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p. 106-156
NEUVIÉME PARTIE DU TRAITÉ DES LUNETES, DEDIÉ A MONSEIGNEUR LE DUC DE BOURGOGNE Par Mr Comiers, d'Ambrun, Professeur des Mathematiques à Paris.
Début :
Nous avons démontré dans les Traitez précedens, comment la Baze [...]
Mots clefs :
Lunettes, Rayon, Optique, Image, Verres, Construction, Télescopes, Radiation, Rétine, Diaphragme, Objectifs, Clarté, Binocles, Savant, Définition, Avantages, Auteur, Livres, Instruments, Vision, Microscope, Yeux, Soleil, Astres, Physique, Observation, Expérience, Roi de France, D. Chorez
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texteReconnaissance textuelle : NEUVIÉME PARTIE DU TRAITÉ DES LUNETES, DEDIÉ A MONSEIGNEUR LE DUC DE BOURGOGNE Par Mr Comiers, d'Ambrun, Professeur des Mathematiques à Paris.
NEUVIE' ME PARTIE
DU TRAITE
DES LUNETES,
DEDIE' A MONSEIGNEUR
LE DUC DE BOURGOGNE
Par M² Comiers , d'Ambrun, Profeffeur
des Mathematiques à Paris.
NOU
Ous avons demontré dans
lesTraitez précedens, comment
la Baze du cone des rayons
de la Radiation particuliere émanée
de chaque point de l'objet,
eftant entrée dans l'oeil par l'ouverture
de la prunelle , & penétré
jufques fur l'humeur Chriftallin :
du Mercure Galant. 107
qui eft convexe des deux coftez,
les rayons de la Radiation de
chaque point de l'objet , forment
, par la réfraction qu'ils
fouffrent en penétrant le Criftallin
, leur cone renverfé , ou
pinceau optique , la pointe du
quel fe terminant fur la Retine ,,
y forme l'image de fon point de
L'objet , & tous ces pinceaux optiques
, dont le nombre eft égal
au nombre des points vifibles de
la furface de l'objet , y forment
l'image entiere de l'objet , mais .
renverfée .
Nous avons demontré l'effet :
des verres des Bezicles , tant conconcaves
pour l'ufage des Miopes
ou courtes veues qui ne peuvent
voir diftinctement que des
objets fort proches , que des con108
Extraordinaire
vexes , pour l'ufage des Presbi
tes , Vieillards , & autres qui ont
la veuë longue , & ne peuvent
voir bien diftinctement que les
objets notablement éloignez .
Nous avons donné la Con
ftruction de toutes les efpeces de
Teleſcopes ou Lunetes de longue
veuë , & tout ce qui les concerne.
Nous avons demontré. que leur
effet confifte à faire voir les ob
jets qui font tres éloignez comme
ils feroient veus eſtant à la portée
de la veuë naturelle , c'eft
à dire que par la veuë artificielle
que produifent les Lunetes , lesobjets
nous doivent paroistre fort
grands , fort diftinctement , &
bien éclairez .
Nous avons démontré que
L'augmentation de l'image arti
du Mercure Galant. 109
Acielle de l'objet , formée fur la
Retine par le moyen des verres
qui compofent la Lunete , procede
de ce que les deux axes des
deux cones des radiations émanées
des deux points extrémes
du diamétre de l'objet , fe croifent
beaucoup plûtoft au derriere
de l'humeur criſtallin , & forment
un plus grand angle ; & que ce
point d'interfection eftant plus
éloigné de la Retine , y forme
par conféquent une plus grande
baze ou peinture du diamétre de
l'objet.
Nous avons demontré que la
vifion diftincte qui eft la perception
diſtincte de cette image de
l'objet peinte fur la Retine , dépend
de la diftinction de cette
image artificicielle , & qu'elle
ILO Extraordinaire
dépend de la bonté de la matiere
des verres , & de la bonté
de leur travail , de leur jufte ouverture
, de leur proportion mutuelle
, de leur pofition bien pa-.
ralle & centrale , & en deuë diftance
dans un tuyau tres - large ,
noircy mat en dedans , & garny
de plufieurs diafragmes de metme.
J'ay dit que l'apparence di- .
ftincte de l'objet dépend de la
proportion du Verre Objectif au
Verre Oculaire , car fi la raifon
de l'objectif à fon oculaire eft
trop grande , l'apparence artificielle
de l'objet augmentée exceffivement,
ne peut eftre diftinte
, par ce que les rayons de
l'image aërienne de l'objet qui fe
forme renversée dans le Tuyau
tombant trop inclinez fur les
du Mercure Galant. I
bords de l'oculaire trop convexe,
leur refraction ne peut eftre réguliere,
c'eft pourquoy ces rayons
femeflant fur la Retine avec ceux
des autres points de l'objet , y
rendent l'image confuſe, & paroît
colorée ; & en outre , à moins
que l'objet ne foit lumineux ou
fortement éclairé , l'apparence
ne peut eſtre bien claire ; car la
même quantité de rayons de la
radiation de chaque point de
l'objet ne fuffit pas pour peindre
fortement une fi grande image.
Enfin nous avons demontré,
que la clarté de l'apparence de
l'objet dépend de l'ouverture du
verre objectif , qui eft de beaucoup
plus grande que l'ouverture
de la prunelle de l'oeil , ainfi
l'ouverture du verre objectif reIT2
Extraordinaire
cevant plus grande quantité de
rayons de chaque point de l'ob.
jet , & les refferrant par les loix
de la Refraction en les rendant
convergens , en fait entrer autant
de fois plus dans l'oeil, que l'ouverture
du verre objectif contient
de fois l'ouverture de la
prunelle , qui n'a ordinairement
que 3 lignes de diamètre ; & vous
fçavez par la Propofition 2. du
XII. Livre d'Euclide , que les
Cercles font entr'eux en mefme
raifon que les Quarrez de leurs
Diamétres. C'est pourquoy connoiffant
le diamètre de l'ouver
ture du verre objectif , il eft fa.
cile d'en faire le Calcul. Il nous
refte à traiter
du Mercure Galant.
DES BINOCLES
Telescopiques, leur Ancienneté,
& leur facile Conftruction.
Da tout temps on a efté per
fuadé
par raifon
& par
experience
, que
la viſion
d'un
objet
veu
en melme
temps
par
les deux
yeux
également
bien
conformez
,
eft
beaucoup
plus
forte
que
lors
que
l'objet
n'eft
veu
que
d'un
oeil , & on voit
en mefme
temps
des
deux
yeux
parfaitement
&
diftinctement
un objet
à la portée
de la
veüe
, lors
que
les
deux
axes
concourent
en un feul
point
de
l'objet
.
-
Il y a fix cens ans que le fçavant
Arabe ALHAZEN , c'eft¹à¹
dire Bon Homme , en parloit dans »
Q. deJanvier 1685. K.
114
Extraordinaire
fon Tréfor Optique , imprimé à
Bafle en l'année 1572. Le 2. Cha
pitre du troifiéme Livre page 76 .
num . 2. porte ce Titre , Axes Pyramidum
Opticarum utriufque vifus,
per centrumforaminis vue a tranfeuntes
in uno vifibili puncto femper
concurrunt , & c. Le Numero 10 .
page 80. a pour Titre , Concurfus
Axium Opticorum in Axe communi
facit vifionem certiffimam : extrà,
tanto certiorem , quantò Axi propinquior
fuerit. Enfin le Numero 15.
page 85. a pour Titre , vifibile in
Axium Opticorum.concurfu certiffimè
videtur , extrà tantò certius , quantò
concurfui fuerit propinquius.
Vitellon Thuringo - Polonus, qui
vivoit en l'année 12.69 .. dans fon
Livre d'Optique , imprimé à Bafle
en l'année 1572. au livre troifiéme
du Mercure Galant. is
Numero 32. page 100. a pour titre,
Neceffe eft Axes Pyramidum vifualum
amborum vifuum tranfeuntes
per centra foraminum vuea , femper
conjungi in une puncto fuperficiei
rei vifa . Le docte & R. P. Miller
Dechales,dansle deuxièmeTome
de fon Mundus Mathematicus , imprimé
à Lyon en l'année 1674.
dans la page 381. en la 30. Propofition
, avoit demontré que
Axes Optici concurrunt in unum
#demque objectum' ; & dans la Propofition
40. que Duo oculi commuiter
melius vident , quam unus
tantùm.
3
La demangeaifon d'écrire , &
de paroiftre fçavant , fit qu'en
l'année 1678. un grand Perfon.
nage croyant les Livres d'Albazen
& de Vitellon perdus , en voulut
Kij
116 Extraordinaire
publier quelque chofe comme du
fien , & pour nouveau , dans un
Livre tres bien imprimé , & qui
a pour titre , De Vifione Perfecta,
Live de amborum Vifionis Axium
Concurfu in eodem objecti puncto.
jvce
Puis que communement la vie.
naturelle d'un objet eft plus forte
eftant regardé des deux yeux , la
veüe artificielle d'un objet veu
des deux yeux à travers des Binocles
, fera auffi plus forte
que les Bezicles , qui font les fimples
Binocles qu'on met für le
nez , ont fait voir par expérience
depuis l'année 1285. qu'ils furent
inventez , comme j'ay demontré
dans la 247. page du XIX . Tome
du Mercure Etraordinaire..
du Mercure Galant. 117
Definition du Binocle Telesco
pique , ou de longue veie.
L
E Binocle Telescopique eft
ane cfpece de Bezicles compoice
de deux Lunetes de lomgue
veüe , d'égale force ou puiffance
, c'est à dire de dix pieds
au plus de Foyer Solaire , & de
mefme genre , car bien que les
deux verres objectifs foient de
melme longueur de Foyer , de
mefme matiere & bonté de tra
vail , fi le verre oculaire de l'une
des deux Luncres eftoit concave,
& l'oculaire de l'autre Lunete
eftoit convexe , on verroit l'objet
double , car la Lunete à oculaire
concave le feroit paroiftre en fa
firuation naturelle , & la Lunete
118 Extraordinaire
à oculaire convexe le feroit paroiftre
renverfé .
Ces deux Lunetes de meſme
genre & mefme proportion des
objectifs à leurs oculaires , doivent
eftre affemblées dans un
Tuyau ou Etuy parallelipipede
rectangle , en forte que deuxrayons
partant d'un mefme point
de l'objet , tombent perpendicu
lairement fur le centre des verres
, afin qu'ils les penétrent,,
comme auffi la prunelle & Phumeur
criftallin des deux yeux du
Regardant, & arivent fur lesReti
nes fans avoir fouffert aucune rerefraction
. Ainfi ces deux rayons
formeront un triangle Ifofcelle ,
dont la Baze eft la diftance comprife
entre les centres des deux
prunelles , & le fommet du triandu
Mercure Galant.
119 :
gle eft au point principal de l'objet
veu par le Binocle .
L'Autheur de fes Vifions Par-.
faites m'accufe de n'avoir pas fceu
definir le Binocle dans le Journal
des Sçavans du Lundy 20. Decembre
1677. & dit en parlant
Phoebus dans la 397. page de fa
Csntiquité des Corps , de l'année
1679. que Le Binocle est un affem .
blage de deux Oculaires Dioptriques
de mefme cfpece & d'égale puiffance,
MONTEZ SUR L'ANGLE DES
DEUX AXES DE LA VISION.
La Nature a fourny elle -mefme
des Binocles naturels aux Limaçons
& aux Ecreviffes de mer.
Petrus Berellus , dans la feconde
Partie de fon Livre De vero Telefcopii
inventore , imprimé à la
Haye en l'an 1655. apres avoir
120 Extraordinaire
enfeigné dans la page 22. l'oculin
Aftropicus Binoculis , &c. & dans
la page 23. De confectione Tubi Binoculi
, a donné dans la troifiéme
Partie de fon Livre , en la XC .
Obfervation Microfcopique De
Limacibus , la defcription des Binocles
naturels . Voicy fes termes,
Dentes acerrimos non folùm in Li
macibus effe ; fed quod mirum esty
& nullo alio forfan à natura animali
conceffum , oculos habent in cornibus,
& videbis nigrum eorum ab inferiori
cornuum parte , feu à cerebro ad corum
apices afcendere , cùm moveri
cupiunt , & greffum fuum dirigere
quò oculi convertuntur , &c. Cancri
Marini oculos bibent etiam in cornibus
feu tubis quibufdam duris , ubi
forfan codem pacto recurrunt. ·
ĽAvantages
du Mercure Galant. 127
A
L'Avantage des Binocles Telefcopiques
fur les Teleſcopes
Simples , & leur Ancienneté.
T
Out l'avantage qu'on peut
tirer de l'affemblage des
deux Lunetes de mefme efpece,
longueur,force & puiffance , confifte
à faire voir du moins auffi
clairement & fortement les ob .
jets terreftres , qu'avec une feule
Lunete deux fois plus longue.
Daniel Chorez, ce fçavant Dioptricien
Artiſte , en l'année 1625.
dans fon Imprimé in Folio , qui
a pour Titre , Les Admirables Lunetes
d'Approche réduites en petit volume
, avec leur vray usage, & leurs
utilitez préferables aux Grandes , &
le moyen de les ajuster à l'endroit des
2. deJanvier 1685 .
L
122 Extraordinaire
deux yeux , parle en ces termies
dans la 20. ligne . L'expériencefait .
connoiftre qu'on voit beaucoup mieux
avec deux Lunetes qu'avec une , car
les objets paroiffent plus gros & plus
prés. L'Autheur de la Veüe Dif
tincte de 1681. dit dans la page
195. qu'ayant préſenté à M¹ de Monmaur
Maistre des Requeftes , un Exemplaire
du premier Volume de cet Ouvrage,
dans lequelj'ay donné, dit- il ,
l'invention du Binocle , il me dit
quil croyoit en avoir déja quelque.
Ecrit du nommé Chorez . Mais ce
moderne Inventeur des vieux Binocles
, ne voulut pas voir cet
Imprimé , ny le Binocle monté
d'argent , & travaillé par Chorez,
Le R. P. Anthonius - Maria de
Rheita , dans fon Livre in Folio,
intitulé Oculus Enoch & Elia , imdu
Mercure Galant.
123
0,
1-
!
primé dans Anvers en 1645. page
356, au Titre Oculus Aftropicus Binooulus
, dit , Hujus Oculi Enech &
Elia Binoculum Telescopium , quòd
ejus ope admagnalia , etfi remotiffimè
à nobis in Calo elongata , non amplius
femi- caco , fed novo modo ambobus
oculis quafi prafentiafpectanda
inducamur , inflruamurque . Et dans
la page 355. Tali profectò Binoculo
Tubo à nobis confecto, objecta duplo,
triplò , imo quadruplò majora , lucidiora
atque clariora confpeximus,
quàm per Tubum Monoculum ; &
certè nifi ipfimet experti fuiffemus
qua fcribimus , utique fcribere puderet
, qua ad praxim redacta non
fubfifterent.
Le fçavant , curieux & R. P.
Gafpar Schott, dans le premier Tome
de fon Magia Univerfalis Na-
Lij
424
Extraordinaire
A
tura & Artis , imprimé en l'année
1657. fait dans le X. Livre le
Titre du fecond Chapitre en ces
termes , De Teleſcopii Aftronomici,
tam Monoculi , quàm Binoculi , Origine
, ejufque Auctore. Et dans les
pages 494. & 495. parle en ces
termes, Anthonius- Maria de Rheita,
vir aquè Religiofus ac doctus, mihique
familiariter notus , neque Monoculo
Tubo contentus , fed alterumfocium
conjunxit, & quidem feliciffima
aufu , feliciorique fucceffu , ut mecum
fateri coguntur quotquot ejus rei experimentum
fumpferunt. Talis quippe
inter hunc & priorem est differentia,
qualis effe communiterfolet inter Monoculum
& Binoculum hominem . Ex
perimentumfeci in Tubo Binoculo ab
ipfo Auctore elaborato . Et dans la
page 496. vous trouverez ces terdu
Mercure Galant. 125
mes. Foannes Vvifel , Augufta Vindelicorum
inftructus à Reyta , facit
Tubos tam Monoculos quàm Binocu
los . Carle P. de Reyta , ajoûte-t- il ,
non tantùm in ea arte excellit , eamque
fcriptis tradidit , fed alios etiam
inftruxit ; & cùm humaniffimusfit,
fine invidia non paucis fua communicavit.
Le R. P. Millet Dechales , dans
le 2. Tome de fon Mundus Mathematicus
, imprimé à Lyon en l'année
1674 au Theoréme TELESCOPIUM
BINOCULUM , page 672.
parle en ces termes . Mirum est
quantumjuvetur vifio, præcipuè verò
adjudicandum de objects ' Diftantia,
& confequenter de Magnitudine à
geminis oculis...... Fiant igitur duo
Teleſcopia omnimodò fimilia , quæ
conjungantur ita ut fim fibi invicem
Liij
126 Extraordinaire
parallela. Je demontreray ailleurs ,
que les deux Binocles de longue
veuë doivent eftre phyfiquement
paralleles , & qu'il n'y a point
d'Inftrument qui puiffe marquer
la diférence entre la diftance des
centres des deux verres objectifs ,
& celle des centres des deux ver
res oculaires. Expertus fum ( c'eſt
le P. Dechales qui continuë ) in
Telescopio Binoculo duorum pedum,
cerium est , diftinctius incompa
rabiliter& majus , & vicinius apparere
; & quod mirum est , non duo
Telefcopii gemina foramina videban
tur , fed unicum . Il ajoûte encore
ces termes, Pater Reyta infigne Telefcopium
Binoculum circumferebat....
Erat autem decem circiter palmorum
ejus longitudo.... Referunt autem Lunam
hoc tubo in magnitudinem prodigiofam
excreviffe.
du Mercure Galant. 127
la
Nonobftant tous ces authen
tiques témoignages de l'ancienneté
des Binocles , & de la bonté
de ceux du R. P. De Rheyta Capucin
Alleman,un fameuxAdiop .
tricien a dit en l'année 1677. dans
47. page de fa Viſion Parfaite,
que le Pere Rheita fe contentoit de
faire voir avec fon Binocle tellement
quellement des deux yeux quelques
objets du Ciel , comme la Lune , par
une feule inverfion d'efpece . Lemef
me Autheur Ageométre , dans
fon mefme Livre latinifé en l'année
1678. parle en ces termes dans
la 47. page. P. Rheita rudi atque
fine arte mechanica quatuor vitra,
ambo videlicet objectiva ; & ambo
immediata convexa , vel concava,
in ambo tuki oblongi extrema , nullo
abfque regulari horum vitrorum motu
Liiij
#28 Extraordinaire
aut fitu , palpando difponere fuerat
contentus ; qui quali quali modo binis
aculis ( Terreftria , ajoûte- t - il , nequaquam
objecta ) fed Lunam dumtaxat
confpiciendam præberet.
Quand il y auroit quelque
chole de veritable en tant d'Alleguez
de l'Autheur des Viſions ,
& quand mefme le tout feroit.
vray , le P. Rheita auroit du moins
avec fon Binocle fait voir en l'année
1645. la Lune & quelques
autres objets du Ciel quali quali
modo binis oculis . Cela eftant avoué
& reconnu par luy mefme, dans
quel fens en l'année 1679. a t ik
ofé dire dans la 401. page de
fa Contiquité des Corps , Que le
Binocle n'eftoit nullement connu, bien
loin d'eftre en ufage avant l'impref
fron de la Vifion Parfaite de l'année
du Mercure Galant.
129
les
1677.comment a- t-il pû dire dans
pages 190. & 191. defa Vifion
Parfaite de l'année 1681. Quc toutes
les Nations Etrangeres n'ont jamais
pu faire de Binocle, n'y en ayant ,
ajoûte- t - il, jamais paru aucun, jufques
à l'impreffion de mon Livre de
la Vision Parfaite , imprimé en l'année
1677. dans lequel j'en ay donné
l'invention ? Comment a t- il pû
écrire dans la 411. page du même
Livre , les termes fuivants. CHORES
& le P. RHEYTA ont tenté le
Binocle , je n'en fais aucun doute,
mais aucun n'y avoit reüfly avant
moy ; par conféquent aucun n'a inventé
le Binocle avant moy. Pourquoy
avoit-il dit eftre l'Inventeur
de la penfée mefme de faire
des Binocles . Voicy fes propres
termes , dans la premiere page de
130
Extraordinaire
la Préface de fa Vifion Parfaite
de l'année 1677. F'avois dés longtemps
médité & trouvé la maniere
pour diminuer la longueur de l'oculaire
Dioptrique , par NOSTRE
OCULAIRE , qui fait voir l'objet
des deuxyeux conjointement. Eftoitce
avant CHORES qui l'inventa
& pratiqua heureufement , & le
publia en l'année 1625 ; ou avant
le P. RHEITA, qui les fit admi.
rer à tous les Sçavans , & en écrivit
tres doctement en l'année-
1645?
Où trouvera- t-il que la Ma
chine du P. Rheita eftoit une rude-
Mécanique fans art ? Nous demontrerons
le contraire . Com
ment pourra-t-il impofer à dix
mille Curieux ce qu'il dit , que
le Binócle du P. Rheita Terreftria
du Mercure Galant. BI
nequaquam objecta,fed Lunam dumtaxat
confpiciendam
præberet. Puis
que ces mille Curieux ont auffi
veu les objets terreftres avec le
Binocle du P. Rheyta .
Monfieur de Caffini, ce celébre
& heureux Efpion des Aftres , &
l'un des Aſtronomes du Roy , m'a
autrefois affuré , qu'eſtant à Ravenne
en 1657. il avoit veu & admiré
avec le Binocle du P. de
Rheyta , la prunelle de l'oeil d'un
Pigeon qui eftoit fur un Colombier
fort éloigné . Mille bons Religieux
Capucins , dans les Convents
d'Allemagne , d'Italie , de
Paris , & de Lyon , portent fincere
témoignage de la bonté des
Binocles du P. Rheyta , avec lef
quels ils voyent les Objets Terreftres.
F32
Extraordinaire
Monfieur de Regnaud , ce fça
vant Philofophe Mathematicien,
fuffit entre mille autres Perfonnes
de mérite de laVille de Lyon,
pour témoigner qu'au mois dé
Juillet 1654 le R. P. de Rheyta,
Togé au Grand Convent des Capucins,
faifoit voir tres - diftinctement
& lire à tous les Curieux
l'Ecriteau qui eft en Lettres d'or
au Frontispice de l'Eglife S. Nizier.
Mon témoignage feroit fufpect
à l'Autheur des Vifions , puis
que dans les 196. & 198. pages.
de fes Vilions de 1681. il a dit
qu'à préfent je ne puis juger de
la bonté des Binocles , n'ayant
pas les deux yeux également bons
depuis l'année 1666. par l'effer,
comme il avoue dans la Table
des Matieres du mefme Livre aut
du Mercure Galant.
133.
penultiéme article de la Lettre N,
de l'IRA Kabale Toxicantoria. Il
ne laiffe pas de fe fouvenir que
pour corriger & rectifier ſon Teleſgraphe,
Oculus fui Cace , comme
dit Job au chap . XXIX . verf. 15.
Je n'ay pas oublié que toute
l'Italie difoit autrefois , Plus unum
Federicum uno oculo videre , quàm
Cateros omnes Principes duobus. Socios
habeo Horatios , Annibales , Sertorios.
Alii non femper virtatis fue
infignia fecum ferunt , fed haftas,
Torques , Coronas domi relinquunt.
Ego verò rei militaris pro falute Patrie
infummo , & omnibus bonis civilibus
periculo tremendo , infignia
mecum affiduè porto , cofdemque &
virtutis mea& fortuna habcofocios.
Le fameux Autheur Adioptricien
mépriſe à tort le Binocle du
134
Extraordinaire
-
P. Rheyta dans l'endroit fufcotté,
parce que ces deux Lunetes n'étant
compofées chacune que de
deux verres convexes , faifoient
voir les objets du Ciel comme la Lune
par unefeule inverfion d'efpeces puis
que luy mefme dans le mefme
Livre de fes Viſions Parfaites
de 1677 , dit dans la page 140.
Que l'Oculaire de deux convexes
peut fort bien fervir pour l'obferva.
tion des Aftres , eftant indiférent qu'il
les repréfente droits ou renverfez,
puis qu'ils font ronds , avoit - il oublié
ce qu'il avoit appris d'un Aftronome
, & inferé dans fa Dioptrique
de 1671. en la page 284.
L'oculaire duquel on fe fertpour l'obfervation
des Aftres , ne doit eftre
composé que de deux verres feulement.
Je m'étonne bien davandu
Mercure Galant,
135
tage de ce que dans une mefme
page de faViſion Parfaite de 1681.
il fe contrediſe luy- mefme. C'eſt
dans la 23. page . Il dit que l'oculaire
qui doit eftre appliqué aux Inftrumenspour
obferverfimplement les
objets du Ciel, fuffit qu'il foit conftrait
d'un bon objectif & d'un feul
verre immédiat à l'oeil , afin qu'il
venverfe nettement l'efpere, cela eftant
indiferent pour cette forte d'objets,
de la rondeur defquets on obferve,
à ce qu'il dit , feulement le centre,
comme le milieu de l'Aftre. Et en
la marge , il dit, L'Oculaire qui fert
à voir ou regarder lafigure des objets
du Ciel, doit redreffer l'espece par deux
inverfions. Cet Autheur est tout
particulier, il fait marcher enfemble
le ovr & le NON fur un même
fait. Jugez par là de fa grande
capacité dans les chofes difficiles.
136
Extraordinaire
LA FACILE
CONSTRUCTION
DES BINOCLES TELESCOPIQUES
ET MICROSCOPIQUES .
LA
la
'Autheur des Vifions Parfaites
de 1681. pour paffer pour
'Inventeur des Binocles , a voulu
perfuader aux Ouvriers , que
Conftruction des Binocles eftoit
fort miftérieufe . Cependant com.
me la verité échape quelquefois
à ceux qui la veulent étouffer,
on la trouve dans la page 192. en
en ces termes, conformes à ceux
de Chorez de l'année 1625. & du
R. P. De Rheita de l'année 1645-
Pour avoir un Binocle , il ne faut que
deux fimples Lunettes d'approche d'édu
Mercure Galant.
137
gale puissancefeulement, difpoféesfur
quelque plan , pour les appliquer conjointement
chacune à chacun oeil , &
ne voir par les deux enfemble qu'un
meſme objet
Pour mieux expliquer la Conftruction
des Binocles dont cet
Autheur n'a jamais travaillé les
verres , ny formé les Tuyaux ny
leur Etuy , le Sieur Querreau
Marchand Mirotier & Lunetier
luy ayant fait les premiers ; je
dis que la Conſtruction des Binocles
confifte à l'affemblage de
deux Lunetes en tout femblables ,
en forte qu'ayant appliqué les
deux centres des prunelles des
deux yeux tour- contre les centres
des fuperficies desverres oculaires
s'ils font concaves, ou aux centres ⚫
des ouvertures de trois lignes de
2. deJanvier 1685. M.
138 Extraordinaire
"
4 diamétre chacune , que portent
les boëtes de recouvrement des
Oculaires convexes , & lefquelles
ouvertures font un peu moins
éloignées des verres , que n'eſt la
longueur de leur Foyer folaire; en
forte, dis- je, qu'on ne voye qu'une
ouverture des deux tuyaux ,
& que le Soleil ne paroiffe pas
double.
Pour quoy obtenir , il faut que
les centres des ouvertures des
dioptres aufquelles on appliqne
les yeux , foient à la diftance l'un
de l'autre , égale à la diftance des
centres des prunelles , lors que
les yeux font naturellement contournez
pour bien voir le mefme
objet fans Binocle ; or cette diftance
entre les centres des deux
prunelles n'eft pas à tous la mef
du Mercure Galant. 139
me , bien qu'ordinairement pour
voir les objets éloignez , elle foit
d'environ deux pouces & demy.
Il faut encore que les deux :
axes des Lunetes aillent concou
rir en un meſme point de l'objet
, & fi l'objet eft fort éloigné,.
les Lunetes feront toûjours Phi
fiquement paralleles ; ce que je
demontreray geométriquement :
cy- apres par le calcul .
Les deux Lunetes eftant ainfi
affemblées , deux axes ou rayons.
principaux des deux radiations
coniques du mefme point vifible:
de l'objet , chacune defquelles a.
pour baze l'ouverture de l'un des
deux verres objectifs , tomberont
à plomb fur les centres de leurs .
fuperficies ; & paffant auffi per..
pendiculairement par les centress
Mij,
140
Extraordinairede
tous les autres verres qui compofent
les deux Lunettes , comme
auffi par les centres des dioptres.
ou ouvertures rondes qui font au
fonds de chaque boëre de recouvrement
des Oculaires des
deux Lunettes , pafferont auffi
perpendiculairement par les centres
de l'ouverture des deux pru
nelles & de l'humeur criftallin
des deux yeux ; & ainfi fans avoir.
fouffert aucune refraction , ces
deux axes ou rayons principaux :
des deux radiations d'un mefme
point viſible de l'objet , arriveront
au milieu du fonds de la
Retine des deux yeux . Par conféquent
ce point principal de
l'objet eftant peint fur les deux
Retines , & en femblables endroits
, fi les deux yeux font éga
du Mercure Galànt. 140
ment bien conformés , il fera
veu tres - diftinctement ; car comme
dit l'Arabe ALHAZEN au
troifiéme Livre de fon Optique ,
au Titre du Numero 15. page 85
Vifibile in Axium Opticorum concurfu
certiffimè videtur ; extra tantò certius
, quantò concurfui fucrit propinquius.
Car les autres points de
P'objet , par les pointes de leurs
pinceaux optiques renverfez , le
peignent en des femblables lieux
fur les deux Retines , tout- autour
du point principal de l'objet auquel
fe termine & aboutit le con
cours des deux axes optiques, on
ne verra par conféquent qu'un
objet total par le Binocle aini
difpofé , mais eftant veu en même
temps des deux yeux , l'objet
total paroistra beaucoup plus
J
14.2
Extraordinaire
clairement & plus grand , que
lors qu'on ne le regarde que d'un
ocil avec une des deux Lunettes;.
ce que M' Hubin , Emailleur du
Roy , & fi connu de tous les fçavans
Curicux de l'Europe , & par
l'excellence de fes Barométres ,
Poftiches , & par fon adreffe incomparable
, accompagnée de
folides raifonnemens , lors qu'il
montre gratuitement & publi
quement mille expériences qu'il
fait avec la Machine vulgaire
ment appellée du Vüide , pour
demontrer la pefanteur de l'air ,
reconnut d'abord par expérience
au mois de Juin 1681. eftant chez
le S Querreau , le merveilleux
effet du Binocle de fix à fept pou
ces de longueur , que CHOREZ
avoit fait en l'année 1625, monté.
ว
du Mercure Galant. 143
1
en argent . Il appartient à Monfieur
de Monmaur , de qui je
l'avois par emprunt, pour le faire
voir aux Curieux , car M' Hubin
l'ajufta d'abord à la diftance de
fes deux prunelles.
La raifon pour laquelle regar-.
dant des deux yeux un meſme
objet , on n'en voit qu'un , eft
par ce que chaque oeil repréfente
cet objet en un mefme
lieu . Les doctes Anciens ALHA…
ZEN & VITELLON , creurent
que le concours des deux
Nerfs optiques , eftoit le fiege de
la vifion ; mais bien que ces deux
Nerfs s'uniffent , ils ne compo-
#fent pas en tous les Hommes un
mefme Nerf , outre que Aquillonius
affeure avoir connu un
Homme lequel ne s'eftoit jamais
544
Extraordinaire "
plaint de voir les objets doubles,
bien qu'apres fa mort on ait trouvé
que ces deux Nerfs optiques
ne concouroient pas enfemble.
Jay connu particulierement il y a
vingt ans Monfieur le Chevalier
de Freze , prés de Bourbon-
Lanci , à qui , dans fes deux der
nieres années , à l'âge de 48 ans,
ou environ , furvint une maladie
qui le fit voir tous les objets dou
bles, tellement qu'il eftoit obligé,
eftant à pied ou à cheval , de
fermer un des deux yeux.
Dans l'Hiftoire de la Societé
Royale de Londres , établic pour l' Enrichiffement
de la Science naturelle,
écrite en Anglois par Thomas
Sprat , & traduite en François ,
& imprimée à Genéve l'an 1669
dans l'Enumération des Inftru
mens
du Mercure Galand, 145
mens de la Societé , il fait mention
de leur TELESCOPE DOVBLE.
C'eſt dans la page 307.
Voyons maintenant tout le
miftere de la facile Conftruction .
des Binocles, tant Telescopiques
que Microſcopiqués , & commençons
par Daniel Chorez qui les
inventa & exécuta heureuſement
, & les publia en 1625. par
une Feüille imprimée , que j'eus
en 1681. de la liberalité du tout
fçavant Monfieur Juftel , Secretaire
du Roy , fi regretté en
France , & qui voulut bien écrire
de fa main tout au haut, ces termes
, Ex chartis Henrici Fußtelli,
avec fa Paraphe , pour me fervir.
contre l'Autheur de la Vifion
Parfaite de 1681. lequel dans la
page 195. en veritable Habitant
Q. de Janvier 1685. N
146
Extraordinaire
de Candie , que S. Paul dans fon
Epître à Titus, chapitre 1. verf.12.
appelle Cretenfes , femper M. M. B.
V. P. impofant à M' Borely de
l'Académie Royale des Scien
Aces , & à tous les Lecteurs du
Livre de la Vifion Parfaite , y
avoit publié que dans l'Imprimé
de Chores , j'y avois ajoûté une
Dédicatoire au Roy , & que j'en
avois augmenté le Difcours de
plus de la moitié. Voicy donc
la Coppie de l'Original que j'en
eus de M' Juftel , que l'Autheur
des Vifions fut contraint de reconnoiftre
veritable par fa Lettre
de fatisfaction du 11. Juin
1681. imitant en cela Saint Auguftin
, qui au Prologue de fes
Retractations , dit , Si quis dicit,
non ca debuiffe à me dici , qua poftea
DE
LA
NOAT
BLIO
THERE
VILLE
1893
asA
}
7
P
1
2
DC
-E
3
da du Mercure Galant. 147
mihi etiam difplicent , verum dicit
, &c.
LES ADMIRABLES
Lunettes d'approche reduites
en petit Volume , avec leur
vray Ufage & leurs Utilitez
préférables aux grandes , & le
moyen de les accommoder à
l'endroit des deux yeux , ainfi
qu'elles font repreſentées
par les Figures fuivantes. De.
dié au Roy , l'an 1625. Pár
D. CHOREZ.
AU ROY ,
SIRE
.
Ily a prés de cinq ans que j'eus
bonneur de présenter à Voftre Ma-
7
Nij
$48 Extraordinaire
jefté les prémices de mon travail , en
ce qui eft communement appellé Lunettes
d'approche ; & voyant que
Voftre Majesté en avoit fait cas,
encore qu'elles ne fuffent dans la perfection
qu'elles font à present : jay
crú eftre obligé doublement à luy dédier
ce que j'ay depuis obfervé estre
neceffaire pour jour du plaifir que
l'on enpeut recevoir , les ayant mifes
en pratique telles que leurs Figures les
repréfentent cy- deffous. J'efpere que
Voftre Majesté ne dédaignera pas de
voir la preuve de ce qui eft propofe de
leur vray usage , par celuy qui eft ,
Son tres humble , & tresobeïffant
Serviteur &
Sujet, D. CHOREZ .
La Figure eft icy dans l'Imprimé, Original
de Chorez.
du Mercure Galant. 149
1
L
Es Lunettes d'approche
font ainfi appellées à cauſe
de leurs effets , parce que les Objets
veus par icelles paroiffent
fort proches , encore qu'ils foient
fort éloignez . Cela procede de
la forme des Verres , & de leur
netteté & fituation , & de l'éloignement
qui eft entre eux . L'un
d'iceux eft convexe , ou boffu ,
comme il eft figuré fous A. L'autre
en concave, ou creufé, comme
il eft figuré fous B. Le Tuyau
dans lequel font enchaffez ces
Verres , eft fait ordinairement
de deux pieces , dont l'une peut
couler dans l'autre , comme il eft
figuré fous I , afin qu'on le puiffe
alonger ou accourcir autant qu'il
eft befoin pour fervir à diverfe
forte de veuë , & pour voir à di
N iij
Extraordinaire
›
verfes diſtances ; & fon point de
rencontre qui eft marqué fous la
piece de dedans à l'endroit de C,
dénote la longueur qu'il doit
avoir pour ceux qui ont la veuë
ordinaire quand l'Objet qu'il
faut voir eft éloigné plus de cent
pas , foit de mil ou dix mil , ou
cent mil pas & au deffus . Mais
pour voir les Objets proches , il
faut alonger le Tuyau jufqu'à ce
qu'on rencontre la longueur qui
eft requiſe pour y voir le mieux .
Si c'elt pour voir de dix pas loin ,
il faut alonger d'environ l'épaif
feur d'un Tefton ; & pour voir de
fix pas , il faut alonger de l'épaiffeur
de trois Teftons ; & ainfi tant
plus l'Objet eft proche , tant plus
il faut alonger le Tuyau , & ainu
L'Objet apparoift tant plus gros,
du Mercure Galant. isi
4
Comme cela un Ciron apparoift
auffi gros qu'un Pois , en forte
qu'on difcerne fa tefte , fes pieds
& fon poil , chofe qui fembloit
fabuleuse à plufieurs auparavant
l'avoir veuë avec admiration,
quoy que l'experience n'en foit
pas beaucoup difficile à qui en
voudra prendre le loifir. Quant
aux Perfonnes qui ont la veuč
courte de leur naturel , il faut
accourcir le Tuyau jufques à ce
qu'ils rencontrent de quelle lonils
gueur ils
voyent le mieux : Mais
il le faut alonger pour ceux qui
ont des tayes aux yeux , ou quelque
autre accident , ou qui font
à l'extréme vieilleffe , & obſerver
de quelle longueur il leur faut
pour leur ufage. Si on veut lirede
loin à la clarté de la Chandelle,
N iiij
152
Extraordinaire
il faut que la Chandelle foit le
plus prés qu'on peut de ce qu'on
veut lire , & fi la Lunette eft pofée
fixement , on voit bien mieux
que quand on la tient à la main,
à caufe qu'il y a toûjours du
tremblement. Les plus grandes
Lunettes font voir les Objets plus
gros que ne font les petites
( moyennant qu'elles foient faites
avec la perfection requiſe ; ) &
partant on voit plus loin par la
premiere 1. que par la feconde 2.
& encore moins par la troifiéme
3. Mais les plus petites font voirplus
large efpace que les grandes,
& l'objet qu'on defire voir eft
plus aifé à trouver par les petites
que par les grandes , qui eft une
utilité préferée , au moins par
ceux qui font incommodez de la
du Mercure Galant.
153
veuë , & qui ne fe foucient pas
tant de voir fort loin , que d'eftre
foulagez pour voir moyennement
loin.
L'experience fait connoiftre
qu'on voit beaucoup mieux avec
deux Lunettes , qu'avec une ; car
les Objets paroiflent plus gros &
plus prés . La quatriéme Figure
quieft marquée 4. montre comme
l'on les peut accommoder à
l'endroit des deux yeux , les faifant
pafferau travers d'une Lame
de métail , ou autre matiere reprefentée
par L, dans laquelle eft
renfermée la petite Platine P,
qui fert à porter la Lunette M ,
qui eft mobile , pour la pouvoir
approcher ou éloigner de la Lu
nette F , qui eft fixe , par le moyen
de la Vis D , qui eft retenue en
154
Extraordinaire
ladite Platine. Ces deux Lunettes
doivent eftre paralleles entr'elles
pour un Objet éloigné de plus de
cent pas, tant loin puiffe - t - il étre;
mais pour voir un Objet proche ,
elles doivent faire angle à iceluy
Objet , dont la baze eſt l'eſpace
qui eft entre les deux yeux de
celuy qui le regarde.par icelles.
Si elles ne font bien accommodées
, on voit deux objets pour
un , mais cela ne fait pas de beau.
coup fibien qu'il doit ; partant if
y faut remedier , foit en dégauchiffant
les Tuyaux , ou en les
approchant ou éloignant l'un de
l'autre,ainfi qu'il eft requis . Toutes
les Operations précedentes fe
font plus aifément quand les Lu.
nettes font arreftées fermement
droit aux Objets qu'on voit ; c'eft.
j
1
du Mercure Galant.
ISS
pourquoy j'ay préſenté le moyen
de les planter fur un Bâton , ou
autre chofe propre à les foûtenir
par le moyen des Vis G & H, qui
portent Charniere , ou petite
Boule enchaffée & mobile , pour
porter lefdites Lunettes , de forte
qu'on les puiffe incliner où il fera
requis. Mais il faut obferver foigneufement
de tenir les Verres les
plus nets qu'il eft poffible ; & fi
on les a touchez du doigt , ou
pouffé l'haleine deffus , on les doit
effuyer avec un linge blanc & net;
& fi on les ofte du Tuyau , il faut
remettre le cofté convexe du
grand Verre en dehors, car autrement
il faudroit alonger le Tuyau
de l'épaiffeur dudit Verre , outre
fon point marqué en C. Il n'importe
pas tant du petit , car la re156
Extraordinaire
fraction fe fait à fort peu prés du
milieu , encore qu'il ne foit creux
que d'un cofté , lequel on doit
mettre dehors.
Lefdites Lunettes , avec leur vray
Ufage & Figures, fe vendent chez l'Autheur
, à Paris , en l'Ifle Noftre- Dame,
à l'Enfeigne du Compas .
On donnera la fuite du Traité des
Lunctes, dans les Extraordinairesfuivans
du Mercure Galant.
DU TRAITE
DES LUNETES,
DEDIE' A MONSEIGNEUR
LE DUC DE BOURGOGNE
Par M² Comiers , d'Ambrun, Profeffeur
des Mathematiques à Paris.
NOU
Ous avons demontré dans
lesTraitez précedens, comment
la Baze du cone des rayons
de la Radiation particuliere émanée
de chaque point de l'objet,
eftant entrée dans l'oeil par l'ouverture
de la prunelle , & penétré
jufques fur l'humeur Chriftallin :
du Mercure Galant. 107
qui eft convexe des deux coftez,
les rayons de la Radiation de
chaque point de l'objet , forment
, par la réfraction qu'ils
fouffrent en penétrant le Criftallin
, leur cone renverfé , ou
pinceau optique , la pointe du
quel fe terminant fur la Retine ,,
y forme l'image de fon point de
L'objet , & tous ces pinceaux optiques
, dont le nombre eft égal
au nombre des points vifibles de
la furface de l'objet , y forment
l'image entiere de l'objet , mais .
renverfée .
Nous avons demontré l'effet :
des verres des Bezicles , tant conconcaves
pour l'ufage des Miopes
ou courtes veues qui ne peuvent
voir diftinctement que des
objets fort proches , que des con108
Extraordinaire
vexes , pour l'ufage des Presbi
tes , Vieillards , & autres qui ont
la veuë longue , & ne peuvent
voir bien diftinctement que les
objets notablement éloignez .
Nous avons donné la Con
ftruction de toutes les efpeces de
Teleſcopes ou Lunetes de longue
veuë , & tout ce qui les concerne.
Nous avons demontré. que leur
effet confifte à faire voir les ob
jets qui font tres éloignez comme
ils feroient veus eſtant à la portée
de la veuë naturelle , c'eft
à dire que par la veuë artificielle
que produifent les Lunetes , lesobjets
nous doivent paroistre fort
grands , fort diftinctement , &
bien éclairez .
Nous avons démontré que
L'augmentation de l'image arti
du Mercure Galant. 109
Acielle de l'objet , formée fur la
Retine par le moyen des verres
qui compofent la Lunete , procede
de ce que les deux axes des
deux cones des radiations émanées
des deux points extrémes
du diamétre de l'objet , fe croifent
beaucoup plûtoft au derriere
de l'humeur criſtallin , & forment
un plus grand angle ; & que ce
point d'interfection eftant plus
éloigné de la Retine , y forme
par conféquent une plus grande
baze ou peinture du diamétre de
l'objet.
Nous avons demontré que la
vifion diftincte qui eft la perception
diſtincte de cette image de
l'objet peinte fur la Retine , dépend
de la diftinction de cette
image artificicielle , & qu'elle
ILO Extraordinaire
dépend de la bonté de la matiere
des verres , & de la bonté
de leur travail , de leur jufte ouverture
, de leur proportion mutuelle
, de leur pofition bien pa-.
ralle & centrale , & en deuë diftance
dans un tuyau tres - large ,
noircy mat en dedans , & garny
de plufieurs diafragmes de metme.
J'ay dit que l'apparence di- .
ftincte de l'objet dépend de la
proportion du Verre Objectif au
Verre Oculaire , car fi la raifon
de l'objectif à fon oculaire eft
trop grande , l'apparence artificielle
de l'objet augmentée exceffivement,
ne peut eftre diftinte
, par ce que les rayons de
l'image aërienne de l'objet qui fe
forme renversée dans le Tuyau
tombant trop inclinez fur les
du Mercure Galant. I
bords de l'oculaire trop convexe,
leur refraction ne peut eftre réguliere,
c'eft pourquoy ces rayons
femeflant fur la Retine avec ceux
des autres points de l'objet , y
rendent l'image confuſe, & paroît
colorée ; & en outre , à moins
que l'objet ne foit lumineux ou
fortement éclairé , l'apparence
ne peut eſtre bien claire ; car la
même quantité de rayons de la
radiation de chaque point de
l'objet ne fuffit pas pour peindre
fortement une fi grande image.
Enfin nous avons demontré,
que la clarté de l'apparence de
l'objet dépend de l'ouverture du
verre objectif , qui eft de beaucoup
plus grande que l'ouverture
de la prunelle de l'oeil , ainfi
l'ouverture du verre objectif reIT2
Extraordinaire
cevant plus grande quantité de
rayons de chaque point de l'ob.
jet , & les refferrant par les loix
de la Refraction en les rendant
convergens , en fait entrer autant
de fois plus dans l'oeil, que l'ouverture
du verre objectif contient
de fois l'ouverture de la
prunelle , qui n'a ordinairement
que 3 lignes de diamètre ; & vous
fçavez par la Propofition 2. du
XII. Livre d'Euclide , que les
Cercles font entr'eux en mefme
raifon que les Quarrez de leurs
Diamétres. C'est pourquoy connoiffant
le diamètre de l'ouver
ture du verre objectif , il eft fa.
cile d'en faire le Calcul. Il nous
refte à traiter
du Mercure Galant.
DES BINOCLES
Telescopiques, leur Ancienneté,
& leur facile Conftruction.
Da tout temps on a efté per
fuadé
par raifon
& par
experience
, que
la viſion
d'un
objet
veu
en melme
temps
par
les deux
yeux
également
bien
conformez
,
eft
beaucoup
plus
forte
que
lors
que
l'objet
n'eft
veu
que
d'un
oeil , & on voit
en mefme
temps
des
deux
yeux
parfaitement
&
diftinctement
un objet
à la portée
de la
veüe
, lors
que
les
deux
axes
concourent
en un feul
point
de
l'objet
.
-
Il y a fix cens ans que le fçavant
Arabe ALHAZEN , c'eft¹à¹
dire Bon Homme , en parloit dans »
Q. deJanvier 1685. K.
114
Extraordinaire
fon Tréfor Optique , imprimé à
Bafle en l'année 1572. Le 2. Cha
pitre du troifiéme Livre page 76 .
num . 2. porte ce Titre , Axes Pyramidum
Opticarum utriufque vifus,
per centrumforaminis vue a tranfeuntes
in uno vifibili puncto femper
concurrunt , & c. Le Numero 10 .
page 80. a pour Titre , Concurfus
Axium Opticorum in Axe communi
facit vifionem certiffimam : extrà,
tanto certiorem , quantò Axi propinquior
fuerit. Enfin le Numero 15.
page 85. a pour Titre , vifibile in
Axium Opticorum.concurfu certiffimè
videtur , extrà tantò certius , quantò
concurfui fuerit propinquius.
Vitellon Thuringo - Polonus, qui
vivoit en l'année 12.69 .. dans fon
Livre d'Optique , imprimé à Bafle
en l'année 1572. au livre troifiéme
du Mercure Galant. is
Numero 32. page 100. a pour titre,
Neceffe eft Axes Pyramidum vifualum
amborum vifuum tranfeuntes
per centra foraminum vuea , femper
conjungi in une puncto fuperficiei
rei vifa . Le docte & R. P. Miller
Dechales,dansle deuxièmeTome
de fon Mundus Mathematicus , imprimé
à Lyon en l'année 1674.
dans la page 381. en la 30. Propofition
, avoit demontré que
Axes Optici concurrunt in unum
#demque objectum' ; & dans la Propofition
40. que Duo oculi commuiter
melius vident , quam unus
tantùm.
3
La demangeaifon d'écrire , &
de paroiftre fçavant , fit qu'en
l'année 1678. un grand Perfon.
nage croyant les Livres d'Albazen
& de Vitellon perdus , en voulut
Kij
116 Extraordinaire
publier quelque chofe comme du
fien , & pour nouveau , dans un
Livre tres bien imprimé , & qui
a pour titre , De Vifione Perfecta,
Live de amborum Vifionis Axium
Concurfu in eodem objecti puncto.
jvce
Puis que communement la vie.
naturelle d'un objet eft plus forte
eftant regardé des deux yeux , la
veüe artificielle d'un objet veu
des deux yeux à travers des Binocles
, fera auffi plus forte
que les Bezicles , qui font les fimples
Binocles qu'on met für le
nez , ont fait voir par expérience
depuis l'année 1285. qu'ils furent
inventez , comme j'ay demontré
dans la 247. page du XIX . Tome
du Mercure Etraordinaire..
du Mercure Galant. 117
Definition du Binocle Telesco
pique , ou de longue veie.
L
E Binocle Telescopique eft
ane cfpece de Bezicles compoice
de deux Lunetes de lomgue
veüe , d'égale force ou puiffance
, c'est à dire de dix pieds
au plus de Foyer Solaire , & de
mefme genre , car bien que les
deux verres objectifs foient de
melme longueur de Foyer , de
mefme matiere & bonté de tra
vail , fi le verre oculaire de l'une
des deux Luncres eftoit concave,
& l'oculaire de l'autre Lunete
eftoit convexe , on verroit l'objet
double , car la Lunete à oculaire
concave le feroit paroiftre en fa
firuation naturelle , & la Lunete
118 Extraordinaire
à oculaire convexe le feroit paroiftre
renverfé .
Ces deux Lunetes de meſme
genre & mefme proportion des
objectifs à leurs oculaires , doivent
eftre affemblées dans un
Tuyau ou Etuy parallelipipede
rectangle , en forte que deuxrayons
partant d'un mefme point
de l'objet , tombent perpendicu
lairement fur le centre des verres
, afin qu'ils les penétrent,,
comme auffi la prunelle & Phumeur
criftallin des deux yeux du
Regardant, & arivent fur lesReti
nes fans avoir fouffert aucune rerefraction
. Ainfi ces deux rayons
formeront un triangle Ifofcelle ,
dont la Baze eft la diftance comprife
entre les centres des deux
prunelles , & le fommet du triandu
Mercure Galant.
119 :
gle eft au point principal de l'objet
veu par le Binocle .
L'Autheur de fes Vifions Par-.
faites m'accufe de n'avoir pas fceu
definir le Binocle dans le Journal
des Sçavans du Lundy 20. Decembre
1677. & dit en parlant
Phoebus dans la 397. page de fa
Csntiquité des Corps , de l'année
1679. que Le Binocle est un affem .
blage de deux Oculaires Dioptriques
de mefme cfpece & d'égale puiffance,
MONTEZ SUR L'ANGLE DES
DEUX AXES DE LA VISION.
La Nature a fourny elle -mefme
des Binocles naturels aux Limaçons
& aux Ecreviffes de mer.
Petrus Berellus , dans la feconde
Partie de fon Livre De vero Telefcopii
inventore , imprimé à la
Haye en l'an 1655. apres avoir
120 Extraordinaire
enfeigné dans la page 22. l'oculin
Aftropicus Binoculis , &c. & dans
la page 23. De confectione Tubi Binoculi
, a donné dans la troifiéme
Partie de fon Livre , en la XC .
Obfervation Microfcopique De
Limacibus , la defcription des Binocles
naturels . Voicy fes termes,
Dentes acerrimos non folùm in Li
macibus effe ; fed quod mirum esty
& nullo alio forfan à natura animali
conceffum , oculos habent in cornibus,
& videbis nigrum eorum ab inferiori
cornuum parte , feu à cerebro ad corum
apices afcendere , cùm moveri
cupiunt , & greffum fuum dirigere
quò oculi convertuntur , &c. Cancri
Marini oculos bibent etiam in cornibus
feu tubis quibufdam duris , ubi
forfan codem pacto recurrunt. ·
ĽAvantages
du Mercure Galant. 127
A
L'Avantage des Binocles Telefcopiques
fur les Teleſcopes
Simples , & leur Ancienneté.
T
Out l'avantage qu'on peut
tirer de l'affemblage des
deux Lunetes de mefme efpece,
longueur,force & puiffance , confifte
à faire voir du moins auffi
clairement & fortement les ob .
jets terreftres , qu'avec une feule
Lunete deux fois plus longue.
Daniel Chorez, ce fçavant Dioptricien
Artiſte , en l'année 1625.
dans fon Imprimé in Folio , qui
a pour Titre , Les Admirables Lunetes
d'Approche réduites en petit volume
, avec leur vray usage, & leurs
utilitez préferables aux Grandes , &
le moyen de les ajuster à l'endroit des
2. deJanvier 1685 .
L
122 Extraordinaire
deux yeux , parle en ces termies
dans la 20. ligne . L'expériencefait .
connoiftre qu'on voit beaucoup mieux
avec deux Lunetes qu'avec une , car
les objets paroiffent plus gros & plus
prés. L'Autheur de la Veüe Dif
tincte de 1681. dit dans la page
195. qu'ayant préſenté à M¹ de Monmaur
Maistre des Requeftes , un Exemplaire
du premier Volume de cet Ouvrage,
dans lequelj'ay donné, dit- il ,
l'invention du Binocle , il me dit
quil croyoit en avoir déja quelque.
Ecrit du nommé Chorez . Mais ce
moderne Inventeur des vieux Binocles
, ne voulut pas voir cet
Imprimé , ny le Binocle monté
d'argent , & travaillé par Chorez,
Le R. P. Anthonius - Maria de
Rheita , dans fon Livre in Folio,
intitulé Oculus Enoch & Elia , imdu
Mercure Galant.
123
0,
1-
!
primé dans Anvers en 1645. page
356, au Titre Oculus Aftropicus Binooulus
, dit , Hujus Oculi Enech &
Elia Binoculum Telescopium , quòd
ejus ope admagnalia , etfi remotiffimè
à nobis in Calo elongata , non amplius
femi- caco , fed novo modo ambobus
oculis quafi prafentiafpectanda
inducamur , inflruamurque . Et dans
la page 355. Tali profectò Binoculo
Tubo à nobis confecto, objecta duplo,
triplò , imo quadruplò majora , lucidiora
atque clariora confpeximus,
quàm per Tubum Monoculum ; &
certè nifi ipfimet experti fuiffemus
qua fcribimus , utique fcribere puderet
, qua ad praxim redacta non
fubfifterent.
Le fçavant , curieux & R. P.
Gafpar Schott, dans le premier Tome
de fon Magia Univerfalis Na-
Lij
424
Extraordinaire
A
tura & Artis , imprimé en l'année
1657. fait dans le X. Livre le
Titre du fecond Chapitre en ces
termes , De Teleſcopii Aftronomici,
tam Monoculi , quàm Binoculi , Origine
, ejufque Auctore. Et dans les
pages 494. & 495. parle en ces
termes, Anthonius- Maria de Rheita,
vir aquè Religiofus ac doctus, mihique
familiariter notus , neque Monoculo
Tubo contentus , fed alterumfocium
conjunxit, & quidem feliciffima
aufu , feliciorique fucceffu , ut mecum
fateri coguntur quotquot ejus rei experimentum
fumpferunt. Talis quippe
inter hunc & priorem est differentia,
qualis effe communiterfolet inter Monoculum
& Binoculum hominem . Ex
perimentumfeci in Tubo Binoculo ab
ipfo Auctore elaborato . Et dans la
page 496. vous trouverez ces terdu
Mercure Galant. 125
mes. Foannes Vvifel , Augufta Vindelicorum
inftructus à Reyta , facit
Tubos tam Monoculos quàm Binocu
los . Carle P. de Reyta , ajoûte-t- il ,
non tantùm in ea arte excellit , eamque
fcriptis tradidit , fed alios etiam
inftruxit ; & cùm humaniffimusfit,
fine invidia non paucis fua communicavit.
Le R. P. Millet Dechales , dans
le 2. Tome de fon Mundus Mathematicus
, imprimé à Lyon en l'année
1674 au Theoréme TELESCOPIUM
BINOCULUM , page 672.
parle en ces termes . Mirum est
quantumjuvetur vifio, præcipuè verò
adjudicandum de objects ' Diftantia,
& confequenter de Magnitudine à
geminis oculis...... Fiant igitur duo
Teleſcopia omnimodò fimilia , quæ
conjungantur ita ut fim fibi invicem
Liij
126 Extraordinaire
parallela. Je demontreray ailleurs ,
que les deux Binocles de longue
veuë doivent eftre phyfiquement
paralleles , & qu'il n'y a point
d'Inftrument qui puiffe marquer
la diférence entre la diftance des
centres des deux verres objectifs ,
& celle des centres des deux ver
res oculaires. Expertus fum ( c'eſt
le P. Dechales qui continuë ) in
Telescopio Binoculo duorum pedum,
cerium est , diftinctius incompa
rabiliter& majus , & vicinius apparere
; & quod mirum est , non duo
Telefcopii gemina foramina videban
tur , fed unicum . Il ajoûte encore
ces termes, Pater Reyta infigne Telefcopium
Binoculum circumferebat....
Erat autem decem circiter palmorum
ejus longitudo.... Referunt autem Lunam
hoc tubo in magnitudinem prodigiofam
excreviffe.
du Mercure Galant. 127
la
Nonobftant tous ces authen
tiques témoignages de l'ancienneté
des Binocles , & de la bonté
de ceux du R. P. De Rheyta Capucin
Alleman,un fameuxAdiop .
tricien a dit en l'année 1677. dans
47. page de fa Viſion Parfaite,
que le Pere Rheita fe contentoit de
faire voir avec fon Binocle tellement
quellement des deux yeux quelques
objets du Ciel , comme la Lune , par
une feule inverfion d'efpece . Lemef
me Autheur Ageométre , dans
fon mefme Livre latinifé en l'année
1678. parle en ces termes dans
la 47. page. P. Rheita rudi atque
fine arte mechanica quatuor vitra,
ambo videlicet objectiva ; & ambo
immediata convexa , vel concava,
in ambo tuki oblongi extrema , nullo
abfque regulari horum vitrorum motu
Liiij
#28 Extraordinaire
aut fitu , palpando difponere fuerat
contentus ; qui quali quali modo binis
aculis ( Terreftria , ajoûte- t - il , nequaquam
objecta ) fed Lunam dumtaxat
confpiciendam præberet.
Quand il y auroit quelque
chole de veritable en tant d'Alleguez
de l'Autheur des Viſions ,
& quand mefme le tout feroit.
vray , le P. Rheita auroit du moins
avec fon Binocle fait voir en l'année
1645. la Lune & quelques
autres objets du Ciel quali quali
modo binis oculis . Cela eftant avoué
& reconnu par luy mefme, dans
quel fens en l'année 1679. a t ik
ofé dire dans la 401. page de
fa Contiquité des Corps , Que le
Binocle n'eftoit nullement connu, bien
loin d'eftre en ufage avant l'impref
fron de la Vifion Parfaite de l'année
du Mercure Galant.
129
les
1677.comment a- t-il pû dire dans
pages 190. & 191. defa Vifion
Parfaite de l'année 1681. Quc toutes
les Nations Etrangeres n'ont jamais
pu faire de Binocle, n'y en ayant ,
ajoûte- t - il, jamais paru aucun, jufques
à l'impreffion de mon Livre de
la Vision Parfaite , imprimé en l'année
1677. dans lequel j'en ay donné
l'invention ? Comment a t- il pû
écrire dans la 411. page du même
Livre , les termes fuivants. CHORES
& le P. RHEYTA ont tenté le
Binocle , je n'en fais aucun doute,
mais aucun n'y avoit reüfly avant
moy ; par conféquent aucun n'a inventé
le Binocle avant moy. Pourquoy
avoit-il dit eftre l'Inventeur
de la penfée mefme de faire
des Binocles . Voicy fes propres
termes , dans la premiere page de
130
Extraordinaire
la Préface de fa Vifion Parfaite
de l'année 1677. F'avois dés longtemps
médité & trouvé la maniere
pour diminuer la longueur de l'oculaire
Dioptrique , par NOSTRE
OCULAIRE , qui fait voir l'objet
des deuxyeux conjointement. Eftoitce
avant CHORES qui l'inventa
& pratiqua heureufement , & le
publia en l'année 1625 ; ou avant
le P. RHEITA, qui les fit admi.
rer à tous les Sçavans , & en écrivit
tres doctement en l'année-
1645?
Où trouvera- t-il que la Ma
chine du P. Rheita eftoit une rude-
Mécanique fans art ? Nous demontrerons
le contraire . Com
ment pourra-t-il impofer à dix
mille Curieux ce qu'il dit , que
le Binócle du P. Rheita Terreftria
du Mercure Galant. BI
nequaquam objecta,fed Lunam dumtaxat
confpiciendam
præberet. Puis
que ces mille Curieux ont auffi
veu les objets terreftres avec le
Binocle du P. Rheyta .
Monfieur de Caffini, ce celébre
& heureux Efpion des Aftres , &
l'un des Aſtronomes du Roy , m'a
autrefois affuré , qu'eſtant à Ravenne
en 1657. il avoit veu & admiré
avec le Binocle du P. de
Rheyta , la prunelle de l'oeil d'un
Pigeon qui eftoit fur un Colombier
fort éloigné . Mille bons Religieux
Capucins , dans les Convents
d'Allemagne , d'Italie , de
Paris , & de Lyon , portent fincere
témoignage de la bonté des
Binocles du P. Rheyta , avec lef
quels ils voyent les Objets Terreftres.
F32
Extraordinaire
Monfieur de Regnaud , ce fça
vant Philofophe Mathematicien,
fuffit entre mille autres Perfonnes
de mérite de laVille de Lyon,
pour témoigner qu'au mois dé
Juillet 1654 le R. P. de Rheyta,
Togé au Grand Convent des Capucins,
faifoit voir tres - diftinctement
& lire à tous les Curieux
l'Ecriteau qui eft en Lettres d'or
au Frontispice de l'Eglife S. Nizier.
Mon témoignage feroit fufpect
à l'Autheur des Vifions , puis
que dans les 196. & 198. pages.
de fes Vilions de 1681. il a dit
qu'à préfent je ne puis juger de
la bonté des Binocles , n'ayant
pas les deux yeux également bons
depuis l'année 1666. par l'effer,
comme il avoue dans la Table
des Matieres du mefme Livre aut
du Mercure Galant.
133.
penultiéme article de la Lettre N,
de l'IRA Kabale Toxicantoria. Il
ne laiffe pas de fe fouvenir que
pour corriger & rectifier ſon Teleſgraphe,
Oculus fui Cace , comme
dit Job au chap . XXIX . verf. 15.
Je n'ay pas oublié que toute
l'Italie difoit autrefois , Plus unum
Federicum uno oculo videre , quàm
Cateros omnes Principes duobus. Socios
habeo Horatios , Annibales , Sertorios.
Alii non femper virtatis fue
infignia fecum ferunt , fed haftas,
Torques , Coronas domi relinquunt.
Ego verò rei militaris pro falute Patrie
infummo , & omnibus bonis civilibus
periculo tremendo , infignia
mecum affiduè porto , cofdemque &
virtutis mea& fortuna habcofocios.
Le fameux Autheur Adioptricien
mépriſe à tort le Binocle du
134
Extraordinaire
-
P. Rheyta dans l'endroit fufcotté,
parce que ces deux Lunetes n'étant
compofées chacune que de
deux verres convexes , faifoient
voir les objets du Ciel comme la Lune
par unefeule inverfion d'efpeces puis
que luy mefme dans le mefme
Livre de fes Viſions Parfaites
de 1677 , dit dans la page 140.
Que l'Oculaire de deux convexes
peut fort bien fervir pour l'obferva.
tion des Aftres , eftant indiférent qu'il
les repréfente droits ou renverfez,
puis qu'ils font ronds , avoit - il oublié
ce qu'il avoit appris d'un Aftronome
, & inferé dans fa Dioptrique
de 1671. en la page 284.
L'oculaire duquel on fe fertpour l'obfervation
des Aftres , ne doit eftre
composé que de deux verres feulement.
Je m'étonne bien davandu
Mercure Galant,
135
tage de ce que dans une mefme
page de faViſion Parfaite de 1681.
il fe contrediſe luy- mefme. C'eſt
dans la 23. page . Il dit que l'oculaire
qui doit eftre appliqué aux Inftrumenspour
obferverfimplement les
objets du Ciel, fuffit qu'il foit conftrait
d'un bon objectif & d'un feul
verre immédiat à l'oeil , afin qu'il
venverfe nettement l'efpere, cela eftant
indiferent pour cette forte d'objets,
de la rondeur defquets on obferve,
à ce qu'il dit , feulement le centre,
comme le milieu de l'Aftre. Et en
la marge , il dit, L'Oculaire qui fert
à voir ou regarder lafigure des objets
du Ciel, doit redreffer l'espece par deux
inverfions. Cet Autheur est tout
particulier, il fait marcher enfemble
le ovr & le NON fur un même
fait. Jugez par là de fa grande
capacité dans les chofes difficiles.
136
Extraordinaire
LA FACILE
CONSTRUCTION
DES BINOCLES TELESCOPIQUES
ET MICROSCOPIQUES .
LA
la
'Autheur des Vifions Parfaites
de 1681. pour paffer pour
'Inventeur des Binocles , a voulu
perfuader aux Ouvriers , que
Conftruction des Binocles eftoit
fort miftérieufe . Cependant com.
me la verité échape quelquefois
à ceux qui la veulent étouffer,
on la trouve dans la page 192. en
en ces termes, conformes à ceux
de Chorez de l'année 1625. & du
R. P. De Rheita de l'année 1645-
Pour avoir un Binocle , il ne faut que
deux fimples Lunettes d'approche d'édu
Mercure Galant.
137
gale puissancefeulement, difpoféesfur
quelque plan , pour les appliquer conjointement
chacune à chacun oeil , &
ne voir par les deux enfemble qu'un
meſme objet
Pour mieux expliquer la Conftruction
des Binocles dont cet
Autheur n'a jamais travaillé les
verres , ny formé les Tuyaux ny
leur Etuy , le Sieur Querreau
Marchand Mirotier & Lunetier
luy ayant fait les premiers ; je
dis que la Conſtruction des Binocles
confifte à l'affemblage de
deux Lunetes en tout femblables ,
en forte qu'ayant appliqué les
deux centres des prunelles des
deux yeux tour- contre les centres
des fuperficies desverres oculaires
s'ils font concaves, ou aux centres ⚫
des ouvertures de trois lignes de
2. deJanvier 1685. M.
138 Extraordinaire
"
4 diamétre chacune , que portent
les boëtes de recouvrement des
Oculaires convexes , & lefquelles
ouvertures font un peu moins
éloignées des verres , que n'eſt la
longueur de leur Foyer folaire; en
forte, dis- je, qu'on ne voye qu'une
ouverture des deux tuyaux ,
& que le Soleil ne paroiffe pas
double.
Pour quoy obtenir , il faut que
les centres des ouvertures des
dioptres aufquelles on appliqne
les yeux , foient à la diftance l'un
de l'autre , égale à la diftance des
centres des prunelles , lors que
les yeux font naturellement contournez
pour bien voir le mefme
objet fans Binocle ; or cette diftance
entre les centres des deux
prunelles n'eft pas à tous la mef
du Mercure Galant. 139
me , bien qu'ordinairement pour
voir les objets éloignez , elle foit
d'environ deux pouces & demy.
Il faut encore que les deux :
axes des Lunetes aillent concou
rir en un meſme point de l'objet
, & fi l'objet eft fort éloigné,.
les Lunetes feront toûjours Phi
fiquement paralleles ; ce que je
demontreray geométriquement :
cy- apres par le calcul .
Les deux Lunetes eftant ainfi
affemblées , deux axes ou rayons.
principaux des deux radiations
coniques du mefme point vifible:
de l'objet , chacune defquelles a.
pour baze l'ouverture de l'un des
deux verres objectifs , tomberont
à plomb fur les centres de leurs .
fuperficies ; & paffant auffi per..
pendiculairement par les centress
Mij,
140
Extraordinairede
tous les autres verres qui compofent
les deux Lunettes , comme
auffi par les centres des dioptres.
ou ouvertures rondes qui font au
fonds de chaque boëre de recouvrement
des Oculaires des
deux Lunettes , pafferont auffi
perpendiculairement par les centres
de l'ouverture des deux pru
nelles & de l'humeur criftallin
des deux yeux ; & ainfi fans avoir.
fouffert aucune refraction , ces
deux axes ou rayons principaux :
des deux radiations d'un mefme
point viſible de l'objet , arriveront
au milieu du fonds de la
Retine des deux yeux . Par conféquent
ce point principal de
l'objet eftant peint fur les deux
Retines , & en femblables endroits
, fi les deux yeux font éga
du Mercure Galànt. 140
ment bien conformés , il fera
veu tres - diftinctement ; car comme
dit l'Arabe ALHAZEN au
troifiéme Livre de fon Optique ,
au Titre du Numero 15. page 85
Vifibile in Axium Opticorum concurfu
certiffimè videtur ; extra tantò certius
, quantò concurfui fucrit propinquius.
Car les autres points de
P'objet , par les pointes de leurs
pinceaux optiques renverfez , le
peignent en des femblables lieux
fur les deux Retines , tout- autour
du point principal de l'objet auquel
fe termine & aboutit le con
cours des deux axes optiques, on
ne verra par conféquent qu'un
objet total par le Binocle aini
difpofé , mais eftant veu en même
temps des deux yeux , l'objet
total paroistra beaucoup plus
J
14.2
Extraordinaire
clairement & plus grand , que
lors qu'on ne le regarde que d'un
ocil avec une des deux Lunettes;.
ce que M' Hubin , Emailleur du
Roy , & fi connu de tous les fçavans
Curicux de l'Europe , & par
l'excellence de fes Barométres ,
Poftiches , & par fon adreffe incomparable
, accompagnée de
folides raifonnemens , lors qu'il
montre gratuitement & publi
quement mille expériences qu'il
fait avec la Machine vulgaire
ment appellée du Vüide , pour
demontrer la pefanteur de l'air ,
reconnut d'abord par expérience
au mois de Juin 1681. eftant chez
le S Querreau , le merveilleux
effet du Binocle de fix à fept pou
ces de longueur , que CHOREZ
avoit fait en l'année 1625, monté.
ว
du Mercure Galant. 143
1
en argent . Il appartient à Monfieur
de Monmaur , de qui je
l'avois par emprunt, pour le faire
voir aux Curieux , car M' Hubin
l'ajufta d'abord à la diftance de
fes deux prunelles.
La raifon pour laquelle regar-.
dant des deux yeux un meſme
objet , on n'en voit qu'un , eft
par ce que chaque oeil repréfente
cet objet en un mefme
lieu . Les doctes Anciens ALHA…
ZEN & VITELLON , creurent
que le concours des deux
Nerfs optiques , eftoit le fiege de
la vifion ; mais bien que ces deux
Nerfs s'uniffent , ils ne compo-
#fent pas en tous les Hommes un
mefme Nerf , outre que Aquillonius
affeure avoir connu un
Homme lequel ne s'eftoit jamais
544
Extraordinaire "
plaint de voir les objets doubles,
bien qu'apres fa mort on ait trouvé
que ces deux Nerfs optiques
ne concouroient pas enfemble.
Jay connu particulierement il y a
vingt ans Monfieur le Chevalier
de Freze , prés de Bourbon-
Lanci , à qui , dans fes deux der
nieres années , à l'âge de 48 ans,
ou environ , furvint une maladie
qui le fit voir tous les objets dou
bles, tellement qu'il eftoit obligé,
eftant à pied ou à cheval , de
fermer un des deux yeux.
Dans l'Hiftoire de la Societé
Royale de Londres , établic pour l' Enrichiffement
de la Science naturelle,
écrite en Anglois par Thomas
Sprat , & traduite en François ,
& imprimée à Genéve l'an 1669
dans l'Enumération des Inftru
mens
du Mercure Galand, 145
mens de la Societé , il fait mention
de leur TELESCOPE DOVBLE.
C'eſt dans la page 307.
Voyons maintenant tout le
miftere de la facile Conftruction .
des Binocles, tant Telescopiques
que Microſcopiqués , & commençons
par Daniel Chorez qui les
inventa & exécuta heureuſement
, & les publia en 1625. par
une Feüille imprimée , que j'eus
en 1681. de la liberalité du tout
fçavant Monfieur Juftel , Secretaire
du Roy , fi regretté en
France , & qui voulut bien écrire
de fa main tout au haut, ces termes
, Ex chartis Henrici Fußtelli,
avec fa Paraphe , pour me fervir.
contre l'Autheur de la Vifion
Parfaite de 1681. lequel dans la
page 195. en veritable Habitant
Q. de Janvier 1685. N
146
Extraordinaire
de Candie , que S. Paul dans fon
Epître à Titus, chapitre 1. verf.12.
appelle Cretenfes , femper M. M. B.
V. P. impofant à M' Borely de
l'Académie Royale des Scien
Aces , & à tous les Lecteurs du
Livre de la Vifion Parfaite , y
avoit publié que dans l'Imprimé
de Chores , j'y avois ajoûté une
Dédicatoire au Roy , & que j'en
avois augmenté le Difcours de
plus de la moitié. Voicy donc
la Coppie de l'Original que j'en
eus de M' Juftel , que l'Autheur
des Vifions fut contraint de reconnoiftre
veritable par fa Lettre
de fatisfaction du 11. Juin
1681. imitant en cela Saint Auguftin
, qui au Prologue de fes
Retractations , dit , Si quis dicit,
non ca debuiffe à me dici , qua poftea
DE
LA
NOAT
BLIO
THERE
VILLE
1893
asA
}
7
P
1
2
DC
-E
3
da du Mercure Galant. 147
mihi etiam difplicent , verum dicit
, &c.
LES ADMIRABLES
Lunettes d'approche reduites
en petit Volume , avec leur
vray Ufage & leurs Utilitez
préférables aux grandes , & le
moyen de les accommoder à
l'endroit des deux yeux , ainfi
qu'elles font repreſentées
par les Figures fuivantes. De.
dié au Roy , l'an 1625. Pár
D. CHOREZ.
AU ROY ,
SIRE
.
Ily a prés de cinq ans que j'eus
bonneur de présenter à Voftre Ma-
7
Nij
$48 Extraordinaire
jefté les prémices de mon travail , en
ce qui eft communement appellé Lunettes
d'approche ; & voyant que
Voftre Majesté en avoit fait cas,
encore qu'elles ne fuffent dans la perfection
qu'elles font à present : jay
crú eftre obligé doublement à luy dédier
ce que j'ay depuis obfervé estre
neceffaire pour jour du plaifir que
l'on enpeut recevoir , les ayant mifes
en pratique telles que leurs Figures les
repréfentent cy- deffous. J'efpere que
Voftre Majesté ne dédaignera pas de
voir la preuve de ce qui eft propofe de
leur vray usage , par celuy qui eft ,
Son tres humble , & tresobeïffant
Serviteur &
Sujet, D. CHOREZ .
La Figure eft icy dans l'Imprimé, Original
de Chorez.
du Mercure Galant. 149
1
L
Es Lunettes d'approche
font ainfi appellées à cauſe
de leurs effets , parce que les Objets
veus par icelles paroiffent
fort proches , encore qu'ils foient
fort éloignez . Cela procede de
la forme des Verres , & de leur
netteté & fituation , & de l'éloignement
qui eft entre eux . L'un
d'iceux eft convexe , ou boffu ,
comme il eft figuré fous A. L'autre
en concave, ou creufé, comme
il eft figuré fous B. Le Tuyau
dans lequel font enchaffez ces
Verres , eft fait ordinairement
de deux pieces , dont l'une peut
couler dans l'autre , comme il eft
figuré fous I , afin qu'on le puiffe
alonger ou accourcir autant qu'il
eft befoin pour fervir à diverfe
forte de veuë , & pour voir à di
N iij
Extraordinaire
›
verfes diſtances ; & fon point de
rencontre qui eft marqué fous la
piece de dedans à l'endroit de C,
dénote la longueur qu'il doit
avoir pour ceux qui ont la veuë
ordinaire quand l'Objet qu'il
faut voir eft éloigné plus de cent
pas , foit de mil ou dix mil , ou
cent mil pas & au deffus . Mais
pour voir les Objets proches , il
faut alonger le Tuyau jufqu'à ce
qu'on rencontre la longueur qui
eft requiſe pour y voir le mieux .
Si c'elt pour voir de dix pas loin ,
il faut alonger d'environ l'épaif
feur d'un Tefton ; & pour voir de
fix pas , il faut alonger de l'épaiffeur
de trois Teftons ; & ainfi tant
plus l'Objet eft proche , tant plus
il faut alonger le Tuyau , & ainu
L'Objet apparoift tant plus gros,
du Mercure Galant. isi
4
Comme cela un Ciron apparoift
auffi gros qu'un Pois , en forte
qu'on difcerne fa tefte , fes pieds
& fon poil , chofe qui fembloit
fabuleuse à plufieurs auparavant
l'avoir veuë avec admiration,
quoy que l'experience n'en foit
pas beaucoup difficile à qui en
voudra prendre le loifir. Quant
aux Perfonnes qui ont la veuč
courte de leur naturel , il faut
accourcir le Tuyau jufques à ce
qu'ils rencontrent de quelle lonils
gueur ils
voyent le mieux : Mais
il le faut alonger pour ceux qui
ont des tayes aux yeux , ou quelque
autre accident , ou qui font
à l'extréme vieilleffe , & obſerver
de quelle longueur il leur faut
pour leur ufage. Si on veut lirede
loin à la clarté de la Chandelle,
N iiij
152
Extraordinaire
il faut que la Chandelle foit le
plus prés qu'on peut de ce qu'on
veut lire , & fi la Lunette eft pofée
fixement , on voit bien mieux
que quand on la tient à la main,
à caufe qu'il y a toûjours du
tremblement. Les plus grandes
Lunettes font voir les Objets plus
gros que ne font les petites
( moyennant qu'elles foient faites
avec la perfection requiſe ; ) &
partant on voit plus loin par la
premiere 1. que par la feconde 2.
& encore moins par la troifiéme
3. Mais les plus petites font voirplus
large efpace que les grandes,
& l'objet qu'on defire voir eft
plus aifé à trouver par les petites
que par les grandes , qui eft une
utilité préferée , au moins par
ceux qui font incommodez de la
du Mercure Galant.
153
veuë , & qui ne fe foucient pas
tant de voir fort loin , que d'eftre
foulagez pour voir moyennement
loin.
L'experience fait connoiftre
qu'on voit beaucoup mieux avec
deux Lunettes , qu'avec une ; car
les Objets paroiflent plus gros &
plus prés . La quatriéme Figure
quieft marquée 4. montre comme
l'on les peut accommoder à
l'endroit des deux yeux , les faifant
pafferau travers d'une Lame
de métail , ou autre matiere reprefentée
par L, dans laquelle eft
renfermée la petite Platine P,
qui fert à porter la Lunette M ,
qui eft mobile , pour la pouvoir
approcher ou éloigner de la Lu
nette F , qui eft fixe , par le moyen
de la Vis D , qui eft retenue en
154
Extraordinaire
ladite Platine. Ces deux Lunettes
doivent eftre paralleles entr'elles
pour un Objet éloigné de plus de
cent pas, tant loin puiffe - t - il étre;
mais pour voir un Objet proche ,
elles doivent faire angle à iceluy
Objet , dont la baze eſt l'eſpace
qui eft entre les deux yeux de
celuy qui le regarde.par icelles.
Si elles ne font bien accommodées
, on voit deux objets pour
un , mais cela ne fait pas de beau.
coup fibien qu'il doit ; partant if
y faut remedier , foit en dégauchiffant
les Tuyaux , ou en les
approchant ou éloignant l'un de
l'autre,ainfi qu'il eft requis . Toutes
les Operations précedentes fe
font plus aifément quand les Lu.
nettes font arreftées fermement
droit aux Objets qu'on voit ; c'eft.
j
1
du Mercure Galant.
ISS
pourquoy j'ay préſenté le moyen
de les planter fur un Bâton , ou
autre chofe propre à les foûtenir
par le moyen des Vis G & H, qui
portent Charniere , ou petite
Boule enchaffée & mobile , pour
porter lefdites Lunettes , de forte
qu'on les puiffe incliner où il fera
requis. Mais il faut obferver foigneufement
de tenir les Verres les
plus nets qu'il eft poffible ; & fi
on les a touchez du doigt , ou
pouffé l'haleine deffus , on les doit
effuyer avec un linge blanc & net;
& fi on les ofte du Tuyau , il faut
remettre le cofté convexe du
grand Verre en dehors, car autrement
il faudroit alonger le Tuyau
de l'épaiffeur dudit Verre , outre
fon point marqué en C. Il n'importe
pas tant du petit , car la re156
Extraordinaire
fraction fe fait à fort peu prés du
milieu , encore qu'il ne foit creux
que d'un cofté , lequel on doit
mettre dehors.
Lefdites Lunettes , avec leur vray
Ufage & Figures, fe vendent chez l'Autheur
, à Paris , en l'Ifle Noftre- Dame,
à l'Enfeigne du Compas .
On donnera la fuite du Traité des
Lunctes, dans les Extraordinairesfuivans
du Mercure Galant.
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Résumé : NEUVIÉME PARTIE DU TRAITÉ DES LUNETES, DEDIÉ A MONSEIGNEUR LE DUC DE BOURGOGNE Par Mr Comiers, d'Ambrun, Professeur des Mathematiques à Paris.
M. Comiers d'Ambrun, professeur de mathématiques à Paris, explique dans un traité dédié au Duc de Bourgogne le fonctionnement des lunettes et des télescopes. Il décrit comment les rayons lumineux provenant d'un objet pénètrent dans l'œil et forment une image sur la rétine. Les verres correcteurs permettent de corriger la myopie et la presbytie. Les télescopes augmentent la taille et la clarté des images des objets éloignés. La qualité de la vision dépend de la précision des verres, de leur ouverture et de leur position. La vision binoculaire est plus efficace que la vision monoculaire. Les binocles télescopiques, composés de deux lunettes de même puissance, offrent une vision plus claire et distincte. Le texte mentionne des références historiques, notamment les travaux d'Alhazen et Vitellon sur la vision binoculaire. Le Père Millet Dechales, dans son ouvrage 'Mundus Mathematicus' (1674), souligne l'utilité des binocles pour juger des distances et des magnitudes des objets. Le Père Rheita, un capucin allemand, a fabriqué et utilisé des binocles dès 1645, permettant d'observer des objets célestes et terrestres. Plusieurs témoignages confirment la qualité et l'efficacité des binocles de Rheita. Un auteur anonyme contredit ces témoignages dans 'Vision Parfaite' (1677), affirmant que Rheita ne pouvait voir que la Lune avec son binocle. Cependant, des témoignages de religieux capucins et de savants attestent de la capacité des binocles de Rheita à observer des objets terrestres. Le texte explique également la construction des binocles, composés de deux lunettes simples disposées de manière à aligner les centres des prunelles des yeux avec les centres des verres oculaires. Cette configuration permet une vision distincte et claire des objets observés. Les Anciens, comme Alhazen, Zenon et Vitellon, croyaient que la vision résultait du concours des deux nerfs optiques. Cependant, des cas exceptionnels remettent en question cette théorie. Le Chevalier de Freze voyait double en raison d'une maladie. Le texte mentionne le télescope double de la Société Royale de Londres et l'invention des binocles par Daniel Chorez en 1625. Chorez a dédié son invention au roi et a publié une feuille imprimée décrivant la construction et l'usage des binocles. Les lunettes d'approche permettent de voir des objets éloignés comme s'ils étaient proches, et peuvent être ajustées pour différentes distances et conditions de vision.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 97-144
Traité du feu, dans lequel on établit les vrais fondemens de la Physique.
Début :
Les effets du feu son si admirables & si terribles, / Il y a si peu de choses qui puissent passer pour certaines [...]
Mots clefs :
Feu, Incendie, Corps, Auteur, Eau, Nature, Chaleur, Esprits, Vertu, Dieu, Terre, Froid, Avantages, Traité, Principes, Force, Divinité, Substance, Couleur, Grandeur, Soleil, Physique, Entretiens
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Traité du feu, dans lequel on établit les vrais fondemens de la Physique.
admirables & si terribles,
si utiles & si dangereux, &
j'en ai déja parlé tant de
fois superficiellement, que
4 je croy ne pouvoir mieux
faire, pourinstruire & pour
amuser le lecteur, que lui
donner un extrait des dissertationssuivantes,
oùil
verra un tableau assez exact
des qualitez & des proprietez
de cet élement.
h) ;>-t'ï
J, Traité du feu, dans lequel on établît les vraisfondemens
n' de la Physique.
-'u-j
,
Il y a si peu de choses qui
puissent passer pour certaines
& pour confiantes dans
la Physique, qu'il n'ya
rien de plus aisé que dese
tromper, lors qu'on entreprend
de prononcer decisivement
sur les matierés qui
s'y traitent. D'ailleurs,les
methodes Ics- plus regulieres
ne fonc pas toûjours les
meilleures; elles ont fouvent
beaucoup plus de
montre que d'utilité solide,
& l'on peut dire qu'en bien
des rencontres elles servent
bien plus à gêner l'esprit,
qu'à le conduire droit à la
verité. C'a été pour prendre
uneroute qui l'exposât
moins àces deux inconve-
,
niens, que le P. C. a donné
la formed'entretiens à cet
ouvrage, parce qu9ona accoûtumé
de bannir de tout
ce qui porte ce titrele ton
decisif de Docteur,aavec
ce faste & cet apparat qui
l'accompagne d'ordinaire,
&. que du reste on n'y reçoit
point les regularitez importunes,
ni les formalitez
gênantes des manieres de
l'Ecole. Ainsi les
13.
dissertarions
dont il a composé son
livre, sontautant de ron'Ver.
sations libres& sçavantes,
où il fait entrer trois personnes
d'un rare merire &
d'une fort grande érudition;
à peu prés comme Ciceron
introduit sesillustres
amis parlansdans ses ouvrages
de Philosophie. Je tjU
cherai d'informer les lecteurs
de ce qui s'y trouve
de plus remarquable 8; de
principal: mais comme je
suis obligé d'éviter la longueur
des extraits , autant
qu'il me fera possible,
& qu'il feroit difficile de
rendre compte en peu de
mots de 13.dissertations pleines
de choses considerables
&qui font un gros volume,
je me contenterai de donner
ici le précis des 5. premieres,
& je renvoyerai le
reste à un autre mois.
Nôtre auteur entre en
matiere,dans la premiere
dissertation;d'une maniere
agreable -" par une petite
disputequ'il fait naître entre
ses personnages sur cette
question curieuse : Lequel
desdeuxestleplus excellent &
le plus utile, de l'eau ou du
feu ? C'est pour se donner
jour à faire l'élogedu sujet
qu'il veut traiter, en montrant
l'avantage qu'a le feu
sur tous les corps simples,
dont il pretend qu'il est le
plusnoble à bien des égards.
On ne pouvoit gueres
mieuxtourner la chose qu'-
en laprenant de cette maniere
,
ni faire voir un plus
beau mélange de la belle
litterature avec la Philosophie,
que celui que nous
donne ici le P.C. On allegue
• de part & d'autre ce qu'on
pouvoir dire de plus curieux
à l'avantage du feu ou de
l'eau. On cite les autoritez
des Poëtes & des Philosophes,
on produit le celebre
passage de Pindare, qui des
le commencement de ses
Odes dit qu'il n'y a rien de
meilleur que l'eau. Et on lui
opposePlutarque,qui ayant
traité la même question
qu'on a gite ici, l'adecidée
en faveur du feu. On peut
bien croire qu'on n'oublie
pas là-dessus ni Vulcain, qui
étoit du nombre des grandes
Divinitez Payennes, ni le
feusucré,qui étoit l'objet de
la devotion des Perfes
; ni
l'adoration que les Chaldéens
rendoient à cet element,
qu'ils, consideroient
comme leur supreme Divinité.
Cependant comme le
feu ne craint rien si fort que
l'eau,on raconte ici une as
fez plaisante avanture,tirée
de Ruffln & de Suidas, oùles
choses ne tournerent pas à
l'avantage du Dieu de Chaldée.
Ceux de cette nation
vantoient leur Divinité,
comme la plus puissante de
toutes; & quelques-uns de
leurs Prêtres, courans de
Province enProvince,défioient
au combat tous les
f
autresDieux. Maiscomme
ceux-ci, de que lque matierequ'ils
fussent, de bois,
, ou d'airain ,ou d'argent
ou d'or, ne pouvoientresister
au feu, qui en venoit
-
enfin à bout,il le trouva un
Prêtre d'Egypte qui arrêta
de cette maniere les triomphes
de ce Dieu, qui en avoit
dévoré tant d'autres. Il
prit une cruche percée de
quantité de petits trous,
qu'il boucha avec de la cire,
mais si proprement, qu'on
n'en pouvoitrien connoître
; & après avoir rempli
cette cruche d'eau, & avoir
mis au dessus la tête de son
Idole qu'on nommoit Canope,
il accepta le défi. Les
Chaldéens mirent aussitôt
le feu à l'entour de l'Idôle:
mais la cire se fondant au
feu, ouvrit incontinent le
passage à l'eau, qui sortant
de tous cotez par les petits
trous ,qu'on ne voyoit pas,
éteignit le feu, & faisant
triompher Canope, fit avoüer
aux Chaldéens que.
le Dieu des Egyptiensétoit
le plus fort. Avec tout cela,
comme il estaussi naturel
au feu de consumerl'eau,
qu'ill'est à l'eau d'éteindre
le feu, on ne peut nier que
celui-ci ne se dédommage
quelquefois au double, parce
qu'il gagne à son tour
sur l'autre.Mais pourétablir
sur quelque chose de c'on.,
fiderable l'avantage qu'on
donne aufeu,on remarque
ici que si on recüeille les
suffrages des Philolophes,
on trouvera que le plus
grand nombre est celui de
ceux qui ont mis le feuen
tre les principes deschoses;
ce qui vient sans douce de
l'impression nature lle qu'on
a de ion excellence & de
son utilité. Qu'au reste ce
n'est pas un foible argument
pour nous en persuader,
que de voir qu'entre »
tant de sortes d'animauxil
n'y ait que l'homme à qui
a nature en ait proprement
accordé l'usage : ce qui va
siloin
,
selon la pensée de
Lactance
,
qu'il semble que
Dieu ait voulu assurer les
hommes de leur immortalité
, en leur abandonnant
l'usage & la disposition de
cet element, qui est celui de
la lumiere & de la vie. Que
quoy qu'il en soit, lavie est
un feu, & que si le feu en
est le symbole,il en est aussi
le soûtien, & leplus necessaire
instrument, puis qu'-
après tout il n'est pas possïble
ni de cuire les alimens,
ni de préparer les remedes,
ni de se prévaloir de cent
autres choses necessaires à
la vie, sans le secours de
cet element. Que d'ailleurs
quand on pourroit vivre
sans l'usage du feu,la vie
ne sçauroit être qu'extremement
miserable, privée
de tous les avantages qu'on
tire des sciences & des arts,
& plongée dans une obscurité
qui lui ôteroit tout ce
qu'elle a dagreable. Qu'en
un mot on est redevable de
toutes lescommoditez, ôc
de tous les ornemens de la
: vie au feu ,qui eR: d'une utiflité
si étenduë & si gene- rale, qu'outre le secours
qu'il prête à la vûé au milieu
de l'obscurité , il supplée
quelquefois à l'usage
[. de la parole, en donnant
aux amis éloignez de quelques
lieuës le moyen de se
pouvoir parler la nuit par
des flambeauxallumez. Enl'
fin, après avoir remarqué
que les effets mêmequ'on
lui reproche sont des preuves
de noblesse & des marques
de grandeur,on observe
quetousles peuples
l'ont prispour le symbole
de la puissance, & pourle
caractere de la majesté:d'où
vient qu'on le portoit autrefois
devant les Rois de
l'Asie, & devant les Empereurs
Romains. Et pour
achever par un endroitqui
en couronne dignementl'éloge,
on ajoûte qu'il n'y a
point eu de nation dans le
monde qui ne l'ait regardé
non feulement comme un
excellent present duCiel,
mais encore comme une illustre*
imagerdela-Divinité. Que
rQue de là est venu qu'on Fa
employé dans toutes les Religious,&
que ce n'ont point
été les Chaldéens feu ls, ni
les Poëtes, ni les Philosophesqui
ont dit que Dieu
est unfeu : mais que l'Ecriture
sainte a parlélemême
langage, & n'a pas faitdifficulté
de nous assurer que
Dieu estunfeuconsumant. 1
Aprés ces préliminaires,
il passe dans le deuxiéme
entretien à l'explication de
lanature du feu. Lefeu, sef!
on" lui, est un esprit qui soy a en unechaleur vive brûlante.
Mais il faut sçavoir
que par cet esprit il n'entend
pas ce que les Chymistes
appellent de ce nom &
qu'ils distinguent par là mêmedavec
leursouphre &
leur mercure. Dans ce que
nôtre auteur nomme ainsi,
il n'est pas tant question de
larareté dela matiere,ou
'de la legereté, quede la subtilité
& de la sorce:&en
un mot, l'esprit, dans son
sens
,
estune substance tres-déliée&
trés-subtile,très-capablede
s'insinuer&depenetrer
dans les pores de tous les corps.
cr >
Quand donc cette subtilité
se trouve jointe avec la É-lieleur,
& que celle-ci est dars
un degré de force & d'ardeur
considerable, nôtre
auteurpretend quec'estce
qui fait propremenr le feu.
D'où vient qu'il ne fait pas
de difficulté de mettre le
sel aunombredes corpsde
nature ignées parce qu outre
•
qu'il désechetoutes leschop
ses ou il s'attache, & qu'il
consume puissamment les
-
humiditez, on en tire, en
ledistillent,des eaux fortes
qui ont la vertu de dissoudre
les metaux,en bien
moins
,-
de temps quene
sçauroit faire le feu leplus
fort &le plusardentde nos
fourneaux.Au reste; comme,
l'ondistingue diverses
sortes de terres,qui, quoy
qu'ellesconviennent toutes
dans cette nature generale,
qui leur est commune; ne
laissent pas d'être differentes
en espece les unesdes
autres; nôtre aauurteeuurrine j ne
doute pointqu'on ne doive
aussidistinguer diverses sortes
de feux, qui tenant tous
en général de la nature de
cet element , différent entr'eux,
en ce qu'ilssont d'une
vivacité,d'un éclat,d'une
subtilité ,d'une force, Si
d'une activité inégale.Quelquedifferensneanmoins
qu'ils soiênt,ilveutqu'ils se
reduisent tous à deux genres
principaux:les uns, qui
ont,tout enlemble de la lumiere&
de la chaleur &
lesautres qui ont de la chaleur
,mais quin'ont point
de lumiere. Les premiers
sont ceux qu'on nomme
feux par excellence : aussi
l'auteur lesappelle-1-il des
feuxvifs, parce qu'ils renfermenc
une quantité d'esprits
vifs & lumineux, comme
font ceux d'une vive
flamme. Les autres sont des
feux beaucoup moins parfaits:
c'est pourquoyl'auteur
les appelle des feux
morts, parce qu'ils sont composez
d'espritsqui n'ont ni
vivacité, ni clarté, & qu'avec
la vertu de brûler , ils
n'ont pas celle d'eclairer &
de luire. Le poivre, le pyretbre,
l'argent vifprécipité, ôc
generalement tous lescaustiques
renferment des eA
prits de cette espece, & doivent
par cette raison être
mis entre les corps qui tiennent
de la nature du feu. /',
Maiscequ'ilyaicid'aussi
remarquable; & qui pourra
surprendre ceux qui n'aurontpoint
oüi parler du
traité de M. Boyle; deflam-
; mæ ponderabilitate y cest qu'-
excepté le feu celeste & de
la nature de celui des astres,
qu'on veut bien qui soit ler
ger. & capable de s'élever
sen haut, on soûtient que
* tous les autres tendent naturellement
vers le centre,
& qu'ilssontmême plus
pesans que tous les autres
elemens.
La troisiéme dissertation
est employée toute entiere
à soûtenir ce paradoxe,& il
fautavoüerqu'on lui donne
un grand air de vraifemblance
par les preuves qu'-
on apporte pour l'établir.
Par exemple , to.. L'on remarque
que les briques,
qui demeurent long-temps
dans le feu, y deviennent
beaucoup plus pesantes,
quoique l'évaporation de
l'humidité en dûtdiminuer
le
le poids.2°. On rapporte un
grand nombre d'experiences
du traité de M. Boyle,
par lesquelles il paroît que
delachaux vive &, divers
metauxayant été exposez
au feu pendant deuxon
trois heures, ont considerablement
augmenté leur
poids; ce qui ne pouvoit
venir que des particules du
feu qui s'étoientmêlées
avec ces matieres. 3°. Enfin
on soûtient que le lieu prow
pre & naturel de nôtre feu
élémentaire est dans les entrailles
de la terre, levrai
cétre des choses pefanses^
lendrpiçle.plus basde tonné
l'univers, ôcquec'estçefils
central, &: non pas la chaleuo
du soleil,ou la vertu ôdesin-j
lfweçesque1,onattribueau^
astrequi est le véritable
principe de la génération
des métaux, & la veritablq
çausequi produit les sources
des rivieres&des fontaines;
;:
En .effet3il est si peuvrai
que la vertu des astres fQ
false sentirdans- les pro-l
fonds cachotsdes lieux [oûi
terrains, que l'on pose en
fait que dans les plus gran4eschaleurs
de l'Esté,lorfque
le soleil darde ses.rayons
avec plus de force, & qu'ils
donnent sur la terre à
plomb, si Tonveut bienfe
donner la peine d'observer
l'effet qu'ilsyfont, on ne
itrouvera point, je ne dirai
pas quils l'ayent penetrée
de quelque milles, mais feu-,
lement qu'ils l'ayent réchauffée
de quelques pieds
de profondeur. L'auteur
nous apprend quelque cho.
se d'asser remarquable làideflus.
Il dit que tous ceux
qui ont écrit touchant les
mi,nes, au moi,ns tous ceux1
dont il, a lû les ecrits rapportent
constammentque.
la terre est froide vers sa fuperficie;
qu'on çommence
à la trouver un peu rechauf-j
fée, lors qu'on y est defcen,
du plus avant;& qu'ensuite
plus on l'enfonce, plus on
trouve que sa chaleur se forciné,
& qu'elle s'augmente
sensiblement. C'est ce que
témoigné entr'autres J. B.
Adorin dans sa relation de
lotis fubterraneis, où il rapporte,
qu'ayant eu la curiofit-R
dedépendre dans les minesd'or
de Hongrie au mots deJuillet,
il avoit trouvé la région superieure
de la terre extremement
froide jusques environ 480.
pieds : mais quétantdescendu
plusbas, ily aVoit trouvé de
la chaleur, qui saugmentait de
relie forte a mesure qu'il s'avançoit
vers lefond,que dans
l'endroit ou étoient les ouvriers
,
ils ne poyvoient travailler
que nuds. Et l'onremarque
qu'il en est de même
dans routes les autres
mines de ce pays-là.
La quatrième -diflertation
roule
sur cette quêstion
assez curieufc
: Si lorfqueï
quelque choje est brûUe>ils'en-t
gendre une nouvellefubflancef1
Pour la resoudre clairemenr,
l'auteurexplique fort,
au long toute la nature de la
génération des substances
inanimées. Il ne reconnoit^
aucune matierepremière proprement
airifi nommée', ôc ilsoûtientfqu'il n'yen ai
point d'autre que divers
corpuscules (impies, qui onci
chacun leur figure, leur!
grandeur, & leurs autre,
proprietez; de
maniéréquel
ne dépendant nullement lest
uns des-autres, ils peuvent
également [ublifler & ensemble,
& fcparez
:
après
cela on conçoit aflfez que,
félon cet auteur, laforme des
chosesinanimées ne doit consister
que dans la conformation,
qui refaite de l'union legitimé&
naturelle deflujieurs
Jecescorpujèule., qui composent
rtt.vtJCm1l "' om-mye par exemple, la forme d'urn--emaison
n'etf autre chose
que cette ftrudture qui le
forme de l'union & de l'arrangement
convenable des
matériaux dont on la bâtir.
Et de cettemanière il'.cÍt
clairque lagenerationde toutes
ces choses ne confifie
non plus que dans taffimblage
que la na«tureIfait de ces fM- diierfespartiesqu'elleuniten- j
semblefour enfaire unmême
corps: comme à lopposite,
la corruprion n'est rien autre
chose que 14 diffilution
& laseparation de ces mêmes
parties,-que lagénération avoit
assemblées;comme on le fait
voir clairement parune experiencecurieule
du vitriol
diûile dans le fourneau de
réverbere. Car après en
Ravoir tiré d'abord un phleg:.
me presque insipide, & enfuite
une liqueur fortace-
; teuse, il ne restera plus au [fond qu'une terre d'un beau [rouge couleur de poùrprë.
I Mais si vous versez vos deux
j[ liqueurs sur cette rerre,vous
l verrez aussitôt vôtre vitriol
; réproduit
, avec sa même
couleur 1V presque son même
poids, parce qu'il a peu
,
d'esprit & dé fou phre volatile.
Enfinnôtre auteur prei
tend que les principesde cetteunion
des parties des corps.
naturels
,
dans laquelle il
veut que la génération cohj
Me, ne font autre chose,
que lesesprits & lesfels auf- j
quels il attribuë tant de
force,qu'il tient que là Oùi
les mêmes efprirs & les memes
fels se trouvent, ils ne
manquent presque jamais
de produire à peu prés la.
Inêmeconfiguratron,quél-
1
,.r que peu ae diipoirm.on qu"r1ry--
rencontrent assezsouvent
dans lamatiere sur laquelle
ils agissent. Onenrapporte
ici deux preuves, qui fèroient
bien considerables &
bien cotivaincantessi elles
étoient bien averées.La premiere
est que la terre cremt
pée&imbuëdecefanggâté
•5 & de ces humeurs infedtes
& corrompues qui forcent
des corps de ces malheureux
qu'on laisse arrachez
aux gibets
,
après leur avoir
fait souffrir le dernier supplice
; que cette terre3 disje,
ainsi detrempée prociuic
une herbe, dont la racine
exprime beaucoup mieux la
forme du corps humain>
que ne fait la racine dela
mandragore. L'autre experience
qu'on alléguéest que
tous les raiforts, qui venoient
dans un jardin,&où
l'on avoitautrefois enterré
un grand nombre de personnes,
avoient la figure de
la moitié du corps humain,
mais si bien representée,
qu'il ne se pouvoir rien de
plus rèssemblant.Cesèxemples
qui quadrent si bien
aux principes de nôtre auteur,
lui donnent occasion
depenser qu'il y a bien plus
de raison qu'on ne s'imagine
dans les regles des
physionomistes, qui tiennent
pour une de leurs grandes
maximes, que les hommes
ont d'ordinaire les inclina..
tions des animaux avec leC
quels ils ont du rapport
dans les traits & dans la forme
exterieure ; parce qu'il
paroît par là qu'ils ont à peu
prés les mêmes esprits, &
qu'il y a bien de l'affinité
entre les particules qui les
composent.
Il nest pas mal aisé de
juger, après tout ce qu'on
vient de voir, ce que nôtre
auteur doit répondre à la
question qu'on a proposée;
car. puis qu'il fait consister
la générationdans un assemblage,&
dans une union
de plusieurs parties pour ne
composer qu'un seul tour,
on voit bien que pour raisonner
consequemment sur
ses principes, il ne peut pas
dire que le feu, qui en embrasant
une matiere combustible,
ne fait qu'en dissoudre
& en separer les parties
,
produise une nouvelle
substance. Il pose donc ici en
fait que tout ceque l'embrasement
peut faire, ne peur
être toutau plus que de prd."
duire de nouvelles qualitez.Et
pour faire voir qu'en celail
ne fait que suivre le sentiment
des anciens, il allègue
là dessus un paisage d'Ari.
stote, qui ne sçauroit être
plus exprés pour,lui quoy
il joint ces beaux vers d'Oise
, où il dit que la garde
du feu sacré avoit été donnée
à des vierges,pourmarquer
,
s'il faut ainsi dire, la
virginité de cet element,par
lequel rien n'est produit.
Comme l'auteur est per.
suadé qu'il n'y a rien de plus
essentiel au feu que la chalent,
il en parle à fond dans
la cinquièmedissertation,
où il s'accache à en expliquerexactement
la nature:,
mais comme pour y bien
reüssir sélon ses principes, il
se trouve obligé de faire
comprendre comment il
conçoit que les corps qui enj
font susceptibles sont composez,
il entre d'abord dans1
un examen fort particulier j
de cette matiere, Bien qu'ilJ
rejette tout à fait lesatomes
d'Epicure, il ne laisse pas de
croire que ces corpuscules,
dont nous avons vû qu'il
composetous lescorps îèn- :';.' fibles,
sibles;sontsi minces, qu'on
n'en peut assez concevoir la
petitesse. Ce qui l'en a convaincu,
c'est,dit- il, quayanc
regardeau travers d'un microscope
de petits grains de
fromage vermoulu
,
qu'il
avoit exposez au soleil, ily
apperçut unefourmilliere
de petits vers, quel'oeil n'auroit
jamais sçû découvrir
sans l'aide de cet instrument.
Il remarque d'ailleurs
qu'on en a observé quelquefois
une grandequantité de
la même petitesse dans le
sang qu'on a tiré à des personnesqui
avoient lafievre,
& qu'il se trouvoir qu'ils
avoient la têtenoire:c'etoit
un signe que la fievre étoit
maligne & dangereuse.Nô- i
tre auteur croiroit assez-que
ces fortes de vers pourroient
devoir leur origineà
ces petits animaux queVarron
dit quisont dans l'air
mais quiyfont imperceptibles
& qui entrant dans nos corps
par la bouche & par les nari
nés,yengendrent desmaladies
difficiles & perilleuses. Mais,
pour revenir à ses corpuscules,
il tient que comme ils.
ne peuvent pas être tous de
la même grandeur) il ne se
peut pas non plus qu'ils
Soient tous de la même sigure;
Chaque espece, selon
lui, a la sienne particulière,
comme on le voit dans les
cristaux, dont chacun a ses
parties configurées d'une
certaine manière qui lui est
propre ; & ç'est de là qu'il
pretend que vient la diversitéqu'on
remarque dans la
contexture des corps, dont
les uns sont plus rares, les
autres plus ferrez, & les autresd'une
consistance mediocre.
Mij
4 Celaposé, ilvientà montrer
ce que c'est que la chaleur,
& commentilconçoit
qu'elle, se produit dans les
corps quisechauffent. Il
n'est pas dusentiment de
ceux qui en font un pur accident.
Il croit quelle envelope
necessairement dans
sa notion une substance,
puisqu'elleconsille dans
l'agitation de ces petitsfeux
ou esprits ignez, qui sont
renfermez dans les corps
chauds; ou pour mieux dire,
qu'elle n'estaucrechose que
ces mêmes feux ou esprits
violemment agitez. En effet il
n'a pas de peine à ren d re raison
par ce principe de la plupart
des effets qu'on attribuë a la
chaleur, comme de secher les
draps mouillez,d'amolir la cire,
de durcir la bouë, de faire évanouir
l'esprit de vin qui fera
dans une phiole ouverte,&c. Il
fait voir que tout cela se fait par
le mouvement & par l'agitation
violente de ces petits feuxou efpritsdont
les lieux où toutes
ces choses arrivent setrouvent
remplis. Il ne trouve pasplus de
difficulté à expliquer la maniere
dont la chaleur s'engendre
en de certains corps, &
pourquoy il y en a qui n'en font
point susceptibles. Il dit que les
premiers s'échauffent aisément,
parce qu'a yant une contexture
rare, ils reçoivent facilemenr
dans leurs pores les petits feux
étrangers qui réveillent ceux
qu'ils avoient déja dans leur
propre sein,ouils étoient comme
assoupis,& qui les remuent
& lesagitent: mais que les autres
ne s'échauffent pas, parce
que leurs pores ne font pas faits
d'une maniéré propre à admettre
ces petits feux ou esprits.
C'est de là que vient, selon lui,
que le ru bis soutient la chaleur
du feu jusques à 5. jours, & le
diamantjusques à 9 ;ce qui a
fait que les Grecs lui ont donne
le nom d'adamas, qui signifie
invincible.C'est encore, à son
avis,ce qui fait que la pierre aprelié
chalazia, parce qu'elle a la
couleur & la figure de la grêle,
conserve sa froideur dansJe
feu? comme au contraire ce,le
queles-Grecsont appelléeapiyilos,
c'etf à dire irrefrigerable),
étant une fois échauffée, conserve
toute sa chaleur pendant
plusieurs jours.
'-Il ne faut pas oublier que nôtre
auteur ne croit pas que le
froid soit une simple privation
dechaleur, comme la plupart
dumon deselepersuade. Il pretend
que comme la chaleur
consiste dans desesprits de nature
ignée ,
le froid consiste à
l'oppalire dans des esprits froids
églacez.Etil croit le prouver
invinciblement par deux experiences.
La premiere est le froid
insupportable que l'Atlasdela
Chine rapporte qu'il fait toûjours
sur une montagne de la
Prov ince Quan^ft, qui pour cet
te raison est appellée la montagnefroide
;car quoy qu'elle soit
dans la zone torride, elle est
pourtant inhabitable par l'extreme
rigueur du froid. L'autre
est la vertu qu'a la pierre nommée
æmatite, d'empêcher l'eau
de boüillir,sion la jette dans le
vaisseau; & celle qn'elle a d'arrêter
le fang, lors qu'une trop
grande fermentation le fait sortir
hors des veines. L'auteur
croit qu'une même cause produit
l'un & l'autre de ces effets,
& il ne conçoit pas qu'on
puisse attribuer ni le froid de
cette montagne,ni la vertu de
cette pierre, qu'à des exhalaisons
froides,qui arrêtent l'action
& le mouvement des esprits
chauds.
si utiles & si dangereux, &
j'en ai déja parlé tant de
fois superficiellement, que
4 je croy ne pouvoir mieux
faire, pourinstruire & pour
amuser le lecteur, que lui
donner un extrait des dissertationssuivantes,
oùil
verra un tableau assez exact
des qualitez & des proprietez
de cet élement.
h) ;>-t'ï
J, Traité du feu, dans lequel on établît les vraisfondemens
n' de la Physique.
-'u-j
,
Il y a si peu de choses qui
puissent passer pour certaines
& pour confiantes dans
la Physique, qu'il n'ya
rien de plus aisé que dese
tromper, lors qu'on entreprend
de prononcer decisivement
sur les matierés qui
s'y traitent. D'ailleurs,les
methodes Ics- plus regulieres
ne fonc pas toûjours les
meilleures; elles ont fouvent
beaucoup plus de
montre que d'utilité solide,
& l'on peut dire qu'en bien
des rencontres elles servent
bien plus à gêner l'esprit,
qu'à le conduire droit à la
verité. C'a été pour prendre
uneroute qui l'exposât
moins àces deux inconve-
,
niens, que le P. C. a donné
la formed'entretiens à cet
ouvrage, parce qu9ona accoûtumé
de bannir de tout
ce qui porte ce titrele ton
decisif de Docteur,aavec
ce faste & cet apparat qui
l'accompagne d'ordinaire,
&. que du reste on n'y reçoit
point les regularitez importunes,
ni les formalitez
gênantes des manieres de
l'Ecole. Ainsi les
13.
dissertarions
dont il a composé son
livre, sontautant de ron'Ver.
sations libres& sçavantes,
où il fait entrer trois personnes
d'un rare merire &
d'une fort grande érudition;
à peu prés comme Ciceron
introduit sesillustres
amis parlansdans ses ouvrages
de Philosophie. Je tjU
cherai d'informer les lecteurs
de ce qui s'y trouve
de plus remarquable 8; de
principal: mais comme je
suis obligé d'éviter la longueur
des extraits , autant
qu'il me fera possible,
& qu'il feroit difficile de
rendre compte en peu de
mots de 13.dissertations pleines
de choses considerables
&qui font un gros volume,
je me contenterai de donner
ici le précis des 5. premieres,
& je renvoyerai le
reste à un autre mois.
Nôtre auteur entre en
matiere,dans la premiere
dissertation;d'une maniere
agreable -" par une petite
disputequ'il fait naître entre
ses personnages sur cette
question curieuse : Lequel
desdeuxestleplus excellent &
le plus utile, de l'eau ou du
feu ? C'est pour se donner
jour à faire l'élogedu sujet
qu'il veut traiter, en montrant
l'avantage qu'a le feu
sur tous les corps simples,
dont il pretend qu'il est le
plusnoble à bien des égards.
On ne pouvoit gueres
mieuxtourner la chose qu'-
en laprenant de cette maniere
,
ni faire voir un plus
beau mélange de la belle
litterature avec la Philosophie,
que celui que nous
donne ici le P.C. On allegue
• de part & d'autre ce qu'on
pouvoir dire de plus curieux
à l'avantage du feu ou de
l'eau. On cite les autoritez
des Poëtes & des Philosophes,
on produit le celebre
passage de Pindare, qui des
le commencement de ses
Odes dit qu'il n'y a rien de
meilleur que l'eau. Et on lui
opposePlutarque,qui ayant
traité la même question
qu'on a gite ici, l'adecidée
en faveur du feu. On peut
bien croire qu'on n'oublie
pas là-dessus ni Vulcain, qui
étoit du nombre des grandes
Divinitez Payennes, ni le
feusucré,qui étoit l'objet de
la devotion des Perfes
; ni
l'adoration que les Chaldéens
rendoient à cet element,
qu'ils, consideroient
comme leur supreme Divinité.
Cependant comme le
feu ne craint rien si fort que
l'eau,on raconte ici une as
fez plaisante avanture,tirée
de Ruffln & de Suidas, oùles
choses ne tournerent pas à
l'avantage du Dieu de Chaldée.
Ceux de cette nation
vantoient leur Divinité,
comme la plus puissante de
toutes; & quelques-uns de
leurs Prêtres, courans de
Province enProvince,défioient
au combat tous les
f
autresDieux. Maiscomme
ceux-ci, de que lque matierequ'ils
fussent, de bois,
, ou d'airain ,ou d'argent
ou d'or, ne pouvoientresister
au feu, qui en venoit
-
enfin à bout,il le trouva un
Prêtre d'Egypte qui arrêta
de cette maniere les triomphes
de ce Dieu, qui en avoit
dévoré tant d'autres. Il
prit une cruche percée de
quantité de petits trous,
qu'il boucha avec de la cire,
mais si proprement, qu'on
n'en pouvoitrien connoître
; & après avoir rempli
cette cruche d'eau, & avoir
mis au dessus la tête de son
Idole qu'on nommoit Canope,
il accepta le défi. Les
Chaldéens mirent aussitôt
le feu à l'entour de l'Idôle:
mais la cire se fondant au
feu, ouvrit incontinent le
passage à l'eau, qui sortant
de tous cotez par les petits
trous ,qu'on ne voyoit pas,
éteignit le feu, & faisant
triompher Canope, fit avoüer
aux Chaldéens que.
le Dieu des Egyptiensétoit
le plus fort. Avec tout cela,
comme il estaussi naturel
au feu de consumerl'eau,
qu'ill'est à l'eau d'éteindre
le feu, on ne peut nier que
celui-ci ne se dédommage
quelquefois au double, parce
qu'il gagne à son tour
sur l'autre.Mais pourétablir
sur quelque chose de c'on.,
fiderable l'avantage qu'on
donne aufeu,on remarque
ici que si on recüeille les
suffrages des Philolophes,
on trouvera que le plus
grand nombre est celui de
ceux qui ont mis le feuen
tre les principes deschoses;
ce qui vient sans douce de
l'impression nature lle qu'on
a de ion excellence & de
son utilité. Qu'au reste ce
n'est pas un foible argument
pour nous en persuader,
que de voir qu'entre »
tant de sortes d'animauxil
n'y ait que l'homme à qui
a nature en ait proprement
accordé l'usage : ce qui va
siloin
,
selon la pensée de
Lactance
,
qu'il semble que
Dieu ait voulu assurer les
hommes de leur immortalité
, en leur abandonnant
l'usage & la disposition de
cet element, qui est celui de
la lumiere & de la vie. Que
quoy qu'il en soit, lavie est
un feu, & que si le feu en
est le symbole,il en est aussi
le soûtien, & leplus necessaire
instrument, puis qu'-
après tout il n'est pas possïble
ni de cuire les alimens,
ni de préparer les remedes,
ni de se prévaloir de cent
autres choses necessaires à
la vie, sans le secours de
cet element. Que d'ailleurs
quand on pourroit vivre
sans l'usage du feu,la vie
ne sçauroit être qu'extremement
miserable, privée
de tous les avantages qu'on
tire des sciences & des arts,
& plongée dans une obscurité
qui lui ôteroit tout ce
qu'elle a dagreable. Qu'en
un mot on est redevable de
toutes lescommoditez, ôc
de tous les ornemens de la
: vie au feu ,qui eR: d'une utiflité
si étenduë & si gene- rale, qu'outre le secours
qu'il prête à la vûé au milieu
de l'obscurité , il supplée
quelquefois à l'usage
[. de la parole, en donnant
aux amis éloignez de quelques
lieuës le moyen de se
pouvoir parler la nuit par
des flambeauxallumez. Enl'
fin, après avoir remarqué
que les effets mêmequ'on
lui reproche sont des preuves
de noblesse & des marques
de grandeur,on observe
quetousles peuples
l'ont prispour le symbole
de la puissance, & pourle
caractere de la majesté:d'où
vient qu'on le portoit autrefois
devant les Rois de
l'Asie, & devant les Empereurs
Romains. Et pour
achever par un endroitqui
en couronne dignementl'éloge,
on ajoûte qu'il n'y a
point eu de nation dans le
monde qui ne l'ait regardé
non feulement comme un
excellent present duCiel,
mais encore comme une illustre*
imagerdela-Divinité. Que
rQue de là est venu qu'on Fa
employé dans toutes les Religious,&
que ce n'ont point
été les Chaldéens feu ls, ni
les Poëtes, ni les Philosophesqui
ont dit que Dieu
est unfeu : mais que l'Ecriture
sainte a parlélemême
langage, & n'a pas faitdifficulté
de nous assurer que
Dieu estunfeuconsumant. 1
Aprés ces préliminaires,
il passe dans le deuxiéme
entretien à l'explication de
lanature du feu. Lefeu, sef!
on" lui, est un esprit qui soy a en unechaleur vive brûlante.
Mais il faut sçavoir
que par cet esprit il n'entend
pas ce que les Chymistes
appellent de ce nom &
qu'ils distinguent par là mêmedavec
leursouphre &
leur mercure. Dans ce que
nôtre auteur nomme ainsi,
il n'est pas tant question de
larareté dela matiere,ou
'de la legereté, quede la subtilité
& de la sorce:&en
un mot, l'esprit, dans son
sens
,
estune substance tres-déliée&
trés-subtile,très-capablede
s'insinuer&depenetrer
dans les pores de tous les corps.
cr >
Quand donc cette subtilité
se trouve jointe avec la É-lieleur,
& que celle-ci est dars
un degré de force & d'ardeur
considerable, nôtre
auteurpretend quec'estce
qui fait propremenr le feu.
D'où vient qu'il ne fait pas
de difficulté de mettre le
sel aunombredes corpsde
nature ignées parce qu outre
•
qu'il désechetoutes leschop
ses ou il s'attache, & qu'il
consume puissamment les
-
humiditez, on en tire, en
ledistillent,des eaux fortes
qui ont la vertu de dissoudre
les metaux,en bien
moins
,-
de temps quene
sçauroit faire le feu leplus
fort &le plusardentde nos
fourneaux.Au reste; comme,
l'ondistingue diverses
sortes de terres,qui, quoy
qu'ellesconviennent toutes
dans cette nature generale,
qui leur est commune; ne
laissent pas d'être differentes
en espece les unesdes
autres; nôtre aauurteeuurrine j ne
doute pointqu'on ne doive
aussidistinguer diverses sortes
de feux, qui tenant tous
en général de la nature de
cet element , différent entr'eux,
en ce qu'ilssont d'une
vivacité,d'un éclat,d'une
subtilité ,d'une force, Si
d'une activité inégale.Quelquedifferensneanmoins
qu'ils soiênt,ilveutqu'ils se
reduisent tous à deux genres
principaux:les uns, qui
ont,tout enlemble de la lumiere&
de la chaleur &
lesautres qui ont de la chaleur
,mais quin'ont point
de lumiere. Les premiers
sont ceux qu'on nomme
feux par excellence : aussi
l'auteur lesappelle-1-il des
feuxvifs, parce qu'ils renfermenc
une quantité d'esprits
vifs & lumineux, comme
font ceux d'une vive
flamme. Les autres sont des
feux beaucoup moins parfaits:
c'est pourquoyl'auteur
les appelle des feux
morts, parce qu'ils sont composez
d'espritsqui n'ont ni
vivacité, ni clarté, & qu'avec
la vertu de brûler , ils
n'ont pas celle d'eclairer &
de luire. Le poivre, le pyretbre,
l'argent vifprécipité, ôc
generalement tous lescaustiques
renferment des eA
prits de cette espece, & doivent
par cette raison être
mis entre les corps qui tiennent
de la nature du feu. /',
Maiscequ'ilyaicid'aussi
remarquable; & qui pourra
surprendre ceux qui n'aurontpoint
oüi parler du
traité de M. Boyle; deflam-
; mæ ponderabilitate y cest qu'-
excepté le feu celeste & de
la nature de celui des astres,
qu'on veut bien qui soit ler
ger. & capable de s'élever
sen haut, on soûtient que
* tous les autres tendent naturellement
vers le centre,
& qu'ilssontmême plus
pesans que tous les autres
elemens.
La troisiéme dissertation
est employée toute entiere
à soûtenir ce paradoxe,& il
fautavoüerqu'on lui donne
un grand air de vraifemblance
par les preuves qu'-
on apporte pour l'établir.
Par exemple , to.. L'on remarque
que les briques,
qui demeurent long-temps
dans le feu, y deviennent
beaucoup plus pesantes,
quoique l'évaporation de
l'humidité en dûtdiminuer
le
le poids.2°. On rapporte un
grand nombre d'experiences
du traité de M. Boyle,
par lesquelles il paroît que
delachaux vive &, divers
metauxayant été exposez
au feu pendant deuxon
trois heures, ont considerablement
augmenté leur
poids; ce qui ne pouvoit
venir que des particules du
feu qui s'étoientmêlées
avec ces matieres. 3°. Enfin
on soûtient que le lieu prow
pre & naturel de nôtre feu
élémentaire est dans les entrailles
de la terre, levrai
cétre des choses pefanses^
lendrpiçle.plus basde tonné
l'univers, ôcquec'estçefils
central, &: non pas la chaleuo
du soleil,ou la vertu ôdesin-j
lfweçesque1,onattribueau^
astrequi est le véritable
principe de la génération
des métaux, & la veritablq
çausequi produit les sources
des rivieres&des fontaines;
;:
En .effet3il est si peuvrai
que la vertu des astres fQ
false sentirdans- les pro-l
fonds cachotsdes lieux [oûi
terrains, que l'on pose en
fait que dans les plus gran4eschaleurs
de l'Esté,lorfque
le soleil darde ses.rayons
avec plus de force, & qu'ils
donnent sur la terre à
plomb, si Tonveut bienfe
donner la peine d'observer
l'effet qu'ilsyfont, on ne
itrouvera point, je ne dirai
pas quils l'ayent penetrée
de quelque milles, mais feu-,
lement qu'ils l'ayent réchauffée
de quelques pieds
de profondeur. L'auteur
nous apprend quelque cho.
se d'asser remarquable làideflus.
Il dit que tous ceux
qui ont écrit touchant les
mi,nes, au moi,ns tous ceux1
dont il, a lû les ecrits rapportent
constammentque.
la terre est froide vers sa fuperficie;
qu'on çommence
à la trouver un peu rechauf-j
fée, lors qu'on y est defcen,
du plus avant;& qu'ensuite
plus on l'enfonce, plus on
trouve que sa chaleur se forciné,
& qu'elle s'augmente
sensiblement. C'est ce que
témoigné entr'autres J. B.
Adorin dans sa relation de
lotis fubterraneis, où il rapporte,
qu'ayant eu la curiofit-R
dedépendre dans les minesd'or
de Hongrie au mots deJuillet,
il avoit trouvé la région superieure
de la terre extremement
froide jusques environ 480.
pieds : mais quétantdescendu
plusbas, ily aVoit trouvé de
la chaleur, qui saugmentait de
relie forte a mesure qu'il s'avançoit
vers lefond,que dans
l'endroit ou étoient les ouvriers
,
ils ne poyvoient travailler
que nuds. Et l'onremarque
qu'il en est de même
dans routes les autres
mines de ce pays-là.
La quatrième -diflertation
roule
sur cette quêstion
assez curieufc
: Si lorfqueï
quelque choje est brûUe>ils'en-t
gendre une nouvellefubflancef1
Pour la resoudre clairemenr,
l'auteurexplique fort,
au long toute la nature de la
génération des substances
inanimées. Il ne reconnoit^
aucune matierepremière proprement
airifi nommée', ôc ilsoûtientfqu'il n'yen ai
point d'autre que divers
corpuscules (impies, qui onci
chacun leur figure, leur!
grandeur, & leurs autre,
proprietez; de
maniéréquel
ne dépendant nullement lest
uns des-autres, ils peuvent
également [ublifler & ensemble,
& fcparez
:
après
cela on conçoit aflfez que,
félon cet auteur, laforme des
chosesinanimées ne doit consister
que dans la conformation,
qui refaite de l'union legitimé&
naturelle deflujieurs
Jecescorpujèule., qui composent
rtt.vtJCm1l "' om-mye par exemple, la forme d'urn--emaison
n'etf autre chose
que cette ftrudture qui le
forme de l'union & de l'arrangement
convenable des
matériaux dont on la bâtir.
Et de cettemanière il'.cÍt
clairque lagenerationde toutes
ces choses ne confifie
non plus que dans taffimblage
que la na«tureIfait de ces fM- diierfespartiesqu'elleuniten- j
semblefour enfaire unmême
corps: comme à lopposite,
la corruprion n'est rien autre
chose que 14 diffilution
& laseparation de ces mêmes
parties,-que lagénération avoit
assemblées;comme on le fait
voir clairement parune experiencecurieule
du vitriol
diûile dans le fourneau de
réverbere. Car après en
Ravoir tiré d'abord un phleg:.
me presque insipide, & enfuite
une liqueur fortace-
; teuse, il ne restera plus au [fond qu'une terre d'un beau [rouge couleur de poùrprë.
I Mais si vous versez vos deux
j[ liqueurs sur cette rerre,vous
l verrez aussitôt vôtre vitriol
; réproduit
, avec sa même
couleur 1V presque son même
poids, parce qu'il a peu
,
d'esprit & dé fou phre volatile.
Enfinnôtre auteur prei
tend que les principesde cetteunion
des parties des corps.
naturels
,
dans laquelle il
veut que la génération cohj
Me, ne font autre chose,
que lesesprits & lesfels auf- j
quels il attribuë tant de
force,qu'il tient que là Oùi
les mêmes efprirs & les memes
fels se trouvent, ils ne
manquent presque jamais
de produire à peu prés la.
Inêmeconfiguratron,quél-
1
,.r que peu ae diipoirm.on qu"r1ry--
rencontrent assezsouvent
dans lamatiere sur laquelle
ils agissent. Onenrapporte
ici deux preuves, qui fèroient
bien considerables &
bien cotivaincantessi elles
étoient bien averées.La premiere
est que la terre cremt
pée&imbuëdecefanggâté
•5 & de ces humeurs infedtes
& corrompues qui forcent
des corps de ces malheureux
qu'on laisse arrachez
aux gibets
,
après leur avoir
fait souffrir le dernier supplice
; que cette terre3 disje,
ainsi detrempée prociuic
une herbe, dont la racine
exprime beaucoup mieux la
forme du corps humain>
que ne fait la racine dela
mandragore. L'autre experience
qu'on alléguéest que
tous les raiforts, qui venoient
dans un jardin,&où
l'on avoitautrefois enterré
un grand nombre de personnes,
avoient la figure de
la moitié du corps humain,
mais si bien representée,
qu'il ne se pouvoir rien de
plus rèssemblant.Cesèxemples
qui quadrent si bien
aux principes de nôtre auteur,
lui donnent occasion
depenser qu'il y a bien plus
de raison qu'on ne s'imagine
dans les regles des
physionomistes, qui tiennent
pour une de leurs grandes
maximes, que les hommes
ont d'ordinaire les inclina..
tions des animaux avec leC
quels ils ont du rapport
dans les traits & dans la forme
exterieure ; parce qu'il
paroît par là qu'ils ont à peu
prés les mêmes esprits, &
qu'il y a bien de l'affinité
entre les particules qui les
composent.
Il nest pas mal aisé de
juger, après tout ce qu'on
vient de voir, ce que nôtre
auteur doit répondre à la
question qu'on a proposée;
car. puis qu'il fait consister
la générationdans un assemblage,&
dans une union
de plusieurs parties pour ne
composer qu'un seul tour,
on voit bien que pour raisonner
consequemment sur
ses principes, il ne peut pas
dire que le feu, qui en embrasant
une matiere combustible,
ne fait qu'en dissoudre
& en separer les parties
,
produise une nouvelle
substance. Il pose donc ici en
fait que tout ceque l'embrasement
peut faire, ne peur
être toutau plus que de prd."
duire de nouvelles qualitez.Et
pour faire voir qu'en celail
ne fait que suivre le sentiment
des anciens, il allègue
là dessus un paisage d'Ari.
stote, qui ne sçauroit être
plus exprés pour,lui quoy
il joint ces beaux vers d'Oise
, où il dit que la garde
du feu sacré avoit été donnée
à des vierges,pourmarquer
,
s'il faut ainsi dire, la
virginité de cet element,par
lequel rien n'est produit.
Comme l'auteur est per.
suadé qu'il n'y a rien de plus
essentiel au feu que la chalent,
il en parle à fond dans
la cinquièmedissertation,
où il s'accache à en expliquerexactement
la nature:,
mais comme pour y bien
reüssir sélon ses principes, il
se trouve obligé de faire
comprendre comment il
conçoit que les corps qui enj
font susceptibles sont composez,
il entre d'abord dans1
un examen fort particulier j
de cette matiere, Bien qu'ilJ
rejette tout à fait lesatomes
d'Epicure, il ne laisse pas de
croire que ces corpuscules,
dont nous avons vû qu'il
composetous lescorps îèn- :';.' fibles,
sibles;sontsi minces, qu'on
n'en peut assez concevoir la
petitesse. Ce qui l'en a convaincu,
c'est,dit- il, quayanc
regardeau travers d'un microscope
de petits grains de
fromage vermoulu
,
qu'il
avoit exposez au soleil, ily
apperçut unefourmilliere
de petits vers, quel'oeil n'auroit
jamais sçû découvrir
sans l'aide de cet instrument.
Il remarque d'ailleurs
qu'on en a observé quelquefois
une grandequantité de
la même petitesse dans le
sang qu'on a tiré à des personnesqui
avoient lafievre,
& qu'il se trouvoir qu'ils
avoient la têtenoire:c'etoit
un signe que la fievre étoit
maligne & dangereuse.Nô- i
tre auteur croiroit assez-que
ces fortes de vers pourroient
devoir leur origineà
ces petits animaux queVarron
dit quisont dans l'air
mais quiyfont imperceptibles
& qui entrant dans nos corps
par la bouche & par les nari
nés,yengendrent desmaladies
difficiles & perilleuses. Mais,
pour revenir à ses corpuscules,
il tient que comme ils.
ne peuvent pas être tous de
la même grandeur) il ne se
peut pas non plus qu'ils
Soient tous de la même sigure;
Chaque espece, selon
lui, a la sienne particulière,
comme on le voit dans les
cristaux, dont chacun a ses
parties configurées d'une
certaine manière qui lui est
propre ; & ç'est de là qu'il
pretend que vient la diversitéqu'on
remarque dans la
contexture des corps, dont
les uns sont plus rares, les
autres plus ferrez, & les autresd'une
consistance mediocre.
Mij
4 Celaposé, ilvientà montrer
ce que c'est que la chaleur,
& commentilconçoit
qu'elle, se produit dans les
corps quisechauffent. Il
n'est pas dusentiment de
ceux qui en font un pur accident.
Il croit quelle envelope
necessairement dans
sa notion une substance,
puisqu'elleconsille dans
l'agitation de ces petitsfeux
ou esprits ignez, qui sont
renfermez dans les corps
chauds; ou pour mieux dire,
qu'elle n'estaucrechose que
ces mêmes feux ou esprits
violemment agitez. En effet il
n'a pas de peine à ren d re raison
par ce principe de la plupart
des effets qu'on attribuë a la
chaleur, comme de secher les
draps mouillez,d'amolir la cire,
de durcir la bouë, de faire évanouir
l'esprit de vin qui fera
dans une phiole ouverte,&c. Il
fait voir que tout cela se fait par
le mouvement & par l'agitation
violente de ces petits feuxou efpritsdont
les lieux où toutes
ces choses arrivent setrouvent
remplis. Il ne trouve pasplus de
difficulté à expliquer la maniere
dont la chaleur s'engendre
en de certains corps, &
pourquoy il y en a qui n'en font
point susceptibles. Il dit que les
premiers s'échauffent aisément,
parce qu'a yant une contexture
rare, ils reçoivent facilemenr
dans leurs pores les petits feux
étrangers qui réveillent ceux
qu'ils avoient déja dans leur
propre sein,ouils étoient comme
assoupis,& qui les remuent
& lesagitent: mais que les autres
ne s'échauffent pas, parce
que leurs pores ne font pas faits
d'une maniéré propre à admettre
ces petits feux ou esprits.
C'est de là que vient, selon lui,
que le ru bis soutient la chaleur
du feu jusques à 5. jours, & le
diamantjusques à 9 ;ce qui a
fait que les Grecs lui ont donne
le nom d'adamas, qui signifie
invincible.C'est encore, à son
avis,ce qui fait que la pierre aprelié
chalazia, parce qu'elle a la
couleur & la figure de la grêle,
conserve sa froideur dansJe
feu? comme au contraire ce,le
queles-Grecsont appelléeapiyilos,
c'etf à dire irrefrigerable),
étant une fois échauffée, conserve
toute sa chaleur pendant
plusieurs jours.
'-Il ne faut pas oublier que nôtre
auteur ne croit pas que le
froid soit une simple privation
dechaleur, comme la plupart
dumon deselepersuade. Il pretend
que comme la chaleur
consiste dans desesprits de nature
ignée ,
le froid consiste à
l'oppalire dans des esprits froids
églacez.Etil croit le prouver
invinciblement par deux experiences.
La premiere est le froid
insupportable que l'Atlasdela
Chine rapporte qu'il fait toûjours
sur une montagne de la
Prov ince Quan^ft, qui pour cet
te raison est appellée la montagnefroide
;car quoy qu'elle soit
dans la zone torride, elle est
pourtant inhabitable par l'extreme
rigueur du froid. L'autre
est la vertu qu'a la pierre nommée
æmatite, d'empêcher l'eau
de boüillir,sion la jette dans le
vaisseau; & celle qn'elle a d'arrêter
le fang, lors qu'une trop
grande fermentation le fait sortir
hors des veines. L'auteur
croit qu'une même cause produit
l'un & l'autre de ces effets,
& il ne conçoit pas qu'on
puisse attribuer ni le froid de
cette montagne,ni la vertu de
cette pierre, qu'à des exhalaisons
froides,qui arrêtent l'action
& le mouvement des esprits
chauds.
Fermer
Résumé : Traité du feu, dans lequel on établit les vrais fondemens de la Physique.
Le texte, rédigé par le P. C., explore la nature et les propriétés du feu, élément à la fois admirable et dangereux. L'auteur choisit une structure d'entretiens pour éviter un ton trop formel. Il commence par discuter de la supériorité du feu sur l'eau, le considérant comme le plus noble des éléments, essentiel à la vie et aux arts. Le feu est décrit comme un esprit subtil et brûlant, capable de pénétrer tous les corps. L'auteur distingue deux types de feu : les feux vifs, qui possèdent lumière et chaleur, et les feux morts, qui n'ont que la chaleur. Il soutient que, contrairement au feu céleste, tous les autres feux tendent vers le centre de la terre et sont plus pesants que les autres éléments. La troisième dissertation affirme que le feu élémentaire se trouve dans les entrailles de la terre, et non dans la chaleur du soleil ou la vertu des astres. Le texte aborde également des observations et théories scientifiques sur la chaleur, le froid et la génération des substances inanimées. Dans les mines, la chaleur augmente avec la profondeur, rendant le travail des ouvriers difficile. La quatrième dissertation explore la question de savoir si une substance brûlée engendre une nouvelle substance. L'auteur explique que les substances inanimées sont composées de divers corpuscules ayant des propriétés spécifiques. La forme des choses inanimées résulte de l'arrangement naturel de ces corpuscules. Par exemple, la forme d'une maison dépend de la structure et de l'arrangement de ses matériaux. La génération des substances consiste en l'assemblage de différentes parties, tandis que la corruption est la séparation de ces mêmes parties. Une expérience avec du vitriol illustre ce processus : en chauffant le vitriol, on obtient d'abord un phlegme insipide, puis une liqueur astringente, et enfin une terre rouge. En mélangeant les deux liquides avec la terre, le vitriol se reforme. L'auteur affirme que les principes de l'union des parties des corps naturels, impliqués dans la génération, sont les esprits et les sels. Il cite des exemples comme la croissance d'une herbe à partir de terre imbibée de fluides humains et la forme humaine des raiforts poussant sur des lieux d'enterrement. La cinquième dissertation examine la nature du feu et de la chaleur. L'auteur rejette les atomes d'Épicure mais croit en l'existence de corpuscules extrêmement petits, observables au microscope et présents dans divers phénomènes, comme la fièvre. La chaleur est due à l'agitation de petits feux ou esprits ignés dans les corps chauds. L'auteur distingue les corps susceptibles de s'échauffer de ceux qui ne le sont pas, en fonction de leur structure poreuse. Enfin, il ne considère pas le froid comme une simple privation de chaleur, mais comme la présence d'esprits froids, illustrée par des exemples comme le froid extrême sur une montagne en Chine et les propriétés de la pierre hématite.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 2727-2744
DISSERTATION CRITIQUE, sur l'Etat present de l'Italie, concernant les Sciences et les Arts.
Début :
On est si prévenu aujourd'hui en faveur de l'Italie, qu'il a paru nécessaire [...]
Mots clefs :
Italie, Dissertation critique, Gens de Lettres, Livourne, Milan, Sciences, Théologiens, Humanités, Théologie scolastique, Physique
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texteReconnaissance textuelle : DISSERTATION CRITIQUE, sur l'Etat present de l'Italie, concernant les Sciences et les Arts.
DISSERTATION CRITIQUE , sur
l'Etat present de l'Italie , concernant les
Sciences et les Arts.
O
,
N est si prévenu aujourd'hui en
faveur de l'Italie , qu'il a paru nécessaire
de détromper quantité de Personnes
là- dessus. On entend les gens
raisonnables , car pour les entêtez qui
n'ont rapporté pour tout fruit de leurs
Voyages , que beaucoup de prévention
qu'ils communiquent à tout le monde
ou qui ont contracté ce mauvais goût
avec gens de leur caractere ; franchement
ce seroit peine perduë ; mais les Personnes
judicieuses me sçauront gré de les
avoir mises au fait sur tout le merveil
leux qu'on leur débite touchant l'Italie.
Un Voyage de plus de deux ans en ce
Pays-là , et quelque pratique dans les
Arts , peuvent assurer le Lecteur de la
certitude de ce qu'on avance et lui
faire esperer qu'il y trouvera de l'utilité.
Les Italiens ont eû comme toutes les
autres Nations , de grands Hommes dans
les Sciences et dans les Arts. On peut
leur reprocher en general , qu'ils n'ont
1. Vol. Bvj ja-
>
2728 MERCURE DE FRANCE
1.
jamais autant approfondi les Sciences que
les Allemands , les Anglois et les François.
Un peu trop paresseux de leur naturel
, ils prennent pour excuse la chaleur
excessive de leur climat.
On étudie presentement à Rome le
Droit Canon , à Venise la Politique ,
Florence , Boulogne et Padouë , autrefois
si fameuses par leurs Académies ,
n'offrent plus rien presentement que de
médiocre. Les Gens de Lettres , et les
Professeurs qui les composent sont la
plûpart Etrangers. Pour les Villes de Naples
, de Milan , Genes et Livourne , on
n'y parle que de commerce. Les autres
Villes suivent assez ce Plan general .
Les Sciences.
›
pen Tout le monde sçait qu'ils ont eû
de Théologiens depuis environ 2oo . ans ,
( terme que l'on s'est prescrit dans cette
Dissertation. ) On distingue Jerôme Savanarolle
, de Ferrare en 1452. Corneille
Musso , de Plaisance en 1511. le Cardinal
Bellarmin en 1621. Le Cardinal
Laurent Brancati , de Laurea , en 1681.
et le Cardinal Noris en 1704. Le Droit
Canon est aujourd'hui le seul objet des
gens d'Eglise , et ce dont ils ont le plus
I.Vol.
,
de
DECEMBRE. 1731. 2729
de besoin pour s'avancer dans la Chambre
Ecclesiastique. Les Jesuites même ne
s'attachent gueres qu'à la Politique et
aux humanitez. Les seuls Dominicains
du Couvent de la Minerve s'appliquent à
la Théologie Scholastique ; rien n'est
plus ignorant que les autres Moines ; cela
est si vrai , que quand il est question de
décider quelque Dogme de l'Eglise , on
fait venir des Espagnols et des Théologiens
Etrangers.
Ils ont eû quelques fameux Jurisconsultes
, comme Philippe Dece , de Milan
, en 1535. André Alciat , aussi Milanois
, en 1549. Tibere Decian , de
Frioul , en 1581. et Jean Vincent Gra
Calabrois en 1718. Aujourd'hui
leurs Avocats à la Rotte n'étudient que
le Droit écrit , et ne produisent point de
ces beaux Plaidoyers. Rien n'est plus
rare que de voir des ouvrages nouveaux
sur cette matiere .
vina , >
Leurs Philosophes , depuis deux siécles
, sont Jean-Baptiste Platina , de Cremone
, en 1481. Alexandre Picolomini
de Sienne , en 1508. Jerôme Cardan
Padoüan , en 1576. Thomas Campanella ,
Calabrois , mort en 1639. Fortunio Liceti
, Genois , en 1656. et Ulysse Aldrovandus
, Boulonnois , en 1605. qui s'est
I. Vol. dis2730
MERCURE DE FRANCE
distingué par ses beaux ouvrages sur
la Physique et sur l'Histoire naturelle.
Il y a encore cû Angeliste Torricelli ,
mort en 1647. et François Redi , Florentin
, en 1697. On ne voit presque plus
actuellement de Philosophes en Italie.
Il y a quelques Medecins à Padouë et à
Pise , chez qui j'ai trouvé des Cabinets
touchant l'Histoire Naturelle .
,
La Grammaire et l'Eloquence, comptent
parmi ses plus habiles gens , Jean
Bocace , Toscan , en 1313 Ange Politien
, de Florence , en 1494. François
Philelphe , de la Marche d'Anconne , en
1500. le Cardinal Guido Bentivoglio ,
Ferrarois , en 1579. François Panigarole ,
Milanois , Evêque d'Aste en 1582 .
Pierre -Victor , Florentin , en 1585. Jean-
François Loredano , noble Venitien , en
1606. Gabriel Bonarelli , Malvelzi , Gregorrio
, Leti , et Jean Mario Crezinbeni ,
mort depuis peu . L'Académie de la Crus
ca de Florence se soutient encore par
quelques bons ouvrages ; son seul Dictionnaire
l'a renduë fameuse.
Ils ont eû de bons Historiens . Le Cardinal
Pierre Bembo , Venitien , en 1470 .
François Guichardin , Florentin en 1480.
Jean-Baptiste Platina , de Cremone , en
1481. Paul Joue , Milanois , en 1552 .
I. Vol. FraDECEMBR
E. 1731. 2791
Frapaolo , Venitien , en 1552. Onuphre
Panvinius , Veronois , en 1568. le Čardinal
Baronius , Napolitain , en 1607.
Faminius Strada , Jesuite Romain , en
1649. et Bap. Nani , noble Venitien , en
1676.
On s'est toujours attaché en Italie à la
recherche de l'Antiquité , par la nécessité
d'expliquer les beaux restes qui s'y trouvent
de tous côtez . On leur connoît Fulvius
Ursinus , Romain , en 1597. Laurent
Pignoria , Padouan , en 1571. Raphaël
Fabretti , le Pere Kirker , Nardini ,
Donati , Bellori , Mezzabarba , Bonani ,
Rossi. Aujourd'hui cette Science a passé
à des gens qui en font métier public ; on
les appelle Ciceroni.
"
Les meilleurs Medecins qu'ils ayent eû
depuis deux siècles , sont Antonio Francantiani
, en 1500. Jerôme Mercurialis
de Forli , en 1530. Pierre- André Mathiole
, de Sienne , en 1554. Jerôme Fracastor
, de Verone , en 1549. Jules - Paul
Crasso , de Padouë , en 1600. Louis Septal
, Milanois , en 1628. Sanctorius , en
16 11. et Bernardin Ramazzini , en 1714 .
On éprouve presentement à Rome plus
qu'ailleurs , l'incertitude de cette Science
conjecturale la Reine de Pologne en
1714. pensa mourir par l'assistance de
1. Vol. deux
2732 MERCURE DE FRANCE
deux ( 1 ) Medecins que Clement XI. lui
envoya. Heureusement pour elle , un Medecin
Etranger qui voyageoit , et qui
passoit par Rome , la tira d'affaire.
,
On distingue dans l'Anatomie Gabriel
Fallope , de Modene en 1562 , il étoit
aussi très-bon Medecin. Pour la Chirurgie
, les Princes Italiens font venir dans
les grandes operations , des François ,
qui ont porté , comme l'on sçait , cet Art
à un grand degré de perfection.
La Pharmacie est un peu plus cultivée
en Italie , où le soin de la santé occupe
tout le monde. Les laboratoires y sont
fournis de tout. On connoit Hiacinto
Cestoni , en 1713. Les Jardins de simples
sont par tout negligez ; il y en a un à Padoue
un peu en meilleur état ; l'on y fait
peu de Demonstrations publiques . Fabio
Columna Lyncei , Napolitain , s'est distingué
en 1592. et Prosper Alpini , Venitien
, en 1616. Ce n'est pas faute de Professeurs
; ce sont les Disciples qui manquent.
Les Mathématiques ne fournissent pas
d'aussi grands hommes que les autres
Sciences. Ils ont eû Galilée Galilei , de
Florence , en 1642. Cassini , Astronome ,
(1) Jean-Marie Lancisi , Medecin de Clement
XI.
I.Vol.
qui
DECEMBRE 1731 2733
›
qui s'est venu établir en France , Vincent
Viviani , Florentin de l'Académie des
Sciences de France , en 1703. et Bianchini
, Prélat domestique de Clement XI ,
bon Astronome , mort depuis peu . Actuellement
les Professeurs du College de
la Sapience sont presque tous Etrangers.
Le Cavalier Fontana s'est distingué dans
les machines qu'il a inventées du tems
de Sixte V, pour élever ces fameux Obelisques.
Il est aisé de voir par les Profils
qu'il en a donnés , qu'on feroit aujourd'hui
les mêmes Operations , en retranchant
la moitié des mouvemens et de la
dépense. Augustin Ramelli a donné un
Traité de Fontaines et de Machines hydrauliques.
Nous avons le Théatre de
Vittorio Zonca : Torelli et Vigarani , se
sont distinguez en France par leurs belles
Inventions pour le Théatre et pour
les Fontaines.
La Poësie est la Science qui est à present
la mieux cultivée en Italie , mais quel
Parallele à faire de leurs Poëtes d'aujourd'hui
avec ceux qu'ils ont perdus ? Ce
Tasse , fameux Auteur d'un Poëme Epique
que l'on compare à l'Eneïde , Dante
Alighiri , l'Arioste , Petrarque Pietro
Aretino , Sanazar , Fluvio Testi , Joan.
Bap. Marini , Guarini , Scipio Maffei , et
I. Vol.
Joan.
›
2734 MERCURE DE FRANCE
Joan. Georg. Trissino , dont les Livres
sont entre les mains dé tout le monde .
En quoi consiste ce talent d'aujourd'hui ?
Est- ce à produire de beaux Poëmes , des
Pieces de Théatre bien travaillées ? Non :
c'est en Saillies , en pointes d'Esprit , en
Concetti , qui étourdissent le Lecteur , saisissent
d'abord son esprit , l'ébranlent , et
enfin il revient , par la réfléxion de ce
faux merveilleux.
J
La Poësie Italienne ayant des mots élevez
qui ne servent point dans le Discours
ordinaire et qui lui sont , pour ainsi
dire , consacrez devient plus aisée en
cette Langue qu'en toute autre, où il faut
s'écarter des paroles usitées , et s'élever
infiniment pour plaire. Leurs Tragedies
ou Operas sont l'ouvrage de quinze jours.
On prend un sujet pour Cannevas ; on y
larde des ariettes sur l'Amour sur la
jalousie , sur l'inconstance , sur la beauté ,
en un mot , sur quantité de lieux communs
, dont un Poëte a toujours provision
dans son Magazin , et que l'on peut
appeller des selles à tous chevaux . Il n'en
coute qu'un peu de recitatif pour coudre
,
le tout ensemble ; voilà au naturel le travail
d'une Tragedie en musique. Je fus
témoin en 1714 que Carto Sigismondo
Capeci , Académicien de l'Arcadia , et
I. Vol. SecreDECEMBRE
1731. 2735
Secretaire de la Reine de Pologne , composa
deux Tragedies en moins d'un mois.
Quand les Ariettes ne plaisent pas , on
en remet d'autres sur le champ , cela ne
coute rien . Un petit Sonnet , un Madrigal
faux dans la pensée , pourvû qu'il ait
une pointe , suffit pour élever un Italien ,
et l'admettre aux Académies .
Qu'on ne me reproche point de parler
en homme qui a quelque aigreur contre
les Italiens j'en ai reçu tout ce que je
pouvois souhaitter. Clement XI . m'a fait
Chevalier Romain , et les Académiciens
de l'Arcadia m'admirent dans leur corps
sur un petit ouvrage que je leur presentay.
J'allois deux fois la semaine à leurs
conférences , qui se passoient à parler de
nouvelles , et à lire quelque Sonnet . Peutêtre
me taxera-t'on , d'un autre côté, d'ingratitude
c'est la verité qui me fait
agir en cette occasion , et l'envie seule de
détromper bien des gens trop prévenus
pour I'Italie , en lisant à quel degré étoit
montée son ancienne gloire dans les Arts
et les Sciences , sans songer à l'état present
où elle se trouve . ( 1 )
( 1 ) Le Journal Litteraire d'Italie , qui paroit
depuis deux ou trois années , malgré son
Emphase , hors des Poëtes et des Antiquaires ,
produit peu d'autres Sçavans.
I. Vol. Les
2736 MERCURE DE FRANCE
Les Arts paroissent d'abord avoir moins
perdu que les Sciences en Italie cepen- ;
dant c'est l'endroit le plus foible ; je n'en
excepte que la Musique.
>
L'Architecture a été portée fort loin ,“
et ils ont eû de fort habiles gens . Je ne
parle pas de Vitruve , et des anciens Romains
qui la tenoient des Grecs , je parle
depuis deux siècles , à commencer par
Bramante,Michel Ange Buonarotta,Jule ,
Romain , Le Vignole , Sansovino , Charles
Maderno , Palladio , Scamozzi , Serlio
, Fontana , Porta , Le Bernin , l'Algarde
, Guarini , Rainaldi et Le Borromini.
Ce dernier par la bizarrerie de ses
Profils a corrompu tout le bon goût des
anciens et des modernes , affectant de ne
jamais employer une ligne droite dans ses
corniches et dans ses couronnements. Ces
idées extravagantes , pour s'écarter de la
route ordinaire , ont frayé une fort mauvaise
voie qui n'est que trop suivie para
les Architectes du temps. Il faut avoir les
yeux bien bouchez pour ne les pas ouvrir
sur tous ces grands modeles qui sont de
vant eux . Ce Pantheon admirable pour
les proportions , ce Colisée pour la gran
de Ordonnance le Temple de la Paix
pour la magnificence de ses voutes , les
Arcs de Septime Severe et de Titus pour
I.Vol.
و
leurs
DECEMBRE 1731. 2737
,
leurs belles Colonnes , les Temples de la
Fortune virile , de Vesta , d'Antonin et
= de Faustine , un reste d'un Temple de
Minerve dans le Campo Vacino et le
Portique de Septimius dans le Marché
aux Poissons , si élegants pour l'Ordonnance
, les Chapiteaux et les belles Corniches
, avec des morceaux d'une Sculp-
4ture excellente. Leurs Palais presentement
sont d'un goût mesquin dans les Ringhieres
les couronnements et les Pourtours
des Croisées. Rien n'est si mal distribué
pour les Escaliers et pour les commoditez
de la vie ; il semble que la Façade
soit faite aux dépens du dedans.
,
و
Pour la Peinture , c'est peut-être en cet
Art où les Italiens ont le plus perdu. Dégenerez
de cet ancien lustre , où Raphaël
et Jule- Romain l'avoient porté à
Rome , Michel- Ange à Florence , le Titien
à Venise , Le Correge à Parme , et
les Carraches à Boulogne , ils n'ont pas
aujourd'hui un Peintre qu'ils puissent citer.
Andrea Sacchi , Carlo Marati , et Benedetto
Lutti, ont soutenu pendant que !-
que temps la Peinture à Rome , Sebastien
( 1 ) Ricci à Venise , Carlo Cigniani
à Boulogne , et Solimene à Naples ; ils ne
sont plus.
(1) Le Ricci est très -vieux , et ne travaille
plus.
I. Vol . Est2738
MERCURE DE FRANCE
, Est- ce un Sebastien Concha à Rome
un Crespi à Boulogne , un Piazetti à Venise
, qui étayeront la réputation de ces
grands hommes ? Trop foibles Dessinateurs
, ou trop mauvais Coloristes , personne
ne les en croira capables. Quels reproches
tacites ne leur font pas tous les
beaux morceaux de Peinture qu'ils possedent
à commencer par le grand Raphaël
; il est vrai que la plus grande partie
en est effacée ou retouchée ; mais on y
trouve toujours les pensées fines de ce
grand Peintre , les beaux contours
la
partie du coloris où il étoit le plus foible ,
est celle qui a le plus perdu . Le petit (1)
Palais Farnese en est une preuve , ayant
été retouché par Carlomarati , qui ayant
couvert tous les fonds d'Outremer , en a
ôté l'accord , et a rendu la couleur des
chairs plus noires et tirant sur la brique.
Les douze grands morceaux peints à Fresque
dans les salles du Vatican , ont été
la plupart rétouchez , et les autres sont
si noircis par le temps , qu'on a de la peine
à en jouir , excepté dans quelques heures
de la journée. Qui ne se rappelle à regret
,
(x) Raphaël y a peint un plafond , en deux
grands morceaux , le Banquet des Dieux pour
Les nopces de Psyché , l'autre leur assamblée
pour la déïfier.
I. Vol. Cette
DECEMBRE . 1731. 2739
י ז
.
Cette fameuse Ecole d'Athénes , la dispute
du Saint Sacrement , l'Incendie du
Bourg S. Pierre , le Mont Parnasse , la
Prison de S. Pierre , et le morceau que
tous les curieux connoissent sous le nom.
de la Messe ?
La grande Bataille de Constantin contre
le Tyran Maxence , peinte par Jule Romain,
est bien conservée , et est un grand
objet à imiter pour les caracteres. Les ( 1)
Loges du Vatican étant exposées à l'injure
des temps dans les trois étages , sont
fort effacées cependant on y découvre
une grande maniere , capable de former
un habile homme qui y feroit les réfléxions
nécessaires .
Sans parler des Tableaux de Chevalet qui
se trouvent en grand nombre dans tous
les Palais ; quel beau modele n'est - ce pas
pour un Peintre , que le ( 2 ) Plafond du
Palais Barberin , peint par Pierre de Cors
tonne; rien de plus grand, rien de mieux
( 1 ) Ces Loges représentent au premier étage
des feuillages et des Oyseaux. Au second , qui
est le plus beau ; c'est l'histoire de l'ancien et
du nouveau Testament . Le troisiéme Etage est
peint en sujet d'histoire , d'ornemens , avec des
Paisages et des Cartes Géographiques .
( Onnyy voit le Triomphe de la Gloire , ac
compagné des Vertus et d'autres Figures allé,
goriques à l'histoire d'Urbain VIII.
1. Vol
pensé
2740 MERCURE DE FRANCE.
pensé ne se peut imaginer. La belle touche
, le grand ton de couleur y égalent la
correction. L'Eglise de S. André Dellavallé
, offre ( 3 ) quatre Angles du Dominiquain
, qui sont des Morceaux admirables
et bien conservez , et un Dôme , où
le Cavalier Lanfranc a representé le Paradis
, d'une force et d'un caractere inimitables.
و
>
A Venise , ce sont des Paul Véronese ,
des Tintoret , et des Bassans qui enchantent
et qui paroissent tout neufs , hors
les Titien qui sont un peu gâtez.
A Naples , on voit des Fresques de Lucas
Jordans et de Solimene , qui éton
nent ; ainsi que des morceaux de Ribera
ou l'Espagnolet. Florence offre des Peintures
de quelques Maîtres Florentins , as -
sez bons ; mais la Galerie du Grand Duc
est remplie de tant de belles choses , que
c'est un Trésor pour un Peintre.
Parme est enrichie des Ouvrages du
Parmesan; il ne faut plus parler des beaux
Correges qui étoient dans les Eglises , le
temps les a entierement ruinez . Modéne ,
dans le Palais du Duc , en est encore toute
remplie. Boulogne est celebre par les
beaux Caraches . Milan et Gênes possedent
des Fresques étonnans de Bibiena , de
( 3 ) Ce sont les quatre Evangelistes .
I. Vol. Carlone
DECEMBRE 1731. 2741
Carlone , de Francischini et de Quaini,
Tous ces beaux Monumens font le procès
à l'ignorance actuelle des Italiens.
Sans parler de Michel -Ange , de Bacio
Bandinelli , de Sansovino , du Sardi, Donatelli
, Francesco Rustichi , Daniel de
Volterre , Jean Bologna , l'Algarde , le
Cavalier Bernin , Domenico Guidi , et
Camille Rusconi , qui est le dernier mort,
On peut dire qu'ils n'ont pas actuellement
un bon Sculpteur. Les François et
les autres Etrangers y suppléent depuis
long- temps ( 1 ) .
Ce n'est pas manque de beaux Morceaux
antiques: Quels exemples à suivre que les
Colonnes Trajanne et Antonine , les Basreliefs
de l'Arc de Constantin et les belles
Figures qui sont à Belvedere , pour ne
pas entrer dans un plus grand détail.
Il ne faut pas parler des Graveurs Italiens
modernes , aussi ne s'en piquent-ils
pas. Ce sont ordinairement des François
2 ) et des Allemans , qui s'y viennent
établir. Tout le monde sçait qu'ils ont eu
autrefois le fameux Marc- Antoine , Graveur
de Raphaël , Augustin Vénitien
Eneas Vicus , Sylvestre de Ravenne,Jule
( 1 ) Le Gros , Théodon , François Flamant,
dit le Quenoy , Bouchardon.
( 2 ) Jacques Freii.
I. Vol.
C Be2742
MERCURE DE FRANCE
Bonasone , Suavius , Augustin Carache
Villamena , Martin Rota , les Mantuans
Cherubin- Albert , et Pietro Sancti Barto'i.
Le Vigarani et l'Algardi ont imaginé
autrefois d'assez beaux Jardins , avec des
Fontaines ingénieuses ; présentement les
Ducs de Parme et de Modéne , ainsi que
le Roy de Sardaigne , ont fait venir des
Jardiniers François. Les Jardins de Tivoli
, de Frescati , de Colorne , Sassuolo,
Pratolino et la Vénerie , qui sont les plus
fameux Jardins d'Italie , sont d'un goût
fort mesquin , et ceux à Rome qui se distinguent
le plus, comme les Vignes Pamphile
et Ludovisi , sont du dessein de le
Nôtre.
La Musique est la partie des Arts la
mieux cultivée en Italie , et c'est celle où
f'on réussit le mieux. On sçait assez qu'elle
est la ressource des Faineans. Comme
l'on paye bien les Musiciens , chacun s'efforce
à réussir ; les parens y sacrifient la
virilité de leurs garçons. Nous avons de
beaux morceaux de Bassani , de Carissimi,
du fameux Corelli , Albinoni , Vivaldi
Scarlatti , Valentini et autres ; rien ne les
gêne dans leurs caprices; on ne s'embarasse
point de suivre le sens des paroles et d'en
rendre en Musique l'expression . Le méri-
1.Vol. te
DECEMBRE 1731 2743
que
te de Lully qui a si - bien exprimé les paroles
, y est compté pour rien ; pourva
le Musicien ait une saillie nouvelle et
qui soit tres-vive , on n'en demande pas
davantage , son but n'est pas d'aller au
coeur, il se contente de surprendre l'oreille
; il fait chanter la partie du Violon à la
voix qui se donne bien du tourment pour
y réussir , jusqu'à employer des grimaces
affreuses sur le Théatre ; cela est divin , selon
eux. Albinoni me disoit à Venise
qu'il n'étoit jamais un mois à composer
un Opéra, Il en a fait plus de 200. Il n'y
a point de Choeurs ni de Danses , ce qui
fait le grand travail des Musiciens. Deux
Duo , un Trio , quelquefois un Quatuor ,
se trouvent à la fin ; aussi ces Ouvrages
meurent-ils en naissant,on ne les reprend
jamais ; on veut toujours du nouveau ;
l'ennui qu'ils vous causent n'est pas concevable
, et l'on y dormiroit sans le secours
des Ariettes qui vous reveillent de
temps en temps.
Un Lecteur judicieux après avoir lû
ces Remarques , peut- il encore conserver
sa prévention pour l'Italie , et ne pas
jetter des yeux desinterressez sur les belles
choses qu'il trouve en son Païs et dans
les autres Parties de l'Europe. Combien y
en a - t - il en France , en Angleterre , en
1. Vol. Cij Es
2744 MERCURE DE FRANCE
Espagne , en Portugal , en Hollande et en
Flandres ? Pourquoi ne pas rendre justice
à tant d'habiles gens qui habitent ces differens
Climats ? Ils ne sont pas Italiens , je
l'avouë , il ne reste plus qu'à examiner ,
s'il ne valent pas mieux qu'eux dans la
Litterature et dans les Arts qu'ils professent.
C'est une compensation de mérite
que la justice doit faire , sans avoir égard aut
Païs.J'aime le beau ,disoit un de nos grands
(i ) Curieux , mais le Beau de tout Païs.
( 1 ) Feu M. de Montarsis , Garde des Pierres
vies de la Couronne.
l'Etat present de l'Italie , concernant les
Sciences et les Arts.
O
,
N est si prévenu aujourd'hui en
faveur de l'Italie , qu'il a paru nécessaire
de détromper quantité de Personnes
là- dessus. On entend les gens
raisonnables , car pour les entêtez qui
n'ont rapporté pour tout fruit de leurs
Voyages , que beaucoup de prévention
qu'ils communiquent à tout le monde
ou qui ont contracté ce mauvais goût
avec gens de leur caractere ; franchement
ce seroit peine perduë ; mais les Personnes
judicieuses me sçauront gré de les
avoir mises au fait sur tout le merveil
leux qu'on leur débite touchant l'Italie.
Un Voyage de plus de deux ans en ce
Pays-là , et quelque pratique dans les
Arts , peuvent assurer le Lecteur de la
certitude de ce qu'on avance et lui
faire esperer qu'il y trouvera de l'utilité.
Les Italiens ont eû comme toutes les
autres Nations , de grands Hommes dans
les Sciences et dans les Arts. On peut
leur reprocher en general , qu'ils n'ont
1. Vol. Bvj ja-
>
2728 MERCURE DE FRANCE
1.
jamais autant approfondi les Sciences que
les Allemands , les Anglois et les François.
Un peu trop paresseux de leur naturel
, ils prennent pour excuse la chaleur
excessive de leur climat.
On étudie presentement à Rome le
Droit Canon , à Venise la Politique ,
Florence , Boulogne et Padouë , autrefois
si fameuses par leurs Académies ,
n'offrent plus rien presentement que de
médiocre. Les Gens de Lettres , et les
Professeurs qui les composent sont la
plûpart Etrangers. Pour les Villes de Naples
, de Milan , Genes et Livourne , on
n'y parle que de commerce. Les autres
Villes suivent assez ce Plan general .
Les Sciences.
›
pen Tout le monde sçait qu'ils ont eû
de Théologiens depuis environ 2oo . ans ,
( terme que l'on s'est prescrit dans cette
Dissertation. ) On distingue Jerôme Savanarolle
, de Ferrare en 1452. Corneille
Musso , de Plaisance en 1511. le Cardinal
Bellarmin en 1621. Le Cardinal
Laurent Brancati , de Laurea , en 1681.
et le Cardinal Noris en 1704. Le Droit
Canon est aujourd'hui le seul objet des
gens d'Eglise , et ce dont ils ont le plus
I.Vol.
,
de
DECEMBRE. 1731. 2729
de besoin pour s'avancer dans la Chambre
Ecclesiastique. Les Jesuites même ne
s'attachent gueres qu'à la Politique et
aux humanitez. Les seuls Dominicains
du Couvent de la Minerve s'appliquent à
la Théologie Scholastique ; rien n'est
plus ignorant que les autres Moines ; cela
est si vrai , que quand il est question de
décider quelque Dogme de l'Eglise , on
fait venir des Espagnols et des Théologiens
Etrangers.
Ils ont eû quelques fameux Jurisconsultes
, comme Philippe Dece , de Milan
, en 1535. André Alciat , aussi Milanois
, en 1549. Tibere Decian , de
Frioul , en 1581. et Jean Vincent Gra
Calabrois en 1718. Aujourd'hui
leurs Avocats à la Rotte n'étudient que
le Droit écrit , et ne produisent point de
ces beaux Plaidoyers. Rien n'est plus
rare que de voir des ouvrages nouveaux
sur cette matiere .
vina , >
Leurs Philosophes , depuis deux siécles
, sont Jean-Baptiste Platina , de Cremone
, en 1481. Alexandre Picolomini
de Sienne , en 1508. Jerôme Cardan
Padoüan , en 1576. Thomas Campanella ,
Calabrois , mort en 1639. Fortunio Liceti
, Genois , en 1656. et Ulysse Aldrovandus
, Boulonnois , en 1605. qui s'est
I. Vol. dis2730
MERCURE DE FRANCE
distingué par ses beaux ouvrages sur
la Physique et sur l'Histoire naturelle.
Il y a encore cû Angeliste Torricelli ,
mort en 1647. et François Redi , Florentin
, en 1697. On ne voit presque plus
actuellement de Philosophes en Italie.
Il y a quelques Medecins à Padouë et à
Pise , chez qui j'ai trouvé des Cabinets
touchant l'Histoire Naturelle .
,
La Grammaire et l'Eloquence, comptent
parmi ses plus habiles gens , Jean
Bocace , Toscan , en 1313 Ange Politien
, de Florence , en 1494. François
Philelphe , de la Marche d'Anconne , en
1500. le Cardinal Guido Bentivoglio ,
Ferrarois , en 1579. François Panigarole ,
Milanois , Evêque d'Aste en 1582 .
Pierre -Victor , Florentin , en 1585. Jean-
François Loredano , noble Venitien , en
1606. Gabriel Bonarelli , Malvelzi , Gregorrio
, Leti , et Jean Mario Crezinbeni ,
mort depuis peu . L'Académie de la Crus
ca de Florence se soutient encore par
quelques bons ouvrages ; son seul Dictionnaire
l'a renduë fameuse.
Ils ont eû de bons Historiens . Le Cardinal
Pierre Bembo , Venitien , en 1470 .
François Guichardin , Florentin en 1480.
Jean-Baptiste Platina , de Cremone , en
1481. Paul Joue , Milanois , en 1552 .
I. Vol. FraDECEMBR
E. 1731. 2791
Frapaolo , Venitien , en 1552. Onuphre
Panvinius , Veronois , en 1568. le Čardinal
Baronius , Napolitain , en 1607.
Faminius Strada , Jesuite Romain , en
1649. et Bap. Nani , noble Venitien , en
1676.
On s'est toujours attaché en Italie à la
recherche de l'Antiquité , par la nécessité
d'expliquer les beaux restes qui s'y trouvent
de tous côtez . On leur connoît Fulvius
Ursinus , Romain , en 1597. Laurent
Pignoria , Padouan , en 1571. Raphaël
Fabretti , le Pere Kirker , Nardini ,
Donati , Bellori , Mezzabarba , Bonani ,
Rossi. Aujourd'hui cette Science a passé
à des gens qui en font métier public ; on
les appelle Ciceroni.
"
Les meilleurs Medecins qu'ils ayent eû
depuis deux siècles , sont Antonio Francantiani
, en 1500. Jerôme Mercurialis
de Forli , en 1530. Pierre- André Mathiole
, de Sienne , en 1554. Jerôme Fracastor
, de Verone , en 1549. Jules - Paul
Crasso , de Padouë , en 1600. Louis Septal
, Milanois , en 1628. Sanctorius , en
16 11. et Bernardin Ramazzini , en 1714 .
On éprouve presentement à Rome plus
qu'ailleurs , l'incertitude de cette Science
conjecturale la Reine de Pologne en
1714. pensa mourir par l'assistance de
1. Vol. deux
2732 MERCURE DE FRANCE
deux ( 1 ) Medecins que Clement XI. lui
envoya. Heureusement pour elle , un Medecin
Etranger qui voyageoit , et qui
passoit par Rome , la tira d'affaire.
,
On distingue dans l'Anatomie Gabriel
Fallope , de Modene en 1562 , il étoit
aussi très-bon Medecin. Pour la Chirurgie
, les Princes Italiens font venir dans
les grandes operations , des François ,
qui ont porté , comme l'on sçait , cet Art
à un grand degré de perfection.
La Pharmacie est un peu plus cultivée
en Italie , où le soin de la santé occupe
tout le monde. Les laboratoires y sont
fournis de tout. On connoit Hiacinto
Cestoni , en 1713. Les Jardins de simples
sont par tout negligez ; il y en a un à Padoue
un peu en meilleur état ; l'on y fait
peu de Demonstrations publiques . Fabio
Columna Lyncei , Napolitain , s'est distingué
en 1592. et Prosper Alpini , Venitien
, en 1616. Ce n'est pas faute de Professeurs
; ce sont les Disciples qui manquent.
Les Mathématiques ne fournissent pas
d'aussi grands hommes que les autres
Sciences. Ils ont eû Galilée Galilei , de
Florence , en 1642. Cassini , Astronome ,
(1) Jean-Marie Lancisi , Medecin de Clement
XI.
I.Vol.
qui
DECEMBRE 1731 2733
›
qui s'est venu établir en France , Vincent
Viviani , Florentin de l'Académie des
Sciences de France , en 1703. et Bianchini
, Prélat domestique de Clement XI ,
bon Astronome , mort depuis peu . Actuellement
les Professeurs du College de
la Sapience sont presque tous Etrangers.
Le Cavalier Fontana s'est distingué dans
les machines qu'il a inventées du tems
de Sixte V, pour élever ces fameux Obelisques.
Il est aisé de voir par les Profils
qu'il en a donnés , qu'on feroit aujourd'hui
les mêmes Operations , en retranchant
la moitié des mouvemens et de la
dépense. Augustin Ramelli a donné un
Traité de Fontaines et de Machines hydrauliques.
Nous avons le Théatre de
Vittorio Zonca : Torelli et Vigarani , se
sont distinguez en France par leurs belles
Inventions pour le Théatre et pour
les Fontaines.
La Poësie est la Science qui est à present
la mieux cultivée en Italie , mais quel
Parallele à faire de leurs Poëtes d'aujourd'hui
avec ceux qu'ils ont perdus ? Ce
Tasse , fameux Auteur d'un Poëme Epique
que l'on compare à l'Eneïde , Dante
Alighiri , l'Arioste , Petrarque Pietro
Aretino , Sanazar , Fluvio Testi , Joan.
Bap. Marini , Guarini , Scipio Maffei , et
I. Vol.
Joan.
›
2734 MERCURE DE FRANCE
Joan. Georg. Trissino , dont les Livres
sont entre les mains dé tout le monde .
En quoi consiste ce talent d'aujourd'hui ?
Est- ce à produire de beaux Poëmes , des
Pieces de Théatre bien travaillées ? Non :
c'est en Saillies , en pointes d'Esprit , en
Concetti , qui étourdissent le Lecteur , saisissent
d'abord son esprit , l'ébranlent , et
enfin il revient , par la réfléxion de ce
faux merveilleux.
J
La Poësie Italienne ayant des mots élevez
qui ne servent point dans le Discours
ordinaire et qui lui sont , pour ainsi
dire , consacrez devient plus aisée en
cette Langue qu'en toute autre, où il faut
s'écarter des paroles usitées , et s'élever
infiniment pour plaire. Leurs Tragedies
ou Operas sont l'ouvrage de quinze jours.
On prend un sujet pour Cannevas ; on y
larde des ariettes sur l'Amour sur la
jalousie , sur l'inconstance , sur la beauté ,
en un mot , sur quantité de lieux communs
, dont un Poëte a toujours provision
dans son Magazin , et que l'on peut
appeller des selles à tous chevaux . Il n'en
coute qu'un peu de recitatif pour coudre
,
le tout ensemble ; voilà au naturel le travail
d'une Tragedie en musique. Je fus
témoin en 1714 que Carto Sigismondo
Capeci , Académicien de l'Arcadia , et
I. Vol. SecreDECEMBRE
1731. 2735
Secretaire de la Reine de Pologne , composa
deux Tragedies en moins d'un mois.
Quand les Ariettes ne plaisent pas , on
en remet d'autres sur le champ , cela ne
coute rien . Un petit Sonnet , un Madrigal
faux dans la pensée , pourvû qu'il ait
une pointe , suffit pour élever un Italien ,
et l'admettre aux Académies .
Qu'on ne me reproche point de parler
en homme qui a quelque aigreur contre
les Italiens j'en ai reçu tout ce que je
pouvois souhaitter. Clement XI . m'a fait
Chevalier Romain , et les Académiciens
de l'Arcadia m'admirent dans leur corps
sur un petit ouvrage que je leur presentay.
J'allois deux fois la semaine à leurs
conférences , qui se passoient à parler de
nouvelles , et à lire quelque Sonnet . Peutêtre
me taxera-t'on , d'un autre côté, d'ingratitude
c'est la verité qui me fait
agir en cette occasion , et l'envie seule de
détromper bien des gens trop prévenus
pour I'Italie , en lisant à quel degré étoit
montée son ancienne gloire dans les Arts
et les Sciences , sans songer à l'état present
où elle se trouve . ( 1 )
( 1 ) Le Journal Litteraire d'Italie , qui paroit
depuis deux ou trois années , malgré son
Emphase , hors des Poëtes et des Antiquaires ,
produit peu d'autres Sçavans.
I. Vol. Les
2736 MERCURE DE FRANCE
Les Arts paroissent d'abord avoir moins
perdu que les Sciences en Italie cepen- ;
dant c'est l'endroit le plus foible ; je n'en
excepte que la Musique.
>
L'Architecture a été portée fort loin ,“
et ils ont eû de fort habiles gens . Je ne
parle pas de Vitruve , et des anciens Romains
qui la tenoient des Grecs , je parle
depuis deux siècles , à commencer par
Bramante,Michel Ange Buonarotta,Jule ,
Romain , Le Vignole , Sansovino , Charles
Maderno , Palladio , Scamozzi , Serlio
, Fontana , Porta , Le Bernin , l'Algarde
, Guarini , Rainaldi et Le Borromini.
Ce dernier par la bizarrerie de ses
Profils a corrompu tout le bon goût des
anciens et des modernes , affectant de ne
jamais employer une ligne droite dans ses
corniches et dans ses couronnements. Ces
idées extravagantes , pour s'écarter de la
route ordinaire , ont frayé une fort mauvaise
voie qui n'est que trop suivie para
les Architectes du temps. Il faut avoir les
yeux bien bouchez pour ne les pas ouvrir
sur tous ces grands modeles qui sont de
vant eux . Ce Pantheon admirable pour
les proportions , ce Colisée pour la gran
de Ordonnance le Temple de la Paix
pour la magnificence de ses voutes , les
Arcs de Septime Severe et de Titus pour
I.Vol.
و
leurs
DECEMBRE 1731. 2737
,
leurs belles Colonnes , les Temples de la
Fortune virile , de Vesta , d'Antonin et
= de Faustine , un reste d'un Temple de
Minerve dans le Campo Vacino et le
Portique de Septimius dans le Marché
aux Poissons , si élegants pour l'Ordonnance
, les Chapiteaux et les belles Corniches
, avec des morceaux d'une Sculp-
4ture excellente. Leurs Palais presentement
sont d'un goût mesquin dans les Ringhieres
les couronnements et les Pourtours
des Croisées. Rien n'est si mal distribué
pour les Escaliers et pour les commoditez
de la vie ; il semble que la Façade
soit faite aux dépens du dedans.
,
و
Pour la Peinture , c'est peut-être en cet
Art où les Italiens ont le plus perdu. Dégenerez
de cet ancien lustre , où Raphaël
et Jule- Romain l'avoient porté à
Rome , Michel- Ange à Florence , le Titien
à Venise , Le Correge à Parme , et
les Carraches à Boulogne , ils n'ont pas
aujourd'hui un Peintre qu'ils puissent citer.
Andrea Sacchi , Carlo Marati , et Benedetto
Lutti, ont soutenu pendant que !-
que temps la Peinture à Rome , Sebastien
( 1 ) Ricci à Venise , Carlo Cigniani
à Boulogne , et Solimene à Naples ; ils ne
sont plus.
(1) Le Ricci est très -vieux , et ne travaille
plus.
I. Vol . Est2738
MERCURE DE FRANCE
, Est- ce un Sebastien Concha à Rome
un Crespi à Boulogne , un Piazetti à Venise
, qui étayeront la réputation de ces
grands hommes ? Trop foibles Dessinateurs
, ou trop mauvais Coloristes , personne
ne les en croira capables. Quels reproches
tacites ne leur font pas tous les
beaux morceaux de Peinture qu'ils possedent
à commencer par le grand Raphaël
; il est vrai que la plus grande partie
en est effacée ou retouchée ; mais on y
trouve toujours les pensées fines de ce
grand Peintre , les beaux contours
la
partie du coloris où il étoit le plus foible ,
est celle qui a le plus perdu . Le petit (1)
Palais Farnese en est une preuve , ayant
été retouché par Carlomarati , qui ayant
couvert tous les fonds d'Outremer , en a
ôté l'accord , et a rendu la couleur des
chairs plus noires et tirant sur la brique.
Les douze grands morceaux peints à Fresque
dans les salles du Vatican , ont été
la plupart rétouchez , et les autres sont
si noircis par le temps , qu'on a de la peine
à en jouir , excepté dans quelques heures
de la journée. Qui ne se rappelle à regret
,
(x) Raphaël y a peint un plafond , en deux
grands morceaux , le Banquet des Dieux pour
Les nopces de Psyché , l'autre leur assamblée
pour la déïfier.
I. Vol. Cette
DECEMBRE . 1731. 2739
י ז
.
Cette fameuse Ecole d'Athénes , la dispute
du Saint Sacrement , l'Incendie du
Bourg S. Pierre , le Mont Parnasse , la
Prison de S. Pierre , et le morceau que
tous les curieux connoissent sous le nom.
de la Messe ?
La grande Bataille de Constantin contre
le Tyran Maxence , peinte par Jule Romain,
est bien conservée , et est un grand
objet à imiter pour les caracteres. Les ( 1)
Loges du Vatican étant exposées à l'injure
des temps dans les trois étages , sont
fort effacées cependant on y découvre
une grande maniere , capable de former
un habile homme qui y feroit les réfléxions
nécessaires .
Sans parler des Tableaux de Chevalet qui
se trouvent en grand nombre dans tous
les Palais ; quel beau modele n'est - ce pas
pour un Peintre , que le ( 2 ) Plafond du
Palais Barberin , peint par Pierre de Cors
tonne; rien de plus grand, rien de mieux
( 1 ) Ces Loges représentent au premier étage
des feuillages et des Oyseaux. Au second , qui
est le plus beau ; c'est l'histoire de l'ancien et
du nouveau Testament . Le troisiéme Etage est
peint en sujet d'histoire , d'ornemens , avec des
Paisages et des Cartes Géographiques .
( Onnyy voit le Triomphe de la Gloire , ac
compagné des Vertus et d'autres Figures allé,
goriques à l'histoire d'Urbain VIII.
1. Vol
pensé
2740 MERCURE DE FRANCE.
pensé ne se peut imaginer. La belle touche
, le grand ton de couleur y égalent la
correction. L'Eglise de S. André Dellavallé
, offre ( 3 ) quatre Angles du Dominiquain
, qui sont des Morceaux admirables
et bien conservez , et un Dôme , où
le Cavalier Lanfranc a representé le Paradis
, d'une force et d'un caractere inimitables.
و
>
A Venise , ce sont des Paul Véronese ,
des Tintoret , et des Bassans qui enchantent
et qui paroissent tout neufs , hors
les Titien qui sont un peu gâtez.
A Naples , on voit des Fresques de Lucas
Jordans et de Solimene , qui éton
nent ; ainsi que des morceaux de Ribera
ou l'Espagnolet. Florence offre des Peintures
de quelques Maîtres Florentins , as -
sez bons ; mais la Galerie du Grand Duc
est remplie de tant de belles choses , que
c'est un Trésor pour un Peintre.
Parme est enrichie des Ouvrages du
Parmesan; il ne faut plus parler des beaux
Correges qui étoient dans les Eglises , le
temps les a entierement ruinez . Modéne ,
dans le Palais du Duc , en est encore toute
remplie. Boulogne est celebre par les
beaux Caraches . Milan et Gênes possedent
des Fresques étonnans de Bibiena , de
( 3 ) Ce sont les quatre Evangelistes .
I. Vol. Carlone
DECEMBRE 1731. 2741
Carlone , de Francischini et de Quaini,
Tous ces beaux Monumens font le procès
à l'ignorance actuelle des Italiens.
Sans parler de Michel -Ange , de Bacio
Bandinelli , de Sansovino , du Sardi, Donatelli
, Francesco Rustichi , Daniel de
Volterre , Jean Bologna , l'Algarde , le
Cavalier Bernin , Domenico Guidi , et
Camille Rusconi , qui est le dernier mort,
On peut dire qu'ils n'ont pas actuellement
un bon Sculpteur. Les François et
les autres Etrangers y suppléent depuis
long- temps ( 1 ) .
Ce n'est pas manque de beaux Morceaux
antiques: Quels exemples à suivre que les
Colonnes Trajanne et Antonine , les Basreliefs
de l'Arc de Constantin et les belles
Figures qui sont à Belvedere , pour ne
pas entrer dans un plus grand détail.
Il ne faut pas parler des Graveurs Italiens
modernes , aussi ne s'en piquent-ils
pas. Ce sont ordinairement des François
2 ) et des Allemans , qui s'y viennent
établir. Tout le monde sçait qu'ils ont eu
autrefois le fameux Marc- Antoine , Graveur
de Raphaël , Augustin Vénitien
Eneas Vicus , Sylvestre de Ravenne,Jule
( 1 ) Le Gros , Théodon , François Flamant,
dit le Quenoy , Bouchardon.
( 2 ) Jacques Freii.
I. Vol.
C Be2742
MERCURE DE FRANCE
Bonasone , Suavius , Augustin Carache
Villamena , Martin Rota , les Mantuans
Cherubin- Albert , et Pietro Sancti Barto'i.
Le Vigarani et l'Algardi ont imaginé
autrefois d'assez beaux Jardins , avec des
Fontaines ingénieuses ; présentement les
Ducs de Parme et de Modéne , ainsi que
le Roy de Sardaigne , ont fait venir des
Jardiniers François. Les Jardins de Tivoli
, de Frescati , de Colorne , Sassuolo,
Pratolino et la Vénerie , qui sont les plus
fameux Jardins d'Italie , sont d'un goût
fort mesquin , et ceux à Rome qui se distinguent
le plus, comme les Vignes Pamphile
et Ludovisi , sont du dessein de le
Nôtre.
La Musique est la partie des Arts la
mieux cultivée en Italie , et c'est celle où
f'on réussit le mieux. On sçait assez qu'elle
est la ressource des Faineans. Comme
l'on paye bien les Musiciens , chacun s'efforce
à réussir ; les parens y sacrifient la
virilité de leurs garçons. Nous avons de
beaux morceaux de Bassani , de Carissimi,
du fameux Corelli , Albinoni , Vivaldi
Scarlatti , Valentini et autres ; rien ne les
gêne dans leurs caprices; on ne s'embarasse
point de suivre le sens des paroles et d'en
rendre en Musique l'expression . Le méri-
1.Vol. te
DECEMBRE 1731 2743
que
te de Lully qui a si - bien exprimé les paroles
, y est compté pour rien ; pourva
le Musicien ait une saillie nouvelle et
qui soit tres-vive , on n'en demande pas
davantage , son but n'est pas d'aller au
coeur, il se contente de surprendre l'oreille
; il fait chanter la partie du Violon à la
voix qui se donne bien du tourment pour
y réussir , jusqu'à employer des grimaces
affreuses sur le Théatre ; cela est divin , selon
eux. Albinoni me disoit à Venise
qu'il n'étoit jamais un mois à composer
un Opéra, Il en a fait plus de 200. Il n'y
a point de Choeurs ni de Danses , ce qui
fait le grand travail des Musiciens. Deux
Duo , un Trio , quelquefois un Quatuor ,
se trouvent à la fin ; aussi ces Ouvrages
meurent-ils en naissant,on ne les reprend
jamais ; on veut toujours du nouveau ;
l'ennui qu'ils vous causent n'est pas concevable
, et l'on y dormiroit sans le secours
des Ariettes qui vous reveillent de
temps en temps.
Un Lecteur judicieux après avoir lû
ces Remarques , peut- il encore conserver
sa prévention pour l'Italie , et ne pas
jetter des yeux desinterressez sur les belles
choses qu'il trouve en son Païs et dans
les autres Parties de l'Europe. Combien y
en a - t - il en France , en Angleterre , en
1. Vol. Cij Es
2744 MERCURE DE FRANCE
Espagne , en Portugal , en Hollande et en
Flandres ? Pourquoi ne pas rendre justice
à tant d'habiles gens qui habitent ces differens
Climats ? Ils ne sont pas Italiens , je
l'avouë , il ne reste plus qu'à examiner ,
s'il ne valent pas mieux qu'eux dans la
Litterature et dans les Arts qu'ils professent.
C'est une compensation de mérite
que la justice doit faire , sans avoir égard aut
Païs.J'aime le beau ,disoit un de nos grands
(i ) Curieux , mais le Beau de tout Païs.
( 1 ) Feu M. de Montarsis , Garde des Pierres
vies de la Couronne.
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Résumé : DISSERTATION CRITIQUE, sur l'Etat present de l'Italie, concernant les Sciences et les Arts.
La dissertation critique sur l'état présent de l'Italie concernant les sciences et les arts vise à corriger les perceptions erronées sur la supériorité italienne. L'auteur, ayant voyagé en Italie pendant plus de deux ans et ayant une pratique des arts, reconnaît que les Italiens ont eu des grands hommes dans les sciences et les arts, mais note qu'ils n'ont pas autant approfondi les sciences que les Allemands, les Anglais et les Français. Les Italiens sont souvent perçus comme paresseux, ce que l'auteur attribue à la chaleur excessive de leur climat. À Rome, les études se concentrent principalement sur le droit canon, tandis que Venise se focalise sur la politique. Florence, Boulogne et Padoue, autrefois célèbres pour leurs académies, offrent aujourd'hui des résultats médiocres. Les villes de Naples, Milan, Gênes et Livourne sont principalement tournées vers le commerce. Les sciences en Italie ont connu des figures notables comme Jérôme Savonarole, le Cardinal Bellarmin et Jean-Baptiste Platina, mais actuellement, les philosophes et les théologiens sont rares. Les juristes italiens se limitent au droit écrit, et les ouvrages nouveaux sur cette matière sont rares. En médecine, des noms comme Antonio Francantiani et Jérôme Mercurialis sont célèbres, mais la pratique médicale actuelle est incertaine. Les mathématiques ont vu des figures comme Galilée et Cassini, mais les professeurs actuels sont souvent étrangers. La poésie est la science la mieux cultivée, mais elle se limite souvent à des saillies et des points d'esprit plutôt qu'à des œuvres profondes. Les tragédies et opéras sont produits rapidement et sans grande originalité. Les arts, bien que moins affectés que les sciences, montrent des signes de déclin. L'architecture a connu des maîtres comme Bramante et Michel-Ange, mais le goût actuel est corrompu par des idées extravagantes. La peinture, autrefois illustre avec des noms comme Raphaël et le Titien, ne compte plus de grands peintres contemporains. Les palais italiens actuels sont critiqués pour leur mauvais goût et leur mauvaise distribution intérieure. De nombreux tableaux, y compris ceux de Raphaël, ont été retouchés ou effacés. Les fresques du Vatican, bien que noircies par le temps, conservent des éléments remarquables. À Venise, les œuvres de Paul Véronèse, Tintoret et Bassano sont bien conservées, tandis que celles de Titien sont légèrement endommagées. Naples, Florence, Parme, Modène, Boulogne, Milan et Gênes possèdent des fresques et des tableaux de maîtres renommés. Le texte critique l'absence de sculpteurs italiens contemporains de renom, notant que les Français et autres étrangers les suppléent. La musique, bien que superficielle, reste excellente. Le texte invite à reconnaître les talents artistiques dans d'autres pays européens, soulignant que la qualité des arts ne dépend pas de l'origine géographique.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 416-426
RÉPONSE aux Réflexions de M. Laloüat de Soulaines, Avocat au Parlement de Paris, sur l'Explication Physique que M. Capperon a donnée de l'Akousmate d'Ansacq, dans le Mercure de France, du mois de Novembre 1731.
Début :
Il faudroit être d'un génie bien singulier, si je [...]
Mots clefs :
Physique, Acousmate d'Ansacq, Liquide, Matière, Fermentation, Vapeurs, Mouvement, Corps
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texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE aux Réflexions de M. Laloüat de Soulaines, Avocat au Parlement de Paris, sur l'Explication Physique que M. Capperon a donnée de l'Akousmate d'Ansacq, dans le Mercure de France, du mois de Novembre 1731.
REPONSE aux Réflexions de M.Lalonat de Sonlaines , Avocat au Parlement de Paris , sur l'Explication Physique que M. Capperon a donnée de l'Akousmate d'Ansacq , dans le Mercure de
France , du mois de Novembre 1731.
L faudroit être d'un génie bien singulier , si je me refusois à ce que M. Lalouat de Soulaines désire de moi ; sçavoir,
que je dissipe les doutes et les scrupules
Philosophiques, que mon explication de
l'Akousmate d'Ansacq a jettés dans son
esprit. Un concurrent qui en agit avec
tant d'honnêteté et de politesse , mérite
qu'on ne néglige rien pour le satisfaire.
,
J'aurai d'abord l'honneur de lui dire ,
par rapport à sa premiere observation
qu'il n'a pas lieu d'être embarassé sur ce
quej'ai dit qu'il y avoit des fermentations
froides
A
“
MARS. 1732 417
froides , s'il souhaite de s'en convaincre
il peut voir dans le Livre des Expériences Physiques , que M. Poliniere a donné
au public, la 77 Experience , où il rapporte , qu'en mettant dans l'Esprit de Vitriol du Sel armoniac , si l'on y plonge la
Boule d'un Thermométre , pendant que
ces deux choses fermentent , l'Esprit de
vin descend au même instant considérablement , ce qui est une preuve incontestable qu'il y a des Fermentations froides.
Le même Auteur en donne l'explication ,
et il dit peu après , qu'il y a long-temps
qu'on a remarqué ces Fermentations froides. On les a , ajoute- t-il , souvent regardées comme contraires à l'opinion commune, qui est , que la chaleur consiste
dans le mouvement.
Enfin, pour parler plus précisément ,
par rapport à mon systême , énoncé dans
mon Explication ; je dis , avec un Auteur
moderne , que je reconnois , ainsi que je
l'ai exposé , deux sortes de fermentations;
sçavoir , celles que j'appelle chaudes , et
qui se fontavec une chaleur sensible, telle
que celle qui me pensa autrefois brûler
les doigts , pour avoir jetté quelques
clouds de fer dans une Phiole de verre ou
j'avois mis de l'Eau-forte , et que je tenois
dans ma main & et d'autres fermentations
A iiij froides
418 MERCURE DE FRANCE
froides , c'est à-dire , qui se font sans cha
leur sensible , telle que celle du Vinaigre,
avec le Corail , les Coquillages et sembla
Bles Alcalis. C'est sur ces principes , que
j'ai attribué à la premiere sorte de fermentation, formée dans un nuage , la cause du Tonnerre ; et à la seconde , formée
aussi dans un nuage , la cause des bruits
qu'on entend quelquefois dans l'air.
En ce qui touche sa seconde Observation , j'ai dit, et je le dis encore, avec tous
les Physiciens de nos jours , que la matie
re subtile par son mouvement tourbillonant , agitant continuellement les parties
essentielles des liquides , et en mêmetemps celles qui s'y trouvent quelquefois
mélangées , quoiqu'éthérogenes , est la
seule cause de leur fluidité, et par occasion,
celle des fermentations qui se font dans
ces liquides, par le mélange de ces parties
hétérogenes qui peuvent s'y trouver. S'il
étoit vrai , comme le dit M. Laloüat de
Soulaines , que les parties des fluides fussent longues,contigues , couchées les unes
sur les autres , la matiere subtile n'ayant
qu'un libre passage entre chaque partie ,
et que ces parties n'eussent pointde pores,
comme il le veut; il s'ensuivroit , qu'à
raison de leur contiguité , étant d'ailleurs
couchées les unes sur les autres , loin de
former
MARS: 1732. 419
former des corps liquides par leur tours
billonement continuel , elles en forme
roient de solides , puisqu'elles seroient
dans le repos ; et faute d'avoir des pores ,
pour laisser passer librement la matiere
éthérée qui produit la lumiere , elles ren- droient tous les corps liquides opaques.
Je crois que M.Lalouat comprend bien
que quand j'ai parlé de la fermentation
froide du Vin et du Cidre , et que pour
l'expliquer j'ai dit , que la matiere subtile
fait seule la liquidité des fluides , et que
j'ai ajouté , qu'agitant continuellement
leurs parties grossieres et tartareuses , &c.
je n'entendois parler que du Vin et du
Cidre , desquels seuls j'expliquois la fer
mentation , et non des liquides en general , tels qu'ils peuvent être dans leur pureté essentielle. Il faut avouer qu'il s'est
glissé une faute de Copisté dans cet endroit , et qu'il devoit y avoir de ces finides , et non simplement des fluides ; mais
la chose se trouve réparée huit lignes
plus bas , où je conclus que c'est l'action
de ces parties fines contre les grossieres
qui cause la fermentation de ces liquides ,
sçavoir, du Vin et du Cidre , dont il étoit
uniquement question . -
9
Je suis surpris , que quand je dis que
les vapeurs emportent avec elles , dans
Av Pair
420 MERCURE DE FRANCE
:
Pair , quantité de parties simplementterestres , qui contiennent aussi de l'air , et
quantité d'autres , purement salines cela
ait jetté de la confusion à son égard , sur la
nature des vapeurs et de l'air car il expli
que lui- même dans sa troisième et derniere Reflexion , comment les vapeurs et
les exhalaisons s'élevent dans l'air , et je
ne crois pas qu'il ignore , qu'on entend
par vapeurs les parties aqueuses qui s'élevent dans l'air , et par les exhalaisons , les
parties terrestres qui s'y élevent de même,
soit qu'elles soient simplement terrestres
ou salines , ou sulphureuses. Je ne dis
donc que ce que tout le monde sçait , et
qu'il n'ignore pas lui- même ; car pour la
nature de l'air , j'en pense comme tous les
Physicions modernes, ainsi je ne vois pas ,
ce qui dans mes paroles , a pu jetter de la confusion , si ce n'est ce que je dis , que
les parties terrestres qui sont enlevées ,
avec les vapeurs , contiennent de l'air , et .
c'est surquoi je m'expliquerai , en répon- dant à sa troisiéme Reflexion.
Après ce que je viens d'exposer pour
servir de premier éclaircissement aux
doutes de M. Lalotat , je vais répondre
à sa premiere Refléxion , et je dis , que la
premiere consequence qu'il tire de l'idée
que je donne de la fermentation , n'est
pas
MARS. 1732. 421
pas juste ; car quoique je dise qu'il y a
des fermentations froides dans les liquides , comme je l'ai prouvé , je n'ai jamais
dit que cela arrivât quand ces liquides
étoient dans la pureté qui leur est essen❤
tielle , comme lorsque l'eau et l'air song
parfaitement purs ; mais bien quand il s'y
trouve des corps étrangers , qui mettent
obstacle au mouvement naturel et ordi
naire que la matiere subtile entretient
dans ces liquides , pour former leur li
quidité. Les liquides ne peuvent dond
pas fermenter toujours ni en toute saison;
puisqu'il n'y a pas toujours en eux des
corps qui mettent obstacle au libre mou
vement de la matiere subtile. Je n'ai garde de penser que la fermentation soit
occasionnée la matiere subtile , com- par
me il paroît me l'attribuer. Je sçai bien
que son mouvement est continuel ; j'ai
dit seulement que ce qui occasionnoit la
fermentation des liquides , tels que le vin
et le Cidre, c'étoient les parties grossieres
et tartareuses , qui, dans ces liquides ,
mettoient par occasion un obstacle au
mouvement de la matiere subtile.
Comment M. de Soulaines entend- il
que si dans les fermentations froides des
liquides , l'effet de la matiere subtile étoit
de pousser les parties les plus fines dans
A vj les
422 MERCURE DE FRANCE
les pores des plus grossieres , il s'en ensuivroit une condensation ou diminution
de volume ? Peut- il ignorer que la fe
mentation ne se fait que pourbriser , dissoudre , subtiliser et éloigner les parties
grossieres des liquides qui mettent obsta
cle au mouvement de la matiere subtile ?
Parconsequent , si les fines sont poussées
dans les pores des plus grossieres , ce n'est
pas pour y rester, mais pour les diviser
et les rompre , comme un coin qu'on enfonce violemment dans du bois l'ouvre
et le divise , la fermentation des liquides
n'y peut donc causer ni condensation
ni diminution de volume.
Pour répondre à la seconde Refléxion ,
je dis qu'elle me paroît fort inutile 3 premierement , parce que les trois inconveniens qu'il croyoit s'ensuivre de mon Systême , de la fermentation des liquides, ne
subsiste pas , comme je viens de le fairevoir. Secondement , parce que les trois
causes qu'il apporte de cette fermentation, n'ont rien de vrai-semblable qu'en
ce qui a quelque rapport à ce que j'en'
ai dit, conjointement avec tous les Physiciens modernes.
Car dans la fermentation ce n'est pas
la matiere subtile , comme il le prétend,
qui augmente son mouvement ,
il est
toujours
&
MAR S. 1732 423
toujours le même ; mais rencontrant des
obstacles dans son mouvement , c'est alors
qu'elle pousse , agite , brise , chasse ces
corps qui lui résistent , et voilà ce qui
cause le trouble qui se fait dans les li
quides pendant les fermentations. Pourquoi y chercher des parties grasses et enz trelassées ? Se trouve- til des parties gras
ses dans le vinaigre qui fermente avec le
Corail , les yeux d'Ecrevisses et sembla
bles Alcalis? Que signifie cette augmen
tation de force que prend la matiere sub
tile lorsqu'elle frappe les Globules du
second Element ? Selon tous les Cartésiens , n'est-elle pas elle- même composée du premier et du second Element ? (a)
Enfin, quel est ce corps étrangerqui pousse la matiere subtile , qu'on donne pour
troisiéme cause de la fermentation , et
qu'onsuppose plus puissant que cette mariere subtile ? J'avoue que je ne le con →
pas , et que tout cela n'est pas assez
clair et intelligible , pour me faire changer de sentiment.
nois
Je n'ai rien à dire sur la premiere Par
tic de la troisiéme Refléxion , puisqu'elle
ne sert qu'à justifier qu'il s'éleve dans
Fair des vapeurs et des exhalaisons dont
(a) Regis. Syst. de Philos. Tom. I. Part 2.
Chap. 9.
rout
424 MERCURE DE FRANCE
tout le monde convient , ce qui fait l'es
sentiel de mon Explication . Il s'agit seulement de répondre à la conclusion tirée de cette Refléxion ; sçavoir , que les
parties qui composent les vapeurs sont
trop fines pour être poreuses et pour pou,
voir parconsequent contenir de l'air. A
quoi je dirai d'abord , qu'elles ne sont
pas toûjours si fines qu'on se l'imagine ¿
puisque les parties terrestres qui s'élevent
avec les vapeurs , sont si sensibles , que
retombant avec la pluye , elles déposent
dans les Réservoirs un veritable limon
Chambon , dans ses Principes de Physique , dit qu'en Pologne on voit souvent,
pendant l'hyver le Nitre qui a été enlevé.
avec les vapeurs , tomber en forme de
nege. La même chose est aussi quelquefois arrivée à l'égard du Souffre. Wormius a donné la Relation d'une pluye
qui tomba à Copenhague le 16. May,
1646. laquelle outre l'odeur du Souffre
dont elle infectoit tout le monde , laissa..
sur la terre tant de poudre sulphureuse
qu'on la pouvoit aisément ramasser ; ce
qui démontre que les parties des corps
terrestres qui s'élevent dans l'air avec les
Vapeurs , ne sont pas toujours si fines
qu'on peut s'imaginer..
Enfin , si fines qu'elles puissent être
MARS. 17322 425
elles
pas
il faut néanmoins qu'elles soient toûjours
poreuses, car si elles ne l'étoient pas,
seroient alors exactement compactes et
solides; dans ce cas , selon les loix cons
tantes de la pesanteur respective des corps
solides et des liquides , leur petit volume
l'emporteroit de force , à raison de sa
grande solidité, sur un égal volume de l'air
qui est très- fluide ; ainsi l'air n'auroit
assez de force pour les enlever de la terre,
et beaucoup moins encore pour les soutenir su penduës dans sa masse ; comme
un morceau de bois très dur et très solide ne peut pas aisément s'élever dans
l'eau et y nâger , ainsi que fait sans peine
un morceau de liege très- poreux , quoi.
qu'il soit d'un volume égal à celui de ce
bois dur.
Or comme les particules terrestres qui '
s'élevent avec les vapeurs et qui retombent avec la pluye , ne sont pas si excessivement fines , puisqu'elles forment
un limon sensible , rien n'empêche que
leurs pores étant plus ouverts , ils ne
puissent contenir de l'air ; la facilité qu'elles ont à s'y élever et à s'y soutenir aussi
aisément qu'elles font , est une preuve,
non seulement qu'elles sont poreuses ,
mais que penetrées de l'air , il les soutient d'autant plus aisément , que son
poids
426 MERCURE DE FRANCE
poids est plus puissant que le leur.-
J'espere qu'après tous ces éclaircissemens , M. Laloüat de Soulaines sera satisfait , au moins doit-il demeurer persuadé que je n'ai rien négligé pour lui
donner des marques de ma bonne volonté à son égard; et que je suis et serai tou
jours plein d'estime pour sa capacité et
pour son mérite.
France , du mois de Novembre 1731.
L faudroit être d'un génie bien singulier , si je me refusois à ce que M. Lalouat de Soulaines désire de moi ; sçavoir,
que je dissipe les doutes et les scrupules
Philosophiques, que mon explication de
l'Akousmate d'Ansacq a jettés dans son
esprit. Un concurrent qui en agit avec
tant d'honnêteté et de politesse , mérite
qu'on ne néglige rien pour le satisfaire.
,
J'aurai d'abord l'honneur de lui dire ,
par rapport à sa premiere observation
qu'il n'a pas lieu d'être embarassé sur ce
quej'ai dit qu'il y avoit des fermentations
froides
A
“
MARS. 1732 417
froides , s'il souhaite de s'en convaincre
il peut voir dans le Livre des Expériences Physiques , que M. Poliniere a donné
au public, la 77 Experience , où il rapporte , qu'en mettant dans l'Esprit de Vitriol du Sel armoniac , si l'on y plonge la
Boule d'un Thermométre , pendant que
ces deux choses fermentent , l'Esprit de
vin descend au même instant considérablement , ce qui est une preuve incontestable qu'il y a des Fermentations froides.
Le même Auteur en donne l'explication ,
et il dit peu après , qu'il y a long-temps
qu'on a remarqué ces Fermentations froides. On les a , ajoute- t-il , souvent regardées comme contraires à l'opinion commune, qui est , que la chaleur consiste
dans le mouvement.
Enfin, pour parler plus précisément ,
par rapport à mon systême , énoncé dans
mon Explication ; je dis , avec un Auteur
moderne , que je reconnois , ainsi que je
l'ai exposé , deux sortes de fermentations;
sçavoir , celles que j'appelle chaudes , et
qui se fontavec une chaleur sensible, telle
que celle qui me pensa autrefois brûler
les doigts , pour avoir jetté quelques
clouds de fer dans une Phiole de verre ou
j'avois mis de l'Eau-forte , et que je tenois
dans ma main & et d'autres fermentations
A iiij froides
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froides , c'est à-dire , qui se font sans cha
leur sensible , telle que celle du Vinaigre,
avec le Corail , les Coquillages et sembla
Bles Alcalis. C'est sur ces principes , que
j'ai attribué à la premiere sorte de fermentation, formée dans un nuage , la cause du Tonnerre ; et à la seconde , formée
aussi dans un nuage , la cause des bruits
qu'on entend quelquefois dans l'air.
En ce qui touche sa seconde Observation , j'ai dit, et je le dis encore, avec tous
les Physiciens de nos jours , que la matie
re subtile par son mouvement tourbillonant , agitant continuellement les parties
essentielles des liquides , et en mêmetemps celles qui s'y trouvent quelquefois
mélangées , quoiqu'éthérogenes , est la
seule cause de leur fluidité, et par occasion,
celle des fermentations qui se font dans
ces liquides, par le mélange de ces parties
hétérogenes qui peuvent s'y trouver. S'il
étoit vrai , comme le dit M. Laloüat de
Soulaines , que les parties des fluides fussent longues,contigues , couchées les unes
sur les autres , la matiere subtile n'ayant
qu'un libre passage entre chaque partie ,
et que ces parties n'eussent pointde pores,
comme il le veut; il s'ensuivroit , qu'à
raison de leur contiguité , étant d'ailleurs
couchées les unes sur les autres , loin de
former
MARS: 1732. 419
former des corps liquides par leur tours
billonement continuel , elles en forme
roient de solides , puisqu'elles seroient
dans le repos ; et faute d'avoir des pores ,
pour laisser passer librement la matiere
éthérée qui produit la lumiere , elles ren- droient tous les corps liquides opaques.
Je crois que M.Lalouat comprend bien
que quand j'ai parlé de la fermentation
froide du Vin et du Cidre , et que pour
l'expliquer j'ai dit , que la matiere subtile
fait seule la liquidité des fluides , et que
j'ai ajouté , qu'agitant continuellement
leurs parties grossieres et tartareuses , &c.
je n'entendois parler que du Vin et du
Cidre , desquels seuls j'expliquois la fer
mentation , et non des liquides en general , tels qu'ils peuvent être dans leur pureté essentielle. Il faut avouer qu'il s'est
glissé une faute de Copisté dans cet endroit , et qu'il devoit y avoir de ces finides , et non simplement des fluides ; mais
la chose se trouve réparée huit lignes
plus bas , où je conclus que c'est l'action
de ces parties fines contre les grossieres
qui cause la fermentation de ces liquides ,
sçavoir, du Vin et du Cidre , dont il étoit
uniquement question . -
9
Je suis surpris , que quand je dis que
les vapeurs emportent avec elles , dans
Av Pair
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:
Pair , quantité de parties simplementterestres , qui contiennent aussi de l'air , et
quantité d'autres , purement salines cela
ait jetté de la confusion à son égard , sur la
nature des vapeurs et de l'air car il expli
que lui- même dans sa troisième et derniere Reflexion , comment les vapeurs et
les exhalaisons s'élevent dans l'air , et je
ne crois pas qu'il ignore , qu'on entend
par vapeurs les parties aqueuses qui s'élevent dans l'air , et par les exhalaisons , les
parties terrestres qui s'y élevent de même,
soit qu'elles soient simplement terrestres
ou salines , ou sulphureuses. Je ne dis
donc que ce que tout le monde sçait , et
qu'il n'ignore pas lui- même ; car pour la
nature de l'air , j'en pense comme tous les
Physicions modernes, ainsi je ne vois pas ,
ce qui dans mes paroles , a pu jetter de la confusion , si ce n'est ce que je dis , que
les parties terrestres qui sont enlevées ,
avec les vapeurs , contiennent de l'air , et .
c'est surquoi je m'expliquerai , en répon- dant à sa troisiéme Reflexion.
Après ce que je viens d'exposer pour
servir de premier éclaircissement aux
doutes de M. Lalotat , je vais répondre
à sa premiere Refléxion , et je dis , que la
premiere consequence qu'il tire de l'idée
que je donne de la fermentation , n'est
pas
MARS. 1732. 421
pas juste ; car quoique je dise qu'il y a
des fermentations froides dans les liquides , comme je l'ai prouvé , je n'ai jamais
dit que cela arrivât quand ces liquides
étoient dans la pureté qui leur est essen❤
tielle , comme lorsque l'eau et l'air song
parfaitement purs ; mais bien quand il s'y
trouve des corps étrangers , qui mettent
obstacle au mouvement naturel et ordi
naire que la matiere subtile entretient
dans ces liquides , pour former leur li
quidité. Les liquides ne peuvent dond
pas fermenter toujours ni en toute saison;
puisqu'il n'y a pas toujours en eux des
corps qui mettent obstacle au libre mou
vement de la matiere subtile. Je n'ai garde de penser que la fermentation soit
occasionnée la matiere subtile , com- par
me il paroît me l'attribuer. Je sçai bien
que son mouvement est continuel ; j'ai
dit seulement que ce qui occasionnoit la
fermentation des liquides , tels que le vin
et le Cidre, c'étoient les parties grossieres
et tartareuses , qui, dans ces liquides ,
mettoient par occasion un obstacle au
mouvement de la matiere subtile.
Comment M. de Soulaines entend- il
que si dans les fermentations froides des
liquides , l'effet de la matiere subtile étoit
de pousser les parties les plus fines dans
A vj les
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les pores des plus grossieres , il s'en ensuivroit une condensation ou diminution
de volume ? Peut- il ignorer que la fe
mentation ne se fait que pourbriser , dissoudre , subtiliser et éloigner les parties
grossieres des liquides qui mettent obsta
cle au mouvement de la matiere subtile ?
Parconsequent , si les fines sont poussées
dans les pores des plus grossieres , ce n'est
pas pour y rester, mais pour les diviser
et les rompre , comme un coin qu'on enfonce violemment dans du bois l'ouvre
et le divise , la fermentation des liquides
n'y peut donc causer ni condensation
ni diminution de volume.
Pour répondre à la seconde Refléxion ,
je dis qu'elle me paroît fort inutile 3 premierement , parce que les trois inconveniens qu'il croyoit s'ensuivre de mon Systême , de la fermentation des liquides, ne
subsiste pas , comme je viens de le fairevoir. Secondement , parce que les trois
causes qu'il apporte de cette fermentation, n'ont rien de vrai-semblable qu'en
ce qui a quelque rapport à ce que j'en'
ai dit, conjointement avec tous les Physiciens modernes.
Car dans la fermentation ce n'est pas
la matiere subtile , comme il le prétend,
qui augmente son mouvement ,
il est
toujours
&
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toujours le même ; mais rencontrant des
obstacles dans son mouvement , c'est alors
qu'elle pousse , agite , brise , chasse ces
corps qui lui résistent , et voilà ce qui
cause le trouble qui se fait dans les li
quides pendant les fermentations. Pourquoi y chercher des parties grasses et enz trelassées ? Se trouve- til des parties gras
ses dans le vinaigre qui fermente avec le
Corail , les yeux d'Ecrevisses et sembla
bles Alcalis? Que signifie cette augmen
tation de force que prend la matiere sub
tile lorsqu'elle frappe les Globules du
second Element ? Selon tous les Cartésiens , n'est-elle pas elle- même composée du premier et du second Element ? (a)
Enfin, quel est ce corps étrangerqui pousse la matiere subtile , qu'on donne pour
troisiéme cause de la fermentation , et
qu'onsuppose plus puissant que cette mariere subtile ? J'avoue que je ne le con →
pas , et que tout cela n'est pas assez
clair et intelligible , pour me faire changer de sentiment.
nois
Je n'ai rien à dire sur la premiere Par
tic de la troisiéme Refléxion , puisqu'elle
ne sert qu'à justifier qu'il s'éleve dans
Fair des vapeurs et des exhalaisons dont
(a) Regis. Syst. de Philos. Tom. I. Part 2.
Chap. 9.
rout
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tout le monde convient , ce qui fait l'es
sentiel de mon Explication . Il s'agit seulement de répondre à la conclusion tirée de cette Refléxion ; sçavoir , que les
parties qui composent les vapeurs sont
trop fines pour être poreuses et pour pou,
voir parconsequent contenir de l'air. A
quoi je dirai d'abord , qu'elles ne sont
pas toûjours si fines qu'on se l'imagine ¿
puisque les parties terrestres qui s'élevent
avec les vapeurs , sont si sensibles , que
retombant avec la pluye , elles déposent
dans les Réservoirs un veritable limon
Chambon , dans ses Principes de Physique , dit qu'en Pologne on voit souvent,
pendant l'hyver le Nitre qui a été enlevé.
avec les vapeurs , tomber en forme de
nege. La même chose est aussi quelquefois arrivée à l'égard du Souffre. Wormius a donné la Relation d'une pluye
qui tomba à Copenhague le 16. May,
1646. laquelle outre l'odeur du Souffre
dont elle infectoit tout le monde , laissa..
sur la terre tant de poudre sulphureuse
qu'on la pouvoit aisément ramasser ; ce
qui démontre que les parties des corps
terrestres qui s'élevent dans l'air avec les
Vapeurs , ne sont pas toujours si fines
qu'on peut s'imaginer..
Enfin , si fines qu'elles puissent être
MARS. 17322 425
elles
pas
il faut néanmoins qu'elles soient toûjours
poreuses, car si elles ne l'étoient pas,
seroient alors exactement compactes et
solides; dans ce cas , selon les loix cons
tantes de la pesanteur respective des corps
solides et des liquides , leur petit volume
l'emporteroit de force , à raison de sa
grande solidité, sur un égal volume de l'air
qui est très- fluide ; ainsi l'air n'auroit
assez de force pour les enlever de la terre,
et beaucoup moins encore pour les soutenir su penduës dans sa masse ; comme
un morceau de bois très dur et très solide ne peut pas aisément s'élever dans
l'eau et y nâger , ainsi que fait sans peine
un morceau de liege très- poreux , quoi.
qu'il soit d'un volume égal à celui de ce
bois dur.
Or comme les particules terrestres qui '
s'élevent avec les vapeurs et qui retombent avec la pluye , ne sont pas si excessivement fines , puisqu'elles forment
un limon sensible , rien n'empêche que
leurs pores étant plus ouverts , ils ne
puissent contenir de l'air ; la facilité qu'elles ont à s'y élever et à s'y soutenir aussi
aisément qu'elles font , est une preuve,
non seulement qu'elles sont poreuses ,
mais que penetrées de l'air , il les soutient d'autant plus aisément , que son
poids
426 MERCURE DE FRANCE
poids est plus puissant que le leur.-
J'espere qu'après tous ces éclaircissemens , M. Laloüat de Soulaines sera satisfait , au moins doit-il demeurer persuadé que je n'ai rien négligé pour lui
donner des marques de ma bonne volonté à son égard; et que je suis et serai tou
jours plein d'estime pour sa capacité et
pour son mérite.
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Résumé : RÉPONSE aux Réflexions de M. Laloüat de Soulaines, Avocat au Parlement de Paris, sur l'Explication Physique que M. Capperon a donnée de l'Akousmate d'Ansacq, dans le Mercure de France, du mois de Novembre 1731.
Le texte est une réponse de M. Capperon aux réflexions de M. Lalouat de Soulaines concernant l'explication physique de l'Akousmate d'Ansacq, publiée dans le Mercure de France en novembre 1731. Capperon reconnaît l'honnêteté et la politesse de Soulaines et accepte de dissiper les doutes philosophiques soulevés. Capperon commence par aborder la question des fermentations froides, qu'il justifie en se référant à des expériences décrites par M. Poliniere. Il distingue deux types de fermentations : les fermentations chaudes, accompagnées de chaleur sensible, et les fermentations froides, sans chaleur sensible, comme celles du vinaigre avec le corail ou les coquillages. Il attribue au premier type la cause du tonnerre et au second, les bruits dans l'air. Ensuite, Capperon discute de la matière subtile et son rôle dans la fluidité des liquides et les fermentations. Il réfute l'idée que les parties des fluides soient longues et contiguës, ce qui empêcherait leur fluidité et les rendrait opaques. Il précise que ses explications sur la fermentation du vin et du cidre ne concernent pas les liquides en général mais ces liquides spécifiques. Capperon s'étonne que Soulaines ait été confus par sa description des vapeurs et de l'air, soulignant que les vapeurs contiennent des parties terrestres et salines. Il explique que les particules terrestres, bien que fines, sont poreuses et peuvent contenir de l'air, ce qui leur permet de s'élever et de se maintenir dans l'atmosphère. Enfin, Capperon espère que ces éclaircissements satisferont Soulaines et réaffirme son estime pour sa capacité et son mérite.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 755-757
Traité de l'Opinion, &c. [titre d'après la table]
Début :
Il paroît un Livre nouveau intitulé, Traité de l'Opinion ou Mémoire pour servir à l'Histoire [...]
Mots clefs :
Opinion, Esprit humain, Pyrrhonisme, Histoire, Astronomie, Physique, Descartes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Traité de l'Opinion, &c. [titre d'après la table]
Il paroît un Livre nouveau intitulé , Traité
de l'Opinion ou Mémoire pour servir à l'Histoire
de l'Esprit humain . Le point de vûë de cet
Ouvrage est la Science de douter à propos , et
une sage défiance également éloignée de la crédulité
et du Pyrrhonisme. L'Auteur qui ne s'est
point nommé , execute ce Projet , en suivant les
Sciences prophanes , et en faisant voir par les
sentimens des Anciens et des Modernes , à quel
point l'opinion regne dans ces Sciences. Le premier
Livre roule sur les Belles - Lettres , les differens
Jugemens des Critiques , le Pyrrhonisme de
l'Histoire , les difficultez les plus celebres de la
Chronologie. Le second Livre est une Histoire
de toutes les Sectes Philosophiques ; Histoire , qui
selon l'Auteur , est proprement celle de l'opinion.
Le troisiéme renferme les questions les plus
importantes de la Métaphisique , les égaremens
de l'Idolâtrie , les prétendus Miracles du Paganisme
, les contradictions des Philosophes sur les
ames , sur les bêtes ; les divinations fondées sur
le commerce des Esprits par la Magie , la cabale,
les augures , présages , songes et autres moyens ,
dont on a souvent abusé pour séduire les esprits
faibles
56 MERCURE DE FRANCE
foibles Le quatriéme Livre traite de la Physique,
de l'Astronomie , de la Medecine , de la Chimie,
de l'Astronomie Judiciaire , et autres divinations
prétendues naturelles , les Fables débitées par les
Naturalistes y servent d'exemples de la licence
des Auteurs. Une contradiction du Systême de
Descartes est relevée dans le Chapitre de la Physique
, où l'on trouve en même-temps une réforme
de ce Systême , qui en y rétablissant l'uniformité
conserve tout ce que l'idée des Tourbillons
de Descartes a de brillant et de magnifique.
Le cinquiéme Livie contient deux . Chapitres ,
P'un sur les diferentes especes de Gouvernemens ,
Pantre sur les maximes politiques. La veritable
constitution du Gouvernement de France y est
expliquée , avec des Dissertations importantes
sur les Parlemens et Etats Generaux . Le sixiéme
Livre est un précis des pensées les plus remarqua
bles des Anciens sur la Morale. Les diferentes
Loix et Coûtumes des Peuples y sont exposées.
Tout l'Ouvrage est rempli d'une parfaite connoissance
de l'Antiquité et d'une profonde érudition
; le style en est clair et poli ; tant de sujets
si diversifiez contiennent des recherches immenses
en tous genres , chaque Science y est
traitée suivant son caractere particulier , et il en
résulte un assemblage d'excellens Mémoires pour
servir à l'Hist. de l'Esprit humain , qui peut égale
ment y reconnoître ses erreurs et y considerer les
monumens de ses Travaux les plus illustres.
Ce Livre est en six volumes in 12, dont
le dernier renferme quatre Tables très- amples ,
la premiere , des Chapitres ; la seconde, des noms
propres ; la troisiéme , des Mutieres , et la quatrieme
, des Aureurs citez . Le Prix est de 15. liv.
relié et de 12 liv.12. sols broché. Il se vend
chez
AVRIL. 1733.. 757
chez Guillaume de Bure , le pere , sur le Quay
des Augustins , à l'Image Saint Claude ; chez
Charles Osmons , ruë S. Jacques , à l'Olivier , et
chez Grégoire- Antoine du Puis , au Palais, à l'Enseigne
du S. Esprit.
Nous donnerons un Extrait plus étendu de cet
Ouvrage , que nous n'avons encore fait que parcourir.
de l'Opinion ou Mémoire pour servir à l'Histoire
de l'Esprit humain . Le point de vûë de cet
Ouvrage est la Science de douter à propos , et
une sage défiance également éloignée de la crédulité
et du Pyrrhonisme. L'Auteur qui ne s'est
point nommé , execute ce Projet , en suivant les
Sciences prophanes , et en faisant voir par les
sentimens des Anciens et des Modernes , à quel
point l'opinion regne dans ces Sciences. Le premier
Livre roule sur les Belles - Lettres , les differens
Jugemens des Critiques , le Pyrrhonisme de
l'Histoire , les difficultez les plus celebres de la
Chronologie. Le second Livre est une Histoire
de toutes les Sectes Philosophiques ; Histoire , qui
selon l'Auteur , est proprement celle de l'opinion.
Le troisiéme renferme les questions les plus
importantes de la Métaphisique , les égaremens
de l'Idolâtrie , les prétendus Miracles du Paganisme
, les contradictions des Philosophes sur les
ames , sur les bêtes ; les divinations fondées sur
le commerce des Esprits par la Magie , la cabale,
les augures , présages , songes et autres moyens ,
dont on a souvent abusé pour séduire les esprits
faibles
56 MERCURE DE FRANCE
foibles Le quatriéme Livre traite de la Physique,
de l'Astronomie , de la Medecine , de la Chimie,
de l'Astronomie Judiciaire , et autres divinations
prétendues naturelles , les Fables débitées par les
Naturalistes y servent d'exemples de la licence
des Auteurs. Une contradiction du Systême de
Descartes est relevée dans le Chapitre de la Physique
, où l'on trouve en même-temps une réforme
de ce Systême , qui en y rétablissant l'uniformité
conserve tout ce que l'idée des Tourbillons
de Descartes a de brillant et de magnifique.
Le cinquiéme Livie contient deux . Chapitres ,
P'un sur les diferentes especes de Gouvernemens ,
Pantre sur les maximes politiques. La veritable
constitution du Gouvernement de France y est
expliquée , avec des Dissertations importantes
sur les Parlemens et Etats Generaux . Le sixiéme
Livre est un précis des pensées les plus remarqua
bles des Anciens sur la Morale. Les diferentes
Loix et Coûtumes des Peuples y sont exposées.
Tout l'Ouvrage est rempli d'une parfaite connoissance
de l'Antiquité et d'une profonde érudition
; le style en est clair et poli ; tant de sujets
si diversifiez contiennent des recherches immenses
en tous genres , chaque Science y est
traitée suivant son caractere particulier , et il en
résulte un assemblage d'excellens Mémoires pour
servir à l'Hist. de l'Esprit humain , qui peut égale
ment y reconnoître ses erreurs et y considerer les
monumens de ses Travaux les plus illustres.
Ce Livre est en six volumes in 12, dont
le dernier renferme quatre Tables très- amples ,
la premiere , des Chapitres ; la seconde, des noms
propres ; la troisiéme , des Mutieres , et la quatrieme
, des Aureurs citez . Le Prix est de 15. liv.
relié et de 12 liv.12. sols broché. Il se vend
chez
AVRIL. 1733.. 757
chez Guillaume de Bure , le pere , sur le Quay
des Augustins , à l'Image Saint Claude ; chez
Charles Osmons , ruë S. Jacques , à l'Olivier , et
chez Grégoire- Antoine du Puis , au Palais, à l'Enseigne
du S. Esprit.
Nous donnerons un Extrait plus étendu de cet
Ouvrage , que nous n'avons encore fait que parcourir.
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Résumé : Traité de l'Opinion, &c. [titre d'après la table]
Le texte présente un ouvrage intitulé 'Traité de l'Opinion ou Mémoire pour servir à l'Histoire de l'Esprit humain', écrit par un auteur anonyme. Cet ouvrage explore la science du doute raisonnable, évitant à la fois la crédulité et le pyrrhonisme. Structuré en six livres, il aborde divers sujets. Le premier livre traite des Belles-Lettres, des jugements critiques, du pyrrhonisme de l'histoire et des difficultés chronologiques. Le second livre examine les sectes philosophiques comme l'histoire de l'opinion. Le troisième livre couvre des questions métaphysiques, l'idolâtrie, les miracles païens, et les contradictions philosophiques sur les âmes et les bêtes, ainsi que les divinations par la magie et la cabale. Le quatrième livre critique la physique, l'astronomie, la médecine, la chimie et les divinations naturelles, notamment le système de Descartes. Le cinquième livre discute des formes de gouvernement et des maximes politiques, expliquant la constitution du gouvernement français et les Parlements. Le sixième livre présente un précis des pensées morales des Anciens et expose les lois et coutumes des peuples. L'ouvrage est caractérisé par une profonde érudition et un style clair, offrant une vaste connaissance de l'antiquité et des recherches approfondies dans divers domaines. Il est disponible en six volumes in-12, avec des tables des chapitres, des noms propres, des matières et des auteurs cités, au prix de 15 livres relié et 12 livres 12 sols broché. Il est en vente chez Guillaume de Bure, Charles Osmons et Grégoire-Antoine du Puis.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 1731-1747
DÉFENSE du Cartésianisme, par M. le Gendre de S. Aubin ; contre les accusations des Docteurs Cudwort et Ray.
Début :
Un zèle indiscret est souvent l'occasion d'un scandale ; c'est l'idée qu'on [...]
Mots clefs :
Dieu, Cause, Sagesse, Mécanisme, Ray, Création, Physique, Mouvement, Nature, Lois, Corps, Causes, Principes, Cartésianisme, Descartes, Philosophie, Système, Phénomènes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DÉFENSE du Cartésianisme, par M. le Gendre de S. Aubin ; contre les accusations des Docteurs Cudwort et Ray.
DEFENSE du Cartesianisme, par M. le
Gendre de S. Aubin ; contre les accusations
des Docteurs Cudwort et Ray.
UN
N zéle indiscret est souvent l'occasion
d'un scandale;c'est l'idée qu'on
doit se former des accufations intentées
par les Docteurs Cudwort et Ray , contre
le Cartesianisme. Elles sont contenuës
dans un Livre Anglois , intitulé : L'Existenca
" 1732 MERCURE DE FRANCE
sence et la Sagesse de Dieu, manifestées dans
les Oeuvres de la Création ; par le sieur
Ray,Membre de la Société Royale. La Traduction
Françoise , imprimée à Utrecht,
en 1723. se débite depuis peu à Paris.
On est étonné qu'un Philosophe , qui
écrit uniquement en vûë de manifester la
Sagesse de Dieu dans la Création, débute,
page 5. par approuver un sentiment qu'il
atribue à des Philosophes judicieux ; sçavoir
, que plus les genres , ou les ordres
des Etres sont imparfaits , plus les especes
en sont nombreuses . Est- ce là un
préambule convenable à un Panégyriste
de la Sagesse de Dieu dans la Création ?
Ne devoit il pas plutôt dire que ce qui
paroît imparfait aux vues bornées de notre
entendement , a son utilité et sa destination
dans les Décrets éternels de la Providence
? Ce seroit là un beau champ
pour les Cartésiens qu'il attaque d'une
maniere outrageante ; ne pourroient- ils
pas le traiter de prévaricateur dans une
cause si évidente , et qu'il soutient si
mal ?
Pour faire éclater , dit il , page 12. la
grandeur et l'étendue infinie de l'esprit
de Dieu , il observe que rien ne marque
davantage la supériorité du génie , que
d'inventer des Machines differentes , qui
pros
AOU'ST. 1733. 1733
E
4
€
>
produisent le même effet , et soient destinées
aux mêmes fins . Mais suivant les notions
les plus saines et les plus communes ,
rien ne marque davantage la sagesse
de
l'ouvrier que le Méchanisme le plus simple
et le moins chargé de ressorts . C'est donc
sur une sorte de Méchanisme qu'il fonde
la sagesse de Dieu dans la Création, mais
sur un Mechanisme de détail , qu'il présente
à la pensée , d'une maniere aussi
basse , que celui des Cartésiens est sublime.
Quoique le sieur Ray tâche de décrier
le Cartesianisme sans ménagement, il établit
, pages 2 et 3. comme le sentiment le
plus universellement
reçu , tout ce que
cette Philosophie dans sa nouveauté parut
avoir de plus difficile à concilier avec la
Religion ; sçavoir, l Hypothèse des Tourbillons
, suivant laquelle chaque Etoile ,
pour me servir des propres termes du
Traducteur , est un Soleil ou un Corps
semblable à cet astre , environné de même
d'un Choeur de Planetes , qui tournent
autour de lui. Il avance de plus , qu'il
n'y a aucune de ces Planétes qui ne soit
remplie, selon toutes les apparences , d'une
grande variété de créatures corporelles ,
animées et inanimées . Personne n'ignore
que cette partie de la Physique nouvelle
fut
1734 MERCURE DE FRANCE
fut exposée à la censure , et allarma quelques
personnes pieuses , qui trouvoient
ce systême peu conforme à ce qui nous
cst enseigné sur la Création dans la Genése
; mais il a été reçu depuis comme
une hypothese , sur laquelle on écrit et
on dispute publiquement , et il y a longtemps
que tous les scrupules sont levez à
cet égard.
A la maniére dont le S Ray fait connoître
quels sont les principes de sa Phylosophie
, qui ne le prendroit pour un
Cartésien ? Sectateur de cette Physique ,
il va néanmoins lui imputer les intentions
les plus criminelles. » Il semble
» dit-il, pag. 28.qu'il soit necessaire d'exa-
>> miner un peu les principes d'une Secte
» de Déïstes de profession; j'entends celle
» de Descartes et de ses Disciples , qui
» ont pour but d'éluder et de détruire un
» argument qui a eu tant de force dans
» tous les siècles , pour prouver l'exis-
» tence d'un Dieu . Le premier grief d'une
accusation si grave , est que Descartes
exclud de la Physique toute la considération
des causes finales . Le Sr Ray cite ,
pages 29 et 30. les Passages des Méditations
Métaphysiques , des principes de
Philosophie , et de la quatrième Réponse
aux Objections de Gassendi , où Descartes
dit
AOUST. 1733 1735
1
dit
que toutes
les causes
qu'on
a accoutumé
de tirer
de la fin , ne sont
d'aucun
usage
dans
la Physique
,puisqu'on
ne sçauroit
se persuader
, sans
témérité
, qu'on
puisse
pénétrer
dans
les fins
que
Dieu
s'est proposées
. Il est facile
de répondre
à
cette
objection
, que
la raison
alléguée
par Descartes
, pour
ne pas expliquer
les effets
naturels
par
les fins que
Dieu s'est
proposées
, est trèspieuse
et trèsédifiante
, et qu'il
auro
t pû se contenter
d'établir
en général
, que la Physique
étant
une
recherche
des causes
naturelles
, ce
n'est
pas
parler
en Physicien
, que
de
donner
pour
cause
de la production
d'un Phénoméne
, que Dieu
a eu en vûë
de le
produire
. Car
c'est
ce que tout
Chrétien
sçait
, sans
étudier
la Physique
; cette
science
de tres
- bornée
qu'elle
est , deviendroit
infiniment
étenduë
, si l'on
recevoit
au nombre
des explications
Physiques
, qu'un
efft
naturel
arrive
, parce
qu'il
est conforme
à la fin que Dieu
s'est proposée
. Je suppose
que pour
expliquer
la construction
d'une
Montre
, on s'avisat
de dire
que
ce qui cause
les mouvemens
réglez
de cette
machine
, c'est
l'intention
de l'ouvrier
qui l'a faite
dans
le
dessein
de marquer
les heures
; cette
cause
finale
en Physique
ne seroit
comptée
G
pour
1736 MERCURE DE FRANCE
pour rien ; et on ne pourroit prouver
mieux que cette Montre est l'ouvrage
d'un Artiste , et non l'effet du hazard
qu'en faisant observer l'action du ressort,
le tirage de la chaîne , les engrainures des
rouës , et sur tout la proportion et le concours
des mouvemens. Quel est donc le
véritable objet de la Physique ,? C'est de
déduire les Phénoménes , des Loix géné
rales de la nature , établies par Dieu , et
rapportées au Créateur . Une pareille Philosophie
peut- elle donner lieu aux inveçtives
de l'Auteur Anglois » Les Carthé
» siens , dit- il , page 34. tâchent de dé-
» truire notre grand argument , en pré-
»tendant résoudre tous les Phénomènes
» de la nature , et rendre compte de la
» production et de la formation de l'Uni-
» vers , et de tous les Etres corporels qu'il
» contient , soit celestes ou terrestres ; ani-
» mez ou inanimcz , même sans en exclunre
les animaux , et cela par une foible
»hypothèse de la matiere divisée, et mise
» en mouvement de telle ct telle maniés
» re. . . . . De maniére que Dieu n'a eu
» autre chose à faire qu'à créer la matiére ,
»la diviser en partics , et la mettre en
»mouvement , suivant un petit nombre
de certaines Loix , et que cela ne pouvoit
manquer de produite de soi-même
...
12
AOUST. 1733 : 1737
le monde et toutes les créatures qui y
sont contenues. Pour la réfutation de
cette hypothése ,, continue cet Auteur ,
n'aurois qu'à renvoyer le Lecteur au
» systême du Docteur Cudwort ; mais
» pour lui épargner cette peine, je vais en
transcrire les paroles..... Dieuse con
tentant de regarder en spectateur in-
» différents ce Lusus Atomorum , ou cette
» danse agréable des Atômes , et les différents
effets qui en résultent. Non con-
» tens de cela , ces Déïstes méchaniques
» ont excédé et surpassé en ceci les Athées
» atomiques , par une extravagance plus
oursée que la leur ; car les Athées de
profession n'ont jamais osé affirmer que
» ce systéme régulier des choses fut le ré-
» sultat d'un mouvement fortuit d'Atomes
au commencement , avant d'avoir
produit pendant bien du temps des
combinaisons ineptes ou des assembla-
» ges de choses particulières , et des sys-
» têmes ridicules du tout. Ils supposoient
» même que la régularité des choses de ce
monde ne subsisteroit pas toujours , et
» que la confusion et le désordre s'y re-
> mettroient avec le temps ; qu'outre le
monde que nous habitons , il y en a encore
en ce moment un nombre inexprimable
d'autres irréguliers , dont il
Cij n'y
1738 MERCURE DE FRANCE
» n'y en a pas d'un entre mille et dix mil-
» le , qui ait une régularité pareille au
» nôtre ...... Mais nos Déïstes micha
» niques prétendent que leurs Atomes
» n'ont jamais bronché dans leurs mou-
» vemens, ni produit aucun systéme inep-
» te , ni aucunes formes impropres , et
» qu'ils se sont placez et rangez dès le
commencement avec tant d'ordre et de
» méthode , que la sagesse même n'auroit
» pû le faire mieux , ni avec plus d'exactitude.
C'est par cette raison que çes
» Déi tes re ettent absolument le grand
» a gument qui prouve l'Existence de
Dicu , tiré du Phénoméne de la nature
n artificielle des choses , sur lequel on a si
» fort insisé dans tous les siècles , et qui
» fait ordinairement le plus d'effet sur l'es-
» prit humain. Les Athées s'applaudissent
» cependant en secret , er triomphent de
>> voir la cause du Déïsme trahie de cette
» maniere par ses partisans et ses défen-
» seurs les plus zélez , et le grand argu-
» ment éludé pour favoriser leur cause.
Rien ne sçauroit marquer une plus gran
» de dépravation d'esprit , ni plus de folic
et de stupidité dans les Déïstes pré.en-
» dus , que de n'avoir aucun égard à la
forme régulière et artificielle des cho
ses , ni aux impressions de l'art et de
AOUST . 1733 . 1739
wla
sagesse divine , et de ne regarder
» le Monde et les productions de la Na-
» ture , qu'avec des yeux de boeuf ou de
» cheval.
Le sieur Ray , dans la fureur qui le
transporte , n'entend pas les termes dont
il se sert car qu'est- ce qu'un Déïste , suivant
la notion génerale ? C'est un impiet
qui ne suit aucune Religion particuliere ,
qui reconnoît , à la verité , l'existence de
Dieu mais qui refuse de croire les Mysteres
que Dieu a révelez. Or ces Deïstes qui refusent
de se rendre à l'évidence de la révé.
lation , ne sont pas ceux qui font le moins
valoir le grand argument de l'existence
de Dieu , tiré de sa sagesse dans la Création.
On ne sçait ce que le sieur Ray
veut dire par ces paroles : » Les Athées
» s'applaudissent cependant en secret , et
» triomphent de voir la cause du Déïsme
>>trahie de cette maniere par ses Parti-
» sans et ses Deffenseurs les plus zelez .
Il prend ici la cause du Déïsme pour une
bonne cause trahie , et il semble appli
quer aux Carthésiens les termes de Partis
sans et de Deffenseurs les plus zelez de
la bonne cause. Mais c'est bien plutôt
cet Auteur qui trahit la cause qu'il entreprend
de soutenir , par la foiblesse
avec laquelle il traite son sujet . S'il eût
Ciij fair
1740 MERCURE DE FRANCE
ა
fait remarquer , comme les Carthésiensces
Loix générales dont l'uniformité produit
un Monde si diversifié ; s'il se fût
élevé jusqu'à un méchanisme sublime
qui donnât une idée de la Création proportionnée
à ce que notre foible esprit
peut concevoir de plus grand et de plus
magnifique ; si en s'attachant à ce qu'il.
ya de plus merveilleux dans la Nature
il eût observé , comme ceux qu'il appelle-
Deistes , que cette multitude immense
de mouvemens des Corps Celestes , que
révolutions si constantes des Astres ,
que cette fécondité si riche et si brillan-.
te de l'Univers , que tous ces Phénomenes
si utiles à l'homme , et qui étalent
à ses yeux un spectacle digne du Créateur
, qu'enfin la beauté ravissante de
toutes les Oeuvres de Dieu , est un
témoignage continuel et invincible de sa
sagesse et de sa toute- puissance dans la
Création , par la simplicité et l'ordre des
ressorts qui y sont employez , il eût rem--
pli son sujet avec la dignité convenable ,
mais il ne s'arrête qu'à un petit détail ,
et ne présente par tout que des images.
basses et imparfaites d'un sujet qui surpasse
ses forces.
C'est favoriser l'athéïsme et le syste
me du hazard , que de rejetter le méchaA
O UST. 173′3 ; 1741
chanisme de la Nature , par lequel les
Carthésiens n'entendent autre chose que
les loix generales du mouvement établics
par le Créateur. Que chaque Philosophe
conçoive et suppose ces Loix
générales à son gré , que
differens Phisiciens
suivent des vues systématiquesfort
éloignées ; tous au moins doivent
convenir que ce n'est pas une pensée raisonnable
sur l'Etre suprême , de croire
que l'uniformité et la simplicité manquent
à ses Productions . Le principal but
de la Physique est donc de rapporter tous
les raisonnemens à ces principes. C'est à
quoi les Carthésiens ont beaucoup mieux
réussi qu'aucune autre Secte de Philosophes
, ayant mieux expliqué le méchanisme
general de la Nature; et ' on peut
dire que ceux qui tâchent d'étendre et
de pousser plus loin ce méchanisme , sont
ceux qui pensent et qui s'expliquent le
mieux au sujet de la sagesse et de la toùte-
puissance de Dieu dans la Création . A
la verité , le Philosophe rempli de pré
somption , se persuade qu'il peut concevoir
et faire entendre aux autres cet ordre
admirable établi dans les Ouvrages
de Dieu ; au lieu que le Physitien modeste
, qui connoît la foiblesse et l'incer
titude de ses lumieres , ne regarde tous
Ciij les
742 MERCURE DE FRANCE
les raisonnemens physiques que comme
des hypothéses.
>>
Continuons de rapporter la censure de
la Philosophie Carthésienne par l'Auteur
Anglois. Il se trouve , dit-il , pag. 35 .
» plusieurs Phénomenes dans la Ñature ,
» lesquels étant en partie au- dessus de la
»force et de la portée , et en partie con-
>> traires aux Loix du Méchanisme , ils
» ne sçauroient se résoudre sans avoir re-
>> cours aux causes finales et à quelques
» principes de vie ; par exemple , ce-
» lui de la gravité ou du penchant que
» les corps ont à descendre , le mouve-
» ment du diaphragme dans la respira-
» tion , la systole et la diastole du coeur ,
» qui n'est autre chose qu'une contraction
et un relâchement des muscles ,
» et par consequent ne sçauroit être un
» mouvement méchanique , mais un prin-
» cipe de vie. Nous pourrions encore
» ajoûter à cela entre plusieurs autres
» choses , l'intersection des plans de l'E-
» quateur et de l'Ecliptique ou du mou-
» vement diurne ou journalier de la Ter-
» re sur un axe qui n'est pas parallele à
celui de l'écliptique , ni perpendiculaire
à son plan ..... On ne sçauroit
» donc attribuer la continuation de ce
» double mouvement annuel et diurne
nde
23
A O UST. 17337 1748
de la Terre sur des axes non paralleles,
» à autre chose qu'à une cause finale ou
» mentale , ou rò fixTisov , parce qu'il
étoit à propos que cela fût ainsi , la
» varieté des saisons de l'année en dé
» pendant. Mais le plus considerable de
» tous les Phénoménes pir içuliers est la
»formation et l'organisation des corps
>> des animaux , remplis de tant de varietez
et de merveilles , que ces Philo-
» sophes méchaniques n'en pouvant faire
»la solution par le mouvement nécessaire
» de la matiere , sans qu'elle fût dirigée
par l'esprit à de certaines fins , ont pru-
» demment interrompu leur systéme en
» cet endroit , où ils devoient traiter des
» animaux , et n'en ont pas touché un
» seul mot.
23
On connoît clairement par cette critique
, que le sieur Ray est aussi peu
versé dans la Philosophie Carthésienne
qu'il est injuste dans l'accusation qu'il
intente contre elle. Nous avons vû plus
haut qu'il attribuë aux Carthésiens un
systéme d'Atomes , quoique les trois Elemens
de Descartes soient divisibles à l'infini
, et que par conséquent Descartes
rejette les Atomes , qui signifient des Elemens
indivisibles. Le sieur Ray ne se
trompe pas moins, en disant que dans les
C v Phé1744
MERCURE DE FRANCE
:
Phénomenes qu'il cite , il y a de la contrarieté
au Mechanisme de la Nature. Il
est vrai que les loix générales du mouvement
n'expliquent pas la construction
du corps des animaux , ni la forme de
ces organes merveilleux qui servent aux
differentes fonctions du principe qui les
anime. Le mouvement circulaire des
trois Elémens de Descartes ne peut faires
concevoir , par exemple, comment ont
été produits les instrumens de la faculté
visuelle ; mais les Carthésiens doivent :
seulement avouer que leur méchanisme ,
quoiqu'il n'y ait aucune contrarieté , est
insuffisant pour expliquer tous les Phé
noménes , et sur tout l'organisation admirable
des animaux ,, les corps animezz
et inanimez étant vrai- semblable--
ment produits suivant des loix differen--
tes, ou plutôt dont nous n'appercevons
pas la liaison. * Il ne s'ensuit pas de ce
que la Créature est incapable de conce
voir entierement le grand Ouvrage de :
la Création , qu'il lui soit defendu de rechercher
les causes physiques et naturel
+
La plupart même des Carthésiens estiment aun
aujet de l'organisation continuelle et toujours
cemblable , des Plantes et des Animaux , que tous :
res corps formez en même-temps par le Souve
fain Etre , dans les graines ou dans les oeufs , nesont
que se développer successivement,
leas
A O UST. 1733. 17455
les , suivant les principes les plus géné
caux et les plus simples , en les rappor
tánt à la sagesse et à la toute- puissance
du Créateur.
Les difficultez qui se trouveut sur la
pesanteur , ne peuvent se résoudre par
des principes de vie qui n'ont aucun rapport
avec elle , ou par des causes finales ,.
qui ne sont en aucune maniere des causes
physiques ; et si les explications que
Descartes a données de la pesanteur , ont
été attaquées par de fortes objections ,
tous les Philosophes se sont au moins
accordez à tirer ces Explications d'un '
méchanisme général de la Nature. Le
'steur Ray est si peu d'accord avec luid
même au sujet de la respiration et de la¹
systole et diastole du coeur, qu'après avoir
affirmé que ces mouvemens ne peuvent
être méchaniques , il regarde ailleurs com
me une question douteuse de sçavoir si
les bêtes sont des vrayes machines , ou
s'il convient de leur attribuer la vie et le
sentiment.
cliptiqueant
à l'intersection
de l'é-
1
de l'équateur , on en peut donner
plusieurs raisons qui n'ont rien de
contraire au systéme Carthésien . L'obli
quité de l'écliptique par rapport à l'équateur
, dont l'axe conserve toujours
son parallelisme est assurément la cause
av de
1746 MERCURE DE FRANCE
de la varieté des Saisons , mais cette cause
finale , encore une fois , ne peut passer
pour une cause phisique. L'Explication
naturelle de ce phénoméne peut se rapporter
, suivant les principes d'un Méchanisme
général , ou aux particules cannelées
, qui traversant les pores du G'obe
Terrestre d'un certain sens , déterminent
sa position , ou à la qualité du fluide qui
emporte la Terre par un mouvement
circulaire , ou à la pression des tourbillons
voisins , ou à la résistance que tout
corps solide apporte à l'impression du
mouvement qu'il reçoit , ou à toutes ces
causes réunis , ou aux differentes hypotheses
que la sagacité du Physicien lui
fera inventer. Dieu permet à l'homme
de faire quelques raisonnemens assez vraisemblables
sur les Corps Celestes , si prodigieusement
éloignez de nous ,
afin que
cette étude éleve notre esprit à la Majesté
de l'Etre suprême , en même - temps
que la présomption de l'homme est domptée
par la profonde ignorance où il est
de ce qui est au- dedans de lui - même et
de ce qui fait partie de sa propre substance.
C'est une calomnie insoutenable de
dire que les Carthésiens rejettent absolument
le grand argument qui prouve
» l'eA
O UST. 1733 1747
» l'éxistence de Dieu , tiré du phénoméne
de la forme artificielle des choses .
Nulle Philosophie au contraire ne donne
des idées aussi sublimes de la sagesse
de Dieu dans la Création ; nulle Physique
ne ramene davantage l'esprit au
Créateur , en rapportant tous les phénoménes
qu'elle peut expliquer à des loix
simples et génerales émanées nécessairement
de la Toute puissance divine . C'est
l'argument le plus invincible contre l'Athéïsme
, c'est l'exclusion la plus forte du
hazard , dont la régularité et l'uniformité
ne peuvent être les productions . Plus l'idée
d'un méchanisme est générale , constante
et uniforme , comme dans le Carthésianisme
, plus elle est inséparable des
idées de dessein et de sagesse. Ces Re-
Aléxions suffisent pour prouver des veritez
si évidentes, d'autant plus que pour
détruire l'Athéïsme par le raisonnement ,
il faudroit que quelque homme qui raisonne
fût capable d'Athéïsme , ce qui est
impossible. Il est donc certain que l'accusation
du Carthésianisme par les Docteurs
Cudwort et Ray , est au fond trèsfrivole
et très mal fondée , injurieuse à
plusieurs saints et sçavans personnages ,
qui ont soutenu cette Philosophie , et aux
Écoles qui l'enseignent publiquement.
Gendre de S. Aubin ; contre les accusations
des Docteurs Cudwort et Ray.
UN
N zéle indiscret est souvent l'occasion
d'un scandale;c'est l'idée qu'on
doit se former des accufations intentées
par les Docteurs Cudwort et Ray , contre
le Cartesianisme. Elles sont contenuës
dans un Livre Anglois , intitulé : L'Existenca
" 1732 MERCURE DE FRANCE
sence et la Sagesse de Dieu, manifestées dans
les Oeuvres de la Création ; par le sieur
Ray,Membre de la Société Royale. La Traduction
Françoise , imprimée à Utrecht,
en 1723. se débite depuis peu à Paris.
On est étonné qu'un Philosophe , qui
écrit uniquement en vûë de manifester la
Sagesse de Dieu dans la Création, débute,
page 5. par approuver un sentiment qu'il
atribue à des Philosophes judicieux ; sçavoir
, que plus les genres , ou les ordres
des Etres sont imparfaits , plus les especes
en sont nombreuses . Est- ce là un
préambule convenable à un Panégyriste
de la Sagesse de Dieu dans la Création ?
Ne devoit il pas plutôt dire que ce qui
paroît imparfait aux vues bornées de notre
entendement , a son utilité et sa destination
dans les Décrets éternels de la Providence
? Ce seroit là un beau champ
pour les Cartésiens qu'il attaque d'une
maniere outrageante ; ne pourroient- ils
pas le traiter de prévaricateur dans une
cause si évidente , et qu'il soutient si
mal ?
Pour faire éclater , dit il , page 12. la
grandeur et l'étendue infinie de l'esprit
de Dieu , il observe que rien ne marque
davantage la supériorité du génie , que
d'inventer des Machines differentes , qui
pros
AOU'ST. 1733. 1733
E
4
€
>
produisent le même effet , et soient destinées
aux mêmes fins . Mais suivant les notions
les plus saines et les plus communes ,
rien ne marque davantage la sagesse
de
l'ouvrier que le Méchanisme le plus simple
et le moins chargé de ressorts . C'est donc
sur une sorte de Méchanisme qu'il fonde
la sagesse de Dieu dans la Création, mais
sur un Mechanisme de détail , qu'il présente
à la pensée , d'une maniere aussi
basse , que celui des Cartésiens est sublime.
Quoique le sieur Ray tâche de décrier
le Cartesianisme sans ménagement, il établit
, pages 2 et 3. comme le sentiment le
plus universellement
reçu , tout ce que
cette Philosophie dans sa nouveauté parut
avoir de plus difficile à concilier avec la
Religion ; sçavoir, l Hypothèse des Tourbillons
, suivant laquelle chaque Etoile ,
pour me servir des propres termes du
Traducteur , est un Soleil ou un Corps
semblable à cet astre , environné de même
d'un Choeur de Planetes , qui tournent
autour de lui. Il avance de plus , qu'il
n'y a aucune de ces Planétes qui ne soit
remplie, selon toutes les apparences , d'une
grande variété de créatures corporelles ,
animées et inanimées . Personne n'ignore
que cette partie de la Physique nouvelle
fut
1734 MERCURE DE FRANCE
fut exposée à la censure , et allarma quelques
personnes pieuses , qui trouvoient
ce systême peu conforme à ce qui nous
cst enseigné sur la Création dans la Genése
; mais il a été reçu depuis comme
une hypothese , sur laquelle on écrit et
on dispute publiquement , et il y a longtemps
que tous les scrupules sont levez à
cet égard.
A la maniére dont le S Ray fait connoître
quels sont les principes de sa Phylosophie
, qui ne le prendroit pour un
Cartésien ? Sectateur de cette Physique ,
il va néanmoins lui imputer les intentions
les plus criminelles. » Il semble
» dit-il, pag. 28.qu'il soit necessaire d'exa-
>> miner un peu les principes d'une Secte
» de Déïstes de profession; j'entends celle
» de Descartes et de ses Disciples , qui
» ont pour but d'éluder et de détruire un
» argument qui a eu tant de force dans
» tous les siècles , pour prouver l'exis-
» tence d'un Dieu . Le premier grief d'une
accusation si grave , est que Descartes
exclud de la Physique toute la considération
des causes finales . Le Sr Ray cite ,
pages 29 et 30. les Passages des Méditations
Métaphysiques , des principes de
Philosophie , et de la quatrième Réponse
aux Objections de Gassendi , où Descartes
dit
AOUST. 1733 1735
1
dit
que toutes
les causes
qu'on
a accoutumé
de tirer
de la fin , ne sont
d'aucun
usage
dans
la Physique
,puisqu'on
ne sçauroit
se persuader
, sans
témérité
, qu'on
puisse
pénétrer
dans
les fins
que
Dieu
s'est proposées
. Il est facile
de répondre
à
cette
objection
, que
la raison
alléguée
par Descartes
, pour
ne pas expliquer
les effets
naturels
par
les fins que
Dieu s'est
proposées
, est trèspieuse
et trèsédifiante
, et qu'il
auro
t pû se contenter
d'établir
en général
, que la Physique
étant
une
recherche
des causes
naturelles
, ce
n'est
pas
parler
en Physicien
, que
de
donner
pour
cause
de la production
d'un Phénoméne
, que Dieu
a eu en vûë
de le
produire
. Car
c'est
ce que tout
Chrétien
sçait
, sans
étudier
la Physique
; cette
science
de tres
- bornée
qu'elle
est , deviendroit
infiniment
étenduë
, si l'on
recevoit
au nombre
des explications
Physiques
, qu'un
efft
naturel
arrive
, parce
qu'il
est conforme
à la fin que Dieu
s'est proposée
. Je suppose
que pour
expliquer
la construction
d'une
Montre
, on s'avisat
de dire
que
ce qui cause
les mouvemens
réglez
de cette
machine
, c'est
l'intention
de l'ouvrier
qui l'a faite
dans
le
dessein
de marquer
les heures
; cette
cause
finale
en Physique
ne seroit
comptée
G
pour
1736 MERCURE DE FRANCE
pour rien ; et on ne pourroit prouver
mieux que cette Montre est l'ouvrage
d'un Artiste , et non l'effet du hazard
qu'en faisant observer l'action du ressort,
le tirage de la chaîne , les engrainures des
rouës , et sur tout la proportion et le concours
des mouvemens. Quel est donc le
véritable objet de la Physique ,? C'est de
déduire les Phénoménes , des Loix géné
rales de la nature , établies par Dieu , et
rapportées au Créateur . Une pareille Philosophie
peut- elle donner lieu aux inveçtives
de l'Auteur Anglois » Les Carthé
» siens , dit- il , page 34. tâchent de dé-
» truire notre grand argument , en pré-
»tendant résoudre tous les Phénomènes
» de la nature , et rendre compte de la
» production et de la formation de l'Uni-
» vers , et de tous les Etres corporels qu'il
» contient , soit celestes ou terrestres ; ani-
» mez ou inanimcz , même sans en exclunre
les animaux , et cela par une foible
»hypothèse de la matiere divisée, et mise
» en mouvement de telle ct telle maniés
» re. . . . . De maniére que Dieu n'a eu
» autre chose à faire qu'à créer la matiére ,
»la diviser en partics , et la mettre en
»mouvement , suivant un petit nombre
de certaines Loix , et que cela ne pouvoit
manquer de produite de soi-même
...
12
AOUST. 1733 : 1737
le monde et toutes les créatures qui y
sont contenues. Pour la réfutation de
cette hypothése ,, continue cet Auteur ,
n'aurois qu'à renvoyer le Lecteur au
» systême du Docteur Cudwort ; mais
» pour lui épargner cette peine, je vais en
transcrire les paroles..... Dieuse con
tentant de regarder en spectateur in-
» différents ce Lusus Atomorum , ou cette
» danse agréable des Atômes , et les différents
effets qui en résultent. Non con-
» tens de cela , ces Déïstes méchaniques
» ont excédé et surpassé en ceci les Athées
» atomiques , par une extravagance plus
oursée que la leur ; car les Athées de
profession n'ont jamais osé affirmer que
» ce systéme régulier des choses fut le ré-
» sultat d'un mouvement fortuit d'Atomes
au commencement , avant d'avoir
produit pendant bien du temps des
combinaisons ineptes ou des assembla-
» ges de choses particulières , et des sys-
» têmes ridicules du tout. Ils supposoient
» même que la régularité des choses de ce
monde ne subsisteroit pas toujours , et
» que la confusion et le désordre s'y re-
> mettroient avec le temps ; qu'outre le
monde que nous habitons , il y en a encore
en ce moment un nombre inexprimable
d'autres irréguliers , dont il
Cij n'y
1738 MERCURE DE FRANCE
» n'y en a pas d'un entre mille et dix mil-
» le , qui ait une régularité pareille au
» nôtre ...... Mais nos Déïstes micha
» niques prétendent que leurs Atomes
» n'ont jamais bronché dans leurs mou-
» vemens, ni produit aucun systéme inep-
» te , ni aucunes formes impropres , et
» qu'ils se sont placez et rangez dès le
commencement avec tant d'ordre et de
» méthode , que la sagesse même n'auroit
» pû le faire mieux , ni avec plus d'exactitude.
C'est par cette raison que çes
» Déi tes re ettent absolument le grand
» a gument qui prouve l'Existence de
Dicu , tiré du Phénoméne de la nature
n artificielle des choses , sur lequel on a si
» fort insisé dans tous les siècles , et qui
» fait ordinairement le plus d'effet sur l'es-
» prit humain. Les Athées s'applaudissent
» cependant en secret , er triomphent de
>> voir la cause du Déïsme trahie de cette
» maniere par ses partisans et ses défen-
» seurs les plus zélez , et le grand argu-
» ment éludé pour favoriser leur cause.
Rien ne sçauroit marquer une plus gran
» de dépravation d'esprit , ni plus de folic
et de stupidité dans les Déïstes pré.en-
» dus , que de n'avoir aucun égard à la
forme régulière et artificielle des cho
ses , ni aux impressions de l'art et de
AOUST . 1733 . 1739
wla
sagesse divine , et de ne regarder
» le Monde et les productions de la Na-
» ture , qu'avec des yeux de boeuf ou de
» cheval.
Le sieur Ray , dans la fureur qui le
transporte , n'entend pas les termes dont
il se sert car qu'est- ce qu'un Déïste , suivant
la notion génerale ? C'est un impiet
qui ne suit aucune Religion particuliere ,
qui reconnoît , à la verité , l'existence de
Dieu mais qui refuse de croire les Mysteres
que Dieu a révelez. Or ces Deïstes qui refusent
de se rendre à l'évidence de la révé.
lation , ne sont pas ceux qui font le moins
valoir le grand argument de l'existence
de Dieu , tiré de sa sagesse dans la Création.
On ne sçait ce que le sieur Ray
veut dire par ces paroles : » Les Athées
» s'applaudissent cependant en secret , et
» triomphent de voir la cause du Déïsme
>>trahie de cette maniere par ses Parti-
» sans et ses Deffenseurs les plus zelez .
Il prend ici la cause du Déïsme pour une
bonne cause trahie , et il semble appli
quer aux Carthésiens les termes de Partis
sans et de Deffenseurs les plus zelez de
la bonne cause. Mais c'est bien plutôt
cet Auteur qui trahit la cause qu'il entreprend
de soutenir , par la foiblesse
avec laquelle il traite son sujet . S'il eût
Ciij fair
1740 MERCURE DE FRANCE
ა
fait remarquer , comme les Carthésiensces
Loix générales dont l'uniformité produit
un Monde si diversifié ; s'il se fût
élevé jusqu'à un méchanisme sublime
qui donnât une idée de la Création proportionnée
à ce que notre foible esprit
peut concevoir de plus grand et de plus
magnifique ; si en s'attachant à ce qu'il.
ya de plus merveilleux dans la Nature
il eût observé , comme ceux qu'il appelle-
Deistes , que cette multitude immense
de mouvemens des Corps Celestes , que
révolutions si constantes des Astres ,
que cette fécondité si riche et si brillan-.
te de l'Univers , que tous ces Phénomenes
si utiles à l'homme , et qui étalent
à ses yeux un spectacle digne du Créateur
, qu'enfin la beauté ravissante de
toutes les Oeuvres de Dieu , est un
témoignage continuel et invincible de sa
sagesse et de sa toute- puissance dans la
Création , par la simplicité et l'ordre des
ressorts qui y sont employez , il eût rem--
pli son sujet avec la dignité convenable ,
mais il ne s'arrête qu'à un petit détail ,
et ne présente par tout que des images.
basses et imparfaites d'un sujet qui surpasse
ses forces.
C'est favoriser l'athéïsme et le syste
me du hazard , que de rejetter le méchaA
O UST. 173′3 ; 1741
chanisme de la Nature , par lequel les
Carthésiens n'entendent autre chose que
les loix generales du mouvement établics
par le Créateur. Que chaque Philosophe
conçoive et suppose ces Loix
générales à son gré , que
differens Phisiciens
suivent des vues systématiquesfort
éloignées ; tous au moins doivent
convenir que ce n'est pas une pensée raisonnable
sur l'Etre suprême , de croire
que l'uniformité et la simplicité manquent
à ses Productions . Le principal but
de la Physique est donc de rapporter tous
les raisonnemens à ces principes. C'est à
quoi les Carthésiens ont beaucoup mieux
réussi qu'aucune autre Secte de Philosophes
, ayant mieux expliqué le méchanisme
general de la Nature; et ' on peut
dire que ceux qui tâchent d'étendre et
de pousser plus loin ce méchanisme , sont
ceux qui pensent et qui s'expliquent le
mieux au sujet de la sagesse et de la toùte-
puissance de Dieu dans la Création . A
la verité , le Philosophe rempli de pré
somption , se persuade qu'il peut concevoir
et faire entendre aux autres cet ordre
admirable établi dans les Ouvrages
de Dieu ; au lieu que le Physitien modeste
, qui connoît la foiblesse et l'incer
titude de ses lumieres , ne regarde tous
Ciij les
742 MERCURE DE FRANCE
les raisonnemens physiques que comme
des hypothéses.
>>
Continuons de rapporter la censure de
la Philosophie Carthésienne par l'Auteur
Anglois. Il se trouve , dit-il , pag. 35 .
» plusieurs Phénomenes dans la Ñature ,
» lesquels étant en partie au- dessus de la
»force et de la portée , et en partie con-
>> traires aux Loix du Méchanisme , ils
» ne sçauroient se résoudre sans avoir re-
>> cours aux causes finales et à quelques
» principes de vie ; par exemple , ce-
» lui de la gravité ou du penchant que
» les corps ont à descendre , le mouve-
» ment du diaphragme dans la respira-
» tion , la systole et la diastole du coeur ,
» qui n'est autre chose qu'une contraction
et un relâchement des muscles ,
» et par consequent ne sçauroit être un
» mouvement méchanique , mais un prin-
» cipe de vie. Nous pourrions encore
» ajoûter à cela entre plusieurs autres
» choses , l'intersection des plans de l'E-
» quateur et de l'Ecliptique ou du mou-
» vement diurne ou journalier de la Ter-
» re sur un axe qui n'est pas parallele à
celui de l'écliptique , ni perpendiculaire
à son plan ..... On ne sçauroit
» donc attribuer la continuation de ce
» double mouvement annuel et diurne
nde
23
A O UST. 17337 1748
de la Terre sur des axes non paralleles,
» à autre chose qu'à une cause finale ou
» mentale , ou rò fixTisov , parce qu'il
étoit à propos que cela fût ainsi , la
» varieté des saisons de l'année en dé
» pendant. Mais le plus considerable de
» tous les Phénoménes pir içuliers est la
»formation et l'organisation des corps
>> des animaux , remplis de tant de varietez
et de merveilles , que ces Philo-
» sophes méchaniques n'en pouvant faire
»la solution par le mouvement nécessaire
» de la matiere , sans qu'elle fût dirigée
par l'esprit à de certaines fins , ont pru-
» demment interrompu leur systéme en
» cet endroit , où ils devoient traiter des
» animaux , et n'en ont pas touché un
» seul mot.
23
On connoît clairement par cette critique
, que le sieur Ray est aussi peu
versé dans la Philosophie Carthésienne
qu'il est injuste dans l'accusation qu'il
intente contre elle. Nous avons vû plus
haut qu'il attribuë aux Carthésiens un
systéme d'Atomes , quoique les trois Elemens
de Descartes soient divisibles à l'infini
, et que par conséquent Descartes
rejette les Atomes , qui signifient des Elemens
indivisibles. Le sieur Ray ne se
trompe pas moins, en disant que dans les
C v Phé1744
MERCURE DE FRANCE
:
Phénomenes qu'il cite , il y a de la contrarieté
au Mechanisme de la Nature. Il
est vrai que les loix générales du mouvement
n'expliquent pas la construction
du corps des animaux , ni la forme de
ces organes merveilleux qui servent aux
differentes fonctions du principe qui les
anime. Le mouvement circulaire des
trois Elémens de Descartes ne peut faires
concevoir , par exemple, comment ont
été produits les instrumens de la faculté
visuelle ; mais les Carthésiens doivent :
seulement avouer que leur méchanisme ,
quoiqu'il n'y ait aucune contrarieté , est
insuffisant pour expliquer tous les Phé
noménes , et sur tout l'organisation admirable
des animaux ,, les corps animezz
et inanimez étant vrai- semblable--
ment produits suivant des loix differen--
tes, ou plutôt dont nous n'appercevons
pas la liaison. * Il ne s'ensuit pas de ce
que la Créature est incapable de conce
voir entierement le grand Ouvrage de :
la Création , qu'il lui soit defendu de rechercher
les causes physiques et naturel
+
La plupart même des Carthésiens estiment aun
aujet de l'organisation continuelle et toujours
cemblable , des Plantes et des Animaux , que tous :
res corps formez en même-temps par le Souve
fain Etre , dans les graines ou dans les oeufs , nesont
que se développer successivement,
leas
A O UST. 1733. 17455
les , suivant les principes les plus géné
caux et les plus simples , en les rappor
tánt à la sagesse et à la toute- puissance
du Créateur.
Les difficultez qui se trouveut sur la
pesanteur , ne peuvent se résoudre par
des principes de vie qui n'ont aucun rapport
avec elle , ou par des causes finales ,.
qui ne sont en aucune maniere des causes
physiques ; et si les explications que
Descartes a données de la pesanteur , ont
été attaquées par de fortes objections ,
tous les Philosophes se sont au moins
accordez à tirer ces Explications d'un '
méchanisme général de la Nature. Le
'steur Ray est si peu d'accord avec luid
même au sujet de la respiration et de la¹
systole et diastole du coeur, qu'après avoir
affirmé que ces mouvemens ne peuvent
être méchaniques , il regarde ailleurs com
me une question douteuse de sçavoir si
les bêtes sont des vrayes machines , ou
s'il convient de leur attribuer la vie et le
sentiment.
cliptiqueant
à l'intersection
de l'é-
1
de l'équateur , on en peut donner
plusieurs raisons qui n'ont rien de
contraire au systéme Carthésien . L'obli
quité de l'écliptique par rapport à l'équateur
, dont l'axe conserve toujours
son parallelisme est assurément la cause
av de
1746 MERCURE DE FRANCE
de la varieté des Saisons , mais cette cause
finale , encore une fois , ne peut passer
pour une cause phisique. L'Explication
naturelle de ce phénoméne peut se rapporter
, suivant les principes d'un Méchanisme
général , ou aux particules cannelées
, qui traversant les pores du G'obe
Terrestre d'un certain sens , déterminent
sa position , ou à la qualité du fluide qui
emporte la Terre par un mouvement
circulaire , ou à la pression des tourbillons
voisins , ou à la résistance que tout
corps solide apporte à l'impression du
mouvement qu'il reçoit , ou à toutes ces
causes réunis , ou aux differentes hypotheses
que la sagacité du Physicien lui
fera inventer. Dieu permet à l'homme
de faire quelques raisonnemens assez vraisemblables
sur les Corps Celestes , si prodigieusement
éloignez de nous ,
afin que
cette étude éleve notre esprit à la Majesté
de l'Etre suprême , en même - temps
que la présomption de l'homme est domptée
par la profonde ignorance où il est
de ce qui est au- dedans de lui - même et
de ce qui fait partie de sa propre substance.
C'est une calomnie insoutenable de
dire que les Carthésiens rejettent absolument
le grand argument qui prouve
» l'eA
O UST. 1733 1747
» l'éxistence de Dieu , tiré du phénoméne
de la forme artificielle des choses .
Nulle Philosophie au contraire ne donne
des idées aussi sublimes de la sagesse
de Dieu dans la Création ; nulle Physique
ne ramene davantage l'esprit au
Créateur , en rapportant tous les phénoménes
qu'elle peut expliquer à des loix
simples et génerales émanées nécessairement
de la Toute puissance divine . C'est
l'argument le plus invincible contre l'Athéïsme
, c'est l'exclusion la plus forte du
hazard , dont la régularité et l'uniformité
ne peuvent être les productions . Plus l'idée
d'un méchanisme est générale , constante
et uniforme , comme dans le Carthésianisme
, plus elle est inséparable des
idées de dessein et de sagesse. Ces Re-
Aléxions suffisent pour prouver des veritez
si évidentes, d'autant plus que pour
détruire l'Athéïsme par le raisonnement ,
il faudroit que quelque homme qui raisonne
fût capable d'Athéïsme , ce qui est
impossible. Il est donc certain que l'accusation
du Carthésianisme par les Docteurs
Cudwort et Ray , est au fond trèsfrivole
et très mal fondée , injurieuse à
plusieurs saints et sçavans personnages ,
qui ont soutenu cette Philosophie , et aux
Écoles qui l'enseignent publiquement.
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Résumé : DÉFENSE du Cartésianisme, par M. le Gendre de S. Aubin ; contre les accusations des Docteurs Cudwort et Ray.
Le texte est une défense du cartésianisme contre les critiques des docteurs Cudworth et Ray, exprimées dans leur ouvrage 'L'Existence et la Sagesse de Dieu, manifestées dans les Oeuvres de la Création'. Le défenseur du cartésianisme reproche à Ray d'avoir commencé son livre en approuvant l'idée que les êtres imparfaits sont plus nombreux que les parfaits, ce qui est jugé inapproprié pour un panégyriste de la sagesse divine. Ray est également critiqué pour avoir fondé la sagesse divine sur un mécanisme de détail, jugé bas et imparfait comparé au mécanisme sublime des cartésiens. Malgré ses attaques contre le cartésianisme, Ray reconnaît certaines hypothèses cartésiennes, comme celle des tourbillons et la diversité des créatures sur les planètes. Le défenseur du cartésianisme répond aux accusations de Ray en expliquant que Descartes exclut les causes finales de la physique pour se concentrer sur les causes naturelles. Il argue que cette approche est pieuse et édifiante, et que la physique doit déduire les phénomènes des lois générales de la nature établies par Dieu. Le texte critique Ray pour avoir accusé les cartésiens de détruire l'argument de l'existence de Dieu en réduisant la création à des lois mécaniques. Le défenseur du cartésianisme conclut que les cartésiens ont mieux expliqué le mécanisme général de la nature et la sagesse divine que toute autre secte philosophique. Le texte discute également de divers phénomènes naturels, comme la gravité, la respiration, les mouvements du cœur, et les mouvements de la Terre, qui semblent défier les lois du mécanisme et nécessitent l'intervention de causes finales ou de principes de vie. Il critique l'incapacité des philosophes mécanistes à expliquer l'organisation des corps animaux, soulignant que ces philosophes interrompent leur système lorsqu'ils abordent ce sujet. Les cartésiens reconnaissent l'insuffisance de leur mécanisme pour expliquer tous les phénomènes, notamment l'organisation des animaux, mais estiment que les corps animés et inanimés sont produits selon des lois différentes. Le texte aborde des difficultés spécifiques comme la pesanteur, la respiration, et les mouvements du cœur, soulignant que les explications cartésiennes, bien que critiquées, restent mécanistes. Il mentionne l'obliquité de l'écliptique par rapport à l'équateur et les diverses causes possibles de ce phénomène, tout en insistant sur le fait que les causes finales ne peuvent être des causes physiques. Enfin, le texte réfute l'accusation selon laquelle les cartésiens rejettent l'argument de la forme artificielle des choses pour prouver l'existence de Dieu. Il affirme que la philosophie cartésienne donne des idées sublimes de la sagesse divine et constitue un argument fort contre l'athéisme. Le texte conclut en dénonçant les accusations frivoles et mal fondées contre le cartésianisme.
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7
p. 2854-2856
Historique de l'Aurore boreale, &c. [titre d'après la table]
Début :
TRAITÉ PHYSIQUE ET HISTORIQUE de l'Aurore Boréale. Par M. de Mairan, de [...]
Mots clefs :
Aurore boréale, Physique, Académie des sciences, Observations, Phénomène
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texteReconnaissance textuelle : Historique de l'Aurore boreale, &c. [titre d'après la table]
TRAITE PHYSIQUE ET HISTORIQUE de
Aurore Boreale. Par M. de Mairan , de
P'Académie Royale des Sciences . A Paris ,
de l'Imprimerie Royale , 1733. in 4. de
281. pages et 15. Planches. Chez Lambert
, ruë S. Jacques , à la Sagesse.
Cet Ouvrage , lû à l'Académie des
Sciences, et annoncé auPublic depuis quelques
années , contient une Explication
Physique de l'Aurore Boréale , fondée
sur quantité d'Observations Astronomiques
, et sur une recherche historique
11. Vol. -des
DECEMBRE . 1733 2855
des Apparitions de ce Phénomene dans
tous les siecles. L'Auteur prétend que
la Lumiere Zodiacale , découverte par
feu M. Cassini , où , ce qui est la même
chose, l'Atmosphere qui environne le Soleil
et qui atteint quelquefois jusqu'à la
Terre , est la véritable cause de l'Aurore
Boreale , dont elle fournit la matiere en
tombant dans l'Atmosphere Terrestre.
11 explique comment , selon quelle Loi
et de quelle distance se fait cette chue ,
d'où viennent les diverses formes , et la
place que prend cette matiere vers le
Nord ou vers les autres parties du Ciel.
Il compare ensuite les temps de la plus
grande frequence et de la plus grande
régularité du Phénomene , avec les differentes
positions de la Terre , et ses diffes
rens mouvemens autour du Soleil , et il
en tire des conclusions favorables à son
Hypothese. Il termine enfin son Ouvrage
par 28. Questions ou doutes sur diverses
matieres qui tiennent directement
ou indirectement à son Sujet et qui peuvent
faire naitre de nouvelles idées ou
procurer de nouvelles Observations, tant
sur la Lumiere Zodiacale et l'Aurore
Boreale , que sur toute la Physique Celeste.
Quoique ce Livre soit à la suite des Me-
II. Vol. Eij moires
2856 MERCURE DE FRANCE
moires de l'Académie des Sciences , on le
vendra séparément à ceux qui ne voudront
pas acheter ces Memoires.
Aurore Boreale. Par M. de Mairan , de
P'Académie Royale des Sciences . A Paris ,
de l'Imprimerie Royale , 1733. in 4. de
281. pages et 15. Planches. Chez Lambert
, ruë S. Jacques , à la Sagesse.
Cet Ouvrage , lû à l'Académie des
Sciences, et annoncé auPublic depuis quelques
années , contient une Explication
Physique de l'Aurore Boréale , fondée
sur quantité d'Observations Astronomiques
, et sur une recherche historique
11. Vol. -des
DECEMBRE . 1733 2855
des Apparitions de ce Phénomene dans
tous les siecles. L'Auteur prétend que
la Lumiere Zodiacale , découverte par
feu M. Cassini , où , ce qui est la même
chose, l'Atmosphere qui environne le Soleil
et qui atteint quelquefois jusqu'à la
Terre , est la véritable cause de l'Aurore
Boreale , dont elle fournit la matiere en
tombant dans l'Atmosphere Terrestre.
11 explique comment , selon quelle Loi
et de quelle distance se fait cette chue ,
d'où viennent les diverses formes , et la
place que prend cette matiere vers le
Nord ou vers les autres parties du Ciel.
Il compare ensuite les temps de la plus
grande frequence et de la plus grande
régularité du Phénomene , avec les differentes
positions de la Terre , et ses diffes
rens mouvemens autour du Soleil , et il
en tire des conclusions favorables à son
Hypothese. Il termine enfin son Ouvrage
par 28. Questions ou doutes sur diverses
matieres qui tiennent directement
ou indirectement à son Sujet et qui peuvent
faire naitre de nouvelles idées ou
procurer de nouvelles Observations, tant
sur la Lumiere Zodiacale et l'Aurore
Boreale , que sur toute la Physique Celeste.
Quoique ce Livre soit à la suite des Me-
II. Vol. Eij moires
2856 MERCURE DE FRANCE
moires de l'Académie des Sciences , on le
vendra séparément à ceux qui ne voudront
pas acheter ces Memoires.
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Résumé : Historique de l'Aurore boreale, &c. [titre d'après la table]
Le texte présente le 'Traité Physique et Historique de l'Aurore Boréale' de M. de Mairan, membre de l'Académie Royale des Sciences, publié en 1733 à Paris par l'Imprimerie Royale. Cet ouvrage de 281 pages et 15 planches est disponible chez Lambert, rue Saint-Jacques, à la Sagesse. Il expose une explication physique de l'aurore boréale basée sur des observations astronomiques et des recherches historiques. L'auteur propose que la lumière zodiacale, découverte par M. Cassini, ou l'atmosphère solaire atteignant la Terre, est la cause de ce phénomène. Il décrit comment cette matière solaire pénètre dans l'atmosphère terrestre, les lois régissant cette chute, et les formes prises par cette matière dans le ciel. L'auteur compare également les périodes de fréquence du phénomène avec les mouvements de la Terre autour du Soleil. Le livre se conclut par 28 questions visant à stimuler de nouvelles recherches sur la lumière zodiacale, l'aurore boréale et la physique céleste. Bien que faisant partie des Mémoires de l'Académie des Sciences, cet ouvrage sera également vendu séparément.
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8
p. 128-147
« EXPÉRIENCES Physico-méchaniques sur différens sujets, & principalement [...] »
Début :
EXPÉRIENCES Physico-méchaniques sur différens sujets, & principalement [...]
Mots clefs :
Physique, Électricité, Expérience, Newton, Almanach, Francis Hauksbee, Effets, Nature, Impulsion, Attraction, Physicien, Cartésiens
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texteReconnaissance textuelle : « EXPÉRIENCES Physico-méchaniques sur différens sujets, & principalement [...] »
EXPÉRIENCES Phyfico - méchaniques
fur différens fujets , & principalement
fur l'Electricité, produites par le frottement
des corps , traduites de l'Anglois de M.
Hauksbée ; par feu M. de Bremond , de
l'Académie royale des Sciences ; revûes ,
mifes au jour , avec un difcours préliminaire
, des remarques & des notes par M.
Defmareft , avec des figures ; 2 vol . in- 12.
A Paris , chez la veuve Cavelier & fils , rue
S. Jacques , au Lys d'or , 1754.
La réputation dont jouiffent en Angleterre
les expériences de M. Hauksbée , le
dégré d'authenticité qu'elles y ont acquis
d'abord & que le tems n'a point affoibli ,
font des titres qui affurent à la traduction
un accueil favorable de tous ceux qui aiment
à puifer dans des fources fûres. Feu
M. de Bremond qui connoiffoit les bons
ouvrages de Phyfique Anglois , & qui étoit
fi zélé pour les faire connoître par fes traductions
, s'attacha dans fes premiers eſſais
DECEMBRE. 1754. 129
aux expériences que nous annonçons ; mais
des travaux plus importans dont le public
a recueilli les fruits , ne lui ont pas permis
de les revoir & de les publier. M. Defmareft
qui s'en eft chargé , a revû & retouché
exactement la traduction , & l'a accompagnée
de notes & de remarques. A mefure
qu'il travailloit fur cet ouvrage , fes
réflexions fe font multipliées , & il les a
développées dans un difcours préliminaire
, qu'il a placé à la tête du recueil. Dans
la premiere fection à laquelle nous nous
bornerons dans cet extrait , M. D. établit les
raifons des principes qui ont guidé M.
Hauksbée dans un grand nombre de fes
expériences , & il mêle à cette difcuffion
quelques détails hiftoriques qui concernent
le Phyficien Anglois . Nous allons commencer
par expofer ces faits en abrégé , &
nous fuivrons enfuite M. Defmareft dans
l'expofition des principes.
M. Hauksbée s'annonça vers 1704 comme
un Phyficien d'une dexterité très- grande
dans le manuel des opérations , & d'une
exactitude fcrupuleufe dans la difcuffion
des phénomenes. Il peut être regardé comme
le premier qui à Londres ait expofé les
phénomenes de la Phyfique expérimentale
aux yeux d'une nation férieufe & capable
de faifir les objets fufceptibles de préciſion .
Fv
130 MERCURE DE FRANCE.
Ce Phyficien ne fe borna pas à préfenter
au public d'anciennes obfervations un peu
rajeunies , ou par le procédé ou par les machines
; il fe fit à lui- même un fonds d'expériences
nouvelles & très- curieuſes , qui
forment le recueil que nous annonçons .
C'étoit auffi le Phyficien de la Société royale.
Cette illuftre compagnie le chargea de
répéter dans plufieurs occafions importantes
des expériences délicates , & il a toujours
juftifié cette diftinction , en ne faifant
pas moins admirer un coup d'oeil fûr
& la fineffe de fon tact , que fa pénétration
& fa fagacité , qualités dont la réunion
forme le phyficien.
Il avoit un grand talent pour toutes les
machines propres aux expériences de Phyfique
, & il en fourniffoit à la Société royale
& aux Sçavans d'Angleterre ; mais il
n'abufoit pas de cette confiance pour faire
de ces machines un objet de commerce
dont il auroit abandonné la direction à des
ignorans. Il veilloit à tout , & tout ce qui
portoit fon nom portoit auffi l'exactitude
& l'empreinte de fon génie. Il réforma
la machine pneumatique ; il inventa une
machine de rotation très -commode pour
communiquer du mouvement aux corps
placés dans le vuide ; il conftruifit un thermometre
que la Societé royale adopta.
DECEMBRE. 1754. 131
Ce mérite n'échappa pas à M. Newton.
M. Hauksbée fut lié étroitement avec ce
grand homme. Un commerce auffi intime
mit notre Phyficien à portée de s'inftruire
des vûes qu'avoit Newton , en introduifant
l'attraction de cobéfion dans la Phyfique
expérimentale ; il lui fournit auffi une occafion
favorable de préfenter à cet illuftre
Géometre des expériences délicates trèspropres
à établir folidement la marche de
l'agent qu'on fubftituoit à la matiere fubtile
, &c . Témoin de la révolution que la
phyfique expérimentale éprouva pour lors
en Angleterre , par rapport à l'attraction de
cohésion , M. Hauksbée ne parut pas pour
lors comme un fpectateur oifif, qui attend
le fuccès pour fe décider, ou comme un
adverfaire incommode, qui ne fçait qu'obfcurcir
les queftions par une métaphyfique
contentieufe : il y prit part , il fit des expériences.
11 fçavoit que les phénomenes pou
voient feuls lui découvrir les loix aufquelles
les attractions étoient foumiſes ; il varia
les obfervations pour en faifir la marche
, & ce fut dans ces vûes qu'il fuivit
avec zéle les expériences fur l'afcenfion
des liqueurs dans les efpaces capillaires ;
expériences qui fe trouvent toutes dans ce
recueil , & dont Newton adopta les plus
curieufes dans fon Traité d'Optique.
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
M. Hauksbée ne s'attacha pas témérairement
au parti naiffant , fans y être entraîné
par des raifons folides . Il confidéra
d'abord , comme l'obſerve M. Deſmareſt ,
que la phyfique expérimentale ne confifte
pas dans la connoiffance fterile des chofes
poffibles , mais qu'elle s'occupe de la difcuffion
des effets réels , & qui peuvent fervir
à notre inſtruction ou à nos befoins, Il
cut foin de la diftinguer de la phyfique
fyftématique qui en retarde les progrès ,
parce qu'elle confond le plus fouvent des
affemblages d'idées abitraites avec des vérités
de fait . Il fe convainquit facilement
que faire des fyftêmes , c'étoit combiner le
plus fouvent ce que la nature nous daigne
montrer , avec ce que notre imagination
croit devoir y fuppléer , fans doute pour
fe dédommager de l'ignorance du vrai , en
fe forgeant une brillante chimere qui lui
en tienne lieu .
Il n'avoit garde au refte de taxer d'inutilité
tous les fyftêmes que l'on a formés
fur différens points de la phyfique expérimentale
; mais il diftingua avec foin l'efprit
fyftématique qui s'occupe à faifir les
rapports mutuels ; les analogies des princi
paux faits qui fe préfentent à fes recherches
, d'avec l'efprit de fyftême qui malheureufement
s'étoit emparé de toute la
P
DECEMBRE. 1754. 133
phyfique , & qui préfuma tout voir , tour
éclaircir , parce qu'il croyoit tout deviner .
M. Hauksbée crut devoir éviter des inconvéniens
qui regardoient les progrès de
la Phyfique ; les vues éclairées qui le guiderent
dans fes demarches , lui firent fentir
qu'un Phyficien devoit confulter plutôt
la nature que fon imagination , être plus
porté à difcuter qu'à décider : auffi s'occupa-
t-il à rechercher les loix conftantes
& uniformes aufquelles les phénomenes
étoient affujettis , à évaluer l'étendue des
effets , perfuadé que rien n'eft bien connu
en phyfique que ce qui eft réduit à des
mefures précifes, & que l'art de mefurer eft
d'autant plus ingénieux qu'on l'applique
à des objets qui en paroiffent moins fufceptibles.
A la lecture des expériences de
M. Hauksbée on reconnoît qu'il fut guidé
par ces principes : il fe contente de développer
ce qu'il a obfervé , d'en indiquer
la liaiſon avec d'autres faits avérés qu'il
rapproche , & il ne fe livre à l'analogie.
que lorfque l'enfemble des circonstances
parle en fa faveur. S'il hazarde des conjectures
il ne les porte pas au- delà des détails
principaux de fes obfervations ; il s'en fert
comme d'échafaudage pour bâtir quelque
chofe de plus folide , où comme de doutes
méthodiques pour fonder la nature ; mais
134 MERCURE DE FRANCE.
il fe fouvient que fes conjectures ne font
pas plus de la phyfique qu'un échafaudage
n'eft un bâtiment , ou que le doute méthodique
n'eft un principe de conduite.
Dans les queſtions de phyfique où les
caufes ne fe décelent par aucun endroit , M.
Hauksbée , difciple éclairé de Newton , fe
borne aux effets , dont il fçait varier les
circonftances pour démêler les loix des
agens inconnus qui concourent à leur production
. Il étoit perfuadé que dans ces
matieres les faits doivent feuls attirer notre
attention , & qu'un Phyficien judicieux
ne s'aventure pas au - delà. Cette prudence ,
cette réferve , fi oppofées à la confiance téméraire
& au charlatanifme de quelques
Phyficiens , M. Hauksbée l'avoit puifée
dans les ouvrages & le commerce de M.
Newton. Un efprit auffi conféquent que ce
grand Géométre , comprit en examinant
une infinité de phénomenes , qu'il falloit
s'en tenir aux faits , & ce fut dans ces vûes
qu'il admit l'auration de cohésion dont nous
avons parlé plus haut .
On obferve dans les petites particules
des corps une tendance à fe réunir. Cette
tendance réciproque qu'elles ont les unes
vers les autres , prefque infenfible lorfque
la diftance eft appréciable , devient d'autant
plus confidérable que le contact eft
DECEMBRE. 1754.
1754 135
plus immédiat & plus étendu . Comme la
caufe de ces mouvemens eft cachée à ceux
qui font de bonne foi , le mot attraction
marque le fait de la tendance . Outre cette
confidération qui détermina Newton à introduire
cette expreffion , il y fut porté
encore lorfqu'il eut été convaincu que les
liquides ne s'attachoient pas aux folides ,
que les gouttes d'eau ne fe réuniffoient
pas par un effet de la preffion d'un fluide
ambiant , dont on les fuppofoit gratuitement
enveloppées. Il prouva que deux
gouttes d'eau ne pouvoient iamais fe réunir
dans cette hypothèfe , parce que la figure
d'une portion de fluide foumiſe à la
preffion uniforme d'un autre fluide ne
pouvoit être altérée par cette preffion.
Newton reconnut d'ailleurs que ces petites
malles s'arrondiffoient par une tendance
fort approchante de celle qui arrondit la
furface immenfe de la mer autour de notre
globe . Enfin ce qui achevoit de convaincre
Newton , c'est que la force néceſſaire
pour un tel arrondiffement eft de beaucoup
fupérieure à celle de la pefanteur ,
puifqu'une goutte de mercure pofée fur
une table s'applatit à peine par le point de
contact.
Suivant ces principes , les faits que l'on
tangea pour lors fous les loix de l'attrac
136 MERCURE DE FRANCE.
tion de cohéfion purent être la matiere
des recherches phyfiques ; mais les Cartéfiens
de ce tems là qui foutenoient l'impulfion
exclufivement à tout autre agent ,
s'oppoferent à l'introduction de cette force
; cependant , fi nous en croyons M. Defmareft
, ce ne fut qu'avec de foibles armes
qu'une métaphysique brillante qui les féduifoit
, leur mit en main. En vain nous
repréfentent- ils le méchanifme de la nature
dépendant de la feule impulfion , il fe
plaint que l'expérience refléchie n'a pas
préfidé à la conftruction d'un auffi beau
plan ; & il avance même que bien loin qu'il
ait été formé d'après ces précautions , c'eſt
en les employant qu'on découvre combien
il eft imaginaire & hazardé.
Newton ne peut diffimuler fes allarmes
en voyant les Phyficiens de fon tems fe
tourmenter inutilement pour réduire tous
les effets à des agens méchaniques. Selon
lui , la fonction des Phyficiens eft de raifonner
fur les faits , d'en fuivre les loix
conftantes , & non d'admettre des cauſes ,
parce qu'ils en peuvent imaginer. Les défenfeurs
de l'impulfion exclufive tomberent
dans ces inconvéniens : ils foumettoient
les opérations les plus cachées de la
nature à des agens invifibles , mais qu'ils
décorerent de propriétés copiées fur des
DECEMBRE. 1754. 137
agens palpables. Fiers de ces reffources , ils
fe vanterent d'être feuls en poffeffion d'un
méchaniſme intelligible , & publierent même
que les Newtoniens ne tendoient à rien
moins qu'à le détruire : c'étoit l'imagination
qui rendoit témoignage à la beauté
de fes productions.
M. Defmareſt foutient au contraire que
tout bien apprécié , les partifans de l'impulfion
exclufive détruifoient le méchanifme
de la nature , & il appuye cette prétention
en faifant obferver , 1 °. que les
impulfionnaires fe trouvent visiblement en
défaut , lorsqu'ils entreprennent d'expliquer
avec une certaine étendue & une certaine
préciſion quelque fait de l'ordre de
ceux que les Newtoniens attribuent à l'attraction.
Il renvoye ceux qui voudront s'en
convaincre, à une hiftoire critique des ſyſtêmes
fur la caufe de l'afcenfion des liqueurs
dans les tubes capillaires , qu'il a
placée dans le fecond volume du recueil.
» Tout impulfionnaire , ajoute - t - il , fait
» voir par fon peu de fuccès , ou qu'il n'y
» a pas de méchaniſme dans la nature , ce
qui eft abfurde , ou qu'il ne le fçait pas
»faifir , ce qui eft palpable. Les attraction-
" naires au contraire font heureux dans les
» détails ; ils nous affignent des loix , des
93
proportions , des analogies , & tout ceci
138 MERCURE DE FRANCE.
"
"
» bien développé nous préſente pour les
effets dont nous venons de parler , le vrai
» méchanifme de la nature : ainfi , nous di-
» fent - ils , les hauteurs d'une même li-
»queur en divers tubes capillaires font en
raifon inverte des diametres de ces tubes.
Les impulfionnaires euffent - ils trouvés
cette analogie par le fecours de leurs
principes compliqués ? elle explique plus
» de chofes , elle préfente plus de lumiere
» que tout le long tiffu des imaginations
cartéfiennes fur les mêmes effets . Ainfi
lorfqu'on fera parvenu ( & on le peut
fans le fecours d'agens méchaniques ) à
découvrir les proportions qui peuvent fe
rencontrer entre les différens phénomenes
, à fixer les limites & l'étendue des
» effets , à fuivre les loix générales qui les
maîtrifent , à en déterminer la marche ,
ne les aura-t-on pas expliqués ? Peut-on
regarder ceux qui font en état de faire
» valoir de tels fuccès , & qui les doivent
» à la maniere dont ils envifagent les phé-
» nomenes , comme ayant un plan de phyfique
barbare & copié fur le péripate-
» tifme ? Peut - on fe perfuader que l'inf-
" trument de leurs découvertes , l'attrac-
» tion , foit une chimere en phyfique &
une qualité occulte ?
n
ל כ
- M. D. appuye cette confidération en reDECEMBRE.
1754. 139
marquant que Diea eft libre de pouvoir
établir plus d'un principe primitif, & que
tout ce qu'il nous plaît de décorer du nom
de caufe , fe réduit en derniere analyſe à
une maniere d'agir de la part de Dieu , par
laquelle il s'eft affujetti très- librement à
donner de l'activité à quelque loi conftante
: c'eſt , ajoute - t - il , la découverte de
cette loi qui doit faire l'objet de nos recherches
& la gloire de nos fuccès .
En 3 lieu , notre Editeur confidere qu'on
n'a pu refufer d'admettre l'exiſtence de la
pefanteur comme une force particuliere ,
quoiqu'on n'ait pu trouver jufqu'à préfent
un méchanifme d'impulfion fatisfaifant
qui donnât le dénouement des différens
phénomenes de la pefanteur. Galilée luimême
n'a découvert les loix de l'accélération
qu'en fouftrayant tour Auide , toute
impulfion ; & quelques impulfionnaires
rigides qui ont tenté d'introduire dans cette
queftion leur machine favorite , ont contredit
les loix découvertes par Galilée .
Voilà un abus & en même tems une impuiffance
de l'impulfion bien avérées.
De toutes ces raifons M. D. conclut que
les attractionnaires , en fuivant les phenomenes
& s'y bornant , s'en tiennent à des
évaluations précifes qui aftreignent les effets
à des loix exactes. Il ne diffimule pas
140 MERCURE DE FRANCE.
qu'elles laiffent quelque obfcurité dont
l'imagination peut s'allarmer : » mais ne
» vaut - il pas mieux , dit- il , préférer des
traits lumineux & vifs accompagnés de.
» certains nuages qui les enveloppent , à des
» opinions qui faififfent par un air de clarté,
mais certainement fauffes , à un ſyſ-
» tême brillant & intelligible , mais qui
» n'eft qu'une illufion ? Des faits finguliers
» fe préfentent à nous , nous en étudions.
» les rapports , nous n'allons pas d'abord
au- delà , ayant lieu de reconnoître par
expérience que la nature nous montre
» infenfiblement fes fecrets & ne fe décou-
» vre à nous que fous de très petites faces.
Une affinité , une attraction fera pour
moi un effet dont je chercherai à varier
les circonftances & à établir les loix en
» les ramenant à des précifions folides &
» inftructives ; tandis que pour ceux qui
» veulent rapporter à des agens fubordonnés
d'un méchanifme intelligible , ce fera
un paradoxe , une fource de contradictions
& d'erreurs .
Les Cartéfiens qui ne faifirent pas les
vûes de Newton & de fes difciples, crurent
qu'ils vouloient ramener les qualités occultes
du péripatetiſme ; mais il eit aifé de ſe
convaincre que l'attraction de cohésion ,
dont M. Hauksbée a obſervé les loix dans
DECEMBRE. 1754.141
plufieurs expériences délicates , étoient
aufli manifeftes que les qualités des péripatéticiens
étoient cachées. Ces difcoureurs
oififs abandonnoient la conſidération
des effets qu'ils auroient dû difcuter , pour
imaginer & fuppofer des caufes dont ils
n'avoient nulle idée ; bien différens en cela
des Newtoniens , qui fe bornent aux phé
nomenes & qui en examinent fcrupuleufement
les différentes circonftances. Les
Cartéfiens au contraire n'étoient - ils pas
plus dans le cas du péripatetifme , puifqu'on
ne peut diffimuler que dans beaucoup
de queftions ils ne fuppofent des
agens très-occultes , & dans leur nature &
dans leurs fonctions ? M.D. cite pour exem
ple la Phyfique de Regis , où la plupart des
phénomenes font expliqués d'une maniere
ennuyeufe& monotone , par l'entremise de
la matiere fubtile , & c.
Par rapport à l'obfcurité qui environne
la maniere d'agir de l'attraction , on peut
répondre que l'impulfion n'eft pas fans
difficulté , & dès lors ces deux forces fe
trouveront à peu près au même niveau , fi
on les confidere d'une vûe métaphysique :
cependant M. Defmareſt voudroit qu'on
fût réfervé dans l'application de l'attrac
tion aux phénomenes . Il ne fuffit pas , fe
lon lui , d'annoncer cette force comme
142 MERCURE DE FRANCE.
caufe d'un effet , pour avoir fatisfait à ce que
les progrès de la phyfique demandent de
nous ; on ne peut y avoir recours qu'en indiquant
les loix qu'elle fuit dans les effets
qu'on lui foumet ; & en général il faut
plus s'appliquer à approfondir les loix de
cet agent qu'à étendre fon empire fans
fpécifier fes droits. Nous parlerons du
corps de l'ouvrage dans le Mercure prochain.
On trouvera dans le difcours que nous
venons d'extraire , un ftyle net & concis ,
de grandes recherches , des principes lumineux
, une Logique exacte. L'Auteur ,
homme appliqué , modefte , vertueux , a
des connoiffances qui devroient le faire
rechercher par les gens en place.
La pratique univerfelle pour la renovation
des terriers & des droits feigneuriaux
, contenant les queftions les plus importantes
fur cette matiere , & leurs déci
fions , tant pour les pays coutumiers que
ceux régis par le Droit écrit ; Ouvrage utile
à tous les Seigneurs , tant laïques qu'eccléfiaftiques
, à leurs Intendans , Gens d'affaires
, Receveurs & Régiffeurs , de même
qu'aux Notaires & Commiffaires à terriers
& autres Officiers : dans lequel on trouvera
tout ce qui eft néceffaire de fçavoir concer
C
DECEMBRE. 1754. 143
nant les péages & leur établiffement; les foires
& marchés , & leur origine ; les che
mins , les fleuves & rivieres ; la pêche , tant
des rivieres navigables que des étangs ; la
chaffe & fon origine ; les garennes , les
colombiers , & tout ce qui doit être pratiqué
fur ces objets par les Apanagiftes ,
Engagiftes , Douairiers , Ufufruitiers , Bénéficiers
, Commandeurs de Malthe , Communautés
eccléfiaftiques & laïques , & tous
gens de main- morte , Seigneurs particuliers
; le tout accompagné de modeles &
ftyles des procès verbaux de délits , faifies
& reconnoiffances à terriers. Par M. Edme
de la Poix de Frémenville , Bailli des ville
& Marquifat de la Paliffe , Commiffaire
aux droits feigneuriaux ; in-4°. A Paris ,
chez Giffey , rue de la Vieille Bouclerie , à
l'Arbre de Jeffé .
Cet ouvrage eft fi connu & fi néceffaire,
qu'il fuffit de l'annoncer pour le faire rechercher.
DICTIONNAIRE portatif des Théatres ,
contenant l'origine des différens théatres
de Paris ; le nom de toutes les pieces qui
y ont été repréſentées depuis leur établiſ
fement , & des pieces jouées en province ,
ou qui ont fimplement paru par la voie de
l'impreffion depuis plus de trois fiécles ;
134 MERCURE DE FRANCE.
avec des anecdotes & des remarques fur la
plûpart. Le nom & les particularités intéreffantes
de la vie des Auteurs , Muſiciens ,
& Acteurs ; avec le catalogue de leurs ouvrages
, & l'expofé de leurs talens. Une
chronologie des Auteurs , des Muficiens &
des Opéra ; avec une chronologie des pieces
qui ont paru depuis vingt- cinq ans. A
Paris , chez Jombert , rue Dauphine , à
l'image Notre -Dame , 1754 , in- 8 ° . 1 vol.
petit caractere , prix cinq livres.
Quelques corrections & des additions
qu'on vient de joindre à ce Dictionnaire ,
le rendent encore plus intéreffant , & nous
engagent à l'annoncer de nouveau . On
peut voir ce que nous en avons déja dit
dans le Mercure du mois de Septembre de
cette année .
TOUTE la France connoit le plan d'une
Maifon d'affociation . Il a rendu refpectable
M. de Chamouffet aux yeux même de
ceux qui ont trouvé fes idées chimeriques.
Cet excellent citoyen vient de répondre à
une critique qui a été faite de fon projet.
Sa lettre qui eft de feize pages in - 4° , eft
écrite avec cette force de raifonnement que
pouvoit lui donner la bonté de fa caufe , &
avec cette chaleur de fentiment dont il a
déja donné tant de preuves.
MÉMOIRES
DECEMBRE . 1754 145
MÉMOIRES du Marquis de Benavidès ,
dédiés à S. A. S. Madame la Ducheffe d'Orléans
; par M. le Chevalier de Mouhy , de
'Académie des Belles- Lettres de Dijon ;
eroifieme & quatrieme parties. A Paris ,
chez Jorry , quai des Auguftins ; & chez
Duchefne , rue S. Jacques , 1754.
On trouvera dans ce Roman de grands
fentimens , & un ftyle convenable au fujet.
DUCHESNE , Libraire , rue S. Jacques ,
au Temple du Goût , vient de réimprimer
'Architecture des voûtes , ou l'art des traits
& coupes des voûtes . Par le Pere Derand
Jéfuite. Cet ouvrage qui jouit d'une grande
réputation , & dont on a retouché les
planches , eft très - néceffaire à tous les Architectes
, Maîtres Maçons , Appareilleurs ,
Tailleurs de pierre , & à tous ceux qui fe
mêlent de l'Architecture militaire,
Le même Libraire diftribue pour l'année
1755 , les Almanachs fuivans.
Les Spectacles de Paris , ou Calendrier
hiftorique & chronologique de tous les
théatres : quatrieme partie , 1755. Chaque
partie fe vend féparément.
La France littéraire , ou Almanach des
beaux Arts , contenant les noms & ouvra
ges de tous les Auteurs François qui vivent
actuellement.
I. Vol. G
146 MERCURE DE FRANCE.
Almanach des Corps des Marchands ,
arts , métiers & communautés du royaume.
Almanach eccléfiaftique & hiftorique.
Almanach de perte & gain , avec une
table alphabétique de tous les Jeux qui fe
jouent en Europe.
Almanach danfant , chantant.
Almanach chantant du beau fexe , ou
nouvelle Ethomancie des Dames.
Almanach chantant , ou nouvelles allégories
& autres chanfons fur tout ce qui
appartient au Calendrier .
Nouvelle Lotterie d'Etrennes magiques.
Deux Almanachs de Fables en Vaudevilles.
Le Noftradamus moderne , en Vaudevilles
.
Nouveau Calendrier du deftin , précédé
de tous les amufemens de Paris .
Nouvelles tablettes de Thalie , ou les
promenades de Paris.
L'Oracle de Cythere , ou l'Almanach du
Berger.
Etrennes des Amans .
Almanach des Francs- Maçons .
La Bagatelle ou Etrennes à tout le monde .
GISSEY , rue de la vieille Bouclerie ,
à l'arbre de Jeffé , donne pour l'année 1755 ,
les deux Almanachs fuivans.
DECEMBRE . 1754 147
Etrennes hiftoriques , ou mêlange curieux
pour l'année 1755 , contenant plufieurs
remarques de chronologie & d'hiftoire
; enſemble les naiffances & morts
des Rois , Reines , Princes & Princeffes de
l'Europe , accompagnées d'époques & de
remarques que l'on ne trouve point dans
les autres calendriers ; avec un recueil de
diverfes matieres variées , utiles , curieufes
& amufantes .
Almanach des curieux pour la même
année , où les curieux trouveront la réponſe
agréable des demandes les plus divertiffantes
, pour fe réjouir dans les compagnies.
fur différens fujets , & principalement
fur l'Electricité, produites par le frottement
des corps , traduites de l'Anglois de M.
Hauksbée ; par feu M. de Bremond , de
l'Académie royale des Sciences ; revûes ,
mifes au jour , avec un difcours préliminaire
, des remarques & des notes par M.
Defmareft , avec des figures ; 2 vol . in- 12.
A Paris , chez la veuve Cavelier & fils , rue
S. Jacques , au Lys d'or , 1754.
La réputation dont jouiffent en Angleterre
les expériences de M. Hauksbée , le
dégré d'authenticité qu'elles y ont acquis
d'abord & que le tems n'a point affoibli ,
font des titres qui affurent à la traduction
un accueil favorable de tous ceux qui aiment
à puifer dans des fources fûres. Feu
M. de Bremond qui connoiffoit les bons
ouvrages de Phyfique Anglois , & qui étoit
fi zélé pour les faire connoître par fes traductions
, s'attacha dans fes premiers eſſais
DECEMBRE. 1754. 129
aux expériences que nous annonçons ; mais
des travaux plus importans dont le public
a recueilli les fruits , ne lui ont pas permis
de les revoir & de les publier. M. Defmareft
qui s'en eft chargé , a revû & retouché
exactement la traduction , & l'a accompagnée
de notes & de remarques. A mefure
qu'il travailloit fur cet ouvrage , fes
réflexions fe font multipliées , & il les a
développées dans un difcours préliminaire
, qu'il a placé à la tête du recueil. Dans
la premiere fection à laquelle nous nous
bornerons dans cet extrait , M. D. établit les
raifons des principes qui ont guidé M.
Hauksbée dans un grand nombre de fes
expériences , & il mêle à cette difcuffion
quelques détails hiftoriques qui concernent
le Phyficien Anglois . Nous allons commencer
par expofer ces faits en abrégé , &
nous fuivrons enfuite M. Defmareft dans
l'expofition des principes.
M. Hauksbée s'annonça vers 1704 comme
un Phyficien d'une dexterité très- grande
dans le manuel des opérations , & d'une
exactitude fcrupuleufe dans la difcuffion
des phénomenes. Il peut être regardé comme
le premier qui à Londres ait expofé les
phénomenes de la Phyfique expérimentale
aux yeux d'une nation férieufe & capable
de faifir les objets fufceptibles de préciſion .
Fv
130 MERCURE DE FRANCE.
Ce Phyficien ne fe borna pas à préfenter
au public d'anciennes obfervations un peu
rajeunies , ou par le procédé ou par les machines
; il fe fit à lui- même un fonds d'expériences
nouvelles & très- curieuſes , qui
forment le recueil que nous annonçons .
C'étoit auffi le Phyficien de la Société royale.
Cette illuftre compagnie le chargea de
répéter dans plufieurs occafions importantes
des expériences délicates , & il a toujours
juftifié cette diftinction , en ne faifant
pas moins admirer un coup d'oeil fûr
& la fineffe de fon tact , que fa pénétration
& fa fagacité , qualités dont la réunion
forme le phyficien.
Il avoit un grand talent pour toutes les
machines propres aux expériences de Phyfique
, & il en fourniffoit à la Société royale
& aux Sçavans d'Angleterre ; mais il
n'abufoit pas de cette confiance pour faire
de ces machines un objet de commerce
dont il auroit abandonné la direction à des
ignorans. Il veilloit à tout , & tout ce qui
portoit fon nom portoit auffi l'exactitude
& l'empreinte de fon génie. Il réforma
la machine pneumatique ; il inventa une
machine de rotation très -commode pour
communiquer du mouvement aux corps
placés dans le vuide ; il conftruifit un thermometre
que la Societé royale adopta.
DECEMBRE. 1754. 131
Ce mérite n'échappa pas à M. Newton.
M. Hauksbée fut lié étroitement avec ce
grand homme. Un commerce auffi intime
mit notre Phyficien à portée de s'inftruire
des vûes qu'avoit Newton , en introduifant
l'attraction de cobéfion dans la Phyfique
expérimentale ; il lui fournit auffi une occafion
favorable de préfenter à cet illuftre
Géometre des expériences délicates trèspropres
à établir folidement la marche de
l'agent qu'on fubftituoit à la matiere fubtile
, &c . Témoin de la révolution que la
phyfique expérimentale éprouva pour lors
en Angleterre , par rapport à l'attraction de
cohésion , M. Hauksbée ne parut pas pour
lors comme un fpectateur oifif, qui attend
le fuccès pour fe décider, ou comme un
adverfaire incommode, qui ne fçait qu'obfcurcir
les queftions par une métaphyfique
contentieufe : il y prit part , il fit des expériences.
11 fçavoit que les phénomenes pou
voient feuls lui découvrir les loix aufquelles
les attractions étoient foumiſes ; il varia
les obfervations pour en faifir la marche
, & ce fut dans ces vûes qu'il fuivit
avec zéle les expériences fur l'afcenfion
des liqueurs dans les efpaces capillaires ;
expériences qui fe trouvent toutes dans ce
recueil , & dont Newton adopta les plus
curieufes dans fon Traité d'Optique.
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
M. Hauksbée ne s'attacha pas témérairement
au parti naiffant , fans y être entraîné
par des raifons folides . Il confidéra
d'abord , comme l'obſerve M. Deſmareſt ,
que la phyfique expérimentale ne confifte
pas dans la connoiffance fterile des chofes
poffibles , mais qu'elle s'occupe de la difcuffion
des effets réels , & qui peuvent fervir
à notre inſtruction ou à nos befoins, Il
cut foin de la diftinguer de la phyfique
fyftématique qui en retarde les progrès ,
parce qu'elle confond le plus fouvent des
affemblages d'idées abitraites avec des vérités
de fait . Il fe convainquit facilement
que faire des fyftêmes , c'étoit combiner le
plus fouvent ce que la nature nous daigne
montrer , avec ce que notre imagination
croit devoir y fuppléer , fans doute pour
fe dédommager de l'ignorance du vrai , en
fe forgeant une brillante chimere qui lui
en tienne lieu .
Il n'avoit garde au refte de taxer d'inutilité
tous les fyftêmes que l'on a formés
fur différens points de la phyfique expérimentale
; mais il diftingua avec foin l'efprit
fyftématique qui s'occupe à faifir les
rapports mutuels ; les analogies des princi
paux faits qui fe préfentent à fes recherches
, d'avec l'efprit de fyftême qui malheureufement
s'étoit emparé de toute la
P
DECEMBRE. 1754. 133
phyfique , & qui préfuma tout voir , tour
éclaircir , parce qu'il croyoit tout deviner .
M. Hauksbée crut devoir éviter des inconvéniens
qui regardoient les progrès de
la Phyfique ; les vues éclairées qui le guiderent
dans fes demarches , lui firent fentir
qu'un Phyficien devoit confulter plutôt
la nature que fon imagination , être plus
porté à difcuter qu'à décider : auffi s'occupa-
t-il à rechercher les loix conftantes
& uniformes aufquelles les phénomenes
étoient affujettis , à évaluer l'étendue des
effets , perfuadé que rien n'eft bien connu
en phyfique que ce qui eft réduit à des
mefures précifes, & que l'art de mefurer eft
d'autant plus ingénieux qu'on l'applique
à des objets qui en paroiffent moins fufceptibles.
A la lecture des expériences de
M. Hauksbée on reconnoît qu'il fut guidé
par ces principes : il fe contente de développer
ce qu'il a obfervé , d'en indiquer
la liaiſon avec d'autres faits avérés qu'il
rapproche , & il ne fe livre à l'analogie.
que lorfque l'enfemble des circonstances
parle en fa faveur. S'il hazarde des conjectures
il ne les porte pas au- delà des détails
principaux de fes obfervations ; il s'en fert
comme d'échafaudage pour bâtir quelque
chofe de plus folide , où comme de doutes
méthodiques pour fonder la nature ; mais
134 MERCURE DE FRANCE.
il fe fouvient que fes conjectures ne font
pas plus de la phyfique qu'un échafaudage
n'eft un bâtiment , ou que le doute méthodique
n'eft un principe de conduite.
Dans les queſtions de phyfique où les
caufes ne fe décelent par aucun endroit , M.
Hauksbée , difciple éclairé de Newton , fe
borne aux effets , dont il fçait varier les
circonftances pour démêler les loix des
agens inconnus qui concourent à leur production
. Il étoit perfuadé que dans ces
matieres les faits doivent feuls attirer notre
attention , & qu'un Phyficien judicieux
ne s'aventure pas au - delà. Cette prudence ,
cette réferve , fi oppofées à la confiance téméraire
& au charlatanifme de quelques
Phyficiens , M. Hauksbée l'avoit puifée
dans les ouvrages & le commerce de M.
Newton. Un efprit auffi conféquent que ce
grand Géométre , comprit en examinant
une infinité de phénomenes , qu'il falloit
s'en tenir aux faits , & ce fut dans ces vûes
qu'il admit l'auration de cohésion dont nous
avons parlé plus haut .
On obferve dans les petites particules
des corps une tendance à fe réunir. Cette
tendance réciproque qu'elles ont les unes
vers les autres , prefque infenfible lorfque
la diftance eft appréciable , devient d'autant
plus confidérable que le contact eft
DECEMBRE. 1754.
1754 135
plus immédiat & plus étendu . Comme la
caufe de ces mouvemens eft cachée à ceux
qui font de bonne foi , le mot attraction
marque le fait de la tendance . Outre cette
confidération qui détermina Newton à introduire
cette expreffion , il y fut porté
encore lorfqu'il eut été convaincu que les
liquides ne s'attachoient pas aux folides ,
que les gouttes d'eau ne fe réuniffoient
pas par un effet de la preffion d'un fluide
ambiant , dont on les fuppofoit gratuitement
enveloppées. Il prouva que deux
gouttes d'eau ne pouvoient iamais fe réunir
dans cette hypothèfe , parce que la figure
d'une portion de fluide foumiſe à la
preffion uniforme d'un autre fluide ne
pouvoit être altérée par cette preffion.
Newton reconnut d'ailleurs que ces petites
malles s'arrondiffoient par une tendance
fort approchante de celle qui arrondit la
furface immenfe de la mer autour de notre
globe . Enfin ce qui achevoit de convaincre
Newton , c'est que la force néceſſaire
pour un tel arrondiffement eft de beaucoup
fupérieure à celle de la pefanteur ,
puifqu'une goutte de mercure pofée fur
une table s'applatit à peine par le point de
contact.
Suivant ces principes , les faits que l'on
tangea pour lors fous les loix de l'attrac
136 MERCURE DE FRANCE.
tion de cohéfion purent être la matiere
des recherches phyfiques ; mais les Cartéfiens
de ce tems là qui foutenoient l'impulfion
exclufivement à tout autre agent ,
s'oppoferent à l'introduction de cette force
; cependant , fi nous en croyons M. Defmareft
, ce ne fut qu'avec de foibles armes
qu'une métaphysique brillante qui les féduifoit
, leur mit en main. En vain nous
repréfentent- ils le méchanifme de la nature
dépendant de la feule impulfion , il fe
plaint que l'expérience refléchie n'a pas
préfidé à la conftruction d'un auffi beau
plan ; & il avance même que bien loin qu'il
ait été formé d'après ces précautions , c'eſt
en les employant qu'on découvre combien
il eft imaginaire & hazardé.
Newton ne peut diffimuler fes allarmes
en voyant les Phyficiens de fon tems fe
tourmenter inutilement pour réduire tous
les effets à des agens méchaniques. Selon
lui , la fonction des Phyficiens eft de raifonner
fur les faits , d'en fuivre les loix
conftantes , & non d'admettre des cauſes ,
parce qu'ils en peuvent imaginer. Les défenfeurs
de l'impulfion exclufive tomberent
dans ces inconvéniens : ils foumettoient
les opérations les plus cachées de la
nature à des agens invifibles , mais qu'ils
décorerent de propriétés copiées fur des
DECEMBRE. 1754. 137
agens palpables. Fiers de ces reffources , ils
fe vanterent d'être feuls en poffeffion d'un
méchaniſme intelligible , & publierent même
que les Newtoniens ne tendoient à rien
moins qu'à le détruire : c'étoit l'imagination
qui rendoit témoignage à la beauté
de fes productions.
M. Defmareſt foutient au contraire que
tout bien apprécié , les partifans de l'impulfion
exclufive détruifoient le méchanifme
de la nature , & il appuye cette prétention
en faifant obferver , 1 °. que les
impulfionnaires fe trouvent visiblement en
défaut , lorsqu'ils entreprennent d'expliquer
avec une certaine étendue & une certaine
préciſion quelque fait de l'ordre de
ceux que les Newtoniens attribuent à l'attraction.
Il renvoye ceux qui voudront s'en
convaincre, à une hiftoire critique des ſyſtêmes
fur la caufe de l'afcenfion des liqueurs
dans les tubes capillaires , qu'il a
placée dans le fecond volume du recueil.
» Tout impulfionnaire , ajoute - t - il , fait
» voir par fon peu de fuccès , ou qu'il n'y
» a pas de méchaniſme dans la nature , ce
qui eft abfurde , ou qu'il ne le fçait pas
»faifir , ce qui eft palpable. Les attraction-
" naires au contraire font heureux dans les
» détails ; ils nous affignent des loix , des
93
proportions , des analogies , & tout ceci
138 MERCURE DE FRANCE.
"
"
» bien développé nous préſente pour les
effets dont nous venons de parler , le vrai
» méchanifme de la nature : ainfi , nous di-
» fent - ils , les hauteurs d'une même li-
»queur en divers tubes capillaires font en
raifon inverte des diametres de ces tubes.
Les impulfionnaires euffent - ils trouvés
cette analogie par le fecours de leurs
principes compliqués ? elle explique plus
» de chofes , elle préfente plus de lumiere
» que tout le long tiffu des imaginations
cartéfiennes fur les mêmes effets . Ainfi
lorfqu'on fera parvenu ( & on le peut
fans le fecours d'agens méchaniques ) à
découvrir les proportions qui peuvent fe
rencontrer entre les différens phénomenes
, à fixer les limites & l'étendue des
» effets , à fuivre les loix générales qui les
maîtrifent , à en déterminer la marche ,
ne les aura-t-on pas expliqués ? Peut-on
regarder ceux qui font en état de faire
» valoir de tels fuccès , & qui les doivent
» à la maniere dont ils envifagent les phé-
» nomenes , comme ayant un plan de phyfique
barbare & copié fur le péripate-
» tifme ? Peut - on fe perfuader que l'inf-
" trument de leurs découvertes , l'attrac-
» tion , foit une chimere en phyfique &
une qualité occulte ?
n
ל כ
- M. D. appuye cette confidération en reDECEMBRE.
1754. 139
marquant que Diea eft libre de pouvoir
établir plus d'un principe primitif, & que
tout ce qu'il nous plaît de décorer du nom
de caufe , fe réduit en derniere analyſe à
une maniere d'agir de la part de Dieu , par
laquelle il s'eft affujetti très- librement à
donner de l'activité à quelque loi conftante
: c'eſt , ajoute - t - il , la découverte de
cette loi qui doit faire l'objet de nos recherches
& la gloire de nos fuccès .
En 3 lieu , notre Editeur confidere qu'on
n'a pu refufer d'admettre l'exiſtence de la
pefanteur comme une force particuliere ,
quoiqu'on n'ait pu trouver jufqu'à préfent
un méchanifme d'impulfion fatisfaifant
qui donnât le dénouement des différens
phénomenes de la pefanteur. Galilée luimême
n'a découvert les loix de l'accélération
qu'en fouftrayant tour Auide , toute
impulfion ; & quelques impulfionnaires
rigides qui ont tenté d'introduire dans cette
queftion leur machine favorite , ont contredit
les loix découvertes par Galilée .
Voilà un abus & en même tems une impuiffance
de l'impulfion bien avérées.
De toutes ces raifons M. D. conclut que
les attractionnaires , en fuivant les phenomenes
& s'y bornant , s'en tiennent à des
évaluations précifes qui aftreignent les effets
à des loix exactes. Il ne diffimule pas
140 MERCURE DE FRANCE.
qu'elles laiffent quelque obfcurité dont
l'imagination peut s'allarmer : » mais ne
» vaut - il pas mieux , dit- il , préférer des
traits lumineux & vifs accompagnés de.
» certains nuages qui les enveloppent , à des
» opinions qui faififfent par un air de clarté,
mais certainement fauffes , à un ſyſ-
» tême brillant & intelligible , mais qui
» n'eft qu'une illufion ? Des faits finguliers
» fe préfentent à nous , nous en étudions.
» les rapports , nous n'allons pas d'abord
au- delà , ayant lieu de reconnoître par
expérience que la nature nous montre
» infenfiblement fes fecrets & ne fe décou-
» vre à nous que fous de très petites faces.
Une affinité , une attraction fera pour
moi un effet dont je chercherai à varier
les circonftances & à établir les loix en
» les ramenant à des précifions folides &
» inftructives ; tandis que pour ceux qui
» veulent rapporter à des agens fubordonnés
d'un méchanifme intelligible , ce fera
un paradoxe , une fource de contradictions
& d'erreurs .
Les Cartéfiens qui ne faifirent pas les
vûes de Newton & de fes difciples, crurent
qu'ils vouloient ramener les qualités occultes
du péripatetiſme ; mais il eit aifé de ſe
convaincre que l'attraction de cohésion ,
dont M. Hauksbée a obſervé les loix dans
DECEMBRE. 1754.141
plufieurs expériences délicates , étoient
aufli manifeftes que les qualités des péripatéticiens
étoient cachées. Ces difcoureurs
oififs abandonnoient la conſidération
des effets qu'ils auroient dû difcuter , pour
imaginer & fuppofer des caufes dont ils
n'avoient nulle idée ; bien différens en cela
des Newtoniens , qui fe bornent aux phé
nomenes & qui en examinent fcrupuleufement
les différentes circonftances. Les
Cartéfiens au contraire n'étoient - ils pas
plus dans le cas du péripatetifme , puifqu'on
ne peut diffimuler que dans beaucoup
de queftions ils ne fuppofent des
agens très-occultes , & dans leur nature &
dans leurs fonctions ? M.D. cite pour exem
ple la Phyfique de Regis , où la plupart des
phénomenes font expliqués d'une maniere
ennuyeufe& monotone , par l'entremise de
la matiere fubtile , & c.
Par rapport à l'obfcurité qui environne
la maniere d'agir de l'attraction , on peut
répondre que l'impulfion n'eft pas fans
difficulté , & dès lors ces deux forces fe
trouveront à peu près au même niveau , fi
on les confidere d'une vûe métaphysique :
cependant M. Defmareſt voudroit qu'on
fût réfervé dans l'application de l'attrac
tion aux phénomenes . Il ne fuffit pas , fe
lon lui , d'annoncer cette force comme
142 MERCURE DE FRANCE.
caufe d'un effet , pour avoir fatisfait à ce que
les progrès de la phyfique demandent de
nous ; on ne peut y avoir recours qu'en indiquant
les loix qu'elle fuit dans les effets
qu'on lui foumet ; & en général il faut
plus s'appliquer à approfondir les loix de
cet agent qu'à étendre fon empire fans
fpécifier fes droits. Nous parlerons du
corps de l'ouvrage dans le Mercure prochain.
On trouvera dans le difcours que nous
venons d'extraire , un ftyle net & concis ,
de grandes recherches , des principes lumineux
, une Logique exacte. L'Auteur ,
homme appliqué , modefte , vertueux , a
des connoiffances qui devroient le faire
rechercher par les gens en place.
La pratique univerfelle pour la renovation
des terriers & des droits feigneuriaux
, contenant les queftions les plus importantes
fur cette matiere , & leurs déci
fions , tant pour les pays coutumiers que
ceux régis par le Droit écrit ; Ouvrage utile
à tous les Seigneurs , tant laïques qu'eccléfiaftiques
, à leurs Intendans , Gens d'affaires
, Receveurs & Régiffeurs , de même
qu'aux Notaires & Commiffaires à terriers
& autres Officiers : dans lequel on trouvera
tout ce qui eft néceffaire de fçavoir concer
C
DECEMBRE. 1754. 143
nant les péages & leur établiffement; les foires
& marchés , & leur origine ; les che
mins , les fleuves & rivieres ; la pêche , tant
des rivieres navigables que des étangs ; la
chaffe & fon origine ; les garennes , les
colombiers , & tout ce qui doit être pratiqué
fur ces objets par les Apanagiftes ,
Engagiftes , Douairiers , Ufufruitiers , Bénéficiers
, Commandeurs de Malthe , Communautés
eccléfiaftiques & laïques , & tous
gens de main- morte , Seigneurs particuliers
; le tout accompagné de modeles &
ftyles des procès verbaux de délits , faifies
& reconnoiffances à terriers. Par M. Edme
de la Poix de Frémenville , Bailli des ville
& Marquifat de la Paliffe , Commiffaire
aux droits feigneuriaux ; in-4°. A Paris ,
chez Giffey , rue de la Vieille Bouclerie , à
l'Arbre de Jeffé .
Cet ouvrage eft fi connu & fi néceffaire,
qu'il fuffit de l'annoncer pour le faire rechercher.
DICTIONNAIRE portatif des Théatres ,
contenant l'origine des différens théatres
de Paris ; le nom de toutes les pieces qui
y ont été repréſentées depuis leur établiſ
fement , & des pieces jouées en province ,
ou qui ont fimplement paru par la voie de
l'impreffion depuis plus de trois fiécles ;
134 MERCURE DE FRANCE.
avec des anecdotes & des remarques fur la
plûpart. Le nom & les particularités intéreffantes
de la vie des Auteurs , Muſiciens ,
& Acteurs ; avec le catalogue de leurs ouvrages
, & l'expofé de leurs talens. Une
chronologie des Auteurs , des Muficiens &
des Opéra ; avec une chronologie des pieces
qui ont paru depuis vingt- cinq ans. A
Paris , chez Jombert , rue Dauphine , à
l'image Notre -Dame , 1754 , in- 8 ° . 1 vol.
petit caractere , prix cinq livres.
Quelques corrections & des additions
qu'on vient de joindre à ce Dictionnaire ,
le rendent encore plus intéreffant , & nous
engagent à l'annoncer de nouveau . On
peut voir ce que nous en avons déja dit
dans le Mercure du mois de Septembre de
cette année .
TOUTE la France connoit le plan d'une
Maifon d'affociation . Il a rendu refpectable
M. de Chamouffet aux yeux même de
ceux qui ont trouvé fes idées chimeriques.
Cet excellent citoyen vient de répondre à
une critique qui a été faite de fon projet.
Sa lettre qui eft de feize pages in - 4° , eft
écrite avec cette force de raifonnement que
pouvoit lui donner la bonté de fa caufe , &
avec cette chaleur de fentiment dont il a
déja donné tant de preuves.
MÉMOIRES
DECEMBRE . 1754 145
MÉMOIRES du Marquis de Benavidès ,
dédiés à S. A. S. Madame la Ducheffe d'Orléans
; par M. le Chevalier de Mouhy , de
'Académie des Belles- Lettres de Dijon ;
eroifieme & quatrieme parties. A Paris ,
chez Jorry , quai des Auguftins ; & chez
Duchefne , rue S. Jacques , 1754.
On trouvera dans ce Roman de grands
fentimens , & un ftyle convenable au fujet.
DUCHESNE , Libraire , rue S. Jacques ,
au Temple du Goût , vient de réimprimer
'Architecture des voûtes , ou l'art des traits
& coupes des voûtes . Par le Pere Derand
Jéfuite. Cet ouvrage qui jouit d'une grande
réputation , & dont on a retouché les
planches , eft très - néceffaire à tous les Architectes
, Maîtres Maçons , Appareilleurs ,
Tailleurs de pierre , & à tous ceux qui fe
mêlent de l'Architecture militaire,
Le même Libraire diftribue pour l'année
1755 , les Almanachs fuivans.
Les Spectacles de Paris , ou Calendrier
hiftorique & chronologique de tous les
théatres : quatrieme partie , 1755. Chaque
partie fe vend féparément.
La France littéraire , ou Almanach des
beaux Arts , contenant les noms & ouvra
ges de tous les Auteurs François qui vivent
actuellement.
I. Vol. G
146 MERCURE DE FRANCE.
Almanach des Corps des Marchands ,
arts , métiers & communautés du royaume.
Almanach eccléfiaftique & hiftorique.
Almanach de perte & gain , avec une
table alphabétique de tous les Jeux qui fe
jouent en Europe.
Almanach danfant , chantant.
Almanach chantant du beau fexe , ou
nouvelle Ethomancie des Dames.
Almanach chantant , ou nouvelles allégories
& autres chanfons fur tout ce qui
appartient au Calendrier .
Nouvelle Lotterie d'Etrennes magiques.
Deux Almanachs de Fables en Vaudevilles.
Le Noftradamus moderne , en Vaudevilles
.
Nouveau Calendrier du deftin , précédé
de tous les amufemens de Paris .
Nouvelles tablettes de Thalie , ou les
promenades de Paris.
L'Oracle de Cythere , ou l'Almanach du
Berger.
Etrennes des Amans .
Almanach des Francs- Maçons .
La Bagatelle ou Etrennes à tout le monde .
GISSEY , rue de la vieille Bouclerie ,
à l'arbre de Jeffé , donne pour l'année 1755 ,
les deux Almanachs fuivans.
DECEMBRE . 1754 147
Etrennes hiftoriques , ou mêlange curieux
pour l'année 1755 , contenant plufieurs
remarques de chronologie & d'hiftoire
; enſemble les naiffances & morts
des Rois , Reines , Princes & Princeffes de
l'Europe , accompagnées d'époques & de
remarques que l'on ne trouve point dans
les autres calendriers ; avec un recueil de
diverfes matieres variées , utiles , curieufes
& amufantes .
Almanach des curieux pour la même
année , où les curieux trouveront la réponſe
agréable des demandes les plus divertiffantes
, pour fe réjouir dans les compagnies.
Fermer
Résumé : « EXPÉRIENCES Physico-méchaniques sur différens sujets, & principalement [...] »
Le texte présente une traduction des expériences physico-mécaniques de M. Hauksbée, réalisée par feu M. de Bremond et révisée par M. Desmarets. Publiée en 1754 à Paris, cette œuvre se compose de deux volumes et inclut un discours préliminaire, des remarques et des notes de M. Desmarets. M. Hauksbée, physicien anglais du début du XVIIIe siècle, est reconnu pour sa dextérité et son exactitude dans les expériences physiques. Il a introduit la physique expérimentale à Londres et a réalisé de nombreuses expériences novatrices. Membre de la Société royale, il a inventé plusieurs machines, dont une machine de rotation pour les expériences sous vide et un thermomètre adopté par la Société royale. Hauksbée a collaboré avec Isaac Newton, contribuant à des expériences sur l'attraction de cohésion. Il a distingué la physique expérimentale de la physique systématique, préférant observer les effets réels plutôt que de spéculer sur des idées abstraites. Ses travaux se concentrent sur l'observation précise et la mesure des phénomènes physiques. Le texte souligne la controverse entre les partisans de l'attraction et ceux de l'impulsion exclusive. Influencé par Newton, Hauksbée a préféré se baser sur les faits observables plutôt que sur des hypothèses métaphysiques, évitant les conjectures non fondées et cherchant à comprendre les lois constantes des phénomènes physiques. Le texte discute également des approches scientifiques et philosophiques concernant les phénomènes naturels, en particulier l'attraction et la pesanteur. Il met en avant les travaux de scientifiques comme Newton et Galilée, qui ont étudié les lois régissant ces phénomènes sans recourir à des causes occultes ou des mécanismes complexes. Les 'attractionnaires' sont loués pour leur méthode qui consiste à observer et à suivre les phénomènes sans chercher à les expliquer par des agents subordonnés. Ils préfèrent des explications lumineuses, même si elles laissent certaines obscurités, plutôt que des systèmes brillants mais faux. Le texte critique les Cartésiens, qui refusaient les vues de Newton, en les accusant de supposer des agents occultes similaires à ceux des péripatéticiens. Il souligne que les Newtoniens se contentent d'examiner les phénomènes et leurs circonstances, contrairement aux Cartésiens qui imaginent des causes dont ils n'ont aucune idée. Enfin, le texte mentionne divers ouvrages et almanachs publiés en 1754, couvrant des sujets variés comme la physique, le droit seigneurial, le théâtre, et les associations. Il loue l'auteur d'un discours sur la physique pour son style concis et ses principes lumineux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 7-30
IDÉES DES PROGRÈS De la Philosophie en France.
Début :
La Philosophie est de toutes les sciences celle qui a fait les progrès les plus [...]
Mots clefs :
Philosophie, France, Progrès, Esprit, Système, Newton, Descartes, Physique, Nature, Philosophes, Géométrie, Découvertes, Observations
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texteReconnaissance textuelle : IDÉES DES PROGRÈS De la Philosophie en France.
IDÉE DES PROGRES
Les
De la Philofophie en France.
a
A Philofophie eft de toutes les fciences
celle qui a fait les progrès les plus
rapides de nos jours ; les autres connoif-
Lances n'ont pas été portées à un dégré de
perfection plus haut que dans les beaux
fécles de la Grece & de Rome. Les reffources
de l'art font bornées ; l'efprit humain
ne faifant que fe replier fur lui - même ,
a bientôt parcouru la petite fphere de fes
idées , & trouvé les limites que la main
éternelle a prefcrites à fon activité. Au
lieu que la nature eft un abyfme où l'oeil
du Philofophe fe perd fans en trouver jamais
le fond ; c'eft une carriere immenfe
& dont l'immenfité femble augmenter à
mefure qu'on y pénétre plus avant . Les
Philofophes modernes , qui femblent avoit
marché à pas de géans dans cette carriere
, & qui ont laiffé les anciens fi
loin derriere eux , n'ont fait que nous
montrer le but ; les nouvelles lumieres
qu'ils ont portées dans la nuit de la nature
n'ont pas été affez vives pour nous conduire
à la vérité , & n'ont guere fervi qu'à
A iiij
8 MERCURE DE FRANCE.
nous éclairer fur l'intervalle énorme qui
nous en féparoit encore. Mais fi le méchanifme
de l'univers eft toujours un fecret
pour nous , du moins pouvons- nous
nous flatter d'être fur la bonne route pour
le découvrir ou pour fentir l'impoffibilité
d'y réuffir. Les François ne font pas ceux
qui ont eu le moins de part aux progrès
de la philofophie ; le grand Defcartes qui
a fi bien mérité d'en être appellé le pere ,
a ouvert le premier la carriere , & a fervi
de guide aux philofophes qui l'ont fuivi .
On fçait affez le defpotifme avec lequel
la philofophie d'Ariftote regnoit fur les
bancs de l'école ; le fanatifme pour fes décifions
étoit monté au plus haut point de
l'extravagance ; on ne cherchoit plus à
concilier fes principes avec les phénomenes
de la nature qui les contredifoient ,
c'étoit les phénomenes que l'on vouloit
adapter à ces principes. Quelques bons efprits
avoient connu les abfurdités du péripatetime
, & avoient fait de vains efforts
pour en réformer les abus : cette philofophie
qu'on avoit eu raifon d'admirer
dans des fiécles d'engourdiffement & de
barbarie de l'efprit humain , avoir été
confacrée par le tems , l'ignorance & le
pédantifme. Bacon parut ; ce grand homme
vit les entraves que cette fuperfti
DECEMBRE . 1754.
tion ridicule mettoit à la raifon ; il ofa
propofer de refondre le fyftême des connoillances
humaines , & démontra la néceffité
d'une nouvelle méthode pour étudier
la nature. Ce que l'illuftre Anglois
n'avoit fait qu'entrevoir , Defcartes l'exécuta
: il détruifit de fond en comble le péripatétifme
, & chercha à élever un nouveau
fyftême fur d'autres fondemens.
Il n'y avoit alors que l'aftronomie & les
mathématiques qui fuffent cultivées avec
fuccès , les autres parties de la philofophie
étoient prefque abandonnées ; d'ailleurs
elles étoient entierement détachées
les unes des autres , & traitées féparément :
un aſtronome n'étoit qu'aftronome , un
géometre n'étoit que geometre , un médecin
n'étoit que médecin , un métaphyficien
n'étoit rien . Defcartes apperçut les
rapports qui lioient ces différentes connoiffances
, & les fecours qu'elles devoient fe
prêter l'une à l'autre ; il rapprocha ces
membres épars , & n'en fit qu'un feul corps
de fcience.
Il appliqua l'algebre à la géométrie , &
la géométrie à la phyfique : c'est à cette
idée fublime , à ce coup de génie qu'il faut
rapporter les progrès étonnans qu'on a fait
dans les fciences phyfico-mathématiques.
On peut dire qu'il a créé la métaphysique ,
A v
10 MERCURE DE FRANCE.
par la diftinction auffi fimple que lumineu
fe des deux fubſtances ; diſtinction qui
anéantit les difputes frivoles & ridicules
des métaphyficiens fcholaftiques fur la nature
de l'ame , & par fon admirable méthode
, à laquelle nous devons peut- être
cet efprit philofophique qui s'eſt développé
dans fon fiécle , & a fait des progrès fi
fenfibles dans le nôtre. Il a pris la géomé
trie où les anciens l'avoient laiffée , & en
a reculé bien loin les limites . Enfin il 2
répandu une nouvelle lumiere par- tout ;
mais elle n'a guere fervi qu'à ceux qui
font venus après lui , & ne l'a pas empêché
de s'égarer. Il auroit deviné la nature
fi elle avoit pû fe deviner ; mais il
falloit l'obferver , & il n'en a pas eu le
tems fes erreurs appartiennent à la foi
bieffe de l'humanité & à l'ignorance de fon
fiécle ; mais fes découvertes ne font qu'à
lui ainfi en abandonnant fes idées fauffes
, refpectons toujours fon génie , admi
rable même lorfqu'il s'eft trompé . L'hy
pothefe brillante des tourbillons , fi célé→
bre , fi combattue , & fi bien détruite par
les nouvelles obfervations , ne feroit fûrement
pas entrée dans la tête d'un hommemédiocre
; fon fyftême fur l'ame des bêtes ,
regardé communément comme une plaifanterie
, & ridicule aux yeux de bien des
DECEMBRE. 1754 .
gens , eft à mon avis une idée plus férieufe
, & qui s'étend plus loin qu'on ne penfe ,
lorfqu'on la confidere dans tous fes rapports
: demandez- le à Bayle , & au médecin
Lami.
Je me fuis beaucoup étendu fur Defcartes
, parce qu'on commence à oublier
tout ce qu'on lui doit. Comme la plupart
de fes ouvrages ne font plus d'une grande
utilité , parce qu'on a été plus loin que
lui , on ne fe fouvient plus que fans lui ,
peut-être on feroit encore dans les ténébres.
Lorfqu'il a paru , la philofophie étoit
une terre en friche : elle n'a pas produit
beaucoup de fruits fous fes mains ; mais il
en a arraché les ronces , il l'a préparée , &
a appris à là rendre féconde : en eft - ce trop
peu pour mériter notre reconnoiffance ?
Je ne peux m'empêcher de le regarder comme
un homme rare , qui fubjugué par l'impulfion
du génie , étoit né pour faire une
révolution , & dont les découvertes feront
une des plus brillantes époques de l'hiftoire
de l'efprit humain.
Gaffendi , contemporain de Descartes",
mérite auffi une place honorable dans l'hiftoire
de la philofophie , quoiqu'il n'ait pas'
travaillé avec beaucoup de fuccès pour elle.
Né avec un génie extrêmement méthodique
& une fagacité peu commune , il fue
Avj
12 MERCURE DE FRANCE.
révolté , comme Defcartes , des abfurdités
de la fcholaftique : il la combattit avec vivacité
, & voulut relever le fyftême d'Epicure
, pour l'établir fur les débris de celui
d'Ariftote . Il employa beaucoup d'adreffe
& de fubtilité pour expliquer la
formation & la confervation de l'univers
par le mouvement direct & la déclinaifon
des atômes . Il donna à cette hypotheſe un
vernis d'orthodoxie , & toute la probabi
lité dont elle étoit fufceptible ; mais cette
fecte des atomiftes modernes ne fut pas
nombreuſe ; chimere pour chimere , on
garda celle qui étoit déja établie , quoique
plus abfurde encore .
Le cartéfianifme n'eut pas le même fort ,
parce qu'il étoit mieux fondé ; il fit une
fortune étonnante dans toute l'Europe , il
eut les adverfaires & les fectateurs les plus
diftingués ; il fut profcrit en France , rétabli
enfuite , & adopté avec empreffement
dès qu'il fut mieux connu .
Mrs Rohault & Regis furent les premiers
qui le profefferent en France , & ils
le firent avec un fuccès & des applaudiffemens
finguliers. Mais le plus illuftre partifan
de Defcartes fut fans doute le P. Malebranche
, de l'Oratoire , phyficien , géometre
, & plus grand métaphyficien encore
; il ne prit que les principes de fon
2
I
a
DECEMBRE. 1754. 13
maître , & s'en fervit en homme de génie.
Il adopta fon fyftême des tourbillons ,
après y avoir reformé beaucoup de choſes ,
& le défendit avec vigueur. Dans la métaphyfique
il alla beaucoup plus loin que
Defcartes ; fes principes le conduifirent à
nier l'existence des corps , & s'il l'admit ,
ce fut parce que l'Ecriture Sainte le lui enfeignoit
: quelque finguliere que foit cette
conclufion , on ne peut prefque pas douter
qu'il n'ait été de la meilleure foi du monde .
Il prétendit démontrer que nous nepouvions
pas voir les objets hors de nous , encore
inoins dans nous , & que nous ne pouvions
les appercevoir que dans Dieu. Il étaya ces
idées abftraites de la métaphyfique la plus
fubtile, d'une élocution pleine de force & de
nobleffe , & de l'imagination la plus brillante
: mais malgré ces avantages , la profondeur
&l'obfcurité de fes idées garantirent de
la féduction. Il faut une grande contention
d'efprit & un grand goût de métaphyfique
pour le fuivre dans fes fpéculations ; ce
font des espéces de points indivisibles , dit M.
de Fontenelle : fi on ne les attrappe pas toutà-
fait jufie , on les manque tout - à -fait . Aufli
le P. Mallebranche fe plaignit-il beaucoup
de n'être pas compris par ceux qui le critiquoient.
On fçait que M. Arnaud attaqua
fon fyftême avec un acharnement des
14 MERCURE DE FRANCE.
moins philofophiques . M. Arnaud ne m'en.
tend pas , difoit Mallebranche : cb qui voulez
- vous donc qui vous entende ? lui répondit-
on .
Le mallebranchifme a fait naître la fecte
des immatérialistes , fort peu reçue en France
, mais qui a fait plus de progrès en Angleterre
; ces philofophes nient l'existence
de la matiere , telle que nous la concevons
, & même fa poflibilité ; les illufions
des fens font leur grand argument : ils
prouvent très-bien que les qualités que
nous regardons comme inhérentes aux
corps , telles que la couleur , l'étendue ,
&c. ne font que de pures idées de notre
ame, qui n'exiftent point hors d'elle , & qui
n'ont aucune analogie avec la nature des
objets qui les excitent en nous. Les dialogues
de Berkeley , ouvrage fingulier , où
Fon trouve une logique fubtile avec beaucoup
de fimplicité , font voir combien ce
fyftême eft féduifant, quelque abfurde qu'il
paroiffe au premier coup d'oeil , & combien
font preffans les argumens fur lef- ,
quels il est établi. Quelques-uns pouffent
encore ces idées plus loin , & prétendent
que chaque individu n'eft fûr que de fa
propre exiftence , & qu'il pourroit avoir
routes les idées & les fenfations dont il eft
affecté , fans qu'il y eût aucun autre être
DECEMBRE. 1754. 15
hors de lui ; c'eft la fecte des Egorftes : quel
que inacceffible qu'elle foit aux traits de
la métaphyfique , elle révolte trop les notions
les plus fimples pour trouver beaucoup
de fectateurs.
M. de Fontenelle a peut-être mieux mérité
de la philofophie que beaucoup de
ceux qui l'ont enrichie de découvertes. On
ne voit que des dévots qui dégoûtent de la dévotion
, dit un de nos moraliſtes. Avant
M. de Fontenelle on voyoit des philofophes
qui dégoûtoient de la philofophie ;
il fit voir que ce n'étoit pas la faute de la
philofophie : il la dépouilla de cet air fauvage
qui la rendoit fi peu trairable ; il l'embellit
des graces de fon imagination , & il
fit naître des fleurs où l'on ne foupçonnoit
que des épines : fon livre de la pluralité
des mondes eft un monument qui lui
fera autant d'honneur qu'à l'efprit de la
nation.
Qu'on me permette une digreffion à
laquelle je ne peux me refufer , & que
l'efprit de patriotifme m'arrache. Il y a
long- tems qu'on accufe les François d'être
legers & fuperficiels , & de ne faire qu'effleurer
les fciences : les Anglois , dit- on ,
font bien plus philofophes que nous : pourquoi
? parce qu'ils traitent la philofophie:
d'un air grave & ferieux. Et moi je crois
"
16 MERCURE DE FRANCE.
que nous le fommes pour le moins autant
qu'eux , précisément parce que nous la traitons
légèrement ; il faut polléder bien nettement
une matiere philofophique , pour la
dégager des termes barbares , des idées abtrules
, & des épines du calcul fous lef
quels d'autres font obligés de l'envelopper
, & pour la réduire à un raifonnement
fimple , à des images fenfibles , & aux expreflions
les plus communes , pour lui prêter
même des ornemens : c'est ce que M.
de Fontenelle , & d'autres après lui ont fait
avec fuccès. Il y a des gens qui croyent
que la féchereffe eft effentielle aux ouvra
ges fcientifiques , comme il y en a eu jadis
qui ne croyoient pas qu'on pût être philofophe
fans avoir une barbe fale & un
manteau déchiré. Cet efprit de fuperficie
qu'on nous reproche , n'eft que le vernis de
nos ouvrages qui ne nuit point à leur folidité.
La raifon toute nue a fouvent l'air
rebutant ; nos écrivains la rendent aimable
en la parant de fleurs : c'eft le vaſe dont
on frotte les bords de miel , pour faire ava
ler à un enfant un reméde falutaire : aux
yeux du philofophe , les hommes ordinaires
font- ils autre chofe que des enfans ?
Le cartéfianifme commençoit à être reçu
affez généralement , fur tout en France
lorfque le newtonianiſme parut , & vint
DECEMBRE. 1754. 17
partager les efprits. Comme les ouvrages
de Newton paroiffoient inacceffibles fans le
fecours de la plus fublime géométrie , fon
fyftême ne fut pas répandu d'abord , & refta
quelque tems entre les mains de quelques
adeptes. M. de Maupertuis a été le premier
qui en a donné quelques effais dans
notre langue ; mais il étoit réfervé à un
homme qui ne s'étoit fait qu'un jeu de la
phyfique & de la géométrie , de le produire
au grand jour c'eft M. de Voltaire . Il
donna fes Elémens de la philofophie de Newton
, ouvrage écrit avec la précifion , l'élégance
& la netteté qui lui font propres.
Ce livre fit une fenfation prodigieufe , &
par le nom de l'Auteur , & par les nouveautés
philofophiques qu'il mettoit fous
les yeux du public. D'abord les géometres
que M. de V. humilioit , & les beaux efprits
qu'il avoit humiliés dès long - tems ,
fe déchaînerent à l'uniflon contre lui ; il
paroiffoit inconcevable qu'un homme qui
avoit fait de beaux vers pût être géometre
& phyficien : on ne peut pas mieux
parler , difoit-on , de ce qu'on n'entend
pas ; comme fi l'efprit , en philofophie ,
pouvoit fuppléer aux lumieres. Pour apprécier
le mérite de cet ouvrage & la prévention
ridicule de certaines gens qui ne
font pas même en état de le lire , il faut
18 MERCURE DE FRANCE.
jetter les yeux fur les critiques qu'on en
fit dans le tems. Cette multitude de fautes
énormes qu'on devoit mettre au grand jour ,
fe réduisirent à des erreurs légeres , à quelques
mauvaifes épigrammes , à des ob
jections vagues , & dont la plupart tomboient
fur Newton , & non pas fur M. de
Voltaire . D'ailleurs quand il n'auroit pas
bien faifi Newton dans quelques détails ,
quel eft le phyficien qui puiffe fe flatter
de ne l'avoir jamais manqué : Le reproche
le mieux fondé qu'on ait fait à M. de Voltaire
, c'est peut-être fur la maniere peu
avantageufe dont il a parlé de Deſcartes :
je ne peux pas mieux faire que de rapporter
ici quelques reflexions du P. Caftel à
ce fujet ( Mem. de Trev . Octob. 1739. )..
» M. de Voltaire a fi fort honoré notre
» nation par fes propres talens , qu'elle
peut bien lui pardonner le peu d'hon .
neur qu'elle lui enleve en rabaiffant
» Defcartes. En faveur de M. de Voltaire
» poëte , on devroir juger moins rigoureu-
» fement M. de Voltaire philofophe ; &
»en prenant les chofes du bon côté , en-
>>core eft- ce une louable entrepriſe d'avoir
» ofé s'enfoncer i avant dans des matie-
» res fi épineufes , au mépris de toutes ces
» fleurs qu'il pouvoit s'amufer à cueillir fi
agréablement , & toujours prêtes à éclore
ود
DECEMBRE . 1754 IS
fous fa main ; & n'eft-ce rien que la célébrité
qu'il a donnée à la philofophie ,
» & par conféquent aux philofophes ; l'oc-
» cafion même qu'il donne aux cartéfiens
de triompher du grand Newton ?
Le Newtonianifme une fois mis au
grand jour , fit fur les efprits des impreffions
bien différentes ; il fut adopté des
ans & attaqué par d'autres avec une égale
vivacité. Comme il battoit en ruine le cartéfianifme
, les Carréfiens fe mirent fur la
défenfive . M. Privat de Molieres , bon géometre
& affez fubtil phyficien , fut celui
qui défendit les tourbillons avec le plus de
faccès : il fentit bien qu'ils étoient en défaut
dans beaucoup de phénomenes , & il les réforma
en habile homme ; il les adapta aux
nouvelles expériences avec adreffe , & ii
fit fervir à confirmer fon fyftême les mê
mes obfervations que les Newtoniens apportoient
pour le détruire. Malgré tous
fes efforts cependant , les tourbillons tom
berent dans un difcrédit total , & on peut
dire qu'ils ont pouffé les derniers foupirs
entre les mains de M. de Fontenelle , dont
la Théorie des tourbillons fera vraisemblablement
le dernier ouvrage qu'on fera en leur
faveur.
Quelque abfurdités métaphyfiques que
le Newtonianifme entraîne après lui , on
20 MERCURE DE FRANCE.
ne peut nier que ce fyftême ne foit bien
féduifant ; il ſemble n'être fondé que fur
des faits & des démonftrations. La facilité
admirable avec laquelle il explique les mouvemens
des corps céleftes & beaucoup de
phénomenes julques- là inacceffibles , la fineffe
& la mutitude des obfervations qui en
font la bafe , & un grand étalage de calcul ,
en ont impofé ; on n'a pas voulu voir l'illufion
de quelques expériences , & le peu
de liaifon de certains faits avec les inductions
que Newton en tire pour établir fes
principes ; enfin la ruine des tourbillons
& la néceffité d'un fyftême pour le vulgaire
des philofophes , tout cela a beaucoup favorifé
l'établiffement de la nouvelle phyfique.
Peu de tems après , Madame la Marquife
du Chaſtelet vint auffi fe mettre fur
les rangs , & oppofer Leibnitz à Newton.
Leibnitz , commenté par M. Wolf , avoit
fait beaucoup de fortune en Allemagne ;
quelques idées métaphyfiques , de fimples
projections éparfes dans fes ouvrages , fe
font étendues fous la main de M. Wolf,
& ont donné matiere à beaucoup de gros
volumes , dans lefquels il a remis en honneur
le goût des définitions , & les termes
barbares de l'école combinés avec une méthode
féchement géométrique. Leibnitz
DECEMBRE. 1754. 21
n'a pas été fi heureux en France , quoique
Madame du Chaſtelet lui eût donné un
air plus François dans fes Inftitutions de
physique. Cet ouvrage et écrit avec beaucoup
de méthode , de nobleffe & de précifion
; mais il ne fit pas beaucoup de profélites
, & on ne jugea pas à propos de
croire aux Monades fur la parole de Madame
du Chaftelet . Cette femme illuftre a
laiffé entre les mains de M. de Clairault
une traduction Françoife du grand ouvrage
de Newton , avec des commentaires
très -profonds fur ce que les mathématiques
ont de plus fublime : ce livre eft prêt
à paroître. Madame du Chaftelet & cette
célébre Mlle Agnefi, qui profeffe les mathé
matiques à Boulogne , & qui a donné il y
quelques années un excellent ouvrage d'analyfe
, font des phénomenes qui feront
honneur au beau fexe , à la géométrie &
notre fiécle.
Quoique Newton l'ait emporté fur Defcartes
& Leibnitz , il s'en faut cependant
bien qu'il ait fubjugué tous les efprits ; il a
encore enFrance des adverfaires bien redoutables.
Il y a trop de chofes dans fon ſyſ
tême qui font de la peine à la raifon , pour
ne pas révolter tous ceux qui croyent encore
que la méthode de Defcartes eft la
feule qui puiffe nous conduire à la vérité,
22 MERCURE DE FRANCE.
1
s'il nous eft donné d'y atteindre .
1 Toutes ces difputes philofophiques ont
éclairé les efprits , le goût des fyftêmes
s'eft perdu , & a fait place à un fcepticifme
raifonné & modéré , fort généralement
répandu , & d'autant mieux établi qu'il
n'eft ni l'effet de l'ignorance , ni une affectation
de fingularité ; c'eft peut- être auffi
ce qui nuira le plus aux progrès de la philofophie.
Il faut donner l'effor à l'imagi
nation pour aller loin : les plus grandes
découvertes de fpéculation ne font gueres
que des heureuſes témérités du génie ,
& les plus habiles philofophes ont été des
gens à fyftêmes : ce n'eft qu'à force de s'égarer
en effayant differentes routes , que
l'on rencontrera la bonne.
Il est vrai que la voye des expériences ,
quoique la plus lente , eft bien plus sûret
& plus commode ; c'eft auffi celle qu'a
prife l'Académie des Sciences : elle a déclaré
qu'elle n'adoptoit aucun fyftême. Le
tems d'en faire un n'eft pas encore arrivé ,
il faut attendre que l'on ait affez de matériaux
pour bâtir un fyftême général de l'univers
; ce n'eft qu'en amaffant des obfervations
& en établiffant des faits , que l'on
pourra y parvenir. On s'eft donc jetté principalement
du côté de la phyfique expéri
mentale , comme la partie de la philo
1
I
1
DECEMBRE. 1754. 23
fophie dont l'utilité eft plus fenfible.
Bacon , Galilée & Torricelli ont jetté les
fondemens de la phyfique expérimentale ;
le premier par des vues neuves & fublimes
; Galilée par fa théorie de l'accéléra
tion du mouvement dans la chûte des
corps ; & Torricelli par fes expériences fur
la pefanteur de l'air. Ces découvertes importantes
ont porté dans la phyfique une
nouvelle lumiere , que les Boyle , les Pafcal
, les Newton , &c . ont encore étendue
bien au-delà : ce font des veines heureuſes
qui ont conduit à des mines fécondes .
Le goût des expériences s'eft répandu
chez toutes les nations fçavantes , & il eft
cultivé aujourd'hui avec beaucoup de foin
& de fuccès. Parmi ceux qui peuvent être
cités dans ce genre , on s'attend bien à voir
le nom de M. de Reaumur , qui a fait des
recherches approfondies fur plufieurs parties
de la phyfique , & principalement fur
l'hiftoire naturelle. Obfervateur exact &
infatigable , les plus petits détails n'échap
perent pas à la fineffe & à la fagacité qu'it
porte dans tous fes procédés : fon Hiftoire
des infectes , avec beaucoup de longueurs ,
eft remplie de chofes neuves , utiles & délicates
. Zélé pour le bien public , il n'a pas
dédaigné de confacrer fes talens à des objets
, petits en apparence , mais qui tendent
14 MERCURE DE FRANCE.
à perfectionner les arts méchaniques , ou
prévenir quelques befoins de la fociété .
Les moyens de faire une nouvelle teintud'augmenter
la fécondité des terres ,
de garantir les étoffes des teignes , de conferver
des oeufs frais pendant trois à quatre
mois , voilà les objets de fa curiofité & de
fon travail. Des vues auffi fages & auffi
eſtimables devroient fervir d'exemple à
beaucoup de fçavans , qui croiroient s'avilir
par de femblables détails , & qui facrifient
à des recherches brillantes des recherches
plus utiles , mais obfcures . M. de Reaumur
ne trouve pas dans tous fes concitoyens
les mêmes difpofitions à rendre juſtice à
fes travaux , mais il les trouvera dans fa
nation ; & fa réputation ne peut être bleffée
par les petites épigrammes & le mépris
affecté de quelques perfonnes qui , ce
me femble , n'ont pas pris confeil de leurs
lumieres & de leur philofophie.
C'eft bien ici le lieu de rendre à un philofophe
citoyen l'hommage que méritent
fes talens & l'emploi refpectable qu'il en
fait ; je parle de M. Duhamel , de l'Académie
des Sciences , à qui nous devons
l'excellent Traité de la culture des terres ,
dont les principes font fi peu connus & mériteroient
tant de l'être. Il a réuni fes lumieres
& fes obfervations aux découvertes
des
DECEMBRE. 1754. 25
des Anglois , qui dans cette partie effentielle
font bien faits pour être nos maîtres
& nos modeles. Il a cherché les moyens de
conferver les grains dans les greniers ; il
a imaginé une charrue d'une conftruction
neuve & fort commode , qui abrege beaucoup
les travaux des laboureurs , cette portion
du peuple la plus néceffaire & la plus
miférable. Les principes de M. Duhamel
font fimples & évidens ; on lui a rendu
juftice : mais c'eſt peu d'être loué , il veut
être utile ; & ce ne feroit pas la premiere
fois qu'un philofophe auroit parlé , qu'on
auroit trouvé qu'il a raifon , & que fes
avis n'auroient été fuivis. Quoiqu'il
en foit , on ne doit pas fe laffer de travailler
à la perfection de l'agriculture , qui en
ouvrant dans l'Etat une nouvelle fource
de richeffes réelles & permanentes , donneroit
à notre commerce le plus grand
avantage , & prefque le feul qui lui manque
fur celui de nos voisins .
pas
Si quelqu'un a eu l'efprit de fyftême
dans notre fiécle , je crois que c'eft M. de
Buffon : une tête philofophe , des vûes
grandes , une imagination forte & lumineufe
, & l'art de faifir les analogies ; voilà
ce qu'il m'a femblé appercevoir dans l'Hiftoire
naturelle , & ce qui forme , fi je ne
me trompe , l'efprit de fyftême. M. de Buf-
II.Vol. B
26 MERCURE DE FRANCE.
fon , qui par un ftyle riche , élégant , har
monieux , plein de nobleſſe & de poëfie ,
efface Platon & Mallebranche , & donne
à la philofophie un éclat qu'elle n'avoit
pas encore eu , n'a pas été plus heureux
que Deſcartes dans fes conjectures fur l'origine
du monde & la génération des animaux.
Mais fi l'hiftoire de notre globe par
M. de Buffon eft un roman , c'eft celui
d'un habile phyficien : fon hypotheſe fur
la génération marque les bornes de nos
lumieres dans cette matiere ténébreuſe , le
defefpoir de la phyfique : fes obfervations
microfcopiques fi délicates & fi fingulieres,
feront peut-être plus utiles , parce qu'il
eft toujours utile de détruire des erreurs.
Les anciens avoient cru , fur de fimples apparences
peu approfondies , que la corruption
pouvoit engendrer des animaux.
Lorfque le microfcope , qui a élargi l'univers
aux yeux des philofophes , eut découvert
à Hartzoeker & à Lewenhoek les animalcules
qui fe meuvent dans les liqueurs ,
on fe moqua beaucoup des anciens , & il
ne parut plus douteux que tous les êtres
vivans font déja organifés dans la femence
, & qu'ils ne font que fe développer &
augmenter de volume. Mais ce principe
reçu fans conteftation & avancé avec ce
ton de confiance que donne trop fouvent
DECEMBRE . 1754. 29
la chaleur des premieres découvertes , s'eſt
trouvé en défaut dans la reproduction merveilleufe
des polypes , & il eft anéanti
aujourd'hui par les expériences de MM. de
Buffon & de Needham ; la production des
petites anguilles qu'ils ont vû fe former
dans le bled niellé & dans d'autres infufions
, remet en honneur l'opinion des anciens
; nous avons cru voir une étincelle
de lumiere , & nous rentrons dans une nuit
plus fombre. Les animalcules fpermatiques
ne font plus que de petites machines or
ganifées & fans vie ; il eft vrai que les obfervations
microfcopiques font trop fuf
ceptibles d'illufion pour qu'on ne s'en dépas
: celles de Lewenhoek ont été détruites
par celles de M. de Buffon , cellesci
peuvent être détruites par d'autres ; dans
cette matiere obfcure on finit , comme dans
prefque toutes les autres , par douter.
fie
Les fectateurs de la philofophie corpufculaire
ne pardonneront pas aifément à
M. de Buffon d'avoir établi la poffibilité
de fes moules intérieurs fur la ruine du méchaniſme
univerfel , & d'avoir mieux ainé
expliquer la circulation du fang , le jeu des
muſcles , en général toute l'économie animale
par des qualités occultes femblables
aux caufes de la pefanteur , des attractions
magnétiques , &c. que par des principes
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
purement méchaniques ; cela pourroit faire
craindre , difent- ils , le retour du fiécle
d'Ariftote. Epicure créa la phyfique corpufculaire
; ne voyant dans la nature que
de la matiere & du mouvement , il ne
chercha pas d'autres caufes pour expliquer
tous les phénomenes ; mais n'ayant pas encore
affez de faits & d'obſervations , ce
principe lui manqua dans l'application ;
on crut pour lors que ce qu'on ne pouvoit
pas expliquer par les loix du méchanifme
ne s'opéroit pas par ces loix ; de là
l'horreur du vuide , de- là l'attraction , &c.
L'attraction , ce monftre métaphysique ,
dont on ne peut plus fe paffer dans la phy-.
fique célefte , s'eft introduite auffi dans la
chymie. Les affinités de M. Geoffroi ne
font que le même terme déguifé ; elles paroiffent
préfenter une idée plus fimple , &
n'en font pas moins inintelligibles . Nous
devons aux Anglois cet abus de l'attraction ,
auffi bien que celui du calcul : ils réduifent
tout en problêmes algébriques ; l'antique
fuperftition fur la fcience mystérieuse
des nombres femble renaître . Jean Craig
a ofé calculer les dégrés de probabilité
des principes du chriftianifme , & le décroiffement
de cette probabilité : felon fes
calculs , la religion ne peut plus durer que
1400 ans. L'eſtimable auteur de l'Hiftoire
DECEMBRE . 1754 29
critique de la philofophie a calculé auffi les
dégrés de force de la certitude morale . Le
Chevalier Petty , créateur de l'arithmétique
politique , a cru pouvoir foumettre à
l'algebre l'art même de gouverner les hommes.
Le résultat de quelques -uns de fes
calculs peut faire juger de leur folidité ;
il croit avoir démontré que le grand nombre
des impôts ne fçauroit être nuifible à
la fociété & au bien d'un Etat . Il a calculé
ce que valoit un homme en Angleterre ,
& il l'a évalué à 1300 livres environ de
notre monnoie. Un Philofophe fublime
qui connoît bien le prix des hommes , ajoute
qu'il y a des pays où un homme ne
vaut rien , & d'autres où il vaut moins
que rien ( a ) . La médecine n'a pas été à
l'abri des excurfions de la géométrie : aux
aphorifmes d'Hypocrate & de Boerhaave
on a fubftitué des formules algébriques ;
on a voulu évaluer le mouvement des fluides
dans le corps humain , la force des
nerfs & des mufcles confidérés comme des
cordes , des leviers d'un certain genre ,
des piftons , &c. Mais qu'avons nous gagné
à ces abus de la géométrie on l'a
détournée de fon véritable objet , & elle a
eu le fort de l'efprit de notre nation : elle
( a ) Efprit des loix , liv. XXIII . chap. XVII,
Bij
30 MERCURE DE FRANCE.
a perdu en profondeur ce qu'elle a gagné
en fuperficie , & je ne doute pas qu'elle
ne touche au moment de fa décadence ,
qui vient d'être prédite par un homme de
beaucoup d'efprit . Cette fcience qui n'étoit
qu'un inftrument entre les mains de Defcartes
& de Newton , & qui n'eft faite
que pour en fervir , étoit devenue une
fcience orgueilleufe qui s'étoit élevée fur
les débris des autres , fur ceux de la métaphyfique
fur tout , parce qu'il eft bien
plus facile d'apprendre à calculer qu'à raifonner.
Il est bien à fouhaiter que le goût
abufif du calcul ne fafle plus d'obſtacle au
retour de la métaphyfique , dont le flambeau
peut feul nous éclairer fur les nouvelles
erreurs que de faufles lumieres ont
introduites , & qui retardent fenfiblement
les progrès de la philofophie.
Les
De la Philofophie en France.
a
A Philofophie eft de toutes les fciences
celle qui a fait les progrès les plus
rapides de nos jours ; les autres connoif-
Lances n'ont pas été portées à un dégré de
perfection plus haut que dans les beaux
fécles de la Grece & de Rome. Les reffources
de l'art font bornées ; l'efprit humain
ne faifant que fe replier fur lui - même ,
a bientôt parcouru la petite fphere de fes
idées , & trouvé les limites que la main
éternelle a prefcrites à fon activité. Au
lieu que la nature eft un abyfme où l'oeil
du Philofophe fe perd fans en trouver jamais
le fond ; c'eft une carriere immenfe
& dont l'immenfité femble augmenter à
mefure qu'on y pénétre plus avant . Les
Philofophes modernes , qui femblent avoit
marché à pas de géans dans cette carriere
, & qui ont laiffé les anciens fi
loin derriere eux , n'ont fait que nous
montrer le but ; les nouvelles lumieres
qu'ils ont portées dans la nuit de la nature
n'ont pas été affez vives pour nous conduire
à la vérité , & n'ont guere fervi qu'à
A iiij
8 MERCURE DE FRANCE.
nous éclairer fur l'intervalle énorme qui
nous en féparoit encore. Mais fi le méchanifme
de l'univers eft toujours un fecret
pour nous , du moins pouvons- nous
nous flatter d'être fur la bonne route pour
le découvrir ou pour fentir l'impoffibilité
d'y réuffir. Les François ne font pas ceux
qui ont eu le moins de part aux progrès
de la philofophie ; le grand Defcartes qui
a fi bien mérité d'en être appellé le pere ,
a ouvert le premier la carriere , & a fervi
de guide aux philofophes qui l'ont fuivi .
On fçait affez le defpotifme avec lequel
la philofophie d'Ariftote regnoit fur les
bancs de l'école ; le fanatifme pour fes décifions
étoit monté au plus haut point de
l'extravagance ; on ne cherchoit plus à
concilier fes principes avec les phénomenes
de la nature qui les contredifoient ,
c'étoit les phénomenes que l'on vouloit
adapter à ces principes. Quelques bons efprits
avoient connu les abfurdités du péripatetime
, & avoient fait de vains efforts
pour en réformer les abus : cette philofophie
qu'on avoit eu raifon d'admirer
dans des fiécles d'engourdiffement & de
barbarie de l'efprit humain , avoir été
confacrée par le tems , l'ignorance & le
pédantifme. Bacon parut ; ce grand homme
vit les entraves que cette fuperfti
DECEMBRE . 1754.
tion ridicule mettoit à la raifon ; il ofa
propofer de refondre le fyftême des connoillances
humaines , & démontra la néceffité
d'une nouvelle méthode pour étudier
la nature. Ce que l'illuftre Anglois
n'avoit fait qu'entrevoir , Defcartes l'exécuta
: il détruifit de fond en comble le péripatétifme
, & chercha à élever un nouveau
fyftême fur d'autres fondemens.
Il n'y avoit alors que l'aftronomie & les
mathématiques qui fuffent cultivées avec
fuccès , les autres parties de la philofophie
étoient prefque abandonnées ; d'ailleurs
elles étoient entierement détachées
les unes des autres , & traitées féparément :
un aſtronome n'étoit qu'aftronome , un
géometre n'étoit que geometre , un médecin
n'étoit que médecin , un métaphyficien
n'étoit rien . Defcartes apperçut les
rapports qui lioient ces différentes connoiffances
, & les fecours qu'elles devoient fe
prêter l'une à l'autre ; il rapprocha ces
membres épars , & n'en fit qu'un feul corps
de fcience.
Il appliqua l'algebre à la géométrie , &
la géométrie à la phyfique : c'est à cette
idée fublime , à ce coup de génie qu'il faut
rapporter les progrès étonnans qu'on a fait
dans les fciences phyfico-mathématiques.
On peut dire qu'il a créé la métaphysique ,
A v
10 MERCURE DE FRANCE.
par la diftinction auffi fimple que lumineu
fe des deux fubſtances ; diſtinction qui
anéantit les difputes frivoles & ridicules
des métaphyficiens fcholaftiques fur la nature
de l'ame , & par fon admirable méthode
, à laquelle nous devons peut- être
cet efprit philofophique qui s'eſt développé
dans fon fiécle , & a fait des progrès fi
fenfibles dans le nôtre. Il a pris la géomé
trie où les anciens l'avoient laiffée , & en
a reculé bien loin les limites . Enfin il 2
répandu une nouvelle lumiere par- tout ;
mais elle n'a guere fervi qu'à ceux qui
font venus après lui , & ne l'a pas empêché
de s'égarer. Il auroit deviné la nature
fi elle avoit pû fe deviner ; mais il
falloit l'obferver , & il n'en a pas eu le
tems fes erreurs appartiennent à la foi
bieffe de l'humanité & à l'ignorance de fon
fiécle ; mais fes découvertes ne font qu'à
lui ainfi en abandonnant fes idées fauffes
, refpectons toujours fon génie , admi
rable même lorfqu'il s'eft trompé . L'hy
pothefe brillante des tourbillons , fi célé→
bre , fi combattue , & fi bien détruite par
les nouvelles obfervations , ne feroit fûrement
pas entrée dans la tête d'un hommemédiocre
; fon fyftême fur l'ame des bêtes ,
regardé communément comme une plaifanterie
, & ridicule aux yeux de bien des
DECEMBRE. 1754 .
gens , eft à mon avis une idée plus férieufe
, & qui s'étend plus loin qu'on ne penfe ,
lorfqu'on la confidere dans tous fes rapports
: demandez- le à Bayle , & au médecin
Lami.
Je me fuis beaucoup étendu fur Defcartes
, parce qu'on commence à oublier
tout ce qu'on lui doit. Comme la plupart
de fes ouvrages ne font plus d'une grande
utilité , parce qu'on a été plus loin que
lui , on ne fe fouvient plus que fans lui ,
peut-être on feroit encore dans les ténébres.
Lorfqu'il a paru , la philofophie étoit
une terre en friche : elle n'a pas produit
beaucoup de fruits fous fes mains ; mais il
en a arraché les ronces , il l'a préparée , &
a appris à là rendre féconde : en eft - ce trop
peu pour mériter notre reconnoiffance ?
Je ne peux m'empêcher de le regarder comme
un homme rare , qui fubjugué par l'impulfion
du génie , étoit né pour faire une
révolution , & dont les découvertes feront
une des plus brillantes époques de l'hiftoire
de l'efprit humain.
Gaffendi , contemporain de Descartes",
mérite auffi une place honorable dans l'hiftoire
de la philofophie , quoiqu'il n'ait pas'
travaillé avec beaucoup de fuccès pour elle.
Né avec un génie extrêmement méthodique
& une fagacité peu commune , il fue
Avj
12 MERCURE DE FRANCE.
révolté , comme Defcartes , des abfurdités
de la fcholaftique : il la combattit avec vivacité
, & voulut relever le fyftême d'Epicure
, pour l'établir fur les débris de celui
d'Ariftote . Il employa beaucoup d'adreffe
& de fubtilité pour expliquer la
formation & la confervation de l'univers
par le mouvement direct & la déclinaifon
des atômes . Il donna à cette hypotheſe un
vernis d'orthodoxie , & toute la probabi
lité dont elle étoit fufceptible ; mais cette
fecte des atomiftes modernes ne fut pas
nombreuſe ; chimere pour chimere , on
garda celle qui étoit déja établie , quoique
plus abfurde encore .
Le cartéfianifme n'eut pas le même fort ,
parce qu'il étoit mieux fondé ; il fit une
fortune étonnante dans toute l'Europe , il
eut les adverfaires & les fectateurs les plus
diftingués ; il fut profcrit en France , rétabli
enfuite , & adopté avec empreffement
dès qu'il fut mieux connu .
Mrs Rohault & Regis furent les premiers
qui le profefferent en France , & ils
le firent avec un fuccès & des applaudiffemens
finguliers. Mais le plus illuftre partifan
de Defcartes fut fans doute le P. Malebranche
, de l'Oratoire , phyficien , géometre
, & plus grand métaphyficien encore
; il ne prit que les principes de fon
2
I
a
DECEMBRE. 1754. 13
maître , & s'en fervit en homme de génie.
Il adopta fon fyftême des tourbillons ,
après y avoir reformé beaucoup de choſes ,
& le défendit avec vigueur. Dans la métaphyfique
il alla beaucoup plus loin que
Defcartes ; fes principes le conduifirent à
nier l'existence des corps , & s'il l'admit ,
ce fut parce que l'Ecriture Sainte le lui enfeignoit
: quelque finguliere que foit cette
conclufion , on ne peut prefque pas douter
qu'il n'ait été de la meilleure foi du monde .
Il prétendit démontrer que nous nepouvions
pas voir les objets hors de nous , encore
inoins dans nous , & que nous ne pouvions
les appercevoir que dans Dieu. Il étaya ces
idées abftraites de la métaphyfique la plus
fubtile, d'une élocution pleine de force & de
nobleffe , & de l'imagination la plus brillante
: mais malgré ces avantages , la profondeur
&l'obfcurité de fes idées garantirent de
la féduction. Il faut une grande contention
d'efprit & un grand goût de métaphyfique
pour le fuivre dans fes fpéculations ; ce
font des espéces de points indivisibles , dit M.
de Fontenelle : fi on ne les attrappe pas toutà-
fait jufie , on les manque tout - à -fait . Aufli
le P. Mallebranche fe plaignit-il beaucoup
de n'être pas compris par ceux qui le critiquoient.
On fçait que M. Arnaud attaqua
fon fyftême avec un acharnement des
14 MERCURE DE FRANCE.
moins philofophiques . M. Arnaud ne m'en.
tend pas , difoit Mallebranche : cb qui voulez
- vous donc qui vous entende ? lui répondit-
on .
Le mallebranchifme a fait naître la fecte
des immatérialistes , fort peu reçue en France
, mais qui a fait plus de progrès en Angleterre
; ces philofophes nient l'existence
de la matiere , telle que nous la concevons
, & même fa poflibilité ; les illufions
des fens font leur grand argument : ils
prouvent très-bien que les qualités que
nous regardons comme inhérentes aux
corps , telles que la couleur , l'étendue ,
&c. ne font que de pures idées de notre
ame, qui n'exiftent point hors d'elle , & qui
n'ont aucune analogie avec la nature des
objets qui les excitent en nous. Les dialogues
de Berkeley , ouvrage fingulier , où
Fon trouve une logique fubtile avec beaucoup
de fimplicité , font voir combien ce
fyftême eft féduifant, quelque abfurde qu'il
paroiffe au premier coup d'oeil , & combien
font preffans les argumens fur lef- ,
quels il est établi. Quelques-uns pouffent
encore ces idées plus loin , & prétendent
que chaque individu n'eft fûr que de fa
propre exiftence , & qu'il pourroit avoir
routes les idées & les fenfations dont il eft
affecté , fans qu'il y eût aucun autre être
DECEMBRE. 1754. 15
hors de lui ; c'eft la fecte des Egorftes : quel
que inacceffible qu'elle foit aux traits de
la métaphyfique , elle révolte trop les notions
les plus fimples pour trouver beaucoup
de fectateurs.
M. de Fontenelle a peut-être mieux mérité
de la philofophie que beaucoup de
ceux qui l'ont enrichie de découvertes. On
ne voit que des dévots qui dégoûtent de la dévotion
, dit un de nos moraliſtes. Avant
M. de Fontenelle on voyoit des philofophes
qui dégoûtoient de la philofophie ;
il fit voir que ce n'étoit pas la faute de la
philofophie : il la dépouilla de cet air fauvage
qui la rendoit fi peu trairable ; il l'embellit
des graces de fon imagination , & il
fit naître des fleurs où l'on ne foupçonnoit
que des épines : fon livre de la pluralité
des mondes eft un monument qui lui
fera autant d'honneur qu'à l'efprit de la
nation.
Qu'on me permette une digreffion à
laquelle je ne peux me refufer , & que
l'efprit de patriotifme m'arrache. Il y a
long- tems qu'on accufe les François d'être
legers & fuperficiels , & de ne faire qu'effleurer
les fciences : les Anglois , dit- on ,
font bien plus philofophes que nous : pourquoi
? parce qu'ils traitent la philofophie:
d'un air grave & ferieux. Et moi je crois
"
16 MERCURE DE FRANCE.
que nous le fommes pour le moins autant
qu'eux , précisément parce que nous la traitons
légèrement ; il faut polléder bien nettement
une matiere philofophique , pour la
dégager des termes barbares , des idées abtrules
, & des épines du calcul fous lef
quels d'autres font obligés de l'envelopper
, & pour la réduire à un raifonnement
fimple , à des images fenfibles , & aux expreflions
les plus communes , pour lui prêter
même des ornemens : c'est ce que M.
de Fontenelle , & d'autres après lui ont fait
avec fuccès. Il y a des gens qui croyent
que la féchereffe eft effentielle aux ouvra
ges fcientifiques , comme il y en a eu jadis
qui ne croyoient pas qu'on pût être philofophe
fans avoir une barbe fale & un
manteau déchiré. Cet efprit de fuperficie
qu'on nous reproche , n'eft que le vernis de
nos ouvrages qui ne nuit point à leur folidité.
La raifon toute nue a fouvent l'air
rebutant ; nos écrivains la rendent aimable
en la parant de fleurs : c'eft le vaſe dont
on frotte les bords de miel , pour faire ava
ler à un enfant un reméde falutaire : aux
yeux du philofophe , les hommes ordinaires
font- ils autre chofe que des enfans ?
Le cartéfianifme commençoit à être reçu
affez généralement , fur tout en France
lorfque le newtonianiſme parut , & vint
DECEMBRE. 1754. 17
partager les efprits. Comme les ouvrages
de Newton paroiffoient inacceffibles fans le
fecours de la plus fublime géométrie , fon
fyftême ne fut pas répandu d'abord , & refta
quelque tems entre les mains de quelques
adeptes. M. de Maupertuis a été le premier
qui en a donné quelques effais dans
notre langue ; mais il étoit réfervé à un
homme qui ne s'étoit fait qu'un jeu de la
phyfique & de la géométrie , de le produire
au grand jour c'eft M. de Voltaire . Il
donna fes Elémens de la philofophie de Newton
, ouvrage écrit avec la précifion , l'élégance
& la netteté qui lui font propres.
Ce livre fit une fenfation prodigieufe , &
par le nom de l'Auteur , & par les nouveautés
philofophiques qu'il mettoit fous
les yeux du public. D'abord les géometres
que M. de V. humilioit , & les beaux efprits
qu'il avoit humiliés dès long - tems ,
fe déchaînerent à l'uniflon contre lui ; il
paroiffoit inconcevable qu'un homme qui
avoit fait de beaux vers pût être géometre
& phyficien : on ne peut pas mieux
parler , difoit-on , de ce qu'on n'entend
pas ; comme fi l'efprit , en philofophie ,
pouvoit fuppléer aux lumieres. Pour apprécier
le mérite de cet ouvrage & la prévention
ridicule de certaines gens qui ne
font pas même en état de le lire , il faut
18 MERCURE DE FRANCE.
jetter les yeux fur les critiques qu'on en
fit dans le tems. Cette multitude de fautes
énormes qu'on devoit mettre au grand jour ,
fe réduisirent à des erreurs légeres , à quelques
mauvaifes épigrammes , à des ob
jections vagues , & dont la plupart tomboient
fur Newton , & non pas fur M. de
Voltaire . D'ailleurs quand il n'auroit pas
bien faifi Newton dans quelques détails ,
quel eft le phyficien qui puiffe fe flatter
de ne l'avoir jamais manqué : Le reproche
le mieux fondé qu'on ait fait à M. de Voltaire
, c'est peut-être fur la maniere peu
avantageufe dont il a parlé de Deſcartes :
je ne peux pas mieux faire que de rapporter
ici quelques reflexions du P. Caftel à
ce fujet ( Mem. de Trev . Octob. 1739. )..
» M. de Voltaire a fi fort honoré notre
» nation par fes propres talens , qu'elle
peut bien lui pardonner le peu d'hon .
neur qu'elle lui enleve en rabaiffant
» Defcartes. En faveur de M. de Voltaire
» poëte , on devroir juger moins rigoureu-
» fement M. de Voltaire philofophe ; &
»en prenant les chofes du bon côté , en-
>>core eft- ce une louable entrepriſe d'avoir
» ofé s'enfoncer i avant dans des matie-
» res fi épineufes , au mépris de toutes ces
» fleurs qu'il pouvoit s'amufer à cueillir fi
agréablement , & toujours prêtes à éclore
ود
DECEMBRE . 1754 IS
fous fa main ; & n'eft-ce rien que la célébrité
qu'il a donnée à la philofophie ,
» & par conféquent aux philofophes ; l'oc-
» cafion même qu'il donne aux cartéfiens
de triompher du grand Newton ?
Le Newtonianifme une fois mis au
grand jour , fit fur les efprits des impreffions
bien différentes ; il fut adopté des
ans & attaqué par d'autres avec une égale
vivacité. Comme il battoit en ruine le cartéfianifme
, les Carréfiens fe mirent fur la
défenfive . M. Privat de Molieres , bon géometre
& affez fubtil phyficien , fut celui
qui défendit les tourbillons avec le plus de
faccès : il fentit bien qu'ils étoient en défaut
dans beaucoup de phénomenes , & il les réforma
en habile homme ; il les adapta aux
nouvelles expériences avec adreffe , & ii
fit fervir à confirmer fon fyftême les mê
mes obfervations que les Newtoniens apportoient
pour le détruire. Malgré tous
fes efforts cependant , les tourbillons tom
berent dans un difcrédit total , & on peut
dire qu'ils ont pouffé les derniers foupirs
entre les mains de M. de Fontenelle , dont
la Théorie des tourbillons fera vraisemblablement
le dernier ouvrage qu'on fera en leur
faveur.
Quelque abfurdités métaphyfiques que
le Newtonianifme entraîne après lui , on
20 MERCURE DE FRANCE.
ne peut nier que ce fyftême ne foit bien
féduifant ; il ſemble n'être fondé que fur
des faits & des démonftrations. La facilité
admirable avec laquelle il explique les mouvemens
des corps céleftes & beaucoup de
phénomenes julques- là inacceffibles , la fineffe
& la mutitude des obfervations qui en
font la bafe , & un grand étalage de calcul ,
en ont impofé ; on n'a pas voulu voir l'illufion
de quelques expériences , & le peu
de liaifon de certains faits avec les inductions
que Newton en tire pour établir fes
principes ; enfin la ruine des tourbillons
& la néceffité d'un fyftême pour le vulgaire
des philofophes , tout cela a beaucoup favorifé
l'établiffement de la nouvelle phyfique.
Peu de tems après , Madame la Marquife
du Chaſtelet vint auffi fe mettre fur
les rangs , & oppofer Leibnitz à Newton.
Leibnitz , commenté par M. Wolf , avoit
fait beaucoup de fortune en Allemagne ;
quelques idées métaphyfiques , de fimples
projections éparfes dans fes ouvrages , fe
font étendues fous la main de M. Wolf,
& ont donné matiere à beaucoup de gros
volumes , dans lefquels il a remis en honneur
le goût des définitions , & les termes
barbares de l'école combinés avec une méthode
féchement géométrique. Leibnitz
DECEMBRE. 1754. 21
n'a pas été fi heureux en France , quoique
Madame du Chaſtelet lui eût donné un
air plus François dans fes Inftitutions de
physique. Cet ouvrage et écrit avec beaucoup
de méthode , de nobleffe & de précifion
; mais il ne fit pas beaucoup de profélites
, & on ne jugea pas à propos de
croire aux Monades fur la parole de Madame
du Chaftelet . Cette femme illuftre a
laiffé entre les mains de M. de Clairault
une traduction Françoife du grand ouvrage
de Newton , avec des commentaires
très -profonds fur ce que les mathématiques
ont de plus fublime : ce livre eft prêt
à paroître. Madame du Chaftelet & cette
célébre Mlle Agnefi, qui profeffe les mathé
matiques à Boulogne , & qui a donné il y
quelques années un excellent ouvrage d'analyfe
, font des phénomenes qui feront
honneur au beau fexe , à la géométrie &
notre fiécle.
Quoique Newton l'ait emporté fur Defcartes
& Leibnitz , il s'en faut cependant
bien qu'il ait fubjugué tous les efprits ; il a
encore enFrance des adverfaires bien redoutables.
Il y a trop de chofes dans fon ſyſ
tême qui font de la peine à la raifon , pour
ne pas révolter tous ceux qui croyent encore
que la méthode de Defcartes eft la
feule qui puiffe nous conduire à la vérité,
22 MERCURE DE FRANCE.
1
s'il nous eft donné d'y atteindre .
1 Toutes ces difputes philofophiques ont
éclairé les efprits , le goût des fyftêmes
s'eft perdu , & a fait place à un fcepticifme
raifonné & modéré , fort généralement
répandu , & d'autant mieux établi qu'il
n'eft ni l'effet de l'ignorance , ni une affectation
de fingularité ; c'eft peut- être auffi
ce qui nuira le plus aux progrès de la philofophie.
Il faut donner l'effor à l'imagi
nation pour aller loin : les plus grandes
découvertes de fpéculation ne font gueres
que des heureuſes témérités du génie ,
& les plus habiles philofophes ont été des
gens à fyftêmes : ce n'eft qu'à force de s'égarer
en effayant differentes routes , que
l'on rencontrera la bonne.
Il est vrai que la voye des expériences ,
quoique la plus lente , eft bien plus sûret
& plus commode ; c'eft auffi celle qu'a
prife l'Académie des Sciences : elle a déclaré
qu'elle n'adoptoit aucun fyftême. Le
tems d'en faire un n'eft pas encore arrivé ,
il faut attendre que l'on ait affez de matériaux
pour bâtir un fyftême général de l'univers
; ce n'eft qu'en amaffant des obfervations
& en établiffant des faits , que l'on
pourra y parvenir. On s'eft donc jetté principalement
du côté de la phyfique expéri
mentale , comme la partie de la philo
1
I
1
DECEMBRE. 1754. 23
fophie dont l'utilité eft plus fenfible.
Bacon , Galilée & Torricelli ont jetté les
fondemens de la phyfique expérimentale ;
le premier par des vues neuves & fublimes
; Galilée par fa théorie de l'accéléra
tion du mouvement dans la chûte des
corps ; & Torricelli par fes expériences fur
la pefanteur de l'air. Ces découvertes importantes
ont porté dans la phyfique une
nouvelle lumiere , que les Boyle , les Pafcal
, les Newton , &c . ont encore étendue
bien au-delà : ce font des veines heureuſes
qui ont conduit à des mines fécondes .
Le goût des expériences s'eft répandu
chez toutes les nations fçavantes , & il eft
cultivé aujourd'hui avec beaucoup de foin
& de fuccès. Parmi ceux qui peuvent être
cités dans ce genre , on s'attend bien à voir
le nom de M. de Reaumur , qui a fait des
recherches approfondies fur plufieurs parties
de la phyfique , & principalement fur
l'hiftoire naturelle. Obfervateur exact &
infatigable , les plus petits détails n'échap
perent pas à la fineffe & à la fagacité qu'it
porte dans tous fes procédés : fon Hiftoire
des infectes , avec beaucoup de longueurs ,
eft remplie de chofes neuves , utiles & délicates
. Zélé pour le bien public , il n'a pas
dédaigné de confacrer fes talens à des objets
, petits en apparence , mais qui tendent
14 MERCURE DE FRANCE.
à perfectionner les arts méchaniques , ou
prévenir quelques befoins de la fociété .
Les moyens de faire une nouvelle teintud'augmenter
la fécondité des terres ,
de garantir les étoffes des teignes , de conferver
des oeufs frais pendant trois à quatre
mois , voilà les objets de fa curiofité & de
fon travail. Des vues auffi fages & auffi
eſtimables devroient fervir d'exemple à
beaucoup de fçavans , qui croiroient s'avilir
par de femblables détails , & qui facrifient
à des recherches brillantes des recherches
plus utiles , mais obfcures . M. de Reaumur
ne trouve pas dans tous fes concitoyens
les mêmes difpofitions à rendre juſtice à
fes travaux , mais il les trouvera dans fa
nation ; & fa réputation ne peut être bleffée
par les petites épigrammes & le mépris
affecté de quelques perfonnes qui , ce
me femble , n'ont pas pris confeil de leurs
lumieres & de leur philofophie.
C'eft bien ici le lieu de rendre à un philofophe
citoyen l'hommage que méritent
fes talens & l'emploi refpectable qu'il en
fait ; je parle de M. Duhamel , de l'Académie
des Sciences , à qui nous devons
l'excellent Traité de la culture des terres ,
dont les principes font fi peu connus & mériteroient
tant de l'être. Il a réuni fes lumieres
& fes obfervations aux découvertes
des
DECEMBRE. 1754. 25
des Anglois , qui dans cette partie effentielle
font bien faits pour être nos maîtres
& nos modeles. Il a cherché les moyens de
conferver les grains dans les greniers ; il
a imaginé une charrue d'une conftruction
neuve & fort commode , qui abrege beaucoup
les travaux des laboureurs , cette portion
du peuple la plus néceffaire & la plus
miférable. Les principes de M. Duhamel
font fimples & évidens ; on lui a rendu
juftice : mais c'eſt peu d'être loué , il veut
être utile ; & ce ne feroit pas la premiere
fois qu'un philofophe auroit parlé , qu'on
auroit trouvé qu'il a raifon , & que fes
avis n'auroient été fuivis. Quoiqu'il
en foit , on ne doit pas fe laffer de travailler
à la perfection de l'agriculture , qui en
ouvrant dans l'Etat une nouvelle fource
de richeffes réelles & permanentes , donneroit
à notre commerce le plus grand
avantage , & prefque le feul qui lui manque
fur celui de nos voisins .
pas
Si quelqu'un a eu l'efprit de fyftême
dans notre fiécle , je crois que c'eft M. de
Buffon : une tête philofophe , des vûes
grandes , une imagination forte & lumineufe
, & l'art de faifir les analogies ; voilà
ce qu'il m'a femblé appercevoir dans l'Hiftoire
naturelle , & ce qui forme , fi je ne
me trompe , l'efprit de fyftême. M. de Buf-
II.Vol. B
26 MERCURE DE FRANCE.
fon , qui par un ftyle riche , élégant , har
monieux , plein de nobleſſe & de poëfie ,
efface Platon & Mallebranche , & donne
à la philofophie un éclat qu'elle n'avoit
pas encore eu , n'a pas été plus heureux
que Deſcartes dans fes conjectures fur l'origine
du monde & la génération des animaux.
Mais fi l'hiftoire de notre globe par
M. de Buffon eft un roman , c'eft celui
d'un habile phyficien : fon hypotheſe fur
la génération marque les bornes de nos
lumieres dans cette matiere ténébreuſe , le
defefpoir de la phyfique : fes obfervations
microfcopiques fi délicates & fi fingulieres,
feront peut-être plus utiles , parce qu'il
eft toujours utile de détruire des erreurs.
Les anciens avoient cru , fur de fimples apparences
peu approfondies , que la corruption
pouvoit engendrer des animaux.
Lorfque le microfcope , qui a élargi l'univers
aux yeux des philofophes , eut découvert
à Hartzoeker & à Lewenhoek les animalcules
qui fe meuvent dans les liqueurs ,
on fe moqua beaucoup des anciens , & il
ne parut plus douteux que tous les êtres
vivans font déja organifés dans la femence
, & qu'ils ne font que fe développer &
augmenter de volume. Mais ce principe
reçu fans conteftation & avancé avec ce
ton de confiance que donne trop fouvent
DECEMBRE . 1754. 29
la chaleur des premieres découvertes , s'eſt
trouvé en défaut dans la reproduction merveilleufe
des polypes , & il eft anéanti
aujourd'hui par les expériences de MM. de
Buffon & de Needham ; la production des
petites anguilles qu'ils ont vû fe former
dans le bled niellé & dans d'autres infufions
, remet en honneur l'opinion des anciens
; nous avons cru voir une étincelle
de lumiere , & nous rentrons dans une nuit
plus fombre. Les animalcules fpermatiques
ne font plus que de petites machines or
ganifées & fans vie ; il eft vrai que les obfervations
microfcopiques font trop fuf
ceptibles d'illufion pour qu'on ne s'en dépas
: celles de Lewenhoek ont été détruites
par celles de M. de Buffon , cellesci
peuvent être détruites par d'autres ; dans
cette matiere obfcure on finit , comme dans
prefque toutes les autres , par douter.
fie
Les fectateurs de la philofophie corpufculaire
ne pardonneront pas aifément à
M. de Buffon d'avoir établi la poffibilité
de fes moules intérieurs fur la ruine du méchaniſme
univerfel , & d'avoir mieux ainé
expliquer la circulation du fang , le jeu des
muſcles , en général toute l'économie animale
par des qualités occultes femblables
aux caufes de la pefanteur , des attractions
magnétiques , &c. que par des principes
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
purement méchaniques ; cela pourroit faire
craindre , difent- ils , le retour du fiécle
d'Ariftote. Epicure créa la phyfique corpufculaire
; ne voyant dans la nature que
de la matiere & du mouvement , il ne
chercha pas d'autres caufes pour expliquer
tous les phénomenes ; mais n'ayant pas encore
affez de faits & d'obſervations , ce
principe lui manqua dans l'application ;
on crut pour lors que ce qu'on ne pouvoit
pas expliquer par les loix du méchanifme
ne s'opéroit pas par ces loix ; de là
l'horreur du vuide , de- là l'attraction , &c.
L'attraction , ce monftre métaphysique ,
dont on ne peut plus fe paffer dans la phy-.
fique célefte , s'eft introduite auffi dans la
chymie. Les affinités de M. Geoffroi ne
font que le même terme déguifé ; elles paroiffent
préfenter une idée plus fimple , &
n'en font pas moins inintelligibles . Nous
devons aux Anglois cet abus de l'attraction ,
auffi bien que celui du calcul : ils réduifent
tout en problêmes algébriques ; l'antique
fuperftition fur la fcience mystérieuse
des nombres femble renaître . Jean Craig
a ofé calculer les dégrés de probabilité
des principes du chriftianifme , & le décroiffement
de cette probabilité : felon fes
calculs , la religion ne peut plus durer que
1400 ans. L'eſtimable auteur de l'Hiftoire
DECEMBRE . 1754 29
critique de la philofophie a calculé auffi les
dégrés de force de la certitude morale . Le
Chevalier Petty , créateur de l'arithmétique
politique , a cru pouvoir foumettre à
l'algebre l'art même de gouverner les hommes.
Le résultat de quelques -uns de fes
calculs peut faire juger de leur folidité ;
il croit avoir démontré que le grand nombre
des impôts ne fçauroit être nuifible à
la fociété & au bien d'un Etat . Il a calculé
ce que valoit un homme en Angleterre ,
& il l'a évalué à 1300 livres environ de
notre monnoie. Un Philofophe fublime
qui connoît bien le prix des hommes , ajoute
qu'il y a des pays où un homme ne
vaut rien , & d'autres où il vaut moins
que rien ( a ) . La médecine n'a pas été à
l'abri des excurfions de la géométrie : aux
aphorifmes d'Hypocrate & de Boerhaave
on a fubftitué des formules algébriques ;
on a voulu évaluer le mouvement des fluides
dans le corps humain , la force des
nerfs & des mufcles confidérés comme des
cordes , des leviers d'un certain genre ,
des piftons , &c. Mais qu'avons nous gagné
à ces abus de la géométrie on l'a
détournée de fon véritable objet , & elle a
eu le fort de l'efprit de notre nation : elle
( a ) Efprit des loix , liv. XXIII . chap. XVII,
Bij
30 MERCURE DE FRANCE.
a perdu en profondeur ce qu'elle a gagné
en fuperficie , & je ne doute pas qu'elle
ne touche au moment de fa décadence ,
qui vient d'être prédite par un homme de
beaucoup d'efprit . Cette fcience qui n'étoit
qu'un inftrument entre les mains de Defcartes
& de Newton , & qui n'eft faite
que pour en fervir , étoit devenue une
fcience orgueilleufe qui s'étoit élevée fur
les débris des autres , fur ceux de la métaphyfique
fur tout , parce qu'il eft bien
plus facile d'apprendre à calculer qu'à raifonner.
Il est bien à fouhaiter que le goût
abufif du calcul ne fafle plus d'obſtacle au
retour de la métaphyfique , dont le flambeau
peut feul nous éclairer fur les nouvelles
erreurs que de faufles lumieres ont
introduites , & qui retardent fenfiblement
les progrès de la philofophie.
Fermer
Résumé : IDÉES DES PROGRÈS De la Philosophie en France.
Le texte discute des progrès rapides de la philosophie en France, notant que les autres sciences n'ont pas atteint le niveau de perfection des époques grecques et romaines. La philosophie moderne, bien que prometteuse, n'a pas encore révélé toutes les vérités de la nature. René Descartes, considéré comme le père de la philosophie moderne, a joué un rôle crucial en révolutionnant la pensée en détruisant l'aristotélisme et en proposant une nouvelle méthode pour étudier la nature. Il a uni différentes branches des sciences, comme l'astronomie, les mathématiques et la physique, et a appliqué l'algèbre à la géométrie et à la physique. Ses contributions ont marqué une époque brillante dans l'histoire de l'esprit humain. D'autres philosophes, comme Gassendi, ont combattu la scolastique et tenté de réformer la philosophie en s'inspirant d'Épicure. Le cartésianisme, bien que controversé, a gagné en popularité en Europe avec des partisans influents comme Rohault, Regis et Malebranche. Ce dernier a développé des idées métaphysiques complexes et a défendu le système des tourbillons de Descartes, donnant naissance à la secte des immatérialistes qui nient l'existence de la matière telle que nous la concevons. Fontenelle est loué pour avoir rendu la philosophie accessible et agréable, dépouillant ses aspects austères. Le texte compare les approches françaises et anglaises de la philosophie, soulignant que les Français traitent la philosophie de manière légère mais efficace, la rendant accessible et agréable. Le livre de Voltaire a suscité des réactions variées dans la communauté philosophique et scientifique. Les géomètres et les esprits éclairés, initialement humiliés, critiquèrent Voltaire, trouvant inconcevable qu'un poète puisse exceller en géométrie et en physique. Les critiques se réduisirent à des erreurs mineures et des épigrammes vagues, souvent dirigées contre Newton plutôt que contre Voltaire. Le Newtonianisme divisa les esprits, les cartésiens défendant les tourbillons avec acharnement, mais ces derniers tombèrent en disgrâce grâce aux efforts de M. de Fontenelle. Malgré certaines absurdités métaphysiques, le système newtonien fut adopté pour sa base factuelle et démonstrative, expliquant les mouvements des corps célestes et divers phénomènes. Madame du Châtelet soutint Leibnitz contre Newton, mais son ouvrage, bien que méthodique et précis, ne fit pas beaucoup de prosélytes. Elle laissa également une traduction de Newton avec des commentaires profonds. D'autres figures, comme Mlle Agnesi et M. de Reaumur, contribuèrent à la philosophie et à la physique expérimentale, cette dernière étant privilégiée par l'Académie des Sciences. Le texte critique l'approche de M. de Buffon, qui a proposé des explications pour la circulation du sang et l'économie animale en utilisant des qualités occultes similaires aux causes de la pesanteur et des attractions magnétiques, plutôt que des principes mécaniques. Cette méthode est comparée à celle d'Épicure, qui a créé la physique corpusculaire mais manquait de faits et d'observations pour l'appliquer correctement, menant à des concepts comme l'horreur du vide et l'attraction. Le texte dénonce également l'abus de l'attraction en chimie et l'influence des Anglais qui réduisent tout en problèmes algébriques. La médecine n'est pas épargnée, avec des formules algébriques remplaçant les aphorismes d'Hippocrate et de Boerhaave. Enfin, le texte déplore que la géométrie, autrefois un instrument au service de la philosophie, soit devenue une science orgueilleuse, détournée de son véritable objet.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 97-123
« LEÇONS de Physique expérimentale, par M. l'Abbé Nollet, de l'Académie royale [...] »
Début :
LEÇONS de Physique expérimentale, par M. l'Abbé Nollet, de l'Académie royale [...]
Mots clefs :
Lumières, Expérience, Expériences, Rayons, Yeux, Physique expérimentale, Physique, Couleurs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « LEÇONS de Physique expérimentale, par M. l'Abbé Nollet, de l'Académie royale [...] »
LEÇONS de Phyfique expérimentale ,
par M.l'Abbé Nollet , de l'Académie roya
le des Sciences , Profeffeur de Phyfique
expérimentale au College de Navarre , &c.
tome v. A Paris , chez Guerrin & De Latour
, rue S. Jacques , à S. Thomas d'Acquin
.
Ce volume , que le public attendoit depuis
long-tems , traite de la lumiere & des
couleurs , matiere intéreſſante , & qui
s'affujettit mieux qu'aucune autre partie
de la phyfique aux régles de la Géométrie
& au calcul , mais que l'auteur , obligé de
fuivre la méthode qu'il a embraffée pour
tout l'ouvrage , s'eft appliqué à rendre
fenfible par la voie de l'expérience. Cela
nous met à portée de voir jufqu'à quel
point les faits quadrent avec la théorie ;
& nous voyons que les perfonnes qui commencent
à s'appliquer à cette fcience
prendront facilement par la lecture de
ces leçons des idées claires & méthodiques
qu'elles auroient peine à acquerir autrement.
Nous en avions conçu cette opinion en
confidérant que les principes y font expo
E
98 MERCURE DE FRANCE.
fés avec clarté , que les expériences qui
leur fervent de preuves , font curieuſes
décifives , & très bien repréfentées par les
figures ; mais nous en fommes encore plus
perfuadés , en apprenant par la voie du
public , avec quel intérêt & quelle affiduité
des perfonnes de tout âge & de toute
condition , fe font affemblées pendant les
mois de Juin & de Juillet derniers au
Collége de Navarre , pour continuer d'entendre
M. l'Abbé Nollet , & lui voir exécuter
les expériences qui concernent cette
matiere ; c'est peut- être la premiere fois
qu'on ait entrepris avec fuccès de les faire
voir à soo , à 600 perfonnes en même
terns.
Le volume dont nous parlons , contient
trois leçons ; fçavoir , la quinziéme , la
feizième , & la dix-feptiéme, & voici l'ordre
dans lequel les matieres fe préfentént.
L'auteur expofe d'abord l'état de la que
ftion qu'il fe propofe de traiter , il en fait
l'hiftoire ; & après avoir annoncé des propofitions
, il les établit par des raifons ou
par des expériences dont il a foin de bien
expliquer le méchanifme : après quoi il
fait venir par forme de remarques ou d'applications
les effets naturels qui peuvent
dériver du principe établi , ou avoir quelSEPTEMBRE.
1755. 99
j
que rapport avec les expériences qui ont
fervi de preuves.
Dans la quinziéme leçon , par exemple,
où il s'agit d'abord de la nature & de la
propagation de la lumiere , M. L. N. expofe
au Lecteur les deux principales opinions
qui partagent aujourd'hui les Phyficiens
, celle de Defcartes & celle de
Newton ; il embraffe la premiere avec
quelques modifications , il rend raifon du
parti qu'il prend , il prévient les objections
qu'on pourroit lui faire ; & enfin il
en vient à des expériences par lefquelles
il prétend prouver que la lumiere eft une
matiere fubtile univerfellement répandue
au- dehors , comme au- dedans des corps ,
& toujours prête à devenir fenfible par le
mouvement qu'elle peut recevoir des corps
enflammés , ou par la clarté du jour auquel
elle fe trouve expofée . Ces expériences
donnent lieu à une hiftoire trèscurieufe
des phofphores , où l'on trouve
des nouvelles découvertes .
L'auteur examine enfuite les directions
que la lumiere fuit dans fes mouvemens ,
foit qu'elle vienne directement du corps
lumineux vers nos yeux , foit qu'elle rencontre
en fon chemin un obftacle qui l'oblige
à fe refléchir , foit enfin qu'elle paffe
d'un milieu dans un autre de différente
denfité. E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
Il s'arrête d'abord au mouvement direct
, & après quelques définitions néceffaires
pour l'intelligence de la queſtion ,
il énonce le principe de l'Optique , proprement
dite , en quatre propofitions , dont
voici les deux premieres. 1 ° . En quelque
endroit qu'on préfente un plan vis- à - vis
d'un point radieux , ce plan devient comme
la bafe d'une pyramide de lumiere.
2º. Ce plan eſt moins éclairé à meſure
qu'il s'éloigne du point radieux.
Deux expériences mettent ces faits fous
les yeux , & apprennent en même tems
dans quel rapport fe fait le décroiffement
de la lumiere , & l'accroiffement de l'ombre.
En comparant avec ces deux épreuves
ce qui fe paffe à l'égard de l'oeil qui ſe
préfente vis- à- vis d'un objet éclairé , on
conçoit d'abord & très facilement , comment
plufieurs perfonnes placées en différens
endroits apperçoivent enfemble le
même corps , fi petit qu'il foit ; pourquoi
nous ne pouvons voir qu'en ligne droite ;
par quels moyens nous jugeons de la diftance
quand elle eft petite ; quelle eſt la
caufe des ombres , ce qui régle leur grandeur
& leurs figures ; par quels moyens
la lumiere peut augmenter ou diminuer
pour le même oeil , & c.
SEPTEMBRE . 1755. 101
Les deux autres propofitions font énoncées
ainfi . 3 ° .Si le corps lumineux eft d'une
grandeur & d'une figure fenfibles , le plan
qu'on lui préfente , devient la bafe commune
d'autant de pyramides de lumiere ,
qu'il y a de points radieux tournés vers
lui. 4 ° . Si au lieu d'un plan qui arrête la
lumiere , on fait un trou dans une planche
mince , les pyramides lumineufes qui
viennent des différens points de l'objet
s'y croifent , paffant de droite à gauche
de haut en bas , &c . Deux expériences qui
mettent ces faits fous les yeux , font naître
naturellement les applications fuivan
tes.
,
>
Comment fe forment les images des
objets au fond de l'oeil ? pourquoi nous
voyons ces objets droits , quoique leurs
images foient renversées fur l'organe ;
par quels moyens nous jugeons des grandeurs
& des diftances des corps que nous
appercevons ; d'où vient que deux files de
foldats ou deux murailles paralleles feniblent
fe rapprocher l'une de l'autre , à mefure
qu'elle s'éloignent de nous ; pour
quelle raifon la furface d'un canal femble
s'élever dans l'éloignement ; pourquoi la
figure d'un grand corps apperçu de loin ,
change fuivant la direction de nos regards ?
Şur quelles régles eft fondée la perfpe-
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
&tive ? Comment les mouvemens apparens
des corps qu'on regarde dans le lointain ,
différent des mouvemens réels , tant pour
la direction que pour la vîteffe Dans
quels cas leur viteffe paroit nulle , ou devient
infenfible ? Comment l'habitude , le
préjugé , les connoiffances précédemment
acquifes , nous font juger des grandeurs
& des diftances ? d'où vient que nous
voyons la voûte du ciel comme furbaiffée ,
le foleil & la lune plus grands à leur lever
qu'au zénith , & c.
La feizième leçon comprend la catoptrique
& la dioptrique , c'est - à - dire les
mouvemens de la lumiere refléchie , &
ceux de la lumiere refractée .
L'Auteur commence par une differtation
qui nous a paru curieufe , & dans laquelle
il entreprend de prouver contre
l'opinion commune que la lumiere ne ſe
refléchit point de deffus les parties propres
des corps polis , des miroirs par exemple
, mais de deffus les particules de lumiere
qui font logées & comme enchaffées
dans les pores de ces furfaces. M. L. N.
s'attend bien que cette opinion aura de
la peine à prendre dans l'efprit de fes lecteurs.
J'avoue , dit - il , qu'en embraf-
» fant cette opinion , on fe met dans la
» néceffité de renoncer aux idées les plus
SEPTEMBRE. 1755. 103
33
communes , & de fe roidir contre des
préjugés bien accrédités & bien difficiles
à vaincre. Se perfuadera - t - on , par
exemple , que les corps ne foient pas
vifibles par eux-mêmes , mais feulement
par les points de lumiere , dont les fur-
» faces font parfemées ? qu'à proprement
» parler , nous n'avons jamais rien vû de
" tout ce que nous avons touché : cepen-
» dant , quel moyen de penfer autrement ,
» fi nous ne pouvons rien voir que ce qui
» nous renvoie de la lumiere , & fi les
» rayons qui nous tracent les images des
objets ne peuvent être renvoyés vers nos
»yeux que par les globules de cette ma-
» tiere impalpable qui fe trouve dans la
» même fuperficie , avec les parties pro-
»pres des corps .
Voici une comparaifon qui vient à
l'aide .
d'a
Quand vous jettez la vûe fur un mor-
» ceau de drap teint en écarlatte , continue
" M. L. N. votre premiere penſée n'eft-
"elle pas que vous voyez un tiffu de lai-
» ne , & ne vous revolterez - vous pas
» bord contre quiconque vous foutien-
» droit que vous voyez toute autre chofe
" que cela ? cependant , fi vous y faites
» attention , vous ferez obligé de convenir
que vous n'appercevrez qu'un enduit
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
ور
de cochenille adhérent à la matiere
»propre de l'étoffe , des particules colo-
» rantes incruftées dans les pores de la
» laine ; en un mot , une fubftance étran-
» gere à l'objet que vous avez en penſée ,
» & qui ne vous laiffe voir de lui que fa
"grandeur , fa fituation , fa figure , & nul-
» lement fa matiere propre ... Voilà donc
» des cas avoués de tout le monde , où les
" corps ne font pas vifibles
leur
par
pro-
" pre matiere
, mais par une ſubſtance
» étrangere
qui s'eft logée dans leurs pores.
Il faut voir dans l'ouvrage même
les autres raifons que l'Auteur fait valoir
en faveur de cette hypothèfe , & de quelle
maniere il prévient les difficultés qu'on
pourroit alléguer contre.
On trouve enfuite la defcription d'un
inftrument nouveau & commode pour me
furer l'angle de réflection de la lumiere
dans toutes fortes de cas , & l'on voit par
une premiere expérience qui fert comme
de bafe à toutes les autres du même genre ,
qu'un rayon fimple étant refléchi par un
miroir , fait fon angle de réflection égal
à celui de fon incidence.
Les principales conféquences de ce premier
principe fe rendent fenfibles par des
expériences où l'on emploie fucceffivement
des rayons paralleles , convergens &
SEPTEMBRE. 1755. 105
divergens , d'abord avec un miroir plan ,
enfuite avec un miroir convexe , & enfin
avec un miroir concave ; cela fait neuf
combinaiſons , dont les trois premieres
font connoître , que le miroir plan en renvoyoiant
la lumiere, ne change rien à la fituation
refpective des rayons incidens , &
l'on en tire les raifons des effets fuivans .
On apprend pourquoi un feul miroir
plan ne peut fervir à raffembler les rayons
folaires dans un foyer. D'où vient que
dans un tel miroir l'image fe voit derriere
, & auffi loin que l'objet en eft éloigné
par-devant. Par quelle raifon la grandeur
& la figure apparentes font conformes à
celles de l'objet que l'on regarderoit direêtement
de la même diftance. De quelle
grandeur doit être le miroir plan , pour
qu'on puiffe s'y voir tout entier? Comment
la fituation de l'image fe régle relativement
à celle de l'objet qui eft placé devant
une glace ? Pourquoi & comment les images
fe multiplient entre deux miroirs ? De
quelle maniere on doit expliquer les effets
des miroirs prifmatiques & pyramidaux ,
& c .
Les trois combinaiſons fuivantes fè font
avec un miroir convexe , & font voir : 1º .
que tous les miroirs de cette efpece , petits
ou grands , diminuent pour le moins
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
la convergence des rayons qui tendroient
à fe réunir. 2 ° . Qu'ils rendent divergens
ceux qui ne font que paralleles . 3". Qu'ils
augmentent la divergence de ceux qui en
avoient déja avant que de refléchir. Ce
qui fert à expliquer
Pourquoi de tels miroirs rarefient la
lumiere , & par quelle raifon celle qui
nous vient de la lune & des autres planetes
eft fi foible ? Pourquoi l'image dans
ces fortes de miroirs paroît plus petite que
fon objet , plus près que lui du miroir ,
& fouvent défigurée ?
le
Enfin les trois dernieres combinaiſons.
fe font avec le miroir concave , & montrent
, 1 °. que les rayons paralleles deviennent
convergens. 2 ° . Que ceux qui
font convergens dans leur incidence
font davantage après la réflection . 3 °. Que
ceux qui font divergens , le deviennent
moins , ce qui peut aller jufqu'à les rendre
paralleles , ou même convergens .
›
Ces faits fourniffent des raifons pour
expliquer , pourquoi un charbon ardent
placé au foyer d'un miroir concave , &
excité par le vent d'un foufflet , allume de
l'amadoue au foyer d'un femblable miroir
, élevé parallelement en face du premier
, à la diſtance de trente ou quarante
pieds. Combien les rayons folaires renSEPTEMBRE.
1755. 107
voyés par ces fortes de miroirs , deviennent
capables d'embrafer ou de fondre les
corps les plus durs & les plus compactes :
d'où vient que dans certains cas les images
fe voyent entre la furface réfléchiffante
& l'oeil du fpectateur. Par quelle raifon
l'image y paroît plus grande que l'objet
& renversée , &c .
M. L. N. enfeigne ici par occafion , de
quelle maniere on fait des miroirs concaves
de verre , foit de plufieurs pieces , ſoit
d'une feule glace pliée au feu , & comment
ces derniers fe mettent au tain . Après
quoi il traite des miroirs mixtes , & explique
les effets de ceux qui font cylindriques
& côniques .
Il s'agit après cela des principes de dioptrique
, ou de la lumiere réfractée. L'auteur
déduit les loix de la réfraction , d'une
expérience dans laquelle il employe
une machine très- commode , & qu'il décrit
avec beaucoup d'exactitude : il rap-
-porte les différens fentimens des Phyficiens
fur les caufes de la réfraction , il embraffe
celui des Carthéfiens en expofant
les raifons qui le déterminent , & paffe à
l'explication de certains effets qui ont rapport
à fa premiere expérience.
Il enfeigne pourquoi un bâton en partie
plongé obliquement dans l'eau paroît
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
comme rompu ; par quelle raifon une piece
de monnoye placée au fond d'une cuvette
remplie d'eau , fe fait voir à ceux qui
ne l'appercevoient pas quand le vafe ne
contenoit que de l'air. M. L. N. remarque
comme une conféquence naturelle de
ces effets , que le poiffon qui eft dans un
étang voit au- delà des bords , des objets
qu'il ne pourroit appercevoir en droite
ligne : que nous voyons de même le foleil,
la lune , les étoiles , & c. avant que ces
aftres foient réellement fur l'horton , à
caufe des réfractions de la lumiere dans
l'atmosphere terreftre ; il fait fentir pourquoi
ce dernier effet diminue à meſure que
l'aftre s'éleve ; comment il peut arriver que
le foleil ou la pleine lune paroiffe ovale ,
dans quel cas l'on peut voir la lune éclipfée
, le foleil n'étant pas encore couché :
pourquoi la lune éclipfée paroît à nos yeux
d'un rouge obfcur. &c.
M. L. N. confidérant que les milieux
réfringens ne peuvent être terminés que
par des furfaces planes , concaves ou convexes
, examine dans ces différens cas quels
changemens il doit arriver ; 1 ° à des
rayons paralleles , enfuite à des rayons divergens
, & enfin à des rayons convergens;
ce qui fait encore neuf combinaifons que
l'auteur met en expériences.
SEPTEMBRE. 1755 . 109
Des trois premieres dans lefquelles on
employe un milieu réfringent terminé
par deux furfaces planes & paralleles entr'elles
, il réfulte 1 ° que des rayons qui
font paralleles entr'eux dans leur incidence
, reftent paralleles après la réfraction ,
foit en paffant du milieu le plus rare dans
le plus denfe , foit en paffant de celui- ci
dans l'autre , au moins dans le cas ou le
milieu réfringent n'a qu'une médiocre
épaiffeur : 2 ° que dans le premier de ces
deux cas les rayons convergens le deviennent
moins , & que dans le fecond ils reprennent
le degré de convergence qu'ils
avoient perdu : 3 ° que des rayons divergens
mis à pareille épreuve , perdent d'abord
une partie de leur divergence & la
reprennent enfuite.
On apprend dans deux corollaires qui
fuivent ces expériences , ce qu'on doit attendre
d'un milieu réfringent qui feroit
terminé par deux furfaces courbes , mais
concentriques , ou de celui dont les furfaces
oppofées feroient planes , mais inclinées
l'une vers l'autre .
Par des applications naturelles de ces
faits , on voit pourquoi tout ce que nous
appercevons en regardant dans l'eau , nous
paroît élevé vers la furface ; par quelle raifon
les baffins remplis d'eau nous paroifITO
MERCURE DE FRANCE.
fent moins profonds qu'ils ne le font en
effet , d'où vient que le fond de l'eau , s'il
eft d'une grande étendue nous ſemble courbe
quoiqu'il foit droit ; pourquoi les verres
taillés en prifmes nous changent le lieu de
l'objet , & par quelle raifon ceux qui font
à facettes , nous en multiplient l'image,
& c.
par
Les quatrieme , cinquieme & fixieme
combinaiſons ſe font avec un milieu plus
denfe que l'air , l'air , terminé des furfaces
convexes , & apprennent 1 ° que des rayons
paralleles en entrant dans un tel milieu
deviennent convergents. 2° que fi dans
leur incidence , ils convergeoient au centre
de la ſphéricité du milieu réfringent
il ne leur arrive aucun changement . 3 ° que
leur convergence diminue s'ils tendoient
à fe réunir plus près que le centre , & qu'ellé
augmente au contraire dans le cas oppofé
: 4° que les rayons divergens y perdent
au moins une partie de leur divergence ,
ce qui peut aller jufqu'à les rendre paralleles
, & même convergens.
De cette théorie rendue fenfible par l'expérience
, on tire naturellement l'explication
des faits que voici.
Pourquoi l'ufage des bocaux de verre
remplis d'eau , eft- il fi utile aux artiſtes qui
ont be foin d'une lumiere vive. D'où vient
1
SEPTEMBRE. 1755. III
que les corps plongés dans des vafes de
verre , ordinairement cylindriques , ou à
peu près , nous paroiffent difformes quand
ces vafes font pleins d'eau . Pourquoi les
corps tranfparens & fphériques , raffemblent
les rayons du foleil dans un foyer ; à
quelle diſtance on doit attendre le foyer ;
pourquoi en cherchant à former des foyers,
on a fubftitué les lentilles aux globes , fur
quelles confidérations on a réglé la largeur
des lentilles tranfparentes. Comment les
verres lenticulaires amplifient les images
des objets ; comment dans certains cas
elles nous font voir entr'elles & nous : d'où
vient qu'elles defforment quelques fois ces
images , & c .
>
Par les trois dernieres combinaifons qui
fe font avec un milieu réfringent terminé
par des furfaces concaves , on apprend
1º que par de tels milieux , les rayons paralleles
font rendus divergens ; 2° que
ceux qui font convergens y perdent une
partie de leur convergence , ce qui peut
aller jufqu'à les rendre paralleles ou même
divergens ; 3 ° que des rayons divergens
qui ont leur point de difperfion au centre
même de la concavité du milieu réfringent
, ne fouffrent aucun changement ;
mais que ceux qui viennent de plus loin
que ce centre , augmentent en divergence ,
112 MERCURE DE FRANCE.
<
& qu'il arrive tout le contraire à ceux qui
viennent de plus près.
On voit par là pourquoi les verres concaves
dont fe fervent les perfonnes qui ont
la vûe courte ; font voir les objets plus
petits qu'on ne les voit à la vûe fimple ;
pourquoi l'image eft plus près du verre par
derriere , que l'objet ne l'eſt par-devant ;
d'où vient que ces fortes de verres , diminuent
la clarté de la vifion , & c. 1
Dans la dix- feptieme leçon M. L. N.
commence par traiter des couleurs : « Nous
diftinguons , dit- il , les objets vifibles ,
» non-feulement par leur grandeur , leur
» figure, leur fituation , leur diftance , leurs
dégrés de clarté , & c. mais encore par
» une forte d'illumination qui fait que
» chacun d'eux brille à nos yeux d'une
>>
و ر
façon particuliere , & qui ne dépend
»pas de la quantité de lumiere qui l'éclaire
, c'eft ce dernier moyen de vifibilité
que la nature varie avec une magni-
» ficence fans égale , & dont elle embellit
» toutes fes productions ; c'eft , dis- je ,
» cette apparence particuliere des furfaces
» que nous nommons couleur en général ,
» & dont nous exprimons les efpeces par
les noms de blanc , de rouge , de jaune ,
» de bleu , & c.
Les couleurs peuvent être confidérées
SEPTEMBRE. 1755. 113
1° dans la lumiere à qui elles appartiennent
effentiellement ; 2 ° . dans les corps
en tant que colorés . 3 ° . & dans celui de
nos fens qu'elles affectent particulierement
, & par lequel nous les diftinguons ;
c'eft aufli l'ordre dans lequel l'auteur traite
cette partie ; il préfere le fentiment de
Newton à celui de Defcartes , ou plutôt
il les adopte tous deux , en faifant remarquer
qu'ils ne font pas incompatibles ; &
après avoir rapporté hiftoriquement ce qui
donna occafion aux découvertes du philofophe
Anglois , il remet fous les yeux l'expérience
fondamentale , qui lui fir foupçonner
les deux points capitaux de tout
fon fyftême , fçavoir 1 ° que la lumiere
naturelle eft compofée de fept efpeces de
rayons plus réfrangibles , & plus réflectibles
les uns que les autres ; 2 ° que chacun
de ces rayons a le pouvoir d'exciter conftamment
en nous l'idée d'une couleur particuliere,
D'où il fuit que le défaut de couleur
dans la lumiere naturelle , vient de
l'affemblage complet de tous les rayons
colorés , & que le noir n'eft qu'une privation
de lumiere , plus ou moins parfaite.
M. L. N. rapporte , non pas toutes les
expériences que Newton a faites pour établir
cette doctrine , mais les plus décifives
& les moins difficiles à exécuter , afin , dit114
MERCURE DE FRANCE.
il , que chacun de fes lecteurs puiffe entreprendre
de les répéter , fans craindre de les
manquer. C'eft dans cette vue fans doute ,
qu'il avertit dans des notes , des précautions
qu'il faut prendre en certains cas , du
choix qu'il faut faire des inftrumens & des
manipulations les plus propres à procurer
un heureux fuccès.
A l'occafion de ces expériences , l'auteur
fuivant toujours fa méthode , ne manque
pas de rendre raifon des effets naturels qui
peuvent s'y rapporter. Il apprend par exemple,
pourquoi les objets paroiffent teints
de diverfes couleurs quand on les regarde
au travers d'un prifme de verre , pourquoi
ces couleurs font fituées différemment
quand l'objet eft brun fur un fond clair ,
que quand il eft blanc fur un fond obfcur :
d'où vient qu'une riviere ou un canal vû à
travers un prifme , prend la forme d'un arc
de diverfes couleurs dont la convexité eft
tournée vers la terre : par quelle raiſon un
verre plein d'eau fait paroître dans certaines
occafions avec diverfes couleurs , les
rayons folaires qui le traverfent ; pourquoi
les diamans & les pierres fauffes qui font
brillantées , repréfentent les mêmes couleurs
que le prifme ; enfin comment ſe
forme l'arc-en-ciel , & quelles font les caufes
de fes diverfes apparences.
Après avoir confidéré les couleurs dans
SEPTEMBRE . 1755. 115
la lumiere , M. L. N. examine comment il
peut fe faire que parmi différens corps expofés
à la lumiere naturelle du jour , les
uns fe teignent conftamment des rayons
d'une certaine espece , tandis que d'autres
fe colorent autrement : il penfe que cela
dépend de leurs différentes porofités &
primitivement de la grandeur & de la figure
de leurs parties infenfibles ; car fi les
pores d'une furface font propres à loger
une certaine efpece de lumiere , on conçoit
que les rayons de même nature qui
tomberont deffus , feront réfléchis plus
complettement & en plus grande abondance
que les autres ; & fi c'eft un corps
tranfparent qui foit imbu de cette efpece
particuliere de lumiere , les rayons incidens
de la même efpece , pourront mieux
que d'autres tranfmettre leur action à ceux
qui font au-delà : ainfi , fuivant cette opinion
, tous les corps font pleins de lumiere ;
ceux qui la contiennent avec toutes fes
efpeces , font propres à réfléchir ou à tranf
mettre toutes celles qui fe préfentent à leur
furface , s'ils font opaques ils nous paroiffent
blancs ou brillans , s'ils font tranfparens
, nous les voyons clairs & limpides
comme le verre ou l'eau . Ceux qui n'ont
admis dans leurs pores qu'une forte de
lumiere , ne renvoyent ou ne tranfmettent
116 MERCURE DE FRANCE.
que celle- là , & nous paroiffent rouges ;
verts, bleux , jaunes , & c. Ceux enfin qui
par une contention particuliere de leurs
parties propres ou par le mauvais alignement
de leurs pores , ne peuvent ni renvoyer
ni tranfmettre l'action d'aucune
efpece de lumiere , nous leur avons donné
le nom de noirs ou d'obscurs.
Cette hippothefe eft appuyée par une
fuite d'expériences curieufes , dans lef
quelles on voit 1 ° que deux liqueurs claires
comme de l'eau , étant mêlées enfemble
, fe montrent fous une couleur qu'elles
n'avoient ni l'une ni l'autre. 2 ° . Qu'ane
liqueur fans couleur , fait paffer du
bleu au rouge , ou du verd au violet une
autre liqueur avec laquelle on la mêle .
3 °. Qu'une couleur très- limpide rend
opaque une autre liqueur qui ne l'étoit
pas plus qu'elle ; 4° . enfin , qu'une goute
ou deux d'une certaine liqueur , rend la
limpidité à un mélange qui étoit opaque
& coloré.
A l'appui de ces expériences , arrivent
les obfervations fuivantes , qui s'expliquent
comme elles d'une maniere affez
plaufible , en fuppofant qu'un changement
de porofité fuperficielle ou intime
dans les corps , eft la principale caufe de
leurs changemens de couleur.
2
SEPTEMBRE. 1755 117
On obferve que le papier bleu ou violet,
devient rouge , quand il eft touché par un
acide , que les étoffes fe tachent , par l'attouchement
des matieres qui peuvent en
altérer la texture : que l'action du feu ,
celle du foleil rougit les écreviffes , les
crabes & les autres poiffons cruftalés , que
l'impreffion continuelle de l'air fait prêndre
la couleur verte aux plantes , & qu'en
les en privant on les fait blanchir ; que
plufieurs teintures ou fucs naturels , paffent
d'une couleur à l'autre par la même caufe ;
qu'une legere fomentation fuffit fouvent
pour produire des effets ſemblables , &c .
L'auteur cherche enfuite qu'elle eft la
caufe de la tranſparence des corps : après
avoir remarqué , qu'il n'y a aucun corps .
ni abfolument tranfparent , ni abfolument
opaque , il prouve par plufieurs expériences
& obfervations , qu'un corps , toutes
chofes égales d'ailleurs , trafmet d'autant
mieux la lumiere , que fes parties font plus.
homogenes , ou d'une denfité plus uniforme.
Ces expériences apprennent à ſe défier
de la mauvaiſe foi de certaines gens qui
alterent & changent les écritures , elles
expliquent auffi pourquoi dans certains
tems , le foleil paroît d'un rouge de fang,
= & fe laiffe voir fans bleffer la vûe : par
118 MERCURE DE FRANCE.
quelle raifon la teinture noire eft plus belle
& plus durable quand cette étoffe a été
mife au bleu auparavant.
Le refte de la dix- feptieme leçon roule
fur la vifion , tant naturelle qu'artificielle ;
M. L. N. diftingue ainfi celle qui fe fait à
la vûe fimple de celle qui eft aidée par
quelque inftrument de dioptrique ou de
catoptrique .
par
*
Cette partie commence par une defcription
de l'oeil qui expoſe en détail les parties
de cet organe, leurs différentes fonctions
que l'on imite des expériences
fort curieufes , fort inftructives , & qui
donnent lieu aux explications fuivantes.
Pourquoi la prunelle de l'oeil fe retire
au grand jour , & fe dilate dans l'obfcurité
: comment varient les limites de la
vifion diſtincte ; en quoi confifte le défaut
de la vûe courte , & celui de la vûe longue
: d'où vient que les Myopes , regar- 2
dent de fort près , & les Prefbites de fort
loin : par quelles raiſons l'on croit
que la
vifion s'accomplit fur la choroïde , & non
pas fur la retine : quels moyens contribuent
à la clarté des images , qui fe peignent
au fond de l'oeil. Pourquoi les objets
vifibles qui fe meuvent rapidement ,
produifent des images qui ne leur reflemblent
pas d'ou vient qu'avec les deux
SEPTEMBRE. 1755. 119
yeux nous ne voyons ordinairement qu'une
fois le même objet , quoiqu'il fe peigne
également dans les deux. Comment l'uſage
fimultané des deux yeux nous aide à juger
des petites diſtances. Quelle eft la caufe
duftrabisme ou vûe louche. En quoi confifte
cette maladie de l'oeil appellée cararacle
, comment on y remédie ; pourquoi
dans certaines circonftances on voit tous
les objets teints de la même couleur.
A la fuite de ces obfervations , M. L. N.
explique d'où peuvent naître ces éclats de
lumiere qu'on appeçoit la nuit en ſe frottant
les yeux , ou lorfqu'on fe donne quelque
coup à la tête ; il parle auffi de ces couleurs
que l'on continue de voir , lorsqu'on
ferme les yeux après avoir regardé lé foleik
couchant , ou bien lorfqu'on applique la
vûe pendant quelque tems fur un même
corps de quelque couleur éclatante .
M. L. N. finit , par expliquer les effets
des principaux inftrumens qui fervent à
aider la vûe : « La vifion naturelle , dit-il,
lorfqu'elle eft dans fa plus grande force ,
» dans fon état le plus parfait , eft afſujet-
» tie à des conditions & renfermée dans
» des limites ; fi l'objet n'eft pas découvert
» au point que de lui à nous on puiffe tirer
une ligne droite fans obftacle , nous ne
l'appercevons pas fût-il même conve
120 MERCURE DE FRANCE.
» nablement exposé à nos regards , s'il eft
» trop loin ou trop petit , il nous échappe :
» & c'est encore pis fi l'oeil eft affoibli ou
» mal conformé ; la petiteffe & la diſtance
» le gênent encore davantage.
33
33
33
» Ces inconvéniens ont fubfifté longtems
fans remede ; mais enfin le hazard
» d'un côté , l'induſtrie de l'autre éclairée
& foutenue par l'étude , nous en ont
» affranchis en quelque façon ; par le fecours
des miroirs & des verres taillés
d'une certaine maniere , nous pouvons
» appercevoir ce qui eft caché à nos regards
» directs ; nous découvrons dans le fein de
la nature des êtres qui fembloient devoir
être à jamais imperceptibles pour nous :
» les objets trop éloignés fe rapprochent ,
»pour ainfi dire , & fe laiffent voir dif-
» tinctement : la vûe des vieillards à moitié
» éteinte ſe ranime ; celle qui eft trop
courte devient plus étendue. Enfin ,
quand nos befoins font fatisfaits , les
» mêmes moyens fourniffent encore des
amufemens très-dignes de notre curiofité
n
"
Il eft donc queftion dans cette derniere
partie des lunettes à lire , tant à deux qu'à
un feul verre ; des chambres obfcures , tant
fixes que portatives ; des polemofcopes
grands & petits ; des boëtes optiques ou perf
pectives
1
1
SEPTEMBRE 1755 12r
"
pectives avec des verres convexes , & avec
des miroirs ; des lunettes d'approche à deux
& à quatre verres ; des télescopes de réflection
; des microscopes fimples & compofés ;
du mycrofcope folaire & de la lanterne
magique , « inftrument , dit M. L. N. qu'une
trop grande célébrité a prefque ren-
» du ridicule aux yeux de bien des gens :
on la promene dans les rues , on en
divertit les enfans & le peuple ; cela
» prouve avec le nom qu'elle porte , que
» les effets font curieux & furprenans : &
» parce que les trois quarts de ceux qui les
» voyent , ne font pas en état d'en com-
» prendre les caufes , eft ce une raiſon
» pour ſe diſpenſer d'en inftruire les perfonnes
qui peuvent les entendre ? &c.
En parlant de ces inftrumens , il remon
te aux tems de leur invention , il en défigne
les auteurs , il fait connoître ceux qui
Les ont perfectionnés , & il marque par
des figures bien correctes , la marche des
rayons de la lumiere dans chacun d'eux .
Voilà à peu près les matieres contenues
dans ce cinquieme tome des leçons de phy-
Lique ; leur grande abondance pouvoit faire
craindre qu'elles ne s'y préfentaffent avec
confufion , mais l'auteur en y faiſant régner
beaucoup d'ordre & de précifion , a
fçu éviter cet inconvénient ; & nous
F
#21 MERCURE DE FRANCE.
croyons que le public recevra ce volume
aufi favorablement qu'il a reçu ceux qui
l'ont précédé.
aux
OEUVRES de M. Clermont , Commiffaire
d'Artillerie , en un volume in-4°.
contenant la Géométrie - pratique de l'Ingénieur
, ou l'art de mefurer, ouvrage éga
lement néceffaire aux Ingénieurs
Toifeurs & aux Arpenteurs , avec figures ;
& l'arithmétique militaire , ou l'Arithmétique
pratique de l'Ingénieur & de l'Officier
, divifée en trois parties. Ouvrage
également utile aux Officiers , aux ingênieurs
& aux Commerçans. Nouvelle édition
, corrigée , & de beaucoup augmentée
A Paris , chez Briaffon , rue S. Jacques
,
à la Science. 1755 .
ARCHITECTURE - PRATIQUE , qui comprend
la conftruction générale & particuliere
des bâtimens ; le détail , toiſé & dévis
de chaque partie ; fçavoir , maçonnerie
, charpenterie , couverture , ménuiferie
, ferrurerie , vitrerie , plomberie, peinture
d'impreffion , dorure , fculpture , mar
brerie , miroiterie , &c. avec une explication
des trente- fix articles de la coutume
de Paris fur le titre des fervitudes & rapports
qui concernent les bâtimens , & də
SEPTEMBRE. 1755. 123-
l'ordonnance de 1673 ; par M. Bullet
Architecte du Roi , & de l'Académie roya
le d'Architecture.
: Nouvelle édition , revûe , corrigée , &
confidérablement augmentée , fur- tout des
détails effentiels à l'ufage actuel du toiſé
des bâtimens , aux us & coutumes de Paris
, & aux réglemens des Mémoires , par
M *** Architecte , ancien Infpecteurtoifeur
de bâtiment . Ouvrage très - utile
aux Architectes & Entrepreneurs , à tous
propriétaires de maifons , & à ceux qui
veulent bâtir . A Paris , chez Hériffant &
Savoye , rue S. Jacques ; chez Didot , Nyon
& Damonneville , quai des Auguft. 1755.
Le quatriéme & le cinquiéme tomes des
traités des collations & provifions des Bénéfices
, par M. Piales , Avocat au Parlement
, paroiffent ; & fe vendent à Paris ,
chez Briaffon , rue S. Jacques , à la Science
; & à Chartres , chez Le Tellier , Imprimeur
, au bon Paſteur.
Le quatriéme volume contient les permutations
& réfignations pures & fimples ,
ou démiffions.
Le cinquième comprend les collations
& provifions fur réfignations , avec réſerve
de penfion.
par M.l'Abbé Nollet , de l'Académie roya
le des Sciences , Profeffeur de Phyfique
expérimentale au College de Navarre , &c.
tome v. A Paris , chez Guerrin & De Latour
, rue S. Jacques , à S. Thomas d'Acquin
.
Ce volume , que le public attendoit depuis
long-tems , traite de la lumiere & des
couleurs , matiere intéreſſante , & qui
s'affujettit mieux qu'aucune autre partie
de la phyfique aux régles de la Géométrie
& au calcul , mais que l'auteur , obligé de
fuivre la méthode qu'il a embraffée pour
tout l'ouvrage , s'eft appliqué à rendre
fenfible par la voie de l'expérience. Cela
nous met à portée de voir jufqu'à quel
point les faits quadrent avec la théorie ;
& nous voyons que les perfonnes qui commencent
à s'appliquer à cette fcience
prendront facilement par la lecture de
ces leçons des idées claires & méthodiques
qu'elles auroient peine à acquerir autrement.
Nous en avions conçu cette opinion en
confidérant que les principes y font expo
E
98 MERCURE DE FRANCE.
fés avec clarté , que les expériences qui
leur fervent de preuves , font curieuſes
décifives , & très bien repréfentées par les
figures ; mais nous en fommes encore plus
perfuadés , en apprenant par la voie du
public , avec quel intérêt & quelle affiduité
des perfonnes de tout âge & de toute
condition , fe font affemblées pendant les
mois de Juin & de Juillet derniers au
Collége de Navarre , pour continuer d'entendre
M. l'Abbé Nollet , & lui voir exécuter
les expériences qui concernent cette
matiere ; c'est peut- être la premiere fois
qu'on ait entrepris avec fuccès de les faire
voir à soo , à 600 perfonnes en même
terns.
Le volume dont nous parlons , contient
trois leçons ; fçavoir , la quinziéme , la
feizième , & la dix-feptiéme, & voici l'ordre
dans lequel les matieres fe préfentént.
L'auteur expofe d'abord l'état de la que
ftion qu'il fe propofe de traiter , il en fait
l'hiftoire ; & après avoir annoncé des propofitions
, il les établit par des raifons ou
par des expériences dont il a foin de bien
expliquer le méchanifme : après quoi il
fait venir par forme de remarques ou d'applications
les effets naturels qui peuvent
dériver du principe établi , ou avoir quelSEPTEMBRE.
1755. 99
j
que rapport avec les expériences qui ont
fervi de preuves.
Dans la quinziéme leçon , par exemple,
où il s'agit d'abord de la nature & de la
propagation de la lumiere , M. L. N. expofe
au Lecteur les deux principales opinions
qui partagent aujourd'hui les Phyficiens
, celle de Defcartes & celle de
Newton ; il embraffe la premiere avec
quelques modifications , il rend raifon du
parti qu'il prend , il prévient les objections
qu'on pourroit lui faire ; & enfin il
en vient à des expériences par lefquelles
il prétend prouver que la lumiere eft une
matiere fubtile univerfellement répandue
au- dehors , comme au- dedans des corps ,
& toujours prête à devenir fenfible par le
mouvement qu'elle peut recevoir des corps
enflammés , ou par la clarté du jour auquel
elle fe trouve expofée . Ces expériences
donnent lieu à une hiftoire trèscurieufe
des phofphores , où l'on trouve
des nouvelles découvertes .
L'auteur examine enfuite les directions
que la lumiere fuit dans fes mouvemens ,
foit qu'elle vienne directement du corps
lumineux vers nos yeux , foit qu'elle rencontre
en fon chemin un obftacle qui l'oblige
à fe refléchir , foit enfin qu'elle paffe
d'un milieu dans un autre de différente
denfité. E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
Il s'arrête d'abord au mouvement direct
, & après quelques définitions néceffaires
pour l'intelligence de la queſtion ,
il énonce le principe de l'Optique , proprement
dite , en quatre propofitions , dont
voici les deux premieres. 1 ° . En quelque
endroit qu'on préfente un plan vis- à - vis
d'un point radieux , ce plan devient comme
la bafe d'une pyramide de lumiere.
2º. Ce plan eſt moins éclairé à meſure
qu'il s'éloigne du point radieux.
Deux expériences mettent ces faits fous
les yeux , & apprennent en même tems
dans quel rapport fe fait le décroiffement
de la lumiere , & l'accroiffement de l'ombre.
En comparant avec ces deux épreuves
ce qui fe paffe à l'égard de l'oeil qui ſe
préfente vis- à- vis d'un objet éclairé , on
conçoit d'abord & très facilement , comment
plufieurs perfonnes placées en différens
endroits apperçoivent enfemble le
même corps , fi petit qu'il foit ; pourquoi
nous ne pouvons voir qu'en ligne droite ;
par quels moyens nous jugeons de la diftance
quand elle eft petite ; quelle eſt la
caufe des ombres , ce qui régle leur grandeur
& leurs figures ; par quels moyens
la lumiere peut augmenter ou diminuer
pour le même oeil , & c.
SEPTEMBRE . 1755. 101
Les deux autres propofitions font énoncées
ainfi . 3 ° .Si le corps lumineux eft d'une
grandeur & d'une figure fenfibles , le plan
qu'on lui préfente , devient la bafe commune
d'autant de pyramides de lumiere ,
qu'il y a de points radieux tournés vers
lui. 4 ° . Si au lieu d'un plan qui arrête la
lumiere , on fait un trou dans une planche
mince , les pyramides lumineufes qui
viennent des différens points de l'objet
s'y croifent , paffant de droite à gauche
de haut en bas , &c . Deux expériences qui
mettent ces faits fous les yeux , font naître
naturellement les applications fuivan
tes.
,
>
Comment fe forment les images des
objets au fond de l'oeil ? pourquoi nous
voyons ces objets droits , quoique leurs
images foient renversées fur l'organe ;
par quels moyens nous jugeons des grandeurs
& des diftances des corps que nous
appercevons ; d'où vient que deux files de
foldats ou deux murailles paralleles feniblent
fe rapprocher l'une de l'autre , à mefure
qu'elle s'éloignent de nous ; pour
quelle raifon la furface d'un canal femble
s'élever dans l'éloignement ; pourquoi la
figure d'un grand corps apperçu de loin ,
change fuivant la direction de nos regards ?
Şur quelles régles eft fondée la perfpe-
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
&tive ? Comment les mouvemens apparens
des corps qu'on regarde dans le lointain ,
différent des mouvemens réels , tant pour
la direction que pour la vîteffe Dans
quels cas leur viteffe paroit nulle , ou devient
infenfible ? Comment l'habitude , le
préjugé , les connoiffances précédemment
acquifes , nous font juger des grandeurs
& des diftances ? d'où vient que nous
voyons la voûte du ciel comme furbaiffée ,
le foleil & la lune plus grands à leur lever
qu'au zénith , & c.
La feizième leçon comprend la catoptrique
& la dioptrique , c'est - à - dire les
mouvemens de la lumiere refléchie , &
ceux de la lumiere refractée .
L'Auteur commence par une differtation
qui nous a paru curieufe , & dans laquelle
il entreprend de prouver contre
l'opinion commune que la lumiere ne ſe
refléchit point de deffus les parties propres
des corps polis , des miroirs par exemple
, mais de deffus les particules de lumiere
qui font logées & comme enchaffées
dans les pores de ces furfaces. M. L. N.
s'attend bien que cette opinion aura de
la peine à prendre dans l'efprit de fes lecteurs.
J'avoue , dit - il , qu'en embraf-
» fant cette opinion , on fe met dans la
» néceffité de renoncer aux idées les plus
SEPTEMBRE. 1755. 103
33
communes , & de fe roidir contre des
préjugés bien accrédités & bien difficiles
à vaincre. Se perfuadera - t - on , par
exemple , que les corps ne foient pas
vifibles par eux-mêmes , mais feulement
par les points de lumiere , dont les fur-
» faces font parfemées ? qu'à proprement
» parler , nous n'avons jamais rien vû de
" tout ce que nous avons touché : cepen-
» dant , quel moyen de penfer autrement ,
» fi nous ne pouvons rien voir que ce qui
» nous renvoie de la lumiere , & fi les
» rayons qui nous tracent les images des
objets ne peuvent être renvoyés vers nos
»yeux que par les globules de cette ma-
» tiere impalpable qui fe trouve dans la
» même fuperficie , avec les parties pro-
»pres des corps .
Voici une comparaifon qui vient à
l'aide .
d'a
Quand vous jettez la vûe fur un mor-
» ceau de drap teint en écarlatte , continue
" M. L. N. votre premiere penſée n'eft-
"elle pas que vous voyez un tiffu de lai-
» ne , & ne vous revolterez - vous pas
» bord contre quiconque vous foutien-
» droit que vous voyez toute autre chofe
" que cela ? cependant , fi vous y faites
» attention , vous ferez obligé de convenir
que vous n'appercevrez qu'un enduit
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
ور
de cochenille adhérent à la matiere
»propre de l'étoffe , des particules colo-
» rantes incruftées dans les pores de la
» laine ; en un mot , une fubftance étran-
» gere à l'objet que vous avez en penſée ,
» & qui ne vous laiffe voir de lui que fa
"grandeur , fa fituation , fa figure , & nul-
» lement fa matiere propre ... Voilà donc
» des cas avoués de tout le monde , où les
" corps ne font pas vifibles
leur
par
pro-
" pre matiere
, mais par une ſubſtance
» étrangere
qui s'eft logée dans leurs pores.
Il faut voir dans l'ouvrage même
les autres raifons que l'Auteur fait valoir
en faveur de cette hypothèfe , & de quelle
maniere il prévient les difficultés qu'on
pourroit alléguer contre.
On trouve enfuite la defcription d'un
inftrument nouveau & commode pour me
furer l'angle de réflection de la lumiere
dans toutes fortes de cas , & l'on voit par
une premiere expérience qui fert comme
de bafe à toutes les autres du même genre ,
qu'un rayon fimple étant refléchi par un
miroir , fait fon angle de réflection égal
à celui de fon incidence.
Les principales conféquences de ce premier
principe fe rendent fenfibles par des
expériences où l'on emploie fucceffivement
des rayons paralleles , convergens &
SEPTEMBRE. 1755. 105
divergens , d'abord avec un miroir plan ,
enfuite avec un miroir convexe , & enfin
avec un miroir concave ; cela fait neuf
combinaiſons , dont les trois premieres
font connoître , que le miroir plan en renvoyoiant
la lumiere, ne change rien à la fituation
refpective des rayons incidens , &
l'on en tire les raifons des effets fuivans .
On apprend pourquoi un feul miroir
plan ne peut fervir à raffembler les rayons
folaires dans un foyer. D'où vient que
dans un tel miroir l'image fe voit derriere
, & auffi loin que l'objet en eft éloigné
par-devant. Par quelle raifon la grandeur
& la figure apparentes font conformes à
celles de l'objet que l'on regarderoit direêtement
de la même diftance. De quelle
grandeur doit être le miroir plan , pour
qu'on puiffe s'y voir tout entier? Comment
la fituation de l'image fe régle relativement
à celle de l'objet qui eft placé devant
une glace ? Pourquoi & comment les images
fe multiplient entre deux miroirs ? De
quelle maniere on doit expliquer les effets
des miroirs prifmatiques & pyramidaux ,
& c .
Les trois combinaiſons fuivantes fè font
avec un miroir convexe , & font voir : 1º .
que tous les miroirs de cette efpece , petits
ou grands , diminuent pour le moins
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
la convergence des rayons qui tendroient
à fe réunir. 2 ° . Qu'ils rendent divergens
ceux qui ne font que paralleles . 3". Qu'ils
augmentent la divergence de ceux qui en
avoient déja avant que de refléchir. Ce
qui fert à expliquer
Pourquoi de tels miroirs rarefient la
lumiere , & par quelle raifon celle qui
nous vient de la lune & des autres planetes
eft fi foible ? Pourquoi l'image dans
ces fortes de miroirs paroît plus petite que
fon objet , plus près que lui du miroir ,
& fouvent défigurée ?
le
Enfin les trois dernieres combinaiſons.
fe font avec le miroir concave , & montrent
, 1 °. que les rayons paralleles deviennent
convergens. 2 ° . Que ceux qui
font convergens dans leur incidence
font davantage après la réflection . 3 °. Que
ceux qui font divergens , le deviennent
moins , ce qui peut aller jufqu'à les rendre
paralleles , ou même convergens .
›
Ces faits fourniffent des raifons pour
expliquer , pourquoi un charbon ardent
placé au foyer d'un miroir concave , &
excité par le vent d'un foufflet , allume de
l'amadoue au foyer d'un femblable miroir
, élevé parallelement en face du premier
, à la diſtance de trente ou quarante
pieds. Combien les rayons folaires renSEPTEMBRE.
1755. 107
voyés par ces fortes de miroirs , deviennent
capables d'embrafer ou de fondre les
corps les plus durs & les plus compactes :
d'où vient que dans certains cas les images
fe voyent entre la furface réfléchiffante
& l'oeil du fpectateur. Par quelle raifon
l'image y paroît plus grande que l'objet
& renversée , &c .
M. L. N. enfeigne ici par occafion , de
quelle maniere on fait des miroirs concaves
de verre , foit de plufieurs pieces , ſoit
d'une feule glace pliée au feu , & comment
ces derniers fe mettent au tain . Après
quoi il traite des miroirs mixtes , & explique
les effets de ceux qui font cylindriques
& côniques .
Il s'agit après cela des principes de dioptrique
, ou de la lumiere réfractée. L'auteur
déduit les loix de la réfraction , d'une
expérience dans laquelle il employe
une machine très- commode , & qu'il décrit
avec beaucoup d'exactitude : il rap-
-porte les différens fentimens des Phyficiens
fur les caufes de la réfraction , il embraffe
celui des Carthéfiens en expofant
les raifons qui le déterminent , & paffe à
l'explication de certains effets qui ont rapport
à fa premiere expérience.
Il enfeigne pourquoi un bâton en partie
plongé obliquement dans l'eau paroît
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
comme rompu ; par quelle raifon une piece
de monnoye placée au fond d'une cuvette
remplie d'eau , fe fait voir à ceux qui
ne l'appercevoient pas quand le vafe ne
contenoit que de l'air. M. L. N. remarque
comme une conféquence naturelle de
ces effets , que le poiffon qui eft dans un
étang voit au- delà des bords , des objets
qu'il ne pourroit appercevoir en droite
ligne : que nous voyons de même le foleil,
la lune , les étoiles , & c. avant que ces
aftres foient réellement fur l'horton , à
caufe des réfractions de la lumiere dans
l'atmosphere terreftre ; il fait fentir pourquoi
ce dernier effet diminue à meſure que
l'aftre s'éleve ; comment il peut arriver que
le foleil ou la pleine lune paroiffe ovale ,
dans quel cas l'on peut voir la lune éclipfée
, le foleil n'étant pas encore couché :
pourquoi la lune éclipfée paroît à nos yeux
d'un rouge obfcur. &c.
M. L. N. confidérant que les milieux
réfringens ne peuvent être terminés que
par des furfaces planes , concaves ou convexes
, examine dans ces différens cas quels
changemens il doit arriver ; 1 ° à des
rayons paralleles , enfuite à des rayons divergens
, & enfin à des rayons convergens;
ce qui fait encore neuf combinaifons que
l'auteur met en expériences.
SEPTEMBRE. 1755 . 109
Des trois premieres dans lefquelles on
employe un milieu réfringent terminé
par deux furfaces planes & paralleles entr'elles
, il réfulte 1 ° que des rayons qui
font paralleles entr'eux dans leur incidence
, reftent paralleles après la réfraction ,
foit en paffant du milieu le plus rare dans
le plus denfe , foit en paffant de celui- ci
dans l'autre , au moins dans le cas ou le
milieu réfringent n'a qu'une médiocre
épaiffeur : 2 ° que dans le premier de ces
deux cas les rayons convergens le deviennent
moins , & que dans le fecond ils reprennent
le degré de convergence qu'ils
avoient perdu : 3 ° que des rayons divergens
mis à pareille épreuve , perdent d'abord
une partie de leur divergence & la
reprennent enfuite.
On apprend dans deux corollaires qui
fuivent ces expériences , ce qu'on doit attendre
d'un milieu réfringent qui feroit
terminé par deux furfaces courbes , mais
concentriques , ou de celui dont les furfaces
oppofées feroient planes , mais inclinées
l'une vers l'autre .
Par des applications naturelles de ces
faits , on voit pourquoi tout ce que nous
appercevons en regardant dans l'eau , nous
paroît élevé vers la furface ; par quelle raifon
les baffins remplis d'eau nous paroifITO
MERCURE DE FRANCE.
fent moins profonds qu'ils ne le font en
effet , d'où vient que le fond de l'eau , s'il
eft d'une grande étendue nous ſemble courbe
quoiqu'il foit droit ; pourquoi les verres
taillés en prifmes nous changent le lieu de
l'objet , & par quelle raifon ceux qui font
à facettes , nous en multiplient l'image,
& c.
par
Les quatrieme , cinquieme & fixieme
combinaiſons ſe font avec un milieu plus
denfe que l'air , l'air , terminé des furfaces
convexes , & apprennent 1 ° que des rayons
paralleles en entrant dans un tel milieu
deviennent convergents. 2° que fi dans
leur incidence , ils convergeoient au centre
de la ſphéricité du milieu réfringent
il ne leur arrive aucun changement . 3 ° que
leur convergence diminue s'ils tendoient
à fe réunir plus près que le centre , & qu'ellé
augmente au contraire dans le cas oppofé
: 4° que les rayons divergens y perdent
au moins une partie de leur divergence ,
ce qui peut aller jufqu'à les rendre paralleles
, & même convergens.
De cette théorie rendue fenfible par l'expérience
, on tire naturellement l'explication
des faits que voici.
Pourquoi l'ufage des bocaux de verre
remplis d'eau , eft- il fi utile aux artiſtes qui
ont be foin d'une lumiere vive. D'où vient
1
SEPTEMBRE. 1755. III
que les corps plongés dans des vafes de
verre , ordinairement cylindriques , ou à
peu près , nous paroiffent difformes quand
ces vafes font pleins d'eau . Pourquoi les
corps tranfparens & fphériques , raffemblent
les rayons du foleil dans un foyer ; à
quelle diſtance on doit attendre le foyer ;
pourquoi en cherchant à former des foyers,
on a fubftitué les lentilles aux globes , fur
quelles confidérations on a réglé la largeur
des lentilles tranfparentes. Comment les
verres lenticulaires amplifient les images
des objets ; comment dans certains cas
elles nous font voir entr'elles & nous : d'où
vient qu'elles defforment quelques fois ces
images , & c .
>
Par les trois dernieres combinaifons qui
fe font avec un milieu réfringent terminé
par des furfaces concaves , on apprend
1º que par de tels milieux , les rayons paralleles
font rendus divergens ; 2° que
ceux qui font convergens y perdent une
partie de leur convergence , ce qui peut
aller jufqu'à les rendre paralleles ou même
divergens ; 3 ° que des rayons divergens
qui ont leur point de difperfion au centre
même de la concavité du milieu réfringent
, ne fouffrent aucun changement ;
mais que ceux qui viennent de plus loin
que ce centre , augmentent en divergence ,
112 MERCURE DE FRANCE.
<
& qu'il arrive tout le contraire à ceux qui
viennent de plus près.
On voit par là pourquoi les verres concaves
dont fe fervent les perfonnes qui ont
la vûe courte ; font voir les objets plus
petits qu'on ne les voit à la vûe fimple ;
pourquoi l'image eft plus près du verre par
derriere , que l'objet ne l'eſt par-devant ;
d'où vient que ces fortes de verres , diminuent
la clarté de la vifion , & c. 1
Dans la dix- feptieme leçon M. L. N.
commence par traiter des couleurs : « Nous
diftinguons , dit- il , les objets vifibles ,
» non-feulement par leur grandeur , leur
» figure, leur fituation , leur diftance , leurs
dégrés de clarté , & c. mais encore par
» une forte d'illumination qui fait que
» chacun d'eux brille à nos yeux d'une
>>
و ر
façon particuliere , & qui ne dépend
»pas de la quantité de lumiere qui l'éclaire
, c'eft ce dernier moyen de vifibilité
que la nature varie avec une magni-
» ficence fans égale , & dont elle embellit
» toutes fes productions ; c'eft , dis- je ,
» cette apparence particuliere des furfaces
» que nous nommons couleur en général ,
» & dont nous exprimons les efpeces par
les noms de blanc , de rouge , de jaune ,
» de bleu , & c.
Les couleurs peuvent être confidérées
SEPTEMBRE. 1755. 113
1° dans la lumiere à qui elles appartiennent
effentiellement ; 2 ° . dans les corps
en tant que colorés . 3 ° . & dans celui de
nos fens qu'elles affectent particulierement
, & par lequel nous les diftinguons ;
c'eft aufli l'ordre dans lequel l'auteur traite
cette partie ; il préfere le fentiment de
Newton à celui de Defcartes , ou plutôt
il les adopte tous deux , en faifant remarquer
qu'ils ne font pas incompatibles ; &
après avoir rapporté hiftoriquement ce qui
donna occafion aux découvertes du philofophe
Anglois , il remet fous les yeux l'expérience
fondamentale , qui lui fir foupçonner
les deux points capitaux de tout
fon fyftême , fçavoir 1 ° que la lumiere
naturelle eft compofée de fept efpeces de
rayons plus réfrangibles , & plus réflectibles
les uns que les autres ; 2 ° que chacun
de ces rayons a le pouvoir d'exciter conftamment
en nous l'idée d'une couleur particuliere,
D'où il fuit que le défaut de couleur
dans la lumiere naturelle , vient de
l'affemblage complet de tous les rayons
colorés , & que le noir n'eft qu'une privation
de lumiere , plus ou moins parfaite.
M. L. N. rapporte , non pas toutes les
expériences que Newton a faites pour établir
cette doctrine , mais les plus décifives
& les moins difficiles à exécuter , afin , dit114
MERCURE DE FRANCE.
il , que chacun de fes lecteurs puiffe entreprendre
de les répéter , fans craindre de les
manquer. C'eft dans cette vue fans doute ,
qu'il avertit dans des notes , des précautions
qu'il faut prendre en certains cas , du
choix qu'il faut faire des inftrumens & des
manipulations les plus propres à procurer
un heureux fuccès.
A l'occafion de ces expériences , l'auteur
fuivant toujours fa méthode , ne manque
pas de rendre raifon des effets naturels qui
peuvent s'y rapporter. Il apprend par exemple,
pourquoi les objets paroiffent teints
de diverfes couleurs quand on les regarde
au travers d'un prifme de verre , pourquoi
ces couleurs font fituées différemment
quand l'objet eft brun fur un fond clair ,
que quand il eft blanc fur un fond obfcur :
d'où vient qu'une riviere ou un canal vû à
travers un prifme , prend la forme d'un arc
de diverfes couleurs dont la convexité eft
tournée vers la terre : par quelle raiſon un
verre plein d'eau fait paroître dans certaines
occafions avec diverfes couleurs , les
rayons folaires qui le traverfent ; pourquoi
les diamans & les pierres fauffes qui font
brillantées , repréfentent les mêmes couleurs
que le prifme ; enfin comment ſe
forme l'arc-en-ciel , & quelles font les caufes
de fes diverfes apparences.
Après avoir confidéré les couleurs dans
SEPTEMBRE . 1755. 115
la lumiere , M. L. N. examine comment il
peut fe faire que parmi différens corps expofés
à la lumiere naturelle du jour , les
uns fe teignent conftamment des rayons
d'une certaine espece , tandis que d'autres
fe colorent autrement : il penfe que cela
dépend de leurs différentes porofités &
primitivement de la grandeur & de la figure
de leurs parties infenfibles ; car fi les
pores d'une furface font propres à loger
une certaine efpece de lumiere , on conçoit
que les rayons de même nature qui
tomberont deffus , feront réfléchis plus
complettement & en plus grande abondance
que les autres ; & fi c'eft un corps
tranfparent qui foit imbu de cette efpece
particuliere de lumiere , les rayons incidens
de la même efpece , pourront mieux
que d'autres tranfmettre leur action à ceux
qui font au-delà : ainfi , fuivant cette opinion
, tous les corps font pleins de lumiere ;
ceux qui la contiennent avec toutes fes
efpeces , font propres à réfléchir ou à tranf
mettre toutes celles qui fe préfentent à leur
furface , s'ils font opaques ils nous paroiffent
blancs ou brillans , s'ils font tranfparens
, nous les voyons clairs & limpides
comme le verre ou l'eau . Ceux qui n'ont
admis dans leurs pores qu'une forte de
lumiere , ne renvoyent ou ne tranfmettent
116 MERCURE DE FRANCE.
que celle- là , & nous paroiffent rouges ;
verts, bleux , jaunes , & c. Ceux enfin qui
par une contention particuliere de leurs
parties propres ou par le mauvais alignement
de leurs pores , ne peuvent ni renvoyer
ni tranfmettre l'action d'aucune
efpece de lumiere , nous leur avons donné
le nom de noirs ou d'obscurs.
Cette hippothefe eft appuyée par une
fuite d'expériences curieufes , dans lef
quelles on voit 1 ° que deux liqueurs claires
comme de l'eau , étant mêlées enfemble
, fe montrent fous une couleur qu'elles
n'avoient ni l'une ni l'autre. 2 ° . Qu'ane
liqueur fans couleur , fait paffer du
bleu au rouge , ou du verd au violet une
autre liqueur avec laquelle on la mêle .
3 °. Qu'une couleur très- limpide rend
opaque une autre liqueur qui ne l'étoit
pas plus qu'elle ; 4° . enfin , qu'une goute
ou deux d'une certaine liqueur , rend la
limpidité à un mélange qui étoit opaque
& coloré.
A l'appui de ces expériences , arrivent
les obfervations fuivantes , qui s'expliquent
comme elles d'une maniere affez
plaufible , en fuppofant qu'un changement
de porofité fuperficielle ou intime
dans les corps , eft la principale caufe de
leurs changemens de couleur.
2
SEPTEMBRE. 1755 117
On obferve que le papier bleu ou violet,
devient rouge , quand il eft touché par un
acide , que les étoffes fe tachent , par l'attouchement
des matieres qui peuvent en
altérer la texture : que l'action du feu ,
celle du foleil rougit les écreviffes , les
crabes & les autres poiffons cruftalés , que
l'impreffion continuelle de l'air fait prêndre
la couleur verte aux plantes , & qu'en
les en privant on les fait blanchir ; que
plufieurs teintures ou fucs naturels , paffent
d'une couleur à l'autre par la même caufe ;
qu'une legere fomentation fuffit fouvent
pour produire des effets ſemblables , &c .
L'auteur cherche enfuite qu'elle eft la
caufe de la tranſparence des corps : après
avoir remarqué , qu'il n'y a aucun corps .
ni abfolument tranfparent , ni abfolument
opaque , il prouve par plufieurs expériences
& obfervations , qu'un corps , toutes
chofes égales d'ailleurs , trafmet d'autant
mieux la lumiere , que fes parties font plus.
homogenes , ou d'une denfité plus uniforme.
Ces expériences apprennent à ſe défier
de la mauvaiſe foi de certaines gens qui
alterent & changent les écritures , elles
expliquent auffi pourquoi dans certains
tems , le foleil paroît d'un rouge de fang,
= & fe laiffe voir fans bleffer la vûe : par
118 MERCURE DE FRANCE.
quelle raifon la teinture noire eft plus belle
& plus durable quand cette étoffe a été
mife au bleu auparavant.
Le refte de la dix- feptieme leçon roule
fur la vifion , tant naturelle qu'artificielle ;
M. L. N. diftingue ainfi celle qui fe fait à
la vûe fimple de celle qui eft aidée par
quelque inftrument de dioptrique ou de
catoptrique .
par
*
Cette partie commence par une defcription
de l'oeil qui expoſe en détail les parties
de cet organe, leurs différentes fonctions
que l'on imite des expériences
fort curieufes , fort inftructives , & qui
donnent lieu aux explications fuivantes.
Pourquoi la prunelle de l'oeil fe retire
au grand jour , & fe dilate dans l'obfcurité
: comment varient les limites de la
vifion diſtincte ; en quoi confifte le défaut
de la vûe courte , & celui de la vûe longue
: d'où vient que les Myopes , regar- 2
dent de fort près , & les Prefbites de fort
loin : par quelles raiſons l'on croit
que la
vifion s'accomplit fur la choroïde , & non
pas fur la retine : quels moyens contribuent
à la clarté des images , qui fe peignent
au fond de l'oeil. Pourquoi les objets
vifibles qui fe meuvent rapidement ,
produifent des images qui ne leur reflemblent
pas d'ou vient qu'avec les deux
SEPTEMBRE. 1755. 119
yeux nous ne voyons ordinairement qu'une
fois le même objet , quoiqu'il fe peigne
également dans les deux. Comment l'uſage
fimultané des deux yeux nous aide à juger
des petites diſtances. Quelle eft la caufe
duftrabisme ou vûe louche. En quoi confifte
cette maladie de l'oeil appellée cararacle
, comment on y remédie ; pourquoi
dans certaines circonftances on voit tous
les objets teints de la même couleur.
A la fuite de ces obfervations , M. L. N.
explique d'où peuvent naître ces éclats de
lumiere qu'on appeçoit la nuit en ſe frottant
les yeux , ou lorfqu'on fe donne quelque
coup à la tête ; il parle auffi de ces couleurs
que l'on continue de voir , lorsqu'on
ferme les yeux après avoir regardé lé foleik
couchant , ou bien lorfqu'on applique la
vûe pendant quelque tems fur un même
corps de quelque couleur éclatante .
M. L. N. finit , par expliquer les effets
des principaux inftrumens qui fervent à
aider la vûe : « La vifion naturelle , dit-il,
lorfqu'elle eft dans fa plus grande force ,
» dans fon état le plus parfait , eft afſujet-
» tie à des conditions & renfermée dans
» des limites ; fi l'objet n'eft pas découvert
» au point que de lui à nous on puiffe tirer
une ligne droite fans obftacle , nous ne
l'appercevons pas fût-il même conve
120 MERCURE DE FRANCE.
» nablement exposé à nos regards , s'il eft
» trop loin ou trop petit , il nous échappe :
» & c'est encore pis fi l'oeil eft affoibli ou
» mal conformé ; la petiteffe & la diſtance
» le gênent encore davantage.
33
33
33
» Ces inconvéniens ont fubfifté longtems
fans remede ; mais enfin le hazard
» d'un côté , l'induſtrie de l'autre éclairée
& foutenue par l'étude , nous en ont
» affranchis en quelque façon ; par le fecours
des miroirs & des verres taillés
d'une certaine maniere , nous pouvons
» appercevoir ce qui eft caché à nos regards
» directs ; nous découvrons dans le fein de
la nature des êtres qui fembloient devoir
être à jamais imperceptibles pour nous :
» les objets trop éloignés fe rapprochent ,
»pour ainfi dire , & fe laiffent voir dif-
» tinctement : la vûe des vieillards à moitié
» éteinte ſe ranime ; celle qui eft trop
courte devient plus étendue. Enfin ,
quand nos befoins font fatisfaits , les
» mêmes moyens fourniffent encore des
amufemens très-dignes de notre curiofité
n
"
Il eft donc queftion dans cette derniere
partie des lunettes à lire , tant à deux qu'à
un feul verre ; des chambres obfcures , tant
fixes que portatives ; des polemofcopes
grands & petits ; des boëtes optiques ou perf
pectives
1
1
SEPTEMBRE 1755 12r
"
pectives avec des verres convexes , & avec
des miroirs ; des lunettes d'approche à deux
& à quatre verres ; des télescopes de réflection
; des microscopes fimples & compofés ;
du mycrofcope folaire & de la lanterne
magique , « inftrument , dit M. L. N. qu'une
trop grande célébrité a prefque ren-
» du ridicule aux yeux de bien des gens :
on la promene dans les rues , on en
divertit les enfans & le peuple ; cela
» prouve avec le nom qu'elle porte , que
» les effets font curieux & furprenans : &
» parce que les trois quarts de ceux qui les
» voyent , ne font pas en état d'en com-
» prendre les caufes , eft ce une raiſon
» pour ſe diſpenſer d'en inftruire les perfonnes
qui peuvent les entendre ? &c.
En parlant de ces inftrumens , il remon
te aux tems de leur invention , il en défigne
les auteurs , il fait connoître ceux qui
Les ont perfectionnés , & il marque par
des figures bien correctes , la marche des
rayons de la lumiere dans chacun d'eux .
Voilà à peu près les matieres contenues
dans ce cinquieme tome des leçons de phy-
Lique ; leur grande abondance pouvoit faire
craindre qu'elles ne s'y préfentaffent avec
confufion , mais l'auteur en y faiſant régner
beaucoup d'ordre & de précifion , a
fçu éviter cet inconvénient ; & nous
F
#21 MERCURE DE FRANCE.
croyons que le public recevra ce volume
aufi favorablement qu'il a reçu ceux qui
l'ont précédé.
aux
OEUVRES de M. Clermont , Commiffaire
d'Artillerie , en un volume in-4°.
contenant la Géométrie - pratique de l'Ingénieur
, ou l'art de mefurer, ouvrage éga
lement néceffaire aux Ingénieurs
Toifeurs & aux Arpenteurs , avec figures ;
& l'arithmétique militaire , ou l'Arithmétique
pratique de l'Ingénieur & de l'Officier
, divifée en trois parties. Ouvrage
également utile aux Officiers , aux ingênieurs
& aux Commerçans. Nouvelle édition
, corrigée , & de beaucoup augmentée
A Paris , chez Briaffon , rue S. Jacques
,
à la Science. 1755 .
ARCHITECTURE - PRATIQUE , qui comprend
la conftruction générale & particuliere
des bâtimens ; le détail , toiſé & dévis
de chaque partie ; fçavoir , maçonnerie
, charpenterie , couverture , ménuiferie
, ferrurerie , vitrerie , plomberie, peinture
d'impreffion , dorure , fculpture , mar
brerie , miroiterie , &c. avec une explication
des trente- fix articles de la coutume
de Paris fur le titre des fervitudes & rapports
qui concernent les bâtimens , & də
SEPTEMBRE. 1755. 123-
l'ordonnance de 1673 ; par M. Bullet
Architecte du Roi , & de l'Académie roya
le d'Architecture.
: Nouvelle édition , revûe , corrigée , &
confidérablement augmentée , fur- tout des
détails effentiels à l'ufage actuel du toiſé
des bâtimens , aux us & coutumes de Paris
, & aux réglemens des Mémoires , par
M *** Architecte , ancien Infpecteurtoifeur
de bâtiment . Ouvrage très - utile
aux Architectes & Entrepreneurs , à tous
propriétaires de maifons , & à ceux qui
veulent bâtir . A Paris , chez Hériffant &
Savoye , rue S. Jacques ; chez Didot , Nyon
& Damonneville , quai des Auguft. 1755.
Le quatriéme & le cinquiéme tomes des
traités des collations & provifions des Bénéfices
, par M. Piales , Avocat au Parlement
, paroiffent ; & fe vendent à Paris ,
chez Briaffon , rue S. Jacques , à la Science
; & à Chartres , chez Le Tellier , Imprimeur
, au bon Paſteur.
Le quatriéme volume contient les permutations
& réfignations pures & fimples ,
ou démiffions.
Le cinquième comprend les collations
& provifions fur réfignations , avec réſerve
de penfion.
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Résumé : « LEÇONS de Physique expérimentale, par M. l'Abbé Nollet, de l'Académie royale [...] »
Le texte présente l'ouvrage 'Leçons de Physique expérimentale' de l'Abbé Nollet, professeur au Collège de Navarre, qui traite de la lumière et des couleurs. Ce volume, structuré en trois leçons, rend accessible un sujet complexe grâce à des expériences pratiques. Dans la quinzième leçon, Nollet expose les principales théories sur la nature et la propagation de la lumière, adoptant celle de Descartes avec des modifications. Il utilise des expériences pour prouver que la lumière est une matière subtile répandue dans et autour des corps. Il explore également les directions de la lumière, son mouvement direct, et les principes de l'optique, illustrés par des expériences et des figures. La seizième leçon aborde la catoptrique et la dioptrique, c'est-à-dire les mouvements de la lumière réfléchie et réfractée. Nollet propose une théorie selon laquelle la lumière se réfléchit non pas sur les surfaces des corps polis, mais sur les particules de lumière logées dans les pores de ces surfaces. Il décrit un instrument pour mesurer l'angle de réflexion et présente des expériences avec des miroirs plans, convexes et concaves. Enfin, la dix-septième leçon traite des principes de la dioptrique, expliquant les lois de la réfraction à travers des expériences et des descriptions d'instruments. Nollet rapporte également les différents avis des physiciens sur les causes de la réfraction et adopte la théorie des Cartésiens. Le texte explore ensuite divers phénomènes optiques liés à la réfraction de la lumière, comme l'apparence rompue d'un bâton plongé obliquement dans l'eau ou la visibilité d'une pièce de monnaie au fond d'une cuvette remplie d'eau. Il mentionne également la perception des poissons dans un étang et la vision du soleil, de la lune et des étoiles avant qu'ils ne soient à l'horizon. Il détaille neuf combinaisons d'expériences avec différents types de milieux réfringents et leurs effets sur les rayons lumineux. Le texte aborde également les applications pratiques de ces principes, comme l'utilisation des bocaux de verre remplis d'eau pour obtenir une lumière vive et l'explication de la formation des foyers par les corps transparents sphériques. Il traite des verres concaves utilisés par les personnes ayant une vue courte et de leur effet sur la vision. Enfin, le texte introduit la question des couleurs, distinguant les objets visibles par leur grandeur, figure, situation, distance, degrés de clarté et illumination particulière. Il explique que les couleurs peuvent être considérées dans la lumière, dans les corps colorés, et dans la perception par nos sens. Le texte suit les découvertes de Newton sur la composition de la lumière naturelle et les expériences fondamentales qui les soutiennent. Il explore également les raisons pour lesquelles les objets apparaissent teints de diverses couleurs lorsqu'ils sont regardés à travers un prisme et comment se forme l'arc-en-ciel. Le texte traite également de l'anatomie et des fonctions de l'œil, ainsi que des instruments optiques utilisés pour améliorer la vision. Il commence par une description détaillée des parties de l'œil et de leurs fonctions, illustrée par des expériences instructives. Les sujets abordés incluent la réaction de la prunelle à la lumière, les variations de la vision distincte, les défauts de la vue courte et longue, et les raisons pour lesquelles les myopes et les presbytes voient différemment. Le texte explore également des phénomènes optiques comme la perception des images en mouvement et l'utilisation des deux yeux pour juger des distances. Il mentionne des maladies oculaires telles que le strabisme et le cararacle, ainsi que des phénomènes visuels comme les éclats de lumière perçus la nuit ou après avoir regardé des objets lumineux. Le texte se penche ensuite sur les instruments optiques qui aident la vision, tels que les lunettes, les chambres obscures, les poléométroscopes, les boîtes optiques, les télescopes, les microscopes et la lanterne magique. Il explique comment ces instruments permettent de voir des objets éloignés ou petits, et comment ils ont été perfectionnés au fil du temps. Le texte conclut en soulignant l'importance de ces instruments pour satisfaire les besoins visuels et offrir des amusements curieux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 107-121
« Nous avons annoncé au mois de Septembre la nouvelle Collection académique, [...] »
Début :
Nous avons annoncé au mois de Septembre la nouvelle Collection académique, [...]
Mots clefs :
Collection, Nature, Vérité, Docteur, Académies, Médecine, Découvertes, Philosophie, Physique, Discours
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Nous avons annoncé au mois de Septembre la nouvelle Collection académique, [...] »
Nous avons annoncé au mois de Septembre
la nouvelle Collection académique ,
c. avec promeffe d'en parler plus expreffément
une autre fois . Nous allons la
remplir . La feule infpection de fon titre a
dû déja faire connoître l'étendue du projet
de l'Editeur.
Cet ouvrage eft précédé d'un beau difcours
préliminaire qui préfente des vues
très- philofophiques . Elles font juger avantageufement
du mérite de M. Gueneau
qui en eft l'Auteur. Comme il fent vivement
l'importance des vérités phyfiques
que cette collection a pour objet , il s'exprime
de même. Les matieres les plus abftraites
deviennent intéreffantes fous une
main auffi habile que la fienne . Il joint à
la profondeur du raifonnement l'éloquence
du ftyle ; deux qualités d'autant plus
dignes d'éloges , qu'elles ne vont pas toujours
enfemble.
On n'entend pas ici cette éloquence qui
cherche à furprendre par de fauffes lueurs ,
& qui fait difparoître la vérité fous des
ornemens qui lui font étrangers. Toat
homme qui penfe en philofophe , eft bien
éloigné de l'employer à un pareil ufage.
Ce feroit prendre l'abus de l'éloquence
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
pour l'eloquence elle- même , qui a pour
bale la folidité du jugement . On entend
donc par là cette énergie d'expreffion qui
communique ,, pour ainfi dire , la vie aux
idées dont elle rend la force plus fenfible ,
en leur prêtant un nouvel éclat . M. Gueneau
débute par des réflexions générales fur
la marche de l'efprit humain dans le développement
des connoillances qui appartiennent
à l'étude de la nature Il en marque
les progrès , & failit avec art tous
les rapports qui en dépendent. Il infifte
particulierement fur la néceffité de l'obfervation
, dont il analyſe les principes . It
approfondit la méthode qui doit fervir de
guide aux Obfervateurs dans leurs recherches
,pour
arriver à la certitude phyfique.
»Le premier objet ( dit- il ) qui fe préten-
» te à obferver , celui qu'il nous importe le
» plus de bien connoître , c'eft nous- mêmes.
Cette efpece d'obfervation inté-
» rieure doit précéder toute autre obfer-
» vation , & peut feule nous rendre capables
de juger fainement des êtres qui
» font hors de nous En effet nous ne connoiffons
point immédiatement ces êtres ;
nous ne pourrons jamais pénétrer leur
nature intime , & leur effence réelle ; les
idées que nous en avons , fe terminent
à leur furface , & même à parler rigouDECEMBRE
. 1755. 109
"
reuſement , nous n'appercevons point
» ces furfaces , mais feulement les impref-
»fions qu'elles font fur nos organes . Tou-
» tes ces vérités font certaines pour quiconque
fçait réfléchir ; & s'il eft abfurde à
» l'Egoifte d'en conclure qu'il exifte ſeul ;
»de suppofer que ce qu'on appelle les ob-
» jets extérieurs , ne font autre choſe que
»fes différentes manieres de voir , & n'ont
» aucune réalité hors de lui ; de fe perfua-
» der que les limites de fon être font celles
» de la nature ; & de vouloir ainfi réduire
» l'univers aux dime fons d'un atome ,
» il eft raisonnable aufli d'avouer que la
» maniere dont nous connoiffons notre
» exiftence , eft très- différente de celle
» dont nous connoiffons toute autre exif-
"tence : la premiere eft une confcience
intime , un fentiment profond ; la fe-
» conde eft une conféquence déduite de
» cette vérité premiere : la certitude eft
égale des deux côtés ; mais la preuve
» n'eft pas la même. Dans le premier cas ,
» ceft une lumiere directe immédiate-
»ment préfente à notre ame ; dans le fe-
»' cond , c'est une lumiere réfléchie par des
objets extérieurs , & modifiée par nos
» fens. Car nos fens font la feule voye
≫ par laquelle nous puiffions communi-
" quer avec la nature ; c'eft un milieu
110 MERCURE DE FRANCE.
22
interpofé entre notre ame & le monde
» phyfique'; milieu à travers lequel paf-
» fent néceffairement les images des cho-
» fes , ou plutôt les ombres projettées fur
» notre fens intérieur. Il faut donc avant
" tout travailler à épurer ce milieu , & à
» écarter tout ce qui pourroit alterer ces
images primitives , & les teindre de
couleurs étrangeres ; ou du moins il faut
» fe mettre en état de reconnoître , & même
de rectifier les altérations qu'elles
» fubiffent à leur paffage. »
"
"3
D
Ce que nous venons de rapporter du
Difcours de M. Gueneau , montre qu'il
employe heureufement les notions métaphyfiques
dans la définition des chofes
dont il traite , & fuffit en même-temps ,
pour donner une idée de fa maniere d'écrire
, analogue à fa façon de penfer. Nous
ajouterons un autre morceau qui nous paroît
frappé au même coin. Il s'agit de repréfenter
les effets que le préjugé a coututume
de produire , & les funeftes fuites
qu'il entraîne après lui : Voici comme s'explique
l'Auteur. » Le préjugé eft le plus
grand ennemi de la vérité , & par con-
» féquent de l'homme , puifque l'hom-
» me ne peut fe rendre heureux que par
« la connoiffance de la vérité. Cet enne-
» mi nous obféde dès notre naiffance ,
DECEMBRE. 1755. Τ
ou plutôt il femble être né avec nous :
» à peine notrepaupiere commence à s'ou-
» vrir , qu'il nous enveloppe de fes om-
» bres : fon murmure confus eft le pre-
» mier bruit qui frappe nos oreilles ; &
» nos premiers regards font fouillés par
l'erreur. A mefure que nos facultés fe
développent , le préjugé fe les affujetir ,
& fe fortifie avec elles : non- feulement
» il falfifie le témoignage de nos lens ,
» il obfurcit encore les foibles lueurs de
» notre raifon. L'éducation , l'exemples,
23
toute communication avec les autres
» hommes , lui fervent fouvent de moyen
» pour accroître & perpétuer fa contagion
: quelquefois il fe fait la guerre à
» lui-même , pour triompher de nous plus
furement ; il n'eft point de formes qu'il
» ne prenne pour nous fubjuguer , ou pour
» nous féduire , & jamais il n'eft plus ter-
» rible , que lorfqu'il fe produit fous des
» dehors refpectés. Cependant il nuit en
» core moins à la vérité par les menfonges
qu'il accrédite , que par le vice qu'il
» introduit dans la méthode de raifonner.»
M. Gueneau propofe enfuite le reméde
qu'il faut appliquer au mal , & il qualifie
ce reméde de donte méthodique. » C'est
( continue- t'il ) cette ignorance de convention,
par laquelle un Philofophe s'é-
و د
"""
112 MERCURE DE FRANCE.
و ر
"
» leve au - deffus de fes opinions , que le
vulgaire appelle fes connoillances , afin
» de les juger toutes avec une fermeté
» éclairée , d'affigner à chacune fon dégré
précis de probabilité , de rejetter
» toutes celles qui ne font point fondées ,
» & de s'attacher inviolablement à la vé-
» rité mieux connue. Ce doute eft appellé
» méthodique , parce qu'il fuppofe une
méthode fure de diftinguer l'obfcur de
» l'évident , le faux du vrai , & même le
» vrai du vaiſemblable. Il ne fufpend no-
» tre jugement , que lorfque la lumiere
» vient à nous manquer : il differe effen-
» tiellement du Pyrrhonifme , qui n'eſt
» autre chofe que le défefpoir d'un efprit
» foible , qui a fçu fe defabufer de fes pré-
» jugés , mais qui n'ayant pas le courage
» de chercher la vérité , fait de vains ef-
» forts pour l'anéantir. Le doute philofophique
eft aucontraire le premier effort
» d'une ame généreufe , qui veut fecouer
» le joug de l'erreur : c'eft le premier pas
» qu'il faut faire pour arriver à la cer-
» titude , & il n'est pas moins oppofé à
l'aveugle indécifion du Pyrrhonien , qu'à
» l'aveugle témérité du Dogmatique . C'eft
» moins un doute réel , qu'un examen
» après coup , par lequel la raifon rentre
» dans fes droits , & ſe prépare à la vérité ,
"
و ر
DECEMBRE . 1755. 113
en fe dégageant des entraves de l'opi-
» nion. "
Il ne faudroit pas moins que copier le
Difcours d'un bout à l'autre , pour mettre
à portée de juger de la jufteffe des remarques
de M. Gueneau , & en même- temps
faire appercevoir l'enchaînement de fes
idées , avec leur dépendance mutuelle .
C'est pourquoi nous ne pouvons trop
en recommander la lecture , qui fervira à
confirmer la bonne opinion que nous
avons conçue du travail de l'Auteur. L'é
poque de la révolution que la Philofophie
a éprouvée dans ces derniers fiécles , fixe
toute fon attention . Elle doit fe rapporter
à la naiffance de ces Grands hommes , qui
ont diffipé les ténébres que la Scholaftique
avoit répandues fur les Sciences . On
voit ici paroître tour à tour le Chancelier
Bacon , Galilée , Defcartes , Mallebranche ,
Leibnitz & Newton , qu'il fuffit de nommer
pour faire leur éloge. M. Gueneau
puife dans le vrai les traits que fa plume
lui fournit , pour caracteriſer là trempe
de leur efprit. L'équité dirige par - tout les
jugemens , lorfqu'il eft queftion d'apprécier
le mérite de leurs découvertes . Il
procéde à l'examen des hypotèfes qu'il
fçait réduite à leur jufte valeur . Descartes
ne trouve dans l'Auteur qu'un Cenfeur
114 MERCURE DE FRANCE.
éclairé qui témoigne fon eftimne pour lui ,
dans le temps même qu'il appuye le plus
fortement fur les erreurs qui font parti
culieres à ce Philofophe. Elles apprennent
à fe tenir en garde contre les écarts de l'imagination
, à laquelle Defcartes femble
avoir donné trop d'effor dans la maniere
d'établir fon fyftême Phyfique . Il y a
moyen de les rectifier par les propres principes
de fa Méthode qui a tracé la route
qui conduit à la vérité. L'Auteur reconnoît
avec plaifir les obligations infinies
que l'on a à ce grand homme , dont le
génie vafte & profond embraffoit les ob
jets les plus fublimes , comme il eſt aiſé
de s'en convaincre par fes Méditations .
S'il n'a pas toujours réuffi dans l'explication
des loix de la nature , ce n'eſt pas
une raifon pour lui refufer un talent fu
périeur , & encore moins pour le traiter
avec mépris. C'est ce que font pourtant
certains Modernes , dont une prévention
outrée régle tous les fentimens . Sa réputation
ne fera pas moins en fureté , pour
être uniquement attaquée par des gens que
les préjugés fubjuguent .
.. On ne fera fans doute pas fâché de fçavoir
comment M. Gueneau a faifi le caractere
de la Philofophie du célébre Anglois
, de qui les opinions font à préſent
DECEMBRE. 1755. IT'S
dominantes . Voici ce qu'il dit à ce fujet .
» Enfin Newton parut , étonna l'Univers ,
» & l'éclaira d'un nouveau jour : il pur-
» gea la Philofophie de tout ce que le Car-
» téfianiſme y avoit laiffé ou mis d'erreur
» & d'incertitude : il ia ramena de la fpé-
» culation des caufes poffibles à l'obfer-
» vation des effets récis : il penfa que fi
» l'on connoiffoit bien l'enchaînement &
la loi de tous les phénomenes , on con-
» noîtroit affez la nature : il regarda les
» hypothèſes commes ces nuages voltigeans
, qu'amene un tourbillon qu'un
» fouffle diffipe , & qui interceptent la
»lumiere, ou qui l'alterent en la réfléchiffant.
Ces principes joints à de grandes
a vues , à une fagacité prodigieufe , & à
» un travail infatigable , le conduifirent à
» des découvertes également hautes & fo-
» lides .
M. Gueneau entre enfuite dans le dérail
du plan fur lequel la Collellion Académique
a été exécutée , & nous inftruit du
but que l'on s'y eft propofé . Cet Ouvrage
porte de lui -même fa recommandation
fans qu'il foit befoin de s'étendre fur les
avantages inconteftables qui lui font propres.
C'est une tâche que l'Editeur a
très -bien remplie . Il fait honneur de la
premiere idée de cette Collection , à feu M.
T16 MERCURE DE FRANCE.
Berryat , Docteur en Médecine , & Correfpondant
de l'Académie Royale des
Sciences de Paris . Il ne doute pas que ce
projet n'eût reçu fous les mains de cet habile
homme toute l'étendue & toute la
perfection qu'il comportoit , fi fa mort
n'eût mis un obftacle invincible à l'éxécution
de fes vues fur cet article. M. Gueneau
s'eft donc à fon défaut chargé de l'entrepriſe
, dont l'importance a engagé plufieurs
Gens de Lettres à s'affocier à fes
travaux , pour concourir avec lui par leurs
foins , à la publication de ce vafte Recueil.
11 obferve que le nombre des Académies
qui fe multiplient tous les jours
rend cette Collection abfolument néceffaire
: elle offre tout ce que les compilations
peuvent avoir d'avantageux , & eft
exempte des défauts qui leur font ordinaires
. Nous ofons dire de plus que le
difcernement qu'on remarque dans le
choix des fujets qui conftituent ce Recueil,
la rend très- estimable . Son objet eft de renfermer
les obfervations & les découvertes
faites depuis le renouvellement de la Philofophie
, par les plus fameux Phyficiens
de l'Europe , fur l'Histoire Naturelle & la
Botanique , la Phyſique expérimentale & la
Chimie , la Médecine & l'Anatomie. Les
Mémoires des Académies célébres , & les
,
DECEMBRE. 1755. 117
bons Ouvrages périodiques de France ,
d'Angleterre, d'Italie & d'Allemagne , doivent
fournir les materiaux de cette Collection.
On fe propofe de raffembler avec
foin en moins de quarante Volumes , tous
les faits relatifs à ces trois parties de la
Philofopie naturelle ; ce qui épargnera la
peine de les chercher dans plus de huit
cens Volumes originaux écrits en différentes
langues , où ils font répandus. On
s'eft attaché dans leur arrangement à l'ordre
des temps , parce qu'il eft le plus propre
l'inftruction des Lecteurs. Il n'y a qu'une
circonftance où l'on a cru devoir s'en écar
ter ; c'eft lorfqu'il a fallu rapprocher cer
tains faits , qui n'empruntent leur évidence
que de leur réunion. On aura dans cette
Collection , une fuite d'expériences &
d'obfervations comme enchaînées les unes'
aux autres : les voies de la comparaifon
qu'elle facilitera , rendront par ce moyen
leur utilité plus fenfible. Elle a d'autant
plus de droit de s'attendre à un accueil favorable
de la part des perfonnes qui s'oc
cupent de l'étude de la nature ; que le fuccès
des diverfes piéces qu'elle met fous
leurs yeux , eft confirmé depuis long temps
par le fceau de l'approbation publique.
Il ne paroît encore que trois Volumes ; on
en promet un quatrième pour Pâques 1756,
1S MERCURE DE FRANCE.
& on s'engage à donner les autres fucceffivement
de fix mois en fix mois . Nous
allons expofer un précis des matieres qu'ils .
contiennent , felon la divifion qui leur appartient.
C'est tout ce que nous pouvons faire pour
un Ouvrage , qui par fa nature n'eſt guete
fufceptible d'extrait. Les trois parties
différentes qui entrent dans fa compofition
, peuvent-être détachées ; de forte.
qu'il fera facile d'en former trois fuites
féparées , dont chacune fera complete en:
fon genre. En ce cas , ceux qui voudront
fe borner à l'acquifition de l'une des trois ,
auront la liberté de fe fatifaire . Cependant
nous croyons que toutes les trois préfentent
des chofes capables d'intereffer la
curiofité des Sçavans , & de les déterminer
par conféquent à acquérir la Collection
entiere. Le premier Volume comprend ,
outre le Difcours préliminaire dont nous
avons déja parlé , tout ce que l'Académie
del Cimento de Florence a mis au jour fous
le titre d'Effais d'Expériences Phyfiques, avec
les additions du Docteur Muffchenbroek ,
qui font en notes, Elles roulent fur les obfervations
poftérieures , comparées avec
celles des Phyficiens de Florence , & traitent
de quantité de découvertes du Docteur
Muffchenbroek lui-même , fur toutes forDECEMBRE.
1755 119
es de matieres ; mais particulierement fur
la formation de la glace , fur l'expanfion
des folides caufés par l'action de la chaleur
, fur l'effervefcence réfultant des différens
mélanges , &c. Le nouvel Editeur
a joint un extrait des vingt premieres années
du Journal des Sçavans , où l'on a réuni
toutes les piéces de ce Journal , qui ont
rapport à l'objet de la Collection Académique.
Le fecond Volume contient les quatorze
premieres années des Tranfactions Philo-
Sophiques de la Société Royale de Londres ,
& la Collection Philofophique publiée par le
Docteur Hook , pour remplir une lacune
de près de cinq années , qui fe trouve dans
la fuite des Tranfallions , depuis 1678 .
jufqu'en 1683 .
La premiere Décurie des Ephémérides
de l'Académie des Curieux de la Nature
Allemagne , & la moitié de la feconde
Décurie , qui va jufqu'en 1686. font la:
matiere du troifiéme Volume,
Il eft jufte que nous fallions connoître
les noms des Gens de Lettres à qui le Public
eft redevable de la traduction des
piéces qui compofent les Recueils Originaux
, d'où ont été tirés ces premiers Volumes
de la Collection Académique .
On ne les fçauroit trop louer d'avoir tra120
MERCURE DE FRANCE.
vaillé à tranſmettre dans notre Langue , les
grandes découvertes qu'elles renferment.
Le Traducteur des Effais de l'Académie
del Cimento , a voulu garder l'Anonyme ,
& cela par des motifs qu'on ne fpécifie
point. On nous apprend que M. Lavirotte,
Docteur-Régent de la Faculté de Médecine
de Paris , Cenfeur Royal , & l'un des
Auteurs du Journal des Sçavans , a pris
fur lui le foin de revoir la traduction de ce
Morceau .
Ce qui paroît des Tranfactions Philofophiques
, a été traduit par M. Roux , Docteur
en Médecine , par M. Larcher , par
M. le Chevalier de Buffon , & par M.
Daubenton , frere aîné de l'Académicien
du même nom, & l'un des Auteurs de
l'Encyclopedie.
Les articles qui concernent l'Agriculture
, ont été confiés à M. Daubenton ; &
il étoit mal aifé de choisir quelqu'un qui
fût plus en état que lui de fe bien acquitter
de cette partie qu'il poffede à fonds .
Les Ephém rides d'Allemagne ont été
traduites par M. Nadaut , Avocat Général
Honoraire de la Chambre des Comptes de
Dijon , & Correfpondant de l'Académie
Royale des Sciences de Paris , & par M.
Daubenton le jeune, proche parent de ceux
du même nom , que nous venons de citer.
M.
DECEMBRE . 1755. 121
M. Barberet , Docteur en Médecine à Dijon
, a dreffé les Tables Alphabétiques rai .
Jonnées , qui font à la fin de chaque Volume.
Il eſt aifé de fentir les avantages
attachés à cette Collection , par ce détail
qui indique le fonds de l'Ouvrage. Nous
ajouterons qu'elle eft enrichie de plus de
150 figures , fur près de So planches en
taille- douce. Il faut dire à la louange des
Libraires affociés , qu'il n'ont rien épargné
de tout ce qui dépend de l'Art Typogra
phique , dont l'exécution répond parfaitement
à la beauté de l'entreprife .
Nous n'appuierons pas davantage fur
les éloges que méritent les vues de l'Editeur
, & les travaux de fes collegues . Ce
font autant de moyens qui concourent à
rendre la nouvelle Collection infiniment
précieufe aux connoiffeurs , & à leur faire
défirer avec empreffement les volumes fuivans.
la nouvelle Collection académique ,
c. avec promeffe d'en parler plus expreffément
une autre fois . Nous allons la
remplir . La feule infpection de fon titre a
dû déja faire connoître l'étendue du projet
de l'Editeur.
Cet ouvrage eft précédé d'un beau difcours
préliminaire qui préfente des vues
très- philofophiques . Elles font juger avantageufement
du mérite de M. Gueneau
qui en eft l'Auteur. Comme il fent vivement
l'importance des vérités phyfiques
que cette collection a pour objet , il s'exprime
de même. Les matieres les plus abftraites
deviennent intéreffantes fous une
main auffi habile que la fienne . Il joint à
la profondeur du raifonnement l'éloquence
du ftyle ; deux qualités d'autant plus
dignes d'éloges , qu'elles ne vont pas toujours
enfemble.
On n'entend pas ici cette éloquence qui
cherche à furprendre par de fauffes lueurs ,
& qui fait difparoître la vérité fous des
ornemens qui lui font étrangers. Toat
homme qui penfe en philofophe , eft bien
éloigné de l'employer à un pareil ufage.
Ce feroit prendre l'abus de l'éloquence
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
pour l'eloquence elle- même , qui a pour
bale la folidité du jugement . On entend
donc par là cette énergie d'expreffion qui
communique ,, pour ainfi dire , la vie aux
idées dont elle rend la force plus fenfible ,
en leur prêtant un nouvel éclat . M. Gueneau
débute par des réflexions générales fur
la marche de l'efprit humain dans le développement
des connoillances qui appartiennent
à l'étude de la nature Il en marque
les progrès , & failit avec art tous
les rapports qui en dépendent. Il infifte
particulierement fur la néceffité de l'obfervation
, dont il analyſe les principes . It
approfondit la méthode qui doit fervir de
guide aux Obfervateurs dans leurs recherches
,pour
arriver à la certitude phyfique.
»Le premier objet ( dit- il ) qui fe préten-
» te à obferver , celui qu'il nous importe le
» plus de bien connoître , c'eft nous- mêmes.
Cette efpece d'obfervation inté-
» rieure doit précéder toute autre obfer-
» vation , & peut feule nous rendre capables
de juger fainement des êtres qui
» font hors de nous En effet nous ne connoiffons
point immédiatement ces êtres ;
nous ne pourrons jamais pénétrer leur
nature intime , & leur effence réelle ; les
idées que nous en avons , fe terminent
à leur furface , & même à parler rigouDECEMBRE
. 1755. 109
"
reuſement , nous n'appercevons point
» ces furfaces , mais feulement les impref-
»fions qu'elles font fur nos organes . Tou-
» tes ces vérités font certaines pour quiconque
fçait réfléchir ; & s'il eft abfurde à
» l'Egoifte d'en conclure qu'il exifte ſeul ;
»de suppofer que ce qu'on appelle les ob-
» jets extérieurs , ne font autre choſe que
»fes différentes manieres de voir , & n'ont
» aucune réalité hors de lui ; de fe perfua-
» der que les limites de fon être font celles
» de la nature ; & de vouloir ainfi réduire
» l'univers aux dime fons d'un atome ,
» il eft raisonnable aufli d'avouer que la
» maniere dont nous connoiffons notre
» exiftence , eft très- différente de celle
» dont nous connoiffons toute autre exif-
"tence : la premiere eft une confcience
intime , un fentiment profond ; la fe-
» conde eft une conféquence déduite de
» cette vérité premiere : la certitude eft
égale des deux côtés ; mais la preuve
» n'eft pas la même. Dans le premier cas ,
» ceft une lumiere directe immédiate-
»ment préfente à notre ame ; dans le fe-
»' cond , c'est une lumiere réfléchie par des
objets extérieurs , & modifiée par nos
» fens. Car nos fens font la feule voye
≫ par laquelle nous puiffions communi-
" quer avec la nature ; c'eft un milieu
110 MERCURE DE FRANCE.
22
interpofé entre notre ame & le monde
» phyfique'; milieu à travers lequel paf-
» fent néceffairement les images des cho-
» fes , ou plutôt les ombres projettées fur
» notre fens intérieur. Il faut donc avant
" tout travailler à épurer ce milieu , & à
» écarter tout ce qui pourroit alterer ces
images primitives , & les teindre de
couleurs étrangeres ; ou du moins il faut
» fe mettre en état de reconnoître , & même
de rectifier les altérations qu'elles
» fubiffent à leur paffage. »
"
"3
D
Ce que nous venons de rapporter du
Difcours de M. Gueneau , montre qu'il
employe heureufement les notions métaphyfiques
dans la définition des chofes
dont il traite , & fuffit en même-temps ,
pour donner une idée de fa maniere d'écrire
, analogue à fa façon de penfer. Nous
ajouterons un autre morceau qui nous paroît
frappé au même coin. Il s'agit de repréfenter
les effets que le préjugé a coututume
de produire , & les funeftes fuites
qu'il entraîne après lui : Voici comme s'explique
l'Auteur. » Le préjugé eft le plus
grand ennemi de la vérité , & par con-
» féquent de l'homme , puifque l'hom-
» me ne peut fe rendre heureux que par
« la connoiffance de la vérité. Cet enne-
» mi nous obféde dès notre naiffance ,
DECEMBRE. 1755. Τ
ou plutôt il femble être né avec nous :
» à peine notrepaupiere commence à s'ou-
» vrir , qu'il nous enveloppe de fes om-
» bres : fon murmure confus eft le pre-
» mier bruit qui frappe nos oreilles ; &
» nos premiers regards font fouillés par
l'erreur. A mefure que nos facultés fe
développent , le préjugé fe les affujetir ,
& fe fortifie avec elles : non- feulement
» il falfifie le témoignage de nos lens ,
» il obfurcit encore les foibles lueurs de
» notre raifon. L'éducation , l'exemples,
23
toute communication avec les autres
» hommes , lui fervent fouvent de moyen
» pour accroître & perpétuer fa contagion
: quelquefois il fe fait la guerre à
» lui-même , pour triompher de nous plus
furement ; il n'eft point de formes qu'il
» ne prenne pour nous fubjuguer , ou pour
» nous féduire , & jamais il n'eft plus ter-
» rible , que lorfqu'il fe produit fous des
» dehors refpectés. Cependant il nuit en
» core moins à la vérité par les menfonges
qu'il accrédite , que par le vice qu'il
» introduit dans la méthode de raifonner.»
M. Gueneau propofe enfuite le reméde
qu'il faut appliquer au mal , & il qualifie
ce reméde de donte méthodique. » C'est
( continue- t'il ) cette ignorance de convention,
par laquelle un Philofophe s'é-
و د
"""
112 MERCURE DE FRANCE.
و ر
"
» leve au - deffus de fes opinions , que le
vulgaire appelle fes connoillances , afin
» de les juger toutes avec une fermeté
» éclairée , d'affigner à chacune fon dégré
précis de probabilité , de rejetter
» toutes celles qui ne font point fondées ,
» & de s'attacher inviolablement à la vé-
» rité mieux connue. Ce doute eft appellé
» méthodique , parce qu'il fuppofe une
méthode fure de diftinguer l'obfcur de
» l'évident , le faux du vrai , & même le
» vrai du vaiſemblable. Il ne fufpend no-
» tre jugement , que lorfque la lumiere
» vient à nous manquer : il differe effen-
» tiellement du Pyrrhonifme , qui n'eſt
» autre chofe que le défefpoir d'un efprit
» foible , qui a fçu fe defabufer de fes pré-
» jugés , mais qui n'ayant pas le courage
» de chercher la vérité , fait de vains ef-
» forts pour l'anéantir. Le doute philofophique
eft aucontraire le premier effort
» d'une ame généreufe , qui veut fecouer
» le joug de l'erreur : c'eft le premier pas
» qu'il faut faire pour arriver à la cer-
» titude , & il n'est pas moins oppofé à
l'aveugle indécifion du Pyrrhonien , qu'à
» l'aveugle témérité du Dogmatique . C'eft
» moins un doute réel , qu'un examen
» après coup , par lequel la raifon rentre
» dans fes droits , & ſe prépare à la vérité ,
"
و ر
DECEMBRE . 1755. 113
en fe dégageant des entraves de l'opi-
» nion. "
Il ne faudroit pas moins que copier le
Difcours d'un bout à l'autre , pour mettre
à portée de juger de la jufteffe des remarques
de M. Gueneau , & en même- temps
faire appercevoir l'enchaînement de fes
idées , avec leur dépendance mutuelle .
C'est pourquoi nous ne pouvons trop
en recommander la lecture , qui fervira à
confirmer la bonne opinion que nous
avons conçue du travail de l'Auteur. L'é
poque de la révolution que la Philofophie
a éprouvée dans ces derniers fiécles , fixe
toute fon attention . Elle doit fe rapporter
à la naiffance de ces Grands hommes , qui
ont diffipé les ténébres que la Scholaftique
avoit répandues fur les Sciences . On
voit ici paroître tour à tour le Chancelier
Bacon , Galilée , Defcartes , Mallebranche ,
Leibnitz & Newton , qu'il fuffit de nommer
pour faire leur éloge. M. Gueneau
puife dans le vrai les traits que fa plume
lui fournit , pour caracteriſer là trempe
de leur efprit. L'équité dirige par - tout les
jugemens , lorfqu'il eft queftion d'apprécier
le mérite de leurs découvertes . Il
procéde à l'examen des hypotèfes qu'il
fçait réduite à leur jufte valeur . Descartes
ne trouve dans l'Auteur qu'un Cenfeur
114 MERCURE DE FRANCE.
éclairé qui témoigne fon eftimne pour lui ,
dans le temps même qu'il appuye le plus
fortement fur les erreurs qui font parti
culieres à ce Philofophe. Elles apprennent
à fe tenir en garde contre les écarts de l'imagination
, à laquelle Defcartes femble
avoir donné trop d'effor dans la maniere
d'établir fon fyftême Phyfique . Il y a
moyen de les rectifier par les propres principes
de fa Méthode qui a tracé la route
qui conduit à la vérité. L'Auteur reconnoît
avec plaifir les obligations infinies
que l'on a à ce grand homme , dont le
génie vafte & profond embraffoit les ob
jets les plus fublimes , comme il eſt aiſé
de s'en convaincre par fes Méditations .
S'il n'a pas toujours réuffi dans l'explication
des loix de la nature , ce n'eſt pas
une raifon pour lui refufer un talent fu
périeur , & encore moins pour le traiter
avec mépris. C'est ce que font pourtant
certains Modernes , dont une prévention
outrée régle tous les fentimens . Sa réputation
ne fera pas moins en fureté , pour
être uniquement attaquée par des gens que
les préjugés fubjuguent .
.. On ne fera fans doute pas fâché de fçavoir
comment M. Gueneau a faifi le caractere
de la Philofophie du célébre Anglois
, de qui les opinions font à préſent
DECEMBRE. 1755. IT'S
dominantes . Voici ce qu'il dit à ce fujet .
» Enfin Newton parut , étonna l'Univers ,
» & l'éclaira d'un nouveau jour : il pur-
» gea la Philofophie de tout ce que le Car-
» téfianiſme y avoit laiffé ou mis d'erreur
» & d'incertitude : il ia ramena de la fpé-
» culation des caufes poffibles à l'obfer-
» vation des effets récis : il penfa que fi
» l'on connoiffoit bien l'enchaînement &
la loi de tous les phénomenes , on con-
» noîtroit affez la nature : il regarda les
» hypothèſes commes ces nuages voltigeans
, qu'amene un tourbillon qu'un
» fouffle diffipe , & qui interceptent la
»lumiere, ou qui l'alterent en la réfléchiffant.
Ces principes joints à de grandes
a vues , à une fagacité prodigieufe , & à
» un travail infatigable , le conduifirent à
» des découvertes également hautes & fo-
» lides .
M. Gueneau entre enfuite dans le dérail
du plan fur lequel la Collellion Académique
a été exécutée , & nous inftruit du
but que l'on s'y eft propofé . Cet Ouvrage
porte de lui -même fa recommandation
fans qu'il foit befoin de s'étendre fur les
avantages inconteftables qui lui font propres.
C'est une tâche que l'Editeur a
très -bien remplie . Il fait honneur de la
premiere idée de cette Collection , à feu M.
T16 MERCURE DE FRANCE.
Berryat , Docteur en Médecine , & Correfpondant
de l'Académie Royale des
Sciences de Paris . Il ne doute pas que ce
projet n'eût reçu fous les mains de cet habile
homme toute l'étendue & toute la
perfection qu'il comportoit , fi fa mort
n'eût mis un obftacle invincible à l'éxécution
de fes vues fur cet article. M. Gueneau
s'eft donc à fon défaut chargé de l'entrepriſe
, dont l'importance a engagé plufieurs
Gens de Lettres à s'affocier à fes
travaux , pour concourir avec lui par leurs
foins , à la publication de ce vafte Recueil.
11 obferve que le nombre des Académies
qui fe multiplient tous les jours
rend cette Collection abfolument néceffaire
: elle offre tout ce que les compilations
peuvent avoir d'avantageux , & eft
exempte des défauts qui leur font ordinaires
. Nous ofons dire de plus que le
difcernement qu'on remarque dans le
choix des fujets qui conftituent ce Recueil,
la rend très- estimable . Son objet eft de renfermer
les obfervations & les découvertes
faites depuis le renouvellement de la Philofophie
, par les plus fameux Phyficiens
de l'Europe , fur l'Histoire Naturelle & la
Botanique , la Phyſique expérimentale & la
Chimie , la Médecine & l'Anatomie. Les
Mémoires des Académies célébres , & les
,
DECEMBRE. 1755. 117
bons Ouvrages périodiques de France ,
d'Angleterre, d'Italie & d'Allemagne , doivent
fournir les materiaux de cette Collection.
On fe propofe de raffembler avec
foin en moins de quarante Volumes , tous
les faits relatifs à ces trois parties de la
Philofopie naturelle ; ce qui épargnera la
peine de les chercher dans plus de huit
cens Volumes originaux écrits en différentes
langues , où ils font répandus. On
s'eft attaché dans leur arrangement à l'ordre
des temps , parce qu'il eft le plus propre
l'inftruction des Lecteurs. Il n'y a qu'une
circonftance où l'on a cru devoir s'en écar
ter ; c'eft lorfqu'il a fallu rapprocher cer
tains faits , qui n'empruntent leur évidence
que de leur réunion. On aura dans cette
Collection , une fuite d'expériences &
d'obfervations comme enchaînées les unes'
aux autres : les voies de la comparaifon
qu'elle facilitera , rendront par ce moyen
leur utilité plus fenfible. Elle a d'autant
plus de droit de s'attendre à un accueil favorable
de la part des perfonnes qui s'oc
cupent de l'étude de la nature ; que le fuccès
des diverfes piéces qu'elle met fous
leurs yeux , eft confirmé depuis long temps
par le fceau de l'approbation publique.
Il ne paroît encore que trois Volumes ; on
en promet un quatrième pour Pâques 1756,
1S MERCURE DE FRANCE.
& on s'engage à donner les autres fucceffivement
de fix mois en fix mois . Nous
allons expofer un précis des matieres qu'ils .
contiennent , felon la divifion qui leur appartient.
C'est tout ce que nous pouvons faire pour
un Ouvrage , qui par fa nature n'eſt guete
fufceptible d'extrait. Les trois parties
différentes qui entrent dans fa compofition
, peuvent-être détachées ; de forte.
qu'il fera facile d'en former trois fuites
féparées , dont chacune fera complete en:
fon genre. En ce cas , ceux qui voudront
fe borner à l'acquifition de l'une des trois ,
auront la liberté de fe fatifaire . Cependant
nous croyons que toutes les trois préfentent
des chofes capables d'intereffer la
curiofité des Sçavans , & de les déterminer
par conféquent à acquérir la Collection
entiere. Le premier Volume comprend ,
outre le Difcours préliminaire dont nous
avons déja parlé , tout ce que l'Académie
del Cimento de Florence a mis au jour fous
le titre d'Effais d'Expériences Phyfiques, avec
les additions du Docteur Muffchenbroek ,
qui font en notes, Elles roulent fur les obfervations
poftérieures , comparées avec
celles des Phyficiens de Florence , & traitent
de quantité de découvertes du Docteur
Muffchenbroek lui-même , fur toutes forDECEMBRE.
1755 119
es de matieres ; mais particulierement fur
la formation de la glace , fur l'expanfion
des folides caufés par l'action de la chaleur
, fur l'effervefcence réfultant des différens
mélanges , &c. Le nouvel Editeur
a joint un extrait des vingt premieres années
du Journal des Sçavans , où l'on a réuni
toutes les piéces de ce Journal , qui ont
rapport à l'objet de la Collection Académique.
Le fecond Volume contient les quatorze
premieres années des Tranfactions Philo-
Sophiques de la Société Royale de Londres ,
& la Collection Philofophique publiée par le
Docteur Hook , pour remplir une lacune
de près de cinq années , qui fe trouve dans
la fuite des Tranfallions , depuis 1678 .
jufqu'en 1683 .
La premiere Décurie des Ephémérides
de l'Académie des Curieux de la Nature
Allemagne , & la moitié de la feconde
Décurie , qui va jufqu'en 1686. font la:
matiere du troifiéme Volume,
Il eft jufte que nous fallions connoître
les noms des Gens de Lettres à qui le Public
eft redevable de la traduction des
piéces qui compofent les Recueils Originaux
, d'où ont été tirés ces premiers Volumes
de la Collection Académique .
On ne les fçauroit trop louer d'avoir tra120
MERCURE DE FRANCE.
vaillé à tranſmettre dans notre Langue , les
grandes découvertes qu'elles renferment.
Le Traducteur des Effais de l'Académie
del Cimento , a voulu garder l'Anonyme ,
& cela par des motifs qu'on ne fpécifie
point. On nous apprend que M. Lavirotte,
Docteur-Régent de la Faculté de Médecine
de Paris , Cenfeur Royal , & l'un des
Auteurs du Journal des Sçavans , a pris
fur lui le foin de revoir la traduction de ce
Morceau .
Ce qui paroît des Tranfactions Philofophiques
, a été traduit par M. Roux , Docteur
en Médecine , par M. Larcher , par
M. le Chevalier de Buffon , & par M.
Daubenton , frere aîné de l'Académicien
du même nom, & l'un des Auteurs de
l'Encyclopedie.
Les articles qui concernent l'Agriculture
, ont été confiés à M. Daubenton ; &
il étoit mal aifé de choisir quelqu'un qui
fût plus en état que lui de fe bien acquitter
de cette partie qu'il poffede à fonds .
Les Ephém rides d'Allemagne ont été
traduites par M. Nadaut , Avocat Général
Honoraire de la Chambre des Comptes de
Dijon , & Correfpondant de l'Académie
Royale des Sciences de Paris , & par M.
Daubenton le jeune, proche parent de ceux
du même nom , que nous venons de citer.
M.
DECEMBRE . 1755. 121
M. Barberet , Docteur en Médecine à Dijon
, a dreffé les Tables Alphabétiques rai .
Jonnées , qui font à la fin de chaque Volume.
Il eſt aifé de fentir les avantages
attachés à cette Collection , par ce détail
qui indique le fonds de l'Ouvrage. Nous
ajouterons qu'elle eft enrichie de plus de
150 figures , fur près de So planches en
taille- douce. Il faut dire à la louange des
Libraires affociés , qu'il n'ont rien épargné
de tout ce qui dépend de l'Art Typogra
phique , dont l'exécution répond parfaitement
à la beauté de l'entreprife .
Nous n'appuierons pas davantage fur
les éloges que méritent les vues de l'Editeur
, & les travaux de fes collegues . Ce
font autant de moyens qui concourent à
rendre la nouvelle Collection infiniment
précieufe aux connoiffeurs , & à leur faire
défirer avec empreffement les volumes fuivans.
Fermer
Résumé : « Nous avons annoncé au mois de Septembre la nouvelle Collection académique, [...] »
Le texte annonce la publication d'une nouvelle Collection académique, précédée d'un discours préliminaire de M. Gueneau. Ce discours expose des vues philosophiques et met en avant l'importance des vérités physiques. Gueneau combine profondeur de réflexion et éloquence stylistique, tout en évitant l'éloquence trompeuse. Il insiste sur l'observation et la méthode pour atteindre la certitude physique, commençant par l'observation de soi-même avant d'explorer le monde extérieur. Le préjugé est identifié comme un ennemi de la vérité, et Gueneau propose un doute méthodique pour le combattre. Le texte mentionne également des figures historiques telles que Bacon, Galilée, Descartes, Malebranche, Leibniz et Newton, soulignant leurs contributions à la philosophie et à la science. La Collection académique vise à rassembler les observations et découvertes des plus célèbres physiciens européens dans divers domaines scientifiques, évitant ainsi la dispersion des informations dans de nombreux volumes originaux. Le texte précise que trois volumes sont déjà publiés, avec un quatrième prévu pour Pâques 1756. Cette collection facilite la comparaison entre expériences et observations et est destinée aux personnes étudiant la nature. Elle a déjà reçu l'approbation publique. Le premier volume inclut les 'Essais d'Expériences Physiques' de l'Académie del Cimento de Florence, avec des additions du Docteur Musschenbroek, traitant de diverses découvertes, notamment sur la formation de la glace et l'expansion des solides chauffés. Il comprend également un extrait des vingt premières années du 'Journal des Sçavans'. Le deuxième volume contient les quatorze premières années des 'Transactions Philosophiques' de la Société Royale de Londres et une collection philosophique du Docteur Hook. Le troisième volume présente les 'Éphémérides' de l'Académie des Curieux de la Nature en Allemagne, couvrant les années jusqu'en 1686. Les traductions des textes originaux ont été réalisées par plusieurs savants, dont M. Lavirotte, M. Roux, M. Larcher, le Chevalier de Buffon, M. Daubenton, M. Nadaut, et M. Barberet. La collection est enrichie de plus de 150 figures sur près de 50 planches en taille-douce et bénéficie d'une excellente qualité typographique.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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12
p. 89-94
MÉLANGES DE PHYSIQUE ET DE MORALE, contenant l'Extrait de l'Homme Physique & Moral ; des réfléxions sur le bonheur ; un Discours sur la nature & les fondemens du pouvoir politique ; & un Mémoire sur le principe physique de la régénération des Etres &c. Nouvelle Edition, augmentée en plusieurs endroits d'éclaircissemens & de preuves ; & de six Dialogues sur les causes & les effets de l'état de sécurité. nécessaire au bonheur. A Paris, chez H. L. Guerin & L. F. Delatour, rue S. Jacques, à S. Thomas d'Aquin. M. D CC. LXIII.
Début :
NOUS avons parlé en son temps de la premiere édition de cet Ouvrage [...]
Mots clefs :
Théorie, Expérience, Principe, Physique, Bonheur, Édition
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MÉLANGES DE PHYSIQUE ET DE MORALE, contenant l'Extrait de l'Homme Physique & Moral ; des réfléxions sur le bonheur ; un Discours sur la nature & les fondemens du pouvoir politique ; & un Mémoire sur le principe physique de la régénération des Etres &c. Nouvelle Edition, augmentée en plusieurs endroits d'éclaircissemens & de preuves ; & de six Dialogues sur les causes & les effets de l'état de sécurité. nécessaire au bonheur. A Paris, chez H. L. Guerin & L. F. Delatour, rue S. Jacques, à S. Thomas d'Aquin. M. D CC. LXIII.
MÉLANGES DE PHYSIQUE
ET DE MORALE , contenant
l'Extrait de l'Homme Phyfique &
Moral ; des réfléxions fur le bonheur
; un Difcours fur la nature &
les fondemens du pouvoir politique ;
& un Mémoire fur le principe phyfique
de la régénération des Etres &c.
Nouvelle Edition , augmentée en plufieurs
endroits d'éclairciffemens & de
preuves ; & de fix Dialogues fur les
caufes & les effets de l'état de fécurité.
néceſſaire au bonheur. A Paris , chez
H. L. Guerin & L. F. Delatour , rue
S. Jacques , à S. Thomas d'Aquin.
M. D CC. LXIII.
NOUouSs avons parlé en fon temps de
la premiere édition de cet Ouvrage
avec les éloges qui lui font dûs. Les fix
dialogues dont cette feconde édition eſt
augmentée , qui ne font qu'une extenfion
des réfléxions fur le bonheur,achévent
de mettre cette matière dans tout
90 MERCURE DE FRANCE.
fon jour , nous ajouterons que s'il eft
vrai , comme il est généralement reçu ,
qu'il ne foit guère poffible d'avancer
fur des objets de connoiffances phyfiques
qu'autant qu'on y eft conduit par
le fil d'une grande vérité ; s'il eft vrai
auffi qu'un art dénué d'une juſte théorie
ne fçauroit mériter le nom d'art , c'eftà-
dire être bien entendu , bien exercé ,
fans le fecours prèfque continuel de
cette théorie ; enfin fi une des meilleures
marques d'une bonne théorie
c'eft qu'elle cmbraffe facilement & complettement
tous les faits que l'expérience
& l'obfervation peuvent offrir ;
jamais traité n'eut & ne préfenta ces
avantages mieux que celui- ci , & par
conféquent ne mérita plus d'attention.
Un grand effet dans le jeu de l'oe--
conomie animale prèfque inconnu
jufqu'à préfent , dont on fait le principal
centre du méchanifme de toutes
les fonctions du corps humain , & parlà
, dans le fonds , de toutes les actions
de la vie ; voilà ce qui frappe finguliérement
dans cet Ouvrage ; toute la
chaîne , à laquelle on lie le moral comme
le phyfique , tient fi exactement à
ce grand principe , on parvient fi ' facilement
par ce moyen à placer dans
FEVRIER. 1763. 91
leur vrai point de vue tous les phénomènes
qu'il y a à confidérer dans l'état
de fanté & celui de maladie ; enfin
ce principe paroît appuyé fur des obfervations
fi concluantes , fi aifées à vérifier
par l'expérience que chacun en
peut faire , par l'infpe&tion anolomique ,
& même par des ouvertures de cadavres
faites fuivant l'efprit de ces obfervations
, qu'il eft difficile de douter
de fa folidité; au moins fi c'étoit une
erreur n'en fut-il jamais de fi fpécieuſe .
En attendant ce que le temps appor
tera de confirmation ou de critique à
ce fujet , nous croyons pouvoir demander
fi cet Ouvrage ne manquoit pas aux
matières qu'il contient ; jamais elles n'avoient
été envifagées dans les fources
& dans l'enſemble où elles font ici
préfentées , & comme il est très-difficile
, à mesure qu'on les approfondit ,
de ne pas convenir qu'elles tiennent
éffentiellement les unes aux autres ,
c'est donc avoir beaucoup fait , pour
nous en procurer l'intelligence , que
de les avoir placées dans le point de
vue de leur enchaînement naturel , où
qui du moins en approche beaucoup .
Ainfi trouva- t- on quelque Sujet de critique
dans le principe qui les lie ; car
2
92 MERCURE DE FRANCE.
on ne fauroit fuppofer qu'il foit poffible
de le détruire entierement : la théorie
à la vérité pourroit y gagner ,
mais felon toute apparence il en reviendroit
peu d'avantage à la pratique de
l'art de vivre , & peut-être tout auffi
peu à celle de l'art de guérir.
Dira -t-on qu'on a toujours vu les
théories de Médecine fe décrier au bout
d'un certain temps , & bien moins par
les Ouvrages qui les critiquoient que
par les fréquentes & fàcheufes méprifes
où l'on tomboit en fe réglant fur
ces théories ? l'Auteur répond que c'eft
ce qui doit arriver quand elles font
mauvaifes ; & comme il eſt bien prouvé
, felon lui , qu'on n'avoit eu jufqu'à
préfent fur la phyfique du corps humain
que de mauvais principes , on a
donc dû être porté à croire que la
théorie eft plus propre à égarer les praticiens
qu'à les conduire il n'y a a
compter que fur l'expérience . Mais
quoiqu'on dife là - deffus , il n'en eft
pas moins certain qu'on n'a été conduit
à l'idée de fournir une théorie
que par l'expérience des abus infoutenables
de l'empirifme ; & en effet comment
fans aucun principe diftinguer
les cas , & juger des exceptions , ainFEVRIER.
1763. 93
fi que des précautions particulieres à
obferver en toutes méthode de traitement
? il faut pourtant convenir qu'il
vaudroit mieux ramener l'art à fes foibles
commencemens que de le laiffer
affujetti à une mauvaiſe théorie ; une
bonne théorie fait faire tirer parti de l'expérience
, & ne s'ingère point d'en tenir
lieu : en un mot elle éclaire l'art fans
dogmatifer ; & une mauvaiſe théorie
fait précisément le contraire : voilà
ce que l'Auteur s'eft principalement attaché
à faire bien fentir dans fes Ouvrages.
Il croit auffi avoir bien établi qu'une
jufte idée des loix de l'économie animale
eft non feulement le feul
moyen d'avoir des principes vrais
en Médecine , mais même d'entendre
quelque chofe à la conduite , au gouvernement
de la vie , à l'art de prendre
fes avantages contre ce qui peut la troubler
; quel état policé , dont les richeffes
confifteroient dans un commerce
de navigation , confieroit fes vaiffeaux
à des Pilotes qui ne connoîtroient
pas la bouffole , & qui ne navigueroient
qu'à la manière des anciens tems
où l'on n'avoit pas cette connoiffance ?
voilà pourtant , felon l'Auteur , l'image
94 MERCURE DE FRANCE .
de l'habileté des hommes de tous les
fiécles pour la conduite de leur vie , de
leur fanté , de leur bonheur ! ils ont érré
au gré de leurs paffions , ou fuivant
des préjugés réputés pour de bonnes
régles ; & tout au plus dans le déclin de
l'âge défabufés d'une partie de leurs
érreurs par les fruits tardifs d'une expérience
peu éclairée , ils acquéroient
enfin quelques lumières qu'ils n'étoient
plus en état de tourner à leur profit ,
& que les moeurs & les opinions reçues
rendoient inutiles aux autres.
On voit toute l'importance de ces
matières , on ne fçauroit trop s'en occuper
; c'est ce qui nous a portés à
profiter de l'ocafion de faire de nouveau
connoître l'efprit dans lequel elles font
ici traitées.
ET DE MORALE , contenant
l'Extrait de l'Homme Phyfique &
Moral ; des réfléxions fur le bonheur
; un Difcours fur la nature &
les fondemens du pouvoir politique ;
& un Mémoire fur le principe phyfique
de la régénération des Etres &c.
Nouvelle Edition , augmentée en plufieurs
endroits d'éclairciffemens & de
preuves ; & de fix Dialogues fur les
caufes & les effets de l'état de fécurité.
néceſſaire au bonheur. A Paris , chez
H. L. Guerin & L. F. Delatour , rue
S. Jacques , à S. Thomas d'Aquin.
M. D CC. LXIII.
NOUouSs avons parlé en fon temps de
la premiere édition de cet Ouvrage
avec les éloges qui lui font dûs. Les fix
dialogues dont cette feconde édition eſt
augmentée , qui ne font qu'une extenfion
des réfléxions fur le bonheur,achévent
de mettre cette matière dans tout
90 MERCURE DE FRANCE.
fon jour , nous ajouterons que s'il eft
vrai , comme il est généralement reçu ,
qu'il ne foit guère poffible d'avancer
fur des objets de connoiffances phyfiques
qu'autant qu'on y eft conduit par
le fil d'une grande vérité ; s'il eft vrai
auffi qu'un art dénué d'une juſte théorie
ne fçauroit mériter le nom d'art , c'eftà-
dire être bien entendu , bien exercé ,
fans le fecours prèfque continuel de
cette théorie ; enfin fi une des meilleures
marques d'une bonne théorie
c'eft qu'elle cmbraffe facilement & complettement
tous les faits que l'expérience
& l'obfervation peuvent offrir ;
jamais traité n'eut & ne préfenta ces
avantages mieux que celui- ci , & par
conféquent ne mérita plus d'attention.
Un grand effet dans le jeu de l'oe--
conomie animale prèfque inconnu
jufqu'à préfent , dont on fait le principal
centre du méchanifme de toutes
les fonctions du corps humain , & parlà
, dans le fonds , de toutes les actions
de la vie ; voilà ce qui frappe finguliérement
dans cet Ouvrage ; toute la
chaîne , à laquelle on lie le moral comme
le phyfique , tient fi exactement à
ce grand principe , on parvient fi ' facilement
par ce moyen à placer dans
FEVRIER. 1763. 91
leur vrai point de vue tous les phénomènes
qu'il y a à confidérer dans l'état
de fanté & celui de maladie ; enfin
ce principe paroît appuyé fur des obfervations
fi concluantes , fi aifées à vérifier
par l'expérience que chacun en
peut faire , par l'infpe&tion anolomique ,
& même par des ouvertures de cadavres
faites fuivant l'efprit de ces obfervations
, qu'il eft difficile de douter
de fa folidité; au moins fi c'étoit une
erreur n'en fut-il jamais de fi fpécieuſe .
En attendant ce que le temps appor
tera de confirmation ou de critique à
ce fujet , nous croyons pouvoir demander
fi cet Ouvrage ne manquoit pas aux
matières qu'il contient ; jamais elles n'avoient
été envifagées dans les fources
& dans l'enſemble où elles font ici
préfentées , & comme il est très-difficile
, à mesure qu'on les approfondit ,
de ne pas convenir qu'elles tiennent
éffentiellement les unes aux autres ,
c'est donc avoir beaucoup fait , pour
nous en procurer l'intelligence , que
de les avoir placées dans le point de
vue de leur enchaînement naturel , où
qui du moins en approche beaucoup .
Ainfi trouva- t- on quelque Sujet de critique
dans le principe qui les lie ; car
2
92 MERCURE DE FRANCE.
on ne fauroit fuppofer qu'il foit poffible
de le détruire entierement : la théorie
à la vérité pourroit y gagner ,
mais felon toute apparence il en reviendroit
peu d'avantage à la pratique de
l'art de vivre , & peut-être tout auffi
peu à celle de l'art de guérir.
Dira -t-on qu'on a toujours vu les
théories de Médecine fe décrier au bout
d'un certain temps , & bien moins par
les Ouvrages qui les critiquoient que
par les fréquentes & fàcheufes méprifes
où l'on tomboit en fe réglant fur
ces théories ? l'Auteur répond que c'eft
ce qui doit arriver quand elles font
mauvaifes ; & comme il eſt bien prouvé
, felon lui , qu'on n'avoit eu jufqu'à
préfent fur la phyfique du corps humain
que de mauvais principes , on a
donc dû être porté à croire que la
théorie eft plus propre à égarer les praticiens
qu'à les conduire il n'y a a
compter que fur l'expérience . Mais
quoiqu'on dife là - deffus , il n'en eft
pas moins certain qu'on n'a été conduit
à l'idée de fournir une théorie
que par l'expérience des abus infoutenables
de l'empirifme ; & en effet comment
fans aucun principe diftinguer
les cas , & juger des exceptions , ainFEVRIER.
1763. 93
fi que des précautions particulieres à
obferver en toutes méthode de traitement
? il faut pourtant convenir qu'il
vaudroit mieux ramener l'art à fes foibles
commencemens que de le laiffer
affujetti à une mauvaiſe théorie ; une
bonne théorie fait faire tirer parti de l'expérience
, & ne s'ingère point d'en tenir
lieu : en un mot elle éclaire l'art fans
dogmatifer ; & une mauvaiſe théorie
fait précisément le contraire : voilà
ce que l'Auteur s'eft principalement attaché
à faire bien fentir dans fes Ouvrages.
Il croit auffi avoir bien établi qu'une
jufte idée des loix de l'économie animale
eft non feulement le feul
moyen d'avoir des principes vrais
en Médecine , mais même d'entendre
quelque chofe à la conduite , au gouvernement
de la vie , à l'art de prendre
fes avantages contre ce qui peut la troubler
; quel état policé , dont les richeffes
confifteroient dans un commerce
de navigation , confieroit fes vaiffeaux
à des Pilotes qui ne connoîtroient
pas la bouffole , & qui ne navigueroient
qu'à la manière des anciens tems
où l'on n'avoit pas cette connoiffance ?
voilà pourtant , felon l'Auteur , l'image
94 MERCURE DE FRANCE .
de l'habileté des hommes de tous les
fiécles pour la conduite de leur vie , de
leur fanté , de leur bonheur ! ils ont érré
au gré de leurs paffions , ou fuivant
des préjugés réputés pour de bonnes
régles ; & tout au plus dans le déclin de
l'âge défabufés d'une partie de leurs
érreurs par les fruits tardifs d'une expérience
peu éclairée , ils acquéroient
enfin quelques lumières qu'ils n'étoient
plus en état de tourner à leur profit ,
& que les moeurs & les opinions reçues
rendoient inutiles aux autres.
On voit toute l'importance de ces
matières , on ne fçauroit trop s'en occuper
; c'est ce qui nous a portés à
profiter de l'ocafion de faire de nouveau
connoître l'efprit dans lequel elles font
ici traitées.
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Résumé : MÉLANGES DE PHYSIQUE ET DE MORALE, contenant l'Extrait de l'Homme Physique & Moral ; des réfléxions sur le bonheur ; un Discours sur la nature & les fondemens du pouvoir politique ; & un Mémoire sur le principe physique de la régénération des Etres &c. Nouvelle Edition, augmentée en plusieurs endroits d'éclaircissemens & de preuves ; & de six Dialogues sur les causes & les effets de l'état de sécurité. nécessaire au bonheur. A Paris, chez H. L. Guerin & L. F. Delatour, rue S. Jacques, à S. Thomas d'Aquin. M. D CC. LXIII.
Le texte présente une nouvelle édition de l'ouvrage 'Mélanges de Physique et de Morale', qui explore divers sujets tels que le bonheur, le pouvoir politique et la régénération des êtres. Cette édition est enrichie de six dialogues sur les causes et les effets de l'état de sécurité nécessaire au bonheur. L'auteur insiste sur l'importance d'une grande vérité pour progresser dans les connaissances physiques et sur l'utilité d'une théorie juste pour bien exercer un art. L'ouvrage met en avant un principe physique majeur, encore méconnu, qui explique le mécanisme des fonctions du corps humain et des actions de la vie. Ce principe permet de mieux comprendre les phénomènes de santé et de maladie et est soutenu par des observations concluantes et vérifiables. L'auteur critique les théories médicales précédentes, les jugeant mauvaises, et souligne les abus de l'empirisme révélés par l'expérience. Il distingue une bonne théorie, qui éclaire l'art sans dogmatiser, d'une mauvaise théorie. L'objectif de l'ouvrage est d'établir une juste idée des lois de l'économie animale afin d'améliorer la médecine et la conduite de la vie. L'auteur critique les erreurs passées des hommes dans la gestion de leur vie et de leur santé, les comparant à des pilotes naviguant sans boussole.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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12
MÉLANGES DE PHYSIQUE ET DE MORALE, contenant l'Extrait de l'Homme Physique & Moral ; des réfléxions sur le bonheur ; un Discours sur la nature & les fondemens du pouvoir politique ; & un Mémoire sur le principe physique de la régénération des Etres &c. Nouvelle Edition, augmentée en plusieurs endroits d'éclaircissemens & de preuves ; & de six Dialogues sur les causes & les effets de l'état de sécurité. nécessaire au bonheur. A Paris, chez H. L. Guerin & L. F. Delatour, rue S. Jacques, à S. Thomas d'Aquin. M. D CC. LXIII.
13
p. 141-147
PEINTURE. LETTRE de M. DELALANDE de l'Académie des Sciences à M. DE LA PLACE, sur un Tableau allégorique des vertus, formant le Portrait du ROI, peint par M. Amédée VANLOO, Peintre du Roi de PRUSSE.
Début :
Il n'est n'est point d'année, Monsieur, où l'on ne voye sortir de la Famille des [...]
Mots clefs :
Académie des sciences, Physique, Optique, Allégorie, Vertus, Portrait
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PEINTURE. LETTRE de M. DELALANDE de l'Académie des Sciences à M. DE LA PLACE, sur un Tableau allégorique des vertus, formant le Portrait du ROI, peint par M. Amédée VANLOO, Peintre du Roi de PRUSSE.
PEINTURE.
, LETTRE de M. DELALANDE de
l'Académie des Sciences à M. DE
LA PLACE , fur un Tableau allégorique
des vertus , formant le Portrait
du ROI , peint par M. Amédée VANLOO
, Peintre du Roi de PRUSSE,
Il n'ef
L n'eft point d'année , Monfieur , où
142 MERCURE DE FRANCE .
l'on ne voye fortir de la Famille des
Vanloo des Morceaux de Peinture dignes
de faire honneur à la France , &
d'immortalifer leurs Auteurs; mais nous
n'avions point encore vu allier les charmes
de la Peinture avec le génie de la
Phyfique , comme dans le Tableau que
M. Amédée Vanloo vient de faire.
Tout Paris a voulu voir ce chef- d'oeuvre
d'optique , de perfpective , de compofition
& d'allégorie ; mais le temps
n'a pas permis d'en faire obſerver à
tout le monde les particularités , & elles
font trop curieufes pour ne pas en
donner au Public quelques détails .
Ce Tableau préfente d'abord à la
vue fimple un affemblage de plufieurs
figures qui expriment les différentes
vertus qui peuvent former un grand
Prince ; la Magnanimité eft affife &
appuyée d'une main fur l'écu de la
France ; elle tient de l'autre un Sceptre
& un dard brifé pour marquer la clémence
; le diadême qu'elle porte annonce
le deffein de faire le bien , & fon
Sceptre la puiffance de l'exécuter ; elle
a à fes pieds un lion ; c'eft le fymbole
de cette vertu.
Plus bas eft la Juftice , qui d'une main
tient une balance , de l'autre une épée
MARS. 1763. 143
pour
nue. Elle eft appuyée fur un lion
nous montrer qu'il faut qu'elle foit fecondée
de la force . Le mafque fur la
tête du lion annonce que la Juſtice fait
démafquer le vice & le punir. Les faifceaux
placés fous les lions expriment
l'accroiffement de force qui réfulte de
l'accord de ces deux vertus ; on y voit
auffi une corne d'abondance , pour indiquer
que tout profpére dans un Etat
où régne la Juſtice.
,
Derrière la magnanimité fe voit la
valeur militaire repréfentée par un
Guerrier tenant un drapeau qui enveloppe
plufieurs picques , pour montrer que
les hommes réunis fous l'étendard de
la vertu font invincibles. Derrière elle
fe voit une pyramide qui repréſente la
gloire des Princes perpétuée par des manumens.
A côté de la valeur militaire
eft l'intrépidité repréfentée par un Soldat
qui s'appuye fur fes armes. La vertu
héroïque eft à la droite , c'eſt un Guerrier
fous les attributs d'Hercule ; il tient
d'une main une maffue fur l'épaule , &
de l'autre les pommes d'or des Hefpérides
emblême du plus célébre de fes
exploits.
>
Au devant de la vertu héroïque eft
la vertu pacifique, repréſentée par Miner
144 MERCURE DE FRANCE,
ve , Déeffe de la Sageffe & des Arts : elle
tient d'une main une branche d'olivier
fur les armes de France , & porte de l'autre
la lance qui fervoit dans les anciens
tournois & dans les jeux qu'on
célébre durant la paix ; cette lance eft
éntourrée de ferpens , fymbole de la
Prudence.
Près de Minerve , eft la Générosité ;
c'eſt une jeune fille qui porte fur la tête
une gaze d'or & des perles : fes bras nuds
annoncent que le propre de cette vertu
eft de fe dépouiller de tout intérêt , & de
faire le bien , même fans efpérance de
retour. Elle s'appuye fur le bouclier de
Minerve, pour montrer qu'elle favoriſe
particuliérement ceux qui cultivent les
Arts & les Sciences ; elle tient même le
cordon de l'Ordre du Roi , comme une
des recompenfes diftinguées que M. le
Marquis de Marigny a procurées à plufieurs
Artiftes célébres que nous avons
actuellement. Au deffous de Minerve ,
font les attributs des beaux Arts.
Toutes ces figures forment jufqu'ici
un tableau qui feul feroit honneur à
M. Vanloo , mais ce n'eft rien encore
au prix de ce qui en refulte enfuite de
fingulier on regarde ce Tableau au
travers d'une efpèce de lunette dont
l'objectif
MAR S. 1763 . 145
J'objectif est un verre à facettes formé
de plufieurs plans , inclinés à l'axe du
tableau ; ces différentes refractions réuniffent
en un très - petit efpace toutes les
figures difperfées fur la furface du tableau
, en les diminuant de manière à
n'en former qu'une feule figure , & cette
figure eft la tête du Roi , exprimée
avec une reffemblance très- remarquable.
La figure de la Juftice eft ce qui forme
l'oeil du Roi avec une des faces de
la frifure qui approche le plus de l'oeil :
le Peintre nous dit par là , que rien n'é
chappe aux regards de la justice du Monarque.
La magnanimité donne auffi
une partie de l'oeil ; la joue l'oreille &
le fourcil qui exprime la volonté fuprê
me ; la tête de Médufe compoſe une
partie de l'autre fourcil : elle femble
nous dire que les regards d'un Prince
jufte épouvantent le crime & produifent
dans les coupables cette confternation
& cet anéantiffement qui reffemble
à la métamorphofé que la vue
terrible des ferpens de Médufe produifoit
autrefois.
La valeur guerrière donne une partie
du nez & de la bouche , parce que
la bouche est l'organe du comman de-
GE
1
146 MERCURE DE FRANCE.
ment ; la vertu héroïque donne une
partie de l'autre joue avec le coin de la
bouche ; elle finit le nez & les narrines.
Minerve donne l'oeil du Roi du petit
côté l'oeil de ce grand Prince voit avec
bonté ceux qui cultivent les vertus
les fciences & les arts. La Générofité
concourt à finir l'oeil du petit côté , la
tempe & un côté des cheveux . La Sculpture
, exprimée par une tête d'Apollon ,
donne le front & les lauriers dont il eſt
couronné. Le lion de la Magnanimité
forme l'autre tempe , & achève le front.
Le mafque produit la blancheur du front
& finit le fourcil. La crinière des lions
forme le toupet , qui eft blanchi par la
figure qui repréfentoit l'Intrépidité .
Vous voyez , Monfieur , par ce détail
combien il y a eu d'intelligence
dans la combinaifon de deux chofes
auffi étrangères & auffi différentes entre
elles , que le font d'un coté ſept à
huit figures , chargées de fignifications
allégoriques auffi bien imaginées , de
l'autre la reffemblance d'une feule tête.
On a vu quelquefois des effets de perfpective
& de dioptrique qui confiftoient
à faire voir fur une forme régulière
ce qui paroiffoit d'abord n'en avoir
point ; cela femble n'être pas diffiMAR
S. 1763. 147
cile , que
il ne faut deffiner
en regardant
au travers du verre dans lequel
le deffein doit être vu. Il en résulte
enfuite un objet quelconque dont la
forme vue de tout autre point eft difficile
à prévoir ; mais fi l'on veut qu'il
en réfulte des objets qui ayent une
forme régulière , cela paroit fort difficile.
La difficulté augmente encore ,
quand la forme des objets eft déterminée
d'avance pour être apperçue d'uné
telle maniere foit du point de vue ,
foit de tout autre point. Si l'on propoſe
enfin de former un portrait avec d'autres
figures qui y afent un rapport donné
, le problême paroît comme impoffible
& le fuccès de M. Vanloo pouvoit
feul ce me femble juftifier l'entreprife.
Il feroit à fouhaiter. qu'il fit
part au Public & aux Sçavans des idées
qui ont pu lui faire entreprendre un ouvrage
auffi fingulier & des moyens qui
lui en ont procuré le fuccès.
J'ai l'honneur d'être , & c.
DELALANDE
Ce Tableau a été préfenté à Sa
Majefté , par M. le Marquis de Marigny
.
, LETTRE de M. DELALANDE de
l'Académie des Sciences à M. DE
LA PLACE , fur un Tableau allégorique
des vertus , formant le Portrait
du ROI , peint par M. Amédée VANLOO
, Peintre du Roi de PRUSSE,
Il n'ef
L n'eft point d'année , Monfieur , où
142 MERCURE DE FRANCE .
l'on ne voye fortir de la Famille des
Vanloo des Morceaux de Peinture dignes
de faire honneur à la France , &
d'immortalifer leurs Auteurs; mais nous
n'avions point encore vu allier les charmes
de la Peinture avec le génie de la
Phyfique , comme dans le Tableau que
M. Amédée Vanloo vient de faire.
Tout Paris a voulu voir ce chef- d'oeuvre
d'optique , de perfpective , de compofition
& d'allégorie ; mais le temps
n'a pas permis d'en faire obſerver à
tout le monde les particularités , & elles
font trop curieufes pour ne pas en
donner au Public quelques détails .
Ce Tableau préfente d'abord à la
vue fimple un affemblage de plufieurs
figures qui expriment les différentes
vertus qui peuvent former un grand
Prince ; la Magnanimité eft affife &
appuyée d'une main fur l'écu de la
France ; elle tient de l'autre un Sceptre
& un dard brifé pour marquer la clémence
; le diadême qu'elle porte annonce
le deffein de faire le bien , & fon
Sceptre la puiffance de l'exécuter ; elle
a à fes pieds un lion ; c'eft le fymbole
de cette vertu.
Plus bas eft la Juftice , qui d'une main
tient une balance , de l'autre une épée
MARS. 1763. 143
pour
nue. Elle eft appuyée fur un lion
nous montrer qu'il faut qu'elle foit fecondée
de la force . Le mafque fur la
tête du lion annonce que la Juſtice fait
démafquer le vice & le punir. Les faifceaux
placés fous les lions expriment
l'accroiffement de force qui réfulte de
l'accord de ces deux vertus ; on y voit
auffi une corne d'abondance , pour indiquer
que tout profpére dans un Etat
où régne la Juſtice.
,
Derrière la magnanimité fe voit la
valeur militaire repréfentée par un
Guerrier tenant un drapeau qui enveloppe
plufieurs picques , pour montrer que
les hommes réunis fous l'étendard de
la vertu font invincibles. Derrière elle
fe voit une pyramide qui repréſente la
gloire des Princes perpétuée par des manumens.
A côté de la valeur militaire
eft l'intrépidité repréfentée par un Soldat
qui s'appuye fur fes armes. La vertu
héroïque eft à la droite , c'eſt un Guerrier
fous les attributs d'Hercule ; il tient
d'une main une maffue fur l'épaule , &
de l'autre les pommes d'or des Hefpérides
emblême du plus célébre de fes
exploits.
>
Au devant de la vertu héroïque eft
la vertu pacifique, repréſentée par Miner
144 MERCURE DE FRANCE,
ve , Déeffe de la Sageffe & des Arts : elle
tient d'une main une branche d'olivier
fur les armes de France , & porte de l'autre
la lance qui fervoit dans les anciens
tournois & dans les jeux qu'on
célébre durant la paix ; cette lance eft
éntourrée de ferpens , fymbole de la
Prudence.
Près de Minerve , eft la Générosité ;
c'eſt une jeune fille qui porte fur la tête
une gaze d'or & des perles : fes bras nuds
annoncent que le propre de cette vertu
eft de fe dépouiller de tout intérêt , & de
faire le bien , même fans efpérance de
retour. Elle s'appuye fur le bouclier de
Minerve, pour montrer qu'elle favoriſe
particuliérement ceux qui cultivent les
Arts & les Sciences ; elle tient même le
cordon de l'Ordre du Roi , comme une
des recompenfes diftinguées que M. le
Marquis de Marigny a procurées à plufieurs
Artiftes célébres que nous avons
actuellement. Au deffous de Minerve ,
font les attributs des beaux Arts.
Toutes ces figures forment jufqu'ici
un tableau qui feul feroit honneur à
M. Vanloo , mais ce n'eft rien encore
au prix de ce qui en refulte enfuite de
fingulier on regarde ce Tableau au
travers d'une efpèce de lunette dont
l'objectif
MAR S. 1763 . 145
J'objectif est un verre à facettes formé
de plufieurs plans , inclinés à l'axe du
tableau ; ces différentes refractions réuniffent
en un très - petit efpace toutes les
figures difperfées fur la furface du tableau
, en les diminuant de manière à
n'en former qu'une feule figure , & cette
figure eft la tête du Roi , exprimée
avec une reffemblance très- remarquable.
La figure de la Juftice eft ce qui forme
l'oeil du Roi avec une des faces de
la frifure qui approche le plus de l'oeil :
le Peintre nous dit par là , que rien n'é
chappe aux regards de la justice du Monarque.
La magnanimité donne auffi
une partie de l'oeil ; la joue l'oreille &
le fourcil qui exprime la volonté fuprê
me ; la tête de Médufe compoſe une
partie de l'autre fourcil : elle femble
nous dire que les regards d'un Prince
jufte épouvantent le crime & produifent
dans les coupables cette confternation
& cet anéantiffement qui reffemble
à la métamorphofé que la vue
terrible des ferpens de Médufe produifoit
autrefois.
La valeur guerrière donne une partie
du nez & de la bouche , parce que
la bouche est l'organe du comman de-
GE
1
146 MERCURE DE FRANCE.
ment ; la vertu héroïque donne une
partie de l'autre joue avec le coin de la
bouche ; elle finit le nez & les narrines.
Minerve donne l'oeil du Roi du petit
côté l'oeil de ce grand Prince voit avec
bonté ceux qui cultivent les vertus
les fciences & les arts. La Générofité
concourt à finir l'oeil du petit côté , la
tempe & un côté des cheveux . La Sculpture
, exprimée par une tête d'Apollon ,
donne le front & les lauriers dont il eſt
couronné. Le lion de la Magnanimité
forme l'autre tempe , & achève le front.
Le mafque produit la blancheur du front
& finit le fourcil. La crinière des lions
forme le toupet , qui eft blanchi par la
figure qui repréfentoit l'Intrépidité .
Vous voyez , Monfieur , par ce détail
combien il y a eu d'intelligence
dans la combinaifon de deux chofes
auffi étrangères & auffi différentes entre
elles , que le font d'un coté ſept à
huit figures , chargées de fignifications
allégoriques auffi bien imaginées , de
l'autre la reffemblance d'une feule tête.
On a vu quelquefois des effets de perfpective
& de dioptrique qui confiftoient
à faire voir fur une forme régulière
ce qui paroiffoit d'abord n'en avoir
point ; cela femble n'être pas diffiMAR
S. 1763. 147
cile , que
il ne faut deffiner
en regardant
au travers du verre dans lequel
le deffein doit être vu. Il en résulte
enfuite un objet quelconque dont la
forme vue de tout autre point eft difficile
à prévoir ; mais fi l'on veut qu'il
en réfulte des objets qui ayent une
forme régulière , cela paroit fort difficile.
La difficulté augmente encore ,
quand la forme des objets eft déterminée
d'avance pour être apperçue d'uné
telle maniere foit du point de vue ,
foit de tout autre point. Si l'on propoſe
enfin de former un portrait avec d'autres
figures qui y afent un rapport donné
, le problême paroît comme impoffible
& le fuccès de M. Vanloo pouvoit
feul ce me femble juftifier l'entreprife.
Il feroit à fouhaiter. qu'il fit
part au Public & aux Sçavans des idées
qui ont pu lui faire entreprendre un ouvrage
auffi fingulier & des moyens qui
lui en ont procuré le fuccès.
J'ai l'honneur d'être , & c.
DELALANDE
Ce Tableau a été préfenté à Sa
Majefté , par M. le Marquis de Marigny
.
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Résumé : PEINTURE. LETTRE de M. DELALANDE de l'Académie des Sciences à M. DE LA PLACE, sur un Tableau allégorique des vertus, formant le Portrait du ROI, peint par M. Amédée VANLOO, Peintre du Roi de PRUSSE.
La lettre de M. Delalande à M. de La Place présente un tableau allégorique des vertus, réalisé par M. Amédée Vanloo, peintre du roi de Prusse. Intitulé 'Portrait du Roi', cette œuvre combine les charmes de la peinture avec le génie de la physique. Le tableau représente plusieurs figures symbolisant différentes vertus d'un grand prince, telles que la Magnanimité, la Justice, la Valeur militaire, l'Intrépidité, la Vertu héroïque, la Vertu pacifique, et la Générosité. Chaque figure est représentée avec des attributs spécifiques. Le tableau utilise une lunette optique pour rassembler les figures dispersées en une seule image : la tête du roi. Chaque partie du visage du roi est formée par une vertu spécifique. Par exemple, la Justice forme l'œil du roi, la Magnanimité contribue à l'œil et au sourcil, et Minerve représente l'œil du roi du côté opposé. La Générosité et la Sculpture, représentée par une tête d'Apollon, complètent d'autres parties du visage. La lettre met en avant l'intelligence et la complexité de la combinaison des figures allégoriques pour former un portrait réaliste. Elle exprime également le souhait que M. Vanloo partage les idées et les moyens ayant permis la réalisation de cet ouvrage singulier. Le tableau a été présenté à Sa Majesté par M. le Marquis de Marigny.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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14
p. 103-105
TRAITÉ ABRÉGÉ de Physique à l'usage des Colleges ; par M. de SAINTIGNON, Procureur général des Chanoines réguliers de la Congrégation de notre Sauveur, de la Société Royale des Sciences & des Arts de Metz, &c. A Paris, chez Durand, Libraire, rue du Foin, au Griffon ; 1763, avec Approbation & Privilége du Roi. Six volumes in-12.
Début :
QUOIQUE nous ayons déja d'excellens Ouvrages sur la Physique, nous [...]
Mots clefs :
Physique, Inventeur, Abbé, Académicien, Jeunesse
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texteReconnaissance textuelle : TRAITÉ ABRÉGÉ de Physique à l'usage des Colleges ; par M. de SAINTIGNON, Procureur général des Chanoines réguliers de la Congrégation de notre Sauveur, de la Société Royale des Sciences & des Arts de Metz, &c. A Paris, chez Durand, Libraire, rue du Foin, au Griffon ; 1763, avec Approbation & Privilége du Roi. Six volumes in-12.
TRAITÉ ABRÉGÉ de Phyſique à l'ufage
des Colleges ; par M. de SAINTIGNON
, Procureur général des
Chanoines réguliers de la Congrégation
de notre Sauveur , de la Société
Royale des Sciences & des Arts de
Metz , &c. A Paris , chez Durand,
Libraire , rue du Foin , au Griffon ;
1763 , avec Approbation & Privilége
du Roi. Six volumes in- 12.
QUOIQUE nous avons déja d'excelnous
lens Ouvrages fur la Phyfique
croyons que celui - ci ne paroîtra point
inutile. L'Auteur a enfeigné cette fcien-
EW
104 MERCURE DE FRANCE.
ce pendant plufieurs années ; & comme
il a principalement travaillé pour les
jeunes gens , il a donné à fes écrits l'ordre
le plus propre à leur en rendre l'étude
moins pénible , & plus utile dans
l'efpace de temps que l'ón y deftine
ordinairement. Il ne fe donnet pour l'Inventeur
d'aucun fyftême , d'aucune découverte
dans la fcience qu'il a traitée ;
mais on ne lui difputera ni le mérite
d'avoir lu & choifi ni celui d'avoir
raffemblé & mis en ordre ce qui pouvoit
entrer dans fon plan , d'après les
-Auteurs les plus célébres . M. l'Abbé
Nollet , entre autres , lui a été d'un trèsgrand
fecours ; & M. de Saintignon ne
difconvient pas qu'il n'ait fouvent emprunté
jufqu'aux expreffions même de
cet habile Académicien . Parmi les Auteurs
qui ont traité de la Phyfique , les
uns font trop abftraits pour de jeunes
gens , d'autres font trop diffus ; quelques-
uns n'ont pour objet qu'une partie
de cette ſcience ; d'autres fuppofent
dans leurs Lecteurs des connoiffances
préliminaires que l'on n'a pas communément.
Les uns n'ont écrit
que pour
les Sçavans , les autres pour les perfonnes
qui fe contentent d'une connoiffance
fuperficielle. M. de Saintignon a
AVRIL 1763. IOS
eu raifon de croire qu'un cours de
Phyfique deftiné à l'ufage de la Jeuneffe
, devoit tenir une efpéce de milieu
entre les deux dernières claffes , &
être mis à la portée de tout le monde
fans qu'il fût cependant indigne de l'attention
des perfonnes les plus éclairées.
C'eft à quoi nous penfons qu'il eft
heureufement parvenu ; & pour donner
une légère idée des matières qui font
traitées dans cet Ouvrage , il fuffira de
les indiquer.
La matière en général , fes propriétés,
les fenfations qu'elles excitent en nous
par le moyen du mouvement , & le
mouvement lui- même , font le fujet du
premier volume. Le fecond traite de la
pefanteur& de la lumière , le troifiéme,
le quatriéme & le cinquiéme du monde
en général & de fes principales parties
des élémens , des météores , des plantes .
des fontaines , & c ; & le dernier Tome
a pour objet le corps humain & les
différentes fenfations de l'homme . Toutes
ces matières font traitées dans l'ordre
le plus clair & le plus méthodique:
ce qui répond parfaitement au but que
l'Auteur s'eft propofé en travaillant fpécialement
pour les Colléges , aufquels
cet Ouvrage fera d'une très-grande uti-
des Colleges ; par M. de SAINTIGNON
, Procureur général des
Chanoines réguliers de la Congrégation
de notre Sauveur , de la Société
Royale des Sciences & des Arts de
Metz , &c. A Paris , chez Durand,
Libraire , rue du Foin , au Griffon ;
1763 , avec Approbation & Privilége
du Roi. Six volumes in- 12.
QUOIQUE nous avons déja d'excelnous
lens Ouvrages fur la Phyfique
croyons que celui - ci ne paroîtra point
inutile. L'Auteur a enfeigné cette fcien-
EW
104 MERCURE DE FRANCE.
ce pendant plufieurs années ; & comme
il a principalement travaillé pour les
jeunes gens , il a donné à fes écrits l'ordre
le plus propre à leur en rendre l'étude
moins pénible , & plus utile dans
l'efpace de temps que l'ón y deftine
ordinairement. Il ne fe donnet pour l'Inventeur
d'aucun fyftême , d'aucune découverte
dans la fcience qu'il a traitée ;
mais on ne lui difputera ni le mérite
d'avoir lu & choifi ni celui d'avoir
raffemblé & mis en ordre ce qui pouvoit
entrer dans fon plan , d'après les
-Auteurs les plus célébres . M. l'Abbé
Nollet , entre autres , lui a été d'un trèsgrand
fecours ; & M. de Saintignon ne
difconvient pas qu'il n'ait fouvent emprunté
jufqu'aux expreffions même de
cet habile Académicien . Parmi les Auteurs
qui ont traité de la Phyfique , les
uns font trop abftraits pour de jeunes
gens , d'autres font trop diffus ; quelques-
uns n'ont pour objet qu'une partie
de cette ſcience ; d'autres fuppofent
dans leurs Lecteurs des connoiffances
préliminaires que l'on n'a pas communément.
Les uns n'ont écrit
que pour
les Sçavans , les autres pour les perfonnes
qui fe contentent d'une connoiffance
fuperficielle. M. de Saintignon a
AVRIL 1763. IOS
eu raifon de croire qu'un cours de
Phyfique deftiné à l'ufage de la Jeuneffe
, devoit tenir une efpéce de milieu
entre les deux dernières claffes , &
être mis à la portée de tout le monde
fans qu'il fût cependant indigne de l'attention
des perfonnes les plus éclairées.
C'eft à quoi nous penfons qu'il eft
heureufement parvenu ; & pour donner
une légère idée des matières qui font
traitées dans cet Ouvrage , il fuffira de
les indiquer.
La matière en général , fes propriétés,
les fenfations qu'elles excitent en nous
par le moyen du mouvement , & le
mouvement lui- même , font le fujet du
premier volume. Le fecond traite de la
pefanteur& de la lumière , le troifiéme,
le quatriéme & le cinquiéme du monde
en général & de fes principales parties
des élémens , des météores , des plantes .
des fontaines , & c ; & le dernier Tome
a pour objet le corps humain & les
différentes fenfations de l'homme . Toutes
ces matières font traitées dans l'ordre
le plus clair & le plus méthodique:
ce qui répond parfaitement au but que
l'Auteur s'eft propofé en travaillant fpécialement
pour les Colléges , aufquels
cet Ouvrage fera d'une très-grande uti-
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Résumé : TRAITÉ ABRÉGÉ de Physique à l'usage des Colleges ; par M. de SAINTIGNON, Procureur général des Chanoines réguliers de la Congrégation de notre Sauveur, de la Société Royale des Sciences & des Arts de Metz, &c. A Paris, chez Durand, Libraire, rue du Foin, au Griffon ; 1763, avec Approbation & Privilége du Roi. Six volumes in-12.
Le traité 'TRAITÉ ABRÉGÉ de Physique à l'ufage des Colleges' a été rédigé par M. de Saintignon, Procureur général des Chanoines réguliers de la Congrégation de notre Sauveur et membre de la Société Royale des Sciences & des Arts de Metz. Publié en 1763 à Paris, cet ouvrage en six volumes est destiné aux jeunes gens. L'auteur compile et organise les connaissances des auteurs célèbres, notamment l'Abbé Nollet, sans inventer de nouveaux systèmes ou découvertes. Le traité évite les excès des ouvrages existants, qui sont soit trop abstraits, soit trop diffus, ou trop spécialisés. M. de Saintignon vise un équilibre entre simplicité et rigueur, rendant l'ouvrage accessible à tous tout en étant digne des personnes éclairées. Les sujets abordés incluent la matière, ses propriétés, les sensations, le mouvement, la pesanteur, la lumière, les éléments, les météores, les plantes, les fontaines et le corps humain. Chaque volume est structuré de manière claire et méthodique pour faciliter l'apprentissage.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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14
TRAITÉ ABRÉGÉ de Physique à l'usage des Colleges ; par M. de SAINTIGNON, Procureur général des Chanoines réguliers de la Congrégation de notre Sauveur, de la Société Royale des Sciences & des Arts de Metz, &c. A Paris, chez Durand, Libraire, rue du Foin, au Griffon ; 1763, avec Approbation & Privilége du Roi. Six volumes in-12.
15
p. 195-203
SUPPLÉMENT aux Nouv. Littéraires. ANNONCE d'une Histoire Naturelle à l'imitation de PLINE ; précédée d'un nouveau systême de Physique, sur les Principes de la Nature, pour rendre raison des effets les plus curieux, & les plus extraordinaires, qui se trouvent depuis la hauteur des Cieux jusqu'au centre de la Terre. Cet Ouvrage formera sept volumes in-4°. il sera orné de planches & de figures concernant l'Histoire Naturelle.
Début :
Le premier volume divisé en deux Parties, renferme les principes physiques de l'Auteur ; [...]
Mots clefs :
Origines de l'univers, Savants, Matière, Mouvement, Cause, Effet, Forces, Physique, Astronomie, Astres, Espace, Terre, Minéraux, Métaux, Météorologie, Végétaux, Animaux, Insectes, Homme
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texteReconnaissance textuelle : SUPPLÉMENT aux Nouv. Littéraires. ANNONCE d'une Histoire Naturelle à l'imitation de PLINE ; précédée d'un nouveau systême de Physique, sur les Principes de la Nature, pour rendre raison des effets les plus curieux, & les plus extraordinaires, qui se trouvent depuis la hauteur des Cieux jusqu'au centre de la Terre. Cet Ouvrage formera sept volumes in-4°. il sera orné de planches & de figures concernant l'Histoire Naturelle.
SUPPLÉMENT aux Nouv . Littéraires.
ANNONCE d'une Hiftoire Naturelle à
l'imitation de PLINE ; précédée d'un
nouveau fyftême de Phyfique ,fur les
Principes de la Nature , pour rendre
raifon des effets les plus curieux , &
les plus extraordinaires , qui fe trouvent
depuis la hauteur des Cieuxjufqu'au
centre de la Terre . Cet Ouvrage
formera fept volumes in-4°. ilfera
orné de planches & de figures concer➡
nant l'Hiftoire Naturelle.
Le premier volume divisé en deux Parties , rena E
ferme les principes phyfiques de l'Auteur ; & on
y expofe les divers fentimens des anciens Philofophes
fur l'origine de l'Univers ; le matérialiſme
y eft réfuté , ainfi que l'opinion de quelques Sçavans
modernes fur ce point. On entre enfuite
en matiere , & on explique de quelle maniere
les élémens fenfibles , qui ne font que trois
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
dans ce fyftême , l'air, l'eau & la terre , peuvent
être produits par la premiere mmaattiieerree , ou pro
prement dite matière-éthérée : 0
Les qualités élémentaires font l'objet d'un dé
tail particulier & très- étendu , on traite de leurs
effets , & de quelle maniere elles feré- peuvent
foudre & rentrer dans le fein de la premiere ſubftance
qui les produit continuellement.
On traite fucceffivement du feu & de la lumiere,
des fenfations & des Elprits animaux qui meuvent
les organes des fens ; & l'explication des principes
des Philofophes chymiftes , fait la conclufion ,
de cette premiere Partie.
La feconde renferme un traité complet fur le
mouvement , dont l'objet eft l'examen du principe
& de la caufe du mouvement , qu'allez volontiers
on confond avec le mouvement local ſenſible. On
fait connoître auffi diftinctement qu'il eft poffible,
que ce principe eft uni effentiellement , & inféparablement
à la matière , malgré l'opinion des
Cartefiens , qui veulent perfuader que ce mouvement
n'eft qu'un pur être de raifon c'eft- à-dire
un être entiérement détaché de la matière fubtile
, dont le monde felon eux eft, compofé , & qui
n'eft communiquable que par le feul contact.
Après avoir fait connoître la différence qu'il y
a dans le mouvement , entre la caufe & l'effet , on
paffe aux preuves de ce qu'on avance , & on rap
porte divers éxemples du mouvement local , ce
qui donne une parfaite conviction de la force de
la matière éthérée , en qui feule réfide le principe
du mouvement , & par le feul moyen de laquelle
les corps graves peuvent fe mouvoir.
On prouve clairement que les corps graves ne
peuvent être mûs que de deux manières. 1. Par
eux-mêmes , lorfqu'ils font en poffeffion de cette
JANVIER. 1764. 197
force motrice qui leur fait faire l'action du mouvement
local. 2. Lorsqu'ils n'ont pas en eux cette
puifance particulière ; & qu'il arrive néanmoins
qu'ils fe meuvent encore pendant quelque temps.
C'eft fur ce principe qu'un corps ne peut fe mouvoir
que par lui-même , ou par l'impulfion d'un
autre , qu'on paffe à l'explication du fyftême propolé.
On éxamine d'abord de quelle manière la continuation
du mouvement des corps graves , attribuée
par les Cartefiens à leur prétendue commu
nication du mouvement , peut fe faire par l'unique
moyen des impulfious de l'élément de l'eau ,
& on obferve auffi , comment ces mêmes corps
graves peuvent être mûs par les impulfions de l'air
feul , & de cet élément aidé par le feu.
Les mouvemens produits par les impulfions du
feu élémentaire , tels que font la foudre & les
autres météores enflammés , font l'objet d'un
Chapitre particulier. On explique après , quel eft
le mouvement des corps graves vers le centre d'e
ta terre qu'on appelle pefanteur , & on rend des
Taifons phyfiques de la caufe & de l'accélération de
ce mouvement.
L'ASTRONOMIE fait le fujet du fecond volume.
On y rapporte les obfervations les plus curieufes
qui ont été faites jufqu'à préfent dans le ciel . On
entre en matière fur ces différens fyltêmes aftronomiques
, & on fe détermine en faveur de celui
d'Archytas, Philofophe Pythagoricien , renouvellé
de nos jours par Copernic.
Après avoir éxaminé en général le tourbillon
du foleil , on entre dans un détail plus particuhier
, c'eft-à- dire par la confidération de cet Aftre
regardé aujourd'hui dans l'hypothèſe du monde ,
comme une fimple étoile fixe , qui brille de fa
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
propre lumière. Enfuite on recherche foigneufe
ment quelle peut être la nature & la compofition
de ce globe lumineux , ainfi que celle des
planettes qui tournent autour de lui , fans oublier
les fatellites ou lunes qui en accompagnent
une partie.
A la fuite de la defcription des aftres renfer
més dans le Tourbillon folaire , on donne un calcul
éxact de leurs diſtances du ſoleil , auffi bien
que celui de leurs mouvemens
foit fur euxmêmes
, foit autour de cet aftre qui eft leur cen
we commun.
>
*
On parle auffi des comettes connues ; on rap
porte à cet égard les différens fentimens des plus
grands Aftronomes fur la nature de ces espèces de
planettes errantes , & on hazarde là- deſſus fes
propres conjectures .
Les découvertes qui ont été faites dans les
cieux des étoiles fixes , engagent de rapporter hiſtoriquement
tout ce qu'on y a obſervé de plus nou
veau depuis près de deux fiécles .
On fait un récit intéreffant de ces eſpaces , ou
nuages lumineux , qui font très- fixes , qu'on a obfervé
parmi les étoiles , depuis l'invention des lu
nettes & des télescopes.
En un mot on entre dans un détail circonftan
cié fur tout ce qui concerne les corps céleftes
& on termine par l'éxamen de l'atmosphère de
la terre , connu auffi ſous le nom de la région des
vapeurs ; ce qui conduit infenfiblement a parler
des foudres , des météores , des iris ou arcs- enciel
, des aurores boréales , &c .
La Terre confidérée aujourd'hui dans le ſyſtême
folaire , comme une Planette particuliere , qui
roule dans les airs , devient l'objet du trojfiéme
volume.
JANVIER. 1764. Tog
On examine d'abord en général la compofi
tion de ce globe. On recherche avec foin juf
qu'où pouvoient aller les connoiffances géographiques
que nos Anciens en avoient. La décou
verte de l'Amérique , ainſi que de divers autres
endroits dont on n'avoit autre fois aucune notion
, donnent lieu à une narration auffi étendue
qu'intéreffante.
Les inégalités de la terre qu'on appelle montagnes
, leur origine , leur figure & les fingularités
que quelques- unes d'elles renferment dans leur
intérieur , donnent champ à une longue defcription.
Le récit hiftorique des plaines , des déferts
fabloneux & des forêts , forme un Chapitre particulier.
Après avoir parlé de ce qu'il y a de plus remar
quable fur la fuperficie du globe terreftre , on s'attache
à donner quelque connoiffance de fon inté →
rieur. On commence par les feux que la terre renferme
dans fon fein , & la deſcription qu'on fait
des plus terribles Volcans , engage à examiner
par quel moyen ces feux peuvent s'entretenir & fe
perpétuer contiuuellement , & on en rend phyfiquement
raifon conformément aux principes que
nous avons d'établis .
On donne une explication fur les caufes générales
des tremblemens de terre , & on rapporte
là- deffus , les différens fentimens des plus célébres
Philofophes de l'Antiquité.
Après avoir prouvé que la terre renferme dans
fon fein une grande quantité de feux , on démontre
avec clarté qu'elle eft également pénétrée de
fouffres , qui , en paffant auprès de ces fournaifes
ardentes , acquiérent une chaleur fenfible. Les fontaines
d'eau chaude minérales , qu'on trouve en
différens endroits , qui pour la plûpart ont des ver-
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
as fpécifiques & fingulières , font l'objet d'une
relation fort circonftanciée .
En continuant d'examiner l'intérieur du Globe ,
on fait obferver évidemment que l'eau qui le pénétre
de toutes parts , l'emporte de beaucoup fur
le feu qu'il renferme , ce qui eft juſtifié par le dérail
qu'on fait des eaux d'un grand nombre de rivieres
, de lacs , & de différentes mers qui vont fe
perdre dans la terre pour reparoître après dans
des lieux fort éloignés.
Enfin , après quelques obfervations particulieres
fur les parties qui conftituent le globe terreſtre
on conclut par un traité fort curieux des
changemens qui y arrivent , ou qui y font arrivés.
L'Hiftoire Minérale & Métallique fait le fujet
du quatriéme volume. On propofe d'abord un fentiment
fur la génération du fel , après quoi on en
examine toutes les propriétés.
On fait mention de toutes les minieres qui nous
font connues , auffi bien que de tous les endroits
où l'on tire du fel.
La formation du fable , & les différences qui
s'y rencontrent , font l'objet d'un article curieux .
On paffe immédiatement à la compofition des
autres corps fecs , plus confidérables par leur
grandeur ; tels que font les pierres , tant opaques
que transparentes. Les premieres font d'abord le
fujet de nos recherches physiques , & on donne
des raifons fur leur production.
A la fuite de tous ces récits , on trouve un fyltême
tout- à- fait neuf, fur l'aiman , par le moyen
duquel on peut facilement rendre des raisons probables
de tous les phénomènes que produit cette
merveilleufe pierre.
On traite en particulier de la génération des
Métaux & des Minéraux , dont on explique la naJANVIER.
1764. 201
ure & la compofition , & on finit par l'hiftoire
exacte des pays & des mines où ils fe trouvent.
Le cinquième volume renferme une hypothèſe
nouvelle , touchant le flux & reflux de la mer , où
l'on raifonne d'une manière fenfible , d'un effet
auffi merveilleux ; effet dont on a peu pénétré jufqu'aujourd'hui
les véritables cauſes.
On s'attache enſuite à connoître ce qui peut
occafionner les tempêtes & les autres météores de
la mer les exemples qu'on rapporte là - deffus ,
prouvent non feulement la vérité de ce qui a été
avancé ; mais ils donnent encore de parfaites
connoiffances de ce qui peut produire les mouve
mens orageux de cet élément .
Après cet examen on explique de quelle maniere
fe forment les pluyes ordinaires , & on rend
raifon de celles qu'on ne confidere que comme
furnaturelles , qui font par exemple , les pluyes
de fang , de pierre , d'animaux , de cuivre , &c, ce
qui fait le fujet d'une defcription fort détaillée .
La matière conduit infenfiblement à parler de
l'origine des fources , des rivières , des lacs & des
fontaines. Ce qui fuit , préſente une relation trèsamufante
de tout ce qu'il y a de plus curieux dans
le genre des liquides , c'eſt-à-dire , des lacs , des
fontaines & des viviers qui ont quelque propriété
fingulière.
On fait une recherche phyfique des Végétaux ,
& on donne fur leur génération un ſyſtême particuliers
après quoi on en vient à un autre examen ,
fçavoir , fi les plantes peuvent avoir du fentiment ,
& quel peut être en lui- même ce fentiment : on
termine cette digreffion par un récit de toutes
celles qui peuvent évidemment le prouver.
L'hiftoire particuliere de ce qu'il y a fur la terre
de plus remarquable en ce genre ; la deſcription
1 v
202 MERCURE DE FRANCE.
des Coralloïdes , & de beaucoup d'autres plantes
marines , jointe à celle de quelques Végétaux qui
Le pétrifient , fait la conclufion de ce volume.
Dans le fixiéme on éclaircit d'abord une matière
très-obfcure en elle - même ; c'eft la génération des
animaux. On commence par examiner celle des
quadrupedes. Après avoir expofé le fentiment
de nos Modernes fur la génération , on faitvoir
évidemment , combien tous fe font écartés des lumieres
que le célébre Harvée avoit répandues far
un fujet auffi important.
En fuivant pas à pas ce grand Naturaliſte , on
continue de rechercher avec foin de quelle ma→
niere fe fait la production des volatilles , & o
prouve par des expériences réitérées , que l'animal
ne fe manifefte pas par le feul développe
ment de fes parties , quoiqu'infiniment petites &
très-exiftantes , comme on le foutient hautement
aujourd'hui ; mais qu'elles font toutes en général
formées & perfectionnées fucceffivement.
On traite auffi en particulier de la génération:
des reptiles , des poiffons , des huîtres , & de quelques
autres coquillages. L'hiftoire fuivie de tout
ce qu'il y a de plus curieux dans ces différens gen
res d'animaux , fait le fujet de plufieurs Chapitres
intéreffans .
Les Infectes connus , auffi bien que ceux qui ne
font vifibles que par le fecours du microſcope
deviennent à leur tour l'objet d'un Article particulier.
Après avoir examiné en quoi confifte l'inftinet
& le difcernement , on paffe aux preuves dufen
timent des Bétes ; c'eft dans cette digreffion fufceptible
de toute la curiofité d'un vrai Phyficien
qu'on prouve par un grand nombre d'exemples,
l'abfurdité du Cartéfianiſme fur ce point,
JANVIER . 1764. 203
Enfin on trouve dans ce feptiéme & dernier
volume , un ſyſtême nouveau fur la nature & l'origine
des vents en général , & on donne à la
fuite des obfervations particulières fur les vents
réguliers qui foufflent communément vers certains
endroits , dans certaines faifons de l'année
tels que font les alifées , les mouffons , &
plufieurs autres.
:
On termine par un Traité particulier , ou
on examine fcrupuleufement & dans le plus
grand détail quelles peuvent être les cauſes
de l'amitié & de l'inimitié qui régnent entre les
hommes.
On conclut cet Ouvrage par une differtation
particulière dont l'homme feul eft l'objet , où on
le confidère exactement dans toute l'étendue de
fa définition , c'eſt - â-dire comme animal & con
me raiſonnable.
Cet Ouvrage fera propofé par foufcriptions.
ANNONCE d'une Hiftoire Naturelle à
l'imitation de PLINE ; précédée d'un
nouveau fyftême de Phyfique ,fur les
Principes de la Nature , pour rendre
raifon des effets les plus curieux , &
les plus extraordinaires , qui fe trouvent
depuis la hauteur des Cieuxjufqu'au
centre de la Terre . Cet Ouvrage
formera fept volumes in-4°. ilfera
orné de planches & de figures concer➡
nant l'Hiftoire Naturelle.
Le premier volume divisé en deux Parties , rena E
ferme les principes phyfiques de l'Auteur ; & on
y expofe les divers fentimens des anciens Philofophes
fur l'origine de l'Univers ; le matérialiſme
y eft réfuté , ainfi que l'opinion de quelques Sçavans
modernes fur ce point. On entre enfuite
en matiere , & on explique de quelle maniere
les élémens fenfibles , qui ne font que trois
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
dans ce fyftême , l'air, l'eau & la terre , peuvent
être produits par la premiere mmaattiieerree , ou pro
prement dite matière-éthérée : 0
Les qualités élémentaires font l'objet d'un dé
tail particulier & très- étendu , on traite de leurs
effets , & de quelle maniere elles feré- peuvent
foudre & rentrer dans le fein de la premiere ſubftance
qui les produit continuellement.
On traite fucceffivement du feu & de la lumiere,
des fenfations & des Elprits animaux qui meuvent
les organes des fens ; & l'explication des principes
des Philofophes chymiftes , fait la conclufion ,
de cette premiere Partie.
La feconde renferme un traité complet fur le
mouvement , dont l'objet eft l'examen du principe
& de la caufe du mouvement , qu'allez volontiers
on confond avec le mouvement local ſenſible. On
fait connoître auffi diftinctement qu'il eft poffible,
que ce principe eft uni effentiellement , & inféparablement
à la matière , malgré l'opinion des
Cartefiens , qui veulent perfuader que ce mouvement
n'eft qu'un pur être de raifon c'eft- à-dire
un être entiérement détaché de la matière fubtile
, dont le monde felon eux eft, compofé , & qui
n'eft communiquable que par le feul contact.
Après avoir fait connoître la différence qu'il y
a dans le mouvement , entre la caufe & l'effet , on
paffe aux preuves de ce qu'on avance , & on rap
porte divers éxemples du mouvement local , ce
qui donne une parfaite conviction de la force de
la matière éthérée , en qui feule réfide le principe
du mouvement , & par le feul moyen de laquelle
les corps graves peuvent fe mouvoir.
On prouve clairement que les corps graves ne
peuvent être mûs que de deux manières. 1. Par
eux-mêmes , lorfqu'ils font en poffeffion de cette
JANVIER. 1764. 197
force motrice qui leur fait faire l'action du mouvement
local. 2. Lorsqu'ils n'ont pas en eux cette
puifance particulière ; & qu'il arrive néanmoins
qu'ils fe meuvent encore pendant quelque temps.
C'eft fur ce principe qu'un corps ne peut fe mouvoir
que par lui-même , ou par l'impulfion d'un
autre , qu'on paffe à l'explication du fyftême propolé.
On éxamine d'abord de quelle manière la continuation
du mouvement des corps graves , attribuée
par les Cartefiens à leur prétendue commu
nication du mouvement , peut fe faire par l'unique
moyen des impulfious de l'élément de l'eau ,
& on obferve auffi , comment ces mêmes corps
graves peuvent être mûs par les impulfions de l'air
feul , & de cet élément aidé par le feu.
Les mouvemens produits par les impulfions du
feu élémentaire , tels que font la foudre & les
autres météores enflammés , font l'objet d'un
Chapitre particulier. On explique après , quel eft
le mouvement des corps graves vers le centre d'e
ta terre qu'on appelle pefanteur , & on rend des
Taifons phyfiques de la caufe & de l'accélération de
ce mouvement.
L'ASTRONOMIE fait le fujet du fecond volume.
On y rapporte les obfervations les plus curieufes
qui ont été faites jufqu'à préfent dans le ciel . On
entre en matière fur ces différens fyltêmes aftronomiques
, & on fe détermine en faveur de celui
d'Archytas, Philofophe Pythagoricien , renouvellé
de nos jours par Copernic.
Après avoir éxaminé en général le tourbillon
du foleil , on entre dans un détail plus particuhier
, c'eft-à- dire par la confidération de cet Aftre
regardé aujourd'hui dans l'hypothèſe du monde ,
comme une fimple étoile fixe , qui brille de fa
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
propre lumière. Enfuite on recherche foigneufe
ment quelle peut être la nature & la compofition
de ce globe lumineux , ainfi que celle des
planettes qui tournent autour de lui , fans oublier
les fatellites ou lunes qui en accompagnent
une partie.
A la fuite de la defcription des aftres renfer
més dans le Tourbillon folaire , on donne un calcul
éxact de leurs diſtances du ſoleil , auffi bien
que celui de leurs mouvemens
foit fur euxmêmes
, foit autour de cet aftre qui eft leur cen
we commun.
>
*
On parle auffi des comettes connues ; on rap
porte à cet égard les différens fentimens des plus
grands Aftronomes fur la nature de ces espèces de
planettes errantes , & on hazarde là- deſſus fes
propres conjectures .
Les découvertes qui ont été faites dans les
cieux des étoiles fixes , engagent de rapporter hiſtoriquement
tout ce qu'on y a obſervé de plus nou
veau depuis près de deux fiécles .
On fait un récit intéreffant de ces eſpaces , ou
nuages lumineux , qui font très- fixes , qu'on a obfervé
parmi les étoiles , depuis l'invention des lu
nettes & des télescopes.
En un mot on entre dans un détail circonftan
cié fur tout ce qui concerne les corps céleftes
& on termine par l'éxamen de l'atmosphère de
la terre , connu auffi ſous le nom de la région des
vapeurs ; ce qui conduit infenfiblement a parler
des foudres , des météores , des iris ou arcs- enciel
, des aurores boréales , &c .
La Terre confidérée aujourd'hui dans le ſyſtême
folaire , comme une Planette particuliere , qui
roule dans les airs , devient l'objet du trojfiéme
volume.
JANVIER. 1764. Tog
On examine d'abord en général la compofi
tion de ce globe. On recherche avec foin juf
qu'où pouvoient aller les connoiffances géographiques
que nos Anciens en avoient. La décou
verte de l'Amérique , ainſi que de divers autres
endroits dont on n'avoit autre fois aucune notion
, donnent lieu à une narration auffi étendue
qu'intéreffante.
Les inégalités de la terre qu'on appelle montagnes
, leur origine , leur figure & les fingularités
que quelques- unes d'elles renferment dans leur
intérieur , donnent champ à une longue defcription.
Le récit hiftorique des plaines , des déferts
fabloneux & des forêts , forme un Chapitre particulier.
Après avoir parlé de ce qu'il y a de plus remar
quable fur la fuperficie du globe terreftre , on s'attache
à donner quelque connoiffance de fon inté →
rieur. On commence par les feux que la terre renferme
dans fon fein , & la deſcription qu'on fait
des plus terribles Volcans , engage à examiner
par quel moyen ces feux peuvent s'entretenir & fe
perpétuer contiuuellement , & on en rend phyfiquement
raifon conformément aux principes que
nous avons d'établis .
On donne une explication fur les caufes générales
des tremblemens de terre , & on rapporte
là- deffus , les différens fentimens des plus célébres
Philofophes de l'Antiquité.
Après avoir prouvé que la terre renferme dans
fon fein une grande quantité de feux , on démontre
avec clarté qu'elle eft également pénétrée de
fouffres , qui , en paffant auprès de ces fournaifes
ardentes , acquiérent une chaleur fenfible. Les fontaines
d'eau chaude minérales , qu'on trouve en
différens endroits , qui pour la plûpart ont des ver-
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
as fpécifiques & fingulières , font l'objet d'une
relation fort circonftanciée .
En continuant d'examiner l'intérieur du Globe ,
on fait obferver évidemment que l'eau qui le pénétre
de toutes parts , l'emporte de beaucoup fur
le feu qu'il renferme , ce qui eft juſtifié par le dérail
qu'on fait des eaux d'un grand nombre de rivieres
, de lacs , & de différentes mers qui vont fe
perdre dans la terre pour reparoître après dans
des lieux fort éloignés.
Enfin , après quelques obfervations particulieres
fur les parties qui conftituent le globe terreſtre
on conclut par un traité fort curieux des
changemens qui y arrivent , ou qui y font arrivés.
L'Hiftoire Minérale & Métallique fait le fujet
du quatriéme volume. On propofe d'abord un fentiment
fur la génération du fel , après quoi on en
examine toutes les propriétés.
On fait mention de toutes les minieres qui nous
font connues , auffi bien que de tous les endroits
où l'on tire du fel.
La formation du fable , & les différences qui
s'y rencontrent , font l'objet d'un article curieux .
On paffe immédiatement à la compofition des
autres corps fecs , plus confidérables par leur
grandeur ; tels que font les pierres , tant opaques
que transparentes. Les premieres font d'abord le
fujet de nos recherches physiques , & on donne
des raifons fur leur production.
A la fuite de tous ces récits , on trouve un fyltême
tout- à- fait neuf, fur l'aiman , par le moyen
duquel on peut facilement rendre des raisons probables
de tous les phénomènes que produit cette
merveilleufe pierre.
On traite en particulier de la génération des
Métaux & des Minéraux , dont on explique la naJANVIER.
1764. 201
ure & la compofition , & on finit par l'hiftoire
exacte des pays & des mines où ils fe trouvent.
Le cinquième volume renferme une hypothèſe
nouvelle , touchant le flux & reflux de la mer , où
l'on raifonne d'une manière fenfible , d'un effet
auffi merveilleux ; effet dont on a peu pénétré jufqu'aujourd'hui
les véritables cauſes.
On s'attache enſuite à connoître ce qui peut
occafionner les tempêtes & les autres météores de
la mer les exemples qu'on rapporte là - deffus ,
prouvent non feulement la vérité de ce qui a été
avancé ; mais ils donnent encore de parfaites
connoiffances de ce qui peut produire les mouve
mens orageux de cet élément .
Après cet examen on explique de quelle maniere
fe forment les pluyes ordinaires , & on rend
raifon de celles qu'on ne confidere que comme
furnaturelles , qui font par exemple , les pluyes
de fang , de pierre , d'animaux , de cuivre , &c, ce
qui fait le fujet d'une defcription fort détaillée .
La matière conduit infenfiblement à parler de
l'origine des fources , des rivières , des lacs & des
fontaines. Ce qui fuit , préſente une relation trèsamufante
de tout ce qu'il y a de plus curieux dans
le genre des liquides , c'eſt-à-dire , des lacs , des
fontaines & des viviers qui ont quelque propriété
fingulière.
On fait une recherche phyfique des Végétaux ,
& on donne fur leur génération un ſyſtême particuliers
après quoi on en vient à un autre examen ,
fçavoir , fi les plantes peuvent avoir du fentiment ,
& quel peut être en lui- même ce fentiment : on
termine cette digreffion par un récit de toutes
celles qui peuvent évidemment le prouver.
L'hiftoire particuliere de ce qu'il y a fur la terre
de plus remarquable en ce genre ; la deſcription
1 v
202 MERCURE DE FRANCE.
des Coralloïdes , & de beaucoup d'autres plantes
marines , jointe à celle de quelques Végétaux qui
Le pétrifient , fait la conclufion de ce volume.
Dans le fixiéme on éclaircit d'abord une matière
très-obfcure en elle - même ; c'eft la génération des
animaux. On commence par examiner celle des
quadrupedes. Après avoir expofé le fentiment
de nos Modernes fur la génération , on faitvoir
évidemment , combien tous fe font écartés des lumieres
que le célébre Harvée avoit répandues far
un fujet auffi important.
En fuivant pas à pas ce grand Naturaliſte , on
continue de rechercher avec foin de quelle ma→
niere fe fait la production des volatilles , & o
prouve par des expériences réitérées , que l'animal
ne fe manifefte pas par le feul développe
ment de fes parties , quoiqu'infiniment petites &
très-exiftantes , comme on le foutient hautement
aujourd'hui ; mais qu'elles font toutes en général
formées & perfectionnées fucceffivement.
On traite auffi en particulier de la génération:
des reptiles , des poiffons , des huîtres , & de quelques
autres coquillages. L'hiftoire fuivie de tout
ce qu'il y a de plus curieux dans ces différens gen
res d'animaux , fait le fujet de plufieurs Chapitres
intéreffans .
Les Infectes connus , auffi bien que ceux qui ne
font vifibles que par le fecours du microſcope
deviennent à leur tour l'objet d'un Article particulier.
Après avoir examiné en quoi confifte l'inftinet
& le difcernement , on paffe aux preuves dufen
timent des Bétes ; c'eft dans cette digreffion fufceptible
de toute la curiofité d'un vrai Phyficien
qu'on prouve par un grand nombre d'exemples,
l'abfurdité du Cartéfianiſme fur ce point,
JANVIER . 1764. 203
Enfin on trouve dans ce feptiéme & dernier
volume , un ſyſtême nouveau fur la nature & l'origine
des vents en général , & on donne à la
fuite des obfervations particulières fur les vents
réguliers qui foufflent communément vers certains
endroits , dans certaines faifons de l'année
tels que font les alifées , les mouffons , &
plufieurs autres.
:
On termine par un Traité particulier , ou
on examine fcrupuleufement & dans le plus
grand détail quelles peuvent être les cauſes
de l'amitié & de l'inimitié qui régnent entre les
hommes.
On conclut cet Ouvrage par une differtation
particulière dont l'homme feul eft l'objet , où on
le confidère exactement dans toute l'étendue de
fa définition , c'eſt - â-dire comme animal & con
me raiſonnable.
Cet Ouvrage fera propofé par foufcriptions.
Fermer
Résumé : SUPPLÉMENT aux Nouv. Littéraires. ANNONCE d'une Histoire Naturelle à l'imitation de PLINE ; précédée d'un nouveau systême de Physique, sur les Principes de la Nature, pour rendre raison des effets les plus curieux, & les plus extraordinaires, qui se trouvent depuis la hauteur des Cieux jusqu'au centre de la Terre. Cet Ouvrage formera sept volumes in-4°. il sera orné de planches & de figures concernant l'Histoire Naturelle.
Le document annonce une Histoire Naturelle en sept volumes, inspirée par Pline, précédée d'un nouveau système de physique expliquant les phénomènes naturels depuis les cieux jusqu'au centre de la Terre. Le premier volume, divisé en deux parties, expose les principes physiques de l'auteur et réfute le matérialisme ainsi que certaines opinions modernes. Il traite des éléments sensibles (air, eau, terre) produits par la matière éthérée, des qualités élémentaires, du feu, de la lumière, des sensations et des esprits animaux. La seconde partie examine le mouvement, son principe et sa cause, en opposition à l'opinion des Cartésiens, et prouve que les corps graves peuvent être mus par eux-mêmes ou par des impulsions extérieures. Le second volume aborde l'astronomie, rapportant les observations célestes et adoptant le système d'Archytas, renouvelé par Copernic. Il décrit le soleil, les planètes, les satellites, les comètes et les étoiles fixes, ainsi que les phénomènes atmosphériques comme les foudres et les aurores boréales. Le troisième volume traite de la Terre, considérée comme une planète dans le système solaire. Il explore la composition du globe terrestre, les montagnes, les plaines, les déserts, les forêts, et les phénomènes internes comme les volcans, les tremblements de terre et les sources d'eau chaude. Il conclut par un traité sur les changements géologiques. Le quatrième volume couvre l'histoire minérale et métallique, expliquant la génération du sel, des minéraux, des pierres et des métaux. Il propose un système nouveau sur l'aimant et décrit les mines et les propriétés des métaux. Le cinquième volume présente une hypothèse sur le flux et reflux de la mer, les tempêtes marines et les pluies naturelles ou surnaturelles. Il explore l'origine des sources, des rivières et des lacs. Le sixième volume traite de la génération des animaux, des quadrupèdes, des volatiles, des reptiles, des poissons et des insectes. Il examine également le sentiment et l'instinct des animaux, réfutant le cartésianisme. Le septième et dernier volume propose un système nouveau sur la nature et l'origine des vents, détaillant les vents réguliers comme les alizés et les moussons. Il se conclut par un traité sur les causes des vents.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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SUPPLÉMENT aux Nouv. Littéraires. ANNONCE d'une Histoire Naturelle à l'imitation de PLINE ; précédée d'un nouveau systême de Physique, sur les Principes de la Nature, pour rendre raison des effets les plus curieux, & les plus extraordinaires, qui se trouvent depuis la hauteur des Cieux jusqu'au centre de la Terre. Cet Ouvrage formera sept volumes in-4°. il sera orné de planches & de figures concernant l'Histoire Naturelle.