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1
p. 70-82
L'ADIEU AUX MUSES. DISCOURS.
Début :
Quand on dit adieu au monde par la mort, c'est / Muses c'est trop resver au bord de vos Fontaines, [...]
Mots clefs :
Adieu, Muses, Vers, Poète, Auteurs, Arts, Chansons, Libraire, Livres
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texteReconnaissance textuelle : L'ADIEU AUX MUSES. DISCOURS.
té.
Quand on dit adieu au mon- de par la mort , c'eſt ſans reſource. Iln'en est pas de meſme du ſpirituel Inconnu qui pré- tend l'avoir dit aux Muſes. Il a
un ſi beautalent pour la Poëfie,
qu'il ſe réfoudra difficilement à
tenir parole. Voyez ſi j'ay raiſon dele croire.
A
L'ADIEU
AVX MVSES.
DISCOURS.
MUses, c'esttrop rever, anbordde
Pour unfoible plaisir vouscaufezmil tepeines :
48 LE MERCVRE
Vousn'avezplus pour moy vos premie- res beautez ,
Et je renonce aux biens que vous me
prometez.
Iadis avechonneur vos charmantes retraites
Retentiſſoient du bruit des tranquiles
Poëtes ,
Quand les Maistres du Monde apres degrands exploits Concertoient avec eux àl'ombre de vos
Bois ,
Etqu'un mesme Laurier cueilly sur le Parnaffe Couronnoit tout ensemble Auguste
SonHorace.
Mais belas ,dans ce Siecle un iniuste
mépris Estde nos tristes Vers &lefruit & le
prix!
Quoy,lors quefans rien faire il m'est
permis de vivre ,
Dois-je mal- à-proposfecher àfaire un
Livre,
Quandje n'auray pourfruit de mes tra
vaux ingrats
:
Que
GALANT. 49 Que le mépris du Peuple , &la haine desFats?
Maisquandde vos attraits on a l'ame
ravie,
Qui vousfuit une fois , vousfait toute
Savie.
On a beau remontrer au Poëte Damon
Qu'on n'entendit jamais son barbare
jargon ;
Envainpourleguerir deſa fureurd'é- crire.
Onmépriſeſes Vers que luy ſeul il ad
mire,
Ases propres dépens il se fait imprimer,
Ettoûjours malgré vous il s'obſtineà
rimer.
Moy-mesme mille fois à vos ardeurs rebelle,
I'aytenté vainement de vous eſtre infidelle.
Tous les jours , dés que l'Aube anonce le Soleil,
Apollon par ces mots interrompt mon Sommeil.
Quitte, quitte du Litles delicesvulgai
res,
Tom. VIII. C
50 LE MERCVRE
Cen'estpas en dormant que se font les
Homeres,
Debout. Il n'estpas jour ,que faire fi matin ?
Vad' Horace &de Perſe éclaircir le
Latin,
Lis
gile,
relis encore &Terence &VirEtfur leurstyle heureux tâche àformer
-toastyle.
lesçay tous ces Auteurs. Les peut-on trop sçavoir?
Il i'y faut appliquer du matin jusqu'au
foir,
Tefeurerdes plaisirs où l'âge teconvie ,
Et me facrifier les beaux jours de ta
vie.
C'est ainsi,doctes Sœurs , que vos chers
Nourriffons Aleur tranquilité préferent vos Chan- fons,
On pourroitde vostre Artſoufrir l'in
quiétude ,
Sile gain balançoit l'ennuy de fon étu
des
MaisentretouslesArts qui demandens
nosfoins,
GALAN T. SI
↓
ش
Vostre Art couste le plus , &profite le moins.
Nocardqui tuë un Homme avec une
Ordonnance ,
Deſonafſaffinat reçoit la récompense,
Ettoy qui t'enrichis d'un argent fi mal du,
Paulin,je t'aypayé pour un Procés perdu.
Cependantqui ne sçait la réponse bar- bare
Quefit àl'Arioste un Mecenas avare ,
Quand cet Auteur Comique autant qu'ingénieux ,
Allaluy preſenterſon Roland Furieux?
LaGloire , direz-vous , qui vousfuit d'ordinaire,
Doitàvos Favoris tenir lieu deſalaire.
Oledigneloyerd'un pénible Métier ,
Oûfans compter letemps ,on perdjus qu'aupapier!
CetteGloirequi dupe &le Sot &l'Ha bite ,
Qwest elle que duvent quandelle est in- fertile?
Etpuislors qu'apres elleon court en in- fenfé
Cij
52 LE MERCVRE
Eft-on feur de l'atteindre apres s'estre lassé?
Licidas quife tuë à grimperauParnaſſe,
Etd'un tasde Laquaisfiflédeplace en
C
place;
Etcombien voyons-nous d'Auteurs in
fortunez,
Qu'àd'eternels affrons vous avez condamnez!
Dans un Siecle oùfleurit la puretéparfaite,
Ilfautde grands talenspour former un Poëte;
Il faut qu'au Berceau mesme Apollon
nous ait ry ,
Quedes meilleurs Auteurs wostre esprit foit nourry ,
Etque par le travail d'une longue !eEture,
2
L'Art acheve les traits qu'ébaucha la
Nature.
Aujourd'huy que l'on voit d'aſſez fameux Auteurs
Apauvrir le Libraire, &manquer d'Acheteurs,
Iray-je follemeipourprix de mon étude,
Des Livresinconus groffir la multitude?
GALANT: 53 En vain vous me flatez qu'un fuccés plusheureux
Diſſiperoit ma crainte ,& rempliroit
mes VŒUХ ,
Etque Paris un jour à mes Ocuvres propice
Forceroit la Province à me rendrejusti
ce
Quandlesfons demon Lut presque usé fous mes doigts ,
D'un Cygne agoniſantfurpaſſeroient la voix د
Etque mes Chantspolisparde laſſantes veilles
Auroient d'Apollon mesme enchanté les
oreilles,
Pourroit-je m'aſſurer que le tour de mes
Vers
Sçent plaire également àmille Esprits divers ?
Maissifermant les yeux auxpérils on s'expose
Lagloire on
pofe
lereposdequiconque comIeſuivois pour rimerun aveugle defir ,
Quelgenre de Poëme oftroit-je choi fir ?
Cij
34 LE MERCVRE Faut-il ,Auteur nouveau d'une Piece
tragique ,
Faireplaindre un Hérosfurun ton ma- gnifique,
Ettouchant lefuccés reſveur , triſte inquict ,
D'un chagrin incertain m'affliger en ef fet?
Non, mon ameau repos constamment
attachée,
D'unSentimentpareilne peut estre tou chée.
Dois-je en ſtyle amoureux ,pleurant ,
horsdeſaiſon ,
Me ou de plaindre des rigueursd'Iris , ou
Lifon Helas ! lesplus beaux Vers d'un cœur tendre&fidelle Sontun foible Secours pourvaincre une Cruelle.
Si dans une Satire abondante en bons
mot's
-Jeberneplaiſamment une foule de Sots,
Toute la Ville en cris contre moy dechai
née
Traite mesjeux d'esprit de licence effren née.
GALANT.
1
MesAmis lesplus chers n'ofentqu'avec
terreur
D'un torrent fi rapide arreſter la fureur,
Etfurle bruit qui court mes Parens en alarmes
Amafuture mort donnent déja des larmes.
CesParensennemis devos vieilles Chanfons Mefont à tout moment d'importunes
Leçons.
Quite , me diſent-ils, une étude inutile,
Et va faire au Palais une moiſſon fertile.
Vital,tu le connois, chacun parle de luys Voy ce qu'il fut jadis , ce qu'il est au- jourd'huy.
Tuſçais le peude bien qu'il eutpourſon
partage,
Sesdebtes de beaucoup paſſoient fon heritage.
Cependant qui l'a mis au rangoùtu le
vois!
C'estleBarreau.Voilal'utilité des Loix.
Mets-toy devant les yeux unſemblable
modelle ,
Cij
$6 LE MERCVRE
DesVersqui tefont tort débroüille ta
cervelle ;
Qusi pour t'attirer, le Droit manque d'apas Quite-le , maisdu moins dors , &ne
rimepas.
C'est ainsi qu'oposez au panchant qui m'entraîne ,
De mon cœur contre vous ils foûlevent Lahaine;
Ilfaut leur plaire enfin , & faire un
nouveau choix.
Adieu, Muses , adieu pourla derniere
fois.
Quand on dit adieu au mon- de par la mort , c'eſt ſans reſource. Iln'en est pas de meſme du ſpirituel Inconnu qui pré- tend l'avoir dit aux Muſes. Il a
un ſi beautalent pour la Poëfie,
qu'il ſe réfoudra difficilement à
tenir parole. Voyez ſi j'ay raiſon dele croire.
A
L'ADIEU
AVX MVSES.
DISCOURS.
MUses, c'esttrop rever, anbordde
Pour unfoible plaisir vouscaufezmil tepeines :
48 LE MERCVRE
Vousn'avezplus pour moy vos premie- res beautez ,
Et je renonce aux biens que vous me
prometez.
Iadis avechonneur vos charmantes retraites
Retentiſſoient du bruit des tranquiles
Poëtes ,
Quand les Maistres du Monde apres degrands exploits Concertoient avec eux àl'ombre de vos
Bois ,
Etqu'un mesme Laurier cueilly sur le Parnaffe Couronnoit tout ensemble Auguste
SonHorace.
Mais belas ,dans ce Siecle un iniuste
mépris Estde nos tristes Vers &lefruit & le
prix!
Quoy,lors quefans rien faire il m'est
permis de vivre ,
Dois-je mal- à-proposfecher àfaire un
Livre,
Quandje n'auray pourfruit de mes tra
vaux ingrats
:
Que
GALANT. 49 Que le mépris du Peuple , &la haine desFats?
Maisquandde vos attraits on a l'ame
ravie,
Qui vousfuit une fois , vousfait toute
Savie.
On a beau remontrer au Poëte Damon
Qu'on n'entendit jamais son barbare
jargon ;
Envainpourleguerir deſa fureurd'é- crire.
Onmépriſeſes Vers que luy ſeul il ad
mire,
Ases propres dépens il se fait imprimer,
Ettoûjours malgré vous il s'obſtineà
rimer.
Moy-mesme mille fois à vos ardeurs rebelle,
I'aytenté vainement de vous eſtre infidelle.
Tous les jours , dés que l'Aube anonce le Soleil,
Apollon par ces mots interrompt mon Sommeil.
Quitte, quitte du Litles delicesvulgai
res,
Tom. VIII. C
50 LE MERCVRE
Cen'estpas en dormant que se font les
Homeres,
Debout. Il n'estpas jour ,que faire fi matin ?
Vad' Horace &de Perſe éclaircir le
Latin,
Lis
gile,
relis encore &Terence &VirEtfur leurstyle heureux tâche àformer
-toastyle.
lesçay tous ces Auteurs. Les peut-on trop sçavoir?
Il i'y faut appliquer du matin jusqu'au
foir,
Tefeurerdes plaisirs où l'âge teconvie ,
Et me facrifier les beaux jours de ta
vie.
C'est ainsi,doctes Sœurs , que vos chers
Nourriffons Aleur tranquilité préferent vos Chan- fons,
On pourroitde vostre Artſoufrir l'in
quiétude ,
Sile gain balançoit l'ennuy de fon étu
des
MaisentretouslesArts qui demandens
nosfoins,
GALAN T. SI
↓
ش
Vostre Art couste le plus , &profite le moins.
Nocardqui tuë un Homme avec une
Ordonnance ,
Deſonafſaffinat reçoit la récompense,
Ettoy qui t'enrichis d'un argent fi mal du,
Paulin,je t'aypayé pour un Procés perdu.
Cependantqui ne sçait la réponse bar- bare
Quefit àl'Arioste un Mecenas avare ,
Quand cet Auteur Comique autant qu'ingénieux ,
Allaluy preſenterſon Roland Furieux?
LaGloire , direz-vous , qui vousfuit d'ordinaire,
Doitàvos Favoris tenir lieu deſalaire.
Oledigneloyerd'un pénible Métier ,
Oûfans compter letemps ,on perdjus qu'aupapier!
CetteGloirequi dupe &le Sot &l'Ha bite ,
Qwest elle que duvent quandelle est in- fertile?
Etpuislors qu'apres elleon court en in- fenfé
Cij
52 LE MERCVRE
Eft-on feur de l'atteindre apres s'estre lassé?
Licidas quife tuë à grimperauParnaſſe,
Etd'un tasde Laquaisfiflédeplace en
C
place;
Etcombien voyons-nous d'Auteurs in
fortunez,
Qu'àd'eternels affrons vous avez condamnez!
Dans un Siecle oùfleurit la puretéparfaite,
Ilfautde grands talenspour former un Poëte;
Il faut qu'au Berceau mesme Apollon
nous ait ry ,
Quedes meilleurs Auteurs wostre esprit foit nourry ,
Etque par le travail d'une longue !eEture,
2
L'Art acheve les traits qu'ébaucha la
Nature.
Aujourd'huy que l'on voit d'aſſez fameux Auteurs
Apauvrir le Libraire, &manquer d'Acheteurs,
Iray-je follemeipourprix de mon étude,
Des Livresinconus groffir la multitude?
GALANT: 53 En vain vous me flatez qu'un fuccés plusheureux
Diſſiperoit ma crainte ,& rempliroit
mes VŒUХ ,
Etque Paris un jour à mes Ocuvres propice
Forceroit la Province à me rendrejusti
ce
Quandlesfons demon Lut presque usé fous mes doigts ,
D'un Cygne agoniſantfurpaſſeroient la voix د
Etque mes Chantspolisparde laſſantes veilles
Auroient d'Apollon mesme enchanté les
oreilles,
Pourroit-je m'aſſurer que le tour de mes
Vers
Sçent plaire également àmille Esprits divers ?
Maissifermant les yeux auxpérils on s'expose
Lagloire on
pofe
lereposdequiconque comIeſuivois pour rimerun aveugle defir ,
Quelgenre de Poëme oftroit-je choi fir ?
Cij
34 LE MERCVRE Faut-il ,Auteur nouveau d'une Piece
tragique ,
Faireplaindre un Hérosfurun ton ma- gnifique,
Ettouchant lefuccés reſveur , triſte inquict ,
D'un chagrin incertain m'affliger en ef fet?
Non, mon ameau repos constamment
attachée,
D'unSentimentpareilne peut estre tou chée.
Dois-je en ſtyle amoureux ,pleurant ,
horsdeſaiſon ,
Me ou de plaindre des rigueursd'Iris , ou
Lifon Helas ! lesplus beaux Vers d'un cœur tendre&fidelle Sontun foible Secours pourvaincre une Cruelle.
Si dans une Satire abondante en bons
mot's
-Jeberneplaiſamment une foule de Sots,
Toute la Ville en cris contre moy dechai
née
Traite mesjeux d'esprit de licence effren née.
GALANT.
1
MesAmis lesplus chers n'ofentqu'avec
terreur
D'un torrent fi rapide arreſter la fureur,
Etfurle bruit qui court mes Parens en alarmes
Amafuture mort donnent déja des larmes.
CesParensennemis devos vieilles Chanfons Mefont à tout moment d'importunes
Leçons.
Quite , me diſent-ils, une étude inutile,
Et va faire au Palais une moiſſon fertile.
Vital,tu le connois, chacun parle de luys Voy ce qu'il fut jadis , ce qu'il est au- jourd'huy.
Tuſçais le peude bien qu'il eutpourſon
partage,
Sesdebtes de beaucoup paſſoient fon heritage.
Cependant qui l'a mis au rangoùtu le
vois!
C'estleBarreau.Voilal'utilité des Loix.
Mets-toy devant les yeux unſemblable
modelle ,
Cij
$6 LE MERCVRE
DesVersqui tefont tort débroüille ta
cervelle ;
Qusi pour t'attirer, le Droit manque d'apas Quite-le , maisdu moins dors , &ne
rimepas.
C'est ainsi qu'oposez au panchant qui m'entraîne ,
De mon cœur contre vous ils foûlevent Lahaine;
Ilfaut leur plaire enfin , & faire un
nouveau choix.
Adieu, Muses , adieu pourla derniere
fois.
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Résumé : L'ADIEU AUX MUSES. DISCOURS.
Dans ce discours d'adieu aux Muses, l'auteur exprime son désarroi face à la poésie et aux difficultés qu'elle engendre. Il commence par souligner que, contrairement à la mort, l'abandon de la poésie n'est pas définitif. L'auteur regrette les peines causées par les Muses et renonce aux biens qu'elles promettent. Il évoque une époque où les poètes étaient honorés et couronnés pour leurs œuvres, contrairement à son siècle où les vers sont méprisés. L'auteur décrit la passion inévitable pour la poésie, malgré les critiques et le mépris. Il mentionne les efforts constants nécessaires pour maîtriser les auteurs classiques et les sacrifices personnels que cela implique. Il critique également la gloire poétique, la qualifiant de dupe et d'infertile, et souligne les difficultés financières des poètes. Le texte se termine par une réflexion sur les genres poétiques : tragédie, amour, satire. L'auteur exprime son désir de repos et les pressions familiales pour abandonner la poésie au profit d'une carrière juridique. Finalement, il décide de dire adieu aux Muses pour la dernière fois.
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2
p. 312
REGNAULT, CHAT DES A.... A GRISETTE.
Début :
Je ne tournereay point ma cervelle à l'envers [...]
Mots clefs :
Grisette, Matous, Poète, Vers
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REGNAULT, CHAT DES A.... A GRISETTE.
REGNAVLT E ("i'.N A "\1"> T
CHAT DES A.
A GRISETTE.
JEne tourneray point ma cervelle à
l'envers
Pourvousdépeindre tcy mafigureparfaite;
mais c'estpourvous parler de mes exploits divers
qu'avec tant de Matous je m'érige en
Poëte.
Un autre en doux jargon vanteroitfl dlfiite;
mais moy qui jour nuit mets des
Chattes auxfers
N'en déplaise aux Matous, je vous
apprens, Grisette,
Quejefais des Chatons mieux qu'ils
nefontdes Vers
CHAT DES A.
A GRISETTE.
JEne tourneray point ma cervelle à
l'envers
Pourvousdépeindre tcy mafigureparfaite;
mais c'estpourvous parler de mes exploits divers
qu'avec tant de Matous je m'érige en
Poëte.
Un autre en doux jargon vanteroitfl dlfiite;
mais moy qui jour nuit mets des
Chattes auxfers
N'en déplaise aux Matous, je vous
apprens, Grisette,
Quejefais des Chatons mieux qu'ils
nefontdes Vers
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3
p. 7-8
Madrigal sur le mesme sujet, [titre d'après la table]
Début :
Ce Madrigal estoit joint à ce Sonnet. / Grand LOUIS, ma Muse en ce jour [...]
Mots clefs :
Louis, Muse, Poète, Présent
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Madrigal sur le mesme sujet, [titre d'après la table]
Ce Madrigal eftoit joint à ce
Sonnet.
GRA
Rand LOUIS , ma Mufe
en ce jour
A 4
8
MERCURE
Te fait une Royale Etrenne ,
Et de l'air d'une Souveraine
Elle vient tefaire fa cour.
Quelque Poëte plus habile
Chantera tes Faits inouïs ;
Pour moy , ce que je fais eft affez
difficile ,
C'est un Préfent de quatorze Louis;
Selon mes faculte l'offre paroift
civile.
Tout le monde en convient , le der
nier eft fans prixs
Des autres je me tais , de peur d'eftre
Surpris;
Mais la Rime voudroit qu'ils en valuffent
mille.
Sonnet.
GRA
Rand LOUIS , ma Mufe
en ce jour
A 4
8
MERCURE
Te fait une Royale Etrenne ,
Et de l'air d'une Souveraine
Elle vient tefaire fa cour.
Quelque Poëte plus habile
Chantera tes Faits inouïs ;
Pour moy , ce que je fais eft affez
difficile ,
C'est un Préfent de quatorze Louis;
Selon mes faculte l'offre paroift
civile.
Tout le monde en convient , le der
nier eft fans prixs
Des autres je me tais , de peur d'eftre
Surpris;
Mais la Rime voudroit qu'ils en valuffent
mille.
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Résumé : Madrigal sur le mesme sujet, [titre d'après la table]
Le texte présente un madrigal et un sonnet dédiés à Louis XIV. Le madrigal décrit une 'Royale Etrenne' offerte à Mercure, symbolisant la générosité royale. Le sonnet exprime l'humilité de l'auteur face aux exploits du roi. L'auteur offre quatorze louis, soulignant que cette offrande est modeste et civile. Il reconnaît que le dernier louis est sans prix et évite de commenter les autres pour ne pas être surpris.
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4
p. 10-11
V. A MADAME LA MARQUISE D***
Début :
Tout est Poëte à Dijon depuis vostre omnibus, [...]
Mots clefs :
Poète, Minerve, Rimer, Parnasse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : V. A MADAME LA MARQUISE D***
V.
A MADAME
LA MARQUISE D ***
T
Out eft Poëte à Dijon depuis:
vostre omnibus,
En vain Minervé en gronde , & la
raiſonfe fâche ,
Chacun veut à rimer travaillerfans
relâche ,
Pour ajoûter au bout de quatre Vers
tribus..
SS
Moy - mefme je n'ay pû demeurer
affez lâche,
Marquife, vous voyant donner dans
le Phocbus,
Pourne m'enpas mêler , mais la Rime
quibus,
du Mercure Galant. 17
Eft bien dure àpaffer à qui Moutarde
mâche .
SS
Peut - on s'accommoder du tropfunefte
Item ,
Et de fon Compagnon le dévot tu
autem ,
Qui du Parnaffe entier devroient attirer
l'irc ?
SS
Que diable au bout d'un Vers fran
çois veut dire amo ?
J'aime , & veux estre aimé , fi vous
le voulez lire ,
Le ne l'écriray point latino calamo ..
A MADAME
LA MARQUISE D ***
T
Out eft Poëte à Dijon depuis:
vostre omnibus,
En vain Minervé en gronde , & la
raiſonfe fâche ,
Chacun veut à rimer travaillerfans
relâche ,
Pour ajoûter au bout de quatre Vers
tribus..
SS
Moy - mefme je n'ay pû demeurer
affez lâche,
Marquife, vous voyant donner dans
le Phocbus,
Pourne m'enpas mêler , mais la Rime
quibus,
du Mercure Galant. 17
Eft bien dure àpaffer à qui Moutarde
mâche .
SS
Peut - on s'accommoder du tropfunefte
Item ,
Et de fon Compagnon le dévot tu
autem ,
Qui du Parnaffe entier devroient attirer
l'irc ?
SS
Que diable au bout d'un Vers fran
çois veut dire amo ?
J'aime , & veux estre aimé , fi vous
le voulez lire ,
Le ne l'écriray point latino calamo ..
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Résumé : V. A MADAME LA MARQUISE D***
L'auteur d'une lettre poétique à Madame la Marquise d'*** décrit la mode de la poésie à Dijon. Il reconnaît l'influence de la Marquise et du Mercure Galant. Il critique l'usage excessif de termes latins et religieux dans les vers français, préférant exprimer ses sentiments en français.
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5
p. 218-226
AUX POETES QUI ONT REMPORTÉ LE DERNIER PRIX DE VERS DE L'ACADEMIE FRANCOISE.
Début :
Lors que l'Académie Françoise proposa pour sujet du dernier / Nourrissons des Neufs-Soeurs, tout couverts de la gloire [...]
Mots clefs :
Académie française, Concours, Vers, Sujet, Louanges, Religion catholique, Roi, Victoire, Poète, Louis, Hérésie, Salut, Fortune, Erreur, Croix, Triomphe, Discorde, Moeurs, Ciel, Christ, Ange, Héros, Enfer
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUX POETES QUI ONT REMPORTÉ LE DERNIER PRIX DE VERS DE L'ACADEMIE FRANCOISE.
Lors que l'Académie Françoife pro
pofa pour fujet du dernier Prix de
Vers , les grandes Chofes que le Roy
faites enfaveur de la Religion Catholique
, le Berger du village de
Mont-Fallon y travailla , & n'eut pas
le temps de mettre la derniere main
fes Vers ,parce que des affaires importantes
attirérent tousfesfoins ailleurs .
Neanmoins comme il fe fait un plaifir
de donner des louanges à fon Prince,
dés qu'il a eu un peu plus de loifir,
il a mis la Piéce en l'état où je vous
l'envoye.
1
du
Mercure Galant.
-219
5252525252525252
AUX
POETES
QUI ONT
REMPORTE' LE
DERNIER
PRIX DE
VERS
DE
L'ACADEMIE
FRANCOISE.
Nour
3.
Ourriffons des Neuf- Soeurs , tout
couverts de la gloire
Qu'à jamais vous aquiert voftre illuftre
Victoire,
Permettez que ma voix fe mefle à ces
Concerts
Dont parvous
aujourd'huy
retentiſſent
les airs.
LOUIS, plein du beau feu qu'une Foy
vive inspire,
Terraffe
l'Heréfie en
cefameux Empire.
En effet, de ce Roy les Foudres élancez
Font voiren
plufieurs Lieux des
Temples
renverfezi
Tij
220 Extraordinaire
Et ces Foudres tournant vers tous les He
rétiques,
Caufent, pour leurfalut, leurs difgraces
publiques.
Lors
que
LOUIS les livre au Deftin
malheureux,
Il les chériroit moins , s'ilfaifoit moins
contre eux.
Cefavorable Autheur de leur douleur
commune,
Qui ne leur permet point d'encenfer la
Fortune,
D'ailleurs leur tend les bras, au moment
qu'il leur nuit.
Parfon ordre on confére, on difpute, on
inftruit:
Et ceux de qui les yeux s'ouvrent à la
lumiere,
Reçoivent fesfaveurs en plus d'une maniere.
Il leur donne des Biens , & leur bonheur
eft tel,
Qu'ils ont outre ces Biens part au Bien
Eternel.
du Mercure Galant.
221
Sur les Bords de la Seine ainfi LOUIS
s'applique
A diffiper l'Erreur , à domter l'Herétique.
Maisde peur que cette Hydre & ce Monftre
odieux,
2
Que l'Erreur quelque jour ne renaiſſe en
ces Lieux,
Son zéle écarte encor ces nouvelles Cabales
Dont les Livres adroits font de charmans.
Dédalles,
Qui pour mieux décevoir ont par tout des
douceurs,
Et qui cachent toûjours du venin fous des
fleurs.
Enfin de ce grand Roy la main toutepuif-
Sante
Fait que dans nos Climats la Croix eft
triomphante,
Et qu'il n'eft plus permis aux naiſſantes
Erreurs
D'habiter parmy nous , d'y forger nos
malheurs.
Comme fi l'Acheron cuft déchaîné fur
terre
Tüj
222 Extraordinaire
Ses Fillespour porter le Flambeau de la
Guerre,
Les Sectes des Errans femoient jadis
L'effroy,
La France en pâliſſoit ; mais, grace à
noftre Roy,
On ne craint plus les maux qu'ont endurê
nos Peres.
Verra-t-on la Difcorde , aux cheveux de
Vipéres,
S'unir al Heréfie, en emprunter la voix?
Tout eft calme, & l'on met l'Heréfie aux
abois.
LOUIS , comme un Soleil, dont l'aimable
influence
Procure un calme faint à la Nefde la
France ,
Diffipe de l'Erreur la nuit & les Bronil-
Lards,
Et répand la lumiere où tombent fes regards.
Nous , quifommes témoins de ces hautes
merveilles,
N'avons rien de plus doux pourcharmer
nos greilles.
du Mercure Galant.
223
Mais dans nos entretiens tairons - nous que
LOUIS,
Depuis le temps heureux qu'il gouverne
les Lys,
Redreffe en nous les moeurs , non moins que
la Doctrine?
Comme Fils de l'Eglife, avec elle ilfulmine
Par defeveres Loix contre le Libertin,
Le Brigand, le fureur, l' Athée, & l'AFfaffin.
Le Roy parle ; à l'inftant des coeurs chargez
de crimes
Deviennent pour le Ciel d'innocentes Vi
Etimes.
'La voix de ce Monarque arrefte tous les
coups
Qu'un Dieu vangeur peut- eftre aurois
lancez fur nous.
Sanspeine on obeit à LOUIS , à l'E
glife;
La Vertu dans ce Roy fur le Trône eft'
affife .
Mortels, qui loin de nous habitez l'Univers
224
Extraordinaire
Et quilonez ce Prince en langages divers,
Sans rien dire de trop, qui de vous ne peut
dire:
Ce Royne borne point fon zéle en fen
Empire,
Sous des Cieux Etrangers il n'en montre
pas moins?
Peuples, bien mieux que nous vous en eftes
témoins.
Parfon ordre en tout temps de l'un à l'autre
Pole,
Mille Atlétes facrez , armez de leur·
parole,
Vont combatrepour CHRIST, & domter
les Enfers .
La hauteur des Rochers, ny la vague des
Mers,
Nefont point un obstacle à l'ardeur de
leur zéle.
Donnerla vie à l'ame, éclairerl'Infidelle
Et le fouftraire au joug de l'Ange ténébreux,
C'est par tout ce quifert de matiere à leurs
feuxs
du Mercure Galant. 225
Ainfi donc dans la France, & hors defon
enceinte,
LOUISfait triompher la Croix, cette
Arche fainte.
Tout rit à ce Héros , lors que plufieurs
Mortels
N'ont d'Encens que pour Dieu, que pour
Dien des Autels.
Fadis un de nos Roys, au péril defa tefte,
De la Sainte Contrée entreprit la Conquefte.
Une nombreuſe Armée en ce lieu leſuivit
Le Nil en la voyant fe troubla dansfon
Lit.
Le Sultanfut vaincu : mais ce Roy plein
de gloire
Ne pût que peu de tempsfurvivre à fa
Victoire.
On vit fe relever le Sultan abatu ;
Sans prendre des Chrétiens les moeurs ng
la vertu.
Li eftoit refervé par la Bonté divine,
AuxBarbaresPaïs , où noftre Roy domine
Defubirfaintement le joug du Roy, dess
Roys
226
Extraordinaire
10
D'arborerfur leurs Bords l'Etendart de
la Croix,
Et d'y voir qu'un Héros que tout craint
fur la terre,
Mefme contre l'Enferfait faire encor la
guerre.
pofa pour fujet du dernier Prix de
Vers , les grandes Chofes que le Roy
faites enfaveur de la Religion Catholique
, le Berger du village de
Mont-Fallon y travailla , & n'eut pas
le temps de mettre la derniere main
fes Vers ,parce que des affaires importantes
attirérent tousfesfoins ailleurs .
Neanmoins comme il fe fait un plaifir
de donner des louanges à fon Prince,
dés qu'il a eu un peu plus de loifir,
il a mis la Piéce en l'état où je vous
l'envoye.
1
du
Mercure Galant.
-219
5252525252525252
AUX
POETES
QUI ONT
REMPORTE' LE
DERNIER
PRIX DE
VERS
DE
L'ACADEMIE
FRANCOISE.
Nour
3.
Ourriffons des Neuf- Soeurs , tout
couverts de la gloire
Qu'à jamais vous aquiert voftre illuftre
Victoire,
Permettez que ma voix fe mefle à ces
Concerts
Dont parvous
aujourd'huy
retentiſſent
les airs.
LOUIS, plein du beau feu qu'une Foy
vive inspire,
Terraffe
l'Heréfie en
cefameux Empire.
En effet, de ce Roy les Foudres élancez
Font voiren
plufieurs Lieux des
Temples
renverfezi
Tij
220 Extraordinaire
Et ces Foudres tournant vers tous les He
rétiques,
Caufent, pour leurfalut, leurs difgraces
publiques.
Lors
que
LOUIS les livre au Deftin
malheureux,
Il les chériroit moins , s'ilfaifoit moins
contre eux.
Cefavorable Autheur de leur douleur
commune,
Qui ne leur permet point d'encenfer la
Fortune,
D'ailleurs leur tend les bras, au moment
qu'il leur nuit.
Parfon ordre on confére, on difpute, on
inftruit:
Et ceux de qui les yeux s'ouvrent à la
lumiere,
Reçoivent fesfaveurs en plus d'une maniere.
Il leur donne des Biens , & leur bonheur
eft tel,
Qu'ils ont outre ces Biens part au Bien
Eternel.
du Mercure Galant.
221
Sur les Bords de la Seine ainfi LOUIS
s'applique
A diffiper l'Erreur , à domter l'Herétique.
Maisde peur que cette Hydre & ce Monftre
odieux,
2
Que l'Erreur quelque jour ne renaiſſe en
ces Lieux,
Son zéle écarte encor ces nouvelles Cabales
Dont les Livres adroits font de charmans.
Dédalles,
Qui pour mieux décevoir ont par tout des
douceurs,
Et qui cachent toûjours du venin fous des
fleurs.
Enfin de ce grand Roy la main toutepuif-
Sante
Fait que dans nos Climats la Croix eft
triomphante,
Et qu'il n'eft plus permis aux naiſſantes
Erreurs
D'habiter parmy nous , d'y forger nos
malheurs.
Comme fi l'Acheron cuft déchaîné fur
terre
Tüj
222 Extraordinaire
Ses Fillespour porter le Flambeau de la
Guerre,
Les Sectes des Errans femoient jadis
L'effroy,
La France en pâliſſoit ; mais, grace à
noftre Roy,
On ne craint plus les maux qu'ont endurê
nos Peres.
Verra-t-on la Difcorde , aux cheveux de
Vipéres,
S'unir al Heréfie, en emprunter la voix?
Tout eft calme, & l'on met l'Heréfie aux
abois.
LOUIS , comme un Soleil, dont l'aimable
influence
Procure un calme faint à la Nefde la
France ,
Diffipe de l'Erreur la nuit & les Bronil-
Lards,
Et répand la lumiere où tombent fes regards.
Nous , quifommes témoins de ces hautes
merveilles,
N'avons rien de plus doux pourcharmer
nos greilles.
du Mercure Galant.
223
Mais dans nos entretiens tairons - nous que
LOUIS,
Depuis le temps heureux qu'il gouverne
les Lys,
Redreffe en nous les moeurs , non moins que
la Doctrine?
Comme Fils de l'Eglife, avec elle ilfulmine
Par defeveres Loix contre le Libertin,
Le Brigand, le fureur, l' Athée, & l'AFfaffin.
Le Roy parle ; à l'inftant des coeurs chargez
de crimes
Deviennent pour le Ciel d'innocentes Vi
Etimes.
'La voix de ce Monarque arrefte tous les
coups
Qu'un Dieu vangeur peut- eftre aurois
lancez fur nous.
Sanspeine on obeit à LOUIS , à l'E
glife;
La Vertu dans ce Roy fur le Trône eft'
affife .
Mortels, qui loin de nous habitez l'Univers
224
Extraordinaire
Et quilonez ce Prince en langages divers,
Sans rien dire de trop, qui de vous ne peut
dire:
Ce Royne borne point fon zéle en fen
Empire,
Sous des Cieux Etrangers il n'en montre
pas moins?
Peuples, bien mieux que nous vous en eftes
témoins.
Parfon ordre en tout temps de l'un à l'autre
Pole,
Mille Atlétes facrez , armez de leur·
parole,
Vont combatrepour CHRIST, & domter
les Enfers .
La hauteur des Rochers, ny la vague des
Mers,
Nefont point un obstacle à l'ardeur de
leur zéle.
Donnerla vie à l'ame, éclairerl'Infidelle
Et le fouftraire au joug de l'Ange ténébreux,
C'est par tout ce quifert de matiere à leurs
feuxs
du Mercure Galant. 225
Ainfi donc dans la France, & hors defon
enceinte,
LOUISfait triompher la Croix, cette
Arche fainte.
Tout rit à ce Héros , lors que plufieurs
Mortels
N'ont d'Encens que pour Dieu, que pour
Dien des Autels.
Fadis un de nos Roys, au péril defa tefte,
De la Sainte Contrée entreprit la Conquefte.
Une nombreuſe Armée en ce lieu leſuivit
Le Nil en la voyant fe troubla dansfon
Lit.
Le Sultanfut vaincu : mais ce Roy plein
de gloire
Ne pût que peu de tempsfurvivre à fa
Victoire.
On vit fe relever le Sultan abatu ;
Sans prendre des Chrétiens les moeurs ng
la vertu.
Li eftoit refervé par la Bonté divine,
AuxBarbaresPaïs , où noftre Roy domine
Defubirfaintement le joug du Roy, dess
Roys
226
Extraordinaire
10
D'arborerfur leurs Bords l'Etendart de
la Croix,
Et d'y voir qu'un Héros que tout craint
fur la terre,
Mefme contre l'Enferfait faire encor la
guerre.
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Résumé : AUX POETES QUI ONT REMPORTÉ LE DERNIER PRIX DE VERS DE L'ACADEMIE FRANCOISE.
Un berger du village de Mont-Fallon a participé au concours de poésie organisé par l'Académie Française sur les grandes actions du roi en faveur de la religion catholique. Bien qu'il n'ait pas pu terminer son œuvre à temps en raison de diverses occupations, il a finalement envoyé sa pièce. Le poème célèbre le roi Louis pour ses actions contre l'hérésie et l'erreur. Il décrit comment le roi a fait renverser plusieurs temples hérétiques et a causé la disgrâce publique des hérétiques. Le roi est présenté comme un protecteur de la foi catholique, distribuant des biens et des faveurs à ceux qui se convertissent. Il lutte également contre les livres hérétiques et les nouvelles cabales, assurant la victoire de la Croix en France. Le roi est comparé à un soleil qui dissipe l'erreur et les brouillards, apportant la lumière et le calme. Il redresse les mœurs et la doctrine, combattant le libertinage, la briganderie, la fureur, l'athéisme et l'assassinat. Son zèle s'étend au-delà de son empire, inspirant des missionnaires à travers le monde pour combattre pour le Christ. Le texte mentionne également un roi précédent qui avait entrepris la conquête de la Sainte Contrée, mais qui n'avait pu en profiter longtemps. Il contraste cette victoire éphémère avec le règne durable de Louis, qui impose le joug du roi des rois et fait triompher la Croix même dans les pays barbares.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 44-87
III. LETTRE Concernant les Langues, les Lettres & les Ecritures. A Mr DE S.....SDIKS.
Début :
Je vous ay déja fait voir deux Lettres du sçavant Mr / Je réponds à la vostre, à la maniére du Cardinal [...]
Mots clefs :
Poète, Alexandre le Grand, Langue hébraïque, Livre, Verset, Ancien Testament, Prince barbare, Langue, Articulation, Voyelles, Consonnes, Prononciation, Lettres, Écho, Voix, Langue syriaque, Reliure, Imprimerie, Langue chinoise, Chapitre, Genèse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : III. LETTRE Concernant les Langues, les Lettres & les Ecritures. A Mr DE S.....SDIKS.
Je vous ay déja fait voir
deux Lettres du fçavant M
Comiers fur les Langues. En
voicy une troifiéme
› que
vous ne trouverez pas moins
curieufe que les autres.
豬
GALANT 45
255:22222 2522: 2222
III.
LETTRE
Concernant les
Langues , les
Lettres
les
Ecritures.
A M' DE S..... SDIKS .
Imaniere
laco-
E répons à la veftre , à la
maniére du Cardinal d'Offat
, article par article ,
niquement , mais je m'explique
en telle forte , que vous n'avez
lien de dire comme S. Jerôme
, en lifant le Poëte Perfe . Si
tu ne veux pas eftre entendu,
tu ne dois pas eftre lû.
pas
46 MERCURE
que
les
Fe fouhaiterois vous pouvoir répondre
auffi brièvement
Lacedémoniens , qui par la feule
Lettre S , qui fignifie Non , répondirent
à la longue Epiftre dos
demandes de Philippe , Pere
d'Alexandre le Grand.
La Langue Sainte , c'est à
dire l'Hebraique , a 22 Lettres,
autant qu'il y a de Livres dans
l'ancien Teftament , dans lequel
l'ordre des Lettres Hebraïques y
eft repeté 21 fois.
L'ay remarqué dans la 273
page du 26 Tome extraordinairs
du Mercure Galant, que Les trois
versets 19, 20 & 21 du 14 char
GALANT. 47
pitre de l'Exode , contiennent
chacun 72 Lettres , par le mélange
defquelles les Kabaliftes forment
les 72 noms de Dieu , tous
terminez en AH ou en EL , c'eft
pourquoy aprés le nom de l'office
d'un Ange , la Sainte Ecriture
ajoûte ELi ainfi Michaël , Raphaël
, Gabriël.
Toutes les 22 Lettres Hebrai
ques font contenues dans le 25
verfet dus chapitre du Prophéte
Ifaye.
Toutes les Lettres Grecques,
font dans les verfets 19 & 20 du
3 chapitre de la premiere Epiftre
de S. Pierre
48 MERCURE
Toutes les Lettres Latines
font dans ce Vers.
Gaza frequens Lybicos duxit
Kartago triumphos.
Atticus le Fils du Sophifte
Herodes , ne pût jamais aprendre
l'Alphabet.
Un jeune Prince Barbare
eftant venu étudier dans Athénes,
ne pût aprendre que les trois
premieres Lettres de l'Alphabet,
qu'il prononça d'un ton fi digne
de fon efprit & de fa Nation ,
que le Préteur ceffa de haranguer;
c'est pourquoy les Barbares
ramenérent en Triomphe leur
Prince , difant qu'il avoit vaincu
le
GALANT. 49
Le plus éloquent d´s Grecs .
La langue est presque le principal
inftrument de l'articulation,
car les confones labiales n'ont pas
befoin de l'office de la langue,
elle a dix mouvemens , fix droits
en rond. Les levres ont
&
quatre
auſſi
jusques
à fix
mouvemens
differens
. Le Larinx
a auf
fes
mouvemens
pour
la Trachée
, qui
ouvre
le paffage
à l'air, que pouffent
les poulmons
.
La Lettre Afe prononce le gozier
& la bouche ouverte ,fans.
employer la langue ; elle est donc
la Lettre la plus facil à prononcer
, c'est pourquoy elle tient le
Ferrier 1685.
Ε
50 MERCURE
premier rang dans l'Alphabet.
On dir qu'il n'y a eu que Zoroafter
qui ait ry en naiffant , &
que les Mâles pleurent par
voyelle A, & les Filles par la
voyelle E , ce qui a donné lieu à
ce Diftique, sikin mo ay
la
Plorat adhuc proles quod commifere
parentes,
A genitor dat Adam : E dedit
Eva prior.
Comme les confones B, M, P,
font purement labiales , ellesfont
auffi tres -faciles à prononcer. Il
ne faut qu'ouvrir doucement les
lévres en prononçant A , c'eſt
pourquoy
les Enfans prononcent
GALANT. 51
facilement MaMa PaPa ,
.
parce que le P fe prononce par la
feule explofion de l'Air , en feparant
promptement les lévres,
fi vous prononcez P tout contre
la flamme de la Chandelle , elle
vous fera entendre cette explo
Sion.
O,fe prononce le gozier ouvert
, & la bouche un peu enflée
voutée, c'eft pourquoy les Puis,
les Caves , & les Antres profonds,
pour A, refléchiffent O.
E, fe prononcefermant un peu
la bouche , & aprochant la langue
du palais , ne laiffant qu'un
petit paffage en largeur , à l'air
E ij
52 MERCURE
pouffe par les poulmons.
I, fe prononce en appliquant
davantage la langue au palais,
pour ne laiffer qu'une petite iſſue
à l'air , & on ferme davantage
la bouche , & on joint preſque
les dents.
V, François ,fe prononce ayant
joint les dents la langue tout
contre le palais ferrant les
téores avancéespour ne laiffer à
l'air qu'une petite iffuë ronde ,
on reffent qu'il fe forme un tremblement
des lévres.
I
Il
ya
ftinguent
point
Va de Fa , & pour
a des Nations qui ne di-
Vin difent Fin ,
GALANT 53
>
A Siracufe , la Lettre M tirée
au fort , donnoit le droit de la
Harangue publique.
La pronontiation de la Lettre
L appartient à la langue , celle
de Dede S , aux dents , M ,
aux lévres , celle de N au nez,
fi vray que fi on ferre le nez,
ne peut prononcer Na , mais on
entend Da , d'où il est facile de
rendre raifon des noms qu'on a
impofé à ces Lettres.
on
La Lettre K eft gutturale. Les
Calomniateurs étoient marquez
aufront avec un fer chaud , des
Lettres K & C la raiſon eſt
facile.
E j
54 MERCURE
La Lettre Qeftoit auffi im.
primée au front de ceux qui épou
foient une feconde Femme , la
premiere eftant vivante. Cette
marque Qest affezfignificative
du crime, de mefme que celle d'Aftronomie
Qpour marquer la conjonction
de deux Planetes, & c.
Plufteurs Perfonnes , pour Q
prononcent T , & pour Qui-
Quonque, difent TiTonTe .
temps de François I. le Do
Du
Pere des belles Lettres , & Fondateur
de l'Académie ou College
Royal de Paris , la prononcia
tion de la Lettre Q eftoit celle
de la Lettre K d'apréfent ; car
GALANT. [ 55
pour Quifquis , on prononçoit
KisKis. Lafçavante Républi
que des Lettres est redevable à
P. Ramus , Doyen du College
Royal , qui a donné la naturelle
prononciation du Q M¹s de la
Sorbonne s'y oppoférent, & même
privérent un Ecclefiaftique de fes
Revenus , parce qu'il prononçoit
le Qcomme Meffieurs de l'Académie
du Roy. Le Procez fut
porté au Parlement , on Ramus
ayant luy- mefme plaidé pour la
nouvelle prononciation de la Lettre
Q, il fut permis par Arreft
folemnel de dire QuiſQuis , ou
KisKis , qui depuis eft devenu
E
iiij
56 MERCURE
un mot pour animer les Chiens
au combat. Je croy que la Cour
Souveraine fonda ſon Arreſtſur
ce que la Lettre Hébraïque Coph
K dans fa valeur. est Q
no- ·Plufieurs Perfonnes ,
tamment ceux qui ont le Filet, ne
peuvent prononcer la Lettre R ,
qui demande le tremblement de
la langue ; c'est pourquoy pour.
R , ils prononcent L.
Meffala , grand Orateur , fit
autrefois un Volume entier de la
Lettre S. Sa mauvaise prononciation
confta la vie à quarantedeux
mille Ephraemites , qui
furent égorgez par les Galaadites,
GALANT. 57
pour n'avoir fçû bien prononcer
dans le mot Schiboleth la Lettre
S , que les Hebreux nomment
Scin .
Appius Claudius trembloit
à la Lettre Z, lors qu'on la pro- .
nonçoit par TS, parce qu'elle exprime
le grincement
de dents d'un
Moribond.
Laprononciation de S, on ST,
fait un fiflement qui penétre , &
qui fertpour ordonner le filence.
L'Echo n'est pas toûjours la
veritable image de la voix articulée
, puis qu'elle ne peut pas
toujours redire ou refléchir la Let
tre S', car pour le mot Satan,
58 MERCURE
PEcho répond Vatan. Il n'en
eft pas de mefme des mots Sofia
in Solario , Soleas Sarciebat
Suas. Vous feavez que la voix
refléchie par l'Echo, employe deux
fois plus de temps que la voix
directe , laquelle dans la moitié
d'une demy -feconde de temps parcourt
690 pieds.
L'Echo du Palais Simoneta,
à un mille de Milan ,
repete
du moins
vingt
- quatre
fois
le mefme
mot.
La plus grande parleufe des
Echos , eft celle que je trouvay
il y a dixhuit ans à Taxily
une lieue de la Ville de Luzy
a
GALANT. 59
en Nivernois ; car eftant la nuit
dans le Fardin de la Cure , qui
dépend de noftre Chapitre de Ternant
, ayant le vifage tourné
contre la Colline de Nidi , elle
repétoit de fuite tres-fortement
tres - diftinctement tous ces
treize mots,
Arma virumque cano , Troja
quæ primus ab oris,
Arma virumque cano .
Il est auffi facile de rendre
raison pourquoy l'Echo pour Sa,
dit Va , que d'expliquer pourquoy
en tenant un doigt dans
chaque coin de la bouche , pour
la Lettre P, on prononce F.
60 MERCURE
La voyelle O. fe fait enten
dre de plus loin , c'est pourquoy
les noms des Chiens de Mutte fe
terminent en O.
Les voyelles O & E font les
plus fortes , puis qu'elles arrestent
les Chevaux au milieu de leur
course.
ω
Le Sauveur du Monde dans
l'Apocalipfe a pris pour Symboles
les deux Lettres A, & w, la
premiere la derniere Lettre
de l'Alphabet Grec , pourfigni
ifier qu'il eft le commencement &
La fin de toutes choses.
Judas , ce vaillant Capitaine
des Juifs futfurnommé MachaGALANT.
61
bée , pour avoir pris dans fon
Etendari cette Devife , Symbole ,
on Mot MA. CA. B. AI . compofé
des quatre premieres fyllabes
du xi. verfet du xv . chapitre
de l'Exode...
MA CAMOCHA BAELIM
JEHOVAH ?
Qui comme Toy entre les
Dieux Jehovah ?
Les
Romains prirent les qua
tre Lettres , S. P. QR . quifont
Les premieres
des quatre Mots
fuivans. Serva , Populum ,
Quem, Redemifti
, qu'une Sybille
avoit gravé fur une lame
d'acier, comme dit Corrafius.
62 MERCURE
:
L'Empereur Maximilian prít
pour Symbole les voyelles A. E.
1. O. V. pour fignifier Aquila
Electa Jufte Omnia Vincit.
Revenons à la Langue Sainte.
Les Juifs & les Samaritains ont
toûjours leu dans leurs Synago
"gues , la Sainte Ecriture en He
breu. La Bible des Samaritains
ne contient que le Pentateuque
,
qui font les cinq Livres de
Moife , parce qu'en l'année du
Monde 3971. c'est à dire 992.
ans avant l'Incarnation ,
n'avoit encore publié que te
Pentateuque lors que le
Royaume d'Ifraël fut divifé,
on
GALANT 63
m'étant resté au Fils de Salomon
que les Tribus de Juda & de
Benjamin , les dix autres Tribus
ayant obeï à Feroboam.
Le Peuple d'ISC. RAB. EL.
Hominis magni Dei , de
l'Homme du grand Dieu , ayant
depuis efté difperfé & contraint
d'habiter en Païs étrangers , il
perdit peu à peu l'usage de fa
Langue Hébraïque , c'est pourquoy
apres la Captivité de Baby
lone , on ne parla que la Langue
Syriaque dans Ferufalem ,
Langue Hebraïque y étoit comme
inconnuë; fi vray que
Princes des Preftres & des Phales
64 MERCURE
rifiens dirent aux Archers En
S. Iean chapitre 7. verfet 49.
Cette Populace ne fçait ce
que c'eft que la Loy. Ce qui
avoit obligé les Rabins on Docteurs
de la Loy , d'en faire des
Verfions en Langue vulgaire des
Pais où ils étoient Etrangers
.
Les Rabins Afiatiques firent à
Babylone , la plus ancienne & la
plus estimée des Paraphrafes ,
qui eft la Chaldaique, ou le Targum
Onkelos.
La Verfion Grecque du Pentateuque
, dont S. Ierôme au
premier chapitre de l'Epifire de
S. Paul à Titus , dit Scientia
GALANT. 65
l'Ordre >
ou dit
pietatis eft noffe Legem ,fur
faite 272. ans avant l'Incarnation
, en Alexandrie d'Egypte,
où les Iuifs avoient un Temple
comme en Ierufalem. Elle eft
furnommée des 70 parce qu'elle
fut faite par
moins aprouvée des 72 , qui compofoient
le Venerable Senat du
grand Sanhedrin. Tout ce qu'on
en a dit au delà , a esté fur la
bonne foy d'un Livre attribué à
Ariftée , l'un des 2. Interprétes,
qui ne firent que la Verfion des
cinq Livres de Moife , bien qu'il
ne foit nommé qu'en tierce Per-
Sonne.
Fevrier 1685 E
66) MERCURE
DESES LIVRES
leur ancienne Forme
99100100
L5
& Relieure.
S ,
Es luifs obfervoient de ne
mettre que 30. Lettres à
chaque ligne.
Les Anciens coloient au long
plufieurs feuilles de papier les
unes au bord des autres , & ils.
n'écrivoyent que d'un côté. Ils
inferoient le bout de la derniere
des feuilles dans la fente d'un
bâton cilindrique , autour duquel
on rouloit toutes les feuilles qui
compofoient ce Livre ou Volume.
Ce bâton avoit un Chapiteau
GALANT 67
une Baze , à la diſtance de
la largeur du papier. Toutes les
Biblioteques étoient composées de
femblables Rouleaux , chez les
Grecs chez les Latins , mefme
long-temps apres Ciceron. Les
Iuifs ont encore fur l'Autel de
chaque Synagogue , les Livres de
la Loyfur deuxfemblables Rou
leaux Cilindriques , & quand ils
ont lû une page , ils la roulent
autour du Cilindre qu'ils tiens
nent à la main droite. Fay trou
vé dans nos Archives du Chapi
tre de Ternant , fondée en l'année
1444. qui eft quatre ans apres
L'invention de l'Imprimerie
, dess
Fij
68 MERCURE
Enquestes fur des feuilles de pa-..
pier colées les unes au bas des autres
, écrites d'un feul côté.
Le Secret ayant efté trouvé de
préparer le parchemin , en forte ·
qu'on peut écrire des deux côtez:
Le Roy Attalus fit écrire &
relier quelques. Livres à la maniere
des noftres.
L'Imprimerie commença en
1440 à Mayence , & les Offices
de Ciceron , eft le premier Livre
qui ait efté Imprimé en Europe,
il est maintenant bien facile de ·
profiter de l'avis de l'Oracle , qui
dit à Zenon que , Pour bien vivre
, il faloit avoir commerce
GALANT 69
avec les Morts. C'eft dans le
mefme fentiment qu' Alphonfe
Roy d' Arragon difoit, Qu'ilfaut
confulter les morts comme les
plus fidéles Confeillers , car il
n'y a point d'Amy plus librequ'un
Livre.
DE LA DIFFICULTE
de lire l'Ecriture Chinoife,
& l'Hebraïque fans
Voyelles.
trouverez pas fi
Vetrange que l'Ecriture Chinoife
ait un Caractere different
pour chaque chofe , & qu'un.
mefme mot prononcé differem .
70 MERCURE
ment, fignifie diferentes chofes,
fi vous faites reflexion qu'en
noftre Langue , un mesme mot a
plufieurs fignifications : En voicy
un exemple, il faut que je vous
Conte , un Conte , d'un Conte,
duquel je ne fais pas grand
Conte. 190
A la fterilité de la Langue
Chinoife , oppofez la fecondité de
la Langue Arabe ; elle a 80 mots
pourfignifier le Miel ; 200 mots
pour fignifier le Serpent ; soo
pour fignifier le Lyon ; & 200.
pour fignifier l'Epée . Cela me
faitfouvenir des fix Versfurvans
d'un vieux Sonnet.
GALANT. 71
Il faut que par neuf fois la Lune
ait fait fon cours,
Avant que nous voyons la lumiere
du jour,
Qu'un cruel Ennemy nous a
bien-toft ravie..
Miférables Mortels , n'avons .
nous pas grand tort,
De faire tant d'Engins pour nous
donner la mort .
L'Ecriture Hebraïque n'avoit
originairement que les Lettres
Confonnes , car les Points qui tiennentlieu
de Voyelles , n'ont commencé
qu'en l'annéesos . de l'Incarnation
, & 436 ans apres que
Titus Vefpafian eut brûlé le Temple
de Terufalem le 8 Aouſt , &
72 MERCURE
la Ville le 8. Septembre en la 72.-
année de Iefus - Chrift . C'est
pourquoy il y a à preſent onze
cens foixante & dix-fept années
que les Docteurs Iuifs étant af
femblez à la Tyberiade , Ville
de la Paleftine , inventerent t
employerent les points ou voyelles»
fecrettes , afin de conferver à leur
Pofterité difperfée par tout le
Monde , la veritable lecture des
Livres Sacrez de l'ancien Teftale
Rabin
ment. C'est ce que
Helie Levite • rapporté dans fax
troifiéme Preface fur le Maffo
reth. C'est pourquoy pour bien
apprendre à lire l'Hebreu , jes
vous
GALANT. 73
vons renvoye à la Mazore , ou
Tradition de l'Ecole Tyberiade.
C'eft fans fujet que vous me
prenez pour un Gale Razaia,
Revelateur des chofes fecretes.
Vous me demandez mille chofes,
comme fi j'avois tout cela dans
mon Jalkur , ou Poche Rabini
que , ou que je fuffe le tout
fçavant Hippias Eleen metempficofe.
Merite t'on quelque chofe
pour beaucoup parler ? Avez
vous oublié que Plutarque loue
Epaminondas qui eftoit le plus
fçavant , & parloit le moins. Je
profite en bien des chofes du bon
mot de Socrate , qui étant inter-
Février 1685.
G
74 MERCURE
rogé pourquoy
il ne donnoit au
cun Ecrit au Public, répondit que
le papier vaudroit mieux que ce
qu'il faudroit dire. Pour vous
répondre à tant d'articles , il me
faudroit une mémoire auſſi heureufe
que celle d'Efdras , qui dicta
par coeur les Livres de l'Ancien
Teftament , tels que nous les
avons. Du Grec Carmides, qui di
foit par coeur ce qui eftoit contenu
dans quel Volume d'une Bibliotéque
qu'on fouhaitoit. De Cyrus,
ou de L. Scipion , qui fçavoient
le nom de tous leurs Soldats ; ou
la mémoire de Mithridate , de
Craffus , de Cyneas , de Themi
GALANT. 75
ftocle , ou celle de l'Empereur
Claude , qui fçavoit tout Homere
par coeur , de Salufte qui fçavoit
tout Demofthene , d'Avicenne
qui fçavoir auffi par coeur
toute la Metaphifique d'Ariftote.
Te nefuis ny Ciceron qui fe fou
venoit de tout ce qu'il avoit leu
ou entendu. Je n'ay pas la mémoire
de Senéque l'Orateur, qui affenre
dans la Préface du Livre des
Plaidoyés on Controverſes , qu'il ·
avoit la Mémoire fi heureuſe ,
qu'il redifoit deux mille noms
differents dans le mefme ordre
qu'ils avoient eftéprononcez, &
que dans l'Ecole plus de deux
ن م
Gij
76 MERCURE
cens perfonnes ayant dit chacun
un Vers, il les repéta en commen
çant par le dernierVers . Le Pape
Clement VI. ayant receu une
grande bleffure à la teſte , ſa mémoire
devint fi heureuſe , qu'il
ne put rien oublier de ce qu'il
avoit leu. Tay efté prefent aver
feu M ' le Marquis de S. André
Montbrun , Capitaine Genéral
des Armées du Roy ,
verneur du Nivernois , à un
femblable effay de Mémoire
entre M de la Barre , pour lors
Intendant du Bourbonnois , &
Mc Adam le Poëte Menuifier de
Nevers. Deplus, je n'aypas un
r
GouGALANT.
77
Secretaire fi expert dans la Tachigraphie
, que ceux dont
Martial difoit , lib. 14 .
Currant verba licet , manus eft
velocior illis ,
Nondum lingua , fuum dextra
peregit opus.
Je nyfuis pasfi exercé qu'Origene
, quand mefme je formerois
aufft mal mes Lettres que le
grand Quintilien , dont les lignes
fembloient des Serpens . Il eft
autant furprenant qu'avanta
geuxpour le bien public, qu'entre
tant de millions d'Ecritures , il ne
s'en rencontre pas deux tout àfair
femblables , quand mefme on an-
C.iij
78 MERCURE
Tite
roit apris à écrire fous un mefmè,
Maistre. Il en eft de l'Ecriture,
comme des Voix des Vifages,
qui font tous en quelque chofe
diferens. Il est vray que
Vefpafian le Fils , difoit ordinai_
rement qu'il auroit pú eftre le plus
grand Fauffaire de l'Empire Romain,
parce qu'ilfçavoit tres - bien,
contrefaire toutes les fignatures.
·Contentez- vous , Monfieur, de
cepeu que je vous envoyepour vos
Etrennes de l'année 1685. Je réponds
à vos autres demandes ,
comme les Juifs dans les Quefons
tres difficiles THIS BI,
JETHARES , KA SIOT,
GALANT. 79
Elie Thesbite , qui nãquit huit
ans avant la mort de Solomon,
les foudra.
que
La Kabale des Rabins auffibien
les deux Volumes de Viſions
Parfaites , ne contiennent que futulites
avec la Lettre R de trois'
Nations bien differentes , l'Itali
que , le Grec l'Hebreu , & à
tous ces Livres , il ne manque que
la Syllabe Grecque Noun.
Vous aprendrez dans 24 heures
la Langue Hebraïque , dans la
nouvelle Grammaire de Criftofori
Cellarii , imprimée Cizæ,
au commencement
de l'année
1684.
G iiij
80 MERCURE
Le manque de Voyelles dans
l'Ecriture Hebraique
, eft la caufe
que la Verfion Grecque de l'Ancien
Teftament
, faite par
les
72
Rabins en Alexandrie l'année
272. avant la naissance de Fefus-
Chrift , n'est pas toujours confor
me à l'Original Hebraïque, quoy.
qu'en ait dit l'Autheur du Livre
attribué à Ariftée l'un des 72:
Interpretes. Puis que cette Verfion
a des paffages mal expliquez,
bien des chofes oubliées ,
d'autres ajoûtées ,s comme dit..
S. Jerôme , qui mourut l'année
420 : c'est pourquoy la Verfion
Latine qu'on fit fur la Grecque,
GALANT. 81
du temps des Apoftres , ne peut
eftre meilleure , bien que nous
chantions les Pfeaumes fuivant
cette Verfion , parce que l'Eglife
yeftoit accoûtumée , lors quefaint
Jerome fit fa Verfion Latine de
Ancien Teftament , que nous
appellons la Vulgate.
Si la Langue Chinoife eft dif
ficile par la differentefignification
d'un mefme mot, la Langue Hebraïque
eft auffi difficile par la
mefme raifon ; car par exemple,
le mot ou Racine HHANAH ,
fignifie humilier , appauvrir ,
affliger, occuper, témoigner,
chanter , crier , parler , ré82
MERCURE
Le mot
pondre , exaucer.
HHALAL , fignifie eſtre la
cauſe , cauſer , rendre affligé,
envelopper , defigner , enlai
dir , vendanger , méprifer ,
méditer , tâcher , agir , cautionner.
Le mot HHARAB,
fignifie dreffer , embellir, plairre
, engager , négocier , mélanger
, s'obfcurcir , devenir
doux.
Par
Bien davantage , les mefmes
mots Hebreux ont fouvent deux
fignifications contraires.
exemple KDS , fignifie fanctifier
, prophaner. BRH fignifie,
benir , maudire. NCHM fignifie
GALANT. 83
10
a
ད
eftre confolé , eftre defolé.
SKN fignifie appauvrir , s'enrichir
, mille autres , par le
changement des conjugaisons
qu'ils appellent Binjanim , Stra
cture.
Par le manque des Voyelles ,
au lieu de lire CHOMER , qui
fignifie URNE , dans laquelle les
Hebreux gardoient la Manne;
les Payens ayant leu CHOMAR ,
qui fignifie ASNE , ils accuferent
lesJuifs , & enfuite les premiers
Chreftiens
d'un Afne dans le Sanctuaire du
Temple.
d'adorer la Tefta
Le 47 Chapitre de la Genefe
84 MERCURE
&
parlant de Faceb adorant Dieu ,
finit par ces mots Halrofch;
Ham , Mitthah , chevet du lit,
les 70 ayant leu Matthe ,
L'interpreterent Verge , ou bâton.
Dans le 11. chap . de Zacharies
verf.7. au mot Hebreu CHBLM ,,
lesfeptante-deux Interpretes leu
rent CHaваLIM, Cordanx :
fuivant les Points on Voyelles ,
depuis marquées par les Rabins
de Tyberiade
nous lifons:
CHOBELİM , qui fignifie Corrupteurs.
>
}
Les Septante leurent par les
3. Confonnes z KR, du 14. Verf.
du 26 Chap. d'Ifaye , le mot
GALANT. 85
ZakeR , qui fignifie Malle ;
S. Jerôme ayant leu ZakaR,
l'interpreta Memoire.
Les Septante dans le Chap. 3.
Verfet de leremie, leurent Reh
him , quifignifie Paſteurs. Et
S. Ierome ayant leu Rohhim,
l'interpreta Amateur, er dans le
Chapitre 9. Verfet 22', leurent
Deber, quifignifie la Mort. Et
S. Jerôme ayant leu Daber, l'interpreta
Parle. De mefme auffi
les Septante dans Oſée, Ch. 13.
Verfet 3 , leurent Harbeh , qui
fignifie Langouste , & S. Iérôleu
Habah , l'interme
ayant
preta
Cheminée
.
86 MERCURE
En voicy affez pour cette fois
& bien que l'Empereur Honorius
ait efté blámé de figner toutes
les Lettres que ces Officiers
luy prefentoientfans les lire , dequoy
fa Soeur Placidie le corri
gea , apres luy en avoirfait connoiftre
le peril , car elle fit gliffer
une Lettre à figner avec les autres
, par laquelle l'Empereur
promettoit Placidie en Mariage
un miferable Efclave. Ie me
fie pour ce coup à la bonne foy
de mon Scribe , plus Homme de
bien
que
le Notaire Lampo,
furnommé
Calamoſphacten
:
Je finis , vous affeurant de ma
GALANT. 87
main que je fuis , Monfieur,
Vostre , &c.
COMIERS.
deux Lettres du fçavant M
Comiers fur les Langues. En
voicy une troifiéme
› que
vous ne trouverez pas moins
curieufe que les autres.
豬
GALANT 45
255:22222 2522: 2222
III.
LETTRE
Concernant les
Langues , les
Lettres
les
Ecritures.
A M' DE S..... SDIKS .
Imaniere
laco-
E répons à la veftre , à la
maniére du Cardinal d'Offat
, article par article ,
niquement , mais je m'explique
en telle forte , que vous n'avez
lien de dire comme S. Jerôme
, en lifant le Poëte Perfe . Si
tu ne veux pas eftre entendu,
tu ne dois pas eftre lû.
pas
46 MERCURE
que
les
Fe fouhaiterois vous pouvoir répondre
auffi brièvement
Lacedémoniens , qui par la feule
Lettre S , qui fignifie Non , répondirent
à la longue Epiftre dos
demandes de Philippe , Pere
d'Alexandre le Grand.
La Langue Sainte , c'est à
dire l'Hebraique , a 22 Lettres,
autant qu'il y a de Livres dans
l'ancien Teftament , dans lequel
l'ordre des Lettres Hebraïques y
eft repeté 21 fois.
L'ay remarqué dans la 273
page du 26 Tome extraordinairs
du Mercure Galant, que Les trois
versets 19, 20 & 21 du 14 char
GALANT. 47
pitre de l'Exode , contiennent
chacun 72 Lettres , par le mélange
defquelles les Kabaliftes forment
les 72 noms de Dieu , tous
terminez en AH ou en EL , c'eft
pourquoy aprés le nom de l'office
d'un Ange , la Sainte Ecriture
ajoûte ELi ainfi Michaël , Raphaël
, Gabriël.
Toutes les 22 Lettres Hebrai
ques font contenues dans le 25
verfet dus chapitre du Prophéte
Ifaye.
Toutes les Lettres Grecques,
font dans les verfets 19 & 20 du
3 chapitre de la premiere Epiftre
de S. Pierre
48 MERCURE
Toutes les Lettres Latines
font dans ce Vers.
Gaza frequens Lybicos duxit
Kartago triumphos.
Atticus le Fils du Sophifte
Herodes , ne pût jamais aprendre
l'Alphabet.
Un jeune Prince Barbare
eftant venu étudier dans Athénes,
ne pût aprendre que les trois
premieres Lettres de l'Alphabet,
qu'il prononça d'un ton fi digne
de fon efprit & de fa Nation ,
que le Préteur ceffa de haranguer;
c'est pourquoy les Barbares
ramenérent en Triomphe leur
Prince , difant qu'il avoit vaincu
le
GALANT. 49
Le plus éloquent d´s Grecs .
La langue est presque le principal
inftrument de l'articulation,
car les confones labiales n'ont pas
befoin de l'office de la langue,
elle a dix mouvemens , fix droits
en rond. Les levres ont
&
quatre
auſſi
jusques
à fix
mouvemens
differens
. Le Larinx
a auf
fes
mouvemens
pour
la Trachée
, qui
ouvre
le paffage
à l'air, que pouffent
les poulmons
.
La Lettre Afe prononce le gozier
& la bouche ouverte ,fans.
employer la langue ; elle est donc
la Lettre la plus facil à prononcer
, c'est pourquoy elle tient le
Ferrier 1685.
Ε
50 MERCURE
premier rang dans l'Alphabet.
On dir qu'il n'y a eu que Zoroafter
qui ait ry en naiffant , &
que les Mâles pleurent par
voyelle A, & les Filles par la
voyelle E , ce qui a donné lieu à
ce Diftique, sikin mo ay
la
Plorat adhuc proles quod commifere
parentes,
A genitor dat Adam : E dedit
Eva prior.
Comme les confones B, M, P,
font purement labiales , ellesfont
auffi tres -faciles à prononcer. Il
ne faut qu'ouvrir doucement les
lévres en prononçant A , c'eſt
pourquoy
les Enfans prononcent
GALANT. 51
facilement MaMa PaPa ,
.
parce que le P fe prononce par la
feule explofion de l'Air , en feparant
promptement les lévres,
fi vous prononcez P tout contre
la flamme de la Chandelle , elle
vous fera entendre cette explo
Sion.
O,fe prononce le gozier ouvert
, & la bouche un peu enflée
voutée, c'eft pourquoy les Puis,
les Caves , & les Antres profonds,
pour A, refléchiffent O.
E, fe prononcefermant un peu
la bouche , & aprochant la langue
du palais , ne laiffant qu'un
petit paffage en largeur , à l'air
E ij
52 MERCURE
pouffe par les poulmons.
I, fe prononce en appliquant
davantage la langue au palais,
pour ne laiffer qu'une petite iſſue
à l'air , & on ferme davantage
la bouche , & on joint preſque
les dents.
V, François ,fe prononce ayant
joint les dents la langue tout
contre le palais ferrant les
téores avancéespour ne laiffer à
l'air qu'une petite iffuë ronde ,
on reffent qu'il fe forme un tremblement
des lévres.
I
Il
ya
ftinguent
point
Va de Fa , & pour
a des Nations qui ne di-
Vin difent Fin ,
GALANT 53
>
A Siracufe , la Lettre M tirée
au fort , donnoit le droit de la
Harangue publique.
La pronontiation de la Lettre
L appartient à la langue , celle
de Dede S , aux dents , M ,
aux lévres , celle de N au nez,
fi vray que fi on ferre le nez,
ne peut prononcer Na , mais on
entend Da , d'où il est facile de
rendre raifon des noms qu'on a
impofé à ces Lettres.
on
La Lettre K eft gutturale. Les
Calomniateurs étoient marquez
aufront avec un fer chaud , des
Lettres K & C la raiſon eſt
facile.
E j
54 MERCURE
La Lettre Qeftoit auffi im.
primée au front de ceux qui épou
foient une feconde Femme , la
premiere eftant vivante. Cette
marque Qest affezfignificative
du crime, de mefme que celle d'Aftronomie
Qpour marquer la conjonction
de deux Planetes, & c.
Plufteurs Perfonnes , pour Q
prononcent T , & pour Qui-
Quonque, difent TiTonTe .
temps de François I. le Do
Du
Pere des belles Lettres , & Fondateur
de l'Académie ou College
Royal de Paris , la prononcia
tion de la Lettre Q eftoit celle
de la Lettre K d'apréfent ; car
GALANT. [ 55
pour Quifquis , on prononçoit
KisKis. Lafçavante Républi
que des Lettres est redevable à
P. Ramus , Doyen du College
Royal , qui a donné la naturelle
prononciation du Q M¹s de la
Sorbonne s'y oppoférent, & même
privérent un Ecclefiaftique de fes
Revenus , parce qu'il prononçoit
le Qcomme Meffieurs de l'Académie
du Roy. Le Procez fut
porté au Parlement , on Ramus
ayant luy- mefme plaidé pour la
nouvelle prononciation de la Lettre
Q, il fut permis par Arreft
folemnel de dire QuiſQuis , ou
KisKis , qui depuis eft devenu
E
iiij
56 MERCURE
un mot pour animer les Chiens
au combat. Je croy que la Cour
Souveraine fonda ſon Arreſtſur
ce que la Lettre Hébraïque Coph
K dans fa valeur. est Q
no- ·Plufieurs Perfonnes ,
tamment ceux qui ont le Filet, ne
peuvent prononcer la Lettre R ,
qui demande le tremblement de
la langue ; c'est pourquoy pour.
R , ils prononcent L.
Meffala , grand Orateur , fit
autrefois un Volume entier de la
Lettre S. Sa mauvaise prononciation
confta la vie à quarantedeux
mille Ephraemites , qui
furent égorgez par les Galaadites,
GALANT. 57
pour n'avoir fçû bien prononcer
dans le mot Schiboleth la Lettre
S , que les Hebreux nomment
Scin .
Appius Claudius trembloit
à la Lettre Z, lors qu'on la pro- .
nonçoit par TS, parce qu'elle exprime
le grincement
de dents d'un
Moribond.
Laprononciation de S, on ST,
fait un fiflement qui penétre , &
qui fertpour ordonner le filence.
L'Echo n'est pas toûjours la
veritable image de la voix articulée
, puis qu'elle ne peut pas
toujours redire ou refléchir la Let
tre S', car pour le mot Satan,
58 MERCURE
PEcho répond Vatan. Il n'en
eft pas de mefme des mots Sofia
in Solario , Soleas Sarciebat
Suas. Vous feavez que la voix
refléchie par l'Echo, employe deux
fois plus de temps que la voix
directe , laquelle dans la moitié
d'une demy -feconde de temps parcourt
690 pieds.
L'Echo du Palais Simoneta,
à un mille de Milan ,
repete
du moins
vingt
- quatre
fois
le mefme
mot.
La plus grande parleufe des
Echos , eft celle que je trouvay
il y a dixhuit ans à Taxily
une lieue de la Ville de Luzy
a
GALANT. 59
en Nivernois ; car eftant la nuit
dans le Fardin de la Cure , qui
dépend de noftre Chapitre de Ternant
, ayant le vifage tourné
contre la Colline de Nidi , elle
repétoit de fuite tres-fortement
tres - diftinctement tous ces
treize mots,
Arma virumque cano , Troja
quæ primus ab oris,
Arma virumque cano .
Il est auffi facile de rendre
raison pourquoy l'Echo pour Sa,
dit Va , que d'expliquer pourquoy
en tenant un doigt dans
chaque coin de la bouche , pour
la Lettre P, on prononce F.
60 MERCURE
La voyelle O. fe fait enten
dre de plus loin , c'est pourquoy
les noms des Chiens de Mutte fe
terminent en O.
Les voyelles O & E font les
plus fortes , puis qu'elles arrestent
les Chevaux au milieu de leur
course.
ω
Le Sauveur du Monde dans
l'Apocalipfe a pris pour Symboles
les deux Lettres A, & w, la
premiere la derniere Lettre
de l'Alphabet Grec , pourfigni
ifier qu'il eft le commencement &
La fin de toutes choses.
Judas , ce vaillant Capitaine
des Juifs futfurnommé MachaGALANT.
61
bée , pour avoir pris dans fon
Etendari cette Devife , Symbole ,
on Mot MA. CA. B. AI . compofé
des quatre premieres fyllabes
du xi. verfet du xv . chapitre
de l'Exode...
MA CAMOCHA BAELIM
JEHOVAH ?
Qui comme Toy entre les
Dieux Jehovah ?
Les
Romains prirent les qua
tre Lettres , S. P. QR . quifont
Les premieres
des quatre Mots
fuivans. Serva , Populum ,
Quem, Redemifti
, qu'une Sybille
avoit gravé fur une lame
d'acier, comme dit Corrafius.
62 MERCURE
:
L'Empereur Maximilian prít
pour Symbole les voyelles A. E.
1. O. V. pour fignifier Aquila
Electa Jufte Omnia Vincit.
Revenons à la Langue Sainte.
Les Juifs & les Samaritains ont
toûjours leu dans leurs Synago
"gues , la Sainte Ecriture en He
breu. La Bible des Samaritains
ne contient que le Pentateuque
,
qui font les cinq Livres de
Moife , parce qu'en l'année du
Monde 3971. c'est à dire 992.
ans avant l'Incarnation ,
n'avoit encore publié que te
Pentateuque lors que le
Royaume d'Ifraël fut divifé,
on
GALANT 63
m'étant resté au Fils de Salomon
que les Tribus de Juda & de
Benjamin , les dix autres Tribus
ayant obeï à Feroboam.
Le Peuple d'ISC. RAB. EL.
Hominis magni Dei , de
l'Homme du grand Dieu , ayant
depuis efté difperfé & contraint
d'habiter en Païs étrangers , il
perdit peu à peu l'usage de fa
Langue Hébraïque , c'est pourquoy
apres la Captivité de Baby
lone , on ne parla que la Langue
Syriaque dans Ferufalem ,
Langue Hebraïque y étoit comme
inconnuë; fi vray que
Princes des Preftres & des Phales
64 MERCURE
rifiens dirent aux Archers En
S. Iean chapitre 7. verfet 49.
Cette Populace ne fçait ce
que c'eft que la Loy. Ce qui
avoit obligé les Rabins on Docteurs
de la Loy , d'en faire des
Verfions en Langue vulgaire des
Pais où ils étoient Etrangers
.
Les Rabins Afiatiques firent à
Babylone , la plus ancienne & la
plus estimée des Paraphrafes ,
qui eft la Chaldaique, ou le Targum
Onkelos.
La Verfion Grecque du Pentateuque
, dont S. Ierôme au
premier chapitre de l'Epifire de
S. Paul à Titus , dit Scientia
GALANT. 65
l'Ordre >
ou dit
pietatis eft noffe Legem ,fur
faite 272. ans avant l'Incarnation
, en Alexandrie d'Egypte,
où les Iuifs avoient un Temple
comme en Ierufalem. Elle eft
furnommée des 70 parce qu'elle
fut faite par
moins aprouvée des 72 , qui compofoient
le Venerable Senat du
grand Sanhedrin. Tout ce qu'on
en a dit au delà , a esté fur la
bonne foy d'un Livre attribué à
Ariftée , l'un des 2. Interprétes,
qui ne firent que la Verfion des
cinq Livres de Moife , bien qu'il
ne foit nommé qu'en tierce Per-
Sonne.
Fevrier 1685 E
66) MERCURE
DESES LIVRES
leur ancienne Forme
99100100
L5
& Relieure.
S ,
Es luifs obfervoient de ne
mettre que 30. Lettres à
chaque ligne.
Les Anciens coloient au long
plufieurs feuilles de papier les
unes au bord des autres , & ils.
n'écrivoyent que d'un côté. Ils
inferoient le bout de la derniere
des feuilles dans la fente d'un
bâton cilindrique , autour duquel
on rouloit toutes les feuilles qui
compofoient ce Livre ou Volume.
Ce bâton avoit un Chapiteau
GALANT 67
une Baze , à la diſtance de
la largeur du papier. Toutes les
Biblioteques étoient composées de
femblables Rouleaux , chez les
Grecs chez les Latins , mefme
long-temps apres Ciceron. Les
Iuifs ont encore fur l'Autel de
chaque Synagogue , les Livres de
la Loyfur deuxfemblables Rou
leaux Cilindriques , & quand ils
ont lû une page , ils la roulent
autour du Cilindre qu'ils tiens
nent à la main droite. Fay trou
vé dans nos Archives du Chapi
tre de Ternant , fondée en l'année
1444. qui eft quatre ans apres
L'invention de l'Imprimerie
, dess
Fij
68 MERCURE
Enquestes fur des feuilles de pa-..
pier colées les unes au bas des autres
, écrites d'un feul côté.
Le Secret ayant efté trouvé de
préparer le parchemin , en forte ·
qu'on peut écrire des deux côtez:
Le Roy Attalus fit écrire &
relier quelques. Livres à la maniere
des noftres.
L'Imprimerie commença en
1440 à Mayence , & les Offices
de Ciceron , eft le premier Livre
qui ait efté Imprimé en Europe,
il est maintenant bien facile de ·
profiter de l'avis de l'Oracle , qui
dit à Zenon que , Pour bien vivre
, il faloit avoir commerce
GALANT 69
avec les Morts. C'eft dans le
mefme fentiment qu' Alphonfe
Roy d' Arragon difoit, Qu'ilfaut
confulter les morts comme les
plus fidéles Confeillers , car il
n'y a point d'Amy plus librequ'un
Livre.
DE LA DIFFICULTE
de lire l'Ecriture Chinoife,
& l'Hebraïque fans
Voyelles.
trouverez pas fi
Vetrange que l'Ecriture Chinoife
ait un Caractere different
pour chaque chofe , & qu'un.
mefme mot prononcé differem .
70 MERCURE
ment, fignifie diferentes chofes,
fi vous faites reflexion qu'en
noftre Langue , un mesme mot a
plufieurs fignifications : En voicy
un exemple, il faut que je vous
Conte , un Conte , d'un Conte,
duquel je ne fais pas grand
Conte. 190
A la fterilité de la Langue
Chinoife , oppofez la fecondité de
la Langue Arabe ; elle a 80 mots
pourfignifier le Miel ; 200 mots
pour fignifier le Serpent ; soo
pour fignifier le Lyon ; & 200.
pour fignifier l'Epée . Cela me
faitfouvenir des fix Versfurvans
d'un vieux Sonnet.
GALANT. 71
Il faut que par neuf fois la Lune
ait fait fon cours,
Avant que nous voyons la lumiere
du jour,
Qu'un cruel Ennemy nous a
bien-toft ravie..
Miférables Mortels , n'avons .
nous pas grand tort,
De faire tant d'Engins pour nous
donner la mort .
L'Ecriture Hebraïque n'avoit
originairement que les Lettres
Confonnes , car les Points qui tiennentlieu
de Voyelles , n'ont commencé
qu'en l'annéesos . de l'Incarnation
, & 436 ans apres que
Titus Vefpafian eut brûlé le Temple
de Terufalem le 8 Aouſt , &
72 MERCURE
la Ville le 8. Septembre en la 72.-
année de Iefus - Chrift . C'est
pourquoy il y a à preſent onze
cens foixante & dix-fept années
que les Docteurs Iuifs étant af
femblez à la Tyberiade , Ville
de la Paleftine , inventerent t
employerent les points ou voyelles»
fecrettes , afin de conferver à leur
Pofterité difperfée par tout le
Monde , la veritable lecture des
Livres Sacrez de l'ancien Teftale
Rabin
ment. C'est ce que
Helie Levite • rapporté dans fax
troifiéme Preface fur le Maffo
reth. C'est pourquoy pour bien
apprendre à lire l'Hebreu , jes
vous
GALANT. 73
vons renvoye à la Mazore , ou
Tradition de l'Ecole Tyberiade.
C'eft fans fujet que vous me
prenez pour un Gale Razaia,
Revelateur des chofes fecretes.
Vous me demandez mille chofes,
comme fi j'avois tout cela dans
mon Jalkur , ou Poche Rabini
que , ou que je fuffe le tout
fçavant Hippias Eleen metempficofe.
Merite t'on quelque chofe
pour beaucoup parler ? Avez
vous oublié que Plutarque loue
Epaminondas qui eftoit le plus
fçavant , & parloit le moins. Je
profite en bien des chofes du bon
mot de Socrate , qui étant inter-
Février 1685.
G
74 MERCURE
rogé pourquoy
il ne donnoit au
cun Ecrit au Public, répondit que
le papier vaudroit mieux que ce
qu'il faudroit dire. Pour vous
répondre à tant d'articles , il me
faudroit une mémoire auſſi heureufe
que celle d'Efdras , qui dicta
par coeur les Livres de l'Ancien
Teftament , tels que nous les
avons. Du Grec Carmides, qui di
foit par coeur ce qui eftoit contenu
dans quel Volume d'une Bibliotéque
qu'on fouhaitoit. De Cyrus,
ou de L. Scipion , qui fçavoient
le nom de tous leurs Soldats ; ou
la mémoire de Mithridate , de
Craffus , de Cyneas , de Themi
GALANT. 75
ftocle , ou celle de l'Empereur
Claude , qui fçavoit tout Homere
par coeur , de Salufte qui fçavoit
tout Demofthene , d'Avicenne
qui fçavoir auffi par coeur
toute la Metaphifique d'Ariftote.
Te nefuis ny Ciceron qui fe fou
venoit de tout ce qu'il avoit leu
ou entendu. Je n'ay pas la mémoire
de Senéque l'Orateur, qui affenre
dans la Préface du Livre des
Plaidoyés on Controverſes , qu'il ·
avoit la Mémoire fi heureuſe ,
qu'il redifoit deux mille noms
differents dans le mefme ordre
qu'ils avoient eftéprononcez, &
que dans l'Ecole plus de deux
ن م
Gij
76 MERCURE
cens perfonnes ayant dit chacun
un Vers, il les repéta en commen
çant par le dernierVers . Le Pape
Clement VI. ayant receu une
grande bleffure à la teſte , ſa mémoire
devint fi heureuſe , qu'il
ne put rien oublier de ce qu'il
avoit leu. Tay efté prefent aver
feu M ' le Marquis de S. André
Montbrun , Capitaine Genéral
des Armées du Roy ,
verneur du Nivernois , à un
femblable effay de Mémoire
entre M de la Barre , pour lors
Intendant du Bourbonnois , &
Mc Adam le Poëte Menuifier de
Nevers. Deplus, je n'aypas un
r
GouGALANT.
77
Secretaire fi expert dans la Tachigraphie
, que ceux dont
Martial difoit , lib. 14 .
Currant verba licet , manus eft
velocior illis ,
Nondum lingua , fuum dextra
peregit opus.
Je nyfuis pasfi exercé qu'Origene
, quand mefme je formerois
aufft mal mes Lettres que le
grand Quintilien , dont les lignes
fembloient des Serpens . Il eft
autant furprenant qu'avanta
geuxpour le bien public, qu'entre
tant de millions d'Ecritures , il ne
s'en rencontre pas deux tout àfair
femblables , quand mefme on an-
C.iij
78 MERCURE
Tite
roit apris à écrire fous un mefmè,
Maistre. Il en eft de l'Ecriture,
comme des Voix des Vifages,
qui font tous en quelque chofe
diferens. Il est vray que
Vefpafian le Fils , difoit ordinai_
rement qu'il auroit pú eftre le plus
grand Fauffaire de l'Empire Romain,
parce qu'ilfçavoit tres - bien,
contrefaire toutes les fignatures.
·Contentez- vous , Monfieur, de
cepeu que je vous envoyepour vos
Etrennes de l'année 1685. Je réponds
à vos autres demandes ,
comme les Juifs dans les Quefons
tres difficiles THIS BI,
JETHARES , KA SIOT,
GALANT. 79
Elie Thesbite , qui nãquit huit
ans avant la mort de Solomon,
les foudra.
que
La Kabale des Rabins auffibien
les deux Volumes de Viſions
Parfaites , ne contiennent que futulites
avec la Lettre R de trois'
Nations bien differentes , l'Itali
que , le Grec l'Hebreu , & à
tous ces Livres , il ne manque que
la Syllabe Grecque Noun.
Vous aprendrez dans 24 heures
la Langue Hebraïque , dans la
nouvelle Grammaire de Criftofori
Cellarii , imprimée Cizæ,
au commencement
de l'année
1684.
G iiij
80 MERCURE
Le manque de Voyelles dans
l'Ecriture Hebraique
, eft la caufe
que la Verfion Grecque de l'Ancien
Teftament
, faite par
les
72
Rabins en Alexandrie l'année
272. avant la naissance de Fefus-
Chrift , n'est pas toujours confor
me à l'Original Hebraïque, quoy.
qu'en ait dit l'Autheur du Livre
attribué à Ariftée l'un des 72:
Interpretes. Puis que cette Verfion
a des paffages mal expliquez,
bien des chofes oubliées ,
d'autres ajoûtées ,s comme dit..
S. Jerôme , qui mourut l'année
420 : c'est pourquoy la Verfion
Latine qu'on fit fur la Grecque,
GALANT. 81
du temps des Apoftres , ne peut
eftre meilleure , bien que nous
chantions les Pfeaumes fuivant
cette Verfion , parce que l'Eglife
yeftoit accoûtumée , lors quefaint
Jerome fit fa Verfion Latine de
Ancien Teftament , que nous
appellons la Vulgate.
Si la Langue Chinoife eft dif
ficile par la differentefignification
d'un mefme mot, la Langue Hebraïque
eft auffi difficile par la
mefme raifon ; car par exemple,
le mot ou Racine HHANAH ,
fignifie humilier , appauvrir ,
affliger, occuper, témoigner,
chanter , crier , parler , ré82
MERCURE
Le mot
pondre , exaucer.
HHALAL , fignifie eſtre la
cauſe , cauſer , rendre affligé,
envelopper , defigner , enlai
dir , vendanger , méprifer ,
méditer , tâcher , agir , cautionner.
Le mot HHARAB,
fignifie dreffer , embellir, plairre
, engager , négocier , mélanger
, s'obfcurcir , devenir
doux.
Par
Bien davantage , les mefmes
mots Hebreux ont fouvent deux
fignifications contraires.
exemple KDS , fignifie fanctifier
, prophaner. BRH fignifie,
benir , maudire. NCHM fignifie
GALANT. 83
10
a
ད
eftre confolé , eftre defolé.
SKN fignifie appauvrir , s'enrichir
, mille autres , par le
changement des conjugaisons
qu'ils appellent Binjanim , Stra
cture.
Par le manque des Voyelles ,
au lieu de lire CHOMER , qui
fignifie URNE , dans laquelle les
Hebreux gardoient la Manne;
les Payens ayant leu CHOMAR ,
qui fignifie ASNE , ils accuferent
lesJuifs , & enfuite les premiers
Chreftiens
d'un Afne dans le Sanctuaire du
Temple.
d'adorer la Tefta
Le 47 Chapitre de la Genefe
84 MERCURE
&
parlant de Faceb adorant Dieu ,
finit par ces mots Halrofch;
Ham , Mitthah , chevet du lit,
les 70 ayant leu Matthe ,
L'interpreterent Verge , ou bâton.
Dans le 11. chap . de Zacharies
verf.7. au mot Hebreu CHBLM ,,
lesfeptante-deux Interpretes leu
rent CHaваLIM, Cordanx :
fuivant les Points on Voyelles ,
depuis marquées par les Rabins
de Tyberiade
nous lifons:
CHOBELİM , qui fignifie Corrupteurs.
>
}
Les Septante leurent par les
3. Confonnes z KR, du 14. Verf.
du 26 Chap. d'Ifaye , le mot
GALANT. 85
ZakeR , qui fignifie Malle ;
S. Jerôme ayant leu ZakaR,
l'interpreta Memoire.
Les Septante dans le Chap. 3.
Verfet de leremie, leurent Reh
him , quifignifie Paſteurs. Et
S. Ierome ayant leu Rohhim,
l'interpreta Amateur, er dans le
Chapitre 9. Verfet 22', leurent
Deber, quifignifie la Mort. Et
S. Jerôme ayant leu Daber, l'interpreta
Parle. De mefme auffi
les Septante dans Oſée, Ch. 13.
Verfet 3 , leurent Harbeh , qui
fignifie Langouste , & S. Iérôleu
Habah , l'interme
ayant
preta
Cheminée
.
86 MERCURE
En voicy affez pour cette fois
& bien que l'Empereur Honorius
ait efté blámé de figner toutes
les Lettres que ces Officiers
luy prefentoientfans les lire , dequoy
fa Soeur Placidie le corri
gea , apres luy en avoirfait connoiftre
le peril , car elle fit gliffer
une Lettre à figner avec les autres
, par laquelle l'Empereur
promettoit Placidie en Mariage
un miferable Efclave. Ie me
fie pour ce coup à la bonne foy
de mon Scribe , plus Homme de
bien
que
le Notaire Lampo,
furnommé
Calamoſphacten
:
Je finis , vous affeurant de ma
GALANT. 87
main que je fuis , Monfieur,
Vostre , &c.
COMIERS.
Fermer
Résumé : III. LETTRE Concernant les Langues, les Lettres & les Ecritures. A Mr DE S.....SDIKS.
Le texte discute des langues, des écritures et des lettres, en se concentrant particulièrement sur l'hébreu, le grec et le latin. L'auteur note que la langue hébraïque compte 22 lettres, correspondant aux 22 livres de l'Ancien Testament. Les kabbalistes utilisent les lettres des versets 19, 20 et 21 du chapitre 14 de l'Exode pour former les 72 noms de Dieu. Toutes les lettres hébraïques apparaissent dans le chapitre 25 du prophète Isaïe, les lettres grecques dans les versets 19 et 20 du chapitre 3 de la première épître de Pierre, et les lettres latines dans le vers 'Gaza frequens Lybicos duxit Kartago triumphos'. L'auteur relate également des anecdotes sur l'apprentissage des alphabets, comme celle d'un jeune prince barbare qui a impressionné les Athéniens en maîtrisant les trois premières lettres de l'alphabet grec. La lettre A est considérée comme la plus facile à prononcer et tient le premier rang dans l'alphabet. Des observations sur la prononciation des voyelles et des consonnes sont également faites, ainsi que des remarques sur l'écho et la prononciation des lettres dans différentes langues. Le texte aborde aussi l'histoire des écritures, mentionnant que les Juifs et les Samaritains lisaient la Sainte Écriture en hébreu dans leurs synagogues. Après la captivité de Babylone, la langue syriaque a remplacé l'hébreu à Jérusalem. Les rabbins ont traduit la Loi en langues vulgaires pour les Juifs dispersés. La version grecque du Pentateuque, faite à Alexandrie, est appelée la Septante et a été approuvée par le Sanhedrin. L'auteur discute également de la polysémie des mots dans différentes langues, illustrée par une phrase jouant sur les mots 'conte' en français. Il oppose la stérilité de la langue chinoise à la fécondité de la langue arabe, qui possède de nombreux mots pour désigner des concepts spécifiques comme le miel, le serpent, le lion et l'épée. L'écriture hébraïque originellement ne comportait que des consonnes. Les voyelles ont été ajoutées au IVe siècle, après la destruction du Temple de Jérusalem par Titus Vespasien, pour conserver la lecture correcte des livres sacrés. Le texte mentionne des figures historiques et des exemples de mémoires prodigieuses, comme celle d'Esdras ou de Sénèque, pour illustrer la difficulté de répondre à de nombreuses questions sans une mémoire exceptionnelle. Enfin, le texte discute des difficultés de la langue hébraïque, où un même mot peut avoir plusieurs significations contraires, et des erreurs d'interprétation dans les versions grecques et latines de l'Ancien Testament dues à l'absence de voyelles. Il conclut par des exemples de malentendus causés par ces ambiguïtés.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 25-44
LIVRES NOUVEAUX. Traduction en Vers François des Georgiques de Virgille, Ouvrage posthume de Monsieur DE SEGRAIS.
Début :
Feu Mr de Segrais, si connu par sa belle traduction de [...]
Mots clefs :
Traduction, Virgile, Segrais, Énéide, Euridice, Géorgiques, Orphée, Public, Mort, Poète
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LIVRES NOUVEAUX. Traduction en Vers François des Georgiques de Virgille, Ouvrage posthume de Monsieur DE SEGRAIS.
LIVRES NOUVEAUX.
TraductionenVers François
desfieorgttf'MS de
Vtrgille
,
OwvrageposthumedeMonsieur
DESEGRAISI
FeuMrdeSegrais, si
connu par sa belle traduction
de l'Eneïde,avoitaussi
traduit les Georgiques du
mesme Poëte, & n'ayant
pas eu le temps de les donner
au Public, il chargea
un de ses amis du soin de
les faire iniprimer, &dy
joindre une Préfacé dont
apparemment il avoit dreffé
le projet. Le Public attendoit
avec impatience,
que cet amy rendit ce
devoir à la memoiredecet
illustre deffunt; & onavoit
d'autant plus de sujet de
l'esperer
, que feu Mr de
Segrais regardoit sa traduétion
des Georgiques comme
son meilleur Ouvrage.
Cependant celuy qu'il avoit
chargédu soin de l'impression
l'a
refusée au Public
par des raisons qu'on
ne sçait point, & il y
a
apparencequ'on en auroit
esté privé encore longtemps
,
si un autre amy à
qui Mr de Segrais avoit
permis qu'il prit une copie
de sa traduction ne l'eust
donnée aujourd'huy. Chacun
sçait quel efl: le sujet
des Georgiques de Virgile.
Il y traite des occupations
dela vie pastorale.
Je chante les beautez de la.
blonde Ceres;
Sous quelastre
y
Àdeceney on
tourne lesguerets
;
Par quels accords la vigne
„
a
l'ormeau Se marie;
Lesoin qu'on a des boeufs
,
CT de la bergerie;
L'éparzne de l'abeille,&
l'artiste travail
qui change en miel les fleurs
sans ternir leur émail.
C'estainsi que Virgile
commence, & que l'habile
Traducteur rend la pensée.
Apres que le Poëre a invo-
.qué toures les Divinitez
champestres
,
il invoque
ainsidune maniéré fine &
ddicate, l'Empereur AuguHie
quiestoit sa grande
Divinité.
Et toy
y
car il rielf pas encor
permis de dire
Quelrang t'ejlde(line dans le
celeste Empire,
Cesar sot qu'ausalut de ta
noble Cité
Tu renfermes les sins de ta
Divinité,
Ou que le front orné du myrthe
de ta mere,
Arbitre des sisons
,
la terre
te revere,
Soit que mais*e de l'ijle eu
finit l'IVrivers
Seul tu fois des Nauchers irvvoquésur
les mers,
Et que Vainqueur des flots,
pour tefaireson gendre,
Thetisvienne à tes pieds tous
ses thresors répandre;
Soitqu'enfin préferant la demeure
des Dieux,
Nouveau signe des mois , tu
•regne•dans«les C•ieux,»&c. Victorieux Cesar, sécondé
mon ardeur,
Soulage d'un regard les soins
du laboureur ;;
Entre dans ma carriere , &
souffrant quon t'implore,
Sois Dieu dés maintenant
pour quiconque t'adore.
Quoyquetout lePoème
des Georgiques soit remply
de beautez ,
il faut
pourtant avouer que rien
n'approche de l'excellent
Epifodc que le Poëte a cousu
à son quatrième Livre:
c'est celuy du Pasteur Arisiée
qui voyant perir routes
ses Abeilles, eut recours
à sa mere Cyrene pour Ravoir
d'où venoit la catase
de cette desolation, & pour
apprendre les moyens de la
reparer. Là-dcifuslaNYIn.,
phe luy conseilla d'aller
trouver Prothée, & luy
apprit que pour éluder de
luy répondre, le Dieu Ce
changeroit en plusieurs sigures
,&: que pour l'epouventer,
il prendroit successivement
la forme d'un
Lion, d'un Serpent,&c;.
mais qu'il ne falloit
-
point
le laisser échapper juiques à
ce qu'il fut revenu en son
premier estat, & qu'alors
il luy apprendroit ce qui
causoit son malheur
,
elle
l'envoyaàce Dieu marin,
qui après avoir Joue tout
le manege dont elle luy
avoitparlé
,
luy apprit que
la cau se de son mal heur
estoit la mort d'Euridice
que son amour avoit cau- sée.
Ungrand crime des D ieux
t'attire la colere,
Du malheureux Orphée ayant
cause les, pleurs,
Lefort deson Epouse a fait
tesgrands malheurs.
Irrité de sa mort, il poursuit
tonsupplice, ibJ
C'étoit en tefuyant quesa chere
Euridice5
Pressoit lherbedes Prez
:J
e:3;
ne découvritpas,
Le venimeux Serpent autheur
deson trépas.
Le Poëte raconteensuite
comment Orphée tenta la
descente des enfers pour
obtenir de Pluton le retour
de sachere Euridice, &de
quelle sorte il charma les
ombres decetristeséjour,
qui dançoient au son de sa
Lyre.
Dans le fonds du tartare on
vîtjusques aux Furies
Avec tous leurs Serpens par
Orphée attendris. *
Ixionvitsa rouë arrester à sa
voix;
Cerbere donna treve àses tristes
aboix.
Déja s'en revenant avec fit
prisonniere,
Euridice avec luy marchoit
vers la lumiere.
'( Telle de Proserpine estoit la
dure loy)
Quand son amour trop vif
luyfitmanquer de foy.
Unregard imprudent (offens-e
pardonnable
Sijamais pardonnoit l'Enfer
inexorable)
Luyfit voir Euridice abismée
'-'. enUmity
Et de ses vains travauxy
remporter lefruit.
Tout le reste de l'Episode,
le deüild'Orphée,sa
retraite sur les montagnes
où il charmoit les Tigres
& les Ours; safin tragique;
tout celaest traduit avec
beaucoup de force & d'exactitude.
-,' Feu Mr de Segrais estoit
deCaën, ôcilyavôfc fait
sesestudes au College des
Jesuites.Il s'exerçadans la
jeunesse à faire des Vers
lyriques, des Chansons
>
& quelques petites Historiettes
pour se divertir avec
ses amis.Pendant cetempslà
Mr le Comte de Fiesque
ayantété éloigné de la
Cour,se retira à Caën ,
&
ayant connu là le jeune Segraisquin'avoit
alors que
dix-neufans, il le gousta
si fort qu'ille mena avec
luy lorsqu'ilfutrappellé.
Ce fut alors qu'il acheva
deseformer,& qu'il prit
le bon goust & la politesse
qui ont paru depuis dans
ses Ouvrages. Estantentré
auprés de Mademoiselle,
le loisir de S. Fargeau où
elle fut releguée luy donna
le temps de travailler à fa*
traduction de l'Eneïde.Mademoiselle
ayant eu quelquesujet
d'estremécontente
de luy
,
il se retira chez
Me de la Fayette
,
& ce
fut là où ilcomposa laPrincesse
de Cleves
,
Ouvrage
tant loüé ôc tant critiqué:
& Zaïde,Histoire Espagnole
qui peut passer pour
le chef-d'oeuvre des Romans
qui sontécrits dans
ce genre. Comme Me de
la Fayette & Mr de la Rochefoucault
estoient en
grande relation, chacun
sçait la part que ces deux
illustres personneseurentà
la compositiondeces deux
Romans,surtout de celuy
delaPrincesse de Cleves.
L'année 1662. il fut
reçu à l'Academie Françoise:
mais s'ennuyant du
sejour de Paris quiledissipoit
trop, il se retira en
Normandie où il épo sa
une riche heritiere la parente
, & trouvant l'Academie
de Caën sans protetlcur
depuis la mort de Mr
- de Matignon
,
il en receüillit
les membres chez
luy où il fit un appartement
fort propre pour y
tenir les Assemblées. Il eue
un differend avec le fameux
Bochart qui estoit
du mesme pays, au sujet
de l'Eneïde. Celuy cy ayant
dit qu'il n'estoit pas
difficile de prouver qu'Enée
n'avoit jamais esté en
Italie, ils se firent une espece
de désy: mais le sçavant
Protestant fit sur ce
su jet une.Dissertation si
remplie d'érudition
,
&
allegua
allegua tant dAuteurs inconnus
à *Mr de Segrais
,
qu'elle demeura sans réponse.
On peut avoir tout
l'cfprit du monde
, & ce
qu'on appelle une aimable
érudition
,
sans avoir approfondi
les matieres anciennes
comme Bochart,
& ce n'est pas mesme cette
forte de science qui compose
les talents Academiques.
La traduction de l'Eneïde
quoyque l'original ait perdu
beaucoup de .feJ graces entrefis
mains
,
surpasse de bien loin
tous les Poëmes que nos Ait':
teurs ont mis aujo-ur*'av<ec plus
de confiancequedesuccès, &
il se doit contenter d'avoir
mieux trouvéle genie de Virgile
que pas un de nos Auteurs.
Je louë l'application de Mr
de Segrais à connoistre ïefyrit
du Poëte danssa Prefaceautant
que dans la version
, &'
il me semblequ'il a bien réüjft
àjuger de tout excepté des caracteres.
Ainsi parloit feu
Mr de S. Evremond dans
ses reflexions sur nos Traducteurs,
& vous sçavez
quel juge c'estoit dans ces''
matieres queM.deSaint
Evrcmond. On pourroit
pourtant dire que son jugement
se ressent un peu
du chagrin qu'il avoit contre
le peu de merite du bon.
Enée,dont il fait dans la
suite une critique impitoyable.
C'estoit, selon luy,
un pauvre Heros dans le Paganisme
,
qui pourroit estre un
grand Saint chez les Chretiens,
& plus digne Fondateur
d'unOrdre qued'unEstat.
Quoyqu'il en soit Mr
de Segrais avoit fait pluro,
sieurs autresOuvrages qu'il
a laissezàun de ses amis
pour les faire imprimer. Il
, mourut le25.de Mars1701.
âgé de 76. ans, & regretté
de tous les honnestes gens
dont il faisoit les delices.
Ce Livre se vend à Paris
chez Jacques le Febvre
dans la Grande-Salle du
Palais.Jean Musier à la descente
du Pont-Neufà l'Olivier,
& Estienne Ganeau,
ruë S. Jacques., aux Armes
de Dombes. EXTRAIT
TraductionenVers François
desfieorgttf'MS de
Vtrgille
,
OwvrageposthumedeMonsieur
DESEGRAISI
FeuMrdeSegrais, si
connu par sa belle traduction
de l'Eneïde,avoitaussi
traduit les Georgiques du
mesme Poëte, & n'ayant
pas eu le temps de les donner
au Public, il chargea
un de ses amis du soin de
les faire iniprimer, &dy
joindre une Préfacé dont
apparemment il avoit dreffé
le projet. Le Public attendoit
avec impatience,
que cet amy rendit ce
devoir à la memoiredecet
illustre deffunt; & onavoit
d'autant plus de sujet de
l'esperer
, que feu Mr de
Segrais regardoit sa traduétion
des Georgiques comme
son meilleur Ouvrage.
Cependant celuy qu'il avoit
chargédu soin de l'impression
l'a
refusée au Public
par des raisons qu'on
ne sçait point, & il y
a
apparencequ'on en auroit
esté privé encore longtemps
,
si un autre amy à
qui Mr de Segrais avoit
permis qu'il prit une copie
de sa traduction ne l'eust
donnée aujourd'huy. Chacun
sçait quel efl: le sujet
des Georgiques de Virgile.
Il y traite des occupations
dela vie pastorale.
Je chante les beautez de la.
blonde Ceres;
Sous quelastre
y
Àdeceney on
tourne lesguerets
;
Par quels accords la vigne
„
a
l'ormeau Se marie;
Lesoin qu'on a des boeufs
,
CT de la bergerie;
L'éparzne de l'abeille,&
l'artiste travail
qui change en miel les fleurs
sans ternir leur émail.
C'estainsi que Virgile
commence, & que l'habile
Traducteur rend la pensée.
Apres que le Poëre a invo-
.qué toures les Divinitez
champestres
,
il invoque
ainsidune maniéré fine &
ddicate, l'Empereur AuguHie
quiestoit sa grande
Divinité.
Et toy
y
car il rielf pas encor
permis de dire
Quelrang t'ejlde(line dans le
celeste Empire,
Cesar sot qu'ausalut de ta
noble Cité
Tu renfermes les sins de ta
Divinité,
Ou que le front orné du myrthe
de ta mere,
Arbitre des sisons
,
la terre
te revere,
Soit que mais*e de l'ijle eu
finit l'IVrivers
Seul tu fois des Nauchers irvvoquésur
les mers,
Et que Vainqueur des flots,
pour tefaireson gendre,
Thetisvienne à tes pieds tous
ses thresors répandre;
Soitqu'enfin préferant la demeure
des Dieux,
Nouveau signe des mois , tu
•regne•dans«les C•ieux,»&c. Victorieux Cesar, sécondé
mon ardeur,
Soulage d'un regard les soins
du laboureur ;;
Entre dans ma carriere , &
souffrant quon t'implore,
Sois Dieu dés maintenant
pour quiconque t'adore.
Quoyquetout lePoème
des Georgiques soit remply
de beautez ,
il faut
pourtant avouer que rien
n'approche de l'excellent
Epifodc que le Poëte a cousu
à son quatrième Livre:
c'est celuy du Pasteur Arisiée
qui voyant perir routes
ses Abeilles, eut recours
à sa mere Cyrene pour Ravoir
d'où venoit la catase
de cette desolation, & pour
apprendre les moyens de la
reparer. Là-dcifuslaNYIn.,
phe luy conseilla d'aller
trouver Prothée, & luy
apprit que pour éluder de
luy répondre, le Dieu Ce
changeroit en plusieurs sigures
,&: que pour l'epouventer,
il prendroit successivement
la forme d'un
Lion, d'un Serpent,&c;.
mais qu'il ne falloit
-
point
le laisser échapper juiques à
ce qu'il fut revenu en son
premier estat, & qu'alors
il luy apprendroit ce qui
causoit son malheur
,
elle
l'envoyaàce Dieu marin,
qui après avoir Joue tout
le manege dont elle luy
avoitparlé
,
luy apprit que
la cau se de son mal heur
estoit la mort d'Euridice
que son amour avoit cau- sée.
Ungrand crime des D ieux
t'attire la colere,
Du malheureux Orphée ayant
cause les, pleurs,
Lefort deson Epouse a fait
tesgrands malheurs.
Irrité de sa mort, il poursuit
tonsupplice, ibJ
C'étoit en tefuyant quesa chere
Euridice5
Pressoit lherbedes Prez
:J
e:3;
ne découvritpas,
Le venimeux Serpent autheur
deson trépas.
Le Poëte raconteensuite
comment Orphée tenta la
descente des enfers pour
obtenir de Pluton le retour
de sachere Euridice, &de
quelle sorte il charma les
ombres decetristeséjour,
qui dançoient au son de sa
Lyre.
Dans le fonds du tartare on
vîtjusques aux Furies
Avec tous leurs Serpens par
Orphée attendris. *
Ixionvitsa rouë arrester à sa
voix;
Cerbere donna treve àses tristes
aboix.
Déja s'en revenant avec fit
prisonniere,
Euridice avec luy marchoit
vers la lumiere.
'( Telle de Proserpine estoit la
dure loy)
Quand son amour trop vif
luyfitmanquer de foy.
Unregard imprudent (offens-e
pardonnable
Sijamais pardonnoit l'Enfer
inexorable)
Luyfit voir Euridice abismée
'-'. enUmity
Et de ses vains travauxy
remporter lefruit.
Tout le reste de l'Episode,
le deüild'Orphée,sa
retraite sur les montagnes
où il charmoit les Tigres
& les Ours; safin tragique;
tout celaest traduit avec
beaucoup de force & d'exactitude.
-,' Feu Mr de Segrais estoit
deCaën, ôcilyavôfc fait
sesestudes au College des
Jesuites.Il s'exerçadans la
jeunesse à faire des Vers
lyriques, des Chansons
>
& quelques petites Historiettes
pour se divertir avec
ses amis.Pendant cetempslà
Mr le Comte de Fiesque
ayantété éloigné de la
Cour,se retira à Caën ,
&
ayant connu là le jeune Segraisquin'avoit
alors que
dix-neufans, il le gousta
si fort qu'ille mena avec
luy lorsqu'ilfutrappellé.
Ce fut alors qu'il acheva
deseformer,& qu'il prit
le bon goust & la politesse
qui ont paru depuis dans
ses Ouvrages. Estantentré
auprés de Mademoiselle,
le loisir de S. Fargeau où
elle fut releguée luy donna
le temps de travailler à fa*
traduction de l'Eneïde.Mademoiselle
ayant eu quelquesujet
d'estremécontente
de luy
,
il se retira chez
Me de la Fayette
,
& ce
fut là où ilcomposa laPrincesse
de Cleves
,
Ouvrage
tant loüé ôc tant critiqué:
& Zaïde,Histoire Espagnole
qui peut passer pour
le chef-d'oeuvre des Romans
qui sontécrits dans
ce genre. Comme Me de
la Fayette & Mr de la Rochefoucault
estoient en
grande relation, chacun
sçait la part que ces deux
illustres personneseurentà
la compositiondeces deux
Romans,surtout de celuy
delaPrincesse de Cleves.
L'année 1662. il fut
reçu à l'Academie Françoise:
mais s'ennuyant du
sejour de Paris quiledissipoit
trop, il se retira en
Normandie où il épo sa
une riche heritiere la parente
, & trouvant l'Academie
de Caën sans protetlcur
depuis la mort de Mr
- de Matignon
,
il en receüillit
les membres chez
luy où il fit un appartement
fort propre pour y
tenir les Assemblées. Il eue
un differend avec le fameux
Bochart qui estoit
du mesme pays, au sujet
de l'Eneïde. Celuy cy ayant
dit qu'il n'estoit pas
difficile de prouver qu'Enée
n'avoit jamais esté en
Italie, ils se firent une espece
de désy: mais le sçavant
Protestant fit sur ce
su jet une.Dissertation si
remplie d'érudition
,
&
allegua
allegua tant dAuteurs inconnus
à *Mr de Segrais
,
qu'elle demeura sans réponse.
On peut avoir tout
l'cfprit du monde
, & ce
qu'on appelle une aimable
érudition
,
sans avoir approfondi
les matieres anciennes
comme Bochart,
& ce n'est pas mesme cette
forte de science qui compose
les talents Academiques.
La traduction de l'Eneïde
quoyque l'original ait perdu
beaucoup de .feJ graces entrefis
mains
,
surpasse de bien loin
tous les Poëmes que nos Ait':
teurs ont mis aujo-ur*'av<ec plus
de confiancequedesuccès, &
il se doit contenter d'avoir
mieux trouvéle genie de Virgile
que pas un de nos Auteurs.
Je louë l'application de Mr
de Segrais à connoistre ïefyrit
du Poëte danssa Prefaceautant
que dans la version
, &'
il me semblequ'il a bien réüjft
àjuger de tout excepté des caracteres.
Ainsi parloit feu
Mr de S. Evremond dans
ses reflexions sur nos Traducteurs,
& vous sçavez
quel juge c'estoit dans ces''
matieres queM.deSaint
Evrcmond. On pourroit
pourtant dire que son jugement
se ressent un peu
du chagrin qu'il avoit contre
le peu de merite du bon.
Enée,dont il fait dans la
suite une critique impitoyable.
C'estoit, selon luy,
un pauvre Heros dans le Paganisme
,
qui pourroit estre un
grand Saint chez les Chretiens,
& plus digne Fondateur
d'unOrdre qued'unEstat.
Quoyqu'il en soit Mr
de Segrais avoit fait pluro,
sieurs autresOuvrages qu'il
a laissezàun de ses amis
pour les faire imprimer. Il
, mourut le25.de Mars1701.
âgé de 76. ans, & regretté
de tous les honnestes gens
dont il faisoit les delices.
Ce Livre se vend à Paris
chez Jacques le Febvre
dans la Grande-Salle du
Palais.Jean Musier à la descente
du Pont-Neufà l'Olivier,
& Estienne Ganeau,
ruë S. Jacques., aux Armes
de Dombes. EXTRAIT
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Résumé : LIVRES NOUVEAUX. Traduction en Vers François des Georgiques de Virgille, Ouvrage posthume de Monsieur DE SEGRAIS.
Le texte présente la traduction posthume des 'Georgiques' de Virgile par Jean Régnier de La Salle, dit Monsieur de Segrais. Segrais, connu pour sa traduction de l'Énéide, avait chargé un ami de publier cette traduction, qu'il considérait comme son meilleur ouvrage. Cependant, cet ami a refusé de la publier pour des raisons inconnues. Un autre ami de Segrais a finalement rendu la traduction publique. Les 'Georgiques' traitent des occupations de la vie pastorale, des cultures agricoles, et des arts liés à la nature. Le texte décrit également la vie et la carrière de Segrais. Né à Caen, il a étudié au Collège des Jésuites et s'est adonné à la poésie lyrique et aux chansons. Il a été introduit à la cour par le Comte de Fiesque, qui l'a pris sous son aile. Segrais a traduit l'Énéide et a travaillé sur des romans comme 'La Princesse de Clèves' et 'Zaïde' en collaboration avec Madame de Lafayette et La Rochefoucauld. Il a été reçu à l'Académie française en 1662 et s'est retiré en Normandie, où il a épousé une riche héritière. Segrais a également eu un différend avec le savant Bochart concernant l'Énéide. Sa traduction de l'Énéide est louée pour sa fidélité à l'esprit de Virgile, bien que Saint-Évremond ait critiqué le personnage d'Énée. Segrais est décédé le 25 mars 1701 à l'âge de 76 ans, laissant plusieurs ouvrages à publier. Le livre est disponible à Paris chez plusieurs libraires.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 3-27
« En annonçant dans le Mercure dernier un Livre nouveau, j' [...] »
Début :
En annonçant dans le Mercure dernier un Livre nouveau, j' [...]
Mots clefs :
Auteur, Livre, Ouvrage, Poète, Art poétique, Horace, Quintilien, Vin, Anciens, Rire, Notes, Réputation, Ovide, Homère, Traduction
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « En annonçant dans le Mercure dernier un Livre nouveau, j' [...] »
LITTERATVRE. EN annonçant dans
le Mercure dernier
un Livre nouveau, j'ay
promisd'en parler ce
mois cy ,
c'est un Livre
tres-varié,rempli d'érudition,
& capable de vous
remetrre dans l'idée les
réglés de la composition
&dubon goust.
D'abord on y voit une
Traduction en vers de ïArt
portique d'Horace: c'est ce
qui sert de titre au Livre,
il y a ensuite quantité de
Notes curieuses, les unes
de l'Autheur
,
& les autres
citées de plusieurs Grecs
& Latins, dont voicy quelques-
unes.
-
L'Art poëtique d'H O*
RACE est une Lettre
qu'il écrit aux PISONS.
Ces PIS O N S estoientle
frere & les neveux de Calpurnie
Epouse deJules Cesar,
& fille de Lucius Pison.
La premiere réglé de
l'éloquence, c'est d'estre
clair; & la seconde
,
de
n'estre pas diffus.
MARITAL dit que
les ouvrages-où il n'y a
rien: à retrancher, ne sont
jamais trop longs.
Lalime,ditQUINTILIEN,
doit polir & non
pas affoiblir, & user, pour
ainsi dire,un ouvrage.
J'ay veu dans un Autheur
François, travaillez
vostre ouvrage jusqu'à ce
qu'il foit au point qu'on
ne s'appercoive pas qu'il
vous a cousté beaucoup
de travail.
PROPERCE compare
l'Autheur dont le stile
n'est ny trop enflé ny
trop simple
,
là un Marinier
qui rase le rivage avec
un de ses avirons, & qui
fend les flots avec l'autre.
LONGINdonne pour
exemple de l'enfleure. ces
pensées
- cy Faire du vent
Boréeson joueur de jiute.-
Et cetautre: Jupitercrache
des neiges contre les Alpes^.
Exemples du vray sublime
:HOMEREpeint
la
-
Discorde la teste dans les
-
Cieux, & les pieds sur la
terre. Et quand il parle de
Neptune il dit:
Que Neptune marchant dans
les vastescampagnes Fait , tremblersousses pieds&
forests & montagnes. Ilfaitdireà AJAXqui
voit l'Armée des Grecs
couverte tout à coup d'épaisses
tenebres.
Grand Dieu chasses la nuit
qui nous couvre lesyeux,
Et combats contre nous à la
clarté des Cieux.
Caraéteres différents de
poësie traduirs d'Ovide
par l'Autheur,
Vous qui que vous soyez à
Censeur trop severe,
Jugez, de nos travauxselon leur
caraïlere,
C'est au Vers Heroïque à chanter
les combats:
Quelleplaceytiendroient Venus
& les appas;
La grandeur, le couroux sont du
stile tragique,
Maisles sujets communs regardent
le comique,
L'Iambe libre cft propre à lancer
son venin,
Soit qu'il coure tousjours, ou qu'il
boite à la fin.
Les Amours, leurs carquois,
l'inconstante Silvie,
Sont les dignessujets de la tendre
Elegie.
Pour celebrer Cidippe,Homere
ny ses Vers,
N'y doivent point paroistre aux
yeux de l'univers.
Achile convient mal au ton de
Callimaque
, - Et Thais ne doit pas imiter
Andromaque.
L'autheur dit à propos
de la force du pathétique,
que nous pleurons en voyant
pleurer, que nous
rions en voyant rire,&cela
par une raison phisique à
peu pres semblableàcelle
qui
fait
remuer les cordes
de plusieurs instruments
qui sont dans une mesme
chambre, avec un autre
dont on touchera fortement
les cordes montées
au mesme ton que cellesde
ces autres instruments
quirefonneront sans qu'on
les touche, &c. Ilyaainsi
à peu prés dans tous les
hommes des nerfs montez
, pour ainsi dire, au
mesme ton, & c'est ce
qu'on appelle fimpathie,
&c.
Comme nous nous sentons
capables des mesmes
maux, & des mesmes biens
que nous voyons ressentir
aux autres, nous sommes
remuez par les mesmes
sentiments £ la veuë du
bien ou du mal qui leur
arrive.
L'autheur fait plusieurs
remarques sensées sur diferents
Poëmes, anciens
& modernes.
Puisque les Poèmes sont
des imications
,
dit-il,ils
doivent sans doute imiter:
mais ils ne doivent pas
imiter une aaion
violer les réglés de la poësie.
Corneille a tellement
imité le combat de son
Horace, que sa pieces'est
trouvéefinie au troisiéme
Acte. Le voila fort à l'estroit,
comment se tirerat'il
de ce paslà? Il ne l'a
peu sans violer l'unité de
l'action,ilest obligé d'adjouster
le meurtre de Camille
pour donnerune juste
estenduëà sa Tragédie;
dans le Cid&ailleurs
il ne sort de pareils embarras
qu'en violant l'unité
du temps,ou celle du
lieu, &c.
A propos, de lamaniere
doncon doit commencer unpoëme,JULES SCALIGER
donne pour exemple
d'un Exorde régulier
celuy de Lucain,qui
dans son poëme sur la
guerre civile, place tout
d'un coup Cesar au partage
du Rubicon,d'où estant
s
declaré ennemy de lapatrie
par le Senat, il est forcé
d'entreprendre cette
guerre.
Un Poëte François a dit
que le vin estoit legrand cheval
des Poètes. Une peau de
bouc pleine de vin estoit
autrefois un prix que remportoit
le Poëte qui avoit
le mieux reüssi dans la Tragedie
; en voicy la raison :
cette forte de poëme neftoit
au commencement
que des chansons en l'honneur
de Bacchus, auquel
on sacrifioit un bouc comme
animal contraire à la
vigne, on rempliffoit de
vin la peau du bouc, &on
la donnoic au Poëce.
Aprés les Notes sur
l'Art Poétique
,
il y a plusieurs
petites traductions
de différentes pieces d'Horace,
d'Ovide, de Petrone,
& avec des Notes donc
voicy quelques-unes.
Lucille estoit un Poète
latin que Juvenal appelle
l'illustre nourrissond'Auronce.
Ce Poëte avoit
composé trente Satyres.
Horace dit dans sa premiere
Satyre du second Livre;
que Lucille confioit ses
secrets à ses Livres, qu'il
n'alloit point ailleurs décharger
son coeur,ce qui
a fait qu'on a trouvé la vie
de ce vieillard peinte dans
ses ouvrages comme dans
un tableau.
,
4 On croiroit que les expressions
de avoir bon neK ,
avoirle ne7, fin, feroient
basses & impropres pour
exprimer avoirl'espritbon,
l'espritsubstil maisHorace,
Perse, & Martial l'ont anpobli
en remployant dans
ce sens. La
- La Comedie a pour but
de réjoüir & d'instruire;
les mimes estoient des
poemes qui n'avoient pour
but que de faire rire, c'estoit
les farces de ce temps-
}'1à.0. Quintilien emploie un
long Chapitre à traiter du
Ris, il est estonnéque paroissant
chose si peu importante
, il ait quelquefois
des effets si estonnants.
Un Ris excité à propos
peut changer l'estat des
affaires les plus importanles,
il empesche quelque-,
fois les fuites fafcheufesde
la haine, de la colere,&c.
& fait succeder la douceur
la bénignité, laclemence.
Par exemple, deux jeunes
Tarentis furent amenez
devant le Roy Pyrrus,
parce que dans un repas
ils avoient eu l'insolence
de parler mal de ce Prince
; voyant qu'ils ne pouvoient
nier le fait ny se
deffendre raisonnablement,
ils respondirent,
Sire
y
sila bouteille ne nous
avoitpas manque, vous eflick
mort,c'estoitfait de vous. Ce
bon mot calma la colere
de leur Juge en le faisant
rire.
Les vins de Falerne se
gardoient si long-temps,
que Petrone par le de bouteilles
de ce vin bouchées
avec foin, dont les étiquetes
marquoient que ce vin
avoic esté fumé fous le
Consul Opimus, cent ans
avant.
Diogenes
,
à propos des
superstitions sur les songes,
estoit indigné que les hom.
mes se tourmentassent au
lujetdessonges,& donnaient
si peu d'attention
aux avions qu'ils faisoient
estanteveillez.
Auguste avoir, dédié
dans son palais un Temple
, & une magnifique
Bibliothèque à Apollon,
où cinq Juges, du nombre
desquels estoit Tarpa, décidoient
du mérité des ouvrages
, que les Autheurs
y venoient lire.
Ennius, dit Quintilien
est semblable à , ces bois
que leur antiquité a consacrez
)
& dont les vieux
arbres font plus vénérables
qu'ils ne font beaux.
Les Anciens écrivoient
sur des tablettes couvertes
de cire,&ils se servoient
d'éguilles pointuës par un
bout, & plates par l'autre;
avec la pointe ils formoient
les caracteres, &
avec l'autre bout ils effaçoient
ce qu'ils avoient
écrit.
Traduction d'un Frag-
O ment d'Ovide.
Je le dis malgré moy ,
trahiffant
mes talents,
Retenez avec foin ces avis excellents
3
P()ulez-vous fuir l'amour ? que
vostre ame discrette
Evite les accents de tout tendre
Poëte:
Qallimaque aisement peut vous
rendre amoureux , Filetasestpour vous un Autheur
dangereux:
Safo plus fortement m'attache à
ma maistresse
Le vieux Anacreon augmente
ma tendresse
Est-on froid, ô Cinthie, en lisant
ton Amant?
Ou quelqu'un a-t-illeu Tibule
impunément ?
Des doux fons de Gallus quel
coeur peut se deffendre ?
Et les miens n'ont-ils fa* je ne
sfay quoy de tendre?
Martial ;Poëte Latin
estoit né à Bilbilis, ville,
de la Celtiberie en Espagne.
Il fut intime ami de
Stella) de Silius Italicus,
& de Pline le Jeune, qui
luy donna quelques secours
pour regagner sa patrie,
après avoir demeure
trente ans a Rome, peu
estimé apparemment pendant
sa vie, il addresse
cette Epigramme à Regule.
LA REPUTATION
des Poëtes.
Le Lecteur rarement aime un
Autheur en vie*,
A son gré des vivantspresquaucun
ne dit bien :
Qui cause cet abus ? Regule, cefi
l'envie,
De
De Pompée on rechercheainsi
le vieux portique,
son vil Temple, Catule
, efl
loué des vieillards,
A Virgile vivant, Quintus mort
fit la nique,
Et pour Homere en vie oit eut
trop peu d'égards.
Rarement le theatre applaudit
à Menandre
Pour fd seule , Corine, Ovide
est des appas, Cacher,-vous donc mon Livre, il
faut encore attendre,
Si la gloire ne vient quaprès
nostre trépas.
Wâ
Septemb. iju. C
A pres toutes ces traductions
l'Autheur fait une
dissertation sur les Autheurs
anciens & modernes
,
dont je donneray
quelques traits, & quelques
petits fragments de
Vers qui font tousjours
plaisir à voir rassemblez,
quoy qu'on les ait veus
ailleurs separément.
Comme ces morceaux
détachez ne demandent
nulle liaison
,
je les garderay
pour le mois prochain
; car je n'ay plus de
place dans cette partie
que pour la fuite de l'abrégé
de l'Iliade qui a
esté receu avec tant de
plaisir,que j'ay prié mon
amy de donner quelques
heures à la continuation
de cet ouvrage.
le Mercure dernier
un Livre nouveau, j'ay
promisd'en parler ce
mois cy ,
c'est un Livre
tres-varié,rempli d'érudition,
& capable de vous
remetrre dans l'idée les
réglés de la composition
&dubon goust.
D'abord on y voit une
Traduction en vers de ïArt
portique d'Horace: c'est ce
qui sert de titre au Livre,
il y a ensuite quantité de
Notes curieuses, les unes
de l'Autheur
,
& les autres
citées de plusieurs Grecs
& Latins, dont voicy quelques-
unes.
-
L'Art poëtique d'H O*
RACE est une Lettre
qu'il écrit aux PISONS.
Ces PIS O N S estoientle
frere & les neveux de Calpurnie
Epouse deJules Cesar,
& fille de Lucius Pison.
La premiere réglé de
l'éloquence, c'est d'estre
clair; & la seconde
,
de
n'estre pas diffus.
MARITAL dit que
les ouvrages-où il n'y a
rien: à retrancher, ne sont
jamais trop longs.
Lalime,ditQUINTILIEN,
doit polir & non
pas affoiblir, & user, pour
ainsi dire,un ouvrage.
J'ay veu dans un Autheur
François, travaillez
vostre ouvrage jusqu'à ce
qu'il foit au point qu'on
ne s'appercoive pas qu'il
vous a cousté beaucoup
de travail.
PROPERCE compare
l'Autheur dont le stile
n'est ny trop enflé ny
trop simple
,
là un Marinier
qui rase le rivage avec
un de ses avirons, & qui
fend les flots avec l'autre.
LONGINdonne pour
exemple de l'enfleure. ces
pensées
- cy Faire du vent
Boréeson joueur de jiute.-
Et cetautre: Jupitercrache
des neiges contre les Alpes^.
Exemples du vray sublime
:HOMEREpeint
la
-
Discorde la teste dans les
-
Cieux, & les pieds sur la
terre. Et quand il parle de
Neptune il dit:
Que Neptune marchant dans
les vastescampagnes Fait , tremblersousses pieds&
forests & montagnes. Ilfaitdireà AJAXqui
voit l'Armée des Grecs
couverte tout à coup d'épaisses
tenebres.
Grand Dieu chasses la nuit
qui nous couvre lesyeux,
Et combats contre nous à la
clarté des Cieux.
Caraéteres différents de
poësie traduirs d'Ovide
par l'Autheur,
Vous qui que vous soyez à
Censeur trop severe,
Jugez, de nos travauxselon leur
caraïlere,
C'est au Vers Heroïque à chanter
les combats:
Quelleplaceytiendroient Venus
& les appas;
La grandeur, le couroux sont du
stile tragique,
Maisles sujets communs regardent
le comique,
L'Iambe libre cft propre à lancer
son venin,
Soit qu'il coure tousjours, ou qu'il
boite à la fin.
Les Amours, leurs carquois,
l'inconstante Silvie,
Sont les dignessujets de la tendre
Elegie.
Pour celebrer Cidippe,Homere
ny ses Vers,
N'y doivent point paroistre aux
yeux de l'univers.
Achile convient mal au ton de
Callimaque
, - Et Thais ne doit pas imiter
Andromaque.
L'autheur dit à propos
de la force du pathétique,
que nous pleurons en voyant
pleurer, que nous
rions en voyant rire,&cela
par une raison phisique à
peu pres semblableàcelle
qui
fait
remuer les cordes
de plusieurs instruments
qui sont dans une mesme
chambre, avec un autre
dont on touchera fortement
les cordes montées
au mesme ton que cellesde
ces autres instruments
quirefonneront sans qu'on
les touche, &c. Ilyaainsi
à peu prés dans tous les
hommes des nerfs montez
, pour ainsi dire, au
mesme ton, & c'est ce
qu'on appelle fimpathie,
&c.
Comme nous nous sentons
capables des mesmes
maux, & des mesmes biens
que nous voyons ressentir
aux autres, nous sommes
remuez par les mesmes
sentiments £ la veuë du
bien ou du mal qui leur
arrive.
L'autheur fait plusieurs
remarques sensées sur diferents
Poëmes, anciens
& modernes.
Puisque les Poèmes sont
des imications
,
dit-il,ils
doivent sans doute imiter:
mais ils ne doivent pas
imiter une aaion
violer les réglés de la poësie.
Corneille a tellement
imité le combat de son
Horace, que sa pieces'est
trouvéefinie au troisiéme
Acte. Le voila fort à l'estroit,
comment se tirerat'il
de ce paslà? Il ne l'a
peu sans violer l'unité de
l'action,ilest obligé d'adjouster
le meurtre de Camille
pour donnerune juste
estenduëà sa Tragédie;
dans le Cid&ailleurs
il ne sort de pareils embarras
qu'en violant l'unité
du temps,ou celle du
lieu, &c.
A propos, de lamaniere
doncon doit commencer unpoëme,JULES SCALIGER
donne pour exemple
d'un Exorde régulier
celuy de Lucain,qui
dans son poëme sur la
guerre civile, place tout
d'un coup Cesar au partage
du Rubicon,d'où estant
s
declaré ennemy de lapatrie
par le Senat, il est forcé
d'entreprendre cette
guerre.
Un Poëte François a dit
que le vin estoit legrand cheval
des Poètes. Une peau de
bouc pleine de vin estoit
autrefois un prix que remportoit
le Poëte qui avoit
le mieux reüssi dans la Tragedie
; en voicy la raison :
cette forte de poëme neftoit
au commencement
que des chansons en l'honneur
de Bacchus, auquel
on sacrifioit un bouc comme
animal contraire à la
vigne, on rempliffoit de
vin la peau du bouc, &on
la donnoic au Poëce.
Aprés les Notes sur
l'Art Poétique
,
il y a plusieurs
petites traductions
de différentes pieces d'Horace,
d'Ovide, de Petrone,
& avec des Notes donc
voicy quelques-unes.
Lucille estoit un Poète
latin que Juvenal appelle
l'illustre nourrissond'Auronce.
Ce Poëte avoit
composé trente Satyres.
Horace dit dans sa premiere
Satyre du second Livre;
que Lucille confioit ses
secrets à ses Livres, qu'il
n'alloit point ailleurs décharger
son coeur,ce qui
a fait qu'on a trouvé la vie
de ce vieillard peinte dans
ses ouvrages comme dans
un tableau.
,
4 On croiroit que les expressions
de avoir bon neK ,
avoirle ne7, fin, feroient
basses & impropres pour
exprimer avoirl'espritbon,
l'espritsubstil maisHorace,
Perse, & Martial l'ont anpobli
en remployant dans
ce sens. La
- La Comedie a pour but
de réjoüir & d'instruire;
les mimes estoient des
poemes qui n'avoient pour
but que de faire rire, c'estoit
les farces de ce temps-
}'1à.0. Quintilien emploie un
long Chapitre à traiter du
Ris, il est estonnéque paroissant
chose si peu importante
, il ait quelquefois
des effets si estonnants.
Un Ris excité à propos
peut changer l'estat des
affaires les plus importanles,
il empesche quelque-,
fois les fuites fafcheufesde
la haine, de la colere,&c.
& fait succeder la douceur
la bénignité, laclemence.
Par exemple, deux jeunes
Tarentis furent amenez
devant le Roy Pyrrus,
parce que dans un repas
ils avoient eu l'insolence
de parler mal de ce Prince
; voyant qu'ils ne pouvoient
nier le fait ny se
deffendre raisonnablement,
ils respondirent,
Sire
y
sila bouteille ne nous
avoitpas manque, vous eflick
mort,c'estoitfait de vous. Ce
bon mot calma la colere
de leur Juge en le faisant
rire.
Les vins de Falerne se
gardoient si long-temps,
que Petrone par le de bouteilles
de ce vin bouchées
avec foin, dont les étiquetes
marquoient que ce vin
avoic esté fumé fous le
Consul Opimus, cent ans
avant.
Diogenes
,
à propos des
superstitions sur les songes,
estoit indigné que les hom.
mes se tourmentassent au
lujetdessonges,& donnaient
si peu d'attention
aux avions qu'ils faisoient
estanteveillez.
Auguste avoir, dédié
dans son palais un Temple
, & une magnifique
Bibliothèque à Apollon,
où cinq Juges, du nombre
desquels estoit Tarpa, décidoient
du mérité des ouvrages
, que les Autheurs
y venoient lire.
Ennius, dit Quintilien
est semblable à , ces bois
que leur antiquité a consacrez
)
& dont les vieux
arbres font plus vénérables
qu'ils ne font beaux.
Les Anciens écrivoient
sur des tablettes couvertes
de cire,&ils se servoient
d'éguilles pointuës par un
bout, & plates par l'autre;
avec la pointe ils formoient
les caracteres, &
avec l'autre bout ils effaçoient
ce qu'ils avoient
écrit.
Traduction d'un Frag-
O ment d'Ovide.
Je le dis malgré moy ,
trahiffant
mes talents,
Retenez avec foin ces avis excellents
3
P()ulez-vous fuir l'amour ? que
vostre ame discrette
Evite les accents de tout tendre
Poëte:
Qallimaque aisement peut vous
rendre amoureux , Filetasestpour vous un Autheur
dangereux:
Safo plus fortement m'attache à
ma maistresse
Le vieux Anacreon augmente
ma tendresse
Est-on froid, ô Cinthie, en lisant
ton Amant?
Ou quelqu'un a-t-illeu Tibule
impunément ?
Des doux fons de Gallus quel
coeur peut se deffendre ?
Et les miens n'ont-ils fa* je ne
sfay quoy de tendre?
Martial ;Poëte Latin
estoit né à Bilbilis, ville,
de la Celtiberie en Espagne.
Il fut intime ami de
Stella) de Silius Italicus,
& de Pline le Jeune, qui
luy donna quelques secours
pour regagner sa patrie,
après avoir demeure
trente ans a Rome, peu
estimé apparemment pendant
sa vie, il addresse
cette Epigramme à Regule.
LA REPUTATION
des Poëtes.
Le Lecteur rarement aime un
Autheur en vie*,
A son gré des vivantspresquaucun
ne dit bien :
Qui cause cet abus ? Regule, cefi
l'envie,
De
De Pompée on rechercheainsi
le vieux portique,
son vil Temple, Catule
, efl
loué des vieillards,
A Virgile vivant, Quintus mort
fit la nique,
Et pour Homere en vie oit eut
trop peu d'égards.
Rarement le theatre applaudit
à Menandre
Pour fd seule , Corine, Ovide
est des appas, Cacher,-vous donc mon Livre, il
faut encore attendre,
Si la gloire ne vient quaprès
nostre trépas.
Wâ
Septemb. iju. C
A pres toutes ces traductions
l'Autheur fait une
dissertation sur les Autheurs
anciens & modernes
,
dont je donneray
quelques traits, & quelques
petits fragments de
Vers qui font tousjours
plaisir à voir rassemblez,
quoy qu'on les ait veus
ailleurs separément.
Comme ces morceaux
détachez ne demandent
nulle liaison
,
je les garderay
pour le mois prochain
; car je n'ay plus de
place dans cette partie
que pour la fuite de l'abrégé
de l'Iliade qui a
esté receu avec tant de
plaisir,que j'ay prié mon
amy de donner quelques
heures à la continuation
de cet ouvrage.
Fermer
Résumé : « En annonçant dans le Mercure dernier un Livre nouveau, j' [...] »
Le texte annonce la publication d'un livre intitulé 'L'Art poétique d'Horace', qui présente une traduction en vers de l'œuvre d'Horace accompagnée de notes de l'auteur et de divers écrivains grecs et latins. Ce livre explore les règles de la composition poétique et du bon goût. Il aborde des réflexions sur l'éloquence, la clarté, et l'importance d'éviter la diffusion. Des exemples de styles poétiques sont fournis, comme celui de Properce comparant un auteur à un marinier. Le texte mentionne également des exemples de sublime et de pathétique, tels que les descriptions d'Homère. Il traite des différents caractères de la poésie et des règles de l'imitation dans les poèmes. Le livre discute des unités de l'action, du temps et du lieu dans les tragédies, en citant Corneille. Il inclut des anecdotes sur les poètes et leurs œuvres, comme celles de Lucille et Martial. Le livre contient aussi des traductions de pièces d'Horace, d'Ovide, et de Pétrone, accompagnées de notes. Enfin, le texte se termine par une promesse de continuer l'abrégé de l'Iliade dans un prochain numéro.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 105-116
LA FRANCHISE picarde, traduite d'un Manuscrit en vieux françois.
Début :
Un Picard des plus francs, & assez riche se ruina [...]
Mots clefs :
Picard, Poète, Argent, Vin, Ivresse, Éloge, Mecenas, Manuscrit, Vieux français, Traduction
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA FRANCHISE picarde, traduite d'un Manuscrit en vieux françois.
LAFRANCHISE
picarde , traduite d'un
Manufcrit en vieux
françois.
UN Picard des plus
francs , & affez riche fe
ruina , & devint Poëte ;
poëfie & pauvreté derogent à franchife. Un autre
Picard , pauvre de naiffance , devint le riche Intendant d'un grand ſeigneur
106 MERCURE
ruiné , & par fes richeffes
derogea encore plus à franchife que le Poëte par fa
pauvreté , voicy ce qui leur
arriva.
Ce Poëte ayant un jour
befoin d'argent , refolut
d'aller trouver l'Intendant
,
fon compatriote : J'ay fait
une belle anagramme fur
fon nom
en luy- mefme , il m'a entendu plufieurs fois reciter
des vers , ainfi il eſt obligé
de me prefter de l'argent.
Aprés ces reflexions il
compofa une Ode fur la
difoit le Poëte
GALANT. 107
liberalité , & partit de ſon
pied pour aller trouver l'Intendant. En l'abordant
humbles reverences de fa
part , & de l'autre un petit
figne de tefte , car on ſa、
luoit dés ce temps- là à proportion des richeſſes , bonjour , Monfieur ***. dit
l'Intendant , comment va
fa
:
la poëfie , m'apportez-vous
quelque petite production
nouvelle à ces mots le
Poëte pour toute reſponſe
tira de fa poche un rouleau de papier Voyons ,
Mr , voyons , dit l'Inten-
108 MERCURE
dant, d'un ton de Juge folicité, j'aime la poësie, mais
je veux du Malherbe ou du
Theophile.
Je les égale dans mes poëfies ordinaires , repliqua le
Poëte , mais dans celle - cy
je me fuis furpaffé moymefme , & cela n'eft pas
eftonnant , le genie s'éleve
& fe vivifie quand il s'agit
de louer un homme tel que
vous , &je vous puis dire
que la dignité du ſujet ma
emporté au delà de ma
fphere naturelle. L'Intendant fut fi fenfible à ces
GALANT. 109
louanges , qu'oubliant fa
fierté naturelle , il embraf
fa le Poëte , & voulut fouper tefte à tefte avec luy.
Pendant le fouper la converfation de part & d'au .
tre ne fut qu'un eloge entrecoupé de verres de vin ,
le Poëte mettoit l'Intendant au deffus de Mecenas , & l'Intendant adoptoit le Poëte pour fon Vir.
gile.
Le vin eftoit excellent ,
à force d'en avaller nos
deux Picards fentoient renaiſtre dans leur cœur leur
110 MERCURE
fincerité naturelle ; à me-
:
fure qu'ils beuvoient les
louanges devenoient plus
foibles enfin ils beurent ,
tant qu'ils ne s'entre louerent plus du tout ; un profond filence regna quelque temps entre eux , &
quelques bouteilles qu'ils
beurent fans dire mot
poufferent leur fincerité
jufqu'à l'indifcretion .
Morbleu , dit d'abord
tout bas le Poëte à demy
yvre , il faut que je fois
poffedé du demon de la
poëlie pour avoir pû pro-
GALANT.
duire une Ode heroïque
fur un Intendant.
Il faut que je fois bien
affamé de louanges , difoit
entre fes dents l'Intendant
plein de vin , pour acheter
un éloge d'un fi mauvais
Poëte.
Je vous prends à témoin
d'une chofe , dit le Poëte
en hauffant la voix , ne
vaudroit- il pas mieux que
je portaffe encore ce vieil
habit d'Efté pendant quatre hivers , que de forcer
ma Mufe à chanter vos
louanges.
112 MERCURE
Avoüez une chofe , dit
l'intendant au Poëte , que
tous vos vers ne valent pas
l'excellent vin que vous
m'avez bû.
Un Grec a dit , reprit le
Poëte , que tout vin eſt vin
de Brie , quand on le boit
avec un ignorant.
J'en fçay affez , reprit
l'autre , pour voir que les
plus beaux de vos vers ne
font pas à vous.
Ils font plus à moy , dit le
Poëte , que votre bien n'eſt
à vous.
J'ayleu tous les reçuëils
de
GALANT. 113
de poëſie , continua l'Intendant , vous avez pillé
celui
cy ,
vous avez pillé
celuy-la.
Hé , morbleu vous avez
plus pillé que moy, reprit
brufquement le Poëte ne
nous reprochons point nos
larcins en difant cela le
Poëte eut affez de raifon
pour gagner la porte , &
l'Intendant eut à peine la
force de gagner fon lit.
Le lendemain ils fe rencontrerent dans un endroit , l'Intendant alloit
d'abord invectiver , mais
Juillet 1712.
K
114 MERCURE
le Poëte s'approcha deluy:
chut , dit- il , Mr l'Intendant , perfonne ne fçait
une partie des veritez que
nous nous reprochaẩmes
hier tefte à tefte , Je fçay
qu'un homme riche peut
décrier un Poëte, vous pouvez parler , mais je puis
eſcrire , taifons - nous tous
deux, & nous ferons bien ;
mais faiſons mieux , nous
pouvons nous illuftrer l'un
l'autre. Ecoutez - moy , le
monde eft rempli de gens
qui ne jugent des ouvrages que par le nom , &par
GALANT. 115
l'opulence de leurs autheurs , vous pouvez me
rendre riche fans vous appauvrir ; d'accord , reprit
l'intendant, mais que m'en
reviendra-t-il à moy , tout
ce qui vous manque en ce
monde , repliqua le Poëte ,
probité bien averée qui eft
un threfor pour pouvoir en
manquer utilement dans
une grande occafion . Or
les fots jugeant de mes vers
par mon équipage , jugeront de voſtre probité par
mes vers ; en un mot vous
ferez mon proneur , & je
Kij
116 MERCURE
feray voftre panegyrifte ,
nous voilà revenus, dit l'Intendant , à ce Mecenas &
à ce Virgile , dont vous me
parliez hier , fort bien , dit
le Poëte , & comme Virgile a eſté plus utile à Mecenas que Mecenas à Virgile , vous voyez bien que
vous gagnerez à me pref
ter de l'argent.
Je ne fçay fi l'Intendant
fe rendit à cette raiſon ,
mais il devoit s'y rendre ,
car il avoit encore plus beſoin de reputation , que le
pauvre Poëte n'avoit befoin
d'argent
picarde , traduite d'un
Manufcrit en vieux
françois.
UN Picard des plus
francs , & affez riche fe
ruina , & devint Poëte ;
poëfie & pauvreté derogent à franchife. Un autre
Picard , pauvre de naiffance , devint le riche Intendant d'un grand ſeigneur
106 MERCURE
ruiné , & par fes richeffes
derogea encore plus à franchife que le Poëte par fa
pauvreté , voicy ce qui leur
arriva.
Ce Poëte ayant un jour
befoin d'argent , refolut
d'aller trouver l'Intendant
,
fon compatriote : J'ay fait
une belle anagramme fur
fon nom
en luy- mefme , il m'a entendu plufieurs fois reciter
des vers , ainfi il eſt obligé
de me prefter de l'argent.
Aprés ces reflexions il
compofa une Ode fur la
difoit le Poëte
GALANT. 107
liberalité , & partit de ſon
pied pour aller trouver l'Intendant. En l'abordant
humbles reverences de fa
part , & de l'autre un petit
figne de tefte , car on ſa、
luoit dés ce temps- là à proportion des richeſſes , bonjour , Monfieur ***. dit
l'Intendant , comment va
fa
:
la poëfie , m'apportez-vous
quelque petite production
nouvelle à ces mots le
Poëte pour toute reſponſe
tira de fa poche un rouleau de papier Voyons ,
Mr , voyons , dit l'Inten-
108 MERCURE
dant, d'un ton de Juge folicité, j'aime la poësie, mais
je veux du Malherbe ou du
Theophile.
Je les égale dans mes poëfies ordinaires , repliqua le
Poëte , mais dans celle - cy
je me fuis furpaffé moymefme , & cela n'eft pas
eftonnant , le genie s'éleve
& fe vivifie quand il s'agit
de louer un homme tel que
vous , &je vous puis dire
que la dignité du ſujet ma
emporté au delà de ma
fphere naturelle. L'Intendant fut fi fenfible à ces
GALANT. 109
louanges , qu'oubliant fa
fierté naturelle , il embraf
fa le Poëte , & voulut fouper tefte à tefte avec luy.
Pendant le fouper la converfation de part & d'au .
tre ne fut qu'un eloge entrecoupé de verres de vin ,
le Poëte mettoit l'Intendant au deffus de Mecenas , & l'Intendant adoptoit le Poëte pour fon Vir.
gile.
Le vin eftoit excellent ,
à force d'en avaller nos
deux Picards fentoient renaiſtre dans leur cœur leur
110 MERCURE
fincerité naturelle ; à me-
:
fure qu'ils beuvoient les
louanges devenoient plus
foibles enfin ils beurent ,
tant qu'ils ne s'entre louerent plus du tout ; un profond filence regna quelque temps entre eux , &
quelques bouteilles qu'ils
beurent fans dire mot
poufferent leur fincerité
jufqu'à l'indifcretion .
Morbleu , dit d'abord
tout bas le Poëte à demy
yvre , il faut que je fois
poffedé du demon de la
poëlie pour avoir pû pro-
GALANT.
duire une Ode heroïque
fur un Intendant.
Il faut que je fois bien
affamé de louanges , difoit
entre fes dents l'Intendant
plein de vin , pour acheter
un éloge d'un fi mauvais
Poëte.
Je vous prends à témoin
d'une chofe , dit le Poëte
en hauffant la voix , ne
vaudroit- il pas mieux que
je portaffe encore ce vieil
habit d'Efté pendant quatre hivers , que de forcer
ma Mufe à chanter vos
louanges.
112 MERCURE
Avoüez une chofe , dit
l'intendant au Poëte , que
tous vos vers ne valent pas
l'excellent vin que vous
m'avez bû.
Un Grec a dit , reprit le
Poëte , que tout vin eſt vin
de Brie , quand on le boit
avec un ignorant.
J'en fçay affez , reprit
l'autre , pour voir que les
plus beaux de vos vers ne
font pas à vous.
Ils font plus à moy , dit le
Poëte , que votre bien n'eſt
à vous.
J'ayleu tous les reçuëils
de
GALANT. 113
de poëſie , continua l'Intendant , vous avez pillé
celui
cy ,
vous avez pillé
celuy-la.
Hé , morbleu vous avez
plus pillé que moy, reprit
brufquement le Poëte ne
nous reprochons point nos
larcins en difant cela le
Poëte eut affez de raifon
pour gagner la porte , &
l'Intendant eut à peine la
force de gagner fon lit.
Le lendemain ils fe rencontrerent dans un endroit , l'Intendant alloit
d'abord invectiver , mais
Juillet 1712.
K
114 MERCURE
le Poëte s'approcha deluy:
chut , dit- il , Mr l'Intendant , perfonne ne fçait
une partie des veritez que
nous nous reprochaẩmes
hier tefte à tefte , Je fçay
qu'un homme riche peut
décrier un Poëte, vous pouvez parler , mais je puis
eſcrire , taifons - nous tous
deux, & nous ferons bien ;
mais faiſons mieux , nous
pouvons nous illuftrer l'un
l'autre. Ecoutez - moy , le
monde eft rempli de gens
qui ne jugent des ouvrages que par le nom , &par
GALANT. 115
l'opulence de leurs autheurs , vous pouvez me
rendre riche fans vous appauvrir ; d'accord , reprit
l'intendant, mais que m'en
reviendra-t-il à moy , tout
ce qui vous manque en ce
monde , repliqua le Poëte ,
probité bien averée qui eft
un threfor pour pouvoir en
manquer utilement dans
une grande occafion . Or
les fots jugeant de mes vers
par mon équipage , jugeront de voſtre probité par
mes vers ; en un mot vous
ferez mon proneur , & je
Kij
116 MERCURE
feray voftre panegyrifte ,
nous voilà revenus, dit l'Intendant , à ce Mecenas &
à ce Virgile , dont vous me
parliez hier , fort bien , dit
le Poëte , & comme Virgile a eſté plus utile à Mecenas que Mecenas à Virgile , vous voyez bien que
vous gagnerez à me pref
ter de l'argent.
Je ne fçay fi l'Intendant
fe rendit à cette raiſon ,
mais il devoit s'y rendre ,
car il avoit encore plus beſoin de reputation , que le
pauvre Poëte n'avoit befoin
d'argent
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Résumé : LA FRANCHISE picarde, traduite d'un Manuscrit en vieux françois.
Le texte raconte l'histoire de deux Picards, un poète et un intendant. Le poète, confronté à des difficultés financières, décide de solliciter l'aide de l'intendant, son compatriote, en échange de la rédaction d'une ode à sa gloire. Lors de leur première rencontre, le poète présente son œuvre à l'intendant, qui se montre d'abord flatté et l'invite à souper. Au cours du repas, les deux hommes, sous l'effet de l'alcool, se livrent à des critiques mutuelles. Le poète exprime des regrets d'avoir écrit l'ode, tandis que l'intendant dévalorise les vers du poète. Le lendemain, ils se rencontrent à nouveau et le poète propose un marché : l'intendant financera ses besoins en échange de poèmes qui loueront sa probité. Cette collaboration permettrait à l'intendant d'améliorer sa réputation et au poète de subvenir à ses besoins.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 121-130
TRAIT D'HISTOIRE Arabe.
Début :
Le Calife Haclem parrut un jour fort rêveur ; & quand [...]
Mots clefs :
Calife, Poète, Arabe, Distique, Curiosité, Cavaliers, Récompense
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TRAIT D'HISTOIRE Arabe.
TRJlT D'HISTOIRE
Arabe.
LeCaliseHaclem
irut paun
jour fort rêveur;
>6C quandceux qui l'enrvironnoient
lui eurent
demandé ce qui lui eausoit
une si profonde rêrverie;
illeur dit: C'est
lUne curiosité violente;
>&; comme je tâche de
reprimer routes lespaffionsnuisibles
à autrui;
je m'abandonne à celles
qui ne peuvent que faire
honneur, & lacuriosité
de sçavoir m'a gagné;
j'y succombe. Alors,sans
s'expliquer davanrage,
il donna ordre àcent
cavaliers de courir par
cent différens endroits
de ses domaines J:& de
luichercher un Poëte
nomméHacle
,
& de
le lui amener avec escorte.
Il n'en dit pas davantage,
& ne donner
cent dragmes à chacun
des cent cavaliers.Chacun
crut qu'une, telle
équipée étoit pour punir
apparemmentce PoèV
te de quelque crime.
Enfin après quelques
semaines on lui amena
Hacle;il alla au-de<?
vant. delui,qu'onamenoit
tout tremblant, 8C
lui dit; Je t'ai envoyé
chercher pour mefaire
ressouvenir dequelques
mots que.j'ai, oubliez
d'un distique,que tu dois
savoir, toy qui as lareputaciÕ
de sçavoir par coeur
routes les Poësies Orientales.
Hacle apres avoir
un peurêvé, lui recita le
distique,cjui-étoit : Les
Poétesdemandentducuin
lematin,&leurbouteille
setrouve 'Vuide ; ils de.
mandent, qu'une musicienne
vienne joüer de
la harpe ou chanter,pour
leuir exciter l'imagination
: mais les musiciennes
ne chantent que dans
les maisons opulentes
comment donc lePoëte
pourra-t-il être excité&
mis en uetue?- S
LeCalife ravi d'avoir
retrouvéundistiquede
deux qu'il avoit oubliez,
demanda à Hacle quelle
récompense il vouloir,
& que quelque magnifique
qu'illa demandât,
il l'obtiendroit.
Le Poëte Hacle lui
répondit que puisqu'il
vouloit le recompenser
de lui avoirrecité le premier
distique, il luidemandoit
donc de faire
orner un char magnifique
, traîné de ses plus
superbes chevaux, &de
faire aussi équiper deuxcent
cavaliers le plus richement
qu'il pourroir,
& de lui donnertout
cela à sadisposition. u?i
Ho que veux-tu faire
de ce pompeux cortege,
lui dit le Calife ? apparemment
que tu 1 veux
entrer en triomphe dans
les villes, pour faire voir
que la Poësie ne fait pas
toûjours aller à pied?
Hé bien soit, je te l'accorde.
Haclem tu te trompes
,
répondit Hacle,
de me croire si vain;
non, je ne te demande
tout cela que pour m'accompagner
jusqu'àl'endroit
où j'ailaissé dans
un tiroir l'autre distique
dont tu es en peine, &
dont il ne me souvient
plus; car voyant les
grands frais & l'éclat
avec lequeltu m'as fait
chercher pour avoir l'autre,
qui n'est pas à beau.
coup prés si beau que celui
qui me manque, je
crois qu'il ne faut pas
moins pour avoir celuicique
le cortege que je
te demande. -',
Le Calise, après avoir
un peu revé, luidit:Ce
que ru me dis est une
raillerie de ce que je
donnetrop à ma curiosité,
Se fais tropde fracas
pour quatre vers que
j'aienvie d'avoir : mais
n'ayant point de guerre
à soûtenir, S( tousmes
su jets - étant heureux
fous mon regne, à quoy
puis- je mieux employer
mes richesses qu'à honorer
la Poësie,qui transmettra
la félicité de mon
regneàla posterité'.>(~Uà
-
on lui prepare le char,
continua-t-il en parlant
à ses gens, 8C tout ce
qu'il a demandé
,
afin
qu'il aille en pompe
chercher ce distique,
10 quej attens avec impatience
:& si tu m'en rapportes
un de ta façon
qui foit aussi beau que
les autres,jeteferai emplir
le chariot de dragmes,
& je te l'enverrai
chez toy pour recompense.
Arabe.
LeCaliseHaclem
irut paun
jour fort rêveur;
>6C quandceux qui l'enrvironnoient
lui eurent
demandé ce qui lui eausoit
une si profonde rêrverie;
illeur dit: C'est
lUne curiosité violente;
>&; comme je tâche de
reprimer routes lespaffionsnuisibles
à autrui;
je m'abandonne à celles
qui ne peuvent que faire
honneur, & lacuriosité
de sçavoir m'a gagné;
j'y succombe. Alors,sans
s'expliquer davanrage,
il donna ordre àcent
cavaliers de courir par
cent différens endroits
de ses domaines J:& de
luichercher un Poëte
nomméHacle
,
& de
le lui amener avec escorte.
Il n'en dit pas davantage,
& ne donner
cent dragmes à chacun
des cent cavaliers.Chacun
crut qu'une, telle
équipée étoit pour punir
apparemmentce PoèV
te de quelque crime.
Enfin après quelques
semaines on lui amena
Hacle;il alla au-de<?
vant. delui,qu'onamenoit
tout tremblant, 8C
lui dit; Je t'ai envoyé
chercher pour mefaire
ressouvenir dequelques
mots que.j'ai, oubliez
d'un distique,que tu dois
savoir, toy qui as lareputaciÕ
de sçavoir par coeur
routes les Poësies Orientales.
Hacle apres avoir
un peurêvé, lui recita le
distique,cjui-étoit : Les
Poétesdemandentducuin
lematin,&leurbouteille
setrouve 'Vuide ; ils de.
mandent, qu'une musicienne
vienne joüer de
la harpe ou chanter,pour
leuir exciter l'imagination
: mais les musiciennes
ne chantent que dans
les maisons opulentes
comment donc lePoëte
pourra-t-il être excité&
mis en uetue?- S
LeCalife ravi d'avoir
retrouvéundistiquede
deux qu'il avoit oubliez,
demanda à Hacle quelle
récompense il vouloir,
& que quelque magnifique
qu'illa demandât,
il l'obtiendroit.
Le Poëte Hacle lui
répondit que puisqu'il
vouloit le recompenser
de lui avoirrecité le premier
distique, il luidemandoit
donc de faire
orner un char magnifique
, traîné de ses plus
superbes chevaux, &de
faire aussi équiper deuxcent
cavaliers le plus richement
qu'il pourroir,
& de lui donnertout
cela à sadisposition. u?i
Ho que veux-tu faire
de ce pompeux cortege,
lui dit le Calife ? apparemment
que tu 1 veux
entrer en triomphe dans
les villes, pour faire voir
que la Poësie ne fait pas
toûjours aller à pied?
Hé bien soit, je te l'accorde.
Haclem tu te trompes
,
répondit Hacle,
de me croire si vain;
non, je ne te demande
tout cela que pour m'accompagner
jusqu'àl'endroit
où j'ailaissé dans
un tiroir l'autre distique
dont tu es en peine, &
dont il ne me souvient
plus; car voyant les
grands frais & l'éclat
avec lequeltu m'as fait
chercher pour avoir l'autre,
qui n'est pas à beau.
coup prés si beau que celui
qui me manque, je
crois qu'il ne faut pas
moins pour avoir celuicique
le cortege que je
te demande. -',
Le Calise, après avoir
un peu revé, luidit:Ce
que ru me dis est une
raillerie de ce que je
donnetrop à ma curiosité,
Se fais tropde fracas
pour quatre vers que
j'aienvie d'avoir : mais
n'ayant point de guerre
à soûtenir, S( tousmes
su jets - étant heureux
fous mon regne, à quoy
puis- je mieux employer
mes richesses qu'à honorer
la Poësie,qui transmettra
la félicité de mon
regneàla posterité'.>(~Uà
-
on lui prepare le char,
continua-t-il en parlant
à ses gens, 8C tout ce
qu'il a demandé
,
afin
qu'il aille en pompe
chercher ce distique,
10 quej attens avec impatience
:& si tu m'en rapportes
un de ta façon
qui foit aussi beau que
les autres,jeteferai emplir
le chariot de dragmes,
& je te l'enverrai
chez toy pour recompense.
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Résumé : TRAIT D'HISTOIRE Arabe.
Le calife Haroun al-Rachid, submergé par sa curiosité pour la connaissance, ordonne à cent cavaliers de trouver Hacle, un poète réputé pour connaître par cœur toutes les poésies orientales. Après plusieurs semaines, Hacle est amené au calife, qui lui demande de rappeler un distique oublié. Hacle récite un distique sur la condition des poètes et leur manque de ressources. Ravi, le calife propose une récompense à Hacle, qui demande un char magnifique et deux cents cavaliers pour l'accompagner jusqu'à l'endroit où il a laissé le second distique. Le calife, bien que surpris, accepte et prépare le cortège. Hacle explique que son exigence est proportionnée à l'importance que le calife accorde à sa curiosité. Le calife, reconnaissant l'honneur à rendre à la poésie, accepte et prépare tout ce que Hacle a demandé.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 3-12
TRAIT D'HISTOIRE Arabe.
Début :
Saifaddante, ou Saifaldoulat étoit un des plus puissans Princes de [...]
Mots clefs :
Poète, Princesse, Jalousie, Forteresse, Élégie, Libéralité, Récomp
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texteReconnaissance textuelle : TRAIT D'HISTOIRE Arabe.
TRAIT D'HISTOIRE - jirdbe.
Aifaddante, ou
Saifaldoulat étoit
undes plus
puissans Princes del'Orient,&
undes meilleurs
Poètesdeson temps. La
libéralité extreme qu'il
exerçoit envers les Poë.
tes : e, geps d.cfpr;j[
l'eût -\Ja-'fai"(e;Soupçonner
devouloir honorer
lui-même son talent, s'il
n'eût pas été d'ailleurs leplrirgalant, le plus
généreux8£leplus brave
Princede son siecle. Il
naquit l'an501- de l'E
gire,& mourut l'an
jjé/Ce Prince àvoit une
maîtresse, fille d'un Prin-
!
-
", *\
ceGrec,&d'une beauté
charmante. Sapoësie,
sa galanterie &son àmour
s'employaient à
l'envi ik, avec éclat auprés
de cette Greque.
La jalousie de toutes les
autres compagnes devint
furieuse, 6C elles
complotèrent de l'enlever
la nuit,& de la jetter
dans la mer fccretement,
ou bien del'empoisonner.
Ce Prince
persuadé , que rien ne
pourroit la sauver de là
fureur d'une troupe de
rivales V & ne voulant
pas qu'elle restât expofée
à leur jaloufic il la fitconduire dans une
forteresse, où il la fit
garder avec tout le soin
imaginable.Saifaddantc
composauneélégie dans
sa douleur; en parlant
de lui-même il dit: Il
lui estarrive dans sa tour
ce qui arrive à l'oiseau
qui veut sortir de sa cage
» il voit répervier ,
& il s'y tient tremblant,
oubliant les delices de
la liberté:ou au poisson
rusé qui se tient au fond
del'eaude peur de l'hameçon
;il s'approche de
ce qui est necessaire à sa
vie, & s'en arrache en'
même temps de peur de
la perdre. Et s'adressant
à la Princesse
, lui dit:
Mes yeux vous gardent,
mon coeur vous veille,
&necessepointdecraindre
l'horreur l'uneseparationéternelle!
monamour
en eft^plusVfcH
lent 8c durera toûjours
Voila commcçci Princq
sçavôitsacrifieson pJai
sir ausalut de ce qu'il
aimoit. Voyons presentemerit
comme il ,savoitrecompenfer
le mérité
& les talens. Eslans
à Alep,environné "U;;
petttaupe de rOE.cn.
Arabe, mal vêtus'approcha
de lui bfflui recitaces
vers.
Le rMttqitemanque>
matsla demandeejtar~
rivée àfinpoint. jîlep
Av.ufinPrincey tout
doity être heureux. Le
tempsvotre firviteur
nous a maltraite^ eS
nous nepouvons nous
mettre acouvert defin
injustice eS de sa viollternrcg,
r-irqaun"'àd.ltl'i'ianb1-&r'diddeerruvéô*I*f
trebonté** < ;A i
1;." V'lu. '- Saifaddantc ., trouva
ces vers à son gré, &
fitdonnerau Poètedeux
cens écus d'or. Deux
freres, Poctes fameux,
nommez lesKaled, lui
ayantrecitéunbeau
Poème, il enfit ôter
seulement les vers qui
étoientà sa louange;il
lei traita. avec beaucoup
d'honneur, & le lendemain
matin il leur fit
donner à chacunune
belle Persannequi portoit
sur sa tête un vase
plein de vin exquis, sur
lequel étoient des étofes
d'un grand prix. Les
deux freres partirent sur
le champ pour le remercier,&
l'aîné lui dit ces
vers.
LeIcreaturesfO.n.tdans
ïimpuijfancede'vous rt
mercier de vos btèns5
vouf nous at'Z envoyé
deux bettes canes tor.
tantfur leur chefles çor.
nés d1abondance,&par
elles vous avez* chassé
de chez,nous les tenebreM
épaisses del'ennui\& te
troublé d'ejprit que tause
la disette.L'aurorenous
a montrévotreliberali-\ té, leSoleilcouchant
nenousverra point,que
nôus n'ayons renduala
ffifqïtë^vfs ave^de III
rPii¥t telle que nous a-
\vionil de tambroisiedont J',o,!s AV'Z" enj-
•WÏV
Aifaddante, ou
Saifaldoulat étoit
undes plus
puissans Princes del'Orient,&
undes meilleurs
Poètesdeson temps. La
libéralité extreme qu'il
exerçoit envers les Poë.
tes : e, geps d.cfpr;j[
l'eût -\Ja-'fai"(e;Soupçonner
devouloir honorer
lui-même son talent, s'il
n'eût pas été d'ailleurs leplrirgalant, le plus
généreux8£leplus brave
Princede son siecle. Il
naquit l'an501- de l'E
gire,& mourut l'an
jjé/Ce Prince àvoit une
maîtresse, fille d'un Prin-
!
-
", *\
ceGrec,&d'une beauté
charmante. Sapoësie,
sa galanterie &son àmour
s'employaient à
l'envi ik, avec éclat auprés
de cette Greque.
La jalousie de toutes les
autres compagnes devint
furieuse, 6C elles
complotèrent de l'enlever
la nuit,& de la jetter
dans la mer fccretement,
ou bien del'empoisonner.
Ce Prince
persuadé , que rien ne
pourroit la sauver de là
fureur d'une troupe de
rivales V & ne voulant
pas qu'elle restât expofée
à leur jaloufic il la fitconduire dans une
forteresse, où il la fit
garder avec tout le soin
imaginable.Saifaddantc
composauneélégie dans
sa douleur; en parlant
de lui-même il dit: Il
lui estarrive dans sa tour
ce qui arrive à l'oiseau
qui veut sortir de sa cage
» il voit répervier ,
& il s'y tient tremblant,
oubliant les delices de
la liberté:ou au poisson
rusé qui se tient au fond
del'eaude peur de l'hameçon
;il s'approche de
ce qui est necessaire à sa
vie, & s'en arrache en'
même temps de peur de
la perdre. Et s'adressant
à la Princesse
, lui dit:
Mes yeux vous gardent,
mon coeur vous veille,
&necessepointdecraindre
l'horreur l'uneseparationéternelle!
monamour
en eft^plusVfcH
lent 8c durera toûjours
Voila commcçci Princq
sçavôitsacrifieson pJai
sir ausalut de ce qu'il
aimoit. Voyons presentemerit
comme il ,savoitrecompenfer
le mérité
& les talens. Eslans
à Alep,environné "U;;
petttaupe de rOE.cn.
Arabe, mal vêtus'approcha
de lui bfflui recitaces
vers.
Le rMttqitemanque>
matsla demandeejtar~
rivée àfinpoint. jîlep
Av.ufinPrincey tout
doity être heureux. Le
tempsvotre firviteur
nous a maltraite^ eS
nous nepouvons nous
mettre acouvert defin
injustice eS de sa viollternrcg,
r-irqaun"'àd.ltl'i'ianb1-&r'diddeerruvéô*I*f
trebonté** < ;A i
1;." V'lu. '- Saifaddantc ., trouva
ces vers à son gré, &
fitdonnerau Poètedeux
cens écus d'or. Deux
freres, Poctes fameux,
nommez lesKaled, lui
ayantrecitéunbeau
Poème, il enfit ôter
seulement les vers qui
étoientà sa louange;il
lei traita. avec beaucoup
d'honneur, & le lendemain
matin il leur fit
donner à chacunune
belle Persannequi portoit
sur sa tête un vase
plein de vin exquis, sur
lequel étoient des étofes
d'un grand prix. Les
deux freres partirent sur
le champ pour le remercier,&
l'aîné lui dit ces
vers.
LeIcreaturesfO.n.tdans
ïimpuijfancede'vous rt
mercier de vos btèns5
vouf nous at'Z envoyé
deux bettes canes tor.
tantfur leur chefles çor.
nés d1abondance,&par
elles vous avez* chassé
de chez,nous les tenebreM
épaisses del'ennui\& te
troublé d'ejprit que tause
la disette.L'aurorenous
a montrévotreliberali-\ té, leSoleilcouchant
nenousverra point,que
nôus n'ayons renduala
ffifqïtë^vfs ave^de III
rPii¥t telle que nous a-
\vionil de tambroisiedont J',o,!s AV'Z" enj-
•WÏV
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Résumé : TRAIT D'HISTOIRE Arabe.
Le texte raconte l'histoire de Saifaddoulat, prince et poète de l'Orient, né en 501 de l'ère égyptienne et mort en 536. Reconnu pour sa libéralité envers les poètes, il était également célèbre pour sa galanterie, sa générosité et son courage. Saifaddoulat avait une maîtresse, fille d'un prince grec, dont la beauté et le charme étaient exceptionnels. La jalousie des autres compagnes les poussa à comploter pour l'enlever et la tuer. Pour la protéger, Saifaddoulat la fit conduire dans une forteresse sous haute surveillance et composa une élégie exprimant sa douleur et son amour éternel pour elle. Le texte souligne également la générosité de Saifaddoulat envers les poètes. À Alep, il offrit deux cents écus d'or à un poète arabe mal vêtu. Deux frères poètes, les Kaled, reçurent des cadeaux précieux, dont des persanes portant des vases de vin et des étoffes de grande valeur, en échange d'un poème. Les frères exprimèrent leur gratitude par des vers, soulignant que la générosité du prince avait chassé l'ennui et la disette de leur vie.
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12
p. 173-185
Trait d'Histoire Arabe.
Début :
Moutalaya, natif de Hayatamar, petite Ville proche de Medine, s'établit [...]
Mots clefs :
Calife, Amour, Moutalaya, Triomphe, Poète, Couronne, Poétique, Désirs, Avarice, Guérir, Philosophie, Arabe, Hattebé, Cruches
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texteReconnaissance textuelle : Trait d'Histoire Arabe.
TraitctHiftoir: Arabe.
MOutalaya, natif de
Hayatamar., petite Ville
proche de Medine, s'établit
à Bagdad, où il se fit
vendeur de Craches, &
ensuite s'acquit beaucoup
de réputation par sa Poësie,
& sur tout par sa Filosofie.
On disoit de luy
qu'il cadençoit toutes les
avions comme les Vers,
& à cause de sa grande
moderation on l'appella
d'un mot Arabe qui signifioit
le Peseur de Desirs
Malgré cela il se rendit celebre
par son amour pour
Hattebé, maistresse du
Calife Almondi, ayant
obtenu du Calife permission
de faire un presènt
à Hattebé le jour d'une
Feste. Il prefenca à
Hattebéen presence
du Prince une haute
Piramide de carton, au
bas de laquelle estoit representé
le Calife avec sa
Maistresse, &du bas de la
Piramide en haut tournoie
en spirale une bande de
roseaux portez par de petits
Amours serpentant dé
bas en haut, où estoient
écrits des Vers, qui marquoienr
qne le Vendeur
de Cruches portoit ses de-
-
sirs -jut'qu-aux plaisirs de -
son Maistre
, & les Amours
tenoient des balances
rompuës fous leurs
pieds, marque que luy,
qu'on appelloit le Pesèur
de desirs , n'avait point
pesé ccluy qui le portoità
un si haut point. D'abord
le present fut pris pour
une idée poëtique, mais
Moutalaya tomba en langueur
& pensa mourir de
son amour : en forte que
le Calife en ayant pitié,
luy promit de luy faire
present de Hattebé. Sa parole
donnée, Hattebé se
jetta en pleurs aux pieds
du Calife pour nestre
point livrée à un homme
si laid,car Moutalaya l'é.
toit beaucoup. Le Calife
ne voulant pas retirer sa
parole, envoya chercher
le Poëteamoureux, & luy
dit: 0 toy qui pese tes
desirs, regarde Hattebé
d'un côté de la balance,
& de l'autre ce grand vase
d'argent, &,- choisis. Oh,
luy répondit le Poëte
,
ton vase pese moins pour
moy qu'une plume de l'asle
de l'Amour qui m'a
blessé. En même temps le
Calife ordonna qu'on jettât
à poignée de l'or dans
le vase, & dit au Poëte.
Avertis- moy quand le
poids sera égal à celuy de
ton amour. Moutalaya
qui comprit par la profusion
du Calife qu'il avoit
peine àluy donner Hattebé3
luy cria:Arreste
,
le
poids est trébuchant.
Alors le Calife qui avoit
beaucoup desprit luy
dit: Ajoûte- donc ducôté
d'Hattebé, qu'elle ne peut
se résoudre à t'aimer, ou
plutôt qu'elle te haïra si
tu l'exige de moy )
& par
cette circonstance
3 prens
le vase sans balancer.
Moutalaya rêva un lno.
ment, & dit au Calise:
Donne-moy trois mois de
temps pour peser ces deux
presens; & pour faire encore
division
y
donne-moy
encore un autre objet à
desirer
,
qui est celuy de
la Couronne Poëtique &
le Triomphe qui s'accorde
au premier Poète de dix
ans en dix ans.
Le Calife luy donna encore
ce choix & les trois
mois qu'illuy demandoit
pour le déterminer. Ces
trois mois écoulez, il dit
au Calife, qu'il avoit demandé
ce temps pour voir
si son amour ou la haine
de Hattebédiminuëroient.
Hattebé qui estoit
presente luy cria devant
le Calife, avec une faillie
sans reflelhir: Eh! croistu
que trois moisd'âge &
de langueur t'ayent embelli.
Non certes, répondit
le Poëte, mais ce que tu
me dis a diminué ta beauté
à mes yeux; ainsi je
n'ay plus à déliberer que
sur l'argent&la gloire; &
pour me déterminer
,
je
demande six mois.
Les six mois de délay
luy furent accordez, aprés
quoy il dit au Calife
qu'il avoit demandé un
délay double de l'autre,
parce qu'il falloit bien
plus de temps au Sage
pour se guerir de l'avarice
que de l'amour;mais
qu'efin il le quittoit de ses
richesses& les refusa.
Acceptez donc le triomphe
&la couronne Poëtique
, luy repliqua le CSlife.
Pour sçavoir si je l'accepteray
ou non , jetedemande
un an de delay.
En effet,lePoëteFilososefut
une année sans vouloir
accepter le Triomphe
& l'an écoulé, il vint &
dit au Calife que le Sage
se guerissoit en peu de
temps de l'amour comme
il avoit fait en trois mois,
qu'illuy avoit fallu le double
pour se guerir de l'avarice
, mais que la vanité,
& sur tout des Auteurs
, augmentant avec
l'âge plutôt que de diminuër,
c'estoit merveilles
qu'il n'eut demandé qu'un
an pour s'en guerir, mais
qu'il en estoit tellement
gueri qu'il refusoit la Couronne
& le Triomphe de
Poëte, parce qu'il en connoissoit
un au-dessus de
luy. Mais,continua-t-il,
quand on a renoncé aux
premiers honneurs de la
Poësie & qu'on se croit
inferieur à quelqu'un, il
ne faut plus faire de Vers ;
ainÍÏ je me retranche àma
Filosofie.
Le Calife luy répondit:
Vous aurez donc la Couronne
& le Triomphe
comme Filosofe, & je
vous tiens à present pour
leplus grand de tous ceux
qquueeJj'aayy)ajatmllaaislSccoonnnnuuss,,
& le Calife lecontraignit
à recevoir des honneurs
qu'il refusoit obstinement.
MOutalaya, natif de
Hayatamar., petite Ville
proche de Medine, s'établit
à Bagdad, où il se fit
vendeur de Craches, &
ensuite s'acquit beaucoup
de réputation par sa Poësie,
& sur tout par sa Filosofie.
On disoit de luy
qu'il cadençoit toutes les
avions comme les Vers,
& à cause de sa grande
moderation on l'appella
d'un mot Arabe qui signifioit
le Peseur de Desirs
Malgré cela il se rendit celebre
par son amour pour
Hattebé, maistresse du
Calife Almondi, ayant
obtenu du Calife permission
de faire un presènt
à Hattebé le jour d'une
Feste. Il prefenca à
Hattebéen presence
du Prince une haute
Piramide de carton, au
bas de laquelle estoit representé
le Calife avec sa
Maistresse, &du bas de la
Piramide en haut tournoie
en spirale une bande de
roseaux portez par de petits
Amours serpentant dé
bas en haut, où estoient
écrits des Vers, qui marquoienr
qne le Vendeur
de Cruches portoit ses de-
-
sirs -jut'qu-aux plaisirs de -
son Maistre
, & les Amours
tenoient des balances
rompuës fous leurs
pieds, marque que luy,
qu'on appelloit le Pesèur
de desirs , n'avait point
pesé ccluy qui le portoità
un si haut point. D'abord
le present fut pris pour
une idée poëtique, mais
Moutalaya tomba en langueur
& pensa mourir de
son amour : en forte que
le Calife en ayant pitié,
luy promit de luy faire
present de Hattebé. Sa parole
donnée, Hattebé se
jetta en pleurs aux pieds
du Calife pour nestre
point livrée à un homme
si laid,car Moutalaya l'é.
toit beaucoup. Le Calife
ne voulant pas retirer sa
parole, envoya chercher
le Poëteamoureux, & luy
dit: 0 toy qui pese tes
desirs, regarde Hattebé
d'un côté de la balance,
& de l'autre ce grand vase
d'argent, &,- choisis. Oh,
luy répondit le Poëte
,
ton vase pese moins pour
moy qu'une plume de l'asle
de l'Amour qui m'a
blessé. En même temps le
Calife ordonna qu'on jettât
à poignée de l'or dans
le vase, & dit au Poëte.
Avertis- moy quand le
poids sera égal à celuy de
ton amour. Moutalaya
qui comprit par la profusion
du Calife qu'il avoit
peine àluy donner Hattebé3
luy cria:Arreste
,
le
poids est trébuchant.
Alors le Calife qui avoit
beaucoup desprit luy
dit: Ajoûte- donc ducôté
d'Hattebé, qu'elle ne peut
se résoudre à t'aimer, ou
plutôt qu'elle te haïra si
tu l'exige de moy )
& par
cette circonstance
3 prens
le vase sans balancer.
Moutalaya rêva un lno.
ment, & dit au Calise:
Donne-moy trois mois de
temps pour peser ces deux
presens; & pour faire encore
division
y
donne-moy
encore un autre objet à
desirer
,
qui est celuy de
la Couronne Poëtique &
le Triomphe qui s'accorde
au premier Poète de dix
ans en dix ans.
Le Calife luy donna encore
ce choix & les trois
mois qu'illuy demandoit
pour le déterminer. Ces
trois mois écoulez, il dit
au Calife, qu'il avoit demandé
ce temps pour voir
si son amour ou la haine
de Hattebédiminuëroient.
Hattebé qui estoit
presente luy cria devant
le Calife, avec une faillie
sans reflelhir: Eh! croistu
que trois moisd'âge &
de langueur t'ayent embelli.
Non certes, répondit
le Poëte, mais ce que tu
me dis a diminué ta beauté
à mes yeux; ainsi je
n'ay plus à déliberer que
sur l'argent&la gloire; &
pour me déterminer
,
je
demande six mois.
Les six mois de délay
luy furent accordez, aprés
quoy il dit au Calife
qu'il avoit demandé un
délay double de l'autre,
parce qu'il falloit bien
plus de temps au Sage
pour se guerir de l'avarice
que de l'amour;mais
qu'efin il le quittoit de ses
richesses& les refusa.
Acceptez donc le triomphe
&la couronne Poëtique
, luy repliqua le CSlife.
Pour sçavoir si je l'accepteray
ou non , jetedemande
un an de delay.
En effet,lePoëteFilososefut
une année sans vouloir
accepter le Triomphe
& l'an écoulé, il vint &
dit au Calife que le Sage
se guerissoit en peu de
temps de l'amour comme
il avoit fait en trois mois,
qu'illuy avoit fallu le double
pour se guerir de l'avarice
, mais que la vanité,
& sur tout des Auteurs
, augmentant avec
l'âge plutôt que de diminuër,
c'estoit merveilles
qu'il n'eut demandé qu'un
an pour s'en guerir, mais
qu'il en estoit tellement
gueri qu'il refusoit la Couronne
& le Triomphe de
Poëte, parce qu'il en connoissoit
un au-dessus de
luy. Mais,continua-t-il,
quand on a renoncé aux
premiers honneurs de la
Poësie & qu'on se croit
inferieur à quelqu'un, il
ne faut plus faire de Vers ;
ainÍÏ je me retranche àma
Filosofie.
Le Calife luy répondit:
Vous aurez donc la Couronne
& le Triomphe
comme Filosofe, & je
vous tiens à present pour
leplus grand de tous ceux
qquueeJj'aayy)ajatmllaaislSccoonnnnuuss,,
& le Calife lecontraignit
à recevoir des honneurs
qu'il refusoit obstinement.
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Résumé : Trait d'Histoire Arabe.
Moutalaya, originaire de Hayatamar près de Médine, s'installa à Bagdad où il débuta comme vendeur de cruches. Il se distingua rapidement par sa poésie et sa philosophie, ce qui lui valut le surnom de 'Peseur de Désirs' en raison de sa modération. Il tomba amoureux de Hattebé, la maîtresse du calife Almondi, et obtint la permission de lui offrir un présent lors d'une fête. Il lui présenta une pyramide de carton symbolisant ses désirs et son amour pour elle. Le calife, impressionné par la poésie de Moutalaya, lui proposa de choisir entre Hattebé et un grand vase d'argent rempli d'or. Moutalaya refusa l'or, préférant l'amour. Le calife lui accorda alors trois mois pour réfléchir. Après ce délai, Moutalaya demanda six mois supplémentaires pour se guérir de l'avarice. Finalement, il refusa à la fois l'or et la couronne poétique, affirmant connaître un poète supérieur à lui. Le calife lui offrit alors la couronne et le triomphe en tant que philosophe, honneurs que Moutalaya accepta finalement.
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13
p. 3-16
TRAIT D'HISTOIRE Arabe.
Début :
Hataya, Poëte, raconte de lui-même, qu'ayant renoncé à la poësie, [...]
Mots clefs :
Calife, Dieu, Poète, Vieillard, Poésie, Prison, Vers, Prophète, Frayeur, Hataya, Hacler
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TRAIT D'HISTOIRE Arabe.
TRAIT D'HISTOIRE
Arabe.
Ataya , Poëte ,
raconte de lui-
H même, qu'ayant
DE
LA
VILLE
noncé à la poëfie , le
Calife ordonna qu'on le
Mars 1714.
A ij
4 MERCURE
mit dans la prifon des
criminels. En entrant ,
dit- il , dans cette prifon ,
j'apperçus un vieillard ,
qui me parut un honnête
homme ; car les caracteres
de la vertu paroiffoient
fur fon viſage .
J'allai m'affeoir auprés
de lui fans le faluer ,
tant le chagrin & la
frayeur m'avoient troublé
l'efprit. Je demeurai
quelque temps en cet
état : mais le vieillard ,
GALANT .
S
pour diffiper ma frayeur,
me recita ces deux diftiques.
Les adverfitez
viennent de Dieu , &
l'impatience vient de
nous . Dieu m'a ôté ce
EZ
qui venoit de moy ,
m'a laiffé ce qui venoit
de luis c'est ce qui mefait
fouffrir
avec joye. Pourquoy
donc es-tu trifte ?
Entate
voyant
que j'étois
frapé de ce diftique
,
il me dit : fe fuis prêt
d'être condamné
à mort ,
A iij
6 MERCURE
,
€5 aprés ma mortje n'aurai
plus befoin de patien
се je te la laiſſe , 5
commence à enjouir pendant
ta vie à mon exemple.
Je rappellai mes tens
& mes efprits , & je le
priai de continuer à me
confoler. Ifmaël , me répondit
le vieillard , commencez
par me rendre le
falut & la civilité que .
vous devez aux Mufulmans
. Alors m'étant excufe
fur ma frayeur &
GALANT. 7
mon étonnement , il reilareprit
: On va m'appeller
tout à l'heure , pour me
demander où eft Hyla de
la race du Prophete . Si
je dis où il eft , j'offenferai
Dieu ; & fi je ne
le dis pas , on me fera
mourir. Ainfi je devrois
être dans un plus grand
étonnement que vous :
cependant vous voyez
ma patience & ma refignation
à la volonté de
Dieu. Je lui répondis :
A iiij
8 MERCURE
Que Dieu vous confole,
il vous fuffit. Je ne vous
reprendrai plus , me dit
le vieillard , & vous repeterai
le diftique autant
que vous le fouhaiterez ;
ce qu'il fit , & me dit
enfuite : Qui vous a
obligé de quitter la poëfie
, qui faifoit vôtre fortune
auprés des Grands ?
Il faut que vous continuiez
à faire des vers ,
& que vous leur donniez
cette fatisfaction ;
GALANT . 9
vous leur devez cette reconnoiffance
, & vous la
devez à vôtre
reputation
. A peine cut - il fini
ce difcours , qu'on nous
appella l'un & l'autre ,
& l'on nous mena dans
la chambre du Calife .
Quand nous fumes en ſa
prefence , il dit à Hacler :
(c'étoit le nom du vicillard
) Où eft Hila ? Vous
m'avez fait mettre en
prifon , répondit Hacler,
comment pourrois - je
io MERCURE
#
fçavoir de ſes nouvelles ?
Aprés quelques autres ,
demandes Almohdi en
colere dit à Hacler : Vous
m'indiquerez où il eft ,
ou bien je vais vous faire
couper la tête. Vous ferez
de moy tout ce qu'il
vous plaira , répondit
Hacler , je ne vous dirai
point où eft le fils du Prophete
; je ne veux point
offenfer Dieu ni le Prophete
en trahiffant fon
fils , & quand mefine il
GALANT . I
feroit entre ma chemiſe
& ma peau , je ne vous
dirois pas où il eft. Qu'-
on lui coupe la tefte, dit
le Calife , & auffitôt cela
fut executé. Enfuite ce
Prince me fit approcher
& me dit : Ou vous ferez
des vers , ou je vous
traiterai comme j'ai fait
Hacler. Je lui répondis :
Seigneur , fçais - tu ce
que c'est que poëfie ?
Sçais- tu que poëſie n'eſt
point ouvrage de main
12 MERCURE
mecanique qui fe puiſſe
faire de commande? Ainfi
, en te defobciffant je
ne fais point coupable :
un Poëte eft un homme
infpiré, non par fon Prince
, mais par le Seigneur
des genies ; cette infpration
ne vient que par
periodes. Tout ce que je
puis , c'eft de te promettre
de faire des vers
quand elle viendra. Hé
bien , répondit le Calife ,
retourne en priſon juſGALANT.
13
qu'à ce qu'elle te foit
venuë. Mais , repliqua le
Poëte , tu me permets
donc auffi de fuivre mon
infpiration telle qu'elle
me viendra , bonne ou
mauvaiſe , tu t'en contenteras
, & me donneras
la liberté ? Oui je te
le promets , répondit le
Calife. Le Poete rentra
dans la prifon d'où l'on
venoit de tirer Hacler à
aqui on avoit coupé la
tefte. Il prit ce fujer pour
14 MERCURE
fa poefie , & fit une fatyre
violente & inftructive
fur ce fujet , pour
blâmer la cruauté du Calife
, & auffitoft fe fit
mener devant lui , & lui
recita fa fatyre , lui difant
: Ton action injufte
contre Hacler m'a frapé
fi fort l'imagination dans
¡ce moment, que la verve
abondante eft venue qui
a inondé ma raiſon & ma
timidité ; maintenant je
fuis un infenfé qui ne
GALANT . 15
crains point la mort ;
fais- la moy donner , &
corrige - toy .Je ne regretteray
point la vie , fi j'ap
prens là - haut que c'eſt
la derniere dont tu auras
difpofé injuftement.
Cette
magnanimité de
Hataya toucha fi fort
le Calife , qu'il devint
plus humain , & recompenfa
magnifiquement
le Pocte , en faifant
pourtant brûler fes
vers , afin qu'on oubliât
16 MERCURE
entierement fes cruau
tez paffées.
Arabe.
Ataya , Poëte ,
raconte de lui-
H même, qu'ayant
DE
LA
VILLE
noncé à la poëfie , le
Calife ordonna qu'on le
Mars 1714.
A ij
4 MERCURE
mit dans la prifon des
criminels. En entrant ,
dit- il , dans cette prifon ,
j'apperçus un vieillard ,
qui me parut un honnête
homme ; car les caracteres
de la vertu paroiffoient
fur fon viſage .
J'allai m'affeoir auprés
de lui fans le faluer ,
tant le chagrin & la
frayeur m'avoient troublé
l'efprit. Je demeurai
quelque temps en cet
état : mais le vieillard ,
GALANT .
S
pour diffiper ma frayeur,
me recita ces deux diftiques.
Les adverfitez
viennent de Dieu , &
l'impatience vient de
nous . Dieu m'a ôté ce
EZ
qui venoit de moy ,
m'a laiffé ce qui venoit
de luis c'est ce qui mefait
fouffrir
avec joye. Pourquoy
donc es-tu trifte ?
Entate
voyant
que j'étois
frapé de ce diftique
,
il me dit : fe fuis prêt
d'être condamné
à mort ,
A iij
6 MERCURE
,
€5 aprés ma mortje n'aurai
plus befoin de patien
се je te la laiſſe , 5
commence à enjouir pendant
ta vie à mon exemple.
Je rappellai mes tens
& mes efprits , & je le
priai de continuer à me
confoler. Ifmaël , me répondit
le vieillard , commencez
par me rendre le
falut & la civilité que .
vous devez aux Mufulmans
. Alors m'étant excufe
fur ma frayeur &
GALANT. 7
mon étonnement , il reilareprit
: On va m'appeller
tout à l'heure , pour me
demander où eft Hyla de
la race du Prophete . Si
je dis où il eft , j'offenferai
Dieu ; & fi je ne
le dis pas , on me fera
mourir. Ainfi je devrois
être dans un plus grand
étonnement que vous :
cependant vous voyez
ma patience & ma refignation
à la volonté de
Dieu. Je lui répondis :
A iiij
8 MERCURE
Que Dieu vous confole,
il vous fuffit. Je ne vous
reprendrai plus , me dit
le vieillard , & vous repeterai
le diftique autant
que vous le fouhaiterez ;
ce qu'il fit , & me dit
enfuite : Qui vous a
obligé de quitter la poëfie
, qui faifoit vôtre fortune
auprés des Grands ?
Il faut que vous continuiez
à faire des vers ,
& que vous leur donniez
cette fatisfaction ;
GALANT . 9
vous leur devez cette reconnoiffance
, & vous la
devez à vôtre
reputation
. A peine cut - il fini
ce difcours , qu'on nous
appella l'un & l'autre ,
& l'on nous mena dans
la chambre du Calife .
Quand nous fumes en ſa
prefence , il dit à Hacler :
(c'étoit le nom du vicillard
) Où eft Hila ? Vous
m'avez fait mettre en
prifon , répondit Hacler,
comment pourrois - je
io MERCURE
#
fçavoir de ſes nouvelles ?
Aprés quelques autres ,
demandes Almohdi en
colere dit à Hacler : Vous
m'indiquerez où il eft ,
ou bien je vais vous faire
couper la tête. Vous ferez
de moy tout ce qu'il
vous plaira , répondit
Hacler , je ne vous dirai
point où eft le fils du Prophete
; je ne veux point
offenfer Dieu ni le Prophete
en trahiffant fon
fils , & quand mefine il
GALANT . I
feroit entre ma chemiſe
& ma peau , je ne vous
dirois pas où il eft. Qu'-
on lui coupe la tefte, dit
le Calife , & auffitôt cela
fut executé. Enfuite ce
Prince me fit approcher
& me dit : Ou vous ferez
des vers , ou je vous
traiterai comme j'ai fait
Hacler. Je lui répondis :
Seigneur , fçais - tu ce
que c'est que poëfie ?
Sçais- tu que poëſie n'eſt
point ouvrage de main
12 MERCURE
mecanique qui fe puiſſe
faire de commande? Ainfi
, en te defobciffant je
ne fais point coupable :
un Poëte eft un homme
infpiré, non par fon Prince
, mais par le Seigneur
des genies ; cette infpration
ne vient que par
periodes. Tout ce que je
puis , c'eft de te promettre
de faire des vers
quand elle viendra. Hé
bien , répondit le Calife ,
retourne en priſon juſGALANT.
13
qu'à ce qu'elle te foit
venuë. Mais , repliqua le
Poëte , tu me permets
donc auffi de fuivre mon
infpiration telle qu'elle
me viendra , bonne ou
mauvaiſe , tu t'en contenteras
, & me donneras
la liberté ? Oui je te
le promets , répondit le
Calife. Le Poete rentra
dans la prifon d'où l'on
venoit de tirer Hacler à
aqui on avoit coupé la
tefte. Il prit ce fujer pour
14 MERCURE
fa poefie , & fit une fatyre
violente & inftructive
fur ce fujet , pour
blâmer la cruauté du Calife
, & auffitoft fe fit
mener devant lui , & lui
recita fa fatyre , lui difant
: Ton action injufte
contre Hacler m'a frapé
fi fort l'imagination dans
¡ce moment, que la verve
abondante eft venue qui
a inondé ma raiſon & ma
timidité ; maintenant je
fuis un infenfé qui ne
GALANT . 15
crains point la mort ;
fais- la moy donner , &
corrige - toy .Je ne regretteray
point la vie , fi j'ap
prens là - haut que c'eſt
la derniere dont tu auras
difpofé injuftement.
Cette
magnanimité de
Hataya toucha fi fort
le Calife , qu'il devint
plus humain , & recompenfa
magnifiquement
le Pocte , en faifant
pourtant brûler fes
vers , afin qu'on oubliât
16 MERCURE
entierement fes cruau
tez paffées.
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Résumé : TRAIT D'HISTOIRE Arabe.
Le texte relate l'histoire d'Ataya, un poète arabe emprisonné sur ordre du Calife pour avoir renoncé à la poésie. En prison, Ataya rencontre un vieillard nommé Hacler, qui lui enseigne la patience et la résignation face à l'adversité. Hacler refuse de révéler la cachette de Hila, fils du Prophète, même sous la menace de mort, préférant mourir plutôt que de trahir sa foi. Le Calife fait exécuter Hacler et propose à Ataya de choisir entre écrire des vers ou subir le même sort. Ataya explique que la poésie ne se commande pas et promet de composer des vers lorsqu'il sera inspiré. Le Calife accepte et libère Ataya après qu'il ait écrit une satire contre la cruauté du Calife. Touché par la magnanimité d'Ataya, le Calife le récompense et fait brûler ses vers pour effacer ses cruautés passées.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
14
p. 149-174
LE TOMBEAU DE BOILEAU. SATYRE.
Début :
Quelle sombre tristesse attaque tes esprits ? [...]
Mots clefs :
Boileau, Auteur, Poète, Horace, Université, Barbin, Public
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE TOMBEAU DE BOILEAU. SATYRE.
LE TOMBEAU
DE BO 1LEAU,
SATYRE.
Quellesombre tristesse attaque
tes esprits ?
Lechagrinsurtonfront est
gravépar replis,
Qu'as-tufait de ceteint où
lajeunesse brille?
Jetevois plusrêveurqu'un
enfantd famille,
Qui courant vainement,
cherche depuis unmois
Quelque bonneUsurier
qui prête audeniertrois.
Ou qu'un tuteur tremblant
qui voit leverles
lustres
Pour éclairerbien-tostses
fittira illustres.
Quandle Partere en main
tient lesifflettoutprest,
Et luy va sansappel prononcersonArrest.
Ma douleur,cher Ami,
paroît avecjustice,
Cen'est pointen cejourun
effetdecaprice;
Mepompeuxattiraild'un
funesteConfvoy
Vientdesaisirmon coeurde
douleur&d'effroy,
Mesyeux ont vu passer
danslaplaceprochaine
DesMenins de la Mort
une troupe inhumaine;
De Pedans mal peignez,
un bataillon crotté,
Descendoit à paslents à
l'Université.
Leurs longs manteaux de
, :, àterre, A leurs crespesflottans les
mntsfaisoientlagutr*
rt';
Et chacun à la main avott
pïûpowjkitâbeau,
V#Umttj*di*:-?vertpour
orner untombeau,
J'ay vû parmi Içs rangs
malgréI4fouleextre*
me
Dc'"ml!inl Auteur dolent
lafaceseche&blefme.
fyey#Grecs& denxiLa*
tins escortotent le cereueil,
Et le mouchoirenmain
Barbinmenoitle deuil
pour qui crois-tu que nur*
che une telle ~oronnance.?
Ce lugubre appareil, cette
noire affluence?
D'unPoëte deffuntplains
lefunestesort,
l'Université pleure
, (7:
Despreauxestmort.
Ilestmort, c'enestfait,sa
Satyre ~T/~
Enfant infortuné d'une
plume infidelle,
Dont la Ville,&la Cour
ontfaitsipeu decas,
L'avoit déjà conduitaux
-
portes dutrépas.
Quandles cruelsefets d'une
derniere rage
L'ontfaitenfinpartirpour
cederniervoyage,
Ilcroyoit qu'Hipocrene,&
," sonpluspurcristal
Nedevoitquepour luy couleràpleincanal;
Mais apprenant qu'un au*
tre anime par lagloire
Avoit beureusementdans
Il sasourceose boire , frémit,&perce du fini
mortedépit,
Par l'ordred'Apollonilva
semettre 414 lit.
Tu ris: de tous les maux
déchaînezsur la terre
Pour livreraux Auteurs
une cruelle guerre:
Sçàis-tu bienque l'envieest
le plus dangereux?
Ils n'ontpoint d'antidoteÀ
ce poison affreux.
Un Poete aisement aidé
par lanature
Souffrelafaim,lafoif., le
Soleil
,
la fro dure,
Porte,sansmurmurer,dix
ans le même habit>-
N'a que les quatre murs
l'hiverpour tour deht*-
D'unGrand qui le nourrit ilsouffrelessaccades,
Son dosmêmeendurci si
, fait aux bastonnadesJ-'
Mais voit-ilsur lesrangs
quelqu'un se presenter,,
Et cüeillirdes lauriersqu'il
croitjcuL meriter.
Au bon goustà venirsoudainilenappelle,
AusieclepervertisaMuse
faitquerelle*
Achaque coin de ruèïlcrie,
-JO temps! omoeurs!
Lepoison cependant,augmentesesardeurs^
Etles dépits cruels ,les noires
jalousies
,
Fontàlafin l'effetdevingt
apoplexies.
quehérofiss,jourlleCini. ours leCini.
Dontun triste cercueilgardeàpresentlesos
Maissesentant voisin de l'infernalerive,
Et toutprest d'exalerson
amefugitive,
Il demandaparggrarâccee,,,&&
dunefablevoix
D'embrasser se-ç enfant
pourladernierefois.
Deux valetsaussi-tostses
dignesSecretaires I
Apportentprés de luy des
milliersd'exemplaires.
Lelitpar trop chargégemit j
souslespacquets,
Etl'Auteurmoribond dit
cesmotsparhocquets. 0 vous, mes tristes vers,
dignes objets d'envie,
JVJ)IN dont fattenst*hon~
., nveuired'u.n,e lfeéccoonnddér
PMiffitZJ-rzJOUJ:échAJler.m
naufragedesjins, Etbraverajamais £ignorance
,&Letemps,
jfenevous'verrayplus,déjà lamorthideuse
Autour de mon chevetétend
uneaile affreuse;
JMaisjt meurssans regret
dans
1
untemps dépravé;
> .- f-
Oùle mauvaisgoustregne,
&va lefront levé.
*QnlePublicsngrat,tnjidele,
perfide).
T,rouveMA veine usee, dl monstileinsipide
Moy,qui me,crusfadisa
Régnierpréfère.
Que dirontnosNeveux!
Regnardm'etfcomparé,
•Luyqùifendantdixansdu
Couchant
CouchantaL'Aurore
Errachez le Lapon&ramachezle
Maure.
Luy quinesçutjamaisnyle
Grecnyl'Hebreu.
Qui jcuajour&nuit,fîF
grandchcre&bonfeu;
Est- ce ainsi qu'autrefois
dansmavieillesouspente
Allâ,irombi-e- lueur d'une
lampe puante J'appris j pour mes pechez,
l'artdefairedesvers,
Feuilletantlesreplis de cent
Bouquinsdivers? ,
N'est-ce doncqu'enbuvant
que l'on imite Horace?
Par dessentiers defleurs , monte-t-onauParnasse?
Ce Regnardcependantvoit
éclatersestraits.
Quand mes derniers écrits
font en proye aux laquais\
0rage, ôdesespoir, ôvieillesse
ennemie!
Aprés tant de travaux
surlafin de ma vie
Par un nouvel Athlète on
meverra vaincu
Etjevis. Nonje meurs.. fayde)atropvécu,
ji ces mots bégayez, que la ".:
fureurinfvire,
Bbileaufermelesyeux,pen-
-
chela teste,expire.
Le bruit decette mort dans
lepaysLatin
Se répandaussî-lost&vole
chezBarbin.
La
, dans l'enfoncement
d'unearriere^boutique,
Safemmeétaleenvainson
embonpointantique,>
Etfaisant le débit de cent livresmauvais , Amuseun cercle entier des ,oisifs du Palais,
Là le vieux Presidenta
toujoursessceances,
Là le jeune, Avocat vient
prendreseslicences
Et le blond Senateur en
quittant leBarreau,
Vientpeignersaperruque,
&prendreson chapeau;
C'est là que le Chanoine au
sortirduservice,
Vientenaumusse encore a~
cheversonoffice.
Etqu'on voitàmidy maint
Auteur du menu
Surle projet d'un Livre
emprunterun écu.
Dansce Licée étroit cette
mortimprévue
Fut par les assistansdiversement
reçûë.
Acasteensoupira
3
le Li- braireengemt, -Crispe en eut l'oeil humide,
& Perraultensount;•-
Pendant qu'on doute encor
de la triste nouvelle
Arijitarrivéenpleurs, (:l,
suruneescabelle
Au milieu du Perron se
plaçanttristement.
Lut
-
au Cercle ces mots
extraits duTestament
EnThonneur d'Apollon à
jamaisjesouhaite
\Auxyeux de l'Universvi-
-
vre&mourirPoète,
J'en eustoute ma'V«,(9'
t'air,&lemaintien,
JMais desirantmourir en
Poëtechrestien
Je declare au Publicqueje
veux que l'on rende,
[Ce qu'à bon droitsurmoy
Juvenal redemande,
Quandmon Livreseroitré-
--
4-r- duitàdixfeüillets,
Jeveuxreflitusr les larcins
quej'ayfaits.
Si de cesvolshonteuxl'audaceefloitpunie,
Vne rame àla mainj'auroisfini
mavie,
Las d'estre simpleauteur
entésurdu Latin,
Tour imposerauxsots je
tradmfois Longin.
Maisj'avoue en mourant
quejel'ay mis en masque,
., Etque j'entendsleGrec,
aussipeu que le Basque,
Sur tout de noirs remords
mon espritagité,
Faitamandehonorable au
beau Sexe irrité,
jiu milieu des Pedans
nourrytoute mavie
J'ignoraylebeau monde,&
, lagalanterie, i
Et le coeur d'une Irispleine
demille attraits 4
Est
Estune terreaustralleoùje
n'allayjamais.
Jelaiseà mon valet dequoi
lever boutique
Des restes méprisezd'une
- Ode Pindarique,
Qu'on vit à sa naissance
expirerdans Paris:
On le verroitbien-tostrouler
en chevaux gis,
Si le langage obscuremploïé
dans cette Ode
Pouvoit unjourenfin devenirà
la mode.
Item, mais à ce mot chez
l'HorlogeurleRoux,
.La Pendulles'émeut,sonne
-
&frappedixcoups,
Alidoraussi-tost rempli
d'impatience
D'undélaicriminelaccuse
l'ajfifiance,
Faitvoir queletempspres-
,. se , & qu'il faut en
, granddeüil
Dans une heure au plus
tardescorterlecercüeil,
Il dit,&dans l'instanton
vitla Compagnie
Se lever bruspuementpour
la Ceremonie,
L'un court chezson Ami9
l'autre chez, un Frippier
Endosser l'attirail d'un
nouvel heritier,
Perrin d'un vieil bahut
d'oùpenduneserrure,
Tirasonjustaucorpsfaitau
deüil de Voiture,
Dont le coude entr'ouvert
reçut plus d'un échec
Envoulantle vêtir, tant il
se trouvasec.
Pradon, leseul Pradon eut
assez de courage
D'entrerchez, un Drapier
-
&d'un humble langage
., Pour quatre aulnes de drap
estimezvingtecus
Proposer un Billet signé
Germanicus.
Enfin midy sonnant cette
lugubre escorte
S'estsaisie aujourd'huy du
Deffuntsursaporte,
Et promenant ses os de
quartieren quartier
Le conduit au Parnasse en
songitedernier;
C'est-laqu'on va porterses
funebres reliques
Dansla cave marquée aux
Auteurssatiriques.
Là, sur un marbre offert
aux yeux de l'Univers
Encaractere d'or ongrave
ra ces vers.
Cy gist Maître Boileau
qui vécut de médire,
Et qui mourut aussiparun
traitdesatire:
Le coup qu'il assenaluyfut
enfinrendu.
Sipar malheur unjourson
livre estoitperdu,
A le chercher bien loin
Passant ne t'ernbataj^
se.
Tu le retrouveras tout entier
dans Horace.
DE BO 1LEAU,
SATYRE.
Quellesombre tristesse attaque
tes esprits ?
Lechagrinsurtonfront est
gravépar replis,
Qu'as-tufait de ceteint où
lajeunesse brille?
Jetevois plusrêveurqu'un
enfantd famille,
Qui courant vainement,
cherche depuis unmois
Quelque bonneUsurier
qui prête audeniertrois.
Ou qu'un tuteur tremblant
qui voit leverles
lustres
Pour éclairerbien-tostses
fittira illustres.
Quandle Partere en main
tient lesifflettoutprest,
Et luy va sansappel prononcersonArrest.
Ma douleur,cher Ami,
paroît avecjustice,
Cen'est pointen cejourun
effetdecaprice;
Mepompeuxattiraild'un
funesteConfvoy
Vientdesaisirmon coeurde
douleur&d'effroy,
Mesyeux ont vu passer
danslaplaceprochaine
DesMenins de la Mort
une troupe inhumaine;
De Pedans mal peignez,
un bataillon crotté,
Descendoit à paslents à
l'Université.
Leurs longs manteaux de
, :, àterre, A leurs crespesflottans les
mntsfaisoientlagutr*
rt';
Et chacun à la main avott
pïûpowjkitâbeau,
V#Umttj*di*:-?vertpour
orner untombeau,
J'ay vû parmi Içs rangs
malgréI4fouleextre*
me
Dc'"ml!inl Auteur dolent
lafaceseche&blefme.
fyey#Grecs& denxiLa*
tins escortotent le cereueil,
Et le mouchoirenmain
Barbinmenoitle deuil
pour qui crois-tu que nur*
che une telle ~oronnance.?
Ce lugubre appareil, cette
noire affluence?
D'unPoëte deffuntplains
lefunestesort,
l'Université pleure
, (7:
Despreauxestmort.
Ilestmort, c'enestfait,sa
Satyre ~T/~
Enfant infortuné d'une
plume infidelle,
Dont la Ville,&la Cour
ontfaitsipeu decas,
L'avoit déjà conduitaux
-
portes dutrépas.
Quandles cruelsefets d'une
derniere rage
L'ontfaitenfinpartirpour
cederniervoyage,
Ilcroyoit qu'Hipocrene,&
," sonpluspurcristal
Nedevoitquepour luy couleràpleincanal;
Mais apprenant qu'un au*
tre anime par lagloire
Avoit beureusementdans
Il sasourceose boire , frémit,&perce du fini
mortedépit,
Par l'ordred'Apollonilva
semettre 414 lit.
Tu ris: de tous les maux
déchaînezsur la terre
Pour livreraux Auteurs
une cruelle guerre:
Sçàis-tu bienque l'envieest
le plus dangereux?
Ils n'ontpoint d'antidoteÀ
ce poison affreux.
Un Poete aisement aidé
par lanature
Souffrelafaim,lafoif., le
Soleil
,
la fro dure,
Porte,sansmurmurer,dix
ans le même habit>-
N'a que les quatre murs
l'hiverpour tour deht*-
D'unGrand qui le nourrit ilsouffrelessaccades,
Son dosmêmeendurci si
, fait aux bastonnadesJ-'
Mais voit-ilsur lesrangs
quelqu'un se presenter,,
Et cüeillirdes lauriersqu'il
croitjcuL meriter.
Au bon goustà venirsoudainilenappelle,
AusieclepervertisaMuse
faitquerelle*
Achaque coin de ruèïlcrie,
-JO temps! omoeurs!
Lepoison cependant,augmentesesardeurs^
Etles dépits cruels ,les noires
jalousies
,
Fontàlafin l'effetdevingt
apoplexies.
quehérofiss,jourlleCini. ours leCini.
Dontun triste cercueilgardeàpresentlesos
Maissesentant voisin de l'infernalerive,
Et toutprest d'exalerson
amefugitive,
Il demandaparggrarâccee,,,&&
dunefablevoix
D'embrasser se-ç enfant
pourladernierefois.
Deux valetsaussi-tostses
dignesSecretaires I
Apportentprés de luy des
milliersd'exemplaires.
Lelitpar trop chargégemit j
souslespacquets,
Etl'Auteurmoribond dit
cesmotsparhocquets. 0 vous, mes tristes vers,
dignes objets d'envie,
JVJ)IN dont fattenst*hon~
., nveuired'u.n,e lfeéccoonnddér
PMiffitZJ-rzJOUJ:échAJler.m
naufragedesjins, Etbraverajamais £ignorance
,&Letemps,
jfenevous'verrayplus,déjà lamorthideuse
Autour de mon chevetétend
uneaile affreuse;
JMaisjt meurssans regret
dans
1
untemps dépravé;
> .- f-
Oùle mauvaisgoustregne,
&va lefront levé.
*QnlePublicsngrat,tnjidele,
perfide).
T,rouveMA veine usee, dl monstileinsipide
Moy,qui me,crusfadisa
Régnierpréfère.
Que dirontnosNeveux!
Regnardm'etfcomparé,
•Luyqùifendantdixansdu
Couchant
CouchantaL'Aurore
Errachez le Lapon&ramachezle
Maure.
Luy quinesçutjamaisnyle
Grecnyl'Hebreu.
Qui jcuajour&nuit,fîF
grandchcre&bonfeu;
Est- ce ainsi qu'autrefois
dansmavieillesouspente
Allâ,irombi-e- lueur d'une
lampe puante J'appris j pour mes pechez,
l'artdefairedesvers,
Feuilletantlesreplis de cent
Bouquinsdivers? ,
N'est-ce doncqu'enbuvant
que l'on imite Horace?
Par dessentiers defleurs , monte-t-onauParnasse?
Ce Regnardcependantvoit
éclatersestraits.
Quand mes derniers écrits
font en proye aux laquais\
0rage, ôdesespoir, ôvieillesse
ennemie!
Aprés tant de travaux
surlafin de ma vie
Par un nouvel Athlète on
meverra vaincu
Etjevis. Nonje meurs.. fayde)atropvécu,
ji ces mots bégayez, que la ".:
fureurinfvire,
Bbileaufermelesyeux,pen-
-
chela teste,expire.
Le bruit decette mort dans
lepaysLatin
Se répandaussî-lost&vole
chezBarbin.
La
, dans l'enfoncement
d'unearriere^boutique,
Safemmeétaleenvainson
embonpointantique,>
Etfaisant le débit de cent livresmauvais , Amuseun cercle entier des ,oisifs du Palais,
Là le vieux Presidenta
toujoursessceances,
Là le jeune, Avocat vient
prendreseslicences
Et le blond Senateur en
quittant leBarreau,
Vientpeignersaperruque,
&prendreson chapeau;
C'est là que le Chanoine au
sortirduservice,
Vientenaumusse encore a~
cheversonoffice.
Etqu'on voitàmidy maint
Auteur du menu
Surle projet d'un Livre
emprunterun écu.
Dansce Licée étroit cette
mortimprévue
Fut par les assistansdiversement
reçûë.
Acasteensoupira
3
le Li- braireengemt, -Crispe en eut l'oeil humide,
& Perraultensount;•-
Pendant qu'on doute encor
de la triste nouvelle
Arijitarrivéenpleurs, (:l,
suruneescabelle
Au milieu du Perron se
plaçanttristement.
Lut
-
au Cercle ces mots
extraits duTestament
EnThonneur d'Apollon à
jamaisjesouhaite
\Auxyeux de l'Universvi-
-
vre&mourirPoète,
J'en eustoute ma'V«,(9'
t'air,&lemaintien,
JMais desirantmourir en
Poëtechrestien
Je declare au Publicqueje
veux que l'on rende,
[Ce qu'à bon droitsurmoy
Juvenal redemande,
Quandmon Livreseroitré-
--
4-r- duitàdixfeüillets,
Jeveuxreflitusr les larcins
quej'ayfaits.
Si de cesvolshonteuxl'audaceefloitpunie,
Vne rame àla mainj'auroisfini
mavie,
Las d'estre simpleauteur
entésurdu Latin,
Tour imposerauxsots je
tradmfois Longin.
Maisj'avoue en mourant
quejel'ay mis en masque,
., Etque j'entendsleGrec,
aussipeu que le Basque,
Sur tout de noirs remords
mon espritagité,
Faitamandehonorable au
beau Sexe irrité,
jiu milieu des Pedans
nourrytoute mavie
J'ignoraylebeau monde,&
, lagalanterie, i
Et le coeur d'une Irispleine
demille attraits 4
Est
Estune terreaustralleoùje
n'allayjamais.
Jelaiseà mon valet dequoi
lever boutique
Des restes méprisezd'une
- Ode Pindarique,
Qu'on vit à sa naissance
expirerdans Paris:
On le verroitbien-tostrouler
en chevaux gis,
Si le langage obscuremploïé
dans cette Ode
Pouvoit unjourenfin devenirà
la mode.
Item, mais à ce mot chez
l'HorlogeurleRoux,
.La Pendulles'émeut,sonne
-
&frappedixcoups,
Alidoraussi-tost rempli
d'impatience
D'undélaicriminelaccuse
l'ajfifiance,
Faitvoir queletempspres-
,. se , & qu'il faut en
, granddeüil
Dans une heure au plus
tardescorterlecercüeil,
Il dit,&dans l'instanton
vitla Compagnie
Se lever bruspuementpour
la Ceremonie,
L'un court chezson Ami9
l'autre chez, un Frippier
Endosser l'attirail d'un
nouvel heritier,
Perrin d'un vieil bahut
d'oùpenduneserrure,
Tirasonjustaucorpsfaitau
deüil de Voiture,
Dont le coude entr'ouvert
reçut plus d'un échec
Envoulantle vêtir, tant il
se trouvasec.
Pradon, leseul Pradon eut
assez de courage
D'entrerchez, un Drapier
-
&d'un humble langage
., Pour quatre aulnes de drap
estimezvingtecus
Proposer un Billet signé
Germanicus.
Enfin midy sonnant cette
lugubre escorte
S'estsaisie aujourd'huy du
Deffuntsursaporte,
Et promenant ses os de
quartieren quartier
Le conduit au Parnasse en
songitedernier;
C'est-laqu'on va porterses
funebres reliques
Dansla cave marquée aux
Auteurssatiriques.
Là, sur un marbre offert
aux yeux de l'Univers
Encaractere d'or ongrave
ra ces vers.
Cy gist Maître Boileau
qui vécut de médire,
Et qui mourut aussiparun
traitdesatire:
Le coup qu'il assenaluyfut
enfinrendu.
Sipar malheur unjourson
livre estoitperdu,
A le chercher bien loin
Passant ne t'ernbataj^
se.
Tu le retrouveras tout entier
dans Horace.
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Résumé : LE TOMBEAU DE BOILEAU. SATYRE.
Le poème 'Le Tombeau de Boileau' évoque la mort du poète Nicolas Boileau. Le narrateur exprime une profonde tristesse et décrit Boileau comme un homme accablé par les soucis et les chagrins. Il compare Boileau à un enfant cherchant un usurier ou à un tuteur anxieux. Le narrateur révèle avoir vu des figures symbolisant la mort, notamment des pédants mal vêtus descendant à l'Université, parmi eux Boileau, accompagné de figures grecques et latines. Le poème détaille la douleur du narrateur, qui attribue la mort de Boileau à une 'funeste Convoy' et à une vision de la mort approchant. Boileau croyait que son inspiration poétique ne tarirait jamais, mais apprenant qu'un autre poète avait réussi, il mourut de dépit. Le texte souligne les difficultés des poètes, confrontés à l'envie, la faim, la soif, et l'ingratitude du public. Le poème se termine par la description des réactions diverses à la mort de Boileau dans le milieu littéraire parisien. Des figures comme Acaste, Crispe, Perrault, et Ariste réagissent différemment à la nouvelle. Boileau, dans son testament, exprime son désir de mourir en poète chrétien et demande pardon pour ses erreurs. Il avoue ignorer le grec et le latin, et exprime des remords envers le beau sexe. Le poème se conclut par la procession funéraire de Boileau, conduit au Parnasse où ses reliques seront inhumées. Une épitaphe gravée en caractères d'or résumera sa vie et sa mort : 'Cy gist Maître Boileau qui vécut de médire, Et qui mourut aussiparun traitdesatire.'
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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15
p. 908-916
REMARQUES CRITIQUES de M. R... sur l'Essay de comparaison entre la Déclamation & la Poësie Dramatique, par M. Levesque, imprimé chez la Veuve Pissot, & J.F. Tabrie, Quay de Conty, 1729
Début :
Un bel esprit du dernier siecle ne sçavoit » qui sont les plus redeva»bles, [...]
Mots clefs :
Acteur, Poésie, Auteurs, Poète, Esprit, Gloire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REMARQUES CRITIQUES de M. R... sur l'Essay de comparaison entre la Déclamation & la Poësie Dramatique, par M. Levesque, imprimé chez la Veuve Pissot, & J.F. Tabrie, Quay de Conty, 1729
REMARQUES CRITIQUES
de M. R... fur l'Effay de comparaison
entre la Déclamation & la Poëfie Dramatique
, par M. Levefque , imprimé
chez la Veuve Piffot , & J. F.Tabarie ,
Quay de Conty , 1729-
UN
N bel efprit du dernier fiecle ne
fçavoit » qui font les plus redevaqui
lesplusredene
» bles , ou ceux qui ont écrit l'Hiftoire
» à ceux qui leur ont fourni une fi noble
» matiere , ou ces Grands- Hommes
» leurs Hiſtoriens . Il eſt aifé de diffiper le
doute
MAY. 1730. 909
doute de la Bruyere. S'il n'y avoit point
de Heros , il n'y auroit point d'Hiftoriens;
le Heros , au contraire exifte & agit fans
l'Hiftorien : on peut fur ce principe déterminer
lequel des deux eft le plus redevable.
En réduifant à une propofition auffi
fimple la nouvelle comparaifon , on en
pourra donner une folution auſſi
prompte
& auffi facile ; le Comedien ne peut exifter
fans le Poëte : le Poëte , au contraire ,
fubfifte par lui-même , fans qu'il ait be
foin du fecours du Déclamateur.
Quelques Remarques détruiront toutes
les parties du Trophée que M. Levefque
à voulu ériger aux Héros de Théatre.
Si cet Auteur en étoit crû , Médée
& tous fes enchantemens , furent moins
puiffans à Colchos que ne l'ont été fur le
Théatre François la Dlle Balicourt , & fon
Art. » Cette Actrice a rajeuni , elle a ref-
»fufcité une Tragédie ufée , vieillie dans
» l'obfcurité ; elle donne encore la vie à
» une autre Piece , par le grand éclat qu'el
» le a répandu fúr la premiere.
*
Un Auteur qui parle fur ce ton , peut,
à fon gré , faire d'un Nain un Atlas.
D'abord M. Levefque avoit feulement
entrepris de prouver que l'Art des Acteurs
eft à peu près auffi beau , auffi grand
que celui du Poëte ; cet à peu près refferroit
10 MERCURE DE FRANCE
roit fon Systême dans des bornes qui auroient
pû prévenir toute conteſtation ; il
franchit bien- tôt ces bornes judicieuſes :
dans toute la fuite du difcours , on ne
trouve que des expreffions décifives ; la
Déclamation & la Poëfie marchent du
même pas , pas , rien ne les diftingue ; » L'une
» contribue autant que l'autre aux plaifirs
» & à la perfection du Théatre ; quelque-
»fois même la fuperiorité eft toute entiere
» du côté de la Déclamation. Les Vers de
Racine fi beaux & fi touchans , ne frap-
>> pent, dit- on , & n'enlevent que l'efprits
»le coeur indifferent & immobile , attend
fe remuer , que le fieur Dufrefne
viennent l'émouvoir par fa brillante
» Déclamation .
» pour
Quelle gloire , quel fujet de vanité pour
la Déclamation , de balancer la victoire
entr'elle & une Poëfie dictée par les Graces !
Quel triomphe imprévû pour le fieur
Dufrefne , de fe voir placé vis-à-vis d'un
Poëte auffi applaudi , auffi aimé & auffi
cheri ! Que penfer de ce chimerique parallele
?
Je ne ferai point remarquer par quelles
contradictions l'Auteur le détruit luimême
; mais on verra du premier coup
d'oeil Péchange qu'il fait des talens du
Poëte pour les tranfporter à l'Acteur ; il
attribue à la déclamation le principe
d'une
MAY. 1730. 917
d'une force & d'une puiffance qui réfident
dans la Poëfie , & qui fortent d'elle.
Tous les jours on éprouve qu'un Poëme
à la fimple lecture excite des mouvemens
& des fentimens plus ou moins vifs ; ſes
traits , quoique morts fur le papier , ont
en eux le principe de l'agitation dont
l'ame eft troublée ; l'action , au contraire ,
& le gefte de l'Acteur feparés de l'expreffion
, ne caufent nul trouble ; avant que
l'Acteur puiffe agiter & remuer l'ame , il
devient un organe animé de l'efprit du
Poëte , femblable aux Prêtreffes qui ne
rendoient leurs Oracles que lorfqu'elles
étoient infpirées & agitées par l'efprit du
Dieu que l'on confultoit..
>
Après que la Propofition a été hazardée,
les preuves n'ont point embaraffé l'Auteur
ni les réponfes aux objections qu'il fe
fait à lui-même : Si la déclamation n'eft.
point auffi connue & auffi cultivée que la
Poëfie , ce reproche , dit- il , ne tombe
point fur le fonds ou fur l'effence del'Art ;;
foin de convenir que cette prédilection
vienne de ce que celle - ci eft toute divine
& toute fpirituelle , & de ce que l'autre
eft prefque toute mécanique & fubalterne,
il aime mieux mettre au nombre des préjugés
de l'enfance le fentiment & l'opinion
que tous les fiecles & tous les hommes
ont eu de ces deux Arts ..
Arift
912 MERCURE DE FRANCE
» Ariftote & Horace , dit l'inventeur
» du parallele , n'ont point parlé de la
» Déclamation , parcequ'elle eft étrangere
» à l'Art Poëtique. Ce n'eft point réſoudre
l'objection , c'eſt la préfenter en d'autres
termes. Ces deux Maîtres du Dramatique
n'ont point placé la Déclamation
parmi les parties du Poëme , parcequ'elle
eft très indifferente & très inutile à la
Poëfie. Une femme ornée & enrichie de
tous les charmes de la beauté, reçoit quelques
nouvelles graces d'une belle parure;
lans ces graces , fa victoire & fon triomphe
en feroient- ils moins affurés fur les
coeurs ?
pas
Notre Auteur a pris à la lettre les Vers
de l'Epitre de Defpreaux à Racine ; il n'a
voulu remarquer que ces Vers ne vantent
le fecours de l'Auteur que pour le
moment auquel le fpectacle eft affemblé
lorfque la toile eft levée ; cet inſtant unique
pour la Déclamation n'empêche point
que la Poëfie , pendant tout le refte du
tems, ne plaife & ne touche indépendamment
d'aucun fecours. Sans la Poëfie de
Racine , la Chanfmeflé eut- elle été Iphigénie
; eut- elle pû faire verfer tant de
pleurs dans l'heureux fpectacle étalé aux
yeux de toute la France Defpreaux a
employé figuremment dans fon Art Poë
tique ce mot Acteur , plutôt que celui
d'Auteur
MA Y. 1730. 913
d'Auteur , qui feroit moins Poëtique ,
plus froid & plus languiffant.
M. Levefque a raffemblé differens Paffages
de Quintilien , de Rofcius , de M. de
Meaux , quelle confequence prétend-t'il
tirer de ces autorités , finon que l'Art des
Acteurs ajoûte quelques graces à l'Ouvrage
du Poëte ? il n'en conclura jamais
bien que ces graces foient auffi folides
auffi effentielles que celles dont l'ouvrage
eft enrichi , & qu'il porte en foi , Cependant
c'étoit ce qu'il falloit prouver pour
donner un fondement raisonnable au partage
égal , qu'il voudroit faire des applaudiffemens
des lauriers & de la gloire
immortelle.
,
Ses reflexions fur le fuccès des Piéces
médiocres font d'un foible fecours pour
le triomphe du paradoxe ; il reconnoît que
ce fuccès n'eft qu'une illufion , qui ne
peut
foutenir un examen férieux ; c'eft
une poudre ébloüiffante qui fe diffipe à
la lumiere. Eft- ce un fujet de gloire pour
un Art, de briller, quand on ne refléchit
point , & que fon faux éclat eft méprifé
lorfque la réflexion revient ?
M. de La Mothe joüit de la gloire que
fes Ouvrages fi variés lui ont acquife '; il
n'y a plus de réponſe à faire à la Critique
que notre Auteur a renouvellée fur
la Verfification d'Inés ; j'obferverai feulement
914 MERCURE DE FRANCE
•
ment que le paffage du Difcours de ce
Poëte fur Homere n'eft qu'une remarque
& une réflexion , & non pas un principe
& une maxime ; cet illuftre Académicien
eft inc pable d'une femblable erreur.
Tout ce que dit M. Levefque
des traités
, des regles & de l'objet
des deux Arts,
eft auffi difproportionné
que fi on avoit
comparé
une copie
avec fon original
.
Cette difcordance
regne dans tout l'Ou
vrage ; le plaifir
de dire des chofes
nouvelles
, & de les dire avec quelque
har-,
monie
, n'entraîne
que trop d'Auteurs
dans cette efpece de fophifmes
.
On croit que les Anciens avoient l'art
de tracer les expreffions & les geftes du
Déclamateur ; les preuves de cette conjecture
ne font pas certaines. M.Levefque
prédit que fi cet Art exiftoit , le récit ,
comme le Poëme , iroit inftruire & occuper
la pofterité. C'eft trop promettre i
comment fonder un jugement affuré fur
une fuppofition ?
Les Acteurs , fans doute , ont droit
de prétendre à la gloire de l'immortalité;
fon temple eft ouvert pour tous ceux qui
d'un pas ferme veulent y monter. Notre
Auteur n'a point rapporté les noms de
tous les Acteurs échapés aux tenebres &
à l'oubli . Pourquoi a- t'il oublié Syrus Comédien
, & Auteur également habile , au
jugement
MAY. 1730. 915
jugement de Trimalcion , qui comparoit
fa Poëfie à l'éloquence de Ciceron . L'au
torité du judicieux Trimalcion eut été
refpectable dans l'établiffement du nouveau
fiftême.
Mais la gloire immortelle a fes degrés
differens ; elle doit être diftribuée ſuivant
le mérite réel de la fcience ou de l'art
auquel s'applique celui qui eft flatté d'une
ambition fi noble . Soutiendra-t'on qu'il y
ait dans l'Art de réciter & dans celui d'écrire
un mérite également folide & effectif
, tel qu'il devroit être , fi l'on veut que
l'Auteur &le Poëte jouiffent d'une gloire
égale ?
La Fontaine en défignant la difference
de leurs talens a marqué le degré different
où ils doivent être placés. Corneille eft
monté aux plus hautes places du Temple
immortel, quelques- uns l'y fuivront, s'ils
fçavent écrire. Que ce mot fuppofe de
talens & de rares qualités ! Rofcius eft auffi
monté à ce Temple , à quelques dégrés
plus bas , quelqu'autres y parviendront ,
s'ils ont l'art de bien reciter . Ce dernier
mot s'explique de lui-même en quelque
fens qu'on le prenne.
Au refte , le ftile de notre Auteur eft
brillant , fes expreffions font choifies &
ingénieufes ; en quelques endroits il a de
la grandeur ; ce coup d'eflai fait voir ce
que
916 MERCURE DE FRANCE
que l'on en peut efperer dans la fuite. On
remarque cependant quelques conftructions
vicieufes & quelques termes moins
propres , qui auroient pû être remplacés,
Son Ouvrage n'eft peut-être qu'un jeu de
fon imagination , jeu toûjours dangereux,
puifque la raifon cede à l'efprit. Si cette
penfée m'étoit venuë d'abord, je me ferois
épargné un moment de mauvaiſe humeur
& le ferieux d'une critique , j'aurois lû fa
Lettre auffi indifferemment
que l'on lit la
Satire qui met l'homme au deffous du plus
ftupide de tous les animaux ; j'aurois regardé
la nouvelle comparaifon comme auffi
bizarre que me le paroît le parallele de
l'ajustement avec la Poëfie.
de M. R... fur l'Effay de comparaison
entre la Déclamation & la Poëfie Dramatique
, par M. Levefque , imprimé
chez la Veuve Piffot , & J. F.Tabarie ,
Quay de Conty , 1729-
UN
N bel efprit du dernier fiecle ne
fçavoit » qui font les plus redevaqui
lesplusredene
» bles , ou ceux qui ont écrit l'Hiftoire
» à ceux qui leur ont fourni une fi noble
» matiere , ou ces Grands- Hommes
» leurs Hiſtoriens . Il eſt aifé de diffiper le
doute
MAY. 1730. 909
doute de la Bruyere. S'il n'y avoit point
de Heros , il n'y auroit point d'Hiftoriens;
le Heros , au contraire exifte & agit fans
l'Hiftorien : on peut fur ce principe déterminer
lequel des deux eft le plus redevable.
En réduifant à une propofition auffi
fimple la nouvelle comparaifon , on en
pourra donner une folution auſſi
prompte
& auffi facile ; le Comedien ne peut exifter
fans le Poëte : le Poëte , au contraire ,
fubfifte par lui-même , fans qu'il ait be
foin du fecours du Déclamateur.
Quelques Remarques détruiront toutes
les parties du Trophée que M. Levefque
à voulu ériger aux Héros de Théatre.
Si cet Auteur en étoit crû , Médée
& tous fes enchantemens , furent moins
puiffans à Colchos que ne l'ont été fur le
Théatre François la Dlle Balicourt , & fon
Art. » Cette Actrice a rajeuni , elle a ref-
»fufcité une Tragédie ufée , vieillie dans
» l'obfcurité ; elle donne encore la vie à
» une autre Piece , par le grand éclat qu'el
» le a répandu fúr la premiere.
*
Un Auteur qui parle fur ce ton , peut,
à fon gré , faire d'un Nain un Atlas.
D'abord M. Levefque avoit feulement
entrepris de prouver que l'Art des Acteurs
eft à peu près auffi beau , auffi grand
que celui du Poëte ; cet à peu près refferroit
10 MERCURE DE FRANCE
roit fon Systême dans des bornes qui auroient
pû prévenir toute conteſtation ; il
franchit bien- tôt ces bornes judicieuſes :
dans toute la fuite du difcours , on ne
trouve que des expreffions décifives ; la
Déclamation & la Poëfie marchent du
même pas , pas , rien ne les diftingue ; » L'une
» contribue autant que l'autre aux plaifirs
» & à la perfection du Théatre ; quelque-
»fois même la fuperiorité eft toute entiere
» du côté de la Déclamation. Les Vers de
Racine fi beaux & fi touchans , ne frap-
>> pent, dit- on , & n'enlevent que l'efprits
»le coeur indifferent & immobile , attend
fe remuer , que le fieur Dufrefne
viennent l'émouvoir par fa brillante
» Déclamation .
» pour
Quelle gloire , quel fujet de vanité pour
la Déclamation , de balancer la victoire
entr'elle & une Poëfie dictée par les Graces !
Quel triomphe imprévû pour le fieur
Dufrefne , de fe voir placé vis-à-vis d'un
Poëte auffi applaudi , auffi aimé & auffi
cheri ! Que penfer de ce chimerique parallele
?
Je ne ferai point remarquer par quelles
contradictions l'Auteur le détruit luimême
; mais on verra du premier coup
d'oeil Péchange qu'il fait des talens du
Poëte pour les tranfporter à l'Acteur ; il
attribue à la déclamation le principe
d'une
MAY. 1730. 917
d'une force & d'une puiffance qui réfident
dans la Poëfie , & qui fortent d'elle.
Tous les jours on éprouve qu'un Poëme
à la fimple lecture excite des mouvemens
& des fentimens plus ou moins vifs ; ſes
traits , quoique morts fur le papier , ont
en eux le principe de l'agitation dont
l'ame eft troublée ; l'action , au contraire ,
& le gefte de l'Acteur feparés de l'expreffion
, ne caufent nul trouble ; avant que
l'Acteur puiffe agiter & remuer l'ame , il
devient un organe animé de l'efprit du
Poëte , femblable aux Prêtreffes qui ne
rendoient leurs Oracles que lorfqu'elles
étoient infpirées & agitées par l'efprit du
Dieu que l'on confultoit..
>
Après que la Propofition a été hazardée,
les preuves n'ont point embaraffé l'Auteur
ni les réponfes aux objections qu'il fe
fait à lui-même : Si la déclamation n'eft.
point auffi connue & auffi cultivée que la
Poëfie , ce reproche , dit- il , ne tombe
point fur le fonds ou fur l'effence del'Art ;;
foin de convenir que cette prédilection
vienne de ce que celle - ci eft toute divine
& toute fpirituelle , & de ce que l'autre
eft prefque toute mécanique & fubalterne,
il aime mieux mettre au nombre des préjugés
de l'enfance le fentiment & l'opinion
que tous les fiecles & tous les hommes
ont eu de ces deux Arts ..
Arift
912 MERCURE DE FRANCE
» Ariftote & Horace , dit l'inventeur
» du parallele , n'ont point parlé de la
» Déclamation , parcequ'elle eft étrangere
» à l'Art Poëtique. Ce n'eft point réſoudre
l'objection , c'eſt la préfenter en d'autres
termes. Ces deux Maîtres du Dramatique
n'ont point placé la Déclamation
parmi les parties du Poëme , parcequ'elle
eft très indifferente & très inutile à la
Poëfie. Une femme ornée & enrichie de
tous les charmes de la beauté, reçoit quelques
nouvelles graces d'une belle parure;
lans ces graces , fa victoire & fon triomphe
en feroient- ils moins affurés fur les
coeurs ?
pas
Notre Auteur a pris à la lettre les Vers
de l'Epitre de Defpreaux à Racine ; il n'a
voulu remarquer que ces Vers ne vantent
le fecours de l'Auteur que pour le
moment auquel le fpectacle eft affemblé
lorfque la toile eft levée ; cet inſtant unique
pour la Déclamation n'empêche point
que la Poëfie , pendant tout le refte du
tems, ne plaife & ne touche indépendamment
d'aucun fecours. Sans la Poëfie de
Racine , la Chanfmeflé eut- elle été Iphigénie
; eut- elle pû faire verfer tant de
pleurs dans l'heureux fpectacle étalé aux
yeux de toute la France Defpreaux a
employé figuremment dans fon Art Poë
tique ce mot Acteur , plutôt que celui
d'Auteur
MA Y. 1730. 913
d'Auteur , qui feroit moins Poëtique ,
plus froid & plus languiffant.
M. Levefque a raffemblé differens Paffages
de Quintilien , de Rofcius , de M. de
Meaux , quelle confequence prétend-t'il
tirer de ces autorités , finon que l'Art des
Acteurs ajoûte quelques graces à l'Ouvrage
du Poëte ? il n'en conclura jamais
bien que ces graces foient auffi folides
auffi effentielles que celles dont l'ouvrage
eft enrichi , & qu'il porte en foi , Cependant
c'étoit ce qu'il falloit prouver pour
donner un fondement raisonnable au partage
égal , qu'il voudroit faire des applaudiffemens
des lauriers & de la gloire
immortelle.
,
Ses reflexions fur le fuccès des Piéces
médiocres font d'un foible fecours pour
le triomphe du paradoxe ; il reconnoît que
ce fuccès n'eft qu'une illufion , qui ne
peut
foutenir un examen férieux ; c'eft
une poudre ébloüiffante qui fe diffipe à
la lumiere. Eft- ce un fujet de gloire pour
un Art, de briller, quand on ne refléchit
point , & que fon faux éclat eft méprifé
lorfque la réflexion revient ?
M. de La Mothe joüit de la gloire que
fes Ouvrages fi variés lui ont acquife '; il
n'y a plus de réponſe à faire à la Critique
que notre Auteur a renouvellée fur
la Verfification d'Inés ; j'obferverai feulement
914 MERCURE DE FRANCE
•
ment que le paffage du Difcours de ce
Poëte fur Homere n'eft qu'une remarque
& une réflexion , & non pas un principe
& une maxime ; cet illuftre Académicien
eft inc pable d'une femblable erreur.
Tout ce que dit M. Levefque
des traités
, des regles & de l'objet
des deux Arts,
eft auffi difproportionné
que fi on avoit
comparé
une copie
avec fon original
.
Cette difcordance
regne dans tout l'Ou
vrage ; le plaifir
de dire des chofes
nouvelles
, & de les dire avec quelque
har-,
monie
, n'entraîne
que trop d'Auteurs
dans cette efpece de fophifmes
.
On croit que les Anciens avoient l'art
de tracer les expreffions & les geftes du
Déclamateur ; les preuves de cette conjecture
ne font pas certaines. M.Levefque
prédit que fi cet Art exiftoit , le récit ,
comme le Poëme , iroit inftruire & occuper
la pofterité. C'eft trop promettre i
comment fonder un jugement affuré fur
une fuppofition ?
Les Acteurs , fans doute , ont droit
de prétendre à la gloire de l'immortalité;
fon temple eft ouvert pour tous ceux qui
d'un pas ferme veulent y monter. Notre
Auteur n'a point rapporté les noms de
tous les Acteurs échapés aux tenebres &
à l'oubli . Pourquoi a- t'il oublié Syrus Comédien
, & Auteur également habile , au
jugement
MAY. 1730. 915
jugement de Trimalcion , qui comparoit
fa Poëfie à l'éloquence de Ciceron . L'au
torité du judicieux Trimalcion eut été
refpectable dans l'établiffement du nouveau
fiftême.
Mais la gloire immortelle a fes degrés
differens ; elle doit être diftribuée ſuivant
le mérite réel de la fcience ou de l'art
auquel s'applique celui qui eft flatté d'une
ambition fi noble . Soutiendra-t'on qu'il y
ait dans l'Art de réciter & dans celui d'écrire
un mérite également folide & effectif
, tel qu'il devroit être , fi l'on veut que
l'Auteur &le Poëte jouiffent d'une gloire
égale ?
La Fontaine en défignant la difference
de leurs talens a marqué le degré different
où ils doivent être placés. Corneille eft
monté aux plus hautes places du Temple
immortel, quelques- uns l'y fuivront, s'ils
fçavent écrire. Que ce mot fuppofe de
talens & de rares qualités ! Rofcius eft auffi
monté à ce Temple , à quelques dégrés
plus bas , quelqu'autres y parviendront ,
s'ils ont l'art de bien reciter . Ce dernier
mot s'explique de lui-même en quelque
fens qu'on le prenne.
Au refte , le ftile de notre Auteur eft
brillant , fes expreffions font choifies &
ingénieufes ; en quelques endroits il a de
la grandeur ; ce coup d'eflai fait voir ce
que
916 MERCURE DE FRANCE
que l'on en peut efperer dans la fuite. On
remarque cependant quelques conftructions
vicieufes & quelques termes moins
propres , qui auroient pû être remplacés,
Son Ouvrage n'eft peut-être qu'un jeu de
fon imagination , jeu toûjours dangereux,
puifque la raifon cede à l'efprit. Si cette
penfée m'étoit venuë d'abord, je me ferois
épargné un moment de mauvaiſe humeur
& le ferieux d'une critique , j'aurois lû fa
Lettre auffi indifferemment
que l'on lit la
Satire qui met l'homme au deffous du plus
ftupide de tous les animaux ; j'aurois regardé
la nouvelle comparaifon comme auffi
bizarre que me le paroît le parallele de
l'ajustement avec la Poëfie.
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Résumé : REMARQUES CRITIQUES de M. R... sur l'Essay de comparaison entre la Déclamation & la Poësie Dramatique, par M. Levesque, imprimé chez la Veuve Pissot, & J.F. Tabrie, Quay de Conty, 1729
Le texte est une critique de l'essai de M. Levefque intitulé 'Effay de comparaison entre la Déclamation & la Poëfie Dramatique', publié en 1729. L'auteur critique compare la Déclamation et la Poésie Dramatique, affirmant que la Déclamation ne peut exister sans la Poésie, contrairement à cette dernière qui subsiste par elle-même. Il conteste l'idée que la Déclamation puisse être aussi importante que la Poésie, soulignant que les vers de Racine, par exemple, touchent les esprits indépendamment de la déclamation. La critique met en avant que la Poésie, même lue silencieusement, provoque des émotions, tandis que la déclamation sans expression poétique est inefficace. L'auteur réfute également l'idée que la Déclamation soit aussi cultivée et reconnue que la Poésie, qualifiant cette opinion de préjugé. Il conclut que la gloire et l'immortalité doivent être attribuées en fonction du mérite réel des arts, la Poésie étant supérieure à la Déclamation. Le style de l'essai de M. Levefque est décrit comme brillant mais parfois vicieux, et l'ouvrage est perçu comme un jeu d'imagination dangereux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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16
p. [1059]-1063
POLYMNIE, ODE.
Début :
Quelle est cette fiere Déesse ? [...]
Mots clefs :
Académie des jeux floraux, Poète
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : POLYMNIE, ODE.
POLY
MNIE ,
Quelle
O DE.
Uelle eft cette fiere Déeffe ?
Elle fuit fur un Char loin des terreftres lieux.
Les Graces animent fes yeux ;
Jupiter fur fon front imprima fa nobleſſe.
Cupidon l'arme de fes Traits ,
Venus lui prête fes attraits ,
Mars & Bellonne , leurs Trompettes.
A ij Le
1060 MERCURE DE FRANCE
Le Dieu des Vers , fa Lyre & les accords vainqueurs.
Euterpe , fes tendres Mulettes ,
Et le vainqueur du Gange , un Thyrfe orné de
fleurs.
C'eſt toi , fublime Polymnie ;
Tu me faifis , mais Ciel ! fur quels bords enchantez
,
Mes pas foudain font tranſportez !
Qu'entens je! quelle voix! quelle douce harmonic▸
O Dieuxquels magiques effets !
Ta Lyre enfante des Palais ;
Des Tigres adoucit la rage ;
Sufpend le cours des eaux ; attendrit les Enfers ,
Et s'attire un fecret hommage ,
Des Muets habitans de l'Empire des Mers.
Dans ces Vallons qu'embellit Flore ,
De tes vrais Nouriffons , les Airs mélodieux ,
Celebrent le culte des Dieux.
Ici j'entens Linus , Orphée & Steficore.
*
Là le galant Anacréon ,
Chante Bacchus & Cupidon.
Il n'a que le plaifir pour guide ,
Sous ces arbres Sapho déplorant fes malheurs ,
Près d'Alcée & de Simonide ,
Charme tout , hors l'ingrat qui fait couler fes
pleurs.
1. Vol,
QNC
U. IN. 1730. 1061
Que vois-je ? d'une aîle affurée ,
front ceint de Lauriers , un Mortel fend les
Leairs.
Imprudent , crains les vaftes Mers .
Mais , il penetre au fein de la Voute azurée.
C'eft Pindare ; lâches Rivaux ,
Voyez par
des chemins nouveaux ,
Cet Aigle au-deffus du Tonnerre.
Que peuvent contre lui vos cris audacieux ?
Sçachez , vils enfans de la Terre ,
Que Pindare peut feul s'élever jufqu'aux Cieux.
Ses vrais imitateurs font rares.
Le Ciel , de loin en loin fe plaît à les former ;
Mais il dédaigne d'animer ,
Mille avortons obfcurs , témeraires Icares
Efprits bornez & tenebreux ,
Vous ofez prendre pour des feux
Les lueurs de votre caprice ;
Quel en fera le fruit , présomptueux Rimeurs ;
Sous vos pas s'ouvre un précipice ,
Où vont vous entraîner ces perfides lueurs .
Le Poëte ami de Mecéne ,
Sçait réunir en lui tous les talens divers` ;
Il fçait par de fublimes Airs ,
Reffufciter les fons de la Lyre Thébaine.
L'affreux Hyver , le doux Printemps ,
I. Volv
A iij Les
1062 MERCURE DE FRANCE
Les Dieux , les Buveurs , les Amans ,
Exercent tour-à-tour fa Verve.
Il allie avec grace aux faveurs d'Apollon ;
Les dons précieux de Minerve.
Le génie & le gout , l'efprit & la raiſon.
Portés fur les ailes rapides ,
Trois "Auteurs en nos jours ont fignalé leur
nom.
Cheris du Dieu de l'Helicon ,
Is furpaffent fouvent ceux qu'ils prenoient pour
guides.
Des ornemens ambitieux ,
Ariftarques judicieux ,
Ils fçavent inftruire & nous plaire.
Ce jeune Conquerant fous qui tout a plié ,
S'ils fuffent nez avant Homere ,
Aux vainqueurs d'Illion ne l'eût pas envié.
Près de ces modeles celebres ,
J'apperçois un Effain de Liriques naiffans.
Phébus accepte leur encens ,
Et leurs noms de l'oubli perceront les tenebres.
La Lice s'ouvre devant eux.
Courez , Athletes genereux ,
Thémis tient la balance égale .
Le mérite décide & feul la fait pancher ;
* M" de Santeüil , Rouſſeau , la Mothe.
1. Vol.
MéJUIN.
1730. 1063
Mépriſez l'obſcure cabale ;
Du Trône de Thémis elle n'oſe approcher.
Si le deftin vous eft contraire ,
Vaincus , n'en croyez point un aveugle courroux ;
Vos traits retomberont fur vous ,
Et la honte fuivra votre douleur amere.
Vainqueurs , veillez fur vos Lauriers
Les Poëtes & les Guerriers ,
Dormem au ſein de la victoire.
De leurs bras languiffants elle s'échappe & fuit.
Songez que la folide gloire ,
Des travaux affidus eft le penible fruit,
Cette Ode eft de l'Abbé Poncy de Neuville
, & a remporté cette année 1730. à
Thouloufe un des Prix réservez de l'année
1729. par le jugement de l'Académie des
Feux Floraux.
MNIE ,
Quelle
O DE.
Uelle eft cette fiere Déeffe ?
Elle fuit fur un Char loin des terreftres lieux.
Les Graces animent fes yeux ;
Jupiter fur fon front imprima fa nobleſſe.
Cupidon l'arme de fes Traits ,
Venus lui prête fes attraits ,
Mars & Bellonne , leurs Trompettes.
A ij Le
1060 MERCURE DE FRANCE
Le Dieu des Vers , fa Lyre & les accords vainqueurs.
Euterpe , fes tendres Mulettes ,
Et le vainqueur du Gange , un Thyrfe orné de
fleurs.
C'eſt toi , fublime Polymnie ;
Tu me faifis , mais Ciel ! fur quels bords enchantez
,
Mes pas foudain font tranſportez !
Qu'entens je! quelle voix! quelle douce harmonic▸
O Dieuxquels magiques effets !
Ta Lyre enfante des Palais ;
Des Tigres adoucit la rage ;
Sufpend le cours des eaux ; attendrit les Enfers ,
Et s'attire un fecret hommage ,
Des Muets habitans de l'Empire des Mers.
Dans ces Vallons qu'embellit Flore ,
De tes vrais Nouriffons , les Airs mélodieux ,
Celebrent le culte des Dieux.
Ici j'entens Linus , Orphée & Steficore.
*
Là le galant Anacréon ,
Chante Bacchus & Cupidon.
Il n'a que le plaifir pour guide ,
Sous ces arbres Sapho déplorant fes malheurs ,
Près d'Alcée & de Simonide ,
Charme tout , hors l'ingrat qui fait couler fes
pleurs.
1. Vol,
QNC
U. IN. 1730. 1061
Que vois-je ? d'une aîle affurée ,
front ceint de Lauriers , un Mortel fend les
Leairs.
Imprudent , crains les vaftes Mers .
Mais , il penetre au fein de la Voute azurée.
C'eft Pindare ; lâches Rivaux ,
Voyez par
des chemins nouveaux ,
Cet Aigle au-deffus du Tonnerre.
Que peuvent contre lui vos cris audacieux ?
Sçachez , vils enfans de la Terre ,
Que Pindare peut feul s'élever jufqu'aux Cieux.
Ses vrais imitateurs font rares.
Le Ciel , de loin en loin fe plaît à les former ;
Mais il dédaigne d'animer ,
Mille avortons obfcurs , témeraires Icares
Efprits bornez & tenebreux ,
Vous ofez prendre pour des feux
Les lueurs de votre caprice ;
Quel en fera le fruit , présomptueux Rimeurs ;
Sous vos pas s'ouvre un précipice ,
Où vont vous entraîner ces perfides lueurs .
Le Poëte ami de Mecéne ,
Sçait réunir en lui tous les talens divers` ;
Il fçait par de fublimes Airs ,
Reffufciter les fons de la Lyre Thébaine.
L'affreux Hyver , le doux Printemps ,
I. Volv
A iij Les
1062 MERCURE DE FRANCE
Les Dieux , les Buveurs , les Amans ,
Exercent tour-à-tour fa Verve.
Il allie avec grace aux faveurs d'Apollon ;
Les dons précieux de Minerve.
Le génie & le gout , l'efprit & la raiſon.
Portés fur les ailes rapides ,
Trois "Auteurs en nos jours ont fignalé leur
nom.
Cheris du Dieu de l'Helicon ,
Is furpaffent fouvent ceux qu'ils prenoient pour
guides.
Des ornemens ambitieux ,
Ariftarques judicieux ,
Ils fçavent inftruire & nous plaire.
Ce jeune Conquerant fous qui tout a plié ,
S'ils fuffent nez avant Homere ,
Aux vainqueurs d'Illion ne l'eût pas envié.
Près de ces modeles celebres ,
J'apperçois un Effain de Liriques naiffans.
Phébus accepte leur encens ,
Et leurs noms de l'oubli perceront les tenebres.
La Lice s'ouvre devant eux.
Courez , Athletes genereux ,
Thémis tient la balance égale .
Le mérite décide & feul la fait pancher ;
* M" de Santeüil , Rouſſeau , la Mothe.
1. Vol.
MéJUIN.
1730. 1063
Mépriſez l'obſcure cabale ;
Du Trône de Thémis elle n'oſe approcher.
Si le deftin vous eft contraire ,
Vaincus , n'en croyez point un aveugle courroux ;
Vos traits retomberont fur vous ,
Et la honte fuivra votre douleur amere.
Vainqueurs , veillez fur vos Lauriers
Les Poëtes & les Guerriers ,
Dormem au ſein de la victoire.
De leurs bras languiffants elle s'échappe & fuit.
Songez que la folide gloire ,
Des travaux affidus eft le penible fruit,
Cette Ode eft de l'Abbé Poncy de Neuville
, & a remporté cette année 1730. à
Thouloufe un des Prix réservez de l'année
1729. par le jugement de l'Académie des
Feux Floraux.
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Résumé : POLYMNIE, ODE.
Le texte est une ode dédiée à Polymnie, la muse de la poésie lyrique. Polymnie est décrite comme une figure divine, animée par les Grâces, marquée par la noblesse de Jupiter, et armée par Cupidon et Vénus. Elle est accompagnée de divers dieux et figures mythologiques, tels que Mercure, Euterpe, et le vainqueur du Gange. La muse transporte le poète dans des lieux enchanteurs, où sa lyre produit des effets magiques, adoucissant les tigres, suspendant le cours des eaux, et attendrissant les Enfers. Le poème évoque ensuite Pindare, présenté comme un aigle s'élevant au-dessus du tonnerre, incapable d'être imité par ses rivaux. Les faux poètes sont mis en garde contre leur présomption, comparés à Icare. Le texte loue également les poètes amis de Mécène, capables de réunir divers talents et de charmer par leurs vers. Trois auteurs contemporains sont mentionnés comme ayant surpassé leurs guides et étant chéris par Phébus. Enfin, le poème encourage les jeunes poètes à courir vers la victoire dans la lice poétique, où Thémis tient la balance égale. Les vainqueurs sont invités à veiller sur leurs lauriers, car la gloire est le fruit de travaux assidus. Cette ode a remporté un prix de l'Académie des Jeux Floraux en 1730.
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17
p. 1773-1781
RÉPONSE à la Question proposée (dans le Mercure de Juin, page 1179.) Si la gloire des Orateurs est préferable à celle des Poëtes.
Début :
Il est assez dangereux de se déterminer sur cette Question ; on s'expose nécessairement [...]
Mots clefs :
Poésie, Poète, Éloquence, Orateur, Prose, Gloire, Homme, Mérite
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texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE à la Question proposée (dans le Mercure de Juin, page 1179.) Si la gloire des Orateurs est préferable à celle des Poëtes.
REPONSE à la Queſtion proposée
( dans le Mercute de Juin , page 1 179. )
Si la gloire des Orateurs eft préferable
celle des Poëtes.
I
Left affez dangereux de fe déterminer
fur cette Queſtion ; on s'expofe néceffairement
à déplaire aux uns ou aux autres
de ceux qui affectionnent l'un des deux
partis , jufqu'à fe piquer fouvent d'une
préference qui ne peut neanmoins rien
ôter à leur mérite ; en effet, qu'importe à
l'Orateur que le Poëte lui foit préferable ?
S'il y a plus de gloire à parler le langage
des Dieux que celui des hommes , tout
l'honneur en refte à l'une des Profeffions ,
qui eft plus excellente que l'autre ; mais
l'on ne doit rien imputer à celui qui
n'ayant ni moins d'efprit ni moins d'éloquence
, n'a cependant pas eu cet avantage
de naître favori d'Apollon . On doit
donc , fans crainte d'offenfer perfonne ,
difputer & enfin décider cette Queſtion
où il ne s'agit point de balancer le mérite
perfonnel de l'Orateur avec celui du Poëte
, mais feulement de fçavoir en general
en quel genre d'écrire ou de parler , foir
en Vers , foit en Profe , il eft plus glorieux
d'exceller.
>
Si
1774 MERCURE DE FRANCE
Si nous confiderons en premier lieu la
peine qu'il y a d'écrire & de compofer
le Poëte, fans difficulté , l'emporte fur l'Orateur
, il eſt aſtraint à fuivre des regles
très-étroites , la rime , la cadence & mille
autres loix tiennent fa raifon captive ; de
forte que dans les plus heureux efforts de
fon genie , il faut qu'il confulte toûjours
cette rime fatale , qu'il lui facrifie même
fouvent tout ce que fon efprit a pu produire
de plus jufte ou de plus brillant. Son travail
lui doit coûter d'autant plus que
toutes les expreffions doivent être moins
communes , & qu'il ne parle point comme
le refte des hommes : c'eft ce qui fait peutêtre
auffi qu'en general les Poëtes font
vains, & qu'ils s'imaginent qu'il y a autant
de diftance de leur condition à celle des
prophanes Mortels , qu'il y en a entre leur
façon de parler & celle des autres ; ce
qu'il y a de fûr , eft que du haut de leur
orgueil poëtique ils méprifent tous les
hommes , Odi prophanum vulgus . Ils ont
dans leur maniere de s'énoncer tant de
majefté & de grandeur , que la fuperftitieufe
Antiquité ne les a pas écoutés avec
moins de crainte que de refpect , & les
croyant infpirez , adoroit en quelque maniere
leurs productions divines ; n'y a-t-il
même beaucoup de gens aujourd'hui
qui entendent fineſſe en ces Vers de Virgile?
pas
Fam
AOUST. 1730. 1775
Jam redit & Virgo redeunt Saturnia Regna ,
Jam nova progenies Cælo demittitur alto ,
Tu mode nafcenti puero quo ferrea primum »
Definet ac toto furget gens aurea mundo ,
Cafta fave Lucina ; tuus jam regnat Apollo.
Il ne feroit pas incroyable, en effet, que
Dieu fe fut fervi de la bouche d'un Payen
pour annoncer au Monde la Naiffance
d'un Rédempteur , puifque nous voyons
dans les Saintes Ecritures , que les mauvais
comme les bons Prophetes , prédifoient
auffi certainement l'avenir.
Il eft donc certain , pour retourner à notre
fujet , qui ayant dans la Poëfie plus de
choix,plus de façon,& pour ainfi-dire plus
de miftere , il y a conféquemment plus
de travail. L'Orateur doit , à ce qu'il femble
, moins peiner dans fes compofitions ,
parle un langage ordinaire , plus fimple
& beaucoup moins recherché que celui
du Poëte. Cependant les habiles Connoiffeurs
tiennent qu'il ne faut pas moins de
feu, &, pour ainfi - dire , de ce divin entoufiafme
pour faire une belle Profe que pour
compofer les plus excellens Vers , & même
on a remarqué qu'une belle & élegante:
Profe frappe encore plus agréablement
Foreille que la plus belle Poëfic ; car elle a
auffi comme la Poëfie fes loix , fes regles ,
& fes mefures , elle doit être auffi , comme
1476 MERCURE DE FRANCE
me elle , nombreuſe , cadencée , périodi
que.
Cependant il ne faut pas obmettre une
Reflexion qui eft bien à l'avantage du
Poëte , c'eft que prefque tous ceux qui
excellent dans la Poëfie , écrivent bien en
Profe,quand il leurplaît; ainfi nous voyons
que la Profe de M. Defpreaux eft dans
fon genre auffi belle que fes Vers , ce qui
lui procura l'emploi d'écrire la Vie de
Louis XIV. par un choix qui devoit faire
un double honneur à la memoire de ce
grand Monarque , d'avoir pour Hiftorien
un Ectivain fi habile & un Poëte', qui
comme il le dit lui -même , ayant fait
profeffion de dire la verité à tout fon fiecle
, devoit en être moins fufpect de flatterie
envers la Pofterité.
On n'en peut pas dire autant des Orateurs
, qui ne font pas Poëtes , auffi facilement
que les Poëtes deviennent Orateurs.
Ciceron , ce prodige d'éloquence ', ayant
voulu s'évertuer un jour , ne put enfanter
que ce Vers qui ne mit pas les Rieurs de
fon côté.
O fortunatam natam me Confule Romam
On peut donc conclure delà qu'il eſt
plus difficile d'exceller dans la Poëfie , que
de faite une bonne Profe ; mais à ces raifons
on en pourroit ajoûter une beaucoup
plus
AOUST . 1730 1777
plus confiderable, qui eft que le merite du
Poëte eft d'autant plus fuperieur à celui
de l'Orateur , que la médiocrité dans la
Poëfie , comme dans la Muſique , n'eſt pas
fupportable , ce qu'on ne peut pas dire
des Orateurs , puifque ceux- là même qui
font d'un médiocre génie , ne laiffent pas
d'acquerir de la réputation ; au lieu qu'à
moins d'être excellent Poëte , il eft dangereux
de rimer ; enfin c'eft des Poëtes
qu'on pourroit dire avec le plus de raifon
aut Cefar , aut nihil.
Cependant fi on confidere la réputation
d'un Ciceron ou d'un Hortenfe chez les
Romains, d'un Démofthene , ou d'un Pericles
chez les Grecs , à la gloire d'un Vir
gile , d'un Horace, ou d'un Juvenal , d'un
Hefiode , ou d'un Homere , certainement
on ne trouvera pas que les premiers foient
en rien inferieurs aux autres .
Or fi l'eftime des hommes eft la jufte
mefure du mérite , pourquoi égaler la
gloire de l'Orateur , qui coute beaucoup
moins , à celle du Poëte , fi difficile à acquerir
? C'eſt , à dire le vrai , parce que
malgré toutes les refléxions que nous venons
de faire , la gloire de l'Orateur eft
préferable ; Ciceron gouverna la République
Romaine par fon éloquence , & la
préferva une fois de fa ruine. Démofthene
avec le même talent , déconcerta toute
la
1778 MERCURE DE FRANCE
prudence & toute la politique d'un grand
Roi , & regnoit par ce moyen dans fa Patrie
; car le veritable Empire eft celui qui
fe fait fentir fur les coeurs , du plus fecret
mouvement defquels l'Orateur fe rend
le maître Pericles s'étoit rendu fi puiffant
par la parole , qu'on avoit comparé
fon éloquence au foudre , tant ſes effets
étoient prompts & furprenans.
On a bien admiré les Poëtes dans tous
les temps , on a rendu juftice à leur talent
, mais jamais ont-ils eu la gloire de
fe rendre maîtres de la volonté des hommes
, de les gouverner & de les tourner
en quel fens il leur plaît ?
Virgile eut la gloire en entrant au Theatre
de voir les Affiftans fe lever par honneur
, de même que fi l'Empereur eut
paru ; mais cette diftinction toute flatteufe
qu'elle eft , n'a rien de comparable à la
gloire de gouverner des Etats , d'en difpofer
, d'égaler par la feule force de la
parole , la puiffance des plus grands Rois.
Que file prix & la valeur d'une chofe
fe mefure à la regle de l'utilité , il n'eft
point de Profeffion qui ne foit ou plus
utile , ou plus eftimable que l'art de faire
des Vers ; car outre qu'il y a peu d'exemples
que par le fecours de la Poëfie feule
on ait fait fortune , & que ceux qui la
cultivent fe foient procure feulement par
ce
AOUST. 1730. 1779
ce moyen les chofes neceffaires à la vie ,
on ne voit les Poëtes recherchez prefque
de perfonne , & ils ont raifon de fuir les
compagnies , de chercher la folitude dans
les Bois , dans les Campagnes & fur le
bord des Rivieres , ils préviennent en cela
le gout du Public , qui eft affez injufte
pour ne donner fon approbation & fon
eftime qu'à proportion de l'interêt qu'il
trouve & de l'utilité qui lui revient .
Des efprits chagrins trouveront encore
plus à redire qu'on s'amufe à faire des
Vers , c'est-à - dire , à affervir le bon fens à
la rime , comme fi on avoit de la raifon
de refte , & que des gens fages & fenfez
y perdent un temps qui eft fi précieux
& qu'ils pourroient employer ailleurs
beaucoup plus utilement ; en effet , la verfification
, qui n'eft qu'un arrangement
de mots qui frappent toujours l'oreille
d'un même fon , paroît plutôt un amuſement
d'enfant que l'ouvrage férieux d'un
homme raifonnable ; outre qu'il n'eft prefque
perfonne , qui après qu'on a lû une
longue tirade , même des plus beaux Vers,
n'éprouve qu'à la fin on s'ennuye d'un
ftile toujours fi uniforme , d'une cadence
toujours fi égale , & n'avoue que ce qui
avoit d'abord charmé par un faux éclat ,
devient à la fin fade & infipide.
M. Defpreaux avoit peut-être plus de
raifon
1780 MERCURE DE FRANCE
faifon qu'il ne penfoit l'orfqu'il a dit en
fe joüant :
Maudit foit le premier dont la verve inſenſée ,
Dans les bornes d'un Vers renferma ſa penſée. ”
Car fi on peut s'exprimer en Profe plus
naturellement & avec autant de force. A
quoi bon rechercher les phrafes mifterieufes
& alambiquées , que le vulgaire n'entend
qu'à demi , & dont les loix feveres
affoibliffent prefque toujours les penfées
les plus folides , fi elles ne les perdent
abfolument ?
A parler franchement , la Poëfie n'eft
bonne qu'à un feul ufage , & auquel elle
doit fa naiffance , fi on en croit les anciens,
c'eft qu'elle fe retient plus aifément & fe
conferve plus long-temps dans la memoire
; car comme avant l'invention des
Lettres , l'Hiftoire des temps & des éve
nemens & en general toutes fortes de
connoiffances devoient être renfermées
dans la memoire des hommes , la Naif
fance du Monde , l'Hiftoire , la Religion
même , tout fut mis en Vers , qu'on faifoit
apprendre par coeur aux enfans , & dont
ils fe reffouvenoient plus facilement què
de la Profe , pour en tranfmettre le fouvenir
à la pofterité ; mais aujourd'hui
qu'on a non feulement l'ufage des Lettres,
mais encore celui de l'Imprimerie , la Poëfie
AOUST . 1730. 1781
fie n'a pas même confervé fur la Profe
le foible avantage dont elle n'étoit redevable
qu'à l'ignorance des hommes & à
la neceflité des temps .
Ces differentes confiderations fuffiroient
feules pour fe déterminer en faveur des
Orateurs contre les Poëtes ; mais ce qui
leve, entierement toute la difficulté de
cette Queſtion , à ne laiffer plus aucun ſujet
de douter , c'eft qu'il ne fuffit pas pour l'Orateur
de bien écrire & d'exceller dans la
compofition , il lui eft néceffaire de plus
d'avoir le talent de la parole , une heureufe
memoire , un agréable maintien
une prononciation nette, une voix fonore,
un bon gefte , qui font autant de qualitez
dont le Poëte fe paffe aifément : d'où
l'on doit conclure que la gloire de l'Orateur
eft préferable , puifqu'elle demande
l'affemblage d'un plus grand nombre
de belles qualitez.
Par M. M ... D ... de Besançon,
( dans le Mercute de Juin , page 1 179. )
Si la gloire des Orateurs eft préferable
celle des Poëtes.
I
Left affez dangereux de fe déterminer
fur cette Queſtion ; on s'expofe néceffairement
à déplaire aux uns ou aux autres
de ceux qui affectionnent l'un des deux
partis , jufqu'à fe piquer fouvent d'une
préference qui ne peut neanmoins rien
ôter à leur mérite ; en effet, qu'importe à
l'Orateur que le Poëte lui foit préferable ?
S'il y a plus de gloire à parler le langage
des Dieux que celui des hommes , tout
l'honneur en refte à l'une des Profeffions ,
qui eft plus excellente que l'autre ; mais
l'on ne doit rien imputer à celui qui
n'ayant ni moins d'efprit ni moins d'éloquence
, n'a cependant pas eu cet avantage
de naître favori d'Apollon . On doit
donc , fans crainte d'offenfer perfonne ,
difputer & enfin décider cette Queſtion
où il ne s'agit point de balancer le mérite
perfonnel de l'Orateur avec celui du Poëte
, mais feulement de fçavoir en general
en quel genre d'écrire ou de parler , foir
en Vers , foit en Profe , il eft plus glorieux
d'exceller.
>
Si
1774 MERCURE DE FRANCE
Si nous confiderons en premier lieu la
peine qu'il y a d'écrire & de compofer
le Poëte, fans difficulté , l'emporte fur l'Orateur
, il eſt aſtraint à fuivre des regles
très-étroites , la rime , la cadence & mille
autres loix tiennent fa raifon captive ; de
forte que dans les plus heureux efforts de
fon genie , il faut qu'il confulte toûjours
cette rime fatale , qu'il lui facrifie même
fouvent tout ce que fon efprit a pu produire
de plus jufte ou de plus brillant. Son travail
lui doit coûter d'autant plus que
toutes les expreffions doivent être moins
communes , & qu'il ne parle point comme
le refte des hommes : c'eft ce qui fait peutêtre
auffi qu'en general les Poëtes font
vains, & qu'ils s'imaginent qu'il y a autant
de diftance de leur condition à celle des
prophanes Mortels , qu'il y en a entre leur
façon de parler & celle des autres ; ce
qu'il y a de fûr , eft que du haut de leur
orgueil poëtique ils méprifent tous les
hommes , Odi prophanum vulgus . Ils ont
dans leur maniere de s'énoncer tant de
majefté & de grandeur , que la fuperftitieufe
Antiquité ne les a pas écoutés avec
moins de crainte que de refpect , & les
croyant infpirez , adoroit en quelque maniere
leurs productions divines ; n'y a-t-il
même beaucoup de gens aujourd'hui
qui entendent fineſſe en ces Vers de Virgile?
pas
Fam
AOUST. 1730. 1775
Jam redit & Virgo redeunt Saturnia Regna ,
Jam nova progenies Cælo demittitur alto ,
Tu mode nafcenti puero quo ferrea primum »
Definet ac toto furget gens aurea mundo ,
Cafta fave Lucina ; tuus jam regnat Apollo.
Il ne feroit pas incroyable, en effet, que
Dieu fe fut fervi de la bouche d'un Payen
pour annoncer au Monde la Naiffance
d'un Rédempteur , puifque nous voyons
dans les Saintes Ecritures , que les mauvais
comme les bons Prophetes , prédifoient
auffi certainement l'avenir.
Il eft donc certain , pour retourner à notre
fujet , qui ayant dans la Poëfie plus de
choix,plus de façon,& pour ainfi-dire plus
de miftere , il y a conféquemment plus
de travail. L'Orateur doit , à ce qu'il femble
, moins peiner dans fes compofitions ,
parle un langage ordinaire , plus fimple
& beaucoup moins recherché que celui
du Poëte. Cependant les habiles Connoiffeurs
tiennent qu'il ne faut pas moins de
feu, &, pour ainfi - dire , de ce divin entoufiafme
pour faire une belle Profe que pour
compofer les plus excellens Vers , & même
on a remarqué qu'une belle & élegante:
Profe frappe encore plus agréablement
Foreille que la plus belle Poëfic ; car elle a
auffi comme la Poëfie fes loix , fes regles ,
& fes mefures , elle doit être auffi , comme
1476 MERCURE DE FRANCE
me elle , nombreuſe , cadencée , périodi
que.
Cependant il ne faut pas obmettre une
Reflexion qui eft bien à l'avantage du
Poëte , c'eft que prefque tous ceux qui
excellent dans la Poëfie , écrivent bien en
Profe,quand il leurplaît; ainfi nous voyons
que la Profe de M. Defpreaux eft dans
fon genre auffi belle que fes Vers , ce qui
lui procura l'emploi d'écrire la Vie de
Louis XIV. par un choix qui devoit faire
un double honneur à la memoire de ce
grand Monarque , d'avoir pour Hiftorien
un Ectivain fi habile & un Poëte', qui
comme il le dit lui -même , ayant fait
profeffion de dire la verité à tout fon fiecle
, devoit en être moins fufpect de flatterie
envers la Pofterité.
On n'en peut pas dire autant des Orateurs
, qui ne font pas Poëtes , auffi facilement
que les Poëtes deviennent Orateurs.
Ciceron , ce prodige d'éloquence ', ayant
voulu s'évertuer un jour , ne put enfanter
que ce Vers qui ne mit pas les Rieurs de
fon côté.
O fortunatam natam me Confule Romam
On peut donc conclure delà qu'il eſt
plus difficile d'exceller dans la Poëfie , que
de faite une bonne Profe ; mais à ces raifons
on en pourroit ajoûter une beaucoup
plus
AOUST . 1730 1777
plus confiderable, qui eft que le merite du
Poëte eft d'autant plus fuperieur à celui
de l'Orateur , que la médiocrité dans la
Poëfie , comme dans la Muſique , n'eſt pas
fupportable , ce qu'on ne peut pas dire
des Orateurs , puifque ceux- là même qui
font d'un médiocre génie , ne laiffent pas
d'acquerir de la réputation ; au lieu qu'à
moins d'être excellent Poëte , il eft dangereux
de rimer ; enfin c'eft des Poëtes
qu'on pourroit dire avec le plus de raifon
aut Cefar , aut nihil.
Cependant fi on confidere la réputation
d'un Ciceron ou d'un Hortenfe chez les
Romains, d'un Démofthene , ou d'un Pericles
chez les Grecs , à la gloire d'un Vir
gile , d'un Horace, ou d'un Juvenal , d'un
Hefiode , ou d'un Homere , certainement
on ne trouvera pas que les premiers foient
en rien inferieurs aux autres .
Or fi l'eftime des hommes eft la jufte
mefure du mérite , pourquoi égaler la
gloire de l'Orateur , qui coute beaucoup
moins , à celle du Poëte , fi difficile à acquerir
? C'eſt , à dire le vrai , parce que
malgré toutes les refléxions que nous venons
de faire , la gloire de l'Orateur eft
préferable ; Ciceron gouverna la République
Romaine par fon éloquence , & la
préferva une fois de fa ruine. Démofthene
avec le même talent , déconcerta toute
la
1778 MERCURE DE FRANCE
prudence & toute la politique d'un grand
Roi , & regnoit par ce moyen dans fa Patrie
; car le veritable Empire eft celui qui
fe fait fentir fur les coeurs , du plus fecret
mouvement defquels l'Orateur fe rend
le maître Pericles s'étoit rendu fi puiffant
par la parole , qu'on avoit comparé
fon éloquence au foudre , tant ſes effets
étoient prompts & furprenans.
On a bien admiré les Poëtes dans tous
les temps , on a rendu juftice à leur talent
, mais jamais ont-ils eu la gloire de
fe rendre maîtres de la volonté des hommes
, de les gouverner & de les tourner
en quel fens il leur plaît ?
Virgile eut la gloire en entrant au Theatre
de voir les Affiftans fe lever par honneur
, de même que fi l'Empereur eut
paru ; mais cette diftinction toute flatteufe
qu'elle eft , n'a rien de comparable à la
gloire de gouverner des Etats , d'en difpofer
, d'égaler par la feule force de la
parole , la puiffance des plus grands Rois.
Que file prix & la valeur d'une chofe
fe mefure à la regle de l'utilité , il n'eft
point de Profeffion qui ne foit ou plus
utile , ou plus eftimable que l'art de faire
des Vers ; car outre qu'il y a peu d'exemples
que par le fecours de la Poëfie feule
on ait fait fortune , & que ceux qui la
cultivent fe foient procure feulement par
ce
AOUST. 1730. 1779
ce moyen les chofes neceffaires à la vie ,
on ne voit les Poëtes recherchez prefque
de perfonne , & ils ont raifon de fuir les
compagnies , de chercher la folitude dans
les Bois , dans les Campagnes & fur le
bord des Rivieres , ils préviennent en cela
le gout du Public , qui eft affez injufte
pour ne donner fon approbation & fon
eftime qu'à proportion de l'interêt qu'il
trouve & de l'utilité qui lui revient .
Des efprits chagrins trouveront encore
plus à redire qu'on s'amufe à faire des
Vers , c'est-à - dire , à affervir le bon fens à
la rime , comme fi on avoit de la raifon
de refte , & que des gens fages & fenfez
y perdent un temps qui eft fi précieux
& qu'ils pourroient employer ailleurs
beaucoup plus utilement ; en effet , la verfification
, qui n'eft qu'un arrangement
de mots qui frappent toujours l'oreille
d'un même fon , paroît plutôt un amuſement
d'enfant que l'ouvrage férieux d'un
homme raifonnable ; outre qu'il n'eft prefque
perfonne , qui après qu'on a lû une
longue tirade , même des plus beaux Vers,
n'éprouve qu'à la fin on s'ennuye d'un
ftile toujours fi uniforme , d'une cadence
toujours fi égale , & n'avoue que ce qui
avoit d'abord charmé par un faux éclat ,
devient à la fin fade & infipide.
M. Defpreaux avoit peut-être plus de
raifon
1780 MERCURE DE FRANCE
faifon qu'il ne penfoit l'orfqu'il a dit en
fe joüant :
Maudit foit le premier dont la verve inſenſée ,
Dans les bornes d'un Vers renferma ſa penſée. ”
Car fi on peut s'exprimer en Profe plus
naturellement & avec autant de force. A
quoi bon rechercher les phrafes mifterieufes
& alambiquées , que le vulgaire n'entend
qu'à demi , & dont les loix feveres
affoibliffent prefque toujours les penfées
les plus folides , fi elles ne les perdent
abfolument ?
A parler franchement , la Poëfie n'eft
bonne qu'à un feul ufage , & auquel elle
doit fa naiffance , fi on en croit les anciens,
c'eft qu'elle fe retient plus aifément & fe
conferve plus long-temps dans la memoire
; car comme avant l'invention des
Lettres , l'Hiftoire des temps & des éve
nemens & en general toutes fortes de
connoiffances devoient être renfermées
dans la memoire des hommes , la Naif
fance du Monde , l'Hiftoire , la Religion
même , tout fut mis en Vers , qu'on faifoit
apprendre par coeur aux enfans , & dont
ils fe reffouvenoient plus facilement què
de la Profe , pour en tranfmettre le fouvenir
à la pofterité ; mais aujourd'hui
qu'on a non feulement l'ufage des Lettres,
mais encore celui de l'Imprimerie , la Poëfie
AOUST . 1730. 1781
fie n'a pas même confervé fur la Profe
le foible avantage dont elle n'étoit redevable
qu'à l'ignorance des hommes & à
la neceflité des temps .
Ces differentes confiderations fuffiroient
feules pour fe déterminer en faveur des
Orateurs contre les Poëtes ; mais ce qui
leve, entierement toute la difficulté de
cette Queſtion , à ne laiffer plus aucun ſujet
de douter , c'eft qu'il ne fuffit pas pour l'Orateur
de bien écrire & d'exceller dans la
compofition , il lui eft néceffaire de plus
d'avoir le talent de la parole , une heureufe
memoire , un agréable maintien
une prononciation nette, une voix fonore,
un bon gefte , qui font autant de qualitez
dont le Poëte fe paffe aifément : d'où
l'on doit conclure que la gloire de l'Orateur
eft préferable , puifqu'elle demande
l'affemblage d'un plus grand nombre
de belles qualitez.
Par M. M ... D ... de Besançon,
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Résumé : RÉPONSE à la Question proposée (dans le Mercure de Juin, page 1179.) Si la gloire des Orateurs est préferable à celle des Poëtes.
Le texte traite de la supériorité de la gloire des orateurs par rapport à celle des poètes. L'auteur commence par souligner les risques de prendre parti dans cette controverse, car cela peut déplaire à l'un ou l'autre camp. Il précise que la question ne porte pas sur la comparaison des mérites personnels, mais sur la gloire associée à chaque profession. L'auteur examine ensuite les efforts nécessaires pour écrire des poèmes et des discours. Les poètes doivent suivre des règles strictes comme la rime et la cadence, ce qui peut limiter leur expression. Les orateurs, en revanche, utilisent un langage plus simple et ordinaire, mais nécessitent également un grand talent et une élocution parfaite. Le texte mentionne que les poètes, comme Boileau, peuvent également exceller dans la prose, mais que les orateurs ne deviennent pas aussi facilement poètes. Cependant, la réputation des grands orateurs comme Cicéron ou Démosthène est comparable à celle des grands poètes comme Virgile ou Homère. L'auteur conclut que la gloire des orateurs est préférable, car ils peuvent gouverner et influencer les hommes par leur éloquence. Les poètes, bien qu'admirés, n'ont pas cette capacité de diriger ou de gouverner. De plus, la poésie est souvent perçue comme un amusement et non comme une activité sérieuse. Enfin, l'orateur doit posséder un ensemble de qualités supplémentaires, comme une bonne mémoire et une prononciation claire, ce qui renforce la préférence pour la gloire des orateurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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18
p. 1469-1470
SONNET.
Début :
Pour charmer son ennui, pour bannir la tristesse, [...]
Mots clefs :
Charmer, Ennui, Tristesse, Tircis, Richesse, Chasseur, Ivrogne, Poète
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SONNET.
SONNE T.
Par Me de Malcrais de la Vigne du
Croisic , en Bretagne.
POur charmer son ennui , pour bannir la tris
tesse >
Tircis aime à chanter en gardant son troupeau
11..Vol. -Um Ċ ▾
1470 MERCURE DE FRANCE
Un Nocher témeraire aime à voguer sur l'eau ;
Un Avare aime à voir augmenter sa richesse.
Un Chasseur fatigué , que la chaleur oppresse;
Aime à se rafraîchir au courant d'un ruisseau ;
Un Ivrogne aime à boire et vin vieux et nouveau;;
Une None à la grille aime à jaser sans cesse.
Un joueur obstiné que le malheur poursuit ;
Dans un Brélan fatal aime à passer la nuit ;
Un Poëte indigent aime à toucher la lyre.
Un Evêque opulent aime à vivre à la Cour
Les plaisirs sont divers , et moi j'aime Thamire ;
Je l'aime , et l'aimerai jusqu'à mon dernier jour..
Par Me de Malcrais de la Vigne du
Croisic , en Bretagne.
POur charmer son ennui , pour bannir la tris
tesse >
Tircis aime à chanter en gardant son troupeau
11..Vol. -Um Ċ ▾
1470 MERCURE DE FRANCE
Un Nocher témeraire aime à voguer sur l'eau ;
Un Avare aime à voir augmenter sa richesse.
Un Chasseur fatigué , que la chaleur oppresse;
Aime à se rafraîchir au courant d'un ruisseau ;
Un Ivrogne aime à boire et vin vieux et nouveau;;
Une None à la grille aime à jaser sans cesse.
Un joueur obstiné que le malheur poursuit ;
Dans un Brélan fatal aime à passer la nuit ;
Un Poëte indigent aime à toucher la lyre.
Un Evêque opulent aime à vivre à la Cour
Les plaisirs sont divers , et moi j'aime Thamire ;
Je l'aime , et l'aimerai jusqu'à mon dernier jour..
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Résumé : SONNET.
Le poème du 'Mercure de France' de 1470 décrit les plaisirs de divers personnages. Tircis chante pour chasser l'ennui. Un nocher vogue sur l'eau, un avare apprécie sa richesse, un chasseur se rafraîchit au ruisseau. Un ivrogne aime boire, une nonne jaser, un joueur passe la nuit à jouer. Un poète touche la lyre, un évêque vit à la cour. Le narrateur aime Thamire jusqu'à son dernier jour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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19
p. 1309-1322
REFLÉXIONS sur la Nature et la source du Sublime dans le Discours : sur le vrai philosophique du Discours Poëtique, et sur l'Analogie qui est la clef des Découvertes. Par L. P. C. J.
Début :
I. Ce Titre paroît annoncer des sujets fort differens. Mals la Philosophie [...]
Mots clefs :
Sublime, Vérité, Vrai, Pensée, Bien, Poète, Philosophe, Virgile, Beau, Esprit, Rapport, Analogie, Découverte, Sens, Traits
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REFLÉXIONS sur la Nature et la source du Sublime dans le Discours : sur le vrai philosophique du Discours Poëtique, et sur l'Analogie qui est la clef des Découvertes. Par L. P. C. J.
REFLEXIONS sur la Nature et la
source du Sublime dans le Discours : sur
le vrai philosophique du Discours Poëtique
, et sur l'Analogie qui est la clef
des Découvertes. Par L. P. C. J.
€
I.
C
E Titre paroît annoncer des sujets
fort differens . Mais la Philosophie
raproche souvent les extrémitez
en ramenant la multitude des apparences
à la réalité d'un Principe très- simple. Et
c'est par l'Analogie que la Philosophie
II. Vol. Cilj atteint
1310 MERCURE DE FRANCE
atteint à cette simplicité féconde de la
Nature.
2. En general cette Analogie nous apprend
, que s'il y a bien des Sciences et
des Arts , il n'y a pourtant qu'une verité ,
dont ces Arts et ces Sciences ne sont
,
que les differens points- de- vûë , les divers
aspects. La Poësie en particulier et
la Philosophie , quelque irréconciliables
qu'elles paroissent , ne different que par
là , par le point- de- vûë , par l'expression.
3. Le Poëte pense et parle. Le Philosophe
refléchit
raisonne et discourt ;
c'est- à- dire , le Poëte enveloppe dans une
pensée et souvent dans un mot le raisonnement
du Philosophe , et le Philophe
dans un raisonnement étendu , developpe
la pensée , le mot du Poëte.
C'est cet enveloppement et ce développement
seuls qui caracterisent les deux
genres , relativement l'un à l'autre.
4. Mais c'est toujours le même objet ,
la même nature , la même vérité , que
le Poëte et le Philosophe peignent également
, l'un en grand, l'autre en racour
ci et comme en miniature.
5. Lorsque cet objet est nouveau ,
merveilleux
élevé , interessant , qu'il
donne à penser , qu'il étend les vûës de
l'esprit , le Raisonnement philosophique
II. Vol.
JUIN. 1733 1311
que qui le développe , prend le nom de
Découverte , la pensée poetique qui le
révele , prend celui de Pensée sublime.
Venons à des Exemples.
6. Mais auparavant je dois poser comme
un Principe , cette maxime sublime
elle- même , de Despreaux , que
Rien n'est beau que le vrai, le vrai feul est aimable ,
Il doit degner par tout et même dans la Fable.
En effet la découverte du faux ne
peut être une vraye decouverte ; car découvrir
ce qui n'est pas, c'est bien pis que
de ne rien découvrir ; et une pensée fausse
ne sera jamais une belle pensée .
7. Cela supposé , Virgile peint la nuit,
en disant qu'elle ôte aux choses leurs
couleurs , rebus nox abstulit atra colores.
Cette idée est sublime , belle du moins ,
car je ne veux point de dispute. Or qu'estce
qui en fait la beauté ? Je le demande
aux Commentateurs. Mais que nous en
ont ils dit ? Des Tropes , des figures , des
allégories , des métaphores. Je ne connois
point tout cela. Mais je demande
encore si c'est du vrai , si c'est du faux
que Virgile nous donne- là.
8. Aristote nous a tracé les vrayes regles
de la Poëtique et même de la Rhéto
rique. Ce sera donc un Philosophe , ce
sera Descartes qui nous apprendra que
11. Vol
CY les
1212 MERCURE DE FRANCE
les couleurs n'étant qu'une lumiere mo
difiée , la nuit en chassant la lumiere a
chassé les couleurs ; et qu'ainsi la pensée de
Virgile a tous les caracteres du sublime
du grand , du beau , étant d'abord vraye ,
et ensuite nouvelle , merveilleuse,profonde
paradoxe même , et contraire au préjugé.
9. Car je pense que c'est par rapport
à nous et pour nous qu'une pensée est
sublime , c'est-à- dire , comme placée en
un lieu sublime , escarpé , difficile à atteindre
, et par là très - merveilleuse et
toute aimable , lorsqu'elle daigne en quel
que sorte s'abaisser jusqu'à nous qui n'aurions
pû , sans le secours du Poëte comme
inspiré et sans une espece
de secours
divin , nous élever jusqu'à elle.
10. Virgile dit ailleurs :
Provehimur portu terraque urbesque receduns.
"Nous sortons du Port , et nous voyons
les terres et les Villes se retirer . Cette image
est magnifique; mais ce n'est que parce
qu'elle est d'après nature et qu'elle renferme
une verité philosophique que le tems
nous a revelée , quoiqu'elle soit encore toute
paradoxe , toute sublime , toute poëtique
; Car l'Auteur n'est pas encore dans
le cas du sublatam ex oculis , & c. d'Horace .
11. Quelle est donc cette verité ? C'est
11. Vol.
eelle
JUIN. 1733. 1313
celle de la nature du mouvement , qui
n'a d'absolu que son existence , et dont
l'essence consiste dans un simple chan
gement de rapport de distance de divers
termes , dont l'un ne peut se mou .
voir sans qué les autres se meuvent aussi
je m'éloigne du Port , le Port s'éloigne
de moi , je fuis les terres et les Villes ,
les terres et les Villes me fuyent .
12. Cela est fort ; car les voila toujours
à la même place. Oui , les unes
par rapport aux autres ; et dans ce sens
me voila immobile moi- même à la même
place dans le Vaisseau qui m'emporte.-
Mais par rapport à ce Vaisseau et par
rapport à moi , tout l'Univers se remuë
lorsque nous nous remuons. La Rame ;
repousse le rivage ou Feau ; l'eau ou le
rivage repousse la Rame et le Vaisseau ;*
l'action et la réaction sont égales , la séparation
est réciproque. Mais ce siecle ..
n'a droit de jouir que des découvertes ›
du précedent , qui s'en mocquoit..
13. Laissons les discussions philosophi
ques écoutons les Commentateurs. Vous
êtes , me disent- ils , vous êtes duppe de
votre imagination. Il est vrai que les .
terres et les Villes semblent fuir . On s'imagine
qu'elles fuyent , c'est tout comme
si elles fayoient ; mais elles ne fuyent pass
II.. Vol. Cvjs poure
1314 M'ERCURE DE FRANCE
pour cela. L'expression de Virgile n'est
qu'une comparai on , une Analogie sousentendue
, une allégorie , une, métaphore.
Fort bien .
14. Mais je reviens à ma Regle , qui
n'est pas e imagination , et qui est ,
ce me semble , la plus solide Regie de
bon sens qu'on puisse consulter. Cela
est -il vrai ? cela est - il faux ? Virgile
ment-il? Virgile dit- il la vérité? S'il ment,
si sa pensée est fausse , elle n'est donc
pas belle , elle est frivole , sophistique ,
miserable ; fi elle est belle , admirable
sublime , comme on l'a cru jusqu'icy ,
je reviens à Despreaux , et je dis avec lui,
Rien n'est beau que le vrai , le vrai seul
&c. est ,
15. Je puis me tromper , mais il me
semble que bien des gens se repaissent
de choses vagues et qu'ils aiment à s'en
repaître , même dans les Sciences , et
sur tout dans ce qui s'appelle Belles- Lettres
. Tout y est plein de je ne sçai quoi
On diroir
que la précision des idées les
gêne , les contraint , leur paroît insup
portable. Ils sont toûjours en garde et
prets à combattre contre cette précision ,
comme les Romains pour leur liberté.
C'est la liberté d'esprit , en effet , qu'on
retrouve dans ces idées vagues qui le
II. Val. ber
JUIN. 1733 . ·1315
bercent doucement et le balancent entre
le oui et le non , entre le vrai et le faux.
Il en coûte , et il faut une espece d'effort
d'esprit pour se fixer à une verité
précise et indivisible.
"
16. Outre la paresse de l'esprit , il y a
encore un interêt de coeur , qui fait qu'on
aime à se tenir comme neutre entre la
plupart des veritez et des erreurs qui
leur sont opposées. Moyennant cette nou
tralité que l'inattention de l'esprit rend
facile , on est toujours prêt à se ranger
au parti que la passion du coeur rend le
plus agréable. Mais c'est là de la moralité .
17. Victrix causa Diis placuit, fed victa Catoni ,
dit Lucain , que Brebeuf,a rendu parc vers
Les Dieux servent Cesar , mais Caton fuit Pom
péc.
Cette pensée a eû des Approbateurs et
des Critiques. Les uns en ont fait un modele
de sublime , les autres l'ont cruë fausse
et purement enflée. C'est bien pis , d'autres.
l'ont traitée d'impie et de sacrilege . La
Philosophie seule a droit d'en décider .
18. Rien n'est plus simple que le fond
de verité philosophique , morale même
et presque théologique , que ce Vers de
Lucain renferme ou suppose. Les Dieux
ou plutôt Dieu tout miséricordieux et très
lent à punir , laisse souvent prosperer le
II. Vol. crime
T316 MERCURE DE FRANCE
crime dans cette vie et pour un temps.
Et bien nous en prend à tous ; que deviendrions-
nous si la peine suivoit de si
près le peché? Il n'en est pas de- même
des hommes ; il leur est expressément
enjoint de s'attacher immuablement au
parti de la justice ou de la verité connuë
,, sans en juger par les apparences
ni par aucune sorte d'évenement. Le
Commentaire est donc facile désormais.
Les Dieux servent César parce qu'il leur
plaît , placuit. Caton suit Pompée, parce
qu'il le doit.
19. Lucain est outré , dit-on ; cela se
peut quelquefois ; mais quelquefois il
peut n'
n'être que fort élevé , fort sublime..
Une verité n'est pas toujours mûre , même
pour la Poësie . Corneille n'a pas
laissé de meurir quelque traits de Lucain;
mais Corneille lui - même passe pour être
souvent guindé.
20. Ces quatre Vers ont été fort cri
tiquez.
Pleurez , pleurez mes yeux , et fondez - vous en eau,
La moitié de ma vie à mis l'autre au tombeau ,
Et me laisse à venger après ce coup funeste ,
Celle queje n'ai plus sur cellè qui me reste.
Je ne disconviendrai pas que la Poësie ,
sur tout la Dramatique , étant faite pour
II. Vol.
tout
JUI N. 1733. 1317
tout le monde , et ses beautez devant
consister dans des traits détachez et commeimperceptibles
plutôt que dans desRaisonnemens
Philosophiques un peu étendus
et développez . il n'y ait du trop dansces
Vers de Corneille.
21. Si le Poëte avoit pû renfermer lesmêmes
beautez dans un seul Vers ou deux
tout au plus , en jettant même un petit
nuage sur des veritez qu'il a renduës
trop sensibles , trop précises , trop dogmatiques
, rien n'auroit été plus sublime .
Car du reste je ne conviendrai pas qu'il
y ait du faux dans sa pensée . Chimene
peut regarder la vie de son Pere comme
la moitié de sa vie , aussi bien que celle
de son mari futur , puisque , selon l'Ecriture
, erunt duo in carne una. Et il n'y
a rien d'outré à dire qu'une fille se
partage entre ce Pere et ce Mari , et que
toute sa vie dépend des deux. Oui , mais
-H y en a donc trois parties ; celle du Pere,
celle du Mari et la sienne ? Et ce sont
des tiers et non des moitiez. Mauvaise
plaisanterie que celle-là . Chimene ne vit
plus en elle-même dès qu'elle se partage
ainsi Ce qui est si vrai , que si son Perc
et Rodrigue meurent , on ne s'attend
qu'à la voir mourir . Mais la verité ellemême
dépend de l'expression .
II. Vol.
22.
7318 MERCURE DE FRANCE
22. En géneral toute verité a droit de
plaire ; mais toute verité nouvelle , profonde,
sublime , éblouit et révolte même l'esprit
et souvent le coeur. Pour la faire
goûter il faut en temperer l'éclat. Or on
tempere cet éclat en l'enveloppant et ne
le laissant qu'entrevoir à demi comme
un trait vif qui perce et qui disparoît. Et
voilà le devoir et l'avantage de la Poësie.
23. Naturellement elle enveloppe et
elle doit envelopper les véritez. Double
avantage du Poëte . Sous cette enveloppe
et sous cet air mysterieux , qui n'est
qu'une affaire d'expression , les veritez
communes deviennent souvent nouvelles
et sublimes ; et les veritez nouvelles
et sublimes par elles mêmes, brillent toujours
assez sans ébloüir. L'enveloppe picque
toujours la curiosité , d'autant plus
qu'elle la satisfait moins.
24. Toute la gloire du Philosophe consiste
dans la découverte de la verité . Mais
une verité toute découverte , lorsqu'elle
est neuve , blesse la vûë et réveille souvent
la jalousie contre son Auteur. Un
génie à découvertes , comme un Descartes
, devroit , s'il étoit bien consulté , ne
proposer son sistême que sous l'envelope
de la Poësie et de la fiction. Il n'y perdroit
rien ; car tout nouveau sistême est
II. Vol.
toujours
JUIN. 1733 1319
toujours traité de fiction et de Roman ;
il y gagneroit même beaucoup. On court
après une verité qui se dérobe ; et un
bon Commentaire feroit bien - tôt adopter
comme philosophiques des veritez
qu'on auroit goûtées d'abord comme Poëtiques.
C'est par la fiction , c'est - à- dire ,
par l'invention qu'on est Poëte ; et lorsqu'on
est né Poëte , les Vers ou la Profe
ne sont plus que des formalitez , des expressions
arbitraires . Mais ces refléxions
viennent quelquefois trop tard .
25. Cependant la gloire du Philosophe
paroît l'emporter en un sens sur celle du
Poete. Celui cy a beau semer les plus
profondes veritez , il n'est jamais censé
parvenir jusqu'à la découverte , qui est
presque l'unique gloire de l'esprit humain.
Il n'y parvient pas non - plus ; il ne
voit la verité que comme il la présente
sous le voile , dans le nuage. C'est par
une espece d'instinct ou d'enthousiasme
et à la pointe de l'esprit , qu'il la saisiť
comme en passant. C'est inspiration , c'est
révélation , si l'on veut . Mais les Prophetes
ne comprennent pas toujours tout ce
que Dieu révele par leur organe à l'Univers.
Virgile , après avoir dit que la
nuit emporte les couleurs , auroit bien
pû n'être pas Cartésien sur l'article.
II. Vol. 26.
1320 MERCURE DE FRANCE
26. Mais comme c'est toujours la Nature
que le Poëte peint , le Philosophe
ne sçauroit trop méditer le sens profond
de tous les traits véritablement sublimes
qui sont répandus chez les Poëtes plus
que chez aucune autre sorte d'Ecrivains.
C'est- là le véritable emploi du Philosophe
, de comprendre ce que les autres
ne font que sentir , de tourner l'instinct
en pensée , la pensée en refléxion , la refléxion
en raisonnement. Je regarde tous
ces grands traits qu'on admire dans les
Poëtes comme autant de semences de dé-
Couvertes.
27. Or c'est l'Analogie qui rend ces
traits poëtiques , féconds en découvertes
Car ce qu'on appelle chez les Poëtes ou
chez les Orateurs , Métaphore, similitude ,
allégorie , figure ; un Philosophe , un
Géometre non hérissé l'appelle Analogie,
proportion , rapport. Toutes nos décou
vertes , toutes nos veritez scientifiques ,
ne sont que des veritez de rapport . Et
par là souvent le sens figuré dégenere
en sens propre , et la figure en réalité.
28. Je dirai quelle est ma regle en ce
point. Lorsque je rencontre quelqu'un de
ces traits poëtiques ou autres , concernant
la Nature , ou tout autre objet philosophique
, et que ce trait me paroît
1. Vol. beau
JUIN. 1733. 1321
beau et sublime , sur tout s'il paroît tel
au commun des Lecteurs , je commence
selon la Méthode de l'Analise géométrique,
par le supposer vrai , même litteralement
vrai. Ensuite par les conséquences
que j'en tire selon les regles du même
Art , je le vérifie . Et enfin après me l'être
démontré à moi -même , je me mets
en état de le démontrer aux autres.
29. Par exemple , tout ce que je viens
de dire , je crois le devoir à la maxime
de Despreaux ; que rien n'est beau que le
vrai. Ce Vers m'a bien mieux appris ce
que c'est que le sublime que tout le
Traité de Longin , traduit par le même
Despreaux ; Traité que j'avoue qui m'a
toujours paru fort beau , mais un peu
vague , un peu oratoire , et plus enflé
de discours , que nourri d'explication et
d'idées philosophiques.
30. Au lieu qu'en supposant la Maxime
en question , et partant de -là , il m'a
été facile de conclure que le sublime
consistoit dans une verité toute neuve
en elle même , ou dans son point-de- vûë,
ou par son expression , et présentée sous
une espece d'envelope qui en rehausse
l'éclat en le temperant. Le Fiat bux que
Longin trouve si sublime , ne l'est que par
le vrai nouveau , profond , merveilleux.
L.
II. Vol. 3L.
1322 MERCURE DE FRANCE
31. Qu'on parle d'un Ouvrage des
hommes , il faut bien des paroles , des
discours , des descriptions pour en faire
connoître la façon . Pour les Ouvrages
de Dieu , comme il n'a fallu qu'un mot
pour les faire , dixit et facta sunt , il ne
faut qu'un mot pour les peindre , et cette
peinture est toujours sublime , parce
qu'elle est extraordinaire , unique , divine.
source du Sublime dans le Discours : sur
le vrai philosophique du Discours Poëtique
, et sur l'Analogie qui est la clef
des Découvertes. Par L. P. C. J.
€
I.
C
E Titre paroît annoncer des sujets
fort differens . Mais la Philosophie
raproche souvent les extrémitez
en ramenant la multitude des apparences
à la réalité d'un Principe très- simple. Et
c'est par l'Analogie que la Philosophie
II. Vol. Cilj atteint
1310 MERCURE DE FRANCE
atteint à cette simplicité féconde de la
Nature.
2. En general cette Analogie nous apprend
, que s'il y a bien des Sciences et
des Arts , il n'y a pourtant qu'une verité ,
dont ces Arts et ces Sciences ne sont
,
que les differens points- de- vûë , les divers
aspects. La Poësie en particulier et
la Philosophie , quelque irréconciliables
qu'elles paroissent , ne different que par
là , par le point- de- vûë , par l'expression.
3. Le Poëte pense et parle. Le Philosophe
refléchit
raisonne et discourt ;
c'est- à- dire , le Poëte enveloppe dans une
pensée et souvent dans un mot le raisonnement
du Philosophe , et le Philophe
dans un raisonnement étendu , developpe
la pensée , le mot du Poëte.
C'est cet enveloppement et ce développement
seuls qui caracterisent les deux
genres , relativement l'un à l'autre.
4. Mais c'est toujours le même objet ,
la même nature , la même vérité , que
le Poëte et le Philosophe peignent également
, l'un en grand, l'autre en racour
ci et comme en miniature.
5. Lorsque cet objet est nouveau ,
merveilleux
élevé , interessant , qu'il
donne à penser , qu'il étend les vûës de
l'esprit , le Raisonnement philosophique
II. Vol.
JUIN. 1733 1311
que qui le développe , prend le nom de
Découverte , la pensée poetique qui le
révele , prend celui de Pensée sublime.
Venons à des Exemples.
6. Mais auparavant je dois poser comme
un Principe , cette maxime sublime
elle- même , de Despreaux , que
Rien n'est beau que le vrai, le vrai feul est aimable ,
Il doit degner par tout et même dans la Fable.
En effet la découverte du faux ne
peut être une vraye decouverte ; car découvrir
ce qui n'est pas, c'est bien pis que
de ne rien découvrir ; et une pensée fausse
ne sera jamais une belle pensée .
7. Cela supposé , Virgile peint la nuit,
en disant qu'elle ôte aux choses leurs
couleurs , rebus nox abstulit atra colores.
Cette idée est sublime , belle du moins ,
car je ne veux point de dispute. Or qu'estce
qui en fait la beauté ? Je le demande
aux Commentateurs. Mais que nous en
ont ils dit ? Des Tropes , des figures , des
allégories , des métaphores. Je ne connois
point tout cela. Mais je demande
encore si c'est du vrai , si c'est du faux
que Virgile nous donne- là.
8. Aristote nous a tracé les vrayes regles
de la Poëtique et même de la Rhéto
rique. Ce sera donc un Philosophe , ce
sera Descartes qui nous apprendra que
11. Vol
CY les
1212 MERCURE DE FRANCE
les couleurs n'étant qu'une lumiere mo
difiée , la nuit en chassant la lumiere a
chassé les couleurs ; et qu'ainsi la pensée de
Virgile a tous les caracteres du sublime
du grand , du beau , étant d'abord vraye ,
et ensuite nouvelle , merveilleuse,profonde
paradoxe même , et contraire au préjugé.
9. Car je pense que c'est par rapport
à nous et pour nous qu'une pensée est
sublime , c'est-à- dire , comme placée en
un lieu sublime , escarpé , difficile à atteindre
, et par là très - merveilleuse et
toute aimable , lorsqu'elle daigne en quel
que sorte s'abaisser jusqu'à nous qui n'aurions
pû , sans le secours du Poëte comme
inspiré et sans une espece
de secours
divin , nous élever jusqu'à elle.
10. Virgile dit ailleurs :
Provehimur portu terraque urbesque receduns.
"Nous sortons du Port , et nous voyons
les terres et les Villes se retirer . Cette image
est magnifique; mais ce n'est que parce
qu'elle est d'après nature et qu'elle renferme
une verité philosophique que le tems
nous a revelée , quoiqu'elle soit encore toute
paradoxe , toute sublime , toute poëtique
; Car l'Auteur n'est pas encore dans
le cas du sublatam ex oculis , & c. d'Horace .
11. Quelle est donc cette verité ? C'est
11. Vol.
eelle
JUIN. 1733. 1313
celle de la nature du mouvement , qui
n'a d'absolu que son existence , et dont
l'essence consiste dans un simple chan
gement de rapport de distance de divers
termes , dont l'un ne peut se mou .
voir sans qué les autres se meuvent aussi
je m'éloigne du Port , le Port s'éloigne
de moi , je fuis les terres et les Villes ,
les terres et les Villes me fuyent .
12. Cela est fort ; car les voila toujours
à la même place. Oui , les unes
par rapport aux autres ; et dans ce sens
me voila immobile moi- même à la même
place dans le Vaisseau qui m'emporte.-
Mais par rapport à ce Vaisseau et par
rapport à moi , tout l'Univers se remuë
lorsque nous nous remuons. La Rame ;
repousse le rivage ou Feau ; l'eau ou le
rivage repousse la Rame et le Vaisseau ;*
l'action et la réaction sont égales , la séparation
est réciproque. Mais ce siecle ..
n'a droit de jouir que des découvertes ›
du précedent , qui s'en mocquoit..
13. Laissons les discussions philosophi
ques écoutons les Commentateurs. Vous
êtes , me disent- ils , vous êtes duppe de
votre imagination. Il est vrai que les .
terres et les Villes semblent fuir . On s'imagine
qu'elles fuyent , c'est tout comme
si elles fayoient ; mais elles ne fuyent pass
II.. Vol. Cvjs poure
1314 M'ERCURE DE FRANCE
pour cela. L'expression de Virgile n'est
qu'une comparai on , une Analogie sousentendue
, une allégorie , une, métaphore.
Fort bien .
14. Mais je reviens à ma Regle , qui
n'est pas e imagination , et qui est ,
ce me semble , la plus solide Regie de
bon sens qu'on puisse consulter. Cela
est -il vrai ? cela est - il faux ? Virgile
ment-il? Virgile dit- il la vérité? S'il ment,
si sa pensée est fausse , elle n'est donc
pas belle , elle est frivole , sophistique ,
miserable ; fi elle est belle , admirable
sublime , comme on l'a cru jusqu'icy ,
je reviens à Despreaux , et je dis avec lui,
Rien n'est beau que le vrai , le vrai seul
&c. est ,
15. Je puis me tromper , mais il me
semble que bien des gens se repaissent
de choses vagues et qu'ils aiment à s'en
repaître , même dans les Sciences , et
sur tout dans ce qui s'appelle Belles- Lettres
. Tout y est plein de je ne sçai quoi
On diroir
que la précision des idées les
gêne , les contraint , leur paroît insup
portable. Ils sont toûjours en garde et
prets à combattre contre cette précision ,
comme les Romains pour leur liberté.
C'est la liberté d'esprit , en effet , qu'on
retrouve dans ces idées vagues qui le
II. Val. ber
JUIN. 1733 . ·1315
bercent doucement et le balancent entre
le oui et le non , entre le vrai et le faux.
Il en coûte , et il faut une espece d'effort
d'esprit pour se fixer à une verité
précise et indivisible.
"
16. Outre la paresse de l'esprit , il y a
encore un interêt de coeur , qui fait qu'on
aime à se tenir comme neutre entre la
plupart des veritez et des erreurs qui
leur sont opposées. Moyennant cette nou
tralité que l'inattention de l'esprit rend
facile , on est toujours prêt à se ranger
au parti que la passion du coeur rend le
plus agréable. Mais c'est là de la moralité .
17. Victrix causa Diis placuit, fed victa Catoni ,
dit Lucain , que Brebeuf,a rendu parc vers
Les Dieux servent Cesar , mais Caton fuit Pom
péc.
Cette pensée a eû des Approbateurs et
des Critiques. Les uns en ont fait un modele
de sublime , les autres l'ont cruë fausse
et purement enflée. C'est bien pis , d'autres.
l'ont traitée d'impie et de sacrilege . La
Philosophie seule a droit d'en décider .
18. Rien n'est plus simple que le fond
de verité philosophique , morale même
et presque théologique , que ce Vers de
Lucain renferme ou suppose. Les Dieux
ou plutôt Dieu tout miséricordieux et très
lent à punir , laisse souvent prosperer le
II. Vol. crime
T316 MERCURE DE FRANCE
crime dans cette vie et pour un temps.
Et bien nous en prend à tous ; que deviendrions-
nous si la peine suivoit de si
près le peché? Il n'en est pas de- même
des hommes ; il leur est expressément
enjoint de s'attacher immuablement au
parti de la justice ou de la verité connuë
,, sans en juger par les apparences
ni par aucune sorte d'évenement. Le
Commentaire est donc facile désormais.
Les Dieux servent César parce qu'il leur
plaît , placuit. Caton suit Pompée, parce
qu'il le doit.
19. Lucain est outré , dit-on ; cela se
peut quelquefois ; mais quelquefois il
peut n'
n'être que fort élevé , fort sublime..
Une verité n'est pas toujours mûre , même
pour la Poësie . Corneille n'a pas
laissé de meurir quelque traits de Lucain;
mais Corneille lui - même passe pour être
souvent guindé.
20. Ces quatre Vers ont été fort cri
tiquez.
Pleurez , pleurez mes yeux , et fondez - vous en eau,
La moitié de ma vie à mis l'autre au tombeau ,
Et me laisse à venger après ce coup funeste ,
Celle queje n'ai plus sur cellè qui me reste.
Je ne disconviendrai pas que la Poësie ,
sur tout la Dramatique , étant faite pour
II. Vol.
tout
JUI N. 1733. 1317
tout le monde , et ses beautez devant
consister dans des traits détachez et commeimperceptibles
plutôt que dans desRaisonnemens
Philosophiques un peu étendus
et développez . il n'y ait du trop dansces
Vers de Corneille.
21. Si le Poëte avoit pû renfermer lesmêmes
beautez dans un seul Vers ou deux
tout au plus , en jettant même un petit
nuage sur des veritez qu'il a renduës
trop sensibles , trop précises , trop dogmatiques
, rien n'auroit été plus sublime .
Car du reste je ne conviendrai pas qu'il
y ait du faux dans sa pensée . Chimene
peut regarder la vie de son Pere comme
la moitié de sa vie , aussi bien que celle
de son mari futur , puisque , selon l'Ecriture
, erunt duo in carne una. Et il n'y
a rien d'outré à dire qu'une fille se
partage entre ce Pere et ce Mari , et que
toute sa vie dépend des deux. Oui , mais
-H y en a donc trois parties ; celle du Pere,
celle du Mari et la sienne ? Et ce sont
des tiers et non des moitiez. Mauvaise
plaisanterie que celle-là . Chimene ne vit
plus en elle-même dès qu'elle se partage
ainsi Ce qui est si vrai , que si son Perc
et Rodrigue meurent , on ne s'attend
qu'à la voir mourir . Mais la verité ellemême
dépend de l'expression .
II. Vol.
22.
7318 MERCURE DE FRANCE
22. En géneral toute verité a droit de
plaire ; mais toute verité nouvelle , profonde,
sublime , éblouit et révolte même l'esprit
et souvent le coeur. Pour la faire
goûter il faut en temperer l'éclat. Or on
tempere cet éclat en l'enveloppant et ne
le laissant qu'entrevoir à demi comme
un trait vif qui perce et qui disparoît. Et
voilà le devoir et l'avantage de la Poësie.
23. Naturellement elle enveloppe et
elle doit envelopper les véritez. Double
avantage du Poëte . Sous cette enveloppe
et sous cet air mysterieux , qui n'est
qu'une affaire d'expression , les veritez
communes deviennent souvent nouvelles
et sublimes ; et les veritez nouvelles
et sublimes par elles mêmes, brillent toujours
assez sans ébloüir. L'enveloppe picque
toujours la curiosité , d'autant plus
qu'elle la satisfait moins.
24. Toute la gloire du Philosophe consiste
dans la découverte de la verité . Mais
une verité toute découverte , lorsqu'elle
est neuve , blesse la vûë et réveille souvent
la jalousie contre son Auteur. Un
génie à découvertes , comme un Descartes
, devroit , s'il étoit bien consulté , ne
proposer son sistême que sous l'envelope
de la Poësie et de la fiction. Il n'y perdroit
rien ; car tout nouveau sistême est
II. Vol.
toujours
JUIN. 1733 1319
toujours traité de fiction et de Roman ;
il y gagneroit même beaucoup. On court
après une verité qui se dérobe ; et un
bon Commentaire feroit bien - tôt adopter
comme philosophiques des veritez
qu'on auroit goûtées d'abord comme Poëtiques.
C'est par la fiction , c'est - à- dire ,
par l'invention qu'on est Poëte ; et lorsqu'on
est né Poëte , les Vers ou la Profe
ne sont plus que des formalitez , des expressions
arbitraires . Mais ces refléxions
viennent quelquefois trop tard .
25. Cependant la gloire du Philosophe
paroît l'emporter en un sens sur celle du
Poete. Celui cy a beau semer les plus
profondes veritez , il n'est jamais censé
parvenir jusqu'à la découverte , qui est
presque l'unique gloire de l'esprit humain.
Il n'y parvient pas non - plus ; il ne
voit la verité que comme il la présente
sous le voile , dans le nuage. C'est par
une espece d'instinct ou d'enthousiasme
et à la pointe de l'esprit , qu'il la saisiť
comme en passant. C'est inspiration , c'est
révélation , si l'on veut . Mais les Prophetes
ne comprennent pas toujours tout ce
que Dieu révele par leur organe à l'Univers.
Virgile , après avoir dit que la
nuit emporte les couleurs , auroit bien
pû n'être pas Cartésien sur l'article.
II. Vol. 26.
1320 MERCURE DE FRANCE
26. Mais comme c'est toujours la Nature
que le Poëte peint , le Philosophe
ne sçauroit trop méditer le sens profond
de tous les traits véritablement sublimes
qui sont répandus chez les Poëtes plus
que chez aucune autre sorte d'Ecrivains.
C'est- là le véritable emploi du Philosophe
, de comprendre ce que les autres
ne font que sentir , de tourner l'instinct
en pensée , la pensée en refléxion , la refléxion
en raisonnement. Je regarde tous
ces grands traits qu'on admire dans les
Poëtes comme autant de semences de dé-
Couvertes.
27. Or c'est l'Analogie qui rend ces
traits poëtiques , féconds en découvertes
Car ce qu'on appelle chez les Poëtes ou
chez les Orateurs , Métaphore, similitude ,
allégorie , figure ; un Philosophe , un
Géometre non hérissé l'appelle Analogie,
proportion , rapport. Toutes nos décou
vertes , toutes nos veritez scientifiques ,
ne sont que des veritez de rapport . Et
par là souvent le sens figuré dégenere
en sens propre , et la figure en réalité.
28. Je dirai quelle est ma regle en ce
point. Lorsque je rencontre quelqu'un de
ces traits poëtiques ou autres , concernant
la Nature , ou tout autre objet philosophique
, et que ce trait me paroît
1. Vol. beau
JUIN. 1733. 1321
beau et sublime , sur tout s'il paroît tel
au commun des Lecteurs , je commence
selon la Méthode de l'Analise géométrique,
par le supposer vrai , même litteralement
vrai. Ensuite par les conséquences
que j'en tire selon les regles du même
Art , je le vérifie . Et enfin après me l'être
démontré à moi -même , je me mets
en état de le démontrer aux autres.
29. Par exemple , tout ce que je viens
de dire , je crois le devoir à la maxime
de Despreaux ; que rien n'est beau que le
vrai. Ce Vers m'a bien mieux appris ce
que c'est que le sublime que tout le
Traité de Longin , traduit par le même
Despreaux ; Traité que j'avoue qui m'a
toujours paru fort beau , mais un peu
vague , un peu oratoire , et plus enflé
de discours , que nourri d'explication et
d'idées philosophiques.
30. Au lieu qu'en supposant la Maxime
en question , et partant de -là , il m'a
été facile de conclure que le sublime
consistoit dans une verité toute neuve
en elle même , ou dans son point-de- vûë,
ou par son expression , et présentée sous
une espece d'envelope qui en rehausse
l'éclat en le temperant. Le Fiat bux que
Longin trouve si sublime , ne l'est que par
le vrai nouveau , profond , merveilleux.
L.
II. Vol. 3L.
1322 MERCURE DE FRANCE
31. Qu'on parle d'un Ouvrage des
hommes , il faut bien des paroles , des
discours , des descriptions pour en faire
connoître la façon . Pour les Ouvrages
de Dieu , comme il n'a fallu qu'un mot
pour les faire , dixit et facta sunt , il ne
faut qu'un mot pour les peindre , et cette
peinture est toujours sublime , parce
qu'elle est extraordinaire , unique , divine.
Fermer
Résumé : REFLÉXIONS sur la Nature et la source du Sublime dans le Discours : sur le vrai philosophique du Discours Poëtique, et sur l'Analogie qui est la clef des Découvertes. Par L. P. C. J.
Le texte 'Réflexions sur la Nature et la source du Sublime dans le Discours' examine la relation entre la poésie et la philosophie, soulignant que ces deux disciplines, bien que différentes dans leur expression, partagent une même vérité. Le poète et le philosophe se distinguent par leur manière de présenter cette vérité : le poète l'enveloppe dans une pensée ou un mot, tandis que le philosophe la développe dans un raisonnement étendu. Les deux disciplines peignent le même objet, la même nature, mais différemment. Le texte insiste sur l'importance de la vérité dans la création poétique, citant la maxime de Boileau : 'Rien n'est beau que le vrai'. Il utilise des exemples, comme un vers de Virgile décrivant la nuit, pour illustrer comment une pensée poétique peut être sublime si elle est vraie et nouvelle. La philosophie, représentée par Descartes, explique que la pensée de Virgile est sublime car elle est basée sur une vérité scientifique. Le texte critique ceux qui préfèrent les idées vagues aux idées précises, soulignant que la vérité, même si elle est nouvelle et profonde, doit être enveloppée pour être appréciée. La poésie a ainsi le devoir d'envelopper les vérités pour les rendre sublimes et accessibles. La gloire du philosophe réside dans la découverte de la vérité, mais le poète, par son instinct et son enthousiasme, saisit la vérité de manière inspirée. Le philosophe doit méditer les traits sublimes des poètes pour en comprendre le sens profond. L'auteur décrit sa méthode pour vérifier les traits poétiques ou philosophiques. Lorsqu'il rencontre un trait beau et sublime, il le suppose vrai et le vérifie par les conséquences qu'il en tire. Par exemple, la maxime de Boileau 'rien n'est beau que le vrai' a mieux enseigné à l'auteur le sublime que le traité de Longin, jugé vague et oratoire. Le sublime est défini comme une vérité nouvelle, soit en elle-même, soit par son expression, présentée sous une forme qui en rehausse l'éclat. Pour les œuvres de Dieu, un seul mot suffit pour les décrire de manière sublime, car elles sont extraordinaires et divines.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
20
p. 2197-2205
Le Zodiaque de la vie humaine, [titre d'après la table]
Début :
LE ZODIAQUE DE LA VIE HUMAINE, ou Préceptes pour diriger la Conduite et les [...]
Mots clefs :
Remarques, Poète, Auteur, Vertu, Chant, Préceptes, Texte, Nom, Science, Hommes, Poème, Philosophie, Volupté, Pier-Angelo Manzolli
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le Zodiaque de la vie humaine, [titre d'après la table]
LE ZODIAQUE DE LA VIE HUMAINE , OU
Préceptes pour diriger la Conduite et les
Moeurs des hommes ; divisé en douze Livres,
sous les 12 Signes , traduit du Poëme
Latin de MARCEL PALINGENE , célébre
Poëte de la Stellada ; nouvelle Edition
, revue , corrigée et agmentée de
Notes Historiques , Critiques , &c.
M. J. B. C. DE LA MONNERIE , Mre Pr.
A Londres,chez le Prevost , et Compagnie,
Libraires , sur le Strand , 1733. et se vend'
à Paris , chez Cailleau, Libraire, Quai des
Augustins , à S. André.
Ce Livre est divisé en deux volumes
grands in 12. Dans le premier Tome est
une Epîtte dédicatoire , addressée à Mylord
Chesterfield , avec une Préface , où
l'on trouve la vie en abrégé de Palingenius
2198 MERCURE DE FRANCE
nius , ou plutôt des Conjectures qu'on a
faites sur lui ; personne n'ayant jusqu'icy
rien avancé de certain sur le compre de
cet Auteur , on y voit les sentimens de
tous les Sçavans qui en ont fait mention
, et qui lui prodiguent leurs Eloges ;
entr'autres , Naudé, Colletet, Borrychius,
la Croix du Maine , Scævole de Sainte-
Marthe, Antoine Musa Brazavolus , Scauranus,
Bayle, Baillet, M. de la Monnoye;
et à la tête de tous , Scaliger.
Le premier Livre , intitulé : Le Bélier ,
ne sert , pour ainsi dire , que de préliminaire
au Poëme ; il est enrichi de Notes
qui expliquent les expressions Poëtiques
, dont la diction du texte est remplie
; et on y trouve une Table qui explique
la valeur numérique des Lettres
Hébraïques et Grecques.
,
Le second Livre , qui porte le nom de
Taureau démontre que le souverain
bien ne se trouve pas dans les Richesses,
mais bien plutôt dans la possession de la
science et de la vertu ; l'état d'un homme
vertueux , quoique pauvre; y est préféré
à celui d'un riche licentieux , ignorant
et vicieux . Les Notes Philosophiques
de ce chant éclairci scnt ce qui
pourroit être resté d'obscur dans le texte.
Dans le troisiéme Livre , sous le titre
des
OCTOBRE . 1733. 2199
des Jumeaux , l'Auteur expose le précis
de la Philosophie d'Epicure , ce qui lui
donne occasion de faire une ample et
belle description du séjour de la volupté;
le Poëte y fait rencontre de la vertu , qui
réfute et détruit les Argumens Epicu
riens , prouve que la volupté n'est autre
chose que la furie infernale Erynnis , et
substitue au raisonnement d'Epicure des
Préceptes contraires. Les Notes de ce
chant mettent ces matieres à la portée de
tout le monde . Dans une de ces Notes on
prouve que le Poëte Lucrece se contredit
quand il avance que l'ame est mortelle .
Le quatrième Livre , sous le nom de
l'Ecrevisse , débute par un éloge du So-
/ leil , où on décrit les proprierez infinies
de ce Roy des Astres . L'Eloge sert en
même temps d'invocation à Apollon ;
il y a de plus une dispute ou un défi Pastoral
, qui est interrompu pour donner .
lieu à Timalphe , fils de la vertu , d'achever
ce que la vertu avoit obmis d'expliquer
au Poète ; ce qui est suivi d'un Eloge
de l'amour sage ; on y montre
que
Etres ne subsistent que par l'amour que
Dieu a pour eux , on y trouve ensuite une
belle Apologie de la paix : Ce chant est
éclairci par des Remarques, Notes et Additions
; sçavoir , sur les Couleurs , sug
les
les
2200 MERCURE DE FRANCE
+
les Attributs des Muses; on y explique ce
que l'on doit entendre par Uranius on y &
donne le sens allégorique de la Mythologie
, avec un abregé tres - concis des vies
de Platon et d'Aristote ; on y explique
enfin ce que les anciens ont entendu par
leur Phoenix.
Suit le cinquiéme Livre , sous le nom
du Lyon les Richesses et les autres biens
corporels y sont méprisez ; on y exalte
avec pompe les biens qui concernent l'esprit
on y prouve que ce n'est qu'en
Dieu seul que se trouve le souverain bien ;
on y parle des inconveniens et des avantages
de la vie ; on y expose les incommoditez
du mariage , et on y lit des Préceptes
excellens pour se bien conduire
dans cet état ; l'on établit que la sagesse
est la plus précieuse de toutes les acquisitions
; parmi les Remarques on en voit
une sur le Spinosisme , une autre sur les
qualitez qu'on doit avoir pour être agréable
à Dieu ; on en lit une qui réfute le
texte , où il est avancé que l'homme n'a
d'autre avantage sur les animaux que la
faculté de la parole et des mains ; on voit
enfin une Remarque sur le dissolvant
universel , qu'on ne peut , dit on , obtenir
que par le moyen de la volatisation
d'un seul sel
Le
OCTOBRE. 1733. 220X
Le Livre sixième , où la Vierge définít
quelle doit être la vraie noblesse , qui est
censée ne devoir être acquise que par la
science et par la vertu ; on y conclud
qu'au lieu de craindre la mort , on doit
plutôt la souhaiter comme la fin de nos
maux et le commencement de notre bonheur
; le tout soutenu de Remarques variées
, de Fable , d'Histoire et d'autres
connoissances utiles . Avec ce Livre finit
le premier Tome ; il est suivi des Sommaires
repetez de chacun des Livres, qui
tiennent lieu de Table des matieres.
Le premier Livre , du Tome second ,
qui est le septiéme du Poëme , sous le
nom de la Balance , commence par définir
l'Unité , l'Existence , la Simplicité et
la Perfection de Dieu ; l'Auteur avance
que la Région du feu est peuplée ; on y
établit le Systême de la pluralité des
Mondes, on explique la nature de l'ame ,
on met en question si le mouvement
procede de la chaleur et de la volonté
on prouve que c'est l'ame qui agit et non
pas les cinq sens ; ce qui s'établit par la
plus pure Philosophie , et l'on conclud
par cet argument que l'ame est immortelle
; on y voit une Carte curieuse sur
l'écoulement des Etres , Arts et Sciences
; entre les Remarques de ce chant , on
en
>
2202 MERCURE DE FRANCE
en voit une sur les Sectes des Manichéens
et des Gnostiques , au sujet du sentiment
du bon et du mauvais principe ; on avance
que l'Or dis out par l'Alkaes de Pr
racelse et de Vanhelmont , paroît sous la
forme d'un sel ou d'une huile rouges ; les
Notes font aussi mention des Sybilles ;
on réfute le sentiment de quelques Mathématiciens
qui croyoient que l'ame ne
subsistoit et n'étoit autre chose que le
concert harmonique des Organes.
Le Livre huitième où le Scorpion concilie
la Providence divine avec le libre
arbitre ; l'Auteur y explique pourquoi
les honnêtes gens sont souvent malheureux
, et les méchans au contraire fortunez
par la distinction qu'il fait des
biens du corps d'avec ceux qui appar.
tiennent totalement à l'esprit ; soutenant
que les premiers sont l'appanage des méchans
, et les derniers sont du ressort des
seuls sages. Ce Chant est rempli comme
les autres de Remarques Philosophiques
et Historiques , et en quelques endroits
Chymiques.
Le Livre neuvième , où le Sagittaire dé
butte par des Leçons pour les bonnes 1
moeurs ; l'on y lit entr'autres choses une
Priere à Dieu, qui est d'une grande beauté
, au bas de laquelle est une citation en
remar
OCTOBRE 1733. 2203
remarque d'un fragment du Socrate
Chrétien , de M. de Balzac , qu'on peut
regarder comme un effort du génie de ce
Scavant on y dépeint analogiquement
quatre Rois qui sont eux- mêmes soumis
à un cinquième , plus grand qu'eux , qui
tous de concert excitent les hommes à la
volupté , à l'avarice , à l'orgueil et à l'envie;
on y distingue cinq especes d'hommes
, sçavoir , les Pieux , les Prudens , les
Rusez , les Fols , et les Furieux ; le tout
enrichi de Remarques et de Notes comme
tout le reste.
On trouve ensuite le Capricorne , qui
est le dixiéme Livre ; on y traite de la
I culture de l'ame par la Science et les
beaux Arts , on y avance que le sage por
te aisément tour avec lui , ce que le Riche
ne peut faire. Le Texte écrit énigmatiquement
la maniere de préparer le
grand oeuvre , on trouve au bas de cet article
une compilation parfaite de tous les
procedez de cette science décrits de suite,
ce que plus de six cent Auteurs hermé
tiques n'ont donné que par Lambeaux.
On établit que le vrai Sage ne doit point
se marier que la Guerre n'est légitime
que quand il s'agit de la deffense des Autels
et des Foyers domestiques ; on y lit
une conversation entre un Poëte et un
Her2204
MERCURE DE FRANCE
Hermite qui est le précis d'une excellente
Morale ; l'Hermite y conclud que c'est
l'Esprit de Dieu qui seul purifie les coeurs;
on y fait un portrait qui peut servir
méditation sur les miseres humaines ; on
finir par convenir qu'il est difficile de
parvenir à la vraie sagesse dans ce Monde
, et on trouve par tout des Remarques
et des Notes d'une sçavante Litterature
.
Le Verseau , ou le livre onzième , après !!
une invocation à Uranie , contient des
Préceptes astronomiques , on y décrit les
Cercles du monde , Fordre et le mouvement
des Planettes ; on y fait l'énumération
non-seulement de tous les Signes du
Zodiaque , mais encore de tous ceux du
Ciel , et du nombre d'Etoilles qui les
composent, on en décrit enfin le lever et
le coucher , & c. On trouve en tous les
Endroits des Notes qui éclaircissent ce
que ces matieres ont d'abstrait; on y traite
et.de la matiere et de la forme ; en un
mot on y parle de tout ce qui est celeste ;
delà on revient aux Elémens et aux Météores
; on trouve en Note un fragment ,
qui donne les preuves de l'Elaboration de
la Mer , et de la fabrication qu'elle fait en
son sein de tous les Terrains apparans
du Globe terrestre , Ce morceau est d'une
Philosophie nouvelle et curieuse,
1
OCTOBRE . 1733. 2205
Dans les Poissons , Livre douze et dermer
, oh prouve que hors les confins du
Ciel , il y a une lumiere immense , incorporelles
que cette lumiere est la forme
qui communique l'Etre aux choses ,
qu'elle nnee peut être apperçuë des yeux
corporels ; on y parle des formes sans mariere
qui composent la substance des
Anges ; on y confond les Athées; on convient
qu'il est difficile de s'entretenir
avec les bons Esprits, et que la conversation
des mauvais est plus aisée à obtenirs
on trouve en cet endroit une longue Remarque
qui peut servir d'Elemens à l'Astrologie
, &c. On doit conclure que ce
Livre est fort interessant et d'une lec-
= ture agréable. Le public sçavant et curieux
doit sçavoir gré à M. de la Monnerie
d'avoir fait revivre par sa traduction un
Auteur excellent , presque tombé dans
- l'oubli , et d'avoir accompagné cette traduction
de tous les secours dont elle avoit
besoin pour faire un présent accompli à
la République des Lettres.
Préceptes pour diriger la Conduite et les
Moeurs des hommes ; divisé en douze Livres,
sous les 12 Signes , traduit du Poëme
Latin de MARCEL PALINGENE , célébre
Poëte de la Stellada ; nouvelle Edition
, revue , corrigée et agmentée de
Notes Historiques , Critiques , &c.
M. J. B. C. DE LA MONNERIE , Mre Pr.
A Londres,chez le Prevost , et Compagnie,
Libraires , sur le Strand , 1733. et se vend'
à Paris , chez Cailleau, Libraire, Quai des
Augustins , à S. André.
Ce Livre est divisé en deux volumes
grands in 12. Dans le premier Tome est
une Epîtte dédicatoire , addressée à Mylord
Chesterfield , avec une Préface , où
l'on trouve la vie en abrégé de Palingenius
2198 MERCURE DE FRANCE
nius , ou plutôt des Conjectures qu'on a
faites sur lui ; personne n'ayant jusqu'icy
rien avancé de certain sur le compre de
cet Auteur , on y voit les sentimens de
tous les Sçavans qui en ont fait mention
, et qui lui prodiguent leurs Eloges ;
entr'autres , Naudé, Colletet, Borrychius,
la Croix du Maine , Scævole de Sainte-
Marthe, Antoine Musa Brazavolus , Scauranus,
Bayle, Baillet, M. de la Monnoye;
et à la tête de tous , Scaliger.
Le premier Livre , intitulé : Le Bélier ,
ne sert , pour ainsi dire , que de préliminaire
au Poëme ; il est enrichi de Notes
qui expliquent les expressions Poëtiques
, dont la diction du texte est remplie
; et on y trouve une Table qui explique
la valeur numérique des Lettres
Hébraïques et Grecques.
,
Le second Livre , qui porte le nom de
Taureau démontre que le souverain
bien ne se trouve pas dans les Richesses,
mais bien plutôt dans la possession de la
science et de la vertu ; l'état d'un homme
vertueux , quoique pauvre; y est préféré
à celui d'un riche licentieux , ignorant
et vicieux . Les Notes Philosophiques
de ce chant éclairci scnt ce qui
pourroit être resté d'obscur dans le texte.
Dans le troisiéme Livre , sous le titre
des
OCTOBRE . 1733. 2199
des Jumeaux , l'Auteur expose le précis
de la Philosophie d'Epicure , ce qui lui
donne occasion de faire une ample et
belle description du séjour de la volupté;
le Poëte y fait rencontre de la vertu , qui
réfute et détruit les Argumens Epicu
riens , prouve que la volupté n'est autre
chose que la furie infernale Erynnis , et
substitue au raisonnement d'Epicure des
Préceptes contraires. Les Notes de ce
chant mettent ces matieres à la portée de
tout le monde . Dans une de ces Notes on
prouve que le Poëte Lucrece se contredit
quand il avance que l'ame est mortelle .
Le quatrième Livre , sous le nom de
l'Ecrevisse , débute par un éloge du So-
/ leil , où on décrit les proprierez infinies
de ce Roy des Astres . L'Eloge sert en
même temps d'invocation à Apollon ;
il y a de plus une dispute ou un défi Pastoral
, qui est interrompu pour donner .
lieu à Timalphe , fils de la vertu , d'achever
ce que la vertu avoit obmis d'expliquer
au Poète ; ce qui est suivi d'un Eloge
de l'amour sage ; on y montre
que
Etres ne subsistent que par l'amour que
Dieu a pour eux , on y trouve ensuite une
belle Apologie de la paix : Ce chant est
éclairci par des Remarques, Notes et Additions
; sçavoir , sur les Couleurs , sug
les
les
2200 MERCURE DE FRANCE
+
les Attributs des Muses; on y explique ce
que l'on doit entendre par Uranius on y &
donne le sens allégorique de la Mythologie
, avec un abregé tres - concis des vies
de Platon et d'Aristote ; on y explique
enfin ce que les anciens ont entendu par
leur Phoenix.
Suit le cinquiéme Livre , sous le nom
du Lyon les Richesses et les autres biens
corporels y sont méprisez ; on y exalte
avec pompe les biens qui concernent l'esprit
on y prouve que ce n'est qu'en
Dieu seul que se trouve le souverain bien ;
on y parle des inconveniens et des avantages
de la vie ; on y expose les incommoditez
du mariage , et on y lit des Préceptes
excellens pour se bien conduire
dans cet état ; l'on établit que la sagesse
est la plus précieuse de toutes les acquisitions
; parmi les Remarques on en voit
une sur le Spinosisme , une autre sur les
qualitez qu'on doit avoir pour être agréable
à Dieu ; on en lit une qui réfute le
texte , où il est avancé que l'homme n'a
d'autre avantage sur les animaux que la
faculté de la parole et des mains ; on voit
enfin une Remarque sur le dissolvant
universel , qu'on ne peut , dit on , obtenir
que par le moyen de la volatisation
d'un seul sel
Le
OCTOBRE. 1733. 220X
Le Livre sixième , où la Vierge définít
quelle doit être la vraie noblesse , qui est
censée ne devoir être acquise que par la
science et par la vertu ; on y conclud
qu'au lieu de craindre la mort , on doit
plutôt la souhaiter comme la fin de nos
maux et le commencement de notre bonheur
; le tout soutenu de Remarques variées
, de Fable , d'Histoire et d'autres
connoissances utiles . Avec ce Livre finit
le premier Tome ; il est suivi des Sommaires
repetez de chacun des Livres, qui
tiennent lieu de Table des matieres.
Le premier Livre , du Tome second ,
qui est le septiéme du Poëme , sous le
nom de la Balance , commence par définir
l'Unité , l'Existence , la Simplicité et
la Perfection de Dieu ; l'Auteur avance
que la Région du feu est peuplée ; on y
établit le Systême de la pluralité des
Mondes, on explique la nature de l'ame ,
on met en question si le mouvement
procede de la chaleur et de la volonté
on prouve que c'est l'ame qui agit et non
pas les cinq sens ; ce qui s'établit par la
plus pure Philosophie , et l'on conclud
par cet argument que l'ame est immortelle
; on y voit une Carte curieuse sur
l'écoulement des Etres , Arts et Sciences
; entre les Remarques de ce chant , on
en
>
2202 MERCURE DE FRANCE
en voit une sur les Sectes des Manichéens
et des Gnostiques , au sujet du sentiment
du bon et du mauvais principe ; on avance
que l'Or dis out par l'Alkaes de Pr
racelse et de Vanhelmont , paroît sous la
forme d'un sel ou d'une huile rouges ; les
Notes font aussi mention des Sybilles ;
on réfute le sentiment de quelques Mathématiciens
qui croyoient que l'ame ne
subsistoit et n'étoit autre chose que le
concert harmonique des Organes.
Le Livre huitième où le Scorpion concilie
la Providence divine avec le libre
arbitre ; l'Auteur y explique pourquoi
les honnêtes gens sont souvent malheureux
, et les méchans au contraire fortunez
par la distinction qu'il fait des
biens du corps d'avec ceux qui appar.
tiennent totalement à l'esprit ; soutenant
que les premiers sont l'appanage des méchans
, et les derniers sont du ressort des
seuls sages. Ce Chant est rempli comme
les autres de Remarques Philosophiques
et Historiques , et en quelques endroits
Chymiques.
Le Livre neuvième , où le Sagittaire dé
butte par des Leçons pour les bonnes 1
moeurs ; l'on y lit entr'autres choses une
Priere à Dieu, qui est d'une grande beauté
, au bas de laquelle est une citation en
remar
OCTOBRE 1733. 2203
remarque d'un fragment du Socrate
Chrétien , de M. de Balzac , qu'on peut
regarder comme un effort du génie de ce
Scavant on y dépeint analogiquement
quatre Rois qui sont eux- mêmes soumis
à un cinquième , plus grand qu'eux , qui
tous de concert excitent les hommes à la
volupté , à l'avarice , à l'orgueil et à l'envie;
on y distingue cinq especes d'hommes
, sçavoir , les Pieux , les Prudens , les
Rusez , les Fols , et les Furieux ; le tout
enrichi de Remarques et de Notes comme
tout le reste.
On trouve ensuite le Capricorne , qui
est le dixiéme Livre ; on y traite de la
I culture de l'ame par la Science et les
beaux Arts , on y avance que le sage por
te aisément tour avec lui , ce que le Riche
ne peut faire. Le Texte écrit énigmatiquement
la maniere de préparer le
grand oeuvre , on trouve au bas de cet article
une compilation parfaite de tous les
procedez de cette science décrits de suite,
ce que plus de six cent Auteurs hermé
tiques n'ont donné que par Lambeaux.
On établit que le vrai Sage ne doit point
se marier que la Guerre n'est légitime
que quand il s'agit de la deffense des Autels
et des Foyers domestiques ; on y lit
une conversation entre un Poëte et un
Her2204
MERCURE DE FRANCE
Hermite qui est le précis d'une excellente
Morale ; l'Hermite y conclud que c'est
l'Esprit de Dieu qui seul purifie les coeurs;
on y fait un portrait qui peut servir
méditation sur les miseres humaines ; on
finir par convenir qu'il est difficile de
parvenir à la vraie sagesse dans ce Monde
, et on trouve par tout des Remarques
et des Notes d'une sçavante Litterature
.
Le Verseau , ou le livre onzième , après !!
une invocation à Uranie , contient des
Préceptes astronomiques , on y décrit les
Cercles du monde , Fordre et le mouvement
des Planettes ; on y fait l'énumération
non-seulement de tous les Signes du
Zodiaque , mais encore de tous ceux du
Ciel , et du nombre d'Etoilles qui les
composent, on en décrit enfin le lever et
le coucher , & c. On trouve en tous les
Endroits des Notes qui éclaircissent ce
que ces matieres ont d'abstrait; on y traite
et.de la matiere et de la forme ; en un
mot on y parle de tout ce qui est celeste ;
delà on revient aux Elémens et aux Météores
; on trouve en Note un fragment ,
qui donne les preuves de l'Elaboration de
la Mer , et de la fabrication qu'elle fait en
son sein de tous les Terrains apparans
du Globe terrestre , Ce morceau est d'une
Philosophie nouvelle et curieuse,
1
OCTOBRE . 1733. 2205
Dans les Poissons , Livre douze et dermer
, oh prouve que hors les confins du
Ciel , il y a une lumiere immense , incorporelles
que cette lumiere est la forme
qui communique l'Etre aux choses ,
qu'elle nnee peut être apperçuë des yeux
corporels ; on y parle des formes sans mariere
qui composent la substance des
Anges ; on y confond les Athées; on convient
qu'il est difficile de s'entretenir
avec les bons Esprits, et que la conversation
des mauvais est plus aisée à obtenirs
on trouve en cet endroit une longue Remarque
qui peut servir d'Elemens à l'Astrologie
, &c. On doit conclure que ce
Livre est fort interessant et d'une lec-
= ture agréable. Le public sçavant et curieux
doit sçavoir gré à M. de la Monnerie
d'avoir fait revivre par sa traduction un
Auteur excellent , presque tombé dans
- l'oubli , et d'avoir accompagné cette traduction
de tous les secours dont elle avoit
besoin pour faire un présent accompli à
la République des Lettres.
Fermer
Résumé : Le Zodiaque de la vie humaine, [titre d'après la table]
L'ouvrage 'Le Zodiaque de la vie humaine' est une traduction du poème latin de Marcel Palingenius, révisée et augmentée de notes historiques et critiques par M. J. B. C. de La Monnerie. Publié en 1733, il est structuré en deux volumes et douze livres, chacun correspondant à un signe du zodiaque. Le premier volume commence par une épître dédicatoire à Mylord Chesterfield et une préface retraçant la vie conjecturale de Palingenius, accompagnée d'éloges de savants comme Naudé, Scaliger et Bayle. Le premier livre, 'Le Bélier', sert de préliminaire et est enrichi de notes expliquant les expressions poétiques et la valeur numérique des lettres hébraïques et grecques. Le second livre, 'Le Taureau', affirme que le souverain bien réside dans la science et la vertu plutôt que dans les richesses. Le troisième livre, 'Les Jumeaux', expose la philosophie d'Épicure et réfute ses arguments en faveur de la volupté. Le quatrième livre, 'Le Cancer', loue le Soleil et invoque Apollon, tout en discutant de l'amour sage et de la paix. Le cinquième livre, 'Le Lion', méprise les richesses matérielles et exalte les biens spirituels. Le sixième livre, 'La Vierge', définit la véritable noblesse acquise par la science et la vertu, et encourage à souhaiter la mort comme fin des maux. Le septième livre, 'La Balance', définit les attributs de Dieu et explore la nature de l'âme et son immortalité. Le huitième livre, 'Le Scorpion', concilie la providence divine avec le libre arbitre. Le neuvième livre, 'Le Sagittaire', offre des leçons de bonnes mœurs et distingue cinq types d'hommes. Le dixième livre, 'Le Capricorne', traite de la culture de l'âme par la science et les arts, et établit que le sage ne doit pas se marier. Le onzième livre, 'Le Verseau', contient des préceptes astronomiques et décrit les cercles du monde et le mouvement des planètes. Le douzième et dernier livre, 'Les Poissons', parle d'une lumière incorporelle et des formes sans matière composant la substance des anges, tout en confondant les athées. L'ouvrage est enrichi de remarques et de notes savantes, offrant une lecture agréable et instructive pour le public savant.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
21
p. 2419-24[2]6
Histoire Litteraire de la France, &c. [titre d'après la table]
Début :
HISTOIRE Litteraire de la France, où l'on traite de l'origine et du [...]
Mots clefs :
Histoire littéraire de la France, Villes, Savants, Marseille, Lettres, Auteurs, Langue, Historien, Ouvrage, Sujet, Connaissance , Éloquence, Philosophie, Poète, Gaules
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Histoire Litteraire de la France, &c. [titre d'après la table]
ISTOIRE Litteraire de la France.
Hoù l'on traite de l'origine et du
progrès , de la décadence et du rétabiissea
2420 MERCURE DE FRANCE
sement des Sciences , parmi les Gaulo's et
parmi les François , &c. Par des Reli
gieux Benedictins , de la Congrégation
de S. Maur. A Paris , chez Chaubert
Gissey , Osmont , Huart Paîné , Clousier
Hourdel et David le jeune , Libraires . I.
vol . in 4. divisé en deux parties , & c.
Le seul titre de cette Histoire que nous
avons donné dans toute son étendue.
dans le dernier Mercure , pourroit suffire
pour en donner une grande idée . If
contient le précis de l'Entreprise la plus
vaste et la plus utile qu'on ait encore formée
pour la gloire de notre Nation . Diverses
Histoires particulieres des Sçavans
d'une Province , d'une Ville , d'une Université
, d'un Corps Académique de ce
Royaume , publiées en différens temps ,
et par differens Autheurs , n'ont fait que
mieux comprendre la nécessité d'une
Histoire Générale de la France sçavante
composée tout de suite , et par des Ecri
vains , chargez de ce seul travail . Ce no
ble dessein a enfin été conçu , et en partié
déja heureusement exécuté par de sçavans
Hommes, nez , pour ainsi dire , pour
l'avancement des Lettres , et pour les
plus grandes et les plus laborieuses Entreprises.
Le premier volume dont il s'agit icy ;
pourra
NOVEMBRE. 1733. 242
pourra faire juger du mérite et de l'importance
de tout l'ouvrage , et de l'ordre
de son exécution ; il comprend tous les
temps antérieurs à la naissance de J.C.et
encore l'Histoire des Lettres en France
durant les IV. premiers siècles de l'Eglise
. Entreprendre de donner un juste Extrait
de ce volume , qui contient en tout
près de neuf cent pages , ce seroit à nous
une espece de témerité. Extrait qui nous
jetteroit infailliblement au delà des bornes
de notre Journal , nous nous contenterons
donc de quelques traits qui paroissent
exiger de nous une attention
particuliere.
Nos sçavans Auteurs , après avoir décrit
l'Etat de laRépublique des Lettres dans les
Gaules, avant et durant le tems des Druïdes
, sous le nom desquels on comprenoit
tous les Gens de Lettres des Gaules , exposent
comment les Sciences des Grecs s'y
introduisirent par le canal des Marseillois,
Grecs , Photéens d'origine . Ils n'oublient
rien de tout ce qui se trouve épars dans
divers Auteurs anciens sur cette celebre
Colonie , dont il est aussi parlé amplement
dans deux de nos ( 1 ) Journaux ,
par rapport aux Sciences , aux exercices
( 1 ) Mercure de Decembre 1728. et de Janvier
Aca
1730p
2422 MERCURE DE FRANCE
Académiques , à la Politesse , et aux
Grands Hommes qui ont brillé dans
Marseille Sçavante , ce qui nous engage
d'abreger icy sur ce sujet.
, Son Gouvernement Politique non
moins admirable que son Académie, n'est
pas omis dans cette Histoire . On suivoit
à Marseille , disent nos Auteurs , les Loix
Ioniques exposées dans un lieu public ,
où chacun pouvoit les voir pour s'y conformer.
Le droit d'hospitalité y étoit
en une singuliere veneration ; on y maintenoit
la seureté publique , en ne permettant
à personne d'y entrer armé ; les
représentations licentieuses du Théatre
en étoient sévérement bannies , ainsi que
la molesse , la volupté, la fraude et le mensonge
, et on voyoit regner en la place
dans cette Ville , la bonne foy , la frugalité
et la modestie . Ciceron estimoit si
fort un tel Gouvernement , qu'il doutoit
si Marseille n'étoit pas préférable non
seulement à toute la Grece , mais encore
à toutes les Nations de l'Univers . Aussi
les Marseillois mériterent bientôt le
Titre et les Privileges d'Amis et d'Alliez
du Peuple Romain . Marseille fut appellée
la soeur de Rome.
Diverses Colonies de Marseillois bâtirent
dans les Gaules , selon nos Auteurs ,
les
NOVEMBRE . 1733. 2423
les Villes d'Agde , de Nice , d'Antibes ,
d'Olbic , de Taurence, et peut être celles
d'Arles et de Fréjus . Cette énumeration
pourroit être plus étendue , sans y comprendre
même plusieurs Villes fondéesou
policées par des Colonies Marscilloises,
hors des Gaules , en Espagne , en Italie ,
en-Affrique , et c'est ainsi que se répandit
dans les principales Villes Gauloises
et ailleurs le goût des Lettres ; ces Villes
firent succeder aux Ecoles des Druïdes
des Académies, où elles entretenoient
des Professeurs pour y enseigner , à l'exemple
de Marseille , toutes sortes de sciences.
Telles étoient les Villes de Narbonne
, d'Arles , de Vienne , de Toulouse ,
d'Autun , de Lyon , de Nismes , de Bourdeaux
, et en particulier les Villes qui
devoient leur origine , ou leur ampliation
et leurs moeurs à celle de Marseille.
Le détail de la Litterature et des divers
Sçavans qui ont illustré ces Villes , doit
être lû dans le Livre même , et il le mérite
par l'abondance et par la richesse de
la matiere.
En examinant les Révolutions qu'ont
eues dans les Gaules les diverses Langues
qu'on y a parlé successivement , nos Hisforiens
reviennent à Marseille , ne doutant
point que la Langue Grecque n'ait
été
2424 MERCURE DE FRANCE
été durant long- temps la Langue vulgaire
des Marseillois , tres connue . disentils
, dans toute la Narbonnoise , et à
Lyon même. C'est ce que quelques Sçavans
modernes paroissent avoir ignoré
et ce qui les a jettez dans de grandes méprises
; telle est , par exemple , celle de
M. de Valbonnais , qui n'avoit pas accoutumé
d'errer , et qui a été observée dans
le Mercure d'Août 1721. au sujet d'un
Marbre Antique , chargé d'une Inscription
Grecque, du Cabinet de M.Rigord .
Ce qu'ils disent ensuite de la Langue
Gauloise ou Celtique, est d'une érudition
peu commune , et demande une attention
particuliere . Ils finissent ce sujet-la par
ces mots. De cette Langue Gauloise, jointe
à la Grecque , à la Latine et à celle des
Francs , s'est formé notre Langue Françoise
, qui à l'aide de quelques accroissement
qu'elle a reçus des Langues de nos
voisins , a pris la consistance , où elle est
présentement.
Enfin nos Auteurs remarquent que les
Gaulois Lettrez , sçachant que le Barreau
étoit la Porte la plus ordinaire qui conduisoit
aux charges distinguées, et que l'Eloquence
étoit le moïen le plus certain d'y
briller, ils s'attacherent à cultiver en même-
tems l'Eloquence et la Jurisprudence,
NOVEMBRE . 1733. 2425
ce qui les fit exceller dans la connoissance
du Droit et dans l'art de bien parler.
Ainsi les Sçavans aimerent mieux servir
leur Patrie et le Public de vive voix , que
par écrit. Que si quelques- uns d'entr'eux
ont laissé des Ouvrages de leur façon , la
longueur et le malheur des temps en ont
privé la posterité. Ils nous ont même envié
non seulement la connoissance de
presque tous ces grands Hommes , mais
aussi jusqu'à leurs noms et au moindre.
trait de leur Histoire.
Cette Remarque étoit nécessaire à l'égard
de quelques Lecteurs qui pourroient
s'étonner du petit nombre de Gaulois sçavans
, dont il est fait mention dans cet
Ouvrage , pour les temps qui ont précédé
la naissance de J. C. On y trouve cependant
les Eloges de Pitheas , Philosophe
Astronome et Géographe; d'Euthymenes
Historien et Géographe ; d'Eratoshénes
Philosophe et Historien ; de Lucius Plotius
, Rhéteur ; de Marcus- Antonius Gnipho
, Professeur d'Eloquence et des Belles
Lettres ; de Valerius Cato , Poëte et
Grammairien ; de Roscius excellent
Comédien ; de Divitiac , Philosophe :
de C. Valerius - Procillus , Ambassadeur.
et Favori de Jules César ; de Telon et
Gyardes , Astronomes ; de Cornelius Gal-
E lus,
2446 MERCURE DE FRANCE
lus , Poëte ; de Publ. Terentius- Varo , Historien
et Poëte , de Trogue Pompée , Historien.
N'oublions pas de dire que nos Histo
riens sur la fin d'une Préface , qu'on ne
peut se dispenser
de lire , supplient
les
Sçavans de leur faire connoître
les fautes
qui ont pû leur échaper dans le cours
d'un si long Ouvrage , et de les aider en
leur communiquant
de nouvelles
lumieres
, et en leur faisant part des richesses
litteraires
qui leur manquent. Ils addressent
sur tout cette priere aux divers
Ordres Religieux
du Royaume
, fournis
déja presque tous des Bibliotheques
de
leurs Auteurs , et par là plus à portée
d'indiquer
les autres Ecrivains
qu'ils ont
eu depuis la publication
de ces mêmes
Bibliotheques
. Pour garans de leur re
connoissance
ils donnent les témoignages
publics qu'ils rendent icy des obligations
qu'ils ont à ceux dont le commerce
litteraire
leur a été de quelque secours
,
Nous rendrons compte sommairement
dans l'un de nos premiers Journaux de
la seconde Partie de cette Histoire , qui
comprend les quatre premiers siecles du
Christianisme.
Hoù l'on traite de l'origine et du
progrès , de la décadence et du rétabiissea
2420 MERCURE DE FRANCE
sement des Sciences , parmi les Gaulo's et
parmi les François , &c. Par des Reli
gieux Benedictins , de la Congrégation
de S. Maur. A Paris , chez Chaubert
Gissey , Osmont , Huart Paîné , Clousier
Hourdel et David le jeune , Libraires . I.
vol . in 4. divisé en deux parties , & c.
Le seul titre de cette Histoire que nous
avons donné dans toute son étendue.
dans le dernier Mercure , pourroit suffire
pour en donner une grande idée . If
contient le précis de l'Entreprise la plus
vaste et la plus utile qu'on ait encore formée
pour la gloire de notre Nation . Diverses
Histoires particulieres des Sçavans
d'une Province , d'une Ville , d'une Université
, d'un Corps Académique de ce
Royaume , publiées en différens temps ,
et par differens Autheurs , n'ont fait que
mieux comprendre la nécessité d'une
Histoire Générale de la France sçavante
composée tout de suite , et par des Ecri
vains , chargez de ce seul travail . Ce no
ble dessein a enfin été conçu , et en partié
déja heureusement exécuté par de sçavans
Hommes, nez , pour ainsi dire , pour
l'avancement des Lettres , et pour les
plus grandes et les plus laborieuses Entreprises.
Le premier volume dont il s'agit icy ;
pourra
NOVEMBRE. 1733. 242
pourra faire juger du mérite et de l'importance
de tout l'ouvrage , et de l'ordre
de son exécution ; il comprend tous les
temps antérieurs à la naissance de J.C.et
encore l'Histoire des Lettres en France
durant les IV. premiers siècles de l'Eglise
. Entreprendre de donner un juste Extrait
de ce volume , qui contient en tout
près de neuf cent pages , ce seroit à nous
une espece de témerité. Extrait qui nous
jetteroit infailliblement au delà des bornes
de notre Journal , nous nous contenterons
donc de quelques traits qui paroissent
exiger de nous une attention
particuliere.
Nos sçavans Auteurs , après avoir décrit
l'Etat de laRépublique des Lettres dans les
Gaules, avant et durant le tems des Druïdes
, sous le nom desquels on comprenoit
tous les Gens de Lettres des Gaules , exposent
comment les Sciences des Grecs s'y
introduisirent par le canal des Marseillois,
Grecs , Photéens d'origine . Ils n'oublient
rien de tout ce qui se trouve épars dans
divers Auteurs anciens sur cette celebre
Colonie , dont il est aussi parlé amplement
dans deux de nos ( 1 ) Journaux ,
par rapport aux Sciences , aux exercices
( 1 ) Mercure de Decembre 1728. et de Janvier
Aca
1730p
2422 MERCURE DE FRANCE
Académiques , à la Politesse , et aux
Grands Hommes qui ont brillé dans
Marseille Sçavante , ce qui nous engage
d'abreger icy sur ce sujet.
, Son Gouvernement Politique non
moins admirable que son Académie, n'est
pas omis dans cette Histoire . On suivoit
à Marseille , disent nos Auteurs , les Loix
Ioniques exposées dans un lieu public ,
où chacun pouvoit les voir pour s'y conformer.
Le droit d'hospitalité y étoit
en une singuliere veneration ; on y maintenoit
la seureté publique , en ne permettant
à personne d'y entrer armé ; les
représentations licentieuses du Théatre
en étoient sévérement bannies , ainsi que
la molesse , la volupté, la fraude et le mensonge
, et on voyoit regner en la place
dans cette Ville , la bonne foy , la frugalité
et la modestie . Ciceron estimoit si
fort un tel Gouvernement , qu'il doutoit
si Marseille n'étoit pas préférable non
seulement à toute la Grece , mais encore
à toutes les Nations de l'Univers . Aussi
les Marseillois mériterent bientôt le
Titre et les Privileges d'Amis et d'Alliez
du Peuple Romain . Marseille fut appellée
la soeur de Rome.
Diverses Colonies de Marseillois bâtirent
dans les Gaules , selon nos Auteurs ,
les
NOVEMBRE . 1733. 2423
les Villes d'Agde , de Nice , d'Antibes ,
d'Olbic , de Taurence, et peut être celles
d'Arles et de Fréjus . Cette énumeration
pourroit être plus étendue , sans y comprendre
même plusieurs Villes fondéesou
policées par des Colonies Marscilloises,
hors des Gaules , en Espagne , en Italie ,
en-Affrique , et c'est ainsi que se répandit
dans les principales Villes Gauloises
et ailleurs le goût des Lettres ; ces Villes
firent succeder aux Ecoles des Druïdes
des Académies, où elles entretenoient
des Professeurs pour y enseigner , à l'exemple
de Marseille , toutes sortes de sciences.
Telles étoient les Villes de Narbonne
, d'Arles , de Vienne , de Toulouse ,
d'Autun , de Lyon , de Nismes , de Bourdeaux
, et en particulier les Villes qui
devoient leur origine , ou leur ampliation
et leurs moeurs à celle de Marseille.
Le détail de la Litterature et des divers
Sçavans qui ont illustré ces Villes , doit
être lû dans le Livre même , et il le mérite
par l'abondance et par la richesse de
la matiere.
En examinant les Révolutions qu'ont
eues dans les Gaules les diverses Langues
qu'on y a parlé successivement , nos Hisforiens
reviennent à Marseille , ne doutant
point que la Langue Grecque n'ait
été
2424 MERCURE DE FRANCE
été durant long- temps la Langue vulgaire
des Marseillois , tres connue . disentils
, dans toute la Narbonnoise , et à
Lyon même. C'est ce que quelques Sçavans
modernes paroissent avoir ignoré
et ce qui les a jettez dans de grandes méprises
; telle est , par exemple , celle de
M. de Valbonnais , qui n'avoit pas accoutumé
d'errer , et qui a été observée dans
le Mercure d'Août 1721. au sujet d'un
Marbre Antique , chargé d'une Inscription
Grecque, du Cabinet de M.Rigord .
Ce qu'ils disent ensuite de la Langue
Gauloise ou Celtique, est d'une érudition
peu commune , et demande une attention
particuliere . Ils finissent ce sujet-la par
ces mots. De cette Langue Gauloise, jointe
à la Grecque , à la Latine et à celle des
Francs , s'est formé notre Langue Françoise
, qui à l'aide de quelques accroissement
qu'elle a reçus des Langues de nos
voisins , a pris la consistance , où elle est
présentement.
Enfin nos Auteurs remarquent que les
Gaulois Lettrez , sçachant que le Barreau
étoit la Porte la plus ordinaire qui conduisoit
aux charges distinguées, et que l'Eloquence
étoit le moïen le plus certain d'y
briller, ils s'attacherent à cultiver en même-
tems l'Eloquence et la Jurisprudence,
NOVEMBRE . 1733. 2425
ce qui les fit exceller dans la connoissance
du Droit et dans l'art de bien parler.
Ainsi les Sçavans aimerent mieux servir
leur Patrie et le Public de vive voix , que
par écrit. Que si quelques- uns d'entr'eux
ont laissé des Ouvrages de leur façon , la
longueur et le malheur des temps en ont
privé la posterité. Ils nous ont même envié
non seulement la connoissance de
presque tous ces grands Hommes , mais
aussi jusqu'à leurs noms et au moindre.
trait de leur Histoire.
Cette Remarque étoit nécessaire à l'égard
de quelques Lecteurs qui pourroient
s'étonner du petit nombre de Gaulois sçavans
, dont il est fait mention dans cet
Ouvrage , pour les temps qui ont précédé
la naissance de J. C. On y trouve cependant
les Eloges de Pitheas , Philosophe
Astronome et Géographe; d'Euthymenes
Historien et Géographe ; d'Eratoshénes
Philosophe et Historien ; de Lucius Plotius
, Rhéteur ; de Marcus- Antonius Gnipho
, Professeur d'Eloquence et des Belles
Lettres ; de Valerius Cato , Poëte et
Grammairien ; de Roscius excellent
Comédien ; de Divitiac , Philosophe :
de C. Valerius - Procillus , Ambassadeur.
et Favori de Jules César ; de Telon et
Gyardes , Astronomes ; de Cornelius Gal-
E lus,
2446 MERCURE DE FRANCE
lus , Poëte ; de Publ. Terentius- Varo , Historien
et Poëte , de Trogue Pompée , Historien.
N'oublions pas de dire que nos Histo
riens sur la fin d'une Préface , qu'on ne
peut se dispenser
de lire , supplient
les
Sçavans de leur faire connoître
les fautes
qui ont pû leur échaper dans le cours
d'un si long Ouvrage , et de les aider en
leur communiquant
de nouvelles
lumieres
, et en leur faisant part des richesses
litteraires
qui leur manquent. Ils addressent
sur tout cette priere aux divers
Ordres Religieux
du Royaume
, fournis
déja presque tous des Bibliotheques
de
leurs Auteurs , et par là plus à portée
d'indiquer
les autres Ecrivains
qu'ils ont
eu depuis la publication
de ces mêmes
Bibliotheques
. Pour garans de leur re
connoissance
ils donnent les témoignages
publics qu'ils rendent icy des obligations
qu'ils ont à ceux dont le commerce
litteraire
leur a été de quelque secours
,
Nous rendrons compte sommairement
dans l'un de nos premiers Journaux de
la seconde Partie de cette Histoire , qui
comprend les quatre premiers siecles du
Christianisme.
Fermer
Résumé : Histoire Litteraire de la France, &c. [titre d'après la table]
L'ouvrage 'Histoire Littéraire de la France' est rédigé par des religieux bénédictins de la Congrégation de Saint-Maur et publié à Paris. Il explore l'origine, le progrès, la décadence et le rétablissement des sciences parmi les Gaulois et les Français. Le premier volume se concentre sur les périodes antérieures à la naissance de Jésus-Christ et les quatre premiers siècles de l'Église. Cet ouvrage est le fruit d'une entreprise ambitieuse visant à compiler une histoire générale des savants de France. Les auteurs décrivent l'état des lettres dans les Gaules avant et durant l'époque des druides, qui étaient les hommes de lettres gaulois. Ils expliquent comment les sciences grecques se sont introduites en Gaule grâce aux Marseillois, une colonie grecque. Marseille est particulièrement soulignée pour son gouvernement politique et son académie, qui servaient de modèle aux autres villes gauloises. Les Marseillois ont fondé plusieurs villes en Gaule et ailleurs, répandant ainsi le goût des lettres et établissant des académies. L'ouvrage examine également les révolutions linguistiques en Gaule, mettant en avant l'importance de la langue grecque à Marseille et dans d'autres régions. Les Gaulois lettrés cultivaient l'éloquence et la jurisprudence, préférant servir leur patrie de vive voix plutôt que par écrit. Plusieurs savants gaulois sont mentionnés, tels que Pitheas, Eratosthène, et Trogue Pompée. Les auteurs encouragent les savants à signaler les erreurs et à partager leurs connaissances pour enrichir l'ouvrage. Ils expriment leur gratitude envers ceux qui les ont aidés dans cette entreprise.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
22
p. 2633-2641
LETTRE sur la HENRIADE, écrite par M. Antonio Coichy, Lecteur de Pise, à Monsignor Rinveimi, Sécretaire d'Etat de Florence, traduite par M. le Baron de C. Chambellan du Roi de Suede.
Début :
Selon moi, Monseigneur, il n'y a rien de plus beau que le Poëme de [...]
Mots clefs :
Poème, Henriade, Poète, Homère, Poètes, Style, Jugement, Poésie, Virgile, Voltaire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE sur la HENRIADE, écrite par M. Antonio Coichy, Lecteur de Pise, à Monsignor Rinveimi, Sécretaire d'Etat de Florence, traduite par M. le Baron de C. Chambellan du Roi de Suede.
LETTRE fur la HENRIADE , écrite
par M. Antonio Coichy , Lecteur de
Pise , à Monsignor Rinveimi , Secretaire
d'Etat de Florence , traduite parM.
le Baron de C. Chambellan du Roi de
Suede.
S
Elon moi , Monseigneur , il n'y a
rien de plus beau que le Poëme de
la Henriade que vous avez eu la bonté de
me préter.
J'ose vous dire mon jugement avec
d'autant plus d'assurance , que j'ai remarqué
qu'ayant lû quelques pages de
ce Poëme à gens de differente condition ,
1. Vol.
de
2634 MERCURE DE FRANCE
f
de différent génie , adonnez à divers genres
d'érudition , tout cela n'a pas empêché
la Henriade de plaire également à
tous , ce qui est la preuve la plus certaine
que l'on puisse aporter de sa perfection
réelle.
Les Actions chantées dans la Henriade
regardent , à la verité , les François plus
particulierement que nous ; mais comme
elle sont véritables , grandes , simples
fondées sur la justice et entre- mêlées
d'incidens qui frappent , elles excitent
l'attention de tout le monde ?
Qui est celui qui ne se plairoit point
à voir une rébellion étouffée , et l'héri
tier du trône, s'y maintenir en assiégeant
sa Capitale rebelle , en donnant une
sanglante Bataille , et en prenant toutes
les mesures dans fesquelles la force , la
valeur , la prudence et la générosité brillent
à l'envi?
Il eft vrai que certaines circonstances
Historiques sont changées dans le Poëme;
mais outre que les veritables sont notoi
yes et recentes , ces changemens étant
ajustez à la vraisemblance , ne doivent
point embarrasser l'esprit d'un Lecteur
, tant soit peu accoutumé à considerer
un Poëme comme l'imitation du possible
et de l'ordinaire liez ensemble par
des fictions ingenieuses. Tous
DECEM DA E. 1733. 2635
a
Tout l'Eloge que puisse jamais meriter
un Poëme pour le bon choix de son sujet
est certainement dû à la Henriade , d'autant
plus que par une suite naturelle il
été nécessaire d'y raconter le massacre de
la S. Barthelemy ,le meurtre de Henri III .
la Bataille d'Yvri et la famine de Paris
Evenemens tous vrais , tous extraordinaires
, tous terribles , et tous représentez ,
avec cette admirable vivacité qui excite
dans le spectateur et de l'horreur et de
la compassion : effets que doivent produire
pareilles peintures ,quand elles sont
de main de Maître.
Le nombre d'Acteurs dans la Henriade
n'est pas grand , mais ils sont tous remarquables
dans leur Rôle , et extrémement
bien dépeints dans leurs moeurs.
Le Caractere du Héros , Henri IV. est
d'autant plus incomparable que l'on y
voit la valeur , la prudence militaire
l'humanité et l'amour s'entre -disputer le
pas , et se le céder tour à tour et toujours
à propos pour sa gloire .
Celui de Mornais , son ami intime , est
certainement rare il est representé
comme un Philosophe sçavant , courageux
, prudent et bon.
Les Etres invisibles , sans l'entre- mise
desquels les Poëtes n'oseroient entrepren-
I. Vol, dre
2636 MERCURE DE FRANCE
dre un Poëme , sont bien ménagez dans
eclui- ci et aisez à suposer ; tels sont l'ame
de S. Louis et quelques passions humaimes
personifiées , encore l'Auteur les à- t'il
employées avec tant de jugement et d'oeconomie
, que l'on peut facilement les
prendre pour des allegories.
En voyant que ce Poëme soutient
toujours sa beauté sans être farci , comme
tous les autres d'une infinité d'Agens surnaturels
, cela m'a confirmé dans l'idée
quej'ai toujours eûe, que si on retranchoit
de la Poësie épique ces personnages imaginaires
, invisibles , et tout puissants , et
qu'on les remplaçat comme dans les Tragédies
par des personnages réels , le
Poëme n'en deviendroit que plus beau .
Ce qui m'a d'abord fait venir cette
pensée, c'est d'avoir observé que dans Homere,
Virgile, Dante , Arioste, le Tasse,
Milton,et en un mot dans tous ceux que
j'ai lûs , les plus beaux Endroits de leurs
Poëmes n'y sont pas ceux où ils font agir
ou parler les Dieux , le Diable , le Destin
et les Esprits ; au contraire tout cela
souvent fait rire sans jamais produire
dans le coeur ces sentimens touchants qui
naissent de la représentation de quelque
action insigne, proportionnée à la capaci
té de l'homme notre égal, et qui ne passe
1. Vol.
point
DECEMBRE. 1733. 2639
2637
point la Sphere ordinaire des passions de
-notre ame .
C'est pourquoi j'ai admiré le jugement
de ce Poëte , qui pour renfermer sa fiction
dans les bornes de la vraisemblance,
et des facultez humaines , a placé le
transport
de son Hétos au Ciel et aux
Enfers dans un songe dans lequel ces sortes
de visions peuvent paroître naturelles
et croiables .
>
D'ailleurs il faut avouer que sur la
constitution de l'Univers , sur les Loix
de la nature sur la Morale et sur l'idée
qu'il faut se former du mal et du bien,
des vertus et du vice , le Poëte sur tout
cela a parlé avec tant de force et de
justesse que l'on ne peut s'empêcher de
reconnoître en lui un genie superieur et
une connoissance parfaite de tout ce
que les Philosophes Modernes ont de
plus raisonnable dans leur systême.
Il semble raporter toute la science à
inspirer au Monde entier une espece d'amitié
universelle et une horreur générapour
la cruauté et pour le Fanatisme.
le
Également ennemi de l'irréligion , le
Poëte dans les disputes que notre raison
ne sçauroit décider , qui dépendent de la
révélation , adjuge avec modestie et solidité
la préference à notre Doctrine Romai-
I. Vol.
1 E ne
2638 MERCURE DE FRANCE
ne, dont il éclaircit même plusieurs obscuritez.
Pour juger de son stile il seroit néces
saire de connoître toute l'étendue et la
force de sa langue ; habilité à laquelle il
est presque impossible qu'un étranger
puisse atteindre , et sans laquelle il n'est
pas facile d'approfondir la pureté de la
diction.
Tout ce que je puis dire là - dessus
c'est qu'à l'oreille ses vers paroissent aisez
et harmonieux , et que dans tout le
Poëme je n'ai trouvé rien de puerile ,
rien de languissant , ni aucune fausse
pensée , défauts dont les plus excellents
Poëtes ne sont pas tout-à- fait exempts.
Dans Homere et dans Virgile, on en voit
quelques-uns , mais rares ; on en trouve
beaucoup dans les principaux , ou pour
mieux dire, dans tous les Poëtes de Langues
modernes, et sur tout dans ceux de
la seconde Classe de l'Antiquité..
A l'égard du stile , je puis encore ajouter
une expérience qui j'ai faite qui donne
beaucoup à présumer en faveur du sien .
Ayant traduit ce Poëme couramment
en le lisant à différentes personnes , je m
suis apperçû qu'elles en ont senti toute l
grace et la majesté ; indice infaillible qu
le stile en est très excellent , aussi l'Au
1.Vol. teu
DECEMBRE. 1733. 2639
teur se sert- il d'une noble simplicité et
briéveté pour exprimer des choses difficiles
et vastes , sans néanmoins rien laisser
à désirer pour leur entiere intelligentalent
bien rare , et qui fait l'essence
du vrai sublime .
ce ,
>
Après avoir fait connoître en general
le prix et le mérite de ce Poëme
il est
inutile d'entrer dans un détail particulier
de ses beautez les plus éclatantes. Il y en
a, je l'avouë, plusieurs dont je crois reconnoître
les Originaux dans Homere, et sut
tout dans l'Iliade , copiée depuis avec différens
succès par tous les Poëtes posterieurs
; mais on trouve aussi dans ce
Poëme une infinité de beautez qui semblent
neuves, et appartenir en propre à la
Henriade.
Telle est , par exemple , la noblesse et
l'allegorie de tout le 4me. Livre ; l'endroit
où le Poëte représente l'infame
meurtre d'Henri III. et sa juste réfléxion
pag.. sur ce misérable assassin . Edition
de Londres 1733. chez Innis.
C'est encore quelque chose de nouveau
dans la Poësie que le discours ingenieux
que l'on lit au milieu de la page 145 .
sur les châtimens à subir après la mort.
Il ne me souvient pas non plus d'avoir
vû ailleurs ce beau trait qu'il met page
✓ 1. Vol. Eij: I 12,
2640 MERCURE DE FRANCE
112. dans ce caractere de Mornais , qu'il
combattoit sans vouloir tuer personne.
La mort du jeune d'Ailly massacré par
son pere sans en être connu , m'a fait
verser des larmes quoique j'eusse là une
avanture un peu semblable dans le Tasses
mais celle de M. de Voltaire , étant décrite
avec plus de précision , m'a paru
nouvelle et plus sublime.
Les vers page 175. sur l'Amitié sont
d'une beauté inimitable , et rien ne les
égale , si ce n'est la Description de la
modestie de la belle d'Estrée page , 197 .
Enfin dans ce Poëme sont répanduës
mille graces qui démontrent que l'Auteur
né avec un goût infini pour le beau,
s'est perfectionné encore davantage par
une application infatigable à toute sorte
de Science , afin de devoir sa réputation
moins à la nature qu'à lui-même.
Plus il y a réussi , plus il est obligeant
envers notre Italie , d'avoir dans un
discours à la suite de son Poëme préferé
Virgile et notre Tasse à toute autre Poëte
quoique nous n'osions nous mêmes les
égaler à Homere , qui a été le premier
Fondateur de la belle Poësie.
Une légere indisposition et de petites
affaires m'ont empêché , Monseigneur
d'obéïr plûtôt à l'ordre que vous m'a
I. Vol.
いvez
DECEMBRE 1733. 2643
vez donné de vous rendre compte de
eet Ouvrage , j'espere que vous en pardonnerez
le délai , en vous suppliant de
me croire avec respect , Monseigneur
votre , & c.
par M. Antonio Coichy , Lecteur de
Pise , à Monsignor Rinveimi , Secretaire
d'Etat de Florence , traduite parM.
le Baron de C. Chambellan du Roi de
Suede.
S
Elon moi , Monseigneur , il n'y a
rien de plus beau que le Poëme de
la Henriade que vous avez eu la bonté de
me préter.
J'ose vous dire mon jugement avec
d'autant plus d'assurance , que j'ai remarqué
qu'ayant lû quelques pages de
ce Poëme à gens de differente condition ,
1. Vol.
de
2634 MERCURE DE FRANCE
f
de différent génie , adonnez à divers genres
d'érudition , tout cela n'a pas empêché
la Henriade de plaire également à
tous , ce qui est la preuve la plus certaine
que l'on puisse aporter de sa perfection
réelle.
Les Actions chantées dans la Henriade
regardent , à la verité , les François plus
particulierement que nous ; mais comme
elle sont véritables , grandes , simples
fondées sur la justice et entre- mêlées
d'incidens qui frappent , elles excitent
l'attention de tout le monde ?
Qui est celui qui ne se plairoit point
à voir une rébellion étouffée , et l'héri
tier du trône, s'y maintenir en assiégeant
sa Capitale rebelle , en donnant une
sanglante Bataille , et en prenant toutes
les mesures dans fesquelles la force , la
valeur , la prudence et la générosité brillent
à l'envi?
Il eft vrai que certaines circonstances
Historiques sont changées dans le Poëme;
mais outre que les veritables sont notoi
yes et recentes , ces changemens étant
ajustez à la vraisemblance , ne doivent
point embarrasser l'esprit d'un Lecteur
, tant soit peu accoutumé à considerer
un Poëme comme l'imitation du possible
et de l'ordinaire liez ensemble par
des fictions ingenieuses. Tous
DECEM DA E. 1733. 2635
a
Tout l'Eloge que puisse jamais meriter
un Poëme pour le bon choix de son sujet
est certainement dû à la Henriade , d'autant
plus que par une suite naturelle il
été nécessaire d'y raconter le massacre de
la S. Barthelemy ,le meurtre de Henri III .
la Bataille d'Yvri et la famine de Paris
Evenemens tous vrais , tous extraordinaires
, tous terribles , et tous représentez ,
avec cette admirable vivacité qui excite
dans le spectateur et de l'horreur et de
la compassion : effets que doivent produire
pareilles peintures ,quand elles sont
de main de Maître.
Le nombre d'Acteurs dans la Henriade
n'est pas grand , mais ils sont tous remarquables
dans leur Rôle , et extrémement
bien dépeints dans leurs moeurs.
Le Caractere du Héros , Henri IV. est
d'autant plus incomparable que l'on y
voit la valeur , la prudence militaire
l'humanité et l'amour s'entre -disputer le
pas , et se le céder tour à tour et toujours
à propos pour sa gloire .
Celui de Mornais , son ami intime , est
certainement rare il est representé
comme un Philosophe sçavant , courageux
, prudent et bon.
Les Etres invisibles , sans l'entre- mise
desquels les Poëtes n'oseroient entrepren-
I. Vol, dre
2636 MERCURE DE FRANCE
dre un Poëme , sont bien ménagez dans
eclui- ci et aisez à suposer ; tels sont l'ame
de S. Louis et quelques passions humaimes
personifiées , encore l'Auteur les à- t'il
employées avec tant de jugement et d'oeconomie
, que l'on peut facilement les
prendre pour des allegories.
En voyant que ce Poëme soutient
toujours sa beauté sans être farci , comme
tous les autres d'une infinité d'Agens surnaturels
, cela m'a confirmé dans l'idée
quej'ai toujours eûe, que si on retranchoit
de la Poësie épique ces personnages imaginaires
, invisibles , et tout puissants , et
qu'on les remplaçat comme dans les Tragédies
par des personnages réels , le
Poëme n'en deviendroit que plus beau .
Ce qui m'a d'abord fait venir cette
pensée, c'est d'avoir observé que dans Homere,
Virgile, Dante , Arioste, le Tasse,
Milton,et en un mot dans tous ceux que
j'ai lûs , les plus beaux Endroits de leurs
Poëmes n'y sont pas ceux où ils font agir
ou parler les Dieux , le Diable , le Destin
et les Esprits ; au contraire tout cela
souvent fait rire sans jamais produire
dans le coeur ces sentimens touchants qui
naissent de la représentation de quelque
action insigne, proportionnée à la capaci
té de l'homme notre égal, et qui ne passe
1. Vol.
point
DECEMBRE. 1733. 2639
2637
point la Sphere ordinaire des passions de
-notre ame .
C'est pourquoi j'ai admiré le jugement
de ce Poëte , qui pour renfermer sa fiction
dans les bornes de la vraisemblance,
et des facultez humaines , a placé le
transport
de son Hétos au Ciel et aux
Enfers dans un songe dans lequel ces sortes
de visions peuvent paroître naturelles
et croiables .
>
D'ailleurs il faut avouer que sur la
constitution de l'Univers , sur les Loix
de la nature sur la Morale et sur l'idée
qu'il faut se former du mal et du bien,
des vertus et du vice , le Poëte sur tout
cela a parlé avec tant de force et de
justesse que l'on ne peut s'empêcher de
reconnoître en lui un genie superieur et
une connoissance parfaite de tout ce
que les Philosophes Modernes ont de
plus raisonnable dans leur systême.
Il semble raporter toute la science à
inspirer au Monde entier une espece d'amitié
universelle et une horreur générapour
la cruauté et pour le Fanatisme.
le
Également ennemi de l'irréligion , le
Poëte dans les disputes que notre raison
ne sçauroit décider , qui dépendent de la
révélation , adjuge avec modestie et solidité
la préference à notre Doctrine Romai-
I. Vol.
1 E ne
2638 MERCURE DE FRANCE
ne, dont il éclaircit même plusieurs obscuritez.
Pour juger de son stile il seroit néces
saire de connoître toute l'étendue et la
force de sa langue ; habilité à laquelle il
est presque impossible qu'un étranger
puisse atteindre , et sans laquelle il n'est
pas facile d'approfondir la pureté de la
diction.
Tout ce que je puis dire là - dessus
c'est qu'à l'oreille ses vers paroissent aisez
et harmonieux , et que dans tout le
Poëme je n'ai trouvé rien de puerile ,
rien de languissant , ni aucune fausse
pensée , défauts dont les plus excellents
Poëtes ne sont pas tout-à- fait exempts.
Dans Homere et dans Virgile, on en voit
quelques-uns , mais rares ; on en trouve
beaucoup dans les principaux , ou pour
mieux dire, dans tous les Poëtes de Langues
modernes, et sur tout dans ceux de
la seconde Classe de l'Antiquité..
A l'égard du stile , je puis encore ajouter
une expérience qui j'ai faite qui donne
beaucoup à présumer en faveur du sien .
Ayant traduit ce Poëme couramment
en le lisant à différentes personnes , je m
suis apperçû qu'elles en ont senti toute l
grace et la majesté ; indice infaillible qu
le stile en est très excellent , aussi l'Au
1.Vol. teu
DECEMBRE. 1733. 2639
teur se sert- il d'une noble simplicité et
briéveté pour exprimer des choses difficiles
et vastes , sans néanmoins rien laisser
à désirer pour leur entiere intelligentalent
bien rare , et qui fait l'essence
du vrai sublime .
ce ,
>
Après avoir fait connoître en general
le prix et le mérite de ce Poëme
il est
inutile d'entrer dans un détail particulier
de ses beautez les plus éclatantes. Il y en
a, je l'avouë, plusieurs dont je crois reconnoître
les Originaux dans Homere, et sut
tout dans l'Iliade , copiée depuis avec différens
succès par tous les Poëtes posterieurs
; mais on trouve aussi dans ce
Poëme une infinité de beautez qui semblent
neuves, et appartenir en propre à la
Henriade.
Telle est , par exemple , la noblesse et
l'allegorie de tout le 4me. Livre ; l'endroit
où le Poëte représente l'infame
meurtre d'Henri III. et sa juste réfléxion
pag.. sur ce misérable assassin . Edition
de Londres 1733. chez Innis.
C'est encore quelque chose de nouveau
dans la Poësie que le discours ingenieux
que l'on lit au milieu de la page 145 .
sur les châtimens à subir après la mort.
Il ne me souvient pas non plus d'avoir
vû ailleurs ce beau trait qu'il met page
✓ 1. Vol. Eij: I 12,
2640 MERCURE DE FRANCE
112. dans ce caractere de Mornais , qu'il
combattoit sans vouloir tuer personne.
La mort du jeune d'Ailly massacré par
son pere sans en être connu , m'a fait
verser des larmes quoique j'eusse là une
avanture un peu semblable dans le Tasses
mais celle de M. de Voltaire , étant décrite
avec plus de précision , m'a paru
nouvelle et plus sublime.
Les vers page 175. sur l'Amitié sont
d'une beauté inimitable , et rien ne les
égale , si ce n'est la Description de la
modestie de la belle d'Estrée page , 197 .
Enfin dans ce Poëme sont répanduës
mille graces qui démontrent que l'Auteur
né avec un goût infini pour le beau,
s'est perfectionné encore davantage par
une application infatigable à toute sorte
de Science , afin de devoir sa réputation
moins à la nature qu'à lui-même.
Plus il y a réussi , plus il est obligeant
envers notre Italie , d'avoir dans un
discours à la suite de son Poëme préferé
Virgile et notre Tasse à toute autre Poëte
quoique nous n'osions nous mêmes les
égaler à Homere , qui a été le premier
Fondateur de la belle Poësie.
Une légere indisposition et de petites
affaires m'ont empêché , Monseigneur
d'obéïr plûtôt à l'ordre que vous m'a
I. Vol.
いvez
DECEMBRE 1733. 2643
vez donné de vous rendre compte de
eet Ouvrage , j'espere que vous en pardonnerez
le délai , en vous suppliant de
me croire avec respect , Monseigneur
votre , & c.
Fermer
Résumé : LETTRE sur la HENRIADE, écrite par M. Antonio Coichy, Lecteur de Pise, à Monsignor Rinveimi, Sécretaire d'Etat de Florence, traduite par M. le Baron de C. Chambellan du Roi de Suede.
Dans sa lettre à Monsignor Rinveimi, Antonio Coichy exalte la 'Henriade' de Voltaire, soulignant son succès auprès de divers lecteurs, ce qui atteste de sa perfection. Le poème épique, bien que centré sur des événements français, est apprécié universellement pour sa vérité, sa grandeur et sa simplicité. Il inclut des événements historiques tels que le massacre de la Saint-Barthélemy et la bataille d'Ivry, représentés avec vivacité et émotion. Les personnages, notamment Henri IV et son ami Mornais, sont remarquablement dépeints. Coichy admire le choix des sujets et la manière dont Voltaire intègre des éléments surnaturels de façon judicieuse. Le poème évite les excès de personnages imaginaires, préférant des actions humaines et touchantes. Le style de Voltaire est jugé excellent, avec des vers harmonieux et une diction pure. La lettre mentionne également des beautés spécifiques du poème, comme la noblesse du quatrième livre et des réflexions sur la mort. Coichy conclut en soulignant le goût et la science de Voltaire, ainsi que son respect pour les grands poètes comme Virgile et le Tasse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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23
p. 62-69
NOUVEAU DIALOGUE DES MORTS. SOCRATE, ALEXANDRE LE GRAND.
Début :
ALEXANDRE. Oui, je sens toujours, Socrate, un [...]
Mots clefs :
Socrate, Alexandre le Grand, Spectacle, Shakespeare, Nature, Héros, Poète
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texteReconnaissance textuelle : NOUVEAU DIALOGUE DES MORTS. SOCRATE, ALEXANDRE LE GRAND.
NOUVEAU DIALOGUE
DES MORT S.
SOCRATE , ALEXANDRE LE GRAND:
ALEXANDRE.
UI, je fens toujours , Socrate , un
nouveau plaifir à m'entretenir avec
vous ; mais que je ne vous contraigne
pas , je vous prie : vous étiez avec une
Ombre qui paroiffoit mériter toute votre
attention..
SOCRATE
C'eft , fans contredit , un Mort des plus:
diftingués ; mais je fçais le refpect que
je dois au fils du Roi de Macédoine : l'om
bre du Poëte tragique que je viens de
quitter , peut- elle entrer en comparaifon
avec celle d'un héros ? S'ils font les pieces
, n'eft- ce pas vous , Meffieurs , qui en
fourniffez les fujets ? Cet article feul décide
la préférence ; le modele doit paffer
avant le Peintre.
ALEXANDRE.
Socrate aime quelquefois à s'égayer
JANVIER. 1755.
mais je n'aurois pas imaginé que ce dût
être en faveur d'un Poëte qu'il fit rire à
mes dépens.
SOCRATE.
Pourquoi non , s'il vous plaît pouvons-
nous trop accueillir ces génies privilégiés
que le ciel accorde à la terre pour
lui procurer les plus nobles amuſemens ?
ALEXANDRE.
Vous avez donc un goût bien décidé
pour les Spectacles ?
SOCRAT B.
Je préfère encore ( vous le voyez ) ceuxqui
les donnent.
ALEXANDRE.
Un Philofophe du premier ordre , un
Sage dont la réputation s'eft étendue dans
tous les tems , & chez toutes les nations ,
s'amufe des jeux frivoles de la fcène , &
des vaines repréſentations des foibleffes ,
& des excès de l'humanité.
SOCRATE..
Voilà précisément ce qui fait que le
théâtre étoit mon école , & que j'affiftois
aux pieces de Sophocle & d'Euripide , mê64
MERCURE DE FRANCE.
me à celles d'Ariftophane , pour apprendre
à commencer par moi le cours de mes leçons.
C'est au théâtre que l'on puife la
théorie du coeur & de l'efprit humain ; le
commerce du monde n'en donne que la
pratique . Vous ne fçauriez imaginer , par
exemple , jufques à quel point je trouve
à profiter avec le célebre Shakespear , que
j'ai quitté pour vous fuivre , & combien ik
exerce & cultive le goût que j'ai pour la
Philofophie.
ALEXANDR E..
Je vous pardonnerois ces éloges pour les
Corneille , les Racine , les Crebillon , les Voltaire
, & leurs imitateurs ;; mais
kespear..
·S.O⋅CRATE..
pour Sha-
Quand vous feriez François , vous ne
parleriez pas autrement ; mais ils donnent
eux-mêmes de grands éloges au premier:
Tragique de l'Angleterre .
ALEXANDRE.
C'eft une fuite d'un certain goût que las
mode &.les faux airs ont , dit-on , accrédité
depuis quelque tems , & que j'ai oui
nommer l'Anglomanie..
JANVIER. 1795 .
SOCRATE.
La manie conſiſte à tout adopter , à tout
préférer , pourvû que ce foit de l'Anglois ;
mais non pas à combler de louanges ce
qui le mérite. La baffe jaloufie ne feroit
pas moins blâmable qu'une folle prévention
les grands talens appartiennent à
tous les pays , & les grands hommes fot
les citoyens du monde .
ALEXANDRE.
Vous louez exceffivement un Poëte plus
étonnant qu'admirable , plus fingulier que
fublime , & qui , par le bizarre affemblage
qu'il a fait des Rois & des foffoyeurs ,
des buveurs de bierre & des héros , a préfenté
des tableaux qu'il faut plûtôt confidérer
comme d'affreux grotefques , que
comme la peinture de la nature & de la
vérité.
SOCRAT E.
Il fe peut en effet qu'il ait vû dans ces
occafions la nature de trop près , & qu'il
l'ait peinte un peu trop fortement : mais
n'est- ce pas
la nature , après tout ?
ALEXANDRE,
Ce n'eft pas du moins celle qu'il faut
peindre.
66 MERCURE DE FRANCE.
SOCRATE.
Cela n'eft pas fans doute dans les régles
du théâtre ; mais celles de la véritable
grandeur font - elles mieux obfervécs
par les Héros que les Poëtes repréfentent ?
Et fi Shakespear a bleffé les principes d'Ariftote
, n'avez-vous jamais été contre les
maximes de Pythagore & de Platon.
ALEXANDRE.
Quel parallele nous faites- vous là
SOCRATE.
Il eſt plus raiſonnable que vous ne le
penfez . Vous autres grands Conquérans ,
vous ne voulez rien pardonner aux grands
Poëtes ; mais en relevant fi bien les irrégu
larités qui fe gliffent dans leurs ouvrages ,
n'avez-vous jamais apperçu celles qui fe
trouvent dans vos actions ? n'avez-vous
jamais fait d'écarts , pour exiger qu'ils en
foient exempts ? Et pour ne vous pas perdre
de vûe , Seigneur Alexandre , croyezvous
que la manie de paffer pour le fils
de Jupiter , le meurtre de Clytus , l'hiftoire
de Bucephale , & les excès du vin , figurent
mieux à côté du paffage du Granique , de
la conquête de l'Afie , & de vos nobles
procédés pour la famille de Darius , que,
JANVIER. 1755. 67
dans une Tragédie les forciers , les foffoyeurs
, & les mauvais propos de gens qui
fe font enyvrés
ALEXANDRE.
Les Peintres & les Poëtes font faits pour
peindre la nature , mais c'eft de la belle
qu'ils doivent faire choix , & non pas l'envifager
du côté méprifable & rebutant.
SOCRATE.
Eh ! ne devons- nous pas fuivre les mêmes
principes dans le choix des goûts :
des moeurs , des paffions même , puifqu'il
en faut nous ne craignons point d'errer
à nos propres yeux , parce qu'ils font indulgens
; nous redoutons ceux d'autrui ,,
parce qu'ils ne nous font point de grace.
ALEXANDRE.
Nous fommes en cela moins coupables
que malheureux , & par conféquent plus
plaindre qu'à blâmer .
SOCRATE.
Cela feroit vrai , fi nous ne tournions
pas contre les autres nos propres défauts,
On raconte qu'un homme extrêmement
laid , voulut un jour fe faire peindre par
Appelles Ce Peintre célebre vit le danger
68. MERCURE DE FRANCE.
de l'ouvrage , & s'en défendit long- teins.
L'homme infiftoit ; le Peintre fe rendit.
Celui qu'il avoit trop bien peint ne put
fe réfoudre à fe reconnoître ; il porta
mê- me l'injuftice
jufqu'à
parler
mal du talent
de l'artifte
. Regardez
- vous
, dit Ap- pelles
, en lui préfentant
un miroir
, & voyez fi j'ai pû vous peindre
en beau
: ce n'eſt
pas le pinceau
, ce font
vos traits
qu'il
faut changer
.
ALEXANDRE.
Un apologue n'eſt
pas une démonftra
tion.
SOCRATE.
C'eſt du moins une raifon de conclure
que vous devez excufer Shakespear d'a
voir mêlé le grotefque au fublime , & les
éclats de rire aux pleurs ; on voit fi fouvent
dans le monde la petiteffe à côté de
la grandeur , & les impertinences de l'hom
me auprès des volontés da Dieu.
ALEXANDRE.
Peindre en grand l'humanité , c'eft l'honorer
, c'est l'embellir encore ; la repréſenrer
defavantageufement , c'est l'avilir fans
la réformer.
JANVIER. 1755 . 6.9.
SOCRATE .
Je vous entends , Seigneur Alexandre ;
Vous voulez bien avoir des défauts , mais
vous trouvez mauvais que l'on en parle.
Vous ne reffemblez pas mal à ces Comédiens
enorgueillis des rôles fublimes qu'ils
repréfentent : ils font tout honteux qu'on
les rencontre en habit Bourgeois .
DES MORT S.
SOCRATE , ALEXANDRE LE GRAND:
ALEXANDRE.
UI, je fens toujours , Socrate , un
nouveau plaifir à m'entretenir avec
vous ; mais que je ne vous contraigne
pas , je vous prie : vous étiez avec une
Ombre qui paroiffoit mériter toute votre
attention..
SOCRATE
C'eft , fans contredit , un Mort des plus:
diftingués ; mais je fçais le refpect que
je dois au fils du Roi de Macédoine : l'om
bre du Poëte tragique que je viens de
quitter , peut- elle entrer en comparaifon
avec celle d'un héros ? S'ils font les pieces
, n'eft- ce pas vous , Meffieurs , qui en
fourniffez les fujets ? Cet article feul décide
la préférence ; le modele doit paffer
avant le Peintre.
ALEXANDRE.
Socrate aime quelquefois à s'égayer
JANVIER. 1755.
mais je n'aurois pas imaginé que ce dût
être en faveur d'un Poëte qu'il fit rire à
mes dépens.
SOCRATE.
Pourquoi non , s'il vous plaît pouvons-
nous trop accueillir ces génies privilégiés
que le ciel accorde à la terre pour
lui procurer les plus nobles amuſemens ?
ALEXANDRE.
Vous avez donc un goût bien décidé
pour les Spectacles ?
SOCRAT B.
Je préfère encore ( vous le voyez ) ceuxqui
les donnent.
ALEXANDRE.
Un Philofophe du premier ordre , un
Sage dont la réputation s'eft étendue dans
tous les tems , & chez toutes les nations ,
s'amufe des jeux frivoles de la fcène , &
des vaines repréſentations des foibleffes ,
& des excès de l'humanité.
SOCRATE..
Voilà précisément ce qui fait que le
théâtre étoit mon école , & que j'affiftois
aux pieces de Sophocle & d'Euripide , mê64
MERCURE DE FRANCE.
me à celles d'Ariftophane , pour apprendre
à commencer par moi le cours de mes leçons.
C'est au théâtre que l'on puife la
théorie du coeur & de l'efprit humain ; le
commerce du monde n'en donne que la
pratique . Vous ne fçauriez imaginer , par
exemple , jufques à quel point je trouve
à profiter avec le célebre Shakespear , que
j'ai quitté pour vous fuivre , & combien ik
exerce & cultive le goût que j'ai pour la
Philofophie.
ALEXANDR E..
Je vous pardonnerois ces éloges pour les
Corneille , les Racine , les Crebillon , les Voltaire
, & leurs imitateurs ;; mais
kespear..
·S.O⋅CRATE..
pour Sha-
Quand vous feriez François , vous ne
parleriez pas autrement ; mais ils donnent
eux-mêmes de grands éloges au premier:
Tragique de l'Angleterre .
ALEXANDRE.
C'eft une fuite d'un certain goût que las
mode &.les faux airs ont , dit-on , accrédité
depuis quelque tems , & que j'ai oui
nommer l'Anglomanie..
JANVIER. 1795 .
SOCRATE.
La manie conſiſte à tout adopter , à tout
préférer , pourvû que ce foit de l'Anglois ;
mais non pas à combler de louanges ce
qui le mérite. La baffe jaloufie ne feroit
pas moins blâmable qu'une folle prévention
les grands talens appartiennent à
tous les pays , & les grands hommes fot
les citoyens du monde .
ALEXANDRE.
Vous louez exceffivement un Poëte plus
étonnant qu'admirable , plus fingulier que
fublime , & qui , par le bizarre affemblage
qu'il a fait des Rois & des foffoyeurs ,
des buveurs de bierre & des héros , a préfenté
des tableaux qu'il faut plûtôt confidérer
comme d'affreux grotefques , que
comme la peinture de la nature & de la
vérité.
SOCRAT E.
Il fe peut en effet qu'il ait vû dans ces
occafions la nature de trop près , & qu'il
l'ait peinte un peu trop fortement : mais
n'est- ce pas
la nature , après tout ?
ALEXANDRE,
Ce n'eft pas du moins celle qu'il faut
peindre.
66 MERCURE DE FRANCE.
SOCRATE.
Cela n'eft pas fans doute dans les régles
du théâtre ; mais celles de la véritable
grandeur font - elles mieux obfervécs
par les Héros que les Poëtes repréfentent ?
Et fi Shakespear a bleffé les principes d'Ariftote
, n'avez-vous jamais été contre les
maximes de Pythagore & de Platon.
ALEXANDRE.
Quel parallele nous faites- vous là
SOCRATE.
Il eſt plus raiſonnable que vous ne le
penfez . Vous autres grands Conquérans ,
vous ne voulez rien pardonner aux grands
Poëtes ; mais en relevant fi bien les irrégu
larités qui fe gliffent dans leurs ouvrages ,
n'avez-vous jamais apperçu celles qui fe
trouvent dans vos actions ? n'avez-vous
jamais fait d'écarts , pour exiger qu'ils en
foient exempts ? Et pour ne vous pas perdre
de vûe , Seigneur Alexandre , croyezvous
que la manie de paffer pour le fils
de Jupiter , le meurtre de Clytus , l'hiftoire
de Bucephale , & les excès du vin , figurent
mieux à côté du paffage du Granique , de
la conquête de l'Afie , & de vos nobles
procédés pour la famille de Darius , que,
JANVIER. 1755. 67
dans une Tragédie les forciers , les foffoyeurs
, & les mauvais propos de gens qui
fe font enyvrés
ALEXANDRE.
Les Peintres & les Poëtes font faits pour
peindre la nature , mais c'eft de la belle
qu'ils doivent faire choix , & non pas l'envifager
du côté méprifable & rebutant.
SOCRATE.
Eh ! ne devons- nous pas fuivre les mêmes
principes dans le choix des goûts :
des moeurs , des paffions même , puifqu'il
en faut nous ne craignons point d'errer
à nos propres yeux , parce qu'ils font indulgens
; nous redoutons ceux d'autrui ,,
parce qu'ils ne nous font point de grace.
ALEXANDRE.
Nous fommes en cela moins coupables
que malheureux , & par conféquent plus
plaindre qu'à blâmer .
SOCRATE.
Cela feroit vrai , fi nous ne tournions
pas contre les autres nos propres défauts,
On raconte qu'un homme extrêmement
laid , voulut un jour fe faire peindre par
Appelles Ce Peintre célebre vit le danger
68. MERCURE DE FRANCE.
de l'ouvrage , & s'en défendit long- teins.
L'homme infiftoit ; le Peintre fe rendit.
Celui qu'il avoit trop bien peint ne put
fe réfoudre à fe reconnoître ; il porta
mê- me l'injuftice
jufqu'à
parler
mal du talent
de l'artifte
. Regardez
- vous
, dit Ap- pelles
, en lui préfentant
un miroir
, & voyez fi j'ai pû vous peindre
en beau
: ce n'eſt
pas le pinceau
, ce font
vos traits
qu'il
faut changer
.
ALEXANDRE.
Un apologue n'eſt
pas une démonftra
tion.
SOCRATE.
C'eſt du moins une raifon de conclure
que vous devez excufer Shakespear d'a
voir mêlé le grotefque au fublime , & les
éclats de rire aux pleurs ; on voit fi fouvent
dans le monde la petiteffe à côté de
la grandeur , & les impertinences de l'hom
me auprès des volontés da Dieu.
ALEXANDRE.
Peindre en grand l'humanité , c'eft l'honorer
, c'est l'embellir encore ; la repréſenrer
defavantageufement , c'est l'avilir fans
la réformer.
JANVIER. 1755 . 6.9.
SOCRATE .
Je vous entends , Seigneur Alexandre ;
Vous voulez bien avoir des défauts , mais
vous trouvez mauvais que l'on en parle.
Vous ne reffemblez pas mal à ces Comédiens
enorgueillis des rôles fublimes qu'ils
repréfentent : ils font tout honteux qu'on
les rencontre en habit Bourgeois .
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Résumé : NOUVEAU DIALOGUE DES MORTS. SOCRATE, ALEXANDRE LE GRAND.
Le texte relate un dialogue imaginaire entre Socrate et Alexandre le Grand. Alexandre exprime son plaisir de rencontrer Socrate, mais ce dernier est occupé avec l'ombre d'un poète tragique. Socrate reconnaît la distinction d'Alexandre et affirme que les poètes fournissent les sujets que les héros incarnent. Alexandre est surpris par l'intérêt de Socrate pour le théâtre et les poètes. Socrate explique que le théâtre est son école et qu'il y puise des leçons sur la nature humaine, citant des dramaturges comme Sophocle, Euripide, Aristophane et Shakespeare. Alexandre critique Shakespeare, le qualifiant de singulier plutôt que sublime, et parle de l'anglomanie. Socrate défend Shakespeare en soulignant que les grands talents appartiennent à tous les pays. Alexandre reproche à Shakespeare de mélanger le grotesque et le sublime, mais Socrate argue que cela reflète la nature humaine. Alexandre insiste sur le fait que les peintres et les poètes doivent choisir la belle nature, tandis que Socrate compare cela au choix des goûts et des passions. Alexandre conclut en disant que représenter l'humanité de manière défavorable l'avilit sans la réformer. Socrate comprend qu'Alexandre préfère ne pas voir ses défauts exposés.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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24
p. 42
Lettre à l'Auteur du Mercure.
Début :
MONSIEUR, j'entre dans le monde, & je me suis informé de ce qu'il [...]
Mots clefs :
Auteur du Mercure, Poète
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Lettre à l'Auteur du Mercure.
Lettre à l'Auteur du Mercure.
ONSIEUR , j'entre dans le monde,
& je me fuis informé de ce qu'il
pour s'y avancer rapidement . Quatre
chofes , m'a-t-on répondu. Beaucoup de
talent pour voiler la vérité , prefque autant
de goût pour la galanterie , une pointe
de médifance , & par- deffus tout un petit
air de dévotion. Comme je fuis timide
, je n'ai pas ofé me produire fans effayer
à part moi fi je réuffirois . Mais comment
m'y prendre ? Je n'avois jamais fait de
vers ; j'ai imaginé d'en compofer fur les
quatre genres : Ainfi c'eſt la timidité qui
m'a créé poëte , & c'eft beaucoup ; car je
ne croyois jamais pouvoir faire quelque
chofe de cette timidité là. Ce font ces
effais que je vous envoie. Vous n'en prendrez
pour le Mercure que ce qu'il vous
lè
plaira Mais prenez- y garde , Monfieur ,
la chofe eft plus fériqufe que vous ne penfez.
C'eft du genre que vous choiſirez ,
que dépendra le caractere que j'apporterai
dans le monde.
J'ai l'honneur d'être , &c.
G ***
ONSIEUR , j'entre dans le monde,
& je me fuis informé de ce qu'il
pour s'y avancer rapidement . Quatre
chofes , m'a-t-on répondu. Beaucoup de
talent pour voiler la vérité , prefque autant
de goût pour la galanterie , une pointe
de médifance , & par- deffus tout un petit
air de dévotion. Comme je fuis timide
, je n'ai pas ofé me produire fans effayer
à part moi fi je réuffirois . Mais comment
m'y prendre ? Je n'avois jamais fait de
vers ; j'ai imaginé d'en compofer fur les
quatre genres : Ainfi c'eſt la timidité qui
m'a créé poëte , & c'eft beaucoup ; car je
ne croyois jamais pouvoir faire quelque
chofe de cette timidité là. Ce font ces
effais que je vous envoie. Vous n'en prendrez
pour le Mercure que ce qu'il vous
lè
plaira Mais prenez- y garde , Monfieur ,
la chofe eft plus fériqufe que vous ne penfez.
C'eft du genre que vous choiſirez ,
que dépendra le caractere que j'apporterai
dans le monde.
J'ai l'honneur d'être , &c.
G ***
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Résumé : Lettre à l'Auteur du Mercure.
L'auteur d'une lettre, timide, décrit les qualités nécessaires pour s'intégrer dans le monde : talent pour voiler la vérité, goût pour la galanterie, méfiance et dévotion. Il compose des vers sur quatre genres littéraires, devenant poète. Il envoie ses œuvres à l'auteur du Mercure, lui laissant le choix de publication, tout en précisant que le genre choisi déterminera son caractère.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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25
p. 52-55
Comparaison d'Homere & de Virgile, par M. l'Abbé Trublet.
Début :
Homere est plus poëte, Virgile est un poëte plus parfait. [...]
Mots clefs :
Homère, Virgile, Comparaison , Défauts, Poète, Poésie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Comparaison d'Homere & de Virgile, par M. l'Abbé Trublet.
Comparaison d'Homere & de Virgile , par
M. l'Abbé Trublet.
Omere eft plus poëte , Virgile eft un
H poëte plus parfait.
Le premier poffede dans un dégré plus
éminent quelques - unes des qualités que
demande la poëfie ; le fecond réunit un
plus grand nombre de ces qualités , & elles
fe trouvent toutes chez lui dans la proportion
la plus exacte .
L'un caufe un plaifir plus vif , l'autre un
plaifir plus doux.
Il est encore plus vrai de la beauté de
l'efprit que de celle du vifage , qu'une forte
d'irrégularité la rend plus piquante.
L'homme de génie eft plus frappé d'Homere
, l'homme de goût eft plus touché de
Virgile.
SEPTEMBRE. 1755. 53
On admire plus le premier , on eftime
plus le fecond.
Il y a plus d'or dans Homere ; ce qu'il y
en a dans Virgile , eft plus pur & plus poli .
Celui - ci a voulu être poëte , & il l'a
pu celui- là ne pouvoit ne le point être.
Si Virgile ne s'étoit point adonné à la
poëfie , on n'auroit peut- être point foupçonné
qu'il étoit très - capable d'y réuffir.
Si , par impoffible, Homere, méconnoiffant
fon talent pour la poëfie , eût d'abord travaillé
dans un autre genre , la voix publique
l'auroit bientôt averti de fa méprife
ou peut - être feulement de fa modeftie :
on lui eût dit qu'il étoit capable de quelque
chofe de plus.
Homere eft un des plus grands génies
qui ayent jamais été ; Virgile eft un des
plus accomplis.
L'Eneïde vaut mieux que l'Iliade , mais "
Homere valoit mieux que Virgile.
Une grande partie des défauts de l'Iliade
font ceux du fiécle d'Homere ; les défauts
de l'Eneïde font ceux de Virgile.
il y a plus de fautes dans l'Iliade & plus
de défauts dans l'Eneïde.
Ecrivant aujourd'hui , Homere ne feroit
pas les fautes qu'il a faites ; Virgile auroit
encore fes défauts .
On doit Virgile à Homere : On ignore fi
Ciij
54 MERCURE DE FRANCE.
celui - ci a eu des modeles , mais on fent
qu'il pouvoit s'en paffer.
Il y a plus de talent & d'abondance
dans Homere , plus d'art & de choix dans
Virgile.
L'un & l'autre font peintres ; ils peignent
toute la nature , & le coloris eft
admirable dans tous les deux ; mais il eft
plus gracieux dans Virgile , & plus vif
dans Homere.
Homere s'eft plus attaché que Virgile à
peindre les hommes , les caracteres , les
moeurs ; il eft plus moral ; & c'eſt- là à
mon gré , le principal avantage du poëte
grec fur le poëte latin. La morale de Vir
gile eft peut- être meilleure ; & c'eft le mérite
de fon fiécle , l'effet des lumieres acquifes
d'âge en âge : Mais Hamere a plus
de morale , & c'eft en lui un mérite propre
& perfonnel , l'effet de fon tour d'efprit
particulier.
Virgile a farpaffé Homere dans le deffein
& dans l'ordonnance.
Il viendra plutôt un Virgile qu'un Homere.
Nous ne devons point craindre les
que
fautes d'Homere fe renouvellent , un écolier
les éviteroit. Mais qui nous rendra fes
beautés ?
Il me femble que plufieurs des traits de
SEPTEMBRE. 1755. 55
ce parallele pourroient entrer dans celui
de Corneille & de Racine.
M. l'Abbé Trublet.
Omere eft plus poëte , Virgile eft un
H poëte plus parfait.
Le premier poffede dans un dégré plus
éminent quelques - unes des qualités que
demande la poëfie ; le fecond réunit un
plus grand nombre de ces qualités , & elles
fe trouvent toutes chez lui dans la proportion
la plus exacte .
L'un caufe un plaifir plus vif , l'autre un
plaifir plus doux.
Il est encore plus vrai de la beauté de
l'efprit que de celle du vifage , qu'une forte
d'irrégularité la rend plus piquante.
L'homme de génie eft plus frappé d'Homere
, l'homme de goût eft plus touché de
Virgile.
SEPTEMBRE. 1755. 53
On admire plus le premier , on eftime
plus le fecond.
Il y a plus d'or dans Homere ; ce qu'il y
en a dans Virgile , eft plus pur & plus poli .
Celui - ci a voulu être poëte , & il l'a
pu celui- là ne pouvoit ne le point être.
Si Virgile ne s'étoit point adonné à la
poëfie , on n'auroit peut- être point foupçonné
qu'il étoit très - capable d'y réuffir.
Si , par impoffible, Homere, méconnoiffant
fon talent pour la poëfie , eût d'abord travaillé
dans un autre genre , la voix publique
l'auroit bientôt averti de fa méprife
ou peut - être feulement de fa modeftie :
on lui eût dit qu'il étoit capable de quelque
chofe de plus.
Homere eft un des plus grands génies
qui ayent jamais été ; Virgile eft un des
plus accomplis.
L'Eneïde vaut mieux que l'Iliade , mais "
Homere valoit mieux que Virgile.
Une grande partie des défauts de l'Iliade
font ceux du fiécle d'Homere ; les défauts
de l'Eneïde font ceux de Virgile.
il y a plus de fautes dans l'Iliade & plus
de défauts dans l'Eneïde.
Ecrivant aujourd'hui , Homere ne feroit
pas les fautes qu'il a faites ; Virgile auroit
encore fes défauts .
On doit Virgile à Homere : On ignore fi
Ciij
54 MERCURE DE FRANCE.
celui - ci a eu des modeles , mais on fent
qu'il pouvoit s'en paffer.
Il y a plus de talent & d'abondance
dans Homere , plus d'art & de choix dans
Virgile.
L'un & l'autre font peintres ; ils peignent
toute la nature , & le coloris eft
admirable dans tous les deux ; mais il eft
plus gracieux dans Virgile , & plus vif
dans Homere.
Homere s'eft plus attaché que Virgile à
peindre les hommes , les caracteres , les
moeurs ; il eft plus moral ; & c'eſt- là à
mon gré , le principal avantage du poëte
grec fur le poëte latin. La morale de Vir
gile eft peut- être meilleure ; & c'eft le mérite
de fon fiécle , l'effet des lumieres acquifes
d'âge en âge : Mais Hamere a plus
de morale , & c'eft en lui un mérite propre
& perfonnel , l'effet de fon tour d'efprit
particulier.
Virgile a farpaffé Homere dans le deffein
& dans l'ordonnance.
Il viendra plutôt un Virgile qu'un Homere.
Nous ne devons point craindre les
que
fautes d'Homere fe renouvellent , un écolier
les éviteroit. Mais qui nous rendra fes
beautés ?
Il me femble que plufieurs des traits de
SEPTEMBRE. 1755. 55
ce parallele pourroient entrer dans celui
de Corneille & de Racine.
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Résumé : Comparaison d'Homere & de Virgile, par M. l'Abbé Trublet.
Le texte compare les poètes Homère et Virgile. Homère est décrit comme un poète vif et irrégulier, capable de provoquer un plaisir intense et d'impressionner les hommes de génie. Ses qualités poétiques sont éminentes mais inégales. L'Iliade contient des passages brillants mais aussi des fautes, reflétant les défauts de son époque. Homère est considéré comme un génie supérieur, plus moral, et attaché à dépeindre les hommes et leurs mœurs. Virgile, en revanche, est perçu comme un poète plus parfait et doux, touchant davantage les hommes de goût. Il excelle dans l'art et le choix, et a surpassé Homère dans la définition et l'ordonnance de ses œuvres. L'Énéide est mieux structurée mais porte les défauts de son auteur. Le texte conclut que, bien que les fautes d'Homère soient évitables, ses beautés sont inimitables.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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26
p. 79-88
SUITE De la séance publique de l'Académie royale de Nismes.
Début :
M. le Marquis de Rochemore, Secrétaire perpétuel, lut ensuite une piéce en [...]
Mots clefs :
Poète, Académie royale de Nîmes, Plaisirs, Dieux
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texteReconnaissance textuelle : SUITE De la séance publique de l'Académie royale de Nismes.
SUITE
De la feance publique de l'Académie royale
de Nifmes.
M. le Marquis de Rochemore , Secrétaire
perpétuel , lut enfuite une piéce en
vers libres , intitulée Epitre d'Hypermnestre
à Lyncée. Cet ouvrage eft imité d'une des
Héroïdes d'Ovide ; mais l'auteur ne s'eft
point attaché à copier fon modele ; il a
pris quelques penfées du Poëte latin , il y
a joint les fiennes : nous allons citer quelques
morceaux détachés qui pourront faire
juger de tout l'ouvrage .
C'eft ainfi qu'Hypermneftre raconte à
fon époux les crimes de fes foeurs , & fes
propres combats.
Un bruit foudain glaça ton époufe craintive ,
Un bruit fombre ... plaintif ... de lugubres accens
...
Je vis briller le fer ... les foupirs des mourans
Vinrent frapper mon oreille attentive :
Div
So MERCURE DE FRANCE.
Imitons , dis-je alors , l'exemple de mesfoeurs ,
De Danaus fuivons les loix feveres ,
Uniffons Lyncée à fes freres.
Un Dieu fans doute , un Dieu fufpendit mes fureurs.
Mon bras étoit levé , ta criminelle amante.
Mefuroit éperdue , interdite & tremblante ,
Le coup qui devoit t'immoler ,
Ton fang étoit prêt à couler ...
J'avois troisfois repris l'arme inhumaine
Qu'avoient ravi trois fois à ma main incertaine
L'horreur , l'amour & la pitié.
Dérobons à mon pere une ſeule victime.
Dois-je être l'inftrument de fon inimitié ,
Et la complice de fon crime ?
Moi ! je me fouillerois d'un fang fi précieux ,
J'obéirois à des ordres împies !
Et cet Hymen détesté par les Dieux
Auroit été formé par les Furies !
Ah plutôt dans mon fein le poignard odieux ......
C'eſt en vain qu'un pere parjure
Veut me faire trahir l'amour & la nature
Leurs droits font gravés dans nos coeurs
Et la voix d'un tyran guidé par les fureurs
Ne peut étouffer leur murmure.
-Les fanglots d'Hypermneftre , fes combats
, fes tranfports , arrachent enfin Lyncée
au fommeil : fuyez , lui-dit-elle ,
SEPTEMBRE. 1755. $1
La trahiſon , la mort regnent dans ce palais ,
Cette nuit féconde en forfaits
Dans le fombre féjour a réuni vos freres ,
Et les myrthes d'Hymen aux Cyprès funéraires.
» Mon amour feul vous a fauvé , &
» m'a fait trahir les ordres cruels de Da-
» naus. » Le jeune Prince s'échappe du pa
lais à la faveur de la nuit.
Du foleil cependant la jeune avantcouriere
Sur nos Lares fanglans répandoit ſa lumiero.
Danaus ( la fierté brilloit dans fes regards )
Comptoit de nos époux les cadavres épars ;
Un feul manquoit , Lyncée en cette nuit perfide
Evita feul les coups de la parque homicide.
Hypermneftre raconte à fon époux la
fureur de Danaus quand ce Monarque barbare
s'apperçut qu'une de fes victimes lui
étoit échappée ; il jure la mort de fa fille ,
& la fait indignement traîner dans un
cachot affreux .
» Viens , cher époux , lui dit- elle enfin,
Viens finir ma captivité :
Mais n'écoutes point ta vengeance ,
Contente-toi de fauver l'innocence
Sans punir l'inhumanité.
Songe qu'Hypermaneftre eft la fille
Du meurtrier qui perdit ta familles
Dv
82 MERCURE DE FRANCE.
Tout barbare qu'il fût daigne épargner les jours:
D'un fang cher à mon coeur ne rougis point tes
armes :
Que ton retour enfin hâté par les amours
Ne foit point fouillé par mes larmes.
Cette fin eft abfolument différente de
celle d'Ovide ; l'Auteur n'a pas jugé à
propos non plus d'imiter dans fon épitre
le long épifode d'Io changée en vache.
Les connoiffeurs décideront s'il a bien ou
mal jugé.
M. Vincens lut enfuite une épitre à la
mort , dont voici l'extrait.
La mort peut infpirer l'effroi aux ames
vulgaires , mais elle préfente au Sage une
lumiere fûre qui écarte l'illufion des fens ,
& lui montre les objets précifément tels
qu'ils font ; c'eft une divinité favorable
qui enfeigne aux humains l'art de jouir
de tout fans abufer de rien , & qui diffipant
le preftige des paffions foutient leur
coeur dans l'heureux équilibre , qui feul
peut faire la vraie félicité. Tel eft le point
de vûe fous lequel M. V. envifage la mort.
Il peint en commençant l'épitre qu'il
adreffe à cette Divinité , la fituation où
fe trouve l'homme lorfqu'il entre fur la
fcene du monde.
SEPTEMBRE . 1755 . 83
Sur le bord d'une mer immenfe
L'homme au fortir de fon enfance ,
Par la nature eft expofé :
Là fon coeur ingénu fans guide , fans défenſe ;
Par la féduifante apparence
Eft à chaque inftant abufé :
Sur le mobile dos des ondes azurées ,
Les folâtres amours & les plaifirs légers
Déployant leurs aîles dorées ,
L'appellent par leurs jeux , & voilent les dan
gers ;
Les jours fereins de la jeuneffe ,
Le calme féducteur , les cris des Matelots ,
Tout le follicite & le preffe
De tenter la route des flots ;
Il part , fur les eaux il s'élance ,
L'impatient defir & la douce efpérance
Enflent la voile , & l'écartent du port ;
Mais à peine au loin de la plage
Voit-il difparoître le bord ,
Tout change , Pair frémit , tout annonce l'orage;
Tout découvre à fes yeux , trop tard deſabufés
Les périls où les jours demeurent exposés :
Des paffions tumultueuſes ,
Les rapides courans & les vents oppofés
Offrent à chaque inftant fur les mers orageufes ?
Les débris des vaiffeaux par les vagues brifés
A la fureur de la tempête ,
Lui-même tout-à-coup livré.
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
L'orgueil , l'ambition , déchaînent fur fa tête ,
Leur fouffle impétueux contre lui conjuré ;
De la fougue des flots , malheureuſe victime ,
Quelquefois dans les cieux , quelquefois dans
l'abîme ,
Et loin de fa route égaré ;
Une mer inconnue & d'écueils hériffée ,
De toute part à fa nef fracaffée ,
Préfente un nauffrage affuré.
La mort eft la feule divinité qui puiffe
fauver l'homme de ce péril ; elle lui montre
la vanité des objets qui l'environnent ,
elle l'éclaire fur leur durée qui n'est que
d'un inftant. Inftruit par fes leçons le Poëte
n'envie point le fort des favoris de la
fortune : non , dit- il , leur état ne fçauroit
m'éblouir.
1
De troubles, de foupçons, leur ame environnée
Laiffe fuir le préfent , rédoute l'avenir ;
Et malgré leurs efforts leur vie eft moiffonnée
Avant qu'ils * ayent trouvé le moment de jouir.
L'ambition n'a pas plus de charmes pour
lui. En vain montre- t- elle fes favoris placés
fur le char de la gloire ou montés au
rang des Dieux ; l'ambitieux , dit M. V.
éblouit quelque tems l'univers :
* Ce mot , ayant , ne peut point s'élider , en con-
Sequence il ne doit jamais être employé qu'à la fim
d'un vers.
SEPTEMBRE. 1755. 8$
Aftre brillant il roule far nos têtes ,
Il excite , il appaife à fon gré les tempêtes ,
Il couvre l'Univers d'un feu qui l'éblouit :
Mais tandis qu'oubliant ſa foibleſſe premiere
Il répand à nos yeux fa plus vive lumiere ,
Par fa propre fplendeur féduit ,
Tu parles , & foudain du haut de fa carriere
L'aftre eft précipité dans l'éternelle nuit .
O mort ! continue le Poëte ,
O mort ! un ennemi cent fois plus rédoutable
Avoit fait chancéler mon coeur.
La volupté d'un charme inévitable
Verſoit déja fur lui le poiſon ſéducteur :
De fleurs fans ceffe couronnée ,
Autour de moi fa voix appelloit le plaifir ;
De délices environnée
Son regard dans mon ame allumoit le defir ;
C'en étoit fait , l'amour achevoit ma défaite ,
Ses liens pour jamais alloient me retenir;
Mais tu fouffles , & fur fa tête
J'ai vu les roſes fe flétrir.
Ces détails font terminés par cette réflexion.
Gloire , plaifir , pouvoir , richeffe ,
Atômes agités par l'aveugle Décffe ,
A la faveur d'un rayon lumineux ,
Vous voltigez quelque tems fous nos yeux :
Notre coeur ébloui s'empreffe
86 MERCURE DE FRANCE:
Pour arrêter votre cours incertain
Il vous pourfuit , il s'agite fans ceffe ,
Il croit vous pofféder enfin :
Mais le fouffle du tems vous emporte foudain,
Ce n'eft pas que M. V. ne trouve des
plaifirs dignes de fon coeur : l'amitié lui
offre des charmes aufquels il fe livre avec
tranfport , & qui le dédommagent de toutes
les traverſes de la vie humaine .
Telle une tendre fleur que le midi dévore ;
Sur fa tige panchée , & prête à fe flétrir ,
Renaît , s'épanouit , de nouveau ſe colore
Au fouffle amoureux du zéphir :
Telle au fein des foucis qu'à chaque inſtant fait
naître
Sur les
pas des humains
le deftin fans pitié
Mon ame prend un nouvel être
Aux doux accens de l'amitié.
Les Mufes viennent encore lui prodiguer
des plaifirs purs ; Erato , Uranie ,
Calliope , l'inftruifent & l'amufent tour à
tour : Cette derniere fur- tout égaie la folitude
du Poëte en formant devant lui
mille tableaux gracieux.
Tantôt elle lui peint le calme de la mer ,
Le ciel eft pur , l'air eft tranquille ,
Du foleil l'image mobile
SEPTEMBRE. 1755 .
$7
Luit & vacille au fond des eaux :
Zéphir & les Nymphes craintives
De mille rides fugitives
Sillonent mollement les flots.
Tantôt elle lui peint une agréable fête ;
Au pied d'un côteau fortuné
Venus de pampre orne fa tête ,
Bacchus de myrthe eft couronné ,
Guidés par l'aimable folie
Les amours barbouillés de lie
Folâtrent auprès des neuf foeurs :
Et les graces échevelées
Parmi les Bacchantes mêlées
Feignent d'éprouver leurs fureurs.
C'eft par de tels plaifirs , continue le
Poëte :
C'eſt par de tels plaifirs qu'égayant le voyage ,
Et variant l'emploi de mes paifibles jours ,
Du terreftre péle: inage
J'acheve doucement le cours ,
Prêt au moindre fignal de quitter fans allar
mes
Des biens dont ici -bas je jouis fans remords ....
Le fort qui nous attend après cette vie ,
ne cauſe aucun effroi à M. V. que les impies
, les injuftes & les autres criminels
foient faifis d'une jufte terreur au moment
$8 MERCURE DE FRANCE.
fatal qui les fait defcendre dans le tom
beau , pour lui il eft rempli d'une noble
confiance.
Mon coeur ( dit-il ) ne connoit point ces craintes
formidables.
Soumis envers les Dieux , jufte envers mes femblables
,
Vertueux , ou du moins zélé pour
la vertu
Sous le poids du courroux célefte
Je ne crains point d'être abattu ;
Et fi des paffions l'impreſſion funefte
Altere de mon coeur l'exacte pureté ,
Les Dieux qui l'ont formé , connoiffent qu'il
détefte
Sa fatale fragilité ;
Et fatisfaits de ma fincérité ,
Leur fouffle bienfaifant purifira le refte
De la débile humanité.
M. Perillier , Chancelier , a terminé la
féance par un Difcours fur la néceffité du
choix dans les lectures.
De la feance publique de l'Académie royale
de Nifmes.
M. le Marquis de Rochemore , Secrétaire
perpétuel , lut enfuite une piéce en
vers libres , intitulée Epitre d'Hypermnestre
à Lyncée. Cet ouvrage eft imité d'une des
Héroïdes d'Ovide ; mais l'auteur ne s'eft
point attaché à copier fon modele ; il a
pris quelques penfées du Poëte latin , il y
a joint les fiennes : nous allons citer quelques
morceaux détachés qui pourront faire
juger de tout l'ouvrage .
C'eft ainfi qu'Hypermneftre raconte à
fon époux les crimes de fes foeurs , & fes
propres combats.
Un bruit foudain glaça ton époufe craintive ,
Un bruit fombre ... plaintif ... de lugubres accens
...
Je vis briller le fer ... les foupirs des mourans
Vinrent frapper mon oreille attentive :
Div
So MERCURE DE FRANCE.
Imitons , dis-je alors , l'exemple de mesfoeurs ,
De Danaus fuivons les loix feveres ,
Uniffons Lyncée à fes freres.
Un Dieu fans doute , un Dieu fufpendit mes fureurs.
Mon bras étoit levé , ta criminelle amante.
Mefuroit éperdue , interdite & tremblante ,
Le coup qui devoit t'immoler ,
Ton fang étoit prêt à couler ...
J'avois troisfois repris l'arme inhumaine
Qu'avoient ravi trois fois à ma main incertaine
L'horreur , l'amour & la pitié.
Dérobons à mon pere une ſeule victime.
Dois-je être l'inftrument de fon inimitié ,
Et la complice de fon crime ?
Moi ! je me fouillerois d'un fang fi précieux ,
J'obéirois à des ordres împies !
Et cet Hymen détesté par les Dieux
Auroit été formé par les Furies !
Ah plutôt dans mon fein le poignard odieux ......
C'eſt en vain qu'un pere parjure
Veut me faire trahir l'amour & la nature
Leurs droits font gravés dans nos coeurs
Et la voix d'un tyran guidé par les fureurs
Ne peut étouffer leur murmure.
-Les fanglots d'Hypermneftre , fes combats
, fes tranfports , arrachent enfin Lyncée
au fommeil : fuyez , lui-dit-elle ,
SEPTEMBRE. 1755. $1
La trahiſon , la mort regnent dans ce palais ,
Cette nuit féconde en forfaits
Dans le fombre féjour a réuni vos freres ,
Et les myrthes d'Hymen aux Cyprès funéraires.
» Mon amour feul vous a fauvé , &
» m'a fait trahir les ordres cruels de Da-
» naus. » Le jeune Prince s'échappe du pa
lais à la faveur de la nuit.
Du foleil cependant la jeune avantcouriere
Sur nos Lares fanglans répandoit ſa lumiero.
Danaus ( la fierté brilloit dans fes regards )
Comptoit de nos époux les cadavres épars ;
Un feul manquoit , Lyncée en cette nuit perfide
Evita feul les coups de la parque homicide.
Hypermneftre raconte à fon époux la
fureur de Danaus quand ce Monarque barbare
s'apperçut qu'une de fes victimes lui
étoit échappée ; il jure la mort de fa fille ,
& la fait indignement traîner dans un
cachot affreux .
» Viens , cher époux , lui dit- elle enfin,
Viens finir ma captivité :
Mais n'écoutes point ta vengeance ,
Contente-toi de fauver l'innocence
Sans punir l'inhumanité.
Songe qu'Hypermaneftre eft la fille
Du meurtrier qui perdit ta familles
Dv
82 MERCURE DE FRANCE.
Tout barbare qu'il fût daigne épargner les jours:
D'un fang cher à mon coeur ne rougis point tes
armes :
Que ton retour enfin hâté par les amours
Ne foit point fouillé par mes larmes.
Cette fin eft abfolument différente de
celle d'Ovide ; l'Auteur n'a pas jugé à
propos non plus d'imiter dans fon épitre
le long épifode d'Io changée en vache.
Les connoiffeurs décideront s'il a bien ou
mal jugé.
M. Vincens lut enfuite une épitre à la
mort , dont voici l'extrait.
La mort peut infpirer l'effroi aux ames
vulgaires , mais elle préfente au Sage une
lumiere fûre qui écarte l'illufion des fens ,
& lui montre les objets précifément tels
qu'ils font ; c'eft une divinité favorable
qui enfeigne aux humains l'art de jouir
de tout fans abufer de rien , & qui diffipant
le preftige des paffions foutient leur
coeur dans l'heureux équilibre , qui feul
peut faire la vraie félicité. Tel eft le point
de vûe fous lequel M. V. envifage la mort.
Il peint en commençant l'épitre qu'il
adreffe à cette Divinité , la fituation où
fe trouve l'homme lorfqu'il entre fur la
fcene du monde.
SEPTEMBRE . 1755 . 83
Sur le bord d'une mer immenfe
L'homme au fortir de fon enfance ,
Par la nature eft expofé :
Là fon coeur ingénu fans guide , fans défenſe ;
Par la féduifante apparence
Eft à chaque inftant abufé :
Sur le mobile dos des ondes azurées ,
Les folâtres amours & les plaifirs légers
Déployant leurs aîles dorées ,
L'appellent par leurs jeux , & voilent les dan
gers ;
Les jours fereins de la jeuneffe ,
Le calme féducteur , les cris des Matelots ,
Tout le follicite & le preffe
De tenter la route des flots ;
Il part , fur les eaux il s'élance ,
L'impatient defir & la douce efpérance
Enflent la voile , & l'écartent du port ;
Mais à peine au loin de la plage
Voit-il difparoître le bord ,
Tout change , Pair frémit , tout annonce l'orage;
Tout découvre à fes yeux , trop tard deſabufés
Les périls où les jours demeurent exposés :
Des paffions tumultueuſes ,
Les rapides courans & les vents oppofés
Offrent à chaque inftant fur les mers orageufes ?
Les débris des vaiffeaux par les vagues brifés
A la fureur de la tempête ,
Lui-même tout-à-coup livré.
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
L'orgueil , l'ambition , déchaînent fur fa tête ,
Leur fouffle impétueux contre lui conjuré ;
De la fougue des flots , malheureuſe victime ,
Quelquefois dans les cieux , quelquefois dans
l'abîme ,
Et loin de fa route égaré ;
Une mer inconnue & d'écueils hériffée ,
De toute part à fa nef fracaffée ,
Préfente un nauffrage affuré.
La mort eft la feule divinité qui puiffe
fauver l'homme de ce péril ; elle lui montre
la vanité des objets qui l'environnent ,
elle l'éclaire fur leur durée qui n'est que
d'un inftant. Inftruit par fes leçons le Poëte
n'envie point le fort des favoris de la
fortune : non , dit- il , leur état ne fçauroit
m'éblouir.
1
De troubles, de foupçons, leur ame environnée
Laiffe fuir le préfent , rédoute l'avenir ;
Et malgré leurs efforts leur vie eft moiffonnée
Avant qu'ils * ayent trouvé le moment de jouir.
L'ambition n'a pas plus de charmes pour
lui. En vain montre- t- elle fes favoris placés
fur le char de la gloire ou montés au
rang des Dieux ; l'ambitieux , dit M. V.
éblouit quelque tems l'univers :
* Ce mot , ayant , ne peut point s'élider , en con-
Sequence il ne doit jamais être employé qu'à la fim
d'un vers.
SEPTEMBRE. 1755. 8$
Aftre brillant il roule far nos têtes ,
Il excite , il appaife à fon gré les tempêtes ,
Il couvre l'Univers d'un feu qui l'éblouit :
Mais tandis qu'oubliant ſa foibleſſe premiere
Il répand à nos yeux fa plus vive lumiere ,
Par fa propre fplendeur féduit ,
Tu parles , & foudain du haut de fa carriere
L'aftre eft précipité dans l'éternelle nuit .
O mort ! continue le Poëte ,
O mort ! un ennemi cent fois plus rédoutable
Avoit fait chancéler mon coeur.
La volupté d'un charme inévitable
Verſoit déja fur lui le poiſon ſéducteur :
De fleurs fans ceffe couronnée ,
Autour de moi fa voix appelloit le plaifir ;
De délices environnée
Son regard dans mon ame allumoit le defir ;
C'en étoit fait , l'amour achevoit ma défaite ,
Ses liens pour jamais alloient me retenir;
Mais tu fouffles , & fur fa tête
J'ai vu les roſes fe flétrir.
Ces détails font terminés par cette réflexion.
Gloire , plaifir , pouvoir , richeffe ,
Atômes agités par l'aveugle Décffe ,
A la faveur d'un rayon lumineux ,
Vous voltigez quelque tems fous nos yeux :
Notre coeur ébloui s'empreffe
86 MERCURE DE FRANCE:
Pour arrêter votre cours incertain
Il vous pourfuit , il s'agite fans ceffe ,
Il croit vous pofféder enfin :
Mais le fouffle du tems vous emporte foudain,
Ce n'eft pas que M. V. ne trouve des
plaifirs dignes de fon coeur : l'amitié lui
offre des charmes aufquels il fe livre avec
tranfport , & qui le dédommagent de toutes
les traverſes de la vie humaine .
Telle une tendre fleur que le midi dévore ;
Sur fa tige panchée , & prête à fe flétrir ,
Renaît , s'épanouit , de nouveau ſe colore
Au fouffle amoureux du zéphir :
Telle au fein des foucis qu'à chaque inſtant fait
naître
Sur les
pas des humains
le deftin fans pitié
Mon ame prend un nouvel être
Aux doux accens de l'amitié.
Les Mufes viennent encore lui prodiguer
des plaifirs purs ; Erato , Uranie ,
Calliope , l'inftruifent & l'amufent tour à
tour : Cette derniere fur- tout égaie la folitude
du Poëte en formant devant lui
mille tableaux gracieux.
Tantôt elle lui peint le calme de la mer ,
Le ciel eft pur , l'air eft tranquille ,
Du foleil l'image mobile
SEPTEMBRE. 1755 .
$7
Luit & vacille au fond des eaux :
Zéphir & les Nymphes craintives
De mille rides fugitives
Sillonent mollement les flots.
Tantôt elle lui peint une agréable fête ;
Au pied d'un côteau fortuné
Venus de pampre orne fa tête ,
Bacchus de myrthe eft couronné ,
Guidés par l'aimable folie
Les amours barbouillés de lie
Folâtrent auprès des neuf foeurs :
Et les graces échevelées
Parmi les Bacchantes mêlées
Feignent d'éprouver leurs fureurs.
C'eft par de tels plaifirs , continue le
Poëte :
C'eſt par de tels plaifirs qu'égayant le voyage ,
Et variant l'emploi de mes paifibles jours ,
Du terreftre péle: inage
J'acheve doucement le cours ,
Prêt au moindre fignal de quitter fans allar
mes
Des biens dont ici -bas je jouis fans remords ....
Le fort qui nous attend après cette vie ,
ne cauſe aucun effroi à M. V. que les impies
, les injuftes & les autres criminels
foient faifis d'une jufte terreur au moment
$8 MERCURE DE FRANCE.
fatal qui les fait defcendre dans le tom
beau , pour lui il eft rempli d'une noble
confiance.
Mon coeur ( dit-il ) ne connoit point ces craintes
formidables.
Soumis envers les Dieux , jufte envers mes femblables
,
Vertueux , ou du moins zélé pour
la vertu
Sous le poids du courroux célefte
Je ne crains point d'être abattu ;
Et fi des paffions l'impreſſion funefte
Altere de mon coeur l'exacte pureté ,
Les Dieux qui l'ont formé , connoiffent qu'il
détefte
Sa fatale fragilité ;
Et fatisfaits de ma fincérité ,
Leur fouffle bienfaifant purifira le refte
De la débile humanité.
M. Perillier , Chancelier , a terminé la
féance par un Difcours fur la néceffité du
choix dans les lectures.
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Résumé : SUITE De la séance publique de l'Académie royale de Nismes.
Lors d'une séance de l'Académie royale de Nîmes, plusieurs œuvres littéraires ont été présentées. Le Marquis de Rochemore a lu une pièce en vers libres intitulée 'Épître d'Hypermnestre à Lyncée', inspirée des Héroïdes d'Ovide. Cette œuvre explore les tourments intérieurs d'Hypermnestre, qui doit décider si elle doit tuer son époux Lyncée, contrairement à ses sœurs qui ont assassiné leurs maris. Hypermnestre décrit les crimes de ses sœurs et ses propres dilemmes moraux, choisissant finalement d'épargner Lyncée. Cette version diverge de l'original d'Ovide par sa conclusion et l'absence de certains épisodes. M. Vincens a ensuite présenté une épître sur la mort, qu'il dépeint comme une divinité bienveillante enseignant aux humains à savourer la vie sans excès. Il compare la vie à une traversée maritime périlleuse, où la mort est la seule à pouvoir sauver l'homme des dangers des passions et des illusions. Vincens exprime son mépris pour les troubles et les soucis des favoris de la fortune et des ambitieux, préférant les plaisirs simples de l'amitié et des Muses. Il conclut en affirmant sa confiance en sa vertu et en la miséricorde des dieux face à la mort. La séance s'est conclue par un discours de M. Perillier sur la nécessité du choix dans les lectures.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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27
p. 77-108
« HISTOIRE DE SIMONIDE, & du siécle où il a vêcu, avec des éclaircissemens [...] »
Début :
HISTOIRE DE SIMONIDE, & du siécle où il a vêcu, avec des éclaircissemens [...]
Mots clefs :
Simonide, Histoire, Poète, Hipparque, Auteur, Athènes, Perses, Grecs, Grèce, Peinture, Prince, Marbres, Hippias, Écrivains, Nature
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « HISTOIRE DE SIMONIDE, & du siécle où il a vêcu, avec des éclaircissemens [...] »
HISTOIRE DE SIMONIDE , &
du fiécle'où il a vêcu , avec des éclairciffemens
chronologiques ; par M. de Boiffy
fils , un volume in -12 , d'environ quatre
cens pages, Chez Duchefne , rue Saint
Diij
78
MERCURE DE
FRANCE.
Jacques , au Temple du Goût.
Nous avons promis de donner l'extrait
de cet ouvrage , en l'annonçant dans les
nouvelles du mois de Juillet. C'est ce que
nous allons exécuter ici . Comme la préface
qui fe
trouve à la tête
comporte cent
pages ; on s'attend bien qu'elle pourra rebuter
le commun des lecteurs dont le dégoût
pour les longs
préambules eft trop
connu pour ne pas menager leur délicateffe
fur cet article ; mais on les prie de
vouloir bien
confidérer que l'auteur ne
s'eft rien moins que propofé de traiter un
fujet de pur agrément , où l'on court rifque
d'ennuyer , pour peu que l'on paffe
les bornes qu'il est
néceffaire de s'y prefcrire.
Il n'en eft pas ainfi de la
préface
dont il s'agit .
Comme elle tient à un ouvrage
qui eft de la nature de ceux où il
entre une infinité de
difcuffions , elle fuppofe
par cela même beaucoup de détails
raifonnés , qui
demandent une
certaine
étendue de forte qu'elle fait partie effentielle
de
l'ouvrage auquel elle fert d'introduction
.
Quoi qu'il en foit , on y a pris foin
d'avertir qu'on ne s'eftpas
uniquement attaché
à écrire la vie de
Simonide .
L'étroite
les
circonftances rélatives à ce
Union
que
Poëte
, ont
avec
la
piûpart
des
événemens
OCTOBRE. 1755. 79
remarquables de fon tenis , a été un motif
fuffifant pour engager l'auteur à en
compofer l'hiftoire.
C'eſt un avantage d'autant plus réel
d'avoir joint leur détail au corps de la
narration , qu'il a pour objet un fiécle où
la Gréce offre le tableau de fréquentes révolutions
les plus propres à exciter notre
curiofité. Outre que cet enchaînement de
fairs concourt à lier la rélation des chofes
qui compofent cet ouvrage : il tend encore
à le rendre plus important par les accelloires
qui entrent dans fon plan ; en
même tems qu'il y jette une variété capable
d'intéreffer davantage les amateurs de
l'antiquité , qui recherchent leur inftruction
. On a cru devoir le divifer en deux
parties pour mettre plus d'ordre dans la
fuite des événemens qu'on raconte. La
premiere contient le récit de tout ce qui
s'eft paffé de plus mémorable depuis que
Simonide vint à Athénes pour y jouir des
libéralités d'Hipparque , l'aîné des fils de
Pififtrate , & fon fucceffeur , jufqu'au
voyage qu'il fit à Syracufe , où les préfens
d'Hieron , premier du nom , qui y regnoit
alors , avoient fçu l'attirer. La feconde
comprend tout ce qui eft arrivé à ce
poëte dans les dernieres années de fa vie ,
qu'il a paffées à la cour de ce Prince , où
Div
So MERCURE DE FRANCE.
>
il a joué un rôle affez confidérable. Comme
l'auteur a eu particuliérement en vûe
l'utilité que les Sçavans de profeflion pourroient
tirer de fon travail , il s'eft propofé
de répandre quelque jour fur certains
événemens qui y trouvent leur place
lorfqu'ils lui ont paru n'avoir pas été débrouillés
, ou fuffi famment éclaircis . Toutes
les fois qu'il s'eft apperçu du peu d'accord
qu'il y a entre les anciens dans la maniere
de les conftater , il a pris à tâche de
concilier la diverfité de leurs rapports ,
autant que cela a pu fe pratiquer fans nuire
à la vérité hiftorique . On fent bien que
cette méthode qu'il a employée en traitant
fon fujet , eft inféparable des difcuffions
de critique & de chronologie qui en font
la bafe. Elle exigeoit aufli qu'il indiquât
les fources où il a puifé pour faciliter à
ceux de fes lecteurs qui voudront les confulter
les moyens d'y recourir. Il a donc eu
la précaution de citer exactement au bas
des pages tous les écrivains du témoignage
defquels il s'eft autorifé dans ce qu'il a
rapporté & dans le cours de fes remarques
. Nous allons extraire les principaux
faits que cette hiftoire renferme , afin de
donner une idée de la marche que l'on y a
fuivie , & de mettre à portée de juger des
recherches dont elle eft fufceptible .
OCTORRE. 1755 . 84
Simonide nâquit 55 8 ans avant J.C. à Joulis
, ville de l'ifle de Cée , l'une des Cyclades ,
fituée dans le voisinage de l'Attique.Leoprépés
étoit le nom de fon pere. Il a fallu entrer
dans un calcul chronologique pour déterminer
la date de fa naiffance , conformément
à la fupputation que fourniffent les
marbres d'Arondel. Il ne paroît pas que ce
poëte ait beaucoup fait parler de lui avant
fon arrivée à Athènes , où il n'alla qu'après
avoir paffé fes premieres années dans
fa patrie. C'est là que la beauté de fan génie
& fon talent pour les vers , commencerent
à fe produire au grand jour , & le
firent connoître affez avantageufement à
la Cour d'Hipparque pour avoir part à fes
bonnes graces . Ce Prince qui étoit l'aîné
des fils de Pififtrate lui avoit fuccédé au trône
d'Athénes . Comme le récit de Thucydide
touchant Hipparque , differe de
celui des autres Ecrivains , on examine les
preuves fur lesquelles il l'appuie . On conclut
qu'elles ne fuffifent pas pour détruire
la commune opinion . Le feul moyen d'accorder
Thucydide avec les Ecrivains dont .
il combat le fentiment , eft l'affociation
d'Hippias à la Royauté. On fe fert des
raifons qu'apporte cet Hiftorien pour confirmer
la vérité de ce que l'on remarque
ce fujet. On s'attache enfuite à faire conà
Dv
82 MERCURE DE FRANCE.
noître le caractere d'Hipparque qui avoit
hérité des vertus de fon pere , & de fon
amour pour les Lettres . Il ne contribua pas .
peu à leur progrès par les récompenfes
qu'il fçavoit diftribuer à propos. Sa générofité
s'étendoit à toutes les perfonnes qui
fe diftinguoient dans cette carriere . Il en
donna des marques éclatantes à l'égard du
poëte Anacréon , à qui il envoya une galere
à cinquante rames , avec des lettres
d'invitation pour venir à Athenes . Les
poëfies d'Homere mériterent principalement
fes foins ; & en cela il fuivit l'exemple
de Pifiſtrate ſon pere qui paffe pour
les avoir recueillies le premier en un corps,
& en l'état que nous les avons aujourd'hui
. Elles avoient couru par pieces détachées
dans les différentes parties de la
Gréce avant que Lycurgue les eût apportés
complettes d'Ionie. Il introduifit la
coutume de faire chanter alternativement
par les Rhapsodes l'Iliade & l'Odyffée , à
la fête des Panathénées. Platon nous apprend
que cet ufage fubfiftoit encore de
fon tems. On parle à cette occafion de la
folemnité de cette fête qui fe célébroit à
Athénes, & qui avoit été inftituée en l'honneur
de Minerve protectrice de cette
ville. On fixe le tems de fa premiere inftitution.
On marque les changemens qu'y
OCTOBRE . 1755 . 83
fit dans la fuite Théfée qui donna une
nouvelle forme à la célébration de ces
Panathénées . On fpécifie les prix qu'on y
propofoit pour toutes fortes d'exercices.
On obferve auffi qu'elles ont été confondues
mal - à - propos avec les Jeux Eleufiniens
, dont la fondation eft poftérieure de
près de deux cens ans à celle des Panathénées.
Hipparque ne fe borna point au titre
de fimple protecteur des Lettres , il les
cultiva lui -même avec fuccès. C'eſt ce qui
parut par des vers élegiaques de fa façon ,
qu'il compofa en forme d'infcriptions qui
renfermoient des fentences morales. Il eut
foin de les faire graver au bas des ftatues
de Mercure , qui avoient été érigées par
fon ordre dans tous les cantons de l'Attique
, pour infpirer à quiconque les liroit
des fentimens vertueux. Ses libéralités
pour Simonide qui avoit un penchant
fingulier à l'avarice , attacherent d'autant
plus volontiers ce Poëte à fa Cour, qu'elles
le mirent à portée de fatisfaire fon humeur
intéreffée. Il en jouit jufqu'à la mort de
ce Prince qui fut affaffiné par Ariftogiton ,
& par Harmodius , Chefs d'une conjuration
qu'ils avoient tramée contre lui. On
en expofe les circonstances dont on pourra
lire le détail dans l'ouvrage même. Le
meurtre d'Hipparque laiffa Hippias fon
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
frere feul en poffeffion de l'autorité abfolue
qu'il partageoit avec lui.
Si les vertus de ce Prince lui furent
communes pendant tout le tems qu'ils regnerent
enfemble , elles s'éclipferent depuis
fa mort , & furent remplacées par les
pratiques odieufes & criminelles qu'emploient
ordinairement ceux qui fe perfuadent
qu'elles font un moyen plus fûr que
la voie de la douceur pour fe maintenir
fur le thrône qu'ils ufurpent , & pour conferver
leur vie. La douleur fenfible que
lui caufa la perte de fon frere , & la crainte
qu'il eut d'éprouver le même fort , aigrirent
fans doute fon caractere . Ces deux
caufes réunies concoururent à en faire un
tyran dans toutes les formes . Ariftogiton ,
l'un des meurtriers d'Hipparque , ayant
été arrêté , fut conduit en préfence d'Hippias
qui le fit expirer au milieu des
fupplices , fans avoir pû le contraindre à
avouer aucun de fes complices. Il n'y avoit
rien que de naturel & de jufte dans la
punition du coupable ; mais il falloit
qu'Hippias bornât là les effets de fon reffentiment
qui pour être pouffé trop loin
dégénéra en cruauté . Une Courtifane, maîtreffe
d'Ariftogiton , nommée Léene fut
une des premieres victimes de fes foupçons.
Elle fouffrit la mort avec une conf..
OCTOBRE. 1795. 85
tance admirable ; & ce qui montre la
force de fon courage au- deffus des perfonnes
de fon fexe , & qui plus eft de fon
état , c'eft qu'elle fe coupa la langue avec
les dents , & la cracha au vifage du Tyran
, appréhendant que la rigueur des
tourmens n'agit affez fur elle pour lui
faire trahir le fecret qu'on vouloit tirer.
de fa bouche. Quoique l'on foit généralement
imbû de l'hiftoire de cette Courtifane
, elle peut fort bien n'être pas connue
dans toute l'étendue des particularités
que l'on rapporte.
pas
Athénes ayant changé de face par ces
funeftes révolutions qu'elle éprouva , Simonide
qui n'avoit lieu de fe promettre
les mêmes avantages fous un regne
où la tyrannie déployoit fes violences ,
abandonna vraisemblablement cette ville .
Il fe retira à la Cour d'Alevas , & de fes
trois fils Rois de Theffalie , qui avoient
déja , fur le bruit de fa réputation , taché
de l'attirer auprès d'eux par des préfens
confidérables . C'eft dans cette contrée que
lui arriva une aventure très finguliere ,
pour ne rien dire de plus , qui nous a été
tranfmife par différens auteurs , dans le
récit defquels on remarque quelque variété.
Pendant fon féjour à Cranon , ville
de la Theffalie , il fut invité à un fuperbe
86 MERCURE DE FRANCE.
feltin chez Scopas , homme riche & puiffant
, qui fortoit d'une des nobles familles
du pays. Il y récita des vers à la louange
du Theffalien déclaré depuis peu vainqueur
aux Jeux du Pugilat. Comme il avoit
mêlé dans le poëme en queftion une digreflion
en l'honneur de Caftor & de Pollux
, Scopas refufa de donner en entier la
récompenfe qu'il avoit promife à Simonide,
& allégua pour prétexte qu'il étoit juſte
que les Tyndarides payaffent la moitié ,
puifqu'ils partageoient avec lui la moitié
de l'éloge. Un moment après on avertit
notre Poëte que deux jeunes gens qui demandoient
à l'entretenir étoient à la porte.
Il fe leva de table auffi-tôt , & fortit; mais
il ne trouva plus perfonne. Dans cet intervalle
le plafond de l'appartement où
l'on mangeoit alors étant tombé fur Scopas
& les conviés , ils furent tous écrafés
fous les ruines . On prétend que ces deux
jeunes gens étoient Caftor & Pollux euxmêmes
, qui pour lui témoigner leur reconnoiffance
, le fauverent de cette maniere.
On ne nie pas que le fait quant au
fond ne puiffe être vrai , mais il le faut
dépouiller de ces dernieres circonstances
qui tiennent trop du merveilleux , pour
n'être pas mifes au rang des chofes abfurdes
, dont la croyance groffiere des Grecs.
OCTOBRE. 1755. 87
avoit coutume de fe repaître . Il eſt certain
que cette apparition des Tyndarides choque
étrangement le fens commun ; jufques
là que Quintilien ne balance point à la
traiter de fable ; & la preuve qu'il produit
pour appuyer le jugement qu'il en porte ,
eft que Simonide n'en fait aucune mention
dans fes ouvrages . Quoiqu'il en foit ,
on veut que Simonide ait laiffé dans cette
occafion des marques d'une mémoire excellente
; de forte qu'il paffe pour avoir
inventé celle que l'on appelle locale , en
montrant le premier l'ufage qu'on en devoit
faire. Scopas & les conviés avoient
été défigurés au point d'être devenus entierement
méconnoiffables . Heureufement
Simonide ſe reſſouvenant encore de la place
que chacun d'eux avoit occupée , difcerna
parfaitement leur corps au milieu
des débris de la maifon , & les indiqua
aux parens des conviés pour les enterrer.
Enfuite réfléchiffant fur la néceffité effentielle
de l'ordre par rapport à l'entretien
de la mémoire , il apperçut qu'on ne pouvoit
mieux l'exercer qu'en marquant les
lieux avec exactitude , & en fe les imprimant
fi bien dans l'efprit qu'on fçut fe
rappeller les objets qui l'auroient déja
frappé. Il la conferva jufqu'à fa mort , &
il nous apprend dans un diftique de fa
88 MERCURE DE FRANCE.
compofition qu'étant âgé de quatre- vinge
ans , perfonne ne l'égaloit pour la mémoire.
Si l'on s'attachoit à l'interprétation
que Selden a donnée de l'un des divers
paffages des Marbres d'Arondel , où ils
parlent de Simonide ; il s'enfuivtoit que
l'invention de la mémoire locale ne devroit
point être attribuée à notre poëte , mais à
un autre Simonide , petit - fils de celui - ci
par fa mere , & également poëte , à qui
ils donneroient Léoprépés pour pere : ce
qui mettroit une différence fenfible entre
eux & ceux des Anciens , qui font unanimement
de ce Léoprépés le pere de l'ayeul
lui - même. Cette contrariété manifefte qui
réfulteroit de leur témoignage , comparée
avec le récit des Ecrivains que l'on cite ,
entraîneroit après elle des difficultés qu'il
feroit d'autant plus difficile de réfoudre
qu'il n'y auroit pas moyen de procéder
aux voies de conciliation. Comme l'ancienneté
de ce monument le rend le plus
authentique qu'il y ait en ce genre , il n'y
en a point qui puiffe nous guider avec
autant de certitude pour la chronologie
grecque. Sa nature l'a garanti des fautes
î communes aux Copiftes , dont la négligence
n'a été que trop préjudiciable aux
ouvrages des Anciens : car c'eft fur des
marbres, & conféquemment c'est l'Autogra-
1
OCTOBRE . 1755 . 89
phe de l'Auteur anonyme , qui l'a dreffé
par autorité publique , pour fervir d'archives
à toute fa nation . Il eft fâcheux
que
l'infcription grecque gravée fur ces marbres
endommagés par le tems , offre des
lacunes affez fréquentes dans la fuite des
LXXIX époques, ou l'efpace d'environ 1 300
ans qu'elle renferme . Ce qui nous prive
de bien des éclairciffemens , qu'il y auroit
eu lieu de répandre par leur moyen fur
plufieurs points embrouillés de l'hiftoire
grecque. Sa date capitale commence au
regne de Cécrops , Roi d'Athénes , qu'eile
fait concourir avec l'an 1318 de l'Ere Attique;
& elle ne deſcend point plus bas que
le tems de l'Archontat de Diognete ›
quel tombe entre les années 264 & 263
avant Jefus Chrift. Le fameux Selden
après l'avoir copiée , la publia fous le nom
deMarbres d' Arondel, parce qu'ils apparte
noient à Thomas Howard , Comte d'Arondel
, qui les avoit fait venir du Levant
à grands frais. Il en accompagna le texte
d'une verfion latine , à laquelle il ajouta
un Apparat chronologique , & des notes
hiftoriques . Comme Henri Howard , Duc
de Norfolk , petit fils du Comte d'Aron .
del , fit préfent de ces marbres à la célébre
Univerfité d'Oxford , il en parut depuis
une feconde édition , fous le titre de Mari
90 MERCURE DE FRANCE.
bres d'Oxford , par les foins du Docteur
Prideaux , qui joignit fes commentaires &
ceux de quelques autres Critiques aux remarques
de Selden. Il eſt aifé de voir parlà
qu'on ne fçauroit négliger leur témoignage
dans un fait de cette nature , fans
donner atteinte à la vérité historique ;
puifque fi l'on refufe d'y déférer il n'y a
point d'entiere certitude à fonder fur le
rapport des autres : cela a été un motif
plus que
fuffifant pour engager à confidé
rer de près le Texte Original dont on a rapproché
les paffages qui concernent le poëte
Simonide . On s'eft apperçu par la combinaifon
approfondie qu'on en a faite , que
cette contradiction apparente avoit uniquement
fa caufe dans une méprife de Selden
, commune à M. Prideaux qui bien
loin de relever l'erreur que ce premier Editeur
a commiſe à ce fujet , l'a confirmée
lui-même dans une de fes notes. Nos deux
fçavans Anglois fe font imaginés mal - àpropos
que les termes de l'Infcription défignoient
deux Simonides différens l'un de
l'autre : En conféquence de cette diftinction
, ils ont cru que le poète de ce nom
dont il eft queftion dans le premier paffage
, étoit l'ayeul de celui dont il s'agit
dans le fecond , pour n'avoir pas vraifemblablement
apporté un examen affez réflé
OCTOBRE. 1755. 91
chi dans la lecture des paroles du Texte.
Il auroit fervi à les convaincre que dans
tous les endroits où ils faifoient mention
de Simonide , ils avoient en vûe la même
perfonne qui eft celle dont on expoſe
Î'hiftoire , & ne difoient rien par
confé
quent qui ne fût conforme à ce que rapportent
les autres Ecrivains . On s'eft donc
vû par là dans l'obligation de développer
leur véritable fens , qu'on ne fçache point
avoir été faifi par aucun de ceux qui les
ont commentés , ou qui ont traité de la
vie de Simonide . On a pour cet effet difcuté
les raifons , qui ont autorifé à leur
donner cette explication abfolument néceffaire.
On fe flate que les preuves qu'on
a produites , afin d'en établir la folidité ,
paroîtront inconteftables à quiconque voudra
juger fans prévention. Le Docteur
Bentlei avoit déja fenti que le fens dans
lequel Selden & Prideaux ont entendu
ce que les Marbres contiennent touchant
Simonide , ne pouvoit avoir lieu ;
c'eft pourquoi il a propofé une autre interprétation
dont il naîtroit de plus grands
inconvéniens , fi on venoit à l'admettre :
de forte qu'on a encore eu moins de peine
à réfuter le paradoxe qu'il avance à ce fujet.
Les aventures furprenantes n'interviennent
pas pour une fois dans la vie de
92 MERCURE DE FRANCE.
notre poëte : c'est ce qui paroît dans une
autre conjoncture , où la protection des
Dieux paffe pour s'être manifeftée en fa
faveur d'une façon bien marquée . Il falloit
affurement qu'ils priffent un intérêt
tout particulier à fa perfonne , puifque
les miracles étoient mis en ufage prefque
coup fur coup pour conferver fes jours.
Voici de quoi il s'agit ; ayant rencontré
fur le rivage de la mer le cadavre d'un
inconnu , il fut touché de compaffion pour
ce malheureux privé de fépulture ; & il'l'inhuma.
Les Dieux lui fçurent gré de cet
acte d'humanité , qu'ils récompenferent
en permettant que le même homme à qui
il avoit rendu ce bon office , l'avertit en
fonge de ne point s'embarquer le lendemain
, comme c'étoit fon deffein . Il fuivit
cet avis , & vit effectivement périr le même
jour le vaiffeau qui devoit le porter.
Il confacra par un poëme la mémoire de
cet événement , & compofa pour fon libérateur
une épitaphe qui confifte en deux
vers rapportés par Tzetzes . Ici repofe la
cendre d'un homme qui fauva les jours de
Simonide , né dans l'ifle de Cée , & qui, quoique
mort , obligea un vivant .
Dans cet intervalle Athénes changea de
gouvernement. Ses habitans ne purent fupporter
davantage le joug de la tyrannie
OCTOBRE. 1755. 93
qui s'aggravoit de plus en plus par les violences
continuelles d'Hippias. Ils fe fouleverent
contre lui, & parvinrent fous la conduite
des Alcméonides fecourus des Lacedémoniens
, à le chaffer de leur Ville , an
bout de trois ans de regne depuis la mort
de fon frere. Ils rétablirent alors la forme
de leur République. Le tems qu'a duré la
Monarchie des Pifiitratides eft une époque
affez remarquable dans l'Hiftoire Grecque
pour donner lieu à un calcul qui fert à la
conftater d'une maniere précife. On l'établit
conformément aux dates que fournif
fent les Marbres fur lefquels on appuie
l'ordre chronologique qui a dirigé dans
l'arrangement des faits qui entrent dans la
compofition de cet ouvrage. On s'eft furtout
appliqué à montrer combien ils s'ac
cordent dans la fixation de l'époque en
queſtion avec ceux des Anciens fur le récit
de qui on fe fonde pour la determiner. On
releve une faute de Meurfius qui a prolon
gé la durée de cette monarchie au- delà du
terme qui lui eft propre ; & cela pour
s'être fié à des Auteurs , qui ne font rien
moins qu'exacts dans leurs fupputations
chronologiques. Le retour de Simonide à
Athenes fut marqué par tous les tranſports
de joie qu'infpiroit au peuple le recouvrement
de fa liberté, Notre Poëte vit hono94
MERCURE DE FRANCE.
rer de tous les témoignages de l'eftime
publique la mémoire d'Ariftogiton &
d'Harmodius, qui étoient regardés comme
les deux premiers libérateurs de la tyrannie.
Leur action fut confacrée par des monumens
que les Athéniens éleverent dans
le deffein de la tranfmettre à la postérité.
On ne peut décider , s'il crut qu'il lui feroit
honteux de ne point partager le bonheur
de fes Concitoyens , ou bien s'il craiguit
que fon filence dans une circonstance
pareille , ne fut pris pour un effet de quelque
attachement au parti de la tyrannie :
ce qu'il y a de vrai , c'eſt qu'il compofa
une infcription en vers à la louange des
meurtriers d'Hipparque. Quelles qu'aient
été les vûes qui l'aient pouffé à agir de la
forte ; elles ne font pas moins blamables ,
puifqu'il ne fçauroit avoir de raifon qui
ait pû le difpenfer des devoirs de la reconnoiffance
pour la perfonne de fon bienfaiteur.
Hippias qui s'étoit retiré après
fon banniffement à Sigée ville de la Troade,
tenta inutilement les moyens de rentrer
dans Athenes . Comme il étoit parvenu à
mettre dans fes intérêts Artapherne , gouverneur
de Sardes ; il abufa des difpofitions
favorables où il le voyoit à ſon égard,
pour perdre les Athéniens dans l'efprit de
ce Satrape. Il y réuffit contre l'attente de
OCTOBRE . 1755. 95
ceux- ci qui furent inftruits des mauvais
fervices qu'il leur rendoit auprès d'Artapherne.
Ils envoyerent à Sardes des Ambaffadeurs
pour le prier de ne point écouter
les difcours defavantageux que leurs
Profcrits tenoient fur leur compte. Artapherne
leur répondit féchement que le
rappel d'Hippias feroit ce qu'ils pourroient
alléguer de mieux pour leur juftification .
Les Athéniens eurent lieu d'être indignés
de la fierté avec laquelle on reçut leur amballade
, & encore plus de la condition
qu'on leur impofoit . Auffi leur reffentiment
ne manqua pas d'éclater : ils fe déclarercnt
de ce moment les ennemis des Perfes. C'eft
à ce tems que doit fe rapporter l'origine
des guerres fréquentes que ces deux Nations
fe firent entr'elles avec beaucoup de
chaleur , & qui fe terminerent enfin par la
deftruction entiere de l'Empire des Perfes.
Les Athéniens fournirent vingt vaiffeaux
pour aller au fecours des loniens qui
avoient puiffamment armé par terre &
par mer contre Darius fils d'Hyftafpe ,
Roi de Perfe. Ils les aiderent à s'emparer
de Sardes , & eurent part à l'incendie de
cette ville. Il n'en fallut pas davantage pour
irriter Darius contr'eux , & la maniere
dont ils l'avoient offenfé depuis peu dans
la perfonne de fes héraults qu'ils avoient
96 MERCURE DE FRANCE.
fait mourir indignement , accrut cette
animofité qui affura à Hippias le fuccès de
fes intrigues . Darius voulut à quelque prix
que ce fut , fe venger des Athéniens. II
leva pour cet effet une armée de trois
cens mille hommes , & équippa une flotte
de fix cens vaiffeaux , dont il donna le
commandement à Datis , Mede de nation ,
& à Artapherne , fils d'Artapherne fon
frere. Ces deux Généraux embarquerent
leurs troupes , & firent voile vers Samos ;
de-là ils fe rendirent à Naxe , où ils brûlerent
la capitale & tous les temples . Ils
foumirent toutes les autres ifles de la mer
Egée , aujourd'hui l'Archipel . Ils dirigerent
enfuite leur route vers Eretrie ville
méridionale de l'Eubée. Ils l'emporterent
après un fiége de fept jours , la réduifirent
en cendres , & mirent aux fers tous les
habitans qu'ils y trouverent. Ils pafferent
après cette expédition dans l'Attique où
Hippias qui étoit leur conducteur les fit
defcendre dans la plaine de Marathon .
C'eft-là que fe livra cette célebre bataille
dont les fuites furent fi malheureuſes pour
les Perfes. Dix mille Athéniens commandés
par des chefs , à la tête defquels étoit
Miltiade , fecourus d'un renfort de mille
Platéens , foutinrent vigoureufement leurs
attaques. Si l'inégalité du nombre fe trouvoit
i
OCTOBRE . 1755. 1 97
voit du côté des Grecs , le courage fuppléoit
à ce défaut. On peut dire qu'ils
firent des prodiges de valeur , puifqu'ils
vinrent à bout de battre les Perfes qu'ils.
contraignirent à abandonner leur camp ,
& à fe retirer fur leurs vaiffeaux pour
chercher leur falut dans une prompte.
fuite. Cette défaite de leurs ennemis les
couvroit de gloire autant qu'elle couvroit.
de honte les Perfes qui combattoient dix
contre un. On auroit même affez de peine
à fe perfuader qu'une poignée de monde
eût été feulement en état de faire tête aux
troupes nombreufes qui rendoient l'armée
de Darius formidable , fi l'expérience ne
nous apprenoit l'avantage réel qu'un petit
nombre de gens bien agguéri & de plus
animés par la défenfe de leur liberté , a
fur une multitude mal difciplinée & énervée
par la molleffe , comme l'étoient aſſurément
les Perfes . Il eſt à propos d'obſerver
qu'il s'eft gliffé un zéro de trop dans les
chiffres arabes employés pour défigner le
nombre d'hommes dont le corps d'armée
des Grecs étoit compofé ; car on lit cent
dix ;mille , au lieu de onze mille . Quoique
cette faute d'impreffion ne foir pas
marquée dans l'Errata , on fe flatte qu'on
voudra bien ne l'a pas impurer à l'Auteur.
Il ne faut que réfléchir fur ce
Б
98 MERCURE DE FRANCEJ
qui précede , & fur ce qui fuit , pour s'ap
percevoir qu'elle eft de la nature de celles
que commettent fréquemment les Imprimeurs
à qui il arrive fouvent de fubftituer
un chiffre à l'autre , d'ajouter ou d'omettre
en cette partie. D'ailleurs les Hiftoriens
que l'on cite pour garants du fait en queftion
, fixent préciſement l'armée des Grecs
au nombre dont il s'agit : ce qui montre
évidemment que la faute n'appartient pas
à l'Auteur , à qui on ne fçauroit l'attribuer ;
puifqu'il n'eft pas vraisemblable , qu'il eût
lui-même produit une citation qui contrediroit
manifeftement cet endroit de fon
texte , dont elle eft ici le fondement : par
bonheur elle fert à en rétablir l'altération .
Quelques foins que l'on ait pris pour
indiquer
dans l'Errata , les fautes groffieres
d'impreffion qui fe rencontrent dans cet
ouvrage ( car pour celles qui font moins
confidérables , il fera facile aux Lecteurs
de les corriger elles s'étoient tellement
multipliées par la négligence de l'Imprimeur,
qu'il n'eft pas étonnant qu'il y en ait
encore quelques- unes d'importantes qui
foient échappées à la vigilance de l'Auteur
dont l'attention fatiguée a du fuccomber
dans un travail auffi dégoutant. Avant que
de décider qu'il s'eft trompé , il prie de
diftinguer les fautes qui peuvent lui être
OCTOBRE . 1755 99
propres , de celles qui lui font étrangeres.
Il croit cet avertiffement d'autant plus néceffaire
, qu'il ne diffimule pas que l'édition
de fon livre eft défigurée par beaucoup
d'imperfections typographiques. Il eft
ans doute difgracieux pour lui de fe voir
réduit à la trifte néceffité de la déprimer.
Hippias qui avoit été le principal au
tear de cette guerre , y perdit la vie
Comme Simonide écrivit l'hiftoire du
regne de Datius , il y a apparence que ce
Poëte y fit valoir la victoire que fes Concitoyens
avoient remportée fur les Perfes.
Deux ans après la journée de Marathon
lorfque la tranquillité publique eut permis
de recommencer l'exercice des Jeux publics,
Simonide & Efchyle y difputerent enfemble
le prix de l'Elégie par un Poëme que
l'un & l'autre compoferent en l'honneur
des Grecs qui avoient glorieufement fuccombé
dans la mêlée . Simonide triompha
de fon concurrent qui ne paroiffoit pas
propre à traiter ce genre de poefie. La gloire
que fes fuccès littéraires lui acquirent ,
ne manqua pas d'exciter la jaloufie de quelques
Poëtes envieux qui ne laifferent
échapper aucune occafion de le décrier dans
leurs vers. S'il affect de marquer du mépris
pour leurs traits fatyriques , it ne conferva
pas moins de reffentiment contre
E ij
335289
100 MERCURE DE FRANCE.
(
leur perfonne . C'est ce qui paroît par l'épi ;
taphe qu'il fit d'un Poëte comique nommé
Timocréon qui avoit été fon plus violent
ennemi. Voici la maniere dont celuici
y eft dépeint. Ici repofe la cendre de Timocréon
de Rhodes , qui paffa toute sa vie à.
boire , à manger , & médire du & à genre:
bumain.
Le fçavoir de Simonide & la fageffe de
fes moeurs contribuerent pour le moins autant
que fon mérite poétique à fonder fa
grande réputation. C'eft ce qui vraifemblablement
a donné lieu à un Pere de l'Eglife
de le mettre au nombre des fept Sages
de la Grece : mais ce fentiment lui eft particulier.
Plutarque nous parle d'une circonftance
où Simonide ne foutint pas affurément
le caractere qu'on lui attribue . Il
y auroit fans doute de la témérité à conclure
de-là que ce Poëte reffembloit à
ceux qui démentent par leur conduite les
fages maximes étalées dans leurs ouvrages
, où ils fe font un devoir de recommander
la pratique de la vertu . Tout ce
qu'on peut dire de plus plaufible ; c'eft qu'il
paya dans cette occafion un tribut aux foibleffes
qui ne font que trop ordinaires à
l'humanité.
Comme
Thémistocle lui témoignoit
beaucoup d'amitié , il s'autorifa du crédit
OCTOBRE. 1755. 101
qu'elle lui procuroit auprès de ce grand
Capitaine qui étoit alors Archonte , pour
demander une injuftice. Il s'attira cette
réponſe qui fait honneur à Thémistocle :
Tu ne ferois pas bon Poëte , fi tu faifois des
vers contre les regles de la poësie ; ni moi
bon Magiftrat , fi je t'accordois quelque
chofe contre les Loix . Darius , fils d'Hyf
tafpe , laiffa en mourant pour fucceffeur
Xerxès , dont on conftate l'avénement au
thrône de la Perfe. La défaite de fon armée
n'avoit pas tellement abattu fa fierté
, qu'il ne fongeât aux moyens de réparer
cet échec en renouvellant la guerre
contre la Grece , qu'il vouloit abfolument
foumettre à fes armes . Mais la mort l'ayant
furpris , avant que de pouvoir exécuter ce
projet qu'il avoit formé , Xerxès fon fils .
quelque tems après qu'il fut parvenu à la
couronne réfolut d'effectuer l'intention de
fon pere. Il travailla pendant trois ans
aux préparatifs néceffaires pour la guerre
qu'il fit en perfonne contre les Grecs. L'expédition
de ce Monarque étant fans contredit
un des principaux événemens qui
appartiennent à l'hiftoire ancienne ; on
produit quelques calculs dont la combinaifon
fert à en fixer l'époque précife . On
montre que le temps qui lui eft affigné par
tes Hiftoriens de l'Antiquité les plus exacts
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
concourt juftement avec l'année de l'Ere
Attique , fous laquelle les Marbres rangent
le paffage de Xerxès dans la Grece.
Comme le P. Petau a jugé à propos de le
placer un an plus tard qu'on ne le marque,
on examine le fondement fur lequel ce
fçavant Chronologifte appuie la fupputation
qu'il a fuivie. On la combat par des
preuves qui fuffifent pour la ruiner . Cela
engage conféquemment dans une diſcuſfion
qui pourra fournir des éclairciffemens
fur cette époque. Perfonne n'ignore le
mauvais fuccès qu'eut l'expédition de Xerxès
qui repafla tout couvert de honte &
de confufion , l'Hellefpont, après la déroute
entiere de fa flotte. Le nombre prodigieux
des troupes qui l'accompagnerent , n'empêcha
pas que les Grecs n'euffent toujours
l'avantage dans les combats confécutifs
qu'ils foutintent contre les Perfes qu'ils
taillerent en pieces. On ne s'arrêtera point
au détail de ces chofes affez généralement
connues on en peut lire la defcription
dans l'ouvrage où elles trouvent place ;
parce que leur récit entre naturellement
dans fon plan . Car Simonide ayant célébré
dans des Poëmes particuliers les victoires
remportées par les Grecs dans toutes
ces occafions , ou compofé des Epitaphes
en l'honneur de ceux de fa nation , qui y
OCTOBRE. 1755. 103
périrent les armes à la main ; on ne pouvoit
guere fe difpenfer d'en parler . Il falloit
bien donner une idée de ce qui s'eft
paffé de mémorable dans cet intervalle du
fiecle où il écrivoit pour lier plus aifément
les parties de l'hiftoire de fa vie. Au
refte , on ne s'y eft étendu qu'autant que
cette liaiſon a paru néceffaire pour entretenir
le fil de la narration ; on s'eft même
attaché à décrire certaines particularités
que ceux d'entre les modernes , qui ont
fait l'hiftoire de ce tems - là , n'ont pas rapportées.
On infiftera feulement ici fur le
réfultat d'une converfation que Simonide
eut avec Paufanias Roi de Lacédémone ,
dans un voyage qu'il fit à Sparte quelque
tems après la bataille de Plárée . Ce Prince
qui avoit commandé en chef l'armée des
Grecs dans cette journée fi glorieufe pour
eux , s'étant trouvé un jour à un repas
avec ce Poëte , le pria de lui débiter quelque
fentence qui confirmât l'opinion qu'on
avoit de fa profonde fageffe. Simonide lui
répondit en fouriant , Souviens-toi que tu
es homme. Paufanias ne fut point touché
du grand fens renfermé dans cette réponſe
qui venoit fort à propos dans la circonftance
où Paufanias faifoit cette demande . Car
l'orgueil l'aveugloit , & les projets ambitieux
qu'il rouloit alors dans fa tête, furent
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
la caufe de fa perte. Ils ne tendoient rien
moins qu'à affèrvir la Grece la Patrie , qu'il
s'étoit engagé à livrer en la puiffance de
Xerzès , à condition qu'il épouferoit une
des filles de ce Monarque , dont il s'attendoit
vraisemblablement par cette alliance à
partager la grandeur. Xerxès n'eut point
de peine à confentir à un traité qui lui étoit
auffi avantageux. Quelques fourds que
fuffent les moyens que Paufanias employa
pour exécuter l'engagement qu'il avoit
contracté avec les Perfes , ils percerent
affez pour rendre fa conduite fufpecte aux
Ephores de Lacédémone, qui épierent toutes
fes démarches . Son complot fut découvert
par celui qu'il avoit chargé de porter
ane lettre à Artabaze Gouverneur de la
Propontide , avec qui il entretenoit des
correfpondances fecrettes ; & fon imprudence
aida encore à le décéler . Comme il
s'apperçut qu'on vouloit l'arrêter , il ſe réfugia
dans le Temple de Minerve , dont
l'afyle paffoit pour être inviolabe : ainfi
on ne pouvoit l'en arracher de force fans
manquer de refpect pour ce lieu . Mais il
n'évita pas pour cela la peine de fon crime.
Les Ephores trouverent un expédient pour
mettre à mort le coupable fans recourir à
la violence. Ils firent murer les portes du
Temple pour l'empêcher de fortir, & fr
OCTOBRE . 1755 . 1755. 105
rent en même- tems démolir le toit , afin
qu'il mourût plutôt , étant expofé aux injures
de l'air. Ce fut là que luttant avec la
faim , il fe reffouvint des paroles de Simonide
, & les accompagna de cette réflexion
tardive , en s'écriant par trois fois : C'est en
ce moment illuftre Poëte de Cée , que je fens la
vérité de ton difcours , qu'un imprudent
orgueil m'a fait dedaigner ! Ce retour de
Paufanias fur lui -même témoigne affez
qu'il étoit du nombre de ces perfonnes qui
fentent la folidité des bons avis qu'ils ont
reçus , lorsqu'il n'eft plus temps d'en profiter.
Le grand âge de Simonide n'avoit
point affoibli la force de fon efprit que
l'expérience des années avoit fervi à mûrir;
parce qu'elle apprend à juger des chofes
felon leur jufte valeur. Il n'eft pas étonnant
que fa converfation aufli inftructive
qu'agréable , le fit rechercher des Princes
de fon temps qui aimoient les Sçavans .
Hieron Tyran de Siracufe , affez connu par
le goût qu'il avoit pour eux , ne marqua
pas peu d'empreffement de pofféder à fa
Cour un perfonnage de cette célébrité . 11
l'invita à s'y rendre pour y jouir de tous
les honneurs , & des récompenfes que for
mérite devoit lui faire efpérer . Cette invitation
de la part de ce Prince , éroir d'une
nature à déterminer ce Poëte , que fa paf
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
fion dominante pour l'acquifition des ri
chelles rendoit fort attentif à fes intérêts.
Elle avoit affurément de quoi être flattée
par les avantages que Simonide avoit lieu
de fe promettre de l'humeur libérale d'Hieron
qui l'appelloit auprès de lui . Auffi
ne balancerent ils point les confidérations
qui auroient pû l'empêcher d'entreprendre
un voyage dont fon extrême vieillefle fuffifoit
fans doute pour le détourner ; fi l'on
obferve qu'il étoit âgé alors de quatrevingt-
fept ans . li pafa le refte de fes jours
à la Cour d'Hieron , où il joua un rôle des
plus importans ; on peut même dire qu'elle
fut le théatre de fa gloire car il y brilla
non -feulement comme Bel- efprit , mais
encore comme Philofophe , & comme Politique
. La connexion que les dernieres
années de fa vie ont avec l'hiſtoire de ce
Prince , a obligé de détailler les circonftances
qui y font relatives . Pour en avoir une
parfaite connoiffance , il a fallu reprendre
les chofes d'un peu plus haut , en offrant
un récit fuccinct de ce qui appartient à
l'hiftoire de Gelon fon frere , & fon prédéceffeur
au thrône de Syracufe , à laquelle
la fienne eft liée trop
intimement pour
pouvoir en être féparée. C'eft par le dérail
des particularités qui en dépendent , que
commence la feconde partie , dont nous
OCTOBRE. 1755. 107
entretiendrons une autrefois nos Lecteurs,
parce que nous ne fçaurions nous permettre
la même étendue dans l'Analyfe des
faits qu'elle renferme , fans occuper ici
trop de place. Cela nous met dans l'obligation
de renvoyer la fuite de cet Extrait
au mois prochain.
MÉMOIRE SUR LA PEINTURE à
l'encaustique & fur la peinture à la cire ;
par M. le Comte de Caylus , de l'Académie
des Belles - Lettres ; & M. Majault ,
Docteur de la Faculté de Médecine en l'Univerfité
de Paris , & ancien Médecin des
armées du Roi . A Genéve; & fe vend à Paris
, chez Piffot , à la Croix d'or , Quai de
Conty. 1755.
L'avis de l'Imprimeur nous apprend que
le 29 Juillet 1755 , M. le Comte de Câylus
lut à l'Académie des Belles - Lettres fon
mémoire fur la peinture à l'encauftique ,
& la premiere partie de cet ouvrage , qui
contient les procédés de cette peinture.
L'Académie a permis que l'on tirât ces
deux ouvrages de fes regiftres , & qu'on
les imprimat , parce qu'elle a cru qu'ils
pouvoient être utiles aux artiftes . On y a
joint les procédés de la peinture de la cire,
qui font la feconde partie : ce font les
propres termes de l'avis . Voilà le mystere
E vj
108
MERCURE DE
FRANCE.
enfin dévoilé ; & graces à M. le Comte de
Caylus , la peinture voit étendre fa carriere
, & vient
d'acquérir de
nouveaux
tréfors. On voit déja fix
tableaux peints
à
l'encaustique , par M. Vien. Ils font expofés
au fallon.
ESSAI fur la police générale des
grains , fur leur prix & fur les effets de
l'agriculture . Qui operatur terram fuam ,faturabitur
panibus . Prov. cap. 12. v. 15. A
Berlin ; & fe trouve à Paris , chez Piſſot ,
quai de Conty.
Cet ouvrage qui eſt dédié à M. de Maupertuis
, de l'Académie Françoife , & Préfident
de celle de Berlin , nous paroît auffi
utile que bien fait.
EXAMEN des avantages & des defavantages
de la prohibition des toiles peintes.
On trouve cette brochure in- 12 , de
127 pages , chez Guerin & Delatour , rue
S. Jacques , à S. Thomas d'Aquin ; & chez
Lambert , rue de la Comédie Françoife.
Elle nous paroît l'ouvrage d'un citoyen
impartial , qui veut le bien de l'Etat &
d'un Négociant inftruit , qui fçait écrire .
du fiécle'où il a vêcu , avec des éclairciffemens
chronologiques ; par M. de Boiffy
fils , un volume in -12 , d'environ quatre
cens pages, Chez Duchefne , rue Saint
Diij
78
MERCURE DE
FRANCE.
Jacques , au Temple du Goût.
Nous avons promis de donner l'extrait
de cet ouvrage , en l'annonçant dans les
nouvelles du mois de Juillet. C'est ce que
nous allons exécuter ici . Comme la préface
qui fe
trouve à la tête
comporte cent
pages ; on s'attend bien qu'elle pourra rebuter
le commun des lecteurs dont le dégoût
pour les longs
préambules eft trop
connu pour ne pas menager leur délicateffe
fur cet article ; mais on les prie de
vouloir bien
confidérer que l'auteur ne
s'eft rien moins que propofé de traiter un
fujet de pur agrément , où l'on court rifque
d'ennuyer , pour peu que l'on paffe
les bornes qu'il est
néceffaire de s'y prefcrire.
Il n'en eft pas ainfi de la
préface
dont il s'agit .
Comme elle tient à un ouvrage
qui eft de la nature de ceux où il
entre une infinité de
difcuffions , elle fuppofe
par cela même beaucoup de détails
raifonnés , qui
demandent une
certaine
étendue de forte qu'elle fait partie effentielle
de
l'ouvrage auquel elle fert d'introduction
.
Quoi qu'il en foit , on y a pris foin
d'avertir qu'on ne s'eftpas
uniquement attaché
à écrire la vie de
Simonide .
L'étroite
les
circonftances rélatives à ce
Union
que
Poëte
, ont
avec
la
piûpart
des
événemens
OCTOBRE. 1755. 79
remarquables de fon tenis , a été un motif
fuffifant pour engager l'auteur à en
compofer l'hiftoire.
C'eſt un avantage d'autant plus réel
d'avoir joint leur détail au corps de la
narration , qu'il a pour objet un fiécle où
la Gréce offre le tableau de fréquentes révolutions
les plus propres à exciter notre
curiofité. Outre que cet enchaînement de
fairs concourt à lier la rélation des chofes
qui compofent cet ouvrage : il tend encore
à le rendre plus important par les accelloires
qui entrent dans fon plan ; en
même tems qu'il y jette une variété capable
d'intéreffer davantage les amateurs de
l'antiquité , qui recherchent leur inftruction
. On a cru devoir le divifer en deux
parties pour mettre plus d'ordre dans la
fuite des événemens qu'on raconte. La
premiere contient le récit de tout ce qui
s'eft paffé de plus mémorable depuis que
Simonide vint à Athénes pour y jouir des
libéralités d'Hipparque , l'aîné des fils de
Pififtrate , & fon fucceffeur , jufqu'au
voyage qu'il fit à Syracufe , où les préfens
d'Hieron , premier du nom , qui y regnoit
alors , avoient fçu l'attirer. La feconde
comprend tout ce qui eft arrivé à ce
poëte dans les dernieres années de fa vie ,
qu'il a paffées à la cour de ce Prince , où
Div
So MERCURE DE FRANCE.
>
il a joué un rôle affez confidérable. Comme
l'auteur a eu particuliérement en vûe
l'utilité que les Sçavans de profeflion pourroient
tirer de fon travail , il s'eft propofé
de répandre quelque jour fur certains
événemens qui y trouvent leur place
lorfqu'ils lui ont paru n'avoir pas été débrouillés
, ou fuffi famment éclaircis . Toutes
les fois qu'il s'eft apperçu du peu d'accord
qu'il y a entre les anciens dans la maniere
de les conftater , il a pris à tâche de
concilier la diverfité de leurs rapports ,
autant que cela a pu fe pratiquer fans nuire
à la vérité hiftorique . On fent bien que
cette méthode qu'il a employée en traitant
fon fujet , eft inféparable des difcuffions
de critique & de chronologie qui en font
la bafe. Elle exigeoit aufli qu'il indiquât
les fources où il a puifé pour faciliter à
ceux de fes lecteurs qui voudront les confulter
les moyens d'y recourir. Il a donc eu
la précaution de citer exactement au bas
des pages tous les écrivains du témoignage
defquels il s'eft autorifé dans ce qu'il a
rapporté & dans le cours de fes remarques
. Nous allons extraire les principaux
faits que cette hiftoire renferme , afin de
donner une idée de la marche que l'on y a
fuivie , & de mettre à portée de juger des
recherches dont elle eft fufceptible .
OCTORRE. 1755 . 84
Simonide nâquit 55 8 ans avant J.C. à Joulis
, ville de l'ifle de Cée , l'une des Cyclades ,
fituée dans le voisinage de l'Attique.Leoprépés
étoit le nom de fon pere. Il a fallu entrer
dans un calcul chronologique pour déterminer
la date de fa naiffance , conformément
à la fupputation que fourniffent les
marbres d'Arondel. Il ne paroît pas que ce
poëte ait beaucoup fait parler de lui avant
fon arrivée à Athènes , où il n'alla qu'après
avoir paffé fes premieres années dans
fa patrie. C'est là que la beauté de fan génie
& fon talent pour les vers , commencerent
à fe produire au grand jour , & le
firent connoître affez avantageufement à
la Cour d'Hipparque pour avoir part à fes
bonnes graces . Ce Prince qui étoit l'aîné
des fils de Pififtrate lui avoit fuccédé au trône
d'Athénes . Comme le récit de Thucydide
touchant Hipparque , differe de
celui des autres Ecrivains , on examine les
preuves fur lesquelles il l'appuie . On conclut
qu'elles ne fuffifent pas pour détruire
la commune opinion . Le feul moyen d'accorder
Thucydide avec les Ecrivains dont .
il combat le fentiment , eft l'affociation
d'Hippias à la Royauté. On fe fert des
raifons qu'apporte cet Hiftorien pour confirmer
la vérité de ce que l'on remarque
ce fujet. On s'attache enfuite à faire conà
Dv
82 MERCURE DE FRANCE.
noître le caractere d'Hipparque qui avoit
hérité des vertus de fon pere , & de fon
amour pour les Lettres . Il ne contribua pas .
peu à leur progrès par les récompenfes
qu'il fçavoit diftribuer à propos. Sa générofité
s'étendoit à toutes les perfonnes qui
fe diftinguoient dans cette carriere . Il en
donna des marques éclatantes à l'égard du
poëte Anacréon , à qui il envoya une galere
à cinquante rames , avec des lettres
d'invitation pour venir à Athenes . Les
poëfies d'Homere mériterent principalement
fes foins ; & en cela il fuivit l'exemple
de Pifiſtrate ſon pere qui paffe pour
les avoir recueillies le premier en un corps,
& en l'état que nous les avons aujourd'hui
. Elles avoient couru par pieces détachées
dans les différentes parties de la
Gréce avant que Lycurgue les eût apportés
complettes d'Ionie. Il introduifit la
coutume de faire chanter alternativement
par les Rhapsodes l'Iliade & l'Odyffée , à
la fête des Panathénées. Platon nous apprend
que cet ufage fubfiftoit encore de
fon tems. On parle à cette occafion de la
folemnité de cette fête qui fe célébroit à
Athénes, & qui avoit été inftituée en l'honneur
de Minerve protectrice de cette
ville. On fixe le tems de fa premiere inftitution.
On marque les changemens qu'y
OCTOBRE . 1755 . 83
fit dans la fuite Théfée qui donna une
nouvelle forme à la célébration de ces
Panathénées . On fpécifie les prix qu'on y
propofoit pour toutes fortes d'exercices.
On obferve auffi qu'elles ont été confondues
mal - à - propos avec les Jeux Eleufiniens
, dont la fondation eft poftérieure de
près de deux cens ans à celle des Panathénées.
Hipparque ne fe borna point au titre
de fimple protecteur des Lettres , il les
cultiva lui -même avec fuccès. C'eſt ce qui
parut par des vers élegiaques de fa façon ,
qu'il compofa en forme d'infcriptions qui
renfermoient des fentences morales. Il eut
foin de les faire graver au bas des ftatues
de Mercure , qui avoient été érigées par
fon ordre dans tous les cantons de l'Attique
, pour infpirer à quiconque les liroit
des fentimens vertueux. Ses libéralités
pour Simonide qui avoit un penchant
fingulier à l'avarice , attacherent d'autant
plus volontiers ce Poëte à fa Cour, qu'elles
le mirent à portée de fatisfaire fon humeur
intéreffée. Il en jouit jufqu'à la mort de
ce Prince qui fut affaffiné par Ariftogiton ,
& par Harmodius , Chefs d'une conjuration
qu'ils avoient tramée contre lui. On
en expofe les circonstances dont on pourra
lire le détail dans l'ouvrage même. Le
meurtre d'Hipparque laiffa Hippias fon
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
frere feul en poffeffion de l'autorité abfolue
qu'il partageoit avec lui.
Si les vertus de ce Prince lui furent
communes pendant tout le tems qu'ils regnerent
enfemble , elles s'éclipferent depuis
fa mort , & furent remplacées par les
pratiques odieufes & criminelles qu'emploient
ordinairement ceux qui fe perfuadent
qu'elles font un moyen plus fûr que
la voie de la douceur pour fe maintenir
fur le thrône qu'ils ufurpent , & pour conferver
leur vie. La douleur fenfible que
lui caufa la perte de fon frere , & la crainte
qu'il eut d'éprouver le même fort , aigrirent
fans doute fon caractere . Ces deux
caufes réunies concoururent à en faire un
tyran dans toutes les formes . Ariftogiton ,
l'un des meurtriers d'Hipparque , ayant
été arrêté , fut conduit en préfence d'Hippias
qui le fit expirer au milieu des
fupplices , fans avoir pû le contraindre à
avouer aucun de fes complices. Il n'y avoit
rien que de naturel & de jufte dans la
punition du coupable ; mais il falloit
qu'Hippias bornât là les effets de fon reffentiment
qui pour être pouffé trop loin
dégénéra en cruauté . Une Courtifane, maîtreffe
d'Ariftogiton , nommée Léene fut
une des premieres victimes de fes foupçons.
Elle fouffrit la mort avec une conf..
OCTOBRE. 1795. 85
tance admirable ; & ce qui montre la
force de fon courage au- deffus des perfonnes
de fon fexe , & qui plus eft de fon
état , c'eft qu'elle fe coupa la langue avec
les dents , & la cracha au vifage du Tyran
, appréhendant que la rigueur des
tourmens n'agit affez fur elle pour lui
faire trahir le fecret qu'on vouloit tirer.
de fa bouche. Quoique l'on foit généralement
imbû de l'hiftoire de cette Courtifane
, elle peut fort bien n'être pas connue
dans toute l'étendue des particularités
que l'on rapporte.
pas
Athénes ayant changé de face par ces
funeftes révolutions qu'elle éprouva , Simonide
qui n'avoit lieu de fe promettre
les mêmes avantages fous un regne
où la tyrannie déployoit fes violences ,
abandonna vraisemblablement cette ville .
Il fe retira à la Cour d'Alevas , & de fes
trois fils Rois de Theffalie , qui avoient
déja , fur le bruit de fa réputation , taché
de l'attirer auprès d'eux par des préfens
confidérables . C'eft dans cette contrée que
lui arriva une aventure très finguliere ,
pour ne rien dire de plus , qui nous a été
tranfmife par différens auteurs , dans le
récit defquels on remarque quelque variété.
Pendant fon féjour à Cranon , ville
de la Theffalie , il fut invité à un fuperbe
86 MERCURE DE FRANCE.
feltin chez Scopas , homme riche & puiffant
, qui fortoit d'une des nobles familles
du pays. Il y récita des vers à la louange
du Theffalien déclaré depuis peu vainqueur
aux Jeux du Pugilat. Comme il avoit
mêlé dans le poëme en queftion une digreflion
en l'honneur de Caftor & de Pollux
, Scopas refufa de donner en entier la
récompenfe qu'il avoit promife à Simonide,
& allégua pour prétexte qu'il étoit juſte
que les Tyndarides payaffent la moitié ,
puifqu'ils partageoient avec lui la moitié
de l'éloge. Un moment après on avertit
notre Poëte que deux jeunes gens qui demandoient
à l'entretenir étoient à la porte.
Il fe leva de table auffi-tôt , & fortit; mais
il ne trouva plus perfonne. Dans cet intervalle
le plafond de l'appartement où
l'on mangeoit alors étant tombé fur Scopas
& les conviés , ils furent tous écrafés
fous les ruines . On prétend que ces deux
jeunes gens étoient Caftor & Pollux euxmêmes
, qui pour lui témoigner leur reconnoiffance
, le fauverent de cette maniere.
On ne nie pas que le fait quant au
fond ne puiffe être vrai , mais il le faut
dépouiller de ces dernieres circonstances
qui tiennent trop du merveilleux , pour
n'être pas mifes au rang des chofes abfurdes
, dont la croyance groffiere des Grecs.
OCTOBRE. 1755. 87
avoit coutume de fe repaître . Il eſt certain
que cette apparition des Tyndarides choque
étrangement le fens commun ; jufques
là que Quintilien ne balance point à la
traiter de fable ; & la preuve qu'il produit
pour appuyer le jugement qu'il en porte ,
eft que Simonide n'en fait aucune mention
dans fes ouvrages . Quoiqu'il en foit ,
on veut que Simonide ait laiffé dans cette
occafion des marques d'une mémoire excellente
; de forte qu'il paffe pour avoir
inventé celle que l'on appelle locale , en
montrant le premier l'ufage qu'on en devoit
faire. Scopas & les conviés avoient
été défigurés au point d'être devenus entierement
méconnoiffables . Heureufement
Simonide ſe reſſouvenant encore de la place
que chacun d'eux avoit occupée , difcerna
parfaitement leur corps au milieu
des débris de la maifon , & les indiqua
aux parens des conviés pour les enterrer.
Enfuite réfléchiffant fur la néceffité effentielle
de l'ordre par rapport à l'entretien
de la mémoire , il apperçut qu'on ne pouvoit
mieux l'exercer qu'en marquant les
lieux avec exactitude , & en fe les imprimant
fi bien dans l'efprit qu'on fçut fe
rappeller les objets qui l'auroient déja
frappé. Il la conferva jufqu'à fa mort , &
il nous apprend dans un diftique de fa
88 MERCURE DE FRANCE.
compofition qu'étant âgé de quatre- vinge
ans , perfonne ne l'égaloit pour la mémoire.
Si l'on s'attachoit à l'interprétation
que Selden a donnée de l'un des divers
paffages des Marbres d'Arondel , où ils
parlent de Simonide ; il s'enfuivtoit que
l'invention de la mémoire locale ne devroit
point être attribuée à notre poëte , mais à
un autre Simonide , petit - fils de celui - ci
par fa mere , & également poëte , à qui
ils donneroient Léoprépés pour pere : ce
qui mettroit une différence fenfible entre
eux & ceux des Anciens , qui font unanimement
de ce Léoprépés le pere de l'ayeul
lui - même. Cette contrariété manifefte qui
réfulteroit de leur témoignage , comparée
avec le récit des Ecrivains que l'on cite ,
entraîneroit après elle des difficultés qu'il
feroit d'autant plus difficile de réfoudre
qu'il n'y auroit pas moyen de procéder
aux voies de conciliation. Comme l'ancienneté
de ce monument le rend le plus
authentique qu'il y ait en ce genre , il n'y
en a point qui puiffe nous guider avec
autant de certitude pour la chronologie
grecque. Sa nature l'a garanti des fautes
î communes aux Copiftes , dont la négligence
n'a été que trop préjudiciable aux
ouvrages des Anciens : car c'eft fur des
marbres, & conféquemment c'est l'Autogra-
1
OCTOBRE . 1755 . 89
phe de l'Auteur anonyme , qui l'a dreffé
par autorité publique , pour fervir d'archives
à toute fa nation . Il eft fâcheux
que
l'infcription grecque gravée fur ces marbres
endommagés par le tems , offre des
lacunes affez fréquentes dans la fuite des
LXXIX époques, ou l'efpace d'environ 1 300
ans qu'elle renferme . Ce qui nous prive
de bien des éclairciffemens , qu'il y auroit
eu lieu de répandre par leur moyen fur
plufieurs points embrouillés de l'hiftoire
grecque. Sa date capitale commence au
regne de Cécrops , Roi d'Athénes , qu'eile
fait concourir avec l'an 1318 de l'Ere Attique;
& elle ne deſcend point plus bas que
le tems de l'Archontat de Diognete ›
quel tombe entre les années 264 & 263
avant Jefus Chrift. Le fameux Selden
après l'avoir copiée , la publia fous le nom
deMarbres d' Arondel, parce qu'ils apparte
noient à Thomas Howard , Comte d'Arondel
, qui les avoit fait venir du Levant
à grands frais. Il en accompagna le texte
d'une verfion latine , à laquelle il ajouta
un Apparat chronologique , & des notes
hiftoriques . Comme Henri Howard , Duc
de Norfolk , petit fils du Comte d'Aron .
del , fit préfent de ces marbres à la célébre
Univerfité d'Oxford , il en parut depuis
une feconde édition , fous le titre de Mari
90 MERCURE DE FRANCE.
bres d'Oxford , par les foins du Docteur
Prideaux , qui joignit fes commentaires &
ceux de quelques autres Critiques aux remarques
de Selden. Il eſt aifé de voir parlà
qu'on ne fçauroit négliger leur témoignage
dans un fait de cette nature , fans
donner atteinte à la vérité historique ;
puifque fi l'on refufe d'y déférer il n'y a
point d'entiere certitude à fonder fur le
rapport des autres : cela a été un motif
plus que
fuffifant pour engager à confidé
rer de près le Texte Original dont on a rapproché
les paffages qui concernent le poëte
Simonide . On s'eft apperçu par la combinaifon
approfondie qu'on en a faite , que
cette contradiction apparente avoit uniquement
fa caufe dans une méprife de Selden
, commune à M. Prideaux qui bien
loin de relever l'erreur que ce premier Editeur
a commiſe à ce fujet , l'a confirmée
lui-même dans une de fes notes. Nos deux
fçavans Anglois fe font imaginés mal - àpropos
que les termes de l'Infcription défignoient
deux Simonides différens l'un de
l'autre : En conféquence de cette diftinction
, ils ont cru que le poète de ce nom
dont il eft queftion dans le premier paffage
, étoit l'ayeul de celui dont il s'agit
dans le fecond , pour n'avoir pas vraifemblablement
apporté un examen affez réflé
OCTOBRE. 1755. 91
chi dans la lecture des paroles du Texte.
Il auroit fervi à les convaincre que dans
tous les endroits où ils faifoient mention
de Simonide , ils avoient en vûe la même
perfonne qui eft celle dont on expoſe
Î'hiftoire , & ne difoient rien par
confé
quent qui ne fût conforme à ce que rapportent
les autres Ecrivains . On s'eft donc
vû par là dans l'obligation de développer
leur véritable fens , qu'on ne fçache point
avoir été faifi par aucun de ceux qui les
ont commentés , ou qui ont traité de la
vie de Simonide . On a pour cet effet difcuté
les raifons , qui ont autorifé à leur
donner cette explication abfolument néceffaire.
On fe flate que les preuves qu'on
a produites , afin d'en établir la folidité ,
paroîtront inconteftables à quiconque voudra
juger fans prévention. Le Docteur
Bentlei avoit déja fenti que le fens dans
lequel Selden & Prideaux ont entendu
ce que les Marbres contiennent touchant
Simonide , ne pouvoit avoir lieu ;
c'eft pourquoi il a propofé une autre interprétation
dont il naîtroit de plus grands
inconvéniens , fi on venoit à l'admettre :
de forte qu'on a encore eu moins de peine
à réfuter le paradoxe qu'il avance à ce fujet.
Les aventures furprenantes n'interviennent
pas pour une fois dans la vie de
92 MERCURE DE FRANCE.
notre poëte : c'est ce qui paroît dans une
autre conjoncture , où la protection des
Dieux paffe pour s'être manifeftée en fa
faveur d'une façon bien marquée . Il falloit
affurement qu'ils priffent un intérêt
tout particulier à fa perfonne , puifque
les miracles étoient mis en ufage prefque
coup fur coup pour conferver fes jours.
Voici de quoi il s'agit ; ayant rencontré
fur le rivage de la mer le cadavre d'un
inconnu , il fut touché de compaffion pour
ce malheureux privé de fépulture ; & il'l'inhuma.
Les Dieux lui fçurent gré de cet
acte d'humanité , qu'ils récompenferent
en permettant que le même homme à qui
il avoit rendu ce bon office , l'avertit en
fonge de ne point s'embarquer le lendemain
, comme c'étoit fon deffein . Il fuivit
cet avis , & vit effectivement périr le même
jour le vaiffeau qui devoit le porter.
Il confacra par un poëme la mémoire de
cet événement , & compofa pour fon libérateur
une épitaphe qui confifte en deux
vers rapportés par Tzetzes . Ici repofe la
cendre d'un homme qui fauva les jours de
Simonide , né dans l'ifle de Cée , & qui, quoique
mort , obligea un vivant .
Dans cet intervalle Athénes changea de
gouvernement. Ses habitans ne purent fupporter
davantage le joug de la tyrannie
OCTOBRE. 1755. 93
qui s'aggravoit de plus en plus par les violences
continuelles d'Hippias. Ils fe fouleverent
contre lui, & parvinrent fous la conduite
des Alcméonides fecourus des Lacedémoniens
, à le chaffer de leur Ville , an
bout de trois ans de regne depuis la mort
de fon frere. Ils rétablirent alors la forme
de leur République. Le tems qu'a duré la
Monarchie des Pifiitratides eft une époque
affez remarquable dans l'Hiftoire Grecque
pour donner lieu à un calcul qui fert à la
conftater d'une maniere précife. On l'établit
conformément aux dates que fournif
fent les Marbres fur lefquels on appuie
l'ordre chronologique qui a dirigé dans
l'arrangement des faits qui entrent dans la
compofition de cet ouvrage. On s'eft furtout
appliqué à montrer combien ils s'ac
cordent dans la fixation de l'époque en
queſtion avec ceux des Anciens fur le récit
de qui on fe fonde pour la determiner. On
releve une faute de Meurfius qui a prolon
gé la durée de cette monarchie au- delà du
terme qui lui eft propre ; & cela pour
s'être fié à des Auteurs , qui ne font rien
moins qu'exacts dans leurs fupputations
chronologiques. Le retour de Simonide à
Athenes fut marqué par tous les tranſports
de joie qu'infpiroit au peuple le recouvrement
de fa liberté, Notre Poëte vit hono94
MERCURE DE FRANCE.
rer de tous les témoignages de l'eftime
publique la mémoire d'Ariftogiton &
d'Harmodius, qui étoient regardés comme
les deux premiers libérateurs de la tyrannie.
Leur action fut confacrée par des monumens
que les Athéniens éleverent dans
le deffein de la tranfmettre à la postérité.
On ne peut décider , s'il crut qu'il lui feroit
honteux de ne point partager le bonheur
de fes Concitoyens , ou bien s'il craiguit
que fon filence dans une circonstance
pareille , ne fut pris pour un effet de quelque
attachement au parti de la tyrannie :
ce qu'il y a de vrai , c'eſt qu'il compofa
une infcription en vers à la louange des
meurtriers d'Hipparque. Quelles qu'aient
été les vûes qui l'aient pouffé à agir de la
forte ; elles ne font pas moins blamables ,
puifqu'il ne fçauroit avoir de raifon qui
ait pû le difpenfer des devoirs de la reconnoiffance
pour la perfonne de fon bienfaiteur.
Hippias qui s'étoit retiré après
fon banniffement à Sigée ville de la Troade,
tenta inutilement les moyens de rentrer
dans Athenes . Comme il étoit parvenu à
mettre dans fes intérêts Artapherne , gouverneur
de Sardes ; il abufa des difpofitions
favorables où il le voyoit à ſon égard,
pour perdre les Athéniens dans l'efprit de
ce Satrape. Il y réuffit contre l'attente de
OCTOBRE . 1755. 95
ceux- ci qui furent inftruits des mauvais
fervices qu'il leur rendoit auprès d'Artapherne.
Ils envoyerent à Sardes des Ambaffadeurs
pour le prier de ne point écouter
les difcours defavantageux que leurs
Profcrits tenoient fur leur compte. Artapherne
leur répondit féchement que le
rappel d'Hippias feroit ce qu'ils pourroient
alléguer de mieux pour leur juftification .
Les Athéniens eurent lieu d'être indignés
de la fierté avec laquelle on reçut leur amballade
, & encore plus de la condition
qu'on leur impofoit . Auffi leur reffentiment
ne manqua pas d'éclater : ils fe déclarercnt
de ce moment les ennemis des Perfes. C'eft
à ce tems que doit fe rapporter l'origine
des guerres fréquentes que ces deux Nations
fe firent entr'elles avec beaucoup de
chaleur , & qui fe terminerent enfin par la
deftruction entiere de l'Empire des Perfes.
Les Athéniens fournirent vingt vaiffeaux
pour aller au fecours des loniens qui
avoient puiffamment armé par terre &
par mer contre Darius fils d'Hyftafpe ,
Roi de Perfe. Ils les aiderent à s'emparer
de Sardes , & eurent part à l'incendie de
cette ville. Il n'en fallut pas davantage pour
irriter Darius contr'eux , & la maniere
dont ils l'avoient offenfé depuis peu dans
la perfonne de fes héraults qu'ils avoient
96 MERCURE DE FRANCE.
fait mourir indignement , accrut cette
animofité qui affura à Hippias le fuccès de
fes intrigues . Darius voulut à quelque prix
que ce fut , fe venger des Athéniens. II
leva pour cet effet une armée de trois
cens mille hommes , & équippa une flotte
de fix cens vaiffeaux , dont il donna le
commandement à Datis , Mede de nation ,
& à Artapherne , fils d'Artapherne fon
frere. Ces deux Généraux embarquerent
leurs troupes , & firent voile vers Samos ;
de-là ils fe rendirent à Naxe , où ils brûlerent
la capitale & tous les temples . Ils
foumirent toutes les autres ifles de la mer
Egée , aujourd'hui l'Archipel . Ils dirigerent
enfuite leur route vers Eretrie ville
méridionale de l'Eubée. Ils l'emporterent
après un fiége de fept jours , la réduifirent
en cendres , & mirent aux fers tous les
habitans qu'ils y trouverent. Ils pafferent
après cette expédition dans l'Attique où
Hippias qui étoit leur conducteur les fit
defcendre dans la plaine de Marathon .
C'eft-là que fe livra cette célebre bataille
dont les fuites furent fi malheureuſes pour
les Perfes. Dix mille Athéniens commandés
par des chefs , à la tête defquels étoit
Miltiade , fecourus d'un renfort de mille
Platéens , foutinrent vigoureufement leurs
attaques. Si l'inégalité du nombre fe trouvoit
i
OCTOBRE . 1755. 1 97
voit du côté des Grecs , le courage fuppléoit
à ce défaut. On peut dire qu'ils
firent des prodiges de valeur , puifqu'ils
vinrent à bout de battre les Perfes qu'ils.
contraignirent à abandonner leur camp ,
& à fe retirer fur leurs vaiffeaux pour
chercher leur falut dans une prompte.
fuite. Cette défaite de leurs ennemis les
couvroit de gloire autant qu'elle couvroit.
de honte les Perfes qui combattoient dix
contre un. On auroit même affez de peine
à fe perfuader qu'une poignée de monde
eût été feulement en état de faire tête aux
troupes nombreufes qui rendoient l'armée
de Darius formidable , fi l'expérience ne
nous apprenoit l'avantage réel qu'un petit
nombre de gens bien agguéri & de plus
animés par la défenfe de leur liberté , a
fur une multitude mal difciplinée & énervée
par la molleffe , comme l'étoient aſſurément
les Perfes . Il eſt à propos d'obſerver
qu'il s'eft gliffé un zéro de trop dans les
chiffres arabes employés pour défigner le
nombre d'hommes dont le corps d'armée
des Grecs étoit compofé ; car on lit cent
dix ;mille , au lieu de onze mille . Quoique
cette faute d'impreffion ne foir pas
marquée dans l'Errata , on fe flatte qu'on
voudra bien ne l'a pas impurer à l'Auteur.
Il ne faut que réfléchir fur ce
Б
98 MERCURE DE FRANCEJ
qui précede , & fur ce qui fuit , pour s'ap
percevoir qu'elle eft de la nature de celles
que commettent fréquemment les Imprimeurs
à qui il arrive fouvent de fubftituer
un chiffre à l'autre , d'ajouter ou d'omettre
en cette partie. D'ailleurs les Hiftoriens
que l'on cite pour garants du fait en queftion
, fixent préciſement l'armée des Grecs
au nombre dont il s'agit : ce qui montre
évidemment que la faute n'appartient pas
à l'Auteur , à qui on ne fçauroit l'attribuer ;
puifqu'il n'eft pas vraisemblable , qu'il eût
lui-même produit une citation qui contrediroit
manifeftement cet endroit de fon
texte , dont elle eft ici le fondement : par
bonheur elle fert à en rétablir l'altération .
Quelques foins que l'on ait pris pour
indiquer
dans l'Errata , les fautes groffieres
d'impreffion qui fe rencontrent dans cet
ouvrage ( car pour celles qui font moins
confidérables , il fera facile aux Lecteurs
de les corriger elles s'étoient tellement
multipliées par la négligence de l'Imprimeur,
qu'il n'eft pas étonnant qu'il y en ait
encore quelques- unes d'importantes qui
foient échappées à la vigilance de l'Auteur
dont l'attention fatiguée a du fuccomber
dans un travail auffi dégoutant. Avant que
de décider qu'il s'eft trompé , il prie de
diftinguer les fautes qui peuvent lui être
OCTOBRE . 1755 99
propres , de celles qui lui font étrangeres.
Il croit cet avertiffement d'autant plus néceffaire
, qu'il ne diffimule pas que l'édition
de fon livre eft défigurée par beaucoup
d'imperfections typographiques. Il eft
ans doute difgracieux pour lui de fe voir
réduit à la trifte néceffité de la déprimer.
Hippias qui avoit été le principal au
tear de cette guerre , y perdit la vie
Comme Simonide écrivit l'hiftoire du
regne de Datius , il y a apparence que ce
Poëte y fit valoir la victoire que fes Concitoyens
avoient remportée fur les Perfes.
Deux ans après la journée de Marathon
lorfque la tranquillité publique eut permis
de recommencer l'exercice des Jeux publics,
Simonide & Efchyle y difputerent enfemble
le prix de l'Elégie par un Poëme que
l'un & l'autre compoferent en l'honneur
des Grecs qui avoient glorieufement fuccombé
dans la mêlée . Simonide triompha
de fon concurrent qui ne paroiffoit pas
propre à traiter ce genre de poefie. La gloire
que fes fuccès littéraires lui acquirent ,
ne manqua pas d'exciter la jaloufie de quelques
Poëtes envieux qui ne laifferent
échapper aucune occafion de le décrier dans
leurs vers. S'il affect de marquer du mépris
pour leurs traits fatyriques , it ne conferva
pas moins de reffentiment contre
E ij
335289
100 MERCURE DE FRANCE.
(
leur perfonne . C'est ce qui paroît par l'épi ;
taphe qu'il fit d'un Poëte comique nommé
Timocréon qui avoit été fon plus violent
ennemi. Voici la maniere dont celuici
y eft dépeint. Ici repofe la cendre de Timocréon
de Rhodes , qui paffa toute sa vie à.
boire , à manger , & médire du & à genre:
bumain.
Le fçavoir de Simonide & la fageffe de
fes moeurs contribuerent pour le moins autant
que fon mérite poétique à fonder fa
grande réputation. C'eft ce qui vraifemblablement
a donné lieu à un Pere de l'Eglife
de le mettre au nombre des fept Sages
de la Grece : mais ce fentiment lui eft particulier.
Plutarque nous parle d'une circonftance
où Simonide ne foutint pas affurément
le caractere qu'on lui attribue . Il
y auroit fans doute de la témérité à conclure
de-là que ce Poëte reffembloit à
ceux qui démentent par leur conduite les
fages maximes étalées dans leurs ouvrages
, où ils fe font un devoir de recommander
la pratique de la vertu . Tout ce
qu'on peut dire de plus plaufible ; c'eft qu'il
paya dans cette occafion un tribut aux foibleffes
qui ne font que trop ordinaires à
l'humanité.
Comme
Thémistocle lui témoignoit
beaucoup d'amitié , il s'autorifa du crédit
OCTOBRE. 1755. 101
qu'elle lui procuroit auprès de ce grand
Capitaine qui étoit alors Archonte , pour
demander une injuftice. Il s'attira cette
réponſe qui fait honneur à Thémistocle :
Tu ne ferois pas bon Poëte , fi tu faifois des
vers contre les regles de la poësie ; ni moi
bon Magiftrat , fi je t'accordois quelque
chofe contre les Loix . Darius , fils d'Hyf
tafpe , laiffa en mourant pour fucceffeur
Xerxès , dont on conftate l'avénement au
thrône de la Perfe. La défaite de fon armée
n'avoit pas tellement abattu fa fierté
, qu'il ne fongeât aux moyens de réparer
cet échec en renouvellant la guerre
contre la Grece , qu'il vouloit abfolument
foumettre à fes armes . Mais la mort l'ayant
furpris , avant que de pouvoir exécuter ce
projet qu'il avoit formé , Xerxès fon fils .
quelque tems après qu'il fut parvenu à la
couronne réfolut d'effectuer l'intention de
fon pere. Il travailla pendant trois ans
aux préparatifs néceffaires pour la guerre
qu'il fit en perfonne contre les Grecs. L'expédition
de ce Monarque étant fans contredit
un des principaux événemens qui
appartiennent à l'hiftoire ancienne ; on
produit quelques calculs dont la combinaifon
fert à en fixer l'époque précife . On
montre que le temps qui lui eft affigné par
tes Hiftoriens de l'Antiquité les plus exacts
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
concourt juftement avec l'année de l'Ere
Attique , fous laquelle les Marbres rangent
le paffage de Xerxès dans la Grece.
Comme le P. Petau a jugé à propos de le
placer un an plus tard qu'on ne le marque,
on examine le fondement fur lequel ce
fçavant Chronologifte appuie la fupputation
qu'il a fuivie. On la combat par des
preuves qui fuffifent pour la ruiner . Cela
engage conféquemment dans une diſcuſfion
qui pourra fournir des éclairciffemens
fur cette époque. Perfonne n'ignore le
mauvais fuccès qu'eut l'expédition de Xerxès
qui repafla tout couvert de honte &
de confufion , l'Hellefpont, après la déroute
entiere de fa flotte. Le nombre prodigieux
des troupes qui l'accompagnerent , n'empêcha
pas que les Grecs n'euffent toujours
l'avantage dans les combats confécutifs
qu'ils foutintent contre les Perfes qu'ils
taillerent en pieces. On ne s'arrêtera point
au détail de ces chofes affez généralement
connues on en peut lire la defcription
dans l'ouvrage où elles trouvent place ;
parce que leur récit entre naturellement
dans fon plan . Car Simonide ayant célébré
dans des Poëmes particuliers les victoires
remportées par les Grecs dans toutes
ces occafions , ou compofé des Epitaphes
en l'honneur de ceux de fa nation , qui y
OCTOBRE. 1755. 103
périrent les armes à la main ; on ne pouvoit
guere fe difpenfer d'en parler . Il falloit
bien donner une idée de ce qui s'eft
paffé de mémorable dans cet intervalle du
fiecle où il écrivoit pour lier plus aifément
les parties de l'hiftoire de fa vie. Au
refte , on ne s'y eft étendu qu'autant que
cette liaiſon a paru néceffaire pour entretenir
le fil de la narration ; on s'eft même
attaché à décrire certaines particularités
que ceux d'entre les modernes , qui ont
fait l'hiftoire de ce tems - là , n'ont pas rapportées.
On infiftera feulement ici fur le
réfultat d'une converfation que Simonide
eut avec Paufanias Roi de Lacédémone ,
dans un voyage qu'il fit à Sparte quelque
tems après la bataille de Plárée . Ce Prince
qui avoit commandé en chef l'armée des
Grecs dans cette journée fi glorieufe pour
eux , s'étant trouvé un jour à un repas
avec ce Poëte , le pria de lui débiter quelque
fentence qui confirmât l'opinion qu'on
avoit de fa profonde fageffe. Simonide lui
répondit en fouriant , Souviens-toi que tu
es homme. Paufanias ne fut point touché
du grand fens renfermé dans cette réponſe
qui venoit fort à propos dans la circonftance
où Paufanias faifoit cette demande . Car
l'orgueil l'aveugloit , & les projets ambitieux
qu'il rouloit alors dans fa tête, furent
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
la caufe de fa perte. Ils ne tendoient rien
moins qu'à affèrvir la Grece la Patrie , qu'il
s'étoit engagé à livrer en la puiffance de
Xerzès , à condition qu'il épouferoit une
des filles de ce Monarque , dont il s'attendoit
vraisemblablement par cette alliance à
partager la grandeur. Xerxès n'eut point
de peine à confentir à un traité qui lui étoit
auffi avantageux. Quelques fourds que
fuffent les moyens que Paufanias employa
pour exécuter l'engagement qu'il avoit
contracté avec les Perfes , ils percerent
affez pour rendre fa conduite fufpecte aux
Ephores de Lacédémone, qui épierent toutes
fes démarches . Son complot fut découvert
par celui qu'il avoit chargé de porter
ane lettre à Artabaze Gouverneur de la
Propontide , avec qui il entretenoit des
correfpondances fecrettes ; & fon imprudence
aida encore à le décéler . Comme il
s'apperçut qu'on vouloit l'arrêter , il ſe réfugia
dans le Temple de Minerve , dont
l'afyle paffoit pour être inviolabe : ainfi
on ne pouvoit l'en arracher de force fans
manquer de refpect pour ce lieu . Mais il
n'évita pas pour cela la peine de fon crime.
Les Ephores trouverent un expédient pour
mettre à mort le coupable fans recourir à
la violence. Ils firent murer les portes du
Temple pour l'empêcher de fortir, & fr
OCTOBRE . 1755 . 1755. 105
rent en même- tems démolir le toit , afin
qu'il mourût plutôt , étant expofé aux injures
de l'air. Ce fut là que luttant avec la
faim , il fe reffouvint des paroles de Simonide
, & les accompagna de cette réflexion
tardive , en s'écriant par trois fois : C'est en
ce moment illuftre Poëte de Cée , que je fens la
vérité de ton difcours , qu'un imprudent
orgueil m'a fait dedaigner ! Ce retour de
Paufanias fur lui -même témoigne affez
qu'il étoit du nombre de ces perfonnes qui
fentent la folidité des bons avis qu'ils ont
reçus , lorsqu'il n'eft plus temps d'en profiter.
Le grand âge de Simonide n'avoit
point affoibli la force de fon efprit que
l'expérience des années avoit fervi à mûrir;
parce qu'elle apprend à juger des chofes
felon leur jufte valeur. Il n'eft pas étonnant
que fa converfation aufli inftructive
qu'agréable , le fit rechercher des Princes
de fon temps qui aimoient les Sçavans .
Hieron Tyran de Siracufe , affez connu par
le goût qu'il avoit pour eux , ne marqua
pas peu d'empreffement de pofféder à fa
Cour un perfonnage de cette célébrité . 11
l'invita à s'y rendre pour y jouir de tous
les honneurs , & des récompenfes que for
mérite devoit lui faire efpérer . Cette invitation
de la part de ce Prince , éroir d'une
nature à déterminer ce Poëte , que fa paf
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
fion dominante pour l'acquifition des ri
chelles rendoit fort attentif à fes intérêts.
Elle avoit affurément de quoi être flattée
par les avantages que Simonide avoit lieu
de fe promettre de l'humeur libérale d'Hieron
qui l'appelloit auprès de lui . Auffi
ne balancerent ils point les confidérations
qui auroient pû l'empêcher d'entreprendre
un voyage dont fon extrême vieillefle fuffifoit
fans doute pour le détourner ; fi l'on
obferve qu'il étoit âgé alors de quatrevingt-
fept ans . li pafa le refte de fes jours
à la Cour d'Hieron , où il joua un rôle des
plus importans ; on peut même dire qu'elle
fut le théatre de fa gloire car il y brilla
non -feulement comme Bel- efprit , mais
encore comme Philofophe , & comme Politique
. La connexion que les dernieres
années de fa vie ont avec l'hiſtoire de ce
Prince , a obligé de détailler les circonftances
qui y font relatives . Pour en avoir une
parfaite connoiffance , il a fallu reprendre
les chofes d'un peu plus haut , en offrant
un récit fuccinct de ce qui appartient à
l'hiftoire de Gelon fon frere , & fon prédéceffeur
au thrône de Syracufe , à laquelle
la fienne eft liée trop
intimement pour
pouvoir en être féparée. C'eft par le dérail
des particularités qui en dépendent , que
commence la feconde partie , dont nous
OCTOBRE. 1755. 107
entretiendrons une autrefois nos Lecteurs,
parce que nous ne fçaurions nous permettre
la même étendue dans l'Analyfe des
faits qu'elle renferme , fans occuper ici
trop de place. Cela nous met dans l'obligation
de renvoyer la fuite de cet Extrait
au mois prochain.
MÉMOIRE SUR LA PEINTURE à
l'encaustique & fur la peinture à la cire ;
par M. le Comte de Caylus , de l'Académie
des Belles - Lettres ; & M. Majault ,
Docteur de la Faculté de Médecine en l'Univerfité
de Paris , & ancien Médecin des
armées du Roi . A Genéve; & fe vend à Paris
, chez Piffot , à la Croix d'or , Quai de
Conty. 1755.
L'avis de l'Imprimeur nous apprend que
le 29 Juillet 1755 , M. le Comte de Câylus
lut à l'Académie des Belles - Lettres fon
mémoire fur la peinture à l'encauftique ,
& la premiere partie de cet ouvrage , qui
contient les procédés de cette peinture.
L'Académie a permis que l'on tirât ces
deux ouvrages de fes regiftres , & qu'on
les imprimat , parce qu'elle a cru qu'ils
pouvoient être utiles aux artiftes . On y a
joint les procédés de la peinture de la cire,
qui font la feconde partie : ce font les
propres termes de l'avis . Voilà le mystere
E vj
108
MERCURE DE
FRANCE.
enfin dévoilé ; & graces à M. le Comte de
Caylus , la peinture voit étendre fa carriere
, & vient
d'acquérir de
nouveaux
tréfors. On voit déja fix
tableaux peints
à
l'encaustique , par M. Vien. Ils font expofés
au fallon.
ESSAI fur la police générale des
grains , fur leur prix & fur les effets de
l'agriculture . Qui operatur terram fuam ,faturabitur
panibus . Prov. cap. 12. v. 15. A
Berlin ; & fe trouve à Paris , chez Piſſot ,
quai de Conty.
Cet ouvrage qui eſt dédié à M. de Maupertuis
, de l'Académie Françoife , & Préfident
de celle de Berlin , nous paroît auffi
utile que bien fait.
EXAMEN des avantages & des defavantages
de la prohibition des toiles peintes.
On trouve cette brochure in- 12 , de
127 pages , chez Guerin & Delatour , rue
S. Jacques , à S. Thomas d'Aquin ; & chez
Lambert , rue de la Comédie Françoife.
Elle nous paroît l'ouvrage d'un citoyen
impartial , qui veut le bien de l'Etat &
d'un Négociant inftruit , qui fçait écrire .
Fermer
Résumé : « HISTOIRE DE SIMONIDE, & du siécle où il a vêcu, avec des éclaircissemens [...] »
Le texte présente l'ouvrage 'Histoire de Simonide' de M. de Boiffy fils, publié en 1755, qui relate la vie du poète Simonide. L'ouvrage, d'environ quatre cents pages, est divisé en deux parties. La première partie couvre la vie de Simonide depuis son arrivée à Athènes, où il fut protégé par Hipparque, fils de Pisistrate, jusqu'à son voyage à Syracuse. La seconde partie traite des dernières années de Simonide à la cour d'Hieron. L'auteur s'efforce de concilier les divergences entre les anciens écrivains pour offrir une narration historique précise et traite des événements marquants du siècle de Simonide, caractérisé par de fréquentes révolutions en Grèce. Simonide, né en 558 avant J.-C. à Ioulis, une ville des Cyclades, se distingua par son talent poétique à Athènes. Après l'assassinat d'Hipparque, il quitta Athènes pour la cour des rois de Thessalie. Une anecdote célèbre raconte comment Simonide, sauvé d'un effondrement, inventa la mémoire locale en se rappelant les places des convives décédés. L'ouvrage inclut des discussions critiques et chronologiques, avec des références précises aux sources utilisées, visant à instruire les savants et les amateurs de l'antiquité. Le texte aborde également l'interprétation des Marbres d'Arondel, un monument ancien pour la chronologie grecque. Selon Selden, l'invention de la mémoire locale ne serait pas attribuée au poète Simonide, mais à un autre Simonide, petit-fils du premier. Les Marbres d'Arondel, endommagés par le temps, couvrent une période d'environ 1300 ans, de l'époque de Cécrops, roi d'Athènes, jusqu'à l'archontat de Diognete. Selden et Prideaux ont publié ces marbres, mais une erreur d'interprétation a été relevée par le Docteur Bentlei. Simonide est également connu pour ses œuvres littéraires et ses rôles dans des événements historiques, comme la bataille de Marathon. Il a composé des vers en l'honneur des libérateurs de la tyrannie, Aristogiton et Harmodius, et a célébré les victoires grecques dans ses poèmes. Le texte mentionne des erreurs typographiques et des discussions sur la sagesse et les mœurs de Simonide, ainsi que des anecdotes sur sa vie et ses interactions avec des figures historiques comme Thémistocle et Pausanias. Simonide a passé ses dernières années à la cour d'Hieron, tyran de Syracuse, jouissant de la reconnaissance et des honneurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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28
p. 59-112
SUITE De l'Extrait de l'Histoire de Simonide, & du siecle où il a vécu, &c.
Début :
Nous avons rendu compte de la premiere partie de cet Ouvrage dans les [...]
Mots clefs :
Simonide, Auteur, Poète, Histoire, Prince, Règne, Témoignage, Carthaginois, Juifs, Sacrifices, Syracusains, Syracuse, Hippocrate, Écrivains, Guerre, Reine, Armée, Pythagore, Sacrifices humains, République, Ruines, Royauté, Nature, Hommes, Jéhovah, Coutume, Livres, Avarice, Habitants
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUITE De l'Extrait de l'Histoire de Simonide, & du siecle où il a vécu, &c.
SUIT E
De l'Extrait de l'Hiftoire de Simonide ;
& dufiecle où il a vécu , &c .
Ous avons rendu de la
Nmierepartie de cet Ouvrage dans les
Nouvelles du mois d'Octobre. Nous nous
engageâmes alors à donner l'Extrait de la
feconde pour le mois fuivant ; mais des raifons
particulieres nous ont mis dans le cas
de différer plus longtems que nous ne penfions
à remplir notre engagement. Quoiqu'il
en foit , nous y fatisfaifons aujourd'hui
; & nous allons parler de ce que contient
cette feconde partie , qui commence
par un expofé de la conduite que tint
Gelon après avoir triomphé des Carthaginois.
Pour peu que l'on veuille fe fouvenir
du titre de cette hiftoire , & de fon
objet , l'on ceffera d'être furpris de voir
difparoître Simonide pour quelque temps
de deffus la fcene . Il faut d'abord fçavoir
que les Carthaginois étoient entrés en con
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
fédération avec Xerxès qui les avoit attirés
dans fon parti , & étoit convenu avec eux
que tandis qu'il envahiroit la Grece , ils
feroient une irruption en Sicile & en Italie,
pour empêcher ceux qui habitoient ces
contrées de venir au fecours les uns des autres
. Ils choifirent pour Général Hamilcar
qui ayant affemblé une armée de trois cens
mille hommes , & équipé des vaiffeaux à
proportion pour le tranfport de fes troupes
, fit voile vers la Sicile . Il vint débarquer
à Panorme , un des Ports de cette Ifle,
& mit le fiege devant Himéré , ville maritime
du voisinage. Mais les chofes tournerent
au défavantage des Carthaginois
que défirent ceux de cette Ifle fous la conduite
de Gelon qui commandoit l'armée
qu'ils avoient levée à la nouvelle de cette
invafion fubite. Un gros de fa cavalerie
brûla la flotte d'Hamilcar qui fut tué dans
la mêlée ; cent cinquante mille hommes
demeurerent fur le champ de bataille : le
refte fut fait prifonnier & vendu comme
efclave . Une infcription en vers que l'opinion
commune attribue à Simonide , apprend
que Gelon fut aidé dans cette conjoncture
par fes trois freres , Hieron , Polyzele
& Thrafibule , qui contribuerent
par leur courage au fuccès de fes armes.
Le bruit de cette défaite répandit l'allarme
DECEMBRE. 1755. 61 .
dans Carthage , & il ne fut malheureuſement
que trop confirmé par le petit nombre
de ceux qui avoient eu le bonheur de
fe fauver dans un efquif. Il jetta la confternation
dans l'efprit de fes habitans qui
appréhendoient déja que Gelon ufant de fa
victoire , ne portât à fon tour la guerre jufque
dans leurs murs. Ils députerent auffitôt
des Amballadeurs à Syracufe pour im-.
plorer la clémence du vainqueur , & le
folliciter par les plus vives inftances à procurer
la paix. La modération qui étoit naturelle
à Gelon , lui fit écouter leurs propofitions.
Il n'abufa point de la malheureufe
circonftance qui réduifoit les Carthaginois
à la néceflité de paffer par toutes
les conditions qu'il lui auroit plu de leur
impofer. Celles qu'il exigea ne démentirent
point l'équité de fon caractere . Il y
- en eut une entr'autres qui témoigne qu'il
étoit auffi attentif à remplir les devoirs de
l'humanité que ceux de grand Capitaine ;
deux qualités qui le rendoient d'autant
plus eftimable , qu'elles ne fe trouvent
pas toujours réunies. Avant que de foufcrire
à aucun accommodement avec les
Carthaginois , il voulut que l'abolition
des facrifices humains qu'ils faifoient à
leur dieu Saturne , entrât dans la conclufion
du traité de paix qu'il s'agiffoit de
62 MERCURE DE FRANCE.
ratifier. Il ne pouvoit fans doute concevoir
fans horreur qu'ils lui facrifiaffent
jufqu'à leurs propres enfans ; & qu'ils
fiffent de cette barbare coutume une pratique
religieufe qui armoit leurs mains
contre ce qu'ils avoient de plus cher au
monde . Tout engagé qu'étoit Gelon dans
les erreurs groffieres du Paganifme , il lui
fuffifoit de faire ufage de fa raifon guidée
par les lumieres naturelles , pour fe convaincre
qu'un femblable culte étoit nonfeulement
injurieux & contraire à l'inſtitution
des Loix Divines , mais répugnoit
même à l'idée qu'il eft convenable de ſe
former de la Divinité . En effet , de l'invoquer
de cette façon , c'étoit la croire altérée
du fang humain , & qui plus eft du
fang innocent. C'étoit par conféquent faire
plutôt un monftre qu'un Dieu dont on
anéantiffoit par - là les attributs les plus
effentiels , tels que la fouveraine bonté &
la fouveraine juftice , en un mot toutes les
perfections morales , en vertu defquelles
il ne doit vouloir que ce qui eft abfolument
digne de lui. Il falloit affurément
pouffer l'extravagance auffi loin que la
cruauté , pour s'imaginer que la colere
divine ne fût capable d'être appaifée que
par ces fortes de facrifices qui eurent cours
à Carthage & dans plufieurs autres conDECEMBRE
1755. 63
trées. Il y avoit dans cette ville un Temple
élevé à Saturne , où étoit ſa ſtatue d'airain
, dont la défcription qu'en donnent
Diodore de Sicile & Eufebe , reffemble
beaucoup à celle que des Ecrivains Juifs.
font de la ftatue de Moloch , cette fameufe
idole dont l'Ecriture parle en divers endroits
. On fçait qu'elle étoit l'objet du
culte des Ammonites & de quelques nations
voifines : de- là vient que la plupart
des Critiques font perfuadés que Saturne
& Moloch n'étoient qu'une même Divinité
, qui avoit été adorée fous des dénominations
différentes. Les perfonnes curieufes
de vérifier cette remarque , peuvent
confulter ce qu'ont écrit à ce fujet , Selden ,
Beyer , Voffius , Goodwin , les PP . Kircher
& Calmet qui font ceux aufquels on
renvoie pour s'inftruire de ces chofes. Les
facrifices humains paffent communément
pour avoir pris naiffance chez les Phéniciens
, dont les Carthaginois étoient une
colonie . Il n'eft donc pas furprenant que
ces derniers ayent marqué autant d'attachement
qu'ils en avoient pour un ufage
qu'ils tenoient d'origine , & qui s'étoit
introduit chez plufieurs peuples qui l'avoient
reçu d'eux , ou immédiatement des
Phéniciens , comme on le prouve par le
rapport d'une foule d'écrivains que l'on cite
64 MERCURE DE FRANCE.
pour garantir la vérité de ce fait. Un paffage
de Porphyre dont on produit les paroles
fondées fur le témoignage de Sanchoniaton
, apprend quelles étoient les circonftances
où ceux- ci offroient à Saturne
des facrifices fanglans . La maniere dont la
chofe eft atteftée par Sanchoniaton , montre
affez que le culte qu'on rendoit à cette
fauffe divinité étoit très ancien. On infifte
particulierement fur cet Auteur Phénicien
que Porphyre fait contemporain de Sémiramis
Reine d'Affyrie , & dit avoir approché
du tems où vivoit Moyfe. Il avoit
compofé une histoire des antiquités de
fon pays , qu'il avoit dédiée à Abibal , Roi
de Beryte fa patrie , & que Philon de Byblos
avoit traduite en Grec fous l'empire
d'Adrien . Il n'en refte plus qu'un fragment
qui nous a été confervé par Eufebe. Comme
l'efpece de Synchroniſme que le récit
de Porphyre tend à établir , fe trouve liée à
deux Époques incompatibles l'une avec
l'autre , & qui feroient par cela même plus
propres à le détruire qu'à le conftater , on
pourroit croire que la cenfure de Scaliger ,
de Voffius & de Bochart , n'eft pas dépourvue
de fondement , lorfqu'ils le qualifient
d'erreur groffiere , qu'ils jugent à propos
d'imputer au peu d'exactitude de Porphyre
en matiere de chronologie. Ils auroient
DECEMBRE . 1755 65
fans doute raifon , fi l'on entendoit par
Sémiramis la fameufe Reine d'Affyrie de
ce nom , qui fut femme de Ninus , & qui
gouverna avec beaucoup d'habileté let
royaume dont fon mari avoit été le Fondateur
, & dont il l'avoit laiffée en poffeffion
par fa mort. En effet , le regne de cette
Sémiramis eft antérieur de plus de Soo ans
à la prife de Troye ; date qui eft affurément
fort éloignée de confirmer la proximité
de tems que Porphyre met entre
cette Reine & Moyfe de qui la mort ne
précede la ruine de cette ville que d'environ
d'eux fiecles & demi , felon la chrono-'
logie du Texte Hébreu. Il faut avouer que
fi les chofes étoient fur le pied que le pren
nent les Sçavans modernes que nous avons
cités , la faute feroit fenfible : mais le devoir
d'un Critique étant d'interpréter ce'
que dit un Auteur dans le fens le plus favorable
, on faifit l'occafion qui s'offre naturellement
de juftifier Porphyre du reproche
qu'il s'eft attiré de leur part. On fait
donc voir qu'il ne s'agit point ici de la
Sémiramis dont nous venons de parler ,
mais d'une autre Reine d'Affyrie , qui a
porté le même nom , & qui eft venue plufieurs
fiecles après la premiere . Elle eft auffi
connue fous celui d'Atoffe , & elle eut
pour pere Beloch II . Roi d'Affyrie , qui'
66 MERCURE DE FRANCE.
l'affocia à l'Empire dans la douzieme année
de fon regne , & avec qui elle régna
conjointement treize ans. Eufebe qui nous
apprend qu'elle fut également appellée Sémiramis
, ne nous inftruit pas de la caufe
qui lui mérita un pareil furnom. Il y a
apparence que des traits de reffemblance
qu'elle put avoir dans les actions de fa vie
avec la Sémiramis femme de Ninus , que
fes grandes qualités & fes vices ont rendue
fi célebre dans l'Hiftoire , fuffirent
pour le lui faire donner . L'identité d'un
nom qui a été commun à deux Reines , qui
ont eu les mêmes Etats fous leur dépendance
, les aura fait confondre enfemble ;
en attribuant à l'une ce qui appartient à
l'autre. C'eft ce qui avoit été déja très - bien
rémarqué par Photius , qui a repris un ancien
Ecrivain dont il a extrait l'Ouvrage
pour être tombé dans une femblable confufion
. On traite incidemment cette queftion
de chronologie , que l'on éclaircit
par un calcul qui fert à prouver que le rapport
de Porphyre ne péche en aucune façon
contre l'ordre exact des temps. Les facrifices
humains ne cefferent que pour un
temps à Carthage . Quoique leur abolition
fit une partie eflentielle du traité que Gelon
avoit conclu avec ceux de cette République
, il femble pourtant qu'elle n'eut
DECEMBRE. 1755. 67
lieu qu'autant que ce Prince vécut depuis
ce traité. Ils les renouvellerent après fa
mort , qui vraisemblablement leur parut
une raifon fuffifante pour rompre l'engagement
qu'ils avoient contracté. C'est ce
que prouve évidemment une circonstance ,
où étant réduits au défefpoir par Agatocle
Tyran de Syracufe , qui les avoit battus ,
ils facrifierent à leur dieu Saturne deux
cens d'entre les fils de leurs plus illuftres
concitoyens , afin de fe le rendre propice.
Tertullien nous apprend que cette abominable
coutume fe perpétua en Afrique , &
dura publiquement jufqu'au temps du Proconfulat
de Tibere qui fit mettre en croix
les Prêtres auteurs d'une femblable impiété.
Il eft à propos de remarquer qu'il ne
faut pas confondre ce Tibere Proconful
d'Afrique avec l'Empereur du même nom,
lequel fut fucceffeur d'Augufte . Celui dont
il eft question , eft poftérieur à ce Prince
d'environ un fiecle , & ne doit avoir vécu
que fous Adrien qui l'avoit revêtu de la
dignité Proconfulaire. Cette remarque eft
fortifiée par le témoignage de Porphyre
, de Lactance & d'Eufebe , qui rappor
tent la ceffation des facrifices humains au
temps d'Adrien , fous le regne duquel
ils furent abolis dans prefque tous les
lieux où ils étoient en ufage. Au cas qu'on
68 MERCURE DE FRANCE.
fouhaite des preuves plus directes de ce
que nous venons de dire à ce fujer , on n'a
qu'à confulter Saumaiſe ( 1 ) Henri de Valois
( 2 ) , & le P. Pagi ( 3) , qui ont fait
l'obfervation dont nous parlons , & qui
ont très- bien difcuté ce point de critique.
Si le traitement rigoureux dont on avoit
ufé en Afrique envers les Prêtres qui
avoient prêté leur ministère à de pareils
crimes , fervit d'abord à intimider les autres
, il ne put pourtant pas réprimer leur
penchant pour ces fortes de facrifices qui
fe continuerent fecrétement dans la fuite ;
& cela fe pratiquoit ainfi au commencement
du troifieme fiecle , comme le témoigne
Tertullien qui écrivoit vers ce tempsla
fon Apologétique . La victoire que ceux
de la Sicile avoient remportée fur les Carthaginois
, avoit été le fruit de l'habileté
de Gelon , & de fon expérience dans l'art
de la guerre. Auffi avoit- elle contribué à
redoubler l'affection que les Syracufains
avoit pour lui. Il avoit fçu la mériter par
fon humeur populaire , & furtout par la
fagelle avec laquelle il fe conduifoit dans
l'adminiftration des affaires de la Républi-
( 1 ) Cl. Salmafi. Not. in Spartian. ( 2 ) Henric.
Valefi. Annotation . in oration . Eufeb. de Laudib.
Conftantin. pag. 287. ( 3) Pag . Critic, in Annal.
Baron. fub ann. c. 11. n . 14. p . 12 .
DECEMBRE 1755 . 69
que , qui ne pouvoit tomber en de meilleures
mains que les fiennes. Ces motifs
réunis concoururent à affermir l'autorité
dont il jouiffoir longtems avant la défaite
de la flotte des Carthaginois, Le ſervice
important qu'il venoit de rendre à ſa patrie
, trouva dans les Syracufains un peuple
reconnoiffant qui confentit à le payer
du facrifice de fa liberté , en lui déférant
alors la royauté. Quoique le pouvoir de
Gelon fût déja très- abfolu , il lui manquoit
encore la qualité de Roi pour le confirmers
ce n'eft pas qu'il n'eût pu l'ufurper , à
l'exemple de bien d'autres , s'il avoit eu
deffein d'employer comme eux les voies
de la force & de la violence pour l'acquérir
: mais content de gouverner à Syracufe
fous le nom de Généraliffime ou de Préteur
, il ne fe mit pas fort en peine d'afpirer
à un titre qui auroit fans doute indifpofé
les efprits , & lui auroit attiré l'indignation
de fes concitoyens , s'il eût ofé
le prendre fans leur aveu , & qui d'ailleurs
n'eût pas augmenté davantage fa puiffance.
Les traits fous lefquels on nous le repréfente
dans le rang où il fe vit élevé ,
font l'éloge de fon caractere ; ce Prince ,
bien loin d'affecter la pompe qui en paroît
inféparable , & d'abufer du pouvoir attaché
à fa nouvelle dignité , fembloit ne l'a
70 MERCURE DE FRANCE.
•
voir acceptée que pour obliger fes concitoyens
, & céder à leurs inftances réitérées
qui ne purent le diſpenſer de fe foumettre
à leur volonté. C'eft pourquoi il difoit
que l'intention des Syracuſains, en lui mettant
la couronne fur la tête , avoit été de
l'engager par une faveur auffi marquée à
protéger la juftice & l'innocence. Le foin
de maintenir entr'eux la paix & l'union , &
de gagner le coeur de fes fujets par fes manieres
affables & pleines d'humanité , faifoit
fon unique occupation . C'eft ainfi que
fes vertus lui frayerent le chemin du trône,
dont perfonne ne s'étoit vu en poffeffion
depuis la mort d'Archias fondateur de
Syracufe. Ce dernier étoit né à Corinthe
& iffu de la race des Bacchiades , famille
diftinguée & puiffante dans cette ville. Une
aventure finguliere que l'on pourra voir
détaillée dans l'ouvrage , l'ayant contraint
d'abandonner les lieux de fa naiſſance , il
fe retira en Sicile , où s'étant établi avec une
colonie de fes compatriotes qui l'avoient
fuivi , il bâtit Syracufe. Après y avoir
regné plufieurs années , il fut tué par un
jeune homme pour qui il avoit eu une
tendreffe criminelle , & dont il avoit abufé
dans l'enfance : le temps où tombe la
fondation de cette ville , forme une Epoque
affez curieufe pour mériter qu'on s'arDECEMBRE.
1755. 71
rête à la déterminer conformément à la
fupputation qui réfulte d'une particularité
que fourniffent les Marbres. On touche
auffi un mot de la grandeur de Syracufe ,
qui comprenoit dans fon enceinte quatre
villes voifines l'une de l'autre , & dont
Archias n'en compofa qu'une feule. La
forme de fon gouvernement éprouva du
changement depuis la mort de celui qui en
avoit jetté les fondemens. Les Syracufains
abolirent l'Etat Monarchique pour lui fubftituer
le Démocratique qui fe maintint
fort longtems. Hippocrate Tyran de Gele,
tenta dans la fuite de leur ravir la liberté.
Après avoir réduit divers Peuples de la
Sicile fous fon obéiffance , il tourna fes armes
contre les Syracufains qu'il défit auprès
du fleuve Elore. Ceux ci n'auroient
point évité la fervitude qui les ménaçoit ,
s'ils n'avoient été fecourus des Corinthiens
& des Corcyréens qui prirent leur défenfe,
à condition qu'ils céderoient à Hippocrate
la ville de Camarine qui avoit été jufqueslà
fous leur dépendance. Dans le temps
qu'Hippocrate continuoit à faire la guerre,
il mourut devant la ville d'Hybla . Gelon ,
dont les ancêtres avoient depuis bien des
années leur établiſſement dans Gele , &
defcendu du Sacrificateur Telinès , ayant
reçu d'Hippocrate le commandement de la
72 MERCURE DE FRANCE.
cavalerie s'étoit fignalé par fon courage
dans toutes ces occafions. Les Gelois las de
fe voir opprimés par la tyrannie , refuſerent
de reconnoître pour leurs Souverains
Euclide & Cléandre , les deux fils qu'Hippocrate
avoit laiffés. Gelon , fous prétexte
de réprimer la révolte des Gelois , envahit
la domination , & en priva les enfans
d'Hippocrate , dès qu'il eut fait rentrer les
rebelles dans leur devoir. Gelon ramena
enfuite de Cafmene dans Syracufe quelques
uns de fes habitans nommés Gamores
, qui en avoient été chaffés. Les Syracufains
qui le virent approcher , livrerent
en fon pouvoir leur ville & leurs perfonnes.
On ne fçauroit dire s'ils crurent qu'il
leur feroit plus avantageux d'agir de la
forte que de s'expofer aux maux que les
fuites d'un fiege ont coutume d'occafionner.
Ce qu'il y a de vrai , c'eſt que Gelon
devint maître abfolu de cette ville fans
qu'il lui en coutât le moindre combat . Il
abandonna la principauté de Gele à fon
frere Hieron , & fe réferva celle de Syracufe
qu'il peupla de nouveaux habitans ,
& qu'il rendit plus que jamais floriffante.
Une réflexion très - naturelle porte l'Auteur
à conclure que la conduite de Gelon
en cette circonftance dément le caractere
qu'on lui attribue. Il y auroit fans doute
de
DECEMBRE 1755. 73
pour
de l'injuftice à le juger fur cette feule
action ; qui , quoiqu'elle ne foit pas à la
vérité fort honorable à fa mémoire , ne
doit pourtant point influer fur le refte de
fa vie : au moins c'eſt ce qu'on eft en droit
d'inférer du témoignage des Ecrivains de
l'antiquité qui ont parlé de lui . Il paroît
feulement par- là que Gelon , tout vertueux
qu'on nous le dépeint d'ailleurs , ne fut
pas toujours exempt de la paffion de dominer
, qui le fit ufer de perfidie envers
les héritiers légitimes , en les dépouillant
de l'autorité fouveraine , & l'engagea dans
des pratiques criminelles fatisfaire
fon ambition. Comme les Anciens qui ont
déterminé le tems de fon regne , varient
confidérablement entr'eux , lorfqu'il s'agit
d'en conftater la durée , qu'ils étendent
plus ou moins , felon la fupputation à
laquelle ils s'attachent , on infifte conféquemment
fur les contradictions apparentes
qui naiffent de la différence de leur calcul
, & afin d'être en état de les concilier
on recherche la caufe qui a produit ces
variétés. Il fuffit pour la découvrir de
comparer exactement leur rapport ,
dont
la diverfité vient de ce que le commencement
de la domination de Gelon pouvant
fe fixer à différentes dates , cela à donné
lieu à la différente maniere d'en compter
II.Vol. Ꭰ
7 MERCURE DE FRANCE.
les années. Les uns ont daté l'Epoque de
fon regne, dumoment qu'il fut maître dans
Syracufe dont les habitans s'étoient foumis
à lui ; parce qu'il y avoit un pouvoir
prefque aufli abfolu que celui qui eft affecté
à la Royauté . Les autres qui ont niarqué
les chofes avec plus de précifion , re
l'ont commencé que depuis qu'il fut proclané
Roi , titre que lui mériterent l'importance
de fes fervices & fon dévouement
au bien de la République. Nous ferions
trop longs , s'il nous falloit entrer dans
le détail de preuves qui fervent à établir
la vérité de cette remarque que nous ne
faifons qu'indiquer. C'eft pourquoi nous
aimons mieux renvoyer les Lecteurs curieux
d'approfondir les matieres de cette
nature à l'ouvrage même , où il leur fera
plus facile de prendre une idée jufte &
précife des calculs qui accompagnent cette
difcuffion chronologique. Gelon mourut
après avoir gouverné Syracufe fept
ans , avec la qualité de Roi. Il laiffa pour
fon fucceffeur Hieron , le plus âgé de fes
deux freres qui reftoient. Il ordonna en
mourant , à Damareté fa femme & fille de
Theron Tyran d'Agrigente , d'époufer
Polyzele qui fut pourvu du commandement
de l'armée , que l'on avoit fans doute
foin de tenir toujours prête à marcher
DECEMBRE. 1755- 75
en cas que le peuple de Syracufe fût inquieté
par fes voifins , ou attaqué par
des nations étrangeres. Hieron parvenu
à jouir de la Royauté , fe comporta bien
différemment de fon prédéceffeur. Il hérita
du rang de fon frere , mais non pas
de fes vertus . Il étoit avare , violent &
auffi éloigné de la probité de Gelon que
de fa candeur. Son humeur cruelle &
fanguinaire n'auroit pas manqué d'exciter
un foulevement général parmi les Syracufains
, fi le fouvenir des bienfaits de Gelon
, dont la mémoire leur étoit par conféquent
très -chere n'eût été un motif
capable de les retenir. Les foupçons & la
défiance , vices inféparables d'une conduite
tyrannique , l'armerent contre fes propres
fujets , dont il craignoit les complots,
Il s'imagina que pour mettre fa vie en fureté
, la force feroit une voie moins douteufe
que leur affection qu'il auroit fallu
captiver. Il leva pour cet effet des troupes
mercenaires , & compofa fa garde de
foldats étrangers. Comme il s'apperçut de
l'attachement des Syracufains pour Polyzele
qu'ils cheriffoient autant qu'ils le
haïffoient , ce fut affez pour lui faire foupçonner
fon frere d'afpirer à la Royauté , &
pour lui rendre toutes fes démarches fufpectes.
Il ne vit plus en lui qu'un rival
Dij
76 MERCURE DE FRANCE.
dangereux , qu'il étoit de fon intérêt de
perdre. Un événement parut favorable à
les deffeins . Il s'agiffoit de prendre la défenfe
des Sybarites qui avoient imploré
fon fecours contre les Crotoniates, par qui
ils étoient affiégés . Il faifit cette occafion
de fe défaire de fon frere qui étant chargé
du commandement de l'armée , reçut ordre
de lui de les aller fecourir.
Il avoit , felon toutes les apparences ,
travaillé aux moyens de le faire périr dans
le combat . Au moins c'eft ce que crut
Polyzele qui , pénétrant fes intentions , &
connoiffant d'ailleurs fa jaloufie , refuſa
d'obeir. Hieron irrité de fe voir fruftré
dans fes projets , éclata en menaces. Polyzele
n'auroit certainement pas tardé à
éprouver les effets de fon reffentiment ,
s'il n'avoit pris le parti de s'en garantir
en fe refugiant à la Cour de Theron dont
il avoit épousé la fille . Il n'en fallut pas
davantage pour brouiller ces deux Princes
, qui auparavant étoient amis . Hieron
reclama Polyzele comme un rebelle qu'il
vouloit punir , & fut indigné de ce que le
Roi d'Agrigente lui donnoit une retraite
dans fes Etats. D'un autre côté , la violence
que l'on faifoit à Polyzele , touchoit
trop Theron pour ne pas l'engager à foutenir
la cauſe de ſon gendre , & à le déDECEMBRE.
1755, 77
fendre des injuftes pourfuites de fon frere.
On fe difpofoit déja de part & d'autre à
la guerre , lorfque Hieron tomba dangereufement
malade . Ce qu'il y a de fingulier
, c'eft que cette maladie toute fâcheufe
qu'elle devoit être pour ce Prince , lui
fut pourtant néceffaire , puifqu'elle occafionna
un changement dans fa perfonne ,
auquel on n'avoit pas lieu de s'attendre.
Pour adoucir l'ennui que lui caufoit la
longueur de fa convalefcence , il invita
par fes largeffes les plus fameux Poëtes de
fon tems à fe rendre auprès de lui . Il efperoit
trouver dans leurs entretiens un remede
à fes chagrins domeftiques. On peut
croire que Simonide , de qui Pindare luimême
avoit appris les principes de fon
art , ne fut pas oublié dans le nombre de
ceux qu'Hieron attira à fa Cour. Il fut celui
qui fçut le mieux s'infinuer dans l'efprit
de ce Prince , & obtenir fa confiance.
Ce Prince eut l'obligation au commerce
qu'il lia avec les Sçavans qu'il avoit
fait venir , d'avoir poli fes moeurs & orné
fon efprit qui étoit naturellement capable
des plus grandes chofes , mais qu'une
application continuelle aux exercices militaires
ne lui avoit pas permis jufques là
de cultiver. Il profita beaucoup dans les
fréquentes converfations qu'il avoit avec
D iij
78 MERCURE DE FRANCE.
Simonide . Elles furent autant de leçons
qui lui infpirerent l'amour de la vertu , &
l'accoutumerent par dégrés à en remplir
les devoirs . Elles lui firent ouvrir les yeux
fur fes égaremens , & fentir toute l'injuftice
de la guerre qu'il alloit fe mettre fur
les bras . Les confeils de notre Poëte lui furent
d'une grande reffource pour tourner
les chofes vers la pacification . Voici de
quoi il eft queftion. Theron ayant donné
Thrafydée fon fils pour maître aux Himerens
, celui-ci rendit fa domination infupportable
par fon orgueil & par fes violences
, qui les contraignirent de fe foulever
contre lui . Ils n'oferent fe plaindre de fa
conduite à Theron , parce qu'ils craignirent
que l'oppreflion devînt encore plus
forte , en cas que le pere fe montrât juge
peu équitable dans la caufe de fon fils.
C'est pourquoi ils fe déterminerent à envoyer
des Députés à Hieron pour lui offrir
du fecours contre Theron , & lui déclarer
en même tems qu'ils fouhaitoient à l'avcnir
dépendre de lui . Cette conjoncture
fournir à Simonide les moyens de remettre
la paix entre les deux Princes , & de faire
l'office de médiateur. Ce fut par fes avis
que Hieron inftruifit le Roi d'Agrigente
du complot formé par les habitans d'Himere
, & l'avertit de prendre fes mesures
pour le faire avorter.
DECEMBRE. 1755. 79
La reconnoiffance de Theron fut égale
à la générosité du procedé d'Hieron , avec
qui il ne fongea plus qu'à fe réconcilier ,
& leurs démêlés mutuels furent dès- lors
pacifiés. Hieron , pour affermir davantage
cette union , époufa la foeur de ce Prince .
Il rendit fon amitié à Polyzele , & les deux
freres vécurent depuis en bonne intelligence.
« Hieron commença ( dit l'Auteur )
à facrifier fes intérêts au bien public. Il
38
ne s'occupa plus que du foin d'acquerir,
» à l'exemple de Gelon , par fes manieres
» affables & par fa clémence , le coeur &
» l'eftime de fes fujets . Ses libéralités qu'ils
» éprouverent dans la fuite , effacerent
» entierement de leur mémoire les traits
" d'avarice qu'ils avoient d'abord remar-
» qués en lui . Sa Cour devint l'afyle des
» fciences , par la protection qu'il accor-
» doit aux perfonnes qui les cultivoient
» avec fuccès. Il montroit plus d'ardeur à
» les prévenir par des récompenfes , que
» les autres n'en avoient à les obtenir.
و د
L'Auteur accompagne fon récit de cette
réflexion qui fe préfente naturellement .
» Comme il réjaillit autant de gloire fur
le Prince qui répand fes bienfaits , que
» fur le particulier qui les reçoit , com-
" bien de Souverains ne font un accueil
» favorable au mérite , peut - être moins
Div
80 MERCURE DE FRANCE .
"3
» pour l'honorer , que pour fatisfaire euxmêmes
leur vanité ! Si l'on compare cet-
» te derniere conduite d'Hieron avec celle
qu'il avoit tenue en premier lieu , on
» fera furpris d'un contrafte auffi frappant.
Il devoit du moins avoir un fond de
» vertu ; car les fciences toutes feules ne
produifent point de pareils changemens.
» Elles perfectionnent à la vérité un heu-
» reux naturel ; mais il eft rare qu'elles
» réforment un coeur vicieux . >>
ود
Nous avons déja infinué quelque chofe
de l'avarice de Simonide . On peut affurer
qu'il n'y a point d'endroit où elle parut
plus à découvert qu'à la Cour d'Hieron .
Elle s'eft caractérisée jufques dans les reparties
qu'on lui attribue . Nous allons citer
quelques - unes de celles que l'on a recueillies.
On apprend d'Ariftote que la
femme d'Hieron ayant demandé à ce Poëte
, lequel étoit le plus à défirer , d'être riche
on fçavant ? il répondit , qu'il préferoit les
richeſſes , puisqu'on ne voyoit tous les jours
à la porte de riches que des fçavans . Hieron
avoit donné ordre qu'on lui fournît
chaque jour les provifions néceffaires pour
le faire vivre dans l'abondance , & Simonide
pouffoit l'épargne jufqu'à en vendre
la principale partie. Lorfqu'on voulut fçavoir
pourquoi il fe comportoit de la forte.
DECEMBRE. 1755. 81
C'est ( reprit- il auffi - tôt ) pour montrer en
public la magnificence du Prince , & ma
grande frugalité. Cette réponſe paroit à
M. Bayle un pauvre fubterfuge , & l'on
ne peut nier que fa remarque ne foit jufte.
Mais c'eft affez l'ordinaire des Beaux-
Efprits de payer de traits ingénieux pour
excufer les défauts qui choquent en eux
& fur lefquels on les preffe de s'expliquer ,
quand ils n'ont point de bonnes raifons à
alléguer pour leur juftification. Toutes
les fois que l'avarice infatiable de ce Poëte
l'expofoit à des railleries & à des reproches
, il avoit fon excufe prête , en difant
, qu'il aimoit mieux enrichir fes ennemis
après fa mort , qu'avoir besoin de fes
amis pendant fa vie. Auffi n'étoit - il rien
moins que difpofé à écrire gratuitement :
c'eft ce qu'il fit fentir à un homme qui
l'avoit follicité à compofer des vers à fa
louange , en fe contentant de l'affurer qu'il
lui en auroit des obligations infinies. Une
pareille propofition fatisfit peu Simonide ,
qui lui répondit , qu'il avoit chez lui deux
caffettes , l'une pour les payemens qu'il exigeoit,
& l'autre pour les obligations qu'on pouvoit
lui avoir, que la premiere reftoit toujours
vuide , au lieu que celle- ci ne ceffoit jamais
d'être pleine. On conçoit aifément que fon
humeur intéreffée devoit rendre fa plume
Dv
82 MERCURE DE FRANCE.
fort venale . Ce qu'il y a de certain , c'est
qu'il a la réputation d'avoir été le premier
des Poëtes Grecs qui ayent mis les Mufes
à louage. On ne fçauroit difconvenir que
cette tache n'obfcurciffe la gloire qu'il s'eft
acquife par la beauté de fon génie. L'indigne
trafic qu'il faifoit de fes ouvrages
donna naiffance à un proverbe honteux à
fa mémoire . Il fuffifoit que des vers fuffent
vendus au plus offrant pour porter le nom
de vers de Simonide. Comme le mot grec
dont fe font fervis des Auteurs anciens ,
pour exprimer l'avarice de Simonide , reçoit
des acceptions différentes , felon l'ufage
auquel on l'applique , il a induit en
erreur Lilio Giraldi , qui à attaché à ce terme
une fignification contraire à fon analogie
, quelle que foit la racine d'où on
veuille le dériver , & dont , à plus forte
raifon , il ne peut être fufceptible dans
l'occafion où il fe trouve employé. C'eſt
ce qui eft fpécifié plus particuliérement
dans l'ouvrage auquel il faut recourir , fi
l'on fouhaite s'en inftruire. Nous ajouterons
encore à ce que nous venons de dire
de ce Poëte , une circonftance qui dévoile
entierement l'exceffive paffion qu'il avoit
de thefaurifer. Un Athlete vainqueur à la
courfe des Mules , ayant voulu l'engager
a célébrer la victoire , lui offroit une fomDECEMBRE.
1755 .
83
me trop modique
, Simonide
refufa de le
fatisfaire
fur fa demande
, fous prétexte
qu'il
à un homme
comme lui
conviendroit
peu
de louer des Mules . Mais l'autre ayant pre- pofé un prix raifonnable
, notre Poëte
confentit
à faire l'éloge de ces Mules, qu'il
qualifia de filles de chevaux
aux pieds légers, expreffion
emphatique
qui a été défapprouvée
avec juftice par des Critiques
. Nous ne croyons
pas devoir nous arrêter à une
autre repartie
à peu-près du même genre, qui lui eft attribuée
par Tzetzes
, Auteur
peu exact en fait de narration
hiftorique
, parce qu'elle porte fur une fuppofition
évidemment
fauffe qui rend fon récit fufpect
, pour ne rien dire de plus. Il faut
confulter
l'ouvrage
pour avoir une pleine
conviction
de ce que nous remarquons
à ce fujet. Simonide
poffeda jufqu'à la mort
les bonnes graces d'Hieron
, dans lefquelles
il étoit entré fort avant . Il ne fut point confideré
à la Cour comme
un homme
dont le talent confiftoit
uniquement
à faire
des vers , & à donner
quelques
leçons
de morale ; ce Prince le jugea capable
de l'aider de fes confeils
dans le gouverne- ment des affaires , & il eut lieu de s'en louer
dans plus d'une occafion
. Auffi s'ouvroitil
familiérement
à ce Poëte , dont il connoiffoit
la prudence
, & il ne faifoit au-
Dvj
84 MERCURE DE FRANCE.
cune difficulté de lui communiquer fes
penfées les plus fecrétes. Les entretiens
qu'ils avoient enſemble là - deffus , ont fans
doute fourni à Xenophon le fujet d'un
Dialogue de fa façon , où les introduifant
l'un & l'autre pour interlocuteurs , il produit
lui-même fous ces noms empruntés ,
fes réflexions politiques. C'est une excellente
piece qui renferme un parallele entre
la condition des Rois & celle des Particuliers.
Comme Hieron avoit paffé par ces
deux états , cet ingénieux Ecrivain ne pouvoit
choifir perfonne qui fût censé être
mieux à portée que ce Prince d'en apprécier
les différences. La maniere dont il
fait parler Simonide , eft analogue au caractere
de ce Poëte qui foutient par la
folidité des avis qu'Hieron reçoit de lui ,
la réputation de fage qu'il a méritée
par l'honnêteté de fes moeurs : En effet ,
quelques légeres taches répandues fur fa
vie , que l'on devroit taxer plutôt de foibleffes
inféparables de l'humanité , ne
pourroient balancer toutes les belles qualités
que la nature lui avoit accordées , s'il
n'avoit témoigné dans fes actions un penchant
trop marqué pour l'avarice la plus
fordide , vice fi honteux qu'il fuffit lui
feul pour diminuer l'éclat des vertus qui
l'ont rendu d'ailleurs recommandable.
DECEMBRE. 1755 . 85
da ce
que
Les fréquentes converfations d'Hieron
& de Simonide ne rouloient point feulement
fur des matieres de pure politique ;
elles avoient encore pour objet l'examen
des queftions les plus philofophiques . C'eſt
ce qui paroît par la célebre réponſe que
notre Poëte fit à ce Prince , qui lui demanc'étoit
que Dien ? Il faut convenir
que la queftion étoit des plus épineufes ,
& par conféquent très- propre à embarraffer.
Auffi Simonide ne manqua pas de
prétexte pour juftifier l'impuiffance où il
fe voyoit d'y fatisfaire fur le champ , &
il obtint du tems pour y rêver plus à fon
aiſe. Le terme étant expiré , Hieron étonné
de tous les délais dont ce Poëte ufoit
pour éluder l'explication qu'on exigeoit
de lui , en voulut apprendre la caufe . Simonide
avoua ingénuement , que plus il
approfondiffoit la chofe , plus elle lui fembloit
difficile à réfoudre.
Si l'on inféroit de fa réponſe à Hieron ,
que ce Poëte avoit formé quelque doute
fur l'existence d'un Etre Suprême, ce feroit
non-feulement étendre la conclufion beaucoup
plus loin que ne l'eft la prémiffe ; mais
ce feroit déduire une conféquence trèsfauffe.
Car Simonide étoit fi peu porté à
nier qu'il y eût une Divinité , que jamais.
Poëte Payen n'a peut -être eu une perfuaS6
MERCURE DE FRANCE.
fion plus vive des effets de fa puiffance ;
c'est ce que témoignent affez les fragmens
qui nous reftent de fes Poélies , & principalement
quelques vers de lui , qui font
cités par Théophile d'Antioche . « Il y eft
dit , qu'il n'arrive aux hommes aucun
" mal inopiné : que Dieu fait en un feul
» moment changer de face à toutes chofes,
» & que perfonne ne fçauroit fe flatter
d'acquérir la vertu fans une affiftance
» particuliere de fa part ».
Simonide termina fa vie à l'âge de quatre
-vingt-dix ans , dont il paffa les trois
derniers à la Cour d'Hieron. Le tombeau
qu'on lui avoit élevé à Syracufe , fut dans
la fuite du temps démoli par un Général
des Agrigentins , appellé Phoenix , qui en
fit fervir les matériaux à la conftruction
d'une tour. On marque le temps dont fa
mort précede celle d'Hieron , & pour le
conftater d'une maniere préciſe , il a fallu
néceffairement fixer celui où tombe le
commencement & la fin du regne de cè
Prince , duquel on détermine conféquemment
la durée. On fent bien que tout celá
eft accompagné de détails chronologiques
dans lesquels nous évitons ici de nous engager
parce qu'ils n'intéreffent qu'un
très -petit nombre de Sçavans exercés à ce
genre d'étude. L'Auteur conduit plus loin
DECEMBRE. 1755. $7
que la mort de notre Poëte , le fil de fa
narration qui offre en raccourci l'hiftoire
de Syracufe . Il parcourt avec rapidité les
révolutions qui arriverent à cette République
depuis l'expulfion de Thrafybule
frere & fucceffeur d'Hieron , que fa conduite
violente avoit fait chaffer de Syra--
cufe , jufqu'au temps qu'elle éprouva le
fort ordinaire aux Villes que les Romain's
foumettoient
à leurs armes . Comme le récit
de ces chofes femble au premier coup
d'oeil ne tenir en aucune façon au plan général
de l'Ouvrage , on ne manquera pas
de le trouver abfolument hors d'oeuvre.
En tout cas , l'Auteur a prévenu lui-même
l'objection qui peut avoir lieu . «< Ayant ,
» dit-il , donné la plus grande partie de
» l'histoire de cette fameufe République ,
» que j'ai eu occafion de prendre dès fon
» origine , je me ferois reproché mon peu
» d'attention à procurer au Lecteur une
» entiere fatisfaction , fi je n'avois rendu
fon inftruction complette , en mettant
» devant fes yeux un précis de la fuite
» des affaires de Syracufe , jufqu'au temps
» qu'elle tomba au pouvoir des Romains ,
"
"
qui l'affujettirent à leur Empire. Je pen-
» fe avoir été d'autant plus fondé à le
faire , qu'un des derniers de ceux qui
ont gouverné defpotiquement en cette
Ville , étoit defcendu de Gélon , &
1
88 MERCURE DE FRANCE.
و ر
porté le nom d'Hieron , ainfi que le
» frere de ce Prince. Il marcha fi parfaite-
» tement fur les traces du premier , que
» de Préteur qu'il étoit auparavant à Sy-
» racufe , il s'ouvrit également par fes
» vertus un chemin à la royauté. Il eft
» furtout célebre par fes démêlés avec les
» Romains qui le défirent plus d'une fois :
» ce qui l'obligea de contracter avec eux
» une alliance dans laquelle il perfifta le
» refte de fes jours . Il étoit donc naturel
» de toucher légerement ce qui regarde ce
» Monarque de qui l'hiftoire ne doit pas
» être détachée de celle de fes Ancêtres ,
» dont il n'a point démenti les belles actions.
Enfin quand on trouveroit que
» la relation de ces chofes fort des bornes
» que mon principal fujet me prefcrivoit ,
» s'il réfulte pour le Lecteur quelque avan-
» tage de voir réunies dans un feul point de
» vue toutes les différentes révolutions
particulieres à l'état de cette Républi-
» que , depuis l'époque de fa fondation ,
jufqu'à celle de fa ruine ; c'eft lui feul
» qui fera mon apologie
"3
L'Auteur , après avoir fait l'hiftoire de
Simonide & celle de fon Siecle , paffe enfuite
au détail de fes Poéfies. Quoiqu'il en
eût compofé un grand nombre , il en refte
à peine des fragmens qui font comme des
débris échappés aux injures du temps. Ils
DECEMBRE. 1755 . 89
ont été recueillis par Fulvius Urfinus , &
en partie par Leo Allatius. Le premier les
a accompagnés de notes de fa façon . Il
n'eftfouvent parvenu jufqu'à nous que les
titres de plufieurs de ces Poéfies qui ont
tranfmis avec honneur le nom de Simonide
à la postérité. Les perfonnes curieufes
de les connoître , n'auront qu'à recourir
à la Bibliotheque Grecque du fçavant
M. Fabricius. Comme fon objet principal
eft d'y offrir une notice des ouvrages
des Auteurs Grecs , & d'y détailler les circonftances
qui en dépendent , il a dreffé
avec fon exactitude ordinaire un catalogue
de toutes les différentes fortes de Poëmes
qu'avoit écrits Simonide , autant qu'il
a pu en avoir connoiffance , en feuilletant
ceux d'entre les Anciens qui ont eu occafion
de les indiquer , lorfqu'ils ont cité des
vers de ce Poëte . On n'a pas cru devoir
s'arrêter dans cette Hiftoire à ces fortes de
détails , dont on ne tire d'autre fruit que
celui de fatisfaire fa curiofité. Ils peuvent
être fupportables en Latin , où l'on n'affecte
pas la même délicateffe qu'en notre Langue
, lorfqu'il s'agit de chofes auffi feches :
elles caufent de l'ennui & du dégout au
Lecteur François qui s'attend à des inftructions
plus folides. Quand on confidere la
perte de beaucoup de bons ouvrages que
90 MERCURE DE FRANCE.
le temps nous a ravis , tandis qu'il a épargné
tant de foibles productions qui , bien
loin d'être enviées , ne méritoient pas même
de voir le jour , on ne fçauroit s'empêcher
d'avouer que c'eft -là un de ces caprices du
fort qui prend plaifir à fe jouer de tous les
moyens que l'induftrie humaine peut imaginer
pour fe garantir de fes injuftices.
Si on demande à l'Auteur pourquoi il ne
s'eft point fait un devoir de traduire en
notre langue ces fragmens poétiques , ( car
quelques imparfaits que foient les morceaux
qu'ils renferment , ils ferviroient du
moins à donner une idée de la beauté du
génie de Simonide ) il répondra que la
défunion des parties qui forment l'enchaînement
du difcours , rend trop difparates les
chofes qui font énoncées dans les vers de
ce Poëte : comme elles n'ont aucune relation
les unes avec les autres , elles font par
cela même incapables d'offrir un fens fuivi
; « de forte que ce feroit , ( dit-il , ) per-
» dre fes peines , que d'expofer ces frag-
» mens en l'état actuel où ils font , fous
les yeux du Lecteur François qui aime
qu'on ne lui préfente que des idées bien
afforties , & parfaitement liées enſem-
» ble . On trouve dans un recueil qu'on
a fait de ces fragmens , deux pieces écrites
en vers ïambes , qui ont été mises à ce
DECEMBRE. 1755. 91
qu'il paroît , fur le compre de notre Simo
nide : c'eft ce qu'il y a de plus entier de
tout ce qui eft venu jufqu'à nous de fes
Poéfies. L'une roule fur le peu de durée de
la vie humaine , & l'autre eft une efpece
de fatyre ridicule contre les femmes , où
F'on ne produit que des injures groffieres
pour reprendre les défauts qu'on peut leur
reprocher. On y fait une application continuelle
des vices de ce fexe , aux diverfes
propriétés attachées à la nature des animaux
defquels on feint qu'il a été formé.
On y fuppofe que l'origine de l'ame des
femmes eft différente felon la diverfité de
leur humeur ; que l'ame des unes est tirée
d'un cheval , ou d'un renard , ou d'un finge
, 8 que celle des autres vient de la
terre & de la mer. Elien cite un vers qui
a rapport aux femmes qui aiment la parure.
On reconnoît difficilement Simonide
à ces traits qui font indignes de lui , &
affurément certe piece n'eft pas marquée
au coin qui caractérife communement fes
productions. Enfin il eft inconteſtable que
ces deux Poëmes n'appartiennent en aucune
maniere au Simonide dont on écrit
la vie; puifque les Anciens ne nous appren
nent point qu'il fe foit jamais exercé dans
ce genre de poéfie . Il les faut reftituer à
un autre Simonide qui a précédé le nôtre
92 MERCURE DE FRANCE.
de plus de deux fiecles. C'est lui qui doit
en être regardé comme le véritable auteur.
Il ne feroit pas étonnant que l'identité de
nom eût fait confondre enfemble ces deux
Poëtes , qui font du refte très- différens l'un
de l'autre. C'est ce que l'on confirme par
une preuve que fournit le témoignage des
Anciens qui ont pris foin de les diftinguer,
l'un , par la qualité de Poëte Lyrique , &
l'autre , par celle de Poëte Iambique. Celui
qui eft renommé dans l'antiquité par la
compofition de fes ïambes , étoit né à
Minoa , ville de l'ifle Amorgos. Suidas le
dit fils d'un certain Crinée qui ne nous
eft pas autrement connu . Ses travaux poétiques
ont eu le même fort que ceux de
notre Simonide. Il n'en fubfifte plus que
des fragmens qui confiftent uniquement
en ces deux poëmes dont nous venons de
parler , & en quelques vers détachés qui
nous ont été confervés par Athénée , Galien
, Clément d'Alexandrie & Stobée .
On recherche le temps où il vivoit ; &
comme une date que produit Suidas , conconcourt
à le déterminer par celle de la
ruine de Troye , l'Auteur piend de-là occafion
d'entrer dans un examen chronologique
des différentes Epoques que les Anciens
affignent à la prife de cette Ville.
Nous nous bornerons à en expofer ici le
DECEMBRE . 1755 . +3
"
"3
réſultat qu'il en donne lui - même dans fa
préface. Quelque foit le calcul auquel on
veuille s'attacher , « il eft conftant , (dit-il)
» que celui du LexicographeGrec eft fautif,
» à moins qu'on ne fubftitue dans fon
» texteune lettre numérale à l'autre , ainfi
que Voffius l'a parfaitement obfervé. Il
»y a d'autant plus d'apparence qu'il aura
fouffert en cela de l'inadvertance des
Copiftes qui font fujets à commettre de
» femblables mépriſes ; que la validité de
» la leçon qu'on propofe fe peut inférer
» d'un paffage formel qui fe tire de Tatien.
C'eft par-là feulement qu'on vient à bout
» de fauver la contradiction fenfible qui
» naîtroit de fon témoignage , & de celui
» de quelques - uns des Anciens , qui font
» ce Simonide contemporain d'Archiloque
, & par conféquent le renvoyent
» bien en- deça du fiecle où il le place.
» Comme il s'accorde à dire qu'Archilo-
» que fleuriffoit fous Gygès Roi de Lydie,
» dans la perfonne duquel commence la
» Dynaſtie des Mermnades , il s'enfuit de-
>> là que le temps du Simonide en queftion
»fe trouve étroitement lié à celui du regne
» de ce Prince & de fes fucceffeurs. C'eſt
pourquoi il réfulte des moyens que j'ai
employés pour fixer l'un par l'autre , une
» difcuffion qui m'a paru propre à répan-
"
39
94 MERCURE DE FRANCE.
» dre une nouvelle clarté fur la Chronolo-
» gie des Rois de Lydie ». Nous ajouterons
que la matiere eft affez importante
par elle-même pour fixer la curiofité des
Sçavans que leur propre expérience a mis
en état de fe convaincre de l'obſcurité qui
regne fur cette partie de l'Hiftoire ancienne.
La maniere avantageufe dont on nous
parle du Simonide fameux par fes productions
Lyriques , ne permet pas d'hésiter à
le placer au rang des meilleuts Poëtes de
l'Antiquité ce qu'on ne fçauroit dire
également de celui qui a écrit des vers
iambes. Il eft certain qu'il n'a pas joui de
la même célébrité , & que notre Simonide
l'emporte à tous égards fur l'autre. D'ailleurs
fon talent s'étendoit plus loin qu'à
faire des vers. C'est ce qu'on a été à portée
de voir plus d'une fois dans le cours
de cet Extrait. Cela paroît encore par l'invention
des quatre Lettres Grecques ( ou
,, » & , qui lui eft communément
attribuée. Il faut pourtant avouer qu'elle
lui eft conteſtée par quelques- uns qui en
font honneur à Epicharme né en Sicile .
Tzetzes balance même auquel des deux il
doit la rapporter , ou à notre Simonide ,
ou à Simonide le Samien qu'il dit être fils
d'un certain Amorgus. Il n'eft pas douteux
que ce dernier ne foit le même que
DECEMBRE. 1755.
95
le Poëte iambique de ce nom , à qui quelques
anciens Ecrivains donnent Samos
pour patrie , quoique le plus grand nombre
le faffe naître à Amorgos . Il n'eft pas
difficile de s'appercevoir de la méprife
grolliere de Tzetzes , qui transforme le
nom du lieu de la naiffance de ce Simonide
, en celui du pere de ce Poëte. On
n'infifte point fur cesLettres qui auroient
pu fournir le fujet d'une difcuffion , fi
Scaliger , Saumaife , Samuel Petit , Voffius
, Bochart , Ezéchiel Spanheim , Etienne
Morin , & le P. Montfaucon , n'avoient
déja épuifé tout ce que l'on peut produire
fur l'origine de l'Alphabeth Grec. On a
cru qu'il étoit plus à propos de renvoyer
à ces doctes Critiques , en citant au bas
de la page les endroits de leurs ouvrages ,
où ils ont traité cette matiere , que de redire
en gros des chofes qu'ils ont fi bien approfondies
en détail . Notre Simonide paffe
encore pour avoir ajouté une huitième
corde à la Lyre dont il fe propofa par- là
de perfectionner l'ufage , comme nous
l'apprenons expreffément de Pline . On
trouve parmi les fragmens de fes Poéfies
quelques vers qui ont été allégués par Platon
, Lucien , Athenée , Clément d'Alexandrie
, & Théodoret. Ils valent bien
la peine d'être cités pour leur fingularité.
96 MERCURE DE FRANCE.
Leur objet eft de définir quels font les biens
préférables de la vie. Voici ce qu'ils renferment.
« De tous les biens dont les hommes
peuvent jouir , le premier eft la fan-
»té , le fecond la beauté , le troiſieme les
richeffes amaffées fans fraude , & le
quatrieme la jeuneſſe qu'on paffe avec
» fes amis ».
22.
De tous les ouvrages que Simonide
avoit compofés , il n'y en a point afſurément
qui l'ait plus illuftré , & lui ait attiré
plus de louanges des Anciens , que ceux
qui portoient le titre de Threnes ou de
Lamentations. Ce font elles que Catulle
défigne par cette expreffion , mæftius lacrymis
Simonideis. Horace les a également en
vue , lorfqu'il dit pour repréfenter des
Mufes plaintives , Cea retractes munera
Nama. Son talent principal étoit d'émouvoir
la pitié ; & l'on peut affurer qu'il excelloit
dans le genre pathétique. Au moins
c'est l'aveu que fait Denys d'Halicarnaffe ,
qui le préfere à tous les Poëtes qui avoient
travaillé dans la même partie , après l'avoir
d'ailleurs regardé comme un modele
dans le choix des mots. La leçon de cet
endroit du Traité de l'Auteur Grec dont
on cite les paroles , eft d'autant plus défectueufe
, qu'elle forme un fens tout contraire
à celui que cet ancien Critique veut
exprimer.
DECEMBRE. 1755. 97
exprimer. Cela paroît avoir été occafionné
par la tranfpofition de deux mots qu'il s'agit
de remettre à la place qui leur eft propre
, pour réduire l'énoncé de la phraſe
grecque à un fens naturel & raifonnable.
C'est ce que l'Hiftorien a entrepris dans
une note dont le but est de rectifier ce paffage
qui a été étrangement altéré par l'inadvertence
des Copiftes. Le jugement que
Quintilien porte de Simonide confirme
celui de Denys d'Halicarnaffe , qui rapporte
un morceau d'une de ces Lamentations
de notre Poëte. Danaë déplorant fes malheurs
en faifoit le fujer . On fçait que fuivant
la fable , cette Princeffe infortunée
fut enfermée par l'ordre d'Acrifius fon
pere , dans un coffre d'airain avec l'enfant
qu'elle avoit mis au jour pour être jettée
dans la mer. Simonide fuppofe que dans
le temps qu'elle erroit au gré des vents &
des flots , elle parla en ces termes à Perfée.
" O mon fils , de combien de maux tà
» mere eft accablée . Tu te mets peu en
peine du fifflement des vents , & de l'im-
» pétuofité des vagues qui roulent fur ta
» tête : Ah ! fi tu pouvois connoître la
grandeur du péril qui nous menace , tu
prêterois fans doute l'oreille à mes dif-
» cours. Mais non . Dors, cher enfant , dors ,
je l'ordonne. Ainfi que lui, puiffiez- vous
"
"
11. Vol. E
98 MERCURE DE FRANCE.
éprouver le même calme , flots d'une
» mer agitée , & vous auffi mes maux dont
la mefure ne fçauroit être comblée » .
C'eft relativement à ce don d'attendrir
que Grotius a cru pouvoir lui comparer le
Prophéte Jéremie. Ces fortes de paralleles
qu'on établit entre des Ecrivains Sacrés
& des Auteurs Profanes , femblent avoir
d'abord quelque chofe de choquant : mais
pour peu qu'on veuille faire un moment
abstraction du caractere de prophéte qui
appartient à ce dernier , & qui par conféquent
le met hors de toute comparaifon
avec un Poëte Payen , il ne fera plus queftion
que de les envisager l'un & l'autre du
côté du mérite perfonnel . On ne pourra
s'empêcher pour lors de convenit que le
parallele ne foit jufte . En effet , on ne doit
pas ignorer que Jéremie ait réuni toutes
les qualités effentielles à la poéfie dans fes
Lamentations , qui offrent le tableau le plus
touchant de la défolation & de la ruine
de Jérutalem .
Simonide ne réuffiffoit pas moins dans
la peinture des images ; c'eft le témoignage
que lui rend Longin , ce célebre Critique
de l'antiquité , dont la déciſion eſt
d'un fi grand poids en pareil cas . Aucun
Poëte n'avoit , felon ce Rhéteur , décrit
plus vivement l'apparition d'Achille fur
DECEMBRE. 1755. 99
fon tombeau , dans le tems que les Grecs
fe préparoient à partir . Nous finirons par
dire que la douceur qui regnoit dans fes
vers ,l'avoit fait furnommer Melicerie , &
cependant il avoit employé en écrivant le-
Dialecte Dorique , qui paroît être le moins
fufceptible de cette douceur qui caractérifoit
fes Poéfies.
On a renvoyé à la fin de cette Hiſtoire
deux Remarques qui valent deux Differtations
: Quoiqu'elles ne femblent avoir
qu'une liaifon fort indirecte avec fon
plan , elles ne laiffent pas de fervir d'éclairciffement
à deux endroits de fon texte .
L'une eft deftinée à examiner fi le nom de
Jao cité dans un paffage de Porphyre que
l'on rapporte , eft le même que celui de
Jehovah ufité particuliérement chez les
Juifs pour défigner Dieu : A cet égard la
chofe eft hors de conteftation. Il s'agit
feulement de fçavoir laquelle de ces deux
différentes prononciations attachées à un
même nom , doit être réputée pour l'anciemne
, & par conféquent pour la véritable.
C'est une matiere qui a déja exercé
d'habiles Critiques , tels que Genebrard ,
Fuller , Louis Cappel , Drufius , Sixtinus
'Amama , Buxtorfe le fils , Gataker & Leufden.
Cette queftion entraîne néceffairement
dans une difcuffion grammaticale ,
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
qui n'est à portée d'être bien entendue que
des perfonnes qui ont acquis quelque intelligence
de l'Hébreu . On a mis en un,
caractere lifible pour tout le monde les
paffages qu'on a été obligé de produire
dans cette Langue , & cela pour des motifs
que l'Auteur a eu foin d'expliquer dans
fa préface. Les Sçavans fe partagent fur
çet article. Les uns, comme Cappel, Walton
& M. Le Clerc fe déclarent pour la
prononciation de Jao ou Jauoh , & rejertent
celle de Jehovah , qu'ils difent n'avoir
prévalu que depuis la ponctuation de
la Maffore , d'après laquelle Galatin Ecriyain
du feizieme fiecle , a le premier introduit
parmi nous cette Leçon du nom de
Dieu , qui eft actuellement la feule accréditée
. Ils penfent être d'autant plus difpenfés
d'acquiefcer à l'autorité de la Maffore
, qu'ils la combattent par des raifons
que leur fournit la nouveauté de fon invention
, qui , felon la plupart d'entr'eux ,
ne remonte pas au - delà du fixieme fiecle ,
& dont quelques - uns reculent l'époque
jufqu'au onzieme. Il y en a d'autres au
contraire qui demeurent attachés à la Lede
Jehovah dont ils foutiennent la validité
, parce qu'elle leur paroît beaucoup
mieux conferver l'analogie de l'Hébreu ;
ils s'efforcent de la défendre contre toutes
çon
DECEMBRE. 1755. ioi
les objections qui peuvent avoir lieu , &
ils ne balancent pas à croire que les Grecs
à qui les Phéniciens avoient tranfmis ce
nom , ne l'ayent ainfi altéré par une maniere
défectueuse de le prononcer. Il faut
avouer qu'ils font valoir des argumens (pécieux
pour fortifier leur opinion : cependant
, comme ce n'eft point ici un fujer
qui foit capable de recevoir ce dégré de
certitude que communiquent des preuves
qui mettent l'état des chofes dans la derniere
évidence , on ne doit s'attendre qu'à de
fimples conjectures qui ont de part & d'autre
une égale probabilité : ainfi le parti le
plus fage eft de ne point décider affirmati
vement dans de pareilles matieres. En effet,
comment vouloir déterminer pofitivement
l'ancienne prononciation de ce nom , s'il
eft conftant par le témoignage de Philon
& de Jofephe , qu'elle avoit été interdite
aux Juifs avant que J. C. vînt au monde
. Le premier la reftreint aux bornes du
Sanctuaire , où les Prêtres , fpécialement
le fouverain Sacrificateur , avoient le privilege
exclufif de le prononcer tous les ans
le jour que fe célébroit la fête des Expiations
. Ce nom n'étant donc point d'ufage
hors du Sanctuaire , où la maniere de le
proférer fe maintenoit par tradition , &
la permiffion de le prononcer étant une
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
des prérogatives affectées à la Sacrificature
, elle n'a pas dû fubfifter plus long-tems
que le Temple , & la tradition de ce nom
s'eft affurément perdue à travers tant de
fiecles qui fe font écoulés depuis la ruine
de Jérufalem. Peut on après cela fe flatter
d'en fixer aujourd'hui la prononciation.Les
Docteurs Juifs poftérieurs à cet événement
ont encore encheri fur la vénération que
leurs ancêtres avoient pour ce nom de
Dieu , & fur l'idée qu'ils fe formoient de
fa fainteté qui le rendoit ineffable à leur
égard. Ceux qui font venus après , felon
leur louable coutume d'outrer les fentimens
de leurs peres , ont pouffé les chofes
fi loin que cette vénération eft dégénérée
en une fuperftition exceffive qui fe
perpétue chez cette nation . Des Rabbins
ont étrangement raffiné fur les propriétés de
ce nom , & fur l'analogie grammaticale de
trois de fes lettres , qu'ils difent réunir les
trois différentes manieres d'exifter qui
n'appartiennent qu'à Dieu . Quiconque
ofoit violer cette défenfe de proférer le
nom Jehovah étoit puni de mort , s'il falloit
croire tout ce qu'ils nous débitent
hardiment à ce fujer. Ils ont fait plus , ils
l'ont érigée en article de foi , & menacent
les infracteurs de l'exclufion de la
vie éternelle . Toutes les fois que le Texte
DECEMBRE. 1755. 103
,
Hébreu porte la Leçon de Jehovah , ils lui
fubftituent le nom Adonaï , & tantôt celui
d'Elohim , lorfqu'il arrive que le Jehovah
eft précédé d'Adonai , & alors ces deux
noms fe trouvent joints enſemble . Il leur
eft auffi ordinaire d'ufer de mots compofés
pour caracterifer ce nom ineffable
comme ceux de Schem Hammiouchad , ou
de Schem Hamphorafch , le nom propre de
Dieu , & de Schern Schel arba othioth , le
nom formé de quatre lettres. Quand on les
preffe de dire fur quoi ils fondent cette
interdiction , ils alléguent en leur faveur
des paffages de l'Exode & du Lévitique
dont ils détournent ou changent le fens
pour la pouvoir autorifer. Les paroles de
l'Ecriture qu'ils nous oppofent , ne fignifient
pourtant rien moins que ce qu'ils
veulent leur faire fignifier. Il n'en a pas
fallu davantage pour les expofer au reproche
de falfification , qui leur a été intenté
par
Galatin . On entre relativement à cet
objet dans quelques détails hiftoriques ,
qui pourront compenfer ce qu'il y a de
fec dans un travail de cette nature.
On obferve que ce nom de Dieu n'a pas
été inconnu dans les premiers tems . aux
nations étrangeres , & furtout à celles qui
étoient voifines de la Judée . C'est ce qui
paroît confirmé par plufieurs exemples que
trop
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
par
Selden & M. Ferrand ont apportés , & qui
mettent ce fait hors de doute. Le Critique
Anglois & M. Huet foupçonnent même
que Pythagore pourroit avoir tiré l'idée
des propriétés mystérieuses de fa Quaternité
de celles que renferment les quatre
lettres qui conftituent le nom Jehovah. On
n'ignore pas que les Sectateurs du Philofophe
Grec , quand il s'agiffoit de fe lier
un ferment inviolable , juroient par cette
Quaternité à laquelle ils attribuoient toutes
les perfections , & qu'ils nommoient la
fource de vie , & le fondement de l'éternité,
Ils ne vouloient exprimer autre choſe parlà
que Dieu lui- même appellé par Pyihagore
le nombre des nombres . Ce Philofophe
paffe pour avoir emprunté des Juifs
plufieurs Dogmes " importans qu'il s'étoit
appropriés. C'est une circonftance dont la
vérité eft atteftée par Hermippus Hiftorien
Grec qui Heuriffoit du tems de Prolemée
Evergere, & par le Juif Ariftobule qui
vivoit à la Cour de Ptolemée Philometor,
Jofephe témoigne expreffément qu'il affecta
de fe montrer en bien des chofes zelé
imitateur des rites de fa nation . S. Ambroife
le fait même Juif d'origine : mais
on ne fçait où ce Pere de l'Eglife peut
avoir puifé cette particularité qui eft deftituée
de fondement . On reprend Lactan-
L
DECEMBRE . 1755. 105
ce d'avoir nié mal - à - propos que Pythagore
ait jamais eu aucun commerce avec les
Juifs , fans donner des raifons folides de
ce qu'il avançoit. On infifte particuliérement
fur fon voyage à Babylone , où il
s'offrit affez d'occafions qui mirent ce Phifofophe
à portée de s'entretenir avec plufieurs
d'entre ce peuple , dont une partie
y réfidoit encore pendant le féjour de Pythagore
en cette ville. Il y conféra fréquemment
avec les Mages dont il fçur fi
bien gagner l'amitié , qu'ils lui firent part
de leurs connoiffances , & l'initierent dans
leurs mysteres. Porphyre rapporte qu'il y
devint difciple d'un certain Zabratus ,
duquel il apprit tout ce qui concerne la
nature & les principes de l'univers . Il y a
eu dès les premiers tems du Chriftianif
me des Ecrivains qui fe font imaginés que
ce Zabratus ou Zaratus , & que Clement
d'Alexandrie appelle Nazaratus , étoit
le même que le Prophète Ezechiel , comme
le certifie ce Pere Grec qui écrivoit fur
la fin du fecond fiecle , & qui rejette
d'ailleurs l'opinion de ces gens là : néanmoins
Ménaffeh Ben - Ifraël , & quelques
autres , n'ont pas laiffé d'avoir une feniblable
penſée . Ce qu'il y a de plus éton -
nant , c'eft qu'un auffi habile homme que
l'étoit Selden , ait pu pencher vers ce fen-
E v
106 MERCURE DE FRANCE.
timent d'autant plus infoutenable , qu'il
eft incompatible avec l'exacte chronologie.
C'eft ce qu'il n'a pas été fort difficile
de prouver. MM. Hyde & Prideaux ont entendu
par ce Zabratus le fameux Zoroaf
tre. Ils fe font fondés fur un paffage
d'Apulée qui veut que Pythagore ait été
difciple de ce Législateur des Mages ; ce
qui eft pourtant fujet à un grand nombre
de difficultés , comme de célebres Modernes
l'ont fuffifamment démontré . On
pourroit peut-être les lever , en fuppofant
deux perfonnages de ce nom qui auront
fleuri à différens tems l'un de l'autre , &
dont le premier aura été le fondateur de
la Secte des Mages, & le fecond le réformateur
de leur religion ; fuppofition que l'on
peut d'un côté appuyer fur le témoignage
des Hiftoriens Orientaux , qui font vivre
un Zoroastre fous le regne de Darius fils
d'Hyftafpe , & de l'autre fur le récit d'Agathias
qui avoue que de fon tems ( c'eſtà-
dire dans le fixieme fiecle ) les Perfans
étoient dans cette perfuafion . Au refte , ce
n'est là qu'une conjecture, qu'on fe contente
d'infinuer , & l'on laiffe à chacun
la liberté de penfer à cet égard ce qu'il
voudra. Quant à l'autre Differtation , elle
traite des moyens qu'il y a de concilier les
différences qui fe rencontrent entre les AnDECEMBRE.
1755. 107
ciens au fujet des dates qui tendent à
fixer , foit le commencement
ou la durée
du regne de divers Princes. Les regnes de
Prolemée Soter , de Seleucus Nicator , &
de l'Empereur Julien fourniffent les exemples
que l'on produit . On leur a joint encore
celui du regne de Dagobert I , fur la
date duquel les Hiftoriens varient , afin de
rendre la vérité de cette remarque plus
fenfible aux perfonnes qui fe font rendues
l'Hiftoire de France plus familiere que
l'Hiftoire Ancienne . Ces exemples réunis
fous un même point de vue , concourent
à confirmer tout ce qui a été dit
touchant la maniere d'accorder les différentes
Epoques d'où l'on a compté les années
de la fouveraineté deGelon à Syracufe.
L'ouvrage eft terminé par le Projet d'une
Hiftoire des Juifs à laquelle travaille l'Auteur
, & qu'il a annoncée dans fa préface.
Elle comprendra
l'expofition de toutes
les révolutions
qui font arrivées à ce peuple
dans l'Orient depuis la ruine de Jérufalem
jufqu'au douzieme fiecle , où l'établiffement
qu'il s'y étoit fait , fût entièrement
ruiné. Comme l'Auteur s'eft livré
aux Etudes Théologiques
qu'il a pris à tâche
de fortifier par l'intelligence
des Langues
Sçavantes, les recherches où elles l'ont
néceffairement
engagé , l'ont mis en état
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
d'affembler les matériaux qui ferviront à la
compofition de cet ouvrage, On le deftine
à éclaircir les points les plus embarraffés
de l'Histoire Judaïque , & à difcuter
quelques - uns des Rites & des Dogmes de
cette nation , furtout lorsqu'ils lui font
communs avec les Chretiens. On y parlera
auffi des cérémonies , & en général des
affaires de difcipline que l'Eglife peut avoir
empruntées de la Synagogue. Elles ont
routes deux , par rapport à leur Hiſtoire. ,
une influence d'autant plus réciproque que
l'une eft fortie de l'autre , & par conféquent
on ne fçauroit approfondir l'Hiftoire
de l'Eglife , qu'on ne foit en mêmetems
obligé d'approfondir celle des Juifs ,
qui lui eft intimément unie. On fe flatte
qu'on ne fera pas fâché de voir inferé ici
en entier ce Projet , qui fert à donner une
idée de la grandeur de l'entreprife , du
but
que l'on s'y propofe , & de la méthode
à laquelle on doit s'attacher dans l'exécution
: mais la longueur que comporte
déja cet extrait , eft une raifon plus que
fuffifante pour renvoyer la chofe au mois
prochain . Si l'on fe récrie fur l'étendue de
cette analyfe , qui paffe de beaucoup les
bornes dans lesquelles nous avons coutume
de refferrer nos extraits , nous répon
drons que comme cette hiftoire de SimoDECEMBRE.
1755 109
nide eft remplie d'un grand nombre de difcuffions,
qui , quoiqu'effentielles aux vues
dans lesquelles on l'a compofée, font pourtant
de nature à rebuter bien des Lecteurs
pour qui elles ont quelque chofe de trop
épineux , on a profité de la voie de ce
Journal pour mettre tout le monde à portée
de connoître les faits dont le récit entre
dans le plan de l'Hiftoire . Pour cet
effet , on a retracé ici dans le même ordre
qui a été obfervé dans fa marche les différens
traits de la vie de ce Poëre , avec les
événemens de fon tems qui y font liés , &
l'on n'a fait qu'indiquer fimplement les
détails chronologiques qui en conftituent
le fonds : Ainfi cette analyfe doit être confiderée
moins comme un extrait que comme
un abregé de l'Ouvrage.
Delaguene , Libraire - Imprimeur de
l'Académie Royale de Chirurgie , rue faint
Jacques , à l'Olivier d'or , diftribue un
Mémoire auffi nouveau par fon objet que
par fa publication . Il eft intitulé Témoi
gnage public rendu à M. Dibon , Chirurgien
ordinaire du Roi dans la Compagnie des
Cent Suiffes de la Garde du Corps de Sa
Majefte ; par Pierre Dedyn d'Anvers . On
ya joint les preuves de la Cure avec quel
ques Réflexions concernant M. de Torrès
110 MERCURE DE FRANCE.
par qui le Malade avoit été manqué. L'Avertiffement
qu'on a mis à la tête de ce
Mémoire , nous en fournira la notice.
« Cet écrit , dit - on , eft l'ouvrage d'un
» Malade jugé incurable par de célebres
» Praticiens, & qui , contre toute efpéran-
» ce , a été guéri radicalement par le re-
» mede de M. Dibon . C'eft une espece de
و د
.30
confeffion publique dictée par la recon-
>> noiffance ; une defcription vraie & naïve
» de la maladie de l'Auteur , & des mal-
» heureuſes épreuves par lefquelles il a
» paffé jufqu'à fa parfaite guérifon . On a
» cru devoir conferver fon langage & fon
ortographe , moitié Wallon , & moitié
François ils pourront amufer quelques
" Lecteurs. Mais on a traduit toute la
» piece pour
la faire entendre des autres ,
» & on a mis la verfion à côté du texte ,
» pour n'y pas laiffer foupçonner la plus
légere altération. Ce Mémoire eft fuivi
» des Certificats de Meffieurs Goulard Mé-
» decin ordinaire du Roi , Le Dran , Henriques
, Morand , & Hebrard , Maîtres
» en Chirurgie ».
""
On trouve chez le même Libraire un
autre écrit qui a pour titre : Lettre à M. de
Torrès ,fervant de réponse , &c. Cette Lettre
contient un témoignage pareil à celui
de Pierre Dedyn , & publié par un BourDECEMBRE
, 1755 .
geois de Paris dont le nom & la demeure
y font défignés. Nous ne prononçons rien
là- deffus. Comme fimples Hiftoriens nous
en laiffons le jugement aux Maîtres de
l'Art.
CATALOGUE DES ESTAMPES &
livres nouveaux d'Italie , la plupart de
Rome , qui fe trouvent chez N. Tilliard ,
quai des Auguftins. 1755.
CATALOGUE DE LIVRES DE PIETE ,
de morale & d'éducation ; livres d'hiftoire
, de belles lettres , fciences & arts ; livres
de droit & de finances , livres amufans
& de théatres , qui fe vendent à Paris
, chez Prault pere , quai de Gèvres ,
1755.
L'ENFANT GRAMMAIRIEN , ouvrage
qui contient des principes de grammaire
génerale , mis à la portée des enfans.
Une Grammaire latine , & une Méthode
françoife- latine , ou maniere de traduire
le françois en latin . A Blois , chez Pierre-
Paul Charles ; & fe vend à Paris , chez la
veuve Robinot , quai des grands Auguftins.
<
FRAGMENS CHOISIS d'éloquence , efpece
de Rhétorique moins en préceptes qu'en
112 MERCURE DE FRANCE.
exemples , également utile aux Gens de
lettres , & à tous ceux qui veulent fe former
à l'éloquence de la chaire , par M. de
Gerard de Benat , 2 vol . A Avignon , chez
Jofeph Payen , Imprimeur Libraire , place
S. Didier. A Marſeille , chez Jean Moffy ,
à la Combriere : & à Paris , chez Defaint
& Saillant , rue S. Jean de Beauvais.
Nous croyons que cette maniere d'écrire
fur l'éloquence , eft une des plus utiles.
Les exemples frappent bien plus , &
en conféquence perfuadent mieux que les
préceptes. Ceux ci ne peuvent même être
bien développés & bien fentis que par le
fecours des premiers. L'Auteur nous paroît
montrer du goût dans le choix , &
nous penfons que fon travail mérite des
louanges.
RAISON ou idée de la Poéfie Grecque ,
Latine & Italienne , ouvrage traduit de
l'Italien de Gravina , par M. Reguier. 2 vol .
petit in- 12 , à Paris , chez Lottin , rue S. Jacques
, au Coq ; & chez J. B. Defpilly , rue
S. Jacques , à la vieille Pofte.
De l'Extrait de l'Hiftoire de Simonide ;
& dufiecle où il a vécu , &c .
Ous avons rendu de la
Nmierepartie de cet Ouvrage dans les
Nouvelles du mois d'Octobre. Nous nous
engageâmes alors à donner l'Extrait de la
feconde pour le mois fuivant ; mais des raifons
particulieres nous ont mis dans le cas
de différer plus longtems que nous ne penfions
à remplir notre engagement. Quoiqu'il
en foit , nous y fatisfaifons aujourd'hui
; & nous allons parler de ce que contient
cette feconde partie , qui commence
par un expofé de la conduite que tint
Gelon après avoir triomphé des Carthaginois.
Pour peu que l'on veuille fe fouvenir
du titre de cette hiftoire , & de fon
objet , l'on ceffera d'être furpris de voir
difparoître Simonide pour quelque temps
de deffus la fcene . Il faut d'abord fçavoir
que les Carthaginois étoient entrés en con
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
fédération avec Xerxès qui les avoit attirés
dans fon parti , & étoit convenu avec eux
que tandis qu'il envahiroit la Grece , ils
feroient une irruption en Sicile & en Italie,
pour empêcher ceux qui habitoient ces
contrées de venir au fecours les uns des autres
. Ils choifirent pour Général Hamilcar
qui ayant affemblé une armée de trois cens
mille hommes , & équipé des vaiffeaux à
proportion pour le tranfport de fes troupes
, fit voile vers la Sicile . Il vint débarquer
à Panorme , un des Ports de cette Ifle,
& mit le fiege devant Himéré , ville maritime
du voisinage. Mais les chofes tournerent
au défavantage des Carthaginois
que défirent ceux de cette Ifle fous la conduite
de Gelon qui commandoit l'armée
qu'ils avoient levée à la nouvelle de cette
invafion fubite. Un gros de fa cavalerie
brûla la flotte d'Hamilcar qui fut tué dans
la mêlée ; cent cinquante mille hommes
demeurerent fur le champ de bataille : le
refte fut fait prifonnier & vendu comme
efclave . Une infcription en vers que l'opinion
commune attribue à Simonide , apprend
que Gelon fut aidé dans cette conjoncture
par fes trois freres , Hieron , Polyzele
& Thrafibule , qui contribuerent
par leur courage au fuccès de fes armes.
Le bruit de cette défaite répandit l'allarme
DECEMBRE. 1755. 61 .
dans Carthage , & il ne fut malheureuſement
que trop confirmé par le petit nombre
de ceux qui avoient eu le bonheur de
fe fauver dans un efquif. Il jetta la confternation
dans l'efprit de fes habitans qui
appréhendoient déja que Gelon ufant de fa
victoire , ne portât à fon tour la guerre jufque
dans leurs murs. Ils députerent auffitôt
des Amballadeurs à Syracufe pour im-.
plorer la clémence du vainqueur , & le
folliciter par les plus vives inftances à procurer
la paix. La modération qui étoit naturelle
à Gelon , lui fit écouter leurs propofitions.
Il n'abufa point de la malheureufe
circonftance qui réduifoit les Carthaginois
à la néceflité de paffer par toutes
les conditions qu'il lui auroit plu de leur
impofer. Celles qu'il exigea ne démentirent
point l'équité de fon caractere . Il y
- en eut une entr'autres qui témoigne qu'il
étoit auffi attentif à remplir les devoirs de
l'humanité que ceux de grand Capitaine ;
deux qualités qui le rendoient d'autant
plus eftimable , qu'elles ne fe trouvent
pas toujours réunies. Avant que de foufcrire
à aucun accommodement avec les
Carthaginois , il voulut que l'abolition
des facrifices humains qu'ils faifoient à
leur dieu Saturne , entrât dans la conclufion
du traité de paix qu'il s'agiffoit de
62 MERCURE DE FRANCE.
ratifier. Il ne pouvoit fans doute concevoir
fans horreur qu'ils lui facrifiaffent
jufqu'à leurs propres enfans ; & qu'ils
fiffent de cette barbare coutume une pratique
religieufe qui armoit leurs mains
contre ce qu'ils avoient de plus cher au
monde . Tout engagé qu'étoit Gelon dans
les erreurs groffieres du Paganifme , il lui
fuffifoit de faire ufage de fa raifon guidée
par les lumieres naturelles , pour fe convaincre
qu'un femblable culte étoit nonfeulement
injurieux & contraire à l'inſtitution
des Loix Divines , mais répugnoit
même à l'idée qu'il eft convenable de ſe
former de la Divinité . En effet , de l'invoquer
de cette façon , c'étoit la croire altérée
du fang humain , & qui plus eft du
fang innocent. C'étoit par conféquent faire
plutôt un monftre qu'un Dieu dont on
anéantiffoit par - là les attributs les plus
effentiels , tels que la fouveraine bonté &
la fouveraine juftice , en un mot toutes les
perfections morales , en vertu defquelles
il ne doit vouloir que ce qui eft abfolument
digne de lui. Il falloit affurément
pouffer l'extravagance auffi loin que la
cruauté , pour s'imaginer que la colere
divine ne fût capable d'être appaifée que
par ces fortes de facrifices qui eurent cours
à Carthage & dans plufieurs autres conDECEMBRE
1755. 63
trées. Il y avoit dans cette ville un Temple
élevé à Saturne , où étoit ſa ſtatue d'airain
, dont la défcription qu'en donnent
Diodore de Sicile & Eufebe , reffemble
beaucoup à celle que des Ecrivains Juifs.
font de la ftatue de Moloch , cette fameufe
idole dont l'Ecriture parle en divers endroits
. On fçait qu'elle étoit l'objet du
culte des Ammonites & de quelques nations
voifines : de- là vient que la plupart
des Critiques font perfuadés que Saturne
& Moloch n'étoient qu'une même Divinité
, qui avoit été adorée fous des dénominations
différentes. Les perfonnes curieufes
de vérifier cette remarque , peuvent
confulter ce qu'ont écrit à ce fujet , Selden ,
Beyer , Voffius , Goodwin , les PP . Kircher
& Calmet qui font ceux aufquels on
renvoie pour s'inftruire de ces chofes. Les
facrifices humains paffent communément
pour avoir pris naiffance chez les Phéniciens
, dont les Carthaginois étoient une
colonie . Il n'eft donc pas furprenant que
ces derniers ayent marqué autant d'attachement
qu'ils en avoient pour un ufage
qu'ils tenoient d'origine , & qui s'étoit
introduit chez plufieurs peuples qui l'avoient
reçu d'eux , ou immédiatement des
Phéniciens , comme on le prouve par le
rapport d'une foule d'écrivains que l'on cite
64 MERCURE DE FRANCE.
pour garantir la vérité de ce fait. Un paffage
de Porphyre dont on produit les paroles
fondées fur le témoignage de Sanchoniaton
, apprend quelles étoient les circonftances
où ceux- ci offroient à Saturne
des facrifices fanglans . La maniere dont la
chofe eft atteftée par Sanchoniaton , montre
affez que le culte qu'on rendoit à cette
fauffe divinité étoit très ancien. On infifte
particulierement fur cet Auteur Phénicien
que Porphyre fait contemporain de Sémiramis
Reine d'Affyrie , & dit avoir approché
du tems où vivoit Moyfe. Il avoit
compofé une histoire des antiquités de
fon pays , qu'il avoit dédiée à Abibal , Roi
de Beryte fa patrie , & que Philon de Byblos
avoit traduite en Grec fous l'empire
d'Adrien . Il n'en refte plus qu'un fragment
qui nous a été confervé par Eufebe. Comme
l'efpece de Synchroniſme que le récit
de Porphyre tend à établir , fe trouve liée à
deux Époques incompatibles l'une avec
l'autre , & qui feroient par cela même plus
propres à le détruire qu'à le conftater , on
pourroit croire que la cenfure de Scaliger ,
de Voffius & de Bochart , n'eft pas dépourvue
de fondement , lorfqu'ils le qualifient
d'erreur groffiere , qu'ils jugent à propos
d'imputer au peu d'exactitude de Porphyre
en matiere de chronologie. Ils auroient
DECEMBRE . 1755 65
fans doute raifon , fi l'on entendoit par
Sémiramis la fameufe Reine d'Affyrie de
ce nom , qui fut femme de Ninus , & qui
gouverna avec beaucoup d'habileté let
royaume dont fon mari avoit été le Fondateur
, & dont il l'avoit laiffée en poffeffion
par fa mort. En effet , le regne de cette
Sémiramis eft antérieur de plus de Soo ans
à la prife de Troye ; date qui eft affurément
fort éloignée de confirmer la proximité
de tems que Porphyre met entre
cette Reine & Moyfe de qui la mort ne
précede la ruine de cette ville que d'environ
d'eux fiecles & demi , felon la chrono-'
logie du Texte Hébreu. Il faut avouer que
fi les chofes étoient fur le pied que le pren
nent les Sçavans modernes que nous avons
cités , la faute feroit fenfible : mais le devoir
d'un Critique étant d'interpréter ce'
que dit un Auteur dans le fens le plus favorable
, on faifit l'occafion qui s'offre naturellement
de juftifier Porphyre du reproche
qu'il s'eft attiré de leur part. On fait
donc voir qu'il ne s'agit point ici de la
Sémiramis dont nous venons de parler ,
mais d'une autre Reine d'Affyrie , qui a
porté le même nom , & qui eft venue plufieurs
fiecles après la premiere . Elle eft auffi
connue fous celui d'Atoffe , & elle eut
pour pere Beloch II . Roi d'Affyrie , qui'
66 MERCURE DE FRANCE.
l'affocia à l'Empire dans la douzieme année
de fon regne , & avec qui elle régna
conjointement treize ans. Eufebe qui nous
apprend qu'elle fut également appellée Sémiramis
, ne nous inftruit pas de la caufe
qui lui mérita un pareil furnom. Il y a
apparence que des traits de reffemblance
qu'elle put avoir dans les actions de fa vie
avec la Sémiramis femme de Ninus , que
fes grandes qualités & fes vices ont rendue
fi célebre dans l'Hiftoire , fuffirent
pour le lui faire donner . L'identité d'un
nom qui a été commun à deux Reines , qui
ont eu les mêmes Etats fous leur dépendance
, les aura fait confondre enfemble ;
en attribuant à l'une ce qui appartient à
l'autre. C'eft ce qui avoit été déja très - bien
rémarqué par Photius , qui a repris un ancien
Ecrivain dont il a extrait l'Ouvrage
pour être tombé dans une femblable confufion
. On traite incidemment cette queftion
de chronologie , que l'on éclaircit
par un calcul qui fert à prouver que le rapport
de Porphyre ne péche en aucune façon
contre l'ordre exact des temps. Les facrifices
humains ne cefferent que pour un
temps à Carthage . Quoique leur abolition
fit une partie eflentielle du traité que Gelon
avoit conclu avec ceux de cette République
, il femble pourtant qu'elle n'eut
DECEMBRE. 1755. 67
lieu qu'autant que ce Prince vécut depuis
ce traité. Ils les renouvellerent après fa
mort , qui vraisemblablement leur parut
une raifon fuffifante pour rompre l'engagement
qu'ils avoient contracté. C'est ce
que prouve évidemment une circonstance ,
où étant réduits au défefpoir par Agatocle
Tyran de Syracufe , qui les avoit battus ,
ils facrifierent à leur dieu Saturne deux
cens d'entre les fils de leurs plus illuftres
concitoyens , afin de fe le rendre propice.
Tertullien nous apprend que cette abominable
coutume fe perpétua en Afrique , &
dura publiquement jufqu'au temps du Proconfulat
de Tibere qui fit mettre en croix
les Prêtres auteurs d'une femblable impiété.
Il eft à propos de remarquer qu'il ne
faut pas confondre ce Tibere Proconful
d'Afrique avec l'Empereur du même nom,
lequel fut fucceffeur d'Augufte . Celui dont
il eft question , eft poftérieur à ce Prince
d'environ un fiecle , & ne doit avoir vécu
que fous Adrien qui l'avoit revêtu de la
dignité Proconfulaire. Cette remarque eft
fortifiée par le témoignage de Porphyre
, de Lactance & d'Eufebe , qui rappor
tent la ceffation des facrifices humains au
temps d'Adrien , fous le regne duquel
ils furent abolis dans prefque tous les
lieux où ils étoient en ufage. Au cas qu'on
68 MERCURE DE FRANCE.
fouhaite des preuves plus directes de ce
que nous venons de dire à ce fujer , on n'a
qu'à confulter Saumaiſe ( 1 ) Henri de Valois
( 2 ) , & le P. Pagi ( 3) , qui ont fait
l'obfervation dont nous parlons , & qui
ont très- bien difcuté ce point de critique.
Si le traitement rigoureux dont on avoit
ufé en Afrique envers les Prêtres qui
avoient prêté leur ministère à de pareils
crimes , fervit d'abord à intimider les autres
, il ne put pourtant pas réprimer leur
penchant pour ces fortes de facrifices qui
fe continuerent fecrétement dans la fuite ;
& cela fe pratiquoit ainfi au commencement
du troifieme fiecle , comme le témoigne
Tertullien qui écrivoit vers ce tempsla
fon Apologétique . La victoire que ceux
de la Sicile avoient remportée fur les Carthaginois
, avoit été le fruit de l'habileté
de Gelon , & de fon expérience dans l'art
de la guerre. Auffi avoit- elle contribué à
redoubler l'affection que les Syracufains
avoit pour lui. Il avoit fçu la mériter par
fon humeur populaire , & furtout par la
fagelle avec laquelle il fe conduifoit dans
l'adminiftration des affaires de la Républi-
( 1 ) Cl. Salmafi. Not. in Spartian. ( 2 ) Henric.
Valefi. Annotation . in oration . Eufeb. de Laudib.
Conftantin. pag. 287. ( 3) Pag . Critic, in Annal.
Baron. fub ann. c. 11. n . 14. p . 12 .
DECEMBRE 1755 . 69
que , qui ne pouvoit tomber en de meilleures
mains que les fiennes. Ces motifs
réunis concoururent à affermir l'autorité
dont il jouiffoir longtems avant la défaite
de la flotte des Carthaginois, Le ſervice
important qu'il venoit de rendre à ſa patrie
, trouva dans les Syracufains un peuple
reconnoiffant qui confentit à le payer
du facrifice de fa liberté , en lui déférant
alors la royauté. Quoique le pouvoir de
Gelon fût déja très- abfolu , il lui manquoit
encore la qualité de Roi pour le confirmers
ce n'eft pas qu'il n'eût pu l'ufurper , à
l'exemple de bien d'autres , s'il avoit eu
deffein d'employer comme eux les voies
de la force & de la violence pour l'acquérir
: mais content de gouverner à Syracufe
fous le nom de Généraliffime ou de Préteur
, il ne fe mit pas fort en peine d'afpirer
à un titre qui auroit fans doute indifpofé
les efprits , & lui auroit attiré l'indignation
de fes concitoyens , s'il eût ofé
le prendre fans leur aveu , & qui d'ailleurs
n'eût pas augmenté davantage fa puiffance.
Les traits fous lefquels on nous le repréfente
dans le rang où il fe vit élevé ,
font l'éloge de fon caractere ; ce Prince ,
bien loin d'affecter la pompe qui en paroît
inféparable , & d'abufer du pouvoir attaché
à fa nouvelle dignité , fembloit ne l'a
70 MERCURE DE FRANCE.
•
voir acceptée que pour obliger fes concitoyens
, & céder à leurs inftances réitérées
qui ne purent le diſpenſer de fe foumettre
à leur volonté. C'eft pourquoi il difoit
que l'intention des Syracuſains, en lui mettant
la couronne fur la tête , avoit été de
l'engager par une faveur auffi marquée à
protéger la juftice & l'innocence. Le foin
de maintenir entr'eux la paix & l'union , &
de gagner le coeur de fes fujets par fes manieres
affables & pleines d'humanité , faifoit
fon unique occupation . C'eft ainfi que
fes vertus lui frayerent le chemin du trône,
dont perfonne ne s'étoit vu en poffeffion
depuis la mort d'Archias fondateur de
Syracufe. Ce dernier étoit né à Corinthe
& iffu de la race des Bacchiades , famille
diftinguée & puiffante dans cette ville. Une
aventure finguliere que l'on pourra voir
détaillée dans l'ouvrage , l'ayant contraint
d'abandonner les lieux de fa naiſſance , il
fe retira en Sicile , où s'étant établi avec une
colonie de fes compatriotes qui l'avoient
fuivi , il bâtit Syracufe. Après y avoir
regné plufieurs années , il fut tué par un
jeune homme pour qui il avoit eu une
tendreffe criminelle , & dont il avoit abufé
dans l'enfance : le temps où tombe la
fondation de cette ville , forme une Epoque
affez curieufe pour mériter qu'on s'arDECEMBRE.
1755. 71
rête à la déterminer conformément à la
fupputation qui réfulte d'une particularité
que fourniffent les Marbres. On touche
auffi un mot de la grandeur de Syracufe ,
qui comprenoit dans fon enceinte quatre
villes voifines l'une de l'autre , & dont
Archias n'en compofa qu'une feule. La
forme de fon gouvernement éprouva du
changement depuis la mort de celui qui en
avoit jetté les fondemens. Les Syracufains
abolirent l'Etat Monarchique pour lui fubftituer
le Démocratique qui fe maintint
fort longtems. Hippocrate Tyran de Gele,
tenta dans la fuite de leur ravir la liberté.
Après avoir réduit divers Peuples de la
Sicile fous fon obéiffance , il tourna fes armes
contre les Syracufains qu'il défit auprès
du fleuve Elore. Ceux ci n'auroient
point évité la fervitude qui les ménaçoit ,
s'ils n'avoient été fecourus des Corinthiens
& des Corcyréens qui prirent leur défenfe,
à condition qu'ils céderoient à Hippocrate
la ville de Camarine qui avoit été jufqueslà
fous leur dépendance. Dans le temps
qu'Hippocrate continuoit à faire la guerre,
il mourut devant la ville d'Hybla . Gelon ,
dont les ancêtres avoient depuis bien des
années leur établiſſement dans Gele , &
defcendu du Sacrificateur Telinès , ayant
reçu d'Hippocrate le commandement de la
72 MERCURE DE FRANCE.
cavalerie s'étoit fignalé par fon courage
dans toutes ces occafions. Les Gelois las de
fe voir opprimés par la tyrannie , refuſerent
de reconnoître pour leurs Souverains
Euclide & Cléandre , les deux fils qu'Hippocrate
avoit laiffés. Gelon , fous prétexte
de réprimer la révolte des Gelois , envahit
la domination , & en priva les enfans
d'Hippocrate , dès qu'il eut fait rentrer les
rebelles dans leur devoir. Gelon ramena
enfuite de Cafmene dans Syracufe quelques
uns de fes habitans nommés Gamores
, qui en avoient été chaffés. Les Syracufains
qui le virent approcher , livrerent
en fon pouvoir leur ville & leurs perfonnes.
On ne fçauroit dire s'ils crurent qu'il
leur feroit plus avantageux d'agir de la
forte que de s'expofer aux maux que les
fuites d'un fiege ont coutume d'occafionner.
Ce qu'il y a de vrai , c'eſt que Gelon
devint maître abfolu de cette ville fans
qu'il lui en coutât le moindre combat . Il
abandonna la principauté de Gele à fon
frere Hieron , & fe réferva celle de Syracufe
qu'il peupla de nouveaux habitans ,
& qu'il rendit plus que jamais floriffante.
Une réflexion très - naturelle porte l'Auteur
à conclure que la conduite de Gelon
en cette circonftance dément le caractere
qu'on lui attribue. Il y auroit fans doute
de
DECEMBRE 1755. 73
pour
de l'injuftice à le juger fur cette feule
action ; qui , quoiqu'elle ne foit pas à la
vérité fort honorable à fa mémoire , ne
doit pourtant point influer fur le refte de
fa vie : au moins c'eſt ce qu'on eft en droit
d'inférer du témoignage des Ecrivains de
l'antiquité qui ont parlé de lui . Il paroît
feulement par- là que Gelon , tout vertueux
qu'on nous le dépeint d'ailleurs , ne fut
pas toujours exempt de la paffion de dominer
, qui le fit ufer de perfidie envers
les héritiers légitimes , en les dépouillant
de l'autorité fouveraine , & l'engagea dans
des pratiques criminelles fatisfaire
fon ambition. Comme les Anciens qui ont
déterminé le tems de fon regne , varient
confidérablement entr'eux , lorfqu'il s'agit
d'en conftater la durée , qu'ils étendent
plus ou moins , felon la fupputation à
laquelle ils s'attachent , on infifte conféquemment
fur les contradictions apparentes
qui naiffent de la différence de leur calcul
, & afin d'être en état de les concilier
on recherche la caufe qui a produit ces
variétés. Il fuffit pour la découvrir de
comparer exactement leur rapport ,
dont
la diverfité vient de ce que le commencement
de la domination de Gelon pouvant
fe fixer à différentes dates , cela à donné
lieu à la différente maniere d'en compter
II.Vol. Ꭰ
7 MERCURE DE FRANCE.
les années. Les uns ont daté l'Epoque de
fon regne, dumoment qu'il fut maître dans
Syracufe dont les habitans s'étoient foumis
à lui ; parce qu'il y avoit un pouvoir
prefque aufli abfolu que celui qui eft affecté
à la Royauté . Les autres qui ont niarqué
les chofes avec plus de précifion , re
l'ont commencé que depuis qu'il fut proclané
Roi , titre que lui mériterent l'importance
de fes fervices & fon dévouement
au bien de la République. Nous ferions
trop longs , s'il nous falloit entrer dans
le détail de preuves qui fervent à établir
la vérité de cette remarque que nous ne
faifons qu'indiquer. C'eft pourquoi nous
aimons mieux renvoyer les Lecteurs curieux
d'approfondir les matieres de cette
nature à l'ouvrage même , où il leur fera
plus facile de prendre une idée jufte &
précife des calculs qui accompagnent cette
difcuffion chronologique. Gelon mourut
après avoir gouverné Syracufe fept
ans , avec la qualité de Roi. Il laiffa pour
fon fucceffeur Hieron , le plus âgé de fes
deux freres qui reftoient. Il ordonna en
mourant , à Damareté fa femme & fille de
Theron Tyran d'Agrigente , d'époufer
Polyzele qui fut pourvu du commandement
de l'armée , que l'on avoit fans doute
foin de tenir toujours prête à marcher
DECEMBRE. 1755- 75
en cas que le peuple de Syracufe fût inquieté
par fes voifins , ou attaqué par
des nations étrangeres. Hieron parvenu
à jouir de la Royauté , fe comporta bien
différemment de fon prédéceffeur. Il hérita
du rang de fon frere , mais non pas
de fes vertus . Il étoit avare , violent &
auffi éloigné de la probité de Gelon que
de fa candeur. Son humeur cruelle &
fanguinaire n'auroit pas manqué d'exciter
un foulevement général parmi les Syracufains
, fi le fouvenir des bienfaits de Gelon
, dont la mémoire leur étoit par conféquent
très -chere n'eût été un motif
capable de les retenir. Les foupçons & la
défiance , vices inféparables d'une conduite
tyrannique , l'armerent contre fes propres
fujets , dont il craignoit les complots,
Il s'imagina que pour mettre fa vie en fureté
, la force feroit une voie moins douteufe
que leur affection qu'il auroit fallu
captiver. Il leva pour cet effet des troupes
mercenaires , & compofa fa garde de
foldats étrangers. Comme il s'apperçut de
l'attachement des Syracufains pour Polyzele
qu'ils cheriffoient autant qu'ils le
haïffoient , ce fut affez pour lui faire foupçonner
fon frere d'afpirer à la Royauté , &
pour lui rendre toutes fes démarches fufpectes.
Il ne vit plus en lui qu'un rival
Dij
76 MERCURE DE FRANCE.
dangereux , qu'il étoit de fon intérêt de
perdre. Un événement parut favorable à
les deffeins . Il s'agiffoit de prendre la défenfe
des Sybarites qui avoient imploré
fon fecours contre les Crotoniates, par qui
ils étoient affiégés . Il faifit cette occafion
de fe défaire de fon frere qui étant chargé
du commandement de l'armée , reçut ordre
de lui de les aller fecourir.
Il avoit , felon toutes les apparences ,
travaillé aux moyens de le faire périr dans
le combat . Au moins c'eft ce que crut
Polyzele qui , pénétrant fes intentions , &
connoiffant d'ailleurs fa jaloufie , refuſa
d'obeir. Hieron irrité de fe voir fruftré
dans fes projets , éclata en menaces. Polyzele
n'auroit certainement pas tardé à
éprouver les effets de fon reffentiment ,
s'il n'avoit pris le parti de s'en garantir
en fe refugiant à la Cour de Theron dont
il avoit épousé la fille . Il n'en fallut pas
davantage pour brouiller ces deux Princes
, qui auparavant étoient amis . Hieron
reclama Polyzele comme un rebelle qu'il
vouloit punir , & fut indigné de ce que le
Roi d'Agrigente lui donnoit une retraite
dans fes Etats. D'un autre côté , la violence
que l'on faifoit à Polyzele , touchoit
trop Theron pour ne pas l'engager à foutenir
la cauſe de ſon gendre , & à le déDECEMBRE.
1755, 77
fendre des injuftes pourfuites de fon frere.
On fe difpofoit déja de part & d'autre à
la guerre , lorfque Hieron tomba dangereufement
malade . Ce qu'il y a de fingulier
, c'eft que cette maladie toute fâcheufe
qu'elle devoit être pour ce Prince , lui
fut pourtant néceffaire , puifqu'elle occafionna
un changement dans fa perfonne ,
auquel on n'avoit pas lieu de s'attendre.
Pour adoucir l'ennui que lui caufoit la
longueur de fa convalefcence , il invita
par fes largeffes les plus fameux Poëtes de
fon tems à fe rendre auprès de lui . Il efperoit
trouver dans leurs entretiens un remede
à fes chagrins domeftiques. On peut
croire que Simonide , de qui Pindare luimême
avoit appris les principes de fon
art , ne fut pas oublié dans le nombre de
ceux qu'Hieron attira à fa Cour. Il fut celui
qui fçut le mieux s'infinuer dans l'efprit
de ce Prince , & obtenir fa confiance.
Ce Prince eut l'obligation au commerce
qu'il lia avec les Sçavans qu'il avoit
fait venir , d'avoir poli fes moeurs & orné
fon efprit qui étoit naturellement capable
des plus grandes chofes , mais qu'une
application continuelle aux exercices militaires
ne lui avoit pas permis jufques là
de cultiver. Il profita beaucoup dans les
fréquentes converfations qu'il avoit avec
D iij
78 MERCURE DE FRANCE.
Simonide . Elles furent autant de leçons
qui lui infpirerent l'amour de la vertu , &
l'accoutumerent par dégrés à en remplir
les devoirs . Elles lui firent ouvrir les yeux
fur fes égaremens , & fentir toute l'injuftice
de la guerre qu'il alloit fe mettre fur
les bras . Les confeils de notre Poëte lui furent
d'une grande reffource pour tourner
les chofes vers la pacification . Voici de
quoi il eft queftion. Theron ayant donné
Thrafydée fon fils pour maître aux Himerens
, celui-ci rendit fa domination infupportable
par fon orgueil & par fes violences
, qui les contraignirent de fe foulever
contre lui . Ils n'oferent fe plaindre de fa
conduite à Theron , parce qu'ils craignirent
que l'oppreflion devînt encore plus
forte , en cas que le pere fe montrât juge
peu équitable dans la caufe de fon fils.
C'est pourquoi ils fe déterminerent à envoyer
des Députés à Hieron pour lui offrir
du fecours contre Theron , & lui déclarer
en même tems qu'ils fouhaitoient à l'avcnir
dépendre de lui . Cette conjoncture
fournir à Simonide les moyens de remettre
la paix entre les deux Princes , & de faire
l'office de médiateur. Ce fut par fes avis
que Hieron inftruifit le Roi d'Agrigente
du complot formé par les habitans d'Himere
, & l'avertit de prendre fes mesures
pour le faire avorter.
DECEMBRE. 1755. 79
La reconnoiffance de Theron fut égale
à la générosité du procedé d'Hieron , avec
qui il ne fongea plus qu'à fe réconcilier ,
& leurs démêlés mutuels furent dès- lors
pacifiés. Hieron , pour affermir davantage
cette union , époufa la foeur de ce Prince .
Il rendit fon amitié à Polyzele , & les deux
freres vécurent depuis en bonne intelligence.
« Hieron commença ( dit l'Auteur )
à facrifier fes intérêts au bien public. Il
38
ne s'occupa plus que du foin d'acquerir,
» à l'exemple de Gelon , par fes manieres
» affables & par fa clémence , le coeur &
» l'eftime de fes fujets . Ses libéralités qu'ils
» éprouverent dans la fuite , effacerent
» entierement de leur mémoire les traits
" d'avarice qu'ils avoient d'abord remar-
» qués en lui . Sa Cour devint l'afyle des
» fciences , par la protection qu'il accor-
» doit aux perfonnes qui les cultivoient
» avec fuccès. Il montroit plus d'ardeur à
» les prévenir par des récompenfes , que
» les autres n'en avoient à les obtenir.
و د
L'Auteur accompagne fon récit de cette
réflexion qui fe préfente naturellement .
» Comme il réjaillit autant de gloire fur
le Prince qui répand fes bienfaits , que
» fur le particulier qui les reçoit , com-
" bien de Souverains ne font un accueil
» favorable au mérite , peut - être moins
Div
80 MERCURE DE FRANCE .
"3
» pour l'honorer , que pour fatisfaire euxmêmes
leur vanité ! Si l'on compare cet-
» te derniere conduite d'Hieron avec celle
qu'il avoit tenue en premier lieu , on
» fera furpris d'un contrafte auffi frappant.
Il devoit du moins avoir un fond de
» vertu ; car les fciences toutes feules ne
produifent point de pareils changemens.
» Elles perfectionnent à la vérité un heu-
» reux naturel ; mais il eft rare qu'elles
» réforment un coeur vicieux . >>
ود
Nous avons déja infinué quelque chofe
de l'avarice de Simonide . On peut affurer
qu'il n'y a point d'endroit où elle parut
plus à découvert qu'à la Cour d'Hieron .
Elle s'eft caractérisée jufques dans les reparties
qu'on lui attribue . Nous allons citer
quelques - unes de celles que l'on a recueillies.
On apprend d'Ariftote que la
femme d'Hieron ayant demandé à ce Poëte
, lequel étoit le plus à défirer , d'être riche
on fçavant ? il répondit , qu'il préferoit les
richeſſes , puisqu'on ne voyoit tous les jours
à la porte de riches que des fçavans . Hieron
avoit donné ordre qu'on lui fournît
chaque jour les provifions néceffaires pour
le faire vivre dans l'abondance , & Simonide
pouffoit l'épargne jufqu'à en vendre
la principale partie. Lorfqu'on voulut fçavoir
pourquoi il fe comportoit de la forte.
DECEMBRE. 1755. 81
C'est ( reprit- il auffi - tôt ) pour montrer en
public la magnificence du Prince , & ma
grande frugalité. Cette réponſe paroit à
M. Bayle un pauvre fubterfuge , & l'on
ne peut nier que fa remarque ne foit jufte.
Mais c'eft affez l'ordinaire des Beaux-
Efprits de payer de traits ingénieux pour
excufer les défauts qui choquent en eux
& fur lefquels on les preffe de s'expliquer ,
quand ils n'ont point de bonnes raifons à
alléguer pour leur juftification. Toutes
les fois que l'avarice infatiable de ce Poëte
l'expofoit à des railleries & à des reproches
, il avoit fon excufe prête , en difant
, qu'il aimoit mieux enrichir fes ennemis
après fa mort , qu'avoir besoin de fes
amis pendant fa vie. Auffi n'étoit - il rien
moins que difpofé à écrire gratuitement :
c'eft ce qu'il fit fentir à un homme qui
l'avoit follicité à compofer des vers à fa
louange , en fe contentant de l'affurer qu'il
lui en auroit des obligations infinies. Une
pareille propofition fatisfit peu Simonide ,
qui lui répondit , qu'il avoit chez lui deux
caffettes , l'une pour les payemens qu'il exigeoit,
& l'autre pour les obligations qu'on pouvoit
lui avoir, que la premiere reftoit toujours
vuide , au lieu que celle- ci ne ceffoit jamais
d'être pleine. On conçoit aifément que fon
humeur intéreffée devoit rendre fa plume
Dv
82 MERCURE DE FRANCE.
fort venale . Ce qu'il y a de certain , c'est
qu'il a la réputation d'avoir été le premier
des Poëtes Grecs qui ayent mis les Mufes
à louage. On ne fçauroit difconvenir que
cette tache n'obfcurciffe la gloire qu'il s'eft
acquife par la beauté de fon génie. L'indigne
trafic qu'il faifoit de fes ouvrages
donna naiffance à un proverbe honteux à
fa mémoire . Il fuffifoit que des vers fuffent
vendus au plus offrant pour porter le nom
de vers de Simonide. Comme le mot grec
dont fe font fervis des Auteurs anciens ,
pour exprimer l'avarice de Simonide , reçoit
des acceptions différentes , felon l'ufage
auquel on l'applique , il a induit en
erreur Lilio Giraldi , qui à attaché à ce terme
une fignification contraire à fon analogie
, quelle que foit la racine d'où on
veuille le dériver , & dont , à plus forte
raifon , il ne peut être fufceptible dans
l'occafion où il fe trouve employé. C'eſt
ce qui eft fpécifié plus particuliérement
dans l'ouvrage auquel il faut recourir , fi
l'on fouhaite s'en inftruire. Nous ajouterons
encore à ce que nous venons de dire
de ce Poëte , une circonftance qui dévoile
entierement l'exceffive paffion qu'il avoit
de thefaurifer. Un Athlete vainqueur à la
courfe des Mules , ayant voulu l'engager
a célébrer la victoire , lui offroit une fomDECEMBRE.
1755 .
83
me trop modique
, Simonide
refufa de le
fatisfaire
fur fa demande
, fous prétexte
qu'il
à un homme
comme lui
conviendroit
peu
de louer des Mules . Mais l'autre ayant pre- pofé un prix raifonnable
, notre Poëte
confentit
à faire l'éloge de ces Mules, qu'il
qualifia de filles de chevaux
aux pieds légers, expreffion
emphatique
qui a été défapprouvée
avec juftice par des Critiques
. Nous ne croyons
pas devoir nous arrêter à une
autre repartie
à peu-près du même genre, qui lui eft attribuée
par Tzetzes
, Auteur
peu exact en fait de narration
hiftorique
, parce qu'elle porte fur une fuppofition
évidemment
fauffe qui rend fon récit fufpect
, pour ne rien dire de plus. Il faut
confulter
l'ouvrage
pour avoir une pleine
conviction
de ce que nous remarquons
à ce fujet. Simonide
poffeda jufqu'à la mort
les bonnes graces d'Hieron
, dans lefquelles
il étoit entré fort avant . Il ne fut point confideré
à la Cour comme
un homme
dont le talent confiftoit
uniquement
à faire
des vers , & à donner
quelques
leçons
de morale ; ce Prince le jugea capable
de l'aider de fes confeils
dans le gouverne- ment des affaires , & il eut lieu de s'en louer
dans plus d'une occafion
. Auffi s'ouvroitil
familiérement
à ce Poëte , dont il connoiffoit
la prudence
, & il ne faifoit au-
Dvj
84 MERCURE DE FRANCE.
cune difficulté de lui communiquer fes
penfées les plus fecrétes. Les entretiens
qu'ils avoient enſemble là - deffus , ont fans
doute fourni à Xenophon le fujet d'un
Dialogue de fa façon , où les introduifant
l'un & l'autre pour interlocuteurs , il produit
lui-même fous ces noms empruntés ,
fes réflexions politiques. C'est une excellente
piece qui renferme un parallele entre
la condition des Rois & celle des Particuliers.
Comme Hieron avoit paffé par ces
deux états , cet ingénieux Ecrivain ne pouvoit
choifir perfonne qui fût censé être
mieux à portée que ce Prince d'en apprécier
les différences. La maniere dont il
fait parler Simonide , eft analogue au caractere
de ce Poëte qui foutient par la
folidité des avis qu'Hieron reçoit de lui ,
la réputation de fage qu'il a méritée
par l'honnêteté de fes moeurs : En effet ,
quelques légeres taches répandues fur fa
vie , que l'on devroit taxer plutôt de foibleffes
inféparables de l'humanité , ne
pourroient balancer toutes les belles qualités
que la nature lui avoit accordées , s'il
n'avoit témoigné dans fes actions un penchant
trop marqué pour l'avarice la plus
fordide , vice fi honteux qu'il fuffit lui
feul pour diminuer l'éclat des vertus qui
l'ont rendu d'ailleurs recommandable.
DECEMBRE. 1755 . 85
da ce
que
Les fréquentes converfations d'Hieron
& de Simonide ne rouloient point feulement
fur des matieres de pure politique ;
elles avoient encore pour objet l'examen
des queftions les plus philofophiques . C'eſt
ce qui paroît par la célebre réponſe que
notre Poëte fit à ce Prince , qui lui demanc'étoit
que Dien ? Il faut convenir
que la queftion étoit des plus épineufes ,
& par conféquent très- propre à embarraffer.
Auffi Simonide ne manqua pas de
prétexte pour juftifier l'impuiffance où il
fe voyoit d'y fatisfaire fur le champ , &
il obtint du tems pour y rêver plus à fon
aiſe. Le terme étant expiré , Hieron étonné
de tous les délais dont ce Poëte ufoit
pour éluder l'explication qu'on exigeoit
de lui , en voulut apprendre la caufe . Simonide
avoua ingénuement , que plus il
approfondiffoit la chofe , plus elle lui fembloit
difficile à réfoudre.
Si l'on inféroit de fa réponſe à Hieron ,
que ce Poëte avoit formé quelque doute
fur l'existence d'un Etre Suprême, ce feroit
non-feulement étendre la conclufion beaucoup
plus loin que ne l'eft la prémiffe ; mais
ce feroit déduire une conféquence trèsfauffe.
Car Simonide étoit fi peu porté à
nier qu'il y eût une Divinité , que jamais.
Poëte Payen n'a peut -être eu une perfuaS6
MERCURE DE FRANCE.
fion plus vive des effets de fa puiffance ;
c'est ce que témoignent affez les fragmens
qui nous reftent de fes Poélies , & principalement
quelques vers de lui , qui font
cités par Théophile d'Antioche . « Il y eft
dit , qu'il n'arrive aux hommes aucun
" mal inopiné : que Dieu fait en un feul
» moment changer de face à toutes chofes,
» & que perfonne ne fçauroit fe flatter
d'acquérir la vertu fans une affiftance
» particuliere de fa part ».
Simonide termina fa vie à l'âge de quatre
-vingt-dix ans , dont il paffa les trois
derniers à la Cour d'Hieron. Le tombeau
qu'on lui avoit élevé à Syracufe , fut dans
la fuite du temps démoli par un Général
des Agrigentins , appellé Phoenix , qui en
fit fervir les matériaux à la conftruction
d'une tour. On marque le temps dont fa
mort précede celle d'Hieron , & pour le
conftater d'une maniere préciſe , il a fallu
néceffairement fixer celui où tombe le
commencement & la fin du regne de cè
Prince , duquel on détermine conféquemment
la durée. On fent bien que tout celá
eft accompagné de détails chronologiques
dans lesquels nous évitons ici de nous engager
parce qu'ils n'intéreffent qu'un
très -petit nombre de Sçavans exercés à ce
genre d'étude. L'Auteur conduit plus loin
DECEMBRE. 1755. $7
que la mort de notre Poëte , le fil de fa
narration qui offre en raccourci l'hiftoire
de Syracufe . Il parcourt avec rapidité les
révolutions qui arriverent à cette République
depuis l'expulfion de Thrafybule
frere & fucceffeur d'Hieron , que fa conduite
violente avoit fait chaffer de Syra--
cufe , jufqu'au temps qu'elle éprouva le
fort ordinaire aux Villes que les Romain's
foumettoient
à leurs armes . Comme le récit
de ces chofes femble au premier coup
d'oeil ne tenir en aucune façon au plan général
de l'Ouvrage , on ne manquera pas
de le trouver abfolument hors d'oeuvre.
En tout cas , l'Auteur a prévenu lui-même
l'objection qui peut avoir lieu . «< Ayant ,
» dit-il , donné la plus grande partie de
» l'histoire de cette fameufe République ,
» que j'ai eu occafion de prendre dès fon
» origine , je me ferois reproché mon peu
» d'attention à procurer au Lecteur une
» entiere fatisfaction , fi je n'avois rendu
fon inftruction complette , en mettant
» devant fes yeux un précis de la fuite
» des affaires de Syracufe , jufqu'au temps
» qu'elle tomba au pouvoir des Romains ,
"
"
qui l'affujettirent à leur Empire. Je pen-
» fe avoir été d'autant plus fondé à le
faire , qu'un des derniers de ceux qui
ont gouverné defpotiquement en cette
Ville , étoit defcendu de Gélon , &
1
88 MERCURE DE FRANCE.
و ر
porté le nom d'Hieron , ainfi que le
» frere de ce Prince. Il marcha fi parfaite-
» tement fur les traces du premier , que
» de Préteur qu'il étoit auparavant à Sy-
» racufe , il s'ouvrit également par fes
» vertus un chemin à la royauté. Il eft
» furtout célebre par fes démêlés avec les
» Romains qui le défirent plus d'une fois :
» ce qui l'obligea de contracter avec eux
» une alliance dans laquelle il perfifta le
» refte de fes jours . Il étoit donc naturel
» de toucher légerement ce qui regarde ce
» Monarque de qui l'hiftoire ne doit pas
» être détachée de celle de fes Ancêtres ,
» dont il n'a point démenti les belles actions.
Enfin quand on trouveroit que
» la relation de ces chofes fort des bornes
» que mon principal fujet me prefcrivoit ,
» s'il réfulte pour le Lecteur quelque avan-
» tage de voir réunies dans un feul point de
» vue toutes les différentes révolutions
particulieres à l'état de cette Républi-
» que , depuis l'époque de fa fondation ,
jufqu'à celle de fa ruine ; c'eft lui feul
» qui fera mon apologie
"3
L'Auteur , après avoir fait l'hiftoire de
Simonide & celle de fon Siecle , paffe enfuite
au détail de fes Poéfies. Quoiqu'il en
eût compofé un grand nombre , il en refte
à peine des fragmens qui font comme des
débris échappés aux injures du temps. Ils
DECEMBRE. 1755 . 89
ont été recueillis par Fulvius Urfinus , &
en partie par Leo Allatius. Le premier les
a accompagnés de notes de fa façon . Il
n'eftfouvent parvenu jufqu'à nous que les
titres de plufieurs de ces Poéfies qui ont
tranfmis avec honneur le nom de Simonide
à la postérité. Les perfonnes curieufes
de les connoître , n'auront qu'à recourir
à la Bibliotheque Grecque du fçavant
M. Fabricius. Comme fon objet principal
eft d'y offrir une notice des ouvrages
des Auteurs Grecs , & d'y détailler les circonftances
qui en dépendent , il a dreffé
avec fon exactitude ordinaire un catalogue
de toutes les différentes fortes de Poëmes
qu'avoit écrits Simonide , autant qu'il
a pu en avoir connoiffance , en feuilletant
ceux d'entre les Anciens qui ont eu occafion
de les indiquer , lorfqu'ils ont cité des
vers de ce Poëte . On n'a pas cru devoir
s'arrêter dans cette Hiftoire à ces fortes de
détails , dont on ne tire d'autre fruit que
celui de fatisfaire fa curiofité. Ils peuvent
être fupportables en Latin , où l'on n'affecte
pas la même délicateffe qu'en notre Langue
, lorfqu'il s'agit de chofes auffi feches :
elles caufent de l'ennui & du dégout au
Lecteur François qui s'attend à des inftructions
plus folides. Quand on confidere la
perte de beaucoup de bons ouvrages que
90 MERCURE DE FRANCE.
le temps nous a ravis , tandis qu'il a épargné
tant de foibles productions qui , bien
loin d'être enviées , ne méritoient pas même
de voir le jour , on ne fçauroit s'empêcher
d'avouer que c'eft -là un de ces caprices du
fort qui prend plaifir à fe jouer de tous les
moyens que l'induftrie humaine peut imaginer
pour fe garantir de fes injuftices.
Si on demande à l'Auteur pourquoi il ne
s'eft point fait un devoir de traduire en
notre langue ces fragmens poétiques , ( car
quelques imparfaits que foient les morceaux
qu'ils renferment , ils ferviroient du
moins à donner une idée de la beauté du
génie de Simonide ) il répondra que la
défunion des parties qui forment l'enchaînement
du difcours , rend trop difparates les
chofes qui font énoncées dans les vers de
ce Poëte : comme elles n'ont aucune relation
les unes avec les autres , elles font par
cela même incapables d'offrir un fens fuivi
; « de forte que ce feroit , ( dit-il , ) per-
» dre fes peines , que d'expofer ces frag-
» mens en l'état actuel où ils font , fous
les yeux du Lecteur François qui aime
qu'on ne lui préfente que des idées bien
afforties , & parfaitement liées enſem-
» ble . On trouve dans un recueil qu'on
a fait de ces fragmens , deux pieces écrites
en vers ïambes , qui ont été mises à ce
DECEMBRE. 1755. 91
qu'il paroît , fur le compre de notre Simo
nide : c'eft ce qu'il y a de plus entier de
tout ce qui eft venu jufqu'à nous de fes
Poéfies. L'une roule fur le peu de durée de
la vie humaine , & l'autre eft une efpece
de fatyre ridicule contre les femmes , où
F'on ne produit que des injures groffieres
pour reprendre les défauts qu'on peut leur
reprocher. On y fait une application continuelle
des vices de ce fexe , aux diverfes
propriétés attachées à la nature des animaux
defquels on feint qu'il a été formé.
On y fuppofe que l'origine de l'ame des
femmes eft différente felon la diverfité de
leur humeur ; que l'ame des unes est tirée
d'un cheval , ou d'un renard , ou d'un finge
, 8 que celle des autres vient de la
terre & de la mer. Elien cite un vers qui
a rapport aux femmes qui aiment la parure.
On reconnoît difficilement Simonide
à ces traits qui font indignes de lui , &
affurément certe piece n'eft pas marquée
au coin qui caractérife communement fes
productions. Enfin il eft inconteſtable que
ces deux Poëmes n'appartiennent en aucune
maniere au Simonide dont on écrit
la vie; puifque les Anciens ne nous appren
nent point qu'il fe foit jamais exercé dans
ce genre de poéfie . Il les faut reftituer à
un autre Simonide qui a précédé le nôtre
92 MERCURE DE FRANCE.
de plus de deux fiecles. C'est lui qui doit
en être regardé comme le véritable auteur.
Il ne feroit pas étonnant que l'identité de
nom eût fait confondre enfemble ces deux
Poëtes , qui font du refte très- différens l'un
de l'autre. C'est ce que l'on confirme par
une preuve que fournit le témoignage des
Anciens qui ont pris foin de les diftinguer,
l'un , par la qualité de Poëte Lyrique , &
l'autre , par celle de Poëte Iambique. Celui
qui eft renommé dans l'antiquité par la
compofition de fes ïambes , étoit né à
Minoa , ville de l'ifle Amorgos. Suidas le
dit fils d'un certain Crinée qui ne nous
eft pas autrement connu . Ses travaux poétiques
ont eu le même fort que ceux de
notre Simonide. Il n'en fubfifte plus que
des fragmens qui confiftent uniquement
en ces deux poëmes dont nous venons de
parler , & en quelques vers détachés qui
nous ont été confervés par Athénée , Galien
, Clément d'Alexandrie & Stobée .
On recherche le temps où il vivoit ; &
comme une date que produit Suidas , conconcourt
à le déterminer par celle de la
ruine de Troye , l'Auteur piend de-là occafion
d'entrer dans un examen chronologique
des différentes Epoques que les Anciens
affignent à la prife de cette Ville.
Nous nous bornerons à en expofer ici le
DECEMBRE . 1755 . +3
"
"3
réſultat qu'il en donne lui - même dans fa
préface. Quelque foit le calcul auquel on
veuille s'attacher , « il eft conftant , (dit-il)
» que celui du LexicographeGrec eft fautif,
» à moins qu'on ne fubftitue dans fon
» texteune lettre numérale à l'autre , ainfi
que Voffius l'a parfaitement obfervé. Il
»y a d'autant plus d'apparence qu'il aura
fouffert en cela de l'inadvertance des
Copiftes qui font fujets à commettre de
» femblables mépriſes ; que la validité de
» la leçon qu'on propofe fe peut inférer
» d'un paffage formel qui fe tire de Tatien.
C'eft par-là feulement qu'on vient à bout
» de fauver la contradiction fenfible qui
» naîtroit de fon témoignage , & de celui
» de quelques - uns des Anciens , qui font
» ce Simonide contemporain d'Archiloque
, & par conféquent le renvoyent
» bien en- deça du fiecle où il le place.
» Comme il s'accorde à dire qu'Archilo-
» que fleuriffoit fous Gygès Roi de Lydie,
» dans la perfonne duquel commence la
» Dynaſtie des Mermnades , il s'enfuit de-
>> là que le temps du Simonide en queftion
»fe trouve étroitement lié à celui du regne
» de ce Prince & de fes fucceffeurs. C'eſt
pourquoi il réfulte des moyens que j'ai
employés pour fixer l'un par l'autre , une
» difcuffion qui m'a paru propre à répan-
"
39
94 MERCURE DE FRANCE.
» dre une nouvelle clarté fur la Chronolo-
» gie des Rois de Lydie ». Nous ajouterons
que la matiere eft affez importante
par elle-même pour fixer la curiofité des
Sçavans que leur propre expérience a mis
en état de fe convaincre de l'obſcurité qui
regne fur cette partie de l'Hiftoire ancienne.
La maniere avantageufe dont on nous
parle du Simonide fameux par fes productions
Lyriques , ne permet pas d'hésiter à
le placer au rang des meilleuts Poëtes de
l'Antiquité ce qu'on ne fçauroit dire
également de celui qui a écrit des vers
iambes. Il eft certain qu'il n'a pas joui de
la même célébrité , & que notre Simonide
l'emporte à tous égards fur l'autre. D'ailleurs
fon talent s'étendoit plus loin qu'à
faire des vers. C'est ce qu'on a été à portée
de voir plus d'une fois dans le cours
de cet Extrait. Cela paroît encore par l'invention
des quatre Lettres Grecques ( ou
,, » & , qui lui eft communément
attribuée. Il faut pourtant avouer qu'elle
lui eft conteſtée par quelques- uns qui en
font honneur à Epicharme né en Sicile .
Tzetzes balance même auquel des deux il
doit la rapporter , ou à notre Simonide ,
ou à Simonide le Samien qu'il dit être fils
d'un certain Amorgus. Il n'eft pas douteux
que ce dernier ne foit le même que
DECEMBRE. 1755.
95
le Poëte iambique de ce nom , à qui quelques
anciens Ecrivains donnent Samos
pour patrie , quoique le plus grand nombre
le faffe naître à Amorgos . Il n'eft pas
difficile de s'appercevoir de la méprife
grolliere de Tzetzes , qui transforme le
nom du lieu de la naiffance de ce Simonide
, en celui du pere de ce Poëte. On
n'infifte point fur cesLettres qui auroient
pu fournir le fujet d'une difcuffion , fi
Scaliger , Saumaife , Samuel Petit , Voffius
, Bochart , Ezéchiel Spanheim , Etienne
Morin , & le P. Montfaucon , n'avoient
déja épuifé tout ce que l'on peut produire
fur l'origine de l'Alphabeth Grec. On a
cru qu'il étoit plus à propos de renvoyer
à ces doctes Critiques , en citant au bas
de la page les endroits de leurs ouvrages ,
où ils ont traité cette matiere , que de redire
en gros des chofes qu'ils ont fi bien approfondies
en détail . Notre Simonide paffe
encore pour avoir ajouté une huitième
corde à la Lyre dont il fe propofa par- là
de perfectionner l'ufage , comme nous
l'apprenons expreffément de Pline . On
trouve parmi les fragmens de fes Poéfies
quelques vers qui ont été allégués par Platon
, Lucien , Athenée , Clément d'Alexandrie
, & Théodoret. Ils valent bien
la peine d'être cités pour leur fingularité.
96 MERCURE DE FRANCE.
Leur objet eft de définir quels font les biens
préférables de la vie. Voici ce qu'ils renferment.
« De tous les biens dont les hommes
peuvent jouir , le premier eft la fan-
»té , le fecond la beauté , le troiſieme les
richeffes amaffées fans fraude , & le
quatrieme la jeuneſſe qu'on paffe avec
» fes amis ».
22.
De tous les ouvrages que Simonide
avoit compofés , il n'y en a point afſurément
qui l'ait plus illuftré , & lui ait attiré
plus de louanges des Anciens , que ceux
qui portoient le titre de Threnes ou de
Lamentations. Ce font elles que Catulle
défigne par cette expreffion , mæftius lacrymis
Simonideis. Horace les a également en
vue , lorfqu'il dit pour repréfenter des
Mufes plaintives , Cea retractes munera
Nama. Son talent principal étoit d'émouvoir
la pitié ; & l'on peut affurer qu'il excelloit
dans le genre pathétique. Au moins
c'est l'aveu que fait Denys d'Halicarnaffe ,
qui le préfere à tous les Poëtes qui avoient
travaillé dans la même partie , après l'avoir
d'ailleurs regardé comme un modele
dans le choix des mots. La leçon de cet
endroit du Traité de l'Auteur Grec dont
on cite les paroles , eft d'autant plus défectueufe
, qu'elle forme un fens tout contraire
à celui que cet ancien Critique veut
exprimer.
DECEMBRE. 1755. 97
exprimer. Cela paroît avoir été occafionné
par la tranfpofition de deux mots qu'il s'agit
de remettre à la place qui leur eft propre
, pour réduire l'énoncé de la phraſe
grecque à un fens naturel & raifonnable.
C'est ce que l'Hiftorien a entrepris dans
une note dont le but est de rectifier ce paffage
qui a été étrangement altéré par l'inadvertence
des Copiftes. Le jugement que
Quintilien porte de Simonide confirme
celui de Denys d'Halicarnaffe , qui rapporte
un morceau d'une de ces Lamentations
de notre Poëte. Danaë déplorant fes malheurs
en faifoit le fujer . On fçait que fuivant
la fable , cette Princeffe infortunée
fut enfermée par l'ordre d'Acrifius fon
pere , dans un coffre d'airain avec l'enfant
qu'elle avoit mis au jour pour être jettée
dans la mer. Simonide fuppofe que dans
le temps qu'elle erroit au gré des vents &
des flots , elle parla en ces termes à Perfée.
" O mon fils , de combien de maux tà
» mere eft accablée . Tu te mets peu en
peine du fifflement des vents , & de l'im-
» pétuofité des vagues qui roulent fur ta
» tête : Ah ! fi tu pouvois connoître la
grandeur du péril qui nous menace , tu
prêterois fans doute l'oreille à mes dif-
» cours. Mais non . Dors, cher enfant , dors ,
je l'ordonne. Ainfi que lui, puiffiez- vous
"
"
11. Vol. E
98 MERCURE DE FRANCE.
éprouver le même calme , flots d'une
» mer agitée , & vous auffi mes maux dont
la mefure ne fçauroit être comblée » .
C'eft relativement à ce don d'attendrir
que Grotius a cru pouvoir lui comparer le
Prophéte Jéremie. Ces fortes de paralleles
qu'on établit entre des Ecrivains Sacrés
& des Auteurs Profanes , femblent avoir
d'abord quelque chofe de choquant : mais
pour peu qu'on veuille faire un moment
abstraction du caractere de prophéte qui
appartient à ce dernier , & qui par conféquent
le met hors de toute comparaifon
avec un Poëte Payen , il ne fera plus queftion
que de les envisager l'un & l'autre du
côté du mérite perfonnel . On ne pourra
s'empêcher pour lors de convenit que le
parallele ne foit jufte . En effet , on ne doit
pas ignorer que Jéremie ait réuni toutes
les qualités effentielles à la poéfie dans fes
Lamentations , qui offrent le tableau le plus
touchant de la défolation & de la ruine
de Jérutalem .
Simonide ne réuffiffoit pas moins dans
la peinture des images ; c'eft le témoignage
que lui rend Longin , ce célebre Critique
de l'antiquité , dont la déciſion eſt
d'un fi grand poids en pareil cas . Aucun
Poëte n'avoit , felon ce Rhéteur , décrit
plus vivement l'apparition d'Achille fur
DECEMBRE. 1755. 99
fon tombeau , dans le tems que les Grecs
fe préparoient à partir . Nous finirons par
dire que la douceur qui regnoit dans fes
vers ,l'avoit fait furnommer Melicerie , &
cependant il avoit employé en écrivant le-
Dialecte Dorique , qui paroît être le moins
fufceptible de cette douceur qui caractérifoit
fes Poéfies.
On a renvoyé à la fin de cette Hiſtoire
deux Remarques qui valent deux Differtations
: Quoiqu'elles ne femblent avoir
qu'une liaifon fort indirecte avec fon
plan , elles ne laiffent pas de fervir d'éclairciffement
à deux endroits de fon texte .
L'une eft deftinée à examiner fi le nom de
Jao cité dans un paffage de Porphyre que
l'on rapporte , eft le même que celui de
Jehovah ufité particuliérement chez les
Juifs pour défigner Dieu : A cet égard la
chofe eft hors de conteftation. Il s'agit
feulement de fçavoir laquelle de ces deux
différentes prononciations attachées à un
même nom , doit être réputée pour l'anciemne
, & par conféquent pour la véritable.
C'est une matiere qui a déja exercé
d'habiles Critiques , tels que Genebrard ,
Fuller , Louis Cappel , Drufius , Sixtinus
'Amama , Buxtorfe le fils , Gataker & Leufden.
Cette queftion entraîne néceffairement
dans une difcuffion grammaticale ,
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
qui n'est à portée d'être bien entendue que
des perfonnes qui ont acquis quelque intelligence
de l'Hébreu . On a mis en un,
caractere lifible pour tout le monde les
paffages qu'on a été obligé de produire
dans cette Langue , & cela pour des motifs
que l'Auteur a eu foin d'expliquer dans
fa préface. Les Sçavans fe partagent fur
çet article. Les uns, comme Cappel, Walton
& M. Le Clerc fe déclarent pour la
prononciation de Jao ou Jauoh , & rejertent
celle de Jehovah , qu'ils difent n'avoir
prévalu que depuis la ponctuation de
la Maffore , d'après laquelle Galatin Ecriyain
du feizieme fiecle , a le premier introduit
parmi nous cette Leçon du nom de
Dieu , qui eft actuellement la feule accréditée
. Ils penfent être d'autant plus difpenfés
d'acquiefcer à l'autorité de la Maffore
, qu'ils la combattent par des raifons
que leur fournit la nouveauté de fon invention
, qui , felon la plupart d'entr'eux ,
ne remonte pas au - delà du fixieme fiecle ,
& dont quelques - uns reculent l'époque
jufqu'au onzieme. Il y en a d'autres au
contraire qui demeurent attachés à la Lede
Jehovah dont ils foutiennent la validité
, parce qu'elle leur paroît beaucoup
mieux conferver l'analogie de l'Hébreu ;
ils s'efforcent de la défendre contre toutes
çon
DECEMBRE. 1755. ioi
les objections qui peuvent avoir lieu , &
ils ne balancent pas à croire que les Grecs
à qui les Phéniciens avoient tranfmis ce
nom , ne l'ayent ainfi altéré par une maniere
défectueuse de le prononcer. Il faut
avouer qu'ils font valoir des argumens (pécieux
pour fortifier leur opinion : cependant
, comme ce n'eft point ici un fujer
qui foit capable de recevoir ce dégré de
certitude que communiquent des preuves
qui mettent l'état des chofes dans la derniere
évidence , on ne doit s'attendre qu'à de
fimples conjectures qui ont de part & d'autre
une égale probabilité : ainfi le parti le
plus fage eft de ne point décider affirmati
vement dans de pareilles matieres. En effet,
comment vouloir déterminer pofitivement
l'ancienne prononciation de ce nom , s'il
eft conftant par le témoignage de Philon
& de Jofephe , qu'elle avoit été interdite
aux Juifs avant que J. C. vînt au monde
. Le premier la reftreint aux bornes du
Sanctuaire , où les Prêtres , fpécialement
le fouverain Sacrificateur , avoient le privilege
exclufif de le prononcer tous les ans
le jour que fe célébroit la fête des Expiations
. Ce nom n'étant donc point d'ufage
hors du Sanctuaire , où la maniere de le
proférer fe maintenoit par tradition , &
la permiffion de le prononcer étant une
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
des prérogatives affectées à la Sacrificature
, elle n'a pas dû fubfifter plus long-tems
que le Temple , & la tradition de ce nom
s'eft affurément perdue à travers tant de
fiecles qui fe font écoulés depuis la ruine
de Jérufalem. Peut on après cela fe flatter
d'en fixer aujourd'hui la prononciation.Les
Docteurs Juifs poftérieurs à cet événement
ont encore encheri fur la vénération que
leurs ancêtres avoient pour ce nom de
Dieu , & fur l'idée qu'ils fe formoient de
fa fainteté qui le rendoit ineffable à leur
égard. Ceux qui font venus après , felon
leur louable coutume d'outrer les fentimens
de leurs peres , ont pouffé les chofes
fi loin que cette vénération eft dégénérée
en une fuperftition exceffive qui fe
perpétue chez cette nation . Des Rabbins
ont étrangement raffiné fur les propriétés de
ce nom , & fur l'analogie grammaticale de
trois de fes lettres , qu'ils difent réunir les
trois différentes manieres d'exifter qui
n'appartiennent qu'à Dieu . Quiconque
ofoit violer cette défenfe de proférer le
nom Jehovah étoit puni de mort , s'il falloit
croire tout ce qu'ils nous débitent
hardiment à ce fujer. Ils ont fait plus , ils
l'ont érigée en article de foi , & menacent
les infracteurs de l'exclufion de la
vie éternelle . Toutes les fois que le Texte
DECEMBRE. 1755. 103
,
Hébreu porte la Leçon de Jehovah , ils lui
fubftituent le nom Adonaï , & tantôt celui
d'Elohim , lorfqu'il arrive que le Jehovah
eft précédé d'Adonai , & alors ces deux
noms fe trouvent joints enſemble . Il leur
eft auffi ordinaire d'ufer de mots compofés
pour caracterifer ce nom ineffable
comme ceux de Schem Hammiouchad , ou
de Schem Hamphorafch , le nom propre de
Dieu , & de Schern Schel arba othioth , le
nom formé de quatre lettres. Quand on les
preffe de dire fur quoi ils fondent cette
interdiction , ils alléguent en leur faveur
des paffages de l'Exode & du Lévitique
dont ils détournent ou changent le fens
pour la pouvoir autorifer. Les paroles de
l'Ecriture qu'ils nous oppofent , ne fignifient
pourtant rien moins que ce qu'ils
veulent leur faire fignifier. Il n'en a pas
fallu davantage pour les expofer au reproche
de falfification , qui leur a été intenté
par
Galatin . On entre relativement à cet
objet dans quelques détails hiftoriques ,
qui pourront compenfer ce qu'il y a de
fec dans un travail de cette nature.
On obferve que ce nom de Dieu n'a pas
été inconnu dans les premiers tems . aux
nations étrangeres , & furtout à celles qui
étoient voifines de la Judée . C'est ce qui
paroît confirmé par plufieurs exemples que
trop
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
par
Selden & M. Ferrand ont apportés , & qui
mettent ce fait hors de doute. Le Critique
Anglois & M. Huet foupçonnent même
que Pythagore pourroit avoir tiré l'idée
des propriétés mystérieuses de fa Quaternité
de celles que renferment les quatre
lettres qui conftituent le nom Jehovah. On
n'ignore pas que les Sectateurs du Philofophe
Grec , quand il s'agiffoit de fe lier
un ferment inviolable , juroient par cette
Quaternité à laquelle ils attribuoient toutes
les perfections , & qu'ils nommoient la
fource de vie , & le fondement de l'éternité,
Ils ne vouloient exprimer autre choſe parlà
que Dieu lui- même appellé par Pyihagore
le nombre des nombres . Ce Philofophe
paffe pour avoir emprunté des Juifs
plufieurs Dogmes " importans qu'il s'étoit
appropriés. C'est une circonftance dont la
vérité eft atteftée par Hermippus Hiftorien
Grec qui Heuriffoit du tems de Prolemée
Evergere, & par le Juif Ariftobule qui
vivoit à la Cour de Ptolemée Philometor,
Jofephe témoigne expreffément qu'il affecta
de fe montrer en bien des chofes zelé
imitateur des rites de fa nation . S. Ambroife
le fait même Juif d'origine : mais
on ne fçait où ce Pere de l'Eglife peut
avoir puifé cette particularité qui eft deftituée
de fondement . On reprend Lactan-
L
DECEMBRE . 1755. 105
ce d'avoir nié mal - à - propos que Pythagore
ait jamais eu aucun commerce avec les
Juifs , fans donner des raifons folides de
ce qu'il avançoit. On infifte particuliérement
fur fon voyage à Babylone , où il
s'offrit affez d'occafions qui mirent ce Phifofophe
à portée de s'entretenir avec plufieurs
d'entre ce peuple , dont une partie
y réfidoit encore pendant le féjour de Pythagore
en cette ville. Il y conféra fréquemment
avec les Mages dont il fçur fi
bien gagner l'amitié , qu'ils lui firent part
de leurs connoiffances , & l'initierent dans
leurs mysteres. Porphyre rapporte qu'il y
devint difciple d'un certain Zabratus ,
duquel il apprit tout ce qui concerne la
nature & les principes de l'univers . Il y a
eu dès les premiers tems du Chriftianif
me des Ecrivains qui fe font imaginés que
ce Zabratus ou Zaratus , & que Clement
d'Alexandrie appelle Nazaratus , étoit
le même que le Prophète Ezechiel , comme
le certifie ce Pere Grec qui écrivoit fur
la fin du fecond fiecle , & qui rejette
d'ailleurs l'opinion de ces gens là : néanmoins
Ménaffeh Ben - Ifraël , & quelques
autres , n'ont pas laiffé d'avoir une feniblable
penſée . Ce qu'il y a de plus éton -
nant , c'eft qu'un auffi habile homme que
l'étoit Selden , ait pu pencher vers ce fen-
E v
106 MERCURE DE FRANCE.
timent d'autant plus infoutenable , qu'il
eft incompatible avec l'exacte chronologie.
C'eft ce qu'il n'a pas été fort difficile
de prouver. MM. Hyde & Prideaux ont entendu
par ce Zabratus le fameux Zoroaf
tre. Ils fe font fondés fur un paffage
d'Apulée qui veut que Pythagore ait été
difciple de ce Législateur des Mages ; ce
qui eft pourtant fujet à un grand nombre
de difficultés , comme de célebres Modernes
l'ont fuffifamment démontré . On
pourroit peut-être les lever , en fuppofant
deux perfonnages de ce nom qui auront
fleuri à différens tems l'un de l'autre , &
dont le premier aura été le fondateur de
la Secte des Mages, & le fecond le réformateur
de leur religion ; fuppofition que l'on
peut d'un côté appuyer fur le témoignage
des Hiftoriens Orientaux , qui font vivre
un Zoroastre fous le regne de Darius fils
d'Hyftafpe , & de l'autre fur le récit d'Agathias
qui avoue que de fon tems ( c'eſtà-
dire dans le fixieme fiecle ) les Perfans
étoient dans cette perfuafion . Au refte , ce
n'est là qu'une conjecture, qu'on fe contente
d'infinuer , & l'on laiffe à chacun
la liberté de penfer à cet égard ce qu'il
voudra. Quant à l'autre Differtation , elle
traite des moyens qu'il y a de concilier les
différences qui fe rencontrent entre les AnDECEMBRE.
1755. 107
ciens au fujet des dates qui tendent à
fixer , foit le commencement
ou la durée
du regne de divers Princes. Les regnes de
Prolemée Soter , de Seleucus Nicator , &
de l'Empereur Julien fourniffent les exemples
que l'on produit . On leur a joint encore
celui du regne de Dagobert I , fur la
date duquel les Hiftoriens varient , afin de
rendre la vérité de cette remarque plus
fenfible aux perfonnes qui fe font rendues
l'Hiftoire de France plus familiere que
l'Hiftoire Ancienne . Ces exemples réunis
fous un même point de vue , concourent
à confirmer tout ce qui a été dit
touchant la maniere d'accorder les différentes
Epoques d'où l'on a compté les années
de la fouveraineté deGelon à Syracufe.
L'ouvrage eft terminé par le Projet d'une
Hiftoire des Juifs à laquelle travaille l'Auteur
, & qu'il a annoncée dans fa préface.
Elle comprendra
l'expofition de toutes
les révolutions
qui font arrivées à ce peuple
dans l'Orient depuis la ruine de Jérufalem
jufqu'au douzieme fiecle , où l'établiffement
qu'il s'y étoit fait , fût entièrement
ruiné. Comme l'Auteur s'eft livré
aux Etudes Théologiques
qu'il a pris à tâche
de fortifier par l'intelligence
des Langues
Sçavantes, les recherches où elles l'ont
néceffairement
engagé , l'ont mis en état
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
d'affembler les matériaux qui ferviront à la
compofition de cet ouvrage, On le deftine
à éclaircir les points les plus embarraffés
de l'Histoire Judaïque , & à difcuter
quelques - uns des Rites & des Dogmes de
cette nation , furtout lorsqu'ils lui font
communs avec les Chretiens. On y parlera
auffi des cérémonies , & en général des
affaires de difcipline que l'Eglife peut avoir
empruntées de la Synagogue. Elles ont
routes deux , par rapport à leur Hiſtoire. ,
une influence d'autant plus réciproque que
l'une eft fortie de l'autre , & par conféquent
on ne fçauroit approfondir l'Hiftoire
de l'Eglife , qu'on ne foit en mêmetems
obligé d'approfondir celle des Juifs ,
qui lui eft intimément unie. On fe flatte
qu'on ne fera pas fâché de voir inferé ici
en entier ce Projet , qui fert à donner une
idée de la grandeur de l'entreprife , du
but
que l'on s'y propofe , & de la méthode
à laquelle on doit s'attacher dans l'exécution
: mais la longueur que comporte
déja cet extrait , eft une raifon plus que
fuffifante pour renvoyer la chofe au mois
prochain . Si l'on fe récrie fur l'étendue de
cette analyfe , qui paffe de beaucoup les
bornes dans lesquelles nous avons coutume
de refferrer nos extraits , nous répon
drons que comme cette hiftoire de SimoDECEMBRE.
1755 109
nide eft remplie d'un grand nombre de difcuffions,
qui , quoiqu'effentielles aux vues
dans lesquelles on l'a compofée, font pourtant
de nature à rebuter bien des Lecteurs
pour qui elles ont quelque chofe de trop
épineux , on a profité de la voie de ce
Journal pour mettre tout le monde à portée
de connoître les faits dont le récit entre
dans le plan de l'Hiftoire . Pour cet
effet , on a retracé ici dans le même ordre
qui a été obfervé dans fa marche les différens
traits de la vie de ce Poëre , avec les
événemens de fon tems qui y font liés , &
l'on n'a fait qu'indiquer fimplement les
détails chronologiques qui en conftituent
le fonds : Ainfi cette analyfe doit être confiderée
moins comme un extrait que comme
un abregé de l'Ouvrage.
Delaguene , Libraire - Imprimeur de
l'Académie Royale de Chirurgie , rue faint
Jacques , à l'Olivier d'or , diftribue un
Mémoire auffi nouveau par fon objet que
par fa publication . Il eft intitulé Témoi
gnage public rendu à M. Dibon , Chirurgien
ordinaire du Roi dans la Compagnie des
Cent Suiffes de la Garde du Corps de Sa
Majefte ; par Pierre Dedyn d'Anvers . On
ya joint les preuves de la Cure avec quel
ques Réflexions concernant M. de Torrès
110 MERCURE DE FRANCE.
par qui le Malade avoit été manqué. L'Avertiffement
qu'on a mis à la tête de ce
Mémoire , nous en fournira la notice.
« Cet écrit , dit - on , eft l'ouvrage d'un
» Malade jugé incurable par de célebres
» Praticiens, & qui , contre toute efpéran-
» ce , a été guéri radicalement par le re-
» mede de M. Dibon . C'eft une espece de
و د
.30
confeffion publique dictée par la recon-
>> noiffance ; une defcription vraie & naïve
» de la maladie de l'Auteur , & des mal-
» heureuſes épreuves par lefquelles il a
» paffé jufqu'à fa parfaite guérifon . On a
» cru devoir conferver fon langage & fon
ortographe , moitié Wallon , & moitié
François ils pourront amufer quelques
" Lecteurs. Mais on a traduit toute la
» piece pour
la faire entendre des autres ,
» & on a mis la verfion à côté du texte ,
» pour n'y pas laiffer foupçonner la plus
légere altération. Ce Mémoire eft fuivi
» des Certificats de Meffieurs Goulard Mé-
» decin ordinaire du Roi , Le Dran , Henriques
, Morand , & Hebrard , Maîtres
» en Chirurgie ».
""
On trouve chez le même Libraire un
autre écrit qui a pour titre : Lettre à M. de
Torrès ,fervant de réponse , &c. Cette Lettre
contient un témoignage pareil à celui
de Pierre Dedyn , & publié par un BourDECEMBRE
, 1755 .
geois de Paris dont le nom & la demeure
y font défignés. Nous ne prononçons rien
là- deffus. Comme fimples Hiftoriens nous
en laiffons le jugement aux Maîtres de
l'Art.
CATALOGUE DES ESTAMPES &
livres nouveaux d'Italie , la plupart de
Rome , qui fe trouvent chez N. Tilliard ,
quai des Auguftins. 1755.
CATALOGUE DE LIVRES DE PIETE ,
de morale & d'éducation ; livres d'hiftoire
, de belles lettres , fciences & arts ; livres
de droit & de finances , livres amufans
& de théatres , qui fe vendent à Paris
, chez Prault pere , quai de Gèvres ,
1755.
L'ENFANT GRAMMAIRIEN , ouvrage
qui contient des principes de grammaire
génerale , mis à la portée des enfans.
Une Grammaire latine , & une Méthode
françoife- latine , ou maniere de traduire
le françois en latin . A Blois , chez Pierre-
Paul Charles ; & fe vend à Paris , chez la
veuve Robinot , quai des grands Auguftins.
<
FRAGMENS CHOISIS d'éloquence , efpece
de Rhétorique moins en préceptes qu'en
112 MERCURE DE FRANCE.
exemples , également utile aux Gens de
lettres , & à tous ceux qui veulent fe former
à l'éloquence de la chaire , par M. de
Gerard de Benat , 2 vol . A Avignon , chez
Jofeph Payen , Imprimeur Libraire , place
S. Didier. A Marſeille , chez Jean Moffy ,
à la Combriere : & à Paris , chez Defaint
& Saillant , rue S. Jean de Beauvais.
Nous croyons que cette maniere d'écrire
fur l'éloquence , eft une des plus utiles.
Les exemples frappent bien plus , &
en conféquence perfuadent mieux que les
préceptes. Ceux ci ne peuvent même être
bien développés & bien fentis que par le
fecours des premiers. L'Auteur nous paroît
montrer du goût dans le choix , &
nous penfons que fon travail mérite des
louanges.
RAISON ou idée de la Poéfie Grecque ,
Latine & Italienne , ouvrage traduit de
l'Italien de Gravina , par M. Reguier. 2 vol .
petit in- 12 , à Paris , chez Lottin , rue S. Jacques
, au Coq ; & chez J. B. Defpilly , rue
S. Jacques , à la vieille Pofte.
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Résumé : SUITE De l'Extrait de l'Histoire de Simonide, & du siecle où il a vécu, &c.
Le texte présente un extrait de l'histoire de Simonide, se concentrant sur les événements après la victoire de Gelon sur les Carthaginois en Sicile. Gelon, aidé par ses frères Hieron, Polyzele et Thrasibule, défit les Carthaginois à Himère, détruisit leur flotte et captura de nombreux prisonniers. Cette victoire renforça son autorité à Syracuse, où il fut offert la royauté en reconnaissance de ses services. Bien que son pouvoir fût déjà absolu, cette offre officialisa son statut de roi. Les Carthaginois, alliés de Xerxès, avaient envahi la Sicile sous le commandement d'Hamilcar avec une armée de trois cents mille hommes. Après leur défaite, Carthage envoya des ambassadeurs à Syracuse pour négocier la paix. Gelon, connu pour sa modération, accepta les propositions de paix et imposa l'abolition des sacrifices humains à Saturne, une pratique barbare et contraire à l'humanité. Les sacrifices humains étaient une pratique ancienne attribuée aux Phéniciens, dont les Carthaginois étaient une colonie. Ces sacrifices persistaient à Carthage même après le traité avec Gelon et furent renouvelés après sa mort. Tertullien rapporte que ces sacrifices continuèrent secrètement jusqu'au temps de Tibère, proconsul d'Afrique sous Adrien. Le texte mentionne également la vie et les œuvres de Simonide, un poète grec, et sa relation avec le tyran Hieron de Syracuse. La cour de Hieron devint un centre des sciences grâce à sa protection des savants et des récompenses qu'il offrait. Simonide, connu pour son avarice, fut un favori de Hieron et jouit de sa protection malgré ses défauts. Il refusa souvent de travailler gratuitement et vendait ses poèmes, ce qui lui valut une réputation de poète mercenaire. Simonide était également conseiller de Hieron et participait à des discussions politiques et philosophiques. Il termina sa vie à la cour de Hieron et fut enterré à Syracuse. Le texte discute également de la chronologie et des époques attribuées à la prise de Troie, en se basant sur des témoignages anciens. Il souligne la supériorité du Simonide lyrique, connu pour ses threnes ou lamentations, qui ont ému la pitié et illustré son talent pathétique. Denys d'Halicarnaffe et Quintilien louent son choix des mots et son émotion. Le texte mentionne également des fragments de ses poèmes, cités par des auteurs anciens, et son invention supposée des quatre lettres grecques. Enfin, le texte traite d'une question grammaticale et historique concernant la prononciation du nom de Dieu en hébreu, débattue par plusieurs érudits. Cette question est complexe et nécessite une connaissance approfondie de l'hébreu. Les savants sont divisés sur la prononciation correcte, certains préférant 'Jao' ou 'Jauoh' et rejetant 'Jehovah', tandis que d'autres soutiennent 'Jehovah', arguant qu'elle conserve mieux l'analogie de l'hébreu. Le texte souligne que la prononciation exacte est difficile à déterminer, car elle était interdite aux Juifs avant la venue de Jésus-Christ et n'était connue que des prêtres dans le sanctuaire. Après la destruction du Temple, cette tradition s'est perdue.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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29
p. 202-203
LETTRE à l'Auteur du Mercure.
Début :
Monsieur, il est naturel de vous prendre pour Juge dans le différend poétique, [...]
Mots clefs :
Différend poétique, Vers, Poète, Poétesse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE à l'Auteur du Mercure.
LETTRE à l'Auteur du Mercure.
t
MONSIEUR , il eft naturel de vous prendre
pour Juge dans le différend poétique,
qui s'eft élevé entre ma foeur & moi ; &
vous ne pourriez vous récufer dans certe
caufe , quoique vous y foyez intéreffé
fans nous faire le plus fenfible déplaifir.
Voici le fait. Nous nous difputons qui de
nous a le mieux réuffi, dans les vers cijoints
, que nous avons faits en réponſe à
ceux que vous adreffez à M. le Contrôleur
Général dans ce dernier Mercure. Lifez
Monfieur , & prononcez nous ferons
d'accord. Mais comme chez un galant- hom
me , le coeur prend fouvent la place de
refprit , quand il s'agit des intérêts du
beau fexe, c'est pour obvier à cet inconvénient
, que j'ai cru devoir vous cacher
lequel de ces deux petits morceaux eft de
ma foeur. Si par hazard , Monfieur , vous
trouviez qu'ils méritaffent , foit en les
laiffant féparés , foit en les fondant enfemble
, l'attention du public , je ferais.
AVRIL 1758.. 203.
fort aile , ainfi que ma foeur , qu'il vît
par le moyen du Mercure , ce témoignage.
de l'admiration que nous avons pour vos
talens , & de l'eftime parfaite avec laquelle
j'ai l'honneur d'être , & c.
Le Chevalier DE JUILLY -THOMASSIN ,
Garde du Corps du Roi.
A Arc- en - Barois , Le 14 8.
t
MONSIEUR , il eft naturel de vous prendre
pour Juge dans le différend poétique,
qui s'eft élevé entre ma foeur & moi ; &
vous ne pourriez vous récufer dans certe
caufe , quoique vous y foyez intéreffé
fans nous faire le plus fenfible déplaifir.
Voici le fait. Nous nous difputons qui de
nous a le mieux réuffi, dans les vers cijoints
, que nous avons faits en réponſe à
ceux que vous adreffez à M. le Contrôleur
Général dans ce dernier Mercure. Lifez
Monfieur , & prononcez nous ferons
d'accord. Mais comme chez un galant- hom
me , le coeur prend fouvent la place de
refprit , quand il s'agit des intérêts du
beau fexe, c'est pour obvier à cet inconvénient
, que j'ai cru devoir vous cacher
lequel de ces deux petits morceaux eft de
ma foeur. Si par hazard , Monfieur , vous
trouviez qu'ils méritaffent , foit en les
laiffant féparés , foit en les fondant enfemble
, l'attention du public , je ferais.
AVRIL 1758.. 203.
fort aile , ainfi que ma foeur , qu'il vît
par le moyen du Mercure , ce témoignage.
de l'admiration que nous avons pour vos
talens , & de l'eftime parfaite avec laquelle
j'ai l'honneur d'être , & c.
Le Chevalier DE JUILLY -THOMASSIN ,
Garde du Corps du Roi.
A Arc- en - Barois , Le 14 8.
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Résumé : LETTRE à l'Auteur du Mercure.
La lettre adressée à l'auteur du Mercure traite d'un différend poétique entre l'auteur de la lettre et sa sœur. Ils sollicitent l'arbitrage de l'auteur du Mercure pour déterminer qui a le mieux réussi dans les vers composés en réponse à ceux adressés à M. le Contrôleur Général dans le dernier numéro du Mercure. Pour garantir l'impartialité, l'auteur de la lettre ne révèle pas l'identité des auteurs des deux poèmes. Il demande à l'auteur du Mercure de juger les vers et, si ceux-ci méritent l'attention du public, de les publier. La lettre exprime le respect et l'admiration pour les talents de l'auteur du Mercure. Elle est signée par le Chevalier de Juilly-Thomassin, Garde du Corps du Roi, et datée du 14 août à Arc-en-Barois.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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30
p. 40-41
VERS à une jeune Demoiselle qui demandoit pourquoi le vrai mérite en amour étoit celui qui plaisoit le moins.
Début :
De l'aimable Enchanteur de toute la Nature, [...]
Mots clefs :
Enchanteur, Poète, Cœur
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texteReconnaissance textuelle : VERS à une jeune Demoiselle qui demandoit pourquoi le vrai mérite en amour étoit celui qui plaisoit le moins.
FERS à une jeune Demoiselle qui demandoit
pourquoi le vrai mérite en
amour étoit celui qui plaifoit le moins.
E Da l'aimable Enchanteur de toute la Nature ,
Dont l'empire eft fondé fur des illufions
Vous voulez que fans fictions ,
J.
MARS. 1763. 43
Le compas à la main un Poëte meſure
Les invifibles noeuds de fes féductions?
Que je dife pourquoi , chez lui le vrai mérite
Céde aux vaines lueurs que préſente le faux ?
D'Hercule , je pourrois remplir tous les travaux
Avant que mon efprit de cet ordre s'acquitte .
L'Amour eſt un enfant fans principe & ſans loix :
Dans les tendres ardeurs que ce Dieu nous infpire
,
Le caprice toujours décide de fon choix ;
Et c'est tout ce que j'en puis dire.
Votre coeur , belle Iris , en eft feul excepté ;
Au-deffus des erreurs d'une amoureuſe flamme >
Les droits du vrai mérite y font en fureté ,
Puifque vous le portez dans le fond de votre
ame.
pourquoi le vrai mérite en
amour étoit celui qui plaifoit le moins.
E Da l'aimable Enchanteur de toute la Nature ,
Dont l'empire eft fondé fur des illufions
Vous voulez que fans fictions ,
J.
MARS. 1763. 43
Le compas à la main un Poëte meſure
Les invifibles noeuds de fes féductions?
Que je dife pourquoi , chez lui le vrai mérite
Céde aux vaines lueurs que préſente le faux ?
D'Hercule , je pourrois remplir tous les travaux
Avant que mon efprit de cet ordre s'acquitte .
L'Amour eſt un enfant fans principe & ſans loix :
Dans les tendres ardeurs que ce Dieu nous infpire
,
Le caprice toujours décide de fon choix ;
Et c'est tout ce que j'en puis dire.
Votre coeur , belle Iris , en eft feul excepté ;
Au-deffus des erreurs d'une amoureuſe flamme >
Les droits du vrai mérite y font en fureté ,
Puifque vous le portez dans le fond de votre
ame.
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Résumé : VERS à une jeune Demoiselle qui demandoit pourquoi le vrai mérite en amour étoit celui qui plaisoit le moins.
Le poème 'FERS à une jeune Demoiselle' explore pourquoi le vrai mérite en amour est souvent discret. Le poète compare cette question à des travaux d'Hercule et décrit l'amour comme un enfant sans principes. Il fait exception pour Iris, qui reconnaît le vrai mérite au-delà des erreurs de l'amour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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31
p. 77-86
LETTRE sur un Poëme Latin, du Seiziéme Siécle de Monsieur de MASSAC, Receveur Général des Fermes du Roi, Abonné au Mercure, & de la Société Royale d'Agriculture de la Généralité de Limoges, à Monsieur DE MONT, de la même Société, Conseiller au Parlement de Toulouse & de l'Académie des Jeux Floraux.
Début :
En parcourant la nouvelle Edition du Dictionnaire de Moreri, vous avez [...]
Mots clefs :
Médecine, Poète, Physicien, Fontaines, Eaux minérales, Traduction, Société royale d'agriculture de la généralité de Limoges
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE sur un Poëme Latin, du Seiziéme Siécle de Monsieur de MASSAC, Receveur Général des Fermes du Roi, Abonné au Mercure, & de la Société Royale d'Agriculture de la Généralité de Limoges, à Monsieur DE MONT, de la même Société, Conseiller au Parlement de Toulouse & de l'Académie des Jeux Floraux.
LETTRE fur un Poëme Latin , du
Seiziéme Siécle de Monfieur de
MASSAC , Receveur Général des
Fermes du Roi , Abonné au Mercure
, & de la Société Royale d'Agriculture
de la Généralité de Limoges
, à Monfieur DE MONT , de la
même Société , Confeiller au Parlement
de Toulouse & de l'Académie
des Jeux Floraux.
MONSIEUR ,
>
En parcourant la nouvelle Edition
du Dictionnaire de Moreri , vous avez
trouvé , dites-vous qu'il y eft fait
mention d'un Raimond de Maffac ;
Auteur d'un Poëme Latin fur les Eaux
minérales de Pougues ( a ). Vous ne
( a ) Pougues , Village du Nivernois , entre
Nevers & la Charité, étoit autrefois fort renommé,
( je ne fçais s'il l'eft encore ) à caule de deux fentaines
dont les eaux avoient la vertu de guérir de
l'hydropifie & de la pierre. Quoique ces deux
fontaines , dont l'une s'appelloit de S. Léger , &
l'autre de S. Marceau , ne fuffent diftantes l'une
Diij
78 MERCURE DE FRANCE.
doutez point que cet ouvrage ne
foit entre mes mains ; & quoique M.
l'Abbé Goujet en ait parlé affez avantageuſement
dans fa Bibliothéque Françoife
, vous feriez - bien aife que je
vous fiffe connoître plus particuliére--
ment l'Auteur & fon Ouvrage.
Il m'eft d'autant plus aifé de vous
fatisfaire fur le fecond objet de votredemande
, que je viens précisément
de lire avec attention le Poëme dont
il s'agit. Quant aux particularités concernant
l'Auteur , que vous exigez auf--
fi , je ne puis vous en rapporter que
très -peu , qui ont ont échappé aux recherches
de M. l'Abbé Goujet.
par
Meffire Raimond de Maffac , dont
les defcendans ont joui fans interrup
tion de la nobleffe , qui avoit été accordée
Charles VII en 1434 à
Jean de Mafac fon bifayeul & Chef
de ma Famille , étoit originaire de
Clairac en Agénois , comme il le dit
lui-même. Il quitta fa Patrie pour aller
fixer fon domicile à Orléans l'an 1586..
Ce fait eft prouvé par une Enquête en
de l'autre que d'un pied , on remarquoit cepen-.
dant quelque différence dans le goût de leurs
eaux. Voyez le Traité de ces Fontaines imprimé
à Paris en 1581 .
MARS. 1763. 79
ปี
bonne forme faite le 15 Mars 1678
à la Requête de noble Augé de Maf
fac , Officier au Régiment d'Artois ;
piéce qui eft entre les mains de mon
Père.
Par l'Epitre Dédicatoire de Raimond
de Maffac , au Prince Charles de Gon
zagues de Cleves ( b) premier du nom ,
Duc de Nevers & de Rhêtel , Pair de
France , Prince de Mantoue , & Gou
verneur de Champagne , & de Brie ,
on voit que cet Auteur étoit d'un caractère
gai & qu'il étoit fort recherché
par les perfonnes de la premiere
Qualité. Plufieurs autres de fes écrits en
fourniffent auffi la preuve: On peut
conjecturer par la date de fes derniers
ouvrages , qu'il mourut au commencement
du dix -feptiéme Siécle . Indépendamment
de fa traduction d'Ovide en
vers françois , à laquelle fon fils Char-^
les de Maffac , travailla beaucoup , &
de fon Poëme fur les Eaux de Pou-"
gues , traduit auffi en vers françois par
le même Charles, il en compofa plufieurs
( b ) La branche des Gonzagues de Cleves fut
éteinte par la mort de Ferdinand Charles Gouza- "
gues IV. du nom , Duc de Mantoue & de Montferrat
, & le Cardinal de Mazarin acquit les Duchés
de Nevers & de Rhetel des derniers Ducs de
Mantoue. D iv
7
80 MERCURE DE FRANCE.
1
autres latins.J'en ai vu de fa façon à la tête
d'une édition de Juftin , qu'on réimprima
de fon temps . Il célébra les talens ,
de plufieurs Auteurs fes contemporains.
Il fut lui - même célébré par plufieurs
Sçavans , & fon Poëme latin , dont je
vais vous parler , eft enrichi de notes
grecques & latines de Jacques le Vaf
Jeur , Docteur en Théologie , né à
Vîmes dans le Ponthieu , près d'Abbeville.
Vous fçavez mieux que moi ,
mon cher ami , que la Poëfie Didactique
, ayant pour but principal d'inf
truire les hommes , la bonté des Poëmes
en ce genre doit fe régler fur l'utilité
du Sujet que l'on traite & fur les
avantages qui réfultent des inftructions
qu'on y donne. La beauté de la verfification
, l'abondance dans les images,
la force de l'expreffion & c. ne font
pour ainfi dire , que les machines que
fait jouer le Poëte pour amufer le Lecteur
; machines qui font cependant
néceffaires pour conftituer un corps
d'ouvrage , qui plaife en intéreffant ,
lectorem delectando , pariterque monendo.
Je puis vous affurer que ,
fi vous
lifez vous- même la feconde édition (c).
( c ) Elle fe trouve dans plufieurs Bibliothéques
, & notamment à Paris dans celle du Collé
ge Mazarin .
MARS. 1763.
81
du Poëme , intitulé : Remundi Maffaci
Clarici Agenenfis & Collegii Aurelianenfis
Falcultatis Medica Decani Pugea
, feu de Limphis Pugeqcis libri
duo.
Vous verrez avec plaifir qu'à la folidité
des préceptes repandus dans tout
l'ouvrage , le Poëte a ajouté un air
d'enjouement qui régne depuis le
commencement jufqu'à la fin. On y
y trouve en effet des comparaifons juftes
& bien afforties , de la facilité dans
la verfification , des expreffions délicates
, des tours heureux. L'agrément des
deferiptions fait difparoître la féchereffe
des préceptes. Le Poëte peint partout,
Et il me femble que fon pinceau rend
mieux les couleurs de la nature . Médecin
habile, Philofophe profond, il expofe
avec clarté cette phyfique obfcure , qui
étoit en vogue dans fon temps, & il en
tire dequoi expliquer clairement tout
ce qui a trait à fon ouvrage ; il féme
quelquefois des traits d'une érudition
peu commune ; ce n'eft pas tout : comme
le Poëme Didactique fans épiſode
feroit ennuyeux , il y en mêle fagement
quelqu'une. Enfin je crois qu'on
peut dire fans être taxé de prévention,
que cet ouvrage fait quelque hon-
D V
82 MERCURE DE FRANCE.
neur à fon Siécle. En voici une Ana“ -
lyfe fuccinte qui vous en donnera fans ;
doute l'idée que j'en ai conçue .
'ANALYSE DU PREMIER LIVRE..
Le Poëte , après avoir expofé fon
Sujet en peu de mots , paffe rapidement
fur l'invocation , & nous préfente
de la manière fuivante , le tableau
d'un homme qui reffent les douleurs de
la pierre ..
?
Calculus in cyſtam poftquam de rene pependit -
Labitur , atque fero fenfim impellente vagatur :
Sin minor ipfe locus fuerit , majufque locatum .
Tenditur ureter, tenfufque dolore fatigat
Humanum corpus repetito vulnere pun&um ,
Horrendæ indè cruces , atque irrequieta laborum ›
Colligitur rabies , jacet heu patientia victa ,
Æger agens morbum fecum fua damna ferendo ,
Carfitat huc illuc , ringens , tremebundus , anhelans
,.
Pertælus vitam , pertæfus lumina coeli ,
Mortem orat , Superofque infanâ voce laceffit :
Haud aliter taurus tacito percuffus afilo
Eftuat in rabiem, campos , montefque peragrans
Aëraque immenfum crebris mugitibus urgens ,
Seque fugit , fequiturque , malique renaſcitur Au-.-
&tor.
MARS. 1763. 83
Cette peinture me paroît d'une touche
førte & naturelle. L'Auteur explique enfuite
la formation , les fymptomes, & les
fuites funeftes de cette maladie. Il nous
apprend que ce n'eft pas feulement dans
les canaux urétaires des reins , que fe
forme la pierre : il en a vu lui - même
aux deux côtés du coeur , dans le pou
mon , dans le cerveau & dans d'autres
parties du corps . De -là , fon imagination
le tranfporte fur le bord de la fontaine
de Pougues , où le Dieu de la mé
decine va lui apprendre depuis quel
temps ces eaux coulent dans cette contrée
, avec quelles précautions il faut :
les boire , & comment elles ont la ver
tu de diffoudre la pierre. Le Dieu de
la Loire , dit-il , éleva avec foin une fille
qu'il avoit eue de la Nymphe Pégée.
Cette jeune Nayade fut bien- tôt recherchée
en mariage par tous les Dieux
champêtres ; mais elle dédaigna leurs
tranfports amoureux . Apollon l'apperçut
un jour dans le temps qu'elle chaf
foit. La Beauté , les Charmes , les Grâ
ces , le port majeftueux de la nouvelle
Diane , firent naître à l'inftant dans le
coeur du Dieu , un amour des plus vio--
lens . Il la pourfuivit , mais en vain ; elle
arrive en fuyant fur le bord de la Loire e
D-vj ¦
84 MERCURE DE FRANCE.
où fon père , pour la fouftraire aux
pourfuites d'Apollon , la change en fontaine
. Le Dieu qui la chériffoit , même
après fa métamorphofe , donne aux eaux
de cette fontaine , la vertu de guérir de
plufieurs maladies & particuliérement
celle de la pierre ..
ANALYSE DU DEUXIÉMÉ
LIVRE.
Le Poëte , à qui le Dieu de la médecine
avoit infpiré , pendant un léger
fommeil , ce qu'on a vu dans lé premier
Livre , fe tranfporte maintenant à
l'endroit où coulent les eaux qui font la
matière de fes Vers . Après les avoir
analyfées lui-même , il explique en Phyficien
la formation des fontaines. Il y
a , dit- il , dans la terre & furtout dans
les creux des rochers des réfervoirs où
l'eau fe ramaffant en grande quantité &
fe filtrant dans les canaux fouterrains
prend des couleurs & des goûts différens
, felon les matieres qu'elle rencontre
für fon paffage. Il paroît par ce que
dit notre Poëte , que l'efprit de vitriol
& de fouffre abonde dans les eaux de
Pougues ; ce qui leur donne tant de
vertu pour diffoudre les parties fablonneufes
& tartareufes qui forment la
1
MARS. 1763. 85
1
e
pierre. Après cet éxamen il place adroitement
l'éloge de Henry le Grand qu'il
prie de veiller à la confervation & à
l'embéliffement de ces fources falutaires
, qui font auffi éfficaces pour la
pierre que pour les maux de poitrine.
En finiffant il trace encore avec un
pinceau non moins délicat qu'énergique
, le portrait de plufieurs perfonnes
diftinguées qui avoient été à Pougues
chercher du foulagement à leurs douleurs.
Il faut lire dons l'Ouvrage même
l'éloge pompeux & magnifique qu'il
fait des Gonzagues , des Guifes , des
Longuevilles , des la Châtre. Je me borne
à vous rapporter le plus court ; c'eft
celui de Claude - Catherine de Clermont,
Baronne de Rhetz , & Dame de Dampierre
, fi célébre par fon efprit. Elle
fut Ducheffe de Retz & mourut en
1603 , âgée de foixante ans .
Nec tu carminibus noftris indicta manebis ,
REZIA , grandè decus Mufarum & nobilis arte ;
Et quæ docta fonas æquantia plectra Maronem ;
Parnaffi cultrix & Galli Neftoris uxor ,
Femina virtute & majorum ſtemmate fulgens ,
Sicque tuo fulgebit opus fub nomine noftrum.
Vous connoiffez depuis longtemps
#
86 MERCURE DE FRANCE.
Monfieur , quels font les fentimens
d'eftime , de confidération & d'amitié
avec lefquels
J'ai l'honneur d'être & c.
'A Brive-la-Gaillarde , ce 15 Décembre 17623
Seiziéme Siécle de Monfieur de
MASSAC , Receveur Général des
Fermes du Roi , Abonné au Mercure
, & de la Société Royale d'Agriculture
de la Généralité de Limoges
, à Monfieur DE MONT , de la
même Société , Confeiller au Parlement
de Toulouse & de l'Académie
des Jeux Floraux.
MONSIEUR ,
>
En parcourant la nouvelle Edition
du Dictionnaire de Moreri , vous avez
trouvé , dites-vous qu'il y eft fait
mention d'un Raimond de Maffac ;
Auteur d'un Poëme Latin fur les Eaux
minérales de Pougues ( a ). Vous ne
( a ) Pougues , Village du Nivernois , entre
Nevers & la Charité, étoit autrefois fort renommé,
( je ne fçais s'il l'eft encore ) à caule de deux fentaines
dont les eaux avoient la vertu de guérir de
l'hydropifie & de la pierre. Quoique ces deux
fontaines , dont l'une s'appelloit de S. Léger , &
l'autre de S. Marceau , ne fuffent diftantes l'une
Diij
78 MERCURE DE FRANCE.
doutez point que cet ouvrage ne
foit entre mes mains ; & quoique M.
l'Abbé Goujet en ait parlé affez avantageuſement
dans fa Bibliothéque Françoife
, vous feriez - bien aife que je
vous fiffe connoître plus particuliére--
ment l'Auteur & fon Ouvrage.
Il m'eft d'autant plus aifé de vous
fatisfaire fur le fecond objet de votredemande
, que je viens précisément
de lire avec attention le Poëme dont
il s'agit. Quant aux particularités concernant
l'Auteur , que vous exigez auf--
fi , je ne puis vous en rapporter que
très -peu , qui ont ont échappé aux recherches
de M. l'Abbé Goujet.
par
Meffire Raimond de Maffac , dont
les defcendans ont joui fans interrup
tion de la nobleffe , qui avoit été accordée
Charles VII en 1434 à
Jean de Mafac fon bifayeul & Chef
de ma Famille , étoit originaire de
Clairac en Agénois , comme il le dit
lui-même. Il quitta fa Patrie pour aller
fixer fon domicile à Orléans l'an 1586..
Ce fait eft prouvé par une Enquête en
de l'autre que d'un pied , on remarquoit cepen-.
dant quelque différence dans le goût de leurs
eaux. Voyez le Traité de ces Fontaines imprimé
à Paris en 1581 .
MARS. 1763. 79
ปี
bonne forme faite le 15 Mars 1678
à la Requête de noble Augé de Maf
fac , Officier au Régiment d'Artois ;
piéce qui eft entre les mains de mon
Père.
Par l'Epitre Dédicatoire de Raimond
de Maffac , au Prince Charles de Gon
zagues de Cleves ( b) premier du nom ,
Duc de Nevers & de Rhêtel , Pair de
France , Prince de Mantoue , & Gou
verneur de Champagne , & de Brie ,
on voit que cet Auteur étoit d'un caractère
gai & qu'il étoit fort recherché
par les perfonnes de la premiere
Qualité. Plufieurs autres de fes écrits en
fourniffent auffi la preuve: On peut
conjecturer par la date de fes derniers
ouvrages , qu'il mourut au commencement
du dix -feptiéme Siécle . Indépendamment
de fa traduction d'Ovide en
vers françois , à laquelle fon fils Char-^
les de Maffac , travailla beaucoup , &
de fon Poëme fur les Eaux de Pou-"
gues , traduit auffi en vers françois par
le même Charles, il en compofa plufieurs
( b ) La branche des Gonzagues de Cleves fut
éteinte par la mort de Ferdinand Charles Gouza- "
gues IV. du nom , Duc de Mantoue & de Montferrat
, & le Cardinal de Mazarin acquit les Duchés
de Nevers & de Rhetel des derniers Ducs de
Mantoue. D iv
7
80 MERCURE DE FRANCE.
1
autres latins.J'en ai vu de fa façon à la tête
d'une édition de Juftin , qu'on réimprima
de fon temps . Il célébra les talens ,
de plufieurs Auteurs fes contemporains.
Il fut lui - même célébré par plufieurs
Sçavans , & fon Poëme latin , dont je
vais vous parler , eft enrichi de notes
grecques & latines de Jacques le Vaf
Jeur , Docteur en Théologie , né à
Vîmes dans le Ponthieu , près d'Abbeville.
Vous fçavez mieux que moi ,
mon cher ami , que la Poëfie Didactique
, ayant pour but principal d'inf
truire les hommes , la bonté des Poëmes
en ce genre doit fe régler fur l'utilité
du Sujet que l'on traite & fur les
avantages qui réfultent des inftructions
qu'on y donne. La beauté de la verfification
, l'abondance dans les images,
la force de l'expreffion & c. ne font
pour ainfi dire , que les machines que
fait jouer le Poëte pour amufer le Lecteur
; machines qui font cependant
néceffaires pour conftituer un corps
d'ouvrage , qui plaife en intéreffant ,
lectorem delectando , pariterque monendo.
Je puis vous affurer que ,
fi vous
lifez vous- même la feconde édition (c).
( c ) Elle fe trouve dans plufieurs Bibliothéques
, & notamment à Paris dans celle du Collé
ge Mazarin .
MARS. 1763.
81
du Poëme , intitulé : Remundi Maffaci
Clarici Agenenfis & Collegii Aurelianenfis
Falcultatis Medica Decani Pugea
, feu de Limphis Pugeqcis libri
duo.
Vous verrez avec plaifir qu'à la folidité
des préceptes repandus dans tout
l'ouvrage , le Poëte a ajouté un air
d'enjouement qui régne depuis le
commencement jufqu'à la fin. On y
y trouve en effet des comparaifons juftes
& bien afforties , de la facilité dans
la verfification , des expreffions délicates
, des tours heureux. L'agrément des
deferiptions fait difparoître la féchereffe
des préceptes. Le Poëte peint partout,
Et il me femble que fon pinceau rend
mieux les couleurs de la nature . Médecin
habile, Philofophe profond, il expofe
avec clarté cette phyfique obfcure , qui
étoit en vogue dans fon temps, & il en
tire dequoi expliquer clairement tout
ce qui a trait à fon ouvrage ; il féme
quelquefois des traits d'une érudition
peu commune ; ce n'eft pas tout : comme
le Poëme Didactique fans épiſode
feroit ennuyeux , il y en mêle fagement
quelqu'une. Enfin je crois qu'on
peut dire fans être taxé de prévention,
que cet ouvrage fait quelque hon-
D V
82 MERCURE DE FRANCE.
neur à fon Siécle. En voici une Ana“ -
lyfe fuccinte qui vous en donnera fans ;
doute l'idée que j'en ai conçue .
'ANALYSE DU PREMIER LIVRE..
Le Poëte , après avoir expofé fon
Sujet en peu de mots , paffe rapidement
fur l'invocation , & nous préfente
de la manière fuivante , le tableau
d'un homme qui reffent les douleurs de
la pierre ..
?
Calculus in cyſtam poftquam de rene pependit -
Labitur , atque fero fenfim impellente vagatur :
Sin minor ipfe locus fuerit , majufque locatum .
Tenditur ureter, tenfufque dolore fatigat
Humanum corpus repetito vulnere pun&um ,
Horrendæ indè cruces , atque irrequieta laborum ›
Colligitur rabies , jacet heu patientia victa ,
Æger agens morbum fecum fua damna ferendo ,
Carfitat huc illuc , ringens , tremebundus , anhelans
,.
Pertælus vitam , pertæfus lumina coeli ,
Mortem orat , Superofque infanâ voce laceffit :
Haud aliter taurus tacito percuffus afilo
Eftuat in rabiem, campos , montefque peragrans
Aëraque immenfum crebris mugitibus urgens ,
Seque fugit , fequiturque , malique renaſcitur Au-.-
&tor.
MARS. 1763. 83
Cette peinture me paroît d'une touche
førte & naturelle. L'Auteur explique enfuite
la formation , les fymptomes, & les
fuites funeftes de cette maladie. Il nous
apprend que ce n'eft pas feulement dans
les canaux urétaires des reins , que fe
forme la pierre : il en a vu lui - même
aux deux côtés du coeur , dans le pou
mon , dans le cerveau & dans d'autres
parties du corps . De -là , fon imagination
le tranfporte fur le bord de la fontaine
de Pougues , où le Dieu de la mé
decine va lui apprendre depuis quel
temps ces eaux coulent dans cette contrée
, avec quelles précautions il faut :
les boire , & comment elles ont la ver
tu de diffoudre la pierre. Le Dieu de
la Loire , dit-il , éleva avec foin une fille
qu'il avoit eue de la Nymphe Pégée.
Cette jeune Nayade fut bien- tôt recherchée
en mariage par tous les Dieux
champêtres ; mais elle dédaigna leurs
tranfports amoureux . Apollon l'apperçut
un jour dans le temps qu'elle chaf
foit. La Beauté , les Charmes , les Grâ
ces , le port majeftueux de la nouvelle
Diane , firent naître à l'inftant dans le
coeur du Dieu , un amour des plus vio--
lens . Il la pourfuivit , mais en vain ; elle
arrive en fuyant fur le bord de la Loire e
D-vj ¦
84 MERCURE DE FRANCE.
où fon père , pour la fouftraire aux
pourfuites d'Apollon , la change en fontaine
. Le Dieu qui la chériffoit , même
après fa métamorphofe , donne aux eaux
de cette fontaine , la vertu de guérir de
plufieurs maladies & particuliérement
celle de la pierre ..
ANALYSE DU DEUXIÉMÉ
LIVRE.
Le Poëte , à qui le Dieu de la médecine
avoit infpiré , pendant un léger
fommeil , ce qu'on a vu dans lé premier
Livre , fe tranfporte maintenant à
l'endroit où coulent les eaux qui font la
matière de fes Vers . Après les avoir
analyfées lui-même , il explique en Phyficien
la formation des fontaines. Il y
a , dit- il , dans la terre & furtout dans
les creux des rochers des réfervoirs où
l'eau fe ramaffant en grande quantité &
fe filtrant dans les canaux fouterrains
prend des couleurs & des goûts différens
, felon les matieres qu'elle rencontre
für fon paffage. Il paroît par ce que
dit notre Poëte , que l'efprit de vitriol
& de fouffre abonde dans les eaux de
Pougues ; ce qui leur donne tant de
vertu pour diffoudre les parties fablonneufes
& tartareufes qui forment la
1
MARS. 1763. 85
1
e
pierre. Après cet éxamen il place adroitement
l'éloge de Henry le Grand qu'il
prie de veiller à la confervation & à
l'embéliffement de ces fources falutaires
, qui font auffi éfficaces pour la
pierre que pour les maux de poitrine.
En finiffant il trace encore avec un
pinceau non moins délicat qu'énergique
, le portrait de plufieurs perfonnes
diftinguées qui avoient été à Pougues
chercher du foulagement à leurs douleurs.
Il faut lire dons l'Ouvrage même
l'éloge pompeux & magnifique qu'il
fait des Gonzagues , des Guifes , des
Longuevilles , des la Châtre. Je me borne
à vous rapporter le plus court ; c'eft
celui de Claude - Catherine de Clermont,
Baronne de Rhetz , & Dame de Dampierre
, fi célébre par fon efprit. Elle
fut Ducheffe de Retz & mourut en
1603 , âgée de foixante ans .
Nec tu carminibus noftris indicta manebis ,
REZIA , grandè decus Mufarum & nobilis arte ;
Et quæ docta fonas æquantia plectra Maronem ;
Parnaffi cultrix & Galli Neftoris uxor ,
Femina virtute & majorum ſtemmate fulgens ,
Sicque tuo fulgebit opus fub nomine noftrum.
Vous connoiffez depuis longtemps
#
86 MERCURE DE FRANCE.
Monfieur , quels font les fentimens
d'eftime , de confidération & d'amitié
avec lefquels
J'ai l'honneur d'être & c.
'A Brive-la-Gaillarde , ce 15 Décembre 17623
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Résumé : LETTRE sur un Poëme Latin, du Seiziéme Siécle de Monsieur de MASSAC, Receveur Général des Fermes du Roi, Abonné au Mercure, & de la Société Royale d'Agriculture de la Généralité de Limoges, à Monsieur DE MONT, de la même Société, Conseiller au Parlement de Toulouse & de l'Académie des Jeux Floraux.
La lettre traite d'un poème latin du XVIe siècle intitulé 'Remundi Maffaci Clarici Agenenfis & Collegii Aurelianenfis Facultatis Medica Decani Pugea, seu de Limphis Pugeqcis libri duo', écrit par Raimond de Massac. Raimond de Massac est un noble originaire de Clairac en Agenois, qui s'est installé à Orléans en 1586. Le poème porte sur les eaux minérales de Pougues, un village du Nivernois connu pour ses fontaines aux vertus thérapeutiques contre l'hydropisie et la pierre. Le poème est dédié au Prince Charles de Gonzague de Clèves, Duc de Nevers et de Rethel. Il est apprécié pour son style didactique et instructif, décrivant les symptômes et les traitements de la pierre, ainsi que l'histoire légendaire des fontaines de Pougues. Raimond de Massac mentionne également des personnalités distinguées ayant visité Pougues pour ses vertus curatives. L'auteur de la lettre, Monsieur de Massac, Receveur Général des Fermes du Roi, partage des détails sur la vie et les œuvres de Raimond de Massac, soulignant la qualité littéraire et scientifique du poème. Il mentionne également des traductions en français réalisées par le fils de Raimond, Charles de Massac. La lettre se conclut par une analyse du poème, mettant en avant sa solidité des préceptes et son enjouement.
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31
32
p. 63-64
VERS sur le Mausolée que S. M. a ordonné d'ériger à feu M. DE CRÉBILLON dans l'Eglise de S. Gervais.
Début :
EMULE & digne Successeur [...]
Mots clefs :
Digne, Noble, Mausolée, Poète, Louis, Parnasse
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texteReconnaissance textuelle : VERS sur le Mausolée que S. M. a ordonné d'ériger à feu M. DE CRÉBILLON dans l'Eglise de S. Gervais.
VERS fur le Maufolée que S. M. a ordonné
d'ériger à feu M. DE CRÉ-
BILLON dans l'Eglife de S. Gervais.
EMULE & digne Succeffeur
Des Racines & des Corneilles ,
Qui , d'un genre nouveau devenu Créateur ,
Sçus r'élever à la hauteur
De leurs plus fublimes merveilles ,
Sans être leur Imitateur :
Du fombre défefpoir , de la pâle terreur
Sûr Oracle , fièr interpréte >
Dont la mâle éloquence & la noble chaleur ,
En charmant nos efprits les pénétrent d'horreur :
64 MERCURE DE FRANCE .
Auffi bon Citoyen que célébre Poëte ,
Dont la Société regrette
Le caractère égal & l'aimable douceur ;
Sage Ecrivain , Docte Cenfeur ,
CRÉBILLON , que ton fort devient digne d'en
vie !
Tandis que couverte de deuil ,
Melpomène, des Dieux du Théâtre fuivie ,
C De larmes baigne ton cercueil ; 1
Louis d'un feul regard te rappelle à la vie.
Ce bienfaifant Monarque, en éffuyant les pleurs
De Melpomène déſolée ,
Par la plus rare des faveurs
Te fait dreffer lui- même un riche Mauſolée .
La Sageffe fourit à ce noble projet ;
La Patrie applaudit ; tout le Parnaſſe ad nire ;
Le faux zéle pâlit & murmure en fecret ;
L'envie en frémiſſant ſoupire ,
Et n'admire qu'à regret
L'éclat du Bienfaiteur , & celui du Bienfait.
Par M, l'Abbé DANGERVILLE ;
d'ériger à feu M. DE CRÉ-
BILLON dans l'Eglife de S. Gervais.
EMULE & digne Succeffeur
Des Racines & des Corneilles ,
Qui , d'un genre nouveau devenu Créateur ,
Sçus r'élever à la hauteur
De leurs plus fublimes merveilles ,
Sans être leur Imitateur :
Du fombre défefpoir , de la pâle terreur
Sûr Oracle , fièr interpréte >
Dont la mâle éloquence & la noble chaleur ,
En charmant nos efprits les pénétrent d'horreur :
64 MERCURE DE FRANCE .
Auffi bon Citoyen que célébre Poëte ,
Dont la Société regrette
Le caractère égal & l'aimable douceur ;
Sage Ecrivain , Docte Cenfeur ,
CRÉBILLON , que ton fort devient digne d'en
vie !
Tandis que couverte de deuil ,
Melpomène, des Dieux du Théâtre fuivie ,
C De larmes baigne ton cercueil ; 1
Louis d'un feul regard te rappelle à la vie.
Ce bienfaifant Monarque, en éffuyant les pleurs
De Melpomène déſolée ,
Par la plus rare des faveurs
Te fait dreffer lui- même un riche Mauſolée .
La Sageffe fourit à ce noble projet ;
La Patrie applaudit ; tout le Parnaſſe ad nire ;
Le faux zéle pâlit & murmure en fecret ;
L'envie en frémiſſant ſoupire ,
Et n'admire qu'à regret
L'éclat du Bienfaiteur , & celui du Bienfait.
Par M, l'Abbé DANGERVILLE ;
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Résumé : VERS sur le Mausolée que S. M. a ordonné d'ériger à feu M. DE CRÉBILLON dans l'Eglise de S. Gervais.
L'éloge funèbre en vers est dédié à Prosper Jolyot de Crébillon, un dramaturge français renommé. Il est comparé à Racine et Corneille pour sa capacité à créer des œuvres originales et sublimes sans les imiter. Crébillon est également loué pour son talent à exprimer le désespoir et la terreur de manière éloquente. En tant que citoyen, il est apprécié pour son caractère égal et sa douceur. La Société regrette profondément sa perte. Melpomène, la muse de la tragédie, pleure sa mort. Le roi Louis XIV, par un geste de bienveillance, ordonne l'érection d'un mausolée en son honneur dans l'église Saint-Gervais. Cette décision est saluée par la sagesse, la patrie et le Parnasse, tandis que l'envie et le faux zèle réagissent avec regret et murmures. L'auteur de ce texte est l'abbé Dangerville.
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33
p. 199-200
SUPPLÉMENT à l'Art. des Beaux-Arts. LETTRE À M. DE LA PLACE.
Début :
Je vous prie, Monsieur, d'annoncer au Public le Portrait de M. Rousseau [...]
Mots clefs :
Portrait, Rousseau, Poète, Gravure, Éloges
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUPPLÉMENT à l'Art. des Beaux-Arts. LETTRE À M. DE LA PLACE.
SUPPLÉMENT à l'Art. des Beaux-Arts.
LETTRE A M. DE LA PLACE.
JE vous prie , Monfieur , d'annoncer au Public
lePortrait de M. Rouffeau . l'un des plus célébres
Poëtes François , gravé par M. Ficquet ,
dont le burin ſçavant & délicat s'eſt déja fi
avantageuſement fait connoître par les beaux
Portraits de MM. Delafontaine & Voltaire . Cette
dernière production mérite les plus grands éloges
, & vous en jugerez vous-même , Monfieur ,
par l'epreuve que j'ai l'honneur de vous envoyer.
Ces trois Portraits de même grandeur ſe trouvent
, enſemble ou féparément , chez les principaux
Marchands d'Eſtampes , chez Duchesne ,
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
Libraire , chez Lattré , Graveur , rue S. Jacques:
àla Ville de Bordeaux.
J'ai l'honneur d'être , &c.
Paris , ce. 2.Décembre 1763 .
LETTRE A M. DE LA PLACE.
JE vous prie , Monfieur , d'annoncer au Public
lePortrait de M. Rouffeau . l'un des plus célébres
Poëtes François , gravé par M. Ficquet ,
dont le burin ſçavant & délicat s'eſt déja fi
avantageuſement fait connoître par les beaux
Portraits de MM. Delafontaine & Voltaire . Cette
dernière production mérite les plus grands éloges
, & vous en jugerez vous-même , Monfieur ,
par l'epreuve que j'ai l'honneur de vous envoyer.
Ces trois Portraits de même grandeur ſe trouvent
, enſemble ou féparément , chez les principaux
Marchands d'Eſtampes , chez Duchesne ,
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
Libraire , chez Lattré , Graveur , rue S. Jacques:
àla Ville de Bordeaux.
J'ai l'honneur d'être , &c.
Paris , ce. 2.Décembre 1763 .
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Résumé : SUPPLÉMENT à l'Art. des Beaux-Arts. LETTRE À M. DE LA PLACE.
La lettre du 2 décembre 1763 annonce la publication du portrait de M. Rouffeau, gravé par M. Ficquet. Ce graveur est célèbre pour ses portraits de MM. Delafontaine et Voltaire. Les portraits de Rouffeau, Delafontaine et Voltaire sont disponibles chez Duchesne, Lattré et à Bordeaux. Une épreuve du portrait de Rouffeau est incluse pour jugement.
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34
p. 208-209
SUPPLEMENT à l'Article du Théâtre. Mort de M. Roy, Chevalier de l'Ordre de S. Michel, Poëte Lyrique.
Début :
Le 3 Octobre dernier est décédé à Paris M. Pierre-Charles Roy, Chevalier de S. [...]
Mots clefs :
Chevalier, Théâtre lyrique, Ouvrages, Poète, Recueil de poésies, Rumeurs, Éloge
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUPPLEMENT à l'Article du Théâtre. Mort de M. Roy, Chevalier de l'Ordre de S. Michel, Poëte Lyrique.
SUPPLEMENT à l'Article du Théâtre.
Mort de M. Roy , Chevalier de l'Ordre de
S. Michel , Poëte Lyrique.
LR 3 Octobre dernier eſt décédé à Paris M •
Pierre- Charles Ror , Chevalier de S. Michel,
DECEMBRE . 1764. 209
>
Callirrhoé & le Ballet des Elémens faffiroient à la
célébrité des talens de ce Poëte pour le Théâtre
Lyrique. On connoît de lui beaucoup d'autres
Ouvrages du même genre , qui ne font pas
moins d'honneur à fa Mufe. Le caractère particulier
du génie de ce Poëte étoit d'avoir tellement
étudié les Poëtes Latins & principale- .
ment Ovide , qu'il fe les étoit appropriés. Il a
fait paffer une grande quantité de leurs pentées ,
on pourroit dire prèfque de leurs vers dans les
fiens Il a compofé auffi un Recueil de Poéfies
diverfes , imprimé depuis long -temps , où l'on
trouve des chofes affez agréablement imaginées ,.
& far-tout fort correctement verfifiées . Il eft mort
à l'âge de 81 ans , ignoré du Monde & de la Société
depuis plus de dix ou douze ans.
Nous avions par erreur , & fur la foi d'une.
rumeur publique , annoncé la mort de cet Auteur
dès l'année précédente. Nous avons été ou prévenus
ou fuivis , dans cette erreur , par tous les Journaliſtes
& tous les Papiers publics : enforte que
l'Auteur du nouveau Nécrologe , en annonçant il
y a quelques mois celui du mois de Janvier prochain
, promettoit , entr'autres Eloges hiftoriques
de Perfonnes célèbres décédées dans le courant de
cette année , celui de M. Roy , qui n'étoit pas encore
mort alors. Que ceux qui condamnent les
erreurs trop fréquentes des Hiftoriographes du
Théâtre ou de la Littérature , fondées fur celles
des Ecrivains contemporains , apprennent par
cet exemple , que la plupart font dues à la négligence
impardonnable des familles ; lefquelles ,
comme en cette occafion , loin de prendre l'intérêt
convenable pour informer la Poftérité de ce qui
concerne les talens qui les ont honorées , ne,
daignent pas même faire conftater le temps & le
terme de leur exiſtence.
Mort de M. Roy , Chevalier de l'Ordre de
S. Michel , Poëte Lyrique.
LR 3 Octobre dernier eſt décédé à Paris M •
Pierre- Charles Ror , Chevalier de S. Michel,
DECEMBRE . 1764. 209
>
Callirrhoé & le Ballet des Elémens faffiroient à la
célébrité des talens de ce Poëte pour le Théâtre
Lyrique. On connoît de lui beaucoup d'autres
Ouvrages du même genre , qui ne font pas
moins d'honneur à fa Mufe. Le caractère particulier
du génie de ce Poëte étoit d'avoir tellement
étudié les Poëtes Latins & principale- .
ment Ovide , qu'il fe les étoit appropriés. Il a
fait paffer une grande quantité de leurs pentées ,
on pourroit dire prèfque de leurs vers dans les
fiens Il a compofé auffi un Recueil de Poéfies
diverfes , imprimé depuis long -temps , où l'on
trouve des chofes affez agréablement imaginées ,.
& far-tout fort correctement verfifiées . Il eft mort
à l'âge de 81 ans , ignoré du Monde & de la Société
depuis plus de dix ou douze ans.
Nous avions par erreur , & fur la foi d'une.
rumeur publique , annoncé la mort de cet Auteur
dès l'année précédente. Nous avons été ou prévenus
ou fuivis , dans cette erreur , par tous les Journaliſtes
& tous les Papiers publics : enforte que
l'Auteur du nouveau Nécrologe , en annonçant il
y a quelques mois celui du mois de Janvier prochain
, promettoit , entr'autres Eloges hiftoriques
de Perfonnes célèbres décédées dans le courant de
cette année , celui de M. Roy , qui n'étoit pas encore
mort alors. Que ceux qui condamnent les
erreurs trop fréquentes des Hiftoriographes du
Théâtre ou de la Littérature , fondées fur celles
des Ecrivains contemporains , apprennent par
cet exemple , que la plupart font dues à la négligence
impardonnable des familles ; lefquelles ,
comme en cette occafion , loin de prendre l'intérêt
convenable pour informer la Poftérité de ce qui
concerne les talens qui les ont honorées , ne,
daignent pas même faire conftater le temps & le
terme de leur exiſtence.
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Résumé : SUPPLEMENT à l'Article du Théâtre. Mort de M. Roy, Chevalier de l'Ordre de S. Michel, Poëte Lyrique.
Le 3 octobre 1764, à Paris, est décédé M. Pierre-Charles Roy, Chevalier de l'Ordre de Saint-Michel et poète lyrique. Ses œuvres les plus célèbres incluent 'Callirrhoé' et 'le Ballet des Éléments'. Roy a également écrit de nombreux ouvrages lyriques et un recueil de poésies diverses, imprimé depuis longtemps, contenant des textes imaginatifs et correctement versifiés. Son génie se caractérisait par une étude approfondie des poètes latins, notamment Ovide, dont il a adapté de nombreuses pensées et presque des vers entiers. Roy est mort à l'âge de 81 ans, après avoir été ignoré du monde et de la société pendant plus de dix ou douze ans. Une erreur avait été commise par divers journaux et publications, annonçant sa mort l'année précédente, alors qu'il était encore en vie. Cet exemple illustre la négligence des familles qui ne prennent pas l'intérêt convenable pour informer la postérité des talents de leurs membres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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