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1
p. 70-82
L'ADIEU AUX MUSES. DISCOURS.
Début :
Quand on dit adieu au monde par la mort, c'est / Muses c'est trop resver au bord de vos Fontaines, [...]
Mots clefs :
Adieu, Muses, Vers, Poète, Auteurs, Arts, Chansons, Libraire, Livres
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texteReconnaissance textuelle : L'ADIEU AUX MUSES. DISCOURS.
té.
Quand on dit adieu au mon- de par la mort , c'eſt ſans reſource. Iln'en est pas de meſme du ſpirituel Inconnu qui pré- tend l'avoir dit aux Muſes. Il a
un ſi beautalent pour la Poëfie,
qu'il ſe réfoudra difficilement à
tenir parole. Voyez ſi j'ay raiſon dele croire.
A
L'ADIEU
AVX MVSES.
DISCOURS.
MUses, c'esttrop rever, anbordde
Pour unfoible plaisir vouscaufezmil tepeines :
48 LE MERCVRE
Vousn'avezplus pour moy vos premie- res beautez ,
Et je renonce aux biens que vous me
prometez.
Iadis avechonneur vos charmantes retraites
Retentiſſoient du bruit des tranquiles
Poëtes ,
Quand les Maistres du Monde apres degrands exploits Concertoient avec eux àl'ombre de vos
Bois ,
Etqu'un mesme Laurier cueilly sur le Parnaffe Couronnoit tout ensemble Auguste
SonHorace.
Mais belas ,dans ce Siecle un iniuste
mépris Estde nos tristes Vers &lefruit & le
prix!
Quoy,lors quefans rien faire il m'est
permis de vivre ,
Dois-je mal- à-proposfecher àfaire un
Livre,
Quandje n'auray pourfruit de mes tra
vaux ingrats
:
Que
GALANT. 49 Que le mépris du Peuple , &la haine desFats?
Maisquandde vos attraits on a l'ame
ravie,
Qui vousfuit une fois , vousfait toute
Savie.
On a beau remontrer au Poëte Damon
Qu'on n'entendit jamais son barbare
jargon ;
Envainpourleguerir deſa fureurd'é- crire.
Onmépriſeſes Vers que luy ſeul il ad
mire,
Ases propres dépens il se fait imprimer,
Ettoûjours malgré vous il s'obſtineà
rimer.
Moy-mesme mille fois à vos ardeurs rebelle,
I'aytenté vainement de vous eſtre infidelle.
Tous les jours , dés que l'Aube anonce le Soleil,
Apollon par ces mots interrompt mon Sommeil.
Quitte, quitte du Litles delicesvulgai
res,
Tom. VIII. C
50 LE MERCVRE
Cen'estpas en dormant que se font les
Homeres,
Debout. Il n'estpas jour ,que faire fi matin ?
Vad' Horace &de Perſe éclaircir le
Latin,
Lis
gile,
relis encore &Terence &VirEtfur leurstyle heureux tâche àformer
-toastyle.
lesçay tous ces Auteurs. Les peut-on trop sçavoir?
Il i'y faut appliquer du matin jusqu'au
foir,
Tefeurerdes plaisirs où l'âge teconvie ,
Et me facrifier les beaux jours de ta
vie.
C'est ainsi,doctes Sœurs , que vos chers
Nourriffons Aleur tranquilité préferent vos Chan- fons,
On pourroitde vostre Artſoufrir l'in
quiétude ,
Sile gain balançoit l'ennuy de fon étu
des
MaisentretouslesArts qui demandens
nosfoins,
GALAN T. SI
↓
ش
Vostre Art couste le plus , &profite le moins.
Nocardqui tuë un Homme avec une
Ordonnance ,
Deſonafſaffinat reçoit la récompense,
Ettoy qui t'enrichis d'un argent fi mal du,
Paulin,je t'aypayé pour un Procés perdu.
Cependantqui ne sçait la réponse bar- bare
Quefit àl'Arioste un Mecenas avare ,
Quand cet Auteur Comique autant qu'ingénieux ,
Allaluy preſenterſon Roland Furieux?
LaGloire , direz-vous , qui vousfuit d'ordinaire,
Doitàvos Favoris tenir lieu deſalaire.
Oledigneloyerd'un pénible Métier ,
Oûfans compter letemps ,on perdjus qu'aupapier!
CetteGloirequi dupe &le Sot &l'Ha bite ,
Qwest elle que duvent quandelle est in- fertile?
Etpuislors qu'apres elleon court en in- fenfé
Cij
52 LE MERCVRE
Eft-on feur de l'atteindre apres s'estre lassé?
Licidas quife tuë à grimperauParnaſſe,
Etd'un tasde Laquaisfiflédeplace en
C
place;
Etcombien voyons-nous d'Auteurs in
fortunez,
Qu'àd'eternels affrons vous avez condamnez!
Dans un Siecle oùfleurit la puretéparfaite,
Ilfautde grands talenspour former un Poëte;
Il faut qu'au Berceau mesme Apollon
nous ait ry ,
Quedes meilleurs Auteurs wostre esprit foit nourry ,
Etque par le travail d'une longue !eEture,
2
L'Art acheve les traits qu'ébaucha la
Nature.
Aujourd'huy que l'on voit d'aſſez fameux Auteurs
Apauvrir le Libraire, &manquer d'Acheteurs,
Iray-je follemeipourprix de mon étude,
Des Livresinconus groffir la multitude?
GALANT: 53 En vain vous me flatez qu'un fuccés plusheureux
Diſſiperoit ma crainte ,& rempliroit
mes VŒUХ ,
Etque Paris un jour à mes Ocuvres propice
Forceroit la Province à me rendrejusti
ce
Quandlesfons demon Lut presque usé fous mes doigts ,
D'un Cygne agoniſantfurpaſſeroient la voix د
Etque mes Chantspolisparde laſſantes veilles
Auroient d'Apollon mesme enchanté les
oreilles,
Pourroit-je m'aſſurer que le tour de mes
Vers
Sçent plaire également àmille Esprits divers ?
Maissifermant les yeux auxpérils on s'expose
Lagloire on
pofe
lereposdequiconque comIeſuivois pour rimerun aveugle defir ,
Quelgenre de Poëme oftroit-je choi fir ?
Cij
34 LE MERCVRE Faut-il ,Auteur nouveau d'une Piece
tragique ,
Faireplaindre un Hérosfurun ton ma- gnifique,
Ettouchant lefuccés reſveur , triſte inquict ,
D'un chagrin incertain m'affliger en ef fet?
Non, mon ameau repos constamment
attachée,
D'unSentimentpareilne peut estre tou chée.
Dois-je en ſtyle amoureux ,pleurant ,
horsdeſaiſon ,
Me ou de plaindre des rigueursd'Iris , ou
Lifon Helas ! lesplus beaux Vers d'un cœur tendre&fidelle Sontun foible Secours pourvaincre une Cruelle.
Si dans une Satire abondante en bons
mot's
-Jeberneplaiſamment une foule de Sots,
Toute la Ville en cris contre moy dechai
née
Traite mesjeux d'esprit de licence effren née.
GALANT.
1
MesAmis lesplus chers n'ofentqu'avec
terreur
D'un torrent fi rapide arreſter la fureur,
Etfurle bruit qui court mes Parens en alarmes
Amafuture mort donnent déja des larmes.
CesParensennemis devos vieilles Chanfons Mefont à tout moment d'importunes
Leçons.
Quite , me diſent-ils, une étude inutile,
Et va faire au Palais une moiſſon fertile.
Vital,tu le connois, chacun parle de luys Voy ce qu'il fut jadis , ce qu'il est au- jourd'huy.
Tuſçais le peude bien qu'il eutpourſon
partage,
Sesdebtes de beaucoup paſſoient fon heritage.
Cependant qui l'a mis au rangoùtu le
vois!
C'estleBarreau.Voilal'utilité des Loix.
Mets-toy devant les yeux unſemblable
modelle ,
Cij
$6 LE MERCVRE
DesVersqui tefont tort débroüille ta
cervelle ;
Qusi pour t'attirer, le Droit manque d'apas Quite-le , maisdu moins dors , &ne
rimepas.
C'est ainsi qu'oposez au panchant qui m'entraîne ,
De mon cœur contre vous ils foûlevent Lahaine;
Ilfaut leur plaire enfin , & faire un
nouveau choix.
Adieu, Muses , adieu pourla derniere
fois.
Quand on dit adieu au mon- de par la mort , c'eſt ſans reſource. Iln'en est pas de meſme du ſpirituel Inconnu qui pré- tend l'avoir dit aux Muſes. Il a
un ſi beautalent pour la Poëfie,
qu'il ſe réfoudra difficilement à
tenir parole. Voyez ſi j'ay raiſon dele croire.
A
L'ADIEU
AVX MVSES.
DISCOURS.
MUses, c'esttrop rever, anbordde
Pour unfoible plaisir vouscaufezmil tepeines :
48 LE MERCVRE
Vousn'avezplus pour moy vos premie- res beautez ,
Et je renonce aux biens que vous me
prometez.
Iadis avechonneur vos charmantes retraites
Retentiſſoient du bruit des tranquiles
Poëtes ,
Quand les Maistres du Monde apres degrands exploits Concertoient avec eux àl'ombre de vos
Bois ,
Etqu'un mesme Laurier cueilly sur le Parnaffe Couronnoit tout ensemble Auguste
SonHorace.
Mais belas ,dans ce Siecle un iniuste
mépris Estde nos tristes Vers &lefruit & le
prix!
Quoy,lors quefans rien faire il m'est
permis de vivre ,
Dois-je mal- à-proposfecher àfaire un
Livre,
Quandje n'auray pourfruit de mes tra
vaux ingrats
:
Que
GALANT. 49 Que le mépris du Peuple , &la haine desFats?
Maisquandde vos attraits on a l'ame
ravie,
Qui vousfuit une fois , vousfait toute
Savie.
On a beau remontrer au Poëte Damon
Qu'on n'entendit jamais son barbare
jargon ;
Envainpourleguerir deſa fureurd'é- crire.
Onmépriſeſes Vers que luy ſeul il ad
mire,
Ases propres dépens il se fait imprimer,
Ettoûjours malgré vous il s'obſtineà
rimer.
Moy-mesme mille fois à vos ardeurs rebelle,
I'aytenté vainement de vous eſtre infidelle.
Tous les jours , dés que l'Aube anonce le Soleil,
Apollon par ces mots interrompt mon Sommeil.
Quitte, quitte du Litles delicesvulgai
res,
Tom. VIII. C
50 LE MERCVRE
Cen'estpas en dormant que se font les
Homeres,
Debout. Il n'estpas jour ,que faire fi matin ?
Vad' Horace &de Perſe éclaircir le
Latin,
Lis
gile,
relis encore &Terence &VirEtfur leurstyle heureux tâche àformer
-toastyle.
lesçay tous ces Auteurs. Les peut-on trop sçavoir?
Il i'y faut appliquer du matin jusqu'au
foir,
Tefeurerdes plaisirs où l'âge teconvie ,
Et me facrifier les beaux jours de ta
vie.
C'est ainsi,doctes Sœurs , que vos chers
Nourriffons Aleur tranquilité préferent vos Chan- fons,
On pourroitde vostre Artſoufrir l'in
quiétude ,
Sile gain balançoit l'ennuy de fon étu
des
MaisentretouslesArts qui demandens
nosfoins,
GALAN T. SI
↓
ش
Vostre Art couste le plus , &profite le moins.
Nocardqui tuë un Homme avec une
Ordonnance ,
Deſonafſaffinat reçoit la récompense,
Ettoy qui t'enrichis d'un argent fi mal du,
Paulin,je t'aypayé pour un Procés perdu.
Cependantqui ne sçait la réponse bar- bare
Quefit àl'Arioste un Mecenas avare ,
Quand cet Auteur Comique autant qu'ingénieux ,
Allaluy preſenterſon Roland Furieux?
LaGloire , direz-vous , qui vousfuit d'ordinaire,
Doitàvos Favoris tenir lieu deſalaire.
Oledigneloyerd'un pénible Métier ,
Oûfans compter letemps ,on perdjus qu'aupapier!
CetteGloirequi dupe &le Sot &l'Ha bite ,
Qwest elle que duvent quandelle est in- fertile?
Etpuislors qu'apres elleon court en in- fenfé
Cij
52 LE MERCVRE
Eft-on feur de l'atteindre apres s'estre lassé?
Licidas quife tuë à grimperauParnaſſe,
Etd'un tasde Laquaisfiflédeplace en
C
place;
Etcombien voyons-nous d'Auteurs in
fortunez,
Qu'àd'eternels affrons vous avez condamnez!
Dans un Siecle oùfleurit la puretéparfaite,
Ilfautde grands talenspour former un Poëte;
Il faut qu'au Berceau mesme Apollon
nous ait ry ,
Quedes meilleurs Auteurs wostre esprit foit nourry ,
Etque par le travail d'une longue !eEture,
2
L'Art acheve les traits qu'ébaucha la
Nature.
Aujourd'huy que l'on voit d'aſſez fameux Auteurs
Apauvrir le Libraire, &manquer d'Acheteurs,
Iray-je follemeipourprix de mon étude,
Des Livresinconus groffir la multitude?
GALANT: 53 En vain vous me flatez qu'un fuccés plusheureux
Diſſiperoit ma crainte ,& rempliroit
mes VŒUХ ,
Etque Paris un jour à mes Ocuvres propice
Forceroit la Province à me rendrejusti
ce
Quandlesfons demon Lut presque usé fous mes doigts ,
D'un Cygne agoniſantfurpaſſeroient la voix د
Etque mes Chantspolisparde laſſantes veilles
Auroient d'Apollon mesme enchanté les
oreilles,
Pourroit-je m'aſſurer que le tour de mes
Vers
Sçent plaire également àmille Esprits divers ?
Maissifermant les yeux auxpérils on s'expose
Lagloire on
pofe
lereposdequiconque comIeſuivois pour rimerun aveugle defir ,
Quelgenre de Poëme oftroit-je choi fir ?
Cij
34 LE MERCVRE Faut-il ,Auteur nouveau d'une Piece
tragique ,
Faireplaindre un Hérosfurun ton ma- gnifique,
Ettouchant lefuccés reſveur , triſte inquict ,
D'un chagrin incertain m'affliger en ef fet?
Non, mon ameau repos constamment
attachée,
D'unSentimentpareilne peut estre tou chée.
Dois-je en ſtyle amoureux ,pleurant ,
horsdeſaiſon ,
Me ou de plaindre des rigueursd'Iris , ou
Lifon Helas ! lesplus beaux Vers d'un cœur tendre&fidelle Sontun foible Secours pourvaincre une Cruelle.
Si dans une Satire abondante en bons
mot's
-Jeberneplaiſamment une foule de Sots,
Toute la Ville en cris contre moy dechai
née
Traite mesjeux d'esprit de licence effren née.
GALANT.
1
MesAmis lesplus chers n'ofentqu'avec
terreur
D'un torrent fi rapide arreſter la fureur,
Etfurle bruit qui court mes Parens en alarmes
Amafuture mort donnent déja des larmes.
CesParensennemis devos vieilles Chanfons Mefont à tout moment d'importunes
Leçons.
Quite , me diſent-ils, une étude inutile,
Et va faire au Palais une moiſſon fertile.
Vital,tu le connois, chacun parle de luys Voy ce qu'il fut jadis , ce qu'il est au- jourd'huy.
Tuſçais le peude bien qu'il eutpourſon
partage,
Sesdebtes de beaucoup paſſoient fon heritage.
Cependant qui l'a mis au rangoùtu le
vois!
C'estleBarreau.Voilal'utilité des Loix.
Mets-toy devant les yeux unſemblable
modelle ,
Cij
$6 LE MERCVRE
DesVersqui tefont tort débroüille ta
cervelle ;
Qusi pour t'attirer, le Droit manque d'apas Quite-le , maisdu moins dors , &ne
rimepas.
C'est ainsi qu'oposez au panchant qui m'entraîne ,
De mon cœur contre vous ils foûlevent Lahaine;
Ilfaut leur plaire enfin , & faire un
nouveau choix.
Adieu, Muses , adieu pourla derniere
fois.
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Résumé : L'ADIEU AUX MUSES. DISCOURS.
Dans ce discours d'adieu aux Muses, l'auteur exprime son désarroi face à la poésie et aux difficultés qu'elle engendre. Il commence par souligner que, contrairement à la mort, l'abandon de la poésie n'est pas définitif. L'auteur regrette les peines causées par les Muses et renonce aux biens qu'elles promettent. Il évoque une époque où les poètes étaient honorés et couronnés pour leurs œuvres, contrairement à son siècle où les vers sont méprisés. L'auteur décrit la passion inévitable pour la poésie, malgré les critiques et le mépris. Il mentionne les efforts constants nécessaires pour maîtriser les auteurs classiques et les sacrifices personnels que cela implique. Il critique également la gloire poétique, la qualifiant de dupe et d'infertile, et souligne les difficultés financières des poètes. Le texte se termine par une réflexion sur les genres poétiques : tragédie, amour, satire. L'auteur exprime son désir de repos et les pressions familiales pour abandonner la poésie au profit d'une carrière juridique. Finalement, il décide de dire adieu aux Muses pour la dernière fois.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 44-50
A MONSIEUR LE DUC DE S. AIGNAN.
Début :
Comme les Charges & les grands Emplois font plutost honte / N'Est-il point fait cet Armement [...]
Mots clefs :
Amour, Guerre, Louis, Muses, Trésor, Vertu
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A MONSIEUR LE DUC DE S. AIGNAN.
Comme les Charges & les grands Emplois font plutoſt honte qu'honneur ſi on ne les foûtient par le merite , heureux qui eneft liberalement partagé.
Je ſçay bien que la Cour eſt un grandTheatre où il paroiſt avec beaucoup plus d'éclat qu'ail- leurs; mais il n'y eſt pas fi fort renfermé qu'il ne ſe répande dans les Provinces ,&vous con- viendrez de celuy de M² Petit,
quand vous aurez leu ce que je vous envoye de ſa façon, C'eſt uneEpiſtre enjoüée qu'il adreſſe àMonfieurleDucde S.Aignan,
qui a pour luy une eſtime tres-
GALANT. 31 particuliere. Le ſtile en eſt libre,
&vous y trouverez un tour aile qui vous perfuadera aiſémentde de ce que j'ay à vous dire à l'a- vantage de fonAutheur.
YON
A MONSIEUR693
*
LE DUC DE S. AIGNAN.
'Est- il point fait cet Armement Qui depuis lõg-temps vous оссире?
Apollon s'en plaint hautement ,
Ainsiqu'Amourle Dieu charmant ;
Et lebeau Sexeporte jupe.
Quoy, Seigneur , ne parlera- t-on Ence Siecle que de Canon ,
Que deprendred'affaut des Villes ,
Quedepunir les Ennemis
De leurs manieres inciviles
D'oferſefrotter à Loüis,
LepremierHérosde la Terre ,
Sçavant au noble Art de la Guerre ,
Tout comme celuy qui lefit ,
Biiij
32 LE MERCVRE Etdont lagloire retentit
Mieuxquele bruit deſon Tonnerre ?
Nostre Parnasse eſtſans Laurier ;
Mais qui pourroit à ce Guerrier En fourniraffez poursa teste ?
Les Muses mefmesſont àbout ;
Elles pensent avoir dit tout ,
EtleurChant ſur une Conqueste Vient àgrand'peine de ceſſer ,
Que lasurprenante nouvelle D'uneautre &plus grande &plus belle,
Lesoblige àrecommencer..
Enfin ce Conquerant terrible LaffeMuses, Chefs &Soldats,
Etparcequ'il est Invincible ,
Il nese trouve jamais las.
Mais tandis qu'il tient dans la Plaine Ses braves Héros en haleine ,
Apresbiende tristes belas ,
MilleBellesdifent enlarmes,
Ah, mauditegloire des Armes ,
MauditsAfsants , mauditsCombats,
Quevousnous caufezde triſteſſe !
Quenousperdonsde doux ébats ,
Etquetant debelle Noblesse f
GALAN T. 33 Seroit bien mieux entre nos bras !
Mais que voulez vous davantage ?
Grand Monarque, vosEnnemis,
Nefont-ilspas vaincus,soumis:
Detous coſtezpliantbagage?
Laiſſezdonc Mars avecsa rage ,
Etrendant à l'Amourhommage,
Daignez nous rendre nos Amis.
Vous n'y perdrez rien, digne Prince,
Non,Grand Roy,vous n'y perdrezrien,
Nos amoursdans chaque Province
Feront naiſtre des Gens de bien.
Ceseront des Sujetsfidelles Dontfepeuplera voſtre Cour,
Mafles bienfaits,belles Femelles,
Tous Enfansde Mars &d'Amour..
N'ont ellespas raison,ces Belles ?
Ieveux vous en prendre àtémoin,
Vous ,qui toûjours avec grandfoin Fiftes mille choſespour elles.
L'Amour n'est- ilpas plus plaifant Que la Guerre,dont lafurie Jamais n'agit qu'en détruiſant Letresor des tresors, lavie ?
Ony, tout compté, tout rabatu,
Seigneur, l'amoureuse vertu
2
:
Bv
34 LE MERCVRE Vaut mieuxque la vertu guerriere.
Celanesepeutcontester,
Carenfin donner la lumiere Estplus nobleque de l'ofter.
Quoyqu'il en foit, poursatisfaire Auxjustesplaintes deces Dieux,
Et pour appaiser la colere Demille Dames aux beauxyeux;
De ces Rimesqui sçavent plaire Reprenez l'agreable employ ,
Etfurvostre charmante Lyre Dontpar tout lestons on admire,
Chantez Loüis, nostre Grand Roy ,
Enfuite,chantez les tendreſſes Del'Amour le Dieu des douceurs,
Etces vingt ou trente Maiſtreſſes
Dontvous avezgagnéles cœurs.
Je ſçay bien que la Cour eſt un grandTheatre où il paroiſt avec beaucoup plus d'éclat qu'ail- leurs; mais il n'y eſt pas fi fort renfermé qu'il ne ſe répande dans les Provinces ,&vous con- viendrez de celuy de M² Petit,
quand vous aurez leu ce que je vous envoye de ſa façon, C'eſt uneEpiſtre enjoüée qu'il adreſſe àMonfieurleDucde S.Aignan,
qui a pour luy une eſtime tres-
GALANT. 31 particuliere. Le ſtile en eſt libre,
&vous y trouverez un tour aile qui vous perfuadera aiſémentde de ce que j'ay à vous dire à l'a- vantage de fonAutheur.
YON
A MONSIEUR693
*
LE DUC DE S. AIGNAN.
'Est- il point fait cet Armement Qui depuis lõg-temps vous оссире?
Apollon s'en plaint hautement ,
Ainsiqu'Amourle Dieu charmant ;
Et lebeau Sexeporte jupe.
Quoy, Seigneur , ne parlera- t-on Ence Siecle que de Canon ,
Que deprendred'affaut des Villes ,
Quedepunir les Ennemis
De leurs manieres inciviles
D'oferſefrotter à Loüis,
LepremierHérosde la Terre ,
Sçavant au noble Art de la Guerre ,
Tout comme celuy qui lefit ,
Biiij
32 LE MERCVRE Etdont lagloire retentit
Mieuxquele bruit deſon Tonnerre ?
Nostre Parnasse eſtſans Laurier ;
Mais qui pourroit à ce Guerrier En fourniraffez poursa teste ?
Les Muses mefmesſont àbout ;
Elles pensent avoir dit tout ,
EtleurChant ſur une Conqueste Vient àgrand'peine de ceſſer ,
Que lasurprenante nouvelle D'uneautre &plus grande &plus belle,
Lesoblige àrecommencer..
Enfin ce Conquerant terrible LaffeMuses, Chefs &Soldats,
Etparcequ'il est Invincible ,
Il nese trouve jamais las.
Mais tandis qu'il tient dans la Plaine Ses braves Héros en haleine ,
Apresbiende tristes belas ,
MilleBellesdifent enlarmes,
Ah, mauditegloire des Armes ,
MauditsAfsants , mauditsCombats,
Quevousnous caufezde triſteſſe !
Quenousperdonsde doux ébats ,
Etquetant debelle Noblesse f
GALAN T. 33 Seroit bien mieux entre nos bras !
Mais que voulez vous davantage ?
Grand Monarque, vosEnnemis,
Nefont-ilspas vaincus,soumis:
Detous coſtezpliantbagage?
Laiſſezdonc Mars avecsa rage ,
Etrendant à l'Amourhommage,
Daignez nous rendre nos Amis.
Vous n'y perdrez rien, digne Prince,
Non,Grand Roy,vous n'y perdrezrien,
Nos amoursdans chaque Province
Feront naiſtre des Gens de bien.
Ceseront des Sujetsfidelles Dontfepeuplera voſtre Cour,
Mafles bienfaits,belles Femelles,
Tous Enfansde Mars &d'Amour..
N'ont ellespas raison,ces Belles ?
Ieveux vous en prendre àtémoin,
Vous ,qui toûjours avec grandfoin Fiftes mille choſespour elles.
L'Amour n'est- ilpas plus plaifant Que la Guerre,dont lafurie Jamais n'agit qu'en détruiſant Letresor des tresors, lavie ?
Ony, tout compté, tout rabatu,
Seigneur, l'amoureuse vertu
2
:
Bv
34 LE MERCVRE Vaut mieuxque la vertu guerriere.
Celanesepeutcontester,
Carenfin donner la lumiere Estplus nobleque de l'ofter.
Quoyqu'il en foit, poursatisfaire Auxjustesplaintes deces Dieux,
Et pour appaiser la colere Demille Dames aux beauxyeux;
De ces Rimesqui sçavent plaire Reprenez l'agreable employ ,
Etfurvostre charmante Lyre Dontpar tout lestons on admire,
Chantez Loüis, nostre Grand Roy ,
Enfuite,chantez les tendreſſes Del'Amour le Dieu des douceurs,
Etces vingt ou trente Maiſtreſſes
Dontvous avezgagnéles cœurs.
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Résumé : A MONSIEUR LE DUC DE S. AIGNAN.
L'auteur d'une lettre et d'un poème adressés au Duc de S. Aignan souligne l'importance du mérite dans l'obtention des charges et des grands emplois. Il compare la cour à un théâtre où l'éclat est visible et se répand également dans les provinces. La lettre mentionne une épître écrite par M. Petit, très estimée par le Duc de S. Aignan. Le poème qui suit interroge sur la préparation d'un armement et déplore que l'on parle uniquement de canons et de prises de villes. Il exalte les conquêtes du roi Louis, comparé à un héros invincible. Les Muses, bien que fatiguées par les constantes victoires, doivent recommencer à chanter de nouvelles conquêtes. Le poème exprime ensuite la tristesse des belles dames face à la guerre, souhaitant que le roi rende les amis et laisse la place à l'amour. Il argue que l'amour est plus plaisant que la guerre et que l'amour peut faire naître des gens de bien dans chaque province. Le texte se termine par une invitation au Duc de S. Aignan à chanter les tendresses de l'amour et les maîtresses dont il a gagné les cœurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 93-99
A DAMON. Sur ce qu'Iris luy avoit ordonné en mourant d'aimer Celimene.
Début :
On croit quelquefois rire de la Mort quand elle est / Il est donc vray, Damon, vous aimez Celimene, [...]
Mots clefs :
Fièvre, Amies, Gentilhomme, Muses, Ardeur , Gloire, Amour, Empire, Charmes, Beauté, Iris, Mémoire, Coeur, Jeunesse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A DAMON. Sur ce qu'Iris luy avoit ordonné en mourant d'aimer Celimene.
On croit quelquefois rire
94 MERCURE
de la Mort quand elle eſtfore
proche. C'eſt ce qui eſt arrivé
à une jeune Perſonne, qui
n'ayant qu'un peu de Fievre ,
dit en badinant à un galant
Homme qui luy rendoit des
foins affidus , que quand elle.
feroitmorte, elle vouloit qu'il
donnaſt ſon coeur àune de ſos
Amies , qu'elle luy nomma.
SaFievre ayant augmenté,elle
mourut peu de jours aprés.
Un jeune Gentilhomme que
les affaires n'empêchét point
de ſonger de temps en temps
à faire ſa Cour aux Mufes,2
fait deſſus les Vers queje
vous envoye
GALANT S
5555 5552 55255522
A DAMON.
Sur ce qu'Iris luy avoit ordonné
en mourant d'aimer Celimene,
I
Lest donc vray, Damon ,
mez Celimene,
,vousai-
Foſtre Iris en mourantfit naiſtre ceive
ardeur,
Lors que par Testament, pourferrer
cette chaîne,
Elle luy laiſſa voſtre coeur..
Se
IeSçayqu'il eſtoit defagloire
Deplacer en bor lieu vos voeux;
Maishonorez - vousſa mémoire?
Voussentez- vous bien amoureux?
S2
Plus vousferezſenſible à cetteAmor
nouvelle
96 MERCURE
Dontpourvous Iris afait choix ,
Etplus vous montrerez de zéle
Aremplirſes dernieres loix .
Se
Non, non, ne craignez rien , on n'en
Sçauroit médire,
Aimez en touteseureté;
Iris avantſa mort voulut bienySoufcrire.
Si vous tournez vos voeux vers un
autre coſté,
C'est la marque de ſon Empire,
Nonde vostre legereté.
S2
Malgréce changement d'hommage
Vostre coeur ne s'estpointmépris;
Mais croyez-moy, Damon,pourn'estre
pointvolage,
DansCelimene ilfaut que vous aimiez
Iris.
Lors
GALANT. 97
1
Se
Lors qu'àvoſtrejeune Maistreffe
Vous rendrez des soins à l'écart,
Plein d' Iris , conduisezfibien voftre
tendresse,
Qu'elle en ait la meilleure part.
52
L'Affaire eft affez délicate,
Gardez de vous tromper, gardez de la
trahir.
Pour un nouvel Objet quandvoſtre
amour éclate,
Nefaites-vous rien qu'obeïr?
Se
Onfçait qu'à prendrefeu vostre ame
est affez prompte,
Qu'un bel oeil peutbeaucoup fur
vous.
Celimene faitvoir cent charmes des
plusdoux,
Avril 1685. I
98 MERCURE
Ne l'aimeriez- vous point tout- à-fait
pourson compte?
८८
Les Vivans, ce dit- on,font oublierles
Morts.
Ces derniers n'ont rien que deſom
bre.
Me trompay-je, Damon?je croy qu'un
jolyCorps
Vous accommode mieux qu'une
Ombre?
52
Voulez- vousypenſerſouvent?
Dans Celimene, Iris doit eftre regardée.
Ce raport eft aisé ; mais ce n'estqu'une
idée,
Et l'amourveutplus que du vent.
22
Comme d'une viande legere
Levostre affezmalse nourrit,
i
GALANT. 99
Pour le mieuxfoûtenir, ilfaut que la
:
matiere
Accoure ausecours de l'esprit.
52
LuySeul ne rendroit pas uneflame
conftante;
Etquand celuy d' Iris est remonté là
baut,
Une belle &jeune Vivante
Estbeaucoup mieux ce qu'il vous
faut.
Se
Cepedant voulez -vous m'en croire,
Prendre leparty le meilleur?
Qu' Iris ait toute la mémoire,
Et Celimene tout le coeur.
Se
Vousy trouverez vostre affaire,
Et ce partagefaitainsi
Atoutes deux vous laiſſantfatisfaire,
Vous vousfatisferezauffi .
94 MERCURE
de la Mort quand elle eſtfore
proche. C'eſt ce qui eſt arrivé
à une jeune Perſonne, qui
n'ayant qu'un peu de Fievre ,
dit en badinant à un galant
Homme qui luy rendoit des
foins affidus , que quand elle.
feroitmorte, elle vouloit qu'il
donnaſt ſon coeur àune de ſos
Amies , qu'elle luy nomma.
SaFievre ayant augmenté,elle
mourut peu de jours aprés.
Un jeune Gentilhomme que
les affaires n'empêchét point
de ſonger de temps en temps
à faire ſa Cour aux Mufes,2
fait deſſus les Vers queje
vous envoye
GALANT S
5555 5552 55255522
A DAMON.
Sur ce qu'Iris luy avoit ordonné
en mourant d'aimer Celimene,
I
Lest donc vray, Damon ,
mez Celimene,
,vousai-
Foſtre Iris en mourantfit naiſtre ceive
ardeur,
Lors que par Testament, pourferrer
cette chaîne,
Elle luy laiſſa voſtre coeur..
Se
IeSçayqu'il eſtoit defagloire
Deplacer en bor lieu vos voeux;
Maishonorez - vousſa mémoire?
Voussentez- vous bien amoureux?
S2
Plus vousferezſenſible à cetteAmor
nouvelle
96 MERCURE
Dontpourvous Iris afait choix ,
Etplus vous montrerez de zéle
Aremplirſes dernieres loix .
Se
Non, non, ne craignez rien , on n'en
Sçauroit médire,
Aimez en touteseureté;
Iris avantſa mort voulut bienySoufcrire.
Si vous tournez vos voeux vers un
autre coſté,
C'est la marque de ſon Empire,
Nonde vostre legereté.
S2
Malgréce changement d'hommage
Vostre coeur ne s'estpointmépris;
Mais croyez-moy, Damon,pourn'estre
pointvolage,
DansCelimene ilfaut que vous aimiez
Iris.
Lors
GALANT. 97
1
Se
Lors qu'àvoſtrejeune Maistreffe
Vous rendrez des soins à l'écart,
Plein d' Iris , conduisezfibien voftre
tendresse,
Qu'elle en ait la meilleure part.
52
L'Affaire eft affez délicate,
Gardez de vous tromper, gardez de la
trahir.
Pour un nouvel Objet quandvoſtre
amour éclate,
Nefaites-vous rien qu'obeïr?
Se
Onfçait qu'à prendrefeu vostre ame
est affez prompte,
Qu'un bel oeil peutbeaucoup fur
vous.
Celimene faitvoir cent charmes des
plusdoux,
Avril 1685. I
98 MERCURE
Ne l'aimeriez- vous point tout- à-fait
pourson compte?
८८
Les Vivans, ce dit- on,font oublierles
Morts.
Ces derniers n'ont rien que deſom
bre.
Me trompay-je, Damon?je croy qu'un
jolyCorps
Vous accommode mieux qu'une
Ombre?
52
Voulez- vousypenſerſouvent?
Dans Celimene, Iris doit eftre regardée.
Ce raport eft aisé ; mais ce n'estqu'une
idée,
Et l'amourveutplus que du vent.
22
Comme d'une viande legere
Levostre affezmalse nourrit,
i
GALANT. 99
Pour le mieuxfoûtenir, ilfaut que la
:
matiere
Accoure ausecours de l'esprit.
52
LuySeul ne rendroit pas uneflame
conftante;
Etquand celuy d' Iris est remonté là
baut,
Une belle &jeune Vivante
Estbeaucoup mieux ce qu'il vous
faut.
Se
Cepedant voulez -vous m'en croire,
Prendre leparty le meilleur?
Qu' Iris ait toute la mémoire,
Et Celimene tout le coeur.
Se
Vousy trouverez vostre affaire,
Et ce partagefaitainsi
Atoutes deux vous laiſſantfatisfaire,
Vous vousfatisferezauffi .
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Résumé : A DAMON. Sur ce qu'Iris luy avoit ordonné en mourant d'aimer Celimene.
Le texte présente deux récits distincts. Le premier raconte l'histoire d'une jeune personne souffrant d'une légère fièvre qui plaisante avec un galant homme en lui demandant de donner son cœur à une de ses amies après sa mort. La fièvre s'aggravant, elle décède peu après. Le second récit est une correspondance poétique entre Damon et un galant homme. Iris, avant de mourir, ordonne à Damon d'aimer Célimène. Le galant homme conseille à Damon de respecter la mémoire d'Iris tout en aimant Célimène, soulignant que les vivants font oublier les morts. Il l'encourage à voir Iris dans Célimène, mais aussi à apprécier les charmes de cette dernière. Le texte se conclut par un conseil à Damon de partager son cœur entre la mémoire d'Iris et l'amour pour Célimène, afin de se satisfaire pleinement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 143-150
SONGE D'IRIS.
Début :
Toutes les productions d'esprit de Madame des / Que tu reviens diligemment ! [...]
Mots clefs :
Amant, Épouse, Muses, Sommeil, Songe, Iris
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SONGE D'IRIS.
Toutes les productions
d'esprit de Madame des
[ Houlieres sont si recherchées
que je croy toujours que
vous les avez,si-tost qu'il
en court une copie. C'est ce
qui m'a empesché de vous
envoyer plûtostle Songe que
vous me demandez. Cette
Dame est admirable, & dans
ses pensées, & dansla maniere de les exprimer.
SONGE D'IRIS.
QVe fit reviens diligemment!
Ne cejjeras-tu point
,
impatients
Aurore,
v De courir après Illn Amant ?
x Non)
k
*
Non,je te parle vainement. 1
Demain tu reviendras encore ;
Lttjfl de ton Vieillard tu cherches
tous p~yj Icsjours
Ce Chtlffiltr qui fait moinsde
compte
De lafolle ardeur qui te dompte,
Que de la dépouille d'un Ours.
Tun'es pas lafeuleDeejJe
jQue CAmour ait forcée à recevoir
si. loy.
Diane & Sentis comme toy,
Tour deJImples Mortels ont eu de U
t:;:dyf/}.
Ii '1 :.-
Mais enfin, si leurs cœurs se font
Lift charmer,
Leurs Amans ont brttlé pourelles
e
Toy feule entre les Immortelles
N'as jamaisseeu te faire aimer.
PourJauvcr £honneur de tes charmes,
Les frJufls, cesscavantes Sæurs,
Nous ont imposésur les larmes
.f.?!J'dIt sortir de ton lit tu répans
sur les fleurs.
Ce neftpointton Fils mort qui caufc
tes douleurs,
Vn trait plus cutfant sa blesée.
Le mépris que Cephale a
fait de tes
faveurs,
Toujourspresent à ta pensée,
C'eif ce qui faitcouler tespleurs.
Elle faitplus encor, cette Troupequi
t'aime ;
Elle dit que l'éclat vermeil,
Dontonvoit l'orientsi peindreX
ton réveil,
Vient dtsRoses que ta main for.c
Dans la carriere du Soleil.
Jj)uelconte! Si le Cielprend la cot4-
leur des Roses
Lors eue tuvi Lors quetuviens ens ouvrir la barriere barrière
du jour, [tu t'expojès.
C'eif que le Ciel qui voit la honte oh
Rourit pour toy de ton amour.
Dans quelque autre Mortel plus
jaloux que Cephale,
£)uenas-tu trouvédes appas
Il euji moinsfaçonnésur la foy
conjugale.
Ordinairementicy-bas
La plus lelle Epousen'ejl pas
Vnedangereuje Rivale.
Contente entre ses bras de ton heureux dessin, -
Tu nauroispasy des Mers oh le Soleil se plonge
y
Fait firtir ton Charfmatin Et ,
achcvfmonSonge.
"lu L'as interrompu par ton cruel
retour
Bar:s l'endroit leplus agreable.
Je croyonseîfre>helas ! dansuncharmantIiioiir.
Oùsur un vertga'{!n,de cent larcins
coupable,
Je vojyois à mes pieds£Amant le
plus aimable,
Le plus plein de reJiJtfl, c" le plus
plein d'amour.
Lesommeilme rendoit, ce mefimble3 moins jicre)
Et quand ton vif éclat a
frjpé ma
paupiere,
Jljuroitdem'aimer jusqua son
dernier jour.
Pour la perte d'une chimcre
Ne me reproche point que jefuis
trop de bruit.
Jefç.iy
que la raifou conduit
A lie regreter points ie ~yp(?/~) 01J ot,, ne;-,e regretet
guere
Un faux bien qui dans l'air s',,';'"
vole avec la nuit.
Mt s, rcjîexion importune 1
Ou trouve-t-on desbicm certains*
£>ue rien y~~ n'arrache ~\7~6' de~<.~ smains,> t
,
Etceux de la Nature
,
r ccux de la
fortune,
0!Jt (ont-ils qttt J^uefont-ils cfts que desfongcsvatns?
T2
/'-i Tout ce tempsqu'un bon Songe
dure,
Si nous fln/ni:'s ir/fflcoûtens
Des biensquenousdevaisàfachuce impoflure
,
G)rte S'HSe({oient vrais (;,;' l (¡)/'rt"
lfans,
Peut-on les perdre sans mur*
mure?
Helas! n'efl-ce donc point une beureussAventure
Pour qui laisse au devoir conduire
tousJes pas,
De pouvoir,sans blcffer la vertu
la plus pure.
Ecoutersur un lit de fleurs d;" de
verdure
Vn Amant qui ne déplaijl pas?
A ces mots fin depit ceffint dellre
le maiflre,
Lajeune Irisse teut >pouffa quelques soupirs
y
Rougit
y
& se livra peut- eflre
A de dangereux souvenirs,
d'esprit de Madame des
[ Houlieres sont si recherchées
que je croy toujours que
vous les avez,si-tost qu'il
en court une copie. C'est ce
qui m'a empesché de vous
envoyer plûtostle Songe que
vous me demandez. Cette
Dame est admirable, & dans
ses pensées, & dansla maniere de les exprimer.
SONGE D'IRIS.
QVe fit reviens diligemment!
Ne cejjeras-tu point
,
impatients
Aurore,
v De courir après Illn Amant ?
x Non)
k
*
Non,je te parle vainement. 1
Demain tu reviendras encore ;
Lttjfl de ton Vieillard tu cherches
tous p~yj Icsjours
Ce Chtlffiltr qui fait moinsde
compte
De lafolle ardeur qui te dompte,
Que de la dépouille d'un Ours.
Tun'es pas lafeuleDeejJe
jQue CAmour ait forcée à recevoir
si. loy.
Diane & Sentis comme toy,
Tour deJImples Mortels ont eu de U
t:;:dyf/}.
Ii '1 :.-
Mais enfin, si leurs cœurs se font
Lift charmer,
Leurs Amans ont brttlé pourelles
e
Toy feule entre les Immortelles
N'as jamaisseeu te faire aimer.
PourJauvcr £honneur de tes charmes,
Les frJufls, cesscavantes Sæurs,
Nous ont imposésur les larmes
.f.?!J'dIt sortir de ton lit tu répans
sur les fleurs.
Ce neftpointton Fils mort qui caufc
tes douleurs,
Vn trait plus cutfant sa blesée.
Le mépris que Cephale a
fait de tes
faveurs,
Toujourspresent à ta pensée,
C'eif ce qui faitcouler tespleurs.
Elle faitplus encor, cette Troupequi
t'aime ;
Elle dit que l'éclat vermeil,
Dontonvoit l'orientsi peindreX
ton réveil,
Vient dtsRoses que ta main for.c
Dans la carriere du Soleil.
Jj)uelconte! Si le Cielprend la cot4-
leur des Roses
Lors eue tuvi Lors quetuviens ens ouvrir la barriere barrière
du jour, [tu t'expojès.
C'eif que le Ciel qui voit la honte oh
Rourit pour toy de ton amour.
Dans quelque autre Mortel plus
jaloux que Cephale,
£)uenas-tu trouvédes appas
Il euji moinsfaçonnésur la foy
conjugale.
Ordinairementicy-bas
La plus lelle Epousen'ejl pas
Vnedangereuje Rivale.
Contente entre ses bras de ton heureux dessin, -
Tu nauroispasy des Mers oh le Soleil se plonge
y
Fait firtir ton Charfmatin Et ,
achcvfmonSonge.
"lu L'as interrompu par ton cruel
retour
Bar:s l'endroit leplus agreable.
Je croyonseîfre>helas ! dansuncharmantIiioiir.
Oùsur un vertga'{!n,de cent larcins
coupable,
Je vojyois à mes pieds£Amant le
plus aimable,
Le plus plein de reJiJtfl, c" le plus
plein d'amour.
Lesommeilme rendoit, ce mefimble3 moins jicre)
Et quand ton vif éclat a
frjpé ma
paupiere,
Jljuroitdem'aimer jusqua son
dernier jour.
Pour la perte d'une chimcre
Ne me reproche point que jefuis
trop de bruit.
Jefç.iy
que la raifou conduit
A lie regreter points ie ~yp(?/~) 01J ot,, ne;-,e regretet
guere
Un faux bien qui dans l'air s',,';'"
vole avec la nuit.
Mt s, rcjîexion importune 1
Ou trouve-t-on desbicm certains*
£>ue rien y~~ n'arrache ~\7~6' de~<.~ smains,> t
,
Etceux de la Nature
,
r ccux de la
fortune,
0!Jt (ont-ils qttt J^uefont-ils cfts que desfongcsvatns?
T2
/'-i Tout ce tempsqu'un bon Songe
dure,
Si nous fln/ni:'s ir/fflcoûtens
Des biensquenousdevaisàfachuce impoflure
,
G)rte S'HSe({oient vrais (;,;' l (¡)/'rt"
lfans,
Peut-on les perdre sans mur*
mure?
Helas! n'efl-ce donc point une beureussAventure
Pour qui laisse au devoir conduire
tousJes pas,
De pouvoir,sans blcffer la vertu
la plus pure.
Ecoutersur un lit de fleurs d;" de
verdure
Vn Amant qui ne déplaijl pas?
A ces mots fin depit ceffint dellre
le maiflre,
Lajeune Irisse teut >pouffa quelques soupirs
y
Rougit
y
& se livra peut- eflre
A de dangereux souvenirs,
Fermer
Résumé : SONGE D'IRIS.
Le texte présente une correspondance et un poème intitulé 'Songe d'Iris'. L'auteur de la lettre admire les œuvres de Madame des Houlières, les jugeant admirables par leurs pensées et leur expression. Il explique avoir été empêché d'envoyer plus tôt le poème en raison de la rareté des copies des productions de cette dame. Le poème 'Songe d'Iris' est un dialogue entre Iris et l'Aurore. Iris reproche à l'Aurore son impatience à revenir chaque matin, cherchant un amant qui ne valorise pas son amour. Elle évoque d'autres figures mythologiques, comme Diane et Sémélé, contraintes par l'amour. Iris exprime sa douleur face au mépris de Cephale et aux larmes qu'elle verse. Le poème se termine par un songe interrompu par le retour de l'Aurore, où Iris se voyait aimée par un amant idéal. Iris regrette la perte de ce rêve et se questionne sur la nature éphémère des biens et des plaisirs. Elle conclut en se demandant s'il n'est pas heureux de pouvoir écouter un amant sans faillir à la vertu, même dans un songe. À la fin du poème, Iris soupire et rougit, se livrant à des souvenirs dangereux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 101-108
SUR LA MORT De Mr le Duc de Montausier. Idille
Début :
Cependant pour ne vous pas priver du plaisir de voir / Sur le bord d'un ruisseau paisible [...]
Mots clefs :
Muses, Duc de Montausier, Gloire, Vertus, Héros, Protecteur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUR LA MORT De Mr le Duc de Montausier. Idille
Cependant
pour ne vous pas priver du
plaifir de voir ce qui s'eft
fait à la gloire de ce Duc,
dont les grandes qualitez ont
fait tant de bruit dans tout
le Royaume , je vous envoye un Ouvrage de Madame
des Houlieres , fur le malheur arrivé aux Mufes , qui
en le perdant , ont perdu leur
Protecteur.
i
I iij
102 MERCURE
T
§ 2552225222255SSS
SUR LA MORT
De Mile Duc de Montaufier.
I DILLE
Ur le bord d'un ruiſſeau paiSo
Sible
Olimpe fe livroit à de vives douleurs ,
Et malgré fes autres malheurs
Au fort de Montaufier attèntive &
fenfible ,
Difoit en répandant des pleurs :
Qu'allez- vous devenir , belles Infortunées,
Mufes, qu'il protegea dés fes jeunes
années ?
GALANT. 103
Qu'allez- vous devenir , Heroïques
Vertus ,
Vous qui tremblantes , éplorées,
Aprés vos Temples abbatus ,
Chez luy vous eftiez retirées ?
Lestitresprécieux dontfurent revêtus
Ces Grecs & ces Romains , ornemens
de l'Hiftoire ,
Sont dûs à ce Heres d'immortelle
memoire ,
Quipar des fentiers peu battus.
Marcha d'un pas égal vers lafolide
gloire.
2
Mufes , Vertus , helas ! qui fera voftre appuy?
Et qui regardera comme d'affreux
Spectacles
Voftre mifere & voftre ennuy ?
Qui vous écoutera ? Qui voudra
comme luy
I iiij
104 MERCURE
Vous conduire à travers d'innom
brables obftacles
Au grand Roy qui regne aujourd'buy ?
Ah , qu'une telle perte ouvre de
precipices !
Qu'elle va vous livrer à d'injuftes
caprices !
Que de dédains, que de dégoufts ?
Mafes , Vertus , helas ! l'Ignorance
ules Vices
Peut-etre par fa mort triompheront
de vous.
2
Injustice de la Nature !
Les arbres dont l'ombrage embellit
ces cofteaux ,
Ne craignent point des ans l'irreparable injure ;
Leur vieilleffe ne fert qu'à les rendre
plus beaux.
GALANT. 105
Aprés avoir d'un fiecle achevé la
mesure ,
Ils paffent bien avant dans des fiecles nouveaux.
Où voit-on quelque homme qui
dure
Autant que les fapins , les chefnes,
les ormeaux ?
S
Mais pourquoy m'amufer dans ma
douleur mortelle
Afaire à la nature une vaine querelle ?
Arbres qui vivezplus que nous
Foüiffez d'un deftin fi doux ;
Faybien d'autresfujets de murmurercontr'elle.
Puis-je voirfans blâmer des ordres
fi cruels ,
Qu'un de ces indignes Mortels
Queue dansfa pareffe elle forme
106 MERCURE
De ce qu'elle a de plus mauvais,
Plus tard qne Montaufier s'en.
dorme
De ce fatal fommeil qui ne finit
jamais ?
Un excés de douleur & de delica.
teffe
Porte ma colere plus loin.
Tout homme , quel qu'il foit , dont
elle a pris le foin
De conduire la vie à l'extrême vieilleffe ,
Quand il s'offre à mes yeux les
bleffe.
Non , je nefçaurois plus fouffrir
Que delafin d'un fiecle icy quel
qu'un approche,
Sans luy faire un fecret reproche
Du long-temps qu'il eft à mourir.
S
GALANT. 107
Vous , qu'avec une ardeur fincere
F'invoquois pourfauver une Teftefi chere ,
Dieux , quelquefois ingrats &
Sourds!
Seize luftres entiers ne firent pas le
Cours
D'une vie également belle,
Et qui devoit durer toujours
Sile merite eftoit un affeuré fecours
Contre une loy dure & cruelle.
Vous ne vouliez pas que fon cœur
Euft le plaifir de voir ce Prince dont
l'enfance
Fut confiée àfa prudence ,
Unefeconde fois Vainqueur
Des fieres Nations que l'Envie &
[Erreur
Ofent armer contre la France.
Vous eftes fatisfaits Satisfaits . Les barbares
efforts
108 MERCURE
De la Déeffe qui delie
Les invifibles nauds qui joignent
l'ame au corps,
Ont fait quefurles fombres bords
Montaufier a rejointfa divineJulie.
Tous deuxmalgré cette Eau qui fait
que tout s'oublie,
Sentent encor de doux tranſports ;
Et tous deux fontfuivis de as illuftres Morts ,
Quidans unefaifon aux Muſes plus
propice ,
Firent de leurs charmans accords
Retentirfi longtemps le Palais d'Artenice,
Tandis que des grands noms du Heros que je plains
Auxfiecles à venir on transmet la memoire ,
Etque les plus fçavantes mains
Elevent à l'envi des Temples à fa
gloire
pour ne vous pas priver du
plaifir de voir ce qui s'eft
fait à la gloire de ce Duc,
dont les grandes qualitez ont
fait tant de bruit dans tout
le Royaume , je vous envoye un Ouvrage de Madame
des Houlieres , fur le malheur arrivé aux Mufes , qui
en le perdant , ont perdu leur
Protecteur.
i
I iij
102 MERCURE
T
§ 2552225222255SSS
SUR LA MORT
De Mile Duc de Montaufier.
I DILLE
Ur le bord d'un ruiſſeau paiSo
Sible
Olimpe fe livroit à de vives douleurs ,
Et malgré fes autres malheurs
Au fort de Montaufier attèntive &
fenfible ,
Difoit en répandant des pleurs :
Qu'allez- vous devenir , belles Infortunées,
Mufes, qu'il protegea dés fes jeunes
années ?
GALANT. 103
Qu'allez- vous devenir , Heroïques
Vertus ,
Vous qui tremblantes , éplorées,
Aprés vos Temples abbatus ,
Chez luy vous eftiez retirées ?
Lestitresprécieux dontfurent revêtus
Ces Grecs & ces Romains , ornemens
de l'Hiftoire ,
Sont dûs à ce Heres d'immortelle
memoire ,
Quipar des fentiers peu battus.
Marcha d'un pas égal vers lafolide
gloire.
2
Mufes , Vertus , helas ! qui fera voftre appuy?
Et qui regardera comme d'affreux
Spectacles
Voftre mifere & voftre ennuy ?
Qui vous écoutera ? Qui voudra
comme luy
I iiij
104 MERCURE
Vous conduire à travers d'innom
brables obftacles
Au grand Roy qui regne aujourd'buy ?
Ah , qu'une telle perte ouvre de
precipices !
Qu'elle va vous livrer à d'injuftes
caprices !
Que de dédains, que de dégoufts ?
Mafes , Vertus , helas ! l'Ignorance
ules Vices
Peut-etre par fa mort triompheront
de vous.
2
Injustice de la Nature !
Les arbres dont l'ombrage embellit
ces cofteaux ,
Ne craignent point des ans l'irreparable injure ;
Leur vieilleffe ne fert qu'à les rendre
plus beaux.
GALANT. 105
Aprés avoir d'un fiecle achevé la
mesure ,
Ils paffent bien avant dans des fiecles nouveaux.
Où voit-on quelque homme qui
dure
Autant que les fapins , les chefnes,
les ormeaux ?
S
Mais pourquoy m'amufer dans ma
douleur mortelle
Afaire à la nature une vaine querelle ?
Arbres qui vivezplus que nous
Foüiffez d'un deftin fi doux ;
Faybien d'autresfujets de murmurercontr'elle.
Puis-je voirfans blâmer des ordres
fi cruels ,
Qu'un de ces indignes Mortels
Queue dansfa pareffe elle forme
106 MERCURE
De ce qu'elle a de plus mauvais,
Plus tard qne Montaufier s'en.
dorme
De ce fatal fommeil qui ne finit
jamais ?
Un excés de douleur & de delica.
teffe
Porte ma colere plus loin.
Tout homme , quel qu'il foit , dont
elle a pris le foin
De conduire la vie à l'extrême vieilleffe ,
Quand il s'offre à mes yeux les
bleffe.
Non , je nefçaurois plus fouffrir
Que delafin d'un fiecle icy quel
qu'un approche,
Sans luy faire un fecret reproche
Du long-temps qu'il eft à mourir.
S
GALANT. 107
Vous , qu'avec une ardeur fincere
F'invoquois pourfauver une Teftefi chere ,
Dieux , quelquefois ingrats &
Sourds!
Seize luftres entiers ne firent pas le
Cours
D'une vie également belle,
Et qui devoit durer toujours
Sile merite eftoit un affeuré fecours
Contre une loy dure & cruelle.
Vous ne vouliez pas que fon cœur
Euft le plaifir de voir ce Prince dont
l'enfance
Fut confiée àfa prudence ,
Unefeconde fois Vainqueur
Des fieres Nations que l'Envie &
[Erreur
Ofent armer contre la France.
Vous eftes fatisfaits Satisfaits . Les barbares
efforts
108 MERCURE
De la Déeffe qui delie
Les invifibles nauds qui joignent
l'ame au corps,
Ont fait quefurles fombres bords
Montaufier a rejointfa divineJulie.
Tous deuxmalgré cette Eau qui fait
que tout s'oublie,
Sentent encor de doux tranſports ;
Et tous deux fontfuivis de as illuftres Morts ,
Quidans unefaifon aux Muſes plus
propice ,
Firent de leurs charmans accords
Retentirfi longtemps le Palais d'Artenice,
Tandis que des grands noms du Heros que je plains
Auxfiecles à venir on transmet la memoire ,
Etque les plus fçavantes mains
Elevent à l'envi des Temples à fa
gloire
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Résumé : SUR LA MORT De Mr le Duc de Montausier. Idille
Le texte est un poème funèbre sur la mort du duc de Montausier. Il commence par une lettre de Madame des Houlières, qui évoque le malheur des Muses ayant perdu leur protecteur. Le poème exprime la douleur d'Olimpe face à cette perte, soulignant le rôle du duc comme protecteur des Muses et des vertus héroïques. Il déplore l'avenir incertain des Muses et des vertus sans son appui. Le texte critique l'injustice de la nature, qui permet aux arbres de vivre plus longtemps que les hommes. Il exprime une colère face à la mort prématurée du duc, comparée à celle des hommes indignes qui vivent plus longtemps. Le poème s'adresse ensuite aux dieux, reprochant leur ingratitude et leur refus de prolonger la vie du duc, malgré ses mérites et ses victoires. Il conclut en évoquant la réunion du duc avec sa divine Julie dans l'au-delà et la mémoire durable de ses exploits.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 109-111
SONNET.
Début :
Mr le Clerc, de l'Academie Françoise, s'est aussi adressé / Montausier ne voit plus la lumiere du jour, [...]
Mots clefs :
Muses, Monsieur de Montausier, Louis, Perte
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SONNET.
r le Clerc , de l'AcademieFrançoife ,s'eft auffi adref,
fé aux Mufes dans un Sonnet
dont la perte que nous avons
faite de M de Montaufier ,
luy a fourny la matiere. II
eft trop beau pour ne vous
en pas envoyer une Copie.
SONNE T.
Ontaufier ne voit plus la lumiere du jour,
Mufes , que fon trepas a fi fort de
folées ,
A l'honneur de fon nom dreſſez des
Maufolées,
Dignes defa vertu , dignes de vostre
amour.
110 MERCURE
[
2
Dés fes plusjeunes ans il vous faifoit la cour,
Et quand de nos Climats Mars vous
eut exilées ,
On vous y vidbien- toft parfesfoins
rappellées ,
Accommoder vos chants aufier bruit
du tambour.
S
Que nos derniers Neveux , par voftre miniftere,
Apprennent à quelpoint il fut jufte
&fincere
Vaillant & liberal , fage : actif,
éclairé.
$
>
Mais non , LOVIS a fait son vray
Panegyrique ,
Quand pour former d'un Fils le
courage heroïqne ,
GALANT III
A fes plus grands Sujets fon choix
l'a préféré.
fé aux Mufes dans un Sonnet
dont la perte que nous avons
faite de M de Montaufier ,
luy a fourny la matiere. II
eft trop beau pour ne vous
en pas envoyer une Copie.
SONNE T.
Ontaufier ne voit plus la lumiere du jour,
Mufes , que fon trepas a fi fort de
folées ,
A l'honneur de fon nom dreſſez des
Maufolées,
Dignes defa vertu , dignes de vostre
amour.
110 MERCURE
[
2
Dés fes plusjeunes ans il vous faifoit la cour,
Et quand de nos Climats Mars vous
eut exilées ,
On vous y vidbien- toft parfesfoins
rappellées ,
Accommoder vos chants aufier bruit
du tambour.
S
Que nos derniers Neveux , par voftre miniftere,
Apprennent à quelpoint il fut jufte
&fincere
Vaillant & liberal , fage : actif,
éclairé.
$
>
Mais non , LOVIS a fait son vray
Panegyrique ,
Quand pour former d'un Fils le
courage heroïqne ,
GALANT III
A fes plus grands Sujets fon choix
l'a préféré.
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Résumé : SONNET.
Le sonnet de r le Clerc rend hommage à M. de Montausier, soulignant sa vertu et son attachement aux Muses. Il exalte ses qualités telles que la justice, le courage et la sagesse, et rappelle que Louis XIV a honoré Montausier en le choisissant pour éduquer son fils.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 99-105
BOUQUET.
Début :
Vous envoyer des Vers de l'Illustre Madame des Houlieres, / Il est aujourd'huy vostre Feste, [...]
Mots clefs :
Abbé, Grâce, Muses, Bel esprit, Coeur, Faiblesse, Femme, Éternelle vie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : BOUQUET.
Vous envoyer des Vers de
l'Illuftre Madame des Houlicres , c'eſt vous faire un vray
prefent En voicy de fa façon,
pour M' l'Abbé de Lavau ,
au jour de S. Loüis , qui eftoit
celuy de la Feſte.
I ij
100 MERCURE
IL
BOUQUET.
Left aujourd'huy voftre Feste,
Et de ces agreables fleurs,
Dont le temps ne sçauroit effacer les
couleurs ,
Ma main devroit , Abbé , couronner
voftre tefte.
Mais belas ! depuis quelquesjours
Je cherche en vain fur le Parnaffe
Ces vives fleurs, que rien n'efface,
Et que vous y cueillez toujours.
Quevous donner donc en leur
place?
Un fimple bonjour? C'est trop
рец.
Mon cœur? C'est un peu trop , quoy
que fafaifon paffe,
Il ne faut mefmepas , de vostre pro
pre aveu ,
GALANT: IoÏ
1
L
Que jamais defon cœur mon Sexe
Se défaffe Et d'ailleurs, dans le train oùvous a
mis la Grace,
Train , qui chez vous n'eſt point
un jeu
Le prefent d'un cœur embaraſſe.
2
Fe çay que depuis quelque temps
On donne pour Bouquet des Bijoux
importans ;
4
Mais quand vous verrez la for
tune,
Demandez-luy fi dans ces lieux
Où les Mufes chantent le mieux;
Elle daigne en mettre quelqu'une
En pouvoir de donner des Bijoux
precieux.
23
Pas une des neufSaurs par elle n'eft aidée .
I iij
102 MERCURE
Abbé, le nom de bel efprit
Icy ne donne point d'idée ,
De gloire , d'aife , de credit ,
Comme decertains noms , qui d'abord
qu'on les dit ,
Tout pauvres qu'ilsfontpareuxmeſmes ;
Rempliffent l'efprit de trefors ,
De voluptez, d'honneurs Suprêmes;
Par tout excellens paffe- ports 着
Des vices de l'ame &du corps.
S
Je m'égare , & je moralife
Peut- eftre un peu hors de faifon.
Qu'y faire ? malgré la raison ,
Dans tout ce qu'on écrit onfe caracterife.
Cependant revenons à nous,
Tâchons par des fouhaits à nous titer
d'affaire.
Jefçay que c'eft ne donnerguere,
*
i
GALANT 103
Mais ceux que la Nature a formez
comme nous ,
D'un limou moins groffier que le li
mon vulgaire ,
Trouvent des charmes auffi doux
Dans les fouhaits d'nn cœur fin-
·cere ,
Que dans les plus riches Bijoux.
S
Ce n'eft nydu Sçavoir, ny de l'efprit
folide,
Ny de la pieté qu'il faut vous fou
haiter,
Vous en avez affez , Abbé , pour en
préter.
Eft ce une conduite rigide ?
Eft- ce une probité ſur quoy pouvoir
compter?
Encor moins ; voftre cœur jamais ne
vous expofe.
Auxdéreglemen's › aux noirceurs,
I iiij
104 MERCURE
Que la foibleffe humaine cauſe,´
Etfur le merite & les mœurs
On pourroit défier les plus fins Con
noiffeurs
· De vous fouhaiter quelque chofe
2
Tout ce qu'une Femme refout,
Arrive , bien ou mal, comme il eft
dans fa tefte.
Fe veux par des fouhaits celebrer
voftre Feste,
Etj'en trouve un àfaire enfinſelon
mon goust.
Je ne fçay s'it fera du voftre.
Abbé, le voicy fans façon.
Saint Louis eft voftre Patrons
Louis le Grand en eſt un autre,
Augré debien des gens pourle moins
auffi bon.
Que pour vous faire un fort qui
foit digne d'envie,
GALANT 105
Leurs foins à votre égardfe parta
gent ainsi.
Que l'un, lors qu'à centans vousfortirez, d'icy,
Vous procure les biens de l'Eternelle
Vie,
Et que l'autre vous rende heureux
dans celle-cy.
l'Illuftre Madame des Houlicres , c'eſt vous faire un vray
prefent En voicy de fa façon,
pour M' l'Abbé de Lavau ,
au jour de S. Loüis , qui eftoit
celuy de la Feſte.
I ij
100 MERCURE
IL
BOUQUET.
Left aujourd'huy voftre Feste,
Et de ces agreables fleurs,
Dont le temps ne sçauroit effacer les
couleurs ,
Ma main devroit , Abbé , couronner
voftre tefte.
Mais belas ! depuis quelquesjours
Je cherche en vain fur le Parnaffe
Ces vives fleurs, que rien n'efface,
Et que vous y cueillez toujours.
Quevous donner donc en leur
place?
Un fimple bonjour? C'est trop
рец.
Mon cœur? C'est un peu trop , quoy
que fafaifon paffe,
Il ne faut mefmepas , de vostre pro
pre aveu ,
GALANT: IoÏ
1
L
Que jamais defon cœur mon Sexe
Se défaffe Et d'ailleurs, dans le train oùvous a
mis la Grace,
Train , qui chez vous n'eſt point
un jeu
Le prefent d'un cœur embaraſſe.
2
Fe çay que depuis quelque temps
On donne pour Bouquet des Bijoux
importans ;
4
Mais quand vous verrez la for
tune,
Demandez-luy fi dans ces lieux
Où les Mufes chantent le mieux;
Elle daigne en mettre quelqu'une
En pouvoir de donner des Bijoux
precieux.
23
Pas une des neufSaurs par elle n'eft aidée .
I iij
102 MERCURE
Abbé, le nom de bel efprit
Icy ne donne point d'idée ,
De gloire , d'aife , de credit ,
Comme decertains noms , qui d'abord
qu'on les dit ,
Tout pauvres qu'ilsfontpareuxmeſmes ;
Rempliffent l'efprit de trefors ,
De voluptez, d'honneurs Suprêmes;
Par tout excellens paffe- ports 着
Des vices de l'ame &du corps.
S
Je m'égare , & je moralife
Peut- eftre un peu hors de faifon.
Qu'y faire ? malgré la raison ,
Dans tout ce qu'on écrit onfe caracterife.
Cependant revenons à nous,
Tâchons par des fouhaits à nous titer
d'affaire.
Jefçay que c'eft ne donnerguere,
*
i
GALANT 103
Mais ceux que la Nature a formez
comme nous ,
D'un limou moins groffier que le li
mon vulgaire ,
Trouvent des charmes auffi doux
Dans les fouhaits d'nn cœur fin-
·cere ,
Que dans les plus riches Bijoux.
S
Ce n'eft nydu Sçavoir, ny de l'efprit
folide,
Ny de la pieté qu'il faut vous fou
haiter,
Vous en avez affez , Abbé , pour en
préter.
Eft ce une conduite rigide ?
Eft- ce une probité ſur quoy pouvoir
compter?
Encor moins ; voftre cœur jamais ne
vous expofe.
Auxdéreglemen's › aux noirceurs,
I iiij
104 MERCURE
Que la foibleffe humaine cauſe,´
Etfur le merite & les mœurs
On pourroit défier les plus fins Con
noiffeurs
· De vous fouhaiter quelque chofe
2
Tout ce qu'une Femme refout,
Arrive , bien ou mal, comme il eft
dans fa tefte.
Fe veux par des fouhaits celebrer
voftre Feste,
Etj'en trouve un àfaire enfinſelon
mon goust.
Je ne fçay s'it fera du voftre.
Abbé, le voicy fans façon.
Saint Louis eft voftre Patrons
Louis le Grand en eſt un autre,
Augré debien des gens pourle moins
auffi bon.
Que pour vous faire un fort qui
foit digne d'envie,
GALANT 105
Leurs foins à votre égardfe parta
gent ainsi.
Que l'un, lors qu'à centans vousfortirez, d'icy,
Vous procure les biens de l'Eternelle
Vie,
Et que l'autre vous rende heureux
dans celle-cy.
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Résumé : BOUQUET.
L'auteur adresse une lettre poétique à l'Abbé de Lavau pour la fête de Saint-Louis. Elle exprime son désir de lui offrir un bouquet de fleurs, mais ne pouvant en trouver, elle envisage d'autres présents. Elle mentionne que les bijoux sont désormais offerts comme bouquets, mais doute que la fortune permette à quiconque de les offrir. L'auteur s'attarde sur la vanité des noms et des titres, se livrant à des réflexions morales. Elle formule ensuite des vœux pour l'Abbé, souhaitant qu'il soit protégé par Saint-Louis pour la vie éternelle et par Louis le Grand pour le bonheur terrestre. Elle conclut en espérant que ses vœux soient à son goût.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 133-141
EPISTRE.
Début :
Je vous envoye des Vers de Madame des Houlieres, & / Aprés que tous les Elemens, [...]
Mots clefs :
Génie, Mr Arnaud, Fermier général, Vin, Esculape, Café, Satyre, Louis, Muses
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPISTRE.
Je vous envoye des Vers
de Madame des Houlieres, &,
non feulement ce font des
Vers dignes d'elle , ce qui doit
vous en donner la plus grande
idée , mais vous les admirerez
d'autant plus , que quoy qu'ils
foient faits fur une matiere
qui femble fterile , elle y a
meflé les penfées du monde
134 MERCURE
les plus agreables, & en fort
grand nombre; mais que ne
peut pas un genie auffi élevé
& auffi beau que le fien ! Elle
fe plaignoit du mauvais Vin
de l'année derniere , & M
Arnaud , Fermier General,
toujours genereux pour les
Amis , & ne negligeant aucune occafion de les obliger,
luy en envoya un muid avec
du Caffe. C'est pour l'en re
mercier que Madame des
Houlieres a fait les Vers que
vous allez lire.
GALANT. 135
EPISTRE.
APrésque tousles Elemens,
Par d'horribles dereglemens ,
Nous ont fait une longue guerre,
Lors qu'ilfemble que le Soleil
N'eft plus amoureux de la Terre ,
Par quel charme ay-je à mon réveil
Une piece de vin pareil
Au précieux Nectar du Maistre du
Tonnerre?
R
Quelgenereux Mortel peut avoir
pris ce foin,
Dontnos modernes Efculapes
S'avifent de trouver que j'ay tant de
befoin,
Quand on n'a tiréde nos grapes
Qu'un Vin, qui froid & vert du
Verjus n'eſt pas loin?
136 MERCURE
Čenepeut eftre que Timandre ;
A cegouft de n'épargner rien
Quand on trouve un fervice à
rendre ,
Et de faire toujours du bien,
On ne sçauroit pas fe méprendres
Peudecœurs là- deffus font faits comme lefien.
S
Ouy , Timandre , c'est vous , & de
Pilluftre Race
Dont le Ciel vous afait fortir,
Vous fuivez pas à pas la glorieufe
trace.
On ne voit rien en vous qui puiſſe
démentir
La pictè , la noble audace ,
Lagenerofité, l'éclat
De ces Arcs- boutans de l'Etat,
Nydeces Heros de la Grace ;
Quipour les Concerts du Parnaffe.
GALANT. 137.
Euvent toujours un gouft fi fin , fi
delicat.
S
C'est à ce doux panchant qu'ils ont
eu pour les Mafes,
Qui d'eux a paſsé juſqu'à vous,
Que je dois l'amitié qui fe forme
entre nous ,
Et qui vous fait chercher tant d'agreables rufes ,
Pourfaire que chez moy l'on trouve
tous les jours
DeCaffe , de liqueurs une pleine abondance;
Et de ce vin dont l'excellence >
Pour mafanté , dit - on , fera d'un
grandfecours.
S
Quoy que l'Hiftoire en puiffe dire,
Le vin qui jadis dans Tibur
D'Horace égayoit la Satyre,
Octobre i 693. M
138 MERCURE
Le vin qu'Anacreon celebroit furfa
Lyre,
N'eftoit nyfi beau , ny fi pur.
A des rubisfondus fa couleur eftfem
blable,
Il tient ce que promet ſa brillante 1 couleur.
Vue utile & douce chaleur
Fait qu'on penfe au fortir de table,
Avoir pris de cet orpotable,
Qui triomphe des ans , qui chaffe la
douleur ,
Qui fait tout, & qui par malheur
N'ajamais efté qu'une Fable.
S
Cependant quelque precieux
Que foit un tel breuvage , un Zele
ardent & tendre
Pour le Public le fait répandre ,
Quand LOVIS eft victorieux.
GALANT. 179
Les muids font défoncez dans les
brillantes Feftes ,
ойpour luy l'on rend grace aux
Et tandis
Cieux ;
que le bruit de fes grandes
conqueftes,
Troublefes Ennemis de fa gloire envieux ,
Voftre excellent vin dans ces lieux
Trouble un nombre infini de teftes.
2
Qui l'auroit pu penfer! moy, qui dés
le berceau
Suis en habitude de boire
Avec les Filles de Memoire,
Et de m'enyorerde cette eau ,
Qui des tencbres du tombe au
A le donde fauver la gloire,
Enfin , moy, qnijufqu'aujourd'huy
·N'avois avec Bacchus prefque point
de commerce,
Mij
140 MERCURE
Fay fait connoillance avecluy.
Heureufe fi ceDieu peut diffiperl'en
nuy
Du maudit fort qui me traverſe,
Et d'une fanté foible eftre le ferme
appuy.
S
Quand je fonge pourtant en perSonne fensée
A voſtre preſent merveilleux,
A ne vous rien cacher , il me vient
en pensée
Qu'il peut, tout beau qu'il eft , eftre
un peu dangereux.
On(ne pourroitpas mieux s'y pren
dre
Pour faire une galante & douce trabifon.
Quelque force qu'ait la raison,
Helas . contre le vin peut-elle fe
défendre ?
GALANT. 141
Non, &fouventl' Amour mele pour
nous furprendre ,
Dans le vinfonfubril poison ;
Mais par bonheur pour moy,
mandre,
Ti
Vous eftes plus fage que tendre,
Et d'ailleurs, jefuis loin de la belle
faifon,
Où les pieges font bons à tendré.
de Madame des Houlieres, &,
non feulement ce font des
Vers dignes d'elle , ce qui doit
vous en donner la plus grande
idée , mais vous les admirerez
d'autant plus , que quoy qu'ils
foient faits fur une matiere
qui femble fterile , elle y a
meflé les penfées du monde
134 MERCURE
les plus agreables, & en fort
grand nombre; mais que ne
peut pas un genie auffi élevé
& auffi beau que le fien ! Elle
fe plaignoit du mauvais Vin
de l'année derniere , & M
Arnaud , Fermier General,
toujours genereux pour les
Amis , & ne negligeant aucune occafion de les obliger,
luy en envoya un muid avec
du Caffe. C'est pour l'en re
mercier que Madame des
Houlieres a fait les Vers que
vous allez lire.
GALANT. 135
EPISTRE.
APrésque tousles Elemens,
Par d'horribles dereglemens ,
Nous ont fait une longue guerre,
Lors qu'ilfemble que le Soleil
N'eft plus amoureux de la Terre ,
Par quel charme ay-je à mon réveil
Une piece de vin pareil
Au précieux Nectar du Maistre du
Tonnerre?
R
Quelgenereux Mortel peut avoir
pris ce foin,
Dontnos modernes Efculapes
S'avifent de trouver que j'ay tant de
befoin,
Quand on n'a tiréde nos grapes
Qu'un Vin, qui froid & vert du
Verjus n'eſt pas loin?
136 MERCURE
Čenepeut eftre que Timandre ;
A cegouft de n'épargner rien
Quand on trouve un fervice à
rendre ,
Et de faire toujours du bien,
On ne sçauroit pas fe méprendres
Peudecœurs là- deffus font faits comme lefien.
S
Ouy , Timandre , c'est vous , & de
Pilluftre Race
Dont le Ciel vous afait fortir,
Vous fuivez pas à pas la glorieufe
trace.
On ne voit rien en vous qui puiſſe
démentir
La pictè , la noble audace ,
Lagenerofité, l'éclat
De ces Arcs- boutans de l'Etat,
Nydeces Heros de la Grace ;
Quipour les Concerts du Parnaffe.
GALANT. 137.
Euvent toujours un gouft fi fin , fi
delicat.
S
C'est à ce doux panchant qu'ils ont
eu pour les Mafes,
Qui d'eux a paſsé juſqu'à vous,
Que je dois l'amitié qui fe forme
entre nous ,
Et qui vous fait chercher tant d'agreables rufes ,
Pourfaire que chez moy l'on trouve
tous les jours
DeCaffe , de liqueurs une pleine abondance;
Et de ce vin dont l'excellence >
Pour mafanté , dit - on , fera d'un
grandfecours.
S
Quoy que l'Hiftoire en puiffe dire,
Le vin qui jadis dans Tibur
D'Horace égayoit la Satyre,
Octobre i 693. M
138 MERCURE
Le vin qu'Anacreon celebroit furfa
Lyre,
N'eftoit nyfi beau , ny fi pur.
A des rubisfondus fa couleur eftfem
blable,
Il tient ce que promet ſa brillante 1 couleur.
Vue utile & douce chaleur
Fait qu'on penfe au fortir de table,
Avoir pris de cet orpotable,
Qui triomphe des ans , qui chaffe la
douleur ,
Qui fait tout, & qui par malheur
N'ajamais efté qu'une Fable.
S
Cependant quelque precieux
Que foit un tel breuvage , un Zele
ardent & tendre
Pour le Public le fait répandre ,
Quand LOVIS eft victorieux.
GALANT. 179
Les muids font défoncez dans les
brillantes Feftes ,
ойpour luy l'on rend grace aux
Et tandis
Cieux ;
que le bruit de fes grandes
conqueftes,
Troublefes Ennemis de fa gloire envieux ,
Voftre excellent vin dans ces lieux
Trouble un nombre infini de teftes.
2
Qui l'auroit pu penfer! moy, qui dés
le berceau
Suis en habitude de boire
Avec les Filles de Memoire,
Et de m'enyorerde cette eau ,
Qui des tencbres du tombe au
A le donde fauver la gloire,
Enfin , moy, qnijufqu'aujourd'huy
·N'avois avec Bacchus prefque point
de commerce,
Mij
140 MERCURE
Fay fait connoillance avecluy.
Heureufe fi ceDieu peut diffiperl'en
nuy
Du maudit fort qui me traverſe,
Et d'une fanté foible eftre le ferme
appuy.
S
Quand je fonge pourtant en perSonne fensée
A voſtre preſent merveilleux,
A ne vous rien cacher , il me vient
en pensée
Qu'il peut, tout beau qu'il eft , eftre
un peu dangereux.
On(ne pourroitpas mieux s'y pren
dre
Pour faire une galante & douce trabifon.
Quelque force qu'ait la raison,
Helas . contre le vin peut-elle fe
défendre ?
GALANT. 141
Non, &fouventl' Amour mele pour
nous furprendre ,
Dans le vinfonfubril poison ;
Mais par bonheur pour moy,
mandre,
Ti
Vous eftes plus fage que tendre,
Et d'ailleurs, jefuis loin de la belle
faifon,
Où les pieges font bons à tendré.
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Résumé : EPISTRE.
Madame des Houlières adresse une lettre à Monsieur Arnaud, Fermier Général, pour exprimer sa gratitude pour un muid de vin et du café qu'il lui a envoyés. Elle se plaint du mauvais vin de l'année précédente et admire la générosité de Monsieur Arnaud. Les vers intitulés 'Épître' accompagnant la lettre commencent par une réflexion sur les éléments naturels et la guerre qu'ils ont menée. Madame des Houlières exprime sa surprise et sa joie de recevoir un vin de qualité, qu'elle compare au nectar des dieux. Elle identifie Timandre, pseudonyme de Monsieur Arnaud, comme un homme généreux et noble, louant sa générosité et son esprit délicat. Elle mentionne également l'abondance de café et de liqueurs chez elle, grâce à l'amitié partagée. Les vers continuent en comparant le vin reçu à ceux célèbres dans l'histoire, comme ceux d'Horace et d'Anacréon, soulignant sa qualité et ses bienfaits. Madame des Houlières conclut en exprimant son inquiétude quant aux dangers potentiels du vin, tout en reconnaissant sa force et son pouvoir.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 86-90
ODE ANACREONTIQUE. Par Mr Roy. Réception d'une nouvelle Muse.
Début :
Jusqu'à quand verrons-nous par neuf Filles ridées [...]
Mots clefs :
Amour, Muses
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ODE ANACREONTIQUE. Par Mr Roy. Réception d'une nouvelle Muse.
ODE
ANACREONTIVE
Par Mr Roy.
Reception d'une nouvelle
Mule.
lulqUaquand verrons.
nous par neuf Filles
ridées
Le doublesommet habité
Avec de tels objetsoù
prendre des idées
D'agrément & de noUr
rveautc.
-W.
JMuJesj qui dans nos
Vers laiffezj couler la
g_ace
Maigre noflreétude
nosJoins
Lorsque d'un feu si heau
'Vous enjlamieZj,Horace
Vous avieZ deux mille
ans de moins.
Arvôtre âge tified bien dô
parlerdel'Hifloire
De ïAffyrie & deJes
Roiss
Mais laijjezj-la l'Amour:
pourcelebrerfa
gloire
Ce Dieu veutdeplusjeunes
VOIX.
Quoy, nous redirieZj*vou$
desfleurettes contées
Dutemps a'Helene&de
Pâris
Ah! ces fades douceurs
des Sçavansrefpeëtées
LeJeroient peu de nos
Iris.
C'a, veut - on dans nos
Vers ressusciter les Graces3
Conjultons L'Enfant de
PafJhos
Deles anitiques Soeurs
Phebusremplit lesplaces
Parautant dejeunesSaphos.
B;
Le choix estimportant,
quAmour tâche À le
faire.,
Ne prene que de tendres
coeurs
Des appas quonpourroit
adorera Cythere
Charmans mais modestes
vatnqueurs.
H
Qui choisis-tu d'abord?
ClinJeneJah
9 tu men.
chantes
Par l'hommage que tu
luy rends
Je nefuisinquiet que des
huit prétendantes
Qui doivent entrer fùr
les rangs.
ANACREONTIVE
Par Mr Roy.
Reception d'une nouvelle
Mule.
lulqUaquand verrons.
nous par neuf Filles
ridées
Le doublesommet habité
Avec de tels objetsoù
prendre des idées
D'agrément & de noUr
rveautc.
-W.
JMuJesj qui dans nos
Vers laiffezj couler la
g_ace
Maigre noflreétude
nosJoins
Lorsque d'un feu si heau
'Vous enjlamieZj,Horace
Vous avieZ deux mille
ans de moins.
Arvôtre âge tified bien dô
parlerdel'Hifloire
De ïAffyrie & deJes
Roiss
Mais laijjezj-la l'Amour:
pourcelebrerfa
gloire
Ce Dieu veutdeplusjeunes
VOIX.
Quoy, nous redirieZj*vou$
desfleurettes contées
Dutemps a'Helene&de
Pâris
Ah! ces fades douceurs
des Sçavansrefpeëtées
LeJeroient peu de nos
Iris.
C'a, veut - on dans nos
Vers ressusciter les Graces3
Conjultons L'Enfant de
PafJhos
Deles anitiques Soeurs
Phebusremplit lesplaces
Parautant dejeunesSaphos.
B;
Le choix estimportant,
quAmour tâche À le
faire.,
Ne prene que de tendres
coeurs
Des appas quonpourroit
adorera Cythere
Charmans mais modestes
vatnqueurs.
H
Qui choisis-tu d'abord?
ClinJeneJah
9 tu men.
chantes
Par l'hommage que tu
luy rends
Je nefuisinquiet que des
huit prétendantes
Qui doivent entrer fùr
les rangs.
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Résumé : ODE ANACREONTIQUE. Par Mr Roy. Réception d'une nouvelle Muse.
Le poème 'ODE ANACREONTIVE' de Mr Roy célèbre la réception d'une nouvelle mule. Il commence par décrire neuf filles ridées et des sommets habités, évoquant des idées d'agrément et de nouveauté. L'auteur s'adresse à Horace, soulignant que l'amour nécessite des voix plus jeunes pour célébrer sa gloire. Il critique les douceurs fades des savants et les histoires anciennes d'Hélène et de Pâris, préférant ressusciter les Grâces et les jeunes Saphos. Le poème met en avant l'importance du choix en amour, recommandant de sélectionner des cœurs tendres et des appas adorables, charmants mais modestes. L'auteur exprime son choix pour Clinjenejah, dont il chante les louanges, tout en mentionnant huit autres prétendantes qui doivent entrer dans les rangs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 226-233
HARANGUE faite au Roy, & prononcée par Monseigneur le Cardinal DE POLIGNAC, député de l'Académie Françoise, au sujet de la Paix, le 17. Juin 1713.
Début :
L'Académie Françoise ne parut jamais avec tant de joye aux pieds [...]
Mots clefs :
Harangue, Académie française, Vertus, Muses, Arts, Triomphe, Gloire
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texteReconnaissance textuelle : HARANGUE faite au Roy, & prononcée par Monseigneur le Cardinal DE POLIGNAC, député de l'Académie Françoise, au sujet de la Paix, le 17. Juin 1713.
HARANGVE
faite au Roy, £7* prononcée
par Monseigneur le Cardinal
DE POLIGNAC,
députédel'AcadémieFran- ,çoiseyausujet de la PAix,
le 17. Juin J7'3.'
L'Académie Françoise
ne parut jamais avec tant
de joye aux pieds de Vostre
Majesté qu'elle fait en
ce jour, conduite par son
zele ordinaire, & l'interest
singulier qu'elle prend à la
Paix. Les Mufes dans tous
les temps ont aimé le repos
& la tranquillité. Si quelquefois
elles chantent les
combats pour celebrer la
vertu des Héros, bien-tost
aprés elles deplorent le tumulte
des armes qui fait
languir les beaux arts. Mais
quand la Paix revient sur
la terre avec tout l'éclat &
tous les avantages de la Vitraire)
c'est alors qu'elles
font au comble de leurs desirs.
Qui l'auroit cru,SIRE?
qu'après neuf ans de malheurs
où jusqu'à la Nature
tout sembloit avoir conjuré
vostre perte,vous deufsiez
en sortir plus glorieux,
& restablir dans vos Estats
le calme qu'on leur avoit
si long temps refusé,conferver
vos plus belles couquelles
,
affermir des Couronnes
sur la teste de vos
Enfants en donner mesme
à vos Alliez: effet prodigieux
de courage & d'une
prudence dont l'Antiquité
ne nous avoir point laisse
d'exemple ; il nous l'avait
bien promis le Dieu de justice
& de misericorde qu'il
abbaisseroit le superbe,&
qu'il éleveroit l'humble de
coeur Nous l'avons veu
tout d'un coup faire succeder
le jour le plus brillant
à la nuit la plus tenebreuse,
changer les coeurs qu'il
tenoit en sa main, les soumettre
par degrez aux loix
de la raison, rejetter ceux
qui vouloient la guerre,&
confondre leurs vains projets
pendant queVostre
Majesté tousjours attenti-
,
ve mais inébranlable, sourenoit
avec fermeté les
épreuves dela Providence,
& ne reflechissoit sur les
maux que pour les reparer,
plus seconde en ressources
que la fortune en disgraces
, prest à s'exposer aux
plus grands perils plustost
que de s'abandonner à de
foibles conseils, & ne cherchant
le retour de Ces anciennes
prosperitez que
pour haster le soulagement
de ses peu ples.
Qu'il me soit permis de
reveler aujourd'huy les miracles
de vostre sagesse &
de vostre magnanimité t
dont j'ay eu le bonheur
d'estre témoin, & de voir
insensîblement croistre &
iâ
meurir les fruits précieux.
Eh ne faut
- il pas qu'un si
fameux événement foit
transmis par nous à la posterirél
Supérieur aux forces
de l'éloquence, aux ornemens
de la Poësie
, au
moins il passera dans la
simplicité de l'histoire jusqu'à
vosDescendants pour
leurservir de modele, &
pour leur apprendre l'usage
qu'on doit faire des adversitez
& des succez car - c'estainsi que vous avez
consommé ce grand ouvrage,
les Princes de l'Europe
desabusez par vostre
consiance, ramenez par
vostre bonne soy,desarmez
par vostre moderation,
cessent enfinde vous
combattre.Ils ne l'auroient
jamais entrepris sila grandeur
de vostre puissance
leur avoit laisse connoistre
& gouster toutes vos vertus;
quelques-uns ont encore
peine à.fc rendre,
mais on les verra bientost
revenir de leurs enchantements
, &tous ceux qui
n'ont admiré jusques icy
V. M. qu'avec crainte l'admireront
mireront désormais com
me nous avec amour.
faite au Roy, £7* prononcée
par Monseigneur le Cardinal
DE POLIGNAC,
députédel'AcadémieFran- ,çoiseyausujet de la PAix,
le 17. Juin J7'3.'
L'Académie Françoise
ne parut jamais avec tant
de joye aux pieds de Vostre
Majesté qu'elle fait en
ce jour, conduite par son
zele ordinaire, & l'interest
singulier qu'elle prend à la
Paix. Les Mufes dans tous
les temps ont aimé le repos
& la tranquillité. Si quelquefois
elles chantent les
combats pour celebrer la
vertu des Héros, bien-tost
aprés elles deplorent le tumulte
des armes qui fait
languir les beaux arts. Mais
quand la Paix revient sur
la terre avec tout l'éclat &
tous les avantages de la Vitraire)
c'est alors qu'elles
font au comble de leurs desirs.
Qui l'auroit cru,SIRE?
qu'après neuf ans de malheurs
où jusqu'à la Nature
tout sembloit avoir conjuré
vostre perte,vous deufsiez
en sortir plus glorieux,
& restablir dans vos Estats
le calme qu'on leur avoit
si long temps refusé,conferver
vos plus belles couquelles
,
affermir des Couronnes
sur la teste de vos
Enfants en donner mesme
à vos Alliez: effet prodigieux
de courage & d'une
prudence dont l'Antiquité
ne nous avoir point laisse
d'exemple ; il nous l'avait
bien promis le Dieu de justice
& de misericorde qu'il
abbaisseroit le superbe,&
qu'il éleveroit l'humble de
coeur Nous l'avons veu
tout d'un coup faire succeder
le jour le plus brillant
à la nuit la plus tenebreuse,
changer les coeurs qu'il
tenoit en sa main, les soumettre
par degrez aux loix
de la raison, rejetter ceux
qui vouloient la guerre,&
confondre leurs vains projets
pendant queVostre
Majesté tousjours attenti-
,
ve mais inébranlable, sourenoit
avec fermeté les
épreuves dela Providence,
& ne reflechissoit sur les
maux que pour les reparer,
plus seconde en ressources
que la fortune en disgraces
, prest à s'exposer aux
plus grands perils plustost
que de s'abandonner à de
foibles conseils, & ne cherchant
le retour de Ces anciennes
prosperitez que
pour haster le soulagement
de ses peu ples.
Qu'il me soit permis de
reveler aujourd'huy les miracles
de vostre sagesse &
de vostre magnanimité t
dont j'ay eu le bonheur
d'estre témoin, & de voir
insensîblement croistre &
iâ
meurir les fruits précieux.
Eh ne faut
- il pas qu'un si
fameux événement foit
transmis par nous à la posterirél
Supérieur aux forces
de l'éloquence, aux ornemens
de la Poësie
, au
moins il passera dans la
simplicité de l'histoire jusqu'à
vosDescendants pour
leurservir de modele, &
pour leur apprendre l'usage
qu'on doit faire des adversitez
& des succez car - c'estainsi que vous avez
consommé ce grand ouvrage,
les Princes de l'Europe
desabusez par vostre
consiance, ramenez par
vostre bonne soy,desarmez
par vostre moderation,
cessent enfinde vous
combattre.Ils ne l'auroient
jamais entrepris sila grandeur
de vostre puissance
leur avoit laisse connoistre
& gouster toutes vos vertus;
quelques-uns ont encore
peine à.fc rendre,
mais on les verra bientost
revenir de leurs enchantements
, &tous ceux qui
n'ont admiré jusques icy
V. M. qu'avec crainte l'admireront
mireront désormais com
me nous avec amour.
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Résumé : HARANGUE faite au Roy, & prononcée par Monseigneur le Cardinal DE POLIGNAC, député de l'Académie Françoise, au sujet de la Paix, le 17. Juin 1713.
Le 17 juin 1737, le Cardinal de Polignac prononça un discours à l'Académie Française en présence du roi pour célébrer la paix. L'Académie exprima sa joie et son intérêt pour cette paix, soulignant que les Muses, symboles des arts, préfèrent la tranquillité aux tumultes de la guerre. Après neuf années de conflits, le roi avait réussi à rétablir la paix, à conserver ses conquêtes et à affermir les couronnes de ses enfants et alliés. Ce succès fut attribué à son courage et à sa prudence, surpassant les exemples de l'Antiquité. Le discours mit en lumière la sagesse et la magnanimité du roi, qui avait su surmonter les épreuves et les conseils faibles, cherchant toujours à réparer les maux. Les princes d'Europe, désabusés, cessèrent de le combattre grâce à sa bonne foi et à sa modération. Le discours se conclut par l'espoir que cet événement serve de modèle aux descendants pour apprendre à tirer parti des adversités et des succès.
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11
p. 3-10
A S. A. ELECTORALE Monseigneur le Duc de Baviere. ODE.
Début :
Que d'autres chantent ces Princes Qui peu maîtres de leur cœur, [...]
Mots clefs :
Ode, Louange, Guerrier, Bonté, Justice, Paix, Divinité, Muses
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A S. A. ELECTORALE Monseigneur le Duc de Baviere. ODE.
A S. A. ELECTORALE
Monseigneur le Duc
de Baviere.
ODE.
UE d'autres chantent
ces Princes
- Qui peu maîtres de 1ç{3rsoeur,
Ne ravagent des Provinces
Que pour un frivole honneur:
Je cherche uncoeurmagnnime
Qui s'attire nôtre estime
Sans troubler nôtre repos.
UnDieubrillantde lumière
Me découvre dans Baviere
Ce vericable Héros.
Bien que terrible à la guerre
Sa valeur arme son bras,
C'est malgré lui que la terre
Voit la furent des combai*.
Aussî fage qu'intrepide,
De l'équité qui le guide Iln'écoute que la voix;
Sa bonté prévient l'orage,
Et ne cede à son courage Que , pour défendre ses
droits.
Animé du plus beau zele,
Affable
J
humain
, genereux,
Par tout où le sort l'appelle
Il fait des hommes heureux.
Plus élevé par lui même
Qu'il n'est par son rang filprême,
Sa grandeurest sans fierté.
Quiconque le voir, l'admire,
Et ne connoît son empire
Qu'aux charmes de sa bonté.
,
Qu'on vante tadevinée
De ce Tite fortuné
Qui cïtïr perdrela jo, urnée
Quand il n'avait rien donné.
Prince, ta main libérale
Ne souffre point d'intervale
Qui te dérobe un seul jour.
Merveille au siecle où nous sommes
!
Digne du respect des hommes,
Tu neveux que leuramour.
Vainement d'intelligence
Avec l'orgueil des Cesars,
Le sort tromcpa tea vai,llan- Et quitta tes écendars.
Au dessus de ses caprices,
Tu soûtins ses injustices
Sans perdre ta fermeté.
Quels bienfaits tu vas répandre,
Aujourd'hui qu'il va te r-endre
Plus qu'il ne t'avoit Até.
Je vois le Dieu de la Seine
Ates (peaac les pompeux.
Tour Paris est dans Surêne
Où tu rassembles les jeux.
Un monde qui t'environne
Vole autour de ta personne,
Te suit du coeur & des yeux.
Les Muses t'y font hommage:
Par ta presence unvillage
Devient le séjour des Dieux.
Là ranimant les delices
Dont Mars émoussoit les
,
traits,
Par d'agreables premices
,
Tu nous fais goûter la paix.
Dans cette heureuse concrée
Je la vois avec Astrée
Suivre un genereux guerrier
La rivale de Beilonne
Elle même te couronne, Et joint l'olive au laurier.
Que rAllemagne persiste
A ce disputer tes droits,
Est il plus rien qui resiste
Au plus grand de tous les
Rois?
Le Ciel prend foin de sa
gloire;
Denain a vû la victoire
Retourner fous nos drapeaux.
Germains, craignez sa puissance,
- Et n'appellez point la France
A des triomphes nouveaux.
Monseigneur le Duc
de Baviere.
ODE.
UE d'autres chantent
ces Princes
- Qui peu maîtres de 1ç{3rsoeur,
Ne ravagent des Provinces
Que pour un frivole honneur:
Je cherche uncoeurmagnnime
Qui s'attire nôtre estime
Sans troubler nôtre repos.
UnDieubrillantde lumière
Me découvre dans Baviere
Ce vericable Héros.
Bien que terrible à la guerre
Sa valeur arme son bras,
C'est malgré lui que la terre
Voit la furent des combai*.
Aussî fage qu'intrepide,
De l'équité qui le guide Iln'écoute que la voix;
Sa bonté prévient l'orage,
Et ne cede à son courage Que , pour défendre ses
droits.
Animé du plus beau zele,
Affable
J
humain
, genereux,
Par tout où le sort l'appelle
Il fait des hommes heureux.
Plus élevé par lui même
Qu'il n'est par son rang filprême,
Sa grandeurest sans fierté.
Quiconque le voir, l'admire,
Et ne connoît son empire
Qu'aux charmes de sa bonté.
,
Qu'on vante tadevinée
De ce Tite fortuné
Qui cïtïr perdrela jo, urnée
Quand il n'avait rien donné.
Prince, ta main libérale
Ne souffre point d'intervale
Qui te dérobe un seul jour.
Merveille au siecle où nous sommes
!
Digne du respect des hommes,
Tu neveux que leuramour.
Vainement d'intelligence
Avec l'orgueil des Cesars,
Le sort tromcpa tea vai,llan- Et quitta tes écendars.
Au dessus de ses caprices,
Tu soûtins ses injustices
Sans perdre ta fermeté.
Quels bienfaits tu vas répandre,
Aujourd'hui qu'il va te r-endre
Plus qu'il ne t'avoit Até.
Je vois le Dieu de la Seine
Ates (peaac les pompeux.
Tour Paris est dans Surêne
Où tu rassembles les jeux.
Un monde qui t'environne
Vole autour de ta personne,
Te suit du coeur & des yeux.
Les Muses t'y font hommage:
Par ta presence unvillage
Devient le séjour des Dieux.
Là ranimant les delices
Dont Mars émoussoit les
,
traits,
Par d'agreables premices
,
Tu nous fais goûter la paix.
Dans cette heureuse concrée
Je la vois avec Astrée
Suivre un genereux guerrier
La rivale de Beilonne
Elle même te couronne, Et joint l'olive au laurier.
Que rAllemagne persiste
A ce disputer tes droits,
Est il plus rien qui resiste
Au plus grand de tous les
Rois?
Le Ciel prend foin de sa
gloire;
Denain a vû la victoire
Retourner fous nos drapeaux.
Germains, craignez sa puissance,
- Et n'appellez point la France
A des triomphes nouveaux.
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Résumé : A S. A. ELECTORALE Monseigneur le Duc de Baviere. ODE.
Le texte est une ode dédiée à un prince électeur, probablement le Duc de Bavière. L'auteur loue les qualités du prince, le décrivant comme un héros vertueux, brave et juste, dont la bonté prévient les conflits. Le prince est présenté comme un leader humain et généreux, qui élève les hommes autour de lui sans arrogance. Sa libéralité et sa fermeté face aux injustices sont soulignées, ainsi que sa capacité à inspirer admiration et amour. Le poème mentionne des événements spécifiques, comme des jeux et des rassemblements à Paris, où le prince est acclamé. Les Muses lui rendent hommage, et la paix est célébrée à travers des festivités. La victoire de Denain est citée comme un exemple de la puissance du prince, mettant en garde les Allemands contre toute tentative de contester ses droits. L'auteur conclut en affirmant que le Ciel protège la gloire du prince, et que sa victoire est incontestable.
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12
p. 207-224
Pour M. le Dauphin, au sujet d'une avanture entre luy & le petit Marquis de Brancas.
Début :
Muses, prenez vos plus brillans atours, [...]
Mots clefs :
Muses, Dauphin, Prince, Marquis de Brancas, Cour, Rencontre , Majesté, Hommage, Repentir, Réconciliation
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Pour M. le Dauphin, au sujet d'une avanture entre luy & le petit Marquis de Brancas.
PourM. le Dauphin, ausujet
d'une avanture entre luy
& le petit Marquis de
Brancas.
mures,Prenez
vos plus
brillans atours,
Vos patins neufs, vos habits
des bons jours,
Vos beaux pendants, soyez
proprettes & blanches,
Telle qu'un jour de Feste
ou deDimanche.
Il faut partir dés demain
pour la Cour,
Un jeune Prince aussi beau
que l'amour
Enfant , des Dieux, par ses
graces, exige
De tous les coeurs un juste
hommage-lige;
Chacun s'empresse à luy
rendre le sien,
Portez luy viste &levostre
& le mien.
C'est ce Dauphin,seul
gage
gage ouinousrcite,
D'un pere helas ! que le
courroux celeste
Malgré les cris des peuples
gemissans,
Nous enleva dans la fleur
de ses ans.
Fasse le Ciel, appaifant sa
colere,
Qu'un jour le fils nous remplace
le pere,
Nous ne pouvons souhaitter
aujourd'huy, ;;
Rien de plus doux ny pour
nous , ny pour luy.
Mais arresté
, que vois-je
icy ma Mufe
,
Vous qui d'abord estonnée
& confuse,
Et dans le coeur murmurant
contre moy Vousdeffendiez d'a,cceprer
cet employ
Au tendre nom du Dau..
phin de la France,
Vous reprenez toute vostre
assurance,
Et semblez mesmeà vôtre
air vif& gay,
Ne demander qu'à partir
sans délay.
Je vois le point, & je crois
vous entendre,
Pour un enfant dans l'âge
le plus tendre,
Et qui ne compte encore
que trois moissons,
Me dites-vous, faut-iltant
de façons?
Muse, tout doux,qui vous
laisseroit faire
Vous me feriez à la Cour
quelque affaire;
Je crois vous voir prompte
à vous oublier,
D'un pas leger & d'un air
familier
Vers le Dauphin pour debut
d'ambassade
Les bras , ouverts courir à
l'embrassade.
Autant en fit dans un fern-J
blable cas
Jeune Marquis que vous ne
valez pas.
Autant en fit & compta
sans son hoste,
Retenez-en Muse, & n'y
faites faute,
Toute l'Histoire. AuPrince
certain jour
Ce jeune enfant alloit faire
: sa cour.
Sa cour, que dis- je, helas !
c'est un langage
Dont à trois ans on ignore
l'usage.
Sans tant tourner disons
qu'ill'alloit voir
Plus par instinct mesme
que par devoir.
Le coeur qui fut son guide
&son genie
Ne connoist point tant de
ceremonie.
Depuis long temps flaté
deceplaisir,
- Le pauvre enfant brusloit
d'un vray desir
De voir le Prince, & disoit
à toute heure,
Quand le verrai- je ? il se
tourmente, il pleure,
Il veut le voir; soyez sage
&demain,
Luy disoit on,vous le verrez
soudain.
Il s'appaifoir, une telle promesse
Plus letouchoit que bonbons
ny carresse.
Arriveenfin ce jour tant
souhaitté,
Long-temps promis, te souvent acheté,
D'attendre au moins un
moment qu'on l'instruise :
Point denouvelle,il faut
qu'on l'y conduise.
Sans differer
,
enfin pour
faire court,
On l'y conduit,ou plutôt
il y court.
En le voyant il ne se sent
pas d'aise,
Il vole à luy, iauce à son
col, le baise
Detout soncoeur; quin'en
,
feroit autant?
Si l'on osoit,n'en faites rien
pourtant,
Un tel debut quoyqu'assez
pardonnable ,
Muse,n'eut pas un succez
favorable.
Bientost le Prince estant
debarrassé
Des petits bras qui l'avoient
embrassé,
Sur l'embrasseur jette une
oeillade;
Et reculant quatre pas en
arriere,
Son petit coeur, mais noble
& qui se sent,
Est tout émû de ce trait
indecent.
Que fera-t il? il s'agite, il
secouë
Avec depit ce baiser de sa
Jouë;
Et de sa main il semble
s'efforcer
S'il est possible au moins
de l'effacer.
A tous ces traits d'un courroux
roux respectable,
Que dit, que fit
, que devint
le coupable,
Coupable, oüy qu'il soit
ainsinommé, [
Mais feulement pour avoir
trop aimé.
Le pauvre enfant dans une
allarmeextreme
Se fit d'abord son procez
à luy mesme, -
Ses yeux baissez,immobile,
- - interdit,
Il reconnut sa faute, il en
rougit,
Son repentir repara son
1 1.
audace,
Par son res pect il mérite sa
grâce,
Et s'approchant humblement
du Dauphin
Il fit sa paix en luy baisant
la main:
De tout cecy vous parois-
,
sez surprise,
Et vostreesprit raisonnant
à sa guise,
Se dit tout bas, Prince tant
c
foitil grande
Sijeune encor envieroit-il sonrang»
Dés son berceau touchant
,.
à laCouronne
Diftinguc.-exill!éclat qui
rr
l'environne,
Et de Louis présomptif
successeur
De son destin comme il a
la grandeur;
Muse, il la sent, s'il ne sçait
la connoistre
, Dans les Heros que pour
regner fit naistre
Des grands Bourbons la
Royalle Maison,
Le fang inspire & prévient
la raison,
Le noble instinct qui dans
leur coeur domine,
Rappelle en eux leurceleste
origine,
Et de ce sangreceu de tant deRoys
La majesté reclame tous
fès droits.
Allez donc, Muses, & deformais
infiruite
Sur ces leçons reglez vostreconduite,
De cesoleil [DUS l'enfance
éclipsé,
N'approchez point d'un air
trop empressé,
Sans affecter des airs de
confiance,
Qu'une modeste & naïve
asseurance
Gagne le Prince & puisse
de la part
Vous attirer quelque tendre
regard:
Haranguez peu, mais que
vostre visage,
De vostre coeur exprime
le langage,
Je ne dis pas qu'un petit
compliment
Assaisonné du sel de l'enjoüement,
N'eust qon merite & mesme
ne pust plaire;
Mais l'embarras, Muse, est
de le bien faire,
Le tout defpend des momens
& du tour,
Vous l'apprendrez des
Rhereurs de la Cour;
Point ne connois pour l'art
de la parole
De plus adroite & plus
subtile école.
Le beau par ler vint au
monde en ce lieu,
Et Compliment est leur
Croix de ParDieu.
L'air du pays qui de luymesme
inspire,
Vous dictera ce que vous
devez dire.
Si cependant vous doutez
du succez
Retranchez , - vous à faire
dessouhaits;
C'est un encens qui fut
toujours de mise,
Mais faites-les en Muse
bien apprise,
Vous trouverez de quoy
dans le Dauphin,
Et surson compte on en
feroit sans fin.
Souhaittez - luy les vertus
de son Pere,
Adjoustez y les graces de
sa Mere,
L'ame &le coeur du Dauphin
son ayeul,
De Louis tout, il comprend
tout luy seul.
Luy fouhaitter qu'àLouis
il ressemble,
C'est le doüer de tous les
dons ensemble.
S'il demandoit, comme il
faut toutprévoir,
Pourquoy ne suis-je moymesme
allé le voir?
Vous luy direz àl'oreille,
mon Prince,
Je croi qu'il a quelque affaire
en province,
Mais en tour cas à luy ne
tiendra point.
Que ne soyez obëi sur ce
point.
d'une avanture entre luy
& le petit Marquis de
Brancas.
mures,Prenez
vos plus
brillans atours,
Vos patins neufs, vos habits
des bons jours,
Vos beaux pendants, soyez
proprettes & blanches,
Telle qu'un jour de Feste
ou deDimanche.
Il faut partir dés demain
pour la Cour,
Un jeune Prince aussi beau
que l'amour
Enfant , des Dieux, par ses
graces, exige
De tous les coeurs un juste
hommage-lige;
Chacun s'empresse à luy
rendre le sien,
Portez luy viste &levostre
& le mien.
C'est ce Dauphin,seul
gage
gage ouinousrcite,
D'un pere helas ! que le
courroux celeste
Malgré les cris des peuples
gemissans,
Nous enleva dans la fleur
de ses ans.
Fasse le Ciel, appaifant sa
colere,
Qu'un jour le fils nous remplace
le pere,
Nous ne pouvons souhaitter
aujourd'huy, ;;
Rien de plus doux ny pour
nous , ny pour luy.
Mais arresté
, que vois-je
icy ma Mufe
,
Vous qui d'abord estonnée
& confuse,
Et dans le coeur murmurant
contre moy Vousdeffendiez d'a,cceprer
cet employ
Au tendre nom du Dau..
phin de la France,
Vous reprenez toute vostre
assurance,
Et semblez mesmeà vôtre
air vif& gay,
Ne demander qu'à partir
sans délay.
Je vois le point, & je crois
vous entendre,
Pour un enfant dans l'âge
le plus tendre,
Et qui ne compte encore
que trois moissons,
Me dites-vous, faut-iltant
de façons?
Muse, tout doux,qui vous
laisseroit faire
Vous me feriez à la Cour
quelque affaire;
Je crois vous voir prompte
à vous oublier,
D'un pas leger & d'un air
familier
Vers le Dauphin pour debut
d'ambassade
Les bras , ouverts courir à
l'embrassade.
Autant en fit dans un fern-J
blable cas
Jeune Marquis que vous ne
valez pas.
Autant en fit & compta
sans son hoste,
Retenez-en Muse, & n'y
faites faute,
Toute l'Histoire. AuPrince
certain jour
Ce jeune enfant alloit faire
: sa cour.
Sa cour, que dis- je, helas !
c'est un langage
Dont à trois ans on ignore
l'usage.
Sans tant tourner disons
qu'ill'alloit voir
Plus par instinct mesme
que par devoir.
Le coeur qui fut son guide
&son genie
Ne connoist point tant de
ceremonie.
Depuis long temps flaté
deceplaisir,
- Le pauvre enfant brusloit
d'un vray desir
De voir le Prince, & disoit
à toute heure,
Quand le verrai- je ? il se
tourmente, il pleure,
Il veut le voir; soyez sage
&demain,
Luy disoit on,vous le verrez
soudain.
Il s'appaifoir, une telle promesse
Plus letouchoit que bonbons
ny carresse.
Arriveenfin ce jour tant
souhaitté,
Long-temps promis, te souvent acheté,
D'attendre au moins un
moment qu'on l'instruise :
Point denouvelle,il faut
qu'on l'y conduise.
Sans differer
,
enfin pour
faire court,
On l'y conduit,ou plutôt
il y court.
En le voyant il ne se sent
pas d'aise,
Il vole à luy, iauce à son
col, le baise
Detout soncoeur; quin'en
,
feroit autant?
Si l'on osoit,n'en faites rien
pourtant,
Un tel debut quoyqu'assez
pardonnable ,
Muse,n'eut pas un succez
favorable.
Bientost le Prince estant
debarrassé
Des petits bras qui l'avoient
embrassé,
Sur l'embrasseur jette une
oeillade;
Et reculant quatre pas en
arriere,
Son petit coeur, mais noble
& qui se sent,
Est tout émû de ce trait
indecent.
Que fera-t il? il s'agite, il
secouë
Avec depit ce baiser de sa
Jouë;
Et de sa main il semble
s'efforcer
S'il est possible au moins
de l'effacer.
A tous ces traits d'un courroux
roux respectable,
Que dit, que fit
, que devint
le coupable,
Coupable, oüy qu'il soit
ainsinommé, [
Mais feulement pour avoir
trop aimé.
Le pauvre enfant dans une
allarmeextreme
Se fit d'abord son procez
à luy mesme, -
Ses yeux baissez,immobile,
- - interdit,
Il reconnut sa faute, il en
rougit,
Son repentir repara son
1 1.
audace,
Par son res pect il mérite sa
grâce,
Et s'approchant humblement
du Dauphin
Il fit sa paix en luy baisant
la main:
De tout cecy vous parois-
,
sez surprise,
Et vostreesprit raisonnant
à sa guise,
Se dit tout bas, Prince tant
c
foitil grande
Sijeune encor envieroit-il sonrang»
Dés son berceau touchant
,.
à laCouronne
Diftinguc.-exill!éclat qui
rr
l'environne,
Et de Louis présomptif
successeur
De son destin comme il a
la grandeur;
Muse, il la sent, s'il ne sçait
la connoistre
, Dans les Heros que pour
regner fit naistre
Des grands Bourbons la
Royalle Maison,
Le fang inspire & prévient
la raison,
Le noble instinct qui dans
leur coeur domine,
Rappelle en eux leurceleste
origine,
Et de ce sangreceu de tant deRoys
La majesté reclame tous
fès droits.
Allez donc, Muses, & deformais
infiruite
Sur ces leçons reglez vostreconduite,
De cesoleil [DUS l'enfance
éclipsé,
N'approchez point d'un air
trop empressé,
Sans affecter des airs de
confiance,
Qu'une modeste & naïve
asseurance
Gagne le Prince & puisse
de la part
Vous attirer quelque tendre
regard:
Haranguez peu, mais que
vostre visage,
De vostre coeur exprime
le langage,
Je ne dis pas qu'un petit
compliment
Assaisonné du sel de l'enjoüement,
N'eust qon merite & mesme
ne pust plaire;
Mais l'embarras, Muse, est
de le bien faire,
Le tout defpend des momens
& du tour,
Vous l'apprendrez des
Rhereurs de la Cour;
Point ne connois pour l'art
de la parole
De plus adroite & plus
subtile école.
Le beau par ler vint au
monde en ce lieu,
Et Compliment est leur
Croix de ParDieu.
L'air du pays qui de luymesme
inspire,
Vous dictera ce que vous
devez dire.
Si cependant vous doutez
du succez
Retranchez , - vous à faire
dessouhaits;
C'est un encens qui fut
toujours de mise,
Mais faites-les en Muse
bien apprise,
Vous trouverez de quoy
dans le Dauphin,
Et surson compte on en
feroit sans fin.
Souhaittez - luy les vertus
de son Pere,
Adjoustez y les graces de
sa Mere,
L'ame &le coeur du Dauphin
son ayeul,
De Louis tout, il comprend
tout luy seul.
Luy fouhaitter qu'àLouis
il ressemble,
C'est le doüer de tous les
dons ensemble.
S'il demandoit, comme il
faut toutprévoir,
Pourquoy ne suis-je moymesme
allé le voir?
Vous luy direz àl'oreille,
mon Prince,
Je croi qu'il a quelque affaire
en province,
Mais en tour cas à luy ne
tiendra point.
Que ne soyez obëi sur ce
point.
Fermer
Résumé : Pour M. le Dauphin, au sujet d'une avanture entre luy & le petit Marquis de Brancas.
La lettre invite la Muse à se préparer pour une visite à la cour du Dauphin. La Muse doit se vêtir de ses plus beaux atours pour rencontrer le Dauphin, un jeune prince décrit comme un enfant des dieux par sa beauté et ses grâces. Le Dauphin est présenté comme le seul héritier d'un père enlevé prématurément, et le texte exprime l'espoir que le fils puisse un jour remplacer le père. La Muse, d'abord hésitante, se montre ensuite enthousiaste à l'idée de partir. Le narrateur la met en garde contre un comportement trop familier, rappelant l'exemple du petit Marquis de Brancas. À trois ans, cet enfant avait couru embrasser le Dauphin de manière inappropriée et avait été réprimandé par une œillade du Dauphin. Le narrateur conseille à la Muse de se comporter avec modestie et assurance, en évitant les compliments excessifs. Il suggère de souhaiter au Dauphin les vertus de son père, les grâces de sa mère, et l'âme de son aïeul. Le texte se termine par une recommandation de prudence et de respect envers le Dauphin.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
13
p. 169-214
De la Necessité de la Critique, ou le Grand Prevost du Parnasse.
Début :
On gronde contre la Satire, [...]
Mots clefs :
Parnasse, Auteur, Critique, Muses, Ombre, Auteurs, Censeurs, Virgile, Malherbe, Quinault, Prévôt, Bigarrure, Prévôt du Parnasse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De la Necessité de la Critique, ou le Grand Prevost du Parnasse.
De la Neceffité de la
Critique , ou le Grand
• Prevoſt du Parnaſſe.
On gronde contre la
Satire,
Et Cotin dit qu'on a rai-
F
fon;
Mais quoique Cotin puis ,
Sedire
Juin 1714. P
170 MERCURE
Dans l'étrangedemanделі-
fon ६
Qu'en noſtre Siecle on a
d'écrire
Il nous faut ce contre-poifon.
Ecrire en Vers' berire
Den Pr
Au temps passé, c'estoit un
fa
Art,
e
Au temps preſent , c'est
autre chose , RRR
Tant bien que mal à tout
hazard,
GALANT. 171
Rime qui veut , qui veut
compose
Se dit habile, ou le fuppose
,
Entre au Chorus , ou chan
te àpart
Eft pour un tiers ou pour
un quart
Fournit le texte en fait la
glofe,
Et tout le monde en veut
Sa part.
Dites - nous , Muses,
d'où peut naistre
Pij
172 MERCURE
Cette heureuse fecondité,
Eft- on sçavant quand on
veut l'estre ,
Cela n'a pas toûjours esté.
Il en coûtoit à nos Ancestres
,
Ce ne fut pas pour eux un
jeu,
Ce qui coûtoit à ces grands
Maistres
D'où vient nous coûte-tilfi
ة ي ح
peu.
Vanitéfotte, qui preſume
GALANT. 173
Par un aveugle &fol orgüeil
Defon esprit &desa plu
me:
Voilà d'abord le grand écuril.
Itcm, leTempledeMe
moire ,
C'est un tres- dangereux appas;
Mais en grifonnant pour
L'encre toûjours ne coule
la gloire ,
pas;
Piij
174 MERCURE
Et quelquefois avient le
cas ,
Que l'on caſſeſon écritoire.
1
:
Item ,foit à bon titre ,
ou non ,
On dit mes oeuvres , mon
Libraire ,
Et l'on voit en gros caractere
Afficher son Livre&fon
Nom:
Item , chacun asa folie
;
GALANT. 175
Item , aujourd'huy tout est
bon
Et tout oworage se publie
Ce qu'un hommea rêvé la
Ce qu'il a dit àſaſervan-
Cequ'ilfait entre ſept
buit ,
Qu'on l'imprime & melte
en vente ,
L'ouvrage trouve du debit;
Et quelquefois ,ſans qu'il
s'en vente ,
Piiij
176 MERCURE
L'Auteury gagne un bon
habit.
Item , quand on ne sçait
mieux faire ,
Onforge , on ment dans un
écrit.
Item, on nesçauroitſe taire,
Et nous avons tous trop
d'esprit.
Autre grand Item , ilfaut
vivre
Voilà comment fefait un
Livre.
De-lànous viennent à
foifon
GALANT. 177
Maigres livrets de toute
forte ; 1
Ils n'ont ny rime ny rai-
Son ,
Cela se vend toûjours ,
qu'importe
Tous lesſujetsfontpresque
ufez
Et tous les titres épuiſez ,
Fuſques à des contes de
Fée,
Dont on afait long- temps
Trophée ;
Le desordre croit tous les
jours
178 MERCURE
Je crie & j'appelle au fecours,
Quand viendra- t'il quelque
Critique
Pourreformer untel abus ,
Et purger noftre Republique
De tant d'Ecrivains de bibus?
A l'esprit d'un Cenfeur
farouche,
Qui fçait faire valoir fes
droits ,
Un pauvre Auteur craindra
la touche,
GALANT. 179
Et devant que d'ouvrir la
bouche
I penſera plus de deux
fois.
Je touche une facheuse
corde,
Et crois déja de tous cof
tez
Entendré à ce funeste exorde
,
Nombre d'Auteurs épouvantez
Crier tout baut , mifericorde!
180 MERCURE
Soit fait , Meffieurs , j'en
fuis d'accord;
Mais quand le Public en
furie
Contre vous &vos oeuvres
crie
Mifericorde encore plus
fort ,
Que luy répondre ,je vous
prie?
C'est un mal je ne dis
pas non ,
Qu'un Cenfeur rigide &
fevere
GALANT. 181
Qui le prend fur le plus
haut ton ,
Qu'on hait , & pourtant
qu'on revere :
Mais si c'est un mal, c'est
Souvent
Un mal pour nous bien neceffaire
;
Un Critique au Paysscavant
Fait le métier de Commif-
Saire.
Bornonsnousfans aller
plus loin
1
182 MERCURE
T
A la feule gent Poëtique
Plus que tout autre elle a
besoin
Pour Commiſſaire d'un
Critique.
Les Poëtesfont infolents
Etſouvent les plus miferables
Se trouvent les plus intraitables
Fiers de leurs prétenduës
talents
Ils prendront le pas au
Parnaffe
GALANT. 183
Et fur Virgile &(ur Horace
S'il n'est des Cenfeurs vigilants
Pour chaßer ces paffe-vollants,
Et marquer à chacun fa
place.
D'abordces petits avortons
Viennent se couler à tâtons;
Ils sont soumis , humbles ,
dociles.
184 MERCURE
Souples a prenare les lecons
Des Horaces & des Virgiles,
Etdevantdes Auteurs habiles
Sontmuetscomme des poif
fons ;
Mais quand enfin cette
vermine
Sur le Parnaße a pris racine
,
Elle s'amente&forme un
corps
Quiserevolte&semutine;
Dés
GALANT. 185
Dès qu'une fois elle domine
Adieu Virgile نب fes
conforts
Dans quelque coin on les
confine ,
Et fi Phoebus faisoit la
mine
Luy-même on le mettroit
dehars.
Comment Ronsard &
Sa Pleyade, ??
Dont un temps le regne a
Juin 1714 .
186 MERCURE
Nous l'avoient - ils defiguré
Dans leur grotesque mafcarade?
Plus bigarre qu'un Arlequin
,
Affublé d'un vieux cafaquin
Fait àpeu prés à la Françoise
is d'étoffe antique
autoife;
as goust, fans air , le
tout enfin
Brodé de grec &delatin
GALANT.187
C'estoit dans ce bel équipa
ge
Qu Apollon noir comme
un lutin
Se faisoit par tout rendre
hommage;
Mais après un long efclavage
Enfin Malherbe en eut pities
Et l'ayant pris en amitié
Lui débarboüilla le vifage
Et le remit ſur un bon
pied
Qij
188 MERCURE
Renvoyant à lafriperie
Ses haillons &fa broderie.
Alors dans le facré
Vallon
On décria la vieille moda
Et Malherbe fous Apollon
Fit publier un nouveau
Code,
Deffendant ces vieux paf-
Sements ,
Qu'avec de grands empref-
Sements
GALAN 189
On alloit chercher piece à
piece
Au Latium & dans la
Grece
Ronfard en fut triste &
marri ,
Perdant beaucoup àce déori
Cependant tout changea
deface
Sur l'Helicon & le Par
naße
C'estoit un air de propreté
:
199 MERCURE
Plein de grandeur de
nobleffe ;
Rien defade ni d'affecté
N'en alteroit la dignité
Le bon goût & la politeffe
Brilloient dans lafimplicite
Laiſſant la frivole parure
Aux fades Heros de Romans
On emprunte de la natu
re
Ses plus fuperbes ornemens:
GALANT.191
Vous cuffiez vù les jours
de festes
Phæbus &les neufDoctes
Soeurs
N'employerpourorner leur
testes
Que des lauriers meſlezde
fleurs
Mais cette mode trop unie
Ennuya bien-toſtnosFran-
Au mépris des nouvelles
Ils revinrent à leurgenie
192 MERCURE
Et reclamerent tous leurs
droits
Nous aimons trop la bigarure
;
Je ne puis le dire aßez
baut,
Voilà nostre premier deffaut
Et c'est depuis long-temps
qu'il dure :
Ildureraj'ensuis garant,
Quoique le bon goût en
murmure;
Si l'on le quitte , on le reprends
&
Même
GALANT. 193
Même en dépit de la
Cenfure :
On veut du rare, du nou
veau,
27197
Letoutfans regle ,&fans
mesure ,
On outre , on caffe le pin
ceau;
Mais à charger trop le
tableau,
On vient àgâter la peina
gater la pein
ture malind
Et voulant le portrait trop
bears ८
Juin 1714. RS
194 MERCURE
On fait grimacer la figure.
:
Spit Poëtes foit Orateurs
,
C'est là qu'en font bien des
Auteurs.
Nous nous mettons à la
torture
Pour alambiquer un écrit;
Nous voulons par tout de
Kefprit
Du brillant de l'enlumi-
стике сто
C'est un abus , ne forçons
rien,
GALANT. 195
Laifſſons travailler la nature
Etfans effort nous ferons
bien:
Il en coûte pour l'ordinaire
Par cet enteſtement fatal
Plus à certains pourfaire
mal
Qu'il n'en coûteroit pour
bienfaire.
Me voila dans unfort
beau champ
Rij
196 MERCURE
Mais je préche & peut
estre ennui-je
Comme bien d'autres en
consid
prêchant ,
Jefinis donc & je m'of
Suye.
១
Bel exemplefans meflatter
Si l'on vouloit en profiter.
Or durant cette mala-
છ???????????? die
Dont l'Helicon , fut infec
djtás zamb aliors :
On bannit lafimplicité
GALANT 197
Sous Malherbe tant ap
plaudies 20
Pointe's, équivoques dans
Et jeux de mots vinrent
On vit l'affemblage grotes-
Da ferieux & du burles
-
Le Phoebus , le:Galima-
--sanciovint amoy 20
Parurent avec aßurance ,
Et comme fi l'on n'estoit
pas
R iij
198. MERCURE
Affezfol , quand on veut
en France
Onfut avec avidité
Chercherjusques dans l'Italic
Desfecours dont par cha-
Elle aſſiſta noſtrefolies
Apollonfe tuoit en vain
De faire mainte remon-
Nos gens fuivoient toujours
leur train
Et tout alloit en décadence.
:
L
NOUSTHEQUE DE
199
Mais quand ce Dien
plein de prudence
*
1893*
Eut pris Boileau pourfon
Preap
Combien d'Auteurs firent
lepaut
On voyoit détaler en bande
Tous ces Meffieurs de
contrebande :
Chapelain couvertde lau
riers
Sauta luy-même des pre
miers ,
Et perdit , dit-on , dans la
crotte
Riiij
200 MERCURE
Etfa perruque &sa calottes
Il crioit prestà trébucher
Sauvez l'honneur de la
Pucelle
Mais Boileau plus dur
qu'un rocher
Neust pitié ni de luy ni
d'elle.
Pradon voulant parlementer
Fit d'abord de la resistan
ce
Et parut quelque temps
luter,
CALANT. 2010
Même en Poëte d'importance;
It appella de la Sentence
Mais ilfallut toûjoursfau
ters
Et l'on n'apoint jugé l'inf
tance:
Sous le manteau de Regulus
On eut épargnésa perfonne
Mais le pauore homme
n'avoit plus 1
Que lejuſte-au-corpsd'Antigone.
202 MERCURE
Quinaut par la foule
emporté,
Quinaut même fit la culbute
Mais un appel interjetté
Le vangea bien-toft defa
chute :
On vit les Muses en rumeur
A l'envi prendre en main
Sa cause,
Quelques gens de mauvaiſe
humeur
Vouloient pouffer plas loin
la chofe
GALANT.203.
Infiftant qu'on fit au plum
toft
Le procés au pauore Prevost.
Mais Pæbus d'une
oeiltade fiere
Les rejettant avec mépris
Leurdit d'un tonferme&
favere
Paix canailles de beaux
-
Qui n'avez fait icy que
braires Aoim C
204 MERCURE
Sifur Quinaut on s'estmé
pris
Fy veilleray, c'est mon
affaire:
Quant à vous perdez tout
Et ne me rompez plus la
teste
Mon Prevost afaitfon de-
Ainsi se calma la tem-
1
Et Quinaut s'estant pre-
Dansses griefsfut écouté;
GALANT. 205
On declara vu la requeſte ,
Bien appellé comme d'a-
છછછછ????????????
Dont le Prevost resta
camus
Il fut mêmeſur le Parnaf-
-ind
Regléfans contestation
Qu'auprès d'Orphée &
250 Pd Amphion 2.200 25
Il iroit reprendresa place ;
Et puis Phoebus d'un air
humain
Lui mit fa propre Lyre en
main
206 MERCURE
Non que la fienne fut u-
See
Maispar un noble&fier
dedain
De la voir à tort méprifee
En tombant il l'avoit brifée
On enfit recueillir foudain
Tous les morceaux juſques
au moindre
Mais on les recücillit en
vain
い
Et l'on ne pût bien les
rejoindre
GALANT. 207
Tel fut le destin de Quinaut
,
Seuldetous, oùle Commis
faire,
Ason égard un peu corfaire
Sefoit trouvé pris en défaut
Sur tout le refte irreprochable
Faifantfachargeavechauteur
A tout mauvais & fot
Auteur
:
Ilfut Prevoſtinexorable ,
208 MERCURE
Il est bien vray qu'en fa
vieilleße
Illaißa tout àl'abandon ,
Etfitfa charge avec molleffe
Quand on eft vieux on dewient
bon,
Un reste de terreur empreinte
Retenoit pourtant les efprits
Et l'on ne penſoit qu'avec
crainte
Aufort de tant d' Auteurs
profcrits
Dans
GALANT 209
Dans cette violteßaine.s
puiſſante
Son ombre encore queña
Arrestoit les plus reso
33Ram? AO[
Mais cette ombre fiere&
Gette ombre même , helas!
Cependant dans cet in-
Tout degenere & deperit
Et faute dhura Prevost
qu'on craigne
Juin 1714.
S
210 MERCURE
Chacun fur pied de bel ef
stealing
prit
Arbore déja fon enseigne.
Les Cotins bravant les
- Vardards 201 offer
De tous cotez semble re-
Et comme en un temps de
! 2.pardons is
On voit hardiment repa-
Les Pelletiers, les Pra-
Le mal plus loin va fe
répandre NO
GALANT
Si l'on n'y met ordre au
Muses,ſongez à vous deffendreout
it
Au ſpecifique un bon Pre-
Un bon Prevost ; mais où
le prendre
Je pourrois, s'il m'étoitpermis
,
En nommer un digne de
Par fes foins en honneur
Et plus grand qu'il n'é-
Sij
212 MERCURE
toit peut- estre
Homere affezle fait connoistre
Il a tous les talents qu'il
Pour un employ fi neceffaire
Je ne luy vois qu'un feul
défaut
C'est que ce métier falutaires
De blâmer ce qui doit dẻ
plaire sio srio) 25 I
De reprendre & n'épar
Agner riemiang anly 11
GALANT 213
Cemétier qu'ilferoitfi-bien
Il ne voudra jamais le
faire
Attaqué par maint trait
si falon
Jamais contre le noir frelon
Iln'employaſes nobles veilles
Et comme le Roy des a
beilles
Il fut toûjours fans aiguillon.
Ason défaut cherchez
sinquelqu'autre
១៧-០៣
214 MERCURE
Qui plus bardy , qui moins
humain,
Pour vostre gloire , &pour
la nostre
Ofe à l'oeuvre mettre la
Du Parnaße arbitre fuprême;
Si vous prifez mon Zele
extrême , 29
Faites le voir en mexauçant
polling
Helas! peut estre en vous
Fais-je des veux contre
may-même.
Critique , ou le Grand
• Prevoſt du Parnaſſe.
On gronde contre la
Satire,
Et Cotin dit qu'on a rai-
F
fon;
Mais quoique Cotin puis ,
Sedire
Juin 1714. P
170 MERCURE
Dans l'étrangedemanделі-
fon ६
Qu'en noſtre Siecle on a
d'écrire
Il nous faut ce contre-poifon.
Ecrire en Vers' berire
Den Pr
Au temps passé, c'estoit un
fa
Art,
e
Au temps preſent , c'est
autre chose , RRR
Tant bien que mal à tout
hazard,
GALANT. 171
Rime qui veut , qui veut
compose
Se dit habile, ou le fuppose
,
Entre au Chorus , ou chan
te àpart
Eft pour un tiers ou pour
un quart
Fournit le texte en fait la
glofe,
Et tout le monde en veut
Sa part.
Dites - nous , Muses,
d'où peut naistre
Pij
172 MERCURE
Cette heureuse fecondité,
Eft- on sçavant quand on
veut l'estre ,
Cela n'a pas toûjours esté.
Il en coûtoit à nos Ancestres
,
Ce ne fut pas pour eux un
jeu,
Ce qui coûtoit à ces grands
Maistres
D'où vient nous coûte-tilfi
ة ي ح
peu.
Vanitéfotte, qui preſume
GALANT. 173
Par un aveugle &fol orgüeil
Defon esprit &desa plu
me:
Voilà d'abord le grand écuril.
Itcm, leTempledeMe
moire ,
C'est un tres- dangereux appas;
Mais en grifonnant pour
L'encre toûjours ne coule
la gloire ,
pas;
Piij
174 MERCURE
Et quelquefois avient le
cas ,
Que l'on caſſeſon écritoire.
1
:
Item ,foit à bon titre ,
ou non ,
On dit mes oeuvres , mon
Libraire ,
Et l'on voit en gros caractere
Afficher son Livre&fon
Nom:
Item , chacun asa folie
;
GALANT. 175
Item , aujourd'huy tout est
bon
Et tout oworage se publie
Ce qu'un hommea rêvé la
Ce qu'il a dit àſaſervan-
Cequ'ilfait entre ſept
buit ,
Qu'on l'imprime & melte
en vente ,
L'ouvrage trouve du debit;
Et quelquefois ,ſans qu'il
s'en vente ,
Piiij
176 MERCURE
L'Auteury gagne un bon
habit.
Item , quand on ne sçait
mieux faire ,
Onforge , on ment dans un
écrit.
Item, on nesçauroitſe taire,
Et nous avons tous trop
d'esprit.
Autre grand Item , ilfaut
vivre
Voilà comment fefait un
Livre.
De-lànous viennent à
foifon
GALANT. 177
Maigres livrets de toute
forte ; 1
Ils n'ont ny rime ny rai-
Son ,
Cela se vend toûjours ,
qu'importe
Tous lesſujetsfontpresque
ufez
Et tous les titres épuiſez ,
Fuſques à des contes de
Fée,
Dont on afait long- temps
Trophée ;
Le desordre croit tous les
jours
178 MERCURE
Je crie & j'appelle au fecours,
Quand viendra- t'il quelque
Critique
Pourreformer untel abus ,
Et purger noftre Republique
De tant d'Ecrivains de bibus?
A l'esprit d'un Cenfeur
farouche,
Qui fçait faire valoir fes
droits ,
Un pauvre Auteur craindra
la touche,
GALANT. 179
Et devant que d'ouvrir la
bouche
I penſera plus de deux
fois.
Je touche une facheuse
corde,
Et crois déja de tous cof
tez
Entendré à ce funeste exorde
,
Nombre d'Auteurs épouvantez
Crier tout baut , mifericorde!
180 MERCURE
Soit fait , Meffieurs , j'en
fuis d'accord;
Mais quand le Public en
furie
Contre vous &vos oeuvres
crie
Mifericorde encore plus
fort ,
Que luy répondre ,je vous
prie?
C'est un mal je ne dis
pas non ,
Qu'un Cenfeur rigide &
fevere
GALANT. 181
Qui le prend fur le plus
haut ton ,
Qu'on hait , & pourtant
qu'on revere :
Mais si c'est un mal, c'est
Souvent
Un mal pour nous bien neceffaire
;
Un Critique au Paysscavant
Fait le métier de Commif-
Saire.
Bornonsnousfans aller
plus loin
1
182 MERCURE
T
A la feule gent Poëtique
Plus que tout autre elle a
besoin
Pour Commiſſaire d'un
Critique.
Les Poëtesfont infolents
Etſouvent les plus miferables
Se trouvent les plus intraitables
Fiers de leurs prétenduës
talents
Ils prendront le pas au
Parnaffe
GALANT. 183
Et fur Virgile &(ur Horace
S'il n'est des Cenfeurs vigilants
Pour chaßer ces paffe-vollants,
Et marquer à chacun fa
place.
D'abordces petits avortons
Viennent se couler à tâtons;
Ils sont soumis , humbles ,
dociles.
184 MERCURE
Souples a prenare les lecons
Des Horaces & des Virgiles,
Etdevantdes Auteurs habiles
Sontmuetscomme des poif
fons ;
Mais quand enfin cette
vermine
Sur le Parnaße a pris racine
,
Elle s'amente&forme un
corps
Quiserevolte&semutine;
Dés
GALANT. 185
Dès qu'une fois elle domine
Adieu Virgile نب fes
conforts
Dans quelque coin on les
confine ,
Et fi Phoebus faisoit la
mine
Luy-même on le mettroit
dehars.
Comment Ronsard &
Sa Pleyade, ??
Dont un temps le regne a
Juin 1714 .
186 MERCURE
Nous l'avoient - ils defiguré
Dans leur grotesque mafcarade?
Plus bigarre qu'un Arlequin
,
Affublé d'un vieux cafaquin
Fait àpeu prés à la Françoise
is d'étoffe antique
autoife;
as goust, fans air , le
tout enfin
Brodé de grec &delatin
GALANT.187
C'estoit dans ce bel équipa
ge
Qu Apollon noir comme
un lutin
Se faisoit par tout rendre
hommage;
Mais après un long efclavage
Enfin Malherbe en eut pities
Et l'ayant pris en amitié
Lui débarboüilla le vifage
Et le remit ſur un bon
pied
Qij
188 MERCURE
Renvoyant à lafriperie
Ses haillons &fa broderie.
Alors dans le facré
Vallon
On décria la vieille moda
Et Malherbe fous Apollon
Fit publier un nouveau
Code,
Deffendant ces vieux paf-
Sements ,
Qu'avec de grands empref-
Sements
GALAN 189
On alloit chercher piece à
piece
Au Latium & dans la
Grece
Ronfard en fut triste &
marri ,
Perdant beaucoup àce déori
Cependant tout changea
deface
Sur l'Helicon & le Par
naße
C'estoit un air de propreté
:
199 MERCURE
Plein de grandeur de
nobleffe ;
Rien defade ni d'affecté
N'en alteroit la dignité
Le bon goût & la politeffe
Brilloient dans lafimplicite
Laiſſant la frivole parure
Aux fades Heros de Romans
On emprunte de la natu
re
Ses plus fuperbes ornemens:
GALANT.191
Vous cuffiez vù les jours
de festes
Phæbus &les neufDoctes
Soeurs
N'employerpourorner leur
testes
Que des lauriers meſlezde
fleurs
Mais cette mode trop unie
Ennuya bien-toſtnosFran-
Au mépris des nouvelles
Ils revinrent à leurgenie
192 MERCURE
Et reclamerent tous leurs
droits
Nous aimons trop la bigarure
;
Je ne puis le dire aßez
baut,
Voilà nostre premier deffaut
Et c'est depuis long-temps
qu'il dure :
Ildureraj'ensuis garant,
Quoique le bon goût en
murmure;
Si l'on le quitte , on le reprends
&
Même
GALANT. 193
Même en dépit de la
Cenfure :
On veut du rare, du nou
veau,
27197
Letoutfans regle ,&fans
mesure ,
On outre , on caffe le pin
ceau;
Mais à charger trop le
tableau,
On vient àgâter la peina
gater la pein
ture malind
Et voulant le portrait trop
bears ८
Juin 1714. RS
194 MERCURE
On fait grimacer la figure.
:
Spit Poëtes foit Orateurs
,
C'est là qu'en font bien des
Auteurs.
Nous nous mettons à la
torture
Pour alambiquer un écrit;
Nous voulons par tout de
Kefprit
Du brillant de l'enlumi-
стике сто
C'est un abus , ne forçons
rien,
GALANT. 195
Laifſſons travailler la nature
Etfans effort nous ferons
bien:
Il en coûte pour l'ordinaire
Par cet enteſtement fatal
Plus à certains pourfaire
mal
Qu'il n'en coûteroit pour
bienfaire.
Me voila dans unfort
beau champ
Rij
196 MERCURE
Mais je préche & peut
estre ennui-je
Comme bien d'autres en
consid
prêchant ,
Jefinis donc & je m'of
Suye.
១
Bel exemplefans meflatter
Si l'on vouloit en profiter.
Or durant cette mala-
છ???????????? die
Dont l'Helicon , fut infec
djtás zamb aliors :
On bannit lafimplicité
GALANT 197
Sous Malherbe tant ap
plaudies 20
Pointe's, équivoques dans
Et jeux de mots vinrent
On vit l'affemblage grotes-
Da ferieux & du burles
-
Le Phoebus , le:Galima-
--sanciovint amoy 20
Parurent avec aßurance ,
Et comme fi l'on n'estoit
pas
R iij
198. MERCURE
Affezfol , quand on veut
en France
Onfut avec avidité
Chercherjusques dans l'Italic
Desfecours dont par cha-
Elle aſſiſta noſtrefolies
Apollonfe tuoit en vain
De faire mainte remon-
Nos gens fuivoient toujours
leur train
Et tout alloit en décadence.
:
L
NOUSTHEQUE DE
199
Mais quand ce Dien
plein de prudence
*
1893*
Eut pris Boileau pourfon
Preap
Combien d'Auteurs firent
lepaut
On voyoit détaler en bande
Tous ces Meffieurs de
contrebande :
Chapelain couvertde lau
riers
Sauta luy-même des pre
miers ,
Et perdit , dit-on , dans la
crotte
Riiij
200 MERCURE
Etfa perruque &sa calottes
Il crioit prestà trébucher
Sauvez l'honneur de la
Pucelle
Mais Boileau plus dur
qu'un rocher
Neust pitié ni de luy ni
d'elle.
Pradon voulant parlementer
Fit d'abord de la resistan
ce
Et parut quelque temps
luter,
CALANT. 2010
Même en Poëte d'importance;
It appella de la Sentence
Mais ilfallut toûjoursfau
ters
Et l'on n'apoint jugé l'inf
tance:
Sous le manteau de Regulus
On eut épargnésa perfonne
Mais le pauore homme
n'avoit plus 1
Que lejuſte-au-corpsd'Antigone.
202 MERCURE
Quinaut par la foule
emporté,
Quinaut même fit la culbute
Mais un appel interjetté
Le vangea bien-toft defa
chute :
On vit les Muses en rumeur
A l'envi prendre en main
Sa cause,
Quelques gens de mauvaiſe
humeur
Vouloient pouffer plas loin
la chofe
GALANT.203.
Infiftant qu'on fit au plum
toft
Le procés au pauore Prevost.
Mais Pæbus d'une
oeiltade fiere
Les rejettant avec mépris
Leurdit d'un tonferme&
favere
Paix canailles de beaux
-
Qui n'avez fait icy que
braires Aoim C
204 MERCURE
Sifur Quinaut on s'estmé
pris
Fy veilleray, c'est mon
affaire:
Quant à vous perdez tout
Et ne me rompez plus la
teste
Mon Prevost afaitfon de-
Ainsi se calma la tem-
1
Et Quinaut s'estant pre-
Dansses griefsfut écouté;
GALANT. 205
On declara vu la requeſte ,
Bien appellé comme d'a-
છછછછ????????????
Dont le Prevost resta
camus
Il fut mêmeſur le Parnaf-
-ind
Regléfans contestation
Qu'auprès d'Orphée &
250 Pd Amphion 2.200 25
Il iroit reprendresa place ;
Et puis Phoebus d'un air
humain
Lui mit fa propre Lyre en
main
206 MERCURE
Non que la fienne fut u-
See
Maispar un noble&fier
dedain
De la voir à tort méprifee
En tombant il l'avoit brifée
On enfit recueillir foudain
Tous les morceaux juſques
au moindre
Mais on les recücillit en
vain
い
Et l'on ne pût bien les
rejoindre
GALANT. 207
Tel fut le destin de Quinaut
,
Seuldetous, oùle Commis
faire,
Ason égard un peu corfaire
Sefoit trouvé pris en défaut
Sur tout le refte irreprochable
Faifantfachargeavechauteur
A tout mauvais & fot
Auteur
:
Ilfut Prevoſtinexorable ,
208 MERCURE
Il est bien vray qu'en fa
vieilleße
Illaißa tout àl'abandon ,
Etfitfa charge avec molleffe
Quand on eft vieux on dewient
bon,
Un reste de terreur empreinte
Retenoit pourtant les efprits
Et l'on ne penſoit qu'avec
crainte
Aufort de tant d' Auteurs
profcrits
Dans
GALANT 209
Dans cette violteßaine.s
puiſſante
Son ombre encore queña
Arrestoit les plus reso
33Ram? AO[
Mais cette ombre fiere&
Gette ombre même , helas!
Cependant dans cet in-
Tout degenere & deperit
Et faute dhura Prevost
qu'on craigne
Juin 1714.
S
210 MERCURE
Chacun fur pied de bel ef
stealing
prit
Arbore déja fon enseigne.
Les Cotins bravant les
- Vardards 201 offer
De tous cotez semble re-
Et comme en un temps de
! 2.pardons is
On voit hardiment repa-
Les Pelletiers, les Pra-
Le mal plus loin va fe
répandre NO
GALANT
Si l'on n'y met ordre au
Muses,ſongez à vous deffendreout
it
Au ſpecifique un bon Pre-
Un bon Prevost ; mais où
le prendre
Je pourrois, s'il m'étoitpermis
,
En nommer un digne de
Par fes foins en honneur
Et plus grand qu'il n'é-
Sij
212 MERCURE
toit peut- estre
Homere affezle fait connoistre
Il a tous les talents qu'il
Pour un employ fi neceffaire
Je ne luy vois qu'un feul
défaut
C'est que ce métier falutaires
De blâmer ce qui doit dẻ
plaire sio srio) 25 I
De reprendre & n'épar
Agner riemiang anly 11
GALANT 213
Cemétier qu'ilferoitfi-bien
Il ne voudra jamais le
faire
Attaqué par maint trait
si falon
Jamais contre le noir frelon
Iln'employaſes nobles veilles
Et comme le Roy des a
beilles
Il fut toûjours fans aiguillon.
Ason défaut cherchez
sinquelqu'autre
១៧-០៣
214 MERCURE
Qui plus bardy , qui moins
humain,
Pour vostre gloire , &pour
la nostre
Ofe à l'oeuvre mettre la
Du Parnaße arbitre fuprême;
Si vous prifez mon Zele
extrême , 29
Faites le voir en mexauçant
polling
Helas! peut estre en vous
Fais-je des veux contre
may-même.
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Résumé : De la Necessité de la Critique, ou le Grand Prevost du Parnasse.
Le texte 'De la Nécessité de la Critique, ou le Grand Prevost du Parnasse', publié en juin 1714 dans le Mercure, traite de l'importance de la critique littéraire. Il souligne la nécessité de la satire et de la critique dans un contexte où l'écriture poétique est accessible à tous, souvent sans respect des règles de l'art. Le texte déplore la publication et la vente d'œuvres de qualité médiocre et appelle à une réforme par l'intervention d'un critique sévère. Il rappelle l'évolution de la poésie française, marquée par des périodes de décadence et de renouveau. Des figures littéraires comme Malherbe et Boileau sont mentionnées pour leur rôle dans la réforme de la poésie. Le texte évoque également des auteurs tels que Ronsard, Chapelain, Pradon, et Quinaut, illustrant les conflits et les jugements critiques qui ont façonné la littérature. Le texte se conclut par un appel à trouver un nouveau 'Prevost' capable de purger la littérature des mauvais auteurs et de rétablir des standards de qualité. Il exprime le souhait de voir un critique sévère et juste, capable de blâmer ce qui doit l'être, mais aussi de reconnaître les véritables talents.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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14
p. 19-23
L'IMMORTALITÉ PAR LES MUSES. ODE.
Début :
Descendez de la double cime, [...]
Mots clefs :
Temps, Héros, Muses, Gloire, Immortalité
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'IMMORTALITÉ PAR LES MUSES. ODE.
iLM MMO RT'AL it e'
PAR LES MUSES. '
O D E.
TVEicendez de la doutfle cime ,
J*-^ Chastes soeurs: venez m'inspirer* 1. .. I
Je cede à l'ardeur qui m'anime : . .. .' . .1
.C'est vous que je veux celebrer. : ;
.Si vous approuvez mon audace ,
Tels que ceux d'Homere & d'Horace,
Mes vers vont charmer jios neveux.
C'est vôtre gloir.\que je chante i
Accourez donc, Troupe íça vante,
Venez & remplissez mes voeux.
les plus grands Heros de la terre ,
Toujours avec avidité , , ... ^
ÍEc dans la paix dans la guerre.» }. . h.
.Ont cherché l'Immortalité-: . ; . . j[
Mille Monarques , dont l'HiUoiíf.-
K'a pas celebré la memoire, . h í. '. >.
Ont laissé de beaux monumens; ' ?).jt.
Ils ont ciû que ces édifices « . w . í'- <
2 p MERCURE. DE FRANCE.
A leur ambition propices ,
Les feroient. triompher du temps.
Vain propos ! frivole esperance /
le temps de tout victorieux ,
Bien.tôt, malgré leur résistance,
Les a dérobez à nos yeux.
Les ans aux plus grands noms funestes ,
Npus ont enlevé ces beaux restes ;
Nous Jes cherchons : foins superflus !
Mais leur marbre fut.il durable ,
C'est un monument déplorable :
Il nous apprend qu'ils ne font plus.
Jaloux d'obtenir la victoire .
Dans les champs du terrible Mars .
D'autres ont. mis toute leur gloire ,
A voler dans tous les hazards.
Audace vaine i avec leur vie ,
Leur gloire s'est évanouie ;
On ne fçait rien de ces combats ,
Oiì remplis d'une ardeur guerriere^
Couverts de sang & de poussiere ,
Ils ont affronté le trépas.
J Att V TE ïC Ï7t4.
Si de vous , Miifes, avouée .
I>'uri Poete la' docte voix , )
A les celebrer dévouée ,
Avoit chanté leurs beaux exploits }
Vantez du couchant à l'Aurore ,
Parmi nous ils vivroient encore i
Sans craindre l'injure des ans ,
les faits qu'enfant* leur courage,
Vainqueurs passeroient d'âge en âgé
Jusqu'à leurs derniers descendans.
Seriez.vous ctfnnus'íans les Muscs' ,
Vaillans défenseurs d'Ilion ,<
Et voiís dòrìt lès'fátales.ruses*
Causerent sa destruction';
Heros.* dontTheris fut fa mere ',
Que serois.tu: fans un' Homere î
Tes exploits seroienrdans l'oubli;
Envaiiv tu fus infatigable :
Sans les vers ton nom peu durable y
Seroit fous Troye enseveli.
C'est envain , ô Soeurs immortelles ,
* Athillt.
B iij
*i MERCURE DE FRANCE.
Qu'un Heros par tout redouté ,
Prétend fans l'appui de vos aîles
Passer ì la posterité. .
Fut. il mille fois plus grand homme,
Que ceux de la Grece & de Rome ,
Qu'un Hector, qu'un Agamennort.,
Sous fa puissance par la guerre
Eut.il rangé toute la terre ,
Le temps abolira son nom.
Cette Déesse aveugle & triste',
Qui détruit tout dans l'univers ,'
Xa mort à. qui rien ne résiste,
Ne peut attenter fur vos vers,
Par vous bravent là main des Parques ,
les plus fier* , les plus doux Monarques'.
Vous les dérobez à leurs coups;
Ces noires filles des lieux sombres ,
Des lieux habitez, par les ombres ,
N'ont aucun empire fur vous.
Les Heros & les Heroïnes,
Qui vous ont sçâ favoriser,.
Ont trouvé des bouches divines i
. f Á 'N V 1ER xii±
Prêtes à les éterniser.'
Tu leur fus toujours favorable ,
Grand Roy , * dpnt le bras redoutable ,
Fit par tout triompher les lys ;
Du temps' peux. tu Craindre l'outrage?
Reçois' un immortel hommage ,
Les Muses te dosent ce prix.'
Roy , qu'on voit courir fur les traces £
í>es Achilles & des Cesars','
Comblez les Muses de vos graces ,
Fixez fur elles vos regards,
Justes arbitres de fa gloire
feules au Temple de memoire,-
Eller font vivre les grands coeurs i
Sans elles , têtes couronnées ,
Ne croyez pas que des années ,
Vos noms puissent être vainqueurs.
P. I. S. J.
*LotiisXlV.
PAR LES MUSES. '
O D E.
TVEicendez de la doutfle cime ,
J*-^ Chastes soeurs: venez m'inspirer* 1. .. I
Je cede à l'ardeur qui m'anime : . .. .' . .1
.C'est vous que je veux celebrer. : ;
.Si vous approuvez mon audace ,
Tels que ceux d'Homere & d'Horace,
Mes vers vont charmer jios neveux.
C'est vôtre gloir.\que je chante i
Accourez donc, Troupe íça vante,
Venez & remplissez mes voeux.
les plus grands Heros de la terre ,
Toujours avec avidité , , ... ^
ÍEc dans la paix dans la guerre.» }. . h.
.Ont cherché l'Immortalité-: . ; . . j[
Mille Monarques , dont l'HiUoiíf.-
K'a pas celebré la memoire, . h í. '. >.
Ont laissé de beaux monumens; ' ?).jt.
Ils ont ciû que ces édifices « . w . í'- <
2 p MERCURE. DE FRANCE.
A leur ambition propices ,
Les feroient. triompher du temps.
Vain propos ! frivole esperance /
le temps de tout victorieux ,
Bien.tôt, malgré leur résistance,
Les a dérobez à nos yeux.
Les ans aux plus grands noms funestes ,
Npus ont enlevé ces beaux restes ;
Nous Jes cherchons : foins superflus !
Mais leur marbre fut.il durable ,
C'est un monument déplorable :
Il nous apprend qu'ils ne font plus.
Jaloux d'obtenir la victoire .
Dans les champs du terrible Mars .
D'autres ont. mis toute leur gloire ,
A voler dans tous les hazards.
Audace vaine i avec leur vie ,
Leur gloire s'est évanouie ;
On ne fçait rien de ces combats ,
Oiì remplis d'une ardeur guerriere^
Couverts de sang & de poussiere ,
Ils ont affronté le trépas.
J Att V TE ïC Ï7t4.
Si de vous , Miifes, avouée .
I>'uri Poete la' docte voix , )
A les celebrer dévouée ,
Avoit chanté leurs beaux exploits }
Vantez du couchant à l'Aurore ,
Parmi nous ils vivroient encore i
Sans craindre l'injure des ans ,
les faits qu'enfant* leur courage,
Vainqueurs passeroient d'âge en âgé
Jusqu'à leurs derniers descendans.
Seriez.vous ctfnnus'íans les Muscs' ,
Vaillans défenseurs d'Ilion ,<
Et voiís dòrìt lès'fátales.ruses*
Causerent sa destruction';
Heros.* dontTheris fut fa mere ',
Que serois.tu: fans un' Homere î
Tes exploits seroienrdans l'oubli;
Envaiiv tu fus infatigable :
Sans les vers ton nom peu durable y
Seroit fous Troye enseveli.
C'est envain , ô Soeurs immortelles ,
* Athillt.
B iij
*i MERCURE DE FRANCE.
Qu'un Heros par tout redouté ,
Prétend fans l'appui de vos aîles
Passer ì la posterité. .
Fut. il mille fois plus grand homme,
Que ceux de la Grece & de Rome ,
Qu'un Hector, qu'un Agamennort.,
Sous fa puissance par la guerre
Eut.il rangé toute la terre ,
Le temps abolira son nom.
Cette Déesse aveugle & triste',
Qui détruit tout dans l'univers ,'
Xa mort à. qui rien ne résiste,
Ne peut attenter fur vos vers,
Par vous bravent là main des Parques ,
les plus fier* , les plus doux Monarques'.
Vous les dérobez à leurs coups;
Ces noires filles des lieux sombres ,
Des lieux habitez, par les ombres ,
N'ont aucun empire fur vous.
Les Heros & les Heroïnes,
Qui vous ont sçâ favoriser,.
Ont trouvé des bouches divines i
. f Á 'N V 1ER xii±
Prêtes à les éterniser.'
Tu leur fus toujours favorable ,
Grand Roy , * dpnt le bras redoutable ,
Fit par tout triompher les lys ;
Du temps' peux. tu Craindre l'outrage?
Reçois' un immortel hommage ,
Les Muses te dosent ce prix.'
Roy , qu'on voit courir fur les traces £
í>es Achilles & des Cesars','
Comblez les Muses de vos graces ,
Fixez fur elles vos regards,
Justes arbitres de fa gloire
feules au Temple de memoire,-
Eller font vivre les grands coeurs i
Sans elles , têtes couronnées ,
Ne croyez pas que des années ,
Vos noms puissent être vainqueurs.
P. I. S. J.
*LotiisXlV.
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Résumé : L'IMMORTALITÉ PAR LES MUSES. ODE.
Le poème s'adresse aux Muses pour invoquer leur inspiration afin de célébrer la gloire des héros et des monarques. L'auteur souligne que les exploits des grands hommes, bien que commémorés par des monuments, sont voués à disparaître avec le temps. Il affirme que seule la poésie, soutenue par les Muses, peut garantir l'immortalité des actions héroïques. Le texte mentionne que des héros comme ceux d'Homère et d'Horace ont été immortalisés par leurs vers. Il critique ceux qui cherchent la gloire par les armes ou les monuments, car ces efforts sont vains face à l'inexorable passage du temps. Les Muses sont présentées comme les seules capables de défier les Parques et d'assurer la postérité des grands noms. Le poème se conclut par un hommage à un roi, dont les exploits sont comparés à ceux d'Achille et des Césars, et dont la gloire est éternisée par les Muses.
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15
p. 861-868
LA POESIE, ODE A M. de la Faye, de l'Académie Françoise. Par M. Richer.
Début :
Quel Profane sur le Parnasse, [...]
Mots clefs :
Coeur, Dieu, Génie, Muses, Vers, Poésie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA POESIE, ODE A M. de la Faye, de l'Académie Françoise. Par M. Richer.
LA POESIE ,
ODE
A M. de la Faye , de l'Académie Fran
goife. Par M. Richer .
Quel
Jel Profane fur le Parnaffe ,
Ferme l'oreille à tes accens ;
Dieu des Vers , confonds fon audace ,
Fail
862 MERCURE DE FRANCE
Fais briller tes charmes puiffants.
C'eſt envain que dans fon délire ,
Mufes , il ofe contredire ,
Les fuffrages de l'Univers :
Paroiffez , Filles de Memoire ,
Chantez vous- même votre gloire ,
Infpirez -moi vos plus beaux Airs.
Sorti des mains de Promethée ,
L'homme errant , féroce & fans Loi ,
Sur la Terre à peine habitée ,
Répandoit le trouble & l'effroi.
Cette lumiere vive & pure ,
Don précieux de la Nature ,
Ne lui deffilloit point les yeux :
Livrez aux paffions perfides ,
Les coeurs féduits n'avoient pour guides ,
Que ces Tyrans imperieux.
Age malheureux ! où la Terre ,
Etoit un Théatre d'horreurs.
La Difcorde y foufloit la Guerre ;
En tous lieux regnoient fes fureurs.
Hideux alors & fans culture , -
Les Champs n'offroient pour nourriture
Que du Gland & des fruits amers :
Vous ignoriez les Arts utiles ,
Mortels , vous n'aviez
pour
aziles ,
Que les Rochers & les Deſerts.
Mais
MAY . 863
1730.
Mais , quel Dieu ? Quel puiffant génie ,
Vient enfin de changer les coeurs ?
C'eſt toi , raviffante Harmonie !
Qui fur eux répans tes douceurs.
Illuftre fils de Calliope ,
De l'erreur qui les enveloppe ,
Tu peux feul diffiper la nuit ;
De tes Preceptes efficaces ,
Dictez par la bouche des Graces ,
Je les voi recueillir le fruit.
A ta voix féconde en miracles ,
Quittant leurs Antres efcarpez ,
Du fon de tes facrez Oracles ,
Ces coeurs farouches font frappez ;
Ils en admirent la fageffe ,
Les moeurs dépouillent leur rudeffe :
Tu fais triompher l'équité :
Soumis à des Loix refpectables ,
Ils goutent de ces noeuds aimables ,
L'agrément & l'utilité.
Ainfi la Fable nous figure
Les Rochers émus de tes fons ,
Et jufqu'en fa Caverne obfcure ,
L'Ours attendri par tes Chanſons ::
Ainfi d'un Chantre de la Grece ,
" Jadis la Lyre enchantereffe ,
Eleva
864 MERCURE DE FRANCE
Eleva les murs des Thébains :
Vives , mais trop foibles images ,
Pour nous peindre les avantages ,
D'un Art , le Maître des Humains !
Cet Art , aux plus fages maximes ,
Joint des accens mélodieux .
Ses accords font touchants , fublimes :
C'eft ainfi que parlent les Dieux.
Par fa Peinture noble & vive ,
Il frappe , il rend l'ame attentive ,
Plein de force & d'aménité ;
Et fouvent fes doctes Myfteres,
Sous des fictions falutaires ,
Voilent l'auftere verité.
Dans une Scene intereſſante ,
Retraçant d'illuftres malheurs ,
Voi Melpomene gémiffante ,
De nos yeux
Sur l'ame vivement
atteinte ,
La compaffion
& la crainte ,
Font d'utiles impreffions
;
Et l'affreuſe
image du crime ,
Dont le coupable
eft la victime
Du coeur banuit les paffions.
arracher des pleurs.
Des jeux Innocens de Thalie ;
Le
MAY. 865 1730 .
Le riant fpectacle étalé ,
De l'homme montre la folie ,
Aux ris le vice eft immolé.
La fureur du jeu , l'imprudence ,
Le faux fçavoir & l'arrogance ,
Y font percez de mille traits.
De ces Dramatiques merveilles ,
Les fons qui charment nos oreilles ,
Nous y font trouver plus d'attraits.
Mais animé du même zele ,
Par qui le vice eft combattu ,
D'un trait de fon Crayon fidele ,
Ce grand Art nous peint la vertu.
Pindare dans fes fons Lyriques ,
Chante les Vainqueurs Olympiques ;
Homere chante les Guerriers ,
Sans cette vivante peinture ,
Le temps , dont ils bravent l'injure ,
N'eût pas refpecté leurs Lauriers.
Oui , Mufes , votre Art eft utile ,
Aux fameux Guerriers , aux grands Rois,
Sans vous d'Agamemnon , d'Achille ,
L'oubli voileroit les exploits.
Des Héros que l'Hiftoire vante ,
La vertu paroît plus brillante ,
Lorfque vous celebrez leur nom
..lexandre , avide de gloire ,
866 MERCURE DE FRANCE
Se plaignoit après la victoire ,
Qu'Homere eût paffé l'Acheron,
Dans une agréable retraite ,
Ou les Nymphes font leur féjour ,
Le beau Thyrfis , fur ſa Mufette ,
Chante le pouvoir de l'Amour.
Un autre à l'ombre de la Treille ,
Epris de la Liqueur vermeille ,
D'un Dieu vante les dons chéris :
Venus & le fils de Séméle ,
Ornent d'une grace nouvelle ,
Les Chanfons de leurs Favoris.
Mais ce langage du Permeffe ,
'Au gré d'un fubtil Novateur ,
N'eſt qu'une ridicule yvrefſe ,
Dont le caprice eft inventeur.
Séduits par un ufage étrange ,
Pourquoi prodiguer la loüange ,
A de pareils amuſemens ?
Penible abus de la parole ,
A qui notre folie immole ,
La Nature & fes fentimens !
Muſes , l'honneur de ce Rivage ,
Qu'infenfible à vos doux accords ,
Pour décrier votre langage ,
L'Ingrat
ΤΟ
867 .. MAY. 1730.
L'Ingrat faffe de vains efforts :
Pour dégrader les doctes veilles
Du fameux Rival des Corneilles ,
Qu'il décompofe fes écrits :
Racine , un fol efpoir le flatte ;
Et des beaux Vers de Mithridate ,
Tu nous vois encor plus épris.
De la meſure & de la Rime ,
Qu'il brave l'importune loi :
Tu leur conferves notre eftime ;
Ce bel Art triomphe chez toi.
Les mots foumis à la meſure ,
N'y font qu'embellir la Nature ,
Malgré leur étroite priſon ;
Et par l'effort de ton génie ,
La cadence au droit ſens unie
Charme l'oreille & la raiſon,
Non , ce travail n'eſt point ſterile ;
Fruit d'un laborieux loifir ;
Moins le fuccès en eſt facile ,
Plus il nous caufe de plaifir.
De tout temps l'Univers l'admire :
Si les fons qu'enfante la Lyre ,
Charment aujourd'hui les Mortels ,
Le Monde encor dans fon enfance ,
Sans
868 MERCURE DE FRANCE
Sans fçavoir , fans expérience ,
Aux Mufes dreffa des Autels.
En vain par une audace extrême ,
L *** infultant aux neuf Soeurs ,
Sur le fommet du Pinde même ,
Ofe méprifer leurs faveurs.
Pour le confondre Polymnie,
Echauffant ton heureux génie ,
Fait entendre de nouveaux Airs ,
La Faye , & ta Lyre fidelle ,
Nous donne une preuve immortelle ,
De la puiffance des beaux Vers.
ODE
A M. de la Faye , de l'Académie Fran
goife. Par M. Richer .
Quel
Jel Profane fur le Parnaffe ,
Ferme l'oreille à tes accens ;
Dieu des Vers , confonds fon audace ,
Fail
862 MERCURE DE FRANCE
Fais briller tes charmes puiffants.
C'eſt envain que dans fon délire ,
Mufes , il ofe contredire ,
Les fuffrages de l'Univers :
Paroiffez , Filles de Memoire ,
Chantez vous- même votre gloire ,
Infpirez -moi vos plus beaux Airs.
Sorti des mains de Promethée ,
L'homme errant , féroce & fans Loi ,
Sur la Terre à peine habitée ,
Répandoit le trouble & l'effroi.
Cette lumiere vive & pure ,
Don précieux de la Nature ,
Ne lui deffilloit point les yeux :
Livrez aux paffions perfides ,
Les coeurs féduits n'avoient pour guides ,
Que ces Tyrans imperieux.
Age malheureux ! où la Terre ,
Etoit un Théatre d'horreurs.
La Difcorde y foufloit la Guerre ;
En tous lieux regnoient fes fureurs.
Hideux alors & fans culture , -
Les Champs n'offroient pour nourriture
Que du Gland & des fruits amers :
Vous ignoriez les Arts utiles ,
Mortels , vous n'aviez
pour
aziles ,
Que les Rochers & les Deſerts.
Mais
MAY . 863
1730.
Mais , quel Dieu ? Quel puiffant génie ,
Vient enfin de changer les coeurs ?
C'eſt toi , raviffante Harmonie !
Qui fur eux répans tes douceurs.
Illuftre fils de Calliope ,
De l'erreur qui les enveloppe ,
Tu peux feul diffiper la nuit ;
De tes Preceptes efficaces ,
Dictez par la bouche des Graces ,
Je les voi recueillir le fruit.
A ta voix féconde en miracles ,
Quittant leurs Antres efcarpez ,
Du fon de tes facrez Oracles ,
Ces coeurs farouches font frappez ;
Ils en admirent la fageffe ,
Les moeurs dépouillent leur rudeffe :
Tu fais triompher l'équité :
Soumis à des Loix refpectables ,
Ils goutent de ces noeuds aimables ,
L'agrément & l'utilité.
Ainfi la Fable nous figure
Les Rochers émus de tes fons ,
Et jufqu'en fa Caverne obfcure ,
L'Ours attendri par tes Chanſons ::
Ainfi d'un Chantre de la Grece ,
" Jadis la Lyre enchantereffe ,
Eleva
864 MERCURE DE FRANCE
Eleva les murs des Thébains :
Vives , mais trop foibles images ,
Pour nous peindre les avantages ,
D'un Art , le Maître des Humains !
Cet Art , aux plus fages maximes ,
Joint des accens mélodieux .
Ses accords font touchants , fublimes :
C'eft ainfi que parlent les Dieux.
Par fa Peinture noble & vive ,
Il frappe , il rend l'ame attentive ,
Plein de force & d'aménité ;
Et fouvent fes doctes Myfteres,
Sous des fictions falutaires ,
Voilent l'auftere verité.
Dans une Scene intereſſante ,
Retraçant d'illuftres malheurs ,
Voi Melpomene gémiffante ,
De nos yeux
Sur l'ame vivement
atteinte ,
La compaffion
& la crainte ,
Font d'utiles impreffions
;
Et l'affreuſe
image du crime ,
Dont le coupable
eft la victime
Du coeur banuit les paffions.
arracher des pleurs.
Des jeux Innocens de Thalie ;
Le
MAY. 865 1730 .
Le riant fpectacle étalé ,
De l'homme montre la folie ,
Aux ris le vice eft immolé.
La fureur du jeu , l'imprudence ,
Le faux fçavoir & l'arrogance ,
Y font percez de mille traits.
De ces Dramatiques merveilles ,
Les fons qui charment nos oreilles ,
Nous y font trouver plus d'attraits.
Mais animé du même zele ,
Par qui le vice eft combattu ,
D'un trait de fon Crayon fidele ,
Ce grand Art nous peint la vertu.
Pindare dans fes fons Lyriques ,
Chante les Vainqueurs Olympiques ;
Homere chante les Guerriers ,
Sans cette vivante peinture ,
Le temps , dont ils bravent l'injure ,
N'eût pas refpecté leurs Lauriers.
Oui , Mufes , votre Art eft utile ,
Aux fameux Guerriers , aux grands Rois,
Sans vous d'Agamemnon , d'Achille ,
L'oubli voileroit les exploits.
Des Héros que l'Hiftoire vante ,
La vertu paroît plus brillante ,
Lorfque vous celebrez leur nom
..lexandre , avide de gloire ,
866 MERCURE DE FRANCE
Se plaignoit après la victoire ,
Qu'Homere eût paffé l'Acheron,
Dans une agréable retraite ,
Ou les Nymphes font leur féjour ,
Le beau Thyrfis , fur ſa Mufette ,
Chante le pouvoir de l'Amour.
Un autre à l'ombre de la Treille ,
Epris de la Liqueur vermeille ,
D'un Dieu vante les dons chéris :
Venus & le fils de Séméle ,
Ornent d'une grace nouvelle ,
Les Chanfons de leurs Favoris.
Mais ce langage du Permeffe ,
'Au gré d'un fubtil Novateur ,
N'eſt qu'une ridicule yvrefſe ,
Dont le caprice eft inventeur.
Séduits par un ufage étrange ,
Pourquoi prodiguer la loüange ,
A de pareils amuſemens ?
Penible abus de la parole ,
A qui notre folie immole ,
La Nature & fes fentimens !
Muſes , l'honneur de ce Rivage ,
Qu'infenfible à vos doux accords ,
Pour décrier votre langage ,
L'Ingrat
ΤΟ
867 .. MAY. 1730.
L'Ingrat faffe de vains efforts :
Pour dégrader les doctes veilles
Du fameux Rival des Corneilles ,
Qu'il décompofe fes écrits :
Racine , un fol efpoir le flatte ;
Et des beaux Vers de Mithridate ,
Tu nous vois encor plus épris.
De la meſure & de la Rime ,
Qu'il brave l'importune loi :
Tu leur conferves notre eftime ;
Ce bel Art triomphe chez toi.
Les mots foumis à la meſure ,
N'y font qu'embellir la Nature ,
Malgré leur étroite priſon ;
Et par l'effort de ton génie ,
La cadence au droit ſens unie
Charme l'oreille & la raiſon,
Non , ce travail n'eſt point ſterile ;
Fruit d'un laborieux loifir ;
Moins le fuccès en eſt facile ,
Plus il nous caufe de plaifir.
De tout temps l'Univers l'admire :
Si les fons qu'enfante la Lyre ,
Charment aujourd'hui les Mortels ,
Le Monde encor dans fon enfance ,
Sans
868 MERCURE DE FRANCE
Sans fçavoir , fans expérience ,
Aux Mufes dreffa des Autels.
En vain par une audace extrême ,
L *** infultant aux neuf Soeurs ,
Sur le fommet du Pinde même ,
Ofe méprifer leurs faveurs.
Pour le confondre Polymnie,
Echauffant ton heureux génie ,
Fait entendre de nouveaux Airs ,
La Faye , & ta Lyre fidelle ,
Nous donne une preuve immortelle ,
De la puiffance des beaux Vers.
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Résumé : LA POESIE, ODE A M. de la Faye, de l'Académie Françoise. Par M. Richer.
Le texte est une ode dédiée à M. de la Faye, membre de l'Académie Française, écrite par M. Richer. L'auteur commence par inviter les Muses à chanter leur propre gloire et à inspirer ses vers. Il décrit l'état primitif de l'humanité, marqué par la violence et l'absence de lois, avant l'avènement de l'harmonie et de la poésie. La poésie, personnifiée par les Muses, est présentée comme une force capable de civiliser les hommes, de les rendre plus justes et de les guider vers des mœurs plus douces. L'ode met en avant les vertus de la poésie, qui non seulement divertit mais éduque également en illustrant les conséquences des vices et en célébrant la vertu. Les grands poètes comme Pindare et Homère sont cités pour leur capacité à immortaliser les exploits des héros. L'auteur critique ceux qui méprisent la poésie et loue Racine pour son art. Il conclut en affirmant que la poésie, malgré ses contraintes, charme l'oreille et la raison, et qu'elle a toujours été admirée par l'humanité depuis ses origines. L'ode se termine par une louange à M. de la Faye et à sa lyre fidèle, preuve de la puissance des beaux vers.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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16
p. 30-35
LA HAINE. ODE
Début :
Sçavantes Nymphes du Parnasse, [...]
Mots clefs :
Haine, Vengeance, Indulgence, Amitié, Guerre, Justice, Muses
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA HAINE. ODE
L.A HAINE
ODE
S Cavantes Nymphes du Parnasse ,
Si jamais vous cûtes pitié ,
Des malheurs qu'à l'humaine race
Causa souvent l'Inimitié ;
Déesses , soyez- moi propices.
Contre le plus cruel des vices ,
Armez votre sévérité ;
D'une voix pénétrante et forte,
Blâmez les excès ou se porte ,
L'homme contre l'homme irrité.
Pour le désir de la vengeance ,
Muses , donnez lui tant d'horreur
Qu'enfin une noble indulgence
Succede à sa lâche fureur ;
2
Qu'en ses yeux desormais l'on voye ,
Briller
JANVIER. 1731. 31
Briller l'assurance et la joye ,
Au lieu du trouble et de l'ennui ;
Et qu'au mépris d'un faux sistême
Il devienne ami de soi- même ,
In cessant de hair autrui.
Peuples , dont un instinct sauvage ,
Regle les sentimens pervers ,
Et dont cet orgueilleux rivage.
Est séparé par tant de Mers :
Vous , chez qui l'homme impitoyable
Du corps fumant de son semblable
Se fait de monstrueux festins ;
De vos forfaits , Peuples impies ,
On voit les fidelles copies ,
Dans nos désordres intestins.
•
Oui , ce seroit peu que la Guerre ,
Employant le souphre et le fer ;
Eût tant de fois rendu la Terre ,
L'horrible image de l'Enfer ,
Si l'Entêtement , l'Hérésie ,
L'Ambition , la Jalousie ,
Les faux soupçons , les noirs complots ,
Tirans implacables des Hommes ,
Du triste climat où nous sommes
Ne bannissoient pas le repos.
>
Com(
32 MERCURE
DE FRANCE .
Combien de fois cet Hémisphère ,
Non sans en frémir , a- t-il vú ,
Du sang de son malhûreux frere ,
Le frere indignement repû ?
Est- il parjures , sacriléges ,
Intrigues , fureurs , sortiléges ,
Trahisons , souplesses , détours ,
A qui , dans nos projets iniques ,
Honteux , criminels Politiques ,
Nous n'ayons sans cesse recours ?
Sur tout , quand l'Interêt nous guide ,
Ses absolus commandemens
De l'amitié la plus solide ,
Sappent toûjours les fondemens.
D'Alecton , sanguinaire éleve ,
Il aiguisa le premier Glaive
Et chassant l'équité des coeurs ;
Il substitua par ses ruses ;
Un vil amas de Loix confuses ,
A l'empire des bonnes moeurs.
Et toi , dont l'éloquence outrée ,
Consiste en des cris infernaux ,
Qui de la fugitive Astrée ,
Usurpas les saints Tribunaux ,
Hydre , qu'anime la vengeance ,
Que suit la fatale indigence ,
Que
JANVIER . 1731. 33
Que conduit
l'obstination ,
Chicane , indomtable Génie ,
Quels objets offre ta manie ,
A ma juste indignation !
Les Loix les plus sages détruites ,
Par des Sophismes effrontez ;
Des veuves aux portes réduites ,
Des Orphelins déshéritez ;
L'Impunité vendue au crime
A son possesseur légitime
Un bien pour jamais interdit
L'Innocence qu'on persécute ,
Et le droit le plus ferme en butte
A l'oppression
du crédit.
›
Mais quelle voix audacieuse ,
Eclate , en discours menaçans ?
Quelle langue malicieuse ,
Exerce ici ses traits perçans ?
Lâches Auteurs de ces tempêtes ,
Craignez d'attirer sur vos têtes ,
Les rigueurs du courroux divin ,
Et que le Ciel en sa justice ,
D'Etéocle et de Polinice ,
Ne vous ait réservé la fin.
Témoins d'un Spectacle barbare ;
Que dis-je ! Nous n'esperons pas ,
Que
34 MERCURE DE FRANCE.
Que la haine qui nous sépare ,
Puisse ceder même au trépàs.
L'aigreur qui partage vos ames ,
Un jour partagera les flâmes
Qui doivent consumer vos corps ;
Un jour , vos Ombres fratricides ,
Iront se joindre aux Eumenides ,
- Pour troubler l'Empire des Morts.
=
•
Ainsi donc cedant à la force ,
Du plus exécrable poison ,
Vous faites un honteux divorce ,
Avec votre propre raison.
Malheureux ! prenez pour modeles .
Les Colombes , les Tourterelles ,
Qu'un tendre amour unit toujours ;
Ou bien dans quelque affreux bocage ,
Allez écouter le langage ,
Des Loups , des Tigres et des Ours.
Vous , Muses , allez les premieres ,
Vers ces Animaux ravissans ,
Et daignez de quelques lumieres ,
Eclairer leurs aveugles sens .
Instruits de nos moeurs intraitables ,
De cent reproches équitables .
Ils sçauront bien- tôt nous combler ,
Plus épouvantez de connoître ,
L'Or
JANVIER . 1-31 .
35
i
L'Orgueilleux, qui se dit leur Maître ,
Qu'envieux de lui ressembler.
C'en est trop ; gardez le silence ,
Barbares , hôtes des Forêts ,"
Hélas ! de notre ressemblance ,
Il suffit d'avouer les traits.
Quand la Terre ignoroit encore ,
Les malheurs qu'apporta Pandore.
Les crimes de Thebe et d'Argos ,
L'Homme goûtoit un sort celeste :
Mais quoi ! la discorde funeste ,
Nous a tous rendus vos égaux .
F. M. F. DE VAL GNE
ODE
S Cavantes Nymphes du Parnasse ,
Si jamais vous cûtes pitié ,
Des malheurs qu'à l'humaine race
Causa souvent l'Inimitié ;
Déesses , soyez- moi propices.
Contre le plus cruel des vices ,
Armez votre sévérité ;
D'une voix pénétrante et forte,
Blâmez les excès ou se porte ,
L'homme contre l'homme irrité.
Pour le désir de la vengeance ,
Muses , donnez lui tant d'horreur
Qu'enfin une noble indulgence
Succede à sa lâche fureur ;
2
Qu'en ses yeux desormais l'on voye ,
Briller
JANVIER. 1731. 31
Briller l'assurance et la joye ,
Au lieu du trouble et de l'ennui ;
Et qu'au mépris d'un faux sistême
Il devienne ami de soi- même ,
In cessant de hair autrui.
Peuples , dont un instinct sauvage ,
Regle les sentimens pervers ,
Et dont cet orgueilleux rivage.
Est séparé par tant de Mers :
Vous , chez qui l'homme impitoyable
Du corps fumant de son semblable
Se fait de monstrueux festins ;
De vos forfaits , Peuples impies ,
On voit les fidelles copies ,
Dans nos désordres intestins.
•
Oui , ce seroit peu que la Guerre ,
Employant le souphre et le fer ;
Eût tant de fois rendu la Terre ,
L'horrible image de l'Enfer ,
Si l'Entêtement , l'Hérésie ,
L'Ambition , la Jalousie ,
Les faux soupçons , les noirs complots ,
Tirans implacables des Hommes ,
Du triste climat où nous sommes
Ne bannissoient pas le repos.
>
Com(
32 MERCURE
DE FRANCE .
Combien de fois cet Hémisphère ,
Non sans en frémir , a- t-il vú ,
Du sang de son malhûreux frere ,
Le frere indignement repû ?
Est- il parjures , sacriléges ,
Intrigues , fureurs , sortiléges ,
Trahisons , souplesses , détours ,
A qui , dans nos projets iniques ,
Honteux , criminels Politiques ,
Nous n'ayons sans cesse recours ?
Sur tout , quand l'Interêt nous guide ,
Ses absolus commandemens
De l'amitié la plus solide ,
Sappent toûjours les fondemens.
D'Alecton , sanguinaire éleve ,
Il aiguisa le premier Glaive
Et chassant l'équité des coeurs ;
Il substitua par ses ruses ;
Un vil amas de Loix confuses ,
A l'empire des bonnes moeurs.
Et toi , dont l'éloquence outrée ,
Consiste en des cris infernaux ,
Qui de la fugitive Astrée ,
Usurpas les saints Tribunaux ,
Hydre , qu'anime la vengeance ,
Que suit la fatale indigence ,
Que
JANVIER . 1731. 33
Que conduit
l'obstination ,
Chicane , indomtable Génie ,
Quels objets offre ta manie ,
A ma juste indignation !
Les Loix les plus sages détruites ,
Par des Sophismes effrontez ;
Des veuves aux portes réduites ,
Des Orphelins déshéritez ;
L'Impunité vendue au crime
A son possesseur légitime
Un bien pour jamais interdit
L'Innocence qu'on persécute ,
Et le droit le plus ferme en butte
A l'oppression
du crédit.
›
Mais quelle voix audacieuse ,
Eclate , en discours menaçans ?
Quelle langue malicieuse ,
Exerce ici ses traits perçans ?
Lâches Auteurs de ces tempêtes ,
Craignez d'attirer sur vos têtes ,
Les rigueurs du courroux divin ,
Et que le Ciel en sa justice ,
D'Etéocle et de Polinice ,
Ne vous ait réservé la fin.
Témoins d'un Spectacle barbare ;
Que dis-je ! Nous n'esperons pas ,
Que
34 MERCURE DE FRANCE.
Que la haine qui nous sépare ,
Puisse ceder même au trépàs.
L'aigreur qui partage vos ames ,
Un jour partagera les flâmes
Qui doivent consumer vos corps ;
Un jour , vos Ombres fratricides ,
Iront se joindre aux Eumenides ,
- Pour troubler l'Empire des Morts.
=
•
Ainsi donc cedant à la force ,
Du plus exécrable poison ,
Vous faites un honteux divorce ,
Avec votre propre raison.
Malheureux ! prenez pour modeles .
Les Colombes , les Tourterelles ,
Qu'un tendre amour unit toujours ;
Ou bien dans quelque affreux bocage ,
Allez écouter le langage ,
Des Loups , des Tigres et des Ours.
Vous , Muses , allez les premieres ,
Vers ces Animaux ravissans ,
Et daignez de quelques lumieres ,
Eclairer leurs aveugles sens .
Instruits de nos moeurs intraitables ,
De cent reproches équitables .
Ils sçauront bien- tôt nous combler ,
Plus épouvantez de connoître ,
L'Or
JANVIER . 1-31 .
35
i
L'Orgueilleux, qui se dit leur Maître ,
Qu'envieux de lui ressembler.
C'en est trop ; gardez le silence ,
Barbares , hôtes des Forêts ,"
Hélas ! de notre ressemblance ,
Il suffit d'avouer les traits.
Quand la Terre ignoroit encore ,
Les malheurs qu'apporta Pandore.
Les crimes de Thebe et d'Argos ,
L'Homme goûtoit un sort celeste :
Mais quoi ! la discorde funeste ,
Nous a tous rendus vos égaux .
F. M. F. DE VAL GNE
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Résumé : LA HAINE. ODE
L'ode 'La Haine', publiée en janvier 1731 dans le Mercure de France, est une supplique adressée aux muses et aux nymphes du Parnasse pour qu'elles condamnent la haine et l'inimitié entre les hommes. L'auteur aspire à voir la vengeance remplacée par une noble indulgence et souhaite que les hommes apprennent à se pardonner et à s'aimer eux-mêmes. L'auteur dénonce les peuples barbares qui se nourrissent de la chair de leurs semblables et compare leurs actes aux désordres internes des sociétés civilisées. Il critique la guerre, l'entêtement, l'hérésie, l'ambition, la jalousie, les faux soupçons et les complots qui perturbent la paix. Il accuse également l'intérêt personnel de corrompre les amitiés et de substituer des lois confuses à l'empire des bonnes mœurs. L'auteur s'indigne contre les abus de la justice, les sophismes qui détruisent les lois sages, et l'impunité du crime. Il met en garde les auteurs de ces tempêtes contre la colère divine et prédit que la haine persistera même après la mort. Enfin, l'auteur invite les hommes à prendre exemple sur les colombes et les tourterelles, unies par un tendre amour, plutôt que sur les animaux sauvages. Il appelle les muses à éclairer les sens des hommes, aveugles par leurs mœurs intraitables, et à leur faire connaître leur propre barbarie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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17
p. 627-632
A S. E. M. LE CARDINAL DE FLEURY, MINISTRE D'ETAT, Sur la liberalité qu'il a faite à l'Université de Caën, pour l'augmentation de sa Bibliotheque. ODE.
Début :
D'où naît la soudaine allegresse [...]
Mots clefs :
Libéralité, Bibliothèque, Mécène, Beaux-arts, Muses, Connaissance , Prélat
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A S. E. M. LE CARDINAL DE FLEURY, MINISTRE D'ETAT, Sur la liberalité qu'il a faite à l'Université de Caën, pour l'augmentation de sa Bibliotheque. ODE.
A S. E. M.
LE CARDINAL DE FLEURY,
MINISTRE D'ETAT ,
"
Sur la liberalité qu'il a faite à l'Université
de Caën , pour l'augmentation de sa Bibliotheque.
D
O D E.
' Ou naît la soudaine allegresse
Qui transporte ici tous les coeurs ?
ON Un nouveau Mécene au Permesse
'Accorde aujourd'hui ses faveurs..
A ij Vien,
628 MERCURE DE FRANCE
Vien , mes délices , vien , ma Lyre ;
Sers la vive ardeur qui m'inspire :
Pour lui formons nos plus beaux Airs ;
Je veux que leur noble cadence
Annonce ma reconnoissance
Au Prince , au Peuple , à l'Univers
Chante un Prélat que voit la Seine
D'honneurs justement revêtu ,
Qui joint à la Pourpre Romaine
L'éclat d'une rare vertu ,
Qui sage , bienfaisant , affable ;
Tel que ce Mentor de la Fable ,
Fait chérir son autorité ,
Qui placé près du Diadême ,
Se montre auguste par
lui- même
Autant que par sa dignité.
Dans la Grandeur qui l'environne
Nul objet n'échape à ses soins ;
S'il veille aux droits de la Couronne ,
Il veille encore à nos besoins ;
Par lui la Foi , la Paix fleurissent ,
Les Loix de Thémis s'affermissent ;
Tout nous offre des jours plus beaux ;
Et de ce bonheur qu'il ménage ,
Laissant aux Sujets l'avantage ,
LEURY n'en prend que les travaux ,
Digne
AVRIL 1731. 629
Digne Emule du grand Fabrice , *
On le voit marcher sur ses pas ;
De la séduisante avarice
Son coeur méprise les appas.
Mortels ! qu'il en est peu d'exemples :
tes Trésors consacrés aux Temples
tedressent leurs murs chancelans ,
bu vont par
Dans
des routes secretes
cent tenébreuses retraites
Porter des secours consolans.
Quel riche trait pour son Histoire
Que l'apui qu'il donne aux beaux Arts f
Sur eux du milieu de sa gloire
Il jette ses plus doux regards :
Muses , troupe à ses yeux si chere
Vous n'êtes point une chimere ,
Ni des noms pleins d'un faux éclat §
Mais les filles de la Sagesse ,
Les meres de la Politesse ,
L'utile ornement d'un Eta
Un Temple fécond en miracles
Fait sur l'Orne admirer vos sons ;
* Consul Romain , le plus désinteréssé qu'ait
jamais vû la République.
L'Université.
A iij On
630 MERCURE DE FRANCE
On y voit de sçavans Oracles
Dicter vos plus pures leçons ;
Embrassant diverses matieres ,
Chacun de ses doctes lumieres
Augmente la splendeur du corps ;
Mais par combien dé découvertes
Ces fources qui leur sont offertes *
Vont-elles groffir leurs Trésors !
A quels travaux inimitables
Vois- je nos Neveux s'exciter ?
L'un écrit les faits mémorables ,
L'autre se forme à les chanter ;
Celui- ci creusant la nature ,
De l'oeil et du compas mesure
Les Eaux , l'Air , la Terre et les Cieux
Et , jusqu'à l'invisible Effence
L'autre élevant fa connoiffance
Ya fonder les Décrets des Dieux.
(
C'eft pour toi , Ville fortunée ,
Que FLEURY prodigue ses biens :
Quelle riante Destinée
Se prépare à tes Citoyens !
Tu verras tes Remparts superbes
La Bibliotheque.
En.
AVRIL. ' 1731. -631
Enfanter de nouveaux Malherbes ( a )
Des Huets , (b ) des Pyrons , ( c) des Calys ( d )
Sous l'Empire tranquile et juste
Qu'offre à nos voeux un autre Auguste ,
Tes lauriers orneront ses Lys.
Dans ton sein , Ecole sçavante ,
Faut-il qu'un noble empressement
Ne, puisse au Prélat que je vante
Dresser un pompeux monument !
Du moins signalant notre żele ,
Plaçons -y le portrait fidele ( e )
D'un si génereux Protecteur ;
Que cette immortelle Peinture
Instruise la race future
Du bienfait et du Bienfaicteur.
FLEURY , puisse un succés durable
Suivre vos projets glorieux !
(a ) Fameux Poëte.
(b) Evêque d'Avranches , et Précepteur de
M. le Dauphin , Ayeul du Roi.
$
(c) Professeur de Rhétorique au College du
Bois , et Editeur de Claudien , pour l'usage de
M. le Dauphin.
(d ) Celebre Professeur de Philosophie au
"College du Bois , Auteur de divers Ouvrages ,
centr'autres du Commentaire sur Boëce , pour
l'usage de M. le Dauphin. Tous de Caën .
(e ) Le Portrait de S. E. sera placé dans la
Bibliotheque.
A iij Puiffe
632 MERCURE DE FRANCE
Puisse la Parque inexorable.
Respecter vos jours précieux !
Soyez long- tems l'amour du PRINCE
Les délices de la Province ,
Le respect des Peuples épars ;
Soyez des Autels la défense ,
Vivez pour le bien de la France ,
Vivez pour l'honneur des beaux Arts .'
Par M. Heurtauld , Prêtre , Professeur an
College du Bois de l'Université de Caën.
LE CARDINAL DE FLEURY,
MINISTRE D'ETAT ,
"
Sur la liberalité qu'il a faite à l'Université
de Caën , pour l'augmentation de sa Bibliotheque.
D
O D E.
' Ou naît la soudaine allegresse
Qui transporte ici tous les coeurs ?
ON Un nouveau Mécene au Permesse
'Accorde aujourd'hui ses faveurs..
A ij Vien,
628 MERCURE DE FRANCE
Vien , mes délices , vien , ma Lyre ;
Sers la vive ardeur qui m'inspire :
Pour lui formons nos plus beaux Airs ;
Je veux que leur noble cadence
Annonce ma reconnoissance
Au Prince , au Peuple , à l'Univers
Chante un Prélat que voit la Seine
D'honneurs justement revêtu ,
Qui joint à la Pourpre Romaine
L'éclat d'une rare vertu ,
Qui sage , bienfaisant , affable ;
Tel que ce Mentor de la Fable ,
Fait chérir son autorité ,
Qui placé près du Diadême ,
Se montre auguste par
lui- même
Autant que par sa dignité.
Dans la Grandeur qui l'environne
Nul objet n'échape à ses soins ;
S'il veille aux droits de la Couronne ,
Il veille encore à nos besoins ;
Par lui la Foi , la Paix fleurissent ,
Les Loix de Thémis s'affermissent ;
Tout nous offre des jours plus beaux ;
Et de ce bonheur qu'il ménage ,
Laissant aux Sujets l'avantage ,
LEURY n'en prend que les travaux ,
Digne
AVRIL 1731. 629
Digne Emule du grand Fabrice , *
On le voit marcher sur ses pas ;
De la séduisante avarice
Son coeur méprise les appas.
Mortels ! qu'il en est peu d'exemples :
tes Trésors consacrés aux Temples
tedressent leurs murs chancelans ,
bu vont par
Dans
des routes secretes
cent tenébreuses retraites
Porter des secours consolans.
Quel riche trait pour son Histoire
Que l'apui qu'il donne aux beaux Arts f
Sur eux du milieu de sa gloire
Il jette ses plus doux regards :
Muses , troupe à ses yeux si chere
Vous n'êtes point une chimere ,
Ni des noms pleins d'un faux éclat §
Mais les filles de la Sagesse ,
Les meres de la Politesse ,
L'utile ornement d'un Eta
Un Temple fécond en miracles
Fait sur l'Orne admirer vos sons ;
* Consul Romain , le plus désinteréssé qu'ait
jamais vû la République.
L'Université.
A iij On
630 MERCURE DE FRANCE
On y voit de sçavans Oracles
Dicter vos plus pures leçons ;
Embrassant diverses matieres ,
Chacun de ses doctes lumieres
Augmente la splendeur du corps ;
Mais par combien dé découvertes
Ces fources qui leur sont offertes *
Vont-elles groffir leurs Trésors !
A quels travaux inimitables
Vois- je nos Neveux s'exciter ?
L'un écrit les faits mémorables ,
L'autre se forme à les chanter ;
Celui- ci creusant la nature ,
De l'oeil et du compas mesure
Les Eaux , l'Air , la Terre et les Cieux
Et , jusqu'à l'invisible Effence
L'autre élevant fa connoiffance
Ya fonder les Décrets des Dieux.
(
C'eft pour toi , Ville fortunée ,
Que FLEURY prodigue ses biens :
Quelle riante Destinée
Se prépare à tes Citoyens !
Tu verras tes Remparts superbes
La Bibliotheque.
En.
AVRIL. ' 1731. -631
Enfanter de nouveaux Malherbes ( a )
Des Huets , (b ) des Pyrons , ( c) des Calys ( d )
Sous l'Empire tranquile et juste
Qu'offre à nos voeux un autre Auguste ,
Tes lauriers orneront ses Lys.
Dans ton sein , Ecole sçavante ,
Faut-il qu'un noble empressement
Ne, puisse au Prélat que je vante
Dresser un pompeux monument !
Du moins signalant notre żele ,
Plaçons -y le portrait fidele ( e )
D'un si génereux Protecteur ;
Que cette immortelle Peinture
Instruise la race future
Du bienfait et du Bienfaicteur.
FLEURY , puisse un succés durable
Suivre vos projets glorieux !
(a ) Fameux Poëte.
(b) Evêque d'Avranches , et Précepteur de
M. le Dauphin , Ayeul du Roi.
$
(c) Professeur de Rhétorique au College du
Bois , et Editeur de Claudien , pour l'usage de
M. le Dauphin.
(d ) Celebre Professeur de Philosophie au
"College du Bois , Auteur de divers Ouvrages ,
centr'autres du Commentaire sur Boëce , pour
l'usage de M. le Dauphin. Tous de Caën .
(e ) Le Portrait de S. E. sera placé dans la
Bibliotheque.
A iij Puiffe
632 MERCURE DE FRANCE
Puisse la Parque inexorable.
Respecter vos jours précieux !
Soyez long- tems l'amour du PRINCE
Les délices de la Province ,
Le respect des Peuples épars ;
Soyez des Autels la défense ,
Vivez pour le bien de la France ,
Vivez pour l'honneur des beaux Arts .'
Par M. Heurtauld , Prêtre , Professeur an
College du Bois de l'Université de Caën.
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Résumé : A S. E. M. LE CARDINAL DE FLEURY, MINISTRE D'ETAT, Sur la liberalité qu'il a faite à l'Université de Caën, pour l'augmentation de sa Bibliotheque. ODE.
Le poème célèbre la générosité du Cardinal de Fleury, ministre d'État, qui a fait don à l'Université de Caen pour enrichir sa bibliothèque. Il commence par exprimer une joie soudaine et générale, attribuée à l'intervention d'un nouveau mécène. Le Cardinal de Fleury est loué pour ses vertus, sa sagesse et sa bienfaisance, et est comparé à des figures illustres comme Mentor et Fabrice. Malgré sa grandeur, Fleury veille aux besoins du peuple et favorise la foi, la paix et la justice. Le poème souligne également son soutien aux arts et à la connaissance, comparant les Muses à des filles de la sagesse et des mères de la politesse. L'Université de Caen est présentée comme un lieu de savoir où des savants dispensent des leçons sur divers sujets, et où de futures découvertes sont attendues. Le don de Fleury permettra à la ville de produire de grands érudits et poètes. Le texte se termine par un vœu pour la longue vie du Cardinal et son soutien continu aux arts et au bien de la France.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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18
p. 815-819
REPONSE à l'Epitre de M. Carrelet d'Hautefeuille, imprimée dans le Mercure de Janvier dernier, par Mlle de Malcrais de la Vigne , du Croissic en Bretagne.
Début :
Gent Cavalier, bien grammerci vous dis, [...]
Mots clefs :
Épître, Hirondelles, Clavicules, Outil divinatoire, Impromptu, Sortilège, Amants, Muses, Méduses
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texteReconnaissance textuelle : REPONSE à l'Epitre de M. Carrelet d'Hautefeuille, imprimée dans le Mercure de Janvier dernier, par Mlle de Malcrais de la Vigne , du Croissic en Bretagne.
REPONSE à l'Epitre de M. Carrelet
d'Hautefeuille , imprimée dans le Mercure
de Janvier dernier , par Me de
Malcrais de la Vigne , du Croissic en
Bretagne.
Gent Cavalier, bien grammercî vous dis ,
Du soin courtois que votre veine a pris ,
De parfumer mes tendres Hirondelles ,
Du pur encens de ses mets trés-exquis.
Peut être même en passant iront-elles ,
Quelque matin , le Soleil paroissant ,
Sur la fenêtre ou sur la cheminée ,
Vous begayer d'un ton reconnoissant ,
Une Chanson longuement fredonnée ,
Dont pesterez dans votre entendement ,
Vous qui dormez la grasse matinée ,
Et maudirez leur aigu compliment.
Scachez pourtant qu'à mon ordre est allée,
Dans vos cantons cette Amdassade aîlée.
Par quoi j'ai cru qu'admonesté dûment ,
Ne leurs feriez sur ce querelle aucune ;
Ains
816 MERCURE DE FRANCE
Ains daignericz les traiter poliment.
Mais si de près voulez avec quelqu'une ,
Avoir Colloque ; oyez ; voici comment.
N'allez d'abord vous mettre en la memoire ,'
Que de Merluche ( 1 ) ou de telles Circez , ( 2 )
Ou d'Agrippa (3 ) j'entende le Grimoire.
Point n'ai porté sur mes doigts renversez ,
De Jacque Aimard ( 4 ) l'outil divinatoire ;
Point n'est en moi d'intelligence assez ,
Pour penetrer les sombres Clavicules , (s )
Dont on nous fait des contes ridicules,
Crus neanmoins de beaucoup d'insensez.
Onc n'ai tenté des routes inconnuës , ( 6 )
Dans la nuit brune allant les pieds graissez
Sur un balai galoppant par les ruës.
Tout le secret dont allez être instruit ,
N'est Art magique , ains chose naturelle .
Si voulez donc happer une Hirondelle ,
Marcher yous faut à pas comptez , sans bruit ;
Puis sur la queue un grain de sel lui mettre ;
1 ) Celebre Fée connue dans les Contes de
Ma d'Aunoy.
(2) Fille du Soleil ,fameuse Magicienne.
(3 ) Henry Corneille Agrippa , a fait des Livres
de Magie.
(4) Voyez la Baguette divinatoire de M. de
Vallemont.
(s )Livrefaussement attribué à Salomon .
(6) Contes que débitent les Vieilles de ce
Pays-cy.
Ainst
AVRIL. 817 1731.
Ainsi prendrez , j'ose vous le promettre ,
L'Oiseau sysdit , ou je perdrai mon nom.
Voyez qu'ici n'est aucun sortilege.
Les Croisiquois n'ont le vilain renom ,
(Je le proteste et m'en donne pour plége )
D'être Sorciers : bien sont- ils gens imbus ,
D'Arts Libèraux , forts sur les impromtus ,
Le sel piquant qu'exalent nos Salines , ( 1 )
Rarefié par petites bruines ,
Porte en leur sang cette vivacité ,
D'où germe en eux la cointe urbanité.
Quant au beau Sexe , il n'a d'autre Magic ,
Que l'air divin de ses appas charmans ,
Et les beautez d'un merveilleux génie.
Leurs yeux actifs sont les fins Négromans
Dont un regard prend et rend asservie ,
La liberté des moins tendres Amans
Mieux qu'aucun Philtre ; et ces aimables Muses ,
Comme chez vous ne sont pas des Méduses , (2)
Leur caractere est sur tout la douceur ,
Que suit de près la franchise de coeur.
Table de Jeu faite en façon gentille ,
Est leur Parnasse , et Cartes de Quadrille ,
Les Livres sont qu'elles ont dans les mains ,
Le fier Plutus ( 3 ) Dieu respecté de maints
( 1 ) Notre Péninsule est presque environnée
de Salines.
(2 ) Voyez les Metamorphoses d'Ovide.
(3) Plutus , Dien des Richesses,
I EC
18 MERCURE DE FRANCE.
Est l'Apollon , Fortune est la Minerve ,
Dont leur ferycur implore le secours ,
Les conjurant de seconder leur verve.
Point on n'y gronde , et chez elles toujours ,
Joyeuse humeur se voit entrer en danse ,
Fors quand du jeu la quinteuse inconstancë ,
Vient par malheur déranger leur finance ;
Mais il paroît qu'aux lieux d'où m'écrivéz ,
Ne sont par trop les Muses enjouées ;
Ains bien plutôt d'autre humeur sont dotées,
Quoi pour avoir dans mon cerveau trouvez ,
Tendres blasons ; leurs coeurs sont aggravez,
En contre moi ; les voilà dire émués
Et sur le champ Méduses devenues ,
Me menaçant faire un mauvais parti.
Siecles futurs , le pourrez- vous bien croires
Tel brin d'ouvrage être si mal lotti !
Ai-je appellé , le cas est-il notoire ?
Le Corbeau blanc et la Colombe noire à
O sort fatal ! si pour de galants Vers ,
Aller me font le capot à l'envers . રે
En outre , ô Ciel ! détournez-en l'augure;
Je meurs d'effroi , quand mon oeil se figure ;
Voir tout à coup leurs blonds cheveux changez
En longs Serpens de me mordre enragez.
Or desormais , ô prodige !ô merveille !
Comme il se lit de l'Eve de Milton , ( f )
(1) Voyez le Paradis perda de Milton.
Dormir
AVRIL.
$ 19 131.
Dormir s'en vont le Serpent sous l'oreille:
Hélas ! je songe au milieu du frisson ,
Qui me saisit , que déqualifiée ,
Toute ma chair est ja pétrifiée , (1 )
Ce nonobstant rappellant ma raison ,
Je vois qu'à tort crainte est chez moi montée ,
Car leur colere a beau s'être pointec ,
Pòur m'abîmer , leurs coups sont superflus ;
Jusqu'au Croissic n'en viendra la portée ,
S'étendra-t'elle aussi loin même , et plus
Que Pistolets , Fusils et Carabines ,
Que Fauconneaux , Canons et Couleuvrines .
Mais en lisant ces propos my gaulois ,
Monsieur , peut-être avez bâaillé six fois ,
Et souhaitez à la pauvre Rimeuse ,
Papier humide , ancre blanche ou bourbeuse ,
Plume essorée avec la goutte aux doigts ,
Puis ajoûtez , comme un certain Valois , ( 1)
Dit quelque part , que femmes sont verbenses s
Donc sans délai cette Epitre finis ,
Vous repettant mon Antienne premiere :
Des Vers qu'avez pour moi mis en lumieres
Gent Cavalier , bien grommerci vous dis.
(1 ) Méduse pétrifioit ceux qui la regar
deient.
(2) Henri de Valois disoit que les femmer
étoient werbenses. Voyez le Valesiana.
d'Hautefeuille , imprimée dans le Mercure
de Janvier dernier , par Me de
Malcrais de la Vigne , du Croissic en
Bretagne.
Gent Cavalier, bien grammercî vous dis ,
Du soin courtois que votre veine a pris ,
De parfumer mes tendres Hirondelles ,
Du pur encens de ses mets trés-exquis.
Peut être même en passant iront-elles ,
Quelque matin , le Soleil paroissant ,
Sur la fenêtre ou sur la cheminée ,
Vous begayer d'un ton reconnoissant ,
Une Chanson longuement fredonnée ,
Dont pesterez dans votre entendement ,
Vous qui dormez la grasse matinée ,
Et maudirez leur aigu compliment.
Scachez pourtant qu'à mon ordre est allée,
Dans vos cantons cette Amdassade aîlée.
Par quoi j'ai cru qu'admonesté dûment ,
Ne leurs feriez sur ce querelle aucune ;
Ains
816 MERCURE DE FRANCE
Ains daignericz les traiter poliment.
Mais si de près voulez avec quelqu'une ,
Avoir Colloque ; oyez ; voici comment.
N'allez d'abord vous mettre en la memoire ,'
Que de Merluche ( 1 ) ou de telles Circez , ( 2 )
Ou d'Agrippa (3 ) j'entende le Grimoire.
Point n'ai porté sur mes doigts renversez ,
De Jacque Aimard ( 4 ) l'outil divinatoire ;
Point n'est en moi d'intelligence assez ,
Pour penetrer les sombres Clavicules , (s )
Dont on nous fait des contes ridicules,
Crus neanmoins de beaucoup d'insensez.
Onc n'ai tenté des routes inconnuës , ( 6 )
Dans la nuit brune allant les pieds graissez
Sur un balai galoppant par les ruës.
Tout le secret dont allez être instruit ,
N'est Art magique , ains chose naturelle .
Si voulez donc happer une Hirondelle ,
Marcher yous faut à pas comptez , sans bruit ;
Puis sur la queue un grain de sel lui mettre ;
1 ) Celebre Fée connue dans les Contes de
Ma d'Aunoy.
(2) Fille du Soleil ,fameuse Magicienne.
(3 ) Henry Corneille Agrippa , a fait des Livres
de Magie.
(4) Voyez la Baguette divinatoire de M. de
Vallemont.
(s )Livrefaussement attribué à Salomon .
(6) Contes que débitent les Vieilles de ce
Pays-cy.
Ainst
AVRIL. 817 1731.
Ainsi prendrez , j'ose vous le promettre ,
L'Oiseau sysdit , ou je perdrai mon nom.
Voyez qu'ici n'est aucun sortilege.
Les Croisiquois n'ont le vilain renom ,
(Je le proteste et m'en donne pour plége )
D'être Sorciers : bien sont- ils gens imbus ,
D'Arts Libèraux , forts sur les impromtus ,
Le sel piquant qu'exalent nos Salines , ( 1 )
Rarefié par petites bruines ,
Porte en leur sang cette vivacité ,
D'où germe en eux la cointe urbanité.
Quant au beau Sexe , il n'a d'autre Magic ,
Que l'air divin de ses appas charmans ,
Et les beautez d'un merveilleux génie.
Leurs yeux actifs sont les fins Négromans
Dont un regard prend et rend asservie ,
La liberté des moins tendres Amans
Mieux qu'aucun Philtre ; et ces aimables Muses ,
Comme chez vous ne sont pas des Méduses , (2)
Leur caractere est sur tout la douceur ,
Que suit de près la franchise de coeur.
Table de Jeu faite en façon gentille ,
Est leur Parnasse , et Cartes de Quadrille ,
Les Livres sont qu'elles ont dans les mains ,
Le fier Plutus ( 3 ) Dieu respecté de maints
( 1 ) Notre Péninsule est presque environnée
de Salines.
(2 ) Voyez les Metamorphoses d'Ovide.
(3) Plutus , Dien des Richesses,
I EC
18 MERCURE DE FRANCE.
Est l'Apollon , Fortune est la Minerve ,
Dont leur ferycur implore le secours ,
Les conjurant de seconder leur verve.
Point on n'y gronde , et chez elles toujours ,
Joyeuse humeur se voit entrer en danse ,
Fors quand du jeu la quinteuse inconstancë ,
Vient par malheur déranger leur finance ;
Mais il paroît qu'aux lieux d'où m'écrivéz ,
Ne sont par trop les Muses enjouées ;
Ains bien plutôt d'autre humeur sont dotées,
Quoi pour avoir dans mon cerveau trouvez ,
Tendres blasons ; leurs coeurs sont aggravez,
En contre moi ; les voilà dire émués
Et sur le champ Méduses devenues ,
Me menaçant faire un mauvais parti.
Siecles futurs , le pourrez- vous bien croires
Tel brin d'ouvrage être si mal lotti !
Ai-je appellé , le cas est-il notoire ?
Le Corbeau blanc et la Colombe noire à
O sort fatal ! si pour de galants Vers ,
Aller me font le capot à l'envers . રે
En outre , ô Ciel ! détournez-en l'augure;
Je meurs d'effroi , quand mon oeil se figure ;
Voir tout à coup leurs blonds cheveux changez
En longs Serpens de me mordre enragez.
Or desormais , ô prodige !ô merveille !
Comme il se lit de l'Eve de Milton , ( f )
(1) Voyez le Paradis perda de Milton.
Dormir
AVRIL.
$ 19 131.
Dormir s'en vont le Serpent sous l'oreille:
Hélas ! je songe au milieu du frisson ,
Qui me saisit , que déqualifiée ,
Toute ma chair est ja pétrifiée , (1 )
Ce nonobstant rappellant ma raison ,
Je vois qu'à tort crainte est chez moi montée ,
Car leur colere a beau s'être pointec ,
Pòur m'abîmer , leurs coups sont superflus ;
Jusqu'au Croissic n'en viendra la portée ,
S'étendra-t'elle aussi loin même , et plus
Que Pistolets , Fusils et Carabines ,
Que Fauconneaux , Canons et Couleuvrines .
Mais en lisant ces propos my gaulois ,
Monsieur , peut-être avez bâaillé six fois ,
Et souhaitez à la pauvre Rimeuse ,
Papier humide , ancre blanche ou bourbeuse ,
Plume essorée avec la goutte aux doigts ,
Puis ajoûtez , comme un certain Valois , ( 1)
Dit quelque part , que femmes sont verbenses s
Donc sans délai cette Epitre finis ,
Vous repettant mon Antienne premiere :
Des Vers qu'avez pour moi mis en lumieres
Gent Cavalier , bien grommerci vous dis.
(1 ) Méduse pétrifioit ceux qui la regar
deient.
(2) Henri de Valois disoit que les femmer
étoient werbenses. Voyez le Valesiana.
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Résumé : REPONSE à l'Epitre de M. Carrelet d'Hautefeuille, imprimée dans le Mercure de Janvier dernier, par Mlle de Malcrais de la Vigne , du Croissic en Bretagne.
Le texte est une réponse à une épître de M. Carrelet d'Hautefeuille, publiée dans le Mercure de Janvier précédent, écrite par Mme de Malcrais de la Vigne du Croissic en Bretagne. L'auteur exprime sa gratitude pour les compliments sur ses 'tendres Hirondelles' et espère que ses poèmes pourront un jour égayer le destinataire. Elle explique que ses poèmes ne contiennent aucun art magique mais des conseils naturels pour capturer une hirondelle, symbolisant ainsi la simplicité et la nature de son œuvre. Elle décrit les habitants du Croissic comme des personnes imbues d'arts libéraux et dotées d'une urbanité particulière grâce au sel des salines locales. Elle vante également la douceur et la franchise des femmes de sa région, comparant leur charme à une magie naturelle. L'auteur mentionne que les femmes du Croissic trouvent leur inspiration dans les jeux de cartes et les livres, et qu'elles sont toujours de bonne humeur, sauf lorsqu'elles perdent au jeu. Elle exprime sa crainte face à la colère des femmes du Croissic, comparant leur potentiel de nuisance à des Méduses. Elle conclut en remerciant à nouveau le destinataire pour ses vers et en terminant l'épître.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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19
p. 980-988
METAMORPHOSE DU PRINCE CAULO ET DE LA NIMPHE ORITHIE. Par M. de Verrieres, de l'Académie Royale des Belles Lettres de Caen, lûë dans l'Académie le 18. Janvier 1731.
Début :
Avant que de m'engager dans la lecture de cette Métamorphose, je crois / Au monde il n'est plages si reculées [...]
Mots clefs :
Métamorphose, Histoire poétique, Histoire fabuleuse, Muses, Apollon, Joconde, Amant, Zéphyrs, Asile
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texteReconnaissance textuelle : METAMORPHOSE DU PRINCE CAULO ET DE LA NIMPHE ORITHIE. Par M. de Verrieres, de l'Académie Royale des Belles Lettres de Caen, lûë dans l'Académie le 18. Janvier 1731.
METAMORPHOSE
DU PRINCE CAULO
ET
DE LA NIMPHE ORITHIE.
Par M. de Verrieres , de l'Académie Royale
des Belles Lettres de Caen , lûë dans l'Académie
le 18. Janvier 1731.
A
ir
Vant que de m'engager dans la lecture
de cette Métamorphose , je crois
qu'il ne sera pas inutile de la faire préceder
de quelques Remarques qui pourront servir
à l'intelligence du sujet.
L'Enlevement de la Nimphe Orithie par
Borée , est un point de l'Histoire fabuleuse
si généralement connu , que je croirois blesser
les lumieres des personnes qui m'écoutent
, si j'entrois là- dessus dans le moindre
détail. Je dis même les lumieres des Dames.
Je dois croire que celles qui honorent aujour-
A
1
AVRIL. 1731. 981
jourd'hui l'Académie de leur présence ont
du goût pour les Lettres , et qu'au moins
ne sont elles pas ignorantes dans les Sciences
légeres. C'est ainsi que j'appelle les Sciences
où elles peuvent entrer par des lectures
simplement amusantes ; des lectures , disje
, détachées de ces Sciences abstraites , où
f'on trouve à chaque pas des ronces des
épines , et des terres immenses à défricher ,
avant que de jouir de son travail.
L'Histoire Poëtique, et les Métamorphoses
d'Ovide sont entre les mains de tout le
monde. A la verité elles n'ont pas tout dit.
Quand on veut pousser ses recherches dans
'Histoire fabuleuse , on trouve encore à glaner
abondamment dans d'autres Auteurs .
La Métamorphose dont je viens de lire le
titre est une preuve. Si l'Héroine est géné
ralement connue , il n'en est peut-être pas
de même du Héros . On le chercheroit envain
chez les Grecs et les Romains , source
ordinaire où l'on a recours pour les faits anciens.
Caulo étoit d'un Païs où les uns ni les
autres ne pénetrerent jamais . Le Nord leur
étoit inconnu , et pour leur honneur ils auroient
mieux fait de s'en taire , que d'en rapporter
le peur qu'ils en ont dit sur des Mémoires
qui se refutoient d'eux-mêmes par le
merveilleux incroyable dont ils étoient remplis.
A la verité je dirois peut-être trop , si
Passurois que les peuples de ces Païs glacés
Gvj
ont
982 MERCURE DE FRANCE
1 ont de tout tems cultivé les Sciences : mais au
moins avoient ils soin de ne pas laisser dans
P'oubli les faits mémorables de leur tems
Ils les gravoient sur des rochers pour les
garantir de l'injure des siecles , et les transmettre
à la posterité. Les monumens qui en
restent dans le Nord, en font foi . Ils les
écrivoient en Vers , préjugé favorable pour
eux. Apollon ne dédaignoit pas d'éclairer
ces Climats sauvages , et les Muses y trou
voient des Sectateurs de leur culte. Que
penserai- je de ces Peuples ? L'augure en ess
facile à tirer : Capables de Science , malheu
reux de n'être pas éclairés par des lumieres
supérieures , il ne leur manquoit qu'un Pro+
tecteur éloquent , judicieux , poli , zélé pour
les Lettres , tel enfin que le nôtre , pour
disputer peut-être de prééminence avec l'Académie
si vantée d'Athénes:
Je ne balance point à prendre ici l'affir
mative : Puis- je moins faire pour la mémoi
re de nos ayeux : je dis nos ayeux ; ils le sont
sans doute , et n'est- ce pas de ces Peuples
que nous tirons notre origine ? N'est-ce pas
d'eux qu'est descendu jusqu'à nous ce génie
si propre à cultiver les Muses , et dont la
Province , et cette Ville en particulier , ont
donné tant de grands exemples .
Les Chroniques d'Iflande remontent aux
tems les plus reculés . Elles ont leurs differens
âges , ainsi que l'Histoire des Grecs
avoir
AVRIL. 1731. 983
avoit les siens. Age fabuleux , âge historique.
Il étoit des Herodotes , des Diodores
en Norvege , en Laponie , et dans la fameu
se Thulé , comme il en étoit en Grece et en
Sicile : Ces Chroniques , quoiqu'en partie
défectueuses , subsistent encore , et c'est où
j'ai puisé.mon sujet.
XXXXXXXXXXXXXX**
METAMORPHOSE
DU PRINCE CAULO
ET
DE LA NIMPHE ORITHIE
A
U monde il n'est plages si reculées
Qui de l'Amour ne sentent les ardeurs :
Torrens glacés , neiges amoncelées ,
Ne sont remparts.contre ses traits vainqueurs
Sa chaleur n'est par le froid amartie ,
D'un seul regard il fondroit un glaçon.
Témoin le Dieu qui par rapt fait moisson
Des doux appas de la belle ORITHIE.
Ce fut BORE'E. En des Climats déserts
Il conduisit son amoureuse Proye ,
Climats affreux d'où ce Dieu nous envoye!
Et les frimats et les tristes hivers,
984 MERCURE
DE FRANCE .
Là , par raisons que l'Amour lui dictoit ,
Il essayoit d'aprivoiser la Belle ;
?
Mais sur ce point guéres ne profitoit
Assez galant , ni jeune assez n'étoit
Pour adoucir fillette un peu cruelle
Et sa Captive à ses soupirs rebelle ,
Du rapt commis , toujours se lamentoit.
Tant fit oüir clameurs sur ce rivage ,
A ce's clameurs tant l'Echo répondit
Que l'Heritier d'un Roi du voisinage
Par un beau jour enfin les entendit .
CAULO , c'étoit le nom du personnage :
En son maintien , en sa taille , en son air ,
Caulo n'avoit les graces de JocoNDE ;
Mais sur un corps d'embonpoint peu couvert,
Son col portoit tête massive et ronde ,
3
De coeur au reste et noble et genereux ,
Sensible aussi , trop bien le sçut apprendre ,
Sensible , dis-je , aux tourmens amoureux ,
Plus fortuné s'il eut pû s'en défendre.´
Aux tons plaintifs , aux douloureux accens
Dont bien au loin retentistoit la Rive >
Caulo s'avance , il voit notre Captive ,
Poussant au Ciel mille cris languissans.
L'Amour alors , de la froide Scythie
D'un vol leger traversant les hauts Monts ,
Alloit sous l'Ourse enflammer les Lampons ::
Il voit Caulo contemplant Orithie.
A
AVRIL.
1731. 985
A cet aspect il s'arrête soudain ,
Puis méditant un moment en soi-même, ..
Sur ce mortel essayons notre main ,
Pour Orithie embrasons- lui le sein ,
Qu'il rende homage à mon pouvoir suprême.
Il dit : un trait à l'instant fut lancé.
Du trait fatal déja Caulo blessé ,
Se sent ému de pitié pour la Belle :
Il s'intéresse au sujet de fes pleurs ,
Il s'attendrit , il s'afflige avec elle.
Tandis qu'il plaint son destin , ses malheurs ,
Un feu brûlant qu'il ne peut plus contraindre
Déja l'agite , et trouble son repos :
Son propre mal le force de se plaindre ,
Et pour lui-même il s'explique en ces mots :
Quand trop touché de votre peine extrême ,
Je prens sur moi de vos maux la moitié,
Vos yeux , helas ! me contraignent moi-même
A demander pour moi votre pitié.
Un feu cuisant dans mes veines s'allume ,
Ce feu pour vous me brûle , et me consume
Jusqu'en mon coeur sa flâme s'est fait jour ;
Je sens déja mille ardeurs inquiétes ::
J'ai plaint vós maux , daignez à votre tour
Etre sensible à ceux que vous me faites.
A ce début la Belle resta court
>
Tant se trouva du compliment surprise
Caulo n'étoit formé de telle guise
Là
186 MERCURE DE FRANCE
A faire tôt goûter propos d'Amour.
L'objet cruel de sa pudeur blessée
Par les efforts de son premier Amant ,
Revint d'abord s'offrir à sa pensée ,
Et sans lui dire un adieu seulement ,
Caulo la vit , d'une course empressée j
Bien loin de lui s'enfuir légerement.
Par de longs cris envain il la rapelle ,
Envain il veut par ses pleurs l'arrêter ,
Pour mieux courir , loin de les écouter
Elle reprend une force nouvelle .
Loin d'Orithie , une triste langueur
Saisit Caulo , lui dévore le coeur;'
Tous les matins il venoit sur la rive
Où de la Nimphe il avoit vû les yeux ,
Recommencer en ces sauvages lieux ,
De ses tourmens la légende plaintive.
Que ne peut point une ardeur jeune et vive ,
Quand un Amant sçait se plaindre à propos ›
Caulo croyoit ne parler qu'aux Echos ,
Mais Orithie à ses cris attentive ,
Tout entendoit. Tant et tant en ouit
Que de son coeur la trempe s'amollit.
Comme au hazard elle s'offre à sa vuë
Un vif éclat qui sur son tein brilloit
Effet certain du feu qui la brûloit ,
D'attraits nouveaux sembloit l'avoir pourvûë.
D'un air timide où son amour est peint ,
Caule
AVRIL. 173.1.
Canlo s'approche , à ses genoux il tombe ,
Pressé du mal dont son coeur est atteint :
Est-ce pitié des maux où je succombe ,
Dit cet Amant , qui guide ici vos pas ?
Où venez-vous , peu sensible à mes larmes ,
N'offrir encore à mes yeux tant de charmes
Que pour hâter l'instant de mon trépas.
A ces doux mots plus ne fuit Orithie ;
D'une union par l'Amour assortie ,
: Leurs coeurs déja pressentoient les plaisirs
Lorsque Borée à travers un nuage ,
Dont il venoit de chasser les Zéphirs ,
Jusques aux bords de l'Affriquain rivage ,
Vit nos Amans ,, entendit leurs soupirs.
Dans la fureur dont cet objet l'anime
Ce fier Rival si prompt à s'irriter ,
Fond sur un Chêne , en releve la cime ,
Et mesurant le coup qu'il va porter ,
Prend ORITHIE et CAULO pour
Le bruit fut tel qu'au loin il s'épandit.
Du haut des Cieux Appollon l'entendit
Sur nos Amans ce Dieu jette la vûë.
Ce triste objet sa course suspendit.
Pour eux enfin sa pitié fut émuë.
Des noeuds , dit- il , qui sçurent les unir
Ne laissons pas éteindre la mémoire ,
Par mes bienfaits conservons - en l'histoire ,
t la portons aux siécles à venir,
victime
Que
988 MERCURE DE FRANCE
Qué , chacun d'eux devenu plante utile ,
Ils soient l'honneur des Jardins potagers
Et que tous deux n'ayant qu'un même azile ,
Bravent toujours Borée et ses dangers.
Il dit alors leurs corps se retrécissent
De longs filets leurs jambes se hérissent.
Caulo déja n'est plus en ce moment
Qu'un tronc grossier surmonté pésammen
D'un lourd amas de feuilles entassées ;
Par cent replis entr'elles enlassées.
Aux mêmes loix soumise également ,
La tendre Nimphe encor peu
rassurée
Contre le coup qui vient de l'accabler
Erre sous terre , et và s'y receler ,
Ponr éviter les fureurs de Borée.
Là , de frayeur s'enfonçant jusqu'au cou ,
Tandis que l'autre à ses côtez s'éleve ,
Dans le moment que leur destin s'acheve ,
L'une devient CAROTTE , et l'autre CHOU.
DU PRINCE CAULO
ET
DE LA NIMPHE ORITHIE.
Par M. de Verrieres , de l'Académie Royale
des Belles Lettres de Caen , lûë dans l'Académie
le 18. Janvier 1731.
A
ir
Vant que de m'engager dans la lecture
de cette Métamorphose , je crois
qu'il ne sera pas inutile de la faire préceder
de quelques Remarques qui pourront servir
à l'intelligence du sujet.
L'Enlevement de la Nimphe Orithie par
Borée , est un point de l'Histoire fabuleuse
si généralement connu , que je croirois blesser
les lumieres des personnes qui m'écoutent
, si j'entrois là- dessus dans le moindre
détail. Je dis même les lumieres des Dames.
Je dois croire que celles qui honorent aujour-
A
1
AVRIL. 1731. 981
jourd'hui l'Académie de leur présence ont
du goût pour les Lettres , et qu'au moins
ne sont elles pas ignorantes dans les Sciences
légeres. C'est ainsi que j'appelle les Sciences
où elles peuvent entrer par des lectures
simplement amusantes ; des lectures , disje
, détachées de ces Sciences abstraites , où
f'on trouve à chaque pas des ronces des
épines , et des terres immenses à défricher ,
avant que de jouir de son travail.
L'Histoire Poëtique, et les Métamorphoses
d'Ovide sont entre les mains de tout le
monde. A la verité elles n'ont pas tout dit.
Quand on veut pousser ses recherches dans
'Histoire fabuleuse , on trouve encore à glaner
abondamment dans d'autres Auteurs .
La Métamorphose dont je viens de lire le
titre est une preuve. Si l'Héroine est géné
ralement connue , il n'en est peut-être pas
de même du Héros . On le chercheroit envain
chez les Grecs et les Romains , source
ordinaire où l'on a recours pour les faits anciens.
Caulo étoit d'un Païs où les uns ni les
autres ne pénetrerent jamais . Le Nord leur
étoit inconnu , et pour leur honneur ils auroient
mieux fait de s'en taire , que d'en rapporter
le peur qu'ils en ont dit sur des Mémoires
qui se refutoient d'eux-mêmes par le
merveilleux incroyable dont ils étoient remplis.
A la verité je dirois peut-être trop , si
Passurois que les peuples de ces Païs glacés
Gvj
ont
982 MERCURE DE FRANCE
1 ont de tout tems cultivé les Sciences : mais au
moins avoient ils soin de ne pas laisser dans
P'oubli les faits mémorables de leur tems
Ils les gravoient sur des rochers pour les
garantir de l'injure des siecles , et les transmettre
à la posterité. Les monumens qui en
restent dans le Nord, en font foi . Ils les
écrivoient en Vers , préjugé favorable pour
eux. Apollon ne dédaignoit pas d'éclairer
ces Climats sauvages , et les Muses y trou
voient des Sectateurs de leur culte. Que
penserai- je de ces Peuples ? L'augure en ess
facile à tirer : Capables de Science , malheu
reux de n'être pas éclairés par des lumieres
supérieures , il ne leur manquoit qu'un Pro+
tecteur éloquent , judicieux , poli , zélé pour
les Lettres , tel enfin que le nôtre , pour
disputer peut-être de prééminence avec l'Académie
si vantée d'Athénes:
Je ne balance point à prendre ici l'affir
mative : Puis- je moins faire pour la mémoi
re de nos ayeux : je dis nos ayeux ; ils le sont
sans doute , et n'est- ce pas de ces Peuples
que nous tirons notre origine ? N'est-ce pas
d'eux qu'est descendu jusqu'à nous ce génie
si propre à cultiver les Muses , et dont la
Province , et cette Ville en particulier , ont
donné tant de grands exemples .
Les Chroniques d'Iflande remontent aux
tems les plus reculés . Elles ont leurs differens
âges , ainsi que l'Histoire des Grecs
avoir
AVRIL. 1731. 983
avoit les siens. Age fabuleux , âge historique.
Il étoit des Herodotes , des Diodores
en Norvege , en Laponie , et dans la fameu
se Thulé , comme il en étoit en Grece et en
Sicile : Ces Chroniques , quoiqu'en partie
défectueuses , subsistent encore , et c'est où
j'ai puisé.mon sujet.
XXXXXXXXXXXXXX**
METAMORPHOSE
DU PRINCE CAULO
ET
DE LA NIMPHE ORITHIE
A
U monde il n'est plages si reculées
Qui de l'Amour ne sentent les ardeurs :
Torrens glacés , neiges amoncelées ,
Ne sont remparts.contre ses traits vainqueurs
Sa chaleur n'est par le froid amartie ,
D'un seul regard il fondroit un glaçon.
Témoin le Dieu qui par rapt fait moisson
Des doux appas de la belle ORITHIE.
Ce fut BORE'E. En des Climats déserts
Il conduisit son amoureuse Proye ,
Climats affreux d'où ce Dieu nous envoye!
Et les frimats et les tristes hivers,
984 MERCURE
DE FRANCE .
Là , par raisons que l'Amour lui dictoit ,
Il essayoit d'aprivoiser la Belle ;
?
Mais sur ce point guéres ne profitoit
Assez galant , ni jeune assez n'étoit
Pour adoucir fillette un peu cruelle
Et sa Captive à ses soupirs rebelle ,
Du rapt commis , toujours se lamentoit.
Tant fit oüir clameurs sur ce rivage ,
A ce's clameurs tant l'Echo répondit
Que l'Heritier d'un Roi du voisinage
Par un beau jour enfin les entendit .
CAULO , c'étoit le nom du personnage :
En son maintien , en sa taille , en son air ,
Caulo n'avoit les graces de JocoNDE ;
Mais sur un corps d'embonpoint peu couvert,
Son col portoit tête massive et ronde ,
3
De coeur au reste et noble et genereux ,
Sensible aussi , trop bien le sçut apprendre ,
Sensible , dis-je , aux tourmens amoureux ,
Plus fortuné s'il eut pû s'en défendre.´
Aux tons plaintifs , aux douloureux accens
Dont bien au loin retentistoit la Rive >
Caulo s'avance , il voit notre Captive ,
Poussant au Ciel mille cris languissans.
L'Amour alors , de la froide Scythie
D'un vol leger traversant les hauts Monts ,
Alloit sous l'Ourse enflammer les Lampons ::
Il voit Caulo contemplant Orithie.
A
AVRIL.
1731. 985
A cet aspect il s'arrête soudain ,
Puis méditant un moment en soi-même, ..
Sur ce mortel essayons notre main ,
Pour Orithie embrasons- lui le sein ,
Qu'il rende homage à mon pouvoir suprême.
Il dit : un trait à l'instant fut lancé.
Du trait fatal déja Caulo blessé ,
Se sent ému de pitié pour la Belle :
Il s'intéresse au sujet de fes pleurs ,
Il s'attendrit , il s'afflige avec elle.
Tandis qu'il plaint son destin , ses malheurs ,
Un feu brûlant qu'il ne peut plus contraindre
Déja l'agite , et trouble son repos :
Son propre mal le force de se plaindre ,
Et pour lui-même il s'explique en ces mots :
Quand trop touché de votre peine extrême ,
Je prens sur moi de vos maux la moitié,
Vos yeux , helas ! me contraignent moi-même
A demander pour moi votre pitié.
Un feu cuisant dans mes veines s'allume ,
Ce feu pour vous me brûle , et me consume
Jusqu'en mon coeur sa flâme s'est fait jour ;
Je sens déja mille ardeurs inquiétes ::
J'ai plaint vós maux , daignez à votre tour
Etre sensible à ceux que vous me faites.
A ce début la Belle resta court
>
Tant se trouva du compliment surprise
Caulo n'étoit formé de telle guise
Là
186 MERCURE DE FRANCE
A faire tôt goûter propos d'Amour.
L'objet cruel de sa pudeur blessée
Par les efforts de son premier Amant ,
Revint d'abord s'offrir à sa pensée ,
Et sans lui dire un adieu seulement ,
Caulo la vit , d'une course empressée j
Bien loin de lui s'enfuir légerement.
Par de longs cris envain il la rapelle ,
Envain il veut par ses pleurs l'arrêter ,
Pour mieux courir , loin de les écouter
Elle reprend une force nouvelle .
Loin d'Orithie , une triste langueur
Saisit Caulo , lui dévore le coeur;'
Tous les matins il venoit sur la rive
Où de la Nimphe il avoit vû les yeux ,
Recommencer en ces sauvages lieux ,
De ses tourmens la légende plaintive.
Que ne peut point une ardeur jeune et vive ,
Quand un Amant sçait se plaindre à propos ›
Caulo croyoit ne parler qu'aux Echos ,
Mais Orithie à ses cris attentive ,
Tout entendoit. Tant et tant en ouit
Que de son coeur la trempe s'amollit.
Comme au hazard elle s'offre à sa vuë
Un vif éclat qui sur son tein brilloit
Effet certain du feu qui la brûloit ,
D'attraits nouveaux sembloit l'avoir pourvûë.
D'un air timide où son amour est peint ,
Caule
AVRIL. 173.1.
Canlo s'approche , à ses genoux il tombe ,
Pressé du mal dont son coeur est atteint :
Est-ce pitié des maux où je succombe ,
Dit cet Amant , qui guide ici vos pas ?
Où venez-vous , peu sensible à mes larmes ,
N'offrir encore à mes yeux tant de charmes
Que pour hâter l'instant de mon trépas.
A ces doux mots plus ne fuit Orithie ;
D'une union par l'Amour assortie ,
: Leurs coeurs déja pressentoient les plaisirs
Lorsque Borée à travers un nuage ,
Dont il venoit de chasser les Zéphirs ,
Jusques aux bords de l'Affriquain rivage ,
Vit nos Amans ,, entendit leurs soupirs.
Dans la fureur dont cet objet l'anime
Ce fier Rival si prompt à s'irriter ,
Fond sur un Chêne , en releve la cime ,
Et mesurant le coup qu'il va porter ,
Prend ORITHIE et CAULO pour
Le bruit fut tel qu'au loin il s'épandit.
Du haut des Cieux Appollon l'entendit
Sur nos Amans ce Dieu jette la vûë.
Ce triste objet sa course suspendit.
Pour eux enfin sa pitié fut émuë.
Des noeuds , dit- il , qui sçurent les unir
Ne laissons pas éteindre la mémoire ,
Par mes bienfaits conservons - en l'histoire ,
t la portons aux siécles à venir,
victime
Que
988 MERCURE DE FRANCE
Qué , chacun d'eux devenu plante utile ,
Ils soient l'honneur des Jardins potagers
Et que tous deux n'ayant qu'un même azile ,
Bravent toujours Borée et ses dangers.
Il dit alors leurs corps se retrécissent
De longs filets leurs jambes se hérissent.
Caulo déja n'est plus en ce moment
Qu'un tronc grossier surmonté pésammen
D'un lourd amas de feuilles entassées ;
Par cent replis entr'elles enlassées.
Aux mêmes loix soumise également ,
La tendre Nimphe encor peu
rassurée
Contre le coup qui vient de l'accabler
Erre sous terre , et và s'y receler ,
Ponr éviter les fureurs de Borée.
Là , de frayeur s'enfonçant jusqu'au cou ,
Tandis que l'autre à ses côtez s'éleve ,
Dans le moment que leur destin s'acheve ,
L'une devient CAROTTE , et l'autre CHOU.
Fermer
Résumé : METAMORPHOSE DU PRINCE CAULO ET DE LA NIMPHE ORITHIE. Par M. de Verrieres, de l'Académie Royale des Belles Lettres de Caen, lûë dans l'Académie le 18. Janvier 1731.
Le texte 'Métamorphose du Prince Caulo et de la Nymphe Orithie' de M. de Verrières, présenté à l'Académie Royale des Belles Lettres de Caen le 18 janvier 1731, aborde l'enlèvement de la nymphe Orithie par Borée, un thème classique de la mythologie. L'auteur présume que son public, y compris les dames présentes, est familier avec les sciences légères et les métamorphoses d'Ovide. Il introduit ensuite Caulo, un héros méconnu des Grecs et des Romains, originaire du Nord, une région peu connue des anciens. L'histoire narre comment Borée enlève Orithie et tente de l'apprivoiser dans des climats déserts. Les plaintes d'Orithie attirent l'attention de Caulo, un prince au cœur noble et généreux. Ému par la souffrance d'Orithie, Caulo s'éprend d'elle. Après plusieurs tentatives infructueuses pour la séduire, Orithie finit par céder à ses avances. Leur union est interrompue par Borée, jaloux, qui les transforme en plantes. Apollon, touché par leur sort, décide de les métamorphoser en carotte et en chou, leur permettant ainsi de braver les dangers de Borée et de devenir utiles dans les jardins potagers.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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20
p. 1024-1027
LE FAUNE, ÉGLOGUE. À M. le Come de Saint Florentin, pendant son séjour à Châteauneuf.
Début :
Muses, qui vous plaisez dans les gras pâturages, [...]
Mots clefs :
Faune, Muses, Solitude, Bergers, Caprice
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE FAUNE, ÉGLOGUE. À M. le Come de Saint Florentin, pendant son séjour à Châteauneuf.
LE FA UNE
{
EGLOGUE.
A M. le Come de Saint Florentin , pendant
son séjour à Châteauneuf.
M
Uses , qui vous plaisez dans les gras pêturages
,
Et vous entretenir de Bois et de Rivages ,
Donnez à vos chansons un peu de dignité ;
On n'aime pas toujours tant de simplicité ,
Le lierre rampant et la verte fougere ,
>
Aux grands , ainsi qu'à nous , n'ont pas le droit
de plaire ,
Offrez d'autres objets , et sçachez - en choisir
Qui puissent d'un Ministre amuser le loisir.
2
pro-
Dans le creux d'un Vallon , solitude
fonde ,
Lieux ignorant encor le tumulte du monde ,
Le jeune Celadon , et Daphnis , son ami ,
Virent sous un Tilleüil un vieux Faune endormi.
'Aussi - tôt se coulant à travers le Bocage ,
Tous deux de ce sommeil saisissent l'avantage ,
Et d'une chaîne faite , et de sauge et de Thym ;
Pour arrêter le Dieu , l'embarrassent soudain.
Car
MA Y. 1731 .
1025
Car il avoit souvent par force , ou par adresse ,
En fuyant de leurs mains éludé sa promesse ,
Et differé toujours de leur chanter les Vers
Qu'il avoit composés sur le vaste Univers.
Cette fois les Bergers craignent peu son caprice
,
Il s'éveille , et comme eux riant de leur malice
:
C'est assez , leur dit- il , enfans , rompez ces
noeuds ,
Il est juste à la fin de contenter vos voeux.
Les Bergers à ces mots s'asseyent pour entendre
,
Et le Faune commencé ainsi sans se deffendre.
Avant que le Soleil eut l'Empire des airs ,
Et qu'on peut distinguer et la Terre et les
Mers ,
Tout ce qu'offre à vos yeux avec tant d'artifice
,
De l'Univers entier le superbe édifice ,
Dans un commun principe ensemble confondu ,
`N'étoit qu'un noir brouillard vainement étendu
Une eau presqu'insensible , et sombre d'ellemême
,
Que d'un stérile noeud lioit un froid extrême.
Mais si- tôt que l'esprit qui voloit sur les
flots ,
Eût dans son vaste sein embrassé ce cahos ,
Sa féconde chaleur digerant la matiere , .
De l'Extrait qu'elle en fit composa la lumiere.
B vj
De
1026 MERCURE DE FRANCE
De ce jour toutefois , l'immortelle clarté ,
Ne fut point en tous lieux d'égale pureté :
La haute région plus vive et plus legere ,
En un feu tout divin vît transformer sa Sphere ,
La plus basse languit , et sa fausse vigueur ,
Ne pût précipiter un reste de vapeur .
Entre ces deux excès , la suprême sagesse ,
Bien tôt d'un ciel moyen fit briller la richesse
le Firmament conduisit les secours ,
Que sur nous l'Empirée épanche tous les jours.
Cependant par le feu , vers le centre chassées ,
Les tenebres s'étoient tout- à- fait condensées ,
Et d'un Globe solide inondé par dehors ,
Avoient pris sous les eaux la figure et le corps :
Mais lorsque resserrée en de justes limites ,
La Mer à son courroux eut des bornes pres
crites ,
Et par
La Terre s'éleva brillante des couleurs ,
Dont l'ornoient en naissant la verdure et les
fleurs.
Nul animal d'abord ne peupla les Montagnes ,.
Et les seules Forêts couvrirent les Campagnes :
Du jour trop répandu la molle impression ,
Bornoit au vegetable une foible action ,
Et n'eût produit jamais que d'inutiles Plantes ,
Si pour en ranimer les forces languissantes ,
De ses feux dispersés l'esprit avec succès ,
Dans le corps du Soleil n'eût réüni les traits,
AussiMAY.
1731. 1027
Aussi-tôt la Nature achevant ses Ouvrages ,
Les Oyseaux de leurs Chants remplirent les Boccages
,
Le Taureau rumina sur le bord des Ruisseaux ,
La Chevre et la Brebis chercherent les Côteaux ,
Le Loup du Bois voisin sortit pour les surprendre,,
Et le Chien accourut ardent à les deffendre.
Enfin pour couronner ces Miracles divers ,
Vous vintes , vous Mortels , habiter l'Univers .
Chef-d'oeuvre merveilleux de la Toute- Puissance,
Qui voulut sur vos fronts tracer sa ressemblance,
Tout reconnut vos Loix , tout servit vos desirs ,
Et tout brigua l'honneur d'entrer dans vos plaisirs.
Heureux si de vos champs , par un triste caprice,
Jamais l'ambition n'eût banni la justice ;
L'innocence et la paix , ineffables présens :
Que l'Olimpe ne rend qu'à ses plus chers enfans,
Devoient combler vos jours d'une joye éternelle ?
Ainsi l'avoit reglé sa bonté paternelle .
Rappellez des biensfaits à regret enlevez
>
Et les connoissez mieux , vous qui les recevez ; .
Mais déja ces Vallons me paroissent plus sombres
,
Bergers , et le Soleil laisse grandir les ombres ,.
Avant que tout-à- fait il passe sous ces eaux
Allez et retournez tous deux à vos Troupeaux.
M. de Richebourg-
{
EGLOGUE.
A M. le Come de Saint Florentin , pendant
son séjour à Châteauneuf.
M
Uses , qui vous plaisez dans les gras pêturages
,
Et vous entretenir de Bois et de Rivages ,
Donnez à vos chansons un peu de dignité ;
On n'aime pas toujours tant de simplicité ,
Le lierre rampant et la verte fougere ,
>
Aux grands , ainsi qu'à nous , n'ont pas le droit
de plaire ,
Offrez d'autres objets , et sçachez - en choisir
Qui puissent d'un Ministre amuser le loisir.
2
pro-
Dans le creux d'un Vallon , solitude
fonde ,
Lieux ignorant encor le tumulte du monde ,
Le jeune Celadon , et Daphnis , son ami ,
Virent sous un Tilleüil un vieux Faune endormi.
'Aussi - tôt se coulant à travers le Bocage ,
Tous deux de ce sommeil saisissent l'avantage ,
Et d'une chaîne faite , et de sauge et de Thym ;
Pour arrêter le Dieu , l'embarrassent soudain.
Car
MA Y. 1731 .
1025
Car il avoit souvent par force , ou par adresse ,
En fuyant de leurs mains éludé sa promesse ,
Et differé toujours de leur chanter les Vers
Qu'il avoit composés sur le vaste Univers.
Cette fois les Bergers craignent peu son caprice
,
Il s'éveille , et comme eux riant de leur malice
:
C'est assez , leur dit- il , enfans , rompez ces
noeuds ,
Il est juste à la fin de contenter vos voeux.
Les Bergers à ces mots s'asseyent pour entendre
,
Et le Faune commencé ainsi sans se deffendre.
Avant que le Soleil eut l'Empire des airs ,
Et qu'on peut distinguer et la Terre et les
Mers ,
Tout ce qu'offre à vos yeux avec tant d'artifice
,
De l'Univers entier le superbe édifice ,
Dans un commun principe ensemble confondu ,
`N'étoit qu'un noir brouillard vainement étendu
Une eau presqu'insensible , et sombre d'ellemême
,
Que d'un stérile noeud lioit un froid extrême.
Mais si- tôt que l'esprit qui voloit sur les
flots ,
Eût dans son vaste sein embrassé ce cahos ,
Sa féconde chaleur digerant la matiere , .
De l'Extrait qu'elle en fit composa la lumiere.
B vj
De
1026 MERCURE DE FRANCE
De ce jour toutefois , l'immortelle clarté ,
Ne fut point en tous lieux d'égale pureté :
La haute région plus vive et plus legere ,
En un feu tout divin vît transformer sa Sphere ,
La plus basse languit , et sa fausse vigueur ,
Ne pût précipiter un reste de vapeur .
Entre ces deux excès , la suprême sagesse ,
Bien tôt d'un ciel moyen fit briller la richesse
le Firmament conduisit les secours ,
Que sur nous l'Empirée épanche tous les jours.
Cependant par le feu , vers le centre chassées ,
Les tenebres s'étoient tout- à- fait condensées ,
Et d'un Globe solide inondé par dehors ,
Avoient pris sous les eaux la figure et le corps :
Mais lorsque resserrée en de justes limites ,
La Mer à son courroux eut des bornes pres
crites ,
Et par
La Terre s'éleva brillante des couleurs ,
Dont l'ornoient en naissant la verdure et les
fleurs.
Nul animal d'abord ne peupla les Montagnes ,.
Et les seules Forêts couvrirent les Campagnes :
Du jour trop répandu la molle impression ,
Bornoit au vegetable une foible action ,
Et n'eût produit jamais que d'inutiles Plantes ,
Si pour en ranimer les forces languissantes ,
De ses feux dispersés l'esprit avec succès ,
Dans le corps du Soleil n'eût réüni les traits,
AussiMAY.
1731. 1027
Aussi-tôt la Nature achevant ses Ouvrages ,
Les Oyseaux de leurs Chants remplirent les Boccages
,
Le Taureau rumina sur le bord des Ruisseaux ,
La Chevre et la Brebis chercherent les Côteaux ,
Le Loup du Bois voisin sortit pour les surprendre,,
Et le Chien accourut ardent à les deffendre.
Enfin pour couronner ces Miracles divers ,
Vous vintes , vous Mortels , habiter l'Univers .
Chef-d'oeuvre merveilleux de la Toute- Puissance,
Qui voulut sur vos fronts tracer sa ressemblance,
Tout reconnut vos Loix , tout servit vos desirs ,
Et tout brigua l'honneur d'entrer dans vos plaisirs.
Heureux si de vos champs , par un triste caprice,
Jamais l'ambition n'eût banni la justice ;
L'innocence et la paix , ineffables présens :
Que l'Olimpe ne rend qu'à ses plus chers enfans,
Devoient combler vos jours d'une joye éternelle ?
Ainsi l'avoit reglé sa bonté paternelle .
Rappellez des biensfaits à regret enlevez
>
Et les connoissez mieux , vous qui les recevez ; .
Mais déja ces Vallons me paroissent plus sombres
,
Bergers , et le Soleil laisse grandir les ombres ,.
Avant que tout-à- fait il passe sous ces eaux
Allez et retournez tous deux à vos Troupeaux.
M. de Richebourg-
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Résumé : LE FAUNE, ÉGLOGUE. À M. le Come de Saint Florentin, pendant son séjour à Châteauneuf.
Le texte est une églogue dédiée à M. le Comte de Saint Florentin, écrite pendant son séjour à Châteauneuf. Les bergers Céladon et Daphnis capturent un vieux Faune endormi pour l'obliger à chanter des vers qu'il avait promis. Amusé par leur ruse, le Faune accepte et commence son récit sur la création de l'univers. Avant la formation du monde, tout n'était qu'un brouillard sombre et une eau stérile. L'esprit divin, en embrassant ce chaos, créa la lumière. La haute région devint un feu divin, tandis que la basse région resta obscure. La sagesse divine créa ensuite un ciel moyen, le firmament, qui reçut les bienfaits de l'Empyrée. Les ténèbres se condensèrent en un globe solide, formant la Terre et les mers. La nature se développa ensuite, avec les plantes, les animaux et finalement les humains, chefs-d'œuvre de la Toute-Puissance. Le Faune termine en rappelant aux bergers les bienfaits de la justice et de la paix, avant de les renvoyer à leurs troupeaux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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21
p. 1317-1321
Œuvres mêlées du C. Hamilton, [titre d'après la table]
Début :
OEUVRES MESLÉES en Prose et en Vers. Par M. le Comte Antoine Hamilton. [...]
Mots clefs :
Épîtres, Chansons, Muses, Amour, Tendresse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Œuvres mêlées du C. Hamilton, [titre d'après la table]
OEUVRES MESLE'ES en Prose et en
Vers.Par M.le Comte Antoine Hamilton.
A Paris , rue S. Jacques , chez J. Fr. Fosse,
1731. in 12. de to5 . pages pour les Poë
sies , 156. pour les Lettres et Epitres.
94. pour les Chansons , et 131. pour
'Histoire de Zeneyde ;. &c..
1318 MERCURE DE FRANCE
Nous prendrons presque au hazard quel
ques morceaux dans ce Livre pour met
tre le Lecteur en état de juger , ou avoir
au moins quelque idée de ce Recueil.
LETTRE de Madame Thibergeau ;
à M. Hamilton.
Les Muses et l'Amour veulent de la jeunesse.
Je rimois autrefois , et rimois assez bien ,
Aujourd'hui le Parnasse , et la douce tendresse ,
Sont étrangers pour moi ; je n'y connois plus rien .
Ces quatre Vers , en Prose rimée , ne
font que trop foi de cette verité ; cepen
dant une Muse que j'avois flattée de voir
arriver ici le celebre Ant. Hamilton , s'é
toit engagée à ne me point abandonner
tant qu'il seroit avec moi , et à me four
nir encore assez de feu et de nobles pen
sées , pour chanter le preux Chevalier qui
doit metrre à chef l'entreprise de l'Ifla
d'Albion ; mais comme cet Antoine , Fa
vori du Parnasse , n'a point paru , la Muse
sur laquelle je comptois , m'a impitoya
blement refusé son secours et a pris son
vol vers la Lorraine , où , dit- elle , on
trouve en la personne de plusieurs belles
Chanoinesses , de veritables Muses . Le
brave Richard plaint ma peine, je l'aime,
je le goûte , je l'estime ; mais il ne m'ins
›
I. Vol. pire
JUI N. 1731 1319
pire rien de la part d'Apollon . Ainsi ré
duite à la Prose et à la simple amitié ,
mes Ecrits ne peuvent plus être que fa
des ou sérieux , et je prise trop notre il
lustre Hamilton , et les charmantes Da
mes de Poussay , pour ajoûter ici rien
de plus.
Réponse de M. Hamilton , à Madame
Thibergeau.
Il né falloit pas , Madame , nous en
voyer leş Vers du monde les mieux tour
nez , pour nous prouver que vous n'en
sçavez plus faire . O ! que ces quatre Vers
renfermeroient de belles leçons pour moi,
si par malheur je n'étois incorrigible.
S'il faut par un Arrêt fatal ,
Que les charmes de la jeunesse ,
Et les doux soins de la tendresse ,
Marchent chez nous d'un pas égal ,
Pour nous guinder sur le cheval ,
Qui voltige autour du Permesse ;
Malheur à qui dans la vieillesse ,
Des Fâcheux , triste Original ,
A l'insolence , ou à la foiblesse ,
De piquer le Docte Animal !
Et qui va sans que
rien l'en presse ,
Toujours rimant quelque Maîtresse,
I. Vol. Pour
1320 MERCURE DE FRANCE
Pour divertir quelque Rival.
Dans le cas suis , je le confesse
Plus important que B´....
Je chante quelque Iris sans cesse
Mais aussi je la chante mal.
>
Et afin que vous n'en puissiez douter ,
je vous envoye quatre Couplets assez
nouveaux que j'ai faits pour mon Iris
d'à - present , qui par son nom de guerre ,
ou de confirmation , s'appelle Pincette.
Au reste , Madame , les aimables Mu
ses de Poussay ne sçauroient consentir au
dégoût qui semble venu pour leur Or
dre ; j'entens en qualité de Muses ; et voi
cy ce qu'elles me dictent pour vous sur
ce sujet ;
>
O vous , ornement d'une Race ,
Où le bon goût regna toûjours ,
Pourquoi renoncer au Parnasse ?
Dans le plus charmant des séjours ,
Quel autre soin vous embarasse ?
Qu'avez-vous besoin du secours
De la tendresse ou des beaux jours ?
On en trouve par tout la trace ,
Dans vos Vers , dans les heureux tours ;
Sur eux la Mere des Amours ,
Semble avoir répandu sa grace ,
I. Vol. Et
H
1321
JUIN. 1731.
1
J
1
Et la rime , sans vains détours ,
Sous votre main court et se place.
A M. l'Abbé Abeille.
Il y a quelques jours , Monsieur , qu'on
me fit voir une Epigramme habillée en
Madrigal , où l'on prétend critiquer cer
tains endroits de votre Ode ; il y avoit un
de mes amis avec moi , qui trouvant
votre Ode fort belle , & la Critique fort
mauvaise , y fit la Réponse que je vous
envoye .
Jadis le Grec Archilochus ,
Mit par un Vaudeville Iambe
Pour certains griefs prétendus , )
Néobulé , la belle , et son Pere Lycambe
Au Catalogue des pendus ;
Mais aujourd'hui pour se deffendre ,
Contre les attentats divers ,
D'Epigrammes sans sel , de Madrigaux pervers ,
On se contente de les rendre ;
Car c'est au Censeur à se pendre ,
Lorsque son esprit à l'envers ,
Veut enseigner au lieu d'apprendre ,
Fait des fautes pour les reprendre ,
Et qu'il médit en méchans Vers.
Vers.Par M.le Comte Antoine Hamilton.
A Paris , rue S. Jacques , chez J. Fr. Fosse,
1731. in 12. de to5 . pages pour les Poë
sies , 156. pour les Lettres et Epitres.
94. pour les Chansons , et 131. pour
'Histoire de Zeneyde ;. &c..
1318 MERCURE DE FRANCE
Nous prendrons presque au hazard quel
ques morceaux dans ce Livre pour met
tre le Lecteur en état de juger , ou avoir
au moins quelque idée de ce Recueil.
LETTRE de Madame Thibergeau ;
à M. Hamilton.
Les Muses et l'Amour veulent de la jeunesse.
Je rimois autrefois , et rimois assez bien ,
Aujourd'hui le Parnasse , et la douce tendresse ,
Sont étrangers pour moi ; je n'y connois plus rien .
Ces quatre Vers , en Prose rimée , ne
font que trop foi de cette verité ; cepen
dant une Muse que j'avois flattée de voir
arriver ici le celebre Ant. Hamilton , s'é
toit engagée à ne me point abandonner
tant qu'il seroit avec moi , et à me four
nir encore assez de feu et de nobles pen
sées , pour chanter le preux Chevalier qui
doit metrre à chef l'entreprise de l'Ifla
d'Albion ; mais comme cet Antoine , Fa
vori du Parnasse , n'a point paru , la Muse
sur laquelle je comptois , m'a impitoya
blement refusé son secours et a pris son
vol vers la Lorraine , où , dit- elle , on
trouve en la personne de plusieurs belles
Chanoinesses , de veritables Muses . Le
brave Richard plaint ma peine, je l'aime,
je le goûte , je l'estime ; mais il ne m'ins
›
I. Vol. pire
JUI N. 1731 1319
pire rien de la part d'Apollon . Ainsi ré
duite à la Prose et à la simple amitié ,
mes Ecrits ne peuvent plus être que fa
des ou sérieux , et je prise trop notre il
lustre Hamilton , et les charmantes Da
mes de Poussay , pour ajoûter ici rien
de plus.
Réponse de M. Hamilton , à Madame
Thibergeau.
Il né falloit pas , Madame , nous en
voyer leş Vers du monde les mieux tour
nez , pour nous prouver que vous n'en
sçavez plus faire . O ! que ces quatre Vers
renfermeroient de belles leçons pour moi,
si par malheur je n'étois incorrigible.
S'il faut par un Arrêt fatal ,
Que les charmes de la jeunesse ,
Et les doux soins de la tendresse ,
Marchent chez nous d'un pas égal ,
Pour nous guinder sur le cheval ,
Qui voltige autour du Permesse ;
Malheur à qui dans la vieillesse ,
Des Fâcheux , triste Original ,
A l'insolence , ou à la foiblesse ,
De piquer le Docte Animal !
Et qui va sans que
rien l'en presse ,
Toujours rimant quelque Maîtresse,
I. Vol. Pour
1320 MERCURE DE FRANCE
Pour divertir quelque Rival.
Dans le cas suis , je le confesse
Plus important que B´....
Je chante quelque Iris sans cesse
Mais aussi je la chante mal.
>
Et afin que vous n'en puissiez douter ,
je vous envoye quatre Couplets assez
nouveaux que j'ai faits pour mon Iris
d'à - present , qui par son nom de guerre ,
ou de confirmation , s'appelle Pincette.
Au reste , Madame , les aimables Mu
ses de Poussay ne sçauroient consentir au
dégoût qui semble venu pour leur Or
dre ; j'entens en qualité de Muses ; et voi
cy ce qu'elles me dictent pour vous sur
ce sujet ;
>
O vous , ornement d'une Race ,
Où le bon goût regna toûjours ,
Pourquoi renoncer au Parnasse ?
Dans le plus charmant des séjours ,
Quel autre soin vous embarasse ?
Qu'avez-vous besoin du secours
De la tendresse ou des beaux jours ?
On en trouve par tout la trace ,
Dans vos Vers , dans les heureux tours ;
Sur eux la Mere des Amours ,
Semble avoir répandu sa grace ,
I. Vol. Et
H
1321
JUIN. 1731.
1
J
1
Et la rime , sans vains détours ,
Sous votre main court et se place.
A M. l'Abbé Abeille.
Il y a quelques jours , Monsieur , qu'on
me fit voir une Epigramme habillée en
Madrigal , où l'on prétend critiquer cer
tains endroits de votre Ode ; il y avoit un
de mes amis avec moi , qui trouvant
votre Ode fort belle , & la Critique fort
mauvaise , y fit la Réponse que je vous
envoye .
Jadis le Grec Archilochus ,
Mit par un Vaudeville Iambe
Pour certains griefs prétendus , )
Néobulé , la belle , et son Pere Lycambe
Au Catalogue des pendus ;
Mais aujourd'hui pour se deffendre ,
Contre les attentats divers ,
D'Epigrammes sans sel , de Madrigaux pervers ,
On se contente de les rendre ;
Car c'est au Censeur à se pendre ,
Lorsque son esprit à l'envers ,
Veut enseigner au lieu d'apprendre ,
Fait des fautes pour les reprendre ,
Et qu'il médit en méchans Vers.
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Résumé : Œuvres mêlées du C. Hamilton, [titre d'après la table]
Le texte présente un recueil d'œuvres du Comte Antoine Hamilton, publié à Paris en 1731. Cet ouvrage est composé de 105 pages de poèmes, 156 pages de lettres et épîtres, 94 pages de chansons, et 131 pages consacrées à l'histoire de Zeneyde. Le Mercure de France en extrait quelques morceaux pour offrir un aperçu du recueil. Une lettre de Madame Thibergeau à Hamilton exprime son regret de ne plus pouvoir écrire des vers, bien qu'elle ait espéré être inspirée par la présence de Hamilton. Elle indique que ses écrits se limitent désormais à la prose et à l'amitié. Hamilton répond en soulignant que la jeunesse et la tendresse sont essentielles pour la poésie. Il envoie des couplets récents dédiés à une certaine 'Pincette' et mentionne les Muses de Poussay, qui encouragent Madame Thibergeau à ne pas abandonner la poésie. Le texte inclut également une épigramme en réponse à une critique de l'ode de l'Abbé Abeille. Cette épigramme défend la beauté de l'œuvre contre des critiques jugées mauvaises.
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22
p. 1862-1864
ADIEUX AUX MUSES.
Début :
Double Mont où ma Lyre enfanta quelques sons, [...]
Mots clefs :
Lyre, Muses, Filles savantes, Rimeurs, Jeunesse, Fontaine, Asile champêtre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ADIEUX AUX MUSES.
ADIEUX AUX MUSES .
Ouble Mont où ma Lyre enfanta quelque
Double sons >
Je te quitte , Phébus , et vous filles sçavantes ,
Je ne puis suivre vos leçons ;
Il me faut un métier qui me fasse des rentes,
Un Cadet de famille , être au rang des Rimeurs
C'est d'un esprit leger la preuve non legere ;
SurA
O
UST. 1863 1731.
Sur tout quant au pauvret il ne manque qu'un
frere ,
Pour en avoir autant que vous êtes de soeurs,
Je vous ai consacrẻ ma premiere jeunesse ;
Le beau fruit que j'en tire est d'avoir fait des Versy
Que m'importe qu'ils soient au bout de l'Univers
Cette frivole gloire , est une sotte yvresse.
Rimer est un métier qui ne convient qu'à ceux
Dont l'esprit est né pour la rime.
Autrement on nous mésestime .
l'on parle de nous comme d'un cerveau creux)
On dit qu'il est une Fontaine ,
Dont l'eau miraculeuse a le vrai
gout
du vin i
S'il en étoit ainsi de l'eau de l'Hypocrêne ;
Si la gloire appaisoit la faim ;
M
Si sur ce Mont que j'abandonne ,
Une herbe salutaire et des arbres fruitiers ;
Croissoient comme les fleurs à l'ombre des Lat
riers ;
Enfin s'il y regnoit et Cerés et Pomone
Je
Bij
1864 MERCURE DE FRANCE
Je n'aurois , doctes Soeurs , aucune passion ,
Que celle de vous plaire , afin d'y toujours être.
Je cours à la fortune , et mon ambition ,
N'a pourtant d'autre objet qu'un azile champêtre.
D'Hautefeuille.
Ouble Mont où ma Lyre enfanta quelque
Double sons >
Je te quitte , Phébus , et vous filles sçavantes ,
Je ne puis suivre vos leçons ;
Il me faut un métier qui me fasse des rentes,
Un Cadet de famille , être au rang des Rimeurs
C'est d'un esprit leger la preuve non legere ;
SurA
O
UST. 1863 1731.
Sur tout quant au pauvret il ne manque qu'un
frere ,
Pour en avoir autant que vous êtes de soeurs,
Je vous ai consacrẻ ma premiere jeunesse ;
Le beau fruit que j'en tire est d'avoir fait des Versy
Que m'importe qu'ils soient au bout de l'Univers
Cette frivole gloire , est une sotte yvresse.
Rimer est un métier qui ne convient qu'à ceux
Dont l'esprit est né pour la rime.
Autrement on nous mésestime .
l'on parle de nous comme d'un cerveau creux)
On dit qu'il est une Fontaine ,
Dont l'eau miraculeuse a le vrai
gout
du vin i
S'il en étoit ainsi de l'eau de l'Hypocrêne ;
Si la gloire appaisoit la faim ;
M
Si sur ce Mont que j'abandonne ,
Une herbe salutaire et des arbres fruitiers ;
Croissoient comme les fleurs à l'ombre des Lat
riers ;
Enfin s'il y regnoit et Cerés et Pomone
Je
Bij
1864 MERCURE DE FRANCE
Je n'aurois , doctes Soeurs , aucune passion ,
Que celle de vous plaire , afin d'y toujours être.
Je cours à la fortune , et mon ambition ,
N'a pourtant d'autre objet qu'un azile champêtre.
D'Hautefeuille.
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Résumé : ADIEUX AUX MUSES.
Dans 'Adieux aux Muses', l'auteur exprime son intention de renoncer à la poésie pour des raisons pratiques. Il considère cette activité comme frivole et non rentable, inappropriée pour un cadet de famille devant subvenir à ses besoins. L'absence de frère pour partager les charges familiales le pousse à chercher un métier plus lucratif. Il critique la vanité de la gloire poétique, la comparant à une ivresse sotte. L'auteur mentionne la Fontaine de l'Hypocrène, dont l'eau inspire la poésie mais ne nourrit pas. Il souhaite plaire aux muses tout en aspirant à une vie champêtre et à la fortune, révélant ainsi son dilemme entre ambition poétique et nécessité économique.
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23
p. [2296]-2297
AUTRE SONNET, Sur le même sujet.
Début :
Sur le bord tenebreux, la Faye est descendu, [...]
Mots clefs :
Goût, Urbanité, Muses, Culte, Tombeau
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE SONNET, Sur le même sujet.
AUTRE SONNET
,
Sur le même fujet.
HIJATI
Ur le bord tenebreux , la Faye est descendu
Le Gout , l'Urbanité , la Raison délicate.
Tout ce qui distingua le Romain du Sarmate
Contre le trait fatal rien ne l'a deffendu .
C 4
Muses , qu'il chérissoit , & qui l'avez perdu ; ›
Du culte qu'on vous rend , si la douceur vous flate
Qu'en éloges plaintifs tout le Parnasse éclate
A sa memoire hélas ! ce tribut est bien dû.
Mais
OCTOBRE 1931. 2297
Mais ne l'exigez point de ma douleur trop
tendre. ༡ * 2
Que ne ferois-je pas pour honorer sa cendre ?
Souvent sur son Tombeau je veux jetter des fleurs?
Pour ma triste amitié Alatteuse et vaine'amorce !
Ma main, de les cueillir n'aura jamais la force ;
Et mon pouvoir ne va qu'à lui donner des pleurs.
,
Sur le même fujet.
HIJATI
Ur le bord tenebreux , la Faye est descendu
Le Gout , l'Urbanité , la Raison délicate.
Tout ce qui distingua le Romain du Sarmate
Contre le trait fatal rien ne l'a deffendu .
C 4
Muses , qu'il chérissoit , & qui l'avez perdu ; ›
Du culte qu'on vous rend , si la douceur vous flate
Qu'en éloges plaintifs tout le Parnasse éclate
A sa memoire hélas ! ce tribut est bien dû.
Mais
OCTOBRE 1931. 2297
Mais ne l'exigez point de ma douleur trop
tendre. ༡ * 2
Que ne ferois-je pas pour honorer sa cendre ?
Souvent sur son Tombeau je veux jetter des fleurs?
Pour ma triste amitié Alatteuse et vaine'amorce !
Ma main, de les cueillir n'aura jamais la force ;
Et mon pouvoir ne va qu'à lui donner des pleurs.
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Résumé : AUTRE SONNET, Sur le même sujet.
Le sonnet 'HIJATI' rend hommage à une personne décédée, incarnant le goût, l'urbanité et la raison délicate. Le poète, incapable de célébrer sa mémoire comme il le souhaite, exprime sa douleur et promet de verser des pleurs sur sa tombe.
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24
p. 2317
A. M. M. D. M. En lui envoyant pour Bouquet une petite Figure de la Renommée : c'est la Renommée qui parle.
Début :
J'ay porté votre nom en cent climats divers ; [...]
Mots clefs :
Climats, Muses, Lauriers, Temple de mémoire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A. M. M. D. M. En lui envoyant pour Bouquet une petite Figure de la Renommée : c'est la Renommée qui parle.
A. M. M. D. M.
En lui envoyant pour Bouquet une petite
Figure de la Renommée : c'est la
Renommée qui parle.
J'Ay porté votre nom en cent climats divers ;
Les Muses l'ont souvent redit dans leurs Concerts;
Et je vais aujourd'hui celebrer votre Fête ;
Ma Trompette pour vous forme de nouveaux airs
Et de mes Lauriers toûjours verds ,
Puissai-je encor long-temps couronner votre tête
Pour le bonheur de vos amis ,
Vivez , sçavant M ** , vivez comblé de gloire,
Autant que vivront vos Ecrits ,
Placez par Apollon au Temple de Memoire."
L'Abbé Poncy de Neuville.
Ce 20. Août.
En lui envoyant pour Bouquet une petite
Figure de la Renommée : c'est la
Renommée qui parle.
J'Ay porté votre nom en cent climats divers ;
Les Muses l'ont souvent redit dans leurs Concerts;
Et je vais aujourd'hui celebrer votre Fête ;
Ma Trompette pour vous forme de nouveaux airs
Et de mes Lauriers toûjours verds ,
Puissai-je encor long-temps couronner votre tête
Pour le bonheur de vos amis ,
Vivez , sçavant M ** , vivez comblé de gloire,
Autant que vivront vos Ecrits ,
Placez par Apollon au Temple de Memoire."
L'Abbé Poncy de Neuville.
Ce 20. Août.
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Résumé : A. M. M. D. M. En lui envoyant pour Bouquet une petite Figure de la Renommée : c'est la Renommée qui parle.
L'Abbé Poncy de Neuville dédie un texte à un érudit, M **. La Renommée célèbre sa renommée mondiale et ses inspirations musesques. Il souhaite que l'érudit soit couronné de lauriers verts et que sa gloire perdure autant que ses écrits, placés par Apollon au Temple de la Mémoire. La date est le 20 août.
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25
p. 2789-2791
A M. LE DUC DE S. AIGNAN, Ambassadeur du Roy à Rome, &c.
Début :
Loin ces Héros que nous vante l'Histoire ; [...]
Mots clefs :
Héros, Ambassadeur, Antiquité, Muses, Louange
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A M. LE DUC DE S. AIGNAN, Ambassadeur du Roy à Rome, &c.
A M. LE DUC
DE S. AIGNAN ,
Ambassadeur du Roy à Rome , &c.
LOin ces Héros que nous vante l'Hisg
toire v
Souvent d'un faux éclat ils furent révêtus ;
L'Aveugle Antiquité , pour conserver leur gloid
re ,
De leurs vices fit leurs vertus.
1. Vol E St
2790 MERCURE DE FRANCE
Si nos Muses , Seigneur , vous offrent un hommage
,
Du coeur le plus modeste il peut être avoué.
De la verité seule emprunter le langage ,
C'est vous avoir assez loué.
Pour vous , qui craignez la loüange
Autant que vous la méritez ;
Des Faits de vos Дyeux le fastueux mélange
Ne fourniroit que des traits empruntez.,
Leur noble sang qui vous anime
Science , Dignitez , Exploits dans les Combats ;
Ces sources d'un éclat sublime
En ornant vos vertus , Seigneur , ne les font pas.
Je vous cherche en vous seul , en vous seul j'en¬
visage
Un accord de vertus peu connu jusqu'à vous.
Quel sublime genie avec vous prit naissance !
Vous seul paroissez l'ignorer :
*
'Autrefois l'Iberie en connut la puissance,
Jalouse encore , elle envie à la France
Le plaisir de vous admirer.
Allez , Seigneur , après la Renommée
Aux bords du Tibre encore étaler vos vertus,
En vous voyant Rome charmée ,
Croira revoir Fabrice , et Caton , et Titus ;
Yous retracez ces coeurs sublimes
* Son Ambassade d'Espagne,
J. Val. Par
DECEMBRE 1731. 2791
Par les traits éclatans qu'en vous nous admi¬
rons.
Mêmes vertus ,
mêmes maximess ;
Ils n'ont fait que changer de noms.
Par le R. P. RAINAUD ;
de l'Oratoire , Professeur de Rhetorique
au College de Marseille.
DE S. AIGNAN ,
Ambassadeur du Roy à Rome , &c.
LOin ces Héros que nous vante l'Hisg
toire v
Souvent d'un faux éclat ils furent révêtus ;
L'Aveugle Antiquité , pour conserver leur gloid
re ,
De leurs vices fit leurs vertus.
1. Vol E St
2790 MERCURE DE FRANCE
Si nos Muses , Seigneur , vous offrent un hommage
,
Du coeur le plus modeste il peut être avoué.
De la verité seule emprunter le langage ,
C'est vous avoir assez loué.
Pour vous , qui craignez la loüange
Autant que vous la méritez ;
Des Faits de vos Дyeux le fastueux mélange
Ne fourniroit que des traits empruntez.,
Leur noble sang qui vous anime
Science , Dignitez , Exploits dans les Combats ;
Ces sources d'un éclat sublime
En ornant vos vertus , Seigneur , ne les font pas.
Je vous cherche en vous seul , en vous seul j'en¬
visage
Un accord de vertus peu connu jusqu'à vous.
Quel sublime genie avec vous prit naissance !
Vous seul paroissez l'ignorer :
*
'Autrefois l'Iberie en connut la puissance,
Jalouse encore , elle envie à la France
Le plaisir de vous admirer.
Allez , Seigneur , après la Renommée
Aux bords du Tibre encore étaler vos vertus,
En vous voyant Rome charmée ,
Croira revoir Fabrice , et Caton , et Titus ;
Yous retracez ces coeurs sublimes
* Son Ambassade d'Espagne,
J. Val. Par
DECEMBRE 1731. 2791
Par les traits éclatans qu'en vous nous admi¬
rons.
Mêmes vertus ,
mêmes maximess ;
Ils n'ont fait que changer de noms.
Par le R. P. RAINAUD ;
de l'Oratoire , Professeur de Rhetorique
au College de Marseille.
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Résumé : A M. LE DUC DE S. AIGNAN, Ambassadeur du Roy à Rome, &c.
Le texte est une lettre adressée à M. le Duc de Saint Aignan, ambassadeur du roi à Rome. L'auteur critique l'histoire qui idéalise souvent les héros en cachant leurs vices. Il exprime son admiration pour le duc, préférant la vérité à la flatterie. Le duc est décrit comme un homme de science, de dignité et de bravoure, dont les vertus sont authentiques. L'auteur admire son génie et note que l'Espagne, autrefois jalouse, envie désormais à la France le plaisir de l'admirer. Il encourage le duc à continuer de montrer ses vertus à Rome, où il sera comparé à des figures historiques comme Fabrice, Caton et Titus. Le texte se conclut par une comparaison des vertus et des maximes du duc avec celles des grands hommes du passé, soulignant leur similitude malgré les différences de noms.
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26
p. 3089-3090
A MADAME LA DUCHESSE DE B**
Début :
Pour Our vous rendre, Madame, un veritable hommage [...]
Mots clefs :
Hommage, Muses, Duchesse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A MADAME LA DUCHESSE DE B**
A MADAME
LA DUCHESSE DE B**
Pour Our vous rendre, Madame , un veritable hommage
,
Plutôt que pour suivre l'usage
Etabli dans ces premiers jourss
Je fis cette priere aux Nimphes du Pèrmessé à
O muses , prêtez - moi votre divin secours
Sçavantes Soeurs , préparez un Discours
Digne d'une illustre Duchesse
Inventez quelques nouveaux tours ,
Montrez mes sentimens avec délicatesse
Assurez-la de ma soumission ›
11. Vol. Hv Pel
3090 MERCURE DE FRANCE
Peignez-lui mon respect et ma réconnoissance ,
Exprimez avec éloquence ,
Combien je suis jaloux de sa protection
Je crûs ma prière efficace
Ayant parlé d'un air respectueux ;
Je croyois que tout le Parnasse
Seroit prêt d'exaucer mes voeux
Mais irrité de mon audace ,
On me traita d'ambitieux .
Que nous veux -tu ? me dit une des Muses.
Crois-tu que de l'esprit la poëtique ardeur ,
Egale ce qui part du coeur ?
Si tu le penses , tu t'abuses .
Tu n'as pas besoin d'ornemens >
Pour faire une vive peinture
De ton respect profond et de tes sentimens
Crois-moi , laisse agir la nature ,
Elle est avec B *** plus puissante que l'art.
B *** cette aimable mortelle
Aussi modeste qu'elle est belle ,
Brille sans le secours du fard :
Laisse là des Dieux le langage ,
Si tu lu veux prouver ton zele et ton ardeur
Suis les mouvemens de ton coeur ,
Ils persuadent davantage.
LICLIRG
LA DUCHESSE DE B**
Pour Our vous rendre, Madame , un veritable hommage
,
Plutôt que pour suivre l'usage
Etabli dans ces premiers jourss
Je fis cette priere aux Nimphes du Pèrmessé à
O muses , prêtez - moi votre divin secours
Sçavantes Soeurs , préparez un Discours
Digne d'une illustre Duchesse
Inventez quelques nouveaux tours ,
Montrez mes sentimens avec délicatesse
Assurez-la de ma soumission ›
11. Vol. Hv Pel
3090 MERCURE DE FRANCE
Peignez-lui mon respect et ma réconnoissance ,
Exprimez avec éloquence ,
Combien je suis jaloux de sa protection
Je crûs ma prière efficace
Ayant parlé d'un air respectueux ;
Je croyois que tout le Parnasse
Seroit prêt d'exaucer mes voeux
Mais irrité de mon audace ,
On me traita d'ambitieux .
Que nous veux -tu ? me dit une des Muses.
Crois-tu que de l'esprit la poëtique ardeur ,
Egale ce qui part du coeur ?
Si tu le penses , tu t'abuses .
Tu n'as pas besoin d'ornemens >
Pour faire une vive peinture
De ton respect profond et de tes sentimens
Crois-moi , laisse agir la nature ,
Elle est avec B *** plus puissante que l'art.
B *** cette aimable mortelle
Aussi modeste qu'elle est belle ,
Brille sans le secours du fard :
Laisse là des Dieux le langage ,
Si tu lu veux prouver ton zele et ton ardeur
Suis les mouvemens de ton coeur ,
Ils persuadent davantage.
LICLIRG
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Résumé : A MADAME LA DUCHESSE DE B**
L'auteur d'une lettre adressée à Madame la Duchesse de B** sollicite l'aide des Muses pour composer un discours digne d'une illustre Duchesse. Il exprime sa soumission, son respect et sa reconnaissance, ainsi que son admiration et son désir de protection. Une Muse l'interrompt, lui reprochant son ambition et affirmant que l'esprit poétique ne peut égaler les sentiments sincères. Elle lui conseille de laisser parler son cœur et la nature, soulignant que la Duchesse est modeste et belle sans artifices. La Muse suggère que les mouvements du cœur sont plus persuasifs que l'artifice.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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27
p. 1264-1291
RÉPONSE DE Mlle de Malcrais de la Vigne, à la Lettre que Mr Carrelet de Hautefeüille lui a addressée dans le Mercure de Janvier 1732. page 75.
Début :
Le Seigneur Mercure s'est donné la peine, Monsieur, de [...]
Mots clefs :
Réponse, Lettre, Messager, Mercure, Strophe, Vers marotiques, Vers d'Horace, Ovide, Muses, Peines, Gloire, Dante, Rousseau, Chapelain, Auteurs, Poètes
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texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE DE Mlle de Malcrais de la Vigne, à la Lettre que Mr Carrelet de Hautefeüille lui a addressée dans le Mercure de Janvier 1732. page 75.
REPONSE de Mlle de Malerais de
la Vigne , à la Lettre que M Carrelet
de Hautefeuille lui a addressée dans le
Mercure de Janvier 1732. page 75.
Leine,Monsieur,de m'apportervos
E Seigneur Mercure s'est donné la
peine , Monsieur , de m'apporter vos
Poulets , vos Billets doux , vos Relations,
en un mot votre Lettre ; car cette Lettre
sçavante et polie renferme en elle toutes
ces especes', par les differentes matieres
qu'elle traitte , et par les tours ingénieux
dont elle est agréablement variée ; je me
Alatte aussi que ce fidele Messager , non
moins habile que gracieux , voudra bien
se charger de ma réponse.
Vous m'écrivez , Monsieur, qu'on vous
a volé ; vous ne pouviez vous addresser à
personne qui fut plus sensible à ce qui
vous touche, ni par conséquent plus portée à vous plaindre. Quoi ! Monsieur, on
K
II. Vol.
vous
JUIN. 1732. 1265
vous a volé ? On vous a volé , Monsieur?
Quel accident ! Quelle perfidie ! Quelle
cruauté ! Eh! que vous a- t - on volé ?
Grands Dieux ! Proh! Dii immortales ! Facinus indignum quod narras !
Ce n'est point deux Vers , une Strophe, un Madrigal, une Epigramme seulement: Ciel ! c'est sur une Ode entiere qu'on
a eu l'audace de mettre la main.
Le trait est noir ; oui , certes, et des plus
noirs. Ce sont- là de ces coups qu'un Poëte
supporte rarement avec patience, à moins
qu'il n'ait , comme vous , l'ame bourrée
d'une Jacque de Maille à la Stoïcienne.
Sans doute que le Voleur en faisant ce
larcin, s'étoit fondé sur ces deux premiers
Vers du 15 Chant de Roland le furieux.
Fù il vincer sempre mai laudabil cosa ,
Vinca si è per fortuna , o per ingegno.
L'Arioste me paroît avoir escroqué
cette pensée à Virgile , dans le 2. liv. de l'Enéïde.
Dolus an virtus , quis in hoste requirat ?
·
Cependant le voleur dont il s'agit ,' n'est
point pardonnable. C'est là mal interprêter la chose , et faire en matiere de
Lettres, ce que font les hérétiques en maII. Vol.
A v tiere
1266 MERCURE DE FRANCE
"
tiere de Religion, qui tournent et retournent certains Passages de tant de côtez
qu'ils leur trouvent à la fin un sens ambigu , et qui , quelque louche qu'il soit ,
leur paroît neanmoins d'accord avec leur
morale. Mais comme on ne les confond
ensuite , qu'en opposant citation contre
citation , authorité contre authorité , il
faut donc objecter aux Filoux du Parnasse
le sentiment d'un autre Italien. Auvertite
che voi vi vestite degli honori , e delle glorie
altrui , et v'attribuite quello che non è vostro. Voi sarete chiamati la cornacchia d'Esopo , et quello ch'è peggio , bisognerà restituire i furti con grandissimo scorno , e biasmo come suole intervenire a certi poetuzzi
moderni che alla scoperta rubbano a tutti ,
non rimanendo loro di proprio che la fatica , l'inchiestro , la carta , et il tempo gettato via.
Sérieusement , Monsieur , votre situation me paroît triste , et d'autant plus
qu'on ne croit pas toujours le plaignant
sur sa déposition. C'est vainement qu'il
dira , oui , Messieurs , je fis cette Strophe
un tel jour , à telle heure ; et la preuve ,
la voilà : Absorbé que j'étois dans la poëtique rêverie , je me rongeai les ongles
jusqu'au vif: Voyez - vous ? Regardez ,
ces deux doigts écorchez par le bout, sont
€
II. Vol. de
JUIN. 1732. 1267
de sûrs garans de la vérité de mes paroles.
Vains propos : Plus de la moitié de vos
juges ne sçauroient résoudre leurs doutes
et l'on balance toujours entre le proprié
taire et le voleur. Pour moi , si j'avois été
en votre place , j'aurois mis cent Mouches en campagne pour dénicher le Larron , et le faire sans délai convenir du
larcin.
J'aurois fait aussi- tot galopper sur sa trace
Le grand Prevôt du Parnasse,
Mais hélas ! que les choses sont aujourd'hui changées ; on insulte , on pille , on
brave Apollon sur son Thrône même.
La Marêchaussée du Pinde n'a plus la
force de cheminer. Plutus , le seul Plutus
sçait se faire obéïr , se faire craindre , se
faire rendre justice , et l'on prétend que
c'est lui qui la distribuë; quant aux Citoyens de la double Colline , l'équité ne
s'observe ni à leur égard , ni à l'égard de
leurs ouvrages. Un Financier au moyen
d'une douzaine de chiffres , voit pleuvoir à millier les Louis dans son Coffre
fort , et ce profit amené , ne sera souvent
le fruit que de quelques heures ; cependant un malheureux , nud jusqu'à la chemise,transsi defroid , demi mort de faim,
se glisse adroitement dans son Bureau ,
II. Vol A vj qu'il
1268 MERCURE DE FRANCE
qu'il écrême si peu que rien le superfluz
de son cher métail ; en court après , on
l'arrête , on l'emprisonne ; le coupable
n'est déja plus. Pourquoi ne poursuit- on
pas avec la même diligence et la même
sévérité les Voleurs des Ouvrages ingénieux ? L'Esprit est- il moins estimable
que l'or ?
Vilius argentum est auro , virtutibus aurum:
Un Financier a plutôt gagné vingt mil
le écus , qu'un Poëte n'a fait une belle:
Ode. Si le travail , si la difficulté donnele prix aux choses , les Métaux , les Diamans qui ne sont que de la bouë pétrifiée
et polie ensuite par l'Ouvrier , sont - ils
donc préférables aux pures et l'aborieuses
productions de l'ame.
Otempora! ô mores ! Depuis que les Boileaux , les Molieres , les Saint- Evremond,
ces Turennes , ces Condez du Parnasse
sont allez guerroyer dans les champs Eli-
-sées ; la licence et le désordre ont envahi le Païs des Lettres ; où la force manque, tout est toléré. Platon se détaille
en Comédies, les Lettres se composent en
Madrigaux , les Oraisons prétintaillées
sont toutes frisées d'antithéses , l'Historien passe avec rapidité sur la politique et
l'interressant , et se promene à pas comII.Vol.
ptez
JUIN. 17320 1269
ptez dans la région fleurie des descriptions , et passe de- là par une fausse porte
dans la grande contrée des digressions
vagues et inutiles.
Jugez , Monsieur , par la mauvaise humeur où je suis , combien votre malheur
m'a affligée ; ce qui redouble encore mon
chagrin, c'est d'apprendre de vous-même
que vous avez dit adieu au Parnasse.Quoi
le dépit d'avoir perdu une Ode , doit-il
vous porter à des extrémitez pareilles ?
La perte est réparable. Ne vous est-il pas
resté un Canif pour tailler votre Plume?
Mais avez-vous bien refléchi sur la résolution que vous vous imaginez avoir
prise ? Croyez-vous pouvoir tenir ferme
contre le penchant dont vous êtes l'esclave ? Je vous en défie , j'en ai dit tout autant que vous , cent et cent fois.
n'a
Verbaque pracipites diripuere noti.
J'ai trouvé que le feu Pere du Cerceau
pas eu tort d'écrire :
39 Qui fit des Vers , toujours des Vers fera,
C'est le Moulin qui moulut et moudra;
»Contre l'étoile il n'est dépit qui tienne ,
» Et je me cabre en vain contre la mienne.
Le P. du Cerceau a rendu par ces quaIL. Vol.
tre
1270 MERCURE DE FRANCE
tre Vers Marotiques , le Vers d'Horace
qui suit :
Naturam expellas furca tamen usque recurret.
Ce que je ne sçais quel autre a traduit
én deux Vers :
Quand , la Fourche à la main, nature on chase seroit >
Nature cependant toujours retourneroit.
Ovide , dont l'esprit est si fécond et si
délié , ce Poëte qui quelque sçavant qu'il
fut , devoit moins à l'Art qu'à la Nature. Ovide est forcé d'avouer que c'est en
vain qu'on tâche de combattre ce penchant imperieux.
At mihijam puero coelestia sacra placebant ,
Inque suum furtim Musa trahebat opus..
Sæpe Pater dixit , studium quid inutilè tentas ?
Moonides nullas ipse reliquit opes ,
Motus eram dictis , totoque Helicone relictor
Scribere conabar verba soluta modis,
Sponte sua carmen numeros veniebat adaptos
Quidquid tentabam scribere versus erat.………
Le Pere d'Ovide séche de chagrin de
voir son fils en proye à cette manie tirannique ; il ne néglige rien pour en rompre
les accès , il lui montre le vuide de cette
II. Vol. occu-
JUIN. 1732. 1271
Occupation aussi pénible qu'infructueuse.
L'exemple d'Homere qui vécut toujours
pauvre, malgré ses grands talens , lui sert
à prouver l'importante vérité de ses leçons salutaires. Il conseille , il commande, il prie , il menace, et s'emporte même
jusqu'à le maltraiter ; le fils paroît se rendre à la volonté du pere , et se croyant
déja le maître de sa passion , lui promet
de ne plus faire de Vers de sa vie.
•
C'est en Prose qu'il écrira désormais ,
le parti en est pris ; il faut que l'agréa
ble cede à l'utile , il n'y a plus à balancer.
En un mot , le voilà la plume à la main
résolu d'exécuter ce qu'il s'est proposé.
Mais qu'arrive-t- il ? La tête lui tourne , il
se figure écrire de la Prose, et ce sont des
Vers qui coulent sur le papier.
Quidquid tentabam scribere , versus erat.
Ovide ne péchoit point par ignorance,
et l'on a sans cesse répété depuis tant de
siècles , les deux Vers suivans , enfans de
sa veine : que l'esprit avoit été autrefois
plus précieux que l'or , mais qui dans le
temps présent , c'étoit être tout à-fait
barbare, que d'être entierement dépourvû des dons de la fortune.
Ingenium quondam fuerat preciosius auro.
II. Vol. Pour
1272 MERCURE DE FRANCE
Pour moi je crois que ce quondam , cet
autrefois , n'a jamais été.
At nunc barbaries grandis habere nihil.
Quant à ce Nunc , ce maintenant , je
crois qu'il a été de tout temps.C'est donc
en Ovide que la volonté est maîtrisée par
le temperament ; et c'est-là qu'on peut dire que le libre arbitre fait nauffrage.
Après tout , je conviens avec vous et
avec toutes les personnes sensées , que
quand on n'est pas né avec beaucoup de
bien, on doit tâcher d'arriver par les belles voyes à certaine fortune , à labri de
laquelle on puisse vivre à l'aise , et faire la
figure convenable à son rang.
Nil habet infelix paupertas durius in se
Quam quod ridiculos homines , facit.
La pauvreté est le plus grand des maux
qui soient sortis de la funeste Boëte de
Pandore , et l'on craint autant l'haleine
d'un homme qui n'a rien , que celle d'un
pestiferé.
Yo
Déplorons donc le sort de ceux qu'un
ascendant fatal attache à ce libertinage
d'esprit. Sénéque , ce Philosophe sentencieux , qu'on peut comparer au Rat hipo
crite , qui prêche la mortification dans
un Fromage de Hollande , ou à la four11. Vol.
mi,
JUIN. 1732. 1273
mi, qui fait l'éloge de l'abstinence, montée sur un tas de grain. Cet illustre Charlatan débitoit autrefois la morale austére,
qu'il nous a laissée dans ses Livres ; mais
y croyoit-on ? et pouvoit - on plutôt ne
pas mépriser un homme qui conseilloit
la sobriété , la bouche pleine , et la
vreté , tandis que ses coffres regorgeoient
de Richesses ? Nicolas de Palerme parloit
avec bien plus de sincerité , quand après
avoir lû un Livre, dans lequel on préténdoit que la pauvreté étoit un bien, il s'écria : Délivrez-moi d'un tel bien , ô mon
Dieu !
pauTravaillez , nous dit-on , divins éleves
des Muses , veillez , suez , frappez - vous
le front , mordez-vous les doigts , brisez
votre pupitre , au fort de votre entousiasme. Virum Musa beat. La gloire se
peut-elle achepter par trop de peines ?
Quel honneur! quel espoir que celui de se survivre éternellement à soi - même !
Erreur , folie , idée chimerique.
Gloria quantalibet quid erit , si gloria tantum est.
Ne vaut- il pas mieux vivre pendant
qu'on est en vie , et que l'on se sent vivre réellement : Homere , ce Chantre fameux , qui jadis entonnoit ses Rapsodies
sur les Ponts-Neufs des Villes de Gréce ;
II.Vol. en
1274 MERCURE DE FRANCE
en traîna- t-il de moins tristes jours , quoi
quele Supplément de Quinte- Curce nous
dise que ses Ouvrages se sont reposez
après sa mort , sous l'oreiller du Grand
Alexandre. On logea ses Poëmes dans des
Coffrets d'or , enrichis de Pierreries ; et
pendant qu'il vécut , à peine trouva- t- il
une Maison où se mettre à l'abri des injures de l'air ? Fecit enim nominis ejus claritas , ut quem virum rebus omnibus egentem nemo agnoverit , nunc multe Gracia ?
Urbes certatim sibi vindicent. Dante , dans
le 22 Chant du Purgatoire , désigne ainsi
cet illustre Poëter
QuelGreco
Chele Muse lattar più ch'altro mai.
Pour moi , je dis que si les Muses sont
des Nourrices , ce ne sont que des Nousrices séches ; leurs Nourrissons s'attendent
à recueillir un aliment qui les rassasie
mais au lieu de lait , ils n'en tirent que du
vent qui les fatigue et les extenue. Ceci
revient à l'endroit de votre Lettre , où
vous dites agréablement en Vers , que les
Poëtes ne moissonnent que du vent avec
leur plume. Ainsi je crois qu'on les peut
appeller des Instrumens à vent , qui ne
rendent que du vent , ne travaillent que
pour du vent , et ne sont récompensez
II. Volo que
JUIN. 1732. 1275 1
que de vent; disons donc avec Pétronne :
Heu! ast heu! utres inflati sumus , minoris
quàm Muscasumus, tamen aliquamvirtutem
habent , nos non pluris quam bulla. Voici
une Boutade de ma façon à ce sujet :
si le vent est la nourriture ,
Des Bourgeois malheureux du stérile Hélicon;.
Ils devroient , au lieu d'Apollon ,
Pour ne point manquer de Pâture ,
D'Eole le venteux , avoir fait leur Patron.
Plusieurs Singes du Docte Erasme , se
sont émancipez de nos jours , à faire divers éloges pointilleux , de l'Yvresse , du
Mensonge , de Rien , de quelque chose ,
et nombre d'autres bagatelles bizarres
dans le même goût; mais je n'en vois point
qui se plaisent à faire l'éloge de la Pauvreté; Paupertas habet scabiem. Juvenal ,
ce grondeur éternel , cet impitoïable censeur des mœurs de son siècle , ne sçauroits'empêcher de sortir de sa Philosophie , et
de soupirer après les biens de la fortune ;
il déteste la pauvreté, il déplore la misere
du Poëte Stace , et sa septiéme Satyre est
toute farcie de plaintes.
Frange miser calamos , vigilataque prælia dele ,
Quifacis in parva sublimia carmina cella ,
Ut dignus venias hederis et imagine macrâ :
II. Vol.
Spes
1276 MERCURE DE FRANCE
Spes nulla ulterior , didicit jam dives avarus
Tantum admirari, tantùm laudare disertos,
Ut pueri ,junonis avem.
Cette matiere est si- bien traitrée dans
cette Satyre, qu'elle mériteroit d'être rapportée toute entiere , si cet Auteur n'étoit entre les mains de tout le monde : La
pauvreté, dit-on, est la Mere des Arts.
Labor omnia vincit
Improbus, et duris urgens in rebus egestas.
Oui , la Mere des Arts mécaniques ; un
Manœuvre vit du travail de ses mains ;
mais les Poëmes ne se vendent point en
détail , si ce n'est chez les Marchands de
Drogues. Cette réfléxion me donne lieu de
rapporter la Parodie que j'ai faite de quelques-unes des belles Stances de Rousseau:
Que l'homme , &c.
Qu'un Livre est bien pendant sa vie
Un parfait miroir de douleurs
En naissant sous la Presse il crie ,
Et semble prévoir ses malheurs.
諾
Un Essain d'insolens Censeurs .
D'abord qu'il commence à paroître ,
<
II. Vol. En
JUIN. 1732. 1277
En dégoute les achepteurs ,
Qui le blament sans le connoître.
A la fin pour comble de maux ,
Un Droguiste qui s'en rend maître ,
En habille Poivre et Pruneaux ;
C'étoit bien la peine de naître.
On raconte que Zeuxis faisoit une telle
estime de ses peintures,que s'il ne les pouvoit bien vendre,il aimoit mieux les donner que d'en retirer un prix médiocre.
Les Auteurs n'ont point cette alternative,
et le Libraire s'imagine les trop payer encore , en leur donnant un petit nombre
d'Exemplaires. Il arrive même que le Libraire se ruine à force de faire gémir la
Presse. A qui donc se doit imputer la
cause d'un pareil dérangement? A la corruption du goût , au grand nombre de
Brochures ridicules , de Romans monstrueux qui s'impriment tous les jours , et
qui se vont effrontément placer dans la
Boutique, à côté des la Bruyeres, des Pascals , des Corneilles , des Molieres , des
Fénelons , des Rousseaux , des Voltaires ,
et des autres Ecrivains du premier Ordre.
Ce queje trouve de pis, c'est que tous ces
vils Auteurs communiquent leur Lépre
II, Vol. aux
178 MERCURE DE FRANCE
aux autres par le voisinage. L'Ignorance
vient ensuite , et sa main confondant
ce qu'il y a de pitoyable avec ce qu'il y a
d'exquis , recueille l'Ivraye, tandis qu'elle
néglige et qu'elle laisse le Froment le plus
pur. S'il y avoit des Protecteurs d'un certain esprit, qui sçussent peser les Ouvrages au poids du discernement , pour en
récompenser les Auteurs avec bonté et
justice , les mauvais tomberoient , et les
bons se multipliroient. Les Virgiles ne manquent point quand il y a des Méce- *
nas.C'est ce que dit Martial dans un Vers
de ses Epigrammes , et je me suis égayée
à paraphraser ce Vers en notre langue.
Sint Maecenates , non deerunt , Flacce , Marones.
Aujourd'hui les Seigneurs ne donnent
Aux Doctes ni maille ni sou ,
Par quoi pour aller au Perou ,
Beaux Esprits , Parnasse abandonnent
Mais quand les Mécenas , foisonnent ,
De Virgiles on trouve prou.
Virgile , l'Aigle des genies superieurs eut la satisfaction de voir son merite reconnu et recompensé. Servius rapporte ,
que les presens que lui firent Octave
Cesar et Mécenas, furent de si grande va
leur , que sa fortune monta en peu de
II.Vol. temps
JUIN. 1732. 1279
temps jusqu'à six mille Sesterces ; il étoit
aimé et honoré à Rome, il y avoit même
un Palais magnifique. Un jour il prononça en présence de l'Empereur et d'Octavie , mere de Marcellus , quelques Vers
de l'Enéïde ; quand il fut à l'endroit du
sixiéme Livre , où il parle de la mort de
Marcellus , d'une maniere si élégante et
si pathétique , le cœur d'Octavie en fut si
vivement touché , qu'elle tomba évanoüie , et revenant à soi , comme son évanoüissement l'avoit empêchée d'entendre
douze Vers , elle fit donner à Virgile dix
Sesterces par chaque. Quels présens n'at-on point fait depuis àSannazar ; et de
quel prix n'a-t- on point honoré sa belle
Epigramme sur la Ville de Venise ? Sa
reputation en imposoit tellement qu'il
suffisoit qu'une piéce passat pour sienne ,
pour être jugée excellente. Ce trait singulier a été remarqué par le Comte Baldessar Castiglione , dans son Courtisan.
Essendo appresentati alcuni versi sotto il no
ma del Sannazaro , à tulti par vero motto
excellenti , e furono laudati con la Meraviglie è esclamationi ; poi sapendosi per certo ,
che erano d'un altro , Persero subito la re
putatione , et par vero meno che mediocri.
Charles IX. aimoit les Lettres , mais il
étoit tres réservé dans ses récompenses.
II. Vol. Ce
1280 MERCURE DE FRANCE
les
Ce Prince , dit Brantome , aimoit fort les
Vers, et récompensoit ceux qui lui en présentoient , non pas tout à coup , disant que
Poëtes ressemblent les Chevaux , qu'ilfalloit
nourrir , non pas trop saouller , ni engraisser,
car après il ne valent plus rien. Je crois
que ni vous ni moi ne sommes trop contens de sa comparaison , et ce Prince s'étoit peut-être encore figuré qu'il en est
des Poëtes, comme des Maîtres de Danse,
qui , pour bien exercer leur Métier , doivent avoir la taille légere. Hélas ! pour
un petit nombre de Poëtes à qui la Fortune a fait part de ses faveurs ; combien
y en a- t il eu de malheureux,jusqu'à manquer du necessaire ? Consultez là- dessus
les mélanges d'Histoire et de Litterature
de Vigneul Marville. Parmi la multitude
des Sçavans infortunez dont il parle , je
me suis principalement attendrie sur la
déplorable condition du Tasse dont j'adore l'Aminte et la Jerusalem délivrée.
Le Tasse , dit ce Compilateur , étoit réduit à une si grande extrémité , qu'il fut
obligé d'emprunter un écu d'un ami pour
subsister pendant une semaine, et de prier
sa Chatte , par un joli Sonnet , de lui
prêter la nuit la lumiere de ses yeux , non
havendo candele per iscrivere i suoi versi. ·
Nous avons eu quelques Poëtes en France,
II. Vol. envers
JUIN. 1732. 1281
envers lesquels on a vû les Grands signader leur goût , ou plutôt leur caprice ; et
Desportes est plus célebre aujourd'hui par
les pensions et les présens qui lui furent
faits , que par ses Poësies.
Le jugement de l'Homme , ou plutôt son caprice,
Pour quantité d'esprits , n'a que de l'injustice.
Cor. la Gal. du Pal. act. 1. sect. 7. ,
Chapelain , dont on peut dire qu'il nâquit parfaitement coiffé, quoique suivant
la Parodie de Despréaux , il ne porta jamais qu'une vieille Tignasse : Chapelain
eut plus de bonheur que nul autre ; car
il se vit payé par avance , de l'intention
qu'il avoit de donner un Poëme excellent;
joüit pendant vingt ans d'une grosse
pension , et son intention mal exécutée
le rendit à la fin possesseur d'une fortune
considérable , tandis que Corneille et Patru pouvoient à peine fournir aux besoins
dont la nature nous a faits les esclaves.
·
D'autres Auteurs ont vû le fruit de
leurs veilles se borner aux attentions, aux
caresses des Grands . Cela flatte d'abord la
vanité ; mais de retour chez soi , on n'y est
pas un instant , sans en appercevoir le
vuide dans toute son étenduë. Trente
baisers , plus doux encore que celui dont
II.Vol B Mar-
1282 MERCURE DE FRANCE
Marguerite d'Ecosse régala Alain Chartier , ne feront point une vie gracieuse à
un Poëte , si l'on s'en tient aux démonstrations extérieures. On n'est point avare
à notre égard de complimens et de ceremonies , et l'on nous traite à la façon des
Morts , avec de l'eau benite. Peut - être
aussi que les bons Poëtes ayant été comparez aux Cigales , par quelques Anciens ,
car les mauvais leur ont été comparez
par d'autres ) on s'est figuré , que comme
elles , ils ne doivent vivre que de rosée.
Hoggi è fatta ( ô secolo inhumano
L'Arte del Poetar troppo infelice
Tuto nido , esca dolce , aura cortese,
Bramano i cigni , è non si vàin Parnasso ,
Con le cure mordaci, è chi pur garre ,
Semper col suo destino , è col disagio ,
Vien roco , è perde il canto , è lafavella.
GUARINI.
Mais , ne direz-vous pas , Monsieur , en
lisant ma longue Lettre , que c'est moi
qui pour mon babil , dois être mise en
parallele avec les Cigales de la derniere
espece ; j'en conviens avec vous , et je ne
nie pas que je ne scis de mon sexe tout
comme une autre,Prenez donc encore une
prise de Tabac pour vous réveiller et vous
II.Vol. forti-
JUIN. 1732. 1283
fortifier un peu contre l'ennui que vous
pourroient causer quelques lignes qu'il
me reste à écrire.
J'en reviens à l'adieu que vous prétendez dire aux neufSœurs ; permettez- moi
de vous assurer derechef¸ que c'est en
vain que vous vous le persuadez ; vous
ferez comme le Poëte Mainard , vous ré.
péterez inutilement , en prenant congé d'elles :
Je veux pourtant quitter leur bande ,
L'Art des Vers est un art divin , '
Mais leur prix est une Guirlande ,
Qui vaut moins qu'un bouchon à vin.
Vos efforts révolteront votre penchant
contre vous , et ne serviront qu'à rendre
sa rebellion plus opiniâtre; votre raison
même trop amoureuse de la rime , n'entendra plus vos cris , et ne pourra se résoudre à faire divorce avec elle. Mais
Monsieur, vous vous plaignez d'avoir été
dolié par la nature d'un mérite inutile an
bonheur de votre vie : Vous vous plaignez ! Eh, croyez vous être le seul à qui
la cruauté du sort a laissé le droit de le
maudire. Ma situation , par exemple, n'estelle point encore plus fâcheuse que la vô
tre? Je ne suis jamais sortie de ma Province,
presque toujours exilée dans le sein de
II.Vol. Bij ma
1284 MERCURE DE FRANCE
ma Patrie ; triste habitante d'un Port de
Mer , où les Lettres sont , pour ainsi dire,
ignorées: J'y avois un compatriote, un illustre ami , M. Bouguer , ce Mathématicien fameux , que l'Académie des Sciences , qui l'a couronné trois fois , a reçu au
nombre de ses Membres , au grand contentement de ses Rivaux découragez ,
mais il n'est plus de notre païs ; le Havre
de Grace nous l'a envié , et il y professe
aujourd'hui l'Hydrographie ; nous avons
pourtant en son frere ,qui remplit sa place avec honneur , une digne portion de
lui-même. Le peu de réputation que j'ai
je ne la dois qu'à moi seule et à deux cens
volumes François , Grecs traduits , Latins
et Italiens, qui forment ma petite Bibliotheque. La nombreuse famille dans laquelle je suis née ( comme vous l'avez pâ
voir dans mon Ode , sur la mort de mon
pere ) ne me laisse point assez de superAlu pour faire le voyage de Paris. Cependant Baile , dans son Dictionaire, au mot
le Païs , veut que les Parisiens n'estiment
point un Ouvrage en notre langue , s'il
n'est conçu dans l'enceinte de leur Ville ,
ou du moins s'il n'y a reçu les derniers
coups de lime.
Après tout , les injures que vous dites
àla Poësie ne me paroissent pas des mieux
II. Vol. fondées
JUIN 17328 1285
fondées , s'il est vrai qu'en rimant en or,
vous ayez trouvé la Pierre Philosophale.
Je vous avouerai pourtant que cela ne me
paroît pas naturel ; il faut absolument
qu'il y entre de l'abracadabra, ou que vous
fassiez usage de partie des Sortileges dont
le Cavalier Marin nous a donné une longue liste , dans le 13 chant de l'Adone.
Suggelli , è Rombi , è Turbini , è figure.
Il y a même dans votre projet d'autant
plus de difficulté , que les rimes en or sont
tres-rares. Richelet , ce curieux trésorier
des mots , s'est épuisé à faire la recherche
de ces rimes dorées , et n'en a pû trouver
qu'environ une demie douzaine , si vous
en exceptez les noms propres
*
Vous voulez donc rimer en or ,
La rime en or est difficile ,
Et ne vous permet pas de prendre un libre es
sor ,
Mais sçavez-vous pourquoi cette rime est sté- rile ?
C'est qu'Apollon voyant qu'à la Cour,à la Ville,
Rarement à rimer on amasse un trésor ,
Ce Dieu prudent , jugea qu'il étoit inutile
De vouloir fabriquer tant de rimes en or.
J'ai de plus un avis à vous donner en
II. Vol.
amie , B iij
T286 MERCURE DE FRANCE
amie , qui est que si en rimant en or , vous avez le moyen de gagner de l'or , vous
vous donniez bien de garde de dire votre
secrettrop haut;les autres l'apprendroient,
et vous sçavez que le grand nombre d'ou
vriers fait diminuer le prix des marchandises.
Il me reste à vous parler de M. de la
Motte , dont votre Lettre m'a appris la
mort. J'ai remarqué dans les Livres de cet
Académicien , un esprit exact , un jugement profond , des pensées solides , avec
un certain air de probité qui ne regnoit
pas moins , nous dit on , dans son cœur ,
que dans ses. divers Ouvrages. Cette derniere qualité est sur tout estimable. Un
Auteur est exempt d'excuser son cœur en
accusant sa plume , comme fait Martiak
dans une Epigramme.
Est lasciva mihi pagina , vita proba.
Ce que Mainard a traduit si gaillardement , que la modestie de mon sexe ne
me permet pas de le citer , dautant que
l'obscenité est dans les termes. Parti tunicam prætende tegenda. Je ne sçaurois passer la grossiereté des expressions en quelque langue que ce soit , et ce défaut est
moins pardonnable aux François qu'aux
autres ; notre Nation surpassant en poliII. Vol.
tesse
JUIN. 1732.
1287
tesses les anciens Romains même. Il en est
des Vers comme d'une Lettre polie ; il
leur faut une enveloppe.Personne ne prise
plus que moi les Epigrammes de Rousseau ; je ne m'offense pas jusqu'à faire la
grimace , en lisant quantité de ces petites
Piéces , dont le sens est un peu libertin ,
mais je ne sçaurois souffrir celles où la pudeur est directement heurtée par les termes. Boileau , dans le 2 chant de son Art
Poëtique , ne permet point en notre langue ces libertez d'expression qu'il tolere
en Catule et en Pétronne.
Le Latin dans les mots brave l'honnêteté ,
Mais le Lecteur François veut être res pecté.
Ma façon d'écrire vous paroîtra singu
lieure , Monsieur ; je cours çà et là , sans
tenir de route certaine , et comme si j'érois enfoncée dans un Labirinte, je quitte
une allée pour en enfiler une autre je
m'égare , je retourne sur mes pas ; faisant
de cette maniere beaucoup de chemin ,
sans beaucoup avancer.
Or pour en revenir à M. de la Motte ,
après avoir loué ce que j'ai trouvé d'admirable en lui , dût - on me faire mont
procès , il faut que j'avoue ce qui m'a déplu. Je dis donc qu'il est trop gravement
II.Vol. Biiij moral
1288 MERCURE DE FRANCE
moral dans ses Odes , que son stile est
triste , que , que la Poësie languit dans ses Tragédies, que ses Fables ne sont point naïves , et que ce n'est que dans quelques endroits de ses Opéra que je découvre les
étincelles du beau feu qui caractérise le
Poëte. Le Quattrain qui suit , et que vous
citez dans votre Lettre , n'est pas de mon
goût , n'en déplaise aux Manes de M. de
la Motte.
»Vous loüez délicatement
"Une Piéce peu délicate ,
>> Permettez-moi que je la datte
- Du jour de votre compliment.
Je n'entends gueres ces quatre Vers ,
et il me paroît que le bon sens de M. de
la Motte a fait un faux pas en cette occasion. Vous me marquez qu'ayant lû une
Piece infiniment délicate , vous dites à M.
de la Motte qu'il falloit qu'elle fut de lui
ou de M. de Fontenelles que répond t- id
dans son Quattrain impromptu , sinon ,
1º. que cette Piéce qu'il avoit trouvée de
mauvais aloi auparavant , devient bonne,
parce que vous avez crû qu'elle étoit de
lui ou de M. de Fontenelle. 2°. Qu'elle
n'est bonne que du jour de votre compliment , et que c'est ce compliment qui
fait une partie de sa bonté. En verité cela
II. Vol. ne
JUIN. 1732. 1289
ne meparoît pas raisonnable.Mais ne passerai-je pas dans votre esprit , Monsieur ,
pour une indiscrete de déclarer mon sentiment avec tant de liberté sur un Auteur
aussi célebre que M.de la Motte ? Ne pas- serois - je pas même pour une ingrate , si
vous sçaviez que c'est lui qui m'a adressé
les quatre Vers que vous avez peut- être
lû dans le Mercure de Janvier, page 75.
qu'y faire ? Je suis femme , et par conséquent peu maîtresse de me taire. De plus
j'ai vu le jour au milieu d'une nation, dont
la naïveté et la franchise ont toujours été
le partage. Mais il me souvient que vous
m'engagez sur la fin de votre Lettre à faire l'Epitaphe de M. de la Motte , je le devrois , ne fusse que pour me vanger de sa
politesse , je le devrois , je ne le puis. Cependant , attendez , révons un moment;
foy de Bretonne.voici tout ce que je sçau.
rois tirer de mon petit cerveau.
Cy git la Motte , dont le nom
Vola de Paris jusqu'à Rome ;
Etoit-il bon Poëte ? Non ,
Qu'importe Il étoit honnête homme,
Je ne doute point que cette Critique ne
souleve contre moiles trois quarts du Par
nasse. Les Partisans de M.de la Morte , et
peut-être vous-même me regarderez com
II.Vol. By me:
1290 MERCURE DE FRANCE
me une sacrilege. Ils diront qu'il ne m'appartient pas de mettre un pié profane dans le sanctuaire. Je commence par les :
avertir que je ne répondrai rien , c'est à- dire , que je me tairai si je le puis , sinon
on verra,furens quid fœmina possit. Eh !
depuis quand prétend- t- on ôter la liberté
de dire ce qu'on pense sur les Ouvrages
d'esprit?Les Loix de la critique sont comme celles de la Guerre ; il est permis de
tirer , mais il est défendu d'envenimer les
Bales. Pourquoi me feroit-on un crime
de prendre sur les Ouvrages de M. de la
Motte les mêmes droits qu'il s'est attribués sur ceux d'Homere, de Pindare, d'Anacréon , et des Latins et des François? Au
surplus si la critique est mal fondée , les
traits que lance le Censeur reviennent
sur lui. Si au contraire elle est judicieuse ,
les défauts qu'on fait appercevoir aux autres , servent à les corriger et à les rendre
amoureux du vrai beau et de la pure exactitude.
Je ne m'ennuye point avec vous , Monfeur , mais je crains que mes discours ne
'ous ennuyent; je ne dirai pas comme
Pascal, dans sa seiziéme Lettre:Je n'aifait
celle- ci plus longue que parce queje n'ai pas
eu le loisir de la faire plus courte. Je dirai
plutôt , comme dans sa huitiéme : Le pa- II.Vol.
Pier
JUIN. 1732. 1291
pier me manque toujours , et non pas les Passages et je ne fais cette Lettre si courte
que parce que je ne la veux pas faire plus
longue , dans la crainte que j'ai , ou que
sa prolixité ne la fasse rebuter de l'Auteur
du Mercure, ou que vous ne vous donniez
pas la peine dela lire jusqu'à la fin , et je
vous avoue que je vous en voudrois du
mal , d'autant plus que c'est ici que vous
trouverez ce que j'ai sur tout envie que
vous sçachiez , que je suis avec un parfait retour d'estime, Monsieur , votre treshumble , &c.
Au Croisic , ce 15 d'Avril , 1732.
la Vigne , à la Lettre que M Carrelet
de Hautefeuille lui a addressée dans le
Mercure de Janvier 1732. page 75.
Leine,Monsieur,de m'apportervos
E Seigneur Mercure s'est donné la
peine , Monsieur , de m'apporter vos
Poulets , vos Billets doux , vos Relations,
en un mot votre Lettre ; car cette Lettre
sçavante et polie renferme en elle toutes
ces especes', par les differentes matieres
qu'elle traitte , et par les tours ingénieux
dont elle est agréablement variée ; je me
Alatte aussi que ce fidele Messager , non
moins habile que gracieux , voudra bien
se charger de ma réponse.
Vous m'écrivez , Monsieur, qu'on vous
a volé ; vous ne pouviez vous addresser à
personne qui fut plus sensible à ce qui
vous touche, ni par conséquent plus portée à vous plaindre. Quoi ! Monsieur, on
K
II. Vol.
vous
JUIN. 1732. 1265
vous a volé ? On vous a volé , Monsieur?
Quel accident ! Quelle perfidie ! Quelle
cruauté ! Eh! que vous a- t - on volé ?
Grands Dieux ! Proh! Dii immortales ! Facinus indignum quod narras !
Ce n'est point deux Vers , une Strophe, un Madrigal, une Epigramme seulement: Ciel ! c'est sur une Ode entiere qu'on
a eu l'audace de mettre la main.
Le trait est noir ; oui , certes, et des plus
noirs. Ce sont- là de ces coups qu'un Poëte
supporte rarement avec patience, à moins
qu'il n'ait , comme vous , l'ame bourrée
d'une Jacque de Maille à la Stoïcienne.
Sans doute que le Voleur en faisant ce
larcin, s'étoit fondé sur ces deux premiers
Vers du 15 Chant de Roland le furieux.
Fù il vincer sempre mai laudabil cosa ,
Vinca si è per fortuna , o per ingegno.
L'Arioste me paroît avoir escroqué
cette pensée à Virgile , dans le 2. liv. de l'Enéïde.
Dolus an virtus , quis in hoste requirat ?
·
Cependant le voleur dont il s'agit ,' n'est
point pardonnable. C'est là mal interprêter la chose , et faire en matiere de
Lettres, ce que font les hérétiques en maII. Vol.
A v tiere
1266 MERCURE DE FRANCE
"
tiere de Religion, qui tournent et retournent certains Passages de tant de côtez
qu'ils leur trouvent à la fin un sens ambigu , et qui , quelque louche qu'il soit ,
leur paroît neanmoins d'accord avec leur
morale. Mais comme on ne les confond
ensuite , qu'en opposant citation contre
citation , authorité contre authorité , il
faut donc objecter aux Filoux du Parnasse
le sentiment d'un autre Italien. Auvertite
che voi vi vestite degli honori , e delle glorie
altrui , et v'attribuite quello che non è vostro. Voi sarete chiamati la cornacchia d'Esopo , et quello ch'è peggio , bisognerà restituire i furti con grandissimo scorno , e biasmo come suole intervenire a certi poetuzzi
moderni che alla scoperta rubbano a tutti ,
non rimanendo loro di proprio che la fatica , l'inchiestro , la carta , et il tempo gettato via.
Sérieusement , Monsieur , votre situation me paroît triste , et d'autant plus
qu'on ne croit pas toujours le plaignant
sur sa déposition. C'est vainement qu'il
dira , oui , Messieurs , je fis cette Strophe
un tel jour , à telle heure ; et la preuve ,
la voilà : Absorbé que j'étois dans la poëtique rêverie , je me rongeai les ongles
jusqu'au vif: Voyez - vous ? Regardez ,
ces deux doigts écorchez par le bout, sont
€
II. Vol. de
JUIN. 1732. 1267
de sûrs garans de la vérité de mes paroles.
Vains propos : Plus de la moitié de vos
juges ne sçauroient résoudre leurs doutes
et l'on balance toujours entre le proprié
taire et le voleur. Pour moi , si j'avois été
en votre place , j'aurois mis cent Mouches en campagne pour dénicher le Larron , et le faire sans délai convenir du
larcin.
J'aurois fait aussi- tot galopper sur sa trace
Le grand Prevôt du Parnasse,
Mais hélas ! que les choses sont aujourd'hui changées ; on insulte , on pille , on
brave Apollon sur son Thrône même.
La Marêchaussée du Pinde n'a plus la
force de cheminer. Plutus , le seul Plutus
sçait se faire obéïr , se faire craindre , se
faire rendre justice , et l'on prétend que
c'est lui qui la distribuë; quant aux Citoyens de la double Colline , l'équité ne
s'observe ni à leur égard , ni à l'égard de
leurs ouvrages. Un Financier au moyen
d'une douzaine de chiffres , voit pleuvoir à millier les Louis dans son Coffre
fort , et ce profit amené , ne sera souvent
le fruit que de quelques heures ; cependant un malheureux , nud jusqu'à la chemise,transsi defroid , demi mort de faim,
se glisse adroitement dans son Bureau ,
II. Vol A vj qu'il
1268 MERCURE DE FRANCE
qu'il écrême si peu que rien le superfluz
de son cher métail ; en court après , on
l'arrête , on l'emprisonne ; le coupable
n'est déja plus. Pourquoi ne poursuit- on
pas avec la même diligence et la même
sévérité les Voleurs des Ouvrages ingénieux ? L'Esprit est- il moins estimable
que l'or ?
Vilius argentum est auro , virtutibus aurum:
Un Financier a plutôt gagné vingt mil
le écus , qu'un Poëte n'a fait une belle:
Ode. Si le travail , si la difficulté donnele prix aux choses , les Métaux , les Diamans qui ne sont que de la bouë pétrifiée
et polie ensuite par l'Ouvrier , sont - ils
donc préférables aux pures et l'aborieuses
productions de l'ame.
Otempora! ô mores ! Depuis que les Boileaux , les Molieres , les Saint- Evremond,
ces Turennes , ces Condez du Parnasse
sont allez guerroyer dans les champs Eli-
-sées ; la licence et le désordre ont envahi le Païs des Lettres ; où la force manque, tout est toléré. Platon se détaille
en Comédies, les Lettres se composent en
Madrigaux , les Oraisons prétintaillées
sont toutes frisées d'antithéses , l'Historien passe avec rapidité sur la politique et
l'interressant , et se promene à pas comII.Vol.
ptez
JUIN. 17320 1269
ptez dans la région fleurie des descriptions , et passe de- là par une fausse porte
dans la grande contrée des digressions
vagues et inutiles.
Jugez , Monsieur , par la mauvaise humeur où je suis , combien votre malheur
m'a affligée ; ce qui redouble encore mon
chagrin, c'est d'apprendre de vous-même
que vous avez dit adieu au Parnasse.Quoi
le dépit d'avoir perdu une Ode , doit-il
vous porter à des extrémitez pareilles ?
La perte est réparable. Ne vous est-il pas
resté un Canif pour tailler votre Plume?
Mais avez-vous bien refléchi sur la résolution que vous vous imaginez avoir
prise ? Croyez-vous pouvoir tenir ferme
contre le penchant dont vous êtes l'esclave ? Je vous en défie , j'en ai dit tout autant que vous , cent et cent fois.
n'a
Verbaque pracipites diripuere noti.
J'ai trouvé que le feu Pere du Cerceau
pas eu tort d'écrire :
39 Qui fit des Vers , toujours des Vers fera,
C'est le Moulin qui moulut et moudra;
»Contre l'étoile il n'est dépit qui tienne ,
» Et je me cabre en vain contre la mienne.
Le P. du Cerceau a rendu par ces quaIL. Vol.
tre
1270 MERCURE DE FRANCE
tre Vers Marotiques , le Vers d'Horace
qui suit :
Naturam expellas furca tamen usque recurret.
Ce que je ne sçais quel autre a traduit
én deux Vers :
Quand , la Fourche à la main, nature on chase seroit >
Nature cependant toujours retourneroit.
Ovide , dont l'esprit est si fécond et si
délié , ce Poëte qui quelque sçavant qu'il
fut , devoit moins à l'Art qu'à la Nature. Ovide est forcé d'avouer que c'est en
vain qu'on tâche de combattre ce penchant imperieux.
At mihijam puero coelestia sacra placebant ,
Inque suum furtim Musa trahebat opus..
Sæpe Pater dixit , studium quid inutilè tentas ?
Moonides nullas ipse reliquit opes ,
Motus eram dictis , totoque Helicone relictor
Scribere conabar verba soluta modis,
Sponte sua carmen numeros veniebat adaptos
Quidquid tentabam scribere versus erat.………
Le Pere d'Ovide séche de chagrin de
voir son fils en proye à cette manie tirannique ; il ne néglige rien pour en rompre
les accès , il lui montre le vuide de cette
II. Vol. occu-
JUIN. 1732. 1271
Occupation aussi pénible qu'infructueuse.
L'exemple d'Homere qui vécut toujours
pauvre, malgré ses grands talens , lui sert
à prouver l'importante vérité de ses leçons salutaires. Il conseille , il commande, il prie , il menace, et s'emporte même
jusqu'à le maltraiter ; le fils paroît se rendre à la volonté du pere , et se croyant
déja le maître de sa passion , lui promet
de ne plus faire de Vers de sa vie.
•
C'est en Prose qu'il écrira désormais ,
le parti en est pris ; il faut que l'agréa
ble cede à l'utile , il n'y a plus à balancer.
En un mot , le voilà la plume à la main
résolu d'exécuter ce qu'il s'est proposé.
Mais qu'arrive-t- il ? La tête lui tourne , il
se figure écrire de la Prose, et ce sont des
Vers qui coulent sur le papier.
Quidquid tentabam scribere , versus erat.
Ovide ne péchoit point par ignorance,
et l'on a sans cesse répété depuis tant de
siècles , les deux Vers suivans , enfans de
sa veine : que l'esprit avoit été autrefois
plus précieux que l'or , mais qui dans le
temps présent , c'étoit être tout à-fait
barbare, que d'être entierement dépourvû des dons de la fortune.
Ingenium quondam fuerat preciosius auro.
II. Vol. Pour
1272 MERCURE DE FRANCE
Pour moi je crois que ce quondam , cet
autrefois , n'a jamais été.
At nunc barbaries grandis habere nihil.
Quant à ce Nunc , ce maintenant , je
crois qu'il a été de tout temps.C'est donc
en Ovide que la volonté est maîtrisée par
le temperament ; et c'est-là qu'on peut dire que le libre arbitre fait nauffrage.
Après tout , je conviens avec vous et
avec toutes les personnes sensées , que
quand on n'est pas né avec beaucoup de
bien, on doit tâcher d'arriver par les belles voyes à certaine fortune , à labri de
laquelle on puisse vivre à l'aise , et faire la
figure convenable à son rang.
Nil habet infelix paupertas durius in se
Quam quod ridiculos homines , facit.
La pauvreté est le plus grand des maux
qui soient sortis de la funeste Boëte de
Pandore , et l'on craint autant l'haleine
d'un homme qui n'a rien , que celle d'un
pestiferé.
Yo
Déplorons donc le sort de ceux qu'un
ascendant fatal attache à ce libertinage
d'esprit. Sénéque , ce Philosophe sentencieux , qu'on peut comparer au Rat hipo
crite , qui prêche la mortification dans
un Fromage de Hollande , ou à la four11. Vol.
mi,
JUIN. 1732. 1273
mi, qui fait l'éloge de l'abstinence, montée sur un tas de grain. Cet illustre Charlatan débitoit autrefois la morale austére,
qu'il nous a laissée dans ses Livres ; mais
y croyoit-on ? et pouvoit - on plutôt ne
pas mépriser un homme qui conseilloit
la sobriété , la bouche pleine , et la
vreté , tandis que ses coffres regorgeoient
de Richesses ? Nicolas de Palerme parloit
avec bien plus de sincerité , quand après
avoir lû un Livre, dans lequel on préténdoit que la pauvreté étoit un bien, il s'écria : Délivrez-moi d'un tel bien , ô mon
Dieu !
pauTravaillez , nous dit-on , divins éleves
des Muses , veillez , suez , frappez - vous
le front , mordez-vous les doigts , brisez
votre pupitre , au fort de votre entousiasme. Virum Musa beat. La gloire se
peut-elle achepter par trop de peines ?
Quel honneur! quel espoir que celui de se survivre éternellement à soi - même !
Erreur , folie , idée chimerique.
Gloria quantalibet quid erit , si gloria tantum est.
Ne vaut- il pas mieux vivre pendant
qu'on est en vie , et que l'on se sent vivre réellement : Homere , ce Chantre fameux , qui jadis entonnoit ses Rapsodies
sur les Ponts-Neufs des Villes de Gréce ;
II.Vol. en
1274 MERCURE DE FRANCE
en traîna- t-il de moins tristes jours , quoi
quele Supplément de Quinte- Curce nous
dise que ses Ouvrages se sont reposez
après sa mort , sous l'oreiller du Grand
Alexandre. On logea ses Poëmes dans des
Coffrets d'or , enrichis de Pierreries ; et
pendant qu'il vécut , à peine trouva- t- il
une Maison où se mettre à l'abri des injures de l'air ? Fecit enim nominis ejus claritas , ut quem virum rebus omnibus egentem nemo agnoverit , nunc multe Gracia ?
Urbes certatim sibi vindicent. Dante , dans
le 22 Chant du Purgatoire , désigne ainsi
cet illustre Poëter
QuelGreco
Chele Muse lattar più ch'altro mai.
Pour moi , je dis que si les Muses sont
des Nourrices , ce ne sont que des Nousrices séches ; leurs Nourrissons s'attendent
à recueillir un aliment qui les rassasie
mais au lieu de lait , ils n'en tirent que du
vent qui les fatigue et les extenue. Ceci
revient à l'endroit de votre Lettre , où
vous dites agréablement en Vers , que les
Poëtes ne moissonnent que du vent avec
leur plume. Ainsi je crois qu'on les peut
appeller des Instrumens à vent , qui ne
rendent que du vent , ne travaillent que
pour du vent , et ne sont récompensez
II. Volo que
JUIN. 1732. 1275 1
que de vent; disons donc avec Pétronne :
Heu! ast heu! utres inflati sumus , minoris
quàm Muscasumus, tamen aliquamvirtutem
habent , nos non pluris quam bulla. Voici
une Boutade de ma façon à ce sujet :
si le vent est la nourriture ,
Des Bourgeois malheureux du stérile Hélicon;.
Ils devroient , au lieu d'Apollon ,
Pour ne point manquer de Pâture ,
D'Eole le venteux , avoir fait leur Patron.
Plusieurs Singes du Docte Erasme , se
sont émancipez de nos jours , à faire divers éloges pointilleux , de l'Yvresse , du
Mensonge , de Rien , de quelque chose ,
et nombre d'autres bagatelles bizarres
dans le même goût; mais je n'en vois point
qui se plaisent à faire l'éloge de la Pauvreté; Paupertas habet scabiem. Juvenal ,
ce grondeur éternel , cet impitoïable censeur des mœurs de son siècle , ne sçauroits'empêcher de sortir de sa Philosophie , et
de soupirer après les biens de la fortune ;
il déteste la pauvreté, il déplore la misere
du Poëte Stace , et sa septiéme Satyre est
toute farcie de plaintes.
Frange miser calamos , vigilataque prælia dele ,
Quifacis in parva sublimia carmina cella ,
Ut dignus venias hederis et imagine macrâ :
II. Vol.
Spes
1276 MERCURE DE FRANCE
Spes nulla ulterior , didicit jam dives avarus
Tantum admirari, tantùm laudare disertos,
Ut pueri ,junonis avem.
Cette matiere est si- bien traitrée dans
cette Satyre, qu'elle mériteroit d'être rapportée toute entiere , si cet Auteur n'étoit entre les mains de tout le monde : La
pauvreté, dit-on, est la Mere des Arts.
Labor omnia vincit
Improbus, et duris urgens in rebus egestas.
Oui , la Mere des Arts mécaniques ; un
Manœuvre vit du travail de ses mains ;
mais les Poëmes ne se vendent point en
détail , si ce n'est chez les Marchands de
Drogues. Cette réfléxion me donne lieu de
rapporter la Parodie que j'ai faite de quelques-unes des belles Stances de Rousseau:
Que l'homme , &c.
Qu'un Livre est bien pendant sa vie
Un parfait miroir de douleurs
En naissant sous la Presse il crie ,
Et semble prévoir ses malheurs.
諾
Un Essain d'insolens Censeurs .
D'abord qu'il commence à paroître ,
<
II. Vol. En
JUIN. 1732. 1277
En dégoute les achepteurs ,
Qui le blament sans le connoître.
A la fin pour comble de maux ,
Un Droguiste qui s'en rend maître ,
En habille Poivre et Pruneaux ;
C'étoit bien la peine de naître.
On raconte que Zeuxis faisoit une telle
estime de ses peintures,que s'il ne les pouvoit bien vendre,il aimoit mieux les donner que d'en retirer un prix médiocre.
Les Auteurs n'ont point cette alternative,
et le Libraire s'imagine les trop payer encore , en leur donnant un petit nombre
d'Exemplaires. Il arrive même que le Libraire se ruine à force de faire gémir la
Presse. A qui donc se doit imputer la
cause d'un pareil dérangement? A la corruption du goût , au grand nombre de
Brochures ridicules , de Romans monstrueux qui s'impriment tous les jours , et
qui se vont effrontément placer dans la
Boutique, à côté des la Bruyeres, des Pascals , des Corneilles , des Molieres , des
Fénelons , des Rousseaux , des Voltaires ,
et des autres Ecrivains du premier Ordre.
Ce queje trouve de pis, c'est que tous ces
vils Auteurs communiquent leur Lépre
II, Vol. aux
178 MERCURE DE FRANCE
aux autres par le voisinage. L'Ignorance
vient ensuite , et sa main confondant
ce qu'il y a de pitoyable avec ce qu'il y a
d'exquis , recueille l'Ivraye, tandis qu'elle
néglige et qu'elle laisse le Froment le plus
pur. S'il y avoit des Protecteurs d'un certain esprit, qui sçussent peser les Ouvrages au poids du discernement , pour en
récompenser les Auteurs avec bonté et
justice , les mauvais tomberoient , et les
bons se multipliroient. Les Virgiles ne manquent point quand il y a des Méce- *
nas.C'est ce que dit Martial dans un Vers
de ses Epigrammes , et je me suis égayée
à paraphraser ce Vers en notre langue.
Sint Maecenates , non deerunt , Flacce , Marones.
Aujourd'hui les Seigneurs ne donnent
Aux Doctes ni maille ni sou ,
Par quoi pour aller au Perou ,
Beaux Esprits , Parnasse abandonnent
Mais quand les Mécenas , foisonnent ,
De Virgiles on trouve prou.
Virgile , l'Aigle des genies superieurs eut la satisfaction de voir son merite reconnu et recompensé. Servius rapporte ,
que les presens que lui firent Octave
Cesar et Mécenas, furent de si grande va
leur , que sa fortune monta en peu de
II.Vol. temps
JUIN. 1732. 1279
temps jusqu'à six mille Sesterces ; il étoit
aimé et honoré à Rome, il y avoit même
un Palais magnifique. Un jour il prononça en présence de l'Empereur et d'Octavie , mere de Marcellus , quelques Vers
de l'Enéïde ; quand il fut à l'endroit du
sixiéme Livre , où il parle de la mort de
Marcellus , d'une maniere si élégante et
si pathétique , le cœur d'Octavie en fut si
vivement touché , qu'elle tomba évanoüie , et revenant à soi , comme son évanoüissement l'avoit empêchée d'entendre
douze Vers , elle fit donner à Virgile dix
Sesterces par chaque. Quels présens n'at-on point fait depuis àSannazar ; et de
quel prix n'a-t- on point honoré sa belle
Epigramme sur la Ville de Venise ? Sa
reputation en imposoit tellement qu'il
suffisoit qu'une piéce passat pour sienne ,
pour être jugée excellente. Ce trait singulier a été remarqué par le Comte Baldessar Castiglione , dans son Courtisan.
Essendo appresentati alcuni versi sotto il no
ma del Sannazaro , à tulti par vero motto
excellenti , e furono laudati con la Meraviglie è esclamationi ; poi sapendosi per certo ,
che erano d'un altro , Persero subito la re
putatione , et par vero meno che mediocri.
Charles IX. aimoit les Lettres , mais il
étoit tres réservé dans ses récompenses.
II. Vol. Ce
1280 MERCURE DE FRANCE
les
Ce Prince , dit Brantome , aimoit fort les
Vers, et récompensoit ceux qui lui en présentoient , non pas tout à coup , disant que
Poëtes ressemblent les Chevaux , qu'ilfalloit
nourrir , non pas trop saouller , ni engraisser,
car après il ne valent plus rien. Je crois
que ni vous ni moi ne sommes trop contens de sa comparaison , et ce Prince s'étoit peut-être encore figuré qu'il en est
des Poëtes, comme des Maîtres de Danse,
qui , pour bien exercer leur Métier , doivent avoir la taille légere. Hélas ! pour
un petit nombre de Poëtes à qui la Fortune a fait part de ses faveurs ; combien
y en a- t il eu de malheureux,jusqu'à manquer du necessaire ? Consultez là- dessus
les mélanges d'Histoire et de Litterature
de Vigneul Marville. Parmi la multitude
des Sçavans infortunez dont il parle , je
me suis principalement attendrie sur la
déplorable condition du Tasse dont j'adore l'Aminte et la Jerusalem délivrée.
Le Tasse , dit ce Compilateur , étoit réduit à une si grande extrémité , qu'il fut
obligé d'emprunter un écu d'un ami pour
subsister pendant une semaine, et de prier
sa Chatte , par un joli Sonnet , de lui
prêter la nuit la lumiere de ses yeux , non
havendo candele per iscrivere i suoi versi. ·
Nous avons eu quelques Poëtes en France,
II. Vol. envers
JUIN. 1732. 1281
envers lesquels on a vû les Grands signader leur goût , ou plutôt leur caprice ; et
Desportes est plus célebre aujourd'hui par
les pensions et les présens qui lui furent
faits , que par ses Poësies.
Le jugement de l'Homme , ou plutôt son caprice,
Pour quantité d'esprits , n'a que de l'injustice.
Cor. la Gal. du Pal. act. 1. sect. 7. ,
Chapelain , dont on peut dire qu'il nâquit parfaitement coiffé, quoique suivant
la Parodie de Despréaux , il ne porta jamais qu'une vieille Tignasse : Chapelain
eut plus de bonheur que nul autre ; car
il se vit payé par avance , de l'intention
qu'il avoit de donner un Poëme excellent;
joüit pendant vingt ans d'une grosse
pension , et son intention mal exécutée
le rendit à la fin possesseur d'une fortune
considérable , tandis que Corneille et Patru pouvoient à peine fournir aux besoins
dont la nature nous a faits les esclaves.
·
D'autres Auteurs ont vû le fruit de
leurs veilles se borner aux attentions, aux
caresses des Grands . Cela flatte d'abord la
vanité ; mais de retour chez soi , on n'y est
pas un instant , sans en appercevoir le
vuide dans toute son étenduë. Trente
baisers , plus doux encore que celui dont
II.Vol B Mar-
1282 MERCURE DE FRANCE
Marguerite d'Ecosse régala Alain Chartier , ne feront point une vie gracieuse à
un Poëte , si l'on s'en tient aux démonstrations extérieures. On n'est point avare
à notre égard de complimens et de ceremonies , et l'on nous traite à la façon des
Morts , avec de l'eau benite. Peut - être
aussi que les bons Poëtes ayant été comparez aux Cigales , par quelques Anciens ,
car les mauvais leur ont été comparez
par d'autres ) on s'est figuré , que comme
elles , ils ne doivent vivre que de rosée.
Hoggi è fatta ( ô secolo inhumano
L'Arte del Poetar troppo infelice
Tuto nido , esca dolce , aura cortese,
Bramano i cigni , è non si vàin Parnasso ,
Con le cure mordaci, è chi pur garre ,
Semper col suo destino , è col disagio ,
Vien roco , è perde il canto , è lafavella.
GUARINI.
Mais , ne direz-vous pas , Monsieur , en
lisant ma longue Lettre , que c'est moi
qui pour mon babil , dois être mise en
parallele avec les Cigales de la derniere
espece ; j'en conviens avec vous , et je ne
nie pas que je ne scis de mon sexe tout
comme une autre,Prenez donc encore une
prise de Tabac pour vous réveiller et vous
II.Vol. forti-
JUIN. 1732. 1283
fortifier un peu contre l'ennui que vous
pourroient causer quelques lignes qu'il
me reste à écrire.
J'en reviens à l'adieu que vous prétendez dire aux neufSœurs ; permettez- moi
de vous assurer derechef¸ que c'est en
vain que vous vous le persuadez ; vous
ferez comme le Poëte Mainard , vous ré.
péterez inutilement , en prenant congé d'elles :
Je veux pourtant quitter leur bande ,
L'Art des Vers est un art divin , '
Mais leur prix est une Guirlande ,
Qui vaut moins qu'un bouchon à vin.
Vos efforts révolteront votre penchant
contre vous , et ne serviront qu'à rendre
sa rebellion plus opiniâtre; votre raison
même trop amoureuse de la rime , n'entendra plus vos cris , et ne pourra se résoudre à faire divorce avec elle. Mais
Monsieur, vous vous plaignez d'avoir été
dolié par la nature d'un mérite inutile an
bonheur de votre vie : Vous vous plaignez ! Eh, croyez vous être le seul à qui
la cruauté du sort a laissé le droit de le
maudire. Ma situation , par exemple, n'estelle point encore plus fâcheuse que la vô
tre? Je ne suis jamais sortie de ma Province,
presque toujours exilée dans le sein de
II.Vol. Bij ma
1284 MERCURE DE FRANCE
ma Patrie ; triste habitante d'un Port de
Mer , où les Lettres sont , pour ainsi dire,
ignorées: J'y avois un compatriote, un illustre ami , M. Bouguer , ce Mathématicien fameux , que l'Académie des Sciences , qui l'a couronné trois fois , a reçu au
nombre de ses Membres , au grand contentement de ses Rivaux découragez ,
mais il n'est plus de notre païs ; le Havre
de Grace nous l'a envié , et il y professe
aujourd'hui l'Hydrographie ; nous avons
pourtant en son frere ,qui remplit sa place avec honneur , une digne portion de
lui-même. Le peu de réputation que j'ai
je ne la dois qu'à moi seule et à deux cens
volumes François , Grecs traduits , Latins
et Italiens, qui forment ma petite Bibliotheque. La nombreuse famille dans laquelle je suis née ( comme vous l'avez pâ
voir dans mon Ode , sur la mort de mon
pere ) ne me laisse point assez de superAlu pour faire le voyage de Paris. Cependant Baile , dans son Dictionaire, au mot
le Païs , veut que les Parisiens n'estiment
point un Ouvrage en notre langue , s'il
n'est conçu dans l'enceinte de leur Ville ,
ou du moins s'il n'y a reçu les derniers
coups de lime.
Après tout , les injures que vous dites
àla Poësie ne me paroissent pas des mieux
II. Vol. fondées
JUIN 17328 1285
fondées , s'il est vrai qu'en rimant en or,
vous ayez trouvé la Pierre Philosophale.
Je vous avouerai pourtant que cela ne me
paroît pas naturel ; il faut absolument
qu'il y entre de l'abracadabra, ou que vous
fassiez usage de partie des Sortileges dont
le Cavalier Marin nous a donné une longue liste , dans le 13 chant de l'Adone.
Suggelli , è Rombi , è Turbini , è figure.
Il y a même dans votre projet d'autant
plus de difficulté , que les rimes en or sont
tres-rares. Richelet , ce curieux trésorier
des mots , s'est épuisé à faire la recherche
de ces rimes dorées , et n'en a pû trouver
qu'environ une demie douzaine , si vous
en exceptez les noms propres
*
Vous voulez donc rimer en or ,
La rime en or est difficile ,
Et ne vous permet pas de prendre un libre es
sor ,
Mais sçavez-vous pourquoi cette rime est sté- rile ?
C'est qu'Apollon voyant qu'à la Cour,à la Ville,
Rarement à rimer on amasse un trésor ,
Ce Dieu prudent , jugea qu'il étoit inutile
De vouloir fabriquer tant de rimes en or.
J'ai de plus un avis à vous donner en
II. Vol.
amie , B iij
T286 MERCURE DE FRANCE
amie , qui est que si en rimant en or , vous avez le moyen de gagner de l'or , vous
vous donniez bien de garde de dire votre
secrettrop haut;les autres l'apprendroient,
et vous sçavez que le grand nombre d'ou
vriers fait diminuer le prix des marchandises.
Il me reste à vous parler de M. de la
Motte , dont votre Lettre m'a appris la
mort. J'ai remarqué dans les Livres de cet
Académicien , un esprit exact , un jugement profond , des pensées solides , avec
un certain air de probité qui ne regnoit
pas moins , nous dit on , dans son cœur ,
que dans ses. divers Ouvrages. Cette derniere qualité est sur tout estimable. Un
Auteur est exempt d'excuser son cœur en
accusant sa plume , comme fait Martiak
dans une Epigramme.
Est lasciva mihi pagina , vita proba.
Ce que Mainard a traduit si gaillardement , que la modestie de mon sexe ne
me permet pas de le citer , dautant que
l'obscenité est dans les termes. Parti tunicam prætende tegenda. Je ne sçaurois passer la grossiereté des expressions en quelque langue que ce soit , et ce défaut est
moins pardonnable aux François qu'aux
autres ; notre Nation surpassant en poliII. Vol.
tesse
JUIN. 1732.
1287
tesses les anciens Romains même. Il en est
des Vers comme d'une Lettre polie ; il
leur faut une enveloppe.Personne ne prise
plus que moi les Epigrammes de Rousseau ; je ne m'offense pas jusqu'à faire la
grimace , en lisant quantité de ces petites
Piéces , dont le sens est un peu libertin ,
mais je ne sçaurois souffrir celles où la pudeur est directement heurtée par les termes. Boileau , dans le 2 chant de son Art
Poëtique , ne permet point en notre langue ces libertez d'expression qu'il tolere
en Catule et en Pétronne.
Le Latin dans les mots brave l'honnêteté ,
Mais le Lecteur François veut être res pecté.
Ma façon d'écrire vous paroîtra singu
lieure , Monsieur ; je cours çà et là , sans
tenir de route certaine , et comme si j'érois enfoncée dans un Labirinte, je quitte
une allée pour en enfiler une autre je
m'égare , je retourne sur mes pas ; faisant
de cette maniere beaucoup de chemin ,
sans beaucoup avancer.
Or pour en revenir à M. de la Motte ,
après avoir loué ce que j'ai trouvé d'admirable en lui , dût - on me faire mont
procès , il faut que j'avoue ce qui m'a déplu. Je dis donc qu'il est trop gravement
II.Vol. Biiij moral
1288 MERCURE DE FRANCE
moral dans ses Odes , que son stile est
triste , que , que la Poësie languit dans ses Tragédies, que ses Fables ne sont point naïves , et que ce n'est que dans quelques endroits de ses Opéra que je découvre les
étincelles du beau feu qui caractérise le
Poëte. Le Quattrain qui suit , et que vous
citez dans votre Lettre , n'est pas de mon
goût , n'en déplaise aux Manes de M. de
la Motte.
»Vous loüez délicatement
"Une Piéce peu délicate ,
>> Permettez-moi que je la datte
- Du jour de votre compliment.
Je n'entends gueres ces quatre Vers ,
et il me paroît que le bon sens de M. de
la Motte a fait un faux pas en cette occasion. Vous me marquez qu'ayant lû une
Piece infiniment délicate , vous dites à M.
de la Motte qu'il falloit qu'elle fut de lui
ou de M. de Fontenelles que répond t- id
dans son Quattrain impromptu , sinon ,
1º. que cette Piéce qu'il avoit trouvée de
mauvais aloi auparavant , devient bonne,
parce que vous avez crû qu'elle étoit de
lui ou de M. de Fontenelle. 2°. Qu'elle
n'est bonne que du jour de votre compliment , et que c'est ce compliment qui
fait une partie de sa bonté. En verité cela
II. Vol. ne
JUIN. 1732. 1289
ne meparoît pas raisonnable.Mais ne passerai-je pas dans votre esprit , Monsieur ,
pour une indiscrete de déclarer mon sentiment avec tant de liberté sur un Auteur
aussi célebre que M.de la Motte ? Ne pas- serois - je pas même pour une ingrate , si
vous sçaviez que c'est lui qui m'a adressé
les quatre Vers que vous avez peut- être
lû dans le Mercure de Janvier, page 75.
qu'y faire ? Je suis femme , et par conséquent peu maîtresse de me taire. De plus
j'ai vu le jour au milieu d'une nation, dont
la naïveté et la franchise ont toujours été
le partage. Mais il me souvient que vous
m'engagez sur la fin de votre Lettre à faire l'Epitaphe de M. de la Motte , je le devrois , ne fusse que pour me vanger de sa
politesse , je le devrois , je ne le puis. Cependant , attendez , révons un moment;
foy de Bretonne.voici tout ce que je sçau.
rois tirer de mon petit cerveau.
Cy git la Motte , dont le nom
Vola de Paris jusqu'à Rome ;
Etoit-il bon Poëte ? Non ,
Qu'importe Il étoit honnête homme,
Je ne doute point que cette Critique ne
souleve contre moiles trois quarts du Par
nasse. Les Partisans de M.de la Morte , et
peut-être vous-même me regarderez com
II.Vol. By me:
1290 MERCURE DE FRANCE
me une sacrilege. Ils diront qu'il ne m'appartient pas de mettre un pié profane dans le sanctuaire. Je commence par les :
avertir que je ne répondrai rien , c'est à- dire , que je me tairai si je le puis , sinon
on verra,furens quid fœmina possit. Eh !
depuis quand prétend- t- on ôter la liberté
de dire ce qu'on pense sur les Ouvrages
d'esprit?Les Loix de la critique sont comme celles de la Guerre ; il est permis de
tirer , mais il est défendu d'envenimer les
Bales. Pourquoi me feroit-on un crime
de prendre sur les Ouvrages de M. de la
Motte les mêmes droits qu'il s'est attribués sur ceux d'Homere, de Pindare, d'Anacréon , et des Latins et des François? Au
surplus si la critique est mal fondée , les
traits que lance le Censeur reviennent
sur lui. Si au contraire elle est judicieuse ,
les défauts qu'on fait appercevoir aux autres , servent à les corriger et à les rendre
amoureux du vrai beau et de la pure exactitude.
Je ne m'ennuye point avec vous , Monfeur , mais je crains que mes discours ne
'ous ennuyent; je ne dirai pas comme
Pascal, dans sa seiziéme Lettre:Je n'aifait
celle- ci plus longue que parce queje n'ai pas
eu le loisir de la faire plus courte. Je dirai
plutôt , comme dans sa huitiéme : Le pa- II.Vol.
Pier
JUIN. 1732. 1291
pier me manque toujours , et non pas les Passages et je ne fais cette Lettre si courte
que parce que je ne la veux pas faire plus
longue , dans la crainte que j'ai , ou que
sa prolixité ne la fasse rebuter de l'Auteur
du Mercure, ou que vous ne vous donniez
pas la peine dela lire jusqu'à la fin , et je
vous avoue que je vous en voudrois du
mal , d'autant plus que c'est ici que vous
trouverez ce que j'ai sur tout envie que
vous sçachiez , que je suis avec un parfait retour d'estime, Monsieur , votre treshumble , &c.
Au Croisic , ce 15 d'Avril , 1732.
Fermer
Résumé : RÉPONSE DE Mlle de Malcrais de la Vigne, à la Lettre que Mr Carrelet de Hautefeüille lui a addressée dans le Mercure de Janvier 1732. page 75.
Mlle de Malerais de la Vigne répond à la lettre de M. Carrelet de Hautefeuille, publiée dans le Mercure de janvier 1732, exprimant sa surprise et sa sympathie après avoir appris qu'une ode lui a été volée. Elle compare ce vol à une perfidie et une cruauté, soulignant que les poètes supportent rarement de tels actes avec patience. Elle critique le voleur, le comparant à des hérétiques qui interprètent les textes à leur convenance. Elle déplore la situation actuelle où les auteurs ne sont pas protégés et où la justice n'est pas rendue de manière équitable. Mlle de Malerais de la Vigne évoque également la difficulté de prouver la propriété d'une œuvre volée, comparant cela à une situation judiciaire où le plaignant n'est pas toujours cru. Elle regrette que les auteurs ne soient pas défendus avec la même rigueur que les financiers. Elle critique la société actuelle où les lettres et les arts sont dévalorisés et où la licence et le désordre règnent. Elle exhorte M. Carrelet de Hautefeuille à ne pas abandonner la poésie, soulignant que le penchant pour l'écriture est irrésistible. Elle cite plusieurs auteurs, dont Ovide et Horace, pour illustrer cette idée. Elle conclut en déplorant le sort des poètes, souvent méprisés et mal récompensés, et en comparant les Muses à des nourrices sèches qui ne donnent que du vent. Le texte traite de la condition des poètes et de la pauvreté, souvent glorifiée mais difficile à vivre. Juvenal, malgré son cynisme, déplore la misère des poètes. La pauvreté est décrite comme la mère des arts mécaniques, mais les poèmes ne se vendent pas facilement. Le texte critique la corruption du goût et la prolifération de mauvais ouvrages qui nuisent aux bons auteurs. Il évoque également l'importance des mécènes, comme Mécène pour Virgile, et la reconnaissance tardive ou insuffisante des poètes. Des exemples historiques, comme le Tasse et Desportes, illustrent les difficultés financières des poètes. Le texte se termine par une réflexion sur la rarité des rimes en or et l'importance de garder secrets les moyens de réussite. Le texte est une lettre datée de juin 1732, dans laquelle l'auteur discute de la grossièreté des expressions dans la langue française, soulignant que les Français devraient surpasser les anciens Romains en politesse. L'auteur apprécie les épigrammes de Rousseau mais condamne celles qui heurtent la pudeur. Il critique également le style de M. de la Motte, le trouvant trop moral et triste dans ses odes, et manque de naïveté dans ses fables. L'auteur avoue ne pas apprécier un quatrain de M. de la Motte, le jugeant peu raisonnable. Elle exprime son sentiment librement, malgré la célébrité de M. de la Motte, et compose une épitaphe humoristique pour lui. Elle défend son droit à critiquer les œuvres d'esprit, comparant les lois de la critique à celles de la guerre. L'auteur conclut en espérant que sa lettre ne soit pas ennuyeuse et exprime son estime pour le destinataire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
28
p. 1887-1891
RÉPONSE A Mlle de Malcrais de la Vigne, par M. de Voltaire, en lui envoyant la Henriade et l'Histoire de Charles XII.
Début :
Toy, dont la voix brillante a volé sur nos Rives, [...]
Mots clefs :
Voix brillante, Art de plaire, Charles XII, Henry IV, Vers, Science, Esprits, Muses, Beaux-arts, Captivité
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE A Mlle de Malcrais de la Vigne, par M. de Voltaire, en lui envoyant la Henriade et l'Histoire de Charles XII.
REPONSE
A Me de Malcrais de la Vigne , par
M. de Voltaire , en lui envoyani la
Henriade et l'Histoire de Charles XI I.
T
Oy, dont la voix brillante a volé
sur nos Rives ,
Toi , qui tiens dans Paris nos Muses attentives ,
Qui sçais si bien associer ,
Et la science et l'art de plaire ,
A ij Et
1888 MERCURE DE FRE
Et les talens de Deshoulieres ,
Et les études de Dacier ,
J'ose envoyer aux pieds de ta Muse divine ,
Quelques foibles Ecrits , enfans de mon repos ;
Charles fut seulement l'objet de mes travaux.
Henry quatre fut mon Heros ,
Et tu seras mon Héroïne.
En te donnant mes Vers , je te veux avoüer ,
Ce que je suis , ce que je voudrois être ,
Te peindre ici mon ame et te faire connoître ,
Celui que tu daignas loüer.
'Apollon présidoit au jour qui m'avu naître;
J'aurai vudans trois ans passer quarante hyvers.
Au sortir du Berceau j'ai bégayé des Vers.
Bien tôt ce Dieu puissant m'ouvrit son Sanc ruaire ;
Mon cœur vaincu par lui fut soumis à sa Loi.
D'autres ont fait des Vers par le desir d'en faire ;
Je fus Poëte malgré moi.
Tous les goûts à la fois sont entrez dans mon ame ;
Tout Art à mon hommage, et tout plaisir m'en- flamme ;
La Peinture me charme; On me voit quelquefois
Au
SEPTEMBRE. 1732. 1889
Au Palais de Philippe , ou dans celui des Rois ,
Sous les efforts de l'Art , admirer la Nature.
Du brillant Cagliari , * saisir l'Esprit divin ,
Et devorer des yeux la touche noble et sûre ,
De Raphaël et du Poussin.
De ces Apartemens qu'anime la Peinture ,
Sur les pas du Plaisir je vole à l'Opera ;
J'applaudis tout ce qui me touche :
La fertilité de Campra ,
La gayeté de Mouret , les graces de Destouches.
Pelissier par son Art , le Maure par sa voix.
L'agile Camargo, Sallé l'Enchanteresse ,
Cette austere Sallé faite pour la tendresse ,
Tour à tour ont mes vœux, et suspendent mon
choix.
Quelquefois embrassant la science hardie ,
Que la curiosité ,
Honora par vanité ,
Du nom de Philosophie ,
Je cours après Newton dans l'abîme des Cieux.
Je veux voir si des nuits la courriere inégale ,
Par le pouvoir changeant d'une force centrale ,
Paul Veronese.
A iij En
1890 MERCURE DE FRANCE
En gravitant vers nous s'approche de nos yeux ,
Et pese d'autant plus qu'elle est près de ces lieux
Dans les limites d'une ovale.
J'en entends raisonner les plus profonds esprits ;
Je les vois qui des Cieux franchissent l'intervale ,
Et je vois avec eux que je n'ai rien compris.
De ces obscuritez je passe à la morale ;.
Je'lis au cœur de l'homme, et souvent j'en rougis
J'examine avec soin les informes Ecrits ,
Les monumens épars et le stile énergique ,
De ce fameux Pascal , ce dévot satyrique.
Je vois ce rare esprit trop prompt à s'eflammer.
Je combats ses rigueurs extrêmes,
Il enseigne aux humains à se haïr eux-mêmes ;
Je voudrois, s'il se peut, leur apprendre à s'aimer..
Ainsi mes jours égaux , que les Muses remplis- sent ,
Sans soins , sans passions, sans préjugez fâcheux ,
Commencent avec joye , et vivement finissent ,
Par des soupers délicieux .
L'amour dans mes plaisirs ne mêle plus ses peines ;
J'ai quitté prudemment ce Dieu qui m'a quitté.
J'ai passé l'heureux temps fait pour la volupté .
*Les Pensées de M. Pascal.
Il
SEPTEMBRE. 7732. 18 ) F
Il est donc vrai , grands Dieux , il ne faut plus
que j'aime !
La foule des beaux Arts dont je veux tour à tour,
Remplir le vuide de moi- même ,
N'est point encor assez pour remplacer l'Amour
Je fais ce que je puis , hélas ! pour être sage ,
Pour amuser ma liberté ;
Mais si quelque jeune Beauté
Empruntant ta vivacité ,
Me parloit ton charmant langage
Je rentrerois bien- tôt dans ma captivité.
A Paris ce 15. Août 1732
A Me de Malcrais de la Vigne , par
M. de Voltaire , en lui envoyani la
Henriade et l'Histoire de Charles XI I.
T
Oy, dont la voix brillante a volé
sur nos Rives ,
Toi , qui tiens dans Paris nos Muses attentives ,
Qui sçais si bien associer ,
Et la science et l'art de plaire ,
A ij Et
1888 MERCURE DE FRE
Et les talens de Deshoulieres ,
Et les études de Dacier ,
J'ose envoyer aux pieds de ta Muse divine ,
Quelques foibles Ecrits , enfans de mon repos ;
Charles fut seulement l'objet de mes travaux.
Henry quatre fut mon Heros ,
Et tu seras mon Héroïne.
En te donnant mes Vers , je te veux avoüer ,
Ce que je suis , ce que je voudrois être ,
Te peindre ici mon ame et te faire connoître ,
Celui que tu daignas loüer.
'Apollon présidoit au jour qui m'avu naître;
J'aurai vudans trois ans passer quarante hyvers.
Au sortir du Berceau j'ai bégayé des Vers.
Bien tôt ce Dieu puissant m'ouvrit son Sanc ruaire ;
Mon cœur vaincu par lui fut soumis à sa Loi.
D'autres ont fait des Vers par le desir d'en faire ;
Je fus Poëte malgré moi.
Tous les goûts à la fois sont entrez dans mon ame ;
Tout Art à mon hommage, et tout plaisir m'en- flamme ;
La Peinture me charme; On me voit quelquefois
Au
SEPTEMBRE. 1732. 1889
Au Palais de Philippe , ou dans celui des Rois ,
Sous les efforts de l'Art , admirer la Nature.
Du brillant Cagliari , * saisir l'Esprit divin ,
Et devorer des yeux la touche noble et sûre ,
De Raphaël et du Poussin.
De ces Apartemens qu'anime la Peinture ,
Sur les pas du Plaisir je vole à l'Opera ;
J'applaudis tout ce qui me touche :
La fertilité de Campra ,
La gayeté de Mouret , les graces de Destouches.
Pelissier par son Art , le Maure par sa voix.
L'agile Camargo, Sallé l'Enchanteresse ,
Cette austere Sallé faite pour la tendresse ,
Tour à tour ont mes vœux, et suspendent mon
choix.
Quelquefois embrassant la science hardie ,
Que la curiosité ,
Honora par vanité ,
Du nom de Philosophie ,
Je cours après Newton dans l'abîme des Cieux.
Je veux voir si des nuits la courriere inégale ,
Par le pouvoir changeant d'une force centrale ,
Paul Veronese.
A iij En
1890 MERCURE DE FRANCE
En gravitant vers nous s'approche de nos yeux ,
Et pese d'autant plus qu'elle est près de ces lieux
Dans les limites d'une ovale.
J'en entends raisonner les plus profonds esprits ;
Je les vois qui des Cieux franchissent l'intervale ,
Et je vois avec eux que je n'ai rien compris.
De ces obscuritez je passe à la morale ;.
Je'lis au cœur de l'homme, et souvent j'en rougis
J'examine avec soin les informes Ecrits ,
Les monumens épars et le stile énergique ,
De ce fameux Pascal , ce dévot satyrique.
Je vois ce rare esprit trop prompt à s'eflammer.
Je combats ses rigueurs extrêmes,
Il enseigne aux humains à se haïr eux-mêmes ;
Je voudrois, s'il se peut, leur apprendre à s'aimer..
Ainsi mes jours égaux , que les Muses remplis- sent ,
Sans soins , sans passions, sans préjugez fâcheux ,
Commencent avec joye , et vivement finissent ,
Par des soupers délicieux .
L'amour dans mes plaisirs ne mêle plus ses peines ;
J'ai quitté prudemment ce Dieu qui m'a quitté.
J'ai passé l'heureux temps fait pour la volupté .
*Les Pensées de M. Pascal.
Il
SEPTEMBRE. 7732. 18 ) F
Il est donc vrai , grands Dieux , il ne faut plus
que j'aime !
La foule des beaux Arts dont je veux tour à tour,
Remplir le vuide de moi- même ,
N'est point encor assez pour remplacer l'Amour
Je fais ce que je puis , hélas ! pour être sage ,
Pour amuser ma liberté ;
Mais si quelque jeune Beauté
Empruntant ta vivacité ,
Me parloit ton charmant langage
Je rentrerois bien- tôt dans ma captivité.
A Paris ce 15. Août 1732
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Résumé : RÉPONSE A Mlle de Malcrais de la Vigne, par M. de Voltaire, en lui envoyant la Henriade et l'Histoire de Charles XII.
Dans une lettre datée du 15 août 1732, Voltaire adresse à Madame de Malcrais de la Vigne deux de ses œuvres, 'L'Henriade' et 'L'Histoire de Charles XII'. Il exprime son admiration pour la muse de Madame de Malcrais et partage ses aspirations et talents variés. Voltaire mentionne avoir écrit des vers dès son jeune âge, inspiré par Apollon. Il décrit ses multiples intérêts, allant de la poésie à la peinture, en passant par la musique et la philosophie. Il admire les œuvres de Raphaël, Poussin, Campra, Mouret, Destouches, ainsi que les danseurs Camargo et Sallé. Voltaire s'intéresse également aux découvertes scientifiques de Newton et aux pensées de Pascal, bien qu'il critique les rigueurs extrêmes de ce dernier. Il conclut en affirmant que, malgré ses efforts pour remplir ses jours de divers plaisirs et arts, il ne peut remplacer l'amour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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29
p. 929-934
LES MUSES. ODE.
Début :
Quel agréable délire, [...]
Mots clefs :
Art, Éloquence, Muses, Comédie, Tragédie, Danse, Poésie amoureuse, Musique, Histoire, Astronomie, Poème épique
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texteReconnaissance textuelle : LES MUSES. ODE.
LES MUSES,
O'D E.
Uel agréable délire ,
Vient s'emparer de mes sens !
J'entens resonnersma Lyre ;
Ma voix forme des accens.
Et déja , nouveau Pindare .
Je n'ai pour guide et pour Pharé ,
Que l'imagination .
Dans le transport qui m'anime
Rien ne semble illégitime
A ma folle ambition .
M
TA
Chastes Nymphes du Përmesse
Je vais chanter vos talens ;
Secondez ma noble yvresse
A:
2.
E ij
Et
930 MERCURE DE FRANCE
Et rendez mes Vers coulans.
Vous , Mortels , faites silence ,
Vous,qu'on voit dans l'indolence
Ennemis de leurs travaux >
Pour apprendre qu'à leur suite
Je trouve le seul mérite ,
Qui peut nous rendre inégaux.
Quelle naïve peinture ! (a)
Reconnoissez -vous, Humains ;
L'Art bien moins que la Nature ,
A fait ces Portraits malins.
Par ce charmant artifice ,
On peut détruire le vice ,
Sans qu'il en tremble d'effroi.
Quiconque veut se connoître ,
Est bien - tôt ce qu'il doit être ,
En suivant sa douce Loi.
*
Qui vient embellir la Scene ;
Par les attraits de l'Amour ?
C'est la fiere Melpomene , (b)
Avec sa brillante Cour.
Je cains , j'espere sans cesse.
Tout me plaît , tout m'interesse
(a) La Comédie.
(b) La Tragédie,
C
PA
MAY. 1733. 938
Par divers objets émů.
Mais mon coeur toujours frissonas ,
Jusqu'à ce qu'elle couronne ,
La justice ou la vertu.
Une Peinture mouvante,
M'offre les vents en fureur ;
Et l'Amant avec l'Amante ,
Se marquant leur tendre ardeur.
Ici , cet Art (a) à ma vûë ,
Peint Alecton éperdue ,
Du sang qu'elle a répandu.
Là , mille Beautez Champêtres ,
Expriment dessous des Hêtres ,
Ce qu'Amour a d'ingenu.
Jusqu'à la Voûte étoilée ,
Mille Concerts (b) amoureux
Portent à la Troupe aîlée ,
Le triomphe de ses feux ..
Tout retentit à Cythere
Des louanges de la Mere ,
De ces aimables Vainqueurs.
Tandis qu'un Essain de Belles ,
(a) La Danse.
(b) Les Poësies amoureuses .
E- iij Par
932 MERCURE DE FRANCE +1
Par ces doux Chants moins rebelles ,
Accordent leurs tendres coeurs.
Sur un Trône d'harmonie ,
Euterpe (a) s'offre à mes yeux ;
Les Mortels par son génie ,
Sont vaincus comme les Dieux.
Rien ne lui fait résistance;
Elle établit sa puissance ,
Par l'appas de ses accords ;
Et va porter ses conquêtes ,
Jusques aux sombres retraites ,
Du cruel Tyran des Morts.
M
Aux charmes de l'Eloquence , (6)
Tout cede dans l'Univers.
Thémis avec sa balance
Gémit souvent dans ses fers.
De la cime des Montagnes ,
Un Torrent dans les Campagnes ,
Vient regner moins aisément
Qu'elle ne prend un Empire ,
Sur tout Etre qui respiré ,
Doué de raisonnement.
a
(a) Là Musique.
(b) L'Eloquence,
MAY.
1733 933
En vain le Temps sur ses aîles ,
Emporte tout ce qu'il fait.
Une des neuf Immortelles , (a)
Nous révele son secret .
Des Favoris de Bellone ,
Sa main sans cesse crayonne ,
Tous les belliqueux exploits :
Sans elle , en vain Alexandre ,
Eût prétendu que sa cendre ,
Fût le modele des Rois.
Quelle est la main ( 6) qui nous ouvre ,
Le séjour des Immortels ?
Tout l'Olimpe se découvre
A nos regards criminels .
Cette vaine connoissance ,
Enflamme notre esperance ,
Qui fait des efforts , des voeux ;
Pour jouir de l'avantage ,
De bien connoître un Ouvrage
Qu'ils ne firent que pour eux.
M
Héros , dont la récompense ,
N'est que l'immortalité ;
(a) L'Histoire.
(b) L'Astronomie.
E iiij De
934
MERCURE DE FRANCE
De la voix (a) qui la dispense`,
Connoissez l'autorité.
Comment sçauroit- on que Troye,
Devint la celebre proye ,
D'Achille et d'Agamennon ,
Sans cet Art que tout admire ,
Qui peut seul par son Empire ,
De l'oubli sauver un nom ?
Filles du Dieu du Tonnerre ;
Ce n'est qu'en vous imitant ,
Qu'on peut briller sur la Terre ,
Par un mérite éclatant.
Pour quiconque vous ignore
L'Astre qu'annonce l'Aurore ,
Triomphe en vain de la nuit ;
Aussi puni que Tantale ,
Ce qu'à ses yeux il étale ,
En le séduisant le fuit.
(a) Le Poëme Epique.
O'D E.
Uel agréable délire ,
Vient s'emparer de mes sens !
J'entens resonnersma Lyre ;
Ma voix forme des accens.
Et déja , nouveau Pindare .
Je n'ai pour guide et pour Pharé ,
Que l'imagination .
Dans le transport qui m'anime
Rien ne semble illégitime
A ma folle ambition .
M
TA
Chastes Nymphes du Përmesse
Je vais chanter vos talens ;
Secondez ma noble yvresse
A:
2.
E ij
Et
930 MERCURE DE FRANCE
Et rendez mes Vers coulans.
Vous , Mortels , faites silence ,
Vous,qu'on voit dans l'indolence
Ennemis de leurs travaux >
Pour apprendre qu'à leur suite
Je trouve le seul mérite ,
Qui peut nous rendre inégaux.
Quelle naïve peinture ! (a)
Reconnoissez -vous, Humains ;
L'Art bien moins que la Nature ,
A fait ces Portraits malins.
Par ce charmant artifice ,
On peut détruire le vice ,
Sans qu'il en tremble d'effroi.
Quiconque veut se connoître ,
Est bien - tôt ce qu'il doit être ,
En suivant sa douce Loi.
*
Qui vient embellir la Scene ;
Par les attraits de l'Amour ?
C'est la fiere Melpomene , (b)
Avec sa brillante Cour.
Je cains , j'espere sans cesse.
Tout me plaît , tout m'interesse
(a) La Comédie.
(b) La Tragédie,
C
PA
MAY. 1733. 938
Par divers objets émů.
Mais mon coeur toujours frissonas ,
Jusqu'à ce qu'elle couronne ,
La justice ou la vertu.
Une Peinture mouvante,
M'offre les vents en fureur ;
Et l'Amant avec l'Amante ,
Se marquant leur tendre ardeur.
Ici , cet Art (a) à ma vûë ,
Peint Alecton éperdue ,
Du sang qu'elle a répandu.
Là , mille Beautez Champêtres ,
Expriment dessous des Hêtres ,
Ce qu'Amour a d'ingenu.
Jusqu'à la Voûte étoilée ,
Mille Concerts (b) amoureux
Portent à la Troupe aîlée ,
Le triomphe de ses feux ..
Tout retentit à Cythere
Des louanges de la Mere ,
De ces aimables Vainqueurs.
Tandis qu'un Essain de Belles ,
(a) La Danse.
(b) Les Poësies amoureuses .
E- iij Par
932 MERCURE DE FRANCE +1
Par ces doux Chants moins rebelles ,
Accordent leurs tendres coeurs.
Sur un Trône d'harmonie ,
Euterpe (a) s'offre à mes yeux ;
Les Mortels par son génie ,
Sont vaincus comme les Dieux.
Rien ne lui fait résistance;
Elle établit sa puissance ,
Par l'appas de ses accords ;
Et va porter ses conquêtes ,
Jusques aux sombres retraites ,
Du cruel Tyran des Morts.
M
Aux charmes de l'Eloquence , (6)
Tout cede dans l'Univers.
Thémis avec sa balance
Gémit souvent dans ses fers.
De la cime des Montagnes ,
Un Torrent dans les Campagnes ,
Vient regner moins aisément
Qu'elle ne prend un Empire ,
Sur tout Etre qui respiré ,
Doué de raisonnement.
a
(a) Là Musique.
(b) L'Eloquence,
MAY.
1733 933
En vain le Temps sur ses aîles ,
Emporte tout ce qu'il fait.
Une des neuf Immortelles , (a)
Nous révele son secret .
Des Favoris de Bellone ,
Sa main sans cesse crayonne ,
Tous les belliqueux exploits :
Sans elle , en vain Alexandre ,
Eût prétendu que sa cendre ,
Fût le modele des Rois.
Quelle est la main ( 6) qui nous ouvre ,
Le séjour des Immortels ?
Tout l'Olimpe se découvre
A nos regards criminels .
Cette vaine connoissance ,
Enflamme notre esperance ,
Qui fait des efforts , des voeux ;
Pour jouir de l'avantage ,
De bien connoître un Ouvrage
Qu'ils ne firent que pour eux.
M
Héros , dont la récompense ,
N'est que l'immortalité ;
(a) L'Histoire.
(b) L'Astronomie.
E iiij De
934
MERCURE DE FRANCE
De la voix (a) qui la dispense`,
Connoissez l'autorité.
Comment sçauroit- on que Troye,
Devint la celebre proye ,
D'Achille et d'Agamennon ,
Sans cet Art que tout admire ,
Qui peut seul par son Empire ,
De l'oubli sauver un nom ?
Filles du Dieu du Tonnerre ;
Ce n'est qu'en vous imitant ,
Qu'on peut briller sur la Terre ,
Par un mérite éclatant.
Pour quiconque vous ignore
L'Astre qu'annonce l'Aurore ,
Triomphe en vain de la nuit ;
Aussi puni que Tantale ,
Ce qu'à ses yeux il étale ,
En le séduisant le fuit.
(a) Le Poëme Epique.
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Résumé : LES MUSES. ODE.
Le poème est une ode aux Muses, où l'auteur exprime son enthousiasme et son inspiration poétique. Il décrit l'influence des Muses sur ses sens et son ambition créative, guidée par l'imagination. L'auteur s'adresse aux nymphes du Permesse, les implorant de l'aider à chanter leurs talents et à rendre ses vers fluides. Il invite les mortels à faire silence pour apprendre de leurs travaux. Le poème met en avant l'art qui imite la nature pour peindre les portraits humains et détruire le vice sans effroi. Il décrit diverses Muses et leurs domaines : Melpomène pour la tragédie, Thalie pour la comédie, Terpsichore pour la danse, Ératos pour la poésie amoureuse, et Euterpe pour la musique. Chacune exerce une influence puissante sur les mortels. L'auteur mentionne également l'éloquence et l'histoire, soulignant leur capacité à immortaliser les exploits et à révéler des secrets. Enfin, il loue l'astronomie et le poème épique pour leur rôle dans la connaissance et la mémoire des grands événements, comme la guerre de Troie.
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30
p. 1484-1488
ODE. AUX MUSES.
Début :
Initié dans vos mysteres, [...]
Mots clefs :
Muses, Lyre, Amour
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texteReconnaissance textuelle : ODE. AUX MUSES.
O D E.
AUX MUSES.
Nitié dans vos mysteres ,
Chastes Muses , qu'avec plaisir ,
Je cherche les lieux solitaires ,
Pour vous consacrer mon loisir !
Quelquefois , rompant le silence ,
Ma Lyre de votre assistance ,
Saisit le précieux moment .
Quelquefois les sublimes rêves
De vos plus celebres Eleves ,
Me tiennent lieu d'amusement.
Là , je lis par quelles adresses ,
Un Héros (a ) long- temps exercé ,
Brave les trompeuses caresses
Des Sirenes et de Circé :
Là , je lis avec quel courage ,
Un autre (6 ) de plus d'un nauffrage ,
Sauve les restes d'Ilion ;
Et dans un lieu rempli de charmes ,
( a ) Ulysse.
(b ) Enée.
N'est
JUILLET.
1733. 1485
N'est point retenu par les larmes ,
De la soeur de Pigmalion.
粥
Que j'aime le noble Génie , (4)
Qui par ses divines Chansons ,
A de la Lyre d'Ausonic ,
Eternisé les premiers sons !
La route au vulgaire cachée ,
Qu'avec succès il a cherchée ,
M'a déconcerté mille fois ,
Et n'a point étouffé l'audace
Qui me fait briguer une place
Entre les Lyriques François.
M
Ainsi , malgré la servitude
Où la Fortune m'a réduit ,
L'Instinct orné d'un peu d'étude ,
Vers le Mont sacré m'a conduit.
Ainsi vos douceurs plus qu'humaines ,
Muses , quelquefois de mes peines ,
Viennent interrompre le cours,
Peu desireux de l'opulence ,
Je vous aimai dès mon enfance
Et je vous aimerai toujours.
<
Mcelov ba
« 1b olasia 9. uutos 510
sidnqnon squalo nub culq siv 1.0
(2) Horate.
Non
1436 MERCURE DE FRANCE
Non , que d'une attente superbe ,
Trop prévenu , j'ose penser ,
Que quelque jour près de Malherbe ,
Vos bontez doivent me placer .
Ma seule attente est éxaucée ,
Si par une ardeur insensée ,
Ne m'étant point laissé régir ,
Exempts d'une doctrine immonde,
Mes Vers répandus, dans le Monde ,
N'ont rien qui vous fasse rougit
M
Au bel âge , où la Terre pure
Des déreglemens que je vois ,
Etoit fertile sans culture ,
Pour des hommes justes sans Loix ,
Vos Nourissons prudens et sages ,
Domptoient les animaux sauvages ,
Par leurs accès mélodieux ;
Et plus naïfs que nous ne sommes ,
Pour instruire et charmer les Hommes
Parloient le langage des Dieux.
Mais lorsque de ses flancs horribles ,
L'Enfer , le redoutable Enfer ,
Eût vomi les Monstres terribles ,
Que connut le siecle de fer ,
On vit plus d'un Chantre coupable ,
25 (Faire
Faire un abus abominable ,
De vos singulieres faveurs ,
Et par ses Ouvrages infâmes ,
Communiquer aux jeunes Ames ,
La corruption de ses moeurs .
M
L'Impieté , tête levée ,
Alors brava les Immortels ;
L'Injustice fut approuvée , oshigal, and
La Tirannie eut des Autels : 602
Alors la basse Flaterie ,
D'un Conquérant plein de furie ,
Vanta les barbares succès ;
Le mensonge affreux se fit croire ,
Et l'Amour reçut de la gloire ,
De ses impudiques excès.
Aux coeurs ingrats , chastes Déesses ;
Mon coeur ne veut point ressembler .
J'userai bien de vos largesses ,
Quand vous daignérez m'en combler.
O qu'animé d'un saint délire
3
Ne puis- je en consacrant ma Lyre,
Par les exemples les plus beaux ,
2
.[
Faire aimer les attraits, suprêmes ,
Des Vertus qui jusqu'aux Dieux mêmes,
Sçavent élever les Héross com.my
Mais
1488 MERCURE DE FRANCE
Mais puissent devenir mes rimes ,
L'objet d'un mépris éternel ,
Si déclarant la guerre aux crimes ,
J'attaque aussi le Criminel ;
Si prodiguant , vil hypocrite ,
L'encens qui n'est dû qu'au mérite
Muses , j'ose vous profaner ,
Et si l'Amour , dans mes saillies ,
Voyant dépeindre ses folies ,
Ne les y voit pas condamner.
7 NIA
jaI'I
LI
F. M. F.
AUX MUSES.
Nitié dans vos mysteres ,
Chastes Muses , qu'avec plaisir ,
Je cherche les lieux solitaires ,
Pour vous consacrer mon loisir !
Quelquefois , rompant le silence ,
Ma Lyre de votre assistance ,
Saisit le précieux moment .
Quelquefois les sublimes rêves
De vos plus celebres Eleves ,
Me tiennent lieu d'amusement.
Là , je lis par quelles adresses ,
Un Héros (a ) long- temps exercé ,
Brave les trompeuses caresses
Des Sirenes et de Circé :
Là , je lis avec quel courage ,
Un autre (6 ) de plus d'un nauffrage ,
Sauve les restes d'Ilion ;
Et dans un lieu rempli de charmes ,
( a ) Ulysse.
(b ) Enée.
N'est
JUILLET.
1733. 1485
N'est point retenu par les larmes ,
De la soeur de Pigmalion.
粥
Que j'aime le noble Génie , (4)
Qui par ses divines Chansons ,
A de la Lyre d'Ausonic ,
Eternisé les premiers sons !
La route au vulgaire cachée ,
Qu'avec succès il a cherchée ,
M'a déconcerté mille fois ,
Et n'a point étouffé l'audace
Qui me fait briguer une place
Entre les Lyriques François.
M
Ainsi , malgré la servitude
Où la Fortune m'a réduit ,
L'Instinct orné d'un peu d'étude ,
Vers le Mont sacré m'a conduit.
Ainsi vos douceurs plus qu'humaines ,
Muses , quelquefois de mes peines ,
Viennent interrompre le cours,
Peu desireux de l'opulence ,
Je vous aimai dès mon enfance
Et je vous aimerai toujours.
<
Mcelov ba
« 1b olasia 9. uutos 510
sidnqnon squalo nub culq siv 1.0
(2) Horate.
Non
1436 MERCURE DE FRANCE
Non , que d'une attente superbe ,
Trop prévenu , j'ose penser ,
Que quelque jour près de Malherbe ,
Vos bontez doivent me placer .
Ma seule attente est éxaucée ,
Si par une ardeur insensée ,
Ne m'étant point laissé régir ,
Exempts d'une doctrine immonde,
Mes Vers répandus, dans le Monde ,
N'ont rien qui vous fasse rougit
M
Au bel âge , où la Terre pure
Des déreglemens que je vois ,
Etoit fertile sans culture ,
Pour des hommes justes sans Loix ,
Vos Nourissons prudens et sages ,
Domptoient les animaux sauvages ,
Par leurs accès mélodieux ;
Et plus naïfs que nous ne sommes ,
Pour instruire et charmer les Hommes
Parloient le langage des Dieux.
Mais lorsque de ses flancs horribles ,
L'Enfer , le redoutable Enfer ,
Eût vomi les Monstres terribles ,
Que connut le siecle de fer ,
On vit plus d'un Chantre coupable ,
25 (Faire
Faire un abus abominable ,
De vos singulieres faveurs ,
Et par ses Ouvrages infâmes ,
Communiquer aux jeunes Ames ,
La corruption de ses moeurs .
M
L'Impieté , tête levée ,
Alors brava les Immortels ;
L'Injustice fut approuvée , oshigal, and
La Tirannie eut des Autels : 602
Alors la basse Flaterie ,
D'un Conquérant plein de furie ,
Vanta les barbares succès ;
Le mensonge affreux se fit croire ,
Et l'Amour reçut de la gloire ,
De ses impudiques excès.
Aux coeurs ingrats , chastes Déesses ;
Mon coeur ne veut point ressembler .
J'userai bien de vos largesses ,
Quand vous daignérez m'en combler.
O qu'animé d'un saint délire
3
Ne puis- je en consacrant ma Lyre,
Par les exemples les plus beaux ,
2
.[
Faire aimer les attraits, suprêmes ,
Des Vertus qui jusqu'aux Dieux mêmes,
Sçavent élever les Héross com.my
Mais
1488 MERCURE DE FRANCE
Mais puissent devenir mes rimes ,
L'objet d'un mépris éternel ,
Si déclarant la guerre aux crimes ,
J'attaque aussi le Criminel ;
Si prodiguant , vil hypocrite ,
L'encens qui n'est dû qu'au mérite
Muses , j'ose vous profaner ,
Et si l'Amour , dans mes saillies ,
Voyant dépeindre ses folies ,
Ne les y voit pas condamner.
7 NIA
jaI'I
LI
F. M. F.
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Résumé : ODE. AUX MUSES.
Le poème est une adresse aux Muses, divinités inspiratrices, exprimant admiration et dévouement. L'auteur cherche des lieux solitaires pour se consacrer à la poésie et à la lecture des grands poètes. Il mentionne des héros comme Ulysse et Énée, qui ont affronté des dangers et des tentations. Il admire les poètes ayant éternisé les premiers sons de la lyre. Malgré les difficultés et la servitude imposées par la Fortune, l'auteur est guidé par l'instinct et l'étude vers le Mont sacré, symbole de l'inspiration poétique. Il exprime son amour éternel pour les Muses, chéries dès l'enfance. Le poème évoque l'âge d'or où les hommes vivaient en harmonie avec la nature et les dieux, contrastant avec une époque plus sombre marquée par la corruption et l'impieté. L'auteur aspire à utiliser sa lyre pour promouvoir les vertus et condamner les crimes, en évitant l'hypocrisie et la flatterie.
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31
p. 149-173
SUPPLÉMENT à l'Article des Piéces fugitives. SUITE de la Traduction de MAL-A-PROPOS, ou L'EXIL DE LA PUDEUR, Poëme Grec. QUATRIEME CHANT.
Début :
LA nuit, si chère à l'Amour & que ce Dieu embellit souvent de ses charmes [...]
Mots clefs :
Amour, Pudeur, Hymen, Volupté, Sirènes, Époux, Muses
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texteReconnaissance textuelle : SUPPLÉMENT à l'Article des Piéces fugitives. SUITE de la Traduction de MAL-A-PROPOS, ou L'EXIL DE LA PUDEUR, Poëme Grec. QUATRIEME CHANT.
SUPPLÉMENT à l'Article des Piéces
fugitives.
SUITE de la Traduction de MAL-APROPOS
, ou L'EXIL DE LA Py-
DEUR , Poëme Grec.
QUATRIEME CHANT.
LAA nuit , fi chère à l'Amour & que
ce Dieu embellit fouvent de fes chat-
Gij
150 MERCURE (DE FRANCE.
.
mes , impatiente de fe rendre à Pa
phos , avoit preffé le Soleil de lui faire
place. Non qu'elle eût violé les loix
immuables de fon cours ; mais elle
avoit étendu les bords de fon voile
de telle forte , qu'à peine Phabus touchoit
à l'humide empire , que fes
derniers rayons avoient été abforbés.
Une quantité prodigieufe de flambeaux
avoient fait un jour nouveau ;
& ce jour est le vrai jour de Paphos.
A la lueur de ces Aftres factices , on
vit reparoître les Immortels Époux ; &
chacun deux fe rendit dans des cabinets
différens. Leur cour fe partagea
pour affifter à leur toilette. L'Hymen
vifita alternativement l'une & l'autre
lui-même avoit appellé la Galanterie ;
il l'introduifit , à celle de l'Amour , &
les Grâces fe déroboient tour-à-tour
pour y paffer quelques inftans . La
toilette , de l'Amour n'eft pas longue ;
il vola à celle de fa Pfyche , dans l'infant
que par les mains de la Pudeur
elle achevoit de prendre une feconde
robe nuptiale d'un tiffu d'argent le plus
éclatant , que les Arts avoient parfemé
des tréfors de l'Orient. Les Grâces
émpreffées autour d'elle , fe difpu
toient le prix du goût ; & chacune en
MARS. 1763. ISL
particulier s'applaudiffoit des ornemens
la Beauté rend fi faciles à placer
& auxquels elle prête tant d'agréque
ment .
Les toilettes étant finies , & les époux
encore plus parés de leurs charmes ,
que des ornemens qu'on y avoit ajoutés ,
au milieu des lumières cachées dans
les feuilles & dans les fleurs , de manière
que les unes & les autres paroiffoient
produire la clarté ; cette troupe
charmante traverfa les jardins pour
retourner au Palais principal. Au -devant
, étoit dreffé un trône de brillans ,
plus éclatans que le Soleil , fous un
Pavillon de la plus riche pourpre de
Tyr , rayonnée d'or & de diamans . Des
guirlandes de fleurs artificiellement
imitées par les pierres les plus précieuſes
, en renouoient les pentes , &
étoient foutenues par de jeunes zéphirs ,
dont les aîles tranfparentes & orientées
, s'accordoient harmonieuſement
avec les couleurs du Pavillon . C'eftlà
, que l'Amour & Pfyché fe placerent
pour voir la troupe agile des Plaiſirs &
des Amours fe jouer alternativement ,
fur un canal de l'onde , & du feu
que Vulcain avoit préparé pour le ter-
Giv
152 MERCURE DE FRANCE.
rible Dieu de la Guèrre. Tantôt l'air
embrafé offroit un fpectacle dont la vue.
avoit peine à foutenir l'éclat & à fuivre
la variété des fcènes. Tantôt , par
des machines que les Arts avoient fournies
, l'Onde pouffée en jets à perte
de vue , étoit recueillie en l'air dans des
vâfes portés par les enfans aîlés qui ,
en la réverfant , lui donnoient mille
formes différentes ; la lumière étoit
telle dans ces fêtes , qu'elle prêtoit
aux eaux l'apparence du criftal en fufion.
A ces jeux en fuccédoient d'autres
qui préfentoient l'image paffagère &
paifible des ravages & des embraſemens
qui , trop fouvent parmi les
Mortels ne font qu'un jeu du Maître
charmant , qu'on amufoit alors ,
tour -à - tour le Tyran & le Dieu du
monde. Quelquefois on appercevoit
des traits de flâme , pénétrer , fans s'éteindre
, la profondeur des Ondes &
en faire fortir les froides Déïtés fur des
Conques galantes. Les Amours , qui
avoient lancé ces traits ,, menoient en
triomphe ces Dieux des eaux enchaînés .
Tout ce que les armes de l'Amour avoient
fait de conquêtes remarquables dans
l'Empire de Neptune étoit rappellé
par des répréſentations animées. Chaque
,
,
MAR S. 1763. 153
partie de ces jeux , fi l'on vouloit les
bien peindre , fuffiroit à un Poëme
entier.
Plus puiffant au Parnaffe que le Dieu
même qui y régne , l'Amour avoit appellé
les Mufes , & les Mufes s'étoient
empreffées à fignaler leur zéle ,, par les
plus agréables effets de leurs talens . C'eft
à leurs foins qu'on devoit les preftiges
qui avoient figuré dejà les amours de
quelques Déités des eaux. Mais leur
chef- d'oeuvre en ce genre étoit préparé
dans l'intérieur du Palais ; on s'y
rendit donc , pour jouir d'un nouveau
fpectacle qui ne cédoit a aucun de
ceux qu'on venoit de voir , mais dont
mon foible ftyle (a) ne pourra donner
qu'un trait aride & fans coloris.
CINQUI É ME CHANT.
Dans une des Salles les plus vaſtes
du Palais , étoit difpofé un Théâtre
d'un genre & d'une forme dont notre
Grèce ne fourniroit que d'imparfaits
modéles toute la Cour de Paphos fe
raffembla dans ce lieu .
La Scéne n'étoit pas vifible aux Spec-
(a) On fait que les Anciens nommoient ainf
le poinçon avec lequel ils écrivoient fur les Tablettes
enduites de cire.
G v
$4 MERCURE DE FRANCE.
ateurs , lorfqu'ils entrerent pour fe
placer ; on auroit eu peine à la foupconner;
on n'y voyoit qu'un fuperbeAm
phitéâtre. Mais à peine les deux Fpoux.
y furent entrés , que la partie qui féparoit
la fcène difparut. On apperçut alors
un nouvel univers renfermé dans l'enceinte
de ce lieu ; des cieux , des mers ,
des campagnes , le terrible féjour des
enfers , & des Palais céleftes. La Nature
& l'Art magique , par leurs efforts réunis
, auroient peine à produire les prodiges
qu'offroit cette merveilleufe Scène.
Les Mufes s'étoient métamorphofées
fous diverfes formes , pour repréfenter
elles-mêmes les perfonnages d'un Drame
, dicté par Apollon , & qui retraçoit
en action les amours , les tourmens
& la félicité fuprême de la tendre Pfyché.
Cette repréſentation , qui n'étoit
point l'effet des Mafques groffiers en
ufage fur nos Théâtres ( b ) , étoit fi
fidéle , que Pfyché fut étonnée
fuite un peu inquiette de la Mufe qui
la repréfentoit : elle furprit les yeux de
l'Amour fouvent prêts à s'y méprendre
tant étoit parfaite l'illufion de la métaen-
(b) Sur les théâtres des Anciens les Acteurs
fe fervoient de mafques pour repréſenter les per
fonnages de leur Rôle.
MARS. 1763. 155
morphofe. Plus puiffante encore étoit
celle des accens qui renouvelloient
dans l'âme de Pfyché les fentimens
qu'elle avoit éprouvés . Ces accens
étoient dans un mode , & les vers dans
une mefure qui nous font encore inconnus.
Les chants , mariés à l'harmonie
de l'Orchestre , étoient apparemment
le langage même des Dieux pour
lefquels ce Spectacle étoit préparé. L'Amour
fourit à la vue de la Mufe qui
avoit emprunté fa figure ; il fe tourna
vers Pfyché pour confulter fon impreffion
; mais celle-ci , en portant fes
beaux yeux fur les fiens , lui dit , je
croirois voir l'Amour fur cette fcène
phantaftique , fi l'Amour n'étoit à mes
côtés ; mais on ne peut jamais fe méprendre
à la fiction , que quand il ne
daigne pas fe montrer lui-même.
A l'endroit du Drame qui rappelloit
les tourmens de la jeune Pfyché ; au
terrible afpect des enfers , repréfentés
très-vivement , & fur- tout à l'impitoyable
menace de lui ravir la beauté ; cette
tendre amante , par un mouvement involontaire
, fe précipita dans les bras .
de fon époux. Il en fut allarmé ; il
favoit mauvais gré aux Mufes du choix
de ces images douloureuſes , pour une
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
fete confacrée aux plus doux plaifirs.
Eh ! non , non , s'écria Pfyché , que
ne puis -je , tous les inftans de ma vie
immortelle , avoir un fouvenir auſſi vif
des maux que j'ai foufferts pour vous.
On ne jouit bien des délices de l'amour
que par la mémoire des peines qu'elles
ont coutées. L'Amour cependant fit
dire aux Mufes par le Dieu du goût que
l'on fixoit trop long- temps l'attention
fur de fi funeftes tableaux . Auffi-tôt on
en vit fuccéder de plus riants : la clémence
de Vénus & la félicité des deux
amans en étoient l'objet. C'est alors que
Terpficore , par des danfes voluptueufes
& gayes , vint effacer l'impreffion pathétique
que fes foeurs avoient procurée .
SIXIÈME CHANT .
Un autre Sujet tout différent occupa le
théâtre . La fatyre s'en étoit emparé. La
Scène ne repréfentoit plus qu'une vaſte
mer. On vit fur fa furface s'élever plufieurs
Syrenes , dont les figures féduiſantes
étoient auffi variées que leurs enchantemens
. Sans quitter l'humide fein de l'onde,
où plonge toujours la partie de leurs
corps , qui ne tient plus à l'humaine ſtruc-
&ture, elles formoient par des entrelacemens&
des bondiffemens fur les flots, des
efpèces de danfes , au fon de leurs chants
MARS. 1763. 157
,
mélodieux. Le tout refpiroit une volupté
fi dangereufe , que la plupart
des fpectateurs mêmes malgré la
force de leur divine exiftence en
étoient prèfque entraînés ; mais la plaifanterie
du Spectacle , qui furvint , fit
bientôt diſtraction à ce léger penchant
On apperçut des Barques fur cet
océan elles étoient , la plûpart , galamment
ornées , & paroiffoient chargées
de perfonnages qui repréfentoient
les principaux états de l'humanité. Ces
Barques n'avançoient pas toutes enfemble
on les voyoit d'abord dans le
lointain ; on remarquoit les mouvemens
oppofés qui fe paffoient entre des Nautoniers
expérimentés & des Paffagers
imprudens , qui les contraignoient à fe
détourner de leur route. Quelques Syrènes
fe détachoient pour aller au-devant
des Barques & fe faire voir de plus
près. Dès que les Barques en approchoient
, les artificieufes Syrènes , fe
replongeant dans l'onde , en reffortoient
à des diſtances éloignées. C'eſt ainfi
qu'elles attiroient , par ces feintes refuites
, les Paffagers jufques dans certains
efpaces , où étoient cachés fous les
flots des filets plus déliés que les cheveux
de leurs blondes treffes , mais plus
158 MERCURE DE FRANCE.
infrangibles que l'acier de LEMNOS.On
diftinguoit dans ces diverfes Barques de
fuperbes Archontes , de graves Aréopagites
, des héros de Mars , des difciples
de la Philofophie , enfin tous les
Ördres de la République , jufqu'à
d'auftères Sacrificateurs : chacun d'eux
difputoit avec foi-même quelques momens
; mais chacun d'eux veilloit l'inf
tant où les patrons des barques détournoient
la vue , afin de fauter plus librement
dans ces flots empoifonnés , à
l'aide des mains perfides que leurs tendoient
les Syrènes . D'autres fembloient
s'y laiffer gliffer mollement , & comme
par diftraction , croyant apparemment
par-là fe dérober leur propre foibleffe
& s'épargner le reproche de leur chûte.A
peine ces divers perfonnages tomboient
en la puiffance des Monftres charmans
qui les avoient furpris , qu'ils étoient
enchaînés de fleurs. Les Syrènes en
avoient qui étoient enchantées pour chaquefens
en particulier ; de forte que ces
victimes fe trouvoient arrêtées dans toutes
les parties de leur être. Ainfi que
certains animaux carnaciers fe jouent
quelque temps de leur proie avant que
de la dévorer telles ces femmes infidieufes
, faifoient en cent façons des
MARS. 1763. 159
jouets de leurs Captifs ; & par les formes
les plus ridicules qu'elles leur faifoient
prendre , elles les expofoient au
rire des Spectateurs , avant que de les
précipiter dans les abîmes de cet océan,
Les jeunes étourdis de notre Grèce nefurent
pas les moins amufans des per
fonnages de cette comique Pantomime..
Les Syrènes les faifoient tourner avec
une rapidité incroyable autour d'elles :
elles avoient pour cela des fouets de
toutes les paffions , qui leur donnoient
à chaque inftant des impulfions contraires.
Elles changeoient enfuite ces
Etres en différentes efpèces d'animaux ;
elles s'amufoient de leur babillage en
perroquets ; elles leur faifoient répéter
à-peu-près ce qu'ils auroient dit fous
leur forme naturelle ; elles les faifoient.
voler , comme des Etourneaux &
retomber dans la mer , où ils difparoiffoient
pour quelques momens. Enfuite ,
fous la forme de petits chiens , elles les
dreffoient fur le champ à plufieurs exercices
plus comiques les uns que les autres
; puis elles finiffoient par les tranfformér
en dogues furieux , dont les
rauques aboyemens étoient fuivis de
combats dévorans , qui fe terminoient
au gré du caprice de leurs cruelles maîtreffes
.
,
160 MERCURE DE FRANCE.
De toutes ces Pantomimes , dont
Momus avoit concerté les fcènes , il n'y
en eut point de plus piquante que la
dernière. On vit approcher une Barque
plus confidérable que les précédentes ;
les flammes ou banderoles étoient de
pourpre de Tyr & de tiffus de l'or le
plus pur. A mefure que ce bâtiment ,
chargé d'un nombreux cortége , approchoit
des fpectateurs , on y découvroit
de nouveaux ornemens. Le Chef fe
diftinguoit fur tous les autres par l'éclat
des plus riches étoffes & des pierreries
dont il étoit couvert. On voyait,
au mouvement perpétuel de fes mains ,
qu'il répandoit avec profufion toutes
fortes de richeffes aux Syrènes du fecond
ordre qui bondiffoient autour de
fa Barque , mais dont les charmes n'étoient
pas affez puiffans pour arrêter un
Dieu , car c'étoit le Dieu Plutus que
repréſentoit ce phantaftique perfonnage.
Il étoit alors en querelle avec l'Amour ,
& n'avoit point été appellé à ces fêtes.
Les Mufes , fouvent piquées des avances
humiliantes qu'elles font à ce Dieu
& du dédain dont il les reçoit ,
avoient faifi cette occafion de vengeance.
On reconnoiffoit Plutus nonfeulement
à fa fplendeur , mais à une
MARS. 1763.
161
certaine pâleur livide , qu'il porte luimême
fur le vifage , & qu'il communique
à fes favoris , abforbés dans le
foin d'accumuler & de conferver les
tréfors qu'il leur confie. Trois des principales
Syrènes attendoient cette précieufe
proie avec une nonchalance affectée
, qui leur en afſuroit davantage
la conquête . Elles formerent alors des
concerts fi touchans ; elles prirent des
attitudes fi enchantereffes , que l'âme
d'aucun Mortel n'eût pu foutenir , fi
l'on ofoit le dire , le poids délicieux
de cette volupté. L'âme du Dieu des
Richeffes ne fut pas inacceffible. Les
Syrènes avoient ajouté à leurs enchantemens
ordinaires le charme d'un parfum
plus fort que celui qu'on offre aux
autres Dieux , & dont l'yvreffe eft inévitable.
Plutus reçut en apparence
l'hommage des trois Syrènes , qui ne
faifoient que prêter à fa vanité un léger
tribut dont il alloit les dédommager
par celui de toutes fes poffeffions . Les
Syrènes éleverent les bras vers lui ; il
s'inclina pour recevoir leurs embraffemens.
Bientôt elles l'eurent enlevé de
fon bord , & la Barque avec tout le
cortége difparut au milieu de la troupe
des autres Syrènes. Les principales Ac
162 MERCURE DE FRANCE ,
au moien
trices de ce jeu foutinrent quelque
temps Plutus fur leurs bras , puis , par
un badinage enjoué , elles le plongerent
dans les eaux enchantées. C'eft alors
qu'on ne peut compter toutes les tranfformations
burleſques par lefquelles on
le fit paffer. La dernière amufa particu→
liérement la Cour du Dieu de Paphos .
On vit reparoître la tête de Plutus
fur la fuperficie de l'eau . Les trois
Syrènes , alternativement
d'un petit foufflet dont elles lui avoient
pofé le tuyau dans la bouche , gonflé
rent cette tête au point que toute fa
forme difparut , pour faire place à un
globe que l'air feul rempliffoit. Les Syrènes
alors s'écartérent ; & fe rejettant
en l'air l'une à l'autre ce globe de vent ,
elles donnerent le Spectacle riant d'un
exercice très-agréable jufqu'à ce que
ces jeux ayant affez duré , les Syrènes
fe plongerent avec leur proie au fond
de l'Océan. La Scène fe referma fubitement
telle qu'elle avoit été avant le
Spectacle , & toute la cour des deux
époux les fuivit à la Salle du Banquet .
SEPTIE ME CHANT.
Je ne décrirai point le lieu délicieux
& brillant deftiné au Banquet des DiMARS.
1763.
163
·
vinités de Paphos. Je ne ferai point
l'énumération des mets exquis dont
Comus avoit dirigé la compofition &
l'ordre des fervices. Lorfque les Dieux
habitent la Tèrre , ils fe plaifent à ufer
de la nourriture des Mortels , ainfi que
des autres plaifirs que leur bonté fouveraine
a attachés à chacun de nos
fens. Ce qui eft plus important à mon
Sujet ce font les rangs des principaux
convives ; l'Hymen avoit de droit le
premier il étoit placé entre les deux
Epoux. Ce fut lui qui pofa fur leurs
têtes les couronnes en ufage dans les
feftins.
Chaque affemblée , chaque événe
ment tant foit peu folemnef, fait naître
dans les cours fublunaires une multitude
de conteftations. Les Cours Céleftes
n'en font pas plus exemptes. Cependant
celle de l'Amour dans fes fêtes
particulières eft très-facile fur l'étiquette
; mais l'Hymen préfidoit à celleci
& l'Hymen , ( Tyran jufques dans
les Plaifirs , ) eft le premier qui ait introduit
les graves minucies du cérémonial.
Plus cérémonienfe que toute autre
& plus délicate fur les frivoles honla
Pudeur reclama en cette occafion
la place que la Volupté vouloit
neurs ,
1
#
164 MERCURE DE FRANCE.
occuper auprès de Pfyché. Toujours
fière par humeur autant que par étar ,
fouvent querelleufe par orgueil pour
des prérogatives qu'elle céderoit par
goût , cette majeftueufe Pudeur implora
l'autorité de l'Hymen , & l'Hymen
prononça en fa faveur. Pour confoler
la Volupté , l'Amour la fit mertre à fes
côtés. L'Amour déféroit encore aux
droits des premiers jours de l'Hymen,
O Hymen de combien d'années d'outrages
& d'affronts tu payes fouvent
les vaines déférences que tu éxiges
dans tes jours de Fêtes folemnelles ! La
place de Bacchus étoit marquée à la
droite de l'Amour, Ainfi la Volupté ne
fe crut point déplacée d'être entre eux.
Comus de l'autre côté fe rencontroit
près de la Pudeur. La vénérable Matrone
vit cet arrangement avec quelque
complaifance ; car de tous les Dieux
qui compofoient cette Cour , le délectable
Comus étoit celui avec lequel elle
fe permet un peu plus de familiarité.
Les Mufes étoient à la même table , &
Momus avec elles. Les Grâces avoient
refufé galamment de prendre place
pour fe réferver le plaifir de fervir les
nouveaux Époux. Des Bacchantes choifies
environnoient le lit de Bacchus.
MARS. 1763. 165
Chaque convive avoit un des demi-
Dieux de cette Cour, attaché au foin de
prévenir fes moindres defirs. Quelques
jeunes filles & quelques jeunes garçons
de Paphos , confacrés au temple , étoient
admis au même office.
D'autres tables raffembloient le refte
de la Cour , & la Gayeté , voltigeoit
alternativement des unes aux autres ;
tandis que dans l'intervalle des fervices ,
les Mufes faifoient entendre leurs concerts.
Bacchus ne contribuoit pas peu à
l'agrément de ce Banquet. Après les
premières coupes du nectar céleste , il
propofa le nectar de la Tèrre ; on en
avoit apporté de toutes les régions du
Monde. Ce fut la première fois que
dans une Ile de la Gréce on goûta
d'un vin recueilli dans les climats barbares
des Gaules. Bacchus l'avoit fait
réferver pour cette fête ; il voulut que
la Gayeté fe chargeât feule de le verfer.
Cette liqueur petillante comme elle , en
étoit l'image. Il en fit préfenter par
l'Amour à la belle Pfyché , dans une
coupe du plus pur criftal ; la févère
Pudeur crut qu'il étoit des fonctions de
fa charge d'examiner ce breuvage inconnu
, & voulut arrêter la main de la
jeune Epoufe prête à porter la coupe
166 MERCURE DE FRANCE.
té
par
fur fes lévres : mais celle-ci , en regar
dant avec une douce ingénuité la févère
Matrône , but la coupe fans héfiter ;
puis s'adreffant à elle , lui dit : O ! refpectable
Pudeur ; ce qui m'eft préfenl'Amour
ne peut m'être fufpect
& ne doit pas vous allarmer , puifque
l'Hymen ne s'y oppofe pas. L'Amour
paya du regard le plus tendre ce que
venoit de dire Pfyché , & l'Hymen luimême
ne put refufer d'y foufcrire, Bacchus
fit alors un figne à Comus , &
tous deux de concert engagerent la
Pudeur à vuider plufieurs coupes de la
même liqueur , à l'ombre de fon voile
qu'elle avoit rabaiffé, La Gayeté derrière
elle ,, en éclatoit de rire , & Momus
avec les Mufes préparoit déja des chanfons
à ce fujet. Mais ce filtre n'eut qu'un
effet momentané. La Pudeur en devint
un peu moins trifte , fans oublier les
entrepriſes que projettoit fon indifcret
orgueil , au milieu de la galanterie de
ces Fêtes.
HUITIEME CHANT.
la
Malgré l'impatience de l'A
joie & le plaifir prolongerent le feſtin
jufques affez avant dans la nuit . Enfuite
les époux pafferent chacun dans leurs
appartemens particuliers , où ils furent
MARS. 1763. 167
conduits en pompe , au fon de divers
inftrumens , & au bruit des acclamations
univerfelles ; après quoi on les
laiffa en liberté. La chambre dans laquelle
devoient fe réunir les deux époux
avoit à - peu - près la forme d'un tem,
ple. Sous une rotonde , la Volupté
y avoit fait préparer le lit nuptial. Il
étoit fermé d'une double enceinte de
baluftres , fur laquelle bruloient des
parfums céleftes , dans des caffolettes
d'or. Un double pavillon couvroit les
deux Enceintes. La lampe fatale , qui
avoit tant caufé de larmes à Pfyché ,
& qui fut cependant la fource de fa
félicité , avoit été fufpendue par la Volupté
au ciel du pavillon intérieur , avec
un tel artifice , que fans en apperce→
voir la flamme , fa lumière réfléchie
éclairoit le lit d'un jour fi doux & fi
voluptueux , que cet aftre nouveau du
myftère faifoit craindre le retour de
l'aftre brillant qui anime & féconde
l'univers.
L'Amour paffa le premier dans cette
chambre : il étoit précédé d'une troupe
d'enfans ailés , portans devant lui leurs
flambeaux allumés. Le fien étoit entre
les mains de la Volupté. Elle entra feule
avec l'Amour dans l'enceinte intérieu168
MERCURE DE FRANCE
re. La troupe badine des enfans de Cythère
fe difperfa dans les avenues . Pfyche
, pour fe rendre en ce lieu myſtéétoit
foutenue par l'Hymen
d'une main , & de l'autre par la Pudeur.
rieux ,
Il paroiffoit que tout alloit fe paffer
dans l'ordre antique & confacré par
l'ufage , fuivant lequel la Pudeur conduifoit
l'Epoufe jufques à la chambre
nuptiale , retiroit les voiles qui la couvroient
, l'attendoit le lendemain pour
les lui rendre & ne la pas quitter pendant
le refte du jour. On avança donc
jufques à la première enceinte fous le
grand pavillon extérieur. Le Mystère ,
éxact & fidele , gardoit l'entrée du fecend
, dont il tenoit les rideaux fermés.
Les Graces attendoient que la Pudeur
enlevât les voiles qui enveloppoient la
belle Pfyché , pour la porter dans leurs
bras fur le lit nuptial. La Pudeur au
contraire s'avança impérieufement pour
pénétrer dans la dernière enceinte
malgré les efforts du Myftère , qui en
défendoit l'entrée. L'Amour reclama
avec impétuofité contre la violence
qu'on éxerçoit dans l'aſyle facré de ſon
fanctuaire. L'Hymen dont la main
pefante brife fouvent l'édifice dont il
>
veut
MARS. 1763. 169
eut pofer les fondemens , l'Hymen
prétendit que ce fanctuaire étoit le fien ,
& que lui feul devant y donner des
loix , il vouloit que la Pudeur y préfidât.
Il menaçoit de fufpendre la fin de l'hymenée
, & de remener fur le champ
-Pfyché dans l'Olympe , attendre la décifion
des Dieux affemblés. Ce n'étoit pas
la première fois que l'Hymen avoit commencé
par intimider l'Amour : ce n'étoit
pas la première fois que ce dernier avoit
fini par s'en venger cruellement. Il fe
réferva cette reffource , & feignit encore
de céder pour cette fois. La Pudeur
encouragée par ce premier triomphe
porta fes prétentions jufqu'à vouloir
paffer la nuit dans la dernière enceinte ,
où la Volupté feule avoit le droit de
veiller. La Volupté , affez douce naturellement
, devint furieufe & fe récria
contre cette entreprife. Il fut réglé que
la Pudeur veilleroit dans la première
'enceinte , affez près néanmoins pourque
la nouvelle Epoufe put toujours entendre
fa voix. La cruelle gouvernante
en abufa tellement , qu'elle ne ceffoit
de l'appeller & de lui répéter des leçons
déplacées , fur lefquelles ni les reproches
impatiens de l'Amour , ni les cris de la
Volupté , ne pouvoient impofer filence.
H
170 MERCURE DE FRANCE.
Les Grâces craintives s'étoient difper
fées au premier bruit de la querelle ,
& les ordres de l'Amour même auroient
eu peine à les rappeller.
'Enfin cette nuit de trouble & d'allarmes
fit place au jour. L'opiniâtre Matrone
reconduifit Pfyché à fon appartement.
Trop nouvelle Déeffe pour connoître
toutes les prérogatives de fon
état , Pfyché flottoit entre la foumiffion
que la févère Pudeur exigeoit
d'elle , & la douleur amère d'affliger
L'Amour. De nouvelles fêtes embellirent
cette feconde journée : ce qui l'embellit
encore plus , fut la préfence de Vénus,
qui vint vifiter les époux. Son fils fe
plaignit à elle de la tyrannie que l'Hymen
& la Pudeur entreprenoient d'exercer
fur lui-même , jufques au centre de
fon empire & de celui de fa mère. La
Déeffe , fenfible aux plaintes de fon
fils , lui promit que dès que les fêtes
préparées par Terpficore , pour l'entrée
de la nuit fuivante , auroient pris fin ,
elle remonteroit à la cour célefte faire
parler leurs communs droits , contre les
ennemis fecrets qu'ils avoient appellés
eux-mêmes dans leurs états . Diffimulez
, dit- elle , mon fils , paroiffez toujours
obéir , c'eft le plus für moyen que
摆
MAR S. 1763. 171
'Amour & la Volupté puiffent prendre
pour détruire le pouvoir de l'Hymen
& de la Pudeur.
La feconde foirée fut plus prolongée
encore que la première. Les amuſemens
de Therpficore ayant occupé long-temps
une cour charmante , qui fe livroit au
plaifir dans l'ignorance des fecrets chagrins
qui en agitoient les chefs. Vénus
en retournant à l'Olympe , feignit de
quitter PAPHOS pour quelque temps.
La pudique Matrone en conçut l'espoir
d'un nouveau triomphe ; car la préfence
de Vénus étoit contraire à fes projets.
Dès la nuit fuivante , après le cérémonial
de la veille , elle avoit repris fa
place ordinaire ; mais n'ayant pû fe
défendre d'un léger fommeil , qu'avoit
peut-être occafionné l'exercice , quoiqu'affez
froid , de quelques danfes qu'elle
s'étoit permife , elle fe réveilla tout-àcoup
; & dans le dépit de la négligence
qu'elle fe reprochoit , elle voulut la réparer
avec éclat. Elle ouvrit , ou plutôt
déchira les rideaux de l'enceinte facrée.
Le Mystère alla chercher fa retraite dans
ceux du lit des Epoux , & la Volupté
indignée quitta la place. L'Amour en
ce moment ufa de cette perfide douceur
qu'il fait fi bien employer quelque-
Hij
172 MERCURE DE FRANCE .
fois , & ne fit à fon ennemie que de
tendres plaintes qui encouragerent
encore fa fermeté.
,
Cependant la Volupté éplorée avoit
répandu l'allarme dans l'intérieur du Palais
: elle gémiffoit avec les Grâces du
fort de leur maître , lorfqu'une lumière
céleste annonça le retour de Vénus.
Elles rentrerent avec elle dans la chambre
de l'Amour. A fon afpe&t , la Pudeur
troublée voulut fe retirer. Arrêtez.
, dit Vénus
, arrêtez
, imprudente
maîtreffe
, pour écouter
l'ordre
fuprême
des
Dieux
. Si je vous euffe trouvé
dans les
bornes
prefcrites
à votre
emploi
, mon
pouvoir
étoit
limité
, j'étois
contrainte
à foutenir
le vôtre
jufques
dans mon
propre
empire
mais vous
avez
paffé
ces bornes
immuables
, votre
injufte
ufurpation
vous
foumet
à mon fils & à
moi , c'eft à lui que les Dieux
ont déféré
le droit de prononcer
. La Pudeur
,
rougiffant
de colère
& de confufion
, fe
retira
pour
aller attendre
fon arrêt : il
ne fut pas différé
. Après
avoir confulté
un moment
avec
fa mère
, l'Amour
fit
déclarer
à la vénérable
Pudeur
, par la
bouche
même
de fon ennemie
( la Volupté
) , qu'elle
eût à quitter
fon empire
pour n'y jamais
reparoître
: c'étoit
l'exiMARS.
1763. 173
ler de la terre. Quelle région habitée
n'eft pas l'empire de l'Amour ?
Ainfi , pour avoir voulu MAL-APROPOS
ufurper des droits que l'Amour
ne devoit pas céder , la Pudeur en perdit
que l'Hymen même ne put lui rendre :
& l'Amour de fon côté perdit l'avantage
flatteur de la victoire , dans prèfque
toutes fes conquêtes. Perfonne n'y gagna
; la Volupté elle - même s'ennuya
bientôt de fes triomphes , & fe trouva
fatiguée de l'exercice d'un pouvoir fans
bornes & jamais contredit .
Depuis cette fatale époque , quelques
foins qu'ayent pris les Dieux pour réconcilier
la Pudeur avec l'Amour , il
veut toujours l'exiler des lieux où il
donne des loix , & la Pudeur ne fait
prèfque jamais lui céder ou fe défendre
que MAL- A- PROPOS.
» Toi feule , fage & tendre Delphire!
> toi feule as pû donner afyle à ces deux
» ennemis dans une paix inaltérable .
» C'eſt ce bienfait des Dieux qu'a voulu
» confacrer ma Mufe. Plus cette faveur
deviendra rare dans les fiécles futurs
plus on admirera ta gloire & le
bonheur de ton amant.
Par M. D L. G.
fugitives.
SUITE de la Traduction de MAL-APROPOS
, ou L'EXIL DE LA Py-
DEUR , Poëme Grec.
QUATRIEME CHANT.
LAA nuit , fi chère à l'Amour & que
ce Dieu embellit fouvent de fes chat-
Gij
150 MERCURE (DE FRANCE.
.
mes , impatiente de fe rendre à Pa
phos , avoit preffé le Soleil de lui faire
place. Non qu'elle eût violé les loix
immuables de fon cours ; mais elle
avoit étendu les bords de fon voile
de telle forte , qu'à peine Phabus touchoit
à l'humide empire , que fes
derniers rayons avoient été abforbés.
Une quantité prodigieufe de flambeaux
avoient fait un jour nouveau ;
& ce jour est le vrai jour de Paphos.
A la lueur de ces Aftres factices , on
vit reparoître les Immortels Époux ; &
chacun deux fe rendit dans des cabinets
différens. Leur cour fe partagea
pour affifter à leur toilette. L'Hymen
vifita alternativement l'une & l'autre
lui-même avoit appellé la Galanterie ;
il l'introduifit , à celle de l'Amour , &
les Grâces fe déroboient tour-à-tour
pour y paffer quelques inftans . La
toilette , de l'Amour n'eft pas longue ;
il vola à celle de fa Pfyche , dans l'infant
que par les mains de la Pudeur
elle achevoit de prendre une feconde
robe nuptiale d'un tiffu d'argent le plus
éclatant , que les Arts avoient parfemé
des tréfors de l'Orient. Les Grâces
émpreffées autour d'elle , fe difpu
toient le prix du goût ; & chacune en
MARS. 1763. ISL
particulier s'applaudiffoit des ornemens
la Beauté rend fi faciles à placer
& auxquels elle prête tant d'agréque
ment .
Les toilettes étant finies , & les époux
encore plus parés de leurs charmes ,
que des ornemens qu'on y avoit ajoutés ,
au milieu des lumières cachées dans
les feuilles & dans les fleurs , de manière
que les unes & les autres paroiffoient
produire la clarté ; cette troupe
charmante traverfa les jardins pour
retourner au Palais principal. Au -devant
, étoit dreffé un trône de brillans ,
plus éclatans que le Soleil , fous un
Pavillon de la plus riche pourpre de
Tyr , rayonnée d'or & de diamans . Des
guirlandes de fleurs artificiellement
imitées par les pierres les plus précieuſes
, en renouoient les pentes , &
étoient foutenues par de jeunes zéphirs ,
dont les aîles tranfparentes & orientées
, s'accordoient harmonieuſement
avec les couleurs du Pavillon . C'eftlà
, que l'Amour & Pfyché fe placerent
pour voir la troupe agile des Plaiſirs &
des Amours fe jouer alternativement ,
fur un canal de l'onde , & du feu
que Vulcain avoit préparé pour le ter-
Giv
152 MERCURE DE FRANCE.
rible Dieu de la Guèrre. Tantôt l'air
embrafé offroit un fpectacle dont la vue.
avoit peine à foutenir l'éclat & à fuivre
la variété des fcènes. Tantôt , par
des machines que les Arts avoient fournies
, l'Onde pouffée en jets à perte
de vue , étoit recueillie en l'air dans des
vâfes portés par les enfans aîlés qui ,
en la réverfant , lui donnoient mille
formes différentes ; la lumière étoit
telle dans ces fêtes , qu'elle prêtoit
aux eaux l'apparence du criftal en fufion.
A ces jeux en fuccédoient d'autres
qui préfentoient l'image paffagère &
paifible des ravages & des embraſemens
qui , trop fouvent parmi les
Mortels ne font qu'un jeu du Maître
charmant , qu'on amufoit alors ,
tour -à - tour le Tyran & le Dieu du
monde. Quelquefois on appercevoit
des traits de flâme , pénétrer , fans s'éteindre
, la profondeur des Ondes &
en faire fortir les froides Déïtés fur des
Conques galantes. Les Amours , qui
avoient lancé ces traits ,, menoient en
triomphe ces Dieux des eaux enchaînés .
Tout ce que les armes de l'Amour avoient
fait de conquêtes remarquables dans
l'Empire de Neptune étoit rappellé
par des répréſentations animées. Chaque
,
,
MAR S. 1763. 153
partie de ces jeux , fi l'on vouloit les
bien peindre , fuffiroit à un Poëme
entier.
Plus puiffant au Parnaffe que le Dieu
même qui y régne , l'Amour avoit appellé
les Mufes , & les Mufes s'étoient
empreffées à fignaler leur zéle ,, par les
plus agréables effets de leurs talens . C'eft
à leurs foins qu'on devoit les preftiges
qui avoient figuré dejà les amours de
quelques Déités des eaux. Mais leur
chef- d'oeuvre en ce genre étoit préparé
dans l'intérieur du Palais ; on s'y
rendit donc , pour jouir d'un nouveau
fpectacle qui ne cédoit a aucun de
ceux qu'on venoit de voir , mais dont
mon foible ftyle (a) ne pourra donner
qu'un trait aride & fans coloris.
CINQUI É ME CHANT.
Dans une des Salles les plus vaſtes
du Palais , étoit difpofé un Théâtre
d'un genre & d'une forme dont notre
Grèce ne fourniroit que d'imparfaits
modéles toute la Cour de Paphos fe
raffembla dans ce lieu .
La Scéne n'étoit pas vifible aux Spec-
(a) On fait que les Anciens nommoient ainf
le poinçon avec lequel ils écrivoient fur les Tablettes
enduites de cire.
G v
$4 MERCURE DE FRANCE.
ateurs , lorfqu'ils entrerent pour fe
placer ; on auroit eu peine à la foupconner;
on n'y voyoit qu'un fuperbeAm
phitéâtre. Mais à peine les deux Fpoux.
y furent entrés , que la partie qui féparoit
la fcène difparut. On apperçut alors
un nouvel univers renfermé dans l'enceinte
de ce lieu ; des cieux , des mers ,
des campagnes , le terrible féjour des
enfers , & des Palais céleftes. La Nature
& l'Art magique , par leurs efforts réunis
, auroient peine à produire les prodiges
qu'offroit cette merveilleufe Scène.
Les Mufes s'étoient métamorphofées
fous diverfes formes , pour repréfenter
elles-mêmes les perfonnages d'un Drame
, dicté par Apollon , & qui retraçoit
en action les amours , les tourmens
& la félicité fuprême de la tendre Pfyché.
Cette repréſentation , qui n'étoit
point l'effet des Mafques groffiers en
ufage fur nos Théâtres ( b ) , étoit fi
fidéle , que Pfyché fut étonnée
fuite un peu inquiette de la Mufe qui
la repréfentoit : elle furprit les yeux de
l'Amour fouvent prêts à s'y méprendre
tant étoit parfaite l'illufion de la métaen-
(b) Sur les théâtres des Anciens les Acteurs
fe fervoient de mafques pour repréſenter les per
fonnages de leur Rôle.
MARS. 1763. 155
morphofe. Plus puiffante encore étoit
celle des accens qui renouvelloient
dans l'âme de Pfyché les fentimens
qu'elle avoit éprouvés . Ces accens
étoient dans un mode , & les vers dans
une mefure qui nous font encore inconnus.
Les chants , mariés à l'harmonie
de l'Orchestre , étoient apparemment
le langage même des Dieux pour
lefquels ce Spectacle étoit préparé. L'Amour
fourit à la vue de la Mufe qui
avoit emprunté fa figure ; il fe tourna
vers Pfyché pour confulter fon impreffion
; mais celle-ci , en portant fes
beaux yeux fur les fiens , lui dit , je
croirois voir l'Amour fur cette fcène
phantaftique , fi l'Amour n'étoit à mes
côtés ; mais on ne peut jamais fe méprendre
à la fiction , que quand il ne
daigne pas fe montrer lui-même.
A l'endroit du Drame qui rappelloit
les tourmens de la jeune Pfyché ; au
terrible afpect des enfers , repréfentés
très-vivement , & fur- tout à l'impitoyable
menace de lui ravir la beauté ; cette
tendre amante , par un mouvement involontaire
, fe précipita dans les bras .
de fon époux. Il en fut allarmé ; il
favoit mauvais gré aux Mufes du choix
de ces images douloureuſes , pour une
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
fete confacrée aux plus doux plaifirs.
Eh ! non , non , s'écria Pfyché , que
ne puis -je , tous les inftans de ma vie
immortelle , avoir un fouvenir auſſi vif
des maux que j'ai foufferts pour vous.
On ne jouit bien des délices de l'amour
que par la mémoire des peines qu'elles
ont coutées. L'Amour cependant fit
dire aux Mufes par le Dieu du goût que
l'on fixoit trop long- temps l'attention
fur de fi funeftes tableaux . Auffi-tôt on
en vit fuccéder de plus riants : la clémence
de Vénus & la félicité des deux
amans en étoient l'objet. C'est alors que
Terpficore , par des danfes voluptueufes
& gayes , vint effacer l'impreffion pathétique
que fes foeurs avoient procurée .
SIXIÈME CHANT .
Un autre Sujet tout différent occupa le
théâtre . La fatyre s'en étoit emparé. La
Scène ne repréfentoit plus qu'une vaſte
mer. On vit fur fa furface s'élever plufieurs
Syrenes , dont les figures féduiſantes
étoient auffi variées que leurs enchantemens
. Sans quitter l'humide fein de l'onde,
où plonge toujours la partie de leurs
corps , qui ne tient plus à l'humaine ſtruc-
&ture, elles formoient par des entrelacemens&
des bondiffemens fur les flots, des
efpèces de danfes , au fon de leurs chants
MARS. 1763. 157
,
mélodieux. Le tout refpiroit une volupté
fi dangereufe , que la plupart
des fpectateurs mêmes malgré la
force de leur divine exiftence en
étoient prèfque entraînés ; mais la plaifanterie
du Spectacle , qui furvint , fit
bientôt diſtraction à ce léger penchant
On apperçut des Barques fur cet
océan elles étoient , la plûpart , galamment
ornées , & paroiffoient chargées
de perfonnages qui repréfentoient
les principaux états de l'humanité. Ces
Barques n'avançoient pas toutes enfemble
on les voyoit d'abord dans le
lointain ; on remarquoit les mouvemens
oppofés qui fe paffoient entre des Nautoniers
expérimentés & des Paffagers
imprudens , qui les contraignoient à fe
détourner de leur route. Quelques Syrènes
fe détachoient pour aller au-devant
des Barques & fe faire voir de plus
près. Dès que les Barques en approchoient
, les artificieufes Syrènes , fe
replongeant dans l'onde , en reffortoient
à des diſtances éloignées. C'eſt ainfi
qu'elles attiroient , par ces feintes refuites
, les Paffagers jufques dans certains
efpaces , où étoient cachés fous les
flots des filets plus déliés que les cheveux
de leurs blondes treffes , mais plus
158 MERCURE DE FRANCE.
infrangibles que l'acier de LEMNOS.On
diftinguoit dans ces diverfes Barques de
fuperbes Archontes , de graves Aréopagites
, des héros de Mars , des difciples
de la Philofophie , enfin tous les
Ördres de la République , jufqu'à
d'auftères Sacrificateurs : chacun d'eux
difputoit avec foi-même quelques momens
; mais chacun d'eux veilloit l'inf
tant où les patrons des barques détournoient
la vue , afin de fauter plus librement
dans ces flots empoifonnés , à
l'aide des mains perfides que leurs tendoient
les Syrènes . D'autres fembloient
s'y laiffer gliffer mollement , & comme
par diftraction , croyant apparemment
par-là fe dérober leur propre foibleffe
& s'épargner le reproche de leur chûte.A
peine ces divers perfonnages tomboient
en la puiffance des Monftres charmans
qui les avoient furpris , qu'ils étoient
enchaînés de fleurs. Les Syrènes en
avoient qui étoient enchantées pour chaquefens
en particulier ; de forte que ces
victimes fe trouvoient arrêtées dans toutes
les parties de leur être. Ainfi que
certains animaux carnaciers fe jouent
quelque temps de leur proie avant que
de la dévorer telles ces femmes infidieufes
, faifoient en cent façons des
MARS. 1763. 159
jouets de leurs Captifs ; & par les formes
les plus ridicules qu'elles leur faifoient
prendre , elles les expofoient au
rire des Spectateurs , avant que de les
précipiter dans les abîmes de cet océan,
Les jeunes étourdis de notre Grèce nefurent
pas les moins amufans des per
fonnages de cette comique Pantomime..
Les Syrènes les faifoient tourner avec
une rapidité incroyable autour d'elles :
elles avoient pour cela des fouets de
toutes les paffions , qui leur donnoient
à chaque inftant des impulfions contraires.
Elles changeoient enfuite ces
Etres en différentes efpèces d'animaux ;
elles s'amufoient de leur babillage en
perroquets ; elles leur faifoient répéter
à-peu-près ce qu'ils auroient dit fous
leur forme naturelle ; elles les faifoient.
voler , comme des Etourneaux &
retomber dans la mer , où ils difparoiffoient
pour quelques momens. Enfuite ,
fous la forme de petits chiens , elles les
dreffoient fur le champ à plufieurs exercices
plus comiques les uns que les autres
; puis elles finiffoient par les tranfformér
en dogues furieux , dont les
rauques aboyemens étoient fuivis de
combats dévorans , qui fe terminoient
au gré du caprice de leurs cruelles maîtreffes
.
,
160 MERCURE DE FRANCE.
De toutes ces Pantomimes , dont
Momus avoit concerté les fcènes , il n'y
en eut point de plus piquante que la
dernière. On vit approcher une Barque
plus confidérable que les précédentes ;
les flammes ou banderoles étoient de
pourpre de Tyr & de tiffus de l'or le
plus pur. A mefure que ce bâtiment ,
chargé d'un nombreux cortége , approchoit
des fpectateurs , on y découvroit
de nouveaux ornemens. Le Chef fe
diftinguoit fur tous les autres par l'éclat
des plus riches étoffes & des pierreries
dont il étoit couvert. On voyait,
au mouvement perpétuel de fes mains ,
qu'il répandoit avec profufion toutes
fortes de richeffes aux Syrènes du fecond
ordre qui bondiffoient autour de
fa Barque , mais dont les charmes n'étoient
pas affez puiffans pour arrêter un
Dieu , car c'étoit le Dieu Plutus que
repréſentoit ce phantaftique perfonnage.
Il étoit alors en querelle avec l'Amour ,
& n'avoit point été appellé à ces fêtes.
Les Mufes , fouvent piquées des avances
humiliantes qu'elles font à ce Dieu
& du dédain dont il les reçoit ,
avoient faifi cette occafion de vengeance.
On reconnoiffoit Plutus nonfeulement
à fa fplendeur , mais à une
MARS. 1763.
161
certaine pâleur livide , qu'il porte luimême
fur le vifage , & qu'il communique
à fes favoris , abforbés dans le
foin d'accumuler & de conferver les
tréfors qu'il leur confie. Trois des principales
Syrènes attendoient cette précieufe
proie avec une nonchalance affectée
, qui leur en afſuroit davantage
la conquête . Elles formerent alors des
concerts fi touchans ; elles prirent des
attitudes fi enchantereffes , que l'âme
d'aucun Mortel n'eût pu foutenir , fi
l'on ofoit le dire , le poids délicieux
de cette volupté. L'âme du Dieu des
Richeffes ne fut pas inacceffible. Les
Syrènes avoient ajouté à leurs enchantemens
ordinaires le charme d'un parfum
plus fort que celui qu'on offre aux
autres Dieux , & dont l'yvreffe eft inévitable.
Plutus reçut en apparence
l'hommage des trois Syrènes , qui ne
faifoient que prêter à fa vanité un léger
tribut dont il alloit les dédommager
par celui de toutes fes poffeffions . Les
Syrènes éleverent les bras vers lui ; il
s'inclina pour recevoir leurs embraffemens.
Bientôt elles l'eurent enlevé de
fon bord , & la Barque avec tout le
cortége difparut au milieu de la troupe
des autres Syrènes. Les principales Ac
162 MERCURE DE FRANCE ,
au moien
trices de ce jeu foutinrent quelque
temps Plutus fur leurs bras , puis , par
un badinage enjoué , elles le plongerent
dans les eaux enchantées. C'eft alors
qu'on ne peut compter toutes les tranfformations
burleſques par lefquelles on
le fit paffer. La dernière amufa particu→
liérement la Cour du Dieu de Paphos .
On vit reparoître la tête de Plutus
fur la fuperficie de l'eau . Les trois
Syrènes , alternativement
d'un petit foufflet dont elles lui avoient
pofé le tuyau dans la bouche , gonflé
rent cette tête au point que toute fa
forme difparut , pour faire place à un
globe que l'air feul rempliffoit. Les Syrènes
alors s'écartérent ; & fe rejettant
en l'air l'une à l'autre ce globe de vent ,
elles donnerent le Spectacle riant d'un
exercice très-agréable jufqu'à ce que
ces jeux ayant affez duré , les Syrènes
fe plongerent avec leur proie au fond
de l'Océan. La Scène fe referma fubitement
telle qu'elle avoit été avant le
Spectacle , & toute la cour des deux
époux les fuivit à la Salle du Banquet .
SEPTIE ME CHANT.
Je ne décrirai point le lieu délicieux
& brillant deftiné au Banquet des DiMARS.
1763.
163
·
vinités de Paphos. Je ne ferai point
l'énumération des mets exquis dont
Comus avoit dirigé la compofition &
l'ordre des fervices. Lorfque les Dieux
habitent la Tèrre , ils fe plaifent à ufer
de la nourriture des Mortels , ainfi que
des autres plaifirs que leur bonté fouveraine
a attachés à chacun de nos
fens. Ce qui eft plus important à mon
Sujet ce font les rangs des principaux
convives ; l'Hymen avoit de droit le
premier il étoit placé entre les deux
Epoux. Ce fut lui qui pofa fur leurs
têtes les couronnes en ufage dans les
feftins.
Chaque affemblée , chaque événe
ment tant foit peu folemnef, fait naître
dans les cours fublunaires une multitude
de conteftations. Les Cours Céleftes
n'en font pas plus exemptes. Cependant
celle de l'Amour dans fes fêtes
particulières eft très-facile fur l'étiquette
; mais l'Hymen préfidoit à celleci
& l'Hymen , ( Tyran jufques dans
les Plaifirs , ) eft le premier qui ait introduit
les graves minucies du cérémonial.
Plus cérémonienfe que toute autre
& plus délicate fur les frivoles honla
Pudeur reclama en cette occafion
la place que la Volupté vouloit
neurs ,
1
#
164 MERCURE DE FRANCE.
occuper auprès de Pfyché. Toujours
fière par humeur autant que par étar ,
fouvent querelleufe par orgueil pour
des prérogatives qu'elle céderoit par
goût , cette majeftueufe Pudeur implora
l'autorité de l'Hymen , & l'Hymen
prononça en fa faveur. Pour confoler
la Volupté , l'Amour la fit mertre à fes
côtés. L'Amour déféroit encore aux
droits des premiers jours de l'Hymen,
O Hymen de combien d'années d'outrages
& d'affronts tu payes fouvent
les vaines déférences que tu éxiges
dans tes jours de Fêtes folemnelles ! La
place de Bacchus étoit marquée à la
droite de l'Amour, Ainfi la Volupté ne
fe crut point déplacée d'être entre eux.
Comus de l'autre côté fe rencontroit
près de la Pudeur. La vénérable Matrone
vit cet arrangement avec quelque
complaifance ; car de tous les Dieux
qui compofoient cette Cour , le délectable
Comus étoit celui avec lequel elle
fe permet un peu plus de familiarité.
Les Mufes étoient à la même table , &
Momus avec elles. Les Grâces avoient
refufé galamment de prendre place
pour fe réferver le plaifir de fervir les
nouveaux Époux. Des Bacchantes choifies
environnoient le lit de Bacchus.
MARS. 1763. 165
Chaque convive avoit un des demi-
Dieux de cette Cour, attaché au foin de
prévenir fes moindres defirs. Quelques
jeunes filles & quelques jeunes garçons
de Paphos , confacrés au temple , étoient
admis au même office.
D'autres tables raffembloient le refte
de la Cour , & la Gayeté , voltigeoit
alternativement des unes aux autres ;
tandis que dans l'intervalle des fervices ,
les Mufes faifoient entendre leurs concerts.
Bacchus ne contribuoit pas peu à
l'agrément de ce Banquet. Après les
premières coupes du nectar céleste , il
propofa le nectar de la Tèrre ; on en
avoit apporté de toutes les régions du
Monde. Ce fut la première fois que
dans une Ile de la Gréce on goûta
d'un vin recueilli dans les climats barbares
des Gaules. Bacchus l'avoit fait
réferver pour cette fête ; il voulut que
la Gayeté fe chargeât feule de le verfer.
Cette liqueur petillante comme elle , en
étoit l'image. Il en fit préfenter par
l'Amour à la belle Pfyché , dans une
coupe du plus pur criftal ; la févère
Pudeur crut qu'il étoit des fonctions de
fa charge d'examiner ce breuvage inconnu
, & voulut arrêter la main de la
jeune Epoufe prête à porter la coupe
166 MERCURE DE FRANCE.
té
par
fur fes lévres : mais celle-ci , en regar
dant avec une douce ingénuité la févère
Matrône , but la coupe fans héfiter ;
puis s'adreffant à elle , lui dit : O ! refpectable
Pudeur ; ce qui m'eft préfenl'Amour
ne peut m'être fufpect
& ne doit pas vous allarmer , puifque
l'Hymen ne s'y oppofe pas. L'Amour
paya du regard le plus tendre ce que
venoit de dire Pfyché , & l'Hymen luimême
ne put refufer d'y foufcrire, Bacchus
fit alors un figne à Comus , &
tous deux de concert engagerent la
Pudeur à vuider plufieurs coupes de la
même liqueur , à l'ombre de fon voile
qu'elle avoit rabaiffé, La Gayeté derrière
elle ,, en éclatoit de rire , & Momus
avec les Mufes préparoit déja des chanfons
à ce fujet. Mais ce filtre n'eut qu'un
effet momentané. La Pudeur en devint
un peu moins trifte , fans oublier les
entrepriſes que projettoit fon indifcret
orgueil , au milieu de la galanterie de
ces Fêtes.
HUITIEME CHANT.
la
Malgré l'impatience de l'A
joie & le plaifir prolongerent le feſtin
jufques affez avant dans la nuit . Enfuite
les époux pafferent chacun dans leurs
appartemens particuliers , où ils furent
MARS. 1763. 167
conduits en pompe , au fon de divers
inftrumens , & au bruit des acclamations
univerfelles ; après quoi on les
laiffa en liberté. La chambre dans laquelle
devoient fe réunir les deux époux
avoit à - peu - près la forme d'un tem,
ple. Sous une rotonde , la Volupté
y avoit fait préparer le lit nuptial. Il
étoit fermé d'une double enceinte de
baluftres , fur laquelle bruloient des
parfums céleftes , dans des caffolettes
d'or. Un double pavillon couvroit les
deux Enceintes. La lampe fatale , qui
avoit tant caufé de larmes à Pfyché ,
& qui fut cependant la fource de fa
félicité , avoit été fufpendue par la Volupté
au ciel du pavillon intérieur , avec
un tel artifice , que fans en apperce→
voir la flamme , fa lumière réfléchie
éclairoit le lit d'un jour fi doux & fi
voluptueux , que cet aftre nouveau du
myftère faifoit craindre le retour de
l'aftre brillant qui anime & féconde
l'univers.
L'Amour paffa le premier dans cette
chambre : il étoit précédé d'une troupe
d'enfans ailés , portans devant lui leurs
flambeaux allumés. Le fien étoit entre
les mains de la Volupté. Elle entra feule
avec l'Amour dans l'enceinte intérieu168
MERCURE DE FRANCE
re. La troupe badine des enfans de Cythère
fe difperfa dans les avenues . Pfyche
, pour fe rendre en ce lieu myſtéétoit
foutenue par l'Hymen
d'une main , & de l'autre par la Pudeur.
rieux ,
Il paroiffoit que tout alloit fe paffer
dans l'ordre antique & confacré par
l'ufage , fuivant lequel la Pudeur conduifoit
l'Epoufe jufques à la chambre
nuptiale , retiroit les voiles qui la couvroient
, l'attendoit le lendemain pour
les lui rendre & ne la pas quitter pendant
le refte du jour. On avança donc
jufques à la première enceinte fous le
grand pavillon extérieur. Le Mystère ,
éxact & fidele , gardoit l'entrée du fecend
, dont il tenoit les rideaux fermés.
Les Graces attendoient que la Pudeur
enlevât les voiles qui enveloppoient la
belle Pfyché , pour la porter dans leurs
bras fur le lit nuptial. La Pudeur au
contraire s'avança impérieufement pour
pénétrer dans la dernière enceinte
malgré les efforts du Myftère , qui en
défendoit l'entrée. L'Amour reclama
avec impétuofité contre la violence
qu'on éxerçoit dans l'aſyle facré de ſon
fanctuaire. L'Hymen dont la main
pefante brife fouvent l'édifice dont il
>
veut
MARS. 1763. 169
eut pofer les fondemens , l'Hymen
prétendit que ce fanctuaire étoit le fien ,
& que lui feul devant y donner des
loix , il vouloit que la Pudeur y préfidât.
Il menaçoit de fufpendre la fin de l'hymenée
, & de remener fur le champ
-Pfyché dans l'Olympe , attendre la décifion
des Dieux affemblés. Ce n'étoit pas
la première fois que l'Hymen avoit commencé
par intimider l'Amour : ce n'étoit
pas la première fois que ce dernier avoit
fini par s'en venger cruellement. Il fe
réferva cette reffource , & feignit encore
de céder pour cette fois. La Pudeur
encouragée par ce premier triomphe
porta fes prétentions jufqu'à vouloir
paffer la nuit dans la dernière enceinte ,
où la Volupté feule avoit le droit de
veiller. La Volupté , affez douce naturellement
, devint furieufe & fe récria
contre cette entreprife. Il fut réglé que
la Pudeur veilleroit dans la première
'enceinte , affez près néanmoins pourque
la nouvelle Epoufe put toujours entendre
fa voix. La cruelle gouvernante
en abufa tellement , qu'elle ne ceffoit
de l'appeller & de lui répéter des leçons
déplacées , fur lefquelles ni les reproches
impatiens de l'Amour , ni les cris de la
Volupté , ne pouvoient impofer filence.
H
170 MERCURE DE FRANCE.
Les Grâces craintives s'étoient difper
fées au premier bruit de la querelle ,
& les ordres de l'Amour même auroient
eu peine à les rappeller.
'Enfin cette nuit de trouble & d'allarmes
fit place au jour. L'opiniâtre Matrone
reconduifit Pfyché à fon appartement.
Trop nouvelle Déeffe pour connoître
toutes les prérogatives de fon
état , Pfyché flottoit entre la foumiffion
que la févère Pudeur exigeoit
d'elle , & la douleur amère d'affliger
L'Amour. De nouvelles fêtes embellirent
cette feconde journée : ce qui l'embellit
encore plus , fut la préfence de Vénus,
qui vint vifiter les époux. Son fils fe
plaignit à elle de la tyrannie que l'Hymen
& la Pudeur entreprenoient d'exercer
fur lui-même , jufques au centre de
fon empire & de celui de fa mère. La
Déeffe , fenfible aux plaintes de fon
fils , lui promit que dès que les fêtes
préparées par Terpficore , pour l'entrée
de la nuit fuivante , auroient pris fin ,
elle remonteroit à la cour célefte faire
parler leurs communs droits , contre les
ennemis fecrets qu'ils avoient appellés
eux-mêmes dans leurs états . Diffimulez
, dit- elle , mon fils , paroiffez toujours
obéir , c'eft le plus für moyen que
摆
MAR S. 1763. 171
'Amour & la Volupté puiffent prendre
pour détruire le pouvoir de l'Hymen
& de la Pudeur.
La feconde foirée fut plus prolongée
encore que la première. Les amuſemens
de Therpficore ayant occupé long-temps
une cour charmante , qui fe livroit au
plaifir dans l'ignorance des fecrets chagrins
qui en agitoient les chefs. Vénus
en retournant à l'Olympe , feignit de
quitter PAPHOS pour quelque temps.
La pudique Matrone en conçut l'espoir
d'un nouveau triomphe ; car la préfence
de Vénus étoit contraire à fes projets.
Dès la nuit fuivante , après le cérémonial
de la veille , elle avoit repris fa
place ordinaire ; mais n'ayant pû fe
défendre d'un léger fommeil , qu'avoit
peut-être occafionné l'exercice , quoiqu'affez
froid , de quelques danfes qu'elle
s'étoit permife , elle fe réveilla tout-àcoup
; & dans le dépit de la négligence
qu'elle fe reprochoit , elle voulut la réparer
avec éclat. Elle ouvrit , ou plutôt
déchira les rideaux de l'enceinte facrée.
Le Mystère alla chercher fa retraite dans
ceux du lit des Epoux , & la Volupté
indignée quitta la place. L'Amour en
ce moment ufa de cette perfide douceur
qu'il fait fi bien employer quelque-
Hij
172 MERCURE DE FRANCE .
fois , & ne fit à fon ennemie que de
tendres plaintes qui encouragerent
encore fa fermeté.
,
Cependant la Volupté éplorée avoit
répandu l'allarme dans l'intérieur du Palais
: elle gémiffoit avec les Grâces du
fort de leur maître , lorfqu'une lumière
céleste annonça le retour de Vénus.
Elles rentrerent avec elle dans la chambre
de l'Amour. A fon afpe&t , la Pudeur
troublée voulut fe retirer. Arrêtez.
, dit Vénus
, arrêtez
, imprudente
maîtreffe
, pour écouter
l'ordre
fuprême
des
Dieux
. Si je vous euffe trouvé
dans les
bornes
prefcrites
à votre
emploi
, mon
pouvoir
étoit
limité
, j'étois
contrainte
à foutenir
le vôtre
jufques
dans mon
propre
empire
mais vous
avez
paffé
ces bornes
immuables
, votre
injufte
ufurpation
vous
foumet
à mon fils & à
moi , c'eft à lui que les Dieux
ont déféré
le droit de prononcer
. La Pudeur
,
rougiffant
de colère
& de confufion
, fe
retira
pour
aller attendre
fon arrêt : il
ne fut pas différé
. Après
avoir confulté
un moment
avec
fa mère
, l'Amour
fit
déclarer
à la vénérable
Pudeur
, par la
bouche
même
de fon ennemie
( la Volupté
) , qu'elle
eût à quitter
fon empire
pour n'y jamais
reparoître
: c'étoit
l'exiMARS.
1763. 173
ler de la terre. Quelle région habitée
n'eft pas l'empire de l'Amour ?
Ainfi , pour avoir voulu MAL-APROPOS
ufurper des droits que l'Amour
ne devoit pas céder , la Pudeur en perdit
que l'Hymen même ne put lui rendre :
& l'Amour de fon côté perdit l'avantage
flatteur de la victoire , dans prèfque
toutes fes conquêtes. Perfonne n'y gagna
; la Volupté elle - même s'ennuya
bientôt de fes triomphes , & fe trouva
fatiguée de l'exercice d'un pouvoir fans
bornes & jamais contredit .
Depuis cette fatale époque , quelques
foins qu'ayent pris les Dieux pour réconcilier
la Pudeur avec l'Amour , il
veut toujours l'exiler des lieux où il
donne des loix , & la Pudeur ne fait
prèfque jamais lui céder ou fe défendre
que MAL- A- PROPOS.
» Toi feule , fage & tendre Delphire!
> toi feule as pû donner afyle à ces deux
» ennemis dans une paix inaltérable .
» C'eſt ce bienfait des Dieux qu'a voulu
» confacrer ma Mufe. Plus cette faveur
deviendra rare dans les fiécles futurs
plus on admirera ta gloire & le
bonheur de ton amant.
Par M. D L. G.
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Résumé : SUPPLÉMENT à l'Article des Piéces fugitives. SUITE de la Traduction de MAL-A-PROPOS, ou L'EXIL DE LA PUDEUR, Poëme Grec. QUATRIEME CHANT.
Le texte est un supplément à un article du Mercure de France, présentant la suite de la traduction du poème grec 'Mal-Apropos, ou L'Exil de la Pydéur'. Le quatrième chant décrit une nuit à Paphos où la nuit a été prolongée artificiellement pour permettre aux Immortels Époux, l'Amour et Psyché, de se préparer. Leur toilette est assistée par l'Hymen, la Galanterie, et les Grâces. Une fois prêts, ils se rendent dans les jardins illuminés pour assister à des spectacles offerts par les Plaisirs et les Amours. Ces spectacles incluent des jeux d'eau et de feu, et des représentations des conquêtes de l'Amour. Les Muses, appelées par l'Amour, ont préparé des prestiges et des représentations animées. Dans une salle du palais, un théâtre magique montre un nouvel univers avec des cieux, des mers, et des enfers. Les Muses, métamorphosées, jouent un drame dicté par Apollon, retraçant les amours, les tourments et la félicité suprême de Psyché. Psyché est émue par la représentation et se jette dans les bras de l'Amour. Les Muses changent ensuite de scène pour montrer la clémence de Vénus et la félicité des amants, avec des danses voluptueuses de Terpsichore. Le sixième chant introduit une scène maritime avec des Sirènes qui dansent et chantent, tentant les spectateurs. Des barques représentant différents états de l'humanité naviguent sur la mer, attirées par les Sirènes. Les Sirènes capturent les passagers avec des filets et les transforment en animaux pour se divertir. La dernière pantomime montre le Dieu Plutus en querelle avec l'Amour, représenté dans une barque richement ornée. Les Muses se vengent de Plutus en le mettant en scène malgré son absence des fêtes. Le texte décrit ensuite une scène où Plutus est capturé par trois Sirènes. Ces dernières l'enlèvent et le plongent dans des eaux enchantées, où elles le transforment en un globe de vent. Après divers jeux, elles disparaissent avec leur proie au fond de l'Océan. La scène se referme, et toute la cour des époux divins suit les Sirènes vers la salle du banquet. Le banquet des divinités de Paphos est ensuite décrit. L'Hymen, placé entre les deux époux, pose des couronnes sur leurs têtes. Les convives principaux incluent l'Hymen, la Pudeur, la Volupté, l'Amour, Bacchus, et Comus. Les Grâces servent les nouveaux époux, et des Bacchantes entourent le lit de Bacchus. Bacchus propose un vin des Gaules, que Psyché boit malgré les objections de la Pudeur. Après le banquet, les époux se retirent dans leurs appartements. La chambre nuptiale est préparée avec soin, et la lampe fatale éclaire doucement le lit. La Pudeur et l'Hymen accompagnent Psyché, mais un conflit éclate entre la Pudeur et la Volupté. La Pudeur veut veiller près de Psyché, mais la Volupté s'y oppose. Finalement, la Pudeur veille dans la première enceinte, perturbant la nuit par ses leçons déplacées. Le lendemain, Vénus visite les époux et promet de soutenir l'Amour contre l'Hymen et la Pudeur. La nuit suivante, la Pudeur, après s'être endormie, ouvre les rideaux de l'enceinte sacrée, provoquant la fuite du Mystère et la colère de la Volupté. L'Amour utilise une douceur trompeuse pour apaiser la Pudeur. Le texte relate un conflit mythologique entre Vénus, la Pudeur, l'Amour et la Volupté. L'alerte est donnée au Palais lorsque Vénus revient, accompagnée des Grâces. La Pudeur, troublée, tente de se retirer, mais Vénus l'arrête pour annoncer un ordre divin. Vénus explique que la Pudeur a dépassé ses limites et doit donc être jugée par son fils, l'Amour. La Pudeur, confuse et en colère, se retire pour attendre son verdict. L'Amour, après consultation avec Vénus, déclare par l'intermédiaire de la Volupté que la Pudeur doit quitter son empire et ne jamais y revenir. Cette décision affecte tous les protagonistes : la Pudeur perd ses droits, l'Amour ne tire pas avantage de sa victoire, et même la Volupté se lasse de ses triomphes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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