A L'AUTEUR
DE L'EPITRE A URANIE.
Uelle audace effrenée ! ô Ciel!
qu'ai-je entendu ?
Qui que tu sois , dont le systême impie ,
Insulte à la foi d'Uranie,
Par un și vain effort as-tu donc prétendu ,
Arracher de nos cœurs les profondes racines ,
Qu'y jetterent jadis les Semences divines ,
D'un culte antique et du Ciel descendu ?
A ij Pour
626 MERCURE DE FRANCE
Pour la Religion que mon ame respecte ,
Ta haine me paroît suspecte.
La destruction des Autels ,
Flatte nos penchants criminels ;
Que ces penchants sont doux ! que le vice est aimable ,
Dès qu'on ne connoît plus d'avenir redoutable !
Quelques soient tes raisonnemens
Certes , pour moi je me deffie ,
De l'étrange Philosophie ,
Qui dans les Passions puise ses Argumens.
La Vertu tyrannise. Un Dieu vengeur nous gêne
Et le cœur vicieux qui redoute sa haine ,
Pour mieux s'en garentir ,
Voudroit pouvoir l'anéantir.
Nul frein , pour lors , à la licence,
Gardez l'équilibre un moment,
De quel côté penchera la balance ,
Si le vice est sans châtiment ,
Et la Vertu sans récompense ?
Loin d'ici tes projets dans le crime enfantez ;
E mille fois en naissant avortez.
Les saints dogmes de l'Evangile ,
Surchargent ta raison débile ;
Elle ne peut , dis- tu , les accorder ;
Avec ce qu'on doit demander ,
D'un Dieu juste et débonnaire;
J'en tire un Argument contraire,
Et
AVRIL. 17328 6207
Ét s'il est un Dieu juste et bon ,
Tout est certain dans ma Religion.
Quelle foule de témoignages,
Dans tous les tems , dans tous les âges ,
De Jesus Christ prouvent la Mission !
La foi d'un Dieu Sauveur en Miracles féconde
A commencé les Annales du Monde.
Ouvre les Volumes sacrez ,
De ces Ecrivains inspirez ,
Qui , dans ce qu'ils ont sçû prédire ,
Dudivin Auteur des Chrétiens ,
Semblent être à qui veut les lire ,
Moins Prophetes qu'Historiens.
Quel autre que Dieu même a pû les faire écrire
Juge enfin sans prévention.
Que te produit la Revelation ?
Des Prodiges incontestables
Et des témoins irreprochables ;
Du Monde converti le Miracle éclattant ,
Du Peuple vagabond , détruit et subsistant ,
Qui porte dans cent Républiques ,
Dusalut des Humains les gages authentiques.
D'humbles Pecheurs que l'on charge de fers ,
Troupe aux yeux des Mortels et vile et mépri sable ,
Apeine ont répandu leur doctrine adorable ,
Que les Vertus inondent l'Univers.
Als déposent au fond , qu'après que le Messie ,
A iij Suv
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Sur l'Autel de la Croix eut immolé sa vie ,
De la Grace nouvelle allumant le flambeau ,
Il sortit triomphant de la nuit du Tombeau,
Et que montant au Ciel , une brillante nuë ,
Vint comme un Trône d'or l'enlever à leur vûë.
Je croirai , quoiqu'ici l'Impie ose en juger ,
Je croirai des Témoins qui se font égorger.
Je n'ai pas entrepris de retracer l'Histoire ,
De l'Evangile et de sa gloire ;
De sublimes Ecrits pleins de force et de sens
En conservent les Monumens ;
Mais tous ces faits sont de nature ,
An'être point soupçonnez d'imposture
Dieu qui les a permis ne peut être trompeur
Il le seroit pourtant , au gré de ton erreur
Si du vrai dont il est le pere ,
Le mensonge odieux portoit le caractére.
Sa bonté, je l'ai dit , doit m'être un sûr garand;
Des merveilles qu'enfin l'Evangile m'apprend
Sur cent vertus sa doctrine se fonde ,
Et ton systême fait horreur,
Qui par la porte de l'erreur ,
Veut les faire entrer dans le monde.
L'Eclat dont luit la Révelation ,
Et les tenebres du Mystere ,
C'est la Nuée obscure et claire ,
Qui des Hébreux guidoit la Nation.
Tu ne peux concevoir la chute déplorable,
Qui
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Qui de l'Homme innocent fit un homme cou
pable.
Tu ne peux concevoir qu'un Dieu soit mort
pour nous ,
Sans toutesfois nous sauver tous';
Et cet adorable Mystere ,
Pour ta raison est un joug trop austere ;
Mais quand tu veux t'en affranchir ,
La Révelation , source de l'évidence ,
Malgré toi , l'oblige à fléchir ,
Sous une immortelle Puissance.
De Lucrece aujourd'hui dangereux Nourrisson ,
Sauve- toi des écarts de l'humaine raison ,
Son devoir n'est pas de comprendre ,
· Ce que Dieu nous a revelé ,
Mais de se taire et de se rendre
S'il est vrai qu'il nous ait parlé.
Cette raison reçoit des bornes legitimes ;
C'est agir contre ses maximes ,
ปี
Que de restraindre ainsi Dieu même et son pou voir ,
Ace qu'elle en peut concevoir.
Dépouille donc ici l'orgueil de ton Deïsme ,
Et crois - moi , rends ton vieux sophisme,
ACelse , à Porphire , à Julien ,
Quoique leurs plumes criminelles ,
En eussent armé leurs Libelles ,
Le monde entier n'en fut pas moins chrétien.
A iiij Où
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Où suis- je ? ô Ciel ! quelle terreur subite ,
Se répand au fond de mon cœur ?
Tout s'ébranle. La Mer s'agite ,
Et les flots irritez font un bruit plein d'horreur;
Les antres au loin en mugissent.´
Le Soleil perd ses feux, les Astres s'obcurcissent
Da Firmament tous ces corps détachez ,
S'envont-ils fondre sur ma tête ?
Qù fuir l'effroyable tempête
Terre ouvre- moi tes abymes cachez.
De tout secours mon ame est- elle dénuée ;
Mais tout à coup les Cieux sont éclaircis ,
Le Tonnerre et les feux partent de la Nuée,
Où le fils de l'Homme est assis.
Crains l'Eternel; crains ses vengeances &
Par un prompt repentir appaise son courroux ;
Sçache qu'il doit , ce Dieu jaloux ,.
Tejuger sur ta foi comme sur tes offenses.
M. Tanevot.