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51
p. 86-101
REFLEXIONS MORALES DE MADAME DESHOULIERRES Sur l'envie immoderée de faire passer son Nom à la Posterité.
Début :
Vous ne sçauriez voir assez souvent des ouvrages de l'Illustre / La sçavante CHERON par son divin pinçeau [...]
Mots clefs :
Paris, Peinture, Portrait, Postérité, Couleurs, Gloire, Avenir, Durable, Renommée, Illustre, Nature, Arts, Passions, Sophie Chéron
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texteReconnaissance textuelle : REFLEXIONS MORALES DE MADAME DESHOULIERRES Sur l'envie immoderée de faire passer son Nom à la Posterité.
Vous nesçauriez voir affez
fouvent des ouvrages de l'Illuftre Madame des Houlieres,
à Mademoiſelle Cheron dont
tout Paris admire l'habileté
pour la Peinture , ayant fait
Ton Portrait depuis quelque
temps , cela luy a donné lieu
de faire des Reflexions que
Vous trouverez dignes d'elle,
&auffi noblement exprimées,.
qu'on le peut attendre de ce
merveilleux genie, qui la rend
l'ornement de fon Sexe & de
fon ficcle.
GALANT. 87
esseses22 52225555
REFLEXIONS MORALES
DE MADAME
DES-HOULIERRES
Sur l'envie immoderée de
faire paffer fon Nom à la
Pofterité.
1Afgevante C HERONparfon divin pinceau
Meredonne un éclat nouveau.
Elle force aujourd'huy les Graces ,
Dontmes cruels ennuis & mes longues douleurs,
*Laiſſent ſur mon visage à peine quelques traces ,
D'y venir reprendre leurs places.
88 MERCURE
Elle me rend enfin mes premieres
couleurs.
Parfon art la racefuture
Connoîtra les prejens que me fit la
Nature,
Etjepuis efperer qu'avec un telfecours ,
Tandis quej'erreray fur les fombres
rivages,
Je pourray faire encor quelque honneura nosjuurs.
Oiy ,je puis m'enflater; plaire & du
rer toujours
Eft le deftin defes ouvrages.
$
Fol orgueil ! & du cœur Humain
Aveugle & fatalefoibleffe !
Nous maîtriferez-vousfans ceffe ;"
Et n'aurons- nousjamais ungencreux.
dédain
Pourtoutce qui s'oppofe aux loix de
lafageffe ?
GALANT. 89
Non; l'amourpropre en nous eſt toujours le plusfort,
Et malgré les combats que lafage fe
livre ,
On croit fe dérober en partie àla Mort
Quand dans quelque chofe onpeut
vivre.
S
Cette agreable erreur eft lafource des
fains
Quidevorent le cœurdes Hommes.
Loin de fçavoirjouir de l'état où nous
fommes.
C'est à quoy uouspensons le moins.
Unegloirefrivole &jamais poffedée,
C.
Fait qu'en tous lieux', à tous momens,
L'avenir remplit nôtre idée.
Il est l'unique but de nos empreffe.
mens.
Novembre 1693. H
90 MERCURE
Pour obtenir qu'un jour noftre nom
yparvienne ,
Etpour nous l'affurer durable &glo
rieux ,
Nousperdons le prefent , ce tempsfa
precieux ,
Lefeulbien qui nous appartienent,
Et qui tel qu'un éclair difparoiftà nos
yeux.
Au bonheur des Humains leurs chimeres s'opposent.
Victimes de leur vanité
Il n'eft chagrin , travail , danger 3
adverfité,
Aquoy les mortels ne s'exposent
Pourtranfmettre leurs uoms à la po
fterité!
2
Aqueldeffein , dans quelles vuës,
Tant d'abelifques , de portraits ,
D'Arcs, deMedailles , de Statuës,
GALANT. SI
DeVilles, de Tombeaux, de Temples,
de Palais ,
Parleur ordre ont-ils eftéfaits ?
D'où vient que pour avoir un grand
nom dans l'Hiftoire
Ils ont à pleines mains répandu les
bienfaits
Si ce n'eft dans l'espoir de rendre leur
memoire
Illuftre & durable àjamais?
2
Il est vray que ces efperances
Ont quelquefois fervy de frein aux
paffions ;
Quepar elles les loix , les beaux
Arts , les Sciences ,
Ont formé les efprits , poly les Nations
Embelly l'univers par des travaux
immenfes,
Et porté les Heros aux grandes
actions. Hij
92 MERCURE
Mais auffi combien d'impoſtures
De Sacrileges ,
d'attentats ,
D'erreurs , de cruautez, de guerres;
de parjures
Aproduit ledefir d'eftre aprés le trépas
L'entretien des races futures !
Deux chemins differens &
prefque
auffi battus ,
Au Temple de Memoire également
conduifent.
Le nom de Penelope & le nom de
Titus
Avecceux de Medée & de Neron s'y
lifent.
Lesgrands crimes immortalifent
Autantque lesgrandes vertus.
S
Je Seay que lagloire eft trop belle
Pourne pas infpirer de violens defirs:
chercher,
l'acquerir , &
pouvoir
jourd'ell e,
GALANT. 93
Eft leplus parfait des plaifirs.
Ouy, ce bonheur pour l'Homme eft le
bonheurfuprême,
Mais c'est là qu'ilfaut s'arrefter.
Toutcharmé qu'il en eft , à quelque
point qu'il l'aime,
Il a peu de bonsens quandil va s'entefter
De la vanité de porter
Sa gloire au delà de luy mefme ;
Etquand toûjours en proye à ce defir
extrème
Ilperdle temps de la goûter.
S
Encorfi dans les champs que le Cocy
te arrofe
Dépouillé de toute autre chofe,
Il eftoit permis d'esperer
Dejouir defa Renommée ,
Fe feroisbien moins animée
Contre lesfoins qu'on prend pour la
faire durer.
94 MERCURE
Mais quand nous defcendons dans
ce's demeures fombres ,
La gloire ne fuit point nos ombres ,
Nous perdons pour jamais tout ce
qu'elle ade doux;
Et quelque bruit que le merite
La valeur , la beauté , puiffe faire
aprés nous ,
Helas ?on n'entend rienfurles bords
du Cocyte !
ន
Paroù donc ces grands noms d'illu
ftres , defameux ,
Aprés quoy les mortels courent toute
leur vie,
Avides de laiffer un long Souvenir
d'eux ,
Doivent-ils faire tant d'envie ?
Est -ce par intereft pour d'indignes
Neveux
CALANT. 95
Qui feuls de ces grands noms
jouiffent ,
Quine lesfont valoir qu'en des dif
cours pompeux,
Etqui toujours plongez dans un de
fordre affreux ,
Par des lâchetez les flétriffent ?
2
De ces heureux Mortels qui n'ont
point eu d'égaux
Teleftl'ordinaire partage.
Traitez par la Nature avec moins
d'avantage
Que la plupart des Animaux ,
Leur Race dégénere , & l'on voit d'âge en age
En elle s'effacer l'éclat de leurs travaux.
Des chofes d'icy-bas c'eft le ray caracteres
Il eft rare qu'un Fils marche dans le
Sentier
96 MERCURE
Quefuivoit un illuftre Pere.
Des mœurs comme des biens on n'eft
pas heritier,
Et d'exemple on nes'inftruitguere.
S
Tandis que le Soleilfe leve encorpour
nous,
Je conviens que rien n'est plus
doux
Quedepouvoirfirement croire ,
•Qu'aprés qu'un froidnuageauracou
vert nos yeux,
Rien de lâche , rien d'odieux ,
Nefouillera noftre memoire;
Que regrettez par nos amis
Dans leur cœur nous vivrons encore ;
Pour un tel avenir tous lesfoinsfont
permis.
C'estparcet endroit feul que l'amour
propre honore.
Il
GALANT.
97
Ilfautlaiffer lerefte entre les mains
du fort ;
Quandle merite eft vray , mille fa
meuxexemples
Ontfait voir que le temps ne luy fait
pointde tort ,
On refufe aux vivans des Temples
Qu'on leur éleve aprés leur
Mort.
S
Quoy, l'Homme , ce chef- d'œuvre à
qui rien n'eft femblable!
Quoy, l'Hommepour quifeul onformal'Univers !
Luy, dont l'œil a percé le voile im- .
penetrable
Dont les arrangemens & les refforts
divers
De la Naturefont couverts !
Lay , des Loix & des Arts l'inventeur admirable !
Nov. 16 93.
I
98 MERCURE
Aveuglepourluy feul ne peut-il difcerner,
Quand il n'est question que de fe
gouverner,
Lefauxbien du bien veritable ?
$
Vainereflexion ! inutile difcours !
L'Homme malgré voftrefecours
Du frivole avenir fera toûjours la
dupe ,
Surfes vrais interefts ilcraint de voir
trop clair
Et dans la vanité qui fans ceffe l'oce
cupe
Ce nouvel Ixion n'embrasse que de
L'air.
N'eftre plus qu'un peu de pouffiere
Bleffe l'orgueil dont l'homme eft
plein.
Il a beau faire voir un visage ſca rein ,
GALANT.
99
Et traiter defangfroidune telle ma-,
tiere..
Tout démentfes dehors , tout fert à
nousprouver,
Que par un nom celebre il cherche
àfe fauver
D'une deftruction entiere.
S
Mais d'où vient qu'aujourd'huy mon
efprit eftfi vain?
Que fais-je ! &de quel droit eft-ce
queje cenfure
Legoût de tout legenre humain ,
Cegoûtfavory qui luy dure
Depuis qu'une immortelle main
Du tenebreux cahos a tire la Nature?
Ay-je acquis dans le monde affez
d'authorité
Pour rendre mes raifons utiles ,
Etpour détruire en luy ce fond de
vanité
I ij
100 MERCURE
Quine luy peut laiffer aucuns mo
mens tranquilles ?
Non , mais un efprit d'équité
A combattre le faux inceffamment
m'attache ,
Etfait qu'à tout hazardj'écris ce que
m'arrache
La force de la verité.
S
Hé, commentpourrois-je prétendre
De guerir les mortels de cette vieille
erreur,
Qu'ils aimentjufqu'à la fureur,
Si moy qui la condamne ay peine à
m'en deffendre?
Ce potrait dont Appelle auroit efte
jaloux
Meremplit malgré moy de la flateuse
attente
Queje nesçaurois voir dans autruy
fans couroux.
GALANT. IOI
Foible raison que l'Homme vante,
Voilà quel eft le fond qu'on peutfairefur vous.
Toujours vains , toûjours faux , toujours pleins d'injustices ,
Nous crions dans tous nos dif
Cours
Contre les paffions , les foibleffès, les vices ,
où nous fuccombons tous lesjours.
fouvent des ouvrages de l'Illuftre Madame des Houlieres,
à Mademoiſelle Cheron dont
tout Paris admire l'habileté
pour la Peinture , ayant fait
Ton Portrait depuis quelque
temps , cela luy a donné lieu
de faire des Reflexions que
Vous trouverez dignes d'elle,
&auffi noblement exprimées,.
qu'on le peut attendre de ce
merveilleux genie, qui la rend
l'ornement de fon Sexe & de
fon ficcle.
GALANT. 87
esseses22 52225555
REFLEXIONS MORALES
DE MADAME
DES-HOULIERRES
Sur l'envie immoderée de
faire paffer fon Nom à la
Pofterité.
1Afgevante C HERONparfon divin pinceau
Meredonne un éclat nouveau.
Elle force aujourd'huy les Graces ,
Dontmes cruels ennuis & mes longues douleurs,
*Laiſſent ſur mon visage à peine quelques traces ,
D'y venir reprendre leurs places.
88 MERCURE
Elle me rend enfin mes premieres
couleurs.
Parfon art la racefuture
Connoîtra les prejens que me fit la
Nature,
Etjepuis efperer qu'avec un telfecours ,
Tandis quej'erreray fur les fombres
rivages,
Je pourray faire encor quelque honneura nosjuurs.
Oiy ,je puis m'enflater; plaire & du
rer toujours
Eft le deftin defes ouvrages.
$
Fol orgueil ! & du cœur Humain
Aveugle & fatalefoibleffe !
Nous maîtriferez-vousfans ceffe ;"
Et n'aurons- nousjamais ungencreux.
dédain
Pourtoutce qui s'oppofe aux loix de
lafageffe ?
GALANT. 89
Non; l'amourpropre en nous eſt toujours le plusfort,
Et malgré les combats que lafage fe
livre ,
On croit fe dérober en partie àla Mort
Quand dans quelque chofe onpeut
vivre.
S
Cette agreable erreur eft lafource des
fains
Quidevorent le cœurdes Hommes.
Loin de fçavoirjouir de l'état où nous
fommes.
C'est à quoy uouspensons le moins.
Unegloirefrivole &jamais poffedée,
C.
Fait qu'en tous lieux', à tous momens,
L'avenir remplit nôtre idée.
Il est l'unique but de nos empreffe.
mens.
Novembre 1693. H
90 MERCURE
Pour obtenir qu'un jour noftre nom
yparvienne ,
Etpour nous l'affurer durable &glo
rieux ,
Nousperdons le prefent , ce tempsfa
precieux ,
Lefeulbien qui nous appartienent,
Et qui tel qu'un éclair difparoiftà nos
yeux.
Au bonheur des Humains leurs chimeres s'opposent.
Victimes de leur vanité
Il n'eft chagrin , travail , danger 3
adverfité,
Aquoy les mortels ne s'exposent
Pourtranfmettre leurs uoms à la po
fterité!
2
Aqueldeffein , dans quelles vuës,
Tant d'abelifques , de portraits ,
D'Arcs, deMedailles , de Statuës,
GALANT. SI
DeVilles, de Tombeaux, de Temples,
de Palais ,
Parleur ordre ont-ils eftéfaits ?
D'où vient que pour avoir un grand
nom dans l'Hiftoire
Ils ont à pleines mains répandu les
bienfaits
Si ce n'eft dans l'espoir de rendre leur
memoire
Illuftre & durable àjamais?
2
Il est vray que ces efperances
Ont quelquefois fervy de frein aux
paffions ;
Quepar elles les loix , les beaux
Arts , les Sciences ,
Ont formé les efprits , poly les Nations
Embelly l'univers par des travaux
immenfes,
Et porté les Heros aux grandes
actions. Hij
92 MERCURE
Mais auffi combien d'impoſtures
De Sacrileges ,
d'attentats ,
D'erreurs , de cruautez, de guerres;
de parjures
Aproduit ledefir d'eftre aprés le trépas
L'entretien des races futures !
Deux chemins differens &
prefque
auffi battus ,
Au Temple de Memoire également
conduifent.
Le nom de Penelope & le nom de
Titus
Avecceux de Medée & de Neron s'y
lifent.
Lesgrands crimes immortalifent
Autantque lesgrandes vertus.
S
Je Seay que lagloire eft trop belle
Pourne pas infpirer de violens defirs:
chercher,
l'acquerir , &
pouvoir
jourd'ell e,
GALANT. 93
Eft leplus parfait des plaifirs.
Ouy, ce bonheur pour l'Homme eft le
bonheurfuprême,
Mais c'est là qu'ilfaut s'arrefter.
Toutcharmé qu'il en eft , à quelque
point qu'il l'aime,
Il a peu de bonsens quandil va s'entefter
De la vanité de porter
Sa gloire au delà de luy mefme ;
Etquand toûjours en proye à ce defir
extrème
Ilperdle temps de la goûter.
S
Encorfi dans les champs que le Cocy
te arrofe
Dépouillé de toute autre chofe,
Il eftoit permis d'esperer
Dejouir defa Renommée ,
Fe feroisbien moins animée
Contre lesfoins qu'on prend pour la
faire durer.
94 MERCURE
Mais quand nous defcendons dans
ce's demeures fombres ,
La gloire ne fuit point nos ombres ,
Nous perdons pour jamais tout ce
qu'elle ade doux;
Et quelque bruit que le merite
La valeur , la beauté , puiffe faire
aprés nous ,
Helas ?on n'entend rienfurles bords
du Cocyte !
ន
Paroù donc ces grands noms d'illu
ftres , defameux ,
Aprés quoy les mortels courent toute
leur vie,
Avides de laiffer un long Souvenir
d'eux ,
Doivent-ils faire tant d'envie ?
Est -ce par intereft pour d'indignes
Neveux
CALANT. 95
Qui feuls de ces grands noms
jouiffent ,
Quine lesfont valoir qu'en des dif
cours pompeux,
Etqui toujours plongez dans un de
fordre affreux ,
Par des lâchetez les flétriffent ?
2
De ces heureux Mortels qui n'ont
point eu d'égaux
Teleftl'ordinaire partage.
Traitez par la Nature avec moins
d'avantage
Que la plupart des Animaux ,
Leur Race dégénere , & l'on voit d'âge en age
En elle s'effacer l'éclat de leurs travaux.
Des chofes d'icy-bas c'eft le ray caracteres
Il eft rare qu'un Fils marche dans le
Sentier
96 MERCURE
Quefuivoit un illuftre Pere.
Des mœurs comme des biens on n'eft
pas heritier,
Et d'exemple on nes'inftruitguere.
S
Tandis que le Soleilfe leve encorpour
nous,
Je conviens que rien n'est plus
doux
Quedepouvoirfirement croire ,
•Qu'aprés qu'un froidnuageauracou
vert nos yeux,
Rien de lâche , rien d'odieux ,
Nefouillera noftre memoire;
Que regrettez par nos amis
Dans leur cœur nous vivrons encore ;
Pour un tel avenir tous lesfoinsfont
permis.
C'estparcet endroit feul que l'amour
propre honore.
Il
GALANT.
97
Ilfautlaiffer lerefte entre les mains
du fort ;
Quandle merite eft vray , mille fa
meuxexemples
Ontfait voir que le temps ne luy fait
pointde tort ,
On refufe aux vivans des Temples
Qu'on leur éleve aprés leur
Mort.
S
Quoy, l'Homme , ce chef- d'œuvre à
qui rien n'eft femblable!
Quoy, l'Hommepour quifeul onformal'Univers !
Luy, dont l'œil a percé le voile im- .
penetrable
Dont les arrangemens & les refforts
divers
De la Naturefont couverts !
Lay , des Loix & des Arts l'inventeur admirable !
Nov. 16 93.
I
98 MERCURE
Aveuglepourluy feul ne peut-il difcerner,
Quand il n'est question que de fe
gouverner,
Lefauxbien du bien veritable ?
$
Vainereflexion ! inutile difcours !
L'Homme malgré voftrefecours
Du frivole avenir fera toûjours la
dupe ,
Surfes vrais interefts ilcraint de voir
trop clair
Et dans la vanité qui fans ceffe l'oce
cupe
Ce nouvel Ixion n'embrasse que de
L'air.
N'eftre plus qu'un peu de pouffiere
Bleffe l'orgueil dont l'homme eft
plein.
Il a beau faire voir un visage ſca rein ,
GALANT.
99
Et traiter defangfroidune telle ma-,
tiere..
Tout démentfes dehors , tout fert à
nousprouver,
Que par un nom celebre il cherche
àfe fauver
D'une deftruction entiere.
S
Mais d'où vient qu'aujourd'huy mon
efprit eftfi vain?
Que fais-je ! &de quel droit eft-ce
queje cenfure
Legoût de tout legenre humain ,
Cegoûtfavory qui luy dure
Depuis qu'une immortelle main
Du tenebreux cahos a tire la Nature?
Ay-je acquis dans le monde affez
d'authorité
Pour rendre mes raifons utiles ,
Etpour détruire en luy ce fond de
vanité
I ij
100 MERCURE
Quine luy peut laiffer aucuns mo
mens tranquilles ?
Non , mais un efprit d'équité
A combattre le faux inceffamment
m'attache ,
Etfait qu'à tout hazardj'écris ce que
m'arrache
La force de la verité.
S
Hé, commentpourrois-je prétendre
De guerir les mortels de cette vieille
erreur,
Qu'ils aimentjufqu'à la fureur,
Si moy qui la condamne ay peine à
m'en deffendre?
Ce potrait dont Appelle auroit efte
jaloux
Meremplit malgré moy de la flateuse
attente
Queje nesçaurois voir dans autruy
fans couroux.
GALANT. IOI
Foible raison que l'Homme vante,
Voilà quel eft le fond qu'on peutfairefur vous.
Toujours vains , toûjours faux , toujours pleins d'injustices ,
Nous crions dans tous nos dif
Cours
Contre les paffions , les foibleffès, les vices ,
où nous fuccombons tous lesjours.
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Résumé : REFLEXIONS MORALES DE MADAME DESHOULIERRES Sur l'envie immoderée de faire passer son Nom à la Posterité.
Madame des Houlières réfléchit sur l'envie excessive de laisser son nom à la postérité. Elle admire l'habileté de Mademoiselle Cheron en peinture, qui a réalisé son portrait et lui a inspiré ces réflexions. Madame des Houlières exprime son désir de plaire et de durer à travers ses œuvres, tout en critiquant l'orgueil et la vanité humaine qui poussent les hommes à chercher la gloire posthume. Elle souligne que cette quête de gloire frivole et jamais possédée occupe toutes les pensées humaines, les empêchant de jouir du présent. Les hommes sacrifient leur bonheur actuel pour des chimères, s'exposant à des chagrins, des travaux et des dangers afin de transmettre leur nom à la postérité. Cette ambition a parfois servi de frein aux passions, favorisant les lois, les arts et les sciences, mais a aussi conduit à des impostures, des sacrilèges et des guerres. Madame des Houlières reconnaît que la gloire est un désir noble, mais elle met en garde contre la vanité de vouloir la porter au-delà de soi-même, perdant ainsi le temps de la goûter. Elle conclut en admettant que l'amour-propre est difficile à vaincre et que l'homme reste souvent dupe de l'avenir frivole, cherchant à se sauver d'une destruction entière par un nom célèbre. Elle exprime finalement sa propre lutte contre cette erreur humaine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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52
p. 27-73
Extrait de l'Oraison Funebre de Madame de Maubuisson, non pas de la maniere ordinaire, mais dont la lecture ne doit pas moins attacher & faire de plaisir que feroit celle de l'Histoire la plus curieuse. [titre d'après la table]
Début :
Quoyqu'il s'agisse d'une Oraison funebre dans l'article qui suit, [...]
Mots clefs :
Oraison funèbre, Madame de Maubuisson, Plaisir, Exorde, Électeurs, Histoire, Princesse Louise Hollandine Palatine, Maison Palatine, Abbé Maboul, Gloire, Religion, Dieu, Éloge
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Extrait de l'Oraison Funebre de Madame de Maubuisson, non pas de la maniere ordinaire, mais dont la lecture ne doit pas moins attacher & faire de plaisir que feroit celle de l'Histoire la plus curieuse. [titre d'après la table]
Quoyqu'il s'agiffe d'une Oraifon funebre dans l'article Cij 28 MERCURE qui fuit, vous le trouverez bien different de ce qui regarde ordinairement ces fortes d'ouvrages qui contiennent plus de traits d'éloquence & de loüanges que de faits , ceux qui s'y trouvent n'yétant prefque toujours rapportezque pour donner lieu de briller à l'éloquence de l'Orateur ; mais ce que vous allez lire doit être regardé comme l'Hiftoire entiere d'une vie remplie d'incidens merveilleux & de l'hiftoire d'une converfion encore plus mer veilleufe , & dont la lecture ne doit pas moins attacher GALANT 29 & faire de plaifir , que feroit celle de l'hiftoire la plus curieufe. On a fait un Service magnifique dans l'Eglife de l'Abbaye de Maubuiffon , pour la Princeffe Loüife Hollandine , Palatine , dernière Abbeffe de cette Abbaye. Mr l'Evêque de Beziers officia ; & Mr l'Abbé 'Maboul , Grand Vicaire de Poitiers , & nommé à l'Evêché d'Alet , prononça l'Oraiſon funebre en prefence de Madame la Princeffe. Mr l'Evêque d'Alet prit pour texte ces paroles du 44. Pfeaume : OMNIS GLOC iij 30 MERCURE 1 les RIA EJUS FILIE REGIS AB INTUS. Toute la gloire de la Fille du Roy vient de fon cœur. Lefaint Efprit , dit- il , dans fon Exorde , parlant dans l'Ecriture de la Fille du Roy , ne fait entendre dans fon éloge , ni les avantages de la naiſſance , ni preeminences du rang: il ne la louë ni par la majefté de fes traits, ni parla dignité defa perfonne ; il ne luy fait un merite ni de l'éclat de fes richeffes , ni de la magnifi cence defa Cour: il ne la chèrche, il ne la regarde qu'en elle- même, il met toutefa gloire dansfon cœur. Chargé du glorieux , mais GALANT 31 difficile Miniftere de rendre à la Fille d'un Roy un jufte tribut de louange , me fera-t - il permis de chercher hors d'elle- même les titres de fa gloire ? Vousparleray je de la nobleffe de ce Sang illuſtre, qui deHeros en Heros a coulétout pur dans fes veines ? Affembleray - je fur fon tombeau les lauriers que fes Anceftres ont ceüillis en tant d'occafions ? Vous reprefenteray-je la hauteur de tant de Trônes , au milieu defquels elle est née ? Feray-je le dénombrement det Empereurs , des Rois , des Electeurs que fa Maiſon a donnez à l'Europe &qui ont rempli le monde C iiij 32 MERCURE entier du bruit de leur nom? Elle-même m'en défavoüeroit , & elle me défend encore aprés fa mort de la revêtir de ces grandeurs hereditaires , & dont elle s'eft pendant fa vie figenereusement dépouillée ? Cette Princeffe étoit feconde fille de Frederic V. dit le Contant , Electeur Palatin , & élú Royde Boheme , d'Elizabeth Stuart , fille de Facques 1. Roy d'Angleterre. L'Ŏrateur tira le partage de fon Difcours de l'Hiftoire de la Converfion de cette Princeffe. Egalement fuperieure , dit-il , e aux obftacles & aux devoirs , CALANT 33 elle furmonte ces obftacles par la grandeur de fafoy ; elle remplit &furpaffe même fes devoirs , par l'étendue de fa charité. L'herefte continua- t- il au commencement de la premiere partie , qui comme un torrent impetueux , innonda dans le penultiémefiecle toute l'Allemagne & qui foûtenu par les interrefts d'u ne politique mondaine , entraîna prefque malgré eux , tous les plus puiffans Princes de l'Empire , s'étoit fait du Chef de la Marfon Palatine un de fes plus grands Protecteurs. ( C'étoit l'Ayeul de Madame l'Abbeffe de Maubuif- 34 MERCURE fon ) devenue comme hereditaire dans cette augufte Maifon , elle paffa auxPrinces fes defcendans , elle fe vantoit d'avoir en eux fes plus fermes appuis , & de trouver dans leur haute valeur, dans leur faux zele autant que des armes pour pouffer plus loin fes conqueftes. Vous le permites. ainfi, o mon Dieu , pourſuivit Mr d'Alet , non pour détruire, maispour purifier votre Eglife : Vousfiftes de ces Princes , les nobles inftrumens de vôtre Justice : Vous empruntates leurs bras pour châtier Ifrael, y établirparces falutaires effets de vôtre colere pa- GALANT 35 ternelle, la pureté de vôtre culte... Le Duc de Brunſwick & la Republique d'Hollande prefenterent au Baptême le Princeffe Loüife , ces Princes , continua- t- il , quifuivant lafage Inftitution de cette ancienne ceremonie auroient dú répondre à l'Eglife de l'integritéde fa foy , fervirent de caution & d'interpreftes de fon dévouement au Calvinisme. Il parla enfuite de l'éducation que lui donna Sybille de Keller de la Maifon des Ducs de Curlande, qui avoit auffi eu ſoin de celle du Roy de Boheme fon pere. Faifant de la droiture du 36 MERCURE cœur, dit- il , en parlant de cette Dame & de la pureté des moeurs , du mépris de la vanité de l'horreur du menfonge ; de lacompaffion pour les pauvres , de la tendreffe pour les malheu reux ; de la crainte de Dieu & de fon amour , fes plus familieres inftructions , elle verfoit dans cette amo tendre lepoifon de l'erreur avec d'autant plus de facilité , qu'à lafaveurde ces grandes vertus , ils y trouvoientplus d'accés & qu'ils fe prefentoient à elle fous les noms empruntez de verité & de Religion.... Les préjugezde la Princeffe, continua t - il, GALANT 37 pour groffiffoient encore par lapolitique des Miniftres attentifs à les cultiver : découvrant de jour en jour en elle de nouvelles vertus qui meuriffoient avec l'âge , comprenant tout ce qu'ils devoient en attendre l'honneur de la fecte pour leurpropre reputation , ils s'accrediterentde plus en plus auprés d'elle fous la qualité uſurpée d'Envoyez du Seigneur , & couvrant leur fauffe doctrine de la parole de Dieu , pour elle toujours reſpectable , ils n'oublioient rien pour luy en faire une religieufe habitude , toujoursplusforte plus infurmontable que la 38 MERCURE . nature même. Il dit enfuite , que la lecture affiduè de l'Ecriturefainte commença à diffiper fes tenebres , & il oppofa l'utilité de cette lecture au danger inévitable de celle des Romans , & autres Livres profanes. Cet endroit fut délicatement touché , & aprés quelques foli- · des réflexions fur la témerité des Proteftans , qui prétendent être feuls les Juges & les Interpretes de l'Ecriture. Il fit voir le premier moyen dont la Providence fe feroit pourtoucher le cœur de la Princeffe , la conference qu'un Medecin Catho- GALANT 39 lique de la Reine de Boheme eut en preſence de ces deux Princeffes fur le Baptême des enfans , & il dit : Que le Mini tre étant demeuré fans replique , demanda huit jours poury répondre, qu'à la fin de ce terme ayant manqué au rendez- vous s'excufant fur des affaires ; enfin preffé par la Reine , il luy avoia qu'aprés une longue attention & un penible travail , il n'avoit rien trouvédans la Bible de quoy répondre aux objections du Medecin ; que la Princeffe alors âgée de huit ans s'enfouvint toûjours depuis que la grace luy en fit 1 40 MERCUKE tirer dans un ageplus avancé des motifs de converfion. La mauvai fe foy d'un Miniftre , ajoûta ce Prélat , dont dans un âge tendre , elle avoit esté un témoin nonfufpect , vint fortifier fes doutes.... Cesfalutaires doutes , ces heureufes inquiétudes croiffoient encore lorfque lifant dans l'Ecriture les terribles vengeances que Dieu jaloux de l'honneur de fon Culte, exerce contre les Rois qui l'ont abandonné, elle enfaifoit une trifte mais juſte application aux difgraces du Royfon pere. L'Orateur fit en cet endroit un détail des mécontentemens des Etats de GALANT 41 Boheme, qui appellerent à leur fecours l'Electeur Palatin , & le firent leur Roy ; & dit que l'on trouvoit l'éloge de ce ' Prince terminé par cette penLéc. Quel Prince plus digne du trônefi l'herefie ne luy avoitfervi de premier degré pour y monter. Il fit enfuite un détail de la bataille de Prague ( en 1620) que Maximilien , Duc de Baviere , ayeul de l'Electeur de ce nom , gagna fur le Roy de Boheme : Bataille , continuat-il,dontlesfuitesfurentfifuneftes pour ce dernier &fi avantageufespour lepremier , puifque la Janvier 1710. D 42 MERCURE dignité Electorale fut transportée de la branche aînée dans la branche cadete de la Maiſon Palatine de Baviere ; pendant que les Courtisans , continua le Prélat, regardoient ces évenemens commed'injuftes caprices d'une aveuglefortune, la Princeffe yadoroit lesJugemensprofonds d'unefecrette providence, la grace fe me lant à fes réflexions , luy faifoit appercevoir dans ces malheursdomeftiques , les malheurs inévita bles que doivent craindre toft ou tard les protecteurs de l'Herefie. Il parla enfuite des Révolutions d'Angleterre, qui furent GALANT 43 pour la Princeffe un champfecond de falutaires reflexions : >> Ce Schifme fameux ', dit - il , d'un Roy , qui comme un autre Salomon abandonna la Sageffe pourfacrifierauxIdoles d'une bon teufe volupté ( il parloit d'Henry VIII.) & qui pour ferrer de plus prés les liens fcandaleuxqu'- une aveuglepaffion avoitformez, rompit les nœuds facrez qui l'attachoient à l'Eglife. Ce Schifme qui par une malheureufe fecondi. té produifit dans un Royaume autrefois fi fidelle ces monstrueuses Sectes , qui divifées entre ellesmêmes , ont donné prefque de nos Dij 44 MERCURE Į jours le plus horrible fpectacle ( il parloit de la mort tragique du Roy Charles I. oncle maternel de cette Abbeffe ) que tous les crimes enfemble puiffent donner à l'Univers : ce Schifme lafunefte origine des malheurs d'une Royale Maifon dont les plus heroïques vertus unies aux droits du fang n'ont pú la garentir. Cette Princeffe inftruite par des pieces - authentiques, & d'autant moinsfufpectes , parce qu'elle les tenoit des mains même les plus intereffées à les cacher, ne pût voir fans horreur les que nomsfpecieux de pureté &de reforme , qui l'avoient GALANT 45 n abufée , n'avoient efté que le maf que de l'ambition & de l'intereft; le zele qu'une aveugle fureur; lafeparation de l'Eglife , qu'une revolte declarée contre les Puiffances legitimes , E... Aidée, dans lafituation où ces reflexions la mettoient , des confeils de la Princeffe d'Oxeldre , fon illuftre Amie, quefon merite plus quefa naiffance luy avoit justement acquife ; éclairée de Miniftresfideles ( des Preftres Ecoffois ) enfin pleinement convaincuëpar la lecture d'un livre où l'herefie forcée dans fes derniers retranchemens , fe trouve accablée fous le poids 46 MERCURE immenfe de l'éternelle verité(c'eft un Traité écrit en Langue Flamande contre les Miniftres de BofLeduc ) elle fe declara àfes Confi dens : Catholique dans le cœur , il ne manquoit àfaparfaite converfion qu'uneprofeffion publique. Réjouiffez- vous , s'écria le Prelat en cet endroit , Anges du Ciel, la Brebis égarée eft fur les épaules du Pafteur ; la dragme perduë eſt retrouvée ; l'enfantprodigue va revenir dans la maiſon paternelle. Il fit enfuite un éloquent détail des combats interieurs que la Princeffe eut à foûtenir pour manifeſter ſa GALANT 47 1 que creance. Latendreffe paternelle , les préjugez , & les liens l'éducation luy avoit formez dans Lafamilles les hommages les deferences refpectueufes qu'unepuifSante Republique luy rendoient ; la note d'ingratitude qu'elle alloit encourir ; le regret de l'avoir efti mée prendre la place de l'eftime qu'on a eu pour elle; foûtenirfeu · le contre tous une Religionprofcrite décriée, fefaire de tous ceux qu'elle connoiffoit & qu'elle aimoit fes plus implacables ennemis. Quelle tentation ! quelle épreuve ! fondez vous icy, Grands dumonde , s'écria l'éloquent Prelat , 48 MERCURE interrogez vos cœurs nous dites quels efforts il en coûteroit à voftre Foy, fi au préjudice des plus forts des plus anciens engagemens ;ft au préjudice des liaifons les plus tendres ; jîau préjudice de vôtrefortune & de vôtre gloire ; fi au préjudice des plus flatteufes efperances elle avoit à fe declarer.... Une tentation encore plus forte s'éleva , la crainte de déplaire à une Mere Angufte qu'elle aimoit uniquement & dont elle eftoit tendrement aimée , qui faifoitfeule toutefajoye , &dont elle eftoit reciproquement la plus douce confolation ; cette crainte formée GALANT 49 formée par les plus nobles & les plus religieuxfentimens luy deffendoit de fe découvrir : elle fe défia d'elle - même ; elle apprehendoit deftre trahie par fa propre tendreffe ; elle redoutoit des larmes puiffantes; elle craignoit une douleur refpectable & n'ofant s'expofer à un combat trop inégal , elle fermapour lapremierefois defa vie à la Reinefa mere lefanctuaire de fon cœur.... Mais une voix evangelique luycriafans ceffe que quiconque ne haïfſoit pas fon pere & fa mere ne pouvoit eftre Difciple de Jefus Chrift. La Princeffe fe réveilla à cette Janvier 1710. E So MERCURE voix, penetrée de cette importante maxime, fit taire la nature pour n'entendre que la Grace & quoy qu'il en puft coûter à fon cœur , elle s'arracha par une fuite genereufe du fein de la Reine pour Je réunirà l'Eglife. Ce Prelat fit enfuite le détail de la fuite de cette Princeffe , qui déguiféc traverfa toutes les rues de la Haye, & fans aucun fecours ny aucune des précautions que la prudence peut fuggerer en pareille occafion , arriva à Anvers où elle fe jetta dans les Carmelites Angloifes. Le détail de cette fuite fut fuivi de GALANT 51 1 celuy de la defolation où fe trouva la Cour de Boheme , touchant l'éclypfe de la Princeffe , & fur tout aprés qu'on en cut reconnu le motif par un billet trouvéfur la toilette, & où eftoient écrits ces mots: Je paffe en France pour me faire Catholique merendre Religieufe ( paroles courtes , s'écria MrdAlet) mais admirables , dignes d'eftre tranfmifes à la pofteri té dans les Annales de l'Eglife , paroles marquées dufceau de l'Ef prit de Dieu qui les a dictées qui refpirant cette noble fimplicité de l'Evangile qui ne connoift ny E ij 52 MERCURE de déguisement , ny artifice , font un miroirfidelle de la candeur lapureté du cœur de la Princeffe qui les a écrites..... Aprés s'eftre affermie , ajoûta - t - il , de plus enplus fous la conduite d'un Miniftre habile & fidelle ( un Pere Jefuite) quicomme un autre Ananie , luy ouvrit deplus en plus les yeuxfur la verité de nos Myfteres , elle renonça publiquement à l'Herefie , qu'elle avoit depuis long-temps abjurée dansfon cœur. Il parla enfuite de fon exactitude fur les moindres pratiques de la Religion Catholique. Point de doutes inquiets , GALANT 53 dit-il , point de curiofité indifcrette , point d'orgueilleufe fingularité ; respectant jufques dans les moindres Ceremonies l'autorité de l'Eglife , toutluyenparoiftgrand, tout luy en paroift auguste. elleParlant cutduitedu defir qu fe confacrer à Dieu dans la Religion , il rapporta ſon voyage en France , & dit qu'elle fut reçue à Rouen par Edouard Prince Palatin fonfrere. Vous diray-je , s'écria-t - il , quels furent les tranfports de leur mutuelle amitié , qui formée par les plus purs fentimens de la nature empruntoit de nouvelles forces de E ij 54 MERCURE la conformité de Religion ? ( ce Prince ayant abjuré la Religion Proteftante) vousreprefenteray je les tendres mouvemens de fon cœur, lorfquepaffantpar la Royale Abbaye de Maubuiffon , elle embraffa les trois Princeffes fes nieces , Marie-Loüife Princeffe de Salms , AnnePrinceffe de Condé , devant qui Mr d'Alet pare loit , Benedicte de Brunswick, mere de l'Imperatrice & de la Ducheſſe de Modene; &que dans leurs vertus naiffantes elle appergutpar un heureuxpreffentiment , tout ce que l'Europe en devoit attendre , non-feulementpour le bon- GALANT 55 heur des Etats où la Providence les deftinoit mais plus encore pour lagloire & l'édification de l'Eglife. gue Il fit enfuite un éloge court, mais vif , d'Anne de Gonzaleur mere, & belle-four de Me de Maubuiffon. Enfin dit- il , la Princeffe arrivée à la Cour fut prefentée au Roy par Henriette-Marie de France , Reine d'Angleterre , Princeffe plus celebre par lagrandeur defon courage que par la fingularité de fes malheurs. Ce Prince , en parlant du Roy , joignant aux bien-faits l'accueil le plus gratieux , fit conE iiij 56 MERCURE noiftre par ce noble effai defa bondefa liberalité Royale qu'il té feroit deformaisle Protecteur, & lazile des Princes perfecutez pour laJustice, &que malgré la duretédes temps les plus difficiles il leur fourniroit du fonds de fes propres befoins dequoy foutenir avec éclar la majesté des Rois & l'honneur de la Religion. La Prin ceffe fe retira enfuite à la Vifitation de Chaillot auprés de la Reine d'Angleterre fa tante , & aprés y avoir affermifa vocation pendant une année , elle alla fe renfermer àMaubuiffon. Mr d'Alet commença faſe- GALANT 57 conde Partie par une peinture de l'état Monaftique, qui fut vi ve & touchante & qu'il finis par ces paroles : quel prodige de voir une Princeffe de 36. ans qui joignoit à la noble fierté qu'elle avoit puifée dans fon fang, un efprit folide & élevé ; & qui accoûtumée aux douceurs d'une Courflatenfe voyoit l'obeiffance courir au-devant d'elle de la voir , dis-je ,fe plier tout d'un coup àdes obfervancesfi penibles ; courir à fon tour au devant de L'obeïſſance , & oublier ce qu'elle eftoit néepour defcendre à ce qu'il yadeplus bas er de plus humi1 58 MERCURE Veut liant dans la Religion ; en vain une Sage Abbeſſe ( Catherine Angelique d'Orleans ) ménager une foy naiffante & épargnerà un temperament délicar ce que la Religion à de trop auftere ; la Princeffe n'y peut confentir leur charité en cela peu d'accord fe manifefte également dans la Superieure par la prudence & dans la Novice par la ferveur. Il prit à témoin de fa ferveur & de fon exactitude de fon humilité ; & de fes autres vertus Religieufes les Vierges fes compagnes qui luy ont furvécu. рец GALANT 59 Me de Maubuiffon , dit-il , attaquée d'une maladie mortelle & dépofitaire des vœux unanimes de fa Communauté dont tous les regards eftoient fixez fur la Princeffe , écrivit au Roj pour luy reprefenter des vœux fi juftes. Ce Prince , ajoûta-t il , qui dans le choix des Miniftres de l'Eglife a plus d'égard à la grandeur de la vertu qu'à éclat de la naiffance , les trouvant réünis au plus haut degré dans la perfonne de la Princeffe, la nomma à cette a Abbaye choix le bonheur de ce Monaftere ilpropofa àtousceuxdu Royaume affurant par ce noble 60 MERCURL من unmodele duplus fage du plus heureux Gouvernement. L'Orateur , fit enfuite un portrait de la nouvelle Abbeffe dont il oppofa la conduite à celle de quelques autres Abbelfes dont la digniténe fait qu'amollir la vertu ; & aptés les avoir peintes d'aprés le naturel , il s'écria, plut au Cielque ce nefût icy qu'un portrait defantaifie qui ne trouvat point de reffemblance; & ayant encore chargé celuy de la nouvelle Abbeffe de Maubuiffon de nouveaux traits,il le finit ainfi : contente de porter la Croix de Jefus- Chrift, GALANT 61 dans le cœur , elle ne portajamais celle qui eftant dans l'inftitution un fymbole de penitence , eft devenue dans l'opinion des hommes un ornement de dignité : confentant à peine d'eftre la premiere dans le Choeur , elle defcendit de Chaire qui l'élevoit au-deffus des autres pouryplacer l'Image de la Sainte Vierge , ofterpar cette fage conduite à celles qui viendront aprés elle jusqu'à la tentation d'y remonter ; elle effaça elle-mêmefes Armes qu'on avoit peintes à coté d'un Autel , perJonne n'ofant toucher à un monumentfirefpectable ; ce qui don. 62 MERCURE na occafion à l'Orateur de dire , qu'elle fçavoit peindre ; & que dansfes heures de loifir , elle avoit fait un grand nombre de Tableaux dont l'Eglife & fa Maifon font remplies , & qu'elle en avoit donné pluſieurs auxParoiffes , & Communautez voifines. En parlant de fon humilité, il raporta une délicate conceffion qu'elle fit à une autre Abbeſſe , ſur la fimplicité d'une naïve réponfe. Cette Abbeffe voulant venir àMaubuiffon , fit demander à la Princeffe fi elle luy donneroit la droite , Me de GALANT 63 Maubuiffon répondit : depuis que je fuis Religieufe je ne connois ni la droite ni lagauche que pourfairelefigne de la Croix. Un Orateur continua t'il la montrant elle-même dans un portrait fidelle , tout le monde s'y reconnoift , elle feule ne s'y trou ve pas , elle regarde un éloge délicat & détourné comme un innocent moyen pratiqué avec Art pour l'inftruireplus poliment de fes devoirs. Mr d'Alet s'étendit fur les fruits & l'utilité du bon exemple : les hommes, dit il , naturellementportez à l'imitation ne s'ac- 64 MERCURE ! coutument qu'à ce qu'il voyent, &l'obéiffance aux loix penibles rigoureufes par elles - mêmes ne leur devient fuportable & facile qu'autant qu'elles font gardées par ceux mêmes qui les ontfaites. Cela fut precedé d'un détail circonftancié de l'exactitude & de la pureté des mœurs de Me de Maubuiffon ; ce qu'il dit de fa douceur eftoit peint d'aprés le naturel , &il finit cet endroit par ces paroles : cette fage Abbeffe naturellement incapable des foupçons inquiets & des injurieufes défiances qui font plus d'Hypocrites que de Saints GALANT 65 Reg Jaiffoit à fes filles une liberté honnefte qui loin de dégenerer en abus ne fervoit qu'à donner de l'éclat plus de merite à la ferveur. La familiarité avec laquelle elle vivoit avec fes + Religieufes & l'accés qu'elle leur donnoit en tout temps auprés d'elle , fournirent de beaux traits à l'Orateur , mais par quel fecret pensez- vous ajouta t il , qu'elle ait entretenu danscettefainte Maiſon ( Maubuiſſon ) cette auftere regularité qui depuis tant d'années ne s'eft jamais démentie & qui fervant d'exemple aà toutes les CommuJanvier 1710, F 66 MERCURE nautez de fon Ordre , en eft en même temps l'admiration ; cefut parunrare & prudent defintereffe ment une attention particuliere à n'y admettre que des filles d'une vocation éprouvée. Il s'éleva alors contre les maximes de quelques Superieures qui fous le nom tant vanté du bien du Monaftere cachant fouvent une infatiable avarice qui met à prix l'entrée du Sanctuaire , &font un indigne trafic du vœu de pauvreté , & qui jaloufes de fignaler leur Gouvernement par de fuperbes édifices , le font peu de GALANT 67 former des temples vivans au Saint8 Elprit. Le refte fut également fort & foutenu &ce fut undes plus beaux endroits du Difcours. Jamais Traité jamais Convention , ajoutatil , en parlant de Me de Maubuiffon , dans la reception desfujets , elle laiffoit à la difcretion des parens ce que leur tendreffe ou leur charité leur infpiroit & les recevant comme une aumofne elle ne l'exigea jamais comme une dette. Ce qu'elle faifoit pour examiner la vocation des filles fut extraordinaire & éloquemment traité Fij 68 MERCURE & en parlant de fon amour pour les Pauvres , il poursuivic de la forte: dans une année de calamité dont le trifte fouvenir dureroit encore , s'il n'eftoit étouf fé fous lepoids d'une calamitéprefente , plus longue & plus rigoureufe, Mde Maubuiffonfe trou vaaffiegée parune infinité de malheureuxque lafaim, lanudité,les maladies , plus encore la répu tation de ce charitableMonafterey attiroientde toutes parts ; lesfonds prefque épuifez, &fa Communauté prête à tomber dans l'indigence qu'elle avoit voulu faire éviter aux autres , elle voit croî- GALANT 69 tre toutd'un coup les reffources & cette providence aux promeffes de qui elle avoit eftéfidelle foutenir fa Communautéallarméefans que les paurores ceffaffent d'eftre fecourus , ce qui donna lieu à M d'Alet de s'élever avec force contre les riches avares qui fe refuſent aux befoins connus • d'une mifere prefente pour prévenir les befoins incertains d'une mifere à venir. Cet endroit fur fort applaudi , & à l'occafion des vœux que M de Maubuiffon faifoit con. tinuellement pour l'extirpation de l'Herefie , & la part 70 MERCURE qu'elle prenoit aux malheurs de ceux qui errent dans la foy, l'Orateur dit qu'elle redoubloit chaque jour fes prieres & fes vœux pour la Perfonne Sacrée du Roy. L'Herefie vaincuë par fes bontez & profcrite parfapuiffance , les Nouveautez confonduës ; la Veritéprotegée , la Pieté en honneur ; la Religion affife avecluy fur le Trône ; ces merveilles toujours prefentes àſon efprit , luy faifoient compter les triomphes de la Foy par les jours de Louis le Grand, e fa charité en cela d'accordavec fa reconnoif fance , luyfaifoit un devoirpar- GALANT 71 ticulier & perfonnel d'implorer fans ceffe de nouvelles Benedictionsfurfon regne & de demander à Dieu la confervation d'un Prince fi cher à fes fujets , & fi neceffaire à l'Eglife. A des vœux fi legitimes &fi faints , continua l'eloquent Prelat , fe joignoit un zele ardent pour les Princes de l'Augufte Maifon Pa latine. Zele qui formépar la tendreffe & la charité unies enfemble, avoit moins pour objet leurs profperitez temporelles , que leur fanctification. Zele glorieufement récompenfe parla converfion d'une grande Princeffe ( Mr l'Evê 72 MERCURE que d'Alet parloit en cet endroit de S. A. R. Madame ) qui dans la place la plus proche du premier Trône du monde , ne s'y fait pas moins aimer parfes rares bontez, qu'elle y eft admirée par le brillant éclat de fes heroiques vertus. Cet endroit fut extrê mement applaudi , & il convenoit d'autant plus de louer ces deux Princeffes , que Madame & M la Princeffe qui eftoir prefente à la Ceremonie , font toutes deux niéces de feuë M de Maubuiffon , & filles de fes deux freres , feu M' l'Electeur Palatin & le feu Prince Edouard. GALANT 73 douard. Ce Prelat finit par un Compliment qu'il fit à M˚ la Princeffe ; par des éloges de la Maifon de Condé , & par un détail de la mort de cette illuftre Abbeffe à laquelleelle s'étoit preparée pendant une maladie de fept ans
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Résumé : Extrait de l'Oraison Funebre de Madame de Maubuisson, non pas de la maniere ordinaire, mais dont la lecture ne doit pas moins attacher & faire de plaisir que feroit celle de l'Histoire la plus curieuse. [titre d'après la table]
L'oraison funèbre pour Louise Hollandine, princesse palatine et dernière abbesse de l'abbaye de Maubuisson, se distingue par son accent sur les faits plutôt que sur l'éloquence. Prononcée par l'abbé Maboul, grand vicaire de Poitiers et nommé à l'évêché d'Alet, cette oraison relate la vie de Louise Hollandine, marquée par des événements remarquables et une conversion religieuse significative. Louise Hollandine était la seconde fille de Frédéric V, électeur palatin et roi de Bohême, et d'Élisabeth Stuart, fille de Jacques Ier, roi d'Angleterre. Son éducation rigoureuse l'avait formée aux valeurs de droiture, de pureté et de compassion. La princesse avait été influencée par des lectures assidues des Écritures saintes et par des ministres, ce qui avait conduit à sa conversion au catholicisme. Cette conversion fut le résultat de réflexions profondes et de rencontres, notamment avec un médecin catholique, et elle dut surmonter des obstacles intérieurs et sociaux pour manifester sa foi. Après sa conversion, Louise Hollandine quitta la Cour de Bohême pour se rendre en France. Elle fut influencée par un ministre jésuite et renonça publiquement à l'hérésie protestante. En France, elle fut reçue à Rouen par son frère, le prince Édouard Palatin, également converti au catholicisme. Elle exprima son désir de se consacrer à Dieu et fut présentée au roi de France par Henriette-Marie de France, reine d'Angleterre. Le roi promit de protéger les princes persécutés pour la justice et la religion. Louise Hollandine se retira ensuite à la Visitation de Chaillot auprès de sa tante, la reine d'Angleterre, avant de s'installer à l'abbaye de Maubuisson. Elle y affirma sa vocation pendant une année avant de devenir abbesse. Malgré son rang noble, elle s'adapta aux observances monastiques avec humilité et ferveur. L'orateur loua sa sagesse, son humilité, son exactitude et sa charité envers les pauvres. Elle maintint une austère régularité dans l'abbaye, formant des 'temples vivants au Saint-Esprit'. Louise Hollandine priait continuellement pour l'extirpation de l'hérésie et la protection de la foi. Son zèle se manifesta également par ses prières pour la famille palatine et pour la conversion de la princesse Madame. La princesse s'était préparée à sa mort pendant une maladie qui avait duré sept ans. L'oraison funèbre se conclut par des éloges à la princesse présente lors de la cérémonie.
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53
p. 200-201
AIR NOUVEAU.
Début :
Comme la joye convient aux mariages, & les chansons à la / Plus le Char du Soleil s'empresse [...]
Mots clefs :
Soleil, Guerrier, Gloire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AIR NOUVEAU.
Commela joye convient aux
mariages , & les chanſons à la
joye, j'ay crû devoir placer icy
l'Air fuivant. suoxid
AIR NOUVEAU. vuol
Plus le Char du Soleil s'em
prefe
GALANT 201
Aremonterfur l'horifon
Plus il avance une Saifon
Qui force tourGuerrier à laifferfa
Maiftreffe
Et for Cellier à l'abandon.
La Gloire n'est qu'une manie
Qu'on n'avoitpas aufiecle d'or,
Vivons l'âge du bon Neftor
Lamort la plus illuftre fut l'inftgne folie
¿D'un $
Guerrier qui vivroitencor.
Ces paroles font de M' d'Aubicourt dont vous admirez
fouvent l'efprit galant & enjoué ; & l'Air de M de Villeneuve.
mariages , & les chanſons à la
joye, j'ay crû devoir placer icy
l'Air fuivant. suoxid
AIR NOUVEAU. vuol
Plus le Char du Soleil s'em
prefe
GALANT 201
Aremonterfur l'horifon
Plus il avance une Saifon
Qui force tourGuerrier à laifferfa
Maiftreffe
Et for Cellier à l'abandon.
La Gloire n'est qu'une manie
Qu'on n'avoitpas aufiecle d'or,
Vivons l'âge du bon Neftor
Lamort la plus illuftre fut l'inftgne folie
¿D'un $
Guerrier qui vivroitencor.
Ces paroles font de M' d'Aubicourt dont vous admirez
fouvent l'efprit galant & enjoué ; & l'Air de M de Villeneuve.
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Résumé : AIR NOUVEAU.
Le poème 'AIR NOUVEAU' compare l'ascension du soleil à la progression de la vie. Il critique la quête de gloire, qualifiée de 'manie' sans valeur, et prône une vie simple et paisible. Le texte met en garde contre la folie de chercher la mort pour la gloire. Les paroles sont de M. d'Aubicourt, la musique de M. de Villeneuve.
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54
p. 299-325
Ce qui se passa à Versailles le 19 de ce mois lorsque Monsieur le Cardinal de Noailles s'y rendit à la teste du Clergé, & les Harangues que son Eminence fit au Roy & à Monseigneur le Dauphin, [titre d'après la table]
Début :
Je vous ay si souvent parlé de ces illustres familles, & [...]
Mots clefs :
Clergé, Église des grands Augustins, Messe de Saint Esprit, Versailles, Cardinal de Noailles, Discours, Roi, Gloire, Religion, Coeur, Naissance, Dieu, Peuples
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ce qui se passa à Versailles le 19 de ce mois lorsque Monsieur le Cardinal de Noailles s'y rendit à la teste du Clergé, & les Harangues que son Eminence fit au Roy & à Monseigneur le Dauphin, [titre d'après la table]
Je vous ay fi fouvent parlé
de ces illuftres familles , &
en particulier du merite de
ceux qui les compofent , &
des actions par lesquelles ils
fe font diftinguez que je ne
crois pas vous en devoir dire
d'avantage aujourd'huy.
Je vous ay déja parlé de
tout ce qui fe paffa aux grands
Auguftins les de ce mois
с
300 MERCURE
y
lors queLle Clergé s'y affem .>
bla pour la premiere fois , de
la Meffe du Saint Efprit qui
fut celebrée , & je vous ay
donné un Extrait du Sermon
qui yfut prêché le mêmejour.
al Le 19.cet Auguſte Corps
fe rendit à Verfailles dans un
Appartement du Chateau
qui luy avoit efté preparé. Mr
le Comte de Pontchartrain ,
Secretaire d'Etat l'y vint prendre avec Mr le Marquis de
Dreux Grand Maiftre des
Ceremonies ,& Mr des Granges Maiftre des Ceremonies,
& il fut ainfi conduit à l'Au
GALANT gor ༢or
diance du Roy les Gardes du
Corps eftant en haye dans
leur Salle , & fous les Armes ,
&les deux battans des Portes
ayant cfté ouverts. Monfieur
le Cardinal de Noailles prit
la parole , & fit au Roy le
Difcours fuivant. bl
१
IMSIRE,
-
Nous venons avecjoye & eme
preſſement rendre àVoſtre Majefté
nos tres - humbles hommages , &
ceux de tout le Clergé de France
que cette Affembléereprefente , &
qui eft beaucoup moins le premier
302 MERCURE
Corps de voftre Royaume parfon
rang, que parfon zele pour vostre
fervice,
༢༠༡༥།
Nous venons en renouveller à
V. M.les proteftations lesplusfinceres , nousfouhaiterions qu'il
nous fuft poffible d'en donner des
preuves plus fortes coplus écla osdans le cours de cet Affemblée, que nous n'avons fait encore
dans les autres.ian bus
La mesure de noftre zele nefera
jamais celle de nos forces , telles
qu'elles puiffent eftre, grandes ou
perites , entieres ou épuifées , il ira
toûjours beaucoup au-delà , ilfera
au deffus de tous les évenemens
GALANT 303
rien ne le diminuëtajamais.
** Ce qui pourroit affaiblir celuy des autres , ne fervira , qu'
fortifier le nostre. Les malheurs
de cette vie , les revolutions qui
arrivent dans tous les Etats ,
peuvent ébranler la fidelité des
peuples conduits par des vûës bafJes e intereffées , mais elles ne
font qu'affermircelle des Miniftrès
de Dieu , qui doivent entrer dans
fes deffeins , & avoir des vûës
plus élevées.
1
Que David foit heureux ou
malheureux, le grand Preftre eft
également attaché à luy , ilfe déclare même plus hautement enfa
304 MERCURE
faveur, &faitplus d'effortspour
Le fecourir , quand il le voit dans
unplusgrand befoin.
Illuy donne les pains offerts à
Dieu , qui eftoient dans le Temple ,
dont il n'eftoit permis qu'aux
Preftres de manger. Il luy laiffe
prendre l'épée de Goliath , confacrée à la gloire du Seigneur ,parce
qu'il n'en avoitpoint d'autre à lug
donner, &il s'expofe genereufe
mentpar cet office de religion à la
mort que Sail luy fit fouffrir peu
aprés.
C'est une leçon pour nous , &
un exemple que nos cœurs ne nous
preffent pas moins que noftre de-
GALANT 305
voir de remplirà l'égard de Voftre
Majesté.
Sile cours defes victoires a été interrompu parar les ordres fecrets &
impenetrables de lafageffe deDieu,
qui fait ce qu'il luy plaift desplus
grands hommes , comme des plus petits pendap
pourfaire د que
grandeur & toute puiffance vient
de luy. Si
Vos armed
à qui rien
•
toune refiftoit autresfois n'ont pas
jours eu le mêmefort. Sicette gloire
humaine qu'elles vous ont attirée ,
qui a étonné le monde entier , au
point qu'on enen peut dire ce que
Ecriture dit de celle d'Alexandre
le Grand , que toute la terre en
Mars 1710.
Ca
306 MERCURE
eft tombée dans le filence. Sz
cette gloire , dis je , a reçu quelque
atteinte par les malheurs de la
guerre , noftre attachement pour
V. M. n'en eft que plusferme
plus ardent.
Nous adorons la main qui vous
frape , nous vous refpectonsda
vantage , s'il eftpoffible ,fous cette
main divine , dont les coupsfalu
taires vous rendent plus reſpectable auxyeux de la Foy.
Elle nous apprend qu'une trop
longue e trop grande profperité
annonce un malheurplus grand
plus long, puifqu'il fera éternel ,
&que le bonheur continuel de
GALANT: 307
cette vie eft le Paradis des repron
me ?• +
· L'experience ne l'enſeigne pas
moins que la Foy ; car ne voit on
pas dans toutes les biftoires , que
Les Princes qui n'ont jamais fenti
la main de Dieu , qu'il a laiſſe
joüirpaiſiblement des plaiſirs , des
grandeurs &'rde toute la gloire de
ce monde,fans y répandre aucunè
amertume, ont eſté enyvrez de leur
bonheur , ont vecu dans l'aveuglement , font morts dans l'impenitence nu
2.Se font done ,felon l'esprit de
la Religion, des graces & desfam
yeurs que ce que le monde appelle
Ccij
308 MERCURE
malheur & difgrace ; cefont des
moyens de meriter unbonheurplus
pur & plus folide que celuy de
cette vie , Dieu compte pour rien
ce qui n'eft pas éternel , & netrou
ve dans aucun bien periſſable une
digne récompenfe pour fes: Elús
ainfi il ne leur ofte lafauffegloire
de ce monde , que les hommes onta
beau appeller immortelle , &qui
paffe toujours , que pour les pre
parer à la gloire de l'éternitéfeule
folide & veritable immortelle.
C'eftce quenous envifageons ,
SIRE , dans vos peines nous
yvozons avecconfolation la bonté
de Dieu pour vous , & nous
GALANT 309
admirons avec veneration lecou
rage & la foy que vous yfaites
paroître sap sailo Tag
Ellemeritefans doute beaucoup
mieux , que les exploits militaires
d'Alexandre , ce filence d'admira."
tion où toute la terre tomba devant luy , & elle est encore plus
digne du refpect , de l'amour
du zele de vos Evêques , &de
tout le Clergé attaché à V. M.
par des liens plus purs & plus
facrez que vos autres Sujets.
Mais ce qui doit les remplir
tous , de quelque profeffion qu'ils
foient , de reconnoiffance , auffi
bienque d'admirationpourV. M.
30 MERCURE
eft le grand defir qu'elle a de
leur donner lapaix. I's fçavent
tous ce qu'elle veut bien facrifier
pour leur procurer un bien
precieux & fi neceffaire , es
qu'elle ne l'a retarde quepour le
rendre plus feur & plus folide
& ne pas prendre l'ombre
l'apparence d'une paix ; pour une
paix réelle veritable.
Perfonne n'ignore que V. M.
s'oublie elle même , pour ne fe
fouvenir que de l'extrême befoin
defespeuples qu'elle abandonne
genereufement fespropres interefts
pour leur repos ; que même la
tendreffe paternelle Jemimentfo
GALANT 311
t
jufte , fi vif, & fi puiffant
fur tout pour les bons cœurs , ne
peut l'emporter fur le defir que
vous avezdefoulagervospeuples.
Quelfacrifice & quel effort
de vostre bonté pour eux ; mais
il est vrai qu'ils l'ont bien
merité par tout ce qu'ils ont fait
&fouffert pour voftre fervice
dans des guerres fi frequentes
fi longues & fi dures :
jufte qu'eftant les meilleurs detous
les peuples , ils trouvent en "yous
le meilleur de tous les Rois.
Mais ce n'eft pas feulement
l'intereft de vos Sujets , c'est la
caufe de sans les peuples que vous
il eft
310 MERCURE
ils
foûtenez, en travaillant fifortement à la paix de l'Europe's car
ne fçait- on pas que par tout
fouffrent, & que vos Ennemis
avec toute la joye de leursfuccés,
n'en ont pas moins la douleur de
voir leur pays ruiné , leurs peuples gémir comme les autres ,
qu'ils n'ontque les évenemenspour
eux. Fantil eft vray que la guerre eft un mal univerfel que Dieu
fait fentir aux heureux ,
heureux , comme
aux malheureux , pour les punir
tous.
S'il vous en coûte donc, SIRE,
pourfaire lapaix , fi vous l'achetez cherement, que vous enferez
avanta-
GALANT 313
avantageufement & glorieufement dédommagé par la grandeur
d'ame que vousyferez paroiftre ,
par le bien infini que vous procurerez à tant de peuples accablez ,
&fur toutpar le trefor pretieux
que vous acquererez de nouveau ,
en vous attachantplus fortement
que jamais les cœurs de vos Sujets.
Quelle richeffe & quelle force
pour un Roy, que la tendreffe &
la confiance de fes Sujets ; que ne
trouve- t-il pas dans leurs cœurs
quand ils font veritablement à
luy?
Quel Empire , écrivoit ungrand
Mars 1710.
Dd .
314 MERCURE
Evefque aun Empereur , y a-t-il
mieux établi , & dont les fondemens foient plus folides &
plus feurs , que celuy qui eft
muni par l'affection & lattachement des peuples ? Qui eftce qui eft plus en affurance &
a moins à craindre , qu'un
Prince qu'on ne craint point,
&pour qui tous fes Sujets craignent ?
Que n'avez vous donc pas
attendre, SIRE , des voftres ,
leur donnant des preuvesfi effecti
ves de vostre bonté pour eux ?
Que ne devons-nous pas faire en
noftre particulier , pour vous en
à
GALANT 3'5
1
marquer noftre reconnoiffance ;
nous qui fommes les Pafteurs &
les peres fpirituels de vos peuples ,
plus intereffez & plus fenfibles
que d'autres à leurs miferes ; nous
quipar noftre caractere fommes
des Miniftres depaix obligez àla
defirer , à la demander , & à la
procurer par tous les moyens qui
peuvent dépendre de nous ?
Heureux fi nous pouvons y
1 contribuerparquelqu'endroit, nonfeulement par nos vœux & nos
prieres , mais auffi par nos biens.
Nous les tiendrons bien employez
à payer un don fi pretieux, &
nous ne craindrons point d'en chanう
Dd ij
316 MERCURE
ger la deftination, ce que nouspourrions fairefans crime , en les faifantfervirà foulager vos peuples,
à les faire jouir de la paix , ou à
les deffendre par une bonne guerre
de la fureur de vos Ennemis , &
en deffendre mefme l'Eglife , qui
n'eftpas moins attaquée que vostre
Royaume, dont les interefts ne
peuvent estre feparez de ceux de
Voſtre Majefté , parce qu'elle en
eft le plus ferme & le plus folide
appuy.
Faffe le Ciel que lesgrands
importans fervices que V. M. a
rendus , & rend encore tous les
jours à la Religion , foient prom-
GALANT 317
& les
ptement recompenfezpar unepaix
feure durable. Que Dieu de
quifeul elle dépend, & qui l'arefuféejufqu'à prefentdans fa juftice enpunition despechez du monde, appaife par les prieres
gemiffemens de tant de peuples
affligez l'accorde enfin dans fa
mifericorde. Que Voftre Majefté
aprés avoir efté long- temps un
David guerrier & genereux ,
foit le refte de fes jours un pacifique Salomon. Que fes jours fi
pretieux pour nous , &pour tous
fes Sujets , approchent autant qu'il
fera poffible de ceux des Patriarches avantle deluge. Qu'elle voye
Dd iii
318 MERCURE
,
naiſtre encore dans fa Famille
Royale plufieurs Princes , quiperpetuëntfaRace & lafaſſent durer jufqu' à la confommation du
ficcle ; qu'elle ait la joye de les former elle-même, & de leur infpirer
parſesgrands exemples & fesfages maximes des fentimens dignes
de leur augufte naiffance. Mais
qu'elle ait auffi la confolation de
voirfes peuples heureux ; qu'ils
puiffent fe repofer tranquilement,felon l'expreffion d'un Prophete , chacun fous fa vigne &
fous fon figuier , fans craindre
aucun Ennemi ; qu'ils faffent
de leurs épées des focs de char-
GALANT 319
rues , & deleurs lances des inftrumens à remuer la terre.
QueV. M regne deplus en plus
dans leur cœur , & qu'elle yfot
tienne toûjours plus fortement le
Royaume de Dieu par une Relis
gion pure & fans tache e' une
pieté fincere e folide , telle qui
convient à un Roy & à un
Royaume tres-Chreftien.
es
Le Clergé fe rendit enfuite
chez Monfeigneur le Dau
phin , & Monfieur le Cardinal
de Noailles luy parla en ces
termes :
Dd iiij
320 MERCURE
MONSEIGNEUR,
Cleft toûjours avec la même
joyer le même empreffement
que nous venons vous rendre nos ›
tres - profonds refpects. C'est un
devoir où nous ne trouvons pas
moins de plaifir que dejuftice.
Nous reconnoiffons ce qui eft
dú aurangque vous donne vostre
augufte naiffance ; mais nous
ne fentons pas moins ce que
mande de nous voſtre bonté
naturelle , qualitéfi rare , quoyque
neceſſaire , dans une fi grande
élevation , parce que le cœur
s'éleve ordinairement àproportion
de-
GALANT 321
de ce qu'il fe voit au deffus des
autres.
Combien de Princes croyent
n'eftre fur le Trône que pour
eux-mêmes , que pour fatisfaire
leurs defirs ne regardent leurs
Sujets que comme leurs efclaves ,
&font infenfibles à leurs peines.
Voftre religion , MONSEIGNEUR , & voftre
bon cœur vous donnent d'autres
fentimens vous fçavez que
Dieun'a mis les Souverains fur
la tête des autres hommes, quepour
les proteger, les fecourir
foulagerdans leurs maux , qu'ils
doivent comme luy defcendre de
les
A
322 MERCURE
leur élevation pour voir ce que
les peuples fouffrent entrer
dans leurspeines , & travailler
à les en délivrer
&
DNA ?
l'attaEn rempliffant un fojufte devoir , non feulement ils rendent
à Dieu ce qu'ils luy doivent,
mais ils fe foutiennent & fe
fortifient eux - mêmes , parce
qu'ils gagnent le cœur
chement des peuples , qui fait la
plus grande force des Rois. La
mifericorde & la verité gar
dent le Roy , & la clemence
affermit fon Trône , difoit le
plus fage & le plus heureux de
tous les Rois tant qu'il s'eft
GALANT 323
laiffe conduire par lafageffe de
Dieu.
Confervez donc , MONSEIGNEUR , cette bonté
fi agreable à Dieu , fi aimable
• pour tous ceux qui dépendent de
vous fi utile pour vousmême. Augmentez - la pour le
Clergé attaché à vous par tant
de liens , par religion , par reconnoiffance , par zelepour le Roy ,
dont on ne peut vous feparer
puifque le cœur & la tendreffe
vous unit à Sa Majesté encore
plus que la naiffance & le devoir.
Vous fçavez à quel point
nous luyfommes dévoüez , quels
1
324 MERCURE
efforts nous avons fait & voulons faire encore pourfonfervice ,
&que nous ne confultons plus
que nos cœurs &point nosforces
d'abord qu'il a beſoin de nous.
Tout cela vous répond
MONSEIGNEUR , de
noftre attachement pour vous
&nousfait efperer vostre bonté
pour nous , la continuation de
l'honneur de votre protection
pour tout le Clergé , nous vous
la demandons avec inftance ;
nous ofons affeurer que nous la
meritonspar noftreprofond respect,
par une fidelité à toute épreuve ,
& par les vœux finceres &
GALANT 25
• ardens que nous faifons pour
voftre longue confervation , pour
voftre profperité ,
de toute la Maifon Royale."
pour cel
de ces illuftres familles , &
en particulier du merite de
ceux qui les compofent , &
des actions par lesquelles ils
fe font diftinguez que je ne
crois pas vous en devoir dire
d'avantage aujourd'huy.
Je vous ay déja parlé de
tout ce qui fe paffa aux grands
Auguftins les de ce mois
с
300 MERCURE
y
lors queLle Clergé s'y affem .>
bla pour la premiere fois , de
la Meffe du Saint Efprit qui
fut celebrée , & je vous ay
donné un Extrait du Sermon
qui yfut prêché le mêmejour.
al Le 19.cet Auguſte Corps
fe rendit à Verfailles dans un
Appartement du Chateau
qui luy avoit efté preparé. Mr
le Comte de Pontchartrain ,
Secretaire d'Etat l'y vint prendre avec Mr le Marquis de
Dreux Grand Maiftre des
Ceremonies ,& Mr des Granges Maiftre des Ceremonies,
& il fut ainfi conduit à l'Au
GALANT gor ༢or
diance du Roy les Gardes du
Corps eftant en haye dans
leur Salle , & fous les Armes ,
&les deux battans des Portes
ayant cfté ouverts. Monfieur
le Cardinal de Noailles prit
la parole , & fit au Roy le
Difcours fuivant. bl
१
IMSIRE,
-
Nous venons avecjoye & eme
preſſement rendre àVoſtre Majefté
nos tres - humbles hommages , &
ceux de tout le Clergé de France
que cette Affembléereprefente , &
qui eft beaucoup moins le premier
302 MERCURE
Corps de voftre Royaume parfon
rang, que parfon zele pour vostre
fervice,
༢༠༡༥།
Nous venons en renouveller à
V. M.les proteftations lesplusfinceres , nousfouhaiterions qu'il
nous fuft poffible d'en donner des
preuves plus fortes coplus écla osdans le cours de cet Affemblée, que nous n'avons fait encore
dans les autres.ian bus
La mesure de noftre zele nefera
jamais celle de nos forces , telles
qu'elles puiffent eftre, grandes ou
perites , entieres ou épuifées , il ira
toûjours beaucoup au-delà , ilfera
au deffus de tous les évenemens
GALANT 303
rien ne le diminuëtajamais.
** Ce qui pourroit affaiblir celuy des autres , ne fervira , qu'
fortifier le nostre. Les malheurs
de cette vie , les revolutions qui
arrivent dans tous les Etats ,
peuvent ébranler la fidelité des
peuples conduits par des vûës bafJes e intereffées , mais elles ne
font qu'affermircelle des Miniftrès
de Dieu , qui doivent entrer dans
fes deffeins , & avoir des vûës
plus élevées.
1
Que David foit heureux ou
malheureux, le grand Preftre eft
également attaché à luy , ilfe déclare même plus hautement enfa
304 MERCURE
faveur, &faitplus d'effortspour
Le fecourir , quand il le voit dans
unplusgrand befoin.
Illuy donne les pains offerts à
Dieu , qui eftoient dans le Temple ,
dont il n'eftoit permis qu'aux
Preftres de manger. Il luy laiffe
prendre l'épée de Goliath , confacrée à la gloire du Seigneur ,parce
qu'il n'en avoitpoint d'autre à lug
donner, &il s'expofe genereufe
mentpar cet office de religion à la
mort que Sail luy fit fouffrir peu
aprés.
C'est une leçon pour nous , &
un exemple que nos cœurs ne nous
preffent pas moins que noftre de-
GALANT 305
voir de remplirà l'égard de Voftre
Majesté.
Sile cours defes victoires a été interrompu parar les ordres fecrets &
impenetrables de lafageffe deDieu,
qui fait ce qu'il luy plaift desplus
grands hommes , comme des plus petits pendap
pourfaire د que
grandeur & toute puiffance vient
de luy. Si
Vos armed
à qui rien
•
toune refiftoit autresfois n'ont pas
jours eu le mêmefort. Sicette gloire
humaine qu'elles vous ont attirée ,
qui a étonné le monde entier , au
point qu'on enen peut dire ce que
Ecriture dit de celle d'Alexandre
le Grand , que toute la terre en
Mars 1710.
Ca
306 MERCURE
eft tombée dans le filence. Sz
cette gloire , dis je , a reçu quelque
atteinte par les malheurs de la
guerre , noftre attachement pour
V. M. n'en eft que plusferme
plus ardent.
Nous adorons la main qui vous
frape , nous vous refpectonsda
vantage , s'il eftpoffible ,fous cette
main divine , dont les coupsfalu
taires vous rendent plus reſpectable auxyeux de la Foy.
Elle nous apprend qu'une trop
longue e trop grande profperité
annonce un malheurplus grand
plus long, puifqu'il fera éternel ,
&que le bonheur continuel de
GALANT: 307
cette vie eft le Paradis des repron
me ?• +
· L'experience ne l'enſeigne pas
moins que la Foy ; car ne voit on
pas dans toutes les biftoires , que
Les Princes qui n'ont jamais fenti
la main de Dieu , qu'il a laiſſe
joüirpaiſiblement des plaiſirs , des
grandeurs &'rde toute la gloire de
ce monde,fans y répandre aucunè
amertume, ont eſté enyvrez de leur
bonheur , ont vecu dans l'aveuglement , font morts dans l'impenitence nu
2.Se font done ,felon l'esprit de
la Religion, des graces & desfam
yeurs que ce que le monde appelle
Ccij
308 MERCURE
malheur & difgrace ; cefont des
moyens de meriter unbonheurplus
pur & plus folide que celuy de
cette vie , Dieu compte pour rien
ce qui n'eft pas éternel , & netrou
ve dans aucun bien periſſable une
digne récompenfe pour fes: Elús
ainfi il ne leur ofte lafauffegloire
de ce monde , que les hommes onta
beau appeller immortelle , &qui
paffe toujours , que pour les pre
parer à la gloire de l'éternitéfeule
folide & veritable immortelle.
C'eftce quenous envifageons ,
SIRE , dans vos peines nous
yvozons avecconfolation la bonté
de Dieu pour vous , & nous
GALANT 309
admirons avec veneration lecou
rage & la foy que vous yfaites
paroître sap sailo Tag
Ellemeritefans doute beaucoup
mieux , que les exploits militaires
d'Alexandre , ce filence d'admira."
tion où toute la terre tomba devant luy , & elle est encore plus
digne du refpect , de l'amour
du zele de vos Evêques , &de
tout le Clergé attaché à V. M.
par des liens plus purs & plus
facrez que vos autres Sujets.
Mais ce qui doit les remplir
tous , de quelque profeffion qu'ils
foient , de reconnoiffance , auffi
bienque d'admirationpourV. M.
30 MERCURE
eft le grand defir qu'elle a de
leur donner lapaix. I's fçavent
tous ce qu'elle veut bien facrifier
pour leur procurer un bien
precieux & fi neceffaire , es
qu'elle ne l'a retarde quepour le
rendre plus feur & plus folide
& ne pas prendre l'ombre
l'apparence d'une paix ; pour une
paix réelle veritable.
Perfonne n'ignore que V. M.
s'oublie elle même , pour ne fe
fouvenir que de l'extrême befoin
defespeuples qu'elle abandonne
genereufement fespropres interefts
pour leur repos ; que même la
tendreffe paternelle Jemimentfo
GALANT 311
t
jufte , fi vif, & fi puiffant
fur tout pour les bons cœurs , ne
peut l'emporter fur le defir que
vous avezdefoulagervospeuples.
Quelfacrifice & quel effort
de vostre bonté pour eux ; mais
il est vrai qu'ils l'ont bien
merité par tout ce qu'ils ont fait
&fouffert pour voftre fervice
dans des guerres fi frequentes
fi longues & fi dures :
jufte qu'eftant les meilleurs detous
les peuples , ils trouvent en "yous
le meilleur de tous les Rois.
Mais ce n'eft pas feulement
l'intereft de vos Sujets , c'est la
caufe de sans les peuples que vous
il eft
310 MERCURE
ils
foûtenez, en travaillant fifortement à la paix de l'Europe's car
ne fçait- on pas que par tout
fouffrent, & que vos Ennemis
avec toute la joye de leursfuccés,
n'en ont pas moins la douleur de
voir leur pays ruiné , leurs peuples gémir comme les autres ,
qu'ils n'ontque les évenemenspour
eux. Fantil eft vray que la guerre eft un mal univerfel que Dieu
fait fentir aux heureux ,
heureux , comme
aux malheureux , pour les punir
tous.
S'il vous en coûte donc, SIRE,
pourfaire lapaix , fi vous l'achetez cherement, que vous enferez
avanta-
GALANT 313
avantageufement & glorieufement dédommagé par la grandeur
d'ame que vousyferez paroiftre ,
par le bien infini que vous procurerez à tant de peuples accablez ,
&fur toutpar le trefor pretieux
que vous acquererez de nouveau ,
en vous attachantplus fortement
que jamais les cœurs de vos Sujets.
Quelle richeffe & quelle force
pour un Roy, que la tendreffe &
la confiance de fes Sujets ; que ne
trouve- t-il pas dans leurs cœurs
quand ils font veritablement à
luy?
Quel Empire , écrivoit ungrand
Mars 1710.
Dd .
314 MERCURE
Evefque aun Empereur , y a-t-il
mieux établi , & dont les fondemens foient plus folides &
plus feurs , que celuy qui eft
muni par l'affection & lattachement des peuples ? Qui eftce qui eft plus en affurance &
a moins à craindre , qu'un
Prince qu'on ne craint point,
&pour qui tous fes Sujets craignent ?
Que n'avez vous donc pas
attendre, SIRE , des voftres ,
leur donnant des preuvesfi effecti
ves de vostre bonté pour eux ?
Que ne devons-nous pas faire en
noftre particulier , pour vous en
à
GALANT 3'5
1
marquer noftre reconnoiffance ;
nous qui fommes les Pafteurs &
les peres fpirituels de vos peuples ,
plus intereffez & plus fenfibles
que d'autres à leurs miferes ; nous
quipar noftre caractere fommes
des Miniftres depaix obligez àla
defirer , à la demander , & à la
procurer par tous les moyens qui
peuvent dépendre de nous ?
Heureux fi nous pouvons y
1 contribuerparquelqu'endroit, nonfeulement par nos vœux & nos
prieres , mais auffi par nos biens.
Nous les tiendrons bien employez
à payer un don fi pretieux, &
nous ne craindrons point d'en chanう
Dd ij
316 MERCURE
ger la deftination, ce que nouspourrions fairefans crime , en les faifantfervirà foulager vos peuples,
à les faire jouir de la paix , ou à
les deffendre par une bonne guerre
de la fureur de vos Ennemis , &
en deffendre mefme l'Eglife , qui
n'eftpas moins attaquée que vostre
Royaume, dont les interefts ne
peuvent estre feparez de ceux de
Voſtre Majefté , parce qu'elle en
eft le plus ferme & le plus folide
appuy.
Faffe le Ciel que lesgrands
importans fervices que V. M. a
rendus , & rend encore tous les
jours à la Religion , foient prom-
GALANT 317
& les
ptement recompenfezpar unepaix
feure durable. Que Dieu de
quifeul elle dépend, & qui l'arefuféejufqu'à prefentdans fa juftice enpunition despechez du monde, appaife par les prieres
gemiffemens de tant de peuples
affligez l'accorde enfin dans fa
mifericorde. Que Voftre Majefté
aprés avoir efté long- temps un
David guerrier & genereux ,
foit le refte de fes jours un pacifique Salomon. Que fes jours fi
pretieux pour nous , &pour tous
fes Sujets , approchent autant qu'il
fera poffible de ceux des Patriarches avantle deluge. Qu'elle voye
Dd iii
318 MERCURE
,
naiſtre encore dans fa Famille
Royale plufieurs Princes , quiperpetuëntfaRace & lafaſſent durer jufqu' à la confommation du
ficcle ; qu'elle ait la joye de les former elle-même, & de leur infpirer
parſesgrands exemples & fesfages maximes des fentimens dignes
de leur augufte naiffance. Mais
qu'elle ait auffi la confolation de
voirfes peuples heureux ; qu'ils
puiffent fe repofer tranquilement,felon l'expreffion d'un Prophete , chacun fous fa vigne &
fous fon figuier , fans craindre
aucun Ennemi ; qu'ils faffent
de leurs épées des focs de char-
GALANT 319
rues , & deleurs lances des inftrumens à remuer la terre.
QueV. M regne deplus en plus
dans leur cœur , & qu'elle yfot
tienne toûjours plus fortement le
Royaume de Dieu par une Relis
gion pure & fans tache e' une
pieté fincere e folide , telle qui
convient à un Roy & à un
Royaume tres-Chreftien.
es
Le Clergé fe rendit enfuite
chez Monfeigneur le Dau
phin , & Monfieur le Cardinal
de Noailles luy parla en ces
termes :
Dd iiij
320 MERCURE
MONSEIGNEUR,
Cleft toûjours avec la même
joyer le même empreffement
que nous venons vous rendre nos ›
tres - profonds refpects. C'est un
devoir où nous ne trouvons pas
moins de plaifir que dejuftice.
Nous reconnoiffons ce qui eft
dú aurangque vous donne vostre
augufte naiffance ; mais nous
ne fentons pas moins ce que
mande de nous voſtre bonté
naturelle , qualitéfi rare , quoyque
neceſſaire , dans une fi grande
élevation , parce que le cœur
s'éleve ordinairement àproportion
de-
GALANT 321
de ce qu'il fe voit au deffus des
autres.
Combien de Princes croyent
n'eftre fur le Trône que pour
eux-mêmes , que pour fatisfaire
leurs defirs ne regardent leurs
Sujets que comme leurs efclaves ,
&font infenfibles à leurs peines.
Voftre religion , MONSEIGNEUR , & voftre
bon cœur vous donnent d'autres
fentimens vous fçavez que
Dieun'a mis les Souverains fur
la tête des autres hommes, quepour
les proteger, les fecourir
foulagerdans leurs maux , qu'ils
doivent comme luy defcendre de
les
A
322 MERCURE
leur élevation pour voir ce que
les peuples fouffrent entrer
dans leurspeines , & travailler
à les en délivrer
&
DNA ?
l'attaEn rempliffant un fojufte devoir , non feulement ils rendent
à Dieu ce qu'ils luy doivent,
mais ils fe foutiennent & fe
fortifient eux - mêmes , parce
qu'ils gagnent le cœur
chement des peuples , qui fait la
plus grande force des Rois. La
mifericorde & la verité gar
dent le Roy , & la clemence
affermit fon Trône , difoit le
plus fage & le plus heureux de
tous les Rois tant qu'il s'eft
GALANT 323
laiffe conduire par lafageffe de
Dieu.
Confervez donc , MONSEIGNEUR , cette bonté
fi agreable à Dieu , fi aimable
• pour tous ceux qui dépendent de
vous fi utile pour vousmême. Augmentez - la pour le
Clergé attaché à vous par tant
de liens , par religion , par reconnoiffance , par zelepour le Roy ,
dont on ne peut vous feparer
puifque le cœur & la tendreffe
vous unit à Sa Majesté encore
plus que la naiffance & le devoir.
Vous fçavez à quel point
nous luyfommes dévoüez , quels
1
324 MERCURE
efforts nous avons fait & voulons faire encore pourfonfervice ,
&que nous ne confultons plus
que nos cœurs &point nosforces
d'abord qu'il a beſoin de nous.
Tout cela vous répond
MONSEIGNEUR , de
noftre attachement pour vous
&nousfait efperer vostre bonté
pour nous , la continuation de
l'honneur de votre protection
pour tout le Clergé , nous vous
la demandons avec inftance ;
nous ofons affeurer que nous la
meritonspar noftreprofond respect,
par une fidelité à toute épreuve ,
& par les vœux finceres &
GALANT 25
• ardens que nous faifons pour
voftre longue confervation , pour
voftre profperité ,
de toute la Maifon Royale."
pour cel
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Résumé : Ce qui se passa à Versailles le 19 de ce mois lorsque Monsieur le Cardinal de Noailles s'y rendit à la teste du Clergé, & les Harangues que son Eminence fit au Roy & à Monseigneur le Dauphin, [titre d'après la table]
En août 1710, le clergé français a organisé une assemblée marquée par plusieurs événements notables. Le clergé a célébré pour la première fois la Messe du Saint-Esprit. Le 19 août, les membres du clergé se sont rendus à Versailles, où ils ont été accueillis par le comte de Pontchartrain, le marquis de Dreux et le maître des cérémonies des Granges. Le cardinal de Noailles a prononcé un discours au roi, exprimant la loyauté et le zèle du clergé envers la monarchie. Il a souligné que les malheurs et les révolutions n'affaiblissent pas leur fidélité, citant l'exemple du grand prêtre de David. Le cardinal a également évoqué les victoires du roi et les épreuves actuelles, exhortant à voir dans les peines une occasion de mériter un bonheur éternel. Il a loué le désir du roi de procurer la paix à ses sujets et à l'Europe, soulignant que la tendresse et la confiance des sujets sont les plus grandes richesses d'un roi. Par la suite, le clergé a rendu visite au Dauphin, où le cardinal de Noailles a réitéré les mêmes sentiments de respect et de dévouement, insistant sur la nécessité pour les souverains de protéger et de soulager leurs sujets. Le texte est également une lettre adressée à un haut dignitaire, probablement un membre de la famille royale ou un représentant du roi. Les auteurs expriment leur loyauté et leur dévouement envers le roi, affirmant que leur attachement est plus profond que les simples obligations de naissance et de devoir. Ils déclarent leur volonté de servir le roi avec dévotion et de mettre toutes leurs forces à sa disposition lorsqu'il en a besoin. La lettre demande la continuité de la protection et de l'honneur du dignitaire envers le clergé, assurant que cette protection est méritée par leur respect profond, leur fidélité inébranlable et leurs vœux sincères et ardents pour la longue conservation et la prospérité de la maison royale.
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55
p. 19-28
PROLOGUE, Qui fut chanté chez Mad. d'*** avant la representation de l'Ecole des Maris.
Début :
MELPOMÉNE, Muse de la Tragedie. Quittez, quittez ma soeur une [...]
Mots clefs :
Gloire, Muse, Héros
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PROLOGUE, Qui fut chanté chez Mad. d'*** avant la representation de l'Ecole des Maris.
PROLOGUE,
Quifutchantéche%Mad.
avant la representation
de l'Ecole des
Maris.
MELPO ME'NE,
Muse de la Tragedie. QUittez
,
quittez
ma soeurune
arrogance vaine,
Osez -vous comparer
vos frivoles chansons
Aux nobles, aux sublimes
sons
De l'Heroïque Melpo-
1
méne? -
1 'q.
THALIE,
Muse de la Comedie.
Hé de grâce, ma soeur
tréve de vanité,
Vivez en paix avec Thalie,
Vous [avez que vingt
fois elle a déconcerté
Par une agrcable folie,
Uneennuyeuse gravité-
:
MELPOME'NE.
Ma voix resuscite la
gloire
De mes antiques demi
Dieux,
Et je consacre la mémoire
De ceux qui brillent à
vos yeux.
THALIE.
Voschants par leur lu-
,. gubre accord,
Fatiguent souvent leur
oreille,
Ma flute souvent les
réveille,
Et vôtreLyre les endort.
MELPOME'NE.
Croyez-vous que ce
foit un talent fort
utile
De badiner à tous propos?
THALIE.
Vous imaginez-vous
qu'il soir si difficile
De faire bailler les
Heros ?
ME.LPQ,ME"ÍNE.
De Lauriers immortels
je couronne leurs
têtes.
THALIE.
Je sçailes délasser par
dagreables fêtes.
MELPOME'NE.
Je vante leurs exploits.
THALIE,
J'amuse leurs desirs.
MELPOME'NE.
Jeprends foin de leur
gloire.
THALIE.
Et moy de leurs plaisirs.
MELPOME'NE.
Je m'étonne qu'une
Deesse
Qu'une Muse se laisse
à l'orgueil entraîner.
L'amour propre est une
foiblesse
Qu'aux mal-heureux
morte ls il faut abandonner.
THALIE.
Nevousytrompez pas,
le seul
le seul orgueil vous touche, J'ai reçû '},. comme vous
ce dangereux present,
Mais le mien est vif&
plaisant,
Et le vôtre est sombre
& farouche.
MELPOME'NE.
Vous estes ma cadette
au jugement derous,
Et l'on est modeste à
vôtreâge.
THALIE.
Si je fuis plus jeune
que vous,
Ne vous étonnez pas si
je plais davantage.
MELPOME'NE.
Ne profanons plus nôtre
voix
Par une odieuse querelle,
Un Prince des Heros
le plusnoble modele,
Nous fournit de plus
doux emplois,
Il a mille vertus dignes
desanaissance,
Les-Muses dont il est
l'appuy
Doivent se corlfacrcr
à luy
Par zele & par recon- noissance.
THALIE.
A servir ce Heros bornons
nôtre desir.
MELPOMENE,
C'est le plus digne cmploy
des filles de memoire.
THALIE.
Que Melpoméne veille
à celebrer sa gloire.
MELPOME)NE.
QueThalie ait le foin
d'occuper son loisir.
TOUTES DEUX.
Que Melpoméneveille1
à celebrer sa gloire.
Que Thalie ait le foin
d'occuper son loisir.
Quifutchantéche%Mad.
avant la representation
de l'Ecole des
Maris.
MELPO ME'NE,
Muse de la Tragedie. QUittez
,
quittez
ma soeurune
arrogance vaine,
Osez -vous comparer
vos frivoles chansons
Aux nobles, aux sublimes
sons
De l'Heroïque Melpo-
1
méne? -
1 'q.
THALIE,
Muse de la Comedie.
Hé de grâce, ma soeur
tréve de vanité,
Vivez en paix avec Thalie,
Vous [avez que vingt
fois elle a déconcerté
Par une agrcable folie,
Uneennuyeuse gravité-
:
MELPOME'NE.
Ma voix resuscite la
gloire
De mes antiques demi
Dieux,
Et je consacre la mémoire
De ceux qui brillent à
vos yeux.
THALIE.
Voschants par leur lu-
,. gubre accord,
Fatiguent souvent leur
oreille,
Ma flute souvent les
réveille,
Et vôtreLyre les endort.
MELPOME'NE.
Croyez-vous que ce
foit un talent fort
utile
De badiner à tous propos?
THALIE.
Vous imaginez-vous
qu'il soir si difficile
De faire bailler les
Heros ?
ME.LPQ,ME"ÍNE.
De Lauriers immortels
je couronne leurs
têtes.
THALIE.
Je sçailes délasser par
dagreables fêtes.
MELPOME'NE.
Je vante leurs exploits.
THALIE,
J'amuse leurs desirs.
MELPOME'NE.
Jeprends foin de leur
gloire.
THALIE.
Et moy de leurs plaisirs.
MELPOME'NE.
Je m'étonne qu'une
Deesse
Qu'une Muse se laisse
à l'orgueil entraîner.
L'amour propre est une
foiblesse
Qu'aux mal-heureux
morte ls il faut abandonner.
THALIE.
Nevousytrompez pas,
le seul
le seul orgueil vous touche, J'ai reçû '},. comme vous
ce dangereux present,
Mais le mien est vif&
plaisant,
Et le vôtre est sombre
& farouche.
MELPOME'NE.
Vous estes ma cadette
au jugement derous,
Et l'on est modeste à
vôtreâge.
THALIE.
Si je fuis plus jeune
que vous,
Ne vous étonnez pas si
je plais davantage.
MELPOME'NE.
Ne profanons plus nôtre
voix
Par une odieuse querelle,
Un Prince des Heros
le plusnoble modele,
Nous fournit de plus
doux emplois,
Il a mille vertus dignes
desanaissance,
Les-Muses dont il est
l'appuy
Doivent se corlfacrcr
à luy
Par zele & par recon- noissance.
THALIE.
A servir ce Heros bornons
nôtre desir.
MELPOMENE,
C'est le plus digne cmploy
des filles de memoire.
THALIE.
Que Melpoméne veille
à celebrer sa gloire.
MELPOME)NE.
QueThalie ait le foin
d'occuper son loisir.
TOUTES DEUX.
Que Melpoméneveille1
à celebrer sa gloire.
Que Thalie ait le foin
d'occuper son loisir.
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Résumé : PROLOGUE, Qui fut chanté chez Mad. d'*** avant la representation de l'Ecole des Maris.
Le prologue de 'L'École des Maris' met en scène Melpomène, Muse de la Tragédie, et Thalie, Muse de la Comédie. Melpomène exalte la noblesse et la sublimité de ses chants héroïques, célébrant la gloire des demi-dieux et des héros. Thalie, en revanche, met en avant l'utilité de la comédie pour distraire et amuser, contrastant avec la gravité de la tragédie. Melpomène critique l'orgueil de Thalie, tandis que Thalie accuse Melpomène de sombre farouche. Leur dispute s'apaise lorsqu'elles reconnaissent la nécessité de célébrer ensemble un héros noble. Elles conviennent que Melpomène veillera à célébrer sa gloire, tandis que Thalie s'occupera de distraire ses loisirs.
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56
p. 60-71
LA FAUSSE VALEUR. Par M. l'Abbé Mommenet. Ode qui vient de remporter le prix de Poësie des Jeux Floraux. Quis pacis inennt consilia, cos sequitur gaudium. Prov. 12.
Début :
Princes, qu'une gloire frivole [...]
Mots clefs :
Gloire, Combat, Vertus, Héros, Passions, Désir, Valeurs, Tyran, Honneur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA FAUSSE VALEUR. Par M. l'Abbé Mommenet. Ode qui vient de remporter le prix de Poësie des Jeux Floraux. Quis pacis inennt consilia, cos sequitur gaudium. Prov. 12.
LA FAUSSE VALEUR
Par M. l'Abbé Mommenet.
Ole qui vient de remporter le prix .
de Poelie des Jeux Floraux.
Quipacis ineunt confilia , eos fequi--
tar gaudium: Prov. 12.
PRinces , qu'une gloire
frivole
Anime à chercher les combats ,
Qu'attendez-vous de cette:
Idole ,
Qu'un vain nom aprés le
trépas ?
GALANT.
Ignorez - vous quelles mi
feres
Mars &Bellone fanguinaires
Traînent aprés leurs chars
poudreux ?
Queje vous plains , fi la na
{ sture: V
N'excite en vous aucun
murmure ,
Quand vousfaites des mal
heureux !
#?
Loin du bruit des combats
terribles
Vigilans , au fein du repos ,
Cultivez les vertus paifibles,
62 MERCURE
Elles forment les vraisHe
ros.
Pourquoy faut-il que vôtré
épée
Dans le fang humain ſoit
trempée ,
.
Pour porter le nom de
vainqueur ?
Serez-vous moins couverts
de gloire ,
Si vous remportez la vićtoire
Sur les defirs de vôtre cœur?
Dequel droit ce Grec qu'on
admire.
Enyvré de fes paffions ,
GALANT.
Alla til defoler l'Empire
Des plus tranquilles nations?
Aprés cent combats homil
cides ,
Au gré de ſes defirs avides
C'étoit peu qu'un monde
foûmisdo
Auroit - il manqué d'exercice ,
S'il avoit fçû compter le
vice e
Au nombre de fes ennemis?
Malgré les trompeuſes ma-
.ximes
64 MERCURE
De cent lâches adulateurs ,
Sous de beaux noms les plus
grands crimes
Nous cachent des ufurpa
teurs.
Pleins de l'orgueil qui les
dévore ,
Du couchantjufques à l'aucomb orprore HeronA
On craint ces Rois ambiSortieux
-tieux.
Dans leurs mains gronde le
antonnerre ,
Ce n'eft qu'en ravageant la
terre
Qu'ils ofent s'en croire les
Dieux.
À
GALANT. 65
Adeux Tyrans de leur patrie ,
Soulez du plus beau fang
Romain,
Qui ne fçait que la flaterie
A prodigué le nom d'hu
main ?
Infenfez nous jugeons encore
De ces fantômes qu'elle a
doré
Par un faux éclat qui forz
prend.
Nous admirons fans retenue ,
LeTyran échape à la vûë¸,
May1712.
F.
66 MERCURE
On ne voit que le Conque
ranta
Ainfi de cette ardeur bru
tale
Que n'infpire point le devoir
Nôtreeftime aveugle &fatale
Accredite encor le pouvoir.
Al'afpect des villes enpou
dre ,
Des murs écrafez par la
foudre,
En vain nos yeux font of
frayez.
Victimes d'un honneur bis
zarre
GALANT 67
Nous encenfons la main
barbare
Par qui ces murs font fou
droyez.
Il en eft peu dont la pru
dence
De concertavec labonté
Renferme l'aveugle puif
fance
Dans les bornes de l'équi
τέ;
Qui forcez de prendre les
armes
Pefent & le sag &les larmes
Qu'un triomphe leur va
coûter,
Fij
68 MERCURE.
Et qui retenant leur cou-,
rage ;
Songent à diffiper Forage
Avant qu'onl'entende écla
ter.
Jadis guidé par la fageffe
Salomon, l'amour des mortels , rela
Condamna Forgüeilleufe
yvreffe el ens
A qui nous dreffons dés autels.
Sans s'armer d'un fer redoutable , T
Content de fon cœuréqui
cable,
GALANT. F69
Ses bienfaits étoient fes ex
ploits.
Il fut grand fans être terri↓
ble ,
Et ne ceffa d'être invincible.
Qu'en ceffant d'obferver less
loix.
N'eſt-il plus de ces regnes
calmes
Où les loix fervent de rem
parts?
Oùl'on n'aime à cueillir desi
palmes
Que dans la lice des beaux)
ihearts ; mid s
Qu le commerce & l'abon
dance ,
79 MERCURE
Sources de la magnificen
ce ,
Du citoyen comblent les
vœux ;..
Où la justice revérée
Semble encor du regne:
d'Aftréé
Renouveller le temps heu
reux.
Rends nous cette vie innocente ,
Douce paix , montre à ces
guerriers
Que ton olive bienfaifante
Vaut bien leurs funeftes
lauriers.
GALANT 70:
Fais de la main de ta rivale,
Tomber cette torche fa
tale "
Dont tant de cœurs font
embrafez.
Toy feule en defarmant fa
rage
Effaceras la trifte image f
De tous les maux qu'elle a
caufez....
Par M. l'Abbé Mommenet.
Ole qui vient de remporter le prix .
de Poelie des Jeux Floraux.
Quipacis ineunt confilia , eos fequi--
tar gaudium: Prov. 12.
PRinces , qu'une gloire
frivole
Anime à chercher les combats ,
Qu'attendez-vous de cette:
Idole ,
Qu'un vain nom aprés le
trépas ?
GALANT.
Ignorez - vous quelles mi
feres
Mars &Bellone fanguinaires
Traînent aprés leurs chars
poudreux ?
Queje vous plains , fi la na
{ sture: V
N'excite en vous aucun
murmure ,
Quand vousfaites des mal
heureux !
#?
Loin du bruit des combats
terribles
Vigilans , au fein du repos ,
Cultivez les vertus paifibles,
62 MERCURE
Elles forment les vraisHe
ros.
Pourquoy faut-il que vôtré
épée
Dans le fang humain ſoit
trempée ,
.
Pour porter le nom de
vainqueur ?
Serez-vous moins couverts
de gloire ,
Si vous remportez la vićtoire
Sur les defirs de vôtre cœur?
Dequel droit ce Grec qu'on
admire.
Enyvré de fes paffions ,
GALANT.
Alla til defoler l'Empire
Des plus tranquilles nations?
Aprés cent combats homil
cides ,
Au gré de ſes defirs avides
C'étoit peu qu'un monde
foûmisdo
Auroit - il manqué d'exercice ,
S'il avoit fçû compter le
vice e
Au nombre de fes ennemis?
Malgré les trompeuſes ma-
.ximes
64 MERCURE
De cent lâches adulateurs ,
Sous de beaux noms les plus
grands crimes
Nous cachent des ufurpa
teurs.
Pleins de l'orgueil qui les
dévore ,
Du couchantjufques à l'aucomb orprore HeronA
On craint ces Rois ambiSortieux
-tieux.
Dans leurs mains gronde le
antonnerre ,
Ce n'eft qu'en ravageant la
terre
Qu'ils ofent s'en croire les
Dieux.
À
GALANT. 65
Adeux Tyrans de leur patrie ,
Soulez du plus beau fang
Romain,
Qui ne fçait que la flaterie
A prodigué le nom d'hu
main ?
Infenfez nous jugeons encore
De ces fantômes qu'elle a
doré
Par un faux éclat qui forz
prend.
Nous admirons fans retenue ,
LeTyran échape à la vûë¸,
May1712.
F.
66 MERCURE
On ne voit que le Conque
ranta
Ainfi de cette ardeur bru
tale
Que n'infpire point le devoir
Nôtreeftime aveugle &fatale
Accredite encor le pouvoir.
Al'afpect des villes enpou
dre ,
Des murs écrafez par la
foudre,
En vain nos yeux font of
frayez.
Victimes d'un honneur bis
zarre
GALANT 67
Nous encenfons la main
barbare
Par qui ces murs font fou
droyez.
Il en eft peu dont la pru
dence
De concertavec labonté
Renferme l'aveugle puif
fance
Dans les bornes de l'équi
τέ;
Qui forcez de prendre les
armes
Pefent & le sag &les larmes
Qu'un triomphe leur va
coûter,
Fij
68 MERCURE.
Et qui retenant leur cou-,
rage ;
Songent à diffiper Forage
Avant qu'onl'entende écla
ter.
Jadis guidé par la fageffe
Salomon, l'amour des mortels , rela
Condamna Forgüeilleufe
yvreffe el ens
A qui nous dreffons dés autels.
Sans s'armer d'un fer redoutable , T
Content de fon cœuréqui
cable,
GALANT. F69
Ses bienfaits étoient fes ex
ploits.
Il fut grand fans être terri↓
ble ,
Et ne ceffa d'être invincible.
Qu'en ceffant d'obferver less
loix.
N'eſt-il plus de ces regnes
calmes
Où les loix fervent de rem
parts?
Oùl'on n'aime à cueillir desi
palmes
Que dans la lice des beaux)
ihearts ; mid s
Qu le commerce & l'abon
dance ,
79 MERCURE
Sources de la magnificen
ce ,
Du citoyen comblent les
vœux ;..
Où la justice revérée
Semble encor du regne:
d'Aftréé
Renouveller le temps heu
reux.
Rends nous cette vie innocente ,
Douce paix , montre à ces
guerriers
Que ton olive bienfaifante
Vaut bien leurs funeftes
lauriers.
GALANT 70:
Fais de la main de ta rivale,
Tomber cette torche fa
tale "
Dont tant de cœurs font
embrafez.
Toy feule en defarmant fa
rage
Effaceras la trifte image f
De tous les maux qu'elle a
caufez....
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Résumé : LA FAUSSE VALEUR. Par M. l'Abbé Mommenet. Ode qui vient de remporter le prix de Poësie des Jeux Floraux. Quis pacis inennt consilia, cos sequitur gaudium. Prov. 12.
Le poème 'La fausse valeur' de l'Abbé Mommenet, lauréat du prix de Poésie des Jeux Floraux, critique la quête de gloire frivole à travers les combats et les guerres. Il met en garde contre les conséquences destructrices de ces conflits et souligne que les véritables héros cultivent des vertus pacifiques. Le texte dénonce les tyrans ambitieux qui cherchent à dominer par la force, cachant leurs crimes sous des apparences trompeuses. Il exalte la sagesse et la justice, illustrées par des figures historiques comme Salomon. Le poème appelle à une vie paisible et juste, où la paix et l'abondance prévalent sur les lauriers de la guerre. Il se termine par un appel à la paix, présentée comme supérieure aux triomphes militaires.
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57
p. 73-86
LE SOUVERAIN, ODE.
Début :
Heros, qui vous vantez de l'estre, [...]
Mots clefs :
Héros, Gloire, Vertu, Autels, Histoire, Valeur, Vainqueur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE SOUVERAIN, ODE.
LE SOUVERAIN,
0 DE.
HEros,qui
vous vantez de l'estre,
Pour donner des Loix
aux Mortels,
Par vos vertus faites connoistre
Que nous vous devons
des Autels.
OUi, nous l'avoüons
,
nous ne sommes
Devant vous que de lim..
ples hommes
:
Mais estes-vous des Demidieux ?
Apprenez que la seule
Gloire,
Qui peut vous placer
dans l'Histoire,
N'éleve pas jusques aux
Cieux.
Voussçavez lancer le
Tonnerre,
Et vous brillez dans les
assauts
:
Mais cette valeur dans la
Guerre
Nous cache-telle vos
défauts?
Au retour des champs
de Bellone,
Cet éclat qui vous environne
S'évanoüit dans le repos.
Prompts à vous rendre à
la molefle,
Nous voyons que vostre
foiblesse
Efface à l'instant le Heros.
Loin d'icy ce meslange énorme
De superbe & de volupté
:
C'est la pure vertu qui
forme
Le grand Homme tant
respecté.
Sans elle
,
avec tout ce
,
faux lustre
A nos yeux ce phantosme illustre.,
Ce prétendu Heros n'est
rien.
Celuy. la ternit sa me-
moire
Qui pour aimer trop la
victoire
,
Neglige d'estre homme
de bien.
L'Héroïsmeseroitfacile
Si par de belliqueux ex-
, ploits,
Ou par quelque vertu
sterile
Vousmeritiez d'estre nos
Rois.
Ce César & cet Ale- -
xandre
N'eurent le droit de nous
surprendre
Que par des triomphes
nombreux
:
Je doute que dans la disgrace
, Ainsique CHARLE, avec
audace
Ils sceuffent estre malheureux.
En vain cette valeur
brillante
Fait valoir un heureux
Vainqueur;
Son mérite nous épouvante,
S'il n'est scellé par nostre cœur.
Loince Héros qui par
vengeance
Ofefaire une indigne
offense
A la gloire de (on Rival.
Souvent les Dieux dans
leur colere,
Pour nous plonger dans
la misere
, Nous font un present si
fatal.
Le vrai Héros est tousjours fage;
S'il triomphe, c'est pour
la Paix;
Elle estl'objet de son
courage ;
Nous le sommes de les
bienfaits.
Occupé de nostre fortune
,
Jamais Mortel ne l'importune ;
Il nous consacre les projets:
On le revere, on le con-
.,
tcmple>*v
Il sçait faire par son exemple
De vrais Héros de les
sujets.
Tout est sacré pour sa
grande ame,
Ses Loix,ses mœurs &
son honneur;
Et si quelque desir l'enflâme,
C'est de faire nostre bonheur.
Inviolable en sa parole,
Mille fois son grandcœur
s'immole
Au denousla tenir.
Du malheureux il est
l'asyle;
Chacun, en ses foyers
tranquille)
Est seur d'un heureux
avenir.
Son cœur au dessus du
vulgaire
o Rempli d'une noble
fierté)
N'eil: pas si grand quand
il prospere,
Qu'au comble de l'adverfité.
C'est alors que par sa
confiance,
Satisfait de sa conscience,
Il fait trembler ses ennemis
,
Et que par une vertu
ferme
Il reproche au Destin le
terme
Ou son injustice l'a mis.
C'est donc à
ces illuf-
très marques
, Héros qui voulez impofer,
Que je vous reconnois
Monarques;
Non à l'ardeur de tout
oser.
Le triomphe devient car- *•
nage
Lorsque rien ne nous dédommage
D'estrefournis à vostre
fort.
Point de Héros si l'on
ne l'aime,
S'il ne sçait se vaincre
luy
-
mesme,
S'il ne ressemble au Roy
du Nord.
L'exemple que je vous
propose
Est un prodige à runivers:
Jamais ce Prince ne repose
Dans l'éclat, ny dans les
revers.
C'est peu pour ce Héros
terrible
Qu'ilose tenter l'impôt
sible,
Quil ait vaillamment
combattu;
Malgré tous les traits de
l'Envie,
Il sçait pendant sa belle
vie
Joindre la Gloire à la
Vertu
0 DE.
HEros,qui
vous vantez de l'estre,
Pour donner des Loix
aux Mortels,
Par vos vertus faites connoistre
Que nous vous devons
des Autels.
OUi, nous l'avoüons
,
nous ne sommes
Devant vous que de lim..
ples hommes
:
Mais estes-vous des Demidieux ?
Apprenez que la seule
Gloire,
Qui peut vous placer
dans l'Histoire,
N'éleve pas jusques aux
Cieux.
Voussçavez lancer le
Tonnerre,
Et vous brillez dans les
assauts
:
Mais cette valeur dans la
Guerre
Nous cache-telle vos
défauts?
Au retour des champs
de Bellone,
Cet éclat qui vous environne
S'évanoüit dans le repos.
Prompts à vous rendre à
la molefle,
Nous voyons que vostre
foiblesse
Efface à l'instant le Heros.
Loin d'icy ce meslange énorme
De superbe & de volupté
:
C'est la pure vertu qui
forme
Le grand Homme tant
respecté.
Sans elle
,
avec tout ce
,
faux lustre
A nos yeux ce phantosme illustre.,
Ce prétendu Heros n'est
rien.
Celuy. la ternit sa me-
moire
Qui pour aimer trop la
victoire
,
Neglige d'estre homme
de bien.
L'Héroïsmeseroitfacile
Si par de belliqueux ex-
, ploits,
Ou par quelque vertu
sterile
Vousmeritiez d'estre nos
Rois.
Ce César & cet Ale- -
xandre
N'eurent le droit de nous
surprendre
Que par des triomphes
nombreux
:
Je doute que dans la disgrace
, Ainsique CHARLE, avec
audace
Ils sceuffent estre malheureux.
En vain cette valeur
brillante
Fait valoir un heureux
Vainqueur;
Son mérite nous épouvante,
S'il n'est scellé par nostre cœur.
Loince Héros qui par
vengeance
Ofefaire une indigne
offense
A la gloire de (on Rival.
Souvent les Dieux dans
leur colere,
Pour nous plonger dans
la misere
, Nous font un present si
fatal.
Le vrai Héros est tousjours fage;
S'il triomphe, c'est pour
la Paix;
Elle estl'objet de son
courage ;
Nous le sommes de les
bienfaits.
Occupé de nostre fortune
,
Jamais Mortel ne l'importune ;
Il nous consacre les projets:
On le revere, on le con-
.,
tcmple>*v
Il sçait faire par son exemple
De vrais Héros de les
sujets.
Tout est sacré pour sa
grande ame,
Ses Loix,ses mœurs &
son honneur;
Et si quelque desir l'enflâme,
C'est de faire nostre bonheur.
Inviolable en sa parole,
Mille fois son grandcœur
s'immole
Au denousla tenir.
Du malheureux il est
l'asyle;
Chacun, en ses foyers
tranquille)
Est seur d'un heureux
avenir.
Son cœur au dessus du
vulgaire
o Rempli d'une noble
fierté)
N'eil: pas si grand quand
il prospere,
Qu'au comble de l'adverfité.
C'est alors que par sa
confiance,
Satisfait de sa conscience,
Il fait trembler ses ennemis
,
Et que par une vertu
ferme
Il reproche au Destin le
terme
Ou son injustice l'a mis.
C'est donc à
ces illuf-
très marques
, Héros qui voulez impofer,
Que je vous reconnois
Monarques;
Non à l'ardeur de tout
oser.
Le triomphe devient car- *•
nage
Lorsque rien ne nous dédommage
D'estrefournis à vostre
fort.
Point de Héros si l'on
ne l'aime,
S'il ne sçait se vaincre
luy
-
mesme,
S'il ne ressemble au Roy
du Nord.
L'exemple que je vous
propose
Est un prodige à runivers:
Jamais ce Prince ne repose
Dans l'éclat, ny dans les
revers.
C'est peu pour ce Héros
terrible
Qu'ilose tenter l'impôt
sible,
Quil ait vaillamment
combattu;
Malgré tous les traits de
l'Envie,
Il sçait pendant sa belle
vie
Joindre la Gloire à la
Vertu
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Résumé : LE SOUVERAIN, ODE.
Le texte explore la véritable nature de l'héroïsme et de la royauté. Il met en garde contre les souverains qui se vantent de leurs exploits guerriers, soulignant que la valeur et les victoires ne suffisent pas à garantir le respect. La pure vertu est essentielle pour former un grand homme respecté. Le texte critique les héros qui privilégient la victoire à la vertu, citant César et Alexandre comme exemples de triomphes nombreux mais douteux en termes de véritable valeur. Le vrai héros est sage, cherche la paix et consacre ses projets au bien-être de ses sujets. Il est fidèle à sa parole, protecteur des malheureux et montre sa grandeur dans l'adversité. Les monarques doivent être reconnus non par leur audace, mais par leur capacité à se vaincre eux-mêmes et à incarner la vertu et la gloire, à l'image du roi du Nord.
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58
p. 150-162
EPISTRE A M. DE VENDOSME. Sur la bataille de Villaviciosa en 1710.
Début :
Vraiment c'eût été gra[n]d dommag [...]
Mots clefs :
Duc de Vendôme, Bataille de Villaviciosa, Staremberg, Italie, Archiduc, Royaume, Bourbon, Gloire, Allemagne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPISTRE A M. DE VENDOSME. Sur la bataille de Villaviciosa en 1710.
EPISTRE
A M. DE VENDOSME.
Sur la bataille de Villaviciosa
V en 1710.
Raiment c'eût étégrád
dommage
De voir Vendôme en son
village
S'amuser à planter des
choux,
A tirer aux canards, à courre après des loups,
Comme nous l'avons vû la
derniere campagne.
On a
besoin de lui jusqu'audelà des monts,
Pour en chasser les loups &
sauver les moutons:
Bien pires que des loups,
Allemans en Espagne
Par force ont resolu d'enle1 ver laToison;
L'Archiduc cadet de Jason,
Vient de percerle labirinte:
Le vin des Castillans n'est
plus que vin d'absinte
Tout est triste à Valladolid,
Les heretiquessontlesmaîtres dans Madrid,
Ils le sont assi dans Tolede.
Voila le mal si grand
>
qu'il
paroîtsansremede.
Vendôme arrive: mais ne
vient-il point trop tard?
Staremberg est un sin.renard ;
Vendôme *l'apper,çut.: uiv.
jour en Italie,
*sfiïti'fion à la fameusemarche dn•
GeneralStarçmbergw.Italie,
Et je ne crois pasqu'ill'oublie.
Philippe un peu ragaillardi
De revoir un Bourbon iifLi
du grand Henri,
Lui conte sa de'convenuë,
Et comme son armée avoit
été battuë
:
*
Mais battuë à ne sçavoir
pas
Comment former ensemble un corps de six
soldats.
A parler franchement,l'affaire est serieuse,
Et lesplus assurez la trou-
*:¡ La batailleSarragosse.
,
voient dangereuse.
Vendôme,sans être alarme,
Dit au Roy: Vous êtes aime,
Detousvos bons amis reformons une armée
Par vôtre presence animée;
Je gage mon château.d'A-
- net.
Quel'Archiduc parvous fera battutoutnet,
Etrecogné dans Barcelone.
Quand un Roy commande
en personne,
Et qu'il ne voit autour de
lui
Pas un dont il ne soit cheri
,
Il doit être certain du gain
delabacaille;
- Un oeu desens rassis JL1vous
verrez si jeraille. rIl rassemble les Castillans,
,Tous aussi zelez que vaillans,
Castillans si gourmands de
gloire :
Onleur a
parlé de victoire,
ResolusdevaincreoumouIl semble qu'à lanoce on les
voit accourir
, Ilsemble qu'on les voit renaître
>
1
Par troupes on les voie paraître *
r„ Dans les montagnes& vallons; ,
Ils fè marchant surlestalons,
Desireux de voir ce Vendôme
Venu poursauverle Royaume;
.Vendôme Roy; este'coutedu
De disposer de tout il lui
donne l'employ,
Et le fait après lui General
,
Capitaine.
Morblea! que n'ai-je ici.
bonne& guerriere
veine
Pour peindre un jeune Mars
Avec son Lieutenant!
Philippe est tout Bourbon,
il arpente en avant,
Il frape, & marche enmaître du Royaume,
Il va plus vîte que Vendô
-
me.
1 Chacun lui cede le terrain,
Crainte d'avoir l'honneur
de mourir delà maiiii
Car de fraper par-tout sa
mainn'est jamais lasse:
Il faut que jeunesse se passe.
Mais Vendôme dit à partsov
Suivi des Castillans laissons
faire le Roy;
Quechacuncombatteàsa.
-, guise,
J'ai dans la rête une entre- prise.
Staremberg doit passer par
là
S'il veut secourir Brihuega.
Le matois ne sçait pas que
cettevilleestnôtre;
Ilm'estime un trés-bon gar-
-
çon,
Ni malin, ni rusé, simple
comme un Apôtre:
Par nôtre *ordre pourtant
ronfle encore lecanon.
De ce que je lui dois je voudrois être auicce;
-Il faut que je lui rende en
passant la visire
Qu'ilnevoulut pas
* * recevoir
Quand je brûlois jadis du
desir de le voir.
Il n'eut pas achevé, que
'*Aï- de Vtniomc> aprés la prise
de Brl'isîeo^a
,
de Bribuega sa!fit rirtr
>
faifjittoujours tirer
le canon
,
pourfaire croire au General Staremberg que cette zilletenoit
encore, &l'engager à la venir senH ir.
** En Italie
.
voila l'Allemagne
viicnttomber Qsivienttomibersur fà lui dl dei
haut d'unemontagne:
De la maniéréquon le fert
Il voit. bien que c'estStaremberg.
Contraint de reculer quel,
ques pas en arriéré,
Il voit donner aux siensru
-
descoups d'ecriviere:
Il rallie, &se joint aux renommez Vvallons,
De gerbes d'Allemans il
couvre les sillons
;
Les honteux d'avoir fui reviennent à l'ouvrage,
Des voleurs de reliques on
,
fait
fait un saint carnage,
Et l'on met les Saints à
couvert.
Vendôme voudroit bieny
mettreStaremberg
,
Ilmanque y
pour avoir la
victoire parfaite:
Mais. c'est un faiseur de retraite
Que l'on neprend pas comme on veut.
Il: Ce sauve, & sauve qui
peut: -
Voyantson armée en deV
route,
Sans se faire prierilempaume la route
Que l'Archiduc avoit marquée auparavant; Car il avoit pris le devant.
Philippe triomphant rassïsdessusson trône,
Tranquile, attend queBar-
,. celone,
Dont Vendôme autrefois
fit present à Loüis,
Embelisse encor son his-
..,
tOIre,
Et qu'il ait encore la gloire
De la donner au Petit-fïls
A M. DE VENDOSME.
Sur la bataille de Villaviciosa
V en 1710.
Raiment c'eût étégrád
dommage
De voir Vendôme en son
village
S'amuser à planter des
choux,
A tirer aux canards, à courre après des loups,
Comme nous l'avons vû la
derniere campagne.
On a
besoin de lui jusqu'audelà des monts,
Pour en chasser les loups &
sauver les moutons:
Bien pires que des loups,
Allemans en Espagne
Par force ont resolu d'enle1 ver laToison;
L'Archiduc cadet de Jason,
Vient de percerle labirinte:
Le vin des Castillans n'est
plus que vin d'absinte
Tout est triste à Valladolid,
Les heretiquessontlesmaîtres dans Madrid,
Ils le sont assi dans Tolede.
Voila le mal si grand
>
qu'il
paroîtsansremede.
Vendôme arrive: mais ne
vient-il point trop tard?
Staremberg est un sin.renard ;
Vendôme *l'apper,çut.: uiv.
jour en Italie,
*sfiïti'fion à la fameusemarche dn•
GeneralStarçmbergw.Italie,
Et je ne crois pasqu'ill'oublie.
Philippe un peu ragaillardi
De revoir un Bourbon iifLi
du grand Henri,
Lui conte sa de'convenuë,
Et comme son armée avoit
été battuë
:
*
Mais battuë à ne sçavoir
pas
Comment former ensemble un corps de six
soldats.
A parler franchement,l'affaire est serieuse,
Et lesplus assurez la trou-
*:¡ La batailleSarragosse.
,
voient dangereuse.
Vendôme,sans être alarme,
Dit au Roy: Vous êtes aime,
Detousvos bons amis reformons une armée
Par vôtre presence animée;
Je gage mon château.d'A-
- net.
Quel'Archiduc parvous fera battutoutnet,
Etrecogné dans Barcelone.
Quand un Roy commande
en personne,
Et qu'il ne voit autour de
lui
Pas un dont il ne soit cheri
,
Il doit être certain du gain
delabacaille;
- Un oeu desens rassis JL1vous
verrez si jeraille. rIl rassemble les Castillans,
,Tous aussi zelez que vaillans,
Castillans si gourmands de
gloire :
Onleur a
parlé de victoire,
ResolusdevaincreoumouIl semble qu'à lanoce on les
voit accourir
, Ilsemble qu'on les voit renaître
>
1
Par troupes on les voie paraître *
r„ Dans les montagnes& vallons; ,
Ils fè marchant surlestalons,
Desireux de voir ce Vendôme
Venu poursauverle Royaume;
.Vendôme Roy; este'coutedu
De disposer de tout il lui
donne l'employ,
Et le fait après lui General
,
Capitaine.
Morblea! que n'ai-je ici.
bonne& guerriere
veine
Pour peindre un jeune Mars
Avec son Lieutenant!
Philippe est tout Bourbon,
il arpente en avant,
Il frape, & marche enmaître du Royaume,
Il va plus vîte que Vendô
-
me.
1 Chacun lui cede le terrain,
Crainte d'avoir l'honneur
de mourir delà maiiii
Car de fraper par-tout sa
mainn'est jamais lasse:
Il faut que jeunesse se passe.
Mais Vendôme dit à partsov
Suivi des Castillans laissons
faire le Roy;
Quechacuncombatteàsa.
-, guise,
J'ai dans la rête une entre- prise.
Staremberg doit passer par
là
S'il veut secourir Brihuega.
Le matois ne sçait pas que
cettevilleestnôtre;
Ilm'estime un trés-bon gar-
-
çon,
Ni malin, ni rusé, simple
comme un Apôtre:
Par nôtre *ordre pourtant
ronfle encore lecanon.
De ce que je lui dois je voudrois être auicce;
-Il faut que je lui rende en
passant la visire
Qu'ilnevoulut pas
* * recevoir
Quand je brûlois jadis du
desir de le voir.
Il n'eut pas achevé, que
'*Aï- de Vtniomc> aprés la prise
de Brl'isîeo^a
,
de Bribuega sa!fit rirtr
>
faifjittoujours tirer
le canon
,
pourfaire croire au General Staremberg que cette zilletenoit
encore, &l'engager à la venir senH ir.
** En Italie
.
voila l'Allemagne
viicnttomber Qsivienttomibersur fà lui dl dei
haut d'unemontagne:
De la maniéréquon le fert
Il voit. bien que c'estStaremberg.
Contraint de reculer quel,
ques pas en arriéré,
Il voit donner aux siensru
-
descoups d'ecriviere:
Il rallie, &se joint aux renommez Vvallons,
De gerbes d'Allemans il
couvre les sillons
;
Les honteux d'avoir fui reviennent à l'ouvrage,
Des voleurs de reliques on
,
fait
fait un saint carnage,
Et l'on met les Saints à
couvert.
Vendôme voudroit bieny
mettreStaremberg
,
Ilmanque y
pour avoir la
victoire parfaite:
Mais. c'est un faiseur de retraite
Que l'on neprend pas comme on veut.
Il: Ce sauve, & sauve qui
peut: -
Voyantson armée en deV
route,
Sans se faire prierilempaume la route
Que l'Archiduc avoit marquée auparavant; Car il avoit pris le devant.
Philippe triomphant rassïsdessusson trône,
Tranquile, attend queBar-
,. celone,
Dont Vendôme autrefois
fit present à Loüis,
Embelisse encor son his-
..,
tOIre,
Et qu'il ait encore la gloire
De la donner au Petit-fïls
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Résumé : EPISTRE A M. DE VENDOSME. Sur la bataille de Villaviciosa en 1710.
L'épître adressée à M. de Vendôme décrit la bataille de Villaviciosa en 1710. Le texte exprime le regret de voir Vendôme inactif dans son village alors que l'Espagne est menacée par les Allemands, qui cherchent à prendre le contrôle du pays. L'Archiduc, comparé à Jason, a réussi à percer le labyrinthe, laissant l'Espagne dans une situation désespérée. Les hérétiques dominent Madrid et Tolède, et le roi Philippe est découragé après une défaite militaire. Vendôme arrive et rassemble une nouvelle armée, animée par la présence du roi. Les Castillans, motivés par la perspective de la victoire, accourent pour se battre. Philippe, revigoré, combat avec ardeur, mais Vendôme reste stratégique, prévoyant une entreprise secrète. Staremberg, général ennemi, est trompé par une ruse de Vendôme, qui fait tirer le canon pour lui faire croire que Brihuega est encore tenue par les Français. Lors de la bataille, les Allemands sont repoussés et subissent de lourdes pertes. Staremberg, malgré ses efforts, doit battre en retraite. Philippe, triomphant, retrouve son trône et attend la reddition de Barcelone, que Vendôme avait autrefois offerte à Louis XIV.
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59
p. 66-72
Prologue de Melpomene & de Thalie, Sur un Heros.
Début :
Quittez, ma soeur, une arrogance vaine, [...]
Mots clefs :
Melpomène, Thalie, Héros, Gloire, Chants, Lauriers immortels, Exploits, Mémoire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Prologue de Melpomene & de Thalie, Sur un Heros.
Prologue de Melpomene
SedeThalîé^
SurunHeros.
MELPOMENE.
QUittez,
ma sœur ,une
arrogancevaine,
Osez-vouscomparer vos.
-
frivoles chansons
Aux nobles
,
aux sublimes
sons
Del'heroïque Melpomene?
- THALIE.
Hé de grace,ma sœur,treve
de vanité,
Vivez en paix avec Thalie;
Vous sçavezque vingt fois elle
a déconcerté
Pour une ennuyeuse folie
Vôtre ennuyeusegravité.
MELPOMENE.
Ma voix ressuscite lagloire
De mesantiques demiDieux,
Etje consacre la memoire
Dé ceux qui brillent à vos
yeux. THALIE.
Vos chantspar leur lugubre
accord
Fatiguentsouvent leuroreille,
Ma flute souvent les réveille,
Et vôtrelyre les endort.
MELPOMENE.
Croyez-vous que ce soit un
talent fortutile
, De badiner à
tout propos ?
TAH-AL1E.,
Vous imaginez-vous qu'il
soit si difficile :
De faire briller les Heros ?
MELPOMENE.
De lauriers immortels je
' couronne leurs têtes,
»
THALIE.
Jesçai les délasser par d'à.- greablefêtes. d a,«..-
MELPOMENE. Jevante leux exploits.
THALIE.
J'amuse leurs desirs,
MELPOMENE.
Je prens foin de leur gloire..
THALIE.
Et moy de leurs plaisirs..
MELPOMENE.
Je m'étonne qu'une Déesse,.
Qu'une Mufe se laisse à la
-
gloire entraîner;
L'amour propreest une soi- blesse
Qu'aux malheureuxmortels on doit abandonner.
'-' THALIE. Plusona le cœur grand, ôc
plus la gloire touche;
J'ai reçû comme vous ce
dangereux present:
Mais le mien est vif& plaifaut>
-- Etlevôtre est sombre&farouche.
MELPOMENE.
Vous êtes ma cadette, au
jugement de tous,
, Et l'on est modeste à vôtre
âge.
THALIE.
Si je fuis plus jeune qu:
vous,
Ne vousétonnez pas si je
plais davantage..
MELPOMENE.
Ne profanons point nôtre
voix
Par une odieuse querelle;
Des Herosle noble modele
Nous fournir de plus doux
emplois
:
Il a mille vertus dignes de
sanaissance,
Les Mufes dontil est l'appui
Doivent se consacrer à lui
Par zele & par reconnoiC
.- sance.
THALIE
A servir ce Heros bornons
nôtre desir.
MELPOMENE.
C'est le plus digne employ
des Filles de Memoire.
THALIE.
Que Melpomene veille à
celebrer sa gloire.
MELPOMENE.
Que Thalie ait le fbhid'oc<
cuper son loisir.
MELPOM. & THALIE.
Que Melpomene veille à
celebrer sa gloire,
Que Thalie ait le foin d'occuper son loisir
SedeThalîé^
SurunHeros.
MELPOMENE.
QUittez,
ma sœur ,une
arrogancevaine,
Osez-vouscomparer vos.
-
frivoles chansons
Aux nobles
,
aux sublimes
sons
Del'heroïque Melpomene?
- THALIE.
Hé de grace,ma sœur,treve
de vanité,
Vivez en paix avec Thalie;
Vous sçavezque vingt fois elle
a déconcerté
Pour une ennuyeuse folie
Vôtre ennuyeusegravité.
MELPOMENE.
Ma voix ressuscite lagloire
De mesantiques demiDieux,
Etje consacre la memoire
Dé ceux qui brillent à vos
yeux. THALIE.
Vos chantspar leur lugubre
accord
Fatiguentsouvent leuroreille,
Ma flute souvent les réveille,
Et vôtrelyre les endort.
MELPOMENE.
Croyez-vous que ce soit un
talent fortutile
, De badiner à
tout propos ?
TAH-AL1E.,
Vous imaginez-vous qu'il
soit si difficile :
De faire briller les Heros ?
MELPOMENE.
De lauriers immortels je
' couronne leurs têtes,
»
THALIE.
Jesçai les délasser par d'à.- greablefêtes. d a,«..-
MELPOMENE. Jevante leux exploits.
THALIE.
J'amuse leurs desirs,
MELPOMENE.
Je prens foin de leur gloire..
THALIE.
Et moy de leurs plaisirs..
MELPOMENE.
Je m'étonne qu'une Déesse,.
Qu'une Mufe se laisse à la
-
gloire entraîner;
L'amour propreest une soi- blesse
Qu'aux malheureuxmortels on doit abandonner.
'-' THALIE. Plusona le cœur grand, ôc
plus la gloire touche;
J'ai reçû comme vous ce
dangereux present:
Mais le mien est vif& plaifaut>
-- Etlevôtre est sombre&farouche.
MELPOMENE.
Vous êtes ma cadette, au
jugement de tous,
, Et l'on est modeste à vôtre
âge.
THALIE.
Si je fuis plus jeune qu:
vous,
Ne vousétonnez pas si je
plais davantage..
MELPOMENE.
Ne profanons point nôtre
voix
Par une odieuse querelle;
Des Herosle noble modele
Nous fournir de plus doux
emplois
:
Il a mille vertus dignes de
sanaissance,
Les Mufes dontil est l'appui
Doivent se consacrer à lui
Par zele & par reconnoiC
.- sance.
THALIE
A servir ce Heros bornons
nôtre desir.
MELPOMENE.
C'est le plus digne employ
des Filles de Memoire.
THALIE.
Que Melpomene veille à
celebrer sa gloire.
MELPOMENE.
Que Thalie ait le fbhid'oc<
cuper son loisir.
MELPOM. & THALIE.
Que Melpomene veille à
celebrer sa gloire,
Que Thalie ait le foin d'occuper son loisir
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Résumé : Prologue de Melpomene & de Thalie, Sur un Heros.
Le texte relate une dispute entre Melpomène, muse de la tragédie, et Thalie, muse de la comédie. Melpomène reproche à Thalie de comparer ses chansons frivoles aux chants héroïques qu'elle célèbre. Thalie défend ses chansons en affirmant qu'elles divertissent et réveillent les auditeurs, contrairement aux chants lugubres de Melpomène. Melpomène insiste sur le fait qu'elle célèbre la gloire des héros et des demi-dieux, tandis que Thalie se vante de pouvoir les détendre et amuser. La dispute porte sur la valeur de leurs talents respectifs. Melpomène critique l'amour-propre de Thalie, qui répond que la gloire touche ceux qui ont un grand cœur. Elles conviennent finalement de se consacrer à un héros, Melpomène en célébrant sa gloire et Thalie en occupant son loisir.
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60
p. 226-233
HARANGUE faite au Roy, & prononcée par Monseigneur le Cardinal DE POLIGNAC, député de l'Académie Françoise, au sujet de la Paix, le 17. Juin 1713.
Début :
L'Académie Françoise ne parut jamais avec tant de joye aux pieds [...]
Mots clefs :
Harangue, Académie française, Vertus, Muses, Arts, Triomphe, Gloire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : HARANGUE faite au Roy, & prononcée par Monseigneur le Cardinal DE POLIGNAC, député de l'Académie Françoise, au sujet de la Paix, le 17. Juin 1713.
HARANGVE
faite au Roy, £7* prononcée
par Monseigneur le Cardinal
DE POLIGNAC,
députédel'AcadémieFran- ,çoiseyausujet de la PAix,
le 17. Juin J7'3.'
L'Académie Françoise
ne parut jamais avec tant
de joye aux pieds de Vostre
Majesté qu'elle fait en
ce jour, conduite par son
zele ordinaire, & l'interest
singulier qu'elle prend à la
Paix. Les Mufes dans tous
les temps ont aimé le repos
& la tranquillité. Si quelquefois
elles chantent les
combats pour celebrer la
vertu des Héros, bien-tost
aprés elles deplorent le tumulte
des armes qui fait
languir les beaux arts. Mais
quand la Paix revient sur
la terre avec tout l'éclat &
tous les avantages de la Vitraire)
c'est alors qu'elles
font au comble de leurs desirs.
Qui l'auroit cru,SIRE?
qu'après neuf ans de malheurs
où jusqu'à la Nature
tout sembloit avoir conjuré
vostre perte,vous deufsiez
en sortir plus glorieux,
& restablir dans vos Estats
le calme qu'on leur avoit
si long temps refusé,conferver
vos plus belles couquelles
,
affermir des Couronnes
sur la teste de vos
Enfants en donner mesme
à vos Alliez: effet prodigieux
de courage & d'une
prudence dont l'Antiquité
ne nous avoir point laisse
d'exemple ; il nous l'avait
bien promis le Dieu de justice
& de misericorde qu'il
abbaisseroit le superbe,&
qu'il éleveroit l'humble de
coeur Nous l'avons veu
tout d'un coup faire succeder
le jour le plus brillant
à la nuit la plus tenebreuse,
changer les coeurs qu'il
tenoit en sa main, les soumettre
par degrez aux loix
de la raison, rejetter ceux
qui vouloient la guerre,&
confondre leurs vains projets
pendant queVostre
Majesté tousjours attenti-
,
ve mais inébranlable, sourenoit
avec fermeté les
épreuves dela Providence,
& ne reflechissoit sur les
maux que pour les reparer,
plus seconde en ressources
que la fortune en disgraces
, prest à s'exposer aux
plus grands perils plustost
que de s'abandonner à de
foibles conseils, & ne cherchant
le retour de Ces anciennes
prosperitez que
pour haster le soulagement
de ses peu ples.
Qu'il me soit permis de
reveler aujourd'huy les miracles
de vostre sagesse &
de vostre magnanimité t
dont j'ay eu le bonheur
d'estre témoin, & de voir
insensîblement croistre &
iâ
meurir les fruits précieux.
Eh ne faut
- il pas qu'un si
fameux événement foit
transmis par nous à la posterirél
Supérieur aux forces
de l'éloquence, aux ornemens
de la Poësie
, au
moins il passera dans la
simplicité de l'histoire jusqu'à
vosDescendants pour
leurservir de modele, &
pour leur apprendre l'usage
qu'on doit faire des adversitez
& des succez car - c'estainsi que vous avez
consommé ce grand ouvrage,
les Princes de l'Europe
desabusez par vostre
consiance, ramenez par
vostre bonne soy,desarmez
par vostre moderation,
cessent enfinde vous
combattre.Ils ne l'auroient
jamais entrepris sila grandeur
de vostre puissance
leur avoit laisse connoistre
& gouster toutes vos vertus;
quelques-uns ont encore
peine à.fc rendre,
mais on les verra bientost
revenir de leurs enchantements
, &tous ceux qui
n'ont admiré jusques icy
V. M. qu'avec crainte l'admireront
mireront désormais com
me nous avec amour.
faite au Roy, £7* prononcée
par Monseigneur le Cardinal
DE POLIGNAC,
députédel'AcadémieFran- ,çoiseyausujet de la PAix,
le 17. Juin J7'3.'
L'Académie Françoise
ne parut jamais avec tant
de joye aux pieds de Vostre
Majesté qu'elle fait en
ce jour, conduite par son
zele ordinaire, & l'interest
singulier qu'elle prend à la
Paix. Les Mufes dans tous
les temps ont aimé le repos
& la tranquillité. Si quelquefois
elles chantent les
combats pour celebrer la
vertu des Héros, bien-tost
aprés elles deplorent le tumulte
des armes qui fait
languir les beaux arts. Mais
quand la Paix revient sur
la terre avec tout l'éclat &
tous les avantages de la Vitraire)
c'est alors qu'elles
font au comble de leurs desirs.
Qui l'auroit cru,SIRE?
qu'après neuf ans de malheurs
où jusqu'à la Nature
tout sembloit avoir conjuré
vostre perte,vous deufsiez
en sortir plus glorieux,
& restablir dans vos Estats
le calme qu'on leur avoit
si long temps refusé,conferver
vos plus belles couquelles
,
affermir des Couronnes
sur la teste de vos
Enfants en donner mesme
à vos Alliez: effet prodigieux
de courage & d'une
prudence dont l'Antiquité
ne nous avoir point laisse
d'exemple ; il nous l'avait
bien promis le Dieu de justice
& de misericorde qu'il
abbaisseroit le superbe,&
qu'il éleveroit l'humble de
coeur Nous l'avons veu
tout d'un coup faire succeder
le jour le plus brillant
à la nuit la plus tenebreuse,
changer les coeurs qu'il
tenoit en sa main, les soumettre
par degrez aux loix
de la raison, rejetter ceux
qui vouloient la guerre,&
confondre leurs vains projets
pendant queVostre
Majesté tousjours attenti-
,
ve mais inébranlable, sourenoit
avec fermeté les
épreuves dela Providence,
& ne reflechissoit sur les
maux que pour les reparer,
plus seconde en ressources
que la fortune en disgraces
, prest à s'exposer aux
plus grands perils plustost
que de s'abandonner à de
foibles conseils, & ne cherchant
le retour de Ces anciennes
prosperitez que
pour haster le soulagement
de ses peu ples.
Qu'il me soit permis de
reveler aujourd'huy les miracles
de vostre sagesse &
de vostre magnanimité t
dont j'ay eu le bonheur
d'estre témoin, & de voir
insensîblement croistre &
iâ
meurir les fruits précieux.
Eh ne faut
- il pas qu'un si
fameux événement foit
transmis par nous à la posterirél
Supérieur aux forces
de l'éloquence, aux ornemens
de la Poësie
, au
moins il passera dans la
simplicité de l'histoire jusqu'à
vosDescendants pour
leurservir de modele, &
pour leur apprendre l'usage
qu'on doit faire des adversitez
& des succez car - c'estainsi que vous avez
consommé ce grand ouvrage,
les Princes de l'Europe
desabusez par vostre
consiance, ramenez par
vostre bonne soy,desarmez
par vostre moderation,
cessent enfinde vous
combattre.Ils ne l'auroient
jamais entrepris sila grandeur
de vostre puissance
leur avoit laisse connoistre
& gouster toutes vos vertus;
quelques-uns ont encore
peine à.fc rendre,
mais on les verra bientost
revenir de leurs enchantements
, &tous ceux qui
n'ont admiré jusques icy
V. M. qu'avec crainte l'admireront
mireront désormais com
me nous avec amour.
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Résumé : HARANGUE faite au Roy, & prononcée par Monseigneur le Cardinal DE POLIGNAC, député de l'Académie Françoise, au sujet de la Paix, le 17. Juin 1713.
Le 17 juin 1737, le Cardinal de Polignac prononça un discours à l'Académie Française en présence du roi pour célébrer la paix. L'Académie exprima sa joie et son intérêt pour cette paix, soulignant que les Muses, symboles des arts, préfèrent la tranquillité aux tumultes de la guerre. Après neuf années de conflits, le roi avait réussi à rétablir la paix, à conserver ses conquêtes et à affermir les couronnes de ses enfants et alliés. Ce succès fut attribué à son courage et à sa prudence, surpassant les exemples de l'Antiquité. Le discours mit en lumière la sagesse et la magnanimité du roi, qui avait su surmonter les épreuves et les conseils faibles, cherchant toujours à réparer les maux. Les princes d'Europe, désabusés, cessèrent de le combattre grâce à sa bonne foi et à sa modération. Le discours se conclut par l'espoir que cet événement serve de modèle aux descendants pour apprendre à tirer parti des adversités et des succès.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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61
p. 89-93
A LEURS ALTESSES Serenissimes Mgr LE DUC & Me LA DUCHESSE. EPITALAME.
Début :
Illustres rejettons des Heros de la France, [...]
Mots clefs :
Altesses, Duc, Duchesse, Hymen, Alliance, Héros, Vertus, Amour, Sagesse, Gloire
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texteReconnaissance textuelle : A LEURS ALTESSES Serenissimes Mgr LE DUC & Me LA DUCHESSE. EPITALAME.
A LEURS ALTESSES
IScrcniflimcs Mgr LE Duc
& Me LA DUCHESSE.
[ EPITALAME. Llustres rejettons des Heros
I de la France,
..e Ciel vous refervoit cette digne
alliance;
2oeurs formez l'un pour l'autre,
aussi tendres quxe neufs-,
)e vôtre amour l'hymen vient
de serrer les noeuds,
Et de cant de vertus le brillant
assemblage, N'auroit pas de mon zele en ce
jour quelque hommage ?
Aux applaudissemens d'un aussi
noble choix
Muse, dans cette fêt,e entremêle
ta voix ; Signale tes transports, en chantant
l'hymenée
De ces jeunes amans qu'unit
cette journée.
PRINCE, dont labonté fait
tant d'honneur au rang,
Que la valeur distingue encor , plus que le sang; ®
Vous,de qui la sagesse a parû
dés l'enfance
Et dans qui le sçavoir ,égale la
naissance,
Quel bonheur pour vos feux
que tout a secondé
De trouver dans CONTI le
fang du grand CONDE', Et de revoir en vous tous les
traits de vos Peres,
Même esprit, même coeur, &
mêmes caratceres ? Quel secours, Couple auguste,
& quelle gloire un jour
L'Etat n'attend.il point des
° fruits de vôtre amour?
Vive image d'un pere élû Roy
par mente,
Fille du grand CONTI, des
grands Hommes l'elite,
Vous, que la pìeté, la raison,
la douceur
Elevent plus cent fois que toute
autre grandeur,
Pour le soûtien des lys dans a
paix, dans la guerre, Hâtez vous de donner des Heros
a la terre,
Qui jaloux du beau fang dont
ils seront sortis,
Fassent revivre en eux les
CONDE'S,lesCONTIS.
Pour vous, epoux charmans,
puissent les destinees
Filer un siecle entier de riantes
années!
De tourle monde aimez, de
vous seuls amoureux,
Puissiez-vous ne passer que des
momens heureux!, Que, pour rendre durable une : union si belle,
L'un à l'autre toujours soit conquête
nouvelle!
Que les ris, que les jeux s'empressenttouràtour
,
PRINCE, avec les plaisirs à
grossir vôtre cour!
Mais sur le Rhin déja j'entrevois
la victoire
[Jui la palme à la main vous
appelle à la gloire.
Allez par vôtre exemple échauffer
nos guerriers,
Chargé de myrte, allez mois- rfunner des lauriers.
IScrcniflimcs Mgr LE Duc
& Me LA DUCHESSE.
[ EPITALAME. Llustres rejettons des Heros
I de la France,
..e Ciel vous refervoit cette digne
alliance;
2oeurs formez l'un pour l'autre,
aussi tendres quxe neufs-,
)e vôtre amour l'hymen vient
de serrer les noeuds,
Et de cant de vertus le brillant
assemblage, N'auroit pas de mon zele en ce
jour quelque hommage ?
Aux applaudissemens d'un aussi
noble choix
Muse, dans cette fêt,e entremêle
ta voix ; Signale tes transports, en chantant
l'hymenée
De ces jeunes amans qu'unit
cette journée.
PRINCE, dont labonté fait
tant d'honneur au rang,
Que la valeur distingue encor , plus que le sang; ®
Vous,de qui la sagesse a parû
dés l'enfance
Et dans qui le sçavoir ,égale la
naissance,
Quel bonheur pour vos feux
que tout a secondé
De trouver dans CONTI le
fang du grand CONDE', Et de revoir en vous tous les
traits de vos Peres,
Même esprit, même coeur, &
mêmes caratceres ? Quel secours, Couple auguste,
& quelle gloire un jour
L'Etat n'attend.il point des
° fruits de vôtre amour?
Vive image d'un pere élû Roy
par mente,
Fille du grand CONTI, des
grands Hommes l'elite,
Vous, que la pìeté, la raison,
la douceur
Elevent plus cent fois que toute
autre grandeur,
Pour le soûtien des lys dans a
paix, dans la guerre, Hâtez vous de donner des Heros
a la terre,
Qui jaloux du beau fang dont
ils seront sortis,
Fassent revivre en eux les
CONDE'S,lesCONTIS.
Pour vous, epoux charmans,
puissent les destinees
Filer un siecle entier de riantes
années!
De tourle monde aimez, de
vous seuls amoureux,
Puissiez-vous ne passer que des
momens heureux!, Que, pour rendre durable une : union si belle,
L'un à l'autre toujours soit conquête
nouvelle!
Que les ris, que les jeux s'empressenttouràtour
,
PRINCE, avec les plaisirs à
grossir vôtre cour!
Mais sur le Rhin déja j'entrevois
la victoire
[Jui la palme à la main vous
appelle à la gloire.
Allez par vôtre exemple échauffer
nos guerriers,
Chargé de myrte, allez mois- rfunner des lauriers.
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Résumé : A LEURS ALTESSES Serenissimes Mgr LE DUC & Me LA DUCHESSE. EPITALAME.
Le texte est un épithalame célébrant l'union du Duc et de la Duchesse, deux nobles personnages. Il commence par une invocation aux illustres descendants des héros de France, soulignant l'honneur de leur alliance. Le poème loue la bonté, la valeur et la sagesse du Prince, et met en avant l'honneur de son union avec la fille du grand Conti. La Duchesse est décrite comme une figure de piété, de raison et de douceur, destinée à soutenir la paix et la guerre. Le poème exprime le souhait que leur union soit féconde et produise des héros dignes de leurs ancêtres. Il conclut par des vœux de bonheur et de succès militaires pour le Prince, l'encourageant à inspirer les guerriers et à revenir victorieux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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62
p. 121-132
A MONSEIGNEUR DESMARETZ, Ministre d'Etat, Controlleur General des Finances. ODE.
Début :
Quel sort flatte mon esperance ? [...]
Mots clefs :
Ministre, Contrôleur général des finances, Victoire, Paix, Gloire, Espérance, Desmaretz, Louis, Villars, Eugène
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A MONSEIGNEUR DESMARETZ, Ministre d'Etat, Controlleur General des Finances. ODE.
A MONSEIGNEUR desmaretz,
Ministre d'Etat, Controlleur
General des
Finances.
ODE.
Quel sort flatte mon
fiperance-
Quels chants heureuxfrapent
lesairs?
Le Ctel fait triompher la
France,
Le Ciel veut calmer J'V..,
nivers
Landause rend, Fribourg
succombe,
La discorde aux enfers rtw
tombe,
'JEliey vagemir à jamais.
Quel bonheur, quel comble
degloire?
Sur les ailes de la Victoire
L01)JSfait descendre
la Paix.
Jevois Villars,je vois
Eugène
Fameux par cent travaux
,
guerriers,
Malgré l'ardeur qui les
entraine
Preferer l'Olive aux Lanriers
Le Rhin surson Vrne refose,
Dubonheur des lieux qu'il
arrose
Il se plaist à voirles aprtjls
Son Ondesefait violence
Et l'on droit queson silence
JReJpecleaaugujlesfecrets»
Desmaretz,Ministre
fide1le
Du Héros qui comble nos
voeux,
Souffre un moment que je
rapelle
l'Image d'un tems moins
heureux.
Queltems?en vain contre
l'orage
LaFrance excitoitson
courage,
Tout sembloit trahir ses
efforts;
Rivaux, fiers de nostre
disgrace
Combien r'anima vojlre
audace
L'épusement de nos trelors?
Ton nom seul calma,
nos alarmes
LOVIS le plussage des
Rois.
Renditl'esperance à nos
armes
Par la justicedeson choix
Que dis-je, projets inutiles
Sur nos champs toujours
sifendes
L'Hiver exercesafureur;
Le Ciel contre nousse dé*
clare;
Tout perit; la nature avare
Trompel'espoir du lahoureur.
Quelsort? quel exés de
misere?
Il en fallutsubir la loy;
LOVIS la sentit com-
1 Pere
Et lafoulagea comme Roy.
Tu connus toute sa tendresse,
Et de laplus hautefagesse
<j Les tresors en lui réunis;
Il commitsonpeuple à ton
zele
Tout prit une face nou«
velle ;
Mais nos mauxnefioient
pasfinis.
L'or, l'argent devenus
Prothées
Sedéroboient à tous nos
soins,
Et sous des formes empruntées
Augmentoient encore nos
besoins
L'Usure monstre plus anji*
de,
Que l'Hydrequ'abatit Alcide,
Jusqu'à cejour t'avoit brave's
Mais en vainsa rusefatale
S'envelopoit dans un dedale
Le fil t'en estoit reservé.
De nos maux tu connus
lasource,
Et par un travail assidu
Tu ¡çûs arrester dans fl
course
Un torrentpartout répandu.
Par ton sçavoir, par ta
prudence,
Tu rétablis la confiance;
Pour réüssir il faut oser;
Rien n'étonne un Minstre
habile;
Et plus le temps est difficile
Plus ilsçait s'imortalizer.
Lefort où tu nousfaits
atteindre
Passe tous nos voeux &
les tiens;
Nous n'avons plus de
maux à craindre
Et nous esperons mille
biens.
Les flots des plus fieres
tempefles
Qui sembloient menacer
nos tefies
Anos peds viennent se
briser;
De LOVIS nos destins
dépendent
Et nos ennemis lui demandent
Ce qu'ilsosoient nous refùftr.
C'est la Paix, que ce
grand ouvrage
Comblera les voeux de ton
Roy.
Il vient de t'en donner un
gage
Dans l'éclat qu'ilrépand
sur toy
Nous la terrons bien-tost
descendre;
Que ne devons nous pas
attendre
Du Z-Jele qui brûle (on
coeur?
Pourjïiis,consacre ta me*
mOIre;
Tune peus augmenter ta
gloire
Sansaugmenter nos-tre
bonheur.
Ministre d'Etat, Controlleur
General des
Finances.
ODE.
Quel sort flatte mon
fiperance-
Quels chants heureuxfrapent
lesairs?
Le Ctel fait triompher la
France,
Le Ciel veut calmer J'V..,
nivers
Landause rend, Fribourg
succombe,
La discorde aux enfers rtw
tombe,
'JEliey vagemir à jamais.
Quel bonheur, quel comble
degloire?
Sur les ailes de la Victoire
L01)JSfait descendre
la Paix.
Jevois Villars,je vois
Eugène
Fameux par cent travaux
,
guerriers,
Malgré l'ardeur qui les
entraine
Preferer l'Olive aux Lanriers
Le Rhin surson Vrne refose,
Dubonheur des lieux qu'il
arrose
Il se plaist à voirles aprtjls
Son Ondesefait violence
Et l'on droit queson silence
JReJpecleaaugujlesfecrets»
Desmaretz,Ministre
fide1le
Du Héros qui comble nos
voeux,
Souffre un moment que je
rapelle
l'Image d'un tems moins
heureux.
Queltems?en vain contre
l'orage
LaFrance excitoitson
courage,
Tout sembloit trahir ses
efforts;
Rivaux, fiers de nostre
disgrace
Combien r'anima vojlre
audace
L'épusement de nos trelors?
Ton nom seul calma,
nos alarmes
LOVIS le plussage des
Rois.
Renditl'esperance à nos
armes
Par la justicedeson choix
Que dis-je, projets inutiles
Sur nos champs toujours
sifendes
L'Hiver exercesafureur;
Le Ciel contre nousse dé*
clare;
Tout perit; la nature avare
Trompel'espoir du lahoureur.
Quelsort? quel exés de
misere?
Il en fallutsubir la loy;
LOVIS la sentit com-
1 Pere
Et lafoulagea comme Roy.
Tu connus toute sa tendresse,
Et de laplus hautefagesse
<j Les tresors en lui réunis;
Il commitsonpeuple à ton
zele
Tout prit une face nou«
velle ;
Mais nos mauxnefioient
pasfinis.
L'or, l'argent devenus
Prothées
Sedéroboient à tous nos
soins,
Et sous des formes empruntées
Augmentoient encore nos
besoins
L'Usure monstre plus anji*
de,
Que l'Hydrequ'abatit Alcide,
Jusqu'à cejour t'avoit brave's
Mais en vainsa rusefatale
S'envelopoit dans un dedale
Le fil t'en estoit reservé.
De nos maux tu connus
lasource,
Et par un travail assidu
Tu ¡çûs arrester dans fl
course
Un torrentpartout répandu.
Par ton sçavoir, par ta
prudence,
Tu rétablis la confiance;
Pour réüssir il faut oser;
Rien n'étonne un Minstre
habile;
Et plus le temps est difficile
Plus ilsçait s'imortalizer.
Lefort où tu nousfaits
atteindre
Passe tous nos voeux &
les tiens;
Nous n'avons plus de
maux à craindre
Et nous esperons mille
biens.
Les flots des plus fieres
tempefles
Qui sembloient menacer
nos tefies
Anos peds viennent se
briser;
De LOVIS nos destins
dépendent
Et nos ennemis lui demandent
Ce qu'ilsosoient nous refùftr.
C'est la Paix, que ce
grand ouvrage
Comblera les voeux de ton
Roy.
Il vient de t'en donner un
gage
Dans l'éclat qu'ilrépand
sur toy
Nous la terrons bien-tost
descendre;
Que ne devons nous pas
attendre
Du Z-Jele qui brûle (on
coeur?
Pourjïiis,consacre ta me*
mOIre;
Tune peus augmenter ta
gloire
Sansaugmenter nos-tre
bonheur.
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Résumé : A MONSEIGNEUR DESMARETZ, Ministre d'Etat, Controlleur General des Finances. ODE.
Le texte est une ode dédiée à Monsieur Desmaretz, Ministre d'État et Contrôleur Général des Finances. Il célèbre les récentes victoires de la France, notamment la soumission de Landau et de Fribourg, et la paix qui en résulte. Le poète admire les généraux Villars et Eugène, qui privilégient la paix à la guerre. Il rappelle les difficultés passées de la France, où les rivaux exploitaient ses faiblesses malgré les efforts des Français. Louis XIV, par sa sagesse et sa justice, a redonné espoir aux armées françaises. Le texte mentionne également les problèmes économiques que la France a traversés, tels que la raréfaction de l'or et de l'argent, et l'usure. Desmaretz est loué pour avoir identifié les causes de ces maux et pour avoir restauré la confiance grâce à son savoir et sa prudence. Grâce à ses efforts, la France a atteint un état de prospérité et de sécurité. Les ennemis de la France demandent désormais la paix à Louis XIV. Le poète espère que Desmaretz continuera à servir le roi et à apporter bonheur et gloire à la nation.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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63
p. 217-225
LA FRANCE AU ROY SUR LA PAIX Faite au mois de Mars 1714.
Début :
GRAND ROY, dont le pouvoir, la profonde sagesse, [...]
Mots clefs :
Paix, Empire, Roi, Gloire, Villars
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA FRANCE AU ROY SUR LA PAIX Faite au mois de Mars 1714.
LA FRANCE
AU ROY
SUR LA PAIX
Faite au mois de Mars 1714.
**
I
GRAND ROY , dont
le pouvoir , la profonde : T
fageffe ,
"
Malgré tes envieux , me
redonnent la Paix ,
Sincerement unie avec A
cette Déeffe ,
Avril 1714
. T
218 MERCURE
Serre fi bien nos noeuds ,
qu'ils durent à jamais ,
米米
Fais plus : pour mieux joüir
du doux fruit de tes
peines ,
Précipite , à l'inſtant , la
Difcorde aux Enfers ,
Puiffe t'elle y gémir fous
les plus dures chaînes ,
Tandis que tu feras l'amour
de l'Univers !
Ses lâches favoris , liguez
contre sta gloire ,
"2
Auroient pû m'accabler
d'un Monde d'Ennemis ,
GALANT. 219
Si
Villars ,
qu'accompagne
en tous lieux la Victoire ,
Ne les eût diviſez , batus ,
pris , ou foûmis
.
**
Attentif à ta voix , guidé
par tes Oracles
Inftruit par tes projets fi
prudemment
dictez ,
Chaque jour , fa valeur en
fantoit les Miracles ,
Qui font & fon triomphe ';
& mes
profpéritez...
Bior
**
A peine , Denain pris , il
Tij
220 MERCURE
court forcer Marchiennes
i
S'empare de Douay , du
Quefnoy , de Bouchain ,
Pouffe les Efcadrons , qui
bloquoient Valenciennes
Et fait fuir , à la fois ,
& Batave , & Germain,
**
L'affreux Hyver l'arrefte
& fon Armée altiére ,
Avide de la Gloire , & craignant
le repos ,
En murmure ; & l'on void
par cette audace fiére ,
GALANT. 221
Que de tous mes foldats il
a fait des Héros.
Une treve furvient , la Paix
fuit .
L'Allemagne
La refuſe ; & l'Anglois l'en
follicite en vain :
Elle veut éprouver le fort
d'une Campagne
,
Et fe croid forte affez , pour
deffendre le Rhin.
20
A.
L'actif Villars y vole : il fe
faifit de Spire ,
Arbore mes Drapeaux
Tiij
222 MERCURE
I
fur le fort de Manheim ,
Attaque , prend Landau
défole tout l'Empire ,
Se porte fous Mayence ,
& fait trembler le Mein,
3
Keiferloutre eft repris ;
tandis que l'on s'apprefte
,
Pour couronner fonfront
de plus brillans lauriers 】
A faire de Fribourg l'importante
conquefte ,
Quoy qu'il foit foûtenu par
cent milles Guerriers.
GALANT. 223
un
Vaubonne oppofe
Camp , il le force , il
l'en chaffe
Marche , affiége , fait tefte
à mes fiers Ennemis ,
Qui loin de tout rifquer ,
pour fauver cette place ,
Confentent qu'en fes mains
tous les forts foient remis .
బల
Ainfi Fribourg réduit
tout l'Empire & fes
Princes
N'ayant
plus de barriere
à
mettre entre eux & moy ,
Dans la crainte de voir en-
T iiij
224 MERCURE
vahir leurs Provinces ,
Te demandent la Paix ,
pour calmer leur effroy.
En Vainqueur modéré , tu
la rends à la Terre ,
Et pour combler Villars
d'un bonheur fouverain ,
Tu veux , puifque fon bras
a terminé la Guerre ,
Que la Paix foit encor l'ou
vrage de fa main.
20
Chargé luy feul , Grand
Roy , de cet honneur
infigne ,
GALANT. 225
Il la traite , & l'acheve, en
Héros Glorieux ;
,
Plus d'un de tes ſujets pouvoit
en eſtre digne
Mais perfonne à mon gré,
n'eût pû la faire mieux.
AU ROY
SUR LA PAIX
Faite au mois de Mars 1714.
**
I
GRAND ROY , dont
le pouvoir , la profonde : T
fageffe ,
"
Malgré tes envieux , me
redonnent la Paix ,
Sincerement unie avec A
cette Déeffe ,
Avril 1714
. T
218 MERCURE
Serre fi bien nos noeuds ,
qu'ils durent à jamais ,
米米
Fais plus : pour mieux joüir
du doux fruit de tes
peines ,
Précipite , à l'inſtant , la
Difcorde aux Enfers ,
Puiffe t'elle y gémir fous
les plus dures chaînes ,
Tandis que tu feras l'amour
de l'Univers !
Ses lâches favoris , liguez
contre sta gloire ,
"2
Auroient pû m'accabler
d'un Monde d'Ennemis ,
GALANT. 219
Si
Villars ,
qu'accompagne
en tous lieux la Victoire ,
Ne les eût diviſez , batus ,
pris , ou foûmis
.
**
Attentif à ta voix , guidé
par tes Oracles
Inftruit par tes projets fi
prudemment
dictez ,
Chaque jour , fa valeur en
fantoit les Miracles ,
Qui font & fon triomphe ';
& mes
profpéritez...
Bior
**
A peine , Denain pris , il
Tij
220 MERCURE
court forcer Marchiennes
i
S'empare de Douay , du
Quefnoy , de Bouchain ,
Pouffe les Efcadrons , qui
bloquoient Valenciennes
Et fait fuir , à la fois ,
& Batave , & Germain,
**
L'affreux Hyver l'arrefte
& fon Armée altiére ,
Avide de la Gloire , & craignant
le repos ,
En murmure ; & l'on void
par cette audace fiére ,
GALANT. 221
Que de tous mes foldats il
a fait des Héros.
Une treve furvient , la Paix
fuit .
L'Allemagne
La refuſe ; & l'Anglois l'en
follicite en vain :
Elle veut éprouver le fort
d'une Campagne
,
Et fe croid forte affez , pour
deffendre le Rhin.
20
A.
L'actif Villars y vole : il fe
faifit de Spire ,
Arbore mes Drapeaux
Tiij
222 MERCURE
I
fur le fort de Manheim ,
Attaque , prend Landau
défole tout l'Empire ,
Se porte fous Mayence ,
& fait trembler le Mein,
3
Keiferloutre eft repris ;
tandis que l'on s'apprefte
,
Pour couronner fonfront
de plus brillans lauriers 】
A faire de Fribourg l'importante
conquefte ,
Quoy qu'il foit foûtenu par
cent milles Guerriers.
GALANT. 223
un
Vaubonne oppofe
Camp , il le force , il
l'en chaffe
Marche , affiége , fait tefte
à mes fiers Ennemis ,
Qui loin de tout rifquer ,
pour fauver cette place ,
Confentent qu'en fes mains
tous les forts foient remis .
బల
Ainfi Fribourg réduit
tout l'Empire & fes
Princes
N'ayant
plus de barriere
à
mettre entre eux & moy ,
Dans la crainte de voir en-
T iiij
224 MERCURE
vahir leurs Provinces ,
Te demandent la Paix ,
pour calmer leur effroy.
En Vainqueur modéré , tu
la rends à la Terre ,
Et pour combler Villars
d'un bonheur fouverain ,
Tu veux , puifque fon bras
a terminé la Guerre ,
Que la Paix foit encor l'ou
vrage de fa main.
20
Chargé luy feul , Grand
Roy , de cet honneur
infigne ,
GALANT. 225
Il la traite , & l'acheve, en
Héros Glorieux ;
,
Plus d'un de tes ſujets pouvoit
en eſtre digne
Mais perfonne à mon gré,
n'eût pû la faire mieux.
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Résumé : LA FRANCE AU ROY SUR LA PAIX Faite au mois de Mars 1714.
En mars 1714, une paix est signée, célébrant les exploits militaires du maréchal de Villars au service du roi de France. Le roi exprime sa gratitude pour la paix retrouvée et loue la valeur de Villars, qui a divisé, battu et soumis les ennemis. Villars a mené plusieurs campagnes victorieuses, prenant des villes comme Denain, Douay, Bouchain et Landau, et repoussant les forces ennemies. Malgré une trêve et les tentatives de paix refusées par l'Allemagne et l'Angleterre, Villars a continué ses offensives, forçant les ennemis à demander la paix. Le roi, reconnaissant les mérites de Villars, lui confie la tâche d'achever la paix, soulignant que personne n'aurait pu mieux accomplir cette mission.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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64
p. 218-264
HISTOIRE du Bacha de Damas.
Début :
Si l'on remarque quelque difference considerable / Il est difficile de sçavoir positivement ce qui se [...]
Mots clefs :
Pacha , Damas, Sultan, Père, Femme, Sérail, Seigneur, Femme, Vizir, Mort, Yeux, Amour, Troupes, Empire, Esclaves, Maison, Armée, Juifs, Époux, Honneur, Hommes, Douleur, Audace, Mer, Larmes, Gloire, Vie
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texteReconnaissance textuelle : HISTOIRE du Bacha de Damas.
HISTOIRE
du Bacha de Damas.
IL eſt ſi difficile de ſçavoir
poſitivement ce qui ſe
paffe dans cet Empire,qu'on
n'y demeſle ſouvent la veri.
té d'un fait , quelque éclatant
qu'il foit , que longtemps
aprés qu'il eſt arrivé.
Les nouvelles de l'Afie , &
celles de l'Europe entrent
confufément à Conftantinople
, où chacun les débite
1
A
GALANT . 219
au gré de ſes intereſts , le
Courier qui en eft chargé
les donne au grand Viſir ,le
grand Viſir au Sultan , & le
Sultanles enſevelit dans ſon
ſérail. Ainfije n'oſe encore
vous aſſeurer que les dernieres
circonstances de l'hiſtoire
que je vais vous écrire ,
foient telles qu'on les raconte
icy; mais je vous promets
que je ſeray exact à
vous detromper , ſi le temps
ou le haſard me detrompent.
Il y a quatrejours que me
promenant avec quelques
Tij
210 MFRCURE
qui
eſtrangers dans ma çaique,
fur le canal de la Mer noire,
un fameux Armenien ,
a fait toute la vie un grand
commerce d'eſclaves , me
conta à peu prés en ces
termes l'hiſtoire de Halil
Acor Bacha de Damas .
J'étois , me dit- il, un jour,
( & bien jeune alors ) à Baghlar
qui eſt un Port de
cette Mer , environ à so
lieuës d'icy lorſqu'un
* Sheieke de mes amis y arriva.
Je le priay de venir
* Predicateur Turc,
GALANT 227
loger dans le meſme * Caravanfarai
que moy. La Maifon
eſtoir alors pleine
d'hommes & de chevaux.
Le Sultan Mahomet IV. dont
le regne étoit plus tranqui
le qu'il n'avoit encore eſté,
&qu'il ne l'a eſté depuis ,
preſtoit dans ce temps au
Kan della Krimée dix
mille hommes de ſes troupes
pour les joindre à douze
mille Tartares de Budziack
& de Bialogrod , qu'il
deftinoit à quelque grande
entrepriſe. Les Janifſſaires ,
* Auberge Turque.
Tiij
222 MERCURE
3
1
les Spahis , & les Afiati
ques que le Grand Seigneur
envoyoit au Kan paffoient
alors par Baghlar où nous
eſtions . Un de ces Janiffai
res entr'autres natif de
* Chaplar en Bulgarie voulut
profiter de l'occaſion
de cette route pour mener
plus ſeurement chez luy
une belle fille qu'il avoit
epousée depuis un an à
Midia de Romanie, Nous:
la trouvâmes avec fon
mary dans le Caravanfarai
que nous avions choiſi
Ville maritime de la Mer noire.
GALANT. 223
২
lorſque nous yarrivame s .
Le hazard nous plaça auprés
d'eux , le Janiſſaire
m'en parut content , il aimoit
mieux voir à côté de
ſa femme , un Venerable
Sheieke qu'aucun de ſes camarades.
Nous ſoupâmes
cependant & nous nous
endormimes ſur la paille.
Une heure avant le jour
nous entendimes des cris
aigus qui nous réveillérent
comme tous les hoftes de
la maiſon ; la femme du
Janiſſaire que fon.Mary
n'avoit pas crue ſi proche
T iiij
224 MERCURE
de ſon terme venoit de
mettre un enfant au monde
, à coſté de mon Sheie
xe , qui ſe trouva fort ſcandaliſé
de cet accouchement.
Il ſe leva plein de
couroux , en diſant que ſes
habits étoient foülliés du
déſordre & des accidents
de cette avanture , néanmoins
la mortification &
l'embarras du Janiſſaire ,
les douleurs de ſa femme
& mes difcours l'addoucirent
; je luy perſuaday ( &
il le ſçavoit bien , ) qu'il
feroit lavé de cette tache
GALANT. 225
en lavant ſa robe & fa per
ſonne avant la premiere
priere. Je le menay au bain
qui eſtoit dans le Caravan
farai où il ſe fit toutes les
cerémonies de l'ablution
desTurcs.
Cependant je retournay
auprés du trifte Janiſſaire ,
&de ſa femme qui gemiſſoit
encore des reſtes ou du fouvenir
de fa douleur ; je lui
donnay tous les ſecours
que je pûs imaginer , on
attendant le retour de mon
Sheieke.
f
L'étoile la plus favorable
226 MERCURE
qui puiſſe veiller fur nos
jours , ne flatte pas les Mufulmans
d'une plus heureuſe
deſtinée qu'un Sheike,
ou un Emir * lorſqu'ils préfident
à la naiſſance de
leurs enfants. Celuy- cy revint
enfinà nous, prés d'une
heure après le lever du Soleil.
Et aprés avoir enviſagé
le Janiſſaire , ſa femme
& fon fils , d'un air tranſ
porté de l'excellence des
avantages qu'il avoit à leur
promettre , il leur prédit
ces choſes.
Prêtre Ture.
GALAND. 227
Letrés puiſſant trés mi
fericordieux Alla a jettéfur
vous & fur vostre fils des regards
bienfaisants le faim
Prophete efto fon meffager.
Il'a pitié de vous , & Sultan
Mahomet qui est agréable au
trés mifericordieux que le
faint Prophete oberit vous élevera
aux premiers honneurs de
fon Empire. Alla * ha Alla.
Tousoles affiftans felici
terent auffi toſt le Janiſſaire
fur la prédiction du Sheieke.
Cette nouvelle paſſa juf
qu'à fon Aga qui luy donna
d'abord de grandes mara
* Dieu. Dieu eſt Dicu.
228 MERCURE
4
ques de distinction. Enfin
le jour du départ des troupes
qui estoient à Bagblar
eſtant venu , il nous quitta
aprés nous avoir juré qu'il
n'oublieroitja mais les obli
gations qu'il nous avoit. N
nousa tenu parole , & c'eſt
de luy-meſme que j'ay appris
avec la ſuite de fa for
tune, une partiede l'hiſtoire
de ſon fils , que vous allez
entendre.
Dés que Zeinal ( c'eſt le
nom de ce Janiſſaire ) cut
remis ſa femme à Chaplar
entre les mains de fa mere,
GALANT. 229
il ne fongea plus qu'à verifier
l'oracle du Sheiere H
fitdans la Krimée des actions
éclatantes que ſon Aga fit
valoir autant qu'elles lemeritoient
aux yeux du Grand
Viſir Cuprogli , qui l'avança
en ſi peu de temps , qu'en
moins de fix ans il le fir
nommer par ſa Hauteffe
Bacha d'Albanie. Il remplit
cette grande place avec
beaucoup d'honneur pen.
dant pluſieurs années , enfin
aprés la dépoſition du
malheureux Sultan Mahomet
IV. Sitoſt que ſon frere
230 MERCURE
Sultan Soliman III . fut mon
té ſur le thrône, il voulut
à l'exemple de tous les au.
tres Bachas profiter desdefordres
de l'Empire pour
augmenter fon credit ; mais
il ſe broüilla malheureuſement
avec le fameux & redoutable
Osman Yeghen
dont le courage , la politi
que & l'audace firent trembler
Solyman juſques dans
fon ferail.
Zeinal s'étoit oppoſé aux
contributions qu'Yeghen *
Serafier de l'armée d'Hon-
* General des Armées du Grand Seigneur.
GALANT 238
grie , avoit tirez de la Ro
melie , & aux impoſitions
qu'il avoit miſes ſur tous les
Juifs & les Chrétiens qui
eſtoient à Theſſalonique ,
& qu'il avoit taxez à deux
Piaſtres par teſte. Il avoit
meſme envoyé un gros party
de Cavalerie qui avoit
taillé en piece les gens
qu'Yeghen avoit chargez de
lever ces impoſitions.
Le Grand Viſir Ismael
trembloit alors de peur
que le Serafkier ne vint à
Conſtantinople avec fon
armée , & qu'il ne le fit dé
232 MERCURE
pofer bien toſt , comme il
avoit déja fait déposer le
Grand Vifir Solyman fon
predeceſſeur. Yeghen qui
reconnut l'avantage qu'il
avoit fur ce foible Viſir ,
luy demanda la teſte de
Zeinal. Ifmael qui de fon
coſté cherchoit à l'ébloüir
par de fauſſes apparences ,
fut ravi de luy pouvoir faire
un ſacrifice dont il n'avoit
rien à apprehender ,
puiſqu'il ne le rendoit pas
plus fort , ainſi quoyque
Zeinalne fût coupable d'au .
cun crime , il le fit décapi-
: ter
GALAN 2338
ter publiquement , dans la
Cour du Serail devant la
porte du Divan.?
Cependant ſon fils Halil
Acor faiſoit alors les fonctions
de Capigibachi en Afie,
où il n'apprit la mort de
ſon pere que long - temps
aprés qu'elle fut arrivée.
Il y avoit affez d'affaires
en Hongrie pour exercer
ſon courage ; mais l'amour
produifit luy ſeul tous les
motifs de fon éloignement.
Il avoit vû par, hazard
dans le Serail de ſon pere
une belle fille de l'iſle de
Juin 1714.
V
234 MERCURE
Chypre que Zeinal deftinoir
au grand Seigneur , il en
devint éperduëment amoureux
, il mit dans ſes interêts
deux femmes qui la fervoient
, il ſéduifit deuxEu
nuques à force de preſents,
il profita de l'abſence de
ſon pere pour s'introduire
toutes les nuits dans ſon
Sérail , & enfin il engagea
cette belle fille à luy donner
les dernieres & les plus
fortes preuves de fa tendreſſe.
Plus flatée de l'efpoir
de poffeder le coeur
d'Halil que de la gloire
GALANT. 2:5
chimérique dont on repait
la vanité de celles qu'on
deſtine aux plaiſirs du
Grand Seigneur , elle avoit
conſenti que ſon Amant
l'enleva avec ſes deux femmes
& ſes deux Eunuques ,
elle estoit déja meſme affez
loin du Serail de Zeinal ,
lorſque ce Bacha revint
chez luy la nuit meſme
qu'on avoit priſe pour cet
enlevement. Maisheureu-
- ſement pour ces Amantsi!
n'entra que le lendemain
matin dans le quartier des
Femmes , où il apprit avec
Vij
236 MERCURE
tous les tranſports de la
plus violente fureur le defordre
de la nuit préceden
te. Il monta auffi - toſt à
Cheval , & de tous les côtez
il fit courir aprés fon
fils ; mais ſes ſoins & ſa diligence
furent inutiles. Halil
qui n'eſtoit pas ſi loin
qu'il le cherchoit , avoit eu
la précaution de s'affeurer
d'une Maiſon qu'un Me
decin Juif qui n'eſtoit pas
des amis de fon pere avoit
dans les montagnes. Il falloit
traverſer plus de deux
lieuës de defert avant d'y
/
GALANT. 237
arriver, & jamais Zeinal n'y
ſes amis , ny fes eſclaves
ne s'eſtoient aperceus que
fon fils connuſt ce Juif.
Halil auroit pû longtemps
profiter de la ſeureté
de cet azile , ſi les troubles
dont l'Empire eſtoit
agité , & fon courage ne
l'avoient pas preffé bien
toſt de facrifier ſon amour
à ſa gloire. Les larmes de
ſa femme , ny les prieres du
Juif qui luy promit enfin
d'en avoir foin juſqu'à la
mort , ne purent l'arreſter
davantage. Il ſe rendit à
138 MERCURE
Conſtantinople , où il fur
reconnu d'abord par un
des amis de fon Pere qui
le recommanda particulierement
au Grand Vifir Som
lyman , qui , en confideration
de l'audace , de l'efprit
, de la bonne mine de
ce Jeune homme , & du
mérite de Zeinal , luy donna
ſur le champune Com
pagnie de Spahis. Il cut ordre
d'aller ſervir en Afie ,
où en peu de temps ſa valeur
le fit parvenir à la
Charge de Capigibachi
qu'il exerça avec honneur
அ
1
GALANT. 239
juſqu'à la mort de ſon Pere .
Le Vifir Ismaël qui avoit
eu la lacheté de faire exé
cuter l'injuſte & cruel ar
reft qu'il avoit prononcé
contre Zeinal , futbien-toft
aprés la victime de fa for
bleſſe. Yeghen revint àConf
tantinople , aprés en avoir
fait chaffer honteuſement
ce Viſir , qui ne pût racheter
ſa vie qu'aux dépens de
toutes les richeſſes que fon
avarice infatiable luy avoit
fait amaſſer pendant fon
indigne miniftere. Halil y
fut rappellé en meſme
240 MERCURE
temps qu'Yeghen , avec les
troupes qui ſervoient en
Afie. Il fut auffi toft à la
maiſon de ce General àqui
il dit qu'il ne luy rendoit
cette viſite , que pour luy
demander raiſon du fang
de ſon pere qu'il avoit fait
repandre , Yeghen conſentit
àluy donner cette fatisface
tion dans une des plus fecrettes
chambres de fon
Serail , où aprés un com
bat aſſez long , Ils ſe blef
férent tous deux : cependant
Yeghen eut l'avantage;
mais il n'en abuſa pas , au
contraire
GALANT. 241
contraire , loin de fonger
à ſe défaire d'un ennemi
auſſi redoutable qu'Halil ,
Je love , luy dit- il , ton coursge
&j'approuve ton reffentiment
: il n'a tenu qu'à ton Pere
d'eftre toûjours mon amy , mais
il a voulu me perdre & je
l'ay perdu. Tu as Satisfait à
ton honneur , en eſſayant de le
vanger : Vois , & dis moy
maintenant ce que tu veux , &
ce que je puis pour toy. Halil
eftonné de la generoſité de
ce grand homme , luy répondit
, Yeghen je ne veux
maintenant,que m'efforcer d'ê-
Juin1714. X
242 MERCURE
tre auffi genereux que toy. Si tu
veux m'imiter , reprit- il ,facrifie
ta vangeance à mon amitié
que je t'offre , je vais ordonner
qu'on nous penſe de nos bleſſu
res , je prétends que tu ne
gueriffe des tiennes que dans
mon Serail. Il appelle auffitoſt
ſes Eſclaves qui menerent
fur le champ Halil
dans une chambre où ily
avoit deux lits qui n'étoient
ſeparez l'un de l'autre que
par un grand rideau de taffetas
couleur de feu qui
eſtoit directement au milieu
de la chambre dont les
GALANT 243
Croiſez qui estoient aux
deux extremitez avoient
vûë de chaque coſté ſur
les Jardins où ſe promenoient
tous les jours les
femmes & les enfants
d'Yeghen.
Dés qu'on eut arreſté
ſon ſang , & qu'il ſe fut
mis au lit , il vit entrer
dans ſa chambre le Medecin
Juif à qui il avoit confié
la belle Eſclave qu'il
avoit épousée dans ſa maifon
, aprés l'avoir enlevée
du Serail de ſon Pere. A
drianou , luy dit il auſſi toſt ,
X ij
244 MERCURE
moncher Adrianou que faítes
-vous icy ? Pourquoy
eftes vous maintenant à
Conftantinople , & dans
quel eſtat eſt ma femme ?
Je vous ay promis , reprit
le Juif , en ſoûpirant , d'avoir
ſoin de la malheureuſe
Adrabista juſqu'à ma mort.
Toutes mes précautions
n'ont pû prévenir les effets
de ſon déſeſpoir , elle eſt
à jamais perduë pour vous ,
& je ne ſuis point fâché
dans mon infortune que
les remedes que je viens
Fameuſe par les grandes avantures qu'elle
2euës depuis àRome , & que je conterayune
autre fois.
GALANT . 245
vous offrir par hazard me
preſentent à vos yeux , où
je ſuis prêt d'expier dans les
fupplices , le crime de ma
négligence où de mon
malheur. Contez moy donc
cette funeſte hiſtoire, lui dit
avec bonté , l'affligé Halil ,
& n'en épargnez aucune
circonstance à madouleur.
Il vous fouvient , reprit le
Juif, des efforts que fit Adra.
biſta , & des larmes qu'elle
répandit pour vous retenir
auprés d'elle ; vous n'avez
pas non plus oublié les
pleurs & les prieres que je
Xij
246 MERCURE
mis en uſage pour flechir
voſtre courage inhumain.
Une vertu cruelle & plus
forte que l'amour vous ravit
enfin ànosyeux.
Crois - tu , dés que vous
fuſtes parti , me dit Adrabista
, que les larmes & les
gemiſſements ſoient main
tenant les armes dont je
veux me ſervir pour mevenger
de la fureur ou de l'infidelité
de mon barbare époux
Non , Adrianou ,non.
je veux le ſuivre malgré luy
& malgré toy : ma taille
avantageuſe&mon audace
GALANT. 247
m'aideront ſuffisamment à
cacher ma foibleſſe & mon
ſexe; enfin jeveux courir les
meſmes haſards que luy,par
tout où l'entraiſnera cette
impitoyable gloire qui l'arrache
àmon amour. Je vou
lus d'abord flatter ſa dou
leur; mais malgré mes foins,
ma complaiſance criminel.
le,& mon aveuglement l'ont
précipitée dans le plus
grand des malheurs. Je luy
permis d'eſſayer le turban ,
& de mettre un fabre à ſon
coſté. Elle ſe plaiſoit quelquefois
dans cet équipage
X iiij
248 MERCURE
de guerre , d'autrefois jer
tant fon fabre & ſon turban
par terre , elle affectoit de
mépriſer ces inſtruments
qu'elle deſtinoit à ſa perte.
Enfin elle feignit de paroiftre
devantmoy conſolée de
voſtre abſence , & pendant
plusde fix ſemaines elle ne
me parla pas plus de vous ,
que ſi elle ne vous euſt jamais
connu. Cette indiffe
rence m'inquietta pour
yous , & je luy dis unjour ,
eſtes - vous Adrabista , cette
heroine qui deviez fi glo.
rieuſement ſignaler voſtre
GALANT. 249
du
tendreffe , en courant jufqu'au
fond de l'Afic aprés
un époux ſi digne de voſtre
amour. Non , Adrianou , me
dit elle , je ne ſuis plus cette
Adrabista que vous avez veue
capable des plus extravagants
emportements
monde.J'aime tousjoursHa
lil comme mon ſeigneur &
mon époux ; je ſens toutes
les rigueursde ſon abfence ;
mais le temps & mes reflexions
ont rendu ma douleur
plus modeſte;& il n'est point
de fi miferable coin fur la
terre , où je n'aime mieux
250 MERCURE
attendre ſes ordres , que
m'expoſer en le cherchant
auhafard de le deshonorer
enme deshonorant moymeſme.
Je creus qu'elle me par
loit de bonne foy , & dans
cette confiance je luy donnay
plus de liberté & d'authorité
dans ma maifon que
je n'y en avois moy-mefme.
Enfin il vint un jour un
exprés que le gouverneur de
la Valone m'envoya pour me
preſſer d'aller porter des re
medes à fon fils qui estoit à
l'extremité. Je fis auffi- toſt
GALANT. 251
part de la neceffité de ce
voyage à Adrabista , je la
priayde chercher à ſe defen
nuyer pendant mon abfence
, & je partis avec mon
guide. Mais jugez de ma
conſternation lorſqu'à mon
retour dans ma maiſon , on
me fit part des funeſtes nouvelles
que vous allez entendre.
Le lendemain de mon
départ Adrabista fit ſeller
trois chevaux qui reſtoient
dans mon écurie. Elle s'équippa
du ſabre & du turban
qu'elle avoit tant de
fois mépriſez en ma preſen;
252 MERCURE
cé, elle fit monter avec elle
ſes deux eunuques à cheval ,
elle dit à fes femmes qu'elle
alloit ſe promener dans les
vallées qui font au pied des
montagnes de la Locrida ,
elley fut en effet , mais elle
alla plus loin encore , elle
pouſſa juſqu'à Elbaffan , où
un party des troupes de
l'Empereur des Chreftiens
Farreſta . Elle demanda à
parler au General de l'armée
qui eftoit alors à Du
razzo où elle fut conduire,
&de qui elle fut receue avec
tous les égards deus à fon
GALANT . 253
fexe & à la beauté. Je yous
apprends maintenant d'épouventables
nouvelles
Halil ; mais vous ne ſçavez
pas encore le plus grand
de vos malheurs. J'ay appris
depuis quelque temps qu'elle
s'eſtoit faite Chreftienne .
C'en eſt aſſez , luy dit
Halil , fortez & ne vous repreſentez
jamais à mes
yeux, je ne ſçay ſi mavertu
ſuffiroit pour vous derober
à ma fureur.
Yeghen qui s'eſtoitjetté ſur
le lit qui eſtoit à l'autre ex.
tremite de la chambre,aprés
254 MERCURE
avoir entendu ce recit , ſe
fit approcher de l'inconfolable
Halil, à qui il dit tout
ce qu'il creut capable d'apporter
quelque foulagement
à ſa douleur. Enfin
aprés pluſieurs de ces dif
cours qui ne perfuadent
gueres les malheureux , amy,
luydit- il, jettez les yeux
fur mon jardin , & voyez fi
dans le grand nombre de
beautez qui s'y promenent ,
il n'y en aura pas une qui
puiſſe vous conſoler de la
perte de l'infidelle Adrabiſta.
Jevousdonnecellequevous
GALANT. 255
préfererez aux autres , quelque
chere qu'elle me puiſſe
eſtre. Je veux , luy répondit
Halil, à qui une propofition
fi flateuſe fit preſque oublier
toute ſon infortune
eſtre auſſi genereux que
vous , & n'écouter l'offre
magnifique que vous me
faites , que pour vous en remercier
: non , non, reprit
Yeghen, il n'en ſera que ce
qu'il me plaira ,&nous verrons
dés que vous ferez gueri
, ſi vous affecterez encore
d'eſtre , ou ſi vous ferez fincerement
auffi genereux
quemoy.
256 MERCURE
Au bout de quatre ou cinq
jours ils furent gueris tous
deux.Alors Veghenplus charmé
encore des vertus d'Halil,
lemenadans un cabiner
de ſon jardin , où à travers
une jalouſie il vit paſſertoutes
les femmes qui estoient
dans le ſérail de ce Bacha,
qui ne s'occupa pendant
cette reveuë qu'à examiner
la contenance d'Halil , &
qu'à luy demander ce qu'il
penſoit de chaque beauté
qui paſſoit au pied de la ba
luſtrade où ils eftoient.
Enfin aprés avoir longtemps
GALANT 25
1
temps confideré aſſez tranquillement
tout ce que l'Europe
& l'Afie avoient peuteſtre
de plus beau , il vitune
grande perſonne dont les
habits eſtoient couverts des
plus riches pierreries de l'O
rient , negligemment appuyée
fur deux eſclaves , &
dont les charmes divins of
Froient aux yeux un majel
tueux étalage des plusrates
merveilles du monde. Auffitoſt
il marqua d'un ſonpir le
prompt effet du pouvoir iné.
vitable de ſes attraits vainqueurs.
Qu'avez-vous , luy
Juin 1714. Y
258 MERCURE
dit àl'inſtant Yeghen , amy,
vous ſoupirez ?Ah,ſeigneur,
je me meurs , reprit Halil ,
qu'onm'ouvre àl'heuremeſ
me les portes de voſtre ſé.
rail,&ne m'expoſez pas davantage
aux traits d'unegenorofité
fi cruelle. Je vous
entends , reprit Yeghen ,
mais je ne veux pas conſentir
à vous laiſſer fortir
de mon Serail , que vous
n'ayez épousé celle de
toutes ces perſonnes qui
vous plaiſt davantage. Elles
font toutes mes femmes ,
àl'exception de la derniere
GALANT 259
qui eſt ma fille , recevez- là
de ma main mon fils , &
aimez moy toûjours.
Halil fe jetra fur le
champ aux pieds du Bacha
qui le releva dans le
moment , pour le conduire
à l'appartement de ſa fille ,
dont le même jour , il le
rendit l'heureux Epoux ; Il
prit enſuite uniquement
ſoin de ſa fortune , juſqu'à
ſa mort , qui arriva juſtement
, un mois aprés avoir
engagé le Sultan Solyman
à donner à ſon gendre le
Bachalik de Damas.
Yij
260 MERCURE
Halil a vécu depuis plus
de vingt ans avec tout l'é
clat & tous les honneurs.
dont puiſſent joüir les plus
Grands Seigneurs de l'Empire
Othoman . Mais il n'eſt
rien de fi fragile que le
bonheur des hommes , la
moindre jaloufic ou la
,
moindre eſperanceles
étourdit au milieu de leur
felicité , & il ſuffit qu'ils
ayent eſté tousjours heureux
, pour croire n'avoir
jamais d'infortune à redouter
: enyvré de leur gran
deur , leur Maiſtre ne de
GALANT . 261
vient à leurs yeux qu'un
mortel comme eux , fouvent
meſme ils prétendent
s'attirer & meriter plus
d'honneurs que leur Mail
tre
Le trés haut Sultan Achmet
àpréſent regnant , ſur la
nouvelle de la revolte du
Bacha de Bagdad , a fur le
champ envoyé aux Bachas
de Damas & d'Alep un
ordre exprés de marcher
avec toutes leurs troupes
contre ce rebelle ſujet. Sitoſt
que leur armée a eſté
en estat d'entrer en cam262
MERCURE
pagne , ils ont rencontre
attaqué &battu ce Bacha.
Le Sultan juſques-là a efté
fervi à merveille ; mais on
ajouſte qu'ébloüis appar
ramment de quelques projets
ambitieux dont on ne
ſçait encore ny le fond
ny les détails , & flattez
ſans doute de l'eſpoir
d'un ſuccez favorable , ces
deux Bachas ont entretenu
une intelligence criminelle
avec celuy de Bagdad.
Que le Bacha de
Damas a eſté convaincu de
ce crimepar des lettres qui
GALANT . 263
onteſté interceptées ,& qui
fot tombées entre les mains
du Grand Seigneur , qui a
dépeſché auſſi toſt l'ordre
ſuprême qui vient de coufter
la vie à cet infortuné
Bacha. Je ne ſçay pas encore
, files muets l'ont étranglé,
s'il a efté afſaſſiné , ou
ſi on luy a tranché la teſte ;
mais je ſçay bien que le
Sultan a prononcé l'arreſt
dont il eſt mort .
Dés que l'Armenien cuft
fini ſon recit , je le remerciay
de m'avoir appris tant
de particularitez de la vic
C
264 MERCURE
des trois Bachas Halil
Yeghen & Zeinal , & je le
priay de m'informer de
toutes les nouveautez qu'il
pourroit apprendre encore.
Il ne ſe paſſera rien dans
ce pays- cy qui vaille la peine
de vous eftre mandé
dont je ne vous faſſe pare
avec plaifir.
Je ſuis Mr. &c.
du Bacha de Damas.
IL eſt ſi difficile de ſçavoir
poſitivement ce qui ſe
paffe dans cet Empire,qu'on
n'y demeſle ſouvent la veri.
té d'un fait , quelque éclatant
qu'il foit , que longtemps
aprés qu'il eſt arrivé.
Les nouvelles de l'Afie , &
celles de l'Europe entrent
confufément à Conftantinople
, où chacun les débite
1
A
GALANT . 219
au gré de ſes intereſts , le
Courier qui en eft chargé
les donne au grand Viſir ,le
grand Viſir au Sultan , & le
Sultanles enſevelit dans ſon
ſérail. Ainfije n'oſe encore
vous aſſeurer que les dernieres
circonstances de l'hiſtoire
que je vais vous écrire ,
foient telles qu'on les raconte
icy; mais je vous promets
que je ſeray exact à
vous detromper , ſi le temps
ou le haſard me detrompent.
Il y a quatrejours que me
promenant avec quelques
Tij
210 MFRCURE
qui
eſtrangers dans ma çaique,
fur le canal de la Mer noire,
un fameux Armenien ,
a fait toute la vie un grand
commerce d'eſclaves , me
conta à peu prés en ces
termes l'hiſtoire de Halil
Acor Bacha de Damas .
J'étois , me dit- il, un jour,
( & bien jeune alors ) à Baghlar
qui eſt un Port de
cette Mer , environ à so
lieuës d'icy lorſqu'un
* Sheieke de mes amis y arriva.
Je le priay de venir
* Predicateur Turc,
GALANT 227
loger dans le meſme * Caravanfarai
que moy. La Maifon
eſtoir alors pleine
d'hommes & de chevaux.
Le Sultan Mahomet IV. dont
le regne étoit plus tranqui
le qu'il n'avoit encore eſté,
&qu'il ne l'a eſté depuis ,
preſtoit dans ce temps au
Kan della Krimée dix
mille hommes de ſes troupes
pour les joindre à douze
mille Tartares de Budziack
& de Bialogrod , qu'il
deftinoit à quelque grande
entrepriſe. Les Janifſſaires ,
* Auberge Turque.
Tiij
222 MERCURE
3
1
les Spahis , & les Afiati
ques que le Grand Seigneur
envoyoit au Kan paffoient
alors par Baghlar où nous
eſtions . Un de ces Janiffai
res entr'autres natif de
* Chaplar en Bulgarie voulut
profiter de l'occaſion
de cette route pour mener
plus ſeurement chez luy
une belle fille qu'il avoit
epousée depuis un an à
Midia de Romanie, Nous:
la trouvâmes avec fon
mary dans le Caravanfarai
que nous avions choiſi
Ville maritime de la Mer noire.
GALANT. 223
২
lorſque nous yarrivame s .
Le hazard nous plaça auprés
d'eux , le Janiſſaire
m'en parut content , il aimoit
mieux voir à côté de
ſa femme , un Venerable
Sheieke qu'aucun de ſes camarades.
Nous ſoupâmes
cependant & nous nous
endormimes ſur la paille.
Une heure avant le jour
nous entendimes des cris
aigus qui nous réveillérent
comme tous les hoftes de
la maiſon ; la femme du
Janiſſaire que fon.Mary
n'avoit pas crue ſi proche
T iiij
224 MERCURE
de ſon terme venoit de
mettre un enfant au monde
, à coſté de mon Sheie
xe , qui ſe trouva fort ſcandaliſé
de cet accouchement.
Il ſe leva plein de
couroux , en diſant que ſes
habits étoient foülliés du
déſordre & des accidents
de cette avanture , néanmoins
la mortification &
l'embarras du Janiſſaire ,
les douleurs de ſa femme
& mes difcours l'addoucirent
; je luy perſuaday ( &
il le ſçavoit bien , ) qu'il
feroit lavé de cette tache
GALANT. 225
en lavant ſa robe & fa per
ſonne avant la premiere
priere. Je le menay au bain
qui eſtoit dans le Caravan
farai où il ſe fit toutes les
cerémonies de l'ablution
desTurcs.
Cependant je retournay
auprés du trifte Janiſſaire ,
&de ſa femme qui gemiſſoit
encore des reſtes ou du fouvenir
de fa douleur ; je lui
donnay tous les ſecours
que je pûs imaginer , on
attendant le retour de mon
Sheieke.
f
L'étoile la plus favorable
226 MERCURE
qui puiſſe veiller fur nos
jours , ne flatte pas les Mufulmans
d'une plus heureuſe
deſtinée qu'un Sheike,
ou un Emir * lorſqu'ils préfident
à la naiſſance de
leurs enfants. Celuy- cy revint
enfinà nous, prés d'une
heure après le lever du Soleil.
Et aprés avoir enviſagé
le Janiſſaire , ſa femme
& fon fils , d'un air tranſ
porté de l'excellence des
avantages qu'il avoit à leur
promettre , il leur prédit
ces choſes.
Prêtre Ture.
GALAND. 227
Letrés puiſſant trés mi
fericordieux Alla a jettéfur
vous & fur vostre fils des regards
bienfaisants le faim
Prophete efto fon meffager.
Il'a pitié de vous , & Sultan
Mahomet qui est agréable au
trés mifericordieux que le
faint Prophete oberit vous élevera
aux premiers honneurs de
fon Empire. Alla * ha Alla.
Tousoles affiftans felici
terent auffi toſt le Janiſſaire
fur la prédiction du Sheieke.
Cette nouvelle paſſa juf
qu'à fon Aga qui luy donna
d'abord de grandes mara
* Dieu. Dieu eſt Dicu.
228 MERCURE
4
ques de distinction. Enfin
le jour du départ des troupes
qui estoient à Bagblar
eſtant venu , il nous quitta
aprés nous avoir juré qu'il
n'oublieroitja mais les obli
gations qu'il nous avoit. N
nousa tenu parole , & c'eſt
de luy-meſme que j'ay appris
avec la ſuite de fa for
tune, une partiede l'hiſtoire
de ſon fils , que vous allez
entendre.
Dés que Zeinal ( c'eſt le
nom de ce Janiſſaire ) cut
remis ſa femme à Chaplar
entre les mains de fa mere,
GALANT. 229
il ne fongea plus qu'à verifier
l'oracle du Sheiere H
fitdans la Krimée des actions
éclatantes que ſon Aga fit
valoir autant qu'elles lemeritoient
aux yeux du Grand
Viſir Cuprogli , qui l'avança
en ſi peu de temps , qu'en
moins de fix ans il le fir
nommer par ſa Hauteffe
Bacha d'Albanie. Il remplit
cette grande place avec
beaucoup d'honneur pen.
dant pluſieurs années , enfin
aprés la dépoſition du
malheureux Sultan Mahomet
IV. Sitoſt que ſon frere
230 MERCURE
Sultan Soliman III . fut mon
té ſur le thrône, il voulut
à l'exemple de tous les au.
tres Bachas profiter desdefordres
de l'Empire pour
augmenter fon credit ; mais
il ſe broüilla malheureuſement
avec le fameux & redoutable
Osman Yeghen
dont le courage , la politi
que & l'audace firent trembler
Solyman juſques dans
fon ferail.
Zeinal s'étoit oppoſé aux
contributions qu'Yeghen *
Serafier de l'armée d'Hon-
* General des Armées du Grand Seigneur.
GALANT 238
grie , avoit tirez de la Ro
melie , & aux impoſitions
qu'il avoit miſes ſur tous les
Juifs & les Chrétiens qui
eſtoient à Theſſalonique ,
& qu'il avoit taxez à deux
Piaſtres par teſte. Il avoit
meſme envoyé un gros party
de Cavalerie qui avoit
taillé en piece les gens
qu'Yeghen avoit chargez de
lever ces impoſitions.
Le Grand Viſir Ismael
trembloit alors de peur
que le Serafkier ne vint à
Conſtantinople avec fon
armée , & qu'il ne le fit dé
232 MERCURE
pofer bien toſt , comme il
avoit déja fait déposer le
Grand Vifir Solyman fon
predeceſſeur. Yeghen qui
reconnut l'avantage qu'il
avoit fur ce foible Viſir ,
luy demanda la teſte de
Zeinal. Ifmael qui de fon
coſté cherchoit à l'ébloüir
par de fauſſes apparences ,
fut ravi de luy pouvoir faire
un ſacrifice dont il n'avoit
rien à apprehender ,
puiſqu'il ne le rendoit pas
plus fort , ainſi quoyque
Zeinalne fût coupable d'au .
cun crime , il le fit décapi-
: ter
GALAN 2338
ter publiquement , dans la
Cour du Serail devant la
porte du Divan.?
Cependant ſon fils Halil
Acor faiſoit alors les fonctions
de Capigibachi en Afie,
où il n'apprit la mort de
ſon pere que long - temps
aprés qu'elle fut arrivée.
Il y avoit affez d'affaires
en Hongrie pour exercer
ſon courage ; mais l'amour
produifit luy ſeul tous les
motifs de fon éloignement.
Il avoit vû par, hazard
dans le Serail de ſon pere
une belle fille de l'iſle de
Juin 1714.
V
234 MERCURE
Chypre que Zeinal deftinoir
au grand Seigneur , il en
devint éperduëment amoureux
, il mit dans ſes interêts
deux femmes qui la fervoient
, il ſéduifit deuxEu
nuques à force de preſents,
il profita de l'abſence de
ſon pere pour s'introduire
toutes les nuits dans ſon
Sérail , & enfin il engagea
cette belle fille à luy donner
les dernieres & les plus
fortes preuves de fa tendreſſe.
Plus flatée de l'efpoir
de poffeder le coeur
d'Halil que de la gloire
GALANT. 2:5
chimérique dont on repait
la vanité de celles qu'on
deſtine aux plaiſirs du
Grand Seigneur , elle avoit
conſenti que ſon Amant
l'enleva avec ſes deux femmes
& ſes deux Eunuques ,
elle estoit déja meſme affez
loin du Serail de Zeinal ,
lorſque ce Bacha revint
chez luy la nuit meſme
qu'on avoit priſe pour cet
enlevement. Maisheureu-
- ſement pour ces Amantsi!
n'entra que le lendemain
matin dans le quartier des
Femmes , où il apprit avec
Vij
236 MERCURE
tous les tranſports de la
plus violente fureur le defordre
de la nuit préceden
te. Il monta auffi - toſt à
Cheval , & de tous les côtez
il fit courir aprés fon
fils ; mais ſes ſoins & ſa diligence
furent inutiles. Halil
qui n'eſtoit pas ſi loin
qu'il le cherchoit , avoit eu
la précaution de s'affeurer
d'une Maiſon qu'un Me
decin Juif qui n'eſtoit pas
des amis de fon pere avoit
dans les montagnes. Il falloit
traverſer plus de deux
lieuës de defert avant d'y
/
GALANT. 237
arriver, & jamais Zeinal n'y
ſes amis , ny fes eſclaves
ne s'eſtoient aperceus que
fon fils connuſt ce Juif.
Halil auroit pû longtemps
profiter de la ſeureté
de cet azile , ſi les troubles
dont l'Empire eſtoit
agité , & fon courage ne
l'avoient pas preffé bien
toſt de facrifier ſon amour
à ſa gloire. Les larmes de
ſa femme , ny les prieres du
Juif qui luy promit enfin
d'en avoir foin juſqu'à la
mort , ne purent l'arreſter
davantage. Il ſe rendit à
138 MERCURE
Conſtantinople , où il fur
reconnu d'abord par un
des amis de fon Pere qui
le recommanda particulierement
au Grand Vifir Som
lyman , qui , en confideration
de l'audace , de l'efprit
, de la bonne mine de
ce Jeune homme , & du
mérite de Zeinal , luy donna
ſur le champune Com
pagnie de Spahis. Il cut ordre
d'aller ſervir en Afie ,
où en peu de temps ſa valeur
le fit parvenir à la
Charge de Capigibachi
qu'il exerça avec honneur
அ
1
GALANT. 239
juſqu'à la mort de ſon Pere .
Le Vifir Ismaël qui avoit
eu la lacheté de faire exé
cuter l'injuſte & cruel ar
reft qu'il avoit prononcé
contre Zeinal , futbien-toft
aprés la victime de fa for
bleſſe. Yeghen revint àConf
tantinople , aprés en avoir
fait chaffer honteuſement
ce Viſir , qui ne pût racheter
ſa vie qu'aux dépens de
toutes les richeſſes que fon
avarice infatiable luy avoit
fait amaſſer pendant fon
indigne miniftere. Halil y
fut rappellé en meſme
240 MERCURE
temps qu'Yeghen , avec les
troupes qui ſervoient en
Afie. Il fut auffi toft à la
maiſon de ce General àqui
il dit qu'il ne luy rendoit
cette viſite , que pour luy
demander raiſon du fang
de ſon pere qu'il avoit fait
repandre , Yeghen conſentit
àluy donner cette fatisface
tion dans une des plus fecrettes
chambres de fon
Serail , où aprés un com
bat aſſez long , Ils ſe blef
férent tous deux : cependant
Yeghen eut l'avantage;
mais il n'en abuſa pas , au
contraire
GALANT. 241
contraire , loin de fonger
à ſe défaire d'un ennemi
auſſi redoutable qu'Halil ,
Je love , luy dit- il , ton coursge
&j'approuve ton reffentiment
: il n'a tenu qu'à ton Pere
d'eftre toûjours mon amy , mais
il a voulu me perdre & je
l'ay perdu. Tu as Satisfait à
ton honneur , en eſſayant de le
vanger : Vois , & dis moy
maintenant ce que tu veux , &
ce que je puis pour toy. Halil
eftonné de la generoſité de
ce grand homme , luy répondit
, Yeghen je ne veux
maintenant,que m'efforcer d'ê-
Juin1714. X
242 MERCURE
tre auffi genereux que toy. Si tu
veux m'imiter , reprit- il ,facrifie
ta vangeance à mon amitié
que je t'offre , je vais ordonner
qu'on nous penſe de nos bleſſu
res , je prétends que tu ne
gueriffe des tiennes que dans
mon Serail. Il appelle auffitoſt
ſes Eſclaves qui menerent
fur le champ Halil
dans une chambre où ily
avoit deux lits qui n'étoient
ſeparez l'un de l'autre que
par un grand rideau de taffetas
couleur de feu qui
eſtoit directement au milieu
de la chambre dont les
GALANT 243
Croiſez qui estoient aux
deux extremitez avoient
vûë de chaque coſté ſur
les Jardins où ſe promenoient
tous les jours les
femmes & les enfants
d'Yeghen.
Dés qu'on eut arreſté
ſon ſang , & qu'il ſe fut
mis au lit , il vit entrer
dans ſa chambre le Medecin
Juif à qui il avoit confié
la belle Eſclave qu'il
avoit épousée dans ſa maifon
, aprés l'avoir enlevée
du Serail de ſon Pere. A
drianou , luy dit il auſſi toſt ,
X ij
244 MERCURE
moncher Adrianou que faítes
-vous icy ? Pourquoy
eftes vous maintenant à
Conftantinople , & dans
quel eſtat eſt ma femme ?
Je vous ay promis , reprit
le Juif , en ſoûpirant , d'avoir
ſoin de la malheureuſe
Adrabista juſqu'à ma mort.
Toutes mes précautions
n'ont pû prévenir les effets
de ſon déſeſpoir , elle eſt
à jamais perduë pour vous ,
& je ne ſuis point fâché
dans mon infortune que
les remedes que je viens
Fameuſe par les grandes avantures qu'elle
2euës depuis àRome , & que je conterayune
autre fois.
GALANT . 245
vous offrir par hazard me
preſentent à vos yeux , où
je ſuis prêt d'expier dans les
fupplices , le crime de ma
négligence où de mon
malheur. Contez moy donc
cette funeſte hiſtoire, lui dit
avec bonté , l'affligé Halil ,
& n'en épargnez aucune
circonstance à madouleur.
Il vous fouvient , reprit le
Juif, des efforts que fit Adra.
biſta , & des larmes qu'elle
répandit pour vous retenir
auprés d'elle ; vous n'avez
pas non plus oublié les
pleurs & les prieres que je
Xij
246 MERCURE
mis en uſage pour flechir
voſtre courage inhumain.
Une vertu cruelle & plus
forte que l'amour vous ravit
enfin ànosyeux.
Crois - tu , dés que vous
fuſtes parti , me dit Adrabista
, que les larmes & les
gemiſſements ſoient main
tenant les armes dont je
veux me ſervir pour mevenger
de la fureur ou de l'infidelité
de mon barbare époux
Non , Adrianou ,non.
je veux le ſuivre malgré luy
& malgré toy : ma taille
avantageuſe&mon audace
GALANT. 247
m'aideront ſuffisamment à
cacher ma foibleſſe & mon
ſexe; enfin jeveux courir les
meſmes haſards que luy,par
tout où l'entraiſnera cette
impitoyable gloire qui l'arrache
àmon amour. Je vou
lus d'abord flatter ſa dou
leur; mais malgré mes foins,
ma complaiſance criminel.
le,& mon aveuglement l'ont
précipitée dans le plus
grand des malheurs. Je luy
permis d'eſſayer le turban ,
& de mettre un fabre à ſon
coſté. Elle ſe plaiſoit quelquefois
dans cet équipage
X iiij
248 MERCURE
de guerre , d'autrefois jer
tant fon fabre & ſon turban
par terre , elle affectoit de
mépriſer ces inſtruments
qu'elle deſtinoit à ſa perte.
Enfin elle feignit de paroiftre
devantmoy conſolée de
voſtre abſence , & pendant
plusde fix ſemaines elle ne
me parla pas plus de vous ,
que ſi elle ne vous euſt jamais
connu. Cette indiffe
rence m'inquietta pour
yous , & je luy dis unjour ,
eſtes - vous Adrabista , cette
heroine qui deviez fi glo.
rieuſement ſignaler voſtre
GALANT. 249
du
tendreffe , en courant jufqu'au
fond de l'Afic aprés
un époux ſi digne de voſtre
amour. Non , Adrianou , me
dit elle , je ne ſuis plus cette
Adrabista que vous avez veue
capable des plus extravagants
emportements
monde.J'aime tousjoursHa
lil comme mon ſeigneur &
mon époux ; je ſens toutes
les rigueursde ſon abfence ;
mais le temps & mes reflexions
ont rendu ma douleur
plus modeſte;& il n'est point
de fi miferable coin fur la
terre , où je n'aime mieux
250 MERCURE
attendre ſes ordres , que
m'expoſer en le cherchant
auhafard de le deshonorer
enme deshonorant moymeſme.
Je creus qu'elle me par
loit de bonne foy , & dans
cette confiance je luy donnay
plus de liberté & d'authorité
dans ma maifon que
je n'y en avois moy-mefme.
Enfin il vint un jour un
exprés que le gouverneur de
la Valone m'envoya pour me
preſſer d'aller porter des re
medes à fon fils qui estoit à
l'extremité. Je fis auffi- toſt
GALANT. 251
part de la neceffité de ce
voyage à Adrabista , je la
priayde chercher à ſe defen
nuyer pendant mon abfence
, & je partis avec mon
guide. Mais jugez de ma
conſternation lorſqu'à mon
retour dans ma maiſon , on
me fit part des funeſtes nouvelles
que vous allez entendre.
Le lendemain de mon
départ Adrabista fit ſeller
trois chevaux qui reſtoient
dans mon écurie. Elle s'équippa
du ſabre & du turban
qu'elle avoit tant de
fois mépriſez en ma preſen;
252 MERCURE
cé, elle fit monter avec elle
ſes deux eunuques à cheval ,
elle dit à fes femmes qu'elle
alloit ſe promener dans les
vallées qui font au pied des
montagnes de la Locrida ,
elley fut en effet , mais elle
alla plus loin encore , elle
pouſſa juſqu'à Elbaffan , où
un party des troupes de
l'Empereur des Chreftiens
Farreſta . Elle demanda à
parler au General de l'armée
qui eftoit alors à Du
razzo où elle fut conduire,
&de qui elle fut receue avec
tous les égards deus à fon
GALANT . 253
fexe & à la beauté. Je yous
apprends maintenant d'épouventables
nouvelles
Halil ; mais vous ne ſçavez
pas encore le plus grand
de vos malheurs. J'ay appris
depuis quelque temps qu'elle
s'eſtoit faite Chreftienne .
C'en eſt aſſez , luy dit
Halil , fortez & ne vous repreſentez
jamais à mes
yeux, je ne ſçay ſi mavertu
ſuffiroit pour vous derober
à ma fureur.
Yeghen qui s'eſtoitjetté ſur
le lit qui eſtoit à l'autre ex.
tremite de la chambre,aprés
254 MERCURE
avoir entendu ce recit , ſe
fit approcher de l'inconfolable
Halil, à qui il dit tout
ce qu'il creut capable d'apporter
quelque foulagement
à ſa douleur. Enfin
aprés pluſieurs de ces dif
cours qui ne perfuadent
gueres les malheureux , amy,
luydit- il, jettez les yeux
fur mon jardin , & voyez fi
dans le grand nombre de
beautez qui s'y promenent ,
il n'y en aura pas une qui
puiſſe vous conſoler de la
perte de l'infidelle Adrabiſta.
Jevousdonnecellequevous
GALANT. 255
préfererez aux autres , quelque
chere qu'elle me puiſſe
eſtre. Je veux , luy répondit
Halil, à qui une propofition
fi flateuſe fit preſque oublier
toute ſon infortune
eſtre auſſi genereux que
vous , & n'écouter l'offre
magnifique que vous me
faites , que pour vous en remercier
: non , non, reprit
Yeghen, il n'en ſera que ce
qu'il me plaira ,&nous verrons
dés que vous ferez gueri
, ſi vous affecterez encore
d'eſtre , ou ſi vous ferez fincerement
auffi genereux
quemoy.
256 MERCURE
Au bout de quatre ou cinq
jours ils furent gueris tous
deux.Alors Veghenplus charmé
encore des vertus d'Halil,
lemenadans un cabiner
de ſon jardin , où à travers
une jalouſie il vit paſſertoutes
les femmes qui estoient
dans le ſérail de ce Bacha,
qui ne s'occupa pendant
cette reveuë qu'à examiner
la contenance d'Halil , &
qu'à luy demander ce qu'il
penſoit de chaque beauté
qui paſſoit au pied de la ba
luſtrade où ils eftoient.
Enfin aprés avoir longtemps
GALANT 25
1
temps confideré aſſez tranquillement
tout ce que l'Europe
& l'Afie avoient peuteſtre
de plus beau , il vitune
grande perſonne dont les
habits eſtoient couverts des
plus riches pierreries de l'O
rient , negligemment appuyée
fur deux eſclaves , &
dont les charmes divins of
Froient aux yeux un majel
tueux étalage des plusrates
merveilles du monde. Auffitoſt
il marqua d'un ſonpir le
prompt effet du pouvoir iné.
vitable de ſes attraits vainqueurs.
Qu'avez-vous , luy
Juin 1714. Y
258 MERCURE
dit àl'inſtant Yeghen , amy,
vous ſoupirez ?Ah,ſeigneur,
je me meurs , reprit Halil ,
qu'onm'ouvre àl'heuremeſ
me les portes de voſtre ſé.
rail,&ne m'expoſez pas davantage
aux traits d'unegenorofité
fi cruelle. Je vous
entends , reprit Yeghen ,
mais je ne veux pas conſentir
à vous laiſſer fortir
de mon Serail , que vous
n'ayez épousé celle de
toutes ces perſonnes qui
vous plaiſt davantage. Elles
font toutes mes femmes ,
àl'exception de la derniere
GALANT 259
qui eſt ma fille , recevez- là
de ma main mon fils , &
aimez moy toûjours.
Halil fe jetra fur le
champ aux pieds du Bacha
qui le releva dans le
moment , pour le conduire
à l'appartement de ſa fille ,
dont le même jour , il le
rendit l'heureux Epoux ; Il
prit enſuite uniquement
ſoin de ſa fortune , juſqu'à
ſa mort , qui arriva juſtement
, un mois aprés avoir
engagé le Sultan Solyman
à donner à ſon gendre le
Bachalik de Damas.
Yij
260 MERCURE
Halil a vécu depuis plus
de vingt ans avec tout l'é
clat & tous les honneurs.
dont puiſſent joüir les plus
Grands Seigneurs de l'Empire
Othoman . Mais il n'eſt
rien de fi fragile que le
bonheur des hommes , la
moindre jaloufic ou la
,
moindre eſperanceles
étourdit au milieu de leur
felicité , & il ſuffit qu'ils
ayent eſté tousjours heureux
, pour croire n'avoir
jamais d'infortune à redouter
: enyvré de leur gran
deur , leur Maiſtre ne de
GALANT . 261
vient à leurs yeux qu'un
mortel comme eux , fouvent
meſme ils prétendent
s'attirer & meriter plus
d'honneurs que leur Mail
tre
Le trés haut Sultan Achmet
àpréſent regnant , ſur la
nouvelle de la revolte du
Bacha de Bagdad , a fur le
champ envoyé aux Bachas
de Damas & d'Alep un
ordre exprés de marcher
avec toutes leurs troupes
contre ce rebelle ſujet. Sitoſt
que leur armée a eſté
en estat d'entrer en cam262
MERCURE
pagne , ils ont rencontre
attaqué &battu ce Bacha.
Le Sultan juſques-là a efté
fervi à merveille ; mais on
ajouſte qu'ébloüis appar
ramment de quelques projets
ambitieux dont on ne
ſçait encore ny le fond
ny les détails , & flattez
ſans doute de l'eſpoir
d'un ſuccez favorable , ces
deux Bachas ont entretenu
une intelligence criminelle
avec celuy de Bagdad.
Que le Bacha de
Damas a eſté convaincu de
ce crimepar des lettres qui
GALANT . 263
onteſté interceptées ,& qui
fot tombées entre les mains
du Grand Seigneur , qui a
dépeſché auſſi toſt l'ordre
ſuprême qui vient de coufter
la vie à cet infortuné
Bacha. Je ne ſçay pas encore
, files muets l'ont étranglé,
s'il a efté afſaſſiné , ou
ſi on luy a tranché la teſte ;
mais je ſçay bien que le
Sultan a prononcé l'arreſt
dont il eſt mort .
Dés que l'Armenien cuft
fini ſon recit , je le remerciay
de m'avoir appris tant
de particularitez de la vic
C
264 MERCURE
des trois Bachas Halil
Yeghen & Zeinal , & je le
priay de m'informer de
toutes les nouveautez qu'il
pourroit apprendre encore.
Il ne ſe paſſera rien dans
ce pays- cy qui vaille la peine
de vous eftre mandé
dont je ne vous faſſe pare
avec plaifir.
Je ſuis Mr. &c.
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Résumé : HISTOIRE du Bacha de Damas.
Le texte narre l'histoire de Halil Acor Bacha de Damas, relatée par un Arménien ayant été impliqué dans le commerce d'esclaves. L'histoire commence à Baghlar, un port de la mer Noire, où un Janissaire nommé Zeinal, originaire de Bulgarie, réside avec sa femme enceinte. Un Sheik et l'Arménien les assistent lors de l'accouchement. Le Sheik prédit un avenir glorieux pour l'enfant, qui se réalise lorsque Zeinal devient Bacha d'Albanie. Cependant, Zeinal est exécuté sur ordre du Grand Visir Ismael, à la demande du général Osman Yeghen. Le fils de Zeinal, Halil, alors Capigibachi en Asie, apprend la mort de son père longtemps après. Halil, épris d'une esclave destinée au Sultan, l'enlève et se réfugie chez un médecin juif. Forcé de quitter sa cachette, Halil se rend à Constantinople où il est reconnu et rejoint les Spahis. Après la mort de son père, Halil affronte Yeghen en duel, mais est blessé. Yeghen, impressionné par le courage de Halil, lui offre son amitié. Halil apprend ensuite la mort de sa femme, Adrabista, des mains du médecin juif Adrianou. Le texte relate également l'histoire d'Adrabista, une femme juive et épouse de Halil. Désespérée par le départ de Halil, elle décide de le suivre déguisée en homme pour affronter les dangers qu'il rencontre. Elle cache sa douleur et son désir de le rejoindre, mais finit par révéler ses intentions à Adrianou, un confident. Malgré ses efforts pour la dissuader, Adrabista s'enfuit et rejoint les troupes chrétiennes, où elle se convertit au christianisme. De son côté, Halil, informé de la trahison d'Adrabista, est dévasté. Yeghen, un ami de Halil, tente de le consoler en lui offrant une de ses femmes. Halil, après une période de réflexion, choisit la fille de Yeghen et l'épouse. Il mène ensuite une vie prospère et honorable jusqu'à sa mort. Le texte se termine par la nouvelle de la rébellion du Bacha de Bagdad et de la trahison des Bachas de Damas et d'Alep, qui sont accusés de complicité. Le Bacha de Damas, Halil, est exécuté sur ordre du Sultan.
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65
p. 257-269
DISCOURS que Mr le Mareschal de Villars prononça dans l'Académie Françoise à sa réception, le Samedi 23 Juin. 1714.
Début :
J'ay promis le mois dernier le harangue de Mr le / MESSIEURS, Si l'honneur que vous avez bien voulu me faire de [...]
Mots clefs :
Académie française, Gloire, Guerre, Éloquence, Cardinal de Richelieu, Paix, Maréchal de Villars
66
p. 270-274
LE CYGNE FABLE ALLEGORIQUE.
Début :
La Gent Cygne, & la Gent Heronne, [...]
Mots clefs :
Cygne, Roi, Gloire, Paix, Plaisir
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE CYGNE FABLE ALLEGORIQUE.
LE CYGNE
FABLE ALLEGORIQUE.
LA Gent Cygne, & la
GentHèronne,
Pour un canal à sable d'or
Contestoient; la pesche estoitbonne;
Chacun vouloit avoir &
poisons,& trésor.
La guerre se declare
,
&!
tambours, & trompettes
Des Combats donnentle
signal;
Troupes bien lestes
,
bien!
& completres,
Desja des deux costez suivent
leur General.
Mais le Roy Cygne, habile
entre tous les Monarques,
A connoistre ses gents, à les
bien employer,
Se servoit d'un Hector,vray
substitut des Parques,
Ne tout exprés pour guerroyer.
L'Hector Cygne aux Herons
livre mainte bataille;
lJeoint eunsembrle rufe, & va- Les surprend, en pieces les
taille,
Est blessé cependant: Vulcain
de sa tenaille
N'avoit pas travaillé le harnois
du seigneur,
Mais au combat rentré, de
victoire en victoire,
Il reduit les Herons à souhaiter
la paix.
Le Roy Cygne consent à
combler leurs souhaits;
C'est son Hector qui traite;
& pourcomble de gloire
Il est tout à la fois & le
triomphateur,
Et l'heureux pacificateur.
Ainsi par cette paix insigne,
Où le Heron se vit fournis,
Le canal reste au peuple
--
Cygne,
D'ailleurs quittes & bons
amis.
Quant au Cygne guerrier,
ses faits,sa grandeur,
d'ame
»
Eurent leur prix, Apollon
le reclame,
D'olive & de laurier le couronne
à plaisir ;
De plus luy fait un doux
loisir.
Le voila transporté sur les
bords du Permesse,
Où tout est charmé de ses
fons.
La troupe desneuf soeurs
autour de luy s'empresse
Il rend caresse , pour caresse;
Leur plaisir est sa gloire &
le sien leurs chansons.
FABLE ALLEGORIQUE.
LA Gent Cygne, & la
GentHèronne,
Pour un canal à sable d'or
Contestoient; la pesche estoitbonne;
Chacun vouloit avoir &
poisons,& trésor.
La guerre se declare
,
&!
tambours, & trompettes
Des Combats donnentle
signal;
Troupes bien lestes
,
bien!
& completres,
Desja des deux costez suivent
leur General.
Mais le Roy Cygne, habile
entre tous les Monarques,
A connoistre ses gents, à les
bien employer,
Se servoit d'un Hector,vray
substitut des Parques,
Ne tout exprés pour guerroyer.
L'Hector Cygne aux Herons
livre mainte bataille;
lJeoint eunsembrle rufe, & va- Les surprend, en pieces les
taille,
Est blessé cependant: Vulcain
de sa tenaille
N'avoit pas travaillé le harnois
du seigneur,
Mais au combat rentré, de
victoire en victoire,
Il reduit les Herons à souhaiter
la paix.
Le Roy Cygne consent à
combler leurs souhaits;
C'est son Hector qui traite;
& pourcomble de gloire
Il est tout à la fois & le
triomphateur,
Et l'heureux pacificateur.
Ainsi par cette paix insigne,
Où le Heron se vit fournis,
Le canal reste au peuple
--
Cygne,
D'ailleurs quittes & bons
amis.
Quant au Cygne guerrier,
ses faits,sa grandeur,
d'ame
»
Eurent leur prix, Apollon
le reclame,
D'olive & de laurier le couronne
à plaisir ;
De plus luy fait un doux
loisir.
Le voila transporté sur les
bords du Permesse,
Où tout est charmé de ses
fons.
La troupe desneuf soeurs
autour de luy s'empresse
Il rend caresse , pour caresse;
Leur plaisir est sa gloire &
le sien leurs chansons.
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Résumé : LE CYGNE FABLE ALLEGORIQUE.
Le texte relate une fable allégorique intitulée 'Le Cygne'. Deux groupes, la Gent Cygne et la Gent Hèronne, se disputent un canal à sable d'or, convoité pour ses poissons et son trésor. Une guerre éclate entre les deux factions. Le Roy Cygne, connu pour son habileté à utiliser ses sujets, confie la direction des batailles à Hector, un guerrier exceptionnel. Hector mène de nombreuses batailles contre les Herons, les surprend et les vainc malgré ses blessures. Les Herons demandent ensuite la paix, que le Roy Cygne accepte. Hector négocie les termes de la paix, et le canal reste aux Cygnes, les deux parties devenant quittes et amis. Hector est récompensé par Apollon, qui le couronne d'olive et de laurier et lui offre un doux loisir. Transporté sur les bords du Permesse, il est entouré des neuf sœurs (les Muses), qui chantent pour lui, et il trouve sa gloire dans leur plaisir.
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67
p. 19-23
L'IMMORTALITÉ PAR LES MUSES. ODE.
Début :
Descendez de la double cime, [...]
Mots clefs :
Temps, Héros, Muses, Gloire, Immortalité
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texteReconnaissance textuelle : L'IMMORTALITÉ PAR LES MUSES. ODE.
iLM MMO RT'AL it e'
PAR LES MUSES. '
O D E.
TVEicendez de la doutfle cime ,
J*-^ Chastes soeurs: venez m'inspirer* 1. .. I
Je cede à l'ardeur qui m'anime : . .. .' . .1
.C'est vous que je veux celebrer. : ;
.Si vous approuvez mon audace ,
Tels que ceux d'Homere & d'Horace,
Mes vers vont charmer jios neveux.
C'est vôtre gloir.\que je chante i
Accourez donc, Troupe íça vante,
Venez & remplissez mes voeux.
les plus grands Heros de la terre ,
Toujours avec avidité , , ... ^
ÍEc dans la paix dans la guerre.» }. . h.
.Ont cherché l'Immortalité-: . ; . . j[
Mille Monarques , dont l'HiUoiíf.-
K'a pas celebré la memoire, . h í. '. >.
Ont laissé de beaux monumens; ' ?).jt.
Ils ont ciû que ces édifices « . w . í'- <
2 p MERCURE. DE FRANCE.
A leur ambition propices ,
Les feroient. triompher du temps.
Vain propos ! frivole esperance /
le temps de tout victorieux ,
Bien.tôt, malgré leur résistance,
Les a dérobez à nos yeux.
Les ans aux plus grands noms funestes ,
Npus ont enlevé ces beaux restes ;
Nous Jes cherchons : foins superflus !
Mais leur marbre fut.il durable ,
C'est un monument déplorable :
Il nous apprend qu'ils ne font plus.
Jaloux d'obtenir la victoire .
Dans les champs du terrible Mars .
D'autres ont. mis toute leur gloire ,
A voler dans tous les hazards.
Audace vaine i avec leur vie ,
Leur gloire s'est évanouie ;
On ne fçait rien de ces combats ,
Oiì remplis d'une ardeur guerriere^
Couverts de sang & de poussiere ,
Ils ont affronté le trépas.
J Att V TE ïC Ï7t4.
Si de vous , Miifes, avouée .
I>'uri Poete la' docte voix , )
A les celebrer dévouée ,
Avoit chanté leurs beaux exploits }
Vantez du couchant à l'Aurore ,
Parmi nous ils vivroient encore i
Sans craindre l'injure des ans ,
les faits qu'enfant* leur courage,
Vainqueurs passeroient d'âge en âgé
Jusqu'à leurs derniers descendans.
Seriez.vous ctfnnus'íans les Muscs' ,
Vaillans défenseurs d'Ilion ,<
Et voiís dòrìt lès'fátales.ruses*
Causerent sa destruction';
Heros.* dontTheris fut fa mere ',
Que serois.tu: fans un' Homere î
Tes exploits seroienrdans l'oubli;
Envaiiv tu fus infatigable :
Sans les vers ton nom peu durable y
Seroit fous Troye enseveli.
C'est envain , ô Soeurs immortelles ,
* Athillt.
B iij
*i MERCURE DE FRANCE.
Qu'un Heros par tout redouté ,
Prétend fans l'appui de vos aîles
Passer ì la posterité. .
Fut. il mille fois plus grand homme,
Que ceux de la Grece & de Rome ,
Qu'un Hector, qu'un Agamennort.,
Sous fa puissance par la guerre
Eut.il rangé toute la terre ,
Le temps abolira son nom.
Cette Déesse aveugle & triste',
Qui détruit tout dans l'univers ,'
Xa mort à. qui rien ne résiste,
Ne peut attenter fur vos vers,
Par vous bravent là main des Parques ,
les plus fier* , les plus doux Monarques'.
Vous les dérobez à leurs coups;
Ces noires filles des lieux sombres ,
Des lieux habitez, par les ombres ,
N'ont aucun empire fur vous.
Les Heros & les Heroïnes,
Qui vous ont sçâ favoriser,.
Ont trouvé des bouches divines i
. f Á 'N V 1ER xii±
Prêtes à les éterniser.'
Tu leur fus toujours favorable ,
Grand Roy , * dpnt le bras redoutable ,
Fit par tout triompher les lys ;
Du temps' peux. tu Craindre l'outrage?
Reçois' un immortel hommage ,
Les Muses te dosent ce prix.'
Roy , qu'on voit courir fur les traces £
í>es Achilles & des Cesars','
Comblez les Muses de vos graces ,
Fixez fur elles vos regards,
Justes arbitres de fa gloire
feules au Temple de memoire,-
Eller font vivre les grands coeurs i
Sans elles , têtes couronnées ,
Ne croyez pas que des années ,
Vos noms puissent être vainqueurs.
P. I. S. J.
*LotiisXlV.
PAR LES MUSES. '
O D E.
TVEicendez de la doutfle cime ,
J*-^ Chastes soeurs: venez m'inspirer* 1. .. I
Je cede à l'ardeur qui m'anime : . .. .' . .1
.C'est vous que je veux celebrer. : ;
.Si vous approuvez mon audace ,
Tels que ceux d'Homere & d'Horace,
Mes vers vont charmer jios neveux.
C'est vôtre gloir.\que je chante i
Accourez donc, Troupe íça vante,
Venez & remplissez mes voeux.
les plus grands Heros de la terre ,
Toujours avec avidité , , ... ^
ÍEc dans la paix dans la guerre.» }. . h.
.Ont cherché l'Immortalité-: . ; . . j[
Mille Monarques , dont l'HiUoiíf.-
K'a pas celebré la memoire, . h í. '. >.
Ont laissé de beaux monumens; ' ?).jt.
Ils ont ciû que ces édifices « . w . í'- <
2 p MERCURE. DE FRANCE.
A leur ambition propices ,
Les feroient. triompher du temps.
Vain propos ! frivole esperance /
le temps de tout victorieux ,
Bien.tôt, malgré leur résistance,
Les a dérobez à nos yeux.
Les ans aux plus grands noms funestes ,
Npus ont enlevé ces beaux restes ;
Nous Jes cherchons : foins superflus !
Mais leur marbre fut.il durable ,
C'est un monument déplorable :
Il nous apprend qu'ils ne font plus.
Jaloux d'obtenir la victoire .
Dans les champs du terrible Mars .
D'autres ont. mis toute leur gloire ,
A voler dans tous les hazards.
Audace vaine i avec leur vie ,
Leur gloire s'est évanouie ;
On ne fçait rien de ces combats ,
Oiì remplis d'une ardeur guerriere^
Couverts de sang & de poussiere ,
Ils ont affronté le trépas.
J Att V TE ïC Ï7t4.
Si de vous , Miifes, avouée .
I>'uri Poete la' docte voix , )
A les celebrer dévouée ,
Avoit chanté leurs beaux exploits }
Vantez du couchant à l'Aurore ,
Parmi nous ils vivroient encore i
Sans craindre l'injure des ans ,
les faits qu'enfant* leur courage,
Vainqueurs passeroient d'âge en âgé
Jusqu'à leurs derniers descendans.
Seriez.vous ctfnnus'íans les Muscs' ,
Vaillans défenseurs d'Ilion ,<
Et voiís dòrìt lès'fátales.ruses*
Causerent sa destruction';
Heros.* dontTheris fut fa mere ',
Que serois.tu: fans un' Homere î
Tes exploits seroienrdans l'oubli;
Envaiiv tu fus infatigable :
Sans les vers ton nom peu durable y
Seroit fous Troye enseveli.
C'est envain , ô Soeurs immortelles ,
* Athillt.
B iij
*i MERCURE DE FRANCE.
Qu'un Heros par tout redouté ,
Prétend fans l'appui de vos aîles
Passer ì la posterité. .
Fut. il mille fois plus grand homme,
Que ceux de la Grece & de Rome ,
Qu'un Hector, qu'un Agamennort.,
Sous fa puissance par la guerre
Eut.il rangé toute la terre ,
Le temps abolira son nom.
Cette Déesse aveugle & triste',
Qui détruit tout dans l'univers ,'
Xa mort à. qui rien ne résiste,
Ne peut attenter fur vos vers,
Par vous bravent là main des Parques ,
les plus fier* , les plus doux Monarques'.
Vous les dérobez à leurs coups;
Ces noires filles des lieux sombres ,
Des lieux habitez, par les ombres ,
N'ont aucun empire fur vous.
Les Heros & les Heroïnes,
Qui vous ont sçâ favoriser,.
Ont trouvé des bouches divines i
. f Á 'N V 1ER xii±
Prêtes à les éterniser.'
Tu leur fus toujours favorable ,
Grand Roy , * dpnt le bras redoutable ,
Fit par tout triompher les lys ;
Du temps' peux. tu Craindre l'outrage?
Reçois' un immortel hommage ,
Les Muses te dosent ce prix.'
Roy , qu'on voit courir fur les traces £
í>es Achilles & des Cesars','
Comblez les Muses de vos graces ,
Fixez fur elles vos regards,
Justes arbitres de fa gloire
feules au Temple de memoire,-
Eller font vivre les grands coeurs i
Sans elles , têtes couronnées ,
Ne croyez pas que des années ,
Vos noms puissent être vainqueurs.
P. I. S. J.
*LotiisXlV.
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Résumé : L'IMMORTALITÉ PAR LES MUSES. ODE.
Le poème s'adresse aux Muses pour invoquer leur inspiration afin de célébrer la gloire des héros et des monarques. L'auteur souligne que les exploits des grands hommes, bien que commémorés par des monuments, sont voués à disparaître avec le temps. Il affirme que seule la poésie, soutenue par les Muses, peut garantir l'immortalité des actions héroïques. Le texte mentionne que des héros comme ceux d'Homère et d'Horace ont été immortalisés par leurs vers. Il critique ceux qui cherchent la gloire par les armes ou les monuments, car ces efforts sont vains face à l'inexorable passage du temps. Les Muses sont présentées comme les seules capables de défier les Parques et d'assurer la postérité des grands noms. Le poème se conclut par un hommage à un roi, dont les exploits sont comparés à ceux d'Achille et des Césars, et dont la gloire est éternisée par les Muses.
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68
p. 320-322
CHANSON, Chantée à la Fête des Jesuites de Rennes,
Début :
Chantons du nouveau Dauphin, [...]
Mots clefs :
Naissance du Dauphin, Gloire, Rennes, Fête des jésuites, Jésuites
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CHANSON, Chantée à la Fête des Jesuites de Rennes,
A l'ouverture des Classes, les Profefîeurj
célébrèrent à l'envi la glorieuse Naissance du
Dauphin j ils exprimèrent en Vers ou en Prose
tout ce que le coeur put leur inspirer de voeux.
& de présages à la gloire du Prince nouveau né,
Chantée a la Fête desjesìtitet de Rentes,
#">Hantons du nouveau Dauphin ,
Nous voyons s'accomplir enfin ,
Nos voeux, notre espérance ,
Que chacun d'un si beau destin S
Applaudislè à la France.
Aussi tôt qu'il a vû le jour «
Une vive allégresse,
Et de la Ville & de la Cour i
A banni la tristeííe ,
Tout François en cet heureux jour,,
fuit l'auâere sagesse
CHANSON,
De*
FEVRIER. 173e.
Des biens que nous en attendons ,
Quelle preuve éclatante ,
Déja dans la nuit des priions ,
Cette Aurore naifíante,
Porte de ses premiers rayons ,
La lueur bienfaisante.
II naît au milieu de la Paix,
Quel favorable augure !
Pour le bonheur de ses fuiets »
Qu'en pouvons- nous conclure ,
Que tous ses jours par des bienfaits 3
Seront conte? , j'en jure.
Il aura l'air , la majesté ,
De son auguste Père,
La .douceur & la pieté
De son aimable Mere :
. Dieux , pour notre félicité ,
En pouviesyous P^us
_
V Amour est , dit-on , en courroux^
Eh , qui pourroit le croire »
Au Piince > des attraits plus doux, -
Assurent la victoire :
Mars ne sera-t-il point jaloux ,
Quelque jour de fa gloire.
Les Jeux Si les Ris à l'iiistanr,
$î* MERCURE DE FRANCE.
iCette Troupe volage,
Au Berceau de ['illustre Ensanc ,
•Coururent faire hommage,
lis feropt son amusement*
Mais pendant 'ion bas âge.
Quand li raison éclairera
Ses premières années ,
A ses yeux on dévoilera ,
Ses hautes destinées ,
Son Pere seul le guidera,
Aux routes fortunées.
Pour faire couler dans son coeur ,
Une ardeur héroïque,
Qu'il ne Use jamais d'Auteur,
Ni de vieille Chronique,
Car dans fa maison la valeur ,
S'apprend par la pratique.
Mais s'il veut frapper l'Univers»
De l'éclat de fa gloire ,
/Voler chez cent Peuples divers ,
Qu'il lise bien l'Histoire
D'un Roi plus grand dans les revers f
Qu'au sein de la victoire.
D. R. J.
On trouvera l^ir noté avec la Chanson
sage 367.
célébrèrent à l'envi la glorieuse Naissance du
Dauphin j ils exprimèrent en Vers ou en Prose
tout ce que le coeur put leur inspirer de voeux.
& de présages à la gloire du Prince nouveau né,
Chantée a la Fête desjesìtitet de Rentes,
#">Hantons du nouveau Dauphin ,
Nous voyons s'accomplir enfin ,
Nos voeux, notre espérance ,
Que chacun d'un si beau destin S
Applaudislè à la France.
Aussi tôt qu'il a vû le jour «
Une vive allégresse,
Et de la Ville & de la Cour i
A banni la tristeííe ,
Tout François en cet heureux jour,,
fuit l'auâere sagesse
CHANSON,
De*
FEVRIER. 173e.
Des biens que nous en attendons ,
Quelle preuve éclatante ,
Déja dans la nuit des priions ,
Cette Aurore naifíante,
Porte de ses premiers rayons ,
La lueur bienfaisante.
II naît au milieu de la Paix,
Quel favorable augure !
Pour le bonheur de ses fuiets »
Qu'en pouvons- nous conclure ,
Que tous ses jours par des bienfaits 3
Seront conte? , j'en jure.
Il aura l'air , la majesté ,
De son auguste Père,
La .douceur & la pieté
De son aimable Mere :
. Dieux , pour notre félicité ,
En pouviesyous P^us
_
V Amour est , dit-on , en courroux^
Eh , qui pourroit le croire »
Au Piince > des attraits plus doux, -
Assurent la victoire :
Mars ne sera-t-il point jaloux ,
Quelque jour de fa gloire.
Les Jeux Si les Ris à l'iiistanr,
$î* MERCURE DE FRANCE.
iCette Troupe volage,
Au Berceau de ['illustre Ensanc ,
•Coururent faire hommage,
lis feropt son amusement*
Mais pendant 'ion bas âge.
Quand li raison éclairera
Ses premières années ,
A ses yeux on dévoilera ,
Ses hautes destinées ,
Son Pere seul le guidera,
Aux routes fortunées.
Pour faire couler dans son coeur ,
Une ardeur héroïque,
Qu'il ne Use jamais d'Auteur,
Ni de vieille Chronique,
Car dans fa maison la valeur ,
S'apprend par la pratique.
Mais s'il veut frapper l'Univers»
De l'éclat de fa gloire ,
/Voler chez cent Peuples divers ,
Qu'il lise bien l'Histoire
D'un Roi plus grand dans les revers f
Qu'au sein de la victoire.
D. R. J.
On trouvera l^ir noté avec la Chanson
sage 367.
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Résumé : CHANSON, Chantée à la Fête des Jesuites de Rennes,
Le texte célèbre la naissance du Dauphin, héritier du trône de France. À l'ouverture des Classes, les professeurs ont exprimé leurs vœux et leurs présages en faveur du nouveau prince. La naissance du Dauphin a suscité une grande allégresse tant à la cour qu'à la ville, mettant fin à la tristesse. Une chanson composée pour l'occasion souligne les bienfaits attendus de ce nouvel héritier, né en temps de paix, et prédit qu'il héritera de la majesté de son père et de la douceur de sa mère. Les dieux sont appelés à favoriser ce prince, dont les attraits doucereux pourraient même apaiser Mars, le dieu de la guerre. Les muses, représentées par la troupe volage de Mercure, rendent hommage au berceau du prince et promettent de l'amuser pendant son bas âge. Plus tard, son père le guidera vers des destinées héroïques, en lui inculquant la valeur par la pratique plutôt que par les livres. Pour briller par sa gloire, il est conseillé au Dauphin de lire l'histoire d'un roi qui a su triompher dans les revers autant que dans les victoires.
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69
p. 503-524
EXPLICATION des Médailles qui font mention des Cohortes & des differentes Legions de Carausius, par où l'on peut fixer à peu près le nombre de Troupes que cet Empereur des anciens Bretons entretenoit. Adressée à son Excellence Milord Carteret, Vice-Roy d'Irlande & c. Par M. Genebrier, Docteur en Medecine, Medecin ordinaire de la Cour d'Angleterre & premier Medecin du Vice-Roi d'Irlande.
Début :
MILORD, L'amour que vous avez pour l'Histoire & surtout pour les nouvelles découvertes [...]
Mots clefs :
Carausius, Auguste, Médailles, Médaille, Cohortes, Empereur, Gloire, Légion, Taureaux, Bretagne, Cabinet, Bélier
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXPLICATION des Médailles qui font mention des Cohortes & des differentes Legions de Carausius, par où l'on peut fixer à peu près le nombre de Troupes que cet Empereur des anciens Bretons entretenoit. Adressée à son Excellence Milord Carteret, Vice-Roy d'Irlande & c. Par M. Genebrier, Docteur en Medecine, Medecin ordinaire de la Cour d'Angleterre & premier Medecin du Vice-Roi d'Irlande.
EXPLICATION des Médailles qui font
mention des Cohortes & des differentes
Legions de Caraufius , par où l'on peut
fixer à peu près le nombre des Troupes
que cet Empereur des anciens Bretons
entretenoit. Adreffée à fon Excellence
Milord Carteret , Vice-Roy d'Irlande ,
&c. Par M. Genebrier , Docteur en
Medecine , Medecin ordinaire de la
Cour d'Angleterre & premier Medecin
du Vice- Roi d'Irlande.
M.
ILORD ,
L'amour que vous avez pour l'Hiftoire
& furtout pour les nouvelles découvertes
qui peuvent intereffer la gloire de votre
Nation , m'ayant fait entreprendre l'Hiftoire
Metallique de Caraufius , un des
plus grands Conquerans que l'Angleterre
ait jamais eu , j'ai crû que pour concou-.
rir à vos vûës , il ne fuffifoit pas de relever
la gloire de ce Heros , fi je ne tâchois
en même - temps de celebrer les Inftrumens
de fes victoires : Je veux dire
fi je ne parlois des Legions, qui ont combattu
fous fes Etendarts , & qui lui ont acquis
tant de gloire. C'est ce que j'ai tâ-
D v ché
"
304 MERCURE DE FRANCE:
ché de faire en recueillant autant que j'ai
pû , les Médailles qui font mention de
ces Legions ou de ces Cohortes Prétoriennes.
Ces Monumens ferviront , au défaut
de l'Hiftoire qui n'en parle point ,
à fixer à peu près le nombre des Troupes
de cet Empereur. Et ces Legions ainfi
raffemblées , formeront , pour ainſi dire
un Corps d'armée glorieux , dont le dénombrement,
après tant de fiécles , ne peut
que faire plaifir à Votre Excellence.
Voici, Milord, ces Legions, fuivant l'ordre
de leur découverte.
Legion I.
IMP . C. Caraufius P.F. Aug. L'Empe
reur Cefar Caraufius , Pieux, Heureux , Augufte
, fa tête couronnée de Lauriers.
LEG . VIII . AUG. Legio octava Augufta..
Pour Type un Taureau . Cette huitiéme
Legion , furnommée Auguftale , dont Caraufius
a voulu par cette Médaille éternifer
la valeur & la fidelité , eft une des plus
anciennes Legions de l'Empire ; elle fut
formée par Augufte même , qui lui donna
fon nom & le rang de huitiéme Auguftale.
Il l'envoya d'abord en Pannonie,
où elle refta jufqu'à l'Empereur Claude ,
qui la fit paffer en Moefie, où Galba trouva
à propos de la laiffer. Mais Septime
Severe la fit revenir , & la plaça dans la
haute
MARS. 1730.
505
haute Germanie. Il y a apparence qu'elle
y refta pour deffendre les Frontieres de
l'Empire , jufqu'au temps de Caraufius.
Que ce fut entr'autres avec cette Legion,
qu'il défit les Germains en plufieurs rencontres
; qu'il remporta fur eux plufieurs
Victoires fignalées , & qu'il mérita enfin
le titre glorieux de très - grand Germanique
, Germanicus Maximus , que les Médailles
lui donnent. Je ne ferois pas non
plus fort éloigné de croire que ce fût cette
fiére Legion qui fe déclara la premiere
pour Caraufius ; qui le fuivit enAngleterre ,
& que le Panegyrifte Eumenius femble
nous défigner par ces termes , occupara
Legione Romanâ , en parlant du paffage.
de Caraufius dans la Grande - Bretagne.
Nous avons auffi cette même Legion
dans une Médaille d'argent de Septime
Severe , auquel on peut croire qu'elle
n'avoit pas rendu des fervices moins importans
que ceux qu'elle rendit depuis à
Caraufius. Mais au lieu d'un Taureau qui
eft fur la Médaille de ce dernier , il y a
dans celle de Severe , l'Aigle Legionaire
entre deux Signes Militaires. Je trouve
encore le même Taureau & la même Legion
, dans Gallien , que dans Caraufius .
Nous ne parlerons point ici des autres
Legions qui ont auffi été furnommées Au
guftales , nous dirons feulement , que la
Dvj feconde
506 ME RCURE DE FRANCE
feconde Legion Auguftale étoit en quar
tier d'hyver dans la Haute-Bretagne . Quand
Xiphilin même ne nous en auroit pas donné
de preuves , comme il a fait dans la
Vie d'Augufte , le fragment de Brique
qui eft dans le Cabinet du Docteur Woodward
, où j'ai lû , LEG . II . AUG . en
feroit une preuve affez autentique . Cette
Infcription nous fait croire que la feconde
Legion Auguftale pouvoit avoir été employée
à quelques travaux publics dont
elle vouloit fe faire honneur dans la pofterité.
Je n'affurerai point que ce Monument
foit du temps de Septime Severe
qui fit , comme on l'a dit ailleurs , conftruire
plufieurs Edifices publics dans la
Grande-Bretagne. Cependant , comme ce
fragment a été trouvé proche d'York , &
que SeptimeSevere y avoit établi fa demeu
re & fait de cette Ville fon Siege Imperial;
il y a apparence que ce débris eft , pour aing
dire , encore un témoin de fa gloire , auffi
bien que cet autre fragment que j'ai vû
à Londres , où le mot de SEVERI fe lit
en gros caractere fur une Brique d'une
épaiffeur pareille à la premiere , au - delfous
d'une Tête en forme de Soleil . Cette
feconde Legion Auguftale fe trouve auffi
dans les Médailles de Septime Severe ,
LEG. II. AUG . avec deux Signes Militaires
, & au milieu l'Aigle Legionaire ,
MARS. 17307 507
ce qui confirmeroit notre conjecture. Il
eft encore fait mention de la feconde
Legion Auguftale , auffi - bien auffi- bien que de
la huitiéme Legion Auguftale , dans un
fragment d'une ancienne Colonne à Rome
, que je ne rapporterai point ici , parce
qu'elle fe trouve dans Gruter & dans plufeurs
autres Antiquaires .
14 Nous lifons dans les Colonies de Vail
lant , qu'Augufte avoit envoyé à Beryte
une Colonie des Veterans de la huitiéme
Legion Auguftale . Une autre partie fut
envoyée à Fréjus , dans nos Gaules , &
l'autre à Heliopolis.
J'ai vû cette Médaille d'argent dans leCabinet
du Duc de Dewonshire , à Londres.
Legion II.
Imp. Caraufius , P. F. Aug. fa tête
couronnée de Rayons. LEG . VII CL
ML . Legio feptima Claudia . La ſeptiéme
Legion Claudienne . Je lis Claudia , &
non pas Claffica , comme a fait Gutherius,
dans fon Traité De Jure Manium , page
48. Il a été trompé par le mor Claffica,
qui fe trouve dans une Médaille de Marc
Antoine , jointe à la dixiéme Legion.
LEG. XVII. CLASSICA. Cette
Legion eft bien differente de la nôtre
& d'ailleurs le mot de Claudia fe
trouve auffi écrit tout au long dans plufieurs
Infcriptions antiques . Spon , dans
ג
Les
1
508 MERCURE DE FRANCE.
fes Mélanges d'Antiquitez , page 254-
nous en fournit une que voici .
Q SERTORIUS L. F.
POB. FESTUS
CENTUR LIG . XI.
CLAUDIAE PIAE FIDELIS .
La feptiéme Legion de notre Médaille
a pour Type un Taureau comme la précedente
. Elle fut appellée Claudienne, du
nom de l'Empereur Claude , parce qu'elle
lui avoit été fidele étant dans la Moëfie,
& qu'elle avoit vivement foutenu fon parti
contre Scribonien , Gouverneur de la
Dace. Cette Legion n'avoit d'abord aucun
furnom qui la diftinguât des autres que
le rang de fon ancienneté ; & c'eft pour
cela même que Jules - Cefar , dans fon
quatriéme Livre de la Guerre des Gaules ,
ne fait point de difficulté de l'appeller
une des plus illuftres & des plus anciennes
Legions de l'Empire Veterrima Legio .
Auffi la fit- il paffer avec lui dans la Grande-
Bretagne , comme une de celles qu'il
jugeoit des plus capables de feconder fes
grands deffeins pour la conquête ou pour
l'expedition de ce nouveau Monde. Au
revers il y a un Taureau , comme dans la
precedente , ce qui nous apprend que ces
Legions avoient été formées des Colonies
Romaines. Le Taureau étant le Symbole
d'une
MARS. 1730. so gi
d'une Colonie , parce que c'étoit un ufage
chez les Romains, quand on vouloit bâtie
une Ville , d'en marquer l'enceinte avec
le Soc de la Charruë , fuivant ce fragment:
de Caton , mos fuit defignandi urbes aratro.
Soit , au refte , que cette feptiéme
Legion Claudienne qui étoit autrefois en
la haute Moëfie, fût déja dans la Grande-
Bretagne lorfque Caraufius y aborda ; ſoir
qu'elle y fût conduite avec la huitiéme
Legion Auguftale , dont nous avons parlé
; foit enfin qu'elle ne ſe rangeât fous les
Etendarts de Caraufius , qu'après qu'il eur
défait l'armeé Romaine qui tenoit encore
dans cette Ifle pour Diocletien & pour
Maximien : Caraufius ne pouvoit mieux
faire pour ſe la rendre fidele ou pour la
récompenfer de fa valeur, qu'en confacrant
fon nom à l'immortalité , avec les autres
Legions dont il avoit reconnu le zele &
l'attachement , & dont il fit auffi graver
les noms fur les Médailles que nous expliquons.
Gruter rapporte une Infcrip
tion de lafeptiéme Legion Claudienne.
P. ÆLIO P. F. PP . MARCELLO
VE . PP . EX PREF. LEG . VII .
CL. ET I. ADJUT . SUB. PRINC
IPE PEREGRINORUM .
La feptiéme Legion Claudienne fe trou
ve auffi fur les Médailles de Septime See
vere & fur celles de Gallien,
310 MERCURE DE FRANCE.
La feptiéme Legion Claudierne étoft
encore dans la haute Moëfie , fous Gordien
Pie , qui envoya les Veterans de la
feptiéme & de la quatriéme Legion à Vi
minacium , Colonie de cette Province ,
comme nous l'apprend une Médaille du
Cabinet de M. le Prefident de Maifons.
Il y a d'un côté , Imp. Gordianus pius fel
Aug. Sa tête couronnée de Rayons .
Et au Revers , P. M. S. COL . VIM .
AN IIII. Provincia Moefia Superioris
Colonia Viminacium. Anno quarto. La
figure d'une femme debout tient de la
main droite un Signe Militaire , où eft le
nombre VII. & de la main gauche un
autre Signe Militaire , où eſt le nombre
IIII. & à fes pieds , au côté droit , un Taureau
, & au côté gauche un Lion , qui.
font les Symboles de ces deux Legions ,
pour marquer que les Veterans de la feptiéme
Legion Claudienne & ceux de la
quatriéme ,y avoient été envoyez pour peupler
cette Ville & la deffendre contre les
infultes des Barbares .
Dion, Livre 55 page 564. ne laiffe aucun
lieu de douter que ce ne foit la 7
Legion Claudienne qui eft fur la Médaille
de Gordien Pie , quoique le nom de Claudia
n'y foit point. Il nous apprend que
c'eft la même qui étoit en quartier d'hyver
dans la haute Moëfie . Septimia in Mifia
LibMARS,
1730% 511
fuperiori, Claudiana præcipue nuncupata .
M.l'Abbé de Rothelin a auffi la feptiéme
Legion Claudienne dans Gallien avec le
même Taureau .
J'ai vu cette Médaille de petit Bronze
dans le Cabinet de Milord Pembrok , en
Angleterre ; & à Paris , chez le P. Chamillard
, qui l'a , dit - il, trouvée à Pontoiſe
Legion 111.
Imp. Caraufius P. F. Aug. Sa tête couronnée
de Rayons , pour Type un Taureau
. LEG . VIIII . GE ML . Legio nona
Gemina. La neuviéme Legion Gemelle.
Cette 9º Legion , dont Caraufius voulut
auffi celebrer la valeur , étoit auffi appellée
Gemina ou Gemelle , parce quelle
avoit été formée de deux Legions qui n'en
compofoient plus qu'une , comme Dion
ou Xiphilin fon Compilateur nous l'apprend
dans la Vie d'Augufte , page 183. Le
Revers de cette Médaille porte le même
Type que les deux précedentes . C'eſt un
Taureau qui eft le ſymbole ordinaire des
Veterans d'une Colonie . Le Taureau étoit
fous la protection de la Déeffe de Cythere.
Taurum Cytherea tuetur , dit le PoëteManilius
. Il eſt fait mention dans le frag
ment d'une ancienne Colomne , de la feptiéme
Legion Gemina , on Gemelle , ce
qui
311 MERCURE DE FRANCE:
qui fait voir que le mot G E, fe doit rend
dre en latin par celui de Gemina , puiſqu'il
fe trouve écrit tout du long ſur les anciennes
Infcriptions. Quant aux Lettres
ML qui fe trouvent dans l'Exergue de
ces Médailles , nous aurons lieu d'en dire
notre fentiment dans un Chapitre particulier
, où nous tâcherons de découvrir ce
ce que les Monetaires de ces temps - là ont
voulu nous donner à entendre par ces
Lettres & autres femblables.
CetteMédaille de petit Bronze , eft dans
le Cabinet du Duc de Dewonshire.
Legion 1111.
Imp. Caraufius P. F. Aug. la tête cou
tonnée de Laurier . LEG . IIII. FL. Dans
Exergue , R. S. R. Legio quarta Flavia,
la 4 Legion Flavienne . Cette quatriéme
Legion fut ainfi furnommée par Vefpafien,
qui voulut qu'elle prit le furnom de fa Famille
appellée Flavia . Il plaça cette Legion
dans la Syrie pour contenir les peuples
dans leur devoir . Quarta Flavia in
Syria commorata eft , ſelon Dion , p . 272.
qui rapporte qu'elle étoit encore en Syrie
fous le regne d'Alexandre Severe.
Cette Legion porte pour enfeigne un
Lyon , fimbole ordinaire de la force . Septime
Severe s'étoit auffi fait gloire de celebrer
MARS. 17300 $ 13
lebrer la valeur de la même Legion , avee
la même Legende ; mais le Type eft fort
different de la Médaille de Caraufius , il
y a fur celle de Severe deux Signes Militaires
avec l'Aigle Legionnaire ; au lieu
que dans la Médaille de Caraufius il n'y
a qu'un Lion feul. J'ai auffi obfervé ailleurs
la mêmeLegende que dans Caraufius ;
mais au lieu d'un Lion , il y en à deux
entre lefquels on voit une tête cafquée.
J'ai vu à Londres dans le Cabinet
de Milord Pembrock , ce même Type fur
une Médaille d'or de Victorin , où cette
Legion prend le furnom de Pia Felix.
Legio IIII. Flavia P. F.
Vaillant nous affure que de toutes les
Legions qui reftoient fous Gallien , la
quatriéme Legion Flavienne étoit la feule
qui portât un Lion pour Enfeigne , & les .
Médailles que nous venons de rapporter.
en dernier lieu , font voir que cette Legion
fubfifta encore quelque temps après
Gallien , puifque Victorin s'eft fait honneur
de faire graver encore le nom de
la même Legion fur fes Médailles ..
Elle avoit été auffi fort celebre fous plufieurs
autres Princes , comme on le peut
voir dans les Colonies de Vaillant. La
Médaille qu'il rapporte du jeune Philippe
, me paroît fur tout digne de remarque.
On voit d'un côté la tête de ce Prince ; &
21
314 MERCURE DE FRANCE.
au revers ces quatre Lettres initiales G.
F. P. D. qui fignifient Colonia Flavia
Pacenfis Deultana , parce que cette Colonie
avoit été formée des Veterans de
cette quatriéme Legion Flavienne .
Il eft auffi fait mention de la quatriéme
Legion Flavienne dans une Infcription
antique , trouvée à Pezaro , rapportée
,
, page 148. dans le Traité des Regions
Suburbicaires , où il eft fait mention entr'autres
du Tribun de la quatriéme Legion
Flavienne , qui étoit auf le Patron
des Colonies de Pezaro & de Feneſte .
TRIB . LATICL . LEG. IIII. FLAV
PATRONUS COLONIARUM .
PISAURI ET FANEST .
A l'égard de Pezaro , il eft bon de re
marquer en paffant que c'eft - là , où les
defcendans de Caraufius fe retirerent dans
des temps difficiles , fuivant le Comte de
Zabarella , * dans la Genealogie qu'il fait
des Pezari de Venife , intitulée : Il Carau
fio Overo Regia & Augufta Fameglia
di Pezari di Venetia ; Famille que cet
Auteur fait defcendre en ligne directe de
Caraufius , Empereur de la Grande - Bretagne
. Cette Médaille , qui eſt d'argent ,
eft à Londres dans le Cabinet du Duc de
Dewonshire .
* Le Livre du Comte de Zabarella , que j'avois
cherché long- temps , m'a été donné par M. Duvau
, Ecuyer , ancien Capitoul de Toulouse.
MAR S. 1730. SIS
Legion V.
Imp. Caraufius, P. F. Aug. Sa tête cou
ronnée de Rayons.
LEG . VIII... IN . ML . Legio octava ..
IN... cette Legion a pour Type un Belier.
La huitéme Legion furnommée ... IN ..
peut être invicta , l'invincible. C'eſt ainſi
que je crois qu'on peut interpreter le mot
abregé ... IN ... à moins que dans la
Médaille en queſtion il n'y ait MIN . au
lieu de N. ce qui feroir pour lors MINERVIA
Qu MINERVINA car il fe
pourroit bien faire que la Médaille n'étant
pas affez nette ni affez confervée en
cet endroit , on auroit pû lire IN , au lieu
de MIN.
Cette Médaille eft d'autant plus finguliere
que
fa Legende & fon Type font
encore inconnus fur les Médailles des autres
Empereurs. Quant au Type du revers,
ne pourroit - on point dire qu'il nous
défigne une Legion particuliere des Bagaudes
? On fçait que les Auteurs les appelloient
Agreftes ou Rufticanos & qu'ils
avoient quitté le foin de leurs Troupeaux
pour courir après une liberté chimerique
en prenant les armes fous la conduite.
d'Amandus , leur Empereur . Suivant ce
trait hiftorique, que nous avons rapporté
ailleurs ; ne pourroit- on pas dire que ces
Bagaudes ayant pris les armes , choifirent
pour
$ 16 MERCURE DE FRANCE.
pour le figne de leur liberté le Belier ,
pour marquer qu'ils n'avoient point perdu
de vûë leur premier état , & que s'ils
avoient pris les armes , ce n'étoit que pour
deffendre leur ancien Domaine ? Ce qui
pourroit fortifier d'ailleurs cette conjecture
, c'est que le Belier étoit confacré à
Pallas , Déefle de la Guerre ( Déeffe qui
fe voit fi fouvent fur les Médailles de
Caraufius ) Manilius nous en fournit une
preuve autentique dansfon deuxièmeLivre.
Lanigerum Pallas , Taurum Cytherea tuetur,
Le même Auteur parle encore du Belier
en des termes qui femblent parfaitement
juftifier le choix que nos anciens Gaulois
auroient pû faire du Belier pour enfeigne
d'une Legion qui fe feroit déclarée de nouveau
pour la liberté de la Patrie fous un fi
grand Capitaine.
Sed Princeps aries toto fulgebit in orbe,
Ainfi le furnom & le fymbole que prend
cette Legion conviendroit parfaitement
au temps dont nous parlons , & à un
Prince, qui prenoit à juste titre, le furnom
d'invincible , comme fes Médailles , avec
le titre d'Invictus , le confirment.
Il est bon de remarquer ici , qu'on por
toit quelquefois le Belier parmi les Enfeignes
Romaines. Mais fur tout quand
on
**ཟེ
MARS
.
1730.
SIY
en vouloit déclarer la guerre. Pour lors
un Herault d'Armes , tiré de l'illuftre Corps
des Faciales , marchoit à la tête portant
le figne du Belier , qu'il devoit lancer
fur les premieres Terres des Ennemis ,
pour montrer qu'ils n'avoient pris les
armes contre eux que pour le venger
des outrages qu'ils en avoient reçûs les
premiers , felon quelques Auteurs ; ou
plutôt felon Pierius dans fes Hyerogli
phes , pour donner à entendre par - là qu'ils
étoient déja , pour ainsi dire , en poffeffion
des Terres de leurs Ennemis . Ce qui étant
pris en ces deux fens , ne laifferoit pas
d'avoir fon application dans Caraufius qui
prétendoit avoir été infulté le premier
par Maximien , & qui s'empara bientôt
de l'ifle la plus belle , la plus grande & la
plus fertile du monde en pâturages , &c,
Legion VI
.....
Imp. Caraufius P. F. Aug. la tête couzonnée
de rayons.
LEG...... Legio Légion,
Dans l'Exergue M L. pour Type ,
la figure du Capricorne tourné du côté
droit . Les Legions dont nous venons de
parler m'étoient connuës fous trois Types
differens ; trois avoient le Type d'un
Taureau , une fous le Type d'un Belier ,
une autre fous le Type d'un Lion ; mais
celle- ci a un Type different , & on ne
l'avoit
418 MERCURE DE FRANCE .
f'avoit point encore vû fur aucune Médaille
de Caraufius ; il feroit à fouhaiter
que le nom de la Legion ne fut pas effacé,
Peut -être que le tems nous en fera dé
couvrir quelque femblable mieux confervée.
Il y a eu fept Legions de Gallien avec
le même Signe du Capricorne , & Vaillant
les rapporte dans fon Livre des Médailles
Impériales ; fçavoir , la Legion
premiere , Adjutrix. La premiere Italica,
la quatorziéme Gemina , la trentiéme Ulpia
, la vingt- deuxième , furnommée Primigenia
, au rapport de Spartien , dans la
vie de Didius Julianus . La dix- huitiéme
& la vingt- fixiéme fans nom particulier.
Ainfi on pourroit croire que celle de Ca
raufius , dont je parle ici , feroit une de ces
Legions , parcequ'elles ont toutes le même
fimbole que note Médaille.
La feconde Legion Auguftale pourroit
auffi être de ce nombre . On a trouvé dans
la Grande Bretagne une Infcription Antique
conçûë en ces termes , & avec le
même Type du Capricorne .
IMP.
AVG .
ANTONINO
Pio.
LE G.
I I.
A V G.
F. P. III. CC L XX II.
1
Cette
MARS. 1730: 519
Cette Infcription nous apprend que la
deuxième Legion Auguftale avoit continué
le mur d'Antonin Pie ,qui eft au Nord
d'Ecoffe , pendant l'efpace de trois mille
deux cent foixante & douze pas. Cette
Infcription eft fur une pierre qui reprefente
dans le haut , la figure d'un Capricorne
que je prens pour le figne de cette
Legion , & non pas le Griffon qui eſt au
bas. A l'égard du furnom Augufta , nous
avons déja remarqué qu'Augufte donna
fon nom à plufieurs Legions , & cette
Infcription nous fait voir que celle- ci
avoit non- feulement le nom d'Augufte ,
mais qu'elle en avoit auffi pris le fimbole
pour préfage de bonheur : le Signe
du Capricorne ayant toujours été regardé
comme tel par cet Empereur. Et parcequ'il
avoit été Conful pour la premiere fois ,
& qu'il avoit aufli gagné la Bataille d'Actium
dans le mois d'Août , il lui donna
fon nom . C'est ce qui me feroit croire
que c'eft cette feconde Legion qui nous
eft marquée fur notre Médaille de Caraufius
. Dion rapporte que la feconde Legion
Auguftale étoit de fon tems dans la
haute Bretagne , & les Infcriptions qu'on
Y découvre tous les jours en donnent des
preuves inconteftables. C'eſt cette feconde
Legion qui donna fon nom & la naiffance
à la Ville de Caer-leon , appellée dans l'IE
tineraire
520 MERCURE DE FRANCE.
tineraire d'Antonin , ISCA LEG. II. AUGUSTA.
Cette Legion étoit fans doute
encore dans la Grande Bretagne au tems
de Caraufius , puifque peu d'années avant
qu'il y allât , Pofthume , Empereur dans
les Gaules , avoit dans cette Ville un
Corps d'Armée. C'est ce que je trouve
confirmé par une Médaille de ce dernier
Empereur ; elle a d'un côté le nom de ce
Prince , & la tête couronnée de rayons.
IMP CM CASS LAT. Pofthumus Aug.
& de l'autre côté , on voit à cheval l'Em
pereur qui harangue les Troupes , & autour
EXERCITUS YSCanicus , l'AEmée
de Caer- Leon .Cette Armée de Pofthu .
me fut nommée Armée Tfcanique d'Yíca,
parceque cette Legion qui prêta ferment
de fidelité à Pofthume dans la Grande
Bretagne , étoit placée fur la Riviere de
PUske, qu'on appelloit Yſca - Silurum , &
non pas Silulorum , comme l'a écrit Vaillant
, qui rapporte cette Médaille . Cette
Ville n'eft plus aujourd'hui qu'un petit
Village , portant le nom de Caer-Leon, par
corruption de Cefaris Legio ; & c'eſt là
que les Hiftoriens Anglois avoient placé
la Cour de leur grand Roi Artus &
où ils prétendent qu'il y avoit un College
de deux cens Philofophes établis pour
Ay obferver le cours des Aftres . Cette Médaille
de petit bronze eft en Angleterre ,
dans le Cabinet du Docteur Sloane.
"
MARS. 1730. 521
*
COHORTES PRETORIENNES.
Imp. Caraufius. P. F. Aug. La tête
couronnée de Rayons.
COHH .... ML. Cohortes ... Les
Cohortes ... M L. COHORTES. Ce font
fans doute les Cohortes Prétoriennes qui
formoient la garde de Caraufius , dont cet
Empereur voulut éternifer la mémoire &
la fidelité aufli bien que celle des Legions
dont nous venons de parler. Je n'entrerai
point ici dans la queftion de fçavoir de
combien étoit compofée la Legion . Les
Auteurs font pleins de ces fortes de détails.
J'ajouterai cependant qu'il y avoit
fous Augufte neuf Cohortes Prétoriennes
pour la garde du Prince , & que Galba
y en ajoûta trois nouvelles. Ainfi il y eut
douze Cohortes de Gardes Prétoriennes,
qui fubfiftoient encore du tems de Septime
Severe , au rapport de Dion. Je ne
fçai fi le nombre de ces Cohortes étoit le
même du tems de Diocletien & de Maximien
; mais ce qu'on peut affurer , fuivant
le témoignage de cette Médaille unique
de Caraufius , c'eft que la garde de
ce Prince étoit compofée de quatre mille
hommes. C'eft ainfi que je crois qu'on
doit expliquer les quatre fignes militaires
qui font au revers de fa Médaille . En effer
chaque Cohorte ayant fon enfeigne
militaire , & chaque Cohorte étant com
- E ij poléc
322 MERCURE DE FRANCE :
pofée de mille hommes , fuivant le témoi
gnage de la plupart des Auteurs ,
quatre enfeignes militaires nous défignent
que la Garde de cet Empereur des Bretons
étoit compofée de quatre Cohortes
Prétoriennes . A quoi fi nous ajoûrons le
nombre de dix ou de douze mille hommes
, dont chaque Legion pouvoit être
compofée , en y comprenant les Troupes
auxiliaires , il fe trouvera que Caraufius ,
fuivant ces Médailles, avoit du moins une
armée de foixante & quatre mille hommes,
fans y comprendre les forces maritimes.
Ce font là les Cohortes Prétoriennes & les
fix Legions principales qui compofoient
l'Armée de notre Conquerant , & dont
les Auteurs ne parlent point. Elles métitoient
bien , après lui avoir acquis tant
de gloire , d'en partager avec lui une por
tion , & de revivre un jour dans la mémoire
des hommes par ce témoignage autentique
de fa reconnoiffance , ayant été
les compagnes fideles de fes travaux guerriers
, & ayant verſé fi librement leur fang
dans plufieurs occafions pour l'élever fur
le Trône de la Grande Bretagne,
Dans cette occafion , comme dans bien
d'autres, nous pourrions nous plaindre du
filence des Hiftoriens qui ne nous difent
rien de toutes ces circonftances , & qui
ne font mention que d'une Legion Romaine
MAR 9. 1730. 523
1
maine dont ils ont même affecté de nous
cacher le nom ; mais nous devons nous
confoler ayant des Monumens plus fûrs
& moins fujets à être alterés , & qui fe
font heureuſement dérobés aux injures
des tems & de l'envie . Après tout nous
ne ferions peut-être pas obligés de nous
plaindre fi fort du filence de ces Hiftoriens
, fi le fecond Livre que nous avons
de Zozime fur la vie des Empereurs de
ces tems, nous étoit refté dans fon entier ,
mais cet Auteur fe trouve tronqué immédiatement
après la vie de Probus , & ce
qui fuit ne recommence qu'à l'Hiftoire de
Conftantin le Grand . De forte que ce qui
nous manque de cet Auteur ne comprend
gueres moins que les Vies de fept à huit
Empereurs , qui font Carus , Ĉarinus
Numerianus , Diocletianus Maximianus
Herculius , Caraufius , Conftantius
Chlorus & Gal. Maximianus , dont l'Hiftoire
ou les évenemens étant neceffairement
liés avec ce qui s'eft paffé du tems
de Caraufius n'auroient pas laiffé de nous
donner des lumieres pour expliquer bien
des faits particuliers , où les conjet&cures
ne fçauroient atteindre.
>
Ne feroit- ce point là un effet moins du
hazard que de l'envie ou de la politique
Romaine , qui jaloufe de la gloire de ce
Prince auroit fupprimé à deffein les
E iij
>
Mc124
MERCURE DE FRANCE.
Mémoires les plus confiderables de fon
tems , qui ne pouvoient être qu'à la gloire
de ce Heros qui avoit fi fort abbatu
leurs forces & leur puiffance. Cette Médaille
de petit bronze eft dans le Cabinet
de l'Auteur..
Voilà , Milord , ce que j'avois à obferver
de plus remarquable au fujet des Cohortes
& des Legions dont les noms nous
font confervés fur les Médailles de Caraufius
, & fans lefquelles les fervices
qu'elles lui avoient rendus feroient reſtez
dans un oubli éternel . Ce font là ces fieres
Legions & ces Cohortes fideles qui fua
rent les témoins de fes travaux guerriers ,
qui fe firent honneur de combatre fous fes
Etendarts , & avec qui il fit tant d'actions
heroïques & tant d'exploits glorieux ,
qu'il fut enfin élevé aux acclammations
des Peuples fur le Trône de la Grande
Bretagne Je fuis avec un profond reſpect
& c .
IMITATION
mention des Cohortes & des differentes
Legions de Caraufius , par où l'on peut
fixer à peu près le nombre des Troupes
que cet Empereur des anciens Bretons
entretenoit. Adreffée à fon Excellence
Milord Carteret , Vice-Roy d'Irlande ,
&c. Par M. Genebrier , Docteur en
Medecine , Medecin ordinaire de la
Cour d'Angleterre & premier Medecin
du Vice- Roi d'Irlande.
M.
ILORD ,
L'amour que vous avez pour l'Hiftoire
& furtout pour les nouvelles découvertes
qui peuvent intereffer la gloire de votre
Nation , m'ayant fait entreprendre l'Hiftoire
Metallique de Caraufius , un des
plus grands Conquerans que l'Angleterre
ait jamais eu , j'ai crû que pour concou-.
rir à vos vûës , il ne fuffifoit pas de relever
la gloire de ce Heros , fi je ne tâchois
en même - temps de celebrer les Inftrumens
de fes victoires : Je veux dire
fi je ne parlois des Legions, qui ont combattu
fous fes Etendarts , & qui lui ont acquis
tant de gloire. C'est ce que j'ai tâ-
D v ché
"
304 MERCURE DE FRANCE:
ché de faire en recueillant autant que j'ai
pû , les Médailles qui font mention de
ces Legions ou de ces Cohortes Prétoriennes.
Ces Monumens ferviront , au défaut
de l'Hiftoire qui n'en parle point ,
à fixer à peu près le nombre des Troupes
de cet Empereur. Et ces Legions ainfi
raffemblées , formeront , pour ainſi dire
un Corps d'armée glorieux , dont le dénombrement,
après tant de fiécles , ne peut
que faire plaifir à Votre Excellence.
Voici, Milord, ces Legions, fuivant l'ordre
de leur découverte.
Legion I.
IMP . C. Caraufius P.F. Aug. L'Empe
reur Cefar Caraufius , Pieux, Heureux , Augufte
, fa tête couronnée de Lauriers.
LEG . VIII . AUG. Legio octava Augufta..
Pour Type un Taureau . Cette huitiéme
Legion , furnommée Auguftale , dont Caraufius
a voulu par cette Médaille éternifer
la valeur & la fidelité , eft une des plus
anciennes Legions de l'Empire ; elle fut
formée par Augufte même , qui lui donna
fon nom & le rang de huitiéme Auguftale.
Il l'envoya d'abord en Pannonie,
où elle refta jufqu'à l'Empereur Claude ,
qui la fit paffer en Moefie, où Galba trouva
à propos de la laiffer. Mais Septime
Severe la fit revenir , & la plaça dans la
haute
MARS. 1730.
505
haute Germanie. Il y a apparence qu'elle
y refta pour deffendre les Frontieres de
l'Empire , jufqu'au temps de Caraufius.
Que ce fut entr'autres avec cette Legion,
qu'il défit les Germains en plufieurs rencontres
; qu'il remporta fur eux plufieurs
Victoires fignalées , & qu'il mérita enfin
le titre glorieux de très - grand Germanique
, Germanicus Maximus , que les Médailles
lui donnent. Je ne ferois pas non
plus fort éloigné de croire que ce fût cette
fiére Legion qui fe déclara la premiere
pour Caraufius ; qui le fuivit enAngleterre ,
& que le Panegyrifte Eumenius femble
nous défigner par ces termes , occupara
Legione Romanâ , en parlant du paffage.
de Caraufius dans la Grande - Bretagne.
Nous avons auffi cette même Legion
dans une Médaille d'argent de Septime
Severe , auquel on peut croire qu'elle
n'avoit pas rendu des fervices moins importans
que ceux qu'elle rendit depuis à
Caraufius. Mais au lieu d'un Taureau qui
eft fur la Médaille de ce dernier , il y a
dans celle de Severe , l'Aigle Legionaire
entre deux Signes Militaires. Je trouve
encore le même Taureau & la même Legion
, dans Gallien , que dans Caraufius .
Nous ne parlerons point ici des autres
Legions qui ont auffi été furnommées Au
guftales , nous dirons feulement , que la
Dvj feconde
506 ME RCURE DE FRANCE
feconde Legion Auguftale étoit en quar
tier d'hyver dans la Haute-Bretagne . Quand
Xiphilin même ne nous en auroit pas donné
de preuves , comme il a fait dans la
Vie d'Augufte , le fragment de Brique
qui eft dans le Cabinet du Docteur Woodward
, où j'ai lû , LEG . II . AUG . en
feroit une preuve affez autentique . Cette
Infcription nous fait croire que la feconde
Legion Auguftale pouvoit avoir été employée
à quelques travaux publics dont
elle vouloit fe faire honneur dans la pofterité.
Je n'affurerai point que ce Monument
foit du temps de Septime Severe
qui fit , comme on l'a dit ailleurs , conftruire
plufieurs Edifices publics dans la
Grande-Bretagne. Cependant , comme ce
fragment a été trouvé proche d'York , &
que SeptimeSevere y avoit établi fa demeu
re & fait de cette Ville fon Siege Imperial;
il y a apparence que ce débris eft , pour aing
dire , encore un témoin de fa gloire , auffi
bien que cet autre fragment que j'ai vû
à Londres , où le mot de SEVERI fe lit
en gros caractere fur une Brique d'une
épaiffeur pareille à la premiere , au - delfous
d'une Tête en forme de Soleil . Cette
feconde Legion Auguftale fe trouve auffi
dans les Médailles de Septime Severe ,
LEG. II. AUG . avec deux Signes Militaires
, & au milieu l'Aigle Legionaire ,
MARS. 17307 507
ce qui confirmeroit notre conjecture. Il
eft encore fait mention de la feconde
Legion Auguftale , auffi - bien auffi- bien que de
la huitiéme Legion Auguftale , dans un
fragment d'une ancienne Colonne à Rome
, que je ne rapporterai point ici , parce
qu'elle fe trouve dans Gruter & dans plufeurs
autres Antiquaires .
14 Nous lifons dans les Colonies de Vail
lant , qu'Augufte avoit envoyé à Beryte
une Colonie des Veterans de la huitiéme
Legion Auguftale . Une autre partie fut
envoyée à Fréjus , dans nos Gaules , &
l'autre à Heliopolis.
J'ai vû cette Médaille d'argent dans leCabinet
du Duc de Dewonshire , à Londres.
Legion II.
Imp. Caraufius , P. F. Aug. fa tête
couronnée de Rayons. LEG . VII CL
ML . Legio feptima Claudia . La ſeptiéme
Legion Claudienne . Je lis Claudia , &
non pas Claffica , comme a fait Gutherius,
dans fon Traité De Jure Manium , page
48. Il a été trompé par le mor Claffica,
qui fe trouve dans une Médaille de Marc
Antoine , jointe à la dixiéme Legion.
LEG. XVII. CLASSICA. Cette
Legion eft bien differente de la nôtre
& d'ailleurs le mot de Claudia fe
trouve auffi écrit tout au long dans plufieurs
Infcriptions antiques . Spon , dans
ג
Les
1
508 MERCURE DE FRANCE.
fes Mélanges d'Antiquitez , page 254-
nous en fournit une que voici .
Q SERTORIUS L. F.
POB. FESTUS
CENTUR LIG . XI.
CLAUDIAE PIAE FIDELIS .
La feptiéme Legion de notre Médaille
a pour Type un Taureau comme la précedente
. Elle fut appellée Claudienne, du
nom de l'Empereur Claude , parce qu'elle
lui avoit été fidele étant dans la Moëfie,
& qu'elle avoit vivement foutenu fon parti
contre Scribonien , Gouverneur de la
Dace. Cette Legion n'avoit d'abord aucun
furnom qui la diftinguât des autres que
le rang de fon ancienneté ; & c'eft pour
cela même que Jules - Cefar , dans fon
quatriéme Livre de la Guerre des Gaules ,
ne fait point de difficulté de l'appeller
une des plus illuftres & des plus anciennes
Legions de l'Empire Veterrima Legio .
Auffi la fit- il paffer avec lui dans la Grande-
Bretagne , comme une de celles qu'il
jugeoit des plus capables de feconder fes
grands deffeins pour la conquête ou pour
l'expedition de ce nouveau Monde. Au
revers il y a un Taureau , comme dans la
precedente , ce qui nous apprend que ces
Legions avoient été formées des Colonies
Romaines. Le Taureau étant le Symbole
d'une
MARS. 1730. so gi
d'une Colonie , parce que c'étoit un ufage
chez les Romains, quand on vouloit bâtie
une Ville , d'en marquer l'enceinte avec
le Soc de la Charruë , fuivant ce fragment:
de Caton , mos fuit defignandi urbes aratro.
Soit , au refte , que cette feptiéme
Legion Claudienne qui étoit autrefois en
la haute Moëfie, fût déja dans la Grande-
Bretagne lorfque Caraufius y aborda ; ſoir
qu'elle y fût conduite avec la huitiéme
Legion Auguftale , dont nous avons parlé
; foit enfin qu'elle ne ſe rangeât fous les
Etendarts de Caraufius , qu'après qu'il eur
défait l'armeé Romaine qui tenoit encore
dans cette Ifle pour Diocletien & pour
Maximien : Caraufius ne pouvoit mieux
faire pour ſe la rendre fidele ou pour la
récompenfer de fa valeur, qu'en confacrant
fon nom à l'immortalité , avec les autres
Legions dont il avoit reconnu le zele &
l'attachement , & dont il fit auffi graver
les noms fur les Médailles que nous expliquons.
Gruter rapporte une Infcrip
tion de lafeptiéme Legion Claudienne.
P. ÆLIO P. F. PP . MARCELLO
VE . PP . EX PREF. LEG . VII .
CL. ET I. ADJUT . SUB. PRINC
IPE PEREGRINORUM .
La feptiéme Legion Claudienne fe trou
ve auffi fur les Médailles de Septime See
vere & fur celles de Gallien,
310 MERCURE DE FRANCE.
La feptiéme Legion Claudierne étoft
encore dans la haute Moëfie , fous Gordien
Pie , qui envoya les Veterans de la
feptiéme & de la quatriéme Legion à Vi
minacium , Colonie de cette Province ,
comme nous l'apprend une Médaille du
Cabinet de M. le Prefident de Maifons.
Il y a d'un côté , Imp. Gordianus pius fel
Aug. Sa tête couronnée de Rayons .
Et au Revers , P. M. S. COL . VIM .
AN IIII. Provincia Moefia Superioris
Colonia Viminacium. Anno quarto. La
figure d'une femme debout tient de la
main droite un Signe Militaire , où eft le
nombre VII. & de la main gauche un
autre Signe Militaire , où eſt le nombre
IIII. & à fes pieds , au côté droit , un Taureau
, & au côté gauche un Lion , qui.
font les Symboles de ces deux Legions ,
pour marquer que les Veterans de la feptiéme
Legion Claudienne & ceux de la
quatriéme ,y avoient été envoyez pour peupler
cette Ville & la deffendre contre les
infultes des Barbares .
Dion, Livre 55 page 564. ne laiffe aucun
lieu de douter que ce ne foit la 7
Legion Claudienne qui eft fur la Médaille
de Gordien Pie , quoique le nom de Claudia
n'y foit point. Il nous apprend que
c'eft la même qui étoit en quartier d'hyver
dans la haute Moëfie . Septimia in Mifia
LibMARS,
1730% 511
fuperiori, Claudiana præcipue nuncupata .
M.l'Abbé de Rothelin a auffi la feptiéme
Legion Claudienne dans Gallien avec le
même Taureau .
J'ai vu cette Médaille de petit Bronze
dans le Cabinet de Milord Pembrok , en
Angleterre ; & à Paris , chez le P. Chamillard
, qui l'a , dit - il, trouvée à Pontoiſe
Legion 111.
Imp. Caraufius P. F. Aug. Sa tête couronnée
de Rayons , pour Type un Taureau
. LEG . VIIII . GE ML . Legio nona
Gemina. La neuviéme Legion Gemelle.
Cette 9º Legion , dont Caraufius voulut
auffi celebrer la valeur , étoit auffi appellée
Gemina ou Gemelle , parce quelle
avoit été formée de deux Legions qui n'en
compofoient plus qu'une , comme Dion
ou Xiphilin fon Compilateur nous l'apprend
dans la Vie d'Augufte , page 183. Le
Revers de cette Médaille porte le même
Type que les deux précedentes . C'eſt un
Taureau qui eft le ſymbole ordinaire des
Veterans d'une Colonie . Le Taureau étoit
fous la protection de la Déeffe de Cythere.
Taurum Cytherea tuetur , dit le PoëteManilius
. Il eſt fait mention dans le frag
ment d'une ancienne Colomne , de la feptiéme
Legion Gemina , on Gemelle , ce
qui
311 MERCURE DE FRANCE:
qui fait voir que le mot G E, fe doit rend
dre en latin par celui de Gemina , puiſqu'il
fe trouve écrit tout du long ſur les anciennes
Infcriptions. Quant aux Lettres
ML qui fe trouvent dans l'Exergue de
ces Médailles , nous aurons lieu d'en dire
notre fentiment dans un Chapitre particulier
, où nous tâcherons de découvrir ce
ce que les Monetaires de ces temps - là ont
voulu nous donner à entendre par ces
Lettres & autres femblables.
CetteMédaille de petit Bronze , eft dans
le Cabinet du Duc de Dewonshire.
Legion 1111.
Imp. Caraufius P. F. Aug. la tête cou
tonnée de Laurier . LEG . IIII. FL. Dans
Exergue , R. S. R. Legio quarta Flavia,
la 4 Legion Flavienne . Cette quatriéme
Legion fut ainfi furnommée par Vefpafien,
qui voulut qu'elle prit le furnom de fa Famille
appellée Flavia . Il plaça cette Legion
dans la Syrie pour contenir les peuples
dans leur devoir . Quarta Flavia in
Syria commorata eft , ſelon Dion , p . 272.
qui rapporte qu'elle étoit encore en Syrie
fous le regne d'Alexandre Severe.
Cette Legion porte pour enfeigne un
Lyon , fimbole ordinaire de la force . Septime
Severe s'étoit auffi fait gloire de celebrer
MARS. 17300 $ 13
lebrer la valeur de la même Legion , avee
la même Legende ; mais le Type eft fort
different de la Médaille de Caraufius , il
y a fur celle de Severe deux Signes Militaires
avec l'Aigle Legionnaire ; au lieu
que dans la Médaille de Caraufius il n'y
a qu'un Lion feul. J'ai auffi obfervé ailleurs
la mêmeLegende que dans Caraufius ;
mais au lieu d'un Lion , il y en à deux
entre lefquels on voit une tête cafquée.
J'ai vu à Londres dans le Cabinet
de Milord Pembrock , ce même Type fur
une Médaille d'or de Victorin , où cette
Legion prend le furnom de Pia Felix.
Legio IIII. Flavia P. F.
Vaillant nous affure que de toutes les
Legions qui reftoient fous Gallien , la
quatriéme Legion Flavienne étoit la feule
qui portât un Lion pour Enfeigne , & les .
Médailles que nous venons de rapporter.
en dernier lieu , font voir que cette Legion
fubfifta encore quelque temps après
Gallien , puifque Victorin s'eft fait honneur
de faire graver encore le nom de
la même Legion fur fes Médailles ..
Elle avoit été auffi fort celebre fous plufieurs
autres Princes , comme on le peut
voir dans les Colonies de Vaillant. La
Médaille qu'il rapporte du jeune Philippe
, me paroît fur tout digne de remarque.
On voit d'un côté la tête de ce Prince ; &
21
314 MERCURE DE FRANCE.
au revers ces quatre Lettres initiales G.
F. P. D. qui fignifient Colonia Flavia
Pacenfis Deultana , parce que cette Colonie
avoit été formée des Veterans de
cette quatriéme Legion Flavienne .
Il eft auffi fait mention de la quatriéme
Legion Flavienne dans une Infcription
antique , trouvée à Pezaro , rapportée
,
, page 148. dans le Traité des Regions
Suburbicaires , où il eft fait mention entr'autres
du Tribun de la quatriéme Legion
Flavienne , qui étoit auf le Patron
des Colonies de Pezaro & de Feneſte .
TRIB . LATICL . LEG. IIII. FLAV
PATRONUS COLONIARUM .
PISAURI ET FANEST .
A l'égard de Pezaro , il eft bon de re
marquer en paffant que c'eft - là , où les
defcendans de Caraufius fe retirerent dans
des temps difficiles , fuivant le Comte de
Zabarella , * dans la Genealogie qu'il fait
des Pezari de Venife , intitulée : Il Carau
fio Overo Regia & Augufta Fameglia
di Pezari di Venetia ; Famille que cet
Auteur fait defcendre en ligne directe de
Caraufius , Empereur de la Grande - Bretagne
. Cette Médaille , qui eſt d'argent ,
eft à Londres dans le Cabinet du Duc de
Dewonshire .
* Le Livre du Comte de Zabarella , que j'avois
cherché long- temps , m'a été donné par M. Duvau
, Ecuyer , ancien Capitoul de Toulouse.
MAR S. 1730. SIS
Legion V.
Imp. Caraufius, P. F. Aug. Sa tête cou
ronnée de Rayons.
LEG . VIII... IN . ML . Legio octava ..
IN... cette Legion a pour Type un Belier.
La huitéme Legion furnommée ... IN ..
peut être invicta , l'invincible. C'eſt ainſi
que je crois qu'on peut interpreter le mot
abregé ... IN ... à moins que dans la
Médaille en queſtion il n'y ait MIN . au
lieu de N. ce qui feroir pour lors MINERVIA
Qu MINERVINA car il fe
pourroit bien faire que la Médaille n'étant
pas affez nette ni affez confervée en
cet endroit , on auroit pû lire IN , au lieu
de MIN.
Cette Médaille eft d'autant plus finguliere
que
fa Legende & fon Type font
encore inconnus fur les Médailles des autres
Empereurs. Quant au Type du revers,
ne pourroit - on point dire qu'il nous
défigne une Legion particuliere des Bagaudes
? On fçait que les Auteurs les appelloient
Agreftes ou Rufticanos & qu'ils
avoient quitté le foin de leurs Troupeaux
pour courir après une liberté chimerique
en prenant les armes fous la conduite.
d'Amandus , leur Empereur . Suivant ce
trait hiftorique, que nous avons rapporté
ailleurs ; ne pourroit- on pas dire que ces
Bagaudes ayant pris les armes , choifirent
pour
$ 16 MERCURE DE FRANCE.
pour le figne de leur liberté le Belier ,
pour marquer qu'ils n'avoient point perdu
de vûë leur premier état , & que s'ils
avoient pris les armes , ce n'étoit que pour
deffendre leur ancien Domaine ? Ce qui
pourroit fortifier d'ailleurs cette conjecture
, c'est que le Belier étoit confacré à
Pallas , Déefle de la Guerre ( Déeffe qui
fe voit fi fouvent fur les Médailles de
Caraufius ) Manilius nous en fournit une
preuve autentique dansfon deuxièmeLivre.
Lanigerum Pallas , Taurum Cytherea tuetur,
Le même Auteur parle encore du Belier
en des termes qui femblent parfaitement
juftifier le choix que nos anciens Gaulois
auroient pû faire du Belier pour enfeigne
d'une Legion qui fe feroit déclarée de nouveau
pour la liberté de la Patrie fous un fi
grand Capitaine.
Sed Princeps aries toto fulgebit in orbe,
Ainfi le furnom & le fymbole que prend
cette Legion conviendroit parfaitement
au temps dont nous parlons , & à un
Prince, qui prenoit à juste titre, le furnom
d'invincible , comme fes Médailles , avec
le titre d'Invictus , le confirment.
Il est bon de remarquer ici , qu'on por
toit quelquefois le Belier parmi les Enfeignes
Romaines. Mais fur tout quand
on
**ཟེ
MARS
.
1730.
SIY
en vouloit déclarer la guerre. Pour lors
un Herault d'Armes , tiré de l'illuftre Corps
des Faciales , marchoit à la tête portant
le figne du Belier , qu'il devoit lancer
fur les premieres Terres des Ennemis ,
pour montrer qu'ils n'avoient pris les
armes contre eux que pour le venger
des outrages qu'ils en avoient reçûs les
premiers , felon quelques Auteurs ; ou
plutôt felon Pierius dans fes Hyerogli
phes , pour donner à entendre par - là qu'ils
étoient déja , pour ainsi dire , en poffeffion
des Terres de leurs Ennemis . Ce qui étant
pris en ces deux fens , ne laifferoit pas
d'avoir fon application dans Caraufius qui
prétendoit avoir été infulté le premier
par Maximien , & qui s'empara bientôt
de l'ifle la plus belle , la plus grande & la
plus fertile du monde en pâturages , &c,
Legion VI
.....
Imp. Caraufius P. F. Aug. la tête couzonnée
de rayons.
LEG...... Legio Légion,
Dans l'Exergue M L. pour Type ,
la figure du Capricorne tourné du côté
droit . Les Legions dont nous venons de
parler m'étoient connuës fous trois Types
differens ; trois avoient le Type d'un
Taureau , une fous le Type d'un Belier ,
une autre fous le Type d'un Lion ; mais
celle- ci a un Type different , & on ne
l'avoit
418 MERCURE DE FRANCE .
f'avoit point encore vû fur aucune Médaille
de Caraufius ; il feroit à fouhaiter
que le nom de la Legion ne fut pas effacé,
Peut -être que le tems nous en fera dé
couvrir quelque femblable mieux confervée.
Il y a eu fept Legions de Gallien avec
le même Signe du Capricorne , & Vaillant
les rapporte dans fon Livre des Médailles
Impériales ; fçavoir , la Legion
premiere , Adjutrix. La premiere Italica,
la quatorziéme Gemina , la trentiéme Ulpia
, la vingt- deuxième , furnommée Primigenia
, au rapport de Spartien , dans la
vie de Didius Julianus . La dix- huitiéme
& la vingt- fixiéme fans nom particulier.
Ainfi on pourroit croire que celle de Ca
raufius , dont je parle ici , feroit une de ces
Legions , parcequ'elles ont toutes le même
fimbole que note Médaille.
La feconde Legion Auguftale pourroit
auffi être de ce nombre . On a trouvé dans
la Grande Bretagne une Infcription Antique
conçûë en ces termes , & avec le
même Type du Capricorne .
IMP.
AVG .
ANTONINO
Pio.
LE G.
I I.
A V G.
F. P. III. CC L XX II.
1
Cette
MARS. 1730: 519
Cette Infcription nous apprend que la
deuxième Legion Auguftale avoit continué
le mur d'Antonin Pie ,qui eft au Nord
d'Ecoffe , pendant l'efpace de trois mille
deux cent foixante & douze pas. Cette
Infcription eft fur une pierre qui reprefente
dans le haut , la figure d'un Capricorne
que je prens pour le figne de cette
Legion , & non pas le Griffon qui eſt au
bas. A l'égard du furnom Augufta , nous
avons déja remarqué qu'Augufte donna
fon nom à plufieurs Legions , & cette
Infcription nous fait voir que celle- ci
avoit non- feulement le nom d'Augufte ,
mais qu'elle en avoit auffi pris le fimbole
pour préfage de bonheur : le Signe
du Capricorne ayant toujours été regardé
comme tel par cet Empereur. Et parcequ'il
avoit été Conful pour la premiere fois ,
& qu'il avoit aufli gagné la Bataille d'Actium
dans le mois d'Août , il lui donna
fon nom . C'est ce qui me feroit croire
que c'eft cette feconde Legion qui nous
eft marquée fur notre Médaille de Caraufius
. Dion rapporte que la feconde Legion
Auguftale étoit de fon tems dans la
haute Bretagne , & les Infcriptions qu'on
Y découvre tous les jours en donnent des
preuves inconteftables. C'eſt cette feconde
Legion qui donna fon nom & la naiffance
à la Ville de Caer-leon , appellée dans l'IE
tineraire
520 MERCURE DE FRANCE.
tineraire d'Antonin , ISCA LEG. II. AUGUSTA.
Cette Legion étoit fans doute
encore dans la Grande Bretagne au tems
de Caraufius , puifque peu d'années avant
qu'il y allât , Pofthume , Empereur dans
les Gaules , avoit dans cette Ville un
Corps d'Armée. C'est ce que je trouve
confirmé par une Médaille de ce dernier
Empereur ; elle a d'un côté le nom de ce
Prince , & la tête couronnée de rayons.
IMP CM CASS LAT. Pofthumus Aug.
& de l'autre côté , on voit à cheval l'Em
pereur qui harangue les Troupes , & autour
EXERCITUS YSCanicus , l'AEmée
de Caer- Leon .Cette Armée de Pofthu .
me fut nommée Armée Tfcanique d'Yíca,
parceque cette Legion qui prêta ferment
de fidelité à Pofthume dans la Grande
Bretagne , étoit placée fur la Riviere de
PUske, qu'on appelloit Yſca - Silurum , &
non pas Silulorum , comme l'a écrit Vaillant
, qui rapporte cette Médaille . Cette
Ville n'eft plus aujourd'hui qu'un petit
Village , portant le nom de Caer-Leon, par
corruption de Cefaris Legio ; & c'eſt là
que les Hiftoriens Anglois avoient placé
la Cour de leur grand Roi Artus &
où ils prétendent qu'il y avoit un College
de deux cens Philofophes établis pour
Ay obferver le cours des Aftres . Cette Médaille
de petit bronze eft en Angleterre ,
dans le Cabinet du Docteur Sloane.
"
MARS. 1730. 521
*
COHORTES PRETORIENNES.
Imp. Caraufius. P. F. Aug. La tête
couronnée de Rayons.
COHH .... ML. Cohortes ... Les
Cohortes ... M L. COHORTES. Ce font
fans doute les Cohortes Prétoriennes qui
formoient la garde de Caraufius , dont cet
Empereur voulut éternifer la mémoire &
la fidelité aufli bien que celle des Legions
dont nous venons de parler. Je n'entrerai
point ici dans la queftion de fçavoir de
combien étoit compofée la Legion . Les
Auteurs font pleins de ces fortes de détails.
J'ajouterai cependant qu'il y avoit
fous Augufte neuf Cohortes Prétoriennes
pour la garde du Prince , & que Galba
y en ajoûta trois nouvelles. Ainfi il y eut
douze Cohortes de Gardes Prétoriennes,
qui fubfiftoient encore du tems de Septime
Severe , au rapport de Dion. Je ne
fçai fi le nombre de ces Cohortes étoit le
même du tems de Diocletien & de Maximien
; mais ce qu'on peut affurer , fuivant
le témoignage de cette Médaille unique
de Caraufius , c'eft que la garde de
ce Prince étoit compofée de quatre mille
hommes. C'eft ainfi que je crois qu'on
doit expliquer les quatre fignes militaires
qui font au revers de fa Médaille . En effer
chaque Cohorte ayant fon enfeigne
militaire , & chaque Cohorte étant com
- E ij poléc
322 MERCURE DE FRANCE :
pofée de mille hommes , fuivant le témoi
gnage de la plupart des Auteurs ,
quatre enfeignes militaires nous défignent
que la Garde de cet Empereur des Bretons
étoit compofée de quatre Cohortes
Prétoriennes . A quoi fi nous ajoûrons le
nombre de dix ou de douze mille hommes
, dont chaque Legion pouvoit être
compofée , en y comprenant les Troupes
auxiliaires , il fe trouvera que Caraufius ,
fuivant ces Médailles, avoit du moins une
armée de foixante & quatre mille hommes,
fans y comprendre les forces maritimes.
Ce font là les Cohortes Prétoriennes & les
fix Legions principales qui compofoient
l'Armée de notre Conquerant , & dont
les Auteurs ne parlent point. Elles métitoient
bien , après lui avoir acquis tant
de gloire , d'en partager avec lui une por
tion , & de revivre un jour dans la mémoire
des hommes par ce témoignage autentique
de fa reconnoiffance , ayant été
les compagnes fideles de fes travaux guerriers
, & ayant verſé fi librement leur fang
dans plufieurs occafions pour l'élever fur
le Trône de la Grande Bretagne,
Dans cette occafion , comme dans bien
d'autres, nous pourrions nous plaindre du
filence des Hiftoriens qui ne nous difent
rien de toutes ces circonftances , & qui
ne font mention que d'une Legion Romaine
MAR 9. 1730. 523
1
maine dont ils ont même affecté de nous
cacher le nom ; mais nous devons nous
confoler ayant des Monumens plus fûrs
& moins fujets à être alterés , & qui fe
font heureuſement dérobés aux injures
des tems & de l'envie . Après tout nous
ne ferions peut-être pas obligés de nous
plaindre fi fort du filence de ces Hiftoriens
, fi le fecond Livre que nous avons
de Zozime fur la vie des Empereurs de
ces tems, nous étoit refté dans fon entier ,
mais cet Auteur fe trouve tronqué immédiatement
après la vie de Probus , & ce
qui fuit ne recommence qu'à l'Hiftoire de
Conftantin le Grand . De forte que ce qui
nous manque de cet Auteur ne comprend
gueres moins que les Vies de fept à huit
Empereurs , qui font Carus , Ĉarinus
Numerianus , Diocletianus Maximianus
Herculius , Caraufius , Conftantius
Chlorus & Gal. Maximianus , dont l'Hiftoire
ou les évenemens étant neceffairement
liés avec ce qui s'eft paffé du tems
de Caraufius n'auroient pas laiffé de nous
donner des lumieres pour expliquer bien
des faits particuliers , où les conjet&cures
ne fçauroient atteindre.
>
Ne feroit- ce point là un effet moins du
hazard que de l'envie ou de la politique
Romaine , qui jaloufe de la gloire de ce
Prince auroit fupprimé à deffein les
E iij
>
Mc124
MERCURE DE FRANCE.
Mémoires les plus confiderables de fon
tems , qui ne pouvoient être qu'à la gloire
de ce Heros qui avoit fi fort abbatu
leurs forces & leur puiffance. Cette Médaille
de petit bronze eft dans le Cabinet
de l'Auteur..
Voilà , Milord , ce que j'avois à obferver
de plus remarquable au fujet des Cohortes
& des Legions dont les noms nous
font confervés fur les Médailles de Caraufius
, & fans lefquelles les fervices
qu'elles lui avoient rendus feroient reſtez
dans un oubli éternel . Ce font là ces fieres
Legions & ces Cohortes fideles qui fua
rent les témoins de fes travaux guerriers ,
qui fe firent honneur de combatre fous fes
Etendarts , & avec qui il fit tant d'actions
heroïques & tant d'exploits glorieux ,
qu'il fut enfin élevé aux acclammations
des Peuples fur le Trône de la Grande
Bretagne Je fuis avec un profond reſpect
& c .
IMITATION
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Résumé : EXPLICATION des Médailles qui font mention des Cohortes & des differentes Legions de Carausius, par où l'on peut fixer à peu près le nombre de Troupes que cet Empereur des anciens Bretons entretenoit. Adressée à son Excellence Milord Carteret, Vice-Roy d'Irlande & c. Par M. Genebrier, Docteur en Medecine, Medecin ordinaire de la Cour d'Angleterre & premier Medecin du Vice-Roi d'Irlande.
Le texte, rédigé par M. Genebrier, médecin, est une explication des médailles mentionnant les cohortes et les différentes légions de l'empereur Carausius, adressée à Milord Carteret, Vice-Roy d'Irlande. Genebrier, motivé par l'intérêt de Milord Carteret pour l'histoire et les découvertes liées à la gloire de la nation, entreprend de rédiger une histoire métallique de Carausius, l'un des plus grands conquérants de l'Angleterre. Il cherche à célébrer les instruments des victoires de Carausius, notamment les légions qui ont combattu sous ses étendards. Le document liste plusieurs légions et leurs caractéristiques : 1. **Légion I** : Représente l'empereur César Carausius, pieux, heureux et auguste, couronné de lauriers. 2. **Légion VIII Augusta** : Symbolisée par un taureau, elle est l'une des plus anciennes légions, formée par Auguste. Elle a combattu sous Carausius contre les Germains, lui valant le titre de Germanicus Maximus. 3. **Légion II Augusta** : Trouvée dans des fragments de briques et des médailles, elle était en quartier d'hiver en Haute-Bretagne. 4. **Légion VII Claudia** : Appelée Claudienne, elle était fidèle à Claude et a soutenu ses partis contre Scribonien. Elle est symbolisée par un taureau. 5. **Légion IX Gemina** : Formée de deux légions fusionnées, elle est également symbolisée par un taureau. 6. **Légion IV Flavia** : Symbolisée par un lion, elle a été placée en Syrie par Vespasien pour maintenir l'ordre. Ces légions sont mentionnées dans diverses médailles et inscriptions, permettant de fixer le nombre approximatif des troupes de Carausius. Le texte mentionne également des médailles et des fragments trouvés dans divers cabinets et collections, confirmant l'existence et les actions de ces légions. Une médaille rapportée par le jeune Philippe présente sur une face la tête de ce prince et sur l'autre les lettres initiales G.F.P.D., signifiant Colonia Flavia Pacensis Deultana, formée des vétérans de la quatrième Légion Flavienne. Cette légion est également mentionnée dans une inscription antique trouvée à Pesaro, où elle est désignée comme patronne des colonies de Pesaro et de Fano. Le texte évoque également plusieurs légions de Carausius, identifiées par des symboles animaux comme le bélier, le taureau, et le capricorne. La huitième Légion, peut-être invicta, est marquée par un bélier, symbole de liberté et de défense du domaine ancestral. La sixième Légion est représentée par un capricorne, symbole de bonne fortune. Le texte note que sept légions de Gallien portaient le même signe du capricorne, et que la seconde Légion Augusta, stationnée en Bretagne, pourrait être celle représentée sur la médaille de Carausius. Enfin, le texte mentionne les cohortes prétoriennes de Carausius, composées de quatre mille hommes en quatre cohortes, et discute de l'armée de Carausius, estimée à soixante-quatre mille hommes, incluant les troupes auxiliaires.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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69
EXPLICATION des Médailles qui font mention des Cohortes & des differentes Legions de Carausius, par où l'on peut fixer à peu près le nombre de Troupes que cet Empereur des anciens Bretons entretenoit. Adressée à son Excellence Milord Carteret, Vice-Roy d'Irlande & c. Par M. Genebrier, Docteur en Medecine, Medecin ordinaire de la Cour d'Angleterre & premier Medecin du Vice-Roi d'Irlande.
70
p. [847]-849
PARAPHRASE De la Prose que l'Eglise chante aux Fêtes de Pâques, Victimae Paschali laudes, &c. Par M. de Senecé.
Début :
Ça, Chrétiens, émules des Anges, [...]
Mots clefs :
Anges, Gloire, Jésus
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PARAPHRASE De la Prose que l'Eglise chante aux Fêtes de Pâques, Victimae Paschali laudes, &c. Par M. de Senecé.
PARAPHRASE
De la Profe que l'Eglife chante, aux Fêtes
de Pâques,Victimæ Paſchali laudes , &c.
Par M. de Senecé.
Ç
A, Chrétiens , émules des Anges ,
Rendons un tribut immortel ,
D'honneur , de gloire , de louanges ,
A la Victime de l'Autel :
Dans ce jour où l'Agneau fans tache ,
Sauve les Brebis , qu'il arrache ,
A ij Des
$ 48 MERCURE DE FRANCE
Des dents du Lion rugiffant ,
Que de nos fers il nous délie
Et que Jefus réconcilie ,
Le coupable par l'innocent.
M
La mort , qui n'eft point affouvie ,
De notre mal inveteré ,
"
A combatu contre la vie ,
Dans un duel defefperé.
Voulez -vous en fçavoir l'iſſuë ?
Jefus y meurt , mais on le tuë ,
Pour renaître plus glorieux ,
Et fon implacable ennemie ,
Y répand fa rage , vomie
Sous l'effort du Victorieux.
Dites-nous , Amante fidelle ,
Qu'avez-vous vû de confolant ?
Magdeleine , quelle nouvelle ,
Rend votre deüil moins violent ?
Ah ! j'ai vû ... j'en fuis hors d'haleine,
J'avois laiffé la Tombe pleine ,
Où Jefus étoit renfermé ;
Je n'ai trouvé que folitude ,
Réfurrection , certitude ,
Des honneurs de mon Bien-aimé.
器
Jay
MAY. 1730.
849
J'ai vu des Anges reſpectables ,
Auprès du facré Monument ,
Qui font témoins irréprochables ,
Du merveilleux évenement ;
J'ai vu la dépouille ordinaire ,
De fes Habits , de fon Suaire ...
Mais j'arrêté votre ferveur ,
Ne cherchez plus au Mauſolée
Amis , courez en Galilée ,
Vous y trouverez le Sauveur.
***
Olli , par votre propre puiffance
Nous vous croyons refſuſcité ,
Seigneur , gardez-nous de l'offenſe ,
Que vous fait l'incrédulité.
Roi vainqueur , Roi brillant de gloire ,
Nous tirons de votre victoire ,
Un préjugé qui nous eft doux ;
C'eft la Foi qui nous y convie ,
Nous croyons la feconde vie.
Jefus , ayez pitié de nous.
De la Profe que l'Eglife chante, aux Fêtes
de Pâques,Victimæ Paſchali laudes , &c.
Par M. de Senecé.
Ç
A, Chrétiens , émules des Anges ,
Rendons un tribut immortel ,
D'honneur , de gloire , de louanges ,
A la Victime de l'Autel :
Dans ce jour où l'Agneau fans tache ,
Sauve les Brebis , qu'il arrache ,
A ij Des
$ 48 MERCURE DE FRANCE
Des dents du Lion rugiffant ,
Que de nos fers il nous délie
Et que Jefus réconcilie ,
Le coupable par l'innocent.
M
La mort , qui n'eft point affouvie ,
De notre mal inveteré ,
"
A combatu contre la vie ,
Dans un duel defefperé.
Voulez -vous en fçavoir l'iſſuë ?
Jefus y meurt , mais on le tuë ,
Pour renaître plus glorieux ,
Et fon implacable ennemie ,
Y répand fa rage , vomie
Sous l'effort du Victorieux.
Dites-nous , Amante fidelle ,
Qu'avez-vous vû de confolant ?
Magdeleine , quelle nouvelle ,
Rend votre deüil moins violent ?
Ah ! j'ai vû ... j'en fuis hors d'haleine,
J'avois laiffé la Tombe pleine ,
Où Jefus étoit renfermé ;
Je n'ai trouvé que folitude ,
Réfurrection , certitude ,
Des honneurs de mon Bien-aimé.
器
Jay
MAY. 1730.
849
J'ai vu des Anges reſpectables ,
Auprès du facré Monument ,
Qui font témoins irréprochables ,
Du merveilleux évenement ;
J'ai vu la dépouille ordinaire ,
De fes Habits , de fon Suaire ...
Mais j'arrêté votre ferveur ,
Ne cherchez plus au Mauſolée
Amis , courez en Galilée ,
Vous y trouverez le Sauveur.
***
Olli , par votre propre puiffance
Nous vous croyons refſuſcité ,
Seigneur , gardez-nous de l'offenſe ,
Que vous fait l'incrédulité.
Roi vainqueur , Roi brillant de gloire ,
Nous tirons de votre victoire ,
Un préjugé qui nous eft doux ;
C'eft la Foi qui nous y convie ,
Nous croyons la feconde vie.
Jefus , ayez pitié de nous.
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Résumé : PARAPHRASE De la Prose que l'Eglise chante aux Fêtes de Pâques, Victimae Paschali laudes, &c. Par M. de Senecé.
Le poème 'De la Profe que l'Eglife chante, aux Fêtes de Pâques, Victimæ Paschali laudes' célèbre la résurrection de Jésus-Christ. Il invite les chrétiens à honorer Jésus, la 'Victime de l'Autel', qui sauve les hommes des péchés et les libère du mal. Le texte décrit la lutte entre la mort et la vie, où Jésus meurt puis renaît glorieux, triomphant ainsi de la mort. Marie-Madeleine témoigne de la résurrection après avoir trouvé la tombe vide et reçu la confirmation des anges. Elle encourage les fidèles à se rendre en Galilée pour rencontrer le Sauveur ressuscité. Le poème se termine par une prière à Jésus, le suppliant de préserver les croyants de l'incrédulité et de leur accorder la foi en la vie éternelle.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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71
p. 908-916
REMARQUES CRITIQUES de M. R... sur l'Essay de comparaison entre la Déclamation & la Poësie Dramatique, par M. Levesque, imprimé chez la Veuve Pissot, & J.F. Tabrie, Quay de Conty, 1729
Début :
Un bel esprit du dernier siecle ne sçavoit » qui sont les plus redeva»bles, [...]
Mots clefs :
Acteur, Poésie, Auteurs, Poète, Esprit, Gloire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REMARQUES CRITIQUES de M. R... sur l'Essay de comparaison entre la Déclamation & la Poësie Dramatique, par M. Levesque, imprimé chez la Veuve Pissot, & J.F. Tabrie, Quay de Conty, 1729
REMARQUES CRITIQUES
de M. R... fur l'Effay de comparaison
entre la Déclamation & la Poëfie Dramatique
, par M. Levefque , imprimé
chez la Veuve Piffot , & J. F.Tabarie ,
Quay de Conty , 1729-
UN
N bel efprit du dernier fiecle ne
fçavoit » qui font les plus redevaqui
lesplusredene
» bles , ou ceux qui ont écrit l'Hiftoire
» à ceux qui leur ont fourni une fi noble
» matiere , ou ces Grands- Hommes
» leurs Hiſtoriens . Il eſt aifé de diffiper le
doute
MAY. 1730. 909
doute de la Bruyere. S'il n'y avoit point
de Heros , il n'y auroit point d'Hiftoriens;
le Heros , au contraire exifte & agit fans
l'Hiftorien : on peut fur ce principe déterminer
lequel des deux eft le plus redevable.
En réduifant à une propofition auffi
fimple la nouvelle comparaifon , on en
pourra donner une folution auſſi
prompte
& auffi facile ; le Comedien ne peut exifter
fans le Poëte : le Poëte , au contraire ,
fubfifte par lui-même , fans qu'il ait be
foin du fecours du Déclamateur.
Quelques Remarques détruiront toutes
les parties du Trophée que M. Levefque
à voulu ériger aux Héros de Théatre.
Si cet Auteur en étoit crû , Médée
& tous fes enchantemens , furent moins
puiffans à Colchos que ne l'ont été fur le
Théatre François la Dlle Balicourt , & fon
Art. » Cette Actrice a rajeuni , elle a ref-
»fufcité une Tragédie ufée , vieillie dans
» l'obfcurité ; elle donne encore la vie à
» une autre Piece , par le grand éclat qu'el
» le a répandu fúr la premiere.
*
Un Auteur qui parle fur ce ton , peut,
à fon gré , faire d'un Nain un Atlas.
D'abord M. Levefque avoit feulement
entrepris de prouver que l'Art des Acteurs
eft à peu près auffi beau , auffi grand
que celui du Poëte ; cet à peu près refferroit
10 MERCURE DE FRANCE
roit fon Systême dans des bornes qui auroient
pû prévenir toute conteſtation ; il
franchit bien- tôt ces bornes judicieuſes :
dans toute la fuite du difcours , on ne
trouve que des expreffions décifives ; la
Déclamation & la Poëfie marchent du
même pas , pas , rien ne les diftingue ; » L'une
» contribue autant que l'autre aux plaifirs
» & à la perfection du Théatre ; quelque-
»fois même la fuperiorité eft toute entiere
» du côté de la Déclamation. Les Vers de
Racine fi beaux & fi touchans , ne frap-
>> pent, dit- on , & n'enlevent que l'efprits
»le coeur indifferent & immobile , attend
fe remuer , que le fieur Dufrefne
viennent l'émouvoir par fa brillante
» Déclamation .
» pour
Quelle gloire , quel fujet de vanité pour
la Déclamation , de balancer la victoire
entr'elle & une Poëfie dictée par les Graces !
Quel triomphe imprévû pour le fieur
Dufrefne , de fe voir placé vis-à-vis d'un
Poëte auffi applaudi , auffi aimé & auffi
cheri ! Que penfer de ce chimerique parallele
?
Je ne ferai point remarquer par quelles
contradictions l'Auteur le détruit luimême
; mais on verra du premier coup
d'oeil Péchange qu'il fait des talens du
Poëte pour les tranfporter à l'Acteur ; il
attribue à la déclamation le principe
d'une
MAY. 1730. 917
d'une force & d'une puiffance qui réfident
dans la Poëfie , & qui fortent d'elle.
Tous les jours on éprouve qu'un Poëme
à la fimple lecture excite des mouvemens
& des fentimens plus ou moins vifs ; ſes
traits , quoique morts fur le papier , ont
en eux le principe de l'agitation dont
l'ame eft troublée ; l'action , au contraire ,
& le gefte de l'Acteur feparés de l'expreffion
, ne caufent nul trouble ; avant que
l'Acteur puiffe agiter & remuer l'ame , il
devient un organe animé de l'efprit du
Poëte , femblable aux Prêtreffes qui ne
rendoient leurs Oracles que lorfqu'elles
étoient infpirées & agitées par l'efprit du
Dieu que l'on confultoit..
>
Après que la Propofition a été hazardée,
les preuves n'ont point embaraffé l'Auteur
ni les réponfes aux objections qu'il fe
fait à lui-même : Si la déclamation n'eft.
point auffi connue & auffi cultivée que la
Poëfie , ce reproche , dit- il , ne tombe
point fur le fonds ou fur l'effence del'Art ;;
foin de convenir que cette prédilection
vienne de ce que celle - ci eft toute divine
& toute fpirituelle , & de ce que l'autre
eft prefque toute mécanique & fubalterne,
il aime mieux mettre au nombre des préjugés
de l'enfance le fentiment & l'opinion
que tous les fiecles & tous les hommes
ont eu de ces deux Arts ..
Arift
912 MERCURE DE FRANCE
» Ariftote & Horace , dit l'inventeur
» du parallele , n'ont point parlé de la
» Déclamation , parcequ'elle eft étrangere
» à l'Art Poëtique. Ce n'eft point réſoudre
l'objection , c'eſt la préfenter en d'autres
termes. Ces deux Maîtres du Dramatique
n'ont point placé la Déclamation
parmi les parties du Poëme , parcequ'elle
eft très indifferente & très inutile à la
Poëfie. Une femme ornée & enrichie de
tous les charmes de la beauté, reçoit quelques
nouvelles graces d'une belle parure;
lans ces graces , fa victoire & fon triomphe
en feroient- ils moins affurés fur les
coeurs ?
pas
Notre Auteur a pris à la lettre les Vers
de l'Epitre de Defpreaux à Racine ; il n'a
voulu remarquer que ces Vers ne vantent
le fecours de l'Auteur que pour le
moment auquel le fpectacle eft affemblé
lorfque la toile eft levée ; cet inſtant unique
pour la Déclamation n'empêche point
que la Poëfie , pendant tout le refte du
tems, ne plaife & ne touche indépendamment
d'aucun fecours. Sans la Poëfie de
Racine , la Chanfmeflé eut- elle été Iphigénie
; eut- elle pû faire verfer tant de
pleurs dans l'heureux fpectacle étalé aux
yeux de toute la France Defpreaux a
employé figuremment dans fon Art Poë
tique ce mot Acteur , plutôt que celui
d'Auteur
MA Y. 1730. 913
d'Auteur , qui feroit moins Poëtique ,
plus froid & plus languiffant.
M. Levefque a raffemblé differens Paffages
de Quintilien , de Rofcius , de M. de
Meaux , quelle confequence prétend-t'il
tirer de ces autorités , finon que l'Art des
Acteurs ajoûte quelques graces à l'Ouvrage
du Poëte ? il n'en conclura jamais
bien que ces graces foient auffi folides
auffi effentielles que celles dont l'ouvrage
eft enrichi , & qu'il porte en foi , Cependant
c'étoit ce qu'il falloit prouver pour
donner un fondement raisonnable au partage
égal , qu'il voudroit faire des applaudiffemens
des lauriers & de la gloire
immortelle.
,
Ses reflexions fur le fuccès des Piéces
médiocres font d'un foible fecours pour
le triomphe du paradoxe ; il reconnoît que
ce fuccès n'eft qu'une illufion , qui ne
peut
foutenir un examen férieux ; c'eft
une poudre ébloüiffante qui fe diffipe à
la lumiere. Eft- ce un fujet de gloire pour
un Art, de briller, quand on ne refléchit
point , & que fon faux éclat eft méprifé
lorfque la réflexion revient ?
M. de La Mothe joüit de la gloire que
fes Ouvrages fi variés lui ont acquife '; il
n'y a plus de réponſe à faire à la Critique
que notre Auteur a renouvellée fur
la Verfification d'Inés ; j'obferverai feulement
914 MERCURE DE FRANCE
•
ment que le paffage du Difcours de ce
Poëte fur Homere n'eft qu'une remarque
& une réflexion , & non pas un principe
& une maxime ; cet illuftre Académicien
eft inc pable d'une femblable erreur.
Tout ce que dit M. Levefque
des traités
, des regles & de l'objet
des deux Arts,
eft auffi difproportionné
que fi on avoit
comparé
une copie
avec fon original
.
Cette difcordance
regne dans tout l'Ou
vrage ; le plaifir
de dire des chofes
nouvelles
, & de les dire avec quelque
har-,
monie
, n'entraîne
que trop d'Auteurs
dans cette efpece de fophifmes
.
On croit que les Anciens avoient l'art
de tracer les expreffions & les geftes du
Déclamateur ; les preuves de cette conjecture
ne font pas certaines. M.Levefque
prédit que fi cet Art exiftoit , le récit ,
comme le Poëme , iroit inftruire & occuper
la pofterité. C'eft trop promettre i
comment fonder un jugement affuré fur
une fuppofition ?
Les Acteurs , fans doute , ont droit
de prétendre à la gloire de l'immortalité;
fon temple eft ouvert pour tous ceux qui
d'un pas ferme veulent y monter. Notre
Auteur n'a point rapporté les noms de
tous les Acteurs échapés aux tenebres &
à l'oubli . Pourquoi a- t'il oublié Syrus Comédien
, & Auteur également habile , au
jugement
MAY. 1730. 915
jugement de Trimalcion , qui comparoit
fa Poëfie à l'éloquence de Ciceron . L'au
torité du judicieux Trimalcion eut été
refpectable dans l'établiffement du nouveau
fiftême.
Mais la gloire immortelle a fes degrés
differens ; elle doit être diftribuée ſuivant
le mérite réel de la fcience ou de l'art
auquel s'applique celui qui eft flatté d'une
ambition fi noble . Soutiendra-t'on qu'il y
ait dans l'Art de réciter & dans celui d'écrire
un mérite également folide & effectif
, tel qu'il devroit être , fi l'on veut que
l'Auteur &le Poëte jouiffent d'une gloire
égale ?
La Fontaine en défignant la difference
de leurs talens a marqué le degré different
où ils doivent être placés. Corneille eft
monté aux plus hautes places du Temple
immortel, quelques- uns l'y fuivront, s'ils
fçavent écrire. Que ce mot fuppofe de
talens & de rares qualités ! Rofcius eft auffi
monté à ce Temple , à quelques dégrés
plus bas , quelqu'autres y parviendront ,
s'ils ont l'art de bien reciter . Ce dernier
mot s'explique de lui-même en quelque
fens qu'on le prenne.
Au refte , le ftile de notre Auteur eft
brillant , fes expreffions font choifies &
ingénieufes ; en quelques endroits il a de
la grandeur ; ce coup d'eflai fait voir ce
que
916 MERCURE DE FRANCE
que l'on en peut efperer dans la fuite. On
remarque cependant quelques conftructions
vicieufes & quelques termes moins
propres , qui auroient pû être remplacés,
Son Ouvrage n'eft peut-être qu'un jeu de
fon imagination , jeu toûjours dangereux,
puifque la raifon cede à l'efprit. Si cette
penfée m'étoit venuë d'abord, je me ferois
épargné un moment de mauvaiſe humeur
& le ferieux d'une critique , j'aurois lû fa
Lettre auffi indifferemment
que l'on lit la
Satire qui met l'homme au deffous du plus
ftupide de tous les animaux ; j'aurois regardé
la nouvelle comparaifon comme auffi
bizarre que me le paroît le parallele de
l'ajustement avec la Poëfie.
de M. R... fur l'Effay de comparaison
entre la Déclamation & la Poëfie Dramatique
, par M. Levefque , imprimé
chez la Veuve Piffot , & J. F.Tabarie ,
Quay de Conty , 1729-
UN
N bel efprit du dernier fiecle ne
fçavoit » qui font les plus redevaqui
lesplusredene
» bles , ou ceux qui ont écrit l'Hiftoire
» à ceux qui leur ont fourni une fi noble
» matiere , ou ces Grands- Hommes
» leurs Hiſtoriens . Il eſt aifé de diffiper le
doute
MAY. 1730. 909
doute de la Bruyere. S'il n'y avoit point
de Heros , il n'y auroit point d'Hiftoriens;
le Heros , au contraire exifte & agit fans
l'Hiftorien : on peut fur ce principe déterminer
lequel des deux eft le plus redevable.
En réduifant à une propofition auffi
fimple la nouvelle comparaifon , on en
pourra donner une folution auſſi
prompte
& auffi facile ; le Comedien ne peut exifter
fans le Poëte : le Poëte , au contraire ,
fubfifte par lui-même , fans qu'il ait be
foin du fecours du Déclamateur.
Quelques Remarques détruiront toutes
les parties du Trophée que M. Levefque
à voulu ériger aux Héros de Théatre.
Si cet Auteur en étoit crû , Médée
& tous fes enchantemens , furent moins
puiffans à Colchos que ne l'ont été fur le
Théatre François la Dlle Balicourt , & fon
Art. » Cette Actrice a rajeuni , elle a ref-
»fufcité une Tragédie ufée , vieillie dans
» l'obfcurité ; elle donne encore la vie à
» une autre Piece , par le grand éclat qu'el
» le a répandu fúr la premiere.
*
Un Auteur qui parle fur ce ton , peut,
à fon gré , faire d'un Nain un Atlas.
D'abord M. Levefque avoit feulement
entrepris de prouver que l'Art des Acteurs
eft à peu près auffi beau , auffi grand
que celui du Poëte ; cet à peu près refferroit
10 MERCURE DE FRANCE
roit fon Systême dans des bornes qui auroient
pû prévenir toute conteſtation ; il
franchit bien- tôt ces bornes judicieuſes :
dans toute la fuite du difcours , on ne
trouve que des expreffions décifives ; la
Déclamation & la Poëfie marchent du
même pas , pas , rien ne les diftingue ; » L'une
» contribue autant que l'autre aux plaifirs
» & à la perfection du Théatre ; quelque-
»fois même la fuperiorité eft toute entiere
» du côté de la Déclamation. Les Vers de
Racine fi beaux & fi touchans , ne frap-
>> pent, dit- on , & n'enlevent que l'efprits
»le coeur indifferent & immobile , attend
fe remuer , que le fieur Dufrefne
viennent l'émouvoir par fa brillante
» Déclamation .
» pour
Quelle gloire , quel fujet de vanité pour
la Déclamation , de balancer la victoire
entr'elle & une Poëfie dictée par les Graces !
Quel triomphe imprévû pour le fieur
Dufrefne , de fe voir placé vis-à-vis d'un
Poëte auffi applaudi , auffi aimé & auffi
cheri ! Que penfer de ce chimerique parallele
?
Je ne ferai point remarquer par quelles
contradictions l'Auteur le détruit luimême
; mais on verra du premier coup
d'oeil Péchange qu'il fait des talens du
Poëte pour les tranfporter à l'Acteur ; il
attribue à la déclamation le principe
d'une
MAY. 1730. 917
d'une force & d'une puiffance qui réfident
dans la Poëfie , & qui fortent d'elle.
Tous les jours on éprouve qu'un Poëme
à la fimple lecture excite des mouvemens
& des fentimens plus ou moins vifs ; ſes
traits , quoique morts fur le papier , ont
en eux le principe de l'agitation dont
l'ame eft troublée ; l'action , au contraire ,
& le gefte de l'Acteur feparés de l'expreffion
, ne caufent nul trouble ; avant que
l'Acteur puiffe agiter & remuer l'ame , il
devient un organe animé de l'efprit du
Poëte , femblable aux Prêtreffes qui ne
rendoient leurs Oracles que lorfqu'elles
étoient infpirées & agitées par l'efprit du
Dieu que l'on confultoit..
>
Après que la Propofition a été hazardée,
les preuves n'ont point embaraffé l'Auteur
ni les réponfes aux objections qu'il fe
fait à lui-même : Si la déclamation n'eft.
point auffi connue & auffi cultivée que la
Poëfie , ce reproche , dit- il , ne tombe
point fur le fonds ou fur l'effence del'Art ;;
foin de convenir que cette prédilection
vienne de ce que celle - ci eft toute divine
& toute fpirituelle , & de ce que l'autre
eft prefque toute mécanique & fubalterne,
il aime mieux mettre au nombre des préjugés
de l'enfance le fentiment & l'opinion
que tous les fiecles & tous les hommes
ont eu de ces deux Arts ..
Arift
912 MERCURE DE FRANCE
» Ariftote & Horace , dit l'inventeur
» du parallele , n'ont point parlé de la
» Déclamation , parcequ'elle eft étrangere
» à l'Art Poëtique. Ce n'eft point réſoudre
l'objection , c'eſt la préfenter en d'autres
termes. Ces deux Maîtres du Dramatique
n'ont point placé la Déclamation
parmi les parties du Poëme , parcequ'elle
eft très indifferente & très inutile à la
Poëfie. Une femme ornée & enrichie de
tous les charmes de la beauté, reçoit quelques
nouvelles graces d'une belle parure;
lans ces graces , fa victoire & fon triomphe
en feroient- ils moins affurés fur les
coeurs ?
pas
Notre Auteur a pris à la lettre les Vers
de l'Epitre de Defpreaux à Racine ; il n'a
voulu remarquer que ces Vers ne vantent
le fecours de l'Auteur que pour le
moment auquel le fpectacle eft affemblé
lorfque la toile eft levée ; cet inſtant unique
pour la Déclamation n'empêche point
que la Poëfie , pendant tout le refte du
tems, ne plaife & ne touche indépendamment
d'aucun fecours. Sans la Poëfie de
Racine , la Chanfmeflé eut- elle été Iphigénie
; eut- elle pû faire verfer tant de
pleurs dans l'heureux fpectacle étalé aux
yeux de toute la France Defpreaux a
employé figuremment dans fon Art Poë
tique ce mot Acteur , plutôt que celui
d'Auteur
MA Y. 1730. 913
d'Auteur , qui feroit moins Poëtique ,
plus froid & plus languiffant.
M. Levefque a raffemblé differens Paffages
de Quintilien , de Rofcius , de M. de
Meaux , quelle confequence prétend-t'il
tirer de ces autorités , finon que l'Art des
Acteurs ajoûte quelques graces à l'Ouvrage
du Poëte ? il n'en conclura jamais
bien que ces graces foient auffi folides
auffi effentielles que celles dont l'ouvrage
eft enrichi , & qu'il porte en foi , Cependant
c'étoit ce qu'il falloit prouver pour
donner un fondement raisonnable au partage
égal , qu'il voudroit faire des applaudiffemens
des lauriers & de la gloire
immortelle.
,
Ses reflexions fur le fuccès des Piéces
médiocres font d'un foible fecours pour
le triomphe du paradoxe ; il reconnoît que
ce fuccès n'eft qu'une illufion , qui ne
peut
foutenir un examen férieux ; c'eft
une poudre ébloüiffante qui fe diffipe à
la lumiere. Eft- ce un fujet de gloire pour
un Art, de briller, quand on ne refléchit
point , & que fon faux éclat eft méprifé
lorfque la réflexion revient ?
M. de La Mothe joüit de la gloire que
fes Ouvrages fi variés lui ont acquife '; il
n'y a plus de réponſe à faire à la Critique
que notre Auteur a renouvellée fur
la Verfification d'Inés ; j'obferverai feulement
914 MERCURE DE FRANCE
•
ment que le paffage du Difcours de ce
Poëte fur Homere n'eft qu'une remarque
& une réflexion , & non pas un principe
& une maxime ; cet illuftre Académicien
eft inc pable d'une femblable erreur.
Tout ce que dit M. Levefque
des traités
, des regles & de l'objet
des deux Arts,
eft auffi difproportionné
que fi on avoit
comparé
une copie
avec fon original
.
Cette difcordance
regne dans tout l'Ou
vrage ; le plaifir
de dire des chofes
nouvelles
, & de les dire avec quelque
har-,
monie
, n'entraîne
que trop d'Auteurs
dans cette efpece de fophifmes
.
On croit que les Anciens avoient l'art
de tracer les expreffions & les geftes du
Déclamateur ; les preuves de cette conjecture
ne font pas certaines. M.Levefque
prédit que fi cet Art exiftoit , le récit ,
comme le Poëme , iroit inftruire & occuper
la pofterité. C'eft trop promettre i
comment fonder un jugement affuré fur
une fuppofition ?
Les Acteurs , fans doute , ont droit
de prétendre à la gloire de l'immortalité;
fon temple eft ouvert pour tous ceux qui
d'un pas ferme veulent y monter. Notre
Auteur n'a point rapporté les noms de
tous les Acteurs échapés aux tenebres &
à l'oubli . Pourquoi a- t'il oublié Syrus Comédien
, & Auteur également habile , au
jugement
MAY. 1730. 915
jugement de Trimalcion , qui comparoit
fa Poëfie à l'éloquence de Ciceron . L'au
torité du judicieux Trimalcion eut été
refpectable dans l'établiffement du nouveau
fiftême.
Mais la gloire immortelle a fes degrés
differens ; elle doit être diftribuée ſuivant
le mérite réel de la fcience ou de l'art
auquel s'applique celui qui eft flatté d'une
ambition fi noble . Soutiendra-t'on qu'il y
ait dans l'Art de réciter & dans celui d'écrire
un mérite également folide & effectif
, tel qu'il devroit être , fi l'on veut que
l'Auteur &le Poëte jouiffent d'une gloire
égale ?
La Fontaine en défignant la difference
de leurs talens a marqué le degré different
où ils doivent être placés. Corneille eft
monté aux plus hautes places du Temple
immortel, quelques- uns l'y fuivront, s'ils
fçavent écrire. Que ce mot fuppofe de
talens & de rares qualités ! Rofcius eft auffi
monté à ce Temple , à quelques dégrés
plus bas , quelqu'autres y parviendront ,
s'ils ont l'art de bien reciter . Ce dernier
mot s'explique de lui-même en quelque
fens qu'on le prenne.
Au refte , le ftile de notre Auteur eft
brillant , fes expreffions font choifies &
ingénieufes ; en quelques endroits il a de
la grandeur ; ce coup d'eflai fait voir ce
que
916 MERCURE DE FRANCE
que l'on en peut efperer dans la fuite. On
remarque cependant quelques conftructions
vicieufes & quelques termes moins
propres , qui auroient pû être remplacés,
Son Ouvrage n'eft peut-être qu'un jeu de
fon imagination , jeu toûjours dangereux,
puifque la raifon cede à l'efprit. Si cette
penfée m'étoit venuë d'abord, je me ferois
épargné un moment de mauvaiſe humeur
& le ferieux d'une critique , j'aurois lû fa
Lettre auffi indifferemment
que l'on lit la
Satire qui met l'homme au deffous du plus
ftupide de tous les animaux ; j'aurois regardé
la nouvelle comparaifon comme auffi
bizarre que me le paroît le parallele de
l'ajustement avec la Poëfie.
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Résumé : REMARQUES CRITIQUES de M. R... sur l'Essay de comparaison entre la Déclamation & la Poësie Dramatique, par M. Levesque, imprimé chez la Veuve Pissot, & J.F. Tabrie, Quay de Conty, 1729
Le texte est une critique de l'essai de M. Levefque intitulé 'Effay de comparaison entre la Déclamation & la Poëfie Dramatique', publié en 1729. L'auteur critique compare la Déclamation et la Poésie Dramatique, affirmant que la Déclamation ne peut exister sans la Poésie, contrairement à cette dernière qui subsiste par elle-même. Il conteste l'idée que la Déclamation puisse être aussi importante que la Poésie, soulignant que les vers de Racine, par exemple, touchent les esprits indépendamment de la déclamation. La critique met en avant que la Poésie, même lue silencieusement, provoque des émotions, tandis que la déclamation sans expression poétique est inefficace. L'auteur réfute également l'idée que la Déclamation soit aussi cultivée et reconnue que la Poésie, qualifiant cette opinion de préjugé. Il conclut que la gloire et l'immortalité doivent être attribuées en fonction du mérite réel des arts, la Poésie étant supérieure à la Déclamation. Le style de l'essai de M. Levefque est décrit comme brillant mais parfois vicieux, et l'ouvrage est perçu comme un jeu d'imagination dangereux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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72
p. 1286-1292
LES CONQUESTES du Maréchal Duc de Villars, Protecteur de l'Academie des Belles Lettres de Marseille. ODE.
Début :
Tandis qu'au Temple de Mémoire, [...]
Mots clefs :
Duc de Villars, Conquêtes, Gloire, Victoire, Ardeur , Prudence
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texteReconnaissance textuelle : LES CONQUESTES du Maréchal Duc de Villars, Protecteur de l'Academie des Belles Lettres de Marseille. ODE.
LES CONQUESTES
du Maréchal
Duc de Villars , Protecteur de l'Acade
mie des Belles Lettres de Marseille.
O DE .
Tandis qu'au Temple de Mémoire ,
La fidelle Clio , par des traits éclatans ,
Grave ta glorieuſe hiſtoire ,
Sûre de triompher de l'outrage des temps ,
VILLARS , daigne avouer l'audace ,
D'un Eleve zélé de ce nouveau Parnaſſe ,
Que font refleurit tes bienfaits.
Et permets qu'il confie aux accords de fa Lyre ,
Ce qu'à tous les François infpire ,
L'éclat de tes Exploits qu'ils n'oubliront jamais.
K
Quelle ardeur dès ma tendre enfance ,
Quel zele à les chanter m'excita mille fois ,
Lorfqu'à la gloire de la France ,
Tes triomphes laffoient la Déeffe aux cent voix !
IL Vol.
Lorsqu'à
JUIN. 1730. 1287
Lorfqu'à tes Drapéaux enchaînée ,
Chaque jour la victoire à l'Aigle conſternée ,
Préparoit de nouveaux revers ;
Quels étoient mes tranfports , mais je n'ofai les
croire ;/
La crainte de trahir ta gloire ,
Infléxible toujours , me refufà des Vers.
Sans ceffe à ma Muſe charmée ,
Tu t'offrois au milieu des horreurs des combats,
Guidé par Bellone enflammée ·
Répandant l'épouvante & la mort fur tes pas.
Dans tes yeux quel feu magnanime ,
Infpire à tes Soldats le tranfport qui t'anime !
D'un regard tu faits des Héros.
On diroit que ton ame , en chacun d'eux tranf
mife ,
Les aiguillonne , les maîtriſe ,
Et qu'ils font tes Soldats bien moins que tes
rivaux.
Icy dans un inftant Critique
Où Minerve elle même enfeigne à tout ofer ,
Soudain ton courage héroïque
Frape le coup hardi qu'elle vient de peſer.
Quel fuccès fuit ta noble audace !
Fredelingue te voit , nouveau Dieu de la Thrace,
Foudroier le Germain ſurpris ;
Et l'on doute en voyant les fruits de ta victoire:
II. Vol. Bij S'il
1288 MERCURE DE FRANCE.
1
S'il te revenoit plus de gloire
D'avoir exécuté que d'avoir entrepris.
Là , redoublant envain leur rage
Ni l'hyver , ni le Rhin n'ofent te retenir
Sur l'ennemi gronde l'orage ,
Avant que fa prudence ait pû le prévenir.
Je vois des troupes renversées ,
où par
Od tombant fous tes coups,
fées.
Tout eft glacée par la terreur ;
toi difper-
La Quinche à ton effort voit ceder leurs redoutes,
Kiell témoin de leurs déroutes
Tombe,à peine attaqué,fous la loy du vainqueur.
讚
Mais contre ton ardeur guerriere ,
Contre tous tes fuccès , raffurant le Germain ,
Une redoutable Barriere
De fes vaftes Etats , te ferme le Chemin.
Je vois de fuperbes aziles ,
Des Boulevars féconds en déluges utiles ,
T'oppofer leurs murs fourcilleux ;
Tous prêts , contre l'effort de ton ardent cou
rage ,
A mettre à couvert de l'orage
Sous un rempart flottant leurs Maîtres orgueilleux.
II.Val, Tel
JUIN. 1730. 1289
Tel de la Cime des Montagnes ,
Un fier torrent qui fond à bonds précipitez ,
S'indigne au milieu des campagnes
D'une Digue oppofée à fes flots irritez ,
Soudain fon onde fremiflante ,
A travers les débris de la maffe impuiffante ,
S'ouvre mille chemins nouveaux ;
Fier de cette victoire , & maître de la plaine ",
Il force , il arrache , il entraîne
Les Arbres , les Moiffons , les Jardins , les Troupeaux.
Tel, de l'obftacle tu t'indignes .
Et plus prompt que ces feux qui frappent en brillant
,
Tu forces ces fameufes lignes ,
Dignes de fuccomber fous un tel affaillant.
La plus légere réſiſtance
Suffit à ces guerriers dont la vaine arrogance ,
Trop prompte vient de te braver ;
Ces pâles déffenfeurs que la frayeur maitriſe ,
Gédent , frapez de l'entrepriſe ,
Sûrs que qui la forma , ne peut que l'achever..
Dans cette Contrée éperduë ,,
Quel champ par cet exploit ton bras s'eſt - il ouvert
?
L'épouvante au loin répanduë
I. Vol. En
B. iij
1290 MERCURE DE FRANCE
En fait devant tes pas un immenfe défert.
Où fuiront ces troupes
craintives ?
Le Danube effrayé voit déja fur fes rives ,
Flotter tes Etendarts vainqueurs.
Par de juftes tributs , chaque ville allarmée ,
Enrichit ta terrible armée.
Et par là fe dérobe à de juftes rigueurs.
Bien-tôt quelle fcene terrible !
Combien dans un combat, de combats renaiffans
Quatre fois ton bras invincible
Punit de l'ennemi les efforts impuiffans.
Mais Dieux ! ton fang rougit la plaine.
On t'emporte mourant , la victoire incertaine
Hélite , n'ofe fe fixer ,
Et laiffant du combat l'avantage en balance
Montre que ta feule preſence ,
2
Au parti qu'elle eût pris , auroit pu la forcer..
Mais une plus brillante image .
M'attire vers Denain ; que j'en fuis enchanté !
Que dois-je admirer d'avantage .
Ta valeur , ta prudence , ou ton activité ?
Quel fecret , quelle diligence !
Quelle marche quels foins ! fleuves, lignes, dif
tance,
Tous obftacles font fuperflus.
II. Tola
Eugéne
JUIN. 1730. 1291
Eugene confterné, part , preffe, vole , arrive ,
Guide une reffource tardive ,
Vient fecourir fon camp , fon camp n'est déja
plus.
Déja ton courage intrépide ,
Forçant un fier Rempart , bordé de Bataillons
Dans l'ardent tranfport qui te guide ,
-A de morts , & de fang rempli fes Pavillons.
Tout périt , céde , ou par la fuite
Tâche envain d'échaper à ta vive pourſuite ;
Quels antres pourront les cacher ?
Ah! la mort fous tes coups leur paroît fi terrible
Que , pour fuir ton bras invincible ,
Dans les eaux de Lefcaut,'ils courent la chercher.
Bien-tôt de la Flandre effrayée ,
Succombent fous tes coups les plus fieres Citez
La Ligue eft par tout foudroyée,
Déja par fes revers tous tes jours font comptez
Arrête , Mars & la Victoire
Ne fçauroient ajoûter à l'éclat de ta gloire.
Borne tes rapides travaux
En ramenant la paix fignale ta prudence ,
Villars , il eft beau que la France
Te doive également gloire & fon repos..
20 II. Vol. Mufes
B. iij.
1292 MERCURE DE FRANCE
Mufes fous la paifible olive
Partagez un loifir à l'Etat précieux:
Villars vous aime , vous cultive ,
Quel amour plus fateur , quels foins plus glo
rieux ?
De fes dons , un nouveau Lycée ,
Qui fleurit fous fes loix au ſein de la Phocée-
Ceint le front de vos nourriffons.
> Chantez fon nom fans vous fa gloire eft immortelle..
Mais c'eft l'ardeur de votre zele
Qui doit s'éternifer dans vos doctes chanſons.
du Maréchal
Duc de Villars , Protecteur de l'Acade
mie des Belles Lettres de Marseille.
O DE .
Tandis qu'au Temple de Mémoire ,
La fidelle Clio , par des traits éclatans ,
Grave ta glorieuſe hiſtoire ,
Sûre de triompher de l'outrage des temps ,
VILLARS , daigne avouer l'audace ,
D'un Eleve zélé de ce nouveau Parnaſſe ,
Que font refleurit tes bienfaits.
Et permets qu'il confie aux accords de fa Lyre ,
Ce qu'à tous les François infpire ,
L'éclat de tes Exploits qu'ils n'oubliront jamais.
K
Quelle ardeur dès ma tendre enfance ,
Quel zele à les chanter m'excita mille fois ,
Lorfqu'à la gloire de la France ,
Tes triomphes laffoient la Déeffe aux cent voix !
IL Vol.
Lorsqu'à
JUIN. 1730. 1287
Lorfqu'à tes Drapéaux enchaînée ,
Chaque jour la victoire à l'Aigle conſternée ,
Préparoit de nouveaux revers ;
Quels étoient mes tranfports , mais je n'ofai les
croire ;/
La crainte de trahir ta gloire ,
Infléxible toujours , me refufà des Vers.
Sans ceffe à ma Muſe charmée ,
Tu t'offrois au milieu des horreurs des combats,
Guidé par Bellone enflammée ·
Répandant l'épouvante & la mort fur tes pas.
Dans tes yeux quel feu magnanime ,
Infpire à tes Soldats le tranfport qui t'anime !
D'un regard tu faits des Héros.
On diroit que ton ame , en chacun d'eux tranf
mife ,
Les aiguillonne , les maîtriſe ,
Et qu'ils font tes Soldats bien moins que tes
rivaux.
Icy dans un inftant Critique
Où Minerve elle même enfeigne à tout ofer ,
Soudain ton courage héroïque
Frape le coup hardi qu'elle vient de peſer.
Quel fuccès fuit ta noble audace !
Fredelingue te voit , nouveau Dieu de la Thrace,
Foudroier le Germain ſurpris ;
Et l'on doute en voyant les fruits de ta victoire:
II. Vol. Bij S'il
1288 MERCURE DE FRANCE.
1
S'il te revenoit plus de gloire
D'avoir exécuté que d'avoir entrepris.
Là , redoublant envain leur rage
Ni l'hyver , ni le Rhin n'ofent te retenir
Sur l'ennemi gronde l'orage ,
Avant que fa prudence ait pû le prévenir.
Je vois des troupes renversées ,
où par
Od tombant fous tes coups,
fées.
Tout eft glacée par la terreur ;
toi difper-
La Quinche à ton effort voit ceder leurs redoutes,
Kiell témoin de leurs déroutes
Tombe,à peine attaqué,fous la loy du vainqueur.
讚
Mais contre ton ardeur guerriere ,
Contre tous tes fuccès , raffurant le Germain ,
Une redoutable Barriere
De fes vaftes Etats , te ferme le Chemin.
Je vois de fuperbes aziles ,
Des Boulevars féconds en déluges utiles ,
T'oppofer leurs murs fourcilleux ;
Tous prêts , contre l'effort de ton ardent cou
rage ,
A mettre à couvert de l'orage
Sous un rempart flottant leurs Maîtres orgueilleux.
II.Val, Tel
JUIN. 1730. 1289
Tel de la Cime des Montagnes ,
Un fier torrent qui fond à bonds précipitez ,
S'indigne au milieu des campagnes
D'une Digue oppofée à fes flots irritez ,
Soudain fon onde fremiflante ,
A travers les débris de la maffe impuiffante ,
S'ouvre mille chemins nouveaux ;
Fier de cette victoire , & maître de la plaine ",
Il force , il arrache , il entraîne
Les Arbres , les Moiffons , les Jardins , les Troupeaux.
Tel, de l'obftacle tu t'indignes .
Et plus prompt que ces feux qui frappent en brillant
,
Tu forces ces fameufes lignes ,
Dignes de fuccomber fous un tel affaillant.
La plus légere réſiſtance
Suffit à ces guerriers dont la vaine arrogance ,
Trop prompte vient de te braver ;
Ces pâles déffenfeurs que la frayeur maitriſe ,
Gédent , frapez de l'entrepriſe ,
Sûrs que qui la forma , ne peut que l'achever..
Dans cette Contrée éperduë ,,
Quel champ par cet exploit ton bras s'eſt - il ouvert
?
L'épouvante au loin répanduë
I. Vol. En
B. iij
1290 MERCURE DE FRANCE
En fait devant tes pas un immenfe défert.
Où fuiront ces troupes
craintives ?
Le Danube effrayé voit déja fur fes rives ,
Flotter tes Etendarts vainqueurs.
Par de juftes tributs , chaque ville allarmée ,
Enrichit ta terrible armée.
Et par là fe dérobe à de juftes rigueurs.
Bien-tôt quelle fcene terrible !
Combien dans un combat, de combats renaiffans
Quatre fois ton bras invincible
Punit de l'ennemi les efforts impuiffans.
Mais Dieux ! ton fang rougit la plaine.
On t'emporte mourant , la victoire incertaine
Hélite , n'ofe fe fixer ,
Et laiffant du combat l'avantage en balance
Montre que ta feule preſence ,
2
Au parti qu'elle eût pris , auroit pu la forcer..
Mais une plus brillante image .
M'attire vers Denain ; que j'en fuis enchanté !
Que dois-je admirer d'avantage .
Ta valeur , ta prudence , ou ton activité ?
Quel fecret , quelle diligence !
Quelle marche quels foins ! fleuves, lignes, dif
tance,
Tous obftacles font fuperflus.
II. Tola
Eugéne
JUIN. 1730. 1291
Eugene confterné, part , preffe, vole , arrive ,
Guide une reffource tardive ,
Vient fecourir fon camp , fon camp n'est déja
plus.
Déja ton courage intrépide ,
Forçant un fier Rempart , bordé de Bataillons
Dans l'ardent tranfport qui te guide ,
-A de morts , & de fang rempli fes Pavillons.
Tout périt , céde , ou par la fuite
Tâche envain d'échaper à ta vive pourſuite ;
Quels antres pourront les cacher ?
Ah! la mort fous tes coups leur paroît fi terrible
Que , pour fuir ton bras invincible ,
Dans les eaux de Lefcaut,'ils courent la chercher.
Bien-tôt de la Flandre effrayée ,
Succombent fous tes coups les plus fieres Citez
La Ligue eft par tout foudroyée,
Déja par fes revers tous tes jours font comptez
Arrête , Mars & la Victoire
Ne fçauroient ajoûter à l'éclat de ta gloire.
Borne tes rapides travaux
En ramenant la paix fignale ta prudence ,
Villars , il eft beau que la France
Te doive également gloire & fon repos..
20 II. Vol. Mufes
B. iij.
1292 MERCURE DE FRANCE
Mufes fous la paifible olive
Partagez un loifir à l'Etat précieux:
Villars vous aime , vous cultive ,
Quel amour plus fateur , quels foins plus glo
rieux ?
De fes dons , un nouveau Lycée ,
Qui fleurit fous fes loix au ſein de la Phocée-
Ceint le front de vos nourriffons.
> Chantez fon nom fans vous fa gloire eft immortelle..
Mais c'eft l'ardeur de votre zele
Qui doit s'éternifer dans vos doctes chanſons.
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Résumé : LES CONQUESTES du Maréchal Duc de Villars, Protecteur de l'Academie des Belles Lettres de Marseille. ODE.
Le texte célèbre les conquêtes du Maréchal Duc de Villars, protecteur de l'Académie des Belles Lettres de Marseille. Il commence par louer les exploits militaires de Villars, soulignant son courage et son leadership sur le champ de bataille. Le poète décrit les victoires de Villars, notamment contre les forces allemandes, et son habileté à surmonter les obstacles, comme les fortifications ennemies et les conditions climatiques difficiles. Les succès de Villars sont marqués par des batailles décisives, telles que celle de Denain, où son intervention rapide et stratégique a retourné le cours des combats. Le texte met également en avant la terreur et l'admiration que les ennemis éprouvaient face à Villars, ainsi que les tributs et les richesses obtenus après les victoires. La campagne militaire de Villars se conclut par une paix glorieuse, apportant à la France à la fois la victoire et la tranquillité. Enfin, le poème exalte l'amour de Villars pour les arts et les lettres, soulignant son soutien à l'Académie des Belles Lettres et son désir de voir son nom immortalisé dans les chansons et les écrits des muses.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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73
p. 1494-1503
SUITE de la Traduction du Poëme de Petrone, sur la Guerre Civile.
Début :
L'Ame du grand César de rien n'est alarmée ; [...]
Mots clefs :
Pétrone, Paix, Guerre civile, Cieux, Gloire, Romains, César
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUITE de la Traduction du Poëme de Petrone, sur la Guerre Civile.
SUITE de la Traduction du Poëme
de Petrone ,fur la Guerre Civile.
L
' Ame du grand Céfar de rien n'eft alarmée
;
Rien ne peut arrêter l'ardeur de fon armée :
Parmi les cris de joye , il monte dans ces lieux
Il y campe , & delà , jettant au loin les yeux
H découvre les Champs de l'injufte Hefperic ;
Il fent à cet objet redoubler fa furie.
;
Et levant vers les Cieux & les mains & la voix ,
JUILLET. 1730. 1498
O Dieux, dit- il, ô Terre , où mon bras autrefois
,
Par de fanglans combats , captiva la Victoire
» O Pays , dont j'ai fait & la joye & la gloire .
» Un refte de bonté me parle encor pour toy ;;
Je cours à la vengeance , & j'y cours malgré
moy.
La Guerre qui s'apprête, ô Rome , eft ton ou
vrage :
Toy feule , tes mépris ont formé cet Orage.
Quoy ? tandis que volant de combats en
combats ,
Je t'affervis le Rhin , j'augmente tes Etats ,
» Tandis que t'immolant le débris de la Gaule
J'affermis de nouveau la paix du Capitole ,
L'Exil de tant d'Exploits fera Pindigne prix ,"
» As-tu donc crû Céfar , infenfible au mépris
Chaque fuccès nouveau me fait un nouveau "
crime !
» Des Romains que je fers , ferai - je la victime a
Efclaves malheureux , d'un fordide interêt ,
» Bien plus que mon pouvoir , ma gloire vous
déplaît .
> En vain la paix convient au bien de la patrie
» La Guerre contre moi , fert mieux la jaloufie
.
Qu'ils ne fe flattent pas que ce bras , fans vengeur
,
Puiffe tomber aux fers d'un indigne vain
queur..
J
» Non
1496 MERCURE DE FRANCE
}
Non , non , je ne crains point leur injufte ca
price ,
Allons , le fer en main , leur demander juf
tice.
Mon crime , chers amis , eft un crime commun
,
Rome , en me menaçant , vous menace cha
cun.
Je n'ay pas vaincu feul , je vous en dois la
gloire ,
Nous devons partager le fruit de la victoire.
» Marchons à Rome, allons, prevenons le dan
ger ,
Il faut , chers compagnons , périr ou fe ven
ger.
Pour moy , graces à vous , je ne fuis point
plaindre ,
Avec de tels Guerriers , Cefar ne fçait ries
craindre.
A peine achevoit -il , que par un vol heureu
Un Aigle l'affura du fuccès de fes voeux .
Sur la gauche du Camp , les Forêts retentirent
On entendit des voix , que les flammes fuivirent.
Phébus , d'un or plus pur , rehaufſa ſes cheveux
Et fit fur l'Horifon fentir de nouveaux feux.
Cefar , fortifié par tant d'heureux préfages ,
Au
JUILLET. 1730. 1497
Au travers des dangers , va s'ouvrir des paffages.
Il marche le premier ; la neige & les glaçons
Réfiftent quelque temps au poids des Eſcadrons
Mais bientôt , de la terre , échauffant la furface
,?
La foule fous fes pas , fait diffoudre la glace,
La Neige difparoît , fous les Chevaux tremblans
,
On voit de toutes parts , fe former des Torrens
Dont les Flots tout à coup rafermis & folides
S'arrêtent au milieu de leurs chûtes rapides .
On diroit , à l'aſpect d'un fi prompt change
ment
Qu'un invifible frein , retient cet Element.
En vain fur le penchant de ces routes gliffan
7 tes ,
S'avancent pas à pas , les Légions tremblantes.
Armes , Hommes , Chevaux , Bagages , Eten
darts ,
Pêle , inêle , emportez , tombent de toutes parts,
Pour furcroît de Terreur , il furvient un Orage
L'Aquilon déchaîné fait éclater ſa rage;
Dans un Nuage horrible , il amene la nuit¸
Et la Grêle auffi-tôt ſe répand à grand bruit .
Il femble qu'une Mer au haut des Cieux for
mée ,
Defous fes Flots glacez , veut engloutir l'Armée,
LA
1498 MERCURE DE FRANCE.
Le Ciel , la Terre & l'Onde enfemble confondus
,
Sous l'effort de l'Hyver font unis & vaincus.
Cefar réfifte feul , appuyé ſur ſa Lance ,
Il brave le péril , il deſcend , il s'avance.
Tel Alcide autrefois , d'un pas victorieux ,
Marchoit fur le Caucafe , & tel au haut des
Cieux ;
Paroiffoit Jupiter , lorfqu'armé du Tonnerre ,
Il confondoit l'orgueil des enfans de la Terre.
Mais tandis que l'Armée aprés tant de Travaux
Aux pieds de ces Rochers , fe range à fes Drapeaux.
La Décffe aux cent voix , part d'une aîle tremblante
,
Vole au Mont - Palatin ; là , femant l'épouvante ,
Elle apprend aux Romains , que Cefar en fureur
,
Arrive & va bien-tôt leur parler en vainqueur.
Leur fait voir fes Vaiffeaux , fur les Mers d'Au-
/ fonie,
Ses Soldats tout couverts du fang de Germanie.
L'Incendie & le fang , les dangers , les hazards ,
La Guerre & fes horreurs s'offrent de toutes
parts.
Rome aux premiers éclairs de ce funefte orage
E differens projets , s'agite & fe partage.
L'un
JUILLET. 1730. 1499
L'un par terre s'enfuit , l'autre fur des Vaif
feaux ;
La Patrie eft déja moins feure que les caux .
Il en eft dont le coeur moins fenfible aux allar
mes >
Attend que le deftin s'explique par les armes.
Plus on craint , plus on fuit ; le peuple épouventé
Ne croit plus dans fes Murs trouver de sûreté ,
Il s'éloigne , & tenant une route incertaine ,
Alfe porte au hazard ou fa frayeur l'entraîne .
Rome fe plaît à fuir , les Romains de concert
De ces Murs fi fameux font un affreux défert.
Le fils tremblant gémit entre les bras du Pere ;
Celui- cy tient les Dieux que fa Maiſon revere ,
Er maudiffant cent fois les ennemis abfens ,
Les accable de loin , fous des voeux impuiffans,
L'Epoufe avec l'Epoux , l'Enfance & la Vieil
leffe.
Dans leurs embrafemens confonde leur trifteffe ,
La jeuneſſe , au hazard , fans confulter le poids,
Court au premier objet qui peut fixer fon choix.
L'Avare , fur fes bras , charge fon équipage ,
Et voulant tout fauver , porte tout au pillage .
Ainfi quand l'Aquilon , troublant la paix des
Flots ,
Par un fouffle imprévu furprend les Matelots.
L'Art & le Gouvernail , tout devient inutile ,
Aux travers des Ecueils , l'un fe cherche un azy,
le Celui- cy
385162
1 500 MERCURE DE FRANCE
Celui -cy jette l'anchre & deffend ſon Vaífſeau ;
L'autre attend fon falut & du fort & de l'eau.
Mais que dis-je , là Mer & les Vents & POrage
,
Des Romains effrayez , font une foible image.
Le croira-t-on ? Tout fuit en ce trouble honteux
;
Le Senat , les Confuls , & Pompée avec eux.
Oui , ce Héros vainqueur , du Pont , de Mithri
dates ,
La Terreur de l'Hydafpe , & l'Ecueil des Py
rates,
Lui , que Rome en un jour , vit triompher trois
fois ,
Lui , qui fit aux Dieux même , envier fes Exploits
,
Enfin , lui dont le nom redouté du Boſphore ,
Vole de Mer en Mer , du Couchant à l'Aurore ;
Il fuit ; le fort cruel lui fait tourner le dos ,
Et traite également le Peuple & le Héros.
Le dirai - je le Ciel en ce défordre extrême ,'
Le Ciel a vú trembler , a vû fuir les Dieux
même.
En vain deffus la Terre il refte des Autels ;
Toutes les Déitez s'éloignent des mortels.
La Paix , la douce Paix , les quitte la premiere ;
Ses bras blancs font flétris d'une main meurtrie
re.
Ses yeux baignez de pleurs d'un voile font couyerts
.
JUILLET. 1730. 1501
Et dans ce trifte état elle vole aux Enfers .
La foy court fur les pas , en compagne fidelle
Et les Cheveux épars , Thémis fuit avec elle.
La Concorde les fuit , déchirant ſes habits ,
Et quitte avec regret des peuples trop chéris.
En échange , Pluton fait fortir fur la Terre ,
Les Monftres que l'Enfer dans les gouffres en
ferre.
La cruelle Erinnis , Megere , fes flambeaux ,
Et tout ce qu'en la Guerre on éprouve de maur,
Rempliffent l'Horifon de funeftes images ,
On voit par tout des feux , des meurtres , des
ravages.
Sur ce nouveau Théatre arrive la Fureur ,
Comme un Courfier fans frein , qu'éguillonne
la peur.
Dans un Cafque fanglant , elle montre un vilage,
Dù cent coups imprimez,font témoins de fa rage.
Son bras gauche eft couvert d'un Bouclier épais
Dont le cuir eſt chargé d'une gerbe de traits.
D'un infernal Tifon , fa main droite enflam
mée ,
Répand des Tourbillons de feux & de fumée.
La Terre s'apperçoit qu'elle a changé de Dieur
Le même changement fe fait fentir aux Cieux.
En differens projets , l'Olimpe fe divife ,
Dione de Cefar protege l'entrepriſe.
Minerve eft pour Cefar , & l'invincible Mars
Veut lui fervir de Guide , au milieu des hazards.
B Pour
1502 MERCURE DE FRANCE
Pour Pompée , Apollon & fa foeur fe déclarent ,
Acle fervir , Mercure , Alcide fe préparent .
L'égalité des faits , des Lauriers , des Travaux
La gloire unit ensemble , Alcide & ce Héros.
Déja par les Clairons , la Difcorde animée ,
Eleye dans les Airs fa tête envenimée.
Dans fa bouche croupit un fang épais & noir
Où fa Langue preffée , a peine à fe mouvoir.
On y voit les débris de quelques dents gluantes ,
Ses Cheveux font autant de Couleuvres fifflantes
Ses habits déchirez , fes yeux brillants de pleurs
Et fon flambeau fatal annoncent les fureurs.
Elle fort des Enfers , & d'une marche prompte ,
Vers le Mont-Apennin , elle avance , elle y montc..
Et , delà , découvrant les Terres & les Mers ,
Et s'écriant d'un ton , dont frémit l'Univers :
Allez , Peuples , dit - elle , allez , courez aux
( .. Armes ,
50 Répandez à la fois , les feux & les alarmes,
Qui fe cache périt & le fexe & les ans ,
30 Sont d'un foible fecours , femmes , vieillards
enfans.
Tout doit prendre parti , tout doit parler de
guerre,
» Tout doit être agité jufqu'au fein de la Terre
» Toy , Marcellus , foutiens , anime le Senat,
Excite, Lentulus , les Romains au combat.
Le Peuple , Curion , à te fuivre s'aprête ;
» Qui
JUILLET. 1730. 1503
Qui t'arrête , Cefar acheve ta conquête.
» En vain Rome prétend repouffer tes efforts ,
» Viens forcer des Remparts , viens piller des
Tréfors.
1
» Et toy , Pompée , & toy , va fauver ta patric
Va , cours enfanglanter les Mers de Theffalien
» Epidaure t'attend , va d'un pas glorieux ,
Entre Cefar & toy faire expliquer les Dieux.
Elle dit , & foudain la Terre obéiffante ,
Par un prompt mouvement répond à ſon attente,
de Petrone ,fur la Guerre Civile.
L
' Ame du grand Céfar de rien n'eft alarmée
;
Rien ne peut arrêter l'ardeur de fon armée :
Parmi les cris de joye , il monte dans ces lieux
Il y campe , & delà , jettant au loin les yeux
H découvre les Champs de l'injufte Hefperic ;
Il fent à cet objet redoubler fa furie.
;
Et levant vers les Cieux & les mains & la voix ,
JUILLET. 1730. 1498
O Dieux, dit- il, ô Terre , où mon bras autrefois
,
Par de fanglans combats , captiva la Victoire
» O Pays , dont j'ai fait & la joye & la gloire .
» Un refte de bonté me parle encor pour toy ;;
Je cours à la vengeance , & j'y cours malgré
moy.
La Guerre qui s'apprête, ô Rome , eft ton ou
vrage :
Toy feule , tes mépris ont formé cet Orage.
Quoy ? tandis que volant de combats en
combats ,
Je t'affervis le Rhin , j'augmente tes Etats ,
» Tandis que t'immolant le débris de la Gaule
J'affermis de nouveau la paix du Capitole ,
L'Exil de tant d'Exploits fera Pindigne prix ,"
» As-tu donc crû Céfar , infenfible au mépris
Chaque fuccès nouveau me fait un nouveau "
crime !
» Des Romains que je fers , ferai - je la victime a
Efclaves malheureux , d'un fordide interêt ,
» Bien plus que mon pouvoir , ma gloire vous
déplaît .
> En vain la paix convient au bien de la patrie
» La Guerre contre moi , fert mieux la jaloufie
.
Qu'ils ne fe flattent pas que ce bras , fans vengeur
,
Puiffe tomber aux fers d'un indigne vain
queur..
J
» Non
1496 MERCURE DE FRANCE
}
Non , non , je ne crains point leur injufte ca
price ,
Allons , le fer en main , leur demander juf
tice.
Mon crime , chers amis , eft un crime commun
,
Rome , en me menaçant , vous menace cha
cun.
Je n'ay pas vaincu feul , je vous en dois la
gloire ,
Nous devons partager le fruit de la victoire.
» Marchons à Rome, allons, prevenons le dan
ger ,
Il faut , chers compagnons , périr ou fe ven
ger.
Pour moy , graces à vous , je ne fuis point
plaindre ,
Avec de tels Guerriers , Cefar ne fçait ries
craindre.
A peine achevoit -il , que par un vol heureu
Un Aigle l'affura du fuccès de fes voeux .
Sur la gauche du Camp , les Forêts retentirent
On entendit des voix , que les flammes fuivirent.
Phébus , d'un or plus pur , rehaufſa ſes cheveux
Et fit fur l'Horifon fentir de nouveaux feux.
Cefar , fortifié par tant d'heureux préfages ,
Au
JUILLET. 1730. 1497
Au travers des dangers , va s'ouvrir des paffages.
Il marche le premier ; la neige & les glaçons
Réfiftent quelque temps au poids des Eſcadrons
Mais bientôt , de la terre , échauffant la furface
,?
La foule fous fes pas , fait diffoudre la glace,
La Neige difparoît , fous les Chevaux tremblans
,
On voit de toutes parts , fe former des Torrens
Dont les Flots tout à coup rafermis & folides
S'arrêtent au milieu de leurs chûtes rapides .
On diroit , à l'aſpect d'un fi prompt change
ment
Qu'un invifible frein , retient cet Element.
En vain fur le penchant de ces routes gliffan
7 tes ,
S'avancent pas à pas , les Légions tremblantes.
Armes , Hommes , Chevaux , Bagages , Eten
darts ,
Pêle , inêle , emportez , tombent de toutes parts,
Pour furcroît de Terreur , il furvient un Orage
L'Aquilon déchaîné fait éclater ſa rage;
Dans un Nuage horrible , il amene la nuit¸
Et la Grêle auffi-tôt ſe répand à grand bruit .
Il femble qu'une Mer au haut des Cieux for
mée ,
Defous fes Flots glacez , veut engloutir l'Armée,
LA
1498 MERCURE DE FRANCE.
Le Ciel , la Terre & l'Onde enfemble confondus
,
Sous l'effort de l'Hyver font unis & vaincus.
Cefar réfifte feul , appuyé ſur ſa Lance ,
Il brave le péril , il deſcend , il s'avance.
Tel Alcide autrefois , d'un pas victorieux ,
Marchoit fur le Caucafe , & tel au haut des
Cieux ;
Paroiffoit Jupiter , lorfqu'armé du Tonnerre ,
Il confondoit l'orgueil des enfans de la Terre.
Mais tandis que l'Armée aprés tant de Travaux
Aux pieds de ces Rochers , fe range à fes Drapeaux.
La Décffe aux cent voix , part d'une aîle tremblante
,
Vole au Mont - Palatin ; là , femant l'épouvante ,
Elle apprend aux Romains , que Cefar en fureur
,
Arrive & va bien-tôt leur parler en vainqueur.
Leur fait voir fes Vaiffeaux , fur les Mers d'Au-
/ fonie,
Ses Soldats tout couverts du fang de Germanie.
L'Incendie & le fang , les dangers , les hazards ,
La Guerre & fes horreurs s'offrent de toutes
parts.
Rome aux premiers éclairs de ce funefte orage
E differens projets , s'agite & fe partage.
L'un
JUILLET. 1730. 1499
L'un par terre s'enfuit , l'autre fur des Vaif
feaux ;
La Patrie eft déja moins feure que les caux .
Il en eft dont le coeur moins fenfible aux allar
mes >
Attend que le deftin s'explique par les armes.
Plus on craint , plus on fuit ; le peuple épouventé
Ne croit plus dans fes Murs trouver de sûreté ,
Il s'éloigne , & tenant une route incertaine ,
Alfe porte au hazard ou fa frayeur l'entraîne .
Rome fe plaît à fuir , les Romains de concert
De ces Murs fi fameux font un affreux défert.
Le fils tremblant gémit entre les bras du Pere ;
Celui- cy tient les Dieux que fa Maiſon revere ,
Er maudiffant cent fois les ennemis abfens ,
Les accable de loin , fous des voeux impuiffans,
L'Epoufe avec l'Epoux , l'Enfance & la Vieil
leffe.
Dans leurs embrafemens confonde leur trifteffe ,
La jeuneſſe , au hazard , fans confulter le poids,
Court au premier objet qui peut fixer fon choix.
L'Avare , fur fes bras , charge fon équipage ,
Et voulant tout fauver , porte tout au pillage .
Ainfi quand l'Aquilon , troublant la paix des
Flots ,
Par un fouffle imprévu furprend les Matelots.
L'Art & le Gouvernail , tout devient inutile ,
Aux travers des Ecueils , l'un fe cherche un azy,
le Celui- cy
385162
1 500 MERCURE DE FRANCE
Celui -cy jette l'anchre & deffend ſon Vaífſeau ;
L'autre attend fon falut & du fort & de l'eau.
Mais que dis-je , là Mer & les Vents & POrage
,
Des Romains effrayez , font une foible image.
Le croira-t-on ? Tout fuit en ce trouble honteux
;
Le Senat , les Confuls , & Pompée avec eux.
Oui , ce Héros vainqueur , du Pont , de Mithri
dates ,
La Terreur de l'Hydafpe , & l'Ecueil des Py
rates,
Lui , que Rome en un jour , vit triompher trois
fois ,
Lui , qui fit aux Dieux même , envier fes Exploits
,
Enfin , lui dont le nom redouté du Boſphore ,
Vole de Mer en Mer , du Couchant à l'Aurore ;
Il fuit ; le fort cruel lui fait tourner le dos ,
Et traite également le Peuple & le Héros.
Le dirai - je le Ciel en ce défordre extrême ,'
Le Ciel a vú trembler , a vû fuir les Dieux
même.
En vain deffus la Terre il refte des Autels ;
Toutes les Déitez s'éloignent des mortels.
La Paix , la douce Paix , les quitte la premiere ;
Ses bras blancs font flétris d'une main meurtrie
re.
Ses yeux baignez de pleurs d'un voile font couyerts
.
JUILLET. 1730. 1501
Et dans ce trifte état elle vole aux Enfers .
La foy court fur les pas , en compagne fidelle
Et les Cheveux épars , Thémis fuit avec elle.
La Concorde les fuit , déchirant ſes habits ,
Et quitte avec regret des peuples trop chéris.
En échange , Pluton fait fortir fur la Terre ,
Les Monftres que l'Enfer dans les gouffres en
ferre.
La cruelle Erinnis , Megere , fes flambeaux ,
Et tout ce qu'en la Guerre on éprouve de maur,
Rempliffent l'Horifon de funeftes images ,
On voit par tout des feux , des meurtres , des
ravages.
Sur ce nouveau Théatre arrive la Fureur ,
Comme un Courfier fans frein , qu'éguillonne
la peur.
Dans un Cafque fanglant , elle montre un vilage,
Dù cent coups imprimez,font témoins de fa rage.
Son bras gauche eft couvert d'un Bouclier épais
Dont le cuir eſt chargé d'une gerbe de traits.
D'un infernal Tifon , fa main droite enflam
mée ,
Répand des Tourbillons de feux & de fumée.
La Terre s'apperçoit qu'elle a changé de Dieur
Le même changement fe fait fentir aux Cieux.
En differens projets , l'Olimpe fe divife ,
Dione de Cefar protege l'entrepriſe.
Minerve eft pour Cefar , & l'invincible Mars
Veut lui fervir de Guide , au milieu des hazards.
B Pour
1502 MERCURE DE FRANCE
Pour Pompée , Apollon & fa foeur fe déclarent ,
Acle fervir , Mercure , Alcide fe préparent .
L'égalité des faits , des Lauriers , des Travaux
La gloire unit ensemble , Alcide & ce Héros.
Déja par les Clairons , la Difcorde animée ,
Eleye dans les Airs fa tête envenimée.
Dans fa bouche croupit un fang épais & noir
Où fa Langue preffée , a peine à fe mouvoir.
On y voit les débris de quelques dents gluantes ,
Ses Cheveux font autant de Couleuvres fifflantes
Ses habits déchirez , fes yeux brillants de pleurs
Et fon flambeau fatal annoncent les fureurs.
Elle fort des Enfers , & d'une marche prompte ,
Vers le Mont-Apennin , elle avance , elle y montc..
Et , delà , découvrant les Terres & les Mers ,
Et s'écriant d'un ton , dont frémit l'Univers :
Allez , Peuples , dit - elle , allez , courez aux
( .. Armes ,
50 Répandez à la fois , les feux & les alarmes,
Qui fe cache périt & le fexe & les ans ,
30 Sont d'un foible fecours , femmes , vieillards
enfans.
Tout doit prendre parti , tout doit parler de
guerre,
» Tout doit être agité jufqu'au fein de la Terre
» Toy , Marcellus , foutiens , anime le Senat,
Excite, Lentulus , les Romains au combat.
Le Peuple , Curion , à te fuivre s'aprête ;
» Qui
JUILLET. 1730. 1503
Qui t'arrête , Cefar acheve ta conquête.
» En vain Rome prétend repouffer tes efforts ,
» Viens forcer des Remparts , viens piller des
Tréfors.
1
» Et toy , Pompée , & toy , va fauver ta patric
Va , cours enfanglanter les Mers de Theffalien
» Epidaure t'attend , va d'un pas glorieux ,
Entre Cefar & toy faire expliquer les Dieux.
Elle dit , & foudain la Terre obéiffante ,
Par un prompt mouvement répond à ſon attente,
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Résumé : SUITE de la Traduction du Poëme de Petrone, sur la Guerre Civile.
Le texte décrit une scène de la guerre civile entre César et Pompée. César, animé par la détermination et la fureur, se prépare à marcher sur Rome, accusant la ville de l'avoir poussé à la vengeance. Il appelle ses soldats à le suivre, justifiant la guerre par la nécessité de défendre leur honneur et leur gloire commune. Malgré les obstacles naturels tels que la neige et les tempêtes, César et son armée avancent, encouragés par des présages favorables. À Rome, la peur s'installe parmi les habitants, qui fuient la ville. Le Sénat et Pompée, malgré ses exploits passés, prennent également la fuite. Les dieux semblent abandonner Rome, laissant place à la discorde et à la fureur. La Discordance, personnifiée, incite les peuples à prendre les armes, annonçant une guerre totale où chacun doit participer.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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74
p. 1773-1781
RÉPONSE à la Question proposée (dans le Mercure de Juin, page 1179.) Si la gloire des Orateurs est préferable à celle des Poëtes.
Début :
Il est assez dangereux de se déterminer sur cette Question ; on s'expose nécessairement [...]
Mots clefs :
Poésie, Poète, Éloquence, Orateur, Prose, Gloire, Homme, Mérite
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE à la Question proposée (dans le Mercure de Juin, page 1179.) Si la gloire des Orateurs est préferable à celle des Poëtes.
REPONSE à la Queſtion proposée
( dans le Mercute de Juin , page 1 179. )
Si la gloire des Orateurs eft préferable
celle des Poëtes.
I
Left affez dangereux de fe déterminer
fur cette Queſtion ; on s'expofe néceffairement
à déplaire aux uns ou aux autres
de ceux qui affectionnent l'un des deux
partis , jufqu'à fe piquer fouvent d'une
préference qui ne peut neanmoins rien
ôter à leur mérite ; en effet, qu'importe à
l'Orateur que le Poëte lui foit préferable ?
S'il y a plus de gloire à parler le langage
des Dieux que celui des hommes , tout
l'honneur en refte à l'une des Profeffions ,
qui eft plus excellente que l'autre ; mais
l'on ne doit rien imputer à celui qui
n'ayant ni moins d'efprit ni moins d'éloquence
, n'a cependant pas eu cet avantage
de naître favori d'Apollon . On doit
donc , fans crainte d'offenfer perfonne ,
difputer & enfin décider cette Queſtion
où il ne s'agit point de balancer le mérite
perfonnel de l'Orateur avec celui du Poëte
, mais feulement de fçavoir en general
en quel genre d'écrire ou de parler , foir
en Vers , foit en Profe , il eft plus glorieux
d'exceller.
>
Si
1774 MERCURE DE FRANCE
Si nous confiderons en premier lieu la
peine qu'il y a d'écrire & de compofer
le Poëte, fans difficulté , l'emporte fur l'Orateur
, il eſt aſtraint à fuivre des regles
très-étroites , la rime , la cadence & mille
autres loix tiennent fa raifon captive ; de
forte que dans les plus heureux efforts de
fon genie , il faut qu'il confulte toûjours
cette rime fatale , qu'il lui facrifie même
fouvent tout ce que fon efprit a pu produire
de plus jufte ou de plus brillant. Son travail
lui doit coûter d'autant plus que
toutes les expreffions doivent être moins
communes , & qu'il ne parle point comme
le refte des hommes : c'eft ce qui fait peutêtre
auffi qu'en general les Poëtes font
vains, & qu'ils s'imaginent qu'il y a autant
de diftance de leur condition à celle des
prophanes Mortels , qu'il y en a entre leur
façon de parler & celle des autres ; ce
qu'il y a de fûr , eft que du haut de leur
orgueil poëtique ils méprifent tous les
hommes , Odi prophanum vulgus . Ils ont
dans leur maniere de s'énoncer tant de
majefté & de grandeur , que la fuperftitieufe
Antiquité ne les a pas écoutés avec
moins de crainte que de refpect , & les
croyant infpirez , adoroit en quelque maniere
leurs productions divines ; n'y a-t-il
même beaucoup de gens aujourd'hui
qui entendent fineſſe en ces Vers de Virgile?
pas
Fam
AOUST. 1730. 1775
Jam redit & Virgo redeunt Saturnia Regna ,
Jam nova progenies Cælo demittitur alto ,
Tu mode nafcenti puero quo ferrea primum »
Definet ac toto furget gens aurea mundo ,
Cafta fave Lucina ; tuus jam regnat Apollo.
Il ne feroit pas incroyable, en effet, que
Dieu fe fut fervi de la bouche d'un Payen
pour annoncer au Monde la Naiffance
d'un Rédempteur , puifque nous voyons
dans les Saintes Ecritures , que les mauvais
comme les bons Prophetes , prédifoient
auffi certainement l'avenir.
Il eft donc certain , pour retourner à notre
fujet , qui ayant dans la Poëfie plus de
choix,plus de façon,& pour ainfi-dire plus
de miftere , il y a conféquemment plus
de travail. L'Orateur doit , à ce qu'il femble
, moins peiner dans fes compofitions ,
parle un langage ordinaire , plus fimple
& beaucoup moins recherché que celui
du Poëte. Cependant les habiles Connoiffeurs
tiennent qu'il ne faut pas moins de
feu, &, pour ainfi - dire , de ce divin entoufiafme
pour faire une belle Profe que pour
compofer les plus excellens Vers , & même
on a remarqué qu'une belle & élegante:
Profe frappe encore plus agréablement
Foreille que la plus belle Poëfic ; car elle a
auffi comme la Poëfie fes loix , fes regles ,
& fes mefures , elle doit être auffi , comme
1476 MERCURE DE FRANCE
me elle , nombreuſe , cadencée , périodi
que.
Cependant il ne faut pas obmettre une
Reflexion qui eft bien à l'avantage du
Poëte , c'eft que prefque tous ceux qui
excellent dans la Poëfie , écrivent bien en
Profe,quand il leurplaît; ainfi nous voyons
que la Profe de M. Defpreaux eft dans
fon genre auffi belle que fes Vers , ce qui
lui procura l'emploi d'écrire la Vie de
Louis XIV. par un choix qui devoit faire
un double honneur à la memoire de ce
grand Monarque , d'avoir pour Hiftorien
un Ectivain fi habile & un Poëte', qui
comme il le dit lui -même , ayant fait
profeffion de dire la verité à tout fon fiecle
, devoit en être moins fufpect de flatterie
envers la Pofterité.
On n'en peut pas dire autant des Orateurs
, qui ne font pas Poëtes , auffi facilement
que les Poëtes deviennent Orateurs.
Ciceron , ce prodige d'éloquence ', ayant
voulu s'évertuer un jour , ne put enfanter
que ce Vers qui ne mit pas les Rieurs de
fon côté.
O fortunatam natam me Confule Romam
On peut donc conclure delà qu'il eſt
plus difficile d'exceller dans la Poëfie , que
de faite une bonne Profe ; mais à ces raifons
on en pourroit ajoûter une beaucoup
plus
AOUST . 1730 1777
plus confiderable, qui eft que le merite du
Poëte eft d'autant plus fuperieur à celui
de l'Orateur , que la médiocrité dans la
Poëfie , comme dans la Muſique , n'eſt pas
fupportable , ce qu'on ne peut pas dire
des Orateurs , puifque ceux- là même qui
font d'un médiocre génie , ne laiffent pas
d'acquerir de la réputation ; au lieu qu'à
moins d'être excellent Poëte , il eft dangereux
de rimer ; enfin c'eft des Poëtes
qu'on pourroit dire avec le plus de raifon
aut Cefar , aut nihil.
Cependant fi on confidere la réputation
d'un Ciceron ou d'un Hortenfe chez les
Romains, d'un Démofthene , ou d'un Pericles
chez les Grecs , à la gloire d'un Vir
gile , d'un Horace, ou d'un Juvenal , d'un
Hefiode , ou d'un Homere , certainement
on ne trouvera pas que les premiers foient
en rien inferieurs aux autres .
Or fi l'eftime des hommes eft la jufte
mefure du mérite , pourquoi égaler la
gloire de l'Orateur , qui coute beaucoup
moins , à celle du Poëte , fi difficile à acquerir
? C'eſt , à dire le vrai , parce que
malgré toutes les refléxions que nous venons
de faire , la gloire de l'Orateur eft
préferable ; Ciceron gouverna la République
Romaine par fon éloquence , & la
préferva une fois de fa ruine. Démofthene
avec le même talent , déconcerta toute
la
1778 MERCURE DE FRANCE
prudence & toute la politique d'un grand
Roi , & regnoit par ce moyen dans fa Patrie
; car le veritable Empire eft celui qui
fe fait fentir fur les coeurs , du plus fecret
mouvement defquels l'Orateur fe rend
le maître Pericles s'étoit rendu fi puiffant
par la parole , qu'on avoit comparé
fon éloquence au foudre , tant ſes effets
étoient prompts & furprenans.
On a bien admiré les Poëtes dans tous
les temps , on a rendu juftice à leur talent
, mais jamais ont-ils eu la gloire de
fe rendre maîtres de la volonté des hommes
, de les gouverner & de les tourner
en quel fens il leur plaît ?
Virgile eut la gloire en entrant au Theatre
de voir les Affiftans fe lever par honneur
, de même que fi l'Empereur eut
paru ; mais cette diftinction toute flatteufe
qu'elle eft , n'a rien de comparable à la
gloire de gouverner des Etats , d'en difpofer
, d'égaler par la feule force de la
parole , la puiffance des plus grands Rois.
Que file prix & la valeur d'une chofe
fe mefure à la regle de l'utilité , il n'eft
point de Profeffion qui ne foit ou plus
utile , ou plus eftimable que l'art de faire
des Vers ; car outre qu'il y a peu d'exemples
que par le fecours de la Poëfie feule
on ait fait fortune , & que ceux qui la
cultivent fe foient procure feulement par
ce
AOUST. 1730. 1779
ce moyen les chofes neceffaires à la vie ,
on ne voit les Poëtes recherchez prefque
de perfonne , & ils ont raifon de fuir les
compagnies , de chercher la folitude dans
les Bois , dans les Campagnes & fur le
bord des Rivieres , ils préviennent en cela
le gout du Public , qui eft affez injufte
pour ne donner fon approbation & fon
eftime qu'à proportion de l'interêt qu'il
trouve & de l'utilité qui lui revient .
Des efprits chagrins trouveront encore
plus à redire qu'on s'amufe à faire des
Vers , c'est-à - dire , à affervir le bon fens à
la rime , comme fi on avoit de la raifon
de refte , & que des gens fages & fenfez
y perdent un temps qui eft fi précieux
& qu'ils pourroient employer ailleurs
beaucoup plus utilement ; en effet , la verfification
, qui n'eft qu'un arrangement
de mots qui frappent toujours l'oreille
d'un même fon , paroît plutôt un amuſement
d'enfant que l'ouvrage férieux d'un
homme raifonnable ; outre qu'il n'eft prefque
perfonne , qui après qu'on a lû une
longue tirade , même des plus beaux Vers,
n'éprouve qu'à la fin on s'ennuye d'un
ftile toujours fi uniforme , d'une cadence
toujours fi égale , & n'avoue que ce qui
avoit d'abord charmé par un faux éclat ,
devient à la fin fade & infipide.
M. Defpreaux avoit peut-être plus de
raifon
1780 MERCURE DE FRANCE
faifon qu'il ne penfoit l'orfqu'il a dit en
fe joüant :
Maudit foit le premier dont la verve inſenſée ,
Dans les bornes d'un Vers renferma ſa penſée. ”
Car fi on peut s'exprimer en Profe plus
naturellement & avec autant de force. A
quoi bon rechercher les phrafes mifterieufes
& alambiquées , que le vulgaire n'entend
qu'à demi , & dont les loix feveres
affoibliffent prefque toujours les penfées
les plus folides , fi elles ne les perdent
abfolument ?
A parler franchement , la Poëfie n'eft
bonne qu'à un feul ufage , & auquel elle
doit fa naiffance , fi on en croit les anciens,
c'eft qu'elle fe retient plus aifément & fe
conferve plus long-temps dans la memoire
; car comme avant l'invention des
Lettres , l'Hiftoire des temps & des éve
nemens & en general toutes fortes de
connoiffances devoient être renfermées
dans la memoire des hommes , la Naif
fance du Monde , l'Hiftoire , la Religion
même , tout fut mis en Vers , qu'on faifoit
apprendre par coeur aux enfans , & dont
ils fe reffouvenoient plus facilement què
de la Profe , pour en tranfmettre le fouvenir
à la pofterité ; mais aujourd'hui
qu'on a non feulement l'ufage des Lettres,
mais encore celui de l'Imprimerie , la Poëfie
AOUST . 1730. 1781
fie n'a pas même confervé fur la Profe
le foible avantage dont elle n'étoit redevable
qu'à l'ignorance des hommes & à
la neceflité des temps .
Ces differentes confiderations fuffiroient
feules pour fe déterminer en faveur des
Orateurs contre les Poëtes ; mais ce qui
leve, entierement toute la difficulté de
cette Queſtion , à ne laiffer plus aucun ſujet
de douter , c'eft qu'il ne fuffit pas pour l'Orateur
de bien écrire & d'exceller dans la
compofition , il lui eft néceffaire de plus
d'avoir le talent de la parole , une heureufe
memoire , un agréable maintien
une prononciation nette, une voix fonore,
un bon gefte , qui font autant de qualitez
dont le Poëte fe paffe aifément : d'où
l'on doit conclure que la gloire de l'Orateur
eft préferable , puifqu'elle demande
l'affemblage d'un plus grand nombre
de belles qualitez.
Par M. M ... D ... de Besançon,
( dans le Mercute de Juin , page 1 179. )
Si la gloire des Orateurs eft préferable
celle des Poëtes.
I
Left affez dangereux de fe déterminer
fur cette Queſtion ; on s'expofe néceffairement
à déplaire aux uns ou aux autres
de ceux qui affectionnent l'un des deux
partis , jufqu'à fe piquer fouvent d'une
préference qui ne peut neanmoins rien
ôter à leur mérite ; en effet, qu'importe à
l'Orateur que le Poëte lui foit préferable ?
S'il y a plus de gloire à parler le langage
des Dieux que celui des hommes , tout
l'honneur en refte à l'une des Profeffions ,
qui eft plus excellente que l'autre ; mais
l'on ne doit rien imputer à celui qui
n'ayant ni moins d'efprit ni moins d'éloquence
, n'a cependant pas eu cet avantage
de naître favori d'Apollon . On doit
donc , fans crainte d'offenfer perfonne ,
difputer & enfin décider cette Queſtion
où il ne s'agit point de balancer le mérite
perfonnel de l'Orateur avec celui du Poëte
, mais feulement de fçavoir en general
en quel genre d'écrire ou de parler , foir
en Vers , foit en Profe , il eft plus glorieux
d'exceller.
>
Si
1774 MERCURE DE FRANCE
Si nous confiderons en premier lieu la
peine qu'il y a d'écrire & de compofer
le Poëte, fans difficulté , l'emporte fur l'Orateur
, il eſt aſtraint à fuivre des regles
très-étroites , la rime , la cadence & mille
autres loix tiennent fa raifon captive ; de
forte que dans les plus heureux efforts de
fon genie , il faut qu'il confulte toûjours
cette rime fatale , qu'il lui facrifie même
fouvent tout ce que fon efprit a pu produire
de plus jufte ou de plus brillant. Son travail
lui doit coûter d'autant plus que
toutes les expreffions doivent être moins
communes , & qu'il ne parle point comme
le refte des hommes : c'eft ce qui fait peutêtre
auffi qu'en general les Poëtes font
vains, & qu'ils s'imaginent qu'il y a autant
de diftance de leur condition à celle des
prophanes Mortels , qu'il y en a entre leur
façon de parler & celle des autres ; ce
qu'il y a de fûr , eft que du haut de leur
orgueil poëtique ils méprifent tous les
hommes , Odi prophanum vulgus . Ils ont
dans leur maniere de s'énoncer tant de
majefté & de grandeur , que la fuperftitieufe
Antiquité ne les a pas écoutés avec
moins de crainte que de refpect , & les
croyant infpirez , adoroit en quelque maniere
leurs productions divines ; n'y a-t-il
même beaucoup de gens aujourd'hui
qui entendent fineſſe en ces Vers de Virgile?
pas
Fam
AOUST. 1730. 1775
Jam redit & Virgo redeunt Saturnia Regna ,
Jam nova progenies Cælo demittitur alto ,
Tu mode nafcenti puero quo ferrea primum »
Definet ac toto furget gens aurea mundo ,
Cafta fave Lucina ; tuus jam regnat Apollo.
Il ne feroit pas incroyable, en effet, que
Dieu fe fut fervi de la bouche d'un Payen
pour annoncer au Monde la Naiffance
d'un Rédempteur , puifque nous voyons
dans les Saintes Ecritures , que les mauvais
comme les bons Prophetes , prédifoient
auffi certainement l'avenir.
Il eft donc certain , pour retourner à notre
fujet , qui ayant dans la Poëfie plus de
choix,plus de façon,& pour ainfi-dire plus
de miftere , il y a conféquemment plus
de travail. L'Orateur doit , à ce qu'il femble
, moins peiner dans fes compofitions ,
parle un langage ordinaire , plus fimple
& beaucoup moins recherché que celui
du Poëte. Cependant les habiles Connoiffeurs
tiennent qu'il ne faut pas moins de
feu, &, pour ainfi - dire , de ce divin entoufiafme
pour faire une belle Profe que pour
compofer les plus excellens Vers , & même
on a remarqué qu'une belle & élegante:
Profe frappe encore plus agréablement
Foreille que la plus belle Poëfic ; car elle a
auffi comme la Poëfie fes loix , fes regles ,
& fes mefures , elle doit être auffi , comme
1476 MERCURE DE FRANCE
me elle , nombreuſe , cadencée , périodi
que.
Cependant il ne faut pas obmettre une
Reflexion qui eft bien à l'avantage du
Poëte , c'eft que prefque tous ceux qui
excellent dans la Poëfie , écrivent bien en
Profe,quand il leurplaît; ainfi nous voyons
que la Profe de M. Defpreaux eft dans
fon genre auffi belle que fes Vers , ce qui
lui procura l'emploi d'écrire la Vie de
Louis XIV. par un choix qui devoit faire
un double honneur à la memoire de ce
grand Monarque , d'avoir pour Hiftorien
un Ectivain fi habile & un Poëte', qui
comme il le dit lui -même , ayant fait
profeffion de dire la verité à tout fon fiecle
, devoit en être moins fufpect de flatterie
envers la Pofterité.
On n'en peut pas dire autant des Orateurs
, qui ne font pas Poëtes , auffi facilement
que les Poëtes deviennent Orateurs.
Ciceron , ce prodige d'éloquence ', ayant
voulu s'évertuer un jour , ne put enfanter
que ce Vers qui ne mit pas les Rieurs de
fon côté.
O fortunatam natam me Confule Romam
On peut donc conclure delà qu'il eſt
plus difficile d'exceller dans la Poëfie , que
de faite une bonne Profe ; mais à ces raifons
on en pourroit ajoûter une beaucoup
plus
AOUST . 1730 1777
plus confiderable, qui eft que le merite du
Poëte eft d'autant plus fuperieur à celui
de l'Orateur , que la médiocrité dans la
Poëfie , comme dans la Muſique , n'eſt pas
fupportable , ce qu'on ne peut pas dire
des Orateurs , puifque ceux- là même qui
font d'un médiocre génie , ne laiffent pas
d'acquerir de la réputation ; au lieu qu'à
moins d'être excellent Poëte , il eft dangereux
de rimer ; enfin c'eft des Poëtes
qu'on pourroit dire avec le plus de raifon
aut Cefar , aut nihil.
Cependant fi on confidere la réputation
d'un Ciceron ou d'un Hortenfe chez les
Romains, d'un Démofthene , ou d'un Pericles
chez les Grecs , à la gloire d'un Vir
gile , d'un Horace, ou d'un Juvenal , d'un
Hefiode , ou d'un Homere , certainement
on ne trouvera pas que les premiers foient
en rien inferieurs aux autres .
Or fi l'eftime des hommes eft la jufte
mefure du mérite , pourquoi égaler la
gloire de l'Orateur , qui coute beaucoup
moins , à celle du Poëte , fi difficile à acquerir
? C'eſt , à dire le vrai , parce que
malgré toutes les refléxions que nous venons
de faire , la gloire de l'Orateur eft
préferable ; Ciceron gouverna la République
Romaine par fon éloquence , & la
préferva une fois de fa ruine. Démofthene
avec le même talent , déconcerta toute
la
1778 MERCURE DE FRANCE
prudence & toute la politique d'un grand
Roi , & regnoit par ce moyen dans fa Patrie
; car le veritable Empire eft celui qui
fe fait fentir fur les coeurs , du plus fecret
mouvement defquels l'Orateur fe rend
le maître Pericles s'étoit rendu fi puiffant
par la parole , qu'on avoit comparé
fon éloquence au foudre , tant ſes effets
étoient prompts & furprenans.
On a bien admiré les Poëtes dans tous
les temps , on a rendu juftice à leur talent
, mais jamais ont-ils eu la gloire de
fe rendre maîtres de la volonté des hommes
, de les gouverner & de les tourner
en quel fens il leur plaît ?
Virgile eut la gloire en entrant au Theatre
de voir les Affiftans fe lever par honneur
, de même que fi l'Empereur eut
paru ; mais cette diftinction toute flatteufe
qu'elle eft , n'a rien de comparable à la
gloire de gouverner des Etats , d'en difpofer
, d'égaler par la feule force de la
parole , la puiffance des plus grands Rois.
Que file prix & la valeur d'une chofe
fe mefure à la regle de l'utilité , il n'eft
point de Profeffion qui ne foit ou plus
utile , ou plus eftimable que l'art de faire
des Vers ; car outre qu'il y a peu d'exemples
que par le fecours de la Poëfie feule
on ait fait fortune , & que ceux qui la
cultivent fe foient procure feulement par
ce
AOUST. 1730. 1779
ce moyen les chofes neceffaires à la vie ,
on ne voit les Poëtes recherchez prefque
de perfonne , & ils ont raifon de fuir les
compagnies , de chercher la folitude dans
les Bois , dans les Campagnes & fur le
bord des Rivieres , ils préviennent en cela
le gout du Public , qui eft affez injufte
pour ne donner fon approbation & fon
eftime qu'à proportion de l'interêt qu'il
trouve & de l'utilité qui lui revient .
Des efprits chagrins trouveront encore
plus à redire qu'on s'amufe à faire des
Vers , c'est-à - dire , à affervir le bon fens à
la rime , comme fi on avoit de la raifon
de refte , & que des gens fages & fenfez
y perdent un temps qui eft fi précieux
& qu'ils pourroient employer ailleurs
beaucoup plus utilement ; en effet , la verfification
, qui n'eft qu'un arrangement
de mots qui frappent toujours l'oreille
d'un même fon , paroît plutôt un amuſement
d'enfant que l'ouvrage férieux d'un
homme raifonnable ; outre qu'il n'eft prefque
perfonne , qui après qu'on a lû une
longue tirade , même des plus beaux Vers,
n'éprouve qu'à la fin on s'ennuye d'un
ftile toujours fi uniforme , d'une cadence
toujours fi égale , & n'avoue que ce qui
avoit d'abord charmé par un faux éclat ,
devient à la fin fade & infipide.
M. Defpreaux avoit peut-être plus de
raifon
1780 MERCURE DE FRANCE
faifon qu'il ne penfoit l'orfqu'il a dit en
fe joüant :
Maudit foit le premier dont la verve inſenſée ,
Dans les bornes d'un Vers renferma ſa penſée. ”
Car fi on peut s'exprimer en Profe plus
naturellement & avec autant de force. A
quoi bon rechercher les phrafes mifterieufes
& alambiquées , que le vulgaire n'entend
qu'à demi , & dont les loix feveres
affoibliffent prefque toujours les penfées
les plus folides , fi elles ne les perdent
abfolument ?
A parler franchement , la Poëfie n'eft
bonne qu'à un feul ufage , & auquel elle
doit fa naiffance , fi on en croit les anciens,
c'eft qu'elle fe retient plus aifément & fe
conferve plus long-temps dans la memoire
; car comme avant l'invention des
Lettres , l'Hiftoire des temps & des éve
nemens & en general toutes fortes de
connoiffances devoient être renfermées
dans la memoire des hommes , la Naif
fance du Monde , l'Hiftoire , la Religion
même , tout fut mis en Vers , qu'on faifoit
apprendre par coeur aux enfans , & dont
ils fe reffouvenoient plus facilement què
de la Profe , pour en tranfmettre le fouvenir
à la pofterité ; mais aujourd'hui
qu'on a non feulement l'ufage des Lettres,
mais encore celui de l'Imprimerie , la Poëfie
AOUST . 1730. 1781
fie n'a pas même confervé fur la Profe
le foible avantage dont elle n'étoit redevable
qu'à l'ignorance des hommes & à
la neceflité des temps .
Ces differentes confiderations fuffiroient
feules pour fe déterminer en faveur des
Orateurs contre les Poëtes ; mais ce qui
leve, entierement toute la difficulté de
cette Queſtion , à ne laiffer plus aucun ſujet
de douter , c'eft qu'il ne fuffit pas pour l'Orateur
de bien écrire & d'exceller dans la
compofition , il lui eft néceffaire de plus
d'avoir le talent de la parole , une heureufe
memoire , un agréable maintien
une prononciation nette, une voix fonore,
un bon gefte , qui font autant de qualitez
dont le Poëte fe paffe aifément : d'où
l'on doit conclure que la gloire de l'Orateur
eft préferable , puifqu'elle demande
l'affemblage d'un plus grand nombre
de belles qualitez.
Par M. M ... D ... de Besançon,
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Résumé : RÉPONSE à la Question proposée (dans le Mercure de Juin, page 1179.) Si la gloire des Orateurs est préferable à celle des Poëtes.
Le texte traite de la supériorité de la gloire des orateurs par rapport à celle des poètes. L'auteur commence par souligner les risques de prendre parti dans cette controverse, car cela peut déplaire à l'un ou l'autre camp. Il précise que la question ne porte pas sur la comparaison des mérites personnels, mais sur la gloire associée à chaque profession. L'auteur examine ensuite les efforts nécessaires pour écrire des poèmes et des discours. Les poètes doivent suivre des règles strictes comme la rime et la cadence, ce qui peut limiter leur expression. Les orateurs, en revanche, utilisent un langage plus simple et ordinaire, mais nécessitent également un grand talent et une élocution parfaite. Le texte mentionne que les poètes, comme Boileau, peuvent également exceller dans la prose, mais que les orateurs ne deviennent pas aussi facilement poètes. Cependant, la réputation des grands orateurs comme Cicéron ou Démosthène est comparable à celle des grands poètes comme Virgile ou Homère. L'auteur conclut que la gloire des orateurs est préférable, car ils peuvent gouverner et influencer les hommes par leur éloquence. Les poètes, bien qu'admirés, n'ont pas cette capacité de diriger ou de gouverner. De plus, la poésie est souvent perçue comme un amusement et non comme une activité sérieuse. Enfin, l'orateur doit posséder un ensemble de qualités supplémentaires, comme une bonne mémoire et une prononciation claire, ce qui renforce la préférence pour la gloire des orateurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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75
p. 2083-2088
SUR LA NAISSANCE DE MONSEIGNEUR LE DUC D'ANJOU. ODE AU ROY
Début :
Loin ce Parnasse imaginaire, [...]
Mots clefs :
Naissance du duc d'Anjou, Duc d'Anjou, Roi, Gloire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUR LA NAISSANCE DE MONSEIGNEUR LE DUC D'ANJOU. ODE AU ROY
SUR LA NAISSANCE
DE MONSEIGNEUR
LE DUC D'ANJOU.
ODE
AU ROY.
Oin ce Parnaffe imaginaire ,
Qu'adora jadis l'Univers :
Du Dieu que le Pinde révere ,
Je n'invoque point les Concerts .
Dans mon yvreffe fcrupuleufe ,
De l'Antiquité fabuleuſe ,
Je n'adopte point les erreurs :
Ma gloire feroit bien plus belle ,
LOUIS , fi pour prix de mon zele ;
Ta préfidois à mes fureurs.
K
C'eft à toi que de mon delire ,
Je veux confacrer les tranfports :
De mon audacieufe Lyre,
Mortels , refpectez les accords.
Tranfporté dans la Cour Divine ,
Je vais d'une augufte origine ,
Vous dévoiler tous les fecrets :
Loin des foibles yeux du vulgaire ,
Je
J
2084 MERCURE DE FRANCE
Je vais dans mon vol témeraire ,
Fonder les plus vaftes projets.
SY
Ce puiffant Maître du Tonnerre ,
Qui dans fes decrets abfolus ,
Diſpenſe aux Princes de la Terre ,
Le jufte prix de leurs vertus ;
En voyant les tiennes s'accroître ,
Grand Roi , daigne encor faire naître
Un Prince , objet de tes fouhaits :
Et pour difputer la victoire ;
Plus il voit s'augmenter ta gloire ,
Plus il augmente fes bienfaits.
粥
Peuples , d'une illuftre Naiffance ,
Refpectez les heureux momens :
D'Anjou , d'une jufte efperance ,
A raffermi les fondemens.
J'ai , dans mon amour peu tranquille ,
Tremblé pour l'enfance débile ,
Du prémier foutien de nos Lys :
Mais ma crainte va difparoître ,
Peut -on trembler quand on voit croître,
L'illuftre Race de Louis
S
O Ciel ! de tes Arrêts feveres ,
J'adore l'utile rigueur !
Du
SEPTEMBRE . 1730. 2085.
Du fein de nos maux falutaires ,
Tu fais naître notre bonheur .
Si la mort dans fon cours rapide ,
Trancha de fa faux homicide ,
Les jours des Bourbons au berceau ;
C'eſt qu'en nous enlevant ces Princes , *
Tu réſervois à nos Provinces ,
Le cours d'un Empire plus beau.
Combien d'admirables Spectacles ,
S'offrent à mes yeux enchantez !
Ce Regne fécond en Miracles ,
Fait honte aux Rois les plus vantez .'
En vain pour illuftrer ta gloire ,
Grand Roi , la plus fidelle Hiftoire ,
Te dépeindroit à nos Neveux ;
Tes vertus pafferoient pour fables ,
Si l'on ne les rendoit croyables ,
En les retraçant à leurs yeux.
Que vois -je ? le Ciel favorable ,
Se plaît à prévenir mes voeux.
Ta mémoire à jamais durable ,
Vaincra les temps injurieux .
Déja je vois ta Race illuftre ,
Qui s'apprête à donner du luftre ,
* Le Dauphin. Le Duc de Bourgogne . Le Duc
de Bretagne.
tos6 MERCURE DE FRANCE
A fes héroïques vertus :
Ta gloire en elle renaiffante ,
Calmera la douleur preffante ,
De ceux qui ne te verront plus.
Le Ciel, qui de quelques années
Retarda ta profperité ,
Formoit les hautes deftinées ,
De ta noble Pofterité.
Ainfi la France impatiente ,
Vit d'une Naiffance * éclatante ,
Differer les heureux inftans :
Grand Dieu , lorfque tu nous préparés ?
Des préfens fi grands & fi rares ,
Tu les fais attendre long- temps.
灌
Soutiens genereux de la France ,
Vous , Princes , l'appui de nos Loix ;
Dans une héroïque Alliance ,
Montrez-nous le plus grand des Rois
Pour retracer fes faits fublimes ,
Joignez vos effors magnanimes ,
Uniffez vos nobles travaux :
Sans que leur vertu dégenere ,
Ce que LOUIS feul a pu faire ,
Peut bien occuper deux Héros.
* La Naiſſance de Louis XIV,
Mais
SEPTEMBRE. 1730. 2087.
Mais quoi déja ce Couple augufte ,
Remplit mon attente & mes voeux :
Semblable à fon Pere , il eft jufte ,
Debonnaire , affable , pieux ;
Grand Roi , c'est là ta vraie image ,
Je n'ai point dans un fâche Ouvrage ,
Déguifé les traits du Tableau :
Si tu méconnois la peinture ,
L'Univers entier d'impoſture ,
Pourra difculper mon Pinceau
粥
Quelle eft cette augufte Princeffe ,
Que je vois aux pieds des Autels
Cette humble ferveur qui l'abbaiffe,"
La dérobe aux yeux des Mortels.
Son humilité fcrupuleuſe ,
Bannit cette pompe orgueilleufe ,
Dont les Humains font éblouis :
Glorieux , mais vain ſtratagême !
Ne connoît-on qu'au Diadême ,
L'illuftre Epouse de Louis ?
溶
Le Ciel , qui de cet Hymenée ,
Voulut former les noeuds fi doux ;i
Reünira la deſtinée ,
De ces deux fideles Epoux.
Je vois dans la Voute azurée ,
La place pour eux préparée , Par
2088 MERCURE DE FRANCE
Par leurs Ancêtres * glorieux :
La pieté qui les couronne ,
Eleve un magnifique Trône ,
A la gloire de leurs Neveux.
DE MONSEIGNEUR
LE DUC D'ANJOU.
ODE
AU ROY.
Oin ce Parnaffe imaginaire ,
Qu'adora jadis l'Univers :
Du Dieu que le Pinde révere ,
Je n'invoque point les Concerts .
Dans mon yvreffe fcrupuleufe ,
De l'Antiquité fabuleuſe ,
Je n'adopte point les erreurs :
Ma gloire feroit bien plus belle ,
LOUIS , fi pour prix de mon zele ;
Ta préfidois à mes fureurs.
K
C'eft à toi que de mon delire ,
Je veux confacrer les tranfports :
De mon audacieufe Lyre,
Mortels , refpectez les accords.
Tranfporté dans la Cour Divine ,
Je vais d'une augufte origine ,
Vous dévoiler tous les fecrets :
Loin des foibles yeux du vulgaire ,
Je
J
2084 MERCURE DE FRANCE
Je vais dans mon vol témeraire ,
Fonder les plus vaftes projets.
SY
Ce puiffant Maître du Tonnerre ,
Qui dans fes decrets abfolus ,
Diſpenſe aux Princes de la Terre ,
Le jufte prix de leurs vertus ;
En voyant les tiennes s'accroître ,
Grand Roi , daigne encor faire naître
Un Prince , objet de tes fouhaits :
Et pour difputer la victoire ;
Plus il voit s'augmenter ta gloire ,
Plus il augmente fes bienfaits.
粥
Peuples , d'une illuftre Naiffance ,
Refpectez les heureux momens :
D'Anjou , d'une jufte efperance ,
A raffermi les fondemens.
J'ai , dans mon amour peu tranquille ,
Tremblé pour l'enfance débile ,
Du prémier foutien de nos Lys :
Mais ma crainte va difparoître ,
Peut -on trembler quand on voit croître,
L'illuftre Race de Louis
S
O Ciel ! de tes Arrêts feveres ,
J'adore l'utile rigueur !
Du
SEPTEMBRE . 1730. 2085.
Du fein de nos maux falutaires ,
Tu fais naître notre bonheur .
Si la mort dans fon cours rapide ,
Trancha de fa faux homicide ,
Les jours des Bourbons au berceau ;
C'eſt qu'en nous enlevant ces Princes , *
Tu réſervois à nos Provinces ,
Le cours d'un Empire plus beau.
Combien d'admirables Spectacles ,
S'offrent à mes yeux enchantez !
Ce Regne fécond en Miracles ,
Fait honte aux Rois les plus vantez .'
En vain pour illuftrer ta gloire ,
Grand Roi , la plus fidelle Hiftoire ,
Te dépeindroit à nos Neveux ;
Tes vertus pafferoient pour fables ,
Si l'on ne les rendoit croyables ,
En les retraçant à leurs yeux.
Que vois -je ? le Ciel favorable ,
Se plaît à prévenir mes voeux.
Ta mémoire à jamais durable ,
Vaincra les temps injurieux .
Déja je vois ta Race illuftre ,
Qui s'apprête à donner du luftre ,
* Le Dauphin. Le Duc de Bourgogne . Le Duc
de Bretagne.
tos6 MERCURE DE FRANCE
A fes héroïques vertus :
Ta gloire en elle renaiffante ,
Calmera la douleur preffante ,
De ceux qui ne te verront plus.
Le Ciel, qui de quelques années
Retarda ta profperité ,
Formoit les hautes deftinées ,
De ta noble Pofterité.
Ainfi la France impatiente ,
Vit d'une Naiffance * éclatante ,
Differer les heureux inftans :
Grand Dieu , lorfque tu nous préparés ?
Des préfens fi grands & fi rares ,
Tu les fais attendre long- temps.
灌
Soutiens genereux de la France ,
Vous , Princes , l'appui de nos Loix ;
Dans une héroïque Alliance ,
Montrez-nous le plus grand des Rois
Pour retracer fes faits fublimes ,
Joignez vos effors magnanimes ,
Uniffez vos nobles travaux :
Sans que leur vertu dégenere ,
Ce que LOUIS feul a pu faire ,
Peut bien occuper deux Héros.
* La Naiſſance de Louis XIV,
Mais
SEPTEMBRE. 1730. 2087.
Mais quoi déja ce Couple augufte ,
Remplit mon attente & mes voeux :
Semblable à fon Pere , il eft jufte ,
Debonnaire , affable , pieux ;
Grand Roi , c'est là ta vraie image ,
Je n'ai point dans un fâche Ouvrage ,
Déguifé les traits du Tableau :
Si tu méconnois la peinture ,
L'Univers entier d'impoſture ,
Pourra difculper mon Pinceau
粥
Quelle eft cette augufte Princeffe ,
Que je vois aux pieds des Autels
Cette humble ferveur qui l'abbaiffe,"
La dérobe aux yeux des Mortels.
Son humilité fcrupuleuſe ,
Bannit cette pompe orgueilleufe ,
Dont les Humains font éblouis :
Glorieux , mais vain ſtratagême !
Ne connoît-on qu'au Diadême ,
L'illuftre Epouse de Louis ?
溶
Le Ciel , qui de cet Hymenée ,
Voulut former les noeuds fi doux ;i
Reünira la deſtinée ,
De ces deux fideles Epoux.
Je vois dans la Voute azurée ,
La place pour eux préparée , Par
2088 MERCURE DE FRANCE
Par leurs Ancêtres * glorieux :
La pieté qui les couronne ,
Eleve un magnifique Trône ,
A la gloire de leurs Neveux.
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Résumé : SUR LA NAISSANCE DE MONSEIGNEUR LE DUC D'ANJOU. ODE AU ROY
Le texte est une ode célébrant la naissance du duc d'Anjou, fils du roi Louis XV. L'auteur exprime son admiration pour le roi et ses vertus, espérant que Dieu accorde au roi un nouvel héritier. Il évoque les craintes passées pour la lignée royale et la joie actuelle face à la naissance du duc d'Anjou. L'ode met en avant la grandeur et les miracles du règne de Louis XV, comparant sa mémoire à celle de ses ancêtres illustres. Le texte souligne également les qualités du duc d'Anjou, qui reflètent celles de son père, et la dévotion de la reine, épouse de Louis XV. Enfin, il exalte l'alliance héroïque des princes soutenant la France et la destinée glorieuse des descendants royaux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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76
p. 2096-2097
Autre Mandement, [titre d'après la table]
Début :
CLAUDE DU PRÉ, Grand-Prieur de l'Abbaye Royale de S. Germain des Prez, &c. [...]
Mots clefs :
Roi, Abbaye, Gloire, Mandement
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texteReconnaissance textuelle : Autre Mandement, [titre d'après la table]
On chanta auffi un Te Deum, avec beaucoup
de folemnité
dans l'EglifeRoyale
de
P'Abbaye
de S. Germain , le Dimanche
3
du même mois , en conféquence
d'un
Mandement
conçu
en ces termes.
Grand -Prieur CLAUDE
DU PRE' , de l'Abbaye Royale de S. Germain des Prez , &c.
La joye répandue dans tous les Ordres du Royau- me , annonce la Naiffance d'un fecond Fils de
France. Don précieux , préfent inestimable
du
Ciel propice à nos Voeux , bienfait marqué au
fceau d'une Providence ſpéciale , augure certain
nouvel d'une félicité conftante ,
appuy du Trê
ne,témoignage éclatant de la protection du Toutpuiffant
fur les années floriffantes du Roy & de la
Reine , gage confolant du Monarque fuprême éternifer le bonheur de la Monarchie . Une
pour époque fi célébre, marquée par un évenement fi
efheureux
, devient le fondement folide de nos
perances , nous montre des fiécles de paix , de
gloire & d'abondance, Au milieu de tant de Profpéritez,
remontons à la fource , l'exemple du Roy
plus preffant encore que fes Ordres , gage. Béniffons l'Eternel,il nous donne des Princes
& des Princeffes dignes par leurs vertus héréditaires
, de faire un jour la gloire & le bonheur
des Monarchies les plus puiffantes. Arrêtons - nous au Prince qui attire aujourd'hui nos Voeux & nos Hommages. Mefurons la reconnoiffance
à la faveur
; régions l'étendue de notre gratitude fur le
prix & le mérite du bienfait. Charmez de l'excellence
du Don , faifons de fa poffeffion un motif
de louanges inimortelles, joignons aux applaudiffemens
les actions de graces. Que la jouiffance
nous eny
d'un
SEPTEMBRE. 1730. 209 %
d'un objet fi précieux nous faffe remonter au
principe que la fin de nos fêtes & de nos réjouiffances,
foit celle de nos retours vers la Main bienfaifante
qui les fait naître , ranimons nos Cantiques.
Il y eut le foir de grandes Démonftrations
de joye dans tout le Diſtrict de l'Abbaye
, des Illuminations , des Feux , des
Fufées , &c. & plufieurs Salves de Coule
vrines , placées dans le Jardin dés Religieux
, lefquelles avoient tiré à l'arrivée
du Roy & pendant le Te Deum .
de folemnité
dans l'EglifeRoyale
de
P'Abbaye
de S. Germain , le Dimanche
3
du même mois , en conféquence
d'un
Mandement
conçu
en ces termes.
Grand -Prieur CLAUDE
DU PRE' , de l'Abbaye Royale de S. Germain des Prez , &c.
La joye répandue dans tous les Ordres du Royau- me , annonce la Naiffance d'un fecond Fils de
France. Don précieux , préfent inestimable
du
Ciel propice à nos Voeux , bienfait marqué au
fceau d'une Providence ſpéciale , augure certain
nouvel d'une félicité conftante ,
appuy du Trê
ne,témoignage éclatant de la protection du Toutpuiffant
fur les années floriffantes du Roy & de la
Reine , gage confolant du Monarque fuprême éternifer le bonheur de la Monarchie . Une
pour époque fi célébre, marquée par un évenement fi
efheureux
, devient le fondement folide de nos
perances , nous montre des fiécles de paix , de
gloire & d'abondance, Au milieu de tant de Profpéritez,
remontons à la fource , l'exemple du Roy
plus preffant encore que fes Ordres , gage. Béniffons l'Eternel,il nous donne des Princes
& des Princeffes dignes par leurs vertus héréditaires
, de faire un jour la gloire & le bonheur
des Monarchies les plus puiffantes. Arrêtons - nous au Prince qui attire aujourd'hui nos Voeux & nos Hommages. Mefurons la reconnoiffance
à la faveur
; régions l'étendue de notre gratitude fur le
prix & le mérite du bienfait. Charmez de l'excellence
du Don , faifons de fa poffeffion un motif
de louanges inimortelles, joignons aux applaudiffemens
les actions de graces. Que la jouiffance
nous eny
d'un
SEPTEMBRE. 1730. 209 %
d'un objet fi précieux nous faffe remonter au
principe que la fin de nos fêtes & de nos réjouiffances,
foit celle de nos retours vers la Main bienfaifante
qui les fait naître , ranimons nos Cantiques.
Il y eut le foir de grandes Démonftrations
de joye dans tout le Diſtrict de l'Abbaye
, des Illuminations , des Feux , des
Fufées , &c. & plufieurs Salves de Coule
vrines , placées dans le Jardin dés Religieux
, lefquelles avoient tiré à l'arrivée
du Roy & pendant le Te Deum .
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Résumé : Autre Mandement, [titre d'après la table]
Le 3 septembre 1730, un Te Deum solennel fut chanté à l'Église Royale de l'Abbaye de Saint-Germain pour célébrer la naissance d'un second fils du roi de France. Cet événement fut organisé par le Grand-Prieur Claude Du Pré, qui souligna la joie et la gratitude des habitants du royaume. La naissance était vue comme un don divin et un signe de la providence, augurant des années de bonheur et de prospérité pour le roi et la reine. Elle était perçue comme un gage de bonheur éternel pour la monarchie et le fondement de siècles de paix, de gloire et d'abondance. Le mandement appelait à bénir l'Éternel pour les princes et princesses et à exprimer reconnaissance pour ce bienfait. Des démonstrations de joie, telles que des illuminations, des feux, des fusées et des salves de couleuvrines, eurent lieu dans tout le district de l'Abbaye, notamment à l'arrivée du roi et pendant le Te Deum.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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77
p. 2215-2224
Panegyrique de S. Augustin, [titre d'après la table]
Début :
PANEGYRIQUE de S. Augustin, Evêque d'Hippone, prononcé dans [...]
Mots clefs :
Saint Augustin, Panégyrique, Génie, Gloire, Chrétien, Hommes, Éloquence, Honneur, Église
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Panegyrique de S. Augustin, [titre d'après la table]
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS &c.
ANEGYRIQUE de S. Auguftin ;
Evêque d'Hippone , prononcé dans
l'Eglife des Grands Auguftins , le 28.
Aout 1730. par M. l'Abbé Seguy . A
Paris , chez Coignard fils , Imprimeur du
Roi & de l'Académie Françoife , à la Bible
d'or 1730.
Lo
2216 MERCURE DE FRANCE
Le Lecteur nous fçaura bon gré de lui
'donner un Extrait de ce Difcours , fi digne
de la réputation de fon Auteur. Le
Texte en eft fingulier & frappant , &
l'Exorde dans fa noble fimplicité ne l'eſt
pas moins. Les voici :
In laudem gloria gratia . A la gloire
de la Grace. Epit. aux Ephef. Ch. 1.
Oui , Chrétiens , à la gloire de la Grace
C'est là comme une Dédicace que je
mets à la tête de ce Difcours , ou fi vous
voulez , c'eft le fujer & le fond même
de l'Eloge que j'entreprends. Je le confacre
à la Grace , parce que c'eſt à elle
qu'il appartient fpecialement , & que
toute la gloire d'Auguftin eſt à elle , in
laudem gloria gratie.
Cet Eloge d'Auguftin , fi intereffant
pour les Sçavans , dont ce grand homme
eft l'admiration & l'oracle , pour le peuple
, dont fon ſeul nom réveilla toujours
l'attention , le fera à jamais , Chrétiens ,
pour quiconque s'intereffera aux merveilles
de la Grace . Ecoutez . Cette Grace
qui vous donne la vie fpirituelle à vous,
Juftes , qui avez le bonheur d'en joüir,
qui feule peut vous la rendre à vous ,
pecheurs , qui l'avez perduë ; c'eft elle.
que je vais glorifier. Je vais vous faire
voir dans Auguftin des foibleffes & des
erreurs qu'elle a fait tourner à ſa gloire ,
des
OCTOBRE. 1730. 2217
'des vertus héroïques dont elle a été le
principe , des travaux infinis dont elle a
êté l'objet. Auguftin n'a été coupable , it
n'a été aveugle , il n'a été éclairé , il n'a
été penitent , il n'a eu la fuperiorité dư
génie & l'éminence de la fainteté que
pour la gloire de la Grace , in laudemgloria
gratia. Comment cela , Chrétiens Au
diteurs voici dans la raifon qui s'en
offre le plan de mon Difcours qui fe préfente.
C'est que le changement d'Auguf
tin a été un des coups les plus éclatans
de la puiflance de la Grace , & qu'Auguftin
depuis fon changement n'a vêcu
que pour les interêts de la Grace ; elle
a triomphe de lui , & elle a triomphé par
luis il lui a rendu les armes , & il l'a
fervie jufqu'à en devenir le Heros. En
deux mots , il en a été , en exceptant la
Converfion de Paul , il en a été la conquête
la plus belle , il en a été le Défenfeur
le plus glorieux , in laudem glorie
gratia.
Je n'ai point conçû , Meffieurs , la
vaine efperance d'égaler l'idée que vous
avez d'Auguftin , ni même de pouvoir
vous rendre parfaitement la mienne. Je
viens fuccomber fous le poids que je me
fuis laiffé impofer . Notre impuiffance à
foutenir la grandeur de certains fujets eft
après tout une autre forte d'éloge , & le
Docteur
Ev
2218 MERCURE DE FRANCE
Docteur de la Grace feroit trop rarement
loué , s'il ne l'étoit que par ceux qui
peuvent lui payer tout le tribut de loüanges
qu'il mérite. Auguftin. La Grace. Je
ne cefferai , Chrétiens , de vous préfenter
ces deux objets , quoique bien éloigné
de vouloir vous faire partager votre
reſpect entre l'un & l'autre. C'eſt ainfi
que j'ofe me promettre votre attention.
Oui , je m'en fie à l'interêt du grand
nom d'Auguftin , & plus encore à l'interêt
que doivent prendre vos coeurs à la
gloire de la Grace , In laudem gloria gratia.
Ave & c.
Premiere Partie:
L'Abbé Seguy en entrant en matiere ;
préfente le portrait que voici du jeune
Auguftin.
Failons attention à ce qu'il étoit dès fa
15 année , Chrétiens Auditeurs. Un vif
amour du grand , ou de ce qui en a l'apparence
; mais un penchant prefque invincible
pour le plaifir , une foif infinie:
de la verité , mais hors du feul fyftême
où on la trouve ; un caractere affable , mais
un fecret ſentiment de fa fuperiorité na--
turelle , idées naiffantes de fortune , talens
fuprêmes pour y parvenir , l'efprit
d'affurance qui fubjugue , l'efprit d'infinuation
qui féduit l'ardeur funefte
d'aimer
,
་
OCTOBRE. 1730. 2219
d'aimer , le don prefqu'auffi funefte de
plaire ; tels étoient de fi bonne heure fes
traits les plus marqués . Mes freres , que
je vous décrive ici les égaremens de fa
raifon & les foibleffes de fon coeur. Je
veux dreffer un trophée à la grace de mon
Dieu qui en fçut faire fa conquête , en
vous faifant voir les obftacles qu'elle a fur
montés , in laudem gloria gratia.
C'eft fur ces égaremens & ces foibleffes
que l'Orateur fonde le premier chef de fa
fubdivifion ; & après avoir décrit , avec
toute la force imaginable, les erreurs d'Au
guſtin , il dit :-
Aimable verité , cher & glorieux partage
des ames humbles , ainfi font fouvent
punis au fein du menfonge ceux que leur
orgueil a rendus indignes de vous . Malgrè
toutes leurs variations , en changeant
d'erreurs , ils ne font que changer d'inquiétudes
; & quand ils ont parcourus
dans leurs égaremens , toutes les opinions
accréditées , plus éloignés de vous que
jamais, ou ils s'en font de nouvelles en fecret,
ou ils en font réduits à regretter dans
un noir cahos lés Systêmes de l'erreur
qu'ils ont comme épuifée.
L'article des foibleffes du jeune Auguf
tin a quelque chofe d'enlevant. L'Orateur
paffe enfuite au fecond membre de ſa ſubdivifion
, de cette maniere :
E vj Toute
2220 MERCURE DE FRANCE
Toutefois au travers des miferes & des
horreurs que ma Religion me découvre
dans une telle vie , je vois les qualitez les
plus éclatantes , & les vertus morales le
plus en honneur. Si les obftacles font
grands , l'importance de la conquête n'eſt
pas moins grande. Connoiffez icy , Chré-
Tiens , ce que c'étoit qu'Auguftin par l'efprit
& par le coeur ; quelque jufte idée
vous ayez de lui , peut-être en eft- il parmi
vous qui n'ont pas affez vivement ſenti en
ces deux points , l'excellence de fon caractere.
que
Car d'abord , je l'ofe affurer , malgré
fes égaremens , jamais la Grace n'eut à
éclairer un efprit fuperieur au fien . Génie
facile , dès l'âge de douze ans , le défefpoir
de fes jeunes Emules , & l'étonnement
de fes Maîtres , il fembloit plutôt
rappeller des chofes oubliées , qu'en ap
prendre de nouvelles ; & fes progrès trop
furprenans, pour n'engager que les fiens à
le foûtenir de toutes leurs forces , porterent
un Etranger à faire auffi tout pour
lui, pour ce jeune homme dont les talens
promettoient la courſe la plus rapide dans
la carriere de l'honneur & de la fortune ;
génie pénétrant , à qui n'échappoit rien
de ce qui eft à la portée de l'efprit humain
; il eut été un de ces Inventeurs des.
Sciences & des beaux Arts , s'il fut venu
dans
OCTOBRE. 1730. 222
dans les premiers âges ; génie étendu qui
embraffoit tout , qui réunit de bonne
heure en lui le Rhéteur habile , le Philofophe
profond ; & qui joignant aux connoiffances
les plus fublimes , à celles des
Arts Liberaux , le mit dans peu de temps
en état d'en compofer des Traitez qu'on
admire ; génie nerveux , né pour manier
la raifon en Maître,& pour lui faire prendre
entre les mains toute la force qu'elle
peut avoir ; génie fubtil , qui le premier
peut -être avoit faifi des fineffes de raifon
nement peu connues avant lui , fouverai
nement propre à tout ce qu'il y a de plusabftrait
, fe tournant , fe repliant avec une
adreffe infinie fur lui- même ; & qui , le
cours de les études à peine fini , le faifoit
regarder comme un homme sûr de vaincre
, de trouver prife fur les autres , & de
ne leur en donner jamais dans la diſpute ;
génie beau , plein de feu & d'agrément ,
qui après avoir enlevé à Rome tous les
fuffrages , fe fignalant à Milan par l'éloga
de l'Empereur & du Conful Bauton , fit
dire avec une espece de tranfport , que
la plus haute vertu pouvoit être fatisfaite
de ces louanges : Ouy , génie à qui pour
égaler au moins les plus fameux Orateurs
de Rome & d'Athénes , il ne manquoit
que leur fiecle & leur pays..
N'allons pas critiques trop inquiets ,
repro2222
MERCURE DE FRANCE
reprocher au prodige de l'Afrique , le caractere
Afriquain ; il avoit affez de quoi
fe le faire pardonner ; eût- il dû naturellement
ne pas l'avoir ; il avoit , & j'en
appelle aux Juges , toute l'ame de la grande
& invariable Eloquence , de l'Eloquence
des choles très - indépendantes™
du ftyle , j'entens l'abondance & l'ordre
, & la chaleur & la penfée , & le fentiment
auffi neceffaire que la penſée :
vraye & folide éloquence qui étoit de lui,
tour & ftyle qui étoit de fon temps , & fur
tout de fa Patrie.
Achevons : Vous ne trouverez rien de
trop à ce Portrait. Génie , peu s'en faut
que je ne dife unique , capable non-feule--
ment de traiter prefque de tout , & de
ramener tout à des principes auffi féconds
que fimples, mais de traiter de chaque
chofe dans le genre d'écrire , convenable
à fa nature , plein fur un feul objet d'une
étonnante multiplicité d'idées , à quelques
redites près ; fuite ordinaire de l'abondance
de l'expreffion & de la hâte du travail ,
moins fréquentes pourtant en fes Ecrits
que ne l'ont prétendu certains Critiques ,
fans fonger qu'il eft des matieres où les
principes ne fçauroient être trop fouvent
préfentez , & que les répétitions neceffaires
ne font pas des redites.
Les qualitez du coeur d'Auguftin , maniées
OCTOBRE . 1730. 2223
niées de main de maître , font accompa
gnées de la réfléxion fuivante,
Mais quoi ? Avoir un coeur fi bien fait
& fi corrompu ,un génie fi rare &fi fujet
à l'erreur?Mais qui fçait fi laDivine Providence
ne permit pas qu'il en fut ainfi d'un
homme femblable , de peur qu'il n'honorat
trop cette nature décheuë , dont il
étoit deftiné à décrier un jour la corrup
tion & la mifére. Il eut trop fait remarquer
ce qu'il y a de grand dans l'homme ,
s'il n'eut fait voir , comme il l'a fait , ce
qu'il y a de foible & de corrompu . Il fut
coupable par fon malheur , & peut - être
auffi pour l'honneur de la Grace : In lau- ~
dem gloria gratia.
و
L'Abbé Séguy paffe enfuite au troifié- -
me membre de fa fubdivifion . Il n'eft' pas
poffible de voir d'image plus vive que celle
où il repréſente les combats intérieurs ,
qui précédérent la converfion de faint
Auguftin . Nous ne rapporterons rien
d'un article qui doit être vû en entier ,
non plus que de la Morale , qui termine
cette premiere Partie.
Seconde Partie:
Comparez , fi vous le pouvez , Chré
tiens , toutes les conquêtes de la Grace ,
tous les Saints ; jamais , jamais nul d'eux
ne lui a mieux rendu qu'Auguftin, le prix
de fes infpirations fecourables. Car je ne
2224 MERCURE DE FRANCE
crains pas de l'avancer ; ce qu'il a fait pour
elle , n'eft pas moins grand que ce qu'elle
avoit fait pour lui : & ne vous allarmez
pas d'une propofition , qui bien loin d'être
injurieufe à la Grace de mon Dieu , l'honore
en effet.Je n'ai en vûë que de la glorifier
cette Grace , lorfque j'en viens glo
rifier le Héros ; In Laudem gloria gratia
& je fçai que vous n'ignorez pas que ce
qu'Auguftin a fait pour Elle , il ne l'a fait
que par Elle. C'eſt par Elle qu'il a été fon
plus glorieux Deffenfeur, qu'il a travaillé
avec tant d'éclat à lui foumettre tous fes
ennemis enfemble ; tous fes Ennemis ,
Chrétiens Auditeurs , je veux dire ceux
qui l'attaquent dans fon effence, ceux qui
Falterent dans fes dons , ceux qui l'étoufent
dans les infpirations. Car voilà tous
les ennemis de la Grace.
Il feroit trop long pour un Extrait de raporter
tout l'article du Pélagianifme , qui
nous paroît un des plus frappans de tous.
Le fecond & le troifiéme chef font pleins
comme le premier , de cette éloquence
originale & toute neuve , qu'a fçu faifir
Auteur ; mais nous n'avons pas le tems
de nous y arrêter. Cette Analyle nous meneroit
trop loin , fans faire d'ailleurs fentir
La beauté du tout fupérieure à toutes les
beautez de détail.
DES BEAUX ARTS &c.
ANEGYRIQUE de S. Auguftin ;
Evêque d'Hippone , prononcé dans
l'Eglife des Grands Auguftins , le 28.
Aout 1730. par M. l'Abbé Seguy . A
Paris , chez Coignard fils , Imprimeur du
Roi & de l'Académie Françoife , à la Bible
d'or 1730.
Lo
2216 MERCURE DE FRANCE
Le Lecteur nous fçaura bon gré de lui
'donner un Extrait de ce Difcours , fi digne
de la réputation de fon Auteur. Le
Texte en eft fingulier & frappant , &
l'Exorde dans fa noble fimplicité ne l'eſt
pas moins. Les voici :
In laudem gloria gratia . A la gloire
de la Grace. Epit. aux Ephef. Ch. 1.
Oui , Chrétiens , à la gloire de la Grace
C'est là comme une Dédicace que je
mets à la tête de ce Difcours , ou fi vous
voulez , c'eft le fujer & le fond même
de l'Eloge que j'entreprends. Je le confacre
à la Grace , parce que c'eſt à elle
qu'il appartient fpecialement , & que
toute la gloire d'Auguftin eſt à elle , in
laudem gloria gratie.
Cet Eloge d'Auguftin , fi intereffant
pour les Sçavans , dont ce grand homme
eft l'admiration & l'oracle , pour le peuple
, dont fon ſeul nom réveilla toujours
l'attention , le fera à jamais , Chrétiens ,
pour quiconque s'intereffera aux merveilles
de la Grace . Ecoutez . Cette Grace
qui vous donne la vie fpirituelle à vous,
Juftes , qui avez le bonheur d'en joüir,
qui feule peut vous la rendre à vous ,
pecheurs , qui l'avez perduë ; c'eft elle.
que je vais glorifier. Je vais vous faire
voir dans Auguftin des foibleffes & des
erreurs qu'elle a fait tourner à ſa gloire ,
des
OCTOBRE. 1730. 2217
'des vertus héroïques dont elle a été le
principe , des travaux infinis dont elle a
êté l'objet. Auguftin n'a été coupable , it
n'a été aveugle , il n'a été éclairé , il n'a
été penitent , il n'a eu la fuperiorité dư
génie & l'éminence de la fainteté que
pour la gloire de la Grace , in laudemgloria
gratia. Comment cela , Chrétiens Au
diteurs voici dans la raifon qui s'en
offre le plan de mon Difcours qui fe préfente.
C'est que le changement d'Auguf
tin a été un des coups les plus éclatans
de la puiflance de la Grace , & qu'Auguftin
depuis fon changement n'a vêcu
que pour les interêts de la Grace ; elle
a triomphe de lui , & elle a triomphé par
luis il lui a rendu les armes , & il l'a
fervie jufqu'à en devenir le Heros. En
deux mots , il en a été , en exceptant la
Converfion de Paul , il en a été la conquête
la plus belle , il en a été le Défenfeur
le plus glorieux , in laudem glorie
gratia.
Je n'ai point conçû , Meffieurs , la
vaine efperance d'égaler l'idée que vous
avez d'Auguftin , ni même de pouvoir
vous rendre parfaitement la mienne. Je
viens fuccomber fous le poids que je me
fuis laiffé impofer . Notre impuiffance à
foutenir la grandeur de certains fujets eft
après tout une autre forte d'éloge , & le
Docteur
Ev
2218 MERCURE DE FRANCE
Docteur de la Grace feroit trop rarement
loué , s'il ne l'étoit que par ceux qui
peuvent lui payer tout le tribut de loüanges
qu'il mérite. Auguftin. La Grace. Je
ne cefferai , Chrétiens , de vous préfenter
ces deux objets , quoique bien éloigné
de vouloir vous faire partager votre
reſpect entre l'un & l'autre. C'eſt ainfi
que j'ofe me promettre votre attention.
Oui , je m'en fie à l'interêt du grand
nom d'Auguftin , & plus encore à l'interêt
que doivent prendre vos coeurs à la
gloire de la Grace , In laudem gloria gratia.
Ave & c.
Premiere Partie:
L'Abbé Seguy en entrant en matiere ;
préfente le portrait que voici du jeune
Auguftin.
Failons attention à ce qu'il étoit dès fa
15 année , Chrétiens Auditeurs. Un vif
amour du grand , ou de ce qui en a l'apparence
; mais un penchant prefque invincible
pour le plaifir , une foif infinie:
de la verité , mais hors du feul fyftême
où on la trouve ; un caractere affable , mais
un fecret ſentiment de fa fuperiorité na--
turelle , idées naiffantes de fortune , talens
fuprêmes pour y parvenir , l'efprit
d'affurance qui fubjugue , l'efprit d'infinuation
qui féduit l'ardeur funefte
d'aimer
,
་
OCTOBRE. 1730. 2219
d'aimer , le don prefqu'auffi funefte de
plaire ; tels étoient de fi bonne heure fes
traits les plus marqués . Mes freres , que
je vous décrive ici les égaremens de fa
raifon & les foibleffes de fon coeur. Je
veux dreffer un trophée à la grace de mon
Dieu qui en fçut faire fa conquête , en
vous faifant voir les obftacles qu'elle a fur
montés , in laudem gloria gratia.
C'eft fur ces égaremens & ces foibleffes
que l'Orateur fonde le premier chef de fa
fubdivifion ; & après avoir décrit , avec
toute la force imaginable, les erreurs d'Au
guſtin , il dit :-
Aimable verité , cher & glorieux partage
des ames humbles , ainfi font fouvent
punis au fein du menfonge ceux que leur
orgueil a rendus indignes de vous . Malgrè
toutes leurs variations , en changeant
d'erreurs , ils ne font que changer d'inquiétudes
; & quand ils ont parcourus
dans leurs égaremens , toutes les opinions
accréditées , plus éloignés de vous que
jamais, ou ils s'en font de nouvelles en fecret,
ou ils en font réduits à regretter dans
un noir cahos lés Systêmes de l'erreur
qu'ils ont comme épuifée.
L'article des foibleffes du jeune Auguf
tin a quelque chofe d'enlevant. L'Orateur
paffe enfuite au fecond membre de ſa ſubdivifion
, de cette maniere :
E vj Toute
2220 MERCURE DE FRANCE
Toutefois au travers des miferes & des
horreurs que ma Religion me découvre
dans une telle vie , je vois les qualitez les
plus éclatantes , & les vertus morales le
plus en honneur. Si les obftacles font
grands , l'importance de la conquête n'eſt
pas moins grande. Connoiffez icy , Chré-
Tiens , ce que c'étoit qu'Auguftin par l'efprit
& par le coeur ; quelque jufte idée
vous ayez de lui , peut-être en eft- il parmi
vous qui n'ont pas affez vivement ſenti en
ces deux points , l'excellence de fon caractere.
que
Car d'abord , je l'ofe affurer , malgré
fes égaremens , jamais la Grace n'eut à
éclairer un efprit fuperieur au fien . Génie
facile , dès l'âge de douze ans , le défefpoir
de fes jeunes Emules , & l'étonnement
de fes Maîtres , il fembloit plutôt
rappeller des chofes oubliées , qu'en ap
prendre de nouvelles ; & fes progrès trop
furprenans, pour n'engager que les fiens à
le foûtenir de toutes leurs forces , porterent
un Etranger à faire auffi tout pour
lui, pour ce jeune homme dont les talens
promettoient la courſe la plus rapide dans
la carriere de l'honneur & de la fortune ;
génie pénétrant , à qui n'échappoit rien
de ce qui eft à la portée de l'efprit humain
; il eut été un de ces Inventeurs des.
Sciences & des beaux Arts , s'il fut venu
dans
OCTOBRE. 1730. 222
dans les premiers âges ; génie étendu qui
embraffoit tout , qui réunit de bonne
heure en lui le Rhéteur habile , le Philofophe
profond ; & qui joignant aux connoiffances
les plus fublimes , à celles des
Arts Liberaux , le mit dans peu de temps
en état d'en compofer des Traitez qu'on
admire ; génie nerveux , né pour manier
la raifon en Maître,& pour lui faire prendre
entre les mains toute la force qu'elle
peut avoir ; génie fubtil , qui le premier
peut -être avoit faifi des fineffes de raifon
nement peu connues avant lui , fouverai
nement propre à tout ce qu'il y a de plusabftrait
, fe tournant , fe repliant avec une
adreffe infinie fur lui- même ; & qui , le
cours de les études à peine fini , le faifoit
regarder comme un homme sûr de vaincre
, de trouver prife fur les autres , & de
ne leur en donner jamais dans la diſpute ;
génie beau , plein de feu & d'agrément ,
qui après avoir enlevé à Rome tous les
fuffrages , fe fignalant à Milan par l'éloga
de l'Empereur & du Conful Bauton , fit
dire avec une espece de tranfport , que
la plus haute vertu pouvoit être fatisfaite
de ces louanges : Ouy , génie à qui pour
égaler au moins les plus fameux Orateurs
de Rome & d'Athénes , il ne manquoit
que leur fiecle & leur pays..
N'allons pas critiques trop inquiets ,
repro2222
MERCURE DE FRANCE
reprocher au prodige de l'Afrique , le caractere
Afriquain ; il avoit affez de quoi
fe le faire pardonner ; eût- il dû naturellement
ne pas l'avoir ; il avoit , & j'en
appelle aux Juges , toute l'ame de la grande
& invariable Eloquence , de l'Eloquence
des choles très - indépendantes™
du ftyle , j'entens l'abondance & l'ordre
, & la chaleur & la penfée , & le fentiment
auffi neceffaire que la penſée :
vraye & folide éloquence qui étoit de lui,
tour & ftyle qui étoit de fon temps , & fur
tout de fa Patrie.
Achevons : Vous ne trouverez rien de
trop à ce Portrait. Génie , peu s'en faut
que je ne dife unique , capable non-feule--
ment de traiter prefque de tout , & de
ramener tout à des principes auffi féconds
que fimples, mais de traiter de chaque
chofe dans le genre d'écrire , convenable
à fa nature , plein fur un feul objet d'une
étonnante multiplicité d'idées , à quelques
redites près ; fuite ordinaire de l'abondance
de l'expreffion & de la hâte du travail ,
moins fréquentes pourtant en fes Ecrits
que ne l'ont prétendu certains Critiques ,
fans fonger qu'il eft des matieres où les
principes ne fçauroient être trop fouvent
préfentez , & que les répétitions neceffaires
ne font pas des redites.
Les qualitez du coeur d'Auguftin , maniées
OCTOBRE . 1730. 2223
niées de main de maître , font accompa
gnées de la réfléxion fuivante,
Mais quoi ? Avoir un coeur fi bien fait
& fi corrompu ,un génie fi rare &fi fujet
à l'erreur?Mais qui fçait fi laDivine Providence
ne permit pas qu'il en fut ainfi d'un
homme femblable , de peur qu'il n'honorat
trop cette nature décheuë , dont il
étoit deftiné à décrier un jour la corrup
tion & la mifére. Il eut trop fait remarquer
ce qu'il y a de grand dans l'homme ,
s'il n'eut fait voir , comme il l'a fait , ce
qu'il y a de foible & de corrompu . Il fut
coupable par fon malheur , & peut - être
auffi pour l'honneur de la Grace : In lau- ~
dem gloria gratia.
و
L'Abbé Séguy paffe enfuite au troifié- -
me membre de fa fubdivifion . Il n'eft' pas
poffible de voir d'image plus vive que celle
où il repréſente les combats intérieurs ,
qui précédérent la converfion de faint
Auguftin . Nous ne rapporterons rien
d'un article qui doit être vû en entier ,
non plus que de la Morale , qui termine
cette premiere Partie.
Seconde Partie:
Comparez , fi vous le pouvez , Chré
tiens , toutes les conquêtes de la Grace ,
tous les Saints ; jamais , jamais nul d'eux
ne lui a mieux rendu qu'Auguftin, le prix
de fes infpirations fecourables. Car je ne
2224 MERCURE DE FRANCE
crains pas de l'avancer ; ce qu'il a fait pour
elle , n'eft pas moins grand que ce qu'elle
avoit fait pour lui : & ne vous allarmez
pas d'une propofition , qui bien loin d'être
injurieufe à la Grace de mon Dieu , l'honore
en effet.Je n'ai en vûë que de la glorifier
cette Grace , lorfque j'en viens glo
rifier le Héros ; In Laudem gloria gratia
& je fçai que vous n'ignorez pas que ce
qu'Auguftin a fait pour Elle , il ne l'a fait
que par Elle. C'eſt par Elle qu'il a été fon
plus glorieux Deffenfeur, qu'il a travaillé
avec tant d'éclat à lui foumettre tous fes
ennemis enfemble ; tous fes Ennemis ,
Chrétiens Auditeurs , je veux dire ceux
qui l'attaquent dans fon effence, ceux qui
Falterent dans fes dons , ceux qui l'étoufent
dans les infpirations. Car voilà tous
les ennemis de la Grace.
Il feroit trop long pour un Extrait de raporter
tout l'article du Pélagianifme , qui
nous paroît un des plus frappans de tous.
Le fecond & le troifiéme chef font pleins
comme le premier , de cette éloquence
originale & toute neuve , qu'a fçu faifir
Auteur ; mais nous n'avons pas le tems
de nous y arrêter. Cette Analyle nous meneroit
trop loin , fans faire d'ailleurs fentir
La beauté du tout fupérieure à toutes les
beautez de détail.
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Résumé : Panegyrique de S. Augustin, [titre d'après la table]
Le 28 août 1730, l'Abbé Seguy prononça un discours à l'église des Grands Augustins à Paris, intitulé 'Anegérique de S. Augustin'. Ce discours, publié par Coignard fils, célèbre la grâce divine à travers la vie de Saint Augustin. L'Abbé Seguy commence par attribuer toute la gloire d'Augustin à la grâce divine qui l'a transformé. Le discours est divisé en plusieurs parties. La première partie décrit le jeune Augustin, caractérisé par un vif amour pour le grand et le plaisir, une soif de vérité, un caractère affable, mais aussi des égarements et des faiblesses. L'orateur met en avant les erreurs d'Augustin et les obstacles que la grâce a surmontés pour le convertir. Augustin est également présenté comme un génie précoce, doté d'un esprit pénétrant et d'une éloquence remarquable. Malgré ses égarements, la grâce divine a éclairé son esprit supérieur. La seconde partie compare les conquêtes de la grâce à travers les saints et met en avant la contribution unique d'Augustin. L'orateur affirme qu'Augustin a rendu à la grâce un hommage incomparable en devenant son défenseur le plus glorieux. Le texte mentionne également les combats intérieurs qui ont précédé la conversion d'Augustin, sans entrer dans les détails. Le discours se conclut par une réflexion sur la grandeur de la grâce divine, illustrée par la vie et l'œuvre d'Augustin. L'Abbé Seguy invite les auditeurs à méditer sur la gloire de la grâce et sur l'exemple d'Augustin.
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78
p. 2646-2649
REFLEXIONS.
Début :
Il y a souvent plus de gloire à conserver les choses acquises qu'à les acquerir. [...]
Mots clefs :
Gloire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REFLEXIONS.
REFLEXIONS.
Ly a ſouvent plus de gloire à con-
Iferver
ferver les chofes acquifes qu'à les acquerir.
La gloria mondana finifee col mondo , e
per nonoi il mondo finiſce col la vita.
La gloire après laquelle on court avec
tant d'empreffement , eft pourtant d'un
foible fecours contre l'indigence.
Le Magnanime eft celui qui fe croit
digne des grandes chofes , & qui ne fe
trompe pas dans le jugement qu'il fair
de foi-même.
Pour conferver le fouvenir des belles
actions , il en faut continuellement rafraîchir
la memoire de nouvelles
,
par
Ön
peut prefque affurer que perfonne
ne parle de nous en notre prefence comme
il en parle en notre abfence , & que
très- peu d'amitiés fubfifteroient , même
des plus anciennes & des plus folidement
établies , fi chacun fçavoit au vrai ce que
J. Vol.
fon
DECEMBRE. 1730. 2647
fon ami dit quelquefois de lui , lorfqu'if
n'eft pas prefent.
Un efprit né cauftique & à qui les paroles
& les écrits coutent peu , reprend
tout ce qui lui donne occafion d'exercer
fon talent favori , Souvent il cenfure , il
blâme des chofes , moins parce qu'elles
lui paroiffent défectueules , que parce
qu'elles lui fourniffent un bon mot.
On ne doit pas être furpris fi nous
nous connoiffons fi peu nous - mêmes .
Quand on eft trop loin d'un objet, on ne
le voit que confufément & rarement tout
entier ; quand on en eft trop près , on ne
voit que lui , il offufque la vue , & on ne
le peut comparer avec les autres .
Les coeurs étroits , les génies bornez ,
mefurent d'ordinaire les chofes qui font
au delà de leur portée fur la mefure de leurs
foibles pénétrations , & fe mocquent des
entrepriſes d'éclat où leur prévoyance &
leurs lumieres ne fçauroient atteindre.
Il eft toûjours bien plus aifé de prévenir
les fautes que de les réparer.
A ne prévoir rien , on eft furpris &
fouvent embarraffé. A prévenir tout ,
1. Vol,
E ij sing
2648 MERCURE DE FRANCE
s'inquieter toûjours fur l'avenir ,
miferable.
C'eft le propre de la pénétration trop
rafinée , de creufer elle- même des précipices
, où ceux qui la prennent pour gui
de , s'égarent prefque toûjours.
Les hommes en general font des aveugles
; leurs deffeins les mieux concertez
en apparence , manquent , pour l'ordi
naire , par les endroits les moins prévus ,
& fouvent même par les moyens qu'on
avoit choifis pour les faire réüffir.
Il eft bien difficile de paroître prudent
lorfqu'on eft malheureux ; car comme on
ne s'attache qu'à l'apparence des chofes ,
l'évenement feul regle d'ordinaire les ju
gemens , & jamais un deffein ne paroît
bien formé ni bien fuivi , lorſque l'iffuë
n'en eft pas heureuſe .
La prévoyance , toute eftimable qu'elle
nous paroît , n'en eft pas moins fille
de la crainte. C'eft une vertu , mais qui
fuppofe la mifere de celui qui la poffede ,
& qui lui fait fentir fans ceffe fon indigence
prochaine,
Il vaut mieux s'expofer à être trompé
I, Vol. quelDECEMBRE.
1730. 2649
quelquefois , que d'avoir mauvaife optnion
de tout le monde. Une défiance
generale feroit même tomber dans plus
de fautes qu'un peu de crédulité.
On doit fe défier de fes doutes autant
que de fa crédulité ; car ceux qui croyent
trop difficilement , s'éloignent auffi fouvent
de la verité , que ceux qui fe livrent
à tout ce qu'on leur raconte.
Moftrare di credere sempre , e dubitar
Sempre , e il migliore ammaeftramente che fo
poffono infegnare per viver ficuro.
Dieu nous garde de ceux aufquels nous
hous fions , nous nous garderons bien
de ceux dont nous nous défions .
Les gens de bien ſont ſouvent la dupa
pe des méchans , pour n'avoir pas affez
mauvaiſe opinion d'eux.
Bien des gens apprennent aux autres
tromper , par la crainte & la défiance
qu'ils témoignent d'être trompez.
Ly a ſouvent plus de gloire à con-
Iferver
ferver les chofes acquifes qu'à les acquerir.
La gloria mondana finifee col mondo , e
per nonoi il mondo finiſce col la vita.
La gloire après laquelle on court avec
tant d'empreffement , eft pourtant d'un
foible fecours contre l'indigence.
Le Magnanime eft celui qui fe croit
digne des grandes chofes , & qui ne fe
trompe pas dans le jugement qu'il fair
de foi-même.
Pour conferver le fouvenir des belles
actions , il en faut continuellement rafraîchir
la memoire de nouvelles
,
par
Ön
peut prefque affurer que perfonne
ne parle de nous en notre prefence comme
il en parle en notre abfence , & que
très- peu d'amitiés fubfifteroient , même
des plus anciennes & des plus folidement
établies , fi chacun fçavoit au vrai ce que
J. Vol.
fon
DECEMBRE. 1730. 2647
fon ami dit quelquefois de lui , lorfqu'if
n'eft pas prefent.
Un efprit né cauftique & à qui les paroles
& les écrits coutent peu , reprend
tout ce qui lui donne occafion d'exercer
fon talent favori , Souvent il cenfure , il
blâme des chofes , moins parce qu'elles
lui paroiffent défectueules , que parce
qu'elles lui fourniffent un bon mot.
On ne doit pas être furpris fi nous
nous connoiffons fi peu nous - mêmes .
Quand on eft trop loin d'un objet, on ne
le voit que confufément & rarement tout
entier ; quand on en eft trop près , on ne
voit que lui , il offufque la vue , & on ne
le peut comparer avec les autres .
Les coeurs étroits , les génies bornez ,
mefurent d'ordinaire les chofes qui font
au delà de leur portée fur la mefure de leurs
foibles pénétrations , & fe mocquent des
entrepriſes d'éclat où leur prévoyance &
leurs lumieres ne fçauroient atteindre.
Il eft toûjours bien plus aifé de prévenir
les fautes que de les réparer.
A ne prévoir rien , on eft furpris &
fouvent embarraffé. A prévenir tout ,
1. Vol,
E ij sing
2648 MERCURE DE FRANCE
s'inquieter toûjours fur l'avenir ,
miferable.
C'eft le propre de la pénétration trop
rafinée , de creufer elle- même des précipices
, où ceux qui la prennent pour gui
de , s'égarent prefque toûjours.
Les hommes en general font des aveugles
; leurs deffeins les mieux concertez
en apparence , manquent , pour l'ordi
naire , par les endroits les moins prévus ,
& fouvent même par les moyens qu'on
avoit choifis pour les faire réüffir.
Il eft bien difficile de paroître prudent
lorfqu'on eft malheureux ; car comme on
ne s'attache qu'à l'apparence des chofes ,
l'évenement feul regle d'ordinaire les ju
gemens , & jamais un deffein ne paroît
bien formé ni bien fuivi , lorſque l'iffuë
n'en eft pas heureuſe .
La prévoyance , toute eftimable qu'elle
nous paroît , n'en eft pas moins fille
de la crainte. C'eft une vertu , mais qui
fuppofe la mifere de celui qui la poffede ,
& qui lui fait fentir fans ceffe fon indigence
prochaine,
Il vaut mieux s'expofer à être trompé
I, Vol. quelDECEMBRE.
1730. 2649
quelquefois , que d'avoir mauvaife optnion
de tout le monde. Une défiance
generale feroit même tomber dans plus
de fautes qu'un peu de crédulité.
On doit fe défier de fes doutes autant
que de fa crédulité ; car ceux qui croyent
trop difficilement , s'éloignent auffi fouvent
de la verité , que ceux qui fe livrent
à tout ce qu'on leur raconte.
Moftrare di credere sempre , e dubitar
Sempre , e il migliore ammaeftramente che fo
poffono infegnare per viver ficuro.
Dieu nous garde de ceux aufquels nous
hous fions , nous nous garderons bien
de ceux dont nous nous défions .
Les gens de bien ſont ſouvent la dupa
pe des méchans , pour n'avoir pas affez
mauvaiſe opinion d'eux.
Bien des gens apprennent aux autres
tromper , par la crainte & la défiance
qu'ils témoignent d'être trompez.
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Résumé : REFLEXIONS.
Le texte explore plusieurs aspects de la nature humaine, de la gloire et de la prudence. La gloire terrestre est décrite comme éphémère et inefficace contre la pauvreté. La magnanimité est définie comme la capacité de se juger digne de grandes actions sans erreur. Pour préserver la mémoire des belles actions, il est crucial de la rafraîchir régulièrement. Les conversations sur une personne en son absence peuvent nuire aux amitiés. Les esprits critiques cherchent souvent des occasions de censurer ou de blâmer. La connaissance de soi est complexe, car la perception peut être altérée par la distance ou la proximité. Les individus limités méprisent les entreprises qu'ils ne comprennent pas. Prévenir les fautes est plus facile que les réparer, mais une prévoyance excessive peut être nuisible. Les hommes sont souvent aveugles à leurs propres défauts, et la prévoyance est souvent motivée par la crainte. Il est préférable de risquer d'être trompé que de nourrir une défiance générale. La crédulité et la défiance excessive éloignent tous deux de la vérité. Les gens de bien peuvent être dupés par les méchants en raison de leur confiance. Enfin, la méfiance peut encourager les autres à tromper.
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79
p. 57
CONTE EPIGRAMMATIQUE.
Début :
Certain Pédant fut choisi par un Fat [...]
Mots clefs :
Pédant, Conte épigrammatique, Fat, Moquerie, Gloire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CONTE EPIGRAMMATIQUE.
CONTE
EPIGRAMMATIQUE.
CErt Ertain Pédant fut choisi par un Fat
Pour vanter ses hauts faits et son vaste génie ,
Sans avoir fait marché , la besogne finie ,
Entr'eux survint un grand débat :
Sur le prix le fat se récrie ,
Payer si cher des Vers ! c'est une mocquerie ,
Pour le particulier il faut être plus doux,
Monsieur , dit le Pédant , vous êtes bon et sage ,
Faites attention , s'il vous plaît , à l'Ouvrage ,
Je ferois moins payer Alexandre que vous ;
J'eusse pour le louer mis en vers son Histoire ;
Mais pour vous j'ai fait du nouveau ,
Et foi d'homme d'honneur en chantant votre
gloire ,
?
J'ai tout tiré de mon cerveau.
EPIGRAMMATIQUE.
CErt Ertain Pédant fut choisi par un Fat
Pour vanter ses hauts faits et son vaste génie ,
Sans avoir fait marché , la besogne finie ,
Entr'eux survint un grand débat :
Sur le prix le fat se récrie ,
Payer si cher des Vers ! c'est une mocquerie ,
Pour le particulier il faut être plus doux,
Monsieur , dit le Pédant , vous êtes bon et sage ,
Faites attention , s'il vous plaît , à l'Ouvrage ,
Je ferois moins payer Alexandre que vous ;
J'eusse pour le louer mis en vers son Histoire ;
Mais pour vous j'ai fait du nouveau ,
Et foi d'homme d'honneur en chantant votre
gloire ,
?
J'ai tout tiré de mon cerveau.
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Résumé : CONTE EPIGRAMMATIQUE.
Un conte relate un désaccord entre un pédant et un fat. Le fat avait demandé au pédant de vanter ses hauts faits sans contrat. Un débat éclate sur le prix des vers. Le fat trouve le prix élevé, mais le pédant affirme avoir créé un travail original et unique.
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80
p. 442-446
AU MARECHAL DUC DE VILLARS. ODE
Début :
Toi, qui des Héros de la Grece [...]
Mots clefs :
Duc de Villars, Gloire, Guerre, Victoire, Cohortes, Bataille, Ravager, Flandre, Soldats
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AU MARECHAL DUC DE VILLARS. ODE
AU MARECHAL DUC DE VILLARS,
ODE
Toi , qui des Héros de la Grece
Célebras jadis les exploits ,
Viens seconder ma hardiesse ,
Viens , Homere , affermis ma voix.
Qu'un Guerrier que la France admire
M'entende dignement écrire
Ses plus hauts faits dans mes Chansons
Et que les Filles de mémoire
M'aident à consacrer la gloire
De l'appui de leurs nourissons.
Quelle
MARS.
443 1731.
+
Quelle vengeance
meurtriere
,
Quel Dieu jaloux de nos succès
A réuni l'Europe entiere
Pour faire avorter nos projets ?
Quel Démon ardent à nous nuire
Contre Louis , dans son Empire
Arme des sujets inhumains ? *
Les barbares Soeurs de Megere
A cette secte sanguinaire
Inspirent les plus noirs desseins,
On voit des Bataillons perfides
Sortis tout d'un coup des forêts ,
Ainsi que des torrens rapides
Ravager nos riches guerets ;
Les Temples , objets de leur rage ,
Sont détruits , ou pleins de carnage ,
Tout cede à leur férocité :
Quel vaillant guerrier , quel Alcide
Domptera l'audace intrépide
De ces Monstres d'impieté ?
Quoi ! leurs cohortes menaçantes
Qui couvroient nos sillons de morts ,
A l'aspect de Villars tremblantes ,
Cedent à ses premiers efforts !
* Les Fanatiques.
B iiij
Leurs
444 MERCURE DE FRANCE
Leurs Chefs malgré leur arrogance
Ne trouvent que dans sa clémence
Dequoi dissiper leur terreur :
En vain la discorde sans cesse
Chez tous nos ennemis s'empresse
D'armer pour aider leur fureur.
Vous qui dans Thionville allarmée
Voulez foudroyer nos Guerriers ,
Que ne renversez- vous l'Armée
Qui vous ravit tant de lauriers
Le feu de vos Troupes nombreuses ,
Ni du Rhin les ondes fougueuses.
Ne sçauroient arrêter Villars .
Courez au combat ; sa présence
Doit exciter votre vengeance
A tenter les plus grands hazards.
Que vois-je ? déja vers la Flandre
Ils ont précipité leurs pas ;
Est- ce pour ne rien entreprendre
* Campagne de 1705. au commencement de
laquelle le Prince Eugene et M. Malebouroug
joignirent toutes leurs forces pour pénetrerjusqu'en
France par Thionville ; mais M. de Villars
avec des forces très inférieures se campa
de façon qu'il couvrit Thionville et les autres
Places voisines , en sorte qu'ils n'oserent entreprendre
ce Siege ni l'attaquer.
་
Qu'ils
MARS.
445. 1731.
Qu'ils ont armé tant de Soldats ?
Pour vous , grand Héros , que l'Alsące
Vit imiter la noble audace
Du fier Vainqueur de Darius ,
Vous faites voir qu'à la vaillance
Vous sçavez joindre la prudencè ,
Qui fit triompher Fabius. ( b )
Le Dieu qui lance le tonnerre ,
Pour se vanger de nos forfaits
A- t'il pour toujours de la Terre
Exilé Themis et la Paix ?
Que d'Escadrons ! que de cohortes
Ont deja jusques à nos portes
Fait avancer leurs Etendarts !
Mais quel éclat nous environne ?
Est-ce Mars , suivi de Bellonne ,
Qui vient deffendre nos Remparts ?
Fier Eugene , qui jusqu'en France
Prétends signaler tes exploits ,
Tu cours trop tard à la défense
De Denain réduit aux abois ;
Voy ce Camp rempli de carnage ;
(a ) Bataille de Fridelingue , comparée am
passage de Granique d'Alexandre.
(b ) Dictateur qui par sa prudence renvers
soit tous les projets d'Annibal.
B v La
446 MERCURE DE FRANCE
La mort sous une horrible image
Remplit tous tes Soldats d'effroi
Tu fuis toi-même plein d'allarmes
N'osant disputer à nos armes
Douay , Bouchain et le Quenoy.
En vain Mars jaloux de l'hommage
Et des offrandes des Mortels ,
Des Germains foutient le courage
Pour fe conferver des Autels ;
Fribourg et Landau sont en cendre ,
Quoiqu'il s'arme pour les deffendre ,
Nos fiers ennemis font défaits :
Villars , suivi de la Victoire
Dispose pour comble de gloire
*
Et de la guerre et de la paix.
Campagne d'Allemagne de 1713-
Par M. de Sainte Falaye , de Montfort-
Lamaury.
ODE
Toi , qui des Héros de la Grece
Célebras jadis les exploits ,
Viens seconder ma hardiesse ,
Viens , Homere , affermis ma voix.
Qu'un Guerrier que la France admire
M'entende dignement écrire
Ses plus hauts faits dans mes Chansons
Et que les Filles de mémoire
M'aident à consacrer la gloire
De l'appui de leurs nourissons.
Quelle
MARS.
443 1731.
+
Quelle vengeance
meurtriere
,
Quel Dieu jaloux de nos succès
A réuni l'Europe entiere
Pour faire avorter nos projets ?
Quel Démon ardent à nous nuire
Contre Louis , dans son Empire
Arme des sujets inhumains ? *
Les barbares Soeurs de Megere
A cette secte sanguinaire
Inspirent les plus noirs desseins,
On voit des Bataillons perfides
Sortis tout d'un coup des forêts ,
Ainsi que des torrens rapides
Ravager nos riches guerets ;
Les Temples , objets de leur rage ,
Sont détruits , ou pleins de carnage ,
Tout cede à leur férocité :
Quel vaillant guerrier , quel Alcide
Domptera l'audace intrépide
De ces Monstres d'impieté ?
Quoi ! leurs cohortes menaçantes
Qui couvroient nos sillons de morts ,
A l'aspect de Villars tremblantes ,
Cedent à ses premiers efforts !
* Les Fanatiques.
B iiij
Leurs
444 MERCURE DE FRANCE
Leurs Chefs malgré leur arrogance
Ne trouvent que dans sa clémence
Dequoi dissiper leur terreur :
En vain la discorde sans cesse
Chez tous nos ennemis s'empresse
D'armer pour aider leur fureur.
Vous qui dans Thionville allarmée
Voulez foudroyer nos Guerriers ,
Que ne renversez- vous l'Armée
Qui vous ravit tant de lauriers
Le feu de vos Troupes nombreuses ,
Ni du Rhin les ondes fougueuses.
Ne sçauroient arrêter Villars .
Courez au combat ; sa présence
Doit exciter votre vengeance
A tenter les plus grands hazards.
Que vois-je ? déja vers la Flandre
Ils ont précipité leurs pas ;
Est- ce pour ne rien entreprendre
* Campagne de 1705. au commencement de
laquelle le Prince Eugene et M. Malebouroug
joignirent toutes leurs forces pour pénetrerjusqu'en
France par Thionville ; mais M. de Villars
avec des forces très inférieures se campa
de façon qu'il couvrit Thionville et les autres
Places voisines , en sorte qu'ils n'oserent entreprendre
ce Siege ni l'attaquer.
་
Qu'ils
MARS.
445. 1731.
Qu'ils ont armé tant de Soldats ?
Pour vous , grand Héros , que l'Alsące
Vit imiter la noble audace
Du fier Vainqueur de Darius ,
Vous faites voir qu'à la vaillance
Vous sçavez joindre la prudencè ,
Qui fit triompher Fabius. ( b )
Le Dieu qui lance le tonnerre ,
Pour se vanger de nos forfaits
A- t'il pour toujours de la Terre
Exilé Themis et la Paix ?
Que d'Escadrons ! que de cohortes
Ont deja jusques à nos portes
Fait avancer leurs Etendarts !
Mais quel éclat nous environne ?
Est-ce Mars , suivi de Bellonne ,
Qui vient deffendre nos Remparts ?
Fier Eugene , qui jusqu'en France
Prétends signaler tes exploits ,
Tu cours trop tard à la défense
De Denain réduit aux abois ;
Voy ce Camp rempli de carnage ;
(a ) Bataille de Fridelingue , comparée am
passage de Granique d'Alexandre.
(b ) Dictateur qui par sa prudence renvers
soit tous les projets d'Annibal.
B v La
446 MERCURE DE FRANCE
La mort sous une horrible image
Remplit tous tes Soldats d'effroi
Tu fuis toi-même plein d'allarmes
N'osant disputer à nos armes
Douay , Bouchain et le Quenoy.
En vain Mars jaloux de l'hommage
Et des offrandes des Mortels ,
Des Germains foutient le courage
Pour fe conferver des Autels ;
Fribourg et Landau sont en cendre ,
Quoiqu'il s'arme pour les deffendre ,
Nos fiers ennemis font défaits :
Villars , suivi de la Victoire
Dispose pour comble de gloire
*
Et de la guerre et de la paix.
Campagne d'Allemagne de 1713-
Par M. de Sainte Falaye , de Montfort-
Lamaury.
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Résumé : AU MARECHAL DUC DE VILLARS. ODE
Le texte est une ode dédiée au maréchal duc de Villars, célébrant ses exploits militaires. L'auteur demande à Homère de l'inspirer pour chanter les hauts faits de Villars. Il exprime son indignation face à la coalition européenne qui menace la France et les succès de Louis XIV. Les ennemis, décrits comme des barbares, ravagent les terres françaises et détruisent les temples. Villars, par sa vaillance et sa prudence, parvient à repousser ces attaques. Le texte mentionne plusieurs batailles et sièges, comme celui de Thionville, où Villars, malgré des forces inférieures, protège les places stratégiques. Il compare Villars à des héros antiques comme Alcide, Fabius et Alexandre. L'ode se termine en soulignant la victoire de Villars à Denain et la prise de plusieurs villes, comme Douay, Bouchain et le Quenoy, ainsi que la défaite des ennemis à Fribourg et Landau. Villars est ainsi présenté comme un héros qui apporte la victoire et la paix.
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81
p. 1427-1428
ODE SACRÉE, Tirée du Pseaume CX. Confitebor tibi, Domine, &c.
Début :
Seigneur, pour publier ta gloire, [...]
Mots clefs :
Psaume, Gloire, Lois, Magnificence, Équité, Providence, Alliance
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texteReconnaissance textuelle : ODE SACRÉE, Tirée du Pseaume CX. Confitebor tibi, Domine, &c.
ODE SA CREE,
Tirée du Pseaume cx.
& c.. Confitebor tibi , Domine
Seigneur, Eigneur , pour publier ta gloire ,
J'éleverai par tout ma voix ;
J'en rappellerai la memoire ,
Aux hommes qui suivent tes Loix.
Je mésurerai mes hommages ,
Sur la grandeur de tes Ouvrages ,
Conformes à ta volonté :
Ils sont pleins de magnificence ,,
Et tous annoncent ta Puissance
Et ton immuable équité.
.
De mon Dieu , quelle est la clémence
Pour la Nation qui le sert ?
Son indulgente Providence ,
L'a nourir dans le Desert.
sçu
Il éternise ses Miracles ;
Israël , selon ses Oracles ,
Tu verras fuir tes ennemis ; .
Et suivant sa sainte Alliance
dla Vola
11
428 MERCURE DE FRANCE
Il va mettre sous ta Puissance ,
L'heritage qu'il t'a promis.
Tout ce qu'il fait n'est que sagesse
Que justice et que verité ;
Ses Loix subsisteront sans cesse
Pour confondre l'impieté.
Il délivra Sion naissante .""
De la puissance ravissante ,
De ses infléxibles Tyrans ;
Et l'Alliance salutaire ,
Qu'avec son Peuple il daigna faire ,
Sera stable dans tous les tems.
"
讚
Son nom est saint et redoutable ;
C
Ceux qui craignent son Jugement ,
De la Sagesse veritable ,
Possedent le commencement.
S'ils prennent leur crainte pour guide ,
Bien- tôt de ce Monde perfide ,
Ils connoîtront la vanité ;
Et du Seigneur dans les délices ,
Ils celebreront les Justices ,
Pendant toute l'Eternité.
Tirée du Pseaume cx.
& c.. Confitebor tibi , Domine
Seigneur, Eigneur , pour publier ta gloire ,
J'éleverai par tout ma voix ;
J'en rappellerai la memoire ,
Aux hommes qui suivent tes Loix.
Je mésurerai mes hommages ,
Sur la grandeur de tes Ouvrages ,
Conformes à ta volonté :
Ils sont pleins de magnificence ,,
Et tous annoncent ta Puissance
Et ton immuable équité.
.
De mon Dieu , quelle est la clémence
Pour la Nation qui le sert ?
Son indulgente Providence ,
L'a nourir dans le Desert.
sçu
Il éternise ses Miracles ;
Israël , selon ses Oracles ,
Tu verras fuir tes ennemis ; .
Et suivant sa sainte Alliance
dla Vola
11
428 MERCURE DE FRANCE
Il va mettre sous ta Puissance ,
L'heritage qu'il t'a promis.
Tout ce qu'il fait n'est que sagesse
Que justice et que verité ;
Ses Loix subsisteront sans cesse
Pour confondre l'impieté.
Il délivra Sion naissante .""
De la puissance ravissante ,
De ses infléxibles Tyrans ;
Et l'Alliance salutaire ,
Qu'avec son Peuple il daigna faire ,
Sera stable dans tous les tems.
"
讚
Son nom est saint et redoutable ;
C
Ceux qui craignent son Jugement ,
De la Sagesse veritable ,
Possedent le commencement.
S'ils prennent leur crainte pour guide ,
Bien- tôt de ce Monde perfide ,
Ils connoîtront la vanité ;
Et du Seigneur dans les délices ,
Ils celebreront les Justices ,
Pendant toute l'Eternité.
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Résumé : ODE SACRÉE, Tirée du Pseaume CX. Confitebor tibi, Domine, &c.
Le poème 'ODE SA CREE' est tiré du Psaume 110 et commence par une louange à Dieu, exprimant le désir de proclamer Sa gloire et de rappeler les lois divines. Le poète souligne la magnificence, la puissance et l'équité des œuvres de Dieu. Il met en avant la clémence divine envers la nation qui sert Dieu, mentionnant la Providence qui a nourri Israël dans le désert et les miracles éternels de Dieu. Israël est assuré de voir ses ennemis fuir et de recevoir l'héritage promis par Dieu, en vertu de l'alliance sainte. Les actions de Dieu sont décrites comme sages, justes et vraies, et Ses lois subsisteront pour confondre l'impiété. Le poème évoque également la délivrance de Sion des tyrans et la stabilité de l'alliance salutaire entre Dieu et Son peuple. Enfin, il souligne que ceux qui craignent le jugement de Dieu possèdent la véritable sagesse et connaîtront la vanité du monde, célébrant les justices du Seigneur pour l'éternité.
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82
p. [1839]-1841
ODE SACRÉE, Titrée du Pseaume. Beatus vir, &c.
Début :
Heureux le Mortel qui redoute, [...]
Mots clefs :
Psaume, Lois, Gloire, Ardeur , Vaisseau, Adversité, Bienfaiteur, Port de l'Éternité, Abondance, Juge suprême
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texteReconnaissance textuelle : ODE SACRÉE, Titrée du Pseaume. Beatus vir, &c.
ODE SA CREE,
H
Tirée du Pseaume.
Beatus vir , & c. - fi}
Eureux le Mortel qui redoute
D'exciter l'ire du Seigneur !
En suivant ses Loix dans sa route
Toujours il marche avec ardeur ,
Quelle est sa gloire et så richesse!
Le souvenir de sa sagesse ,
Ne s'évanouira jamais ,
A ij Sa
7
A
1840 MERCURE DE FRANCE
Sa Posterité dans ce monde ,
Puissante , honorée et féconde ,
Verra combler tous ses souhaits,
Ainsi qu'un Astre favorable ,
Au Vaisseau du Port écarté ,
Dieu se montre à l'homme équitable ;
Dans la nuit de l'adversité ;
Il ne parle qu'avec prudence ,
En lui la timide indigence
Trouve toujours un Bienfaicteur ;
Quel sort au sien est comparable ?
De son coeur ferme , inébranlable ,
Rien ne peut troubler le bonheur,
Malgré les efforts de l'envie ,
Son nom subsistera. toûjours ;
De la perfide calomnie ,
Il ne craindra point les discours ,
Il met en Dieu son esperance ;
Contre les méchans sa puissance ,
Sçaura le mettre en seureté ;
Elle affermira son courage ,
Jusqu'à ce qu'il brave leur rage ,
Dans le Port de l'Eternité,
添
Ses mains ont semé l'abondance ,
Dans
AOUST.
1841 1731.
Dans les maisons des indigents ;
Sa justice pour récompense ,
Subsistera dans tous les temps :
Il sera placé dans la gloire 5
Le Pécheur verra sa victoire ,
Et de désespoir sechera ,
Dans sa rage il osera même ,
Maudire le Juge suprême :
Mais son vain desir périra.
H
Tirée du Pseaume.
Beatus vir , & c. - fi}
Eureux le Mortel qui redoute
D'exciter l'ire du Seigneur !
En suivant ses Loix dans sa route
Toujours il marche avec ardeur ,
Quelle est sa gloire et så richesse!
Le souvenir de sa sagesse ,
Ne s'évanouira jamais ,
A ij Sa
7
A
1840 MERCURE DE FRANCE
Sa Posterité dans ce monde ,
Puissante , honorée et féconde ,
Verra combler tous ses souhaits,
Ainsi qu'un Astre favorable ,
Au Vaisseau du Port écarté ,
Dieu se montre à l'homme équitable ;
Dans la nuit de l'adversité ;
Il ne parle qu'avec prudence ,
En lui la timide indigence
Trouve toujours un Bienfaicteur ;
Quel sort au sien est comparable ?
De son coeur ferme , inébranlable ,
Rien ne peut troubler le bonheur,
Malgré les efforts de l'envie ,
Son nom subsistera. toûjours ;
De la perfide calomnie ,
Il ne craindra point les discours ,
Il met en Dieu son esperance ;
Contre les méchans sa puissance ,
Sçaura le mettre en seureté ;
Elle affermira son courage ,
Jusqu'à ce qu'il brave leur rage ,
Dans le Port de l'Eternité,
添
Ses mains ont semé l'abondance ,
Dans
AOUST.
1841 1731.
Dans les maisons des indigents ;
Sa justice pour récompense ,
Subsistera dans tous les temps :
Il sera placé dans la gloire 5
Le Pécheur verra sa victoire ,
Et de désespoir sechera ,
Dans sa rage il osera même ,
Maudire le Juge suprême :
Mais son vain desir périra.
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Résumé : ODE SACRÉE, Titrée du Pseaume. Beatus vir, &c.
Le poème 'ODE SA CREE' du Psaume 'Beatus vir' célèbre les vertus et les bénédictions de l'homme juste et pieux. Cet homme est heureux car il respecte les lois divines et suit le droit chemin avec ardeur. Sa sagesse et sa richesse sont éternelles, et sa descendance est puissante, honorée et féconde. En période de difficulté, Dieu protège l'homme équitable, qui parle avec prudence et aide les indigents. Son bonheur reste inébranlable malgré l'envie et la calomnie. Il place son espérance en Dieu, qui le défend contre les méchants et renforce son courage jusqu'à l'éternité. Ses actions justes et généreuses perdurent à travers les temps, tandis que le pécheur, dans sa rage, maudit en vain le Juge suprême.
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83
p. 1883-1884
ÉPIGRAMMES Imitées de Buchanam.
Début :
Critou vouloit à la mémoire [...]
Mots clefs :
Gloire, Écusson, Galants, Cour
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texteReconnaissance textuelle : ÉPIGRAMMES Imitées de Buchanam.
EPIGRAMMES
Imitées de Buchanam.
Crito sue cupidus.
CRiton vouloit à la mémoire
Laisser des marques de sa gloire ;
Il fit peindre son Ecusson
Et plus bas son illustre nom
Sur les vîtres de sa Chapelle.
Certes , l'invention est belle ;
Mais sur un si beau Monument ;
Si le vent remporte victoire ,
Adieu son nom , adieu sa gloire ,
Autant en emporte le vent.
AUTRE.
Philli omnes.
Mille Galans vous font la Cour ¿
A tous vous marqués de l'amour ;
Cependant pas un ne vous aime.
Vôtre surprise en est extréme,
Pourquoi cela demandés -vous ;
Ccs
1884 MERCURE DE FRANCE
C'est qu'Iris , vous les aimés tous ;
11 faut donc que je les haïsse?
Non vraiment, ce seroit un vice.
Iris n'en haïssés aucun ,
Mais entre tous n'en aimés qu'un.
AUTR E.
Carmina quod Senon.
Vos vers n'ont point de sens zozeme,
Pourquoy tant vous en étonner ?
Vous ne pouvés pas leur donner ;
Ce que vous n'avés pas vous- même.
Imitées de Buchanam.
Crito sue cupidus.
CRiton vouloit à la mémoire
Laisser des marques de sa gloire ;
Il fit peindre son Ecusson
Et plus bas son illustre nom
Sur les vîtres de sa Chapelle.
Certes , l'invention est belle ;
Mais sur un si beau Monument ;
Si le vent remporte victoire ,
Adieu son nom , adieu sa gloire ,
Autant en emporte le vent.
AUTRE.
Philli omnes.
Mille Galans vous font la Cour ¿
A tous vous marqués de l'amour ;
Cependant pas un ne vous aime.
Vôtre surprise en est extréme,
Pourquoi cela demandés -vous ;
Ccs
1884 MERCURE DE FRANCE
C'est qu'Iris , vous les aimés tous ;
11 faut donc que je les haïsse?
Non vraiment, ce seroit un vice.
Iris n'en haïssés aucun ,
Mais entre tous n'en aimés qu'un.
AUTR E.
Carmina quod Senon.
Vos vers n'ont point de sens zozeme,
Pourquoy tant vous en étonner ?
Vous ne pouvés pas leur donner ;
Ce que vous n'avés pas vous- même.
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Résumé : ÉPIGRAMMES Imitées de Buchanam.
Le texte présente trois épigrammes inspirées de Buchanan. La première, 'Crito sue cupidus', relate la vaine tentative de Crito de perpétuer sa gloire par des marques éphémères. La deuxième, 'Philli omnes', décrit Iris, aimée par plusieurs mais en aimant un seul. La troisième, 'Carmina quod Senon', critique des vers dénués de sens. Le texte mentionne une publication dans le Mercure de France en 1884.
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84
p. 1892-1894
ODE ANACREONTIQUE, Imitée de celle qui commence par ces mots : οταν ὁ Βάχος εἰσέλθκ.
Début :
Bacchus est ma gloire, [...]
Mots clefs :
Bacchus, Gloire, Vin, Boire, Amour, Pampre, Vacarmes, Jus divin, Ivre
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texteReconnaissance textuelle : ODE ANACREONTIQUE, Imitée de celle qui commence par ces mots : οταν ὁ Βάχος εἰσέλθκ.
ODE ANACREONTIQUE,
Imitée de celle qui commence par ces
mots : οταν ὁ Βάχος εἰσέλθκ .
Par M. D. F……….
B Acchus est ma gloire ,
Sans lui je suis mort":
Content de mon sort
A force de boire
>
Avec ma mémoire ,
Mon chagrin s'endort.
Amour sous ta chaîne
Que tu fais souffrir !
Ja
A
OUST. 1731
1893
2
Je voulois perir
Pour une inhumaine ,
Quand le vieux Silene
Vint me secourir.
Que rien n'interrompe
Un jour si fameux ! -
Qu'un Nectar fumeux
En marque la pompe !
C'est ainsi qu'on trompe
L'Amour et ses feux
Au sommet du Pinde.
Bourdonne un frelon :
髓
Mais dans ce Valon
Faut- il qu'on se guinde !
Le vainqueur de l'Inde
Tient lieu d'Apollon.
Assis sur la Tonne "
J'ay le front couvert ,
D'un pampre plus vert ,
Que n'est la Couronne
Qu'obtient de Bellone
Celui qui la sert.
CY
1894 MERCURE DE FRANCE
Qu'un autre aille aux Armes ,
Las d'être vivant ,
Pour un peu de vent
Chercher des allarmes :
J'aime les vacarmes
Mais c'est en bûvant.
Que chacun se livre
A ce jus divin :
Buvons donc , BHUVAIN ;
Il vaut mieux être yvre
Que cesser de vivré
Et manquer de vin,
Imitée de celle qui commence par ces
mots : οταν ὁ Βάχος εἰσέλθκ .
Par M. D. F……….
B Acchus est ma gloire ,
Sans lui je suis mort":
Content de mon sort
A force de boire
>
Avec ma mémoire ,
Mon chagrin s'endort.
Amour sous ta chaîne
Que tu fais souffrir !
Ja
A
OUST. 1731
1893
2
Je voulois perir
Pour une inhumaine ,
Quand le vieux Silene
Vint me secourir.
Que rien n'interrompe
Un jour si fameux ! -
Qu'un Nectar fumeux
En marque la pompe !
C'est ainsi qu'on trompe
L'Amour et ses feux
Au sommet du Pinde.
Bourdonne un frelon :
髓
Mais dans ce Valon
Faut- il qu'on se guinde !
Le vainqueur de l'Inde
Tient lieu d'Apollon.
Assis sur la Tonne "
J'ay le front couvert ,
D'un pampre plus vert ,
Que n'est la Couronne
Qu'obtient de Bellone
Celui qui la sert.
CY
1894 MERCURE DE FRANCE
Qu'un autre aille aux Armes ,
Las d'être vivant ,
Pour un peu de vent
Chercher des allarmes :
J'aime les vacarmes
Mais c'est en bûvant.
Que chacun se livre
A ce jus divin :
Buvons donc , BHUVAIN ;
Il vaut mieux être yvre
Que cesser de vivré
Et manquer de vin,
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Résumé : ODE ANACREONTIQUE, Imitée de celle qui commence par ces mots : οταν ὁ Βάχος εἰσέλθκ.
L'ode anacréontique, imitée d'un poème grec, est attribuée à M. D. F……… et datée de 1731. Le texte exprime la dévotion du poète à Bacchus, source de sa gloire et de son épanouissement. En buvant, il trouve l'oubli de ses chagrins et la liberté. Le poète évoque également l'amour, qu'il décrit comme une chaîne douloureuse. Il raconte comment Silène, le vieux compagnon de Bacchus, l'a sauvé d'une passion malheureuse. Il célèbre un jour dédié à Bacchus, marqué par un nectar fumant, et exprime son désir de tromper les feux de l'amour. Le poète se compare à un frelon bourdonnant et se moque de ceux qui se guindent. Il admire le vainqueur de l'Inde, qu'il compare à Apollon, et préfère la couronne de pampre, symbole de la joie du vin, à celle obtenue par les armes. Il conclut en préférant les plaisirs du vin aux dangers de la guerre, affirmant qu'il vaut mieux être ivre que manquer de vin.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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85
p. 2677-2679
ODE A M. BOUHIER. Nommé premier Evêque de Dijon.
Début :
Scavantes filles de mémoire, [...]
Mots clefs :
Gloire, Lyre, Ouvrage, Grandeur
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texteReconnaissance textuelle : ODE A M. BOUHIER. Nommé premier Evêque de Dijon.
ODE
A M. BOUHI ER.
Nommé premier Evêque de Dijon .
Scavantes Cavantes filles de mémoire ,
Daignez m'inspirer en ce jour ,
C'est travailler à votre gloire ,
Que de seconder mon amour.
Mais quel est le feu qui m'inspire ,
A prendre en main ma foible Lyre ?
'Auriez-vous exaucé mes voeux ?
Oui , Muses , un secret présage
7
Me dit que c'est là votre ouvrage;
Soutenez vos soins genereux.
D'un Prélat ennemi du vice ,
Le mérite est enfin connu ,
Un Roy , guidé par la justice ,
Vient de couronner sa vertu ;
BOUHIER , ne crois pas que je fonde ,
Sur ta tige illustre et féconde ,
Ce nouvel éclat de Grandeur ;
Ce Monarque en tout équitable ,
S'il en croyoit un plus capable ,
Ne te feroit pas cet honneur.
I iij Bijon
2678 MERCURE
DE FRANCE
Dijon , ton heureuse patrie ,
A mes accents mêle sa voix ;
Tu l'entends cette voix chérie
Du Prince elle approuve le choix ,
Ce Roy le plus sage du monde ,
Sans ton humilité profonde
T'auroit couronné dès long- temps ,
Mais la sagesse qui te guide
Met la gloire la plus solide ,
A fuir les honneurs éclatans.
>
Déja chacun de nous soupire
Après ce moment précieux ,
Où la vertu sous ton Empire ,
Fera le bonheur de ces lieux ;
La foible et timide innocence ,
Depuis si long-temps sans deffense
Va retrouver un protecteur.
Déja par une fuite prompte
Le vice porte ailleurs la honte
De voir en toy son
1
destructeur.
Mais si de mon ardeur extrême
Je voulois suivre les transports ,
Ma Lyre en louant ce que j'aime ,
Pourroit enfin manquer d'accords ;
Impa
OVEMBRE . 1731. 2679
imposons
silence à ma Muse ;
Car je m'apperçois que trop j'abuse
Du temps qu'il perd à m'écouter ,
Les momens sont chers à son zele
Le soin de son Troupeau l'appelle ,
Et ce soin lui fait tout quittér.
C. R. C. V. S. E.
A M. BOUHI ER.
Nommé premier Evêque de Dijon .
Scavantes Cavantes filles de mémoire ,
Daignez m'inspirer en ce jour ,
C'est travailler à votre gloire ,
Que de seconder mon amour.
Mais quel est le feu qui m'inspire ,
A prendre en main ma foible Lyre ?
'Auriez-vous exaucé mes voeux ?
Oui , Muses , un secret présage
7
Me dit que c'est là votre ouvrage;
Soutenez vos soins genereux.
D'un Prélat ennemi du vice ,
Le mérite est enfin connu ,
Un Roy , guidé par la justice ,
Vient de couronner sa vertu ;
BOUHIER , ne crois pas que je fonde ,
Sur ta tige illustre et féconde ,
Ce nouvel éclat de Grandeur ;
Ce Monarque en tout équitable ,
S'il en croyoit un plus capable ,
Ne te feroit pas cet honneur.
I iij Bijon
2678 MERCURE
DE FRANCE
Dijon , ton heureuse patrie ,
A mes accents mêle sa voix ;
Tu l'entends cette voix chérie
Du Prince elle approuve le choix ,
Ce Roy le plus sage du monde ,
Sans ton humilité profonde
T'auroit couronné dès long- temps ,
Mais la sagesse qui te guide
Met la gloire la plus solide ,
A fuir les honneurs éclatans.
>
Déja chacun de nous soupire
Après ce moment précieux ,
Où la vertu sous ton Empire ,
Fera le bonheur de ces lieux ;
La foible et timide innocence ,
Depuis si long-temps sans deffense
Va retrouver un protecteur.
Déja par une fuite prompte
Le vice porte ailleurs la honte
De voir en toy son
1
destructeur.
Mais si de mon ardeur extrême
Je voulois suivre les transports ,
Ma Lyre en louant ce que j'aime ,
Pourroit enfin manquer d'accords ;
Impa
OVEMBRE . 1731. 2679
imposons
silence à ma Muse ;
Car je m'apperçois que trop j'abuse
Du temps qu'il perd à m'écouter ,
Les momens sont chers à son zele
Le soin de son Troupeau l'appelle ,
Et ce soin lui fait tout quittér.
C. R. C. V. S. E.
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Résumé : ODE A M. BOUHIER. Nommé premier Evêque de Dijon.
L'ode célèbre la nomination de M. Bouhier comme premier évêque de Dijon. Inspirée par les Muses, l'œuvre exprime la joie et l'admiration de l'auteur pour cette distinction. Le roi, guidé par la justice, a récompensé la vertu de Bouhier non pas en raison de sa lignée, mais de ses mérites personnels. Dijon, la patrie de Bouhier, approuve ce choix royal. L'auteur souligne que l'humilité de Bouhier a retardé cette reconnaissance, mais il est désormais attendu avec impatience comme protecteur de l'innocence et destructeur du vice. L'auteur conclut en imposant silence à sa muse, respectant le dévouement de Bouhier à ses responsabilités pastorales.
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86
p. 3018-3024
Lettre Pastorale de l'Evêque de Marseille. [titre d'après la table]
Début :
LETTRE PASTORALE de M. l'Evêque de Marseille, au Clergé séculier et régulier [...]
Mots clefs :
Pallium, Marseille, Lettre, Gloire
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texteReconnaissance textuelle : Lettre Pastorale de l'Evêque de Marseille. [titre d'après la table]
LETTRE PASTORALE de M. l'Evêque
de Marseille , au Clergé séculier et régulier
de son Diocèse , au sujet du PALLIUMque
N. S. Pere le Pape vient de lui ac-
11. Vol
corde
DECEMBRE 1731. 30191
corder par une grace particuliere. A Mar
seille , de l'Imprimerie de J.P.Brebion . Brochure
in 4. de 5 pages. M. DCC. XXXI.
L'Exposé de cette Lettre est également
pieux , instructif et digne du sujet. Nous
nous contenterons d'en rapporter un seul
trait , qui fera juger du reste.
Marseille Payenne , se glorifioit au-
>>trefois dans le pompeux, mais vain titre
de Soeur de Rome. Que Marseille chré-
>> tienne et toujours catholique se glorifie
>> bien plus dans son union intime et per-
» petuelle avec l'Eglise Romaine , et dans
»son humble er parfaite soumission à
» toutes ses décisions . C'est en cela que
consiste la veritable gloire d'un Chré
»tien , et c'est delà que dépend son éter
nelle félicité.
pour
La Lettre finit , en ordonnant des
Prieres N. S. Pere le Pape , et par
une Exhortation pathetique de ne point
oublier dans les mêmes Prieres , « le Pré-
» lat auquel S. S. vient d'accorder l'or-
» nement sacré, &c. afin que quand Dieu.
» trouvera à propos de l'appeller à lui , il
» l'unisse dans le ciel à cette multitude
» de saints Evêques , qui avant lui ont~ .
gouverné l'Eglise de Marseille.
Peu de temps après la publication de
cette Lettre , dattée du 18 Octobre 17,1 .
II. Vol .
Ej
M ..
3200 MERCURE DE FRANCE
M. l'Evêque de Marseille alla recevois
à Arles le Pallium , des mains de M. l'Archevêque
, son Métropolitain , avec les
ceremonies accoûtumées.
Nous aurions pû à l'occasion de cette
Ceremonie , ajoûter ici quelques Remarques
Historiques sur le Pallium , pour
instruire ceux de nos Lecteurs qui peuvent
en avoir besoin ; mais ce sujet , simple
en apparence , est d'une longue discussion
et nous auroit porté infailliblement
au - delà des bornes que nous sommes
obligez de nous prescrire. La seule
chose qui pouvoit nous convenir , étoit
de donner un précis de la Dissertation *
Latine de Dom Thierri Ruinart , le det
nier de tous les Auteurs qui ont écrit
sur le Pallium , et qu'on peut dire avoir
épuisé cette matiere , si nous n'avions
été prévenus par les Auteurs du Journal
de Trévoux , qui ont donné un fort
bel Extrait de cette Dissertation dans
leur Journal du mois de Novembre 1724.
page 1942. Nous renvoyons avec plaisir
les Lecteurs à cet Extrait qui les instruira.
agréablement , et nous nous contentons
d'employer ici les dernieres paroles de D.
Oeuvres posthumes de D. Jean Mabillon
et de D. T. Ruinart , T. II, P. 401. publiées
par D. Vincent Thuillier en 1724.
II. Vola Rui
DECEMBRE 1731. 302F
Ruinart en finissant sa Dissertation ; elles
sont remarquables et propres à donner la
grande idée que l'on doit avoir du Pallium.
» Pour moi , dit ce sçavant Benedictin ,
» je crois qu'il ne me reste plus qu'à congratuler
le Pallium, de s'être elevé d'ung
» origine assez obscure , à ce haut degré
» d'honneur et de gloire où nous venous
» de le voir dans notre Ecrit ; ensorte
» qu'entre tous les habits Ecclesiastiques
» il n'y a rien de plus grand et de plus .
illustre. On peut donc , à fort juste
»titre , appliquer à notre Pallium , ce que
» Tertullien a dit autrefois du Manteau
des Chrétiens , sur la fin de son Traité
» de Pallio. GAUDE PALLIUM , ET EXUL-
» TA : MELIOR JAM TE PHILOSOPHIA DI-
» GNATA EST , EX QUO CHRISTIANUM immo-
» Archiepiscopum et Episcopum VESTIRE ;
COEPISTI .
Nous avons parlé plus d'une fois du grand
Ouvrage intitulé : ORIENS Christianus et Affrica,
entrepris et assidûment continué par le R.P. le
Quien , Dominicain , Auteur d'une belle Editiondes
OEuvres de S. Jean de Damas , & c. Les Sçavans
nõus sçaurons gré , sans doute ,
de leur apprendre
que cet Ouvrage s'imprime actuellement
au Louvre avec beaucoup de soin et de diligence ,
La Direction de la Librairie , dont M. Chauyelin
de Beauséjour , Intendant d'Amiens , étoit
II. Vol,
chargé,
3022 MERCURE DE FRANCE
chargé , a été donnée à M. Roullier , Maître dess
Requêtes , Intendant du Commerce.
A l'occasion d'un Memoire anonyme qui nous
a été adressé , intitulé , Refléxions sur les moyens
d'avoir des Remedes Specifiques , &c. et que
nous n'imprimerons pas , par la raison qu'on va
voir ; nous avertissons les Personnes bien inten
tionnées pour le bien public , tel que nous paroît
être l'Auteur du Mémoire , et toutes celles qui
prétendent avoir des Remedes particuliers et specifiques
pour quelque maladie que ce soit , nous
les avertissons , dis -je , qu'il y a une Commission
déja toute établie , sous l'autorité du Roy ,
pour connoître des Remedes Specifiques , à laquelle
M. le Premier Medecin préside . Elle est
composée de six Medecins , de, deux Apotiquai--
res et de quatre Chirurgiens , et s'assemble au
Louvre en des temps marquez. Il paroît que le
Projet contenu dans le Memoire en question ,
tombe de lui-même , en quelque façon , par l'utile
établissement dont on vient d'instruire le-
Public.
L'Académie Royale de Peinture et de Sculp--
ture , connoissant le gout de M. le Comte de
Caylus , pour le Dessein et la Peinture , et l'estime
qu'il fait des habiles gens qui composent cette ce--
lebre Compagnie , elle lui a donné une Place d'Amateur
Honoraire ; et il prit séance dans l'Assem→→
blée le premier de ce mois.
On écrit de Russie , qu'on a tiré des Mines de
Siberie , pendant l'Eté dernier , une grande quantité
de fer et de cuivre , et environ 2000. onces
d'argent qui est très- fin..
11. Vel On
DECEMBR E. * 1731. 3023-
On apprend de Petersbourg , que les Décou
vertes que l'Académie des Sciences qui y est éta
blie a faites depuis trois ans sur la veritable situation
du passage par le Nord , qui donne entrée
dans la Mer de Tartarie , et les Relations de
quelques Voyageurs , qui depuis le même-temps .
ant franchi ce passage , ont déterminé la Czarine
à envoyer par terre sur la Côte de Tartarie , quel
ques Officiers de Marine experimentez ,
deux Académiciens de Petersbourg , pour faire
des Observations et prendre des hauteurs exactes
; on doit leur donner une escorte considera
ble et des vivres pour un an..
avec
On écrit de Rome , que des Ouvriers travail
lans depuis peu dans une Vigne de Grottarosa ,,
qui appartient au Chapitre de l'Eglise de S. Pierre
, y ont trouvé une grande . Urne de Marbre ,
auprès d'une petits Statue de femme pleurante ,
tenant une main appuyée sur un Piedestal d'ambre
très bien travaillé , et de l'autre un Vase,
rempli d'une liqueur Balsamique et couvert d'un
filagramme d'or. Le Cardinal Camerlingue a
demandé qu'on fit estimer cette Figure antique
qu'il veut acheter pour l'envoyer au Roy de Po
logne.
-
Le 9. de ce mois , vers les 5. heures du soir ,
on ressentit à Florence une legere secousse de
Tremblement de Terre , et deux autres pendant
la nuit suivante ; on apperçut le même jour un .
nuage lumineux poussé avec assez de violence du
Levant au Couchant , où il disparut près de l'horison.
Ce Phénomene étoit different en tout d'u……
ne Aurore Boreale,
11. Vol
On
3024 MERCURE
DE FRANCE
On écrit de Vienne , que l'Empereur a donné
ordre de faire acheter les meilleurs Livres et les
plus rares pour enrichir la Bibliotheque Imperiale
, et la rendre une des plus considerables de
l'Europe. S. M. I. a aussi ordonné de faire venir ,
à Vienne de France , d'Angleterre et d'Hollande,
des personnes sçavantes dans toutes sortes d'Arts
et de Sciences , qu'elle veut faire fleurir dans ses:
Etats , ayant résolu de ne rien épargner pour cela .
de Marseille , au Clergé séculier et régulier
de son Diocèse , au sujet du PALLIUMque
N. S. Pere le Pape vient de lui ac-
11. Vol
corde
DECEMBRE 1731. 30191
corder par une grace particuliere. A Mar
seille , de l'Imprimerie de J.P.Brebion . Brochure
in 4. de 5 pages. M. DCC. XXXI.
L'Exposé de cette Lettre est également
pieux , instructif et digne du sujet. Nous
nous contenterons d'en rapporter un seul
trait , qui fera juger du reste.
Marseille Payenne , se glorifioit au-
>>trefois dans le pompeux, mais vain titre
de Soeur de Rome. Que Marseille chré-
>> tienne et toujours catholique se glorifie
>> bien plus dans son union intime et per-
» petuelle avec l'Eglise Romaine , et dans
»son humble er parfaite soumission à
» toutes ses décisions . C'est en cela que
consiste la veritable gloire d'un Chré
»tien , et c'est delà que dépend son éter
nelle félicité.
pour
La Lettre finit , en ordonnant des
Prieres N. S. Pere le Pape , et par
une Exhortation pathetique de ne point
oublier dans les mêmes Prieres , « le Pré-
» lat auquel S. S. vient d'accorder l'or-
» nement sacré, &c. afin que quand Dieu.
» trouvera à propos de l'appeller à lui , il
» l'unisse dans le ciel à cette multitude
» de saints Evêques , qui avant lui ont~ .
gouverné l'Eglise de Marseille.
Peu de temps après la publication de
cette Lettre , dattée du 18 Octobre 17,1 .
II. Vol .
Ej
M ..
3200 MERCURE DE FRANCE
M. l'Evêque de Marseille alla recevois
à Arles le Pallium , des mains de M. l'Archevêque
, son Métropolitain , avec les
ceremonies accoûtumées.
Nous aurions pû à l'occasion de cette
Ceremonie , ajoûter ici quelques Remarques
Historiques sur le Pallium , pour
instruire ceux de nos Lecteurs qui peuvent
en avoir besoin ; mais ce sujet , simple
en apparence , est d'une longue discussion
et nous auroit porté infailliblement
au - delà des bornes que nous sommes
obligez de nous prescrire. La seule
chose qui pouvoit nous convenir , étoit
de donner un précis de la Dissertation *
Latine de Dom Thierri Ruinart , le det
nier de tous les Auteurs qui ont écrit
sur le Pallium , et qu'on peut dire avoir
épuisé cette matiere , si nous n'avions
été prévenus par les Auteurs du Journal
de Trévoux , qui ont donné un fort
bel Extrait de cette Dissertation dans
leur Journal du mois de Novembre 1724.
page 1942. Nous renvoyons avec plaisir
les Lecteurs à cet Extrait qui les instruira.
agréablement , et nous nous contentons
d'employer ici les dernieres paroles de D.
Oeuvres posthumes de D. Jean Mabillon
et de D. T. Ruinart , T. II, P. 401. publiées
par D. Vincent Thuillier en 1724.
II. Vola Rui
DECEMBRE 1731. 302F
Ruinart en finissant sa Dissertation ; elles
sont remarquables et propres à donner la
grande idée que l'on doit avoir du Pallium.
» Pour moi , dit ce sçavant Benedictin ,
» je crois qu'il ne me reste plus qu'à congratuler
le Pallium, de s'être elevé d'ung
» origine assez obscure , à ce haut degré
» d'honneur et de gloire où nous venous
» de le voir dans notre Ecrit ; ensorte
» qu'entre tous les habits Ecclesiastiques
» il n'y a rien de plus grand et de plus .
illustre. On peut donc , à fort juste
»titre , appliquer à notre Pallium , ce que
» Tertullien a dit autrefois du Manteau
des Chrétiens , sur la fin de son Traité
» de Pallio. GAUDE PALLIUM , ET EXUL-
» TA : MELIOR JAM TE PHILOSOPHIA DI-
» GNATA EST , EX QUO CHRISTIANUM immo-
» Archiepiscopum et Episcopum VESTIRE ;
COEPISTI .
Nous avons parlé plus d'une fois du grand
Ouvrage intitulé : ORIENS Christianus et Affrica,
entrepris et assidûment continué par le R.P. le
Quien , Dominicain , Auteur d'une belle Editiondes
OEuvres de S. Jean de Damas , & c. Les Sçavans
nõus sçaurons gré , sans doute ,
de leur apprendre
que cet Ouvrage s'imprime actuellement
au Louvre avec beaucoup de soin et de diligence ,
La Direction de la Librairie , dont M. Chauyelin
de Beauséjour , Intendant d'Amiens , étoit
II. Vol,
chargé,
3022 MERCURE DE FRANCE
chargé , a été donnée à M. Roullier , Maître dess
Requêtes , Intendant du Commerce.
A l'occasion d'un Memoire anonyme qui nous
a été adressé , intitulé , Refléxions sur les moyens
d'avoir des Remedes Specifiques , &c. et que
nous n'imprimerons pas , par la raison qu'on va
voir ; nous avertissons les Personnes bien inten
tionnées pour le bien public , tel que nous paroît
être l'Auteur du Mémoire , et toutes celles qui
prétendent avoir des Remedes particuliers et specifiques
pour quelque maladie que ce soit , nous
les avertissons , dis -je , qu'il y a une Commission
déja toute établie , sous l'autorité du Roy ,
pour connoître des Remedes Specifiques , à laquelle
M. le Premier Medecin préside . Elle est
composée de six Medecins , de, deux Apotiquai--
res et de quatre Chirurgiens , et s'assemble au
Louvre en des temps marquez. Il paroît que le
Projet contenu dans le Memoire en question ,
tombe de lui-même , en quelque façon , par l'utile
établissement dont on vient d'instruire le-
Public.
L'Académie Royale de Peinture et de Sculp--
ture , connoissant le gout de M. le Comte de
Caylus , pour le Dessein et la Peinture , et l'estime
qu'il fait des habiles gens qui composent cette ce--
lebre Compagnie , elle lui a donné une Place d'Amateur
Honoraire ; et il prit séance dans l'Assem→→
blée le premier de ce mois.
On écrit de Russie , qu'on a tiré des Mines de
Siberie , pendant l'Eté dernier , une grande quantité
de fer et de cuivre , et environ 2000. onces
d'argent qui est très- fin..
11. Vel On
DECEMBR E. * 1731. 3023-
On apprend de Petersbourg , que les Décou
vertes que l'Académie des Sciences qui y est éta
blie a faites depuis trois ans sur la veritable situation
du passage par le Nord , qui donne entrée
dans la Mer de Tartarie , et les Relations de
quelques Voyageurs , qui depuis le même-temps .
ant franchi ce passage , ont déterminé la Czarine
à envoyer par terre sur la Côte de Tartarie , quel
ques Officiers de Marine experimentez ,
deux Académiciens de Petersbourg , pour faire
des Observations et prendre des hauteurs exactes
; on doit leur donner une escorte considera
ble et des vivres pour un an..
avec
On écrit de Rome , que des Ouvriers travail
lans depuis peu dans une Vigne de Grottarosa ,,
qui appartient au Chapitre de l'Eglise de S. Pierre
, y ont trouvé une grande . Urne de Marbre ,
auprès d'une petits Statue de femme pleurante ,
tenant une main appuyée sur un Piedestal d'ambre
très bien travaillé , et de l'autre un Vase,
rempli d'une liqueur Balsamique et couvert d'un
filagramme d'or. Le Cardinal Camerlingue a
demandé qu'on fit estimer cette Figure antique
qu'il veut acheter pour l'envoyer au Roy de Po
logne.
-
Le 9. de ce mois , vers les 5. heures du soir ,
on ressentit à Florence une legere secousse de
Tremblement de Terre , et deux autres pendant
la nuit suivante ; on apperçut le même jour un .
nuage lumineux poussé avec assez de violence du
Levant au Couchant , où il disparut près de l'horison.
Ce Phénomene étoit different en tout d'u……
ne Aurore Boreale,
11. Vol
On
3024 MERCURE
DE FRANCE
On écrit de Vienne , que l'Empereur a donné
ordre de faire acheter les meilleurs Livres et les
plus rares pour enrichir la Bibliotheque Imperiale
, et la rendre une des plus considerables de
l'Europe. S. M. I. a aussi ordonné de faire venir ,
à Vienne de France , d'Angleterre et d'Hollande,
des personnes sçavantes dans toutes sortes d'Arts
et de Sciences , qu'elle veut faire fleurir dans ses:
Etats , ayant résolu de ne rien épargner pour cela .
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Résumé : Lettre Pastorale de l'Evêque de Marseille. [titre d'après la table]
En décembre 1731, l'évêque de Marseille publia une lettre pastorale destinée au clergé séculier et régulier de son diocèse. Cette lettre abordait le pallium, une distinction papale, et soulignait l'importance de l'union et de la soumission de Marseille à l'Église romaine, vue comme la véritable gloire chrétienne. La lettre se concluait par une exhortation à prier pour le pape et pour l'évêque, afin qu'il rejoigne les saints évêques de Marseille après sa mort. Par la suite, l'évêque se rendit à Arles pour recevoir le pallium des mains de l'archevêque, son métropolitain, selon les cérémonies habituelles. Le texte mentionne également une dissertation latine de Dom Thierry Ruinart sur le pallium, renvoyant les lecteurs à un extrait déjà publié dans le Journal de Trévoux. Ruinart y décrivait l'honneur et la gloire associés au pallium, le comparant au manteau des chrétiens décrit par Tertullien. Le texte évoque aussi divers sujets, tels que la publication de l'ouvrage 'Oriens Christianus et Africa' par le Père Quin, imprimé au Louvre, et la direction de la librairie confiée à M. Roullier. Il mentionne une commission royale pour examiner les remèdes spécifiques, ainsi que l'attribution d'une place d'amateur honoraire à M. le Comte de Caylus à l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture. Des nouvelles de Russie, de Rome, de Florence et de Vienne complètent le texte, relatant des découvertes minières, des fouilles archéologiques, des phénomènes naturels et des initiatives impériales en matière de culture et de science.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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87
p. 17-21
LA SAINTE ANDRÉ. ODE A M. Desbois, Grand-Bailly du Masconnois.
Début :
Vous voici de retour, solemnité sacrée, [...]
Mots clefs :
Saint André, Vainqueur, André Demeaux, Gloire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA SAINTE ANDRÉ. ODE A M. Desbois, Grand-Bailly du Masconnois.
LA SAINT
Y
ANDRE
ODE
A M. Desbois , Grand- Bailly
du Masconnois.
Ous voici de retour , solemnité sacrée a
yous qui renaissez tous les ans ,
Où la mémoire révérée.
Du vainqueur de Patras * , triomphera dės tems
* Patras Ville. Achaïe, où Saint Andréfuse
martyrisé Bv Jour
18 MERCURE DE FRANCE:
Jour heureux , où les destinées
Offroient à nos désirs les momens les plus doux
Vous revenez , hélas ! et mes jeunes années
Ne reviennent point avec vous ?
33
La Fête étoit fondée , et la magnificenceD'André Demeaux , votre Filleul ,
Grand Saint , se fut fait conscience
Dans ce jour solemnel , d'avoir mangé tout seula ,
Alors une terrible guerre
Dépeuploit le païs de Perdrix , de Poulets ,
Le Vin Rosé de Nuits , et le Gris de Tonnere.
N'étoient que le Vin des Valets..
C'étoit en ce moment, où de flots de Razade
Le plancher étoit inondé ,
Dont le plus fin des camarades
Avoient subtilement le danger éludé ,
Une telle supercherie
Dont je m'accuse icy , me venoit à propos ;
Moins de valeur Bachique , et plus de tricherie ,
C'est ainsi qu'on fait de vieux os.
Toujours du fond des pots , la fine raillerie ,
Sur les Verres alloit fotant ;
Sur Célimene, et sur Sylvie ,
Les
JANVIER, 1732. 19
Les Convives joyeux tiroient à bout portant s
Toutefois dans leur hardiesse ,
Les plus déterminez sçavoient se moderer ,
Leurs mots les plus tranchans n'emportoient
point la pièce ,
On ne faisoit que s'effleurer.
Qu'êtes- vous devenus , Beuveurs infatigables
Demeaux , Ruffé , Sarron , Gondras ,
Terreur des Celliers et des Tables ,
Et tant d'autres Acteurs que je ne nomme pas- 2
Hélas ! la Parque impétueuse ,
Atrop précipité votre fatal instant ,
Et vous a refusé la santé précieuse
A qui vous buviez tant et tantsVous que par excellence on nommoit vieille
Barbe ,
Et dont sur le Bacchique Mont
On cut pû faire une légende
Comme ont fit autrefois des Bandes de Piémont
De tant de graces assorties
Notre avenir ingrat ne dirà pas un mot ,
Sivotre nom ne refte écrit sur les parties
Du fameux Traiteur Rayetot
Bvi Pours
20 MERCURE DE FRANCE
Pour moi , simple Soldat de votre compagnie
Je voudrois par tout l'Univers
Porter votre gloire infinie
Si le monde poly faisoit cas de mes. Vers.
Mais , que mes desseins réussissent
Malheureux que je suis pourrois-je me flater
ne puis aller loin , car mes jambes mollissent ,
Et ne veulent plus me porter.
Sur l'exemple fameux de notre Chefde Bande,
Nous nous régalions tour à tour ,
Et payant la joyeuse offrande
De la plus sombre nuit nous faisions un beau
jour.
Ainsi , tout le long de l'année,
Par un enchantement que nous prenions en gré
Nous nous renouvellions, et de chaque journée
Nous faisions une saint André,
vous , Sage des Bois , qui dans notre assem
blée
Daigniés vous trouver quelquefois.
Sans que confuse ni troublée
Jamais votre raison s'écartât de ses Loix,
Avouez que dans mes saillies
Vous trouviez les bons mots bien souvent desait son
Et
1
JANVIER. 1732.
qu'il vient dans un temps de certaines folies
Qui valent mieux que la raison.
Si de quelques regrets ce temps passé vous:tomche
Convenez- en de bonne foy
Et malgré la vertu farouche
Donnes quelques momens pour le plaindre avec
moy,
Ces momens si dignes d'envie -
Pour les revoir si gais , et si bien policez ,
Je donnerois , Bailly , cinquante ans de ma vie
Du moins s'entend des ans passez..
DE SENEC
Y
ANDRE
ODE
A M. Desbois , Grand- Bailly
du Masconnois.
Ous voici de retour , solemnité sacrée a
yous qui renaissez tous les ans ,
Où la mémoire révérée.
Du vainqueur de Patras * , triomphera dės tems
* Patras Ville. Achaïe, où Saint Andréfuse
martyrisé Bv Jour
18 MERCURE DE FRANCE:
Jour heureux , où les destinées
Offroient à nos désirs les momens les plus doux
Vous revenez , hélas ! et mes jeunes années
Ne reviennent point avec vous ?
33
La Fête étoit fondée , et la magnificenceD'André Demeaux , votre Filleul ,
Grand Saint , se fut fait conscience
Dans ce jour solemnel , d'avoir mangé tout seula ,
Alors une terrible guerre
Dépeuploit le païs de Perdrix , de Poulets ,
Le Vin Rosé de Nuits , et le Gris de Tonnere.
N'étoient que le Vin des Valets..
C'étoit en ce moment, où de flots de Razade
Le plancher étoit inondé ,
Dont le plus fin des camarades
Avoient subtilement le danger éludé ,
Une telle supercherie
Dont je m'accuse icy , me venoit à propos ;
Moins de valeur Bachique , et plus de tricherie ,
C'est ainsi qu'on fait de vieux os.
Toujours du fond des pots , la fine raillerie ,
Sur les Verres alloit fotant ;
Sur Célimene, et sur Sylvie ,
Les
JANVIER, 1732. 19
Les Convives joyeux tiroient à bout portant s
Toutefois dans leur hardiesse ,
Les plus déterminez sçavoient se moderer ,
Leurs mots les plus tranchans n'emportoient
point la pièce ,
On ne faisoit que s'effleurer.
Qu'êtes- vous devenus , Beuveurs infatigables
Demeaux , Ruffé , Sarron , Gondras ,
Terreur des Celliers et des Tables ,
Et tant d'autres Acteurs que je ne nomme pas- 2
Hélas ! la Parque impétueuse ,
Atrop précipité votre fatal instant ,
Et vous a refusé la santé précieuse
A qui vous buviez tant et tantsVous que par excellence on nommoit vieille
Barbe ,
Et dont sur le Bacchique Mont
On cut pû faire une légende
Comme ont fit autrefois des Bandes de Piémont
De tant de graces assorties
Notre avenir ingrat ne dirà pas un mot ,
Sivotre nom ne refte écrit sur les parties
Du fameux Traiteur Rayetot
Bvi Pours
20 MERCURE DE FRANCE
Pour moi , simple Soldat de votre compagnie
Je voudrois par tout l'Univers
Porter votre gloire infinie
Si le monde poly faisoit cas de mes. Vers.
Mais , que mes desseins réussissent
Malheureux que je suis pourrois-je me flater
ne puis aller loin , car mes jambes mollissent ,
Et ne veulent plus me porter.
Sur l'exemple fameux de notre Chefde Bande,
Nous nous régalions tour à tour ,
Et payant la joyeuse offrande
De la plus sombre nuit nous faisions un beau
jour.
Ainsi , tout le long de l'année,
Par un enchantement que nous prenions en gré
Nous nous renouvellions, et de chaque journée
Nous faisions une saint André,
vous , Sage des Bois , qui dans notre assem
blée
Daigniés vous trouver quelquefois.
Sans que confuse ni troublée
Jamais votre raison s'écartât de ses Loix,
Avouez que dans mes saillies
Vous trouviez les bons mots bien souvent desait son
Et
1
JANVIER. 1732.
qu'il vient dans un temps de certaines folies
Qui valent mieux que la raison.
Si de quelques regrets ce temps passé vous:tomche
Convenez- en de bonne foy
Et malgré la vertu farouche
Donnes quelques momens pour le plaindre avec
moy,
Ces momens si dignes d'envie -
Pour les revoir si gais , et si bien policez ,
Je donnerois , Bailly , cinquante ans de ma vie
Du moins s'entend des ans passez..
DE SENEC
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Résumé : LA SAINTE ANDRÉ. ODE A M. Desbois, Grand-Bailly du Masconnois.
Le texte est une ode dédiée à M. Desbois, Grand-Bailly du Masconnois, à l'occasion de la fête de la Saint-André. L'auteur exprime sa nostalgie face à l'impossibilité de retrouver ses jeunes années, malgré le retour annuel de la fête. Il évoque la fondation de cette célébration et la magnificence d'André Demeaux, qui avait dû manger seul en raison d'une guerre ayant appauvri la région. L'auteur se remémore les moments de convivialité passés, où les convives savaient se modérer malgré leur hardiesse. Il déplore la disparition de nombreux compagnons de beuverie, emportés par la Parque impétueuse, et regrette que leur mémoire ne soit plus célébrée. Il exprime son désir de perpétuer leur gloire, mais reconnaît ses limites physiques. L'auteur admire la sagesse de M. Desbois, qui savait apprécier les bons mots et les folies de ces moments. Il conclut en exprimant son regret pour ce temps passé et son désir de revivre ces instants de gaieté et de convivialité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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88
p. 1264-1291
RÉPONSE DE Mlle de Malcrais de la Vigne, à la Lettre que Mr Carrelet de Hautefeüille lui a addressée dans le Mercure de Janvier 1732. page 75.
Début :
Le Seigneur Mercure s'est donné la peine, Monsieur, de [...]
Mots clefs :
Réponse, Lettre, Messager, Mercure, Strophe, Vers marotiques, Vers d'Horace, Ovide, Muses, Peines, Gloire, Dante, Rousseau, Chapelain, Auteurs, Poètes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE DE Mlle de Malcrais de la Vigne, à la Lettre que Mr Carrelet de Hautefeüille lui a addressée dans le Mercure de Janvier 1732. page 75.
REPONSE de Mlle de Malerais de
la Vigne , à la Lettre que M Carrelet
de Hautefeuille lui a addressée dans le
Mercure de Janvier 1732. page 75.
Leine,Monsieur,de m'apportervos
E Seigneur Mercure s'est donné la
peine , Monsieur , de m'apporter vos
Poulets , vos Billets doux , vos Relations,
en un mot votre Lettre ; car cette Lettre
sçavante et polie renferme en elle toutes
ces especes', par les differentes matieres
qu'elle traitte , et par les tours ingénieux
dont elle est agréablement variée ; je me
Alatte aussi que ce fidele Messager , non
moins habile que gracieux , voudra bien
se charger de ma réponse.
Vous m'écrivez , Monsieur, qu'on vous
a volé ; vous ne pouviez vous addresser à
personne qui fut plus sensible à ce qui
vous touche, ni par conséquent plus portée à vous plaindre. Quoi ! Monsieur, on
K
II. Vol.
vous
JUIN. 1732. 1265
vous a volé ? On vous a volé , Monsieur?
Quel accident ! Quelle perfidie ! Quelle
cruauté ! Eh! que vous a- t - on volé ?
Grands Dieux ! Proh! Dii immortales ! Facinus indignum quod narras !
Ce n'est point deux Vers , une Strophe, un Madrigal, une Epigramme seulement: Ciel ! c'est sur une Ode entiere qu'on
a eu l'audace de mettre la main.
Le trait est noir ; oui , certes, et des plus
noirs. Ce sont- là de ces coups qu'un Poëte
supporte rarement avec patience, à moins
qu'il n'ait , comme vous , l'ame bourrée
d'une Jacque de Maille à la Stoïcienne.
Sans doute que le Voleur en faisant ce
larcin, s'étoit fondé sur ces deux premiers
Vers du 15 Chant de Roland le furieux.
Fù il vincer sempre mai laudabil cosa ,
Vinca si è per fortuna , o per ingegno.
L'Arioste me paroît avoir escroqué
cette pensée à Virgile , dans le 2. liv. de l'Enéïde.
Dolus an virtus , quis in hoste requirat ?
·
Cependant le voleur dont il s'agit ,' n'est
point pardonnable. C'est là mal interprêter la chose , et faire en matiere de
Lettres, ce que font les hérétiques en maII. Vol.
A v tiere
1266 MERCURE DE FRANCE
"
tiere de Religion, qui tournent et retournent certains Passages de tant de côtez
qu'ils leur trouvent à la fin un sens ambigu , et qui , quelque louche qu'il soit ,
leur paroît neanmoins d'accord avec leur
morale. Mais comme on ne les confond
ensuite , qu'en opposant citation contre
citation , authorité contre authorité , il
faut donc objecter aux Filoux du Parnasse
le sentiment d'un autre Italien. Auvertite
che voi vi vestite degli honori , e delle glorie
altrui , et v'attribuite quello che non è vostro. Voi sarete chiamati la cornacchia d'Esopo , et quello ch'è peggio , bisognerà restituire i furti con grandissimo scorno , e biasmo come suole intervenire a certi poetuzzi
moderni che alla scoperta rubbano a tutti ,
non rimanendo loro di proprio che la fatica , l'inchiestro , la carta , et il tempo gettato via.
Sérieusement , Monsieur , votre situation me paroît triste , et d'autant plus
qu'on ne croit pas toujours le plaignant
sur sa déposition. C'est vainement qu'il
dira , oui , Messieurs , je fis cette Strophe
un tel jour , à telle heure ; et la preuve ,
la voilà : Absorbé que j'étois dans la poëtique rêverie , je me rongeai les ongles
jusqu'au vif: Voyez - vous ? Regardez ,
ces deux doigts écorchez par le bout, sont
€
II. Vol. de
JUIN. 1732. 1267
de sûrs garans de la vérité de mes paroles.
Vains propos : Plus de la moitié de vos
juges ne sçauroient résoudre leurs doutes
et l'on balance toujours entre le proprié
taire et le voleur. Pour moi , si j'avois été
en votre place , j'aurois mis cent Mouches en campagne pour dénicher le Larron , et le faire sans délai convenir du
larcin.
J'aurois fait aussi- tot galopper sur sa trace
Le grand Prevôt du Parnasse,
Mais hélas ! que les choses sont aujourd'hui changées ; on insulte , on pille , on
brave Apollon sur son Thrône même.
La Marêchaussée du Pinde n'a plus la
force de cheminer. Plutus , le seul Plutus
sçait se faire obéïr , se faire craindre , se
faire rendre justice , et l'on prétend que
c'est lui qui la distribuë; quant aux Citoyens de la double Colline , l'équité ne
s'observe ni à leur égard , ni à l'égard de
leurs ouvrages. Un Financier au moyen
d'une douzaine de chiffres , voit pleuvoir à millier les Louis dans son Coffre
fort , et ce profit amené , ne sera souvent
le fruit que de quelques heures ; cependant un malheureux , nud jusqu'à la chemise,transsi defroid , demi mort de faim,
se glisse adroitement dans son Bureau ,
II. Vol A vj qu'il
1268 MERCURE DE FRANCE
qu'il écrême si peu que rien le superfluz
de son cher métail ; en court après , on
l'arrête , on l'emprisonne ; le coupable
n'est déja plus. Pourquoi ne poursuit- on
pas avec la même diligence et la même
sévérité les Voleurs des Ouvrages ingénieux ? L'Esprit est- il moins estimable
que l'or ?
Vilius argentum est auro , virtutibus aurum:
Un Financier a plutôt gagné vingt mil
le écus , qu'un Poëte n'a fait une belle:
Ode. Si le travail , si la difficulté donnele prix aux choses , les Métaux , les Diamans qui ne sont que de la bouë pétrifiée
et polie ensuite par l'Ouvrier , sont - ils
donc préférables aux pures et l'aborieuses
productions de l'ame.
Otempora! ô mores ! Depuis que les Boileaux , les Molieres , les Saint- Evremond,
ces Turennes , ces Condez du Parnasse
sont allez guerroyer dans les champs Eli-
-sées ; la licence et le désordre ont envahi le Païs des Lettres ; où la force manque, tout est toléré. Platon se détaille
en Comédies, les Lettres se composent en
Madrigaux , les Oraisons prétintaillées
sont toutes frisées d'antithéses , l'Historien passe avec rapidité sur la politique et
l'interressant , et se promene à pas comII.Vol.
ptez
JUIN. 17320 1269
ptez dans la région fleurie des descriptions , et passe de- là par une fausse porte
dans la grande contrée des digressions
vagues et inutiles.
Jugez , Monsieur , par la mauvaise humeur où je suis , combien votre malheur
m'a affligée ; ce qui redouble encore mon
chagrin, c'est d'apprendre de vous-même
que vous avez dit adieu au Parnasse.Quoi
le dépit d'avoir perdu une Ode , doit-il
vous porter à des extrémitez pareilles ?
La perte est réparable. Ne vous est-il pas
resté un Canif pour tailler votre Plume?
Mais avez-vous bien refléchi sur la résolution que vous vous imaginez avoir
prise ? Croyez-vous pouvoir tenir ferme
contre le penchant dont vous êtes l'esclave ? Je vous en défie , j'en ai dit tout autant que vous , cent et cent fois.
n'a
Verbaque pracipites diripuere noti.
J'ai trouvé que le feu Pere du Cerceau
pas eu tort d'écrire :
39 Qui fit des Vers , toujours des Vers fera,
C'est le Moulin qui moulut et moudra;
»Contre l'étoile il n'est dépit qui tienne ,
» Et je me cabre en vain contre la mienne.
Le P. du Cerceau a rendu par ces quaIL. Vol.
tre
1270 MERCURE DE FRANCE
tre Vers Marotiques , le Vers d'Horace
qui suit :
Naturam expellas furca tamen usque recurret.
Ce que je ne sçais quel autre a traduit
én deux Vers :
Quand , la Fourche à la main, nature on chase seroit >
Nature cependant toujours retourneroit.
Ovide , dont l'esprit est si fécond et si
délié , ce Poëte qui quelque sçavant qu'il
fut , devoit moins à l'Art qu'à la Nature. Ovide est forcé d'avouer que c'est en
vain qu'on tâche de combattre ce penchant imperieux.
At mihijam puero coelestia sacra placebant ,
Inque suum furtim Musa trahebat opus..
Sæpe Pater dixit , studium quid inutilè tentas ?
Moonides nullas ipse reliquit opes ,
Motus eram dictis , totoque Helicone relictor
Scribere conabar verba soluta modis,
Sponte sua carmen numeros veniebat adaptos
Quidquid tentabam scribere versus erat.………
Le Pere d'Ovide séche de chagrin de
voir son fils en proye à cette manie tirannique ; il ne néglige rien pour en rompre
les accès , il lui montre le vuide de cette
II. Vol. occu-
JUIN. 1732. 1271
Occupation aussi pénible qu'infructueuse.
L'exemple d'Homere qui vécut toujours
pauvre, malgré ses grands talens , lui sert
à prouver l'importante vérité de ses leçons salutaires. Il conseille , il commande, il prie , il menace, et s'emporte même
jusqu'à le maltraiter ; le fils paroît se rendre à la volonté du pere , et se croyant
déja le maître de sa passion , lui promet
de ne plus faire de Vers de sa vie.
•
C'est en Prose qu'il écrira désormais ,
le parti en est pris ; il faut que l'agréa
ble cede à l'utile , il n'y a plus à balancer.
En un mot , le voilà la plume à la main
résolu d'exécuter ce qu'il s'est proposé.
Mais qu'arrive-t- il ? La tête lui tourne , il
se figure écrire de la Prose, et ce sont des
Vers qui coulent sur le papier.
Quidquid tentabam scribere , versus erat.
Ovide ne péchoit point par ignorance,
et l'on a sans cesse répété depuis tant de
siècles , les deux Vers suivans , enfans de
sa veine : que l'esprit avoit été autrefois
plus précieux que l'or , mais qui dans le
temps présent , c'étoit être tout à-fait
barbare, que d'être entierement dépourvû des dons de la fortune.
Ingenium quondam fuerat preciosius auro.
II. Vol. Pour
1272 MERCURE DE FRANCE
Pour moi je crois que ce quondam , cet
autrefois , n'a jamais été.
At nunc barbaries grandis habere nihil.
Quant à ce Nunc , ce maintenant , je
crois qu'il a été de tout temps.C'est donc
en Ovide que la volonté est maîtrisée par
le temperament ; et c'est-là qu'on peut dire que le libre arbitre fait nauffrage.
Après tout , je conviens avec vous et
avec toutes les personnes sensées , que
quand on n'est pas né avec beaucoup de
bien, on doit tâcher d'arriver par les belles voyes à certaine fortune , à labri de
laquelle on puisse vivre à l'aise , et faire la
figure convenable à son rang.
Nil habet infelix paupertas durius in se
Quam quod ridiculos homines , facit.
La pauvreté est le plus grand des maux
qui soient sortis de la funeste Boëte de
Pandore , et l'on craint autant l'haleine
d'un homme qui n'a rien , que celle d'un
pestiferé.
Yo
Déplorons donc le sort de ceux qu'un
ascendant fatal attache à ce libertinage
d'esprit. Sénéque , ce Philosophe sentencieux , qu'on peut comparer au Rat hipo
crite , qui prêche la mortification dans
un Fromage de Hollande , ou à la four11. Vol.
mi,
JUIN. 1732. 1273
mi, qui fait l'éloge de l'abstinence, montée sur un tas de grain. Cet illustre Charlatan débitoit autrefois la morale austére,
qu'il nous a laissée dans ses Livres ; mais
y croyoit-on ? et pouvoit - on plutôt ne
pas mépriser un homme qui conseilloit
la sobriété , la bouche pleine , et la
vreté , tandis que ses coffres regorgeoient
de Richesses ? Nicolas de Palerme parloit
avec bien plus de sincerité , quand après
avoir lû un Livre, dans lequel on préténdoit que la pauvreté étoit un bien, il s'écria : Délivrez-moi d'un tel bien , ô mon
Dieu !
pauTravaillez , nous dit-on , divins éleves
des Muses , veillez , suez , frappez - vous
le front , mordez-vous les doigts , brisez
votre pupitre , au fort de votre entousiasme. Virum Musa beat. La gloire se
peut-elle achepter par trop de peines ?
Quel honneur! quel espoir que celui de se survivre éternellement à soi - même !
Erreur , folie , idée chimerique.
Gloria quantalibet quid erit , si gloria tantum est.
Ne vaut- il pas mieux vivre pendant
qu'on est en vie , et que l'on se sent vivre réellement : Homere , ce Chantre fameux , qui jadis entonnoit ses Rapsodies
sur les Ponts-Neufs des Villes de Gréce ;
II.Vol. en
1274 MERCURE DE FRANCE
en traîna- t-il de moins tristes jours , quoi
quele Supplément de Quinte- Curce nous
dise que ses Ouvrages se sont reposez
après sa mort , sous l'oreiller du Grand
Alexandre. On logea ses Poëmes dans des
Coffrets d'or , enrichis de Pierreries ; et
pendant qu'il vécut , à peine trouva- t- il
une Maison où se mettre à l'abri des injures de l'air ? Fecit enim nominis ejus claritas , ut quem virum rebus omnibus egentem nemo agnoverit , nunc multe Gracia ?
Urbes certatim sibi vindicent. Dante , dans
le 22 Chant du Purgatoire , désigne ainsi
cet illustre Poëter
QuelGreco
Chele Muse lattar più ch'altro mai.
Pour moi , je dis que si les Muses sont
des Nourrices , ce ne sont que des Nousrices séches ; leurs Nourrissons s'attendent
à recueillir un aliment qui les rassasie
mais au lieu de lait , ils n'en tirent que du
vent qui les fatigue et les extenue. Ceci
revient à l'endroit de votre Lettre , où
vous dites agréablement en Vers , que les
Poëtes ne moissonnent que du vent avec
leur plume. Ainsi je crois qu'on les peut
appeller des Instrumens à vent , qui ne
rendent que du vent , ne travaillent que
pour du vent , et ne sont récompensez
II. Volo que
JUIN. 1732. 1275 1
que de vent; disons donc avec Pétronne :
Heu! ast heu! utres inflati sumus , minoris
quàm Muscasumus, tamen aliquamvirtutem
habent , nos non pluris quam bulla. Voici
une Boutade de ma façon à ce sujet :
si le vent est la nourriture ,
Des Bourgeois malheureux du stérile Hélicon;.
Ils devroient , au lieu d'Apollon ,
Pour ne point manquer de Pâture ,
D'Eole le venteux , avoir fait leur Patron.
Plusieurs Singes du Docte Erasme , se
sont émancipez de nos jours , à faire divers éloges pointilleux , de l'Yvresse , du
Mensonge , de Rien , de quelque chose ,
et nombre d'autres bagatelles bizarres
dans le même goût; mais je n'en vois point
qui se plaisent à faire l'éloge de la Pauvreté; Paupertas habet scabiem. Juvenal ,
ce grondeur éternel , cet impitoïable censeur des mœurs de son siècle , ne sçauroits'empêcher de sortir de sa Philosophie , et
de soupirer après les biens de la fortune ;
il déteste la pauvreté, il déplore la misere
du Poëte Stace , et sa septiéme Satyre est
toute farcie de plaintes.
Frange miser calamos , vigilataque prælia dele ,
Quifacis in parva sublimia carmina cella ,
Ut dignus venias hederis et imagine macrâ :
II. Vol.
Spes
1276 MERCURE DE FRANCE
Spes nulla ulterior , didicit jam dives avarus
Tantum admirari, tantùm laudare disertos,
Ut pueri ,junonis avem.
Cette matiere est si- bien traitrée dans
cette Satyre, qu'elle mériteroit d'être rapportée toute entiere , si cet Auteur n'étoit entre les mains de tout le monde : La
pauvreté, dit-on, est la Mere des Arts.
Labor omnia vincit
Improbus, et duris urgens in rebus egestas.
Oui , la Mere des Arts mécaniques ; un
Manœuvre vit du travail de ses mains ;
mais les Poëmes ne se vendent point en
détail , si ce n'est chez les Marchands de
Drogues. Cette réfléxion me donne lieu de
rapporter la Parodie que j'ai faite de quelques-unes des belles Stances de Rousseau:
Que l'homme , &c.
Qu'un Livre est bien pendant sa vie
Un parfait miroir de douleurs
En naissant sous la Presse il crie ,
Et semble prévoir ses malheurs.
諾
Un Essain d'insolens Censeurs .
D'abord qu'il commence à paroître ,
<
II. Vol. En
JUIN. 1732. 1277
En dégoute les achepteurs ,
Qui le blament sans le connoître.
A la fin pour comble de maux ,
Un Droguiste qui s'en rend maître ,
En habille Poivre et Pruneaux ;
C'étoit bien la peine de naître.
On raconte que Zeuxis faisoit une telle
estime de ses peintures,que s'il ne les pouvoit bien vendre,il aimoit mieux les donner que d'en retirer un prix médiocre.
Les Auteurs n'ont point cette alternative,
et le Libraire s'imagine les trop payer encore , en leur donnant un petit nombre
d'Exemplaires. Il arrive même que le Libraire se ruine à force de faire gémir la
Presse. A qui donc se doit imputer la
cause d'un pareil dérangement? A la corruption du goût , au grand nombre de
Brochures ridicules , de Romans monstrueux qui s'impriment tous les jours , et
qui se vont effrontément placer dans la
Boutique, à côté des la Bruyeres, des Pascals , des Corneilles , des Molieres , des
Fénelons , des Rousseaux , des Voltaires ,
et des autres Ecrivains du premier Ordre.
Ce queje trouve de pis, c'est que tous ces
vils Auteurs communiquent leur Lépre
II, Vol. aux
178 MERCURE DE FRANCE
aux autres par le voisinage. L'Ignorance
vient ensuite , et sa main confondant
ce qu'il y a de pitoyable avec ce qu'il y a
d'exquis , recueille l'Ivraye, tandis qu'elle
néglige et qu'elle laisse le Froment le plus
pur. S'il y avoit des Protecteurs d'un certain esprit, qui sçussent peser les Ouvrages au poids du discernement , pour en
récompenser les Auteurs avec bonté et
justice , les mauvais tomberoient , et les
bons se multipliroient. Les Virgiles ne manquent point quand il y a des Méce- *
nas.C'est ce que dit Martial dans un Vers
de ses Epigrammes , et je me suis égayée
à paraphraser ce Vers en notre langue.
Sint Maecenates , non deerunt , Flacce , Marones.
Aujourd'hui les Seigneurs ne donnent
Aux Doctes ni maille ni sou ,
Par quoi pour aller au Perou ,
Beaux Esprits , Parnasse abandonnent
Mais quand les Mécenas , foisonnent ,
De Virgiles on trouve prou.
Virgile , l'Aigle des genies superieurs eut la satisfaction de voir son merite reconnu et recompensé. Servius rapporte ,
que les presens que lui firent Octave
Cesar et Mécenas, furent de si grande va
leur , que sa fortune monta en peu de
II.Vol. temps
JUIN. 1732. 1279
temps jusqu'à six mille Sesterces ; il étoit
aimé et honoré à Rome, il y avoit même
un Palais magnifique. Un jour il prononça en présence de l'Empereur et d'Octavie , mere de Marcellus , quelques Vers
de l'Enéïde ; quand il fut à l'endroit du
sixiéme Livre , où il parle de la mort de
Marcellus , d'une maniere si élégante et
si pathétique , le cœur d'Octavie en fut si
vivement touché , qu'elle tomba évanoüie , et revenant à soi , comme son évanoüissement l'avoit empêchée d'entendre
douze Vers , elle fit donner à Virgile dix
Sesterces par chaque. Quels présens n'at-on point fait depuis àSannazar ; et de
quel prix n'a-t- on point honoré sa belle
Epigramme sur la Ville de Venise ? Sa
reputation en imposoit tellement qu'il
suffisoit qu'une piéce passat pour sienne ,
pour être jugée excellente. Ce trait singulier a été remarqué par le Comte Baldessar Castiglione , dans son Courtisan.
Essendo appresentati alcuni versi sotto il no
ma del Sannazaro , à tulti par vero motto
excellenti , e furono laudati con la Meraviglie è esclamationi ; poi sapendosi per certo ,
che erano d'un altro , Persero subito la re
putatione , et par vero meno che mediocri.
Charles IX. aimoit les Lettres , mais il
étoit tres réservé dans ses récompenses.
II. Vol. Ce
1280 MERCURE DE FRANCE
les
Ce Prince , dit Brantome , aimoit fort les
Vers, et récompensoit ceux qui lui en présentoient , non pas tout à coup , disant que
Poëtes ressemblent les Chevaux , qu'ilfalloit
nourrir , non pas trop saouller , ni engraisser,
car après il ne valent plus rien. Je crois
que ni vous ni moi ne sommes trop contens de sa comparaison , et ce Prince s'étoit peut-être encore figuré qu'il en est
des Poëtes, comme des Maîtres de Danse,
qui , pour bien exercer leur Métier , doivent avoir la taille légere. Hélas ! pour
un petit nombre de Poëtes à qui la Fortune a fait part de ses faveurs ; combien
y en a- t il eu de malheureux,jusqu'à manquer du necessaire ? Consultez là- dessus
les mélanges d'Histoire et de Litterature
de Vigneul Marville. Parmi la multitude
des Sçavans infortunez dont il parle , je
me suis principalement attendrie sur la
déplorable condition du Tasse dont j'adore l'Aminte et la Jerusalem délivrée.
Le Tasse , dit ce Compilateur , étoit réduit à une si grande extrémité , qu'il fut
obligé d'emprunter un écu d'un ami pour
subsister pendant une semaine, et de prier
sa Chatte , par un joli Sonnet , de lui
prêter la nuit la lumiere de ses yeux , non
havendo candele per iscrivere i suoi versi. ·
Nous avons eu quelques Poëtes en France,
II. Vol. envers
JUIN. 1732. 1281
envers lesquels on a vû les Grands signader leur goût , ou plutôt leur caprice ; et
Desportes est plus célebre aujourd'hui par
les pensions et les présens qui lui furent
faits , que par ses Poësies.
Le jugement de l'Homme , ou plutôt son caprice,
Pour quantité d'esprits , n'a que de l'injustice.
Cor. la Gal. du Pal. act. 1. sect. 7. ,
Chapelain , dont on peut dire qu'il nâquit parfaitement coiffé, quoique suivant
la Parodie de Despréaux , il ne porta jamais qu'une vieille Tignasse : Chapelain
eut plus de bonheur que nul autre ; car
il se vit payé par avance , de l'intention
qu'il avoit de donner un Poëme excellent;
joüit pendant vingt ans d'une grosse
pension , et son intention mal exécutée
le rendit à la fin possesseur d'une fortune
considérable , tandis que Corneille et Patru pouvoient à peine fournir aux besoins
dont la nature nous a faits les esclaves.
·
D'autres Auteurs ont vû le fruit de
leurs veilles se borner aux attentions, aux
caresses des Grands . Cela flatte d'abord la
vanité ; mais de retour chez soi , on n'y est
pas un instant , sans en appercevoir le
vuide dans toute son étenduë. Trente
baisers , plus doux encore que celui dont
II.Vol B Mar-
1282 MERCURE DE FRANCE
Marguerite d'Ecosse régala Alain Chartier , ne feront point une vie gracieuse à
un Poëte , si l'on s'en tient aux démonstrations extérieures. On n'est point avare
à notre égard de complimens et de ceremonies , et l'on nous traite à la façon des
Morts , avec de l'eau benite. Peut - être
aussi que les bons Poëtes ayant été comparez aux Cigales , par quelques Anciens ,
car les mauvais leur ont été comparez
par d'autres ) on s'est figuré , que comme
elles , ils ne doivent vivre que de rosée.
Hoggi è fatta ( ô secolo inhumano
L'Arte del Poetar troppo infelice
Tuto nido , esca dolce , aura cortese,
Bramano i cigni , è non si vàin Parnasso ,
Con le cure mordaci, è chi pur garre ,
Semper col suo destino , è col disagio ,
Vien roco , è perde il canto , è lafavella.
GUARINI.
Mais , ne direz-vous pas , Monsieur , en
lisant ma longue Lettre , que c'est moi
qui pour mon babil , dois être mise en
parallele avec les Cigales de la derniere
espece ; j'en conviens avec vous , et je ne
nie pas que je ne scis de mon sexe tout
comme une autre,Prenez donc encore une
prise de Tabac pour vous réveiller et vous
II.Vol. forti-
JUIN. 1732. 1283
fortifier un peu contre l'ennui que vous
pourroient causer quelques lignes qu'il
me reste à écrire.
J'en reviens à l'adieu que vous prétendez dire aux neufSœurs ; permettez- moi
de vous assurer derechef¸ que c'est en
vain que vous vous le persuadez ; vous
ferez comme le Poëte Mainard , vous ré.
péterez inutilement , en prenant congé d'elles :
Je veux pourtant quitter leur bande ,
L'Art des Vers est un art divin , '
Mais leur prix est une Guirlande ,
Qui vaut moins qu'un bouchon à vin.
Vos efforts révolteront votre penchant
contre vous , et ne serviront qu'à rendre
sa rebellion plus opiniâtre; votre raison
même trop amoureuse de la rime , n'entendra plus vos cris , et ne pourra se résoudre à faire divorce avec elle. Mais
Monsieur, vous vous plaignez d'avoir été
dolié par la nature d'un mérite inutile an
bonheur de votre vie : Vous vous plaignez ! Eh, croyez vous être le seul à qui
la cruauté du sort a laissé le droit de le
maudire. Ma situation , par exemple, n'estelle point encore plus fâcheuse que la vô
tre? Je ne suis jamais sortie de ma Province,
presque toujours exilée dans le sein de
II.Vol. Bij ma
1284 MERCURE DE FRANCE
ma Patrie ; triste habitante d'un Port de
Mer , où les Lettres sont , pour ainsi dire,
ignorées: J'y avois un compatriote, un illustre ami , M. Bouguer , ce Mathématicien fameux , que l'Académie des Sciences , qui l'a couronné trois fois , a reçu au
nombre de ses Membres , au grand contentement de ses Rivaux découragez ,
mais il n'est plus de notre païs ; le Havre
de Grace nous l'a envié , et il y professe
aujourd'hui l'Hydrographie ; nous avons
pourtant en son frere ,qui remplit sa place avec honneur , une digne portion de
lui-même. Le peu de réputation que j'ai
je ne la dois qu'à moi seule et à deux cens
volumes François , Grecs traduits , Latins
et Italiens, qui forment ma petite Bibliotheque. La nombreuse famille dans laquelle je suis née ( comme vous l'avez pâ
voir dans mon Ode , sur la mort de mon
pere ) ne me laisse point assez de superAlu pour faire le voyage de Paris. Cependant Baile , dans son Dictionaire, au mot
le Païs , veut que les Parisiens n'estiment
point un Ouvrage en notre langue , s'il
n'est conçu dans l'enceinte de leur Ville ,
ou du moins s'il n'y a reçu les derniers
coups de lime.
Après tout , les injures que vous dites
àla Poësie ne me paroissent pas des mieux
II. Vol. fondées
JUIN 17328 1285
fondées , s'il est vrai qu'en rimant en or,
vous ayez trouvé la Pierre Philosophale.
Je vous avouerai pourtant que cela ne me
paroît pas naturel ; il faut absolument
qu'il y entre de l'abracadabra, ou que vous
fassiez usage de partie des Sortileges dont
le Cavalier Marin nous a donné une longue liste , dans le 13 chant de l'Adone.
Suggelli , è Rombi , è Turbini , è figure.
Il y a même dans votre projet d'autant
plus de difficulté , que les rimes en or sont
tres-rares. Richelet , ce curieux trésorier
des mots , s'est épuisé à faire la recherche
de ces rimes dorées , et n'en a pû trouver
qu'environ une demie douzaine , si vous
en exceptez les noms propres
*
Vous voulez donc rimer en or ,
La rime en or est difficile ,
Et ne vous permet pas de prendre un libre es
sor ,
Mais sçavez-vous pourquoi cette rime est sté- rile ?
C'est qu'Apollon voyant qu'à la Cour,à la Ville,
Rarement à rimer on amasse un trésor ,
Ce Dieu prudent , jugea qu'il étoit inutile
De vouloir fabriquer tant de rimes en or.
J'ai de plus un avis à vous donner en
II. Vol.
amie , B iij
T286 MERCURE DE FRANCE
amie , qui est que si en rimant en or , vous avez le moyen de gagner de l'or , vous
vous donniez bien de garde de dire votre
secrettrop haut;les autres l'apprendroient,
et vous sçavez que le grand nombre d'ou
vriers fait diminuer le prix des marchandises.
Il me reste à vous parler de M. de la
Motte , dont votre Lettre m'a appris la
mort. J'ai remarqué dans les Livres de cet
Académicien , un esprit exact , un jugement profond , des pensées solides , avec
un certain air de probité qui ne regnoit
pas moins , nous dit on , dans son cœur ,
que dans ses. divers Ouvrages. Cette derniere qualité est sur tout estimable. Un
Auteur est exempt d'excuser son cœur en
accusant sa plume , comme fait Martiak
dans une Epigramme.
Est lasciva mihi pagina , vita proba.
Ce que Mainard a traduit si gaillardement , que la modestie de mon sexe ne
me permet pas de le citer , dautant que
l'obscenité est dans les termes. Parti tunicam prætende tegenda. Je ne sçaurois passer la grossiereté des expressions en quelque langue que ce soit , et ce défaut est
moins pardonnable aux François qu'aux
autres ; notre Nation surpassant en poliII. Vol.
tesse
JUIN. 1732.
1287
tesses les anciens Romains même. Il en est
des Vers comme d'une Lettre polie ; il
leur faut une enveloppe.Personne ne prise
plus que moi les Epigrammes de Rousseau ; je ne m'offense pas jusqu'à faire la
grimace , en lisant quantité de ces petites
Piéces , dont le sens est un peu libertin ,
mais je ne sçaurois souffrir celles où la pudeur est directement heurtée par les termes. Boileau , dans le 2 chant de son Art
Poëtique , ne permet point en notre langue ces libertez d'expression qu'il tolere
en Catule et en Pétronne.
Le Latin dans les mots brave l'honnêteté ,
Mais le Lecteur François veut être res pecté.
Ma façon d'écrire vous paroîtra singu
lieure , Monsieur ; je cours çà et là , sans
tenir de route certaine , et comme si j'érois enfoncée dans un Labirinte, je quitte
une allée pour en enfiler une autre je
m'égare , je retourne sur mes pas ; faisant
de cette maniere beaucoup de chemin ,
sans beaucoup avancer.
Or pour en revenir à M. de la Motte ,
après avoir loué ce que j'ai trouvé d'admirable en lui , dût - on me faire mont
procès , il faut que j'avoue ce qui m'a déplu. Je dis donc qu'il est trop gravement
II.Vol. Biiij moral
1288 MERCURE DE FRANCE
moral dans ses Odes , que son stile est
triste , que , que la Poësie languit dans ses Tragédies, que ses Fables ne sont point naïves , et que ce n'est que dans quelques endroits de ses Opéra que je découvre les
étincelles du beau feu qui caractérise le
Poëte. Le Quattrain qui suit , et que vous
citez dans votre Lettre , n'est pas de mon
goût , n'en déplaise aux Manes de M. de
la Motte.
»Vous loüez délicatement
"Une Piéce peu délicate ,
>> Permettez-moi que je la datte
- Du jour de votre compliment.
Je n'entends gueres ces quatre Vers ,
et il me paroît que le bon sens de M. de
la Motte a fait un faux pas en cette occasion. Vous me marquez qu'ayant lû une
Piece infiniment délicate , vous dites à M.
de la Motte qu'il falloit qu'elle fut de lui
ou de M. de Fontenelles que répond t- id
dans son Quattrain impromptu , sinon ,
1º. que cette Piéce qu'il avoit trouvée de
mauvais aloi auparavant , devient bonne,
parce que vous avez crû qu'elle étoit de
lui ou de M. de Fontenelle. 2°. Qu'elle
n'est bonne que du jour de votre compliment , et que c'est ce compliment qui
fait une partie de sa bonté. En verité cela
II. Vol. ne
JUIN. 1732. 1289
ne meparoît pas raisonnable.Mais ne passerai-je pas dans votre esprit , Monsieur ,
pour une indiscrete de déclarer mon sentiment avec tant de liberté sur un Auteur
aussi célebre que M.de la Motte ? Ne pas- serois - je pas même pour une ingrate , si
vous sçaviez que c'est lui qui m'a adressé
les quatre Vers que vous avez peut- être
lû dans le Mercure de Janvier, page 75.
qu'y faire ? Je suis femme , et par conséquent peu maîtresse de me taire. De plus
j'ai vu le jour au milieu d'une nation, dont
la naïveté et la franchise ont toujours été
le partage. Mais il me souvient que vous
m'engagez sur la fin de votre Lettre à faire l'Epitaphe de M. de la Motte , je le devrois , ne fusse que pour me vanger de sa
politesse , je le devrois , je ne le puis. Cependant , attendez , révons un moment;
foy de Bretonne.voici tout ce que je sçau.
rois tirer de mon petit cerveau.
Cy git la Motte , dont le nom
Vola de Paris jusqu'à Rome ;
Etoit-il bon Poëte ? Non ,
Qu'importe Il étoit honnête homme,
Je ne doute point que cette Critique ne
souleve contre moiles trois quarts du Par
nasse. Les Partisans de M.de la Morte , et
peut-être vous-même me regarderez com
II.Vol. By me:
1290 MERCURE DE FRANCE
me une sacrilege. Ils diront qu'il ne m'appartient pas de mettre un pié profane dans le sanctuaire. Je commence par les :
avertir que je ne répondrai rien , c'est à- dire , que je me tairai si je le puis , sinon
on verra,furens quid fœmina possit. Eh !
depuis quand prétend- t- on ôter la liberté
de dire ce qu'on pense sur les Ouvrages
d'esprit?Les Loix de la critique sont comme celles de la Guerre ; il est permis de
tirer , mais il est défendu d'envenimer les
Bales. Pourquoi me feroit-on un crime
de prendre sur les Ouvrages de M. de la
Motte les mêmes droits qu'il s'est attribués sur ceux d'Homere, de Pindare, d'Anacréon , et des Latins et des François? Au
surplus si la critique est mal fondée , les
traits que lance le Censeur reviennent
sur lui. Si au contraire elle est judicieuse ,
les défauts qu'on fait appercevoir aux autres , servent à les corriger et à les rendre
amoureux du vrai beau et de la pure exactitude.
Je ne m'ennuye point avec vous , Monfeur , mais je crains que mes discours ne
'ous ennuyent; je ne dirai pas comme
Pascal, dans sa seiziéme Lettre:Je n'aifait
celle- ci plus longue que parce queje n'ai pas
eu le loisir de la faire plus courte. Je dirai
plutôt , comme dans sa huitiéme : Le pa- II.Vol.
Pier
JUIN. 1732. 1291
pier me manque toujours , et non pas les Passages et je ne fais cette Lettre si courte
que parce que je ne la veux pas faire plus
longue , dans la crainte que j'ai , ou que
sa prolixité ne la fasse rebuter de l'Auteur
du Mercure, ou que vous ne vous donniez
pas la peine dela lire jusqu'à la fin , et je
vous avoue que je vous en voudrois du
mal , d'autant plus que c'est ici que vous
trouverez ce que j'ai sur tout envie que
vous sçachiez , que je suis avec un parfait retour d'estime, Monsieur , votre treshumble , &c.
Au Croisic , ce 15 d'Avril , 1732.
la Vigne , à la Lettre que M Carrelet
de Hautefeuille lui a addressée dans le
Mercure de Janvier 1732. page 75.
Leine,Monsieur,de m'apportervos
E Seigneur Mercure s'est donné la
peine , Monsieur , de m'apporter vos
Poulets , vos Billets doux , vos Relations,
en un mot votre Lettre ; car cette Lettre
sçavante et polie renferme en elle toutes
ces especes', par les differentes matieres
qu'elle traitte , et par les tours ingénieux
dont elle est agréablement variée ; je me
Alatte aussi que ce fidele Messager , non
moins habile que gracieux , voudra bien
se charger de ma réponse.
Vous m'écrivez , Monsieur, qu'on vous
a volé ; vous ne pouviez vous addresser à
personne qui fut plus sensible à ce qui
vous touche, ni par conséquent plus portée à vous plaindre. Quoi ! Monsieur, on
K
II. Vol.
vous
JUIN. 1732. 1265
vous a volé ? On vous a volé , Monsieur?
Quel accident ! Quelle perfidie ! Quelle
cruauté ! Eh! que vous a- t - on volé ?
Grands Dieux ! Proh! Dii immortales ! Facinus indignum quod narras !
Ce n'est point deux Vers , une Strophe, un Madrigal, une Epigramme seulement: Ciel ! c'est sur une Ode entiere qu'on
a eu l'audace de mettre la main.
Le trait est noir ; oui , certes, et des plus
noirs. Ce sont- là de ces coups qu'un Poëte
supporte rarement avec patience, à moins
qu'il n'ait , comme vous , l'ame bourrée
d'une Jacque de Maille à la Stoïcienne.
Sans doute que le Voleur en faisant ce
larcin, s'étoit fondé sur ces deux premiers
Vers du 15 Chant de Roland le furieux.
Fù il vincer sempre mai laudabil cosa ,
Vinca si è per fortuna , o per ingegno.
L'Arioste me paroît avoir escroqué
cette pensée à Virgile , dans le 2. liv. de l'Enéïde.
Dolus an virtus , quis in hoste requirat ?
·
Cependant le voleur dont il s'agit ,' n'est
point pardonnable. C'est là mal interprêter la chose , et faire en matiere de
Lettres, ce que font les hérétiques en maII. Vol.
A v tiere
1266 MERCURE DE FRANCE
"
tiere de Religion, qui tournent et retournent certains Passages de tant de côtez
qu'ils leur trouvent à la fin un sens ambigu , et qui , quelque louche qu'il soit ,
leur paroît neanmoins d'accord avec leur
morale. Mais comme on ne les confond
ensuite , qu'en opposant citation contre
citation , authorité contre authorité , il
faut donc objecter aux Filoux du Parnasse
le sentiment d'un autre Italien. Auvertite
che voi vi vestite degli honori , e delle glorie
altrui , et v'attribuite quello che non è vostro. Voi sarete chiamati la cornacchia d'Esopo , et quello ch'è peggio , bisognerà restituire i furti con grandissimo scorno , e biasmo come suole intervenire a certi poetuzzi
moderni che alla scoperta rubbano a tutti ,
non rimanendo loro di proprio che la fatica , l'inchiestro , la carta , et il tempo gettato via.
Sérieusement , Monsieur , votre situation me paroît triste , et d'autant plus
qu'on ne croit pas toujours le plaignant
sur sa déposition. C'est vainement qu'il
dira , oui , Messieurs , je fis cette Strophe
un tel jour , à telle heure ; et la preuve ,
la voilà : Absorbé que j'étois dans la poëtique rêverie , je me rongeai les ongles
jusqu'au vif: Voyez - vous ? Regardez ,
ces deux doigts écorchez par le bout, sont
€
II. Vol. de
JUIN. 1732. 1267
de sûrs garans de la vérité de mes paroles.
Vains propos : Plus de la moitié de vos
juges ne sçauroient résoudre leurs doutes
et l'on balance toujours entre le proprié
taire et le voleur. Pour moi , si j'avois été
en votre place , j'aurois mis cent Mouches en campagne pour dénicher le Larron , et le faire sans délai convenir du
larcin.
J'aurois fait aussi- tot galopper sur sa trace
Le grand Prevôt du Parnasse,
Mais hélas ! que les choses sont aujourd'hui changées ; on insulte , on pille , on
brave Apollon sur son Thrône même.
La Marêchaussée du Pinde n'a plus la
force de cheminer. Plutus , le seul Plutus
sçait se faire obéïr , se faire craindre , se
faire rendre justice , et l'on prétend que
c'est lui qui la distribuë; quant aux Citoyens de la double Colline , l'équité ne
s'observe ni à leur égard , ni à l'égard de
leurs ouvrages. Un Financier au moyen
d'une douzaine de chiffres , voit pleuvoir à millier les Louis dans son Coffre
fort , et ce profit amené , ne sera souvent
le fruit que de quelques heures ; cependant un malheureux , nud jusqu'à la chemise,transsi defroid , demi mort de faim,
se glisse adroitement dans son Bureau ,
II. Vol A vj qu'il
1268 MERCURE DE FRANCE
qu'il écrême si peu que rien le superfluz
de son cher métail ; en court après , on
l'arrête , on l'emprisonne ; le coupable
n'est déja plus. Pourquoi ne poursuit- on
pas avec la même diligence et la même
sévérité les Voleurs des Ouvrages ingénieux ? L'Esprit est- il moins estimable
que l'or ?
Vilius argentum est auro , virtutibus aurum:
Un Financier a plutôt gagné vingt mil
le écus , qu'un Poëte n'a fait une belle:
Ode. Si le travail , si la difficulté donnele prix aux choses , les Métaux , les Diamans qui ne sont que de la bouë pétrifiée
et polie ensuite par l'Ouvrier , sont - ils
donc préférables aux pures et l'aborieuses
productions de l'ame.
Otempora! ô mores ! Depuis que les Boileaux , les Molieres , les Saint- Evremond,
ces Turennes , ces Condez du Parnasse
sont allez guerroyer dans les champs Eli-
-sées ; la licence et le désordre ont envahi le Païs des Lettres ; où la force manque, tout est toléré. Platon se détaille
en Comédies, les Lettres se composent en
Madrigaux , les Oraisons prétintaillées
sont toutes frisées d'antithéses , l'Historien passe avec rapidité sur la politique et
l'interressant , et se promene à pas comII.Vol.
ptez
JUIN. 17320 1269
ptez dans la région fleurie des descriptions , et passe de- là par une fausse porte
dans la grande contrée des digressions
vagues et inutiles.
Jugez , Monsieur , par la mauvaise humeur où je suis , combien votre malheur
m'a affligée ; ce qui redouble encore mon
chagrin, c'est d'apprendre de vous-même
que vous avez dit adieu au Parnasse.Quoi
le dépit d'avoir perdu une Ode , doit-il
vous porter à des extrémitez pareilles ?
La perte est réparable. Ne vous est-il pas
resté un Canif pour tailler votre Plume?
Mais avez-vous bien refléchi sur la résolution que vous vous imaginez avoir
prise ? Croyez-vous pouvoir tenir ferme
contre le penchant dont vous êtes l'esclave ? Je vous en défie , j'en ai dit tout autant que vous , cent et cent fois.
n'a
Verbaque pracipites diripuere noti.
J'ai trouvé que le feu Pere du Cerceau
pas eu tort d'écrire :
39 Qui fit des Vers , toujours des Vers fera,
C'est le Moulin qui moulut et moudra;
»Contre l'étoile il n'est dépit qui tienne ,
» Et je me cabre en vain contre la mienne.
Le P. du Cerceau a rendu par ces quaIL. Vol.
tre
1270 MERCURE DE FRANCE
tre Vers Marotiques , le Vers d'Horace
qui suit :
Naturam expellas furca tamen usque recurret.
Ce que je ne sçais quel autre a traduit
én deux Vers :
Quand , la Fourche à la main, nature on chase seroit >
Nature cependant toujours retourneroit.
Ovide , dont l'esprit est si fécond et si
délié , ce Poëte qui quelque sçavant qu'il
fut , devoit moins à l'Art qu'à la Nature. Ovide est forcé d'avouer que c'est en
vain qu'on tâche de combattre ce penchant imperieux.
At mihijam puero coelestia sacra placebant ,
Inque suum furtim Musa trahebat opus..
Sæpe Pater dixit , studium quid inutilè tentas ?
Moonides nullas ipse reliquit opes ,
Motus eram dictis , totoque Helicone relictor
Scribere conabar verba soluta modis,
Sponte sua carmen numeros veniebat adaptos
Quidquid tentabam scribere versus erat.………
Le Pere d'Ovide séche de chagrin de
voir son fils en proye à cette manie tirannique ; il ne néglige rien pour en rompre
les accès , il lui montre le vuide de cette
II. Vol. occu-
JUIN. 1732. 1271
Occupation aussi pénible qu'infructueuse.
L'exemple d'Homere qui vécut toujours
pauvre, malgré ses grands talens , lui sert
à prouver l'importante vérité de ses leçons salutaires. Il conseille , il commande, il prie , il menace, et s'emporte même
jusqu'à le maltraiter ; le fils paroît se rendre à la volonté du pere , et se croyant
déja le maître de sa passion , lui promet
de ne plus faire de Vers de sa vie.
•
C'est en Prose qu'il écrira désormais ,
le parti en est pris ; il faut que l'agréa
ble cede à l'utile , il n'y a plus à balancer.
En un mot , le voilà la plume à la main
résolu d'exécuter ce qu'il s'est proposé.
Mais qu'arrive-t- il ? La tête lui tourne , il
se figure écrire de la Prose, et ce sont des
Vers qui coulent sur le papier.
Quidquid tentabam scribere , versus erat.
Ovide ne péchoit point par ignorance,
et l'on a sans cesse répété depuis tant de
siècles , les deux Vers suivans , enfans de
sa veine : que l'esprit avoit été autrefois
plus précieux que l'or , mais qui dans le
temps présent , c'étoit être tout à-fait
barbare, que d'être entierement dépourvû des dons de la fortune.
Ingenium quondam fuerat preciosius auro.
II. Vol. Pour
1272 MERCURE DE FRANCE
Pour moi je crois que ce quondam , cet
autrefois , n'a jamais été.
At nunc barbaries grandis habere nihil.
Quant à ce Nunc , ce maintenant , je
crois qu'il a été de tout temps.C'est donc
en Ovide que la volonté est maîtrisée par
le temperament ; et c'est-là qu'on peut dire que le libre arbitre fait nauffrage.
Après tout , je conviens avec vous et
avec toutes les personnes sensées , que
quand on n'est pas né avec beaucoup de
bien, on doit tâcher d'arriver par les belles voyes à certaine fortune , à labri de
laquelle on puisse vivre à l'aise , et faire la
figure convenable à son rang.
Nil habet infelix paupertas durius in se
Quam quod ridiculos homines , facit.
La pauvreté est le plus grand des maux
qui soient sortis de la funeste Boëte de
Pandore , et l'on craint autant l'haleine
d'un homme qui n'a rien , que celle d'un
pestiferé.
Yo
Déplorons donc le sort de ceux qu'un
ascendant fatal attache à ce libertinage
d'esprit. Sénéque , ce Philosophe sentencieux , qu'on peut comparer au Rat hipo
crite , qui prêche la mortification dans
un Fromage de Hollande , ou à la four11. Vol.
mi,
JUIN. 1732. 1273
mi, qui fait l'éloge de l'abstinence, montée sur un tas de grain. Cet illustre Charlatan débitoit autrefois la morale austére,
qu'il nous a laissée dans ses Livres ; mais
y croyoit-on ? et pouvoit - on plutôt ne
pas mépriser un homme qui conseilloit
la sobriété , la bouche pleine , et la
vreté , tandis que ses coffres regorgeoient
de Richesses ? Nicolas de Palerme parloit
avec bien plus de sincerité , quand après
avoir lû un Livre, dans lequel on préténdoit que la pauvreté étoit un bien, il s'écria : Délivrez-moi d'un tel bien , ô mon
Dieu !
pauTravaillez , nous dit-on , divins éleves
des Muses , veillez , suez , frappez - vous
le front , mordez-vous les doigts , brisez
votre pupitre , au fort de votre entousiasme. Virum Musa beat. La gloire se
peut-elle achepter par trop de peines ?
Quel honneur! quel espoir que celui de se survivre éternellement à soi - même !
Erreur , folie , idée chimerique.
Gloria quantalibet quid erit , si gloria tantum est.
Ne vaut- il pas mieux vivre pendant
qu'on est en vie , et que l'on se sent vivre réellement : Homere , ce Chantre fameux , qui jadis entonnoit ses Rapsodies
sur les Ponts-Neufs des Villes de Gréce ;
II.Vol. en
1274 MERCURE DE FRANCE
en traîna- t-il de moins tristes jours , quoi
quele Supplément de Quinte- Curce nous
dise que ses Ouvrages se sont reposez
après sa mort , sous l'oreiller du Grand
Alexandre. On logea ses Poëmes dans des
Coffrets d'or , enrichis de Pierreries ; et
pendant qu'il vécut , à peine trouva- t- il
une Maison où se mettre à l'abri des injures de l'air ? Fecit enim nominis ejus claritas , ut quem virum rebus omnibus egentem nemo agnoverit , nunc multe Gracia ?
Urbes certatim sibi vindicent. Dante , dans
le 22 Chant du Purgatoire , désigne ainsi
cet illustre Poëter
QuelGreco
Chele Muse lattar più ch'altro mai.
Pour moi , je dis que si les Muses sont
des Nourrices , ce ne sont que des Nousrices séches ; leurs Nourrissons s'attendent
à recueillir un aliment qui les rassasie
mais au lieu de lait , ils n'en tirent que du
vent qui les fatigue et les extenue. Ceci
revient à l'endroit de votre Lettre , où
vous dites agréablement en Vers , que les
Poëtes ne moissonnent que du vent avec
leur plume. Ainsi je crois qu'on les peut
appeller des Instrumens à vent , qui ne
rendent que du vent , ne travaillent que
pour du vent , et ne sont récompensez
II. Volo que
JUIN. 1732. 1275 1
que de vent; disons donc avec Pétronne :
Heu! ast heu! utres inflati sumus , minoris
quàm Muscasumus, tamen aliquamvirtutem
habent , nos non pluris quam bulla. Voici
une Boutade de ma façon à ce sujet :
si le vent est la nourriture ,
Des Bourgeois malheureux du stérile Hélicon;.
Ils devroient , au lieu d'Apollon ,
Pour ne point manquer de Pâture ,
D'Eole le venteux , avoir fait leur Patron.
Plusieurs Singes du Docte Erasme , se
sont émancipez de nos jours , à faire divers éloges pointilleux , de l'Yvresse , du
Mensonge , de Rien , de quelque chose ,
et nombre d'autres bagatelles bizarres
dans le même goût; mais je n'en vois point
qui se plaisent à faire l'éloge de la Pauvreté; Paupertas habet scabiem. Juvenal ,
ce grondeur éternel , cet impitoïable censeur des mœurs de son siècle , ne sçauroits'empêcher de sortir de sa Philosophie , et
de soupirer après les biens de la fortune ;
il déteste la pauvreté, il déplore la misere
du Poëte Stace , et sa septiéme Satyre est
toute farcie de plaintes.
Frange miser calamos , vigilataque prælia dele ,
Quifacis in parva sublimia carmina cella ,
Ut dignus venias hederis et imagine macrâ :
II. Vol.
Spes
1276 MERCURE DE FRANCE
Spes nulla ulterior , didicit jam dives avarus
Tantum admirari, tantùm laudare disertos,
Ut pueri ,junonis avem.
Cette matiere est si- bien traitrée dans
cette Satyre, qu'elle mériteroit d'être rapportée toute entiere , si cet Auteur n'étoit entre les mains de tout le monde : La
pauvreté, dit-on, est la Mere des Arts.
Labor omnia vincit
Improbus, et duris urgens in rebus egestas.
Oui , la Mere des Arts mécaniques ; un
Manœuvre vit du travail de ses mains ;
mais les Poëmes ne se vendent point en
détail , si ce n'est chez les Marchands de
Drogues. Cette réfléxion me donne lieu de
rapporter la Parodie que j'ai faite de quelques-unes des belles Stances de Rousseau:
Que l'homme , &c.
Qu'un Livre est bien pendant sa vie
Un parfait miroir de douleurs
En naissant sous la Presse il crie ,
Et semble prévoir ses malheurs.
諾
Un Essain d'insolens Censeurs .
D'abord qu'il commence à paroître ,
<
II. Vol. En
JUIN. 1732. 1277
En dégoute les achepteurs ,
Qui le blament sans le connoître.
A la fin pour comble de maux ,
Un Droguiste qui s'en rend maître ,
En habille Poivre et Pruneaux ;
C'étoit bien la peine de naître.
On raconte que Zeuxis faisoit une telle
estime de ses peintures,que s'il ne les pouvoit bien vendre,il aimoit mieux les donner que d'en retirer un prix médiocre.
Les Auteurs n'ont point cette alternative,
et le Libraire s'imagine les trop payer encore , en leur donnant un petit nombre
d'Exemplaires. Il arrive même que le Libraire se ruine à force de faire gémir la
Presse. A qui donc se doit imputer la
cause d'un pareil dérangement? A la corruption du goût , au grand nombre de
Brochures ridicules , de Romans monstrueux qui s'impriment tous les jours , et
qui se vont effrontément placer dans la
Boutique, à côté des la Bruyeres, des Pascals , des Corneilles , des Molieres , des
Fénelons , des Rousseaux , des Voltaires ,
et des autres Ecrivains du premier Ordre.
Ce queje trouve de pis, c'est que tous ces
vils Auteurs communiquent leur Lépre
II, Vol. aux
178 MERCURE DE FRANCE
aux autres par le voisinage. L'Ignorance
vient ensuite , et sa main confondant
ce qu'il y a de pitoyable avec ce qu'il y a
d'exquis , recueille l'Ivraye, tandis qu'elle
néglige et qu'elle laisse le Froment le plus
pur. S'il y avoit des Protecteurs d'un certain esprit, qui sçussent peser les Ouvrages au poids du discernement , pour en
récompenser les Auteurs avec bonté et
justice , les mauvais tomberoient , et les
bons se multipliroient. Les Virgiles ne manquent point quand il y a des Méce- *
nas.C'est ce que dit Martial dans un Vers
de ses Epigrammes , et je me suis égayée
à paraphraser ce Vers en notre langue.
Sint Maecenates , non deerunt , Flacce , Marones.
Aujourd'hui les Seigneurs ne donnent
Aux Doctes ni maille ni sou ,
Par quoi pour aller au Perou ,
Beaux Esprits , Parnasse abandonnent
Mais quand les Mécenas , foisonnent ,
De Virgiles on trouve prou.
Virgile , l'Aigle des genies superieurs eut la satisfaction de voir son merite reconnu et recompensé. Servius rapporte ,
que les presens que lui firent Octave
Cesar et Mécenas, furent de si grande va
leur , que sa fortune monta en peu de
II.Vol. temps
JUIN. 1732. 1279
temps jusqu'à six mille Sesterces ; il étoit
aimé et honoré à Rome, il y avoit même
un Palais magnifique. Un jour il prononça en présence de l'Empereur et d'Octavie , mere de Marcellus , quelques Vers
de l'Enéïde ; quand il fut à l'endroit du
sixiéme Livre , où il parle de la mort de
Marcellus , d'une maniere si élégante et
si pathétique , le cœur d'Octavie en fut si
vivement touché , qu'elle tomba évanoüie , et revenant à soi , comme son évanoüissement l'avoit empêchée d'entendre
douze Vers , elle fit donner à Virgile dix
Sesterces par chaque. Quels présens n'at-on point fait depuis àSannazar ; et de
quel prix n'a-t- on point honoré sa belle
Epigramme sur la Ville de Venise ? Sa
reputation en imposoit tellement qu'il
suffisoit qu'une piéce passat pour sienne ,
pour être jugée excellente. Ce trait singulier a été remarqué par le Comte Baldessar Castiglione , dans son Courtisan.
Essendo appresentati alcuni versi sotto il no
ma del Sannazaro , à tulti par vero motto
excellenti , e furono laudati con la Meraviglie è esclamationi ; poi sapendosi per certo ,
che erano d'un altro , Persero subito la re
putatione , et par vero meno che mediocri.
Charles IX. aimoit les Lettres , mais il
étoit tres réservé dans ses récompenses.
II. Vol. Ce
1280 MERCURE DE FRANCE
les
Ce Prince , dit Brantome , aimoit fort les
Vers, et récompensoit ceux qui lui en présentoient , non pas tout à coup , disant que
Poëtes ressemblent les Chevaux , qu'ilfalloit
nourrir , non pas trop saouller , ni engraisser,
car après il ne valent plus rien. Je crois
que ni vous ni moi ne sommes trop contens de sa comparaison , et ce Prince s'étoit peut-être encore figuré qu'il en est
des Poëtes, comme des Maîtres de Danse,
qui , pour bien exercer leur Métier , doivent avoir la taille légere. Hélas ! pour
un petit nombre de Poëtes à qui la Fortune a fait part de ses faveurs ; combien
y en a- t il eu de malheureux,jusqu'à manquer du necessaire ? Consultez là- dessus
les mélanges d'Histoire et de Litterature
de Vigneul Marville. Parmi la multitude
des Sçavans infortunez dont il parle , je
me suis principalement attendrie sur la
déplorable condition du Tasse dont j'adore l'Aminte et la Jerusalem délivrée.
Le Tasse , dit ce Compilateur , étoit réduit à une si grande extrémité , qu'il fut
obligé d'emprunter un écu d'un ami pour
subsister pendant une semaine, et de prier
sa Chatte , par un joli Sonnet , de lui
prêter la nuit la lumiere de ses yeux , non
havendo candele per iscrivere i suoi versi. ·
Nous avons eu quelques Poëtes en France,
II. Vol. envers
JUIN. 1732. 1281
envers lesquels on a vû les Grands signader leur goût , ou plutôt leur caprice ; et
Desportes est plus célebre aujourd'hui par
les pensions et les présens qui lui furent
faits , que par ses Poësies.
Le jugement de l'Homme , ou plutôt son caprice,
Pour quantité d'esprits , n'a que de l'injustice.
Cor. la Gal. du Pal. act. 1. sect. 7. ,
Chapelain , dont on peut dire qu'il nâquit parfaitement coiffé, quoique suivant
la Parodie de Despréaux , il ne porta jamais qu'une vieille Tignasse : Chapelain
eut plus de bonheur que nul autre ; car
il se vit payé par avance , de l'intention
qu'il avoit de donner un Poëme excellent;
joüit pendant vingt ans d'une grosse
pension , et son intention mal exécutée
le rendit à la fin possesseur d'une fortune
considérable , tandis que Corneille et Patru pouvoient à peine fournir aux besoins
dont la nature nous a faits les esclaves.
·
D'autres Auteurs ont vû le fruit de
leurs veilles se borner aux attentions, aux
caresses des Grands . Cela flatte d'abord la
vanité ; mais de retour chez soi , on n'y est
pas un instant , sans en appercevoir le
vuide dans toute son étenduë. Trente
baisers , plus doux encore que celui dont
II.Vol B Mar-
1282 MERCURE DE FRANCE
Marguerite d'Ecosse régala Alain Chartier , ne feront point une vie gracieuse à
un Poëte , si l'on s'en tient aux démonstrations extérieures. On n'est point avare
à notre égard de complimens et de ceremonies , et l'on nous traite à la façon des
Morts , avec de l'eau benite. Peut - être
aussi que les bons Poëtes ayant été comparez aux Cigales , par quelques Anciens ,
car les mauvais leur ont été comparez
par d'autres ) on s'est figuré , que comme
elles , ils ne doivent vivre que de rosée.
Hoggi è fatta ( ô secolo inhumano
L'Arte del Poetar troppo infelice
Tuto nido , esca dolce , aura cortese,
Bramano i cigni , è non si vàin Parnasso ,
Con le cure mordaci, è chi pur garre ,
Semper col suo destino , è col disagio ,
Vien roco , è perde il canto , è lafavella.
GUARINI.
Mais , ne direz-vous pas , Monsieur , en
lisant ma longue Lettre , que c'est moi
qui pour mon babil , dois être mise en
parallele avec les Cigales de la derniere
espece ; j'en conviens avec vous , et je ne
nie pas que je ne scis de mon sexe tout
comme une autre,Prenez donc encore une
prise de Tabac pour vous réveiller et vous
II.Vol. forti-
JUIN. 1732. 1283
fortifier un peu contre l'ennui que vous
pourroient causer quelques lignes qu'il
me reste à écrire.
J'en reviens à l'adieu que vous prétendez dire aux neufSœurs ; permettez- moi
de vous assurer derechef¸ que c'est en
vain que vous vous le persuadez ; vous
ferez comme le Poëte Mainard , vous ré.
péterez inutilement , en prenant congé d'elles :
Je veux pourtant quitter leur bande ,
L'Art des Vers est un art divin , '
Mais leur prix est une Guirlande ,
Qui vaut moins qu'un bouchon à vin.
Vos efforts révolteront votre penchant
contre vous , et ne serviront qu'à rendre
sa rebellion plus opiniâtre; votre raison
même trop amoureuse de la rime , n'entendra plus vos cris , et ne pourra se résoudre à faire divorce avec elle. Mais
Monsieur, vous vous plaignez d'avoir été
dolié par la nature d'un mérite inutile an
bonheur de votre vie : Vous vous plaignez ! Eh, croyez vous être le seul à qui
la cruauté du sort a laissé le droit de le
maudire. Ma situation , par exemple, n'estelle point encore plus fâcheuse que la vô
tre? Je ne suis jamais sortie de ma Province,
presque toujours exilée dans le sein de
II.Vol. Bij ma
1284 MERCURE DE FRANCE
ma Patrie ; triste habitante d'un Port de
Mer , où les Lettres sont , pour ainsi dire,
ignorées: J'y avois un compatriote, un illustre ami , M. Bouguer , ce Mathématicien fameux , que l'Académie des Sciences , qui l'a couronné trois fois , a reçu au
nombre de ses Membres , au grand contentement de ses Rivaux découragez ,
mais il n'est plus de notre païs ; le Havre
de Grace nous l'a envié , et il y professe
aujourd'hui l'Hydrographie ; nous avons
pourtant en son frere ,qui remplit sa place avec honneur , une digne portion de
lui-même. Le peu de réputation que j'ai
je ne la dois qu'à moi seule et à deux cens
volumes François , Grecs traduits , Latins
et Italiens, qui forment ma petite Bibliotheque. La nombreuse famille dans laquelle je suis née ( comme vous l'avez pâ
voir dans mon Ode , sur la mort de mon
pere ) ne me laisse point assez de superAlu pour faire le voyage de Paris. Cependant Baile , dans son Dictionaire, au mot
le Païs , veut que les Parisiens n'estiment
point un Ouvrage en notre langue , s'il
n'est conçu dans l'enceinte de leur Ville ,
ou du moins s'il n'y a reçu les derniers
coups de lime.
Après tout , les injures que vous dites
àla Poësie ne me paroissent pas des mieux
II. Vol. fondées
JUIN 17328 1285
fondées , s'il est vrai qu'en rimant en or,
vous ayez trouvé la Pierre Philosophale.
Je vous avouerai pourtant que cela ne me
paroît pas naturel ; il faut absolument
qu'il y entre de l'abracadabra, ou que vous
fassiez usage de partie des Sortileges dont
le Cavalier Marin nous a donné une longue liste , dans le 13 chant de l'Adone.
Suggelli , è Rombi , è Turbini , è figure.
Il y a même dans votre projet d'autant
plus de difficulté , que les rimes en or sont
tres-rares. Richelet , ce curieux trésorier
des mots , s'est épuisé à faire la recherche
de ces rimes dorées , et n'en a pû trouver
qu'environ une demie douzaine , si vous
en exceptez les noms propres
*
Vous voulez donc rimer en or ,
La rime en or est difficile ,
Et ne vous permet pas de prendre un libre es
sor ,
Mais sçavez-vous pourquoi cette rime est sté- rile ?
C'est qu'Apollon voyant qu'à la Cour,à la Ville,
Rarement à rimer on amasse un trésor ,
Ce Dieu prudent , jugea qu'il étoit inutile
De vouloir fabriquer tant de rimes en or.
J'ai de plus un avis à vous donner en
II. Vol.
amie , B iij
T286 MERCURE DE FRANCE
amie , qui est que si en rimant en or , vous avez le moyen de gagner de l'or , vous
vous donniez bien de garde de dire votre
secrettrop haut;les autres l'apprendroient,
et vous sçavez que le grand nombre d'ou
vriers fait diminuer le prix des marchandises.
Il me reste à vous parler de M. de la
Motte , dont votre Lettre m'a appris la
mort. J'ai remarqué dans les Livres de cet
Académicien , un esprit exact , un jugement profond , des pensées solides , avec
un certain air de probité qui ne regnoit
pas moins , nous dit on , dans son cœur ,
que dans ses. divers Ouvrages. Cette derniere qualité est sur tout estimable. Un
Auteur est exempt d'excuser son cœur en
accusant sa plume , comme fait Martiak
dans une Epigramme.
Est lasciva mihi pagina , vita proba.
Ce que Mainard a traduit si gaillardement , que la modestie de mon sexe ne
me permet pas de le citer , dautant que
l'obscenité est dans les termes. Parti tunicam prætende tegenda. Je ne sçaurois passer la grossiereté des expressions en quelque langue que ce soit , et ce défaut est
moins pardonnable aux François qu'aux
autres ; notre Nation surpassant en poliII. Vol.
tesse
JUIN. 1732.
1287
tesses les anciens Romains même. Il en est
des Vers comme d'une Lettre polie ; il
leur faut une enveloppe.Personne ne prise
plus que moi les Epigrammes de Rousseau ; je ne m'offense pas jusqu'à faire la
grimace , en lisant quantité de ces petites
Piéces , dont le sens est un peu libertin ,
mais je ne sçaurois souffrir celles où la pudeur est directement heurtée par les termes. Boileau , dans le 2 chant de son Art
Poëtique , ne permet point en notre langue ces libertez d'expression qu'il tolere
en Catule et en Pétronne.
Le Latin dans les mots brave l'honnêteté ,
Mais le Lecteur François veut être res pecté.
Ma façon d'écrire vous paroîtra singu
lieure , Monsieur ; je cours çà et là , sans
tenir de route certaine , et comme si j'érois enfoncée dans un Labirinte, je quitte
une allée pour en enfiler une autre je
m'égare , je retourne sur mes pas ; faisant
de cette maniere beaucoup de chemin ,
sans beaucoup avancer.
Or pour en revenir à M. de la Motte ,
après avoir loué ce que j'ai trouvé d'admirable en lui , dût - on me faire mont
procès , il faut que j'avoue ce qui m'a déplu. Je dis donc qu'il est trop gravement
II.Vol. Biiij moral
1288 MERCURE DE FRANCE
moral dans ses Odes , que son stile est
triste , que , que la Poësie languit dans ses Tragédies, que ses Fables ne sont point naïves , et que ce n'est que dans quelques endroits de ses Opéra que je découvre les
étincelles du beau feu qui caractérise le
Poëte. Le Quattrain qui suit , et que vous
citez dans votre Lettre , n'est pas de mon
goût , n'en déplaise aux Manes de M. de
la Motte.
»Vous loüez délicatement
"Une Piéce peu délicate ,
>> Permettez-moi que je la datte
- Du jour de votre compliment.
Je n'entends gueres ces quatre Vers ,
et il me paroît que le bon sens de M. de
la Motte a fait un faux pas en cette occasion. Vous me marquez qu'ayant lû une
Piece infiniment délicate , vous dites à M.
de la Motte qu'il falloit qu'elle fut de lui
ou de M. de Fontenelles que répond t- id
dans son Quattrain impromptu , sinon ,
1º. que cette Piéce qu'il avoit trouvée de
mauvais aloi auparavant , devient bonne,
parce que vous avez crû qu'elle étoit de
lui ou de M. de Fontenelle. 2°. Qu'elle
n'est bonne que du jour de votre compliment , et que c'est ce compliment qui
fait une partie de sa bonté. En verité cela
II. Vol. ne
JUIN. 1732. 1289
ne meparoît pas raisonnable.Mais ne passerai-je pas dans votre esprit , Monsieur ,
pour une indiscrete de déclarer mon sentiment avec tant de liberté sur un Auteur
aussi célebre que M.de la Motte ? Ne pas- serois - je pas même pour une ingrate , si
vous sçaviez que c'est lui qui m'a adressé
les quatre Vers que vous avez peut- être
lû dans le Mercure de Janvier, page 75.
qu'y faire ? Je suis femme , et par conséquent peu maîtresse de me taire. De plus
j'ai vu le jour au milieu d'une nation, dont
la naïveté et la franchise ont toujours été
le partage. Mais il me souvient que vous
m'engagez sur la fin de votre Lettre à faire l'Epitaphe de M. de la Motte , je le devrois , ne fusse que pour me vanger de sa
politesse , je le devrois , je ne le puis. Cependant , attendez , révons un moment;
foy de Bretonne.voici tout ce que je sçau.
rois tirer de mon petit cerveau.
Cy git la Motte , dont le nom
Vola de Paris jusqu'à Rome ;
Etoit-il bon Poëte ? Non ,
Qu'importe Il étoit honnête homme,
Je ne doute point que cette Critique ne
souleve contre moiles trois quarts du Par
nasse. Les Partisans de M.de la Morte , et
peut-être vous-même me regarderez com
II.Vol. By me:
1290 MERCURE DE FRANCE
me une sacrilege. Ils diront qu'il ne m'appartient pas de mettre un pié profane dans le sanctuaire. Je commence par les :
avertir que je ne répondrai rien , c'est à- dire , que je me tairai si je le puis , sinon
on verra,furens quid fœmina possit. Eh !
depuis quand prétend- t- on ôter la liberté
de dire ce qu'on pense sur les Ouvrages
d'esprit?Les Loix de la critique sont comme celles de la Guerre ; il est permis de
tirer , mais il est défendu d'envenimer les
Bales. Pourquoi me feroit-on un crime
de prendre sur les Ouvrages de M. de la
Motte les mêmes droits qu'il s'est attribués sur ceux d'Homere, de Pindare, d'Anacréon , et des Latins et des François? Au
surplus si la critique est mal fondée , les
traits que lance le Censeur reviennent
sur lui. Si au contraire elle est judicieuse ,
les défauts qu'on fait appercevoir aux autres , servent à les corriger et à les rendre
amoureux du vrai beau et de la pure exactitude.
Je ne m'ennuye point avec vous , Monfeur , mais je crains que mes discours ne
'ous ennuyent; je ne dirai pas comme
Pascal, dans sa seiziéme Lettre:Je n'aifait
celle- ci plus longue que parce queje n'ai pas
eu le loisir de la faire plus courte. Je dirai
plutôt , comme dans sa huitiéme : Le pa- II.Vol.
Pier
JUIN. 1732. 1291
pier me manque toujours , et non pas les Passages et je ne fais cette Lettre si courte
que parce que je ne la veux pas faire plus
longue , dans la crainte que j'ai , ou que
sa prolixité ne la fasse rebuter de l'Auteur
du Mercure, ou que vous ne vous donniez
pas la peine dela lire jusqu'à la fin , et je
vous avoue que je vous en voudrois du
mal , d'autant plus que c'est ici que vous
trouverez ce que j'ai sur tout envie que
vous sçachiez , que je suis avec un parfait retour d'estime, Monsieur , votre treshumble , &c.
Au Croisic , ce 15 d'Avril , 1732.
Fermer
Résumé : RÉPONSE DE Mlle de Malcrais de la Vigne, à la Lettre que Mr Carrelet de Hautefeüille lui a addressée dans le Mercure de Janvier 1732. page 75.
Mlle de Malerais de la Vigne répond à la lettre de M. Carrelet de Hautefeuille, publiée dans le Mercure de janvier 1732, exprimant sa surprise et sa sympathie après avoir appris qu'une ode lui a été volée. Elle compare ce vol à une perfidie et une cruauté, soulignant que les poètes supportent rarement de tels actes avec patience. Elle critique le voleur, le comparant à des hérétiques qui interprètent les textes à leur convenance. Elle déplore la situation actuelle où les auteurs ne sont pas protégés et où la justice n'est pas rendue de manière équitable. Mlle de Malerais de la Vigne évoque également la difficulté de prouver la propriété d'une œuvre volée, comparant cela à une situation judiciaire où le plaignant n'est pas toujours cru. Elle regrette que les auteurs ne soient pas défendus avec la même rigueur que les financiers. Elle critique la société actuelle où les lettres et les arts sont dévalorisés et où la licence et le désordre règnent. Elle exhorte M. Carrelet de Hautefeuille à ne pas abandonner la poésie, soulignant que le penchant pour l'écriture est irrésistible. Elle cite plusieurs auteurs, dont Ovide et Horace, pour illustrer cette idée. Elle conclut en déplorant le sort des poètes, souvent méprisés et mal récompensés, et en comparant les Muses à des nourrices sèches qui ne donnent que du vent. Le texte traite de la condition des poètes et de la pauvreté, souvent glorifiée mais difficile à vivre. Juvenal, malgré son cynisme, déplore la misère des poètes. La pauvreté est décrite comme la mère des arts mécaniques, mais les poèmes ne se vendent pas facilement. Le texte critique la corruption du goût et la prolifération de mauvais ouvrages qui nuisent aux bons auteurs. Il évoque également l'importance des mécènes, comme Mécène pour Virgile, et la reconnaissance tardive ou insuffisante des poètes. Des exemples historiques, comme le Tasse et Desportes, illustrent les difficultés financières des poètes. Le texte se termine par une réflexion sur la rarité des rimes en or et l'importance de garder secrets les moyens de réussite. Le texte est une lettre datée de juin 1732, dans laquelle l'auteur discute de la grossièreté des expressions dans la langue française, soulignant que les Français devraient surpasser les anciens Romains en politesse. L'auteur apprécie les épigrammes de Rousseau mais condamne celles qui heurtent la pudeur. Il critique également le style de M. de la Motte, le trouvant trop moral et triste dans ses odes, et manque de naïveté dans ses fables. L'auteur avoue ne pas apprécier un quatrain de M. de la Motte, le jugeant peu raisonnable. Elle exprime son sentiment librement, malgré la célébrité de M. de la Motte, et compose une épitaphe humoristique pour lui. Elle défend son droit à critiquer les œuvres d'esprit, comparant les lois de la critique à celles de la guerre. L'auteur conclut en espérant que sa lettre ne soit pas ennuyeuse et exprime son estime pour le destinataire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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89
s. p.
L'INGRATITUDE. ODE.
Début :
Quelle Furie au teint livide, [...]
Mots clefs :
Ingratitude, Furie, Lethé, Amitié, Gloire, Libérateur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'INGRATITUDE. ODE.
L'INGRATITUDE.
ODE.
Uelle Furie au teint livide ,
S'avance ici d'un air vainqueur !
Dans ses mains luit ce fer perfide ,
Qui d'Agrippine ouvrit le cœur
L'insensible Oubli , l'Insolence ,
Les sourdes Haînes en silence ,
Entourent ce Monstre effronté ,
Tandis qu'il boit dans une Coupe ,
A ij Que
1464 MERCURE DE FRANCE
Que remplit l'infernale Troupe ,
Des froides eaux du noir Lethé.
Ingratitude , à de tels signes ,
Kisément on te reconnoît ;
Comment sur tes fureurs insignes,
Phébus est-il resté muet ?
It'a trop long- temps épargnées
Sur toi , de ma Muse indignée ,
Je vais lancer les premiers traits
Heureux , même en souillant mes rimes,
Du récit honteux de tes crimes ,
Si j'en arrête le progrès.
;
Naissons-nous injustes et traitres ?
L'homme est ingrat dès le berceau;
Jeune, sçait-il aimer ses Maîtres
Leurs bienfaits lui sont un fardeau
Homme fait , il se plaît , il s'aime
Il rapporte tout à lui- même,
Présomptueux dans tout état ;
Vieux enfin , rendez- iui service ,
Selon lui , c'est une justice ;
11 vit superbe ; il meurt ingrat.
་
Parmi l'énorme multitude ,
Des vices qu'on aime , et qu'on suit,
Pourquoi
JUILLET. 1732 1465
Pourquoi garder l'Ingratitude ,
Vice sans douceur et sans fruit ?
Reconnoissance officieuse
Pour garder ta Loi précieuse ,
En coûte- t-il tant à nos cœurs?
Est- tu de ces Vertus severes ,
Qui par des reglės trop austeres ,
Tyrannisent leurs Sectateurs ?
Sans doute il est une autre cause,
De ce lâche oubli des bienfaits :
L'Amour- propre en secret s'oppose ,
A de reconnoissans effets ;
Par un ambitieux délire',
Croyant lui-même se sûffire ;
Voulant ne rien devoir qu'à lui ,
II craint dans la reconnoissance ,
Un témoin de son impuissance ,
Et du besoin qu'il eut d'autrui.
Pour rendre ta main bienfaisante ,
Et t'émouvoir à la pitié ,
L'ingrat à tes yeux se présente ,
Sous le manteau de l'Amitié
Il rampe , adulateur servile ;
Ases vœux deviens - tu facile ?
Ne crois pas en faire un ami ;
F
A iij Tristo
1466 MERCURE DE FRANCE
Triste retour d'un noble zele ,
Tu n'en as fait qu'un infidele ,
Peut être même un ennemi.
榮
Déja son œil fuit ton approche ,
Et ta presence est son bourreau ,
Pour être exempt de ce reproche ,
Il voudroit t'ouvrir le Tombeau ;
Monstre des Bois , Race farouche ,
On peut vous gagner , on vous touche
Vous sentez le bien qu'on vous fait ;
Seul , des Monstres le plus sauvage ,
L'Ingrat trouve un sujet de rage ,
Dans le souvenir d'un bienfait.
M
Mais n'est-ce point une chimere
Un phantôme que je combats ?
Fut-il jamais un caractere,
Marqué par des crimes si bas?
Oh Ciel! que n'est-ce une imposture !
A la honte de la Nature ,
Je vois que je n'ai rien outré ,
Je connois des cœurs que j'abhorré ,
Dont la noirceur surpasse encore ,
Ce que mes traits en ont montré.
Foibles, indigens que nous sommes ,
Chacun
JUILLET. 1732. 1467
Chacun seul ne se suffit point ;
Les bienfaits soutiennent les hommes ,
Par eux la Nature nous joint :
Elle forme des bons offices ,
Et des réciproques services ,.
Les nœuds de la Societé ;
Tout dépend de ce doux commerce.
L'ingratitude le renverse ;
C'est renverser l'humanité.
來
Pour prévenir ces ames viles ,
Faudra- t'il , Mortels bienfaisants
Que vos mains désormais stériles ,
Ne répandent plus de présens ?
Non ; leur dureté la plus noire ,
N'enleve rien à votre gloire ;
Il vaut mieux d'un soin génereux ,
Servir une foule coupable ,
Que de manquer un miserable ,
Dont vous pouvez faire un
M
heureux.
Des Dieux imitez les exemples
Dans vos dons desinteressez ;
Aucun n'est exclus de leurs Temples ;
Leurs bienfaits sur tous sont versez.
Le Soleil , qui dans sa carriere ,
Prête au vertueux sa lumiere ,
A iiij Le
1468 MERCURE DE FRANCE
Luit aussi pour le Scelerat ;
Le Ciel . cesseroit de répandre ,.
Les biens que l'homme en doit attendre ,
S'il en excluoit l'homme ingrat.
潞
Juste Thémis, contre un tel crime.,.
N'as-tu plus ni glaive ni voix ?
Que l'Ingrat n'est-il ta victime ,
Ainsi qu'il le fut autrefois !
Que ne reprens-tu dans notre âge ,
De ton antique Aréopage ,
L'équitable séverité !
L'Ingratitude étoit flétrie ,
Et souffroit loin de la Patrie,
Unexil trop bien mérité.
粥
Mais pourquoi te vantai- je , Athènes ,
Sur la justice de tes Loix ;
Quand par des rigueurs inhumaines .
Ta République en rompt les droits
Que de proscriptions ingrates !
Tes Miltiades , tes Socrates >
Sont livrez au plus triste sort ;
La méconnoissance et l'envie ,
Leur font de leur illustre vie ,
Un crime digne de la mort.
Ains
JUILLET. 1732. 1469
Ainsi parloit , fuyant sa Ville ,
Thémistocle aux Athéniens ;
» Tel qu'un Palmier qui sert d'azile ,
n
J'en sers à mes Concitoyens ;
»Pendant le Tonnerre et l'Orage ,
Sous mon impénetrable ombrage ,
»La peur des Foudres les conduit ;
"
»L'Orage cesse , on m'abandonne ,
»Et long- temps avant mon Automne ,
LaFoule ingrate abbat mon fruit.
讚
D'un cœur né droit , noble et sensible ,
Rien n'enflamme tant le courroux ,
Que l'Ingratitude infléxible ,
D'un traître qui se doit à nous ;
Sous vingt Poignards ( fin trop fatale ! }
Le Triomphateur de Pharsale ,
Voit ses jours vainqueurs abatus ;
Mais de tant de coups , le plus rude ;
Fut celui que l'Ingratitude ,
Porta par la main de Brutus,
讚
Mortels ingrats , ames féroces ,
Que mes sons puissent vous fléchir ;
Ou si de vos forfaits atroces ,
L'homme ne peut vous affranchir ; *
5
A v Que
1470 MERCURE DE FRANCE
Que les Animaux soient vos maîtres ;
O honte! ces stupides EstresSçavent-ils mieux l'Art des Humains
Oui , que Seneque vous apprenne ,
Ce qu'il admira dans l'Arêne
Des Amphithéatres Romains.
#
On lance un Lion , on l'anime ,
Contre un Esclave condamné ;
Mais à l'aspect de sa Victime
L'Animal recule étonné ;
Sa cruauté se change en joye ...
On déchaine sur cette Proye ,
D'autres Lions plus en courtoux :
Le premier , d'un cœur indomptable ,
Se met du parti du coupable ,
Et seul le deffend contre tous.
Autrefois , du Rivage More ,
Cet Esclave avoit fui les fers ;
Trouvant ce Lion jeune encore ,
Abandonné dans les Deserts ,
Il avoit nourri sa jeunesse ;
L'Animal , touché de tendresse ,
Reconnut son cher Bienfaicteur ;
Un instinct de reconnoissance ,
L'arma
JUILLET. I 1732.
147
L'arma si bien pour sa deffense ,
Qu'il sauva son Liberateur.
GRESSET.
A Tours , ce 26. Juin 1732.
ODE.
Uelle Furie au teint livide ,
S'avance ici d'un air vainqueur !
Dans ses mains luit ce fer perfide ,
Qui d'Agrippine ouvrit le cœur
L'insensible Oubli , l'Insolence ,
Les sourdes Haînes en silence ,
Entourent ce Monstre effronté ,
Tandis qu'il boit dans une Coupe ,
A ij Que
1464 MERCURE DE FRANCE
Que remplit l'infernale Troupe ,
Des froides eaux du noir Lethé.
Ingratitude , à de tels signes ,
Kisément on te reconnoît ;
Comment sur tes fureurs insignes,
Phébus est-il resté muet ?
It'a trop long- temps épargnées
Sur toi , de ma Muse indignée ,
Je vais lancer les premiers traits
Heureux , même en souillant mes rimes,
Du récit honteux de tes crimes ,
Si j'en arrête le progrès.
;
Naissons-nous injustes et traitres ?
L'homme est ingrat dès le berceau;
Jeune, sçait-il aimer ses Maîtres
Leurs bienfaits lui sont un fardeau
Homme fait , il se plaît , il s'aime
Il rapporte tout à lui- même,
Présomptueux dans tout état ;
Vieux enfin , rendez- iui service ,
Selon lui , c'est une justice ;
11 vit superbe ; il meurt ingrat.
་
Parmi l'énorme multitude ,
Des vices qu'on aime , et qu'on suit,
Pourquoi
JUILLET. 1732 1465
Pourquoi garder l'Ingratitude ,
Vice sans douceur et sans fruit ?
Reconnoissance officieuse
Pour garder ta Loi précieuse ,
En coûte- t-il tant à nos cœurs?
Est- tu de ces Vertus severes ,
Qui par des reglės trop austeres ,
Tyrannisent leurs Sectateurs ?
Sans doute il est une autre cause,
De ce lâche oubli des bienfaits :
L'Amour- propre en secret s'oppose ,
A de reconnoissans effets ;
Par un ambitieux délire',
Croyant lui-même se sûffire ;
Voulant ne rien devoir qu'à lui ,
II craint dans la reconnoissance ,
Un témoin de son impuissance ,
Et du besoin qu'il eut d'autrui.
Pour rendre ta main bienfaisante ,
Et t'émouvoir à la pitié ,
L'ingrat à tes yeux se présente ,
Sous le manteau de l'Amitié
Il rampe , adulateur servile ;
Ases vœux deviens - tu facile ?
Ne crois pas en faire un ami ;
F
A iij Tristo
1466 MERCURE DE FRANCE
Triste retour d'un noble zele ,
Tu n'en as fait qu'un infidele ,
Peut être même un ennemi.
榮
Déja son œil fuit ton approche ,
Et ta presence est son bourreau ,
Pour être exempt de ce reproche ,
Il voudroit t'ouvrir le Tombeau ;
Monstre des Bois , Race farouche ,
On peut vous gagner , on vous touche
Vous sentez le bien qu'on vous fait ;
Seul , des Monstres le plus sauvage ,
L'Ingrat trouve un sujet de rage ,
Dans le souvenir d'un bienfait.
M
Mais n'est-ce point une chimere
Un phantôme que je combats ?
Fut-il jamais un caractere,
Marqué par des crimes si bas?
Oh Ciel! que n'est-ce une imposture !
A la honte de la Nature ,
Je vois que je n'ai rien outré ,
Je connois des cœurs que j'abhorré ,
Dont la noirceur surpasse encore ,
Ce que mes traits en ont montré.
Foibles, indigens que nous sommes ,
Chacun
JUILLET. 1732. 1467
Chacun seul ne se suffit point ;
Les bienfaits soutiennent les hommes ,
Par eux la Nature nous joint :
Elle forme des bons offices ,
Et des réciproques services ,.
Les nœuds de la Societé ;
Tout dépend de ce doux commerce.
L'ingratitude le renverse ;
C'est renverser l'humanité.
來
Pour prévenir ces ames viles ,
Faudra- t'il , Mortels bienfaisants
Que vos mains désormais stériles ,
Ne répandent plus de présens ?
Non ; leur dureté la plus noire ,
N'enleve rien à votre gloire ;
Il vaut mieux d'un soin génereux ,
Servir une foule coupable ,
Que de manquer un miserable ,
Dont vous pouvez faire un
M
heureux.
Des Dieux imitez les exemples
Dans vos dons desinteressez ;
Aucun n'est exclus de leurs Temples ;
Leurs bienfaits sur tous sont versez.
Le Soleil , qui dans sa carriere ,
Prête au vertueux sa lumiere ,
A iiij Le
1468 MERCURE DE FRANCE
Luit aussi pour le Scelerat ;
Le Ciel . cesseroit de répandre ,.
Les biens que l'homme en doit attendre ,
S'il en excluoit l'homme ingrat.
潞
Juste Thémis, contre un tel crime.,.
N'as-tu plus ni glaive ni voix ?
Que l'Ingrat n'est-il ta victime ,
Ainsi qu'il le fut autrefois !
Que ne reprens-tu dans notre âge ,
De ton antique Aréopage ,
L'équitable séverité !
L'Ingratitude étoit flétrie ,
Et souffroit loin de la Patrie,
Unexil trop bien mérité.
粥
Mais pourquoi te vantai- je , Athènes ,
Sur la justice de tes Loix ;
Quand par des rigueurs inhumaines .
Ta République en rompt les droits
Que de proscriptions ingrates !
Tes Miltiades , tes Socrates >
Sont livrez au plus triste sort ;
La méconnoissance et l'envie ,
Leur font de leur illustre vie ,
Un crime digne de la mort.
Ains
JUILLET. 1732. 1469
Ainsi parloit , fuyant sa Ville ,
Thémistocle aux Athéniens ;
» Tel qu'un Palmier qui sert d'azile ,
n
J'en sers à mes Concitoyens ;
»Pendant le Tonnerre et l'Orage ,
Sous mon impénetrable ombrage ,
»La peur des Foudres les conduit ;
"
»L'Orage cesse , on m'abandonne ,
»Et long- temps avant mon Automne ,
LaFoule ingrate abbat mon fruit.
讚
D'un cœur né droit , noble et sensible ,
Rien n'enflamme tant le courroux ,
Que l'Ingratitude infléxible ,
D'un traître qui se doit à nous ;
Sous vingt Poignards ( fin trop fatale ! }
Le Triomphateur de Pharsale ,
Voit ses jours vainqueurs abatus ;
Mais de tant de coups , le plus rude ;
Fut celui que l'Ingratitude ,
Porta par la main de Brutus,
讚
Mortels ingrats , ames féroces ,
Que mes sons puissent vous fléchir ;
Ou si de vos forfaits atroces ,
L'homme ne peut vous affranchir ; *
5
A v Que
1470 MERCURE DE FRANCE
Que les Animaux soient vos maîtres ;
O honte! ces stupides EstresSçavent-ils mieux l'Art des Humains
Oui , que Seneque vous apprenne ,
Ce qu'il admira dans l'Arêne
Des Amphithéatres Romains.
#
On lance un Lion , on l'anime ,
Contre un Esclave condamné ;
Mais à l'aspect de sa Victime
L'Animal recule étonné ;
Sa cruauté se change en joye ...
On déchaine sur cette Proye ,
D'autres Lions plus en courtoux :
Le premier , d'un cœur indomptable ,
Se met du parti du coupable ,
Et seul le deffend contre tous.
Autrefois , du Rivage More ,
Cet Esclave avoit fui les fers ;
Trouvant ce Lion jeune encore ,
Abandonné dans les Deserts ,
Il avoit nourri sa jeunesse ;
L'Animal , touché de tendresse ,
Reconnut son cher Bienfaicteur ;
Un instinct de reconnoissance ,
L'arma
JUILLET. I 1732.
147
L'arma si bien pour sa deffense ,
Qu'il sauva son Liberateur.
GRESSET.
A Tours , ce 26. Juin 1732.
Fermer
Résumé : L'INGRATITUDE. ODE.
L'ode 'L'Ingratitude', publiée dans le Mercure de France en juillet 1732, décrit l'ingratitude comme une furie livide, entourée de l'oubli, de l'insolence et des haines sourdes, symbolisée par un monstre effronté buvant les eaux du Lethé. L'auteur exprime son indignation face à ce vice et explore la nature humaine, soulignant que l'homme est ingrat dès le berceau, jeune, adulte et vieillard. L'ingratitude est présentée comme un vice sans douceur ni fruit, contraire à la reconnaissance. L'amour-propre et l'ambition empêchent souvent les gens de reconnaître les bienfaits reçus. L'ode met en garde contre les faux amis qui, sous le manteau de l'amitié, cherchent à tirer profit des bienfaits sans reconnaissance. L'ingratitude est comparée à un monstre sauvage qui trouve de la rage dans le souvenir des bienfaits. Le texte aborde également la nécessité des bienfaits pour soutenir les hommes et former les liens de la société. L'ingratitude renverse l'humanité et menace la solidarité. Malgré les dangers de l'ingratitude, il est recommandé de continuer à faire le bien, imitant les exemples des dieux et de la nature. L'ode critique les injustices passées, comme les proscriptions ingrates à Athènes, et les trahisons, comme celle de Brutus envers César. Elle se termine par un appel à la reconnaissance et à la justice, illustré par l'exemple d'un lion reconnaissant envers son bienfaiteur.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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90
p. 1941-1953
IDYLLE. A M. de Fontenelle, de l'Academie Françoise, par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
Début :
Corisque. Vous m'aimez, Ménalis, à quoy sert ce langage? [...]
Mots clefs :
Fontenelle, Corisque, Ménalis, Coeur, Berger, Haine, Tendresse, Sentiment, Jardins, Gloire
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texteReconnaissance textuelle : IDYLLE. A M. de Fontenelle, de l'Academie Françoise, par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
IDYLL E.
A M. de Fontenelle , de l'Academie Françoise , par Me de Malcrais de la Vigne,
du Croisic en Bretagne.
Corisque.
Vous m'aimez, Ménalis ? à quoy sert ce langage ?
Ces mots étudiez , ces complimens polis ,
D'un esprit déguisé m'apportent le message ;
Mais le cœur s'adresse à Philis.
Finissons un discours dont la douceur m'outrage.'
Vos sermens dans les airs semez' ,
Je n'ai
Des Zephirs inconstans deviendront le partage ,
que trop d'égards pour un Berger volage;
Ce n'est pas moi que vous aimez.
Menalis.
Croyez-vous , après tout , puisque votre injustice
M'oblige à dévoiler les sentimens d'un cœur!
Qui s'exprime sans artifice ,
Vous figurez- vous que je puisse ,
Nepoint être sensible aux traits de votre humeur?
Vous m'aimez, je l'avoue , un instant par caprice;
Où pour me voir languir auprès de vos appas ,
Yous feignez de m'aimer, et vous ne m'aimez pss.
Cv Corisque
1942 MERCURE DE FRANCE
Corisque.
Hé bien, s'il est ainsi , sans se causer de peine ,
Ménalis , il vaut mieux pour toujours se quitter.
Ménalis.
Vous pensez m'allarmer > votre entreprise est
vaine ;
Je fuis , je pars , vos yeux me voudroient arrêter.
Corisque.
Mes yeux moi ? non.
· Ménalis.
Pourquoi rester donc la derniere a
Corisque.
Yous qui partez , pourquoi regarder par derriere?
Ménalis.
Adieu , Bergere , adieu , cœur ingrat et leger.
Corisque.
Adieu , perfide , adieu , témeraire Berger.
Ménalis.
Vous fuyez est- il vrai ? pouvez-vous ●● •
cruelle !
Me laisser si facilement !
Je ne m'éloignois seulement ,
• ah
Quepourvoir àquel point vous me seriez fidelle,
Revenez, cher objet que j'aime uniquement ;
Inflexible
SEPTEMBRE. 1732. 1943
Inflexible ! avec vous vous emportez mon ame.
Corisque.
Non, je n'emporte rien que mon cœur.
Ménalis.
Pour un autre Berger.
Tout en flamme
Corisque.
Non, trompeur , non , c'est toi ,
Qui m'ôtes lâchement le tribut de ta foi.
Ménalis.
Elle vole ; et le Fan timide ,
Par un bruit soudain effrayé ,
Fuit moins vîte où la peur le guide.
Zéphirs , opposez vous à sa course rapide ,
Vous, Ronces, qui bordez ce chemin peu frayé,
De grace enlassez - vous dans sa robbe flotante,
Afin de retenir ses pas ;
Mais prenez garde aussi qu'une pointe piquante ,
Ne blesse ses pieds délicats.
Devenez , s'il se peut , de coton sous sa trace.
Haliers , écartez -vous , moderez votre audace ,
Respectez son beau sang , ah cuels ! tout le mien
Seroit payé trop cher d'une goute du sien.
Je vous ai joint , enfin me voici hors d'haleine ;
UnEclair sur ses feux m'a porté jusqu'à vous ;
Cvj Adou
1944 MERCURE DE FRANCE
Adoucissez- vous , inhumaine ,
Calmez un injuste couroux.
Corisque.
Je te haïs , le dépit et les transports jaloux ,
Contre un Berger volage ónt allumé ma haine ;
Que ne puis-je à mon gré t'accabler sous ses coups!
Ménalis.
Vos funestes rigueurs rendent ma mort certaine
Du fer de ma houlette ouvrez , ouvrez mon sein;
Si sur lui vous daignez mettre un moment la
main,
Vous sentirez que ma tendresse ,
Vous porte tous ses sentimens ,
;
Et que mon cœur brulé dans ses chauds battemens ,
Repete Corisque sans cesse.
Ah! Corisque , Corisque , au moins apprenez-moi
Le forfait inconnu qui m'arrache à la vie.
Le coupable qui sçait pourquoi ,
Du plus affreux trépas , sa sentence est suivie ,
Par avance en lui-même obéït à la Loi.
Corisque.
2.
Mon ame en ta faveur , malgré moi s'est fléchie ,
Et monsecret échappe à ma langue affranchie ,
Mais après cet aveu , ne me parle jamais.
Te souvient-il de la journée ,
Où sous des Cerisiers épais
On celebroit d'Hilas l'agréable Hymenée !
On
SEPTEMBRE. 1732. 1945
Ménalis.
Quel brillant , ce jour-là , relevoit vos attraits !
L'Amour s'étoit peint dans VOS
Venus vous avoit amenée,
traits.
Les Roses et les Lys ....
Corisque.
Puisque tu m'interromps ;
Je me tais.
Ménalis.
Achevez ; les tourmens les plus prompts
Sont pour les malheureux la moitié de leur grace.
Corisque.
Le Soleil à la nuit , alloit ceder la place ;
Jusques-là sur le vert gazon ,
Tous les Amans colez auprès de leurs Amantes,
Les amusoient , assis en rond ,
Par des jeux differens et des farces galantes ;
Attendant à passer en cette âpre Saison ,
Du grand Astre enflammé qui jaunit la moisson,
La chaleur qui sembloit ce jour- là redoublée ;
Quand les tiedes Zéphirs soufflant dans les Ra- meaux ,
Le son joyeux des Chalumeaux ,
Sur le champ pour danser fit lever l'Assemblée.
Tu me donnas la main , et de l'autre aussi-tôt ,
Tu tiras Philis dans la Danse ,.
Tu lui parlois tout bas , et souvent ton silence ,
S'ex-
1946 MERCURE DE FRANCE
S'expliquoit plus qu'à demi mot ; *
Mais ce qui m'irrita , juste Ciel ! quand j'y
pense ....
Tu lui serras la main , et sans attention ,
Tu serras tant-soit- peu la mienne ,
Dirigeant autre part un œil plein d'action ;
Et tu te souviendrois qu'en cette occasion ,
Je fus prête à quitter la tienne ,
Si l'amoureuse émotion ,
T'avoit encor laissé quelque refléxion.
Ménalis.
Falloit-il que ma foi fût si - tôt soupçonnée ,
Que dis-je ? en un moment sans appel con- damnée ,
Si vous m'eussiez vraiment aimé ?
Vit-on une petite pluye ,
Quand le feu dans un Bois fut long- temps
allumé ,
Arrêter sur le champ le rapide incendie ?
Je parlois à Philis , et lui disois tout bas ,
Sans dessein lui pressant le bras ,
Et lui montrant Daphné , cette Etrangere ai
mable ,
Dont les Bergers font tant de cas ,
Regardez si Daphné , qu'enflent ses vains appas ,
Peut se croire à Corisque , à bon droit comparable ?
Corisque a dans un de ses yeux
Plus
SEPTEMBR E. 1732. 1947
Plus d'attraits que Daphné , dans sa personne
entiere.
Corisque.
Le parallele est glorieux ,
Tu m'honorois , Berger ; par son air , sa ma- niere ,
Daphné peut briller en tous lieux,
Ménalis à ton tour dis - moi sur quelle injure ,
Ton amour a fondé la nouvelle imposture ,
Des reproches que tu me fais ?
Ménalis.
Le souvenir en est trop frais ;
Mon doigt , en la touchant , aigriroit ma bles- sure ,
Et , peut - être , au surplus , que niant l'aven;
ture ,
Et , bravant mes justes douleurs ,
Vous vous offenseriez du sujet de mes pleurs.
Corisque.
Non , non , tu peux parler sans péril ; je t'assure
Que je rendrai injuſtice à ton sincere aveu ,
Tu devrois me connoître un peu ,
Et d'un cœur qui t'aimoit avoir meilleur augure.
Ménalis.
Avant-hier Mirtil conduisant son Troupeau ,
Cheminoit à pas lents sur la molle Prairie
Du
"
1948 MERCURE DE FRANCE
Du plus loin qu'il me vit , il montra son Cha- peau ,
Dont le Bouton s'ornoit de l'Œillet le plus beau ;
C'est , dit-il , de Corisque une galanterie ;
Ses faveurs ne sont pas pour moi du fruit nouveau.
Je Pen remerciai , je voulus le lui rendre ,
Mais son empressement me força de le prendre
Pour le dire en deux mots , Corisque et ses presens ,
Me sont assez indifferens.
Ace discours j'eus peine à cacher ma colere.
Cent fois agité dans l'esprit ,
Je fus prêts d'arracher cette fleur par dépit ;
Mais par respect pour vous , je m'abstins de le faire.
Corisque.
L'Efronté ce fut lui qui malgré moi la prit ;
J'en atteste Cloris , Célimene et Florise ,
Pour r'avoir cet Œillet , d'abord je l'attaquai
Par les moyens civils que l'usage authorise 3.
Sur son honneur je le piquai ,
>
Mais m'ayant mise à bout , alors je le brusquai ,
Comme on use à l'égard d'un Berger qu'on méprise.
J'éclatai , j'employai d'inutiles efforts ,
Dont le Scélérat osoit rire.
Que mesbras contre lui n'étoient-ils assez forts!
Dans
SEPTEMBRE. 1732. 1949
Dans les fougueux excès que la fureur inspire ,
Je lui dis , l'arrêtant , tout ce que je pus dire ;
Il m'échapa , le traitre , et quand il fut enfui ,.
Vainement , et très - loin , je courùs après-lui.
Cette fleur , dont les soins occupoient ma pensée ,
Avoit exprès pour toi la saison devancée ;-
Je l'allois visiter le matin et le soir ,
Et lui disois tout bas en tenant l'arrosoir ,
Croissez , aimable Eillet , et couronnant ma
peine ,
Pour le seul Ménalis réservez votre halcine.
Croissez , et que de mon Berger ,
Dont le cœur m'a promis de ne jamais changer
Puisse ainsi croître la tendresse !
Dès qu'ils seront épanouis...
Mos apas en un jour seront évanouis 2.
Mais son feu durera sans cesse.
Ménalis.
J'accusois donc à tort votre fidélité !
Mirtil par sa malignité ,
Me rendoit moi-même infidéle !
Que d'un vif repentir , je me sens tourmenté !
Vous en croirai- je ? O Dieux ! quoi mon cœur se rappelle ,
De ses premiers soupçons , l'allarme criminelle?
Aux Amans , par un sort contraire à leurs dê- sirs,
Dans
1950 MERCURE DE FRANCE
ļ
Dans le sein même des plaisirs ,
L'inquiétude est naturelle .
Permettez qu'à vos pieds , mes sanglots , mes
soupirs...
Corisque.
Léve- toi, Méñalis , que les Vents , et la Grêle
Puissent ravager , si je mens ;
L'esperance , hêlas ! rare , et frêle
De nos Jardins et de nos Champs.
Mais moi , dois-je , à tes assurances ,
Livrer de ses soupçons mon esprit revenu ?
M'offrirois- tu les apparences ,
D'un amour autre part , peut-être retenu ?
Ménalis.
Ciel ? que Pan courroucé , laisse ma Bergerie ,
En Proye, aux Loups impétueux !
Puissai-je sous mes pas , foulant l'herbe fleurie
Ne rencontrer qu'Aspics , qu'Animaux veni- meux. ..
Corisque.
Arrête , Berger , je te prie ,
C'en est trop; la bonté des Dieux ,
S'offenseroit de la furie ,
De tes sermens audacieux.
Je te crois; je vais même en coucher sur ta levre »
Le gage apétissant d'un baiser gracieux.
Ménalis:
SEPTEMBRE. 1732. 1951
Ménalis.
Le Miel du Mont Himette est moins délicieux.
Suis- je icy ? Me trompai- je ? Ah votre amou»
me sevre ,
Trop-tôt d'un bien précieux ,
Le baiser apprêté , dont la brillante Flore ,
Enivre son Zéphir de ses charmes épris ,
Celui dont la naissante Aurore ,
Régale l'Epoux de Procris ,
Les baisers de Diane , et tous ceux de Cypris ,
Au vôtre comparez sont languissans encore ,
Mais souffrez qu'au lieu d'un , je vous en rende deux.
Le Dieu , qui pour Psiché , jadis sentit éclore
Le germe impatient ? Des désirs amoureux ,
Se plaît en nombre impair , à seconder nos -jeux.
Corisque.
Ah ! dans mon cœur brulant , j'ai Paphos et Ci- there :
Berger , mon cher Berger , je ne suis plus à
moi ,
Mais que dis-je ! Est- il temps de garder du mys- tere ?
Tu me montres assez que je suis toute à toi.
Ainsi se réconcilierent ,
Corisque et Ménalis imprudemment fâchez ;
Et les chaînes qui les lierent ,
Re-
1952 MERCURE DE FRANCE
Retinrent à jamais leurs deux cœurs attachez ;
Les tendres Rossignols dans les Rameaux ca- chez ,
Jaloux des douceurs qu'ils goûterent ,
Les virent et les imiterent ,
Et leurs petits goziers , sans être interrompus ,
La nuit suivante repeterent
Et leurs propres plaisirs , et ceux. qu'ils avoient
vûs.
Fontenelle , la gloire et l'honneur de notre âge ,
Toi , qui par des talens divers ,
As fait voir de nos jours que la Prose , et les Vers' ,
Sur les siècles passez , remportent l'avantage ;
Suspens tes illustres emplois ,
Pour entendre un moment mon rustique Haut- bois ,
Je lis et je relis tes Eglogues sans cesse ,
Et les admire à chaque fois.
Tes Bergers par un tour de ta subtile adresse ,
Sont moins fardez , moins pointilleux,
Que ceux dont en ses Vers doux , faciles , heu- reux ,
Racan fit parler la tendresse ,
Quoique ceux de Ségrais soient galans , ingénus,
Ils sont trop copiez , et de Rome , et de Grèce ,
Leur style un peu rude me blesse ,
Et leurs discours par tout ne sont pas soutenus ,
Des
SEPTEMBRE. 1732. 1953
Des tiens je prise beaucoup plus ,
L'originale politesse .
N'ont-ils pas réüni tous les suffrages dûs
A leur douce délicatesse ?
Les miens dépourvûs d'agrément ,
N'entreront point en parallele ;
Il seront trop fiers seulement ,
S'ils attirent les yeux du Sçavant Fontenelle,
A M. de Fontenelle , de l'Academie Françoise , par Me de Malcrais de la Vigne,
du Croisic en Bretagne.
Corisque.
Vous m'aimez, Ménalis ? à quoy sert ce langage ?
Ces mots étudiez , ces complimens polis ,
D'un esprit déguisé m'apportent le message ;
Mais le cœur s'adresse à Philis.
Finissons un discours dont la douceur m'outrage.'
Vos sermens dans les airs semez' ,
Je n'ai
Des Zephirs inconstans deviendront le partage ,
que trop d'égards pour un Berger volage;
Ce n'est pas moi que vous aimez.
Menalis.
Croyez-vous , après tout , puisque votre injustice
M'oblige à dévoiler les sentimens d'un cœur!
Qui s'exprime sans artifice ,
Vous figurez- vous que je puisse ,
Nepoint être sensible aux traits de votre humeur?
Vous m'aimez, je l'avoue , un instant par caprice;
Où pour me voir languir auprès de vos appas ,
Yous feignez de m'aimer, et vous ne m'aimez pss.
Cv Corisque
1942 MERCURE DE FRANCE
Corisque.
Hé bien, s'il est ainsi , sans se causer de peine ,
Ménalis , il vaut mieux pour toujours se quitter.
Ménalis.
Vous pensez m'allarmer > votre entreprise est
vaine ;
Je fuis , je pars , vos yeux me voudroient arrêter.
Corisque.
Mes yeux moi ? non.
· Ménalis.
Pourquoi rester donc la derniere a
Corisque.
Yous qui partez , pourquoi regarder par derriere?
Ménalis.
Adieu , Bergere , adieu , cœur ingrat et leger.
Corisque.
Adieu , perfide , adieu , témeraire Berger.
Ménalis.
Vous fuyez est- il vrai ? pouvez-vous ●● •
cruelle !
Me laisser si facilement !
Je ne m'éloignois seulement ,
• ah
Quepourvoir àquel point vous me seriez fidelle,
Revenez, cher objet que j'aime uniquement ;
Inflexible
SEPTEMBRE. 1732. 1943
Inflexible ! avec vous vous emportez mon ame.
Corisque.
Non, je n'emporte rien que mon cœur.
Ménalis.
Pour un autre Berger.
Tout en flamme
Corisque.
Non, trompeur , non , c'est toi ,
Qui m'ôtes lâchement le tribut de ta foi.
Ménalis.
Elle vole ; et le Fan timide ,
Par un bruit soudain effrayé ,
Fuit moins vîte où la peur le guide.
Zéphirs , opposez vous à sa course rapide ,
Vous, Ronces, qui bordez ce chemin peu frayé,
De grace enlassez - vous dans sa robbe flotante,
Afin de retenir ses pas ;
Mais prenez garde aussi qu'une pointe piquante ,
Ne blesse ses pieds délicats.
Devenez , s'il se peut , de coton sous sa trace.
Haliers , écartez -vous , moderez votre audace ,
Respectez son beau sang , ah cuels ! tout le mien
Seroit payé trop cher d'une goute du sien.
Je vous ai joint , enfin me voici hors d'haleine ;
UnEclair sur ses feux m'a porté jusqu'à vous ;
Cvj Adou
1944 MERCURE DE FRANCE
Adoucissez- vous , inhumaine ,
Calmez un injuste couroux.
Corisque.
Je te haïs , le dépit et les transports jaloux ,
Contre un Berger volage ónt allumé ma haine ;
Que ne puis-je à mon gré t'accabler sous ses coups!
Ménalis.
Vos funestes rigueurs rendent ma mort certaine
Du fer de ma houlette ouvrez , ouvrez mon sein;
Si sur lui vous daignez mettre un moment la
main,
Vous sentirez que ma tendresse ,
Vous porte tous ses sentimens ,
;
Et que mon cœur brulé dans ses chauds battemens ,
Repete Corisque sans cesse.
Ah! Corisque , Corisque , au moins apprenez-moi
Le forfait inconnu qui m'arrache à la vie.
Le coupable qui sçait pourquoi ,
Du plus affreux trépas , sa sentence est suivie ,
Par avance en lui-même obéït à la Loi.
Corisque.
2.
Mon ame en ta faveur , malgré moi s'est fléchie ,
Et monsecret échappe à ma langue affranchie ,
Mais après cet aveu , ne me parle jamais.
Te souvient-il de la journée ,
Où sous des Cerisiers épais
On celebroit d'Hilas l'agréable Hymenée !
On
SEPTEMBRE. 1732. 1945
Ménalis.
Quel brillant , ce jour-là , relevoit vos attraits !
L'Amour s'étoit peint dans VOS
Venus vous avoit amenée,
traits.
Les Roses et les Lys ....
Corisque.
Puisque tu m'interromps ;
Je me tais.
Ménalis.
Achevez ; les tourmens les plus prompts
Sont pour les malheureux la moitié de leur grace.
Corisque.
Le Soleil à la nuit , alloit ceder la place ;
Jusques-là sur le vert gazon ,
Tous les Amans colez auprès de leurs Amantes,
Les amusoient , assis en rond ,
Par des jeux differens et des farces galantes ;
Attendant à passer en cette âpre Saison ,
Du grand Astre enflammé qui jaunit la moisson,
La chaleur qui sembloit ce jour- là redoublée ;
Quand les tiedes Zéphirs soufflant dans les Ra- meaux ,
Le son joyeux des Chalumeaux ,
Sur le champ pour danser fit lever l'Assemblée.
Tu me donnas la main , et de l'autre aussi-tôt ,
Tu tiras Philis dans la Danse ,.
Tu lui parlois tout bas , et souvent ton silence ,
S'ex-
1946 MERCURE DE FRANCE
S'expliquoit plus qu'à demi mot ; *
Mais ce qui m'irrita , juste Ciel ! quand j'y
pense ....
Tu lui serras la main , et sans attention ,
Tu serras tant-soit- peu la mienne ,
Dirigeant autre part un œil plein d'action ;
Et tu te souviendrois qu'en cette occasion ,
Je fus prête à quitter la tienne ,
Si l'amoureuse émotion ,
T'avoit encor laissé quelque refléxion.
Ménalis.
Falloit-il que ma foi fût si - tôt soupçonnée ,
Que dis-je ? en un moment sans appel con- damnée ,
Si vous m'eussiez vraiment aimé ?
Vit-on une petite pluye ,
Quand le feu dans un Bois fut long- temps
allumé ,
Arrêter sur le champ le rapide incendie ?
Je parlois à Philis , et lui disois tout bas ,
Sans dessein lui pressant le bras ,
Et lui montrant Daphné , cette Etrangere ai
mable ,
Dont les Bergers font tant de cas ,
Regardez si Daphné , qu'enflent ses vains appas ,
Peut se croire à Corisque , à bon droit comparable ?
Corisque a dans un de ses yeux
Plus
SEPTEMBR E. 1732. 1947
Plus d'attraits que Daphné , dans sa personne
entiere.
Corisque.
Le parallele est glorieux ,
Tu m'honorois , Berger ; par son air , sa ma- niere ,
Daphné peut briller en tous lieux,
Ménalis à ton tour dis - moi sur quelle injure ,
Ton amour a fondé la nouvelle imposture ,
Des reproches que tu me fais ?
Ménalis.
Le souvenir en est trop frais ;
Mon doigt , en la touchant , aigriroit ma bles- sure ,
Et , peut - être , au surplus , que niant l'aven;
ture ,
Et , bravant mes justes douleurs ,
Vous vous offenseriez du sujet de mes pleurs.
Corisque.
Non , non , tu peux parler sans péril ; je t'assure
Que je rendrai injuſtice à ton sincere aveu ,
Tu devrois me connoître un peu ,
Et d'un cœur qui t'aimoit avoir meilleur augure.
Ménalis.
Avant-hier Mirtil conduisant son Troupeau ,
Cheminoit à pas lents sur la molle Prairie
Du
"
1948 MERCURE DE FRANCE
Du plus loin qu'il me vit , il montra son Cha- peau ,
Dont le Bouton s'ornoit de l'Œillet le plus beau ;
C'est , dit-il , de Corisque une galanterie ;
Ses faveurs ne sont pas pour moi du fruit nouveau.
Je Pen remerciai , je voulus le lui rendre ,
Mais son empressement me força de le prendre
Pour le dire en deux mots , Corisque et ses presens ,
Me sont assez indifferens.
Ace discours j'eus peine à cacher ma colere.
Cent fois agité dans l'esprit ,
Je fus prêts d'arracher cette fleur par dépit ;
Mais par respect pour vous , je m'abstins de le faire.
Corisque.
L'Efronté ce fut lui qui malgré moi la prit ;
J'en atteste Cloris , Célimene et Florise ,
Pour r'avoir cet Œillet , d'abord je l'attaquai
Par les moyens civils que l'usage authorise 3.
Sur son honneur je le piquai ,
>
Mais m'ayant mise à bout , alors je le brusquai ,
Comme on use à l'égard d'un Berger qu'on méprise.
J'éclatai , j'employai d'inutiles efforts ,
Dont le Scélérat osoit rire.
Que mesbras contre lui n'étoient-ils assez forts!
Dans
SEPTEMBRE. 1732. 1949
Dans les fougueux excès que la fureur inspire ,
Je lui dis , l'arrêtant , tout ce que je pus dire ;
Il m'échapa , le traitre , et quand il fut enfui ,.
Vainement , et très - loin , je courùs après-lui.
Cette fleur , dont les soins occupoient ma pensée ,
Avoit exprès pour toi la saison devancée ;-
Je l'allois visiter le matin et le soir ,
Et lui disois tout bas en tenant l'arrosoir ,
Croissez , aimable Eillet , et couronnant ma
peine ,
Pour le seul Ménalis réservez votre halcine.
Croissez , et que de mon Berger ,
Dont le cœur m'a promis de ne jamais changer
Puisse ainsi croître la tendresse !
Dès qu'ils seront épanouis...
Mos apas en un jour seront évanouis 2.
Mais son feu durera sans cesse.
Ménalis.
J'accusois donc à tort votre fidélité !
Mirtil par sa malignité ,
Me rendoit moi-même infidéle !
Que d'un vif repentir , je me sens tourmenté !
Vous en croirai- je ? O Dieux ! quoi mon cœur se rappelle ,
De ses premiers soupçons , l'allarme criminelle?
Aux Amans , par un sort contraire à leurs dê- sirs,
Dans
1950 MERCURE DE FRANCE
ļ
Dans le sein même des plaisirs ,
L'inquiétude est naturelle .
Permettez qu'à vos pieds , mes sanglots , mes
soupirs...
Corisque.
Léve- toi, Méñalis , que les Vents , et la Grêle
Puissent ravager , si je mens ;
L'esperance , hêlas ! rare , et frêle
De nos Jardins et de nos Champs.
Mais moi , dois-je , à tes assurances ,
Livrer de ses soupçons mon esprit revenu ?
M'offrirois- tu les apparences ,
D'un amour autre part , peut-être retenu ?
Ménalis.
Ciel ? que Pan courroucé , laisse ma Bergerie ,
En Proye, aux Loups impétueux !
Puissai-je sous mes pas , foulant l'herbe fleurie
Ne rencontrer qu'Aspics , qu'Animaux veni- meux. ..
Corisque.
Arrête , Berger , je te prie ,
C'en est trop; la bonté des Dieux ,
S'offenseroit de la furie ,
De tes sermens audacieux.
Je te crois; je vais même en coucher sur ta levre »
Le gage apétissant d'un baiser gracieux.
Ménalis:
SEPTEMBRE. 1732. 1951
Ménalis.
Le Miel du Mont Himette est moins délicieux.
Suis- je icy ? Me trompai- je ? Ah votre amou»
me sevre ,
Trop-tôt d'un bien précieux ,
Le baiser apprêté , dont la brillante Flore ,
Enivre son Zéphir de ses charmes épris ,
Celui dont la naissante Aurore ,
Régale l'Epoux de Procris ,
Les baisers de Diane , et tous ceux de Cypris ,
Au vôtre comparez sont languissans encore ,
Mais souffrez qu'au lieu d'un , je vous en rende deux.
Le Dieu , qui pour Psiché , jadis sentit éclore
Le germe impatient ? Des désirs amoureux ,
Se plaît en nombre impair , à seconder nos -jeux.
Corisque.
Ah ! dans mon cœur brulant , j'ai Paphos et Ci- there :
Berger , mon cher Berger , je ne suis plus à
moi ,
Mais que dis-je ! Est- il temps de garder du mys- tere ?
Tu me montres assez que je suis toute à toi.
Ainsi se réconcilierent ,
Corisque et Ménalis imprudemment fâchez ;
Et les chaînes qui les lierent ,
Re-
1952 MERCURE DE FRANCE
Retinrent à jamais leurs deux cœurs attachez ;
Les tendres Rossignols dans les Rameaux ca- chez ,
Jaloux des douceurs qu'ils goûterent ,
Les virent et les imiterent ,
Et leurs petits goziers , sans être interrompus ,
La nuit suivante repeterent
Et leurs propres plaisirs , et ceux. qu'ils avoient
vûs.
Fontenelle , la gloire et l'honneur de notre âge ,
Toi , qui par des talens divers ,
As fait voir de nos jours que la Prose , et les Vers' ,
Sur les siècles passez , remportent l'avantage ;
Suspens tes illustres emplois ,
Pour entendre un moment mon rustique Haut- bois ,
Je lis et je relis tes Eglogues sans cesse ,
Et les admire à chaque fois.
Tes Bergers par un tour de ta subtile adresse ,
Sont moins fardez , moins pointilleux,
Que ceux dont en ses Vers doux , faciles , heu- reux ,
Racan fit parler la tendresse ,
Quoique ceux de Ségrais soient galans , ingénus,
Ils sont trop copiez , et de Rome , et de Grèce ,
Leur style un peu rude me blesse ,
Et leurs discours par tout ne sont pas soutenus ,
Des
SEPTEMBRE. 1732. 1953
Des tiens je prise beaucoup plus ,
L'originale politesse .
N'ont-ils pas réüni tous les suffrages dûs
A leur douce délicatesse ?
Les miens dépourvûs d'agrément ,
N'entreront point en parallele ;
Il seront trop fiers seulement ,
S'ils attirent les yeux du Sçavant Fontenelle,
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Résumé : IDYLLE. A M. de Fontenelle, de l'Academie Françoise, par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
L'idylle 'Idyll E' de Me de Malcrais de la Vigne est dédiée à Bernard le Bouyer de Fontenelle. Elle narre une dispute amoureuse entre Corisque et Ménalis. Corisque accuse Ménalis d'infidélité après l'avoir vue danser avec Philis et interpréter un geste ambigu. Ménalis se défend en expliquant que ses paroles à Philis étaient innocentes et visaient à comparer Corisque favorablement à Daphné. Corisque révèle ensuite que Mirtil, un autre berger, a mal interprété un œillet qu'elle lui avait destiné pour Ménalis, ajoutant à la confusion. Après des échanges passionnés, Corisque et Ménalis se réconcilient. Leur amour est comparé à celui des rossignols, et ils se jurent une fidélité éternelle. Le texte se conclut par une louange à Fontenelle, dont les œuvres sont admirées pour leur subtilité et leur délicatesse.
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91
p. 2077-2079
EPITRE, A M. Lefort, Echevin, &c.
Début :
O Frere, tendrement et justement aimé [...]
Mots clefs :
Échevin, Époux, Pudique ardeur, Gloire, Citoyens
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texteReconnaissance textuelle : EPITRE, A M. Lefort, Echevin, &c.
EPITRE,
A M. Lefort, Echevin , &c.
Frere , tendrement et justement aimé ,
De mes jours les plus beaux voici l'heurense
époque ,
De vos nouveaux honneurs que mon cœur est
charmé !
Vous sçavez si pour vous mon zéle est équi
voque.
Mais les Muses que l'on invoque ,
Ne servent pas à point nommé.
Au gré de mes désirs enfin elles m'inspirent ,
Et mon tribut , quoique tardif,
N'en est ni moins vrai , ni moins vif.
A le justifier que de vertus conspirent !
Le Ciel , dès vos plus jeunes ans ,
Répandit sur vous ces présens.
Qui de vos Citoyens vous acquirent l'estime ,
De tout ce qu'on admire en vous ,
La Pourpre consulaire est le prix légitime.
I Digne
7
2078 MERCURE DE FRANCE
Digne moitié d'un digne Epoux,
Par vous seule heureuse et contente ,
Ma sœur en ce grand jour voit combler son attente,
L'objet de sa pudique ardeur ,
Sans qu'elle en puisse être jalouse ,
Desormais partage son cœur ,
Entre son Peuple et son Epouse.
Mais n'y bornez pas votre amour.
La Nature a ses droits , et le sang.vous engage ;
Afaire entrer dans ce partage,
Celle qui vous donna le jour.
Ne cessez point d'aimer la plus tendre des meres
Eh ! qui peut le mériter mieux ?
Daignez aussi jetter les yeux,
Et sur vos sœurs et sur vos freres.
Mais que dis-je ? Est-ce à vous qu'on dicte ces
leçons ?
A vous que l'on choisit pour en donner sans cesse ?
Et puis-je sur votre tendresse ,
Concevoir les moindres soupçons
Non ; vous sçavez trop-bien comme il faut P'on aime ,
L'interêt general à vos soins est commis ;
que
Etrangers , Citoyens, freres, sœurs, Mere même,
Nourris dans votre sein , nous sommes tous vos fils.
De vos soins paternels la trop courte durée ,. De
SEPTEMBRE. 1732 2079
Par le cours de trois ans en vain est mesurée ,
Vos bienfaits à venir seront toujours presens ;
ceux qui vous suivront, laissez -en la mémoire;
C'est en éterniser la gloire ;
C'est être Echevin tous les ans.
A M. Lefort, Echevin , &c.
Frere , tendrement et justement aimé ,
De mes jours les plus beaux voici l'heurense
époque ,
De vos nouveaux honneurs que mon cœur est
charmé !
Vous sçavez si pour vous mon zéle est équi
voque.
Mais les Muses que l'on invoque ,
Ne servent pas à point nommé.
Au gré de mes désirs enfin elles m'inspirent ,
Et mon tribut , quoique tardif,
N'en est ni moins vrai , ni moins vif.
A le justifier que de vertus conspirent !
Le Ciel , dès vos plus jeunes ans ,
Répandit sur vous ces présens.
Qui de vos Citoyens vous acquirent l'estime ,
De tout ce qu'on admire en vous ,
La Pourpre consulaire est le prix légitime.
I Digne
7
2078 MERCURE DE FRANCE
Digne moitié d'un digne Epoux,
Par vous seule heureuse et contente ,
Ma sœur en ce grand jour voit combler son attente,
L'objet de sa pudique ardeur ,
Sans qu'elle en puisse être jalouse ,
Desormais partage son cœur ,
Entre son Peuple et son Epouse.
Mais n'y bornez pas votre amour.
La Nature a ses droits , et le sang.vous engage ;
Afaire entrer dans ce partage,
Celle qui vous donna le jour.
Ne cessez point d'aimer la plus tendre des meres
Eh ! qui peut le mériter mieux ?
Daignez aussi jetter les yeux,
Et sur vos sœurs et sur vos freres.
Mais que dis-je ? Est-ce à vous qu'on dicte ces
leçons ?
A vous que l'on choisit pour en donner sans cesse ?
Et puis-je sur votre tendresse ,
Concevoir les moindres soupçons
Non ; vous sçavez trop-bien comme il faut P'on aime ,
L'interêt general à vos soins est commis ;
que
Etrangers , Citoyens, freres, sœurs, Mere même,
Nourris dans votre sein , nous sommes tous vos fils.
De vos soins paternels la trop courte durée ,. De
SEPTEMBRE. 1732 2079
Par le cours de trois ans en vain est mesurée ,
Vos bienfaits à venir seront toujours presens ;
ceux qui vous suivront, laissez -en la mémoire;
C'est en éterniser la gloire ;
C'est être Echevin tous les ans.
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Résumé : EPITRE, A M. Lefort, Echevin, &c.
L'épître est adressée à M. Lefort, nouvellement promu échevin. L'auteur exprime sa joie et son admiration pour les honneurs récemment reçus par Lefort, soulignant que ses vertus et ses qualités ont toujours mérité reconnaissance. Depuis son jeune âge, Lefort a reçu des dons divins qui lui ont valu l'estime de ses concitoyens, justifiant ainsi sa nomination à la pourpre consulaire. L'auteur félicite également la sœur de Lefort, heureuse et comblée en ce jour, partageant son cœur entre son peuple et son époux. Il encourage Lefort à étendre son amour à sa mère, ses sœurs et ses frères, bien que cela soit superflu, car Lefort est naturellement bienveillant et dévoué. L'auteur reconnaît que Lefort consacre ses soins à l'intérêt général, considérant tous les citoyens comme ses fils. Enfin, l'auteur espère que les bienfaits de Lefort perdureront au-delà de sa courte durée en fonction, laissant une mémoire éternelle de sa gloire et de son dévouement.
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92
p. 2112-2117
LE PROGRÈS DE LA TRAGÉDIE, Sous le Régne de Louis le Grand. ODE.
Début :
Vois-tu, divine Melpomene, [...]
Mots clefs :
Prière, Louis le Grand, Dieu, Tragédie, Progrès, Scène, Siècle, Gloire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE PROGRÈS DE LA TRAGÉDIE, Sous le Régne de Louis le Grand. ODE.
LE PROGRE'S
DE LA TRAGEDIE,
V
Sous le Regne de Louis le Grand.
O D E.
Oiś-tu , divine Melpomene
Cette foule de Spectateurs ?
C'est toi qui venant sur la Scene
En fais autant d'admirateurs :
Pleins d'un trouble qui les enchante
Saisis d'une terreur charmante ,
Touchés de tes tristes soupirs ;
Leurs cœurs partagent tes allarmes ;
Et verser avec toi des larmes
Est le plus doux de leurs plaisirs.-
>
Rappelle ces jours pleins de gloire ,
Où le plus grand de tous nos Rois ,
Suivi par tout de la victoire
Faisoit par tout suivre ses loix ;
Où seul , de l'Europe étonnée ,
Dissipant la Ligue effrennée 2
Vaing
OCTOBRE. 1732. 211
Vainqueur de cent Peuples divers ,
LOUIS faisoit par sa prudence ,
Et les délices de la France ,
Et la terreur de l'Univers.
O qu'avant ce Régne héroïque ,
Tu brillois peu dans nos Etats ?
Envain sur la Scene Tragique ,
Eut-on cherché de vrais appas.
Quel amas de pointes frivoles !
Quel cahos de gaines paroles !
Que de sang versé quelle horreur !
Fades Sujets , Heros vulgaires ,
Sans art , sans choix , sans caractere ,
Que dis-je , souvent sans pudeur.
Mais Ciel ! est ce erreur ou miracle &
La Scene change ; ô doux momens !
Je vois à ce grossier spectacle
Succeder mille enchantemens.
Déja les passions émûës
Les sources du beau reconnuës ,
Tout frappe mes yeux éblouis.
Fuyez loin , ignorance vaine ,
Triomphez, raison souveraine ,
C'est le siécle du Grand Lo U I S.
Siécle
2114 MERCURE DE FRANCE
Siécle heureux , où les doctes Fées
Admirant ses nobles travaux ,
Dressent chaque jour des Trophées ,
Ala vertu de ce Heros.
Où sur ses Conquêtes rapides ,
Nos Sophocles nos Euripides ,
Forment leurs plus pompeux Concerts,
Plus animés dans leurs ouvrages ,
Par l'espoir d'avoir ses suffrages ,
Que par le feu du Dieu des Vers.
Oui , grand Roi , de leurs doctes veilles;
Tu fus toujours l'objet flateur ;
Les Racines et les Corneilles ,
A ta gloire doivent la leur..
Jamais leur Muse dramatique
Ne nous eut du vrai pathetique ,
Fait sentir toutes les beautés ,
Si dans leurs immortelles rimes ,
On n'eut vù tes vertus sublimes ,
Briller sous des noms empruntés,
Et toi jadis deshonorée ,
Dans plus d'un spectacle indécent ,
Goute enfin, Probité sacrée ,
Le plaisir le plus ravissant
Voi l'utile joint à l'aimable ,
Le merveilleux au vraisemblable,
Le
OCTOBRE. 1732. 2115
Le simple et le grand tour à tour
Voi même , ô merveille étonnante
Voi la sagesse triomphante ,
Eclater jusques dans l'Amour.
Louerai-je ici cette élegance
Qui brille dans l'expression è
Décrirai-je la véhemence
Qui régne dans la passion ?
Rappellerai-je ces figures >
Ces beaux traits , ces vives peintures
Qui charment si bien mes ennuis
Toujours sûr de m'y reconnoître
Peint tantôt tel que je dois être ,
Et tantôt peint tel que je suis,
[ Ah ! que dans mon ame attendrie ,
J'éprouve un doux ravissement !
Polieucte , Esther , Athalie ,
Que vous m'instruisés noblement !
Que je t'adinire vieil Horace !
Cinna , que je plains ta disgrace !
Que ta candeur me plaît , Burrhus !
Ainsi , par un sage artifice ,
Ou fut le Théatre du vice
S'ouvre l'Ecole des vertus.
2.
Poursui,
2116 MERCURE DE FRANCE
Poursui , trop aimable Déesse ,
Et pour avancer tes progrès ,
Hâte-toi de former sans cesse
Sur Louis les plus beaux Portraits.
Quel vaste champ , quelle abondance !
Un Prince , l'amour de la France ,
L'Arbitre et la gloire des Rois ,
Aussi cher par la paix qu'il donne ,
Que celui dont il tient le Trône ,
Fut redouté par ses exploits..
Quod si me lyricis , &c. Hor..
PRIERE POUR LE ROI.
SEigneur , écoutez nos prieres
Voulez-vous nous combler de vos dons les plus
beaux ?
Daignés sur ce jeune Heros ,
Verser vos faveurs les plus cheres !'
Dans des Princes digne de lui ,
Il se voit déja reproduire :
Poursuivés , ô mon Dieu ! soyez toujours
l'appui ,
Et du Monarque et de l'Empire ,
Nous ne demandons pas qu'au gré de sa va- leur ,
Un jour de ses hauts faits il remplisse le monde ;
Qu'il
OCTOBRE. 1732 2117
Qu'il vive seulement ; sa sagesse profonde
Nous répond de sa gloire et de notre bon heur.
?
Par M. l'Abbé Portes Chanoine du
Chapitre Royal de S. Louis , à la Fere.
DE LA TRAGEDIE,
V
Sous le Regne de Louis le Grand.
O D E.
Oiś-tu , divine Melpomene
Cette foule de Spectateurs ?
C'est toi qui venant sur la Scene
En fais autant d'admirateurs :
Pleins d'un trouble qui les enchante
Saisis d'une terreur charmante ,
Touchés de tes tristes soupirs ;
Leurs cœurs partagent tes allarmes ;
Et verser avec toi des larmes
Est le plus doux de leurs plaisirs.-
>
Rappelle ces jours pleins de gloire ,
Où le plus grand de tous nos Rois ,
Suivi par tout de la victoire
Faisoit par tout suivre ses loix ;
Où seul , de l'Europe étonnée ,
Dissipant la Ligue effrennée 2
Vaing
OCTOBRE. 1732. 211
Vainqueur de cent Peuples divers ,
LOUIS faisoit par sa prudence ,
Et les délices de la France ,
Et la terreur de l'Univers.
O qu'avant ce Régne héroïque ,
Tu brillois peu dans nos Etats ?
Envain sur la Scene Tragique ,
Eut-on cherché de vrais appas.
Quel amas de pointes frivoles !
Quel cahos de gaines paroles !
Que de sang versé quelle horreur !
Fades Sujets , Heros vulgaires ,
Sans art , sans choix , sans caractere ,
Que dis-je , souvent sans pudeur.
Mais Ciel ! est ce erreur ou miracle &
La Scene change ; ô doux momens !
Je vois à ce grossier spectacle
Succeder mille enchantemens.
Déja les passions émûës
Les sources du beau reconnuës ,
Tout frappe mes yeux éblouis.
Fuyez loin , ignorance vaine ,
Triomphez, raison souveraine ,
C'est le siécle du Grand Lo U I S.
Siécle
2114 MERCURE DE FRANCE
Siécle heureux , où les doctes Fées
Admirant ses nobles travaux ,
Dressent chaque jour des Trophées ,
Ala vertu de ce Heros.
Où sur ses Conquêtes rapides ,
Nos Sophocles nos Euripides ,
Forment leurs plus pompeux Concerts,
Plus animés dans leurs ouvrages ,
Par l'espoir d'avoir ses suffrages ,
Que par le feu du Dieu des Vers.
Oui , grand Roi , de leurs doctes veilles;
Tu fus toujours l'objet flateur ;
Les Racines et les Corneilles ,
A ta gloire doivent la leur..
Jamais leur Muse dramatique
Ne nous eut du vrai pathetique ,
Fait sentir toutes les beautés ,
Si dans leurs immortelles rimes ,
On n'eut vù tes vertus sublimes ,
Briller sous des noms empruntés,
Et toi jadis deshonorée ,
Dans plus d'un spectacle indécent ,
Goute enfin, Probité sacrée ,
Le plaisir le plus ravissant
Voi l'utile joint à l'aimable ,
Le merveilleux au vraisemblable,
Le
OCTOBRE. 1732. 2115
Le simple et le grand tour à tour
Voi même , ô merveille étonnante
Voi la sagesse triomphante ,
Eclater jusques dans l'Amour.
Louerai-je ici cette élegance
Qui brille dans l'expression è
Décrirai-je la véhemence
Qui régne dans la passion ?
Rappellerai-je ces figures >
Ces beaux traits , ces vives peintures
Qui charment si bien mes ennuis
Toujours sûr de m'y reconnoître
Peint tantôt tel que je dois être ,
Et tantôt peint tel que je suis,
[ Ah ! que dans mon ame attendrie ,
J'éprouve un doux ravissement !
Polieucte , Esther , Athalie ,
Que vous m'instruisés noblement !
Que je t'adinire vieil Horace !
Cinna , que je plains ta disgrace !
Que ta candeur me plaît , Burrhus !
Ainsi , par un sage artifice ,
Ou fut le Théatre du vice
S'ouvre l'Ecole des vertus.
2.
Poursui,
2116 MERCURE DE FRANCE
Poursui , trop aimable Déesse ,
Et pour avancer tes progrès ,
Hâte-toi de former sans cesse
Sur Louis les plus beaux Portraits.
Quel vaste champ , quelle abondance !
Un Prince , l'amour de la France ,
L'Arbitre et la gloire des Rois ,
Aussi cher par la paix qu'il donne ,
Que celui dont il tient le Trône ,
Fut redouté par ses exploits..
Quod si me lyricis , &c. Hor..
PRIERE POUR LE ROI.
SEigneur , écoutez nos prieres
Voulez-vous nous combler de vos dons les plus
beaux ?
Daignés sur ce jeune Heros ,
Verser vos faveurs les plus cheres !'
Dans des Princes digne de lui ,
Il se voit déja reproduire :
Poursuivés , ô mon Dieu ! soyez toujours
l'appui ,
Et du Monarque et de l'Empire ,
Nous ne demandons pas qu'au gré de sa va- leur ,
Un jour de ses hauts faits il remplisse le monde ;
Qu'il
OCTOBRE. 1732 2117
Qu'il vive seulement ; sa sagesse profonde
Nous répond de sa gloire et de notre bon heur.
?
Par M. l'Abbé Portes Chanoine du
Chapitre Royal de S. Louis , à la Fere.
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Résumé : LE PROGRÈS DE LA TRAGÉDIE, Sous le Régne de Louis le Grand. ODE.
Le poème célèbre le règne de Louis XIV et son influence sur le théâtre tragique. Il commence par une invocation à Melpomène, la muse de la tragédie, qui enchante et émeut les spectateurs. Le texte évoque ensuite les jours glorieux du règne de Louis XIV, où le roi, victorieux et sage, imposait ses lois et inspirait la terreur et l'admiration en Europe. Avant son règne, le théâtre français était marqué par des sujets frivoles, des personnages vulgaires et un manque d'art. Sous Louis XIV, le théâtre connaît une transformation profonde, devenant un reflet des passions humaines et des vertus héroïques. Les dramaturges comme Racine et Corneille trouvent leur inspiration dans les vertus du roi, qui brillent à travers leurs œuvres. Le théâtre devient alors une école de vertus, où des pièces comme 'Polyeucte', 'Esther', 'Athalie', 'Cinna' et 'Horace' instruisent et émouviennent les spectateurs. Le poème se conclut par une prière pour le roi, souhaitant sa longévité et sa sagesse pour le bien de la France et de l'empire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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93
p. 2174-2187
QUATRIEME Lettre écrite par M. D. L. R. à M- le Marquis de B. au sujet de la conquête d'Oran, &c.
Début :
Il me reste, Monsieur, peu de chose à vous dire au sujet de la Conquête d'Oran en elle-même. [...]
Mots clefs :
Conquête d'Oran, Commerce, Pirates, Prince Maure, Troupes, Alger, Nonce d'Espagne, Rome, André Doria, Gloire
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texteReconnaissance textuelle : QUATRIEME Lettre écrite par M. D. L. R. à M- le Marquis de B. au sujet de la conquête d'Oran, &c.
QUATRIEME Lettre écrite par M. D.
L. R. à M-le Marquis de B. au sujet de
la conquête d'Oran , &c.
Idire au sujet de la Conquête d'Oran en elle- L me reste , Monsieur , peu de chose à vous
même. C'est une affaire heureusement copsommée par rapport au principal objet de larement et de l'Expédition. Sçavoir la prise de deux
Places importantes , qui assûrent la Navigation
et le Commerce dans une partie de la Mer Méditerrannée , contre les courses des Pyrates, Maures , et qui font aussi la sûreté des côtes d'Espagne très- peu éloignées de celles de Barbarie ; outre que la Religion et la Couronne d'Espagne rentrent par là dans leur ancienne possession. IL
est vrai , Monsieur , que par ma derniere Lettre
vous vous attendez d'apprendre de nouveaux
progrez des Armes de S. M. C. en Affrique. En
effet , le Comte de Montemar , après avoir sou
mis beaucoup de Païs aux environs , avoit fait ,
comme je vous l'ai mandé, un détachement considérable d'Infanterie et de Cavalerie , commandé par le Marquis de Villa - Darias , pour aller
faire le Siége de Mostagran , Ville située à l'em- bouchure de la Riviere de Chilef , à IS lieuës
d'Oran , du côté d'Alger ; à laquelle embouchure il avoit envoyé des Vaisseaux de Guerre et des
Galleres pour ' attaquer en même- temps la Place
par Mer. Mais les Vents contraires ayant empêché pendant plusieurs jours l'Escadre d'avancer , temps dont les ennemis ont sçu profiter
pour
OCTOBRE. 1732. 2175
pour se fortifier et pour recevoir des secours , le
Comte de Montemar envoya ordre au Marquis
de Villa- Darias de revenir au Camp avec ses
Troupes, remettant cette Expédition à une con- joncture plus favorable.
Depuis , ce General ayant reçu du Roy d'Espagne des Ordres précis de faire rembarquer toutes les Troupes , à l'exception de ce qui doit
composer les Garnisons des Places conquises , il
y a satisfait , et on a eu avis que la Flote et tous
les Bâtimens de transport étoient heureusement
arrivez dans les Ports d'Espagne. Le Comte de
Montemar s'est ensuite embarqué lui- même
venir rendre compte au Roy du succès de l'Expédition. On apprend qu'il est arrivé à la Cour le 17 d'Aoust que S. M. l'avoit fait Chevalier
de la Toison d'or , ainsi que Don Joseph Pathino , et qu'elle avoit honoré le Comte d'un
accueil des plus favorables.
pour
Pour ce qui regarde le Prince Maure, dont toutes les Nouvelles publiques ont parlé , qui offroit
la jonction de ses Troupes , pour réduire une
grande étendue de Païs , de donner son Fils en
Otage , &c. et qu'on attendoit même à Madrid ,
je n'en ai encore rien appris que je puisse vous donner pour certain. Mais la chose est
très-vraisemblable , et il n'est pas nouveau que
des Princes Mautes ayent recherché l'alliance des
Rois d'Espagne. Pour ne point sortir du sujet ni du Pays d'Oran , je vous dirai , Monsieur
ce que l'Histoire m'apprend à cet égard.
pour
A peine le Cardinal Ximenés étoit repassé en
Espagne , de retour de sa conquête , qu'il arriva
à la Cour des Ambassadeurs faire des propositions de la part du Roi de Tremesen ,
quelques moindres Princes de la Mautitanic , ofDiiij frant
et de
9
2176 MERCURE DE FRANCE
frant de rendre tous les Esclaves Chrétiens , de
payer même un tribut à laCouronne d'Epagne , en
faisant de grandes instances pour l'ouverture du commerce entre Oran et les Etats de ces Princes.
Ces Ambassadeurs , entr'autres choses , présenterent au Roi dix des plus beaux chevaux du pays,
magnifiquement harnachez , dix Faucons tout
dressez , de riches tapis , et un Lion apprivoisé
d'une grandeur et d'une beauté extraordinaire.
Je ne doute pas , Monsieur , qu'à mesure que
le Roi d'Espagne s'affermira dans sa nouvelle
conquête , et que ses Armes auront du progrès
dans le pays , les Puissances voisines ne tiennent
une pareille conduite.
Vous avez sçû , sans doute , que l'allarme a
été grande à Alger avant même la prise d'Oran ,
qui faisoit partie de cette Régence ; Alger , dis- je,
Ville si fiere , si bien munie , et si redoutable à la
Navigation , et au Commerce de la Chrétienté.
Aux seuls préparatifs de l'armement , la terreur
a été telle que les Algeriens avoient envoyé les
femmes , les enfans et leurs meilleurs effets dans
les Montagnes , et que la Régence avoit envoyé
une députation au Grand Seigneur pour deman- der du secours. Le Bailli de Vattan étant allé
dans le même tems à Alger avec l'Escadre des
Vaisseaux du Roi , qu'il commande , il a trouvé
les choses sur le pied que je viens de dire ; quelques Lettres ajoûtent que le Dey allarmé lui
avoit demandé si la France s'unissoit à l'Espagne
contre cette Régence , à quoi M. de Vattan
avoit répondu que quand le Roi son Maître auroit sujet de se plaindre d'elle il sçauroit la punir,
sans avoir besoin d'autré puissance que dela sienne.Veuille le Ciel humilier de plus en plus ces ennemis du Christianisme et du Genre humain. Et
puis-
OCTOBRE. 1732. 2177
puissent enfin les Vainqueurs d'Oran y faire
reporter ces fameuses Cloches qui en furent
' enlevées lors de la derniere invasion , et menées ,
pour ainsi dire , Captives à Alger.
D
Cependant vous ne sçauriez croire , Monsieur,
combien tout le Monde chrétien à été sensible
à l'heureux succès des Armes du Roi d'Espagne
à commencer par la capitale. Le Cardinal Ben
tivoglio , Ministre de cette Couronne à Rome
reçût l'heureuse nouvelle le 2.1 . Juillet , sans par- ler des dépêches du Nonce d'Espagne , qu'un autre Courrier apporta le même jour. Le Pape reçût cette nouvelle avec un excès de joye. S. S. en donna sur le champ des marques publiques Après
avoir fait l'éloge de la pieté et du zele de S. M. C.
elle assura le Cardinal B. qu'elle feroit tout ce
qui seroit en son pouvoir pour seconder ses
grands et ses pieux desseins. Le Pape résolut en
même-tems d'envoyer au Roi d'Espagne un Bref de félicitation , d'exhortation , &c. Le Cardinal
Alberoni partit quelques jours après pour Florence pour complimenter l'Infant Don Carlos sur cet évenement.
Ce Prince qui avoir reçu la même nouvelle le
20. se rendit d'abord à l'Église de l'Annonciade ,
où il fit chanter le Te Deum , en actions de gra
ces. Le Grand Duc le fit chanter dans l'Eglise
Métropolitaine de Florence..
* Ce sont les grandes Cloches que le C. Ximenés
fit fondrepour la principale Eglise d'Oran , qu'il nomma Notre- Dame de la Victoire. Les Maures
Les enleverent en l'année 1708. les porterent à Alger, et affecterent de les placer à une des Portes de
La Ville , où on les voit encore comme une espece de
triomphe sur les Chrétiens.. D Y
2178 MERCURE DE FRANCE
Je reviens à Rome , pour ajouter que le Pape
fit part au Sacré Collège de la prise d'Oran, &c.
dans un Consistoire particulier,tenu le 11 Aoust;
et le 13 , on commença par ordre de S. S. les ré
jouissances publiques. On sonna toutes les Cloches de la Ville , on tira le Canon du Château
S. Ange , et le soir il y eut des Feux et des Illuminations par toute la Ville. Le 15. Fête de l'Assomption, le Pape se rendit, en grand Cortege , à
l'Eglise de Sainte Marie Majeure , où S. S. tint
Chapelle Pontificale , à laquelle le Sacré Collége
assista. La Messe y fut célebrée par le Cardinal de
la Mirandole, Archiprêtre de cette Eglise, et aprèsla Messe on chanta le Te Deum à plusieurs
Chœurs de Musique. Il y eut un grand concours de personnes de distinction , et une affluance extraordinaire de Peuple. Le Château S. Ange
fit plusieurs décharges de toute son Artillerie.
Le Cardinal Bentivoglio avoit déja fait chanter le Te Deum solemnellement dans l'Eglise Nationnale des Espagnols , le 25 Juillet , jour de St
Jacques , auquel le Cardinal Belluga , Protecteur
des Affaires d'Espagne , celebra , avec beaucoup
de pompe , la Fête de cet Apôtre , Patron des
Espagnes.
-Je m'attens bien d'apprendre dans peu de jours:
que de pareilles actions de graces ont été renduës
dans Oran même , et que l'exercice de la vraie
Religion s'y fait actuellement dans les mêmes
Temples , dont le Mahométisme s'étoit emparé;
que les Livres d'Eglise y sont à la place de l'Alcoran et de la à Sunnah , et que la Foy pourroit
a C'est ainsi que les Mahometans appellent le Recueil des Faits et Dits de Mahomet , conservez
par tradition , &c. C'est comme la Miscnah des
Hebreux; la seconde Loy , la Loy Orale . c.
enfin
OCTOBRE. 1732. 2179
enfin penetrer delà dans le reste de cette Partie
de l'Affrique , où elle a été autrefois si floris- sante.
Vous me demanderez peut être , Monsieur , si
on n'a point rapporté parmi les dépouilles des
deux Places conquises , quelques Manuscrits de
Littérature Arabe? Cela se pourroit fort bien ;
les Sciences n'ont pas moins fleuri sous les Califes d'Affrique que sous ceux de l'Asie, et particu- lierement dans les Païs circonvoisins d'Oran, sur
tout après l'expulsion des Arabes de toute l'Espagne ; expulsion qui contribua beaucoup à faire
de cette Ville , l'une des plus grandes , des plus:
celebres et des plus riches Villes du Mahométisme,où se retirerent les Personnages les plus con- sidérables en tout genre.
Les Historiens Espagnols m'apprennent que
lorsque le Cardinal Ximenés fit son entrée solemnelle dans Alcala , après la Conquête d'Oran ; la
seconde chose qui parut dans son triomphe, après
plusieurs Chameaux , conduits par des Esclaves
chargez de Pieces d'or et d'Argent destinées pour
le Roy , ce fut une quantité de Livres Arabes d'Histoire , de Médecine , d'Astrologie , &c. qui
furent placez dans la Bibliotheque du Cardinal ,
lequel les laissa depuis à la Bibliotheque de l'Université d'Alcala , qu'il avoit fondée , où on les
voit encore aujourd'hui.
Ximenês n'a pas sans doute tout enlevé, et dans
Fespace d'environ 25 années qu'a duré la derniere invasion , il peut être entré dans Oran d'au
tres Manuscrits Arabes , curieux et utiles ; le
Païs des environs et sur tout la Ville de Trémé
sen , qui a fondé celle d'Oran , ne doivent pas em
être dépourvûs. Je connois deux Autheurs de réputation , originaires de cette même Ville , done D vi les:
3 MERCURE DE FRANCE
-
les Ouvrages sont fort estimez par les Bibliogra
phes Orientaux. Le premier est Assifeddin , Soliman Ben Ali , surnommé Telmessani ou de
Tremesen , Autheur d'un Scharh , ou Commentaire sur le Poeme du celebre Ebn * Faredh , intitulé , Taiiah. Ce Commentateur est mort l'an
690 de l'Hégire 1291. de J. C. L'autre Ecrivain
Arabe est Schamseddin , Mohammed Ben Amed,
Ebn Al Merousi , Marzouk , aussi surnommé
Talmessani, ou de Trémésen. Il est Autheur d'un
Livre , intitulé : AschrafAl Thoraf l'Almalek Al
Aschraf: C'est un Recueil de Eons Mots et de
Contes agréables , dédié à Malek Al Aschraf
Roy d'Egypte , avec un Traité de l'Egypte, dans
lequel l'Autheur prétend prouver que c'est le meilleur Pais de toute la Terre habitable Il mourut l'an 781. de l'H.gire ou l'an 1379. de notre
époque. Mais lais ons à l'illustre Gouverneur
d'Oran 1 soin de recueillir tout ce qui peut être
resté de bon dans le Païs , en fait d'Erudition
Arabe Il est plus en état que personne de le faire,
avec un juste discernement , et d'en enrichir un
jour la République des Lettres.
Vous me paroissez touché du mérite d'André
Doria , le Liberateur d'Oran , et content de la
Médaille de ce grand Homme , dont je vous ai
Scharfeddin Omar Ebn' Faredh , originaire
de Hamal , en Syrie , né au Caire l'an 577 de
l'Hegire , ou 1181. de J. C. fut l'un des plut Illus- tres Poëtes Arabes. Le Recueil de ses Poësies, sous le
nom de Divan , est tres- estimé , et a eu plusieurs
Commentateurs. Il composa le Taiiah , en faveur
des Sofis , espece de Religieux Musulmans qui
donnent dans la Mysticité , &c. Les Foësies de cet Autheur sont dans la Bibliotheque du Roy.. entre
1
OCTOBRE. 1732. 2181
entretenu dans ma derniere Lettre. Je puis bien
avoir fait quelque omission sur ce sujet , car , je
vous avoue , Monsieur , que ce n'est qu'en finissant cette Lettre , que j'étois pressé de faire partir, que j'ai sçu que Doria avoit eu un Historien,
et que cet Historien est le fameux Jesuite Sigonius , dont les Ouvrages , en grand nombre, sont
en réputation et ne se trouvent pas tous ensemble bien aisément. J'ai cependant eû le plaisir de
lire depuis dans cet Autheur la Vie a d'André
Doria , et d'avoir trouvé en lui un garant des
principales choses que je vous ai écrites sur ce
sujet.
de
Il en faut seulement excepter l'article de la
Statue , érigée par la République de Génes , en
l'honneur de Doria Elle est de Marbre blanc ,
selon mes Mémoires , et suivant le rapport
ceux qui l'ont vûë placée dans le Vestibule du
Palais où s'assemble le Sénat , et élevée sur un
Pié d'Estal , sur lequel est l'Inscription que j'ai
rapportée.
Aprendre littéralement le Narré de Sigonius,
qui rapporte tout du long le Decret du Sénat , la
Statue seroit de Bronze , et placée dans la grande Sale de ce Palais. Mais cela me paroît aisé a
concilier. Dans ce Decret , datté du mois d'Octobre 1578. le Sénat , après avoir fait un Előge magnifique de Doria , qui avoit, dit-il , rendu
la liberté à sa Patrie , &c . s'exprime ainsi , au su
a Cette Vie se trouve dans un des Volumes des
Oeuvres de Sigonius , intitulé : Caroli Sigonii ,
Historia de Rebus Bononiensibus , Libri VIII.
Ejusdem de vita ANDREE DORIE , Libri duo..
quibus accesserunt , &c. 1. vol. Fol. Francofurti ,
1603
jer
2182 MERCURE DE FRANCE
jet de la Statuë : Decrevit ut Andrea Doria Enea
Statua in magna Pratorii Aula , quoadfieri possit
ornatissima , cum ipsius nominis Inscriptione ponatur. Il est sans doute arrivé que dans l'exécution
de ce Décret , le Sénat , toujours le Maitre de ses
Décisions , ait , par des raisons qui nous sont inconnues , trouvé à propos de changer la matiere
et la situation de ce Monument , qui en effet se
trouve plus exposé à la vénération publique à
l'entrée du Palais , qu'il ne le seroit dans l'enté- rieur de ce Bâtiment. L'intention du Sénat est
toujours remplie , et l'Historien qui a écrit , et
qui est mort avant l'exécution , n'a point de
tort.
à
Je n'ai pû trouver, au reste , dans cet Historien, ni dans aucun autre Ecrivain le nom et la famille
de l'Epouse d'André Doria , dont le même Historien éleve si fort le rare génie et le mérite superieur, dont il fait, en un mot , une Héroïne , laquelle l'Empereur Charles V. voulut rendre visite en passant par Génes et qui donna à ce Prince des Conseils admirables , &c Je ne comprens pas trop cette omission de la part de Sigonius, d'ailleurs si exacts qu'en nommant la Mere
de Doria , il nous fait entendre qu'elle étoit de la
même Maison que son Epoux. J'ai aussi appris de cet Autheur que la Principauté de Melphe , donnée par Charles V. à Doria , et généreusement refusée d'abord, est située
dans le Royaume de Naples , relevant de cette.
Couronne. Elle Y avoit été réunie par la défection , ou la félonie de Jean Carracioli , Prince de
Melphe. Vous avez vû , Monsieur , dans ma derniere
Lettre , que le fameux Pyrate Dragut , pris par char- les Galeres de Doria , fut amené à Génes ,
gé
OCTOBRE. 1732. 218
é de chaînes , &c. Sigonius décrit élégamment
Phumanité et la générosité exercée par A. Doria
envers ce Captif , que je crois plus que jamais ,
après cette lecture , être representé sur le Revers
de notre Médaille , et non pas Barbarousse, com
me je l'avois d'abord pensé. Ce Captif , dis- je ,
homme féroce et barbare , s'il en fut jamais , est
bien connu sur ce pied-là par Doria Norat enim feros illius. moreş , et immanem naturam , dit notre Historien. Je crois que vous le reconnoîtrez à
ces traits sur la Médaille même , tant l'habileté
du Graveur a été grande àexprimer tout cela, par son Burin.
Rien,au reste, n'est plus pathétique et plus moral que le Discours de Doria fait à Dragut en le mettant en liberté. Il mérite d'être lû dans cet
Autheur: Morale et Eloquence perduës! les monstres ne s'apprivoisent presque jamais. Vous sçavez de quelle ingratitude Dragut paya dans la
suite son Libérateur, qui pensa être la Dupe d'une
générosité sans exemple.
J'apprens encore dans le même Livre , que les
Génois avoient fait Doria leur Généralissime de
Terre et de Mer. C'est la matiere du 38 Chap.
du onzième Livre , intitulé : De Maritimo ac
Terrestri Imperio ei à Genuensib, delato.
Je trouve enfin une circonstance singuliere dans
le 43 et dernier Chapitre , qui donne une grande idée de l'attachement et de la reconnoissance
de ce General , pour l'Empereur Charles V. en
ordonnant par l'Acte solemnel de ses dernieres
volontez, qu'on mit avec lui dans son Tombeau
Les Lettres de ce Prince par lesquelles il l'avoit
créé Chevalier de la Toison d'or.
Une autre circonstance non moins singuliere ,
que j'ai tirée d'un Mémoire particulier, venu de- puis
2184 MERCURE DE FRANCE
puis peu de Génes , c'est qu'André Doria , né
pour ainsi dire , pour les Armes et pour les Exploits Guerriers, ne porta jamais d'Epée ni de Poignard ; il disoit sur cela que toute sa force êtoit dans sa tête et dans l'amour de ses Concitoyens. Ne vous semble-t -il pas, Monsieur , être
transporté dans les meilleurs temps de la Republique Romaine , et voir revivre les Fabius , les
Lucullus , les Catons , dans ce grand Personnage ?
Finissons par un court Eloge , consacré à sa
Mémoire , et composé à Génes , en 158 6. à l'occasion de la Statue dont nous avons déja parlé ,
par l'Editeur de Sigonius :
Hic tamferventi Patria flagravit amore ,
Illius ut chara pro libertate tuenda
Horribiles Regum non formidaverit iras ,
Hic quoque cum Patria Regno , Sceptroquepotiri
Posset et aurata frontem redimire corona ,
Contempsit Regni fastus , nomenque Tyranni.
Huic maris Imperium vasti , sævumque tridentem
Neptunus , Pelagique leves concessit habenas :
Quin etiam aratis premerit cum classibus &quor,
Haud Pauci impavidi admirantes pectoris ausa.
Neptunum , aut sacro Neptuni è sanguine cretum
Mortalesque Deum vultus sumpsisse putarunt.
Hoc certum est , nullas Neptunum amplectier oras
Quá non ille simulfama penetrarit et armis,
Je finirois ici ma Lettre , Monsieur , si par vo
tre Réponse à ma précedente , je n'étois pas obligé
OCTOBRE. 1732. 2185
gé de revenir à Oran , pour vous dire en trèspeu de mots, qu'après quelques recherches je n'ai
rien trouvé qui autorise ce que Davity * en a dit,
sçavoir , qu'elle est la Capitale d'un petit Etat
nommé le Marquizat d'Oran , &c. et qu'à l'égard de Marzalquibir , dépendant , dit il , de ce
Marquisat, cette Ville fut enlevée aux Maures par
le Marquis de Comarez en 1555. Ce dernier fait
me paroît contredit par les meilleurs Historiens,
qui s'accordent tous à mettre la premiere conquête de Marzalquibir par les Espagnols en 1508.
ce fut comme le prélude de celle d'Oran , qui ne
fut réduit que l'année d'après. Don Fernand de
Cordoue commandoit l'Armée qui prit Marzalquibir , et non pas le Marquis de Comarez.
Dans mes Recherches j'ai trouvé quelquefois
cette expression dans certains Auteurs le Royaume d'Oran , cela n'est peut-être pas exact, mais il sert àprouver que cette Ville , Colonie , comme
je l'ai dit ailleurs , de celle de Tremesen et dans l'entiere dépendance des Rois de Tremesen , devenue extrêmement puissante par le commerce
et par la navigation , avoit secoué le joug de ses
prémiers Maîtres pour se faire Capitale d'un Etat
particulier , qui obéissoit apparemment à quelque Chef qui prit le nom de Roy , Etat qui devint ensuite presque Républiquain et qui étoit
tel lorsque les Espagnols conquirent Oran et ses
dépendances.
A l'égard de la puissance de cette Ville lors de
la Conquête , l'Historien du Ministere du Cardinal Ximenés , dit que les Maures chassez d'Espagne qui s'y étoient retirez , l'avoient tellement peu-
* Description generale de l'Affrique. Edition de
Rocolles , T. VI, in fol. Paris 1660.
plée
2186 MERCURE DE FRANCE
›
*
plée et enrichie, qu'elle pouvoit mettre sur pied des
Armées assez considerables. On peut juger , ajoûtet'il , de la grandeur et des richesses d'Oran par son
commerce et de son commerce par le nombre de
1500. Boutiques qui y étoient lorsque Ximenés la
prit.Le butin, sans y comprendre ce qui fut détourné,
fut estimé 500. mille écus d'or ; toute l'Armée s'enrichit à cetteprise , et il y eut tel particulier qui en rapporta jusqu'à dix mille ducats. Les richesses
d'Oran n'étoient pas ce qui contribuoit le plus à sa
réputation; sa grandeur , le nombre de ses habitans,
sa situation , son Port , son Arcenal , où l'on trouva
plus de 60 Pieces de gros Canons , sans compter les
moindres , et un nombre infini de toutes sortes d'armes >
la faisoient passer pour la plus importante
Ville de toute l'Afrique.
Il est vrai qu'il y a eu du changement dans la
fortune de cette Ville; mais sa situation maritime,
et ses autres avantages naturels étant toûjours les
mêmes , c'est un coup important pour l'Espagne
d'en avoir fait la conquête , contre la pensée de
certaines gens mal instruits et peu éclairez , qui
font des raisonnemens contraires et qui comptent
pour peu de chose la prise de ces deux Places. La
seule prise du Port de Marzalquibir met toute la
Côte d'Espagne même en sureté,et ouvre une entrée à la conquête de l'Affrique. C'est ainsi que
s'estexprimésur ce sujet un Historien Espagnol
des plus sensez.
Qu'il me soit permis , Monsieur , en finissant
Jerome Julien , Historien , qui étoit à la conquête d'Oran , dit les avoir comptées , par le nom
de Boutiques ilfaut entendre des Magazins remplis de Marchandises , c.
* Alvar-Gomez de Castro de reb. gestis Ximen.
d'observer
OCTOBRE. 1732. 2187
d'observer ici une méprise de M. d'Herbelor
dans sa Bibliotheque Orientale au sujet de notre
Marzalquibir , page 558 , que l'Auteur confond
avec le Port et la Ville de Velez , autrement le
Penon de Velez, situez sur la même Côte de Barbarie , mais c'est si peu la même chose , que selon les meilleurs Géographes et selon la nouvelle
Carte de la Mer Méditerranée , il y a de Marzalquibir à Velez , situé près le Détroit , plus de
deux cens cinquante milles, ou environ soixante
et dix lieuës Françoises. M. d'Herbelot ajoûte
que Garcia de Tolede , Capitaine Espagnol , prit
Velez en 1564. ce qui ne s'accorde pas avec l'Histoire de la conquête d'Oran par Ximenés ; l'Au- teur Espagnol qui l'a écrite , marque expressément que peu de temps avant la prise d'O
*
ran, le même Pierre de Navarre , dont il est tant
parlé dans cette Histoire , avoit réduit cette Ville
de Velez sous l'obéissance du Roy d'Espagne. Ce
General après le départ de Ximenés fit encore
d'autres conquêtes ; il prit Bugie , Capitale du
Royaume de ce nom , puis Tripoly , &c. et se
rendit la terreur de toute l'Affrique. Enfin Alger
se rendit tributaire de la Couronne d'Espagne.
,
Je souhaite aux Armes de S. M. C. de pareils
succès et de plus considerables pour le bien de la
Chrétienté , pour la gloire de ce grand Prince et
pour celle de la Religion. Je m'engage en même
temps de vous instruire avec la même exactitude
de la suite des Evenemens. Je suis, Monsieur, &c.
A Paris , le 26. Septembre 1732..
*Pi
L. R. à M-le Marquis de B. au sujet de
la conquête d'Oran , &c.
Idire au sujet de la Conquête d'Oran en elle- L me reste , Monsieur , peu de chose à vous
même. C'est une affaire heureusement copsommée par rapport au principal objet de larement et de l'Expédition. Sçavoir la prise de deux
Places importantes , qui assûrent la Navigation
et le Commerce dans une partie de la Mer Méditerrannée , contre les courses des Pyrates, Maures , et qui font aussi la sûreté des côtes d'Espagne très- peu éloignées de celles de Barbarie ; outre que la Religion et la Couronne d'Espagne rentrent par là dans leur ancienne possession. IL
est vrai , Monsieur , que par ma derniere Lettre
vous vous attendez d'apprendre de nouveaux
progrez des Armes de S. M. C. en Affrique. En
effet , le Comte de Montemar , après avoir sou
mis beaucoup de Païs aux environs , avoit fait ,
comme je vous l'ai mandé, un détachement considérable d'Infanterie et de Cavalerie , commandé par le Marquis de Villa - Darias , pour aller
faire le Siége de Mostagran , Ville située à l'em- bouchure de la Riviere de Chilef , à IS lieuës
d'Oran , du côté d'Alger ; à laquelle embouchure il avoit envoyé des Vaisseaux de Guerre et des
Galleres pour ' attaquer en même- temps la Place
par Mer. Mais les Vents contraires ayant empêché pendant plusieurs jours l'Escadre d'avancer , temps dont les ennemis ont sçu profiter
pour
OCTOBRE. 1732. 2175
pour se fortifier et pour recevoir des secours , le
Comte de Montemar envoya ordre au Marquis
de Villa- Darias de revenir au Camp avec ses
Troupes, remettant cette Expédition à une con- joncture plus favorable.
Depuis , ce General ayant reçu du Roy d'Espagne des Ordres précis de faire rembarquer toutes les Troupes , à l'exception de ce qui doit
composer les Garnisons des Places conquises , il
y a satisfait , et on a eu avis que la Flote et tous
les Bâtimens de transport étoient heureusement
arrivez dans les Ports d'Espagne. Le Comte de
Montemar s'est ensuite embarqué lui- même
venir rendre compte au Roy du succès de l'Expédition. On apprend qu'il est arrivé à la Cour le 17 d'Aoust que S. M. l'avoit fait Chevalier
de la Toison d'or , ainsi que Don Joseph Pathino , et qu'elle avoit honoré le Comte d'un
accueil des plus favorables.
pour
Pour ce qui regarde le Prince Maure, dont toutes les Nouvelles publiques ont parlé , qui offroit
la jonction de ses Troupes , pour réduire une
grande étendue de Païs , de donner son Fils en
Otage , &c. et qu'on attendoit même à Madrid ,
je n'en ai encore rien appris que je puisse vous donner pour certain. Mais la chose est
très-vraisemblable , et il n'est pas nouveau que
des Princes Mautes ayent recherché l'alliance des
Rois d'Espagne. Pour ne point sortir du sujet ni du Pays d'Oran , je vous dirai , Monsieur
ce que l'Histoire m'apprend à cet égard.
pour
A peine le Cardinal Ximenés étoit repassé en
Espagne , de retour de sa conquête , qu'il arriva
à la Cour des Ambassadeurs faire des propositions de la part du Roi de Tremesen ,
quelques moindres Princes de la Mautitanic , ofDiiij frant
et de
9
2176 MERCURE DE FRANCE
frant de rendre tous les Esclaves Chrétiens , de
payer même un tribut à laCouronne d'Epagne , en
faisant de grandes instances pour l'ouverture du commerce entre Oran et les Etats de ces Princes.
Ces Ambassadeurs , entr'autres choses , présenterent au Roi dix des plus beaux chevaux du pays,
magnifiquement harnachez , dix Faucons tout
dressez , de riches tapis , et un Lion apprivoisé
d'une grandeur et d'une beauté extraordinaire.
Je ne doute pas , Monsieur , qu'à mesure que
le Roi d'Espagne s'affermira dans sa nouvelle
conquête , et que ses Armes auront du progrès
dans le pays , les Puissances voisines ne tiennent
une pareille conduite.
Vous avez sçû , sans doute , que l'allarme a
été grande à Alger avant même la prise d'Oran ,
qui faisoit partie de cette Régence ; Alger , dis- je,
Ville si fiere , si bien munie , et si redoutable à la
Navigation , et au Commerce de la Chrétienté.
Aux seuls préparatifs de l'armement , la terreur
a été telle que les Algeriens avoient envoyé les
femmes , les enfans et leurs meilleurs effets dans
les Montagnes , et que la Régence avoit envoyé
une députation au Grand Seigneur pour deman- der du secours. Le Bailli de Vattan étant allé
dans le même tems à Alger avec l'Escadre des
Vaisseaux du Roi , qu'il commande , il a trouvé
les choses sur le pied que je viens de dire ; quelques Lettres ajoûtent que le Dey allarmé lui
avoit demandé si la France s'unissoit à l'Espagne
contre cette Régence , à quoi M. de Vattan
avoit répondu que quand le Roi son Maître auroit sujet de se plaindre d'elle il sçauroit la punir,
sans avoir besoin d'autré puissance que dela sienne.Veuille le Ciel humilier de plus en plus ces ennemis du Christianisme et du Genre humain. Et
puis-
OCTOBRE. 1732. 2177
puissent enfin les Vainqueurs d'Oran y faire
reporter ces fameuses Cloches qui en furent
' enlevées lors de la derniere invasion , et menées ,
pour ainsi dire , Captives à Alger.
D
Cependant vous ne sçauriez croire , Monsieur,
combien tout le Monde chrétien à été sensible
à l'heureux succès des Armes du Roi d'Espagne
à commencer par la capitale. Le Cardinal Ben
tivoglio , Ministre de cette Couronne à Rome
reçût l'heureuse nouvelle le 2.1 . Juillet , sans par- ler des dépêches du Nonce d'Espagne , qu'un autre Courrier apporta le même jour. Le Pape reçût cette nouvelle avec un excès de joye. S. S. en donna sur le champ des marques publiques Après
avoir fait l'éloge de la pieté et du zele de S. M. C.
elle assura le Cardinal B. qu'elle feroit tout ce
qui seroit en son pouvoir pour seconder ses
grands et ses pieux desseins. Le Pape résolut en
même-tems d'envoyer au Roi d'Espagne un Bref de félicitation , d'exhortation , &c. Le Cardinal
Alberoni partit quelques jours après pour Florence pour complimenter l'Infant Don Carlos sur cet évenement.
Ce Prince qui avoir reçu la même nouvelle le
20. se rendit d'abord à l'Église de l'Annonciade ,
où il fit chanter le Te Deum , en actions de gra
ces. Le Grand Duc le fit chanter dans l'Eglise
Métropolitaine de Florence..
* Ce sont les grandes Cloches que le C. Ximenés
fit fondrepour la principale Eglise d'Oran , qu'il nomma Notre- Dame de la Victoire. Les Maures
Les enleverent en l'année 1708. les porterent à Alger, et affecterent de les placer à une des Portes de
La Ville , où on les voit encore comme une espece de
triomphe sur les Chrétiens.. D Y
2178 MERCURE DE FRANCE
Je reviens à Rome , pour ajouter que le Pape
fit part au Sacré Collège de la prise d'Oran, &c.
dans un Consistoire particulier,tenu le 11 Aoust;
et le 13 , on commença par ordre de S. S. les ré
jouissances publiques. On sonna toutes les Cloches de la Ville , on tira le Canon du Château
S. Ange , et le soir il y eut des Feux et des Illuminations par toute la Ville. Le 15. Fête de l'Assomption, le Pape se rendit, en grand Cortege , à
l'Eglise de Sainte Marie Majeure , où S. S. tint
Chapelle Pontificale , à laquelle le Sacré Collége
assista. La Messe y fut célebrée par le Cardinal de
la Mirandole, Archiprêtre de cette Eglise, et aprèsla Messe on chanta le Te Deum à plusieurs
Chœurs de Musique. Il y eut un grand concours de personnes de distinction , et une affluance extraordinaire de Peuple. Le Château S. Ange
fit plusieurs décharges de toute son Artillerie.
Le Cardinal Bentivoglio avoit déja fait chanter le Te Deum solemnellement dans l'Eglise Nationnale des Espagnols , le 25 Juillet , jour de St
Jacques , auquel le Cardinal Belluga , Protecteur
des Affaires d'Espagne , celebra , avec beaucoup
de pompe , la Fête de cet Apôtre , Patron des
Espagnes.
-Je m'attens bien d'apprendre dans peu de jours:
que de pareilles actions de graces ont été renduës
dans Oran même , et que l'exercice de la vraie
Religion s'y fait actuellement dans les mêmes
Temples , dont le Mahométisme s'étoit emparé;
que les Livres d'Eglise y sont à la place de l'Alcoran et de la à Sunnah , et que la Foy pourroit
a C'est ainsi que les Mahometans appellent le Recueil des Faits et Dits de Mahomet , conservez
par tradition , &c. C'est comme la Miscnah des
Hebreux; la seconde Loy , la Loy Orale . c.
enfin
OCTOBRE. 1732. 2179
enfin penetrer delà dans le reste de cette Partie
de l'Affrique , où elle a été autrefois si floris- sante.
Vous me demanderez peut être , Monsieur , si
on n'a point rapporté parmi les dépouilles des
deux Places conquises , quelques Manuscrits de
Littérature Arabe? Cela se pourroit fort bien ;
les Sciences n'ont pas moins fleuri sous les Califes d'Affrique que sous ceux de l'Asie, et particu- lierement dans les Païs circonvoisins d'Oran, sur
tout après l'expulsion des Arabes de toute l'Espagne ; expulsion qui contribua beaucoup à faire
de cette Ville , l'une des plus grandes , des plus:
celebres et des plus riches Villes du Mahométisme,où se retirerent les Personnages les plus con- sidérables en tout genre.
Les Historiens Espagnols m'apprennent que
lorsque le Cardinal Ximenés fit son entrée solemnelle dans Alcala , après la Conquête d'Oran ; la
seconde chose qui parut dans son triomphe, après
plusieurs Chameaux , conduits par des Esclaves
chargez de Pieces d'or et d'Argent destinées pour
le Roy , ce fut une quantité de Livres Arabes d'Histoire , de Médecine , d'Astrologie , &c. qui
furent placez dans la Bibliotheque du Cardinal ,
lequel les laissa depuis à la Bibliotheque de l'Université d'Alcala , qu'il avoit fondée , où on les
voit encore aujourd'hui.
Ximenês n'a pas sans doute tout enlevé, et dans
Fespace d'environ 25 années qu'a duré la derniere invasion , il peut être entré dans Oran d'au
tres Manuscrits Arabes , curieux et utiles ; le
Païs des environs et sur tout la Ville de Trémé
sen , qui a fondé celle d'Oran , ne doivent pas em
être dépourvûs. Je connois deux Autheurs de réputation , originaires de cette même Ville , done D vi les:
3 MERCURE DE FRANCE
-
les Ouvrages sont fort estimez par les Bibliogra
phes Orientaux. Le premier est Assifeddin , Soliman Ben Ali , surnommé Telmessani ou de
Tremesen , Autheur d'un Scharh , ou Commentaire sur le Poeme du celebre Ebn * Faredh , intitulé , Taiiah. Ce Commentateur est mort l'an
690 de l'Hégire 1291. de J. C. L'autre Ecrivain
Arabe est Schamseddin , Mohammed Ben Amed,
Ebn Al Merousi , Marzouk , aussi surnommé
Talmessani, ou de Trémésen. Il est Autheur d'un
Livre , intitulé : AschrafAl Thoraf l'Almalek Al
Aschraf: C'est un Recueil de Eons Mots et de
Contes agréables , dédié à Malek Al Aschraf
Roy d'Egypte , avec un Traité de l'Egypte, dans
lequel l'Autheur prétend prouver que c'est le meilleur Pais de toute la Terre habitable Il mourut l'an 781. de l'H.gire ou l'an 1379. de notre
époque. Mais lais ons à l'illustre Gouverneur
d'Oran 1 soin de recueillir tout ce qui peut être
resté de bon dans le Païs , en fait d'Erudition
Arabe Il est plus en état que personne de le faire,
avec un juste discernement , et d'en enrichir un
jour la République des Lettres.
Vous me paroissez touché du mérite d'André
Doria , le Liberateur d'Oran , et content de la
Médaille de ce grand Homme , dont je vous ai
Scharfeddin Omar Ebn' Faredh , originaire
de Hamal , en Syrie , né au Caire l'an 577 de
l'Hegire , ou 1181. de J. C. fut l'un des plut Illus- tres Poëtes Arabes. Le Recueil de ses Poësies, sous le
nom de Divan , est tres- estimé , et a eu plusieurs
Commentateurs. Il composa le Taiiah , en faveur
des Sofis , espece de Religieux Musulmans qui
donnent dans la Mysticité , &c. Les Foësies de cet Autheur sont dans la Bibliotheque du Roy.. entre
1
OCTOBRE. 1732. 2181
entretenu dans ma derniere Lettre. Je puis bien
avoir fait quelque omission sur ce sujet , car , je
vous avoue , Monsieur , que ce n'est qu'en finissant cette Lettre , que j'étois pressé de faire partir, que j'ai sçu que Doria avoit eu un Historien,
et que cet Historien est le fameux Jesuite Sigonius , dont les Ouvrages , en grand nombre, sont
en réputation et ne se trouvent pas tous ensemble bien aisément. J'ai cependant eû le plaisir de
lire depuis dans cet Autheur la Vie a d'André
Doria , et d'avoir trouvé en lui un garant des
principales choses que je vous ai écrites sur ce
sujet.
de
Il en faut seulement excepter l'article de la
Statue , érigée par la République de Génes , en
l'honneur de Doria Elle est de Marbre blanc ,
selon mes Mémoires , et suivant le rapport
ceux qui l'ont vûë placée dans le Vestibule du
Palais où s'assemble le Sénat , et élevée sur un
Pié d'Estal , sur lequel est l'Inscription que j'ai
rapportée.
Aprendre littéralement le Narré de Sigonius,
qui rapporte tout du long le Decret du Sénat , la
Statue seroit de Bronze , et placée dans la grande Sale de ce Palais. Mais cela me paroît aisé a
concilier. Dans ce Decret , datté du mois d'Octobre 1578. le Sénat , après avoir fait un Előge magnifique de Doria , qui avoit, dit-il , rendu
la liberté à sa Patrie , &c . s'exprime ainsi , au su
a Cette Vie se trouve dans un des Volumes des
Oeuvres de Sigonius , intitulé : Caroli Sigonii ,
Historia de Rebus Bononiensibus , Libri VIII.
Ejusdem de vita ANDREE DORIE , Libri duo..
quibus accesserunt , &c. 1. vol. Fol. Francofurti ,
1603
jer
2182 MERCURE DE FRANCE
jet de la Statuë : Decrevit ut Andrea Doria Enea
Statua in magna Pratorii Aula , quoadfieri possit
ornatissima , cum ipsius nominis Inscriptione ponatur. Il est sans doute arrivé que dans l'exécution
de ce Décret , le Sénat , toujours le Maitre de ses
Décisions , ait , par des raisons qui nous sont inconnues , trouvé à propos de changer la matiere
et la situation de ce Monument , qui en effet se
trouve plus exposé à la vénération publique à
l'entrée du Palais , qu'il ne le seroit dans l'enté- rieur de ce Bâtiment. L'intention du Sénat est
toujours remplie , et l'Historien qui a écrit , et
qui est mort avant l'exécution , n'a point de
tort.
à
Je n'ai pû trouver, au reste , dans cet Historien, ni dans aucun autre Ecrivain le nom et la famille
de l'Epouse d'André Doria , dont le même Historien éleve si fort le rare génie et le mérite superieur, dont il fait, en un mot , une Héroïne , laquelle l'Empereur Charles V. voulut rendre visite en passant par Génes et qui donna à ce Prince des Conseils admirables , &c Je ne comprens pas trop cette omission de la part de Sigonius, d'ailleurs si exacts qu'en nommant la Mere
de Doria , il nous fait entendre qu'elle étoit de la
même Maison que son Epoux. J'ai aussi appris de cet Autheur que la Principauté de Melphe , donnée par Charles V. à Doria , et généreusement refusée d'abord, est située
dans le Royaume de Naples , relevant de cette.
Couronne. Elle Y avoit été réunie par la défection , ou la félonie de Jean Carracioli , Prince de
Melphe. Vous avez vû , Monsieur , dans ma derniere
Lettre , que le fameux Pyrate Dragut , pris par char- les Galeres de Doria , fut amené à Génes ,
gé
OCTOBRE. 1732. 218
é de chaînes , &c. Sigonius décrit élégamment
Phumanité et la générosité exercée par A. Doria
envers ce Captif , que je crois plus que jamais ,
après cette lecture , être representé sur le Revers
de notre Médaille , et non pas Barbarousse, com
me je l'avois d'abord pensé. Ce Captif , dis- je ,
homme féroce et barbare , s'il en fut jamais , est
bien connu sur ce pied-là par Doria Norat enim feros illius. moreş , et immanem naturam , dit notre Historien. Je crois que vous le reconnoîtrez à
ces traits sur la Médaille même , tant l'habileté
du Graveur a été grande àexprimer tout cela, par son Burin.
Rien,au reste, n'est plus pathétique et plus moral que le Discours de Doria fait à Dragut en le mettant en liberté. Il mérite d'être lû dans cet
Autheur: Morale et Eloquence perduës! les monstres ne s'apprivoisent presque jamais. Vous sçavez de quelle ingratitude Dragut paya dans la
suite son Libérateur, qui pensa être la Dupe d'une
générosité sans exemple.
J'apprens encore dans le même Livre , que les
Génois avoient fait Doria leur Généralissime de
Terre et de Mer. C'est la matiere du 38 Chap.
du onzième Livre , intitulé : De Maritimo ac
Terrestri Imperio ei à Genuensib, delato.
Je trouve enfin une circonstance singuliere dans
le 43 et dernier Chapitre , qui donne une grande idée de l'attachement et de la reconnoissance
de ce General , pour l'Empereur Charles V. en
ordonnant par l'Acte solemnel de ses dernieres
volontez, qu'on mit avec lui dans son Tombeau
Les Lettres de ce Prince par lesquelles il l'avoit
créé Chevalier de la Toison d'or.
Une autre circonstance non moins singuliere ,
que j'ai tirée d'un Mémoire particulier, venu de- puis
2184 MERCURE DE FRANCE
puis peu de Génes , c'est qu'André Doria , né
pour ainsi dire , pour les Armes et pour les Exploits Guerriers, ne porta jamais d'Epée ni de Poignard ; il disoit sur cela que toute sa force êtoit dans sa tête et dans l'amour de ses Concitoyens. Ne vous semble-t -il pas, Monsieur , être
transporté dans les meilleurs temps de la Republique Romaine , et voir revivre les Fabius , les
Lucullus , les Catons , dans ce grand Personnage ?
Finissons par un court Eloge , consacré à sa
Mémoire , et composé à Génes , en 158 6. à l'occasion de la Statue dont nous avons déja parlé ,
par l'Editeur de Sigonius :
Hic tamferventi Patria flagravit amore ,
Illius ut chara pro libertate tuenda
Horribiles Regum non formidaverit iras ,
Hic quoque cum Patria Regno , Sceptroquepotiri
Posset et aurata frontem redimire corona ,
Contempsit Regni fastus , nomenque Tyranni.
Huic maris Imperium vasti , sævumque tridentem
Neptunus , Pelagique leves concessit habenas :
Quin etiam aratis premerit cum classibus &quor,
Haud Pauci impavidi admirantes pectoris ausa.
Neptunum , aut sacro Neptuni è sanguine cretum
Mortalesque Deum vultus sumpsisse putarunt.
Hoc certum est , nullas Neptunum amplectier oras
Quá non ille simulfama penetrarit et armis,
Je finirois ici ma Lettre , Monsieur , si par vo
tre Réponse à ma précedente , je n'étois pas obligé
OCTOBRE. 1732. 2185
gé de revenir à Oran , pour vous dire en trèspeu de mots, qu'après quelques recherches je n'ai
rien trouvé qui autorise ce que Davity * en a dit,
sçavoir , qu'elle est la Capitale d'un petit Etat
nommé le Marquizat d'Oran , &c. et qu'à l'égard de Marzalquibir , dépendant , dit il , de ce
Marquisat, cette Ville fut enlevée aux Maures par
le Marquis de Comarez en 1555. Ce dernier fait
me paroît contredit par les meilleurs Historiens,
qui s'accordent tous à mettre la premiere conquête de Marzalquibir par les Espagnols en 1508.
ce fut comme le prélude de celle d'Oran , qui ne
fut réduit que l'année d'après. Don Fernand de
Cordoue commandoit l'Armée qui prit Marzalquibir , et non pas le Marquis de Comarez.
Dans mes Recherches j'ai trouvé quelquefois
cette expression dans certains Auteurs le Royaume d'Oran , cela n'est peut-être pas exact, mais il sert àprouver que cette Ville , Colonie , comme
je l'ai dit ailleurs , de celle de Tremesen et dans l'entiere dépendance des Rois de Tremesen , devenue extrêmement puissante par le commerce
et par la navigation , avoit secoué le joug de ses
prémiers Maîtres pour se faire Capitale d'un Etat
particulier , qui obéissoit apparemment à quelque Chef qui prit le nom de Roy , Etat qui devint ensuite presque Républiquain et qui étoit
tel lorsque les Espagnols conquirent Oran et ses
dépendances.
A l'égard de la puissance de cette Ville lors de
la Conquête , l'Historien du Ministere du Cardinal Ximenés , dit que les Maures chassez d'Espagne qui s'y étoient retirez , l'avoient tellement peu-
* Description generale de l'Affrique. Edition de
Rocolles , T. VI, in fol. Paris 1660.
plée
2186 MERCURE DE FRANCE
›
*
plée et enrichie, qu'elle pouvoit mettre sur pied des
Armées assez considerables. On peut juger , ajoûtet'il , de la grandeur et des richesses d'Oran par son
commerce et de son commerce par le nombre de
1500. Boutiques qui y étoient lorsque Ximenés la
prit.Le butin, sans y comprendre ce qui fut détourné,
fut estimé 500. mille écus d'or ; toute l'Armée s'enrichit à cetteprise , et il y eut tel particulier qui en rapporta jusqu'à dix mille ducats. Les richesses
d'Oran n'étoient pas ce qui contribuoit le plus à sa
réputation; sa grandeur , le nombre de ses habitans,
sa situation , son Port , son Arcenal , où l'on trouva
plus de 60 Pieces de gros Canons , sans compter les
moindres , et un nombre infini de toutes sortes d'armes >
la faisoient passer pour la plus importante
Ville de toute l'Afrique.
Il est vrai qu'il y a eu du changement dans la
fortune de cette Ville; mais sa situation maritime,
et ses autres avantages naturels étant toûjours les
mêmes , c'est un coup important pour l'Espagne
d'en avoir fait la conquête , contre la pensée de
certaines gens mal instruits et peu éclairez , qui
font des raisonnemens contraires et qui comptent
pour peu de chose la prise de ces deux Places. La
seule prise du Port de Marzalquibir met toute la
Côte d'Espagne même en sureté,et ouvre une entrée à la conquête de l'Affrique. C'est ainsi que
s'estexprimésur ce sujet un Historien Espagnol
des plus sensez.
Qu'il me soit permis , Monsieur , en finissant
Jerome Julien , Historien , qui étoit à la conquête d'Oran , dit les avoir comptées , par le nom
de Boutiques ilfaut entendre des Magazins remplis de Marchandises , c.
* Alvar-Gomez de Castro de reb. gestis Ximen.
d'observer
OCTOBRE. 1732. 2187
d'observer ici une méprise de M. d'Herbelor
dans sa Bibliotheque Orientale au sujet de notre
Marzalquibir , page 558 , que l'Auteur confond
avec le Port et la Ville de Velez , autrement le
Penon de Velez, situez sur la même Côte de Barbarie , mais c'est si peu la même chose , que selon les meilleurs Géographes et selon la nouvelle
Carte de la Mer Méditerranée , il y a de Marzalquibir à Velez , situé près le Détroit , plus de
deux cens cinquante milles, ou environ soixante
et dix lieuës Françoises. M. d'Herbelot ajoûte
que Garcia de Tolede , Capitaine Espagnol , prit
Velez en 1564. ce qui ne s'accorde pas avec l'Histoire de la conquête d'Oran par Ximenés ; l'Au- teur Espagnol qui l'a écrite , marque expressément que peu de temps avant la prise d'O
*
ran, le même Pierre de Navarre , dont il est tant
parlé dans cette Histoire , avoit réduit cette Ville
de Velez sous l'obéissance du Roy d'Espagne. Ce
General après le départ de Ximenés fit encore
d'autres conquêtes ; il prit Bugie , Capitale du
Royaume de ce nom , puis Tripoly , &c. et se
rendit la terreur de toute l'Affrique. Enfin Alger
se rendit tributaire de la Couronne d'Espagne.
,
Je souhaite aux Armes de S. M. C. de pareils
succès et de plus considerables pour le bien de la
Chrétienté , pour la gloire de ce grand Prince et
pour celle de la Religion. Je m'engage en même
temps de vous instruire avec la même exactitude
de la suite des Evenemens. Je suis, Monsieur, &c.
A Paris , le 26. Septembre 1732..
*Pi
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Résumé : QUATRIEME Lettre écrite par M. D. L. R. à M- le Marquis de B. au sujet de la conquête d'Oran, &c.
La lettre de M. D. L. R. au Marquis de B. discute de la conquête d'Oran et de ses conséquences. La prise d'Oran et d'une autre place stratégique sécurise la navigation et le commerce en Méditerranée, protégeant ainsi les côtes espagnoles des attaques des pirates maures. Cette victoire permet à la religion et à la couronne d'Espagne de récupérer des possessions anciennes. Le Comte de Montemar, après avoir soumis plusieurs pays voisins, avait envoyé un détachement dirigé par le Marquis de Villa-Darias pour assiéger Mostagran. Cependant, des vents contraires ont empêché l'escadre d'avancer, permettant aux ennemis de se renforcer. Montemar a donc ordonné le retrait des troupes et reporté l'expédition à une date plus favorable. Par la suite, Montemar a reçu l'ordre du roi d'Espagne de rembarquer toutes les troupes, sauf celles nécessaires pour les garnisons des places conquises. La flotte est arrivée en Espagne, et Montemar a été fait Chevalier de la Toison d'or pour ses succès. La lettre mentionne également un prince maure offrant son alliance, bien que cette proposition manque de confirmation certaine. Historiquement, des ambassadeurs avaient déjà proposé des alliances et des tributs à l'Espagne après la conquête d'Oran par le Cardinal Ximenès. La nouvelle de la conquête a suscité une grande joie à Rome et à Florence, où des actions de grâce ont été organisées. Le pape a félicité le roi d'Espagne et a ordonné des réjouissances publiques. La lettre évoque aussi la possibilité de retrouver des manuscrits arabes de littérature, de médecine et d'astrologie, similaires à ceux rapportés par Ximenès lors de sa conquête. Elle mentionne deux auteurs arabes réputés originaires de Trémésen, ville voisine d'Oran. Enfin, la lettre fait référence à André Doria, libérateur d'Oran, et à son historien, le jésuite Sigonius, qui a écrit sur la vie de Doria.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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94
p. 2594-2597
A MADLLE de Malcrais de la Vigne du Croisic en Bretagne.
Début :
D'un maritime Port l'ornement et la gloire, [...]
Mots clefs :
Gloire, Tribunaux, Travaux, Art, Débats, Verve poétique, Voltaire, Houdard
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texteReconnaissance textuelle : A MADLLE de Malcrais de la Vigne du Croisic en Bretagne.
'A MADILE de Malcrais de la Vigne
du Croisic en Bretagne.
D'Unmaritime Port l'ornement et la gloire ,
Aimable et sçavante Malcrais ,
Souffre qu'un Habitant des Rives de la Loire
Te témoigne la part qu'il prend à tes succès.
Nantes d'un œil de complaisance
Alieu de regarder le fruit de tes travaux ;
Le séjour où tu pris naissance ,
Est soumis à ses Tribunaux.
Que dis-je , il t'en souvient , vingt fois notre
Rivage,
Entendit I, Vol.
DECEMBRE. 1732. 2599
Entendit de tes Vers les sons harmonieux ,
Et tu fis dans nos Murs le noble apprentissage ,
De cet Art si cheri des hommes et des Dieux.
O que j'aime à te voir , en Bergere affligée ,
Du départ d'un Amant en bute aux flots amers
Confier la douleur où ton ame est plongée ,
Aux rapides Oiseaux qui traversent les Mers !
Que des constantes Tourterelles ,
Tu peins bien les tendres amours ,
Et que par ce portrait de leurs ardeurs fidelles ,
Tu dois faire rougir les Amans de nos jours !
Qui peut sans répandre des larmes ,
Qui peut sans frissonner d'horreur,
Ecouter le récit des cruelles allarmes ,
Dont la mort de ton Pere avoit saisi ton cœur j
Corisque , Ménalis , quelle délicatesse ,
Respirent vos jaloux débats !
Oui , d'une paisible tendresse
Yos soupçons , vos dépits surpassent les appas,
Poursuis, Malcrais, poursuis; désabuse la Seine,
Quidans son préjugé contre certains Cantons ,
S'imagine que l'Hipocrêne,
I. Vol.
Diij Dé-
2596 MERCURE DE FRANCE
Dédaigne d'arroser ceux que nous habitons.
Force-la d'avouer que la terre Armorique.
Connoît Phébus et les neuf Sœurs ,
Et que la Verve Poëtique ,
fait sentir aussi ses divines fureurs.
Mais quoi ! sans être si tardive ,
Elle a déja rendu justice à tes accords ,
Et la Marne, comme elle , à tes sons attentive ,
En a fait éclater ses éloquents transports.
Houdart tout prêt d'entrer dans la fatale Barque
Charmé de tes talens divers ,
Voulut t'en donner une marque ,
En vantant à la fois et ta Prose et tes Versi
Voltaire, le fameux Voltaire ,
Enchanté comme lui de tes doctes Ecrits ,
Vient d'apprendre à toute la Terre,
Combien il en sent tout le prix.
C'est donc & honte extrême ! à ta seule Patrie ,
Qu'on peut à juste droit reprocher aujourdhui ,
De ne sçavoir pas rendre à ton rare génie ,
L'honneur qu'elle reçoit de lui,
1. Vol
DECEMBRE. 1732. 2597
Et moi, que ta belle ame honore ,
Du précieux dépôt de tous tes sentimens ,
Je suis bien plus coupable encore ,
D'avoir tant balancé pour t'offrir mon encens!
Pardonne , illustre Amie , Apollon m'est avare ,
Des faveurs que sans cesse il verse dans ton sein :
Heureux que ma verve bizarre ,
Ait du moins en ce jour secondé mon dessein.
Chevaye , Auditeur à la Chambre des
Comptes de Bretagne.
du Croisic en Bretagne.
D'Unmaritime Port l'ornement et la gloire ,
Aimable et sçavante Malcrais ,
Souffre qu'un Habitant des Rives de la Loire
Te témoigne la part qu'il prend à tes succès.
Nantes d'un œil de complaisance
Alieu de regarder le fruit de tes travaux ;
Le séjour où tu pris naissance ,
Est soumis à ses Tribunaux.
Que dis-je , il t'en souvient , vingt fois notre
Rivage,
Entendit I, Vol.
DECEMBRE. 1732. 2599
Entendit de tes Vers les sons harmonieux ,
Et tu fis dans nos Murs le noble apprentissage ,
De cet Art si cheri des hommes et des Dieux.
O que j'aime à te voir , en Bergere affligée ,
Du départ d'un Amant en bute aux flots amers
Confier la douleur où ton ame est plongée ,
Aux rapides Oiseaux qui traversent les Mers !
Que des constantes Tourterelles ,
Tu peins bien les tendres amours ,
Et que par ce portrait de leurs ardeurs fidelles ,
Tu dois faire rougir les Amans de nos jours !
Qui peut sans répandre des larmes ,
Qui peut sans frissonner d'horreur,
Ecouter le récit des cruelles allarmes ,
Dont la mort de ton Pere avoit saisi ton cœur j
Corisque , Ménalis , quelle délicatesse ,
Respirent vos jaloux débats !
Oui , d'une paisible tendresse
Yos soupçons , vos dépits surpassent les appas,
Poursuis, Malcrais, poursuis; désabuse la Seine,
Quidans son préjugé contre certains Cantons ,
S'imagine que l'Hipocrêne,
I. Vol.
Diij Dé-
2596 MERCURE DE FRANCE
Dédaigne d'arroser ceux que nous habitons.
Force-la d'avouer que la terre Armorique.
Connoît Phébus et les neuf Sœurs ,
Et que la Verve Poëtique ,
fait sentir aussi ses divines fureurs.
Mais quoi ! sans être si tardive ,
Elle a déja rendu justice à tes accords ,
Et la Marne, comme elle , à tes sons attentive ,
En a fait éclater ses éloquents transports.
Houdart tout prêt d'entrer dans la fatale Barque
Charmé de tes talens divers ,
Voulut t'en donner une marque ,
En vantant à la fois et ta Prose et tes Versi
Voltaire, le fameux Voltaire ,
Enchanté comme lui de tes doctes Ecrits ,
Vient d'apprendre à toute la Terre,
Combien il en sent tout le prix.
C'est donc & honte extrême ! à ta seule Patrie ,
Qu'on peut à juste droit reprocher aujourdhui ,
De ne sçavoir pas rendre à ton rare génie ,
L'honneur qu'elle reçoit de lui,
1. Vol
DECEMBRE. 1732. 2597
Et moi, que ta belle ame honore ,
Du précieux dépôt de tous tes sentimens ,
Je suis bien plus coupable encore ,
D'avoir tant balancé pour t'offrir mon encens!
Pardonne , illustre Amie , Apollon m'est avare ,
Des faveurs que sans cesse il verse dans ton sein :
Heureux que ma verve bizarre ,
Ait du moins en ce jour secondé mon dessein.
Chevaye , Auditeur à la Chambre des
Comptes de Bretagne.
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Résumé : A MADLLE de Malcrais de la Vigne du Croisic en Bretagne.
Le poème est dédié à Madame de Malcrais de la Vigne du Croisic en Bretagne. L'auteur, habitant des rives de la Loire, exprime son admiration pour les succès littéraires de Madame de Malcrais. Bien que Nantes ne puisse revendiquer sa naissance, la ville a entendu ses vers harmonieux et a vu son apprentissage de la poésie. Le poème mentionne des œuvres spécifiques de Madame de Malcrais, telles que des poèmes sur la douleur d'une bergère affligée par le départ d'un amant et sur la mort de son père. L'auteur loue sa délicatesse et son talent poétique, comparant ses écrits à ceux inspirés par les Muses. Voltaire a également reconnu la valeur de ses écrits. Le poème critique la patrie de Madame de Malcrais, qui ne lui rend pas justice, et l'auteur s'excuse pour avoir tardé à lui rendre hommage. L'auteur se présente comme Chevaye, Auditeur à la Chambre des Comptes de Bretagne.
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95
p. 2605-2612
EPITRE A M. Aroüet de Voltaire, par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne, pour le remercier du présent qu'il lui a fait de son Histoire de Charles XII. de sa Henriade et du Recueil de quelques-unes de ses Tragédies.
Début :
Tes deux Héros, Voltaire, enfin sont arrivez; [...]
Mots clefs :
Voltaire, Henriade, Charles XII, Tragédies, Tasse, Politesse, Plume, Gloire, Amitiés
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texteReconnaissance textuelle : EPITRE A M. Aroüet de Voltaire, par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne, pour le remercier du présent qu'il lui a fait de son Histoire de Charles XII. de sa Henriade et du Recueil de quelques-unes de ses Tragédies.
EPITRE
A M. Aronet de Voltaire , par MH de
Malcrais de la Vigne , du Croisic en
Bretagne , pour le remercier du présent
qu'il lui afait de son Histoire de Ĉharles
XII. de sa Henriade et du Recueil de
quelques-unes de ses Tragédies.
TEs deux Héros , Voltaire, enfin sont arrivez;
Bonjour, leur ai-je dit , couple de Rois celebres,
Conquerans dont les noms , de l'horreur des te
nebres ,
Ont été par Voltaire à jamais préservez.
Vous êtes- vous bien conservez ,
Pendant la longueur du voyage ?
Auriez-vous essuyé d'un insolent orage,
Les brusques incommoditez ?
1. Vel
2606 MERCURE DE FRANCE
Non, vos habits brillans (a) n'ont point été gatez.
Votre Redingote luisante ,
Faite d'une toile glissante , (b)
Des torrens pluvieux vous a très-bien gardez ;
Mais combien avez- vous ŝuspendu mon attente ♣
Combien mes plaisirs retardez ,
Ont-ils fait murmurer mon ame impatiente !
Trois fois dix jours , bon Dieu ! pour venir de Paris
AuPays des Bretons ! votre marche est trop lente:
Où si je l'ai bien compris ,
Il faut que vous ayez pris
La route des Pirenéés ;
Autrement sans m'étonner ,
Je ne puis m'imaginer ,
Qu'à si petites journées,
Guerrier veuille cheminer.
Cependant Charles douzième , (c)
S'offre à mes regards contens ,
Mars autant que Mars lui- même ,
Terrible , armé jusqu'aux dents ,
Comme sil alloit se battre.
Quel air d'intrépidité ?
Il est encor tout botté.
(a) Ces Livres étoient couverts de papier marbré.
(b) Ils étoient enveloppez dans une toile cirée.
(c) Allusion à l'Estampe qui est en tête de l'His- toire de Charles XII
1. Vol.
Ni
DECEMBRE. 1732. 260%
Ni Charles ni , Henry quatre,
N'étoient de minces Héros ,
Enervés dans le repos ,
Qui craignent la pleuresie .
Et n'épargnent leurs Chevaux ,
Que pour épargner leur vie.
Après avoir attendu pendant un grand
mois , j'ai reçû , Monsieur , le présent dont vous m'avez honorée. Vous avez
ajoûté à Charles XII. et à la Henriade
que vous me promettiez dans le Mercure de Septembre , Oedipe , Mariamne
et Brutus. Cette genereuse politesse m'a
surprise agréablement , je n'avois vû jusqu'à ce jour votre Brutus que par Extrait ; et qu'est-ce qu'un Extrait quand la Piece est toute belle ? cela ne sert
qu'à mettre le Lecteur en appétit , j'étois
comme celle à qui l'on fait sentir une
Orange, qu'on lui ôte aussi-tôt de dessous le nez , afin qu'il ne lui en demeure
que l'odeur. La paresse du Messager m'a
fort impatientée , et le feu Pere du Cerceau n'a jamais murmuré davantage contre le Messager du Mans. Vous ne sçau-
- riez croire combien vos Vers et votre présent m'ont rendue glorieuse.Vedendo dono
cosi gentile, non resto nel mio cuore dramma,
cba 1. Vol.
2608 MERCURE DE FRANCE
che non fosse od amista , è fiamma. Personne ne me vient voir que je n'en fasse
parade à ses yeux 3 enfin je ne me troquerois pas aujourd'hui pour une autre.
Que quelqu'un désormais me dise ,
Que mon Pegase va le trot ,
Que mon Phébus parle ostrogot ,
Et que mes Vers sont Marchandise ,
Avendre un sou marqué le lot ;
Je répondrai tout aussi-tôt ,
Esprit fait dans un méchant moule,
Demandez à Voltaire , à ce fameux Auteur ;
Il sçait comment ma veine coule ,
Et si mes Vers sont sans valeur ;
Marchand d'oignon se connoît en ciboule.
Comme je prise infiniment tout ce qui
sort de votre plume , et que je serois fachée de perdre de vos Ouvrages , jusqu'à
la moindre ligne ; je me suis chagrinée
quand j'ai vu qu'à la fin du volume de la
Henriade , il manquoit quelques feüillets à la vie du Tasse, de cet homme divin
avec qui vous partagez tout mon cœur.
Mais à cheval donné regarde- t- on la bride ♪
Ce mot m'est échappé , Voltaire , ami, par don ,
C'est le Proverbe qui me guide
1. Vol.
DECEMBRE. 1732. 2609
A faire la comparaison
Qui convient mal au riche don ,
Dont en divers climats mon nom se glorifie
Exprimons-nous donc autrement ;
Supposons que d'un Diamant
Un humain libéral un autre gratifie ,
Se persuadera- t- on qu'il fut si délicat ,
Qu'à cause d'un petit éclat ,
Dont le défaut laissât la pierre moins finie
D'accepter le présent il fit cérémonie !
Je ne me suis nullement étonnée, quand
j'ai vû par la Piéce que vous m'adressez
que toutce qu'il y a de beau étoit du ressort de votre esprit. Vous vous êtes , pour
ainfi dire , signalé en tous genres , Historien du premier ordre , Poëte excellent
Epique , Tragique , Comique , &c. est- il
quelqu'illustre de l'Antiquité , dont vous
dussiez envier la gloire ? que n'avez- vous
point essayé ? et en quoi n'avez - vous
point réussi ? j'avouerai pourtant qu'il est
une exception , mais une touchante exception à faire à la plénitude de votre
contentement : quoi à trente- sept ans vous
Vous trouvez hors d'âge de pouvoir aimer ? vous avez donc été bien amoureux
à vingt , et comme un dépensier vous
avez mangé le fond et le revenu de bon
1. Vol. no
2610 MERCURE DE FRANCE
3
ne heure. Que la condition de certains
hommes est bizarre ! à dix neuf et vingt
ans vous faisiez des Vers à merveille , à
trente- sept vous vous en acquittez encore mieux. Helas ! et trente sept ans en
amour ne représentent que l'ombre , et
le fantôme de votre premiere et douce
réalité !
Votre expérience confirme
La verité de ce qu'on lit ,
Qu'esprit est prompt , mais qne chair est ing firme ,
D'ailleurs Ciceron nous a dit ,
Ce docte Ciceron , Professeur en sagesse ,
Que les plaisirs vifs et pressans
Où se laisse avec fougue emporter la jeug nesse >
La livrent par avance aux désirs impuissans
De la foible et triste vieillesse.
Je me trompe , Monsieur , et je dois
penser tout autrement fur votre compte.
Si vous quittez l'Amour , c'est que vous
avez découvert tout le faux de ses charmes , et penetré tout le vuide de ses
plaisirs. Votre sort bien loin d'être à
plaindre est digne d'envie , et vous n'en
êtes encore que plus estimable. Vous
avez fait les mêmes refléxions qu'Arioste
I.Vol. dans
'DECEMBRE: 1732: 2611
7
dans la premiere Stance du chant 24 de
Roland furieux.
Chi mette il piè sù l'amorosa pania ;
Cerchi ritrarlo , è non v'inveschi l'ale ;
Che non è in somma Amor, se non insania }
Al gindicio dè savii , universale.
C'est trop parler morale , chut , je vois
que toutes les oreilles ne s'y prêtent pas
de la même maniere. Je reviens à Charles XII. et à la Henriade dont je ne sçaurois me lasser de vous remercier , je vous
assure que quoique venus les derniers ils
feront au rang principal dans ma petite
Bibliotheque , et qu'avec vos Tragédies Ce seront mes Livres favoris.
Mais comme je les ai reçus ,
D'un Tafetas changeant légerement vétus
J'ai craint que le froid et la brume
Venans avec l'Hiver , afreux porteur de rhume
Ne les eussent incommodez.
C'est pourquoi proprement on a pris leur me
sure ,
Puis on a mis sur eux des habits sans cou
ture ,
D'or magnifiquement bordez ,
A qui le taferas a servi de doublure.
J'accepte avec joye l'amitié que vous
I. Vol. me
2612 MERCURE DE FRANCE
me promettez à la fin de votre Lettre.
Nous nous en sommes donné des preuves
réciproques que je crois aussi since es de
votre part qu'elles le sont de la mienne.
Les amitiez que le hazard fait naître sont
souvent de plus longue durée que les autres. Il ne tiendra point à moi que la
nôtre ne finisse jamais. Je voudrois avoir
quelque chose qui fut digne de vous être
envoyé en revanche de votre présent ;
mais c'est là souhaitter l'impossible.
Quel ch'io vi debbo , posso di parole
Pagare in parte , è d'opera d'inchiostro
Ne che pocho vi dia da imputar sono ,
Che quanto io posso , dar , tutto vi dono.
·
Vous voudrez bien que les sentimens
de mon cœur suppléent au reste. Je suis
avec toute la reconnoissance , toute l'amitié et tout le respect possible , Monsieur , votre très humble, &c.
A M. Aronet de Voltaire , par MH de
Malcrais de la Vigne , du Croisic en
Bretagne , pour le remercier du présent
qu'il lui afait de son Histoire de Ĉharles
XII. de sa Henriade et du Recueil de
quelques-unes de ses Tragédies.
TEs deux Héros , Voltaire, enfin sont arrivez;
Bonjour, leur ai-je dit , couple de Rois celebres,
Conquerans dont les noms , de l'horreur des te
nebres ,
Ont été par Voltaire à jamais préservez.
Vous êtes- vous bien conservez ,
Pendant la longueur du voyage ?
Auriez-vous essuyé d'un insolent orage,
Les brusques incommoditez ?
1. Vel
2606 MERCURE DE FRANCE
Non, vos habits brillans (a) n'ont point été gatez.
Votre Redingote luisante ,
Faite d'une toile glissante , (b)
Des torrens pluvieux vous a très-bien gardez ;
Mais combien avez- vous ŝuspendu mon attente ♣
Combien mes plaisirs retardez ,
Ont-ils fait murmurer mon ame impatiente !
Trois fois dix jours , bon Dieu ! pour venir de Paris
AuPays des Bretons ! votre marche est trop lente:
Où si je l'ai bien compris ,
Il faut que vous ayez pris
La route des Pirenéés ;
Autrement sans m'étonner ,
Je ne puis m'imaginer ,
Qu'à si petites journées,
Guerrier veuille cheminer.
Cependant Charles douzième , (c)
S'offre à mes regards contens ,
Mars autant que Mars lui- même ,
Terrible , armé jusqu'aux dents ,
Comme sil alloit se battre.
Quel air d'intrépidité ?
Il est encor tout botté.
(a) Ces Livres étoient couverts de papier marbré.
(b) Ils étoient enveloppez dans une toile cirée.
(c) Allusion à l'Estampe qui est en tête de l'His- toire de Charles XII
1. Vol.
Ni
DECEMBRE. 1732. 260%
Ni Charles ni , Henry quatre,
N'étoient de minces Héros ,
Enervés dans le repos ,
Qui craignent la pleuresie .
Et n'épargnent leurs Chevaux ,
Que pour épargner leur vie.
Après avoir attendu pendant un grand
mois , j'ai reçû , Monsieur , le présent dont vous m'avez honorée. Vous avez
ajoûté à Charles XII. et à la Henriade
que vous me promettiez dans le Mercure de Septembre , Oedipe , Mariamne
et Brutus. Cette genereuse politesse m'a
surprise agréablement , je n'avois vû jusqu'à ce jour votre Brutus que par Extrait ; et qu'est-ce qu'un Extrait quand la Piece est toute belle ? cela ne sert
qu'à mettre le Lecteur en appétit , j'étois
comme celle à qui l'on fait sentir une
Orange, qu'on lui ôte aussi-tôt de dessous le nez , afin qu'il ne lui en demeure
que l'odeur. La paresse du Messager m'a
fort impatientée , et le feu Pere du Cerceau n'a jamais murmuré davantage contre le Messager du Mans. Vous ne sçau-
- riez croire combien vos Vers et votre présent m'ont rendue glorieuse.Vedendo dono
cosi gentile, non resto nel mio cuore dramma,
cba 1. Vol.
2608 MERCURE DE FRANCE
che non fosse od amista , è fiamma. Personne ne me vient voir que je n'en fasse
parade à ses yeux 3 enfin je ne me troquerois pas aujourd'hui pour une autre.
Que quelqu'un désormais me dise ,
Que mon Pegase va le trot ,
Que mon Phébus parle ostrogot ,
Et que mes Vers sont Marchandise ,
Avendre un sou marqué le lot ;
Je répondrai tout aussi-tôt ,
Esprit fait dans un méchant moule,
Demandez à Voltaire , à ce fameux Auteur ;
Il sçait comment ma veine coule ,
Et si mes Vers sont sans valeur ;
Marchand d'oignon se connoît en ciboule.
Comme je prise infiniment tout ce qui
sort de votre plume , et que je serois fachée de perdre de vos Ouvrages , jusqu'à
la moindre ligne ; je me suis chagrinée
quand j'ai vu qu'à la fin du volume de la
Henriade , il manquoit quelques feüillets à la vie du Tasse, de cet homme divin
avec qui vous partagez tout mon cœur.
Mais à cheval donné regarde- t- on la bride ♪
Ce mot m'est échappé , Voltaire , ami, par don ,
C'est le Proverbe qui me guide
1. Vol.
DECEMBRE. 1732. 2609
A faire la comparaison
Qui convient mal au riche don ,
Dont en divers climats mon nom se glorifie
Exprimons-nous donc autrement ;
Supposons que d'un Diamant
Un humain libéral un autre gratifie ,
Se persuadera- t- on qu'il fut si délicat ,
Qu'à cause d'un petit éclat ,
Dont le défaut laissât la pierre moins finie
D'accepter le présent il fit cérémonie !
Je ne me suis nullement étonnée, quand
j'ai vû par la Piéce que vous m'adressez
que toutce qu'il y a de beau étoit du ressort de votre esprit. Vous vous êtes , pour
ainfi dire , signalé en tous genres , Historien du premier ordre , Poëte excellent
Epique , Tragique , Comique , &c. est- il
quelqu'illustre de l'Antiquité , dont vous
dussiez envier la gloire ? que n'avez- vous
point essayé ? et en quoi n'avez - vous
point réussi ? j'avouerai pourtant qu'il est
une exception , mais une touchante exception à faire à la plénitude de votre
contentement : quoi à trente- sept ans vous
Vous trouvez hors d'âge de pouvoir aimer ? vous avez donc été bien amoureux
à vingt , et comme un dépensier vous
avez mangé le fond et le revenu de bon
1. Vol. no
2610 MERCURE DE FRANCE
3
ne heure. Que la condition de certains
hommes est bizarre ! à dix neuf et vingt
ans vous faisiez des Vers à merveille , à
trente- sept vous vous en acquittez encore mieux. Helas ! et trente sept ans en
amour ne représentent que l'ombre , et
le fantôme de votre premiere et douce
réalité !
Votre expérience confirme
La verité de ce qu'on lit ,
Qu'esprit est prompt , mais qne chair est ing firme ,
D'ailleurs Ciceron nous a dit ,
Ce docte Ciceron , Professeur en sagesse ,
Que les plaisirs vifs et pressans
Où se laisse avec fougue emporter la jeug nesse >
La livrent par avance aux désirs impuissans
De la foible et triste vieillesse.
Je me trompe , Monsieur , et je dois
penser tout autrement fur votre compte.
Si vous quittez l'Amour , c'est que vous
avez découvert tout le faux de ses charmes , et penetré tout le vuide de ses
plaisirs. Votre sort bien loin d'être à
plaindre est digne d'envie , et vous n'en
êtes encore que plus estimable. Vous
avez fait les mêmes refléxions qu'Arioste
I.Vol. dans
'DECEMBRE: 1732: 2611
7
dans la premiere Stance du chant 24 de
Roland furieux.
Chi mette il piè sù l'amorosa pania ;
Cerchi ritrarlo , è non v'inveschi l'ale ;
Che non è in somma Amor, se non insania }
Al gindicio dè savii , universale.
C'est trop parler morale , chut , je vois
que toutes les oreilles ne s'y prêtent pas
de la même maniere. Je reviens à Charles XII. et à la Henriade dont je ne sçaurois me lasser de vous remercier , je vous
assure que quoique venus les derniers ils
feront au rang principal dans ma petite
Bibliotheque , et qu'avec vos Tragédies Ce seront mes Livres favoris.
Mais comme je les ai reçus ,
D'un Tafetas changeant légerement vétus
J'ai craint que le froid et la brume
Venans avec l'Hiver , afreux porteur de rhume
Ne les eussent incommodez.
C'est pourquoi proprement on a pris leur me
sure ,
Puis on a mis sur eux des habits sans cou
ture ,
D'or magnifiquement bordez ,
A qui le taferas a servi de doublure.
J'accepte avec joye l'amitié que vous
I. Vol. me
2612 MERCURE DE FRANCE
me promettez à la fin de votre Lettre.
Nous nous en sommes donné des preuves
réciproques que je crois aussi since es de
votre part qu'elles le sont de la mienne.
Les amitiez que le hazard fait naître sont
souvent de plus longue durée que les autres. Il ne tiendra point à moi que la
nôtre ne finisse jamais. Je voudrois avoir
quelque chose qui fut digne de vous être
envoyé en revanche de votre présent ;
mais c'est là souhaitter l'impossible.
Quel ch'io vi debbo , posso di parole
Pagare in parte , è d'opera d'inchiostro
Ne che pocho vi dia da imputar sono ,
Che quanto io posso , dar , tutto vi dono.
·
Vous voudrez bien que les sentimens
de mon cœur suppléent au reste. Je suis
avec toute la reconnoissance , toute l'amitié et tout le respect possible , Monsieur , votre très humble, &c.
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Résumé : EPITRE A M. Aroüet de Voltaire, par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne, pour le remercier du présent qu'il lui a fait de son Histoire de Charles XII. de sa Henriade et du Recueil de quelques-unes de ses Tragédies.
L'épître est une lettre de remerciement écrite par MH de Malcrais de la Vigne à Voltaire. Elle exprime sa gratitude pour la réception de plusieurs ouvrages, notamment l'Histoire de Charles XII, la Henriade, et des tragédies telles que Œdipe, Mariamne et Brutus. L'auteur mentionne son impatience due au retard de la livraison des livres, qui ont été protégés par une toile cirée pendant leur voyage. L'auteur admire particulièrement les personnages de Charles XII et Henri IV, qu'elle décrit comme des héros intrépides. Elle loue la générosité de Voltaire et la qualité exceptionnelle de ses œuvres, qu'elle considère comme des chefs-d'œuvre en histoire et en poésie. Elle note une petite lacune dans le volume de la Henriade, mais cela n'altère en rien son admiration pour Voltaire. MH de Malcrais de la Vigne conclut en acceptant l'amitié de Voltaire et en exprimant son désir de lui offrir quelque chose en retour, bien qu'elle reconnaisse que cela soit impossible. Elle exprime sa gratitude et son admiration pour Voltaire, soulignant la valeur de ses contributions littéraires.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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95
96
p. 2770-2772
EPITRE, A M. l'Abbé Ploment, sur ses Noëls.
Début :
Sage Plomet, dont la plume rapide, [...]
Mots clefs :
Noëls, Plume, Écrits, Gloire
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texteReconnaissance textuelle : EPITRE, A M. l'Abbé Ploment, sur ses Noëls.
EPITRE,
A M. l'Abbé Plomet , sur ses Noëls.
Sage Plomet , dont la plume rapide ,
Juste et sçavante en ses productions ,
Fut souvent le fidelle guide,
De nos timides Amphions,
Reçois avec bonté ces Essais de ma Lyre ;
Elle t'en doit les premiers fruits ,
Puisqu'elle a pris dans tes Ecrits ,
L'entousiasme qui l'inspire.
On t'a vu penetré d'une divine ardeur,
Du Sauveur desHumains celebrer la Naissance
Par tes charmans accords le coupable Pécheur ,
Sentoit renaître dans son cœur
D'un heureux avenir , la flateuse esperance.
Aux approches de ce grand jour ,
Le Public révéroit dans son impatience ,
Ces marques de ton saint amour,
Et les chantoit avec reconnoissance :
.... II. Vol. Mais
DECEMBRE. 1732 277)
Mais hélas ! il n'a plus cet innocent plaisir ;
Il le demande en vain , Plomet le lui refuse ,
Tes amis seuls, reçus dans ton pieux loisir ,
Partagent avec toi les efforts de ta Muse.
Des saints Lauriers que ta main à cueillis ,
Le Public te doit un hommage ;
Mais ces talens qui furent ton partage ,
Te furent-ils donnez , pour être ensevelis ?
Quoi ! craindrois- tu les Critiques cruelles ,
D'un Censeur étourdi ?
Tes Noëls précedens sont tes garants fidelles,
Rime , Plomet , tu seras applaudi.
La pâle jalousie et la haine barbare ,
Voudront semer en vain leurs ennuyeux discours
Le Languedoc charmé , t'admirera toûjours ,
Et la gloire qu'il te prépare ,
Vaut bien le danger que tu cours.
Des honneurs qu'on te doit , sage dispensatrice
L'équitable Posterité ,
Sçaura mieux te rendre justice ,
Et l'on verra la verité ,
Terrasser la noire malice.
Corneille ( dira-t'on ) La Fontaine , Rousseau;
Despreaux , Racine , Moliere ,
Paroissant animez d'un feu toûjours nouveau ,
Scurent chacun à leur maniere ,
Parcourir sans égaux leur brillante carriere ;
୮
II. Vol.
Heureux
2772 MERCURE DE FRANCE
Heureux de partager entr'eux un don si beau.
Couverts d'une éternelle gloire ,
Leurs noms chéris deviendront immortels ;
Mais parmi les Sçavans que nous vante l'Histoire,
Plomet s'est distingué par ses pieux Noëls.
L'Abbé Cros , de Montpellier.
A M. l'Abbé Plomet , sur ses Noëls.
Sage Plomet , dont la plume rapide ,
Juste et sçavante en ses productions ,
Fut souvent le fidelle guide,
De nos timides Amphions,
Reçois avec bonté ces Essais de ma Lyre ;
Elle t'en doit les premiers fruits ,
Puisqu'elle a pris dans tes Ecrits ,
L'entousiasme qui l'inspire.
On t'a vu penetré d'une divine ardeur,
Du Sauveur desHumains celebrer la Naissance
Par tes charmans accords le coupable Pécheur ,
Sentoit renaître dans son cœur
D'un heureux avenir , la flateuse esperance.
Aux approches de ce grand jour ,
Le Public révéroit dans son impatience ,
Ces marques de ton saint amour,
Et les chantoit avec reconnoissance :
.... II. Vol. Mais
DECEMBRE. 1732 277)
Mais hélas ! il n'a plus cet innocent plaisir ;
Il le demande en vain , Plomet le lui refuse ,
Tes amis seuls, reçus dans ton pieux loisir ,
Partagent avec toi les efforts de ta Muse.
Des saints Lauriers que ta main à cueillis ,
Le Public te doit un hommage ;
Mais ces talens qui furent ton partage ,
Te furent-ils donnez , pour être ensevelis ?
Quoi ! craindrois- tu les Critiques cruelles ,
D'un Censeur étourdi ?
Tes Noëls précedens sont tes garants fidelles,
Rime , Plomet , tu seras applaudi.
La pâle jalousie et la haine barbare ,
Voudront semer en vain leurs ennuyeux discours
Le Languedoc charmé , t'admirera toûjours ,
Et la gloire qu'il te prépare ,
Vaut bien le danger que tu cours.
Des honneurs qu'on te doit , sage dispensatrice
L'équitable Posterité ,
Sçaura mieux te rendre justice ,
Et l'on verra la verité ,
Terrasser la noire malice.
Corneille ( dira-t'on ) La Fontaine , Rousseau;
Despreaux , Racine , Moliere ,
Paroissant animez d'un feu toûjours nouveau ,
Scurent chacun à leur maniere ,
Parcourir sans égaux leur brillante carriere ;
୮
II. Vol.
Heureux
2772 MERCURE DE FRANCE
Heureux de partager entr'eux un don si beau.
Couverts d'une éternelle gloire ,
Leurs noms chéris deviendront immortels ;
Mais parmi les Sçavans que nous vante l'Histoire,
Plomet s'est distingué par ses pieux Noëls.
L'Abbé Cros , de Montpellier.
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Résumé : EPITRE, A M. l'Abbé Ploment, sur ses Noëls.
L'épître de l'Abbé Cros, de Montpellier, est adressée à l'Abbé Plomet, qu'il loue pour sa plume rapide, juste et savante, souvent bénéfique aux poètes débutants. L'auteur exprime sa gratitude envers Plomet, dont les écrits ont stimulé son enthousiasme poétique. Plomet est célébré pour sa capacité à célébrer la naissance du Sauveur, inspirant ainsi les pécheurs à espérer un avenir heureux. Cependant, l'auteur regrette que le public ne puisse plus profiter des Noëls de Plomet, car celui-ci les réserve désormais à ses amis proches. Il encourage Plomet à ne pas craindre les critiques et à continuer à écrire, soulignant que ses précédents Noëls témoignent de son talent. L'auteur prédit que le Languedoc continuera d'admirer Plomet et que la postérité lui rendra justice, terrassant ainsi la malice. L'épître mentionne également des grands noms de la littérature comme Corneille, La Fontaine, Rousseau, Despreaux, Racine et Molière, comparant leur gloire immortelle à celle que Plomet pourrait atteindre grâce à ses Noëls.
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97
p. 18-22
LES PROGRES DE LA TRAGEDIE Sous le Regne de Louis le Grand. ODE.
Début :
Toy, qui fais l'honneur de la Scene, [...]
Mots clefs :
Louis, Roi, Scène, Gloire, Tragédie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LES PROGRES DE LA TRAGEDIE Sous le Regne de Louis le Grand. ODE.
LES PROGRÈS DE LA TRAGEDIE
Sous le Rogue u’: Louis le Grand.
O D E.
TOy, qui fais l'honneur de la Scene .
Par la noblesse de tes Chants , -
C'est à ra gloire , Melpomene ,
Qie je consacre mes accents.
OEielle Divinité mïnspire!
C’est toi, Muse , aydc mon délire 5:
a Immortaliscr tcs succès.“ 4 "
' ‘b s .
je vois tes rapides progrès;
A LOUIS tu dois ces merveilles;
Il sçut en couronnant tes veilles ,
JANVIER.‘ 173g.
i Ce Roy ne borne pas sa gloire , '
"A former sous lui des Guerriers;
, Il veut au Temple de Metnoire ,
' Te faire part doses Lauriers.
Ami des Sçavans ,‘comme Auguste,
Sous un Regnc aussi long que juste’,
Il sçair animer leurs travauk g
Du mérite Juge équitable;
_ Il va d’un regard favorable ,
En faire dïllustres Rivaux.
‘Déjà ses faveurs. nous ramenent.
La respectable Antiquité;
sophocle , Euripidc . reprennent,
Sous d’autres noms, leur Majesté.
Les Corneilles toujours sublimes ,
Charmeur par leurs sages maximes.
Un Roy dont ils sont ébloüis ;
Leurs Héros instruisent , enchanteur ;
Et lesgrands traits qu’ils nous présentent ,‘
sont autant de traitsde Louxs.
s
Sçavans ,la carriere est ouver‘;
Par le plus grand des. Souverains 5
Des Lauriers dont elle est couverte ,
iVous sont présentez par ses mains:
jhppercjois le tendre Racine , _,
' B v;
n
ce MERCURE DE FRANCE
Que j'aime à plaindre une Héroïne ,
Qÿil fait pleurer dans ses beaux Vers l
Elle y soupire sans faiblesse
Et le Héros qu’elle interesse ,
sans rougir y vante ses fers.
Reine des coeurs , poursuis , acheve g‘
Ton triomphe sera parfait;
le vois déja plus d’un Eleve ,
Digne du Maître qui l’a fait:
Pleins du HËIOS qui les inspire ,
Au spectateur qui les admire , '
Ils donnent d’utiles trésors;
Louis , c’est toi seul qui les guides g
A tes récompenses solides ,
Nous devons leurs nobles cEorts.
Le Théatre devient utile ;
La Scene nous Offre des moeurs;
Ce Champ que Lotus rend fertile,’
Porte ses fruits dans tous les coeurs.
Dans ces mêmes lieux où le crime,
Reçut un cultflllegitime ,
je vois ses Autels abbatus il
l J’): déteste ses artifices;
Tout change , l’Ecole des vices ,
Devient PEcolc des venus.
r
'
. site:
I 'A N V I E RI 1733;
‘Quel es: ton pouvoir , Melpomcne:
Tu sçais tromper le spectateur ;
Ton génie enchante 1a Scene ,
Et passe jusques dans PActeur;
Par une flarcuse imposture .
I.’Art cultivé devient nature ,
Effet de ces dons précieux ,
Tulme fais voir Monime en larmes ;
Je reconnais tes puissants charrues,
Aux pleurs qui coulent de mes yeux.
Ces prodiges qu’on voie paraître,‘
V Enfantent la perfection ;
C’cst roi , Louis, qui les fait naître,‘
Au sein de Pémulation. '
Plus d'un Roy qui suit tes exemples,‘
De ses mains éleve des Temples ,
A ces Dieux du sacré “Vallon ,
Mais c’esr élever â ta gloire‘,
Autant de Temples de Mcmoire ;
Leur gout éternisc ton nom.
/
.
Triomphe , heureuse Tragédie ,
Tes succès ne sont point borne: 5
Phébus orne de son génie ,
Des Sujeis qlfil a courouncz.
Ces Eleves inimitables , '
Laborieux , infatigables 1
p,»
Ibfficng
r: MERCUR r. .13 E FRANCE
Tbffrent des secours assidus;
Dignes duRoy qui les vit naître.
Ils sçavent se faire connoître ,
A PHériticr de ses vertus.
Canamur tenues Grnndiu;
Hor. Carm, Lib. 1°. 0d. vr.‘
Priere à Dieu pour le Re).
"Grand Dieu, dans notre Roy , conserve ton Ol-Ê
vrage; _
C’est notre appui , c’est ton imagt ;
En prolongeant ses jours , tu nous rendras heu-i
rVeeurxseg tes ‘ dons sur son auguste Race ; i
Et que bien-tôt sa gloire efface ,
Celle des Rois les ‘plus fameux.
, Par _M. Cnrolet.
Sous le Rogue u’: Louis le Grand.
O D E.
TOy, qui fais l'honneur de la Scene .
Par la noblesse de tes Chants , -
C'est à ra gloire , Melpomene ,
Qie je consacre mes accents.
OEielle Divinité mïnspire!
C’est toi, Muse , aydc mon délire 5:
a Immortaliscr tcs succès.“ 4 "
' ‘b s .
je vois tes rapides progrès;
A LOUIS tu dois ces merveilles;
Il sçut en couronnant tes veilles ,
JANVIER.‘ 173g.
i Ce Roy ne borne pas sa gloire , '
"A former sous lui des Guerriers;
, Il veut au Temple de Metnoire ,
' Te faire part doses Lauriers.
Ami des Sçavans ,‘comme Auguste,
Sous un Regnc aussi long que juste’,
Il sçair animer leurs travauk g
Du mérite Juge équitable;
_ Il va d’un regard favorable ,
En faire dïllustres Rivaux.
‘Déjà ses faveurs. nous ramenent.
La respectable Antiquité;
sophocle , Euripidc . reprennent,
Sous d’autres noms, leur Majesté.
Les Corneilles toujours sublimes ,
Charmeur par leurs sages maximes.
Un Roy dont ils sont ébloüis ;
Leurs Héros instruisent , enchanteur ;
Et lesgrands traits qu’ils nous présentent ,‘
sont autant de traitsde Louxs.
s
Sçavans ,la carriere est ouver‘;
Par le plus grand des. Souverains 5
Des Lauriers dont elle est couverte ,
iVous sont présentez par ses mains:
jhppercjois le tendre Racine , _,
' B v;
n
ce MERCURE DE FRANCE
Que j'aime à plaindre une Héroïne ,
Qÿil fait pleurer dans ses beaux Vers l
Elle y soupire sans faiblesse
Et le Héros qu’elle interesse ,
sans rougir y vante ses fers.
Reine des coeurs , poursuis , acheve g‘
Ton triomphe sera parfait;
le vois déja plus d’un Eleve ,
Digne du Maître qui l’a fait:
Pleins du HËIOS qui les inspire ,
Au spectateur qui les admire , '
Ils donnent d’utiles trésors;
Louis , c’est toi seul qui les guides g
A tes récompenses solides ,
Nous devons leurs nobles cEorts.
Le Théatre devient utile ;
La Scene nous Offre des moeurs;
Ce Champ que Lotus rend fertile,’
Porte ses fruits dans tous les coeurs.
Dans ces mêmes lieux où le crime,
Reçut un cultflllegitime ,
je vois ses Autels abbatus il
l J’): déteste ses artifices;
Tout change , l’Ecole des vices ,
Devient PEcolc des venus.
r
'
. site:
I 'A N V I E RI 1733;
‘Quel es: ton pouvoir , Melpomcne:
Tu sçais tromper le spectateur ;
Ton génie enchante 1a Scene ,
Et passe jusques dans PActeur;
Par une flarcuse imposture .
I.’Art cultivé devient nature ,
Effet de ces dons précieux ,
Tulme fais voir Monime en larmes ;
Je reconnais tes puissants charrues,
Aux pleurs qui coulent de mes yeux.
Ces prodiges qu’on voie paraître,‘
V Enfantent la perfection ;
C’cst roi , Louis, qui les fait naître,‘
Au sein de Pémulation. '
Plus d'un Roy qui suit tes exemples,‘
De ses mains éleve des Temples ,
A ces Dieux du sacré “Vallon ,
Mais c’esr élever â ta gloire‘,
Autant de Temples de Mcmoire ;
Leur gout éternisc ton nom.
/
.
Triomphe , heureuse Tragédie ,
Tes succès ne sont point borne: 5
Phébus orne de son génie ,
Des Sujeis qlfil a courouncz.
Ces Eleves inimitables , '
Laborieux , infatigables 1
p,»
Ibfficng
r: MERCUR r. .13 E FRANCE
Tbffrent des secours assidus;
Dignes duRoy qui les vit naître.
Ils sçavent se faire connoître ,
A PHériticr de ses vertus.
Canamur tenues Grnndiu;
Hor. Carm, Lib. 1°. 0d. vr.‘
Priere à Dieu pour le Re).
"Grand Dieu, dans notre Roy , conserve ton Ol-Ê
vrage; _
C’est notre appui , c’est ton imagt ;
En prolongeant ses jours , tu nous rendras heu-i
rVeeurxseg tes ‘ dons sur son auguste Race ; i
Et que bien-tôt sa gloire efface ,
Celle des Rois les ‘plus fameux.
, Par _M. Cnrolet.
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Résumé : LES PROGRES DE LA TRAGEDIE Sous le Regne de Louis le Grand. ODE.
Le texte 'Les Progrès de la Tragédie' rend hommage à Louis XIV et à l'essor de la tragédie sous son règne. L'auteur célèbre la muse Melpomène et les avancées rapides de la tragédie, qu'il attribue au soutien du roi. Louis XIV est présenté comme un protecteur des arts et des sciences, comparé à Auguste pour son soutien aux savants. Sous son règne, les tragédies classiques de Sophocle et Euripide sont réinterprétées, et des auteurs comme Corneille et Racine continuent de briller. Le théâtre devient un lieu d'éducation morale, transformant les mœurs et combattant le vice. Le pouvoir de la tragédie est souligné, capable de toucher profondément les spectateurs. Le texte se conclut par une prière pour la longévité et la gloire du roi, espérant que sa dynastie surpassera celle des rois les plus célèbres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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98
p. 258-261
ODE. L'Ame persecutée par les ennemis de son innocence, invoque le Seigneur.
Début :
De mes tristes sanglots reçoy le sacrifice, [...]
Mots clefs :
Seigneur, Ennemis, Innocence, Gloire, Heureux, Cruels, Âme, Victoire
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texteReconnaissance textuelle : ODE. L'Ame persecutée par les ennemis de son innocence, invoque le Seigneur.
O D E.
L'Ame persecutée par les ennemis de son
innocence , invoque le Seigneur.
DE mes tristes sanglots reçoy le sacrifice ,
Mes cruels ennemis , Seigneur ,
arment contre mon sein la barbare injustice
D'une
FEVRIER. 1733. 259
D'une sacrilege fureur,
Mets dans tes mains , Seigneur , les traits de ta
vengeance ,
Déclare toi pour l'innocence ;
Qu'ils tombent à tes pieds sous tes coups abate
tus.
Que vois -je! ma plainte t'anime.
Tu parois dans ta gloire et déja dans l'abîme
,
Ces cruels ennemis gémissent confondus.
M
Tremblés Peuples , armé de sa foudre bra .
·
lante ,
Le Seigneur devient mon appui ,
Les Cieux sont étonnés de sa gloire écla
tante ,
L'Univers fléchit devant lui.
Sous son bras foudroyant , les plus superbes
têtes
Tombent au rang de ses conquêtes.
D'un témeraire orgueil l'éclat audacieux
Se dissipe devant sa gloire ,
Le Seigneur a vaincu ; graces à sa victoire ,
Mes jours à ses Autels couleront sous ses
yeux.
De mes fiers ennemis les fureurs criminel
les
Ne
160 MERCURE DE FRANCE
Ne troubleront plus mon bonheur ,
Et je puis aux beautez de ses loix éternelles
Consacrer à jamais mon coeur.
A l'abri de son Throne et charmé de sa
gloire ,
Le jour heureux de sa victoire
Retracé dans mes chants augmentera ma paix,
Rempli de sa bonté suprême ,
Puisse plutôt mon coeur s'oublier de lui- même
Que du prix glorieux qu'il tient de ses bien
faits !
Des frivoles grandeurs d'un pompeux escla
vage ,
Mes yeux ne sont plus éblouis ;
Je vois , dans le repos où le Seigneur m'en
gage ,
Ces fantômes évanouis.
Heureux , Seigneur , heureux , le coeur qui to
révere !
Embrasé d'un amour sincere ,
Il goûte des vrais biens Les solides appas :
De son innocence éternelle
Rien ne peut alterer la pureté fidelle ;
Il craint le seul malheur de ne te loüer pas.
譏
Non , non , le monde en vain m'étale ses `délices
,
Le
FEVRIER. 261 1733.
Le seul bonheur est sous ta loy ,
Et je ne compte plus que parmi les suplices
.
Les biens qui me privent de toi.
Le Seigneur est ma force , à l'ombre sal
taire
De son auguste Sanctuaire ,
Des traits les plus cruels je brave la rigueur.
Vous , dont une indigne licence
Poursuit sur cette mer la timide innocence ,
Voulez-vous triompher ? invoqués le Seigneur
,
Dominus pars hareditatis mea et Calicis mei
Tu es qui restitues hareditatem meam mihi.
Par M. l'Abbé P. V. de Marseilles
L'Ame persecutée par les ennemis de son
innocence , invoque le Seigneur.
DE mes tristes sanglots reçoy le sacrifice ,
Mes cruels ennemis , Seigneur ,
arment contre mon sein la barbare injustice
D'une
FEVRIER. 1733. 259
D'une sacrilege fureur,
Mets dans tes mains , Seigneur , les traits de ta
vengeance ,
Déclare toi pour l'innocence ;
Qu'ils tombent à tes pieds sous tes coups abate
tus.
Que vois -je! ma plainte t'anime.
Tu parois dans ta gloire et déja dans l'abîme
,
Ces cruels ennemis gémissent confondus.
M
Tremblés Peuples , armé de sa foudre bra .
·
lante ,
Le Seigneur devient mon appui ,
Les Cieux sont étonnés de sa gloire écla
tante ,
L'Univers fléchit devant lui.
Sous son bras foudroyant , les plus superbes
têtes
Tombent au rang de ses conquêtes.
D'un témeraire orgueil l'éclat audacieux
Se dissipe devant sa gloire ,
Le Seigneur a vaincu ; graces à sa victoire ,
Mes jours à ses Autels couleront sous ses
yeux.
De mes fiers ennemis les fureurs criminel
les
Ne
160 MERCURE DE FRANCE
Ne troubleront plus mon bonheur ,
Et je puis aux beautez de ses loix éternelles
Consacrer à jamais mon coeur.
A l'abri de son Throne et charmé de sa
gloire ,
Le jour heureux de sa victoire
Retracé dans mes chants augmentera ma paix,
Rempli de sa bonté suprême ,
Puisse plutôt mon coeur s'oublier de lui- même
Que du prix glorieux qu'il tient de ses bien
faits !
Des frivoles grandeurs d'un pompeux escla
vage ,
Mes yeux ne sont plus éblouis ;
Je vois , dans le repos où le Seigneur m'en
gage ,
Ces fantômes évanouis.
Heureux , Seigneur , heureux , le coeur qui to
révere !
Embrasé d'un amour sincere ,
Il goûte des vrais biens Les solides appas :
De son innocence éternelle
Rien ne peut alterer la pureté fidelle ;
Il craint le seul malheur de ne te loüer pas.
譏
Non , non , le monde en vain m'étale ses `délices
,
Le
FEVRIER. 261 1733.
Le seul bonheur est sous ta loy ,
Et je ne compte plus que parmi les suplices
.
Les biens qui me privent de toi.
Le Seigneur est ma force , à l'ombre sal
taire
De son auguste Sanctuaire ,
Des traits les plus cruels je brave la rigueur.
Vous , dont une indigne licence
Poursuit sur cette mer la timide innocence ,
Voulez-vous triompher ? invoqués le Seigneur
,
Dominus pars hareditatis mea et Calicis mei
Tu es qui restitues hareditatem meam mihi.
Par M. l'Abbé P. V. de Marseilles
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Résumé : ODE. L'Ame persecutée par les ennemis de son innocence, invoque le Seigneur.
Le poème 'L'Ame persecutée par les ennemis de son innocence, invoque le Seigneur' de l'Abbé P. V. de Marseilles décrit la souffrance d'une âme persécutée par des ennemis cruels et injustes. L'âme implore le Seigneur de prendre vengeance et de défendre son innocence. Le Seigneur répond à cette prière en apparaissant dans sa gloire et en terrassant les ennemis. L'auteur exalte la victoire du Seigneur, qui devient son appui et sa force. Grâce à cette victoire, l'âme peut désormais consacrer son cœur aux lois éternelles du Seigneur, à l'abri de sa gloire. L'auteur exprime son bonheur et sa révérence envers le Seigneur, rejetant les plaisirs mondains. Il affirme que le seul véritable bonheur réside dans la loyauté au Seigneur. Le poème se conclut par une invocation au Seigneur pour protéger l'innocence et restaurer son héritage.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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99
p. 463-469
DISCOURS prononcé dans l'Hôtel de Ville de la Rochelle, le 18 Juillet 1732. par M. Regnaud, l'un des Membres de la nouvelle Académie Royale, à la tête de la Compagnie.
Début :
MESSIEURS, Nous venons partager avec vous la joïe que nous [...]
Mots clefs :
Académie de La Rochelle, Établissement, La Rochelle, Société littéraire, Sciences, Public, Amour, Gloire, Province, Postérité, Belles-lettres
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DISCOURS prononcé dans l'Hôtel de Ville de la Rochelle, le 18 Juillet 1732. par M. Regnaud, l'un des Membres de la nouvelle Académie Royale, à la tête de la Compagnie.
DISCOURS prononcé dans l'Hôtel
de Ville de la Rochelle , le 18 Juillet
1732. par M.Regnaud , l'un des Membres
de la nouvelle Académie Royale , à
la tête de la Compagnie.
M
ESSIEURS ,
Nous venons partager avec vous la
joïe que nous cause un Etablissement
aussi glorieux pour cette Ville , qu'il lui
sera utile dans la suite. Cette Société Litteraire
qui s'est formée sous vos yeux, qui
des son commencement a eu l'approba
tion de M. Bignon , Intendant de la Province
, est aujourd'hui honorée de la Protection
de Monseigneur le Prince de
Conti , et érigée en Corps Académique ,
par les Lettres Patentes , qu'il a plû au
Roy de nous accorder .
L'amour de l'Etude avoit fait naître
l'idée de cet Etablissement , la Sagesse
l'a conduit , la Vertu l'a protegé , et l'authorité
Souveraine vient de le rendre stable
, par une de ces graces singulieres que
S. M. ne répand que sur les Villes qui lúi
sont les plus attachées , les plus soumises ,
Ciiij et
464 MERCURE DE FRANCE
et , si je l'ose dire , les plus cheres.
Prérogative bien glorieuse pour nous
mais encore plus interressante ! elle nous
découvre le caractere bienfaisant du Prince,
sous les Loix duquel nous avons le bonheur
de vivre , son zele à étendre l'Empire
des Lettres jusqu'aux extrémitez de la
France , et, ce qui doit nous toucher plus
vivement, son attention à procurer à cette
Ville , tout ce qui peut lui être avantageux.
En effet , MESSIEURS , nos besoins
sont satisfaits , dès qu'il les connoît ; il
sçait que le commerce de cette Ville a
perdu de son activité et de son étenduë
que notre Port est devenu inaccessible
aux Vaisseaux ; il en ordonne le rétablis
sement , l'ouvrage est commencé , et l'expérience
de celui à qui il est confié , nous
assure du succès .
ོ་
བ་
Vraiment Pere de ses Peuples , il veille
sans cesse à leur conservation ; des maladies
Périodiques affligent les habitans de
cette Ville ; il ordonne d'en chercher la
cause, on la découvre, et déja nous voïons
près de cette Digue fameuse , qui sembloit
devoir nous éloigner de la Mer en lui
prescrivant de nouvelles bornes , mille
bras occupez au salut public.
Mieux instruit que nous sommes de
"no"
MARS. 1733.
465
nos propres interêts , il prévient les suites
funestes de cette avidité qui avoit porté
les Contrées voisines à changer l'usage de
leurs Terres , sans faire attention , qu'en
multipliant à l'excès , les fruits d'une
même espece , elles causoient une abondance
capable de ruiner la principale ressource
de cette Province.
Il semble , MESSIEURS , que cet Astre
ne soit placé sur nos têtes que pour
nous faire sentir la douceur de ses influences
; toujours attentif à recompenser
le mérite et les services de ses Sujets , il
vient de répandre un nouveau lustre
sur une Compagnie encore plus - respectable
par les qualitez de l'esprit et
du coeur , que par le nouvel éclat dont
S. M. a bien voulu l'honorer.
Secondant les voeux d'un Corps qué la
piété et le sçavoir ont toujours distingués
il veut , à l'honneur de la Religion élever
des Autels , dignes de sa Magnificence
Royale , dans les mêmes lieux où l'on regrete
encore ceux que la Guerre et l'Hérésie
ont renverses avec tant de fureur.
›
Notre reconnoissance se ranime à la
vûë de tous ces bienfaits ; mais eussionsnous
pû , MESSIEURS la marquer
d'une manière assez éclatante , si la nouvelle
faveur que nous recevons de S. M.
C v
ne
466 MERCURE DE FRANCE
ne nous mettoit en état de la rendre publique
, et de la faire passer jusqu'à la
posterité la plus reculée.
L'amour des Letttes , et leurs progrès
dans un Etat sont des marques assurées
de grandeur et de prosperité , et leur Etablissement
dans une Ville , et pour tous
les Citoiens , une source de gloire , à laquelle
chacun a droit de prétendre,à proportion
de ses talens .
Vous le sçavez , MESSIEURS , et j'ose
le dire , vous le sçavez par expérience
quels sont les avantages que l'on retire de
la connoissance et de l'amour des belles
Lettres ; jamais l'ame n'est mieux préparée
à la vertu que lorsque les Sciences y
ont répandu la lumiere , plus on est instruit
, micux on est en état de remplir ses
devoirs.
Pour nous en convaincre , parcourons
les differens états d'une Ville où les Lettres
et les Sciences sont cultivées ; nous y
verrons tous les Postes également bien
remplis ; l'authorité y esr sans aigreur ;
Pobéissance sans contrainte ; un heureux
Equilibre y entretient l'harmonie et la
paix ; il regne entre ses habitans , " une
émulation sans envie ; des moeurs douces.
et policées y rendent la société agréable ;
les Arts sont portez à leur perfection , la
ReliMAR
S. 1733 .
467
Religion est honorée et respectée, les Loix
sont en vigueur, chacun est occupé au milieu
de l'abondance.
.. Ce sont-là , MESSIEURS , les fruits
des Sciences et des Belles - Lettres , dont
vous avez jetté les premieres semences
dans cette Province , par l'établissement
de ces Ecoles publiques , où l'on cultive
sans cesse les biens les plus précieux de la
vie , la sience et la vertu.
De là sont sortis ces grands sentimens ,
ces nobles idées , qui se sont dévelopées
peu à peu , et ausquelles il ne manquoit
que le temps et l'occasion pour éclater.
Telle est aussi , MESSIEURS , l'origine de
cette Société Litteraire , à la gloire de laquelle
vous vous trouvez interressez par
des motifs si pressans.
Jettez les yeux pour un moment , sur
un avenir , qui n'est peut - être pas si
éloigné ; et vous verrez les effets de la
noble émulation que cet établissement
va exciter dans tous les coeurs de nos Concitoiens
; vous verrez que ces Plantes si
cheres que vous cultivez avec tant de précaution
, que ces Enfans , dignes de tout
votre amour , comme de tous vos soins ;
seront les premiets à profiter de tous ces
avantages ; ces genies propres aux plus
grandes choses , cultivez par une heu-
C vi reuse
468 MERCURE DE FRANCE
reuse éducation et animez par des exem-
-ples domestiques , rempliront dignement
la place de leurs Peres , et deviendront.
un jour comme eux l'honneur et la gloire
de leur Patrie.
Si le coeur se porte sans cesse vers l'objet
qu'il aime , avec quelle impatience,
MESSIEURS , n'attendez vous point
ces heureux momens où vous pourrez
faire usage de ces sentimens de générosité
qui vous sont si naturels , et qui conviennent
si - bien au poste que voire mérite
semble vous avoir procuré avant le
temps ?
Vous n'aurez , MESSIEURS, qu'à laisser
agir . votre reconnoissance , envers les
Lettres , nos désirs seront remplis , et
l'Académie aura lieu de se féliciter d'une
si heureuse circonstance.
Tour se déclare en notre faveur ; vous.
connoissez ; MESSIEURS , le prix des
Lettres , et vous en faites la matiere de
vos plus douces occupations , les uns par
d'élégantes traductions que le public attend
avec impatience ; les autres par des
Discours aussi solides qu'éloquens , prononcez
avec grace en diverses occasions ;
d'autres , par des recherches et des Anecdotes
aussi utiles à tous les Etats , que
glorieuses à ceux qui se sont appliquez à
former
MARS. 1733.
469
former ces précieux dépôts. Enfin , MESSIEURS,
Votre gout pour les Sciences et
votre zele pour l'intérêt public , nous
donnent lieu d'esperer que vous contribuerez
de tout votre pouvoir à soutenir
un Etablissement qui ne sauroit être indifferent
à ceux qu'une heureuse éducation
distingne du yulgaire.
La gloire du Roy , celle du Prince
notre Auguste Protecteur, le Bien public,
nos interêts communs . Voilà , MESSIEURS ,
les motifs qui doivent nous réunir , pour
faire éclater notre juste reconnoissance ret
pour apprendre à la postérité que les plus
brillantes Victoires des Regnes précédens
cedenr aux douceurs dont nous
jouissons sous le meilleur de tous les
Rois.
de Ville de la Rochelle , le 18 Juillet
1732. par M.Regnaud , l'un des Membres
de la nouvelle Académie Royale , à
la tête de la Compagnie.
M
ESSIEURS ,
Nous venons partager avec vous la
joïe que nous cause un Etablissement
aussi glorieux pour cette Ville , qu'il lui
sera utile dans la suite. Cette Société Litteraire
qui s'est formée sous vos yeux, qui
des son commencement a eu l'approba
tion de M. Bignon , Intendant de la Province
, est aujourd'hui honorée de la Protection
de Monseigneur le Prince de
Conti , et érigée en Corps Académique ,
par les Lettres Patentes , qu'il a plû au
Roy de nous accorder .
L'amour de l'Etude avoit fait naître
l'idée de cet Etablissement , la Sagesse
l'a conduit , la Vertu l'a protegé , et l'authorité
Souveraine vient de le rendre stable
, par une de ces graces singulieres que
S. M. ne répand que sur les Villes qui lúi
sont les plus attachées , les plus soumises ,
Ciiij et
464 MERCURE DE FRANCE
et , si je l'ose dire , les plus cheres.
Prérogative bien glorieuse pour nous
mais encore plus interressante ! elle nous
découvre le caractere bienfaisant du Prince,
sous les Loix duquel nous avons le bonheur
de vivre , son zele à étendre l'Empire
des Lettres jusqu'aux extrémitez de la
France , et, ce qui doit nous toucher plus
vivement, son attention à procurer à cette
Ville , tout ce qui peut lui être avantageux.
En effet , MESSIEURS , nos besoins
sont satisfaits , dès qu'il les connoît ; il
sçait que le commerce de cette Ville a
perdu de son activité et de son étenduë
que notre Port est devenu inaccessible
aux Vaisseaux ; il en ordonne le rétablis
sement , l'ouvrage est commencé , et l'expérience
de celui à qui il est confié , nous
assure du succès .
ོ་
བ་
Vraiment Pere de ses Peuples , il veille
sans cesse à leur conservation ; des maladies
Périodiques affligent les habitans de
cette Ville ; il ordonne d'en chercher la
cause, on la découvre, et déja nous voïons
près de cette Digue fameuse , qui sembloit
devoir nous éloigner de la Mer en lui
prescrivant de nouvelles bornes , mille
bras occupez au salut public.
Mieux instruit que nous sommes de
"no"
MARS. 1733.
465
nos propres interêts , il prévient les suites
funestes de cette avidité qui avoit porté
les Contrées voisines à changer l'usage de
leurs Terres , sans faire attention , qu'en
multipliant à l'excès , les fruits d'une
même espece , elles causoient une abondance
capable de ruiner la principale ressource
de cette Province.
Il semble , MESSIEURS , que cet Astre
ne soit placé sur nos têtes que pour
nous faire sentir la douceur de ses influences
; toujours attentif à recompenser
le mérite et les services de ses Sujets , il
vient de répandre un nouveau lustre
sur une Compagnie encore plus - respectable
par les qualitez de l'esprit et
du coeur , que par le nouvel éclat dont
S. M. a bien voulu l'honorer.
Secondant les voeux d'un Corps qué la
piété et le sçavoir ont toujours distingués
il veut , à l'honneur de la Religion élever
des Autels , dignes de sa Magnificence
Royale , dans les mêmes lieux où l'on regrete
encore ceux que la Guerre et l'Hérésie
ont renverses avec tant de fureur.
›
Notre reconnoissance se ranime à la
vûë de tous ces bienfaits ; mais eussionsnous
pû , MESSIEURS la marquer
d'une manière assez éclatante , si la nouvelle
faveur que nous recevons de S. M.
C v
ne
466 MERCURE DE FRANCE
ne nous mettoit en état de la rendre publique
, et de la faire passer jusqu'à la
posterité la plus reculée.
L'amour des Letttes , et leurs progrès
dans un Etat sont des marques assurées
de grandeur et de prosperité , et leur Etablissement
dans une Ville , et pour tous
les Citoiens , une source de gloire , à laquelle
chacun a droit de prétendre,à proportion
de ses talens .
Vous le sçavez , MESSIEURS , et j'ose
le dire , vous le sçavez par expérience
quels sont les avantages que l'on retire de
la connoissance et de l'amour des belles
Lettres ; jamais l'ame n'est mieux préparée
à la vertu que lorsque les Sciences y
ont répandu la lumiere , plus on est instruit
, micux on est en état de remplir ses
devoirs.
Pour nous en convaincre , parcourons
les differens états d'une Ville où les Lettres
et les Sciences sont cultivées ; nous y
verrons tous les Postes également bien
remplis ; l'authorité y esr sans aigreur ;
Pobéissance sans contrainte ; un heureux
Equilibre y entretient l'harmonie et la
paix ; il regne entre ses habitans , " une
émulation sans envie ; des moeurs douces.
et policées y rendent la société agréable ;
les Arts sont portez à leur perfection , la
ReliMAR
S. 1733 .
467
Religion est honorée et respectée, les Loix
sont en vigueur, chacun est occupé au milieu
de l'abondance.
.. Ce sont-là , MESSIEURS , les fruits
des Sciences et des Belles - Lettres , dont
vous avez jetté les premieres semences
dans cette Province , par l'établissement
de ces Ecoles publiques , où l'on cultive
sans cesse les biens les plus précieux de la
vie , la sience et la vertu.
De là sont sortis ces grands sentimens ,
ces nobles idées , qui se sont dévelopées
peu à peu , et ausquelles il ne manquoit
que le temps et l'occasion pour éclater.
Telle est aussi , MESSIEURS , l'origine de
cette Société Litteraire , à la gloire de laquelle
vous vous trouvez interressez par
des motifs si pressans.
Jettez les yeux pour un moment , sur
un avenir , qui n'est peut - être pas si
éloigné ; et vous verrez les effets de la
noble émulation que cet établissement
va exciter dans tous les coeurs de nos Concitoiens
; vous verrez que ces Plantes si
cheres que vous cultivez avec tant de précaution
, que ces Enfans , dignes de tout
votre amour , comme de tous vos soins ;
seront les premiets à profiter de tous ces
avantages ; ces genies propres aux plus
grandes choses , cultivez par une heu-
C vi reuse
468 MERCURE DE FRANCE
reuse éducation et animez par des exem-
-ples domestiques , rempliront dignement
la place de leurs Peres , et deviendront.
un jour comme eux l'honneur et la gloire
de leur Patrie.
Si le coeur se porte sans cesse vers l'objet
qu'il aime , avec quelle impatience,
MESSIEURS , n'attendez vous point
ces heureux momens où vous pourrez
faire usage de ces sentimens de générosité
qui vous sont si naturels , et qui conviennent
si - bien au poste que voire mérite
semble vous avoir procuré avant le
temps ?
Vous n'aurez , MESSIEURS, qu'à laisser
agir . votre reconnoissance , envers les
Lettres , nos désirs seront remplis , et
l'Académie aura lieu de se féliciter d'une
si heureuse circonstance.
Tour se déclare en notre faveur ; vous.
connoissez ; MESSIEURS , le prix des
Lettres , et vous en faites la matiere de
vos plus douces occupations , les uns par
d'élégantes traductions que le public attend
avec impatience ; les autres par des
Discours aussi solides qu'éloquens , prononcez
avec grace en diverses occasions ;
d'autres , par des recherches et des Anecdotes
aussi utiles à tous les Etats , que
glorieuses à ceux qui se sont appliquez à
former
MARS. 1733.
469
former ces précieux dépôts. Enfin , MESSIEURS,
Votre gout pour les Sciences et
votre zele pour l'intérêt public , nous
donnent lieu d'esperer que vous contribuerez
de tout votre pouvoir à soutenir
un Etablissement qui ne sauroit être indifferent
à ceux qu'une heureuse éducation
distingne du yulgaire.
La gloire du Roy , celle du Prince
notre Auguste Protecteur, le Bien public,
nos interêts communs . Voilà , MESSIEURS ,
les motifs qui doivent nous réunir , pour
faire éclater notre juste reconnoissance ret
pour apprendre à la postérité que les plus
brillantes Victoires des Regnes précédens
cedenr aux douceurs dont nous
jouissons sous le meilleur de tous les
Rois.
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Résumé : DISCOURS prononcé dans l'Hôtel de Ville de la Rochelle, le 18 Juillet 1732. par M. Regnaud, l'un des Membres de la nouvelle Académie Royale, à la tête de la Compagnie.
Le 18 juillet 1732, M. Regnaud, membre de la nouvelle Académie Royale de La Rochelle, a prononcé un discours célébrant la création d'une société littéraire dans la ville. Cette initiative a été approuvée par M. Bignon, Intendant de la Province, et protégée par Monseigneur le Prince de Conti, avant d'être officialisée par des lettres patentes du roi. L'établissement de cette académie est perçu comme une source de gloire et d'utilité pour La Rochelle. Le discours souligne la bienveillance du roi envers les villes loyales et soumises, mettant en avant son zèle pour l'expansion des lettres et son attention aux besoins de La Rochelle. Le roi a ordonné la restauration du port et la lutte contre les maladies périodiques affectant la ville. Il a également pris des mesures pour prévenir les conséquences néfastes de l'avidité agricole dans les régions voisines. L'académie est vue comme un moyen de promouvoir la vertu et la connaissance, contribuant à une société harmonieuse et prospère. Le discours encourage les membres à cultiver les lettres et les sciences, soulignant leur rôle dans le développement des talents et des vertus civiques. La reconnaissance envers le roi et le prince est exprimée, ainsi que l'espoir de voir les jeunes générations bénéficier de cette éducation et devenir un jour l'honneur de leur patrie.
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100
p. 833-838
LE HEROS PARFAIT. ODE. A M. le Maréchal Duc de Villars.
Début :
Quel est ce Héros plein de gloire, [...]
Mots clefs :
Villars, Héros, Paix, Gloire, Victoire, Valeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE HEROS PARFAIT. ODE. A M. le Maréchal Duc de Villars.
LE HEROS PARFAIT.
O D E.
A. M. le Maréchal Duc de Villars.
Uel est ce Héros plein de gloire ,
Qui vient s'offrir à mes regards !
Ceint des Lauriers de la Victoire ,
Et Vainqueur de tous les hazards?
N'est - ce point le Dieu de la Guerre
Qui , lassé d'effrayer la terre ,
•
A ij Vient
50
834 MERCURE DE FRANCE
Vient respirer dans ( 1 ) ce séjour ?
Mais près de lui les doctes Fées ,
Les Amphions et les Orphées ,
S'empressent à faire leur cour.
Depuis quand le Dieu de la Thrace ,
Des beaux Arts est - il protecteur ?
Lui de qui la guerriere audace ,
Répand l'épouvante et l'horreur ?
Non , non de mon ame surprise :
Je connois enfin la méprise ;
C'est VILLARS qui s'offre à mes yeuxs
Sa valeur étonna Bellonne ;
La Paix à son tour le couronne ,
Et vient le mettre au rang des Dieux.
讚
Né pour le bonheur de la France ,
VILLARS dompte ses ennemis ;
Sa valeur nous rend l'esperance ,
Dès qu'il paroît , tout est soumis ,
Le Batave , la Germanie ,
(2 ) Cédent à son noble génie ,
Rien ne résiste à ses efforts :
A la terreur , à la tristesse ,
I (1 ) A Vaux- le-Villars.
( 2 ) La Bataille de Dénain,
MAY. 835 17330
On voit succéder l'allégresse ,
Qui s'exprime par nos transports.
讚
A l'instant que de la tempête ,
11 a garanti nos Etats ,
Sa prudence active s'apprête ,
A livrer encor des combats ;
Du Rhin , les Ondes étonnées
Ne paroissent plus mutinées“ ,
A l'aspect de ses étendarts ;
Landau , Fribourg ouvrent leurs Portes ;
L'on voit ses vaillantes cohortes ,
Se ranger sur leurs fiers Remparts. 01.01
Mais c'est peu que dans les allarmes ,
Il immortalise son nom ;
La Paix vient , avec tous ses charmes ,'
Illustrer encor son renom.
Prémice des biens qu'elle accorde ,
Déja s'avance la concorde ,
Objet de nos ardens désirs .
De notre sort Villars est Maître ,
Peuples , vous allez voir renaître ,
Et vos beaux jours et vos plaisirs.
De la vertu la plus sublime ,
An▲ iij. ↑ Nous
3
1
"
36 MERCURE DE FRANCE
Nous voyons les heureux effets ;
*
Des deux grands Héros qu'elle anime ,
Seule elle régle les projets ;
Plein d'une sagesse profonde ,
Villars , du plus grand Roy du monde ,
Maintient dignement tous les droits :
Eugène l'écoute et l'admire ,
Et du feu divin qui l'inspire
Il fait son exemple et ses loix.
Fille du Ciel ! Paix désirable !
Qui conduit un heureux repos ,
Enfin ton retour favorable ,
Est l'ouvrage de mon Héros.
Pour lui quelle gloire immortelle !
Non , la victoire la plus belle ,
N'a point un si parfait éclat ;
Mais la sagesse , le courage ,
En lui disputent l'avantage .
De grand Guerrier , d'homme d'Etat.
Aussi- tôt que d'un sort tranquile ,
L'Europe goûte les douceurs ,
Villars rend son loisir utile ,
Il vient protéger les neuf Soeurs.
* La Paix de Rastad.
La
MAY. 837
1733.
La sublimité , la justesse ,
Le bon goût , la délicatesse ,
Eclatent dans ses jugemens ,
Le vrai seul peut le satisfaire ,
Et l'on ne parvient à lui plaire ,
Que par de solides talens.
送
* Un nouveau Parnasse s'éleve ,
Dans des murs chéris d'Apollon ,
Déja le prodige s'achève ,
J'y trouve le sacré Vallon .
Qui peut surmonter tant d'obstacles ?
A qui devons - nous ces miracies ,
Dont notre esprit est enchanté ?
C'est Villars qui sçait les produire ;
Il commande , l'on voit construire ,
Un Temple à l'immortalité.
LOUIS , d'une gloire si pure ,
Héros délices des Mortels ;
La jalousie en vain murmure ,
Nos coeurs t'érigent des Autels :
Toutes les vertus à ta suite ,
Forcent les vices à la fuite ;
Est-il un triomphe plus beau ?
L'établissement de l'Academie de Marseille.
A iiij
Paisse
838 MERCURE DE FRANCE
Puisse l'Auteur des destinées ,
En éternisant tes années ,
• T'affranchir des loix du tombeau.
O D E.
A. M. le Maréchal Duc de Villars.
Uel est ce Héros plein de gloire ,
Qui vient s'offrir à mes regards !
Ceint des Lauriers de la Victoire ,
Et Vainqueur de tous les hazards?
N'est - ce point le Dieu de la Guerre
Qui , lassé d'effrayer la terre ,
•
A ij Vient
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834 MERCURE DE FRANCE
Vient respirer dans ( 1 ) ce séjour ?
Mais près de lui les doctes Fées ,
Les Amphions et les Orphées ,
S'empressent à faire leur cour.
Depuis quand le Dieu de la Thrace ,
Des beaux Arts est - il protecteur ?
Lui de qui la guerriere audace ,
Répand l'épouvante et l'horreur ?
Non , non de mon ame surprise :
Je connois enfin la méprise ;
C'est VILLARS qui s'offre à mes yeuxs
Sa valeur étonna Bellonne ;
La Paix à son tour le couronne ,
Et vient le mettre au rang des Dieux.
讚
Né pour le bonheur de la France ,
VILLARS dompte ses ennemis ;
Sa valeur nous rend l'esperance ,
Dès qu'il paroît , tout est soumis ,
Le Batave , la Germanie ,
(2 ) Cédent à son noble génie ,
Rien ne résiste à ses efforts :
A la terreur , à la tristesse ,
I (1 ) A Vaux- le-Villars.
( 2 ) La Bataille de Dénain,
MAY. 835 17330
On voit succéder l'allégresse ,
Qui s'exprime par nos transports.
讚
A l'instant que de la tempête ,
11 a garanti nos Etats ,
Sa prudence active s'apprête ,
A livrer encor des combats ;
Du Rhin , les Ondes étonnées
Ne paroissent plus mutinées“ ,
A l'aspect de ses étendarts ;
Landau , Fribourg ouvrent leurs Portes ;
L'on voit ses vaillantes cohortes ,
Se ranger sur leurs fiers Remparts. 01.01
Mais c'est peu que dans les allarmes ,
Il immortalise son nom ;
La Paix vient , avec tous ses charmes ,'
Illustrer encor son renom.
Prémice des biens qu'elle accorde ,
Déja s'avance la concorde ,
Objet de nos ardens désirs .
De notre sort Villars est Maître ,
Peuples , vous allez voir renaître ,
Et vos beaux jours et vos plaisirs.
De la vertu la plus sublime ,
An▲ iij. ↑ Nous
3
1
"
36 MERCURE DE FRANCE
Nous voyons les heureux effets ;
*
Des deux grands Héros qu'elle anime ,
Seule elle régle les projets ;
Plein d'une sagesse profonde ,
Villars , du plus grand Roy du monde ,
Maintient dignement tous les droits :
Eugène l'écoute et l'admire ,
Et du feu divin qui l'inspire
Il fait son exemple et ses loix.
Fille du Ciel ! Paix désirable !
Qui conduit un heureux repos ,
Enfin ton retour favorable ,
Est l'ouvrage de mon Héros.
Pour lui quelle gloire immortelle !
Non , la victoire la plus belle ,
N'a point un si parfait éclat ;
Mais la sagesse , le courage ,
En lui disputent l'avantage .
De grand Guerrier , d'homme d'Etat.
Aussi- tôt que d'un sort tranquile ,
L'Europe goûte les douceurs ,
Villars rend son loisir utile ,
Il vient protéger les neuf Soeurs.
* La Paix de Rastad.
La
MAY. 837
1733.
La sublimité , la justesse ,
Le bon goût , la délicatesse ,
Eclatent dans ses jugemens ,
Le vrai seul peut le satisfaire ,
Et l'on ne parvient à lui plaire ,
Que par de solides talens.
送
* Un nouveau Parnasse s'éleve ,
Dans des murs chéris d'Apollon ,
Déja le prodige s'achève ,
J'y trouve le sacré Vallon .
Qui peut surmonter tant d'obstacles ?
A qui devons - nous ces miracies ,
Dont notre esprit est enchanté ?
C'est Villars qui sçait les produire ;
Il commande , l'on voit construire ,
Un Temple à l'immortalité.
LOUIS , d'une gloire si pure ,
Héros délices des Mortels ;
La jalousie en vain murmure ,
Nos coeurs t'érigent des Autels :
Toutes les vertus à ta suite ,
Forcent les vices à la fuite ;
Est-il un triomphe plus beau ?
L'établissement de l'Academie de Marseille.
A iiij
Paisse
838 MERCURE DE FRANCE
Puisse l'Auteur des destinées ,
En éternisant tes années ,
• T'affranchir des loix du tombeau.
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Résumé : LE HEROS PARFAIT. ODE. A M. le Maréchal Duc de Villars.
Le poème célèbre les exploits du Maréchal Duc de Villars, le décrivant comme un héros victorieux et couronné par la Paix. Villars est présenté comme un protecteur des arts et un guerrier redoutable, ayant dompté ses ennemis et rendu l'espérance à la France. Ses victoires, notamment celle de la Bataille de Dénain, sont soulignées, ainsi que sa prudence et son courage, qui ont garanti la sécurité des États. Le poème met en avant la sagesse et la vertu de Villars, qui maintient dignement les droits du plus grand roi du monde. La Paix de Rastadt est mentionnée comme un de ses ouvrages, apportant un heureux repos à l'Europe. Villars est également loué pour son soutien aux arts et à la culture, notamment par la création de l'Académie de Marseille. Le texte se termine par une invocation à l'Auteur des destinées pour éterniser les années de Villars et le libérer des lois du tombeau, soulignant ainsi sa gloire immortelle et les vertus qu'il incarne.
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