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1
p. 278-285
Une Escadre de 5. Fregates Ostendoises attaque devant Fécam un Vaisseau Marchand estimé quatre-vingt mille escus. Il est sauvé par les bons ordres de M. le Duc de S. Aignan. [titre d'après la table]
Début :
Les Rencontres de Mer ne nous sont pas moins glorieuses [...]
Mots clefs :
Frégates, Rencontres de mer, Fécam, Vaisseau, Combat, Equipage, Monsieur de S. Aignan
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texteReconnaissance textuelle : Une Escadre de 5. Fregates Ostendoises attaque devant Fécam un Vaisseau Marchand estimé quatre-vingt mille escus. Il est sauvé par les bons ordres de M. le Duc de S. Aignan. [titre d'après la table]
Les Rencontres de Mer ne
nous font pas moins glorieuſes que les Attaques de terre. Il y a dix ou douze jours qu'une Eſcadre d'Ennemis parut de- vant Fécam, compoſée de cinq Frégates Oftendoiſes de 36. de 34.de 28.de 24. &de 18. Pieces de Canon. Elles chafſoient un
Vaiſſeau nommmé le S. George,
de 200. Tonneaux,de 22. Pieces
de Canon , & de 120. Hommes d'équipage , commandé par le
188 LE MERCVRE
toient tous Boulets à deux tê
tes , ils couperent force corda- ges ; & force Maneuvres avec P'Echelle, donnerent huit coups dans le corps duBaſtiment, em- porterent lacuiſſe àunMatelor,
& percerent quelques Maiſons des coups qui échaperent. Ces Frégates tinrent en ſuite une eſpece de Conſeil , apres lequel remettant le Pavillon d'Espa- gne , elles revinrent furieuſe- ment à la charge , & quafi à la portée du Piſtolet. Le combat dura cinq heures , & elles tire- rentdu moins cinq cens coups de Canon , & deux mille de
Moufquet , pendant que ceux du Vaiſſeau les attendoient à
l'abordage , le Sabre à la main,
&que deux pieces de Canon,
feules en état de cinq qui font dans le Fort , leur tirerent cent
GALAN T. 189 cinquante coups. Leur Amirale & l'autre grande de 34. furent percées de cinq ou fix coups à
l'eau, cequi les obligea dequi- ter le Combat l'une apres l'au- tre , & d'eſtre longtemps ſur le coſté pour reparer leur dom- mage. Tout le monde fit ſon devoir par les ordres de M. de Longueil , qui , quoy que ma- lade, fit tres-bien de faire défendre le Vaiſſeau avant l'arrivée de M. de S. Aignan , lequel ayant appris cette nouvelle , &
jugeant par le lieu où les Fré- gates demeuroient , qu'elles ne manqueroient point de revenir avec lamarée, partit duHavre,
gagna Fécam toute la nuit , &
eny arrivant le matin, apper- çeut les deux grandes Fregates fous voile qui revenoient vers le Vaiſſeau. Comme le péril
2
190 LE MERCVRE nel'a jamais étonné , il y monta par les cordes du dehors , & les Ennemis s'eſtant approchez peu à peu , ils ſe tinrent encor quelque temps à la veuë de Fécam , & diſparurent tout-à- faiten fuite. Alors M de S. Aignan,qui vouloit braver lesEn-:
nemis dans leur retraite , opina à remettre le Vaiſſeau à flot, &
àne leur pointcacher ſa route.
Apres qu'il eut tiré tout ſon Canon par fon ordre , il mit à
la voile fur les huit heures du
foir , & ce Duc ayant repris le chemin le longde la Coſte , ar- riva au pointdujour auHavre en meſme temps que le Vaif- ſeau. Jugez, Madame, dela joye des Intereſſez , &du Capitaine qui le croyoient perdu ſans re- fource. Tous ceux qui ont eu part à cette Action , en ont re
GALANT. 191 ceu beaucoup de loüanges ,
Me l'Abbé de Coffe , Gentilhomme de Marseille , &Frere
d'un Capitaine de Cavalerie du meſme nom , entra dés le ſoir dans le Vaiſſeau pour partager le plaifir & la gloire de cette défenſe. On a ſceu d'un Capitaine Anglois arrivé depuis cette Attaque , qu'il avoit ren- contré les cinq Frégates avec leurs Maneuvres en granddef- ordre , ſur tout l'Amirale , qui avoit pluſieurs coups à l'eau,
tout ſon Arriere briſe , & force
Gens hors de combat. Les Ennemis luy ont dit que ce qui leur avoit fait conclure leur retour, eſtoit qu'ils avoient connu les Gardes de M. de S. Aignan,
& que s'eſtant apperçeus avec,
leurlongue veuë , qu'il montoit luy-meſme dans le Vaiſſeau , ils
192 LE MERCVRE s'eſtoient bien imaginez qu'on n'oublieroit rien pour ſa dé- fenſe. Ce témoignage eſt bien glorieux pour ce Duc , qui joi- gnant la liberalité à tant d'au- tres vertus qui l'accompagnent,
ne ſe contenta pas de recom- penfer ceux de l'Equipage par des loüanges , mais leur donna de l'argent pour s'eſtre ſi di- gnement acquitez de leur de- voir. Ce fut là -deſſus qu'un agreable Eſprit deFécam fit ces deux Vers , en parlantde luy à
luy-mefme.
Il les mit enétatde ne craindre
plusrien,
Etlesrécompensad'avoirſauvé leurBien,
Les principaux Intereſſez ont eſté ravis de la maniere dont
ce Duc s'eſt pris pour ſauver Ieur Vaiſſeau contre toute apparence,
GALANT. 193 parence , & mefme contre leur
attente.
nous font pas moins glorieuſes que les Attaques de terre. Il y a dix ou douze jours qu'une Eſcadre d'Ennemis parut de- vant Fécam, compoſée de cinq Frégates Oftendoiſes de 36. de 34.de 28.de 24. &de 18. Pieces de Canon. Elles chafſoient un
Vaiſſeau nommmé le S. George,
de 200. Tonneaux,de 22. Pieces
de Canon , & de 120. Hommes d'équipage , commandé par le
188 LE MERCVRE
toient tous Boulets à deux tê
tes , ils couperent force corda- ges ; & force Maneuvres avec P'Echelle, donnerent huit coups dans le corps duBaſtiment, em- porterent lacuiſſe àunMatelor,
& percerent quelques Maiſons des coups qui échaperent. Ces Frégates tinrent en ſuite une eſpece de Conſeil , apres lequel remettant le Pavillon d'Espa- gne , elles revinrent furieuſe- ment à la charge , & quafi à la portée du Piſtolet. Le combat dura cinq heures , & elles tire- rentdu moins cinq cens coups de Canon , & deux mille de
Moufquet , pendant que ceux du Vaiſſeau les attendoient à
l'abordage , le Sabre à la main,
&que deux pieces de Canon,
feules en état de cinq qui font dans le Fort , leur tirerent cent
GALAN T. 189 cinquante coups. Leur Amirale & l'autre grande de 34. furent percées de cinq ou fix coups à
l'eau, cequi les obligea dequi- ter le Combat l'une apres l'au- tre , & d'eſtre longtemps ſur le coſté pour reparer leur dom- mage. Tout le monde fit ſon devoir par les ordres de M. de Longueil , qui , quoy que ma- lade, fit tres-bien de faire défendre le Vaiſſeau avant l'arrivée de M. de S. Aignan , lequel ayant appris cette nouvelle , &
jugeant par le lieu où les Fré- gates demeuroient , qu'elles ne manqueroient point de revenir avec lamarée, partit duHavre,
gagna Fécam toute la nuit , &
eny arrivant le matin, apper- çeut les deux grandes Fregates fous voile qui revenoient vers le Vaiſſeau. Comme le péril
2
190 LE MERCVRE nel'a jamais étonné , il y monta par les cordes du dehors , & les Ennemis s'eſtant approchez peu à peu , ils ſe tinrent encor quelque temps à la veuë de Fécam , & diſparurent tout-à- faiten fuite. Alors M de S. Aignan,qui vouloit braver lesEn-:
nemis dans leur retraite , opina à remettre le Vaiſſeau à flot, &
àne leur pointcacher ſa route.
Apres qu'il eut tiré tout ſon Canon par fon ordre , il mit à
la voile fur les huit heures du
foir , & ce Duc ayant repris le chemin le longde la Coſte , ar- riva au pointdujour auHavre en meſme temps que le Vaif- ſeau. Jugez, Madame, dela joye des Intereſſez , &du Capitaine qui le croyoient perdu ſans re- fource. Tous ceux qui ont eu part à cette Action , en ont re
GALANT. 191 ceu beaucoup de loüanges ,
Me l'Abbé de Coffe , Gentilhomme de Marseille , &Frere
d'un Capitaine de Cavalerie du meſme nom , entra dés le ſoir dans le Vaiſſeau pour partager le plaifir & la gloire de cette défenſe. On a ſceu d'un Capitaine Anglois arrivé depuis cette Attaque , qu'il avoit ren- contré les cinq Frégates avec leurs Maneuvres en granddef- ordre , ſur tout l'Amirale , qui avoit pluſieurs coups à l'eau,
tout ſon Arriere briſe , & force
Gens hors de combat. Les Ennemis luy ont dit que ce qui leur avoit fait conclure leur retour, eſtoit qu'ils avoient connu les Gardes de M. de S. Aignan,
& que s'eſtant apperçeus avec,
leurlongue veuë , qu'il montoit luy-meſme dans le Vaiſſeau , ils
192 LE MERCVRE s'eſtoient bien imaginez qu'on n'oublieroit rien pour ſa dé- fenſe. Ce témoignage eſt bien glorieux pour ce Duc , qui joi- gnant la liberalité à tant d'au- tres vertus qui l'accompagnent,
ne ſe contenta pas de recom- penfer ceux de l'Equipage par des loüanges , mais leur donna de l'argent pour s'eſtre ſi di- gnement acquitez de leur de- voir. Ce fut là -deſſus qu'un agreable Eſprit deFécam fit ces deux Vers , en parlantde luy à
luy-mefme.
Il les mit enétatde ne craindre
plusrien,
Etlesrécompensad'avoirſauvé leurBien,
Les principaux Intereſſez ont eſté ravis de la maniere dont
ce Duc s'eſt pris pour ſauver Ieur Vaiſſeau contre toute apparence,
GALANT. 193 parence , & mefme contre leur
attente.
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Résumé : Une Escadre de 5. Fregates Ostendoises attaque devant Fécam un Vaisseau Marchand estimé quatre-vingt mille escus. Il est sauvé par les bons ordres de M. le Duc de S. Aignan. [titre d'après la table]
Le texte décrit une bataille navale près de Fécam entre le vaisseau français Saint George et une escadre ennemie de cinq frégates. Le Saint George, commandé par M. de Longueil, fut attaqué par des boulets à deux têtes, subissant des dommages et blessant un matelot. Malgré une résistance acharnée, les frégates ennemies se retirèrent après avoir subi des pertes. M. de Saint Aignan, informé de l'attaque, partit du Havre pour secourir le Saint George. À son arrivée, il affronta les ennemis, qui finirent par fuir. Saint Aignan décida de remettre le vaisseau à flot et de poursuivre les ennemis. Le vaisseau et Saint Aignan arrivèrent au Havre en même temps, suscitant la joie des intéressés et du capitaine. Un abbé de Coffe rejoignit l'équipage pour partager leur gloire. Un capitaine anglais confirma les dommages subis par les frégates ennemies, soulignant l'impact de la présence de Saint Aignan. Saint Aignan récompensa l'équipage pour leur courage. Un habitant de Fécam composa des vers en l'honneur de Saint Aignan, célébrant sa bravoure et sa générosité. Les intéressés furent ravis de la manière dont Saint Aignan avait sauvé le vaisseau.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 242-282
Suite de l'Article de Siam, [titre d'après la table]
Début :
Aprés avoir satisfait vostre curiosité dans une de mes Lettres, [...]
Mots clefs :
Roi de Siam, Roi de France, Envoyés, Monarque, Présents, Prince, Vaisseau, Bâtiment, Londres, Royaume, Majesté, Remèdes, Argent, Sujets, Missionnaires, Nations, Europe, Gloire, Banten, Amitié, Angleterre, Voyage, États, Religion, Hommes, Peuples, Siam
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texteReconnaissance textuelle : Suite de l'Article de Siam, [titre d'après la table]
Aprés avoir satisfait vostre
curiosité dans une de mes
Lettres, touchant la Religion
& les Coûtumes des
Habitans du Royaume de
Siam
,
& vous avoir parlé
dans la suivante de l'Audience
donnée par Mrle Marquis
de Seignelay aux Envoyez
du Prince qui le gouverne,
je dois vous apprendre tout
ce qui s'est passé à l'égard de
ces mesmes Envoyez, depuis
qu'ils sont à Paris. Mais
avant que d'entrerdans ce
détail
,
j'en ay un autre fort
curieux à vous faire, qui
vous plaira d'autant plus,
qu'il vous fera connoistre
de quelle maniéré a pris
naissance la hauteestime
que le Roy de Siam a
conceuë pour Sa Majesté.
Les Millionnaires qui n'ont
que le seul Salut des Ames
pour but dans toutes les peines
qu'ils se donnent, s'étant
établisàSiam,ilsygagnerent
en peu de temps
l'affection de tous les Peuples.
L'employ de ces Ames
toutes charitables
,
n'étoit,
& n'est encore aujourd'huy,
que de faire du bien.
Comme en partant de France
ils s'estoient munis de
quantité de Remedes, &
qu'ils avoient avec eux Medecins,
Chirurgiens & Apoticaires
,ils soulageoient les
Malades, jusque-là mesmes
qu'ils avoient des Hommes
qui avec des Paniers pleins
de ces Remedes
,
alloient
dans toutes les Ruës de
Siam
,
criant que tous ceux
qui avoient quelques maux,
de quelque nature qu'ilspus-
fent estre
,
n'avoient qu'à les
faire entrer chez eux, &:
qu'ilslessoulageroient sans
prendre d'argent.En effet,
bienloind'en exiger des Mab
lades,ils en donnoient fort
souventà ceux qui leur paroissoient
en avoir besoin, &
tâchoient de les consoler
dans leurs misères. Des
maniérés siobligeantes,&si
desintéresséesgarnerens
bien-tostl'esprit des Peuples,
& servirent beaucoup à l'accroissement
de la Religion
Catholique.Le Roy deSiam
en ayant elleinftruit,8c ne
pouvant qu'àpeine lecroire
, voulut sçavoir à fonds
quiestoientceux dont ses
Sujets recevoient de si
grandssoulagemens.Ce Mo*
nàaarqrugeu. eaaccoommmmeennccee aa rree..¡-"
gner dés l'âge de huit ans,&
en a presèntementenviron
cinquante. C'estun Prince
qui voit, & quientend tout,
& quiexamine long-temps,
&meurementles choses,
avant quede porterson jugementcomme
vous le
connoirtre z par la fuice de
cet Article. Il ditauxMisfionnaires,
Qu'ilestoitsurprisde
voir quede tant de Gens de déférentes."
Nations qu'il 'PO)'oÍt
dans ses Etats, ils estoientles
seuls qui ne cherchaient point à
trafiquer. Il leur demanda 0
ils prenaient l'argent qu'ilfalloit
qu'ils dépensassent pour leursubsistance
, & pour leurs remedes.
Ils luy répondirent que cet
argent leur venoit des Missions
de France, & des charitez
que plusieurs Particuliers
faisoient pour leur estre
envoyées. Ce Monarque fut
extrêmement surpris de voir
que des Peuples éloignez de
six milleliües,contribuoient
par leurs largesses au soulagement
de ses Sujets, & que
ceux du plusgrãdMonarque
de l'Europe, venoiét de si loin
par un pur motifde pietié, ôc
qu'au lieu que les Peuples
des autres Nations, se donnoient
de la peine pour gagner
par leur trafic, les Fran- tio çois en prenoient pour dépenser,
dans le seul dessein
de travailler à la gloire du
<D Dieu qu'ils adoroient Aprés
cesréflexions,il voulue faire
ouvrir ses Tresors aux Missionnaires
,
mais ils n'accepterent
rien, ce qui tourna
tout à fait à l'avantage de la
Religion, & fut cause que
ce Roy leur fit, bâtir des Eglises,&
qu'après leur avoir.
demandé des desseins) U
voulut qu'ils en donnassent
d'autres, n'ayant pas trouvé
les premiers assez beaux.Il
avoit en ce temps-làunPremier
Ministre qui n'aimoit
pas les Millionnaires mais j
comme ç'eust este mal faire
sa Cour, que de montrer de j
l'aversion pour ceux que son
Í
Maistre honoroitde son estime,
cet adroit Politique leur.
faisoitfort bon accueil, quoy «
qu'il rechcrchast fous main,
toutes les occasions de leur
nuire. Il apprehendoit que
-
quand les Françoisparle- rf
roient parfaitement la Lan-
gue des Siamois,ils ne gouvernaient
l'esprit du Roy
,
ôc
que leur credit ne fist peu à
peu diminuer son autorité.
Ce Ministre n'estoit pas seulement
ambitieux
,
mais il
estoit fort zelé; pour la Religion
du Pays. Ainsiil est aisé
de juger qu'il avoitplus d'une
raison de haïr les Millionnaires.,
Il estmort depuis deux
aîiSjôc si celuy qui luy a succedén'a
pas hérité de ses mesmes
sentimens à l'égard des
François, on ne laisse pas de
connoistre qu'il a des raisons
politiquesquil'obligent à les
*
craindre. Cependant les bontez
du Roy pour les Missionnaires,&
lesEglises&le Seminaire
qu'illeur a fait bâtir,
ont tellement contribué à
l'augmentation de la FoyCatholique,
qu'on a parlé dans;
ce Séminaire,jusques à vingt
trois sortes de Langues dans
un mesme temps, c'est à dire
qu'il y avoit des Personnes
converties d'autat de Nations
disérentes, car il n'y a point
de lieu dans tout l'Orient.,
où il vienne un si grand nombre
d'Etrangers, qu'à Siam.
La Compagnie des Indes 0-
ientalcs voyant les grands
progrés que les Missionnaires
saisoient dans ce Royaume
,
résolu d'y établir un
Comptoir
,
sans le proposer
d'autre avantage de cét établissement,
que celuy de les
assister,& comme on fit
connoitre à nostrepieux
Monarque les bontez du
Roy deSiampourlesSujets,
& que la protectionqu'il
leur donnoit
,
estoit cause
qu'ils faisoienttous les jours
beaucoup deConversions,Sa
Majesté qui n'a point de plus
grand plaisir que de travailler
au salut des ames,voulut.
bien luy en écrire une Lettro
de remerciement; dont M
Deslandes
-
Bourreau, qu
partit dans un Navire de la
Compagnie pour l'établisse.
ment du Comptoir, fut chargé
pour la remettre entre
les mains de Mr l'Evesque
de Beryte
,
VicaireApostolique
de la Cochinchine
qui estoit pour lors à Siam
L'arrivée de cette Lettre fini
du bruit, & le Roy apprit
avec joye que le Grand Roj{
luy écrivoit. C'est le non
qu'il donc au Roy de France
,iu il 0
Cependant cette Lettre demeura
plus de deux mois entre
les mains deMrl'Evesque
deBéryte, sans estre renduë
fau Roy de Siam, & il y eut
de grandes contestations sur
la maniere de la présenter.
Le Premier Ministre vouloit
-que Mr de Béryte parust devant
ce Monarque les pieds
nus,personne ne se mon- trant chauffé devant luy
,
si
¡ ce n'est dans les Ambassades
solemnelles; ce que Mr de
Béryte ayant refusé de faire,
iel garda la Lettre. Le Roy Siam surpris de ce qu'on
diséroit si longtemps à la luy
rendre, en demanda la raiion.
Il l'apprit, & dit, que les
François pouvoientparoistre devant
luy de telle maniere qu'ils
voudraient. Ainsi une simple
Lettre du Roy portée par des
Gens qui n'estoient ny Ambassadeurs,
ny mesme Envoyez,
fut renduë comme
elle lauroit esté dans laplus.
celebre Ambassade. Cette j
Lettrefit augmenter l'estime
que le Roy de Siam avoit
déjà conçûë pour le Roy de:
France, & il résolut de iuvT
envoyer des Ambassadeurs;
avec des Présens tirez de
tour ce qu'onpourroit trouver
de plus riche dans ion
Trésor. J'ay oublié de vous
dire que ce Monarque avoit
ordonné à tous les Européans
de luy donner de
temps en temps des Relations
de tout ce qui se passoit
dans les- Lieuxdépendans
de l'obeïssance de leurs
Souverains,ou de leurs Supérieurs.
Ces Relations estant
faites par divers Particuliers,
chacan tâchoit d'obscurcir
la gloire du Roy de France,
en envelopant la vérité. Le
Roy de Siam n'en témoignoit
rien, & par une prudencemerveilleuse
, lisant
tout, & examinant les choses
, il estoit des années sans
se déclarer là- dessus. Ilvouloit
voir si ce qu'on luy donnoitainsi
de temps en temps
avoit des fuites, & si l'on ne
se contredisoit point. Enfin
il dévelopa les mauvaises intentions
de plusieurs, & connut
que les seuls Missionnaires
luy disoient vray, parce
que les nouvelles qu'ils luy
donnoient d'une année, ê.
toient confirmées par celles
,r ,1"- 1\, J
de l'autre. Leschosesétoienten
cetétat, lors qu'on demanda
au, Roy de Siam la
permissionde tirer duCanon,
& de faire des Feux de joye
pour Mastric repris par le
Prince d'Orange,& pour ladéfaite
de tousles François.
Ce prudent Monarque envoya
chercher les Missionnaires,
&leur demanda quellesnouvelles
ils avoientde Fran,
ce, duSiegedeMastric. On
luy dit qu'onavoirappris par -
une Lettre qui -,. venoit de
Perse, que Mrde Schomberg
avoit forcéle Prince- d'©—
range à lever le Siege; mais
-
que comme cette nouvelle avoit
esté mandée en quatre li- -
gnes feulementau bas d'une
Lettre,il n'avoitpas crûdevoir
la publier avant qu'elle
:
eust esté confirmée. Le Roy
répondit, que c'estoit assez; qu'il
;
estoitseûr de l'avantage que les
Françoisavoientremperté; mais i
que loin d'en vouloirrien temoigner,
sondessein estoitde permeta,
tre les Feuxde joye qu'on luy
avoit demandez.Il avoit sons
but, que vousallez voir. 'ci"
Quelque temps après,
la
nouvelle de la levée du Siege :1
de Mastric ayant esté confirméed'une
maniersqui empeschoit
d'en douter, le Roy
voulut mortifier ceux qui
s'estoient si bien réjoüis., &
leur dit, qu'ils'étonnoit qu'ils
n'eussent pas fait plus souvent
des Feux de jC!JeJ puis que les
derniers qu'ils avoientfaits marquoient,
que leur coûtume efloit
de se réjoüirapres leur défaite;
au lieu que les autres Nations
ne donnoientdepareilles marques
d'allégresse,qu'après leurs viSloL
res. Un pareil discours les
couvrit de confusion, & les
obligead'avoüer qu'ils avoient
reçeu de fausses nouvelles.
Toutes ces choses, ôii
beaucoup d'autres qu'on si~
pour oblcurcir la répatation
&lagloire des armes du Roy,
de France, & dont le temps
decouvrit la vérité, mirent ce~
grandPrince dans une si hau-~
te estime aupres du Roy de:
Siam
,
qu'il fit paroistre une
extrême impatience de luy,
envoyer des Ambassadeurs.
Il vouloit mesme luy envoyer
quelques-uns de ses Vaisseaux,
maison luy fit cOIT--
noistre le risque qu'il y avoit
à craindre pour eux dans riollgi
Mers. Enfin le Vaisseau
nomme le Vautour, a ppartenant
à la CompagnieRoyale
de France,estant arrivé à
Siam, fut choisy pour porter
jusques à Bantam les Ambassadeursque
cepuissantPrince
vouloit envoyer en France.
Il nomma en 1680. pour Chef
de cette Ambassade l'Homme
le plus intelligent de son
Royaume, & qui en cette
qualité avoit esté à la Chine
& au Japon. Il choisit aussi
pour l'accompagner, vingtcinq
Hommes des plus considérables
de ses Etats, avec
de riches Présens pour le
Roy, la Reyne, Monseigneur
le Dauphin, Madame la DauphineMonsieur,&
Madame.
Le Public n'eue aucune connoissance
de laqualité de ces
Présens, parce que c'est une
incivilité inexcusable chez;
les Orientaux de les faire voir:
à qui que ce soit, celuy à quii
on les envoye devant les voir
le premier.On embarquacesa
Présèns trois semaines avant
le depart du Vaisseau qui devoit
les porter; & les Lettresa
que le Roy de Siam écrivoit
au Roy de France, furent enfermées
ferméesdans un Bambu, ou
petit Coffre d'or. Ce Bambu
fut mis au haut de la Poupe,
avec des Flambeaux qui 1eclairerent
toutes les nuits
pendant ces trois semaines;
&. tant que ce Navire demeura
à l'ancre avant [OR
depart, tous les Vaisseaux
quipasserent furentobligez
de plier leurs Voiles, & de
salüer ces Lettres; & les Rameurs
des Galeres, de ramer
debout, & inclinez. Comme
le Papeavoit aussi écrit au
Roy de Siam pour le remercier
de la protection qu'il
donnoit aux Catholiques,&
de la libertédecosciencequ'il
laissoit dans ses Etats,ce Monarque
luy faisoit réponse par
le mesmeVaisseau, & avoic
mis les Lettres qu'il écrivvooiitt
àà Sa SSaaiinntetetétéd, adnanss
un Bambu de Calamba. C'est
un Bois que les Siamois estiment
autant. que l'or
; mais l
le Roy deSiam avoit dit qu'il
le choisissoit
, parce qu'il
faloit de la simplicité dans
toutce qui regardoit les Personnes
quise meslent
dela
Religion. Apres ces éclatantesCérémonies,
& si glorieuses
pour nostre Monarque
,l'Ambassadeur s'et-iï
barquaavec une suite nombreuse,
~&?>int jusques à
Bantan,oùilquita le Vaisseau
qui l'avoit amené,& lemit;
dans le Navire nommé
l- e Soleild'Orienta,appppaarrtetennaann'tt
à la mesme Compagnie des,
Indes, & portant pour son
compte pour plus d'un million
d'Effets
;
de sorte que
cela joint aux Présens que
le Roy de Siam envoyoit en
France,faisoit une tres-riche
charge.Le Vaisseau eftoic
d'ailleurs fort beau, & l'on
peut compter sa pertepour
une perte fort considérable..
Vous lasçavez Se je vous;
en ay souvent parlé. Ce n'est
pas qu'on en ait de nouvelles
assurées; mais depuis quatre
ans qu'il est sorty de Bantan,
il a esté impossible d'enr
rien découvrir, quelques perquisitions
qu'onen ait faites.
Quand cette nouvelle sut
portée à Siam, elle fut longtemps
ignorée du Roy, personne
n'osant luy apprendre
une chose dont on sçavoit
qu'ilauroit untres-sensibles
chagrin,non seulementparco
qu'il voyoit reculer par là
ce qu'iltémoignoit souhaiter
leplus,quiestoit de faire
demander l'amitié du Roy
de France, & qu'ilperdoit
de riches Présens, & des
Hommes d'un grand mérite
; mais encore parce qu'il
avoir fait tirer des choses trcscurieuses
de son Trésor
,
où
il n'en trouveroit plus de semblablcs
pour envoyer une seconde
fois. Tout cela frapa
ce, Prince; mais comme il
sçait prendre beaucoup d'empire
sur luy ,ilrépondit de
fangfroid à ceux qui luy
apprirent cette nouvvcllc><
qu'il faloit envoyer d'autresi
Ambassadeurs,&donna ot--
dre qu'on luypréparast de:
nouveaux Présens. Les choses
demeurèrent quelque
qu'iln'y avoit point de Vaisseau
qui vinst enEurepe,pour
porter. Le desirquele
Roy de Siam avoir d'envoyer •
de les Sujets en France, etoit:
si grand, qu'il résolut d'en,
faire partir sur un petit Bâtiment
Anglais, du port de
quatrevingt tonneaux, nommé
Bâtiment ~inteï!oof. Ces
Bâtimens ne sont point de
la Compagnie d'Angleterre,
& la plupart appartiennent à
des Bourgeois de Londres,,
qui croyent qu'il, leur est
permis de les charger pour
leur compte particulier. Le
peu d'étendüe de ce Batiment
ne fut pas seulement
cause que le Roy de Siam ne
fit partir que des Envoyez,
maislesremontrances de
son premier Ministre y contribuérent
beaucou p. Il luy
représenta qu'on n'avoit pas
encore de nouvelles certaines
de la perte du Vaisseau
iur lequel son Ambassadeur
estoit party de Bantan
, &
que ce seroit une chose embarassante,
si le dernier rencontroit
le premier enFrance.
Ainsi il sur resolu de ne faire
partir que desEnvoyez, qui.
ne seroient chargez que de
trois choses
;
la premiere, de
s'informer de ce qu'estait
devenu le premier Ambassadeur.
la secondé, de prier Mrs
Colbert, de faire connoistre
au Roy deSiamleur Maistre
les moyens les plus courts, &ç
les plus solidespourunir les
deux Couronnes d'une amitié
inviolable; &enfin,pour fe-*
liciter nostre Monarque sur
l'heureuse naissance de Monseigneur
le Duc de Bourgogne.
Le Roy de Siam voulut
que ces deux Envoyez fussent
choisisparmy les Officiers
de sa Maison, & qu'ils fussent
du nombre de ceux qui
ne payent point de Taille;
car il y a de laNoblesse dans
le Royaume de Siam, comme
en Europe, & cette Noblesse
est exempte de certains
Droits qu'on y paye au
Roy. Ce Prince voulut aussi
que les deux Envoyez qu'il
choisiroit, n'eussent point
esté châtiez, parce que le
Roy les fait tous punir pour
la moindrefaute qu'ils commettent
, ce qui n'est pas un
obstacle pour les empescher
de rentrer au service comme
auparavant. Ces deux Envoyez
ayantesté nommez
par le Roy, & ce Prince prenant
grande confiance aux
Millionnaires qui sont dans
ses Etats,ilpria Mrl'Evesque
de Metellopolis, de joindre
à ces deuxOfficiers un
Missionnaire, pour les accompagner
dans ce Voyage;
1
& comme il faloit un Homme
intelligent, actif, & propre
à souffrir les fatigues d'un
si long Voyage ,M de Metellopolis
choisitMrVachet,
ancien Millionnaire de la Cochinchine
, & cui depuis
- quatorze ans travaille au salut
desAmes en cesPaïs-là.
Le Roy de Siam ayant sçû
qu'il avoit esténommé,demanda
à l'entretenir, & le
retint huit jours à Lavau,
MaisondeCampagne où il
va souvent. Il lefit traiter
pendant ces huit jours, &
on luy servit à chaque Repas
quarante ou cinquante
Plats, chargez de tout ce
qu'il y avoit de plus exquis
dans le Païs. Mr Vachet eut
une fort longue audiencede
ce Prince, qui luy recommanda
d'avoir foin de ses
Envoyez, & de raporter en
France la verité de ce qu'il
voyoit de sa Cour, & de ses
Etats, sans exiger de luyaucune
autre chosesur cet Article.
Ensuite il luy fitune
prière, qui marque l'esprit
de ce Monarque, &: avec
combien de gloire il soûtient
sa. dignité. Illuy dit, Que
ittmrmses Envoyéz emportoient
des Présens pour les Ministres
de France, &qu'ils partoient
dans un BâtimentAnglais,ils
iroientdroit à Londres
, onapparemment
la Doüanne voudroit
voir ce que contenoient les Balots,
&se fairepayerses droits;
&c'estoit ce que ce Monarque
appréhendoit, non seulement
parce qu'il croyoit
qu'illuy estoit honteux que
ce qui luy appartenoit payast
quelques droits, mais encore
parce qu'il vouloit que
ceux à qui il envoyoit des
Présens, les vissent les premiers.
Pour remédier àcet
embarras, il chargea MrVachet
de prier de sa part l'A mbassadeur
de France ,qu'il
trouveroit à Londres, defaire
en sorteque ce qu'il envoyoic
aux Ministres de Sa Majesté,
ne payast point de Doüanne
en Angleterre,ce quifut ponctuellement
exécuté, Sa Majesté
Britannique ayant obligeamment
donnésesordres
pour empescher qu'on
; ne
prist rien à ses Doüannes des
Balots de ces Envoyez. Le
Roy de Siam dit, encore a"
MrVachet,lors queceMisfionnaire
le quita, Qu'ilprioit
le Dieu du Ciel de luy fairefaire
bon Voyage,& qu'illuyapprendroit
des choses à son retour,
dont il feroit surpris & ravy.
Il luy fit ensuite donner un
Habit longdeSatin;&c'est
celuy que ce Missionnaire a
porté dans les Audiences que
ces Envoyez onteües. Iln'y
a point de ressorts, que les
Nations établies à Siam, &
qui ne sçauroient cacher le
chagrin & la jalousie que
leur donne la grandeur du
Roy, n'ayent fait joüer,
pourempescher ces Envoyez
devenir en France. Commes
ilsfontchargez d'achetericy
beaucoup dechoses, ces Jaloux
ont offert au Roy des
Siam, de luy porter jusqu'en
son Royaume tout ce qu'il
pouvoit desirer d'Europe, ôcz
mesme de luyen faire présent;
mais vous jugez biem
que ce Monarque, du caractere
dont je vous l'ay peint,
n'étoit pas assezintéresse pour
accepter de telles propositions.
Aussi les a-t'il rejettées
y
tout ce qu'il cherches
n'estant que l'amitié du Roy
dont il se faitune gloire, uni
bonheur, & un plaisir. Ces
Envoyez partirent de Londres
,
dans un Bâtiment du
Roy d'Angleterre nommé
laCharlote, que ce Prince
leur donna pour passer à Calais,
oùje les laisse afin de
vous donnerlemois prochain
un Journal qui ne regardequela
France,&que
je commenceray par leur débarquement
à Calais. J'ay
sceu tout ce que je vous mande
,
de si bonne part,que je
-puis vous assurer que je ne
dis rien qui ne soit entierement
conforme à la verité;
Ii.
& si cette Relation a quelquechosededéfectueux
, ce
ne peut estre que pourquelques
endroits transposez,
dont jen'aypas assezbienretenu
l'ordre.
curiosité dans une de mes
Lettres, touchant la Religion
& les Coûtumes des
Habitans du Royaume de
Siam
,
& vous avoir parlé
dans la suivante de l'Audience
donnée par Mrle Marquis
de Seignelay aux Envoyez
du Prince qui le gouverne,
je dois vous apprendre tout
ce qui s'est passé à l'égard de
ces mesmes Envoyez, depuis
qu'ils sont à Paris. Mais
avant que d'entrerdans ce
détail
,
j'en ay un autre fort
curieux à vous faire, qui
vous plaira d'autant plus,
qu'il vous fera connoistre
de quelle maniéré a pris
naissance la hauteestime
que le Roy de Siam a
conceuë pour Sa Majesté.
Les Millionnaires qui n'ont
que le seul Salut des Ames
pour but dans toutes les peines
qu'ils se donnent, s'étant
établisàSiam,ilsygagnerent
en peu de temps
l'affection de tous les Peuples.
L'employ de ces Ames
toutes charitables
,
n'étoit,
& n'est encore aujourd'huy,
que de faire du bien.
Comme en partant de France
ils s'estoient munis de
quantité de Remedes, &
qu'ils avoient avec eux Medecins,
Chirurgiens & Apoticaires
,ils soulageoient les
Malades, jusque-là mesmes
qu'ils avoient des Hommes
qui avec des Paniers pleins
de ces Remedes
,
alloient
dans toutes les Ruës de
Siam
,
criant que tous ceux
qui avoient quelques maux,
de quelque nature qu'ilspus-
fent estre
,
n'avoient qu'à les
faire entrer chez eux, &:
qu'ilslessoulageroient sans
prendre d'argent.En effet,
bienloind'en exiger des Mab
lades,ils en donnoient fort
souventà ceux qui leur paroissoient
en avoir besoin, &
tâchoient de les consoler
dans leurs misères. Des
maniérés siobligeantes,&si
desintéresséesgarnerens
bien-tostl'esprit des Peuples,
& servirent beaucoup à l'accroissement
de la Religion
Catholique.Le Roy deSiam
en ayant elleinftruit,8c ne
pouvant qu'àpeine lecroire
, voulut sçavoir à fonds
quiestoientceux dont ses
Sujets recevoient de si
grandssoulagemens.Ce Mo*
nàaarqrugeu. eaaccoommmmeennccee aa rree..¡-"
gner dés l'âge de huit ans,&
en a presèntementenviron
cinquante. C'estun Prince
qui voit, & quientend tout,
& quiexamine long-temps,
&meurementles choses,
avant quede porterson jugementcomme
vous le
connoirtre z par la fuice de
cet Article. Il ditauxMisfionnaires,
Qu'ilestoitsurprisde
voir quede tant de Gens de déférentes."
Nations qu'il 'PO)'oÍt
dans ses Etats, ils estoientles
seuls qui ne cherchaient point à
trafiquer. Il leur demanda 0
ils prenaient l'argent qu'ilfalloit
qu'ils dépensassent pour leursubsistance
, & pour leurs remedes.
Ils luy répondirent que cet
argent leur venoit des Missions
de France, & des charitez
que plusieurs Particuliers
faisoient pour leur estre
envoyées. Ce Monarque fut
extrêmement surpris de voir
que des Peuples éloignez de
six milleliües,contribuoient
par leurs largesses au soulagement
de ses Sujets, & que
ceux du plusgrãdMonarque
de l'Europe, venoiét de si loin
par un pur motifde pietié, ôc
qu'au lieu que les Peuples
des autres Nations, se donnoient
de la peine pour gagner
par leur trafic, les Fran- tio çois en prenoient pour dépenser,
dans le seul dessein
de travailler à la gloire du
<D Dieu qu'ils adoroient Aprés
cesréflexions,il voulue faire
ouvrir ses Tresors aux Missionnaires
,
mais ils n'accepterent
rien, ce qui tourna
tout à fait à l'avantage de la
Religion, & fut cause que
ce Roy leur fit, bâtir des Eglises,&
qu'après leur avoir.
demandé des desseins) U
voulut qu'ils en donnassent
d'autres, n'ayant pas trouvé
les premiers assez beaux.Il
avoit en ce temps-làunPremier
Ministre qui n'aimoit
pas les Millionnaires mais j
comme ç'eust este mal faire
sa Cour, que de montrer de j
l'aversion pour ceux que son
Í
Maistre honoroitde son estime,
cet adroit Politique leur.
faisoitfort bon accueil, quoy «
qu'il rechcrchast fous main,
toutes les occasions de leur
nuire. Il apprehendoit que
-
quand les Françoisparle- rf
roient parfaitement la Lan-
gue des Siamois,ils ne gouvernaient
l'esprit du Roy
,
ôc
que leur credit ne fist peu à
peu diminuer son autorité.
Ce Ministre n'estoit pas seulement
ambitieux
,
mais il
estoit fort zelé; pour la Religion
du Pays. Ainsiil est aisé
de juger qu'il avoitplus d'une
raison de haïr les Millionnaires.,
Il estmort depuis deux
aîiSjôc si celuy qui luy a succedén'a
pas hérité de ses mesmes
sentimens à l'égard des
François, on ne laisse pas de
connoistre qu'il a des raisons
politiquesquil'obligent à les
*
craindre. Cependant les bontez
du Roy pour les Missionnaires,&
lesEglises&le Seminaire
qu'illeur a fait bâtir,
ont tellement contribué à
l'augmentation de la FoyCatholique,
qu'on a parlé dans;
ce Séminaire,jusques à vingt
trois sortes de Langues dans
un mesme temps, c'est à dire
qu'il y avoit des Personnes
converties d'autat de Nations
disérentes, car il n'y a point
de lieu dans tout l'Orient.,
où il vienne un si grand nombre
d'Etrangers, qu'à Siam.
La Compagnie des Indes 0-
ientalcs voyant les grands
progrés que les Missionnaires
saisoient dans ce Royaume
,
résolu d'y établir un
Comptoir
,
sans le proposer
d'autre avantage de cét établissement,
que celuy de les
assister,& comme on fit
connoitre à nostrepieux
Monarque les bontez du
Roy deSiampourlesSujets,
& que la protectionqu'il
leur donnoit
,
estoit cause
qu'ils faisoienttous les jours
beaucoup deConversions,Sa
Majesté qui n'a point de plus
grand plaisir que de travailler
au salut des ames,voulut.
bien luy en écrire une Lettro
de remerciement; dont M
Deslandes
-
Bourreau, qu
partit dans un Navire de la
Compagnie pour l'établisse.
ment du Comptoir, fut chargé
pour la remettre entre
les mains de Mr l'Evesque
de Beryte
,
VicaireApostolique
de la Cochinchine
qui estoit pour lors à Siam
L'arrivée de cette Lettre fini
du bruit, & le Roy apprit
avec joye que le Grand Roj{
luy écrivoit. C'est le non
qu'il donc au Roy de France
,iu il 0
Cependant cette Lettre demeura
plus de deux mois entre
les mains deMrl'Evesque
deBéryte, sans estre renduë
fau Roy de Siam, & il y eut
de grandes contestations sur
la maniere de la présenter.
Le Premier Ministre vouloit
-que Mr de Béryte parust devant
ce Monarque les pieds
nus,personne ne se mon- trant chauffé devant luy
,
si
¡ ce n'est dans les Ambassades
solemnelles; ce que Mr de
Béryte ayant refusé de faire,
iel garda la Lettre. Le Roy Siam surpris de ce qu'on
diséroit si longtemps à la luy
rendre, en demanda la raiion.
Il l'apprit, & dit, que les
François pouvoientparoistre devant
luy de telle maniere qu'ils
voudraient. Ainsi une simple
Lettre du Roy portée par des
Gens qui n'estoient ny Ambassadeurs,
ny mesme Envoyez,
fut renduë comme
elle lauroit esté dans laplus.
celebre Ambassade. Cette j
Lettrefit augmenter l'estime
que le Roy de Siam avoit
déjà conçûë pour le Roy de:
France, & il résolut de iuvT
envoyer des Ambassadeurs;
avec des Présens tirez de
tour ce qu'onpourroit trouver
de plus riche dans ion
Trésor. J'ay oublié de vous
dire que ce Monarque avoit
ordonné à tous les Européans
de luy donner de
temps en temps des Relations
de tout ce qui se passoit
dans les- Lieuxdépendans
de l'obeïssance de leurs
Souverains,ou de leurs Supérieurs.
Ces Relations estant
faites par divers Particuliers,
chacan tâchoit d'obscurcir
la gloire du Roy de France,
en envelopant la vérité. Le
Roy de Siam n'en témoignoit
rien, & par une prudencemerveilleuse
, lisant
tout, & examinant les choses
, il estoit des années sans
se déclarer là- dessus. Ilvouloit
voir si ce qu'on luy donnoitainsi
de temps en temps
avoit des fuites, & si l'on ne
se contredisoit point. Enfin
il dévelopa les mauvaises intentions
de plusieurs, & connut
que les seuls Missionnaires
luy disoient vray, parce
que les nouvelles qu'ils luy
donnoient d'une année, ê.
toient confirmées par celles
,r ,1"- 1\, J
de l'autre. Leschosesétoienten
cetétat, lors qu'on demanda
au, Roy de Siam la
permissionde tirer duCanon,
& de faire des Feux de joye
pour Mastric repris par le
Prince d'Orange,& pour ladéfaite
de tousles François.
Ce prudent Monarque envoya
chercher les Missionnaires,
&leur demanda quellesnouvelles
ils avoientde Fran,
ce, duSiegedeMastric. On
luy dit qu'onavoirappris par -
une Lettre qui -,. venoit de
Perse, que Mrde Schomberg
avoit forcéle Prince- d'©—
range à lever le Siege; mais
-
que comme cette nouvelle avoit
esté mandée en quatre li- -
gnes feulementau bas d'une
Lettre,il n'avoitpas crûdevoir
la publier avant qu'elle
:
eust esté confirmée. Le Roy
répondit, que c'estoit assez; qu'il
;
estoitseûr de l'avantage que les
Françoisavoientremperté; mais i
que loin d'en vouloirrien temoigner,
sondessein estoitde permeta,
tre les Feuxde joye qu'on luy
avoit demandez.Il avoit sons
but, que vousallez voir. 'ci"
Quelque temps après,
la
nouvelle de la levée du Siege :1
de Mastric ayant esté confirméed'une
maniersqui empeschoit
d'en douter, le Roy
voulut mortifier ceux qui
s'estoient si bien réjoüis., &
leur dit, qu'ils'étonnoit qu'ils
n'eussent pas fait plus souvent
des Feux de jC!JeJ puis que les
derniers qu'ils avoientfaits marquoient,
que leur coûtume efloit
de se réjoüirapres leur défaite;
au lieu que les autres Nations
ne donnoientdepareilles marques
d'allégresse,qu'après leurs viSloL
res. Un pareil discours les
couvrit de confusion, & les
obligead'avoüer qu'ils avoient
reçeu de fausses nouvelles.
Toutes ces choses, ôii
beaucoup d'autres qu'on si~
pour oblcurcir la répatation
&lagloire des armes du Roy,
de France, & dont le temps
decouvrit la vérité, mirent ce~
grandPrince dans une si hau-~
te estime aupres du Roy de:
Siam
,
qu'il fit paroistre une
extrême impatience de luy,
envoyer des Ambassadeurs.
Il vouloit mesme luy envoyer
quelques-uns de ses Vaisseaux,
maison luy fit cOIT--
noistre le risque qu'il y avoit
à craindre pour eux dans riollgi
Mers. Enfin le Vaisseau
nomme le Vautour, a ppartenant
à la CompagnieRoyale
de France,estant arrivé à
Siam, fut choisy pour porter
jusques à Bantam les Ambassadeursque
cepuissantPrince
vouloit envoyer en France.
Il nomma en 1680. pour Chef
de cette Ambassade l'Homme
le plus intelligent de son
Royaume, & qui en cette
qualité avoit esté à la Chine
& au Japon. Il choisit aussi
pour l'accompagner, vingtcinq
Hommes des plus considérables
de ses Etats, avec
de riches Présens pour le
Roy, la Reyne, Monseigneur
le Dauphin, Madame la DauphineMonsieur,&
Madame.
Le Public n'eue aucune connoissance
de laqualité de ces
Présens, parce que c'est une
incivilité inexcusable chez;
les Orientaux de les faire voir:
à qui que ce soit, celuy à quii
on les envoye devant les voir
le premier.On embarquacesa
Présèns trois semaines avant
le depart du Vaisseau qui devoit
les porter; & les Lettresa
que le Roy de Siam écrivoit
au Roy de France, furent enfermées
ferméesdans un Bambu, ou
petit Coffre d'or. Ce Bambu
fut mis au haut de la Poupe,
avec des Flambeaux qui 1eclairerent
toutes les nuits
pendant ces trois semaines;
&. tant que ce Navire demeura
à l'ancre avant [OR
depart, tous les Vaisseaux
quipasserent furentobligez
de plier leurs Voiles, & de
salüer ces Lettres; & les Rameurs
des Galeres, de ramer
debout, & inclinez. Comme
le Papeavoit aussi écrit au
Roy de Siam pour le remercier
de la protection qu'il
donnoit aux Catholiques,&
de la libertédecosciencequ'il
laissoit dans ses Etats,ce Monarque
luy faisoit réponse par
le mesmeVaisseau, & avoic
mis les Lettres qu'il écrivvooiitt
àà Sa SSaaiinntetetétéd, adnanss
un Bambu de Calamba. C'est
un Bois que les Siamois estiment
autant. que l'or
; mais l
le Roy deSiam avoit dit qu'il
le choisissoit
, parce qu'il
faloit de la simplicité dans
toutce qui regardoit les Personnes
quise meslent
dela
Religion. Apres ces éclatantesCérémonies,
& si glorieuses
pour nostre Monarque
,l'Ambassadeur s'et-iï
barquaavec une suite nombreuse,
~&?>int jusques à
Bantan,oùilquita le Vaisseau
qui l'avoit amené,& lemit;
dans le Navire nommé
l- e Soleild'Orienta,appppaarrtetennaann'tt
à la mesme Compagnie des,
Indes, & portant pour son
compte pour plus d'un million
d'Effets
;
de sorte que
cela joint aux Présens que
le Roy de Siam envoyoit en
France,faisoit une tres-riche
charge.Le Vaisseau eftoic
d'ailleurs fort beau, & l'on
peut compter sa pertepour
une perte fort considérable..
Vous lasçavez Se je vous;
en ay souvent parlé. Ce n'est
pas qu'on en ait de nouvelles
assurées; mais depuis quatre
ans qu'il est sorty de Bantan,
il a esté impossible d'enr
rien découvrir, quelques perquisitions
qu'onen ait faites.
Quand cette nouvelle sut
portée à Siam, elle fut longtemps
ignorée du Roy, personne
n'osant luy apprendre
une chose dont on sçavoit
qu'ilauroit untres-sensibles
chagrin,non seulementparco
qu'il voyoit reculer par là
ce qu'iltémoignoit souhaiter
leplus,quiestoit de faire
demander l'amitié du Roy
de France, & qu'ilperdoit
de riches Présens, & des
Hommes d'un grand mérite
; mais encore parce qu'il
avoir fait tirer des choses trcscurieuses
de son Trésor
,
où
il n'en trouveroit plus de semblablcs
pour envoyer une seconde
fois. Tout cela frapa
ce, Prince; mais comme il
sçait prendre beaucoup d'empire
sur luy ,ilrépondit de
fangfroid à ceux qui luy
apprirent cette nouvvcllc><
qu'il faloit envoyer d'autresi
Ambassadeurs,&donna ot--
dre qu'on luypréparast de:
nouveaux Présens. Les choses
demeurèrent quelque
qu'iln'y avoit point de Vaisseau
qui vinst enEurepe,pour
porter. Le desirquele
Roy de Siam avoir d'envoyer •
de les Sujets en France, etoit:
si grand, qu'il résolut d'en,
faire partir sur un petit Bâtiment
Anglais, du port de
quatrevingt tonneaux, nommé
Bâtiment ~inteï!oof. Ces
Bâtimens ne sont point de
la Compagnie d'Angleterre,
& la plupart appartiennent à
des Bourgeois de Londres,,
qui croyent qu'il, leur est
permis de les charger pour
leur compte particulier. Le
peu d'étendüe de ce Batiment
ne fut pas seulement
cause que le Roy de Siam ne
fit partir que des Envoyez,
maislesremontrances de
son premier Ministre y contribuérent
beaucou p. Il luy
représenta qu'on n'avoit pas
encore de nouvelles certaines
de la perte du Vaisseau
iur lequel son Ambassadeur
estoit party de Bantan
, &
que ce seroit une chose embarassante,
si le dernier rencontroit
le premier enFrance.
Ainsi il sur resolu de ne faire
partir que desEnvoyez, qui.
ne seroient chargez que de
trois choses
;
la premiere, de
s'informer de ce qu'estait
devenu le premier Ambassadeur.
la secondé, de prier Mrs
Colbert, de faire connoistre
au Roy deSiamleur Maistre
les moyens les plus courts, &ç
les plus solidespourunir les
deux Couronnes d'une amitié
inviolable; &enfin,pour fe-*
liciter nostre Monarque sur
l'heureuse naissance de Monseigneur
le Duc de Bourgogne.
Le Roy de Siam voulut
que ces deux Envoyez fussent
choisisparmy les Officiers
de sa Maison, & qu'ils fussent
du nombre de ceux qui
ne payent point de Taille;
car il y a de laNoblesse dans
le Royaume de Siam, comme
en Europe, & cette Noblesse
est exempte de certains
Droits qu'on y paye au
Roy. Ce Prince voulut aussi
que les deux Envoyez qu'il
choisiroit, n'eussent point
esté châtiez, parce que le
Roy les fait tous punir pour
la moindrefaute qu'ils commettent
, ce qui n'est pas un
obstacle pour les empescher
de rentrer au service comme
auparavant. Ces deux Envoyez
ayantesté nommez
par le Roy, & ce Prince prenant
grande confiance aux
Millionnaires qui sont dans
ses Etats,ilpria Mrl'Evesque
de Metellopolis, de joindre
à ces deuxOfficiers un
Missionnaire, pour les accompagner
dans ce Voyage;
1
& comme il faloit un Homme
intelligent, actif, & propre
à souffrir les fatigues d'un
si long Voyage ,M de Metellopolis
choisitMrVachet,
ancien Millionnaire de la Cochinchine
, & cui depuis
- quatorze ans travaille au salut
desAmes en cesPaïs-là.
Le Roy de Siam ayant sçû
qu'il avoit esténommé,demanda
à l'entretenir, & le
retint huit jours à Lavau,
MaisondeCampagne où il
va souvent. Il lefit traiter
pendant ces huit jours, &
on luy servit à chaque Repas
quarante ou cinquante
Plats, chargez de tout ce
qu'il y avoit de plus exquis
dans le Païs. Mr Vachet eut
une fort longue audiencede
ce Prince, qui luy recommanda
d'avoir foin de ses
Envoyez, & de raporter en
France la verité de ce qu'il
voyoit de sa Cour, & de ses
Etats, sans exiger de luyaucune
autre chosesur cet Article.
Ensuite il luy fitune
prière, qui marque l'esprit
de ce Monarque, &: avec
combien de gloire il soûtient
sa. dignité. Illuy dit, Que
ittmrmses Envoyéz emportoient
des Présens pour les Ministres
de France, &qu'ils partoient
dans un BâtimentAnglais,ils
iroientdroit à Londres
, onapparemment
la Doüanne voudroit
voir ce que contenoient les Balots,
&se fairepayerses droits;
&c'estoit ce que ce Monarque
appréhendoit, non seulement
parce qu'il croyoit
qu'illuy estoit honteux que
ce qui luy appartenoit payast
quelques droits, mais encore
parce qu'il vouloit que
ceux à qui il envoyoit des
Présens, les vissent les premiers.
Pour remédier àcet
embarras, il chargea MrVachet
de prier de sa part l'A mbassadeur
de France ,qu'il
trouveroit à Londres, defaire
en sorteque ce qu'il envoyoic
aux Ministres de Sa Majesté,
ne payast point de Doüanne
en Angleterre,ce quifut ponctuellement
exécuté, Sa Majesté
Britannique ayant obligeamment
donnésesordres
pour empescher qu'on
; ne
prist rien à ses Doüannes des
Balots de ces Envoyez. Le
Roy de Siam dit, encore a"
MrVachet,lors queceMisfionnaire
le quita, Qu'ilprioit
le Dieu du Ciel de luy fairefaire
bon Voyage,& qu'illuyapprendroit
des choses à son retour,
dont il feroit surpris & ravy.
Il luy fit ensuite donner un
Habit longdeSatin;&c'est
celuy que ce Missionnaire a
porté dans les Audiences que
ces Envoyez onteües. Iln'y
a point de ressorts, que les
Nations établies à Siam, &
qui ne sçauroient cacher le
chagrin & la jalousie que
leur donne la grandeur du
Roy, n'ayent fait joüer,
pourempescher ces Envoyez
devenir en France. Commes
ilsfontchargez d'achetericy
beaucoup dechoses, ces Jaloux
ont offert au Roy des
Siam, de luy porter jusqu'en
son Royaume tout ce qu'il
pouvoit desirer d'Europe, ôcz
mesme de luyen faire présent;
mais vous jugez biem
que ce Monarque, du caractere
dont je vous l'ay peint,
n'étoit pas assezintéresse pour
accepter de telles propositions.
Aussi les a-t'il rejettées
y
tout ce qu'il cherches
n'estant que l'amitié du Roy
dont il se faitune gloire, uni
bonheur, & un plaisir. Ces
Envoyez partirent de Londres
,
dans un Bâtiment du
Roy d'Angleterre nommé
laCharlote, que ce Prince
leur donna pour passer à Calais,
oùje les laisse afin de
vous donnerlemois prochain
un Journal qui ne regardequela
France,&que
je commenceray par leur débarquement
à Calais. J'ay
sceu tout ce que je vous mande
,
de si bonne part,que je
-puis vous assurer que je ne
dis rien qui ne soit entierement
conforme à la verité;
Ii.
& si cette Relation a quelquechosededéfectueux
, ce
ne peut estre que pourquelques
endroits transposez,
dont jen'aypas assezbienretenu
l'ordre.
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Résumé : Suite de l'Article de Siam, [titre d'après la table]
Le texte décrit les interactions entre les missionnaires français, appelés Millionnaires, et le roi de Siam. Ces missionnaires, établis au Siam, ont gagné la faveur des habitants en distribuant des remèdes et en soignant les malades sans demander de paiement, ce qui a favorisé l'expansion de la religion catholique dans le royaume. Le roi de Siam, intrigué par ces missionnaires, a découvert qu'ils étaient financés par des missions en France et des donations de particuliers. Impressionné par cette générosité, il a développé une haute estime pour le roi de France. Cependant, la perte d'un vaisseau chargé de présents pour le roi de France a contrarié le roi de Siam. Malgré cet incident, il a décidé d'envoyer de nouveaux envoyés à Paris à bord d'un petit bâtiment anglais. Ces envoyés, choisis parmi les officiers de la maison royale et exempts de certaines taxes, avaient pour missions de s'informer du sort du premier ambassadeur, de solliciter des moyens pour renforcer l'amitié entre les deux couronnes, et de féliciter le roi de France pour la naissance du Duc de Bourgogne. Le roi de Siam a également demandé à un missionnaire, M. Vachet, de les accompagner et de rapporter fidèlement ses observations sur la cour et les États français. Pour éviter que les présents destinés aux ministres français ne soient taxés en Angleterre, le roi de Siam a pris des mesures appropriées et a fourni à M. Vachet un habit de satin pour les audiences. Malgré les tentatives de sabotage par des nations jalouses, les envoyés ont finalement quitté Londres à bord d'un vaisseau anglais pour se rendre à Calais.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 230-236
Embarquement de M. le Chevalier de Chaumont, avec les Noms de ceux qui doivent l'accompagner à Siam, [titre d'après la table]
Début :
Aprés vous avoir mandé dans six de mes Lettres quantité [...]
Mots clefs :
Royaume de Siam, Ambassadeurs, Empire, Majesté, Mandarins, Embarquement, Vaisseau, Mr le Chevalier de Chaumont, Équipages, Piété, Alexandre de Chaumont
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Embarquement de M. le Chevalier de Chaumont, avec les Noms de ceux qui doivent l'accompagner à Siam, [titre d'après la table]
Aprés vous avoir mandé
dans fix de mes Lettres quantité
de chofes curieufes du
Royaume de Siam , & des
Ambaffadeurs
que le Roy de
ce vafte Empire avoit envoyez
à Sa Majeſté , du nauGALANT.
231
gfrage defquels on commence
à ne plus dourer, je dois vous
dire que les Mandarins envoyez
en France par ce mef
me Roy , pour en apprendre
des nouvelles , fe font enfin
embarquez pour retourner à
Siam , ayant toûjours efté défrayez
par ordre , & aux dépens
de Sa Majesté. M' le
Chevalier de Chaumont,Ambaffadeur
du Roy vers celuy
de Siam , s'embarqua à Brest
le premier de ce mois , fur le
Vaiffeau de Guerre nommé
l'Oiseau , & deux jours aprés
il mit à la Voile pour Siam au
232 MERCURE
bruit du Canon , & aux fanfares
des Trompetes. M'
l'Abbé de Choiſy , qui a pouvoir
de Sa Majefté de faire les
fonctions de l'Ambaſſade, au
defaut de M' le Chevalier de
Chaumont , & de demeurer .
auprés du Roy de Siam , s'il
en eſt beſoin , aprés que ce
Chevalier aura pris fon Audience
de Congé pour reve.
nir en France , s'eft embarqué
fur le mefme Vaiffeau ,
qui eft de quarante- fix piéces
de Canon , commandé par
M' de Vaudricour , & ayant
M de Coriton pour Capitai
GALANT. 233
ne en ſecond , M ' les Chevaliers
de Fourbin & de Sibois
pour Lieutenans , & M²
de Chammoreau pour Enfeigne
. Uue Frégate du Roy de
vingt- quatre piéces de Canon
les fuit . Elle eft commandée
par M Joyeux , &
par M du Tertre Enſeigne,
& porte une partie de leur
Equipage . Les François ne
voulant point demeurer of
fifs , chacun à Fenvy s'e
empreffé pour eftre de ce
Voyage. M' de Cintré & de
Francine Lieutenans , ort
efté nommez pour cela ,
Mars 1685.
V
234 MERCURE
font à la fuite de l'Ambaffade
, aufli bien que M de
Fretteville , Garde de la Marine.
Ce dernier , qui a efté
Page de la Chambre du Roy,
a merité cet avantage , tant
par les Services de M de
Fretteville fon Pere , que par
l'affiduité & la fageffe avec
laquelle il a luy mefme fervy
Sa Majefté , pendant les années
d'exercice de M' le Duc
de Gefvres , & de M' le Duc
de S. Aignan , auquel il a
l'honneur d'appartenir. Depuis
fa fortie de Page , il s'eft
trouvé à toutes les occafions
GALANT. 235
Les
autres
A
dé Guerre , qu'il y a eu fur la
Mediterranée .
Gardes Marines qui font
comme luy à la fuite de
l'Ambaffade , font MS Compiegne
, Joncous , d'Erbouville
, du Fay , de Palu , de la
Foreft , & de Benneville. Le:
Roy, comme Fils aîné de l'Eglife
, a creu avec beaucoup
de raifon , qu'il eftoit digne
de luy d'envoyer des Ambaffadeurs
à Siam , en faveur de
la Religion Catholique , qui
commence à yfaire de grands .
progrez,& qui en pourra
encore davantage , eſtant ſe--
faire :
Vij
236 MERCURE
condée du zéle & de la pieté
de Sa Majesté.
dans fix de mes Lettres quantité
de chofes curieufes du
Royaume de Siam , & des
Ambaffadeurs
que le Roy de
ce vafte Empire avoit envoyez
à Sa Majeſté , du nauGALANT.
231
gfrage defquels on commence
à ne plus dourer, je dois vous
dire que les Mandarins envoyez
en France par ce mef
me Roy , pour en apprendre
des nouvelles , fe font enfin
embarquez pour retourner à
Siam , ayant toûjours efté défrayez
par ordre , & aux dépens
de Sa Majesté. M' le
Chevalier de Chaumont,Ambaffadeur
du Roy vers celuy
de Siam , s'embarqua à Brest
le premier de ce mois , fur le
Vaiffeau de Guerre nommé
l'Oiseau , & deux jours aprés
il mit à la Voile pour Siam au
232 MERCURE
bruit du Canon , & aux fanfares
des Trompetes. M'
l'Abbé de Choiſy , qui a pouvoir
de Sa Majefté de faire les
fonctions de l'Ambaſſade, au
defaut de M' le Chevalier de
Chaumont , & de demeurer .
auprés du Roy de Siam , s'il
en eſt beſoin , aprés que ce
Chevalier aura pris fon Audience
de Congé pour reve.
nir en France , s'eft embarqué
fur le mefme Vaiffeau ,
qui eft de quarante- fix piéces
de Canon , commandé par
M' de Vaudricour , & ayant
M de Coriton pour Capitai
GALANT. 233
ne en ſecond , M ' les Chevaliers
de Fourbin & de Sibois
pour Lieutenans , & M²
de Chammoreau pour Enfeigne
. Uue Frégate du Roy de
vingt- quatre piéces de Canon
les fuit . Elle eft commandée
par M Joyeux , &
par M du Tertre Enſeigne,
& porte une partie de leur
Equipage . Les François ne
voulant point demeurer of
fifs , chacun à Fenvy s'e
empreffé pour eftre de ce
Voyage. M' de Cintré & de
Francine Lieutenans , ort
efté nommez pour cela ,
Mars 1685.
V
234 MERCURE
font à la fuite de l'Ambaffade
, aufli bien que M de
Fretteville , Garde de la Marine.
Ce dernier , qui a efté
Page de la Chambre du Roy,
a merité cet avantage , tant
par les Services de M de
Fretteville fon Pere , que par
l'affiduité & la fageffe avec
laquelle il a luy mefme fervy
Sa Majefté , pendant les années
d'exercice de M' le Duc
de Gefvres , & de M' le Duc
de S. Aignan , auquel il a
l'honneur d'appartenir. Depuis
fa fortie de Page , il s'eft
trouvé à toutes les occafions
GALANT. 235
Les
autres
A
dé Guerre , qu'il y a eu fur la
Mediterranée .
Gardes Marines qui font
comme luy à la fuite de
l'Ambaffade , font MS Compiegne
, Joncous , d'Erbouville
, du Fay , de Palu , de la
Foreft , & de Benneville. Le:
Roy, comme Fils aîné de l'Eglife
, a creu avec beaucoup
de raifon , qu'il eftoit digne
de luy d'envoyer des Ambaffadeurs
à Siam , en faveur de
la Religion Catholique , qui
commence à yfaire de grands .
progrez,& qui en pourra
encore davantage , eſtant ſe--
faire :
Vij
236 MERCURE
condée du zéle & de la pieté
de Sa Majesté.
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Résumé : Embarquement de M. le Chevalier de Chaumont, avec les Noms de ceux qui doivent l'accompagner à Siam, [titre d'après la table]
En mars 1685, une ambassade française se prépare à partir pour le Royaume de Siam. Le Chevalier de Chaumont, ambassadeur du roi de France, s'embarque à Brest sur le vaisseau de guerre 'l'Oiseau', accompagné de l'Abbé de Choisy, représentant de l'ambassade. Le vaisseau, commandé par M. de Vaudricourt et M. de Coriton comme capitaine en second, est équipé de quarante-six pièces de canon. L'équipage comprend deux lieutenants, les Chevaliers de Fourbin et de Sibois, et un enseigne, M. de Chammoreau. Une frégate de vingt-quatre pièces de canon, commandée par M. Joyeux et M. du Tertre comme enseigne, les suit. Plusieurs officiers, dont M. de Cintré et M. de Francine, participent au voyage. M. de Fretteville, Garde de la Marine, est choisi pour ses mérites et son assiduité. D'autres Gardes Marines, tels que M. Compiegne, Joncous, d'Erbouville, du Fay, de Palu, de la Forêt et de Benneville, font également partie de l'expédition. Le roi de France, en tant que Fils aîné de l'Église, envoie des ambassadeurs à Siam pour promouvoir la religion catholique, qui y progresse grâce au zèle et à la piété du roi.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 284-299
Suite des Affaires d'Alger, avec l'Audience donnée à l'Envoyé du mesme Etat, [titre d'après la table]
Début :
L'Ambassadeur d'Alger, dont je vous ay mandé des choses [...]
Mots clefs :
Alger, Ambassadeurs, Marquis, Vaisseau, Perles, Galerie, Présents, Envoyés, Royaume, Esclaves, Marquis d'Amfreville
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Suite des Affaires d'Alger, avec l'Audience donnée à l'Envoyé du mesme Etat, [titre d'après la table]
L'Ambaffadeur d'Alger,
dont je vous ay mandé des
chofes fi curieufes dans toutes
mes Lettres de l'Eté dernier
, s'eftant embarqué vers
la fin du mefme Efté fur le
Vaiffeau de M le Marquis
d'Amfreville , pour retourner
à Alger avec tous les Efclaves
que le Roy avoit rendus
, ce Vaiffeau n'eut pas
น
GALANT. 285
plûtôt paru devant cette forte
Place , qu'elle en fit éclater
fa joye . Vous vous fouvenez
fans doute de M' de Choifeüil
, qui dans la fédition
élevée parmy le Peuple d'Alger
, lors que nos Bombes
defoloient la Ville , fe vit fi
fouvent fur le point d'eftre
exposé à la bouche du Canon
, & qui en fut toûjours
garanty par un genéreux Algérien
. Comme il eftoit demeuré
à Alger depuis ce
temps -là , le Dey Fenvoya
chercher fur l'heure , & luy
dit, Qu'il fçavoit qu'il ne l'a
286 MERCURE
voit jamais regardé en Efclave,
mais comme un Officier de l'Empereur
des François ; & que s'il
avoit efté exposé à la fureur
d'un Peuple ému , il devoit eſtre
perfuadé qu'il n'en avoit pas eſté
le maiftre , parce qu'il n'eftoit pas
pour lors encore bien affermy dans
la nouvelle Dignité où il venoit
de monter. Enfin il luy parla
d'une maniere que l'on peut
prendre pour une fatisfaction
du paffé , & finit en luy difant
, Que pour luy faire connoistre
encore mieux , qu'il ne
l'avoit jamais regardé comme un
Efclave , il le renvoyoit fans
GALANT. 287
S
l'on
qu'il fust compris parmy les au
tres Esclaves qu'il eftoit fur le
point de rendre qu'il en faifoitunPréfent
à l'Empereur de France
, & qu'il pouvoit dés- lors aller
trouver M le Marquis d' Amfreville.
Ainfi il fortit le premier
d'Alger , avant que
euft rendu aucun Efclave de
part ny d'autre. Enfuite on
reftitua cinq cens Chrétiens,
fçavoir trois cens vingt Sujers
du Roy , fuivant les Etats
fournis par M' du Sault , qui
vous eft affez connu par toutes
mes Relations d'Alger;
cent cinq Etrangers de tou288
MERCURE
tes Nations , pris fous le Pa
villon de France pendant la
derniere Guerre , fuivant un
autre Etat fourny par le mef
me M' du Sault , & foixante
& quinze Anglois & Hol
landois , pris auffi pendant la
derniere Guerre , mais fous
des Pavillons Etrangers
, &
que le Roy avoit demandez
d'augmentation. Ces cente
quatrevingt Efclaves de toutes
les Nations de l'Europe ,
qui doivent leur liberté au
Roy , l'ont eue avec les
termes les plus foûmis de la
part du Dey , qui fit dire à
M
GALANT. 289
M le Marquis d'Amfreville,
Que fi Sa Majesté en vouloit
un plus grand nombre , Elle n'avoit
qu'à leur faire fçavoir fes
intentions , & qu'ils obeiroient.
Quand M le Commiffaire
Genéral Hayet vouloit parler
de la grandeur , de la magnificence
, & de la juftice du
Roy , Ce n'est pas à vous à
m'en parler , répondoit Mezomorto
, & je fus icy fon Procureur
, pour foutenir fes intérefts.
+
L'Ambaffadeur d'Alger
qui revenoit de France , étant
débarqué avec fa Suite , & les
Mars 1685.
Bb
290 MERCURE
Efclaves qu'il ramenoit , la
joye fut fi grande dans toute
la Ville , qu'on y fit une Feſte
genérale à la gloire de Sa Majefté
, il fut même réfolu qu'on
la renouvelleroit tous les ans
en mémoire du Roy.Cet Ambaſſadeur
ayant fait un détail
de tous les bons traitemens
qu'il avoit receus en France,
on jugea à propos de dépelcher
un Envoyé Extraordinaire
, pour y conduire les
Chevaux que l'Ambaſſadeur
qui eftoit de retour y devoit
mener , mais qu'on avoit diferé
d'envoyer , parce qu'on
GALANT. 291
n'en avoit pas d'affez beaux
lors qu'il partit pour venir en
France , & qu'on en vouloit
faire chercher par tout le
Pais. Vous fçavez que les
Chevaux de Barbarie font
tres- eftimez , & qu'en ce Païslà
pour conferver la mémoire
des bonnes races , on fait ce
qui ne s'y pratique pas pour
les Hommes , c'est à dire,
la genéalogie des Chevaux .
Ceux que Mezomorto avoit
fait chercher pour le Roy
par toute la Barbarie , ayant
efté choifis avec grand foin,
& amenez à Alger , ce Dey
Bb ij
292 MERCURE
qui ne vouloit envoyer en
France qu'une Perfonne de
la plus haute conſidération ,
jetta les yeux fur Hadgi Mé
hémet. Il avoit efté Controlleur
des Finances dans le
Royaume d'Alger du temps
du Dey Hady Haly. Ce Dey
il fe retira à la
Mecque avec fa Farnille , &
apres y avoir demeuré quelque
temps , il voyagea dans
tout l'Orient pendant douze
ou treize années ; & comme
du temps du Gouvernement
de Hady Haly ce fut cet Hadgi
Méhémet qui fit Mezoeftant
mort ,
GALANT. 293
morto Capitaine de Vaiffeau,
ce nouveau Dey ayant efte
élû , luy écrivit auffi . toft à la
Mecque , Qu'il le prioit de le
venir trouver à Alger , où il
prétendoit l'élever mesme audeffus
de luy, s'il luy eftoit pof
fible ; & à fon retour il n'a
pas crû pouvoir faire rien de
plus glorieux pour un Hom,
me dont il eft Creature ,
que
de l'envoyer auprés du Roy.
C'est l'Envoyé qui eft arrivé
icy. Il fut mené à Versailles
le Dimanche matin 1. de ce
mois , & conduit dans la
fuperbe Gallerie de ce Châ
Bb iij.
294 MERCURE
"
teau. Il vit Sa Majefté com
me par rencontre , lors qu'Elle
traverſoit cette Gallerie pour
aller à la Meffe , car l'on ne
donne point en France d'Audience
dans les formes à ces
fortes d'Envoyez . A pres trois
profondes révérences , il fit
en Langue Turque un Dif
cours au Roy , plein de foumiffion
& de refpect , pour
remercier Sa Majefté de la
liberté qu'il luy avoit plú de
donner aux Turcs & Mores
Sujets d'Alger , qui eſtoient
Efclaves fur fes Galeres , &
compara ce Monarque à Sa
GÁLANT. 295
lomon , avec les termes les
plus magnifiques pour Sa
Majefté , & les plus refpectueux
& les plus foumis pour
le Royaume & la Républi
que d'Alger. Il pria le Roy
d'accepter des Chevaux Barbes
, qu'il avoit ordre de luy
préfenter de la part du Dey..
M' de la Croix le Fils , Secretaire-
Interpréte de Sa Majefté
, expliqua fon Diſcours,
Enfuite cet Envoyé préſenta
au Roy les Lettres du Dey
& du Bacha , qui estoient
dans un Sac de Brocard d'or ,
& Sa Majesté les mit entre
Bb iiij
296 MERCURE
les mains de M' le Marquis
de
Seignelay Secretaire
d'Etat.
L'aprefdinée ce mefme
Envoyé prefenta au Roy les
Barbes dont je viens de vous.
parler. De douze que l'on
avoit embarquez , il en eftoit
mort deux en chemin . Sa
Majefté témoigna que cePrefent
luy eftoit fort agréable,
& en donna deux fur l'heure
à Monfeigneur le Dauphin,
dont il y en avoit un qui
avoit une Houffe en Broderie
de Perles. C'eftoit la plus.
précieufe qu'eûtMezomorto.
GALANT 297
Apres cela , Méhémet Chelebi
, Fils de l'Envoyé , fe profterna
aux pieds de Sa Majefté
, qui le reçut d'une maniere
tres-favorable . Cet Envoyé
a efté charmé de la Perfonne
du Roy , & de la civi
lité de tous les François , & a
dit , Que dans tous les Voyages.
qu'il avoit faits , il n'avoit point
rencontré de Nation fi honnefte.
La Gallerie de Verſailles luy
a paru une chofe furprenante
, & il dit , Qu'il la regardoit
avec application , parce qu'il n'avoit
jamais rien vú de fi beau,
& qu'il eftoit affuré de ne voir
298 MERCURE
"
jamais rien qui approchaft de a
magnificence. Cet Envoyé a
retourné à Verſailles , où il a
eu l'honneur de voir dîner le
Roy. Il fit enfuite preſent à
Monſeigneur le Dauphin de
deux fournimens de Chaffe ,
avec quelques accompagnemens
, & une Ceinture bro
dée de Perles , à laquelle ils
eftoient attachez . Il donna
auſſi à Madame la Dauphine
quelques Curiofitez de for
Païs , & entr'autres des Souliers
brodez de Perles , de la
maniere qu'ils fe portent à
Alger. Il fit à ce Prince & à
GALANT 299
cette Princeffe des Complimens
fort galans , en leur offrant
ces Prefens ; M' de la
Croix les
interpreta .
dont je vous ay mandé des
chofes fi curieufes dans toutes
mes Lettres de l'Eté dernier
, s'eftant embarqué vers
la fin du mefme Efté fur le
Vaiffeau de M le Marquis
d'Amfreville , pour retourner
à Alger avec tous les Efclaves
que le Roy avoit rendus
, ce Vaiffeau n'eut pas
น
GALANT. 285
plûtôt paru devant cette forte
Place , qu'elle en fit éclater
fa joye . Vous vous fouvenez
fans doute de M' de Choifeüil
, qui dans la fédition
élevée parmy le Peuple d'Alger
, lors que nos Bombes
defoloient la Ville , fe vit fi
fouvent fur le point d'eftre
exposé à la bouche du Canon
, & qui en fut toûjours
garanty par un genéreux Algérien
. Comme il eftoit demeuré
à Alger depuis ce
temps -là , le Dey Fenvoya
chercher fur l'heure , & luy
dit, Qu'il fçavoit qu'il ne l'a
286 MERCURE
voit jamais regardé en Efclave,
mais comme un Officier de l'Empereur
des François ; & que s'il
avoit efté exposé à la fureur
d'un Peuple ému , il devoit eſtre
perfuadé qu'il n'en avoit pas eſté
le maiftre , parce qu'il n'eftoit pas
pour lors encore bien affermy dans
la nouvelle Dignité où il venoit
de monter. Enfin il luy parla
d'une maniere que l'on peut
prendre pour une fatisfaction
du paffé , & finit en luy difant
, Que pour luy faire connoistre
encore mieux , qu'il ne
l'avoit jamais regardé comme un
Efclave , il le renvoyoit fans
GALANT. 287
S
l'on
qu'il fust compris parmy les au
tres Esclaves qu'il eftoit fur le
point de rendre qu'il en faifoitunPréfent
à l'Empereur de France
, & qu'il pouvoit dés- lors aller
trouver M le Marquis d' Amfreville.
Ainfi il fortit le premier
d'Alger , avant que
euft rendu aucun Efclave de
part ny d'autre. Enfuite on
reftitua cinq cens Chrétiens,
fçavoir trois cens vingt Sujers
du Roy , fuivant les Etats
fournis par M' du Sault , qui
vous eft affez connu par toutes
mes Relations d'Alger;
cent cinq Etrangers de tou288
MERCURE
tes Nations , pris fous le Pa
villon de France pendant la
derniere Guerre , fuivant un
autre Etat fourny par le mef
me M' du Sault , & foixante
& quinze Anglois & Hol
landois , pris auffi pendant la
derniere Guerre , mais fous
des Pavillons Etrangers
, &
que le Roy avoit demandez
d'augmentation. Ces cente
quatrevingt Efclaves de toutes
les Nations de l'Europe ,
qui doivent leur liberté au
Roy , l'ont eue avec les
termes les plus foûmis de la
part du Dey , qui fit dire à
M
GALANT. 289
M le Marquis d'Amfreville,
Que fi Sa Majesté en vouloit
un plus grand nombre , Elle n'avoit
qu'à leur faire fçavoir fes
intentions , & qu'ils obeiroient.
Quand M le Commiffaire
Genéral Hayet vouloit parler
de la grandeur , de la magnificence
, & de la juftice du
Roy , Ce n'est pas à vous à
m'en parler , répondoit Mezomorto
, & je fus icy fon Procureur
, pour foutenir fes intérefts.
+
L'Ambaffadeur d'Alger
qui revenoit de France , étant
débarqué avec fa Suite , & les
Mars 1685.
Bb
290 MERCURE
Efclaves qu'il ramenoit , la
joye fut fi grande dans toute
la Ville , qu'on y fit une Feſte
genérale à la gloire de Sa Majefté
, il fut même réfolu qu'on
la renouvelleroit tous les ans
en mémoire du Roy.Cet Ambaſſadeur
ayant fait un détail
de tous les bons traitemens
qu'il avoit receus en France,
on jugea à propos de dépelcher
un Envoyé Extraordinaire
, pour y conduire les
Chevaux que l'Ambaſſadeur
qui eftoit de retour y devoit
mener , mais qu'on avoit diferé
d'envoyer , parce qu'on
GALANT. 291
n'en avoit pas d'affez beaux
lors qu'il partit pour venir en
France , & qu'on en vouloit
faire chercher par tout le
Pais. Vous fçavez que les
Chevaux de Barbarie font
tres- eftimez , & qu'en ce Païslà
pour conferver la mémoire
des bonnes races , on fait ce
qui ne s'y pratique pas pour
les Hommes , c'est à dire,
la genéalogie des Chevaux .
Ceux que Mezomorto avoit
fait chercher pour le Roy
par toute la Barbarie , ayant
efté choifis avec grand foin,
& amenez à Alger , ce Dey
Bb ij
292 MERCURE
qui ne vouloit envoyer en
France qu'une Perfonne de
la plus haute conſidération ,
jetta les yeux fur Hadgi Mé
hémet. Il avoit efté Controlleur
des Finances dans le
Royaume d'Alger du temps
du Dey Hady Haly. Ce Dey
il fe retira à la
Mecque avec fa Farnille , &
apres y avoir demeuré quelque
temps , il voyagea dans
tout l'Orient pendant douze
ou treize années ; & comme
du temps du Gouvernement
de Hady Haly ce fut cet Hadgi
Méhémet qui fit Mezoeftant
mort ,
GALANT. 293
morto Capitaine de Vaiffeau,
ce nouveau Dey ayant efte
élû , luy écrivit auffi . toft à la
Mecque , Qu'il le prioit de le
venir trouver à Alger , où il
prétendoit l'élever mesme audeffus
de luy, s'il luy eftoit pof
fible ; & à fon retour il n'a
pas crû pouvoir faire rien de
plus glorieux pour un Hom,
me dont il eft Creature ,
que
de l'envoyer auprés du Roy.
C'est l'Envoyé qui eft arrivé
icy. Il fut mené à Versailles
le Dimanche matin 1. de ce
mois , & conduit dans la
fuperbe Gallerie de ce Châ
Bb iij.
294 MERCURE
"
teau. Il vit Sa Majefté com
me par rencontre , lors qu'Elle
traverſoit cette Gallerie pour
aller à la Meffe , car l'on ne
donne point en France d'Audience
dans les formes à ces
fortes d'Envoyez . A pres trois
profondes révérences , il fit
en Langue Turque un Dif
cours au Roy , plein de foumiffion
& de refpect , pour
remercier Sa Majefté de la
liberté qu'il luy avoit plú de
donner aux Turcs & Mores
Sujets d'Alger , qui eſtoient
Efclaves fur fes Galeres , &
compara ce Monarque à Sa
GÁLANT. 295
lomon , avec les termes les
plus magnifiques pour Sa
Majefté , & les plus refpectueux
& les plus foumis pour
le Royaume & la Républi
que d'Alger. Il pria le Roy
d'accepter des Chevaux Barbes
, qu'il avoit ordre de luy
préfenter de la part du Dey..
M' de la Croix le Fils , Secretaire-
Interpréte de Sa Majefté
, expliqua fon Diſcours,
Enfuite cet Envoyé préſenta
au Roy les Lettres du Dey
& du Bacha , qui estoient
dans un Sac de Brocard d'or ,
& Sa Majesté les mit entre
Bb iiij
296 MERCURE
les mains de M' le Marquis
de
Seignelay Secretaire
d'Etat.
L'aprefdinée ce mefme
Envoyé prefenta au Roy les
Barbes dont je viens de vous.
parler. De douze que l'on
avoit embarquez , il en eftoit
mort deux en chemin . Sa
Majefté témoigna que cePrefent
luy eftoit fort agréable,
& en donna deux fur l'heure
à Monfeigneur le Dauphin,
dont il y en avoit un qui
avoit une Houffe en Broderie
de Perles. C'eftoit la plus.
précieufe qu'eûtMezomorto.
GALANT 297
Apres cela , Méhémet Chelebi
, Fils de l'Envoyé , fe profterna
aux pieds de Sa Majefté
, qui le reçut d'une maniere
tres-favorable . Cet Envoyé
a efté charmé de la Perfonne
du Roy , & de la civi
lité de tous les François , & a
dit , Que dans tous les Voyages.
qu'il avoit faits , il n'avoit point
rencontré de Nation fi honnefte.
La Gallerie de Verſailles luy
a paru une chofe furprenante
, & il dit , Qu'il la regardoit
avec application , parce qu'il n'avoit
jamais rien vú de fi beau,
& qu'il eftoit affuré de ne voir
298 MERCURE
"
jamais rien qui approchaft de a
magnificence. Cet Envoyé a
retourné à Verſailles , où il a
eu l'honneur de voir dîner le
Roy. Il fit enfuite preſent à
Monſeigneur le Dauphin de
deux fournimens de Chaffe ,
avec quelques accompagnemens
, & une Ceinture bro
dée de Perles , à laquelle ils
eftoient attachez . Il donna
auſſi à Madame la Dauphine
quelques Curiofitez de for
Païs , & entr'autres des Souliers
brodez de Perles , de la
maniere qu'ils fe portent à
Alger. Il fit à ce Prince & à
GALANT 299
cette Princeffe des Complimens
fort galans , en leur offrant
ces Prefens ; M' de la
Croix les
interpreta .
Fermer
Résumé : Suite des Affaires d'Alger, avec l'Audience donnée à l'Envoyé du mesme Etat, [titre d'après la table]
En 1685, des échanges diplomatiques significatifs eurent lieu entre la France et Alger. L'ambassadeur d'Alger quitta la France à bord du vaisseau du Marquis d'Amfreville et fut accueilli avec joie à Alger. Le Dey d'Alger exprima sa satisfaction envers M. de Choiseul, un officier français protégé par un Algérien lors d'une rébellion. Le Dey renvoya M. de Choiseul en France avec d'autres esclaves libérés, soulignant qu'il ne l'avait jamais considéré comme un esclave mais comme un officier de l'empereur des Français. La libération des esclaves se poursuivit avec la restitution de cinq cents chrétiens, incluant trois cent vingt sujets du roi de France, cent cinq étrangers pris sous le pavillon français, et soixante-quinze Anglais et Hollandais. Le Dey offrit de libérer davantage d'esclaves si le roi de France le souhaitait. À son retour en France, l'ambassadeur d'Alger fut accueilli avec une grande fête à Alger en l'honneur du roi de France. En réponse, le Dey d'Alger envoya un envoyé extraordinaire, Hadgi Méhémet, pour conduire des chevaux au roi de France. Cet envoyé fut reçu à Versailles et présenta des lettres du Dey et du Bacha, ainsi que des chevaux barbes en cadeau. Le roi de France accepta ces présents et en offrit deux au Dauphin. L'envoyé fut impressionné par la cour et la civilisation française, soulignant la magnificence de la galerie de Versailles. Il fit également des présents au Dauphin et à la Dauphine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 168-174
« Je vous tient parole, Madame, & vous vais parler plus [...] »
Début :
Je vous tient parole, Madame, & vous vais parler plus [...]
Mots clefs :
Ambassadeurs, Roi, Siam, Vaisseau, France, Nouvelles, Roi de Siam, Portugal, Ambassade , Ambassadeurs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Je vous tient parole, Madame, & vous vais parler plus [...] »
Je vous tient parole, Madame,&
vous vais parler
plus
- plus amplement que jene
fis lemois de passédu Voyage MCleChevalierdeChau.
mont à Siam; mais afin de prendre la chose dés sonorigine,
je W vous diray que le a deSiam, ayant aprisil huitou dixans lesgranleschoses
uste que nostre Au- Monarque u'il a faites & continuë de faire enco- tous les jours, & ne pou- ant selasserde donner des
arques de l'admirationqu'-
lesluycausoient,
find'envoyerunecerelesoblruet
mbassadeenFrance,pour
congratulerSaMajesté surses
Conquestes,& luy demander
son amitié. Il fit partir pour
cela en 1682. trois Ambassadeurs
des plus qualifiez de
son Royaume, accompagnez
d'unenombreuse suite,
& chargez de magnifiques
Presens. Ces Ambassadeurs
s'embarquerent sur un Vaisseau
nomméleSoleild'Orient
appartenantàlaCompagnie
de France. Il y a grande ap-.
parence que ce Vaisseau a
pery ,
puis qu'on n'en a points
entendu parler depuis CCJ
temps là. Le Roy de Siamy
plus impatient d'apprendr1 edes
nouvelles du Roy,que de
ses Ambassadeurs. envoya deux de sesSujetsauxMinistres
de France, pours'instruiredes
Affaires de l'Europe,&
sçavoiren mesme temps ce
quesesAmbassadeurs étoient
devenus. Il apprit
paruneautrevoye qu'onne
doutoit point de leur naufrage,
& aussi-tost il en nomma d'autres, & les chargea denouveaux Presens. Ils
viennent par le Portugal, & ilalListe que je vous envoyay yadeuxmois,estuneListe
dece qu'ils apportent. Cependant
le Roy ayant crû
devoirenvoyerdes Ambasfadeurs
à Siam, tant par ce
que ce Roy luy en avoit envoyé,
que pour l'utilité que la
Religion Chrestienne en
peut recevoir, nomma Mrle
Chevalier deChaumont
pourcetteAmbassade, dans
laquelle il a esté accompagné
de Mr l'Abbé de Choisy.
Lors qu'ils arriverent à Siam,
les Ambassadeurs qui viennent
par le Portugal,estoient
partis, & cela n'apasempeschéque
le Roy de Simn'en
ait envoyé d'autres avec Mr
leChevalier de Chaumont,
ne doutant point que ces
8 derniers estant sur des Vais-
1 seaux de SaMajesté,n'arrivassent
seurement en France.
I
Avant que d'entrer dans le
détail de ce qui regarde ce
Voyage, je vais vous faire
part d'une Lettre écrite à
Suratte, touchant les nouvelles
qu'on y a euës du Soleild'Orient,
où les premiers
Ambassadeurs de Siam s'eftoientembarquez.
Un million
à quoy estoit estimée la
charge de ce Vaisseau,n'estpas
ce qui met le plus en peinelesInteressez
; mais comme
la plus part d'eux y ont
des Parens & des Amis,ils
feront bien aisesd'apprendre
tout ce qui se dit de son naufrage.
Si les Nouvelles que
j'en donne jcyenmarquent
la perte, au moins elles n'oftent
pas entierement l'esperance
de revoir ceux qui étoient
dessus.Voicy ce que
porte cette Lettre.
vous vais parler
plus
- plus amplement que jene
fis lemois de passédu Voyage MCleChevalierdeChau.
mont à Siam; mais afin de prendre la chose dés sonorigine,
je W vous diray que le a deSiam, ayant aprisil huitou dixans lesgranleschoses
uste que nostre Au- Monarque u'il a faites & continuë de faire enco- tous les jours, & ne pou- ant selasserde donner des
arques de l'admirationqu'-
lesluycausoient,
find'envoyerunecerelesoblruet
mbassadeenFrance,pour
congratulerSaMajesté surses
Conquestes,& luy demander
son amitié. Il fit partir pour
cela en 1682. trois Ambassadeurs
des plus qualifiez de
son Royaume, accompagnez
d'unenombreuse suite,
& chargez de magnifiques
Presens. Ces Ambassadeurs
s'embarquerent sur un Vaisseau
nomméleSoleild'Orient
appartenantàlaCompagnie
de France. Il y a grande ap-.
parence que ce Vaisseau a
pery ,
puis qu'on n'en a points
entendu parler depuis CCJ
temps là. Le Roy de Siamy
plus impatient d'apprendr1 edes
nouvelles du Roy,que de
ses Ambassadeurs. envoya deux de sesSujetsauxMinistres
de France, pours'instruiredes
Affaires de l'Europe,&
sçavoiren mesme temps ce
quesesAmbassadeurs étoient
devenus. Il apprit
paruneautrevoye qu'onne
doutoit point de leur naufrage,
& aussi-tost il en nomma d'autres, & les chargea denouveaux Presens. Ils
viennent par le Portugal, & ilalListe que je vous envoyay yadeuxmois,estuneListe
dece qu'ils apportent. Cependant
le Roy ayant crû
devoirenvoyerdes Ambasfadeurs
à Siam, tant par ce
que ce Roy luy en avoit envoyé,
que pour l'utilité que la
Religion Chrestienne en
peut recevoir, nomma Mrle
Chevalier deChaumont
pourcetteAmbassade, dans
laquelle il a esté accompagné
de Mr l'Abbé de Choisy.
Lors qu'ils arriverent à Siam,
les Ambassadeurs qui viennent
par le Portugal,estoient
partis, & cela n'apasempeschéque
le Roy de Simn'en
ait envoyé d'autres avec Mr
leChevalier de Chaumont,
ne doutant point que ces
8 derniers estant sur des Vais-
1 seaux de SaMajesté,n'arrivassent
seurement en France.
I
Avant que d'entrer dans le
détail de ce qui regarde ce
Voyage, je vais vous faire
part d'une Lettre écrite à
Suratte, touchant les nouvelles
qu'on y a euës du Soleild'Orient,
où les premiers
Ambassadeurs de Siam s'eftoientembarquez.
Un million
à quoy estoit estimée la
charge de ce Vaisseau,n'estpas
ce qui met le plus en peinelesInteressez
; mais comme
la plus part d'eux y ont
des Parens & des Amis,ils
feront bien aisesd'apprendre
tout ce qui se dit de son naufrage.
Si les Nouvelles que
j'en donne jcyenmarquent
la perte, au moins elles n'oftent
pas entierement l'esperance
de revoir ceux qui étoient
dessus.Voicy ce que
porte cette Lettre.
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Résumé : « Je vous tient parole, Madame, & vous vais parler plus [...] »
En 1682, le roi de Siam envoya des ambassadeurs en France pour féliciter le roi de France sur ses conquêtes et demander son amitié. Trois ambassadeurs, accompagnés d'une suite nombreuse et de présents magnifiques, embarquèrent sur le vaisseau 'le Soleil d'Orient'. Ce vaisseau disparut sans laisser de traces. Le roi de Siam, inquiet, envoya deux sujets aux ministres français pour obtenir des nouvelles. Apprenant que le naufrage n'était pas certain, il nomma de nouveaux ambassadeurs avec des présents supplémentaires, qui arrivèrent par le Portugal. En réponse, le roi de France désigna M. le Chevalier de Chaumont et M. l'Abbé de Choisy pour une mission diplomatique à Siam. À leur arrivée, les ambassadeurs siamais étaient déjà partis. Le roi de Siam envoya alors d'autres ambassadeurs avec M. le Chevalier de Chaumont, espérant qu'ils atteindraient la France en toute sécurité. Une lettre de Suratte mentionnait la disparition du 'Soleil d'Orient', dont la cargaison valait un million, mais sans confirmer le naufrage, laissant un espoir de revoir les passagers.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 185-325
Journal du Voyage de M. le Chevalier de Chaumont. [titre d'après la table]
Début :
Je viens au détail du Voyage de Mr le Chevalier [...]
Mots clefs :
Roi, Chevalier de Chaumont, Siam, Ambassadeur, Hollandais, Mandarins, Eau, Roi de Siam, Terre, Vaisseau, Pays, Banten, Bord, Canon, Tigre, Mer, Rivière, Batavia, Maisons, Côte, Royaume, Constance, Abbé, Vaisseaux, Cap, Général, Gouverneur, Loge, France, Pagode, Frégate, Malades, Europe, Indes, Siamois, Ballon, Alexandre de Chaumont
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Journal du Voyage de M. le Chevalier de Chaumont. [titre d'après la table]
Je viensau détail du VoyaJ.
ge de Mr le Chevalier
de Chaumont. Sa Majesté
l'ayant nommé son Ambasfadeur
vers leRoy de Siam.
Il se rendit à Brest avec Mr
l'Abbé de Choisy, sur la fin
de Fevrier de l'année der-
,
niere, & ils s'embarquerent
dans un des Vaisseaux du
Roy,appellél'Oiseau. Mrde
Vaudricourt qui le commandoit
fit mettreà la Voile
le3. de Mars & partit de
Brest avec la Fregate la Maligne,
commandéepar Mr de v
Joyeux. Le vent leur fut toû-
« jours assez favorable, ôc :
comme il y avoit dans le !
Vaisseaudes Millionnaires&
six Jesuites, ce n'estoit tous
les jours qu'Exercices de
pieté, & l'on y vivoitavec
la mesme regularité que
dans unConvent.Ilss'appliquoient
tour à tour à faire
des Exhortations à tout
Equipage. On disoit lar
Messe, on chantoitVespres,
& on passa fort heureufenent
la Ligne le 6. d'Aril
sans souffrir beaucoup
le lachaleur. Ce fut alors
su'il fut question de faire ce
u'on appelle la Ceremonie
u Bàptesme. Ceux qui n'ont
mais passé la Ligne, sont obligez
de souffrir qu'on leur
jette sur le corps certain
nombre de seaux d'eau, à
moins qu'ils ne donnent
quelque argent pour racheter
cette peine. Il n'y a personne
qui puisse s'en exempter
, de quelque condition
quel'on puisse estre, & on
fait jurer tout le monde sur
le Livre des Evangiles, pour
sçavoir si on a fait ce passage.
Mr le Chevalier de Chaumont
ne voulut point endurer
que l'on jurast sur les Evangiles.
Il fit faire ce Serment
sur une Mapemonde,
& mit de l'argent dans un
bassin
, ce que firent après
luy toutes les personnes considerables
du Vaisseau, pour
s'épargner la Ceremonie. La
somme montaà soixanteescus
quifurent distribuezaux
Matelots. Le reste de la traversée
fut tres heureux jusquesau
Cap de bonne Esperance.
On y arriva le 31. de
May,&l'on y receut les Saluts
ordinaires de quatre
Vaisseaux Hollandoisqu'on
y trouva. Ils portoient a Batavia
le Commissaire Generalde
laCompagnie des IiW
des
, avec Mr de S. Martin
François, Major Général.
M. le Chevalier de Chaumonts'arresta
sept jours à
ce Cap afin d'yfaire de l'eau,
& de prendre desrafraichisfemens.
Le Gouverneur qui
eA Hollandois
,
luy en envoya
de toutes fortes, aprés
l'avoir fait complimenter
par le Neveu&par le Secretaire
du Commissaire. Tous:
ceux du Vaisseau mirent pied
a, ~erre lIes urns a,près 1lesautres.
Ils'en trouva quelquesuns
qui estoient malades d&
Scorbut, & ils furent gueris
en quatre jours. La Forteresse
que les Hollandais ont.
fait bastir en ce lieu là
,
est
toute revestuë de pierres,
&a quatre bastions. Elle n'a.
point de fossez, mais elleest
Ilterès- bien garnie de Canon, Havre est fort seur
,
ôc
peut contenirungrand nom- bre de Vaisseaux. Il y a déja
quantité de Maisons qui forment
une espece de Ville.
^Cequ'ilya de plus remar-
,
quable est un Jardin fort
grand & fort spacieux avec
des allées à perte de veuë.
On y a planté tout cequ'il
ya de bons fruits en Europe
& dans les Indes. Les uns
sont d'un costé,les autres de
l'autre
,
& tous y viennent
fort bien. Celuy qui a foin
de ce beau Jardinest unFrançoisqui
est grand Seigneur
en ce Pays-là. Il reconnut
Mr le Chevalier de Chaumont,
qu'il avoit veu chez
Monsieur
, ou il avoit esté
Jardinier.
La terre que les Hollandoisoccupenr,
a esté achetée
d'un petit Roy du Pays, pour
des bagatelles de l'Europe.
Plus on avance en s'éloignant
gnant de la Mer, plus elle
est bonne & fertile, &sur
tout la Chasse y en merveilleuse
; mais on y doit craindre
les Bestes farouches,
comme Lyons,Tygres,Elephans,
& autres. Ces belles
s'écartent à mesure que le
Pays se découvre, & qu'on
y fair de nouvelles habitations.
Les Hollandoisont
déjàcommencé d'en faire
en plusieurs endroits. Pendant
le séjour de Mr l'Ambassadeurau
Cap, deux d'enreeuxestantallezàla
Chase
furent rencontrez & attaquez
par un Tigre. Il le
jetta sur l'un de ces Hollandois,
l'autrele tira & le blessa.
Le Tigre tout en fureur
vint à celuy qui l'avoir blessé,
& il l'auroit devoré sans
doute, si son Camarade qu'il
avoit jetté par terre, ne Ce
fust promptement relevé
pour tirer aussi son coup. Il
le tira si heureusement qu'il
cassa la teste au Tigre. On
l'apporta pour le faire voir.
Il estoit d'une grandeur effroyable.
On mit le Blessé à
un Hospital, qui est là tresbien
fondé, & oùl'on est
rtraité avec tous les soins imaginables.
Tous les Vaisseaux
Hollandois qui viennent
d'Europe, & ceux qui s'yen
retournent, laissent leurs
Malades en ce lieu là
,
& ils
y recouvrent incontinent
leur santé
,
l'air & les eaux
estant admirables.
Les Habitans y sont doux,
assez bien faisans, & il n'est
pas difficile de s'accommoier
de leurs manieres, mais
Ils sont laids, mal-faits, de
petite taille,& ont plus de
rapport à la façon de vivre
les bestes qu'à celle des hommes.
Leurvisageest tout ridé,
ils ont les cheveux remplis
de graisse
;
& comme ils
se frottent le corps d'huile
de Baleine,& qu'ilsne mangent
que de lachaircruë,ils
sont si puans qu'on les sent
de loin. Ils ne mangentleur
Betail que lorsqu'il est mort
de maladie
,
& ce leur est
un fort grand ragoust qu'une
Baleine morte ,
jettée par la
Mer sur le rivage, ou les
tri pes chaudes d'une Bê-
-
te. Ils les secoüent fort legerement
,
& les mangent
avec les ordures
,
aprés en
avoir osté les excremens,
dont quelques-uns se servent
pour se froter le visage. On
leur - a donné le nom de Cafres,&
les hommes &les femmes
n'ont qu'une peau coupée
en triangle pour se couvrir
ce que la nature apprend
à cacher. Ils se l'attachent
avec une ceintire de cuir au
milieu du corps. Quelquesuns
se couvrent les hanches
d'une peau de Boeuf ou de
Lyon. D'autres portent une
peau qui leur descend depuis
les épaules jusque sur les
hanches,& plusieurs se dé-
coupent le visage3 les bras:
& lescuisses
, & achevent
de se défigurer parlescaracteres
étranges qu'ilsy font.
LesFemmes portent aux bras
& aux jambes des Cercles de
fer ou de cuivre, que les Etrangers
troquent avec elles
toujours à leur avantage. Ils
demeurentende petites hûtes
où ils vivent avec leur
bétail fous un mesme couvert.
Ils n'ont ny lit,nysieges,
ny meubles, & s'asseient
sur leurs talons pous se reposer.
Ils nevont vers la Mer
,
que lors qu'ils sçaventqu'il
est arrivé quelque Navire,
& qu'ils peuvent troquer
leur betail. Ils ont aussides
peaux de Lyon, de Boeuf, de
Leopard, & de Tigre, qu'ils
donnent pour des Miroirs,
des Couteaux
,
des Cloux,
des Marteaux,des Haches,
& autres vieilles ferrailles..
Il est malaisé de découvrir
l'estat du Païs au dedans, ôc
les richesses qu'on y peut
trouver,àcause que les GouverneurHollandoisont
fait
faire ferment à tous ceux
qu'ils ont menez avant dans
les Terres, de n'en reveleraucune
chose,On a sçeud'un
Homme quia demeurelongtemps
dans la Forteresse que
depuis quelques années le
Gouverneur avoir esté avec
bonne escorte à plus de deux
cens cinquante lieuës pour
faire la découverte du Pays;
qu'ilavoir trouvé par tout
des Peu ples traitables, ôc
assezbienfaits, les Terres
fort bonnes & ca pables de
-
toute sorte de cu lture, ôc
qu'il y avoit ~desMi d'or,
de fer, & d'une espece de
cuivre où il entroit une septiéme
partie d'or. Onles
trouva chantans & dançans
& ilsavoient des manieres
de Flustes qui estoient sans
trous. Elles estoient creuses,
& une espece de coulisse
-
qu'ils haussoient ou baissoient
avec leurs doigts, faisoit
la diference des tons.
Ce Gouverneur avoit esté
conduit par un Cafre, & ce
Cafre ayant aperçeu deux
hommes de grande taille fqouri.s ven.oien,t à eux, s écria
alarmé
y
qu'ils estoient
perdus, & qu'il voyoit les
deux plus grands Magiciens
du Pays. Le Gouverneur
4
répondit qu'il estoit encore
plus grand Magicien qu'eux,
& qu'il ne s'étonnait point.
Les pretendus Magiciens s'étant
avancez, il sir aporter
un verre remply d'eau de
vie.On y mit le feu,& il lavala.
Ces Malheureux furent si
épouvantez d'un pareil prodige,
qu'ils prirent le Gouverneur
pour un Dieu, & Ce
mirent à genoux pour luy
demander la vie. Les Hollandois
ont fait un nouvel
établissèment au Cap. Il est
au bord de la Mer; mais ils.
le tiennent secret, ne vouIant
pas que les autres Nations
quiviennent s'y rafraischir,
en ayent connoissance.
Ce Cap est l'extremité de la
terre ferme d'Afrique, qui
avance dans la Mer vers le
Sud, à trente-six degrez au
delà de la Ligne.Cette extremité
de terre fut nommée
Cabo de Boa Speranza
, par
Jean II. Roy de Portugal,
fous lequel Barthélémy Dias
la découvriten1493 Ce Prince
la fit appeller ainsi à cause
qu'il esperoit découvrir
en fuite les richesses des Indes
Orientales, & les autres
Nations luy ont confirmé,
ce nom, parce qu a près que
l'ona doubléle Cap, quiest,
presque en distance égale de
deux mille cinq cens lieuës,
entre l'Europe & la Coste la
plus Orientale desIndes,on
a toute forte d'esperance de
pouvoirachever ce grand
Voyage.
Les Malades estant guéris
-' on fit du bois& de l'eau, on
acheta toutes les provisions
que l'onjugea necessaires
- pour aller à Batavia,& l'on
remit à laVoile le 7. de Juin,
après les Saluts donnez &
rendus de part & d'autre
comme onavaitfait en arrivant.
Cette seconde traver- senefut pas si douce que
la premiere. Les vents furent
violens,& la tempeste separa
la Fregate la Maligne du
Vaisseau de Mr l'Ambassadeur
,sans quelle pust le rejoindre
qu'auprés de Batavia.
Le 5. de Juilleton découvrit
l'Isle de Java,
-
& le 16. on
moüilla prés de Bantam. La
longueur del'Isle de Java est
de cent cinquante lieuës,
mais on n'a pas encore bien
sceu quelle est sa largeur.
C'est ce qui a fait croire à
quelques uns quecen'estoit
pas une Ble; mais qu'elle faisoit
partie du Continent que
l'on connoist fous le nom de
terre Australe au près du Détroit
de Magellanes. Les Habitans
pretendent que leurs
Predecesseurs estoient Chinois,&
que ne pouvant sousfrir
la trop severe domination
du Roy de la Chine, ils
passerent dans l'Isle de Java.
Ontrouveeneffet que les Ja- 1
vansontle front& les. machoires
larges,& les yeux pe- l
tits comme lesChinois. Il n'y t
àpresquepoint de Ville dans
Java qui n'ait son Roy, &
tous ces Rois obeissoient autrefoisà
un Empereur mais
depuis environ quatre-vingt
ans,ils ont aboly cette Souveraineté
,
& chacun d'eux
est indépendant. Celuy de
Bantam est le plus puissant.
de tous. La Ville qui porte ce
nom, estau pied d'une Montagne
de laquelle sortent
trois Rivieres,dont l'une traverse
Bantam
,
& les deux
autres lavent ses murailles y
mais elles ont si peu d'eau.
qu'aucune des trois n'est lia.
vigable.LesHollandois sont
maistres de cette Place depuis
peu d'années. Le Roy
de Bantam ayant cedé le
Royaume à son Fils, ce Fils
maltraita d'abord tous ceux
qui avoient esté considerez
de son Pere. Le vieux Roy
l'ayant appris luy en fit faire
des reprimandes, & le Fils
pour s'en vanger, fit massacrer
tous ces malheureux. Ce
différentalluma la guerre
entre le Pere & le Fils, & ce
dernier fut chassé. Dans cette
disgrace
,
il demanda du
secours aux Hollandois qui
le rétablirent & mirent le
vieux Roy dans une Prison
où ils le tiennent encore.
Tout se faitaunom du jeune
Roy
,
qui ay ant une grosse
GardeHollandoisetoujours
avec luy pour l'observer, n'a
pc pouvoirqu'autant que les
Hollandoisluy en laissent.
Le Vaisseau de Mrl'Ambassadeurn'entra
point dans le
Havre de Bantam, mais on
le laissa pas de prendre tous
es rafraichissemens. dont on
ut besoin
,
& ils furent apportez
à bord par ceux du
Pays. - -¡"., -,,-'-'f.
Le 18. on arriva devant Batavia
,
où l'on demeura sept
jours pour soulager les Malades
que l'on mit à terre.
Cette Ville est située à douze
lieuës de Bantam
, vers le
Levant dans une Baye
,
qui
estant couverte de quelques
petites Isles du costé de la
Mer, fait une des plus belles
rades de toutes les Indes.
Ce n'estoit d'abord qu'une
Loge que les Hollandois avoient
à Jacatra
,
& que le
Roy de ce nom leur avoir:
permis de bastir à causedes
avantages qu'il tiroit du de j
bit des Epiceries qu'ils y venoient
acheter. Le Roy de
Bantam leur avoit aussi permis
de bastir une Maison ou
Loge dans son Royaume,
pour y laisser les Facteurs qui
devoient veiller à la conservation
des Marchandises
dont ils trafiquoient. La
mesme permission avoit esté :
donnée aux Anglois, malgré
la repugnance qu'avoient les
Javans de souffrir aucun établissement
aux Estrangers
dans leur Isle, par lacrainte:
où ils estoient qu'ils ne les
traitassentavecla mesme rugueur
que les Portugais avoient
exercée contre les
Rois Indiens qui les avoient
receus chez eux. Les Traitez
que les Hollandois avoient
faits avec ceux de Jacatra &
de Bantam
,
regloient les
Droits d'Entrée &de Sorcier
mais comme ils haussoient
ces Droits àmesurequ'ils
voyoient que le Commerce
devenoit necessaire aux Etrangers,
la mauvaise foy
qu'ils eurent
5
obligea les
Hollandois à fortifier peu à
peu leur Loge de
-
Jacatra,
pour se mettre à couvert de I
la violence que leur pourroient
faire les Barbares
quand ils voudroient se
mettre à couvert de ces injustices.
LesIndiensnes'en
apperçeurent que lors que
la Loge futen estar de desense,
& ne pouvant plus se
décharger des Hollandois
par laforcey ils se servirent
de l'occasion de la mauvaise
ntelligence où ils les virent
Lvec les Anglois, & quiéclaa
principalement batNaval au Com- qui se donna entre
ux le 2. Janvier 1619. entre
acatra & Bantam. LaFlote
Angloise qui estoit d'onze
Ramberges
,
maltraita la
Hollandonise j , qui n'estoit,
composée que de sept Navires.
LesHollandoiss'étantretirez,
le Roy de Jacatra assiegea
leur Fort, auquel ils avoientdonné
le nom de Batavia.
Il se servit des Troupes
Angloises,qui après un Siege
de sixmois,furent contraintes
de l'ab andonnerles Hollandois
ayant renforce leur Flote,
des Navires qu'ils avoient
dans les Moluques. Le Roy
de Jacatrarejetta inutilement
sur lesAnglois la cause de ces
desordres, Le General Hollandois
se paya point de ces
excuses; Il fit débarquer ses
gens au nombre d'onze cens
hommes, attaqua la Ville de
Jacatray la prit de force, &
y fit mettre le feu. Aprés ce
succez,les Hollandoisacheverent
les Fortifications de
leur Loge, & en firent une
Place reguliere, à quatre Bâstionsrevestus
de pierre,bien
fossoyée&palissadée avec
ses demy-lunes, redoutes, ôc
autres Ouvrages. Le Royde
Matran
,
quiestoitcomme
l'Empereur de toute rIfle..
assiegea le Fort en 1628.& s'étant
logé fous le Canon, fit
donner plusieurs assauts à la
Place, mais il fut enfin contraint
de lever le Siege, aussibien
que l'année suivante,
& depuiscetemps là les Hollandois
y akr- étably leur
-
commerceavec lesChinois,
Japonois, Siamois, & autres
Peuples Voisins
,
se failanc
payer dix pour cent pour les
droits de laTraite-Foraine,
de toutes les Marchandises
qui s'y débitent. Ils sont
maistres de toute la Canelle
&du Clou deGirofle quiest
dans I
dans le monde,&envoyent
tous les deux ans un Vaisseau.
au Japon; mais ils n'ont presque
point de liberté en ce
lieu là. Si-tost queleurs Vaiffeaux
y sont arrivez, on 1.
prend leurs Voiles, leurs Agrés,
& tous lesMasts qu'on
met ians unMagasin &
quelque
tempsqu'il
puisse
Faire,on les oblige à partir au
OUI; qui leur est marqué.
Le Directeur du Comptoir
l'y peut estre que trois ans. 1
^.infi il y en a toujours trois,
'un quiva,l'autre qui revient,
( le dernier qui demeure.
On ne souffre point qu'ils
aillent dans le Pays, mais Us?
en rapportent tantde riches
ses, qu'ilssesoûmettent sans
peine à ce qu'on exige d'eux.
Le General Hollandois qui ij
està Batavia,n'est pas moins
puissant qu'un Roy. Quoy
qu'on ne l'élise General que 3
pour trois ans, l'élection se 5
confirme
,
& il est toujours 2
continué. Il a une Garde à i
pied & à cheval. Ses apoin- -
temens sont de quarre mille
francs par mois, & il prend h
tout ce qu'il veut dans les
Magasins sans rendre comp- -
se de rien. Il y a six Conseillers
ordinaires qui font toules
choses
,
& quand il en
meurt quelqu'un,c'est luy
qui luy nomme un Succes-
,- seur fous le bon plaisir de la
Compagnie.Son choix en elt
toujoursapprouve. Il yaaussi
des Conseillers extraordinaires
,mais quand on prend
leurs avis, on ne compte
point leurs voix, si ce n'est
sqeuil'lielrms anque un des six Conordinaires.
Ils sont
tous logez dans la Forteresse.
La Compagnie a dans ce
Pays-là plus de deux cens
Vaisseaux qui font tout le tra- 1 fie de l'Orient.Ondit que
les Hollandois y peuvent l
faireune armée de plus, de
cinquanteVaisseauxdeGuer- '-
re. Ils ont six Gouyernemens
Généraux, desquels dépendent
tous les Gouvernemens
particuliers de leurs Places,
& par consequent tous les
Comptoirs & Loges qu'ils
ont la en tresgrand nombre,
& dans tous les lieux où ils
croyent pouvoir trafiquer.
Mr l'Ambassadeur receut
toutes les honnestetez possibles
de ce General des Hbllandois,
quil'envoya visiter
à bord 7 j , &luy -Et porter toutes
fortes de rafraichissemens.
Quoy qu'il se fust excusé
de sortir de sonVaisseau,
comme il l'en, avoir fait
prier, il ne laissa pas de defcendre
à terre Incognito, ôc
d'aller voir les beaurez de
Batavia. Après avoir donné
quelques jours aux Malades
que l'air de la terre guerit en
fort peu de tem ps, il resolut
de poursuivre son Voyage;
mais comme aucun des Pilotes
n'avoit esté à Siam, il en
prit un du Payspour passer
le Détroit de Banca qui est
dangereux. Ce fut là que la
Fregate la Maligne le rejoignit
, ce qui fut à tous un
fort grand sujet de joye. Peu
de jours aprés, Mr d'Arbouville
Gentilhomme de Normandie
,mourut dans cette
Fregate, & il fut jetté à la.
Mer avec les ceremonies ordinaires
dans ces-tristes occa
fions. Les deux Mandarins
que l'on remenoit de France
à Siam
,
n'avoient sorty que
deux fois du trou où ils s'etoient
mis dans le Vaisseau
pendant tout y ce long Voyage
,
mais lors que l'on commença
a voirdeshommes
noirs vers ce Détroitde Banca,
ils monterentsur letillac,
& donnerent de grandes
marques de joye.
Le 3. de Septembre on repassa
la Ligne, & enfin le 14.
du mesme mois on moüilla
à la Barre de la Riviere de
Siam, qui est une des plus
grandes de toutes les Indes.
On l'appelle Menam, c'est à
dire, Mere des Eaux Elle
n'est pas bien. large , mais
elle est si longue, qu'on dit
qu'on n'a pû encore monter
jusqu'a sa source. Son cours
est du Nord au Sud.Elle f
passe par les Royaumes de
Pegu & d'Auva, & en suite
parceluy de Siam. Elle a
cela de commun avec le Nil,
qu'elle se déborde tous les
ans, & couvre la terre pen
dant quatremois. En s'en
retirant, elle y laisse un limonquiluy
donne lagraisse
& l'humidité dont elle a be.
foin pour la production du
Ris. Elle se dégorge dans le
Golse de Siam par trois grandes
embouchures, dont la
plus commode pour les Navires
& pour les Barques est
la plus orientale, mais ce qui
la rend presque inutile,c'est
uu Banc de sable d'une lieuë
d'étenduë, qui est vis-à-vis
de laRiviere,& qui n'a que
cinq ou six pieds d'eau avec
la basse Marée.Lahaute y
en amene jusqu'à quinze ou
seize; maiscen'e st pasassez
pour les grandsNavires qui
demeurent ordinairement à
la rade à deux lieuës de ce
Banc. Ils y sont en seureté,
& ont en tout temps six
brasses d'eau.Ainsi le Vaisseau
de Mrl'Ambassideur
demeura à cette rade, & la
Fregate qui prenoit moins
d'eau, passa sur le Banc avec
la Marée. Quand on l'apafsé
on peut entrer dans la Riviere
jusques à BancoK, qui
est une Ville éloignée dela
Mer de six lieuës. Celle de
Siam en cil: à vingt-quatre,
Si-tost qu'on eut mouillé à
cette embouchure, Mr le
Chevalier de Chaumont envoya
Mr Vachet, Miffionnaire
Apostolique, qui estoit
venu en France avec les
Mandarins de Siam
,
donner
avisdeson arrivéeàMr l'Evêque
de Metellopolis. Cette
nouvelle causa une extrême
joye au Roy de Siam. Il ordonna
aussi-tost qu'on prearast
toutes choses pour saie
une magnifiquereception
L Mr l'Ambassadeur, & nomna
deux Mandarins du prenier
Ordre pour luy venir
aire com pliment à bord.
C'est ce qu'apprit MrleChevalier
de Chaumont par Mr
Evesque de Metellopolis,
qui vint à bord le 29. avec
Mrl'Abbé de Lyonne. Cét
Abbé estoit passé à Siam en
581. avec Mr l'Evesque d'Heliopolis,
dont il y a quelques 1
mois que je vous appris la
mort. Son zeleestconnue,&
l'on peut juger par là dufruit
qu'il a fait en travaillant à la
Conversion desInfidelles.Le
lendemain les deux Mandarins
vinrentsaluer Mr l'Ambassadeur.
Il les receut dans
sa Chambre
,
assis dans un
Fauteüil
,
&ils s'assirent à la
mode du Pays sur des Carreaux
qui étoiét surle Tapis
de pied. Ilsluy marquerent
1 la joy e que le Roy leur Maîtreavoit
de sonarrivée,& dirent
qu'on luy avoir donné
une agréable Nouvelle,en
luy apprenant quele Roy de
France avoit vaincu tous ses
Ennemis, & donné ensuite
la Paix à l'Europe. Cette Audience
finie, on apporta du
Thé& des Confitures,& l'on
tira neufcoups de Canon à
leur sortie du Vaisseau.
Le I. d'Octobre,MrConstanceFavory
duRoy,envoya
son Secretaire avec des rafraichissemens
en si grand
nombre, qu'il y en eut pour
nourrir tout l'Equipage pendant
quatre jours. Mr Constance
est un homme d'un
fort grand merite, qui s'est
élevé par sa vertu au porte
où il est. Il est Grec,de Mie
de Cefalonie
,
& fut pris petit
Garçon par un Vaisseau,
où il fut fait Mousse. C'est
le nom qu'on donne à de
jeunes Matelots qui fervent
les gens de l'Equipage. On
le mena en Angleterre,&
il continua le service dans
les Vaisseaux. Il passa aux Indes,&
de degré en degré, il
devint enfin Capitaine de
Vaisseau. Il alloit à la Chine,
& au Japon, où il trafiquoit
pour le compte des Marchands.
La tempesteluy
ayant fait faire naufrage à la
Coste de Siam
,
il fut contraint
de semettreau service
du Barcalon, qui est un des
six grands Officiers de ce
Royaume. Son employ consiste
dans l'administration
des Finances. Le Roy de
Siam avoit alors un grand
démeslé avec ses voisins,
touchant un compte par lequel
on pretendoit qu'il demeuroit
redevable de fort
grosses sommes Les Siamois
n'entendent pas bien l'Arithmetique.
Mr Constance de-
-
manda à examiner tous les
Papiers que le Barcalon a-
, voit entre ses mains
,
& il
rendit le compte sinet, qu'il
fit connoistre non seulement
que le Roy de
-
Siam ne devoit
rien
,
mais que l'autre
Roy luy devoit des sommes
tres -
considera bles. Vous
pouvez juger dans quellefaveur
il se mit par là. Le Barcalon
estant mort peu de
temps aprés, le Roy le prit
JL son service ,&il est presentement
tout puissant dans
cet Estat. Il n'a voulu accepter
aucune des six grandes
Charges
,
mais il est sort diffusde au
tous ceux qui les
exercent
,
& il seroit dangereux
dene luy pas obeïr. Il
parle au Roy quand il veut, -
c'est un privilege qui luyest
particulier. Laprincipalede
ces grandes Charges rend
celuy qui la possede comme
Viceroy de tout le Rovau--»
me.elleest presentement
exercée par un Vieillard pour
cjm le Roy mesme a grand
:*e{peâ.-Il est son Oncle & a"
ïsté son Tuteur. Ce Vieilard
estsourd
,
& on luy par- eparile moyen d'uniennp
homme que l'on sait entrer,
& quien criantfort haut,
luy fait entendre ce qu'il faut
qu'il sçache. C'est un homme
de tres-bon sens, & on
s'est toûjours bien trouvé de
ses avis.
Le 8. Mr l'Evesque de Metellopolis
revint à bord avec
deux Mandarins plus qualifiez
que les premiers, qui furent
receus & saluez de la
>•
mesme forte. Ils venoient j
s'informer au nom du Roy
de la santé deMrl'Ambassadeur,
& l'inviter de descendre
à terre. Aprèsqu'ils furent
sortis du Vaisseau, cet
A mbassadeur se mit dans son
Canot, & sur le soir il entra
dans la Riviere avec les per-
»
sonnes de sa fuite, qui avoient
trouvédes Bateaux du
Roy pour les amener. A l'entrée
de cette Riviere estoient
cinqBalons sortmagnifiques
que le Roy avoit envoyez
pour le conduire à Siam. Ce
sont des Bastimens faits d'un
seul arbre. Il y ena qui ont.
cent pieds de longueur, &,
qui n'en ont que huit on
neufpar le milieu,quiest
l'endroit le plus large,& dans
lequel il y auneespece de
Trône couvert. Mrl'Ambassadeur
coucha ce soirlaà
bord de la Maligne, qui étoit
entrée dansla Riviere quelques
jours auparavant.
-
Le 9. deux nouveaux Mandarins
vinrent recevoir ses
ordres. Ils estoienthabillez
comme les autres, avec une
maniere d'écharpe fort large
depuis la peinture jusqu'aux
genoux, sans estre plissée.
Elle estoit de toile peinte,
& tomboitcomme une culote
Il y avoit au bas une
bordure fort bien travaillée,
!& des deux bouts de l'écharpe,
l'un passoit entre leurs
jambes, l'autre par derriere.
- Depuislaceinturejusqu'en
haut,ilsavoient une maniere
de chemise deMousseline
assez ample, tombant par
dessus l'écharpe, & toute ouverte
par le devant. Les
manches venoient un peu
au dessous du cou de
,
& étoient
passablement larges.
~ls avoient la teste nuë
,
ôc
~stoient sans bas & sans souiers.
La plus part de leurs
~alets n'avoient que l'éharpe
& point de chemise.
Onze Bateaux arriverent dej
Siam chargez de toutes sor- ni
tes de vivres. Mr Constance j
les envoyoit de la part du j
Roy,qui luy avoit ordonné t
de faire fournir aux Equipagestoutes
leschoses dontils
auroietbesoin pour leur sub- fl
sistance,pendant leur séjour.
Mr l'Ambassadeur s'étant "a
i < -
mis dans un Balon partità *'j
sept heures du marin, & apres
avoir fait cinqlieuës,
il arriva dans une Maison
bastie de Bambous, qui est
un Bois fort leger, & couverte
de Nates assez propresm
Il y avoir plusieurs Chambres
toutes tapissées de toiles.
peintes. Les Meubles en estoient
fort riches, & tous les
Planchers estoient couverts
de tres-beauxTapis. La
Chambre deMrl'Ambassadeur
estoit meublée plus
magnifiquement que les autres.
Il y avoir un Dais de
toile d'or, un Fauteüil doré,
&un tres- beau Lit. Deux
Mandarins, & les Gouververneurs
de BancoK& de
Pipely le receurent en cette
Maison, qui avoir esté bâtie
expres, ainsique toutes les
autres-où il logea jusqu'àson
arrivée à Siam. Il fautaussi
remarquer que les Meubles 1
de toutes ces Maisons estoient
neufs, & n'avoient
jamais servy. Il y eut un
grand Repas, aussi abondant
en viandes qu'en fruits.
Apres que l'on eut disné, Mr
l'Ambassadeur se remit dans
sonBalon, & arriva le soir à
BancoK, qui est la premiere
Place du Royaume de Siam
sur la Riviere. Un Navire~
Anglois qui se trouva à la
rade, le falüa de 21. coups de
Canon, & les deux Forteresses
ses qui sont des deux costez
de cette Riviere, tirerent
l'une 31. coups de Canon &
l'autre29. Il logea dans l'une
de ces Forteresses, en unf
Maison fort bien bastie, &",
que l'on avoit richement
meublée. Il y fut traité avec
la mefime magnificence.
Il partit le 10. à huitheures
du marin, & receut des Forteresses
le mesme salut qu'à
on arrivée. Il fut complimenté
avant son départ, par
eux nouveaux Mandarins
ui l'accompagnerent avec
~us les autres,auffi- bien que
le Gouverneur de Bancok.
Il trouva de cinq lieuës enn
cinq lieuës de nouvelles
Maisons toujours tres-commodes
,& fort richement
meublées
,
& arriva le 12. à"É
deux lieues de la Ville de
Siam. Il avoit plus de cinquante
Balons à sa suite, de i
cinquante jusqu'à cent pieds
de longueur, & depuis trente
jusqu'à six-vingt Rameurs..
Ilssontassis deux sur chaque *
banc,l'un d'un costé, & l'au-
-
tre de l'autre, le visage vers 2
le lieu où ilsveulent arriver..
Leurs rames sont longues de *
quatre pieds, lapluspart dorées,&
ils fatiguét beaucou p
enramant de cette forte. Il
- faut cependant fort peu de
chose pour les contenter.On
leur donne du ris qu'ils font
cuire avecde l'eau, &quand
on y ajoûte un peu de poisson,
on leur fait grand' chere.
Dans tout ce passageon rendit
à Mr l'Ambassadeur les
mesmes honneurs que l'on
rend au Roy. Il ne demeura
pei sonne dans les Maisons,
& comme toute la Campagne
estoit a lors inondée,tout
le monde estoit prosterné
dans desBalons, ou ssir<
des monceaux de terre élevez
à fleur d'eau,& chacun
avoir les mains jointes proche
le front. Devant toutes
les Maisons & Villages, il y
avoir une espece de parapet,
élevé de sept ou huit pieds
hors de l'eau avec des nates.
C'est ce qu'ils observent lors
que leRoy passe. Ils se jettent
le ventre contre terre, & par
respect ils n' osentjetter les
yeux sur luy. J'ayoublié de
vous dire que toutes les
Maisons où Mr l'Ambassadeur
logea, estoient peintes
derouge,ce qui est particu
lier aux Maisons du Roy.
On y faisoitgarde pendant
lanuit, & ilyavoit des feux
tout autour.
Le 13. Mr m'Ambassadeur
fit prier le Roy de luy vouloir
envoyer quelque personne
de confiance avec
qui il pust s'expliquer, parce
que les manieres de recevoir
les Ambassadeurs des Roys
d'Orient
,
estoient differentes
des Ceremonies que l'on
devoit observer en recevant
un Ambassadeur du Roy de
France. Mr Constance vint
à bord le lendemain
,
& ils
convinrent ensemble de
toutes choses.
Le 15 tout le Seminaire
de Siam vint saluer Mr le
Cheualier de Chaumont. Il
y avoit plusieurs Prestres venerables
par leur grande
barbe, & quantitéde jeunes
Chinois, Japonois, Cochinchinois,
Siamois & autres,
tous en long habit, & avec
une modestietres-édisiante.
Les uns sont dans les Ordres
Sacrez,&les autres aspirent
a y entrer.
Le 16. les Deputez de toutes
les Nations établies à
Siam au nombre de quarante
deux, le vinrentcomplimenter.
Ilsestoient tous habillez
à leur maniere, ce qui
faisoit un effet tres. agréable.
Lesunsavoient desTurbans,
les autres des Bonnetsàl'Arménienne,
ceux-cy des Calotes,&
quelques-uns des Babouches
comme les Turcs,
Il y en avoit qui estoient
teste nuë ainsi que les Siamois,
parmy lesquels ceux
qui font d'une qualité distingllée,
ont un Bonnetcomme
celuy d'un Dragon. Ilest
faitde Mousseline blanche,
& se tient toutdroit. Ils l'arrestent
avec un ruban qu'ils
passent tous leur menton.
Le 17. Mr Constance vint
voirles Presens que Sa Majesté
envoyait nu Roy son
Maistre
,
&il amena quatre
Ballons magnifiques pour
les porteràSiam.
Le 18. Feste de S. Luc,
M l'Ambassadeur sedisposa
à son entrée dés le matin, &
il commença par offrir à
Dieu son Ambassade
,
puisqu'elle
n'avoit esté resoluë
que pour sa gloire. Il fit ses
Dévorions avec sa pieté ordinaire
,
& ensuite il alla
:rouver deuxOyas& quaante
Mandarins qui l'attenloienc
dans la Salie. Les
Dyas sont comme les Ducs -
n France. Il prit la Lettre
lu Roy, & la mit dans une
Boëte d'or, cette Boëte dans
ne Coupe d'or, la Coupe
~DUS une sous-Coupe d'or, &
exposa ainsi sur la table, ou
stoitun richeDais. LesOyas
les Mandarins se profernerent
les mains jointes
11* lefront, levisage contre
rre, & salüerent trois fois
la Lettre en cette posture-
C'est un honneur qui n'avait
jamais esté rendu dans
ces fortes de Ceremonies.
Cela estant fait, Mr l'Ambassadeur
prit la Lettre avec
le Vase, le porta septouhuit
pas & l'ayant donné
à Mrl'Abbé de Choisyqui
marchoit un peu derriere.à
sa gauche,
il alla jusqu'a la
Riviere, où il trouva un Ba-
Ion très-doré
,
dans lequel
estoient deux grands Mandarins.
Alors il reprit la Lettre
du Roy, des mains de M
l'AbbédeChoisy,laportajusue
dans ce Balon & l'ayant
onnée à l'un desdeux Man-
~arins, ce Mandarin la mit
iixs un Dais fort élevé en
pince & tout brillant d'or.
* Balon où cette Lettre tmise
,
suivit ceux qui
~rtoient les Presens du Royeux
autres estoient de cha-
~e cofté
, & il y avoit.
~ux Mandarins dans chaa
pour garder la Lettre.
~tit autres Balons de l'Estat
Siam, tous fort magnifies
,
suivoient ceuxcy ,
Ôc
cedoient un tres -
super-
Balon où Mr l'Ambassadeurestoit
seul. Mrl'Abbé
de Choisy estoit aussi feullli,
dans un autre, & il y en avoit
de vuides qui servoient
d'escorte à droit& à gauche.
-
En suite parurenr quatreautres
Balons, où estoient les
Gentilshommes & les Officiers
de Mr l'Ambassadeur.
Dans d'autres estoientles
Gens de saisuite, tous fort
propres, & accompagnez de 3)
Trompettes & de dix-huit
hommJ.es de livrée. Elle cftoit
fort magnifique,&frap- -<j
pa les Siamois plus que l'or n
des Juste-au-corps. LesNations
étrangeres furent du
Cortege, & l'on ne voyoit
que Balons sur la Riviere.
Les grands Mandarins marchoient
à la teste en deux
colomnes. Le Balon oùef-
~oit la Lettre du Roy & les
leux Balons qui la garloient
avec celuy de Mr
»Ambassadeur
,
tenoient le
milieu. Si tostqu'il fut arrivé
terre, la Ville le salüa
, ce
qui ne s'estoit jamais fait
pour aucun Ambassadeur. Il
~ortit de son Balon,& ayant
~epris laLettre du Roy, illa
pic sur un Char de Triomphe
qui l'attendoit, & quiu
estoit encore plus magnifï--que
que que le Balon. On le ~fiéd
monter dans une Chaise ~déJj
couverte, toute d'or, & ~quoi,
dix hommes porterent. M"i\
l'Abbé de Choisy fut ~portôr
dans uneautre. Les~Gentils-?
hommes & les ~Mandainen
suivoient à cheval, & les/j
Trompettes, & tous les ~Genen
de laMaison de Mr~l'Am-rr
bassadeur alloient à ~piecVj
en fort bon ordre. Les Na~x,l
tions suivirent aussi à ~piedhz
On marcha de cette ~fortor;
dans une ruë assez longue, &&
largeà peu pres comme la
ruëdeS Honoré.Elleestoit
bordée d'arbres, & dune
double file deSoldats, le Pot
enrested'un metaldoré, leBouclier & ferentes au bras avec dif- armes, Sabres, Piques,
Dards, Mousquets,
Arcs & Lances. Ils estoient
nuds pieds., & avoient une Chemise rouge, avec une Echarpe de toile peinte qui leur servoit de culote, com-
~me j'ay déja marqué. Des Tambours sonnant comme des Timbales, des Musettes,
des manieres de petites Cloches,&
des Trompettes qui
nerendoient qu'un son des
Cornet,formoient une har- -
monieaussibizarre qu'extraordinaire.
Apres avoir passé
-
u
par cette ruë, on arriva dans 21
une assez grande Place. C'es- -
toit celle du Palais. On ~n
voy oit des deux costez plumesieurs
Elefans de guerre, & :),
des hommes à cheval habil- - lez à la moresque avec la
-
Lance à la main. Les Na- ~-
tions avec tout le restedu Il
Cortege,quitterent M'l'Am- -e
bassadeur en ce lieu là , à la Li
reserve de ses Gentilshom- -1
mes. Avant que d'entrer ij
dans lePalais, il prit la Lettre
du Roy qu'il remit entre les
mains de Mrl'Abbé de Choi-
(y. En suite on marcha à
pied fort gravement. Les
Gentilshommes & les Ovas
alloient devant en bon ordre.
On traversa plusieurs
Courts. Dans la premiereil
y avoit deux mille Soldats le
Pot en reste, & le Bouclier
lOfé) ayant devant eux leurs
Mousquetsfichez en terre;
ls estoient assis sur leurs taons.
Dans la seconde par~
uurreenntt tcrrooiiss cens CChheevvaauuxx-.
~en Escadron, avec plus de
quatre-vingts Elefans, & :
dans la derniere estoient : quantité de Mandarins le
visage en terre, & soute-
-
nu sur leurs coudes. Il y >
avoit six Chevaux dont 3
tout le harnois estoit d'une e
richesse que l'on auroit peine
à exprimer. Brides,Poitrails,
( Crou pieres,Courroyes
, tout 3
estoit garny d'or,& par des- -
sus il y avoit un nombre infiny
de Perles,de Rubis&de 3
Diamans, en sorte qu'on ne s
pouvoit voir le cuir. Les 2:
Estriers estoient d'or,& les v
Selles d'or ou d'argent. Ils EJ
avoient des anneaux d'or
aux pieds de devant
, &
estoient tenus chacun pardeux
Mandarins.On y voioit
aussi plusieurs Elephans richement
enharnachez,comme
des Chevaux de Carrosse.
Leur harnois estoit de velours
cramoisy avec des boucles
doréesLorsquel'on fut
arri vé auxdegrez de la Salle
destinée pour l' Audience,
Mr l'Ambassadeur s'arresta
avec Mr Constance qui l'cf---
toit venu trouver, pour donner
le tem ps à ses Gentilshommes
d'entrer avant luy
dans cette Salle. Ils y entrerent
à la Françoise, & s'assirent
sur de superbes Tapis,
dont tout le plancher estoit
couvert. Les Mandarins &
tous les Gens de la Garde se
placerent de l'autre costé, &
pendant ce temps le Barca-
Ion dont on n'avoit point
encore entendu parler, entretenoit
Mr l'Ambassadeur
au bas du degré. Il luy dit
qu'a la nouvelle de son arrivée
ala Barre de Siam, il avoit
eu envie de l'aller trouver,
mais que les Affaires de
l'Estat ne luy en avoient
point laissé le temps. Ce
compliment estoit à peine
~Un y
>
qu'on entendit les
Tronl pettes&les Tambours
~lu dedans. Les Trompettes
lu dehors répondirent à ~niit,quifaisoitconnoistcree
~ue le Roy montoit à son
~trône. En effetil parut dans
e moment, & à mesme
~nips tous les Mandarins se
~ofternerent" pat terre les
ains jointes, suivant leur
~»ultumé.' Les François le
~üerenr, mais sans se le.
~r de leurs places. Alors
~Confiance&leBarcalpn.
entrerent dans la Salle les
pieds nuds
,
& en rampant
sur les mains & sur les genoux.
Mr l'Ambassadeur les
suivit
, ayant à sa droite Mr
l'Evesque de Merellopolis,
&à (a gauche M l'Abbé de
Choisy
,
qui portoit le Vase
où estoit la Lettre du Roy.
On tient qu'il pesoit du
moins cent livres, & il l'avoit,
toûjours eu entre les.
mains depuis qu'on l'avoir
tiré du Char de Triomphe.
Il estoit en habit longavec
un Rochet, & son ~manteaux
par dessus.Mrl'Ambassadeurs
osta son chapeau sur le dernier
degré dela Salle, & appercevant
le Roy dés qu'il
fut entré,il fit une profonde
\- reverence. Mr l'Abbé de
Choisynefalüa pas , parce
qu'il portoit la Lettre du
Roy.Ilsmarcherent jusqu'au
milieu de la Salle
, entre les
François assis sur les ta pis dit
Plancher & deux rangs de
grands Mandarins prosternez,
parmy lesquels il y avoit
deux Fils du Roy de
Chiampa
,
& un Frere du
Roy de Camboie, Mr l'Ambassadeur
fit une seconde reverence
,& s'avançant toujours
vers le Trône; lors
qu'il fut proche du lieu où
estoituneChaise à bras
qu'on luy avoir preparée, il
en fit une troisième, & commença
sa Harangue,ne s'asseiant
Ôc ne mettant ion chapeau
qu'aprés en avoir prononcéle
premier mot. Il dit
au Roy de Siam
,
£hte le Roy
son Maistre, fameux par tant de
Victoires, & par la paix qu'il
avoit accordée tant de fois à jes
Ennemis, luy avoit commandé
de venir trouver Sa Majesté aux
extremitez de l'Univers
, pour
luyi
w
wy pfeflnter des marques de jon
ejftme, er l'afj-rcr de son amitié
; mais que rien nefloit plus ca..
fable d'unir deux sigrands Princes
t que de vivre dam les fntinjem
dune mtfrne croyance; que cestoitparticulièremint ce que le
Roy son Maiflreluyavot recommandé
de rrpYl/ enter à Sa
Al.siesté
;
Quele Royleconjuroit
Par l'interef}quilpi non: à ra
véritable gloire
)
de co?1.fidrer
tjue cettesuprême A/fcjefit dont il
ijloit revcjîu sur Li Tcrre
, ne
wàuvoit venirque 'u vr yT)iru dire, du Di u Tout puiss
ant ,
Eternel Infiny
,
tel que
Ses Cbreftiens le reconnoijfent*
qui seulfait regner les Roys,&
réglé lafortune de tous les Peuples
; Que c'efloit à ce Dieu du
Ciel & de la Terre qu'ilfalloit
soumettre toutessesgrandeurs,
non a ces 'Vi'Vinitez qu'on adore
dins l'Orient,rItr dont Sa Maje/
lequi avoittantde lumierese
de pénétration
, ne pouvoit manquer
de voir l'impmjfance. Il finieen
disant,quelaplus agreableNouvelle
quil pourroit porter
au Roy [on Maigre
y
feroit que
Sa Majeftéperfuadée dela veri.
té,sifaisoitinstruire dms la ReligionCbrejhenne
; que cela cimenterott
a jamais iejnme &
iamitié entre les deux Rays ; que
iesFrançoisviendraient dans fort
Royaume avec plus d'empreffimentg)
de confiance,&quâinfi
ea Majefié s'attireroit un honheur
eternel dans le Ciel, après a.
suoit régnéavec rant de prosperité
surla Terre.
- Mr TAmbassadeurprononça
cette Harangue toûjours
assis,& sans oster son Chapeau
, que lors qu'il nommoit
quelqu'un des deux
Roys. Mr Confiance en fut
l'Interprete, & se prosterna
trois fois avant que de corn»
mencer. Aprés quoy M41le
Chevalier deChaumont prit
la Lettre de Sa Majesté des
mainsde Mrl'AbbédeChoisy.
Le Vase où onl'avoitenfermée,
estoit soustenu d'un
grand manche d'or de plus
de trois pieds de long. Ils'avança
jusqu'au Trône, qui
estoitune manieredeTribune
assez élevée dans une fenestre
de la Salle,& il presenta
le Vase sans hausser la
main. Mr Constance luy dit
qu'il prist la Coupe par le
baston, mais il n'en voulut
rien faire. Le Roy se mit à
rire
,
& s'estant levé pour
prendre le Vase, il se baissade
maniere qu'on luy vit
plus de la moitiédu corps. Il
regarda la Lettre qui estoit
dans une autre Boëte d'or
que ce Princeouvrit. Il avoir
une Couronne toute brillante
de gros Diamans, avec un
Bonnet comme celuy d'un
Dragon, qui se tenoit droit,
artaché à la Couronne. Son
Habit estoit une maniere de
Juste-au-corps d'un Brocart
d'or, dont le fond estoit UEP
rouge enfoncé. Ce Juste-aucorps
luy serroit le col & les
poignets, & aux bords il y avoitde
l'or&desDiamans,qui
faisoient comme un collier
& des bracelets.. Il avoit aux
doigts quantitéde Diamans.
LaSalle de l'Audience étoit
elevée de douze ou quinze
degrez.Elle estoit quarrée &
assez grande, avec des fenestres
fort baffes de chaque
coste. Les murs estoient
peints, & il y avoit de grandes
Fleurs d'or depuis le
haut jusqu'au bas. Le platfond
estoit orné de quantité
de Festonsdorez, Deux
Escaliers conduisoient dans,
une Chambre ouestoit le
Roy, & au milieu de ces Escaliers
estoit une fenestre
brisée, devant laquelle on
voyoit troisgrands Parasols
par étages qui alloient jusqu'auPlat
fond,l'étoffe estoit
d'or,& une feüille d'or couvroit
le baston. L'un de ces
trois Parasols estoit au milieu
de la fenestre, & les deux:
autres aux costez. Ce fut par
cette fenêtreque leRoyparla,
Mr le Chevalier de Chaumont
estant retourné en [a'v
place, apres avoir donné la
Lettre de SaMajesté, ce qui:
futune grande marque de
distinction pour l'Ambassadeur
du Roy de France, les
Roisd'Orient ne prenant
aucune Lettre desmains des
Ambassadeurs, Sa Majesté
Siamoiseluyditqu'Elle recevoit
avec grande joye desmarques
de l'estime&del'amitié
du Roy & qu'il luy
seroit fort agréable de luy
faire voir en sa personne
combien elles luy estoient
cheres. Apres celaMrl'Am-
-
bassadeur luy montra quelques
Presens du nombre de
ceux que le Roy luy enroyoit,
& luy- presenta Mr
'AbbédeCkoify5&lesGen-
- iishommes. Ce Prince luy
larIa des Ambassadeurs qu'il
voit envoyez dans le Soleil
Orient, & demanda des
ouTelles de la Maison
.oyale, & ce qui se passoit
n Europe. Mr FAmbanaeur
répondit que Sa Mailsatcée,
apresavoir pris la forte
de Luxembourg avoit
oligél'Empereur,, les Espanols,
les Hollandois, & tous
s Princes d'Allemagne à
gner avec luy une Tréve
3 *
: vingtans. Il fit encore
d'autres Questions sur lesquelles
Mr l'Evesque de Metellopolis
servit d'Interprete,
& apres que M l'Ambassadeur
y eut répondu, on tiraun
Rideau devant la Fenestre
de la Tribune. Ce fut par
là que l' Audience finit. Elle
dura plus d'une heure, &
les Mandarins demeurerent.
prosternez pendant tout cor
temps. Ils avoient tous un.
Bonnet,mais sansCouronne,
& chacun d'eux tenoit une
Boëte, pleine de Betel &
d'Areque, dont ils usentencore
plus que nous ne faions
icy de Tabac, C'estpar
diference de ces Boëtes.
u'on peut distinguer leurs
ualitez.
Au sortir de l'Au dience,
Mr l'Ambassadeur fut conuit
dans le Palais, où il vit,
Elefant blanc. On luy rend
e grands honneurs, & on.
regarde comme une Diviité.
Quatre Mandarins sont
ûjours aupresde luy. Deux
ennent un Eventail pour
nasser les Mouches, & les
eux autres un Parasol, afin,
empescherqu'il ne soit inommodé
du Soleil.Ilest
servyen Vaisselle d'or.
-
One
en éleve un petit qui sert
son Successeur.. Lors qu'il 1
besoin de se laver, on le .me-si
ne à la Riviere, & alors les
Tambours &les Trompetes
marchentdevantluy. Dans
l'endroit où on le lave, il )(
a une espece deSale couverte,
destinée pour cet usage
Il y a eu autrefois de grandesGuerres
pour l'Eléphant
bbllanc '1 f1. 1 1 ,v,
,
& il a cousté la vie iî i
plus de six cens mille personnes.
Le Roy de Pegu
ayant appris que cet,Animal
estoit possedé par le Roy
e Siam,luy envoya une
mbassade des plus solembiles
pour le prier de le
lettre à prix, s'offrant d'en
lyer ce qu'il voudroit. Ce
t en 1568. Le Roy de Siam
rant refusédes'en défaire
luydePegu leva une Arée
d'unmillion d'hommes
en aguerris
,
dans laquelle
y avoit deux cens mille
hevaux
,
nans cinq mille Ele- ,
& trois mille Chaeaux.
Quoy que Pegu soit
Digne de Siam de soixante
cinqjournées de Chaeau
,
il ne laissa pas avec
cetteredoutable Armée, de
venir amener son Ennemi
dans laVille Capitale. Il
prit& laruinaentierement
s'estant rendu Maistre de se
Trésors, de sa Femme & db
ses Enfans, qu'il emmena i
Peguavecl'Eléphant blancs
Le Roy de Siam se défen
dit jusques à l'extremité, &
voyant sa Ville prise
,
il fl
jetta du haut de son Palais
en bas, d'où il fut tiré crû
pieces. Quelques-uns écrin
vent que le Siege dura vingt
deuxmois,&que cette guerre
re couta plus de cinq cen
mille hommes au Roy de
Pegu. Jugezcombien il en
dût perir ducosté des Siamois.
Les Indiens trouventquelque
chose de Divindans l'Elesant
blanc. Ils disent que
ce n'est pas feulement à
cause de sa couleur qu'ils le
respectent, mais que sa fierté
leur fait connoistre qu'il veut
qu'on le traite en Prince,
Sr. qu'ils ont remarqué plurieurs
fois qu'il se fâche,
quand les autres Elefans
nanquent à luy rendre
'honneur qu'ils luy doivent.
Apres que l'on eut fait
voir cet Elefant à M l'Am—r
bassadeur, il fut conduit àssi
l'Hostel qu'on luy avoitpreparé.
Par toutoù il passa, illi
trouva des Elefans avec les
Soldats qui bordoient les
chemins en tres-bel ordre,s
Quelques Troupes,& plusieurs
Mandarins montez sur
des Chevaux ou sur des Elesans
magnifiquementenharnachez,
marchoient devant
luy, & grand nombres
d'autres suivoient par hon- -c
neur, Ainsi il ne manqua &r
rien à cette Entrée pour la d
rendre très superbe. Tous
Siam joüit de ce grand Spectacle,&
ce qu'il y eut de surprenant,
c'est que tout le
monde estoit prosterné,comime
si le Roy eust passé luymesme,&
cela sefitavecun
si grand respect, que l'onnentendoit
personne cracher,
tousser, ny parler. Les
ordres du Roy avoient elle
donnez pour cela, ce qu'il
n'avoit jamais fait pour d'autres
Ambassadeurs. Il est remarquable
que les Siamois,
Rapportent aucun desous en
laissant, & qu'on ne voir
parmy eux, ny Boiteux, ny
Bossus, ny Borgnes. S'il y a
quelques Aveugles, ils ne le 1
font que pour avoir estécon- j damnez à cette peine pour
quelque crime commis.
La Ville de Siam, que î
quelques uns apellentIndia J
d'autres Iudia, est la Capitale
du Royaume, & l'une des j
plus grandes & des plus peuplées
de toutes les Indes. Ses 1
Remparts sont environ de z
trois toises de hauteur,&elle
a des Bastions de toutes les aj
sortesde plats, de coupez & al
desolides. La Riviere deMenam
qui y coule enhuit enadroits,
y forme deux Isles,
Elle a plusieurs belles Ruës,
& des Canaux qui sont assez
regulierement tirez. La plus
belle est celledesMores. Ce - qu'ils a ppellent le Quartier
de la Chine est aussi tresbeau.
LesMaisons ne sont
pas laides, & il y en a sort
peu où l'on ne puissealler
enBatcau. Surtout les Temples
& les Monasteres sont
tres-bienbattis. Ils ont tous
les Pyramides dorées qui
ontun très bel effet de loin
;zs, Faux-bourgs, des deux
costez de la Riviere sont
pour le moins aussi grands
& aussi ornez de Morquées
& de Palais que la Ville mesme.
Celuy du Roy est d'une
si grande estenglue, qu'on
le pourroit prendre pour une
seconde Ville. Il ases Remparts
separez ,& les Tours
qui l'environnent en grand
nombre sontfort élevées,
& très-magnifiques..
Mr le Chevalier de Chaumont
trouva au lieu où il sur
conduit,des Mandarins qui
estoient degarde
,
& que
l'on avoit chargez defaire
fournir tout ce qui luy seroit
necessaire pour sa dépense.
Le 19. Mr Confiance fit assembler
tous les Mandarins
Etrangers
,
& leur declara
que le Roy son Maistre vouloit
qu'ils se rendissent tous àl'Hostel de Mrl'Ambassadeur
,
afin qu'ils fussenttémoins
de la distinction avec
laquelle il traitoit le Roy de
France, comme estant un
Monarque tout- puissant, &
qui sçavoit reconnoistre les.
donneurs qu'on luy faifoir.
Ces Mandarins répondirent
qu'ilsn'avoient jamais veu
d'Ambassadeur de France;
mais qu'ils estoient fort persuadez
que cette distinction
estoit deuë à un Prince aussi
grand, aussi puissant, &
aussi victorieux que celuy
qui regnoit sur les François,
puisqu'il y avoit long-temps
que ses Victoires estoient
connuës par tout l'Orient.
Ils allerent aussi-tost salüer
Mr l'Ambassadeur, & le mesme
jour Mr l'Evesque de
Metellopolis se rendit au
Palais où le Roy l'avoit mandé
pour interpreter la Lettreque
Mr le Chevalier de
Chaumont luy avoir donnée
e jour precedent. Envoicy
es termes.
LETTRE
DU ROY
TAU ROY DE SIAM. RES HAFT, TRES PVISSANT,
TRES. EXCELLENT,
ET TRESMAGNANIMEPRINCE,
ET NOSTRE
;H'ER ET BON AMr, DIEV
rEVIllEAUGMENTER VOS-
-RE GRANDEVR AVEC YNE.
rIN HEVREYSE.
Nous 4ious appris avec déplaisir
la perte des mbfadeurSI
que :~ nous envoyajîa en1681. -
&Nous avons cflé informe^par
ItiPreflres Mijjionnaires quifont 1
njen;$ deSian
, C. par les Letj
très nueno?Adimlhts ont reteuës j
de h p.irt de celiiya qui vous 1
confia VO) pnncipules affaires e>rijffpm-nr 3, avec leCjnA vous
Joubair.'XnojhramneRoyale.
Ccflpouryfartsfa'rcque nous
avons choisy le Sieur Chevalier'
de Chaumontpouy nolire Ambaf-
Jadeur,quivous apprendra plusparticulièrement
nos intentions9
sur tout ce qui peut contribuer àK
ejldlirpout toujours cette amitié
fi/ide
fllidr entre nous.CependantAlc,
ferons tres-ais de trouver les
occûfons de tous témoigner la
reconnoijjance avec laqui lie nous
avons appris que vous conrznuez
a donner voflre protcfhon aux E-
'Vesques, cm euxautres ÀdiJJionnaires^
potfohcj'ei, quitravaillenta
linflrufliondetosSujets
ians laRetio-ion Cbjeflien,,,e,
lotreefiimep meulièreincurvons
Wus fait desirer ardernn em que
}OKS 'Vur¡fluZ bien vous-mfmc
k écouter) Çj7 apprendre d\u,x ïvéritables À^aximas @r les
fistres f^cre-^dune si fat.te
9y, dans laquelle un a la LulMijfance
du vray Dieu,qui Jîufa
peutJaprés TOUS avoirfait rtgnem
long temps & glorieusement (un
vos Sujets ,
101.$combler d'u
bon heur eternel. Nous avenui
chargénoflreAmb^Qaieur dese
choses les plus curreujes de noftrt
Royaume, qu'il vous prejenter
comme unemarque de noflre ePi_j
me
y
& il vous expliquera aussi
ce que nous pouvons Jfjinr dt
voui pour l'avantage du Com-A
merce de nos Sujets.Sur ce,Afousm
prions Dieu qu'ilvueilleaugmentas
tervoftre Grandeur avec toute fin^\
heureuse. Ecrit en Noflre Cha.X
(eaU Royal le u. Janvier168
Vostre tres cher & bon Amy,
LO VIS, & plus bas COLBERT.
Quelques jours a pres,
le Roy envoya des Presens
à Mr l'Ambassadeur,
sçavoir plusieurs pieces de
Brocart, des Robes du Japon,
une garniture de Boutons
d'or, & diverses curiositez
du Pays. Il y en eut
aussi pour Mr l'Abbé de
Choisy
,
& pour les Gentilshommes
François.
Le 2,5. il fut mené à une seconde
Audience dans une
Salle à costéd'uneautre où
,eHoir l-e Roy. Le disçours étant
tombé sur la Famille
Royale, Mr l' Ambassadeur *>
dit au Roy de Stam que lu-
- nion y estoit sigrande, que
Monsieur,Frere unique de Sa
Majesté,avoitgagné une
grande Bataille pour le Roy v
sonFrere, contre les Ennemis
liguez,& commandez s
par le General des Hollandois
, qui avoient le plus de s
Troupes danscette Armée;à
quoy le Roy de Siam répondità
peu prés en ces termes.
Je ne m'étonne point que le Roy \(
de France ait réüssidanstoutesses
r entreprises,puis qu'ilaun Frere
l
si bien uny avec luy.La desunion
ejb ce qui renverse les Etats. lec"
sçay les malheurs qu'elle a causez
dans la Famille Royale de Matran
, & dans celle de Bantam,
&sçache le Grand Dieu du Ciel
ce qui arrivera de la mienne.Ce-
Roy a deux Freres ,dont lais-
Xïéfiir tout est tres-remuant.
Il a trente-sept ans, & est
fort incommodé de sa Perfodne.
Peut-estre l'a t'on mis
en cétestat afin de tenir (on.
ambition dans l'impuissance
d'agir. Le plus jeune est
moins âgé de dixans. Il est
muet , ou il fait semblant de
l'estre. Ils ont chacun leur
Palais,& leurs Domestiques,
& ne voyent le Roy leur
Frere que deux fois l'année.
Le Roy peut avoir cinquante
cinq ans. Il est bazanné
de , moyenne taille, & a les
yeux noirs, petits
,
& fort
vifs. Outre deux Oncles qui
sont fort vieux, & dont l'un
luy a servy de Tuteur, il a
des Tantes qui n'ont jamais
esté mariées. Cette seconde
Audience dont j'ay déja
commencé à vous parl er , finit par une matiere de Religion
qui n'eut point de suite.
Mr l'Ambassadeur dit au
Roy, que le Roy son Maître
ne souhaitoit rienavec
plus d'ardeur que d'apprendre
qu'il consentist à se faire
instruire par les Evesques &
Missionnaires qui estoient
dans ses Etats. Il se leva, ôc
ne fit point de réponse. Lors
qu'il se fut retiré, Mr Constance
mena Mrle Chevalier
de Chaumont dans le Jardin
du Palais, où le disner
estoit preparé, Son Couvert.
estoit en Vaisselle d'or; tous
les autres furent servis en
Vaisselle d'argent. Le Grand-
Trésorier, le Capitaine des
Gardes, & d'autres grands
Mandarins servirent à table.
Lerepas dura trois heures,
& l'on allavoir delà l'Estang
du Jardin
,
où il se trouve
plusieurs poissons curieux.
Ilsenvirentun entre autres
avec un virage d'homme.
Le 26. Mr Constancerenditvisite
à Mr l'Ambassadeur.
La Conversion du Roy
fut le sujet de leur entretien.
Mr Constance yfit paroistre
de grandes difficultez
,
sur
ce qu'il seroit tresdangereux
de donner pretexte à
une revolte, en voulant
changer une Religion establie
& professéedepuis tant
de Siecles. Illuy fit connoîue
que leRoyavoit un Frere
quine cherchoitqu'à broüiller;
que c'estoit toûjours
beaucoup que Sa Majesté
permist qu'on enseignast la
Religion Chrestienne dans
son Royaume; qu'illafalloit
laisser embrasser aux Peuples
&aux Mandarins mesme,
si quelqu'un d'entr'eux
vouloit se faireChrestien,
8c qu'avec le temps les choses
pourroient prendre une
autre face.
Le29. Mr le Chevalier de
Chaumont alla visiter le Barcalon,
qui dans les honneurs.
qu'il luy Et rendre le distingua
desautresAmbassadeurs,
ainsi qu'avoit fait le Roy. Mr
l'Evesque de Metellopolis
l'accompagna dans cette visite
, & leur servit dInterprete.
Le 30. on alla au Palais
pour voir ta grande Pagode.
C'est ainsi que les Siamois
appellent leurs Temples
mais ils ne laissent pas de
donner aussi le nom de Paggooddeess
àà leurs Idoles. En pas- Isant
par la premiere Court,
Mr l'Ambassadeur eut le divertissement
d'un combat de
deux Elephans On les avoit
attachez ensemble par les
jambes de derriere
,
& deux
hommes estoient sur chacun,
de ces Animaux, l'un sur le
col
,
l'autre sur la crou pe. Ils
esanimoientavec un croc, lui leur servant d'aiguillon,
es faisoit tourner comme ils
ouloient. Ce Combat ne
onsista qu'en des coups de
ent & de trom pe. On dit
ue le Roy y estoit present
mais il ne se laissa pointvoir.
Les Elephans ont beaucoup
d'intelligence& onleur fait
comprendre aisément tout
ce qu'on leur dit. De cette
Court on passa dans plusieurs.
autres avant que de trouver
la Pagode. Le Portail en est
antique, de assez bien travail.
lé.C'estuntres-beau bastimens
, dont l'Architécture
est presque semblable à celle
de nos Eglises. Les yeux
furent fra ppez enentrant,de
plu sieurs Statuës - de cuivre
doré, qui semblent offrirun
Sacrifice à une grande Idole
qui est touted'or.Elle a quarante
pieds de longueur,
douze de largeur
,
& trois
pouces d'épaisseur. Son poids
est de plus de douze millions
d'or Dans-une guerre où
ceux de Pegu conquirent
presque tout leRoyaume de
Siam, ils couperent une
main à cette Idole. Elle a
icihe remplacée depuis. Aux
deux costezdecette Pagode,
il y a plusieurs autres petites
Idoles dont la plus grande
partie est d'or. Des Lampes
Allumées depuis le haut jusqu'au
bas, font voir dans
quelleveneration elles sont Au fond est une autre Idole
en forme de Mausolée. Elle
est d'un prix extraordinaire.
Parmy ce grand nombre on
en voit une qui bien qu'assise
les jambes en croix,asoixante
pieds de haut. De cette
Pagode M"1"Ambassadeur
alla dans une autre qui en
dépend, & pour y aller, il
passasous une voûte qui est
en forme de Cloistre. D'un
costé de cette voûte,il y avoit
de deux pieds en deux
pieds des Idoles toutes dorées
,& devant chacune bruloituneLampe
queles Talapoins
ont soin d'allulller
0,«Zous les soirs. Dans cette seconde
Pagode Mr l'Ambasfadeur
vit le Mausolée de la
Reyne dccedée depuis quatre
ans, & celuy d'un Roy
de Siam, representé par une
grande Statuü couchée sur
le costé. Il est habillé comme
le sont les Roys de ce
Pays là aux jours de Ceremonies.
Cette Statuë qui est de
cuivre doré
, .a vingtcinq
piedsde longueur. En d'autres
endroits font quantité
de Statuesd'or & d'argent,
avec des Rubis & des Diamans
aux doigts, La princi- pale - beau ré de toutcelaconsiste
dans les richesses,la-plus
grande partiede cequ'il y a s
de plus precieux dans le
Royaume, estantrenfermée
dans les Pagodes. Au sortir
de là, Mr l'Ambassadeur vit i
les ElephansduRoy qu'il fait i
nourrir au nombre de plus 2
de dix mille. Il vit aussi une i
piece de Canon de fonte q
fonduë à Siam qui est de s
vingt-quatre pieds, & qui a j
quatorze pouces de diamet-
-
tre par l'embouchure.
-
Le 3I. - on fit de fort grandies
réjoüissance pourle coueiincirient.
du. Roy de Portugal.
On tira quantitéde
f J
coups de Canon,&il y eut le
f*ir un feu d' Artifice.Cesréiouiflincesfurentcontinue'es
»
u lendemain,premierjour.
[^Novembre
, par Mr Con- rance qui donna un grand
'dhrT, où MrAmbassadeur
.le invité. Il s'y trouva avec
put ce qu'il y avoit d'Euroéens
dans la Ville. On n'enfndit
que coups de Canon
ifqua la nuit,& on tira
ujourssans discontinuer.
Tous les Bastimens qui é- -
toient sur la Rivierre
,
tirerent
aussi après le repas,
qui fut suivye d'uneComedie
de Chinois,&: d'un autre
Divertissement,façon de -j
Marionnettes. Il y eut quelque
chose d'assez surprenant
& de singulier dans cette
Feste. î
Le 4. de Novembre Mr
Constanceavertit Mr l'Ambassadeurque
leRoy devoit
sortir pour se rendre àune
Pagode,où il a accoûtumé
d'aller tous les ans. Comme
ce jour estoit un de ceux Otli
il se montre à ses Peuples,la
mSeremonie meritoit qu,'on
empressa pour la voir. On
e conduisit dans une Salle
ue l'on-avoir pre parée sur
eau pour luy donner ce
laisir. D'abord il passaun
rand Balontout doré,dans
quel estoit un Mandarin
si venoit voir si toutestoit
en dans l'ordre. Il fut suisde
plusieurs Balons rem- des plus qualifiez des
andarins, tous habillez de
ap rouge. Ils doiventestre
tus de mesme couleuren
pareils jours, & c'estle
y qui choisit cette couleur.
Ils avoient des bonnets <
blancs dont la pointe estoit j
fort élevée.Les Oyas étoient
distinguez par un bord d'or
qu'ils avoient a leurs Bon- J
nets. Je ne parle point de a
leur écharpe;elleestoit telle b
- que je l'ay déjàdécrite. On 11
vit paroistre aprés eux quan- titédeMandarins du second J]
ordre, des Gardes du Corps,
&piusieurs Soldatsqui oc<~
cuperent les ailles. Le Roy
estoit dansun Balonmagnisique,
à chaque collé duque
il yen avoit un autre qui nC.
-
toit pas moins brillant. Ce
trois Balons estoient plis rem- de Sculpture,& dorez
jusque sous l'eau. Je
1
vous
en a y déja tant parlé que
vous ne ferez pas fachéed'en
voir quelques uns dans cette
Planche, où j'en ay fait graver
quatre. Vous vous fou.
viendrez que je vous ay dit
qu'ils estoient fort longs, &
aits d'un seul arbre. Leur
ongueur est cause qu'il y a
n grand nombre de Raleurs
,
& qu'ils vont fort
ste. Quand les Rameurs
nantent , ce qu'ils fontsouet,
ilsemble que leurs rames
s'accordentavecleurs voix, JI
& qu'ils battent la mesure *
dans l'eau. Le Balon que
vousvoyez gravé le premier,
est celuy dans lequel estoit la
Lertre de Sa Majesté. Il eitJ
ce qu'ils appellent à trois
T'oirs, & ceux-là sont les
plus considerables. Je croy
mesme qu'ils sont particuliers
pour le Roy, & qu'il
n'est permis à personned'en
avoir. Vosyeux vous feront
voir aisément la diference
des autres, qui n'est
que dans le plus ou moins 1
d'élevation de l'espece de. I
petite Loge qui est au miieu.
Quand il pleut, on (e
netdans cet endroit qui approche
beaucoup des Bans
avec quoy l'on jouë iCYh
les Rameurs du Balon où
stoit le Roy, & des deux
utres qui luyservoientd'act)
i-n-pacrniement,efloienthaillez
comme les Soldats, h
reserve qu'ils avoient une.
aniere de Cuirasse, &de
asque enteste,quel'ondiit
estre d'or. Ils estoient
t nombre de cent quatrengt
sur chacun de cestrois
lons, a,yec-- des Rames.
toutes dorées, & sur ceux
des Mandarins il y en avoit
cent ou six-vingts. D'autres
Gardes du Corps suivoient
dans d'autres Balons, & alloient
devant d'autres Mandarins
qui faisoient l' Arriere
garde, de forte que le Cortege
estoit du moins de deux
cens Balôns. Toute la
Riviere enestoitcouverte,
& il y avoit plusde cent
mille personnesprosternées
& dans un profond silence,
pour joüir de la permission
qu'on avoit de voir le Roy
ce jourla; car en d'autres
temps
temps il faut qu'on s'éloigne
par respect, & ceux qui se
trouveroient à son passage
seroientpunis fort severement.
Ilavoit un Habit tressomptueux,
& tout parsemé
de pierreries, avec un Bonnet
rouge un peu élevé, &
une Aigrette enrichie aussi
de Pierreries. Mr l'Ambassadeur
entra sur le soir dans
ses Balons pour voir revenir
le Roy. Ilavoit changé de
Balon, & promis un Prix à
celuy qui arriveroit au Palais
avant les autres. Ce fut
le sien qui arriva le premier.
Il récompensa ses Rameurs
en Roy, en leur donnant à
chacun la valeur de cinquante
escus. Ce mesme soir
il y eut un Feu d'artifice, &
l'on tira quantité de cou ps
de Canon pour le Couronnement
du Roy d'Angeterre.
Cette Feste fut continuée
le lendemain. Mr Constance
donna encore à disner
à Mr l'Ambassadeur avec
beaucoup de magnisicence,
& tous les Européens 2
furent invitez à ce Repas.
Le Roy qui se montre au
Peuple deux ou trois fois
cous les ans, va aussi quelquefois
par terre faire ses
Offrandes à quelque Mosquée.
Deux cens Elefans, ou
environ, commencent la
marche, portant chacun
trois Hommes armez Apres
eeuuxxvvieienntltala MM-usique. Elle
est composée de Timbales,
de Tambours, & de Hautbois.
Millehommes de pied
armez paroissent ensuite,distribuez
en diverses Compagnies,
qui ont leurs Drapeaux
& leurs Bannieres.
Tout cela precede les grands
Mandarins qui sont à cheval.
Il y en a qui ont une j
Couronne d'or sur la teste, i
ôc une fuite de soixante, ! j
quatre-vingts ôc cent per- 1
sonnes à pied. Entre lesGar- -|
des du Corps & ces Manda-
-
rins marchent deux cens
Soldats Japonois, en équipage
fort leste. Apres eux on f\
voit les Chevaux & les Ele- -j
sans qui ne fervent que pour aPersonne du RtÜY: Leurs zi
Harnois sont magnifiques.
Ils sont chargez de boucles 21
8c de lames d' or, & les dia- -4
mans & les pierreries y brillent
de toutes parts. Ceux
qui portent les Presenschoisis
pourl'Offrande,marchent
devant les plus qualifiez du
Royaume, parmy lesquels
il y en a deux, dont l'untient
l'Etendart du Roy,& l'autre
le Sceptre de Justice. Ils marchent
tous deux à pied immediatement
devant leRoy,
qui est monté sur un Elefant
magnifiquement enharnaché.
Il est porté sur son dos,
assis dans une Chaise d'or.
Cet Elefant marche gravement
tout fier de sa charge.
Il semble connoistre l'honneur
qu'il reçoit,puis qu'il
le met à genoux quand le
Roy s'appreste à monter sur
luy, & qu'il ne soufriroit pas
qu'un autre y montast.Lors
quele Roy a un Fils,ce Prince
le fuit, & apres luy la
Reyne & sesautres Femmes.
Elles sont aussi sur des Elefans
, mais enfermées dans
des manieres de Guerites de
bois doré, en forte qu'il est
impossible de les voir. La
marche tH: fermée par d'autres
Gardes, environ au nombre
de six cens, & tout le
Cortege est composé de
quinze ou seize mille personnes.
La vie du Rov est allez
réglée.
(
Il Ce leve à quatre
heures tous les jours, & la
premiere chose qu'il fait
c'est de donner l'aumosne à
des Talapoins, quine manquent
pas de se montrer devant
luy si tostqu'il paroist.
Ces Talapoins sont comme
nos Religieux Mendians.
Apres celail donne Audience,
dans l'intérieur de [on:
Palais,à. ses Concubines, aux.
Esclaves & aux Eunuques,
& ensuite à un Magistrat
qui luy vient montrer tous
les Procez que l'on a jugez.
Il les approuve ou infirme
comme il luy plaist. Lors
que ce Magistratest forty,
1 Audience est ouverte à
tout le monde jusqu'à l'heure
du Disner. Il disne avec
la Princesse sa Fille, que l'en.L
appelle la Princesse Reyne.,
& dontje vous parleray dans
unautre endroit. La Reyne -
qui est morte depuis peu
d'annees ne'luy a la~ aue
cette Fille. Le Medecin qui
està la porte, visite toutes
les Viandes, & renvoye celles
qu'illuy croit nuisibles.
Pendant ce Repas,qui estle
seul qu'il sait chaque jour,
on luy lit les Procez criminels,&
il ordonne du fort -
de chacun. Apres le Disné,
il entre dans une Salle, oùil
se met sur quelque Lit de
Repos. Il est suivy d'un
Lecteur qui luy lit ordinairement
la Vie de quelqu'un
des Rois qui ont
regné avant luy
,
& lors
qu'il s'endort
,
le Lecteur
paisse la voix, & peu a prés se
etire. Ce mesme Lecteur
entre dans la Salle sur les
quatre heures, & il recomnence
à lire d'un ton si aigu,
qu'il faut neceffiirciiie-ilt
que le Roy s'éveille. Alors il
donne Audience à chacun,
de ses six grands Officiers,
& sur les dix heures le Conseil
s'a ssemble. Il dure ordi-;
nairement jusques à minuit.
MrConfianceaussison Au-j
dience particuliere
,
& si l
toutcela va tropavant dans
la nuit,le Medecin luy vient
dire qu'il faut qu'il se couche.
Ce Medecin est receu
dans le Conseil, mais il ne
fait qu'écouter, & l'on n'y
prend jamais son avis.
Je m'apperçois de la longueur
de ma Lettre ; mais
comment songer à la finir,
ayant encore tant de choses
curieuses à vous a pprendre
touchant le Royaume de
Siam? Je n'ay pas encore
conduit M le Chevalier de
Chaumont à Louvo
,
qui est
une Maison de Plaisance du
Roy, où il alla prendre son
Audience de Congé, & ce
qui s'y est passé pendant le
séjourqu'ily a fait, fournit
la matiere d'un tres-long
Article. Ainsi, Madame,en
vous envoyant cette prernle.
re - Partie de ma Lettre ,je
vous en promets une seconde
quevous aurez dans fort peu
dejours. Je joindray à ce qui |
me reste à vous dire du }
Royaume deSiam les autres V
Nouvelles que vous atten- ;.
dez de moy. Ce sont celles;
quiregardent les Venitiens |
& la Hongrie. Cette seconde j
Partie finira par deuxEnigmes
nouvelles, & par les
noms de ceux qui ont expliqué
les deux dernieres. i
Onvient de m'apprendre ;
que ce que je vous ay dit au
commencement de cette
Rèlation, touchant des Ambassadeurs
que le Roy J de
Slam avoit envoyez à Sa
Majesté par le Portugal,
n'est point véritable. Cesont
des Envoyez de Siam qui
rie vont qu'en Portugal
,
8c
que l'on a chargez des Presens
, dont vous avez trouvé
une Lifte dans ma Lettre
de May. Ainsi cette Liste
est vraye ,
& ils ont ordre
d'envoyer en France les Presens
qu'elle contient.
ge de Mr le Chevalier
de Chaumont. Sa Majesté
l'ayant nommé son Ambasfadeur
vers leRoy de Siam.
Il se rendit à Brest avec Mr
l'Abbé de Choisy, sur la fin
de Fevrier de l'année der-
,
niere, & ils s'embarquerent
dans un des Vaisseaux du
Roy,appellél'Oiseau. Mrde
Vaudricourt qui le commandoit
fit mettreà la Voile
le3. de Mars & partit de
Brest avec la Fregate la Maligne,
commandéepar Mr de v
Joyeux. Le vent leur fut toû-
« jours assez favorable, ôc :
comme il y avoit dans le !
Vaisseaudes Millionnaires&
six Jesuites, ce n'estoit tous
les jours qu'Exercices de
pieté, & l'on y vivoitavec
la mesme regularité que
dans unConvent.Ilss'appliquoient
tour à tour à faire
des Exhortations à tout
Equipage. On disoit lar
Messe, on chantoitVespres,
& on passa fort heureufenent
la Ligne le 6. d'Aril
sans souffrir beaucoup
le lachaleur. Ce fut alors
su'il fut question de faire ce
u'on appelle la Ceremonie
u Bàptesme. Ceux qui n'ont
mais passé la Ligne, sont obligez
de souffrir qu'on leur
jette sur le corps certain
nombre de seaux d'eau, à
moins qu'ils ne donnent
quelque argent pour racheter
cette peine. Il n'y a personne
qui puisse s'en exempter
, de quelque condition
quel'on puisse estre, & on
fait jurer tout le monde sur
le Livre des Evangiles, pour
sçavoir si on a fait ce passage.
Mr le Chevalier de Chaumont
ne voulut point endurer
que l'on jurast sur les Evangiles.
Il fit faire ce Serment
sur une Mapemonde,
& mit de l'argent dans un
bassin
, ce que firent après
luy toutes les personnes considerables
du Vaisseau, pour
s'épargner la Ceremonie. La
somme montaà soixanteescus
quifurent distribuezaux
Matelots. Le reste de la traversée
fut tres heureux jusquesau
Cap de bonne Esperance.
On y arriva le 31. de
May,&l'on y receut les Saluts
ordinaires de quatre
Vaisseaux Hollandoisqu'on
y trouva. Ils portoient a Batavia
le Commissaire Generalde
laCompagnie des IiW
des
, avec Mr de S. Martin
François, Major Général.
M. le Chevalier de Chaumonts'arresta
sept jours à
ce Cap afin d'yfaire de l'eau,
& de prendre desrafraichisfemens.
Le Gouverneur qui
eA Hollandois
,
luy en envoya
de toutes fortes, aprés
l'avoir fait complimenter
par le Neveu&par le Secretaire
du Commissaire. Tous:
ceux du Vaisseau mirent pied
a, ~erre lIes urns a,près 1lesautres.
Ils'en trouva quelquesuns
qui estoient malades d&
Scorbut, & ils furent gueris
en quatre jours. La Forteresse
que les Hollandais ont.
fait bastir en ce lieu là
,
est
toute revestuë de pierres,
&a quatre bastions. Elle n'a.
point de fossez, mais elleest
Ilterès- bien garnie de Canon, Havre est fort seur
,
ôc
peut contenirungrand nom- bre de Vaisseaux. Il y a déja
quantité de Maisons qui forment
une espece de Ville.
^Cequ'ilya de plus remar-
,
quable est un Jardin fort
grand & fort spacieux avec
des allées à perte de veuë.
On y a planté tout cequ'il
ya de bons fruits en Europe
& dans les Indes. Les uns
sont d'un costé,les autres de
l'autre
,
& tous y viennent
fort bien. Celuy qui a foin
de ce beau Jardinest unFrançoisqui
est grand Seigneur
en ce Pays-là. Il reconnut
Mr le Chevalier de Chaumont,
qu'il avoit veu chez
Monsieur
, ou il avoit esté
Jardinier.
La terre que les Hollandoisoccupenr,
a esté achetée
d'un petit Roy du Pays, pour
des bagatelles de l'Europe.
Plus on avance en s'éloignant
gnant de la Mer, plus elle
est bonne & fertile, &sur
tout la Chasse y en merveilleuse
; mais on y doit craindre
les Bestes farouches,
comme Lyons,Tygres,Elephans,
& autres. Ces belles
s'écartent à mesure que le
Pays se découvre, & qu'on
y fair de nouvelles habitations.
Les Hollandoisont
déjàcommencé d'en faire
en plusieurs endroits. Pendant
le séjour de Mr l'Ambassadeurau
Cap, deux d'enreeuxestantallezàla
Chase
furent rencontrez & attaquez
par un Tigre. Il le
jetta sur l'un de ces Hollandois,
l'autrele tira & le blessa.
Le Tigre tout en fureur
vint à celuy qui l'avoir blessé,
& il l'auroit devoré sans
doute, si son Camarade qu'il
avoit jetté par terre, ne Ce
fust promptement relevé
pour tirer aussi son coup. Il
le tira si heureusement qu'il
cassa la teste au Tigre. On
l'apporta pour le faire voir.
Il estoit d'une grandeur effroyable.
On mit le Blessé à
un Hospital, qui est là tresbien
fondé, & oùl'on est
rtraité avec tous les soins imaginables.
Tous les Vaisseaux
Hollandois qui viennent
d'Europe, & ceux qui s'yen
retournent, laissent leurs
Malades en ce lieu là
,
& ils
y recouvrent incontinent
leur santé
,
l'air & les eaux
estant admirables.
Les Habitans y sont doux,
assez bien faisans, & il n'est
pas difficile de s'accommoier
de leurs manieres, mais
Ils sont laids, mal-faits, de
petite taille,& ont plus de
rapport à la façon de vivre
les bestes qu'à celle des hommes.
Leurvisageest tout ridé,
ils ont les cheveux remplis
de graisse
;
& comme ils
se frottent le corps d'huile
de Baleine,& qu'ilsne mangent
que de lachaircruë,ils
sont si puans qu'on les sent
de loin. Ils ne mangentleur
Betail que lorsqu'il est mort
de maladie
,
& ce leur est
un fort grand ragoust qu'une
Baleine morte ,
jettée par la
Mer sur le rivage, ou les
tri pes chaudes d'une Bê-
-
te. Ils les secoüent fort legerement
,
& les mangent
avec les ordures
,
aprés en
avoir osté les excremens,
dont quelques-uns se servent
pour se froter le visage. On
leur - a donné le nom de Cafres,&
les hommes &les femmes
n'ont qu'une peau coupée
en triangle pour se couvrir
ce que la nature apprend
à cacher. Ils se l'attachent
avec une ceintire de cuir au
milieu du corps. Quelquesuns
se couvrent les hanches
d'une peau de Boeuf ou de
Lyon. D'autres portent une
peau qui leur descend depuis
les épaules jusque sur les
hanches,& plusieurs se dé-
coupent le visage3 les bras:
& lescuisses
, & achevent
de se défigurer parlescaracteres
étranges qu'ilsy font.
LesFemmes portent aux bras
& aux jambes des Cercles de
fer ou de cuivre, que les Etrangers
troquent avec elles
toujours à leur avantage. Ils
demeurentende petites hûtes
où ils vivent avec leur
bétail fous un mesme couvert.
Ils n'ont ny lit,nysieges,
ny meubles, & s'asseient
sur leurs talons pous se reposer.
Ils nevont vers la Mer
,
que lors qu'ils sçaventqu'il
est arrivé quelque Navire,
& qu'ils peuvent troquer
leur betail. Ils ont aussides
peaux de Lyon, de Boeuf, de
Leopard, & de Tigre, qu'ils
donnent pour des Miroirs,
des Couteaux
,
des Cloux,
des Marteaux,des Haches,
& autres vieilles ferrailles..
Il est malaisé de découvrir
l'estat du Païs au dedans, ôc
les richesses qu'on y peut
trouver,àcause que les GouverneurHollandoisont
fait
faire ferment à tous ceux
qu'ils ont menez avant dans
les Terres, de n'en reveleraucune
chose,On a sçeud'un
Homme quia demeurelongtemps
dans la Forteresse que
depuis quelques années le
Gouverneur avoir esté avec
bonne escorte à plus de deux
cens cinquante lieuës pour
faire la découverte du Pays;
qu'ilavoir trouvé par tout
des Peu ples traitables, ôc
assezbienfaits, les Terres
fort bonnes & ca pables de
-
toute sorte de cu lture, ôc
qu'il y avoit ~desMi d'or,
de fer, & d'une espece de
cuivre où il entroit une septiéme
partie d'or. Onles
trouva chantans & dançans
& ilsavoient des manieres
de Flustes qui estoient sans
trous. Elles estoient creuses,
& une espece de coulisse
-
qu'ils haussoient ou baissoient
avec leurs doigts, faisoit
la diference des tons.
Ce Gouverneur avoit esté
conduit par un Cafre, & ce
Cafre ayant aperçeu deux
hommes de grande taille fqouri.s ven.oien,t à eux, s écria
alarmé
y
qu'ils estoient
perdus, & qu'il voyoit les
deux plus grands Magiciens
du Pays. Le Gouverneur
4
répondit qu'il estoit encore
plus grand Magicien qu'eux,
& qu'il ne s'étonnait point.
Les pretendus Magiciens s'étant
avancez, il sir aporter
un verre remply d'eau de
vie.On y mit le feu,& il lavala.
Ces Malheureux furent si
épouvantez d'un pareil prodige,
qu'ils prirent le Gouverneur
pour un Dieu, & Ce
mirent à genoux pour luy
demander la vie. Les Hollandois
ont fait un nouvel
établissèment au Cap. Il est
au bord de la Mer; mais ils.
le tiennent secret, ne vouIant
pas que les autres Nations
quiviennent s'y rafraischir,
en ayent connoissance.
Ce Cap est l'extremité de la
terre ferme d'Afrique, qui
avance dans la Mer vers le
Sud, à trente-six degrez au
delà de la Ligne.Cette extremité
de terre fut nommée
Cabo de Boa Speranza
, par
Jean II. Roy de Portugal,
fous lequel Barthélémy Dias
la découvriten1493 Ce Prince
la fit appeller ainsi à cause
qu'il esperoit découvrir
en fuite les richesses des Indes
Orientales, & les autres
Nations luy ont confirmé,
ce nom, parce qu a près que
l'ona doubléle Cap, quiest,
presque en distance égale de
deux mille cinq cens lieuës,
entre l'Europe & la Coste la
plus Orientale desIndes,on
a toute forte d'esperance de
pouvoirachever ce grand
Voyage.
Les Malades estant guéris
-' on fit du bois& de l'eau, on
acheta toutes les provisions
que l'onjugea necessaires
- pour aller à Batavia,& l'on
remit à laVoile le 7. de Juin,
après les Saluts donnez &
rendus de part & d'autre
comme onavaitfait en arrivant.
Cette seconde traver- senefut pas si douce que
la premiere. Les vents furent
violens,& la tempeste separa
la Fregate la Maligne du
Vaisseau de Mr l'Ambassadeur
,sans quelle pust le rejoindre
qu'auprés de Batavia.
Le 5. de Juilleton découvrit
l'Isle de Java,
-
& le 16. on
moüilla prés de Bantam. La
longueur del'Isle de Java est
de cent cinquante lieuës,
mais on n'a pas encore bien
sceu quelle est sa largeur.
C'est ce qui a fait croire à
quelques uns quecen'estoit
pas une Ble; mais qu'elle faisoit
partie du Continent que
l'on connoist fous le nom de
terre Australe au près du Détroit
de Magellanes. Les Habitans
pretendent que leurs
Predecesseurs estoient Chinois,&
que ne pouvant sousfrir
la trop severe domination
du Roy de la Chine, ils
passerent dans l'Isle de Java.
Ontrouveeneffet que les Ja- 1
vansontle front& les. machoires
larges,& les yeux pe- l
tits comme lesChinois. Il n'y t
àpresquepoint de Ville dans
Java qui n'ait son Roy, &
tous ces Rois obeissoient autrefoisà
un Empereur mais
depuis environ quatre-vingt
ans,ils ont aboly cette Souveraineté
,
& chacun d'eux
est indépendant. Celuy de
Bantam est le plus puissant.
de tous. La Ville qui porte ce
nom, estau pied d'une Montagne
de laquelle sortent
trois Rivieres,dont l'une traverse
Bantam
,
& les deux
autres lavent ses murailles y
mais elles ont si peu d'eau.
qu'aucune des trois n'est lia.
vigable.LesHollandois sont
maistres de cette Place depuis
peu d'années. Le Roy
de Bantam ayant cedé le
Royaume à son Fils, ce Fils
maltraita d'abord tous ceux
qui avoient esté considerez
de son Pere. Le vieux Roy
l'ayant appris luy en fit faire
des reprimandes, & le Fils
pour s'en vanger, fit massacrer
tous ces malheureux. Ce
différentalluma la guerre
entre le Pere & le Fils, & ce
dernier fut chassé. Dans cette
disgrace
,
il demanda du
secours aux Hollandois qui
le rétablirent & mirent le
vieux Roy dans une Prison
où ils le tiennent encore.
Tout se faitaunom du jeune
Roy
,
qui ay ant une grosse
GardeHollandoisetoujours
avec luy pour l'observer, n'a
pc pouvoirqu'autant que les
Hollandoisluy en laissent.
Le Vaisseau de Mrl'Ambassadeurn'entra
point dans le
Havre de Bantam, mais on
le laissa pas de prendre tous
es rafraichissemens. dont on
ut besoin
,
& ils furent apportez
à bord par ceux du
Pays. - -¡"., -,,-'-'f.
Le 18. on arriva devant Batavia
,
où l'on demeura sept
jours pour soulager les Malades
que l'on mit à terre.
Cette Ville est située à douze
lieuës de Bantam
, vers le
Levant dans une Baye
,
qui
estant couverte de quelques
petites Isles du costé de la
Mer, fait une des plus belles
rades de toutes les Indes.
Ce n'estoit d'abord qu'une
Loge que les Hollandois avoient
à Jacatra
,
& que le
Roy de ce nom leur avoir:
permis de bastir à causedes
avantages qu'il tiroit du de j
bit des Epiceries qu'ils y venoient
acheter. Le Roy de
Bantam leur avoit aussi permis
de bastir une Maison ou
Loge dans son Royaume,
pour y laisser les Facteurs qui
devoient veiller à la conservation
des Marchandises
dont ils trafiquoient. La
mesme permission avoit esté :
donnée aux Anglois, malgré
la repugnance qu'avoient les
Javans de souffrir aucun établissement
aux Estrangers
dans leur Isle, par lacrainte:
où ils estoient qu'ils ne les
traitassentavecla mesme rugueur
que les Portugais avoient
exercée contre les
Rois Indiens qui les avoient
receus chez eux. Les Traitez
que les Hollandois avoient
faits avec ceux de Jacatra &
de Bantam
,
regloient les
Droits d'Entrée &de Sorcier
mais comme ils haussoient
ces Droits àmesurequ'ils
voyoient que le Commerce
devenoit necessaire aux Etrangers,
la mauvaise foy
qu'ils eurent
5
obligea les
Hollandois à fortifier peu à
peu leur Loge de
-
Jacatra,
pour se mettre à couvert de I
la violence que leur pourroient
faire les Barbares
quand ils voudroient se
mettre à couvert de ces injustices.
LesIndiensnes'en
apperçeurent que lors que
la Loge futen estar de desense,
& ne pouvant plus se
décharger des Hollandois
par laforcey ils se servirent
de l'occasion de la mauvaise
ntelligence où ils les virent
Lvec les Anglois, & quiéclaa
principalement batNaval au Com- qui se donna entre
ux le 2. Janvier 1619. entre
acatra & Bantam. LaFlote
Angloise qui estoit d'onze
Ramberges
,
maltraita la
Hollandonise j , qui n'estoit,
composée que de sept Navires.
LesHollandoiss'étantretirez,
le Roy de Jacatra assiegea
leur Fort, auquel ils avoientdonné
le nom de Batavia.
Il se servit des Troupes
Angloises,qui après un Siege
de sixmois,furent contraintes
de l'ab andonnerles Hollandois
ayant renforce leur Flote,
des Navires qu'ils avoient
dans les Moluques. Le Roy
de Jacatrarejetta inutilement
sur lesAnglois la cause de ces
desordres, Le General Hollandois
se paya point de ces
excuses; Il fit débarquer ses
gens au nombre d'onze cens
hommes, attaqua la Ville de
Jacatray la prit de force, &
y fit mettre le feu. Aprés ce
succez,les Hollandoisacheverent
les Fortifications de
leur Loge, & en firent une
Place reguliere, à quatre Bâstionsrevestus
de pierre,bien
fossoyée&palissadée avec
ses demy-lunes, redoutes, ôc
autres Ouvrages. Le Royde
Matran
,
quiestoitcomme
l'Empereur de toute rIfle..
assiegea le Fort en 1628.& s'étant
logé fous le Canon, fit
donner plusieurs assauts à la
Place, mais il fut enfin contraint
de lever le Siege, aussibien
que l'année suivante,
& depuiscetemps là les Hollandois
y akr- étably leur
-
commerceavec lesChinois,
Japonois, Siamois, & autres
Peuples Voisins
,
se failanc
payer dix pour cent pour les
droits de laTraite-Foraine,
de toutes les Marchandises
qui s'y débitent. Ils sont
maistres de toute la Canelle
&du Clou deGirofle quiest
dans I
dans le monde,&envoyent
tous les deux ans un Vaisseau.
au Japon; mais ils n'ont presque
point de liberté en ce
lieu là. Si-tost queleurs Vaiffeaux
y sont arrivez, on 1.
prend leurs Voiles, leurs Agrés,
& tous lesMasts qu'on
met ians unMagasin &
quelque
tempsqu'il
puisse
Faire,on les oblige à partir au
OUI; qui leur est marqué.
Le Directeur du Comptoir
l'y peut estre que trois ans. 1
^.infi il y en a toujours trois,
'un quiva,l'autre qui revient,
( le dernier qui demeure.
On ne souffre point qu'ils
aillent dans le Pays, mais Us?
en rapportent tantde riches
ses, qu'ilssesoûmettent sans
peine à ce qu'on exige d'eux.
Le General Hollandois qui ij
està Batavia,n'est pas moins
puissant qu'un Roy. Quoy
qu'on ne l'élise General que 3
pour trois ans, l'élection se 5
confirme
,
& il est toujours 2
continué. Il a une Garde à i
pied & à cheval. Ses apoin- -
temens sont de quarre mille
francs par mois, & il prend h
tout ce qu'il veut dans les
Magasins sans rendre comp- -
se de rien. Il y a six Conseillers
ordinaires qui font toules
choses
,
& quand il en
meurt quelqu'un,c'est luy
qui luy nomme un Succes-
,- seur fous le bon plaisir de la
Compagnie.Son choix en elt
toujoursapprouve. Il yaaussi
des Conseillers extraordinaires
,mais quand on prend
leurs avis, on ne compte
point leurs voix, si ce n'est
sqeuil'lielrms anque un des six Conordinaires.
Ils sont
tous logez dans la Forteresse.
La Compagnie a dans ce
Pays-là plus de deux cens
Vaisseaux qui font tout le tra- 1 fie de l'Orient.Ondit que
les Hollandois y peuvent l
faireune armée de plus, de
cinquanteVaisseauxdeGuer- '-
re. Ils ont six Gouyernemens
Généraux, desquels dépendent
tous les Gouvernemens
particuliers de leurs Places,
& par consequent tous les
Comptoirs & Loges qu'ils
ont la en tresgrand nombre,
& dans tous les lieux où ils
croyent pouvoir trafiquer.
Mr l'Ambassadeur receut
toutes les honnestetez possibles
de ce General des Hbllandois,
quil'envoya visiter
à bord 7 j , &luy -Et porter toutes
fortes de rafraichissemens.
Quoy qu'il se fust excusé
de sortir de sonVaisseau,
comme il l'en, avoir fait
prier, il ne laissa pas de defcendre
à terre Incognito, ôc
d'aller voir les beaurez de
Batavia. Après avoir donné
quelques jours aux Malades
que l'air de la terre guerit en
fort peu de tem ps, il resolut
de poursuivre son Voyage;
mais comme aucun des Pilotes
n'avoit esté à Siam, il en
prit un du Payspour passer
le Détroit de Banca qui est
dangereux. Ce fut là que la
Fregate la Maligne le rejoignit
, ce qui fut à tous un
fort grand sujet de joye. Peu
de jours aprés, Mr d'Arbouville
Gentilhomme de Normandie
,mourut dans cette
Fregate, & il fut jetté à la.
Mer avec les ceremonies ordinaires
dans ces-tristes occa
fions. Les deux Mandarins
que l'on remenoit de France
à Siam
,
n'avoient sorty que
deux fois du trou où ils s'etoient
mis dans le Vaisseau
pendant tout y ce long Voyage
,
mais lors que l'on commença
a voirdeshommes
noirs vers ce Détroitde Banca,
ils monterentsur letillac,
& donnerent de grandes
marques de joye.
Le 3. de Septembre on repassa
la Ligne, & enfin le 14.
du mesme mois on moüilla
à la Barre de la Riviere de
Siam, qui est une des plus
grandes de toutes les Indes.
On l'appelle Menam, c'est à
dire, Mere des Eaux Elle
n'est pas bien. large , mais
elle est si longue, qu'on dit
qu'on n'a pû encore monter
jusqu'a sa source. Son cours
est du Nord au Sud.Elle f
passe par les Royaumes de
Pegu & d'Auva, & en suite
parceluy de Siam. Elle a
cela de commun avec le Nil,
qu'elle se déborde tous les
ans, & couvre la terre pen
dant quatremois. En s'en
retirant, elle y laisse un limonquiluy
donne lagraisse
& l'humidité dont elle a be.
foin pour la production du
Ris. Elle se dégorge dans le
Golse de Siam par trois grandes
embouchures, dont la
plus commode pour les Navires
& pour les Barques est
la plus orientale, mais ce qui
la rend presque inutile,c'est
uu Banc de sable d'une lieuë
d'étenduë, qui est vis-à-vis
de laRiviere,& qui n'a que
cinq ou six pieds d'eau avec
la basse Marée.Lahaute y
en amene jusqu'à quinze ou
seize; maiscen'e st pasassez
pour les grandsNavires qui
demeurent ordinairement à
la rade à deux lieuës de ce
Banc. Ils y sont en seureté,
& ont en tout temps six
brasses d'eau.Ainsi le Vaisseau
de Mrl'Ambassideur
demeura à cette rade, & la
Fregate qui prenoit moins
d'eau, passa sur le Banc avec
la Marée. Quand on l'apafsé
on peut entrer dans la Riviere
jusques à BancoK, qui
est une Ville éloignée dela
Mer de six lieuës. Celle de
Siam en cil: à vingt-quatre,
Si-tost qu'on eut mouillé à
cette embouchure, Mr le
Chevalier de Chaumont envoya
Mr Vachet, Miffionnaire
Apostolique, qui estoit
venu en France avec les
Mandarins de Siam
,
donner
avisdeson arrivéeàMr l'Evêque
de Metellopolis. Cette
nouvelle causa une extrême
joye au Roy de Siam. Il ordonna
aussi-tost qu'on prearast
toutes choses pour saie
une magnifiquereception
L Mr l'Ambassadeur, & nomna
deux Mandarins du prenier
Ordre pour luy venir
aire com pliment à bord.
C'est ce qu'apprit MrleChevalier
de Chaumont par Mr
Evesque de Metellopolis,
qui vint à bord le 29. avec
Mrl'Abbé de Lyonne. Cét
Abbé estoit passé à Siam en
581. avec Mr l'Evesque d'Heliopolis,
dont il y a quelques 1
mois que je vous appris la
mort. Son zeleestconnue,&
l'on peut juger par là dufruit
qu'il a fait en travaillant à la
Conversion desInfidelles.Le
lendemain les deux Mandarins
vinrentsaluer Mr l'Ambassadeur.
Il les receut dans
sa Chambre
,
assis dans un
Fauteüil
,
&ils s'assirent à la
mode du Pays sur des Carreaux
qui étoiét surle Tapis
de pied. Ilsluy marquerent
1 la joy e que le Roy leur Maîtreavoit
de sonarrivée,& dirent
qu'on luy avoir donné
une agréable Nouvelle,en
luy apprenant quele Roy de
France avoit vaincu tous ses
Ennemis, & donné ensuite
la Paix à l'Europe. Cette Audience
finie, on apporta du
Thé& des Confitures,& l'on
tira neufcoups de Canon à
leur sortie du Vaisseau.
Le I. d'Octobre,MrConstanceFavory
duRoy,envoya
son Secretaire avec des rafraichissemens
en si grand
nombre, qu'il y en eut pour
nourrir tout l'Equipage pendant
quatre jours. Mr Constance
est un homme d'un
fort grand merite, qui s'est
élevé par sa vertu au porte
où il est. Il est Grec,de Mie
de Cefalonie
,
& fut pris petit
Garçon par un Vaisseau,
où il fut fait Mousse. C'est
le nom qu'on donne à de
jeunes Matelots qui fervent
les gens de l'Equipage. On
le mena en Angleterre,&
il continua le service dans
les Vaisseaux. Il passa aux Indes,&
de degré en degré, il
devint enfin Capitaine de
Vaisseau. Il alloit à la Chine,
& au Japon, où il trafiquoit
pour le compte des Marchands.
La tempesteluy
ayant fait faire naufrage à la
Coste de Siam
,
il fut contraint
de semettreau service
du Barcalon, qui est un des
six grands Officiers de ce
Royaume. Son employ consiste
dans l'administration
des Finances. Le Roy de
Siam avoit alors un grand
démeslé avec ses voisins,
touchant un compte par lequel
on pretendoit qu'il demeuroit
redevable de fort
grosses sommes Les Siamois
n'entendent pas bien l'Arithmetique.
Mr Constance de-
-
manda à examiner tous les
Papiers que le Barcalon a-
, voit entre ses mains
,
& il
rendit le compte sinet, qu'il
fit connoistre non seulement
que le Roy de
-
Siam ne devoit
rien
,
mais que l'autre
Roy luy devoit des sommes
tres -
considera bles. Vous
pouvez juger dans quellefaveur
il se mit par là. Le Barcalon
estant mort peu de
temps aprés, le Roy le prit
JL son service ,&il est presentement
tout puissant dans
cet Estat. Il n'a voulu accepter
aucune des six grandes
Charges
,
mais il est sort diffusde au
tous ceux qui les
exercent
,
& il seroit dangereux
dene luy pas obeïr. Il
parle au Roy quand il veut, -
c'est un privilege qui luyest
particulier. Laprincipalede
ces grandes Charges rend
celuy qui la possede comme
Viceroy de tout le Rovau--»
me.elleest presentement
exercée par un Vieillard pour
cjm le Roy mesme a grand
:*e{peâ.-Il est son Oncle & a"
ïsté son Tuteur. Ce Vieilard
estsourd
,
& on luy par- eparile moyen d'uniennp
homme que l'on sait entrer,
& quien criantfort haut,
luy fait entendre ce qu'il faut
qu'il sçache. C'est un homme
de tres-bon sens, & on
s'est toûjours bien trouvé de
ses avis.
Le 8. Mr l'Evesque de Metellopolis
revint à bord avec
deux Mandarins plus qualifiez
que les premiers, qui furent
receus & saluez de la
>•
mesme forte. Ils venoient j
s'informer au nom du Roy
de la santé deMrl'Ambassadeur,
& l'inviter de descendre
à terre. Aprèsqu'ils furent
sortis du Vaisseau, cet
A mbassadeur se mit dans son
Canot, & sur le soir il entra
dans la Riviere avec les per-
»
sonnes de sa fuite, qui avoient
trouvédes Bateaux du
Roy pour les amener. A l'entrée
de cette Riviere estoient
cinqBalons sortmagnifiques
que le Roy avoit envoyez
pour le conduire à Siam. Ce
sont des Bastimens faits d'un
seul arbre. Il y ena qui ont.
cent pieds de longueur, &,
qui n'en ont que huit on
neufpar le milieu,quiest
l'endroit le plus large,& dans
lequel il y auneespece de
Trône couvert. Mrl'Ambassadeur
coucha ce soirlaà
bord de la Maligne, qui étoit
entrée dansla Riviere quelques
jours auparavant.
-
Le 9. deux nouveaux Mandarins
vinrent recevoir ses
ordres. Ils estoienthabillez
comme les autres, avec une
maniere d'écharpe fort large
depuis la peinture jusqu'aux
genoux, sans estre plissée.
Elle estoit de toile peinte,
& tomboitcomme une culote
Il y avoit au bas une
bordure fort bien travaillée,
!& des deux bouts de l'écharpe,
l'un passoit entre leurs
jambes, l'autre par derriere.
- Depuislaceinturejusqu'en
haut,ilsavoient une maniere
de chemise deMousseline
assez ample, tombant par
dessus l'écharpe, & toute ouverte
par le devant. Les
manches venoient un peu
au dessous du cou de
,
& étoient
passablement larges.
~ls avoient la teste nuë
,
ôc
~stoient sans bas & sans souiers.
La plus part de leurs
~alets n'avoient que l'éharpe
& point de chemise.
Onze Bateaux arriverent dej
Siam chargez de toutes sor- ni
tes de vivres. Mr Constance j
les envoyoit de la part du j
Roy,qui luy avoit ordonné t
de faire fournir aux Equipagestoutes
leschoses dontils
auroietbesoin pour leur sub- fl
sistance,pendant leur séjour.
Mr l'Ambassadeur s'étant "a
i < -
mis dans un Balon partità *'j
sept heures du marin, & apres
avoir fait cinqlieuës,
il arriva dans une Maison
bastie de Bambous, qui est
un Bois fort leger, & couverte
de Nates assez propresm
Il y avoir plusieurs Chambres
toutes tapissées de toiles.
peintes. Les Meubles en estoient
fort riches, & tous les
Planchers estoient couverts
de tres-beauxTapis. La
Chambre deMrl'Ambassadeur
estoit meublée plus
magnifiquement que les autres.
Il y avoir un Dais de
toile d'or, un Fauteüil doré,
&un tres- beau Lit. Deux
Mandarins, & les Gouververneurs
de BancoK& de
Pipely le receurent en cette
Maison, qui avoir esté bâtie
expres, ainsique toutes les
autres-où il logea jusqu'àson
arrivée à Siam. Il fautaussi
remarquer que les Meubles 1
de toutes ces Maisons estoient
neufs, & n'avoient
jamais servy. Il y eut un
grand Repas, aussi abondant
en viandes qu'en fruits.
Apres que l'on eut disné, Mr
l'Ambassadeur se remit dans
sonBalon, & arriva le soir à
BancoK, qui est la premiere
Place du Royaume de Siam
sur la Riviere. Un Navire~
Anglois qui se trouva à la
rade, le falüa de 21. coups de
Canon, & les deux Forteresses
ses qui sont des deux costez
de cette Riviere, tirerent
l'une 31. coups de Canon &
l'autre29. Il logea dans l'une
de ces Forteresses, en unf
Maison fort bien bastie, &",
que l'on avoit richement
meublée. Il y fut traité avec
la mefime magnificence.
Il partit le 10. à huitheures
du marin, & receut des Forteresses
le mesme salut qu'à
on arrivée. Il fut complimenté
avant son départ, par
eux nouveaux Mandarins
ui l'accompagnerent avec
~us les autres,auffi- bien que
le Gouverneur de Bancok.
Il trouva de cinq lieuës enn
cinq lieuës de nouvelles
Maisons toujours tres-commodes
,& fort richement
meublées
,
& arriva le 12. à"É
deux lieues de la Ville de
Siam. Il avoit plus de cinquante
Balons à sa suite, de i
cinquante jusqu'à cent pieds
de longueur, & depuis trente
jusqu'à six-vingt Rameurs..
Ilssontassis deux sur chaque *
banc,l'un d'un costé, & l'au-
-
tre de l'autre, le visage vers 2
le lieu où ilsveulent arriver..
Leurs rames sont longues de *
quatre pieds, lapluspart dorées,&
ils fatiguét beaucou p
enramant de cette forte. Il
- faut cependant fort peu de
chose pour les contenter.On
leur donne du ris qu'ils font
cuire avecde l'eau, &quand
on y ajoûte un peu de poisson,
on leur fait grand' chere.
Dans tout ce passageon rendit
à Mr l'Ambassadeur les
mesmes honneurs que l'on
rend au Roy. Il ne demeura
pei sonne dans les Maisons,
& comme toute la Campagne
estoit a lors inondée,tout
le monde estoit prosterné
dans desBalons, ou ssir<
des monceaux de terre élevez
à fleur d'eau,& chacun
avoir les mains jointes proche
le front. Devant toutes
les Maisons & Villages, il y
avoir une espece de parapet,
élevé de sept ou huit pieds
hors de l'eau avec des nates.
C'est ce qu'ils observent lors
que leRoy passe. Ils se jettent
le ventre contre terre, & par
respect ils n' osentjetter les
yeux sur luy. J'ayoublié de
vous dire que toutes les
Maisons où Mr l'Ambassadeur
logea, estoient peintes
derouge,ce qui est particu
lier aux Maisons du Roy.
On y faisoitgarde pendant
lanuit, & ilyavoit des feux
tout autour.
Le 13. Mr m'Ambassadeur
fit prier le Roy de luy vouloir
envoyer quelque personne
de confiance avec
qui il pust s'expliquer, parce
que les manieres de recevoir
les Ambassadeurs des Roys
d'Orient
,
estoient differentes
des Ceremonies que l'on
devoit observer en recevant
un Ambassadeur du Roy de
France. Mr Constance vint
à bord le lendemain
,
& ils
convinrent ensemble de
toutes choses.
Le 15 tout le Seminaire
de Siam vint saluer Mr le
Cheualier de Chaumont. Il
y avoit plusieurs Prestres venerables
par leur grande
barbe, & quantitéde jeunes
Chinois, Japonois, Cochinchinois,
Siamois & autres,
tous en long habit, & avec
une modestietres-édisiante.
Les uns sont dans les Ordres
Sacrez,&les autres aspirent
a y entrer.
Le 16. les Deputez de toutes
les Nations établies à
Siam au nombre de quarante
deux, le vinrentcomplimenter.
Ilsestoient tous habillez
à leur maniere, ce qui
faisoit un effet tres. agréable.
Lesunsavoient desTurbans,
les autres des Bonnetsàl'Arménienne,
ceux-cy des Calotes,&
quelques-uns des Babouches
comme les Turcs,
Il y en avoit qui estoient
teste nuë ainsi que les Siamois,
parmy lesquels ceux
qui font d'une qualité distingllée,
ont un Bonnetcomme
celuy d'un Dragon. Ilest
faitde Mousseline blanche,
& se tient toutdroit. Ils l'arrestent
avec un ruban qu'ils
passent tous leur menton.
Le 17. Mr Constance vint
voirles Presens que Sa Majesté
envoyait nu Roy son
Maistre
,
&il amena quatre
Ballons magnifiques pour
les porteràSiam.
Le 18. Feste de S. Luc,
M l'Ambassadeur sedisposa
à son entrée dés le matin, &
il commença par offrir à
Dieu son Ambassade
,
puisqu'elle
n'avoit esté resoluë
que pour sa gloire. Il fit ses
Dévorions avec sa pieté ordinaire
,
& ensuite il alla
:rouver deuxOyas& quaante
Mandarins qui l'attenloienc
dans la Salie. Les
Dyas sont comme les Ducs -
n France. Il prit la Lettre
lu Roy, & la mit dans une
Boëte d'or, cette Boëte dans
ne Coupe d'or, la Coupe
~DUS une sous-Coupe d'or, &
exposa ainsi sur la table, ou
stoitun richeDais. LesOyas
les Mandarins se profernerent
les mains jointes
11* lefront, levisage contre
rre, & salüerent trois fois
la Lettre en cette posture-
C'est un honneur qui n'avait
jamais esté rendu dans
ces fortes de Ceremonies.
Cela estant fait, Mr l'Ambassadeur
prit la Lettre avec
le Vase, le porta septouhuit
pas & l'ayant donné
à Mrl'Abbé de Choisyqui
marchoit un peu derriere.à
sa gauche,
il alla jusqu'a la
Riviere, où il trouva un Ba-
Ion très-doré
,
dans lequel
estoient deux grands Mandarins.
Alors il reprit la Lettre
du Roy, des mains de M
l'AbbédeChoisy,laportajusue
dans ce Balon & l'ayant
onnée à l'un desdeux Man-
~arins, ce Mandarin la mit
iixs un Dais fort élevé en
pince & tout brillant d'or.
* Balon où cette Lettre tmise
,
suivit ceux qui
~rtoient les Presens du Royeux
autres estoient de cha-
~e cofté
, & il y avoit.
~ux Mandarins dans chaa
pour garder la Lettre.
~tit autres Balons de l'Estat
Siam, tous fort magnifies
,
suivoient ceuxcy ,
Ôc
cedoient un tres -
super-
Balon où Mr l'Ambassadeurestoit
seul. Mrl'Abbé
de Choisy estoit aussi feullli,
dans un autre, & il y en avoit
de vuides qui servoient
d'escorte à droit& à gauche.
-
En suite parurenr quatreautres
Balons, où estoient les
Gentilshommes & les Officiers
de Mr l'Ambassadeur.
Dans d'autres estoientles
Gens de saisuite, tous fort
propres, & accompagnez de 3)
Trompettes & de dix-huit
hommJ.es de livrée. Elle cftoit
fort magnifique,&frap- -<j
pa les Siamois plus que l'or n
des Juste-au-corps. LesNations
étrangeres furent du
Cortege, & l'on ne voyoit
que Balons sur la Riviere.
Les grands Mandarins marchoient
à la teste en deux
colomnes. Le Balon oùef-
~oit la Lettre du Roy & les
leux Balons qui la garloient
avec celuy de Mr
»Ambassadeur
,
tenoient le
milieu. Si tostqu'il fut arrivé
terre, la Ville le salüa
, ce
qui ne s'estoit jamais fait
pour aucun Ambassadeur. Il
~ortit de son Balon,& ayant
~epris laLettre du Roy, illa
pic sur un Char de Triomphe
qui l'attendoit, & quiu
estoit encore plus magnifï--que
que que le Balon. On le ~fiéd
monter dans une Chaise ~déJj
couverte, toute d'or, & ~quoi,
dix hommes porterent. M"i\
l'Abbé de Choisy fut ~portôr
dans uneautre. Les~Gentils-?
hommes & les ~Mandainen
suivoient à cheval, & les/j
Trompettes, & tous les ~Genen
de laMaison de Mr~l'Am-rr
bassadeur alloient à ~piecVj
en fort bon ordre. Les Na~x,l
tions suivirent aussi à ~piedhz
On marcha de cette ~fortor;
dans une ruë assez longue, &&
largeà peu pres comme la
ruëdeS Honoré.Elleestoit
bordée d'arbres, & dune
double file deSoldats, le Pot
enrested'un metaldoré, leBouclier & ferentes au bras avec dif- armes, Sabres, Piques,
Dards, Mousquets,
Arcs & Lances. Ils estoient
nuds pieds., & avoient une Chemise rouge, avec une Echarpe de toile peinte qui leur servoit de culote, com-
~me j'ay déja marqué. Des Tambours sonnant comme des Timbales, des Musettes,
des manieres de petites Cloches,&
des Trompettes qui
nerendoient qu'un son des
Cornet,formoient une har- -
monieaussibizarre qu'extraordinaire.
Apres avoir passé
-
u
par cette ruë, on arriva dans 21
une assez grande Place. C'es- -
toit celle du Palais. On ~n
voy oit des deux costez plumesieurs
Elefans de guerre, & :),
des hommes à cheval habil- - lez à la moresque avec la
-
Lance à la main. Les Na- ~-
tions avec tout le restedu Il
Cortege,quitterent M'l'Am- -e
bassadeur en ce lieu là , à la Li
reserve de ses Gentilshom- -1
mes. Avant que d'entrer ij
dans lePalais, il prit la Lettre
du Roy qu'il remit entre les
mains de Mrl'Abbé de Choi-
(y. En suite on marcha à
pied fort gravement. Les
Gentilshommes & les Ovas
alloient devant en bon ordre.
On traversa plusieurs
Courts. Dans la premiereil
y avoit deux mille Soldats le
Pot en reste, & le Bouclier
lOfé) ayant devant eux leurs
Mousquetsfichez en terre;
ls estoient assis sur leurs taons.
Dans la seconde par~
uurreenntt tcrrooiiss cens CChheevvaauuxx-.
~en Escadron, avec plus de
quatre-vingts Elefans, & :
dans la derniere estoient : quantité de Mandarins le
visage en terre, & soute-
-
nu sur leurs coudes. Il y >
avoit six Chevaux dont 3
tout le harnois estoit d'une e
richesse que l'on auroit peine
à exprimer. Brides,Poitrails,
( Crou pieres,Courroyes
, tout 3
estoit garny d'or,& par des- -
sus il y avoit un nombre infiny
de Perles,de Rubis&de 3
Diamans, en sorte qu'on ne s
pouvoit voir le cuir. Les 2:
Estriers estoient d'or,& les v
Selles d'or ou d'argent. Ils EJ
avoient des anneaux d'or
aux pieds de devant
, &
estoient tenus chacun pardeux
Mandarins.On y voioit
aussi plusieurs Elephans richement
enharnachez,comme
des Chevaux de Carrosse.
Leur harnois estoit de velours
cramoisy avec des boucles
doréesLorsquel'on fut
arri vé auxdegrez de la Salle
destinée pour l' Audience,
Mr l'Ambassadeur s'arresta
avec Mr Constance qui l'cf---
toit venu trouver, pour donner
le tem ps à ses Gentilshommes
d'entrer avant luy
dans cette Salle. Ils y entrerent
à la Françoise, & s'assirent
sur de superbes Tapis,
dont tout le plancher estoit
couvert. Les Mandarins &
tous les Gens de la Garde se
placerent de l'autre costé, &
pendant ce temps le Barca-
Ion dont on n'avoit point
encore entendu parler, entretenoit
Mr l'Ambassadeur
au bas du degré. Il luy dit
qu'a la nouvelle de son arrivée
ala Barre de Siam, il avoit
eu envie de l'aller trouver,
mais que les Affaires de
l'Estat ne luy en avoient
point laissé le temps. Ce
compliment estoit à peine
~Un y
>
qu'on entendit les
Tronl pettes&les Tambours
~lu dedans. Les Trompettes
lu dehors répondirent à ~niit,quifaisoitconnoistcree
~ue le Roy montoit à son
~trône. En effetil parut dans
e moment, & à mesme
~nips tous les Mandarins se
~ofternerent" pat terre les
ains jointes, suivant leur
~»ultumé.' Les François le
~üerenr, mais sans se le.
~r de leurs places. Alors
~Confiance&leBarcalpn.
entrerent dans la Salle les
pieds nuds
,
& en rampant
sur les mains & sur les genoux.
Mr l'Ambassadeur les
suivit
, ayant à sa droite Mr
l'Evesque de Merellopolis,
&à (a gauche M l'Abbé de
Choisy
,
qui portoit le Vase
où estoit la Lettre du Roy.
On tient qu'il pesoit du
moins cent livres, & il l'avoit,
toûjours eu entre les.
mains depuis qu'on l'avoir
tiré du Char de Triomphe.
Il estoit en habit longavec
un Rochet, & son ~manteaux
par dessus.Mrl'Ambassadeurs
osta son chapeau sur le dernier
degré dela Salle, & appercevant
le Roy dés qu'il
fut entré,il fit une profonde
\- reverence. Mr l'Abbé de
Choisynefalüa pas , parce
qu'il portoit la Lettre du
Roy.Ilsmarcherent jusqu'au
milieu de la Salle
, entre les
François assis sur les ta pis dit
Plancher & deux rangs de
grands Mandarins prosternez,
parmy lesquels il y avoit
deux Fils du Roy de
Chiampa
,
& un Frere du
Roy de Camboie, Mr l'Ambassadeur
fit une seconde reverence
,& s'avançant toujours
vers le Trône; lors
qu'il fut proche du lieu où
estoituneChaise à bras
qu'on luy avoir preparée, il
en fit une troisième, & commença
sa Harangue,ne s'asseiant
Ôc ne mettant ion chapeau
qu'aprés en avoir prononcéle
premier mot. Il dit
au Roy de Siam
,
£hte le Roy
son Maistre, fameux par tant de
Victoires, & par la paix qu'il
avoit accordée tant de fois à jes
Ennemis, luy avoit commandé
de venir trouver Sa Majesté aux
extremitez de l'Univers
, pour
luyi
w
wy pfeflnter des marques de jon
ejftme, er l'afj-rcr de son amitié
; mais que rien nefloit plus ca..
fable d'unir deux sigrands Princes
t que de vivre dam les fntinjem
dune mtfrne croyance; que cestoitparticulièremint ce que le
Roy son Maiflreluyavot recommandé
de rrpYl/ enter à Sa
Al.siesté
;
Quele Royleconjuroit
Par l'interef}quilpi non: à ra
véritable gloire
)
de co?1.fidrer
tjue cettesuprême A/fcjefit dont il
ijloit revcjîu sur Li Tcrre
, ne
wàuvoit venirque 'u vr yT)iru dire, du Di u Tout puiss
ant ,
Eternel Infiny
,
tel que
Ses Cbreftiens le reconnoijfent*
qui seulfait regner les Roys,&
réglé lafortune de tous les Peuples
; Que c'efloit à ce Dieu du
Ciel & de la Terre qu'ilfalloit
soumettre toutessesgrandeurs,
non a ces 'Vi'Vinitez qu'on adore
dins l'Orient,rItr dont Sa Maje/
lequi avoittantde lumierese
de pénétration
, ne pouvoit manquer
de voir l'impmjfance. Il finieen
disant,quelaplus agreableNouvelle
quil pourroit porter
au Roy [on Maigre
y
feroit que
Sa Majeftéperfuadée dela veri.
té,sifaisoitinstruire dms la ReligionCbrejhenne
; que cela cimenterott
a jamais iejnme &
iamitié entre les deux Rays ; que
iesFrançoisviendraient dans fort
Royaume avec plus d'empreffimentg)
de confiance,&quâinfi
ea Majefié s'attireroit un honheur
eternel dans le Ciel, après a.
suoit régnéavec rant de prosperité
surla Terre.
- Mr TAmbassadeurprononça
cette Harangue toûjours
assis,& sans oster son Chapeau
, que lors qu'il nommoit
quelqu'un des deux
Roys. Mr Confiance en fut
l'Interprete, & se prosterna
trois fois avant que de corn»
mencer. Aprés quoy M41le
Chevalier deChaumont prit
la Lettre de Sa Majesté des
mainsde Mrl'AbbédeChoisy.
Le Vase où onl'avoitenfermée,
estoit soustenu d'un
grand manche d'or de plus
de trois pieds de long. Ils'avança
jusqu'au Trône, qui
estoitune manieredeTribune
assez élevée dans une fenestre
de la Salle,& il presenta
le Vase sans hausser la
main. Mr Constance luy dit
qu'il prist la Coupe par le
baston, mais il n'en voulut
rien faire. Le Roy se mit à
rire
,
& s'estant levé pour
prendre le Vase, il se baissade
maniere qu'on luy vit
plus de la moitiédu corps. Il
regarda la Lettre qui estoit
dans une autre Boëte d'or
que ce Princeouvrit. Il avoir
une Couronne toute brillante
de gros Diamans, avec un
Bonnet comme celuy d'un
Dragon, qui se tenoit droit,
artaché à la Couronne. Son
Habit estoit une maniere de
Juste-au-corps d'un Brocart
d'or, dont le fond estoit UEP
rouge enfoncé. Ce Juste-aucorps
luy serroit le col & les
poignets, & aux bords il y avoitde
l'or&desDiamans,qui
faisoient comme un collier
& des bracelets.. Il avoit aux
doigts quantitéde Diamans.
LaSalle de l'Audience étoit
elevée de douze ou quinze
degrez.Elle estoit quarrée &
assez grande, avec des fenestres
fort baffes de chaque
coste. Les murs estoient
peints, & il y avoit de grandes
Fleurs d'or depuis le
haut jusqu'au bas. Le platfond
estoit orné de quantité
de Festonsdorez, Deux
Escaliers conduisoient dans,
une Chambre ouestoit le
Roy, & au milieu de ces Escaliers
estoit une fenestre
brisée, devant laquelle on
voyoit troisgrands Parasols
par étages qui alloient jusqu'auPlat
fond,l'étoffe estoit
d'or,& une feüille d'or couvroit
le baston. L'un de ces
trois Parasols estoit au milieu
de la fenestre, & les deux:
autres aux costez. Ce fut par
cette fenêtreque leRoyparla,
Mr le Chevalier de Chaumont
estant retourné en [a'v
place, apres avoir donné la
Lettre de SaMajesté, ce qui:
futune grande marque de
distinction pour l'Ambassadeur
du Roy de France, les
Roisd'Orient ne prenant
aucune Lettre desmains des
Ambassadeurs, Sa Majesté
Siamoiseluyditqu'Elle recevoit
avec grande joye desmarques
de l'estime&del'amitié
du Roy & qu'il luy
seroit fort agréable de luy
faire voir en sa personne
combien elles luy estoient
cheres. Apres celaMrl'Am-
-
bassadeur luy montra quelques
Presens du nombre de
ceux que le Roy luy enroyoit,
& luy- presenta Mr
'AbbédeCkoify5&lesGen-
- iishommes. Ce Prince luy
larIa des Ambassadeurs qu'il
voit envoyez dans le Soleil
Orient, & demanda des
ouTelles de la Maison
.oyale, & ce qui se passoit
n Europe. Mr FAmbanaeur
répondit que Sa Mailsatcée,
apresavoir pris la forte
de Luxembourg avoit
oligél'Empereur,, les Espanols,
les Hollandois, & tous
s Princes d'Allemagne à
gner avec luy une Tréve
3 *
: vingtans. Il fit encore
d'autres Questions sur lesquelles
Mr l'Evesque de Metellopolis
servit d'Interprete,
& apres que M l'Ambassadeur
y eut répondu, on tiraun
Rideau devant la Fenestre
de la Tribune. Ce fut par
là que l' Audience finit. Elle
dura plus d'une heure, &
les Mandarins demeurerent.
prosternez pendant tout cor
temps. Ils avoient tous un.
Bonnet,mais sansCouronne,
& chacun d'eux tenoit une
Boëte, pleine de Betel &
d'Areque, dont ils usentencore
plus que nous ne faions
icy de Tabac, C'estpar
diference de ces Boëtes.
u'on peut distinguer leurs
ualitez.
Au sortir de l'Au dience,
Mr l'Ambassadeur fut conuit
dans le Palais, où il vit,
Elefant blanc. On luy rend
e grands honneurs, & on.
regarde comme une Diviité.
Quatre Mandarins sont
ûjours aupresde luy. Deux
ennent un Eventail pour
nasser les Mouches, & les
eux autres un Parasol, afin,
empescherqu'il ne soit inommodé
du Soleil.Ilest
servyen Vaisselle d'or.
-
One
en éleve un petit qui sert
son Successeur.. Lors qu'il 1
besoin de se laver, on le .me-si
ne à la Riviere, & alors les
Tambours &les Trompetes
marchentdevantluy. Dans
l'endroit où on le lave, il )(
a une espece deSale couverte,
destinée pour cet usage
Il y a eu autrefois de grandesGuerres
pour l'Eléphant
bbllanc '1 f1. 1 1 ,v,
,
& il a cousté la vie iî i
plus de six cens mille personnes.
Le Roy de Pegu
ayant appris que cet,Animal
estoit possedé par le Roy
e Siam,luy envoya une
mbassade des plus solembiles
pour le prier de le
lettre à prix, s'offrant d'en
lyer ce qu'il voudroit. Ce
t en 1568. Le Roy de Siam
rant refusédes'en défaire
luydePegu leva une Arée
d'unmillion d'hommes
en aguerris
,
dans laquelle
y avoit deux cens mille
hevaux
,
nans cinq mille Ele- ,
& trois mille Chaeaux.
Quoy que Pegu soit
Digne de Siam de soixante
cinqjournées de Chaeau
,
il ne laissa pas avec
cetteredoutable Armée, de
venir amener son Ennemi
dans laVille Capitale. Il
prit& laruinaentierement
s'estant rendu Maistre de se
Trésors, de sa Femme & db
ses Enfans, qu'il emmena i
Peguavecl'Eléphant blancs
Le Roy de Siam se défen
dit jusques à l'extremité, &
voyant sa Ville prise
,
il fl
jetta du haut de son Palais
en bas, d'où il fut tiré crû
pieces. Quelques-uns écrin
vent que le Siege dura vingt
deuxmois,&que cette guerre
re couta plus de cinq cen
mille hommes au Roy de
Pegu. Jugezcombien il en
dût perir ducosté des Siamois.
Les Indiens trouventquelque
chose de Divindans l'Elesant
blanc. Ils disent que
ce n'est pas feulement à
cause de sa couleur qu'ils le
respectent, mais que sa fierté
leur fait connoistre qu'il veut
qu'on le traite en Prince,
Sr. qu'ils ont remarqué plurieurs
fois qu'il se fâche,
quand les autres Elefans
nanquent à luy rendre
'honneur qu'ils luy doivent.
Apres que l'on eut fait
voir cet Elefant à M l'Am—r
bassadeur, il fut conduit àssi
l'Hostel qu'on luy avoitpreparé.
Par toutoù il passa, illi
trouva des Elefans avec les
Soldats qui bordoient les
chemins en tres-bel ordre,s
Quelques Troupes,& plusieurs
Mandarins montez sur
des Chevaux ou sur des Elesans
magnifiquementenharnachez,
marchoient devant
luy, & grand nombres
d'autres suivoient par hon- -c
neur, Ainsi il ne manqua &r
rien à cette Entrée pour la d
rendre très superbe. Tous
Siam joüit de ce grand Spectacle,&
ce qu'il y eut de surprenant,
c'est que tout le
monde estoit prosterné,comime
si le Roy eust passé luymesme,&
cela sefitavecun
si grand respect, que l'onnentendoit
personne cracher,
tousser, ny parler. Les
ordres du Roy avoient elle
donnez pour cela, ce qu'il
n'avoit jamais fait pour d'autres
Ambassadeurs. Il est remarquable
que les Siamois,
Rapportent aucun desous en
laissant, & qu'on ne voir
parmy eux, ny Boiteux, ny
Bossus, ny Borgnes. S'il y a
quelques Aveugles, ils ne le 1
font que pour avoir estécon- j damnez à cette peine pour
quelque crime commis.
La Ville de Siam, que î
quelques uns apellentIndia J
d'autres Iudia, est la Capitale
du Royaume, & l'une des j
plus grandes & des plus peuplées
de toutes les Indes. Ses 1
Remparts sont environ de z
trois toises de hauteur,&elle
a des Bastions de toutes les aj
sortesde plats, de coupez & al
desolides. La Riviere deMenam
qui y coule enhuit enadroits,
y forme deux Isles,
Elle a plusieurs belles Ruës,
& des Canaux qui sont assez
regulierement tirez. La plus
belle est celledesMores. Ce - qu'ils a ppellent le Quartier
de la Chine est aussi tresbeau.
LesMaisons ne sont
pas laides, & il y en a sort
peu où l'on ne puissealler
enBatcau. Surtout les Temples
& les Monasteres sont
tres-bienbattis. Ils ont tous
les Pyramides dorées qui
ontun très bel effet de loin
;zs, Faux-bourgs, des deux
costez de la Riviere sont
pour le moins aussi grands
& aussi ornez de Morquées
& de Palais que la Ville mesme.
Celuy du Roy est d'une
si grande estenglue, qu'on
le pourroit prendre pour une
seconde Ville. Il ases Remparts
separez ,& les Tours
qui l'environnent en grand
nombre sontfort élevées,
& très-magnifiques..
Mr le Chevalier de Chaumont
trouva au lieu où il sur
conduit,des Mandarins qui
estoient degarde
,
& que
l'on avoit chargez defaire
fournir tout ce qui luy seroit
necessaire pour sa dépense.
Le 19. Mr Confiance fit assembler
tous les Mandarins
Etrangers
,
& leur declara
que le Roy son Maistre vouloit
qu'ils se rendissent tous àl'Hostel de Mrl'Ambassadeur
,
afin qu'ils fussenttémoins
de la distinction avec
laquelle il traitoit le Roy de
France, comme estant un
Monarque tout- puissant, &
qui sçavoit reconnoistre les.
donneurs qu'on luy faifoir.
Ces Mandarins répondirent
qu'ilsn'avoient jamais veu
d'Ambassadeur de France;
mais qu'ils estoient fort persuadez
que cette distinction
estoit deuë à un Prince aussi
grand, aussi puissant, &
aussi victorieux que celuy
qui regnoit sur les François,
puisqu'il y avoit long-temps
que ses Victoires estoient
connuës par tout l'Orient.
Ils allerent aussi-tost salüer
Mr l'Ambassadeur, & le mesme
jour Mr l'Evesque de
Metellopolis se rendit au
Palais où le Roy l'avoit mandé
pour interpreter la Lettreque
Mr le Chevalier de
Chaumont luy avoir donnée
e jour precedent. Envoicy
es termes.
LETTRE
DU ROY
TAU ROY DE SIAM. RES HAFT, TRES PVISSANT,
TRES. EXCELLENT,
ET TRESMAGNANIMEPRINCE,
ET NOSTRE
;H'ER ET BON AMr, DIEV
rEVIllEAUGMENTER VOS-
-RE GRANDEVR AVEC YNE.
rIN HEVREYSE.
Nous 4ious appris avec déplaisir
la perte des mbfadeurSI
que :~ nous envoyajîa en1681. -
&Nous avons cflé informe^par
ItiPreflres Mijjionnaires quifont 1
njen;$ deSian
, C. par les Letj
très nueno?Adimlhts ont reteuës j
de h p.irt de celiiya qui vous 1
confia VO) pnncipules affaires e>rijffpm-nr 3, avec leCjnA vous
Joubair.'XnojhramneRoyale.
Ccflpouryfartsfa'rcque nous
avons choisy le Sieur Chevalier'
de Chaumontpouy nolire Ambaf-
Jadeur,quivous apprendra plusparticulièrement
nos intentions9
sur tout ce qui peut contribuer àK
ejldlirpout toujours cette amitié
fi/ide
fllidr entre nous.CependantAlc,
ferons tres-ais de trouver les
occûfons de tous témoigner la
reconnoijjance avec laqui lie nous
avons appris que vous conrznuez
a donner voflre protcfhon aux E-
'Vesques, cm euxautres ÀdiJJionnaires^
potfohcj'ei, quitravaillenta
linflrufliondetosSujets
ians laRetio-ion Cbjeflien,,,e,
lotreefiimep meulièreincurvons
Wus fait desirer ardernn em que
}OKS 'Vur¡fluZ bien vous-mfmc
k écouter) Çj7 apprendre d\u,x ïvéritables À^aximas @r les
fistres f^cre-^dune si fat.te
9y, dans laquelle un a la LulMijfance
du vray Dieu,qui Jîufa
peutJaprés TOUS avoirfait rtgnem
long temps & glorieusement (un
vos Sujets ,
101.$combler d'u
bon heur eternel. Nous avenui
chargénoflreAmb^Qaieur dese
choses les plus curreujes de noftrt
Royaume, qu'il vous prejenter
comme unemarque de noflre ePi_j
me
y
& il vous expliquera aussi
ce que nous pouvons Jfjinr dt
voui pour l'avantage du Com-A
merce de nos Sujets.Sur ce,Afousm
prions Dieu qu'ilvueilleaugmentas
tervoftre Grandeur avec toute fin^\
heureuse. Ecrit en Noflre Cha.X
(eaU Royal le u. Janvier168
Vostre tres cher & bon Amy,
LO VIS, & plus bas COLBERT.
Quelques jours a pres,
le Roy envoya des Presens
à Mr l'Ambassadeur,
sçavoir plusieurs pieces de
Brocart, des Robes du Japon,
une garniture de Boutons
d'or, & diverses curiositez
du Pays. Il y en eut
aussi pour Mr l'Abbé de
Choisy
,
& pour les Gentilshommes
François.
Le 2,5. il fut mené à une seconde
Audience dans une
Salle à costéd'uneautre où
,eHoir l-e Roy. Le disçours étant
tombé sur la Famille
Royale, Mr l' Ambassadeur *>
dit au Roy de Stam que lu-
- nion y estoit sigrande, que
Monsieur,Frere unique de Sa
Majesté,avoitgagné une
grande Bataille pour le Roy v
sonFrere, contre les Ennemis
liguez,& commandez s
par le General des Hollandois
, qui avoient le plus de s
Troupes danscette Armée;à
quoy le Roy de Siam répondità
peu prés en ces termes.
Je ne m'étonne point que le Roy \(
de France ait réüssidanstoutesses
r entreprises,puis qu'ilaun Frere
l
si bien uny avec luy.La desunion
ejb ce qui renverse les Etats. lec"
sçay les malheurs qu'elle a causez
dans la Famille Royale de Matran
, & dans celle de Bantam,
&sçache le Grand Dieu du Ciel
ce qui arrivera de la mienne.Ce-
Roy a deux Freres ,dont lais-
Xïéfiir tout est tres-remuant.
Il a trente-sept ans, & est
fort incommodé de sa Perfodne.
Peut-estre l'a t'on mis
en cétestat afin de tenir (on.
ambition dans l'impuissance
d'agir. Le plus jeune est
moins âgé de dixans. Il est
muet , ou il fait semblant de
l'estre. Ils ont chacun leur
Palais,& leurs Domestiques,
& ne voyent le Roy leur
Frere que deux fois l'année.
Le Roy peut avoir cinquante
cinq ans. Il est bazanné
de , moyenne taille, & a les
yeux noirs, petits
,
& fort
vifs. Outre deux Oncles qui
sont fort vieux, & dont l'un
luy a servy de Tuteur, il a
des Tantes qui n'ont jamais
esté mariées. Cette seconde
Audience dont j'ay déja
commencé à vous parl er , finit par une matiere de Religion
qui n'eut point de suite.
Mr l'Ambassadeur dit au
Roy, que le Roy son Maître
ne souhaitoit rienavec
plus d'ardeur que d'apprendre
qu'il consentist à se faire
instruire par les Evesques &
Missionnaires qui estoient
dans ses Etats. Il se leva, ôc
ne fit point de réponse. Lors
qu'il se fut retiré, Mr Constance
mena Mrle Chevalier
de Chaumont dans le Jardin
du Palais, où le disner
estoit preparé, Son Couvert.
estoit en Vaisselle d'or; tous
les autres furent servis en
Vaisselle d'argent. Le Grand-
Trésorier, le Capitaine des
Gardes, & d'autres grands
Mandarins servirent à table.
Lerepas dura trois heures,
& l'on allavoir delà l'Estang
du Jardin
,
où il se trouve
plusieurs poissons curieux.
Ilsenvirentun entre autres
avec un virage d'homme.
Le 26. Mr Constancerenditvisite
à Mr l'Ambassadeur.
La Conversion du Roy
fut le sujet de leur entretien.
Mr Constance yfit paroistre
de grandes difficultez
,
sur
ce qu'il seroit tresdangereux
de donner pretexte à
une revolte, en voulant
changer une Religion establie
& professéedepuis tant
de Siecles. Illuy fit connoîue
que leRoyavoit un Frere
quine cherchoitqu'à broüiller;
que c'estoit toûjours
beaucoup que Sa Majesté
permist qu'on enseignast la
Religion Chrestienne dans
son Royaume; qu'illafalloit
laisser embrasser aux Peuples
&aux Mandarins mesme,
si quelqu'un d'entr'eux
vouloit se faireChrestien,
8c qu'avec le temps les choses
pourroient prendre une
autre face.
Le29. Mr le Chevalier de
Chaumont alla visiter le Barcalon,
qui dans les honneurs.
qu'il luy Et rendre le distingua
desautresAmbassadeurs,
ainsi qu'avoit fait le Roy. Mr
l'Evesque de Metellopolis
l'accompagna dans cette visite
, & leur servit dInterprete.
Le 30. on alla au Palais
pour voir ta grande Pagode.
C'est ainsi que les Siamois
appellent leurs Temples
mais ils ne laissent pas de
donner aussi le nom de Paggooddeess
àà leurs Idoles. En pas- Isant
par la premiere Court,
Mr l'Ambassadeur eut le divertissement
d'un combat de
deux Elephans On les avoit
attachez ensemble par les
jambes de derriere
,
& deux
hommes estoient sur chacun,
de ces Animaux, l'un sur le
col
,
l'autre sur la crou pe. Ils
esanimoientavec un croc, lui leur servant d'aiguillon,
es faisoit tourner comme ils
ouloient. Ce Combat ne
onsista qu'en des coups de
ent & de trom pe. On dit
ue le Roy y estoit present
mais il ne se laissa pointvoir.
Les Elephans ont beaucoup
d'intelligence& onleur fait
comprendre aisément tout
ce qu'on leur dit. De cette
Court on passa dans plusieurs.
autres avant que de trouver
la Pagode. Le Portail en est
antique, de assez bien travail.
lé.C'estuntres-beau bastimens
, dont l'Architécture
est presque semblable à celle
de nos Eglises. Les yeux
furent fra ppez enentrant,de
plu sieurs Statuës - de cuivre
doré, qui semblent offrirun
Sacrifice à une grande Idole
qui est touted'or.Elle a quarante
pieds de longueur,
douze de largeur
,
& trois
pouces d'épaisseur. Son poids
est de plus de douze millions
d'or Dans-une guerre où
ceux de Pegu conquirent
presque tout leRoyaume de
Siam, ils couperent une
main à cette Idole. Elle a
icihe remplacée depuis. Aux
deux costezdecette Pagode,
il y a plusieurs autres petites
Idoles dont la plus grande
partie est d'or. Des Lampes
Allumées depuis le haut jusqu'au
bas, font voir dans
quelleveneration elles sont Au fond est une autre Idole
en forme de Mausolée. Elle
est d'un prix extraordinaire.
Parmy ce grand nombre on
en voit une qui bien qu'assise
les jambes en croix,asoixante
pieds de haut. De cette
Pagode M"1"Ambassadeur
alla dans une autre qui en
dépend, & pour y aller, il
passasous une voûte qui est
en forme de Cloistre. D'un
costé de cette voûte,il y avoit
de deux pieds en deux
pieds des Idoles toutes dorées
,& devant chacune bruloituneLampe
queles Talapoins
ont soin d'allulller
0,«Zous les soirs. Dans cette seconde
Pagode Mr l'Ambasfadeur
vit le Mausolée de la
Reyne dccedée depuis quatre
ans, & celuy d'un Roy
de Siam, representé par une
grande Statuü couchée sur
le costé. Il est habillé comme
le sont les Roys de ce
Pays là aux jours de Ceremonies.
Cette Statuë qui est de
cuivre doré
, .a vingtcinq
piedsde longueur. En d'autres
endroits font quantité
de Statuesd'or & d'argent,
avec des Rubis & des Diamans
aux doigts, La princi- pale - beau ré de toutcelaconsiste
dans les richesses,la-plus
grande partiede cequ'il y a s
de plus precieux dans le
Royaume, estantrenfermée
dans les Pagodes. Au sortir
de là, Mr l'Ambassadeur vit i
les ElephansduRoy qu'il fait i
nourrir au nombre de plus 2
de dix mille. Il vit aussi une i
piece de Canon de fonte q
fonduë à Siam qui est de s
vingt-quatre pieds, & qui a j
quatorze pouces de diamet-
-
tre par l'embouchure.
-
Le 3I. - on fit de fort grandies
réjoüissance pourle coueiincirient.
du. Roy de Portugal.
On tira quantitéde
f J
coups de Canon,&il y eut le
f*ir un feu d' Artifice.Cesréiouiflincesfurentcontinue'es
»
u lendemain,premierjour.
[^Novembre
, par Mr Con- rance qui donna un grand
'dhrT, où MrAmbassadeur
.le invité. Il s'y trouva avec
put ce qu'il y avoit d'Euroéens
dans la Ville. On n'enfndit
que coups de Canon
ifqua la nuit,& on tira
ujourssans discontinuer.
Tous les Bastimens qui é- -
toient sur la Rivierre
,
tirerent
aussi après le repas,
qui fut suivye d'uneComedie
de Chinois,&: d'un autre
Divertissement,façon de -j
Marionnettes. Il y eut quelque
chose d'assez surprenant
& de singulier dans cette
Feste. î
Le 4. de Novembre Mr
Constanceavertit Mr l'Ambassadeurque
leRoy devoit
sortir pour se rendre àune
Pagode,où il a accoûtumé
d'aller tous les ans. Comme
ce jour estoit un de ceux Otli
il se montre à ses Peuples,la
mSeremonie meritoit qu,'on
empressa pour la voir. On
e conduisit dans une Salle
ue l'on-avoir pre parée sur
eau pour luy donner ce
laisir. D'abord il passaun
rand Balontout doré,dans
quel estoit un Mandarin
si venoit voir si toutestoit
en dans l'ordre. Il fut suisde
plusieurs Balons rem- des plus qualifiez des
andarins, tous habillez de
ap rouge. Ils doiventestre
tus de mesme couleuren
pareils jours, & c'estle
y qui choisit cette couleur.
Ils avoient des bonnets <
blancs dont la pointe estoit j
fort élevée.Les Oyas étoient
distinguez par un bord d'or
qu'ils avoient a leurs Bon- J
nets. Je ne parle point de a
leur écharpe;elleestoit telle b
- que je l'ay déjàdécrite. On 11
vit paroistre aprés eux quan- titédeMandarins du second J]
ordre, des Gardes du Corps,
&piusieurs Soldatsqui oc<~
cuperent les ailles. Le Roy
estoit dansun Balonmagnisique,
à chaque collé duque
il yen avoit un autre qui nC.
-
toit pas moins brillant. Ce
trois Balons estoient plis rem- de Sculpture,& dorez
jusque sous l'eau. Je
1
vous
en a y déja tant parlé que
vous ne ferez pas fachéed'en
voir quelques uns dans cette
Planche, où j'en ay fait graver
quatre. Vous vous fou.
viendrez que je vous ay dit
qu'ils estoient fort longs, &
aits d'un seul arbre. Leur
ongueur est cause qu'il y a
n grand nombre de Raleurs
,
& qu'ils vont fort
ste. Quand les Rameurs
nantent , ce qu'ils fontsouet,
ilsemble que leurs rames
s'accordentavecleurs voix, JI
& qu'ils battent la mesure *
dans l'eau. Le Balon que
vousvoyez gravé le premier,
est celuy dans lequel estoit la
Lertre de Sa Majesté. Il eitJ
ce qu'ils appellent à trois
T'oirs, & ceux-là sont les
plus considerables. Je croy
mesme qu'ils sont particuliers
pour le Roy, & qu'il
n'est permis à personned'en
avoir. Vosyeux vous feront
voir aisément la diference
des autres, qui n'est
que dans le plus ou moins 1
d'élevation de l'espece de. I
petite Loge qui est au miieu.
Quand il pleut, on (e
netdans cet endroit qui approche
beaucoup des Bans
avec quoy l'on jouë iCYh
les Rameurs du Balon où
stoit le Roy, & des deux
utres qui luyservoientd'act)
i-n-pacrniement,efloienthaillez
comme les Soldats, h
reserve qu'ils avoient une.
aniere de Cuirasse, &de
asque enteste,quel'ondiit
estre d'or. Ils estoient
t nombre de cent quatrengt
sur chacun de cestrois
lons, a,yec-- des Rames.
toutes dorées, & sur ceux
des Mandarins il y en avoit
cent ou six-vingts. D'autres
Gardes du Corps suivoient
dans d'autres Balons, & alloient
devant d'autres Mandarins
qui faisoient l' Arriere
garde, de forte que le Cortege
estoit du moins de deux
cens Balôns. Toute la
Riviere enestoitcouverte,
& il y avoit plusde cent
mille personnesprosternées
& dans un profond silence,
pour joüir de la permission
qu'on avoit de voir le Roy
ce jourla; car en d'autres
temps
temps il faut qu'on s'éloigne
par respect, & ceux qui se
trouveroient à son passage
seroientpunis fort severement.
Ilavoit un Habit tressomptueux,
& tout parsemé
de pierreries, avec un Bonnet
rouge un peu élevé, &
une Aigrette enrichie aussi
de Pierreries. Mr l'Ambassadeur
entra sur le soir dans
ses Balons pour voir revenir
le Roy. Ilavoit changé de
Balon, & promis un Prix à
celuy qui arriveroit au Palais
avant les autres. Ce fut
le sien qui arriva le premier.
Il récompensa ses Rameurs
en Roy, en leur donnant à
chacun la valeur de cinquante
escus. Ce mesme soir
il y eut un Feu d'artifice, &
l'on tira quantité de cou ps
de Canon pour le Couronnement
du Roy d'Angeterre.
Cette Feste fut continuée
le lendemain. Mr Constance
donna encore à disner
à Mr l'Ambassadeur avec
beaucoup de magnisicence,
& tous les Européens 2
furent invitez à ce Repas.
Le Roy qui se montre au
Peuple deux ou trois fois
cous les ans, va aussi quelquefois
par terre faire ses
Offrandes à quelque Mosquée.
Deux cens Elefans, ou
environ, commencent la
marche, portant chacun
trois Hommes armez Apres
eeuuxxvvieienntltala MM-usique. Elle
est composée de Timbales,
de Tambours, & de Hautbois.
Millehommes de pied
armez paroissent ensuite,distribuez
en diverses Compagnies,
qui ont leurs Drapeaux
& leurs Bannieres.
Tout cela precede les grands
Mandarins qui sont à cheval.
Il y en a qui ont une j
Couronne d'or sur la teste, i
ôc une fuite de soixante, ! j
quatre-vingts ôc cent per- 1
sonnes à pied. Entre lesGar- -|
des du Corps & ces Manda-
-
rins marchent deux cens
Soldats Japonois, en équipage
fort leste. Apres eux on f\
voit les Chevaux & les Ele- -j
sans qui ne fervent que pour aPersonne du RtÜY: Leurs zi
Harnois sont magnifiques.
Ils sont chargez de boucles 21
8c de lames d' or, & les dia- -4
mans & les pierreries y brillent
de toutes parts. Ceux
qui portent les Presenschoisis
pourl'Offrande,marchent
devant les plus qualifiez du
Royaume, parmy lesquels
il y en a deux, dont l'untient
l'Etendart du Roy,& l'autre
le Sceptre de Justice. Ils marchent
tous deux à pied immediatement
devant leRoy,
qui est monté sur un Elefant
magnifiquement enharnaché.
Il est porté sur son dos,
assis dans une Chaise d'or.
Cet Elefant marche gravement
tout fier de sa charge.
Il semble connoistre l'honneur
qu'il reçoit,puis qu'il
le met à genoux quand le
Roy s'appreste à monter sur
luy, & qu'il ne soufriroit pas
qu'un autre y montast.Lors
quele Roy a un Fils,ce Prince
le fuit, & apres luy la
Reyne & sesautres Femmes.
Elles sont aussi sur des Elefans
, mais enfermées dans
des manieres de Guerites de
bois doré, en forte qu'il est
impossible de les voir. La
marche tH: fermée par d'autres
Gardes, environ au nombre
de six cens, & tout le
Cortege est composé de
quinze ou seize mille personnes.
La vie du Rov est allez
réglée.
(
Il Ce leve à quatre
heures tous les jours, & la
premiere chose qu'il fait
c'est de donner l'aumosne à
des Talapoins, quine manquent
pas de se montrer devant
luy si tostqu'il paroist.
Ces Talapoins sont comme
nos Religieux Mendians.
Apres celail donne Audience,
dans l'intérieur de [on:
Palais,à. ses Concubines, aux.
Esclaves & aux Eunuques,
& ensuite à un Magistrat
qui luy vient montrer tous
les Procez que l'on a jugez.
Il les approuve ou infirme
comme il luy plaist. Lors
que ce Magistratest forty,
1 Audience est ouverte à
tout le monde jusqu'à l'heure
du Disner. Il disne avec
la Princesse sa Fille, que l'en.L
appelle la Princesse Reyne.,
& dontje vous parleray dans
unautre endroit. La Reyne -
qui est morte depuis peu
d'annees ne'luy a la~ aue
cette Fille. Le Medecin qui
està la porte, visite toutes
les Viandes, & renvoye celles
qu'illuy croit nuisibles.
Pendant ce Repas,qui estle
seul qu'il sait chaque jour,
on luy lit les Procez criminels,&
il ordonne du fort -
de chacun. Apres le Disné,
il entre dans une Salle, oùil
se met sur quelque Lit de
Repos. Il est suivy d'un
Lecteur qui luy lit ordinairement
la Vie de quelqu'un
des Rois qui ont
regné avant luy
,
& lors
qu'il s'endort
,
le Lecteur
paisse la voix, & peu a prés se
etire. Ce mesme Lecteur
entre dans la Salle sur les
quatre heures, & il recomnence
à lire d'un ton si aigu,
qu'il faut neceffiirciiie-ilt
que le Roy s'éveille. Alors il
donne Audience à chacun,
de ses six grands Officiers,
& sur les dix heures le Conseil
s'a ssemble. Il dure ordi-;
nairement jusques à minuit.
MrConfianceaussison Au-j
dience particuliere
,
& si l
toutcela va tropavant dans
la nuit,le Medecin luy vient
dire qu'il faut qu'il se couche.
Ce Medecin est receu
dans le Conseil, mais il ne
fait qu'écouter, & l'on n'y
prend jamais son avis.
Je m'apperçois de la longueur
de ma Lettre ; mais
comment songer à la finir,
ayant encore tant de choses
curieuses à vous a pprendre
touchant le Royaume de
Siam? Je n'ay pas encore
conduit M le Chevalier de
Chaumont à Louvo
,
qui est
une Maison de Plaisance du
Roy, où il alla prendre son
Audience de Congé, & ce
qui s'y est passé pendant le
séjourqu'ily a fait, fournit
la matiere d'un tres-long
Article. Ainsi, Madame,en
vous envoyant cette prernle.
re - Partie de ma Lettre ,je
vous en promets une seconde
quevous aurez dans fort peu
dejours. Je joindray à ce qui |
me reste à vous dire du }
Royaume deSiam les autres V
Nouvelles que vous atten- ;.
dez de moy. Ce sont celles;
quiregardent les Venitiens |
& la Hongrie. Cette seconde j
Partie finira par deuxEnigmes
nouvelles, & par les
noms de ceux qui ont expliqué
les deux dernieres. i
Onvient de m'apprendre ;
que ce que je vous ay dit au
commencement de cette
Rèlation, touchant des Ambassadeurs
que le Roy J de
Slam avoit envoyez à Sa
Majesté par le Portugal,
n'est point véritable. Cesont
des Envoyez de Siam qui
rie vont qu'en Portugal
,
8c
que l'on a chargez des Presens
, dont vous avez trouvé
une Lifte dans ma Lettre
de May. Ainsi cette Liste
est vraye ,
& ils ont ordre
d'envoyer en France les Presens
qu'elle contient.
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Résumé : Journal du Voyage de M. le Chevalier de Chaumont. [titre d'après la table]
Le texte relate le voyage du Chevalier de Chaumont, ambassadeur du roi de France, vers le roi de Siam, accompagné de l'Abbé de Choisy. Ils embarquent à Brest le 3 mars sur le vaisseau 'L'Oiseau' et la frégate 'La Maligne'. La traversée jusqu'à la ligne équatoriale se déroule sans incident, marquée par des exercices de piété quotidiens. Chaumont refuse de jurer sur les Évangiles lors de la cérémonie du baptême équatorial et paie pour éviter cette obligation. Le voyage continue jusqu'au Cap de Bonne Espérance, où ils font escale pour se ravitailler et soigner les malades. Le Cap est décrit comme un lieu bien fortifié avec un jardin luxuriant et des habitants locaux appelés Cafres, vivant de manière primitive. Les Hollandais y ont établi une forteresse et des habitations. Après sept jours, ils repartent vers Batavia, mais la traversée est plus difficile. Ils arrivent à Java, une île dont les habitants prétendent descendre des Chinois. Ils font escale à Bantam, où les Hollandais contrôlent le royaume après une guerre civile. Enfin, ils atteignent Batavia, où ils restent sept jours pour soigner les malades. Batavia est décrite comme une ville bien située et protégée. Le texte mentionne également les conflits entre les Hollandais, les Anglais, et les Indiens dans les Indes orientales au début du XVIIe siècle. En 1619, les Indiens profitent de la mauvaise entente entre les Hollandais et les Anglais pour se libérer de la domination hollandaise. Une bataille navale entre les flottes anglaise et hollandaise a lieu le 2 janvier 1619, et les Hollandais reprennent le fort de Batavia après six mois de siège. Ils consolident leur position en construisant des fortifications et en établissant des relations commerciales avec les Chinois, les Japonais, et les Siamois. À Siam, l'ambassadeur est accueilli avec magnificence et loge dans des maisons neuves et richement meublées. Il reçoit des saluts canoniques et est traité avec honneur. Il rencontre des dignitaires siamois et présente la lettre du roi de France de manière solennelle. La salle de l'audience est richement décorée, et le roi du Siam exprime sa joie de recevoir les marques d'estime et d'amitié du roi de France. L'ambassadeur visite également plusieurs pagodes, dont une contenant une grande idole d'or endommagée lors d'une guerre contre Pegu. Il observe les éléphants du roi et une pièce de canon de fonte. Des réjouissances sont organisées pour célébrer le couronnement du roi de Portugal. Le roi de Siam mène une vie réglée, se levant tôt pour donner l'aumône et recevoir des audiences. Le texte se termine par la mention de la visite de l'ambassadeur à Louvo, une maison de plaisance du roi, et promet une seconde partie avec d'autres nouvelles sur le royaume de Siam.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 71-88
DEPART de la rade de Siam.
Début :
Aprés le peu que je viens de raconter de la Religion, des [...]
Mots clefs :
Fort, Heures, Coups de vent, Eau, Route, Jour, Lieues, Vaisseau, Voyage, Boeufs, Mouiller, Cap de Bonne-Espérance, Gouverneur, Oiseaux, Poissons, Alexandre de Chaumont
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texteReconnaissance textuelle : DEPART de la rade de Siam.
DEPART
de la rade de Siam .
A
Prés le peu que je viens de
raconter de la Religion , des
Moeurs , du Gouvernement , de
la ſcituation &de diverſes chofes
curieuſes du Royaume de
Siam , je reviens à mon départ
dela rade où j'ay interrompu le
ſtil de ma Relation & je diray
quej'en partis le vingt-deuxiéme
Decembre de l'année derniere
mil fix cens quatre- vingt cinq.
Je me misà la Voile ſur les trois
heures du matin avec un bon
vent du Nort qui m'a continuć
tout lelongdes côtes de Camboge
qui eſt un Royaume limitro
72 RELATION
phe de Siam , en tirant vers la
Cochinchine. Les peuples de ces
deux Royaumes ont la meſme
croïance & vivent de la meſme
maniere. Il ne ſe paſſa rien de
digne d'être remarqué juſqu'au
d'etroit deBanca oùj'échoüay par
par le travers d'une Iſle qui ſe
nomme Lucapara , ſur un banc
de vaſe où il n'y avoit que trois
braſſes d'eau , & il en falloit plus
de dix- sept pieds pour le Vaifſeau
, cela ne m'inquieta pas , &
donna feulement de la peine à
l'équipage que j'envoyay auſſi-tôt
ſonder aux environs du Vaiffeau
& on trouva plus de fond , j'y fis
porter un petit ancre que l'on
moüilla fur lequel il y avoit un
cable , & nous nous ôtâmes de
deſſus ce banc avec les cabeftans
du Navireen moins de quatre
ou cinq heures , quoy que
jeuſſe un bon Pilote Hollandois
DU VOYAGE DE SIAM. 73
dois je ne laiſſé pas de toucher
dans ce détroit , en allant & en
revenant ; je continué ma route
& j'arrivay à Bantam le onzeJanvier
mil fix cens quatre- vingt fix
Auſſi- tôtquej'y fus moüillé j'envoyé
Monfieur de Cibois Officier
faire compliment auGouverneur,
& pour avoir des rafraîchiffe
mens. Il m'envoya pour preſent
fix boeufs , des fruits & des herbes;;
je n'y fis point d'eau , parce
qu'elle estoit fortdifficile à avoir,
&je ne reſté que trente heures
dans cette rade. Jefis lever l'ancreledouziéme
au foir , mais le
calme nous prit , ce qui nous
obligea de moüiller.
Letreizićme je fis lever l'ancre,
nous eûmes tout le jour du calme
&du ventcontraire ; mais ſur le
foir il ſe leva un petit vent qui
nous fit doubler la pointe deBantam
,&nous fit paaffffeerr le détroit
g
74 REELATION
de Sonda en moins de huit heu
res . Je fus obligé de mettre en
pane par le travers de l'Ifle du
Prince , qui eft à la fortie de ce
détroit , pour attendre la Fregate
la Malige , qui ne nous avoit
pu ſuivre ,& elle nous y joignit,
Le quatorze je poutfuivis tha
route pour aller droit au Capde
bonne eſperance avec un bon
vent de Nort , &de nort nort eft ,
Le vingt-trois à la pointe du jour
aprés avoir fait environ centcinquante
lieuës nous vimes la terre
des Ifles de ſainte Croix'; ce qui
nous furprit, parce que la veille
jem'étois fait montrer le point
des Pilotes qui ſe difoient tous
à plus de quinzelieuës de latitude
Sud & de vingtde longitude .
Cette Terre eſt fort baffe, & s'il
y avoit eu trois ou quatre heures
de nuit de plus nous nous y
fuffions échoués ; mais il plût
DU VOYAGE DE SIAM. 75
Dieu de nous en preſerver. Nous
attribuâmes
courans qui eſtoientcontre nous
& qui nous empêchoient d'aller
autant de lavant que nous le
croyons; nous paſſames cette Iſle
bien vite , parce qu'il ventoit
beaucoup , & nous continuâmes
noſtre route. La Mer eſt fort
poiffonneuſe en cet endroit-là ,
& il y a quantité d'oiſeaux , le
temps eftoit beau , & nous faiſions
tous les jours trente , quarante
, cinquante , & foixante
lieuës ventarriere , nous nous divertiſſions
à voir une chaffe affez
plaiſante qui ſe donnoit par les
Albucorps & les Bonnittes,& un
petit poiſſon qui ſe nomme poiffon
volant qui quand il ſe
cette erreur aux
د
voit poursuivi des poiſſons qui
en fontleur nourriture , forthors
del'eau & volle tant que ſes aîles
font humides , c'eſt à dire auſſi
gij
76 RELATION
د
loin que le vol d'une caille ; mais
il y a un oiſeau que l'on nomme
paille en quëu , qui porte ce nom
à cauſe d'unegrande plume qu'il
a à la queüe furpaſſant les autres
de plus d'un grand demy pied
&qui a la figure & preſque la
couleur d'une paille ; il eſt toûjours
en l'air & quand il voit ce
poiſſon vollant ſortir de l'eau , il ſe
laiſſe tomber deſſus comme fait
un oiſeau de proye ſur le gibier ,
&quelquefois ils vont plus d'une
braſſe dans l'eau le chercher, ſi
bien que le poiſſon vollant ne
peut pas manquer d'eſtre pris .
Le 15. Février nous nous trouvâmes
par le travers de l'Iſle Maurice
où nous eûmes un coup de
vent qui nous dura trois jours ;
da Mer eſtoit extrémement groffe
& nous tourmenta beaucoup ,
les coups de mer paſſoient frequemment
pardeſſus le Vaiſſeau ,
DU VOYAGE DE SIAM. 77
& nous obligeoient à pomper
ſouvent à cauſe de l'eau que nous
řecevions .
Le dix-neuf le temps s'adoucit&
nous donna lieu de racommoder
ce que la mer nous avoit
ébranlé , il y eut de grands clouds
qui fortoient du bordage qui
tient l'arcaffe du Vaiſſeau au defſous
de ce Tambor , & cela s'étoit
fait par les vagues qui frapoient
contre le Vaiſſeau comme
contre un rocher. La nuit dés le
premier jour dece mauvais temps
la fregatte qui estoit avec moy
s'en ſepara , ſon rendés- vous
eſtoit au Cap de bonne-Eſperance
. Pourſuivant noſtre route
nous eûmes encore deux coups
de vents qui nous incommoderent
fort , parce que la mer eſtoit
fort rude , les vents faiſoient pref
que toûjours le tour du compas ,
de forte que les vagues ſe rengiij
78 RELATION
contrant lesunes contre les autres
font qu'un vaiſſeau ſouffre beaucoup.
Le dixiéme Mars ſur les deux
heures aprésmidy nous apperçûmes
un vaiſſeau , d'abord je crûs
que c'eſtoit celui qui m'avoit
quitté , mais en l'approchant
nous luy vîmes arborer le pavillon
Anglois , & comme j'étois
bien- aiſe d'apprendre des nouvelles
, & queje jugeois qu'il venoit
d'Europe , j'arrivay ſur luy
& quand j'en fus proche je mis
mon canot à la mer & j'envoyé
un Officier à fon bord , pour
ſçavoir s'il n'y avoit point de
guerre ; car quand il y a longtemps
que l'ona quitté la France
, on neſçait point à qui ſe fier,
principalement quand il faut aller
moüiller chez des Etrangers,
on me rapporta que c'eſtoit un
yaiſſeau Marchand Anglois , qui
DU VOYAGE DE SIAM. 79
eſtoit parti de Londres depuis
cinqmois , &qu'il n'avoit touché
ennullepart , qu'il alloit en droi
ture au Tonquin , que le Capitaine
luy avoit dit qu'il n'y avoit
point de guerre en France , &
que toute l'Europe eſtoit en paix,
qu'ily avoit cependant eu quel
que revolte en Angleterre par le
Duc de Monmout qui s'eſtoit
mis à la teſte de dix ou douze mil
hommes ; mais que les trouppes
du Roy l'avoient batu& fait prifonnier
, qu'on luy avoit coupé
la teſte , & qu'on avoit pendu
beaucoup de perſonnes que l'on
avoit auſſi priſes , mais que cette
rebellion eſtoit finie avant fon
départ ; il dit auſſi qu'il avoit
veu la terre le jour d'auparavant
à ſept lieuës , ce qui nous fit juger
que nous devions en eſtre à
30. ou 35. lieuës ; nous conti
nuâmes noſtre route le reſte du
g iiij
80M RELATION
jour & de la nuit , & le lendemain
ſur les dix heures nous vimes
la terre ſous le vent denous,
à ſeptou huit lieuës , j'y fis fonder
& on trouva quatre- vingt
cinq brafſſes qui fit que nous connûmes
que c'eſtoit la terre & le
banc des Eguilles , outre qu'il y
avoitgrande quantité d'oiſeaux ;
ce bancmet trente lieuës au large&
à la meſme longueur , on y
trouve fond juſqu'à cent vingt
braffes, nous forçâmes de voiles
pour tâcher à voiravant la nuit le
Cap de Bonne- Efperance ; le lendemainà
la pointe du jour nous
le vîmes& nous le doublâmes ,
fur les dix heures nous vîmes un
Vaiſſeau ſous le vent de nous
& en l'approchant nous reconnûmes
que c'eſtoir la Fregate , qui
comme je l'ay dit m'avoit quitté
par le travers de l'Iſle Maurice ,
ce fut la ſeconde fois qu'aprés
DU VOYAGE DE SIAM. 8г
beaucoupde temps de ſeparation
nous nous retrouvâmes le meſme
jour de noſtre arrivée, ce qui ne
ſe rencontre que rarement dans
la navigation ; car la meſme chofe
nous eſtoit arrivée en entrant
audétroit de Sonda , ainſi que je
l'ay dit. Comme j'étois preſt de
moüiller le vent vint ſi fort &
tellement contraire que je fus
obligé de faire vent arriere , &
d'aller moüiller à l'Iſle Robins
qui eſt environ à trois lieuësde la
Fortereſſe du Cap ; le lendemain
treiziéme Mars je fis lever l'ancre
, &je m'en allé moüiller prés
de la Fortereſſe où j'arrivay fur
les deux heures , j'y trouvé neuf
Vaiſſeaux qui venoient de Batavia
& s'en alloient en Europe ;
j'envoyé Monfieur le Chevalier
Cibois faire compliment au Gouverneur&
luy demander permiffiond'envoyer
huit ou dixmala-
9
82 RELATION
des à terre faire de l'eau , & prenpre
des rafraîchiſſemens . Il reçût
fort honnêtement mon compliment
, & il dit à l'Officier que
j'étois le Maiſtre , & que je pou
vois faire tout ce qu'il me plairoit
: comme nous eſtions dans le
temps de leur Automne où tous
les fruits étoientbons;il m'envoya
des melons , des raiſins , & des
falades ; je fis ſaluër le Fort de
ſept coups de Canon ; car l'ordre
du Roy eſt de ſaluër les Fortereſſes
les premieres , il me rendit
coup pour coup , le Vaiffeau
qui portoit le pavillon d'Amiral
me ſalua enſuite de ſept coups ,
je luy en rendis autant. Il y avoit
dans cette Flotte trois pavillons ,
Admiral,Vice- Admiral , & Contre-
Admiral. Les fruits qu'on
m'apporta eſtoient admirables de
meſme que les ſalades , les melons
eftoient tres -bons ,& le rai
DU VOYAGE DE SIAM. 83
ſin meilleur qu'en France; j'allay
me promener dans leur beau
Jardin , qui me fit reſſouvenir de
ceux qui font en France ; car
comme je l'ai déja dit il eſt tresbeau
& fort bien entretenu ; la
grande quantité de legumes
qu'on y trouve fait grand plaiſir
aux équipages ; car le Gouverneur
en faifoit donner tant qu'on
en vouloit , il y a auſſi grande
quantité de coins qui font fort
bons pour les voyageurs, card'ordinaire
les maladies de ces traverſes
ſont des flux de fang .
Le Gouverneur eſt homme
d'eſprit , & fort propre pour les
Colonies , & on dit que s'il y
reſte long-temps il fera en ces
quartiers-là un tres-bel établiſſement
; lorſqu'il y a quelques
Hollandois qui veulent s'y habituer
, il leur donnent des terres
autant qu'ils en veulent , leus
84
1
RELATION
د
fait bâtir une maiſon , leur donne
des boeufs pour labourer &
tous les autres animaux & uſtencils
qui leur font neceſſaires , on
fait eſtimer tout ce qu'on leur
donne qu'ils rembourſent aprés à
la Compagnie , quand ils le peuvent.
Ils font obligez de vendre
tout ce qu'ils recuëillent de leurs
terres à la Compagnie ſeulement
&à un prix taxé , ce qui luy eſt
avantageux ainſi qu'auxhabitans .
Le vin qu'elle achete d'eux ſeize
écus la baricque,elle le revent
cent aux Etrangers& à ſes propres
Flottes qui paffent en cet
endroit , c'eſt à dire aux Matelots
qui le boivent fur le lieu ; les
moutons , les boeufs &les autres
chofes ſe vendent à proportion ,
ce quirapporre un grand revenu
à cette Compagnie , & fait que
leurs Flottes s'y rafraîchiffent à
peu de frais & y reſtent des
DU VOYAGE DE SIAM. 85
mois & fix ſemaines entieres
ſelon les malades qu'elles ont.
Quand j'arrivay il n'y avoit pas
long-temps que le Gouverneur
eſtoit de retour d'une découverte
qu'il venoit de faire de mines:
d'or & d'argent , il en a rapporté
plufieurs pierres.Ondit qu'en ces
minesil y a beaucoup d'or &d'ar
gent , &qu'elles font fort faciles
eſtant peu profondes. Il a eſté
juſqu'à deux cens cinquante
lieuës dans les terres ; il menai
avec luy trois ou quatre Outantoſt
du Cap , qui parloient Hollandois
, qui le menerent à la
prochaine Nation qui estoit auffo
Outantoſt , il en prit d'autres
en faiſant ſa route. Il a trouvé
juſques à neuf Nations differentes
, il en prenoit à meſure , qu'il
changeoit de Nation pour ſe faire
entendre , il a tiré à ce que l'on
86 RELATION
dit un fort grand éclairciflement
ſur tout ce qu'il ſouhaittoir,
il dit que la derniere Nation eſt
la plus polie , & qu'ils vinrent
au devant de luy hommes , femmes
& enfans , en danſant , &
qu'ils eſtoient tous habillez de
peaux de Tigres ; c'étoit une
grande robbe qui leur venoit
juſqu'aux pieds. Il a amené un de
ſes Outantots à qui il fait apprendre
l'Hollandois poury retourner
l'année prochaine.Toutes cesNations-
là ont beaucoup de beſtiaux
& c'eſt tout leur revenu. Le
Gouverneur avoit avec luy cinquante
Soldats , un Peintre pour
tirer les couleurs des animaux,des
oiſeaux , des ferpens & des plantes
, qu'il trouveroit, un Deſſinateur
pour marquer ſa route ,&un
Pilote ; car ils alloient toûjours à
la bouffole & avoit emmené trois
cens boeufs pour porter leurs viDU
VOYAGE DE SIAM. 87
vres & traîner quatorze ou quinze
charettes ; quand ils trouvoient
des montagnes ils démontoient
leurs charettes & les chargeoient
avec ce qui estoit dedans ſur les
boeufs pour les paſſer , eſtant
avancé dans le païs il fut trois ou
quatre jours fans trouver d'eau,
ce qui les incommoda fort , il a
eſté cinq mois & demy en fon
voyage.
Il a rencontré beaucoup de bêtes
ſauvages , il dit que les Elephansy
font monstrueux & bien
plus grands qu'aux Indes ,des Rinoceros
d'une prodigieuſe grofſeur.
Il en a veu un dont il penſa
eſtre tué ; car quand cet animal
eſt en furie il n'y a point d'arme
qui le puiſſe arrêter , ſa peau eſt
tres - dure , & où les coups de
mouſquets ne font rien , il faut
les attrapper au deffaut de l'épaule
pour les tuer , ils ont deux cor-
L
88 RELATION
nes , je rapporte trois de ſes cornes
, il y en a deux qui ſe tiennent
enſemble avec de la peau decet
animal ; le ſejour que j'ay fait au
Cap m'a fourni beaucoup de
poiſſon durant le Carême où nous
eſtions. Je vis une balaine d'une
furieuſe groffeur qui vint à la
portéed'un demy piſtolet de mon
Vaiſſeau ; il y avoit auſſi des oiſeaux
en quantité , qui nous donnoient
le meſme plaiſir que les
pailles en queue dont j'ay parlé .
de la rade de Siam .
A
Prés le peu que je viens de
raconter de la Religion , des
Moeurs , du Gouvernement , de
la ſcituation &de diverſes chofes
curieuſes du Royaume de
Siam , je reviens à mon départ
dela rade où j'ay interrompu le
ſtil de ma Relation & je diray
quej'en partis le vingt-deuxiéme
Decembre de l'année derniere
mil fix cens quatre- vingt cinq.
Je me misà la Voile ſur les trois
heures du matin avec un bon
vent du Nort qui m'a continuć
tout lelongdes côtes de Camboge
qui eſt un Royaume limitro
72 RELATION
phe de Siam , en tirant vers la
Cochinchine. Les peuples de ces
deux Royaumes ont la meſme
croïance & vivent de la meſme
maniere. Il ne ſe paſſa rien de
digne d'être remarqué juſqu'au
d'etroit deBanca oùj'échoüay par
par le travers d'une Iſle qui ſe
nomme Lucapara , ſur un banc
de vaſe où il n'y avoit que trois
braſſes d'eau , & il en falloit plus
de dix- sept pieds pour le Vaifſeau
, cela ne m'inquieta pas , &
donna feulement de la peine à
l'équipage que j'envoyay auſſi-tôt
ſonder aux environs du Vaiffeau
& on trouva plus de fond , j'y fis
porter un petit ancre que l'on
moüilla fur lequel il y avoit un
cable , & nous nous ôtâmes de
deſſus ce banc avec les cabeftans
du Navireen moins de quatre
ou cinq heures , quoy que
jeuſſe un bon Pilote Hollandois
DU VOYAGE DE SIAM. 73
dois je ne laiſſé pas de toucher
dans ce détroit , en allant & en
revenant ; je continué ma route
& j'arrivay à Bantam le onzeJanvier
mil fix cens quatre- vingt fix
Auſſi- tôtquej'y fus moüillé j'envoyé
Monfieur de Cibois Officier
faire compliment auGouverneur,
& pour avoir des rafraîchiffe
mens. Il m'envoya pour preſent
fix boeufs , des fruits & des herbes;;
je n'y fis point d'eau , parce
qu'elle estoit fortdifficile à avoir,
&je ne reſté que trente heures
dans cette rade. Jefis lever l'ancreledouziéme
au foir , mais le
calme nous prit , ce qui nous
obligea de moüiller.
Letreizićme je fis lever l'ancre,
nous eûmes tout le jour du calme
&du ventcontraire ; mais ſur le
foir il ſe leva un petit vent qui
nous fit doubler la pointe deBantam
,&nous fit paaffffeerr le détroit
g
74 REELATION
de Sonda en moins de huit heu
res . Je fus obligé de mettre en
pane par le travers de l'Ifle du
Prince , qui eft à la fortie de ce
détroit , pour attendre la Fregate
la Malige , qui ne nous avoit
pu ſuivre ,& elle nous y joignit,
Le quatorze je poutfuivis tha
route pour aller droit au Capde
bonne eſperance avec un bon
vent de Nort , &de nort nort eft ,
Le vingt-trois à la pointe du jour
aprés avoir fait environ centcinquante
lieuës nous vimes la terre
des Ifles de ſainte Croix'; ce qui
nous furprit, parce que la veille
jem'étois fait montrer le point
des Pilotes qui ſe difoient tous
à plus de quinzelieuës de latitude
Sud & de vingtde longitude .
Cette Terre eſt fort baffe, & s'il
y avoit eu trois ou quatre heures
de nuit de plus nous nous y
fuffions échoués ; mais il plût
DU VOYAGE DE SIAM. 75
Dieu de nous en preſerver. Nous
attribuâmes
courans qui eſtoientcontre nous
& qui nous empêchoient d'aller
autant de lavant que nous le
croyons; nous paſſames cette Iſle
bien vite , parce qu'il ventoit
beaucoup , & nous continuâmes
noſtre route. La Mer eſt fort
poiffonneuſe en cet endroit-là ,
& il y a quantité d'oiſeaux , le
temps eftoit beau , & nous faiſions
tous les jours trente , quarante
, cinquante , & foixante
lieuës ventarriere , nous nous divertiſſions
à voir une chaffe affez
plaiſante qui ſe donnoit par les
Albucorps & les Bonnittes,& un
petit poiſſon qui ſe nomme poiffon
volant qui quand il ſe
cette erreur aux
د
voit poursuivi des poiſſons qui
en fontleur nourriture , forthors
del'eau & volle tant que ſes aîles
font humides , c'eſt à dire auſſi
gij
76 RELATION
د
loin que le vol d'une caille ; mais
il y a un oiſeau que l'on nomme
paille en quëu , qui porte ce nom
à cauſe d'unegrande plume qu'il
a à la queüe furpaſſant les autres
de plus d'un grand demy pied
&qui a la figure & preſque la
couleur d'une paille ; il eſt toûjours
en l'air & quand il voit ce
poiſſon vollant ſortir de l'eau , il ſe
laiſſe tomber deſſus comme fait
un oiſeau de proye ſur le gibier ,
&quelquefois ils vont plus d'une
braſſe dans l'eau le chercher, ſi
bien que le poiſſon vollant ne
peut pas manquer d'eſtre pris .
Le 15. Février nous nous trouvâmes
par le travers de l'Iſle Maurice
où nous eûmes un coup de
vent qui nous dura trois jours ;
da Mer eſtoit extrémement groffe
& nous tourmenta beaucoup ,
les coups de mer paſſoient frequemment
pardeſſus le Vaiſſeau ,
DU VOYAGE DE SIAM. 77
& nous obligeoient à pomper
ſouvent à cauſe de l'eau que nous
řecevions .
Le dix-neuf le temps s'adoucit&
nous donna lieu de racommoder
ce que la mer nous avoit
ébranlé , il y eut de grands clouds
qui fortoient du bordage qui
tient l'arcaffe du Vaiſſeau au defſous
de ce Tambor , & cela s'étoit
fait par les vagues qui frapoient
contre le Vaiſſeau comme
contre un rocher. La nuit dés le
premier jour dece mauvais temps
la fregatte qui estoit avec moy
s'en ſepara , ſon rendés- vous
eſtoit au Cap de bonne-Eſperance
. Pourſuivant noſtre route
nous eûmes encore deux coups
de vents qui nous incommoderent
fort , parce que la mer eſtoit
fort rude , les vents faiſoient pref
que toûjours le tour du compas ,
de forte que les vagues ſe rengiij
78 RELATION
contrant lesunes contre les autres
font qu'un vaiſſeau ſouffre beaucoup.
Le dixiéme Mars ſur les deux
heures aprésmidy nous apperçûmes
un vaiſſeau , d'abord je crûs
que c'eſtoit celui qui m'avoit
quitté , mais en l'approchant
nous luy vîmes arborer le pavillon
Anglois , & comme j'étois
bien- aiſe d'apprendre des nouvelles
, & queje jugeois qu'il venoit
d'Europe , j'arrivay ſur luy
& quand j'en fus proche je mis
mon canot à la mer & j'envoyé
un Officier à fon bord , pour
ſçavoir s'il n'y avoit point de
guerre ; car quand il y a longtemps
que l'ona quitté la France
, on neſçait point à qui ſe fier,
principalement quand il faut aller
moüiller chez des Etrangers,
on me rapporta que c'eſtoit un
yaiſſeau Marchand Anglois , qui
DU VOYAGE DE SIAM. 79
eſtoit parti de Londres depuis
cinqmois , &qu'il n'avoit touché
ennullepart , qu'il alloit en droi
ture au Tonquin , que le Capitaine
luy avoit dit qu'il n'y avoit
point de guerre en France , &
que toute l'Europe eſtoit en paix,
qu'ily avoit cependant eu quel
que revolte en Angleterre par le
Duc de Monmout qui s'eſtoit
mis à la teſte de dix ou douze mil
hommes ; mais que les trouppes
du Roy l'avoient batu& fait prifonnier
, qu'on luy avoit coupé
la teſte , & qu'on avoit pendu
beaucoup de perſonnes que l'on
avoit auſſi priſes , mais que cette
rebellion eſtoit finie avant fon
départ ; il dit auſſi qu'il avoit
veu la terre le jour d'auparavant
à ſept lieuës , ce qui nous fit juger
que nous devions en eſtre à
30. ou 35. lieuës ; nous conti
nuâmes noſtre route le reſte du
g iiij
80M RELATION
jour & de la nuit , & le lendemain
ſur les dix heures nous vimes
la terre ſous le vent denous,
à ſeptou huit lieuës , j'y fis fonder
& on trouva quatre- vingt
cinq brafſſes qui fit que nous connûmes
que c'eſtoit la terre & le
banc des Eguilles , outre qu'il y
avoitgrande quantité d'oiſeaux ;
ce bancmet trente lieuës au large&
à la meſme longueur , on y
trouve fond juſqu'à cent vingt
braffes, nous forçâmes de voiles
pour tâcher à voiravant la nuit le
Cap de Bonne- Efperance ; le lendemainà
la pointe du jour nous
le vîmes& nous le doublâmes ,
fur les dix heures nous vîmes un
Vaiſſeau ſous le vent de nous
& en l'approchant nous reconnûmes
que c'eſtoir la Fregate , qui
comme je l'ay dit m'avoit quitté
par le travers de l'Iſle Maurice ,
ce fut la ſeconde fois qu'aprés
DU VOYAGE DE SIAM. 8г
beaucoupde temps de ſeparation
nous nous retrouvâmes le meſme
jour de noſtre arrivée, ce qui ne
ſe rencontre que rarement dans
la navigation ; car la meſme chofe
nous eſtoit arrivée en entrant
audétroit de Sonda , ainſi que je
l'ay dit. Comme j'étois preſt de
moüiller le vent vint ſi fort &
tellement contraire que je fus
obligé de faire vent arriere , &
d'aller moüiller à l'Iſle Robins
qui eſt environ à trois lieuësde la
Fortereſſe du Cap ; le lendemain
treiziéme Mars je fis lever l'ancre
, &je m'en allé moüiller prés
de la Fortereſſe où j'arrivay fur
les deux heures , j'y trouvé neuf
Vaiſſeaux qui venoient de Batavia
& s'en alloient en Europe ;
j'envoyé Monfieur le Chevalier
Cibois faire compliment au Gouverneur&
luy demander permiffiond'envoyer
huit ou dixmala-
9
82 RELATION
des à terre faire de l'eau , & prenpre
des rafraîchiſſemens . Il reçût
fort honnêtement mon compliment
, & il dit à l'Officier que
j'étois le Maiſtre , & que je pou
vois faire tout ce qu'il me plairoit
: comme nous eſtions dans le
temps de leur Automne où tous
les fruits étoientbons;il m'envoya
des melons , des raiſins , & des
falades ; je fis ſaluër le Fort de
ſept coups de Canon ; car l'ordre
du Roy eſt de ſaluër les Fortereſſes
les premieres , il me rendit
coup pour coup , le Vaiffeau
qui portoit le pavillon d'Amiral
me ſalua enſuite de ſept coups ,
je luy en rendis autant. Il y avoit
dans cette Flotte trois pavillons ,
Admiral,Vice- Admiral , & Contre-
Admiral. Les fruits qu'on
m'apporta eſtoient admirables de
meſme que les ſalades , les melons
eftoient tres -bons ,& le rai
DU VOYAGE DE SIAM. 83
ſin meilleur qu'en France; j'allay
me promener dans leur beau
Jardin , qui me fit reſſouvenir de
ceux qui font en France ; car
comme je l'ai déja dit il eſt tresbeau
& fort bien entretenu ; la
grande quantité de legumes
qu'on y trouve fait grand plaiſir
aux équipages ; car le Gouverneur
en faifoit donner tant qu'on
en vouloit , il y a auſſi grande
quantité de coins qui font fort
bons pour les voyageurs, card'ordinaire
les maladies de ces traverſes
ſont des flux de fang .
Le Gouverneur eſt homme
d'eſprit , & fort propre pour les
Colonies , & on dit que s'il y
reſte long-temps il fera en ces
quartiers-là un tres-bel établiſſement
; lorſqu'il y a quelques
Hollandois qui veulent s'y habituer
, il leur donnent des terres
autant qu'ils en veulent , leus
84
1
RELATION
د
fait bâtir une maiſon , leur donne
des boeufs pour labourer &
tous les autres animaux & uſtencils
qui leur font neceſſaires , on
fait eſtimer tout ce qu'on leur
donne qu'ils rembourſent aprés à
la Compagnie , quand ils le peuvent.
Ils font obligez de vendre
tout ce qu'ils recuëillent de leurs
terres à la Compagnie ſeulement
&à un prix taxé , ce qui luy eſt
avantageux ainſi qu'auxhabitans .
Le vin qu'elle achete d'eux ſeize
écus la baricque,elle le revent
cent aux Etrangers& à ſes propres
Flottes qui paffent en cet
endroit , c'eſt à dire aux Matelots
qui le boivent fur le lieu ; les
moutons , les boeufs &les autres
chofes ſe vendent à proportion ,
ce quirapporre un grand revenu
à cette Compagnie , & fait que
leurs Flottes s'y rafraîchiffent à
peu de frais & y reſtent des
DU VOYAGE DE SIAM. 85
mois & fix ſemaines entieres
ſelon les malades qu'elles ont.
Quand j'arrivay il n'y avoit pas
long-temps que le Gouverneur
eſtoit de retour d'une découverte
qu'il venoit de faire de mines:
d'or & d'argent , il en a rapporté
plufieurs pierres.Ondit qu'en ces
minesil y a beaucoup d'or &d'ar
gent , &qu'elles font fort faciles
eſtant peu profondes. Il a eſté
juſqu'à deux cens cinquante
lieuës dans les terres ; il menai
avec luy trois ou quatre Outantoſt
du Cap , qui parloient Hollandois
, qui le menerent à la
prochaine Nation qui estoit auffo
Outantoſt , il en prit d'autres
en faiſant ſa route. Il a trouvé
juſques à neuf Nations differentes
, il en prenoit à meſure , qu'il
changeoit de Nation pour ſe faire
entendre , il a tiré à ce que l'on
86 RELATION
dit un fort grand éclairciflement
ſur tout ce qu'il ſouhaittoir,
il dit que la derniere Nation eſt
la plus polie , & qu'ils vinrent
au devant de luy hommes , femmes
& enfans , en danſant , &
qu'ils eſtoient tous habillez de
peaux de Tigres ; c'étoit une
grande robbe qui leur venoit
juſqu'aux pieds. Il a amené un de
ſes Outantots à qui il fait apprendre
l'Hollandois poury retourner
l'année prochaine.Toutes cesNations-
là ont beaucoup de beſtiaux
& c'eſt tout leur revenu. Le
Gouverneur avoit avec luy cinquante
Soldats , un Peintre pour
tirer les couleurs des animaux,des
oiſeaux , des ferpens & des plantes
, qu'il trouveroit, un Deſſinateur
pour marquer ſa route ,&un
Pilote ; car ils alloient toûjours à
la bouffole & avoit emmené trois
cens boeufs pour porter leurs viDU
VOYAGE DE SIAM. 87
vres & traîner quatorze ou quinze
charettes ; quand ils trouvoient
des montagnes ils démontoient
leurs charettes & les chargeoient
avec ce qui estoit dedans ſur les
boeufs pour les paſſer , eſtant
avancé dans le païs il fut trois ou
quatre jours fans trouver d'eau,
ce qui les incommoda fort , il a
eſté cinq mois & demy en fon
voyage.
Il a rencontré beaucoup de bêtes
ſauvages , il dit que les Elephansy
font monstrueux & bien
plus grands qu'aux Indes ,des Rinoceros
d'une prodigieuſe grofſeur.
Il en a veu un dont il penſa
eſtre tué ; car quand cet animal
eſt en furie il n'y a point d'arme
qui le puiſſe arrêter , ſa peau eſt
tres - dure , & où les coups de
mouſquets ne font rien , il faut
les attrapper au deffaut de l'épaule
pour les tuer , ils ont deux cor-
L
88 RELATION
nes , je rapporte trois de ſes cornes
, il y en a deux qui ſe tiennent
enſemble avec de la peau decet
animal ; le ſejour que j'ay fait au
Cap m'a fourni beaucoup de
poiſſon durant le Carême où nous
eſtions. Je vis une balaine d'une
furieuſe groffeur qui vint à la
portéed'un demy piſtolet de mon
Vaiſſeau ; il y avoit auſſi des oiſeaux
en quantité , qui nous donnoient
le meſme plaiſir que les
pailles en queue dont j'ay parlé .
Fermer
Résumé : DEPART de la rade de Siam.
Le texte relate le départ du narrateur de la rade de Siam le 22 décembre 1785, à bord d'un navire naviguant avec un bon vent du nord le long des côtes du Cambodge en direction de la Cochinchine. Les peuples de ces royaumes partagent des croyances et modes de vie similaires. Le voyage se poursuit sans incident notable jusqu'au détroit de Banca, où le navire échoue sur un banc de vase. Grâce à l'intervention rapide de l'équipage, le vaisseau est rapidement dégagé. Le narrateur arrive à Bantam le 11 janvier 1786 et envoie un officier faire des compliments au gouverneur et obtenir des rafraîchissements. Après un court séjour, il reprend la mer mais doit faire face à des calmes et des vents contraires. Le 14 janvier, il rejoint la frégate La Malige et continue vers le Cap de Bonne-Espérance. Le 23 janvier, ils aperçoivent les îles de Sainte-Croix plus tôt que prévu en raison de courants contraires. Le 15 février, ils passent près de l'île Maurice et affrontent une tempête. Le 10 mars, ils rencontrent un vaisseau anglais qui les informe de l'absence de guerre en Europe. Le 13 mars, ils doublent le Cap de Bonne-Espérance et retrouvent la frégate qu'ils avaient perdue de vue. Le narrateur mouille ensuite près de la forteresse du Cap, où il est accueilli par neuf vaisseaux venant de Batavia. Il envoie un officier faire des compliments au gouverneur, qui lui offre des fruits et des légumes. Le gouverneur du Cap est décrit comme un homme d'esprit, propice aux colonies, aidant les Hollandais à s'installer en leur fournissant terres et animaux. Le texte mentionne également une récente découverte de mines d'or et d'argent par le gouverneur, qui a exploré des terres à plus de 250 lieues de la côte. Le séjour au Cap permet d'obtenir une grande quantité de poisson durant le Carême. Une baleine de grande taille est observée à portée de demi-pistolet du vaisseau. Le texte mentionne aussi la présence d'oiseaux en grande quantité, offrant un plaisir similaire à celui des pailles en queue. De plus, le narrateur décrit une rencontre avec un animal sauvage particulièrement dangereux. Cet animal, lorsqu'il est en furie, ne peut être arrêté par aucune arme en raison de sa peau très dure, imperméable aux coups de mousquet. La seule méthode efficace pour le tuer est de le frapper au défaut de l'épaule. L'animal possède deux cornes, dont trois spécimens sont rapportés, deux d'entre elles étant attachées par la peau de l'animal.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 94-113
« Le vingt-sixiéme Mars à deux heures aprés midy j'ay mis [...] »
Début :
Le vingt-sixiéme Mars à deux heures aprés midy j'ay mis [...]
Mots clefs :
Fort, Vent, Roi de Siam, Cap de Bonne-Espérance, France, Vaisseau, Route, Ligne, Temps, Heures, Île, Mer, Argent, Abbé de Choisy, Enseigne, Vaisseaux, Ambassadeur, Frégate, Constantin Phaulkon, Alexandre de Chaumont
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le vingt-sixiéme Mars à deux heures aprés midy j'ay mis [...] »
Evingt- fixieme Mars à deux
heures aprés midy j'ay mis
à la voile avec un bon vent , en
fortantde la Baye prés de la Fortereſſe
Hollandoiſe du Cap de
Bonne- Efperance , je vis trois
vaiſſeaux qui faifoient route pour
venir au Cap ; mais je n'ay pû
diftinguer de quelle Nation ils
eſtoient , je croy qu'ils eſtoient
Hollandois , parce qu'on en attendoit
ce nombre de l'Iſle de
GC
-
DU VOYAGE DE SIAM. 95
Ceilan. Quand nous fumes à
quarante lieuës delà nous trouvâme
la mer fort groſſe , elle nous
tourmenta beaucoup , & nous
continuâmes noſtre route pour
aller paffer la ligne par la meſme
longitudeque nous l'avions pafſée
en allant , il ne ſe pouvoit
que noftre voyage ne fut extrémement
agreable ; car , comme
j'ay déja dit , le Roy de Siam envoyoit
avec nous des Ambaffadeurs
en France , pour témoigner
au Roy avec combien de
paffion il fouhaittoit fon amitié :
ſes grandes qualitez & fa renommée
eſtant venuëjuſqu'à luy,
&faifant depuis long-temps un
extrême bruit dans les Indes . Il
m'avoit dit dans une Audience ,
qu'il ne leur donnoit point d'inſtructions
ſur les ceremonies que
l'on fait en France qui font bien
differentes de celles de fon
96 RELATIO
Royaume , parce qu'il eſtoit perſuadé
que le Roy ne leur feroit
rien faire qui fût prejudiciable à
fes intereſts , & qu'il me chargeoit
de leur conſeiller tout ce
qu'il faudroit faire pour lemieux
quand ils ſeroient en France
qu'il ſe repoſoit ſur moy pour cela
, & qu'il eſtoit bien ſeur que
jene leur conſeillerois rien qui
ne fût à faire . Nous avions donc
avec nous trois Ambaſſadeurs
des plus confiderables de Siam.
Le premier eſt frere du deffunt
Barcalon qui eſtoit premier Miniſtre
du Roy , homme d'eſprit ,
il a toûjours eſté auprés de ſon
frere dans toutes les affaires ,
c'eſt luy qui accompagné d'un
autre eſtoit venu me recevoir à
l'entrée de la Riviere de Siam
lors de mon arrivée & qui a
toûjours eſté avec moy , m'accompagnant
partout où j'allois.
La
DU VOYAGE DE SIAM. 97
La premiere fois que je le vis il
me parut tres-honneſte-homme
& d'un eſprit fort aiſé , ce qui fit
que je dis à Monfieur Conftans
que je croyois qu'il feroit trespropre
pour eftre Ambaſſadeur
en France. Le ſecond eſt un homme
fort âgé qui a beaucoup d'efprit
, & a eſté Ambaſſadeur à la
la Chine dont le Roy fon maiſtre
fut fort content ; le troiſiéme eſt
âgé de vingt- cinq ou trente ans,
fon pere eſt Ambaſſadeur en
Portugal; ce font les meilleures
perſonnes du monde , ils ſont
doux , honnêtes , complaifants,
& de tres-bonne humeur , & je
conte d'eſtre fort de leurs amis.
Ils écrivent juſqu'aux moindres
petites choſes qu'ils voyent , ce
qui me fait plaiſir ; car ils auront
dequoi s'exercer en France , où
ils rencontreront tant de chofes
dignes de leur admiration , je
i
68 RELATION
m'aſſure qu'ils en feront un fidel
recit au Roy leur Maiſtre. Ils devoient
avoir douze Mandarins à
leur ſuites;mais ils n'en ont que
huit parce qu'il en eſt reſté quatre
àSiam qui ne ſont pas venus affés
toſtàbord, il amenoient en France
douze petits garçons pour les
y laiſſer pour apprendre la Langue&
des métiers ; mais il en eſt
reſté une partie avec les quatre
Mandarins qui n'ont pû nous
joindre auſſi bien que quelques
domeſtiques de ces Ambaſſadcurs
ils en ont encore une vingtaine ,
ils font chargés de beaucoup de
beaux preſens pour le Roy , pour
Monseigneur, pour Madame la
Dauphine & pour Meſſeigneurs
les Ducs de Bourgogne & d'Anjou
& pour Meſſieurs de Seignelay
& de Colbert de Croiſy . Il y
en parmy ces prefens beaucoup
de vaſes d'or & d'argent ,
DU VOYAGE DE SIAM. 99
des ouvrages du Japon & des
Manilles , grande quantité de
porcelaines tres - rares , des paravans
de la Chine & du Japon ,
pluſieurs bijoux de tous les endroits
des Indes , des Cabinets ,
coffres , écritoires vernis , & garnis
d'argent , des vazes de terre
ſizelée , qui font legers conume
des plumes , deux petits navires
d'or , l'un pour le Roy & l'autre
pour Monſeigneur le Duc
de Bourgogne , deux pieces de
canon pour le Roy d'environ
deux ou trois livres de balles ,
de fer battu à froid garnis d'argent&
façonné avec de l'argent
approchant d'un ouvrage de raport
, des cornes de rinocerots,
des pierres de Bezoüar & pluſieurs
autres choſes dontje ne me
fouviens pas . Ces preſens vallent
beaucoup , & le Roy de Siam s'eſt
fait un grand plaifir d'envoyer
i ij
100 RELATION
د parce
tout ce qu'il avoit de plus rare.
Monfieur l'Abbé de Lionne fut
prié par ceRoyde faire le voyage
avecſes Ambaſſadeurs ; il leur fera
d'un grand fecours
qu'il parle leur langue , c'eſt un
tres-honnête homme & d'une
haute pieté le meſme Roy témoigna
auſſi à Monfieur le Vacher
qu'il feroit bien- aiſe qu'il retournât
avec ſes Ambaſſadeurs ,
ce qu'il a auſſi fait, il leur ſera
pareillement d'une grande utilité
eſtant un homme fort agiſſant.
Nous avions auſſi avec nous Monfieur
l'Abbé de Choiſi qui a fait le
voyage pour demeurer en qualité
d'Ambaſſadeur en cas que le Roy
dece pays-làſe fût fait Chrétien ;
c'eſt un tres-honnêtehomme quia
beaucoup d'eſprit & de merite . Il
s'eſt fait Prêtre & il a dit ſa premiere
Meſſe dans le Vaiſſeau , il
nous a donné de bons exemples ,
DU VOYAGE DE SIAM. IOI
& nous fait des predications fort
édifiantes , Monfieur l'Abbé du
Chailar étoit auſſi du voyage,c'eſt
un homme d'eſprit & qui nous a
ſouvent prêché. J'avois pourAu
mônier Monfieur l'Abbé deJully
dont j'ai été fort content, ilnous a
auſſi faitdebelles Predications,&
l'AumônierduVaiſſeau Monfieur
le Dot a eu un ſoin fort grand de
tout l'équipage , & de ceux qui
eſtoient malades. Ilne s'eſt point
paſſé de Dimanche ny de Feſte
que nous n'ayons eu des Predications,
& je puis dire grace àDieu
que l'on a vécu dans le Vaiſſeau
avec beaucoup de pieté par le ſecours
de tous ces Meſſieurs qui
exhortoient ſouvent ceux de l'é
quipage à vivre en Chrétiens , il
n'y en a point eu qui ne ſe ſoient
confeffez & fait ſouvent leurs devotions
, ce qui nous a attiré toutes
les benedictions de Dieu
iiij
102 RELATION
que nous avons euës dans ce
voyage ; car on ne peut pas faire
une navigation plus heureuſe .
Nous avions pour Capitaine de
Vaiſſeau Monfieur de Vaudricourt
qui commandoit le vaiſſeau
Loiſeau , c'eſt un tres-honnête
homme , & un des meilleurs na.
vigateurs&des plus ſoigneux que
le Royaye ; j'ay tout- à-fait ſujet
de m'enloüer , il a eu le ſoin de
tout ce qui concernoit le Vaiſ
ſeau ; où rien n'a manqué parles
precautions qu'il avoit priſes avant
noſtre départ , je n'euſſe jamais
crû que cela euſt pû ſe faire
de la forte dans un ſi long voyage.
Nous avions auſſi Monfieur
de Coriton Capitaine de Fregate
legere, un tres-bon Officier fort
foigneux & affiduà ſon métier ;
nous avions pour Lieutenant le
Chevalier de Fourbin que j'ay
laiſſay prés du Roy de Siam, &
DU VOYAGE DE SIAM. 103
Monfieur le Chevalier de Cibois
qui ſontde tres-bons Officiers , &
pour Enſeigne Monfieur de Chamoreau
qui eſt un homme qui
ſçait beaucoup de ſon métier,
par la grande application qu'il y
donne , il eſt capable d'être plus
qu'Enſeigne. Le Roy m'avoit fait
l'honneur de me donner douze
Officiers & gardes Marines pour
m'accompagner à l'Ambaſſade
qui estoient Meſſieurs de Francine
Enſeigne , Saint Villiers enſeigne
, de Compiegne , de Freteville
, de Seneville , du Fays ,
de Joncourt , la Palu , la Foreſt,
d'Hebouville qui eſt mort dans la
Fregate en route , & Monfieur du
Tartre Lieutenant ſur la Fregate
Maline qui eſt tres-honnête
homme & bon Officier . Monfieur
de Joyeuſe commandoit cette
Fregate , & j'ay tous les ſujets du
monde de me loüer de ſa con
i iiij
104
RELATION
duite ; je dois rendre cettejuſtice
à tous ces Meſſieurs qu'ils ont
efté tres- ſages , & ont tout-àfait
répondu au choix que fa Majeſté
en avoit fait ; ils ont bien
appris la navigation & les Mathematiques
; ils avoient un Maiſtre
en allant qui a reſté à Siam , &
en revenant le Pere Taſchard a
bien voulu leur en ſervir ; ceux
qui ne font pas Officiers font capables
de l'être , & ceux qui le
font, font capables de monter à
des degrez plus hauts . Il y avoit
un garde Marine qui estoit commandé
qui n'eſt pas venu avec
moy & qui eft reſté en France; je
diray à la loüange de Monfieur
le Chevalier du Fays qu'il eſt trescapable
d'être Enſeigne , il a eu
unetres- grande application pour
apprendre les manoeuvres & tout
ce qui regarde la navigation. J'avois
pour Secretaire le Sieur de
DU VOYAGE DE SIAM. ios
la Broffe-bonneau qui eſt treshonnête-
homme . Monfieur Conſtans
m'ayant témoigné qu'il ſeroit
bien-aife d'avoir deux de
mes Trompettes & mon Tapiffier
je les luy laiſſay deleur conſentement
, il leur a fait un bon party;
mon Maiſtre d'Hôtel me demanda
d'y refter pour negotier quelque
argent qu'il avoit, un de mes
laquais eft demeuré avec le Chef
de la Compagnie Françoiſe , &
un autre à qui la devotion a fait
prendre party de refter au Seminaire
de Siam pour eftre Miſſionaire
. Monfieur l'Abbé de Choifi
y a aufli laiſſédeux de ſes gens ,
l'un appellé Beauregard qui étoit
Cadet dans le Vaiſſeau
Monfieur Conftans a promis de
faire quelque choſe pour luy , je
croy qu'il le mettra dans la Marine,
il eſt bien demeuré douze
ou quinze François au ſervice du
106 RELATION
Roy & du Miniſtre.
Je continuay ma route & j'eus
vent arriere & le Avril je
paſſay à la hauteur de l'Iſle fainte
Heleine qui eſt habitée par les
Anglois ; les Vaiſſeaux qui viennent
des Indes y touchent ordinairement
, c'eſtà dire quand ils
ne vont pas au Cap de Bonne-
Eſperance ; on m'a dit que c'eſt
une tres-bonne Iſle & bien fertile,
elle eſt à ſeize degrez de latitude
Sud . Le les vents toûjours
arriere je paſſay à la veuë de l'Iſle
de l'Aſcenſion qui eſt à huit degrez
Sud de la ligne. Cette Ifle
n'eſt point habitée, la plupart des
Vaiſſeaux qui paſſent s'y arrêtent
pour y prendre de la tortuë , il y
en a unegrande quantité , & ces
animaux rafraîchiffent beaucoup
les équipages , ils demeurerent
en vie un mois & fix ſemaines
ſans manger , on ne les peut pren
DU VOYAGE DE SIAM. 107
dre que la nuit , car le jour les
tortuës ſe tiennent à la mer , & la
nuit elles ſe retirent en terre pour
y mettre leurs oeufs qu'elles enfoüient
dans le ſable. Pour les
prendre il ſe faut tenir caché avec
un gros bâton à la main& les furprendre
quand elles ſortent de
l'eau, on les renverſe ſur le dos &
lors elles ne peuvent plus ſe retourner
, on en prend des quatrevingt&
cent pour une nuit & le
jour on les embarque & on les
met fur le dos dans le Vaiſſeau . II
ya des Barques qui y vont pour
faller de ces tortuës, qu'elles por
tent aux Iſles de l'Amerique &
que les habitans achetent pour
leurs eſclaves ; comme j'avoisun
bon ventje ne m'y arreſtay point,
ne voulant pas perdre de temps
à paſſer la Ligne Equinoxiale ;
car quelquefois on y reſte longtemps
à cauſedes grands calmes
108 RELATION
&des pluyes qu'on y trouve ; le
28. Avril je paſſay la Ligne avec
un temps admirable , les chaleurş
n'étant point incommodes,peu de
calme & de pluye ; c'étoit la
quatrième fois que je l'avois pafſée
dans ce voyage ſans avoir
quitté le juftau- corps de drap
doublé de meſime;tout mon monde
&mon équipage eſtoient lors
en tres-bonne ſanté à la referve
de quatre, ou cinq qui estoient
malades du flux de ventre depuis
Siam ; cette maladie ſe guerit
rarement dans ces pays-là ,
il ne m'eſtmort que dix ou douze
Matelots ou Soldats. Nous ne
vîmes que tres-peu de poiſion
dans cette traverſe , ce qui eſt
contre la coûtume , car ordinairement
ils'y en trouve en grand
nombre ; nous harponnâmes un
gros poiffon que l'on appelle foufdeur,
environ huitpieds de long&
quatre de large , il avoitſur la tête
1
DU VOYAGET
DE SIAM. 109
un trou par où il reſpire & jettoit
de l'eau en l'air comme une fontaine;
il faisoit beaucoup de bruit&
peſoitenviron 300.livres; ce poif-
Ton eft bon à manger & le harpondonton
ſe ſert pour le prendre
eſt comme le fer d'une fleche,
quand il eſt une fois entré il ne
peut plus reſſortir. On met cet
harpon au bout d'un morceau de
bois bien long que l'on attache à
une corde , un Matelot adroit
tient cet harpon dans la main à
l'avant du Navire , & ce poiſſon
venant à paffer proche de luy il
luy jette le harpon , l'ayant touché
il défile la corde pour que le
poiffon perde ſon ſang &fa force;
enſuite on le retire. Le vingtneuf
nous primes de la meſme
maniere deux autres poiſſons que
l'on nomme Marſoins , ils font
preſque de la meſme figure que le
foufleur , à la referve qu'ils ont
210 RELATION
la tête & le muſeau long , & le
ſoufleur l'a preſque ronde. Ils
pouvoient bien peſer cent cinquante
livres chacun ; ils font
aufſſi tres-bons à manger. Nous
eſtions du côté du Nort avec un
bon vent ; jen'ay eſté que trente
deux jours en route du Cap de
Bonne-Efperance à la Ligne , &
en allant j'avois employé de la
Ligne au Cap ſept ſemaines , parceque
la route eſt beaucoup plus
longue par les vents d'oueſt qu'il
faut aller chercher .
Le 16. May ſur le minuit nous
paſſames le Tropique par l'eſtime
qu'en firent nos Pilotes en
prenant la hauteur. Le i7. à midy
ce fut grace à Dieu la fixieme
fois que nous avions paſſé les
Tropiques dans ce voyage , &
fortant de la Zone torride nous
entrâmesdans la temperée par un
bon vent.
DU VOYAGE DE SIAM. 211
Le premier Juin nous vîmes
la terre , & comme nous croyons
en eſtre à plus de cent cinquante
lieuës cela nous furprit , & comme
il faifoit un grand broüillard
nous fumes obligez de nous en
approcher , & le temps s'étant
éclairci nous reconnûmes que
c'étoit l'Iſle de Flore qui eſt une
des Açores & la plus à l'oueſt; elle
eſt tres-haute , il en tombe de
l'eau des montagnes dansla Mer
ce qui fait de tres-belles caſcades
, & qui nous la fit reconnoître.
Il falloit que nous euſſions
trouvé des courans d'eau qui
nous euſſent portez à l'ouest , que
nous nous faiſions à plus decent
cinquante lieuës à l'eſt . Le cinquiéme
nous vîmes un Vaiſſeau
qui paſſa proche de nous ; mais
comme c'étoit la nuit nous ne
ſçûmes pas de quel paysil eſtoit.
Le ſeptiéme nous en vîmes un
12 RELATION
autre qui eſtant venu proche du
mien,j'envoyay mon canot àbord
avec un Officier qui me dit que
c'étoit un Navire de Londres qui
venoit de Virginie qui s'en retournoit
à Londres, il eſtoit chargé
de tabac , & comme il faifoit
beaucoup de vent, & que nous
allions mieux que luy nous le
quittâmes en peude temps. Nous
eûmes vent variable juſqu'au
douziéme , & fur les fix heures
du foir le vent eſtant oueft &
arriere il ſe leva une groſſe mer
& le vent ſi violent qu'ils nous
obligerent le lendemain fur les
dix heures du matin de mettre à
la Cap , & mes Pilotes ne ſe faifoient
qu'à cent licuës de Breſt .
Letemps eftant fort obſcur avec
de lapluie , & comme on craint
de s'approcher des terres par un
tel temps , parce que quelque
foisces coups de vent durentdes
huir
DUVOYAGEDE SIAM. I1I13
jours ; cela m'obligea à mettre à
la cap, fur les dix heures du ſoir
du treize le vent & la mer calmerent
, &je me remis à la voile &
le dix-huit Juin nous arrivâmes
graces à Dieu heureuſement à la
rade de Breft , à quatre heures aprés
midyoùdés qu'on eûtmoüillé
jefis tirer le Canon des deux
Vaiſſeaux pour ſaluër les Ambaſ
fadeurs de Siam que j'ay amenez,
heures aprés midy j'ay mis
à la voile avec un bon vent , en
fortantde la Baye prés de la Fortereſſe
Hollandoiſe du Cap de
Bonne- Efperance , je vis trois
vaiſſeaux qui faifoient route pour
venir au Cap ; mais je n'ay pû
diftinguer de quelle Nation ils
eſtoient , je croy qu'ils eſtoient
Hollandois , parce qu'on en attendoit
ce nombre de l'Iſle de
GC
-
DU VOYAGE DE SIAM. 95
Ceilan. Quand nous fumes à
quarante lieuës delà nous trouvâme
la mer fort groſſe , elle nous
tourmenta beaucoup , & nous
continuâmes noſtre route pour
aller paffer la ligne par la meſme
longitudeque nous l'avions pafſée
en allant , il ne ſe pouvoit
que noftre voyage ne fut extrémement
agreable ; car , comme
j'ay déja dit , le Roy de Siam envoyoit
avec nous des Ambaffadeurs
en France , pour témoigner
au Roy avec combien de
paffion il fouhaittoit fon amitié :
ſes grandes qualitez & fa renommée
eſtant venuëjuſqu'à luy,
&faifant depuis long-temps un
extrême bruit dans les Indes . Il
m'avoit dit dans une Audience ,
qu'il ne leur donnoit point d'inſtructions
ſur les ceremonies que
l'on fait en France qui font bien
differentes de celles de fon
96 RELATIO
Royaume , parce qu'il eſtoit perſuadé
que le Roy ne leur feroit
rien faire qui fût prejudiciable à
fes intereſts , & qu'il me chargeoit
de leur conſeiller tout ce
qu'il faudroit faire pour lemieux
quand ils ſeroient en France
qu'il ſe repoſoit ſur moy pour cela
, & qu'il eſtoit bien ſeur que
jene leur conſeillerois rien qui
ne fût à faire . Nous avions donc
avec nous trois Ambaſſadeurs
des plus confiderables de Siam.
Le premier eſt frere du deffunt
Barcalon qui eſtoit premier Miniſtre
du Roy , homme d'eſprit ,
il a toûjours eſté auprés de ſon
frere dans toutes les affaires ,
c'eſt luy qui accompagné d'un
autre eſtoit venu me recevoir à
l'entrée de la Riviere de Siam
lors de mon arrivée & qui a
toûjours eſté avec moy , m'accompagnant
partout où j'allois.
La
DU VOYAGE DE SIAM. 97
La premiere fois que je le vis il
me parut tres-honneſte-homme
& d'un eſprit fort aiſé , ce qui fit
que je dis à Monfieur Conftans
que je croyois qu'il feroit trespropre
pour eftre Ambaſſadeur
en France. Le ſecond eſt un homme
fort âgé qui a beaucoup d'efprit
, & a eſté Ambaſſadeur à la
la Chine dont le Roy fon maiſtre
fut fort content ; le troiſiéme eſt
âgé de vingt- cinq ou trente ans,
fon pere eſt Ambaſſadeur en
Portugal; ce font les meilleures
perſonnes du monde , ils ſont
doux , honnêtes , complaifants,
& de tres-bonne humeur , & je
conte d'eſtre fort de leurs amis.
Ils écrivent juſqu'aux moindres
petites choſes qu'ils voyent , ce
qui me fait plaiſir ; car ils auront
dequoi s'exercer en France , où
ils rencontreront tant de chofes
dignes de leur admiration , je
i
68 RELATION
m'aſſure qu'ils en feront un fidel
recit au Roy leur Maiſtre. Ils devoient
avoir douze Mandarins à
leur ſuites;mais ils n'en ont que
huit parce qu'il en eſt reſté quatre
àSiam qui ne ſont pas venus affés
toſtàbord, il amenoient en France
douze petits garçons pour les
y laiſſer pour apprendre la Langue&
des métiers ; mais il en eſt
reſté une partie avec les quatre
Mandarins qui n'ont pû nous
joindre auſſi bien que quelques
domeſtiques de ces Ambaſſadcurs
ils en ont encore une vingtaine ,
ils font chargés de beaucoup de
beaux preſens pour le Roy , pour
Monseigneur, pour Madame la
Dauphine & pour Meſſeigneurs
les Ducs de Bourgogne & d'Anjou
& pour Meſſieurs de Seignelay
& de Colbert de Croiſy . Il y
en parmy ces prefens beaucoup
de vaſes d'or & d'argent ,
DU VOYAGE DE SIAM. 99
des ouvrages du Japon & des
Manilles , grande quantité de
porcelaines tres - rares , des paravans
de la Chine & du Japon ,
pluſieurs bijoux de tous les endroits
des Indes , des Cabinets ,
coffres , écritoires vernis , & garnis
d'argent , des vazes de terre
ſizelée , qui font legers conume
des plumes , deux petits navires
d'or , l'un pour le Roy & l'autre
pour Monſeigneur le Duc
de Bourgogne , deux pieces de
canon pour le Roy d'environ
deux ou trois livres de balles ,
de fer battu à froid garnis d'argent&
façonné avec de l'argent
approchant d'un ouvrage de raport
, des cornes de rinocerots,
des pierres de Bezoüar & pluſieurs
autres choſes dontje ne me
fouviens pas . Ces preſens vallent
beaucoup , & le Roy de Siam s'eſt
fait un grand plaifir d'envoyer
i ij
100 RELATION
د parce
tout ce qu'il avoit de plus rare.
Monfieur l'Abbé de Lionne fut
prié par ceRoyde faire le voyage
avecſes Ambaſſadeurs ; il leur fera
d'un grand fecours
qu'il parle leur langue , c'eſt un
tres-honnête homme & d'une
haute pieté le meſme Roy témoigna
auſſi à Monfieur le Vacher
qu'il feroit bien- aiſe qu'il retournât
avec ſes Ambaſſadeurs ,
ce qu'il a auſſi fait, il leur ſera
pareillement d'une grande utilité
eſtant un homme fort agiſſant.
Nous avions auſſi avec nous Monfieur
l'Abbé de Choiſi qui a fait le
voyage pour demeurer en qualité
d'Ambaſſadeur en cas que le Roy
dece pays-làſe fût fait Chrétien ;
c'eſt un tres-honnêtehomme quia
beaucoup d'eſprit & de merite . Il
s'eſt fait Prêtre & il a dit ſa premiere
Meſſe dans le Vaiſſeau , il
nous a donné de bons exemples ,
DU VOYAGE DE SIAM. IOI
& nous fait des predications fort
édifiantes , Monfieur l'Abbé du
Chailar étoit auſſi du voyage,c'eſt
un homme d'eſprit & qui nous a
ſouvent prêché. J'avois pourAu
mônier Monfieur l'Abbé deJully
dont j'ai été fort content, ilnous a
auſſi faitdebelles Predications,&
l'AumônierduVaiſſeau Monfieur
le Dot a eu un ſoin fort grand de
tout l'équipage , & de ceux qui
eſtoient malades. Ilne s'eſt point
paſſé de Dimanche ny de Feſte
que nous n'ayons eu des Predications,
& je puis dire grace àDieu
que l'on a vécu dans le Vaiſſeau
avec beaucoup de pieté par le ſecours
de tous ces Meſſieurs qui
exhortoient ſouvent ceux de l'é
quipage à vivre en Chrétiens , il
n'y en a point eu qui ne ſe ſoient
confeffez & fait ſouvent leurs devotions
, ce qui nous a attiré toutes
les benedictions de Dieu
iiij
102 RELATION
que nous avons euës dans ce
voyage ; car on ne peut pas faire
une navigation plus heureuſe .
Nous avions pour Capitaine de
Vaiſſeau Monfieur de Vaudricourt
qui commandoit le vaiſſeau
Loiſeau , c'eſt un tres-honnête
homme , & un des meilleurs na.
vigateurs&des plus ſoigneux que
le Royaye ; j'ay tout- à-fait ſujet
de m'enloüer , il a eu le ſoin de
tout ce qui concernoit le Vaiſ
ſeau ; où rien n'a manqué parles
precautions qu'il avoit priſes avant
noſtre départ , je n'euſſe jamais
crû que cela euſt pû ſe faire
de la forte dans un ſi long voyage.
Nous avions auſſi Monfieur
de Coriton Capitaine de Fregate
legere, un tres-bon Officier fort
foigneux & affiduà ſon métier ;
nous avions pour Lieutenant le
Chevalier de Fourbin que j'ay
laiſſay prés du Roy de Siam, &
DU VOYAGE DE SIAM. 103
Monfieur le Chevalier de Cibois
qui ſontde tres-bons Officiers , &
pour Enſeigne Monfieur de Chamoreau
qui eſt un homme qui
ſçait beaucoup de ſon métier,
par la grande application qu'il y
donne , il eſt capable d'être plus
qu'Enſeigne. Le Roy m'avoit fait
l'honneur de me donner douze
Officiers & gardes Marines pour
m'accompagner à l'Ambaſſade
qui estoient Meſſieurs de Francine
Enſeigne , Saint Villiers enſeigne
, de Compiegne , de Freteville
, de Seneville , du Fays ,
de Joncourt , la Palu , la Foreſt,
d'Hebouville qui eſt mort dans la
Fregate en route , & Monfieur du
Tartre Lieutenant ſur la Fregate
Maline qui eſt tres-honnête
homme & bon Officier . Monfieur
de Joyeuſe commandoit cette
Fregate , & j'ay tous les ſujets du
monde de me loüer de ſa con
i iiij
104
RELATION
duite ; je dois rendre cettejuſtice
à tous ces Meſſieurs qu'ils ont
efté tres- ſages , & ont tout-àfait
répondu au choix que fa Majeſté
en avoit fait ; ils ont bien
appris la navigation & les Mathematiques
; ils avoient un Maiſtre
en allant qui a reſté à Siam , &
en revenant le Pere Taſchard a
bien voulu leur en ſervir ; ceux
qui ne font pas Officiers font capables
de l'être , & ceux qui le
font, font capables de monter à
des degrez plus hauts . Il y avoit
un garde Marine qui estoit commandé
qui n'eſt pas venu avec
moy & qui eft reſté en France; je
diray à la loüange de Monfieur
le Chevalier du Fays qu'il eſt trescapable
d'être Enſeigne , il a eu
unetres- grande application pour
apprendre les manoeuvres & tout
ce qui regarde la navigation. J'avois
pour Secretaire le Sieur de
DU VOYAGE DE SIAM. ios
la Broffe-bonneau qui eſt treshonnête-
homme . Monfieur Conſtans
m'ayant témoigné qu'il ſeroit
bien-aife d'avoir deux de
mes Trompettes & mon Tapiffier
je les luy laiſſay deleur conſentement
, il leur a fait un bon party;
mon Maiſtre d'Hôtel me demanda
d'y refter pour negotier quelque
argent qu'il avoit, un de mes
laquais eft demeuré avec le Chef
de la Compagnie Françoiſe , &
un autre à qui la devotion a fait
prendre party de refter au Seminaire
de Siam pour eftre Miſſionaire
. Monfieur l'Abbé de Choifi
y a aufli laiſſédeux de ſes gens ,
l'un appellé Beauregard qui étoit
Cadet dans le Vaiſſeau
Monfieur Conftans a promis de
faire quelque choſe pour luy , je
croy qu'il le mettra dans la Marine,
il eſt bien demeuré douze
ou quinze François au ſervice du
106 RELATION
Roy & du Miniſtre.
Je continuay ma route & j'eus
vent arriere & le Avril je
paſſay à la hauteur de l'Iſle fainte
Heleine qui eſt habitée par les
Anglois ; les Vaiſſeaux qui viennent
des Indes y touchent ordinairement
, c'eſtà dire quand ils
ne vont pas au Cap de Bonne-
Eſperance ; on m'a dit que c'eſt
une tres-bonne Iſle & bien fertile,
elle eſt à ſeize degrez de latitude
Sud . Le les vents toûjours
arriere je paſſay à la veuë de l'Iſle
de l'Aſcenſion qui eſt à huit degrez
Sud de la ligne. Cette Ifle
n'eſt point habitée, la plupart des
Vaiſſeaux qui paſſent s'y arrêtent
pour y prendre de la tortuë , il y
en a unegrande quantité , & ces
animaux rafraîchiffent beaucoup
les équipages , ils demeurerent
en vie un mois & fix ſemaines
ſans manger , on ne les peut pren
DU VOYAGE DE SIAM. 107
dre que la nuit , car le jour les
tortuës ſe tiennent à la mer , & la
nuit elles ſe retirent en terre pour
y mettre leurs oeufs qu'elles enfoüient
dans le ſable. Pour les
prendre il ſe faut tenir caché avec
un gros bâton à la main& les furprendre
quand elles ſortent de
l'eau, on les renverſe ſur le dos &
lors elles ne peuvent plus ſe retourner
, on en prend des quatrevingt&
cent pour une nuit & le
jour on les embarque & on les
met fur le dos dans le Vaiſſeau . II
ya des Barques qui y vont pour
faller de ces tortuës, qu'elles por
tent aux Iſles de l'Amerique &
que les habitans achetent pour
leurs eſclaves ; comme j'avoisun
bon ventje ne m'y arreſtay point,
ne voulant pas perdre de temps
à paſſer la Ligne Equinoxiale ;
car quelquefois on y reſte longtemps
à cauſedes grands calmes
108 RELATION
&des pluyes qu'on y trouve ; le
28. Avril je paſſay la Ligne avec
un temps admirable , les chaleurş
n'étant point incommodes,peu de
calme & de pluye ; c'étoit la
quatrième fois que je l'avois pafſée
dans ce voyage ſans avoir
quitté le juftau- corps de drap
doublé de meſime;tout mon monde
&mon équipage eſtoient lors
en tres-bonne ſanté à la referve
de quatre, ou cinq qui estoient
malades du flux de ventre depuis
Siam ; cette maladie ſe guerit
rarement dans ces pays-là ,
il ne m'eſtmort que dix ou douze
Matelots ou Soldats. Nous ne
vîmes que tres-peu de poiſion
dans cette traverſe , ce qui eſt
contre la coûtume , car ordinairement
ils'y en trouve en grand
nombre ; nous harponnâmes un
gros poiffon que l'on appelle foufdeur,
environ huitpieds de long&
quatre de large , il avoitſur la tête
1
DU VOYAGET
DE SIAM. 109
un trou par où il reſpire & jettoit
de l'eau en l'air comme une fontaine;
il faisoit beaucoup de bruit&
peſoitenviron 300.livres; ce poif-
Ton eft bon à manger & le harpondonton
ſe ſert pour le prendre
eſt comme le fer d'une fleche,
quand il eſt une fois entré il ne
peut plus reſſortir. On met cet
harpon au bout d'un morceau de
bois bien long que l'on attache à
une corde , un Matelot adroit
tient cet harpon dans la main à
l'avant du Navire , & ce poiſſon
venant à paffer proche de luy il
luy jette le harpon , l'ayant touché
il défile la corde pour que le
poiffon perde ſon ſang &fa force;
enſuite on le retire. Le vingtneuf
nous primes de la meſme
maniere deux autres poiſſons que
l'on nomme Marſoins , ils font
preſque de la meſme figure que le
foufleur , à la referve qu'ils ont
210 RELATION
la tête & le muſeau long , & le
ſoufleur l'a preſque ronde. Ils
pouvoient bien peſer cent cinquante
livres chacun ; ils font
aufſſi tres-bons à manger. Nous
eſtions du côté du Nort avec un
bon vent ; jen'ay eſté que trente
deux jours en route du Cap de
Bonne-Efperance à la Ligne , &
en allant j'avois employé de la
Ligne au Cap ſept ſemaines , parceque
la route eſt beaucoup plus
longue par les vents d'oueſt qu'il
faut aller chercher .
Le 16. May ſur le minuit nous
paſſames le Tropique par l'eſtime
qu'en firent nos Pilotes en
prenant la hauteur. Le i7. à midy
ce fut grace à Dieu la fixieme
fois que nous avions paſſé les
Tropiques dans ce voyage , &
fortant de la Zone torride nous
entrâmesdans la temperée par un
bon vent.
DU VOYAGE DE SIAM. 211
Le premier Juin nous vîmes
la terre , & comme nous croyons
en eſtre à plus de cent cinquante
lieuës cela nous furprit , & comme
il faifoit un grand broüillard
nous fumes obligez de nous en
approcher , & le temps s'étant
éclairci nous reconnûmes que
c'étoit l'Iſle de Flore qui eſt une
des Açores & la plus à l'oueſt; elle
eſt tres-haute , il en tombe de
l'eau des montagnes dansla Mer
ce qui fait de tres-belles caſcades
, & qui nous la fit reconnoître.
Il falloit que nous euſſions
trouvé des courans d'eau qui
nous euſſent portez à l'ouest , que
nous nous faiſions à plus decent
cinquante lieuës à l'eſt . Le cinquiéme
nous vîmes un Vaiſſeau
qui paſſa proche de nous ; mais
comme c'étoit la nuit nous ne
ſçûmes pas de quel paysil eſtoit.
Le ſeptiéme nous en vîmes un
12 RELATION
autre qui eſtant venu proche du
mien,j'envoyay mon canot àbord
avec un Officier qui me dit que
c'étoit un Navire de Londres qui
venoit de Virginie qui s'en retournoit
à Londres, il eſtoit chargé
de tabac , & comme il faifoit
beaucoup de vent, & que nous
allions mieux que luy nous le
quittâmes en peude temps. Nous
eûmes vent variable juſqu'au
douziéme , & fur les fix heures
du foir le vent eſtant oueft &
arriere il ſe leva une groſſe mer
& le vent ſi violent qu'ils nous
obligerent le lendemain fur les
dix heures du matin de mettre à
la Cap , & mes Pilotes ne ſe faifoient
qu'à cent licuës de Breſt .
Letemps eftant fort obſcur avec
de lapluie , & comme on craint
de s'approcher des terres par un
tel temps , parce que quelque
foisces coups de vent durentdes
huir
DUVOYAGEDE SIAM. I1I13
jours ; cela m'obligea à mettre à
la cap, fur les dix heures du ſoir
du treize le vent & la mer calmerent
, &je me remis à la voile &
le dix-huit Juin nous arrivâmes
graces à Dieu heureuſement à la
rade de Breft , à quatre heures aprés
midyoùdés qu'on eûtmoüillé
jefis tirer le Canon des deux
Vaiſſeaux pour ſaluër les Ambaſ
fadeurs de Siam que j'ay amenez,
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Résumé : « Le vingt-sixiéme Mars à deux heures aprés midy j'ay mis [...] »
Le texte relate un voyage maritime entrepris le 16 mars à partir de la baie près de la forteresse hollandaise du Cap de Bonne-Espérance. Le voyageur a aperçu trois vaisseaux supposés être hollandais en route vers le Cap. La navigation est devenue difficile à quarante lieues du Cap en raison de la mer agitée. Le voyage a ensuite continué pour repasser la ligne équatoriale à la même longitude que lors du trajet aller. Le roi de Siam avait envoyé trois ambassadeurs en France pour témoigner de son amitié au roi de France. Ces ambassadeurs étaient accompagnés de douze mandarins et de douze jeunes garçons destinés à apprendre la langue et des métiers en France. Ils apportaient également de nombreux présents, incluant des vases d'or et d'argent, des porcelaines rares, des bijoux, des cornes de rhinocéros, et d'autres objets précieux. À bord du vaisseau, plusieurs personnalités étaient présentes, notamment l'abbé de Lionne, l'abbé de Choisi, et l'abbé du Chailar, qui prêchaient et exhortaient l'équipage à vivre en chrétiens. Le capitaine du vaisseau, Monsieur de Vaudricourt, ainsi que d'autres officiers, étaient loués pour leur compétence et leur dévouement. Le 28 avril, le voyageur a passé la ligne équatoriale sans rencontrer de grands calmes ou de pluies, et avec un équipage en bonne santé. Ils ont capturé plusieurs poissons, dont un gros poisson-souffleur et deux marsouins. Le 16 mai, ils ont passé le tropique du Cancer. Le 17 juin, les voyageurs ont traversé les Tropiques pour entrer dans la zone tempérée grâce à un bon vent. Le 1er juin, ils ont aperçu la terre, identifiée comme l'île de Flore, l'une des Açores, après avoir navigué à travers un brouillard épais. Ils ont été surpris de se trouver à plus de cent cinquante lieues de leur position estimée, attribuant cela à des courants marins. Le 5 juin, ils ont vu un vaisseau de nuit dont l'origine est restée inconnue. Le 7 juin, ils ont rencontré un navire de Londres revenant de Virginie, chargé de tabac. Ils ont ensuite affronté des vents variables et une mer agitée, les obligeant à mettre à la cape le 12 juin. Le mauvais temps les a contraints à rester à la cape jusqu'au 13 juin, date à laquelle ils ont pu reprendre leur route. Ils sont finalement arrivés à la rade de Brest le 18 juin, où ils ont salué les ambassadeurs de Siam qu'ils avaient amenés.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
9
p. 169-208
Journal du Voyage des Ambassadeurs de Siam, depuis Brest jusques au Cap de Bonne-Esperance, avec ce qui s'est passé pendant le sejour qu'ils ont fait au Cap. [titre d'après la table]
Début :
Je vous manday le mois passé des Nouvelles de l'arrivée [...]
Mots clefs :
Journal, Voyage, Ambassadeurs de Siam, Brest, Cap de Bonne-Espérance, Officiers, Lieues, Mr Masurier, Vent, Hauteur, Capitaine, Lieutenant, Escadre, Le Gaillard, Vaisseau, Matelots, Pilotes, Gouverneur, Rade, Vaisseaux, Siam, Loire, Le Dromadaire, Mr de Farges, Îles, Degrés, Moutons, Frégate La Maligne, Port, Enseignes, Le Cap
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Journal du Voyage des Ambassadeurs de Siam, depuis Brest jusques au Cap de Bonne-Esperance, avec ce qui s'est passé pendant le sejour qu'ils ont fait au Cap. [titre d'après la table]
Je vous manday le mois
paffé des Nouvelles de l'arrivée
au Cap de Bonne- Efperance,
des fix Vaiffeaux qui
Novembre 1687. P
170 MERCURE
reconduifent à Siam les Am
baffadeurs de ce , Royaumelà
, qui estoient venus en
France. Je vous appris en
mefme temps le débarquement
des Ambaffadeurs &
des Troupes , & ce qui s'eftoit
paflé à ce débarquement
, ainfi que le bon traitement
qui avoit efté fait
aux François par les Hollan
dois. Je reprens aujourd'huy
de plus haut ce qui regarde
ce Voyage , & vous en envoye
un Journal tres - curieux
qui commence au
jour que la Flote partit de
GALANI . 171
4
Breft , & finit à celuy du
rembarquement au Cap de
Bonne-Efperance . Ce Journal
a efté envoyé par M ' Mafurier,
Gentilhomme
Lionnois ,
qui eft allé à Siam avec M²
de Farges , & qui fait connoiſtre
fon efprit par les remarques
judicieufes
qu'il a
faites , & fon
intelligence
dans la
Marine , par la maniere
dont il
s'explique fur
toutes les chofes qui la
regardent. Voicy comme
il parle dans la Defcription
qu'il a envoyée de ce
Voyage.
Pij
172 MERCURE
A
Prés
avoir
demeuré
24- jours
dans dans
la Rade
de
Breft , nous fommes enfin partis
le premier jour de Mars ,
1657. fur les onze heures du
matin pour faire le voyage.
de Siam . Noftre Efcadre eftoit
compofee de fix Vaiffeaux ,
dont le moindre eftoit la Maligne,
cette Fregate legere du
port de cent cinquante tonneaux
, qui y alla avec M
le Chevalier de Chaumont ,
le plus grand eftoit le Gaillard
, noftre commandant , du
port de quatre cens foixante
GALANT. 173
des Officiers
tonneaux. Voicy le nom de ces
fix Vaiffeaux
en chef qui les commandoient.
Le Gaillard , l'Oifcau , la
Loire, la Normande , le Dromadaire
& la Maligne . Le
Gaillard estoit commandé par
M de Vaudricourt , cornmandant
l'Efcadre , fon fecond
Capitaine eftoit M de
Saint-Clerc fon Lieutenant
M de la Leine ; fes En-
Mrs Chamau-
L'Oifeignes
reau Lombut.
&
feau eftoit commandé par M
du Quefne ; fes Lieutenans
eftoient M Defcartes &
2
P iij
174 MERCURE
ان
Mde Bonneuil ; fes Enfeignes
, Mde Tiva , &
M de Freterville . La Loire
commandée
commandée par M²
eftoit
de Foyenfe ; fon Lieutenant ,
M de la Croifferiere , fon
Enfeigne M de Chiftery.
La Normande eftoit commandée
par M de Courfel ;
fons Lieutenant &Ms du Farsate
sufons Enfeignes M² de la
Machefoliere. Les Dromadaire
eftoit commandé par Mª
d'Endeve fon Lieutenant ,
M de Marillys ,infon Enfeigne
, M de Vieuchant.
La Maligne eftoit commandée
SGALANT. 175
par M de Perriere , fon Lieutenant
M de la Lié fervant
de Lieutenant , de premier Pilote
d'Enfeignes (0 )
Doux
nous
Le lendemain fecond jour du
mois de Mars , nous mifmes à la
voile & partifnies de Camarreft ,
qui est une petite rade à
trois dieues de Brest ,
-avions mouillé le foir precedent
pour attendre la Maligne qui
- fortit feulement ce jour-là du
Port de Breft , & nous pouffâmes
au large avec un vent ar
riere qui nous fit bien- toft perdre
la terre de vue . Le Mardy
3. vers une heure aprés Midy ,
Piiij
176 MERCURE
nous rencontrames une Flutte
Holandoife qui paffa fans nous
falüer , parce qu'elle n'avoit
point de Canon . Le Vendredy 6..
nous nous trouvâmes à la hauteur
du Cap de Finifierre &
-avions fait felon l'estime du
Pilote cent vingt ou cent trente
lieuës . Le mefme jour fur les
dix heures du matin , nous rencontrâmes
une Flutte Angloife
qui ne fit que paffer fort prés de
nous & nousfalüer en mettant
fon pavillon , à quoy nous répondifmes
de même en mettant
le noftre,
Le Samedy 7. nous eufmes un
GALANT. 177
vent de Nord-Nord- est qui
nous donna un tres -gros temps ,
jufqu'au Lundy au foir , ce qui
naus fit perdre la Loire, une de
nos Flûte fans fçavoir ce qu'elle
eftoit devenue . Le 13. nous fifmes
rencontre d'une Barque Angloife
, dans laquelle il n'y avoit
quefix ou fept hommes , elle nous
aborda fur les trois heures du
foir , comme fi elle nous avoit
voulu parler , ce qu'elle fit effectivement,
& nous apprit qu'elle
eftoit partie depuis quinze jours
jours de Brifco en Irlande , &
s'en alloit aux Ifles de Madere
chargée de harang & de bega
178 MERCURE
Salé. Elle fut deux jours à noftre
route, jufqu'à ce qu'ellefe trouva
à la hauteur de ces Ifles . Le is.
nous decouvrifmes une Ifle nommée
Porto Santo , qui est une
Ille deferte , &fans autres animaux
que des Canards & des
Lapins , nous ne l'approchâ–
mes que de trois lieuës . Le 17. Il
nous mourut un Matelot . Le 18 .
Nous découvrifmes une des Ifles
desCanaries nomméel Ifle de Salvago
ce fut environ fur les
fept heures du matins en eftant
encore éloignez de neuf à dix
lieües. Le 29. environ à la même
heure , nous apperçûmes à noftre
GALANT. 179
horifon deux bastimens que nous
crûmes Corfaires Saltins . Nous
nous feparames auffi- toft de noftre
Efcadre pour en aller recon-
`n i tre un; mais aprés avoir couru
quelque temps deffus , noftre Capitaine
aima mieux continuer fa
route , fit auffi- toft revirer de
bord,fans avoirefté affez prés de
ce bastimentpour l'avoirpû feurement
reconnoistre mais comme
il venoit en dépendant fur nous
il vint paffer cinq ou fix heures
aprés yfortproche de noftre Vaiffeau
avec le pavillon d'Angle-
-verre , & it
luy donnaffions aucunes marques
Tatáns cque
nous
180 MERCURE
de ce que nous eftions . Le 10.
nous nous trouvâmes entre l'Ifle
de Palme & l'Ile de Gomorre
, eftant à la hauteur de vingtbuit
degrez & àprés de cinq cens
lieuës de Breft. L'Ile de Palme
est une fortgrande Ifles , dont les
terres font fertiles & abondantes
en toutes fortes de danrées ,
habitée en plufieurs endroitspar
les Espagnols à qui elle eft . Le
mefme jourfort tard , nous reconnufmes
à quelques lieuës de
là l'ifle de Fer ; il y avoit deux
jours que nous estions dans les
vents Alifez quifont des vents
qui ne manquent jamais de reGALANT.
181
gner en une pareille faifon dans
ces paffages- là . Ils continuerent
à venter fi beau & bon frais ,
qu'ils nous faifoient
faire juf
qu'à quatre lieues par heure . Le
22. nous paſſâmeș
leTropique
&
le 24. nostre Capitaine
fit mettre
la Chaloupe
dehors , pour aller
à bord du Gaillard
, à deffein de
demander
au Commandant
s'il
pouvoitfaire de l'eau au Capvert,
à la hauteur duquel nous nous
trouvions
pour lors , craignant
de n'en avoir pas fuffisamment
pourarriver
juſqu' auCap de bonne
Esperance
; mais comme il
vouloit profiterdu vent favora182
MERCURE
ble que nous avions , il ne luy
permit point d'y moüiller. Quatre
jours aprés nous eûmes un calme
qui nous tint cinq jours.
Pendant ce temps- là nous vifmes
differents poiffons fans en
pouvoirprendre aucun.Ñous vtmes
encore dans ces mefmes
parages quantité de poiffons
volans , & mesme il y en
eut quelques - uns qui donnerent
dans nos voiles . Ce
font des poiffons de la groffeur
d'un Harang, n'ayant que deux
nageoires affez grandes , qui leur
fervent à nager dans l'eau , &
à voler dehors , pour éviter Iss
GALANT. 183
Bonnittes & les Requains , qui
les pourfuivent , & s'en nour
riffent. Ces Requains furent les
poiffons que nous vifmes le plus
fouvent. Ils font fort grands ,
extrémement dangereux pour
ceux qui malheureusement fe
laiffent tomber à la Mer ,
estant bien plus avides de la
chair humaine , que de toute autre
forte d'apast , & bien fouvent
ils emportent une jambe
ou la moitié du corps a un homme,
lors qu'ils les trouvent dans
Peau , vif ou mort. Le 29. noftre
Capitaine fe fervant de l'occafion
que luy donnoit le calmes
4
184 MERCURE
envoya la Chaloupe à bord du
Dromadaire
,
pour porter des
Lettres à quelques- uns des Officiers
, qui nous apprirent dans
leurs réponses la maladie de
trente ou quarante des leurs ,
tant Matelots que Soldats , &
de deux Matelots qui la
perte
fe noyerent en manoeuvrant ,·
d'un grand coup de vent , que
nous avions eu le 8. du mefme
mois.
Comme il eft fort rare dans
un endroit comme celuy- cy , de
s'acquitter des Offices ordinaires
que l'on dit dans nos Paroiffes
pendant la Semainefainte, d'une
GALANT. 185
maniere auffi édifianie qu'on le
fit dans noftre Bords, & que
les Officiers les plus anciens dans
·la Marine , affurent ne l'avoir
pas veu depuis qu'ils navigent,
je croy qu'il ne fera pas hors de
propos d'en dire icy quelque chofe
. Il est vray que nous attribuames
la plus grande partie de
la gloire qui fut renduë à Dieu
dans ce faint temps , auxfoins
particuliers , & aux peines que
fe donnerent avec un zele ardent
les PeresJefuites , que nous
eufmes le bonheur d'avoir dans
nostre Bord. Pendant toute cette
Semaine , nous eûmes exacte-
Novembre 1687.
V
186 MERCURE
ment tous les jours Sermon , &
les Offices ordinaires de ce ter temps
yfurent regulierement obfervez.
Le Mercredy , Jeudy & Vendredy
faint nous chantafmes
Tenebres ; du feudy au Vendredy
le Saint Sacrement fut exposé
pendant vingt-quatre heures
le lendemain Vendredy
nous exfmes le Sermon fur la
Paffion par un de ces Peres, avec
l'applaudiffement de tous ceux
du Vaiffeau , & le Samedy, &
le Dimanche de Pafques , il y
eut grand' Meßse avec la fimphonie
des Violons , des Haut-
Flûtes doutes. bois ,
ПGALANT. 187
5
Le premier d'Avril nous nous
trouvaſmes à la hauteur de buit
•degrez quarante minutes & le
calme nous tint dans ce mefme
endroit pendant quinze jours.
Le 2. nous eufmes vifite des Officiers
du Dromadaire, & le 3.
M. de Farges General des Trovpesqui
vont à Siam , vint difner
staa noftre Bord. On l'y recent avec
toute la propreté & toute la magnificence
poffible dans un endroit
comme celuy.cy. L'aprésmidy
fe paffa aujeu de la Baffette.
Le s. nous prifmes deux
fort gros Requains, fur lefquels
nous trouvions des poiffons atta-
Q ij
188 MERCURE
les Marins appellent > chez
que
Suffets
. Ils
font
de la groffeur
d'une
Sardine
, &
ne
quittent
point
cet
animal
qu'il
ne
foit
mort
. Depuis
le s . jusqu'au
7.
nous
nous
trouvafmes
à pic
du
Soleil
, c'est
à dire
, qu'il
eftoit
fi
perpendiculairemennt fur nous ..
qu'il nousfut impoffible de prendre
hauteur pendant ces deux
jours , parce qu'à midy , qui eft
l'heure où l'on prend hauteur, le
Soleil ne faifoit aucune ombre ,
ce qui nous fit fentir de tresgrandes
chaleurs. Tout l'Equipage
en fouffrit ,par la foif qu'il
reffentoit de ces grandes chaleurs .
GALANT. 189
Le s.il nous vint un peu de vent,
qui nous fit trouver le lendemain
à deux degrez une minute du
pic. Le 9. nous harponnafmes des
Marfoins , qui font de fort gros
poiffons. Cet animal eft à peu
prés de la figure d'un cochon ,
ceux que nous prenions eftoient
de deux trois cens pefant. Il
a le fang chaud, & il n'y aguere
de difference de fa chair à celle
d'un Bauf. Le lendemain nous
prifmes une Dorade , qui eft un
poiffon tout doré , & prefque de
mefme figure que l'Alofe. Ieft
tres-bon à manger. Le 11. nous
découvrifmes à noftre horifon un
190 MERCURE
Vaiffeau que les cal nes nous empefcherent
de pouvoir reconnoifire,
& tous les vents que nous
avions dans ces endroits- cy, ne
venoient que par coups , & nous
obligeoient à ferrer generalement
toutes nos wiles.nalisqun !
Le 19. nous nous trouva/mes
fous la Ligne , & Mrs les Marins
ne manquerent pas à garder
les ceremonies qu'ils ont accoutumé
d'obferver toutes les fois
fois qu'ils la paffent, à l'égard de
ceux qui ne l'ont pas encore pafsée
, de mefme qu'ils le font au
Tropique . à certains Ďétroits.
C'est une Ceremonie profane &
t
C
GALANT
. 191
euxso
༣
ridicule , mais inviolable parmy
Chaque Nation la prati
que diverfement
, & mesme les
Equipages d'une mefme Nation
ne la pratiquent pas tous d'une
mefme maniere. Les François
l'appellent Baptefme, & woicy
la maniere dont elle s'obferva
duns noftre Bord. On rangea
~tant a Bas- bord qu'à Scribord ,
qui font les deux coftez du Vaif-
Jeau , des Bailles & des Curvertes
pleines d'eau de Mer, &
bordez par des Matelots rangez
en haye , chacun unfeau
plein d'eau en main . Ce premier
appareil n'eft que pour l'Equi192
MERCURE
page , c'est à dire , Pilotes, Soldats
, & Matelots
, & comme
tous ceux qui n'ont point
paffe la Ligne font obligez
fans
aucune
referve
de recevoir
ce
Baptefme
les uns aprés les autres
; ce qu'ils font en effuyant
tous ces fceaux
d'eau fur leur
corps ; il y eut une maniere
de
le donner
proportionnée
& convenable
aux perfonnes
de diftinction
quife trouverent
dans.
noftre
bord
comme
eftoient
Meffieurs
les Envoyez
, Offficiers
de Vaiffeau
, Officiers
ر
d'Infanterie
, & autres Paffagers.
Ceux
GALANT 193
و
Ceux qui font ordinairement
commis pour exercer cette forte
de Comedie ,font quatre des premiers
Pilotes , fuivis de buit ou
dix Matelots. Aprés s'eftre barbouillez
revestus de cables ,
capots autres fortes de hardespropres
à les rendre ridicules ,
le premier Pilote tenant en main
quelque livre de marine ou de pilotage
, fait presterfur ce livre.
ferment à tous ceux qui reçoivent
le Baptême , & jurer hautement
qu'autant de fois que l'occafion
fe prefentera d'en baptifer d'au
tres , ils le feront avec les mefmes
ceremonies que l'on obferve
Novembre 1687 . R
194 MERCURE
&
>
pour eux ; mais comme leur intention
n'est autre que de faire
une certainefomme d'argent, onfe
rachette de ces rafraifchiffemens
,
"& on reçoit le Baptême
enfe lavant
feulement
les mains dans
un baſſin.Ainfi l'on preste leferment
l'on pave en mefme
temps chacun felon fon pouvoir.
-On commença
par Meffieurs
les
Ambasadeurs
, mais ce fut chacun
dans leur chambre , & non
pas au pied dugrand maſt comme
tous les autres.Les
Pilotesfirent
prés de vingt piftoles de cerachat
deceremonie
. Le 22.nous harponnames
unfort grosMarfoin
, dans
GALANT. 195
lequel nous trouvâmes un jeune
marfonneau . Nous allons du
vent de Nord eft depuis cinq
jours, à trois lieues & trois lieues
& demie par heure.
LeJudy premierjour deMay,
nous nous trouvâmes par 13. degrez
33 minutes.Le lendemain le
vent devintfrais extraordinairement
en nous portant toûjours à
noftre route , ce qui nous donnoit
à tous une grande joye par
l'envie que nous avions d'arri
ver au Cap . Le 10. noftre Cap?-
taine avec quelques uns de nos
Officiers s'en allerent à bord du
Gaillard , pour jouer à la baf-
Rij
196 MERCURE
fette , & rapporterent cent cinquante
écus de gain . Le mefme
jour le Pere Tachard avec quelques
Jefuites vinrent du Gailfard
rendre vifite à Monfieur
Ambaffadeur. Le len
demain , onzième du mesme
mois,nous eufmes une Eclypfe de
Soleil , & ilfut cachéfeulement
d'un tiers. Le 13. j'allay au Gail
lard pour voir Meffieurs les Ambaffadeurs
Siamois , par l'ordre
de Monfieur de laLoubere noftre
Ambaffadeur. Fe revins dans
noftre chaloupe avec M¹ de
Farges General des troupes ,
quatre Officiers, tant du Bord
C
GALANT. 197
å
que des troupes, qui vinrent difner
avec noftre Capitaine ; on
les traita magnifiquement
. L'aprés
midy fe paffa à jouër à la
baffette, & noftre Capitaine y fit
un gain fort confiderable . Le 16 .
un vent du Sud un quart de Sud
nous donna pendant deux fois
vingt- quatre heures un fort gros
temps qui nous fit perdre laNormande
pour deux jours feulement.
Le 18. Fefte de la Pentecofte
, nous nous trouvâmes par
les 33. degrez moins 3. minuttes ,
600. lieües feulement éloignez
du Cap de Bonne -Efperance
. Ce mefme jour nous eufmes.
Riij.
198 MERCURE
grande Meffe dans noftre Bord
avec la Simphonie des violons ,
Monfieur Sebret rendit le
·Pain benit , ayant cu le chanteau
du jour de Pafques , ce
qu'il fit d'une maniere fort propre.
Le 19.il nous mourut un Soldat.
Les Pilotes ne nous faisant
plus qu'à quatre cens lieuës du
Cap , le ventfe mit àl'Ouest &
fi frais , qu'il nous faifoit faire
prés de trois lieues & demie par
heure . Le 10. de Juin prefque
tous nos Pilotes fe trouverent
terre , nous ne la découvrions
point encore ; mais le 11.
fur le Midy, nous commençâmes
à
1
GALANT.. 199
, י
à la voir , & ce fut pour nous
un fujet de joye inconcevable,
ayant efté depuis cent troisjours
à la voile fans toucher terre
& quatre- vingt- dix jours fans
la voir. Enfin le mefme jourfur
les quatre heures , nous mouillâ
mes dans la rade du Cap de
Bonne-Esperance , & le lendemain
nous faluames la Fortereffe
de fept coups de Canons ;
elle nous rendit le falut coup
par coup. Le Gouverneur nous
y a fait mille honneftetez, avec
des prefens de boeufs , moutons ,
herbages , & autres fortes de
rufraifchiffemens , dont il a fait
Riiij
200 MERCURE
prefent à Meffieurs nos Envoyez,
& à quelques - uns des.
Capitaines de noftre Efcadre . Le
15. Meffieurs les Ambassadeurs
Siamois allerent à terre pour voir
Monfieur le Gouverneur du Fort
en fortant de leur Bord , ils
furent faluez par chaque Vaiffeau
de noftre Efcadre de ref
coups de Canon . Le 18. ils
vinrent difner à noßre Bord
lors qu'ils fortirent fur les
trois heures aprés Midy , nous
les faluâmes de neufcoups de
Canon.
Quoy que cette Relation
air efté envoyée entiere , il
GALANT 201
eft aifé de voir que M Mafurier
l'a écrite à mesure que
les chofes fe font pallées. En
voicy la fuite qui a eſté faite
fur le point du rembarque
ment au Cap de Bonne -Efperance
.
Comme je vous envoye fekument
une Relation de noftre
Voyage , ilferoit inutile de repeter
icy bien des choſes en voulant
vous apprendre ce qui s'eft
paffé depuis noftre départ de
Breft. Noftre navigation a efté
la plus heureufe du monde ,
nos Pilotes fe font trouvez fi
justes à leur point , que toute
ع و س
202 MERCURE
crois
où
leur erreur n'a pas efté de plus
de vingt ou trente lieuës , ce qui
eft fort rare. Le 11. de Juin
nous arrivafmes à la Rade du
Cap de Bonne-Efperance ,
nous mouillafmes le mefme jour
fur les quatre heures du foir. Je
que vous fçavez que ce
font les Hollandois qui font
Maiftres de cet endroit. Ils fu→
rent un peufurpris de nous voir
arriver fix Vaiffeaux , n'eftant
pas accoûtumez à en voir un fi
grand nombre à la fois , ce qui
les a tenus inquiets & fur leurs.
gardes tout le temps que nous
avons efté. Mr le Gouverneur
GALANT. 203 '
dont
nous y a receus fort honneftement.
Nous y avons trouvé d'affez
hons rafraichiſemens
, &
au delà de ce que nous nous ef
tions proposé , tant en herbages,
qu'en beufs & moutons ,
M. le Gouverneur a fait de
fort gros prefens , & entre autres
a nofire feul Bord , de trois
boeufs & dix- huit moutons, &
buit grandes corbeilles d'herba
ges. Le reste qui nous a esté
neceffaire , nous l'avons acheté,
& fort cherement.La defcription
de cet endroit peut fe faire en
peu de mots. Ce n'est qu'un Village
affez petit, dont les maifons
204 MERCURE
font fort baffes & fort foibles ,
bafties feulement de brique . La
plupart des Habitansfont Hol
Landois , & le refte des Negres,
A quelque distance de là , dans
une espece de prairie , font les
premiers Habitans de ce lieu ,
qu'on nomme Outantos, qui eft,
je crois . la Nation du monde la
plus infame. Ce font gens extremement
noirs , qui n'ont pour
veftement qu'une peau de mouton
, & pourmaison qu'une cabane
dejonc , où ils vivent confusément
hommes , femmes , &
enfans , ne mangeant que de la
viande des Animaux qu'ils trouGALANT.
205
went morts d'eux- mefmes. Le
Mary pour se rendre agreable
àfa Femme fe graiffe de vieille
ordure , & fur tout du fang de
quelque animal. Ils laiffent coler
fecher cefangfur eux. Leurs
cheveux , qui font pareils aux
cheveux des Maures , font fro
tez d'une certaine compofition
de noir avec de la graiffe , & its
y pendent quantité de coquilla
ges, de cloux , & de pieces d'ai
rain .Les Femmes , outre les mefmes
ornemens des hommes , ont
cela de plus , qu'elles sentcurent
les bras les jambes des boyaux
des moutons qu'ils mangent,pour
206 MERCURE
s'en fervir de nourriture lors
qu'elles fe trouvent engagées
dans les deferts.
Fay oublié de vous dire qu'en
arrivant à la rade du Cap ;
nous y trouvafmes la Loire ,
cette Flutte que nous avions perdue
dans le coup de vent que
nous eufmes par le travers du
Cap - verd il y avoit feulement
trois jours qu'elle eftoit
mouillée dans la rade , lorsque
nous y arrivafmes.
Pendant le temps que nous
avons efté icy , it's'eftfait quelque
chaffe avec les fils de M™
de Farges , General des trouGALANT
207
pes ; il y eft auffi venu
luy-mefme. Nous avons tué
quantité de gibier , parce qu'il
s'en trouve extraordinairement
dans les endroits où M le
Gouverneur du Cap nous faifoit
menerpar des tireurs de volée
qu'il nous donnoit . Le gibier
que nous y trouvions eftoit des
Chevreuils & des Gafelles , qui
font des animaux plus gros que
Aes Chevreuils , mais de mefme
qualité , des Faifans , Perdrix,
& Cocqs de Bruieres en tresgrand
nombre. A la derniere
chaffe que nous fifmes avec
M de Farges . nous y
208 MERCURE
prifmes fix Chevreuils & trente
cinq pieces de gibier , tant
en Perdrix , qu'en Faifans ou
Coigs de bruieres.
paffé des Nouvelles de l'arrivée
au Cap de Bonne- Efperance,
des fix Vaiffeaux qui
Novembre 1687. P
170 MERCURE
reconduifent à Siam les Am
baffadeurs de ce , Royaumelà
, qui estoient venus en
France. Je vous appris en
mefme temps le débarquement
des Ambaffadeurs &
des Troupes , & ce qui s'eftoit
paflé à ce débarquement
, ainfi que le bon traitement
qui avoit efté fait
aux François par les Hollan
dois. Je reprens aujourd'huy
de plus haut ce qui regarde
ce Voyage , & vous en envoye
un Journal tres - curieux
qui commence au
jour que la Flote partit de
GALANI . 171
4
Breft , & finit à celuy du
rembarquement au Cap de
Bonne-Efperance . Ce Journal
a efté envoyé par M ' Mafurier,
Gentilhomme
Lionnois ,
qui eft allé à Siam avec M²
de Farges , & qui fait connoiſtre
fon efprit par les remarques
judicieufes
qu'il a
faites , & fon
intelligence
dans la
Marine , par la maniere
dont il
s'explique fur
toutes les chofes qui la
regardent. Voicy comme
il parle dans la Defcription
qu'il a envoyée de ce
Voyage.
Pij
172 MERCURE
A
Prés
avoir
demeuré
24- jours
dans dans
la Rade
de
Breft , nous fommes enfin partis
le premier jour de Mars ,
1657. fur les onze heures du
matin pour faire le voyage.
de Siam . Noftre Efcadre eftoit
compofee de fix Vaiffeaux ,
dont le moindre eftoit la Maligne,
cette Fregate legere du
port de cent cinquante tonneaux
, qui y alla avec M
le Chevalier de Chaumont ,
le plus grand eftoit le Gaillard
, noftre commandant , du
port de quatre cens foixante
GALANT. 173
des Officiers
tonneaux. Voicy le nom de ces
fix Vaiffeaux
en chef qui les commandoient.
Le Gaillard , l'Oifcau , la
Loire, la Normande , le Dromadaire
& la Maligne . Le
Gaillard estoit commandé par
M de Vaudricourt , cornmandant
l'Efcadre , fon fecond
Capitaine eftoit M de
Saint-Clerc fon Lieutenant
M de la Leine ; fes En-
Mrs Chamau-
L'Oifeignes
reau Lombut.
&
feau eftoit commandé par M
du Quefne ; fes Lieutenans
eftoient M Defcartes &
2
P iij
174 MERCURE
ان
Mde Bonneuil ; fes Enfeignes
, Mde Tiva , &
M de Freterville . La Loire
commandée
commandée par M²
eftoit
de Foyenfe ; fon Lieutenant ,
M de la Croifferiere , fon
Enfeigne M de Chiftery.
La Normande eftoit commandée
par M de Courfel ;
fons Lieutenant &Ms du Farsate
sufons Enfeignes M² de la
Machefoliere. Les Dromadaire
eftoit commandé par Mª
d'Endeve fon Lieutenant ,
M de Marillys ,infon Enfeigne
, M de Vieuchant.
La Maligne eftoit commandée
SGALANT. 175
par M de Perriere , fon Lieutenant
M de la Lié fervant
de Lieutenant , de premier Pilote
d'Enfeignes (0 )
Doux
nous
Le lendemain fecond jour du
mois de Mars , nous mifmes à la
voile & partifnies de Camarreft ,
qui est une petite rade à
trois dieues de Brest ,
-avions mouillé le foir precedent
pour attendre la Maligne qui
- fortit feulement ce jour-là du
Port de Breft , & nous pouffâmes
au large avec un vent ar
riere qui nous fit bien- toft perdre
la terre de vue . Le Mardy
3. vers une heure aprés Midy ,
Piiij
176 MERCURE
nous rencontrames une Flutte
Holandoife qui paffa fans nous
falüer , parce qu'elle n'avoit
point de Canon . Le Vendredy 6..
nous nous trouvâmes à la hauteur
du Cap de Finifierre &
-avions fait felon l'estime du
Pilote cent vingt ou cent trente
lieuës . Le mefme jour fur les
dix heures du matin , nous rencontrâmes
une Flutte Angloife
qui ne fit que paffer fort prés de
nous & nousfalüer en mettant
fon pavillon , à quoy nous répondifmes
de même en mettant
le noftre,
Le Samedy 7. nous eufmes un
GALANT. 177
vent de Nord-Nord- est qui
nous donna un tres -gros temps ,
jufqu'au Lundy au foir , ce qui
naus fit perdre la Loire, une de
nos Flûte fans fçavoir ce qu'elle
eftoit devenue . Le 13. nous fifmes
rencontre d'une Barque Angloife
, dans laquelle il n'y avoit
quefix ou fept hommes , elle nous
aborda fur les trois heures du
foir , comme fi elle nous avoit
voulu parler , ce qu'elle fit effectivement,
& nous apprit qu'elle
eftoit partie depuis quinze jours
jours de Brifco en Irlande , &
s'en alloit aux Ifles de Madere
chargée de harang & de bega
178 MERCURE
Salé. Elle fut deux jours à noftre
route, jufqu'à ce qu'ellefe trouva
à la hauteur de ces Ifles . Le is.
nous decouvrifmes une Ifle nommée
Porto Santo , qui est une
Ille deferte , &fans autres animaux
que des Canards & des
Lapins , nous ne l'approchâ–
mes que de trois lieuës . Le 17. Il
nous mourut un Matelot . Le 18 .
Nous découvrifmes une des Ifles
desCanaries nomméel Ifle de Salvago
ce fut environ fur les
fept heures du matins en eftant
encore éloignez de neuf à dix
lieües. Le 29. environ à la même
heure , nous apperçûmes à noftre
GALANT. 179
horifon deux bastimens que nous
crûmes Corfaires Saltins . Nous
nous feparames auffi- toft de noftre
Efcadre pour en aller recon-
`n i tre un; mais aprés avoir couru
quelque temps deffus , noftre Capitaine
aima mieux continuer fa
route , fit auffi- toft revirer de
bord,fans avoirefté affez prés de
ce bastimentpour l'avoirpû feurement
reconnoistre mais comme
il venoit en dépendant fur nous
il vint paffer cinq ou fix heures
aprés yfortproche de noftre Vaiffeau
avec le pavillon d'Angle-
-verre , & it
luy donnaffions aucunes marques
Tatáns cque
nous
180 MERCURE
de ce que nous eftions . Le 10.
nous nous trouvâmes entre l'Ifle
de Palme & l'Ile de Gomorre
, eftant à la hauteur de vingtbuit
degrez & àprés de cinq cens
lieuës de Breft. L'Ile de Palme
est une fortgrande Ifles , dont les
terres font fertiles & abondantes
en toutes fortes de danrées ,
habitée en plufieurs endroitspar
les Espagnols à qui elle eft . Le
mefme jourfort tard , nous reconnufmes
à quelques lieuës de
là l'ifle de Fer ; il y avoit deux
jours que nous estions dans les
vents Alifez quifont des vents
qui ne manquent jamais de reGALANT.
181
gner en une pareille faifon dans
ces paffages- là . Ils continuerent
à venter fi beau & bon frais ,
qu'ils nous faifoient
faire juf
qu'à quatre lieues par heure . Le
22. nous paſſâmeș
leTropique
&
le 24. nostre Capitaine
fit mettre
la Chaloupe
dehors , pour aller
à bord du Gaillard
, à deffein de
demander
au Commandant
s'il
pouvoitfaire de l'eau au Capvert,
à la hauteur duquel nous nous
trouvions
pour lors , craignant
de n'en avoir pas fuffisamment
pourarriver
juſqu' auCap de bonne
Esperance
; mais comme il
vouloit profiterdu vent favora182
MERCURE
ble que nous avions , il ne luy
permit point d'y moüiller. Quatre
jours aprés nous eûmes un calme
qui nous tint cinq jours.
Pendant ce temps- là nous vifmes
differents poiffons fans en
pouvoirprendre aucun.Ñous vtmes
encore dans ces mefmes
parages quantité de poiffons
volans , & mesme il y en
eut quelques - uns qui donnerent
dans nos voiles . Ce
font des poiffons de la groffeur
d'un Harang, n'ayant que deux
nageoires affez grandes , qui leur
fervent à nager dans l'eau , &
à voler dehors , pour éviter Iss
GALANT. 183
Bonnittes & les Requains , qui
les pourfuivent , & s'en nour
riffent. Ces Requains furent les
poiffons que nous vifmes le plus
fouvent. Ils font fort grands ,
extrémement dangereux pour
ceux qui malheureusement fe
laiffent tomber à la Mer ,
estant bien plus avides de la
chair humaine , que de toute autre
forte d'apast , & bien fouvent
ils emportent une jambe
ou la moitié du corps a un homme,
lors qu'ils les trouvent dans
Peau , vif ou mort. Le 29. noftre
Capitaine fe fervant de l'occafion
que luy donnoit le calmes
4
184 MERCURE
envoya la Chaloupe à bord du
Dromadaire
,
pour porter des
Lettres à quelques- uns des Officiers
, qui nous apprirent dans
leurs réponses la maladie de
trente ou quarante des leurs ,
tant Matelots que Soldats , &
de deux Matelots qui la
perte
fe noyerent en manoeuvrant ,·
d'un grand coup de vent , que
nous avions eu le 8. du mefme
mois.
Comme il eft fort rare dans
un endroit comme celuy- cy , de
s'acquitter des Offices ordinaires
que l'on dit dans nos Paroiffes
pendant la Semainefainte, d'une
GALANT. 185
maniere auffi édifianie qu'on le
fit dans noftre Bords, & que
les Officiers les plus anciens dans
·la Marine , affurent ne l'avoir
pas veu depuis qu'ils navigent,
je croy qu'il ne fera pas hors de
propos d'en dire icy quelque chofe
. Il est vray que nous attribuames
la plus grande partie de
la gloire qui fut renduë à Dieu
dans ce faint temps , auxfoins
particuliers , & aux peines que
fe donnerent avec un zele ardent
les PeresJefuites , que nous
eufmes le bonheur d'avoir dans
nostre Bord. Pendant toute cette
Semaine , nous eûmes exacte-
Novembre 1687.
V
186 MERCURE
ment tous les jours Sermon , &
les Offices ordinaires de ce ter temps
yfurent regulierement obfervez.
Le Mercredy , Jeudy & Vendredy
faint nous chantafmes
Tenebres ; du feudy au Vendredy
le Saint Sacrement fut exposé
pendant vingt-quatre heures
le lendemain Vendredy
nous exfmes le Sermon fur la
Paffion par un de ces Peres, avec
l'applaudiffement de tous ceux
du Vaiffeau , & le Samedy, &
le Dimanche de Pafques , il y
eut grand' Meßse avec la fimphonie
des Violons , des Haut-
Flûtes doutes. bois ,
ПGALANT. 187
5
Le premier d'Avril nous nous
trouvaſmes à la hauteur de buit
•degrez quarante minutes & le
calme nous tint dans ce mefme
endroit pendant quinze jours.
Le 2. nous eufmes vifite des Officiers
du Dromadaire, & le 3.
M. de Farges General des Trovpesqui
vont à Siam , vint difner
staa noftre Bord. On l'y recent avec
toute la propreté & toute la magnificence
poffible dans un endroit
comme celuy.cy. L'aprésmidy
fe paffa aujeu de la Baffette.
Le s. nous prifmes deux
fort gros Requains, fur lefquels
nous trouvions des poiffons atta-
Q ij
188 MERCURE
les Marins appellent > chez
que
Suffets
. Ils
font
de la groffeur
d'une
Sardine
, &
ne
quittent
point
cet
animal
qu'il
ne
foit
mort
. Depuis
le s . jusqu'au
7.
nous
nous
trouvafmes
à pic
du
Soleil
, c'est
à dire
, qu'il
eftoit
fi
perpendiculairemennt fur nous ..
qu'il nousfut impoffible de prendre
hauteur pendant ces deux
jours , parce qu'à midy , qui eft
l'heure où l'on prend hauteur, le
Soleil ne faifoit aucune ombre ,
ce qui nous fit fentir de tresgrandes
chaleurs. Tout l'Equipage
en fouffrit ,par la foif qu'il
reffentoit de ces grandes chaleurs .
GALANT. 189
Le s.il nous vint un peu de vent,
qui nous fit trouver le lendemain
à deux degrez une minute du
pic. Le 9. nous harponnafmes des
Marfoins , qui font de fort gros
poiffons. Cet animal eft à peu
prés de la figure d'un cochon ,
ceux que nous prenions eftoient
de deux trois cens pefant. Il
a le fang chaud, & il n'y aguere
de difference de fa chair à celle
d'un Bauf. Le lendemain nous
prifmes une Dorade , qui eft un
poiffon tout doré , & prefque de
mefme figure que l'Alofe. Ieft
tres-bon à manger. Le 11. nous
découvrifmes à noftre horifon un
190 MERCURE
Vaiffeau que les cal nes nous empefcherent
de pouvoir reconnoifire,
& tous les vents que nous
avions dans ces endroits- cy, ne
venoient que par coups , & nous
obligeoient à ferrer generalement
toutes nos wiles.nalisqun !
Le 19. nous nous trouva/mes
fous la Ligne , & Mrs les Marins
ne manquerent pas à garder
les ceremonies qu'ils ont accoutumé
d'obferver toutes les fois
fois qu'ils la paffent, à l'égard de
ceux qui ne l'ont pas encore pafsée
, de mefme qu'ils le font au
Tropique . à certains Ďétroits.
C'est une Ceremonie profane &
t
C
GALANT
. 191
euxso
༣
ridicule , mais inviolable parmy
Chaque Nation la prati
que diverfement
, & mesme les
Equipages d'une mefme Nation
ne la pratiquent pas tous d'une
mefme maniere. Les François
l'appellent Baptefme, & woicy
la maniere dont elle s'obferva
duns noftre Bord. On rangea
~tant a Bas- bord qu'à Scribord ,
qui font les deux coftez du Vaif-
Jeau , des Bailles & des Curvertes
pleines d'eau de Mer, &
bordez par des Matelots rangez
en haye , chacun unfeau
plein d'eau en main . Ce premier
appareil n'eft que pour l'Equi192
MERCURE
page , c'est à dire , Pilotes, Soldats
, & Matelots
, & comme
tous ceux qui n'ont point
paffe la Ligne font obligez
fans
aucune
referve
de recevoir
ce
Baptefme
les uns aprés les autres
; ce qu'ils font en effuyant
tous ces fceaux
d'eau fur leur
corps ; il y eut une maniere
de
le donner
proportionnée
& convenable
aux perfonnes
de diftinction
quife trouverent
dans.
noftre
bord
comme
eftoient
Meffieurs
les Envoyez
, Offficiers
de Vaiffeau
, Officiers
ر
d'Infanterie
, & autres Paffagers.
Ceux
GALANT 193
و
Ceux qui font ordinairement
commis pour exercer cette forte
de Comedie ,font quatre des premiers
Pilotes , fuivis de buit ou
dix Matelots. Aprés s'eftre barbouillez
revestus de cables ,
capots autres fortes de hardespropres
à les rendre ridicules ,
le premier Pilote tenant en main
quelque livre de marine ou de pilotage
, fait presterfur ce livre.
ferment à tous ceux qui reçoivent
le Baptême , & jurer hautement
qu'autant de fois que l'occafion
fe prefentera d'en baptifer d'au
tres , ils le feront avec les mefmes
ceremonies que l'on obferve
Novembre 1687 . R
194 MERCURE
&
>
pour eux ; mais comme leur intention
n'est autre que de faire
une certainefomme d'argent, onfe
rachette de ces rafraifchiffemens
,
"& on reçoit le Baptême
enfe lavant
feulement
les mains dans
un baſſin.Ainfi l'on preste leferment
l'on pave en mefme
temps chacun felon fon pouvoir.
-On commença
par Meffieurs
les
Ambasadeurs
, mais ce fut chacun
dans leur chambre , & non
pas au pied dugrand maſt comme
tous les autres.Les
Pilotesfirent
prés de vingt piftoles de cerachat
deceremonie
. Le 22.nous harponnames
unfort grosMarfoin
, dans
GALANT. 195
lequel nous trouvâmes un jeune
marfonneau . Nous allons du
vent de Nord eft depuis cinq
jours, à trois lieues & trois lieues
& demie par heure.
LeJudy premierjour deMay,
nous nous trouvâmes par 13. degrez
33 minutes.Le lendemain le
vent devintfrais extraordinairement
en nous portant toûjours à
noftre route , ce qui nous donnoit
à tous une grande joye par
l'envie que nous avions d'arri
ver au Cap . Le 10. noftre Cap?-
taine avec quelques uns de nos
Officiers s'en allerent à bord du
Gaillard , pour jouer à la baf-
Rij
196 MERCURE
fette , & rapporterent cent cinquante
écus de gain . Le mefme
jour le Pere Tachard avec quelques
Jefuites vinrent du Gailfard
rendre vifite à Monfieur
Ambaffadeur. Le len
demain , onzième du mesme
mois,nous eufmes une Eclypfe de
Soleil , & ilfut cachéfeulement
d'un tiers. Le 13. j'allay au Gail
lard pour voir Meffieurs les Ambaffadeurs
Siamois , par l'ordre
de Monfieur de laLoubere noftre
Ambaffadeur. Fe revins dans
noftre chaloupe avec M¹ de
Farges General des troupes ,
quatre Officiers, tant du Bord
C
GALANT. 197
å
que des troupes, qui vinrent difner
avec noftre Capitaine ; on
les traita magnifiquement
. L'aprés
midy fe paffa à jouër à la
baffette, & noftre Capitaine y fit
un gain fort confiderable . Le 16 .
un vent du Sud un quart de Sud
nous donna pendant deux fois
vingt- quatre heures un fort gros
temps qui nous fit perdre laNormande
pour deux jours feulement.
Le 18. Fefte de la Pentecofte
, nous nous trouvâmes par
les 33. degrez moins 3. minuttes ,
600. lieües feulement éloignez
du Cap de Bonne -Efperance
. Ce mefme jour nous eufmes.
Riij.
198 MERCURE
grande Meffe dans noftre Bord
avec la Simphonie des violons ,
Monfieur Sebret rendit le
·Pain benit , ayant cu le chanteau
du jour de Pafques , ce
qu'il fit d'une maniere fort propre.
Le 19.il nous mourut un Soldat.
Les Pilotes ne nous faisant
plus qu'à quatre cens lieuës du
Cap , le ventfe mit àl'Ouest &
fi frais , qu'il nous faifoit faire
prés de trois lieues & demie par
heure . Le 10. de Juin prefque
tous nos Pilotes fe trouverent
terre , nous ne la découvrions
point encore ; mais le 11.
fur le Midy, nous commençâmes
à
1
GALANT.. 199
, י
à la voir , & ce fut pour nous
un fujet de joye inconcevable,
ayant efté depuis cent troisjours
à la voile fans toucher terre
& quatre- vingt- dix jours fans
la voir. Enfin le mefme jourfur
les quatre heures , nous mouillâ
mes dans la rade du Cap de
Bonne-Esperance , & le lendemain
nous faluames la Fortereffe
de fept coups de Canons ;
elle nous rendit le falut coup
par coup. Le Gouverneur nous
y a fait mille honneftetez, avec
des prefens de boeufs , moutons ,
herbages , & autres fortes de
rufraifchiffemens , dont il a fait
Riiij
200 MERCURE
prefent à Meffieurs nos Envoyez,
& à quelques - uns des.
Capitaines de noftre Efcadre . Le
15. Meffieurs les Ambassadeurs
Siamois allerent à terre pour voir
Monfieur le Gouverneur du Fort
en fortant de leur Bord , ils
furent faluez par chaque Vaiffeau
de noftre Efcadre de ref
coups de Canon . Le 18. ils
vinrent difner à noßre Bord
lors qu'ils fortirent fur les
trois heures aprés Midy , nous
les faluâmes de neufcoups de
Canon.
Quoy que cette Relation
air efté envoyée entiere , il
GALANT 201
eft aifé de voir que M Mafurier
l'a écrite à mesure que
les chofes fe font pallées. En
voicy la fuite qui a eſté faite
fur le point du rembarque
ment au Cap de Bonne -Efperance
.
Comme je vous envoye fekument
une Relation de noftre
Voyage , ilferoit inutile de repeter
icy bien des choſes en voulant
vous apprendre ce qui s'eft
paffé depuis noftre départ de
Breft. Noftre navigation a efté
la plus heureufe du monde ,
nos Pilotes fe font trouvez fi
justes à leur point , que toute
ع و س
202 MERCURE
crois
où
leur erreur n'a pas efté de plus
de vingt ou trente lieuës , ce qui
eft fort rare. Le 11. de Juin
nous arrivafmes à la Rade du
Cap de Bonne-Efperance ,
nous mouillafmes le mefme jour
fur les quatre heures du foir. Je
que vous fçavez que ce
font les Hollandois qui font
Maiftres de cet endroit. Ils fu→
rent un peufurpris de nous voir
arriver fix Vaiffeaux , n'eftant
pas accoûtumez à en voir un fi
grand nombre à la fois , ce qui
les a tenus inquiets & fur leurs.
gardes tout le temps que nous
avons efté. Mr le Gouverneur
GALANT. 203 '
dont
nous y a receus fort honneftement.
Nous y avons trouvé d'affez
hons rafraichiſemens
, &
au delà de ce que nous nous ef
tions proposé , tant en herbages,
qu'en beufs & moutons ,
M. le Gouverneur a fait de
fort gros prefens , & entre autres
a nofire feul Bord , de trois
boeufs & dix- huit moutons, &
buit grandes corbeilles d'herba
ges. Le reste qui nous a esté
neceffaire , nous l'avons acheté,
& fort cherement.La defcription
de cet endroit peut fe faire en
peu de mots. Ce n'est qu'un Village
affez petit, dont les maifons
204 MERCURE
font fort baffes & fort foibles ,
bafties feulement de brique . La
plupart des Habitansfont Hol
Landois , & le refte des Negres,
A quelque distance de là , dans
une espece de prairie , font les
premiers Habitans de ce lieu ,
qu'on nomme Outantos, qui eft,
je crois . la Nation du monde la
plus infame. Ce font gens extremement
noirs , qui n'ont pour
veftement qu'une peau de mouton
, & pourmaison qu'une cabane
dejonc , où ils vivent confusément
hommes , femmes , &
enfans , ne mangeant que de la
viande des Animaux qu'ils trouGALANT.
205
went morts d'eux- mefmes. Le
Mary pour se rendre agreable
àfa Femme fe graiffe de vieille
ordure , & fur tout du fang de
quelque animal. Ils laiffent coler
fecher cefangfur eux. Leurs
cheveux , qui font pareils aux
cheveux des Maures , font fro
tez d'une certaine compofition
de noir avec de la graiffe , & its
y pendent quantité de coquilla
ges, de cloux , & de pieces d'ai
rain .Les Femmes , outre les mefmes
ornemens des hommes , ont
cela de plus , qu'elles sentcurent
les bras les jambes des boyaux
des moutons qu'ils mangent,pour
206 MERCURE
s'en fervir de nourriture lors
qu'elles fe trouvent engagées
dans les deferts.
Fay oublié de vous dire qu'en
arrivant à la rade du Cap ;
nous y trouvafmes la Loire ,
cette Flutte que nous avions perdue
dans le coup de vent que
nous eufmes par le travers du
Cap - verd il y avoit feulement
trois jours qu'elle eftoit
mouillée dans la rade , lorsque
nous y arrivafmes.
Pendant le temps que nous
avons efté icy , it's'eftfait quelque
chaffe avec les fils de M™
de Farges , General des trouGALANT
207
pes ; il y eft auffi venu
luy-mefme. Nous avons tué
quantité de gibier , parce qu'il
s'en trouve extraordinairement
dans les endroits où M le
Gouverneur du Cap nous faifoit
menerpar des tireurs de volée
qu'il nous donnoit . Le gibier
que nous y trouvions eftoit des
Chevreuils & des Gafelles , qui
font des animaux plus gros que
Aes Chevreuils , mais de mefme
qualité , des Faifans , Perdrix,
& Cocqs de Bruieres en tresgrand
nombre. A la derniere
chaffe que nous fifmes avec
M de Farges . nous y
208 MERCURE
prifmes fix Chevreuils & trente
cinq pieces de gibier , tant
en Perdrix , qu'en Faifans ou
Coigs de bruieres.
Fermer
12
p. 89-97
Premier Article de Marine. [titre d'après la table]
Début :
Je passe aux Articles de Marine, que d'autres vous ont déja [...]
Mots clefs :
Vaisseau, Marine, Tonneaux, Canons, Equipage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Premier Article de Marine. [titre d'après la table]
Je paffe aux Articles de Marine , qued'autres vous ont déja appris ; mais avec moins de
détail que ce que vous allez
lire.
Le Vaiffeau le Saint Louis
appartenant à Mrs de la Compagnie Royale des Indes
Orientalles , eft arrivé au Port
Louis venant de Pondichery
d'où il eftoit party le
Fevrier 1768. commandé par
Mr de Boiffieux , Lieutenant
17.
Fanvier 1710.
+ H
90 MERCURE
& d'autres
de Vaiffeau de Roy. Il a aporté
plus de 5oo. ballots de poivre,
dindigo , de cannes , de benjouin , de muc
marchandiſes precieuſes qu'il
avoit chargées à Pondichery ,
à Bengale , & à la Côte de
Coromandel. Il a paffé aux
Indes par le Cap de Horne
c'eſt une Navigation qui n'avoit point encore eſté entrepriſe.
La Fregate la Rufée commandée par M' Simon Taillefier , & la Trompeuſe par M
Jean Bachelier , de quatre
canons chacune , font rentrées
GALANT 91
·
3
à Calais avec plufieurs ballots
de Pelleteries , & de cuir de
Rouffi , pris fur une Flufte
Hollandoife de soo. tonneaux nommée le Corbeau de
Roterdam , qu'ils avoient enlevée venant de Mofcovie
quoyque fon équipage fut
fortifié de trente foldats qui y
avoient efté mis par le Gouverneur d'Yarmouth avec un
Officier pour la conduire
Londres. Ces deux Corfaires
en amenant cette prife ont
cû le malheur de rencontrer
à la veüe de Calais deux Vaiffeaux de Guerre Anglois de
Hij
92 MERCURE
60. & de 26. canons qui les
ont obligez de l'abandonner :
elle eftoit chargée de 300.
tonneaux de bled , de Pelleteries , de chanvres , & de cuir
de Rouffi.
Le Capitaine Jean l'Eguillon , commandant la Barque
longue la Prompte a amené à
Calais deux rançons l'une de
4000. livres en argent , & une
45. livres fterlin en billets.
Le Vaiffeau du Roy le Sor
lingue , armé en courſe a amené à Saint Malo le Vaiffeau
la Marie de Londres , de 200.
tonneaux chargé de 300.
SCALANT 93
boucauts de fucre , vingt- fix
barils d'Indigo , & de douze
de tefte de clouds de geroffle ,
venant de Montfarra , eftimé
foixante mille livres . La Couronne , autre Corfaire a amené
auffià Saint Malo deux prifes ,
l'unc nommée le Richard Henry de Plimouth , venant de la
Virginie chargée de 350.
boucauts de tabac , l'autre
nommée la Prudence , venant
de la Caroline chargée de
bray de ris & de goudron.
Le Vaiffeau du Roy le Tigre,
arrivé en courfe s'eft battu
contre un Corfaire de Fleffin-
94 MERCURE
gue , de 32. pieces de canon.
Ce Vaiffeau eftoit en compagnie de deux autres qui forcerent de Voille pour avoir part
àl'action mais cepremierCorfaire eftoit déja fi incommodé
qu'il fut obligé de mettre à
la bande & de tirer plufieurs
coups de canon d'affiſtance ;
enforte que fes camarades arriverent fur luy pour le fecourir ; mais inutilement puifqu'on a appris qu'il a coulé
bas. Les Corfaires Fleffingois
ont efté malheureux pendant
le cours de l'année derniere
M' Saus , commandant les
GALANT 95
Vaiffeaux du Roy l'Augufte ,
& le Blakwal , en ayant pris
encore nouvellement , deux
l'un nommé la Dianne , de
36. canons , tout neuf tresbeau & d'un pont avec deux
gaillards. Il avoit 300. hommes d'équipage & il avoit
mieux aimé s'échouer fur la
cofte de Nieuport que de fe
鲞
l'autre eſt laiffer prendre
le Faucon , de 28. canons &
de 200. hommes d'équipage ;
le premier a efté relevé de la
colte ; & ces deux Vaiffeaux
ont eſté amenez à Dunkerque.
M'
Vandebruce comman
96 MERCURE
une
dant un petit Corſaire de Calais de fix canons , a pris u
Flutte Hollandoife , chargée
de mats ; & de graine de lin
venant de Riga eftimée 70000.
livres.
Un autre Corfaire a amené
à Dunkerque , une prife venant de Lille de Fayal , chargée
de 300. caiffes de fucre , chaque caiffe pefant douze mille
livres eftimée cent mille francs.
La Fregatte la Victoire ,
conduit au Havre , une prife
ftimée cent mille livres ; elle
eft chargée d'eftain , de cacao ,
de draps , de harangs , &
a
d'autres
GALANT 97
d'autres Marchandiſes.
M Blanque commandant
la Fregatte du Roy le Zephire,
prit le trois Decembre entre
Qüellant &
Sorlingue un Brigantin de 40. tonneaux venant
de Bafton , chargé de molüe
verte & feche , d'huille de
baleine , &de Pelleteries.
Le 22. du même mois eftant
fur le Cap Lezard il prit auffi
un Navire Anglois de 250.
tonneaux venant de la Virginie chargé de 532. boucauts
de tabac cftimé 85. mille
livres
détail que ce que vous allez
lire.
Le Vaiffeau le Saint Louis
appartenant à Mrs de la Compagnie Royale des Indes
Orientalles , eft arrivé au Port
Louis venant de Pondichery
d'où il eftoit party le
Fevrier 1768. commandé par
Mr de Boiffieux , Lieutenant
17.
Fanvier 1710.
+ H
90 MERCURE
& d'autres
de Vaiffeau de Roy. Il a aporté
plus de 5oo. ballots de poivre,
dindigo , de cannes , de benjouin , de muc
marchandiſes precieuſes qu'il
avoit chargées à Pondichery ,
à Bengale , & à la Côte de
Coromandel. Il a paffé aux
Indes par le Cap de Horne
c'eſt une Navigation qui n'avoit point encore eſté entrepriſe.
La Fregate la Rufée commandée par M' Simon Taillefier , & la Trompeuſe par M
Jean Bachelier , de quatre
canons chacune , font rentrées
GALANT 91
·
3
à Calais avec plufieurs ballots
de Pelleteries , & de cuir de
Rouffi , pris fur une Flufte
Hollandoife de soo. tonneaux nommée le Corbeau de
Roterdam , qu'ils avoient enlevée venant de Mofcovie
quoyque fon équipage fut
fortifié de trente foldats qui y
avoient efté mis par le Gouverneur d'Yarmouth avec un
Officier pour la conduire
Londres. Ces deux Corfaires
en amenant cette prife ont
cû le malheur de rencontrer
à la veüe de Calais deux Vaiffeaux de Guerre Anglois de
Hij
92 MERCURE
60. & de 26. canons qui les
ont obligez de l'abandonner :
elle eftoit chargée de 300.
tonneaux de bled , de Pelleteries , de chanvres , & de cuir
de Rouffi.
Le Capitaine Jean l'Eguillon , commandant la Barque
longue la Prompte a amené à
Calais deux rançons l'une de
4000. livres en argent , & une
45. livres fterlin en billets.
Le Vaiffeau du Roy le Sor
lingue , armé en courſe a amené à Saint Malo le Vaiffeau
la Marie de Londres , de 200.
tonneaux chargé de 300.
SCALANT 93
boucauts de fucre , vingt- fix
barils d'Indigo , & de douze
de tefte de clouds de geroffle ,
venant de Montfarra , eftimé
foixante mille livres . La Couronne , autre Corfaire a amené
auffià Saint Malo deux prifes ,
l'unc nommée le Richard Henry de Plimouth , venant de la
Virginie chargée de 350.
boucauts de tabac , l'autre
nommée la Prudence , venant
de la Caroline chargée de
bray de ris & de goudron.
Le Vaiffeau du Roy le Tigre,
arrivé en courfe s'eft battu
contre un Corfaire de Fleffin-
94 MERCURE
gue , de 32. pieces de canon.
Ce Vaiffeau eftoit en compagnie de deux autres qui forcerent de Voille pour avoir part
àl'action mais cepremierCorfaire eftoit déja fi incommodé
qu'il fut obligé de mettre à
la bande & de tirer plufieurs
coups de canon d'affiſtance ;
enforte que fes camarades arriverent fur luy pour le fecourir ; mais inutilement puifqu'on a appris qu'il a coulé
bas. Les Corfaires Fleffingois
ont efté malheureux pendant
le cours de l'année derniere
M' Saus , commandant les
GALANT 95
Vaiffeaux du Roy l'Augufte ,
& le Blakwal , en ayant pris
encore nouvellement , deux
l'un nommé la Dianne , de
36. canons , tout neuf tresbeau & d'un pont avec deux
gaillards. Il avoit 300. hommes d'équipage & il avoit
mieux aimé s'échouer fur la
cofte de Nieuport que de fe
鲞
l'autre eſt laiffer prendre
le Faucon , de 28. canons &
de 200. hommes d'équipage ;
le premier a efté relevé de la
colte ; & ces deux Vaiffeaux
ont eſté amenez à Dunkerque.
M'
Vandebruce comman
96 MERCURE
une
dant un petit Corſaire de Calais de fix canons , a pris u
Flutte Hollandoife , chargée
de mats ; & de graine de lin
venant de Riga eftimée 70000.
livres.
Un autre Corfaire a amené
à Dunkerque , une prife venant de Lille de Fayal , chargée
de 300. caiffes de fucre , chaque caiffe pefant douze mille
livres eftimée cent mille francs.
La Fregatte la Victoire ,
conduit au Havre , une prife
ftimée cent mille livres ; elle
eft chargée d'eftain , de cacao ,
de draps , de harangs , &
a
d'autres
GALANT 97
d'autres Marchandiſes.
M Blanque commandant
la Fregatte du Roy le Zephire,
prit le trois Decembre entre
Qüellant &
Sorlingue un Brigantin de 40. tonneaux venant
de Bafton , chargé de molüe
verte & feche , d'huille de
baleine , &de Pelleteries.
Le 22. du même mois eftant
fur le Cap Lezard il prit auffi
un Navire Anglois de 250.
tonneaux venant de la Virginie chargé de 532. boucauts
de tabac cftimé 85. mille
livres
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Résumé : Premier Article de Marine. [titre d'après la table]
Le texte décrit plusieurs événements maritimes et commerciaux impliquant des navires français. En février 1768, le vaisseau le Saint Louis, appartenant à la Compagnie Royale des Indes Orientales, est arrivé au Port Louis en provenance de Pondichéry, commandé par M. de Boiffieux. Il transportait plus de 500 ballots de poivre, d'indigo, de cannes, de benjoin et de muc, chargés à Pondichéry, au Bengale et sur la Côte de Coromandel. Le Saint Louis a emprunté une route inédite en passant par le Cap de Horn. Les frégates la Rufée et la Trompeuse, commandées respectivement par M. Simon Taillevier et M. Jean Bachelier, ont capturé une flûte hollandaise nommée le Corbeau de Rotterdam, chargée de pelleteries et de cuir de Russie. Cependant, elles ont dû abandonner leur prise face à deux vaisseaux de guerre anglais près de Calais. Le capitaine Jean L'Eguillon a ramené à Calais deux rançons, l'une en argent et l'autre en billets. Le vaisseau du roi le Sorlingue a capturé le vaisseau la Marie de Londres, chargé de sucre, d'indigo et de girofle. La Couronne a également ramené deux prises à Saint-Malo : le Richard Henry de Plymouth, chargé de tabac, et la Prudence de la Caroline, chargée de brai de riz et de goudron. Le vaisseau du roi le Tigre s'est battu contre un corsaire de Flessingue et a coulé après avoir été secouru par deux autres vaisseaux français. Les corsaires français ont également capturé deux navires anglais, la Diane et le Faucon, près de Nieuport. D'autres prises notables incluent une flûte hollandaise capturée par un corsaire de Calais, commandé par M. Vandebruce, et une prise venue de Lille à Fayal, chargée de sucre. La frégate la Victoire a ramené une prise estimée à cent mille livres au Havre, chargée d'étain, de cacao, de draps et d'autres marchandises. Enfin, la frégate le Zéphire a capturé un brigantin et un navire anglais chargé de tabac près du Cap Lizard.
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13
p. 108-110
A Nantes le premier May.
Début :
Je vous envoye de nouvelles Expeditions de Mer. J'espere [...]
Mots clefs :
Expéditions de Mer, Nantes, Vaisseau
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A Nantes le premier May.
Je vous envoye de nouvelles
Expéditions de Mer. J'espere
vous en envoyer encore de
nouvelles avant defermer m.
Letttre.
A Nantes le premier May.
Mr Paul Laurens de Dutv
kerque, Capitaine du Navire
nommé le Duc de Baviere, de
180.tonneaux & de 11. canons, étant à la hauteur de 11.
1à
23. degrez latitude Nord à
20. lieües deVigo, a rencontré
-
un Brigantin venant de
Montbay -
en Angleterre
,
du
port de 24. tonneaux chargé
de 50. Barriques deSardines
& de quelques Saumons de
Plomb dont il s'est saisi.
-
Le 22.dumême mois étant
dans le même parage, il arencontré un Paquebot d'Angleterre armé de dix canons avec 1
son lest, & 45. Matelots &
Soldats,& sixOfficiers Anglois
venant de Lisbonne pour aller
en Angleterre, qu'il a
aussi pris,
& l'a conduit dans la Riviere
de Nantes.
Mr de la Moincrie- Miniac
commandant le Vaisseau du
Roy le Superbe, a
pris une Frcgatte Angloise de 8. canons,
qui alloit en Terre-Neuve
Expéditions de Mer. J'espere
vous en envoyer encore de
nouvelles avant defermer m.
Letttre.
A Nantes le premier May.
Mr Paul Laurens de Dutv
kerque, Capitaine du Navire
nommé le Duc de Baviere, de
180.tonneaux & de 11. canons, étant à la hauteur de 11.
1à
23. degrez latitude Nord à
20. lieües deVigo, a rencontré
-
un Brigantin venant de
Montbay -
en Angleterre
,
du
port de 24. tonneaux chargé
de 50. Barriques deSardines
& de quelques Saumons de
Plomb dont il s'est saisi.
-
Le 22.dumême mois étant
dans le même parage, il arencontré un Paquebot d'Angleterre armé de dix canons avec 1
son lest, & 45. Matelots &
Soldats,& sixOfficiers Anglois
venant de Lisbonne pour aller
en Angleterre, qu'il a
aussi pris,
& l'a conduit dans la Riviere
de Nantes.
Mr de la Moincrie- Miniac
commandant le Vaisseau du
Roy le Superbe, a
pris une Frcgatte Angloise de 8. canons,
qui alloit en Terre-Neuve
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Résumé : A Nantes le premier May.
Le 1er mai, le 'Duc de Bavière' a capturé un brigantin anglais près de Vigo. Le 22 mai, il a intercepté un paquebot anglais armé de dix canons, en route vers l'Angleterre. Le 'Le Superbe' a pris une frégate anglaise de 8 canons se dirigeant vers Terre-Neuve.
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14
p. 291
Prise de cinq Vaisseaux Anglois, [titre d'après la table]
Début :
Nous apprenons, par les Anglois mesmes, puisque c'est [...]
Mots clefs :
Anglais, Vaisseau, Prise
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Prise de cinq Vaisseaux Anglois, [titre d'après la table]
Nous apprenons, par les
Anglôis mesmes, puisque c'est
par
1 unVaisseau arriveen 29.
jours de la Jamaïque à Bristol,
que quatre Vaisseaux de guerre
François avoient pris l'Heureux
retour, Brigantin, & quatre autres Navires sur la Coste de
Guinée, & que sur l'un de ces derniers il y
avoit 500. Negre
Anglôis mesmes, puisque c'est
par
1 unVaisseau arriveen 29.
jours de la Jamaïque à Bristol,
que quatre Vaisseaux de guerre
François avoient pris l'Heureux
retour, Brigantin, & quatre autres Navires sur la Coste de
Guinée, & que sur l'un de ces derniers il y
avoit 500. Negre
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15
p. 12-21
EXTRAIT d'un Procés qui se poursuit au Conseil.
Début :
Roman, Gondol, & Lati, tous trois Officiers Mariniers du Département [...]
Mots clefs :
Vaisseau, Armateur, Anglais, Droit, Question, Action, Prisonniers, Guerre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'un Procés qui se poursuit au Conseil.
EXTRAIT
D'un Procésquisepoursuit
au Conjeil.
Roman,Gondol, & Lati,
tous trois Officiers Mariniers
du Département de
Toulon, s'embarquerent à
Marseille sur un Vaisseau
Marchand,
En saisant route vers le
Havre de Grace ils furent
attaquez & pris parunVaisseau
de
-
Guerre Anglois qui
lesconduisit à Baston; ils y
resterent ¡' quelque temps
gardez à vue.
Le 20. Décembre 1709,
on les embarqua dans un
autre vaisseau Marchand
qui partoit pour Londres,
ou bien il s'y embarquérent
de leur bon gré, car c'çft
là l'un des points que les
Avocats se disputent. Le fait
dont ils conviennent tous,
c'estqu'il y avoir sur le Vaisseau
dont il s'agit huit Anglois,
sçavoir leCapitaine,
un Capitaine passager, un
Pilote & cinq Matelots.
Nostrois prisonniers
conspirérent la mort des
deuxCapitaines & du Pilote,
chacun deux se
chargea detuersonhomme;
tous trois réunirent, & les
cinq Matelots voyantleurs
Chefs morts, se fourmirent
ànos troisFrançoisqui se
trouverent enfin maistres
du Vaisseau Anglois.
Avant que d'achever
le recit du fait on pouroit
faire une premiere question
curieuse sur l'action
de ces trois François :
Est-elle louable ou blâmable?
S'ils avoient esté prisonniers
sur leur parole,
leur action feroit sans
doute un crime énorme.
S'ils sont prisonniers
forcez & mal-traitez,
l'action change de nature
: celuy qui traite
cruellement un prisonnier
le met en droit de
tenter jusqu'aux voyes
cruelles pour se délivrer;
On leur allegue qu'ils
n'étoientpoint du tout
prisonniersen cette occasion,
s'estant engagez &
embarquezde bonne
volonté,&qu'étant à la
solde & même à la table
du Capitaine
,
leur
cntreprife a esté une trahison.
Ils prétendent que telles
circonstances peuvent
se rencontrer dans
pareille entreprise, quelle
ne seroitpas indigne
d'un Héros. La question
est donc de sçavoir si
l'action est heroïque ou
criminelle.
J'appuye beaucoup sur
cette premierequestion,
car ilme paroist que c'est
le principalfondement
de celle que je vais expliquer
en continuant le
recit du fait.
Ce fut le 10. de Janvier
1710, que ces trois François
se rendirent maîtresduVaisseau.
Ilsfaisoientroutevers
la France lors qu'ils rencontrerent
à la hauteur des Sorlingues
un Armateur de
Roscoff, Armateur François,
qui voyant un Vaisseau
de la Fabrique Angloise,
s'enréjouit comme
d'une capture qu'il pouvoit
faire.
Nos François de leur
costé se réjoüirent à Tafped:
duVaisseauFrançois, dont
ils esperoient du secours,&
se laissant aborder, se declarerenc
François & amis de
l'Armateur. Mais l'Armateur
voulut toujoûrsqu'ils
fussent-ennemis & Anglois
comme leur Vaisseau qu'il
vouloit gagner; en un mot
il s'en empara & jetta à terre
les François qui s'en étoient
emparez sur les Anglois.
La grande question c'est
de sçavoir à qui doit appartenir
ce Vaisseau. On a déja
jugé par provision qu'il
napparcenok a pas un
d'eux, parce que l'Armateur
n'ayant pas droit de conquerir
sur les François, sa
Commissiond'Armateur
est nulle à leur égard,& que
les François n'ayant point
du tout de Commission
n'ont pû le conquerir sur
les Anglois.
C'est pour revenir contre
ce Jugement de l'Amirauté
que les trois François ont
presenté Requeste, au Conseil.
Ils prétendent que le
Vaisseau leur apartienr par
le droit des gens comme le prix
d'une dEiion légitimé & glorieuse.
Ainsi, selon euxmesmes
la question se réduit
à sçavoir s'ils ont tué &
conquis de bonne guerre,
car mauvaise guerre ne peut
jamais établir qu'un mauvais
droit.
D'un Procésquisepoursuit
au Conjeil.
Roman,Gondol, & Lati,
tous trois Officiers Mariniers
du Département de
Toulon, s'embarquerent à
Marseille sur un Vaisseau
Marchand,
En saisant route vers le
Havre de Grace ils furent
attaquez & pris parunVaisseau
de
-
Guerre Anglois qui
lesconduisit à Baston; ils y
resterent ¡' quelque temps
gardez à vue.
Le 20. Décembre 1709,
on les embarqua dans un
autre vaisseau Marchand
qui partoit pour Londres,
ou bien il s'y embarquérent
de leur bon gré, car c'çft
là l'un des points que les
Avocats se disputent. Le fait
dont ils conviennent tous,
c'estqu'il y avoir sur le Vaisseau
dont il s'agit huit Anglois,
sçavoir leCapitaine,
un Capitaine passager, un
Pilote & cinq Matelots.
Nostrois prisonniers
conspirérent la mort des
deuxCapitaines & du Pilote,
chacun deux se
chargea detuersonhomme;
tous trois réunirent, & les
cinq Matelots voyantleurs
Chefs morts, se fourmirent
ànos troisFrançoisqui se
trouverent enfin maistres
du Vaisseau Anglois.
Avant que d'achever
le recit du fait on pouroit
faire une premiere question
curieuse sur l'action
de ces trois François :
Est-elle louable ou blâmable?
S'ils avoient esté prisonniers
sur leur parole,
leur action feroit sans
doute un crime énorme.
S'ils sont prisonniers
forcez & mal-traitez,
l'action change de nature
: celuy qui traite
cruellement un prisonnier
le met en droit de
tenter jusqu'aux voyes
cruelles pour se délivrer;
On leur allegue qu'ils
n'étoientpoint du tout
prisonniersen cette occasion,
s'estant engagez &
embarquezde bonne
volonté,&qu'étant à la
solde & même à la table
du Capitaine
,
leur
cntreprife a esté une trahison.
Ils prétendent que telles
circonstances peuvent
se rencontrer dans
pareille entreprise, quelle
ne seroitpas indigne
d'un Héros. La question
est donc de sçavoir si
l'action est heroïque ou
criminelle.
J'appuye beaucoup sur
cette premierequestion,
car ilme paroist que c'est
le principalfondement
de celle que je vais expliquer
en continuant le
recit du fait.
Ce fut le 10. de Janvier
1710, que ces trois François
se rendirent maîtresduVaisseau.
Ilsfaisoientroutevers
la France lors qu'ils rencontrerent
à la hauteur des Sorlingues
un Armateur de
Roscoff, Armateur François,
qui voyant un Vaisseau
de la Fabrique Angloise,
s'enréjouit comme
d'une capture qu'il pouvoit
faire.
Nos François de leur
costé se réjoüirent à Tafped:
duVaisseauFrançois, dont
ils esperoient du secours,&
se laissant aborder, se declarerenc
François & amis de
l'Armateur. Mais l'Armateur
voulut toujoûrsqu'ils
fussent-ennemis & Anglois
comme leur Vaisseau qu'il
vouloit gagner; en un mot
il s'en empara & jetta à terre
les François qui s'en étoient
emparez sur les Anglois.
La grande question c'est
de sçavoir à qui doit appartenir
ce Vaisseau. On a déja
jugé par provision qu'il
napparcenok a pas un
d'eux, parce que l'Armateur
n'ayant pas droit de conquerir
sur les François, sa
Commissiond'Armateur
est nulle à leur égard,& que
les François n'ayant point
du tout de Commission
n'ont pû le conquerir sur
les Anglois.
C'est pour revenir contre
ce Jugement de l'Amirauté
que les trois François ont
presenté Requeste, au Conseil.
Ils prétendent que le
Vaisseau leur apartienr par
le droit des gens comme le prix
d'une dEiion légitimé & glorieuse.
Ainsi, selon euxmesmes
la question se réduit
à sçavoir s'ils ont tué &
conquis de bonne guerre,
car mauvaise guerre ne peut
jamais établir qu'un mauvais
droit.
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Résumé : EXTRAIT d'un Procés qui se poursuit au Conseil.
Le texte narre l'histoire de trois officiers mariniers français, Roman, Gondol et Lati, originaires de Toulon, qui s'embarquèrent à Marseille sur un vaisseau marchand à destination du Havre de Grâce. Capturés par un vaisseau de guerre anglais, ils furent conduits à Boston puis transférés à Londres le 20 décembre 1709. À bord du nouveau vaisseau, ils conspirèrent pour tuer les capitaines et le pilote anglais, prenant ainsi le contrôle du navire le 10 janvier 1710. Ils rencontrèrent ensuite un armateur français près des Sorlingues, qui, croyant le vaisseau anglais, s'en empara et les jeta à terre. La principale question juridique concerne la propriété du vaisseau. Les Français contestent un jugement de l'Amirauté, affirmant que le vaisseau leur appartient par le droit des gens, en tant que prix d'une action légitime. La controverse porte sur la légitimité de leurs actions et la nature de leur capture.
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16
p. 102-108
MARINE. Avis de Prises.
Début :
De Toulon le premier Decembre 1710. Le sieur Desdons Capitaine [...]
Mots clefs :
Vaisseau, Tonneaux, Prises, Anglais, Capitaine, Capitaines, Commandant, Toulon, Calais, Livourne, Morlaix
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texteReconnaissance textuelle : MARINE. Avis de Prises.
MARINE.
Avis de Prises.
De Toulon le premier Decembre
1 7 10.
Le sieur Desdons Capitaine
de Brulot qui avoit armé
encourse le Vaisseau la Marie
Anne, a pris trois Vais-
[caux, sçavoir, deux Anglois,
chargez de morüe &
de bled, & le troisiéme
Hollandois,venantde Moscovie
,
destiné pour Livourne,
à l'abordage duquel le
Sr Desdons a cité tué par le
dernier coup de Canon qui
en futtiré.
Cette prise est estimée
2.50000. livres.
De Calais le 5. Decembre
1710.
Le Capiraine Gavelle y a
amené un Batteau Anglois,
nommé le Samuel de Hastin
g.
Le Capitaine Guillaume
Cardon y a aussiamené une
Galliotte Hollandoise de 70
Tonneaux, nommée les
trois Amis dAmsterdam.
De Livourne le
1 g.. Novembre1710.
Le Capitaine Augier,
Commandant IcVaincau la
Fortune de la mer , a mené
à Livourne un Vaisseau
Hollandois, nommé la Galere
Sara-Maria, estimée
zjooo. écus.
Madame la Connestable
Doüairrere de Cologne. M.
le Connestable, M. son frere
& Mesdames leurs Epouses
qont presentement à Ligourne.
De Calais le 8. Decembre
1710.
Il yaesté amené 3. pri-.
qes, sçavoir
, une Barque
Suedoise de50 Tonneaux,
faice par les Capitaines
Marcq Teste
,
& Jean Hache.
La 2.
e. un Dogre de 50-
Tonneaux pris par les Capitaines
Bachelier & Live.
Et la 3 e.estune Galliotte
de
1 50 Tonneaux prispar
les Capitaines Dunet &autres
Corsairesde ce Port.
De Toulon le 2. Decembre
1710.
Le sieur de Pallas écrit
de Cadis qu'il y a conduit
deux prises, sçivoir un Vaisseau
de la Reine Anne de
30.Canons, dans lequelil
s'est trouve environ dix mil
piastres en or ,deux mil pia sstres
enmarchandises, 40.
bariques de vivres, & que
le corps du Vaisseau a esté
vendu 2010.piastres.
Et la 2e.un Vaisseau Anglois
de 70. Tonneaux.
Le sieur Grasson Commandant
le Faucon y a mené
aussi un Vaisseau Anglois
de 30. Canons chargé de
munitionsdeguerre,&un
Vaisseau Venitien,estimée
îjooo. piastres.
De Morlaix le 5. Decembre-
1710,
Les sieurs de Quernolle &£
Cambruah,Commandants
les Fregates la Couronne&
la Fidelle, y ont mené les prises
suivantes.
Le Henry de Bristol, le*
Vigilant de Montsara, le
Content de Falmouth
,
ô£
le Hopsvel de Guernezey.
Le ticur de Luzancy
Commandant une Fregate
du même nom, a conduit 4
prisesàl'Isle de Bas,
De Calais le 8. Decembre
1710.
Des Corsaires de Calais
y ont amené trois prises
nommées.
La Concorde de Christiania.
La Tour de Ahum.
L'Esperance de Drames.
Avis de Prises.
De Toulon le premier Decembre
1 7 10.
Le sieur Desdons Capitaine
de Brulot qui avoit armé
encourse le Vaisseau la Marie
Anne, a pris trois Vais-
[caux, sçavoir, deux Anglois,
chargez de morüe &
de bled, & le troisiéme
Hollandois,venantde Moscovie
,
destiné pour Livourne,
à l'abordage duquel le
Sr Desdons a cité tué par le
dernier coup de Canon qui
en futtiré.
Cette prise est estimée
2.50000. livres.
De Calais le 5. Decembre
1710.
Le Capiraine Gavelle y a
amené un Batteau Anglois,
nommé le Samuel de Hastin
g.
Le Capitaine Guillaume
Cardon y a aussiamené une
Galliotte Hollandoise de 70
Tonneaux, nommée les
trois Amis dAmsterdam.
De Livourne le
1 g.. Novembre1710.
Le Capitaine Augier,
Commandant IcVaincau la
Fortune de la mer , a mené
à Livourne un Vaisseau
Hollandois, nommé la Galere
Sara-Maria, estimée
zjooo. écus.
Madame la Connestable
Doüairrere de Cologne. M.
le Connestable, M. son frere
& Mesdames leurs Epouses
qont presentement à Ligourne.
De Calais le 8. Decembre
1710.
Il yaesté amené 3. pri-.
qes, sçavoir
, une Barque
Suedoise de50 Tonneaux,
faice par les Capitaines
Marcq Teste
,
& Jean Hache.
La 2.
e. un Dogre de 50-
Tonneaux pris par les Capitaines
Bachelier & Live.
Et la 3 e.estune Galliotte
de
1 50 Tonneaux prispar
les Capitaines Dunet &autres
Corsairesde ce Port.
De Toulon le 2. Decembre
1710.
Le sieur de Pallas écrit
de Cadis qu'il y a conduit
deux prises, sçivoir un Vaisseau
de la Reine Anne de
30.Canons, dans lequelil
s'est trouve environ dix mil
piastres en or ,deux mil pia sstres
enmarchandises, 40.
bariques de vivres, & que
le corps du Vaisseau a esté
vendu 2010.piastres.
Et la 2e.un Vaisseau Anglois
de 70. Tonneaux.
Le sieur Grasson Commandant
le Faucon y a mené
aussi un Vaisseau Anglois
de 30. Canons chargé de
munitionsdeguerre,&un
Vaisseau Venitien,estimée
îjooo. piastres.
De Morlaix le 5. Decembre-
1710,
Les sieurs de Quernolle &£
Cambruah,Commandants
les Fregates la Couronne&
la Fidelle, y ont mené les prises
suivantes.
Le Henry de Bristol, le*
Vigilant de Montsara, le
Content de Falmouth
,
ô£
le Hopsvel de Guernezey.
Le ticur de Luzancy
Commandant une Fregate
du même nom, a conduit 4
prisesàl'Isle de Bas,
De Calais le 8. Decembre
1710.
Des Corsaires de Calais
y ont amené trois prises
nommées.
La Concorde de Christiania.
La Tour de Ahum.
L'Esperance de Drames.
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Résumé : MARINE. Avis de Prises.
Entre novembre et décembre 1710, plusieurs prises maritimes ont été réalisées par des capitaines français. À Toulon, le 1er décembre, le capitaine Desdons a capturé trois vaisseaux, deux anglais et un hollandais, estimés à 250 000 livres, mais a été tué lors de l'opération. À Calais, le 5 décembre, le capitaine Gavelle a amené un bateau anglais, et le capitaine Guillaume Cardon a capturé une galiote hollandaise. À Livourne, le 19 novembre, le capitaine Augier a conduit un vaisseau hollandais estimé à 25 000 écus. Le 8 décembre, trois autres prises ont été amenées à Calais. À Toulon, le 2 décembre, le sieur de Pallas a conduit deux prises à Cadix, et le sieur Grasson a amené un vaisseau anglais et un vaisseau vénitien. À Morlaix, le 5 décembre, les capitaines de Quernolle et Cambruah ont mené plusieurs prises. Le sieur de Luzancy a conduit quatre prises à l'île de Batz. Enfin, des corsaires de Calais ont amené trois autres prises.
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17
p. 3-61
Extrait ou Argument de l'Iliade en forme de Table.
Début :
Cet Extrait esté fait avec tant d'exactitude, d'ordre [...]
Mots clefs :
Grecs, Achille, Jupiter, Junon, Chefs, Armée, Ulysse, Vaisseau, Paroles, Colère, Minerve, Troyens, Dieux, Prières, Songe, Menace , Iliade, Homère, Roi, Hérauts, Thétis, Ville, Paris
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Extrait ou Argument de l'Iliade en forme de Table.
Extrait ou Argument
de l'Iliade en forme
deTable.
Et Extrait a esté
fait avec tantd'exactitude,
d'ordre
,
& de jugement,
qu'il peutsuffire pour
donner une idée generale
del'Iliade d'Homere à
ceux qui ne l'ont jamais
leuë, il peut estreutile
en mesme temps à ceux
qui possedent parfaitement
leur Homere,puisque
c'est un tableau en
racourci,ouplustost une
efquice dont le trait peut
quelquefois
,
reveiller
leurs idées, & leur aider
à jouir plus facilement
de ces peintures poëtiques
qui occupent, &
qui flattent si agréablement
leur imagination;
ceux qui craignent de
perdre de veuë la charmante
Iliade
, me doivent
sçavoir bon gré de
leur donner enmignature
le portrait de leur maistresse,
c'est leur prouver
assez que je ne blat:
me point leur attachement.
J'auray peut-estre dans
la fuite la mesme attention
pour ceux qui iont
amoureux de Rabelais,
cela dépendra du loisir
de mes amis, c'etf à la
complaisance de l'un
d'eux que j'ay obligation
de cet Extrait, qui
a deu estre aussi ennuyeux
à faire
, que je
le crois utile au Public.
Leschiffres qui ifont a
la fin de chaque article,
marquent laplace f.5 l'efitendue
des matieres. Par
exemple I. 5. c'est-à-dire
que l'invocation pour
chanter la colere d'Achille
commence au I.
vers cffinit au 5.
ARGUMENT
du premier Livre.
Le Poëte invoque la
Muse pour chanter les effets
pernicieux de la colere
d'Achille. Vers I. 5.
Sujet de la colere d'Achille.
vers 6. 11. ehryCes Pre stre d'Apol-
- lon vient au camp des
Grecs chargé de presens
pour racheter sa filleChryseis
qui estoit esclave d'Agamemnon.
vers II. 1).
,
Sa harangue aux Grecs
àce sujet. vers16.20.
ConsentementdesGrecs.
Refus d'A gamemnon. Il
menace Chryfes. Ce
vieiliardintimide se retire.
Sa priere à Apollon.
Exaucée sur le champ.
Apollon. pendant neuf
jours frappe toute l'armée
des Grecs de traits empoisonnez&
y répand la
peste. vers 21. 52.
Achille convoque une
assemblée. Il dit à Agamemnon
qu'il faut consulter
quelque Devin pour
sçavoir le sujet de la cruelle
colered'Apollon, vers
53.66.
Calchas fils de Thestor
se leve & se met en devoir
de l'expliquer. Il n'ose le
faire à moins qu'Achille
ne luy promette de le proteger
contre ceux à qui sa
déclaration pourroit de- plaire. vers 67. SI.
Achillele luy promet.
Le Devin parle. Dit qu'il
faut renvoyer Chryseis.
sansrançon,avec uneHecatombe
pour calmer Apollon.
vers83.99.
Agamemnon se fasche
contre le Devin. Tesmoigne
la repugnance qu'il a
de renvoyer Chryseis,
Declare qu'il la prefere
mesmeà la Reine Clytemnestre
sa femme
,
& pourquoy.
Prend neanmoins
la refoî ution de la renvoyer
pour le salut de son
peuple. Demande qu'on
le dedommage, vers 100.
J19.
Achille prend la parole.
Agamemnon luy respond
avec hauteur, & dit
qu'il pourroit bien luy enlever
à luy-mesme sa ca ptive
Briseis. vers 120 146
Achille s'emporte & éclatte
en injures contre
Agamemnon. vers 147.
lyo.
Agamemnon respond
avec aigreur & reitere les
menaces qu'il a faites à
Achille de luy enlever Brifeis.
vers liJ. 186.
0 Achille entre enfureur.
Delibere s'il tuëra Agamemnon.
Son épée est à
*i
demitirée. Mais Minerve
descenduë par l'ordre
de Junon, s'arreste derriere
Achille, le retient
par les Cheveux, & ne se
rend visiblequ'à luy. A>
chille se retourne. La reconnoist.
Luy demande
avec colere ce qu'elle
vient faire là. Pallasluy
respond qu'elle vient le
calmer. a Luy permet le
reproche,& luyconseille
de ne point passerauxvoyes
de fait. Achille enfonce
son épée dans le
fourreau. Minerve s'en
retourne. vers 187. m,
Achille continuë de
s'emporrer contre Agamemnon
& luy die des
injures atroces. Il jure
par; son Sceptre que jamais
les Grecs n'auront de
luy aucun secours. vers
222.24'.245.
Agamemnon qui ne
peut plus tenir contre les
invectives d'Achille, est
prest à se porter à quelque
violente extremité.
Mais le vieux Nestor se
leve, ôcse fait entendre
a ces deux Chefs irritez.
Il leur parle avec l'authorité
& le caractere que
luy donnent son grand âge
& sa longue experience.
vers246.283.
Agamemnon respond à
Nestorqu'Achille est un
homme qui veut toutemporter
par hauteur, mais
qu'il n'est pas d'humeur à
luy ceder. Achillereplique.
Apres quoy ces deux
Chefs se levent & rompent
l'assemblée. Achille
se retire dans son quartier
avec Patrocle. Agamemnon
fait mettre en mer un
de ses navires après l'avoir
pourveu de victimes pour
l'Hecatombe.Ilmene luymesme
Chryseis au Vaisseau
& l'y fait monter.
Ulysse est choisi pour la
conduites Le ,Vaisseau
part.vers 284. 311.
L'armée d'Agamemnon
se purifie. Hecatombes
offertes à Apollon sur
le rivage mesme. vers 312. 316. Agamemnon ordonne
à Talthybius & à Euribate
ses deux Herauts, d'aller
à la tente d'Achille
prendre Briseis & l'amener.
Que si Achille la
refuse il ira la prendre luymesme
bien accompagnée
vers 317.314.
Les deux Herauts arrivent
à la tente d'Achille,
& notent luy addresser la
parole. Achille qui voit
leur peine les prévient ôc
leur dit, qu'ils sont innocens
de l'affront qu'on luy
fair. Qu'il ne se plaint
que d'Agamemnon qui
envoye chercher Briseis.
En mesme temps il dit à
Patroclede laluy amener,
&
& de la remettre entre les
mains des Hérauts.Achille
reitere en leur presence
la menace qu'il a
faite à Agamemnon, de
ne jamais secourir les
Grecs. Patrocle amene
Briseis. Elle s'en va avec
les deux Herauts. vers 326.
347.
Achille va au bord de
la mer, & versant des
larmes, addresse sa plaince
à Thetis. La Déesse
fort des eaux , & luy demande
le sujet de son affliction.
Achilleluy: ep
dit la cause. La prie de
venger l'affrontqu'il a receu.
Devoir Jupiter. De
l'engager ( pour punir Agamemnon
de luyfaire
reconnoistre sa¡fatJce) :
à
secourir les Troyens,&
leur donner l'avantage sur
lesGrecs, ; ; Ilfaitressouvenir
Thetis en cet endroit
d'un service important
qu'elle rendit autrefois
à Jupiter; au,moyen
de quoy il ne -luy doit rien
refuser. Theris promet
à Achille qu'elle fera ce
qu'il luydemande, & qu'-
À*A **-
auss-tôt que Jupiter, qui
estalléàunfestin dont les
Ethiopiens l'ont prié, sera
retourné itu Ciel
,
elle ira
le voir & luy parler. Thetis
disparoift, &elle laisse
son fils tres affligé de la
perte de Briseis.vers347.
429.
Ulysse qui conduisoit
l'Hecatombe pour Apollon,
arrive dans le port de
Chrysa.Description dela
manoeuvre d'un Vaisseau
arrivé au port. Ulysse
parle à Chryfes
, & luy
presente sa fille,vers429.
Sacrifice. Priere de
Chryses à Apollon. Exaucée
dans le moment.
Festin.Libations. vers
446.470.
Les Grecs se retirent,
& paisens la nuit sur leur
Vaisseau. Le lendemain
ils retournent au Camp,
aydez d'un vent favorable
qu'Apollon leur en.
voye. lis se distribuent
dans leurs tentes,vers471.
483-
Achille se tient tousjours;
dans son quartier. Ne va
point aux assemblées.S'abandonne
entierement à
son chagrin. vers 484.491.
Le douzième jour Jupiter
estant revenu d'Ethiopie
,Thetis va le trouver
à récart au plus haut
sommet de l'Olympe.
Priere de Thetis à Jupiter.
Ju piter ne respond rien.
Thetis le presse. Jupiter
luy promet ce qu'elle demande
,
& confirme sa
promesse par un signe de
teste, donc tout l'Olympe
estébranlé, vers491.529.
•
Thetis s'en va. Ju piter
retourne dans son Palais.
Les Dieux vont au devant
deluy. Ilseplacesurson
Throne. Junon qui n'ignore
pas son dessein, parce
qu'elle l'a veu avec
Thetis,luy reproche d'un
son aigre le mystere qu'il
luy en fait. Jupiter ILy
respond d'abord avec moderation.
Junon continuë
de luy parler avec
hauteur. Jupiter la menace.
Elle se tait Vulcain
prend la parole, &
represente à sa mere qu'il
saur ménager Jupiter. Il
presente une coupe à Junon.
Il raconte la plaisante
histoire de Cacheute.
Il verteà boireaux Dieux.
Son empressement à les
servir, fait rire toute Tafsemblée
( parce qu'il boite.
) Après un repas trèsjoyeux
chaque Dieu va se
coucher dans son Appartement.
Junon couche
auprès de Jupiter.
ARG V MENT
dusecond Livre*
Jupiter pour executer
la promesse qu'il a faite
à Thetis de relever la
gloire d'Achille, & de
rendre les Troyensvictorieux
,
appuiele Songe,
luy commande d'aller
trouver Agjmernnon
,
&
de direàce Prince,qu'il
,
fasTearmer;ùj^le.Grecs,
qu'il mette toute son armée
en barri'le. Qu'il
luy fasse entendre que le
jour
jour est veuu qu'il va se
rendre maistredela Ville
deTroye. Le Songe part.
prend la forrne deNestor.
Se place sur la teste d'Agamemnon.
Luy redit les
paroles de Jupiter, & se
retire. vers 1 35.
Agamemnon se leve.
S'habille. Donne ordre
du grand matin à ses Herauts
de faire assembler
tous les Grecs. Pendant
ce temps-là il tient conseil
avec les principaux
Chefs dans le Vaisseau de
Nestor. Leur dit les parôles
du Songe. Leur fait
part du dessein qu'il a de
fonder le courage des
Grecs. Je vais,dit-il, leur
ordonner de s'enfuirsur leurs
Vaisseaux VÙUS) de vostre
cpfté vom les retiendrez par
de douces paroles. Nestor
represente qu'il faut adjousterfoy
au Songe d'Agamemnon
, parce qu'il
ne faut pas dourer que Jupiter
ne l'ait envoyé. Die
qu'il faut executer le projet
du Roy. vers 35.84.
Les Troupes arrivent.
L'armée comparée à des
Legions d'abeilles, vers 86.
5)6*
NeufHerauts font faire
silence dans l'armée. Le
Roy se leve tenant en
main son Sceptre. Histoire
de Sceptre d'Agamemnon.
vers96.109.
Agamemnon parle aux
Grecs. Il leur represente
que depuis neuf années
leur armée se consume à
attendre vainement l'effet
des promesses de Jupiter,
qui ne s'accomplissent
point. Qu'il faut prendre
le party de s'en retourner.
(Ce discoursestplein d'artifice
& ne rend qu'à persuader
aux Grecs tout le
contraire de ce qu'on leur
propose ) mais les paroles
du Roy sont prises à la Jet,
tre par la multitude qui
ive penetre pas son dessein.
Emotion de l'armée comparée
à celle des flots, &
des moissons agitées par le
vent. Les Soldats courent
à leurs Vaisseaux pour
les mettre en estat. vers
100. IJ4.
1,
Dans ce moment le retour
des Grecs estoit conclu,
si Junon ne se fust
addressée à Minerve. Elle
luyparle Luy dit d'aller
dans le Camp des Grecs,
de parcourir i leur armée,
de lesretenir, & de les
empescherdemettre leurs
Vaisseauxenmer. Minerve
obéit. Elle trouve
Ulysse qui ne donnoitaucunsordres
pour les Vaisseaux.
L'encourage à retenir
les Grecs par de douces
paroles. vers hj. 18re
Ulysse parcourt l'armée
avec diligence. Rencontre
sur son chemin Ar<smemnon
dont il prend le
Sceptre. Ce qu'il dit aux
Rois qu'il rencontre. De
quelle maniere il parleaux
Soldats seditieux quand il
en trouve. vers 182. 206.
Les discours d'Ulysse
font un puissant effet sur
toute l'armée. LesSoldats
sortent de leurs Vaisseaux
pour une seconde assemblée.
Leur bruit comparé
au mugissement des flots
irritez, LesGreess'asseient
dans un profond silence.
Le seul Thersite fait un
bruit horrible. Portrait
hideux de Thersite. Sa
taille. Son caractere d'esprit.
Il parle insolemment
d'Agamemnon en sa presence.
Veut justifier le
ressentiment d'Achille.
Est d'avis que les Grecs
retournent dans leur patrie.
Ulysseluyrespond.
Le traire ignominieusement.
Le frappe du Sce-,
ptre d'Agamemnon. Les
épaules de Thersite en
font marquez. Therfite
pleure & se tait. Les
Grecstout affligez qu'ils
sont, ne peuvent s'em pescherd'en
rire. Ce qu'ils
se disent les uns aux autres
à ce sujet. vers207.277
Ulysse s'avance au milieu
de l'assemblée. Minerve
est auprèsde luy
fous la forme d'un Heraut
& fait faire silence
:J.
afin
que l'onentende les conseilsd'Ulysse.
Ulysseparle
à Agamemnon. Luy rcpresente
que les Grecs
veulent le couvrir de confusion
par le dessein qu'ils
ont de retournerchez eux.
Luy rappelle la prophetie
de Calchas au sujet d'un
prodige qui préfageoit la
prise de Troye après neuf
ans,figurez par le nombre
de huit passereaux & de
leur mere devorez par un
dragon. Conclut que les
Grecs doivent demeurer
jusqu'à ce que laVille de
Priamsoitsaccagée. everi
278.332-
LesGrecsapplaudissent
par de grands cris aux discours
d'Ulysse. Nestorse
leve. Dit qu'il n'y a point
de temps à perd re. Est
d'avis que l'armée soit
rangée par Nations
>
afin
que l'on reconnoiffe ceux
qui auront combattu avec
courage, & ceux quin'auront
pas fait leur devoir.
vers 353.368.
Agamemnon approuve
& louë le discours de Nestor.
Convient du mauvais
effet de sa querelle avec
Achille. Advouëqu'il s'est
emporte le premier. Dit
que la perte des Troyens
est asseurée s'il est jamais
d'accord avec Achille.
Commandeauxtroupe,
de prendre de la nourritu.
re pour se disposer au combat.
Leur annonce une
grande & sanglante journée.
Menace de more tous
ceux qui demeureront
dans leurs Vaisseaux loin
du combat. Les Grecs font
descrisde joye. Leretentissement
de l'air comparé
à celuy des flots irritez.
vers 369. 399
2 Les Soldats fc levent.
Se dispersent dans leurs
tentes. Prennent leur repas.
Chacun fait des sacrifices
au Dieu qu'il adore
pour se le rendre favorable,.
Agamemnon immole
un taureau. Menelas
son frere se trouve à
ce sacrifice. Priere d'Agamemnon
àJupiter. Jupiter
reçoit son Sacrifice
sans avoir dessein d'exaucer
ses voeux. Description
du Sacrifice, ( comme au
premier Livre. ) Nestor
dit qu'il faut profiter da
temps. Ranger l'armée
en bataille,&donner enfuite
le signal du combat.
D
evers 400. 440.
Les Grecs s'assemblent,
& prennent leur rang.
Minerve est au milieu.
d'eux qui les remplie d'ardeur
& d'impatience. L'éclat
des armes compare à
celuy du feu qui ravage
une vasse forest. Bataillons
& Escadrons comparez
à des troupes nombreuses
d'oiseaux. Nombre
des Soldats comparé
à celuy des fleurs, des
feuilles, Se des mouches
qui s'assemblent autour
d'une bergerie à l'heure
qu'on remplie les vaisseaux
de lait. Les Chefs
rangent leurs Troupes &
les reconnoissent avec
autant de facilité que les
Pasteurs reconnoiffenc
leurs troupeaux de Chevres
qui se sont meslées
dans les pasturages. Agamemnon
brille ce jour-là
d'une majesté éclatante.
Ressemble à Jupiter ,
à
Mars ,ôc à Neptune. Est
comparé ensuite à un fier
taureau. vers 441. 483.
Denombrement des
Troupes Grecques & de
leurs Vaisseaux. Précedé
d'une invocation aux Muses,
vers 484. 680.
Denombrement particulier
des TroupesThessaliennes
,
qui sont celles
d'Achille. Précedé d'une
autre invocationà la Muse.
'Vers 681. 760.
Quatrième invocation
à la Muse. Pour sçavoir
qui estoit le plus vaillant
des Princes qui suivirent
Agamemnon. Et quels
estoient les meilleurs chevaux.
Eumelus Roy de
Phéres pouvoit se vanter
d'avoir les deux meilleures
cavalles de l'armée. Ajax
estoit le plus vaillant de
tous les Princes après Achille,
& les chevaux d'Achille
estoient meilleurs
que ceuxd'Eumelus.Mais
Achille ne sortoit point de
ses Vaisseaux à cause de
son ressentiment.SesTroupes
se divertissoient sur le
rivage, & les Chefs des
Troupes Thessaliennes se
promenoient dans le
Camp fort tristes de ce
que leur General ne les
menoit point au combat.
vers 761. 779.
L'armée des Grecs s'avance
en ordre de bataille.
L'éclat de leurs armes
mes comparé à celuy d'une
plaine embrasée. > La
terre qui retentit fous leurs
pieds, fait le mesme bruit
-.
que le tonnerre qui gron-
:
de. iV*r ?• vers 780. 78r.
: -." Iris la messagere des
Dieux, prend la forme de
• Polices ( un des fils de
Í" i Priam) qui estoit en fen-
1 tinelle hors des portes de -
1 la Ville, pour observe
quand les Grecs s'avanr
ceroient. Elle averti
Priam que les Grecsviennent
l'attaquer. Luv conseille
de ranger ses Trou-
.,
pesfous leurs Chefs par
Nations & par lignées.
vers786.806.
On court aux armes.
Dansun moment toute la
Cavalerie & l'infanterie
fort de la Ville & s'affenlble
fous une colline à quelque
distance des portes.
Noms des Chefs Troyens.
Etat de leurs Troupes.
*wn807.877»
ARGUMENT
du troisiéme Livre,
Les Troyens s'avancent
avec un bruit confus, 8c
des cris perçans. Comparez
à des oiseaux & des
grues. Les Grecs marchenten
silence. Lapout
fiere que les deux armées
font lever en marchant,
Comparée au brouillard.
Lesarméesfonten prefence.
Pâris s'avance à la
teste des Troyens. Comment
il est armé. Menelas
de son coite s'avance a
>
grands pas. Il estcomparé
àun Lion arrame qui
est tombé sur un Cerf.
Pâris le voyant s'enfuit.
Paris comparé à un Voyageur
qui apperçoit un Serpent
dans le fond d'une
forest.<- versI. 37.
Hedtop reproche à Paris
sa lâcheté.ver38.s57.
1
Paris respond modefl
temenc à Hedor, donr il
compare lecourage au
fer d'une hache qui nese
rebrousse jamais. Il reprend
courage. Est resolu
de se battre avec Menelas
en combat singulier. A
cesconditions: qu'Helene
& toutes les richesses
appartiendront au vainqueur;
que les Troyens,
apre'savoit fait alliance
avec les Grecs, demeureront
paisibles dans leur
Ville, & que les Grecs s'en
- retourneront. He&or
plein de joye de la resolution
de Paris
,
s'avance
à la celle des deux armées
pour en informer les TroyensSe
les Grecs. Ceuxcy
qui ignorent son deCsein,
font pleuvoir sur luy
une gresse de traits. Aga-,
memnon leur dit d'arrester.
Qu'Hector a quel.,.
que chose à leur dire. Les
Grecs cessent de tirer.
Hector parle & repete ce
que Pâris luy a dit. Menelas
respond. Declare
qu'il consent à ce que Pâris
propose, ravi de pouvoir
terminer seul une
longue guerre qui n'aesté
entreprise que pour luy.
Veut que ce son Priam
luy
-
mesme qui jure l'a}.
liance que les Grecs doivent
faire avec les Troyens.
Et pourquoy. Que
pour scéeller cet accord
il soit immolé trois agneaux
;deux de la part des
Troyens, & un de la part
des Grecs. vers 58. 110.
Cette proposition est
receuë avec joye des deux
armées. Les Grecs & les
Troyens mettent bas leurs
armes,& ran gent leurs
chevaux par file.Hedor
envoye deux Herauts à
Troye pourfaire venir
Priam
*
& pour apporter
deux agneaux. Agamennon
donne ordre à Talthybius
d'aller aux Vaisseaux
des Grecs, & den
apporter un troisiéme.
Iris prend la forme de
Laodiceune des filles de
Priam, & va avertir Helene
de rout ce quise paue.
Elle trouve Helene occupee
à un ouvrage de hrolot
derie. Elle representoit
sur un voile les combats
que les Grecs & les Troyens
livroient pour elle;
Iris luy dit de venir voir
des choses surprenantes.
Que Paris ôc Menelas
vont
vont combattre seuls
,
&
qu'elle doit estre le prix
du vainqueur. La Oéeffe
inspire dans ce moment
à Helene un très-grand
defirde retourner àLacedemone
avec son premier
mari. vers III. 140.
Helene se met en chemin
avecdeux de ses femmes.
Elles arrivent aux
portes de Scées
,
où elles
trouvent plusieurs vieillards
assis sur le haut d'une
tour, qui deliberoiententr'eux
sur les moyens de
faire cesser les malheurs
de Troye. Ces vieillards
comparez à des cigales.
Ils sont frappez d'admiration
en voyant Helene.
Ce qu'ils se disentàce sujet.
Priam qui estoit parmi
eux l'appelle. L'a fait
asseoir auprès de luy
,
&
voyant tous les Chefs de
l'armée Grecque, luy en
montre un d'abord,& luy
demande qui il est. Helene
respondque c'est Agamemnon.
Il luy en fait
voir un autre & le compare
à un belier dans tia
grand troupeau de brebis
qui le reconnoissent pour
leur Roy. Helene dit que
c'est le prudent Ulysse.
Antenor,un des vieillards,
prend la parole, & dit à
Helene qu'il se fouvienc
d'Ulysse & de Menelas ,
lorsqu'ils vinrent en qualité
d'Ambassadeurs envoyez
par les Grecs pour
la redemander. Et prend
de là occasion de dire de
quellemaniéréils parloient.
l'un & l'autre dans
lesassemblées, & quelle,
éstoit leur contenance.
Priamvoit un autre Guerrier,
& demande à Helene
qui il est. Elle dit que
c'est Ajax. Elle montre
IdomenéeàAgamemnon.
Dit qu'erereconnoift cous
les Chefs. Ettsorprised'e
ne pointvoir parmieux ses
deux freres Castor& Pollux.
Croit qu'ilsn'ont pas
daigné prendre les armes
pour elle, Elle ignore en
effet qu'ils font tous deux
morts à Lacedemone.vers
I42.Z44. ; ,-
:;
Cependant les Hérauts
traversent laVille portant
les Vi^inics3avçcvq Qutre
d'excellent vin. Ideus
estant arrivé prés dePriam
le pressede partir, luy disincque
les Généraux
Grecs &Troyens Jepriene
de venir dans la plaine, (où son fils Paris doit
combattre avec Menelas)
pour y jurer la paix entre
les deux partis. Le Vieillard
tout tremblant monte
sur son char avec Antenor.
Ils arrivent & s'avancent
entre les deux armées.
Premiere ceremonie
pour le sacrifice. Priere
d'Agamemnon. Il renouvelle
& répété les conditions
du Traité,qui sont:
que si Menelas tué. Pâris,
(ces termes sontremarquables)
il emmenera Helene
avec toutes ses richesses
; au contraire Helene
demeurera à Pâris s'il tuë
Menelas.Victimes égorgées.
Priere à Jupiter dans
les deuxarmées ( non éxaucée.)
vers 145. 302.
Les libations achevées,
Priam prend congé des
deuxarmées,disantqu'il
n'a pas la force de voir
combattre son fils avec
Menelas. Il remonte sur
son Char , em porteavec
-
luyles deuxagneaux,vers
303-1313 ?-• 'v
-t)I Hector & Ulysse mesurent
le champ de bataille.
Ils,mettent lesfores dans
uncalque & les meslent
pour les tirer,& pourvoir
lequel de Menelas ou de
Pâris doit le premier lancer
le javelot. Prièreaddressée
auxDieux par les Grecs
ôc les Troyens. Hector
mesle les forts. Celuy de
Paris fort le premier, paris.
& Menelas s'arment.
De quelle maniéré Pâris
est armé. Ils se mesurent
l'un l'autre. Paris le premier
lance un javelor. il
atteint le bouclier de Menelas
sans le percer. Me-"
nelas leve son dard.Addresse
sa priere à Jupiter.^
Lance son javelot qui va
percer le bouclier de Paris
aauussni i bien que la cuirasse,^ libienquelaculrafiè
& déchiré la tunique pres
du flanc sans blesser Paris.
Menelas tire son épée &
en décharge un grand
coup sur le casque de son
ennemy. L'épée serompe.
& luytombe de la main.
Menelas s'en prend à Jupirer
, & luy addresse la
paroleaveccolere. Se jette
sur Pâris, le prend par
le casque & le tire du costé
des Grecs. La courroye se
casse, & le casque luy demeure
dans la main. Ille
jette loin de luy du costé
des Grecs. Il veut encore
se lancer sur Pârispourluy.
oster la vie. Mais Venus
couvre Paris d'un nuage.
Le dérobe aux yeux & à
la fureur de Menelas. Le
porte dans une Chambre
du Palais de Priam toute
parfumée. Elle l'y laisse-
Elle prend la forme d'une
vieille femme qu'Helene
avoit auprés d'elle à Lacedemone
,& qu'elle aimoic
tendrement. Ellevatrouver
cette Princesse. La
prie de venirvoir Paris
qui l'attend dans le Palais,
plein d'amour & d'impatience.
Helenereconnoift
Venus malgré son deguisement.
Luy fait des reproches
de ce qu'elle veut
la tromper. La renvoye
à Paris avec mépris. Luy
declare qu'elle n'ira point
le trouver, que cette démarche
la deshonoreroic.
Venus la menace de l'abandonner
si elle ne luy
obéit. Heiene intimidée
se couvre de son voile pour
n'estre point veuë, & Ce
laisse conduire par la
Déesse. vers314.410.
.( Estant arrivées au Palais
de Paris, Venus prend
un siege pour Helene
,
ôc
le met visà-vis de Pâris.
Helene s'y place, &sans
le regarder luy fait de sanglanes
reproches de son
peu de courage. Paris respond
qu'un autre jour les
Dieux le proregeront;
comme ils ont proregé
cette fois-cy Menelas qui
doit sa victoire au secours
de Minerve. Il excite Helene
à ne plus songer qti
aux plaisirs. Illuydeclare
qu'il ne l'a jamais aimée
avec tant de passïon qu'au
moment qu'il luy parle.
Il k leve & passe dans une
autre chambre. Helene
le fuir. vers 421.447.
Pendant ce temps-là
Menelascherche partout
son ennemy qui luy estoit
échappe, & qui, pour son
bonheur,n'avoit esté veu
par aucun des Grecs ni des
Troyens: car les Troyens
eux-mesmes le haïssoient
& lauroienc livréààMenelas.
Enfin Agaraemnon
haùssant la voixdemande
aux Troyens leprix de la
victoire de Menelas, suivane
les conditions du traité.
Tous les Grecapplau.
disset àsademande
de l'Iliade en forme
deTable.
Et Extrait a esté
fait avec tantd'exactitude,
d'ordre
,
& de jugement,
qu'il peutsuffire pour
donner une idée generale
del'Iliade d'Homere à
ceux qui ne l'ont jamais
leuë, il peut estreutile
en mesme temps à ceux
qui possedent parfaitement
leur Homere,puisque
c'est un tableau en
racourci,ouplustost une
efquice dont le trait peut
quelquefois
,
reveiller
leurs idées, & leur aider
à jouir plus facilement
de ces peintures poëtiques
qui occupent, &
qui flattent si agréablement
leur imagination;
ceux qui craignent de
perdre de veuë la charmante
Iliade
, me doivent
sçavoir bon gré de
leur donner enmignature
le portrait de leur maistresse,
c'est leur prouver
assez que je ne blat:
me point leur attachement.
J'auray peut-estre dans
la fuite la mesme attention
pour ceux qui iont
amoureux de Rabelais,
cela dépendra du loisir
de mes amis, c'etf à la
complaisance de l'un
d'eux que j'ay obligation
de cet Extrait, qui
a deu estre aussi ennuyeux
à faire
, que je
le crois utile au Public.
Leschiffres qui ifont a
la fin de chaque article,
marquent laplace f.5 l'efitendue
des matieres. Par
exemple I. 5. c'est-à-dire
que l'invocation pour
chanter la colere d'Achille
commence au I.
vers cffinit au 5.
ARGUMENT
du premier Livre.
Le Poëte invoque la
Muse pour chanter les effets
pernicieux de la colere
d'Achille. Vers I. 5.
Sujet de la colere d'Achille.
vers 6. 11. ehryCes Pre stre d'Apol-
- lon vient au camp des
Grecs chargé de presens
pour racheter sa filleChryseis
qui estoit esclave d'Agamemnon.
vers II. 1).
,
Sa harangue aux Grecs
àce sujet. vers16.20.
ConsentementdesGrecs.
Refus d'A gamemnon. Il
menace Chryfes. Ce
vieiliardintimide se retire.
Sa priere à Apollon.
Exaucée sur le champ.
Apollon. pendant neuf
jours frappe toute l'armée
des Grecs de traits empoisonnez&
y répand la
peste. vers 21. 52.
Achille convoque une
assemblée. Il dit à Agamemnon
qu'il faut consulter
quelque Devin pour
sçavoir le sujet de la cruelle
colered'Apollon, vers
53.66.
Calchas fils de Thestor
se leve & se met en devoir
de l'expliquer. Il n'ose le
faire à moins qu'Achille
ne luy promette de le proteger
contre ceux à qui sa
déclaration pourroit de- plaire. vers 67. SI.
Achillele luy promet.
Le Devin parle. Dit qu'il
faut renvoyer Chryseis.
sansrançon,avec uneHecatombe
pour calmer Apollon.
vers83.99.
Agamemnon se fasche
contre le Devin. Tesmoigne
la repugnance qu'il a
de renvoyer Chryseis,
Declare qu'il la prefere
mesmeà la Reine Clytemnestre
sa femme
,
& pourquoy.
Prend neanmoins
la refoî ution de la renvoyer
pour le salut de son
peuple. Demande qu'on
le dedommage, vers 100.
J19.
Achille prend la parole.
Agamemnon luy respond
avec hauteur, & dit
qu'il pourroit bien luy enlever
à luy-mesme sa ca ptive
Briseis. vers 120 146
Achille s'emporte & éclatte
en injures contre
Agamemnon. vers 147.
lyo.
Agamemnon respond
avec aigreur & reitere les
menaces qu'il a faites à
Achille de luy enlever Brifeis.
vers liJ. 186.
0 Achille entre enfureur.
Delibere s'il tuëra Agamemnon.
Son épée est à
*i
demitirée. Mais Minerve
descenduë par l'ordre
de Junon, s'arreste derriere
Achille, le retient
par les Cheveux, & ne se
rend visiblequ'à luy. A>
chille se retourne. La reconnoist.
Luy demande
avec colere ce qu'elle
vient faire là. Pallasluy
respond qu'elle vient le
calmer. a Luy permet le
reproche,& luyconseille
de ne point passerauxvoyes
de fait. Achille enfonce
son épée dans le
fourreau. Minerve s'en
retourne. vers 187. m,
Achille continuë de
s'emporrer contre Agamemnon
& luy die des
injures atroces. Il jure
par; son Sceptre que jamais
les Grecs n'auront de
luy aucun secours. vers
222.24'.245.
Agamemnon qui ne
peut plus tenir contre les
invectives d'Achille, est
prest à se porter à quelque
violente extremité.
Mais le vieux Nestor se
leve, ôcse fait entendre
a ces deux Chefs irritez.
Il leur parle avec l'authorité
& le caractere que
luy donnent son grand âge
& sa longue experience.
vers246.283.
Agamemnon respond à
Nestorqu'Achille est un
homme qui veut toutemporter
par hauteur, mais
qu'il n'est pas d'humeur à
luy ceder. Achillereplique.
Apres quoy ces deux
Chefs se levent & rompent
l'assemblée. Achille
se retire dans son quartier
avec Patrocle. Agamemnon
fait mettre en mer un
de ses navires après l'avoir
pourveu de victimes pour
l'Hecatombe.Ilmene luymesme
Chryseis au Vaisseau
& l'y fait monter.
Ulysse est choisi pour la
conduites Le ,Vaisseau
part.vers 284. 311.
L'armée d'Agamemnon
se purifie. Hecatombes
offertes à Apollon sur
le rivage mesme. vers 312. 316. Agamemnon ordonne
à Talthybius & à Euribate
ses deux Herauts, d'aller
à la tente d'Achille
prendre Briseis & l'amener.
Que si Achille la
refuse il ira la prendre luymesme
bien accompagnée
vers 317.314.
Les deux Herauts arrivent
à la tente d'Achille,
& notent luy addresser la
parole. Achille qui voit
leur peine les prévient ôc
leur dit, qu'ils sont innocens
de l'affront qu'on luy
fair. Qu'il ne se plaint
que d'Agamemnon qui
envoye chercher Briseis.
En mesme temps il dit à
Patroclede laluy amener,
&
& de la remettre entre les
mains des Hérauts.Achille
reitere en leur presence
la menace qu'il a
faite à Agamemnon, de
ne jamais secourir les
Grecs. Patrocle amene
Briseis. Elle s'en va avec
les deux Herauts. vers 326.
347.
Achille va au bord de
la mer, & versant des
larmes, addresse sa plaince
à Thetis. La Déesse
fort des eaux , & luy demande
le sujet de son affliction.
Achilleluy: ep
dit la cause. La prie de
venger l'affrontqu'il a receu.
Devoir Jupiter. De
l'engager ( pour punir Agamemnon
de luyfaire
reconnoistre sa¡fatJce) :
à
secourir les Troyens,&
leur donner l'avantage sur
lesGrecs, ; ; Ilfaitressouvenir
Thetis en cet endroit
d'un service important
qu'elle rendit autrefois
à Jupiter; au,moyen
de quoy il ne -luy doit rien
refuser. Theris promet
à Achille qu'elle fera ce
qu'il luydemande, & qu'-
À*A **-
auss-tôt que Jupiter, qui
estalléàunfestin dont les
Ethiopiens l'ont prié, sera
retourné itu Ciel
,
elle ira
le voir & luy parler. Thetis
disparoift, &elle laisse
son fils tres affligé de la
perte de Briseis.vers347.
429.
Ulysse qui conduisoit
l'Hecatombe pour Apollon,
arrive dans le port de
Chrysa.Description dela
manoeuvre d'un Vaisseau
arrivé au port. Ulysse
parle à Chryfes
, & luy
presente sa fille,vers429.
Sacrifice. Priere de
Chryses à Apollon. Exaucée
dans le moment.
Festin.Libations. vers
446.470.
Les Grecs se retirent,
& paisens la nuit sur leur
Vaisseau. Le lendemain
ils retournent au Camp,
aydez d'un vent favorable
qu'Apollon leur en.
voye. lis se distribuent
dans leurs tentes,vers471.
483-
Achille se tient tousjours;
dans son quartier. Ne va
point aux assemblées.S'abandonne
entierement à
son chagrin. vers 484.491.
Le douzième jour Jupiter
estant revenu d'Ethiopie
,Thetis va le trouver
à récart au plus haut
sommet de l'Olympe.
Priere de Thetis à Jupiter.
Ju piter ne respond rien.
Thetis le presse. Jupiter
luy promet ce qu'elle demande
,
& confirme sa
promesse par un signe de
teste, donc tout l'Olympe
estébranlé, vers491.529.
•
Thetis s'en va. Ju piter
retourne dans son Palais.
Les Dieux vont au devant
deluy. Ilseplacesurson
Throne. Junon qui n'ignore
pas son dessein, parce
qu'elle l'a veu avec
Thetis,luy reproche d'un
son aigre le mystere qu'il
luy en fait. Jupiter ILy
respond d'abord avec moderation.
Junon continuë
de luy parler avec
hauteur. Jupiter la menace.
Elle se tait Vulcain
prend la parole, &
represente à sa mere qu'il
saur ménager Jupiter. Il
presente une coupe à Junon.
Il raconte la plaisante
histoire de Cacheute.
Il verteà boireaux Dieux.
Son empressement à les
servir, fait rire toute Tafsemblée
( parce qu'il boite.
) Après un repas trèsjoyeux
chaque Dieu va se
coucher dans son Appartement.
Junon couche
auprès de Jupiter.
ARG V MENT
dusecond Livre*
Jupiter pour executer
la promesse qu'il a faite
à Thetis de relever la
gloire d'Achille, & de
rendre les Troyensvictorieux
,
appuiele Songe,
luy commande d'aller
trouver Agjmernnon
,
&
de direàce Prince,qu'il
,
fasTearmer;ùj^le.Grecs,
qu'il mette toute son armée
en barri'le. Qu'il
luy fasse entendre que le
jour
jour est veuu qu'il va se
rendre maistredela Ville
deTroye. Le Songe part.
prend la forrne deNestor.
Se place sur la teste d'Agamemnon.
Luy redit les
paroles de Jupiter, & se
retire. vers 1 35.
Agamemnon se leve.
S'habille. Donne ordre
du grand matin à ses Herauts
de faire assembler
tous les Grecs. Pendant
ce temps-là il tient conseil
avec les principaux
Chefs dans le Vaisseau de
Nestor. Leur dit les parôles
du Songe. Leur fait
part du dessein qu'il a de
fonder le courage des
Grecs. Je vais,dit-il, leur
ordonner de s'enfuirsur leurs
Vaisseaux VÙUS) de vostre
cpfté vom les retiendrez par
de douces paroles. Nestor
represente qu'il faut adjousterfoy
au Songe d'Agamemnon
, parce qu'il
ne faut pas dourer que Jupiter
ne l'ait envoyé. Die
qu'il faut executer le projet
du Roy. vers 35.84.
Les Troupes arrivent.
L'armée comparée à des
Legions d'abeilles, vers 86.
5)6*
NeufHerauts font faire
silence dans l'armée. Le
Roy se leve tenant en
main son Sceptre. Histoire
de Sceptre d'Agamemnon.
vers96.109.
Agamemnon parle aux
Grecs. Il leur represente
que depuis neuf années
leur armée se consume à
attendre vainement l'effet
des promesses de Jupiter,
qui ne s'accomplissent
point. Qu'il faut prendre
le party de s'en retourner.
(Ce discoursestplein d'artifice
& ne rend qu'à persuader
aux Grecs tout le
contraire de ce qu'on leur
propose ) mais les paroles
du Roy sont prises à la Jet,
tre par la multitude qui
ive penetre pas son dessein.
Emotion de l'armée comparée
à celle des flots, &
des moissons agitées par le
vent. Les Soldats courent
à leurs Vaisseaux pour
les mettre en estat. vers
100. IJ4.
1,
Dans ce moment le retour
des Grecs estoit conclu,
si Junon ne se fust
addressée à Minerve. Elle
luyparle Luy dit d'aller
dans le Camp des Grecs,
de parcourir i leur armée,
de lesretenir, & de les
empescherdemettre leurs
Vaisseauxenmer. Minerve
obéit. Elle trouve
Ulysse qui ne donnoitaucunsordres
pour les Vaisseaux.
L'encourage à retenir
les Grecs par de douces
paroles. vers hj. 18re
Ulysse parcourt l'armée
avec diligence. Rencontre
sur son chemin Ar<smemnon
dont il prend le
Sceptre. Ce qu'il dit aux
Rois qu'il rencontre. De
quelle maniere il parleaux
Soldats seditieux quand il
en trouve. vers 182. 206.
Les discours d'Ulysse
font un puissant effet sur
toute l'armée. LesSoldats
sortent de leurs Vaisseaux
pour une seconde assemblée.
Leur bruit comparé
au mugissement des flots
irritez, LesGreess'asseient
dans un profond silence.
Le seul Thersite fait un
bruit horrible. Portrait
hideux de Thersite. Sa
taille. Son caractere d'esprit.
Il parle insolemment
d'Agamemnon en sa presence.
Veut justifier le
ressentiment d'Achille.
Est d'avis que les Grecs
retournent dans leur patrie.
Ulysseluyrespond.
Le traire ignominieusement.
Le frappe du Sce-,
ptre d'Agamemnon. Les
épaules de Thersite en
font marquez. Therfite
pleure & se tait. Les
Grecstout affligez qu'ils
sont, ne peuvent s'em pescherd'en
rire. Ce qu'ils
se disent les uns aux autres
à ce sujet. vers207.277
Ulysse s'avance au milieu
de l'assemblée. Minerve
est auprèsde luy
fous la forme d'un Heraut
& fait faire silence
:J.
afin
que l'onentende les conseilsd'Ulysse.
Ulysseparle
à Agamemnon. Luy rcpresente
que les Grecs
veulent le couvrir de confusion
par le dessein qu'ils
ont de retournerchez eux.
Luy rappelle la prophetie
de Calchas au sujet d'un
prodige qui préfageoit la
prise de Troye après neuf
ans,figurez par le nombre
de huit passereaux & de
leur mere devorez par un
dragon. Conclut que les
Grecs doivent demeurer
jusqu'à ce que laVille de
Priamsoitsaccagée. everi
278.332-
LesGrecsapplaudissent
par de grands cris aux discours
d'Ulysse. Nestorse
leve. Dit qu'il n'y a point
de temps à perd re. Est
d'avis que l'armée soit
rangée par Nations
>
afin
que l'on reconnoiffe ceux
qui auront combattu avec
courage, & ceux quin'auront
pas fait leur devoir.
vers 353.368.
Agamemnon approuve
& louë le discours de Nestor.
Convient du mauvais
effet de sa querelle avec
Achille. Advouëqu'il s'est
emporte le premier. Dit
que la perte des Troyens
est asseurée s'il est jamais
d'accord avec Achille.
Commandeauxtroupe,
de prendre de la nourritu.
re pour se disposer au combat.
Leur annonce une
grande & sanglante journée.
Menace de more tous
ceux qui demeureront
dans leurs Vaisseaux loin
du combat. Les Grecs font
descrisde joye. Leretentissement
de l'air comparé
à celuy des flots irritez.
vers 369. 399
2 Les Soldats fc levent.
Se dispersent dans leurs
tentes. Prennent leur repas.
Chacun fait des sacrifices
au Dieu qu'il adore
pour se le rendre favorable,.
Agamemnon immole
un taureau. Menelas
son frere se trouve à
ce sacrifice. Priere d'Agamemnon
àJupiter. Jupiter
reçoit son Sacrifice
sans avoir dessein d'exaucer
ses voeux. Description
du Sacrifice, ( comme au
premier Livre. ) Nestor
dit qu'il faut profiter da
temps. Ranger l'armée
en bataille,&donner enfuite
le signal du combat.
D
evers 400. 440.
Les Grecs s'assemblent,
& prennent leur rang.
Minerve est au milieu.
d'eux qui les remplie d'ardeur
& d'impatience. L'éclat
des armes compare à
celuy du feu qui ravage
une vasse forest. Bataillons
& Escadrons comparez
à des troupes nombreuses
d'oiseaux. Nombre
des Soldats comparé
à celuy des fleurs, des
feuilles, Se des mouches
qui s'assemblent autour
d'une bergerie à l'heure
qu'on remplie les vaisseaux
de lait. Les Chefs
rangent leurs Troupes &
les reconnoissent avec
autant de facilité que les
Pasteurs reconnoiffenc
leurs troupeaux de Chevres
qui se sont meslées
dans les pasturages. Agamemnon
brille ce jour-là
d'une majesté éclatante.
Ressemble à Jupiter ,
à
Mars ,ôc à Neptune. Est
comparé ensuite à un fier
taureau. vers 441. 483.
Denombrement des
Troupes Grecques & de
leurs Vaisseaux. Précedé
d'une invocation aux Muses,
vers 484. 680.
Denombrement particulier
des TroupesThessaliennes
,
qui sont celles
d'Achille. Précedé d'une
autre invocationà la Muse.
'Vers 681. 760.
Quatrième invocation
à la Muse. Pour sçavoir
qui estoit le plus vaillant
des Princes qui suivirent
Agamemnon. Et quels
estoient les meilleurs chevaux.
Eumelus Roy de
Phéres pouvoit se vanter
d'avoir les deux meilleures
cavalles de l'armée. Ajax
estoit le plus vaillant de
tous les Princes après Achille,
& les chevaux d'Achille
estoient meilleurs
que ceuxd'Eumelus.Mais
Achille ne sortoit point de
ses Vaisseaux à cause de
son ressentiment.SesTroupes
se divertissoient sur le
rivage, & les Chefs des
Troupes Thessaliennes se
promenoient dans le
Camp fort tristes de ce
que leur General ne les
menoit point au combat.
vers 761. 779.
L'armée des Grecs s'avance
en ordre de bataille.
L'éclat de leurs armes
mes comparé à celuy d'une
plaine embrasée. > La
terre qui retentit fous leurs
pieds, fait le mesme bruit
-.
que le tonnerre qui gron-
:
de. iV*r ?• vers 780. 78r.
: -." Iris la messagere des
Dieux, prend la forme de
• Polices ( un des fils de
Í" i Priam) qui estoit en fen-
1 tinelle hors des portes de -
1 la Ville, pour observe
quand les Grecs s'avanr
ceroient. Elle averti
Priam que les Grecsviennent
l'attaquer. Luv conseille
de ranger ses Trou-
.,
pesfous leurs Chefs par
Nations & par lignées.
vers786.806.
On court aux armes.
Dansun moment toute la
Cavalerie & l'infanterie
fort de la Ville & s'affenlble
fous une colline à quelque
distance des portes.
Noms des Chefs Troyens.
Etat de leurs Troupes.
*wn807.877»
ARGUMENT
du troisiéme Livre,
Les Troyens s'avancent
avec un bruit confus, 8c
des cris perçans. Comparez
à des oiseaux & des
grues. Les Grecs marchenten
silence. Lapout
fiere que les deux armées
font lever en marchant,
Comparée au brouillard.
Lesarméesfonten prefence.
Pâris s'avance à la
teste des Troyens. Comment
il est armé. Menelas
de son coite s'avance a
>
grands pas. Il estcomparé
àun Lion arrame qui
est tombé sur un Cerf.
Pâris le voyant s'enfuit.
Paris comparé à un Voyageur
qui apperçoit un Serpent
dans le fond d'une
forest.<- versI. 37.
Hedtop reproche à Paris
sa lâcheté.ver38.s57.
1
Paris respond modefl
temenc à Hedor, donr il
compare lecourage au
fer d'une hache qui nese
rebrousse jamais. Il reprend
courage. Est resolu
de se battre avec Menelas
en combat singulier. A
cesconditions: qu'Helene
& toutes les richesses
appartiendront au vainqueur;
que les Troyens,
apre'savoit fait alliance
avec les Grecs, demeureront
paisibles dans leur
Ville, & que les Grecs s'en
- retourneront. He&or
plein de joye de la resolution
de Paris
,
s'avance
à la celle des deux armées
pour en informer les TroyensSe
les Grecs. Ceuxcy
qui ignorent son deCsein,
font pleuvoir sur luy
une gresse de traits. Aga-,
memnon leur dit d'arrester.
Qu'Hector a quel.,.
que chose à leur dire. Les
Grecs cessent de tirer.
Hector parle & repete ce
que Pâris luy a dit. Menelas
respond. Declare
qu'il consent à ce que Pâris
propose, ravi de pouvoir
terminer seul une
longue guerre qui n'aesté
entreprise que pour luy.
Veut que ce son Priam
luy
-
mesme qui jure l'a}.
liance que les Grecs doivent
faire avec les Troyens.
Et pourquoy. Que
pour scéeller cet accord
il soit immolé trois agneaux
;deux de la part des
Troyens, & un de la part
des Grecs. vers 58. 110.
Cette proposition est
receuë avec joye des deux
armées. Les Grecs & les
Troyens mettent bas leurs
armes,& ran gent leurs
chevaux par file.Hedor
envoye deux Herauts à
Troye pourfaire venir
Priam
*
& pour apporter
deux agneaux. Agamennon
donne ordre à Talthybius
d'aller aux Vaisseaux
des Grecs, & den
apporter un troisiéme.
Iris prend la forme de
Laodiceune des filles de
Priam, & va avertir Helene
de rout ce quise paue.
Elle trouve Helene occupee
à un ouvrage de hrolot
derie. Elle representoit
sur un voile les combats
que les Grecs & les Troyens
livroient pour elle;
Iris luy dit de venir voir
des choses surprenantes.
Que Paris ôc Menelas
vont
vont combattre seuls
,
&
qu'elle doit estre le prix
du vainqueur. La Oéeffe
inspire dans ce moment
à Helene un très-grand
defirde retourner àLacedemone
avec son premier
mari. vers III. 140.
Helene se met en chemin
avecdeux de ses femmes.
Elles arrivent aux
portes de Scées
,
où elles
trouvent plusieurs vieillards
assis sur le haut d'une
tour, qui deliberoiententr'eux
sur les moyens de
faire cesser les malheurs
de Troye. Ces vieillards
comparez à des cigales.
Ils sont frappez d'admiration
en voyant Helene.
Ce qu'ils se disentàce sujet.
Priam qui estoit parmi
eux l'appelle. L'a fait
asseoir auprès de luy
,
&
voyant tous les Chefs de
l'armée Grecque, luy en
montre un d'abord,& luy
demande qui il est. Helene
respondque c'est Agamemnon.
Il luy en fait
voir un autre & le compare
à un belier dans tia
grand troupeau de brebis
qui le reconnoissent pour
leur Roy. Helene dit que
c'est le prudent Ulysse.
Antenor,un des vieillards,
prend la parole, & dit à
Helene qu'il se fouvienc
d'Ulysse & de Menelas ,
lorsqu'ils vinrent en qualité
d'Ambassadeurs envoyez
par les Grecs pour
la redemander. Et prend
de là occasion de dire de
quellemaniéréils parloient.
l'un & l'autre dans
lesassemblées, & quelle,
éstoit leur contenance.
Priamvoit un autre Guerrier,
& demande à Helene
qui il est. Elle dit que
c'est Ajax. Elle montre
IdomenéeàAgamemnon.
Dit qu'erereconnoift cous
les Chefs. Ettsorprised'e
ne pointvoir parmieux ses
deux freres Castor& Pollux.
Croit qu'ilsn'ont pas
daigné prendre les armes
pour elle, Elle ignore en
effet qu'ils font tous deux
morts à Lacedemone.vers
I42.Z44. ; ,-
:;
Cependant les Hérauts
traversent laVille portant
les Vi^inics3avçcvq Qutre
d'excellent vin. Ideus
estant arrivé prés dePriam
le pressede partir, luy disincque
les Généraux
Grecs &Troyens Jepriene
de venir dans la plaine, (où son fils Paris doit
combattre avec Menelas)
pour y jurer la paix entre
les deux partis. Le Vieillard
tout tremblant monte
sur son char avec Antenor.
Ils arrivent & s'avancent
entre les deux armées.
Premiere ceremonie
pour le sacrifice. Priere
d'Agamemnon. Il renouvelle
& répété les conditions
du Traité,qui sont:
que si Menelas tué. Pâris,
(ces termes sontremarquables)
il emmenera Helene
avec toutes ses richesses
; au contraire Helene
demeurera à Pâris s'il tuë
Menelas.Victimes égorgées.
Priere à Jupiter dans
les deuxarmées ( non éxaucée.)
vers 145. 302.
Les libations achevées,
Priam prend congé des
deuxarmées,disantqu'il
n'a pas la force de voir
combattre son fils avec
Menelas. Il remonte sur
son Char , em porteavec
-
luyles deuxagneaux,vers
303-1313 ?-• 'v
-t)I Hector & Ulysse mesurent
le champ de bataille.
Ils,mettent lesfores dans
uncalque & les meslent
pour les tirer,& pourvoir
lequel de Menelas ou de
Pâris doit le premier lancer
le javelot. Prièreaddressée
auxDieux par les Grecs
ôc les Troyens. Hector
mesle les forts. Celuy de
Paris fort le premier, paris.
& Menelas s'arment.
De quelle maniéré Pâris
est armé. Ils se mesurent
l'un l'autre. Paris le premier
lance un javelor. il
atteint le bouclier de Menelas
sans le percer. Me-"
nelas leve son dard.Addresse
sa priere à Jupiter.^
Lance son javelot qui va
percer le bouclier de Paris
aauussni i bien que la cuirasse,^ libienquelaculrafiè
& déchiré la tunique pres
du flanc sans blesser Paris.
Menelas tire son épée &
en décharge un grand
coup sur le casque de son
ennemy. L'épée serompe.
& luytombe de la main.
Menelas s'en prend à Jupirer
, & luy addresse la
paroleaveccolere. Se jette
sur Pâris, le prend par
le casque & le tire du costé
des Grecs. La courroye se
casse, & le casque luy demeure
dans la main. Ille
jette loin de luy du costé
des Grecs. Il veut encore
se lancer sur Pârispourluy.
oster la vie. Mais Venus
couvre Paris d'un nuage.
Le dérobe aux yeux & à
la fureur de Menelas. Le
porte dans une Chambre
du Palais de Priam toute
parfumée. Elle l'y laisse-
Elle prend la forme d'une
vieille femme qu'Helene
avoit auprés d'elle à Lacedemone
,& qu'elle aimoic
tendrement. Ellevatrouver
cette Princesse. La
prie de venirvoir Paris
qui l'attend dans le Palais,
plein d'amour & d'impatience.
Helenereconnoift
Venus malgré son deguisement.
Luy fait des reproches
de ce qu'elle veut
la tromper. La renvoye
à Paris avec mépris. Luy
declare qu'elle n'ira point
le trouver, que cette démarche
la deshonoreroic.
Venus la menace de l'abandonner
si elle ne luy
obéit. Heiene intimidée
se couvre de son voile pour
n'estre point veuë, & Ce
laisse conduire par la
Déesse. vers314.410.
.( Estant arrivées au Palais
de Paris, Venus prend
un siege pour Helene
,
ôc
le met visà-vis de Pâris.
Helene s'y place, &sans
le regarder luy fait de sanglanes
reproches de son
peu de courage. Paris respond
qu'un autre jour les
Dieux le proregeront;
comme ils ont proregé
cette fois-cy Menelas qui
doit sa victoire au secours
de Minerve. Il excite Helene
à ne plus songer qti
aux plaisirs. Illuydeclare
qu'il ne l'a jamais aimée
avec tant de passïon qu'au
moment qu'il luy parle.
Il k leve & passe dans une
autre chambre. Helene
le fuir. vers 421.447.
Pendant ce temps-là
Menelascherche partout
son ennemy qui luy estoit
échappe, & qui, pour son
bonheur,n'avoit esté veu
par aucun des Grecs ni des
Troyens: car les Troyens
eux-mesmes le haïssoient
& lauroienc livréààMenelas.
Enfin Agaraemnon
haùssant la voixdemande
aux Troyens leprix de la
victoire de Menelas, suivane
les conditions du traité.
Tous les Grecapplau.
disset àsademande
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Résumé : Extrait ou Argument de l'Iliade en forme de Table.
Le texte présente un extrait de l'Iliade d'Homère sous forme de tableau, destiné à offrir une vue d'ensemble de l'œuvre. Cet extrait vise à aider les lecteurs, qu'ils découvrent l'Iliade ou la connaissent déjà, en servant de rappel et d'aide à la compréhension des peintures poétiques de l'œuvre. L'auteur envisage également de créer des extraits similaires pour d'autres œuvres littéraires, comme celles de Rabelais, en fonction de son temps libre et de la complaisance de ses amis. L'argument du premier livre de l'Iliade commence par l'invocation de la Muse pour chanter la colère d'Achille. Le prêtre d'Apollon, Chryses, vient au camp des Grecs pour racheter sa fille Chryseis, esclave d'Agamemnon. Après le refus d'Agamemnon, Apollon frappe l'armée grecque de peste. Achille convoque une assemblée et le devin Calchas révèle qu'il faut renvoyer Chryseis pour apaiser Apollon. Agamemnon, furieux, accepte à contrecœur et demande une compensation, proposant de prendre Briseis, la captive d'Achille. Achille, en colère, menace de ne plus secourir les Grecs. Minerve intervient pour calmer Achille, qui jure de ne plus aider les Grecs. Nestor tente de réconcilier les deux chefs, mais en vain. Agamemnon envoie des hérauts prendre Briseis, et Achille se plaint à sa mère, Thetis, qui promet d'intercéder auprès de Jupiter. L'argument du second livre décrit comment Jupiter, après avoir promis à Thetis de soutenir Achille, envoie un songe à Agamemnon pour l'inciter à attaquer Troie. Agamemnon rassemble l'armée et tente de la persuader de combattre, mais les soldats, découragés, veulent partir. Junon demande à Minerve d'intervenir pour retenir les Grecs. Ulysse parcourt l'armée pour encourager les soldats. Agamemnon, reconnaissant son erreur, commande aux troupes de se préparer au combat. Les Grecs se rassemblent, et Minerve les remplit d'ardeur. L'armée se prépare au combat, et les chefs rangent leurs troupes. Le texte se termine par une invocation aux Muses pour connaître les détails des troupes et des chevaux des Grecs. Le texte décrit ensuite les événements de la guerre de Troie, centrés sur les préparatifs et le combat singulier entre Ménélas et Pâris. Les Grecs, bien armés et disciplinés, avancent en ordre de bataille, tandis que les Troyens, conduits par Hector, se préparent également. Iris, messagère des dieux, avertit Priam de l'avancée des Grecs. Hector organise les troupes troyennes par nations et lignées. Les deux armées se font face, les Grecs en silence et les Troyens avec des cris perçants. Pâris, à la tête des Troyens, est comparé à un voyageur effrayé par un serpent. Hector reproche à Pâris sa lâcheté, mais Pâris décide de se battre contre Ménélas en combat singulier. Les conditions du duel sont établies : le vainqueur obtiendra Hélène et les richesses, et les deux peuples feront la paix. Hector informe les deux armées, et les Grecs cessent de tirer. Priam est informé du duel et se rend sur le champ de bataille avec Anténor. Les hérauts apportent les victimes pour le sacrifice. Agamemnon renouvelle les conditions du traité. Après les prières et les libations, Hector et Ulysse mesurent le champ de bataille. Pâris lance le premier javelot, atteignant le bouclier de Ménélas sans le percer. Ménélas, après une prière à Jupiter, lance son javelot qui blesse légèrement Pâris. Dans la lutte qui suit, l'épée de Ménélas se brise. Vénus intervient pour protéger Pâris, le couvrant d'un nuage et le conduisant dans le palais de Priam.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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18
p. 1-64
SUITE DE L'HISTOIRE ESPAGNOLE.
Début :
LEONORE arriva bien-tost dans l'Isle de Gade sans [...]
Mots clefs :
Prince, Grenade, Amour, Temps, Seigneur, Fortune, Père, Sujets, Amant, Douleur, Vaisseau, Princesse, Inconnue, Pouvoir, Andalousie, Malheur, Coeur, Ciel, Bonheur, Homme, Mort, Vertu, Souverain, Soeur, Duc, Usurpateur, Mariage, Doute, Perfidie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUITE DE L'HISTOIRE ESPAGNOLE.
AM~USE-ME~NS. SUITE
DE L'HISTOIRE
ESPAGNOLE. LEONORE arriva
bien-tost dans l'Isle
de Gade sans estre retardée
,
ni par l'inconstance -
de la Mer, ni par aucun
autre accident; quand les
amans trouvent des obHaçlesy
ce n'elt pas d'ordinaire
dans ces occasions.
Le Duc d'Andalousie,
non content de la douleur
que luy causoit l'absence
du Prince, la confia
à sa soeur, il crut ne pouvoir
mieux punir sa fille
de la passion qu'elle avoit
pour le Prince, qu'en luy
opposant de longs discours
que cette vieille soeur faisoit
sans cesse contre l'amour
; Leonore en estoit
perpetuellement obsedée,
elle estoit à tous momens
forcée d'essuyer les chagrins
de sa tante contre
les moeurs d'un siecle dont
elle n'estoit plus, & si l'on
ajoute à tant de sujets de
tristesse, le peu d'esperance
qui luy restoit de voir
son cher Prince, je m'assure
qu'on trouvera Leonore
bien à plaindre.
Un temps assez considerable
s'estoit écoulé sans
qu'elleeust encor vû dans
cette malheureuse Isle que
son Pere & son ennuyeuse
Tante, toujours livrée à
l'un ou à l'autre; à peine
pouvoit-elle passer quelques
momens seule dans
un Jardin bordé par des
Rochers que la Mer venoitbattre
de sesflots,
spectacle dont Leonore
n'avoit pas besoin pour
exciter sa rêverie:Un
jour plus fortuné pour
elle que tantd'autres qu'-
elleavoit trouvez silongs,
elle se promenoit dans ce
Jardin, heureuse de pouvoirsentir
en liberté tous
ses malheurs, elle vit tout
à coup dans le fond d'une
allée, une perfoiineqLii
paroissoit triste
)
& dont la
beauté rendoit la douleur
plus touchante;la conformité
de leur état leur donna
une mutuelle envie de
se voir de plus prés, & elles
furent bien-tôt à portée
de se demander par quelle
avanture elles se trouvoient
ainsi dans le même
lieu: Leonore qui se
croyoit la plusmalheureuse
,
avoit droit de se plaindre
la premiere, & cependat
elle se fit violence pour
cacher une partie de sa
tristesse:Je ne m'attendois
pas, Madame, dit-elle, à
l'inconnuë
,
de trouver ici
une des plus belles personnes
du monde, moy qui
avois lieu de croire que le
Duc d'Andalousie & sa
soeur estoient les seuls habitans
de cette Isle.
Ma surprise, Madame,
répondit l'inconnuë, elt
mieux fondée que la vôtre
; je trouve ici plus de
beauté que vous n'yen
pouvez trouver, & j'ay
sans doute plus de raisons
de n'y supposer personne:
Je ne doute pas, reprit
Leonore, que de grandes
raisons ne vous réduisent à
vous cacher dans une solitude,
j'ai crû voir sur vôtre
visage des marques de
la plus vive douleur, vous
estes sans doute malheureuse,
cette raison me fut
fit pour vous plaindre:l'inconnuë
ne répondoit d'abord
à Leonore que par
des discours de civilité;
l'habitude qu'elle avoit
prise de parler seule,&sans
témoins, contrebalançoit
le penchant naturel que
les malheureux ont à se
plaindre,mais son air my.
sterieux ne faisoitqu'irriter
la curiosité de Leonore
5
qui estoit impatiente
de comparer ses malheurs
à ceux de l'inconnuë
; quoique j'ayepûaisément
remarquer que vôtre
situation n'est pas heureuse,
continua Leonore,
je ne puis comprendre
comment la fortune vous
a conduite dans l'Isle de
Gade, je me croyois la
seulequ'elle y eufi rranC.
portée, & je vous avouë
que je fuis bien impatiente
d'en penetrer le mystere;
si vous conncissiez.
l'habirude où je luis de
plaindre les malheureux,
& l'inclination qui deja
m'interesse pour vousvous
n'auriez pas le courage de
me le cacher plus longtemps.
Je ne puis douter, Madame,
répondit l'inconnuë,
que vous ne soyiez.
Leonore, ôc c'ell3 tant
parce que je vous trouve
dans cette Isle
,
dont le
Duc d'Andaiousie est Souverain
,que parce que je
remarque des ce moment
en vous tout ce que la reo
nommée en publie) je ne
pouvois d'abord me persuader
que la fortune, si
cruelle d'ailleurs pourmoi
voulût icy me procurer
une de ses plus grandesfaveurs,
mais maintenant,
sûre que je vais parler à la
Princesse du monde laphrs
accomplie, jen'aurai plus
rien de secret pour elle,
& la pitié que vôtre grand
coeur ne pourra refuser
à des malheurs,qui ne
font pas communs, aura
sans doute le pouvoir de
les soulager.
Je m'appelle Elvire,
mon Pere îssu des anciens
Ducs de Grenade, vivoit
avec distindtion sujet du
Duc de Grenade, sans envier
ses Etats injustement
fortis de sa Maison, il mourut
, formant pour moy
d'heureux projetsd'établissement;
un Prince digne
de mon estime, & qui
auroit honoré7 son Alliance,
m'aimoit, je laimois
aussi, mon Pere trouvoit
dans ce mariage mon bonheur,
l'amitié qu'il avoir
pour moy luy rendoit cette
raison fiifîîfante les
choses estoient si avancées
queje gourois sans inquiétude
le plaisir d'estre destinée
à ce Prince
,
mais.
helas mon Pere mourut,
ôc(a more nous laissa cous
dans l'impuissance de finirune
affaire si importante.
pour moy! sa famille futlong-
temps accablée de ta
douleur
1
de cette perte:
enfin Don Pedre, qui est
monFrere,voulut relever
mes elperances aussi-bien
que celles de mon amant
qu'il aimoit presque autant
quemoy, lors que
Dom Garcie, homme tout
puissant à la Cour du Duc
de Grenade, qui y regnoit
plus que luy, me fit
demander par le Duc de
Grenade luy-mêrne: ce
coup imprevû accabla roue
te nostre famille,j'estois
sans doute la plus à plaindre
, mais mon Frere
,
qui
haïrToit personnellement
Dom Garcie, &qui avoit
de grandes raisons pour le
haïr, fut celuy quirésista
aplusuvivement; il repre- Duc quemafamille
avoir pris avec mon
amant des engagemens
trop forts pour pouvoir les
rompre, & que d'ailleurs
il convenoit mieux à ma
naissance
:
il le fit ressouvenir
des liens qui l'attachoient
à nous, & le Duc
naturellement équitable,
se rendit aux raisons de
mon Frere, & luy permit
d'achever nostre Mariage.
Je ne puis vous exprimer
mieuxNladaine,
quelle fut ma joye, qu'en
la comparant a la douleur
que j'ai ressentie depuis, &c
qui succeda bien-tost à
mes transports
: le jourmême
qui devoit assurer
mon bonheur, le perfide
Dom Garcie vint m'arracher
aux empressemens de
mon amant, & me rendit
la plus malheureuse personne
du mondey il me
conduisit dans des lieux
où personne ne pouvoit
me secourir : j'y fus livrée
à ses violences,le fourbe
employait tour-à-tour l'artifice
& la force, & comme
l'un & l'autre estoient
également inutiles à son
execrable dessein, il devenoit
chaquejour plus dangereux
: combien de fois
me ferois-je donnélamort,
si l'esperance de revoir
mon cher Prince ne m'avoit
toujours soutenue
croyez,Madame, que j'ai
plus souffert que je ne puis
vous le dire; le Ciel vous
preserve de connoître jamais
la rigueur d'un pareil
tourment: enfin ne pouvant
plus y refiler, je pris
le seul party qui me restair,
l'occal'occalionleprelentafavorableosai
me soustraire
aux violences de ce scelerat,
résolue de me donner
la mort,s'il venoit à me
découvrir;je ne vous diray
point la diligence avec
laquelle je fuyois ce monstre
malgré la foiblesse de
mon (exe
; mais enfin j'échapai
de ses mains:incertaine
des chemins que je
devois prendre, & des
lieux ou je devois arriver,
la fortune m'a conduite ici
loin du perfide Dom Garcie,
mais encore plus loin
demonamant.
Elvire racontoit ses malheurs
avec d'autant plus
de plaisir qu'elle voyoit
l'émotion de Leonore s'accroirre
à mesure qu'elle
continuoit son récit:chaque
malheur d'Elvire faisoit
dans son coeur une impression
qui paroissotc d'abord
sur sonvisage. Quand
ce récit fut fini, elle esperoit
qu'Elvire n'avoit pas
encore tout dit, ou qu'elle
auroit oubliéquelque circonstance
; mais quel fâcheux
contre-temps, Leonore
apperçoit sa vieille
tante qui avançoit à grands
pas vers elle Ah,ma chere
Elvire, s'écria t-elle, que
je fuis malheureuse, on
vient moter tous mes
plaisirs, il faut que je vous
quitte dans le moment que
vôtre recit m'interesse davantage.,
vous avez encor
mille choses à me raconter
je ne sçay point le
nom de vôtre amant) ni
ce qu'il a fait pour meriter
ce que vous souffrez
pour luy
,
hâtez-vous de
m'apprendre ce que je ne
lçai point encore : Je ne
sçai rien de mon Amant,
reprit Elvire, avec précipitarion,
sans doute il
n'a pu découvrir les lieux
où je suis,peut-être a-til
pris le party du defefpoir
,
peut-être ignorant
ce que mon amour a ose
pour me conserveràluy,
fiance, peut-être est-il inconfiant
luy-même:Voila,
Madame *
sçay du Prince de Murcie.
Au nom du Prince de
Murcie Leonore fit un
eiy
)
ôc tomba peu après
évanouie dans les bras d'Elvirer
Quelle fut la surprise
de cette tante quand elle
trouva Leonore dans ce
tristeétat& une inconnue
dans un trouble extrême:
Elle fit conduire Leonore
à son appartement,enattendant
qu'elle pût sçavoit
un mystere que le hazard
offroit heureusement à
son insatiable curiosité.
Cependant le Prince de
Murcie étoit depuis longtemps
abient de Leonore,
les mêmes raisons quil'ai
voient obligé de quitter
l'Andalousie si promptement,
l'empêchoient d'y
revenir:mais enfin l'amour
l'em portasurla prudence,
& il partit pour Seville
resolu de le cacher le)
mieux qu'il pourroit : A
peine fut-il dans l'Andalousie
qu'il apprit que Leonore
étoit dans l'Isle de
Gade, la distance qui estoit
entre luy & sa Princesse
le fit frémir; plus un
amant est eloigné de ce
qu 'il aime, & plus il est
malheureux;il arrive enfin
sur le bord de la mer
qu'il falloir passer pour aller
a Gade; il fut longtemps
sur le rivage cherchant
des yeux une chaloupe
à la faveur de laquelleilpût
la traverser;
&enfin il vit une petite
barque. Dans le moment
qu'il prioit le pêcheur, à
qui elle appartenoit,de l'y
recevoir, il aperçut un
homme bien fait, qui sembloit
d'abord vouloir se
cacher à ses yeux? & qui
insensiblement s'aprochoit
pourtant de luy. Le Prince
qui navoir pas moins dintérêt
à être inconnu dans
un pays si voisin de Tille
de Gade, loinde fuïr cet
étranger,alloit au devant
de luy, comme si un instindi:
secret eut en ce moment
conduit Ces pas, &
comme si le mente superieur
avoit quelque marque
particulière à laquelle
ils se fussent d'abord reconnus.
1 Seigneur, dit l'inconnu
au Prince de Murcie,j'attens
depuislong temps
l'occasion favorable qui se
prepresente
: cependant, si
vos raisons etoient plus
fortes que les miennes, je
ferois prêt à vous la ceder.
Seigneur, répondir le Prince,
vous ne sçauriez être
plus pressé de vous embarquer
que je le suis, & je
vous cede cette barque
d'aussi bon coeur ôc aux
mêmes conditions que
vous me la cedez,je consens
avec plaisir à la mutuelle
confidence que vous
me proposez
;
heureux de
pouvoir m'interesser au
sort d'un homme tel que
vous. Seigneur, répondit
, 1 ,., ,'inconnu,line s agit point
icydes intérêts personnels
du malheureux Dom Pedre,
mais de ceux de mon
Souverain, qui me sont
mille fois plus chers: Le
Duc de Grenade estmort,
un sujet perfide est prêt à
se faire proclamer son successeurcontreles
droits de
Dom Juan qu'une mauvaise
fortune éloigne depuis
long -temps de ses
Eltats. Comme Dom Garcie
était le canal unique
des graces du Duc)ils'est
adroitement rendu maitre
de tous les esprits; si
l'on ne s'oppose promptement
à les tyranniques
projets, Dom Juan fera
bien-tôt dépoüillé de ses
Estats : Son absence
)
la
mort du Duc son pere,
& l'addresse du traistre
D. Garcie luy laissent peu
de sujets fidelles
: J'ay appris
qu'ayant voyagé dans
l'Europe il a paffé la mer,
voyez, Seigneur) si les
raisonsdemonembarquement
font pressantes. Oüi,
Seigneur
,
répondit le
Prince, mais non pas seulement
pour vous, les
intérêts de Dom Juan
me sont auili chers que
les miens; c'est un
Prince digne de votre affection
& dela mienne:
D'ailleurs le trait de perfidie
de Dom Garcie merite
une vangeance éclatante,
je vaism unir a vous
dans un dessein si genereux
& si légitime;je
suis le Prince de Murcie,
je dépeuplerai s'ille faut
Murcie d'habitans pour
chasser cet indigne usurpateur
,ne perdons point
le temps à chercher Dom
Juan dans des lieux où il
pourroit n'être pas: mais
qu'à son retour il trouve
Grenade tranquille t Allons
purger ses Estats d'un
monstre digne du plus
horriblesupplice.
.:, Ces paroles que le
Prince prononça avec
chaleur donnèrent une si
grande joye à Dom Pedre
qu'ilseroitimpossible
de l'exprimer: la fortune
qui sembloit avoir abandonné
son party luioffroit
en ce moment les plus
grands secours qu'il pût
esperer,plein d'un projet
dont l'execution devoir lui
paroistre impossibles'il
avoit eu moins de zele,
il trouvoit dans le Prince
de Murcie un puissant protecteur
, & un illustre
amy.
ils partent ensemble,
& le Prince de Murcie ne
pouvant se persuader que
les habitans de Grenade
fussent sincerement attachez
à un homme dont la
perfidie étoit si marquée,
crut par sa feule presence
& quelques mesures lècretes,
pouvoir les remettre
dans l'obeïssance de
leur légitimé Souverain.
Ils arrivèrent aux portes
de Grenade la veille du
jour que Dom Garcie devoit
être proclamé;ils entrerent
sècretement pendant
la nuit dans la ville:
Dom Pedre fut surpris de
trouver les plus honestes
gens disposez à suivre les
loix d'un usurpateur, tout
estoit seduit, & le mallui
parut d'abord sans remede
: mais le Prince, dont
la feule presenceinspiroit
l'honneur & le courage par
la force & la sàgesse de ses
discours, sçut les ramener
à de plus justes maximes.
n Les plus braves se
rangerent les premiers
fous les ordres du Prince
,
& remirent dans
le devoir ceux que leur
exemple en avoir fait
fortirblentot la plus grande
partie de la ville déclarée
contre le Tyran,
parce qu'il n'étoit plus a
craindre, demanda sa
mort: On conduisit le
Prince de Murcie dans
le Palais: mais le bruit
qui arrive necessairement
dans les revolutions sauva
le tyran & le fit échapper
à la juste punition qu'on
lui preparoit ;
il s'enfuit
avec quelques domestiques
ausquels il pouvoir
confier le salut de la personne:
le Prince de Murcie
voulut inutilement le
suivre; Dom Garcie avoit
choisi les chemins les plus
impraticables & les plus
inconnus, & se hâtoit
darriver au bord de la
mer pour se mettre en sûreté
dans un vaisseau
: cependant
Dom Juan, averti
de la mort de son Pere,
étoit parti pour Grenade.
Toutà coup DomGarcie
apperçut de loin un Cavalier
qui avançoit vers
luy à toute bride ; quelle
fut sa surpris quand Il re.
connue D. Juan! le perfide
,
exercé depuislongtemps
dans l'art de feindre
,
prit à l'instant le parti
d'éloigner D. Juan, pour
des raisons qu'on verra
dans la suite; il le jette à
ses pieds, &luy dit avec
les marques d'un zéle désesperé
: Seigneur, n'allez
point à Grenade, vous y
trouverez vostre perte, un
indigne voisin s'en est em-
- paré) vos sujets font aintenant
vos ennemis,nous
sommes les seuls qui nous
soyons soustraits a latyrannie,
&tout Grenade
suit les Loix du Prince de
Murcie:du Prince de Murcie!
s'écria Dom Juan,ah
Ciel! que me dites-vous?
le Prince de Murcie est
mon ennemi, le Prince
de Murcie est un usurpateur
! non Dom Garcie il
n'est pas possible.Ah
Seigneur, reprit D. Carcie,
il n'est que trop vray,
la consternation de vos fidels
sujets que vous voyez
ticyr, noe vpous.l'assure que .J.J j
JVT En ,.-,jn D. Juan voulut
douter, les larmes perfides
de Dom Garcie le persuaderentenfin.
ChCiel,
dit ce credule Prince,
sur quoy faut- il desormais
compter? le Prince de
Murcie m'estinfidele, le
Prince de Murcie m'enleve
mes Etats: Ah! perfide,
tu me trahis? Je vais
soûlever contre toytoute
l'Espagne
: mais je sçai un
autre moyen de me vanger
; Leonore indignée de
ton lâche procedé, & confuse
d'avoir eu pour toy
de l'amour, me vangera
par la haine que je vais lui
inspirer contre toy : Allons,
dit-il, fidele Dom
Garciecourons nous vanger
: le Duc d'Andalousie *fut toûjours mon protecteur
& mon ami; c'est
chez luy que je trouverai
de sûrsmoyens pour punir
nôtre ennemi commun;
Il est maintenant dans l'isle
de Gade
,
hâtons-nous de
traverser la Mer.
Don Juan ne pouvoit
faire une trop grande diligence
;
le Duc d'Andaloule
devoit reprendre le
chemin de Seville
;
il étoit
trop habile dans l'art de
gouverner ses sujets, pour
les perdre si long-temps de
vue. Déja le jour du départ
de la Princesse qui devoit
s'embarquer la premiere,
étaie arrêté; Dom Juan
l'ignoroit, mais il n'avoit
pas besoin de le sçavoir
pour se hâter d'arriver dans
un lieu où il devoit voir
cette Princesse. Il s'embarquaavec
le traître
Dom Garcie: mais à peine
furent-ils en mer, que les
vents yexciterentune horrible
tempête, qui menaçoit
son vaisseau d'un prochain
naufrage. Iln'aimait
pas assez la vie pour craindre
de la perdre en cetteoccasion,
& il consideroit
assez tranquillement les
autres vaisseaux qui sembloient
devoir être à tous
momens submergez: couc
a coup il en aperçut un
dont les Pilotes effrayez
faisoient entendre des cris
horribles. Une des personnes
qui étoient dans ce
vaisseau frappa d'abord sa
vûë
:
il voulut la considerer
plus attentivement:
mais quelle fut sa surprise!
lorsque parmi un assez
grand nombre de femmes
éplorées, il reconnut Leonore,
feule tranquile dans
ce
ce peril éminent : O Ciel!
s'ecria-t-il, Leonore est
prête à perir. A peine ces
mors furent prononcez,
que ce vaisseau fut submergé
,
& Leonore disparut
avec toute sa fuite. Il se
jette dans lamer, resolu
de perir, ou de la sauver
pendant , que ses sujets consternez
desesperoient de
son salut. Enfin Leonore
fut portée par la force
d'une vague en un endroit
où Dom Juan l'apperçut
: il nage vers elle
tout tr ansporté,&sauve
enfin cette illustre Princesse
dans son vaisseau.
C'est ici qu'il faut admirer
la bizarerie de la fortune.
Le Prince de Murcie
éloigné depuis long-temps
de Leonore,n'a pu encore
se raprocher d'elle, prêt
d'arriver à l'isle de Gade,
où elle étoit, une affaire
imprévûël'enéloigne plus
que jamais : pendant qu'il
signale sa generosité
, un
credule ami, aux intérêts
duquel il sacrifie les siens,
l'accuse de perfidie; Dom
Juan, dont il délivre les
Etats, medite contre luy
une vangeance terrible;
la fortune se range de son
parti, & lui procure l'occasion
la plus favorable
pour se vanger; il fauve la
vie à ce qu'il aime, il espere
s'en faire aimer comme
il espere de faire haïr
son rival en le peignant
des plus vives couleurs.
Tellesétoient les esperances
de D. Juan lorsque
Leonore reprit ses forces
& ses esprits
:
à peine eutelle
ouvert les yeux qu'elle
vit Dom Juan qui, prosterné
à ses pieds, sembloit
par cet important service
avoir acquis le droit de
soûpirer pour elle, auquel ilavoit autrefoisrenoncé.
ëluoy9 Seigneur, lui ditelle,
c'est à vous que Leonore
doit la vie, à vous qui
lui deveztousvos mtibeurs?
cette vie infortunée ne meritoit
point un liberateur si
généreux, envers qui laplus
forte reconnoissance ne peut
jamais m'acquitter. Ah, répondit
Dom Juan! pouvois-
je esperer un sigrand
bonheur,aprés avoir étési
ton*- ttmp: Loin de z,ous) dtnf
vous r, o:r quepour njous
donner la vie? Ah, belle
Leonore ! HJQHS connoiite£
dans peu que sivous tnerjlf:Z
un coeur fidele, le mien .f(ulest
digne de vous être offert.
Ce discours de Dom
Juan allarma plus la Princesseque
le danger auquel
elle venoir d'échaper. Depuis
sa fatale renconrre
avec Elvire, elle étoit agitée
des plus mortelles inquietudes;
Elvire avoit
nommé le Prince de Murcie,
Leonore ne pouvoit
calmer ses soupçons qu'en
esperant qu'Elvirese seroit
méprise.
La hardiesse de Dom
Juan à luyparler de son
amour, & la maniere dont
il fait valoir la fidelité
de son coeur, redouble
ses soupçons & la trouble,
cependant prévenuë
d'horreur pour toutes les
infidelitez
,
celle de Dom
Juan envers le Prince de
Murcie la blesse, elle veut
la lui faire sentir adroitement
: Seigneur, dit-elle à
Dom Juan, vous ne me parle7
point du Prince de Adurcie,
cet ami qui vous eji si
cher, & pour quivousfça-
'tIe:z que je m'inttresse. Je
vous entens, Madame, répondit
Dom Juan, vous
opposezaux transports qui
viennent de m'échapper, le
souvenir d'un Prince que
vous croyeZ encore monami:
mais, Madame, ..,.endez..-moy
plus deluflice; je nesuis pas
infidele au Prince de Murcie,
cess luy qui me trabit,
quim'enlevemes Etats, rtJ
qui se rend en même temps
indigne de vôtre amour&
de mon amirie. Ciel! reprit
Leonore, que me dites vous,
Dom_îuan? Noniln'estpas
possible; le Prince deMurcie
n'est point un udurpateur,&
votre crédulité luyfait un
"ffront que rien ne peut réparer.
C'tJI à regret, Madame,
ajoûta Dom Juan,
queje vous apprens une nouvellesi
triste pour vous dr
pour moy : mais enfin je ne
puis douter que le Prince de
Murcie nesoit un perfide;
il nous a trompa l'un C
l'autre par les fausses apparences
de U vertu laplus héroi'queo'
roïque.jirrefie^ Dom Juan,
dit imperieusement Leonore,
cette veriténe niesi
pas APt, connuëpoursouffrir
des discours injurieux à
la vertu du Prince de Murcie,
& aux sentimens que
fay pour luy; c'est niaccabler
que de traitter ainsi ce
Heros, &vous dervjez. plutôt
me laijjerpérir.Quoy !
reprit Dom Juan, vous
croiriez que j'invente me
fable pour le noircir à vos
yeux?Non, Madame,vous
l'apprendrez par d'autres
bouches, cinquante de mes
sujets , A la tête desquels
est le sujet le plus fidele
,
vous diront que le Prince,
de concert avec leperside D.
Pedre,a seduit les habitans
de Grenade, (9* s'elf emparé
de cette Duché Au nom de
D. Pedre Leonore changea
de couleur, & ne pouvant
plus soûtenir une
conversation si delicate
pour son amour, elle pria
Dom Juan de la laisser
feule.
Ce fut pour lors que
revenuë à foy-même du
trouble où les derniers
mots de Dom Juan lavoient
jettée,elle s'abandonna
à sa juste douleur:
grand Dieu, dit-elle, il
est donc vray? le Prince
de Murcie est un perfide,
ce qu'Elvire m'adit, ôc
ce que m'a raconté Dom
Juan n'est que trop confirmé
! le Fatal nom de
Dom Pedre ne m'en laisse
plus douter
,
Dom Pedre
aura trahi son Maître en
faveur de son amy ,
le
Prince amoureux d'Elvire
se fera fait Duc de Grenade
pour s'en assurer la
possession; & moy vi&û
me de l'amour le plus
tendre & le plus constant,
confuse & desesperée d'avoir
tant aimé un ingrat,
un traître,je vais molurir,
détestant également tous
les hommes;& où trouver
de la probité, de la
foy, puisque le Prince de
Murcie est un perfide ?
Mais quoy, dois-je si-tôt
le condamner? peut-être
ce Prince
,
ignorant des
piéges qu'on tend à nôtre
amour, gemit dans l'inu
possibilité où il est de me
voir. Ah! quelle apparence,
c'est en vain que je
voudrois le justifier,Elvire,
Dom Pedre, Dom
Juan, vos funestes discours
ne le rendent que
trop coupable. C'est ainsi
que Leonore accablée de
la plus mortelle douleur
condamnoit son amant
malgréelle, & retractoit
sa condamnation malgré
les apparences de fa- perfidie.
Cependant le vaisseau
approchoit du bord, &
déja Leonore apperçoit
sur le rivage le Duc d'Andalousie,
que la tempête
avoitextrêmemeut allarmé
pour sa vie: illa reçut
avec une joye qui marqua
bien la crainte à laquelle
elle succedoit; maisil fut
franrporce quand il vit son
liberateur il luy donna
les marques les plus vives
d'une reconnoissance qui
se joignoit à l'amitié qu'il
* avoit toujours eue pour
luy; ce qui augmenta ses
esperances, & le desespoir
de Leonore.
Dom Juan ne tarda.
pas à instruire le Duc de
la prétendue perfidie du
Prince de Murcie, &: D.
Garcie en fit adroitement
le fabuleux récit: le Duc
fut surpris de la décestable
action qu'on luy racontoit,
& sensible aux
malheurs de Dom Juan,
il jura de le remettre dans
son Duché,&luy promit
Leonore. Plein d'un projet
si vivement conçu, il
va trouver cette Princesse
& luy dit
: Ma fille, vous
sçavez la perfidie du Prin-
-ce de Murcie, apprenez
par ce dernier trait à ne
vous pas laisser surprendre
par la fausse vertu,
guerissez-vous d'une passion
que vous ne pouvez
-
plus ressentir sans honte,
& preparez-vous a epoufer
Dom Juan que je vous
ai toûjours destiné.
Lconore frappée comme
d'un coup de foudre,
ne put répondre à son
Pere
,
mais il crut voir
dans sa contenancerespetfueufe
une fille preparée
à obéir, il la laisse seule,
& courut assurer D. Juan
de l'obéissance de sa fille:
ce Prince se crut dés ce
moment vangé de son rival,
il commença à regarder
Leonore comme son
épouse, & il ne cessoit de d
luy parler de son amour,
& de (on bonheur; Leonore
incertaine du party
qu'elle devoit prendre,
étoit pour comble de malheur
obligée à le bien recevoir;
elle luy devoit la
vie; son Pere luy ordonnoit
de le regarder comme
son époux, & d'ailleurs
illuy importoit de cacher
l'amour qu'elle conservoit
au Prince.~<~ - J't-
4* Enfin le Duc sur du
consentement de safille,
hâraextrêmement ce mariage
,
& le jour fut arrê-
1 té: la joye de cette nouvelle
se répandit dans lllle
deGade;tout le monde
benissoit le bonheur des
deux époux, tandis que
Leonoresuivoit, triste victime
du devoir & de la
fortune, les ordres d'un
Pere toujours conrraires à
son penchant. Eh! quel
party pouvait-elle prendre?
il falloir, ou le donner
la mort, ou époufer
Dorn Juan; sa vie étoit
trop mal-heureuse pour
qu'elle eût envie de la
conserver en cette occasion,
mais mourir fidelle
à un scelerat,à un tyran,
n'est pas un sort digne
d'une grande Princesse:
Enfin elle ne pouvoir desobéir
à son Pere, sans révolter
contr'elle tour l'Univers
,
à qui elle devoit
compte de cetteaction, &
devant lequel elle ne pouvoir
être bien justifiée.
Elle va donc subir son
malheureux fort,deja tour
se dispose à le confirmer.
Mais laissons cet appareil,
qui tout superbe qu'il étoit
ne pourroit que nous attrliiller
revenons au Prince
de Murcie.
Il était bien juste qu'aprés
avoir fait éclater tant
de generosité aux dépens
mêrat de son amour, cette
passion qui dominoit dans
son coeur, eut enfin son
tour. Il donna les ordres
necessaires à la tranquilité
du Duché de Grenade,&
commit à Dom Pedre le
foin de contenir dans le
devoir des sujets naturellement
inconstans;, ensuite
il retourne à l'isle de
Gade, traversela mer, &
se trouve dans une gran..
de foret: il chercha longtemps
quelqu'un qui pût
lui dire s'il était encore
bien loin de Gade,enfin
il apperçut un homme rêveur
, en qui lesejour de
la solitude laissoit voir de
- la noblesse& de la majesté:
il s'approche de lui, & lui
dit: Seigneur, puis-je esperer
que vous m'apprendrez
leslieux oujefuis?seigneur,
répondit le Solitaire, Ivou-s
êtes dans l'islede Gade ,pof.
fedée par le Duc d'Andalousie
,
il est venu depuis peuy
établir fortJejour avec Leonore
i-a fille, que la renommée
met audessus de ce qui
parut jamais de plus accompli.
Cette Ijle, reprit le
Prince,estsans doute le centre
de la galanterie, puisque
Leonore estsiparfaite,Û?sa
Cour doit être bien brillante?
Ilest nifede le conjecturer,
répondit le Solitaire: Je
n'en suis pas d'ailleurs mieux
informé que vous, je sçai
fente* ent, (ST sicette avan-t
tureavoirfaitmoins de bruit
je ne la sçaurois pas, jesçai
que Leonore retournant aSevdle
, fut surprije par la
tempête, & que prêteaperir
dans les flots, Dom Juan
Prince de Grenade la délivra
de ceperil. Dom Juan, reprit
vivement le Prince,
a sauvé les jours de Leonore?
les jours de Leonore ont été
en péril? Oui, Seigneur repondit le Solitaire, hjle,
de Gade retentit encore de
la reconnoissance de cette
Princeffi; depuis huit jours
ellea donné la main à Dom
Juan. Ah Ciel!s'écriale
Prince de Murcie, & en
mêmetempsil tomba aux
pieds du Solitaire
,
sans
Force & sans couleur.
DE L'HISTOIRE
ESPAGNOLE. LEONORE arriva
bien-tost dans l'Isle
de Gade sans estre retardée
,
ni par l'inconstance -
de la Mer, ni par aucun
autre accident; quand les
amans trouvent des obHaçlesy
ce n'elt pas d'ordinaire
dans ces occasions.
Le Duc d'Andalousie,
non content de la douleur
que luy causoit l'absence
du Prince, la confia
à sa soeur, il crut ne pouvoir
mieux punir sa fille
de la passion qu'elle avoit
pour le Prince, qu'en luy
opposant de longs discours
que cette vieille soeur faisoit
sans cesse contre l'amour
; Leonore en estoit
perpetuellement obsedée,
elle estoit à tous momens
forcée d'essuyer les chagrins
de sa tante contre
les moeurs d'un siecle dont
elle n'estoit plus, & si l'on
ajoute à tant de sujets de
tristesse, le peu d'esperance
qui luy restoit de voir
son cher Prince, je m'assure
qu'on trouvera Leonore
bien à plaindre.
Un temps assez considerable
s'estoit écoulé sans
qu'elleeust encor vû dans
cette malheureuse Isle que
son Pere & son ennuyeuse
Tante, toujours livrée à
l'un ou à l'autre; à peine
pouvoit-elle passer quelques
momens seule dans
un Jardin bordé par des
Rochers que la Mer venoitbattre
de sesflots,
spectacle dont Leonore
n'avoit pas besoin pour
exciter sa rêverie:Un
jour plus fortuné pour
elle que tantd'autres qu'-
elleavoit trouvez silongs,
elle se promenoit dans ce
Jardin, heureuse de pouvoirsentir
en liberté tous
ses malheurs, elle vit tout
à coup dans le fond d'une
allée, une perfoiineqLii
paroissoit triste
)
& dont la
beauté rendoit la douleur
plus touchante;la conformité
de leur état leur donna
une mutuelle envie de
se voir de plus prés, & elles
furent bien-tôt à portée
de se demander par quelle
avanture elles se trouvoient
ainsi dans le même
lieu: Leonore qui se
croyoit la plusmalheureuse
,
avoit droit de se plaindre
la premiere, & cependat
elle se fit violence pour
cacher une partie de sa
tristesse:Je ne m'attendois
pas, Madame, dit-elle, à
l'inconnuë
,
de trouver ici
une des plus belles personnes
du monde, moy qui
avois lieu de croire que le
Duc d'Andalousie & sa
soeur estoient les seuls habitans
de cette Isle.
Ma surprise, Madame,
répondit l'inconnuë, elt
mieux fondée que la vôtre
; je trouve ici plus de
beauté que vous n'yen
pouvez trouver, & j'ay
sans doute plus de raisons
de n'y supposer personne:
Je ne doute pas, reprit
Leonore, que de grandes
raisons ne vous réduisent à
vous cacher dans une solitude,
j'ai crû voir sur vôtre
visage des marques de
la plus vive douleur, vous
estes sans doute malheureuse,
cette raison me fut
fit pour vous plaindre:l'inconnuë
ne répondoit d'abord
à Leonore que par
des discours de civilité;
l'habitude qu'elle avoit
prise de parler seule,&sans
témoins, contrebalançoit
le penchant naturel que
les malheureux ont à se
plaindre,mais son air my.
sterieux ne faisoitqu'irriter
la curiosité de Leonore
5
qui estoit impatiente
de comparer ses malheurs
à ceux de l'inconnuë
; quoique j'ayepûaisément
remarquer que vôtre
situation n'est pas heureuse,
continua Leonore,
je ne puis comprendre
comment la fortune vous
a conduite dans l'Isle de
Gade, je me croyois la
seulequ'elle y eufi rranC.
portée, & je vous avouë
que je fuis bien impatiente
d'en penetrer le mystere;
si vous conncissiez.
l'habirude où je luis de
plaindre les malheureux,
& l'inclination qui deja
m'interesse pour vousvous
n'auriez pas le courage de
me le cacher plus longtemps.
Je ne puis douter, Madame,
répondit l'inconnuë,
que vous ne soyiez.
Leonore, ôc c'ell3 tant
parce que je vous trouve
dans cette Isle
,
dont le
Duc d'Andaiousie est Souverain
,que parce que je
remarque des ce moment
en vous tout ce que la reo
nommée en publie) je ne
pouvois d'abord me persuader
que la fortune, si
cruelle d'ailleurs pourmoi
voulût icy me procurer
une de ses plus grandesfaveurs,
mais maintenant,
sûre que je vais parler à la
Princesse du monde laphrs
accomplie, jen'aurai plus
rien de secret pour elle,
& la pitié que vôtre grand
coeur ne pourra refuser
à des malheurs,qui ne
font pas communs, aura
sans doute le pouvoir de
les soulager.
Je m'appelle Elvire,
mon Pere îssu des anciens
Ducs de Grenade, vivoit
avec distindtion sujet du
Duc de Grenade, sans envier
ses Etats injustement
fortis de sa Maison, il mourut
, formant pour moy
d'heureux projetsd'établissement;
un Prince digne
de mon estime, & qui
auroit honoré7 son Alliance,
m'aimoit, je laimois
aussi, mon Pere trouvoit
dans ce mariage mon bonheur,
l'amitié qu'il avoir
pour moy luy rendoit cette
raison fiifîîfante les
choses estoient si avancées
queje gourois sans inquiétude
le plaisir d'estre destinée
à ce Prince
,
mais.
helas mon Pere mourut,
ôc(a more nous laissa cous
dans l'impuissance de finirune
affaire si importante.
pour moy! sa famille futlong-
temps accablée de ta
douleur
1
de cette perte:
enfin Don Pedre, qui est
monFrere,voulut relever
mes elperances aussi-bien
que celles de mon amant
qu'il aimoit presque autant
quemoy, lors que
Dom Garcie, homme tout
puissant à la Cour du Duc
de Grenade, qui y regnoit
plus que luy, me fit
demander par le Duc de
Grenade luy-mêrne: ce
coup imprevû accabla roue
te nostre famille,j'estois
sans doute la plus à plaindre
, mais mon Frere
,
qui
haïrToit personnellement
Dom Garcie, &qui avoit
de grandes raisons pour le
haïr, fut celuy quirésista
aplusuvivement; il repre- Duc quemafamille
avoir pris avec mon
amant des engagemens
trop forts pour pouvoir les
rompre, & que d'ailleurs
il convenoit mieux à ma
naissance
:
il le fit ressouvenir
des liens qui l'attachoient
à nous, & le Duc
naturellement équitable,
se rendit aux raisons de
mon Frere, & luy permit
d'achever nostre Mariage.
Je ne puis vous exprimer
mieuxNladaine,
quelle fut ma joye, qu'en
la comparant a la douleur
que j'ai ressentie depuis, &c
qui succeda bien-tost à
mes transports
: le jourmême
qui devoit assurer
mon bonheur, le perfide
Dom Garcie vint m'arracher
aux empressemens de
mon amant, & me rendit
la plus malheureuse personne
du mondey il me
conduisit dans des lieux
où personne ne pouvoit
me secourir : j'y fus livrée
à ses violences,le fourbe
employait tour-à-tour l'artifice
& la force, & comme
l'un & l'autre estoient
également inutiles à son
execrable dessein, il devenoit
chaquejour plus dangereux
: combien de fois
me ferois-je donnélamort,
si l'esperance de revoir
mon cher Prince ne m'avoit
toujours soutenue
croyez,Madame, que j'ai
plus souffert que je ne puis
vous le dire; le Ciel vous
preserve de connoître jamais
la rigueur d'un pareil
tourment: enfin ne pouvant
plus y refiler, je pris
le seul party qui me restair,
l'occal'occalionleprelentafavorableosai
me soustraire
aux violences de ce scelerat,
résolue de me donner
la mort,s'il venoit à me
découvrir;je ne vous diray
point la diligence avec
laquelle je fuyois ce monstre
malgré la foiblesse de
mon (exe
; mais enfin j'échapai
de ses mains:incertaine
des chemins que je
devois prendre, & des
lieux ou je devois arriver,
la fortune m'a conduite ici
loin du perfide Dom Garcie,
mais encore plus loin
demonamant.
Elvire racontoit ses malheurs
avec d'autant plus
de plaisir qu'elle voyoit
l'émotion de Leonore s'accroirre
à mesure qu'elle
continuoit son récit:chaque
malheur d'Elvire faisoit
dans son coeur une impression
qui paroissotc d'abord
sur sonvisage. Quand
ce récit fut fini, elle esperoit
qu'Elvire n'avoit pas
encore tout dit, ou qu'elle
auroit oubliéquelque circonstance
; mais quel fâcheux
contre-temps, Leonore
apperçoit sa vieille
tante qui avançoit à grands
pas vers elle Ah,ma chere
Elvire, s'écria t-elle, que
je fuis malheureuse, on
vient moter tous mes
plaisirs, il faut que je vous
quitte dans le moment que
vôtre recit m'interesse davantage.,
vous avez encor
mille choses à me raconter
je ne sçay point le
nom de vôtre amant) ni
ce qu'il a fait pour meriter
ce que vous souffrez
pour luy
,
hâtez-vous de
m'apprendre ce que je ne
lçai point encore : Je ne
sçai rien de mon Amant,
reprit Elvire, avec précipitarion,
sans doute il
n'a pu découvrir les lieux
où je suis,peut-être a-til
pris le party du defefpoir
,
peut-être ignorant
ce que mon amour a ose
pour me conserveràluy,
fiance, peut-être est-il inconfiant
luy-même:Voila,
Madame *
sçay du Prince de Murcie.
Au nom du Prince de
Murcie Leonore fit un
eiy
)
ôc tomba peu après
évanouie dans les bras d'Elvirer
Quelle fut la surprise
de cette tante quand elle
trouva Leonore dans ce
tristeétat& une inconnue
dans un trouble extrême:
Elle fit conduire Leonore
à son appartement,enattendant
qu'elle pût sçavoit
un mystere que le hazard
offroit heureusement à
son insatiable curiosité.
Cependant le Prince de
Murcie étoit depuis longtemps
abient de Leonore,
les mêmes raisons quil'ai
voient obligé de quitter
l'Andalousie si promptement,
l'empêchoient d'y
revenir:mais enfin l'amour
l'em portasurla prudence,
& il partit pour Seville
resolu de le cacher le)
mieux qu'il pourroit : A
peine fut-il dans l'Andalousie
qu'il apprit que Leonore
étoit dans l'Isle de
Gade, la distance qui estoit
entre luy & sa Princesse
le fit frémir; plus un
amant est eloigné de ce
qu 'il aime, & plus il est
malheureux;il arrive enfin
sur le bord de la mer
qu'il falloir passer pour aller
a Gade; il fut longtemps
sur le rivage cherchant
des yeux une chaloupe
à la faveur de laquelleilpût
la traverser;
&enfin il vit une petite
barque. Dans le moment
qu'il prioit le pêcheur, à
qui elle appartenoit,de l'y
recevoir, il aperçut un
homme bien fait, qui sembloit
d'abord vouloir se
cacher à ses yeux? & qui
insensiblement s'aprochoit
pourtant de luy. Le Prince
qui navoir pas moins dintérêt
à être inconnu dans
un pays si voisin de Tille
de Gade, loinde fuïr cet
étranger,alloit au devant
de luy, comme si un instindi:
secret eut en ce moment
conduit Ces pas, &
comme si le mente superieur
avoit quelque marque
particulière à laquelle
ils se fussent d'abord reconnus.
1 Seigneur, dit l'inconnu
au Prince de Murcie,j'attens
depuislong temps
l'occasion favorable qui se
prepresente
: cependant, si
vos raisons etoient plus
fortes que les miennes, je
ferois prêt à vous la ceder.
Seigneur, répondir le Prince,
vous ne sçauriez être
plus pressé de vous embarquer
que je le suis, & je
vous cede cette barque
d'aussi bon coeur ôc aux
mêmes conditions que
vous me la cedez,je consens
avec plaisir à la mutuelle
confidence que vous
me proposez
;
heureux de
pouvoir m'interesser au
sort d'un homme tel que
vous. Seigneur, répondit
, 1 ,., ,'inconnu,line s agit point
icydes intérêts personnels
du malheureux Dom Pedre,
mais de ceux de mon
Souverain, qui me sont
mille fois plus chers: Le
Duc de Grenade estmort,
un sujet perfide est prêt à
se faire proclamer son successeurcontreles
droits de
Dom Juan qu'une mauvaise
fortune éloigne depuis
long -temps de ses
Eltats. Comme Dom Garcie
était le canal unique
des graces du Duc)ils'est
adroitement rendu maitre
de tous les esprits; si
l'on ne s'oppose promptement
à les tyranniques
projets, Dom Juan fera
bien-tôt dépoüillé de ses
Estats : Son absence
)
la
mort du Duc son pere,
& l'addresse du traistre
D. Garcie luy laissent peu
de sujets fidelles
: J'ay appris
qu'ayant voyagé dans
l'Europe il a paffé la mer,
voyez, Seigneur) si les
raisonsdemonembarquement
font pressantes. Oüi,
Seigneur
,
répondit le
Prince, mais non pas seulement
pour vous, les
intérêts de Dom Juan
me sont auili chers que
les miens; c'est un
Prince digne de votre affection
& dela mienne:
D'ailleurs le trait de perfidie
de Dom Garcie merite
une vangeance éclatante,
je vaism unir a vous
dans un dessein si genereux
& si légitime;je
suis le Prince de Murcie,
je dépeuplerai s'ille faut
Murcie d'habitans pour
chasser cet indigne usurpateur
,ne perdons point
le temps à chercher Dom
Juan dans des lieux où il
pourroit n'être pas: mais
qu'à son retour il trouve
Grenade tranquille t Allons
purger ses Estats d'un
monstre digne du plus
horriblesupplice.
.:, Ces paroles que le
Prince prononça avec
chaleur donnèrent une si
grande joye à Dom Pedre
qu'ilseroitimpossible
de l'exprimer: la fortune
qui sembloit avoir abandonné
son party luioffroit
en ce moment les plus
grands secours qu'il pût
esperer,plein d'un projet
dont l'execution devoir lui
paroistre impossibles'il
avoit eu moins de zele,
il trouvoit dans le Prince
de Murcie un puissant protecteur
, & un illustre
amy.
ils partent ensemble,
& le Prince de Murcie ne
pouvant se persuader que
les habitans de Grenade
fussent sincerement attachez
à un homme dont la
perfidie étoit si marquée,
crut par sa feule presence
& quelques mesures lècretes,
pouvoir les remettre
dans l'obeïssance de
leur légitimé Souverain.
Ils arrivèrent aux portes
de Grenade la veille du
jour que Dom Garcie devoit
être proclamé;ils entrerent
sècretement pendant
la nuit dans la ville:
Dom Pedre fut surpris de
trouver les plus honestes
gens disposez à suivre les
loix d'un usurpateur, tout
estoit seduit, & le mallui
parut d'abord sans remede
: mais le Prince, dont
la feule presenceinspiroit
l'honneur & le courage par
la force & la sàgesse de ses
discours, sçut les ramener
à de plus justes maximes.
n Les plus braves se
rangerent les premiers
fous les ordres du Prince
,
& remirent dans
le devoir ceux que leur
exemple en avoir fait
fortirblentot la plus grande
partie de la ville déclarée
contre le Tyran,
parce qu'il n'étoit plus a
craindre, demanda sa
mort: On conduisit le
Prince de Murcie dans
le Palais: mais le bruit
qui arrive necessairement
dans les revolutions sauva
le tyran & le fit échapper
à la juste punition qu'on
lui preparoit ;
il s'enfuit
avec quelques domestiques
ausquels il pouvoir
confier le salut de la personne:
le Prince de Murcie
voulut inutilement le
suivre; Dom Garcie avoit
choisi les chemins les plus
impraticables & les plus
inconnus, & se hâtoit
darriver au bord de la
mer pour se mettre en sûreté
dans un vaisseau
: cependant
Dom Juan, averti
de la mort de son Pere,
étoit parti pour Grenade.
Toutà coup DomGarcie
apperçut de loin un Cavalier
qui avançoit vers
luy à toute bride ; quelle
fut sa surpris quand Il re.
connue D. Juan! le perfide
,
exercé depuislongtemps
dans l'art de feindre
,
prit à l'instant le parti
d'éloigner D. Juan, pour
des raisons qu'on verra
dans la suite; il le jette à
ses pieds, &luy dit avec
les marques d'un zéle désesperé
: Seigneur, n'allez
point à Grenade, vous y
trouverez vostre perte, un
indigne voisin s'en est em-
- paré) vos sujets font aintenant
vos ennemis,nous
sommes les seuls qui nous
soyons soustraits a latyrannie,
&tout Grenade
suit les Loix du Prince de
Murcie:du Prince de Murcie!
s'écria Dom Juan,ah
Ciel! que me dites-vous?
le Prince de Murcie est
mon ennemi, le Prince
de Murcie est un usurpateur
! non Dom Garcie il
n'est pas possible.Ah
Seigneur, reprit D. Carcie,
il n'est que trop vray,
la consternation de vos fidels
sujets que vous voyez
ticyr, noe vpous.l'assure que .J.J j
JVT En ,.-,jn D. Juan voulut
douter, les larmes perfides
de Dom Garcie le persuaderentenfin.
ChCiel,
dit ce credule Prince,
sur quoy faut- il desormais
compter? le Prince de
Murcie m'estinfidele, le
Prince de Murcie m'enleve
mes Etats: Ah! perfide,
tu me trahis? Je vais
soûlever contre toytoute
l'Espagne
: mais je sçai un
autre moyen de me vanger
; Leonore indignée de
ton lâche procedé, & confuse
d'avoir eu pour toy
de l'amour, me vangera
par la haine que je vais lui
inspirer contre toy : Allons,
dit-il, fidele Dom
Garciecourons nous vanger
: le Duc d'Andalousie *fut toûjours mon protecteur
& mon ami; c'est
chez luy que je trouverai
de sûrsmoyens pour punir
nôtre ennemi commun;
Il est maintenant dans l'isle
de Gade
,
hâtons-nous de
traverser la Mer.
Don Juan ne pouvoit
faire une trop grande diligence
;
le Duc d'Andaloule
devoit reprendre le
chemin de Seville
;
il étoit
trop habile dans l'art de
gouverner ses sujets, pour
les perdre si long-temps de
vue. Déja le jour du départ
de la Princesse qui devoit
s'embarquer la premiere,
étaie arrêté; Dom Juan
l'ignoroit, mais il n'avoit
pas besoin de le sçavoir
pour se hâter d'arriver dans
un lieu où il devoit voir
cette Princesse. Il s'embarquaavec
le traître
Dom Garcie: mais à peine
furent-ils en mer, que les
vents yexciterentune horrible
tempête, qui menaçoit
son vaisseau d'un prochain
naufrage. Iln'aimait
pas assez la vie pour craindre
de la perdre en cetteoccasion,
& il consideroit
assez tranquillement les
autres vaisseaux qui sembloient
devoir être à tous
momens submergez: couc
a coup il en aperçut un
dont les Pilotes effrayez
faisoient entendre des cris
horribles. Une des personnes
qui étoient dans ce
vaisseau frappa d'abord sa
vûë
:
il voulut la considerer
plus attentivement:
mais quelle fut sa surprise!
lorsque parmi un assez
grand nombre de femmes
éplorées, il reconnut Leonore,
feule tranquile dans
ce
ce peril éminent : O Ciel!
s'ecria-t-il, Leonore est
prête à perir. A peine ces
mors furent prononcez,
que ce vaisseau fut submergé
,
& Leonore disparut
avec toute sa fuite. Il se
jette dans lamer, resolu
de perir, ou de la sauver
pendant , que ses sujets consternez
desesperoient de
son salut. Enfin Leonore
fut portée par la force
d'une vague en un endroit
où Dom Juan l'apperçut
: il nage vers elle
tout tr ansporté,&sauve
enfin cette illustre Princesse
dans son vaisseau.
C'est ici qu'il faut admirer
la bizarerie de la fortune.
Le Prince de Murcie
éloigné depuis long-temps
de Leonore,n'a pu encore
se raprocher d'elle, prêt
d'arriver à l'isle de Gade,
où elle étoit, une affaire
imprévûël'enéloigne plus
que jamais : pendant qu'il
signale sa generosité
, un
credule ami, aux intérêts
duquel il sacrifie les siens,
l'accuse de perfidie; Dom
Juan, dont il délivre les
Etats, medite contre luy
une vangeance terrible;
la fortune se range de son
parti, & lui procure l'occasion
la plus favorable
pour se vanger; il fauve la
vie à ce qu'il aime, il espere
s'en faire aimer comme
il espere de faire haïr
son rival en le peignant
des plus vives couleurs.
Tellesétoient les esperances
de D. Juan lorsque
Leonore reprit ses forces
& ses esprits
:
à peine eutelle
ouvert les yeux qu'elle
vit Dom Juan qui, prosterné
à ses pieds, sembloit
par cet important service
avoir acquis le droit de
soûpirer pour elle, auquel ilavoit autrefoisrenoncé.
ëluoy9 Seigneur, lui ditelle,
c'est à vous que Leonore
doit la vie, à vous qui
lui deveztousvos mtibeurs?
cette vie infortunée ne meritoit
point un liberateur si
généreux, envers qui laplus
forte reconnoissance ne peut
jamais m'acquitter. Ah, répondit
Dom Juan! pouvois-
je esperer un sigrand
bonheur,aprés avoir étési
ton*- ttmp: Loin de z,ous) dtnf
vous r, o:r quepour njous
donner la vie? Ah, belle
Leonore ! HJQHS connoiite£
dans peu que sivous tnerjlf:Z
un coeur fidele, le mien .f(ulest
digne de vous être offert.
Ce discours de Dom
Juan allarma plus la Princesseque
le danger auquel
elle venoir d'échaper. Depuis
sa fatale renconrre
avec Elvire, elle étoit agitée
des plus mortelles inquietudes;
Elvire avoit
nommé le Prince de Murcie,
Leonore ne pouvoit
calmer ses soupçons qu'en
esperant qu'Elvirese seroit
méprise.
La hardiesse de Dom
Juan à luyparler de son
amour, & la maniere dont
il fait valoir la fidelité
de son coeur, redouble
ses soupçons & la trouble,
cependant prévenuë
d'horreur pour toutes les
infidelitez
,
celle de Dom
Juan envers le Prince de
Murcie la blesse, elle veut
la lui faire sentir adroitement
: Seigneur, dit-elle à
Dom Juan, vous ne me parle7
point du Prince de Adurcie,
cet ami qui vous eji si
cher, & pour quivousfça-
'tIe:z que je m'inttresse. Je
vous entens, Madame, répondit
Dom Juan, vous
opposezaux transports qui
viennent de m'échapper, le
souvenir d'un Prince que
vous croyeZ encore monami:
mais, Madame, ..,.endez..-moy
plus deluflice; je nesuis pas
infidele au Prince de Murcie,
cess luy qui me trabit,
quim'enlevemes Etats, rtJ
qui se rend en même temps
indigne de vôtre amour&
de mon amirie. Ciel! reprit
Leonore, que me dites vous,
Dom_îuan? Noniln'estpas
possible; le Prince deMurcie
n'est point un udurpateur,&
votre crédulité luyfait un
"ffront que rien ne peut réparer.
C'tJI à regret, Madame,
ajoûta Dom Juan,
queje vous apprens une nouvellesi
triste pour vous dr
pour moy : mais enfin je ne
puis douter que le Prince de
Murcie nesoit un perfide;
il nous a trompa l'un C
l'autre par les fausses apparences
de U vertu laplus héroi'queo'
roïque.jirrefie^ Dom Juan,
dit imperieusement Leonore,
cette veriténe niesi
pas APt, connuëpoursouffrir
des discours injurieux à
la vertu du Prince de Murcie,
& aux sentimens que
fay pour luy; c'est niaccabler
que de traitter ainsi ce
Heros, &vous dervjez. plutôt
me laijjerpérir.Quoy !
reprit Dom Juan, vous
croiriez que j'invente me
fable pour le noircir à vos
yeux?Non, Madame,vous
l'apprendrez par d'autres
bouches, cinquante de mes
sujets , A la tête desquels
est le sujet le plus fidele
,
vous diront que le Prince,
de concert avec leperside D.
Pedre,a seduit les habitans
de Grenade, (9* s'elf emparé
de cette Duché Au nom de
D. Pedre Leonore changea
de couleur, & ne pouvant
plus soûtenir une
conversation si delicate
pour son amour, elle pria
Dom Juan de la laisser
feule.
Ce fut pour lors que
revenuë à foy-même du
trouble où les derniers
mots de Dom Juan lavoient
jettée,elle s'abandonna
à sa juste douleur:
grand Dieu, dit-elle, il
est donc vray? le Prince
de Murcie est un perfide,
ce qu'Elvire m'adit, ôc
ce que m'a raconté Dom
Juan n'est que trop confirmé
! le Fatal nom de
Dom Pedre ne m'en laisse
plus douter
,
Dom Pedre
aura trahi son Maître en
faveur de son amy ,
le
Prince amoureux d'Elvire
se fera fait Duc de Grenade
pour s'en assurer la
possession; & moy vi&û
me de l'amour le plus
tendre & le plus constant,
confuse & desesperée d'avoir
tant aimé un ingrat,
un traître,je vais molurir,
détestant également tous
les hommes;& où trouver
de la probité, de la
foy, puisque le Prince de
Murcie est un perfide ?
Mais quoy, dois-je si-tôt
le condamner? peut-être
ce Prince
,
ignorant des
piéges qu'on tend à nôtre
amour, gemit dans l'inu
possibilité où il est de me
voir. Ah! quelle apparence,
c'est en vain que je
voudrois le justifier,Elvire,
Dom Pedre, Dom
Juan, vos funestes discours
ne le rendent que
trop coupable. C'est ainsi
que Leonore accablée de
la plus mortelle douleur
condamnoit son amant
malgréelle, & retractoit
sa condamnation malgré
les apparences de fa- perfidie.
Cependant le vaisseau
approchoit du bord, &
déja Leonore apperçoit
sur le rivage le Duc d'Andalousie,
que la tempête
avoitextrêmemeut allarmé
pour sa vie: illa reçut
avec une joye qui marqua
bien la crainte à laquelle
elle succedoit; maisil fut
franrporce quand il vit son
liberateur il luy donna
les marques les plus vives
d'une reconnoissance qui
se joignoit à l'amitié qu'il
* avoit toujours eue pour
luy; ce qui augmenta ses
esperances, & le desespoir
de Leonore.
Dom Juan ne tarda.
pas à instruire le Duc de
la prétendue perfidie du
Prince de Murcie, &: D.
Garcie en fit adroitement
le fabuleux récit: le Duc
fut surpris de la décestable
action qu'on luy racontoit,
& sensible aux
malheurs de Dom Juan,
il jura de le remettre dans
son Duché,&luy promit
Leonore. Plein d'un projet
si vivement conçu, il
va trouver cette Princesse
& luy dit
: Ma fille, vous
sçavez la perfidie du Prin-
-ce de Murcie, apprenez
par ce dernier trait à ne
vous pas laisser surprendre
par la fausse vertu,
guerissez-vous d'une passion
que vous ne pouvez
-
plus ressentir sans honte,
& preparez-vous a epoufer
Dom Juan que je vous
ai toûjours destiné.
Lconore frappée comme
d'un coup de foudre,
ne put répondre à son
Pere
,
mais il crut voir
dans sa contenancerespetfueufe
une fille preparée
à obéir, il la laisse seule,
& courut assurer D. Juan
de l'obéissance de sa fille:
ce Prince se crut dés ce
moment vangé de son rival,
il commença à regarder
Leonore comme son
épouse, & il ne cessoit de d
luy parler de son amour,
& de (on bonheur; Leonore
incertaine du party
qu'elle devoit prendre,
étoit pour comble de malheur
obligée à le bien recevoir;
elle luy devoit la
vie; son Pere luy ordonnoit
de le regarder comme
son époux, & d'ailleurs
illuy importoit de cacher
l'amour qu'elle conservoit
au Prince.~<~ - J't-
4* Enfin le Duc sur du
consentement de safille,
hâraextrêmement ce mariage
,
& le jour fut arrê-
1 té: la joye de cette nouvelle
se répandit dans lllle
deGade;tout le monde
benissoit le bonheur des
deux époux, tandis que
Leonoresuivoit, triste victime
du devoir & de la
fortune, les ordres d'un
Pere toujours conrraires à
son penchant. Eh! quel
party pouvait-elle prendre?
il falloir, ou le donner
la mort, ou époufer
Dorn Juan; sa vie étoit
trop mal-heureuse pour
qu'elle eût envie de la
conserver en cette occasion,
mais mourir fidelle
à un scelerat,à un tyran,
n'est pas un sort digne
d'une grande Princesse:
Enfin elle ne pouvoir desobéir
à son Pere, sans révolter
contr'elle tour l'Univers
,
à qui elle devoit
compte de cetteaction, &
devant lequel elle ne pouvoir
être bien justifiée.
Elle va donc subir son
malheureux fort,deja tour
se dispose à le confirmer.
Mais laissons cet appareil,
qui tout superbe qu'il étoit
ne pourroit que nous attrliiller
revenons au Prince
de Murcie.
Il était bien juste qu'aprés
avoir fait éclater tant
de generosité aux dépens
mêrat de son amour, cette
passion qui dominoit dans
son coeur, eut enfin son
tour. Il donna les ordres
necessaires à la tranquilité
du Duché de Grenade,&
commit à Dom Pedre le
foin de contenir dans le
devoir des sujets naturellement
inconstans;, ensuite
il retourne à l'isle de
Gade, traversela mer, &
se trouve dans une gran..
de foret: il chercha longtemps
quelqu'un qui pût
lui dire s'il était encore
bien loin de Gade,enfin
il apperçut un homme rêveur
, en qui lesejour de
la solitude laissoit voir de
- la noblesse& de la majesté:
il s'approche de lui, & lui
dit: Seigneur, puis-je esperer
que vous m'apprendrez
leslieux oujefuis?seigneur,
répondit le Solitaire, Ivou-s
êtes dans l'islede Gade ,pof.
fedée par le Duc d'Andalousie
,
il est venu depuis peuy
établir fortJejour avec Leonore
i-a fille, que la renommée
met audessus de ce qui
parut jamais de plus accompli.
Cette Ijle, reprit le
Prince,estsans doute le centre
de la galanterie, puisque
Leonore estsiparfaite,Û?sa
Cour doit être bien brillante?
Ilest nifede le conjecturer,
répondit le Solitaire: Je
n'en suis pas d'ailleurs mieux
informé que vous, je sçai
fente* ent, (ST sicette avan-t
tureavoirfaitmoins de bruit
je ne la sçaurois pas, jesçai
que Leonore retournant aSevdle
, fut surprije par la
tempête, & que prêteaperir
dans les flots, Dom Juan
Prince de Grenade la délivra
de ceperil. Dom Juan, reprit
vivement le Prince,
a sauvé les jours de Leonore?
les jours de Leonore ont été
en péril? Oui, Seigneur repondit le Solitaire, hjle,
de Gade retentit encore de
la reconnoissance de cette
Princeffi; depuis huit jours
ellea donné la main à Dom
Juan. Ah Ciel!s'écriale
Prince de Murcie, & en
mêmetempsil tomba aux
pieds du Solitaire
,
sans
Force & sans couleur.
Fermer
Résumé : SUITE DE L'HISTOIRE ESPAGNOLE.
Le texte relate les aventures de Léonore et du Prince de Murcie, séparés par des circonstances tragiques. Léonore arrive sur l'île de Gade, où elle est accablée par l'absence du Prince et les discours moralisateurs de sa tante, sœur du Duc d'Andalousie. Elle y rencontre Elvire, une jeune femme également triste, qui lui raconte son histoire : promise à un prince, elle dut épouser Dom Garcie après la mort de son père. Elvire parvint à s'échapper et se retrouva sur l'île de Gade. Pendant ce temps, le Prince de Murcie, désespéré par l'absence de Léonore, décide de se rendre en Andalousie malgré les dangers. Sur le rivage, il rencontre Dom Pedre, le frère d'Elvire, qui lui révèle que le Duc de Grenade est mort et que Dom Garcie, un traître, s'apprête à usurper le trône de Dom Juan. Ils s'allient pour chasser Dom Garcie et restaurer Dom Juan sur le trône de Grenade. Dom Pedre rallie les habitants contre Dom Garcie, qui s'enfuit. Dom Juan, informé de la mort de son père, rencontre Dom Garcie, qui le persuade que le Prince de Murcie a usurpé ses États. Dom Juan décide de se venger et se rend chez le Duc d'Andalousie, un allié. En mer, une tempête éclate et Dom Juan sauve Léonore, qui est troublée par les révélations sur la perfidie du Prince de Murcie. Le Duc d'Andalousie décide de marier Léonore à Dom Juan, malgré la tristesse de la jeune femme. Léonore, obligée d'obéir à son père, se prépare à épouser Dom Juan. Le Prince de Murcie, après avoir assuré la tranquillité du Duché de Grenade, est dominé par sa passion pour Léonore. Il se retrouve sur l'île de Gade et apprend de manière fortuite que Léonore a épousé Dom Juan huit jours plus tôt. À cette nouvelle, il s'évanouit.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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19
p. 33-70
NOUVELLES de divers endroits.
Début :
On a appris par les Lettres de Cadix du 10. Juillet, [...]
Mots clefs :
Duc, Roi, Marquis, Fille, Veuve, Prince, Comte, Guerre, Seigneur, Armée, Commandant, Vaisseau, Espagne, Officier, Chevalier, Croix, Seigneur, Fille, France, Mort
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : NOUVELLES de divers endroits.
NOUVELLES
dedivers endroits.
Onaappris par les Lettres
de Cadix du 10. Juillet r
que Mrl'Aigleaprès yavoir
amenépluseurs Prises
, erv
estoit party le quatre pour
allercroiser vers le Dérroit.
que le lendemain il avoit
attaquéune Fregate Hollandoise
de36. canons commandée
par le Capitaine
Jean Hopener
-, que lecombat
avoit duré plus de deux
heures, U qu'enfin cette
Fregate avoir esté coulée à
fond ;niais que Mr l'Aigle
y avoir été tué, alnllquc:
plusieurs Officiers & Soldats
de son équipage. Son Corps
a estéenterréà Malagaavec
tous les honneurs dûs à un
homme qui s'étoit distinguéen
plusieurs occasions
cependant le cours de cette
guerre.
Le 30, Juillet il parut à
la hauteur de Bayonne une
Escadre de11. Vaisseaux
de guerre Anglois revenant
de Lisbonne &: retournant
dans les Ports d'Angleterre.
Une heure aprèsquelle eut
fait voile une de nos Frégatesamena
deux Prises, dont
l'une estoit un Baftimenc-
Hollandois qui allait. à
Lisbonne chargé de Vins.
*
DesLettresde Lisbonne
du 17. Juin portent que le
Navire Nostra- Senora de
Torso, qui marquoit que
la Flotte de Pernambuco
avoitesté pris le 4. Avrilà
15. lieues du Tage par un
Vaisseau de guerre François
de l'Escadre de Mr du Casse
qui avoir mis l'équipage à
terre à rifle de Madere ;
queceNavire estoit chargé
de 450. caisses de Sucre,
de 400. rolles de Tabac,
de Cuirs, de bois de Bresit,
& de 40. mille Crufades
tant en argent monnayé
qu'en poudre d'or; que le
Vaisseau qui l'avoit pris,
selon le rapport de l'équipage
, estoit parti de Brest
avec fcpt ou huit autres
dont ilavoit estéseparé, &
qu'ildévoiealler à la Martinique.
Je n'ay pû vous parler
plutost de la mort de Don
Antonio Martin Alvarez
de Tolede & Beaumont,
Enriquez
,
de Rivera,Fernandez
)
Manrique, Duc
d'Albe, & de Huefcar
J Comte de Lerin, de Salvatierra,
&c. Marquis deCoria
, &c. Connestable &
Grand Chancellier de Navarre,
Sommellier de Corps
du Roy d'Espagne & Ton
Ambassadeur en France,
qui mourut icy le 28. May
en la 41.l'année de son âge.
Sa maladie a esté des j^lus
longues, &: elle ne luy a
jamaisservy de raison ny de
pretexte pour le dispenser
d'aucuns de ses devoirs, &
ce grand Ministre a toûjours
s-ofuotuernenuud'du'nueneen£ra5ie force
e le poids d'une Ambassade
aussi importante & aussï
laborieuse. Il y a succombé
à la fin, & la mort de
MonCeigneur a achevé de
l'accabler; l'interetvif&
fîneere qu'il y prenoit le fie
paroistreencore plus sensible
à cette perte qu'il ne
l'avoit paru à celle de Mr
le Connestable de Navarre
fonftls unique qui donnait
déjà de si grandes esperances,&
qu'il perdit nlalhcu..
reusement à sa 19eannée.
Comme toute la vie de
Mr le Duc d'Albe avoi-c
esté une préparation à la
mort on n'eut pas de peine
à l'y disposer. Sa résignationavoitesté
plus prompte
que le premier avis qu'oq
eut pû luy en donner. Quelques
heures avant sa mort
il fit prier un de nos, plu£
grands Ministres de vouloir
bienluy rendre encore une
visite,&de venir recevoir
ses derniers adieux. Cet
entretien fut touchant de
part & d'autre; lemourant
parla assezlong
-
temps de
choses importantes avec le
mêmeesprit,lamême force
& la même grandeur d'ame
quil avoit fait dans sa meilleure
santé. Enfinilsouhaita
de recevoir la Benediction
deMr le Cardinal de Noailles
Archevêquede Paris.
Son Eminence s'y transporta
sur l'heure.
Madame la Duchesse
d'Albe n'a pû avoir dans
une douleur aussi accablante
que Dieu pour consolation.
Elle se retira sur l'heureau
Valde Grace. Elle se
tient toujours dans cette
retraite si conforme à sa
situation. Elle a esté le modelle
des femmes mariées ;
elle l'est des veuves de son
rang.
LeRoyd'Espagne luy a
fait l'honneur de luy écrire
de sa main en langue EfpJ.¿
gnole la Lettre du monde
la plus consolante, La Reine
luyaécrit de même. S. NL
C.a joint aux honneurs
qu'elle a fait à cccccittuftre
veuve des liberalitez qui
honorent en elle lamémoire
du deffunt. Elle ;cil de la
grande Maison de Poncé de
Leon
,
fille de l'illustre Me
la Duchesse d'Aveiro
,
&
soeur de Mr le Duc d'Arcos
& de Mr le Duc de Banos
tous deux Granded'Espagne.
Mr le Duc d'Albe qui
n'arienoubliéen mouranc
a laissé par un écrit de sa
main le foin & la conduite
des Affaires d'Espagne en
France: à Mr Don Feliz-
Corncjo son Secrétaire
d'Ambassade. S. M. C. a
confirmé ce choix dans l'interim
jusqu'àce qu'il vienne
icy de sa part un nouvel
Ambassadeur. Le Portrait
en vers de Mr le Ducd'Albeestdansla
partie des Picces
Fugitives de ce moiscy.
Charlotte Armande d'Argouges
de Rannes épouse
de Guillaume Alexandre ,
Marquis de Vieuxpont
Lieutenant General des ar*.
mées du Roy
<
& Couverneur
de la Ville de Beauvais
& du Beauvoisis, mourut
le 28. Juin âgée de 36,.
ans. Elle estoit fille unique
de Nicolas d'Argouges
Marquis de Rannes, Lieutenant
General des Armées
du Roy, Colonel General
des Dragons
, & de Charlotte
de Beautru - Nogentqui
épousaen seconde nôces.
Jean
-
Baptisse Armand de
Rohan Prince de Montauban
,dont elle est veuve.
Mre N.Chabert Chevalier
de Saint Louis
)
Chef
d'Escadre des Armées Na-,
vales du Roy,fils du grand-
ChJbert)est mort à Toulon.
Ilavoit donné dans
toutes les occasions des
preuves de son courage &
de sa capacité. Il avoit ramené
du Sud une Flore d'argent
des plus riches qui
soient jamais venuës de
ces Mers. Il arriva heureusement
à Rochefort sur lafin
du mois de Mars de*
l'année 1709.aprés avoir
évité par son habileté quatre
Escadres des ennelllisr.
quil'attendoient sur sarouteen
quatre endroits differens.
Le Vaisseau du Roy
le Trident qu'il Commandoit
estle premier Vaisseau
de guerre qu'on ait vû à la
Rade de Lima depuis la découverte
de ce Continent
Marie Louis Chevalier,
Marquis de Sourdeilles,
Baron deFeissac, &c. Lieutenantde
Roy au Gouvernement
de Limosin & de
la Marche, est mort dans
son Chasteau de la Ganne
âgé de 44.ans. Ilaesté fort
regretté,&particulièrement
des Pauvres.
Il avoit épousé Marie fille
de Robert Marquis de Lignerac
Comte de Saint Chaînant
d'une des plusillustres
&de plus anciennes maisons
d'Auvergne.
Sa mere estoit de celle
des Vicomtes de Sedicre
A alliée à celles de Noailles9»
de Gimel, &c. & sa grande
mere estoit de celle d'Aubusson
la Feüillade.
Mr le Marquis de Sourdeilles
avoir d'abord pris le
party des Armes;mais la'
mort de son pere dont il
estoit filsunique, l'obligea
de quitter le Service. b
Catherine de Robeyre
3 épouse dYvesMarie dela
Bourdonnaye Seigneur de
Cotoyon
,
Maistre des Requestes
& Intendant à 0r.
leans,mourut aux eaux de
Bour bon le 24. Juin âgée
de 44. ans laissant posterité
Elle estoit fille de Mr de
Ribeyre Conseilier d'Etat,
&deCatherine Potier fills
de Mr de Novion premier
President.- Jean Guillaume Frison,
Prince de Nassau Stathouder
de Fiise., sur noyé le 14<
Juillet avec le Brigadier
WiJkeSc•
Wilkes. Il. sftoit parry de
l'Armée de Flandre pour
aller travailler à l'Affaire de
la successïon du feu Prince
dOrange qu'il avoir contre
l'Electeur de Brandebourg
qui estoit venu en Hollande
pour la terminer. Il s'embarqua
pour traverser le
passage de Moerdick,&
estanc demeuré dans son
Carosseàcause de la pluyc
avec le Brigadier Wilkes
uunnccoouuppddeevveenntt qui survint*,
renversa le ponton. On ne
trouva leurs corps que queL
ques jours après.
Ce Prince eltoïc hfe
d'Henry Casimir Prince de
Nassau & Stathouder de
Frise mort le15 Mars
1686. &d'Amelie fille de
Jean Georges Prince d'Anhalt
Dessau.
Ilestoit néle 4. Aoust;
1687.&avoirépousé le 16.
Avril 1709. Marie Louise
fille de Charles Landgrave
deHesseCassel,&deMarie
Amélie fille Jacques Duc de
Curlande. Il a laisse une
Princesse née au mois de
Septembre1710. & sa
veuve enceinte.
Les Etats Généraux ont
fait un accommodement
provisionnel entre l'Electeur
de Brandebourg &les
héritiers de ce Prince,qui ne
doit prejudicier en aucune
manière aux droits des Parties
; il porte que S.A. E.
jouira par provisionde la
Maisonde la vieille Cour à
la Haye,de la Maison du
Bois,dc HonslardiCK, de
Diercn& de quelquesTerres
qui valent six mille
florins de rente à quoy on
en ajoutera vingt
- quatre
mille pour faire la somme
de cinquante mille Horins
par an ; sur lesquels on en
retiendra dix mille pour
l'entretien de ces Maisons,
8c cela outre les biens donc
il joiiic déja; que la Princes.
se veuve, en qualité de Mere
& de Tutrice de son enfant
ou enfans
3
jouira de la
Maifoii de Loo; de la fomme
de cinquante mille florins
par an ,
qui fera prise
sur les biensde la fucceisson,
&unesomme decinquante
mille florinsune fois payée;
& que six mois après laccouchcment
de cette Prin
cess elle envoyera des Plénipotentiaires
pour termu
ner les pretentions de parc
& d'autre.
1
Madame la Duchesse de
Berry estant accouchée
avant terme le u. Juillet
d'une Princesse qui mourut
en même tem ps , on porta
son corps à SaintDenisle
13.Il y fut accompagné par
Mr la DacheffedeBeauvil
lier & par Me la Marquise
de Chastillon,& il fut inhumé
par Mr l'Evêque de
Séez premier Aumônier de
Monfcigncur le Duc de
Berry.
Charles Claude
,
Sire
& Comte de Breauté, Marquis
du Hotot
,
&c.Maistre
de la Garderobbe de S. A. R,
Philippe petitfils deFrance
Duc d'Orléans, mourut le xi. Juilleten sa 46.année,
Anne Geneviève Charr
rier épousede Charles Cesar
Le scalopier Maistre des
Requestes, & Intendant du
Commerce & de la Generalité
de Châlons,mourus
le14. Juillet.; Annele Maistre,épousede
Marc Anne Goiflard Seigneur
de Montsabert, Baron
de Toureil
)
&c. Conseiller
au Parlement
s mou- *
rut le 26. Juillet. i
MichelFrançois de Bethune
Comte de Charost mourut
le z6. Juillet dans sa
sisiemeannée.Ilestoit fils
d'Armand de Bethune Duc
de Charost& de Catherine
de Lamet sa sécondé femme.
I.(¡
Jean Baptiste Jacques
Ollier Marquis de Veneuil,
Seigneur de Preau Maistre
de la. Garderobbe de feue
S. A. R. Monsieur Frere
unique du Roy, mourut le
17. Juilletâgéde50. ans. Il
estoit Gouverneur deDomfont.
Henry Charles Arnauld
Comte de Pomponne,
mourut le 2.7.Juillet âgé
de 14.ans 7. mois. Ilestoit
fils de Nicolas Simon Arnaud
Marquis de Pomponne
, Sire Baron de Ferrieres,
Chambrois
,
Auquiville
Marqnis de Paloifeau
,
&c.
BrigadierdesArmées du
Roy; Lieutenant General
& Commandant pour Sa
Majeste aux Provinces de
l'isle de France & Soissonnois
; &de Confiance de
Harville Paloiseau.
Le Pere Jean de la Roche
, Prestre de l'Oratoire
fameux Predicateur, mourut
le 18Juittec.: -
François d'Anglure de
Bourlaymont, Docteur en
Theologie de la Faculté de
Paris, qui avoit été nommé
à l'Evêché de Pamiers
en 1681. qui s'en éroit démis
en 1685. sans avoir esté
Sacré, & qui fut nommé à
lors Abbé de Saint Florent
de Saumur, mourut le i-f.
Juillet. Il étoit fils de Nicolas
Marquis de Bourlaymont,
Gouverneur de Sesnay.
Gaspart- Claude Noler,
Docteur en Thologic de la
Faculté de Paris & Chanoi
ne de Nostre Dame, mourut
le premier Aoust âgé de j3.ans.
Mrle Cardinal de Noailles,
a donné son Canonicat
à Mr l'Abbé Vivant, son
Grand Vicaire& Penitentier
del'EglisedeParis,ci devant
.Curé de S.Leusson meriteest
connu de tout le monde..
Alsonce de. Bonne de
Crequi Duc de Lesdiguiéres,
Paire de France,mourut
le 5. Aoust âgé de 85,
ans. Son Corps a esté ports
aux Carmelitesde S. Denis
en France, où a esté inhi*.
méeAnne du Roure sa
mere, qui mourut le 18,
Février. 1686. &qui étoit
veuve de Charles Sire de"
Grequi & de Canapies, , Mestrede Camp du Regi:
ment des Gardes;.mort de
la blessure qu'il reçueau
siege de Chamberylanuitdu14.
au IJ.May 1630.
& qui étoit second fils de
Charles Sire de Crequi Duc
de Lesdiguiéres Maréchal
de France. Celuy qui vient
de mourir avoitépousé à
l'âge de 75. ans le u Septembre
1702. Gabrielle
Victoire de Rochechoüart
fille de Louis Duc de Vivonne
Pair &Maréchal de France
,
& d'Antoinette de
Mesmes, dont il n'a point
cû d'enfans.
Marie Anne Picques
épouse , de Loüis Gabriel
Portail
j
Chevalier Seigneur
de Fresnceu ,&au paravant
veuve de François Pajoc
Seigneur de Cordon,rnourut
le 6. Aoust âgée de quarante
-
iix ans, sans laisser
de postencé de ses deux alliances.
Florcnt de Marparaulr,
Marquis du même lieu
,
mourut le 7. Août.
Nicolle Miron, veuve
de DanielJacquinot
, Seigneur des Pressoirs
,
mourut le 9. Aoustâgée de
85. ans.
Claude le Pelletier
Conseillcr d'Etat ordinaire
; President Honoraire
du Parlement, Minifstr
d'Etat, cy- devant Prevost
des Marchands
,
Contrôlleur
General des Finances,
& sur-Intendant des postes
mourut le 10. Aoust en sa
8 1. année. Il y avoit déjà
long
- temps qu'ils'étoit
retiré du Monde ; & qu'il
ne s'ocupoit qu'à des oeeuvres
de Pieté., & particulièrement
à soulager les Pauvres.
1 Monsieur de Canaples,
ancien Commandant de la
Ville de Lyon dont on vient
de parler, avoir pris le nom
-
de Lesdiguiéres) & c'est luy
qui étoit le dernier de cec-
Ite Maison. Il avoir douze
mille livres de pension de
la Ville de Lyon; comme
6
Commandant, dont il s'en
estoit reservé neuf mille
i
lors qu'il se démit de ce
Commandement en faveur
de M' de Rochebonne en
luy laissant les trois autres
mille livres. Depuislamort
de M' de Canaples la penfion
de neuf mille livres
E
qu'ils'értit reservée sur
li.
celle de douze que fait la
Ville au Commandant ; a
cfté donnée,à Monsieur le
Duc de Villeroy.
Depuis la mort de Monseigneur,
le Roy a acordé
à Madame la Dauphine, la
Nef, le Cadenas, le Bâton
de Maistre d'Hotel & la
Musique. Elle mangea pour
la premiere fois à son grand
Couvert comme Dauphine
le 8. Aoust, & elle fut servie
par Monsieur le Marquis de
Vilacerfson premier Maître
d'Hostel; & le 10. elle fut
servie aussi à son grand
Couvert par Mr de la Croix
son Maître d'Hostel. Il se
rendit à la bouche avec ses
Officiers, lava ses mains; le
Contrôlleur & le Gentilhomme
servant les lavetent
ensuite; l'Ecuyer ordinaire
de la Bouche luy presenta
une Assiettesurlaquelle il
y avoir des Mouillettes - do
pain; il en prit deux avec
lefquclles il toucha tous les
Mets les uns après les autres;
il en donna une à manger à
l'Ecuyer de la Bouche, ensuite
il prit son Baston des
mains de l'Hussier du Bu-f
reau qui l'y avoit apporté.
puis la marche commença
en cet ordre. Un Garde du
Corps du Roy ayant la
Carabine sur l'épaule; un
Huissier de Salle & un
Huissier du Bureau, Mr de
la Croix marchoit derriere
eux, ayant son Baston de
Maistre d'Hostel à la main.
Un Gentil
-
homme servant
& le Contrôlieur portant
chacun un Plat, l'Ecuyer de
la Bouche & les autres
Officiers de la Bouche en
portant aussî chacun un,
marchaient ensuite. Lors
qu'ilsfurent arrivez à la Salleoù
estoit le prest, Mr de la
Croix vit mettre tous les
Plats surlaTable, où un
Gentil-homme servant qui
étoit de Garde au prest, fit
un nouvel essai de chaque
Plat: & donna la Mouillette
dont il avoit fait l'éssai à
chacun de ceux qui avoient
porté les Plats, après quoy
Mr de la Croix les vit met--
tersurla Table par les Gentils-
hommes servants. ;
*i IIlallaen suite,ayant Tonv
Baston à la main,, avertir
Monseigneur le Dauphin;
<k Madame la Dauphine;
puis il revint à la Table ou
il attendit Monseigneur le
Dauphin. Dés qu'il parut
il mit son Chapeau & son
Baston entre les mains du
Chef de Gobelet, & presensa
à ce Prince une serviette
mouilléequiétoic
encre deux Assiettes d'or
pour se laver les mains; il
prit ensuite une autre serviette
mouilléeaussï cntre
deux Alliettes d'or qu'il
presenta de mesme à Madame
la Dauphine. Un
Gentilhomme servant presenta
une autre serviette
mouillée aussi entre deux
assiettes ,à Madame
,
qui
mangea pour la première
fois avec Madame la Dauphine
à son grand couvert
Alors Mr de la Croix
reprit son Bâton & son Chapeau
,&retourna à la bouche
precedé feulement d'un
Garde du Corps & des deux
Huissiers.L'essay du second
fcrvice ne se fit point à IfI
bouche; mais au prest où
citoit la Nef. Il se plaçaen- t
:-
suite au costédroit du Fauteuil
de Monseigneur le
Dauphinoùil restapendant
toutle repasayant toujours
son Bâton à la main; les
Genciihommes servants firentle
Service de même que
cchheezz le RRooyj.
-
Il y avoir à ce repas une
tres grande Assemblée de
Dames;il y en avoit treize
qui avoient le Tabouret
,
les autresestoient debour.
Monfcigneur le Dauphin&
Madame la Dauphine tinrent
ensuite un Cercle dé
Dames comme chez le Roy
aprèssonsoupé; Cérémonie
qui si fait pour les re'--
mercier.
dedivers endroits.
Onaappris par les Lettres
de Cadix du 10. Juillet r
que Mrl'Aigleaprès yavoir
amenépluseurs Prises
, erv
estoit party le quatre pour
allercroiser vers le Dérroit.
que le lendemain il avoit
attaquéune Fregate Hollandoise
de36. canons commandée
par le Capitaine
Jean Hopener
-, que lecombat
avoit duré plus de deux
heures, U qu'enfin cette
Fregate avoir esté coulée à
fond ;niais que Mr l'Aigle
y avoir été tué, alnllquc:
plusieurs Officiers & Soldats
de son équipage. Son Corps
a estéenterréà Malagaavec
tous les honneurs dûs à un
homme qui s'étoit distinguéen
plusieurs occasions
cependant le cours de cette
guerre.
Le 30, Juillet il parut à
la hauteur de Bayonne une
Escadre de11. Vaisseaux
de guerre Anglois revenant
de Lisbonne &: retournant
dans les Ports d'Angleterre.
Une heure aprèsquelle eut
fait voile une de nos Frégatesamena
deux Prises, dont
l'une estoit un Baftimenc-
Hollandois qui allait. à
Lisbonne chargé de Vins.
*
DesLettresde Lisbonne
du 17. Juin portent que le
Navire Nostra- Senora de
Torso, qui marquoit que
la Flotte de Pernambuco
avoitesté pris le 4. Avrilà
15. lieues du Tage par un
Vaisseau de guerre François
de l'Escadre de Mr du Casse
qui avoir mis l'équipage à
terre à rifle de Madere ;
queceNavire estoit chargé
de 450. caisses de Sucre,
de 400. rolles de Tabac,
de Cuirs, de bois de Bresit,
& de 40. mille Crufades
tant en argent monnayé
qu'en poudre d'or; que le
Vaisseau qui l'avoit pris,
selon le rapport de l'équipage
, estoit parti de Brest
avec fcpt ou huit autres
dont ilavoit estéseparé, &
qu'ildévoiealler à la Martinique.
Je n'ay pû vous parler
plutost de la mort de Don
Antonio Martin Alvarez
de Tolede & Beaumont,
Enriquez
,
de Rivera,Fernandez
)
Manrique, Duc
d'Albe, & de Huefcar
J Comte de Lerin, de Salvatierra,
&c. Marquis deCoria
, &c. Connestable &
Grand Chancellier de Navarre,
Sommellier de Corps
du Roy d'Espagne & Ton
Ambassadeur en France,
qui mourut icy le 28. May
en la 41.l'année de son âge.
Sa maladie a esté des j^lus
longues, &: elle ne luy a
jamaisservy de raison ny de
pretexte pour le dispenser
d'aucuns de ses devoirs, &
ce grand Ministre a toûjours
s-ofuotuernenuud'du'nueneen£ra5ie force
e le poids d'une Ambassade
aussi importante & aussï
laborieuse. Il y a succombé
à la fin, & la mort de
MonCeigneur a achevé de
l'accabler; l'interetvif&
fîneere qu'il y prenoit le fie
paroistreencore plus sensible
à cette perte qu'il ne
l'avoit paru à celle de Mr
le Connestable de Navarre
fonftls unique qui donnait
déjà de si grandes esperances,&
qu'il perdit nlalhcu..
reusement à sa 19eannée.
Comme toute la vie de
Mr le Duc d'Albe avoi-c
esté une préparation à la
mort on n'eut pas de peine
à l'y disposer. Sa résignationavoitesté
plus prompte
que le premier avis qu'oq
eut pû luy en donner. Quelques
heures avant sa mort
il fit prier un de nos, plu£
grands Ministres de vouloir
bienluy rendre encore une
visite,&de venir recevoir
ses derniers adieux. Cet
entretien fut touchant de
part & d'autre; lemourant
parla assezlong
-
temps de
choses importantes avec le
mêmeesprit,lamême force
& la même grandeur d'ame
quil avoit fait dans sa meilleure
santé. Enfinilsouhaita
de recevoir la Benediction
deMr le Cardinal de Noailles
Archevêquede Paris.
Son Eminence s'y transporta
sur l'heure.
Madame la Duchesse
d'Albe n'a pû avoir dans
une douleur aussi accablante
que Dieu pour consolation.
Elle se retira sur l'heureau
Valde Grace. Elle se
tient toujours dans cette
retraite si conforme à sa
situation. Elle a esté le modelle
des femmes mariées ;
elle l'est des veuves de son
rang.
LeRoyd'Espagne luy a
fait l'honneur de luy écrire
de sa main en langue EfpJ.¿
gnole la Lettre du monde
la plus consolante, La Reine
luyaécrit de même. S. NL
C.a joint aux honneurs
qu'elle a fait à cccccittuftre
veuve des liberalitez qui
honorent en elle lamémoire
du deffunt. Elle ;cil de la
grande Maison de Poncé de
Leon
,
fille de l'illustre Me
la Duchesse d'Aveiro
,
&
soeur de Mr le Duc d'Arcos
& de Mr le Duc de Banos
tous deux Granded'Espagne.
Mr le Duc d'Albe qui
n'arienoubliéen mouranc
a laissé par un écrit de sa
main le foin & la conduite
des Affaires d'Espagne en
France: à Mr Don Feliz-
Corncjo son Secrétaire
d'Ambassade. S. M. C. a
confirmé ce choix dans l'interim
jusqu'àce qu'il vienne
icy de sa part un nouvel
Ambassadeur. Le Portrait
en vers de Mr le Ducd'Albeestdansla
partie des Picces
Fugitives de ce moiscy.
Charlotte Armande d'Argouges
de Rannes épouse
de Guillaume Alexandre ,
Marquis de Vieuxpont
Lieutenant General des ar*.
mées du Roy
<
& Couverneur
de la Ville de Beauvais
& du Beauvoisis, mourut
le 28. Juin âgée de 36,.
ans. Elle estoit fille unique
de Nicolas d'Argouges
Marquis de Rannes, Lieutenant
General des Armées
du Roy, Colonel General
des Dragons
, & de Charlotte
de Beautru - Nogentqui
épousaen seconde nôces.
Jean
-
Baptisse Armand de
Rohan Prince de Montauban
,dont elle est veuve.
Mre N.Chabert Chevalier
de Saint Louis
)
Chef
d'Escadre des Armées Na-,
vales du Roy,fils du grand-
ChJbert)est mort à Toulon.
Ilavoit donné dans
toutes les occasions des
preuves de son courage &
de sa capacité. Il avoit ramené
du Sud une Flore d'argent
des plus riches qui
soient jamais venuës de
ces Mers. Il arriva heureusement
à Rochefort sur lafin
du mois de Mars de*
l'année 1709.aprés avoir
évité par son habileté quatre
Escadres des ennelllisr.
quil'attendoient sur sarouteen
quatre endroits differens.
Le Vaisseau du Roy
le Trident qu'il Commandoit
estle premier Vaisseau
de guerre qu'on ait vû à la
Rade de Lima depuis la découverte
de ce Continent
Marie Louis Chevalier,
Marquis de Sourdeilles,
Baron deFeissac, &c. Lieutenantde
Roy au Gouvernement
de Limosin & de
la Marche, est mort dans
son Chasteau de la Ganne
âgé de 44.ans. Ilaesté fort
regretté,&particulièrement
des Pauvres.
Il avoit épousé Marie fille
de Robert Marquis de Lignerac
Comte de Saint Chaînant
d'une des plusillustres
&de plus anciennes maisons
d'Auvergne.
Sa mere estoit de celle
des Vicomtes de Sedicre
A alliée à celles de Noailles9»
de Gimel, &c. & sa grande
mere estoit de celle d'Aubusson
la Feüillade.
Mr le Marquis de Sourdeilles
avoir d'abord pris le
party des Armes;mais la'
mort de son pere dont il
estoit filsunique, l'obligea
de quitter le Service. b
Catherine de Robeyre
3 épouse dYvesMarie dela
Bourdonnaye Seigneur de
Cotoyon
,
Maistre des Requestes
& Intendant à 0r.
leans,mourut aux eaux de
Bour bon le 24. Juin âgée
de 44. ans laissant posterité
Elle estoit fille de Mr de
Ribeyre Conseilier d'Etat,
&deCatherine Potier fills
de Mr de Novion premier
President.- Jean Guillaume Frison,
Prince de Nassau Stathouder
de Fiise., sur noyé le 14<
Juillet avec le Brigadier
WiJkeSc•
Wilkes. Il. sftoit parry de
l'Armée de Flandre pour
aller travailler à l'Affaire de
la successïon du feu Prince
dOrange qu'il avoir contre
l'Electeur de Brandebourg
qui estoit venu en Hollande
pour la terminer. Il s'embarqua
pour traverser le
passage de Moerdick,&
estanc demeuré dans son
Carosseàcause de la pluyc
avec le Brigadier Wilkes
uunnccoouuppddeevveenntt qui survint*,
renversa le ponton. On ne
trouva leurs corps que queL
ques jours après.
Ce Prince eltoïc hfe
d'Henry Casimir Prince de
Nassau & Stathouder de
Frise mort le15 Mars
1686. &d'Amelie fille de
Jean Georges Prince d'Anhalt
Dessau.
Ilestoit néle 4. Aoust;
1687.&avoirépousé le 16.
Avril 1709. Marie Louise
fille de Charles Landgrave
deHesseCassel,&deMarie
Amélie fille Jacques Duc de
Curlande. Il a laisse une
Princesse née au mois de
Septembre1710. & sa
veuve enceinte.
Les Etats Généraux ont
fait un accommodement
provisionnel entre l'Electeur
de Brandebourg &les
héritiers de ce Prince,qui ne
doit prejudicier en aucune
manière aux droits des Parties
; il porte que S.A. E.
jouira par provisionde la
Maisonde la vieille Cour à
la Haye,de la Maison du
Bois,dc HonslardiCK, de
Diercn& de quelquesTerres
qui valent six mille
florins de rente à quoy on
en ajoutera vingt
- quatre
mille pour faire la somme
de cinquante mille Horins
par an ; sur lesquels on en
retiendra dix mille pour
l'entretien de ces Maisons,
8c cela outre les biens donc
il joiiic déja; que la Princes.
se veuve, en qualité de Mere
& de Tutrice de son enfant
ou enfans
3
jouira de la
Maifoii de Loo; de la fomme
de cinquante mille florins
par an ,
qui fera prise
sur les biensde la fucceisson,
&unesomme decinquante
mille florinsune fois payée;
& que six mois après laccouchcment
de cette Prin
cess elle envoyera des Plénipotentiaires
pour termu
ner les pretentions de parc
& d'autre.
1
Madame la Duchesse de
Berry estant accouchée
avant terme le u. Juillet
d'une Princesse qui mourut
en même tem ps , on porta
son corps à SaintDenisle
13.Il y fut accompagné par
Mr la DacheffedeBeauvil
lier & par Me la Marquise
de Chastillon,& il fut inhumé
par Mr l'Evêque de
Séez premier Aumônier de
Monfcigncur le Duc de
Berry.
Charles Claude
,
Sire
& Comte de Breauté, Marquis
du Hotot
,
&c.Maistre
de la Garderobbe de S. A. R,
Philippe petitfils deFrance
Duc d'Orléans, mourut le xi. Juilleten sa 46.année,
Anne Geneviève Charr
rier épousede Charles Cesar
Le scalopier Maistre des
Requestes, & Intendant du
Commerce & de la Generalité
de Châlons,mourus
le14. Juillet.; Annele Maistre,épousede
Marc Anne Goiflard Seigneur
de Montsabert, Baron
de Toureil
)
&c. Conseiller
au Parlement
s mou- *
rut le 26. Juillet. i
MichelFrançois de Bethune
Comte de Charost mourut
le z6. Juillet dans sa
sisiemeannée.Ilestoit fils
d'Armand de Bethune Duc
de Charost& de Catherine
de Lamet sa sécondé femme.
I.(¡
Jean Baptiste Jacques
Ollier Marquis de Veneuil,
Seigneur de Preau Maistre
de la. Garderobbe de feue
S. A. R. Monsieur Frere
unique du Roy, mourut le
17. Juilletâgéde50. ans. Il
estoit Gouverneur deDomfont.
Henry Charles Arnauld
Comte de Pomponne,
mourut le 2.7.Juillet âgé
de 14.ans 7. mois. Ilestoit
fils de Nicolas Simon Arnaud
Marquis de Pomponne
, Sire Baron de Ferrieres,
Chambrois
,
Auquiville
Marqnis de Paloifeau
,
&c.
BrigadierdesArmées du
Roy; Lieutenant General
& Commandant pour Sa
Majeste aux Provinces de
l'isle de France & Soissonnois
; &de Confiance de
Harville Paloiseau.
Le Pere Jean de la Roche
, Prestre de l'Oratoire
fameux Predicateur, mourut
le 18Juittec.: -
François d'Anglure de
Bourlaymont, Docteur en
Theologie de la Faculté de
Paris, qui avoit été nommé
à l'Evêché de Pamiers
en 1681. qui s'en éroit démis
en 1685. sans avoir esté
Sacré, & qui fut nommé à
lors Abbé de Saint Florent
de Saumur, mourut le i-f.
Juillet. Il étoit fils de Nicolas
Marquis de Bourlaymont,
Gouverneur de Sesnay.
Gaspart- Claude Noler,
Docteur en Thologic de la
Faculté de Paris & Chanoi
ne de Nostre Dame, mourut
le premier Aoust âgé de j3.ans.
Mrle Cardinal de Noailles,
a donné son Canonicat
à Mr l'Abbé Vivant, son
Grand Vicaire& Penitentier
del'EglisedeParis,ci devant
.Curé de S.Leusson meriteest
connu de tout le monde..
Alsonce de. Bonne de
Crequi Duc de Lesdiguiéres,
Paire de France,mourut
le 5. Aoust âgé de 85,
ans. Son Corps a esté ports
aux Carmelitesde S. Denis
en France, où a esté inhi*.
méeAnne du Roure sa
mere, qui mourut le 18,
Février. 1686. &qui étoit
veuve de Charles Sire de"
Grequi & de Canapies, , Mestrede Camp du Regi:
ment des Gardes;.mort de
la blessure qu'il reçueau
siege de Chamberylanuitdu14.
au IJ.May 1630.
& qui étoit second fils de
Charles Sire de Crequi Duc
de Lesdiguiéres Maréchal
de France. Celuy qui vient
de mourir avoitépousé à
l'âge de 75. ans le u Septembre
1702. Gabrielle
Victoire de Rochechoüart
fille de Louis Duc de Vivonne
Pair &Maréchal de France
,
& d'Antoinette de
Mesmes, dont il n'a point
cû d'enfans.
Marie Anne Picques
épouse , de Loüis Gabriel
Portail
j
Chevalier Seigneur
de Fresnceu ,&au paravant
veuve de François Pajoc
Seigneur de Cordon,rnourut
le 6. Aoust âgée de quarante
-
iix ans, sans laisser
de postencé de ses deux alliances.
Florcnt de Marparaulr,
Marquis du même lieu
,
mourut le 7. Août.
Nicolle Miron, veuve
de DanielJacquinot
, Seigneur des Pressoirs
,
mourut le 9. Aoustâgée de
85. ans.
Claude le Pelletier
Conseillcr d'Etat ordinaire
; President Honoraire
du Parlement, Minifstr
d'Etat, cy- devant Prevost
des Marchands
,
Contrôlleur
General des Finances,
& sur-Intendant des postes
mourut le 10. Aoust en sa
8 1. année. Il y avoit déjà
long
- temps qu'ils'étoit
retiré du Monde ; & qu'il
ne s'ocupoit qu'à des oeeuvres
de Pieté., & particulièrement
à soulager les Pauvres.
1 Monsieur de Canaples,
ancien Commandant de la
Ville de Lyon dont on vient
de parler, avoir pris le nom
-
de Lesdiguiéres) & c'est luy
qui étoit le dernier de cec-
Ite Maison. Il avoir douze
mille livres de pension de
la Ville de Lyon; comme
6
Commandant, dont il s'en
estoit reservé neuf mille
i
lors qu'il se démit de ce
Commandement en faveur
de M' de Rochebonne en
luy laissant les trois autres
mille livres. Depuislamort
de M' de Canaples la penfion
de neuf mille livres
E
qu'ils'értit reservée sur
li.
celle de douze que fait la
Ville au Commandant ; a
cfté donnée,à Monsieur le
Duc de Villeroy.
Depuis la mort de Monseigneur,
le Roy a acordé
à Madame la Dauphine, la
Nef, le Cadenas, le Bâton
de Maistre d'Hotel & la
Musique. Elle mangea pour
la premiere fois à son grand
Couvert comme Dauphine
le 8. Aoust, & elle fut servie
par Monsieur le Marquis de
Vilacerfson premier Maître
d'Hostel; & le 10. elle fut
servie aussi à son grand
Couvert par Mr de la Croix
son Maître d'Hostel. Il se
rendit à la bouche avec ses
Officiers, lava ses mains; le
Contrôlleur & le Gentilhomme
servant les lavetent
ensuite; l'Ecuyer ordinaire
de la Bouche luy presenta
une Assiettesurlaquelle il
y avoir des Mouillettes - do
pain; il en prit deux avec
lefquclles il toucha tous les
Mets les uns après les autres;
il en donna une à manger à
l'Ecuyer de la Bouche, ensuite
il prit son Baston des
mains de l'Hussier du Bu-f
reau qui l'y avoit apporté.
puis la marche commença
en cet ordre. Un Garde du
Corps du Roy ayant la
Carabine sur l'épaule; un
Huissier de Salle & un
Huissier du Bureau, Mr de
la Croix marchoit derriere
eux, ayant son Baston de
Maistre d'Hostel à la main.
Un Gentil
-
homme servant
& le Contrôlieur portant
chacun un Plat, l'Ecuyer de
la Bouche & les autres
Officiers de la Bouche en
portant aussî chacun un,
marchaient ensuite. Lors
qu'ilsfurent arrivez à la Salleoù
estoit le prest, Mr de la
Croix vit mettre tous les
Plats surlaTable, où un
Gentil-homme servant qui
étoit de Garde au prest, fit
un nouvel essai de chaque
Plat: & donna la Mouillette
dont il avoit fait l'éssai à
chacun de ceux qui avoient
porté les Plats, après quoy
Mr de la Croix les vit met--
tersurla Table par les Gentils-
hommes servants. ;
*i IIlallaen suite,ayant Tonv
Baston à la main,, avertir
Monseigneur le Dauphin;
<k Madame la Dauphine;
puis il revint à la Table ou
il attendit Monseigneur le
Dauphin. Dés qu'il parut
il mit son Chapeau & son
Baston entre les mains du
Chef de Gobelet, & presensa
à ce Prince une serviette
mouilléequiétoic
encre deux Assiettes d'or
pour se laver les mains; il
prit ensuite une autre serviette
mouilléeaussï cntre
deux Alliettes d'or qu'il
presenta de mesme à Madame
la Dauphine. Un
Gentilhomme servant presenta
une autre serviette
mouillée aussi entre deux
assiettes ,à Madame
,
qui
mangea pour la première
fois avec Madame la Dauphine
à son grand couvert
Alors Mr de la Croix
reprit son Bâton & son Chapeau
,&retourna à la bouche
precedé feulement d'un
Garde du Corps & des deux
Huissiers.L'essay du second
fcrvice ne se fit point à IfI
bouche; mais au prest où
citoit la Nef. Il se plaçaen- t
:-
suite au costédroit du Fauteuil
de Monseigneur le
Dauphinoùil restapendant
toutle repasayant toujours
son Bâton à la main; les
Genciihommes servants firentle
Service de même que
cchheezz le RRooyj.
-
Il y avoir à ce repas une
tres grande Assemblée de
Dames;il y en avoit treize
qui avoient le Tabouret
,
les autresestoient debour.
Monfcigneur le Dauphin&
Madame la Dauphine tinrent
ensuite un Cercle dé
Dames comme chez le Roy
aprèssonsoupé; Cérémonie
qui si fait pour les re'--
mercier.
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Résumé : NOUVELLES de divers endroits.
Le texte relate divers événements militaires et décès notables. Le navire français 'L'Aigle' a coulé une frégate hollandaise après un combat de plus de deux heures, mais son capitaine a été tué. Le 30 juillet, une escadre anglaise de 11 vaisseaux a été aperçue près de Bayonne. Un navire français a capturé un bateau hollandais chargé de vins près de Lisbonne. Plusieurs personnalités ont également péri, dont le duc d'Albe, ambassadeur d'Espagne en France, décédé à l'âge de 41 ans après une longue maladie. Sa veuve s'est retirée au couvent du Val-de-Grâce. Le marquis de Vieuxpont, lieutenant général des armées du roi, est mort à l'âge de 36 ans. Le chevalier de Chabert, chef d'escadre, est décédé à Toulon après avoir ramené une riche cargaison d'argent. Le marquis de Sourdeilles, lieutenant du roi en Limousin, est mort à l'âge de 44 ans. Parmi les autres décès notables, on compte le prince de Nassau, stathouder de Frise, noyé avec le brigadier Wilkes. La duchesse de Berry a accouché prématurément d'une princesse qui est décédée peu après. Le texte mentionne également des événements et des transferts de responsabilités au sein de la cour. Un commandant avait réservé neuf mille livres, laissant trois mille livres à M. de Rochebonne après sa démission. Suite au décès de M. de Canaples, la pension de neuf mille livres a été transmise au Duc de Villeroy. Après la mort de Monseigneur, le roi a accordé à Madame la Dauphine divers privilèges, dont la Nef, le Cadenas, le Bâton de Maître d'Hôtel et la Musique. Elle a participé pour la première fois à un grand couvert le 8 août, servie par le Marquis de Vilacerf, et le 10 août par M. de la Croix, son Maître d'Hôtel. Ce dernier a suivi un protocole précis, incluant la présentation des mets et l'utilisation de mouillettes. Lors du repas, une grande assemblée de dames était présente, avec treize d'entre elles ayant le privilège du tabouret. Après le souper, Monseigneur le Dauphin et Madame la Dauphine ont tenu un cercle de dames pour remercier les invités.
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20
p. 68-73
« D'autres Lettres portent que le General Staremberg s'estoit [...] »
Début :
D'autres Lettres portent que le General Staremberg s'estoit [...]
Mots clefs :
Troupes, Vaisseau, Portugal, Barcelone, Bataillons
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texteReconnaissance textuelle : « D'autres Lettres portent que le General Staremberg s'estoit [...] »
Dautres Lettres portent
que le General Srarcmberg
s'cfioit effectivement mis en
campagne,qu'il avoir partagé
ses troupes en trois
corps dont les deux plus
confiderablcs avoient esté
portez entre Igualada &
Montblanc pour coupcr le
chemin de Barcelonne
,
&
couvrir la Plaine de Tarragone
; que ion Quartier
gênerai estoit à SantaColoma
;que l'autre corps, con.
Manc en trois mille homà.
mes avoit esté envoyé à
Oftalric pour observer un
Camp volant de troupes
Françoises qui estoit du
coilé de Gironne, & que ce
General attendoit un renfort
de neuf bataillons Arcglois
qui devoient venir dé
Portugal.
Qael'Arméed'Espagne
qui estoit composée de cinquante
quatre Bataillons Br.
de (oixante & dix sept Efcadrons
estoit tres belle Se
abondamment pourvûe de
toutes les chofesnecefiaires$>
que celle des ennemis, mailquoit
de vivres,& même
d'eau-,&quel'Archiduc ne
s'efioit poinc encore embarqué
j mais qu'il devoir
partir incessamment avec
une Fiotc de trente deux
.Vaisseaux qui s'ettoient assemblez
à Barcelonne.
Les Lettres de Cadix du
11. Aoust difenc que le 8.
il y estoit arrivé quatre Bastimens
Portugais de la
Flote du Brcfil pris par plusieurs
Armateurs François,
qui après les avoir amarincz)
avoient continué de poursuivre
le reste de la Flote;
que cette nouvelle avoit
fort déconcerté les Negotians
de Lisbonne d'où l'on
avoir fait partir pluficurs
Navires pour aller chercher
des bleds en Affrique;
mais quiy estoient revenus
sur l'avis qu'ils avoient eu
que quelques Vaisseaux de
guerre François croisoient
sur leur route, ce qui avoit
encore fait augmenter le
prix des grains qui eftoic
déja fort haut. Ces mêmes
Lettres confirment la grande
desertion des troupes de
la Garniion de Gibraltarfaute
de payement &qu'outre
les deux cens hommes qui
en estoient fortis fous prétexte
dallerenparty &qui
estoient venus se rendrc
avec leurs Officiers, il en
arrivoit fouvenc d'autres.
:.
Celles de Madriddu24,
du même mois portent
qu'on aeu des avjs dEftremadure
qui confirmentque
les troupes Angloises qui
font en Portugal marchoient
à Llfbonne ou elles
.devoients'embarquer pour
j>aflfe£ en Catalogne,&que
les,
lesPortugais en paroissoient
fort mécontens.
que le General Srarcmberg
s'cfioit effectivement mis en
campagne,qu'il avoir partagé
ses troupes en trois
corps dont les deux plus
confiderablcs avoient esté
portez entre Igualada &
Montblanc pour coupcr le
chemin de Barcelonne
,
&
couvrir la Plaine de Tarragone
; que ion Quartier
gênerai estoit à SantaColoma
;que l'autre corps, con.
Manc en trois mille homà.
mes avoit esté envoyé à
Oftalric pour observer un
Camp volant de troupes
Françoises qui estoit du
coilé de Gironne, & que ce
General attendoit un renfort
de neuf bataillons Arcglois
qui devoient venir dé
Portugal.
Qael'Arméed'Espagne
qui estoit composée de cinquante
quatre Bataillons Br.
de (oixante & dix sept Efcadrons
estoit tres belle Se
abondamment pourvûe de
toutes les chofesnecefiaires$>
que celle des ennemis, mailquoit
de vivres,& même
d'eau-,&quel'Archiduc ne
s'efioit poinc encore embarqué
j mais qu'il devoir
partir incessamment avec
une Fiotc de trente deux
.Vaisseaux qui s'ettoient assemblez
à Barcelonne.
Les Lettres de Cadix du
11. Aoust difenc que le 8.
il y estoit arrivé quatre Bastimens
Portugais de la
Flote du Brcfil pris par plusieurs
Armateurs François,
qui après les avoir amarincz)
avoient continué de poursuivre
le reste de la Flote;
que cette nouvelle avoit
fort déconcerté les Negotians
de Lisbonne d'où l'on
avoir fait partir pluficurs
Navires pour aller chercher
des bleds en Affrique;
mais quiy estoient revenus
sur l'avis qu'ils avoient eu
que quelques Vaisseaux de
guerre François croisoient
sur leur route, ce qui avoit
encore fait augmenter le
prix des grains qui eftoic
déja fort haut. Ces mêmes
Lettres confirment la grande
desertion des troupes de
la Garniion de Gibraltarfaute
de payement &qu'outre
les deux cens hommes qui
en estoient fortis fous prétexte
dallerenparty &qui
estoient venus se rendrc
avec leurs Officiers, il en
arrivoit fouvenc d'autres.
:.
Celles de Madriddu24,
du même mois portent
qu'on aeu des avjs dEftremadure
qui confirmentque
les troupes Angloises qui
font en Portugal marchoient
à Llfbonne ou elles
.devoients'embarquer pour
j>aflfe£ en Catalogne,&que
les,
lesPortugais en paroissoient
fort mécontens.
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Résumé : « D'autres Lettres portent que le General Staremberg s'estoit [...] »
Le texte décrit les mouvements militaires et logistiques des troupes et des flottes. Le général Starhemberg a déployé ses troupes en trois corps. Deux corps sont positionnés entre Igualada et Montblanc pour bloquer l'accès à Barcelone et protéger la plaine de Tarragone, tandis que le quartier général est à Santa Coloma. Un troisième corps de trois mille hommes est envoyé à Hostalric pour surveiller des troupes françaises près de Gérone. Starhemberg attend des renforts de neuf bataillons anglais venant du Portugal. L'armée espagnole, composée de cinquante-quatre bataillons et soixante-dix-sept escadrons, est bien équipée et approvisionnée, contrairement aux ennemis qui manquent de vivres et d'eau. L'archiduc doit partir avec une flotte de trente-deux vaisseaux rassemblée à Barcelone. Des lettres de Cadix rapportent la capture de quatre bâtiments portugais par des armateurs français, perturbant les négociants de Lisbonne. Les prix des grains ont augmenté en raison de la présence de vaisseaux de guerre français. Les mêmes lettres confirment une grande désertion parmi les troupes de Gibraltar en raison du non-paiement des soldes. Des lettres de Madrid indiquent que les troupes anglaises au Portugal se dirigent vers Lisbonne pour s'embarquer vers la Catalogne, suscitant le mécontentement des Portugais.
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21
p. 1-76
HISTOIRE toute veritable.
Début :
Dans les Ilsles d'Hieres est scitué entre des rochers [...]
Mots clefs :
Îles d'Hyères, Amant, Vaisseau, Amour, Homme, Soeur, Capitaine, Château, Surprise, Passion, Roman, Chambre, Mariage, Négociant, Gentilhomme, Rochers, Mari, Bonheur, Fortune, Esprit, Fille, Joie, Mérite, Équivoque , Valets, Mer, Maître, Lecteur, Infidélité, Rivage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : HISTOIRE toute veritable.
DAns les Isles d'Hieres
cft scitué entre
;:
des rochers, sur le bord
1
de la mer, un petit Chasteau
antique, dont la
deicription.xnericeroii
d'occuper trentepagedansun
Roman Espagnol
maisl'impatience
du Lecteur François
paslè à present pour alIcJ
au fait , par dessus le
descriptions, &les converfations
qui amufoien
si agréablement nospe
res^5 je ne parleray dota
icyque d'une allée d'O
rangers fort commun
dans lesIslesd-Hieres
c'est fous ces Orangers
qui couvrent une espece
de terrasse naturelle, que
se promenoient au mois
de Septembre dernier,
deux foeurs, dont le pere
habite ce Chasteauiblitaire.
L'aisnée de ces deux
soeurs peut estrecitée
pour belle, & la cadette
est très-jolie
,
l'une est
faite pour causer de l'admiration,
l'autre est plus
propre à donner de Pal
mour ; raifnée que je
nommeray Lucille, a du
merveilleux dans l'esprit;
Marianne sa cadette si
contente d'avoir du naturel
& del'enjouement
elle joint à cela un bot
coeur & beaucoup de
raison: Lucilleaaussi de
la raison, mais ellç a ui
fond de fierté, Se d'à
mour pour ellemesme
qui lempesche d'aimé
les autres. Marianne ai
moit sa soeur tendre
ment, quoyque cette aisnée
méprisante prit sur
elle certaine superiorité
,
que les semmes graves
croyent
-
avoir sur les enjouées.
Lucilles'avançoit
à pas lents vers le bout de
la terrasse qui regarde la
mer,elle estoit triste depuis
quelques jours, Marianne
,
la plaifancoitsur
ce que leur pere vouloit
lamarier par interest de
famille à un Gentilhomme
voisin, qui n'estoit ny
jeune ny aimable. Ce
mariagene vous convient
gueres, luy disoit Marianne
en badinant jvom
ejfie{ née pôur époujer à
la fin d'un Roman, quelque
Gyrus9 ou quelque
Qroftdate.
Lucilleavoiteneffet,
cet esprit romanesque àpresent
banni de Paris &
des Provincesmefiiie, &
relegué dans quelque
Chasteau defèrt comme
celuy qu'habitoit Lucilleoù
l'on n'a d'autre
societé que celle des Romans.
Elle tenoit alors en
main celuy de Hero
dont elle avoit leu , certainsendroits
tres - convenables
aux idées qui
l'occupoient
,
& après
avoir long-temps parcouru
des yeux la pleine
mer ,
elle tombadans,
une rêverie profonde:
Marianne lapriadeluy,
en dire la cause, elle
ne respondoit que par
des soupirs
,
mais Marianne
la pressa tant
qu'elle résolut enfinde
rompre le silence. D'abord,
malgré sa fierté
naturelle, elle s'abbaissa
jusqu'à embrassèr sa ca- dette
,
& l'embrassa
de bon coeur, car elle
aimoit tendrement ceux
dont elle avoitbesoin,
Ensuite,presentant d'un
air précieux son Livre
ouvert à Marianne, liseZ,
luy dit-elle
,
lifcz> icy les
inquietudes ce les allarmes
de la tendreHero,
attendant sur une tour
son cherLeandrequi devoit
traverser les mers
pourvenir au rendez:
vous. Je n'ay pas besoin
de lire ce Livre, luy ref:
pondit Marianne, pour
jçavoirque vous attendez
comme Hero
, un cher
Leandre. La parente de
ce Leandre
,
ma conté
rvoftre avanture , que
FAJ feint d'ignorer par
discretion f5 parrejpe£f
pour mon aisnée;je sçais
qu'enquittant cette Ijle,.
où il vint ily a quelques
mois, il vouspromit dj
revenirpour vous demander
en mariage à mon
pere. '1;
Lucille la voyant si
bien instruite, acheva de
luy faire confidence de
son amour, c'est-à-dire,
de l'amour qu'elle s'imaginoit
avoir car lesrichesses
& la qualité dec
son Leandre l'avoient
beaucoup plus touchée
que son merite, mais
elle se piquoit de grands
fentinlents, &à force de
les affeder.,elles-li-naginoit
ressentir ce qu'elle ne
faisoitqu'imaginer
: elle
n'avoit alors que la poësie
de l'amour dans lateste3
& elle dit à Marianne
tout cequ'on pourroit
écrire de mieux sur la
plus belle passion dit
monde.
Venonsaujait,luydit
Marianne, Leandre est
très- riche: le maryque
mon pere vous donne ne test gueres, (jf je rveux
bien epoujerceluy-cy pour
wous laisserlibrea9epoufer
l'autre> j'obtiendray cela
de mon pere.
Le pere estoit un bon
gentilhomme, qui charmé
de l'humeur de Marianne
,Taimoit beaucoup
plus que son aisnée
,
c'estoit à table sur
tout que le bon homme,
sensible auplaisir du bon
vin & de l'enjouement
de sa cadette,regloit avec
elle les affaires de sa samille
; elle eut pourtant
de la peine à obtenir de
ce pere scrupuleux sur le
droit d'aisnesse, qu'il mariast
une cadette avant
une aisnée, il fallut que
Lucillecedaft ion droit
d'aisnesse à Marianne par
un écrit qui fut signé à
table:&Lucillen'osant
dire sonvray motifà son
pere,dit seulement,qu'-
ellesentoit jenescay quelle
antipathiepour le mary
quelle cedoit à sa flEur.
On plaisanta beaucoup
sur ce mary cedé avec
le droit d'aisnesse
,
le
bon homme but à la
fanté de Marianne devenuë
l'aisnée, le mariage
fut resolu, & l'on le fit
agréer au gentilhomme,
qui aima mieux Marianne
que Lucille, parce
qu'en effet
, quoyque
moins belle, elle se faifmoit
beauecouprpl.us ai- Le mariage résolu, les
deux foeurs furent également
contentes; car Marianneindifférente
sur ses
propres interests, partageoit
sincerement avec
sa soeur l'esperance d'une
fortune brillante : cependant
quelques jours s'écoulerent
,
& le temps
que Leandre avoit marqué
pour ion retour, ettoit
desja passé. Lucille
commençoit à ressentir
de mortelles inquietudes,
& Marianne retardoit de
jouren jourson petit establissement,
resoluë de le
ceder à sa soeur en cas
que l'autre luy manquait.
::..
Un jour enfin elles estoient
toutes deux au
bout de cette mesme terrasse
d'oùl'ondécouvroit
la pleine mer. Lucille
avoit
avoit les yeux fixez vers
la rade de Toulon, d'où
devoit partir celuy qui
nes'estoit separé d'elle
que pour aller disposer
fès parents à ce mariage:
elle estoit plongée dans
la tristesse lorsqu'elle apperceut
un vaisseau; cet
objet la transporta de
joye, comme s'il n'eust
pû y avoir sur la mer que
le vaisseau qui devoit luy
ramenerson amant; sa
joye futbien plus grande
encore;lorsqu'un vent
qui s'éleva,sembla pouf
fer ce vaisseau du costé
de son Isle; mais ce vent
ne fut pas long-temps favorable
à ses desirs. Ce
vaisseaus'aprochoitpourtant
d'une grande vitesse,
mais il se forma tout à
coup une tempeste si fiirieuse
,
qu'elle luy fit
voir des abysmesouverts
pour son Leandre.La Romanesque
Lucille diroit
sans doute en racontant
cet endroit de ion hiitoire
: que la tourmente nefut
pas moins orageusè,.
dansson coeur quesur Itt;
mer où le vaisseaupensa
perir.
Après quelques heures
de peril, un coup de
vent jetta le vaisseau sur
le rivage entre des rochers
qui joignent 1q
Chasteau, jugez du plaisir
qu'eutLucille en voyranet
sotnéAm.ant en seuLeandre
devoit se trouver
à son retour chez une
voisine où s'estoient faites
les premieres entreveuës
,
elle estoit
pour lors au Chasteau
où les deux soeurs coururent
l'avertir de ce
qu'elles venoient devoir,
& elles jugerent à propos
de n'en point encore
parler au pere. Lucille
luy dit qu'elle alloit coucher
ce soir-là chez cette
voisine, car elle y alloit
assez souvent,& Marianne
resta pour tenir compagnie
à son pere ,qui
ne pouvoit se
,
d'ellepas.ser
;
Un moment aprèsque
Lucille & la voisine furent
montées en carosse.,
un homme du vaisseau
vint demander à parler
au maistreduChasteau,
cet homme estoit une cCpece
de valet grossier qui
debuta par un recit douloureux
de ce que son
jeune maistre avoit souffert
pendant la tcmpefie).
& pour exciter la compassion,
il s'eftendoit sur
les bonnes qualitez de ce,
jeune maistre qui demandoitdu
secours & le couvert
pour cette nuit.
Le pere qui estoit le
meilleurhommedumonde
,
fit allumer au plus
viste des flambeaux, parce
qu'il estoit presque
nuit; il voulut aller luymesme
aurivage où Marianne
le suivit,curieuse
de voir l'Amant de sa
soeur, &' ne doutant
point qu'il n'eust pris le
pretexte de la tempeste ,
pour venir incognito dans
le Chasteauoù il pourroit
voir Lucille plus
promptement que chez
sa parente.
En marchant vers le
rivage on apperceut à la
lueurd'autres flambeaux
dans un chemin creux
entre des rochers, plusieurs
valets occupez autour
du nouveau debarqué,
qui fatigué de ce
qu'il avoit souffert, tomba
dans une espece d'évanoüissement,
l'on s'arresta
quelque temps pour
luy donner du secours :
Marianne le consideroit
attentivement
,
elle admiroit
sa bonne mine,
& l'admira tant, qu'elle
ne put s'empescher ,elle
quin'estoit point envieu-
Lé, d'envier à sa ïbeur le
bonheur
bonheurd'avoir un tel
Amant;cependant il revenoit
à luy, il souffroit
beaucoup; mais dès qu'il
eut jetté les yeuxsur Marianne,
son mal fut suspendu,
il ne sentit plus
que leplaisir de la voir.
Admirez icy lavariété
des effets de l'amour, la
vivacité naturelle de Marianne
,
est tout à coup
rallentie par une passion
naissante, pendant qu'un
homme presque mortest
ranimé par un feu dont
la, violence se fit sentir
au premier coup d'oeil,
jamais passion ne fut plus
vive dans sa naissance;
comment est-ilpossible,
dira-t'on quece Leandre,
tout occupéd'une autre
passion qui luy fait traverser
les mers pour Lucille,
soit d'abord si sensible
pour Marianne. Il
n'est pas encore temps de
respondre à cette question.
Imaginez-vousseulementun
hommequine
languit plus que d'a
mour ; les yeux fixez
sur Marianne, qui avoit
les siens baissez contre
terre ,
ils estoient
muets l'un & l'autre, 6C
le pere marchant entre
eux deux, fournissoitseul
à la conversation sans se
douter de la cau se de leur
silence. Enfin ils arrivent
au Chasteau,oùMarianne
donne d'abord
tous ses soins, elle court,
elle ordonne, elle s'empresse
pour cet hoste ai-
Jnahle avec un zele qu'-
elle ne croit encore anirne
que par latendresse
de l'hospitalité: le pere
donna ordre qu'on ailaft
avertir Lucille de revenir
au plustost pour rendre
la compagnie plus agréable
à son nouvel hoste
qu'on avoit laissé seul en
liberté avec ses valets
dans une chambre.
On alla avertir Lucille
chez sa voisine
,
elle
vint au plus viste, elle
estoit au camble de sa
joyc,&Marianne au contraire
commençoitàeftrc
fort chagrine, cette vertueuse
fille s'estoit desja
apperceuë de son amour,
elle avoit honte de se
trouver rivale de la soeur,
mais elle prit dans le moment
une forte resolutiondevaincre
une passion
si contraire aux sentimens
vertueux qui luy
estroient naturels ; elle
court au devant de Lucille,&
la felicite de
bonne foy
,
elle fait l'éloge
de celuy qui vient
d'arriver
elle luy exagere
tout ce qu'elle st
trouvé d'aimable dans sa
phisionomie,
dans l'og
air, & se laissant insensiblement
emporter au
plaisir de le louër
,
elle
luy en fait une peinture
si vive qu'elle se la grave
dans le coeur à elle-mesme,
encore plus prorondementqu'elle
n'y estoit;
elle finit cet éloge par un
soupir, en s'écriant: Ah,
ma soeur, que rvous estes
heureuse ! &£ faisant aufsitost
reflexion sur ce
soupir, elle resta muette,
confuse, & fort surprise
de seretrouver encore
•
amoureuse après avoir
resolu de ne l'estre plus.
Lucille en attendant
que [on Leandre parust,
fit force reflexions Romanelques
lur la singularité
de cette avanture ;
je fuis enchantée, difoitelle
, du procédé mysterieux
de cet Amant delicat
,
il feint de s'évanoüir
entre des rochers
en presence de mon pere,
pour avoir un prétexte
de venir,incognito me furprendre
agréablement,
je veux moy par delicatesse
aussi, luy laisser le
plaisir de me croire surprise,
& je seindray dèsqu'il
paroiftra un estonnement
extreme de trouver
dans un hoste inconnu
l'objet charmant.
En cet endroit Lucille
fut interrompue par un
valet qui vint annoncer
le souper, les deux foeur£
entrerent dans la salle
par une porte pendant
que le pere y entroit par
l'autre avec l'objet cher,
mant, qui s'avança pour
saluërLucille: dès quelle
l'apperceut elle fit
un cri, & resta immobile
, quoy qu'elle eust
promis de feindre de la
surprise; Marianne trouva
la feinte un peu outrée;
le pere n'y prit pointgarde,
parce qu'il ne prenoit
garde à rien, tantil estoit
bon homme,
Lucille estoit réelle*
ment tres eftonnée
,
SC
on le feroit à moins, car
cet inconnu n'estoit
point le Leandre qu'-
elle attendoit, c'estoit
un jeune négociant, mais
aussi aimable par son air
& par sa figure que le
Cavalier le plus galant.
Il estoit tres riche
,
ôd
rapportoit des Indes
quantité de marchandé
ses dans son vaisseau
,
il
avoit esté surpris d'un
vent contraire, en tou..
chantla Rade de Toulon,
& jetté, comme vous
avez veu, dans cette iHe.
Ce jeune Amant se
mit à table avec le pere
&: les deux filles, le fou-i
per ne fut pas fort guay ,
il n'y avoir que le perc
de content
,
aussin'y
avoit-il que luy qui parlait
, le negociant encore
estourdi du naufrage,&€
beaucoup plus de son
nouvel amour , ne respondoit
que par quelques
mots de politesse,
& ce qui paroistra surprenant
icy, c'est, qu'en
deux heures de temps
qu'on fut à table, ny là
pere ny les filles ne s'apperceurent
point de foa
amour; Lucille ne pouvant
regarder ce faux
Leandre sans douleur,
eut tousjours les yeux
baissez, & Mariannes'estant
apperceuë qu'elle
prenoit trop de plaisîr à
le voir, s'en punissoit en
ne le regardant qu'à la
dérobée; à l'égard du
pere il estoit bien esloignéde
devinerun amour
si prompt &, si violent.
Il faut remarquer icy
que le pere qui estoit bon
convive, excitoit sans
cesse son hoste à boire,&
ses filles à le réjoüir :
Qî£ejl donc devenue ta
belle humeur? disoit il à
Marianne, aussitostelle
s'efforçoit de paroistre
enjoüée, & comme les
plaisanteries ne viennent
pas aisément a ceux qui
les cherchent, la première
qui luy vint, fut sur
le droit d'aisnesse
,
qui
faisoit depuis quelques
jours le sujet de leurs
conversations, jesuis fort
surprise, dit Marianne à
son pere , que vous me
demandiez de la guayeté
quand je dois estre serieuse,
la gravité m'appartientcomme
à l'aisnée, 8c
l'enjouement est le partage
des cadettes: & le
negociant conclut naturellement
de là que Marianne
estoit l'aisnée, Sc
c'est ce qui fit le lendemain
un Equivoque facheux,
le pere ne se souvenant
plus de ces pro
posde table, son caractere
estoit d'oublierau se,
cond verre de vintout ce
que le premier luy avoit
faitdire,enfin après avoir
bien régalé son hoste
,
il
leconduisitàsa chambre;
&Lucillequirestaseule
avec sa soeur luyapprit
que ce n'estoit point là
son Amant. Quelle joye
eust esté celle de Marianne
ne si elleavoiteu le coeur
moins bon, mais elle fut
presque aussiaffligée de
la tristesse de sa soeur.,
qu'elle fut contente de
n'avoir plus de rivale.,
Les deux soeurs se retirèrent
chacune dans
leur chambre où elles ne
dormirent gueres. Marianne
s'abandonna sans
fcrupule à toutes les idées
qui pouvoient flatter son
amour, & Lucille ne faifoit
que de tristes reflexions
,
desesperant de rc4
voir jamais ce Leandre , de qui elle esperoit sa fortune,
mais elle estoitdestinée
à estre rejouië par
tous les événements qui
chagrineroient Mariant
ne : le jeune négociant
estoit vif dans £espat
sions,& de plus il n'avoit
pas le loisir de languir;
il falloit quil s'en retournast
aux Indes, Il prit
sa resolution aussi promptement
queson-amour
luy estoit venu. Le pere
entrant le matin dans sa
chambre,, luy demanda
s'il avoit bien passé la
nuit: Helas, luy rcfpondit-
il, je l'ay fort mal
poejjsée, maisj'ay huit cens
millefrancsd'gaernt ccoormn*-
ptant, le pere ne comprenoit
rien d'abord à cette
éloquence de négociant
1; l'Amantpaflîoanés'expliqua.
plus clairement
ensuite ,il luy demanda
ça, mariage f-. fille aifnée^
ils estoient l'un & l'autre;
pleins de franchise, leur
affaire fut bien tost concluë,
& le pere sortit de
la chambre, conjurant
son hoste de prendre
quelques heures de repos
pendant qu'il iroit
annoncer cette bonne
nouvelle à safille aimée,
ce bon homme estoit si
transporté qu'il ne se fouvint
point alors des plaisanteries
qu'onavoit faites
à table Cuxlc droit
d'aisnesse de Marianne
que le négociant avoit
prises à la lettre. Cet
équivoque fut bien triste
pour Marianne au mo-*
ment que le pere vint annoncer
à Lucille que le
riche negociant estoit
amoureux d'elle,&Lucille
voyant le négociant
beaucoup plus riche que:
son Leandre, ne pensa
plusqu'à justifier son inconfiance
par de grande
Íentiments, & elle en
trouvoit sur tout,pour
& contre, son devoir luy
en fournissoit un, il est
beau desacrifierson a,
mour a lavoloté d'un pere.
A l'égard de Mariant
ne ellefe feroit livrée dabord
auplaisir devoir sa
soeur bien pourveuë
ceuss esté là son premier
mouvement, mais un
autre premier mouvez
ment la sassit: quelle dou-r
leur d'apprendre que celuy
qu'elle aime ,
eili
amoureux de sa soeur.
Pendant que toutcecy
se passoit au Chasteau,
Leandre , le veritable
Leandre arriva chez sa
parente, qui vint avec
empressement en avertir
Lucille, mais elle la trou-
Va insensible à cette nouvelle
, sa belle passion
avoit disparu, Leandre
devoit arriverplustost
elle jugea par delicatesse,
qu'un Amantqui venoit
trop tard aurendez-vous,
n'ayantque cinquante
milleescus; meritoit bien
quon le facrifiaft à un
mary de huit cens mille
livres. La parente de
Leandre s'écria. d'abord
sur une infidélité si lfiar-"
quéé>maisLucille luy
prouva par les regles de
Xofçipm leplusfiné que
Leandre avoit le premier
tort ,que les feuç^de
coeur ne ie pardonnent
point, que plus une fem*
meaime., Rlus-.;clle doit
se
se venger, & que la vengeance
la plus delicate
qu'on puisseprendre d'un
Amant qui oublie c'etf
d'oublieraussi.
Lucille
,
après s'estre
très spirituellement justifiée
, courut à sa toillette
se parer, pour estre belle
comme un astre au reveil
de son Amant, & la parente
de Leandrequis'in
reressoit à luy parune ve.
ritable amitié, retourna
chez elle si indignée, qu'
elle convainquit bientost
Leandre de l'infidélitéde
Lucille, & Leandre resolut
de quitter cette IHe
dès le mesme jour pour
n'y retournerjamais.
Marianne de soncossé
ne songeoit qu'à bien cacher
son amour & sa
douleur à un pere tout
occupé de ce qui pouvoit
plaireà sonnouveau gendre
: Viens, mafille, ditil
à Marianne, viens avec
moytfaijons-luj voir par
nos empressements îtfîfar
nos carresses, qu'il entre
dans unefamille qui aura
pour luy toutessortes d'at.
tentions, il les mérité bien,
n'est-ce pas, mafille, conviens
avec rfioy que tu as
là un aimablebeaufrere
:-
Marianne le suivoit
sans luy respondre, très
affmogée de n'estre que la
belle foeur de ce beaufrere
charmant; Dès qu'ils
furent à la porte de sa
chambre, Marianne detourna
les yeux. çrjak
gnant d'envisagerle peril.
Son père entra le prêt
mier
,
&dit à nostré
Amant que sa filleaisnée
alloit venir le trquvef),
qu'elle avoit pour luy
toute la reconnoissance
possible, &C mesme desja
de l'stime, Cepetit trait
de flatterie échappa à cet
homme si franc; l'amour
& les grandes richesses
changent toujours quelque
petite choseau coeur
du plus honneste homme
,
cependant Marianne
s'avançoit lentement.
Dès que nostre Amant
la vit entrer il courut au
devant d'elle, & luy dit
Cent choses plus passionnées
les unes que les autres;
enfin aprés avoir exprimé
ses transports par
tout ce qu'on peut dire,
il ne parla plus,parce que
les paroles luy manquoient.
, Marianne estoit si surprise
& si troublée,qu'elle
ne put prononcer un
fcul mot; le pere ne fut
pas moins estonné ,ils
resterenttous troismuets
&immobiles:cefut pendant
cette scene muette
que Lucille vint a pas
mesurez, grands airs majestueux
& tendres, brillante
& parée comme
une Divinité qui vient
chercher desadorations.
Pendant qu'elle s'avance
le pere rappelle dans fcn
idée les plaisanteriesdu
souper qui avoient donné
lieu à l'équivoque, &
pendant qu'il l'éclaircir
; Lucille va tousjours son
chemin
,
fait une reverence
au Negociant, qui
baisseles yeux, interdit
&confus,elle prend cetro
confusionpourla pudeur
d'un amant timide, elle
minaude pour tascher de
le rassurer ; mais le pauvre
jeunehomme ne pouvant
soustenir cette situation,
sort doucement de
la chambre sans riendire.
Que croira-t-elle d'un
tel procédé? l'amour peut
rendre un amant muet,
mais il ne le fait point
fuir: Lucille estonnée
regarde sa soeurqui 11ose
luy apprendre son malheur
, le pere n'a pas le
courage de la detromper.
Il fort, Marianne le fuit,
& Lucille reste feule au
milieu de la chambre, jugez
de son embarras, elle
; '-
n'en feroit jamais sortie
d'elle-mesme ; elle n'estoit
pas d'un caractere à
deviner qu'on pu st aimer
sa soeur plus qu'elle. Je
n'ay point sceu par qui
elle fut detrompée ; mais
quoy qu'elle fust accablée
du coup, elle ne perdit
point certaine presence
d'esprit qu'ont les
femmes, & sur toutcelles
qui font un peu coquettes
; elle court chez
sa voisine pour tascher
de ratrapperson vray
Leandre, je ne sçay si
elle y reussira.
Le pere voyant sortir
Lucille du Chasteau,
crut qu'elle n'alloit chez
cettevoisine que pour
n' estre point tesmoin du
bonheur de sa soeur. On
ne songea qu'aux préparatifs
de la nôce, avant
laquelle le Negociant
vouloit faire voir beaucoup
d'effets qu'il avoit
dansson vaisseau, dont
le Capitaine commençoit
a s'impatienter, car
le vaisseau radoubé estoit
prest à repartir. CeCapitaine
estoit un homme
franc, le meilleur amy
du monde, & fort attachéauNégociant,
c'estoit
son compagnon de
voyage,il l'aimoit comme
un pere, cestoit son
conseil, & pour ainsidire
,
son tuteur, il attendoit
avec impatience des
nouvelles de fbn amy;
mais vous avezveuqtfé
l'amour la tropoccupé,
il ne se souvintduCapitaine
qu'en le voyantentrer
dans le Chasteau
,
il
courut l'embrasser, & ce
fut un signal naturel à
tous ceux du Chaftcau
pour luy faire unaccuëil
gracieux; il y fut receu
comme l'amy du gendre
de la maison
,
il receut
toutes ces gracieusetez
fort froidement, parce
qu'il estoit fortfroid dm,
fo11 naturel. On estoit
pour lors à table
, on fit
rapporter du vin pour
émouvoir le fang froid
du Capitaine,chacun luy
porta la santé de son jeune
amy, & 4e là maistrciïc
: a la sante de mon
gendre,disoit le pere ,
tope à mon beaupere
,
disoit
le Négociant : à tout
celaleCapitaine ouvroit
-
les yeux Se les oreilles,
estonné comme vous
pouvez vous l'imaginer
il avoit crcu trouver ron
amy malade
,
gesné &
mal à son 21fe-1 comme
on l'esten maison étrangère
avec des hostesqu'-
on incommode, & il le
trouve en joye
, en liberté
comme dans sa famille
,
ilne pouvoit rien
comprendre àcette avanture
,
c'estoit un misantrope
marin
y
homme
flegmatique, mais qui
prenoit aisément son party:
ilécoutatout,& après
avoir révé un moment il
rompit le silence par une
plaisanterie àik façon : à
la jante des nouveaux
Efoux
,
dit-il, & de bon
coeur,j'aime les mariages
de table moy y car ils se
font en un momentse
rompent de rnejine.
-Après plusieurs propos
pareils, il se fit expliquerserieusement
à
quoy en estoient les affaires
,& redoublantson
sang-froid il promit une
feste marine pour la nôce.
Ca mon cheramy.
dit-il au Negociant,
venez,m'aider à donnerpour
cela des ordres
dans mon vaisseau; w
lontiers,respondit l'amy, ,wf]îbienfaj quelque choie
aprendre dansmes coffres;
&jeveuxfaire voir
mespierreriesàmon beaupere.
Il y alla en effet
immédiatement après le
diincr, & le pere resta
au Chasteau avec Marianne
rianne, qui se voyant au
çomble de son bonheur,
nelaissoitpasdeplaindre
beaucoup Lucille.Trois
ou quatre heures de tems
sepasserent en converstions,&
Marianneimpatiente
de revoir son
Amant, trouva qu'il tardoittrop
à revenir; l'impatience
redoubloit de
moment en momentlorsque
quelqu'un par hafard
vint dire que leNegociant
avoit pris le large
avec le Capitaine,&que
le vaisseauestoit desja
bien avant en mer. On
fut long-temps sans pouvoir
croire un évenement
si peu vray -
semblable.
On courut sur la terrasse
d'où l'on vit encore de
fort loin le vaisseau qu'-
on perdit enfin de veuë,
il feroit difficile de rapporter
tous les differents
jugements qu'on fit là
dessus
,
personnene put
deviner la cause d'uir
départ si bijare, & si précipité;
jeneconseille pas
au lecteur de le fLati-guer la teste pour y réver, la
fin de l'histoire n'est pas
loin.
Après avoir fait pendant
plusieurs jours une
infinité de raisonnements
sur l'apparition de ce riche
&C passionné voyageur
, on l'oublia enfin
comme un fonge ; mais
les songes agreables font
quelquefois de fortes impressions
sur le coeur d'une
jeune personne, Mariannenepouvoit
oublier
ce tendre Amant
,
elle
merite bien que nous employions
un moment à
la plaindre, tout le monde
la plaignit, excepté
Lucille, qui ressentit une
joye maligne qui la dédommageoit
un peu de
ce qu'elleavoit perdu par
la faute:car on apprit que
son Leandre trouvant
l'occasion du vaisseau,
s'estoit embarqué avec le
Capitaine pour ne jamais
revenir, & le gentilhomme
voyant Marianne engagée
au Negociant, n'avoit
plus pensé à redemander
Lucille. Le pere
jugea à propos de renoüerl'affaire
avec Marianne
,
qui voulut bien
se sacrifier, parce que ce
mariage restablissoit urr
peu les affaires de son
pere qui n'estoientpasen
bon ordre, enun mot
on dressa le contract
,
&'.
l'on fit les préparatifs de
la nôce.
Ceux quis'interessent
un peu à Marianne ne seront
pas indifferentsau
recit de ce qui est arrivé
au Negociantdepuis
qu'on l'aperdu de veuë,
il avoit suivi le Capitaine
dans son vaisseau
,
où il
vouloit prendre quelques
papiers. Il l'avoit entretenu
en cheminduplaisirqu'il
avoit defairela
fortune d'une fille qui
meritoit d'estre aimée ,
enfin il arriva au vaisseau
où il fut long temps à deranger
tous ses coffres
JI'
pourmettre ensemble ses
papiers,&ensuite il voulut
retourner au Chasteau
: quelle surprise fut
la sienne
,
il vit que le
vaisseau s'esloignoit du
bord, ilfait un cry, court
au Capitaine qui estoit
debout sur son tillac, fumant
une pipe, d'un
grand fang froid: Hé,
tnon cher llmy ,
luy dit
nostre Amant allarmé,
ne voyez-vouspas que
nous avons demaré? je le
vois, bien , respond tranquillement
le Capitaine,
en continuantdefumer,
cejl doncparvostre ordre,
repritl'autre, ifnevous,
ay-je pas dit que je veux
ter?nmer ce mariage avantque
departir.Pourquoy
doncmejoueruntour
si cruel ? parce que jzfais:
vostre
votre ami, luy dit nôtre
fumeur.Ah! si njow êtes
mon ami, reprit leNegociant,
ne me defelpere7,,pas,
rtrnentz-moy dans l'ijle,je
vous en prie
,
je vous en
conjure.L'amant passionné
se jette à ses genoux,
se desole, verse même des
larmes: point de pitié, le
Capitaine acheve sa Pipe,
& le vaisseau va toûjours
son train.Le Négociant a
beau luy remontrer qu'il
a donné sa parole, qu'il y
va de son honneur & de
sa vie
,
l'ami inexorable
luy jure qu'il ne souffrira
point qu'avec un million
de bien il se marie, sans
avoir au moins quelque
temps pour y rêver.Il
faut,lui dit-il, promener
un peu cet amour-là sur
mer, pour voir s'il ne se
refroidira point quand il
aura passé la Ligne.
Cette promenade setermina
pourtant à Toulon
ou le Capitaine aborda
voyantle desespoir de son
ami, qui fut obligé de
chercher un autre vaisseau
pour le reporter aux
Ines d'Hyere, il ne s'en falut
rien qu'il n'y arrivât
trop tard, mais heureusement
pour Marianne elle
n'étoit encor mariée que
par la signature du Contrat,
& quelques milli ers
de Pistoles au Gentilhomme
rendirent le Contrat
nul. Toute 1Isle est encor
en joye du mariage de ce
Negociant & de Marianne,
qui étoit aimée & respectée
de tout le Pays.
LI Ce Mariage a et' c lebré
magn siquement sur 1A
fin du mois de Septembre
dernier, & j'nai reçû ces
Memoires par un parent ail
Capitaine.
cft scitué entre
;:
des rochers, sur le bord
1
de la mer, un petit Chasteau
antique, dont la
deicription.xnericeroii
d'occuper trentepagedansun
Roman Espagnol
maisl'impatience
du Lecteur François
paslè à present pour alIcJ
au fait , par dessus le
descriptions, &les converfations
qui amufoien
si agréablement nospe
res^5 je ne parleray dota
icyque d'une allée d'O
rangers fort commun
dans lesIslesd-Hieres
c'est fous ces Orangers
qui couvrent une espece
de terrasse naturelle, que
se promenoient au mois
de Septembre dernier,
deux foeurs, dont le pere
habite ce Chasteauiblitaire.
L'aisnée de ces deux
soeurs peut estrecitée
pour belle, & la cadette
est très-jolie
,
l'une est
faite pour causer de l'admiration,
l'autre est plus
propre à donner de Pal
mour ; raifnée que je
nommeray Lucille, a du
merveilleux dans l'esprit;
Marianne sa cadette si
contente d'avoir du naturel
& del'enjouement
elle joint à cela un bot
coeur & beaucoup de
raison: Lucilleaaussi de
la raison, mais ellç a ui
fond de fierté, Se d'à
mour pour ellemesme
qui lempesche d'aimé
les autres. Marianne ai
moit sa soeur tendre
ment, quoyque cette aisnée
méprisante prit sur
elle certaine superiorité
,
que les semmes graves
croyent
-
avoir sur les enjouées.
Lucilles'avançoit
à pas lents vers le bout de
la terrasse qui regarde la
mer,elle estoit triste depuis
quelques jours, Marianne
,
la plaifancoitsur
ce que leur pere vouloit
lamarier par interest de
famille à un Gentilhomme
voisin, qui n'estoit ny
jeune ny aimable. Ce
mariagene vous convient
gueres, luy disoit Marianne
en badinant jvom
ejfie{ née pôur époujer à
la fin d'un Roman, quelque
Gyrus9 ou quelque
Qroftdate.
Lucilleavoiteneffet,
cet esprit romanesque àpresent
banni de Paris &
des Provincesmefiiie, &
relegué dans quelque
Chasteau defèrt comme
celuy qu'habitoit Lucilleoù
l'on n'a d'autre
societé que celle des Romans.
Elle tenoit alors en
main celuy de Hero
dont elle avoit leu , certainsendroits
tres - convenables
aux idées qui
l'occupoient
,
& après
avoir long-temps parcouru
des yeux la pleine
mer ,
elle tombadans,
une rêverie profonde:
Marianne lapriadeluy,
en dire la cause, elle
ne respondoit que par
des soupirs
,
mais Marianne
la pressa tant
qu'elle résolut enfinde
rompre le silence. D'abord,
malgré sa fierté
naturelle, elle s'abbaissa
jusqu'à embrassèr sa ca- dette
,
& l'embrassa
de bon coeur, car elle
aimoit tendrement ceux
dont elle avoitbesoin,
Ensuite,presentant d'un
air précieux son Livre
ouvert à Marianne, liseZ,
luy dit-elle
,
lifcz> icy les
inquietudes ce les allarmes
de la tendreHero,
attendant sur une tour
son cherLeandrequi devoit
traverser les mers
pourvenir au rendez:
vous. Je n'ay pas besoin
de lire ce Livre, luy ref:
pondit Marianne, pour
jçavoirque vous attendez
comme Hero
, un cher
Leandre. La parente de
ce Leandre
,
ma conté
rvoftre avanture , que
FAJ feint d'ignorer par
discretion f5 parrejpe£f
pour mon aisnée;je sçais
qu'enquittant cette Ijle,.
où il vint ily a quelques
mois, il vouspromit dj
revenirpour vous demander
en mariage à mon
pere. '1;
Lucille la voyant si
bien instruite, acheva de
luy faire confidence de
son amour, c'est-à-dire,
de l'amour qu'elle s'imaginoit
avoir car lesrichesses
& la qualité dec
son Leandre l'avoient
beaucoup plus touchée
que son merite, mais
elle se piquoit de grands
fentinlents, &à force de
les affeder.,elles-li-naginoit
ressentir ce qu'elle ne
faisoitqu'imaginer
: elle
n'avoit alors que la poësie
de l'amour dans lateste3
& elle dit à Marianne
tout cequ'on pourroit
écrire de mieux sur la
plus belle passion dit
monde.
Venonsaujait,luydit
Marianne, Leandre est
très- riche: le maryque
mon pere vous donne ne test gueres, (jf je rveux
bien epoujerceluy-cy pour
wous laisserlibrea9epoufer
l'autre> j'obtiendray cela
de mon pere.
Le pere estoit un bon
gentilhomme, qui charmé
de l'humeur de Marianne
,Taimoit beaucoup
plus que son aisnée
,
c'estoit à table sur
tout que le bon homme,
sensible auplaisir du bon
vin & de l'enjouement
de sa cadette,regloit avec
elle les affaires de sa samille
; elle eut pourtant
de la peine à obtenir de
ce pere scrupuleux sur le
droit d'aisnesse, qu'il mariast
une cadette avant
une aisnée, il fallut que
Lucillecedaft ion droit
d'aisnesse à Marianne par
un écrit qui fut signé à
table:&Lucillen'osant
dire sonvray motifà son
pere,dit seulement,qu'-
ellesentoit jenescay quelle
antipathiepour le mary
quelle cedoit à sa flEur.
On plaisanta beaucoup
sur ce mary cedé avec
le droit d'aisnesse
,
le
bon homme but à la
fanté de Marianne devenuë
l'aisnée, le mariage
fut resolu, & l'on le fit
agréer au gentilhomme,
qui aima mieux Marianne
que Lucille, parce
qu'en effet
, quoyque
moins belle, elle se faifmoit
beauecouprpl.us ai- Le mariage résolu, les
deux foeurs furent également
contentes; car Marianneindifférente
sur ses
propres interests, partageoit
sincerement avec
sa soeur l'esperance d'une
fortune brillante : cependant
quelques jours s'écoulerent
,
& le temps
que Leandre avoit marqué
pour ion retour, ettoit
desja passé. Lucille
commençoit à ressentir
de mortelles inquietudes,
& Marianne retardoit de
jouren jourson petit establissement,
resoluë de le
ceder à sa soeur en cas
que l'autre luy manquait.
::..
Un jour enfin elles estoient
toutes deux au
bout de cette mesme terrasse
d'oùl'ondécouvroit
la pleine mer. Lucille
avoit
avoit les yeux fixez vers
la rade de Toulon, d'où
devoit partir celuy qui
nes'estoit separé d'elle
que pour aller disposer
fès parents à ce mariage:
elle estoit plongée dans
la tristesse lorsqu'elle apperceut
un vaisseau; cet
objet la transporta de
joye, comme s'il n'eust
pû y avoir sur la mer que
le vaisseau qui devoit luy
ramenerson amant; sa
joye futbien plus grande
encore;lorsqu'un vent
qui s'éleva,sembla pouf
fer ce vaisseau du costé
de son Isle; mais ce vent
ne fut pas long-temps favorable
à ses desirs. Ce
vaisseaus'aprochoitpourtant
d'une grande vitesse,
mais il se forma tout à
coup une tempeste si fiirieuse
,
qu'elle luy fit
voir des abysmesouverts
pour son Leandre.La Romanesque
Lucille diroit
sans doute en racontant
cet endroit de ion hiitoire
: que la tourmente nefut
pas moins orageusè,.
dansson coeur quesur Itt;
mer où le vaisseaupensa
perir.
Après quelques heures
de peril, un coup de
vent jetta le vaisseau sur
le rivage entre des rochers
qui joignent 1q
Chasteau, jugez du plaisir
qu'eutLucille en voyranet
sotnéAm.ant en seuLeandre
devoit se trouver
à son retour chez une
voisine où s'estoient faites
les premieres entreveuës
,
elle estoit
pour lors au Chasteau
où les deux soeurs coururent
l'avertir de ce
qu'elles venoient devoir,
& elles jugerent à propos
de n'en point encore
parler au pere. Lucille
luy dit qu'elle alloit coucher
ce soir-là chez cette
voisine, car elle y alloit
assez souvent,& Marianne
resta pour tenir compagnie
à son pere ,qui
ne pouvoit se
,
d'ellepas.ser
;
Un moment aprèsque
Lucille & la voisine furent
montées en carosse.,
un homme du vaisseau
vint demander à parler
au maistreduChasteau,
cet homme estoit une cCpece
de valet grossier qui
debuta par un recit douloureux
de ce que son
jeune maistre avoit souffert
pendant la tcmpefie).
& pour exciter la compassion,
il s'eftendoit sur
les bonnes qualitez de ce,
jeune maistre qui demandoitdu
secours & le couvert
pour cette nuit.
Le pere qui estoit le
meilleurhommedumonde
,
fit allumer au plus
viste des flambeaux, parce
qu'il estoit presque
nuit; il voulut aller luymesme
aurivage où Marianne
le suivit,curieuse
de voir l'Amant de sa
soeur, &' ne doutant
point qu'il n'eust pris le
pretexte de la tempeste ,
pour venir incognito dans
le Chasteauoù il pourroit
voir Lucille plus
promptement que chez
sa parente.
En marchant vers le
rivage on apperceut à la
lueurd'autres flambeaux
dans un chemin creux
entre des rochers, plusieurs
valets occupez autour
du nouveau debarqué,
qui fatigué de ce
qu'il avoit souffert, tomba
dans une espece d'évanoüissement,
l'on s'arresta
quelque temps pour
luy donner du secours :
Marianne le consideroit
attentivement
,
elle admiroit
sa bonne mine,
& l'admira tant, qu'elle
ne put s'empescher ,elle
quin'estoit point envieu-
Lé, d'envier à sa ïbeur le
bonheur
bonheurd'avoir un tel
Amant;cependant il revenoit
à luy, il souffroit
beaucoup; mais dès qu'il
eut jetté les yeuxsur Marianne,
son mal fut suspendu,
il ne sentit plus
que leplaisir de la voir.
Admirez icy lavariété
des effets de l'amour, la
vivacité naturelle de Marianne
,
est tout à coup
rallentie par une passion
naissante, pendant qu'un
homme presque mortest
ranimé par un feu dont
la, violence se fit sentir
au premier coup d'oeil,
jamais passion ne fut plus
vive dans sa naissance;
comment est-ilpossible,
dira-t'on quece Leandre,
tout occupéd'une autre
passion qui luy fait traverser
les mers pour Lucille,
soit d'abord si sensible
pour Marianne. Il
n'est pas encore temps de
respondre à cette question.
Imaginez-vousseulementun
hommequine
languit plus que d'a
mour ; les yeux fixez
sur Marianne, qui avoit
les siens baissez contre
terre ,
ils estoient
muets l'un & l'autre, 6C
le pere marchant entre
eux deux, fournissoitseul
à la conversation sans se
douter de la cau se de leur
silence. Enfin ils arrivent
au Chasteau,oùMarianne
donne d'abord
tous ses soins, elle court,
elle ordonne, elle s'empresse
pour cet hoste ai-
Jnahle avec un zele qu'-
elle ne croit encore anirne
que par latendresse
de l'hospitalité: le pere
donna ordre qu'on ailaft
avertir Lucille de revenir
au plustost pour rendre
la compagnie plus agréable
à son nouvel hoste
qu'on avoit laissé seul en
liberté avec ses valets
dans une chambre.
On alla avertir Lucille
chez sa voisine
,
elle
vint au plus viste, elle
estoit au camble de sa
joyc,&Marianne au contraire
commençoitàeftrc
fort chagrine, cette vertueuse
fille s'estoit desja
apperceuë de son amour,
elle avoit honte de se
trouver rivale de la soeur,
mais elle prit dans le moment
une forte resolutiondevaincre
une passion
si contraire aux sentimens
vertueux qui luy
estroient naturels ; elle
court au devant de Lucille,&
la felicite de
bonne foy
,
elle fait l'éloge
de celuy qui vient
d'arriver
elle luy exagere
tout ce qu'elle st
trouvé d'aimable dans sa
phisionomie,
dans l'og
air, & se laissant insensiblement
emporter au
plaisir de le louër
,
elle
luy en fait une peinture
si vive qu'elle se la grave
dans le coeur à elle-mesme,
encore plus prorondementqu'elle
n'y estoit;
elle finit cet éloge par un
soupir, en s'écriant: Ah,
ma soeur, que rvous estes
heureuse ! &£ faisant aufsitost
reflexion sur ce
soupir, elle resta muette,
confuse, & fort surprise
de seretrouver encore
•
amoureuse après avoir
resolu de ne l'estre plus.
Lucille en attendant
que [on Leandre parust,
fit force reflexions Romanelques
lur la singularité
de cette avanture ;
je fuis enchantée, difoitelle
, du procédé mysterieux
de cet Amant delicat
,
il feint de s'évanoüir
entre des rochers
en presence de mon pere,
pour avoir un prétexte
de venir,incognito me furprendre
agréablement,
je veux moy par delicatesse
aussi, luy laisser le
plaisir de me croire surprise,
& je seindray dèsqu'il
paroiftra un estonnement
extreme de trouver
dans un hoste inconnu
l'objet charmant.
En cet endroit Lucille
fut interrompue par un
valet qui vint annoncer
le souper, les deux foeur£
entrerent dans la salle
par une porte pendant
que le pere y entroit par
l'autre avec l'objet cher,
mant, qui s'avança pour
saluërLucille: dès quelle
l'apperceut elle fit
un cri, & resta immobile
, quoy qu'elle eust
promis de feindre de la
surprise; Marianne trouva
la feinte un peu outrée;
le pere n'y prit pointgarde,
parce qu'il ne prenoit
garde à rien, tantil estoit
bon homme,
Lucille estoit réelle*
ment tres eftonnée
,
SC
on le feroit à moins, car
cet inconnu n'estoit
point le Leandre qu'-
elle attendoit, c'estoit
un jeune négociant, mais
aussi aimable par son air
& par sa figure que le
Cavalier le plus galant.
Il estoit tres riche
,
ôd
rapportoit des Indes
quantité de marchandé
ses dans son vaisseau
,
il
avoit esté surpris d'un
vent contraire, en tou..
chantla Rade de Toulon,
& jetté, comme vous
avez veu, dans cette iHe.
Ce jeune Amant se
mit à table avec le pere
&: les deux filles, le fou-i
per ne fut pas fort guay ,
il n'y avoir que le perc
de content
,
aussin'y
avoit-il que luy qui parlait
, le negociant encore
estourdi du naufrage,&€
beaucoup plus de son
nouvel amour , ne respondoit
que par quelques
mots de politesse,
& ce qui paroistra surprenant
icy, c'est, qu'en
deux heures de temps
qu'on fut à table, ny là
pere ny les filles ne s'apperceurent
point de foa
amour; Lucille ne pouvant
regarder ce faux
Leandre sans douleur,
eut tousjours les yeux
baissez, & Mariannes'estant
apperceuë qu'elle
prenoit trop de plaisîr à
le voir, s'en punissoit en
ne le regardant qu'à la
dérobée; à l'égard du
pere il estoit bien esloignéde
devinerun amour
si prompt &, si violent.
Il faut remarquer icy
que le pere qui estoit bon
convive, excitoit sans
cesse son hoste à boire,&
ses filles à le réjoüir :
Qî£ejl donc devenue ta
belle humeur? disoit il à
Marianne, aussitostelle
s'efforçoit de paroistre
enjoüée, & comme les
plaisanteries ne viennent
pas aisément a ceux qui
les cherchent, la première
qui luy vint, fut sur
le droit d'aisnesse
,
qui
faisoit depuis quelques
jours le sujet de leurs
conversations, jesuis fort
surprise, dit Marianne à
son pere , que vous me
demandiez de la guayeté
quand je dois estre serieuse,
la gravité m'appartientcomme
à l'aisnée, 8c
l'enjouement est le partage
des cadettes: & le
negociant conclut naturellement
de là que Marianne
estoit l'aisnée, Sc
c'est ce qui fit le lendemain
un Equivoque facheux,
le pere ne se souvenant
plus de ces pro
posde table, son caractere
estoit d'oublierau se,
cond verre de vintout ce
que le premier luy avoit
faitdire,enfin après avoir
bien régalé son hoste
,
il
leconduisitàsa chambre;
&Lucillequirestaseule
avec sa soeur luyapprit
que ce n'estoit point là
son Amant. Quelle joye
eust esté celle de Marianne
ne si elleavoiteu le coeur
moins bon, mais elle fut
presque aussiaffligée de
la tristesse de sa soeur.,
qu'elle fut contente de
n'avoir plus de rivale.,
Les deux soeurs se retirèrent
chacune dans
leur chambre où elles ne
dormirent gueres. Marianne
s'abandonna sans
fcrupule à toutes les idées
qui pouvoient flatter son
amour, & Lucille ne faifoit
que de tristes reflexions
,
desesperant de rc4
voir jamais ce Leandre , de qui elle esperoit sa fortune,
mais elle estoitdestinée
à estre rejouië par
tous les événements qui
chagrineroient Mariant
ne : le jeune négociant
estoit vif dans £espat
sions,& de plus il n'avoit
pas le loisir de languir;
il falloit quil s'en retournast
aux Indes, Il prit
sa resolution aussi promptement
queson-amour
luy estoit venu. Le pere
entrant le matin dans sa
chambre,, luy demanda
s'il avoit bien passé la
nuit: Helas, luy rcfpondit-
il, je l'ay fort mal
poejjsée, maisj'ay huit cens
millefrancsd'gaernt ccoormn*-
ptant, le pere ne comprenoit
rien d'abord à cette
éloquence de négociant
1; l'Amantpaflîoanés'expliqua.
plus clairement
ensuite ,il luy demanda
ça, mariage f-. fille aifnée^
ils estoient l'un & l'autre;
pleins de franchise, leur
affaire fut bien tost concluë,
& le pere sortit de
la chambre, conjurant
son hoste de prendre
quelques heures de repos
pendant qu'il iroit
annoncer cette bonne
nouvelle à safille aimée,
ce bon homme estoit si
transporté qu'il ne se fouvint
point alors des plaisanteries
qu'onavoit faites
à table Cuxlc droit
d'aisnesse de Marianne
que le négociant avoit
prises à la lettre. Cet
équivoque fut bien triste
pour Marianne au mo-*
ment que le pere vint annoncer
à Lucille que le
riche negociant estoit
amoureux d'elle,&Lucille
voyant le négociant
beaucoup plus riche que:
son Leandre, ne pensa
plusqu'à justifier son inconfiance
par de grande
Íentiments, & elle en
trouvoit sur tout,pour
& contre, son devoir luy
en fournissoit un, il est
beau desacrifierson a,
mour a lavoloté d'un pere.
A l'égard de Mariant
ne ellefe feroit livrée dabord
auplaisir devoir sa
soeur bien pourveuë
ceuss esté là son premier
mouvement, mais un
autre premier mouvez
ment la sassit: quelle dou-r
leur d'apprendre que celuy
qu'elle aime ,
eili
amoureux de sa soeur.
Pendant que toutcecy
se passoit au Chasteau,
Leandre , le veritable
Leandre arriva chez sa
parente, qui vint avec
empressement en avertir
Lucille, mais elle la trou-
Va insensible à cette nouvelle
, sa belle passion
avoit disparu, Leandre
devoit arriverplustost
elle jugea par delicatesse,
qu'un Amantqui venoit
trop tard aurendez-vous,
n'ayantque cinquante
milleescus; meritoit bien
quon le facrifiaft à un
mary de huit cens mille
livres. La parente de
Leandre s'écria. d'abord
sur une infidélité si lfiar-"
quéé>maisLucille luy
prouva par les regles de
Xofçipm leplusfiné que
Leandre avoit le premier
tort ,que les feuç^de
coeur ne ie pardonnent
point, que plus une fem*
meaime., Rlus-.;clle doit
se
se venger, & que la vengeance
la plus delicate
qu'on puisseprendre d'un
Amant qui oublie c'etf
d'oublieraussi.
Lucille
,
après s'estre
très spirituellement justifiée
, courut à sa toillette
se parer, pour estre belle
comme un astre au reveil
de son Amant, & la parente
de Leandrequis'in
reressoit à luy parune ve.
ritable amitié, retourna
chez elle si indignée, qu'
elle convainquit bientost
Leandre de l'infidélitéde
Lucille, & Leandre resolut
de quitter cette IHe
dès le mesme jour pour
n'y retournerjamais.
Marianne de soncossé
ne songeoit qu'à bien cacher
son amour & sa
douleur à un pere tout
occupé de ce qui pouvoit
plaireà sonnouveau gendre
: Viens, mafille, ditil
à Marianne, viens avec
moytfaijons-luj voir par
nos empressements îtfîfar
nos carresses, qu'il entre
dans unefamille qui aura
pour luy toutessortes d'at.
tentions, il les mérité bien,
n'est-ce pas, mafille, conviens
avec rfioy que tu as
là un aimablebeaufrere
:-
Marianne le suivoit
sans luy respondre, très
affmogée de n'estre que la
belle foeur de ce beaufrere
charmant; Dès qu'ils
furent à la porte de sa
chambre, Marianne detourna
les yeux. çrjak
gnant d'envisagerle peril.
Son père entra le prêt
mier
,
&dit à nostré
Amant que sa filleaisnée
alloit venir le trquvef),
qu'elle avoit pour luy
toute la reconnoissance
possible, &C mesme desja
de l'stime, Cepetit trait
de flatterie échappa à cet
homme si franc; l'amour
& les grandes richesses
changent toujours quelque
petite choseau coeur
du plus honneste homme
,
cependant Marianne
s'avançoit lentement.
Dès que nostre Amant
la vit entrer il courut au
devant d'elle, & luy dit
Cent choses plus passionnées
les unes que les autres;
enfin aprés avoir exprimé
ses transports par
tout ce qu'on peut dire,
il ne parla plus,parce que
les paroles luy manquoient.
, Marianne estoit si surprise
& si troublée,qu'elle
ne put prononcer un
fcul mot; le pere ne fut
pas moins estonné ,ils
resterenttous troismuets
&immobiles:cefut pendant
cette scene muette
que Lucille vint a pas
mesurez, grands airs majestueux
& tendres, brillante
& parée comme
une Divinité qui vient
chercher desadorations.
Pendant qu'elle s'avance
le pere rappelle dans fcn
idée les plaisanteriesdu
souper qui avoient donné
lieu à l'équivoque, &
pendant qu'il l'éclaircir
; Lucille va tousjours son
chemin
,
fait une reverence
au Negociant, qui
baisseles yeux, interdit
&confus,elle prend cetro
confusionpourla pudeur
d'un amant timide, elle
minaude pour tascher de
le rassurer ; mais le pauvre
jeunehomme ne pouvant
soustenir cette situation,
sort doucement de
la chambre sans riendire.
Que croira-t-elle d'un
tel procédé? l'amour peut
rendre un amant muet,
mais il ne le fait point
fuir: Lucille estonnée
regarde sa soeurqui 11ose
luy apprendre son malheur
, le pere n'a pas le
courage de la detromper.
Il fort, Marianne le fuit,
& Lucille reste feule au
milieu de la chambre, jugez
de son embarras, elle
; '-
n'en feroit jamais sortie
d'elle-mesme ; elle n'estoit
pas d'un caractere à
deviner qu'on pu st aimer
sa soeur plus qu'elle. Je
n'ay point sceu par qui
elle fut detrompée ; mais
quoy qu'elle fust accablée
du coup, elle ne perdit
point certaine presence
d'esprit qu'ont les
femmes, & sur toutcelles
qui font un peu coquettes
; elle court chez
sa voisine pour tascher
de ratrapperson vray
Leandre, je ne sçay si
elle y reussira.
Le pere voyant sortir
Lucille du Chasteau,
crut qu'elle n'alloit chez
cettevoisine que pour
n' estre point tesmoin du
bonheur de sa soeur. On
ne songea qu'aux préparatifs
de la nôce, avant
laquelle le Negociant
vouloit faire voir beaucoup
d'effets qu'il avoit
dansson vaisseau, dont
le Capitaine commençoit
a s'impatienter, car
le vaisseau radoubé estoit
prest à repartir. CeCapitaine
estoit un homme
franc, le meilleur amy
du monde, & fort attachéauNégociant,
c'estoit
son compagnon de
voyage,il l'aimoit comme
un pere, cestoit son
conseil, & pour ainsidire
,
son tuteur, il attendoit
avec impatience des
nouvelles de fbn amy;
mais vous avezveuqtfé
l'amour la tropoccupé,
il ne se souvintduCapitaine
qu'en le voyantentrer
dans le Chasteau
,
il
courut l'embrasser, & ce
fut un signal naturel à
tous ceux du Chaftcau
pour luy faire unaccuëil
gracieux; il y fut receu
comme l'amy du gendre
de la maison
,
il receut
toutes ces gracieusetez
fort froidement, parce
qu'il estoit fortfroid dm,
fo11 naturel. On estoit
pour lors à table
, on fit
rapporter du vin pour
émouvoir le fang froid
du Capitaine,chacun luy
porta la santé de son jeune
amy, & 4e là maistrciïc
: a la sante de mon
gendre,disoit le pere ,
tope à mon beaupere
,
disoit
le Négociant : à tout
celaleCapitaine ouvroit
-
les yeux Se les oreilles,
estonné comme vous
pouvez vous l'imaginer
il avoit crcu trouver ron
amy malade
,
gesné &
mal à son 21fe-1 comme
on l'esten maison étrangère
avec des hostesqu'-
on incommode, & il le
trouve en joye
, en liberté
comme dans sa famille
,
ilne pouvoit rien
comprendre àcette avanture
,
c'estoit un misantrope
marin
y
homme
flegmatique, mais qui
prenoit aisément son party:
ilécoutatout,& après
avoir révé un moment il
rompit le silence par une
plaisanterie àik façon : à
la jante des nouveaux
Efoux
,
dit-il, & de bon
coeur,j'aime les mariages
de table moy y car ils se
font en un momentse
rompent de rnejine.
-Après plusieurs propos
pareils, il se fit expliquerserieusement
à
quoy en estoient les affaires
,& redoublantson
sang-froid il promit une
feste marine pour la nôce.
Ca mon cheramy.
dit-il au Negociant,
venez,m'aider à donnerpour
cela des ordres
dans mon vaisseau; w
lontiers,respondit l'amy, ,wf]îbienfaj quelque choie
aprendre dansmes coffres;
&jeveuxfaire voir
mespierreriesàmon beaupere.
Il y alla en effet
immédiatement après le
diincr, & le pere resta
au Chasteau avec Marianne
rianne, qui se voyant au
çomble de son bonheur,
nelaissoitpasdeplaindre
beaucoup Lucille.Trois
ou quatre heures de tems
sepasserent en converstions,&
Marianneimpatiente
de revoir son
Amant, trouva qu'il tardoittrop
à revenir; l'impatience
redoubloit de
moment en momentlorsque
quelqu'un par hafard
vint dire que leNegociant
avoit pris le large
avec le Capitaine,&que
le vaisseauestoit desja
bien avant en mer. On
fut long-temps sans pouvoir
croire un évenement
si peu vray -
semblable.
On courut sur la terrasse
d'où l'on vit encore de
fort loin le vaisseau qu'-
on perdit enfin de veuë,
il feroit difficile de rapporter
tous les differents
jugements qu'on fit là
dessus
,
personnene put
deviner la cause d'uir
départ si bijare, & si précipité;
jeneconseille pas
au lecteur de le fLati-guer la teste pour y réver, la
fin de l'histoire n'est pas
loin.
Après avoir fait pendant
plusieurs jours une
infinité de raisonnements
sur l'apparition de ce riche
&C passionné voyageur
, on l'oublia enfin
comme un fonge ; mais
les songes agreables font
quelquefois de fortes impressions
sur le coeur d'une
jeune personne, Mariannenepouvoit
oublier
ce tendre Amant
,
elle
merite bien que nous employions
un moment à
la plaindre, tout le monde
la plaignit, excepté
Lucille, qui ressentit une
joye maligne qui la dédommageoit
un peu de
ce qu'elleavoit perdu par
la faute:car on apprit que
son Leandre trouvant
l'occasion du vaisseau,
s'estoit embarqué avec le
Capitaine pour ne jamais
revenir, & le gentilhomme
voyant Marianne engagée
au Negociant, n'avoit
plus pensé à redemander
Lucille. Le pere
jugea à propos de renoüerl'affaire
avec Marianne
,
qui voulut bien
se sacrifier, parce que ce
mariage restablissoit urr
peu les affaires de son
pere qui n'estoientpasen
bon ordre, enun mot
on dressa le contract
,
&'.
l'on fit les préparatifs de
la nôce.
Ceux quis'interessent
un peu à Marianne ne seront
pas indifferentsau
recit de ce qui est arrivé
au Negociantdepuis
qu'on l'aperdu de veuë,
il avoit suivi le Capitaine
dans son vaisseau
,
où il
vouloit prendre quelques
papiers. Il l'avoit entretenu
en cheminduplaisirqu'il
avoit defairela
fortune d'une fille qui
meritoit d'estre aimée ,
enfin il arriva au vaisseau
où il fut long temps à deranger
tous ses coffres
JI'
pourmettre ensemble ses
papiers,&ensuite il voulut
retourner au Chasteau
: quelle surprise fut
la sienne
,
il vit que le
vaisseau s'esloignoit du
bord, ilfait un cry, court
au Capitaine qui estoit
debout sur son tillac, fumant
une pipe, d'un
grand fang froid: Hé,
tnon cher llmy ,
luy dit
nostre Amant allarmé,
ne voyez-vouspas que
nous avons demaré? je le
vois, bien , respond tranquillement
le Capitaine,
en continuantdefumer,
cejl doncparvostre ordre,
repritl'autre, ifnevous,
ay-je pas dit que je veux
ter?nmer ce mariage avantque
departir.Pourquoy
doncmejoueruntour
si cruel ? parce que jzfais:
vostre
votre ami, luy dit nôtre
fumeur.Ah! si njow êtes
mon ami, reprit leNegociant,
ne me defelpere7,,pas,
rtrnentz-moy dans l'ijle,je
vous en prie
,
je vous en
conjure.L'amant passionné
se jette à ses genoux,
se desole, verse même des
larmes: point de pitié, le
Capitaine acheve sa Pipe,
& le vaisseau va toûjours
son train.Le Négociant a
beau luy remontrer qu'il
a donné sa parole, qu'il y
va de son honneur & de
sa vie
,
l'ami inexorable
luy jure qu'il ne souffrira
point qu'avec un million
de bien il se marie, sans
avoir au moins quelque
temps pour y rêver.Il
faut,lui dit-il, promener
un peu cet amour-là sur
mer, pour voir s'il ne se
refroidira point quand il
aura passé la Ligne.
Cette promenade setermina
pourtant à Toulon
ou le Capitaine aborda
voyantle desespoir de son
ami, qui fut obligé de
chercher un autre vaisseau
pour le reporter aux
Ines d'Hyere, il ne s'en falut
rien qu'il n'y arrivât
trop tard, mais heureusement
pour Marianne elle
n'étoit encor mariée que
par la signature du Contrat,
& quelques milli ers
de Pistoles au Gentilhomme
rendirent le Contrat
nul. Toute 1Isle est encor
en joye du mariage de ce
Negociant & de Marianne,
qui étoit aimée & respectée
de tout le Pays.
LI Ce Mariage a et' c lebré
magn siquement sur 1A
fin du mois de Septembre
dernier, & j'nai reçû ces
Memoires par un parent ail
Capitaine.
Fermer
Résumé : HISTOIRE toute veritable.
Le texte décrit une scène dans les Isles d'Hières, où deux sœurs, Lucille et Marianne, se promènent dans une allée d'orangers. Lucille, l'aînée, est belle et admirée, mais triste car son père souhaite la marier à un gentilhomme voisin. Marianne, enjouée, taquine Lucille qui attend le retour de son amant, Leandre. Lucille rêve de Leandre et avoue son amour pour lui, motivé par ses richesses et sa qualité. Marianne obtient de leur père qu'il marie d'abord Marianne, permettant ainsi à Lucille d'attendre Leandre. Quelques jours passent sans nouvelles de Leandre. Un vaisseau accoste près du château après une tempête. Lucille court avertir Leandre, mais découvre qu'un valet demande de l'aide pour son maître, blessé. Marianne, séduite par l'apparence du jeune homme, s'occupe de lui avec zèle. Lors du souper, l'inconnu se révèle être un jeune négociant riche, mais ce n'est pas Leandre. Lucille est triste, tandis que Marianne reste silencieuse, troublée par ses sentiments. Le père, ignorant des tensions, est content de la situation. Marianne, amoureuse du négociant, évite de le regarder pour se punir de son plaisir. Une méprise survient lorsque le père annonce au négociant qu'il souhaite l'épouser. Lucille accepte la situation et se prépare à recevoir le négociant, mais celui-ci, confus, quitte la chambre sans rien dire. Lucille retrouve Leandre chez une voisine. Le négociant, accompagné du capitaine de son vaisseau, révèle qu'il doit repartir aux Indes. Cependant, ils prennent la mer sans prévenir, laissant les sœurs et le père perplexes. Marianne accepte de se marier avec le négociant pour rétablir les affaires de son père. Le mariage est célébré magnifiquement à la fin du mois de septembre. Le négociant, souhaitant annuler son mariage, supplie son ami capitaine de le ramener à l'île. Le capitaine reste inflexible, insistant pour que le négociant réfléchisse à son amour pendant le voyage. Le contrat de mariage est annulé grâce à une somme d'argent versée au gentilhomme. Le mariage entre le négociant et Marianne est finalement célébré.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
22
p. 66-83
Nouvelles d'Angleterre, & de Hollande.
Début :
Les Lettres de Londres du 16. Octobre portent qu'on [...]
Mots clefs :
Angleterre, Paix, Flotte, Guerre, Vaisseau, Carthagène, France, Traité de paix, Roi
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Nouvelles d'Angleterre, & de Hollande.
Nouvellesd'Angleterre
& de Hollande.
Les Lettres de Londres
du 1 6.Octobre portent
qu'on en avoit reçu de la
Jamayque par lesquelles on
aprenoit que le Capitaine
Littleton
,
Commandant
une Escadre de 1JX Vaisseaux
de Guerre y étant arrivé
le 22.Juillet eut avis
que Mr du Casse
,
étoit du
côté de Cartagene
,
& qu'il
n' avoit que trois Vaisseaux
de guerre&deux Fregates,
cequi ': le fit résoudre de
l'aller attaquer ; que dans ce
dessein il fit voile le 29. &
que le 6. Août il vit terre à
huit où dixlieuës à l'Orient
de Cartagene. Que le même
jour un Vaisseau qu'il avoit
envoyé à là découverte
fit signal qu'il voyoit cinq,
Varîteaux à Boca Chica,qui
est à l'entrée du Port de Cartagene
;que le7aumatinil
découvrit quatre Navires à
qui *1 ctojhna chasse&cle soit
il en prit un grandqu'il crut
estre un Gallion,&une Parache
; qu'il résolutensuite de
retourner à la Jamaïque afin
defortifier sonEscadre du
Vaisseau le Medway,&d'aller
attendre Mr du Casse, au
bout Occidentalde l'Isle de
Cuba,paroùil devoitpasser
pour aller àla Havane;
mais que l'on n'avoit eûdepuisaucunes
nouvelles de Mr
de Littleton, & qu'on avoit
seulementapris de la Jamaïque
qu'on n'avoit trouvény
or ny argent dans les deux
Bastimens pris, ce quifaisoit
croire que Mr du Casse, les
avoitEnvoyez pour amuser
ce Capitaine pendant qu'il
prendroit une aurre route
'avcc les Gallions.
Celles du20 disent que
Je Colonel Clayton,aporta
le 16.la Relation de l'entrepriseformée
sur Quebec
qui portoiten substance
que la Flotte aprés avoir été
retenuë plusd'unmois à
Bastondansla nouvelle Angleterre
, en partit le roi
Aoûrdernier;qu'elle arriva
le 19. à l'entrée delà grande
,îiviere' de Saint Laurent Otr,
elle fut obligée par unvent
de Nordoüest tres violent
de moüiller dans , la Baye de
Gaspé;que le premier Septembre
ilsentrerent dans la
riviere ou ils avancèrent environ
quarente lieuës, aprés
quoy ils se trouverent incomodez
d'une brume fort
épaisse & d'un grand vent
d'Est-sud-Est; que vers les
huit heures du soir le Chevalier
Hovendon Walker
,
qui commandoit la Flotte,
fie signal aux Vaisseaux de se
tenir serrez, & deporrer au
Sud
,
les Pilotes qu'il avotjE
pris à Baston, dont le Gouverneur
luy avoit répondu
de la capacité, ne connissant
pas -lesmoiiiIlagcs.; que quoy
qu'il eustpriscetteprécaution
,
les Courants ne laisserent
pas de porter la Flotte
vers la coste du Nord où elle
donna sur des rochers qui
firent périr deux Vaisseaux
chargez de provisions
,
&
huit autres chargez devingt
six Compagnies de Troupes
réglées ; que néanmoins il
ne se perdit aucun Vaisseau
de guerre;quele lendemain
4 la Flotte demeura au meme
endroit pour secourir
ceux qui s'étoient fauvcz sur
les débris; que le r: on tint
Conseil de Guerre dans lequelilfut
résolud'abandonner
l'entreprise, parce que
la perte qu'on venoit de
faire en rendoit l'excution
plus difficile, & que d'ailleurs
la faison étoit siavancée,
qu'on avoir tout lieu de
craindre de pareils accidens,
par le peu de connoissance
des Pilotes;qu'ainsi on mie
à la voile pour décendre la
Riviere;que la Flottearriva
!~ 1 5. àla Baye des Espagnols
gnols, dans l'Isle du Cap
Breton; que le19on cinc
un autre Conseil de guerre
pour délibérer si on arraqueroit
le Fort de Plaisance
dans l'Isle de Terre-Neuve-,
suivant l'ordre. qu'on en
avoit en cas querentreprise
sur Quebec ne réüssitpas;
mais qu'il futrésolu de rc+
tourner en Angleterre, parce
qu'on n'avoitpassuffisament
de vivres.Que d'autres
Lettres écritespardes Officiers,
font monter la perte à
, quatorze Navires, à prés de
deux mille hommes
,
&
disentqu'on étoit en peine
du Colonel Nicholson,qui
ayoit ordre lorsquela Flotte
partie de Baston de s'avancer
de la New- YorK avec
3000. horameSjCe qu'il pouroit
rassembler de Sauvages
pourattaquer l'Isle de Mont
rcal sçituée vers le haut de
la Rivicre de Saint Laurent,
parce que la Flotte devant
luy fournir des vivres, on ne avoir pas comment il auroit
pû se retirer & résister
aux François & aux Sauva-
,
ges leurs amis.
Les Lettres du 30. de la
même Ville, portent que le
Chevalier Hovendon Walker,
étoit arrivé à la Rade de
Sainte Helene prés l'Isle de
Wight avec la Flotte qui étoit
allée en Canada;que les
Troupes qui étoient dessus
avoient esté distribuées en
quartier de rafraichissement
dans les lieuxvoisins; que le :16. le feu ayant pris par accidentauVaisseaurl'Edgar
do
>7°.pieces deCanons, sauta
> en l'air avec cinq cens hommes
qui étoient dessus, dont
aucun ne se sauva qu'un Matelot
qui étoit dans la Chaloupe
, & trois Officiers qui
avoient mis pied à terre;
qu'il y avoit sur ce Vaisseau
quelques Habitans de Port smouth
qui eurent la même
destinée que l'Equipage.
Que le 24. on publia les
Préliminaires dont on assuroit
que la France & l'Angleterre
estoient convenus
pour parvenir à une Paix génerale
,qui contiennent que
le Roy Très -
Chrestien reconnoistra
la Reine de la
Grande-Bretagne en cette
qualité, & la Succçflion à
la Couronne,selon qu'elle
est à present establie-qu'il
consentira de bonne foy
qu'onprennetoures les mefurcs
justes-&raisonnables
pour empêcher que les Coutonnes
de France & d',E[-
pagne ne soient jamais réü.
nies en la personned'un me-N
me Prince; que l'intention
duRoyest que tous lesPrinces
& Etats engagez dans
cette guerre, sans aucune
,
exception trouvent une satisfaction
raisonnable dans
le Traitéde Paix,& que le
Commerce soit rétably &; 1
maintenu à l'avantage de la
Grande Bretagne, de la Hol.
lande & des autres Nations,
que comme le Roy veut exa.
ctement observer la Paix
quand elle fera concluë, ôc
que l'objetqu'il se propose
etf d'assurer les Frontières de
son Royaume sansinquieter
en aucune maniéré les Etats
de ses voisins ,il promet de
consentir par le Traité qui
se fera que les Hollandois
soient mis en possession des
Places fortesqui y sont specifiées,
&qui serviront à l'avenir
de bariere pour assurer
le repos de la République de
Hollande ;que le Roy consent
aussi qu'on forme une
barrière seure &convenable
pour l'Empire & la Maison
d'Autriche;que quoyque le
Roy ait dépensé de grandes
sommes pour l'acquisition&
&les fortifications de Dunkerque,
Sa Majesté s'engage
à les faire raser aprèslaconclufion
de la Paix, moyens
nant un équivalent à sa fatisfaction
& comme les Anglois
ne peuvent le fournir,
la discution en fera remise
aux Conferences pour la
Négociation de la Paix. &
que lors que les Conférences
seront commencées on y
examinera à l'amiable & de
bonne foy les prétentions
des Princes & Etats engagez
dans cette Guerre, & on
n'obmettra rien pour les
terminer à la fatisfactondes
Parties.
On a appris par les Lettres
de la Haye du zi. Octobre
que sur le bruit qui s'y estoit
répandu que la Paix se négocioic
en Angleterre avoir
obligé les Etats Generaux à
y envoyer Mr Buys, Penfionnaire
d'Amsterdam en
qualité d'Envoyé Extraordinaire
: que le
1 6. il partit
pour aller s'embarquer sur
un Yacht de l'Etat que
le Comte de Strafford Ambassadeur
d'Angleterre arriva
le ii. à la Haye
,
&
que le lendemain matinil
eut une conférence avec le
Pensionnaire Heinfius.
Celles du29 portent qu'-
on ne doutoit plus des Negociations
de la Paix commencées
entre l'Angleterre
&la France;que comme
elle etoit ardemmeut souhaitée
le Publicq n'avoit
point d'autre attention; que
depuisl'arrivée du Comte
de Strafford
,
Ambassadeur
& Plénipotentiaire d'Angleterre,
il avoit toujours cil
des Conférences avec le
Pensionnaire Heinfius,&
sept Dépurer des Etats Généraux
qui s'étoient aussi
assemblez extraordinairement
pour déliberer sur ce
qu'il avoit communiqué.
Celles du5. Novembre
disent que tous les Ministres
des Puissances Alliées
,
lene
avoient dépêché des Courriers
pour les informer de
ces Propositions Préliminaires,
afin de recevoir leurs
ordres.
& de Hollande.
Les Lettres de Londres
du 1 6.Octobre portent
qu'on en avoit reçu de la
Jamayque par lesquelles on
aprenoit que le Capitaine
Littleton
,
Commandant
une Escadre de 1JX Vaisseaux
de Guerre y étant arrivé
le 22.Juillet eut avis
que Mr du Casse
,
étoit du
côté de Cartagene
,
& qu'il
n' avoit que trois Vaisseaux
de guerre&deux Fregates,
cequi ': le fit résoudre de
l'aller attaquer ; que dans ce
dessein il fit voile le 29. &
que le 6. Août il vit terre à
huit où dixlieuës à l'Orient
de Cartagene. Que le même
jour un Vaisseau qu'il avoit
envoyé à là découverte
fit signal qu'il voyoit cinq,
Varîteaux à Boca Chica,qui
est à l'entrée du Port de Cartagene
;que le7aumatinil
découvrit quatre Navires à
qui *1 ctojhna chasse&cle soit
il en prit un grandqu'il crut
estre un Gallion,&une Parache
; qu'il résolutensuite de
retourner à la Jamaïque afin
defortifier sonEscadre du
Vaisseau le Medway,&d'aller
attendre Mr du Casse, au
bout Occidentalde l'Isle de
Cuba,paroùil devoitpasser
pour aller àla Havane;
mais que l'on n'avoit eûdepuisaucunes
nouvelles de Mr
de Littleton, & qu'on avoit
seulementapris de la Jamaïque
qu'on n'avoit trouvény
or ny argent dans les deux
Bastimens pris, ce quifaisoit
croire que Mr du Casse, les
avoitEnvoyez pour amuser
ce Capitaine pendant qu'il
prendroit une aurre route
'avcc les Gallions.
Celles du20 disent que
Je Colonel Clayton,aporta
le 16.la Relation de l'entrepriseformée
sur Quebec
qui portoiten substance
que la Flotte aprés avoir été
retenuë plusd'unmois à
Bastondansla nouvelle Angleterre
, en partit le roi
Aoûrdernier;qu'elle arriva
le 19. à l'entrée delà grande
,îiviere' de Saint Laurent Otr,
elle fut obligée par unvent
de Nordoüest tres violent
de moüiller dans , la Baye de
Gaspé;que le premier Septembre
ilsentrerent dans la
riviere ou ils avancèrent environ
quarente lieuës, aprés
quoy ils se trouverent incomodez
d'une brume fort
épaisse & d'un grand vent
d'Est-sud-Est; que vers les
huit heures du soir le Chevalier
Hovendon Walker
,
qui commandoit la Flotte,
fie signal aux Vaisseaux de se
tenir serrez, & deporrer au
Sud
,
les Pilotes qu'il avotjE
pris à Baston, dont le Gouverneur
luy avoit répondu
de la capacité, ne connissant
pas -lesmoiiiIlagcs.; que quoy
qu'il eustpriscetteprécaution
,
les Courants ne laisserent
pas de porter la Flotte
vers la coste du Nord où elle
donna sur des rochers qui
firent périr deux Vaisseaux
chargez de provisions
,
&
huit autres chargez devingt
six Compagnies de Troupes
réglées ; que néanmoins il
ne se perdit aucun Vaisseau
de guerre;quele lendemain
4 la Flotte demeura au meme
endroit pour secourir
ceux qui s'étoient fauvcz sur
les débris; que le r: on tint
Conseil de Guerre dans lequelilfut
résolud'abandonner
l'entreprise, parce que
la perte qu'on venoit de
faire en rendoit l'excution
plus difficile, & que d'ailleurs
la faison étoit siavancée,
qu'on avoir tout lieu de
craindre de pareils accidens,
par le peu de connoissance
des Pilotes;qu'ainsi on mie
à la voile pour décendre la
Riviere;que la Flottearriva
!~ 1 5. àla Baye des Espagnols
gnols, dans l'Isle du Cap
Breton; que le19on cinc
un autre Conseil de guerre
pour délibérer si on arraqueroit
le Fort de Plaisance
dans l'Isle de Terre-Neuve-,
suivant l'ordre. qu'on en
avoit en cas querentreprise
sur Quebec ne réüssitpas;
mais qu'il futrésolu de rc+
tourner en Angleterre, parce
qu'on n'avoitpassuffisament
de vivres.Que d'autres
Lettres écritespardes Officiers,
font monter la perte à
, quatorze Navires, à prés de
deux mille hommes
,
&
disentqu'on étoit en peine
du Colonel Nicholson,qui
ayoit ordre lorsquela Flotte
partie de Baston de s'avancer
de la New- YorK avec
3000. horameSjCe qu'il pouroit
rassembler de Sauvages
pourattaquer l'Isle de Mont
rcal sçituée vers le haut de
la Rivicre de Saint Laurent,
parce que la Flotte devant
luy fournir des vivres, on ne avoir pas comment il auroit
pû se retirer & résister
aux François & aux Sauva-
,
ges leurs amis.
Les Lettres du 30. de la
même Ville, portent que le
Chevalier Hovendon Walker,
étoit arrivé à la Rade de
Sainte Helene prés l'Isle de
Wight avec la Flotte qui étoit
allée en Canada;que les
Troupes qui étoient dessus
avoient esté distribuées en
quartier de rafraichissement
dans les lieuxvoisins; que le :16. le feu ayant pris par accidentauVaisseaurl'Edgar
do
>7°.pieces deCanons, sauta
> en l'air avec cinq cens hommes
qui étoient dessus, dont
aucun ne se sauva qu'un Matelot
qui étoit dans la Chaloupe
, & trois Officiers qui
avoient mis pied à terre;
qu'il y avoit sur ce Vaisseau
quelques Habitans de Port smouth
qui eurent la même
destinée que l'Equipage.
Que le 24. on publia les
Préliminaires dont on assuroit
que la France & l'Angleterre
estoient convenus
pour parvenir à une Paix génerale
,qui contiennent que
le Roy Très -
Chrestien reconnoistra
la Reine de la
Grande-Bretagne en cette
qualité, & la Succçflion à
la Couronne,selon qu'elle
est à present establie-qu'il
consentira de bonne foy
qu'onprennetoures les mefurcs
justes-&raisonnables
pour empêcher que les Coutonnes
de France & d',E[-
pagne ne soient jamais réü.
nies en la personned'un me-N
me Prince; que l'intention
duRoyest que tous lesPrinces
& Etats engagez dans
cette guerre, sans aucune
,
exception trouvent une satisfaction
raisonnable dans
le Traitéde Paix,& que le
Commerce soit rétably &; 1
maintenu à l'avantage de la
Grande Bretagne, de la Hol.
lande & des autres Nations,
que comme le Roy veut exa.
ctement observer la Paix
quand elle fera concluë, ôc
que l'objetqu'il se propose
etf d'assurer les Frontières de
son Royaume sansinquieter
en aucune maniéré les Etats
de ses voisins ,il promet de
consentir par le Traité qui
se fera que les Hollandois
soient mis en possession des
Places fortesqui y sont specifiées,
&qui serviront à l'avenir
de bariere pour assurer
le repos de la République de
Hollande ;que le Roy consent
aussi qu'on forme une
barrière seure &convenable
pour l'Empire & la Maison
d'Autriche;que quoyque le
Roy ait dépensé de grandes
sommes pour l'acquisition&
&les fortifications de Dunkerque,
Sa Majesté s'engage
à les faire raser aprèslaconclufion
de la Paix, moyens
nant un équivalent à sa fatisfaction
& comme les Anglois
ne peuvent le fournir,
la discution en fera remise
aux Conferences pour la
Négociation de la Paix. &
que lors que les Conférences
seront commencées on y
examinera à l'amiable & de
bonne foy les prétentions
des Princes & Etats engagez
dans cette Guerre, & on
n'obmettra rien pour les
terminer à la fatisfactondes
Parties.
On a appris par les Lettres
de la Haye du zi. Octobre
que sur le bruit qui s'y estoit
répandu que la Paix se négocioic
en Angleterre avoir
obligé les Etats Generaux à
y envoyer Mr Buys, Penfionnaire
d'Amsterdam en
qualité d'Envoyé Extraordinaire
: que le
1 6. il partit
pour aller s'embarquer sur
un Yacht de l'Etat que
le Comte de Strafford Ambassadeur
d'Angleterre arriva
le ii. à la Haye
,
&
que le lendemain matinil
eut une conférence avec le
Pensionnaire Heinfius.
Celles du29 portent qu'-
on ne doutoit plus des Negociations
de la Paix commencées
entre l'Angleterre
&la France;que comme
elle etoit ardemmeut souhaitée
le Publicq n'avoit
point d'autre attention; que
depuisl'arrivée du Comte
de Strafford
,
Ambassadeur
& Plénipotentiaire d'Angleterre,
il avoit toujours cil
des Conférences avec le
Pensionnaire Heinfius,&
sept Dépurer des Etats Généraux
qui s'étoient aussi
assemblez extraordinairement
pour déliberer sur ce
qu'il avoit communiqué.
Celles du5. Novembre
disent que tous les Ministres
des Puissances Alliées
,
lene
avoient dépêché des Courriers
pour les informer de
ces Propositions Préliminaires,
afin de recevoir leurs
ordres.
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Résumé : Nouvelles d'Angleterre, & de Hollande.
Le texte traite des événements militaires et diplomatiques impliquant l'Angleterre et la Hollande. En octobre, des lettres de Londres rapportent que le capitaine Littleton, à la tête d'une escadre de dix vaisseaux de guerre, a appris la présence de Monsieur du Casse près de Carthagène avec trois vaisseaux de guerre et deux frégates. Littleton a décidé de l'attaquer mais a choisi de retourner en Jamaïque pour renforcer son escadre avant de se diriger vers l'ouest de Cuba pour attendre du Casse. Aucune nouvelle de Littleton n'a été reçue depuis, et les deux bâtiments capturés ne contenaient ni or ni argent, suggérant que du Casse les avait envoyés pour détourner Littleton. Le colonel Clayton a rapporté une expédition contre Québec. La flotte, partie de Boston, a été retardée et repoussée par des conditions météorologiques défavorables, perdant plusieurs navires et hommes. La flotte a ensuite décidé de retourner en Angleterre en raison du manque de vivres et de la saison avancée. Des lettres du 30 octobre indiquent que le chevalier Hovendon Walker est arrivé à Sainte-Hélène avec la flotte, et qu'un accident a causé l'explosion du vaisseau l'Edgar, tuant cinq cents hommes. Le 24 octobre, des préliminaires de paix entre la France et l'Angleterre ont été publiés, reconnaissant la reine d'Angleterre et établissant des mesures pour prévenir les conflits futurs. La France s'engage à raser les fortifications de Dunkerque et à former des barrières pour assurer la paix en Hollande et dans l'Empire. À La Haye, les États généraux ont envoyé Monsieur Buys en Angleterre pour les négociations de paix, et le comte de Strafford a eu des conférences avec le pensionnaire Heinsius et des députés des États généraux. Les négociations de paix entre l'Angleterre et la France sont confirmées, et les ministres des puissances alliées ont été informés des propositions préliminaires.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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23
p. 319-329
Dernieres Nouvelles.
Début :
Le Pape s'est enfin determiné à donner le Chapeau de Cardinal [...]
Mots clefs :
Cardinal, Vaisseau, Hommes, Hongrie, Rome, Cadix, Huningue, Charleroi, Abbeville, Vienne, Utrecht
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Dernieres Nouvelles.
Dernieres Nouvelles.
De Rome le 13. Décembre,
Le Pape s'est enfin déterminé à donner le Chapeau
de Cardinal à Don Annibal
Albini. S. S. après avoir
demandé dansunConsistoire
le sentiment des Cardinauxsur cette Promotion, ils y
applaudirent tous, & le S.
Pere dit, puisque vous lejugez tous à propos nous nommerons Don Ânmbal Jlbant
Cardinal; & ff prie Dieu
que cettePromotionsoitàjapltts
grande gloire, & au bien de
l'Eglise. Ensuite S. S. prononça la Formule, & aussitôt le Canon du Château
S. Ange sefit entendre.
Tous les Cardinaux qui se
trouverent au Consistoire
allèrent ce jour-là complimenter Dona Bernardina,
Mere du nouveau Cardinal,
qui ,.. ,.. reçut aussi les felicita-
-
tions de toutes les autres
personnes les plus distinguées )&ilYeutleCoirdes
illuminations par toute Ville. la
-
De- Caiiz le 8.Janvier.
UnAimatcCfr de S. Malo
a
amené icy une Prise Hollandoifc estimée dix mille
Ecus. On a
levé l'Arrest
qu'on avoit mis sur deux
Bâtimens Genois qui étoient
dans nostre Port, & C(S -
Bâtimens ont remis à la
voile pour retourneràGenes,
mais l'Arrest mis sur le
Vaisseau Venirien n'a point
icle Irve, & au contraire,
ce
Vaisseau
a
été déclaré de
bonne prise.
On a appris par un Vaisseau d'avis arrivé de la
Martinique d'où il est parti
le premier Décembre, que
MrDucasse dévoieen faire
voile le
1 5. avec quacrre
Vaisseaux de guerre François qui l'y avoient joinr.
Un Vaisseau Anglois de
60. Canonsayant été poussé
sur nos cotes par un coup
de vent, y a
échoüé.Léquipage qui s'est sauvé à
terre, est venu icy, & on
luy donne lasubsistance. On
travaille à remetrre le Vaisseau à flot, & l'on espere
y
reüssir.
D'Hmingue le 15. Janvier.
Nonobstant le débordement du Rhin, environ
trois cens hommes des Ennemis,ayant passé ce Fleuve
dans des batteaux prés de
,
l'Isle de Newbourg, étoient
entrez en Alsaceoù. ils
avoient commencé à piller;
mais nôtreCommandant en
ayant eû avis a
aussitôt fait
-
sortir cent Dragons & autant de Grenadiers pour les
aller chercher Ils les ont
trouvez au Village de Rù.
mensheim, les ont attaquez,
enont tué trente, & fait un
plus grand nombre de pri-
[onolcrs, qui ont dit que
leurPartisan, qui avoir été
tué, étoit l'un de leuts plus
fameux.
De Charleroy le 26. Janvier.
Un Party de nôtre Garnison surprit hier un convoy
de vingt Chariots chargez
qui alloient à Mons, fous
l'escorte de 30. hommes
qui prirent la fuite dés qu'ils
apperçurent qu'on alloit les
attaquer; & comme ils
curent le temps de dételler
les chevaux, on fut obligé
de brûler les Chariots, ne
pouvant les emmener.
UAbbeville le 17. Janvier.
Un gros party ennemi
étant entré dans le Boulonois, pour lever les contributions,
a été coupe & en
tierement deffait par les
Troupes qui sont icy en
quartier.
De Vienne le 6. Janvier.
,
Quoy qu'onaffcde de
publier icy que tout cft
tranquile en Hongrie, on
a
des avis certains que la
plus grande partie de la
Noblesse Hongroise (si trés
mécontente de ce qu'on
n'a encore donné à la nation
aucune satisfaction sur les
Griefs dont elle s'étoit
plainte dans les precedentes
Diettes, & entr'autres de ce
qu'onne donnoit pas à des
Hongroisles Gouvernemens
des Places du Royaume
,
&
qu'on n'en retiroit pas les
Troupes Allemandes, ainsi
qu'on l'avoit promis.
LArchiduc ne doit arriver à Presbourg
,
qu'au
commencement de Fevrier,
Quoy que ce Prince ait fait
une nombreuse promotion
de Conseillers d'Etat, plusieursSeigneurs seplaignent
de n'y avoir pas été compris, & parriculieremenc
ceux qui avoient été honorez de cette Dignité par
l'Empereur Joseph.
On a reçu un Courrier
du Resident de l'Empire à
Constantinople
,
qui a rapotté que le party du Kan
des Tartaresayant prévalu
sur celuy du Grand Visir,
ce Ministre avoir été deposé
le 20. Novembre, tous ses
biens confisquez le lendemain, & que l'Aga des Janissaires qui avoir été mis à
sa place, avoir écrit au Roy
de Suede qu'il luy mencroic
au Printemps une Armée
de deux cens mille hommes.
D'Utrechtle21.Janvier.
Mr l'Evesque de Bristol,
premierPlenipotentiairedela
Reine de la Grand Bretagne
arriva icy le IJ. avec une
nombreuse suitte, & Mr le
Comte de Strafford arriva le
17. Apres que Mrs les Plenipotentiaires de France y
furent arrivez,ils le firent sçavoir aux Magistrats, & Mrs
les Plénipotentiaires d'Angleterre allerent incontinent les visiter
,
& le soir
Mrs les Plenipotentiaires de
France rendirent la vifitc à
Mrs les Plenipotentiaires
d'Angleterre.
Mr leComte del Borgo,
Plenipotentiaire de Mr le
Duc de Savoye, arriva le20.
& la pluspart de ceux des
sept Provinces unies, se sont
aussi déja rendus icy
De Rome le 13. Décembre,
Le Pape s'est enfin déterminé à donner le Chapeau
de Cardinal à Don Annibal
Albini. S. S. après avoir
demandé dansunConsistoire
le sentiment des Cardinauxsur cette Promotion, ils y
applaudirent tous, & le S.
Pere dit, puisque vous lejugez tous à propos nous nommerons Don Ânmbal Jlbant
Cardinal; & ff prie Dieu
que cettePromotionsoitàjapltts
grande gloire, & au bien de
l'Eglise. Ensuite S. S. prononça la Formule, & aussitôt le Canon du Château
S. Ange sefit entendre.
Tous les Cardinaux qui se
trouverent au Consistoire
allèrent ce jour-là complimenter Dona Bernardina,
Mere du nouveau Cardinal,
qui ,.. ,.. reçut aussi les felicita-
-
tions de toutes les autres
personnes les plus distinguées )&ilYeutleCoirdes
illuminations par toute Ville. la
-
De- Caiiz le 8.Janvier.
UnAimatcCfr de S. Malo
a
amené icy une Prise Hollandoifc estimée dix mille
Ecus. On a
levé l'Arrest
qu'on avoit mis sur deux
Bâtimens Genois qui étoient
dans nostre Port, & C(S -
Bâtimens ont remis à la
voile pour retourneràGenes,
mais l'Arrest mis sur le
Vaisseau Venirien n'a point
icle Irve, & au contraire,
ce
Vaisseau
a
été déclaré de
bonne prise.
On a appris par un Vaisseau d'avis arrivé de la
Martinique d'où il est parti
le premier Décembre, que
MrDucasse dévoieen faire
voile le
1 5. avec quacrre
Vaisseaux de guerre François qui l'y avoient joinr.
Un Vaisseau Anglois de
60. Canonsayant été poussé
sur nos cotes par un coup
de vent, y a
échoüé.Léquipage qui s'est sauvé à
terre, est venu icy, & on
luy donne lasubsistance. On
travaille à remetrre le Vaisseau à flot, & l'on espere
y
reüssir.
D'Hmingue le 15. Janvier.
Nonobstant le débordement du Rhin, environ
trois cens hommes des Ennemis,ayant passé ce Fleuve
dans des batteaux prés de
,
l'Isle de Newbourg, étoient
entrez en Alsaceoù. ils
avoient commencé à piller;
mais nôtreCommandant en
ayant eû avis a
aussitôt fait
-
sortir cent Dragons & autant de Grenadiers pour les
aller chercher Ils les ont
trouvez au Village de Rù.
mensheim, les ont attaquez,
enont tué trente, & fait un
plus grand nombre de pri-
[onolcrs, qui ont dit que
leurPartisan, qui avoir été
tué, étoit l'un de leuts plus
fameux.
De Charleroy le 26. Janvier.
Un Party de nôtre Garnison surprit hier un convoy
de vingt Chariots chargez
qui alloient à Mons, fous
l'escorte de 30. hommes
qui prirent la fuite dés qu'ils
apperçurent qu'on alloit les
attaquer; & comme ils
curent le temps de dételler
les chevaux, on fut obligé
de brûler les Chariots, ne
pouvant les emmener.
UAbbeville le 17. Janvier.
Un gros party ennemi
étant entré dans le Boulonois, pour lever les contributions,
a été coupe & en
tierement deffait par les
Troupes qui sont icy en
quartier.
De Vienne le 6. Janvier.
,
Quoy qu'onaffcde de
publier icy que tout cft
tranquile en Hongrie, on
a
des avis certains que la
plus grande partie de la
Noblesse Hongroise (si trés
mécontente de ce qu'on
n'a encore donné à la nation
aucune satisfaction sur les
Griefs dont elle s'étoit
plainte dans les precedentes
Diettes, & entr'autres de ce
qu'onne donnoit pas à des
Hongroisles Gouvernemens
des Places du Royaume
,
&
qu'on n'en retiroit pas les
Troupes Allemandes, ainsi
qu'on l'avoit promis.
LArchiduc ne doit arriver à Presbourg
,
qu'au
commencement de Fevrier,
Quoy que ce Prince ait fait
une nombreuse promotion
de Conseillers d'Etat, plusieursSeigneurs seplaignent
de n'y avoir pas été compris, & parriculieremenc
ceux qui avoient été honorez de cette Dignité par
l'Empereur Joseph.
On a reçu un Courrier
du Resident de l'Empire à
Constantinople
,
qui a rapotté que le party du Kan
des Tartaresayant prévalu
sur celuy du Grand Visir,
ce Ministre avoir été deposé
le 20. Novembre, tous ses
biens confisquez le lendemain, & que l'Aga des Janissaires qui avoir été mis à
sa place, avoir écrit au Roy
de Suede qu'il luy mencroic
au Printemps une Armée
de deux cens mille hommes.
D'Utrechtle21.Janvier.
Mr l'Evesque de Bristol,
premierPlenipotentiairedela
Reine de la Grand Bretagne
arriva icy le IJ. avec une
nombreuse suitte, & Mr le
Comte de Strafford arriva le
17. Apres que Mrs les Plenipotentiaires de France y
furent arrivez,ils le firent sçavoir aux Magistrats, & Mrs
les Plénipotentiaires d'Angleterre allerent incontinent les visiter
,
& le soir
Mrs les Plenipotentiaires de
France rendirent la vifitc à
Mrs les Plenipotentiaires
d'Angleterre.
Mr leComte del Borgo,
Plenipotentiaire de Mr le
Duc de Savoye, arriva le20.
& la pluspart de ceux des
sept Provinces unies, se sont
aussi déja rendus icy
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Résumé : Dernieres Nouvelles.
Le 13 décembre, le Pape a nommé Don Annibal Albini cardinal, après avoir consulté et obtenu l'approbation des autres cardinaux. Cette promotion a été célébrée par des illuminations dans la ville et des félicitations adressées à la mère du nouveau cardinal. Le 8 janvier, un navire de Saint-Malo a capturé un navire hollandais évalué à dix mille écus. Des mesures concernant les arrestations sur des bâtiments génois et vénitiens ont été prises, certaines levées et d'autres maintenues. Un vaisseau anglais de 60 canons a échoué sur les côtes françaises, et son équipage a été secouru. Le 15 janvier, des ennemis ont pillé en Alsace mais ont été repoussés par des dragons et des grenadiers français. Le 26 janvier, un convoi de chariots a été attaqué et brûlé près de Charleroy. Le 17 janvier, un parti ennemi a été défait dans le Boulonnais. À Vienne, la noblesse hongroise exprime son mécontentement face aux promesses non tenues concernant les gouvernements des places du royaume, et l'archiduc est attendu à Presbourg au début février. À Constantinople, le Grand Visir a été déposé et remplacé par l'Aga des Janissaires, qui prévoit d'envoyer une armée en Suède au printemps. Enfin, à Utrecht, les plénipotentiaires de la Grande-Bretagne, de la France et de la Savoie sont arrivés pour des négociations.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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24
p. 175-197
LETTRE d'un Capitaine de Vaisseau qui a esté present à l'expedition de Rio-Janeiro.
Début :
Le 12. Septembre à la faveur d'une bruine fort épaisse, nous parusmes sur [...]
Mots clefs :
Rio de Janeiro, Pièces de canon, Vaisseau, Capitulation, Expédition, Portugais, Monsieur du Clerc, Canon, Sucre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE d'un Capitaine de Vaisseau qui a esté present à l'expedition de Rio-Janeiro.
L E TTR E
d'un Capitaine de Vaiffeau
qui a eflé prefent à l'expedition de Rio Janeiro.
Lee 12. 12. Septembre à la «
faveur d'une bruine fort
épaiffe nous parufmes furles dix heures du matin «
proche l'entrée de Rio
Janeiro , ayant reconnu “
Piiij.
176 MERCURE
la Terre deux jours aupa 03
3
→ravant , dès que le temps
1029
03/
09
30
commença à´ss'éclaircir
Mr Du Gué fit le fignal
pour entrer tous en li-
" gne fuivant l'ordre qu'il
- en avoit donné , fçavoir
» le Magnanime , le Lys ,
le Brillant , l'Achille , le
Glorieux , le Mars , le Fidele , l'Argonaute , l'A-
→ mazone, la Bellone , l'Aigle , l'Aftrée , le Chance-
» lier, la Glorieufe , la Con-
- corde & les deux Traverfiers, nous entraẩmes tous
avec un vent de Sud Eft
*
GALANT 177
beau & frais en forçant le
grandfort de fainteCroix
qui eft le premier en en- «
trant & d'autres forts
dont il nous fallut effuyer
le feu nous allafmesmoüil
ler , nonobftant leur feu ,
proche la ville hors la por--
tée du canon , nous y avons trouvé quatre Vaiffeaux de guerre Portugais
de 64, 62. 60. à 58. canons , dont la moitié de«
leur artillerie eftoit de «
fonte. Mr du Gué, avec «
le Confeil de guerre , re
folut qu'il falloit fe rendre
178 MERCURE
" maiftres de l'Ifle aux Che
vres, & que c'eftoit le feul
endroit où on pourroit
eftablir fes batteries. Mr
du Gué ordonna qu'on fe
tint preft à debarquer
avec une partie des trou
pes à la petite pointe du
* jour. Mr de Gouyon ,
commeeftant le plus ancien , commanda la defcente & fat avec toutes
les chalouppes & canots
armez , dans lefquels il y
avoit cinq cens hommes ,
#& s'en rendit maiftre. Les
Portugais s'y eftoient des
GALANT. 179
ja eftablis, &avoient com-*
mencé à faire des batteries , dont ils avoient desja fix pieces de canon de «
fer qu'ils enclouérent
quand ils furent obligez
d'abandonner.Aprés cet
te expedition faite , Mr
Gouyonfe rembarqua, &
en laiffa le commande- &
mentau Marquis de faint •
Simon Lieutenant de
Vaiffeau, avec trois cens •
foldats , & ila donné des
marques de ſa valeur, &
a tousjours tres bien fait.
Le 13. dudit mois deux de «
180 MERCURE
03
ces Vaiffeaux Portugais
fe bruflerent , le Cheva-
»lier de Veaurealle cut ordre d'aller avec fa Chaloupe à bord d'un autre
qui en vouloit faire au,
tant , il s'en rendit maif,
etre , mais il ne put point
le haller au large , parce
qu'un Fort faifoit conti,
" nuellement feu deffus ne
voyant aucun espoir de
le fauver , parce qu'il ef
toit crible de coups de
& qu'il faifoit • canon
beaucoup d'eau , tout ce
qu'il put faire ce fut de
GALANT. 181
ce
се
Téchouer proche de la
pointe de l'Ifle aux Ché
vres , il ne s'y eft trouvé -
que feize piecesde canon «
de fonte de vingt quatre,
qu'on tranſporta la nuit
à terres quant à l'autre
Vaiffeau il fe brufla deux
jours aprés , on ne put
point l'aller prendre où
i eftoit proche une batterie de quatre pieces de
canon de quarante huit ,
Mr Du Gué ordonna
tous nos mortiers fuffent
mis à terre en batterie à«e
l'ffle aux Chevres. Leque C
се
сс
182 MERCURE
»
22 Chevalier de la Ruffinie
➡re qui commandoit l'artillerie , y fut tué la nuit
13. au 14. De Beauve
fut à la faveur de la nuit
23
33
» du
avec huit Chalouppes &
cinq canots armez , enle
→ ver cinqà fix Baſtiments
qui eftoient moüillez proche de terre , qui pouvoient empeſcher noftre
defcente generale , ils
avoient du dix - huit fur
deux de ces navires, dont
» un eftoit de 44. & l'autre
»detrente- fix, tous eftoient
chargez de beau fucre
57
GALANT. 183
CC
blanc de Brefil , on eftime ces carguaifons , ain- «
fi que ces Vaiffeaux plus
de cent mille écus. Le14.
nous filmes noftre defcen- «
te generale au nombre.
de trois mille hommes , «
toutes nos troupes furent
à terre à midy , & nous «
marchaſmes dans la plus .
grande ardeur du Soleil ,
& fufmes à une grande «
lieue pour pouvoir nous «
rendre maiftres d'une ri «,
viere qui fournit la legarde d'eau , mais nous ne «
pufmes paffer, parce que
се
CR
184 MERCURE
»
→cet endroit eft ifolé &
qu'il y avoit un bras de
riviere qui le rendoit inacceffible , nous fufmes
obligez de nous en retourner proche le debar-
» quement où nous cam-
→pafmes par brigades, nous
» y reftames huit jours fans
faire grand mouvement.
Le 19. Mr du Gué envoya
»un Tambour au Gouver-
» neur de la Ville avec une
»
35
"
Lettre pour luy deman-
» der juftice des mauvais
»traitements & des cruau-
» tez qu'on avoit fait àtous
les
GALANT. 185
les prifonniers de Mr le
Clerc, & defon affaffinat, "
& qu'il le fommoit de fe «
rendre , il fit refponfe
qu'il avoit des forces fuperieures de beaucoup
aux noftres pour fe def
fendre , & qu'à l'égard de
l'affaffinat deMr duClerc Ce
«
il n'y avoit eu aucune
part , & qu'il avoit fait «
les perquifitions neceffi
res pour en fçavoir les «
complices.
Quand Mr du Gué eut«
receu cette Lettre il envo «
ya un canot à l'ifle des «
Février. 1712. Q
186 MERCURE
Chevres avec ordre de
» commencerà tirer , alors
→ on ouvrit toutes nos batteries ; fur les fix heures
» du foir , l'on tira detren
>> te pieces de trente fix , &
le lendemain de dix au.
tres de vingt quatre & de
» dix- huit. Le 22. les Jefui-
» tes envoyerent Mr de la
Salle Volontaire de Mr
du Clerc à Mr du Gué
pour l'avertir que le Gou25
verneur avec toute la
garuifon & les habitants
»avoient pris la fuite pen-
» dant la nuit , & qu'ils
GALANT. 187
fe
ce
avoient abandonné la -
Ville de Rio Janeiro &
tous les Forts ; qu'ils euffent à s'y rendre pour en «
prendre poffeffion. On «
s'affura des portes les plus
importantes. La Brigade
de MrGouyonfut aux Be- .
nedictins , & l'on prit le
Fort & tout ce qui en dépend. Nous n'avons perdu en cette occafion que
vingt hommes. Par les «
avis de plufieurs priſon
niers de Mr du Clerc , «
qui fe fauvoient de la Ville, nous avons appris que
co
Qij
188 MERCURE
*
30
53
les Ennemis avoient plus
de dix mille hommes por
tant les armes , y compre
" nant des Negres libres
qui font auffi agueris que
des Soldats. Sitoft que
nous fufmes à la Ville on
diftribua noftre petite armée en cinq Brigades
pour occuper les poftes
les plus avantageux auffi-
>bien que les dehors où
l'on fe campa. Mr du Gué
fe logea à la maifon de
l'Evefque. I nous vint
360. Soldats de Mr du
Clerc qui fortirent de
30
"
39
53
227
GALANT. 189
се
ec
RE
prifon quel'on incorpora
dans nos Troupes. Le 23.
tous les Fortsfe rendirent
par capitulation , & on y "
envoya des garnifons.
Mr du Gué voyant que
le Gouverneur ne vouloit
point compoſer pour fa
Ville luy écrivit pour luy
reprefenter que tout fon «
pays eftoit en noftre puif
fance, preft d'eftre ruiné , «
& qu'ilcherchoit évidem «
ment fa perte ; que fon
Roy le puniroit toft ou
tard de n'avoir pas ména
gé fes interefts ; il l'avere
LC
the
190 MERCURE
* tiffoit d'envoyer chercher fes bleffez & les
malades pour leur éviter
d'eftre embrafez dans les
* ruines de fa Ville qu'il
alloit bruler & miner les
Forts pour les faire fauter,
Il fit réponſe qu'il vouloit
» confulter fes Generaux ,
& demanda deux jours.
Le 28. voyant qu'il ne
répondoit point on fit
» marcher toute l'Armée
»vers lesfix heures du matin. On ne laiffa que trespeu de monde pour gar- 20
» der les Forts que nous
GALANT. 191
occupions. Nous fulmes a
droit à l'ennemyqui eftoit «
campé à deux lieuës de la
Ville. On les furprit fi à «
propos que fi on les avoit
attaqués onles auroit dé- ➡
faits entierement ; nos
deux Armées eftoient en «
veuë à la portée du canon: mais le Gouverneur
demanda à capituler. Le «
premier Article fut que
l'on nous donneroit en
poudre d'or 1600000, li- «
vres poids de France en
trois payements afin -
qu'on confervaft la Ville , «
19 MERCURE
33
دو
$
33
les Couvents des Jefuites,
& des Benedictins , fous
condition qu'on leur donneroit des oftages pour
feureté. Nous leur laiffames le Chevalier de la
Grange Enfeigne de Vaif
feau , qui a efté autrefois
au Port Louis. Ils nous
» envoyerent leur Préfi
» dent , & un Mestre de
Camp de Cavalerie que
→ nous amenames à laVille.
» Ils nous accorderent cent
quaiffes de fucre blanc
53
de neuf cens livres chacune s'obligerent de
nous
CALANT. 193
cc
+
«
nous fournir gratis 200. «
boeufs fous condition
qu'on leur rendroit tous «
les Forts , & tout ce qui
en dépend , l'artillerie
avecfix coupspar canon ; «
que la Ville ne feroit «
point brulée , & qu'ils s'o- «
bligeoient de nous ache- «
ter toutes les poudres qui
cftoient en grande quanrité & toutes les mar- «
chandifes pourpeu qu'on
leur en fit bonne compofition. Il ne s'eft donné «
que deux efcarmouches
où nous avons tué aux «
Février 1712.
R
ec
ec
сс
EC
194 MERCURE
59
33
52
ဘ
32
Ennemis plus de 150.
hommes;nous n'en avons
perdu que quatre ou cinq,
Nonobftant la capitulation faite on ne laiffoit
point de fe tenir fur fes
gardes. Nous recevions
fouvent des avis qu'on
devoit nous furprendre..
Quand on nous eut fait
le premier payement
→ nous ne primes plus tant:
de précaution. Comme
les Portugais mouroient
defaim , on leur permet-
» toit d'entrer dans la Ville
» pour y prendre des fari37
32
22.
50
GALANT. 195
EC
nes de magniottes qu'ils -
avoient dans leurmaifon
ayant avec eux des fauve- c
gardesqui les ramenoient
dehors ; nous recevions «
d'eux tous les jours des
rafraifchiffements qui
.co :
nous eftoient d'un tres. «
4
OC
ce
grand' fecours. Le bruit
commun porte qu'on a «
trouvé dans les monta- Le
gnes un trefor d'environ
deux millions cinq cent «
mille livres en lingots
d'or , poudre , & vaiſſelle
d'argent , & trois mille .
quaiffes de fucre blanc «
>
cc
Rij
196 MERCURE
دو qui font de neuf cens li.:
vres chacune , eftimées
trois cens mille écus
» trente pieces de canon de
fonte de vingt - quatre
eftimées deux cens dix
mille livres ; l'on a vendu
plufieurs Navires pour
53
SP
دو
50
38
"
22
»7 cent foixante mille livres;
l'on a vendu les poudres
» cent vingt mille livres , &
des marchandifes vendues dans tous les vaiffeaux au profit de l'arme-
» ment vingt mille livres ;
le tout enfemble compre5
57
دو
- nant ce qu'on a receu
GALANT. 197
(C
f5 ས
CC
pour la capitulation , on
compte que nous avons «
cu de Rio Janeiro huit
millions. Tous nos Soldats ont donné beaucoup
de marques de leur va- «
leur eſtant remplis tous "
de bonne volonté ; la «
ce
"
ce plufpart ont fait de gros
butins & ceux qui n'ont *
pas profité dans cette oc- «
cafion , c'eft qu'ils fe font
trop attachés à boire.
d'un Capitaine de Vaiffeau
qui a eflé prefent à l'expedition de Rio Janeiro.
Lee 12. 12. Septembre à la «
faveur d'une bruine fort
épaiffe nous parufmes furles dix heures du matin «
proche l'entrée de Rio
Janeiro , ayant reconnu “
Piiij.
176 MERCURE
la Terre deux jours aupa 03
3
→ravant , dès que le temps
1029
03/
09
30
commença à´ss'éclaircir
Mr Du Gué fit le fignal
pour entrer tous en li-
" gne fuivant l'ordre qu'il
- en avoit donné , fçavoir
» le Magnanime , le Lys ,
le Brillant , l'Achille , le
Glorieux , le Mars , le Fidele , l'Argonaute , l'A-
→ mazone, la Bellone , l'Aigle , l'Aftrée , le Chance-
» lier, la Glorieufe , la Con-
- corde & les deux Traverfiers, nous entraẩmes tous
avec un vent de Sud Eft
*
GALANT 177
beau & frais en forçant le
grandfort de fainteCroix
qui eft le premier en en- «
trant & d'autres forts
dont il nous fallut effuyer
le feu nous allafmesmoüil
ler , nonobftant leur feu ,
proche la ville hors la por--
tée du canon , nous y avons trouvé quatre Vaiffeaux de guerre Portugais
de 64, 62. 60. à 58. canons , dont la moitié de«
leur artillerie eftoit de «
fonte. Mr du Gué, avec «
le Confeil de guerre , re
folut qu'il falloit fe rendre
178 MERCURE
" maiftres de l'Ifle aux Che
vres, & que c'eftoit le feul
endroit où on pourroit
eftablir fes batteries. Mr
du Gué ordonna qu'on fe
tint preft à debarquer
avec une partie des trou
pes à la petite pointe du
* jour. Mr de Gouyon ,
commeeftant le plus ancien , commanda la defcente & fat avec toutes
les chalouppes & canots
armez , dans lefquels il y
avoit cinq cens hommes ,
#& s'en rendit maiftre. Les
Portugais s'y eftoient des
GALANT. 179
ja eftablis, &avoient com-*
mencé à faire des batteries , dont ils avoient desja fix pieces de canon de «
fer qu'ils enclouérent
quand ils furent obligez
d'abandonner.Aprés cet
te expedition faite , Mr
Gouyonfe rembarqua, &
en laiffa le commande- &
mentau Marquis de faint •
Simon Lieutenant de
Vaiffeau, avec trois cens •
foldats , & ila donné des
marques de ſa valeur, &
a tousjours tres bien fait.
Le 13. dudit mois deux de «
180 MERCURE
03
ces Vaiffeaux Portugais
fe bruflerent , le Cheva-
»lier de Veaurealle cut ordre d'aller avec fa Chaloupe à bord d'un autre
qui en vouloit faire au,
tant , il s'en rendit maif,
etre , mais il ne put point
le haller au large , parce
qu'un Fort faifoit conti,
" nuellement feu deffus ne
voyant aucun espoir de
le fauver , parce qu'il ef
toit crible de coups de
& qu'il faifoit • canon
beaucoup d'eau , tout ce
qu'il put faire ce fut de
GALANT. 181
ce
се
Téchouer proche de la
pointe de l'Ifle aux Ché
vres , il ne s'y eft trouvé -
que feize piecesde canon «
de fonte de vingt quatre,
qu'on tranſporta la nuit
à terres quant à l'autre
Vaiffeau il fe brufla deux
jours aprés , on ne put
point l'aller prendre où
i eftoit proche une batterie de quatre pieces de
canon de quarante huit ,
Mr Du Gué ordonna
tous nos mortiers fuffent
mis à terre en batterie à«e
l'ffle aux Chevres. Leque C
се
сс
182 MERCURE
»
22 Chevalier de la Ruffinie
➡re qui commandoit l'artillerie , y fut tué la nuit
13. au 14. De Beauve
fut à la faveur de la nuit
23
33
» du
avec huit Chalouppes &
cinq canots armez , enle
→ ver cinqà fix Baſtiments
qui eftoient moüillez proche de terre , qui pouvoient empeſcher noftre
defcente generale , ils
avoient du dix - huit fur
deux de ces navires, dont
» un eftoit de 44. & l'autre
»detrente- fix, tous eftoient
chargez de beau fucre
57
GALANT. 183
CC
blanc de Brefil , on eftime ces carguaifons , ain- «
fi que ces Vaiffeaux plus
de cent mille écus. Le14.
nous filmes noftre defcen- «
te generale au nombre.
de trois mille hommes , «
toutes nos troupes furent
à terre à midy , & nous «
marchaſmes dans la plus .
grande ardeur du Soleil ,
& fufmes à une grande «
lieue pour pouvoir nous «
rendre maiftres d'une ri «,
viere qui fournit la legarde d'eau , mais nous ne «
pufmes paffer, parce que
се
CR
184 MERCURE
»
→cet endroit eft ifolé &
qu'il y avoit un bras de
riviere qui le rendoit inacceffible , nous fufmes
obligez de nous en retourner proche le debar-
» quement où nous cam-
→pafmes par brigades, nous
» y reftames huit jours fans
faire grand mouvement.
Le 19. Mr du Gué envoya
»un Tambour au Gouver-
» neur de la Ville avec une
»
35
"
Lettre pour luy deman-
» der juftice des mauvais
»traitements & des cruau-
» tez qu'on avoit fait àtous
les
GALANT. 185
les prifonniers de Mr le
Clerc, & defon affaffinat, "
& qu'il le fommoit de fe «
rendre , il fit refponfe
qu'il avoit des forces fuperieures de beaucoup
aux noftres pour fe def
fendre , & qu'à l'égard de
l'affaffinat deMr duClerc Ce
«
il n'y avoit eu aucune
part , & qu'il avoit fait «
les perquifitions neceffi
res pour en fçavoir les «
complices.
Quand Mr du Gué eut«
receu cette Lettre il envo «
ya un canot à l'ifle des «
Février. 1712. Q
186 MERCURE
Chevres avec ordre de
» commencerà tirer , alors
→ on ouvrit toutes nos batteries ; fur les fix heures
» du foir , l'on tira detren
>> te pieces de trente fix , &
le lendemain de dix au.
tres de vingt quatre & de
» dix- huit. Le 22. les Jefui-
» tes envoyerent Mr de la
Salle Volontaire de Mr
du Clerc à Mr du Gué
pour l'avertir que le Gou25
verneur avec toute la
garuifon & les habitants
»avoient pris la fuite pen-
» dant la nuit , & qu'ils
GALANT. 187
fe
ce
avoient abandonné la -
Ville de Rio Janeiro &
tous les Forts ; qu'ils euffent à s'y rendre pour en «
prendre poffeffion. On «
s'affura des portes les plus
importantes. La Brigade
de MrGouyonfut aux Be- .
nedictins , & l'on prit le
Fort & tout ce qui en dépend. Nous n'avons perdu en cette occafion que
vingt hommes. Par les «
avis de plufieurs priſon
niers de Mr du Clerc , «
qui fe fauvoient de la Ville, nous avons appris que
co
Qij
188 MERCURE
*
30
53
les Ennemis avoient plus
de dix mille hommes por
tant les armes , y compre
" nant des Negres libres
qui font auffi agueris que
des Soldats. Sitoft que
nous fufmes à la Ville on
diftribua noftre petite armée en cinq Brigades
pour occuper les poftes
les plus avantageux auffi-
>bien que les dehors où
l'on fe campa. Mr du Gué
fe logea à la maifon de
l'Evefque. I nous vint
360. Soldats de Mr du
Clerc qui fortirent de
30
"
39
53
227
GALANT. 189
се
ec
RE
prifon quel'on incorpora
dans nos Troupes. Le 23.
tous les Fortsfe rendirent
par capitulation , & on y "
envoya des garnifons.
Mr du Gué voyant que
le Gouverneur ne vouloit
point compoſer pour fa
Ville luy écrivit pour luy
reprefenter que tout fon «
pays eftoit en noftre puif
fance, preft d'eftre ruiné , «
& qu'ilcherchoit évidem «
ment fa perte ; que fon
Roy le puniroit toft ou
tard de n'avoir pas ména
gé fes interefts ; il l'avere
LC
the
190 MERCURE
* tiffoit d'envoyer chercher fes bleffez & les
malades pour leur éviter
d'eftre embrafez dans les
* ruines de fa Ville qu'il
alloit bruler & miner les
Forts pour les faire fauter,
Il fit réponſe qu'il vouloit
» confulter fes Generaux ,
& demanda deux jours.
Le 28. voyant qu'il ne
répondoit point on fit
» marcher toute l'Armée
»vers lesfix heures du matin. On ne laiffa que trespeu de monde pour gar- 20
» der les Forts que nous
GALANT. 191
occupions. Nous fulmes a
droit à l'ennemyqui eftoit «
campé à deux lieuës de la
Ville. On les furprit fi à «
propos que fi on les avoit
attaqués onles auroit dé- ➡
faits entierement ; nos
deux Armées eftoient en «
veuë à la portée du canon: mais le Gouverneur
demanda à capituler. Le «
premier Article fut que
l'on nous donneroit en
poudre d'or 1600000, li- «
vres poids de France en
trois payements afin -
qu'on confervaft la Ville , «
19 MERCURE
33
دو
$
33
les Couvents des Jefuites,
& des Benedictins , fous
condition qu'on leur donneroit des oftages pour
feureté. Nous leur laiffames le Chevalier de la
Grange Enfeigne de Vaif
feau , qui a efté autrefois
au Port Louis. Ils nous
» envoyerent leur Préfi
» dent , & un Mestre de
Camp de Cavalerie que
→ nous amenames à laVille.
» Ils nous accorderent cent
quaiffes de fucre blanc
53
de neuf cens livres chacune s'obligerent de
nous
CALANT. 193
cc
+
«
nous fournir gratis 200. «
boeufs fous condition
qu'on leur rendroit tous «
les Forts , & tout ce qui
en dépend , l'artillerie
avecfix coupspar canon ; «
que la Ville ne feroit «
point brulée , & qu'ils s'o- «
bligeoient de nous ache- «
ter toutes les poudres qui
cftoient en grande quanrité & toutes les mar- «
chandifes pourpeu qu'on
leur en fit bonne compofition. Il ne s'eft donné «
que deux efcarmouches
où nous avons tué aux «
Février 1712.
R
ec
ec
сс
EC
194 MERCURE
59
33
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ဘ
32
Ennemis plus de 150.
hommes;nous n'en avons
perdu que quatre ou cinq,
Nonobftant la capitulation faite on ne laiffoit
point de fe tenir fur fes
gardes. Nous recevions
fouvent des avis qu'on
devoit nous furprendre..
Quand on nous eut fait
le premier payement
→ nous ne primes plus tant:
de précaution. Comme
les Portugais mouroient
defaim , on leur permet-
» toit d'entrer dans la Ville
» pour y prendre des fari37
32
22.
50
GALANT. 195
EC
nes de magniottes qu'ils -
avoient dans leurmaifon
ayant avec eux des fauve- c
gardesqui les ramenoient
dehors ; nous recevions «
d'eux tous les jours des
rafraifchiffements qui
.co :
nous eftoient d'un tres. «
4
OC
ce
grand' fecours. Le bruit
commun porte qu'on a «
trouvé dans les monta- Le
gnes un trefor d'environ
deux millions cinq cent «
mille livres en lingots
d'or , poudre , & vaiſſelle
d'argent , & trois mille .
quaiffes de fucre blanc «
>
cc
Rij
196 MERCURE
دو qui font de neuf cens li.:
vres chacune , eftimées
trois cens mille écus
» trente pieces de canon de
fonte de vingt - quatre
eftimées deux cens dix
mille livres ; l'on a vendu
plufieurs Navires pour
53
SP
دو
50
38
"
22
»7 cent foixante mille livres;
l'on a vendu les poudres
» cent vingt mille livres , &
des marchandifes vendues dans tous les vaiffeaux au profit de l'arme-
» ment vingt mille livres ;
le tout enfemble compre5
57
دو
- nant ce qu'on a receu
GALANT. 197
(C
f5 ས
CC
pour la capitulation , on
compte que nous avons «
cu de Rio Janeiro huit
millions. Tous nos Soldats ont donné beaucoup
de marques de leur va- «
leur eſtant remplis tous "
de bonne volonté ; la «
ce
"
ce plufpart ont fait de gros
butins & ceux qui n'ont *
pas profité dans cette oc- «
cafion , c'eft qu'ils fe font
trop attachés à boire.
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Résumé : LETTRE d'un Capitaine de Vaisseau qui a esté present à l'expedition de Rio-Janeiro.
Le texte décrit l'expédition de Rio de Janeiro dirigée par le capitaine de vaisseau M. Du Gué. Le 12 septembre, la flotte française pénétra dans la baie de Rio de Janeiro malgré la résistance des forts portugais. M. Du Gué ordonna la prise de l'île aux Chèvres pour y installer des batteries. M. de Gouyon, commandant la descente, s'empara de l'île malgré la résistance portugaise. Le 13 septembre, deux vaisseaux portugais furent incendiés. Le 14 septembre, les Français tentèrent une descente générale mais furent arrêtés par une rivière. Le 19 septembre, M. Du Gué envoya un tambour au gouverneur portugais pour demander justice pour les mauvais traitements infligés aux prisonniers de M. du Clerc. Le gouverneur refusa, affirmant disposer de forces supérieures. Le 22 septembre, les Jésuites informèrent les Français que le gouverneur avait fui. Les Français prirent alors possession de la ville et des forts sans rencontrer de résistance significative. Le 23 septembre, tous les forts se rendirent par capitulation. Le gouverneur, après avoir demandé deux jours pour consulter ses généraux, accepta de capituler le 28 septembre. Les termes de la capitulation incluaient le paiement de 1 600 000 livres en poudre d'or, la livraison de sucre et de bœufs, ainsi que la restitution des forts et de l'artillerie. La prise de Rio de Janeiro rapporta environ huit millions de livres aux Français.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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25
p. 198-252
AUTRE EXTRAIT de plusieurs Lettres particulieres joint à l'Extrait de la Relation imprimée à Paris sur ce qui s'est passé dans l'expedition de Rio Janeiro.
Début :
Le 9. du mois de Juin 1711. le Sieur du Guay-Troüin mit à la voile [...]
Mots clefs :
Rio de Janeiro, Expédition, Troupes, Canon, Batteries, Chevalier, Vaisseau
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texteReconnaissance textuelle : AUTRE EXTRAIT de plusieurs Lettres particulieres joint à l'Extrait de la Relation imprimée à Paris sur ce qui s'est passé dans l'expedition de Rio Janeiro.
AUTRE EXTRAIT
de plufieurs Lettres particulieres joint à l'Extrait de
la Relation imprimée à Paris fur ce qui s'eft paffédans
l'expedition deRiofaneiro.
LE 9. du mois de Juin
4711. le Sieur du GuayTrouin mit à la voile des
rades de la Rochelle avec
fon Efcadre , & les deux
Vaiffeaux , le Chancelier:
& le Glorieux , dans le def
fein d'aller tenter la conquefte de Rio Janeiro
GALANT. 199
Place importante à la coſte
du Brefil , où le fieur Du
Clerc , & huit cens Soldats
de la Marine avoient efté
tuez ou pris l'année précedente. Le 2 Juillet, il moüilla à l'Ile de Saint Vincent ,
où la Fregate l'Aigle vint le
joindre , & n'y trouvant
point derafraifchiffements
il remir à la voile le 6. avec
le feul avantage d'avoir mis
les troupes à terre , pour
leur faire connoiftre le
rang & l'ordre qu'elles de
voient obferver en cas de
defcente. Le 11. du mois
R iiij
200 MERCURE)
d'Aouſt il paffa la Ligne
Le 19. il eut connoillance
de l'Ile de l'Afcenfion , &
le
27
2 . fe
trouvant
à la
hauteur
de
la
Baye
de
tous
les
Saints
, il affembla
le . Confeil
où
il fut
réfolu
qu'on
fe
rendroit
à droiture
au
Rio
Janeiro
, Le
1.
de
Septembre
on
trouva
fond
, fans
:
avoir
cependant
connoif
.
fance
de
terre
. Il
fit
fes
remarques
là
deffus
, &
fur
la
hauteur
qu'on
avoit
ob
!
fervée
, aprés
quoy
profi
tant
d'un
vent
frais
qui
s'é
leva
à l'entrée
de
la nuit
, il
GALANIM 267-
fit forcer de voiles à toute
l'Efcadre, malgréla brume
& le mauvais temps , & il
fe trouva à la pointe du jour
Jprécisémentà l'embouchu
re duRio Janeiro.
llordonna au Chevalier
de Courferac , qui en con
noiffoitl'entrée , de fe met
tre à la tefte de l'Eſcadre, &
aux Chevaliers de Gouyon
& de Beauve de marcher
immediatement aprés , &
ilTuivic, eftant alors en fi
tuation desvoir ce qui fe
paffoit à la tefte & à la
queue. Il fut en mefmetems
•
1
102 MERCURE
fignal aux Sieurs de la Jail.
le , de la Moinerie Miniac ,
& à tous les Capitaines de
l'Efcadre de marcher les
uns aprés les autres , fuis
vant le rang & la force de
leur Vaiffeau , cequ'ils executerent ponctuellement ' ,
ainsi que les Maiftres des
deuxTraverfiers qui effuye
rent le feu de toutes les Bat
teries fans changer de rou.
te.
LeChevalier de Courſe.
rac , s'eft acquis une gloire
particuliere dans cette ac
tion, parla bonne mancu
'
GALANT. 1203
1
vre qu'il a faite & la fierté
avec laquelle il a montré le
chemin. Ce fut dans cet
ordre qu'on força l'entrée
de ce Port , défendu par
une prodigieufe quantité
d'artillerie , & par quatre
Vaiffeaux de Guerre de cinquante-fix à foixante - dix
canons , commandez par
•
Gafpar da Cofta , General
de la Flote , que le Royde
Portugal avoit envoyée exprés avec des Troupes pour
la défenfe de cetté Place.
Ces quatre Vaiffeaux ju
geant par la manoeuvre
204 MERCURE
qu'on les alloit aborder ,
couperent leurs cables , &
allerent s'échouer fous les
Batteries de la Ville. On
avoit eu jufqu'alors environ trois cens hommes
hors de combat. Il eft neceffaire pour l'intelligence
decette Relation d'ajouter
icy un eftat de la Ville &
de la Baye de Rio Janeiro ,
de fes Fortereffes & de la
fituation de fon entrée. La
Baye de Rio Janeiro eft
fermée parungoulet beaucoupplus eftroit que celuy
de Breft ; elle eft défendue
GALANT. 205"
du cofté droit par le Fort
de Sainte Croix , garni de
quarante quatre pieces de
canon de tout calibre , de-
| puis quarante huit livres
de bale jufqu'à huit , d'une
autre Batterie de fix pieces.
qui eft au dehors de ceFort,
& du cofté gauche par le
Fort de Saint Jean , & par
deux autres Batteries garnies de quarante huit pieces de gros canon qui croifent l'entrée , au milieu de
laquelle fe trouve une Ifle
ou gros Rocher qui peut
avoir quatre- vingt ou cent
206 MERCURE
braffes de longueur. Au
dedans de l'entrée du cofté
droit , on trouve une Bat
terie nommée Noftre- Dame de bonvoyage , qui eft
furune montagne inacceffible ,oùil y a dix pieces de
canon de dix- huit à vingtquatre, qui fe croiſent avec
le Fort de l'Ifle de Villega
gnon qui eft à la gauche ,
& oùil y a vingt pieces du
mefme calibre qui battent
l'entrée de la Baye. Audelà de ce dernier Fort , &
de celuy de Saint Jean , il y
a un Fort nommé Saint
GALANT 207
Theodofe , de feize pieces
de canon , qui bat la plage
qui eft du cofté de la Carioque , au milieu de la
quelle les Portugais ont encore bafti une espece de
Demi- lune. Quand on a
paffé toutes ces Batteries
& tous ces Forts , on voit
I'lfle des Chevres qui n'eft
qu'à la portée du fufil de la
Villeducofté des Benedictins , où il y a un petit Fort
de quatre baftions avec
huit pieces de canon , &
fur un plateau qui eft au bas
de l'Ifle , une Batterie de
08 MERCURE
quatre pieces qui bat le
cofté de la Mer & fe croife
avec le Fort de la Miferi
corde. Ily aencore des Batteries de l'autre cofté de la
Rade & il n'y a pas un
feul endroit pourfaire def
cente , où les Portugais
n'euffent remué la terre
fait des abbatis d'arbres &
mis du canon en batterie.
Al'égard de la Baye , on ne
peut gueres en trouver de
plusbelle , de plus grande ,
ny de plus commode : le
moüillage y eft parfaitement bon , le Vent & la
Mer
GALANT 209
Mer n'y entrent prefque
jamais , & il y a au fond
une Riviere qui s'eltend
quatorze lieues en terre
du cofté du Nord - Eft.
La Ville eft baſtie le long
de la Baye , au milieu de
trois montages fort éle
vées , qui font occupées ,
l'une qui eft à une des extremitez , par les Jefuites ,
l'autre par les Benedictins ,
& la troifiéme , nommée la
Conception , par l'Evef
que ces trois montagnes
commandent entierement
la Ville & la Campagne
Février 1712. S
110 MERCURE
& font garnies de Forts &
de Batteries . Au deffus de
celle qu'occupent les Jefuites , eft un Fort nommé
Saint Sebaftien , reveftu de
murailles & entouré d'un
bon foffé , garni de quatorze pieces de cánon & de
beaucoup de pierriers. Sur
la gauche de ce Forty du
coftéde la plaine à my cofte eft un Fort nomméSaint
Yague , où il y a douze
pieces de canon : un autre
nommé Sainte Aloufie , de
huic pieces ; une Batterié
de douze , & le Fort de la
GALANT 211
Mifericordesqui eft baſti
fur un Rocher qui avance
dans la Mer, oùil y a douze
pieces de canon qui battent du cofté de la Ville &
de celuy de la Mer. La
montagne des Benedictins
eft fortifiée d'un retranchement garni de plufieurs
pieces de canon , qui bat
tent du cofté de l'ifle des
Chevres du cofté de la
montagne de la Concep
tion & de la plaine. La
montagne de la Conception eft retranchée du coftéde la campagne par un
Sij
212 MERGURE
foffé , une haye vive derriere , & des pieces de cas
non de diftance en diſtan.
ce , qui en occupent tout le
front. La Ville eft fortifiée
par des Redans & des Batteries de diftance en diftance , dont les feux fe crois
fent : du cofté de la plaine
elle eft défendue par un
Camp retranché & un bon
foffe plein d'eau , au de
dans duquel il y a deux
places d'armes à pouvoir
contenirquinze cens hom
mes en bataille , plufieurs
pieces de canon & des
GALANT 21
maifons crenelées de tou
tes parts ; c'eftoit le lieu où
les Ennemis avoient une
partie de leurs Troupes ,
qui montoient à douze ou
treize mille hommës, par
my lefquels plufieurs a
voient fervi en Eſpagne à
la bataille d'Almanza , &
un tres -grand nombre de
Negres. Le Sicur du Guay
Troüin , furpris de trouver
la Place en fi bon eftat, apprit qu'un Paquebot venu
d'Angleterre à Lisbonne ,
avoit donné avis que fon
Efcadre étoit deftinée pour
#14 MERCURE
le Rio Janeiro: & comme
il ne fe trouva point dans
ce temps- là de Baftiment
armé pour y en porter la
nouvelle , le Roy de Portugal y avoit envoyé ce
mefme paquebot qui ¡y ef
toit arrivé quinze jours auparavant. Cet , avis avoit
donné lieu au Gouverneur
de faire travailler avec tant
de diligence à des retran
chements , & à eftablir des
Batteries dans tous les endroits où il jugeoit qu'il
pouvoit estre attaqué.
La journée le paffa à for.
GALANT. 25
cer l'entrée , & le fieur du
Guay-Troüin fit avancer
la Galiote & les Traver
fiers , & détacha le 3 à la
pointe du jour le Chevalier
de Gouyonavec cinq cents
foldats d'élite , pour s'em
parer de l'ifle des Chevres
Il l'executa dans le mo
ment, & en chaffa les ennemis fi brufquement, qu
ils eurent à peine le temps
d'enclouer leur canon. Ils
coulerentà fond en fe reti
rant deux de leurs plus gros
Vaiffeaux marchands entre les batteries des Bene
21 MERCURE
dictins & l'Ile des Chevres , & ils firent fauter
deux de leurs Vaiffeaux de
guerre échouez fous le
Fort de la Mifericorde
mais voulant en faire autant d'un troifiéme échoué
à la pointe de l'Ile des
Chevres , le Chevalier de
Gouyon y envoya deux
Chaloupes commandées
par les fieurs de Vaureal &
de Saint Oſmanes , qui
malgré le feu du canon de
la Place , s'en rendirent
maiftres & y arborerent le
Pavillon du Roy ; mais ils
nc
GALANT. 217
ne purent le mettre à flot ,
parce qu'il ſe trouva plein
d'eau par les coups de canon dont il eftoit percé. Le
Chevalier de Gouyon envoyaauffi toft rendre compte de la fituation avantageufe de l'Ile des Chevres :
le fieur du Guay Trouin
alla vifiter ce pofte ; & l'ayant trouvé tel qu'il le luy
avoit marqué , ordonna
aux fieurs de la Ruffiniere
& Effiot Officiers d'artillerie , & au fieur Keguelin
Capitaine de Brulot d'y eftablir des batteries de morFévrier 1712.
Τ
218 MERCURE'
tiers & de canon. Le fieur
deSaint Simon Lieutenant
de Vaiffeau , fut chargé de
faire fouftenir les travailleurs avec un Corps de
troupes : les uns & les autres remplirent leur devoir
avec toute la fermeté poffible , eftant expoſez au feu
continuel du canon & de
la moufqueterie. Cependant la plupart des Vaiffeaux de l'Efcadre manquoient d'eau , & il eſtoir
abfolument neceffaire de
s'affeurer de l'aiguade , &
de faire defcente pour cou-
GALANT. 212
per , s'il eftoit poffible , la
retraite aux ennemis , &
les empefcher d'emporter
leurs richeffes dans les
montagnes. Il ordonna
pour cet effet au Chevalier
de Bauve de prendre le
commandement des Fregates l'Amazone , l'Aigle ,
Aftrée & la Concorde ,
dans lesquelles on fit embarquer une partie des
troupes , le chargeant de
s'emparer pendant, la nuit
de quatre Vaiffeaux marchands qui mouilloient
près de l'endroit où on
+
Tij
220 MERCURE GU
prétendoit faire deſcente ,
& d'y establir un entrepoft pour les troupes , ce
qu'il executa avec beaucoup d'ordre & de condui
te. Ainfi ce debarquement
fe fit le lendemain avec
d'autant plus de feureté
qu'on en avoit ofté la connoiffance aux ennemis par
$
d'autres mouvements qui
attirerent toute leur attention.
Le 14. Septembre,toutes
les troupes eftant debarquées au nombre de deux
mille cent cinquante fol-
GALANT. 221
dats & de fix cents matelots armez , le fieur du
Guay-Trouin envoya les
fieurs Gouyon & de Courferac , s'emparer de deux
hauteurs , d'où l'on décou
vroit tout ce qui fe paffoit
dans la Ville. Le Sicur
d'Auberville Capitaine de
Grenadiers de la Brigade
de ce premier, chaffa quel
ques Troupes Portugailes
d'un bois où ils eftoient en
embufcade , aprés quoy les
Troupes camperent dans
cette difpofition.
L'aile droite commanTiij
222 MERCURE
ན ༥༠
par le
dée par le Chevalier de
Gouyon , occupa la hauteur qui regardoit la Place :
l'aile gauche commandée
par le Chevalier de Cour
lerac, celle qui eftoit à l'op
pofite ; & le corps de Ba
taille , commandé
Chevalier de Beauve , fut
placé au milieu , auffi bien
que le Quartier general ,
afin d'eftre à portée de fe
foutenir les uns les autres ,
& d'eftre maiftre du bord
de la Mer , où les Chalou
pes faifoient de l'eau &apportoient continuellement
GALANT. 223
les munitions de guerre &
de bouche dont on avoit
befoin. Le Sieur de Ricoüart, Inspecteur general,
à la fuite de l'Efcadre, refta
dans la Rade pour avoir
foin de les envoyer & de
faire fournir les materiaux
neceffaires à l'eftabliffe. ?
ment des Batteriesfur l'Ile
des Chevres.
Le 15. le sieur du Guay
Troüin fit marcher toutes
les troupes dans la plaine :
des détachements s'avan
cerent jufqu'à la portée du
fufil de la Place , & tuerent
Tiiij
224 MERCURE
des beftiaux , & pillerent
des maifons , fans aucune
oppofition. Les Portugais
efperoient que les troupes
Françoiles s'engageroient
dans les retranchements.
oùils efperoient les envelopper , mais voyant qu'ils
• ne branloient pas , le Sieur
du Guay Troüin fit retirer
les Troupes , aprés avoir
bien reconnu le terrain qui
fe trouva impraticable , de
forte qu'il parut impoffible,
mefme avec dix mille hommes , de pouvoir couper la
retraite aux ennemis , ny
GALANT. 225
leur empefcher de fauver
leurs richeffes.d
ne
Il en fut convaincu , lors
qu'ayant remarquéun party des ennemis au pied d'u
montagne , il voulut le
faire couper par le Batail
lon du Lys & celuy du Maj
gnanime , qu'il avoit fait
couler à droit & à gauche,
Mais s'en eftant appro
chez avec bien de la peine,
ils trouverent un marais &
des halliers impenetrables
qui les arrefterent , & les
obligerent à s'en revenir.
Le 16. un de fes déta-
226 MERCURE
chements s'eftant avancé ,
les ennemis firent jouer un
fourneauavec tant de précipitation , qu'il ne fit au
cun effet. Ce mefme jouril
chargea les Sieurs de Beau.
ve & dela Calandre d'eftablirune Batterie de dix pieces de canon fur une Prefqu'Ifle qui prenoit les Batteries des Benedictins à re
vers, & ils y firent travail- sy
ler fi diligemment , que
dans trente- fix heures elle
fut en eftat detirer.
Le 17. les Ennemis bru
lerent de grands magazins
GALANT. 227
remplis de fucre , d'agrez
& de munitionsfur le bord
de la Mer. Ils firent auffi
fauter en l'air le dernier de
leurs quatre Vaiffeaux de
guerre échoüez fous les
Benedictins , & ils brule
rent deux autresBaftiments
appartenants au Roy de
Portugal , quitouchoient à
terre.
Le 18. les Ennemis firent fortir de leurs retranchements douze cens hommes de leurs meilleures
Troupes, pour enlever un
pofte avancé que le Sieur
228 MERCURE
de Lifta gardoit avec cinquante Soldats , mais il fe
défenditfi bien qu'il donna
le temps au Chevalier de
Gouyon d'y envoyer le
Sieur de Bourville , AydeMajorde fa Brigade , avec
les Compagnies des Sieurs.
Drouallen & d'Auberville
qui chafferent lesEnnemis,
aprés en avoir tué ou bleffé
plus de cent cinquante. Le
Sieur dePontlo- Coetlogon;
Ayde de Camp du Cheva,
lier de Gouyon y fut bleffé,
avec environ vingt cinq
Soldats. Ce mefme jour
GALANT 229
P
la Batterie des Sieurs de
Beauve & de la Calandre ,
commença à tirer fur les
retranchements & les Batteries des Benedictins.
Le 19. le Sieur de la Rufiniere ayant donné avis
qu'il avoit cinq mortiers &
dix-huit pieces de gros canon en batterie fur l'ifle des
Chevres , le Sieur du GuayTroüin fit fommer le Gouverneur de ſe rendre , &
fur fa réponſe pleine de
fierté , il refolut de l'attaquervivement. Il alla pour
cet effet avec le Chevalier
40 MERCURE
de Beauve le long de la
cofte , depuis le Campjuf
ques à l'Ile des Chevres ,
reconnoiftre les endroits
par où on pourroit plus aisément forcer les ennemis.
On remarqua cinq Vaiffeaux Marchands à demi
portée du fufil des Benedi-
"
etins , qui pouvoient fervir
d'entrepoft à une partie des
Troupes qui feroient deftinées à attaquer ce pofte : il
ordonna pour cela que l'on
fit avancer le Vaiffeau le
Mars entre ces deux Batteries , & de le placer à por-
GALANT. 235
tée de les fouftenir en cas
de befoin.
Le 20. il envoya ordre
au Vaiffeau le Brillant de
s'approcher du Mars , &
il fit faire de toutes les Batteries & des Vaiffeaux un
feu continuel , & donnant
en mefme temps les ordres
neceffaires pour attaquer
le lendemain.
La nuit du 20. au 21. il
envoyaune partie des troupes dans les Vaiffeaux
moüillez prés des Benedictins : les Ennemis s'en ef
tant apperçus firent fur les
12 MERCURE
Chaloupesun grand feu de
moufqueterie qui fut bientoft ralenti parle canon des
Batteries , & par celuy du
Vaiffeau le Mars , ce qui
jetta une grande confternation dans la Place.
Le 21. à la pointe du jour,
le fieur du Guay-Trouin
s'embarqua avec le refte
destroupes pour aller commencer l'attaque , ordonnant au Chevalier de Gou
yon de filer le long de la
Cofte avec la Brigade, afin
d'attaquer les ennemis par
differens endroits.
Sur
GALANT 233
Sur ces entrefaites le
fieur de la Salle qui avoit
efté fait priſonnier avec le
fieur du Clerc à qui il avoit
fervi d'Ayde de Camp ,
s'eftant échapé des ennemis , vint fe rendre , &
donna avis que les ennemis abandonnoient la place avec une terreur eltonnante qu'en fe retirant ils
avoient mis le feu à un des
plus riches Magafins de la
Ville , & qu'ils avoient miné le Fort des Jefuites , &
celuy des Benedictins : le
fieur du Guay- Trouin enFévrier 1712.
V
234 MERCURE
tra enfuite dans la place
avec le Chevalier de Courferac , & huit Compagnies
de Grenadiers, pour fe rendre maiftres des Forts de
Saint Sebaftien , de S. Yague, & de la Mifericorde ,,
laiffant aux fieurs de Gou
yon & de Beauve le commandement du refte des
troupes , avec deffenfe fur
peine de la vie aux foldatss
de s'écarter , & de quitter
leurs rangs.
En entrant dans la Ville , on trouva ce qui reftoit
de priſonniers de la défaite
GALANT 2.35
du fieur du Clerc, qui ayant
brisé les portes de leur pri
fon , s'eftoient desja répandus pour enfoncer & piller
les Maifons qu'ils connoiffoient les plus riches , ce
qui excita l'avidité des foldats , & les porta d'abord à
fe debander , mais la pun ition qui fut faite fur le
champ de quelques uns ,
arrefta les autres ; & les prifonniers furent conduits
fur la hauteur des Benedic
tins. Enfuite il fe rendit
maiftre des Forts & de tous
les poftes , aprés avoir fait
Vije
236 MERCURE
éventer les mines , &ilen
laiffa le commandement.
au Sieur de Courferac, avec
ordre de faire avancer fa
Brigade pour en prendre
poffeffion.
Enfuite pour empefcher
le pillage qui paroiffoir
inévitable , il fit mettre des
Corps de garde, pofer des
fentinelles en divers endroits , & il ordonna des
patrouilles , pour marcher
jour & nuit , avec défenfe
fur peine de la vie aux Matelots & Soldats d'entrer
dans la Ville fous quelque
GALANT. 237
prétexte que ce foit.
Nonobftant toutes ces
précautions , l'avidité du
gain & l'efpoir du pillage
l'emporterent fur la crainte des chaftiments , les
Corps de garde meſme &
les patrouilles commencerent à augmenter le defor
dre pendant la nuit : enforte que le lendemain matin
les trois quarts des portes
des maifons & des maga
fins fe trouverent enfonçées , les vins répandus , les
marchandiſes & les meubles eſparts au milieu des
3 MERCURE
ruës : & enfin tout fe trouva
dans un defordre & une
confuſion eſtonnante. Il
ordonna que l'on paffaft
par les armes ceux qui fe
trouveroient dans le cas du
Ban ; mais les chaſtiments
*
réiterez n'ayant pas efté
capables d'arrefter cette
fureur , il n'y eut d'autre
party à prendre que d'employer pendant le jour la
meilleure partie des Troupes à ramaffer ce qu'on
put d'effets ou de marchan
difes dans des Magafins
qu'il fit eftablir , & où le
GALANT 2391
Sieur de Ricoüart eut foin
de mettredes gens de con
fiance & des Ecrivains de
Roy.
Le 23. il envoya fommer
le Gouverneur du Fort de
Sainte Croix qui ſe rendit
par Capitulation : le Sieur
de Beauville , Ayde Major
General, en prit poffeffion,.
auffi-bien que des Forts de
Villegagnon, de SaintJean,
& des Batteries de l'entrée.
Le Sieur du Guay- Troüin
apprit cependant par differents Negres qui fe ren
dirent , que le Gouverneur
240 MERGURE
de la Place , & le General
de la Flote ayant ramaffé
les debris de leurs Troupes
àune lieuë & demie , attendoient un puiffant fecours
commandépar Don Antonio d'Albuquerque , General des Mines , fort eftimé.
Ainfi pour s'affurer contre
les entrepriſes des Ennemis , il eftablit le Chevalier
de Gouyon avecla Brigade
dans les retranchements
qui regardoient la plaine
& le Chevalier de Beauve
avec le Corps de Bataille
fur la hauteur de la Conception,
GALANT 241
ception , où le Quartier general fut placé pour eftre à
portée de fecourir ceux qui
en auroient befoin. A l'é
gard de la Brigade du Chevalier de Courferac , elle
eftoit déja deſtinée à gar-
´der les Forts & la hauteur
des Jefuites.
Les Ennemis avoient
emporté leur or , bruflé
leurs meilleurs Vaiffeaux &
leurs Magafins les plus riches, & tout le refte demeuroit enproye à la fureur du
pillage , qu'aucun chaſtiment ne pouvoit arrefter :
Février. 1712.
X
242 MERCURE
d'ailleurs il eftoit impoffi
ble de conferver cette Colonie , par le peu de vivres
qui reſtoient dans la Place ,
& par l'impoffibilité de penetrer dans le pays. Ainfi
le Sieur du Guay - Troüin
envoyadire au Gouverneur
que s'il tardoit plus longtemps à racheter la Ville
par une bonne contribu
tion , il alloit la mettre en
cendres : &afin de luy ren
dre cette menace plus fenfible, il détacha deux Compagnies de Grenadiers ,
commandez par les fieurs
GALANT 243 .
de Brignon & de Cheridan,
pour aller bruler toutes les
maiſons de la campagne.lls
rencontreret un gro Corps
des Ennemis , mais eftant
foutenus par une Compagnie deCaporaux, ils enfon
cerentles ennemis, en tuerent plufieurs , & mirent
le refte en fuite . Leur
Commandant, homme de
reputation , demeurafur la
place. Les fieurs de Brignon , de Cheridan , & le
fieur de Kret- Kavel garde
Marine , fe diftinguerent
dans cette action : le fieur
x ij
344 MERGURE
de Brignon , entre autres ,
perça le premier la bayon
nette au bout du fofil , à la
tefte de fa Compagnie ,
dont eftoient Officiers les
fieurs du Bodon & de Mortone gardes de la Marine
Comme cette affaire pou
voit devenir ferieuſe , jefis
avancer le Chevalier de
Beauve avec fix cents hommes , qui penetra encore
plus avant , brufla la maifon qui fervoir de retraite
au Commandant de cette
troupe & fe retira enfuite.
.e GALANT
245
&
Le Gouverneur envoya
unMestre de Camp , & le
Préfident de la Chambre
pour traiter , & ils reprefenterent au fieur du GuayTrouin , que le peuple les
ayant abandonnez
tranfportétout leur or dans
les montagnes,il leur eftoit
impoffible de trouver plus
de fix cents mille crufades:
pour la contribution : ils
demanderent mefme un
affez longtemps pourfaire
revenir l'or appartenant
au Royde Portugal , qu'on
avoit tranfportébien avant
X iij
146 MERCURE
dans les terres. Lefieur du
Guay Troüin rejetta cette
propofition , & congedial
les députezaprès leur avoir
fait voir qu'il faifoit miner
les endroits que le feu ne
pourroit deftruire : cependant il ſe paſſa encore fix
jours fans qu'on entendifti
parler du Gouverneur : on
apprit mefme que Don An
tonio d'Albuquerque devoit arriver inceffamment,
Comme il n'y avoit point
de temps à perdre, le fieur
du Guay- Trouin fit mettre
le lendemain à la pointe
GALANT 247
du jour toutes les troupes
en marche , & malgré las
difficulté des chemins il
arriva de bonne heure en
preſence des ennemis , &
fi près d'eux , que l'avantgarde commandée par le
Chevalier de Gouyon ſe
trouva à demi portée du
fufil de la premiere hauteur qu'ils occupoient , &
fur laquelle une partie de
leurs troupes parut en bataille. Le Gouverneur furpris envoya auffi toft deux
Officiers pour reprefenter
qu'il avoit offert tout l'or
248 MERCURE
dont il pouvoit difpofer
pour le rachat de la Ville:
qu'il luy eftoit abfolument
impoffible d'en trouver da
vantage: que tout ce qu'il
pouvoit faire eftoit d'y.
joindre dix mille crufades
de fa propre bourſe , cent
caiffes de fucre , & tous les
boeufs neceffaires pour la
fubfiftance des troupes , &
qu'aprés cela le fieur du
Guay Trouin eftoit le maiftre de le combattre , & de
deftruire la Colonie. On
tint confeil , & il fut refolu
d'accepter cette propofi
GALANT 249
tion pluſtoft que de tout
perdre ; & fit donner des
oftages, avec promeffe de
payer le tout dans quinze
jours, be my
Lelendemain 11. Octobre
Don Antonio d'Albuquer
que arriva avectrois mille
hommes de troupes , moitié cavalerie & moitié infanterie , & plus de fix mil
le Negres bien armez. Ce
pendant on travailloit tou
jours à tranfporter dans les
Vaiffeaux de l'Efcadre le
fucre qui s'eftoit trouvé , &
à remplir les Magafins des
2go MERCURE
autres marchandiſes que
l'on pouvoit ramaffer.adua
Le 4.Octobre les ennemis
ayant achevé leur dernier
payement, on fit embar
quer les troupes: on garda
feulement les Forts del'ifle
de Villegagnon , de l'ifle
des Chevres , & ceux de
l'entrée.
Le 13. aprés avoir fait
mettre le feu aux Vaiffeaux échoüez fous l'lfle
des Chevres , & aux autres
Baſtimens que l'on n'avoit
pointtrouvéàvendre, l'EC
cadre mit à la voile avec
GALANT. 251
del'eau & des vivres , pour environ trois mois , embarquant
un Officier , quatre gardes de
Marine , & trois cents cinquantefoldats qui reftoient de
la défaite du fieur du Clerc :
tous les autres Officiers avoient
efté envoyez à la Baye de tous
les Saints. Le fieur du Guay.
Trouin prétendoit aller les délivrer , & tirer mefme de cette
Colonie une nouvelle contribution mais ayant employé
quarante jours , à caufe des
vents contraires , pour arriver
à la hauteur de cette Baye , &
ayant à peine affez d'eau &
de vivres pour arriver en
France , il continua fa route.
11 fut mefme obligé de laiffer
la prife commandéepar le fieur
:
52 MERCURE
de la Ruffiniere , trop peſante:
la Fregate l'Aigle ayant ordre
de l'escorter jufqu'en France.
L'Efcadre palla enfin la Ligne le 25. Octobre. Les vents
eftant devenus plus favorables,
on arriva le 19. Janvier à la
hauteur des Ifles des Açores ,
où on effuya une grande tempefte , qui difperfa une partie
de la Flote.
Enfin aprés avoir mis plu
fieurs fois à travers pour attendre les Vaiffeaux, nous continuames noftre route vers
Breft , où l'Eſcadre arriva le
6. Février 1712.
de plufieurs Lettres particulieres joint à l'Extrait de
la Relation imprimée à Paris fur ce qui s'eft paffédans
l'expedition deRiofaneiro.
LE 9. du mois de Juin
4711. le Sieur du GuayTrouin mit à la voile des
rades de la Rochelle avec
fon Efcadre , & les deux
Vaiffeaux , le Chancelier:
& le Glorieux , dans le def
fein d'aller tenter la conquefte de Rio Janeiro
GALANT. 199
Place importante à la coſte
du Brefil , où le fieur Du
Clerc , & huit cens Soldats
de la Marine avoient efté
tuez ou pris l'année précedente. Le 2 Juillet, il moüilla à l'Ile de Saint Vincent ,
où la Fregate l'Aigle vint le
joindre , & n'y trouvant
point derafraifchiffements
il remir à la voile le 6. avec
le feul avantage d'avoir mis
les troupes à terre , pour
leur faire connoiftre le
rang & l'ordre qu'elles de
voient obferver en cas de
defcente. Le 11. du mois
R iiij
200 MERCURE)
d'Aouſt il paffa la Ligne
Le 19. il eut connoillance
de l'Ile de l'Afcenfion , &
le
27
2 . fe
trouvant
à la
hauteur
de
la
Baye
de
tous
les
Saints
, il affembla
le . Confeil
où
il fut
réfolu
qu'on
fe
rendroit
à droiture
au
Rio
Janeiro
, Le
1.
de
Septembre
on
trouva
fond
, fans
:
avoir
cependant
connoif
.
fance
de
terre
. Il
fit
fes
remarques
là
deffus
, &
fur
la
hauteur
qu'on
avoit
ob
!
fervée
, aprés
quoy
profi
tant
d'un
vent
frais
qui
s'é
leva
à l'entrée
de
la nuit
, il
GALANIM 267-
fit forcer de voiles à toute
l'Efcadre, malgréla brume
& le mauvais temps , & il
fe trouva à la pointe du jour
Jprécisémentà l'embouchu
re duRio Janeiro.
llordonna au Chevalier
de Courferac , qui en con
noiffoitl'entrée , de fe met
tre à la tefte de l'Eſcadre, &
aux Chevaliers de Gouyon
& de Beauve de marcher
immediatement aprés , &
ilTuivic, eftant alors en fi
tuation desvoir ce qui fe
paffoit à la tefte & à la
queue. Il fut en mefmetems
•
1
102 MERCURE
fignal aux Sieurs de la Jail.
le , de la Moinerie Miniac ,
& à tous les Capitaines de
l'Efcadre de marcher les
uns aprés les autres , fuis
vant le rang & la force de
leur Vaiffeau , cequ'ils executerent ponctuellement ' ,
ainsi que les Maiftres des
deuxTraverfiers qui effuye
rent le feu de toutes les Bat
teries fans changer de rou.
te.
LeChevalier de Courſe.
rac , s'eft acquis une gloire
particuliere dans cette ac
tion, parla bonne mancu
'
GALANT. 1203
1
vre qu'il a faite & la fierté
avec laquelle il a montré le
chemin. Ce fut dans cet
ordre qu'on força l'entrée
de ce Port , défendu par
une prodigieufe quantité
d'artillerie , & par quatre
Vaiffeaux de Guerre de cinquante-fix à foixante - dix
canons , commandez par
•
Gafpar da Cofta , General
de la Flote , que le Royde
Portugal avoit envoyée exprés avec des Troupes pour
la défenfe de cetté Place.
Ces quatre Vaiffeaux ju
geant par la manoeuvre
204 MERCURE
qu'on les alloit aborder ,
couperent leurs cables , &
allerent s'échouer fous les
Batteries de la Ville. On
avoit eu jufqu'alors environ trois cens hommes
hors de combat. Il eft neceffaire pour l'intelligence
decette Relation d'ajouter
icy un eftat de la Ville &
de la Baye de Rio Janeiro ,
de fes Fortereffes & de la
fituation de fon entrée. La
Baye de Rio Janeiro eft
fermée parungoulet beaucoupplus eftroit que celuy
de Breft ; elle eft défendue
GALANT. 205"
du cofté droit par le Fort
de Sainte Croix , garni de
quarante quatre pieces de
canon de tout calibre , de-
| puis quarante huit livres
de bale jufqu'à huit , d'une
autre Batterie de fix pieces.
qui eft au dehors de ceFort,
& du cofté gauche par le
Fort de Saint Jean , & par
deux autres Batteries garnies de quarante huit pieces de gros canon qui croifent l'entrée , au milieu de
laquelle fe trouve une Ifle
ou gros Rocher qui peut
avoir quatre- vingt ou cent
206 MERCURE
braffes de longueur. Au
dedans de l'entrée du cofté
droit , on trouve une Bat
terie nommée Noftre- Dame de bonvoyage , qui eft
furune montagne inacceffible ,oùil y a dix pieces de
canon de dix- huit à vingtquatre, qui fe croiſent avec
le Fort de l'Ifle de Villega
gnon qui eft à la gauche ,
& oùil y a vingt pieces du
mefme calibre qui battent
l'entrée de la Baye. Audelà de ce dernier Fort , &
de celuy de Saint Jean , il y
a un Fort nommé Saint
GALANT 207
Theodofe , de feize pieces
de canon , qui bat la plage
qui eft du cofté de la Carioque , au milieu de la
quelle les Portugais ont encore bafti une espece de
Demi- lune. Quand on a
paffé toutes ces Batteries
& tous ces Forts , on voit
I'lfle des Chevres qui n'eft
qu'à la portée du fufil de la
Villeducofté des Benedictins , où il y a un petit Fort
de quatre baftions avec
huit pieces de canon , &
fur un plateau qui eft au bas
de l'Ifle , une Batterie de
08 MERCURE
quatre pieces qui bat le
cofté de la Mer & fe croife
avec le Fort de la Miferi
corde. Ily aencore des Batteries de l'autre cofté de la
Rade & il n'y a pas un
feul endroit pourfaire def
cente , où les Portugais
n'euffent remué la terre
fait des abbatis d'arbres &
mis du canon en batterie.
Al'égard de la Baye , on ne
peut gueres en trouver de
plusbelle , de plus grande ,
ny de plus commode : le
moüillage y eft parfaitement bon , le Vent & la
Mer
GALANT 209
Mer n'y entrent prefque
jamais , & il y a au fond
une Riviere qui s'eltend
quatorze lieues en terre
du cofté du Nord - Eft.
La Ville eft baſtie le long
de la Baye , au milieu de
trois montages fort éle
vées , qui font occupées ,
l'une qui eft à une des extremitez , par les Jefuites ,
l'autre par les Benedictins ,
& la troifiéme , nommée la
Conception , par l'Evef
que ces trois montagnes
commandent entierement
la Ville & la Campagne
Février 1712. S
110 MERCURE
& font garnies de Forts &
de Batteries . Au deffus de
celle qu'occupent les Jefuites , eft un Fort nommé
Saint Sebaftien , reveftu de
murailles & entouré d'un
bon foffé , garni de quatorze pieces de cánon & de
beaucoup de pierriers. Sur
la gauche de ce Forty du
coftéde la plaine à my cofte eft un Fort nomméSaint
Yague , où il y a douze
pieces de canon : un autre
nommé Sainte Aloufie , de
huic pieces ; une Batterié
de douze , & le Fort de la
GALANT 211
Mifericordesqui eft baſti
fur un Rocher qui avance
dans la Mer, oùil y a douze
pieces de canon qui battent du cofté de la Ville &
de celuy de la Mer. La
montagne des Benedictins
eft fortifiée d'un retranchement garni de plufieurs
pieces de canon , qui bat
tent du cofté de l'ifle des
Chevres du cofté de la
montagne de la Concep
tion & de la plaine. La
montagne de la Conception eft retranchée du coftéde la campagne par un
Sij
212 MERGURE
foffé , une haye vive derriere , & des pieces de cas
non de diftance en diſtan.
ce , qui en occupent tout le
front. La Ville eft fortifiée
par des Redans & des Batteries de diftance en diftance , dont les feux fe crois
fent : du cofté de la plaine
elle eft défendue par un
Camp retranché & un bon
foffe plein d'eau , au de
dans duquel il y a deux
places d'armes à pouvoir
contenirquinze cens hom
mes en bataille , plufieurs
pieces de canon & des
GALANT 21
maifons crenelées de tou
tes parts ; c'eftoit le lieu où
les Ennemis avoient une
partie de leurs Troupes ,
qui montoient à douze ou
treize mille hommës, par
my lefquels plufieurs a
voient fervi en Eſpagne à
la bataille d'Almanza , &
un tres -grand nombre de
Negres. Le Sicur du Guay
Troüin , furpris de trouver
la Place en fi bon eftat, apprit qu'un Paquebot venu
d'Angleterre à Lisbonne ,
avoit donné avis que fon
Efcadre étoit deftinée pour
#14 MERCURE
le Rio Janeiro: & comme
il ne fe trouva point dans
ce temps- là de Baftiment
armé pour y en porter la
nouvelle , le Roy de Portugal y avoit envoyé ce
mefme paquebot qui ¡y ef
toit arrivé quinze jours auparavant. Cet , avis avoit
donné lieu au Gouverneur
de faire travailler avec tant
de diligence à des retran
chements , & à eftablir des
Batteries dans tous les endroits où il jugeoit qu'il
pouvoit estre attaqué.
La journée le paffa à for.
GALANT. 25
cer l'entrée , & le fieur du
Guay-Troüin fit avancer
la Galiote & les Traver
fiers , & détacha le 3 à la
pointe du jour le Chevalier
de Gouyonavec cinq cents
foldats d'élite , pour s'em
parer de l'ifle des Chevres
Il l'executa dans le mo
ment, & en chaffa les ennemis fi brufquement, qu
ils eurent à peine le temps
d'enclouer leur canon. Ils
coulerentà fond en fe reti
rant deux de leurs plus gros
Vaiffeaux marchands entre les batteries des Bene
21 MERCURE
dictins & l'Ile des Chevres , & ils firent fauter
deux de leurs Vaiffeaux de
guerre échouez fous le
Fort de la Mifericorde
mais voulant en faire autant d'un troifiéme échoué
à la pointe de l'Ile des
Chevres , le Chevalier de
Gouyon y envoya deux
Chaloupes commandées
par les fieurs de Vaureal &
de Saint Oſmanes , qui
malgré le feu du canon de
la Place , s'en rendirent
maiftres & y arborerent le
Pavillon du Roy ; mais ils
nc
GALANT. 217
ne purent le mettre à flot ,
parce qu'il ſe trouva plein
d'eau par les coups de canon dont il eftoit percé. Le
Chevalier de Gouyon envoyaauffi toft rendre compte de la fituation avantageufe de l'Ile des Chevres :
le fieur du Guay Trouin
alla vifiter ce pofte ; & l'ayant trouvé tel qu'il le luy
avoit marqué , ordonna
aux fieurs de la Ruffiniere
& Effiot Officiers d'artillerie , & au fieur Keguelin
Capitaine de Brulot d'y eftablir des batteries de morFévrier 1712.
Τ
218 MERCURE'
tiers & de canon. Le fieur
deSaint Simon Lieutenant
de Vaiffeau , fut chargé de
faire fouftenir les travailleurs avec un Corps de
troupes : les uns & les autres remplirent leur devoir
avec toute la fermeté poffible , eftant expoſez au feu
continuel du canon & de
la moufqueterie. Cependant la plupart des Vaiffeaux de l'Efcadre manquoient d'eau , & il eſtoir
abfolument neceffaire de
s'affeurer de l'aiguade , &
de faire defcente pour cou-
GALANT. 212
per , s'il eftoit poffible , la
retraite aux ennemis , &
les empefcher d'emporter
leurs richeffes dans les
montagnes. Il ordonna
pour cet effet au Chevalier
de Bauve de prendre le
commandement des Fregates l'Amazone , l'Aigle ,
Aftrée & la Concorde ,
dans lesquelles on fit embarquer une partie des
troupes , le chargeant de
s'emparer pendant, la nuit
de quatre Vaiffeaux marchands qui mouilloient
près de l'endroit où on
+
Tij
220 MERCURE GU
prétendoit faire deſcente ,
& d'y establir un entrepoft pour les troupes , ce
qu'il executa avec beaucoup d'ordre & de condui
te. Ainfi ce debarquement
fe fit le lendemain avec
d'autant plus de feureté
qu'on en avoit ofté la connoiffance aux ennemis par
$
d'autres mouvements qui
attirerent toute leur attention.
Le 14. Septembre,toutes
les troupes eftant debarquées au nombre de deux
mille cent cinquante fol-
GALANT. 221
dats & de fix cents matelots armez , le fieur du
Guay-Trouin envoya les
fieurs Gouyon & de Courferac , s'emparer de deux
hauteurs , d'où l'on décou
vroit tout ce qui fe paffoit
dans la Ville. Le Sicur
d'Auberville Capitaine de
Grenadiers de la Brigade
de ce premier, chaffa quel
ques Troupes Portugailes
d'un bois où ils eftoient en
embufcade , aprés quoy les
Troupes camperent dans
cette difpofition.
L'aile droite commanTiij
222 MERCURE
ན ༥༠
par le
dée par le Chevalier de
Gouyon , occupa la hauteur qui regardoit la Place :
l'aile gauche commandée
par le Chevalier de Cour
lerac, celle qui eftoit à l'op
pofite ; & le corps de Ba
taille , commandé
Chevalier de Beauve , fut
placé au milieu , auffi bien
que le Quartier general ,
afin d'eftre à portée de fe
foutenir les uns les autres ,
& d'eftre maiftre du bord
de la Mer , où les Chalou
pes faifoient de l'eau &apportoient continuellement
GALANT. 223
les munitions de guerre &
de bouche dont on avoit
befoin. Le Sieur de Ricoüart, Inspecteur general,
à la fuite de l'Efcadre, refta
dans la Rade pour avoir
foin de les envoyer & de
faire fournir les materiaux
neceffaires à l'eftabliffe. ?
ment des Batteriesfur l'Ile
des Chevres.
Le 15. le sieur du Guay
Troüin fit marcher toutes
les troupes dans la plaine :
des détachements s'avan
cerent jufqu'à la portée du
fufil de la Place , & tuerent
Tiiij
224 MERCURE
des beftiaux , & pillerent
des maifons , fans aucune
oppofition. Les Portugais
efperoient que les troupes
Françoiles s'engageroient
dans les retranchements.
oùils efperoient les envelopper , mais voyant qu'ils
• ne branloient pas , le Sieur
du Guay Troüin fit retirer
les Troupes , aprés avoir
bien reconnu le terrain qui
fe trouva impraticable , de
forte qu'il parut impoffible,
mefme avec dix mille hommes , de pouvoir couper la
retraite aux ennemis , ny
GALANT. 225
leur empefcher de fauver
leurs richeffes.d
ne
Il en fut convaincu , lors
qu'ayant remarquéun party des ennemis au pied d'u
montagne , il voulut le
faire couper par le Batail
lon du Lys & celuy du Maj
gnanime , qu'il avoit fait
couler à droit & à gauche,
Mais s'en eftant appro
chez avec bien de la peine,
ils trouverent un marais &
des halliers impenetrables
qui les arrefterent , & les
obligerent à s'en revenir.
Le 16. un de fes déta-
226 MERCURE
chements s'eftant avancé ,
les ennemis firent jouer un
fourneauavec tant de précipitation , qu'il ne fit au
cun effet. Ce mefme jouril
chargea les Sieurs de Beau.
ve & dela Calandre d'eftablirune Batterie de dix pieces de canon fur une Prefqu'Ifle qui prenoit les Batteries des Benedictins à re
vers, & ils y firent travail- sy
ler fi diligemment , que
dans trente- fix heures elle
fut en eftat detirer.
Le 17. les Ennemis bru
lerent de grands magazins
GALANT. 227
remplis de fucre , d'agrez
& de munitionsfur le bord
de la Mer. Ils firent auffi
fauter en l'air le dernier de
leurs quatre Vaiffeaux de
guerre échoüez fous les
Benedictins , & ils brule
rent deux autresBaftiments
appartenants au Roy de
Portugal , quitouchoient à
terre.
Le 18. les Ennemis firent fortir de leurs retranchements douze cens hommes de leurs meilleures
Troupes, pour enlever un
pofte avancé que le Sieur
228 MERCURE
de Lifta gardoit avec cinquante Soldats , mais il fe
défenditfi bien qu'il donna
le temps au Chevalier de
Gouyon d'y envoyer le
Sieur de Bourville , AydeMajorde fa Brigade , avec
les Compagnies des Sieurs.
Drouallen & d'Auberville
qui chafferent lesEnnemis,
aprés en avoir tué ou bleffé
plus de cent cinquante. Le
Sieur dePontlo- Coetlogon;
Ayde de Camp du Cheva,
lier de Gouyon y fut bleffé,
avec environ vingt cinq
Soldats. Ce mefme jour
GALANT 229
P
la Batterie des Sieurs de
Beauve & de la Calandre ,
commença à tirer fur les
retranchements & les Batteries des Benedictins.
Le 19. le Sieur de la Rufiniere ayant donné avis
qu'il avoit cinq mortiers &
dix-huit pieces de gros canon en batterie fur l'ifle des
Chevres , le Sieur du GuayTroüin fit fommer le Gouverneur de ſe rendre , &
fur fa réponſe pleine de
fierté , il refolut de l'attaquervivement. Il alla pour
cet effet avec le Chevalier
40 MERCURE
de Beauve le long de la
cofte , depuis le Campjuf
ques à l'Ile des Chevres ,
reconnoiftre les endroits
par où on pourroit plus aisément forcer les ennemis.
On remarqua cinq Vaiffeaux Marchands à demi
portée du fufil des Benedi-
"
etins , qui pouvoient fervir
d'entrepoft à une partie des
Troupes qui feroient deftinées à attaquer ce pofte : il
ordonna pour cela que l'on
fit avancer le Vaiffeau le
Mars entre ces deux Batteries , & de le placer à por-
GALANT. 235
tée de les fouftenir en cas
de befoin.
Le 20. il envoya ordre
au Vaiffeau le Brillant de
s'approcher du Mars , &
il fit faire de toutes les Batteries & des Vaiffeaux un
feu continuel , & donnant
en mefme temps les ordres
neceffaires pour attaquer
le lendemain.
La nuit du 20. au 21. il
envoyaune partie des troupes dans les Vaiffeaux
moüillez prés des Benedictins : les Ennemis s'en ef
tant apperçus firent fur les
12 MERCURE
Chaloupesun grand feu de
moufqueterie qui fut bientoft ralenti parle canon des
Batteries , & par celuy du
Vaiffeau le Mars , ce qui
jetta une grande confternation dans la Place.
Le 21. à la pointe du jour,
le fieur du Guay-Trouin
s'embarqua avec le refte
destroupes pour aller commencer l'attaque , ordonnant au Chevalier de Gou
yon de filer le long de la
Cofte avec la Brigade, afin
d'attaquer les ennemis par
differens endroits.
Sur
GALANT 233
Sur ces entrefaites le
fieur de la Salle qui avoit
efté fait priſonnier avec le
fieur du Clerc à qui il avoit
fervi d'Ayde de Camp ,
s'eftant échapé des ennemis , vint fe rendre , &
donna avis que les ennemis abandonnoient la place avec une terreur eltonnante qu'en fe retirant ils
avoient mis le feu à un des
plus riches Magafins de la
Ville , & qu'ils avoient miné le Fort des Jefuites , &
celuy des Benedictins : le
fieur du Guay- Trouin enFévrier 1712.
V
234 MERCURE
tra enfuite dans la place
avec le Chevalier de Courferac , & huit Compagnies
de Grenadiers, pour fe rendre maiftres des Forts de
Saint Sebaftien , de S. Yague, & de la Mifericorde ,,
laiffant aux fieurs de Gou
yon & de Beauve le commandement du refte des
troupes , avec deffenfe fur
peine de la vie aux foldatss
de s'écarter , & de quitter
leurs rangs.
En entrant dans la Ville , on trouva ce qui reftoit
de priſonniers de la défaite
GALANT 2.35
du fieur du Clerc, qui ayant
brisé les portes de leur pri
fon , s'eftoient desja répandus pour enfoncer & piller
les Maifons qu'ils connoiffoient les plus riches , ce
qui excita l'avidité des foldats , & les porta d'abord à
fe debander , mais la pun ition qui fut faite fur le
champ de quelques uns ,
arrefta les autres ; & les prifonniers furent conduits
fur la hauteur des Benedic
tins. Enfuite il fe rendit
maiftre des Forts & de tous
les poftes , aprés avoir fait
Vije
236 MERCURE
éventer les mines , &ilen
laiffa le commandement.
au Sieur de Courferac, avec
ordre de faire avancer fa
Brigade pour en prendre
poffeffion.
Enfuite pour empefcher
le pillage qui paroiffoir
inévitable , il fit mettre des
Corps de garde, pofer des
fentinelles en divers endroits , & il ordonna des
patrouilles , pour marcher
jour & nuit , avec défenfe
fur peine de la vie aux Matelots & Soldats d'entrer
dans la Ville fous quelque
GALANT. 237
prétexte que ce foit.
Nonobftant toutes ces
précautions , l'avidité du
gain & l'efpoir du pillage
l'emporterent fur la crainte des chaftiments , les
Corps de garde meſme &
les patrouilles commencerent à augmenter le defor
dre pendant la nuit : enforte que le lendemain matin
les trois quarts des portes
des maifons & des maga
fins fe trouverent enfonçées , les vins répandus , les
marchandiſes & les meubles eſparts au milieu des
3 MERCURE
ruës : & enfin tout fe trouva
dans un defordre & une
confuſion eſtonnante. Il
ordonna que l'on paffaft
par les armes ceux qui fe
trouveroient dans le cas du
Ban ; mais les chaſtiments
*
réiterez n'ayant pas efté
capables d'arrefter cette
fureur , il n'y eut d'autre
party à prendre que d'employer pendant le jour la
meilleure partie des Troupes à ramaffer ce qu'on
put d'effets ou de marchan
difes dans des Magafins
qu'il fit eftablir , & où le
GALANT 2391
Sieur de Ricoüart eut foin
de mettredes gens de con
fiance & des Ecrivains de
Roy.
Le 23. il envoya fommer
le Gouverneur du Fort de
Sainte Croix qui ſe rendit
par Capitulation : le Sieur
de Beauville , Ayde Major
General, en prit poffeffion,.
auffi-bien que des Forts de
Villegagnon, de SaintJean,
& des Batteries de l'entrée.
Le Sieur du Guay- Troüin
apprit cependant par differents Negres qui fe ren
dirent , que le Gouverneur
240 MERGURE
de la Place , & le General
de la Flote ayant ramaffé
les debris de leurs Troupes
àune lieuë & demie , attendoient un puiffant fecours
commandépar Don Antonio d'Albuquerque , General des Mines , fort eftimé.
Ainfi pour s'affurer contre
les entrepriſes des Ennemis , il eftablit le Chevalier
de Gouyon avecla Brigade
dans les retranchements
qui regardoient la plaine
& le Chevalier de Beauve
avec le Corps de Bataille
fur la hauteur de la Conception,
GALANT 241
ception , où le Quartier general fut placé pour eftre à
portée de fecourir ceux qui
en auroient befoin. A l'é
gard de la Brigade du Chevalier de Courferac , elle
eftoit déja deſtinée à gar-
´der les Forts & la hauteur
des Jefuites.
Les Ennemis avoient
emporté leur or , bruflé
leurs meilleurs Vaiffeaux &
leurs Magafins les plus riches, & tout le refte demeuroit enproye à la fureur du
pillage , qu'aucun chaſtiment ne pouvoit arrefter :
Février. 1712.
X
242 MERCURE
d'ailleurs il eftoit impoffi
ble de conferver cette Colonie , par le peu de vivres
qui reſtoient dans la Place ,
& par l'impoffibilité de penetrer dans le pays. Ainfi
le Sieur du Guay - Troüin
envoyadire au Gouverneur
que s'il tardoit plus longtemps à racheter la Ville
par une bonne contribu
tion , il alloit la mettre en
cendres : &afin de luy ren
dre cette menace plus fenfible, il détacha deux Compagnies de Grenadiers ,
commandez par les fieurs
GALANT 243 .
de Brignon & de Cheridan,
pour aller bruler toutes les
maiſons de la campagne.lls
rencontreret un gro Corps
des Ennemis , mais eftant
foutenus par une Compagnie deCaporaux, ils enfon
cerentles ennemis, en tuerent plufieurs , & mirent
le refte en fuite . Leur
Commandant, homme de
reputation , demeurafur la
place. Les fieurs de Brignon , de Cheridan , & le
fieur de Kret- Kavel garde
Marine , fe diftinguerent
dans cette action : le fieur
x ij
344 MERGURE
de Brignon , entre autres ,
perça le premier la bayon
nette au bout du fofil , à la
tefte de fa Compagnie ,
dont eftoient Officiers les
fieurs du Bodon & de Mortone gardes de la Marine
Comme cette affaire pou
voit devenir ferieuſe , jefis
avancer le Chevalier de
Beauve avec fix cents hommes , qui penetra encore
plus avant , brufla la maifon qui fervoir de retraite
au Commandant de cette
troupe & fe retira enfuite.
.e GALANT
245
&
Le Gouverneur envoya
unMestre de Camp , & le
Préfident de la Chambre
pour traiter , & ils reprefenterent au fieur du GuayTrouin , que le peuple les
ayant abandonnez
tranfportétout leur or dans
les montagnes,il leur eftoit
impoffible de trouver plus
de fix cents mille crufades:
pour la contribution : ils
demanderent mefme un
affez longtemps pourfaire
revenir l'or appartenant
au Royde Portugal , qu'on
avoit tranfportébien avant
X iij
146 MERCURE
dans les terres. Lefieur du
Guay Troüin rejetta cette
propofition , & congedial
les députezaprès leur avoir
fait voir qu'il faifoit miner
les endroits que le feu ne
pourroit deftruire : cependant il ſe paſſa encore fix
jours fans qu'on entendifti
parler du Gouverneur : on
apprit mefme que Don An
tonio d'Albuquerque devoit arriver inceffamment,
Comme il n'y avoit point
de temps à perdre, le fieur
du Guay- Trouin fit mettre
le lendemain à la pointe
GALANT 247
du jour toutes les troupes
en marche , & malgré las
difficulté des chemins il
arriva de bonne heure en
preſence des ennemis , &
fi près d'eux , que l'avantgarde commandée par le
Chevalier de Gouyon ſe
trouva à demi portée du
fufil de la premiere hauteur qu'ils occupoient , &
fur laquelle une partie de
leurs troupes parut en bataille. Le Gouverneur furpris envoya auffi toft deux
Officiers pour reprefenter
qu'il avoit offert tout l'or
248 MERCURE
dont il pouvoit difpofer
pour le rachat de la Ville:
qu'il luy eftoit abfolument
impoffible d'en trouver da
vantage: que tout ce qu'il
pouvoit faire eftoit d'y.
joindre dix mille crufades
de fa propre bourſe , cent
caiffes de fucre , & tous les
boeufs neceffaires pour la
fubfiftance des troupes , &
qu'aprés cela le fieur du
Guay Trouin eftoit le maiftre de le combattre , & de
deftruire la Colonie. On
tint confeil , & il fut refolu
d'accepter cette propofi
GALANT 249
tion pluſtoft que de tout
perdre ; & fit donner des
oftages, avec promeffe de
payer le tout dans quinze
jours, be my
Lelendemain 11. Octobre
Don Antonio d'Albuquer
que arriva avectrois mille
hommes de troupes , moitié cavalerie & moitié infanterie , & plus de fix mil
le Negres bien armez. Ce
pendant on travailloit tou
jours à tranfporter dans les
Vaiffeaux de l'Efcadre le
fucre qui s'eftoit trouvé , &
à remplir les Magafins des
2go MERCURE
autres marchandiſes que
l'on pouvoit ramaffer.adua
Le 4.Octobre les ennemis
ayant achevé leur dernier
payement, on fit embar
quer les troupes: on garda
feulement les Forts del'ifle
de Villegagnon , de l'ifle
des Chevres , & ceux de
l'entrée.
Le 13. aprés avoir fait
mettre le feu aux Vaiffeaux échoüez fous l'lfle
des Chevres , & aux autres
Baſtimens que l'on n'avoit
pointtrouvéàvendre, l'EC
cadre mit à la voile avec
GALANT. 251
del'eau & des vivres , pour environ trois mois , embarquant
un Officier , quatre gardes de
Marine , & trois cents cinquantefoldats qui reftoient de
la défaite du fieur du Clerc :
tous les autres Officiers avoient
efté envoyez à la Baye de tous
les Saints. Le fieur du Guay.
Trouin prétendoit aller les délivrer , & tirer mefme de cette
Colonie une nouvelle contribution mais ayant employé
quarante jours , à caufe des
vents contraires , pour arriver
à la hauteur de cette Baye , &
ayant à peine affez d'eau &
de vivres pour arriver en
France , il continua fa route.
11 fut mefme obligé de laiffer
la prife commandéepar le fieur
:
52 MERCURE
de la Ruffiniere , trop peſante:
la Fregate l'Aigle ayant ordre
de l'escorter jufqu'en France.
L'Efcadre palla enfin la Ligne le 25. Octobre. Les vents
eftant devenus plus favorables,
on arriva le 19. Janvier à la
hauteur des Ifles des Açores ,
où on effuya une grande tempefte , qui difperfa une partie
de la Flote.
Enfin aprés avoir mis plu
fieurs fois à travers pour attendre les Vaiffeaux, nous continuames noftre route vers
Breft , où l'Eſcadre arriva le
6. Février 1712.
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Résumé : AUTRE EXTRAIT de plusieurs Lettres particulieres joint à l'Extrait de la Relation imprimée à Paris sur ce qui s'est passé dans l'expedition de Rio Janeiro.
Le 9 juin 1711, René Duguay-Trouin quitta La Rochelle avec son escadre composée des vaisseaux 'Le Chancelier' et 'Le Glorieux' pour conquérir Rio de Janeiro. Le 2 juillet, il rejoignit la frégate 'L'Aigle' à l'île de Saint Vincent. Le 11 août, il passa l'équateur et le 27 août, il atteignit la baie de Tous les Saints. Après un conseil, il décida de se rendre à Rio de Janeiro. Le 1er septembre, malgré une forte défense incluant quatre vaisseaux de guerre portugais et une abondante artillerie, il força l'entrée du port. Rio de Janeiro était bien fortifiée, avec plusieurs forts et batteries le long de la baie. La ville était construite entre trois montagnes occupées par des ordres religieux et garnies de fortifications. Le Gouverneur portugais avait renforcé les défenses après avoir été informé de l'arrivée de l'escadre française par un paquebot venu d'Angleterre. Le 3 septembre, le Chevalier de Gouyon captura l'île des Chevres, permettant d'établir des batteries pour bombarder la ville. Les troupes françaises, au nombre de 2 150 soldats et 500 matelots armés, débarquèrent le 14 septembre et prirent position sur des hauteurs stratégiques. Cependant, après avoir reconnu le terrain, Du Guay-Trouin conclut qu'il était impraticable et impossible de couper la retraite aux ennemis ou de les empêcher de sauver leurs richesses. Du 16 au 21 février 1712, plusieurs actions militaires eurent lieu. Le 16 février, les ennemis tentèrent d'utiliser un fourneau sans succès, et les Sieurs de Beauve et de la Calandre établirent une batterie de dix pièces de canon. Le 17 février, les ennemis brûlèrent des magasins et des vaisseaux. Le 18 février, ils attaquèrent un poste avancé gardé par le Sieur de Lifta, mais furent repoussés par le Sieur de Bourville et ses hommes. La batterie des Sieurs de Beauve et de la Calandre commença à tirer sur les retranchements ennemis. Le 19 février, Du Guay-Trouin prépara une attaque contre l'île des Chevres. Le 20 février, il ordonna un feu continuel depuis les batteries et les vaisseaux. La nuit du 20 au 21 février, les ennemis ripostèrent, mais furent ralentis par le canon des batteries et du vaisseau le Mars. Le 21 février, Du Guay-Trouin attaqua la place avec ses troupes, et le Sieur de la Salle, échappé des ennemis, informa de leur retraite. Du Guay-Trouin prit possession des forts et des postes, malgré des pillages initiaux. Il établit des mesures pour empêcher le pillage et prit possession des forts restants. Le 23 février, le Gouverneur du Fort de Sainte Croix se rendit. Du Guay-Trouin apprit que les ennemis préparaient une contre-attaque et établit des défenses. Il menaça de brûler la ville si une contribution n'était pas payée. Après des négociations, une contribution fut acceptée. Le 11 octobre, Don Antonio d'Albuquerque arriva avec des renforts, mais les paiements furent effectués. Le 13 octobre, l'escadre mit à la voile, laissant certains forts occupés. Le voyage de retour fut marqué par des vents contraires et une tempête aux Açores. L'escadre arriva finalement à Brest le 6 février 1712.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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26
p. 44-47
D'une espece d'homme marin, pesché au Conquet.
Début :
Mr Savary Ecrivain de Vaisseau, m'a dit qu'en l'année [...]
Mots clefs :
Vaisseau, Monstre marin, Homme de mer
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texteReconnaissance textuelle : D'une espece d'homme marin, pesché au Conquet.
D'une espece d'homme mariny
pesche ait Conquet.
r>
- Mr Savary Ecrivain de
Vaisseau
,
m'a dit qu'en
l'année 1703. ilassistaàune
pesche qui Ce fit au Conquec> dans laquelleon prit
un Monstremarin
,
semblable en toutes choses à
un enfant de deux ans, &
de la mesmegrandeur
:
sa
peau estoit brune.& sans
poil, comme celle d'un
Chien de mer. Il avoit les
doigts des mains & des
pieds aussi fendus que ceux
d'un Singe, ôc armez d'ongles
,
mais sans toiles. Il
portoic au haut des bras,
& sur les os des jambes des
nageoires comme un poisson. Il ne pouvoit se tenir
debout, ne criait point, ne
remuoic point ses yeux qui
estoientronds comme ceux
d'unpoisson, sans sourcils,
ny paupieres. Il n'avoit
pour oreilles que deux
trous; sa bouche estoit plate,
son nez & son menton
allongés
,
sa teste ronde &
sans poil;il battoit continuellemenfidesjbras & des
jambes comme pour nager. Il ne vécut qu'une demi journée hors de l'eau.
Mr Savary m'a asseuré
que les fleurs du Ménay
Lieutenant de Vaisseau
, Claron Pilote du Conquer,
ôc plusieurs autres, particulierement les Religieux
de saint Matthieu de ce
lieu, l'ont veu&examiné,
de mesmequequantité
d'anciens Officiels de mer, quiaffeurent n'avoir jamais rien veu de pareil.
::.
Ce Metnoire'noiis|^eftç
communiquépar Mj~'F~
rent
,
à qui Mr Savary a
raconté la chose de vive
voix, telle que nous la
rapportons.
pesche ait Conquet.
r>
- Mr Savary Ecrivain de
Vaisseau
,
m'a dit qu'en
l'année 1703. ilassistaàune
pesche qui Ce fit au Conquec> dans laquelleon prit
un Monstremarin
,
semblable en toutes choses à
un enfant de deux ans, &
de la mesmegrandeur
:
sa
peau estoit brune.& sans
poil, comme celle d'un
Chien de mer. Il avoit les
doigts des mains & des
pieds aussi fendus que ceux
d'un Singe, ôc armez d'ongles
,
mais sans toiles. Il
portoic au haut des bras,
& sur les os des jambes des
nageoires comme un poisson. Il ne pouvoit se tenir
debout, ne criait point, ne
remuoic point ses yeux qui
estoientronds comme ceux
d'unpoisson, sans sourcils,
ny paupieres. Il n'avoit
pour oreilles que deux
trous; sa bouche estoit plate,
son nez & son menton
allongés
,
sa teste ronde &
sans poil;il battoit continuellemenfidesjbras & des
jambes comme pour nager. Il ne vécut qu'une demi journée hors de l'eau.
Mr Savary m'a asseuré
que les fleurs du Ménay
Lieutenant de Vaisseau
, Claron Pilote du Conquer,
ôc plusieurs autres, particulierement les Religieux
de saint Matthieu de ce
lieu, l'ont veu&examiné,
de mesmequequantité
d'anciens Officiels de mer, quiaffeurent n'avoir jamais rien veu de pareil.
::.
Ce Metnoire'noiis|^eftç
communiquépar Mj~'F~
rent
,
à qui Mr Savary a
raconté la chose de vive
voix, telle que nous la
rapportons.
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Résumé : D'une espece d'homme marin, pesché au Conquet.
En 1703, au Conquet, M. Savary, écrivain de vaisseau, observa une créature marine capturée lors d'une pêche. Cet être, de la taille d'un enfant de deux ans, avait une peau brune sans poil. Il possédait des doigts fendus avec des ongles, des nageoires aux bras et aux jambes, et ne pouvait se tenir debout. Ses yeux étaient ronds sans sourcils ni paupières, et il avait deux trous à la place des oreilles. Sa bouche était plate, son nez et son menton allongés, et sa tête ronde sans poil. La créature battait continuellement des bras et des jambes comme pour nager et ne survécut qu'une demi-journée hors de l'eau. Plusieurs témoins, dont le lieutenant de vaisseau Ménay, le pilote Claron, des religieux de Saint-Mathieu, et des anciens officiers de mer, confirmèrent avoir vu et examiné cette créature. Le récit fut communiqué par M. F*** à qui M. Savary l'avait raconté de vive voix.
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27
p. 208-216
Supplément de la Relation de la descente de Monsieur du Clerc à Rio de Janeiro, donnée dans le Mercure de May dernier.
Début :
Avant de partir du Bresil, j'avois reçû de Monsieur [...]
Mots clefs :
Supplément, Rio de Janeiro, Monsieur du Clerc, La Reine des Anges, Vaisseau, Cayenne, Brésil, France
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Supplément de la Relation de la descente de Monsieur du Clerc à Rio de Janeiro, donnée dans le Mercure de May dernier.
Supplément de la Relation de
la defiente de Monfieur
du Clerc à Rio de Janeiro,
donnée dans le Mercure de
May dernier.
Avant de partir du Brefil , j'avois reçûde Monfieur
du Guay un ordre de fervir
d'Officier fur le vaiffeau la
Reine des Anges , qui avoit
été pris dans la baye de Rio
de Janeiro, & que l'on a
voit
GALANT 209
voit chargé de fucre du
pays , pour l'amener en
France : mais nous étions
armez fi à la hâte , & avec
fi peu de précaution , que
fitôt que nous fûmes à la
mer le vaiffeau fit beaucoup d'eau , & qu'au premier coup devent que nous
reçûmes nous eûmes, une
partie de nos voiles empor
tées.
Nous étions fi fort chargez , qu'il ne nous fut pas
poffible de fuivre l'efcadre :
ainfi Monfieur du Guay në
jugeant pas à propos
Sept. 17.12.
S
de
1/210
MERCURE
14
nousattendre,àcauſe du re
tardement cófiderable que
nous aurions caufé à tous les
autres vaiffeaux,nous affifta
du mieux qu'il fut poffible
avant de nous quitter , &
donna ordre au Chevalier
de la Rufiniere , qui commandoit la Reine des Anges , de relâcherpen cas
d'incommodité, à une des.
Iles de la Martinique, pour
y prendre les chofes qui lui
feroient neceffaires & fe
mettre en état d'arriver en
France. Il détacha auffi la
fregate du Roy l'Aigle i
GALANT. 211
commandée par Monfieur
de la Marre de Caen , pour
› nous convoyer ; & nous
donnertousles fecours dont
* nous aurions befoin.
Le Capitaine de l'Aigle
fe trouvant Commandant
des deux navires , en ver
-tu de la Commiſſion de
Lieutenant de vaiffeau ,
nous amena relâcher à l'Ifle
de Cayenne : mais n'ayant
pû ycarenner le navire , &
n'y ayant trouvé ni les vivres , ni les autres chofes
qui nous manquoient , on
fur obligé de defarmer la
Sij
212 MERCURE
Reine des Anges , & de la
laiffer a Cayenne avec fa
cargaiſon. Nous étions deftinez , aprés cet accident ,
de paffer fur la fregate du
Roy l'Aigle mais par un
malheur inattendu elle fe
perdit la nuit du 6. au 7. Fe-
::
vrier 1712. par une tourmente de vent nordnordeft , qui la porta fur un
banc , où elle a été enticrement crevée..
44
Aprés un coup fi funeſte , il a falu avoir recours
à la Reine des Anges , qui
étoit déja échouée fur les
1
GALANT
213
vales. On s'eft mis en devoir de la raccommoder
du débris de l'Aigle , dont
on a fauvé une grande partie des vivres , & tous les
grés. On ne fçait pas encore fi on pourra la mettre en état d'aller en France ; fi cela n'eft pas poffible , on tâchera au moins
de la mener à la Martinique afin d'y paffer les
troupes , & les équipages
des deux navires , qui
incommoderoient
derablement la colonie
de Cayenne , s'ils étoient
confi-
214 MERCURE
obligez d'y refter longtemps.
રે
Cependant Monfieur de
la Marre de Caen étant
chargé de plus de monde
-qu'il n'en pouvoit conte
nir dans la Reine des Anges , a jugé à propos de:
-faire un detachement de
foldats & d'Officiers
nombre defquels j'ai été,
pour paffer en France , fur
un petit navire Marchand
de Saint Malo , nommé
le faint Jean Baptiſte , qui
étoit prêt à partir , & ila.
*
du
V
JGALANTA $215
donné un ordre au Sieur
des Vaux , Capitaine du
dit vaiffeau , de nous donner paffage. Nous fommes partis de Cayenne le
Mercredi dixiéme Février
mil fept cent douze , &
fommes arrivez au Portlouis le onziéme Avril.
Voila , Monſeigneur
害
un compte fidele de toute
ma conduite , & de ce qui
s'eft paffé , à peu prés , de
plus memorable dans les
lieux où je me fuis trouvé , depuis le dixiéme May
216 MERCURE
mil ſept cent dix , qui fut
le jour que l'efcadre de
Monfieur du Clerc partit:
de la Rochelle.
la defiente de Monfieur
du Clerc à Rio de Janeiro,
donnée dans le Mercure de
May dernier.
Avant de partir du Brefil , j'avois reçûde Monfieur
du Guay un ordre de fervir
d'Officier fur le vaiffeau la
Reine des Anges , qui avoit
été pris dans la baye de Rio
de Janeiro, & que l'on a
voit
GALANT 209
voit chargé de fucre du
pays , pour l'amener en
France : mais nous étions
armez fi à la hâte , & avec
fi peu de précaution , que
fitôt que nous fûmes à la
mer le vaiffeau fit beaucoup d'eau , & qu'au premier coup devent que nous
reçûmes nous eûmes, une
partie de nos voiles empor
tées.
Nous étions fi fort chargez , qu'il ne nous fut pas
poffible de fuivre l'efcadre :
ainfi Monfieur du Guay në
jugeant pas à propos
Sept. 17.12.
S
de
1/210
MERCURE
14
nousattendre,àcauſe du re
tardement cófiderable que
nous aurions caufé à tous les
autres vaiffeaux,nous affifta
du mieux qu'il fut poffible
avant de nous quitter , &
donna ordre au Chevalier
de la Rufiniere , qui commandoit la Reine des Anges , de relâcherpen cas
d'incommodité, à une des.
Iles de la Martinique, pour
y prendre les chofes qui lui
feroient neceffaires & fe
mettre en état d'arriver en
France. Il détacha auffi la
fregate du Roy l'Aigle i
GALANT. 211
commandée par Monfieur
de la Marre de Caen , pour
› nous convoyer ; & nous
donnertousles fecours dont
* nous aurions befoin.
Le Capitaine de l'Aigle
fe trouvant Commandant
des deux navires , en ver
-tu de la Commiſſion de
Lieutenant de vaiffeau ,
nous amena relâcher à l'Ifle
de Cayenne : mais n'ayant
pû ycarenner le navire , &
n'y ayant trouvé ni les vivres , ni les autres chofes
qui nous manquoient , on
fur obligé de defarmer la
Sij
212 MERCURE
Reine des Anges , & de la
laiffer a Cayenne avec fa
cargaiſon. Nous étions deftinez , aprés cet accident ,
de paffer fur la fregate du
Roy l'Aigle mais par un
malheur inattendu elle fe
perdit la nuit du 6. au 7. Fe-
::
vrier 1712. par une tourmente de vent nordnordeft , qui la porta fur un
banc , où elle a été enticrement crevée..
44
Aprés un coup fi funeſte , il a falu avoir recours
à la Reine des Anges , qui
étoit déja échouée fur les
1
GALANT
213
vales. On s'eft mis en devoir de la raccommoder
du débris de l'Aigle , dont
on a fauvé une grande partie des vivres , & tous les
grés. On ne fçait pas encore fi on pourra la mettre en état d'aller en France ; fi cela n'eft pas poffible , on tâchera au moins
de la mener à la Martinique afin d'y paffer les
troupes , & les équipages
des deux navires , qui
incommoderoient
derablement la colonie
de Cayenne , s'ils étoient
confi-
214 MERCURE
obligez d'y refter longtemps.
રે
Cependant Monfieur de
la Marre de Caen étant
chargé de plus de monde
-qu'il n'en pouvoit conte
nir dans la Reine des Anges , a jugé à propos de:
-faire un detachement de
foldats & d'Officiers
nombre defquels j'ai été,
pour paffer en France , fur
un petit navire Marchand
de Saint Malo , nommé
le faint Jean Baptiſte , qui
étoit prêt à partir , & ila.
*
du
V
JGALANTA $215
donné un ordre au Sieur
des Vaux , Capitaine du
dit vaiffeau , de nous donner paffage. Nous fommes partis de Cayenne le
Mercredi dixiéme Février
mil fept cent douze , &
fommes arrivez au Portlouis le onziéme Avril.
Voila , Monſeigneur
害
un compte fidele de toute
ma conduite , & de ce qui
s'eft paffé , à peu prés , de
plus memorable dans les
lieux où je me fuis trouvé , depuis le dixiéme May
216 MERCURE
mil ſept cent dix , qui fut
le jour que l'efcadre de
Monfieur du Clerc partit:
de la Rochelle.
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Résumé : Supplément de la Relation de la descente de Monsieur du Clerc à Rio de Janeiro, donnée dans le Mercure de May dernier.
Après avoir reçu l'ordre de servir sur le vaisseau 'La Reine des Anges', capturé à Rio de Janeiro et destiné à être ramené en France, l'officier a dû faire face à plusieurs difficultés. Le vaisseau, chargé à la hâte, a commencé à prendre l'eau et a subi des dommages aux voiles. En raison de sa charge excessive, il a été abandonné par Monsieur du Guay, qui a ordonné au Chevalier de la Rufinière de se ravitailler aux Îles de la Martinique et a détaché la frégate 'L'Aigle' pour l'escorter. La frégate a tenté de relâcher à l'île de Cayenne, mais a dû désarmer 'La Reine des Anges' et la laisser sur place faute de vivres et de réparations. 'L'Aigle' s'est perdue lors d'une tempête le 7 février 1712. 'La Reine des Anges' a été réparée avec les débris de 'L'Aigle'. Si le vaisseau ne pouvait être remis en état, il serait dirigé vers la Martinique pour débarquer les troupes et les équipages. Monsieur de la Marre de Caen a organisé un détachement de soldats et d'officiers, dont l'auteur, pour les envoyer en France sur un navire marchand de Saint-Malo, 'Le Saint Jean Baptiste'. Ils sont partis de Cayenne le 10 février 1712 et sont arrivés à Port-Louis le 11 avril 1712. Le texte se conclut par un compte rendu des événements survenus depuis le départ de l'escadre de Monsieur du Clerc de La Rochelle le 10 mai 1710.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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28
p. 97-120
LETTRE DE GENES. Evenement singulier d'une mort arrivée au mois de Juin 1712.
Début :
UN riche Marchand, homme capricieux, ayant toujours été heureux dans [...]
Mots clefs :
Gênes, Mort, Marchand, Voyage, Perte, Peur, Avarice, Mariage, Départ, Femme, Caprice, Vaisseau, Chute, Séparation, Catastrophe
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE DE GENES. Evenement singulier d'une mort arrivée au mois de Juin 1712.
LETTRE DE GENES.
Evénement singulierd'une mort
arrivée au mois de Juin1712.
UN riche Marchand,
hône capricieux, ayant
toûjours été heureux
dans son commerce, avoit en tête que le premier voyage qu'il feroit
lui porteroit malheur
cependant il risquoitde
perdre une sommeconfiderable s'il nerctournoit
affzz-dc-bica poursupporter cette perte, &
dans. un moment où son
avarice l'emportoit fu*.
la peur qu'il s'étoit mise -
dans l'esprit
,
il se determina à partir quelquesjours aprés.
A la veille- de son départ la peur le reprit, Se
il se mit en-tête d'achever de se rendre amoureux d'une très- belle
personne, qu'il-avoit
vuë, afin que son amour
se joignant à sa peur,
l'avaricedevînt la moins
forte. En effetcet amour luireüssit, S6 devint si
violent, qu'ayant resolu
de ne plus s'exposer sur
mer, ilsemaria, pour fortifier sa resolution. Les
complaisances que sa
femme eut pour lui la
rendaient digne deson
attachement & n'ayant
nul su jet des'enplaindre,
un de Ces capricesle prit,
&ils'imaginaqu'ilman-
quoità son bonheur une
femme dont l'amourfust
à l'épreuved'une absence
de six mois. Il crutaussi
par cette absence se preparer un renouvellement de passion, dont il
croyoitavoir besoin, à
cause d'un refroidissement qu'il commençoit
à sentir. Sur ces entrefaites il reçut une lettre
de son correspondant
,
qui lui proposoit un bon
coup à faire,pourvu qu'-
il fist aux Indes un voyage de sept à huit mois.
L'occasion d'un vaisseau
&: d'un ami qui partoit,
le determinerent.
Jamais départ d'unmari ne fut plus sensible à
une femme: elle vouloit
absolument suivre son
mari dans ce voyage, &
en fit de si tend res instances, que son mari qui
changeoit souvent de
fantaisies, crut que l'épreuve d'un tel voyage é-
toit aussi feure pour l'amour d'une femmeque
celle de l'absence.Il pria
son ami deretarder quelques jours le départ du
navire dont il croitmaître :
mais l'ami n'employa ce peu de jours
qu'à s'opposer au départ
de la femme, & represensa au mari qu'il ne
devoit pas l'exposeraux
fatigues& aux perils de
la mer, pour le seul plaisir de contenter son ca-
price.Enfin le mari se
rendit, la femme obeïtJ
resta, & le navire partit.
L'ami ressentit en partant une joye & une
douleur qui avoient des
causes differentes,il étoit
devenu passionnément
amoureux de cette semme,dont la beautél'avoit
frapé d'abord. Les rendres adieux qu'elle fit à
son mari achevevent (tu
lecharmer.IlfalotJonc
quitter cequ'il aimoit,
voila sa dou leur: mais il
étoit honnête liomiiiç
bon ami, Ez il futravi
d'avoirempêché la femme de s'embarquerade
s'en separerpour tâcher
de l'ou blier.Mais commenteût-ilpû l'oublier?
sonmari ne luiparlait
d'aucrechose. Imaginezvousquel embarras étoit
le lien; son ami n'avoit
pas d'autre plaisir quecet
entretien, qui faisoit son
suplice par la contrainte
où il setrouvait. Elle fut
pousséeau point, quel'ami ne voulant pas absolument que le mari lui
parlât de sa femme, le
mari soupçonna la chose. Il n'étoit naturellement que capricieux,
& peu jaloux } & l'ami
setrouvant contraint de
luitoutavouer,lui dit en
même temps qu'il nedevoit pascraindre qu'ilrevît jamais sa femme, puis
qu'il avoit voulu de si
bonne foi s'en separer.En
effet des que le marieut
fait ses affaires, l'ami le
pressaderetournerseul à
Genes,&montaun autre
vaisseau qui venoit en
France,où il avoitenvie
de se venir établir,même
avant son avanture. Ainsi les deux amis se dirent
adieu pour toute la vie.
Le Marchand mari
fut plus song-temps sur
mer qu'ilnecroyoit, Se
battu d'une tempête,
fut contraint de relâcher à larade de. Il
fut contraint d'y sejourner quelques semaines. Cependant il prit
patience,n'ayant plus
qu'un petittrajet à faire
pour revoir sa chere
femme: mais un de ses
caprices le prit, & ce fut
le plus extravagant qu'il
eût eu de sa vie; car craignant de retrouversa
femme trop insensible au
plaisir de le revoir
,
il
voulue lui donner une
alarme: & voyant partir
de la rade où ilétoit un
vaisseauqu'il croyoit
suivrede prés, il chargea
quelqu'un de ce vaisseau
d'un paquet de lettres,
sans dire qui il étoit.
Dans ce paquet étoit une
lettre, qu'il fit écrire par
le Capitaine du vaisseau
oùil étoit, &: cette lettre
adressée à sa femme lui racontoit la mort de son
mari avec les plusten-
dres Ô£ les plus tocuhantes circonstances qu'il
put imaginer; &C pour
donner plusde certitude
àcette faussenouvelle,il
écrivit de sa main propre
unbillet., dont lescaracteres tremblans 6C mal
formez paroissoient d'un
homme mourant, & par
ce billet de cinq ou six lignes il témoignoit à sa
femme qu'étant prés de
quiter lavie,ilemployoit
ses dern iers momens à
lui direunéternel adieu.
Ce dernier caprice paroîtra peu vrai-semblable
: maisce n'est point
ici une avanture où il
s'agisse de vrai-semblance
,
puisque c'est une
simple relation- où l'on
n'a ajoûté aucune cir-q
confiance romanesque.
Ce mari imprudent
s'embarqua peu de jours
aprés, &£ eut trés-m-luvais tem ps,&des évé-
.nomen-s de mercontrai-
r€$àl'impatiencequ'ilavoit
devoirlaréussicedeson billet i car ib n'arriva à Gencs;
que 6. ou7.semainesaprès.
Ceuxquiporterentlalettrefirent aucontraire une
navigation trés-heureuse &
trés-prompte. La lettre fut
renduë àlafemme, quifut à
la mort pendant huitjours.
Il yavoitdéjalongtems
que IIyavoitdéjàlongtemsque
l'amiamoureux étoit arrivé
à Marseille, toûjours tourmentéde son amour; quand
se promenant sur le port,
il vit aborder un' vaisseau
Génois.Ils'informade ceux
quiétoient dedans sileMar-
chand son ami étoit de retour à Genes. Un de ceux à
qui il s'adressa lui dit qu'il
connoissoit sa veuve,& qu'il
l'avoit bissée dans une affliction qui faisoit craindre
pour sa vie.
:
Il seroit difficile d'exprimer les mouvemens divers
dont cet amant & ami fut
agité. Il fut 24. heures dans
uneagitation terrible, &
le lendemain se jetta dans
uiv vaisseau qui reparroit
pour Genes, & se rendit auprès de la veuve, dont il renouvella la douleur par son
arri-
arrivée. Enfinaprès avoir
pleuré quelques jours ensemble, il lui proposa de rétablir Ses affaires en l'épousant. N'ayant point encore
d'enfans de Son mari,& ayât
peu de bien par elle-même,
elle eût eu grand besoin de
se remarier si elle eûtétéveritablementveuve
; cependant l'interêt ne la toucha
point:mais ce Negociant-ci
étoit jeune,assezaimable.En
un mot il ne fut plus question pour elle que du temps
6c des bienseances
;
elle ne
pouvoit se resoudre à se re-
marier après un mois de
veuvage ou environ.Cependant leNegociantétoit obligé de s'en retourner promtement àMarseille.Elleprit
le parti de l'epousersecretement, de quitter Genes,&
d'allers'établir en France avec ce nouveau mari. Elle
n'avoit chez elle qu'unefervante, & une parente de fôn
mari,qui étoit trés-vieille&
trés-folle. Elleluilassatout
te qu'elle avoit, &avec sa
servante seule elle partitdipantàcettevieillequ'ellealloit se jetter dansunConvent;&ellealla 4e marier,
&s'embarquerensuite avec
son mari pour Marseille.
Quelques joursaprés le
premiermari arriva à Genes,&rencontra,avantque
d'entrerchez lui, quelques
amis & voisins, qui ayant vû
réellement sa femme deses-
,'perée & malade à la mort,
exagererentencore son desespoir, pour faire sa courà
son mari, qui courut fort alarméjusqu'à son logis,où
la vieille parente,aprés être
revenuë de la peur que le revenant lui causa, lui raconta d'abord le desespoir de
sa femme
3
6c lui dit ensuite
qu'étant sortie de chezelle,
pour s'aller jetter dans un
Convent, il étoit revenu un
bruit le lendemain que
quelques gens l'avoient vû
aller du côté de la mer, &
même que quelques autres
l'avoient vû s'y precipirer.
Lavieillefolle luiconfirma
ce dernier bruit, qui n'avoit
nul fondement que quelques préjugez de bonnes
femmes. Le mari fut déja
fort malade de ce premier
coup :
maisil ne sur au desespoir quecontre lui-même;&
aprés être un peu revenu à
lui,&avoirsuivideplusprés
les bruits differens qui couroient, il apprit feulement
qu'onl'avoit vû monter avec un homme pour Marseille. La douleur,la rage lui
donnerent une attaqueplus
vive que la premiere,&il fut
deux jours dans unesituation cruelle,sanssavoir quel
parti prendre. Enfin ayant
pris celui d'aller à Marseille
pour approfondir la chose,il
y
arriva dans un état pitoyablé, & ressemblant plûtôt à
un spectre qu'à un homme.
Il demanda,enarrivant,de
nouvelles de son ami, eiperant se conioler au moins
avec lui de son malheur, Se
qu'il lui aideroit à faire des
perquisitionsdecelui qui avoit enlevé sa femme à Gcmes. Il n'eut pas de peine à
trouver oùlogeoit sonami,
tkle hazard voulut que ceux
qui luienseignement son logisne lui parlerentpoint
qu'il eût une femme avec
lui, jusqu'à ce qu'il fut parvenu à la porte de sa chambre, que lui ouvrit un valet
nouveau des nouveaux mariez,qui le pria d'atendre un
moment, parce que lafemme de Monsieur étoitavec
lui.Le pauvre homme n'eut
d'abord aucun soupçon de la
verité:mais crutque son ami
Vétoit marié parraison3 on
pour oublier la femme; &.Çc
Croyant assez intime ami
pour encrersans ceremonie,
:&, troublé d'ailleurs par son
malheur, il pouffa la porte
sortement,&entra malgré
le valet dans une fécondé
chambre, où le mari & la
femme étoient tête à tête.
On ne peut pas exprimer
l'effet de cette apparition.
La femme prit son mari
pour un deterré,outre qu'il
en avoir assezl'air;la vue de
sa femme le rendit-immobi-
le comme un [peétre. La
femme tomba à la renverse,
& le revenant tomba un
moment après, ôc ne releva
de cette chute que peur languir quelques jours. Il pardonna en mourant à son ami
6c àsa femme, à qui illaissa
même une partie de son
bien.Ils furent si penetrés de
douleur l'un & raurre,qu'iIs
font encore à present enretraite chacun dans un Convent.On,¡}e sçait point combien durera cette separation
volontaire:maisils n'ont pas
eu un moment de santé depuis cette triste catastrofe
Evénement singulierd'une mort
arrivée au mois de Juin1712.
UN riche Marchand,
hône capricieux, ayant
toûjours été heureux
dans son commerce, avoit en tête que le premier voyage qu'il feroit
lui porteroit malheur
cependant il risquoitde
perdre une sommeconfiderable s'il nerctournoit
affzz-dc-bica poursupporter cette perte, &
dans. un moment où son
avarice l'emportoit fu*.
la peur qu'il s'étoit mise -
dans l'esprit
,
il se determina à partir quelquesjours aprés.
A la veille- de son départ la peur le reprit, Se
il se mit en-tête d'achever de se rendre amoureux d'une très- belle
personne, qu'il-avoit
vuë, afin que son amour
se joignant à sa peur,
l'avaricedevînt la moins
forte. En effetcet amour luireüssit, S6 devint si
violent, qu'ayant resolu
de ne plus s'exposer sur
mer, ilsemaria, pour fortifier sa resolution. Les
complaisances que sa
femme eut pour lui la
rendaient digne deson
attachement & n'ayant
nul su jet des'enplaindre,
un de Ces capricesle prit,
&ils'imaginaqu'ilman-
quoità son bonheur une
femme dont l'amourfust
à l'épreuved'une absence
de six mois. Il crutaussi
par cette absence se preparer un renouvellement de passion, dont il
croyoitavoir besoin, à
cause d'un refroidissement qu'il commençoit
à sentir. Sur ces entrefaites il reçut une lettre
de son correspondant
,
qui lui proposoit un bon
coup à faire,pourvu qu'-
il fist aux Indes un voyage de sept à huit mois.
L'occasion d'un vaisseau
&: d'un ami qui partoit,
le determinerent.
Jamais départ d'unmari ne fut plus sensible à
une femme: elle vouloit
absolument suivre son
mari dans ce voyage, &
en fit de si tend res instances, que son mari qui
changeoit souvent de
fantaisies, crut que l'épreuve d'un tel voyage é-
toit aussi feure pour l'amour d'une femmeque
celle de l'absence.Il pria
son ami deretarder quelques jours le départ du
navire dont il croitmaître :
mais l'ami n'employa ce peu de jours
qu'à s'opposer au départ
de la femme, & represensa au mari qu'il ne
devoit pas l'exposeraux
fatigues& aux perils de
la mer, pour le seul plaisir de contenter son ca-
price.Enfin le mari se
rendit, la femme obeïtJ
resta, & le navire partit.
L'ami ressentit en partant une joye & une
douleur qui avoient des
causes differentes,il étoit
devenu passionnément
amoureux de cette semme,dont la beautél'avoit
frapé d'abord. Les rendres adieux qu'elle fit à
son mari achevevent (tu
lecharmer.IlfalotJonc
quitter cequ'il aimoit,
voila sa dou leur: mais il
étoit honnête liomiiiç
bon ami, Ez il futravi
d'avoirempêché la femme de s'embarquerade
s'en separerpour tâcher
de l'ou blier.Mais commenteût-ilpû l'oublier?
sonmari ne luiparlait
d'aucrechose. Imaginezvousquel embarras étoit
le lien; son ami n'avoit
pas d'autre plaisir quecet
entretien, qui faisoit son
suplice par la contrainte
où il setrouvait. Elle fut
pousséeau point, quel'ami ne voulant pas absolument que le mari lui
parlât de sa femme, le
mari soupçonna la chose. Il n'étoit naturellement que capricieux,
& peu jaloux } & l'ami
setrouvant contraint de
luitoutavouer,lui dit en
même temps qu'il nedevoit pascraindre qu'ilrevît jamais sa femme, puis
qu'il avoit voulu de si
bonne foi s'en separer.En
effet des que le marieut
fait ses affaires, l'ami le
pressaderetournerseul à
Genes,&montaun autre
vaisseau qui venoit en
France,où il avoitenvie
de se venir établir,même
avant son avanture. Ainsi les deux amis se dirent
adieu pour toute la vie.
Le Marchand mari
fut plus song-temps sur
mer qu'ilnecroyoit, Se
battu d'une tempête,
fut contraint de relâcher à larade de. Il
fut contraint d'y sejourner quelques semaines. Cependant il prit
patience,n'ayant plus
qu'un petittrajet à faire
pour revoir sa chere
femme: mais un de ses
caprices le prit, & ce fut
le plus extravagant qu'il
eût eu de sa vie; car craignant de retrouversa
femme trop insensible au
plaisir de le revoir
,
il
voulue lui donner une
alarme: & voyant partir
de la rade où ilétoit un
vaisseauqu'il croyoit
suivrede prés, il chargea
quelqu'un de ce vaisseau
d'un paquet de lettres,
sans dire qui il étoit.
Dans ce paquet étoit une
lettre, qu'il fit écrire par
le Capitaine du vaisseau
oùil étoit, &: cette lettre
adressée à sa femme lui racontoit la mort de son
mari avec les plusten-
dres Ô£ les plus tocuhantes circonstances qu'il
put imaginer; &C pour
donner plusde certitude
àcette faussenouvelle,il
écrivit de sa main propre
unbillet., dont lescaracteres tremblans 6C mal
formez paroissoient d'un
homme mourant, & par
ce billet de cinq ou six lignes il témoignoit à sa
femme qu'étant prés de
quiter lavie,ilemployoit
ses dern iers momens à
lui direunéternel adieu.
Ce dernier caprice paroîtra peu vrai-semblable
: maisce n'est point
ici une avanture où il
s'agisse de vrai-semblance
,
puisque c'est une
simple relation- où l'on
n'a ajoûté aucune cir-q
confiance romanesque.
Ce mari imprudent
s'embarqua peu de jours
aprés, &£ eut trés-m-luvais tem ps,&des évé-
.nomen-s de mercontrai-
r€$àl'impatiencequ'ilavoit
devoirlaréussicedeson billet i car ib n'arriva à Gencs;
que 6. ou7.semainesaprès.
Ceuxquiporterentlalettrefirent aucontraire une
navigation trés-heureuse &
trés-prompte. La lettre fut
renduë àlafemme, quifut à
la mort pendant huitjours.
Il yavoitdéjalongtems
que IIyavoitdéjàlongtemsque
l'amiamoureux étoit arrivé
à Marseille, toûjours tourmentéde son amour; quand
se promenant sur le port,
il vit aborder un' vaisseau
Génois.Ils'informade ceux
quiétoient dedans sileMar-
chand son ami étoit de retour à Genes. Un de ceux à
qui il s'adressa lui dit qu'il
connoissoit sa veuve,& qu'il
l'avoit bissée dans une affliction qui faisoit craindre
pour sa vie.
:
Il seroit difficile d'exprimer les mouvemens divers
dont cet amant & ami fut
agité. Il fut 24. heures dans
uneagitation terrible, &
le lendemain se jetta dans
uiv vaisseau qui reparroit
pour Genes, & se rendit auprès de la veuve, dont il renouvella la douleur par son
arri-
arrivée. Enfinaprès avoir
pleuré quelques jours ensemble, il lui proposa de rétablir Ses affaires en l'épousant. N'ayant point encore
d'enfans de Son mari,& ayât
peu de bien par elle-même,
elle eût eu grand besoin de
se remarier si elle eûtétéveritablementveuve
; cependant l'interêt ne la toucha
point:mais ce Negociant-ci
étoit jeune,assezaimable.En
un mot il ne fut plus question pour elle que du temps
6c des bienseances
;
elle ne
pouvoit se resoudre à se re-
marier après un mois de
veuvage ou environ.Cependant leNegociantétoit obligé de s'en retourner promtement àMarseille.Elleprit
le parti de l'epousersecretement, de quitter Genes,&
d'allers'établir en France avec ce nouveau mari. Elle
n'avoit chez elle qu'unefervante, & une parente de fôn
mari,qui étoit trés-vieille&
trés-folle. Elleluilassatout
te qu'elle avoit, &avec sa
servante seule elle partitdipantàcettevieillequ'ellealloit se jetter dansunConvent;&ellealla 4e marier,
&s'embarquerensuite avec
son mari pour Marseille.
Quelques joursaprés le
premiermari arriva à Genes,&rencontra,avantque
d'entrerchez lui, quelques
amis & voisins, qui ayant vû
réellement sa femme deses-
,'perée & malade à la mort,
exagererentencore son desespoir, pour faire sa courà
son mari, qui courut fort alarméjusqu'à son logis,où
la vieille parente,aprés être
revenuë de la peur que le revenant lui causa, lui raconta d'abord le desespoir de
sa femme
3
6c lui dit ensuite
qu'étant sortie de chezelle,
pour s'aller jetter dans un
Convent, il étoit revenu un
bruit le lendemain que
quelques gens l'avoient vû
aller du côté de la mer, &
même que quelques autres
l'avoient vû s'y precipirer.
Lavieillefolle luiconfirma
ce dernier bruit, qui n'avoit
nul fondement que quelques préjugez de bonnes
femmes. Le mari fut déja
fort malade de ce premier
coup :
maisil ne sur au desespoir quecontre lui-même;&
aprés être un peu revenu à
lui,&avoirsuivideplusprés
les bruits differens qui couroient, il apprit feulement
qu'onl'avoit vû monter avec un homme pour Marseille. La douleur,la rage lui
donnerent une attaqueplus
vive que la premiere,&il fut
deux jours dans unesituation cruelle,sanssavoir quel
parti prendre. Enfin ayant
pris celui d'aller à Marseille
pour approfondir la chose,il
y
arriva dans un état pitoyablé, & ressemblant plûtôt à
un spectre qu'à un homme.
Il demanda,enarrivant,de
nouvelles de son ami, eiperant se conioler au moins
avec lui de son malheur, Se
qu'il lui aideroit à faire des
perquisitionsdecelui qui avoit enlevé sa femme à Gcmes. Il n'eut pas de peine à
trouver oùlogeoit sonami,
tkle hazard voulut que ceux
qui luienseignement son logisne lui parlerentpoint
qu'il eût une femme avec
lui, jusqu'à ce qu'il fut parvenu à la porte de sa chambre, que lui ouvrit un valet
nouveau des nouveaux mariez,qui le pria d'atendre un
moment, parce que lafemme de Monsieur étoitavec
lui.Le pauvre homme n'eut
d'abord aucun soupçon de la
verité:mais crutque son ami
Vétoit marié parraison3 on
pour oublier la femme; &.Çc
Croyant assez intime ami
pour encrersans ceremonie,
:&, troublé d'ailleurs par son
malheur, il pouffa la porte
sortement,&entra malgré
le valet dans une fécondé
chambre, où le mari & la
femme étoient tête à tête.
On ne peut pas exprimer
l'effet de cette apparition.
La femme prit son mari
pour un deterré,outre qu'il
en avoir assezl'air;la vue de
sa femme le rendit-immobi-
le comme un [peétre. La
femme tomba à la renverse,
& le revenant tomba un
moment après, ôc ne releva
de cette chute que peur languir quelques jours. Il pardonna en mourant à son ami
6c àsa femme, à qui illaissa
même une partie de son
bien.Ils furent si penetrés de
douleur l'un & raurre,qu'iIs
font encore à present enretraite chacun dans un Convent.On,¡}e sçait point combien durera cette separation
volontaire:maisils n'ont pas
eu un moment de santé depuis cette triste catastrofe
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Résumé : LETTRE DE GENES. Evenement singulier d'une mort arrivée au mois de Juin 1712.
La 'Lettre de Gênes' raconte une série d'événements survenus en juin 1712, impliquant un riche marchand superstitieux et son épouse. Le marchand, bien que craignant que son premier voyage maritime lui porte malheur, fut poussé par son avarice à partir. Pour renforcer sa résolution, il se rendit amoureux d'une belle personne qu'il épousa. Cependant, un caprice le poussa à tester la fidélité de son épouse en partant pour un voyage aux Indes, malgré les supplications de celle-ci de l'accompagner. Un ami du marchand, secrètement amoureux de son épouse, s'opposa à son départ et réussit à convaincre le marchand de laisser son épouse à terre. Le marchand partit seul et, après plusieurs semaines en mer, décida de faire croire à sa femme qu'il était mort en lui envoyant une lettre falsifiée. Cette lettre plongea l'épouse dans un désespoir profond. Pendant ce temps, l'ami amoureux, ayant appris la fausse nouvelle de la mort du marchand, se rendit à Gênes et épousa secrètement la veuve. Quelques jours plus tard, le marchand revint à Gênes et découvrit la trahison. Il se rendit à Marseille, où il trouva son ami et son épouse. La surprise et le choc le tuèrent. Avant de mourir, il pardonna à son ami et à son épouse, leur laissant une partie de sa fortune. Les deux coupables, rongés par la culpabilité, se retirèrent chacun dans un couvent.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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29
p. 168-169
ENIGME.
Début :
J'existois avant que de naître ; [...]
Mots clefs :
Vaisseau
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
ENIGM E.
Exiftois avant que de naître ;
Car mes membres épars en cent lieux differens,
Ne prefentoient de moi nuls fignes aparens :
C'eft de leur union que je tire mon être.
Le premier de mon nom portant devotement
Son pere & fafamille , ainfi qu'un autre
Anée ,
Les fauva des fureurs d'un perfide Element .
Quant à ma deftinée ,
Ells
DE JUIN. 1:09
Elle eft à cent revers fans ceſſe abandonnée ;
Cependant je crains fort de mourir dans
mon
$
>
Et malgré tout le cas que je fais de la vie
Celle en qui le plus je me fie
Eft celle qui le plus me nuit :
Et fouvent à la terre
Je fais entendre mon tonnere.
Par moi plus d'un vainqueur rendit fon nom
fameux ;
Mais je n'ai jamais vû le vaincu malheureux
Frapé d'une main meurtriere
Mordre la pouffiere.
Exiftois avant que de naître ;
Car mes membres épars en cent lieux differens,
Ne prefentoient de moi nuls fignes aparens :
C'eft de leur union que je tire mon être.
Le premier de mon nom portant devotement
Son pere & fafamille , ainfi qu'un autre
Anée ,
Les fauva des fureurs d'un perfide Element .
Quant à ma deftinée ,
Ells
DE JUIN. 1:09
Elle eft à cent revers fans ceſſe abandonnée ;
Cependant je crains fort de mourir dans
mon
$
>
Et malgré tout le cas que je fais de la vie
Celle en qui le plus je me fie
Eft celle qui le plus me nuit :
Et fouvent à la terre
Je fais entendre mon tonnere.
Par moi plus d'un vainqueur rendit fon nom
fameux ;
Mais je n'ai jamais vû le vaincu malheureux
Frapé d'une main meurtriere
Mordre la pouffiere.
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30
p. 1651-1652
ESPAGNE.
Début :
Le 24. Juin il entra dans le Port de Cadix un Pinque & un Brigantin de Porto-Ricco, avec [...]
Mots clefs :
Infanterie, Vaisseau, Hommes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ESPAGNE.
ESPAGNE .
E 24. Juin il entra dans le Port de Cadix un
Pinque & un Brigantin de Porto- Ricco , avec
la Cargaifon du Sanchez , Vaiffeau qui venoit de
Conferve avec les derniers Gallions ; mais qu'on
fut obligé de décharger à Porto- Ricco , parte
qu'il faifoit eau de tous côtez.
La Flote des Gallions , commandée par le Chef
Hij d'Ef :
1652 MERCURE DE FRANCE
d'Efcadre Don Manuel Lopez Pintado , partit dụ
-Port de Cadix le 26. pour l'Amerique avec un
vent favorable , elle eft compofée de fix Vaffeaux
de Guerre & de 16. Gallions.
Les dernieres Lettres de Barcelone , portent que
M. Sartines , Intendant de la Principauté de Catalogne
, y avoit fretté des Vaiffeaux de tranfport
& des Barques pour 500. mille Piaftres par
mois , & qu'on y attendoit encore d'autres Bâtimens
Anglois pour tranfporter en Italie les Troupés
que le Roi a réfolu d'y envoyer , & qu'on dit
monter à 42000. hommes , tant Infanterie que
Cavalerie. Don Jofeph Palinho ayant fait remettre
à cet Intendant un million de Piaftres ,
déja fait embarquer des vivres & d'autres provifions
pour trois mois.
il a
On apprend par les dernieres Lettres de la Cour
qu'on a découvert une Mine à cinq lieues de Cazalla
, dans un endroit nommé Quadalcaval
que des Anglois s'étoient chargez de l'entrepriſe
d'en vuider les eaux & d'en boucher les fources ;
qu'ils y employoient so. hommes à un écu par
jour ; que ce travail duroit depuis quelques mois,
mais qu'ils n'avoient pas encore découvert la
veine métalique.
E 24. Juin il entra dans le Port de Cadix un
Pinque & un Brigantin de Porto- Ricco , avec
la Cargaifon du Sanchez , Vaiffeau qui venoit de
Conferve avec les derniers Gallions ; mais qu'on
fut obligé de décharger à Porto- Ricco , parte
qu'il faifoit eau de tous côtez.
La Flote des Gallions , commandée par le Chef
Hij d'Ef :
1652 MERCURE DE FRANCE
d'Efcadre Don Manuel Lopez Pintado , partit dụ
-Port de Cadix le 26. pour l'Amerique avec un
vent favorable , elle eft compofée de fix Vaffeaux
de Guerre & de 16. Gallions.
Les dernieres Lettres de Barcelone , portent que
M. Sartines , Intendant de la Principauté de Catalogne
, y avoit fretté des Vaiffeaux de tranfport
& des Barques pour 500. mille Piaftres par
mois , & qu'on y attendoit encore d'autres Bâtimens
Anglois pour tranfporter en Italie les Troupés
que le Roi a réfolu d'y envoyer , & qu'on dit
monter à 42000. hommes , tant Infanterie que
Cavalerie. Don Jofeph Palinho ayant fait remettre
à cet Intendant un million de Piaftres ,
déja fait embarquer des vivres & d'autres provifions
pour trois mois.
il a
On apprend par les dernieres Lettres de la Cour
qu'on a découvert une Mine à cinq lieues de Cazalla
, dans un endroit nommé Quadalcaval
que des Anglois s'étoient chargez de l'entrepriſe
d'en vuider les eaux & d'en boucher les fources ;
qu'ils y employoient so. hommes à un écu par
jour ; que ce travail duroit depuis quelques mois,
mais qu'ils n'avoient pas encore découvert la
veine métalique.
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Résumé : ESPAGNE.
Le 24 juin, un pinque et un brigantin de Porto Rico, transportant la cargaison du vaisseau du capitaine Sanchez, arrivèrent au port de Cadix. Ce vaisseau avait dû être déchargé à Porto Rico en raison de fuites d'eau. Le 26 juin, la flotte des gallions, commandée par Don Manuel Lopez Pintado, quitta Cadix pour l'Amérique, composée de six vaisseaux de guerre et seize gallions. À Barcelone, M. Sartines avait affrété des vaisseaux pour 500 000 piastres par mois. Des bâtiments anglais étaient attendus pour transporter environ 42 000 hommes en Italie, incluant l'infanterie et la cavalerie. Don Joseph Palinho avait remis un million de piastres à l'intendant et avait préparé des vivres pour trois mois. Par ailleurs, une mine fut découverte à cinq lieues de Cazalla, près de Guadalcaval. Des Anglais tentaient de la rendre opérationnelle, employant 50 hommes depuis quelques mois, mais la veine métallique n'avait pas encore été trouvée.
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31
p. 2518
ESPAGNE
Début :
Le 18. Octobre, le Roi & la Reine accompagnez du Prince, de la Princesse des Asturies & [...]
Mots clefs :
Roi d'Espagne, Reine d'Espagne, Vaisseau, Japon, Tremblement de terre
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texteReconnaissance textuelle : ESPAGNE
ESPAGNE
pour
E 18. Octobre , le Roi & la Reine accompa
Lgnez du Prince , de la Princeffe des Afturies &
des Infants, arriverent du Port de fainte Mariè au
Palais de l'Alcaçar de Seville , après avoir été retenus
quelques jours fur le Guadalquivir par les
vents contraires . Les Infantes Dona Marie- Therefe
& Dona Marie- Antoinette Ferdinande qui
y vont par terre , n'y font pas encore arrivées.
Tous les Vaiffeaux de tranfport qu'on avoit
fretez l'été dernier , ont été renvoyez dans leurs
Ports , à la réſerve de ceux qui étoient deſtinez à
tranſporter de la Cavalerie " qu'on a retenuë
une nouvelle convention.
par
On a appris par un Vaiffeau arrivé à Cadix ,
qu'on avoit conduit à Carthagene 16 millions de
pieces de huit , pour les employer à l'achat des
Marchandifes d'Europe qu'on doit vendre à la
prochaine Foire , & qu'on y attendoit encore 8.
à 10. millions .
On a appris par des Lettres de Lisbonne de la
fin du mois dernier , qu'il y avoit eu au Japon un
Tremblement de terre des plus terribles ; que la
Ville de Macao , qui en eft la Capitale , avoit été
entierement détruite , & qu'il y avoit péri plus
d'un million d'habitans .
pour
E 18. Octobre , le Roi & la Reine accompa
Lgnez du Prince , de la Princeffe des Afturies &
des Infants, arriverent du Port de fainte Mariè au
Palais de l'Alcaçar de Seville , après avoir été retenus
quelques jours fur le Guadalquivir par les
vents contraires . Les Infantes Dona Marie- Therefe
& Dona Marie- Antoinette Ferdinande qui
y vont par terre , n'y font pas encore arrivées.
Tous les Vaiffeaux de tranfport qu'on avoit
fretez l'été dernier , ont été renvoyez dans leurs
Ports , à la réſerve de ceux qui étoient deſtinez à
tranſporter de la Cavalerie " qu'on a retenuë
une nouvelle convention.
par
On a appris par un Vaiffeau arrivé à Cadix ,
qu'on avoit conduit à Carthagene 16 millions de
pieces de huit , pour les employer à l'achat des
Marchandifes d'Europe qu'on doit vendre à la
prochaine Foire , & qu'on y attendoit encore 8.
à 10. millions .
On a appris par des Lettres de Lisbonne de la
fin du mois dernier , qu'il y avoit eu au Japon un
Tremblement de terre des plus terribles ; que la
Ville de Macao , qui en eft la Capitale , avoit été
entierement détruite , & qu'il y avoit péri plus
d'un million d'habitans .
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Résumé : ESPAGNE
Le 18 octobre, le Roi et la Reine d'Espagne, accompagnés du Prince, de la Princesse des Asturies et des Infants, sont arrivés au Palais de l'Alcázar de Séville après un retard causé par des vents contraires sur le Guadalquivir. Les Infantes Dona Marie-Thérèse et Dona Marie-Antoinette Ferdinande, qui voyageaient par terre, n'étaient pas encore arrivées. Tous les vaisseaux de transport loués l'été précédent ont été renvoyés, sauf ceux destinés à la cavalerie, retenus par une nouvelle convention. Un vaisseau à Cadix a rapporté que 16 millions de pièces de huit avaient été conduits à Carthagène pour acheter des marchandises d'Europe à la prochaine foire, avec 8 à 10 millions supplémentaires attendus. Des lettres de Lisbonne ont annoncé un tremblement de terre au Japon, détruisant Macao et causant la mort de plus d'un million d'habitants.
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32
p. 378
DANEMARCK.
Début :
Le 19. Janvier, M. Titley, Résident du Roi d'Angleterre, eut une audience particuliere [...]
Mots clefs :
Danemark, Commissaires, Amirauté, Vaisseau, Reine
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texteReconnaissance textuelle : DANEMARCK.
DANNEMARCK.
E 19. Janvier , M. Titley , Résident du Roi
d'Angleterre , eut une audience particulieredu
Roi , dans laquelle il remit à S M. la ratification
d'une convention particulière qui a été
conclue depuis quelques mois entre L. M. Brit.
et Danoise.
Le Roi a laissé à la Reine Doüairiere la liberté
de former sa Maison comme elle jugera à pro.
pos , et de choisir dans le nombre des Domestiques
du feu Roi ceux qui lui conviendront.
Les Commissaires de l'Amirauté ont reçû ordre
de faire les préparatifs necessaires pour équiper
au Printems prochain une Escadre de 18. Vaisseaux
de guerre et de cinq Frégates , sur lesquels
on embarquera les deux Régimens de Marine qui
sont dans le Zeland.
Le Vaisseau qu'on attendoit d'Islande est enfin
arrivé à Copenhague , ayant à bord 102. Faucons,
parmi lesquels il y en a cinq entierement blancs..
E 19. Janvier , M. Titley , Résident du Roi
d'Angleterre , eut une audience particulieredu
Roi , dans laquelle il remit à S M. la ratification
d'une convention particulière qui a été
conclue depuis quelques mois entre L. M. Brit.
et Danoise.
Le Roi a laissé à la Reine Doüairiere la liberté
de former sa Maison comme elle jugera à pro.
pos , et de choisir dans le nombre des Domestiques
du feu Roi ceux qui lui conviendront.
Les Commissaires de l'Amirauté ont reçû ordre
de faire les préparatifs necessaires pour équiper
au Printems prochain une Escadre de 18. Vaisseaux
de guerre et de cinq Frégates , sur lesquels
on embarquera les deux Régimens de Marine qui
sont dans le Zeland.
Le Vaisseau qu'on attendoit d'Islande est enfin
arrivé à Copenhague , ayant à bord 102. Faucons,
parmi lesquels il y en a cinq entierement blancs..
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Résumé : DANEMARCK.
Le 19 janvier, M. Titley, Résident du Roi d'Angleterre, a rencontré le Roi pour lui remettre la ratification d'une convention entre les monarques britannique et danois. Le Roi a permis à la Reine Douairière de choisir ses domestiques. L'Amirauté doit préparer une escadre de 18 vaisseaux et cinq frégates pour le printemps. Un vaisseau d'Islande a apporté 102 faucons à Copenhague.
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33
p. [1839]-1841
ODE SACRÉE, Titrée du Pseaume. Beatus vir, &c.
Début :
Heureux le Mortel qui redoute, [...]
Mots clefs :
Psaume, Lois, Gloire, Ardeur , Vaisseau, Adversité, Bienfaiteur, Port de l'Éternité, Abondance, Juge suprême
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texteReconnaissance textuelle : ODE SACRÉE, Titrée du Pseaume. Beatus vir, &c.
ODE SA CREE,
H
Tirée du Pseaume.
Beatus vir , & c. - fi}
Eureux le Mortel qui redoute
D'exciter l'ire du Seigneur !
En suivant ses Loix dans sa route
Toujours il marche avec ardeur ,
Quelle est sa gloire et så richesse!
Le souvenir de sa sagesse ,
Ne s'évanouira jamais ,
A ij Sa
7
A
1840 MERCURE DE FRANCE
Sa Posterité dans ce monde ,
Puissante , honorée et féconde ,
Verra combler tous ses souhaits,
Ainsi qu'un Astre favorable ,
Au Vaisseau du Port écarté ,
Dieu se montre à l'homme équitable ;
Dans la nuit de l'adversité ;
Il ne parle qu'avec prudence ,
En lui la timide indigence
Trouve toujours un Bienfaicteur ;
Quel sort au sien est comparable ?
De son coeur ferme , inébranlable ,
Rien ne peut troubler le bonheur,
Malgré les efforts de l'envie ,
Son nom subsistera. toûjours ;
De la perfide calomnie ,
Il ne craindra point les discours ,
Il met en Dieu son esperance ;
Contre les méchans sa puissance ,
Sçaura le mettre en seureté ;
Elle affermira son courage ,
Jusqu'à ce qu'il brave leur rage ,
Dans le Port de l'Eternité,
添
Ses mains ont semé l'abondance ,
Dans
AOUST.
1841 1731.
Dans les maisons des indigents ;
Sa justice pour récompense ,
Subsistera dans tous les temps :
Il sera placé dans la gloire 5
Le Pécheur verra sa victoire ,
Et de désespoir sechera ,
Dans sa rage il osera même ,
Maudire le Juge suprême :
Mais son vain desir périra.
H
Tirée du Pseaume.
Beatus vir , & c. - fi}
Eureux le Mortel qui redoute
D'exciter l'ire du Seigneur !
En suivant ses Loix dans sa route
Toujours il marche avec ardeur ,
Quelle est sa gloire et så richesse!
Le souvenir de sa sagesse ,
Ne s'évanouira jamais ,
A ij Sa
7
A
1840 MERCURE DE FRANCE
Sa Posterité dans ce monde ,
Puissante , honorée et féconde ,
Verra combler tous ses souhaits,
Ainsi qu'un Astre favorable ,
Au Vaisseau du Port écarté ,
Dieu se montre à l'homme équitable ;
Dans la nuit de l'adversité ;
Il ne parle qu'avec prudence ,
En lui la timide indigence
Trouve toujours un Bienfaicteur ;
Quel sort au sien est comparable ?
De son coeur ferme , inébranlable ,
Rien ne peut troubler le bonheur,
Malgré les efforts de l'envie ,
Son nom subsistera. toûjours ;
De la perfide calomnie ,
Il ne craindra point les discours ,
Il met en Dieu son esperance ;
Contre les méchans sa puissance ,
Sçaura le mettre en seureté ;
Elle affermira son courage ,
Jusqu'à ce qu'il brave leur rage ,
Dans le Port de l'Eternité,
添
Ses mains ont semé l'abondance ,
Dans
AOUST.
1841 1731.
Dans les maisons des indigents ;
Sa justice pour récompense ,
Subsistera dans tous les temps :
Il sera placé dans la gloire 5
Le Pécheur verra sa victoire ,
Et de désespoir sechera ,
Dans sa rage il osera même ,
Maudire le Juge suprême :
Mais son vain desir périra.
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Résumé : ODE SACRÉE, Titrée du Pseaume. Beatus vir, &c.
Le poème 'ODE SA CREE' du Psaume 'Beatus vir' célèbre les vertus et les bénédictions de l'homme juste et pieux. Cet homme est heureux car il respecte les lois divines et suit le droit chemin avec ardeur. Sa sagesse et sa richesse sont éternelles, et sa descendance est puissante, honorée et féconde. En période de difficulté, Dieu protège l'homme équitable, qui parle avec prudence et aide les indigents. Son bonheur reste inébranlable malgré l'envie et la calomnie. Il place son espérance en Dieu, qui le défend contre les méchants et renforce son courage jusqu'à l'éternité. Ses actions justes et généreuses perdurent à travers les temps, tandis que le pécheur, dans sa rage, maudit en vain le Juge suprême.
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34
p. 2068-2082
EXPLICATION d'une Médaille antique trés- singuliere de CARAUSIUS, Empereur des Anciens Bretons au temps de Diocletien et de Maximien Hercule, adressée à Mylord Comte de Pembrok, Pair d'Angleterre &c. Par M. Genebrier, Docteur en Medecine.
Début :
MYLORD, De toutes les Médailles de l'Empereur Carausius, dont je fais depuis longtemps [...]
Mots clefs :
Neptune, Carausius, Médaille, Médailles, Inscription, Mer, Bretons, Temple, Type, Grande-Bretagne, Flotte, Légende, Trident, Vaisseau, Maximien, Lettres, Cheval, Figure, Abondance
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texteReconnaissance textuelle : EXPLICATION d'une Médaille antique trés- singuliere de CARAUSIUS, Empereur des Anciens Bretons au temps de Diocletien et de Maximien Hercule, adressée à Mylord Comte de Pembrok, Pair d'Angleterre &c. Par M. Genebrier, Docteur en Medecine.
EXPLICATION d'une Médaille ans
tique trés- singuliere de CARAUSIUS
Empereur des Anciens Bretons au temps
de Diocletien et de Maximien Hercule ,
adressée à Mylord Comte de Pembrok •
Pair d'Angleterre & c. Par M. Genebrier
, Docteur en Medecine,
MYLORD,
De toutes les Médailles de l'Empereur
Carausius , dont je fais depuis long-temps
une récherche très- exacte , et qui sont
venues en assés bon nombre à ma connoissance
, l'une des plus singulieres ,
et qui intéresse le plus le Royaume de
la Grande Bretagne , est celle dont j'ai
entrepris de donner une explication .
Elle ne se trouve que dans votre Cabinet
, où j'ai eu la satisfaction de la voir ,
avec quantité d'autres raretez Litteraires
de toute espece , que vous possedez et
que
THE
NEW
YOR
SUCINC
LIBRAF
ASTOR
, LENOX
AN TILDEN
FOUNDATIO
(K
RY
.
N8.
SEPTEMBRE . 1731 2009
que vous vous faites un plaisir de communiquer
aux Amateurs de l'Antiquité ;
ce qui me suffit pour justifier la liberté
que je prens de faire paroître sous vos
Auspices ce que j'ai écrit au sujet de ce
Monument .
La Médaille est de petit Bronze , nette
et bien conservée ; on y voit d'un côté
la tête de Carausius couronnée de rayons,
et tournée du côté gauche , avec cette
Inscription IMP. CARAUSIUS P. F
AUG.
Au revers pour Type , Neptune , et
Carausius débout qui se donnent la main
droite: Neptune , qui est nud au côté
droit , à la réserve des parties inferieures ,
qui sont à demi couvertes d'un manteau
Aottant , s'appuye de la main gauche sur
son Trident , ayant le pied gauche posé
sur la Proue d'un Vaisseau . Carausius de
l'autre côté en habit de Guerre , la tête
couronnée de Laurier , s'appuye de la
main gauche sur une Pique , la pointe en
haut. Pour Legende VBERITAS AUG. et
dans l'Exergue R. S. R.
•
Les Types qu'on avoit vûs jusqu'ici avec
la Legende Ubertas ou Uberitas se reduisoient
à deux differents , dont le
premier ne commence à se trouver sur
les Médailles Imperiales que sous Trajan
Dece
2070 MERCURE DE FRANCE
Dece. On y voit la figure d'une femme
debout , tenant de la main droite une
Bourse , et de la gauche une Corne d'abondance,
couchée sur le bras. Cette Médaille
étoit du Cabinet de feüe S. A. R.
MADAME , dont la Mémoire me sera toujours
en singuliere véneration .
Le second Type se trouve sur une Médaille
de Quintillus , frere de Claude le
Gothique , à qui il succeda à l'Empire
pour peu de jours. C'est une Femme debout
, le corps un peu panché en devant ,
laquelle tient des deux mains une Corne
d'abondance renversée , d'où sortent des
Pieces d'Or et d'Argent , ayant le pied
droit posé sur un Globe terrestre. Médail
le du Duc Darschot.
Il n'y a rien de semblable sur notre
Médaille de Carausius , le Type en est
tout different. Ce sont , comme je l'ai dit ,
deux figures debout ; celle d'une Divinité
, et celle d'un Heros qui se donnent la
main , et dont les divers attributs paroisgent
n'avoir guere de rapport aux autres
Types que nous venons de décrire.
Cependant à bien examiner le Type
et la Legende de celle-ci , rien de plus ingenieux
ni de plus flatteur.
En effet , que pouvoient imaginer de
plus expressif les Bretons pour donner
ung
SEPTEMBRE. 1731 207
ane juste idée de l'heureuse abondance
dont ils joüissoient sous Carausius , que
de représenter , comme ils ont fait , sur
ces Médailles Neptune qui lui donne la
main , et qui par cette attitude paroît
l'associer à l'Empire de la Mer , et le partager
avec lui ? On diroit qu'aprés la défaite
de la Flotte de Maximien Hercule ;
qui n'étoit point present à ce combat
Naval, les Bretons enflés d'une Victoire si
éclatante , eussent voulu mettre dans la
bouche de leur Protecteur cesVers deVirgi
le qui semblent avoir été faits pour relever
la gloire d'un évenement si mémorable.
Maturatefugam , Regique hac dicite vestro,
Non illi Imperium Pelagi savumque tridentem
و
›
Sed mihi sorte datum.
-On sçait qu'un Souverain qui s'est une
fois rendu le maître de la Mer joüit necessairement
de toutes choses suivant l'ex
pression de ( a ) l'Orateur Romain ; qui
mare teneat , eum necesse rerum potiri. Et si
dans le Continent il n'y a point de Peuples
heureux sans commerce , que feroient
sans ce secours ceux qui sont séparés
du reste des hommes par les Mers
C'est laNavigation et le Commerce qui de
(a) Epit. à Atticus¿
tout
2072 MERCURE DE FRANCE
tout temps ont rendu les Etats Maritimes
si florissans , en y apportant l'abondance.
c'est ce qui a formé en peu de temps les
plus puissantes Républiques de l'Univers.
Carausius ayant néttoyé l'Ocean de
Pirates , en ayant chassé les Flottes de
plusieurs Nations rédoutables , celles des
Francs et des Saxons , ayant enfin mis le
comble à ses travaux de Mer par la Victoire
navale qu'il venoit de remporter sur
la Flotte de Maximien Hercule son
concurrent , que pouvoient faire de
mieux les anciens Bretons pour immor
taliser la mémoire de leur Heros , que
de le représenter ainsi avec Neptune
qui lui donne la main ? Quoy de plus
convenable aux temps , aux lieux et aux
autres circonstances que ce Type et que
cette Legende VBERITAS AVG? puisque
par cette Victoire les Bretons demeuroient
les Maîtres de la Mer , et des
Trésors de l'Ocean. Quelque flatteur
que soit cet Eloge symbolique , il me
paroît bien plus modeste et plus beau que
celui que Pompée se donna lui même en
se disant par une vanité outrée le fils *
* Sextus Pompeius Magni Filius eo stultitia
processit inflammatus rerum maritimarum
felicitate , uutt NNeeppttuunnii se Filium diceret , es
Cyanea veste obduceretur Forph, in Horat.
de
SEPTEMBRE. 1731. 2073
de Neptune . Et cela seulement pour avoir
nettoyé, en 33. jours , la Mer de Sicile de
quelques miserables Esclaves revoltés , ou
des fugitifs des Armées de Sicile et de Capoüe.
Če qui lui suffit pour prendre le titre
que nous venons de dire , et pour se parer
d'une robe bleue cum marifeliciter uteretur,
Neptuni se Filium confessus est. Eumque bobus
auratis , et equo placavit. Aur. Victor .
On ne doit donc point être surpris de
voir Neptune sur les Médailles de Carausius
qui s'étoit rendu si redoutable sur
la Mer , et qui avoit surpassé de beaucoup
les Victoires de Pompée par ses exploits
Maritimes .
Cette Médaille de Carausius avec la
Figure de Neptune , n'est pas le seul
• Monument qui nous reste pour prouver
que les Bretons rendoient un culte particulier
à cette Divinité. On a trouvé depuis
quelque temps une Inscription antique
dans la Grande Bretagne qui merite
d'être rapportée ici , laquelle fait
remonter encore plus haut , le Culte de
Neptune dans cette Isle. Voici cette Inscription
exactement copiée sur l'Original
, gravée avec soin et avec les mêmes
Lacunes qui s'y trouvent par l'injure du
temps , mais que M. Roger Gale a heureusement
rétablies par de petits points
B aux
2074 MERCURE DE FRANCE
aux endroits qui ne sont pas assez visi .
bles et où la pierre est tronquée.
Ce Sçavant conjecture que les premieres
lettres qui manquent au commencement
de la septiéme ligne pouvoient être A
SACR. S. ou SACER . S. ( n'y ayant pas
assez de place pour un plus grand nombre
de lettres) pour dire A SACR is sunt ou
Sacerdotes sunt. Quoiqu'il en soit , cette
Inscription nous apprend qu'il y avoit
dans la grande Bretagne un Temple érigé
sous l'invocation de Neptune et sous celle
de Minerve , pour la conservation de la
Famille Imperiale , exprimée par le ter
me de Divine. DOMŪS DIVINAE.
L'Inscription apprend aussi que ce
Temple fut construit des deniers de la ,
Communauté ou du Corps des Maîtres
Charpentiers : Collegium Fabrorum , et des
autres Personnes qui pouvoient y être
admises , comme Ministres ou sous quelque
autre titre , cequi paroît être exprimé
par ces trois lettres D. S. D. de suo
dedicaverunt. Elle apprend encore que
Pudens , fils de Pudentinus , avoit donné
le fond sur lequel le Temple étoit bâti
Donante Aream Pudente Pudentini filio.
Et enfin que ce même Temple fut édifié
par l'autorité du Roy Cogidubnus , surnommé
Tibere-Claude , du nom de cet
Empereux
SEPTEMBRE. 1731. 2075
Empereur Romain , dont le Roy Breton
se faisoit honneur de prendre aussi la
qualité de Lieutenant ou de Viceroy dans
la Partie de la Grande Bretagne qui étoit
soumise à cet Empereur. Ex authoritate
Tiberii Claudii Cogidubni Regis Legati
Augusti in Britannia. C'est ainsi à peu
près que Cesar avoit établi Cavarinus
Roy des Senons , qui fut ensuite chassé
par les Siens.
Ce précieux Monument de l'Antiquité
Payenne fut trouvé à Chichester en 1723 .
·à quatre pieds sous terre , en creusant pour
faire une Cave dans la maison qui fait
le coin de la ruë de S. Martins- lane , en
tirant vers le Nord. Il est enclavé présentement
dans la muraille , sous une fenêtre
de la même Maison d'où il fut déterré.
C'est un Marbre gris , que M. Gale
croit avoir été tiré des Carrieres de Suffex .
Sa longueur est de six pieds, sur deux pieds
et trois quarts de largeur. Les lettres en
sont très-belles ; celles qui sont dans les
deux premieres lignes ont trois pouces de
longueur , et les autres ont deux pouces
un quart. Le mur du Temple * dont il
* Ily a plusieurs exemples d'un Temple consacré
à deux Divinitez. Jupiter et Minerve
avoient un Temple commun à Athenes près du
Trésor public, lequel leur étoit dédié sous le ritre
de CONSERVATEURS.Pausan,dans ses Atriques , & c.
Bij s'agit
2075 MERCURE DE FRANCE
s'agit et dont les Curieux ont examiné les
fondemens , avoit environ trois pieds
d'épaisseur .
Chichester où cette Inscription a été
trouvée , est une Ville d'Angleterre ,
qui n'est qu'à deux milles de la Mer, dont
un bras pouvoit anciennement arroser ses
Murailles. Elle est située assez près de
la Forêt d'Anderida , et de la Côte Meridionale
de l'Isle Britannique.
Minerve , dont il est parlé dans cette
Inscription , comme Inventrice des Arts,
étoit invoquée par tous les Artisans , selon
Lactance , ce qui donne lieu de
conjecturer qu'il y avoit peut-être auprès
de cette Ville un Arcenal pour la fabrique
des Vaisseaux , et que la Ville peut
avoir été autrefois beaucoup plus considerable
qu'on ne pense . On voit en effet
et aux environs les restes de trois grands
Chemins Romains qui y aboutissoient ,
et qui viennent de Porsthmouth, de Mid-,
surst et d'Arondel .
On
peut voir
l'explication
entiere
que
M.
Gale
a donnée
de cette
Inscription
dans
les
Transactions
Philosophiques
, ou
Journal
Anglois
, de l'Académie
Royale
de Londres
, page
379.
du
31. Octobre
1723.
la même
année
de sa découverte
.
* Instit
. Divin
. L. 1. P. 134,
Cet
SEPTEMBRE . 1731. 2077
Cet habile Académicien a fait là-dessus
plusieurs observations qui ne laissent rien
à desirer.
>
Pour revenir au Type de Neptune ,
qui paroît sur notre Médaille , Hygin
observe que ceux qui vouloient représenter
ce Dieu , lui mettoient ordinairement
un Dauphin à la main , ou sous le pied
croyant que c'étoit de tous les Poissons
celui qui lui étoit le plus agréable. Qui
Neptuno simulachrum faciunt Delphinum
aut in manu , aut sub pede ejus constituere
videmus , quod Neptuno gratissimum arbitrantur.
Cela se trouve conforme à la plûpart
des figures que nous avons de Neptune,
sur les Médailles de plusieurs Empereurs
et sur celles de quelques Villes Maritimes
qui représentent ainsi Neptune . Mais sur
les Médailles de Carausius , au lieu d'un
Dauphin , les Bretons ont affecté de mettre
sous les pieds de Neptune la Proie
d'un Vaisseau , pour montrer qu'ils avoient
mis leurs Vaisseaux et leurs Flottes sous
la protection d'une Divinité , laquelle
selon Diodote de Sicile , Livre s . avoit
trouvé l'Art de la Navigation , et de
mettre en Mer une Flotte entiere. Aussi
les Capitaines de Vaisseaux et les Matelots
, ne manquoient jamais avant que de
B iij mettre
3
2078 MERCURE DE FRANCE
mettre à la voile , d'adresser leurs voeux
et leurs prieres à Neptune , pour lui demander
une heureuse Navigation .
Nous avons dans Seneque , dans Plutarque
et dans Ciceron , là formule d'une
Priere que lui faisoient les Grecs avant
que de s'embarquer. Elle est toute des
plus courtes : Ορθαν αν ναῦν , ἀπαξ θανείν.
Les Latins l'ont tournée de la sorte. Quaaunque
Tempestas veniat , Neptune si averas
Navim sedens ad gubernaculum semper
rectam everte. » Divin Neptune , quelque
Tempête qui nous arrive , si vous
>> voyez que notre Vaisseau soit prêt à
» faire nauffrage ou à renverser , prenez
» vous-même le Gouvernail en main , et
" faites , par votre bonté , que notre Vaisseau
ne puisse jamais tomber que debout.
Aristide , dans un Hymne qu'il a composé
en l'honneur de Neptune , nous ap→
prend que les Fleuves , les Fontaines , et
en general toutes les Eaux étoient reverez
comme les plus grands et les premiers
Dieux de l'Antiquité. C'est pour cela que
le culte de Neptune étoit en grande veneration
chez les Grecs , sur tout dans les
Villes Maritimes. Ils avoient les Posidenies
, qui étoient des Fêtes instituées en
l'honneur de Neptune , dont elles portent
le nom . Ils avoient encore les Thynnées
SEPTEMBRE . 1731. 2079
3
nées , qui étoient des autres jours de Fê
tes où les Pêcheurs lui immoloient des
Thons. Tertullien , dans son Traité des
Spectacles , nous apprend que les Jeux
Isthmiens si celebres dans la Grece ,
( quoique le Victorieux n'y fût couronné
que d'Ache ou de Pin ) étoient
consacrez à Neptune. Ces Jeux tiroient
leur nom de Listhme de Corinthe , où
ils furent d'abord celebrez , selon Pausanias.
A Rome on faisoit la Fête de Neptune
le dixième des Kalendes de Septembre ,
sous le nom de Neptunales , et on lui
immoloit un Taureau , selon Virgile.
Taurum Neptuno , Taurum tibi pulchey
Apollo.
Homere avoit dit la même chose dans
le cinquiéme Livre de l'Odissée.
Cyaneos crines Taurus mactetur habenti.
On voit par ce Vers qu'Homere dis
tingue Neptune des autres Dieux par ses
cheveux bleus.
Arnobe , dans son huitiéme Livre contre
les Gentils , donne des yeux bleus à
Neptune. Neptunus oculis glaucis . En quoi
il est du sentiment de Lucien , mais ce
dernier lui donne des cheveux noirs ,
B iiij
contre
2080 MERCURE DE FRANCE
contre l'autorité d'Homere. Le bleu étoit
aussi la couleur de son Manteau , selon
Phurnutus , Neptuni vestis cyanea .
C'est pour cela que le fils de Pompée
prit une robbe
de cette couleur
après
son Expedition
Maritime
. Ce même General
de la Flotte Romaine
dans le passage
d'Aurelius
Victor
, rapporté
ci- dessus,
lui sacrifia
plusieurs
Taureaux
et un Cheval,
Eumque
bobus auratis et equo placavit.
On sçait que le cheval
étoit consacré
à
Neptune
, comme
à la Divinité
qui l'avoit
fait sortir de la terre d'un coup de
Trident
.
•
Tuque , cui prima frementem
Fudit equum Magno tellus percussa Trie
dente. Virg.
C'est aussi pour cette raison qu'on avoit
placé la Statuë de Neptune dans le Cirque
; mais par malheur Auguste y ayant
fait une espece de nauffrage , il en fit
-ôter la Statue , pour punir , en quelque
maniere , ce Dieu du peu de soin qu'il
avoit pris de sa personne.
•
Nous avons dans les Médailles de Gallien
deux Revers differens qui nous apprennent
que le Cheval Marin et le Ca
pricorne étoient aussi consacrez à Neptune.
Ces deux Types ont la même Lẹ-
gende
SEPTEMBRE. 1731. 208r
gende , NEPTUNO Conservatori AvGusti ;
Legende qui est commune avec la figure
du Cheval Marin . Quatre de ces Animaux
tirent ordinairement son Char sur
les Médailles de quelques autres Empereurs
; mais les Médailles de Gallien avec
Ia figure du Capricorne , sont très- rares
ou plutôt elles n'avoient pas encore été
connuës. M. l'Abbé de Rothelin en a
une, dans son Cabinet , et j'en possede une
autre ; je n'en parle ici que parce que
cette Médaille n'a encore été publiée ,
que je sçache , par aucun Antiquaire.
A l'égard du Trident sur lequel Neptune
s'appuye de la main gauche dans
notre Médaille , c'est , comme l'on sçait
le Sceptre qui lui fut fabriqué par les
Cyclopes , lorsque l'Empire de la Mer
Iui échut en partage.
Commodien , assez mauvais Poëte du
temps de Constantin , dit que Neptune
porte un Trident pour percer les Poissons.
Neptunum facitis Divum ex Saturno pronatum
Et Tridentem gerit , ut Pisces suffigere possit
Mais Prudence pense plus noblement,
forsqu'il dit que le Trident désigne la
triple qualité de l'Eau , qui est d'être liquide
, féconde , et potable. Tridentem
B. v verò
2082 MERCURE DE FRANCE
vero ob hanc rem gerere pingitur, quod aquarum
natura triplici virtute fungatur , id est
liquida , foecunda , potabili.
Je n'entrerai point ici dans un plus
grand détail sur le culte qu'on rendoit à
Neptune , principalement dans la Grece
et dans la Grande Bretagne en particulier..
Je n'ay pas dessein aussi de rapporter tout
ce que les Médailles , les Marbres , les
Pierres gravées , les Statuës et les autres
Monumens antiques , pourroient nous
fournir sur ce sujet. Tout ce que j'ay dit,
Milord , me paroît suffire pour l'explication
de cette Médaille singuliere de Carausius
, qui ne se trouve jusqu'à present
que dans votre Cabinet , et qui fut frappée
au sujet de la défaite de la Flotte de Maximien
Hercules , par le même Carausius.
J'ajoûte que c'est un Monument des plus
glorieux et des plus interessans qui puisse
se trouver pour le Royaume de la Gran
de Bretagne. Je suis avec beaucoup de
Respect , &c.
tique trés- singuliere de CARAUSIUS
Empereur des Anciens Bretons au temps
de Diocletien et de Maximien Hercule ,
adressée à Mylord Comte de Pembrok •
Pair d'Angleterre & c. Par M. Genebrier
, Docteur en Medecine,
MYLORD,
De toutes les Médailles de l'Empereur
Carausius , dont je fais depuis long-temps
une récherche très- exacte , et qui sont
venues en assés bon nombre à ma connoissance
, l'une des plus singulieres ,
et qui intéresse le plus le Royaume de
la Grande Bretagne , est celle dont j'ai
entrepris de donner une explication .
Elle ne se trouve que dans votre Cabinet
, où j'ai eu la satisfaction de la voir ,
avec quantité d'autres raretez Litteraires
de toute espece , que vous possedez et
que
THE
NEW
YOR
SUCINC
LIBRAF
ASTOR
, LENOX
AN TILDEN
FOUNDATIO
(K
RY
.
N8.
SEPTEMBRE . 1731 2009
que vous vous faites un plaisir de communiquer
aux Amateurs de l'Antiquité ;
ce qui me suffit pour justifier la liberté
que je prens de faire paroître sous vos
Auspices ce que j'ai écrit au sujet de ce
Monument .
La Médaille est de petit Bronze , nette
et bien conservée ; on y voit d'un côté
la tête de Carausius couronnée de rayons,
et tournée du côté gauche , avec cette
Inscription IMP. CARAUSIUS P. F
AUG.
Au revers pour Type , Neptune , et
Carausius débout qui se donnent la main
droite: Neptune , qui est nud au côté
droit , à la réserve des parties inferieures ,
qui sont à demi couvertes d'un manteau
Aottant , s'appuye de la main gauche sur
son Trident , ayant le pied gauche posé
sur la Proue d'un Vaisseau . Carausius de
l'autre côté en habit de Guerre , la tête
couronnée de Laurier , s'appuye de la
main gauche sur une Pique , la pointe en
haut. Pour Legende VBERITAS AUG. et
dans l'Exergue R. S. R.
•
Les Types qu'on avoit vûs jusqu'ici avec
la Legende Ubertas ou Uberitas se reduisoient
à deux differents , dont le
premier ne commence à se trouver sur
les Médailles Imperiales que sous Trajan
Dece
2070 MERCURE DE FRANCE
Dece. On y voit la figure d'une femme
debout , tenant de la main droite une
Bourse , et de la gauche une Corne d'abondance,
couchée sur le bras. Cette Médaille
étoit du Cabinet de feüe S. A. R.
MADAME , dont la Mémoire me sera toujours
en singuliere véneration .
Le second Type se trouve sur une Médaille
de Quintillus , frere de Claude le
Gothique , à qui il succeda à l'Empire
pour peu de jours. C'est une Femme debout
, le corps un peu panché en devant ,
laquelle tient des deux mains une Corne
d'abondance renversée , d'où sortent des
Pieces d'Or et d'Argent , ayant le pied
droit posé sur un Globe terrestre. Médail
le du Duc Darschot.
Il n'y a rien de semblable sur notre
Médaille de Carausius , le Type en est
tout different. Ce sont , comme je l'ai dit ,
deux figures debout ; celle d'une Divinité
, et celle d'un Heros qui se donnent la
main , et dont les divers attributs paroisgent
n'avoir guere de rapport aux autres
Types que nous venons de décrire.
Cependant à bien examiner le Type
et la Legende de celle-ci , rien de plus ingenieux
ni de plus flatteur.
En effet , que pouvoient imaginer de
plus expressif les Bretons pour donner
ung
SEPTEMBRE. 1731 207
ane juste idée de l'heureuse abondance
dont ils joüissoient sous Carausius , que
de représenter , comme ils ont fait , sur
ces Médailles Neptune qui lui donne la
main , et qui par cette attitude paroît
l'associer à l'Empire de la Mer , et le partager
avec lui ? On diroit qu'aprés la défaite
de la Flotte de Maximien Hercule ;
qui n'étoit point present à ce combat
Naval, les Bretons enflés d'une Victoire si
éclatante , eussent voulu mettre dans la
bouche de leur Protecteur cesVers deVirgi
le qui semblent avoir été faits pour relever
la gloire d'un évenement si mémorable.
Maturatefugam , Regique hac dicite vestro,
Non illi Imperium Pelagi savumque tridentem
و
›
Sed mihi sorte datum.
-On sçait qu'un Souverain qui s'est une
fois rendu le maître de la Mer joüit necessairement
de toutes choses suivant l'ex
pression de ( a ) l'Orateur Romain ; qui
mare teneat , eum necesse rerum potiri. Et si
dans le Continent il n'y a point de Peuples
heureux sans commerce , que feroient
sans ce secours ceux qui sont séparés
du reste des hommes par les Mers
C'est laNavigation et le Commerce qui de
(a) Epit. à Atticus¿
tout
2072 MERCURE DE FRANCE
tout temps ont rendu les Etats Maritimes
si florissans , en y apportant l'abondance.
c'est ce qui a formé en peu de temps les
plus puissantes Républiques de l'Univers.
Carausius ayant néttoyé l'Ocean de
Pirates , en ayant chassé les Flottes de
plusieurs Nations rédoutables , celles des
Francs et des Saxons , ayant enfin mis le
comble à ses travaux de Mer par la Victoire
navale qu'il venoit de remporter sur
la Flotte de Maximien Hercule son
concurrent , que pouvoient faire de
mieux les anciens Bretons pour immor
taliser la mémoire de leur Heros , que
de le représenter ainsi avec Neptune
qui lui donne la main ? Quoy de plus
convenable aux temps , aux lieux et aux
autres circonstances que ce Type et que
cette Legende VBERITAS AVG? puisque
par cette Victoire les Bretons demeuroient
les Maîtres de la Mer , et des
Trésors de l'Ocean. Quelque flatteur
que soit cet Eloge symbolique , il me
paroît bien plus modeste et plus beau que
celui que Pompée se donna lui même en
se disant par une vanité outrée le fils *
* Sextus Pompeius Magni Filius eo stultitia
processit inflammatus rerum maritimarum
felicitate , uutt NNeeppttuunnii se Filium diceret , es
Cyanea veste obduceretur Forph, in Horat.
de
SEPTEMBRE. 1731. 2073
de Neptune . Et cela seulement pour avoir
nettoyé, en 33. jours , la Mer de Sicile de
quelques miserables Esclaves revoltés , ou
des fugitifs des Armées de Sicile et de Capoüe.
Če qui lui suffit pour prendre le titre
que nous venons de dire , et pour se parer
d'une robe bleue cum marifeliciter uteretur,
Neptuni se Filium confessus est. Eumque bobus
auratis , et equo placavit. Aur. Victor .
On ne doit donc point être surpris de
voir Neptune sur les Médailles de Carausius
qui s'étoit rendu si redoutable sur
la Mer , et qui avoit surpassé de beaucoup
les Victoires de Pompée par ses exploits
Maritimes .
Cette Médaille de Carausius avec la
Figure de Neptune , n'est pas le seul
• Monument qui nous reste pour prouver
que les Bretons rendoient un culte particulier
à cette Divinité. On a trouvé depuis
quelque temps une Inscription antique
dans la Grande Bretagne qui merite
d'être rapportée ici , laquelle fait
remonter encore plus haut , le Culte de
Neptune dans cette Isle. Voici cette Inscription
exactement copiée sur l'Original
, gravée avec soin et avec les mêmes
Lacunes qui s'y trouvent par l'injure du
temps , mais que M. Roger Gale a heureusement
rétablies par de petits points
B aux
2074 MERCURE DE FRANCE
aux endroits qui ne sont pas assez visi .
bles et où la pierre est tronquée.
Ce Sçavant conjecture que les premieres
lettres qui manquent au commencement
de la septiéme ligne pouvoient être A
SACR. S. ou SACER . S. ( n'y ayant pas
assez de place pour un plus grand nombre
de lettres) pour dire A SACR is sunt ou
Sacerdotes sunt. Quoiqu'il en soit , cette
Inscription nous apprend qu'il y avoit
dans la grande Bretagne un Temple érigé
sous l'invocation de Neptune et sous celle
de Minerve , pour la conservation de la
Famille Imperiale , exprimée par le ter
me de Divine. DOMŪS DIVINAE.
L'Inscription apprend aussi que ce
Temple fut construit des deniers de la ,
Communauté ou du Corps des Maîtres
Charpentiers : Collegium Fabrorum , et des
autres Personnes qui pouvoient y être
admises , comme Ministres ou sous quelque
autre titre , cequi paroît être exprimé
par ces trois lettres D. S. D. de suo
dedicaverunt. Elle apprend encore que
Pudens , fils de Pudentinus , avoit donné
le fond sur lequel le Temple étoit bâti
Donante Aream Pudente Pudentini filio.
Et enfin que ce même Temple fut édifié
par l'autorité du Roy Cogidubnus , surnommé
Tibere-Claude , du nom de cet
Empereux
SEPTEMBRE. 1731. 2075
Empereur Romain , dont le Roy Breton
se faisoit honneur de prendre aussi la
qualité de Lieutenant ou de Viceroy dans
la Partie de la Grande Bretagne qui étoit
soumise à cet Empereur. Ex authoritate
Tiberii Claudii Cogidubni Regis Legati
Augusti in Britannia. C'est ainsi à peu
près que Cesar avoit établi Cavarinus
Roy des Senons , qui fut ensuite chassé
par les Siens.
Ce précieux Monument de l'Antiquité
Payenne fut trouvé à Chichester en 1723 .
·à quatre pieds sous terre , en creusant pour
faire une Cave dans la maison qui fait
le coin de la ruë de S. Martins- lane , en
tirant vers le Nord. Il est enclavé présentement
dans la muraille , sous une fenêtre
de la même Maison d'où il fut déterré.
C'est un Marbre gris , que M. Gale
croit avoir été tiré des Carrieres de Suffex .
Sa longueur est de six pieds, sur deux pieds
et trois quarts de largeur. Les lettres en
sont très-belles ; celles qui sont dans les
deux premieres lignes ont trois pouces de
longueur , et les autres ont deux pouces
un quart. Le mur du Temple * dont il
* Ily a plusieurs exemples d'un Temple consacré
à deux Divinitez. Jupiter et Minerve
avoient un Temple commun à Athenes près du
Trésor public, lequel leur étoit dédié sous le ritre
de CONSERVATEURS.Pausan,dans ses Atriques , & c.
Bij s'agit
2075 MERCURE DE FRANCE
s'agit et dont les Curieux ont examiné les
fondemens , avoit environ trois pieds
d'épaisseur .
Chichester où cette Inscription a été
trouvée , est une Ville d'Angleterre ,
qui n'est qu'à deux milles de la Mer, dont
un bras pouvoit anciennement arroser ses
Murailles. Elle est située assez près de
la Forêt d'Anderida , et de la Côte Meridionale
de l'Isle Britannique.
Minerve , dont il est parlé dans cette
Inscription , comme Inventrice des Arts,
étoit invoquée par tous les Artisans , selon
Lactance , ce qui donne lieu de
conjecturer qu'il y avoit peut-être auprès
de cette Ville un Arcenal pour la fabrique
des Vaisseaux , et que la Ville peut
avoir été autrefois beaucoup plus considerable
qu'on ne pense . On voit en effet
et aux environs les restes de trois grands
Chemins Romains qui y aboutissoient ,
et qui viennent de Porsthmouth, de Mid-,
surst et d'Arondel .
On
peut voir
l'explication
entiere
que
M.
Gale
a donnée
de cette
Inscription
dans
les
Transactions
Philosophiques
, ou
Journal
Anglois
, de l'Académie
Royale
de Londres
, page
379.
du
31. Octobre
1723.
la même
année
de sa découverte
.
* Instit
. Divin
. L. 1. P. 134,
Cet
SEPTEMBRE . 1731. 2077
Cet habile Académicien a fait là-dessus
plusieurs observations qui ne laissent rien
à desirer.
>
Pour revenir au Type de Neptune ,
qui paroît sur notre Médaille , Hygin
observe que ceux qui vouloient représenter
ce Dieu , lui mettoient ordinairement
un Dauphin à la main , ou sous le pied
croyant que c'étoit de tous les Poissons
celui qui lui étoit le plus agréable. Qui
Neptuno simulachrum faciunt Delphinum
aut in manu , aut sub pede ejus constituere
videmus , quod Neptuno gratissimum arbitrantur.
Cela se trouve conforme à la plûpart
des figures que nous avons de Neptune,
sur les Médailles de plusieurs Empereurs
et sur celles de quelques Villes Maritimes
qui représentent ainsi Neptune . Mais sur
les Médailles de Carausius , au lieu d'un
Dauphin , les Bretons ont affecté de mettre
sous les pieds de Neptune la Proie
d'un Vaisseau , pour montrer qu'ils avoient
mis leurs Vaisseaux et leurs Flottes sous
la protection d'une Divinité , laquelle
selon Diodote de Sicile , Livre s . avoit
trouvé l'Art de la Navigation , et de
mettre en Mer une Flotte entiere. Aussi
les Capitaines de Vaisseaux et les Matelots
, ne manquoient jamais avant que de
B iij mettre
3
2078 MERCURE DE FRANCE
mettre à la voile , d'adresser leurs voeux
et leurs prieres à Neptune , pour lui demander
une heureuse Navigation .
Nous avons dans Seneque , dans Plutarque
et dans Ciceron , là formule d'une
Priere que lui faisoient les Grecs avant
que de s'embarquer. Elle est toute des
plus courtes : Ορθαν αν ναῦν , ἀπαξ θανείν.
Les Latins l'ont tournée de la sorte. Quaaunque
Tempestas veniat , Neptune si averas
Navim sedens ad gubernaculum semper
rectam everte. » Divin Neptune , quelque
Tempête qui nous arrive , si vous
>> voyez que notre Vaisseau soit prêt à
» faire nauffrage ou à renverser , prenez
» vous-même le Gouvernail en main , et
" faites , par votre bonté , que notre Vaisseau
ne puisse jamais tomber que debout.
Aristide , dans un Hymne qu'il a composé
en l'honneur de Neptune , nous ap→
prend que les Fleuves , les Fontaines , et
en general toutes les Eaux étoient reverez
comme les plus grands et les premiers
Dieux de l'Antiquité. C'est pour cela que
le culte de Neptune étoit en grande veneration
chez les Grecs , sur tout dans les
Villes Maritimes. Ils avoient les Posidenies
, qui étoient des Fêtes instituées en
l'honneur de Neptune , dont elles portent
le nom . Ils avoient encore les Thynnées
SEPTEMBRE . 1731. 2079
3
nées , qui étoient des autres jours de Fê
tes où les Pêcheurs lui immoloient des
Thons. Tertullien , dans son Traité des
Spectacles , nous apprend que les Jeux
Isthmiens si celebres dans la Grece ,
( quoique le Victorieux n'y fût couronné
que d'Ache ou de Pin ) étoient
consacrez à Neptune. Ces Jeux tiroient
leur nom de Listhme de Corinthe , où
ils furent d'abord celebrez , selon Pausanias.
A Rome on faisoit la Fête de Neptune
le dixième des Kalendes de Septembre ,
sous le nom de Neptunales , et on lui
immoloit un Taureau , selon Virgile.
Taurum Neptuno , Taurum tibi pulchey
Apollo.
Homere avoit dit la même chose dans
le cinquiéme Livre de l'Odissée.
Cyaneos crines Taurus mactetur habenti.
On voit par ce Vers qu'Homere dis
tingue Neptune des autres Dieux par ses
cheveux bleus.
Arnobe , dans son huitiéme Livre contre
les Gentils , donne des yeux bleus à
Neptune. Neptunus oculis glaucis . En quoi
il est du sentiment de Lucien , mais ce
dernier lui donne des cheveux noirs ,
B iiij
contre
2080 MERCURE DE FRANCE
contre l'autorité d'Homere. Le bleu étoit
aussi la couleur de son Manteau , selon
Phurnutus , Neptuni vestis cyanea .
C'est pour cela que le fils de Pompée
prit une robbe
de cette couleur
après
son Expedition
Maritime
. Ce même General
de la Flotte Romaine
dans le passage
d'Aurelius
Victor
, rapporté
ci- dessus,
lui sacrifia
plusieurs
Taureaux
et un Cheval,
Eumque
bobus auratis et equo placavit.
On sçait que le cheval
étoit consacré
à
Neptune
, comme
à la Divinité
qui l'avoit
fait sortir de la terre d'un coup de
Trident
.
•
Tuque , cui prima frementem
Fudit equum Magno tellus percussa Trie
dente. Virg.
C'est aussi pour cette raison qu'on avoit
placé la Statuë de Neptune dans le Cirque
; mais par malheur Auguste y ayant
fait une espece de nauffrage , il en fit
-ôter la Statue , pour punir , en quelque
maniere , ce Dieu du peu de soin qu'il
avoit pris de sa personne.
•
Nous avons dans les Médailles de Gallien
deux Revers differens qui nous apprennent
que le Cheval Marin et le Ca
pricorne étoient aussi consacrez à Neptune.
Ces deux Types ont la même Lẹ-
gende
SEPTEMBRE. 1731. 208r
gende , NEPTUNO Conservatori AvGusti ;
Legende qui est commune avec la figure
du Cheval Marin . Quatre de ces Animaux
tirent ordinairement son Char sur
les Médailles de quelques autres Empereurs
; mais les Médailles de Gallien avec
Ia figure du Capricorne , sont très- rares
ou plutôt elles n'avoient pas encore été
connuës. M. l'Abbé de Rothelin en a
une, dans son Cabinet , et j'en possede une
autre ; je n'en parle ici que parce que
cette Médaille n'a encore été publiée ,
que je sçache , par aucun Antiquaire.
A l'égard du Trident sur lequel Neptune
s'appuye de la main gauche dans
notre Médaille , c'est , comme l'on sçait
le Sceptre qui lui fut fabriqué par les
Cyclopes , lorsque l'Empire de la Mer
Iui échut en partage.
Commodien , assez mauvais Poëte du
temps de Constantin , dit que Neptune
porte un Trident pour percer les Poissons.
Neptunum facitis Divum ex Saturno pronatum
Et Tridentem gerit , ut Pisces suffigere possit
Mais Prudence pense plus noblement,
forsqu'il dit que le Trident désigne la
triple qualité de l'Eau , qui est d'être liquide
, féconde , et potable. Tridentem
B. v verò
2082 MERCURE DE FRANCE
vero ob hanc rem gerere pingitur, quod aquarum
natura triplici virtute fungatur , id est
liquida , foecunda , potabili.
Je n'entrerai point ici dans un plus
grand détail sur le culte qu'on rendoit à
Neptune , principalement dans la Grece
et dans la Grande Bretagne en particulier..
Je n'ay pas dessein aussi de rapporter tout
ce que les Médailles , les Marbres , les
Pierres gravées , les Statuës et les autres
Monumens antiques , pourroient nous
fournir sur ce sujet. Tout ce que j'ay dit,
Milord , me paroît suffire pour l'explication
de cette Médaille singuliere de Carausius
, qui ne se trouve jusqu'à present
que dans votre Cabinet , et qui fut frappée
au sujet de la défaite de la Flotte de Maximien
Hercules , par le même Carausius.
J'ajoûte que c'est un Monument des plus
glorieux et des plus interessans qui puisse
se trouver pour le Royaume de la Gran
de Bretagne. Je suis avec beaucoup de
Respect , &c.
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Résumé : EXPLICATION d'une Médaille antique trés- singuliere de CARAUSIUS, Empereur des Anciens Bretons au temps de Diocletien et de Maximien Hercule, adressée à Mylord Comte de Pembrok, Pair d'Angleterre &c. Par M. Genebrier, Docteur en Medecine.
Le texte présente une médaille antique de l'empereur Carausius, un souverain des anciens Bretons ayant régné à l'époque de Diocletien et de Maximien Hercule. Cette médaille, conservée dans le cabinet de Mylord Comte de Pembrok, est en petit bronze et bien conservée. Elle porte sur une face la tête de Carausius couronnée de rayons, avec l'inscription 'IMP. CARAUSIUS P. F AUG.' Sur l'autre face, on voit Neptune et Carausius se donnant la main, avec Neptune appuyé sur son trident et Carausius sur une pique. La légende indique 'VBERITAS AUG.' et 'R. S. R.' dans l'exergue. Cette médaille se distingue des autres types de médailles impériales, qui représentent généralement une femme tenant une bourse et une corne d'abondance. La représentation de Neptune et Carausius se donnant la main symbolise la maîtrise de la mer et l'abondance apportée par la navigation et le commerce maritime. Cette scène célèbre la victoire navale de Carausius sur la flotte de Maximien Hercule, soulignant son contrôle sur les mers et les richesses océaniques. Le texte mentionne également une inscription antique trouvée à Chichester, en Angleterre, dédiée à Neptune et Minerve. Cette inscription prouve le culte rendu à ces divinités par les anciens Bretons et révèle l'existence d'un temple construit par la communauté des maîtres charpentiers sous l'autorité du roi Cogidubnus. Le culte de Neptune était particulièrement vénéré dans les villes maritimes, et les marins lui adressaient des prières pour une navigation sûre. Les Jeux Isthmiens, célébrés en Grèce en l'honneur de Neptune, étaient couronnés d'ache ou de pin et tiraient leur nom de l'Isthme de Corinthe. À Rome, la fête de Neptune, appelée Neptunales, se déroulait le 21 août et incluait le sacrifice d'un taureau. Homère et Arnobe décrivent Neptune avec des cheveux bleus, tandis que Lucien lui attribue des cheveux noirs. La couleur bleue était également associée à son manteau. Neptune était souvent représenté avec un trident, symbole de son pouvoir sur les mers. Le cheval, sorti de la terre par un coup de trident, était également consacré à Neptune. À Rome, une statue de Neptune était placée dans le Cirque, mais fut retirée après un incident impliquant Auguste. Des médailles, notamment celles de Gallien, montrent Neptune avec un cheval marin ou un capricorne, soulignant son lien avec les mers. Le trident de Neptune, fabriqué par les Cyclopes, symbolisait les trois qualités de l'eau : liquide, féconde et potable.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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35
p. 2329-2331
REMARQUES sur une Médaille de l'Empereur Posthume.
Début :
Dans l'Extrait d'une Lettre écrite d'Auxerre, imprimée dans le Mercure [...]
Mots clefs :
Médaille, Vaisseau, Galère, Yonne, Seine, Loire, Grande-Bretagne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REMARQUES sur une Médaille de l'Empereur Posthume.
REMARQUES sur une Médaille de
l'Empereur Posthume.
D
>
-
>
Ans l'Extrait d'une Lettre écrite
d'Auxerre , imprimée dans le Mercure
de Juin , premier Volume , page.
1207. concernant des Medailles Antiques
,
découvertes à une lieuë de cette
Ville , en 1730. au Territoire d'un Village
situé au bord de la Riviere d'Yonne
il s'en est trouvé des Empereurs
Adrien , Marc Aurele et autres : mais
sur-tout , beaucoup de Posthume en.
grand Bronze. Une , entr'autres , qui est
la plus conservée , represente au Revers
le Vaisseau Prétorien , Navis Prætoria ,
ou plutôt une Galere avec cette Legende
, Latitia Augusti , laquelle étoit commandée
par l'Empereur lui - même , ou
l'un de ses Generaux , pour une Expedition
Maritime , comme l'on voit parmi
nous la Reale commandée par le General
des Galeres . L'Auteur de la Lettre
demande si cette Medaille n'a point rapport
à quelque Navigation de la Riviere
d'Yonne , à quoi il n'y a aucune appapuisque
cette Riviere n'est d'aence
,
bord
2330 MERCURE DE FRANCE
.
>
bord navigable à Auxerre que pour de
petits Batteaux ou Batteaux Marchands
et ne pourroit supporter la Manoeuvre
d'une Galere. Mais parce que cette Medaille
, comme beaucoup d'autres , qui
avoient cours dans l'étendue de l'Empire
Romain , s'est trouvée sur les bords de
cette Riviere , peut-on présumer qu'elle.
y ait quelque rapport , non plus qu'elle
en auroit à la Seine ou à la Loire , si on
l'avoit découverte sur leurs bords aux en->
virons de Paris ou d'Orleans ? D'ailleurs
pareilles Medailles de Posthume , qui a regné
plusieurs années dans les Gaules , sont
très-communes et citées plusieurs fois avec
le même revers dans les Recueils des Antiquaires
, et sur - tout dans celui des Medailles
du P. Anselme Banduri . Cette
même Medaille a été auparavant rapportée
et expliquée dans Tristan , qui croit
avec raison que le revers , qui est le même
, désigne quelque notable Victoire
ou la Conquête , dit- il , de la Grande-
Bretagne , et la joye que Posthume en
reçût. Ce que Tristan confirme par une
autre Medaille de Posthume fils ; mais :
que l'on doit plutôt attribuer au Pere
suivant les sentimens de Patin et de Vaillant
, elle represente au revers le serment
de fidelité des Soldats de l'Armée , fait àz
l'EmOCTOBRE
. 1731 2331
l'Empereur , avec cette Legende , Exer
citus Iscanicus du nom de la Ville d'Isca
dans la Grande- Bretagne. D'ailleurs , cette
même Galere se trouve dans les Familles
Romaines de Patin , et sur les Legions
de Marc- Antoine , ainsi que sur les Medailles
des Empereurs Adrien de Verus ,
et autres citées par les Antiquaires..
M. D. M.
l'Empereur Posthume.
D
>
-
>
Ans l'Extrait d'une Lettre écrite
d'Auxerre , imprimée dans le Mercure
de Juin , premier Volume , page.
1207. concernant des Medailles Antiques
,
découvertes à une lieuë de cette
Ville , en 1730. au Territoire d'un Village
situé au bord de la Riviere d'Yonne
il s'en est trouvé des Empereurs
Adrien , Marc Aurele et autres : mais
sur-tout , beaucoup de Posthume en.
grand Bronze. Une , entr'autres , qui est
la plus conservée , represente au Revers
le Vaisseau Prétorien , Navis Prætoria ,
ou plutôt une Galere avec cette Legende
, Latitia Augusti , laquelle étoit commandée
par l'Empereur lui - même , ou
l'un de ses Generaux , pour une Expedition
Maritime , comme l'on voit parmi
nous la Reale commandée par le General
des Galeres . L'Auteur de la Lettre
demande si cette Medaille n'a point rapport
à quelque Navigation de la Riviere
d'Yonne , à quoi il n'y a aucune appapuisque
cette Riviere n'est d'aence
,
bord
2330 MERCURE DE FRANCE
.
>
bord navigable à Auxerre que pour de
petits Batteaux ou Batteaux Marchands
et ne pourroit supporter la Manoeuvre
d'une Galere. Mais parce que cette Medaille
, comme beaucoup d'autres , qui
avoient cours dans l'étendue de l'Empire
Romain , s'est trouvée sur les bords de
cette Riviere , peut-on présumer qu'elle.
y ait quelque rapport , non plus qu'elle
en auroit à la Seine ou à la Loire , si on
l'avoit découverte sur leurs bords aux en->
virons de Paris ou d'Orleans ? D'ailleurs
pareilles Medailles de Posthume , qui a regné
plusieurs années dans les Gaules , sont
très-communes et citées plusieurs fois avec
le même revers dans les Recueils des Antiquaires
, et sur - tout dans celui des Medailles
du P. Anselme Banduri . Cette
même Medaille a été auparavant rapportée
et expliquée dans Tristan , qui croit
avec raison que le revers , qui est le même
, désigne quelque notable Victoire
ou la Conquête , dit- il , de la Grande-
Bretagne , et la joye que Posthume en
reçût. Ce que Tristan confirme par une
autre Medaille de Posthume fils ; mais :
que l'on doit plutôt attribuer au Pere
suivant les sentimens de Patin et de Vaillant
, elle represente au revers le serment
de fidelité des Soldats de l'Armée , fait àz
l'EmOCTOBRE
. 1731 2331
l'Empereur , avec cette Legende , Exer
citus Iscanicus du nom de la Ville d'Isca
dans la Grande- Bretagne. D'ailleurs , cette
même Galere se trouve dans les Familles
Romaines de Patin , et sur les Legions
de Marc- Antoine , ainsi que sur les Medailles
des Empereurs Adrien de Verus ,
et autres citées par les Antiquaires..
M. D. M.
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Résumé : REMARQUES sur une Médaille de l'Empereur Posthume.
En 1730, près d'Auxerre, des médailles antiques, dont plusieurs de l'empereur Posthume en grand bronze, furent découvertes. Une médaille bien conservée montre au revers une galère, identifiée comme la Navis Prætoria, avec la légende 'Laetitia Augusti'. Cette galère était utilisée par l'empereur ou un de ses généraux pour une expédition maritime. L'auteur de la lettre se demande si cette médaille pourrait être liée à une navigation sur la rivière d'Yonne, mais cette hypothèse est improbable car la rivière n'est navigable qu'à petits bateaux à Auxerre. La médaille, comme beaucoup d'autres, circulait dans l'Empire romain, et sa découverte près de l'Yonne ne prouve pas un lien direct avec cette rivière. Des médailles similaires de Posthume, qui régna plusieurs années dans les Gaules, sont courantes. Tristan suggère que la médaille commémore une victoire notable ou la conquête de la Grande-Bretagne. Patin et Vaillant attribuent plutôt cette médaille au père de Posthume, indiquant un serment de fidélité des soldats de l'armée à l'empereur, avec la légende 'Exercitus Iscanicus', du nom de la ville d'Isca en Grande-Bretagne. Des représentations similaires de galères se trouvent également dans les familles romaines de Patin, sur les légions de Marc-Antoine, et sur les médailles des empereurs Adrien et Verus.
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36
p. 8080
IMITATION des Vers Latins du Pere Vaniere, sur les Paniers des Dames.
Début :
Lucas, mon Vigneron, de retour à Paris ; [...]
Mots clefs :
Vigneron, Vaisseau, Carrefour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : IMITATION des Vers Latins du Pere Vaniere, sur les Paniers des Dames.
IMITATION des Vers Latins du Pere
Vaniere, surles Paniers des Dames.
Obstupet in primis , &c.
Mercure de Decembre , 1731. 1. vol
Lucas ,
Ucas , mon Vigneron , de retour à Paris ;
1. ´1 M'entretint des nouvelles Modes ;
Mais sur tout il parut surpris ,
De ces grands Cercles incommodes ,
Qu'ont les Femmes sous leurs habits.
Je n'en mets pas , dit-il , d'autres sur mes Fu
tailles.
Une de ces Portes- panier
Embarasse une rue et touche aux deux murail
les ,
Occupe un Carrefour entier.
Ouvrez les deux battans de la plus large Portei
Il faut de côté qu'elle sorte.
Ma foy , ce large habillement
Que font des machines de toiles ,
Est comme un Vaisseau dont le vent ;
Enfle à la fois toutes les voiles.
Vaniere, surles Paniers des Dames.
Obstupet in primis , &c.
Mercure de Decembre , 1731. 1. vol
Lucas ,
Ucas , mon Vigneron , de retour à Paris ;
1. ´1 M'entretint des nouvelles Modes ;
Mais sur tout il parut surpris ,
De ces grands Cercles incommodes ,
Qu'ont les Femmes sous leurs habits.
Je n'en mets pas , dit-il , d'autres sur mes Fu
tailles.
Une de ces Portes- panier
Embarasse une rue et touche aux deux murail
les ,
Occupe un Carrefour entier.
Ouvrez les deux battans de la plus large Portei
Il faut de côté qu'elle sorte.
Ma foy , ce large habillement
Que font des machines de toiles ,
Est comme un Vaisseau dont le vent ;
Enfle à la fois toutes les voiles.
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Résumé : IMITATION des Vers Latins du Pere Vaniere, sur les Paniers des Dames.
Le texte, publié en décembre 1731, relate une conversation entre un narrateur et son vigneron Lucas, de retour à Paris. Lucas est surpris par les portes-paniers, des cercles volumineux portés par les femmes. Il les compare à des vaisseaux et note qu'ils occupent beaucoup d'espace, pouvant bloquer une rue ou nécessiter l'ouverture des deux battants d'une porte pour sortir.
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37
p. 2160-2165
METHODE pour gouverner un Vaisseau, et pour en retarder le Sillage dans une Mer qui n'a point de fond.
Début :
L'Art de la Navigation facilite le Sillage du Vaisseau, en augmentant son [...]
Mots clefs :
Vaisseau, Navigation, Sillage, Corps du navire, Naufrage, Méthode
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texteReconnaissance textuelle : METHODE pour gouverner un Vaisseau, et pour en retarder le Sillage dans une Mer qui n'a point de fond.
METHODEpourgouverner un Vaisseau , et pour en retarder le Sillage dans
une Merqui n'a point defond.
' Art de la Navigation facilite le SilL'lage du Vaisseau, en augmentant. Sos
volume supérieur , et en diminuant son
volume inférieur ( ou la partie du Vaisseau qui est dans l'eau ) et par ce moyen ,
avec un peu de vent, on fait beaucoup de
chemin.
i
Sur ce príncipe , il est évident qu'on
retardera le Sillage du Vaisseau en faisant
le contraire ; c'est à- dire, en diminuant le
volume du Vaisseau qui est hors de l'eau,
et en augmentant celui qui est dans l'eau.
Il n'est pas question de la diminution
du volume superieur du Vaisseau pendant la tempête ; c'est une chose connuë;
mais il y a lieu d'être surpris qu'on n'ait
pas songé plutôt à la nécessité d'augmen
ter le volume inférieur du Vaisseau ; ce
qui est pourtant aussi sûr et aussi facile
qu'il est necessaire. Or il être aug peut
nienté tout contre le Corps du Navire ,
ou à quelque distance ; chacune de ces
deux augmentations peut- être exécutée
atilement en bien des manieres. On ne
donnera
OCTOBRE. 1732 2167
donnera icy que deux manieres de faire
cette augmentation loin du Vaisseau, parce qu'elles out toutes les qualitez qu'on
peut désirer. Elles sont sures , simples ,
d'une exécution facile , et de peu de dépense ; outre l'effet ordinaire de retar
der le mouvement du Bâtiment, elles ont
encore celui de le gouverner; en sorte que
par ces opérations , le Sillage du Vaisseau
est retardé considérablement , et le Navire reste toujours dans la même situation
à l'égard du vent , quelque changement
qui arrive dans le vent.
La premiere augmentation de volume
consiste en une voile de la forme qu'on
voudra , qui sera attachée par ses bords ,
à peu près comme le sont des Bassins de
Balance, à un Cable, d'une longueur convenable amaré au Vaisseau. Cette surface étant chargée d'un poids qui ne luž
permettra point de rester sur l'eau , lors
qu'elle n'agit point, fera deux effets.
Le premier de retarder le mouvement
du Vaisseau , parce qu'elle ne pourra le
suivre , sans entraîner en même temps le
volume d'eau ; ce qui diminuera le mouvement du Vaisseau , à propertion de la
grandeur de cette surface.
Son second effet de gouverner le Bâti
ment, parce que la partie à laquelle le Cable
2162 MERCURE DE FRANCE
Cable sera attaché , sera toujours exposée
au vent. Ainsi,supposant qu'on aura présenté au vent la partie du Vaisseau la plus
favorable , pour résister à la tempête , il
est vrai de dire qu'unNavire sera gouverné de la maniere la plus avantageuse , car
on peut aisément changer la situation du
Vaisseau. En un mot , cette furface aussibien que celle qu'on va proposer , seront
de vraies Ancres flotantes , qui procureront les avantages d'une Ancre qui labou
re; avec cette difference , que la résistance de l'eau étant de beaucoup plus douce
que celle de la terre , l'impression du vent
et des vagues sur le Vaisseau , sera bien
moins préjudiciable avec les Ancres flotantes , qu'avec les Ancres ordinaires.
La seconde maniere d'augmenter le volume du Vaisseau , est aussi simple ; elle
consiste uniquement en une Vergue qu'on
attache par les bouts à une corde ; laquelle pour cet effet est divisée en deux
son extrêmité , et forme un triangle
avec la Vergue. Or la Vergue suivra le
Vaisseau en travers , et trouvera par conséquent de la résistance dans toute sa longueur. Cette Vergue doit être comme la
surface précedente , accompagnée d'un
poids suffisant pour l'attirer en bas lorsqu'elle cesse d'être traînée par le Vaisseau.
Ов
OCTOBRE. 1732 : 2163
On n'entrera point à presént dans plusieurs détails , qui contribueront à perfectionner le moyen qu'on propose. On les
expliquera dans la suite.
Les avantages de ces nouvelles opéra- tions seront tres- considérables ; car outre
le retardement du Sillage et le gouvernement du Vaisseau , qui se feront d'euxmêmes, à la faveur des nouvelles Ancres,
et sans que l'équipage ait besoin de travailler , ni même d'être exposé au mauvais temps sur le Tillac ; on peut dire
que le Capot sera tres- difficile , pour ne
rien dire de plus ; et qu'un Vaisseau sera
bien foible , s'il est brisé par les Vagues ;
étant si aisé de le tenir dans la situation la
plus avantageuse.
Je ne parle pas de la facilité de ces opérations , persuadé qu'on sent assez qu'un
Equipage qui n'auroit pas la force de les
faire , seroit peu en état de naviguer.
Le cas de Tempête ne sera pas le seul
où l'augmentation du volume inférieur
du Vaisseau sera utile. On fera voir
qu'il le sera en bien d'autres occasions importantes. Les Expériences qu'on a faites
quoiqu'en petit ) rendent tout ce qu'on
vient de dire , tres-sensible.
L'Auteur de ce Mémoire, prétend qu'on
pourra par les moyens qui y sont propo- sea
2164 MERCURE DE FRANCE
sez , prévenir beaucoup de Naufrages . qui seroient inévitables d'ailleurs. Il se flatte
que la proposition qu'il fit l'année derniere , de rendre la Navigation plus sûre
et plus facile , ne sera plus regardée , comme elle l'a été jusqu'icy , et qu'on pren
dra ce qu'il donne aujourd'hui pour une
preuve suffisante de la premiere Partie de
sa proposition. A l'égard de l'autre Par
tie qui a la facilité de la Navigation pour
objet ; en attendant la maniere , dont l
premiere sera reçue. Il ne craint point d'a
vancer qu'il mettra les chofes aú poing
que le moindre Pilote fera en état de dé.
cider une question qui embarrasseroit le
plus habiles du métier , et cela sans une
grande étude , ni même beaucoup d'ap
plication. Dès la premiere explication i!
sera en état de décider , sans crainte de se
tromper. La proposition est un peu forte
aussi ne l'ai-je voulu faire , dit il , qu'après avoir donné de nouvelles preuves de suffisance. Ainsi sans retracter rien de c
que j'ai avancé , je crois pouvoir dire que
sans avoir trouvé les longitudes , je dônnerai des moyens qui feront un effet fort
approchant. Je ferai voir , par exemple ,
que la grande difference qui se trouve
dans la route de plusieurs Pilotes également habiles , ne vient que des courans.
Le
OCTOBRE. 1732. 2169
Le remede à cette erreur sera un moyen
de connoître les courans que je donnerai,
Le moyen sera de pratique , je n'en proposerai jamais d'autre ; je donnerai ure
maniete de mesurer le Sillage bien plus
exacte et même plus facile que toutes celles dont on s'est servi jusqu'à aujourd'hui;
en un mot , sans parler de bien d'autres
choses de moindre conséquence , j'espere que le public n'aura pas moins lieu
d'être content des moyens que je donnerai pour la facilité de la Navigation , que
je crois qu'il le sera de ceux que je donne
aujourd'hui,
une Merqui n'a point defond.
' Art de la Navigation facilite le SilL'lage du Vaisseau, en augmentant. Sos
volume supérieur , et en diminuant son
volume inférieur ( ou la partie du Vaisseau qui est dans l'eau ) et par ce moyen ,
avec un peu de vent, on fait beaucoup de
chemin.
i
Sur ce príncipe , il est évident qu'on
retardera le Sillage du Vaisseau en faisant
le contraire ; c'est à- dire, en diminuant le
volume du Vaisseau qui est hors de l'eau,
et en augmentant celui qui est dans l'eau.
Il n'est pas question de la diminution
du volume superieur du Vaisseau pendant la tempête ; c'est une chose connuë;
mais il y a lieu d'être surpris qu'on n'ait
pas songé plutôt à la nécessité d'augmen
ter le volume inférieur du Vaisseau ; ce
qui est pourtant aussi sûr et aussi facile
qu'il est necessaire. Or il être aug peut
nienté tout contre le Corps du Navire ,
ou à quelque distance ; chacune de ces
deux augmentations peut- être exécutée
atilement en bien des manieres. On ne
donnera
OCTOBRE. 1732 2167
donnera icy que deux manieres de faire
cette augmentation loin du Vaisseau, parce qu'elles out toutes les qualitez qu'on
peut désirer. Elles sont sures , simples ,
d'une exécution facile , et de peu de dépense ; outre l'effet ordinaire de retar
der le mouvement du Bâtiment, elles ont
encore celui de le gouverner; en sorte que
par ces opérations , le Sillage du Vaisseau
est retardé considérablement , et le Navire reste toujours dans la même situation
à l'égard du vent , quelque changement
qui arrive dans le vent.
La premiere augmentation de volume
consiste en une voile de la forme qu'on
voudra , qui sera attachée par ses bords ,
à peu près comme le sont des Bassins de
Balance, à un Cable, d'une longueur convenable amaré au Vaisseau. Cette surface étant chargée d'un poids qui ne luž
permettra point de rester sur l'eau , lors
qu'elle n'agit point, fera deux effets.
Le premier de retarder le mouvement
du Vaisseau , parce qu'elle ne pourra le
suivre , sans entraîner en même temps le
volume d'eau ; ce qui diminuera le mouvement du Vaisseau , à propertion de la
grandeur de cette surface.
Son second effet de gouverner le Bâti
ment, parce que la partie à laquelle le Cable
2162 MERCURE DE FRANCE
Cable sera attaché , sera toujours exposée
au vent. Ainsi,supposant qu'on aura présenté au vent la partie du Vaisseau la plus
favorable , pour résister à la tempête , il
est vrai de dire qu'unNavire sera gouverné de la maniere la plus avantageuse , car
on peut aisément changer la situation du
Vaisseau. En un mot , cette furface aussibien que celle qu'on va proposer , seront
de vraies Ancres flotantes , qui procureront les avantages d'une Ancre qui labou
re; avec cette difference , que la résistance de l'eau étant de beaucoup plus douce
que celle de la terre , l'impression du vent
et des vagues sur le Vaisseau , sera bien
moins préjudiciable avec les Ancres flotantes , qu'avec les Ancres ordinaires.
La seconde maniere d'augmenter le volume du Vaisseau , est aussi simple ; elle
consiste uniquement en une Vergue qu'on
attache par les bouts à une corde ; laquelle pour cet effet est divisée en deux
son extrêmité , et forme un triangle
avec la Vergue. Or la Vergue suivra le
Vaisseau en travers , et trouvera par conséquent de la résistance dans toute sa longueur. Cette Vergue doit être comme la
surface précedente , accompagnée d'un
poids suffisant pour l'attirer en bas lorsqu'elle cesse d'être traînée par le Vaisseau.
Ов
OCTOBRE. 1732 : 2163
On n'entrera point à presént dans plusieurs détails , qui contribueront à perfectionner le moyen qu'on propose. On les
expliquera dans la suite.
Les avantages de ces nouvelles opéra- tions seront tres- considérables ; car outre
le retardement du Sillage et le gouvernement du Vaisseau , qui se feront d'euxmêmes, à la faveur des nouvelles Ancres,
et sans que l'équipage ait besoin de travailler , ni même d'être exposé au mauvais temps sur le Tillac ; on peut dire
que le Capot sera tres- difficile , pour ne
rien dire de plus ; et qu'un Vaisseau sera
bien foible , s'il est brisé par les Vagues ;
étant si aisé de le tenir dans la situation la
plus avantageuse.
Je ne parle pas de la facilité de ces opérations , persuadé qu'on sent assez qu'un
Equipage qui n'auroit pas la force de les
faire , seroit peu en état de naviguer.
Le cas de Tempête ne sera pas le seul
où l'augmentation du volume inférieur
du Vaisseau sera utile. On fera voir
qu'il le sera en bien d'autres occasions importantes. Les Expériences qu'on a faites
quoiqu'en petit ) rendent tout ce qu'on
vient de dire , tres-sensible.
L'Auteur de ce Mémoire, prétend qu'on
pourra par les moyens qui y sont propo- sea
2164 MERCURE DE FRANCE
sez , prévenir beaucoup de Naufrages . qui seroient inévitables d'ailleurs. Il se flatte
que la proposition qu'il fit l'année derniere , de rendre la Navigation plus sûre
et plus facile , ne sera plus regardée , comme elle l'a été jusqu'icy , et qu'on pren
dra ce qu'il donne aujourd'hui pour une
preuve suffisante de la premiere Partie de
sa proposition. A l'égard de l'autre Par
tie qui a la facilité de la Navigation pour
objet ; en attendant la maniere , dont l
premiere sera reçue. Il ne craint point d'a
vancer qu'il mettra les chofes aú poing
que le moindre Pilote fera en état de dé.
cider une question qui embarrasseroit le
plus habiles du métier , et cela sans une
grande étude , ni même beaucoup d'ap
plication. Dès la premiere explication i!
sera en état de décider , sans crainte de se
tromper. La proposition est un peu forte
aussi ne l'ai-je voulu faire , dit il , qu'après avoir donné de nouvelles preuves de suffisance. Ainsi sans retracter rien de c
que j'ai avancé , je crois pouvoir dire que
sans avoir trouvé les longitudes , je dônnerai des moyens qui feront un effet fort
approchant. Je ferai voir , par exemple ,
que la grande difference qui se trouve
dans la route de plusieurs Pilotes également habiles , ne vient que des courans.
Le
OCTOBRE. 1732. 2169
Le remede à cette erreur sera un moyen
de connoître les courans que je donnerai,
Le moyen sera de pratique , je n'en proposerai jamais d'autre ; je donnerai ure
maniete de mesurer le Sillage bien plus
exacte et même plus facile que toutes celles dont on s'est servi jusqu'à aujourd'hui;
en un mot , sans parler de bien d'autres
choses de moindre conséquence , j'espere que le public n'aura pas moins lieu
d'être content des moyens que je donnerai pour la facilité de la Navigation , que
je crois qu'il le sera de ceux que je donne
aujourd'hui,
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Résumé : METHODE pour gouverner un Vaisseau, et pour en retarder le Sillage dans une Mer qui n'a point de fond.
Le texte aborde des techniques pour gouverner un vaisseau et retarder son sillage dans une mer sans fond. La navigation est facilitée en augmentant le volume supérieur du vaisseau et en diminuant le volume inférieur. Pour retarder le sillage, il est recommandé de réduire le volume hors de l'eau et d'augmenter celui immergé. L'accent est mis sur l'importance d'accroître le volume inférieur du vaisseau, ce qui peut être réalisé par diverses méthodes. Deux approches spécifiques sont proposées pour augmenter le volume inférieur. La première méthode consiste à attacher une voile à un câble chargé d'un poids. Cette voile retarde le mouvement du vaisseau et le gouverne en résistant au vent. La seconde méthode utilise une vergue attachée à une corde, formant un triangle, qui offre une résistance sur toute sa longueur. Ces méthodes présentent plusieurs avantages, notamment le retardement du sillage et le gouvernement du vaisseau sans effort supplémentaire de l'équipage. Elles sont simples, économiques et efficaces, même en cas de tempête. Le texte souligne également leur utilité pour prévenir les naufrages et améliorer la sécurité et la facilité de la navigation. L'auteur mentionne qu'il pourra fournir des moyens pratiques pour connaître les courants et mesurer le sillage avec précision.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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38
p. 2449
« Le 24. du mois dernier, on fit à Londres avec un Vaisseau de la Compagnie des Indes [...] »
Début :
Le 24. du mois dernier, on fit à Londres avec un Vaisseau de la Compagnie des Indes [...]
Mots clefs :
Vaisseau, Compagnie des Indes orientales, Machine
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texteReconnaissance textuelle : « Le 24. du mois dernier, on fit à Londres avec un Vaisseau de la Compagnie des Indes [...] »
Le 24. du mois dernier , on fit à Londres
avec un Vaisseau de la Compagnie des Indes
Orientales , l'expérience d'une nouvelle Machine
ingénieusement inventée pour faire virer de
bord un gros Vaisseau lorsqu'il est surpris d'un
calme en pleine mer , et qu'il ne peut faire usage de ses voiles. Les Directeurs ont dessein de se servir de cette Machine pour leurs Vaisseaux
lorsqu'ils seront attaquez par quelques Forbans ,
-parce qu'elle les mettra en état de se deffendre
dans le calme , et de donner des bordées de leur
Artillerie à l'ennemi presqu'aussi vîte que s'il
faisoit du vent.
avec un Vaisseau de la Compagnie des Indes
Orientales , l'expérience d'une nouvelle Machine
ingénieusement inventée pour faire virer de
bord un gros Vaisseau lorsqu'il est surpris d'un
calme en pleine mer , et qu'il ne peut faire usage de ses voiles. Les Directeurs ont dessein de se servir de cette Machine pour leurs Vaisseaux
lorsqu'ils seront attaquez par quelques Forbans ,
-parce qu'elle les mettra en état de se deffendre
dans le calme , et de donner des bordées de leur
Artillerie à l'ennemi presqu'aussi vîte que s'il
faisoit du vent.
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Résumé : « Le 24. du mois dernier, on fit à Londres avec un Vaisseau de la Compagnie des Indes [...] »
Le 24 du mois précédent, une expérience a été réalisée à Londres sur un vaisseau de la Compagnie des Indes Orientales. Cette expérience concernait une nouvelle machine permettant à un vaisseau immobilisé par un calme de changer de bord. Les directeurs de la Compagnie prévoient d'utiliser cette machine pour se défendre contre des forbans, permettant ainsi de tirer des bordées d'artillerie même sans vent.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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39
p. 2686-2688
IMITATION de l'Ode d'Horace, qui commence par ces mots: Sic te Diva potens Cypri, &c.
Début :
Puisses-tu de l'humide Plaine, [...]
Mots clefs :
Imitation, Ode, Horace, Rivage, Océan, Vaisseau, Ciel, Foudres
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : IMITATION de l'Ode d'Horace, qui commence par ces mots: Sic te Diva potens Cypri, &c.
IMITATION de l'Ode d'Horace
qui commence par ces mots : Sie te
Diva potens Cypri , &c.
Puisses-tu de l'humide Plaine ,
Heureusement fendre les Flots ,
Guidé par les freres d'Helene ,
Et par la Reine de Paphos ;
Vaisseau , daigne Eole exorable ,
T'accorder un vent favorable ,
Enchaîner les vents ennemis ,
Afin qu'à l'attique Rivage ,
Tu portes sans aucun dommage,
Mon Virgile à ta foi commis.
Quiconque fut l'homme intrépide ,
Qui le premier put s'engager ,
A courir l'Ocean perfide ,
Sur un Vaisseau frêle et leger
Sourd aux menaces furibondes ,
Des vents divers qui sur les Ondes ,
Exercent leur droit souverain ;
Oui , quand il tenta cette route ,
Il eut le cœur muni , sans doute ,
Et de chêne et d'un triple airain.
谁
Quel degré de mort épouvante ,
1. Vol. Celui
DECEMBRE. 1732. 2687
Celui qui peut voir sans terreur ,
Les Monstres que la Mer enfante ,
Ses écueils , ses flots en fureur ?
En vain le Maître du Tonnerre ,
Prudent , a séparé la Terre ,
Du profond abîme des eaux ,
Si le Détroit le plus sauvage ,
Est contraint d'ouvrir un passage ,
Anos témeraires Vaisseaux.
N
C'est ainsi qu'à l'humaine audace
Les plus grands forfaits coûtent peu.
De Japet l'insolente Race ,
Dans les Cieux déroba le feu ;
Présent à la Terre funeste !
Mille maux la fievre , la peste ,
Regnerent dès-lors ici bas ;
Bien-tôt leur rigueur excessive ,
Fit que la mort jadis tardive ,
Vers les Humains doubla le pas.
Avec les aîles qu'il sçut faire,
Dédale s'éleva dans l'air.
Pour s'emparer du fier Cerbere ,
Hercule osa forcer l'Enfer.
Rien aux Mortels n'est difficile.
Notre fureur trop indocile ,
1. Vol. H Αν
2688 MERCURE DE FRANCE
Au Ciel même adresse ses coups ;
Sans fin nos attentats horribles ,
Excitent les foudres terribles ,
Que Jupiter lance sur nous.
F. M. F.
qui commence par ces mots : Sie te
Diva potens Cypri , &c.
Puisses-tu de l'humide Plaine ,
Heureusement fendre les Flots ,
Guidé par les freres d'Helene ,
Et par la Reine de Paphos ;
Vaisseau , daigne Eole exorable ,
T'accorder un vent favorable ,
Enchaîner les vents ennemis ,
Afin qu'à l'attique Rivage ,
Tu portes sans aucun dommage,
Mon Virgile à ta foi commis.
Quiconque fut l'homme intrépide ,
Qui le premier put s'engager ,
A courir l'Ocean perfide ,
Sur un Vaisseau frêle et leger
Sourd aux menaces furibondes ,
Des vents divers qui sur les Ondes ,
Exercent leur droit souverain ;
Oui , quand il tenta cette route ,
Il eut le cœur muni , sans doute ,
Et de chêne et d'un triple airain.
谁
Quel degré de mort épouvante ,
1. Vol. Celui
DECEMBRE. 1732. 2687
Celui qui peut voir sans terreur ,
Les Monstres que la Mer enfante ,
Ses écueils , ses flots en fureur ?
En vain le Maître du Tonnerre ,
Prudent , a séparé la Terre ,
Du profond abîme des eaux ,
Si le Détroit le plus sauvage ,
Est contraint d'ouvrir un passage ,
Anos témeraires Vaisseaux.
N
C'est ainsi qu'à l'humaine audace
Les plus grands forfaits coûtent peu.
De Japet l'insolente Race ,
Dans les Cieux déroba le feu ;
Présent à la Terre funeste !
Mille maux la fievre , la peste ,
Regnerent dès-lors ici bas ;
Bien-tôt leur rigueur excessive ,
Fit que la mort jadis tardive ,
Vers les Humains doubla le pas.
Avec les aîles qu'il sçut faire,
Dédale s'éleva dans l'air.
Pour s'emparer du fier Cerbere ,
Hercule osa forcer l'Enfer.
Rien aux Mortels n'est difficile.
Notre fureur trop indocile ,
1. Vol. H Αν
2688 MERCURE DE FRANCE
Au Ciel même adresse ses coups ;
Sans fin nos attentats horribles ,
Excitent les foudres terribles ,
Que Jupiter lance sur nous.
F. M. F.
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Résumé : IMITATION de l'Ode d'Horace, qui commence par ces mots: Sic te Diva potens Cypri, &c.
Le texte est une imitation de l'Ode d'Horace, débutant par 'Sie te Diva potens Cypri'. Il s'agit d'une prière pour qu'un vaisseau traverse heureusement les flots, guidé par les frères d'Hélène et la Reine de Paphos, avec un vent favorable d'Éole. Le poème admire l'audace de celui qui osa naviguer sur l'océan pour la première fois, malgré les dangers des vents et des monstres marins. Il évoque les terrifiantes créatures marines et les écueils, soulignant que même les détroits les plus sauvages doivent céder aux navires téméraires. Le texte met en avant l'audace humaine, illustrée par des exploits mythologiques comme le vol du feu par la race de Japet, la construction d'ailes par Dédale, et la descente aux enfers par Hercule. Ces actions montrent que rien n'est impossible pour les mortels, mais que leur fureur peut aussi attirer la colère divine.
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40
p. 591-594
ESPAGNE.
Début :
Les Lettres d'Oran du 6. Fevrier, portent que le matin du même jour, quelques Travailleurs [...]
Mots clefs :
Oran, Ennemis, Espagnols, Cavalerie, Maures, Vaisseau, Infanterie, Escadre
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texteReconnaissance textuelle : ESPAGNE.
ESPAGNE..
Es Lettres d'Oran du 6. Fevrier , portent que
leurs étant sortis de cette Place pour reconnoître
des Palmiers qu'on avoit abbattus la veille , cinq
d'entre eux qui s'avancerent plus que les autres ,
tomberent dans une embuscade des Ennemis qui
les auroient enveloppez , s'ils ne se fussent retirez
précipitamment. Ils avertirent les Piquets qui
soutenoient les Travailleurs du Fort de S. Philippe
, de se tenir sur leurs gardes , et aussi -tôt les
Piquets marcherent en bon ordre aux Ennemis ,
dont le nombre pouvoit monter à 1500. Il y eut
grand feu de part et d'autre , mais les Ennemis.
curent à soutenir , non seulement celui des Pi→✩
quets , mais encore celui de l'Artillerie des Forts
de S. Philippe et de S. André Les Grenadiers
eurent ordre d'aller au secours des Piquets , et on
fit monter la Cavalerie à cheval pour soutenir
les Grenadiers, Ceux- ci étant arrivez les premiers
au poste des Ennemis , se rangerent.en bataille ,
dans le dessein de couper les Ennemis , qui s'en
étant apperçus , se retirerent. La Cavalerie Espagnole
, pour engager un combat entre les Trou
pes d'Infanterie , feignit deux fois de prendre la
fuite , afin d'attirer les Ennemis , mais ce fut inutilement.
Les Maures ont perdu ffo . hommes ,
et du côté des Espagnols il y a eu un Enseigne et
deux Soldats tuez et 17. blessez.
On a appris depuis le détail qu'on va lire au
sujet de cette Action: Quatre Compagnies de Grenadiers
commandez pour couvrir des Travailleurs
qui coupoient du bois au bas de la Montagne de
da la Mazetta , étant sorties de la Place au point dujour
192 MERCURE DE FRANCE
jour , apperçurent un nombre considerable d'Ennemis
qui se voyant découverts , firent feu et les ›
obligerent de se retirer jusqu'à ce qu'elles eussent
été jointes par cinq autres Compagnies de
Grenadiers qu'on envoya du Fort S. Philippe à s
leur secours ; soutenuës de ce renfort , elles retournerent
à l'Ennemi , et l'action s'engagea vi→
vement de part et d'autre. Le Commandant de la
Place , averti que ces gens étoient aux mains avec
les Maures , sortit avec 300. chevaux et huit
Compagnies d'Infanterie , et se mit en bataille
plaçant sa Cavalerie au centre , et son Infanterie
sur les aîles. Aussi-tôt les Maures firent avancer
un Corps de Cavalerie pour attaquer la Cavalerië
Espagnole , qui recula afin que les Ennemis , la
poursuivant , fussent pris en flanc des deux côtez
par l'Infanterie. Cette feinte réussit ; les Ennemis
s'étant trop avancez , les deux ailes se replierent
, et les ayant mis entre deux feux , leur tue
rent beaucoup de monde ; le reste ne s'étant sauvé
qu'avec peine , alla se rallier près d'un Corps
d'Infanterie et de Cavalerie , qui étoit posté à
quelque distance dans la Plaine des Salines.
Cependant le Bey Bigotillo s'étoit avancé avec
dix Drapeaux , et s'étoit mis en bataille vis- à - vis
le front des Travailleurs ; le Commandant Espagnol
et le Gouverneur du Fort de Sainte Croix
l'ayant apperçu , firent chacun un détachement
pour le couper , l'un du côté de la Montagne
l'autre par le Barranco , ou Vallon creux ; mais
Bigotillo ayant vû ce mouvement , se retira a■
plus vite,et alla rejoindre le gros des Ennemis qui
prirent la fuite. Les Espagnols poursuivirent les
Fuyards pendant un assez long espace , et après .
s avoir chassez jusques hors de la vûë d'Oran ,
rentrerent dans la Place avec une grande quantité
MARS. 1733. 195
tité de chevaux pris sur les Ennemis. Cette action
a durédepuis le point du jour jusqu'à quatre heures
du soir , et les Maures ont perdu près de 600.
hommes , au lieu que les Espagnols n'ont cu
qu'un Lieutenant de Dragons et deux Soldats
de tuez.
On a reçu avis de Barcelone , que l'Escadre que
le Roy avoit dans la Méditerranée
, étoit rentrée
dans ce Port , selon les mêmes Lettres , cette Escadre
étant sur les Côtes de Barbarie
, découvrit
près du Golfe d'Arseo , à la hauteur de Mostagan
, un Vaisseau
de 46. pieces de Canon , qui
servoit cy-devant de Capitane
à l'Escadre
d'Alger
; Don Blaise de Lezo, qui commandoit
l'Escadre
du Roy , fit force de voiles pour donner
la chasse à ce Vaisseau
; mais comme le Vaisai –
seau ennemi avoit deux lieües d'avance
, la nuit
survint
avant qu'on pût le joindre , et le Capi
taine en profita pour débarquer
300. Turcs et
quelques
vivres qu'il transportoit
d'Alger
au
Camp des Maures. Le lendemain
au point du
jour , on apperçut
ce Vaisseau
derriere un Cap
et vers les neuf heures et demie on commença
le canoner. Il essuya pendant
près de deux heures
les bordées de tous les Vaisseaux
de l'Escadre
Espagnole
, sans être beaucoup
endommagé
. Cependant
le Capitaine
Algerien
voyant que le feu
de l'Artillerie
des Espagnols
ne discontinuoit
point et perdant l'espoir de conserver
son Vaisseau
, songea à sauver l'Equipage
qu'il fit débarquer.
Don Blaise de Lezo , après avoir canoné
pendant
cinq heures le Vaisseau
Algerien
, détacha
les Gardes de la Marine et 200. bommes
pour le couler à fond , ce qui fut executé malgré
le grand feu des Algeriens
rangez en bataille sous
une batterie que les Maures avoient sur le Rivage.
Les
394 MERCURE DE FRANCE
Les Espagnols qui ont enlevé les cordages , le
Canon et tout ce que les Eunemis avoient laissé
dans le Vaisseau , n'ont eu dans ce combat, que
7. hommes tuez et 33. blessez .
On apprend par des Lettres d'Allemagne , que
plusieurs Officiers Espagnols qui sont au service
de PElecteur Palatin , ont obtenu la permission
de venir en Espagne pour faire la prochaine
Campagne d'Afrique en qualité de Volontaires.
Es Lettres d'Oran du 6. Fevrier , portent que
leurs étant sortis de cette Place pour reconnoître
des Palmiers qu'on avoit abbattus la veille , cinq
d'entre eux qui s'avancerent plus que les autres ,
tomberent dans une embuscade des Ennemis qui
les auroient enveloppez , s'ils ne se fussent retirez
précipitamment. Ils avertirent les Piquets qui
soutenoient les Travailleurs du Fort de S. Philippe
, de se tenir sur leurs gardes , et aussi -tôt les
Piquets marcherent en bon ordre aux Ennemis ,
dont le nombre pouvoit monter à 1500. Il y eut
grand feu de part et d'autre , mais les Ennemis.
curent à soutenir , non seulement celui des Pi→✩
quets , mais encore celui de l'Artillerie des Forts
de S. Philippe et de S. André Les Grenadiers
eurent ordre d'aller au secours des Piquets , et on
fit monter la Cavalerie à cheval pour soutenir
les Grenadiers, Ceux- ci étant arrivez les premiers
au poste des Ennemis , se rangerent.en bataille ,
dans le dessein de couper les Ennemis , qui s'en
étant apperçus , se retirerent. La Cavalerie Espagnole
, pour engager un combat entre les Trou
pes d'Infanterie , feignit deux fois de prendre la
fuite , afin d'attirer les Ennemis , mais ce fut inutilement.
Les Maures ont perdu ffo . hommes ,
et du côté des Espagnols il y a eu un Enseigne et
deux Soldats tuez et 17. blessez.
On a appris depuis le détail qu'on va lire au
sujet de cette Action: Quatre Compagnies de Grenadiers
commandez pour couvrir des Travailleurs
qui coupoient du bois au bas de la Montagne de
da la Mazetta , étant sorties de la Place au point dujour
192 MERCURE DE FRANCE
jour , apperçurent un nombre considerable d'Ennemis
qui se voyant découverts , firent feu et les ›
obligerent de se retirer jusqu'à ce qu'elles eussent
été jointes par cinq autres Compagnies de
Grenadiers qu'on envoya du Fort S. Philippe à s
leur secours ; soutenuës de ce renfort , elles retournerent
à l'Ennemi , et l'action s'engagea vi→
vement de part et d'autre. Le Commandant de la
Place , averti que ces gens étoient aux mains avec
les Maures , sortit avec 300. chevaux et huit
Compagnies d'Infanterie , et se mit en bataille
plaçant sa Cavalerie au centre , et son Infanterie
sur les aîles. Aussi-tôt les Maures firent avancer
un Corps de Cavalerie pour attaquer la Cavalerië
Espagnole , qui recula afin que les Ennemis , la
poursuivant , fussent pris en flanc des deux côtez
par l'Infanterie. Cette feinte réussit ; les Ennemis
s'étant trop avancez , les deux ailes se replierent
, et les ayant mis entre deux feux , leur tue
rent beaucoup de monde ; le reste ne s'étant sauvé
qu'avec peine , alla se rallier près d'un Corps
d'Infanterie et de Cavalerie , qui étoit posté à
quelque distance dans la Plaine des Salines.
Cependant le Bey Bigotillo s'étoit avancé avec
dix Drapeaux , et s'étoit mis en bataille vis- à - vis
le front des Travailleurs ; le Commandant Espagnol
et le Gouverneur du Fort de Sainte Croix
l'ayant apperçu , firent chacun un détachement
pour le couper , l'un du côté de la Montagne
l'autre par le Barranco , ou Vallon creux ; mais
Bigotillo ayant vû ce mouvement , se retira a■
plus vite,et alla rejoindre le gros des Ennemis qui
prirent la fuite. Les Espagnols poursuivirent les
Fuyards pendant un assez long espace , et après .
s avoir chassez jusques hors de la vûë d'Oran ,
rentrerent dans la Place avec une grande quantité
MARS. 1733. 195
tité de chevaux pris sur les Ennemis. Cette action
a durédepuis le point du jour jusqu'à quatre heures
du soir , et les Maures ont perdu près de 600.
hommes , au lieu que les Espagnols n'ont cu
qu'un Lieutenant de Dragons et deux Soldats
de tuez.
On a reçu avis de Barcelone , que l'Escadre que
le Roy avoit dans la Méditerranée
, étoit rentrée
dans ce Port , selon les mêmes Lettres , cette Escadre
étant sur les Côtes de Barbarie
, découvrit
près du Golfe d'Arseo , à la hauteur de Mostagan
, un Vaisseau
de 46. pieces de Canon , qui
servoit cy-devant de Capitane
à l'Escadre
d'Alger
; Don Blaise de Lezo, qui commandoit
l'Escadre
du Roy , fit force de voiles pour donner
la chasse à ce Vaisseau
; mais comme le Vaisai –
seau ennemi avoit deux lieües d'avance
, la nuit
survint
avant qu'on pût le joindre , et le Capi
taine en profita pour débarquer
300. Turcs et
quelques
vivres qu'il transportoit
d'Alger
au
Camp des Maures. Le lendemain
au point du
jour , on apperçut
ce Vaisseau
derriere un Cap
et vers les neuf heures et demie on commença
le canoner. Il essuya pendant
près de deux heures
les bordées de tous les Vaisseaux
de l'Escadre
Espagnole
, sans être beaucoup
endommagé
. Cependant
le Capitaine
Algerien
voyant que le feu
de l'Artillerie
des Espagnols
ne discontinuoit
point et perdant l'espoir de conserver
son Vaisseau
, songea à sauver l'Equipage
qu'il fit débarquer.
Don Blaise de Lezo , après avoir canoné
pendant
cinq heures le Vaisseau
Algerien
, détacha
les Gardes de la Marine et 200. bommes
pour le couler à fond , ce qui fut executé malgré
le grand feu des Algeriens
rangez en bataille sous
une batterie que les Maures avoient sur le Rivage.
Les
394 MERCURE DE FRANCE
Les Espagnols qui ont enlevé les cordages , le
Canon et tout ce que les Eunemis avoient laissé
dans le Vaisseau , n'ont eu dans ce combat, que
7. hommes tuez et 33. blessez .
On apprend par des Lettres d'Allemagne , que
plusieurs Officiers Espagnols qui sont au service
de PElecteur Palatin , ont obtenu la permission
de venir en Espagne pour faire la prochaine
Campagne d'Afrique en qualité de Volontaires.
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Résumé : ESPAGNE.
Le 6 février, à Oran, cinq soldats espagnols tombèrent dans une embuscade après avoir remarqué des palmiers abattus. Ils alertèrent les piquets protégeant les travailleurs du Fort de Saint-Philippe, qui affrontèrent environ 1500 ennemis. Un combat intense s'ensuivit, impliquant l'artillerie des forts de Saint-Philippe et de Saint-André. Les grenadiers et la cavalerie espagnole intervinrent, forçant les ennemis à se retirer. Les Maures perdirent 100 hommes, tandis que les Espagnols déplorèrent la mort d'un enseigne et de deux soldats, ainsi que 17 blessés. Par la suite, quatre compagnies de grenadiers, protégeant des travailleurs coupant du bois, furent attaquées par les ennemis. Renforcées par cinq autres compagnies, elles contre-attaquèrent. Le commandant de la place, avec 300 cavaliers et huit compagnies d'infanterie, engagea les Maures en bataille. La cavalerie espagnole feignit la fuite pour attirer les ennemis dans un piège, tuant beaucoup d'entre eux. Le Bey Bigotillo, avec dix drapeaux, tenta une attaque mais se retira face aux détachements espagnols. Les Espagnols poursuivirent les fuyards jusqu'à les chasser hors de vue d'Oran, rentrant avec une grande quantité de chevaux ennemis. Cette action dura de l'aube à 16 heures, avec près de 600 Maures tués contre un lieutenant de dragons et deux soldats espagnols. À Barcelone, l'escadre royale espagnole, revenue de la Méditerranée, découvrit un vaisseau algérien près du golfe d'Arseo. Malgré une poursuite, la nuit permit au vaisseau ennemi de débarquer 300 Turcs et des vivres. Le lendemain, l'escadre espagnole canonna le vaisseau pendant cinq heures, le coulant finalement à fond malgré la résistance algérienne. Les Espagnols récupérèrent les cordages et le canon, subissant 7 morts et 33 blessés.
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42
p. 7-32
SUITE De la Promenade de Province, & des charmes du Caractere.
Début :
L'Angleterre est ma patrie, & mon nom est Tumbsirk. Mon pere qui s'appelloit [...]
Mots clefs :
Comte, Homme, Capitaine, Vaisseau, Fils, Esprit, Papiers, Bonheur, Amis, Coeur, Promenade de province
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texteReconnaissance textuelle : SUITE De la Promenade de Province, & des charmes du Caractere.
SUITE
De la Promenade de Province , & des
charmes du Carailere.
'Angleterre eft ma patrie , & mon nom
eft Tumbfirk. Mon pere qui s'appelloit
Milord K..... devenu veuf & mécontent
de la Cour , fe retira dans fes terres
qui font dans le Comté de Devonshire .
A iv
8 MERCURE DE FRANCE.
Ce fut là qu'il devint amouteux de la fille
d'un fimple Gentilhomme réduit à la derniere
néceffité. Elle étoit belle. Si fa mifere
le toucha , fa vertu excita fon admiration.
Il prit le parti de l'époufer , avec
toutes les formalités néceffaires , mais le
plus fecrettement qu'il lui fut poffible ,
parce qu'il craignoit les enfans de fon premier
lit , qui étoient au nombre de trois.
Je fuis le feul fruit de ce mariage , ma
mere étant morte en me mettant au monde.
Mon enfance n'a rien eu d'extraordinaire.
J'ai été élevé dans un college jufqu'à
l'âge de feize ans. J'allois fouvent
voir Milord K.... que je regardois comme
un ami qui vouloit bien prendre foin de
moi , du refte j'ignorois à qui je devois la
naiffance.
Je fus furpris un jour de ce qu'on vint
me chercher de fa part avec précipitation.
J'arrivai , & je le trouvai à l'extrêmité . Il
fit fortir tout le monde de fa chambre , &
m'ayant fait approcher de fon lit , je me
meurs , me dit- il , d'une voix foible ; mais
écontez bien ce que je vais vous dire. Vous
êtes mon fils . Voici , ajoûta- t'il , en me
préfentant des papiers , les pieces qui le
juftifieront. Vous avez des freres puiffans
qui refuferont peut - être de vous reconnoître.
Défiez- vous furtout de votre aîné , &
DECEMBRE 1755. 9
agiffez - en avec lui comme avec un homme
de qui vous avez tout à craindre. Voici
pour le Baron de W... le plus jeune de vos
freres , une lettre qui pourra l'attendrir
en votre faveur. En voilà une autre pour
votre foeur qui eft mariée au Duc de M...
Embraffez- moi , mon fils , pourfuivit - il ,
en s'attendriffant ; puiffe le ciel , protecteur
de l'innocence , vous tenir lieu de
pere ! Je reçus fa bénédiction , en pleurant
amerement , il mourut une heure après
entre mes bras. Sa perte me caufa une vive
douleur , je l'aimois véritablement , & la
confidération de l'état où il me laiſſoit , ne
fervit pas à me confoler. Je n'avois du
côté de ma mere que des parens éloignés ,
que je ne connoiffois point. Je me regardai
comme un homme ifolé , qui ne tenoit
à rien , & qui avoit tout à craindre.
Mourir, c'eft un fort inévitable , me disje
, il faudra toujours en venir - là , après
avoir effuyé bien des traverfes , je puis me
les épargner en finiffant ma trifte vie ,
mais je veux que ma mort foit utile à ma
patrie ; c'eft au milieu des hafards que je
dois la chercher . Nous étions alors en
guerre avec la France , je m'engageai dans
un vieux corps de cavalerie , bien réfolu
de vendre cherement ma vie. Je me rendis
au lieu où l'armée étoit allemblée : j'avois
Av
10 MERCURE DE FRANCE.
toujours dans mon porte-feuille les papiers
que mon pere m'avoit donnés. A peine
fus-je arrivé que j'appris que l'officier qui
commandoit étoit le Comte de Y..... frere
unique de feu mon pere. Je ne l'avois jamais
vu parce qu'ils étoient mal enſemble
depuis longtems ; cela ne me donna aucune
envie de lui découvrir mon fecret.
Cependant le Capitaine de la compagnie
où j'étois enrôlé , étoit un homme
violent , emporté , brutal & généralement
haï j'avoue que je ne cédois à perfonne
ma part de cette averfion . Il me rencontra
un jour avec quelques officiers qu'il
n'aimoit pas. Il voulut me dire quelque
chofe , fa vue feule étoit capable de m'émouvoir
, je lui répondis avec hauteur. Il
fe mit en devoir de punir ma témérité
quelques coups de plat d'épée : voyons ,
lui dis - je , en tirant la mienne , fi tu as autant
de coeur que de brutalité. Je le pouſſai
vivement , mais on nous fepara. Mon crime
étoit irrémiffible ; auffi fus - je condammé
à avoir la tête caffée dès le même jour.
par
Quelque indifférence que j'euffe pour
la vie , je ne pus me défendre d'un violent
friffonnement , en fongeant que je navois
plus que quelques heures à vivre. Une
reffource me reftoit , c'étoit de me faire
connoître au Comte de Y... Mais comment
1
DECEMBRE. 1755 . II
y parvenir. A qui m'adreffer ? Plufieurs de
mes amis vinrent pour me voir , mais on
ne voulut pas leur permettre de me parler.
Un officier de confidération qui m'aimoit ,
demanda cette grace , qu'on ne put pas lui
refufer. Le ciel , lui dis - je , en l'appercevant
, vous envoie fans doute ici pour me
fauver la vie , mais il n'y a point de tems
à perdre. Je fuis le neveu du Comte de Y...
j'ai fur moi de quoi le prouver : l'officier
ne pouvant fe figurer que cela fût vrai ,
demanda à voir mes papiers , je ne fis aucune
difficulté de les lui montrer ; il y
reconnut la vérité , & courut avec empreffement
à la tente du Comte de Y..... après
avoir donné ordre à ceux qui me gardoient
de différer l'exécution jufqu'à fon retour,
Cependant l'heure de me conduire au
fupplice approchoit , le régiment étoit
déja affemblé , & mon lâche Capitaine ,
qui fe douta qu'on travailloit à me fauver ,
éloigna fous divers prétextes , ceux qui me
gardoient , & qui avoient reçu l'ordre de
différer , & me fit auffitôt conduire au lieu
où je devois perdre la vie . Je vis bien alors
qu'il n'y avoit plus de falut à efpérer : on
me banda les yeux ; quels funeftes aprêts ,
& qu'elle horrible fituation ! Tout mon
fang fe retira autour de mon coeur , mon
efprit ne m'offroit plus que des penfées
A vj
12 MERCURE
DE FRANCE
.
confufes , je crus fentir le coup qui devoit
faire fortir mon ame de fa trifte prifon.
Mais un moment après la vue me fut rendue
, & je vis auprès de moi cet officier
qui paroifoit fort en colere du mépris
que l'on avoit fait de fes ordres. Un rayon
d'efpérance coula dans mon fein , & me
rendit la refpiration que j'avois perdue . Je
n'étois pas encore parfaitement revenu à
moi-même , lorfque je me trouvai devant
le Comte de Y... Je me laiffai tomber à fes
genoux , & ne pouvant trouver de langue
ni de voix , je lui préfentai les pieces juftificatives
de ma naiffance , fans en excepter
la lettre de mon pere adreffée au Baron
de W... Il lut le tout avec émotion , &
venant à moi , il m'embraffa en me difant ,
vous êtes le fils de mon frere , je ne puis
en douter , mais je veux que vous foyez le
mien. Oui , mon cher enfant , continuat'il
, en m'obligeant de me relever , vous
ferez la confolation de ma vieilleffe . J'avois
un fils , il feroit de votre âge , vous
lui reffemblez , je croirai le voir en vous
voyant. Vous penfez bien que je lui rendis
fes careffes avec ufure. Je lui jurai un
éternel attachement. Je lui raconta ce
que m'avoit dit mon pere avant que de
mourir , ma douleur , mes craintes , mon
indifférence pour la vie ; il m'apprit que
DECEMBRE. 1755. 13
l'aîné de mes freres étoit mort depuis environ
un mois ; que le Baron de W... étoit
un de fes principaux officiers ; qu'il étoit
d'un efprit bien plus doux. Il n'eft point
actuellement ici , ajouta t'il , mais il y
fera dans quelques jours . Laiffez-moi ménager
votre premiere entrevue . Je veux le
préparer à vous reconnoître. Tout ce que
je vous recommande , c'eft de garder le
fecret fur tout ce qui vient de fe paffer
entre nous.
La premiere marque de bienveillance
que me donna le Comte de Y ... fut de me
faire changer d'habit , il m'en fit donner
de très riches . Jugez quel plaifir pour un
jeune homme de mon age. Je me trouvois
à ravir , & je me figurai avec une vive
émotion de vanité , la furprife de mes
camarades , & particulierement le dépit &
la confufion de mon Capitaine . Il foutint
ma préſence d'un air embaraffé & humilié,
Tous les pas que je faifois , étoient autant
de triomphes. Aucuns des agrémens de
ma nouvelle fituation ne m'échappoient, je
fentois toute l'étendue de mon bonheur.
Ingénieux à faire naître les occafions de
témoigner ma reconnoiffance au Comte
de Y... je paffois auprès de lui les plus gracieux
momens. Chacun raifonnoit diverfement
à mon fujet , chacun faifoit des
14 MERCURE DE FRANCE.
conjectures , mais tous ceux qui nie
voyoient , convenoient que fi je n'étois
pas d'une illuftre naillance, le fort m'avoit
fait une injuftice .
Nous étions en préfence des ennemis ,
& toujours à la veille de combattre. Le
Baron de W... arriva enfin , nous en fumes
avertis , un moment avant qu'il parût. 11
vint rendre fes devoirs au Comte de Y...
qui m'avoit fait mettre dans un endroit
d'où je pouvois tout entendre fans être
vu. Ils étoient feuls . Après qu'ils fe furent
entretenus quelque tems de l'état de l'armée
& de la difpofition des ennemis : il
eft arrivé ici depuis votre départ , dit le
Comte de Y... une hiftoire bien finguliere.
Il lui fit alors , fans nommer les perfonnes
, le récit que je viens de vous faire ,
continua Tumbfirk , voilà , ajouta le Comre
, les papiers que cet infortuné jeune
homme m'a préfentés . Le Baron de W... les
prit & lut ce qu'ils contenoient avec
une furpriſe inexprimable. Le Comte de
Y...fans lui donner le tems de fe remettre,
lui remit la lettre de mon pere : elle étoit
touchante ; auffi ce ne fut point fans répandre
des larmes , qu'il en acheva la lecture.
Ah ! c'en eft trop , dit- il , d'une voix attendrie,
après avoir fini : je chéris trop , ô mon
pere , votre mémoire pour ne pas aimer
DECEMBRE . 1755. 15
ce qui vous a été cher. Milord , permettez-
moi d'embraffer mon frere , & de lui
jurer devant vous une amitié éternelle . Je
jugeai qu'il étoit tems de paroître . Le
voilà qui s'offre à vos defits , lui dit le
Comte de Y... fatisfaites votre jufte empreffement.
Il me regarda un moment
avec attention . Je voulus embraffer fes
genoux , mais il m'en empêcha en me ferrant
entre fes bras. Mon bonheur me fembla
alors affermi d'une façon inébranlable,
hélas ! il devoit auffi peu durer qu'il étoit
inopiné .
Dès le même jour , il vint un bruit que
les ennemis avoient le deffein de nous attaquer.
Cette nouvelle caufa un mouvement
général dans le camp . On fe prépara
pour les recevoir . Le lendemain à la pointe
du jour , le combat s'engagea : il fut
meurtrier de part & d'autre . J'étois auprès
du Comte de Y... un fatal boulet de canon
vint à mes yeux le frapper dans la poitrine,
& le fit tomber roide mort. La chaleur où
j'étois ne m'empêcha pas de fentir toute
l'horreur de cette perte. Je courus vers
mon frere , mais il fembloit que le fort
attendît mon arrivée pour le frapper à la
tête d'une balle qui le fit tomber de deffus
fon cheval. On le tira de la foule , on l'appuya
contre un arbre , il me reconnut ,
16 MERCURE DE FRANCE
me tendit la main , en me difant , adieu ,
mon cher Tumbfirk , j'aurois été votre
appui , le ciel en a difpofé autrement , le
Comte de Y... à mon défaut... Il ne put
en dire davantage. Ses yeux éteints fe fermerent
pour toujours , & fa tête qu'il ne
pouvoir plus foutenir , tomba fur fa poitrine.
Plufieurs de mes amis inftruits de mon
double malheur , m'arracherent d'auprès
de ce lugubre fpectacle.Toute mon occupation
pendant huit jours fut de pleurer
amèrement les pertes que je venois de faire
, fans vouloir recevoir de confolation.
Mais à ce découragement fuccéderent des
inquiétudes fur mon fort. Je ne me voyois
pas plus avancé qu'à mon arrivée dans le
camp. Encouragé par l'épreuve que j'avois
faite du bon naturel de mon oncle & de
mon frere , je pris la réfolution d'aller
trouver ma foeur. Elle demeuroit à Londres
je me fis conduire à fon hôtel. Elle
étoit feule dans fon appartement , je lui
préfentai les preuves de ma naiffance avec
la lettre de mon pere qui lui étoit adreffée ;
je fuis fûr qu'elle alloit me donner des
marques de fa tendreffe , lorfque le Duc
de M... fon époux entra. Elle changea de
couleur en le voyant . Je le remarquai avec
effroi. Il prit les papiers des mains de fon
époufe , & les parcourut avec une furpriſe
DECEMBRE. 1755. 17
mêlée de chagrin. Je félicite Madame , me
dit- il , en affectant unair plus doux , d'avoir
pour frere un auffi aimable cavalier que
vous. L'avantage n'eft pas grand , lui répondis-
je , mais , Monfieur , ajoutai - je ,
en voyant qu'il ferroit mes papiers , permettez-
moi de vous redemander ces pieces,
elles me font néceffaires. Soyez tranquille,
me répondit-il d'un ton railleur , elles font
en fureté , je vous les rendrai , mais il faut
auparavant que je les examine à loifir.
Je compris alors mon imprudence. Je retournai
à mon auberge avec beaucoup d'inquiétude
j'étois fatigué , je me couchai
de fort bonne heure. Mais je fus réveillé
dans mon premier fommeil par un bruit
qui ne me parut pas éloigné. Je prêtai l'oreille
avec émotion , & j'entendis qu'on
vouloit forcer la porte de ma chambre.
Dans le même inftant je vis , à la lueur
d'une lumiere que j'avois laiffée , trois
hommes qui fe jetterent fur moi , m'arracherent
mon épée , me banderent la bouche
d'un mouchoir pour m'empêcher de
crier , me conduifirent à une chaife de
pofte qui me mena à Douvres , où ils me
firent embarquer. Nous fommes defcendus
à Calais , & là , mes conducteurs m'ont
fait reprendre la pofte jufqu'à D... d'où
nous venons de partir.
18 MERCURE DE FRANCE.
fi
Tel fut le récit du malheureux Tumbfick
. Montvilliers trouva quelque foulagement
en fe repréfentant qu'il n'étoit pas
le feul à plaindre. Les vents leur furent
allez favorables , pendant toute la navigation.
Mais comme le vaiffeau qu'ils montoient
étoit lourd , ils en rencontrerent
plufieurs qui les devancerent. Tumbfirk
apprit des matelots qu'on devoit faire eau
à la petite ifle de S ... Une nuit que tout le
monde dormoit , il dit à Montvilliers, vous
fentez- vous le courage de tout rifquer pour
la liberté ? Certainement , répondit-il fans
balancer. Eh bien , reprit Tumbfirk ,
vous voulez me feconder , j'ai formé le
deffein de nous révolter quand nous ferons
arrivés à l'ifle de S... Quelqu'un qui fit du
bruit les obligea de ceffer cette converfation
. L'Anglois trouva cependant le
moyen de communiquer ce deffein à tous
fes compagnons qui l'approuverent . Quelques
jours après , ils apperçurent l'ifle ; à
peine y furent- ils arrivés , qu'ils demanderent
avec empreffement à defcendre pour
fe promener quelques heures , parce qu'ils
fe trouvoient très-mal de l'air de la mer.
Le Capitaine qui ne fe doutoit point de
leur entreprife y confentit. On leur ôta
même leurs chaînes qui les incommodoient
beaucoup , & on fe contenta de
DECEMBRE. 1755. 19
•
leur donner quelques matelots pour les
garder. Quand ils fe virent éloignés da
rivage , Tumbfirk donna un coup d'oeil à
fes compagnons qui l'obfervoient . Ils fe
jetterent tous fur les matelots qu'ils défarmerent
, & qu'ils attacherent à des arbres.
Ils entrerent dans quelques maifons , obligerent
les Infulaires qui y demeuroient de
leur donner quelques armes , & marcherent
en bon ordre vers le vaiffeau , dans
l'efpérance de s'en rendre maîtres : mais le
Capitaine qui avoit été averti de leur révolte
les attendoit à la tête du refte de l'équipage.
Le nombre ni la contenance des
ennemis ne les effraya point . Ils fe précipiterent
comme des furieux , & en tuerent
quelques-uns ; mais il fallut céder au nombre
. Plufieurs d'entr'eux furent bleffés ,
Tumblrk & Montvilliers furent terraffés
& faits prifonniers. On les fépara , & on
les conduifit dans les prifons de l'iffe. Its
crurent qu'ils n'en fortiroient que pour
aller au fupplice . Cette idée ne leur fembla
point fi affreufe. Ils trouverent l'un &
l'autre une espece de douceur en penfant
qu'ils alloient bientôt être délivrés des
maux infupportables qui les accabloient.
Montvilliers s'encourageoit par ces ré-
Alexions , lorfqu'il vit ouvrir la porte du
lieu où il étoit : par une fervente priere
20 MERCURE DE FRANCE.
il recommanda fon ame à celui qui l'avoit
créée. Deux hommes affez bien mis , lui
dirent de les fuivre. Ils le firent paffer par
différentes rues , & le firent à la fin entrer
dans une fort belle maifon. Ils traverserent
plufieurs appartemens bien meublés ,
& parvinrent à une chambre où ils trouverent
un homme pour qui tous les autres
paroiffoient avoir du refpect . Il regarda
Montvilliers avec une extrême attention
, & confidérant enfuite un papier qu'il
tenoit , il parla à ceux qui étoient auprès
de lui , qui parurent convenir de ce qu'il
difoit. D'où êtes- vous , mon ami , dit- il à
Montvilliers , & par quelle aventure vous
trouvez vous avec des gens où vous paroiffez
déplacé Montvilliers raconta briévement
fon hiftoire. Connoiffez - vous cette
écriture , lui demanda le Gouverneur
, en lui préfentant une lettre à fon
adreffe ? O ciel ! s'écria- t'il , que vois- je ?
c'eft M. de Madinville. Il l'ouvrit avec empreffement.
Son ami lui marquoit qu'ayant
appris dès le lendemain , la trifte nouvelle
de fon enlevement, par un domeftique de
fon pere , qui en avoit été témoin , & qui
paroiffoit outré de cette barbarie , il étoit
promptement couru à D... mais que quelque
diligence qu'il eût faite , il avoit trouvé
le vaiffeau parti. Qu'il s'étoit informé
e
DECEMBRE. 1755. 21
avec foin du nom du Capitaine qui le
montoit ; de la forme & de la cargaison
de fon vaiffeau ; qu'étant enfuite allé en
Cour , il avoit obtenu un ordre pour tous
les Gouverneurs des lieux où il pourroit
arrêter , ou aborder , de le relâcher , & de
retenir le Capitaine. Qu'il avoit joint à
cet ordre fon fignalement , avec un court
récit de la façon dont il avoit été pris ;
que fans perdre de tems il étoit enfuite
parti pour aller à Breft , où il avoit trouvé
un vaiffeau marchand , bon voilier , qui
partoit pour le Nouveau Monde ; qu'il lui
avoit donné plufieurs paquets qui tous
renfermoient le même ordre , qu'il lui
avoit expliqué ce qu'ils contenoient , &
qu'il lui avoit fait promettre de les diftribuer
fur la route , après s'être informé s'il
n'étoit pas paffé un vaiffeau de telle & telle
façon , monté par un tel Capitaine .
Je vous dois affurément beaucoup , dit
Montvilliers au Gouverneur : mais il manquera
quelque chofe à mon bonheur , fi
vous ne me rendez un ami qui m'eft plus
cher que je ne puis vous l'exprimer. Il lui
raconta en même tems l'hiftoire de Tumbfirk
; on le fit relâcher auffi -tôt. Le Capitaine
fut conduit dans la prifon qu'ils venoient
de quitter. Le vaiffeau repartit fous
la conduite du Lieutenant. Il ne fut plus
22 MERCURE DE FRANCE.
queſtion ni de rébellion ni de punition .
Les deux amis refterent chez le Gouverneur
pour attendre l'arrivée d'un vaiffeau
qui retournoit en France. Il leur procura
tous les divertiffemens qui pouvoient fe
prendre dans fon ifle pendant le court féjour
qu'ils y firent. Il leur offrit généreufement
de l'argent pour faire leur voyage ,
& ne les vit partir qu'à regret. Ils ont
depuis ce tems entretenu avec lui un commerce
de lettre autant que l'éloignement
peut le permettre , & ils fe font une fête
de le recevoir bientôt avec tous les témoignages
d'affection & de reconnoiffance
que mérite fon procédé.
Après une heureuſe navigation , ils débarquerent
à Breft , & arriverent chez
M. de Madinville à l'heure qu'il s'y attendoit
le moins . Il les reçut avec tranfport
, mais la joye de Mlle d'Arvieux ne
peut être comparée qu'à celle de Montvilliers.
On pria M. & Mdme d'Arvieux
qui pour lors vivoient fort bien avec M.de
Madinville , de venir la partager . La fatisfaction
fut générale . On foupa , & les
'deux voyageurs raconterent à la fin du
repas leurs aventures. Il eft arrivé ici bien
du changement depuis votre départ , dit
M. de Madinville , en s'adreffant à Montvilliers
, quand on fut forti de table. A
ת
C
C
F
DECEMBRE
1755. 23
peine vous fates parti que votre pere ſentit
élever du fond de fon coeur des remords
qui le
pourfuivoient partout. La
compaffion fuccéda à la colere , quand
celle- ci fut fatisfaite. On n'eft point pere
impunément ; le vôtre vous aimoit fans le
fçavoir. Dès qu'il vous eut facrifié à fon
emportement , vous ceffâtes de lui paroître
coupable. La violence de votre paffion
vous excufoit. Votre défeſpoir ſe préfentoit
à toute heure à fon efprit. Il vous
voyoit la nuit pâle & défiguré , vous lui
reprochiez fon inhumanité. D'autre fois ,
profterné à fes pieds , vous lui difiez ,
en verfant un torrent de larmes : Mon
pere , de quoi fuis - je coupable ? quel
crime ai - je commis pour me livrer à
un fort auffi barbare ? Si je vous fuis
odieux , reprenez cette vie que vous m'avez
donnée. Votre frere qui ceffa de fe
contraindre , lui fit connoître fes
cédés fon mauvais caractere. Il jugea qu'il
par proavoit
été capable
d'inventer mille chofes
qui l'avoient irrité contre vous. Je ne
doute point qu'il n'eût pris des mefures
pour vous retirer , mais il étoit continuellement
obfédé par Driancourt qu'il craignoit
alors autant qu'il l'avoit aimé. Enfin
il devint farouche ,
mélancolique ; il ne
cherchoit que la folitude : la vue de fes
24 MERCURE DE FRANCE.
plus intimes amis lui étoit infupportable.
Bientôt il tomba malade ; je fus inftruit
de la cauſe de fa maladie , & la compaffion
m'engagea à le confoler. Je pris le
tems que Driancourt étoit parti pour la
chaffe. Je me fis introduire auprès de lui ;
il me parut extrêmement abbattu , & me
témoigna une fi vive douleur , & un repentir
fi preffant de l'indignité avec laquelle
il vous avoit traité , que je ne
pus m'empêcher de lui communiquer les
mefures que j'avois prifes pour vous ravoir.
Ah ! Monfieur, me dit- il , quand cela
reuffiroit , mon fils pourra- t'il jamais oublier
ma cruauté ? N'en doutez nullement
lui répondis- je . Je connois Montvilliers :
il y a des reffources infinies dans un coeur
tel que le fien. J'ai bien des graces à vous
rendre , reprit- il , du foin que vous avez
bien voulu prendre ; cette efpérance adoucira
mes derniers momens , mais je n'en
mourrai pas moins ; mon jeune fils a creufé
mon tombeau . Il eft affamé de ma fucceffion
, il defire ma mort avec impatience
, il fera fatisfait . Le ciel équitable punit
toujours l'injufte préférence que les
peres ont pour un de leurs enfans au préjudice
des autres par l'indignité de leur
choix. Je voulus l'encourager . Vivez
Monfieur , lui dis- je , vivez pour embraf-
•
fer
DECEMBRE . 1755. 25
pour
fer ce cher fils que vous n'avez jamais vu
qu'à travers le voile de l'impofture. Vivez
pour réparer par votre tendreffe le mal
que vous lui avez fait , pour être témoin
de la joie qu'il aura de vous voir rendre
juftice à fes fentimens . Quel agréable avenir
vous me préfentez , s'écria votre pere
en pleurant ! Non , Monfieur , je ne mérite
pas ces plaifirs. J'ai été cruellement
trompé ; mais mon aveugle affection.
un fils qui n'en étoit pas digne , m'a empêché
de faire le moindre effort pour ne
l'être pas . Il ne me refte que très peu de
tems à vivre , je le fens ; aflurez , je vous
prie , Montvilliers de mes regrets. Grand
Dieu ! que j'aurois de plaifir à l'en aſſurer
moi -même , à le revoir , à l'embraffer ! en
effet , continua M. de Madinville , cet infortuné
vieillard mourut le furlendemain.
Votre frere n'a pas joui long- tems du fruit
de fon crime , il eft mort quinze jours
après d'une fievre maligne , qui couroit
beaucoup alors .
Montvilliers ne put entendre ce récit
fans être touché jufqu'aux larmes ; il plaignit
fon pere , il fe plaignit lui - même .
Pourquoi faut- il qu'il manque toujours
quelque chofe au bonheur le plus parfait ,
difoit-il ? Nous vivrions heureux , je lui
adoucirois par mes foins les infirmités de
1. Vol. B
26 MERCURE DE FRANCE.
la vieilleffe . Quelle fatisfaction pour moi
de le voir revenu de fon erreur , prendre
en ma faveur des fentimens de pere , bénir
le jour qui nous auroit raffemblés , &
dérefter ſon injuſtice !
La cérémonie qui devoit unir Mlle
d'Arvieux & Montvilliers , ne fut retardée
qu'autant qu'il le falloit pour faire les
préparatifs néceffaires : Enfin cet heureux
jour arriva. Tumbfirk prit beaucoup de
part à leur commun bonheur. Il aimoit
fincerement Montvilliers , qui le payant
d'un parfait retour , avoit une extrême
envie de le fixer auprès de lui . Un jour
que Tumbfirk fe promenoit , Montvilliers
fut le joindre : voilà , lui dit ce premier ,
une lettre d'Angleterre qui me confirme
mon malheur . Elle est d'un jeune homme
de mes amis. Il me marque que le Miniftre
de la Paroiffe où je fuis né eft mort ;
que le Duc de M ....a fait fouftraire des
regiftres de cette Paroiffe tout ce qui pouvoit
fervir de preuve à ma naiffance . Puisje
vous demander , lui dit Montvilliers ,
quel parti vous comptez prendre ? Je n'en
vois point d'autre , répondit - il , que de
chercher une mort prompte dans la profeffion
des armes. Vous n'avez pas de bons
yeux , reprit Montvilliers , il vous en refte
encore un autre par lequel vous mettrez
DECEMBRE. 1755. 27
le comble à la félicité d'un homme que
vous aimez & qui le mérite. C'eft , mon
cher Tumbfirk , de vouloir bien partager
avec moi les biens que le ciel m'a donnés ,
ajouta- t-il en l'embraffant . Trop genereux
ami , repartit Tumbfirk , je n'ai garde
d'accepter votre propofition , & d'abuſer
de l'excès de votre generofité ; non , laiffez-
moi en proie à mon malheureux fort ,
& ne croyez point que je puiffe jamais
me réfoudre à vous être à charge. Songez-
vous , Tumbfirk , reprit Montvilliers,
qu'un pareil difcours outrage ma façon de
penfer ? Quel étrange raifonnement ! Vous
craignez , dites- vous , de m'être à charge ,
& vous ne craignez pas de me défefperer
en me raviffant un ami qui m'eft plus cher
que moi -même. Vous trouvez peut - être
humiliant de recevoir des fecours étrangers
; mais penfez-vous que c'eft l'amitié
qui vous les offre , & que loin d'exiger
de la reconnoiffance , c'eft moi qui vous
aurai une obligation éternelle , fi vous me
procurez le plaifir inexprimable de vous
être utile? Si vous m'aimez véritablement,
vous partagerez ce plaifir avec moi, loin de
vouloir m'en priver par une fauffe délicateffe
. Parlez , mon cher ami , rendez - moi
le plus heureux de tous les hommes , fervez-
moi de frere ; mon époufe penfe de
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
la même façon que moi , & fouhaite bien
fincerement vous voir accepter ma propofition
. Tumbfirk ne put réfifter à des
follicitations fi preffantes. Vous l'emportez
fur l'amour propre , s'écria - t - il en
embrallant Montvilliers avec ardeur :
oui , mon cher Montvilliers , je n'ai point
d'armes pour me défendre contre les fentimens
que vous me faites paroître. Vous
me faites bénir mes infortunes . Tous les
avantages que j'aurois pu trouver dans le
monde , valent- ils un ami tel que vous ?
& tous les plaifirs qui fuivent la grandeur
& la fortune , font - ils comparables à
ceux que je goute dans votre commerce?
M. de Madinville qui furvint , après
avoir fait compliment à Montvilliers de fa
victoire , dit en s'adreffant à Tumbfirk , il
ne tient qu'à vous de trouver le bonheur
dans ce féjour champêtre , du moins pouvez
- vous être perfuadé qu'il ne fe trouve
point ailleurs. Il faut d'abord vous figurer
que les paffions font un labyrinthe , où
plus on marche & moins on fe retrouve ;
que les Grands font livrés par état à ces
cruels tyrans. Jouets de l'ambition ,
de la vanité , des folles efpérances , des
yains defirs , de la haine , de l'envie
tous les agrémens de leur fituation leur
échappent. Ils n'ont jamais l'efprit affez
DECEMBRE. 1755. 29
libre pour les fentir . Leur grandeur eftfouvent
un poids qui les accable , & les plus
raifonnables prêts à finir une vie agitće
fans avoir vêcu un inftant , cherchent dans
un féjour champêtre le repos dont vous
pouvez jouir dès aujourd'hui . Les douceurs
de l'amitié , la paix de l'ame , l'étude
de la nature , les charmes variés de la
lecture , voilà les plaifirs que nous vous
offrons. Ils n'ont point de lendemain , &
peuvent fe gouter à toute heure.
Tumbfirk , à qui fes infortunes avoient
donné de la folidité d'efprit plus que l'on
n'en a ordinairement à fon âge , & qui
d'ailleurs avoit un gout décidé pour une vie férieufe
& folitaire
, fentit tous les avantages
de celle qu'on lui offroit. Il s'eft appliqué
aux mathématiques
, & a fait dans cette fcience
des progrès
furprenans
. Montvilliers
l'a forcé d'accepter
une terre
affez confidérable
pour lui donner
les moyens
de vivre avec aifance
, mais à condition
qu'il ne le quitteroit
point.
La maifon de Montvilliers devint bientôt
le rendez- vous de tous les gens d'efprit
& de gout de R ....ils ne font pas en petit
nombre ; ce concours perpétuel le fatigua
ainfi que fon époufe. Ils prirent le parti de
fe former une focieté de perfonnes aimables
, vertueufes & fenfées , qui fçuffent
Biij
30 MERCURE DE FRANCE.
unir aux dons brillans de l'efprit les qualités
folides du coeur. L'amour de la religion
& de l'humanité , voilà ce qui caracterife
les membres de cette focieté refpectable .
On s'affemble deux fois la femaine pour
s'entretenir de matieres utiles & intéreffantes
. La Phyfique , la Morale , les Belles-
Lettres , rempliffent tour à tour la féance.
Ceux qui s'amufent de la Poëfie s'efforcent
de monter leur lyre fur ce ton philofophique
, qui n'eft point ennemi des graces.
Les amis de Montvilliers qui veulent paffer
quelque tems à la campagne , font reçus
chez lui fort agréablement. Sa maiſon
eft grande , commode , & la liberté qui y
regne la rend délicieufe. Chacun peut s'amufer
fuivant fon gout , on n'a point la
fimplicité de s'ennuyer l'un l'autre par politeffe
. Celui - ci prend un livre , & va s'égarer
dans des allées où le foleil ne pénétre
jamais, & s'affied au bord d'un ruiffeau
dont l'onde errante & toujours fraîche ,
fait mille tours dans le bois . Cet autre , la
tête remplie d'un ouvrage qu'il veut mettre
au jour, va fe renfermer dans la bibliothéque.
Celui - là occupé de quelque problême
, court au cabinet de mathématique ;
& l'autre, un microſcope à la main , examine
toutes les parties d'un infecte dont il
vient de faire la découverte . On fe raffem-
1
DECEMBRE. 1755. 31
ble à l'heure des repas,une gaieté douce &
modérée regne à table : on converſe , on
badine fans malignité ; mais nos deux
époux ne fe font pas contentés de ces plaifirs
innocens , ils en trouvent de plus vifs
& de plus nobles dans leur humeur bienfaifante.
Leurs vaffaux font les objets de
leur compaffion & de leurs bienfaits . Toujours
touchés de leur mifere , ils s'occupent
fans ceffe à la foulager. Ils donnent à l'un
de quoi réparer la perte de fes troupeaux ,
à l'autre de quoi nourrir & habiller une
nombreuſe famille ; à celui - ci de quoi paffer
un hyver rigoureux, à celui- là de quoi
payer un créancier inexorable. Ils accordent
leurs différends , font ceffer leurs inimitiés
, établiffent leurs enfans. Ils ont
fait venir un maître & une maîtreffe intelligens
pour inftruire la jeuneffe , & leur
développer les plus importans principes
de morale & de religion . Ils ne dédaignent
point d'aller quelquefois vifiter ces écoles
, & d'y faire naître l'émulation par des
petites liberalités . Ils ont fixé chez eux un
homme habile dans la profeffion de la médecine
pour les fecourir dans leurs maladies.
Enfin ils font actuellement à faire
bâtir un hôpital pour retirer les infirmes &
les vieilles gens hors d'état de travailler .
Voilà en vérité des gens bien aimables
Biv
32 MERCURE DE FRANCE.
& bien heureux , dit le philofophe cabalifte
, quand la Silphide eut fini fon récit.
J'aime fur- tout , continua- t'il , ce dernier
établiſſement, N'est - il pas honteux en effet
pour la focieté, que ceux qui en font le foutien,
qui menent la vie la plus dure & la plus
laborieufe pour procurer aux autres les chofes
néceffaires & agréables , n'ayent pas un
afyle , quand l'âge & les infirmités les ont
mis hors d'état de pourvoir eux - mêmes
à leur fubfiftance ? Ce que vous dites eft
vrai , répondit la Silphide ; les riches ne
font point affez d'attention à cela : mais
la promenade commence à s'éclaircir ; remettons
nos obfervations à un autre jour.
Oromafis y confentit , & la Silphide le
reporta dans fon magnifique jardin , où
nous le laifferons quelque tems avec la
permiffion du Lecteur .
De la Promenade de Province , & des
charmes du Carailere.
'Angleterre eft ma patrie , & mon nom
eft Tumbfirk. Mon pere qui s'appelloit
Milord K..... devenu veuf & mécontent
de la Cour , fe retira dans fes terres
qui font dans le Comté de Devonshire .
A iv
8 MERCURE DE FRANCE.
Ce fut là qu'il devint amouteux de la fille
d'un fimple Gentilhomme réduit à la derniere
néceffité. Elle étoit belle. Si fa mifere
le toucha , fa vertu excita fon admiration.
Il prit le parti de l'époufer , avec
toutes les formalités néceffaires , mais le
plus fecrettement qu'il lui fut poffible ,
parce qu'il craignoit les enfans de fon premier
lit , qui étoient au nombre de trois.
Je fuis le feul fruit de ce mariage , ma
mere étant morte en me mettant au monde.
Mon enfance n'a rien eu d'extraordinaire.
J'ai été élevé dans un college jufqu'à
l'âge de feize ans. J'allois fouvent
voir Milord K.... que je regardois comme
un ami qui vouloit bien prendre foin de
moi , du refte j'ignorois à qui je devois la
naiffance.
Je fus furpris un jour de ce qu'on vint
me chercher de fa part avec précipitation.
J'arrivai , & je le trouvai à l'extrêmité . Il
fit fortir tout le monde de fa chambre , &
m'ayant fait approcher de fon lit , je me
meurs , me dit- il , d'une voix foible ; mais
écontez bien ce que je vais vous dire. Vous
êtes mon fils . Voici , ajoûta- t'il , en me
préfentant des papiers , les pieces qui le
juftifieront. Vous avez des freres puiffans
qui refuferont peut - être de vous reconnoître.
Défiez- vous furtout de votre aîné , &
DECEMBRE 1755. 9
agiffez - en avec lui comme avec un homme
de qui vous avez tout à craindre. Voici
pour le Baron de W... le plus jeune de vos
freres , une lettre qui pourra l'attendrir
en votre faveur. En voilà une autre pour
votre foeur qui eft mariée au Duc de M...
Embraffez- moi , mon fils , pourfuivit - il ,
en s'attendriffant ; puiffe le ciel , protecteur
de l'innocence , vous tenir lieu de
pere ! Je reçus fa bénédiction , en pleurant
amerement , il mourut une heure après
entre mes bras. Sa perte me caufa une vive
douleur , je l'aimois véritablement , & la
confidération de l'état où il me laiſſoit , ne
fervit pas à me confoler. Je n'avois du
côté de ma mere que des parens éloignés ,
que je ne connoiffois point. Je me regardai
comme un homme ifolé , qui ne tenoit
à rien , & qui avoit tout à craindre.
Mourir, c'eft un fort inévitable , me disje
, il faudra toujours en venir - là , après
avoir effuyé bien des traverfes , je puis me
les épargner en finiffant ma trifte vie ,
mais je veux que ma mort foit utile à ma
patrie ; c'eft au milieu des hafards que je
dois la chercher . Nous étions alors en
guerre avec la France , je m'engageai dans
un vieux corps de cavalerie , bien réfolu
de vendre cherement ma vie. Je me rendis
au lieu où l'armée étoit allemblée : j'avois
Av
10 MERCURE DE FRANCE.
toujours dans mon porte-feuille les papiers
que mon pere m'avoit donnés. A peine
fus-je arrivé que j'appris que l'officier qui
commandoit étoit le Comte de Y..... frere
unique de feu mon pere. Je ne l'avois jamais
vu parce qu'ils étoient mal enſemble
depuis longtems ; cela ne me donna aucune
envie de lui découvrir mon fecret.
Cependant le Capitaine de la compagnie
où j'étois enrôlé , étoit un homme
violent , emporté , brutal & généralement
haï j'avoue que je ne cédois à perfonne
ma part de cette averfion . Il me rencontra
un jour avec quelques officiers qu'il
n'aimoit pas. Il voulut me dire quelque
chofe , fa vue feule étoit capable de m'émouvoir
, je lui répondis avec hauteur. Il
fe mit en devoir de punir ma témérité
quelques coups de plat d'épée : voyons ,
lui dis - je , en tirant la mienne , fi tu as autant
de coeur que de brutalité. Je le pouſſai
vivement , mais on nous fepara. Mon crime
étoit irrémiffible ; auffi fus - je condammé
à avoir la tête caffée dès le même jour.
par
Quelque indifférence que j'euffe pour
la vie , je ne pus me défendre d'un violent
friffonnement , en fongeant que je navois
plus que quelques heures à vivre. Une
reffource me reftoit , c'étoit de me faire
connoître au Comte de Y... Mais comment
1
DECEMBRE. 1755 . II
y parvenir. A qui m'adreffer ? Plufieurs de
mes amis vinrent pour me voir , mais on
ne voulut pas leur permettre de me parler.
Un officier de confidération qui m'aimoit ,
demanda cette grace , qu'on ne put pas lui
refufer. Le ciel , lui dis - je , en l'appercevant
, vous envoie fans doute ici pour me
fauver la vie , mais il n'y a point de tems
à perdre. Je fuis le neveu du Comte de Y...
j'ai fur moi de quoi le prouver : l'officier
ne pouvant fe figurer que cela fût vrai ,
demanda à voir mes papiers , je ne fis aucune
difficulté de les lui montrer ; il y
reconnut la vérité , & courut avec empreffement
à la tente du Comte de Y..... après
avoir donné ordre à ceux qui me gardoient
de différer l'exécution jufqu'à fon retour,
Cependant l'heure de me conduire au
fupplice approchoit , le régiment étoit
déja affemblé , & mon lâche Capitaine ,
qui fe douta qu'on travailloit à me fauver ,
éloigna fous divers prétextes , ceux qui me
gardoient , & qui avoient reçu l'ordre de
différer , & me fit auffitôt conduire au lieu
où je devois perdre la vie . Je vis bien alors
qu'il n'y avoit plus de falut à efpérer : on
me banda les yeux ; quels funeftes aprêts ,
& qu'elle horrible fituation ! Tout mon
fang fe retira autour de mon coeur , mon
efprit ne m'offroit plus que des penfées
A vj
12 MERCURE
DE FRANCE
.
confufes , je crus fentir le coup qui devoit
faire fortir mon ame de fa trifte prifon.
Mais un moment après la vue me fut rendue
, & je vis auprès de moi cet officier
qui paroifoit fort en colere du mépris
que l'on avoit fait de fes ordres. Un rayon
d'efpérance coula dans mon fein , & me
rendit la refpiration que j'avois perdue . Je
n'étois pas encore parfaitement revenu à
moi-même , lorfque je me trouvai devant
le Comte de Y... Je me laiffai tomber à fes
genoux , & ne pouvant trouver de langue
ni de voix , je lui préfentai les pieces juftificatives
de ma naiffance , fans en excepter
la lettre de mon pere adreffée au Baron
de W... Il lut le tout avec émotion , &
venant à moi , il m'embraffa en me difant ,
vous êtes le fils de mon frere , je ne puis
en douter , mais je veux que vous foyez le
mien. Oui , mon cher enfant , continuat'il
, en m'obligeant de me relever , vous
ferez la confolation de ma vieilleffe . J'avois
un fils , il feroit de votre âge , vous
lui reffemblez , je croirai le voir en vous
voyant. Vous penfez bien que je lui rendis
fes careffes avec ufure. Je lui jurai un
éternel attachement. Je lui raconta ce
que m'avoit dit mon pere avant que de
mourir , ma douleur , mes craintes , mon
indifférence pour la vie ; il m'apprit que
DECEMBRE. 1755. 13
l'aîné de mes freres étoit mort depuis environ
un mois ; que le Baron de W... étoit
un de fes principaux officiers ; qu'il étoit
d'un efprit bien plus doux. Il n'eft point
actuellement ici , ajouta t'il , mais il y
fera dans quelques jours . Laiffez-moi ménager
votre premiere entrevue . Je veux le
préparer à vous reconnoître. Tout ce que
je vous recommande , c'eft de garder le
fecret fur tout ce qui vient de fe paffer
entre nous.
La premiere marque de bienveillance
que me donna le Comte de Y ... fut de me
faire changer d'habit , il m'en fit donner
de très riches . Jugez quel plaifir pour un
jeune homme de mon age. Je me trouvois
à ravir , & je me figurai avec une vive
émotion de vanité , la furprife de mes
camarades , & particulierement le dépit &
la confufion de mon Capitaine . Il foutint
ma préſence d'un air embaraffé & humilié,
Tous les pas que je faifois , étoient autant
de triomphes. Aucuns des agrémens de
ma nouvelle fituation ne m'échappoient, je
fentois toute l'étendue de mon bonheur.
Ingénieux à faire naître les occafions de
témoigner ma reconnoiffance au Comte
de Y... je paffois auprès de lui les plus gracieux
momens. Chacun raifonnoit diverfement
à mon fujet , chacun faifoit des
14 MERCURE DE FRANCE.
conjectures , mais tous ceux qui nie
voyoient , convenoient que fi je n'étois
pas d'une illuftre naillance, le fort m'avoit
fait une injuftice .
Nous étions en préfence des ennemis ,
& toujours à la veille de combattre. Le
Baron de W... arriva enfin , nous en fumes
avertis , un moment avant qu'il parût. 11
vint rendre fes devoirs au Comte de Y...
qui m'avoit fait mettre dans un endroit
d'où je pouvois tout entendre fans être
vu. Ils étoient feuls . Après qu'ils fe furent
entretenus quelque tems de l'état de l'armée
& de la difpofition des ennemis : il
eft arrivé ici depuis votre départ , dit le
Comte de Y... une hiftoire bien finguliere.
Il lui fit alors , fans nommer les perfonnes
, le récit que je viens de vous faire ,
continua Tumbfirk , voilà , ajouta le Comre
, les papiers que cet infortuné jeune
homme m'a préfentés . Le Baron de W... les
prit & lut ce qu'ils contenoient avec
une furpriſe inexprimable. Le Comte de
Y...fans lui donner le tems de fe remettre,
lui remit la lettre de mon pere : elle étoit
touchante ; auffi ce ne fut point fans répandre
des larmes , qu'il en acheva la lecture.
Ah ! c'en eft trop , dit- il , d'une voix attendrie,
après avoir fini : je chéris trop , ô mon
pere , votre mémoire pour ne pas aimer
DECEMBRE . 1755. 15
ce qui vous a été cher. Milord , permettez-
moi d'embraffer mon frere , & de lui
jurer devant vous une amitié éternelle . Je
jugeai qu'il étoit tems de paroître . Le
voilà qui s'offre à vos defits , lui dit le
Comte de Y... fatisfaites votre jufte empreffement.
Il me regarda un moment
avec attention . Je voulus embraffer fes
genoux , mais il m'en empêcha en me ferrant
entre fes bras. Mon bonheur me fembla
alors affermi d'une façon inébranlable,
hélas ! il devoit auffi peu durer qu'il étoit
inopiné .
Dès le même jour , il vint un bruit que
les ennemis avoient le deffein de nous attaquer.
Cette nouvelle caufa un mouvement
général dans le camp . On fe prépara
pour les recevoir . Le lendemain à la pointe
du jour , le combat s'engagea : il fut
meurtrier de part & d'autre . J'étois auprès
du Comte de Y... un fatal boulet de canon
vint à mes yeux le frapper dans la poitrine,
& le fit tomber roide mort. La chaleur où
j'étois ne m'empêcha pas de fentir toute
l'horreur de cette perte. Je courus vers
mon frere , mais il fembloit que le fort
attendît mon arrivée pour le frapper à la
tête d'une balle qui le fit tomber de deffus
fon cheval. On le tira de la foule , on l'appuya
contre un arbre , il me reconnut ,
16 MERCURE DE FRANCE
me tendit la main , en me difant , adieu ,
mon cher Tumbfirk , j'aurois été votre
appui , le ciel en a difpofé autrement , le
Comte de Y... à mon défaut... Il ne put
en dire davantage. Ses yeux éteints fe fermerent
pour toujours , & fa tête qu'il ne
pouvoir plus foutenir , tomba fur fa poitrine.
Plufieurs de mes amis inftruits de mon
double malheur , m'arracherent d'auprès
de ce lugubre fpectacle.Toute mon occupation
pendant huit jours fut de pleurer
amèrement les pertes que je venois de faire
, fans vouloir recevoir de confolation.
Mais à ce découragement fuccéderent des
inquiétudes fur mon fort. Je ne me voyois
pas plus avancé qu'à mon arrivée dans le
camp. Encouragé par l'épreuve que j'avois
faite du bon naturel de mon oncle & de
mon frere , je pris la réfolution d'aller
trouver ma foeur. Elle demeuroit à Londres
je me fis conduire à fon hôtel. Elle
étoit feule dans fon appartement , je lui
préfentai les preuves de ma naiffance avec
la lettre de mon pere qui lui étoit adreffée ;
je fuis fûr qu'elle alloit me donner des
marques de fa tendreffe , lorfque le Duc
de M... fon époux entra. Elle changea de
couleur en le voyant . Je le remarquai avec
effroi. Il prit les papiers des mains de fon
époufe , & les parcourut avec une furpriſe
DECEMBRE. 1755. 17
mêlée de chagrin. Je félicite Madame , me
dit- il , en affectant unair plus doux , d'avoir
pour frere un auffi aimable cavalier que
vous. L'avantage n'eft pas grand , lui répondis-
je , mais , Monfieur , ajoutai - je ,
en voyant qu'il ferroit mes papiers , permettez-
moi de vous redemander ces pieces,
elles me font néceffaires. Soyez tranquille,
me répondit-il d'un ton railleur , elles font
en fureté , je vous les rendrai , mais il faut
auparavant que je les examine à loifir.
Je compris alors mon imprudence. Je retournai
à mon auberge avec beaucoup d'inquiétude
j'étois fatigué , je me couchai
de fort bonne heure. Mais je fus réveillé
dans mon premier fommeil par un bruit
qui ne me parut pas éloigné. Je prêtai l'oreille
avec émotion , & j'entendis qu'on
vouloit forcer la porte de ma chambre.
Dans le même inftant je vis , à la lueur
d'une lumiere que j'avois laiffée , trois
hommes qui fe jetterent fur moi , m'arracherent
mon épée , me banderent la bouche
d'un mouchoir pour m'empêcher de
crier , me conduifirent à une chaife de
pofte qui me mena à Douvres , où ils me
firent embarquer. Nous fommes defcendus
à Calais , & là , mes conducteurs m'ont
fait reprendre la pofte jufqu'à D... d'où
nous venons de partir.
18 MERCURE DE FRANCE.
fi
Tel fut le récit du malheureux Tumbfick
. Montvilliers trouva quelque foulagement
en fe repréfentant qu'il n'étoit pas
le feul à plaindre. Les vents leur furent
allez favorables , pendant toute la navigation.
Mais comme le vaiffeau qu'ils montoient
étoit lourd , ils en rencontrerent
plufieurs qui les devancerent. Tumbfirk
apprit des matelots qu'on devoit faire eau
à la petite ifle de S ... Une nuit que tout le
monde dormoit , il dit à Montvilliers, vous
fentez- vous le courage de tout rifquer pour
la liberté ? Certainement , répondit-il fans
balancer. Eh bien , reprit Tumbfirk ,
vous voulez me feconder , j'ai formé le
deffein de nous révolter quand nous ferons
arrivés à l'ifle de S... Quelqu'un qui fit du
bruit les obligea de ceffer cette converfation
. L'Anglois trouva cependant le
moyen de communiquer ce deffein à tous
fes compagnons qui l'approuverent . Quelques
jours après , ils apperçurent l'ifle ; à
peine y furent- ils arrivés , qu'ils demanderent
avec empreffement à defcendre pour
fe promener quelques heures , parce qu'ils
fe trouvoient très-mal de l'air de la mer.
Le Capitaine qui ne fe doutoit point de
leur entreprife y confentit. On leur ôta
même leurs chaînes qui les incommodoient
beaucoup , & on fe contenta de
DECEMBRE. 1755. 19
•
leur donner quelques matelots pour les
garder. Quand ils fe virent éloignés da
rivage , Tumbfirk donna un coup d'oeil à
fes compagnons qui l'obfervoient . Ils fe
jetterent tous fur les matelots qu'ils défarmerent
, & qu'ils attacherent à des arbres.
Ils entrerent dans quelques maifons , obligerent
les Infulaires qui y demeuroient de
leur donner quelques armes , & marcherent
en bon ordre vers le vaiffeau , dans
l'efpérance de s'en rendre maîtres : mais le
Capitaine qui avoit été averti de leur révolte
les attendoit à la tête du refte de l'équipage.
Le nombre ni la contenance des
ennemis ne les effraya point . Ils fe précipiterent
comme des furieux , & en tuerent
quelques-uns ; mais il fallut céder au nombre
. Plufieurs d'entr'eux furent bleffés ,
Tumblrk & Montvilliers furent terraffés
& faits prifonniers. On les fépara , & on
les conduifit dans les prifons de l'iffe. Its
crurent qu'ils n'en fortiroient que pour
aller au fupplice . Cette idée ne leur fembla
point fi affreufe. Ils trouverent l'un &
l'autre une espece de douceur en penfant
qu'ils alloient bientôt être délivrés des
maux infupportables qui les accabloient.
Montvilliers s'encourageoit par ces ré-
Alexions , lorfqu'il vit ouvrir la porte du
lieu où il étoit : par une fervente priere
20 MERCURE DE FRANCE.
il recommanda fon ame à celui qui l'avoit
créée. Deux hommes affez bien mis , lui
dirent de les fuivre. Ils le firent paffer par
différentes rues , & le firent à la fin entrer
dans une fort belle maifon. Ils traverserent
plufieurs appartemens bien meublés ,
& parvinrent à une chambre où ils trouverent
un homme pour qui tous les autres
paroiffoient avoir du refpect . Il regarda
Montvilliers avec une extrême attention
, & confidérant enfuite un papier qu'il
tenoit , il parla à ceux qui étoient auprès
de lui , qui parurent convenir de ce qu'il
difoit. D'où êtes- vous , mon ami , dit- il à
Montvilliers , & par quelle aventure vous
trouvez vous avec des gens où vous paroiffez
déplacé Montvilliers raconta briévement
fon hiftoire. Connoiffez - vous cette
écriture , lui demanda le Gouverneur
, en lui préfentant une lettre à fon
adreffe ? O ciel ! s'écria- t'il , que vois- je ?
c'eft M. de Madinville. Il l'ouvrit avec empreffement.
Son ami lui marquoit qu'ayant
appris dès le lendemain , la trifte nouvelle
de fon enlevement, par un domeftique de
fon pere , qui en avoit été témoin , & qui
paroiffoit outré de cette barbarie , il étoit
promptement couru à D... mais que quelque
diligence qu'il eût faite , il avoit trouvé
le vaiffeau parti. Qu'il s'étoit informé
e
DECEMBRE. 1755. 21
avec foin du nom du Capitaine qui le
montoit ; de la forme & de la cargaison
de fon vaiffeau ; qu'étant enfuite allé en
Cour , il avoit obtenu un ordre pour tous
les Gouverneurs des lieux où il pourroit
arrêter , ou aborder , de le relâcher , & de
retenir le Capitaine. Qu'il avoit joint à
cet ordre fon fignalement , avec un court
récit de la façon dont il avoit été pris ;
que fans perdre de tems il étoit enfuite
parti pour aller à Breft , où il avoit trouvé
un vaiffeau marchand , bon voilier , qui
partoit pour le Nouveau Monde ; qu'il lui
avoit donné plufieurs paquets qui tous
renfermoient le même ordre , qu'il lui
avoit expliqué ce qu'ils contenoient , &
qu'il lui avoit fait promettre de les diftribuer
fur la route , après s'être informé s'il
n'étoit pas paffé un vaiffeau de telle & telle
façon , monté par un tel Capitaine .
Je vous dois affurément beaucoup , dit
Montvilliers au Gouverneur : mais il manquera
quelque chofe à mon bonheur , fi
vous ne me rendez un ami qui m'eft plus
cher que je ne puis vous l'exprimer. Il lui
raconta en même tems l'hiftoire de Tumbfirk
; on le fit relâcher auffi -tôt. Le Capitaine
fut conduit dans la prifon qu'ils venoient
de quitter. Le vaiffeau repartit fous
la conduite du Lieutenant. Il ne fut plus
22 MERCURE DE FRANCE.
queſtion ni de rébellion ni de punition .
Les deux amis refterent chez le Gouverneur
pour attendre l'arrivée d'un vaiffeau
qui retournoit en France. Il leur procura
tous les divertiffemens qui pouvoient fe
prendre dans fon ifle pendant le court féjour
qu'ils y firent. Il leur offrit généreufement
de l'argent pour faire leur voyage ,
& ne les vit partir qu'à regret. Ils ont
depuis ce tems entretenu avec lui un commerce
de lettre autant que l'éloignement
peut le permettre , & ils fe font une fête
de le recevoir bientôt avec tous les témoignages
d'affection & de reconnoiffance
que mérite fon procédé.
Après une heureuſe navigation , ils débarquerent
à Breft , & arriverent chez
M. de Madinville à l'heure qu'il s'y attendoit
le moins . Il les reçut avec tranfport
, mais la joye de Mlle d'Arvieux ne
peut être comparée qu'à celle de Montvilliers.
On pria M. & Mdme d'Arvieux
qui pour lors vivoient fort bien avec M.de
Madinville , de venir la partager . La fatisfaction
fut générale . On foupa , & les
'deux voyageurs raconterent à la fin du
repas leurs aventures. Il eft arrivé ici bien
du changement depuis votre départ , dit
M. de Madinville , en s'adreffant à Montvilliers
, quand on fut forti de table. A
ת
C
C
F
DECEMBRE
1755. 23
peine vous fates parti que votre pere ſentit
élever du fond de fon coeur des remords
qui le
pourfuivoient partout. La
compaffion fuccéda à la colere , quand
celle- ci fut fatisfaite. On n'eft point pere
impunément ; le vôtre vous aimoit fans le
fçavoir. Dès qu'il vous eut facrifié à fon
emportement , vous ceffâtes de lui paroître
coupable. La violence de votre paffion
vous excufoit. Votre défeſpoir ſe préfentoit
à toute heure à fon efprit. Il vous
voyoit la nuit pâle & défiguré , vous lui
reprochiez fon inhumanité. D'autre fois ,
profterné à fes pieds , vous lui difiez ,
en verfant un torrent de larmes : Mon
pere , de quoi fuis - je coupable ? quel
crime ai - je commis pour me livrer à
un fort auffi barbare ? Si je vous fuis
odieux , reprenez cette vie que vous m'avez
donnée. Votre frere qui ceffa de fe
contraindre , lui fit connoître fes
cédés fon mauvais caractere. Il jugea qu'il
par proavoit
été capable
d'inventer mille chofes
qui l'avoient irrité contre vous. Je ne
doute point qu'il n'eût pris des mefures
pour vous retirer , mais il étoit continuellement
obfédé par Driancourt qu'il craignoit
alors autant qu'il l'avoit aimé. Enfin
il devint farouche ,
mélancolique ; il ne
cherchoit que la folitude : la vue de fes
24 MERCURE DE FRANCE.
plus intimes amis lui étoit infupportable.
Bientôt il tomba malade ; je fus inftruit
de la cauſe de fa maladie , & la compaffion
m'engagea à le confoler. Je pris le
tems que Driancourt étoit parti pour la
chaffe. Je me fis introduire auprès de lui ;
il me parut extrêmement abbattu , & me
témoigna une fi vive douleur , & un repentir
fi preffant de l'indignité avec laquelle
il vous avoit traité , que je ne
pus m'empêcher de lui communiquer les
mefures que j'avois prifes pour vous ravoir.
Ah ! Monfieur, me dit- il , quand cela
reuffiroit , mon fils pourra- t'il jamais oublier
ma cruauté ? N'en doutez nullement
lui répondis- je . Je connois Montvilliers :
il y a des reffources infinies dans un coeur
tel que le fien. J'ai bien des graces à vous
rendre , reprit- il , du foin que vous avez
bien voulu prendre ; cette efpérance adoucira
mes derniers momens , mais je n'en
mourrai pas moins ; mon jeune fils a creufé
mon tombeau . Il eft affamé de ma fucceffion
, il defire ma mort avec impatience
, il fera fatisfait . Le ciel équitable punit
toujours l'injufte préférence que les
peres ont pour un de leurs enfans au préjudice
des autres par l'indignité de leur
choix. Je voulus l'encourager . Vivez
Monfieur , lui dis- je , vivez pour embraf-
•
fer
DECEMBRE . 1755. 25
pour
fer ce cher fils que vous n'avez jamais vu
qu'à travers le voile de l'impofture. Vivez
pour réparer par votre tendreffe le mal
que vous lui avez fait , pour être témoin
de la joie qu'il aura de vous voir rendre
juftice à fes fentimens . Quel agréable avenir
vous me préfentez , s'écria votre pere
en pleurant ! Non , Monfieur , je ne mérite
pas ces plaifirs. J'ai été cruellement
trompé ; mais mon aveugle affection.
un fils qui n'en étoit pas digne , m'a empêché
de faire le moindre effort pour ne
l'être pas . Il ne me refte que très peu de
tems à vivre , je le fens ; aflurez , je vous
prie , Montvilliers de mes regrets. Grand
Dieu ! que j'aurois de plaifir à l'en aſſurer
moi -même , à le revoir , à l'embraffer ! en
effet , continua M. de Madinville , cet infortuné
vieillard mourut le furlendemain.
Votre frere n'a pas joui long- tems du fruit
de fon crime , il eft mort quinze jours
après d'une fievre maligne , qui couroit
beaucoup alors .
Montvilliers ne put entendre ce récit
fans être touché jufqu'aux larmes ; il plaignit
fon pere , il fe plaignit lui - même .
Pourquoi faut- il qu'il manque toujours
quelque chofe au bonheur le plus parfait ,
difoit-il ? Nous vivrions heureux , je lui
adoucirois par mes foins les infirmités de
1. Vol. B
26 MERCURE DE FRANCE.
la vieilleffe . Quelle fatisfaction pour moi
de le voir revenu de fon erreur , prendre
en ma faveur des fentimens de pere , bénir
le jour qui nous auroit raffemblés , &
dérefter ſon injuſtice !
La cérémonie qui devoit unir Mlle
d'Arvieux & Montvilliers , ne fut retardée
qu'autant qu'il le falloit pour faire les
préparatifs néceffaires : Enfin cet heureux
jour arriva. Tumbfirk prit beaucoup de
part à leur commun bonheur. Il aimoit
fincerement Montvilliers , qui le payant
d'un parfait retour , avoit une extrême
envie de le fixer auprès de lui . Un jour
que Tumbfirk fe promenoit , Montvilliers
fut le joindre : voilà , lui dit ce premier ,
une lettre d'Angleterre qui me confirme
mon malheur . Elle est d'un jeune homme
de mes amis. Il me marque que le Miniftre
de la Paroiffe où je fuis né eft mort ;
que le Duc de M ....a fait fouftraire des
regiftres de cette Paroiffe tout ce qui pouvoit
fervir de preuve à ma naiffance . Puisje
vous demander , lui dit Montvilliers ,
quel parti vous comptez prendre ? Je n'en
vois point d'autre , répondit - il , que de
chercher une mort prompte dans la profeffion
des armes. Vous n'avez pas de bons
yeux , reprit Montvilliers , il vous en refte
encore un autre par lequel vous mettrez
DECEMBRE. 1755. 27
le comble à la félicité d'un homme que
vous aimez & qui le mérite. C'eft , mon
cher Tumbfirk , de vouloir bien partager
avec moi les biens que le ciel m'a donnés ,
ajouta- t-il en l'embraffant . Trop genereux
ami , repartit Tumbfirk , je n'ai garde
d'accepter votre propofition , & d'abuſer
de l'excès de votre generofité ; non , laiffez-
moi en proie à mon malheureux fort ,
& ne croyez point que je puiffe jamais
me réfoudre à vous être à charge. Songez-
vous , Tumbfirk , reprit Montvilliers,
qu'un pareil difcours outrage ma façon de
penfer ? Quel étrange raifonnement ! Vous
craignez , dites- vous , de m'être à charge ,
& vous ne craignez pas de me défefperer
en me raviffant un ami qui m'eft plus cher
que moi -même. Vous trouvez peut - être
humiliant de recevoir des fecours étrangers
; mais penfez-vous que c'eft l'amitié
qui vous les offre , & que loin d'exiger
de la reconnoiffance , c'eft moi qui vous
aurai une obligation éternelle , fi vous me
procurez le plaifir inexprimable de vous
être utile? Si vous m'aimez véritablement,
vous partagerez ce plaifir avec moi, loin de
vouloir m'en priver par une fauffe délicateffe
. Parlez , mon cher ami , rendez - moi
le plus heureux de tous les hommes , fervez-
moi de frere ; mon époufe penfe de
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
la même façon que moi , & fouhaite bien
fincerement vous voir accepter ma propofition
. Tumbfirk ne put réfifter à des
follicitations fi preffantes. Vous l'emportez
fur l'amour propre , s'écria - t - il en
embrallant Montvilliers avec ardeur :
oui , mon cher Montvilliers , je n'ai point
d'armes pour me défendre contre les fentimens
que vous me faites paroître. Vous
me faites bénir mes infortunes . Tous les
avantages que j'aurois pu trouver dans le
monde , valent- ils un ami tel que vous ?
& tous les plaifirs qui fuivent la grandeur
& la fortune , font - ils comparables à
ceux que je goute dans votre commerce?
M. de Madinville qui furvint , après
avoir fait compliment à Montvilliers de fa
victoire , dit en s'adreffant à Tumbfirk , il
ne tient qu'à vous de trouver le bonheur
dans ce féjour champêtre , du moins pouvez
- vous être perfuadé qu'il ne fe trouve
point ailleurs. Il faut d'abord vous figurer
que les paffions font un labyrinthe , où
plus on marche & moins on fe retrouve ;
que les Grands font livrés par état à ces
cruels tyrans. Jouets de l'ambition ,
de la vanité , des folles efpérances , des
yains defirs , de la haine , de l'envie
tous les agrémens de leur fituation leur
échappent. Ils n'ont jamais l'efprit affez
DECEMBRE. 1755. 29
libre pour les fentir . Leur grandeur eftfouvent
un poids qui les accable , & les plus
raifonnables prêts à finir une vie agitće
fans avoir vêcu un inftant , cherchent dans
un féjour champêtre le repos dont vous
pouvez jouir dès aujourd'hui . Les douceurs
de l'amitié , la paix de l'ame , l'étude
de la nature , les charmes variés de la
lecture , voilà les plaifirs que nous vous
offrons. Ils n'ont point de lendemain , &
peuvent fe gouter à toute heure.
Tumbfirk , à qui fes infortunes avoient
donné de la folidité d'efprit plus que l'on
n'en a ordinairement à fon âge , & qui
d'ailleurs avoit un gout décidé pour une vie férieufe
& folitaire
, fentit tous les avantages
de celle qu'on lui offroit. Il s'eft appliqué
aux mathématiques
, & a fait dans cette fcience
des progrès
furprenans
. Montvilliers
l'a forcé d'accepter
une terre
affez confidérable
pour lui donner
les moyens
de vivre avec aifance
, mais à condition
qu'il ne le quitteroit
point.
La maifon de Montvilliers devint bientôt
le rendez- vous de tous les gens d'efprit
& de gout de R ....ils ne font pas en petit
nombre ; ce concours perpétuel le fatigua
ainfi que fon époufe. Ils prirent le parti de
fe former une focieté de perfonnes aimables
, vertueufes & fenfées , qui fçuffent
Biij
30 MERCURE DE FRANCE.
unir aux dons brillans de l'efprit les qualités
folides du coeur. L'amour de la religion
& de l'humanité , voilà ce qui caracterife
les membres de cette focieté refpectable .
On s'affemble deux fois la femaine pour
s'entretenir de matieres utiles & intéreffantes
. La Phyfique , la Morale , les Belles-
Lettres , rempliffent tour à tour la féance.
Ceux qui s'amufent de la Poëfie s'efforcent
de monter leur lyre fur ce ton philofophique
, qui n'eft point ennemi des graces.
Les amis de Montvilliers qui veulent paffer
quelque tems à la campagne , font reçus
chez lui fort agréablement. Sa maiſon
eft grande , commode , & la liberté qui y
regne la rend délicieufe. Chacun peut s'amufer
fuivant fon gout , on n'a point la
fimplicité de s'ennuyer l'un l'autre par politeffe
. Celui - ci prend un livre , & va s'égarer
dans des allées où le foleil ne pénétre
jamais, & s'affied au bord d'un ruiffeau
dont l'onde errante & toujours fraîche ,
fait mille tours dans le bois . Cet autre , la
tête remplie d'un ouvrage qu'il veut mettre
au jour, va fe renfermer dans la bibliothéque.
Celui - là occupé de quelque problême
, court au cabinet de mathématique ;
& l'autre, un microſcope à la main , examine
toutes les parties d'un infecte dont il
vient de faire la découverte . On fe raffem-
1
DECEMBRE. 1755. 31
ble à l'heure des repas,une gaieté douce &
modérée regne à table : on converſe , on
badine fans malignité ; mais nos deux
époux ne fe font pas contentés de ces plaifirs
innocens , ils en trouvent de plus vifs
& de plus nobles dans leur humeur bienfaifante.
Leurs vaffaux font les objets de
leur compaffion & de leurs bienfaits . Toujours
touchés de leur mifere , ils s'occupent
fans ceffe à la foulager. Ils donnent à l'un
de quoi réparer la perte de fes troupeaux ,
à l'autre de quoi nourrir & habiller une
nombreuſe famille ; à celui - ci de quoi paffer
un hyver rigoureux, à celui- là de quoi
payer un créancier inexorable. Ils accordent
leurs différends , font ceffer leurs inimitiés
, établiffent leurs enfans. Ils ont
fait venir un maître & une maîtreffe intelligens
pour inftruire la jeuneffe , & leur
développer les plus importans principes
de morale & de religion . Ils ne dédaignent
point d'aller quelquefois vifiter ces écoles
, & d'y faire naître l'émulation par des
petites liberalités . Ils ont fixé chez eux un
homme habile dans la profeffion de la médecine
pour les fecourir dans leurs maladies.
Enfin ils font actuellement à faire
bâtir un hôpital pour retirer les infirmes &
les vieilles gens hors d'état de travailler .
Voilà en vérité des gens bien aimables
Biv
32 MERCURE DE FRANCE.
& bien heureux , dit le philofophe cabalifte
, quand la Silphide eut fini fon récit.
J'aime fur- tout , continua- t'il , ce dernier
établiſſement, N'est - il pas honteux en effet
pour la focieté, que ceux qui en font le foutien,
qui menent la vie la plus dure & la plus
laborieufe pour procurer aux autres les chofes
néceffaires & agréables , n'ayent pas un
afyle , quand l'âge & les infirmités les ont
mis hors d'état de pourvoir eux - mêmes
à leur fubfiftance ? Ce que vous dites eft
vrai , répondit la Silphide ; les riches ne
font point affez d'attention à cela : mais
la promenade commence à s'éclaircir ; remettons
nos obfervations à un autre jour.
Oromafis y confentit , & la Silphide le
reporta dans fon magnifique jardin , où
nous le laifferons quelque tems avec la
permiffion du Lecteur .
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Résumé : SUITE De la Promenade de Province, & des charmes du Caractere.
Le texte raconte l'histoire de Tumbfirk, un jeune homme anglais dont le père, Milord K..., s'était remarié secrètement avec une femme de condition modeste. À la mort de son père, Tumbfirk découvre l'existence de demi-frères et sœurs qui pourraient le rejeter. Il s'engage dans l'armée pour servir sa patrie. Lors d'un conflit avec la France, il est condamné à mort pour avoir défié un capitaine brutal. Avant son exécution, il révèle son identité au Comte de Y..., son oncle, qui le sauve. Tumbfirk est alors reconnu par son frère, le Baron de W..., mais leur bonheur est de courte durée, car ils trouvent tous deux la mort lors d'une bataille. Désespéré, Tumbfirk décide de rencontrer sa sœur à Londres. Cependant, le Duc de M..., époux de sa sœur, s'empare des preuves de sa naissance et le fait enlever. Tumbfirk est conduit à Calais, puis à D..., où il raconte son histoire. Tumbfirk et Montvilliers, deux captifs sur un navire, décident de se révolter lors d'une escale à l'île de S. Leur plan échoue, et ils sont capturés et emprisonnés. Montvilliers est libéré grâce à une lettre de son ami M. de Madinville. Tumbfirk est également relâché. Ils sont ensuite accueillis par M. de Madinville et Mlle d'Arvieux. Montvilliers apprend la mort de son père et de son frère, rongés par les remords. Montvilliers et Mlle d'Arvieux se marient, et Tumbfirk accepte de partager la fortune de Montvilliers, devenant son frère adoptif. Dans une conversation ultérieure, Tumbfirk exprime sa gratitude pour l'amitié et les plaisirs de la vie champêtre. M. de Madinville conseille Tumbfirk de trouver le bonheur loin des passions des Grands. Tumbfirk, doté d'une sagesse précoce, apprécie les douceurs de l'amitié et les plaisirs de la vie champêtre. Montvilliers lui offre une terre pour vivre confortablement. Leur maison devient un lieu de rassemblement pour des personnes d'esprit et de goût, valorisant la religion, l'humanité et les arts. Ils fondent un hôpital pour les infirmes et les vieillards, montrant une grande bienveillance envers leurs vassaux.
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43
p. 82
LOGOGRYPHE En Sonnet, par B. D. B.
Début :
L'humaine ambition me donna la naissance. [...]
Mots clefs :
Vaisseau
44
p. 208-209
ESPAGNE.
Début :
Vers la fin du mois de Janvier, le Corsaire Anglois l'Anti-Gallican entra [...]
Mots clefs :
Cadix, Corsaire anglais, Compagnie des Indes, Vaisseau, Capitaine, Tensions, Attaque, Lisbonne, Tremblement de terre
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texteReconnaissance textuelle : ESPAGNE.
ESPAGNE.
*
DE CADIX , le 6 Mars.
on
Vers la fin du mois de Janvier , le Corſaire
Anglois l'Anti-Gallican entra dans ce Port avec
le Vaiffeau de la Compagnie des Indes de France
le Duc de Penthievre , dont il s'étoit emparé. Sur
la réclamation que le Roi Très- Chrétien a faite
de cette prife , il vint ici un ordre du Gouvernement
de la tenir en fequeftre , jufqu'à ce qu'on
cût examiné fi elle étoit légitime. Après les informations
requiſes , on a jugé que le Vaiffeau
devoit être reftitué. Le 28 du mois dernier ,"
fut informé que le Capitaine du Corfaire , réfolu
de ne point fe deffaifir de fa priſe , avoit fait
paffer fon équipage à bord de ce Bâtiment , &
qu'il y avoit raffemblé jufqu'à trois cens hommes
, que lui avoient fournis divers Capitaines
de Navires de fa nation . Auffitôt le Commandant
de Port fit envelopper le Vaiffeau le Duc
de Penthievre par les Vaiffeaux du Roi l'Amérique
& le Lévrier , & leur ordonna de faire feu
au moindre mouvement que les Anglois feroient
pour lever l'ancre . Le 2 de ce mois , on envoya
trois fois, les fommer de rendre la prife . Le Ca.
pitaine Corfaire ayant refufé conftamment d'obéir
, les deux Vaiffeaux de guerre lui lâcherent
chacun une bordée , & il fut obligé de baiffer
pavillon. Il a eu trois hommes tués & quatre
bleffés . On a mis plufieurs compagnies de grenadiers
fur le vaiffeau le Duc de Penthievre , pour
empêcher les Anglois d'en reprendre poffeffion .
Les lettres de Lisbonne marquent que le t
de ce mois , à trois heures du matin , on y a
M A I. 1757. 209
encore effluyé une violente fecouffe de tremble
ment de terre.
*
DE CADIX , le 6 Mars.
on
Vers la fin du mois de Janvier , le Corſaire
Anglois l'Anti-Gallican entra dans ce Port avec
le Vaiffeau de la Compagnie des Indes de France
le Duc de Penthievre , dont il s'étoit emparé. Sur
la réclamation que le Roi Très- Chrétien a faite
de cette prife , il vint ici un ordre du Gouvernement
de la tenir en fequeftre , jufqu'à ce qu'on
cût examiné fi elle étoit légitime. Après les informations
requiſes , on a jugé que le Vaiffeau
devoit être reftitué. Le 28 du mois dernier ,"
fut informé que le Capitaine du Corfaire , réfolu
de ne point fe deffaifir de fa priſe , avoit fait
paffer fon équipage à bord de ce Bâtiment , &
qu'il y avoit raffemblé jufqu'à trois cens hommes
, que lui avoient fournis divers Capitaines
de Navires de fa nation . Auffitôt le Commandant
de Port fit envelopper le Vaiffeau le Duc
de Penthievre par les Vaiffeaux du Roi l'Amérique
& le Lévrier , & leur ordonna de faire feu
au moindre mouvement que les Anglois feroient
pour lever l'ancre . Le 2 de ce mois , on envoya
trois fois, les fommer de rendre la prife . Le Ca.
pitaine Corfaire ayant refufé conftamment d'obéir
, les deux Vaiffeaux de guerre lui lâcherent
chacun une bordée , & il fut obligé de baiffer
pavillon. Il a eu trois hommes tués & quatre
bleffés . On a mis plufieurs compagnies de grenadiers
fur le vaiffeau le Duc de Penthievre , pour
empêcher les Anglois d'en reprendre poffeffion .
Les lettres de Lisbonne marquent que le t
de ce mois , à trois heures du matin , on y a
M A I. 1757. 209
encore effluyé une violente fecouffe de tremble
ment de terre.
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Résumé : ESPAGNE.
Le 6 mars à Cadix, le corsaire anglais l'Anti-Gallican a capturé le vaisseau français Duc de Penthievre et l'a amené dans le port. Le roi de France a réclamé le vaisseau, et l'Espagne a ordonné de le garder en séquestre jusqu'à l'examen de la légitimité de la prise. Après enquête, il a été décidé de restituer le vaisseau. Le 28 février, le capitaine du corsaire a refusé de se dessaisir de sa prise et a rassemblé environ trois cents hommes. Le commandant du port a alors entouré le Duc de Penthievre avec les vaisseaux espagnols l'Amérique et le Lévrier, prêts à faire feu. Le 2 mars, après des sommations restées sans réponse, les vaisseaux de guerre ont tiré, forçant le capitaine à baisser pavillon. Trois hommes ont été tués et quatre blessés. Des grenadiers ont été déployés à bord pour empêcher les Anglais de reprendre le vaisseau. Par ailleurs, une violente secousse de tremblement de terre a été signalée à Lisbonne le 1er mai.
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45
p. 209-210
GRANDE BRETAGNE.
Début :
La Chambre des Communes, dans la séance du 25 Mars, passa le Bill [...]
Mots clefs :
Chambre des communes, Proclamation du roi, Matelots étrangers, Démissions, Comte, Secrétaire d'État, Vaisseau
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texteReconnaissance textuelle : GRANDE BRETAGNE.
GRANDE BRETAGNE.
DE LONDRES , le 12 Avril.
La Chambre des Communes , dans la féance
du 25 Mars , paffa le Bill pour l'établiſſement
d'une Milice générale dans la Grande-Bretagne ,
après y avoir fait quelques changemens.
Sa Majefté a fait publier une Proclamation ;
par laquelle Elle permet d'employer des matelots
étrangers fur les Corfaires & fur les Navires
Marchands , à condition cependant que la quatrieme
partie de l'équipage de chaque Bâtiment
foit compofée de fujets de la Grande- Bretagne.
Le bruit qui s'étoit répandu que le Duc de
Cumberland ne pafferoit point en Allemagne ,
étoit fans fondement. Ce Prince partit le 9 à fix
heures du matin , pour aller s'embarquer à Warwich.
Il doit prendre le commandement en chef
de l'armée d'obſervation , qui s'affemble fur les
frontieres de l'Electorat de Hanovre.
2
Le fieur Pitt , Secretaire d'Etat ; le fieur Legge ,
Chancelier de l'Echiquier , & le Comte Temple
, premier Commiffaire de l'Amirauté , ont
donné leurs démiffions . Le Lord Mansfield
Juge Suprême d'Angleterre 'exercera par interim
la charge de Chancelier de l'Echiquier. Sa Majefté
a accordé la place de premier Commiflaire
de l'Amirauté au Comte de Winchelſea.
Le Vaiffeau le Pondichery , appartenant à la
Compagnie Françoife des Indes , & qui a été
pris par le Vaiffeau de guerre le Douvres , avoit
été amené à l'embouchure de la Tamife. Des
26
210 MERCURE DE FRANCE.
vents de l'Oueft l'ont écarté de la côte , & l'on
ne fçait ce qu'il eft devenu.
DE LONDRES , le 12 Avril.
La Chambre des Communes , dans la féance
du 25 Mars , paffa le Bill pour l'établiſſement
d'une Milice générale dans la Grande-Bretagne ,
après y avoir fait quelques changemens.
Sa Majefté a fait publier une Proclamation ;
par laquelle Elle permet d'employer des matelots
étrangers fur les Corfaires & fur les Navires
Marchands , à condition cependant que la quatrieme
partie de l'équipage de chaque Bâtiment
foit compofée de fujets de la Grande- Bretagne.
Le bruit qui s'étoit répandu que le Duc de
Cumberland ne pafferoit point en Allemagne ,
étoit fans fondement. Ce Prince partit le 9 à fix
heures du matin , pour aller s'embarquer à Warwich.
Il doit prendre le commandement en chef
de l'armée d'obſervation , qui s'affemble fur les
frontieres de l'Electorat de Hanovre.
2
Le fieur Pitt , Secretaire d'Etat ; le fieur Legge ,
Chancelier de l'Echiquier , & le Comte Temple
, premier Commiffaire de l'Amirauté , ont
donné leurs démiffions . Le Lord Mansfield
Juge Suprême d'Angleterre 'exercera par interim
la charge de Chancelier de l'Echiquier. Sa Majefté
a accordé la place de premier Commiflaire
de l'Amirauté au Comte de Winchelſea.
Le Vaiffeau le Pondichery , appartenant à la
Compagnie Françoife des Indes , & qui a été
pris par le Vaiffeau de guerre le Douvres , avoit
été amené à l'embouchure de la Tamife. Des
26
210 MERCURE DE FRANCE.
vents de l'Oueft l'ont écarté de la côte , & l'on
ne fçait ce qu'il eft devenu.
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Résumé : GRANDE BRETAGNE.
Le 25 mars, la Chambre des Communes a adopté un projet de loi créant une milice générale en Grande-Bretagne, après quelques modifications. Le roi a autorisé l'emploi de matelots étrangers sur les navires de commerce et les corsaires, à condition que le quart de l'équipage soit britannique. Le duc de Cumberland a quitté Londres le 9 avril pour commander l'armée d'observation aux frontières de l'Électorat de Hanovre. Plusieurs hauts fonctionnaires ont démissionné, dont Pitt, secrétaire d'État, Legge, chancelier de l'Échiquier, et le comte Temple, premier commissaire de l'Amirauté. Lord Mansfield assurera temporairement les fonctions de chancelier de l'Échiquier, et le comte de Winchelsea a été nommé premier commissaire de l'Amirauté. Le vaisseau Pondichéry, capturé par le Douvres, a été dévié par des vents d'ouest et sa localisation est inconnue.
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46
p. 191
De Rome, le 26 Septembre.
Début :
On écrit de Naples que le sieur Bignon, chargé de porter au Roi [...]
Mots clefs :
Naples, Roi des deux Siciles, Ordre, Cordon, Vaisseau
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De Rome, le 26 Septembre.
De
Rome , le 26
Septembre .
On écrit de
Naples que le fieur
Bignon ,
chargé
de porter au Roi des Deux - Siciles le Cordon de
l'Ordre du Saint- Elprit , y eft arrivé , le 12 , à
bord du
Vaiſſeau de guerre
Efpagnol le Ferme,
Rome , le 26
Septembre .
On écrit de
Naples que le fieur
Bignon ,
chargé
de porter au Roi des Deux - Siciles le Cordon de
l'Ordre du Saint- Elprit , y eft arrivé , le 12 , à
bord du
Vaiſſeau de guerre
Efpagnol le Ferme,
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47
p. 204
De ROCHEFORT, le 4 Février 1764.
Début :
On a lancé derniérement à l'Eau le Vaisseau la Ville de Paris, de [...]
Mots clefs :
Vaisseau, Gouverneur, Louisiane, Marquis, Commandant, Régiment, Saint-Domingue
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texteReconnaissance textuelle : De ROCHEFORT, le 4 Février 1764.
De RocHEFoRT , le 4 Février 1764.
On a lancé derniérement à l'Eau le Vaiſſeau
la Ville de Paris, de quatre-vingt-douze canons.
Le ſieur de Kerlerec , Gouverneur de la Loui
ſiane, dont il eſt de retour ici avec toute ſa fa
mille, eſt arrivé avec le Marquis de Fremur,
Colonel du Régiment d'Angoumois, 'qui , en
1762, paſſa à la Louiſiane en qualité de Com
mandant-Général des troupes, & à qui le mau
vais état de ſa ſanté n'a pas permis de ſuivre
ſon Régiment à S. Domingue. Le ſieur de Kerle
rec fut reçu avec beaucoup de diſtinction par le
#º & les principaux Officiers de cette
Place.
On a lancé derniérement à l'Eau le Vaiſſeau
la Ville de Paris, de quatre-vingt-douze canons.
Le ſieur de Kerlerec , Gouverneur de la Loui
ſiane, dont il eſt de retour ici avec toute ſa fa
mille, eſt arrivé avec le Marquis de Fremur,
Colonel du Régiment d'Angoumois, 'qui , en
1762, paſſa à la Louiſiane en qualité de Com
mandant-Général des troupes, & à qui le mau
vais état de ſa ſanté n'a pas permis de ſuivre
ſon Régiment à S. Domingue. Le ſieur de Kerle
rec fut reçu avec beaucoup de diſtinction par le
#º & les principaux Officiers de cette
Place.
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Résumé : De ROCHEFORT, le 4 Février 1764.
Le 4 février 1764, le vaisseau 'la Ville de Paris' a été lancé à Rochefort. Le sieur de Kerlerec, gouverneur de la Louisiane, est revenu avec sa famille et le marquis de Fremur. Ce dernier, nommé commandant en Louisiane en 1762, n'avait pu partir en raison de sa santé. Ils ont été accueillis avec distinction par le roi et les officiers.
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