rois de Suède, s'échappa du Danemark et rallia les Suédois. Avec l'aide d'un curé, Gustave mobilisa les Dalécarliens et remporta plusieurs victoires, forçant Christiern à fuir. Gustave fut proclamé administrateur et continua la guerre contre les Danois. Une révolution au Danemark déposa Christiern, et Frédéric de Holstein monta sur le trône. Gustave fut finalement proclamé roi de Suède avec l'unanimité du peuple. Il se consacra à réformer le royaume, substituant de bonnes lois à la barbarie ancienne et introduisant une police sage. Il fut soutenu dans ses réformes par Lars-Anderfon, un homme célèbre et habile. Parallèlement, Henri VIII, roi d'Angleterre, chercha à divorcer de Catherine d'Arragon pour épouser Anne Boleyn. Le cardinal Wolsey joua un rôle clé dans cette décision. Henri consulta les universités européennes, certaines déclarant le mariage nul, d'autres refusant. Henri finit par se passer de la dispense papale et épousa Anne Boleyn. Le pape excommunia Henri, mais le Parlement anglais défendit l'autorité papale. Henri devint chef de l'Église en Angleterre, initiant la Réforme anglicane. Le texte décrit également une conjuration à Gênes en décembre 1754, orchestrée par le Comte Fiesque. Fiesque, timide et prudent, réussit à gagner la confiance des négociants et du peuple. Il conclut un arrangement secret avec Pierre-Louis Farnèse, Duc de Parme et de Plaisance, qui lui promit un soutien militaire. La nuit du 1er au 2 janvier fut choisie pour l'exécution du projet. L'attaque débuta par la prise des portes de la ville les plus essentielles. Les conjurés prirent rapidement le contrôle des rues en criant 'Fiesque et liberté'. Cependant, Fiesque mourut en tombant à la mer, ce qui refroidit les ardeurs des conjurés, qui se dispersèrent. La conjuration échoua, renforçant ainsi l'autorité qu'elle avait voulu détruire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 106-114
L'ÉCONOME POLITIQUE ; Projet pour enrichir & pour perfectionner l'espèce humaine, in-12. à Paris, chez Moreau, rue Galande, Pissot , Quai de Conti , &c. 1763, brochure en tout 224 pages, prix 26 sols broché.
Début :
CET ouvrage traite de plusieurs matières toutes fort intéressantes pour la Société [...]
Mots clefs :
Auteur, Page, Économe, Politique, Ouvrage, Espèce humaine
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'ÉCONOME POLITIQUE ; Projet pour enrichir & pour perfectionner l'espèce humaine, in-12. à Paris, chez Moreau, rue Galande, Pissot , Quai de Conti , &c. 1763, brochure en tout 224 pages, prix 26 sols broché.
L'ÉCONOME POLITIQUE ; Projet
21your
pour enrichir & pour perfectionner
l'efpèce humaine , in- 12 . à Paris ,
chez Moreau, rue Galande , Pilot ,
• Quai de Conti , &c . 1763 , brochure
-1 en tout 224 pages , prix 26 fols
broché.
olallo ob quolla paltor
CET ouvrage traite de plufieurs matiè
res toutes fort intéreffantes pour la Société.
L'Auteur anonyme propofe d'abord
un moyen tres-fimple d'affarer une honnête
fubfiftance aux domeftiques ,aux ar
tifans , & aux laboureurs dans leur vieik
leffe , moyen également propre à mettre
à l'aife tous ceux qui voudroient l'eme
ployer; viennent enfuite quelques pros
jets relatifs au perfectionnement de l'ef
pèce humaine , matière trop grave pour
ne pas mériter l'attention du Gouver
ment. On trouve après cela des ré
(
AVRIL. 1763. 107
fléxions fur les abus des Maîtrifes &
des Réceptions dans les Mêtiers & dans
le Négoce.
En lifant ce que l'Auteur expofe fur
fur ce dernier objet , on voit que tous
ce qu'il a traité précédemment forme
un tout intimément lié . En effet , notre
Econome Politique ne s'occupe partie
culiérement jufqu'ici que des intérêts
du petit peuple , toujours auffi dépourvu
de fortune que de lumières. Cet Ouvrage
eft terminé par quelques nouvelles vues
relatives à l'éducation . Nous ne ferons
qu'indiquer ce qué penfe l'Auteur , &
nous renverrons à fon Livre pour les
détails.
Afin de mettre à l'aife les gens de la
plus baffe condition , notre Auteur qui
reléve avec beaucoup de jugement le
mérite d'une vie économe & laborieufe
fuppofe que chacun des Domeftiques ,
Artifáns & Laboureurs , peut épargner
par an guarante-huit livres en renonçant
pour cela , s'il le faut , au tabac ,
au vin , au jeu .
» Cette fomme remife , dit - il , * ă
» quelque Compagnie folide & com-
» merçante , portera fept & demi pour
» cent d'intérêt viager , mais intérêt.
* Page 7 & 8..
Τ
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
» qui demeurera entre les mains des
» Preneurs pendant le cours de vingt
» ans , & qui fervira pour groffir le capital
, fi ce n'eft que le bailleur vienne
à fe marier avant ce terme , auquel
» cas on lui fera , s'il le veut , la rente
» des fonds qu'il aura livrés à la condition
de fept & demi pour cent
» pendant les premiers vingt ans.
On ne voit qu'avec furprife les produits
qui résultent de l'emploi fage &
bien fuivi qu'un travailleur peut faire
de fes épargnes , & l'on eft forcé de
convenir avec notre Économe que la
pierre philofophale eft trouvée , le
moyen de faire une fortune honnête
puifqu'il ne s'agit pour cela
que d'être
fobre & laborieux .
Les preuves de ces produits font bien
expofées par l'Auteur : il fait voir que
fi celui qui pendant vingt ans a fourni
quarante- huit livres par années ( ce qui
fera 960 liv. ) n'en reçoit pas l'intêret
durant ces vingt années , fon capital lui
produira 218 liv. 14 f. de rente viagere ,
fur le pied de dix pour cent après ces
vingt ans . Une mife plus ou moins forte
produiroit un viager plus ou moins con
fidérable après le même nombre d'années
, & toujours à proportion en conAVRIL
1763. 109 .
tinuant plus long-tems. Les calculs qui
fondent ce projet font aifés à vérifier
pour peu qu'on foit attentif en les li
fant.
L'Auteur qui déplore les ravages du
luxe , de la prodigalité & du défoeuvrement
dans toutes les conditions , réunit
ici les fages motifs qui doivent engager
nos concitoyens à fe réformer. Selon
lui les Prédicateurs fans craindre d'avilir
la dignité de la Chaire , devroient furtout
remontrer les maux qui résultent
de la pareffe & des vaines dépenses en
faifant voir les avantages inestimables
que produit l'économie jointe à des
Occupations utiles & conftantes . Il penfe
que comme rien n'eft vil ou petit que
ce qui eft mauvais ou inutile , nos Orateurs
facrés ne devroient pas craindre
de defcendre fur cette matière à certains
détails feuls capables d'inftruire le
petit peuple de ſes vrais intérêts ,
Le goût du peuple pour les chanfons
fournit un autre moyen de le corriger.
» Je youdrois , dit * l'Auteur , que l'A-
» cadémie Françoife , de concert avec
» celles qui lui font les plus unies , def-
» tinât au moins fix cens livres tous les
» ans pour une chanfon faite avec
* Page go.
*
110 MERCURE DE FRANCE .
» efprit fur un air agréable & connu ,
» chanfon qui enfeigneroit une morale
utile , raifonnable , tendant à l'enri-
» chiffement du public & des particu
liers , & qui préfentant le travail & la
parcimonie comme les vrais fonde-
» mens de l'honneur & du plaifir , ex-
» poferoit par un contrafte habilement
» tracé , les fuites honteufes & funeftes
de la pareffe & de la diffipation . »
Quelques pages auparavant , on voit
les Dames chargées de l'honorable
emploi de la réformation des moeurs.
» Si de jeunes beautés , chacune dans
» fa fphère , témoignoient à leurs fou
» pirans certains mépris pour les frivolités
, les jeux , les momeries , pour
toute dépenfe infructueufe & mat
placée , qu'elles marquaffent une ef-
» time de préférence pour ceux qui
» montreroient des fruits fenfibles de
» l'économie , d'un travail continu
"
*
d'une application perfévérante , c'eſt
alors que nous verrions les change-
» mens les plus heureux & les plus
inefpérés. »
30.
Terminons l'extrait de cette partie
de l'ouvrage , en renvoyant le Lecteur
aux occupations fubfidiaires que PAu-
Page 88,
^ " AVRIL. 1763. 13
F
teur donne aux gens aifés page 64.
Leur amour-propre n'eft qu'une vaine
délicateffe aux yeux de notre Econome
Politique , auffi le traite - t'il très -philofophiquement
en voulant qu'ils ayent
tous quelque petite occupation manuelle
pour remplacer le jeu , les fpectacles ;
Les vifutes & les lectures inutiles..
Dans la feconde partie , l'Auteur affigne
d'abord les différentes caufes phyfiques
de la foibleffe de l'efpèce hu
maine. Elles ne nous ont para que trop
vraies , contentons -nous d'en rapporter
une feule , le Lecteur la trouvera fuivie
de l'une de ces grandes vérités qu'on
ne peut trop inculquer à la jeuneffe.
» Une autre caufe * d'affoibliffement
" parmi nous , c'eft que les travailleurs.
» en petit nombre , écrafés des fatigues.
néceffaires pour foutenir tant de gens.
» oifeux , accablés d'ailleurs par les mis
39 lices & les corvées , felvoyent encore
arracher de mille manières une fub-
» fiftance dont ils auroient befoin pour
» éléver leurs enfans ..... C'eſt ainfi
» qu'on perd ou qu'on affoiblit fans ' y
penfer les meilleurs fujets du Royau-
» me car enfin hous l'avouerons fi
" nous fommes de bonne foi ; un la
Page 126,917, xton ollut sup
112 MERCURE DE FRANCE.
" boureur , un ouvrier de campagne ,
» un manoeuvre font conftamment plus
» précieux & plus à ménager que tant
» de citadins , artiſtes de moleffe & de
» luxe , à qui nous prodiguons notre
» eftime. Ces hommes de fatigue & de
» peine , injuftement avilis , nous procu-
» rent l'abondant néceffaire & nous
» comblent en un mot de biens folides
» & durables , tandis qu'un frifoneur
» s'exerce vingt ans fur nos têtes fans
qu'il nous laiffe au bout du terme le
» moindre fruit d'un fi long travail,
" Qu'on n'oublie donc jamais que les
» fimples villageois , les travailleurs les
plus groffiers , font proprement les
peres nourriciers de notre efpège , &
qu'ainfi nous fommes tous intéreffés
» à ce qu'on ne les fatigue pas au point
" de ne pouvoir remplir leur haute def
» tination. "
"
Quant au moyen de perfectionner
notre espéce , l'Auteur en indique plufieurs
qu'il faut voir à la page 130 &
fuivantes de fon Ouvrage. Ils nous ont
parut très -fimples ; mais ici comme dans
ce qui regarde le public , le fuccès dépend
des foins du Gouvernement,
Difons un mot des deux autres ebjets
que traite notre Auteur. Il parle
AVRIL. 1763. * 113
avec force contre les abus des maîtrifes
& fait voir que les droits auxquels
font affujettis la plupart des Récipiendaires,
écartent un grand nombre
de Sujets capables d'être utiles en public.
Faute d'argent pour être admis
dans les Corps des Métiers ou dans le
Négoce , plufieurs de ceux que leurs
talens appellent à la perfection , paffent
leur vie dans la détreffe , attachée à
l'état d'apprentifs ou de compagnons, &
par conféquent reftent malgré eux dans
le célibat ; ou ce qui eft encore pis
portent leur courage & leur habileté
chez les Etrangers nos ennemis ou nos
rivaux. Ceux qui ofent fe marier chez
nous fans obtenir la Maîtrife , rampent
toute leur vie dans la mifere avec leur
famille
, double caufe de la dépo
pulation & de l'affoibliffement de notre
efpéce.
L'Auteur approfondit cette matière
importante ; & après avoir montré tous
les inconviens de l'état actuel des Maitrifes
, il expofe les moyens de remédier
à un mal dont les effets font beaucoup
plus nuifibles à la nation , qu'on
ne le croit communément.
Le même goût pour l'utilité qui di114
MERCURE DE FRANCE .
rige toujours les vues de notre Econome
politique , lui fait defirer que l'écriture
& le calcul foient enfeignés à
la jeuneffe avec le plus grand foin dans
le cours des études ; il propofe encore
quelques autres projets relatifs à l'éducation.
Du refte cette brochure écrite
d'un ftyle clair & coulant , eft pleine
d'idées neuves & intéreffantes , & tout
y refpire l'amour de la Patrie & le
goût de l'aifance nationale . C'est ce
que l'Auteur a bien caractérise par ce
beau Quatrain où il s'eft peint lui-même
page 153 .
Indulgent pour autrui , pour lui-même ſévère ,
Damis au bien commun dirigea ſes travaux ,
Et fenfible pour tous à l'humaine mifère ,
Chercha l'art d'éviter ou d'alléger nos maux.
21your
pour enrichir & pour perfectionner
l'efpèce humaine , in- 12 . à Paris ,
chez Moreau, rue Galande , Pilot ,
• Quai de Conti , &c . 1763 , brochure
-1 en tout 224 pages , prix 26 fols
broché.
olallo ob quolla paltor
CET ouvrage traite de plufieurs matiè
res toutes fort intéreffantes pour la Société.
L'Auteur anonyme propofe d'abord
un moyen tres-fimple d'affarer une honnête
fubfiftance aux domeftiques ,aux ar
tifans , & aux laboureurs dans leur vieik
leffe , moyen également propre à mettre
à l'aife tous ceux qui voudroient l'eme
ployer; viennent enfuite quelques pros
jets relatifs au perfectionnement de l'ef
pèce humaine , matière trop grave pour
ne pas mériter l'attention du Gouver
ment. On trouve après cela des ré
(
AVRIL. 1763. 107
fléxions fur les abus des Maîtrifes &
des Réceptions dans les Mêtiers & dans
le Négoce.
En lifant ce que l'Auteur expofe fur
fur ce dernier objet , on voit que tous
ce qu'il a traité précédemment forme
un tout intimément lié . En effet , notre
Econome Politique ne s'occupe partie
culiérement jufqu'ici que des intérêts
du petit peuple , toujours auffi dépourvu
de fortune que de lumières. Cet Ouvrage
eft terminé par quelques nouvelles vues
relatives à l'éducation . Nous ne ferons
qu'indiquer ce qué penfe l'Auteur , &
nous renverrons à fon Livre pour les
détails.
Afin de mettre à l'aife les gens de la
plus baffe condition , notre Auteur qui
reléve avec beaucoup de jugement le
mérite d'une vie économe & laborieufe
fuppofe que chacun des Domeftiques ,
Artifáns & Laboureurs , peut épargner
par an guarante-huit livres en renonçant
pour cela , s'il le faut , au tabac ,
au vin , au jeu .
» Cette fomme remife , dit - il , * ă
» quelque Compagnie folide & com-
» merçante , portera fept & demi pour
» cent d'intérêt viager , mais intérêt.
* Page 7 & 8..
Τ
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
» qui demeurera entre les mains des
» Preneurs pendant le cours de vingt
» ans , & qui fervira pour groffir le capital
, fi ce n'eft que le bailleur vienne
à fe marier avant ce terme , auquel
» cas on lui fera , s'il le veut , la rente
» des fonds qu'il aura livrés à la condition
de fept & demi pour cent
» pendant les premiers vingt ans.
On ne voit qu'avec furprife les produits
qui résultent de l'emploi fage &
bien fuivi qu'un travailleur peut faire
de fes épargnes , & l'on eft forcé de
convenir avec notre Économe que la
pierre philofophale eft trouvée , le
moyen de faire une fortune honnête
puifqu'il ne s'agit pour cela
que d'être
fobre & laborieux .
Les preuves de ces produits font bien
expofées par l'Auteur : il fait voir que
fi celui qui pendant vingt ans a fourni
quarante- huit livres par années ( ce qui
fera 960 liv. ) n'en reçoit pas l'intêret
durant ces vingt années , fon capital lui
produira 218 liv. 14 f. de rente viagere ,
fur le pied de dix pour cent après ces
vingt ans . Une mife plus ou moins forte
produiroit un viager plus ou moins con
fidérable après le même nombre d'années
, & toujours à proportion en conAVRIL
1763. 109 .
tinuant plus long-tems. Les calculs qui
fondent ce projet font aifés à vérifier
pour peu qu'on foit attentif en les li
fant.
L'Auteur qui déplore les ravages du
luxe , de la prodigalité & du défoeuvrement
dans toutes les conditions , réunit
ici les fages motifs qui doivent engager
nos concitoyens à fe réformer. Selon
lui les Prédicateurs fans craindre d'avilir
la dignité de la Chaire , devroient furtout
remontrer les maux qui résultent
de la pareffe & des vaines dépenses en
faifant voir les avantages inestimables
que produit l'économie jointe à des
Occupations utiles & conftantes . Il penfe
que comme rien n'eft vil ou petit que
ce qui eft mauvais ou inutile , nos Orateurs
facrés ne devroient pas craindre
de defcendre fur cette matière à certains
détails feuls capables d'inftruire le
petit peuple de ſes vrais intérêts ,
Le goût du peuple pour les chanfons
fournit un autre moyen de le corriger.
» Je youdrois , dit * l'Auteur , que l'A-
» cadémie Françoife , de concert avec
» celles qui lui font les plus unies , def-
» tinât au moins fix cens livres tous les
» ans pour une chanfon faite avec
* Page go.
*
110 MERCURE DE FRANCE .
» efprit fur un air agréable & connu ,
» chanfon qui enfeigneroit une morale
utile , raifonnable , tendant à l'enri-
» chiffement du public & des particu
liers , & qui préfentant le travail & la
parcimonie comme les vrais fonde-
» mens de l'honneur & du plaifir , ex-
» poferoit par un contrafte habilement
» tracé , les fuites honteufes & funeftes
de la pareffe & de la diffipation . »
Quelques pages auparavant , on voit
les Dames chargées de l'honorable
emploi de la réformation des moeurs.
» Si de jeunes beautés , chacune dans
» fa fphère , témoignoient à leurs fou
» pirans certains mépris pour les frivolités
, les jeux , les momeries , pour
toute dépenfe infructueufe & mat
placée , qu'elles marquaffent une ef-
» time de préférence pour ceux qui
» montreroient des fruits fenfibles de
» l'économie , d'un travail continu
"
*
d'une application perfévérante , c'eſt
alors que nous verrions les change-
» mens les plus heureux & les plus
inefpérés. »
30.
Terminons l'extrait de cette partie
de l'ouvrage , en renvoyant le Lecteur
aux occupations fubfidiaires que PAu-
Page 88,
^ " AVRIL. 1763. 13
F
teur donne aux gens aifés page 64.
Leur amour-propre n'eft qu'une vaine
délicateffe aux yeux de notre Econome
Politique , auffi le traite - t'il très -philofophiquement
en voulant qu'ils ayent
tous quelque petite occupation manuelle
pour remplacer le jeu , les fpectacles ;
Les vifutes & les lectures inutiles..
Dans la feconde partie , l'Auteur affigne
d'abord les différentes caufes phyfiques
de la foibleffe de l'efpèce hu
maine. Elles ne nous ont para que trop
vraies , contentons -nous d'en rapporter
une feule , le Lecteur la trouvera fuivie
de l'une de ces grandes vérités qu'on
ne peut trop inculquer à la jeuneffe.
» Une autre caufe * d'affoibliffement
" parmi nous , c'eft que les travailleurs.
» en petit nombre , écrafés des fatigues.
néceffaires pour foutenir tant de gens.
» oifeux , accablés d'ailleurs par les mis
39 lices & les corvées , felvoyent encore
arracher de mille manières une fub-
» fiftance dont ils auroient befoin pour
» éléver leurs enfans ..... C'eſt ainfi
» qu'on perd ou qu'on affoiblit fans ' y
penfer les meilleurs fujets du Royau-
» me car enfin hous l'avouerons fi
" nous fommes de bonne foi ; un la
Page 126,917, xton ollut sup
112 MERCURE DE FRANCE.
" boureur , un ouvrier de campagne ,
» un manoeuvre font conftamment plus
» précieux & plus à ménager que tant
» de citadins , artiſtes de moleffe & de
» luxe , à qui nous prodiguons notre
» eftime. Ces hommes de fatigue & de
» peine , injuftement avilis , nous procu-
» rent l'abondant néceffaire & nous
» comblent en un mot de biens folides
» & durables , tandis qu'un frifoneur
» s'exerce vingt ans fur nos têtes fans
qu'il nous laiffe au bout du terme le
» moindre fruit d'un fi long travail,
" Qu'on n'oublie donc jamais que les
» fimples villageois , les travailleurs les
plus groffiers , font proprement les
peres nourriciers de notre efpège , &
qu'ainfi nous fommes tous intéreffés
» à ce qu'on ne les fatigue pas au point
" de ne pouvoir remplir leur haute def
» tination. "
"
Quant au moyen de perfectionner
notre espéce , l'Auteur en indique plufieurs
qu'il faut voir à la page 130 &
fuivantes de fon Ouvrage. Ils nous ont
parut très -fimples ; mais ici comme dans
ce qui regarde le public , le fuccès dépend
des foins du Gouvernement,
Difons un mot des deux autres ebjets
que traite notre Auteur. Il parle
AVRIL. 1763. * 113
avec force contre les abus des maîtrifes
& fait voir que les droits auxquels
font affujettis la plupart des Récipiendaires,
écartent un grand nombre
de Sujets capables d'être utiles en public.
Faute d'argent pour être admis
dans les Corps des Métiers ou dans le
Négoce , plufieurs de ceux que leurs
talens appellent à la perfection , paffent
leur vie dans la détreffe , attachée à
l'état d'apprentifs ou de compagnons, &
par conféquent reftent malgré eux dans
le célibat ; ou ce qui eft encore pis
portent leur courage & leur habileté
chez les Etrangers nos ennemis ou nos
rivaux. Ceux qui ofent fe marier chez
nous fans obtenir la Maîtrife , rampent
toute leur vie dans la mifere avec leur
famille
, double caufe de la dépo
pulation & de l'affoibliffement de notre
efpéce.
L'Auteur approfondit cette matière
importante ; & après avoir montré tous
les inconviens de l'état actuel des Maitrifes
, il expofe les moyens de remédier
à un mal dont les effets font beaucoup
plus nuifibles à la nation , qu'on
ne le croit communément.
Le même goût pour l'utilité qui di114
MERCURE DE FRANCE .
rige toujours les vues de notre Econome
politique , lui fait defirer que l'écriture
& le calcul foient enfeignés à
la jeuneffe avec le plus grand foin dans
le cours des études ; il propofe encore
quelques autres projets relatifs à l'éducation.
Du refte cette brochure écrite
d'un ftyle clair & coulant , eft pleine
d'idées neuves & intéreffantes , & tout
y refpire l'amour de la Patrie & le
goût de l'aifance nationale . C'est ce
que l'Auteur a bien caractérise par ce
beau Quatrain où il s'eft peint lui-même
page 153 .
Indulgent pour autrui , pour lui-même ſévère ,
Damis au bien commun dirigea ſes travaux ,
Et fenfible pour tous à l'humaine mifère ,
Chercha l'art d'éviter ou d'alléger nos maux.
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Résumé : L'ÉCONOME POLITIQUE ; Projet pour enrichir & pour perfectionner l'espèce humaine, in-12. à Paris, chez Moreau, rue Galande, Pissot , Quai de Conti , &c. 1763, brochure en tout 224 pages, prix 26 sols broché.
L'ouvrage 'L'ÉCONOME POLITIQUE', publié en 1763 à Paris, est une brochure de 224 pages écrite par un auteur anonyme. Elle propose des solutions pour améliorer la condition des domestiques, artisans et laboureurs en les encourageant à épargner et à investir. L'auteur suggère que ces groupes puissent économiser 48 livres par an en renonçant au tabac, au vin et au jeu, et investir cette somme dans une compagnie solide pour obtenir un intérêt viager de 7,5 % sur 20 ans. L'auteur critique les abus des maîtres et des réceptions dans les métiers et le négoce, soulignant que ces pratiques empêchent de nombreux talents de s'épanouir. Il déplore également les ravages du luxe, de la prodigalité et du désœuvrement, et propose que les prédicateurs et les dames influentes encouragent l'économie et le travail. L'ouvrage aborde également les causes physiques de la faiblesse de l'espèce humaine, notamment la surcharge de travail des paysans et des ouvriers. L'auteur propose des moyens pour perfectionner l'espèce humaine, soulignant l'importance de l'éducation et de l'apprentissage de l'écriture et du calcul. Enfin, l'auteur dénonce les abus des maîtrises et des réceptions, qui empêchent de nombreux sujets capables de contribuer à la société de s'épanouir. Il propose des solutions pour remédier à ces problèmes et améliorer l'éducation. La brochure est écrite dans un style clair et est remplie d'idées nouvelles et intéressantes, reflétant l'amour de la patrie et le goût de l'utilité nationale.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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p. 149
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Lecteur, de mes neuf piés j'use avec avantage ; [...]
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