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Liste
1
p. 1-3
« Jamais commerce n'a tant fait d'éclat que le [...] »
Début :
Jamais commerce n'a tant fait d'éclat que le [...]
Mots clefs :
Commerce, Mander, Curiosité, Personnes de bon goût
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texteReconnaissance textuelle : « Jamais commerce n'a tant fait d'éclat que le [...] »
AMAIS commerce
n'a tant fait d'éclat
que le noſtre , tout
Paris en parle , toute la France
s'en entretient , il fait dubruit
juſques dans les Païs les plus éloignez , & cependantlamé- diſance n'endit rien : il fatisfait les plus critiques , & tout le monde en ſouhaite la continuation & nous en donne
Tome VI. A
2 LE MERCVRE
publiquement des marques, &
avec des manieres fi.obligeantes , que nous manquerions de reconnoiſſance envers un.
nombre infini de Perſonnes du
plus haut merite , ſi nous interrompions un commerce qui plaît à tout cequ'il y a de plus Illuftre dans le Monde. Aprés tant d'applaudiſſemens ſi ſou- vent réïterez, je vay,Madame,
faire de nouveaux efforts,pour ne vous mander rien qui ne foit digne de voſtre curiofité,
&je fuis feur que tout ce qui aura lebonheur de vousplai- re , ſera eſtimé de toutes les
Perſonnes de bon goût. Je commence par un Madrigal dont on dit icy beaucoup de bien. Je n'en connoy pas l'Au- theur, mais fonOuvragemar- que aſſez qu'il a de l'eſprit,
GALANT. 3
fans qu'il foit neceſſaire de rien dire de plus pour le faire croire.
n'a tant fait d'éclat
que le noſtre , tout
Paris en parle , toute la France
s'en entretient , il fait dubruit
juſques dans les Païs les plus éloignez , & cependantlamé- diſance n'endit rien : il fatisfait les plus critiques , & tout le monde en ſouhaite la continuation & nous en donne
Tome VI. A
2 LE MERCVRE
publiquement des marques, &
avec des manieres fi.obligeantes , que nous manquerions de reconnoiſſance envers un.
nombre infini de Perſonnes du
plus haut merite , ſi nous interrompions un commerce qui plaît à tout cequ'il y a de plus Illuftre dans le Monde. Aprés tant d'applaudiſſemens ſi ſou- vent réïterez, je vay,Madame,
faire de nouveaux efforts,pour ne vous mander rien qui ne foit digne de voſtre curiofité,
&je fuis feur que tout ce qui aura lebonheur de vousplai- re , ſera eſtimé de toutes les
Perſonnes de bon goût. Je commence par un Madrigal dont on dit icy beaucoup de bien. Je n'en connoy pas l'Au- theur, mais fonOuvragemar- que aſſez qu'il a de l'eſprit,
GALANT. 3
fans qu'il foit neceſſaire de rien dire de plus pour le faire croire.
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Résumé : « Jamais commerce n'a tant fait d'éclat que le [...] »
Le texte évoque la renommée et l'impact d'un commerce, probablement littéraire ou artistique, à Paris, en France et dans des pays éloignés. Malgré cette notoriété, la modestie est de mise, et la distance n'est pas mise en avant. Ce commerce est apprécié par les critiques et le public, qui en souhaitent la continuation. Interrompre ce commerce serait manquer de reconnaissance envers de nombreuses personnes de mérite. Après avoir reçu de nombreux applaudissements, l'auteur s'engage à fournir de nouveaux contenus dignes de l'intérêt de la destinataire, une personne de goût. Le texte se conclut par la présentation d'un madrigal, dont l'auteur est inconnu mais dont l'œuvre est reconnue pour son esprit et son élégance.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 6-20
Arrests & Déclarations, [titre d'après la table]
Début :
Comme ce Monarque travaille sans cesse pour le bien & [...]
Mots clefs :
Compagnie, Sujets, Commerce, Conseils, Royaume, Déclaration, Religion, Monarque, Marchandises, Articles, Étrangers, Articles, Ordonnances, Conseil d'État
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texteReconnaissance textuelle : Arrests & Déclarations, [titre d'après la table]
Comme ce Monarque travaille
fans ceffe pour le bien
GALANT.
7
>
& pour le repos de fes Sujets,
il ne fe paffe aucun mois où
l'on ne voye plufieurs de fes
Déclarations , & des Arrests
de fon Confeil d'Etat , à leur
avantage. Il a étably depuis
peu par une Déclaration , nne
Compagnie fous le Titre de
Compagnie de Guinée , qui fera
feule à l'exclufion de tous autres,
le Commerce des Négres , de la
Poudre d'or , & de toutes autres
Marchandifes
, qu'elle pourra
> traiter aux Coftes d'Afrique, depuis
la Riviere de Serre - Lionne
inclufivement jufques au Cap de
bonne Efpérance. Les premie
A. iiij
8 MERCURE
[
res lignes de cette Déclara
tion marquent mieux que je
ne pourrois faire , les bonnes
intentions qu'a Sa Majeſté de
faire du bien à fes Sujets.
Elles font conceues en ces
termes . Apres avoir heureuſement
finy tant de longues & de
diferentes Guerres , pendant le
cours defquelles Dieu a beny vifiblement
, & fait profperer nos
Armes , Nous nous fommes apliquez
à donner le repos à nos Peuples
, par les Traitez de Paix
de Tréve que Nous avons
faits avec les Princes & Etats
nos Voifins . Et comme dans la
[ A
GALANT.
(9
t
tranquilité dont jouit à préfent
noftre Royaume , rien ne peutfi
naturellement introduire l'abondance
, que le Commerce, Nous
avons réfolu d'en procurer par
toutes fortes de voyes l'augmentation
, notamment de celuy qui
fe fait dans les Païs éloignez
Ces lignes font affez con
noistre de quelle maniere le
Roy veille au bien de fon
Etat. En voicy d'autres qui
regardent les biens de la
Compagnie en particulier.
Appartiendront à ladite Compagnie
en pleine proprieté les
Terres qu'elle pourra occuper és
10 MERCURE
lieux , & pendant le temps de
fa conceffion , efquels Nous luy
permettons de faire tels Etablif
femens que bon luy femblera , y
conftruire des Forts pour fa fem
reté, y faire transporter des Ar
mes & Canons , # établir
des Commandans , nombre
d'Officiers & Soldats neceſſaires
pour affurerfon Commerce , tant
contre les Etrangers que les Naaurels
, auquel Effet Nous permettons
à la Compagnie de faire
avec les Roys , Négres , tous
Traitez de Commerce quelle avifera
, apres l'expiration du
Privilege par Nous prefenteGALANT.
II
>
que ladite ment accordé , Voulons
Compagnie puiffe difpofer de fes
Habitations , Armes Munitions
, ainfi que de fes autres Effets,
Meubles, Uftancilles, Marchandifes
& Vaiffeaux , comme
de chofes à elle appartenantes
,
en toute proprieté.
2
Le principal foin du Roy
eftant de faire fleurir la Re
ligion Catholique , cette mef
me Déclaration enferme l'Article
qui fuit , Ne pourra ladite
Compagnie employer ny donner
aucunes Commiffions qu'à des
Gens de la Religion Catholique
Apoftolique Romaine , & en
12 MERCURE
cas que ladire Compagnie faffe
quelques établissemens dans les
Pays de la prefente Conceffion,
elle fera obligée de faire paffer
le nombre de Preftres au Miffionnaires
nece ffaires pour l'in
Aruction & exercice de ladite
Religion , & donner les fecours
Spirituels à ceux quiy auront eſtê
envoyez.
De cet Article de Reli
gion , je paffe à une autre
Déclaration du Roy qui la
regarde . Elle eft , Pour la pu
nition des Miniftres de la Reli
gion Prétendue Réformée, qui
fouffrent dans les Temples des
GALANT 13
Perfonnes que le Roy a défendu
d'y admettre , pour l'interdi-
Etion defdits Temples. On y
contrevient fi fouvent , que
l'on ne peut eftre trop rigide
fur cet Article.
Il a auffi paru depuis peu
un Arreft du Confeil d'Etat,
Qui enjoint à tous ceux de la
Religion Prétenduë Réformée,
dont les Charges de Notaires
ont efté remplies de perfonnes
Catholiques
Minutes des Contracts , & autres
Actes , aux Greffes des Inftices
Royales des lieux où ils
étoient. Sans cette prévoyande
remettre les
14 MERCURE
ce du Roy , le Public auroit
fouffert un jour un notable
préjudice , parce qu'avec le
temps ces Minutes auroient
efté diverties ou égarées.
Cet Arreſt a esté ſuivy de
deux autres , tous deux pour
le foûlagement des Sujets de
Sa Majesté. Le premier a
pour Tître , Arrest du Confeil
d'Etat, portant interpretation de
celuy du
30. Decembre dernier,
སྙན
qui décharge du Droit de Fret
les Vaiffeaux étrangers qui
ameneront des Bleds dans le
Royaume. Le Roy par cet
Arreſt ſi judicieux , fait voir
L
GALANT. 15
que fes interefts luy font
moins chers que ceux de fon
Peuple , & donne lieu aux
Etrangers d'amener des Bleds
dans le Royaume. Une prée
le
a
voyance fi defintereffée, marque
mieux que toute chofe,
combien un Monarque eft
digne de commander. Voiilcyl'autre
Arreft dont je vous
ay parlé , il concerne le
Remboursement des Etapes qui
ono efté fournies aux Troupes quz
ont paffe dans les Provinces
Generalitez du Royaume , depuis
l'année 1676. jufques & compris
l'année 1685
16 MERCURE
On voit par cet Arreft que
ceux qui étoient chargez du
remboursement de ces Etapes
, n'ayant pas remboursé
plufieurs Communautez , &
Particuliers , Habitans qui
ont fouffert le Logement effectif
des Gens de Guerre,
& fourny les Etapes en ef
pece , ce qui leur à caufé un
préjudice confiderable , Sa
Majefté y pourvoit . On ne
doit plus s'étonner fi le Roy
entrant inceffamment dans
tout ce qui regarde le bien
& l'utilité de fes Sujets, pafle
les journées entieres à tra
vailler
a
L
GALANT. 17
vailler , ou feul , cu dans fes
Confeils.
Il a aufli paru depuis peu
un Arrest du Confeil d'Etat
qui ordonne , Que les Directeurs
du Domaine d'Occident,
reprefenteront inceffamment pardevant
Ms de Boucherat &
Puffort , Confeillers Ordinaires
au Confeil Royal , un état certifié
des Effets reftans de la Compagnie
des Indes Occidentales.
Tout ce que je pourrois dire
pour faire connoiftre com--
bien le Roy marque de bon--
té pour les Sujets par cet Ar
reft,le feroit beaucoup moins
Mars 1685,
"
B
18 MERCURE
1
que les paroles fuivantes
voir
du mefme Arreft . Et Sa Majesté
voulant eftre informée de la
quantité , & de la qualité des
Effets reftans à prefent , de ceux
laiffez en la dispofition defdits
Directeurs , tant dans les fles
qu'ailleurs , & prendre une connoiffance
particuliere de toutes
les Affaires de la Direction, comme
il a eftéfait pour les Compagnies
des Indes Orientales &
du Nord, & en confequence liquider
les pretentions des Creanciers
& Actionaires , qui demandent
le remboursement ,
mefme pourvoir audit rembour
GALANT. 191
S
fement , à ce qui fe trouvera
plus convenable pour l'augmentation
des Ifles Françoifes de
l'Amerique, & du Canada. Le
Roy étant en fon Confeil
donné, c...
apor-
Il vient auffi de paroiftreune
Déclaration du Roy concernant
la Compagnie des
Indes Orientales . Elle mar
que les grands foins que Sa
Majefté prend pour foûtenir
& faire fleurir fon Commerce ,,
afin de donner à fes Sujets
les occafions de négocier
dans les Pais les plus éloi--
gnez , d'acheter de la pre-
7
Bij
20 MERCURE
micre main les Marchandifes
qui viennent des Indes , &
qu'ils alloient prendre chez
les Etrangers voifins de ce
grand Royaume , & d'intraduire
mefme par le moyen
du Commerce la Religion
Chrétienne , inconnue pref
que dans tous ces Pais . Ja
mais Monarque s'eft- il appli
qué avec tant de prévoyance
& de bonté , à procurer l'a
bondance à les sujets , & à
augmenter la gloire de fon
Etat?
fans ceffe pour le bien
GALANT.
7
>
& pour le repos de fes Sujets,
il ne fe paffe aucun mois où
l'on ne voye plufieurs de fes
Déclarations , & des Arrests
de fon Confeil d'Etat , à leur
avantage. Il a étably depuis
peu par une Déclaration , nne
Compagnie fous le Titre de
Compagnie de Guinée , qui fera
feule à l'exclufion de tous autres,
le Commerce des Négres , de la
Poudre d'or , & de toutes autres
Marchandifes
, qu'elle pourra
> traiter aux Coftes d'Afrique, depuis
la Riviere de Serre - Lionne
inclufivement jufques au Cap de
bonne Efpérance. Les premie
A. iiij
8 MERCURE
[
res lignes de cette Déclara
tion marquent mieux que je
ne pourrois faire , les bonnes
intentions qu'a Sa Majeſté de
faire du bien à fes Sujets.
Elles font conceues en ces
termes . Apres avoir heureuſement
finy tant de longues & de
diferentes Guerres , pendant le
cours defquelles Dieu a beny vifiblement
, & fait profperer nos
Armes , Nous nous fommes apliquez
à donner le repos à nos Peuples
, par les Traitez de Paix
de Tréve que Nous avons
faits avec les Princes & Etats
nos Voifins . Et comme dans la
[ A
GALANT.
(9
t
tranquilité dont jouit à préfent
noftre Royaume , rien ne peutfi
naturellement introduire l'abondance
, que le Commerce, Nous
avons réfolu d'en procurer par
toutes fortes de voyes l'augmentation
, notamment de celuy qui
fe fait dans les Païs éloignez
Ces lignes font affez con
noistre de quelle maniere le
Roy veille au bien de fon
Etat. En voicy d'autres qui
regardent les biens de la
Compagnie en particulier.
Appartiendront à ladite Compagnie
en pleine proprieté les
Terres qu'elle pourra occuper és
10 MERCURE
lieux , & pendant le temps de
fa conceffion , efquels Nous luy
permettons de faire tels Etablif
femens que bon luy femblera , y
conftruire des Forts pour fa fem
reté, y faire transporter des Ar
mes & Canons , # établir
des Commandans , nombre
d'Officiers & Soldats neceſſaires
pour affurerfon Commerce , tant
contre les Etrangers que les Naaurels
, auquel Effet Nous permettons
à la Compagnie de faire
avec les Roys , Négres , tous
Traitez de Commerce quelle avifera
, apres l'expiration du
Privilege par Nous prefenteGALANT.
II
>
que ladite ment accordé , Voulons
Compagnie puiffe difpofer de fes
Habitations , Armes Munitions
, ainfi que de fes autres Effets,
Meubles, Uftancilles, Marchandifes
& Vaiffeaux , comme
de chofes à elle appartenantes
,
en toute proprieté.
2
Le principal foin du Roy
eftant de faire fleurir la Re
ligion Catholique , cette mef
me Déclaration enferme l'Article
qui fuit , Ne pourra ladite
Compagnie employer ny donner
aucunes Commiffions qu'à des
Gens de la Religion Catholique
Apoftolique Romaine , & en
12 MERCURE
cas que ladire Compagnie faffe
quelques établissemens dans les
Pays de la prefente Conceffion,
elle fera obligée de faire paffer
le nombre de Preftres au Miffionnaires
nece ffaires pour l'in
Aruction & exercice de ladite
Religion , & donner les fecours
Spirituels à ceux quiy auront eſtê
envoyez.
De cet Article de Reli
gion , je paffe à une autre
Déclaration du Roy qui la
regarde . Elle eft , Pour la pu
nition des Miniftres de la Reli
gion Prétendue Réformée, qui
fouffrent dans les Temples des
GALANT 13
Perfonnes que le Roy a défendu
d'y admettre , pour l'interdi-
Etion defdits Temples. On y
contrevient fi fouvent , que
l'on ne peut eftre trop rigide
fur cet Article.
Il a auffi paru depuis peu
un Arreft du Confeil d'Etat,
Qui enjoint à tous ceux de la
Religion Prétenduë Réformée,
dont les Charges de Notaires
ont efté remplies de perfonnes
Catholiques
Minutes des Contracts , & autres
Actes , aux Greffes des Inftices
Royales des lieux où ils
étoient. Sans cette prévoyande
remettre les
14 MERCURE
ce du Roy , le Public auroit
fouffert un jour un notable
préjudice , parce qu'avec le
temps ces Minutes auroient
efté diverties ou égarées.
Cet Arreſt a esté ſuivy de
deux autres , tous deux pour
le foûlagement des Sujets de
Sa Majesté. Le premier a
pour Tître , Arrest du Confeil
d'Etat, portant interpretation de
celuy du
30. Decembre dernier,
སྙན
qui décharge du Droit de Fret
les Vaiffeaux étrangers qui
ameneront des Bleds dans le
Royaume. Le Roy par cet
Arreſt ſi judicieux , fait voir
L
GALANT. 15
que fes interefts luy font
moins chers que ceux de fon
Peuple , & donne lieu aux
Etrangers d'amener des Bleds
dans le Royaume. Une prée
le
a
voyance fi defintereffée, marque
mieux que toute chofe,
combien un Monarque eft
digne de commander. Voiilcyl'autre
Arreft dont je vous
ay parlé , il concerne le
Remboursement des Etapes qui
ono efté fournies aux Troupes quz
ont paffe dans les Provinces
Generalitez du Royaume , depuis
l'année 1676. jufques & compris
l'année 1685
16 MERCURE
On voit par cet Arreft que
ceux qui étoient chargez du
remboursement de ces Etapes
, n'ayant pas remboursé
plufieurs Communautez , &
Particuliers , Habitans qui
ont fouffert le Logement effectif
des Gens de Guerre,
& fourny les Etapes en ef
pece , ce qui leur à caufé un
préjudice confiderable , Sa
Majefté y pourvoit . On ne
doit plus s'étonner fi le Roy
entrant inceffamment dans
tout ce qui regarde le bien
& l'utilité de fes Sujets, pafle
les journées entieres à tra
vailler
a
L
GALANT. 17
vailler , ou feul , cu dans fes
Confeils.
Il a aufli paru depuis peu
un Arrest du Confeil d'Etat
qui ordonne , Que les Directeurs
du Domaine d'Occident,
reprefenteront inceffamment pardevant
Ms de Boucherat &
Puffort , Confeillers Ordinaires
au Confeil Royal , un état certifié
des Effets reftans de la Compagnie
des Indes Occidentales.
Tout ce que je pourrois dire
pour faire connoiftre com--
bien le Roy marque de bon--
té pour les Sujets par cet Ar
reft,le feroit beaucoup moins
Mars 1685,
"
B
18 MERCURE
1
que les paroles fuivantes
voir
du mefme Arreft . Et Sa Majesté
voulant eftre informée de la
quantité , & de la qualité des
Effets reftans à prefent , de ceux
laiffez en la dispofition defdits
Directeurs , tant dans les fles
qu'ailleurs , & prendre une connoiffance
particuliere de toutes
les Affaires de la Direction, comme
il a eftéfait pour les Compagnies
des Indes Orientales &
du Nord, & en confequence liquider
les pretentions des Creanciers
& Actionaires , qui demandent
le remboursement ,
mefme pourvoir audit rembour
GALANT. 191
S
fement , à ce qui fe trouvera
plus convenable pour l'augmentation
des Ifles Françoifes de
l'Amerique, & du Canada. Le
Roy étant en fon Confeil
donné, c...
apor-
Il vient auffi de paroiftreune
Déclaration du Roy concernant
la Compagnie des
Indes Orientales . Elle mar
que les grands foins que Sa
Majefté prend pour foûtenir
& faire fleurir fon Commerce ,,
afin de donner à fes Sujets
les occafions de négocier
dans les Pais les plus éloi--
gnez , d'acheter de la pre-
7
Bij
20 MERCURE
micre main les Marchandifes
qui viennent des Indes , &
qu'ils alloient prendre chez
les Etrangers voifins de ce
grand Royaume , & d'intraduire
mefme par le moyen
du Commerce la Religion
Chrétienne , inconnue pref
que dans tous ces Pais . Ja
mais Monarque s'eft- il appli
qué avec tant de prévoyance
& de bonté , à procurer l'a
bondance à les sujets , & à
augmenter la gloire de fon
Etat?
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Résumé : Arrests & Déclarations, [titre d'après la table]
Le texte relate les actions du monarque en faveur du bien-être de ses sujets et du développement du commerce. Le roi a fondé la Compagnie de Guinée, qui détient le monopole du commerce des esclaves, de la poudre d'or et d'autres marchandises sur la côte africaine, depuis la rivière de Serre-Lionne jusqu'au Cap de Bonne-Espérance. Cette initiative vise à augmenter le commerce et à procurer l'abondance dans le royaume. La compagnie est autorisée à occuper des terres, construire des forts, et établir des commandants et des soldats pour assurer sa sécurité. Le roi insiste également sur l'emploi exclusif de catholiques au sein de la compagnie et sur l'établissement de missionnaires pour propager la religion catholique. Le texte mentionne plusieurs déclarations et arrêts du Conseil d'État visant à punir les ministres de la religion prétendue réformée et à protéger les intérêts des sujets du roi. Par exemple, un arrêt oblige les protestants à remettre les minutes des contrats aux greffes des instances royales. Un autre arrêt exonère de droits de fret les navires étrangers apportant des céréales, facilitant ainsi l'importation de blé. Un autre arrêt prévoit le remboursement des étapes fournies aux troupes depuis 1676. Enfin, un arrêt concerne la liquidation des effets restants de la Compagnie des Indes Occidentales pour rembourser les créanciers et actionnaires, et pour augmenter les îles françaises d'Amérique et du Canada. Le roi montre ainsi une grande sollicitude pour le bien-être de ses sujets et pour le développement du commerce et de la religion catholique.
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3
p. 108-118
EPITRE CHAGRINE A MADEMOISELLE D. L. C.
Début :
Voicy un Ouvrage de l'Illustre Madame des Houlieres. / He bien, quel noir chagrin vous occupe aujourd'huy ? [...]
Mots clefs :
Gens, Temps, Respect, Amour, Loix, Époux, Achéron, Cour, Vivre, Commerce
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPITRE CHAGRINE A MADEMOISELLE D. L. C.
oicyun Ouvrage de l'IIluftre Madame des Houlieres. Sonnom vous répond de
fa beauté.
25222-22-2522:22225
EPITRE CHAGRINE
A MADEMOISELLE D.L.C.
H
E bien, quel noir chagrin vous
occupe aujourd'huy ?
M'eft venudemanderavec unfierfourire
Un jeune Seigneur , qu'on peut dire
Auffibeau que l'Amour , auffi traitre
que luy.
Vous gardez unprofondfilence.
( A t-il repris jurant à demy bas )
Eft- ceque vous ne daignez pas
GALANT 109
De ce que vous pensez mefaire confidence,
Ien'enfuispas peut- eftre affez digne.
Aces mots,
Pourjoindre un autre Fat,il m'a tourné le dos.
Q
Queldifcours pouvois -je luyfaire,
Moy qui dans ce meſme moment
Repaffois dans ma tefte avec étonnement
Dela nouvelle Cour la conduite ordinaire?
M'auroit-il jamais pardonné
La peinture vive &fincere
De cent vices aufquels il s'est abandonné?
Non , contre moyle dépit , la colere,
Le chagrin , tout auroit agy.
Mais quoy que mes difcours euffent pu
luy déplaire,
110 MERCURE
Son front n'en auroit point rougy.
BA
Iefçay defes pareilsjufqu'où l'audace monte.
Atoutce qui leurplaift ofent- ils s'emporter ,
Loin d'en avoir la moindre honte ,
Eux- mefmes vont en plaifanter.
BA
De leurs déreglemens Hiftoriens fidelles ,
Avec unfront d'airain ils feront mille fois
Unodieuxdétail des plus affreux
droits.
On diroit à les voir traiter de bagatelles ,
Les horreurs les plus criminelles ,
Que ce n'est point pour eux quefont
faites les Loix,
GALANT. III
Tant ils ont de mépris pour elles.
3
Avec gens fans merite & du rang
le plus bas
Ils font volontiers connoiffance.
Mais auffi quels égards &quelle dé
ference
Veut-on qu'on ait pour eux ?helas!
Ilsfont oublier leur naiſſance
Quandils ne s'enfouviennentpas.
Daignent-ils nousrendre visite,
Le plus ombrageux des Epoux
N'enfçauroit devenirjaloux.
Ce n'est pointpour noftre merite.
Leurs yeux n'en trouvent pointen
nous.
Ce n'est que pour parler de leur gain,
de leurperte ,
Se dirc que d'un vin qui les charmera tous ,
112 MERCURE
On a fait une heureuse &fure décou
verte ,
Se montrer quelques Billets doux,
Se dandiner dans une chaife ,
Faire tous leurs trocqs à leur aife,
Etfe donner des rendez- vous.
Siparun pur hazard quelqu'un d'entre eux s'avife ,
D'avoir des fentimens tendres , refpcctueux,
Tout le refte s'enformalife.
Il n'eſt pour l'arracher à ce panchant heureux ,
Affront qu'on ne luy faffe , horreurs
qu'on ne luy dife,
Et l'onfait tant qu'enfin il n'ofe eftre
amoureux.
$3
Cauferune heureavec des Femmes,
Leur prefenter la main , parler de
leurs attraits.
GALANT. ng
Entre lesjeunes gens font des crimes
infames
Qu'ils ne fe pardonnent jamais.
**
Où font ces cœurs galans ? Oùſont ces
ames fieres ?
Les Nemours , les Montmorancis
Les Bellegardes , les Buffys ,
Les Guifes & les Balompieres ?
S'il reste encor quelquesfoucis
Lors que de l'Acheron on a traversé
t'onde ,
Quelle indignation leur donnent les
récits
De ce qui fe paffe en ce monde !
Que n'y peuvent-ils revenir.
Par leurs bons exemples peut- effre
On verroit la tendreſſe &le respect
. renaistre
Que la débauche asceu bannir.
Septembre 168 .
K
114 MERCURE
CD
Mais des Destins impitoyables
Les Arrests font irrevocables ,
Quipaſſe l'Acheron ne le repasse plus
Rien ne ramenera l'ufage
D'estre galant , fidelle , fage,
Losjeunes gens pourjamaisſontperdus.
CD
A bien confiderer les chofes,
On a tort de fe plaindre d'eux.
De leurs déreglemens honteux
Nous fommes les uniques caufes.
Pourquoy leur permettre d'avoir
Ces impertinens caracteres ?
Que ne les renons - nous commefaifoient nos Meres ,
Dans le respect , dans le devoir !
Avoicnt-elles plus de pouvoir ,
Plus de beauté que nous , plus d'ef
prit, plus d'adreffe ?
1
GALANT. H
Ah !pouvons - nous penfer au temps
de leurjeuneffe
Etfans honte, &fans defefpoir !
Dans plus d'un Réduit agreable
On voyoit venir tour à tomr
Tout ce qu'unefuperbe Cour
Avoit de galant & d'aimable..
L'efprit, le refpect & l'amour
Yrépandoientfur tout un charme in
explicable.
Les innocens plaifirs par qui le pluslongjour
Plus vifte qu'un moment s'écoulé,,
Tousles foirs s'y trouvoient enfoule,
Et les tranfports , & les defirs.
Sans le fecours de l'efperance,
Ace qu'on dit , prenoient naiffances
Au milieu de tous ces plaifirs.
1
Cet heureux temps n'eft plus , un autre
aprisfaplace. Kij
116 MERCURE
Les jeunes gens portent l'audace
Iufques à la brutalité.
Quand ils nenousfont pas une incivilité ,
Ilfemble qu'ils nous faffent grace.
Mais , me répondra- t on, que voulez.
vous qu'on faffe?
Sice defordre n'eftsouffert,
Regardez quelfort nous menaces
Nos maisonsferont un defert.
Il eft vray ; mais feachez que lors
qu'on les en chaffe ,
Cen'est que du bruit que l'on perd.
Eft- ce unfi grandmalheur de voir fa
chambre vuide
Demédifans , dejeunes fous,
D'infipides railleurs, qui n'ont rien de
Solide
Que le mépris qu'ils ontpournous ?
GALANT. 117
*3
Ouy , par nos indignes manieres
Ils ont droit de nous méprifer.
Si nous eftions plus fages &plus
fieres
On les verroit en mieux ufer.
Mais inutilemet on traite cesmatieres,
On yperdfa peine &fon temps.
Aux dépens defagloire on cherche des
Amans.
Qu'importe que leurs cœurs foient
fans delicateffe,
Sans ardeur , fansfincerité.
On les quitte de foins & defidelité,
De respect & de politeſſe,
On ne leur donne pas le temps
fonbaiter
de
Ce qu'au moins par des pleurs , des
foins , des compla fances
On devroit leurfaire acheter.
118 MERCURE
On les gafte , on leurfait de honteu
fes avance's Jac
Qui ne font que les dégouter.
$3
Vous, aimable Daphné, quel'aveugle
fortune
Condamne à vivre dans des lieux
où l'on ne connoit point cette foule
importune
Quifuit icy nos demy.Dieux.
Ne vous plaignez jamais de vostre
deftinée.
Il vaut mieux mille & mille fois
Avec vos Rochers & vos Bois ,
S'entretenir toute l'année ,
Que de paffer une heure ou deux
Avec un tas d'Etourdis, de Cocquettes .
Des Ours & des Serpens de vosfom.
bres retraites ,
Lecommerce eft moins dangereux..
fa beauté.
25222-22-2522:22225
EPITRE CHAGRINE
A MADEMOISELLE D.L.C.
H
E bien, quel noir chagrin vous
occupe aujourd'huy ?
M'eft venudemanderavec unfierfourire
Un jeune Seigneur , qu'on peut dire
Auffibeau que l'Amour , auffi traitre
que luy.
Vous gardez unprofondfilence.
( A t-il repris jurant à demy bas )
Eft- ceque vous ne daignez pas
GALANT 109
De ce que vous pensez mefaire confidence,
Ien'enfuispas peut- eftre affez digne.
Aces mots,
Pourjoindre un autre Fat,il m'a tourné le dos.
Q
Queldifcours pouvois -je luyfaire,
Moy qui dans ce meſme moment
Repaffois dans ma tefte avec étonnement
Dela nouvelle Cour la conduite ordinaire?
M'auroit-il jamais pardonné
La peinture vive &fincere
De cent vices aufquels il s'est abandonné?
Non , contre moyle dépit , la colere,
Le chagrin , tout auroit agy.
Mais quoy que mes difcours euffent pu
luy déplaire,
110 MERCURE
Son front n'en auroit point rougy.
BA
Iefçay defes pareilsjufqu'où l'audace monte.
Atoutce qui leurplaift ofent- ils s'emporter ,
Loin d'en avoir la moindre honte ,
Eux- mefmes vont en plaifanter.
BA
De leurs déreglemens Hiftoriens fidelles ,
Avec unfront d'airain ils feront mille fois
Unodieuxdétail des plus affreux
droits.
On diroit à les voir traiter de bagatelles ,
Les horreurs les plus criminelles ,
Que ce n'est point pour eux quefont
faites les Loix,
GALANT. III
Tant ils ont de mépris pour elles.
3
Avec gens fans merite & du rang
le plus bas
Ils font volontiers connoiffance.
Mais auffi quels égards &quelle dé
ference
Veut-on qu'on ait pour eux ?helas!
Ilsfont oublier leur naiſſance
Quandils ne s'enfouviennentpas.
Daignent-ils nousrendre visite,
Le plus ombrageux des Epoux
N'enfçauroit devenirjaloux.
Ce n'est pointpour noftre merite.
Leurs yeux n'en trouvent pointen
nous.
Ce n'est que pour parler de leur gain,
de leurperte ,
Se dirc que d'un vin qui les charmera tous ,
112 MERCURE
On a fait une heureuse &fure décou
verte ,
Se montrer quelques Billets doux,
Se dandiner dans une chaife ,
Faire tous leurs trocqs à leur aife,
Etfe donner des rendez- vous.
Siparun pur hazard quelqu'un d'entre eux s'avife ,
D'avoir des fentimens tendres , refpcctueux,
Tout le refte s'enformalife.
Il n'eſt pour l'arracher à ce panchant heureux ,
Affront qu'on ne luy faffe , horreurs
qu'on ne luy dife,
Et l'onfait tant qu'enfin il n'ofe eftre
amoureux.
$3
Cauferune heureavec des Femmes,
Leur prefenter la main , parler de
leurs attraits.
GALANT. ng
Entre lesjeunes gens font des crimes
infames
Qu'ils ne fe pardonnent jamais.
**
Où font ces cœurs galans ? Oùſont ces
ames fieres ?
Les Nemours , les Montmorancis
Les Bellegardes , les Buffys ,
Les Guifes & les Balompieres ?
S'il reste encor quelquesfoucis
Lors que de l'Acheron on a traversé
t'onde ,
Quelle indignation leur donnent les
récits
De ce qui fe paffe en ce monde !
Que n'y peuvent-ils revenir.
Par leurs bons exemples peut- effre
On verroit la tendreſſe &le respect
. renaistre
Que la débauche asceu bannir.
Septembre 168 .
K
114 MERCURE
CD
Mais des Destins impitoyables
Les Arrests font irrevocables ,
Quipaſſe l'Acheron ne le repasse plus
Rien ne ramenera l'ufage
D'estre galant , fidelle , fage,
Losjeunes gens pourjamaisſontperdus.
CD
A bien confiderer les chofes,
On a tort de fe plaindre d'eux.
De leurs déreglemens honteux
Nous fommes les uniques caufes.
Pourquoy leur permettre d'avoir
Ces impertinens caracteres ?
Que ne les renons - nous commefaifoient nos Meres ,
Dans le respect , dans le devoir !
Avoicnt-elles plus de pouvoir ,
Plus de beauté que nous , plus d'ef
prit, plus d'adreffe ?
1
GALANT. H
Ah !pouvons - nous penfer au temps
de leurjeuneffe
Etfans honte, &fans defefpoir !
Dans plus d'un Réduit agreable
On voyoit venir tour à tomr
Tout ce qu'unefuperbe Cour
Avoit de galant & d'aimable..
L'efprit, le refpect & l'amour
Yrépandoientfur tout un charme in
explicable.
Les innocens plaifirs par qui le pluslongjour
Plus vifte qu'un moment s'écoulé,,
Tousles foirs s'y trouvoient enfoule,
Et les tranfports , & les defirs.
Sans le fecours de l'efperance,
Ace qu'on dit , prenoient naiffances
Au milieu de tous ces plaifirs.
1
Cet heureux temps n'eft plus , un autre
aprisfaplace. Kij
116 MERCURE
Les jeunes gens portent l'audace
Iufques à la brutalité.
Quand ils nenousfont pas une incivilité ,
Ilfemble qu'ils nous faffent grace.
Mais , me répondra- t on, que voulez.
vous qu'on faffe?
Sice defordre n'eftsouffert,
Regardez quelfort nous menaces
Nos maisonsferont un defert.
Il eft vray ; mais feachez que lors
qu'on les en chaffe ,
Cen'est que du bruit que l'on perd.
Eft- ce unfi grandmalheur de voir fa
chambre vuide
Demédifans , dejeunes fous,
D'infipides railleurs, qui n'ont rien de
Solide
Que le mépris qu'ils ontpournous ?
GALANT. 117
*3
Ouy , par nos indignes manieres
Ils ont droit de nous méprifer.
Si nous eftions plus fages &plus
fieres
On les verroit en mieux ufer.
Mais inutilemet on traite cesmatieres,
On yperdfa peine &fon temps.
Aux dépens defagloire on cherche des
Amans.
Qu'importe que leurs cœurs foient
fans delicateffe,
Sans ardeur , fansfincerité.
On les quitte de foins & defidelité,
De respect & de politeſſe,
On ne leur donne pas le temps
fonbaiter
de
Ce qu'au moins par des pleurs , des
foins , des compla fances
On devroit leurfaire acheter.
118 MERCURE
On les gafte , on leurfait de honteu
fes avance's Jac
Qui ne font que les dégouter.
$3
Vous, aimable Daphné, quel'aveugle
fortune
Condamne à vivre dans des lieux
où l'on ne connoit point cette foule
importune
Quifuit icy nos demy.Dieux.
Ne vous plaignez jamais de vostre
deftinée.
Il vaut mieux mille & mille fois
Avec vos Rochers & vos Bois ,
S'entretenir toute l'année ,
Que de paffer une heure ou deux
Avec un tas d'Etourdis, de Cocquettes .
Des Ours & des Serpens de vosfom.
bres retraites ,
Lecommerce eft moins dangereux..
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Résumé : EPITRE CHAGRINE A MADEMOISELLE D. L. C.
L'épître adressée à Mademoiselle D.L.C. critique les mœurs et le comportement des jeunes gens de la cour. L'auteur exprime son chagrin face à la débauche et à l'audace des jeunes seigneurs, qui ne montrent ni honte ni respect. Ces derniers se vantent de leurs débauches et traitent les lois avec mépris. Ils fréquentent des personnes de basse extraction tout en exigeant des égards particuliers. Leurs visites sont motivées par des intérêts personnels, tels que discuter de leurs gains ou pertes. L'auteur déplore la disparition des valeurs passées, où régnait l'esprit, le respect et l'amour. Les jeunes gens actuels sont décrits comme brutaux et incivils, et leur comportement est encouragé par la société. L'auteur critique également les femmes qui permettent et encouragent ces comportements. Elle conclut en conseillant à Mademoiselle D.L.C. de se réjouir de vivre loin de cette cour corrompue, préférant la solitude à la compagnie de personnes superficielles.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 1-70
ETAT Du Gouvernement, des Moeurs, de la Religion, & du Commerce du Royaume de Siam, dans les pays voisins, & plusieurs autres particularités.
Début :
TOUS les jours les Mandarins qui sont destinez pour rendre [...]
Mots clefs :
Roi de Siam, Royaume, Ambassadeur, Siamois, Argent, Commerce, Nation, Chine, Manière, Marchandises, Officiers, Femmes, Fille, Pays, Étrangers, Terre, Talpoins, Corps, Ville, Fruit, Mandarins, Palais, Éléphants, Pagodes, Ministres, Alexandre de Chaumont
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ETAT Du Gouvernement, des Moeurs, de la Religion, & du Commerce du Royaume de Siam, dans les pays voisins, & plusieurs autres particularités.
ETAT
Du Gouvernement , des
Moeurs, de la Religion ,
& du Commerce du
Royaume de Siam, dans
les pays voisins , &plufieurs
autres particularités.
OUS les jours les
Mandarins qui font
deſtinez pour rendre
la juſtice s'aſſemblent
dans une falle où ils
donnent audiance , c'eſt comme
1a Cour du Palais à Paris ,& elle
2 RELATION
eſt dans le Palais du Roy , où
ceux qui ont quelque requête à
preſenter ſe tiennent à la porte
juſqu'à ce qu'on les appellé , &
quand on le fait ils entrent leur
requête à la main & la prefentent.
Les Etrangers qui intentent
procés au ſujet des marchandiſes,
la preſentent au Barcalon , c'eſt
le premier Miniſtre du Roy ,
qui juge toutes les affaires concernant
les Marchands & les
Etrangers ; en ſon abſence , c'eſt
ſon Lieutenant , & en l'absence
des deux , une maniere d'Eſche
wins. Il y a un Officier prépoſé
pour les tailles & tributs auquel
on s'adreſſe , & ainſi des autres
Officiers. Aprés que les affaires
font difcutées on les fait ſçavoir
aux Officiers du dedans du Palais
, qui en avertiſſent le Roy
eſtant lors ſur un Trône élevé
DU VOYAGE DE SIAM . 3
de trois braffes , tous les Mandarins
ſe proſternent la face contre
terre , & le Barcalon ou autres
des premiers Oyas , rapportent
au Roy les affaires & leurs jugemens
, il les confirme , ou il les
change ſuivant ſa volonté , c'eſt
à l'égard des principaux procés ,
& tres- ſouvent il ſe fait apporter
les procés au dedans du Palais
, & leur envoye ſon jugementpar
écrit.
Le Roy eſt tres- abſolu , on diroit
quaſi qu'il eſt le Dieu des
Siamois , ils n'ofent pas l'appeller
de ſon nom. Il châtie tres-feverement
le moindre crime ; car
ſes Sujets veulent eſtre gouvernez
la verge à la main , il ſeſert même
quelquefois des Soldats de ſa
garde pour punir les coupables
quand leur crime eſt extraordinaire
& fuffisamment prouvé.
Ceux qui font ordinairement ema
ij
4 RELATION
ployez ces fortes d'executions
font 150. Soldats ou environ qui
ont les bras peints depuis l'épaule
juſqu'au poignet ; les châtimens
ordinaires ſont des coups
de rottes , trente, quarante , cinquante
& plus , ſur les épaules des
criminels , felon la grandeur du
crime , aux autres il fait piquer
la tête avec un fer pointu : à l'égard
des complices d'un crime
digne de mort , aprés avoir fait
couper la tête au veritable criminel
, il la fait attacher au col
du complice , & on la laiſſe pourir
expoſée au Soleil fans couvrir
la tête pendant trois jours
&trois nuits , ce qui cauſe à celui
qui la porteune grande puantour,
Dans ce Royaume , la peine
du talion eſt fort en uſage , le
dernier des fupplices eſtoit , il n'y
a pas long-temps, de les condamDU
VOYAGE DE SIAM. یک
ner à la Riviere , qui eſt proprement
comme nos Forçats de Galere
, & encorepis ; mais maintenant
on les punit de mort. Le
Roy fait travailler plus qu'aucun
Roy de ſes predeceffeurs, en bâ
timens , à reparer les murs des
Villes , à édifier des Pagodes , à
embellir fon Palais , à bâtir des
Maiſons pour les Etrangers , & à
conſtruire des Navires à l'Euro .
peane , il eſt fort favorable aux
Etrangers , il en a beaucoup à
fon ſervice,& en prend quand il
en trouve .
Les Roys de Siam n'avoient'
pas accoûtumé de ſe faire voir
auſſi ſouvent que celui-cy. Ils
vivoient preſque ſeuls , celuy
d'apreſent vivoit comme les autres
: mais Monfieur de Berithe
Vicaire Apoftolique , s'eſtant ſer
vi d'un certain Brame , qui faifant
le plaiſant avoit beaucoup
1
a iij
6 RELATION
de liberté de parler à ce Monarque
, trouva le moyen de faire
connoître à ce Prince , la puif
fance & la maniere de gouverner
de nôtre grand Roy , & en même
temps les coûtumes de tous
les Roys d'Europe , de ſe faire
voir à leurs Sujets & aux Etrangers
; de maniere qu'ayant un
auffi grand ſens que je l'ay déja
remarqué , il jugea à propos de
voir Monfieur de Berithe , & enfuite
pluſieurs autres ; depuis ce
temps- là il s'eſt rendu affable &
acceſſible à tous les Etrangers.
On appelle ceux qui rendent la
justice ſuivant leurs differentes
fonctions , Oyas Obrat , Oyas
Momrat , Oyas Campheng, Oyas
Ricchou , Oyas Shaynan , Opran,
Oluan ; Oeun , Omun .
Comme autrefois les Roys ne
ſe faisoient point voir , les Miniftres
faifoient ce qu'ils vouloient,
DU VOYAGE DE SIAM. 7
mais le Roy d'apreſent qui a un
tres-grand jugement , & eſt un
grand Politique,veut ſçavoir tout;
il a attaché auprés de luy le Sei
gneur Conftans dont j'ay déja
parlé diverſes fois , il eſt Grec
de nation , d'une grande penetration
, & vivacité d'eſprit
&d'une prudence toute extraordinaire
, il peut & fait tout
fous l'autorité du Roy dans le
Royaume , mais ce Miniſtre n'a
jamais voulu accepter aucune des
premieres Charges que leRoyluy
a fait offrir pluſieurs fois. Le Barcalon
qui mourut ily a deux ans ,&
qui par le droit de ſa Charge
avoit le gouvernement de toutes
les affaires del'Etat , eſtoit homme
d'un tres-grand eſprit , qui
gouvernoit fort bien , & fe faifoit
fort aimer , celuy quiluy fucce
da eſtoit Malais de nation, qui eft
un pays voiſin de Siam , il ſe fera
iiij
8 RELATION
vit de Monfieur Baron , Anglois.
de nation , pour mettre mal Monſieur
Conftans dans l'eſprit du
Roy , & le luy rendre ſuſpect ,
mais le Roy reconnut ſa malice ,
il le fit battre juſqu'à le laiſſer
pour mort , & le dépoſſeda de ſa
Charge , celui qui l'occupe preſentement
vit dans une grande
intelligence avec Monfieur Conſtans
.
Comme par les loix introduites
par les Sacrificateurs des Idoles
qu'on nomme Talapoins , il
n'eſt pas permis de tuer , on condamnoit
autrefois les grands criminels
ou à la chaîne pour leur
vie , ou à les jetter dans quelques
deferts pout y mourir de faim ;
mais le Roy d'apreſent leur fait
maintenant trancher la teſte &
les livre aux Elephans .
Le Roy a des Eſpions pour
ſcavoir ſi on luy cache quelque
DU VOYAGE DE SIAM .
choſe d'importance , il fait châtier
tres - rigoureuſement ceux qui
abuſent de leur autorité . Chaque
Nation étrangere établie dans le
Royaume de Siam a ſes Officiers
particuliers , & le Roy prend de
toutes ces Nations- là des gens
qu'il fait Officiers generaux pour
tout ſon Royaume. Il y a dans
fon Etat beaucoup de Chinois ,
& il y avoit autrefois beaucoup
de Maures ; mais les années pafſées
il découvrit de ſi noires trahiſons
, des concuffions & des
tromperies ſi grandes dans ceux
de cette nation , qu'il en a obligé
un fort grand nombre à déferter
, & à s'en aller en d'autres.
Royaumes.
Le commerce des Marchands
Etrangers y eſtoit autrefois tresbon
, on y en trouvoit de toutes
parts ; mais depuis quelques années
,les diverſes revolutions qui
ΟΙ RELATION
font arrivées à la Chine , au Japon
& dans les Indes , ont empeſché
les Marchands Etrangers
de venir en ſi grand nombre.
On eſpere neanmoins, que puif
que tousces troubles font appaiſez
, le commerce recommencera
comme auparavant , & que le
Roy de Siam par le moyen de fon
Miniſtre envoyera fes Vaiſſeaux
pour aller prendre les Marchandi
ſes les plus precieuſes , & les
plus rares de tous les Royaumes
d'Orient,&remettra toutes chofes
en leur premier & fleuriſſant état.
Ils font la guerre d'une maniere
bien differente de celle de la plûpart
des autres nations , c'eſt à
dire à pouſſer leurs ennemis hors
de leurs places ſans pourtant
leur faire d'autre mal que de les
rendre eſclaves , & s'ils portent
des armes , c'eſt ce ſemble plûtôt
pour leur faire peur en les tirant
,
DU VOYAGE DE SIAM. II
contre terre , ou en l'air, que pour
les tuër , & s'ils le font c'eſt tout
au plus pour ſe deffendre dans la
neceſſité ; mais cette neceſſité
de tuër arrive rarement parce
que prefque tous leurs ennenemis
qui en uſent comme eux,ne
tendent qu'aux mêmes fins . Il ya
des Compagnies & des Regimens
qui ſe détachentde l'arméependát
la nuit,&vont enlever tous leshabitans
des Villages ennemis , &
font marcher hommes, femmes &
enfans que l'on fait eſclaves , &
le Roy leur donne des terres&
des bufles pour les labourer , &
quand le Roy en a beſoin il s'en
fert. Ces dernieres années , le
Roi a fait la guerre contre les
Cambogiens revoltez , aidez des
Chinois & Cochinchinois , où il
a fallu ſe battre tout de bon , & il
y a eu pluſieurs Soldats tuez de
part &d'autre ; il a eu pluſieurs
21 RELATION
Chefs d'Europeans qui les inſtrui
fent àcombattre en nôtre maniere .
Ils ont une continuelle guerre
contre ceux du Royaume de
Laos , qui eſt venuë , de ce qu'un
Maure tres-riche allant en ce
Royaume- là pour le compte du
Royde Siam,y reſta avec de grandes
ſommes , le Roy de Siam , le
demanda auRoy de Laos , mais
celui-cile luy refuſa, ce qui a obligé
le Roy de Siam de luydeclarer
la guerre.
Avant cette guerre ily avoit un
grand commerce entre leurs Etats,
& celuy de Siam en tiroit de
grands profits par l'extrême
quantité d'or , de muſc , de benjoüin
, de dents d'Elephant &
autres marchandiſes qui lui venoient
de Laos , en échange des
toiles & autres marchandiſes .
Le Roy de Siam a encore guerre
contre celui de Pegu ; il y a quanDU
VOYAGE DE SIAM . 13
tité d'Eſclaves de cette Nation .
Il y a pluſieurs Nations Etrangeres
dans ſon Royaume , les
Maures y estoient , comme j'ay
dit , en tres-grand nombre , mais
maintenant il y en a pluſieurs qui
font refugiez dans le Royaume
de Colconde, ils eſtoient au ſervice
du Roy , & ils luy ont emporté
plus de vingt mille catis , chaque
catis vallant cinquante écus , le
Roy de Siam écrivit au Roy de
Colconde de luy rendre ces perſonnes
ou de les obliger à luy
payer cette ſomme , mais le Roy
de Colconden'en voulutrien faire
, ny même écouter les Ambafſadeurs
qu'il luy envoya ; ce quia
fait que le Roy de Siam luy a
declaré la guerre & luy a pris
dans le tems que j'étois à Siam ,
un Navire dont la charge valloit
plus de centmille écus . Il y a fix
Fregates commandées par des
14
RELATION
François & des Anglois qui
croiſent ſur ſes côtes .
Depuis quelque temps l'Empereur
de la Chine a donné liberté
à tous les Etrangers de venir
negocier en ſon Royaume ;
cette liberté n'eſt donnée que
pour cinq ans , mais on efpere
qu'elle durera , puiſque c'eſt un
grand avatage pour ſon Royaume .
Ce Prince a grand nombre de
Malais dans ſon Royaume , ils
font Mahometans , & bons Soldats
, mais il y a quelque difference
de leur Religion à celle
des Maures. Les Pegovans font
dans ſon Etat preſque en auſſi
grande quantité queles Siamois
originaires du pays .
Les Laos y font en tres-grande
quantité , principalement vers
le Nort.
Il y a dans cet Etat huit ou neuf
familles de Portugais veritables ,
DU VOYAGE DE SIAM.
mais de ceux que l'on nomme
Meſties , plus de mille , c'eſt à dire
de ceux qui naiſſent d'un Portugais
& d'une Siamoiſe .
Les Hollandois n'y ont qu'une
facturie.
Les Anglois de même.
Les François de même.
Les Cochinchinois ſont environ
cent familles , la plupart
Chreftiens.
Parmy les Tonquinois ily en a
ſeptou huit familles Chrétiennes .
Les Malais y font en afſez grand
nombre,qui font la plupart eſclaves,&
qui par conſequent ne font
pointde corps .
Les Macaſſars & pluſieurs des
peuples de l'Iſle de Java y font
établis, de meſme que les Maures:
ſous le nom de ces derniers ſont
compris en ce pays- là, les Turcs,
les Perfans les Mogols les
Colcondois & ceux de Bengala .
, د
16 RELATION
Les Armeniens font un corps
à part , ils font quinze ou ſeize
familles toutes Chrétiennes , Catholiques
, la plupart ſont Cavaliers
de la garde du Roy.
A l'égard des moeurs des Siamois
ils font d'une grande docilité
qui procede plûtoſt de leur
naturel amoureux du repos que
de toute autre cauſe , c'eſt pourquoi
les Talapoins qui fontprofeffion
de cette apparente vertu ,
defendentpour cela de tuër toutes
fortes d'animaux ; cependant lorfque
tout autre qu'eux tuë des
poules & des canards , ils en mangentla
chair ſans s'informer qui
les a tués , ou pourquoi on les a
tués , & ainſi des autres animaux .
Les Siamois font ordinairement
chaſtes , ils n'ont qu'une femme ,
mais les riches comme les Mandarins
ont des Concubines , qui
demeurent enfermées toute leur
vie
DU VOYAGE DE SIAM. 17
vie. Le peuple eſt aſſez fidele &
ne volle point ; mais il n'en eft
pas de même de quelques-uns des
Mandarins , les Malais qui font
en tres-grand nombre dans ce
Royaume- là font tres- méchants
&grands voleurs .
Dans ce grand Royaume il y
a beaucoup de Pegovans qui
ont eſté pris en guerre , ils font
plus remuants que les Siamois
& font d'ordinaire plus vigoureux
, il y a parmy les femmes du
libertinage , leur converſation eft
perilleuſe.
Les Laos peuplent la quatriéme
partie du Royaume de Siam",
comme ils font à demy Chinois ,
ils tiennent de leur humeur , de
leur adreſſe& de l'inclination a
voller par fineſſe; leurs femmes
font blanches & belles , tres - familieres
& par confequent dangereuſes.
Dans le Royaume de
b
18 RELATION
Laos , un homme qui rencontre
une femme pour la falüer avec
la civilité accoûtumée , la baife
publiquement ; & s'il ne le faiſoit
pas il l'offenferoit .
Les Siamois tant Officiers que
Mandarins ſont ordinairement
riches , parce qu'ils ne dépenfent
preſque rien , le Roy leur
donnant des valets pour les fervir
, ces valets font obligez de ſe
nourir à leurs dépens, eſtant com--
me efclaves,ils font en obligation
de les ſervir pour rien pendant:
la moitié de l'année : & comme
cesMeſſieurs-làen ontbeaucoup,
ils ſe ſervent d'une partie pendant
que l'autre ſe repoſe ; mais
ceux qui ne les ſervent point:
leur payent une fomme tous les
ans , leurs vivres font à bon marché
, car ce n'eſt que duris , du
poiffon , & tres -peu de viande, &
tout cela eft en abondance dans
DU VOYAGE DE SIAM . 19
leur pays ; leurs vêtemens leur
fervent long- temps , ce ne font
que des pieces d'étoffes toutes
entieres qui ne s'uſent pas fi faci
lement que nos habits &ne coutent
que tres-peu : la plupart des
Siamois font Maſſons ou Charpentiers
, & il y en a de tres habiles,
imitant parfaitement bien les
beaux ouvrages de l'Europe en
Sculpture& en dorure. Pour ce
qui eſt de la peinture ils ne ſçavent
point s'en ſervir , il y a des
ouvrages en Sculpture dans leurs
Pagodes , & dans leurs Mauſolées
fort polis & tres-beaux.
Ils en font auſſi de tres -beaux
avec de la chaux , qu'ils détrempent
dans de l'eau qu'ils tirent de
l'écorce d'un arbre qu'on trouve
dans les Forefts , quilarend ſi forte,
qu'elle dure des cent& deux
cens ans , quoi qu'ils foient expoſés
aux injures du temps ..
bij
20 RELATION
1
i
1.
i
Leur Religion n'eſt à parler proprement
qu'un grand ramas
d'Hiſtoires fabuleuſes , qui ne
tend qu'à faire rendre des hommages
& deshonneurs auxTalapoins,
qui ne recommandent tant:
aucune vertu que celle de leur
faire l'aumône , ils ont des loix
qu'ils obfervent exactement au
moins dans l'exterieur ; leur fin
dans toutes leurs bonnes oeuvres
eſt l'eſperance d'une heureuſe
tranfmigration aprés leur mort ,
dans le corps d'un homme riche ,..
d'un Roy , d'un grand Seigneur
ou d'un animal docile , comme
font les Vaches & les Moutons :
car ces peuples-là croyent la Metempſicoſe
; ils eſtiment pour cette
raiſonbeaucoup ces animaux ,
&n'ofent, comme je l'ai déja dit,
en tuër aucun , craignant de donner
la mort à leur Pere ou à leur
Mere , ou à quelqu'un de leurs
DU VOYAGE DE SIAM . 2
parens . Ils croyent un enfer où les
énormes pechez ſont ſeverement .
punis , ſeulement pour quelque
temps , ainſi qu'un Paradis , dans
lequel les vertus fublimes ſont
recompenſées dans le Ciel , où aprés
eſtre devenus des Anges
pour quelque temps , ils retournent
dans quelque corps d'hom--
me ou d'animal .
L'occupation des Talapoins .
eſt de lire , dormir, manger, chan--
ter , & demander l'aumône ; de
cette forte , ils vont tous les matins
ſe preſenter devant la porte
ou balon des perſonnes qu'ils connoiffent
,&ſe tiennent-là unmométavecunegrande
modeſtie ſans
rien dire, tenant leur évantail , de
maniere qu'il leur couvre la moitié
du viſage , s'ils voyent qu'on ſe
diſpoſe àleur donner quelque choſe
, ils attendent juſqu'à ce qu'ils
l'ayent receuë ; ils mangent de
biij
22 RELATION
د
3
tout ce qu'on leur donne même
des poulles & autres viandes
mais ils ne boiventjamais de vin ,
au moins en prefence des gens du
monde; ils ne font point d'office
ny de prieres à aucune Divinité.
Les Siamois croyent qu'il y a eu
trois grands Talapoins , qui par
leurs merites tres-fublimes acquis
dans pluſieurs milliers de tranſmigrations
ſont devenus des Dieux ,
&aprés avoir eſté faits Dieux ,
ils ont encore acquis de ſi grands
merites qu'ils ont eſté tous aneantis
, ce qui eſt le terme du plus .
grand merite & la plus grande recompenſe
qu'on puiffe acquerir ,
pour n'eſtre plus fatigué en changeant
ſi ſouventde corps dans un
autre; le dernier de ces trois Ta--
lapoins eſt le plus grand Dieu appellé
Nacodon , parce qu'il a eſté
dans cinq mille corps , dans l'une
de ces tranfmigrations , de Talapoin
il devint vache , fon frere le
DU VOYAGE DE SIAM .
23
voulut tuër pluſieurs fois ; mais il
faudroit un gros livre pour décrire
les grands miracles qu'ils difent
que la nature& non pasDieu,
fit pour le proteger : enfin ce frere
fut precipité en Enfer pour ſes
grands pechez , où Nacodon le
fit crucifier ; c'eſt pour cette raifon
qu'ils ont en horreur l'Image
de Jeſus-Chriſt crucifié , diſant
que nous adorons l'Image de ce
frere de leur grand Dieu , qui
avoit eſté crucifié pour ſes crimes ..
CeNacodon eſtant doncaneanti,
il ne leur reſte plus de Dieu à
preſent , ſaloy ſubſiſte pourtant ;
mais ſeulement parmi les Talapoins
qui diſent qu'aprés quelques
fiecles il y aura un Ange qui
viendra ſe faire Talapoin ,& enfuite
Dieu Souverain , qui par ſes
grands merites pourra être anean
ti : voilà le fondement de leur
creance ; car il ne faut pas s'imaginer
qu'ils adorent les Idoles
24 RELATION
"
1
qui font dans leurs Pagodes comme
des Divinitez , mais ils leur
rendent ſeulement des honneurs'
comme à des hommes d'un grand
merite , dont l'ame eſt à preſent
en quelque Roy , vache ou Talapoin
: voilà en quoi conſiſte leur
Religion , qui à proprement parler
ne reconnoît aucun Dieu , &
qui n'attribuë toute la recompenſede
la vertu qu'à la vertumême ,
qui a par elle le pouvoir de rendre
heureux celuy dont elle fair
paſſer l'ame dans le corps de quelque
puiſſant & riche Seigneur
ou dans celuy de quelque vache ,
levice ,diſent-ils, porte avec ſoy
ſon châtiment , en faiſant paffer
l'ame dans le corps de quelque
méchant homme , de quelque
Pourceau , de quelque Corbeau ,
Tigre ou autre animal. Ils admetrent
des Anges , qu'ils croyent
eſtre les ames des juſtes & des
bons
2
L
L
DUVOYAGE DE SIAM. 25
bons Talapoins; pour ce qui eſt des
Demons , ils eſtiment qu'ils font
les ames des méchans .
Les Talapoins font tres-refpe-
Etés de tout le peuple , & même
du Roy, ils ne ſe profternent point
lorſqu'ils luy parlent comme le
font les plusgrands du Royaume ,
& le Roy & les grands Seigneurs
les ſaluënt les premiers ; lorſque
ces Talapoins remercient quelqu'un,
ils mettentla main proche
leur front , mais pour ce qui eſt du
petit peuple, ils ne le ſalüent point ;
leurs vêtemens ſont ſemblables à
ceux des Siamois ,àla referve que
la toile eſt jaune , ils font nuds
jambes & nuds pieds fans chapeau
, ils portent ſur leur tête un
évantail fait d'une fcüille de palme
fort grande pour ſe garantir
du Soleil , qui eſt fort brûlant ;
ils ne font qu'un veritable repas
par jour, à ſçavoir le matin , & ils
G
26 RELATION
ne mangent le ſoir que quelques
bananes ou quelques figues ou
d'autres fruits ; ils peuvent quitter
quand ils veulent l'habit de
Talapoin pour ſe marier , n'ayant
aucun engagement que celuy de
porter l'habit jaune , & quand ils
le quittentils deviennent libres ;
cela fait qu'ils font en ſi grand
nombre qu'ils font preſque le tiers
du Royaume de Siam . Ce qu'ils
chantent dans les Pagodes font
quelques Hiſtoires fabuleuſes.,
entremêlées de quelques Sentences;
celles qu'ils chantent pendant
les funerailles des Morts font ,
nous devons tous mourir , nous
ſommes tous mortels ; on brûle les
corps morts au ſon des muſettes
& autres Inſtrumens , on dépenſe
beaucoup à ces funerailles , &
aprés qu'on a brûlé les corps de
ceux qui font morts , l'on met
leurs cendres ſous de grandes piramides
toutes dorées , élevées à
DU VOYAGE DE SIAM. 27
l'entour de leur Pagodes. Les
Talapoins pratiquent une eſpece
de Confeſſion ; car les Novices
vont au Soleil levantſe proſterner
ou s'affeoir fur leurs talons & marmottent
quelques paroles , aprés
quoy le vieux Talapoin leve la
main à côté deſa joie & lui donne
une forte de benediction , aprés
laquelle le Novice ſe retire.
Quand ils prêchent, ils exhortent
de donner l'aumône au Talapoin ,
& ſe creyent fort ſçavants , lorfqu'ils
citent quelques paſſages
de leurs Livres anciens en Langue
Baly , qui eft comme le Latin
chez nous; cette Langue eſt tresbelle
& emphatique , elle a ſes
conjuguaiſons comme la Latine.
Lorſqueles Siamois veulent ſe
marier , les parens de l'homme
vont premierement ſonder la volontéde
ceux de la fille, & quand
ils ont fait leur accord entr'eux
cij
28 RELATION
les parens du garçon vont preſenter
ſept boſſettes ou boiſtes de
betel & d'arest à ceux de la fille ,
& quoy qu'ils les acceptent &
qu'on les regarde déja comme
mariez le mariage ſe peut rompre
, & on ne peut encore асси-
fer devant le Juge , ny les uns ny
les autres , s'ils le ſeparent aprés
cette ceremonie .
Quelques jours aprés les parens
de l'homme le vont preſenter , &
il offre luy-même plus de boſſettes
qu'auparavant ; l'ordinaire eft
qu'il y en ait dix ou quatorze ,
& lors celuy qui ſe marie demeure
dans la maiſon de ſon beaupere,
ſans pourtant qu'il y ait conſommation
, & ce n'eſt que pour
voir la fille & pour s'accoûtumer
peu à peu à vivre avec elle durant
un ou deux mois ; aprés cela
tous les parens s'aſſemblent
avec les plus anciens de la caſte
ou nation ; ils mettent dans une
DU VOYAGE DE SIAM. 2.9
bourſe, l'un un anneau & l'autre
des bracelets , l'autre de l'argent ,
il y en a d'autres qui mettentdes
pieces d'étoffes au milieu de la table
: enſuite le plus ancien prend
une bougie allumée & la paffe
ſept fois au tour de ces prefens,
pendant que toute l'aſſemblée
crie en ſouhaitant aux Epoux un
heureux mariage , une parfaite
ſanté &une longue vie , ils mangent
& boivent enfuite , & voilà
le mariage achevé. Pour le dot
c'eſt comme en France , finon
que les parens du garçon portent
ſon argent aux parens de la fille ,
mais tout cela revient à un ; car
le dot de la fille eſt auſſi mis à
part , & tout eſt donné aux nouveaux
mariez pour le faire valoir.
Si le mary repudie ſa femme ſans
forme de Juſtice , it perd l'argent
qu'onluy a donné, s'illarepudie
par Sentence de Juge , qui
č iij
30
RELATION
ne la refuſe jamais, les parensde
la fille luy rendent ſon bien ; s'il
y a des enfans , ſi c'eſt un garçon
ou une fille , le garçon fuit la mere
, & la fille le pere , s'il y a deux
garçons & deux filles , un garçon
&une fille vont avec le pere, &
un garçon & une fille vont avec
lamere.
,
Al'égarddes monnoyes ilsn'en
ontpoint d'or , la plus groſſe d'argent
s'appelle tical , & vaut environ
quarante ſols , la ſeconde
mayon qui péſe la quatriéme partie
d'un tical , & vaux dix fols
la troiſieme eſt un foüen , qui
vaut cinq ſols , la quatriéme eſt
un fontpaye qui vaut deux fols
&demy, enfin les plus baſſes monnoyes
font les coris qui font des
coquillages que les Hollandois
leur portent des Maldives , ouυ
qui leur viennent des Malais &
des Cochinchinois ou d'autres
DU VOYAGE DE SIAM. 31
côtez , donthuit cens valent un
fouën qui eſt cinq fols .
le
Al'égard des Places fortes dur
Royaume , il ya Bancoc qui eft
environ dix lieuës dans la Riviere
de Siam , où il y a deux Forterefſes
, comme j'ay déja dit. Il y a la
Ville Capitale nommée Juthia ,
autrement nommée Siam , qu'on
fortifie de nouveau par une enceinte
de murailles de bricque ;
Corfuma frontiere contre
Royaume de Camboye eſt peu
forte; Tanaferin à l'oppoſite de la
côte de Malabar eft peu fortifiée .
Merequi n'eſt pas fortifiée, mais
ſe pouroit fortifier , & on y pouroit
faire un bon Port. Porcelut
frontiere de Laos eſt auſſi peu
fortifiée . Chenat n'a que le nom
de Ville , & il reſte quelque apparence
de barrieres , qui autrefois
faifoient fon mur. Louvo où
le Roy demeure neuf mois de
c iiij
32 RELATION
l'année , pour prendre le plaiſir
de la chaſſe del'Elephant & du
Tygre , étoit autrefois un aſſem-
Blage de Pagodes entouré de
terraffes , mais à preſent le Roy
l'arendu incomparablement plus
beau par les Edifices qu'il y fait
faire , & quant au Palais qu'il ya
it l'a extrêmement embelli par les
caux qu'il y fait venir des Montagnes.
Patang eſt un Port des plus
beaux du côté des Malais , où
l'on peut faire grand commerce.
LeRoy de Siam a refuſé aux Compagnies
Angloiſes & Hollandoiſes
de s'y établir : l'on y pourroit
faire un grand établiſſement qui
feroit plus avantageux que Siam
àcausede la ſituation du lieu ; les
Chinois y vont& pluſieurs autres
Nations , on peut s'y fortifier aifément
fur le bord de la Riviere .
CettePlace appartient àune Rey
DU VOYAGE DE SIAM. 33
nequi eſt tributaire du Roy de
Siam , qui à parler proprement en
eſt quaſi le maître .
Quant à leurs Soldats ce n'étoit
point lacoûtume de les payer;
le Roy d'apreſent ayant ouy dire
que les Roys d'Europe payoient
leurs troupes , voulut faire la ſupputationà
combien monteroit la
paye d'un foüen par jour , qui eſt
cinq fols ; mais les Controlleurs
luy firent voir qu'il falloit des
ſommes immenfes , à cauſe de la
multitude de ſes Soldats , de forte
qu'il changea cette paye en ris
qu'il leur fait diſtribuer , du depuis
, il y en a ſuffisamment pour
Ieurs nourritures, &cela lesrend
tres- contens ; car autrefois il falloit
que chaque Soldat ſe fournit
de ris , & qu'il le portât avec ſes
armes, ce qui leur peſoitbeaucoup .
A l'égard de leurs Bâteaux &
Vaiſſeaux , leurs Balons d'Etat ou
34
RELATION
Bâteaux que nous appellons font
les plus beauxdu monde; ils font
d'un ſeul arbre , &d'une longueur
prodigieuſe , il y ena qui tiennent
cinquante juſqu'à cent & cent
quatre-vingt rameurs ; les deux
pointes font tres- relevées , & celuy
qui les gouverne donnant du
pied ſur lapoupefait branler tout
le Balon , & l'on diroit que c'eſt
un Cheval qui ſaute,touty eft doré
avec des Sculptures tres- belles
, & au milieu il y a un Siege
fait en forme de Trône en piramide
, d'une Sculpture tres- belle
& toute dorée , & il y en a de
plus de cent ornemens differents,
mais tous bien dorez &tres-beaux.
Autrefois ils n'avoient que des
Navires faits comme ceux de la
Chine , qu'on nomme Somme ; il
y ena encore pour aller auJapon,
à la Chine , à Tonquin ; mais le
Roy a fait faire pluſieurs Vaif-
1
DU VOYAGE DE SIAM. 35
feaux à l'Europeenne , & en a
acheté des Anglois quelques-uns,
tous agréés & appareillés . Il y a
environ cinquante Galeres pour
garder la Riviere & la côte ; ſes
Galeres ne font pas comme ceux
de France , il n'y a qu'un homme
àchâque Rame , & font environ
quarante ou cinquante au plus fur
chacune ; les Rameurs fervent de
Soldats , le Royne ſe ſert que des
Mores , des Chinois&des Malabars
pour naviger , & s'il y met
quelque Siamois pour Matelots,
cen'eſt qu'en petit nombre,& afin
qu'ils apprennent la navigation.
LesCommandants de ſes Navires
font Anglois ou François , parce
que les autres Nations font tresméchants
navigateurs .
Il envoye tous les ans cinq ou
fix de ces Vaiſſeaux appellez
Sommes à la Chine , dont il y en
a de mille juſqu'à quinze cens
36 RELATION
Tonneaux chargés de quelques
draps , corail , de diverſes marchandiſes
de la côte de Coromandel
& de Suratte , du ſalpêtre , de
l'étain &de l'argent; il en tire des
ſoyes cruës , des étoffes de ſoye ,
des ſatin's de Thé , dumufc , de la
rubarbe , des poureelines , des
ouvrages vernis , du bois de la
Chine , de l'or , & des rubis . Ils
ſe ſervent de pluſieurs racines
pour la Medecine , entr'autres de
la couproſe , ce qui leur apporte
de grands profits .
Le Roy envoye au Japon deux
ou trois Sommes , mais plus petites
que les autres , chargées des
mêmes marchandises , & il n'eſt
pas neceſſaire d'y envoyer de
l'argent ; les marchandiſes que
L'ony porte ſont des moindres ,
&au meilleur marché , les cuirs
de toutes fortes d'animaux y font
bons , & c'eſt la meilleure marDU
VOYAGE DE SIAM. 37
chandiſe que l'on y peut porter ;
on en tire de l'or , de l'argent en
barre , du cuivre rouge , toutes
fortes d'ouvrages d'Orphevrerie ,
des paravants , des Cabinets vernis
,des porcelines , du Thé &
autres choſes ; il en envoye quelquefois
un , deux & trois au
Tonquin de deux à trois cent tonneaux
au plus , avec des draps ,
de corail , de l'Etain , de l'Ivoire ,
du poivre , du ſalpêtre , du bois
de ſapin, & quelques autres marchandiſes
des Indes & de l'argent
au moins le tiers du capital,
on en tire du muſc , des étoffes
de ſoye , de la ſoye crüe , & jaune,
des Camelots , de pluſieurs fortes
de ſatins , du velours , toutes fortes
de bois vernis , des porcelines
propres pour les Indes , & de l'ar
-en barre , à Macao , le Roy envoye
un Navire au plus chargé
de pareilles Marchandiſes qu'à la
38
RELATION
•
Chine. On y peut encore envoyer
quelque mercerie , des dentelles
d'or , d'argent & de foye & des
armes , on en tire des mêmes
marchandiſes que de la Chine ,
mais pas à ſi bon compte.
A Labs le commerce ſe fait par
terre ou par la Riviere , ayant des
bâteaux plats , on y envoye des
draps & des toiles de Surate , &
de la côte , & on en tire des rubis
, du muſc , de la gomme ,
des dents d'Elephans, du Canfre ,
des cornes de Rinocerot , des
peaux de Buffes & d'Elans , à
tres-bon marché , & il y a grand
profit à ce commerce que l'on
fait ſans riſque.
ACamboye on envoye des petites
barques avec quelques draps,
des toiles de Surate & de la côte,
des uſtenciles de cuiſine qui viennent
de la Chine , on en tire des
dents d'Elephans , du benjoüin ,
DU VOYAGE DE SIAM. 39
trois fortes de gomes gutte , des
peaux de Buffes , & d'Elans , des
nids d'oiſeaux pour la Chine dont
je parleray bien- toft & des nerfs
de Cerfs .
On envoye auſſi à la Cochinchine
, mais rarement : car de peuple
n'eſt pas bien traitable , parce
qu'ils font la plupart de méchante
foy , ce qui empéche le commerce
, on y porte de l'argent
du Japon où l'on profite confiderablement
, du laurier rouge ,
de la cire jaune, duris , du plomb,
du ſalpêtre , quelques draps rouges&
noirs , quelques toiles blanches
, de la terre rouge , du vermillon
& vif argent.
On en tire de la ſoye cruë , du
fucre candy , & de la cafſonnade
, peu de poivre , des nids
d'oiſeaux qui ſont faits comme
ceux des Irondelles qu'on trouve
fur des Rochers au bord de
J
40 RELATION
la mer , ils font de tres-bon commerce
pour la Chine & pour pluſieurs
autres endroits ; car aprés
avoir bien lavé ces nids & les
avoir bien feichés ils deviennent
durs comme de la corne , & on
les met dans des boüillons ; ils
font admirables pour les maladies
de langueur &pour les maux d'eftomach
, j'en ay apporté quelques-
uns en France , du bois d'aigle
&de Calamba , du cuivre &
autres marchandises qu'on y apporte
du Japon , de l'or de plufieurs
touches , & du bois de fapan.
Lorſqu'on ne trouve pas de
Navire à Fret , on en envoye un
à Surate , chargé avec du cuivre ,
de l'étain , du ſalpêtre , de l'alun ,
des dents d'Elephants , du bois
de ſapan , &pluſieurs autres marchandiſes
qui viennent des autres
parts des Indes , on en tire des
toiles
DU VOYAGE DE- SIAM. 41
& autres marchandifes d'Europe,
quand il n'en vient point à Siam .
On envoye à la côte de Coromandel
, Malabar , & Bengala
&de Tanaferin , des Elephans
de l'étein , du ſalpêtre , du, cuivre
du plomb , & l'on en tire des toiles
de toutes fortes ,
,
On envoye à Borneo rarement ;
c'eſt une Iſle qui eſt proche de
celle de Java , d'où l'on tire du
poivre . du ſangde Dragon , camphre
blanc , cire jaune ,bois d'aigle
, du bray , de l'or , des perles,
&desdiamans les plus beaux du
monde ; on y envoye des marchandiſes
de Surate , c'eſt à dire
des toiles , quelques pieces de
drap rouge & vert , & de l'argent
d'Eſpagne..
Le Prince qui poffede cette Ifle
ne fouffre qu'avec peine le commerce
, & il craint toûjours d'êtte
ſurpris ; il ne veut pas permetd
42
RELATION
tre à aucune Nation Europeenne
de s'établir chez luy. Il y a cu
des François qui y ont commercé
, il ſe fie plus à eux qu'à aucune
autre Nation .
On envoye encore à Timor
Ifle proche des Molucques , d'où
l'on tire de la cire jaune & blanche
, de l'or de trois touches , des
eſclaves, du gamouty noir , dont
on ſe ſett pour faire des cordages
, & on y envoye des toiles de
Surate , du plomb, des dents d'Elephans,
de la poudre, de l'eau-devie
, quelques armes , peu de drap
rouge & noir , & de l'argent. Le
peuple y eſt paiſible , & negocie
fort bien . Il y a grand nombre
de Portugais.
Al'égard des Marchandiſes du
crû de Siam , il n'y a que de l'étain
, du plomb , du bois de fapan,
de l'Ivoire , des cuirs d'Elans.
& d'Elephans ; il y aura quantité
1
1
!
DU VOYAGE DE SIAM. 43
de poivre en peu de temps , c'eſt
à dire l'année prochaine ,de larrek
, du fer en petits morceaux ,
du ris en quantité , mais l'on y
trouve des marchandises de tous
les lieux ſpecifiés ci-deſfus , & à
affez bon compte. On y apporte
quelques draps & ferges d'Angleterre,
peu de corail &d'ambre,
des toiles de la côte de Coromandel
& de Surate , de l'argent en
piaſtre que l'on trocque ; mais
comme je l'ai dit maintenant ,
que la plupart des Marchands ont
quitté depuis que le Roi a voulu
faire le commerce , les Etrangers
n'y apportent que tres-peu de
choſes ,que les Navires qui ont
accoûtumé d'yvenir n'y font pas
venus l'année derniere , &on n'y
trouve rien , & fi peu qu'il y en
a , il eſt entre les mains du Roi ,
& ſes Miniſtres les vendent au
prix qu'ils veulent.
dij
44
RELATION
Le Roïaume de Siam a prés de
trois cens lieuës de long , fans y
comprendre les Roïaumes tributaires
, à ſçavoir Camboges ,
Gelior , Patavi , Queda , &c . du
Septentrion au Midi , il eſt plus
étroit de l'Orient à l'Occident. Il
eſt borné du côté du Septentrion
par le Roïaume de Pegu & parla
Mer du Gange du côté du Couchant,
du Midi par le petit détroit
de Maláca , qui fut enlevé au Roi
de Siam par les Portugais ils l'ont
poſſedé plus de foixante ans . Les
Hollandois le leur ont pris , &
le poffedent encore ; du côté
d'Orient , il eſt borné par la Mer
& par les Montagnes qui le ſeparent
de. Camboges & de Laos ..
La fituation de ce Roïaume eſt
avantageuſe à cauſe de la grande
étenduë de ſes côtes , ſe trouvant
comme entre deux Mers qui
lui ouvrent le paſſage à tant de.
DU VOYAGE DE SIAM. 45
vaſtes Regions , ſes côtes ont
cinq cens lieuës de tour ; on y
aborde de toutes parts , du Japon
, de la Chine , des Iſles Philippines
, du Tonquin , de la Cochinchine
, de Siampa , de Camboge
, des Ifles de Java , de Sumatra
, de Colconde , de Bengala
, de toute la côte de Coromandel
, de Perſe , de Surate , de Lameque,
de l'Arabie ,& d'Europe
c'eſtpourquoi l'on y peut faire un
grand commerce , ſuppoſé que le
Roi permette à tous les MarchandsEtrangers
d'y revenir comme
ils le faifoient autrefois .
Le Roïaume ſe diviſe en onze
Provinces , ſçavoir celle de Siam ,
de Mitavin , de Tanaferin , de
Jonſalam, de Reda, de Pra, d'Ior,
de Paam, de Parana , de Ligor ,
de Siama . Ces Provinces - là
avoient autrefois la qualité de
Roïaume ; mais elles ſont aujour
46 RELATION
d'hui ſous ladomination du Roide
Siam qui leur donne des Gouverneurs
. Il y en a telles qui peuvent
retenir le nomde Principauté;mais
les Gouverneurs dépendent du
Roy& lui payent tribut. Siam eft
la principale Province de ce
Royaume , la Ville Capitale eſt ſituée
à quatorze degrez & demy
de latitude du Nort , fur le bord
d'une tres-grande & belle riviere ,
& les Vaiſſeaux tous chargés la
paſſent juſqu'aux portes de la Ville,
qui eſt éloignée de la Mer de
plus de quarante lieuës , & s'étend
àplus de deux cens lieuës dans le
pays , & parce moyen elle conduit
dans une partie des Provinces,
dontj'ai parlé ci- deſſus.Cette
Riviere eſt fort poiſſonneuſe &
fes rivages font affez bien peuplez
, quoiqu'ils demeurentinondésune
partie de l'année. Le terroir
y eſt paſſablement fertile 3
DU VOYAGE DE SIAM . 47
mais tres-mal cultivé , l'inondation
provient des grandes pluyes
qu'il y tombe durant trois ou quatre
mois de l'année ; ce qui fait
beaucoup croître leur ris ; en forte
que plus l'inondation dure ,
plus les recoltes du ris ſont en
abondance , & loin des'en plaindre
ils ne craignent que la trop
grande ſeichereſſe. Il y a beaucoup
de terre en friche ,& faute
d'habitans elles ont eſté dépeu--
plées par les guerres precedentes,
& comme ils font ennemis du
travail , ils n'aiment à faire que
les choſes aiſées. Ces plaines abandonnées
& ces épaiſſes Fo--
rets qu'on voit ſur les Montagnes
ſervent de retraite aux Elephans,
aux Tygres , aux Boeufs & Vaches
ſauvages , aux Cerfs , aux Biches,
Rinoceros & autres animaux
que l'ony trouve en quantité.
Al'égard des plantes & des
د
48 RELATION
fruits , il y en a pluſieurs dans le
païs ; mais qui ne font pas rares.
& qui ne ſe peuvent porter que,
difficilement en France , à cauſe
de lalongueur de la navigation .
Il n'y a point d'oiſeaux particuliers
qui ne foient en France , à
la referve d'un oiſeau fait comme
un merle ,qui contrefa it l'homme
à l'égard du rire , du chanter &
du fiffler , les fruits les plus eſtimés
y font les durions ;ils ont
une odeur tres- forte qui n'agrée
pas à pluſieurs, mais à l'égard du
goût il eſt tres- excellent. Ce fruit
eſt tres chaud & tres -dangereux
pour lafanté , quand on en mange
beaucoup; il ya un gros noyau,
à l'entour duquel eſt une eſpece
de creme renfermée dans une écorce
environnée de pluſieurs piquants
, & qui eft faite en pointe
de diamant ; mon goût n'a ja
mais pu s'y accommoder. La mangue
:
DU VOYAGE DE SIAM . 49
gue en ce pays-là eſt en prodigieuſe
quantité , & c'eſt le meil
leur fruit des Indes , d'un goût
exquis , n'incommodant aucunement,
àmoins que d'en manger en
trop grande quantité , alors elle
pouroit bien cauſer la fiévre ; elle
a la figure d'une amande , mais
auffi groſſe qu'une poire de Mef
fire-Jean; ſa peau eſt aſſés mince
& a la chair jaune ; le mangoûstan
eſt un fruit reſſemblant à
une noix verte , qui a dedans un
fruit blanc d'un goût aigret &
agreable , & qui approche fort
deceluide la pêche &de la prune,
il est tres- froid & reſtraintif.
LeJacques eſtun gros fruit qui
eſt bon , mais tres- chaud & indigefte
, & cauſe le flus de ventre
quand on en mange avec excés .
La nana eft preſque comme le
durion , c'eſt à dire à l'égard de
la peau ; il a au bout une courone
50
RELATION
ne de feüilles comme celle de
l'artichaud ; la chair en eſt tresbonne
& a le goût de la pêche
& de l'abricot tout enſemble ; il
eft tres-chaud & furieux ; ce qui
fait que l'on le mange ordinairement
trempé dans le vin.
La figue eſtun fruit tres -doux,
fuave&bien faiſant ; cependant
un peu flegmatique , il y en a pendant
toute l'année .
L'ate eſt un fruit doux & tresbon
, & ne fait point de mal ; il
y en a qui l'eſtiment plus que
tous les fruits des Indes. Il y a
des oranges en tres - grande
quantité de pluſieurs fortes tresbonnes
& fort douces .
La pataïe eſt un fruit tres-bon,
mais l'arbre qui le porte ne dure
que deux ans.
Il y a de toute forte d'oranges
en quantité & de tres - bon goût .
La penplemouſe eſt un fruit
tres-bon pour la ſanté à peu prés
DU VOYAGE DE SIAM . SI
comme l'orange,mais qui a un petit
goût aigret. Il y a pluſieurs
autres fruits qui ne font pas fort
bons.
On a commencé il y a quelques
années à ſemer beaucoup
de bleds dans le pays haut proche
des montagnes qui y vient
bien & eft tres - bon .
On y a planté pluſieurs fois
des vignes qui y viennent bien ,
mais qui ne peuventdurer, à cauſe
d'une eſpece de fourmy blanc
qui la mange juſqu'à la racine.
Il y a beaucoup de canes de
fucre qui rapportent extrémement
; il y a auſſi du tabac en
quantité que les Siamois mangent
avec l'arrek & la chaud .
A l'égard de l'arrek, les Siamois
eſliment ce fruit plus que tout
autre , & c'eſt leur manger ordi
naire ; il y en a une ſi grande
quantité que les marchés en
e ij
52 RELATION
font pleins , & un Siamois croiroit
faire une grande incivilité
s'il parloit à quelqu'un ſans avoir
la bouche pleine de darek , de
betel , de chaud ou de tabac .
,
Il y a grande quantité de ris
dans tout le Roïaume & à tresbon
compte ,& comme ce païs
eſt toûjours inondé , cela fait
qu'il eſt plus abondant , car le ris
ſe nourrit dans l'eau & à meſure
que l'eau croît , le ris croît pareillement
,& fil'eau croît d'un pied
en vingt-quatre heures ce qui
arrive quelquefois , le ris croît
aufli àproportion &a toûjours fa
tige au deſſus de l'eau , il ne reſte
que cinq ou fix mois au plus en
terre , il vient comme l'avoine,
Il n'y a point de ville dans l'Orient
où l'on voye plus de Nations
differentes , que dans la Ville
Capitale de Siam , & où l'on
parle de tant de langues differentes
, elle a deux lieuës de
DU VOYAGE DE SIAM .
53
tour & une demie lieuë de large,
elle eſt tres- peuplée , quoi qu'elle
ſoit preſque toûjours inondée ,
enfortequ'elle reſſemble plûtoſtà
une Ifle , il n'y a que des Maures
, des Chinois , des François
& des Anglois , qui demeurent
dans la Ville , toutes les autres
Nations eſtant logées aux environspar
camps ; c'eſt à dire chaque
nation enſemble , ſi elles estoient
affemblées elles occuperoient
autant d'eſpace que la Ville qui
eſtoit autrefois tres- marchande ,
mais les raiſons que j'ay dites cydevant
empêchent la plupartdes
Nations Etrangeres d'y venir &
d'y rien porter.
Le peuple eſt obligé de ſervir
le Roy quatre mois de l'année
regulierement , & durant toute
l'année , s'il en a beſoin ; il ne leur
donne pas un fol de paye, eſtant
obligez de ſe nourir eux-mêmes
e iij
54 RELATION
& de s'entretenir ; c'eſt ce qui
a faitque les femmes travaillent
afin de nourir leurs maris .
A l'égard des Officiers depuis
les plus grands Seigneurs de la
Cour juſqu'au plus petit du
Royaume, le Roy neleur donne
que de tres- petits appointemens,
ils font auſſi eſclaves que les autres
, & c'eſt ce qui luy épargne
beaucoup d'argent. Les Provinces
éloignées dont les habitans
ne le ſervent point actuellement,
luy payent un certain tribut par
teſte. J'arrivay dans le temps que
le pays eſtoit tout-à-fait inondé
, la Ville en paroît plus agreable,
les ruës en ſont extremement
longues , larges & fort droites,
il y a aux deux côtez des
maiſons bâties ſur des pilotis &
des arbres plantés tout à l'entour
, ce qui fait une verdeur
admirable , & on n'y peut aller
DU VOYAGE DE SIAM. 55
qu'en ballon ; en la regardant l'on
croiroit voir d'un coup d'oeil ,
une ville , une mer & une vaſte
foreſt , où l'on trouve quantité
de Pagodes qui font leurs Eglifes
, & la plupart font fort dorées,
à l'entour de ces Pagodes', il ya
comme des Cemetieres plantés
d'arbres la plupart fruitiers , les
maiſons des Talapoins font les
plus grandes& les plus belles&
font en tres-grand nombre .
Ce païs-là eſt plus ſain que les
autres des Indes ,les Siamois ſont
communément affez bien-faits ,
quoi qu'ils ayent tous le viſage
bazanné , leur taille eſt affez
grande , leurs cheveux font
noirs , ils les portent aſſez courts
àcauſe de la chaleur , ils ſe baignent
ſouvent , ce qui contribuë
àla conſervation de leur ſanté
les Europeans qui y demeurent
en font de même pour éviter les
a
e iiij
56 RELATION
maladies ; ils tiennent leurs marchés
ſur des places inondées dans
leurs balons pendant fix ou ſept
mois de l'année que l'inondation
dure.
Le Roy ſe leve du matin &
tient un grand Conſeil vers les
dix heures ,où l'on parle de toutes
fortes d'affaires, qui dure juſqu'à
midy , aprés qu'il eſt fini ſes Medecins
s'aſſemblent pour ſçavoir
l'état de ſa ſanté , & enſuite il
va dîner ; il ne fait qu'un repas
par jour , l'aprés-dînée il ſe retire
dans ſon appartement où il dort
deux ou trois heures , & l'on ne
ſçait pas à quoyil employe le reſte
dujour, n'étant permis pas même
à ſes Officiers d'entrer dans ſa
chambre . Sur les dix heures du
foir, il tient un autre Conſeil ſecret
, où il y a ſept ou huit Mandarins
de ceux qu'il favoriſe le
plus , ce Conſeil dure juſqu'à
DU VOYAGE DE SIAM . 57
minuit . Enſuite on luy lit des
hiſtoires ou des vers qui ſont faits
à leurs manieres , pour le divertir
& d'ordinaire après ce Conſeil ,
Monfieur Conſtans demeure ſeul
aveclui , auquel il parle à coeur
ouvert , comme le Roy luy trouve
un eſprit tout-à- fait vaſte , ſa
converſation luy plaît , & il luy
communique toutes ſes plus fecrettes
penſées ; il ne ſe retire
d'ordinaire qu'à trois heures aprés
minuit pour s'aller coucher , voilà
la maniere dontle Roy vît toûjours
, & de cette forte toutes les
affaires de ſon Royaume paſſent
devant luy ; dans de certains
tempsil prend plaiſir à la chaſſe ,
comme j'ay dit ; il aime fort les
bijoux même ceux d'émail & de
verre , il eſt toûjours fort proprement
vêtu , il n'a d'enfans qu'une
fille , que l'on appelle la Princef
ſeReyne , âgée d'environ vingt58
RELATION
fept ou vingt-huit ans le Roi
l'aime beaucoup , on m'a dit qu'elle
étoit bien faite ; mais jamais les
hommes ne la voyent, elle mange
dans le même lieu & à même
tems que le Roy,mais à une table
feparée ; & ce ſont des femmes
qui les ſervent qui ſont toûjours
proſternées.
Cette Princeſſe a ſa Cour compoſéedes
femmes des Mandarins
qui la voyent tous les jours , &
elletientConſeil avec ſes femmes
de toutes ſes affaires , elle rend
juſticeà ceux qui luy appartiennent
, &leRoy luy ayant donné
desProvinces dont elle tire le revenu&
en entretient fa Maiſon ,
elle a ſes châtimens & exerce la
juſtice. Il y eſt arrivé quelquefois
que lorſque quelques femmes de
ſamaiſon ont eſté convaincuës de
mediſances d'extrême confideration
, ou d'avoir revelé des ſecrets
DU VOYAGE DE SIAM. 59
de tres-grende importance , elle
leur a fait coudre la bouche .
Avant la mort de la Reyne ſa
mere, elle avoit à ce que l'on dit
du penchant à faire punir avec
plus de ſeverité , mais du depuis
qu'elle l'a perduë elle en uſe avec
beaucoup plus de douceur ; elle
va quelquefois àla chaſſe avec le
Roy , mais c'eſt dans une fort
belle chaiſe placée ſur un Elephant
& où quoy qu'on ne la
voye point elle voit neanmoins
tout ce qui s'y paſſe. Il y a des Cavaliers
qui marchent devant elle
pour faire retirer le monde , & fi
par hazard il ſe trouvoit quelque
homme ſur ſon chemin qui ne pût
pas ſe retirer,il ſe proſterne en terre
& luy tourne le dos. Elle eſt
tout le jour enfermée avec ſes
femmes ne ſe divertiſſantà faire
aucun ouvrage , ſon habillement
eſt affez ſimple & fort leger , elle
60 RELATION'
eſt nuë jambe , elle a à ſes pieds
des petites mulles ſans talons
d'un autre façon que celles de
France ; ce qui lui fertdejuppe eſt
une piece d'étoffe de ſoye ou de
coton qu'on appelle paigne , qui
l'enveloppe depuis la ceinture
en bas & s'atrache par les deux
bouts, qui n'eſt point plicée , de
la ſceinture en haut elle n'a rien
qu'une chemiſe de mouſſeline
qui luy tombe deſſus cette maniere
de juppe , & qui eſt faite
de meſme que celle des hommes,
elle a une écharpe fur la gorge
qui luy couvre le col & qui paffe
par deſſous les bras , elle eſt toûjours
nuë teſte , & n'a pas les
cheveux plus longs que de quatre
ou cinq doigts , ils lui font comme
une tête naiſſante ; elle aime
fort les odeurs , elle fe met de
P'huileà la teſte ; car il faut en ces
lieux-là que les cheveux foient
DU VOYAGE DE SIAM . 61
luifans , pour eſtre beaux , elle
ſe baigne tous les jours meſme
plus d'une fois qui eſt la coûtume
de toutes les Indes , tant à l'égard
deshommes quedes femmes ;j'ay
apris tout ceci de Madame Conſtans
qui va ſouvent luy faire ſa
Cour. Toutes les femmes qui
font dans ſa Chambre ſont toûjours
proſternées & par rang ,
c'eſt à dire les plus vieilles ſont
les plus proches d'elle , & elles
ont la liberté de regarder la Princeffe
, ce que les hommes n'ont
point avec le Roy de quelque
qualité qu'ils foient , car tant
qu'ils font devant luy , ils ſont
profternez & meſme en luy parlant.
Le Roy a deux freres , les freres
du Roy heritent de la Couronne
de Siam preferablement à
fes enfans . Quand le Roy fort
pour aller à la Chaſſe ou à la
62 RELATION
promenade, on fait avertir tous
les Européens de ne ſe point trouver
ſur ſon chemin , à moins qu'ils
ne veulent ſe profterner un moment:
avant qu'il forte de fon Palais
on entend des trompettes &
des tambours qui avertiſſent &
qui marchent devant le Roy , à
ce bruit les Soldats qui font en
haye ſe proſternent le front contre
terre & tiennent leurs moufquets
ſous eux ; ils font en cette
poſture autant de temps que
le Roy les peut voirde deſſus ſon
Elephant , où il eſt aſſis dans une
chaiſe d'or couverte , la garde à
cheval qui l'accompagne & qui
eſt compoſée de Maures eſt environ
quarante Maiſtres marchant
fur les aîles ; toute la Maiſon du
Roy eſt à pied devant , derriere
&à côté , tenant les mains jointes,&
elle le ſuit de cette maniere.
Il y a quelques Mandarins des
DUVOYAGE DE SIAM. 63
principaux qui le fuivent ſur des
Elephans , dix ou douze Officiers
qui portent de grands paraſſols
tout à l'entour du Roy , & il n'y
a que ceux- là qui ne ſe proſternent
point ; car dés le moment
que le Roy s'arreſte tous les autres
ſe proſternent , & mefme
ceux qui ſont ſur les Elephans.
Quant à la maniere que le Roy
de Siam obſerve à la reception
des Ambaſſadeurs , comme ceux
de la Cochinchine , de Tonquin,
de Colconda , des Malais , de
Java & des autres Roys , il les
reçoit dans une Salle couverte de
tapis , les grands & principaux
du Roïaume font dans une autre
ſalleun peu plus baffe , & les autres
Officiers de moindre qualité
dans une autre ſalle encore plus
baſſe, tous proſternés ſur des tapis
en attendant que le Roy pa
64 RELATION
roiſſe par une feneſtre qui eſt visà-
vis; la ſalle où doivent eſtre les
Ambaſſadeurs eſt élevée d'environ
dix ou douze pieds & diſtante
de cette falle de trente pieds ;
l'on ſçait que le Roy va paroître
par le bruit des trompettes , des
tambours & des autres Inſtrumens
; les Ambaſſadeurs font derriere
une muraille qui renferme
cette ſalle qui attendent la fortie
du Roy , & ordre des Miniſtres
que le Roy envoye appeller par
un des Officiers de ſa Chambre,
ſuivant la qualité des Ambaſſadeurs
, & fes Officiers fervent en
telles occaſions; aprés queles Miniſtres
ont la permiffion du Roy
on ouvre la porte de la ſalle &
auſſi- tôt les Ambaſſadeurs paroifſent
avec leur Interprete , &
l'Officier de la Chambre du Roi
qui ſert de Maiſtre de Ceremonies&
marchent devant eux profternez
DU VOYAGE DE SIAM. 65
ternez ſur des tapis qui ſont ſur
la terre , faiſant trois reverences
la teſte en bas à leur maniere
aprés quoy le Maiſtre des Ceremonie
marche à genoux les mains
jointes , l'Ambaſſadeur avec fes
Interprettes le ſuit en la même
poſture avec beaucoup de modeſtie
juſques au milieu de la
diſtance d'où il doit aller , & fait
trois reverences en la meſme forme
; il continue à marcher jufqu'au
coin le plus proche des falles
où les Grands font , & il recommence
à faire des reverences
où il s'arrête ; il y a une table
entre le Roy & l'Ambaſſadeur ,
diſtante de huit pieds , où ſont
les preſens que l'Ambaſſadeur apporte
au Roy , & entre cette table
& les Ambaſſadeurs il ya un
Mandarin qui reçoit les paroles
de ſa Majesté , & dans cette Salle
ſont les Miniſtres du Roy diff
66 RELATION
tants de l'Ambaſſadeur d'environ
trois pas , & le Capitaine qui
gouverne la Nation d'où eſt l'Ambaffadeur
eft entre luy & les Miniſtres
; le Roy commence à parler
le premier & non l'Ambaffadeur
, ordonnant à ſes Miniſtres
de s'informer de l'Ambaffadeur
quand il eſt party de la preſence
duRoy ſon Maiſtre , file Roy
& toute la famille Royale eſtoit
en ſanté , auquel l'Ambaſſadeur
répond ce qui en eſt par fon Interprete
, l'Interprete le dit au
Capitaine de la Nation d'où eſt
l'Ambaſſadeur , le Capitaine au
Barcalon & leBarcalon au Roy.
Aprés cela le Roy fait quelque
demande fur deux ou trois points
concernant l'Ambaſſadeur ; enfuitele
Roy ordonne à l'Officier
qui eſt proche la table de donner
du betel àl'Ambaſſadeur , ce
qui ſert de ſignal pour que l'on
DU VOYAGE DE SIAM. 67
luy preſente une veſte , & incontinent
le Roy ſe retire au bruit
des tambours, des trompettes&
des autres inſtrumens. La premiereAudiencede
l'Ambaſſadeur
ſe paſſe entreluy & le Ministre ,
qui examine la Lettre &les prefens
du Prince qui l'a envoyés
l'Ambaſſadeur ne preſente point
la Lettre au Roy , mais au Miniſtre
, aprés quelques jours du
Conſeil tenu ſur ce ſujet.
Quand ce font des Ambaſſadeurs
des Roys indépendans de
quelque Couronne , que ce ſoit
de ſes pays , commePerſe , grand
Mogol , l'Empereur de la Chine ,
de Japon , on les reçoit enlamaniere
ſuivanre.
Les Grands du premier & du
ſecond Ordre vont aupied de la
feneſtre où eſt le Roy ſe proſter-:
ner ſuivant leurs qualitez ſur des
tapis , & ceux du troiſieme , quafij
68 RELATION
triéme & cinquiéme , ſont dans
une ſalle plus baffe & attendent
la fortie du Roy qui paroiſt par
une feneſtre qui eſt enfoncée
dans la muraille , & élevée de
dix pieds ; les Ambaſſadeurs font
dans un lieuhors du Palais , en
attendant le Maiſtre des Ceremonies
qui les vient recevoir , &
l'on fait les meſmes ceremonies
dont j'ay parlé cy -deſſus : l'Ambaſſadeur
entrant dans le Palais
leve les mains ſur ſa teſte & marche
entre deux Salles qu'il ya &
monte des degrez qui font visà-
vis la feneſtre où eſtle Roy , &
quand il eſtau haut il poſe un genou
en terre , & auffi-tôt on
ouvre une porte pour qu'il puiſſe
paroître devant le Roy ; enſuite
on pratique les mêmes ceremonies
qui viennent d'eſtre marquées
cy-devant. Ily a un bandege
ou plat d'or ſur la table où
DU VOYAGE DE SIAM. 69
eſt la Lettre traduite & ouverte ,
ayant été receuë par les Miniſtres
quelques jours auparavant dans
une ſalle deſtinée à cet uſage ;
quand l'Ambaſſadeur eſt dans ſa
place le Lieutenant du Miniſtre
prend laLettre& la lit tout haut;
aprés qu'il l'a leuë , le Roy fait
faire quelque demande à l'Ambaſſadeur
par ſon Miniſtre , fon
Miniſtre par le Capitaine de la
Nation , & le Capitaine par l'Interprete
, & l'Interprete enfin
parle à l'Ambaſſadeur. Ces demandes
ſont ſile Roy ſon Maître
& la famille Royale font en ſanté
, & s'il la chargé de quelqu'au
tre choſe qui ne fût pas dans la
Lettre , à quoy l'Ambaſſadeur
répond ce qui en eſt ; leRoy luy
fait encore troisou quatre deman.
des , & donne ordre qu'on luy
donne une veſte & du betel : aprés
quoy le Roy ſe retire au bruit des
70 RELATION
tambours & des trompettes ,&
l'Ambaſſadeur reſte un peu de
temps , & ceux qui l'ont reccu
le reconduiſent juſqu'à fon logis
fans autre accompagnement ; &
comme j'appris cette manierede
recevoir les Ambaſſadeurs qui ne
me parût pas répondre à la grandeur
du Monarque de la part
de qui je venois , j'envoyay au
Roy de Siam deux Mandarins
qui estoientavec moy de ſa part ,
pour ſçavoir ce que je ſouhaitterois
, pour le prier de me faire la
mefme reception que l'on a accoûtumé
de faire en France , ce
qu'il m'accorda de la maniere
queje l'ay raconté cy-devant.
Du Gouvernement , des
Moeurs, de la Religion ,
& du Commerce du
Royaume de Siam, dans
les pays voisins , &plufieurs
autres particularités.
OUS les jours les
Mandarins qui font
deſtinez pour rendre
la juſtice s'aſſemblent
dans une falle où ils
donnent audiance , c'eſt comme
1a Cour du Palais à Paris ,& elle
2 RELATION
eſt dans le Palais du Roy , où
ceux qui ont quelque requête à
preſenter ſe tiennent à la porte
juſqu'à ce qu'on les appellé , &
quand on le fait ils entrent leur
requête à la main & la prefentent.
Les Etrangers qui intentent
procés au ſujet des marchandiſes,
la preſentent au Barcalon , c'eſt
le premier Miniſtre du Roy ,
qui juge toutes les affaires concernant
les Marchands & les
Etrangers ; en ſon abſence , c'eſt
ſon Lieutenant , & en l'absence
des deux , une maniere d'Eſche
wins. Il y a un Officier prépoſé
pour les tailles & tributs auquel
on s'adreſſe , & ainſi des autres
Officiers. Aprés que les affaires
font difcutées on les fait ſçavoir
aux Officiers du dedans du Palais
, qui en avertiſſent le Roy
eſtant lors ſur un Trône élevé
DU VOYAGE DE SIAM . 3
de trois braffes , tous les Mandarins
ſe proſternent la face contre
terre , & le Barcalon ou autres
des premiers Oyas , rapportent
au Roy les affaires & leurs jugemens
, il les confirme , ou il les
change ſuivant ſa volonté , c'eſt
à l'égard des principaux procés ,
& tres- ſouvent il ſe fait apporter
les procés au dedans du Palais
, & leur envoye ſon jugementpar
écrit.
Le Roy eſt tres- abſolu , on diroit
quaſi qu'il eſt le Dieu des
Siamois , ils n'ofent pas l'appeller
de ſon nom. Il châtie tres-feverement
le moindre crime ; car
ſes Sujets veulent eſtre gouvernez
la verge à la main , il ſeſert même
quelquefois des Soldats de ſa
garde pour punir les coupables
quand leur crime eſt extraordinaire
& fuffisamment prouvé.
Ceux qui font ordinairement ema
ij
4 RELATION
ployez ces fortes d'executions
font 150. Soldats ou environ qui
ont les bras peints depuis l'épaule
juſqu'au poignet ; les châtimens
ordinaires ſont des coups
de rottes , trente, quarante , cinquante
& plus , ſur les épaules des
criminels , felon la grandeur du
crime , aux autres il fait piquer
la tête avec un fer pointu : à l'égard
des complices d'un crime
digne de mort , aprés avoir fait
couper la tête au veritable criminel
, il la fait attacher au col
du complice , & on la laiſſe pourir
expoſée au Soleil fans couvrir
la tête pendant trois jours
&trois nuits , ce qui cauſe à celui
qui la porteune grande puantour,
Dans ce Royaume , la peine
du talion eſt fort en uſage , le
dernier des fupplices eſtoit , il n'y
a pas long-temps, de les condamDU
VOYAGE DE SIAM. یک
ner à la Riviere , qui eſt proprement
comme nos Forçats de Galere
, & encorepis ; mais maintenant
on les punit de mort. Le
Roy fait travailler plus qu'aucun
Roy de ſes predeceffeurs, en bâ
timens , à reparer les murs des
Villes , à édifier des Pagodes , à
embellir fon Palais , à bâtir des
Maiſons pour les Etrangers , & à
conſtruire des Navires à l'Euro .
peane , il eſt fort favorable aux
Etrangers , il en a beaucoup à
fon ſervice,& en prend quand il
en trouve .
Les Roys de Siam n'avoient'
pas accoûtumé de ſe faire voir
auſſi ſouvent que celui-cy. Ils
vivoient preſque ſeuls , celuy
d'apreſent vivoit comme les autres
: mais Monfieur de Berithe
Vicaire Apoftolique , s'eſtant ſer
vi d'un certain Brame , qui faifant
le plaiſant avoit beaucoup
1
a iij
6 RELATION
de liberté de parler à ce Monarque
, trouva le moyen de faire
connoître à ce Prince , la puif
fance & la maniere de gouverner
de nôtre grand Roy , & en même
temps les coûtumes de tous
les Roys d'Europe , de ſe faire
voir à leurs Sujets & aux Etrangers
; de maniere qu'ayant un
auffi grand ſens que je l'ay déja
remarqué , il jugea à propos de
voir Monfieur de Berithe , & enfuite
pluſieurs autres ; depuis ce
temps- là il s'eſt rendu affable &
acceſſible à tous les Etrangers.
On appelle ceux qui rendent la
justice ſuivant leurs differentes
fonctions , Oyas Obrat , Oyas
Momrat , Oyas Campheng, Oyas
Ricchou , Oyas Shaynan , Opran,
Oluan ; Oeun , Omun .
Comme autrefois les Roys ne
ſe faisoient point voir , les Miniftres
faifoient ce qu'ils vouloient,
DU VOYAGE DE SIAM. 7
mais le Roy d'apreſent qui a un
tres-grand jugement , & eſt un
grand Politique,veut ſçavoir tout;
il a attaché auprés de luy le Sei
gneur Conftans dont j'ay déja
parlé diverſes fois , il eſt Grec
de nation , d'une grande penetration
, & vivacité d'eſprit
&d'une prudence toute extraordinaire
, il peut & fait tout
fous l'autorité du Roy dans le
Royaume , mais ce Miniſtre n'a
jamais voulu accepter aucune des
premieres Charges que leRoyluy
a fait offrir pluſieurs fois. Le Barcalon
qui mourut ily a deux ans ,&
qui par le droit de ſa Charge
avoit le gouvernement de toutes
les affaires del'Etat , eſtoit homme
d'un tres-grand eſprit , qui
gouvernoit fort bien , & fe faifoit
fort aimer , celuy quiluy fucce
da eſtoit Malais de nation, qui eft
un pays voiſin de Siam , il ſe fera
iiij
8 RELATION
vit de Monfieur Baron , Anglois.
de nation , pour mettre mal Monſieur
Conftans dans l'eſprit du
Roy , & le luy rendre ſuſpect ,
mais le Roy reconnut ſa malice ,
il le fit battre juſqu'à le laiſſer
pour mort , & le dépoſſeda de ſa
Charge , celui qui l'occupe preſentement
vit dans une grande
intelligence avec Monfieur Conſtans
.
Comme par les loix introduites
par les Sacrificateurs des Idoles
qu'on nomme Talapoins , il
n'eſt pas permis de tuer , on condamnoit
autrefois les grands criminels
ou à la chaîne pour leur
vie , ou à les jetter dans quelques
deferts pout y mourir de faim ;
mais le Roy d'apreſent leur fait
maintenant trancher la teſte &
les livre aux Elephans .
Le Roy a des Eſpions pour
ſcavoir ſi on luy cache quelque
DU VOYAGE DE SIAM .
choſe d'importance , il fait châtier
tres - rigoureuſement ceux qui
abuſent de leur autorité . Chaque
Nation étrangere établie dans le
Royaume de Siam a ſes Officiers
particuliers , & le Roy prend de
toutes ces Nations- là des gens
qu'il fait Officiers generaux pour
tout ſon Royaume. Il y a dans
fon Etat beaucoup de Chinois ,
& il y avoit autrefois beaucoup
de Maures ; mais les années pafſées
il découvrit de ſi noires trahiſons
, des concuffions & des
tromperies ſi grandes dans ceux
de cette nation , qu'il en a obligé
un fort grand nombre à déferter
, & à s'en aller en d'autres.
Royaumes.
Le commerce des Marchands
Etrangers y eſtoit autrefois tresbon
, on y en trouvoit de toutes
parts ; mais depuis quelques années
,les diverſes revolutions qui
ΟΙ RELATION
font arrivées à la Chine , au Japon
& dans les Indes , ont empeſché
les Marchands Etrangers
de venir en ſi grand nombre.
On eſpere neanmoins, que puif
que tousces troubles font appaiſez
, le commerce recommencera
comme auparavant , & que le
Roy de Siam par le moyen de fon
Miniſtre envoyera fes Vaiſſeaux
pour aller prendre les Marchandi
ſes les plus precieuſes , & les
plus rares de tous les Royaumes
d'Orient,&remettra toutes chofes
en leur premier & fleuriſſant état.
Ils font la guerre d'une maniere
bien differente de celle de la plûpart
des autres nations , c'eſt à
dire à pouſſer leurs ennemis hors
de leurs places ſans pourtant
leur faire d'autre mal que de les
rendre eſclaves , & s'ils portent
des armes , c'eſt ce ſemble plûtôt
pour leur faire peur en les tirant
,
DU VOYAGE DE SIAM. II
contre terre , ou en l'air, que pour
les tuër , & s'ils le font c'eſt tout
au plus pour ſe deffendre dans la
neceſſité ; mais cette neceſſité
de tuër arrive rarement parce
que prefque tous leurs ennenemis
qui en uſent comme eux,ne
tendent qu'aux mêmes fins . Il ya
des Compagnies & des Regimens
qui ſe détachentde l'arméependát
la nuit,&vont enlever tous leshabitans
des Villages ennemis , &
font marcher hommes, femmes &
enfans que l'on fait eſclaves , &
le Roy leur donne des terres&
des bufles pour les labourer , &
quand le Roy en a beſoin il s'en
fert. Ces dernieres années , le
Roi a fait la guerre contre les
Cambogiens revoltez , aidez des
Chinois & Cochinchinois , où il
a fallu ſe battre tout de bon , & il
y a eu pluſieurs Soldats tuez de
part &d'autre ; il a eu pluſieurs
21 RELATION
Chefs d'Europeans qui les inſtrui
fent àcombattre en nôtre maniere .
Ils ont une continuelle guerre
contre ceux du Royaume de
Laos , qui eſt venuë , de ce qu'un
Maure tres-riche allant en ce
Royaume- là pour le compte du
Royde Siam,y reſta avec de grandes
ſommes , le Roy de Siam , le
demanda auRoy de Laos , mais
celui-cile luy refuſa, ce qui a obligé
le Roy de Siam de luydeclarer
la guerre.
Avant cette guerre ily avoit un
grand commerce entre leurs Etats,
& celuy de Siam en tiroit de
grands profits par l'extrême
quantité d'or , de muſc , de benjoüin
, de dents d'Elephant &
autres marchandiſes qui lui venoient
de Laos , en échange des
toiles & autres marchandiſes .
Le Roy de Siam a encore guerre
contre celui de Pegu ; il y a quanDU
VOYAGE DE SIAM . 13
tité d'Eſclaves de cette Nation .
Il y a pluſieurs Nations Etrangeres
dans ſon Royaume , les
Maures y estoient , comme j'ay
dit , en tres-grand nombre , mais
maintenant il y en a pluſieurs qui
font refugiez dans le Royaume
de Colconde, ils eſtoient au ſervice
du Roy , & ils luy ont emporté
plus de vingt mille catis , chaque
catis vallant cinquante écus , le
Roy de Siam écrivit au Roy de
Colconde de luy rendre ces perſonnes
ou de les obliger à luy
payer cette ſomme , mais le Roy
de Colconden'en voulutrien faire
, ny même écouter les Ambafſadeurs
qu'il luy envoya ; ce quia
fait que le Roy de Siam luy a
declaré la guerre & luy a pris
dans le tems que j'étois à Siam ,
un Navire dont la charge valloit
plus de centmille écus . Il y a fix
Fregates commandées par des
14
RELATION
François & des Anglois qui
croiſent ſur ſes côtes .
Depuis quelque temps l'Empereur
de la Chine a donné liberté
à tous les Etrangers de venir
negocier en ſon Royaume ;
cette liberté n'eſt donnée que
pour cinq ans , mais on efpere
qu'elle durera , puiſque c'eſt un
grand avatage pour ſon Royaume .
Ce Prince a grand nombre de
Malais dans ſon Royaume , ils
font Mahometans , & bons Soldats
, mais il y a quelque difference
de leur Religion à celle
des Maures. Les Pegovans font
dans ſon Etat preſque en auſſi
grande quantité queles Siamois
originaires du pays .
Les Laos y font en tres-grande
quantité , principalement vers
le Nort.
Il y a dans cet Etat huit ou neuf
familles de Portugais veritables ,
DU VOYAGE DE SIAM.
mais de ceux que l'on nomme
Meſties , plus de mille , c'eſt à dire
de ceux qui naiſſent d'un Portugais
& d'une Siamoiſe .
Les Hollandois n'y ont qu'une
facturie.
Les Anglois de même.
Les François de même.
Les Cochinchinois ſont environ
cent familles , la plupart
Chreftiens.
Parmy les Tonquinois ily en a
ſeptou huit familles Chrétiennes .
Les Malais y font en afſez grand
nombre,qui font la plupart eſclaves,&
qui par conſequent ne font
pointde corps .
Les Macaſſars & pluſieurs des
peuples de l'Iſle de Java y font
établis, de meſme que les Maures:
ſous le nom de ces derniers ſont
compris en ce pays- là, les Turcs,
les Perfans les Mogols les
Colcondois & ceux de Bengala .
, د
16 RELATION
Les Armeniens font un corps
à part , ils font quinze ou ſeize
familles toutes Chrétiennes , Catholiques
, la plupart ſont Cavaliers
de la garde du Roy.
A l'égard des moeurs des Siamois
ils font d'une grande docilité
qui procede plûtoſt de leur
naturel amoureux du repos que
de toute autre cauſe , c'eſt pourquoi
les Talapoins qui fontprofeffion
de cette apparente vertu ,
defendentpour cela de tuër toutes
fortes d'animaux ; cependant lorfque
tout autre qu'eux tuë des
poules & des canards , ils en mangentla
chair ſans s'informer qui
les a tués , ou pourquoi on les a
tués , & ainſi des autres animaux .
Les Siamois font ordinairement
chaſtes , ils n'ont qu'une femme ,
mais les riches comme les Mandarins
ont des Concubines , qui
demeurent enfermées toute leur
vie
DU VOYAGE DE SIAM. 17
vie. Le peuple eſt aſſez fidele &
ne volle point ; mais il n'en eft
pas de même de quelques-uns des
Mandarins , les Malais qui font
en tres-grand nombre dans ce
Royaume- là font tres- méchants
&grands voleurs .
Dans ce grand Royaume il y
a beaucoup de Pegovans qui
ont eſté pris en guerre , ils font
plus remuants que les Siamois
& font d'ordinaire plus vigoureux
, il y a parmy les femmes du
libertinage , leur converſation eft
perilleuſe.
Les Laos peuplent la quatriéme
partie du Royaume de Siam",
comme ils font à demy Chinois ,
ils tiennent de leur humeur , de
leur adreſſe& de l'inclination a
voller par fineſſe; leurs femmes
font blanches & belles , tres - familieres
& par confequent dangereuſes.
Dans le Royaume de
b
18 RELATION
Laos , un homme qui rencontre
une femme pour la falüer avec
la civilité accoûtumée , la baife
publiquement ; & s'il ne le faiſoit
pas il l'offenferoit .
Les Siamois tant Officiers que
Mandarins ſont ordinairement
riches , parce qu'ils ne dépenfent
preſque rien , le Roy leur
donnant des valets pour les fervir
, ces valets font obligez de ſe
nourir à leurs dépens, eſtant com--
me efclaves,ils font en obligation
de les ſervir pour rien pendant:
la moitié de l'année : & comme
cesMeſſieurs-làen ontbeaucoup,
ils ſe ſervent d'une partie pendant
que l'autre ſe repoſe ; mais
ceux qui ne les ſervent point:
leur payent une fomme tous les
ans , leurs vivres font à bon marché
, car ce n'eſt que duris , du
poiffon , & tres -peu de viande, &
tout cela eft en abondance dans
DU VOYAGE DE SIAM . 19
leur pays ; leurs vêtemens leur
fervent long- temps , ce ne font
que des pieces d'étoffes toutes
entieres qui ne s'uſent pas fi faci
lement que nos habits &ne coutent
que tres-peu : la plupart des
Siamois font Maſſons ou Charpentiers
, & il y en a de tres habiles,
imitant parfaitement bien les
beaux ouvrages de l'Europe en
Sculpture& en dorure. Pour ce
qui eſt de la peinture ils ne ſçavent
point s'en ſervir , il y a des
ouvrages en Sculpture dans leurs
Pagodes , & dans leurs Mauſolées
fort polis & tres-beaux.
Ils en font auſſi de tres -beaux
avec de la chaux , qu'ils détrempent
dans de l'eau qu'ils tirent de
l'écorce d'un arbre qu'on trouve
dans les Forefts , quilarend ſi forte,
qu'elle dure des cent& deux
cens ans , quoi qu'ils foient expoſés
aux injures du temps ..
bij
20 RELATION
1
i
1.
i
Leur Religion n'eſt à parler proprement
qu'un grand ramas
d'Hiſtoires fabuleuſes , qui ne
tend qu'à faire rendre des hommages
& deshonneurs auxTalapoins,
qui ne recommandent tant:
aucune vertu que celle de leur
faire l'aumône , ils ont des loix
qu'ils obfervent exactement au
moins dans l'exterieur ; leur fin
dans toutes leurs bonnes oeuvres
eſt l'eſperance d'une heureuſe
tranfmigration aprés leur mort ,
dans le corps d'un homme riche ,..
d'un Roy , d'un grand Seigneur
ou d'un animal docile , comme
font les Vaches & les Moutons :
car ces peuples-là croyent la Metempſicoſe
; ils eſtiment pour cette
raiſonbeaucoup ces animaux ,
&n'ofent, comme je l'ai déja dit,
en tuër aucun , craignant de donner
la mort à leur Pere ou à leur
Mere , ou à quelqu'un de leurs
DU VOYAGE DE SIAM . 2
parens . Ils croyent un enfer où les
énormes pechez ſont ſeverement .
punis , ſeulement pour quelque
temps , ainſi qu'un Paradis , dans
lequel les vertus fublimes ſont
recompenſées dans le Ciel , où aprés
eſtre devenus des Anges
pour quelque temps , ils retournent
dans quelque corps d'hom--
me ou d'animal .
L'occupation des Talapoins .
eſt de lire , dormir, manger, chan--
ter , & demander l'aumône ; de
cette forte , ils vont tous les matins
ſe preſenter devant la porte
ou balon des perſonnes qu'ils connoiffent
,&ſe tiennent-là unmométavecunegrande
modeſtie ſans
rien dire, tenant leur évantail , de
maniere qu'il leur couvre la moitié
du viſage , s'ils voyent qu'on ſe
diſpoſe àleur donner quelque choſe
, ils attendent juſqu'à ce qu'ils
l'ayent receuë ; ils mangent de
biij
22 RELATION
د
3
tout ce qu'on leur donne même
des poulles & autres viandes
mais ils ne boiventjamais de vin ,
au moins en prefence des gens du
monde; ils ne font point d'office
ny de prieres à aucune Divinité.
Les Siamois croyent qu'il y a eu
trois grands Talapoins , qui par
leurs merites tres-fublimes acquis
dans pluſieurs milliers de tranſmigrations
ſont devenus des Dieux ,
&aprés avoir eſté faits Dieux ,
ils ont encore acquis de ſi grands
merites qu'ils ont eſté tous aneantis
, ce qui eſt le terme du plus .
grand merite & la plus grande recompenſe
qu'on puiffe acquerir ,
pour n'eſtre plus fatigué en changeant
ſi ſouventde corps dans un
autre; le dernier de ces trois Ta--
lapoins eſt le plus grand Dieu appellé
Nacodon , parce qu'il a eſté
dans cinq mille corps , dans l'une
de ces tranfmigrations , de Talapoin
il devint vache , fon frere le
DU VOYAGE DE SIAM .
23
voulut tuër pluſieurs fois ; mais il
faudroit un gros livre pour décrire
les grands miracles qu'ils difent
que la nature& non pasDieu,
fit pour le proteger : enfin ce frere
fut precipité en Enfer pour ſes
grands pechez , où Nacodon le
fit crucifier ; c'eſt pour cette raifon
qu'ils ont en horreur l'Image
de Jeſus-Chriſt crucifié , diſant
que nous adorons l'Image de ce
frere de leur grand Dieu , qui
avoit eſté crucifié pour ſes crimes ..
CeNacodon eſtant doncaneanti,
il ne leur reſte plus de Dieu à
preſent , ſaloy ſubſiſte pourtant ;
mais ſeulement parmi les Talapoins
qui diſent qu'aprés quelques
fiecles il y aura un Ange qui
viendra ſe faire Talapoin ,& enfuite
Dieu Souverain , qui par ſes
grands merites pourra être anean
ti : voilà le fondement de leur
creance ; car il ne faut pas s'imaginer
qu'ils adorent les Idoles
24 RELATION
"
1
qui font dans leurs Pagodes comme
des Divinitez , mais ils leur
rendent ſeulement des honneurs'
comme à des hommes d'un grand
merite , dont l'ame eſt à preſent
en quelque Roy , vache ou Talapoin
: voilà en quoi conſiſte leur
Religion , qui à proprement parler
ne reconnoît aucun Dieu , &
qui n'attribuë toute la recompenſede
la vertu qu'à la vertumême ,
qui a par elle le pouvoir de rendre
heureux celuy dont elle fair
paſſer l'ame dans le corps de quelque
puiſſant & riche Seigneur
ou dans celuy de quelque vache ,
levice ,diſent-ils, porte avec ſoy
ſon châtiment , en faiſant paffer
l'ame dans le corps de quelque
méchant homme , de quelque
Pourceau , de quelque Corbeau ,
Tigre ou autre animal. Ils admetrent
des Anges , qu'ils croyent
eſtre les ames des juſtes & des
bons
2
L
L
DUVOYAGE DE SIAM. 25
bons Talapoins; pour ce qui eſt des
Demons , ils eſtiment qu'ils font
les ames des méchans .
Les Talapoins font tres-refpe-
Etés de tout le peuple , & même
du Roy, ils ne ſe profternent point
lorſqu'ils luy parlent comme le
font les plusgrands du Royaume ,
& le Roy & les grands Seigneurs
les ſaluënt les premiers ; lorſque
ces Talapoins remercient quelqu'un,
ils mettentla main proche
leur front , mais pour ce qui eſt du
petit peuple, ils ne le ſalüent point ;
leurs vêtemens ſont ſemblables à
ceux des Siamois ,àla referve que
la toile eſt jaune , ils font nuds
jambes & nuds pieds fans chapeau
, ils portent ſur leur tête un
évantail fait d'une fcüille de palme
fort grande pour ſe garantir
du Soleil , qui eſt fort brûlant ;
ils ne font qu'un veritable repas
par jour, à ſçavoir le matin , & ils
G
26 RELATION
ne mangent le ſoir que quelques
bananes ou quelques figues ou
d'autres fruits ; ils peuvent quitter
quand ils veulent l'habit de
Talapoin pour ſe marier , n'ayant
aucun engagement que celuy de
porter l'habit jaune , & quand ils
le quittentils deviennent libres ;
cela fait qu'ils font en ſi grand
nombre qu'ils font preſque le tiers
du Royaume de Siam . Ce qu'ils
chantent dans les Pagodes font
quelques Hiſtoires fabuleuſes.,
entremêlées de quelques Sentences;
celles qu'ils chantent pendant
les funerailles des Morts font ,
nous devons tous mourir , nous
ſommes tous mortels ; on brûle les
corps morts au ſon des muſettes
& autres Inſtrumens , on dépenſe
beaucoup à ces funerailles , &
aprés qu'on a brûlé les corps de
ceux qui font morts , l'on met
leurs cendres ſous de grandes piramides
toutes dorées , élevées à
DU VOYAGE DE SIAM. 27
l'entour de leur Pagodes. Les
Talapoins pratiquent une eſpece
de Confeſſion ; car les Novices
vont au Soleil levantſe proſterner
ou s'affeoir fur leurs talons & marmottent
quelques paroles , aprés
quoy le vieux Talapoin leve la
main à côté deſa joie & lui donne
une forte de benediction , aprés
laquelle le Novice ſe retire.
Quand ils prêchent, ils exhortent
de donner l'aumône au Talapoin ,
& ſe creyent fort ſçavants , lorfqu'ils
citent quelques paſſages
de leurs Livres anciens en Langue
Baly , qui eft comme le Latin
chez nous; cette Langue eſt tresbelle
& emphatique , elle a ſes
conjuguaiſons comme la Latine.
Lorſqueles Siamois veulent ſe
marier , les parens de l'homme
vont premierement ſonder la volontéde
ceux de la fille, & quand
ils ont fait leur accord entr'eux
cij
28 RELATION
les parens du garçon vont preſenter
ſept boſſettes ou boiſtes de
betel & d'arest à ceux de la fille ,
& quoy qu'ils les acceptent &
qu'on les regarde déja comme
mariez le mariage ſe peut rompre
, & on ne peut encore асси-
fer devant le Juge , ny les uns ny
les autres , s'ils le ſeparent aprés
cette ceremonie .
Quelques jours aprés les parens
de l'homme le vont preſenter , &
il offre luy-même plus de boſſettes
qu'auparavant ; l'ordinaire eft
qu'il y en ait dix ou quatorze ,
& lors celuy qui ſe marie demeure
dans la maiſon de ſon beaupere,
ſans pourtant qu'il y ait conſommation
, & ce n'eſt que pour
voir la fille & pour s'accoûtumer
peu à peu à vivre avec elle durant
un ou deux mois ; aprés cela
tous les parens s'aſſemblent
avec les plus anciens de la caſte
ou nation ; ils mettent dans une
DU VOYAGE DE SIAM. 2.9
bourſe, l'un un anneau & l'autre
des bracelets , l'autre de l'argent ,
il y en a d'autres qui mettentdes
pieces d'étoffes au milieu de la table
: enſuite le plus ancien prend
une bougie allumée & la paffe
ſept fois au tour de ces prefens,
pendant que toute l'aſſemblée
crie en ſouhaitant aux Epoux un
heureux mariage , une parfaite
ſanté &une longue vie , ils mangent
& boivent enfuite , & voilà
le mariage achevé. Pour le dot
c'eſt comme en France , finon
que les parens du garçon portent
ſon argent aux parens de la fille ,
mais tout cela revient à un ; car
le dot de la fille eſt auſſi mis à
part , & tout eſt donné aux nouveaux
mariez pour le faire valoir.
Si le mary repudie ſa femme ſans
forme de Juſtice , it perd l'argent
qu'onluy a donné, s'illarepudie
par Sentence de Juge , qui
č iij
30
RELATION
ne la refuſe jamais, les parensde
la fille luy rendent ſon bien ; s'il
y a des enfans , ſi c'eſt un garçon
ou une fille , le garçon fuit la mere
, & la fille le pere , s'il y a deux
garçons & deux filles , un garçon
&une fille vont avec le pere, &
un garçon & une fille vont avec
lamere.
,
Al'égarddes monnoyes ilsn'en
ontpoint d'or , la plus groſſe d'argent
s'appelle tical , & vaut environ
quarante ſols , la ſeconde
mayon qui péſe la quatriéme partie
d'un tical , & vaux dix fols
la troiſieme eſt un foüen , qui
vaut cinq ſols , la quatriéme eſt
un fontpaye qui vaut deux fols
&demy, enfin les plus baſſes monnoyes
font les coris qui font des
coquillages que les Hollandois
leur portent des Maldives , ouυ
qui leur viennent des Malais &
des Cochinchinois ou d'autres
DU VOYAGE DE SIAM. 31
côtez , donthuit cens valent un
fouën qui eſt cinq fols .
le
Al'égard des Places fortes dur
Royaume , il ya Bancoc qui eft
environ dix lieuës dans la Riviere
de Siam , où il y a deux Forterefſes
, comme j'ay déja dit. Il y a la
Ville Capitale nommée Juthia ,
autrement nommée Siam , qu'on
fortifie de nouveau par une enceinte
de murailles de bricque ;
Corfuma frontiere contre
Royaume de Camboye eſt peu
forte; Tanaferin à l'oppoſite de la
côte de Malabar eft peu fortifiée .
Merequi n'eſt pas fortifiée, mais
ſe pouroit fortifier , & on y pouroit
faire un bon Port. Porcelut
frontiere de Laos eſt auſſi peu
fortifiée . Chenat n'a que le nom
de Ville , & il reſte quelque apparence
de barrieres , qui autrefois
faifoient fon mur. Louvo où
le Roy demeure neuf mois de
c iiij
32 RELATION
l'année , pour prendre le plaiſir
de la chaſſe del'Elephant & du
Tygre , étoit autrefois un aſſem-
Blage de Pagodes entouré de
terraffes , mais à preſent le Roy
l'arendu incomparablement plus
beau par les Edifices qu'il y fait
faire , & quant au Palais qu'il ya
it l'a extrêmement embelli par les
caux qu'il y fait venir des Montagnes.
Patang eſt un Port des plus
beaux du côté des Malais , où
l'on peut faire grand commerce.
LeRoy de Siam a refuſé aux Compagnies
Angloiſes & Hollandoiſes
de s'y établir : l'on y pourroit
faire un grand établiſſement qui
feroit plus avantageux que Siam
àcausede la ſituation du lieu ; les
Chinois y vont& pluſieurs autres
Nations , on peut s'y fortifier aifément
fur le bord de la Riviere .
CettePlace appartient àune Rey
DU VOYAGE DE SIAM. 33
nequi eſt tributaire du Roy de
Siam , qui à parler proprement en
eſt quaſi le maître .
Quant à leurs Soldats ce n'étoit
point lacoûtume de les payer;
le Roy d'apreſent ayant ouy dire
que les Roys d'Europe payoient
leurs troupes , voulut faire la ſupputationà
combien monteroit la
paye d'un foüen par jour , qui eſt
cinq fols ; mais les Controlleurs
luy firent voir qu'il falloit des
ſommes immenfes , à cauſe de la
multitude de ſes Soldats , de forte
qu'il changea cette paye en ris
qu'il leur fait diſtribuer , du depuis
, il y en a ſuffisamment pour
Ieurs nourritures, &cela lesrend
tres- contens ; car autrefois il falloit
que chaque Soldat ſe fournit
de ris , & qu'il le portât avec ſes
armes, ce qui leur peſoitbeaucoup .
A l'égard de leurs Bâteaux &
Vaiſſeaux , leurs Balons d'Etat ou
34
RELATION
Bâteaux que nous appellons font
les plus beauxdu monde; ils font
d'un ſeul arbre , &d'une longueur
prodigieuſe , il y ena qui tiennent
cinquante juſqu'à cent & cent
quatre-vingt rameurs ; les deux
pointes font tres- relevées , & celuy
qui les gouverne donnant du
pied ſur lapoupefait branler tout
le Balon , & l'on diroit que c'eſt
un Cheval qui ſaute,touty eft doré
avec des Sculptures tres- belles
, & au milieu il y a un Siege
fait en forme de Trône en piramide
, d'une Sculpture tres- belle
& toute dorée , & il y en a de
plus de cent ornemens differents,
mais tous bien dorez &tres-beaux.
Autrefois ils n'avoient que des
Navires faits comme ceux de la
Chine , qu'on nomme Somme ; il
y ena encore pour aller auJapon,
à la Chine , à Tonquin ; mais le
Roy a fait faire pluſieurs Vaif-
1
DU VOYAGE DE SIAM. 35
feaux à l'Europeenne , & en a
acheté des Anglois quelques-uns,
tous agréés & appareillés . Il y a
environ cinquante Galeres pour
garder la Riviere & la côte ; ſes
Galeres ne font pas comme ceux
de France , il n'y a qu'un homme
àchâque Rame , & font environ
quarante ou cinquante au plus fur
chacune ; les Rameurs fervent de
Soldats , le Royne ſe ſert que des
Mores , des Chinois&des Malabars
pour naviger , & s'il y met
quelque Siamois pour Matelots,
cen'eſt qu'en petit nombre,& afin
qu'ils apprennent la navigation.
LesCommandants de ſes Navires
font Anglois ou François , parce
que les autres Nations font tresméchants
navigateurs .
Il envoye tous les ans cinq ou
fix de ces Vaiſſeaux appellez
Sommes à la Chine , dont il y en
a de mille juſqu'à quinze cens
36 RELATION
Tonneaux chargés de quelques
draps , corail , de diverſes marchandiſes
de la côte de Coromandel
& de Suratte , du ſalpêtre , de
l'étain &de l'argent; il en tire des
ſoyes cruës , des étoffes de ſoye ,
des ſatin's de Thé , dumufc , de la
rubarbe , des poureelines , des
ouvrages vernis , du bois de la
Chine , de l'or , & des rubis . Ils
ſe ſervent de pluſieurs racines
pour la Medecine , entr'autres de
la couproſe , ce qui leur apporte
de grands profits .
Le Roy envoye au Japon deux
ou trois Sommes , mais plus petites
que les autres , chargées des
mêmes marchandises , & il n'eſt
pas neceſſaire d'y envoyer de
l'argent ; les marchandiſes que
L'ony porte ſont des moindres ,
&au meilleur marché , les cuirs
de toutes fortes d'animaux y font
bons , & c'eſt la meilleure marDU
VOYAGE DE SIAM. 37
chandiſe que l'on y peut porter ;
on en tire de l'or , de l'argent en
barre , du cuivre rouge , toutes
fortes d'ouvrages d'Orphevrerie ,
des paravants , des Cabinets vernis
,des porcelines , du Thé &
autres choſes ; il en envoye quelquefois
un , deux & trois au
Tonquin de deux à trois cent tonneaux
au plus , avec des draps ,
de corail , de l'Etain , de l'Ivoire ,
du poivre , du ſalpêtre , du bois
de ſapin, & quelques autres marchandiſes
des Indes & de l'argent
au moins le tiers du capital,
on en tire du muſc , des étoffes
de ſoye , de la ſoye crüe , & jaune,
des Camelots , de pluſieurs fortes
de ſatins , du velours , toutes fortes
de bois vernis , des porcelines
propres pour les Indes , & de l'ar
-en barre , à Macao , le Roy envoye
un Navire au plus chargé
de pareilles Marchandiſes qu'à la
38
RELATION
•
Chine. On y peut encore envoyer
quelque mercerie , des dentelles
d'or , d'argent & de foye & des
armes , on en tire des mêmes
marchandiſes que de la Chine ,
mais pas à ſi bon compte.
A Labs le commerce ſe fait par
terre ou par la Riviere , ayant des
bâteaux plats , on y envoye des
draps & des toiles de Surate , &
de la côte , & on en tire des rubis
, du muſc , de la gomme ,
des dents d'Elephans, du Canfre ,
des cornes de Rinocerot , des
peaux de Buffes & d'Elans , à
tres-bon marché , & il y a grand
profit à ce commerce que l'on
fait ſans riſque.
ACamboye on envoye des petites
barques avec quelques draps,
des toiles de Surate & de la côte,
des uſtenciles de cuiſine qui viennent
de la Chine , on en tire des
dents d'Elephans , du benjoüin ,
DU VOYAGE DE SIAM. 39
trois fortes de gomes gutte , des
peaux de Buffes , & d'Elans , des
nids d'oiſeaux pour la Chine dont
je parleray bien- toft & des nerfs
de Cerfs .
On envoye auſſi à la Cochinchine
, mais rarement : car de peuple
n'eſt pas bien traitable , parce
qu'ils font la plupart de méchante
foy , ce qui empéche le commerce
, on y porte de l'argent
du Japon où l'on profite confiderablement
, du laurier rouge ,
de la cire jaune, duris , du plomb,
du ſalpêtre , quelques draps rouges&
noirs , quelques toiles blanches
, de la terre rouge , du vermillon
& vif argent.
On en tire de la ſoye cruë , du
fucre candy , & de la cafſonnade
, peu de poivre , des nids
d'oiſeaux qui ſont faits comme
ceux des Irondelles qu'on trouve
fur des Rochers au bord de
J
40 RELATION
la mer , ils font de tres-bon commerce
pour la Chine & pour pluſieurs
autres endroits ; car aprés
avoir bien lavé ces nids & les
avoir bien feichés ils deviennent
durs comme de la corne , & on
les met dans des boüillons ; ils
font admirables pour les maladies
de langueur &pour les maux d'eftomach
, j'en ay apporté quelques-
uns en France , du bois d'aigle
&de Calamba , du cuivre &
autres marchandises qu'on y apporte
du Japon , de l'or de plufieurs
touches , & du bois de fapan.
Lorſqu'on ne trouve pas de
Navire à Fret , on en envoye un
à Surate , chargé avec du cuivre ,
de l'étain , du ſalpêtre , de l'alun ,
des dents d'Elephants , du bois
de ſapan , &pluſieurs autres marchandiſes
qui viennent des autres
parts des Indes , on en tire des
toiles
DU VOYAGE DE- SIAM. 41
& autres marchandifes d'Europe,
quand il n'en vient point à Siam .
On envoye à la côte de Coromandel
, Malabar , & Bengala
&de Tanaferin , des Elephans
de l'étein , du ſalpêtre , du, cuivre
du plomb , & l'on en tire des toiles
de toutes fortes ,
,
On envoye à Borneo rarement ;
c'eſt une Iſle qui eſt proche de
celle de Java , d'où l'on tire du
poivre . du ſangde Dragon , camphre
blanc , cire jaune ,bois d'aigle
, du bray , de l'or , des perles,
&desdiamans les plus beaux du
monde ; on y envoye des marchandiſes
de Surate , c'eſt à dire
des toiles , quelques pieces de
drap rouge & vert , & de l'argent
d'Eſpagne..
Le Prince qui poffede cette Ifle
ne fouffre qu'avec peine le commerce
, & il craint toûjours d'êtte
ſurpris ; il ne veut pas permetd
42
RELATION
tre à aucune Nation Europeenne
de s'établir chez luy. Il y a cu
des François qui y ont commercé
, il ſe fie plus à eux qu'à aucune
autre Nation .
On envoye encore à Timor
Ifle proche des Molucques , d'où
l'on tire de la cire jaune & blanche
, de l'or de trois touches , des
eſclaves, du gamouty noir , dont
on ſe ſett pour faire des cordages
, & on y envoye des toiles de
Surate , du plomb, des dents d'Elephans,
de la poudre, de l'eau-devie
, quelques armes , peu de drap
rouge & noir , & de l'argent. Le
peuple y eſt paiſible , & negocie
fort bien . Il y a grand nombre
de Portugais.
Al'égard des Marchandiſes du
crû de Siam , il n'y a que de l'étain
, du plomb , du bois de fapan,
de l'Ivoire , des cuirs d'Elans.
& d'Elephans ; il y aura quantité
1
1
!
DU VOYAGE DE SIAM. 43
de poivre en peu de temps , c'eſt
à dire l'année prochaine ,de larrek
, du fer en petits morceaux ,
du ris en quantité , mais l'on y
trouve des marchandises de tous
les lieux ſpecifiés ci-deſfus , & à
affez bon compte. On y apporte
quelques draps & ferges d'Angleterre,
peu de corail &d'ambre,
des toiles de la côte de Coromandel
& de Surate , de l'argent en
piaſtre que l'on trocque ; mais
comme je l'ai dit maintenant ,
que la plupart des Marchands ont
quitté depuis que le Roi a voulu
faire le commerce , les Etrangers
n'y apportent que tres-peu de
choſes ,que les Navires qui ont
accoûtumé d'yvenir n'y font pas
venus l'année derniere , &on n'y
trouve rien , & fi peu qu'il y en
a , il eſt entre les mains du Roi ,
& ſes Miniſtres les vendent au
prix qu'ils veulent.
dij
44
RELATION
Le Roïaume de Siam a prés de
trois cens lieuës de long , fans y
comprendre les Roïaumes tributaires
, à ſçavoir Camboges ,
Gelior , Patavi , Queda , &c . du
Septentrion au Midi , il eſt plus
étroit de l'Orient à l'Occident. Il
eſt borné du côté du Septentrion
par le Roïaume de Pegu & parla
Mer du Gange du côté du Couchant,
du Midi par le petit détroit
de Maláca , qui fut enlevé au Roi
de Siam par les Portugais ils l'ont
poſſedé plus de foixante ans . Les
Hollandois le leur ont pris , &
le poffedent encore ; du côté
d'Orient , il eſt borné par la Mer
& par les Montagnes qui le ſeparent
de. Camboges & de Laos ..
La fituation de ce Roïaume eſt
avantageuſe à cauſe de la grande
étenduë de ſes côtes , ſe trouvant
comme entre deux Mers qui
lui ouvrent le paſſage à tant de.
DU VOYAGE DE SIAM. 45
vaſtes Regions , ſes côtes ont
cinq cens lieuës de tour ; on y
aborde de toutes parts , du Japon
, de la Chine , des Iſles Philippines
, du Tonquin , de la Cochinchine
, de Siampa , de Camboge
, des Ifles de Java , de Sumatra
, de Colconde , de Bengala
, de toute la côte de Coromandel
, de Perſe , de Surate , de Lameque,
de l'Arabie ,& d'Europe
c'eſtpourquoi l'on y peut faire un
grand commerce , ſuppoſé que le
Roi permette à tous les MarchandsEtrangers
d'y revenir comme
ils le faifoient autrefois .
Le Roïaume ſe diviſe en onze
Provinces , ſçavoir celle de Siam ,
de Mitavin , de Tanaferin , de
Jonſalam, de Reda, de Pra, d'Ior,
de Paam, de Parana , de Ligor ,
de Siama . Ces Provinces - là
avoient autrefois la qualité de
Roïaume ; mais elles ſont aujour
46 RELATION
d'hui ſous ladomination du Roide
Siam qui leur donne des Gouverneurs
. Il y en a telles qui peuvent
retenir le nomde Principauté;mais
les Gouverneurs dépendent du
Roy& lui payent tribut. Siam eft
la principale Province de ce
Royaume , la Ville Capitale eſt ſituée
à quatorze degrez & demy
de latitude du Nort , fur le bord
d'une tres-grande & belle riviere ,
& les Vaiſſeaux tous chargés la
paſſent juſqu'aux portes de la Ville,
qui eſt éloignée de la Mer de
plus de quarante lieuës , & s'étend
àplus de deux cens lieuës dans le
pays , & parce moyen elle conduit
dans une partie des Provinces,
dontj'ai parlé ci- deſſus.Cette
Riviere eſt fort poiſſonneuſe &
fes rivages font affez bien peuplez
, quoiqu'ils demeurentinondésune
partie de l'année. Le terroir
y eſt paſſablement fertile 3
DU VOYAGE DE SIAM . 47
mais tres-mal cultivé , l'inondation
provient des grandes pluyes
qu'il y tombe durant trois ou quatre
mois de l'année ; ce qui fait
beaucoup croître leur ris ; en forte
que plus l'inondation dure ,
plus les recoltes du ris ſont en
abondance , & loin des'en plaindre
ils ne craignent que la trop
grande ſeichereſſe. Il y a beaucoup
de terre en friche ,& faute
d'habitans elles ont eſté dépeu--
plées par les guerres precedentes,
& comme ils font ennemis du
travail , ils n'aiment à faire que
les choſes aiſées. Ces plaines abandonnées
& ces épaiſſes Fo--
rets qu'on voit ſur les Montagnes
ſervent de retraite aux Elephans,
aux Tygres , aux Boeufs & Vaches
ſauvages , aux Cerfs , aux Biches,
Rinoceros & autres animaux
que l'ony trouve en quantité.
Al'égard des plantes & des
د
48 RELATION
fruits , il y en a pluſieurs dans le
païs ; mais qui ne font pas rares.
& qui ne ſe peuvent porter que,
difficilement en France , à cauſe
de lalongueur de la navigation .
Il n'y a point d'oiſeaux particuliers
qui ne foient en France , à
la referve d'un oiſeau fait comme
un merle ,qui contrefa it l'homme
à l'égard du rire , du chanter &
du fiffler , les fruits les plus eſtimés
y font les durions ;ils ont
une odeur tres- forte qui n'agrée
pas à pluſieurs, mais à l'égard du
goût il eſt tres- excellent. Ce fruit
eſt tres chaud & tres -dangereux
pour lafanté , quand on en mange
beaucoup; il ya un gros noyau,
à l'entour duquel eſt une eſpece
de creme renfermée dans une écorce
environnée de pluſieurs piquants
, & qui eft faite en pointe
de diamant ; mon goût n'a ja
mais pu s'y accommoder. La mangue
:
DU VOYAGE DE SIAM . 49
gue en ce pays-là eſt en prodigieuſe
quantité , & c'eſt le meil
leur fruit des Indes , d'un goût
exquis , n'incommodant aucunement,
àmoins que d'en manger en
trop grande quantité , alors elle
pouroit bien cauſer la fiévre ; elle
a la figure d'une amande , mais
auffi groſſe qu'une poire de Mef
fire-Jean; ſa peau eſt aſſés mince
& a la chair jaune ; le mangoûstan
eſt un fruit reſſemblant à
une noix verte , qui a dedans un
fruit blanc d'un goût aigret &
agreable , & qui approche fort
deceluide la pêche &de la prune,
il est tres- froid & reſtraintif.
LeJacques eſtun gros fruit qui
eſt bon , mais tres- chaud & indigefte
, & cauſe le flus de ventre
quand on en mange avec excés .
La nana eft preſque comme le
durion , c'eſt à dire à l'égard de
la peau ; il a au bout une courone
50
RELATION
ne de feüilles comme celle de
l'artichaud ; la chair en eſt tresbonne
& a le goût de la pêche
& de l'abricot tout enſemble ; il
eft tres-chaud & furieux ; ce qui
fait que l'on le mange ordinairement
trempé dans le vin.
La figue eſtun fruit tres -doux,
fuave&bien faiſant ; cependant
un peu flegmatique , il y en a pendant
toute l'année .
L'ate eſt un fruit doux & tresbon
, & ne fait point de mal ; il
y en a qui l'eſtiment plus que
tous les fruits des Indes. Il y a
des oranges en tres - grande
quantité de pluſieurs fortes tresbonnes
& fort douces .
La pataïe eſt un fruit tres-bon,
mais l'arbre qui le porte ne dure
que deux ans.
Il y a de toute forte d'oranges
en quantité & de tres - bon goût .
La penplemouſe eſt un fruit
tres-bon pour la ſanté à peu prés
DU VOYAGE DE SIAM . SI
comme l'orange,mais qui a un petit
goût aigret. Il y a pluſieurs
autres fruits qui ne font pas fort
bons.
On a commencé il y a quelques
années à ſemer beaucoup
de bleds dans le pays haut proche
des montagnes qui y vient
bien & eft tres - bon .
On y a planté pluſieurs fois
des vignes qui y viennent bien ,
mais qui ne peuventdurer, à cauſe
d'une eſpece de fourmy blanc
qui la mange juſqu'à la racine.
Il y a beaucoup de canes de
fucre qui rapportent extrémement
; il y a auſſi du tabac en
quantité que les Siamois mangent
avec l'arrek & la chaud .
A l'égard de l'arrek, les Siamois
eſliment ce fruit plus que tout
autre , & c'eſt leur manger ordi
naire ; il y en a une ſi grande
quantité que les marchés en
e ij
52 RELATION
font pleins , & un Siamois croiroit
faire une grande incivilité
s'il parloit à quelqu'un ſans avoir
la bouche pleine de darek , de
betel , de chaud ou de tabac .
,
Il y a grande quantité de ris
dans tout le Roïaume & à tresbon
compte ,& comme ce païs
eſt toûjours inondé , cela fait
qu'il eſt plus abondant , car le ris
ſe nourrit dans l'eau & à meſure
que l'eau croît , le ris croît pareillement
,& fil'eau croît d'un pied
en vingt-quatre heures ce qui
arrive quelquefois , le ris croît
aufli àproportion &a toûjours fa
tige au deſſus de l'eau , il ne reſte
que cinq ou fix mois au plus en
terre , il vient comme l'avoine,
Il n'y a point de ville dans l'Orient
où l'on voye plus de Nations
differentes , que dans la Ville
Capitale de Siam , & où l'on
parle de tant de langues differentes
, elle a deux lieuës de
DU VOYAGE DE SIAM .
53
tour & une demie lieuë de large,
elle eſt tres- peuplée , quoi qu'elle
ſoit preſque toûjours inondée ,
enfortequ'elle reſſemble plûtoſtà
une Ifle , il n'y a que des Maures
, des Chinois , des François
& des Anglois , qui demeurent
dans la Ville , toutes les autres
Nations eſtant logées aux environspar
camps ; c'eſt à dire chaque
nation enſemble , ſi elles estoient
affemblées elles occuperoient
autant d'eſpace que la Ville qui
eſtoit autrefois tres- marchande ,
mais les raiſons que j'ay dites cydevant
empêchent la plupartdes
Nations Etrangeres d'y venir &
d'y rien porter.
Le peuple eſt obligé de ſervir
le Roy quatre mois de l'année
regulierement , & durant toute
l'année , s'il en a beſoin ; il ne leur
donne pas un fol de paye, eſtant
obligez de ſe nourir eux-mêmes
e iij
54 RELATION
& de s'entretenir ; c'eſt ce qui
a faitque les femmes travaillent
afin de nourir leurs maris .
A l'égard des Officiers depuis
les plus grands Seigneurs de la
Cour juſqu'au plus petit du
Royaume, le Roy neleur donne
que de tres- petits appointemens,
ils font auſſi eſclaves que les autres
, & c'eſt ce qui luy épargne
beaucoup d'argent. Les Provinces
éloignées dont les habitans
ne le ſervent point actuellement,
luy payent un certain tribut par
teſte. J'arrivay dans le temps que
le pays eſtoit tout-à-fait inondé
, la Ville en paroît plus agreable,
les ruës en ſont extremement
longues , larges & fort droites,
il y a aux deux côtez des
maiſons bâties ſur des pilotis &
des arbres plantés tout à l'entour
, ce qui fait une verdeur
admirable , & on n'y peut aller
DU VOYAGE DE SIAM. 55
qu'en ballon ; en la regardant l'on
croiroit voir d'un coup d'oeil ,
une ville , une mer & une vaſte
foreſt , où l'on trouve quantité
de Pagodes qui font leurs Eglifes
, & la plupart font fort dorées,
à l'entour de ces Pagodes', il ya
comme des Cemetieres plantés
d'arbres la plupart fruitiers , les
maiſons des Talapoins font les
plus grandes& les plus belles&
font en tres-grand nombre .
Ce païs-là eſt plus ſain que les
autres des Indes ,les Siamois ſont
communément affez bien-faits ,
quoi qu'ils ayent tous le viſage
bazanné , leur taille eſt affez
grande , leurs cheveux font
noirs , ils les portent aſſez courts
àcauſe de la chaleur , ils ſe baignent
ſouvent , ce qui contribuë
àla conſervation de leur ſanté
les Europeans qui y demeurent
en font de même pour éviter les
a
e iiij
56 RELATION
maladies ; ils tiennent leurs marchés
ſur des places inondées dans
leurs balons pendant fix ou ſept
mois de l'année que l'inondation
dure.
Le Roy ſe leve du matin &
tient un grand Conſeil vers les
dix heures ,où l'on parle de toutes
fortes d'affaires, qui dure juſqu'à
midy , aprés qu'il eſt fini ſes Medecins
s'aſſemblent pour ſçavoir
l'état de ſa ſanté , & enſuite il
va dîner ; il ne fait qu'un repas
par jour , l'aprés-dînée il ſe retire
dans ſon appartement où il dort
deux ou trois heures , & l'on ne
ſçait pas à quoyil employe le reſte
dujour, n'étant permis pas même
à ſes Officiers d'entrer dans ſa
chambre . Sur les dix heures du
foir, il tient un autre Conſeil ſecret
, où il y a ſept ou huit Mandarins
de ceux qu'il favoriſe le
plus , ce Conſeil dure juſqu'à
DU VOYAGE DE SIAM . 57
minuit . Enſuite on luy lit des
hiſtoires ou des vers qui ſont faits
à leurs manieres , pour le divertir
& d'ordinaire après ce Conſeil ,
Monfieur Conſtans demeure ſeul
aveclui , auquel il parle à coeur
ouvert , comme le Roy luy trouve
un eſprit tout-à- fait vaſte , ſa
converſation luy plaît , & il luy
communique toutes ſes plus fecrettes
penſées ; il ne ſe retire
d'ordinaire qu'à trois heures aprés
minuit pour s'aller coucher , voilà
la maniere dontle Roy vît toûjours
, & de cette forte toutes les
affaires de ſon Royaume paſſent
devant luy ; dans de certains
tempsil prend plaiſir à la chaſſe ,
comme j'ay dit ; il aime fort les
bijoux même ceux d'émail & de
verre , il eſt toûjours fort proprement
vêtu , il n'a d'enfans qu'une
fille , que l'on appelle la Princef
ſeReyne , âgée d'environ vingt58
RELATION
fept ou vingt-huit ans le Roi
l'aime beaucoup , on m'a dit qu'elle
étoit bien faite ; mais jamais les
hommes ne la voyent, elle mange
dans le même lieu & à même
tems que le Roy,mais à une table
feparée ; & ce ſont des femmes
qui les ſervent qui ſont toûjours
proſternées.
Cette Princeſſe a ſa Cour compoſéedes
femmes des Mandarins
qui la voyent tous les jours , &
elletientConſeil avec ſes femmes
de toutes ſes affaires , elle rend
juſticeà ceux qui luy appartiennent
, &leRoy luy ayant donné
desProvinces dont elle tire le revenu&
en entretient fa Maiſon ,
elle a ſes châtimens & exerce la
juſtice. Il y eſt arrivé quelquefois
que lorſque quelques femmes de
ſamaiſon ont eſté convaincuës de
mediſances d'extrême confideration
, ou d'avoir revelé des ſecrets
DU VOYAGE DE SIAM. 59
de tres-grende importance , elle
leur a fait coudre la bouche .
Avant la mort de la Reyne ſa
mere, elle avoit à ce que l'on dit
du penchant à faire punir avec
plus de ſeverité , mais du depuis
qu'elle l'a perduë elle en uſe avec
beaucoup plus de douceur ; elle
va quelquefois àla chaſſe avec le
Roy , mais c'eſt dans une fort
belle chaiſe placée ſur un Elephant
& où quoy qu'on ne la
voye point elle voit neanmoins
tout ce qui s'y paſſe. Il y a des Cavaliers
qui marchent devant elle
pour faire retirer le monde , & fi
par hazard il ſe trouvoit quelque
homme ſur ſon chemin qui ne pût
pas ſe retirer,il ſe proſterne en terre
& luy tourne le dos. Elle eſt
tout le jour enfermée avec ſes
femmes ne ſe divertiſſantà faire
aucun ouvrage , ſon habillement
eſt affez ſimple & fort leger , elle
60 RELATION'
eſt nuë jambe , elle a à ſes pieds
des petites mulles ſans talons
d'un autre façon que celles de
France ; ce qui lui fertdejuppe eſt
une piece d'étoffe de ſoye ou de
coton qu'on appelle paigne , qui
l'enveloppe depuis la ceinture
en bas & s'atrache par les deux
bouts, qui n'eſt point plicée , de
la ſceinture en haut elle n'a rien
qu'une chemiſe de mouſſeline
qui luy tombe deſſus cette maniere
de juppe , & qui eſt faite
de meſme que celle des hommes,
elle a une écharpe fur la gorge
qui luy couvre le col & qui paffe
par deſſous les bras , elle eſt toûjours
nuë teſte , & n'a pas les
cheveux plus longs que de quatre
ou cinq doigts , ils lui font comme
une tête naiſſante ; elle aime
fort les odeurs , elle fe met de
P'huileà la teſte ; car il faut en ces
lieux-là que les cheveux foient
DU VOYAGE DE SIAM . 61
luifans , pour eſtre beaux , elle
ſe baigne tous les jours meſme
plus d'une fois qui eſt la coûtume
de toutes les Indes , tant à l'égard
deshommes quedes femmes ;j'ay
apris tout ceci de Madame Conſtans
qui va ſouvent luy faire ſa
Cour. Toutes les femmes qui
font dans ſa Chambre ſont toûjours
proſternées & par rang ,
c'eſt à dire les plus vieilles ſont
les plus proches d'elle , & elles
ont la liberté de regarder la Princeffe
, ce que les hommes n'ont
point avec le Roy de quelque
qualité qu'ils foient , car tant
qu'ils font devant luy , ils ſont
profternez & meſme en luy parlant.
Le Roy a deux freres , les freres
du Roy heritent de la Couronne
de Siam preferablement à
fes enfans . Quand le Roy fort
pour aller à la Chaſſe ou à la
62 RELATION
promenade, on fait avertir tous
les Européens de ne ſe point trouver
ſur ſon chemin , à moins qu'ils
ne veulent ſe profterner un moment:
avant qu'il forte de fon Palais
on entend des trompettes &
des tambours qui avertiſſent &
qui marchent devant le Roy , à
ce bruit les Soldats qui font en
haye ſe proſternent le front contre
terre & tiennent leurs moufquets
ſous eux ; ils font en cette
poſture autant de temps que
le Roy les peut voirde deſſus ſon
Elephant , où il eſt aſſis dans une
chaiſe d'or couverte , la garde à
cheval qui l'accompagne & qui
eſt compoſée de Maures eſt environ
quarante Maiſtres marchant
fur les aîles ; toute la Maiſon du
Roy eſt à pied devant , derriere
&à côté , tenant les mains jointes,&
elle le ſuit de cette maniere.
Il y a quelques Mandarins des
DUVOYAGE DE SIAM. 63
principaux qui le fuivent ſur des
Elephans , dix ou douze Officiers
qui portent de grands paraſſols
tout à l'entour du Roy , & il n'y
a que ceux- là qui ne ſe proſternent
point ; car dés le moment
que le Roy s'arreſte tous les autres
ſe proſternent , & mefme
ceux qui ſont ſur les Elephans.
Quant à la maniere que le Roy
de Siam obſerve à la reception
des Ambaſſadeurs , comme ceux
de la Cochinchine , de Tonquin,
de Colconda , des Malais , de
Java & des autres Roys , il les
reçoit dans une Salle couverte de
tapis , les grands & principaux
du Roïaume font dans une autre
ſalleun peu plus baffe , & les autres
Officiers de moindre qualité
dans une autre ſalle encore plus
baſſe, tous proſternés ſur des tapis
en attendant que le Roy pa
64 RELATION
roiſſe par une feneſtre qui eſt visà-
vis; la ſalle où doivent eſtre les
Ambaſſadeurs eſt élevée d'environ
dix ou douze pieds & diſtante
de cette falle de trente pieds ;
l'on ſçait que le Roy va paroître
par le bruit des trompettes , des
tambours & des autres Inſtrumens
; les Ambaſſadeurs font derriere
une muraille qui renferme
cette ſalle qui attendent la fortie
du Roy , & ordre des Miniſtres
que le Roy envoye appeller par
un des Officiers de ſa Chambre,
ſuivant la qualité des Ambaſſadeurs
, & fes Officiers fervent en
telles occaſions; aprés queles Miniſtres
ont la permiffion du Roy
on ouvre la porte de la ſalle &
auſſi- tôt les Ambaſſadeurs paroifſent
avec leur Interprete , &
l'Officier de la Chambre du Roi
qui ſert de Maiſtre de Ceremonies&
marchent devant eux profternez
DU VOYAGE DE SIAM. 65
ternez ſur des tapis qui ſont ſur
la terre , faiſant trois reverences
la teſte en bas à leur maniere
aprés quoy le Maiſtre des Ceremonie
marche à genoux les mains
jointes , l'Ambaſſadeur avec fes
Interprettes le ſuit en la même
poſture avec beaucoup de modeſtie
juſques au milieu de la
diſtance d'où il doit aller , & fait
trois reverences en la meſme forme
; il continue à marcher jufqu'au
coin le plus proche des falles
où les Grands font , & il recommence
à faire des reverences
où il s'arrête ; il y a une table
entre le Roy & l'Ambaſſadeur ,
diſtante de huit pieds , où ſont
les preſens que l'Ambaſſadeur apporte
au Roy , & entre cette table
& les Ambaſſadeurs il ya un
Mandarin qui reçoit les paroles
de ſa Majesté , & dans cette Salle
ſont les Miniſtres du Roy diff
66 RELATION
tants de l'Ambaſſadeur d'environ
trois pas , & le Capitaine qui
gouverne la Nation d'où eſt l'Ambaffadeur
eft entre luy & les Miniſtres
; le Roy commence à parler
le premier & non l'Ambaffadeur
, ordonnant à ſes Miniſtres
de s'informer de l'Ambaffadeur
quand il eſt party de la preſence
duRoy ſon Maiſtre , file Roy
& toute la famille Royale eſtoit
en ſanté , auquel l'Ambaſſadeur
répond ce qui en eſt par fon Interprete
, l'Interprete le dit au
Capitaine de la Nation d'où eſt
l'Ambaſſadeur , le Capitaine au
Barcalon & leBarcalon au Roy.
Aprés cela le Roy fait quelque
demande fur deux ou trois points
concernant l'Ambaſſadeur ; enfuitele
Roy ordonne à l'Officier
qui eſt proche la table de donner
du betel àl'Ambaſſadeur , ce
qui ſert de ſignal pour que l'on
DU VOYAGE DE SIAM. 67
luy preſente une veſte , & incontinent
le Roy ſe retire au bruit
des tambours, des trompettes&
des autres inſtrumens. La premiereAudiencede
l'Ambaſſadeur
ſe paſſe entreluy & le Ministre ,
qui examine la Lettre &les prefens
du Prince qui l'a envoyés
l'Ambaſſadeur ne preſente point
la Lettre au Roy , mais au Miniſtre
, aprés quelques jours du
Conſeil tenu ſur ce ſujet.
Quand ce font des Ambaſſadeurs
des Roys indépendans de
quelque Couronne , que ce ſoit
de ſes pays , commePerſe , grand
Mogol , l'Empereur de la Chine ,
de Japon , on les reçoit enlamaniere
ſuivanre.
Les Grands du premier & du
ſecond Ordre vont aupied de la
feneſtre où eſt le Roy ſe proſter-:
ner ſuivant leurs qualitez ſur des
tapis , & ceux du troiſieme , quafij
68 RELATION
triéme & cinquiéme , ſont dans
une ſalle plus baffe & attendent
la fortie du Roy qui paroiſt par
une feneſtre qui eſt enfoncée
dans la muraille , & élevée de
dix pieds ; les Ambaſſadeurs font
dans un lieuhors du Palais , en
attendant le Maiſtre des Ceremonies
qui les vient recevoir , &
l'on fait les meſmes ceremonies
dont j'ay parlé cy -deſſus : l'Ambaſſadeur
entrant dans le Palais
leve les mains ſur ſa teſte & marche
entre deux Salles qu'il ya &
monte des degrez qui font visà-
vis la feneſtre où eſtle Roy , &
quand il eſtau haut il poſe un genou
en terre , & auffi-tôt on
ouvre une porte pour qu'il puiſſe
paroître devant le Roy ; enſuite
on pratique les mêmes ceremonies
qui viennent d'eſtre marquées
cy-devant. Ily a un bandege
ou plat d'or ſur la table où
DU VOYAGE DE SIAM. 69
eſt la Lettre traduite & ouverte ,
ayant été receuë par les Miniſtres
quelques jours auparavant dans
une ſalle deſtinée à cet uſage ;
quand l'Ambaſſadeur eſt dans ſa
place le Lieutenant du Miniſtre
prend laLettre& la lit tout haut;
aprés qu'il l'a leuë , le Roy fait
faire quelque demande à l'Ambaſſadeur
par ſon Miniſtre , fon
Miniſtre par le Capitaine de la
Nation , & le Capitaine par l'Interprete
, & l'Interprete enfin
parle à l'Ambaſſadeur. Ces demandes
ſont ſile Roy ſon Maître
& la famille Royale font en ſanté
, & s'il la chargé de quelqu'au
tre choſe qui ne fût pas dans la
Lettre , à quoy l'Ambaſſadeur
répond ce qui en eſt ; leRoy luy
fait encore troisou quatre deman.
des , & donne ordre qu'on luy
donne une veſte & du betel : aprés
quoy le Roy ſe retire au bruit des
70 RELATION
tambours & des trompettes ,&
l'Ambaſſadeur reſte un peu de
temps , & ceux qui l'ont reccu
le reconduiſent juſqu'à fon logis
fans autre accompagnement ; &
comme j'appris cette manierede
recevoir les Ambaſſadeurs qui ne
me parût pas répondre à la grandeur
du Monarque de la part
de qui je venois , j'envoyay au
Roy de Siam deux Mandarins
qui estoientavec moy de ſa part ,
pour ſçavoir ce que je ſouhaitterois
, pour le prier de me faire la
mefme reception que l'on a accoûtumé
de faire en France , ce
qu'il m'accorda de la maniere
queje l'ay raconté cy-devant.
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Résumé : ETAT Du Gouvernement, des Moeurs, de la Religion, & du Commerce du Royaume de Siam, dans les pays voisins, & plusieurs autres particularités.
Le texte décrit l'organisation politique, judiciaire et sociale du Royaume de Siam. Les mandarins, responsables de la justice, se réunissent au palais royal pour entendre les requêtes. Les étrangers peuvent porter des plaintes concernant les marchandises auprès du Barcalon, premier ministre du roi, ou de son lieutenant. Le roi de Siam est décrit comme absolu et sévère, châtiant sévèrement les crimes. Les peines incluent des coups de rotte, la décapitation, et des supplices publics pour les complices de crimes capitaux. Le roi travaille intensément à des projets de construction et est favorable aux étrangers, qu'il emploie dans son service. Le roi actuel de Siam se distingue par sa volonté de se montrer à ses sujets et aux étrangers, influencé par les coutumes européennes. Il est assisté par un ministre grec, Monsieur Conftans, qui exerce une grande autorité. Les lois traditionnelles, influencées par les Talapoins, interdisent le meurtre, mais le roi actuel a introduit des peines plus sévères, comme la décapitation et la livraison aux éléphants. Le royaume de Siam est peuplé de diverses nations étrangères, chacune ayant ses officiers particuliers. Le commerce étranger a diminué en raison des troubles dans les régions voisines, mais il est espéré qu'il reprendra. Le royaume est en guerre avec plusieurs voisins, notamment les Cambogiens et le Royaume de Laos, en raison de conflits et de trahisons. Les Siamois sont décrits comme dociles et chastes, bien que les riches puissent avoir des concubines. Les mœurs varient selon les groupes ethniques, avec des différences notables entre Siamois, Pegovans, Laos, et Malais. Les étrangers présents dans le royaume incluent des Portugais, Hollandais, Anglais, Français, Cochinchinois, Tonquinois, Macassars, et Arméniens, chacun ayant des rôles et des statuts variés. Les valets sont contraints de servir les Siamois sans rémunération pendant la moitié de l'année et sont nourris à bas coût, principalement avec du riz et du poisson. Les Siamois sont souvent maçons ou charpentiers, et certains sont très habiles en sculpture et dorure, mais ils ne maîtrisent pas la peinture. Leur religion est marquée par des histoires fabuleuses et la croyance en la métempsycose, où l'âme se réincarne après la mort. Les Talapoins (moines) sont respectés et vivent de l'aumône, sans prier les divinités. Ils croient en trois grands Talapoins devenus dieux et anéantis après avoir acquis des mérites. Les navires siamois, autrefois similaires aux navires chinois appelés 'Sommes', ont été modernisés avec des vaisseaux européens. Le roi de Siam possède environ cinquante galères pour protéger la rivière et la côte, avec des rameurs soldats et des navigateurs principalement mores, chinois et malabars. Les commandants des navires sont souvent anglais ou français. Le commerce de Siam est vaste et diversifié, avec des échanges réguliers avec la Chine, le Japon, le Tonquin, et d'autres régions. Le royaume s'étend sur près de trois cents lieues et est divisé en onze provinces, chacune ayant autrefois été un royaume indépendant mais maintenant sous la domination du roi de Siam. La capitale est située sur une grande rivière, permettant aux vaisseaux de naviguer jusqu'aux portes de la ville. Le territoire est fertile mais mal cultivé, avec de vastes plaines et forêts abritant divers animaux. Les fruits et plantes du Siam sont nombreux, bien que certains soient difficiles à transporter en France. Les orangers produisent en abondance des fruits de bonne qualité, mais les arbres ne durent que deux ans. La pompelmouse est également appréciée pour sa valeur nutritive. Le pays cultive du blé et du riz en grande quantité, ce dernier profitant des inondations fréquentes. Les vignes, bien que prospères, sont détruites par des fourmis blanches. Le tabac et l'arrak sont consommés en grande quantité par les Siamois. La capitale du Siam est une ville très peuplée et cosmopolite, où résident des Maures, des Chinois, des Français et des Anglais. Les habitants doivent servir le roi quatre mois par an sans rémunération, ce qui oblige les femmes à travailler pour subvenir aux besoins de la famille. Le roi tient des conseils matinaux et nocturnes pour gérer les affaires du royaume. Il a une fille, la princesse, qui exerce également des fonctions judiciaires et vit recluse avec ses femmes. Les cérémonies et les audiences avec les ambassadeurs suivent des protocoles rigoureux, incluant des prosternations et des révérences. Le roi et la princesse se baignent fréquemment pour des raisons de santé.
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5
p. 236-241
Mr Anisson continué Prevost des Marchands de la Ville de Lyon, [titre d'après la table]
Début :
On fait quelquefois de grandes fautes dans le Mercure, par [...]
Mots clefs :
Correction, Prévôt des marchands, Lyon, Commerce, Prévôts
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texteReconnaissance textuelle : Mr Anisson continué Prevost des Marchands de la Ville de Lyon, [titre d'après la table]
On fait quelquefois de grandes fautes dans
le Mercure
, par le desir
de bien faire
,
veut-on
donner des Nouvelle^
trop fraiches, on est en
danger d'en donner de
douteuses, c'estcequ'on
afait lemois passé, pour,
ne s'être pas donne le
temps de verifier un
mémoire, qui portoit:
que M. Anisson,député
de la ville de Lionau
conseildu Commerce,
avoitété fait Prevost
des Marchands de ladite Ville, & cela ne s'est
pas trouvé vray. C'est
M. Ravat, qui, ayant été nommé pour les an- nées 1708. & 1709. &
continuépour 1710. 8C
1 1 1711. a
été continué une
xçconde fois pour 1712.
&C171}.
,', De Lion.
Le Prevost des Marchands de Lion préside
à !afJLÏrifdi&iÇ>n de la
consignation de Lion
Ja plus celebre de l'Europe pourles affaires du
Commerce, dont les Jugemens sont executez
dans toute l'étenduëdu
JVpyaume
,
&.- meme
dans les Pays étrangers,
8c il commande dans la
Ville enl'a'bf l'absence du
Gouverneur,!
, M,, Ravat. s'est donduit dans cette place
avectant de prudence
&desagesse,pendant
les quatreannéesdernieres ,qu'il a mérité
d'êtrecontinué
une
fecondefois,parune distinctionqui n'a - point
eûd'exemple depuis117
ans auc ansquelala Prevosté Prévoie des
Marchands a
été établie dans Lion.
Quoiqu'on n'ait point
dû prévoircette continuation, M. le Maréchal de Villeroy a
bien
connu qu'il rempliroit,
en la faisant, les voeux
de tous les ordres de la
ville de Lion, qui regarde comme une justice de faire joüir M.
Ravat de la tranquillité que nous esperons
par la Paix, puisqu'il a
1
essuyé
,,ffuye pendant quatre
années toutes fortes de
~raver[es, l'aproche des
ennemis, la famine,
& le dérangement du
Commerce, ayant remedié à tous ces maux ila satisfaction de tout
le monde,& retabli la
~seureté, l'abondance,
& la confiance dans les
affaires
le Mercure
, par le desir
de bien faire
,
veut-on
donner des Nouvelle^
trop fraiches, on est en
danger d'en donner de
douteuses, c'estcequ'on
afait lemois passé, pour,
ne s'être pas donne le
temps de verifier un
mémoire, qui portoit:
que M. Anisson,député
de la ville de Lionau
conseildu Commerce,
avoitété fait Prevost
des Marchands de ladite Ville, & cela ne s'est
pas trouvé vray. C'est
M. Ravat, qui, ayant été nommé pour les an- nées 1708. & 1709. &
continuépour 1710. 8C
1 1 1711. a
été continué une
xçconde fois pour 1712.
&C171}.
,', De Lion.
Le Prevost des Marchands de Lion préside
à !afJLÏrifdi&iÇ>n de la
consignation de Lion
Ja plus celebre de l'Europe pourles affaires du
Commerce, dont les Jugemens sont executez
dans toute l'étenduëdu
JVpyaume
,
&.- meme
dans les Pays étrangers,
8c il commande dans la
Ville enl'a'bf l'absence du
Gouverneur,!
, M,, Ravat. s'est donduit dans cette place
avectant de prudence
&desagesse,pendant
les quatreannéesdernieres ,qu'il a mérité
d'êtrecontinué
une
fecondefois,parune distinctionqui n'a - point
eûd'exemple depuis117
ans auc ansquelala Prevosté Prévoie des
Marchands a
été établie dans Lion.
Quoiqu'on n'ait point
dû prévoircette continuation, M. le Maréchal de Villeroy a
bien
connu qu'il rempliroit,
en la faisant, les voeux
de tous les ordres de la
ville de Lion, qui regarde comme une justice de faire joüir M.
Ravat de la tranquillité que nous esperons
par la Paix, puisqu'il a
1
essuyé
,,ffuye pendant quatre
années toutes fortes de
~raver[es, l'aproche des
ennemis, la famine,
& le dérangement du
Commerce, ayant remedié à tous ces maux ila satisfaction de tout
le monde,& retabli la
~seureté, l'abondance,
& la confiance dans les
affaires
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Résumé : Mr Anisson continué Prevost des Marchands de la Ville de Lyon, [titre d'après la table]
Le texte critique la publication hâtive de fausses nouvelles dans le Mercure, illustrant ce danger par un exemple récent. Le mois précédent, une information erronée avait été publiée selon laquelle M. Anisson avait été nommé Prévôt des Marchands de Lyon. En réalité, c'est M. Ravat qui occupait ce poste depuis 1708, ayant été réélu pour les années 1708 à 1711 et reconduit pour 1712 et 1713. Le Prévôt des Marchands de Lyon préside la juridiction de la consignation de Lyon, célèbre en Europe pour ses jugements exécutés dans tout le royaume et même à l'étranger. Il assure également la gouvernance de la ville en l'absence du gouverneur. M. Ravat a exercé cette fonction avec prudence et sagesse, méritant ainsi une reconduction exceptionnelle, la première depuis 117 ans. Le maréchal de Villeroy a reconnu que cette décision répondait aux attentes de tous les habitants de Lyon, qui apprécient la gestion de M. Ravat face aux difficultés telles que la guerre, la famine et les perturbations commerciales.
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6
p. 313-325
Les dix-sept Articles de Paix, proposez par les Plenipotentiaires de France.
Début :
1. Le Roy à la signature de la Paix, reconnoistra la Reine de la Grande Bretagne [...]
Mots clefs :
Article de paix, Paix, Plénipotentiaires, Roi, Commerce
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texteReconnaissance textuelle : Les dix-sept Articles de Paix, proposez par les Plenipotentiaires de France.
Les dix-fept Articles de
Paix ,
propofe par
les Plenipotentiaires de
France.
I. Le Roy à la fignature
de la Paix , reconnoiftta la
Reine de la Grande Bretagne en cette qualité, comme
auffi la fucceffion à la Cou
ronne,telle qu'elle eft établie
& de la maniere qu'il plaira
à Sa Majesté Britanique.
II. Sa Majefté fera rafer toutes les fortifications
de Dunkerque , immediaFévrier 1712. Dd
814 MERCURE.
tement aprés la conclufion
de la Paix , moyennant un
équivalent à fa fatisfaction,
III. L'Ifle de Saint Chrif
tophle , la Baye & le Déroit de Hudfon feront cedez en leur entier à la
Grande Bretagne , & l'Aca.
demie avec leFort du PortRoyal , feront rendus en
leur entier , à Sa Majefte.
IV. A l'égard de l'lfle de
Terreneuve , le Roy offe
encore de la ceder , fe refervant feulement le Fort
de Plaifance , & le droit de
pefcher les moruës & de
GALANT. 315
les faire fecher comme avant la guerre.
V. On conviendra d'un.
Traité de commerce avant
ou aprés la Paix , au choix
de l'Angleterre , dont on
rendra les conditions auffi
égales entre les deux Nations qu'il fera poffible.
VI. Le Roy , à la fignature de la Paix , confentira que les Païs - Bas Elpagnols cedez par le Roy
d'Espagne à l'Electeur de
Baviere, fervent de barriere
aux Provinces Unies , &
pour l'augmenter, il y ajou
Ddij
36 MERCURE
£
tera Furnes & ſon Bailliage
la Knoque, Ipres & la Charellenie , Menin avec fa
Verge ; & en efchange , Sa
Majefté demande pour former une barriere de la
France, Aire, Saint Venant,
Bethune, Douay, Bouchain,
&leurs dependances.
VII. Si les Eftats Generaux veulent entretenir
garnifon dans les places
fortes de la barriere for,
mée de cette manière , des
terres cedées à Son Altelle Electorale de Baviere ,
& de ce que la France Y 2
GALANT. 317
ajouté du fien , Sa Majesté
confent qu'ils y mettent autant de troupes qu'il leur
plaira , & mefme qu'elles
foient entretenues aux dépens du Pais.
VIII. Moyennant cette
ceffion & accord, le Roy
de fon cofté demandepour
l'équivalent de la demolition de Dunkerque , les
Villes & Citadelles de Lille
& de Tournay avec leurs
dependances.
IX. La barriere eſtant
ainfi reglée entre la France
& les Eftats Generaux, le
D diij
318 MERCURE
Roy pour augmenter le
commerce de leurs fujets
accordera ce qui a etté
Alipulé par le Traité de
Rifwik & le Tarifavantageux de 1664 , à la referve
die de fix fortes de marchandifes dont on conviendra,
& qui demeureront chargées des mefmes droits
qu'elles payent actuelle-
"ment: comme auffi l'exemption des cinquante fols par
tonneau fur les Vaiffeaux
venant des Provinces Unics
& des Pais eftrangers en
France.
GALANT. 319
X.Al'égard du commerce
en Espagne & aux Indes
Occidentales, le Roy s'engagera, non feulement envers les Eftats Generaux ,
mais auffi envers la Grande
Bretagne & tous les autres
Princes , en vertu du plein
pouvoir qu'il a pour ce fujet , que ce commerce fe
fera ponctuellement & de ་ ན
la mefme maniere qu'on
a fait fous le regne, & jufqu'à la mort de Charles II.
& il promer que les François fe foumetront comme
les autres Nations aux anDd inj
320 MERCURE
ciennes Loix & Reglements
faits par les Rois predeceffeurs de Sa Majesté Catholique , par rapport au commerce & à la navigation des
Indes Espagnoles.
XI. Sa Majesté confent
outre cela que tous les Potentats de l'Europe, entrent
dans la garantie de ces promeffes, & promet que le Roy
fon petit fils, pour le bien de
la Paix , renoncera à toutes
pretentions fur le Royaume
de Naples & la Sardaigne ,
comme auffi fur le Duché
de Milan , & elle confentira auffi que cette partie qui
GALANT. 321
a efté cedée au Duc de
Savoye, refte à fon Alteffe
Royale bien entendu que
moyennant cette ceffion, la
Maifon d'Auftriche renoncera pareillement à toutes
pretentions fur les autres
parties de la Monarchie Efpagnole , & en retirera fes
troupes immediatement aprés la Paix.
XII. Les frontieres fur
le Haut Rhin , feront rétablies de part & d'autre
fur le mefme pied qu'elles
eftoient avant la prefente
guerre.
322 MERCURE
XIII. Moyennant toutes ces conditions , le Roy
demande que les Electeurs
de Cologne & de Baviere foient reftablis dans
la pleine poffeffion de leurs
Eftats , dignitez,
prerogatives, biens , meubles & immeubles , dont ils ont joui
avant la prefente guerre, &
Sa Majesté reconnoiftra en
Allemagne & en Pruffe ,
tous les Titres qu'elle n'a
pas encore reconnus.
XIV. Le Roy rendra au
Duc de Savoye tout ce qu'il
luy a pris pendant cette guer
GALANT. 323
re, &fon Altefle Royale en
fera de mefme à l'égard de
la France; de maniere que les
frontieres de part & d'autre
feront les mefmes qu'avant
la Declaration de la guerre.
XV. Ce qui concerne
le Portugal, fera reſtabli &
demeurera fur le mefme
pied qu'avant la guerre, cant
par rapport à la France qu'à
l'Eſpagnes quant aux Domaines en Amerique , s'il y
a quelque chofe à regler ,
on tafchera de le faire à l'amiable.
XVI. Le Roy con-
$24 MERCURE
fentira volontiers & de
bonne foy, que de concert
avec les Allicz , on prenne
les mefures les plus convenables, pour empefcher que
les Couronnes de France &
d'Efpagne foient jamais reunies fur une mefme tefte ;
c'eft à dire que le mefme
Prince foit Roy des deux
Royaumes.
XVII. Tous les les Trai
tez, fçavoir celuy de Munf
rer & les fuivans, demeureront en pleine vigueur , excepté les articles aufquels le
prefent Traité pourroit a-
GALANT. 325
voir derogé ou fait quelque changement.
Il y eut des difputes fur
cespropofitions de la part de
quelques Plenipotentiaires ,
qui en prirent des copies &
les envoyerent àleurs Maîtres par des couriers exprés. Cependant on affure
que le 13 il fut refolu dans
l'affemblée des Alliez , que
les Mars ils donneroient
leur réponſe aux Plenipotentiaires de France,
Paix ,
propofe par
les Plenipotentiaires de
France.
I. Le Roy à la fignature
de la Paix , reconnoiftta la
Reine de la Grande Bretagne en cette qualité, comme
auffi la fucceffion à la Cou
ronne,telle qu'elle eft établie
& de la maniere qu'il plaira
à Sa Majesté Britanique.
II. Sa Majefté fera rafer toutes les fortifications
de Dunkerque , immediaFévrier 1712. Dd
814 MERCURE.
tement aprés la conclufion
de la Paix , moyennant un
équivalent à fa fatisfaction,
III. L'Ifle de Saint Chrif
tophle , la Baye & le Déroit de Hudfon feront cedez en leur entier à la
Grande Bretagne , & l'Aca.
demie avec leFort du PortRoyal , feront rendus en
leur entier , à Sa Majefte.
IV. A l'égard de l'lfle de
Terreneuve , le Roy offe
encore de la ceder , fe refervant feulement le Fort
de Plaifance , & le droit de
pefcher les moruës & de
GALANT. 315
les faire fecher comme avant la guerre.
V. On conviendra d'un.
Traité de commerce avant
ou aprés la Paix , au choix
de l'Angleterre , dont on
rendra les conditions auffi
égales entre les deux Nations qu'il fera poffible.
VI. Le Roy , à la fignature de la Paix , confentira que les Païs - Bas Elpagnols cedez par le Roy
d'Espagne à l'Electeur de
Baviere, fervent de barriere
aux Provinces Unies , &
pour l'augmenter, il y ajou
Ddij
36 MERCURE
£
tera Furnes & ſon Bailliage
la Knoque, Ipres & la Charellenie , Menin avec fa
Verge ; & en efchange , Sa
Majefté demande pour former une barriere de la
France, Aire, Saint Venant,
Bethune, Douay, Bouchain,
&leurs dependances.
VII. Si les Eftats Generaux veulent entretenir
garnifon dans les places
fortes de la barriere for,
mée de cette manière , des
terres cedées à Son Altelle Electorale de Baviere ,
& de ce que la France Y 2
GALANT. 317
ajouté du fien , Sa Majesté
confent qu'ils y mettent autant de troupes qu'il leur
plaira , & mefme qu'elles
foient entretenues aux dépens du Pais.
VIII. Moyennant cette
ceffion & accord, le Roy
de fon cofté demandepour
l'équivalent de la demolition de Dunkerque , les
Villes & Citadelles de Lille
& de Tournay avec leurs
dependances.
IX. La barriere eſtant
ainfi reglée entre la France
& les Eftats Generaux, le
D diij
318 MERCURE
Roy pour augmenter le
commerce de leurs fujets
accordera ce qui a etté
Alipulé par le Traité de
Rifwik & le Tarifavantageux de 1664 , à la referve
die de fix fortes de marchandifes dont on conviendra,
& qui demeureront chargées des mefmes droits
qu'elles payent actuelle-
"ment: comme auffi l'exemption des cinquante fols par
tonneau fur les Vaiffeaux
venant des Provinces Unics
& des Pais eftrangers en
France.
GALANT. 319
X.Al'égard du commerce
en Espagne & aux Indes
Occidentales, le Roy s'engagera, non feulement envers les Eftats Generaux ,
mais auffi envers la Grande
Bretagne & tous les autres
Princes , en vertu du plein
pouvoir qu'il a pour ce fujet , que ce commerce fe
fera ponctuellement & de ་ ན
la mefme maniere qu'on
a fait fous le regne, & jufqu'à la mort de Charles II.
& il promer que les François fe foumetront comme
les autres Nations aux anDd inj
320 MERCURE
ciennes Loix & Reglements
faits par les Rois predeceffeurs de Sa Majesté Catholique , par rapport au commerce & à la navigation des
Indes Espagnoles.
XI. Sa Majesté confent
outre cela que tous les Potentats de l'Europe, entrent
dans la garantie de ces promeffes, & promet que le Roy
fon petit fils, pour le bien de
la Paix , renoncera à toutes
pretentions fur le Royaume
de Naples & la Sardaigne ,
comme auffi fur le Duché
de Milan , & elle confentira auffi que cette partie qui
GALANT. 321
a efté cedée au Duc de
Savoye, refte à fon Alteffe
Royale bien entendu que
moyennant cette ceffion, la
Maifon d'Auftriche renoncera pareillement à toutes
pretentions fur les autres
parties de la Monarchie Efpagnole , & en retirera fes
troupes immediatement aprés la Paix.
XII. Les frontieres fur
le Haut Rhin , feront rétablies de part & d'autre
fur le mefme pied qu'elles
eftoient avant la prefente
guerre.
322 MERCURE
XIII. Moyennant toutes ces conditions , le Roy
demande que les Electeurs
de Cologne & de Baviere foient reftablis dans
la pleine poffeffion de leurs
Eftats , dignitez,
prerogatives, biens , meubles & immeubles , dont ils ont joui
avant la prefente guerre, &
Sa Majesté reconnoiftra en
Allemagne & en Pruffe ,
tous les Titres qu'elle n'a
pas encore reconnus.
XIV. Le Roy rendra au
Duc de Savoye tout ce qu'il
luy a pris pendant cette guer
GALANT. 323
re, &fon Altefle Royale en
fera de mefme à l'égard de
la France; de maniere que les
frontieres de part & d'autre
feront les mefmes qu'avant
la Declaration de la guerre.
XV. Ce qui concerne
le Portugal, fera reſtabli &
demeurera fur le mefme
pied qu'avant la guerre, cant
par rapport à la France qu'à
l'Eſpagnes quant aux Domaines en Amerique , s'il y
a quelque chofe à regler ,
on tafchera de le faire à l'amiable.
XVI. Le Roy con-
$24 MERCURE
fentira volontiers & de
bonne foy, que de concert
avec les Allicz , on prenne
les mefures les plus convenables, pour empefcher que
les Couronnes de France &
d'Efpagne foient jamais reunies fur une mefme tefte ;
c'eft à dire que le mefme
Prince foit Roy des deux
Royaumes.
XVII. Tous les les Trai
tez, fçavoir celuy de Munf
rer & les fuivans, demeureront en pleine vigueur , excepté les articles aufquels le
prefent Traité pourroit a-
GALANT. 325
voir derogé ou fait quelque changement.
Il y eut des difputes fur
cespropofitions de la part de
quelques Plenipotentiaires ,
qui en prirent des copies &
les envoyerent àleurs Maîtres par des couriers exprés. Cependant on affure
que le 13 il fut refolu dans
l'affemblée des Alliez , que
les Mars ils donneroient
leur réponſe aux Plenipotentiaires de France,
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Résumé : Les dix-sept Articles de Paix, proposez par les Plenipotentiaires de France.
Le document 'Les dix-fept Articles de Paix' présente les conditions de paix proposées par les plénipotentiaires de France. Les points clés incluent la reconnaissance de la reine de Grande-Bretagne et de sa succession au trône par le roi de France. La France s'engage à raser les fortifications de Dunkerque après la paix, moyennant une compensation. Plusieurs cessions territoriales sont prévues : l'île de Saint-Christophe, la baie et le détroit de Hudson, ainsi que l'Acadie et le fort du Port-Royal sont cédés à la Grande-Bretagne, tandis que la France conserve le fort de Plaisance et le droit de pêche à Terre-Neuve. Un traité de commerce sera établi entre la France et l'Angleterre, avec des conditions égales pour les deux nations. Les Pays-Bas espagnols cédés à l'Électeur de Bavière serviront de barrière aux Provinces Unies. La France cède certaines villes en échange d'autres, comme Lille et Tournai. Les États Généraux peuvent entretenir des garnisons dans les places fortes de la barrière, aux dépens du pays. La France demande Lille et Tournai en échange de la démolition de Dunkerque. Des avantages commerciaux similaires à ceux du traité de Ryswick et du tarif de 1664 seront accordés, avec des exemptions pour certaines marchandises. La France s'engage à maintenir le commerce en Espagne et aux Indes Occidentales selon les lois existantes jusqu'à la mort de Charles II. Les puissances européennes garantissent ces promesses, et des renonciations mutuelles concernant les prétentions sur divers territoires sont prévues. Les frontières sur le Haut Rhin seront rétablies comme avant la guerre, et les Électeurs de Cologne et de Bavière seront rétablis dans leurs États. La France et le Duc de Savoie restitueront mutuellement les territoires pris pendant la guerre, et les relations avec le Portugal seront rétablies comme avant la guerre. La France s'engage à empêcher l'union des couronnes de France et d'Espagne sur une même tête, et les traités antérieurs restent en vigueur, sauf les articles modifiés par le présent traité. Des disputes ont eu lieu sur ces propositions, et une réponse des alliés est attendue pour le 13 mars.
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7
p. 129-137
Nouvelles d'Utrecht.
Début :
Les Lettres d'Utrecht portent que le 14. Mars on y avoit [...]
Mots clefs :
Suspension, Convention, Commerce, Catalogue, Savoie, Partis, Reine
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Nouvelles d'Utrecht.
Nouvelles dyfUtiecht.
Les Lettres d'Utrecht
portent que le 14. Mars on
y avoit fait un Traité ou Convention
pour l'évacuation de
la Catalongne & pour la
neutralité de l'Italie; il confîftc
en quatorze articlcs qui
contiennent en substance;
que toutes IcsTroupes des Alliées
sortiront de Catalogne
& des Isles de Mayorque &
d'Iviça; & afin quecela se
fasse avec plus de promtitude
& de sureté, il y aura par
mer &parterreen ce pays-là
une Suspension qui commencera
quinze jours aprés
qu'on y auraeuconnoissance
de cette Convention:le jour
que la Suspension commencera,
la Puissance qui doit
faire l'évacuation, remettra
à son choix, à l'autre, Barcelone
ou Tarragone, la
Suspensiondurerajusqu'à ce
que la Cour qui refiJc en
Catalogne ait elle transportée
en Italie avec ceux qui
la voudront suivre de quelque
Nation & condition
qu'ilssoient avec les
Troupes & leurs effets; &
comme le transport ne peut
pas se faire en une fois,
ceux qui resteront demeureront
en sureté dans des lieux
commodes, à condition de
remettre à l'autre Puissance
les endroits qu'ils occupent
à mesure qu'ils en sortiront.Letranspottcommencera
le plustost qu'il se
pourra, & le Commandant
de la Flore Agloise le detennloera,
aprés en avoir
conferé avec les Commisfaites
des deux partis. La
Cour, sa suite, ses Troupes
& leurs effets passeront en
toute fureté en Italie à la reserve
des canons & instrumens
de guerre qui se font
trouvez sur les lieux quand
ils ont esté occupez, & de
ceux qui feront marquezaux
armes de France; & si les
Vaisseaux estoientobligez
de les relascher dans les Ports
de France, on leur donnera
toute sorte d'assistance. On
n'arrestera personne pour
dettes, mais des Commissaires
les regleront, & les
eflages qu'on laissera pour
leur seureté. Les malades &
les blessezresteront, & pourront
s'en aller par mer ou
par terre avec des Passeports
qu'on leur accordera. Tous
les prisonniers faits dans la
guerred'Espagne seront rendus
de part & d autre. Les
Commandants des deux partis
regleront tout ce qui concerne
, la sureté, le sejour,
& la commodité de la Cour
& des troupes. Lorsque l'évicuation
commencera , on
accordera & publiera une
ample amnistie, en favcur
des peuples de Catalogne 8C
des Isles de Mayorque & d'Iviça
, moyennant laquelle ils
ne pourrontestre recherchez
surce quis'est paffe,àl'accafion
de la presente guerre.
A l'égard des Privileges des
Catalans & des habitans des
deux Isles, on est convenu
de remettre cette affaire à la
conclusion de la Paix, la
Reine de la Grande Bretagne
ayant declaré & le Roy Tres-
Chrestien fait declarer par ses
Plenipotentiaires, qu'ils y
employeroient leurs bons
offices les plus efficaces. On
a pris une pareille resolution
touchant la conservation des
biens, benefices, charges,
pensions & autres avantages
des Espagnols, des Italiens
& des Flamans, qui ont suivi
l'un des deux partis, & qui
voudront encore y demeurer.
On est encore convenu
avec le concours du Duc de
Savoye, qu'il yaura une suspension
d'armes par mer &
par terre, dans toute l'Italie
dans les ItLs de la mer Meterranée
: que pendant la
fui pen{i)n,toutes les contributions
militaires cesseront
dans les Etats du Duc de Savoye
possedez par la France,
où l'on se contentera des revenus
ordinaires:que les mêmes
conditions feront observées
dans les Provinces de
France voisines des Estats du
Duc de Savoye, & que le
commerce fera restabli durant
la suspension. Les choses
demeureront en IcaIJe en
l'estat où elles sont, & on
remet à les regler à la conclusion
de la Paix. Sa Majesté
Britanique veut bien
sur l'assurance que le Roy
Tres-Chrestien luy a donnée
pour lui & ses Alliez, se
rendre garant que la presente
Convention qui aura la
force d'un Traitésolennel,
fera observée dans tous ses
points. La presente Convention
fera ratifiée, & les
ratifications efchangées à
Utrecht, dans quatre semaines.
Les Lettres d'Utrecht
portent que le 14. Mars on
y avoit fait un Traité ou Convention
pour l'évacuation de
la Catalongne & pour la
neutralité de l'Italie; il confîftc
en quatorze articlcs qui
contiennent en substance;
que toutes IcsTroupes des Alliées
sortiront de Catalogne
& des Isles de Mayorque &
d'Iviça; & afin quecela se
fasse avec plus de promtitude
& de sureté, il y aura par
mer &parterreen ce pays-là
une Suspension qui commencera
quinze jours aprés
qu'on y auraeuconnoissance
de cette Convention:le jour
que la Suspension commencera,
la Puissance qui doit
faire l'évacuation, remettra
à son choix, à l'autre, Barcelone
ou Tarragone, la
Suspensiondurerajusqu'à ce
que la Cour qui refiJc en
Catalogne ait elle transportée
en Italie avec ceux qui
la voudront suivre de quelque
Nation & condition
qu'ilssoient avec les
Troupes & leurs effets; &
comme le transport ne peut
pas se faire en une fois,
ceux qui resteront demeureront
en sureté dans des lieux
commodes, à condition de
remettre à l'autre Puissance
les endroits qu'ils occupent
à mesure qu'ils en sortiront.Letranspottcommencera
le plustost qu'il se
pourra, & le Commandant
de la Flore Agloise le detennloera,
aprés en avoir
conferé avec les Commisfaites
des deux partis. La
Cour, sa suite, ses Troupes
& leurs effets passeront en
toute fureté en Italie à la reserve
des canons & instrumens
de guerre qui se font
trouvez sur les lieux quand
ils ont esté occupez, & de
ceux qui feront marquezaux
armes de France; & si les
Vaisseaux estoientobligez
de les relascher dans les Ports
de France, on leur donnera
toute sorte d'assistance. On
n'arrestera personne pour
dettes, mais des Commissaires
les regleront, & les
eflages qu'on laissera pour
leur seureté. Les malades &
les blessezresteront, & pourront
s'en aller par mer ou
par terre avec des Passeports
qu'on leur accordera. Tous
les prisonniers faits dans la
guerred'Espagne seront rendus
de part & d autre. Les
Commandants des deux partis
regleront tout ce qui concerne
, la sureté, le sejour,
& la commodité de la Cour
& des troupes. Lorsque l'évicuation
commencera , on
accordera & publiera une
ample amnistie, en favcur
des peuples de Catalogne 8C
des Isles de Mayorque & d'Iviça
, moyennant laquelle ils
ne pourrontestre recherchez
surce quis'est paffe,àl'accafion
de la presente guerre.
A l'égard des Privileges des
Catalans & des habitans des
deux Isles, on est convenu
de remettre cette affaire à la
conclusion de la Paix, la
Reine de la Grande Bretagne
ayant declaré & le Roy Tres-
Chrestien fait declarer par ses
Plenipotentiaires, qu'ils y
employeroient leurs bons
offices les plus efficaces. On
a pris une pareille resolution
touchant la conservation des
biens, benefices, charges,
pensions & autres avantages
des Espagnols, des Italiens
& des Flamans, qui ont suivi
l'un des deux partis, & qui
voudront encore y demeurer.
On est encore convenu
avec le concours du Duc de
Savoye, qu'il yaura une suspension
d'armes par mer &
par terre, dans toute l'Italie
dans les ItLs de la mer Meterranée
: que pendant la
fui pen{i)n,toutes les contributions
militaires cesseront
dans les Etats du Duc de Savoye
possedez par la France,
où l'on se contentera des revenus
ordinaires:que les mêmes
conditions feront observées
dans les Provinces de
France voisines des Estats du
Duc de Savoye, & que le
commerce fera restabli durant
la suspension. Les choses
demeureront en IcaIJe en
l'estat où elles sont, & on
remet à les regler à la conclusion
de la Paix. Sa Majesté
Britanique veut bien
sur l'assurance que le Roy
Tres-Chrestien luy a donnée
pour lui & ses Alliez, se
rendre garant que la presente
Convention qui aura la
force d'un Traitésolennel,
fera observée dans tous ses
points. La presente Convention
fera ratifiée, & les
ratifications efchangées à
Utrecht, dans quatre semaines.
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Résumé : Nouvelles d'Utrecht.
Le document 'Nouvelles dyfUtiecht' décrit un traité signé à Utrecht le 14 mars, comprenant quatorze articles. Ce traité prévoit l'évacuation de la Catalogne, ainsi que des îles de Majorque et d'Ibiza, par toutes les troupes alliées. Une suspension des hostilités débutera quinze jours après la connaissance de cette convention, assurant une évacuation sécurisée. La Cour d'Espagne, sa suite, les troupes et leurs effets seront transportés en Italie, avec des dispositions spécifiques pour les malades et les blessés. Les prisonniers de guerre seront échangés et une amnistie sera accordée aux habitants de Catalogne et des îles. Les privilèges des Catalans et des habitants des îles seront discutés lors de la conclusion de la paix. Une suspension des armes sera également observée en Italie et dans les îles de la mer Méditerranée, avec cessation des contributions militaires et rétablissement du commerce. La convention sera ratifiée et les ratifications échangées à Utrecht dans un délai de quatre semaines.
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8
p. 186-192
Extrait du Traité de Paix entre la France & le Portugal, conclu à Utrecht le 11. Avril.
Début :
Article premier. Paix perpetuelle entre S. M. Trés Chrétienne, & [...]
Mots clefs :
Paix, Amnistie, Prisonniers, Colonies, Commerce, Vaisseaux, Territoires , Navigation, Esclaves, Garantie
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texteReconnaissance textuelle : Extrait du Traité de Paix entre la France & le Portugal, conclu à Utrecht le 11. Avril.
Extrait duTtdite de Paixentre
* laFrance &lePoriug l, conclu àUtrechtle 11. Ivril.*nGArticle
premier.
Paix perpetuelleentre S.
M.TrésChrétienne,&S.M.
Portugaise, successeurs, heritiers,&
c.Etats&sujets,&c.
** Art.2. ,Q',"'l :"
•' Oubli &amniftieehfrelés
sujets de part&d'autre,&c.
Arc. 3.
Prisonniers de guerre mis
en libertésans rançon. ':
Art. 4.
Si dans les Colonies ou
autres Domaines de leurs
Majestez on a pris quelque
place, fore ou porte, le tout
fera rendu au premier posfesseur,
en l'état où on l'aura
trouvé au temps de la publication
de la paix.
Art.5.&c6.
ti Dans lecontinent deFrance
& de Portugalle commerce
rétabli comme avat
L1 guerre, chacune des parties
se reservant la liberté de
regler les conditions, du
commercepar un traite particulier
qu'on pourra faireà
ce sujet, avec mêmes privileges
& exemptions reciproquement
accordez aux
sujets l'un de l'autre, comme
aux siens propres.
-
Art. 7.
Entrée reciproque des
vaisseaux demarchandise&
de guerre, comme par le
passé
,
pourvu que ceux-ci'
n'excedent tous ensemble le
nombre de six,à l'égard des
ports d'une plus grande
capacité,
& de trois dans les
moindres: & pour un plus
grand nombre demanderont
une permission aux
GouverneursouMagistrats,
ainsi que pour le temps du
séjour, quand leurs vaisseaux
y auront été portez
par le gros temps ou autre
necessité pressante, &c.
Art.8. 9.10. & II.
Et pour l'union & concorde
des deux nations, Sa M.
Trés-Chrétiennc se desiste
de toutes pretentions surles
terresduCap du Nort,entre
la riviere desAmasones &
celles de Japol, ou de Vincent
Pinson
; & en consequenceS.
M. Portug.pourra
faire rebâtir les forts d'Arguais
& de Camau, ou Massapa,
&les autres démolis
par le traité de Lisbonne le
4. Mars 1700. & reconnoît
5. M. Trés-Chrét.queles
deux bords de la rivieredes
Amasones,domaine,souveraineté&
navigation apartiennent
au Roy de Portu-
,,
gal. Arc. 12.
A l'égard du commerce
queleshabitans de Cayenne
pourroiententreprendre
1
dans le Maragnan, & dans
l'embouchure de la riviere
des Amasonesdéfense de
part & d'autre de passer la
riviere de Vincent Pinson
pour negocier,acheter des
esclaves dans les terres du
Cap du Nort, & aux Portugais
d'aller commercer à
Cayenne.
': ,- Arc. 1 3. &14.
S.M.Trés Chrét.empêchera
qdue'siMl ni'sysiaointndaairness lesdites terres
François, &c.
en laissant les missions aux Mir..
sionnaires Portugais. .', Art. •f»Encas de rupture entre les
François& lesPofcugais,ce qu'à
Dieu ne plaise, six moisdepart
& d'autre pour transporter leii
,
effets. f.
: Arc. 16.17.18.&19: -1
Et parce que la Reine de lai
Grande Bretagne offre d'être
garante de l'execution de ces
traité,le Roy de France & celui
de Portugal acceptent cette
garantie,&que tous les Rois-t
Princes&Républiques qui voudront
entrer dans lamêm egarantie,
puissent donner leurs
promçflès, oBligatips^&ç.Tous
:
lesart.ci-dessuspassez entre les
Ambassadeurs Plenipotentiaires,&
c.ratifications données
de part&d'autre,&c.&ont ligné
à Utrech^le.Àvriliyiji
etS.Huxel.i LS.J.C.de Tarouça.
LS.Menag. LS.D.L.de Cunha.
* laFrance &lePoriug l, conclu àUtrechtle 11. Ivril.*nGArticle
premier.
Paix perpetuelleentre S.
M.TrésChrétienne,&S.M.
Portugaise, successeurs, heritiers,&
c.Etats&sujets,&c.
** Art.2. ,Q',"'l :"
•' Oubli &amniftieehfrelés
sujets de part&d'autre,&c.
Arc. 3.
Prisonniers de guerre mis
en libertésans rançon. ':
Art. 4.
Si dans les Colonies ou
autres Domaines de leurs
Majestez on a pris quelque
place, fore ou porte, le tout
fera rendu au premier posfesseur,
en l'état où on l'aura
trouvé au temps de la publication
de la paix.
Art.5.&c6.
ti Dans lecontinent deFrance
& de Portugalle commerce
rétabli comme avat
L1 guerre, chacune des parties
se reservant la liberté de
regler les conditions, du
commercepar un traite particulier
qu'on pourra faireà
ce sujet, avec mêmes privileges
& exemptions reciproquement
accordez aux
sujets l'un de l'autre, comme
aux siens propres.
-
Art. 7.
Entrée reciproque des
vaisseaux demarchandise&
de guerre, comme par le
passé
,
pourvu que ceux-ci'
n'excedent tous ensemble le
nombre de six,à l'égard des
ports d'une plus grande
capacité,
& de trois dans les
moindres: & pour un plus
grand nombre demanderont
une permission aux
GouverneursouMagistrats,
ainsi que pour le temps du
séjour, quand leurs vaisseaux
y auront été portez
par le gros temps ou autre
necessité pressante, &c.
Art.8. 9.10. & II.
Et pour l'union & concorde
des deux nations, Sa M.
Trés-Chrétiennc se desiste
de toutes pretentions surles
terresduCap du Nort,entre
la riviere desAmasones &
celles de Japol, ou de Vincent
Pinson
; & en consequenceS.
M. Portug.pourra
faire rebâtir les forts d'Arguais
& de Camau, ou Massapa,
&les autres démolis
par le traité de Lisbonne le
4. Mars 1700. & reconnoît
5. M. Trés-Chrét.queles
deux bords de la rivieredes
Amasones,domaine,souveraineté&
navigation apartiennent
au Roy de Portu-
,,
gal. Arc. 12.
A l'égard du commerce
queleshabitans de Cayenne
pourroiententreprendre
1
dans le Maragnan, & dans
l'embouchure de la riviere
des Amasonesdéfense de
part & d'autre de passer la
riviere de Vincent Pinson
pour negocier,acheter des
esclaves dans les terres du
Cap du Nort, & aux Portugais
d'aller commercer à
Cayenne.
': ,- Arc. 1 3. &14.
S.M.Trés Chrét.empêchera
qdue'siMl ni'sysiaointndaairness lesdites terres
François, &c.
en laissant les missions aux Mir..
sionnaires Portugais. .', Art. •f»Encas de rupture entre les
François& lesPofcugais,ce qu'à
Dieu ne plaise, six moisdepart
& d'autre pour transporter leii
,
effets. f.
: Arc. 16.17.18.&19: -1
Et parce que la Reine de lai
Grande Bretagne offre d'être
garante de l'execution de ces
traité,le Roy de France & celui
de Portugal acceptent cette
garantie,&que tous les Rois-t
Princes&Républiques qui voudront
entrer dans lamêm egarantie,
puissent donner leurs
promçflès, oBligatips^&ç.Tous
:
lesart.ci-dessuspassez entre les
Ambassadeurs Plenipotentiaires,&
c.ratifications données
de part&d'autre,&c.&ont ligné
à Utrech^le.Àvriliyiji
etS.Huxel.i LS.J.C.de Tarouça.
LS.Menag. LS.D.L.de Cunha.
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Résumé : Extrait du Traité de Paix entre la France & le Portugal, conclu à Utrecht le 11. Avril.
Le traité de paix entre la France et le Portugal, signé à Utrecht le 11 avril, instaure une paix perpétuelle entre les deux monarchies et leurs successeurs. Les points clés incluent l'amnistie des sujets des deux nations, la libération des prisonniers de guerre sans rançon, et la restitution des territoires conquis. Le commerce entre les deux pays est rétabli comme avant la guerre, avec la possibilité de régler les conditions par un traité particulier. Les vaisseaux de commerce et de guerre peuvent accéder aux ports des deux nations, sous certaines limitations. La France renonce à ses prétentions sur les terres du Cap du Nord entre les rivières des Amazones et de Vincent Pinson, permettant au Portugal de reconstruire des forts et de reconnaître sa souveraineté sur les deux rives de la rivière des Amazones. Les habitants de Cayenne et les Portugais sont interdits de commercer au-delà de certaines limites. En cas de rupture du traité, six mois sont accordés pour transporter les effets. La reine de Grande-Bretagne offre de garantir l'exécution du traité, garantie acceptée par les rois de France et de Portugal et ouverte à d'autres souverains ou républiques. Les ratifications ont été signées à Utrecht le 11 avril.
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9
p. 193-203
TRAITÉ CONCLU le 11. Avril 1713. à Utrech entre le Roy de France & le Duc de Savoye.
Début :
Ce Traité est composé de dix-neuf Articles, qui contiennent [...]
Mots clefs :
Paix, Amnistie, Restitution, Territoires , Cession, Succession, Fortifications, Arbitrage, Commerce, Frontières
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texteReconnaissance textuelle : TRAITÉ CONCLU le 11. Avril 1713. à Utrech entre le Roy de France & le Duc de Savoye.
TRAITECONCLU
le 11.Avril1713.àUtrech
entre le Roy de France (2*
le Duc de Savoye.
Ce Traité est composé
de dix neuf Articles, qui
contiennent en substance
ce qui suit.
Les deux premiers.
Qu'il y aura une bonne
& inviolable Paix entre le
RoyTres Chrestien&Son
Altesse Royale deSavoye,
- leurs heritiers, successeurs
& Estats, avec cessation de
toutes hostilitez,&unoubli
3c amnistie de tout ce
qui s'est passé durant la
presente guerre. ,
Le3 &4.
Que le Roy immédiatement
après la ratification
du present Traité, restituëra
à Son Altesse Royale
le Duché de Savoye, le
Comté de Nice, avec leurs
appartenances, & dependancesen
l'estas où ils fè
trouvent. Sa Majesté luy
cede de plus la Vallée de
Pragela,avec les Forts d'Exilles
& de Fenestrelles, les
Vallées d'Oulx; de Sezane,
deBardonache &de Chasteau
-
Dauphin, & tout ce
qui est à l'eau pendante
des Alpes vers le Piémont: iSonAlccfTe Royalecedereciproquement
à Sa Majesté
laVallée deBarcelonete
& ses dépendances, de maniere
que les Sommets des
Alpes serviront à l'avenir
de limites entre la France,
le Piémont & le Comté de
: Nice
*
& les Plaines qui
font dessus feront parragées
de mesme
,
selon le
cours des eaux.
Le 5.Article.
Qu'il est dit que comme
il a estéconvenu entre leurs
Majestez Tres-Chrestienne
& Cat holique d'une
part, & Sa MajestéBritannique
de l'autre,que le Roy
Catholique ayant cedé à
SonAltesse Royale le Royaume
de Sicile & les Isles
qui en dépendent, Sa Majesté
Tres - Chrestienne
consent & veut que cette
cession fasse partie du present
Traité, & promet pour
elle & ses successeurs de ne
s'opposerny faire aucune
choie contraire à ladite ceision,
promettant toute aide
& secours pour son exécution,
& pour maintenir
envers & contre tous Son
Altesse Royale en possession
dece Royaume.
Article 6.
Quele Roy consent que
la declaration du Roy d'£C
pagne, qui au défaut de
ses descendants, assure la
succession de la Couronne
d'Espagne & des Indes à
Son Altesse Royale & aux
Princes de Savoye
,
ainsi
qu'à leurs descendants males,
nez en legitime Mariage,
soitb tenu pour une partie
essentielle de ce Traité,
conformément à TAste
fait par le Roy d'Espagne
le 5. Novembre 1711.àceluy
des Estats ou Cortés du 7.Novembre 1712. &aux
renonciations de Monseigneur
le Duc de Berry &
de Monsieur le Duc d'Orleans
des 19. & 24. Novembre
1712.. promettant d'employer
ses forces envers ôc
contre tous,pour l'exécution
de cet article.
Article 7.
.,
Qu'il a cité convenu que
les cessions faites par le feu
Empereur Leopold à Son
AltesseRoyale dans leTraité
fait entre eux le 8. Novembre
1703. de la partie
du Duché de Montferrat
que possedoit le feu Duc de
Mantouè , des Provinces
d'Alexandrie & de Valen-
, ce , avec toutes les terres
entre lePo & le Tanaro,
de laLomelline
,
de laVallée
de Sesia
,
du droit ou
exercice de droit sur les
Fiefs des Langbes, & le
Vigevanasque ou son équivalent,
resteront dans leur
force & vigueur,&auront
leur effet, sans queSonAltesTe
Royale y puisse (ltre
troublée, mesme par les
prétendants au Duché de
Montferrat,lesquels feront
indemnisezconformément
audit Traité du 8.
Novembre 1703. promettant
d'employer conjointement
avec la Reine de la
Grande Bretagne,ses offices
ôc ses forces pour le
maintien & la garantie du
contenu au present Article
: comme aussi que la
Sentence Arbitrale du 27.
Janvier 1712. demeurera
dans sa force & vigueur, ôc
que dans six mois, les mesures
feront prises par l'Arbitrage
des Puissances garantes
du Traité de 1703.
pour le payement des
creances de Son Altesse
Royale.
Article 8.
Que Son Altesse pourra
fortifier ses frontières ôc
les lieux qui luy ont esté
cedez de parc & d'autre.
Article 9.
Que sa prétention que
le Prince de Monacho doit
prendre investiture d'elle
pour les Fiefs de Menton
& de Roccabruna, fera réglée
dans six mois par l'Arbitrage
de leurs Majestez
Très- Chrestienne & Britannique.
Les dix -autres Articles
concernent le restablissement
du Commerce & des
droits comme ils eftoienc
au temps du Duc Charles.
Emmanuel: la liberté à Son
Altesse de vendre les biens,
terres & effets qu'elle a en
France: la main levée de
ce qui a esté confisqué de
part & d'autre à l'occasion
de la guerre, à la reserve
des jugements legitimementrendus.
Ce queles
sujets de part & d'autre ont
fourni,leur fera payé Les
prisonniers de guerre ôc -
autres feront misenliberté.
Les quatre derniers ne
contiennent que les formalitez
ordinairesdes
Traitez, & ne meritent
point un Sommaire.
le 11.Avril1713.àUtrech
entre le Roy de France (2*
le Duc de Savoye.
Ce Traité est composé
de dix neuf Articles, qui
contiennent en substance
ce qui suit.
Les deux premiers.
Qu'il y aura une bonne
& inviolable Paix entre le
RoyTres Chrestien&Son
Altesse Royale deSavoye,
- leurs heritiers, successeurs
& Estats, avec cessation de
toutes hostilitez,&unoubli
3c amnistie de tout ce
qui s'est passé durant la
presente guerre. ,
Le3 &4.
Que le Roy immédiatement
après la ratification
du present Traité, restituëra
à Son Altesse Royale
le Duché de Savoye, le
Comté de Nice, avec leurs
appartenances, & dependancesen
l'estas où ils fè
trouvent. Sa Majesté luy
cede de plus la Vallée de
Pragela,avec les Forts d'Exilles
& de Fenestrelles, les
Vallées d'Oulx; de Sezane,
deBardonache &de Chasteau
-
Dauphin, & tout ce
qui est à l'eau pendante
des Alpes vers le Piémont: iSonAlccfTe Royalecedereciproquement
à Sa Majesté
laVallée deBarcelonete
& ses dépendances, de maniere
que les Sommets des
Alpes serviront à l'avenir
de limites entre la France,
le Piémont & le Comté de
: Nice
*
& les Plaines qui
font dessus feront parragées
de mesme
,
selon le
cours des eaux.
Le 5.Article.
Qu'il est dit que comme
il a estéconvenu entre leurs
Majestez Tres-Chrestienne
& Cat holique d'une
part, & Sa MajestéBritannique
de l'autre,que le Roy
Catholique ayant cedé à
SonAltesse Royale le Royaume
de Sicile & les Isles
qui en dépendent, Sa Majesté
Tres - Chrestienne
consent & veut que cette
cession fasse partie du present
Traité, & promet pour
elle & ses successeurs de ne
s'opposerny faire aucune
choie contraire à ladite ceision,
promettant toute aide
& secours pour son exécution,
& pour maintenir
envers & contre tous Son
Altesse Royale en possession
dece Royaume.
Article 6.
Quele Roy consent que
la declaration du Roy d'£C
pagne, qui au défaut de
ses descendants, assure la
succession de la Couronne
d'Espagne & des Indes à
Son Altesse Royale & aux
Princes de Savoye
,
ainsi
qu'à leurs descendants males,
nez en legitime Mariage,
soitb tenu pour une partie
essentielle de ce Traité,
conformément à TAste
fait par le Roy d'Espagne
le 5. Novembre 1711.àceluy
des Estats ou Cortés du 7.Novembre 1712. &aux
renonciations de Monseigneur
le Duc de Berry &
de Monsieur le Duc d'Orleans
des 19. & 24. Novembre
1712.. promettant d'employer
ses forces envers ôc
contre tous,pour l'exécution
de cet article.
Article 7.
.,
Qu'il a cité convenu que
les cessions faites par le feu
Empereur Leopold à Son
AltesseRoyale dans leTraité
fait entre eux le 8. Novembre
1703. de la partie
du Duché de Montferrat
que possedoit le feu Duc de
Mantouè , des Provinces
d'Alexandrie & de Valen-
, ce , avec toutes les terres
entre lePo & le Tanaro,
de laLomelline
,
de laVallée
de Sesia
,
du droit ou
exercice de droit sur les
Fiefs des Langbes, & le
Vigevanasque ou son équivalent,
resteront dans leur
force & vigueur,&auront
leur effet, sans queSonAltesTe
Royale y puisse (ltre
troublée, mesme par les
prétendants au Duché de
Montferrat,lesquels feront
indemnisezconformément
audit Traité du 8.
Novembre 1703. promettant
d'employer conjointement
avec la Reine de la
Grande Bretagne,ses offices
ôc ses forces pour le
maintien & la garantie du
contenu au present Article
: comme aussi que la
Sentence Arbitrale du 27.
Janvier 1712. demeurera
dans sa force & vigueur, ôc
que dans six mois, les mesures
feront prises par l'Arbitrage
des Puissances garantes
du Traité de 1703.
pour le payement des
creances de Son Altesse
Royale.
Article 8.
Que Son Altesse pourra
fortifier ses frontières ôc
les lieux qui luy ont esté
cedez de parc & d'autre.
Article 9.
Que sa prétention que
le Prince de Monacho doit
prendre investiture d'elle
pour les Fiefs de Menton
& de Roccabruna, fera réglée
dans six mois par l'Arbitrage
de leurs Majestez
Très- Chrestienne & Britannique.
Les dix -autres Articles
concernent le restablissement
du Commerce & des
droits comme ils eftoienc
au temps du Duc Charles.
Emmanuel: la liberté à Son
Altesse de vendre les biens,
terres & effets qu'elle a en
France: la main levée de
ce qui a esté confisqué de
part & d'autre à l'occasion
de la guerre, à la reserve
des jugements legitimementrendus.
Ce queles
sujets de part & d'autre ont
fourni,leur fera payé Les
prisonniers de guerre ôc -
autres feront misenliberté.
Les quatre derniers ne
contiennent que les formalitez
ordinairesdes
Traitez, & ne meritent
point un Sommaire.
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Résumé : TRAITÉ CONCLU le 11. Avril 1713. à Utrech entre le Roy de France & le Duc de Savoye.
Le traité d'Utrecht, signé le 11 avril 1713, entre le roi de France et le duc de Savoie, comprend dix-neuf articles. Les deux premiers articles instaurent une paix durable entre les parties, mettant fin aux hostilités et accordant une amnistie pour les actes de guerre. Les articles trois et quatre stipulent la restitution du Duché de Savoie et du Comté de Nice au duc de Savoie, ainsi que la cession de plusieurs vallées et forts à la France. En contrepartie, le duc de Savoie cède la vallée de Barcelonette à la France, les sommets des Alpes devenant les nouvelles frontières entre les deux territoires. L'article cinq confirme la cession du Royaume de Sicile au duc de Savoie par le roi catholique, avec le soutien de la France. L'article six valide la déclaration du roi d'Espagne concernant la succession de la Couronne d'Espagne et des Indes aux princes de Savoie. L'article sept maintient les cessions faites par l'empereur Léopold au duc de Savoie, incluant des territoires du Duché de Montferrat et d'autres provinces. L'article huit autorise le duc de Savoie à fortifier ses nouvelles frontières. L'article neuf prévoit un arbitrage pour régler la prétention du duc de Savoie sur les fiefs de Menton et de Roccabruna. Les articles suivants traitent du rétablissement du commerce, de la liberté de vendre des biens en France, de la levée des confiscations, du paiement des fournitures des sujets, et de la libération des prisonniers de guerre. Les quatre derniers articles concernent les formalités habituelles des traités.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 217-248
Tres-humble Adresse presentée à la Reine de la Grande Bretagne par le Deputé du Magistrat de Dunkerque auprés de sa Majesté.
Début :
MADAME, Le sieur TUGGHE Deputé du Magistrat de Dunkerque auprés [...]
Mots clefs :
Reine, Grande-Bretagne, Dunkerque, Député, Démolition, Port, Miséricorde, Majesté, Commerce, Travaux, Familles, Subsistance, Pêche, Conserver , Clémence
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Tres-humble Adresse presentée à la Reine de la Grande Bretagne par le Deputé du Magistrat de Dunkerque auprés de sa Majesté.
Très-humbleAdreffi presentée à
la Reine de la Grande Bretagnepar
le Députédu Milgistrat
de Dunkerqueauprés
deSaMajesté.
MADAME,
Le sieur T U G G H E Deputé
du Magistrat de Dunkerque
auprès de Vôtre Majiltc
, pour implorerVotre
Clemence au fuictd, la Démolition
resoluë de cettc
Ville & de son Port, avoit
cfperé que par les tres soumises
representations qu'il
avoit osé faire,touchant la
misereextrême où cette Demolition
va reduire dix- huit
mille Familles dont cette
Ville cft composée, la misericorde
de Votre Majesté
auroir pû être ébranlée, &
que suivant sa tres re spectucufedemande
il auroit pû
en obtenir Ja conservation
des seulesJetées de ce Porr.
Mais My Lord Vicomte de
Bolingbrockevotre Secrétaire
dEtat vient de le fraper
d'un coup de foudre, en lui
annonçant que Votre Majesté
n'apas trouve à propos
de rienchanger dans la Seno
tence terrible qu'elle a prononcéecontrecetteVille,
ÔC
qu'elle veut que cette Sentence
soit exécutée dans toute
son éccnduë. Etourdi de ce
coup, le sieur Tugghe ne
laisse pas de s'approcher encore
une fois de votre Tiône
redoutable, rassuré en
cela par les bienfaits que vo- treClemenceen ftic découler
sur tous les Peuples de la
Terre. Et de representer en
tremblant à Votre Majesté,
qu'il ne demande point que
les Travaux qui peuvent servir
à Dunkerque soit pour
sonattaque, soit pour sa défence
soient conservez, ni
du côté de la Terre, ni du
côté de la Mer. La magnificence
de ces Travaux, la
terreur qu'ilspouvoient inspirer
à tous ceux qui les
voyoient, ne touchent plus
ses malheureux Habitans. Il
ne demande que la confervarion
des feules jetées qui
forment & qui entretiennent
son Port, pour pouvoir par
là conserver à son Peuple
une subsistance seulement
nécessaire, en le mettant en
état de continuer sa Pêche
du Harang
, & quelqueautres
petits Commerces le
Jong de la Côte.
Votre Majesté pleine d'une
Clemence naturelle
J
&
d'uneCharité Chrétienne
dont toutes les Nations ressentent
les effets, ne veut
point le mal pour le mal,
4c elle ne l'admet dans fcs réfolurions
qu'autant qu'ilest
indispensable & necessaire
selon ses vûës politiques&.
suivant le bien de ses propres
Sujets. Le sieurTuggheosera
sure observer à Votre Ma;
jette, que lacon conservation du
Port de Dunkerque, dans
l'etatnud où il vient d'être
representé, ne fera non seulement
pascontraire, niaux
vûës politiques de l'Angleterre
, ni au bien des Sujets
de la Grande Bretagne, mais
quelle fera même favorable
l, &' 1, aun à l'autre.
Dunkerque à eu le malheur
de devenir l'objetdelà
colere de la Grande Bretagne
,
soit par ses armemens
que le Roi y a faits, &qui
ont pû pendant les dernières
Guerres, traverser la tranquilité
de vos Royaumes, &
retarder l'éxecutiondes projets
de Votre Mjjcitc
,
soit
aussi par la course qu'ont faite
ses Habitans
,
laquelle à
souvent interrompu,& sou.
vant endommagé le commerce
de vos Sujets. Mais
dans l'état où le Suppliant
demande que son Port soit
réduit,c'est à dire, dépouillé
de tous ses Travaux
,
&
confervé dans les feules jetées
, il ne pourra plus, quelque
Guerre qui survienne
( , ce qu'il plaise à Dieu dedetourner)
ni former dobstacleaux
projets deVotre Majesté,
ni interrompre lecommerce
de vos Sujets, puisqu'alors
se sera une Ville toute
ouverte du côté de la Terre
& de la Mer; abandonnée
au premier occupant; sans défense pour celui qui
l'ocupera; & où toute Nation
Ennemie pourra entrer
par Mer & par Terre pour y
brûler, & les Vaissauxqu'on
pourroit y armer,&la Ville
& le Port même. Ainsi
danscet état, Dunkerquene
fera plus contraire
, & ne
pourra plus 1 être,ni aux vuës
politiquesde Votre Majesté
ni au bien de ses Sujets.
La conservation c'u Port
de Dunkerque sans Travaux
& sans défenses
) pourra être
dans les suites) également
utile, & devenir même abfolument
nécessaire & aux
vûës politiquesde Votre Majesté,
& au bien de ses Su jets.
Les vûësPolitiquesdeVotre
Majesté, sur tout en tems
de Paix, se renferment toutes
dans l'augmentation du
commerce de ses Sujets,
comme le bien de ses Sujets
cHtôur réarmedans laug-
- tmncennrtaattiioonn dauu ccoommmmeerrccee..
AJnfi en prouvant que laCol-bi
/crvaiionilu Port de Dunkerque
fera, non seulement
âvantageuse, mais aussi nécessaire
au commerce des
Peuplesrde la Grande Bretagnejle
Suppliant prouvera
tout ce qui est contenu dans
sa seconde proposition
i°. Dunkerque n'est devenu
l'objet de la jalousie des
Hollandais,& les Hollandois
n'ont desiré sa destruction
j que dans la vûë des'atribucr
à eux seuls tous le
commerce du PAYS- Bas AUU
trichien
,
& roue celuide
l'Allemagne;&ils ontcraint
que cesdeux commerces ne
fussent partagez avec eux par
lesautresNations, si le Port
-
de cette Ville étoit confervé
; parce que ce Port là ca
le seul de la Côte depuis OC.
tende en tirant à tOu.st
,
par où les Marchandises des
autres Pays Etrangers puissent
être introduites dans ces
Pays-là
,
qu'ils veulent entourer
comme d'une Mer
d'Airain pour s'enconserver
toute la consommation par
l'Escaut, par la Lys, & par
le Rhin. Er comme il importe
infiniment à l'Angleterre
de nêtre pas exclue de ces
deux commerces, il luiimporte
beaucoup aussi de conserver
le Port de Dunkerque,
quiest la feulevoye par
ou elle puisse s'y maintenir.
2.
°. Supposé que les Sujets
de VotreMajestépussent
malgré , les vûës des Hollandois
,
continuer leur commerce
dans le Pays Bas Autrichien
par les Ports d'Ostende
& de Nieuport, ils ne
pourront pas l'y soûtenir
Jung tems en concurence a..
Vec eux ,
à cause des fdCili",
tez &de la moindre dépense
que les premiers trouveront -
en faisant le leur par l Escaut
& par la Lys, & des grands
détours que les autres seront
obligez de prendre. Au lieu
qu'en conservant le Port de
Dunkerque,les Anglois trouveront
par cette voye des
facilitez presqueégalesàcelles
qu'auront les Hol landais,
liir. tout si Votre Majcfté
vouloît,comme elle le peut
aisement, obtenir du Roi
un Tranfic libre. & exempt
detous droits pour les Mar.
chandises d' Angleterre, depuis
Dunkerque jusques dans
le Pays Bas Autricien, par
Lille & par Drii>y.
3
°. Si l'on comble,ainsi
que Votre Majesté l'aresolu
,
le Port de Dunkerque, vos
Sujets setrouveront par là,
non seulement exclus du
commerce du Pays Bas Austric
hien, maisaussi de celui
de la Flandre Françoise, du
Hinaut, de l'Artois, &
d'une partie de la Picardie,
pucequilsn'auront plusde
Porc sur toute cette Côte
pour introduite leurs Marchandises
dans ces quatre
Provinces, celui de Calais ne
pouvant pas servir à ce commerce.
4° Si la démolition du
Port de Dunkerque ne rebute
pas les SujetsdeVotre
Majesté du commerce de la
Flandre Françoise
,
du Hainaut,
de l'Artois, & d'une
partie de la Picar die, &
qu'ilsentreprennent d'y sup-
.pîérV p ar les Ports d'Octende
& de Nieuport seront ce
commerce avec des incommoditez
infinies, & rendront
par cettevoye kuis Marchandises
incommerçable
par les frais de voiture qa
seront triplez, & par les triplesdroitsqu'elles
auroient
payées, sçavoit à la Maison
d'Autriche en entrant dans
fcs Ports, aux Hollandois
en passant par Furnes, par
Ipres
, par M;.-nin ,& autres
Villes de leur Domination,
& au Roi en entrant
dans son Pays. Aulieu qu'en
passent par Dunkerque dans
ces quatre Provinces, Icurt
frais de voiture seront légers,
à cause de la commodité des
Canaux,&ils ne payeront
que le seul droit d'entrée au
Roi.
ParleTraité de commerce
établi entre Votre Majesté
&famaieflé TresChretienne,
le Tarif de 1671. a été
conservé au Pays conquis. Ce
Tarif est beaucoup plus favorable
que celui de 1664.
qui doit être suivi dans tous
les autres Ports de la Côte de
Ponanr; & par consequent
la conservation du Port de
Dunkerque importe beaucoup
au commerce- de vos
Sujets
J.
puisque ce Port la
les fera jouïr de ce Tarif pour
toutes les Marchandées qui
feront par eux destinéespour
la consommation des Provinces
de Flandre
3
d'Artois.
& du Hainaut, au lieu qu'en
passant par les autres Ports,
ces mêmes Marchandises
payeront les droits suivans
le Tarif de 1664.
6". Pour confirmer à Votre
Majesté l'avantage que
trouve le commerce de ses
Sujets par le Port de Duo.,
kerque, le sieur Tugghca
l'honneur de lui presentes
une Liste de deux cens dix:
huit Vaisseaux Anglois, qui
depuis le 16.ou 17. Août
1712. jusqu'au12.ou ij*
May ïyi font venus dans
cePort-là,&yont déchargé
des Carguaifons montant à
plus de deux millions de livres
tournois ; en lui faisant
en mê/4.'me tems cLbsrerver. ï~
Que comme la France étoit
pendant ces neuf mois làen
Guerre;-avec la Hollande,
fcês Marchandées ne peuvent
point avoir passé dans
les Provinces Auftnchiennes
qu'elles o£cllpoic:)' qtfVlles
n'ont pûêtre consommées
que dans les provinces Françoises
de la Flandre, du
Hainaut & de l'Artois, &
qu'en tems de Paix cette consommation
& par con sequent
le commerce de l'Angleterreseront
bien plus
forts. 2° Quecomme Dunkerque
n'a pû fournir en
retour des Marchandises
qu'il a reçû pendant ces neuf
mois, ni Manufacture, ni
denrées de son crû
J parce
qu'il n'en a pointil a fallu
qu'il les ait entièrement
payées en argent, & qu'il
faudra qu'il les paye toujours
de illême) ce qui eu
un avantage tres-considerable
dans toutes sortes de
commerces.
7° Comme il n'est pas
impossible que dans ses suites
il arrive quelque rupture
cnrre l'Angleterre & la Hollande
, l'Angleterre pendant
ces tems, qu'il plaise à Dieu
de détour ner,se trouvera absolument
privée du commerce
de laFlandreFrançoise,
du Hamaut, de l'Artois, &
d'une partie de la Picardie,
puisqu'alors elle ne pourra
plus le faire par les eor4
oOucnde ni de Nieuport
avecmême toutes les difficultez&
toutes les depenses
ausquelles ces deux Ports les
assujetiroient naturellement
Parce que ces Marchandises
ne pourroient de ces deux
Porc là ècre transportées
dans les Provinces Françoises
qu'en passant dans les
places ocupées par les Hollandois
, qui vrai- semblablement
ne leurouvriroient
pas leurs portes. Ainsi dans
ce tems làaumoins,laconservarion
du Port de Dunkerque
fc trouvera nécessaire
au commerce des Sujets de
Votre Majesté.
.il 8° La franchise du Port
& de la Ville de Dunkerque,
si Votre Majesté veut bien
laisser flechir laresolution fevere
qu'elle a prise contre
ses Jetées, mettra vos Sujets
en état de faire leur commerce
avec plus de commo-
- dité qu'aucuneautreNation
dans les Provinces de ssandre;
du Hainaut, & du Brabanc
Autrichien
,
dans les
Provinces Françoises de la
«
Flandre, du Hunaut
tde
l'Artçns., de la Picardie ôc
dans l'Allemagne même ,
par les Magazins de dépôt
qu'ils pourrontyavoir, &
qui leur donneront la commodité
de faire leurs envois
en tous ces Pays là à point
nommé & dans les lems propres. 2°Suppose que les contradictions
qu'ont trouvées
-
dans la Chambredes Communes
du Parlement de votre
Royaume, le 8. &!J. Articles
du Traité de commerce
conclu par Votre Majesté
avec la France
,
eussent lieu,
& qu'elles détruisissent
-
les
raisons
raisons ci dessus alleguées en
faveur du commerce d'Angleterre
par Dun kerque dans
les Provinces Françoises, cellesalléguées
en faveur de ce
v. o
même commerce par Dunkrque
dans le Pays-Bas Austrichien
, & en Allemagne
au moyen d'un Transirlibre
& exempt de tous droits subsisteroient
tou jours, &fj/flriront
pour faire voir
LVotte
Majesté, que la conservanon
de ce Port dans ses seules
J tées dénuées de toutes désfenses,
fera non seulement
d'une utilitétrès-avantn^euse,
mais même dune necessité
absolue au commerce
de l'A ngleterre,
JOU Tous ceux qui ont
quelque connoissance de la
Navigation, sçavent que les
Vaisseaux qui sont à lajvfer,
De sauroient jamais avoir fous
le Vent assez de lieux de retraire,
soit pour s'y mettre
à l'abri des Tempêtes, lorsqu'ils
en sont accueillis, foie
pour s'y rajuster après les avoir
soutenües sans naufrage.
Le Port de Dunkerque
cft une de ces retraites desirables
pour les Vaisseaux qui
font leur route pour aller
dans le Non, oupour
en revernit. Et quoi que
l'Angleterre ait sur sa Côte
quantité de lieux de relâche,
il pourra néanmoins souvent
arriver aprésladémolition
des Jetéespourlesquelles ont
demande grace à Vostre
Majesté, que le Vaisseaux de
les Sujets se trouvent Affalez
à la cosse de Dunker quc
par de tels vents, que ne
peuvent gagnct la leur, ils
feront réduits à regretir inutilement,
comme routes les
autres Nations commerçant
tes dans le Nort, ce Port de
Salut dont on les aura privez,
& que la seule pitié
due aux périls des Navigateurs,
auroit dû, fuivanr les
sentimens les plus ordinaires
de l humanité, leur faite
confetver.
Pour toutes ces raisons,
c'est à dire, pour le peu de
dommage que pourra faire
aux Sujets de Vostre Majesté,
ni à ceux de sesAlli 2,
le Port de Dunkerque dépouillé
de toutes ses démolitions,
tant du cosse de la
Mer,que du costé de 1*
Terre; pour l'utilité que le
Commerce d'Angleterre
trouvera dans la conservation
de cc même Porc en
l'étatci-dessusexpliqué, &
par la perte inutilement ruïneuse
que souffriront de sa
démolition les malheureux
Habitans decette Ville. Le
Magistrat de Dunkerque, &;
le sieur Tugghe son Deputé,
esperent que Vostre Majesté
voudra bien revoquer une
partie de sa Sentence, en
faisant tomber sa foudre sur
les seulstravaux de guerre
qui ont pu attirer fan indigna
ion, & en lassant subfilJcr
ses seules Jetées, qui
nuës comme elles feront rOC
pourront plus estre qu'un
objet de pitié. Elles feront
même un monumentéternel
de vostre gloire, puis qu'en
rapellanr sans cesse le souvenir
des ornemeus redoutales
dont vostre feule volonté les
aura dépouillées elles rappelleront
en même tems un éternel
souvenit de vostre clemence
qui les aura conserveés
aux larmes & aux gemissemens
des Peuples de cette
Ville, abîmée dans la douleur.
C'tll par ces larmes &
par ces gemissemens,que ce
Magistrat & son Deputé
prosternez aux pieds de
vostreTrône, également
clement & redoutable, vous
demandant la conservationde
leur Port. Et supphant
vostre Majesté de vouloir
bien tourner ses regards piroiables,
sur dix huit mille
Familles qui vont estre errantes
& dispersées, si par
l'execution entiere & severe
de vos Odres, elles sont obligées
d'abandonner leurs
Foyers, pour aller chercher,
ou flûcoc mandier, le pain
que vous leur aurez ossé.
Que vostre main toûjours
bien faisante, ne soit pas
l'instrument de leur misere
& de leur dispertion. Er que
le Peuple de Dunkerque ne
soit pas le seul Peuple du
monde qui puisse Ce plaindre
derigeur d'une REINE,
donc toutela terre adore, &
la sagesse, & la clémence.
la Reine de la Grande Bretagnepar
le Députédu Milgistrat
de Dunkerqueauprés
deSaMajesté.
MADAME,
Le sieur T U G G H E Deputé
du Magistrat de Dunkerque
auprès de Vôtre Majiltc
, pour implorerVotre
Clemence au fuictd, la Démolition
resoluë de cettc
Ville & de son Port, avoit
cfperé que par les tres soumises
representations qu'il
avoit osé faire,touchant la
misereextrême où cette Demolition
va reduire dix- huit
mille Familles dont cette
Ville cft composée, la misericorde
de Votre Majesté
auroir pû être ébranlée, &
que suivant sa tres re spectucufedemande
il auroit pû
en obtenir Ja conservation
des seulesJetées de ce Porr.
Mais My Lord Vicomte de
Bolingbrockevotre Secrétaire
dEtat vient de le fraper
d'un coup de foudre, en lui
annonçant que Votre Majesté
n'apas trouve à propos
de rienchanger dans la Seno
tence terrible qu'elle a prononcéecontrecetteVille,
ÔC
qu'elle veut que cette Sentence
soit exécutée dans toute
son éccnduë. Etourdi de ce
coup, le sieur Tugghe ne
laisse pas de s'approcher encore
une fois de votre Tiône
redoutable, rassuré en
cela par les bienfaits que vo- treClemenceen ftic découler
sur tous les Peuples de la
Terre. Et de representer en
tremblant à Votre Majesté,
qu'il ne demande point que
les Travaux qui peuvent servir
à Dunkerque soit pour
sonattaque, soit pour sa défence
soient conservez, ni
du côté de la Terre, ni du
côté de la Mer. La magnificence
de ces Travaux, la
terreur qu'ilspouvoient inspirer
à tous ceux qui les
voyoient, ne touchent plus
ses malheureux Habitans. Il
ne demande que la confervarion
des feules jetées qui
forment & qui entretiennent
son Port, pour pouvoir par
là conserver à son Peuple
une subsistance seulement
nécessaire, en le mettant en
état de continuer sa Pêche
du Harang
, & quelqueautres
petits Commerces le
Jong de la Côte.
Votre Majesté pleine d'une
Clemence naturelle
J
&
d'uneCharité Chrétienne
dont toutes les Nations ressentent
les effets, ne veut
point le mal pour le mal,
4c elle ne l'admet dans fcs réfolurions
qu'autant qu'ilest
indispensable & necessaire
selon ses vûës politiques&.
suivant le bien de ses propres
Sujets. Le sieurTuggheosera
sure observer à Votre Ma;
jette, que lacon conservation du
Port de Dunkerque, dans
l'etatnud où il vient d'être
representé, ne fera non seulement
pascontraire, niaux
vûës politiques de l'Angleterre
, ni au bien des Sujets
de la Grande Bretagne, mais
quelle fera même favorable
l, &' 1, aun à l'autre.
Dunkerque à eu le malheur
de devenir l'objetdelà
colere de la Grande Bretagne
,
soit par ses armemens
que le Roi y a faits, &qui
ont pû pendant les dernières
Guerres, traverser la tranquilité
de vos Royaumes, &
retarder l'éxecutiondes projets
de Votre Mjjcitc
,
soit
aussi par la course qu'ont faite
ses Habitans
,
laquelle à
souvent interrompu,& sou.
vant endommagé le commerce
de vos Sujets. Mais
dans l'état où le Suppliant
demande que son Port soit
réduit,c'est à dire, dépouillé
de tous ses Travaux
,
&
confervé dans les feules jetées
, il ne pourra plus, quelque
Guerre qui survienne
( , ce qu'il plaise à Dieu dedetourner)
ni former dobstacleaux
projets deVotre Majesté,
ni interrompre lecommerce
de vos Sujets, puisqu'alors
se sera une Ville toute
ouverte du côté de la Terre
& de la Mer; abandonnée
au premier occupant; sans défense pour celui qui
l'ocupera; & où toute Nation
Ennemie pourra entrer
par Mer & par Terre pour y
brûler, & les Vaissauxqu'on
pourroit y armer,&la Ville
& le Port même. Ainsi
danscet état, Dunkerquene
fera plus contraire
, & ne
pourra plus 1 être,ni aux vuës
politiquesde Votre Majesté
ni au bien de ses Sujets.
La conservation c'u Port
de Dunkerque sans Travaux
& sans défenses
) pourra être
dans les suites) également
utile, & devenir même abfolument
nécessaire & aux
vûës politiquesde Votre Majesté,
& au bien de ses Su jets.
Les vûësPolitiquesdeVotre
Majesté, sur tout en tems
de Paix, se renferment toutes
dans l'augmentation du
commerce de ses Sujets,
comme le bien de ses Sujets
cHtôur réarmedans laug-
- tmncennrtaattiioonn dauu ccoommmmeerrccee..
AJnfi en prouvant que laCol-bi
/crvaiionilu Port de Dunkerque
fera, non seulement
âvantageuse, mais aussi nécessaire
au commerce des
Peuplesrde la Grande Bretagnejle
Suppliant prouvera
tout ce qui est contenu dans
sa seconde proposition
i°. Dunkerque n'est devenu
l'objet de la jalousie des
Hollandais,& les Hollandois
n'ont desiré sa destruction
j que dans la vûë des'atribucr
à eux seuls tous le
commerce du PAYS- Bas AUU
trichien
,
& roue celuide
l'Allemagne;&ils ontcraint
que cesdeux commerces ne
fussent partagez avec eux par
lesautresNations, si le Port
-
de cette Ville étoit confervé
; parce que ce Port là ca
le seul de la Côte depuis OC.
tende en tirant à tOu.st
,
par où les Marchandises des
autres Pays Etrangers puissent
être introduites dans ces
Pays-là
,
qu'ils veulent entourer
comme d'une Mer
d'Airain pour s'enconserver
toute la consommation par
l'Escaut, par la Lys, & par
le Rhin. Er comme il importe
infiniment à l'Angleterre
de nêtre pas exclue de ces
deux commerces, il luiimporte
beaucoup aussi de conserver
le Port de Dunkerque,
quiest la feulevoye par
ou elle puisse s'y maintenir.
2.
°. Supposé que les Sujets
de VotreMajestépussent
malgré , les vûës des Hollandois
,
continuer leur commerce
dans le Pays Bas Autrichien
par les Ports d'Ostende
& de Nieuport, ils ne
pourront pas l'y soûtenir
Jung tems en concurence a..
Vec eux ,
à cause des fdCili",
tez &de la moindre dépense
que les premiers trouveront -
en faisant le leur par l Escaut
& par la Lys, & des grands
détours que les autres seront
obligez de prendre. Au lieu
qu'en conservant le Port de
Dunkerque,les Anglois trouveront
par cette voye des
facilitez presqueégalesàcelles
qu'auront les Hol landais,
liir. tout si Votre Majcfté
vouloît,comme elle le peut
aisement, obtenir du Roi
un Tranfic libre. & exempt
detous droits pour les Mar.
chandises d' Angleterre, depuis
Dunkerque jusques dans
le Pays Bas Autricien, par
Lille & par Drii>y.
3
°. Si l'on comble,ainsi
que Votre Majesté l'aresolu
,
le Port de Dunkerque, vos
Sujets setrouveront par là,
non seulement exclus du
commerce du Pays Bas Austric
hien, maisaussi de celui
de la Flandre Françoise, du
Hinaut, de l'Artois, &
d'une partie de la Picardie,
pucequilsn'auront plusde
Porc sur toute cette Côte
pour introduite leurs Marchandises
dans ces quatre
Provinces, celui de Calais ne
pouvant pas servir à ce commerce.
4° Si la démolition du
Port de Dunkerque ne rebute
pas les SujetsdeVotre
Majesté du commerce de la
Flandre Françoise
,
du Hainaut,
de l'Artois, & d'une
partie de la Picar die, &
qu'ilsentreprennent d'y sup-
.pîérV p ar les Ports d'Octende
& de Nieuport seront ce
commerce avec des incommoditez
infinies, & rendront
par cettevoye kuis Marchandises
incommerçable
par les frais de voiture qa
seront triplez, & par les triplesdroitsqu'elles
auroient
payées, sçavoit à la Maison
d'Autriche en entrant dans
fcs Ports, aux Hollandois
en passant par Furnes, par
Ipres
, par M;.-nin ,& autres
Villes de leur Domination,
& au Roi en entrant
dans son Pays. Aulieu qu'en
passent par Dunkerque dans
ces quatre Provinces, Icurt
frais de voiture seront légers,
à cause de la commodité des
Canaux,&ils ne payeront
que le seul droit d'entrée au
Roi.
ParleTraité de commerce
établi entre Votre Majesté
&famaieflé TresChretienne,
le Tarif de 1671. a été
conservé au Pays conquis. Ce
Tarif est beaucoup plus favorable
que celui de 1664.
qui doit être suivi dans tous
les autres Ports de la Côte de
Ponanr; & par consequent
la conservation du Port de
Dunkerque importe beaucoup
au commerce- de vos
Sujets
J.
puisque ce Port la
les fera jouïr de ce Tarif pour
toutes les Marchandées qui
feront par eux destinéespour
la consommation des Provinces
de Flandre
3
d'Artois.
& du Hainaut, au lieu qu'en
passant par les autres Ports,
ces mêmes Marchandises
payeront les droits suivans
le Tarif de 1664.
6". Pour confirmer à Votre
Majesté l'avantage que
trouve le commerce de ses
Sujets par le Port de Duo.,
kerque, le sieur Tugghca
l'honneur de lui presentes
une Liste de deux cens dix:
huit Vaisseaux Anglois, qui
depuis le 16.ou 17. Août
1712. jusqu'au12.ou ij*
May ïyi font venus dans
cePort-là,&yont déchargé
des Carguaifons montant à
plus de deux millions de livres
tournois ; en lui faisant
en mê/4.'me tems cLbsrerver. ï~
Que comme la France étoit
pendant ces neuf mois làen
Guerre;-avec la Hollande,
fcês Marchandées ne peuvent
point avoir passé dans
les Provinces Auftnchiennes
qu'elles o£cllpoic:)' qtfVlles
n'ont pûêtre consommées
que dans les provinces Françoises
de la Flandre, du
Hainaut & de l'Artois, &
qu'en tems de Paix cette consommation
& par con sequent
le commerce de l'Angleterreseront
bien plus
forts. 2° Quecomme Dunkerque
n'a pû fournir en
retour des Marchandises
qu'il a reçû pendant ces neuf
mois, ni Manufacture, ni
denrées de son crû
J parce
qu'il n'en a pointil a fallu
qu'il les ait entièrement
payées en argent, & qu'il
faudra qu'il les paye toujours
de illême) ce qui eu
un avantage tres-considerable
dans toutes sortes de
commerces.
7° Comme il n'est pas
impossible que dans ses suites
il arrive quelque rupture
cnrre l'Angleterre & la Hollande
, l'Angleterre pendant
ces tems, qu'il plaise à Dieu
de détour ner,se trouvera absolument
privée du commerce
de laFlandreFrançoise,
du Hamaut, de l'Artois, &
d'une partie de la Picardie,
puisqu'alors elle ne pourra
plus le faire par les eor4
oOucnde ni de Nieuport
avecmême toutes les difficultez&
toutes les depenses
ausquelles ces deux Ports les
assujetiroient naturellement
Parce que ces Marchandises
ne pourroient de ces deux
Porc là ècre transportées
dans les Provinces Françoises
qu'en passant dans les
places ocupées par les Hollandois
, qui vrai- semblablement
ne leurouvriroient
pas leurs portes. Ainsi dans
ce tems làaumoins,laconservarion
du Port de Dunkerque
fc trouvera nécessaire
au commerce des Sujets de
Votre Majesté.
.il 8° La franchise du Port
& de la Ville de Dunkerque,
si Votre Majesté veut bien
laisser flechir laresolution fevere
qu'elle a prise contre
ses Jetées, mettra vos Sujets
en état de faire leur commerce
avec plus de commo-
- dité qu'aucuneautreNation
dans les Provinces de ssandre;
du Hainaut, & du Brabanc
Autrichien
,
dans les
Provinces Françoises de la
«
Flandre, du Hunaut
tde
l'Artçns., de la Picardie ôc
dans l'Allemagne même ,
par les Magazins de dépôt
qu'ils pourrontyavoir, &
qui leur donneront la commodité
de faire leurs envois
en tous ces Pays là à point
nommé & dans les lems propres. 2°Suppose que les contradictions
qu'ont trouvées
-
dans la Chambredes Communes
du Parlement de votre
Royaume, le 8. &!J. Articles
du Traité de commerce
conclu par Votre Majesté
avec la France
,
eussent lieu,
& qu'elles détruisissent
-
les
raisons
raisons ci dessus alleguées en
faveur du commerce d'Angleterre
par Dun kerque dans
les Provinces Françoises, cellesalléguées
en faveur de ce
v. o
même commerce par Dunkrque
dans le Pays-Bas Austrichien
, & en Allemagne
au moyen d'un Transirlibre
& exempt de tous droits subsisteroient
tou jours, &fj/flriront
pour faire voir
LVotte
Majesté, que la conservanon
de ce Port dans ses seules
J tées dénuées de toutes désfenses,
fera non seulement
d'une utilitétrès-avantn^euse,
mais même dune necessité
absolue au commerce
de l'A ngleterre,
JOU Tous ceux qui ont
quelque connoissance de la
Navigation, sçavent que les
Vaisseaux qui sont à lajvfer,
De sauroient jamais avoir fous
le Vent assez de lieux de retraire,
soit pour s'y mettre
à l'abri des Tempêtes, lorsqu'ils
en sont accueillis, foie
pour s'y rajuster après les avoir
soutenües sans naufrage.
Le Port de Dunkerque
cft une de ces retraites desirables
pour les Vaisseaux qui
font leur route pour aller
dans le Non, oupour
en revernit. Et quoi que
l'Angleterre ait sur sa Côte
quantité de lieux de relâche,
il pourra néanmoins souvent
arriver aprésladémolition
des Jetéespourlesquelles ont
demande grace à Vostre
Majesté, que le Vaisseaux de
les Sujets se trouvent Affalez
à la cosse de Dunker quc
par de tels vents, que ne
peuvent gagnct la leur, ils
feront réduits à regretir inutilement,
comme routes les
autres Nations commerçant
tes dans le Nort, ce Port de
Salut dont on les aura privez,
& que la seule pitié
due aux périls des Navigateurs,
auroit dû, fuivanr les
sentimens les plus ordinaires
de l humanité, leur faite
confetver.
Pour toutes ces raisons,
c'est à dire, pour le peu de
dommage que pourra faire
aux Sujets de Vostre Majesté,
ni à ceux de sesAlli 2,
le Port de Dunkerque dépouillé
de toutes ses démolitions,
tant du cosse de la
Mer,que du costé de 1*
Terre; pour l'utilité que le
Commerce d'Angleterre
trouvera dans la conservation
de cc même Porc en
l'étatci-dessusexpliqué, &
par la perte inutilement ruïneuse
que souffriront de sa
démolition les malheureux
Habitans decette Ville. Le
Magistrat de Dunkerque, &;
le sieur Tugghe son Deputé,
esperent que Vostre Majesté
voudra bien revoquer une
partie de sa Sentence, en
faisant tomber sa foudre sur
les seulstravaux de guerre
qui ont pu attirer fan indigna
ion, & en lassant subfilJcr
ses seules Jetées, qui
nuës comme elles feront rOC
pourront plus estre qu'un
objet de pitié. Elles feront
même un monumentéternel
de vostre gloire, puis qu'en
rapellanr sans cesse le souvenir
des ornemeus redoutales
dont vostre feule volonté les
aura dépouillées elles rappelleront
en même tems un éternel
souvenit de vostre clemence
qui les aura conserveés
aux larmes & aux gemissemens
des Peuples de cette
Ville, abîmée dans la douleur.
C'tll par ces larmes &
par ces gemissemens,que ce
Magistrat & son Deputé
prosternez aux pieds de
vostreTrône, également
clement & redoutable, vous
demandant la conservationde
leur Port. Et supphant
vostre Majesté de vouloir
bien tourner ses regards piroiables,
sur dix huit mille
Familles qui vont estre errantes
& dispersées, si par
l'execution entiere & severe
de vos Odres, elles sont obligées
d'abandonner leurs
Foyers, pour aller chercher,
ou flûcoc mandier, le pain
que vous leur aurez ossé.
Que vostre main toûjours
bien faisante, ne soit pas
l'instrument de leur misere
& de leur dispertion. Er que
le Peuple de Dunkerque ne
soit pas le seul Peuple du
monde qui puisse Ce plaindre
derigeur d'une REINE,
donc toutela terre adore, &
la sagesse, & la clémence.
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Résumé : Tres-humble Adresse presentée à la Reine de la Grande Bretagne par le Deputé du Magistrat de Dunkerque auprés de sa Majesté.
Le député Tugghe, représentant le Magistrat de Dunkerque, adresse une supplique à la Reine de Grande-Bretagne pour éviter la démolition de Dunkerque et de son port. Il souligne que cette décision plongerait 18 000 familles dans la misère. Malgré les interventions de Tugghe, le vicomte de Bolingbroke, secrétaire d'État, a annoncé que la Reine ne reviendrait pas sur sa décision. Tugghe insiste néanmoins pour la conservation des jetées du port, permettant ainsi aux habitants de poursuivre leurs activités de pêche et de commerce. Tugghe argue que la conservation du port de Dunkerque, dépourvu de ses fortifications, ne serait pas contraire aux intérêts politiques de l'Angleterre. Il explique que Dunkerque est devenu un objet de colère en raison de ses armements et des activités de ses habitants, mais que, privé de ses défenses, il ne représenterait plus une menace. Il met en avant l'utilité du port pour le commerce des sujets de la Reine, facilitant l'accès aux marchés du Pays-Bas autrichien, de la Flandre française, du Hainaut, de l'Artois et de la Picardie. Tugghe présente plusieurs arguments économiques et stratégiques. Il mentionne que les sujets de la Reine pourraient bénéficier d'un tarif favorable de 1671, et que la destruction du port les priverait de cette opportunité. Il cite des exemples concrets de navires anglais ayant utilisé le port de Dunkerque et souligne l'importance du port comme refuge pour les vaisseaux en difficulté. Enfin, Tugghe conclut en rappelant que la conservation des jetées du port de Dunkerque serait bénéfique pour le commerce de l'Angleterre et pour la sécurité des navigateurs. Le Magistrat et son député implorent la Reine de ne pas être l'instrument de la misère et de la dispersion des habitants de Dunkerque, afin que le peuple de Dunkerque ne soit pas le seul à se plaindre d'une reine dont la sagesse et la clémence sont admirées par le monde entier.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 280-282
Nouvelles d'Angleterre. [titre d'après la table]
Début :
On écrit de Londres qu'on travailloit à mettre au net le [...]
Mots clefs :
Reine, Commission, Comte de Crawford, Londres, Commerce
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Nouvelles d'Angleterre. [titre d'après la table]
On écrie de Londres qu'on
travailloità mettre au net le
Traité de Commerce entre
l'Espagne & la Grande Bretagne,
qu'on avoit reçu par un
Exprés arrivé d'Utrecht, pour
estreratissé par la Reine. Sa
Majesté a figné la Commission
du sieurJeanHart, nommeau
Gouvernement de Maryland.
Le sieur Jean Wetham a esté
fait Commissaire de l'Excise.
La Reine a conféré la dignité
gnité de Chevalier Baronet de
la Grande Breragne au ifeur
Guillaume Desbowreries.
Le Comte Marshal
)
Pair
d'Ecosse, a esté fait Capitaine
de laSeconde Compagnie des
Grenadiers cheval Ecossois
dela Garde;à la place du feu
Comte deCrawford. t
-
La Reine a accordéau Duc
de Shrewsbury la permission
de revenir en Angleterre, 84
elle a ordonné de dresser une
Commissîon pour établir Regents
en son absencel'Archevêque
d'ArrnaghJ le ifrur
Phips, Chanceliery& l'Arche.
veque de Tuam.
travailloità mettre au net le
Traité de Commerce entre
l'Espagne & la Grande Bretagne,
qu'on avoit reçu par un
Exprés arrivé d'Utrecht, pour
estreratissé par la Reine. Sa
Majesté a figné la Commission
du sieurJeanHart, nommeau
Gouvernement de Maryland.
Le sieur Jean Wetham a esté
fait Commissaire de l'Excise.
La Reine a conféré la dignité
gnité de Chevalier Baronet de
la Grande Breragne au ifeur
Guillaume Desbowreries.
Le Comte Marshal
)
Pair
d'Ecosse, a esté fait Capitaine
de laSeconde Compagnie des
Grenadiers cheval Ecossois
dela Garde;à la place du feu
Comte deCrawford. t
-
La Reine a accordéau Duc
de Shrewsbury la permission
de revenir en Angleterre, 84
elle a ordonné de dresser une
Commissîon pour établir Regents
en son absencel'Archevêque
d'ArrnaghJ le ifrur
Phips, Chanceliery& l'Arche.
veque de Tuam.
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Résumé : Nouvelles d'Angleterre. [titre d'après la table]
Le texte mentionne plusieurs décisions royales en Grande-Bretagne. Un traité de commerce avec l'Espagne est en cours de ratification. La Reine a nommé Jean Hart au gouvernement du Maryland et Jean Wetham Commissaire de l'Excise. Elle a également anobli Guillaume Desbowreries. Le Comte Marshal a été nommé Capitaine des Grenadiers cheval Ecossois. Le Duc de Shrewsbury a été autorisé à revenir en Angleterre. Une commission de régents, incluant l'Archevêque d'Armagh et l'Archevêque de Tuam, a été ordonnée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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12
p. 3-79
AVANTURE nouvelle.
Début :
Un jeune Comte, d'une des meilleures Maisons du Royaume, [...]
Mots clefs :
Comte, Marquise , Conseiller, Amant, Coeur, Mari, Passion, Amour, Reproches, Monde, Liberté, Parti, Italien, Maîtresse, Caractère, Charmes, Mérite, Prétexte, Heureux, Colère, Jeu, Espérer, Nouvelles, Lettre, Campagne, Faveur, Commerce, Fidélité, Femmes, Raison
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AVANTURE nouvelle.
AVANTUR
nouvelle.
U
LYON
N jeune Comte ,
d'une des meilleures
Maifons
du Royaume , s'étant
nouvellement établi das
Avril 1714. A ij
4 MERCURE
un quartier où le jeu &
la galanterie regnoient
également , fut obligé
d'y prendre parti comme
les autres ; & parce
que fon coeur avoit des
engagemens ailleurs , il
fe declara pour le jeu ,
comme pour fa paffion
dominante mais le peu
d'empreffement qu'il y
avoit , faifoit affez voir
qu'il fe contraignoit , &
l'on jugea que c'étoir un
homme qui ne s'attaGALANT
.
S
choit à rien , & qui dans
la neceffité de choiſir
avoit encore mieux aimé
cet amuſement, que
de dire à quelque belle
ce qu'il ne fentoit pas .
Un jour une troupe de
jeunes Dames qui ne
joüoient point , l'entreprit
fur fon humeur indifferente.
Il s'en défendit
le mieux qu'il put ,
alleguant fon peu de
merite , & le peu d'ef
perance qu'il auroit d'ê-
A iij
6 MERCURE
tre heureux en amour :
mais on lui dit que
quand il fe connoîtroit
affez mal pour avoir une
fi méchante opinion de
lui - même , cette raiſon
feroit foible contre la
vûë d'une belle perfonne
; & là - deffus on le
menaça des charmes d'u
ne jeune Marquife , qui
demeuroit dans le voifinage
, & qu'on attendoit.
Il ne manqua pas de leur
repartir qu'elles-mêmes
GALANT.
7.
ne fe connoiffoient point
affez , & que s'il pouvoit
échaper au peril où il
fe trouvoit alors , il ne
devoit plus rien craindre
pour fon coeur . Pour
réponse à fa galanterie ,
elles lui montrerent la
Dame dont il étoit queftion
, qui entroit dans
ce moment . Nous parlions
de vous , Madame ,
lui dirent - elles en l'appercevant
. Voici un indifferent
que nous vous
A iiij
8 MERCURE
donnons à convertir :
Vous y êtes engagée
d'honneur ; car il femble
yous défier auffi - bien
que nous. La Dame &
le jeune Comte ſe reconnurent
, pour s'être
vûs quelquefois à la campagne
chez une de leurs
amies . Elle étoit fort convaincuë
qu'il ne meritoit
rien moins que le
reproche qu'on luy faifoit
, & il n'étoit que
trop ſenſible à ſon gré :
GALANT. 9
mais elle avoit les raifons
pour feindre de croire
ce qu'on lui difoit.
C'étoit une occafion de
commerce avec un homme
, fur lequel depuis
long - temps elle avoit
fait des deffeins qu'elle
n'avoit pû executer . Elle
lui trouvoit de l'efprit
& de l'enjouement , &
elle avoit hazardé des
complaisāces pour beaucoup
de gens qui afſurément
ne le valoient
to MERCURE
pas : mais fon plus grand
merite étoit l'opinion
qu'elle avoit qu'il fût aimé
d'une jeune Demoifelle
qu'elle haïffoit , &
dont elle vouloit fe vanger.
Elle prit donc fans
balancer le parti qu'on
lui offroit ; & aprés lui
avoit dit qu'il faloit qu'-
on ne le crût pas bien
endurci , puis qu'on s'adreffoit
à elle pour le
toucher , elle entreprit
de faire un infidele , fous
GALANT . 11
pretexte de convertir un
indifferent. Le Comte
aimoit paffionsément la
Demoiſelle dont on le
croyoit aimé, & il tenoit
à elle par des
engagemens
fi puiffans
, qu'il
ne craignoit
pas que rien
l'en pût détacher
. Sur
tout il fe croyoit
fort en
fûreté contre les charmes
de la Marquife. Il
la connoiffoit pour une
de ces coquettes de profeffion
qui veulent , à
12 MERCURE
quelque prix que ce ſoit ,
engager tout le monde ,
& qui ne trouvent rien
de plus honteux que de
manquer une conquête .
Il fçavoit encore quedepuis
peu elle avoit un
amant , dont la nouveauté
faifoit le plus grand
merite , & pour qui elle
avoit rompu avec un
autre qu'elle aimoit depuis
long - temps , & à
qui elle avoit des obligations
effentielles . Ces
と
GALANT .
13
connoiffances lui fmbloient
un remede affuré
contre les tentations
les plus preffantes. La
Dame l'avoit affez veu
pour connoître quel étoit
fon éloignement
pour des femmes
de fon
caractere
: mais cela ne
fit que flater fa vanité.
Elle trouva plus de gloire
à triompher
d'un
coeur qui devoit être fi
bien défendu. Elle lui
fit d'abord
des reproches
14 MERCURE
de ne l'eftre pas venu
voir depuis qu'il étoit
dans le quartier , & l'engagea
à reparer fa faute
dés le lendemain . Il
alla chez elle , & s'y fit
introduire par un Confeiller
de fes amis , avec
qui il logcoit , & qui
avoit des liaiſons étroites
avec le mari de la
Marquife, Les honneftetez
qu'elle lui fit l'obligerent
enfuite d'y aller
plufieurs fois fans inGALANT.
15
troducteur ; & à chaque
yifite la Dame mit en
ufage tout ce qu'elle
crut de plus propre à .
l'engager. Elle trouva
d'abord toute la refiftance
qu'elle avoit attendue.
Ses foins , loin .
de faire effet , ne lui attirerent
pas feulement
une parole qui tendît à
une declaration : mais
elle ne defefpera point
pour cela du pouvoir de
fes charmes ; ils l'avoient
16 MERCURE
fervie trop fidelement en
d'autres occafions
, pour
ne lui donner pas lieu
de fe flater d'un pareil
fuccés en celle - ci ; elle
crut mefme remarquer
bientôt qu'elle ne s'étoit
pas trompée. Les vifites
du Comte furent
plus frequentes : elle lui
trouvoit un enjouëment
que l'on n'a point quand
on n'a aucun deffein de
plaire.Mille railleries divertissantes
qu'il faifoit
fur
+
GALANT . 17
für fon nouvel amant ;
le chagrin qu'il témoignoit
quand il ne pouvoit
eftre feul avec elle ;
Fattention qu'il preftoit.
aux moindres chofes
qu'il luy voyoit faire :
tout cela lui parut d'un
augure merveilleux , &
il eft certain que fi elle
n'avoit pas encore le
coeur de ce pretendu indifferent
, elle occupoit.
du moins fon efprit . Ih
alloit plus rarement chez
Avril 1714. B :
18 MERCURE
la Demoiſelle qu'il aimoit
, & quand il étoit
avec elle, il n'avoit point
d'autre foin , que de faire
tomber le difcours fur
la Marquife . Il aimoit
mieux railler d'elle que
de n'en rien dire . Enfin
foit qu'il fût feul , ou
en compagnie , fon idée
ne l'abandonnoit jamais
. Quel dommage ,
difoit - il quelquefois
que le Ciel ait répandu
tant de graces dans une
,
GALANT . 19
coquette ? Faut - il que la
voyant fi aimable , on
ait tant de raiſon de ne
point l'aimer ? Il ne pouvoit
lui pardonner tous
fes charmes ; & plus il
lui en trouvoit , plus il
croyoit la haïr. Il s'oublia
même un foir jufques
à lui reprocher fa
conduite , mais avec une
aigreur qu'elle n'auroit,
pas ofé efperer fitoft. A
quoy bon , lui dit- il ,
Madame , toutes ces oil-
Bij
20 MERCURE
lades & ces manieres étu
diées que chacun regarde
, & dont tant de gens
fe donnent le droit de
parler Ces foins de
chercher à plaire à tout
le monde , ne font pardonnables
qu'à celles à
qui ils tiennent lieu de
beauté . Croyez - moy ,
Madame , quittez des
affectations qui font indignes
de vous. C'étoit
où on l'attendoit . La
Dame étoit trop habile
GALANT. 2ม1
pour ne diftinguer past
les confeils de l'amitié
des reproches de la jaloufie
. Elle lui en marqua
de la reconnoiſſance
, & tâcha enfuite de
lui perfuader que ce qui
paroiffoit coquetterie ,
n'étoit en elle que la
crainte
d'un veritable
attachement ; que du
naturel dont elle fe connoiffoit
, elle ne pourroit
être heureufe dans.
un engagement , parce
22 MERCURE
qu'elle ne ſe verroit jamais
aimée , ni avec la
même fincerité , ni avec
la même delicateſſe dont
elle fouhaiteroit de l'être
, & dont elle fçavoit
bien qu'elle aimeroit .
Enfin elle lui fit an faux
portrait de fon coeur , qui
fut pour lui un veritable
poifon. Il ne pouvoit
croire tout à fait qu'elle
fût fincere : mais il ne
pouvoit s'empefcher de
le fouhaiter. Il cherGALANT.
23
choit des
apparences
ce qu'elle
lui difoit , &
il lui rappelloit
mille actions
qu'il lui avoit vû
faire , afin qu'elle les juſtifiât
; & en effet , fe fervant
du pouvoir qu'elle
commençoit à prendre
fur lui , elle y donna
des couleurs qui diffiperent
une partie de fes
foupçons mais qui
pourtant n'auroient pas
trompé un homme qui
cuft moins fouhaité de
24 MERCURE
l'eftre. Cependant, ajouta-
t- elle d'un air enjoüé ,
je ne veux pas tout à fait
difconvenir d'un défaut
qui peut me donner lieu
de vous avoir quelque
obligation . Vous fçavez
ce que j'ai entrepris pour
vous corriger de celui
qu'on vous reprochoit .
Le peu de fuccés que j'ai
eu ne vous diſpenſe pas
de reconnoître mes bonnes
intentions , & vous
me devez les mefmes
foins.
GALANT. 25
foins . Voyons fi vous ne
ferez pas plus heureux à
fixer une inconftante ,
que je l'ay été à toucher
un infenfible. Cette propofition
, quoique faite
en riant , le fit rentrer en
lui - mefme , & alarma
d'abord fa fidelité . Il vit
qu'elle n'avoit peut - eftre
que trop reüffi dans
fon entrepriſe , & il reconnut
le danger où il
étoit : mais fon penchant
commençant à lui ren-
Avril 1714.
C
26 MERCURE
dre ces reflexions facheuſes
, il tâcha bientôt
à s'en délivrer . Il
penfa avec plaifir que fa
crainte étoit indigne de
lui , & de la perfonne
qu'il aimoit depuis fi
long- temps . Sa delicateffe
alla meſme juſqu'à
fe la reprocher
comme
une infidelité
; & aprés
s'eftre dit à foy- meſme
,
que c'étoit déja eſtre inconftant
que de craindre
de changer , il embraſſa
GALANT . 27
avec joye le parti qu'on
lui offroit . Ce fut un
commerce fort agreable
de part & d'autre. Le
pretexte qu'ils prenoient
rendant leur empreffement
un jeu , ils goutoient
des plaifirs qui
n'étoient troublez d'aucuns
fcrupules. L'Italien
, qu'ils fçavoient tous
deux , étoit l'interprete :
de leurs tendres fentimens.
Ils ne fe voyoient
jamais qu'ils n'euffent à
Cij
28 MERCURE
fe donner un billet en
cette langue ; car pour
plus grande feureté, ils
étoient convenus qu'ils
ne s'enverroient jamais
leurs lettres . Sur - tout
elle lui avoit défendu dé
parler de leur commerce
au Confeiller avec qui
il logcoit , parce qu'il
étoit beaucoup plus des
amis de fon mari que des
fiens , & qu'autrefois ,
fur de moindres apparences,
il lui avoit donné
GALANT . 29
des foupçons d'elle fort
defavantageux . Elle lui
marqua même des heures
où il pouvoit le moins
craindre de les rencontrer
chez elle l'un ou
l'autre , & ils convinrent
de certains fignes d'intelligence
pour les temps
qu'ilsyferoient. Cemyf
tere étoit un nouveau
charme pour le jeune
Comte. La Marquife
prit enfuite des manieres
fiéloignées d'une co-
C
iij
30 MERCURE
quette , qu'elle acheva
bientoft
de le perdre
.
Jufques là elle avoit eu
un de ces caracteres enjoüez
, qui reviennent
quafi à tout le monde ,
mais qui deſeſperent un
amant ; & elle le quitta
pour en prendre un tout
oppofé , fans le lui faire
valoir comme un facri.
fice . Elle écarta fon nouvel
amant , qui étoit un
Cavalier fort bien fait .
Enfin loin d'aimer l'éGALANT.
31
clat , toute fon application
étoit d'empêcher
qu'on ne s'apperçût de
l'attachement que le
Comte avoit pour elle :
mais malgré tous fes
foins, il tomba unjour de
ſes poches une lettre que
fon mari ramaffa fans
qu'elle y prît garde . 11
n'en connut point le caractere
, & n'en entendit
pas le langage : mais ne
doutant pas que ce ne
fût de l'Italien , il courut
Ciiij
32 MERCURE
chez le Conſeiller , qu'il
fçavoit bien n'être pas
chez lui , feignant de lui
vouloir
communiquer
quelque affaire . C'étoit
afin d'avoir occafion de
parler au Comte , qu'il
ne foupçonnoit point
d'être l'auteur de la lettre
, parce qu'elle étoit
d'une autre main. Pour
prévenir les malheurs
qui arrivent quelquefois
des lettres perduës , le
Comte faifoit écrire touGALANT
. 33
tes celles qu'il donnoit à
la Marquise par une perfonne
dont le caractere
étoit inconnu . Il lui avoit
porté le jour precedent
le billet Italien
dont il s'agiffoit. Il étoit
écrit fur ce qu'elle avoit
engagé le Confeiller à
lui donner
à fouper ce
même jour- là ; & parce
qu'elle avoit fçû qu'il
devoit aller avec fon mari
à deux lieuës de Paris
l'apréfdînée , & qu'ils
34 MERCURE
n'en reviendroient que
fort tard , elle étoit convenue
avec ſon amant
qu'elle fe rendroit chez
lui avant leur retour. La
lettre du Comte étoit
pour l'en faire fouvenir ,
& comme un avantgoût
de la fatisfaction qu'ils
promettoient cette fe
foirée. Le mari n'ayant
point trouvé le Confeiller
, demanda le Comte .
Dés qu'il le vit , il tira
de fa poche d'un air emGALANT
.
35
preffé quantité de papiers
, & le pria de les
lui remettre quand il
féroit revenu. Parmi ces
papiers étoit celui qui
lui donnoit tant d'agitation
. En voici un , lui
dit- il en feignant de s'être
mépris , qui n'en eſt
pas. Je ne fçai ce que
c'eft , voyez fi vous l'entendrez
mieux que moy :
& l'ayant ouvert , il en
lut lui - mefme les premie-i
res lignes , de peur que
36 MERCURE
le Comte
jettant les
yeux fur la fuite , ne connût
la part que la Marquife
y pouvoit avoir ,
& que la crainte de lui
apprendre de fâcheufes
nouvelles , ne l'obligeât
à lui déguifer la verité.
Le Comte fut fort furpris
quand il reconnut
fa lettre. Untrouble foudain
s'empara de fon efprit
, & il eut befoin que
le mari fût occupé de fa
lecture , pour lui donner
(
GALANT. 37
le temps de fe remettre .
Aprés en avoir entendu
le commencement : Voila
, dit - il , contrefaifant
¡ l'étonné , ce que je chersche
depuis long - temps .
C'est le rôle d'une fille
qui ne fçait que l'Italien ,
- & qui parle à ſon amant
qui ne l'entend pas . Vous
a
aurez veu cela dans une
Comedie Françoiſe qui
a paru cet hyver. Mille
gens me l'ont demandé ,
& il faut que vous me
38.
MERCURE
faffiez le plaifir de me
le laiffer. J'y confens , lui
répondit le mari , pourveu
que vous le rendiez
à ma femme , car je croy
qu'il eft à elle. Quand le
jeune Comte crut avoir
porté affez loin la crédulité
du mari , il n'y
eut pas un mot dans ce
prétendu rôle Italien ,
dont il ne lui voulût faire
entendre l'explication
: mais le mari ayant
ce qu'il fouhaitoit , béGALANT.
39
nit le Ciel en lui - mefme
de s'être trompé fi
heureuſement , & s'en
alla où l'appelloient fes
affaires . Auffitôt qu'il
e fut forti , le Comte courut
à l'Eglife , où il étoit
fûr de trouver la Dame ,
qu'il avertit par un bilelet
, qu'il lui donna ſecretement
, de ce qui ve-
-noit de fe paffer , & de
1
l'artifice dont il s'étoit
fervi pour retirer fa let
tre. Elle ne fut pas fitôt
40 MERCURE
rentrée chez elle , qu'elle
.mit tous les domeſtiques
à la quête du papier , &
fon mari étant de retour,
elle lui demanda . Il lui
avoüa qu'il l'avoit trouvé
, & que le Comte en
ayant beſoin , il lui avoit
laiffé entre les mains .
Me voyez- vous des curiofitez
femblables pour
les lettres que vous recevez
, lui répondit- elle
d'un ton qui faifoit paroître
un peu de colere ?
Si
GALANT 41
Si c'étoit un billet tendre
, fi c'étoit un rendezvous
que l'on me donnât
, feroit - il , agréable.
que vous nous vinffiez
troubler ? Son mari lui
dic en l'embraffant , qu'il
fçavoit fort bien ce que
c'étoit ; & pour l'empêcher
de croire qu'il l'eût
foupçonnée , il l'affura
qu'il avoit cru ce papier
à lui lors qu'il l'avoit ramaffe.
La Dame ne borna
pas fon reffentiment
Avril 1714. D
42 MERCURE
à une raillerie de cette
nature . Elle fe rendit
chez le Comte de meilleure
heure qu'elle n'auroit
fait . La commodité
d'un jardin dans cette
maiſon étoit un
pretexte
pour y aller avant le
temps du foupé. La jaloufie
dans un mari eft
un défaut fi blâmable ,
quand elle n'eft pas bien
fondée , qu'elle fe fit un
devoir de juftifier ce que
le fien lui en avoit fait
J
GALANT. 43
paroître. Tout favorifoit
un fi beau deffein ;
toutes fortes de témoins
étoient éloignez , & le
Comte & la Marquiſe
pouvoient le parler en
liberté. Ce n'étoit plus
par des lettres & par des
fignes qu'ils exprimoient
leur tendreffe . Loin d'avoir
recours à une langue
étrangere , à peine
trouvoient - ils qu'ils
fçuffent affez bien le
François pour fe dire
Dij
44 MERCURE
tout ce qu'ils fentoient ;
& la défiance du mari
leur rendant tout légitime
, la Dame eut des
complaifances pour le
jeune Comte , qu'il n'auroit
pas ofé efperer. Le
mari & le Confeiller étant
arrivez fort tard ,
leur firent de grandes excufes
de les avoir fait fi
long - temps attendre.
On n'eut pas de peine à
les recevoir
, parce que
jamais on ne
s'étoit
4.
GALANT . 45
moins impatienté . Pendant
le foupé leurs yeux
firent leur devoir admirablement
; & la contrainte
où ils fe trouvoient
par la préſence
de deux témoins incommodes
, prêtoit à leurs
regards une éloquence
qui les confoloit de ne
pouvoir s'expliquer avec
plus de liberté. Le mari :
gea
ayant quelque chofe à
dire au Comte
, l'engaà
venir faire avec lui
46 MERCURE
un tour de jardin . Le
Comte en marqua par
un coup d'oeil fon déplaifir
à la Dame , & la.
Dame lui fit connoître
par un autre figne combien
l'entretien du Confeiller
alloit la faire fouffrir.
On fe fepara . Jamais
le Comte n'avoit
trouvé de fi doux momens
que ceux qu'il paffa
dans fon tête - à - tête
avec la Marquife . Il la
quitta fatisfait au derGALANT
. 47
nier point :mais dés qu'il
fut ſeul , il ne put s'abandonner
à lui mefme
fans reffentir les plus
cruelles agitations. Que
n'eut- il point à fe dire
fur l'état où il furprenoit
fon coeur ! Il n'en étoit
pas à connoître que fon
trop de confiance lui avoit
fait faire plus de
chemin qu'il ne lui étoit
permis : mais il s'étoit
imaginé jufques là qu'-
un amuſement avec une
48 MERCURE
coquete ne pouvoit bleffer
en rien la fidelité qu'il
devoit à fa maîtreffe
. Il
s'étoit toujours repofé
fur ce qu'une femme qui
ne pourroit lui donner
qu'un coeur partagé , ne
feroit jamais capable
d'inſpirer au fien un vrai
amour ; & alors il commença
à voir que ce qu'il
avoit traité d'amufement
, étoit devenu une
paffion dont il n'étoit
plus le maitre. Aprés ce
qui
GALANT 49
qui s'étoit paffé avec la
Marquife
, il fe fût flaté
inutilement de l'efperance
de n'en être point
aimé uniquement , & de
bonne foy: Peut - être
même que des doutes
là - deffus auroient été
d'un foible fecours . Il
fongeoit fans ceffe à tout
ce qu'il lupavoit trouvé
de paffion , à cet air vif
& touchant qu'elle don-*
noit à toutes les actions ;
& 'ces réflexions enfin
Avril 1714.
*
E
fo MERCURE
jointes au peu de fuccés
qu'il avoit eu dans l'attachement
qu'il avoit
pris pour la premiere
maîtreffe , mirent fa raifon
dans le parti de fon
coeur, & diffiperent tous
fes remords. Ainfi il s'abandonna
fans fcrupule
à ſon penchant , & ne
fongea plus qu'à fe ménager
mille nouvelles
douceurs avec la Marquife
; mais la jalouſic
les vinte troubler lors
GALANT. S1
qu'il s'y étoit le moins
attendu. Un jour il la
furprit feule avec l'amant
qu'il croyoit qu'el
le cût banni ; & le Cavalier
ne l'eut pas fitôt
quittée , qu'il lui en fic
des reproches , comme
d'un outrage qui ne pouvoit
être pardonné . Vous
n'avez pû long - temps
vous démentir , lui ditil
, Madame. Lorfque
vous m'avez crû affez
engagé , vous avez cellé
E ij
52 MERCURE
de vous faire violence .
J'avoue que j'applaudif
fois à ma paſſion , d'avoir
pû changer vôtre
naturel ; mais des femmes
comme
vous ne
changent jamais. J'avois
tort d'efperer un miracle
en ma faveur . Il la pria
enfuite de ne ſe plus contraindre
pour lui , & l'aſfura
qu'il la laifferoit en
liberté de recevoir toutes
les vifites qu'il lui
plairoit . La Dame fe
GALANT.
$3
connoiffoit trop bien en
dépit , pour rien apprehender
de celui - là . Elle
en tira de nouvelles affurances
de fon pouvoir
fur le jeune Comte ; &
affectant une colere qu'-
elle n'avoit pas , elle lui
fic comprendre qu'elle
ne daignoit pas ſe juſtifier
, quoy qu'elle eût de
bonnes raifons , qu'elle
lui cachoit pour le punir.
Elle lui fit même
promettre plus pofitive-
E iij
$4 MERCURE
ment qc'il n'avoit fait ,
de ne plus revenir chez
elle. Ce fut là où il put
s'appercevoir combien il
étoit peu maître de ſa
paffion . Dans un moment
il fe trouva le feul
criminel ; & plus affligé
de l'avoir irritée par les
reproches , que de la trahifon
qu'il penfoit lui
eftre faite , il fe jetta à
fes genoux , trop heureux
de pouvoir efperer
le pardon , qu'il croyoit
GALANT .
$$
auparavant qu'on lui devoit
demander
. Par quelles
foumiffions ne tâcha
t- il point de le meriter !
Bien loin de lui remetles
tre devant les yeux
marques de paffion qu'il
avoit reçues d'elle , &
qui fembloient lui donner
le droit de ſe plaindre
, il paroiffoit les avoir
oubliées , ou s'il s'en
refſouvenoit , ce n'étoit
que pour le trouver cent
fois plus coupable . Il
E mij
56 MERCURE
n'alleguoit que l'excés
de fon amour qui le faifoit
ceder à la jalousie ,
& quien de pareilles occafions
ne s'explique jamais
mieux que par la
colere. Quand elle crut
avoir pouffé fon triomphe
affez loin , elle lui
jetta un regard plein de
douceur , qui en un moment
rendit à fon ame
toute fa tranquilité . C'eft
affez me contraindre ,
lui dit- elle ; auffi bien ma
•
"
GALANT. SZ
joye & mon amour commencent
à me trahir.
Non , mon cher Comte
, ne craignez point
que je me plaigne de vôtre
colere. Je me plaindrois
bien plutôt fi vous
n'en aviez point eu . Vos
reproches il est vrai ,
>
bleffent ma fidelité : mais
je leur pardonne ce qu'ils
ont d'injurieux , en faveur
de ce qu'ils ont de
paffionné. Ces affurances
de vôtre tendreffe m'é58
MERCURE
toient fi cheres , qu'elles
ont arrefté jufqu'ici l'im
patience que j'avois de
me juftifier. Là - deffus
elle lui fit connoître
combien ſes ſoupçons étoient
indignes d'elle &
de lui ; que n'ayant point
défendu au Cavalier de
venir chez elle , elle n'avoit
pu refufer de le voir;
qu'un tel refus auroit été
une faveur pour lui ; que.
s'il le
fouhaitoit pourtant
, elle lui défendroit
V
GALANT. 59
fa maiſon pour jamais :
mais qu'il confiderât
combien il feroit peu
agreable pour elle , qu'-
un homme de cette forte
s'allât vanter dans le
monde qu'elle cuft rompu
avec lui , & laiſsât
croire qu'il y euft des
gens à qui il donnoit de
l'ombrage. L'amoureux
Comte étoit fi touché
des marques de tendreſſe
qu'on venoit de lui donner
, qu'il ſe feroit vo60
MERCURE
>
lontiers payé d'une plus
méchante raiſon . Il eut
honte de fes foupçons ,
& la pria lui- meſine de
ne point changer de conduite
. Il paffa ainfi quelques
jours à recevoir fans
ceffe de nouvelles affurances
qu'il étoit aimé ,
& il merita dans peu
qu'on lui accordât une
entrevue fecrete la nuit .
Le mari étoit à la campagne
pour quelque
temps ; & la Marquife ,
*
1
GALANT. 61
maîtreffe alors d'ellemeſme
, ne voulut pas
perdre une occafion fi
favorable de voir fon a
mant avec liberté . Le
jour que le Comte étoit
attendu chez elle fur les
neuf heures du foir , le
Confeiller foupant avec
lui , ( ce qu'il faifoit fort
fouvent ) voulut le mener
à une affemblée de
femmes du voisinage ,
qu'on regaloit d'un concert
de voix & d'inftru62
MERCURE
mens. Le Comte s'en
excufa , & ayant laiffé
fortir le Confeiller , qui
le preffa inutilement de
venir jouir de ce regal ,
il fe rendit chez la Dame
, qui les reçut avec
beaucoup de marques
d'amour
. Aprés quatre
heures d'une converfation
trés-tendre , il falut
fe féparer. Le Comte cut
fait à peine dix pas dans
la ruë , qu'il ſe vit ſuivi
d'un homme qui avoit le
GALANT. 63
vifage envelopé d'un
manteau . Il marcha toujours
; & s'il le regarda
comme un efpion , il eut
du moins le plaifir de
remarquer
qu'il étoit
trop grand pour être le
mari de la Marquife . En
rentrant chez lui , il trouva
encore le pretendu
cfpion , qu'il reconnut
enfin pour le Confeiller.
Les refus du jeune Comte
touchant le concert
de voix , lui avoit fait
64 MERCURE
croire qu'il avoit un rendez-
vous. Il le foupçonnoit
déja d'aimer la Marquife
, & fur ce foupçon
il etoit venu l'attendre à
quelques pas de fa porte
, & l'avoit vû fe couler
chez elle. Il y avoit
frapé auffitôt , & la fui-:
vante lui étoit venu dire
de la part de fa maîtreffe,
qu'un grand mal de tête
l'obligeoit à fe coucher ,
& qu'il lui étoit impoffible
de le recevoir. Par
cette
GALANT. 65
cette réponſe il avoit
compris tout le myftere.
Il fuivit le Comte dans
fa chambre , & lui ayam
declaré ce qu'il avoit fait
depuis qu'ils s'étoient
quittez : Vous avez pris ,
lui dit - il , de l'engagement
pour la Marquife ;
il faut qu'en fincere ami
je vous la faffe connoître.
J'ai commencé à l'aimer
avant que vous yinfficz
loger avec moy , &
quand elle a fçû nôtre
Avril 1714.
F
66 MERCURE
liaifon , elle m'a fait promettre
par tant de fermens
, que je vous ferois
un fecret de cet amour ,
que je n'ai ofé vous en
parler . Vous fçavez , me
difoit - elle , qu'il aime
une perfonne qui me hait
mortellement . Il ne manquera
jamais de lui apprendre
combien mon
coeur eft foible pour
vous. La diſcretion qu'-
on doit à un ami ne tient
guere contre la joye que
GALANT. 67
l'on a quand on croit
pouvoir divertir une
maîtreffe. La perfide
vouloit même que je lui
fuffe obligé de ce qu'elle
conſentoit à recevoir
vos vifites. Elle me recommandoit
fans ceffe
de n'aller jamais la voir
avec vous ; & quand
vous arriviez , elle affectoit
un air chagrin dont
je me plaignois quelquefois
à elle , & qu'apparemment
elle vous laif,
F ij
68 MERCURE
foit expliquer favorablement
pour vous . Mille
fignes & mille geſtes ,
qu'elle faifoit dans ces
temps - là , nous étoient
t
fans doute communs . Je
rappelle préfentement
une infinité de chofes
que je croyois alors indifferentes
, & je ne doute
point qu'elle ne fe foit
fait un merite auprés de
vous , de la partie qu'elle
fit il y a quelque temps
de fouper ici . Cependant
GALANT . 69
quand elle vous vit engagé
dans le jardin avec
fon mari , quels tendres
reproches ne me fit- elle
point d'être revenu ' fi
tard de la campagne , &
de l'avoir laiffée filongtemps
avec un homme
qu'elle n'aimoit pas !
Hier même encore qu'-
elle me préparoit avec
vous une trahiſon ſi noire
elle eut le front de
vous faire porteur d'une
lettre , par laquelle elle
70 MERCURE
me donnoit un rendezvous
pour ce matin ,
vous difant que c'étoit
un papier que fon mari
l'avoit chargée en partant
de me remettre. Le
Comte étoit fi troublé
de tout ce que le Confeiller
lui difoit , qu'il
n'eut pas la force de l'interrompre.
Dés qu'il fut
remis , il lui apprit comme
fon amour au commencement
n'étoit qu'
un jeu , & comme dés
GALANT. 71
S
lors la Marquife lui avoit
fait les mêmes loix
de difcretion qu'à lui.
Ils firent enfuite d'autres
éclairciffemens , qui
découvrirent au Comte
qu'il ne devoit qu'à la
coquetterie de la Dame
ce qu'il croyoit devoir à
fa paffion ; car c'étoit le
Confeiller qui avoit exigé
d'elle qu'elle ne vît
plus tant de monde , &
fur- tout qu'elle éloignât
fon troifiéme amant ; &
72 MERCURE
ils trouverent que quand
elle l'eut rappellé , elle
avoit allegué le même
pretexte
au Confeiller
qu'au Comte , pour continuer
de le voir. Il n'y
a gueres
d'amour
à l'épreuve
d'une telle perfidie
; auffi ne fe piquerent-
ils pas de conftance
pour une femme qui la
méritoit fi peu . Le Comte
honteux de la trahifon
qui'l avoit faite à fa premiere
maitreſſe , refolut
de
GALANT .
73
de n'avoir plus d'affiduitez
que pour elle feule ,
& le Confeiller fut bientôt
determiné fur les mefures
qu'il avoit à prendre
mais quelque promeffe
qu'ils fe fillent l'un
à l'autre de ne plus voir
la Marquife , ils ne purent
fe refufer le foulagement
de lui faire des reproches.
Dés qu'il leur
parut qu'ils la trouveroient
levée , ils fe tendirent
chez elle . Le
Avril
1714.
G
74 MERCURE
Comte lui dit d'abord ,
que le Confeiller étant
fon ami , l'avoit voulu
faire profiter du rendezvous
qu'elle lui avoit
donné , & qu'ainſi elle
ne devoit pas s'étonner
s'ils venoient enſemble .
Le Conſeiller prit aufſi.
tôt la parole , & n'oublia
rien de tout ce qu'il
crut capable de faire
honte à la Dame , & de
le vanger de fon infidelité.
Il lui remit devant
M
GALANT . 75
les yeux l'ardeur fincere
avec laquelle il l'avoit
aimée , les marques de
paffion qu'il avoit reçûës
d'elle , & les fermens
: qu'elle lui avoit tant de
I fois reiterez de n'aimer
jamais que lui . Elle l'écouta
fans l'interrompre
; & ayant pris fon
parti pendant qu'il parloit
: Il eft vrai , lui ré-
#pondit - elle d'un air
moins embaraffé que jamais
, je vous avois pro-
Gij
76 MERCURE
mis de n'aimer que vous :
mais vous avez attiré
Monfieur le Comte dans
ce quartier , vous l'avez
amené chez moy , & il
eft venu à m'aimer .D'ailleurs
, de quoy pouvezvous
vous plaindre ?
Tout ce qui a dépendu
de moy pour vous rendre
heureux , je l'ai fait.
Vous fçavez vous - même
quelles précautions
j'ai prifes pour vous cacher
l'un à l'autre vôtre
GALANT . 77
paffion . Si vous l'aviez
fçûë , vôtre amitié vous
auroit coûté des violences
ou des remords , que
ma bonté & ma prudence
vous ont épargnez .
N'eft- il pas vrai qu'avant
cette nuit , que vous aviez
épić Monfieur le
Comte , vous étiez tous
deux les amans du monde
les plus contens ? Suisje
coupable de vôtre indifcrétion
Pourquoy me
venir chercher le foir ?
Giij
78 MERCURE
Ne vous avois - je pas averti
par une lettre que
je donnai à Monfieur le
Comte , de ne venir que
ce matin ? Tout cela fut
dit d'une maniere fi lipeu
déconcerbre
, &
fi
tée
, que
ce
trait
leur
fit
connoître la Dame encore
mieux qu'ils n'avoient
fait . Ils admirerent
un caractere fi particulier
, & laifferent à
qui le voulut la liberté
d'en être la dupe . La
"
GALANT. 79
Marquife fe confola de
leur perte , en faiſant
croire au troifieme amant
nouvellement rappellé
, qu'elle les avoit
bannis pour lui ; & comme
elle ne pouvoit vivre
fans intrigue , elle en fit
· bientôt une nouvelle .
nouvelle.
U
LYON
N jeune Comte ,
d'une des meilleures
Maifons
du Royaume , s'étant
nouvellement établi das
Avril 1714. A ij
4 MERCURE
un quartier où le jeu &
la galanterie regnoient
également , fut obligé
d'y prendre parti comme
les autres ; & parce
que fon coeur avoit des
engagemens ailleurs , il
fe declara pour le jeu ,
comme pour fa paffion
dominante mais le peu
d'empreffement qu'il y
avoit , faifoit affez voir
qu'il fe contraignoit , &
l'on jugea que c'étoir un
homme qui ne s'attaGALANT
.
S
choit à rien , & qui dans
la neceffité de choiſir
avoit encore mieux aimé
cet amuſement, que
de dire à quelque belle
ce qu'il ne fentoit pas .
Un jour une troupe de
jeunes Dames qui ne
joüoient point , l'entreprit
fur fon humeur indifferente.
Il s'en défendit
le mieux qu'il put ,
alleguant fon peu de
merite , & le peu d'ef
perance qu'il auroit d'ê-
A iij
6 MERCURE
tre heureux en amour :
mais on lui dit que
quand il fe connoîtroit
affez mal pour avoir une
fi méchante opinion de
lui - même , cette raiſon
feroit foible contre la
vûë d'une belle perfonne
; & là - deffus on le
menaça des charmes d'u
ne jeune Marquife , qui
demeuroit dans le voifinage
, & qu'on attendoit.
Il ne manqua pas de leur
repartir qu'elles-mêmes
GALANT.
7.
ne fe connoiffoient point
affez , & que s'il pouvoit
échaper au peril où il
fe trouvoit alors , il ne
devoit plus rien craindre
pour fon coeur . Pour
réponse à fa galanterie ,
elles lui montrerent la
Dame dont il étoit queftion
, qui entroit dans
ce moment . Nous parlions
de vous , Madame ,
lui dirent - elles en l'appercevant
. Voici un indifferent
que nous vous
A iiij
8 MERCURE
donnons à convertir :
Vous y êtes engagée
d'honneur ; car il femble
yous défier auffi - bien
que nous. La Dame &
le jeune Comte ſe reconnurent
, pour s'être
vûs quelquefois à la campagne
chez une de leurs
amies . Elle étoit fort convaincuë
qu'il ne meritoit
rien moins que le
reproche qu'on luy faifoit
, & il n'étoit que
trop ſenſible à ſon gré :
GALANT. 9
mais elle avoit les raifons
pour feindre de croire
ce qu'on lui difoit.
C'étoit une occafion de
commerce avec un homme
, fur lequel depuis
long - temps elle avoit
fait des deffeins qu'elle
n'avoit pû executer . Elle
lui trouvoit de l'efprit
& de l'enjouement , &
elle avoit hazardé des
complaisāces pour beaucoup
de gens qui afſurément
ne le valoient
to MERCURE
pas : mais fon plus grand
merite étoit l'opinion
qu'elle avoit qu'il fût aimé
d'une jeune Demoifelle
qu'elle haïffoit , &
dont elle vouloit fe vanger.
Elle prit donc fans
balancer le parti qu'on
lui offroit ; & aprés lui
avoit dit qu'il faloit qu'-
on ne le crût pas bien
endurci , puis qu'on s'adreffoit
à elle pour le
toucher , elle entreprit
de faire un infidele , fous
GALANT . 11
pretexte de convertir un
indifferent. Le Comte
aimoit paffionsément la
Demoiſelle dont on le
croyoit aimé, & il tenoit
à elle par des
engagemens
fi puiffans
, qu'il
ne craignoit
pas que rien
l'en pût détacher
. Sur
tout il fe croyoit
fort en
fûreté contre les charmes
de la Marquife. Il
la connoiffoit pour une
de ces coquettes de profeffion
qui veulent , à
12 MERCURE
quelque prix que ce ſoit ,
engager tout le monde ,
& qui ne trouvent rien
de plus honteux que de
manquer une conquête .
Il fçavoit encore quedepuis
peu elle avoit un
amant , dont la nouveauté
faifoit le plus grand
merite , & pour qui elle
avoit rompu avec un
autre qu'elle aimoit depuis
long - temps , & à
qui elle avoit des obligations
effentielles . Ces
と
GALANT .
13
connoiffances lui fmbloient
un remede affuré
contre les tentations
les plus preffantes. La
Dame l'avoit affez veu
pour connoître quel étoit
fon éloignement
pour des femmes
de fon
caractere
: mais cela ne
fit que flater fa vanité.
Elle trouva plus de gloire
à triompher
d'un
coeur qui devoit être fi
bien défendu. Elle lui
fit d'abord
des reproches
14 MERCURE
de ne l'eftre pas venu
voir depuis qu'il étoit
dans le quartier , & l'engagea
à reparer fa faute
dés le lendemain . Il
alla chez elle , & s'y fit
introduire par un Confeiller
de fes amis , avec
qui il logcoit , & qui
avoit des liaiſons étroites
avec le mari de la
Marquife, Les honneftetez
qu'elle lui fit l'obligerent
enfuite d'y aller
plufieurs fois fans inGALANT.
15
troducteur ; & à chaque
yifite la Dame mit en
ufage tout ce qu'elle
crut de plus propre à .
l'engager. Elle trouva
d'abord toute la refiftance
qu'elle avoit attendue.
Ses foins , loin .
de faire effet , ne lui attirerent
pas feulement
une parole qui tendît à
une declaration : mais
elle ne defefpera point
pour cela du pouvoir de
fes charmes ; ils l'avoient
16 MERCURE
fervie trop fidelement en
d'autres occafions
, pour
ne lui donner pas lieu
de fe flater d'un pareil
fuccés en celle - ci ; elle
crut mefme remarquer
bientôt qu'elle ne s'étoit
pas trompée. Les vifites
du Comte furent
plus frequentes : elle lui
trouvoit un enjouëment
que l'on n'a point quand
on n'a aucun deffein de
plaire.Mille railleries divertissantes
qu'il faifoit
fur
+
GALANT . 17
für fon nouvel amant ;
le chagrin qu'il témoignoit
quand il ne pouvoit
eftre feul avec elle ;
Fattention qu'il preftoit.
aux moindres chofes
qu'il luy voyoit faire :
tout cela lui parut d'un
augure merveilleux , &
il eft certain que fi elle
n'avoit pas encore le
coeur de ce pretendu indifferent
, elle occupoit.
du moins fon efprit . Ih
alloit plus rarement chez
Avril 1714. B :
18 MERCURE
la Demoiſelle qu'il aimoit
, & quand il étoit
avec elle, il n'avoit point
d'autre foin , que de faire
tomber le difcours fur
la Marquife . Il aimoit
mieux railler d'elle que
de n'en rien dire . Enfin
foit qu'il fût feul , ou
en compagnie , fon idée
ne l'abandonnoit jamais
. Quel dommage ,
difoit - il quelquefois
que le Ciel ait répandu
tant de graces dans une
,
GALANT . 19
coquette ? Faut - il que la
voyant fi aimable , on
ait tant de raiſon de ne
point l'aimer ? Il ne pouvoit
lui pardonner tous
fes charmes ; & plus il
lui en trouvoit , plus il
croyoit la haïr. Il s'oublia
même un foir jufques
à lui reprocher fa
conduite , mais avec une
aigreur qu'elle n'auroit,
pas ofé efperer fitoft. A
quoy bon , lui dit- il ,
Madame , toutes ces oil-
Bij
20 MERCURE
lades & ces manieres étu
diées que chacun regarde
, & dont tant de gens
fe donnent le droit de
parler Ces foins de
chercher à plaire à tout
le monde , ne font pardonnables
qu'à celles à
qui ils tiennent lieu de
beauté . Croyez - moy ,
Madame , quittez des
affectations qui font indignes
de vous. C'étoit
où on l'attendoit . La
Dame étoit trop habile
GALANT. 2ม1
pour ne diftinguer past
les confeils de l'amitié
des reproches de la jaloufie
. Elle lui en marqua
de la reconnoiſſance
, & tâcha enfuite de
lui perfuader que ce qui
paroiffoit coquetterie ,
n'étoit en elle que la
crainte
d'un veritable
attachement ; que du
naturel dont elle fe connoiffoit
, elle ne pourroit
être heureufe dans.
un engagement , parce
22 MERCURE
qu'elle ne ſe verroit jamais
aimée , ni avec la
même fincerité , ni avec
la même delicateſſe dont
elle fouhaiteroit de l'être
, & dont elle fçavoit
bien qu'elle aimeroit .
Enfin elle lui fit an faux
portrait de fon coeur , qui
fut pour lui un veritable
poifon. Il ne pouvoit
croire tout à fait qu'elle
fût fincere : mais il ne
pouvoit s'empefcher de
le fouhaiter. Il cherGALANT.
23
choit des
apparences
ce qu'elle
lui difoit , &
il lui rappelloit
mille actions
qu'il lui avoit vû
faire , afin qu'elle les juſtifiât
; & en effet , fe fervant
du pouvoir qu'elle
commençoit à prendre
fur lui , elle y donna
des couleurs qui diffiperent
une partie de fes
foupçons mais qui
pourtant n'auroient pas
trompé un homme qui
cuft moins fouhaité de
24 MERCURE
l'eftre. Cependant, ajouta-
t- elle d'un air enjoüé ,
je ne veux pas tout à fait
difconvenir d'un défaut
qui peut me donner lieu
de vous avoir quelque
obligation . Vous fçavez
ce que j'ai entrepris pour
vous corriger de celui
qu'on vous reprochoit .
Le peu de fuccés que j'ai
eu ne vous diſpenſe pas
de reconnoître mes bonnes
intentions , & vous
me devez les mefmes
foins.
GALANT. 25
foins . Voyons fi vous ne
ferez pas plus heureux à
fixer une inconftante ,
que je l'ay été à toucher
un infenfible. Cette propofition
, quoique faite
en riant , le fit rentrer en
lui - mefme , & alarma
d'abord fa fidelité . Il vit
qu'elle n'avoit peut - eftre
que trop reüffi dans
fon entrepriſe , & il reconnut
le danger où il
étoit : mais fon penchant
commençant à lui ren-
Avril 1714.
C
26 MERCURE
dre ces reflexions facheuſes
, il tâcha bientôt
à s'en délivrer . Il
penfa avec plaifir que fa
crainte étoit indigne de
lui , & de la perfonne
qu'il aimoit depuis fi
long- temps . Sa delicateffe
alla meſme juſqu'à
fe la reprocher
comme
une infidelité
; & aprés
s'eftre dit à foy- meſme
,
que c'étoit déja eſtre inconftant
que de craindre
de changer , il embraſſa
GALANT . 27
avec joye le parti qu'on
lui offroit . Ce fut un
commerce fort agreable
de part & d'autre. Le
pretexte qu'ils prenoient
rendant leur empreffement
un jeu , ils goutoient
des plaifirs qui
n'étoient troublez d'aucuns
fcrupules. L'Italien
, qu'ils fçavoient tous
deux , étoit l'interprete :
de leurs tendres fentimens.
Ils ne fe voyoient
jamais qu'ils n'euffent à
Cij
28 MERCURE
fe donner un billet en
cette langue ; car pour
plus grande feureté, ils
étoient convenus qu'ils
ne s'enverroient jamais
leurs lettres . Sur - tout
elle lui avoit défendu dé
parler de leur commerce
au Confeiller avec qui
il logcoit , parce qu'il
étoit beaucoup plus des
amis de fon mari que des
fiens , & qu'autrefois ,
fur de moindres apparences,
il lui avoit donné
GALANT . 29
des foupçons d'elle fort
defavantageux . Elle lui
marqua même des heures
où il pouvoit le moins
craindre de les rencontrer
chez elle l'un ou
l'autre , & ils convinrent
de certains fignes d'intelligence
pour les temps
qu'ilsyferoient. Cemyf
tere étoit un nouveau
charme pour le jeune
Comte. La Marquife
prit enfuite des manieres
fiéloignées d'une co-
C
iij
30 MERCURE
quette , qu'elle acheva
bientoft
de le perdre
.
Jufques là elle avoit eu
un de ces caracteres enjoüez
, qui reviennent
quafi à tout le monde ,
mais qui deſeſperent un
amant ; & elle le quitta
pour en prendre un tout
oppofé , fans le lui faire
valoir comme un facri.
fice . Elle écarta fon nouvel
amant , qui étoit un
Cavalier fort bien fait .
Enfin loin d'aimer l'éGALANT.
31
clat , toute fon application
étoit d'empêcher
qu'on ne s'apperçût de
l'attachement que le
Comte avoit pour elle :
mais malgré tous fes
foins, il tomba unjour de
ſes poches une lettre que
fon mari ramaffa fans
qu'elle y prît garde . 11
n'en connut point le caractere
, & n'en entendit
pas le langage : mais ne
doutant pas que ce ne
fût de l'Italien , il courut
Ciiij
32 MERCURE
chez le Conſeiller , qu'il
fçavoit bien n'être pas
chez lui , feignant de lui
vouloir
communiquer
quelque affaire . C'étoit
afin d'avoir occafion de
parler au Comte , qu'il
ne foupçonnoit point
d'être l'auteur de la lettre
, parce qu'elle étoit
d'une autre main. Pour
prévenir les malheurs
qui arrivent quelquefois
des lettres perduës , le
Comte faifoit écrire touGALANT
. 33
tes celles qu'il donnoit à
la Marquise par une perfonne
dont le caractere
étoit inconnu . Il lui avoit
porté le jour precedent
le billet Italien
dont il s'agiffoit. Il étoit
écrit fur ce qu'elle avoit
engagé le Confeiller à
lui donner
à fouper ce
même jour- là ; & parce
qu'elle avoit fçû qu'il
devoit aller avec fon mari
à deux lieuës de Paris
l'apréfdînée , & qu'ils
34 MERCURE
n'en reviendroient que
fort tard , elle étoit convenue
avec ſon amant
qu'elle fe rendroit chez
lui avant leur retour. La
lettre du Comte étoit
pour l'en faire fouvenir ,
& comme un avantgoût
de la fatisfaction qu'ils
promettoient cette fe
foirée. Le mari n'ayant
point trouvé le Confeiller
, demanda le Comte .
Dés qu'il le vit , il tira
de fa poche d'un air emGALANT
.
35
preffé quantité de papiers
, & le pria de les
lui remettre quand il
féroit revenu. Parmi ces
papiers étoit celui qui
lui donnoit tant d'agitation
. En voici un , lui
dit- il en feignant de s'être
mépris , qui n'en eſt
pas. Je ne fçai ce que
c'eft , voyez fi vous l'entendrez
mieux que moy :
& l'ayant ouvert , il en
lut lui - mefme les premie-i
res lignes , de peur que
36 MERCURE
le Comte
jettant les
yeux fur la fuite , ne connût
la part que la Marquife
y pouvoit avoir ,
& que la crainte de lui
apprendre de fâcheufes
nouvelles , ne l'obligeât
à lui déguifer la verité.
Le Comte fut fort furpris
quand il reconnut
fa lettre. Untrouble foudain
s'empara de fon efprit
, & il eut befoin que
le mari fût occupé de fa
lecture , pour lui donner
(
GALANT. 37
le temps de fe remettre .
Aprés en avoir entendu
le commencement : Voila
, dit - il , contrefaifant
¡ l'étonné , ce que je chersche
depuis long - temps .
C'est le rôle d'une fille
qui ne fçait que l'Italien ,
- & qui parle à ſon amant
qui ne l'entend pas . Vous
a
aurez veu cela dans une
Comedie Françoiſe qui
a paru cet hyver. Mille
gens me l'ont demandé ,
& il faut que vous me
38.
MERCURE
faffiez le plaifir de me
le laiffer. J'y confens , lui
répondit le mari , pourveu
que vous le rendiez
à ma femme , car je croy
qu'il eft à elle. Quand le
jeune Comte crut avoir
porté affez loin la crédulité
du mari , il n'y
eut pas un mot dans ce
prétendu rôle Italien ,
dont il ne lui voulût faire
entendre l'explication
: mais le mari ayant
ce qu'il fouhaitoit , béGALANT.
39
nit le Ciel en lui - mefme
de s'être trompé fi
heureuſement , & s'en
alla où l'appelloient fes
affaires . Auffitôt qu'il
e fut forti , le Comte courut
à l'Eglife , où il étoit
fûr de trouver la Dame ,
qu'il avertit par un bilelet
, qu'il lui donna ſecretement
, de ce qui ve-
-noit de fe paffer , & de
1
l'artifice dont il s'étoit
fervi pour retirer fa let
tre. Elle ne fut pas fitôt
40 MERCURE
rentrée chez elle , qu'elle
.mit tous les domeſtiques
à la quête du papier , &
fon mari étant de retour,
elle lui demanda . Il lui
avoüa qu'il l'avoit trouvé
, & que le Comte en
ayant beſoin , il lui avoit
laiffé entre les mains .
Me voyez- vous des curiofitez
femblables pour
les lettres que vous recevez
, lui répondit- elle
d'un ton qui faifoit paroître
un peu de colere ?
Si
GALANT 41
Si c'étoit un billet tendre
, fi c'étoit un rendezvous
que l'on me donnât
, feroit - il , agréable.
que vous nous vinffiez
troubler ? Son mari lui
dic en l'embraffant , qu'il
fçavoit fort bien ce que
c'étoit ; & pour l'empêcher
de croire qu'il l'eût
foupçonnée , il l'affura
qu'il avoit cru ce papier
à lui lors qu'il l'avoit ramaffe.
La Dame ne borna
pas fon reffentiment
Avril 1714. D
42 MERCURE
à une raillerie de cette
nature . Elle fe rendit
chez le Comte de meilleure
heure qu'elle n'auroit
fait . La commodité
d'un jardin dans cette
maiſon étoit un
pretexte
pour y aller avant le
temps du foupé. La jaloufie
dans un mari eft
un défaut fi blâmable ,
quand elle n'eft pas bien
fondée , qu'elle fe fit un
devoir de juftifier ce que
le fien lui en avoit fait
J
GALANT. 43
paroître. Tout favorifoit
un fi beau deffein ;
toutes fortes de témoins
étoient éloignez , & le
Comte & la Marquiſe
pouvoient le parler en
liberté. Ce n'étoit plus
par des lettres & par des
fignes qu'ils exprimoient
leur tendreffe . Loin d'avoir
recours à une langue
étrangere , à peine
trouvoient - ils qu'ils
fçuffent affez bien le
François pour fe dire
Dij
44 MERCURE
tout ce qu'ils fentoient ;
& la défiance du mari
leur rendant tout légitime
, la Dame eut des
complaifances pour le
jeune Comte , qu'il n'auroit
pas ofé efperer. Le
mari & le Confeiller étant
arrivez fort tard ,
leur firent de grandes excufes
de les avoir fait fi
long - temps attendre.
On n'eut pas de peine à
les recevoir
, parce que
jamais on ne
s'étoit
4.
GALANT . 45
moins impatienté . Pendant
le foupé leurs yeux
firent leur devoir admirablement
; & la contrainte
où ils fe trouvoient
par la préſence
de deux témoins incommodes
, prêtoit à leurs
regards une éloquence
qui les confoloit de ne
pouvoir s'expliquer avec
plus de liberté. Le mari :
gea
ayant quelque chofe à
dire au Comte
, l'engaà
venir faire avec lui
46 MERCURE
un tour de jardin . Le
Comte en marqua par
un coup d'oeil fon déplaifir
à la Dame , & la.
Dame lui fit connoître
par un autre figne combien
l'entretien du Confeiller
alloit la faire fouffrir.
On fe fepara . Jamais
le Comte n'avoit
trouvé de fi doux momens
que ceux qu'il paffa
dans fon tête - à - tête
avec la Marquife . Il la
quitta fatisfait au derGALANT
. 47
nier point :mais dés qu'il
fut ſeul , il ne put s'abandonner
à lui mefme
fans reffentir les plus
cruelles agitations. Que
n'eut- il point à fe dire
fur l'état où il furprenoit
fon coeur ! Il n'en étoit
pas à connoître que fon
trop de confiance lui avoit
fait faire plus de
chemin qu'il ne lui étoit
permis : mais il s'étoit
imaginé jufques là qu'-
un amuſement avec une
48 MERCURE
coquete ne pouvoit bleffer
en rien la fidelité qu'il
devoit à fa maîtreffe
. Il
s'étoit toujours repofé
fur ce qu'une femme qui
ne pourroit lui donner
qu'un coeur partagé , ne
feroit jamais capable
d'inſpirer au fien un vrai
amour ; & alors il commença
à voir que ce qu'il
avoit traité d'amufement
, étoit devenu une
paffion dont il n'étoit
plus le maitre. Aprés ce
qui
GALANT 49
qui s'étoit paffé avec la
Marquife
, il fe fût flaté
inutilement de l'efperance
de n'en être point
aimé uniquement , & de
bonne foy: Peut - être
même que des doutes
là - deffus auroient été
d'un foible fecours . Il
fongeoit fans ceffe à tout
ce qu'il lupavoit trouvé
de paffion , à cet air vif
& touchant qu'elle don-*
noit à toutes les actions ;
& 'ces réflexions enfin
Avril 1714.
*
E
fo MERCURE
jointes au peu de fuccés
qu'il avoit eu dans l'attachement
qu'il avoit
pris pour la premiere
maîtreffe , mirent fa raifon
dans le parti de fon
coeur, & diffiperent tous
fes remords. Ainfi il s'abandonna
fans fcrupule
à ſon penchant , & ne
fongea plus qu'à fe ménager
mille nouvelles
douceurs avec la Marquife
; mais la jalouſic
les vinte troubler lors
GALANT. S1
qu'il s'y étoit le moins
attendu. Un jour il la
furprit feule avec l'amant
qu'il croyoit qu'el
le cût banni ; & le Cavalier
ne l'eut pas fitôt
quittée , qu'il lui en fic
des reproches , comme
d'un outrage qui ne pouvoit
être pardonné . Vous
n'avez pû long - temps
vous démentir , lui ditil
, Madame. Lorfque
vous m'avez crû affez
engagé , vous avez cellé
E ij
52 MERCURE
de vous faire violence .
J'avoue que j'applaudif
fois à ma paſſion , d'avoir
pû changer vôtre
naturel ; mais des femmes
comme
vous ne
changent jamais. J'avois
tort d'efperer un miracle
en ma faveur . Il la pria
enfuite de ne ſe plus contraindre
pour lui , & l'aſfura
qu'il la laifferoit en
liberté de recevoir toutes
les vifites qu'il lui
plairoit . La Dame fe
GALANT.
$3
connoiffoit trop bien en
dépit , pour rien apprehender
de celui - là . Elle
en tira de nouvelles affurances
de fon pouvoir
fur le jeune Comte ; &
affectant une colere qu'-
elle n'avoit pas , elle lui
fic comprendre qu'elle
ne daignoit pas ſe juſtifier
, quoy qu'elle eût de
bonnes raifons , qu'elle
lui cachoit pour le punir.
Elle lui fit même
promettre plus pofitive-
E iij
$4 MERCURE
ment qc'il n'avoit fait ,
de ne plus revenir chez
elle. Ce fut là où il put
s'appercevoir combien il
étoit peu maître de ſa
paffion . Dans un moment
il fe trouva le feul
criminel ; & plus affligé
de l'avoir irritée par les
reproches , que de la trahifon
qu'il penfoit lui
eftre faite , il fe jetta à
fes genoux , trop heureux
de pouvoir efperer
le pardon , qu'il croyoit
GALANT .
$$
auparavant qu'on lui devoit
demander
. Par quelles
foumiffions ne tâcha
t- il point de le meriter !
Bien loin de lui remetles
tre devant les yeux
marques de paffion qu'il
avoit reçues d'elle , &
qui fembloient lui donner
le droit de ſe plaindre
, il paroiffoit les avoir
oubliées , ou s'il s'en
refſouvenoit , ce n'étoit
que pour le trouver cent
fois plus coupable . Il
E mij
56 MERCURE
n'alleguoit que l'excés
de fon amour qui le faifoit
ceder à la jalousie ,
& quien de pareilles occafions
ne s'explique jamais
mieux que par la
colere. Quand elle crut
avoir pouffé fon triomphe
affez loin , elle lui
jetta un regard plein de
douceur , qui en un moment
rendit à fon ame
toute fa tranquilité . C'eft
affez me contraindre ,
lui dit- elle ; auffi bien ma
•
"
GALANT. SZ
joye & mon amour commencent
à me trahir.
Non , mon cher Comte
, ne craignez point
que je me plaigne de vôtre
colere. Je me plaindrois
bien plutôt fi vous
n'en aviez point eu . Vos
reproches il est vrai ,
>
bleffent ma fidelité : mais
je leur pardonne ce qu'ils
ont d'injurieux , en faveur
de ce qu'ils ont de
paffionné. Ces affurances
de vôtre tendreffe m'é58
MERCURE
toient fi cheres , qu'elles
ont arrefté jufqu'ici l'im
patience que j'avois de
me juftifier. Là - deffus
elle lui fit connoître
combien ſes ſoupçons étoient
indignes d'elle &
de lui ; que n'ayant point
défendu au Cavalier de
venir chez elle , elle n'avoit
pu refufer de le voir;
qu'un tel refus auroit été
une faveur pour lui ; que.
s'il le
fouhaitoit pourtant
, elle lui défendroit
V
GALANT. 59
fa maiſon pour jamais :
mais qu'il confiderât
combien il feroit peu
agreable pour elle , qu'-
un homme de cette forte
s'allât vanter dans le
monde qu'elle cuft rompu
avec lui , & laiſsât
croire qu'il y euft des
gens à qui il donnoit de
l'ombrage. L'amoureux
Comte étoit fi touché
des marques de tendreſſe
qu'on venoit de lui donner
, qu'il ſe feroit vo60
MERCURE
>
lontiers payé d'une plus
méchante raiſon . Il eut
honte de fes foupçons ,
& la pria lui- meſine de
ne point changer de conduite
. Il paffa ainfi quelques
jours à recevoir fans
ceffe de nouvelles affurances
qu'il étoit aimé ,
& il merita dans peu
qu'on lui accordât une
entrevue fecrete la nuit .
Le mari étoit à la campagne
pour quelque
temps ; & la Marquife ,
*
1
GALANT. 61
maîtreffe alors d'ellemeſme
, ne voulut pas
perdre une occafion fi
favorable de voir fon a
mant avec liberté . Le
jour que le Comte étoit
attendu chez elle fur les
neuf heures du foir , le
Confeiller foupant avec
lui , ( ce qu'il faifoit fort
fouvent ) voulut le mener
à une affemblée de
femmes du voisinage ,
qu'on regaloit d'un concert
de voix & d'inftru62
MERCURE
mens. Le Comte s'en
excufa , & ayant laiffé
fortir le Confeiller , qui
le preffa inutilement de
venir jouir de ce regal ,
il fe rendit chez la Dame
, qui les reçut avec
beaucoup de marques
d'amour
. Aprés quatre
heures d'une converfation
trés-tendre , il falut
fe féparer. Le Comte cut
fait à peine dix pas dans
la ruë , qu'il ſe vit ſuivi
d'un homme qui avoit le
GALANT. 63
vifage envelopé d'un
manteau . Il marcha toujours
; & s'il le regarda
comme un efpion , il eut
du moins le plaifir de
remarquer
qu'il étoit
trop grand pour être le
mari de la Marquife . En
rentrant chez lui , il trouva
encore le pretendu
cfpion , qu'il reconnut
enfin pour le Confeiller.
Les refus du jeune Comte
touchant le concert
de voix , lui avoit fait
64 MERCURE
croire qu'il avoit un rendez-
vous. Il le foupçonnoit
déja d'aimer la Marquife
, & fur ce foupçon
il etoit venu l'attendre à
quelques pas de fa porte
, & l'avoit vû fe couler
chez elle. Il y avoit
frapé auffitôt , & la fui-:
vante lui étoit venu dire
de la part de fa maîtreffe,
qu'un grand mal de tête
l'obligeoit à fe coucher ,
& qu'il lui étoit impoffible
de le recevoir. Par
cette
GALANT. 65
cette réponſe il avoit
compris tout le myftere.
Il fuivit le Comte dans
fa chambre , & lui ayam
declaré ce qu'il avoit fait
depuis qu'ils s'étoient
quittez : Vous avez pris ,
lui dit - il , de l'engagement
pour la Marquife ;
il faut qu'en fincere ami
je vous la faffe connoître.
J'ai commencé à l'aimer
avant que vous yinfficz
loger avec moy , &
quand elle a fçû nôtre
Avril 1714.
F
66 MERCURE
liaifon , elle m'a fait promettre
par tant de fermens
, que je vous ferois
un fecret de cet amour ,
que je n'ai ofé vous en
parler . Vous fçavez , me
difoit - elle , qu'il aime
une perfonne qui me hait
mortellement . Il ne manquera
jamais de lui apprendre
combien mon
coeur eft foible pour
vous. La diſcretion qu'-
on doit à un ami ne tient
guere contre la joye que
GALANT. 67
l'on a quand on croit
pouvoir divertir une
maîtreffe. La perfide
vouloit même que je lui
fuffe obligé de ce qu'elle
conſentoit à recevoir
vos vifites. Elle me recommandoit
fans ceffe
de n'aller jamais la voir
avec vous ; & quand
vous arriviez , elle affectoit
un air chagrin dont
je me plaignois quelquefois
à elle , & qu'apparemment
elle vous laif,
F ij
68 MERCURE
foit expliquer favorablement
pour vous . Mille
fignes & mille geſtes ,
qu'elle faifoit dans ces
temps - là , nous étoient
t
fans doute communs . Je
rappelle préfentement
une infinité de chofes
que je croyois alors indifferentes
, & je ne doute
point qu'elle ne fe foit
fait un merite auprés de
vous , de la partie qu'elle
fit il y a quelque temps
de fouper ici . Cependant
GALANT . 69
quand elle vous vit engagé
dans le jardin avec
fon mari , quels tendres
reproches ne me fit- elle
point d'être revenu ' fi
tard de la campagne , &
de l'avoir laiffée filongtemps
avec un homme
qu'elle n'aimoit pas !
Hier même encore qu'-
elle me préparoit avec
vous une trahiſon ſi noire
elle eut le front de
vous faire porteur d'une
lettre , par laquelle elle
70 MERCURE
me donnoit un rendezvous
pour ce matin ,
vous difant que c'étoit
un papier que fon mari
l'avoit chargée en partant
de me remettre. Le
Comte étoit fi troublé
de tout ce que le Confeiller
lui difoit , qu'il
n'eut pas la force de l'interrompre.
Dés qu'il fut
remis , il lui apprit comme
fon amour au commencement
n'étoit qu'
un jeu , & comme dés
GALANT. 71
S
lors la Marquife lui avoit
fait les mêmes loix
de difcretion qu'à lui.
Ils firent enfuite d'autres
éclairciffemens , qui
découvrirent au Comte
qu'il ne devoit qu'à la
coquetterie de la Dame
ce qu'il croyoit devoir à
fa paffion ; car c'étoit le
Confeiller qui avoit exigé
d'elle qu'elle ne vît
plus tant de monde , &
fur- tout qu'elle éloignât
fon troifiéme amant ; &
72 MERCURE
ils trouverent que quand
elle l'eut rappellé , elle
avoit allegué le même
pretexte
au Confeiller
qu'au Comte , pour continuer
de le voir. Il n'y
a gueres
d'amour
à l'épreuve
d'une telle perfidie
; auffi ne fe piquerent-
ils pas de conftance
pour une femme qui la
méritoit fi peu . Le Comte
honteux de la trahifon
qui'l avoit faite à fa premiere
maitreſſe , refolut
de
GALANT .
73
de n'avoir plus d'affiduitez
que pour elle feule ,
& le Confeiller fut bientôt
determiné fur les mefures
qu'il avoit à prendre
mais quelque promeffe
qu'ils fe fillent l'un
à l'autre de ne plus voir
la Marquife , ils ne purent
fe refufer le foulagement
de lui faire des reproches.
Dés qu'il leur
parut qu'ils la trouveroient
levée , ils fe tendirent
chez elle . Le
Avril
1714.
G
74 MERCURE
Comte lui dit d'abord ,
que le Confeiller étant
fon ami , l'avoit voulu
faire profiter du rendezvous
qu'elle lui avoit
donné , & qu'ainſi elle
ne devoit pas s'étonner
s'ils venoient enſemble .
Le Conſeiller prit aufſi.
tôt la parole , & n'oublia
rien de tout ce qu'il
crut capable de faire
honte à la Dame , & de
le vanger de fon infidelité.
Il lui remit devant
M
GALANT . 75
les yeux l'ardeur fincere
avec laquelle il l'avoit
aimée , les marques de
paffion qu'il avoit reçûës
d'elle , & les fermens
: qu'elle lui avoit tant de
I fois reiterez de n'aimer
jamais que lui . Elle l'écouta
fans l'interrompre
; & ayant pris fon
parti pendant qu'il parloit
: Il eft vrai , lui ré-
#pondit - elle d'un air
moins embaraffé que jamais
, je vous avois pro-
Gij
76 MERCURE
mis de n'aimer que vous :
mais vous avez attiré
Monfieur le Comte dans
ce quartier , vous l'avez
amené chez moy , & il
eft venu à m'aimer .D'ailleurs
, de quoy pouvezvous
vous plaindre ?
Tout ce qui a dépendu
de moy pour vous rendre
heureux , je l'ai fait.
Vous fçavez vous - même
quelles précautions
j'ai prifes pour vous cacher
l'un à l'autre vôtre
GALANT . 77
paffion . Si vous l'aviez
fçûë , vôtre amitié vous
auroit coûté des violences
ou des remords , que
ma bonté & ma prudence
vous ont épargnez .
N'eft- il pas vrai qu'avant
cette nuit , que vous aviez
épić Monfieur le
Comte , vous étiez tous
deux les amans du monde
les plus contens ? Suisje
coupable de vôtre indifcrétion
Pourquoy me
venir chercher le foir ?
Giij
78 MERCURE
Ne vous avois - je pas averti
par une lettre que
je donnai à Monfieur le
Comte , de ne venir que
ce matin ? Tout cela fut
dit d'une maniere fi lipeu
déconcerbre
, &
fi
tée
, que
ce
trait
leur
fit
connoître la Dame encore
mieux qu'ils n'avoient
fait . Ils admirerent
un caractere fi particulier
, & laifferent à
qui le voulut la liberté
d'en être la dupe . La
"
GALANT. 79
Marquife fe confola de
leur perte , en faiſant
croire au troifieme amant
nouvellement rappellé
, qu'elle les avoit
bannis pour lui ; & comme
elle ne pouvoit vivre
fans intrigue , elle en fit
· bientôt une nouvelle .
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Résumé : AVANTURE nouvelle.
En avril 1714, un jeune comte, issu d'une famille prestigieuse du Royaume, s'installe dans un quartier de Lyon où le jeu et la galanterie dominent. Bien qu'il préfère le jeu, il n'y joue pas avec passion. Un groupe de jeunes dames tente de l'intéresser à l'amour, mais il se défend en invoquant son manque de mérite et d'espoir en amour. Elles lui parlent alors d'une jeune marquise voisine qu'elles attendent. Un jour, les jeunes dames montrent au comte la marquise en question, qui entre dans la pièce. Le comte et la marquise se reconnaissent, ayant déjà été présentés à la campagne chez une amie commune. La marquise, convaincue que le comte ne mérite pas les reproches qu'on lui fait, décide de profiter de cette occasion pour engager une relation avec lui. Elle voit en lui un homme d'esprit et d'enjouement, et elle est motivée par le désir de se venger d'une jeune demoiselle qu'elle hait et dont elle croit que le comte est amoureux. Le comte, quant à lui, est passionnément amoureux de cette demoiselle et ne craint pas de se laisser séduire par la marquise, qu'il connaît pour une coquette professionnelle. Cependant, la marquise, flattée par le défi, entreprend de le séduire. Elle l'invite chez elle et utilise divers stratagèmes pour le charmer. Le comte, malgré ses résistances initiales, finit par se laisser séduire par les attentions de la marquise. La marquise utilise des billets en italien pour communiquer avec le comte, évitant ainsi les soupçons. Elle prend des précautions pour éviter que leur relation ne soit découverte, notamment en fixant des heures où ils peuvent se voir sans risque. Le comte, de son côté, fait écrire ses lettres par une personne dont l'écriture est inconnue pour éviter les malentendus. Un jour, le mari de la marquise trouve une lettre italienne dans les poches de sa femme. Ne comprenant pas l'italien, il la montre au comte, feignant de ne pas savoir de quoi il s'agit. Le comte, pris de court, doit improviser une explication. La lettre est en réalité un message du comte à la marquise, lui rappelant un rendez-vous qu'ils doivent avoir. Le mari, sans se douter de la vérité, remet la lettre au comte, qui doit alors trouver une manière de se sortir de cette situation délicate. Le mari, un conseiller, découvre la liaison en suivant le comte jusqu'à la maison de la marquise. Il confronte le comte et révèle qu'il aime également la marquise depuis longtemps. Le comte est troublé mais apprend que la marquise avait imposé la discrétion à tous deux. Ils décident de clarifier leurs sentiments et leurs actions passées. La marquise avait été contrainte par le conseiller de se séparer de son troisième amant, mais elle avait continué à le voir en utilisant le même prétexte auprès du conseiller et du comte. Lorsque le comte et le conseiller découvrirent cette perfidie, ils décidèrent de ne plus avoir confiance en elle. Le comte, honteux de sa trahison envers sa première maîtresse, résolut de n'avoir plus d'attache que pour elle. Le conseiller prit également des mesures, mais malgré leurs promesses de ne plus voir la marquise, ils ne purent s'empêcher de lui faire des reproches.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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13
p. 169-170
GRANDE BRETAGNE.
Début :
Sur la fin du mois dernier, près de 160 Vaisseaux Marchands sont partis de differens [...]
Mots clefs :
Commerce, Traité de paix, Brouillard
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : GRANDE BRETAGNE.
Grande B r. s ta gine»
SUr la fin du mois dernier , près de irfo Vaisa
seaux Marchands font partis de disserens*
Bores 4e ce Royaume pour aller dans les Pays.
Etrangeis*
i7<5 MERCURE DE FRANCE.
Étrangers , ce qu'on n'avoit pas vû depuis píttlîeuis~
années.
Le t. Janvier , il arriva à Londres un Cou
rier dépêché de Seville avec les Cedules du
Roi d'Espagne que la Compagnie de la Mer du
Sud attendòit pour continuer son Commerce ,
& pour faire partir le nouveau Vaiiïèau qu'elle
fait construire» j
Le Comte de Stair . ci-devanr Ambassadeur
de France , a été nommé par le»Roi Admirai
d' Ecosse avec mille liv. sterlings d'apointemens.
Le 17. il y eut à Londres' un brouillard fí
-épais 1 que vers les quatre heures après midi
on fut obligé d'allumer des Lanternes & des
Flambeaux pour aller dans les ruës : il arriva
plusieurs accidens fur la Tamise , & un Gen
tilhomme qui se promenoit dans le Parc de
5. James, ne voyant plus à le conduire ,
tomba dans le Canal , où il se seroit noyé in
failliblement . fi deux Soldats qui étoienc au
près , ne l'euííent secouru.
Le 18. on publia dans les Places , Carre»
fours, & aurres lieux accoutumez, le Traité
de Paix d'union , d'amitié & d'alliance défen
sive, conclu à Seville , le 9. du mois de No
vembre dernier.
SUr la fin du mois dernier , près de irfo Vaisa
seaux Marchands font partis de disserens*
Bores 4e ce Royaume pour aller dans les Pays.
Etrangeis*
i7<5 MERCURE DE FRANCE.
Étrangers , ce qu'on n'avoit pas vû depuis píttlîeuis~
années.
Le t. Janvier , il arriva à Londres un Cou
rier dépêché de Seville avec les Cedules du
Roi d'Espagne que la Compagnie de la Mer du
Sud attendòit pour continuer son Commerce ,
& pour faire partir le nouveau Vaiiïèau qu'elle
fait construire» j
Le Comte de Stair . ci-devanr Ambassadeur
de France , a été nommé par le»Roi Admirai
d' Ecosse avec mille liv. sterlings d'apointemens.
Le 17. il y eut à Londres' un brouillard fí
-épais 1 que vers les quatre heures après midi
on fut obligé d'allumer des Lanternes & des
Flambeaux pour aller dans les ruës : il arriva
plusieurs accidens fur la Tamise , & un Gen
tilhomme qui se promenoit dans le Parc de
5. James, ne voyant plus à le conduire ,
tomba dans le Canal , où il se seroit noyé in
failliblement . fi deux Soldats qui étoienc au
près , ne l'euííent secouru.
Le 18. on publia dans les Places , Carre»
fours, & aurres lieux accoutumez, le Traité
de Paix d'union , d'amitié & d'alliance défen
sive, conclu à Seville , le 9. du mois de No
vembre dernier.
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Résumé : GRANDE BRETAGNE.
À la fin du mois précédent, plusieurs navires marchands ont quitté le Royaume depuis Irfo Vaisa pour des pays étrangers, un événement rare depuis plusieurs années. Le 1er janvier, un courrier est arrivé à Londres depuis Séville, apportant des cédules du roi d'Espagne destinées à la Compagnie de la Mer du Sud pour poursuivre son commerce et lancer un nouveau vaisseau en construction. Le comte de Stair, ancien ambassadeur de France, a été nommé amiral d'Écosse avec une rémunération de mille livres sterling. Le 17 janvier, un épais brouillard à Londres a nécessité l'allumage de lanternes et de flambeaux pour la circulation. Plusieurs accidents se sont produits sur la Tamise, et un gentilhomme a failli se noyer dans un canal du parc de Saint James avant d'être secouru par deux soldats. Le 18 janvier, le traité de paix d'union, d'amitié et d'alliance défensive, conclu à Séville le 9 novembre précédent, a été publié dans les lieux publics.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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14
p. 1269-1286
ELOGE de M. Baron, Consul de France en Syrie, puis Directeur General du Commerce aux Indes Orientales, adressé à M. de ....
Début :
Rendre à la mémoire des hommes vertueux ce qui lui est dû, proposer [...]
Mots clefs :
Consul de France, Commerce, Indes orientales, Syrie, Marchands, Constantinople, Égypte, Voyage, Roi, Consulat
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ELOGE de M. Baron, Consul de France en Syrie, puis Directeur General du Commerce aux Indes Orientales, adressé à M. de ....
ELOG E de M. Baron , Conful de France
en Syrie , puis Direcleur General du
Commerce aux Indes Orientales , adreſſe
à M. de
R
....
Endre à la mémoire des hommes
vertueux ce qui lui eft dû , propo--
fer leur exemple à la Pofterité , en donnant
un abregé de leur vie , c'eft , Monfieur
, une action de Juftice , un hommage
rendu au vrai mérite , & un foin qui
tourne à l'utilité publique . Ainfi , quʊique
M. Baron foit mort depuis plufieurs
années , & qu'après le decès de M. J. Bap
tifte Baron fon neveu , Chevalier de l'Or
dre de S. Jean de Jerufalem , Comman--
deur d'Efpagnac , arrivé le 20. Novembre
il ne reste plus perfonne en France
1724.
II. Vol.
A y de
1270 MERCURE DE FRANCE
de cette vertueufe famille , je ne fais point
difficulté d'entreprendre de vous marquer
ici les principales circonftances de fa vie..
François Baron nâquit à Marſeille le 4 ..
Novembre 16 20. d'une ancienne famille
de la même Ville qui étoit originaire de
Cofme dans le Duché de Milan . Après
avoir fait fes Etudes & fes Exercices , il
entra dans le monde , & fe fit confiderer
par fes manieres polies & par le carac
tere d'une exacte probité.
Quelque tems après , il forma le deffein
de voyager ; après avoir vû une partie de
l'Italie , & féjourné particulierement à la
Cour de Turin , il paffa en Egypte ; c'étoit
dans le tems de la rupture des Turcs avec
la République de Venife , & durant le
Siege de Candie. Cependant il y avoit
encore au Caire un Conful & plufieurs
Marchands Venitiens , aufquels le Pacha
de cette Ville fit plus qu'une avanie Turque
car après leur avoir fuppofé des intelligences
criminelles avec les Affiegés
de Candie , il les fit mettre aux fers , &
enfuite d'une courte procedure , il les
condamna tous à la mort , ce qui empor-.
toit la confifcation de leurs effets dont il
s'empara d'abord.
Dans cette extremité , les Venitiens eurent
recours à M. Baron qu'ils fçavoient
être fort confideré du Pacha . Il s'employa
II. Vol. effiJUIN.
1730. 1271'
efficacement pour eux , & il obtint enfin
leur délivrance , moyennant une fomme
dont on convint en argent comptant . Les
Venitiens n'en pouvoient pas trouver à
caufe de la faifie de leurs effets , & ils
reftoient toûjours dans les fers , lorfque
M. Baron , par un excès de cette generofité
qui lui a toûjours été naturelle , prêta
lui- même la fomme en queftion , qui étoit
d'environ cinq mille Piaftres , dont il emprunta
une bonne partie de divers Marchands
, au moyen de quoi les Venitiens
furent tous élargis , & déchargés de l'accufation
.
Il eſt preſque inutile d'ajoûter que pour
la fûreté des deniers prêtés , le Sieur
Marco Zen , Conful de Veniſe au Caire ,
paffa en cette qualité , & au nom de fa
Nation le 3. May 1657. une obligation
en bonne forme en faveur de M. Baron
de la fomme prêtée , payable dans une
année , avec ftipulation d'interêts faute
de rembourſement paffé ledit terme
; l'Obligation fut enregistrée en la
Chancellerie du Confulat de France le 10 .
Novembre 1657. fuivant l'Expedition
autentique qui eft dans mes Mémoires .
Mais ce que la Pofterité aura de la peine
à croire , & ce qui eft cependant bien
certain , c'eft qu'un fervice fi fignalé fut
payé d'une ingratitude qui dure encore,
II. Vol. A vj
car
1272 MERCURE DE FRANCE
car jamais M. Baron ni fes heritiers n'ont
pû être payés de cette Obligation .
le
Il prêta auffi de les deniers, deux années :
après ,deux mille fix cent Piaftres pour une
moindre avanie faite aux * Harbis
par
même Pacha , dont il ne put être remboursé
avant fon départ d'Egypte , ce
qui eft encore tourné en pure perte. Peu
de tems après , & dans la même année
1659. M. Baron fut député à la Cour par
M. de Bermond Conful , & par le Corps
de la Nation Françoife établie au Caire ,
pour des affaires importantes , concernant
le commerce de cette Echelle ; ce qu'il
accepta au préjudice de fes propres affai--
res & du recouvrement de fes deniers.
Nos Marchands d'Egypte eurent toutlieu
de fe louer de cette députation , après
laquelle M. Baron revint à Marſeille , où
il fe lia d'une étroite amitié avec Gafpar
de Glandevez , Seigneur de Niozelles ;
ce Gentilhomme des plus qualifiés de la
Province , fut accufé d'être le principal
Auteur des troubles qui agitoient alors
la Ville de Marfeille , & le Roi étant venu
en Provence pour y remedier , fon Procès
Harbis , nom Arabe , qui fignifie , en un cer--
tainfens , Etranger , par lequel on entend tous
les:Marchands Européens qui réfident en Egyp
te, & qui n'y ont aucun Conful de leur Na-
11. Vol. lui
JUIN. 1730. 1273
›
fui fut fait avec la derniere rigueur , en--
forte qu'après la condamnation & fa retraite
tous les amis fe trouverent embaraffés
. M. Baron, quoique perfuadé de l'in--
nocence de M. de Niozelles , & encore
plus de la fienne , crut fe devoir quelque
précaution , & quitta cette Ville pour
un tems .
Cependant tout le monde lui rendit juk
tice , & en l'année 1661. le Roi informé
de fon mérite & de fa capacité lui fit
l'honneur de le nommer au Confulat d'Alep
, l'un des plus importans de tout le
Levant, & qui comprenoit alors , outre la
plus grande partie de la Syrie , la Caramanie
& les Echelles de Tripoly & de Chipre
, dont les Vice-Confuls lui étoient
fubordonnés. Le Conful d'Alep étoit auffi
Conful , avec l'agrément du Roi , des
Hollandois établis en cette Echelle . Le
Commerce des François à Alep avoit be--
foin d'un Conful de ce caractere ; il étoit
prefque ruiné par les abus qui s'y étoient
introduits & par l'avidité des Gouver
neurs, qui, contre la difpofition des Traités
, exigeoient des droits injuftes , opprimoient
, au lieu de proteger les Mar--
chands .
M. Picquet , qui depuis a été Evêque
de Babilone , étoit alors Conful dAlep ,
& devoit ceder fa place à M. Baron .
II. Vol. Après
#274 MERCURE DE FRANCE
Après avoir conferé enſemble fur l'Etat
du Commerce & fur les moyens de le rétablir
, on n'en trouva pas de plus affuré
que celui de prier le nouveau Conful de
faire avant toutes chofes , fous le bon plaifir
du Roi , un voyage à Conftantinople,
pour obtenir du Grand - Seigneur les commandemens
& les ordres neceffaires pour
ce rétabliffement.
M. Baron toûjours prêt à faire le bien
au préjudice même de fes interêts , entreprit
ce long voyage à fes dépens . Il confera
utilement avec M. de la Haye , Ambaffadeur
de France , de qui il fe fit confiderer
, & négocia fi heureuſement avec
le fameux Vizir Cupruli , qui ne put lui
-refufer fon eftime , qu'il obtint tout ce
qu'il demanda. Il revint à Alep , chargé
d'un Catacherif ou Commandement Imperial
qui fit bientôt changer de face au
Commerce de Syrie , qui fert encore de
regle , & qui met un frein à l'avarice infatiable
des Gouverneurs. L'un des Arti--
cles les plus importans , étoit la fupreffion
des interêts anciens des dettes de la Na--
-tion Françoise de Seyde , qui montoient™
à plus de dix huit mille Piaftres par an ,
& qui furent éteint pour toûjours.
Une année s'étoit à peine écoulée , que
M. Colbert , parvenu au Miniftere après
la mort du Cardinal Mazarin , & ayant
II. Vol
de
JUIN. 1730. 1275
›
de grandes vûës pour l'augmentation du
Commerce du Levant , fut bien aife de
confulter M. Baron fur ce fujet ; il lui
envoya pour cela , fur la fin de l'année
1662. un ordre du Roi conçû en ces termes.
» Cher & bien amé. Defirant être in-
» formé par votre bouche de l'Etat dus
» Commerce qui s'exerce par nos Sujets
» en l'étendue de votre Confulat , pour
» y pourvoir felon les befoins & l'amélio-
» rer par les voyes qui feront jugées les
»plus convenables nous vous faifons
>> cette Lettre pour vous dire qu'auffi tôt
» que vous l'aurez reçûë vous ayez à vous
» rendre auprès de nous , après toutefois
» avoir établi le Sieur Pierre Baron votre
» frere pour exercer votre Charge pen--
>> dant votre abfence , & mis fi bon ordre
» aux affaires dudit Confulat qu'elle ne
» leur puiffe être d'aucun préjudice ; &
» comme il ne feroit pas jufte que vous
faifant venir pour l'interêt general du
» Commerce , les frais de votre voyage
tombaffent fur vous , nous entendons
» que toute la Nation les fupporte , puifnous
ne vous le faifons entreprenque
» dre que pour le bien & l'avantage de
fon négoce ; n'y faites donc faute. Car
tel eft notre plaifir , Donné à Paris le
2-13 . d'Octobre 1662. figné Louis &c. &
30
>>
"
II Vol.
av
1276 MERCURE DE FRANCE
>
» au dos eft écrit : A notre cher & bien
» amé , le Sieur Baron , Conful de la Nation
Françoife à Alep.
Mes Mémoires ne portent aucune cirtance
particuliere fur l'execution de
cet ordre du Roi ; mais ils marquent indirectement
que; Sa Majefté en fut fatisfaite
, & que le Miniftre fut confirmé dans
l'opinion avantageufe qu'il avoit déja de
M. Baron , lequel exerça pendant neuf
années confécutives le Confulat d'Alep ,
avec beaucoup de dignité & d'utilité pour
le Commerce de la Nation ; ce Commerce
fut fi floriffant que les Droits de Confulat
pour ces neuf années fe monterent à la
fomme de quatre vingt dix mille Piaftres.
Comme il avoit un grand fond de Religion
& de pieté , il ſe déclara d'abord le
protecteur & le pere de tous les Miffionnaires
de l'Orient , qui trouverent nonfeulement
un azile dans fa maiſon , mais
fouvent des reffources folides dans les
conjonctures fâcheufes qui n'arrivent que
trop fouvent dans le Pays des Infideles .
Il avoit la même attention pour les Prélats
, les Ecclefiaftiques & tous les Chré--
tiens du Pays qui n'étoient point féparés
de l'Eglife Romaine par le Schifme ou par
des erreurs . condamnées ; & il n'oublioit
rien pour attirer ceux qui avoient le
malheur d'être nés dans cette féparation.
- II. Vol.
Sa
JUIN. 1730. 1277
>
Sa charité fans bornes & fans diftinction
des Sujets n'étoit jamais épuifée , quoique
fes facultés le fuffent quelquefois en donnant
comme il faifoit de toutes mains
;
alors , en attendant d'autres reffources, il
donnoit jufqu'à fes meubles & fes propres
habits. Le P. Jofeph Beffon , Miffionnaire
de la Compagnie de Jefus en Syrie , étant
allé un jour lui repréfenter le danger évident
où fe trouvoit une jeune fille Maronite
auffi belle qquuee ppaauuvvrree ,, recherchée
par un Turc de confideration , faute de
quelque argent pour la mettre en fûreté
en l'envoyant chez fes parens du Mont
Liban ; le pieux Conful ſe trouvant alors
dépourvû d'argent , dépouilla fa Robe
Confulaire , qui étoit d'une belle écarlate,
doublée d'une fourrure de prix , & la
donna au Miffionnaire , qui touché d'une
telle action la déclara hautement , & fit
enforte avec un neveu de M. Baron que
l'argent en queftion fur trouvé ſur le cré-
' dit du Conful , & la fille Maronite fauvée.
Je me contente de ce trait entre plufieurs
autres qui font venus à ma connoiffance ,
& dont on parle encore dans là Ville d'Alep.
Je tiens celui ci de M. Feau que j'ai
vû deux fois dans l'Ile de Chypre , où il
eft mort Conful , lequel étoit fils d'une
foeur de M. Baron , & ne l'avoit prefque
jamais quitté durant fon Confulat d'Alep.
IL Vol.. C'eft:
7278 MERCURE DE FRANCE
>
C'eſt de ce même M. Feau que je tiens le
beau Portrait de notre illuftre Conful
que vous avez vû dans mon Cabinet , &
qu'il me remit à Chypre en l'année 1688 .
Il fut peint à Alep par un habile Flamand
que M. Baron avoit logé chez lui par eftime
& par courtoisie.
A l'égard de ce que j'ai dit , Monfieur,
de fon attention à proteger la Religion ,
& à bien traiter les Prélats & tous les
Ouvriers Evangeliques , je le trouve
confirmé par des Actes de la Congrégation
de la Propagande qui honorent fa
mémoire , & ces Actes font eux mêmes.
confirmés par un Bref du Pape Clement
IX. écrit au Roi en faveur de M. Baron;
vous ferez , fans doute , bien aife de le
trouver ici.
CHARISSIMO IN CHRISTO FILIO
NOSTRO ,
LUDOVICO , FRANCORUM REGI
CHRISTIANISSIMO.
CLEMENS PAPA IX.
CHARISSIME IN CHRISTO FILI NOSTER :
SALUTEM : Inclita pietati ac benefi
centia Majeftatis tuæ , non minus quàmgloria
per gratas accidere palam eft occafiones
omnes , fefe longè latèque per univerfum or-
II. Vol bem
JUIN. 1730. 1279
bem extendendi ; ubi præfertim non folum de
privatis hominum utilitatibus augendis , verum
etiam de publici boni , & vel maximè
fidei Chriftiane rationibus juvandis, ac provehendis
agatur. Quapropter accuratè, acfidenter
ei commendamus Francifcum Baronium
, eo die Nationis Francorum in Civitate
Aleppi Confulem , qui profecto , ut omni
fide digni viri, ac potiffimum Apoftolici Miffionarii
teftantur , quaftudio , folertia , Confiliis
, quà propriis etiam impenfis , cunctis
in Afia fanita Religionis vel confervanda ,
vel propaganda rebus per plures jam annos
efficaciter incumbit ; adeò ut fedulitas ejus
domus omnium in vineâ domini laborantium
neceffitatibus , commodis in Partibus
illis communiter pateant , hac Majef
tati tuæ non ignota effe , fufficere arbitramur
, ut eum dignum exiftimet , quem opportunè
regio beneficio aliquo donet : Cum prafertim
premium tam infigni virtuti tributum,
aliorum complurium charitatem acuere & inflammare
poffit ad eum imitandum , ingenti
multis in Regionibus fidei Chriftiana bono.
Ceterum officia Pontificia Ven. Fr. Archiepifcopus
Thebarum Nuncius nofter explicabit.
Nos Majeftati tuæ ex intimis animi paterni
fenfibus amantiffime benedicimus . ĎATUM
ROME, apud S. Mariam Majorem
fub annulo Pifcatoris . Die xxiv .
Augufti 1669. Pontificatûs noftri anno
III. M.
#280 MERCURE DE FRANCE
•
C.
M. Baron a encore fervi l'Eglife dans
une conjoncture ' importante & particuliere.
Vous fçavez ; Monfieur , qu'environ
dans ce tems - là Antoine Arnauld
Docteur de Sorbone , entreprit dans fon
grand Ouvrage ( a ) de la Perpetuité de la
Foy, & c. de prouver aux Novateurs, que
I'Eglife Orientale avoit toujours cru &
croit encore aujourd'hui , ce que croit
l'Eglife Latine fur la Tranfubftantiation
dans le Sacrement de l'Euchariftie , & c.
Ce qui ne fe pouvoit faire avec plus de
folidité & plus defuccès qu'en rapportant
les témoignages juridiques des principales
Eglifes fur ce point important. M. de
Nointel , alors Ambaffadeur à la Porte , fet
chargea de ce qui concernoit l'Eglife Patriarchale
de Conftantinople ; & M. Baron
, travailla de fon côté à fe rendre bien
certain de la Doctrine de toutes les Eglifes
Syriennes , fur le même point , ce qui
demandoit beaucoup de foin , d'applica
tion & de difcernement.
C'est par ce moyen qu'on voit dans le
premier volume de la Perpetuité de la
Foy , Liv. XII . page 82. deux Atteftations
autentiques ; fçavoir , l'une du Patriar-
( a ) La Perpetuité de la Foy de l'Eglife Catholique
, touchant l'Euchariftie, deffendue contre
le fieur Claude, Miniftre de Charenton.3.vol
in 4. Paris 1669. dédié au Pape Clement 1X.
II. Vol. che
JUIN. 1730. 1281
che , des Evêques & de plufieurs Prêtres
Arméniens , réfidens à Alep , de la créance
de cette Eglife fur l'Euchariſtie ; elle
eft dattée du premier Mars r117 . felon
L'Epoque des Arméniens , qui répond à'
l'année 1668. des Latins, traduite de l'Arménien
en Latin , ſouſcrite par les Prélats
y dénommez , & légalifée le même jour'
par M. Baron , qui affirme & attefte que
les Sceaux & les Seings qu'on y voit ont
été mis en fa préfence par les mêmes perfonnes.
L'autre Atteftation eft du Patriarche
des Syriens fur la créance de fon Egli
fe . Elle eft pareillement foufcrite de ce
Patriarche & de plufieurs Evêques , Prêtres
& Moines Syriens , & enfin renduë
autentique par la légaliſation du même
Conful.
Les Originaux de ces deux atteftations
qui font autant de Profeffions de Foy ,
écrits dans la Langue & dans les propres
caracteres de chaque Nation , fe trouvent
parmi les autres Originaux de cette efpece
dans le dépôt general qui en fut
fait à la Biblioteque de l'Abbaye S. Germain
des Prez , le 29 Septembre 1668 , &
le 7 Aouft 1670. fuivant le Procès verbal
latin qui eft à la tête de ce Recueil . Lex
Procès verbal eft foufcrit par M. (a) Jan-
(a ) M. Jannon étoit un Ecclefiaftique fort
zélé pour la Religion , & particulierement lié
II. Vol.
non
1282 MERCURE DE FRANCE.
non , Prêtre & Chanoine de S. Juft de
Lyon , par le R. P. General des Benedictins
de S. Maur , & fes Affiftans , par le
P. Prieur de S. Germain , par le Bibliotequaire
en chef, par Dom Luc d'Achery .
& par d'autresSçavans de la mêmeMaifon;
il eft enfin figné par deux Notaires Apoftoliques.
>-
Il y a dans le même Dépôt la Profef
fion de Foy originale , auffi légalifée par
M. Baron , le 4 Juin 1668. du Čuré Néophile
, Vicaire General de Macaire , Patriarche
Grec d'Antioche,foufcrite par lui
& par les principaux Curez & Prêtres du
Patriarchat.
M.Arnauld n'a point employé cette piéce
dans fon Livre de la Perpetuité de la
Foy. Peut-être lui arriva- t - elle trop tard.
Je ne dis rien des Profeffions de Foy
envoyées par M. de Nointel ; concernant
le Patriarchat de Conftantinople , qui
font partie du même Dépôt. Le tout enfemble
fait un des plus curieux Monumens
qu'on puiffe trouver en ce genre ;
j'ay eu le ppllaaiiffiirr ddee vvooiirr toutes
piéces à cette occafion.
ces
Entre celles qui m'ont parû mériter le
plus d'attention , j'ai diftingué les Actes,
avec M. Picquet & M. Arnauld, Il avoit recen
ces Originaux du Levant , & les depofa de la
maniere qu'il eft dit dans le Procès Verbal.
II. Vol. Origi
JUIN. 1730. 1288
Originaux, en grand nombre , du Métropolitain
Elie , Chef de l'Eglife Neftorienne
de ( a ) Diarbek , énoncez en Langue
Arabe , & écrits en caracteres Syriaques..
Ce précieux Recueil enfin contenu dans
deux gros volumes in-folio , prefente par
ta diverfité des Langues & des Caracte
res une refpectable variété , & mérite l'at
tention particuliere que les Sçavans Dépofitaires
ont pour fa confervation .
Sur la fin de l'année 1670. M. Colbert
qui honoroit M. Baron d'une eftime particuliere
& qui étoit tres- fatisfait des changemens
favorables arrivez au Commerce
de Syrie pendant fon Confulat , le propofa
au Roy comme un fujet propre à rétablir
& à faire fleurir celui de la Compagnie
des Indes Orientales ; & en conféquence
des Ordres de S. M. Mr Baron:
toujours prêt à obéir & à fe livrer au
bien public , partit d'Alep dans le courant
de l'année 1671. pour fe rendre à
Surate, lieu de la réfidence du Directeur
General du Commerce de France , & de
l'établiffement du principal Comptoir de
la Compagnie.
On ne fçauroit exprimer le regret
qu'on eut de le perdre à Alep. Le Procès
verbal de l'Affemblée de la Nation , tenuë
(a) Ville & Pays fituex dans l'ancienne
Mésopotamie
II. Vol. fur
1284 MERCURE DE FRANCE
fur ce fujet le 11. Janvier 1671 , dont
j'ai une Expédition en forme , apprend
là deffus quelques circonftances qu'il eft
bon de ne pas omettre .
M. du Pont , qui préfidoit à l'Affemblée
, en qualité de nouveau Conful d'Alep
, y fait l'éloge de M. Baron , puis il
propofe de déliberer fur deux Chefs. Le
premier , fur le prefent ou la gratification
ordinaire qui eſt dûë aux Confuls à
la fin de leur Charge , alléguant pour
exemple le plus recent celui de Mr.
Piquet , qui avoit reçû mille Piaftres de
gratification , quoique fon Confulat eût
été beaucoup moins long.
Le fecond Chef rouloit fur un rembourſement
de 519 Piaftres , données par
M. Baron de fes propres deniers , pour
terminer la malheureuſe affaire de deux
jeunes François , nommez dans l'Acte ,
que leur libertinage fit tomber entre les
mains du Sous- Bachi ou Officier du Guet,
dans un lieu de débauche , lequel les traita
avec la derniere rigueur , & prétendit
qu'il ne pouvoit les délivrer qu'en fe
faifant Mahometans , & c.
Sur quoi , dit l'Acte que je viens de
citer , lefdits Sieurs Affemblez , ont dit &
déliberé ;
ود
que
Que quelque reconnoiffance la
»Nation puiffe accorder àmondit fieur
II. Vol.
le
JUIN. 1730. 1285
» le Conful Baron , étant au deffous de ce
» qu'elle lui doit , pour le grand zele &
» le grand amour avec lequel il a agi
» pendant tout le tems de fon exercice ,
» & pour les fommes qu'il peut avoir
» fournies pour ladite Nation , dont il n'a
» pas été remboursé , qu'ils fe fentent
>> obligez de manifefter cette verité, & de
» prier M" les Echevins & Députez du-
>> Commerce de la Ville de Marfeille , de
» la lui donner auffi avantageuſe, qu'il l'a
» méritée fa bonne adminiftration &
par
» conduites ou fupplier tres-humblement
» Sa Majefté de lui accorder icelle.En foy
dequoi , &c. Signé Dupont Conful , Truillard
& Vitalis , Deputez de la Nation.
S. Jacques , Cheillan , Gardane , Gleize ,
Foreft , Bazan , Etienne , Marchands
François & Feris , Chancelier , Secretaire
du Confulat d'Alep. A côté eft le grand
Sceau du Conful ou l'Ecu des armes de
France , & c.
Ce font là , Monfieur , les belles difpofitions
, enfuite defquelles M.Baron partit
d'Alep pour les Indes , & qui lui ont tenu
lieu de réalité ; car il n'a jamais rien reçû
en confequence de cette déliberation ; fon
éloignement , fon efprit défintereffé , les
difficultez ou le peu de difpofition de la
part de ceux qui devoient effectuer ,
II. Vol. B ont
1236 MERCURE DE FRANCE
ont toujours été des obftacles plus que
fuffifans.
La fuite paroîtra dans le Mercure prochain.
en Syrie , puis Direcleur General du
Commerce aux Indes Orientales , adreſſe
à M. de
R
....
Endre à la mémoire des hommes
vertueux ce qui lui eft dû , propo--
fer leur exemple à la Pofterité , en donnant
un abregé de leur vie , c'eft , Monfieur
, une action de Juftice , un hommage
rendu au vrai mérite , & un foin qui
tourne à l'utilité publique . Ainfi , quʊique
M. Baron foit mort depuis plufieurs
années , & qu'après le decès de M. J. Bap
tifte Baron fon neveu , Chevalier de l'Or
dre de S. Jean de Jerufalem , Comman--
deur d'Efpagnac , arrivé le 20. Novembre
il ne reste plus perfonne en France
1724.
II. Vol.
A y de
1270 MERCURE DE FRANCE
de cette vertueufe famille , je ne fais point
difficulté d'entreprendre de vous marquer
ici les principales circonftances de fa vie..
François Baron nâquit à Marſeille le 4 ..
Novembre 16 20. d'une ancienne famille
de la même Ville qui étoit originaire de
Cofme dans le Duché de Milan . Après
avoir fait fes Etudes & fes Exercices , il
entra dans le monde , & fe fit confiderer
par fes manieres polies & par le carac
tere d'une exacte probité.
Quelque tems après , il forma le deffein
de voyager ; après avoir vû une partie de
l'Italie , & féjourné particulierement à la
Cour de Turin , il paffa en Egypte ; c'étoit
dans le tems de la rupture des Turcs avec
la République de Venife , & durant le
Siege de Candie. Cependant il y avoit
encore au Caire un Conful & plufieurs
Marchands Venitiens , aufquels le Pacha
de cette Ville fit plus qu'une avanie Turque
car après leur avoir fuppofé des intelligences
criminelles avec les Affiegés
de Candie , il les fit mettre aux fers , &
enfuite d'une courte procedure , il les
condamna tous à la mort , ce qui empor-.
toit la confifcation de leurs effets dont il
s'empara d'abord.
Dans cette extremité , les Venitiens eurent
recours à M. Baron qu'ils fçavoient
être fort confideré du Pacha . Il s'employa
II. Vol. effiJUIN.
1730. 1271'
efficacement pour eux , & il obtint enfin
leur délivrance , moyennant une fomme
dont on convint en argent comptant . Les
Venitiens n'en pouvoient pas trouver à
caufe de la faifie de leurs effets , & ils
reftoient toûjours dans les fers , lorfque
M. Baron , par un excès de cette generofité
qui lui a toûjours été naturelle , prêta
lui- même la fomme en queftion , qui étoit
d'environ cinq mille Piaftres , dont il emprunta
une bonne partie de divers Marchands
, au moyen de quoi les Venitiens
furent tous élargis , & déchargés de l'accufation
.
Il eſt preſque inutile d'ajoûter que pour
la fûreté des deniers prêtés , le Sieur
Marco Zen , Conful de Veniſe au Caire ,
paffa en cette qualité , & au nom de fa
Nation le 3. May 1657. une obligation
en bonne forme en faveur de M. Baron
de la fomme prêtée , payable dans une
année , avec ftipulation d'interêts faute
de rembourſement paffé ledit terme
; l'Obligation fut enregistrée en la
Chancellerie du Confulat de France le 10 .
Novembre 1657. fuivant l'Expedition
autentique qui eft dans mes Mémoires .
Mais ce que la Pofterité aura de la peine
à croire , & ce qui eft cependant bien
certain , c'eft qu'un fervice fi fignalé fut
payé d'une ingratitude qui dure encore,
II. Vol. A vj
car
1272 MERCURE DE FRANCE
car jamais M. Baron ni fes heritiers n'ont
pû être payés de cette Obligation .
le
Il prêta auffi de les deniers, deux années :
après ,deux mille fix cent Piaftres pour une
moindre avanie faite aux * Harbis
par
même Pacha , dont il ne put être remboursé
avant fon départ d'Egypte , ce
qui eft encore tourné en pure perte. Peu
de tems après , & dans la même année
1659. M. Baron fut député à la Cour par
M. de Bermond Conful , & par le Corps
de la Nation Françoife établie au Caire ,
pour des affaires importantes , concernant
le commerce de cette Echelle ; ce qu'il
accepta au préjudice de fes propres affai--
res & du recouvrement de fes deniers.
Nos Marchands d'Egypte eurent toutlieu
de fe louer de cette députation , après
laquelle M. Baron revint à Marſeille , où
il fe lia d'une étroite amitié avec Gafpar
de Glandevez , Seigneur de Niozelles ;
ce Gentilhomme des plus qualifiés de la
Province , fut accufé d'être le principal
Auteur des troubles qui agitoient alors
la Ville de Marfeille , & le Roi étant venu
en Provence pour y remedier , fon Procès
Harbis , nom Arabe , qui fignifie , en un cer--
tainfens , Etranger , par lequel on entend tous
les:Marchands Européens qui réfident en Egyp
te, & qui n'y ont aucun Conful de leur Na-
11. Vol. lui
JUIN. 1730. 1273
›
fui fut fait avec la derniere rigueur , en--
forte qu'après la condamnation & fa retraite
tous les amis fe trouverent embaraffés
. M. Baron, quoique perfuadé de l'in--
nocence de M. de Niozelles , & encore
plus de la fienne , crut fe devoir quelque
précaution , & quitta cette Ville pour
un tems .
Cependant tout le monde lui rendit juk
tice , & en l'année 1661. le Roi informé
de fon mérite & de fa capacité lui fit
l'honneur de le nommer au Confulat d'Alep
, l'un des plus importans de tout le
Levant, & qui comprenoit alors , outre la
plus grande partie de la Syrie , la Caramanie
& les Echelles de Tripoly & de Chipre
, dont les Vice-Confuls lui étoient
fubordonnés. Le Conful d'Alep étoit auffi
Conful , avec l'agrément du Roi , des
Hollandois établis en cette Echelle . Le
Commerce des François à Alep avoit be--
foin d'un Conful de ce caractere ; il étoit
prefque ruiné par les abus qui s'y étoient
introduits & par l'avidité des Gouver
neurs, qui, contre la difpofition des Traités
, exigeoient des droits injuftes , opprimoient
, au lieu de proteger les Mar--
chands .
M. Picquet , qui depuis a été Evêque
de Babilone , étoit alors Conful dAlep ,
& devoit ceder fa place à M. Baron .
II. Vol. Après
#274 MERCURE DE FRANCE
Après avoir conferé enſemble fur l'Etat
du Commerce & fur les moyens de le rétablir
, on n'en trouva pas de plus affuré
que celui de prier le nouveau Conful de
faire avant toutes chofes , fous le bon plaifir
du Roi , un voyage à Conftantinople,
pour obtenir du Grand - Seigneur les commandemens
& les ordres neceffaires pour
ce rétabliffement.
M. Baron toûjours prêt à faire le bien
au préjudice même de fes interêts , entreprit
ce long voyage à fes dépens . Il confera
utilement avec M. de la Haye , Ambaffadeur
de France , de qui il fe fit confiderer
, & négocia fi heureuſement avec
le fameux Vizir Cupruli , qui ne put lui
-refufer fon eftime , qu'il obtint tout ce
qu'il demanda. Il revint à Alep , chargé
d'un Catacherif ou Commandement Imperial
qui fit bientôt changer de face au
Commerce de Syrie , qui fert encore de
regle , & qui met un frein à l'avarice infatiable
des Gouverneurs. L'un des Arti--
cles les plus importans , étoit la fupreffion
des interêts anciens des dettes de la Na--
-tion Françoise de Seyde , qui montoient™
à plus de dix huit mille Piaftres par an ,
& qui furent éteint pour toûjours.
Une année s'étoit à peine écoulée , que
M. Colbert , parvenu au Miniftere après
la mort du Cardinal Mazarin , & ayant
II. Vol
de
JUIN. 1730. 1275
›
de grandes vûës pour l'augmentation du
Commerce du Levant , fut bien aife de
confulter M. Baron fur ce fujet ; il lui
envoya pour cela , fur la fin de l'année
1662. un ordre du Roi conçû en ces termes.
» Cher & bien amé. Defirant être in-
» formé par votre bouche de l'Etat dus
» Commerce qui s'exerce par nos Sujets
» en l'étendue de votre Confulat , pour
» y pourvoir felon les befoins & l'amélio-
» rer par les voyes qui feront jugées les
»plus convenables nous vous faifons
>> cette Lettre pour vous dire qu'auffi tôt
» que vous l'aurez reçûë vous ayez à vous
» rendre auprès de nous , après toutefois
» avoir établi le Sieur Pierre Baron votre
» frere pour exercer votre Charge pen--
>> dant votre abfence , & mis fi bon ordre
» aux affaires dudit Confulat qu'elle ne
» leur puiffe être d'aucun préjudice ; &
» comme il ne feroit pas jufte que vous
faifant venir pour l'interêt general du
» Commerce , les frais de votre voyage
tombaffent fur vous , nous entendons
» que toute la Nation les fupporte , puifnous
ne vous le faifons entreprenque
» dre que pour le bien & l'avantage de
fon négoce ; n'y faites donc faute. Car
tel eft notre plaifir , Donné à Paris le
2-13 . d'Octobre 1662. figné Louis &c. &
30
>>
"
II Vol.
av
1276 MERCURE DE FRANCE
>
» au dos eft écrit : A notre cher & bien
» amé , le Sieur Baron , Conful de la Nation
Françoife à Alep.
Mes Mémoires ne portent aucune cirtance
particuliere fur l'execution de
cet ordre du Roi ; mais ils marquent indirectement
que; Sa Majefté en fut fatisfaite
, & que le Miniftre fut confirmé dans
l'opinion avantageufe qu'il avoit déja de
M. Baron , lequel exerça pendant neuf
années confécutives le Confulat d'Alep ,
avec beaucoup de dignité & d'utilité pour
le Commerce de la Nation ; ce Commerce
fut fi floriffant que les Droits de Confulat
pour ces neuf années fe monterent à la
fomme de quatre vingt dix mille Piaftres.
Comme il avoit un grand fond de Religion
& de pieté , il ſe déclara d'abord le
protecteur & le pere de tous les Miffionnaires
de l'Orient , qui trouverent nonfeulement
un azile dans fa maiſon , mais
fouvent des reffources folides dans les
conjonctures fâcheufes qui n'arrivent que
trop fouvent dans le Pays des Infideles .
Il avoit la même attention pour les Prélats
, les Ecclefiaftiques & tous les Chré--
tiens du Pays qui n'étoient point féparés
de l'Eglife Romaine par le Schifme ou par
des erreurs . condamnées ; & il n'oublioit
rien pour attirer ceux qui avoient le
malheur d'être nés dans cette féparation.
- II. Vol.
Sa
JUIN. 1730. 1277
>
Sa charité fans bornes & fans diftinction
des Sujets n'étoit jamais épuifée , quoique
fes facultés le fuffent quelquefois en donnant
comme il faifoit de toutes mains
;
alors , en attendant d'autres reffources, il
donnoit jufqu'à fes meubles & fes propres
habits. Le P. Jofeph Beffon , Miffionnaire
de la Compagnie de Jefus en Syrie , étant
allé un jour lui repréfenter le danger évident
où fe trouvoit une jeune fille Maronite
auffi belle qquuee ppaauuvvrree ,, recherchée
par un Turc de confideration , faute de
quelque argent pour la mettre en fûreté
en l'envoyant chez fes parens du Mont
Liban ; le pieux Conful ſe trouvant alors
dépourvû d'argent , dépouilla fa Robe
Confulaire , qui étoit d'une belle écarlate,
doublée d'une fourrure de prix , & la
donna au Miffionnaire , qui touché d'une
telle action la déclara hautement , & fit
enforte avec un neveu de M. Baron que
l'argent en queftion fur trouvé ſur le cré-
' dit du Conful , & la fille Maronite fauvée.
Je me contente de ce trait entre plufieurs
autres qui font venus à ma connoiffance ,
& dont on parle encore dans là Ville d'Alep.
Je tiens celui ci de M. Feau que j'ai
vû deux fois dans l'Ile de Chypre , où il
eft mort Conful , lequel étoit fils d'une
foeur de M. Baron , & ne l'avoit prefque
jamais quitté durant fon Confulat d'Alep.
IL Vol.. C'eft:
7278 MERCURE DE FRANCE
>
C'eſt de ce même M. Feau que je tiens le
beau Portrait de notre illuftre Conful
que vous avez vû dans mon Cabinet , &
qu'il me remit à Chypre en l'année 1688 .
Il fut peint à Alep par un habile Flamand
que M. Baron avoit logé chez lui par eftime
& par courtoisie.
A l'égard de ce que j'ai dit , Monfieur,
de fon attention à proteger la Religion ,
& à bien traiter les Prélats & tous les
Ouvriers Evangeliques , je le trouve
confirmé par des Actes de la Congrégation
de la Propagande qui honorent fa
mémoire , & ces Actes font eux mêmes.
confirmés par un Bref du Pape Clement
IX. écrit au Roi en faveur de M. Baron;
vous ferez , fans doute , bien aife de le
trouver ici.
CHARISSIMO IN CHRISTO FILIO
NOSTRO ,
LUDOVICO , FRANCORUM REGI
CHRISTIANISSIMO.
CLEMENS PAPA IX.
CHARISSIME IN CHRISTO FILI NOSTER :
SALUTEM : Inclita pietati ac benefi
centia Majeftatis tuæ , non minus quàmgloria
per gratas accidere palam eft occafiones
omnes , fefe longè latèque per univerfum or-
II. Vol bem
JUIN. 1730. 1279
bem extendendi ; ubi præfertim non folum de
privatis hominum utilitatibus augendis , verum
etiam de publici boni , & vel maximè
fidei Chriftiane rationibus juvandis, ac provehendis
agatur. Quapropter accuratè, acfidenter
ei commendamus Francifcum Baronium
, eo die Nationis Francorum in Civitate
Aleppi Confulem , qui profecto , ut omni
fide digni viri, ac potiffimum Apoftolici Miffionarii
teftantur , quaftudio , folertia , Confiliis
, quà propriis etiam impenfis , cunctis
in Afia fanita Religionis vel confervanda ,
vel propaganda rebus per plures jam annos
efficaciter incumbit ; adeò ut fedulitas ejus
domus omnium in vineâ domini laborantium
neceffitatibus , commodis in Partibus
illis communiter pateant , hac Majef
tati tuæ non ignota effe , fufficere arbitramur
, ut eum dignum exiftimet , quem opportunè
regio beneficio aliquo donet : Cum prafertim
premium tam infigni virtuti tributum,
aliorum complurium charitatem acuere & inflammare
poffit ad eum imitandum , ingenti
multis in Regionibus fidei Chriftiana bono.
Ceterum officia Pontificia Ven. Fr. Archiepifcopus
Thebarum Nuncius nofter explicabit.
Nos Majeftati tuæ ex intimis animi paterni
fenfibus amantiffime benedicimus . ĎATUM
ROME, apud S. Mariam Majorem
fub annulo Pifcatoris . Die xxiv .
Augufti 1669. Pontificatûs noftri anno
III. M.
#280 MERCURE DE FRANCE
•
C.
M. Baron a encore fervi l'Eglife dans
une conjoncture ' importante & particuliere.
Vous fçavez ; Monfieur , qu'environ
dans ce tems - là Antoine Arnauld
Docteur de Sorbone , entreprit dans fon
grand Ouvrage ( a ) de la Perpetuité de la
Foy, & c. de prouver aux Novateurs, que
I'Eglife Orientale avoit toujours cru &
croit encore aujourd'hui , ce que croit
l'Eglife Latine fur la Tranfubftantiation
dans le Sacrement de l'Euchariftie , & c.
Ce qui ne fe pouvoit faire avec plus de
folidité & plus defuccès qu'en rapportant
les témoignages juridiques des principales
Eglifes fur ce point important. M. de
Nointel , alors Ambaffadeur à la Porte , fet
chargea de ce qui concernoit l'Eglife Patriarchale
de Conftantinople ; & M. Baron
, travailla de fon côté à fe rendre bien
certain de la Doctrine de toutes les Eglifes
Syriennes , fur le même point , ce qui
demandoit beaucoup de foin , d'applica
tion & de difcernement.
C'est par ce moyen qu'on voit dans le
premier volume de la Perpetuité de la
Foy , Liv. XII . page 82. deux Atteftations
autentiques ; fçavoir , l'une du Patriar-
( a ) La Perpetuité de la Foy de l'Eglife Catholique
, touchant l'Euchariftie, deffendue contre
le fieur Claude, Miniftre de Charenton.3.vol
in 4. Paris 1669. dédié au Pape Clement 1X.
II. Vol. che
JUIN. 1730. 1281
che , des Evêques & de plufieurs Prêtres
Arméniens , réfidens à Alep , de la créance
de cette Eglife fur l'Euchariſtie ; elle
eft dattée du premier Mars r117 . felon
L'Epoque des Arméniens , qui répond à'
l'année 1668. des Latins, traduite de l'Arménien
en Latin , ſouſcrite par les Prélats
y dénommez , & légalifée le même jour'
par M. Baron , qui affirme & attefte que
les Sceaux & les Seings qu'on y voit ont
été mis en fa préfence par les mêmes perfonnes.
L'autre Atteftation eft du Patriarche
des Syriens fur la créance de fon Egli
fe . Elle eft pareillement foufcrite de ce
Patriarche & de plufieurs Evêques , Prêtres
& Moines Syriens , & enfin renduë
autentique par la légaliſation du même
Conful.
Les Originaux de ces deux atteftations
qui font autant de Profeffions de Foy ,
écrits dans la Langue & dans les propres
caracteres de chaque Nation , fe trouvent
parmi les autres Originaux de cette efpece
dans le dépôt general qui en fut
fait à la Biblioteque de l'Abbaye S. Germain
des Prez , le 29 Septembre 1668 , &
le 7 Aouft 1670. fuivant le Procès verbal
latin qui eft à la tête de ce Recueil . Lex
Procès verbal eft foufcrit par M. (a) Jan-
(a ) M. Jannon étoit un Ecclefiaftique fort
zélé pour la Religion , & particulierement lié
II. Vol.
non
1282 MERCURE DE FRANCE.
non , Prêtre & Chanoine de S. Juft de
Lyon , par le R. P. General des Benedictins
de S. Maur , & fes Affiftans , par le
P. Prieur de S. Germain , par le Bibliotequaire
en chef, par Dom Luc d'Achery .
& par d'autresSçavans de la mêmeMaifon;
il eft enfin figné par deux Notaires Apoftoliques.
>-
Il y a dans le même Dépôt la Profef
fion de Foy originale , auffi légalifée par
M. Baron , le 4 Juin 1668. du Čuré Néophile
, Vicaire General de Macaire , Patriarche
Grec d'Antioche,foufcrite par lui
& par les principaux Curez & Prêtres du
Patriarchat.
M.Arnauld n'a point employé cette piéce
dans fon Livre de la Perpetuité de la
Foy. Peut-être lui arriva- t - elle trop tard.
Je ne dis rien des Profeffions de Foy
envoyées par M. de Nointel ; concernant
le Patriarchat de Conftantinople , qui
font partie du même Dépôt. Le tout enfemble
fait un des plus curieux Monumens
qu'on puiffe trouver en ce genre ;
j'ay eu le ppllaaiiffiirr ddee vvooiirr toutes
piéces à cette occafion.
ces
Entre celles qui m'ont parû mériter le
plus d'attention , j'ai diftingué les Actes,
avec M. Picquet & M. Arnauld, Il avoit recen
ces Originaux du Levant , & les depofa de la
maniere qu'il eft dit dans le Procès Verbal.
II. Vol. Origi
JUIN. 1730. 1288
Originaux, en grand nombre , du Métropolitain
Elie , Chef de l'Eglife Neftorienne
de ( a ) Diarbek , énoncez en Langue
Arabe , & écrits en caracteres Syriaques..
Ce précieux Recueil enfin contenu dans
deux gros volumes in-folio , prefente par
ta diverfité des Langues & des Caracte
res une refpectable variété , & mérite l'at
tention particuliere que les Sçavans Dépofitaires
ont pour fa confervation .
Sur la fin de l'année 1670. M. Colbert
qui honoroit M. Baron d'une eftime particuliere
& qui étoit tres- fatisfait des changemens
favorables arrivez au Commerce
de Syrie pendant fon Confulat , le propofa
au Roy comme un fujet propre à rétablir
& à faire fleurir celui de la Compagnie
des Indes Orientales ; & en conféquence
des Ordres de S. M. Mr Baron:
toujours prêt à obéir & à fe livrer au
bien public , partit d'Alep dans le courant
de l'année 1671. pour fe rendre à
Surate, lieu de la réfidence du Directeur
General du Commerce de France , & de
l'établiffement du principal Comptoir de
la Compagnie.
On ne fçauroit exprimer le regret
qu'on eut de le perdre à Alep. Le Procès
verbal de l'Affemblée de la Nation , tenuë
(a) Ville & Pays fituex dans l'ancienne
Mésopotamie
II. Vol. fur
1284 MERCURE DE FRANCE
fur ce fujet le 11. Janvier 1671 , dont
j'ai une Expédition en forme , apprend
là deffus quelques circonftances qu'il eft
bon de ne pas omettre .
M. du Pont , qui préfidoit à l'Affemblée
, en qualité de nouveau Conful d'Alep
, y fait l'éloge de M. Baron , puis il
propofe de déliberer fur deux Chefs. Le
premier , fur le prefent ou la gratification
ordinaire qui eſt dûë aux Confuls à
la fin de leur Charge , alléguant pour
exemple le plus recent celui de Mr.
Piquet , qui avoit reçû mille Piaftres de
gratification , quoique fon Confulat eût
été beaucoup moins long.
Le fecond Chef rouloit fur un rembourſement
de 519 Piaftres , données par
M. Baron de fes propres deniers , pour
terminer la malheureuſe affaire de deux
jeunes François , nommez dans l'Acte ,
que leur libertinage fit tomber entre les
mains du Sous- Bachi ou Officier du Guet,
dans un lieu de débauche , lequel les traita
avec la derniere rigueur , & prétendit
qu'il ne pouvoit les délivrer qu'en fe
faifant Mahometans , & c.
Sur quoi , dit l'Acte que je viens de
citer , lefdits Sieurs Affemblez , ont dit &
déliberé ;
ود
que
Que quelque reconnoiffance la
»Nation puiffe accorder àmondit fieur
II. Vol.
le
JUIN. 1730. 1285
» le Conful Baron , étant au deffous de ce
» qu'elle lui doit , pour le grand zele &
» le grand amour avec lequel il a agi
» pendant tout le tems de fon exercice ,
» & pour les fommes qu'il peut avoir
» fournies pour ladite Nation , dont il n'a
» pas été remboursé , qu'ils fe fentent
>> obligez de manifefter cette verité, & de
» prier M" les Echevins & Députez du-
>> Commerce de la Ville de Marfeille , de
» la lui donner auffi avantageuſe, qu'il l'a
» méritée fa bonne adminiftration &
par
» conduites ou fupplier tres-humblement
» Sa Majefté de lui accorder icelle.En foy
dequoi , &c. Signé Dupont Conful , Truillard
& Vitalis , Deputez de la Nation.
S. Jacques , Cheillan , Gardane , Gleize ,
Foreft , Bazan , Etienne , Marchands
François & Feris , Chancelier , Secretaire
du Confulat d'Alep. A côté eft le grand
Sceau du Conful ou l'Ecu des armes de
France , & c.
Ce font là , Monfieur , les belles difpofitions
, enfuite defquelles M.Baron partit
d'Alep pour les Indes , & qui lui ont tenu
lieu de réalité ; car il n'a jamais rien reçû
en confequence de cette déliberation ; fon
éloignement , fon efprit défintereffé , les
difficultez ou le peu de difpofition de la
part de ceux qui devoient effectuer ,
II. Vol. B ont
1236 MERCURE DE FRANCE
ont toujours été des obftacles plus que
fuffifans.
La fuite paroîtra dans le Mercure prochain.
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Résumé : ELOGE de M. Baron, Consul de France en Syrie, puis Directeur General du Commerce aux Indes Orientales, adressé à M. de ....
François Baron, né à Marseille le 4 novembre 1620, est un diplomate français distingué par ses manières polies et sa probité. Après des voyages en Italie et en Égypte, il se rend utile en obtenant la libération de marchands vénitiens emprisonnés au Caire, sans jamais recevoir de remboursement malgré une obligation signée. En 1659, Baron est envoyé à la cour pour des affaires commerciales. En 1661, il est nommé consul à Alep, un poste stratégique pour le commerce français. Il voyage à Constantinople pour obtenir des ordres impériaux afin de rétablir le commerce, ce qui conduit à la suppression des intérêts anciens des dettes françaises à Seyde. Colbert, ministre du commerce, le consulte sur l'état du commerce du Levant. Baron exerce le consulat d'Alep pendant neuf ans, améliorant considérablement le commerce français et montrant une grande charité envers les missionnaires et les chrétiens de l'Orient. Son dévouement est confirmé par des actes de la Congrégation de la Propagande et un bref du pape Clément IX. En 1669, Baron est chargé de recueillir des témoignages sur la doctrine de la transsubstantiation dans le sacrement de l'Eucharistie. Il obtient deux attestations authentiques : l'une des Arméniens résidant à Alep et l'autre du Patriarche des Syriens. Ces documents, rédigés dans les langues et caractères originaux, sont légalisés par Baron et déposés à la bibliothèque de l'Abbaye Saint-Germain-des-Prés. En 1670, Colbert propose à Louis XIV de nommer Baron pour revitaliser le commerce de la Compagnie des Indes Orientales. Baron quitte Alep en 1671 pour Surate, laissant derrière lui des regrets et des reconnaissances pour son zèle et son dévouement. Une assemblée de la Nation française à Alep délibère pour lui accorder une gratification et un remboursement pour des dépenses personnelles, mais ces décisions ne sont jamais mises en œuvre.
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15
p. 1879-1880
GRANDE BRETAGNE.
Début :
On a publié à Gibraltar le nouveau Traité de Pacification que M. Jean Russel, Ministre [...]
Mots clefs :
Roi d'Angleterre, Traité de paix, Commerce, Roi du Maroc
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : GRANDE BRETAGNE.
GRANDE BRETAGNE.
Na publié à Gibraltar le nouveau Traité de
Pacification que M. Jean Ruffel , Miniftre
Plenipotentiaire du Roi d'Angleterre , a conclu
avec le Roi de Maroc depuis quelques mois ; il
eft ftipulé par les principaux Articles de ce Traité
que tous les Maures ou Juifs , Sujets du Roi de
Maroc , auront la liberté de commercer dans la
Ville de Gibraltar & dans l'Ile de Minorque ;
qu'il leur fera permis d'y féjourner pendant 30.
jours toutes les fois qu'ils y apporteront des Marchandifes
de leur Pays, ou qu'ils viendront ache
ter de celles de l'Europe ; que les Sujets du Roi
d'Angleterre qui pour leur commerce feront
obligés de féjourner dans les Villes de la dépendance
du Royaume de Maroc , ne feront pas
contraints , en cas de conteftation avec les habitans
de ces Villes , de comparoître devant le Cadi
, ou Juge du lieu , & qu'il ne fera permis qu'au
Gouverneur de la Ville & au Conful de la Nation
Angloife de connoître de ces differends ;
que tous les Sujets de S. M. Brit . tant Anglois
qu'Hannoveriens qui feront pris par les mateurs
du Roi de Maroc fur quelque Vaiffeau
ce puiffe être , feront mis en liberté & renvoyés
à Gibraltar ; qu'il fera permis aux Commiffaires
Anglois d'acheter des provifions & tout ce qui
leur fera neceffaire , tant pour les Vaiffeaux de
Guerre du Roi d'Angleterre que pour la Garnifon
de Gibraltar dans tous les Ports du Roi de
Maroc , au prix courant du marché , & que ces
provifions feront portées à bord des Vaiffeaux
Anglois fans payer aucun droit de fortie. Tous
les autres Articles de ce Traité confirment celui
que
qui
1880 MERCURE DE FRANCE
qui fut conclu il y a quelques années entre le feu
Roi d'Angleterre George I. & le feu Roi de Maroc
, pere de celui qui regne aujourd'hui.
On apprend de Londres que le Prince Guillaume
, Vaiffeau de la Compagnie de la Mer du
Sud , étant entierement chargé pour Cartagene
& Porto- Bello , a defcendu la Riviere jufqu'à
Long-Reach , au - deffus de Gravefend ; & perfonne
ne s'étant prefenté de la part du Roi
d'Efpagne pour le jauger & le meſurer , conformément
au Traité de l'Affiente , les Directeurs
l'ont fait jauger par quatre perfonnes dignes de
foi , aufquelles on a fait prêter ferment , & on
croit que leur Certificat fera fuffifant s'il ne fe
préfente aucun Agent de S. M. Cath. après un
délai raifonnable .
Les fept Chefs des Nations Indiennes dont
nous avons parlé , qui étoient à Windfor depuis
quelque tems , ayant pris congé de L. M. font
allés à Londres pour voir ce qu'il y a de plus
curieux dans cette Ville , en attendant qu'il y ait
un Vaiffeau prêt à partir pour les tranfporter
dans leur Pays.
Cinq Voleurs arrêtés à Londres au commencement
de ce mois , ont déclaré dans leur Interrogatoire
qu'ils avoient formé le deffein de voler
le Roi & la Reine lorfque L. M. iroient le matin
fe promener à pied , fans Gardes , dans le Parc
de Windfor..
Na publié à Gibraltar le nouveau Traité de
Pacification que M. Jean Ruffel , Miniftre
Plenipotentiaire du Roi d'Angleterre , a conclu
avec le Roi de Maroc depuis quelques mois ; il
eft ftipulé par les principaux Articles de ce Traité
que tous les Maures ou Juifs , Sujets du Roi de
Maroc , auront la liberté de commercer dans la
Ville de Gibraltar & dans l'Ile de Minorque ;
qu'il leur fera permis d'y féjourner pendant 30.
jours toutes les fois qu'ils y apporteront des Marchandifes
de leur Pays, ou qu'ils viendront ache
ter de celles de l'Europe ; que les Sujets du Roi
d'Angleterre qui pour leur commerce feront
obligés de féjourner dans les Villes de la dépendance
du Royaume de Maroc , ne feront pas
contraints , en cas de conteftation avec les habitans
de ces Villes , de comparoître devant le Cadi
, ou Juge du lieu , & qu'il ne fera permis qu'au
Gouverneur de la Ville & au Conful de la Nation
Angloife de connoître de ces differends ;
que tous les Sujets de S. M. Brit . tant Anglois
qu'Hannoveriens qui feront pris par les mateurs
du Roi de Maroc fur quelque Vaiffeau
ce puiffe être , feront mis en liberté & renvoyés
à Gibraltar ; qu'il fera permis aux Commiffaires
Anglois d'acheter des provifions & tout ce qui
leur fera neceffaire , tant pour les Vaiffeaux de
Guerre du Roi d'Angleterre que pour la Garnifon
de Gibraltar dans tous les Ports du Roi de
Maroc , au prix courant du marché , & que ces
provifions feront portées à bord des Vaiffeaux
Anglois fans payer aucun droit de fortie. Tous
les autres Articles de ce Traité confirment celui
que
qui
1880 MERCURE DE FRANCE
qui fut conclu il y a quelques années entre le feu
Roi d'Angleterre George I. & le feu Roi de Maroc
, pere de celui qui regne aujourd'hui.
On apprend de Londres que le Prince Guillaume
, Vaiffeau de la Compagnie de la Mer du
Sud , étant entierement chargé pour Cartagene
& Porto- Bello , a defcendu la Riviere jufqu'à
Long-Reach , au - deffus de Gravefend ; & perfonne
ne s'étant prefenté de la part du Roi
d'Efpagne pour le jauger & le meſurer , conformément
au Traité de l'Affiente , les Directeurs
l'ont fait jauger par quatre perfonnes dignes de
foi , aufquelles on a fait prêter ferment , & on
croit que leur Certificat fera fuffifant s'il ne fe
préfente aucun Agent de S. M. Cath. après un
délai raifonnable .
Les fept Chefs des Nations Indiennes dont
nous avons parlé , qui étoient à Windfor depuis
quelque tems , ayant pris congé de L. M. font
allés à Londres pour voir ce qu'il y a de plus
curieux dans cette Ville , en attendant qu'il y ait
un Vaiffeau prêt à partir pour les tranfporter
dans leur Pays.
Cinq Voleurs arrêtés à Londres au commencement
de ce mois , ont déclaré dans leur Interrogatoire
qu'ils avoient formé le deffein de voler
le Roi & la Reine lorfque L. M. iroient le matin
fe promener à pied , fans Gardes , dans le Parc
de Windfor..
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Résumé : GRANDE BRETAGNE.
Le texte évoque plusieurs accords et événements impliquant la Grande-Bretagne. Un nouveau traité de pacification entre le Royaume-Uni et le Maroc a été publié à Gibraltar. Ce traité autorise les sujets marocains, qu'ils soient Maures ou Juifs, à commercer et séjourner à Gibraltar et à Minorque pendant 30 jours. Les sujets britanniques au Maroc sont exemptés de la juridiction locale en cas de litige, les différends étant résolus par le gouverneur de la ville et le consul britannique. Les Britanniques capturés par des navires marocains doivent être libérés et renvoyés à Gibraltar. Les commissaires britanniques peuvent acheter des provisions dans les ports marocains sans droits de sortie. Ce traité confirme un accord antérieur entre le roi George I et le père du roi marocain actuel. Par ailleurs, le prince Guillaume a descendu la rivière jusqu'à Long-Reach à bord d'un vaisseau de la Compagnie de la Mer du Sud, en direction de Carthagène et Porto-Bello. En l'absence d'agents espagnols, les directeurs ont fait jauger le vaisseau par des personnes dignes de foi. Enfin, sept chefs indiens, ayant pris congé du roi à Windsor, attendent à Londres un vaisseau pour retourner dans leur pays. Cinq voleurs arrêtés à Londres ont avoué avoir projeté de voler le roi et la reine lors de leurs promenades à pied et sans gardes au parc de Windsor.
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16
p. 2012
Dictionnaire Universel du Commerce &c [titre d'après la table]
Début :
Jacques Etienne, Libraire, ruë S. Jacques, distribuë depuis quelque tems un troisiéme Volume [...]
Mots clefs :
Commerce, Histoire ancienne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Dictionnaire Universel du Commerce &c [titre d'après la table]
Jacques Etienne , Libraire , ruë S. Jacques
diftribue depuis quelque tems un troifiéme Volume
du Dictionnaire Univerfel de Commerce ,
par feu M. Savary , pour fervir de fupplément
aux deux premiers Volumes qui ont été donnés
au Public en 172 & en ont été reçûs avec un
applaudiffement univerfel. Ce Libraire n'a imprimé
ce dernier Volume que pour s'acquitter de la
promeffe qu'il avoit faite de donner par Supplé→
ment , & en faveur dé ceux qui avoient foufcrit
pour les deux premiers Volumes , toutes les ad→
ditions qu'on pourroit recouvrer , & que M. Philemon-
Louis Savary avoit perfectionnées avant fa
mort , qui arriva le 20. Septembre 1727. Il contient
d'excellens Mémoires & des additions cụ→
rieufes pour un grand nombre d'Articles qui n'étoient
pas affez exacts dans les deux premiers
Tomes.
Le même Libraire vient de donner auffi les Livres
fuivans.
Hiftoire ancienne des Egyptiens , des Cartaginois
&c. contenus dans le premier Volume.
>
Tome fecond , contenant les Affiriens , les
Babiloniens , les Medes & les Perfes . Par M.
Rollin , ancien Recteur de l'Univerfité de Paris
Profeffeur d'Eloquence au College Royal , & Affocié
à l'Académie Royale des Infcriptions &
Belles - Lettres.
La fuite de cet Ouvrage qui contiendra les Macedoniens
& les Grecs fera inceflamment fous
preffe ; l'Auteur y travaille avec beaucoup d'affiduité
pour fatisfaire à l'empreffement du Public
qui a enlevé avec avidité les deux premiers Volufumes
lefquels ont une approbation univerſelle
tant en France que chez tous les Etrangers
diftribue depuis quelque tems un troifiéme Volume
du Dictionnaire Univerfel de Commerce ,
par feu M. Savary , pour fervir de fupplément
aux deux premiers Volumes qui ont été donnés
au Public en 172 & en ont été reçûs avec un
applaudiffement univerfel. Ce Libraire n'a imprimé
ce dernier Volume que pour s'acquitter de la
promeffe qu'il avoit faite de donner par Supplé→
ment , & en faveur dé ceux qui avoient foufcrit
pour les deux premiers Volumes , toutes les ad→
ditions qu'on pourroit recouvrer , & que M. Philemon-
Louis Savary avoit perfectionnées avant fa
mort , qui arriva le 20. Septembre 1727. Il contient
d'excellens Mémoires & des additions cụ→
rieufes pour un grand nombre d'Articles qui n'étoient
pas affez exacts dans les deux premiers
Tomes.
Le même Libraire vient de donner auffi les Livres
fuivans.
Hiftoire ancienne des Egyptiens , des Cartaginois
&c. contenus dans le premier Volume.
>
Tome fecond , contenant les Affiriens , les
Babiloniens , les Medes & les Perfes . Par M.
Rollin , ancien Recteur de l'Univerfité de Paris
Profeffeur d'Eloquence au College Royal , & Affocié
à l'Académie Royale des Infcriptions &
Belles - Lettres.
La fuite de cet Ouvrage qui contiendra les Macedoniens
& les Grecs fera inceflamment fous
preffe ; l'Auteur y travaille avec beaucoup d'affiduité
pour fatisfaire à l'empreffement du Public
qui a enlevé avec avidité les deux premiers Volufumes
lefquels ont une approbation univerſelle
tant en France que chez tous les Etrangers
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Résumé : Dictionnaire Universel du Commerce &c [titre d'après la table]
Jacques Étienne, libraire au 12 rue Saint-Jacques, a publié un troisième volume du Dictionnaire Universel de Commerce, rédigé par le défunt M. Savary. Ce volume complète les deux premiers, parus en 1726 et bien accueillis par le public. Il inclut des additions et corrections apportées par M. Philemon-Louis Savary avant sa mort, survenue le 20 septembre 1727, ainsi que des mémoires et ajouts pour des articles incomplets des premiers tomes. Le libraire a également édité plusieurs ouvrages historiques, dont 'Histoire ancienne des Egyptiens, des Carthaginois, etc.' et le 'Tome second, contenant les Assyriens, les Babyloniens, les Mèdes et les Perses' par M. Rollin. Ce dernier est ancien recteur de l'Université de Paris, professeur d'éloquence au Collège Royal et associé à l'Académie Royale des Inscriptions et Belles-Lettres. La suite de cet ouvrage, traitant des Macédoniens et des Grecs, est en préparation pour répondre à la demande publique enthousiaste.
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17
p. 2737-2738
SUEDE.
Début :
Le College du Commerce de Stockolm a présenté une Requête au Roi pour le prier [...]
Mots clefs :
Roi de Suède, Commerce, Troupes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUEDE.
SUEDE,
Lfente the Reque au Roi pour le prier
d'envoyer en Efpagne un Miniftre chargé de
pleins pouvoirs pour y négocier un Traité de
Commerce , & obtenir la diminution des droits
1. Vol. qu'on
E College du Commerce de Stokolm a pré
2738 MERCURE DE FRANCE
qu'on leve dans les Ports d'Eſpagne fur les Mar.
chandifes qu'on y porte de ce Pays . Ce College
a même offert de faire les frais de l'Ambaffade.
Le 16. Novembre le Roi donna des ordres
pour que les Officiers qui commandent les Troupes
que S. M. Suedoife doit fournir aux Puiffances
alliées par le Traité de Seville , fe tinffent
prêtes à marcher. On a envoyé depuis dans le
Landgraviat de Heffe- Caffel une Ordonnance dụ
Roi , par laquelle il eft défendu à tous les Sujets
d'entrer au fervice d'aucune Puiffance Etrangere,
& ordonné à ceux qui y font actuellement de
revenir dans l'efpace de trois mois , à peine de
confifcation de leurs biens.
Lfente the Reque au Roi pour le prier
d'envoyer en Efpagne un Miniftre chargé de
pleins pouvoirs pour y négocier un Traité de
Commerce , & obtenir la diminution des droits
1. Vol. qu'on
E College du Commerce de Stokolm a pré
2738 MERCURE DE FRANCE
qu'on leve dans les Ports d'Eſpagne fur les Mar.
chandifes qu'on y porte de ce Pays . Ce College
a même offert de faire les frais de l'Ambaffade.
Le 16. Novembre le Roi donna des ordres
pour que les Officiers qui commandent les Troupes
que S. M. Suedoife doit fournir aux Puiffances
alliées par le Traité de Seville , fe tinffent
prêtes à marcher. On a envoyé depuis dans le
Landgraviat de Heffe- Caffel une Ordonnance dụ
Roi , par laquelle il eft défendu à tous les Sujets
d'entrer au fervice d'aucune Puiffance Etrangere,
& ordonné à ceux qui y font actuellement de
revenir dans l'efpace de trois mois , à peine de
confifcation de leurs biens.
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Résumé : SUEDE.
Le Collège du Commerce de Stockholm a demandé au roi de Suède d'envoyer un ministre en Espagne pour négocier un traité de commerce. Le roi a ordonné aux officiers suédois de préparer les troupes pour les puissances alliées selon le Traité de Séville. Une ordonnance royale interdit aux sujets suédois de s'engager au service de puissances étrangères.
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18
p. 370-371
Extrait d'une Lettre de Marseille, du 19 Février 1731. au sujet des Troubles de Constantinople.
Début :
Nos Bâtimens commencent à venir du Levant. Le Capitaine Antoine [...]
Mots clefs :
Marseille, Constantinople, Révolution, Capitaine, Sultan, Commerce
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Extrait d'une Lettre de Marseille, du 19 Février 1731. au sujet des Troubles de Constantinople.
EXTRAIT d'une Lettre de Marseille
du 19 Février 1731. au fujet des Troubles
de Constantinople.
N
1
Os Bâtimens commencent à venir du Levant,
Le Capitaine Antoine Rolland arriva
le 16. en ce Port , chargé de 2700 charges de Ble
qu'il a pris au Volo , &c. Je l'ai questionné en
particulier sur la derniere révolution de Constan
tinople.
Notre Capitaine passa le fameux Janon- Coggia
Smirne,avec environ so personnes de sa suite , Er
en y arrivant , Coggia trouva des dépêches de
Constantinople où il étoit demandé, et où il s'est
rendu. Il a été fait de nouveau Capitan Pacha.
Quand il partit de Smirne , le Vaisseau du Capitaine
Rolland et tous les Bâtimens François le
saluerent de plusieurs coups de Canon , avec la
permission de M. le Consul, ce qui fit grand plai
sir au nouvel Amiral Turc,qui en témoigna sa reconnoissance
à notre Capitaine. Il fit distribuer
200 Piastres à l'Equipage.
Depuis , le même Capitaine ayant rencontré en
Mer , le Capitaine Fougasse de Cassis , commandant
un Pinque , lequel étoit parti de Constantinople
, le 13 Janvier. Il apprit de lui que Janon
Coggia avoit été reçu à Constantinople avec de
grandes acclamations , et que le nouveau Sultan`
avoit d'abord voulu le faire G. V. Il s'en étoit
excusé sur ce que la Marine étoit plus à sa bienseance
; qu'on avoit assemblé un grand Divan ,
dans lequel Ali Patrona , auteur de la Révolte
avoit eu l'audace de demander la femme du dernier
G. V , fille du Sultan détrôné ; surquoi Janon
Coggia lui avoit répondu avec mépris; qu'une telle
Dame n'étoit pas destinée à un homme de néant
tel
FEVRIER. 173 F. 370
tel que lui. Surquoi Patrona ayant tiré un Pistolet
de sa poche ; Coggia le prévint et lui fit sauter
la tête d'un coup de Sabre ; que peu de tems après
le même Coggia avoit fait étrangler 30 des principaux
Satellites du Révolté ; ce qui avoit fait
d'abord cesser le trouble , ajoûtant que le nouveau
Capitan Pacha continuoit de faire faire des exécutions
à l'égard de ceux qui ont été du parti des
Rebelles. Le G. S. ne fait rien que par le Conseil
de ce bon serviteur , en attendant l'arrivée de
Kupruli , Pacha du Caire , pour le faire G. V.
Ce qui fait esperer une entiere pacification et le
prompt rétablissement du commerce. Tout ce détail
a encore été confirmé au Capitaine Rolland
dans d'autres lieux où il a touché.
du 19 Février 1731. au fujet des Troubles
de Constantinople.
N
1
Os Bâtimens commencent à venir du Levant,
Le Capitaine Antoine Rolland arriva
le 16. en ce Port , chargé de 2700 charges de Ble
qu'il a pris au Volo , &c. Je l'ai questionné en
particulier sur la derniere révolution de Constan
tinople.
Notre Capitaine passa le fameux Janon- Coggia
Smirne,avec environ so personnes de sa suite , Er
en y arrivant , Coggia trouva des dépêches de
Constantinople où il étoit demandé, et où il s'est
rendu. Il a été fait de nouveau Capitan Pacha.
Quand il partit de Smirne , le Vaisseau du Capitaine
Rolland et tous les Bâtimens François le
saluerent de plusieurs coups de Canon , avec la
permission de M. le Consul, ce qui fit grand plai
sir au nouvel Amiral Turc,qui en témoigna sa reconnoissance
à notre Capitaine. Il fit distribuer
200 Piastres à l'Equipage.
Depuis , le même Capitaine ayant rencontré en
Mer , le Capitaine Fougasse de Cassis , commandant
un Pinque , lequel étoit parti de Constantinople
, le 13 Janvier. Il apprit de lui que Janon
Coggia avoit été reçu à Constantinople avec de
grandes acclamations , et que le nouveau Sultan`
avoit d'abord voulu le faire G. V. Il s'en étoit
excusé sur ce que la Marine étoit plus à sa bienseance
; qu'on avoit assemblé un grand Divan ,
dans lequel Ali Patrona , auteur de la Révolte
avoit eu l'audace de demander la femme du dernier
G. V , fille du Sultan détrôné ; surquoi Janon
Coggia lui avoit répondu avec mépris; qu'une telle
Dame n'étoit pas destinée à un homme de néant
tel
FEVRIER. 173 F. 370
tel que lui. Surquoi Patrona ayant tiré un Pistolet
de sa poche ; Coggia le prévint et lui fit sauter
la tête d'un coup de Sabre ; que peu de tems après
le même Coggia avoit fait étrangler 30 des principaux
Satellites du Révolté ; ce qui avoit fait
d'abord cesser le trouble , ajoûtant que le nouveau
Capitan Pacha continuoit de faire faire des exécutions
à l'égard de ceux qui ont été du parti des
Rebelles. Le G. S. ne fait rien que par le Conseil
de ce bon serviteur , en attendant l'arrivée de
Kupruli , Pacha du Caire , pour le faire G. V.
Ce qui fait esperer une entiere pacification et le
prompt rétablissement du commerce. Tout ce détail
a encore été confirmé au Capitaine Rolland
dans d'autres lieux où il a touché.
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Résumé : Extrait d'une Lettre de Marseille, du 19 Février 1731. au sujet des Troubles de Constantinople.
Le 16 février 1731, le capitaine Antoine Rolland arriva à Marseille avec 2700 charges de blé du Volo. Il rapporta des troubles récents à Constantinople. Janon Coggia, nommé Capitan Pacha, y fut accueilli favorablement. Le nouveau sultan souhaitait le nommer Grand Vizir, mais Coggia préféra se concentrer sur la marine. Lors d'un Divan, Ali Patrona, instigateur de la révolte, demanda la femme du dernier Grand Vizir, fille du sultan détrôné. Coggia refusa, provoquant une altercation où il tua Patrona. Il fit ensuite exécuter 30 partisans de Patrona, apaisant les troubles. Le sultan gouverne sous l'influence de Coggia, en attendant Kupruli, Pacha du Caire, pour le poste de Grand Vizir. Ces événements laissent espérer une pacification et la reprise du commerce. Ces informations furent confirmées au capitaine Rolland lors de ses escales.
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19
p. 533-535
Découverte de l'Empire de Cantahar, &c. [titre d'après la table]
Début :
LA DÉCOUVERTE de l'Empire de Cantahar, avec les mœurs et [...]
Mots clefs :
Empire de Cantahar, Mœurs , Coutumes, Commerce, Religion, Éducation, Voyageurs, Châtiment
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texteReconnaissance textuelle : Découverte de l'Empire de Cantahar, &c. [titre d'après la table]
LA DECOUVERTE de l'Empire de
Cantahar , avec les moeurs et Coûtumes
des Habitans. A Paris , Quai de Gévres,
chez P. Prault , Quai de Conti , chez lá
Veuve Pissot , et chez Nully , au Palais
1730. in 12. de 373. pages.
Les divertissemens ordinaires des jeunes
gens de cet Empire , dit l'Auteur à la 22 .
page , sont la chasse , la lutte et la course
à laquelle ils s'exercent de si bonne heure
que nos meilleurs Coureurs ne pourroient
pas les suivre ; ils aiment la danse où ils
excellent. J'ai remarqué que tout ce qu'ils
F font
334 MERCURE DE FRANCE
font , c'est toujours avec beaucoup plus
d'adresse que nous , ce que j'attribuë à ce
qu'ils obligent les enfans de se servir indistinctement
des deux mains , ce qui leur
donne dans chacune une égale force et fa
cilité d'agir , de sorte qu'ils se battent
avec la même vigueur de la main gauche
que de la droite , et au lieu qu'une
blessure au bras droit nous met hors de
combat , ils ont cet avantage sur nous ,
qu'ils trouvent dans leur gauche un se-
Cours qui leur sert à vaincre leurs ennemis.
,
Le peuple de Cantahar ne connoît point
d'autre Dieu que le Soleil , qu'on appelle
Monski ; il croit que quand un homme
meurt dans le peché , après que son ame
est élevée vers cet astre pour être jugée
au lieu de prendre place dans le Ciel ,
et d'augmenter le nombre des Etoiles ,
elle est chassée de la présence de Monski ,
qui permet quelquefois qu'on voye une
Étoile tomber du Ciel , afin que par la
vûë de cette ame condamnée , les hommes
craignent ses jugemens & c.
›
En parlant du Commerce des habitans
de cet Empire , l'Auteur dit que les contre-
lettres ne sont point permises , et que
les Loix rendent responsables d'une banqueroute
celui qui a des effets à un banqueroutier
, ou qui lui doit , s'il ne les
déMARS.
1731. 139
déclare dans un certain temps , avec la
somme dont il lui est débiteur.
Pour empêcher que les Voyageurs ne
soient rançonnés par les hôtes , ceux - ci
sont obligés de signer le mémoire de la
dépense , et s'ils mettent les choses au-delà
de leur valeur , en envoyant le mémoire
au Juge du lieu , il fait restituer l'excédent
, condamne l'Aubergiste à une grosse
amende , et à fermer sa maison pour toujours
, et cela sans grace et sans retour ;
les amis , les présens ne servent de rien
aussi la certitude du châtiment fait qu'on
trouve rarement des coupables.
Les Carosses vont dans les Villes d'un
pas moderé , et si on en voit rouler trop
vite , le peuple sçait le jugement qu'il
doit porter de la cervelle du maître , qui
répond personnellement de tous les accidens
que son équipage cause , et s'il blesse
quelqu'un , il est condamné à payer
tous les frais , et à une amende au profit
des pauvres , laquelle est évaluée à la dépense
de ce qu'un carosse coûte pendant
cinq années , pendant lesquelles il est
obligé d'aller à pied & c.
Ce Livre pourroit être d'un plus grand
usage si les matieres étoient en quelque
maniere divisées , et s'il y avoit au moins
une Table.
Cantahar , avec les moeurs et Coûtumes
des Habitans. A Paris , Quai de Gévres,
chez P. Prault , Quai de Conti , chez lá
Veuve Pissot , et chez Nully , au Palais
1730. in 12. de 373. pages.
Les divertissemens ordinaires des jeunes
gens de cet Empire , dit l'Auteur à la 22 .
page , sont la chasse , la lutte et la course
à laquelle ils s'exercent de si bonne heure
que nos meilleurs Coureurs ne pourroient
pas les suivre ; ils aiment la danse où ils
excellent. J'ai remarqué que tout ce qu'ils
F font
334 MERCURE DE FRANCE
font , c'est toujours avec beaucoup plus
d'adresse que nous , ce que j'attribuë à ce
qu'ils obligent les enfans de se servir indistinctement
des deux mains , ce qui leur
donne dans chacune une égale force et fa
cilité d'agir , de sorte qu'ils se battent
avec la même vigueur de la main gauche
que de la droite , et au lieu qu'une
blessure au bras droit nous met hors de
combat , ils ont cet avantage sur nous ,
qu'ils trouvent dans leur gauche un se-
Cours qui leur sert à vaincre leurs ennemis.
,
Le peuple de Cantahar ne connoît point
d'autre Dieu que le Soleil , qu'on appelle
Monski ; il croit que quand un homme
meurt dans le peché , après que son ame
est élevée vers cet astre pour être jugée
au lieu de prendre place dans le Ciel ,
et d'augmenter le nombre des Etoiles ,
elle est chassée de la présence de Monski ,
qui permet quelquefois qu'on voye une
Étoile tomber du Ciel , afin que par la
vûë de cette ame condamnée , les hommes
craignent ses jugemens & c.
›
En parlant du Commerce des habitans
de cet Empire , l'Auteur dit que les contre-
lettres ne sont point permises , et que
les Loix rendent responsables d'une banqueroute
celui qui a des effets à un banqueroutier
, ou qui lui doit , s'il ne les
déMARS.
1731. 139
déclare dans un certain temps , avec la
somme dont il lui est débiteur.
Pour empêcher que les Voyageurs ne
soient rançonnés par les hôtes , ceux - ci
sont obligés de signer le mémoire de la
dépense , et s'ils mettent les choses au-delà
de leur valeur , en envoyant le mémoire
au Juge du lieu , il fait restituer l'excédent
, condamne l'Aubergiste à une grosse
amende , et à fermer sa maison pour toujours
, et cela sans grace et sans retour ;
les amis , les présens ne servent de rien
aussi la certitude du châtiment fait qu'on
trouve rarement des coupables.
Les Carosses vont dans les Villes d'un
pas moderé , et si on en voit rouler trop
vite , le peuple sçait le jugement qu'il
doit porter de la cervelle du maître , qui
répond personnellement de tous les accidens
que son équipage cause , et s'il blesse
quelqu'un , il est condamné à payer
tous les frais , et à une amende au profit
des pauvres , laquelle est évaluée à la dépense
de ce qu'un carosse coûte pendant
cinq années , pendant lesquelles il est
obligé d'aller à pied & c.
Ce Livre pourroit être d'un plus grand
usage si les matieres étoient en quelque
maniere divisées , et s'il y avoit au moins
une Table.
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Résumé : Découverte de l'Empire de Cantahar, &c. [titre d'après la table]
Le texte présente un ouvrage intitulé 'LA DECOUVERTE de l'Empire de Cantahar, avec les moeurs et Coûtumes des Habitans', publié à Paris en 1730. L'auteur décrit les divertissements des jeunes gens de cet empire, tels que la chasse, la lutte, la course et la danse, dans lesquels ils excellent grâce à l'utilisation des deux mains. Les habitants de Cantahar vénèrent le Soleil, nommé Monski, et croient que les âmes des pécheurs sont chassées de sa présence, ce qui se manifeste par la chute d'une étoile. Le texte aborde également le commerce dans cet empire, où les contre-lettres sont interdites et où les responsables de banqueroutes sont tenus responsables. Pour protéger les voyageurs, les aubergistes doivent signer les mémoires de dépenses et sont sévèrement punis en cas de surévaluation. Les carrosses circulent à une vitesse modérée, et les conducteurs sont personnellement responsables des accidents causés par leur équipage. Le livre est critiqué pour son manque de structure et de table des matières, ce qui réduirait son utilité.
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20
p. 764-765
Lanternes de Réflexion, [titre d'après la table]
Début :
Le Sieur Boulangé, Maître et Marchand Doreur à Paris, demeurant [...]
Mots clefs :
Lanterne de réflexion, Académie des sciences, Martinique, Gouverneur, Intendant, Commerce, Académie de musique, Arts
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texteReconnaissance textuelle : Lanternes de Réflexion, [titre d'après la table]
Le Sieur Boulangé , Maître et Marchand Doreur
à Paris , demeurant , au milieu de la ruë
de la Verrerie , à l'enseigne du S. Esprit
Nous prie de donner avis que c'est lui qui le pre-
>
mier
AVRIL. 1731. 765
mier a trouvé le secret d'une Lanterne de réflexion
qui éclaire de plusieurs côtés , et d'un calibre
plus correct , et meilleur que celles qui ont paru
jusqu'à present , même approuvé par MM . de
de l'Académie des Sciences.
Il dit aussi avoir le premier trouvé le secret de
la faire éclairer sur le derriere , de façon qu'une
personne en Carosse ou en Chaise peut lire , sans
que la clarté l'offusque , et toutes celles qu'il
vend sont marquées au bord du dedans , des lettres
G. B. et d'un S. Esprit Couronné.
On écrit du Fort S. Pierre , que l'Isle Martinique
, la plus ancienne et la plus peuplée des Isles
Françoises, se pollit tout les jours davantage ; que
les belles manieres de M. le Marquis de Champigny,
Gouverneur , et de celles de M. d'Orgeville,
Intendant , n'y ont pas peu contribué ; surtout
depuis que ce dernier ayant fixé son séjour au
Fort S. Pierre , y a non- seulement facilité les affaires
de Commerce , par son exacte diligence à
prévenir , ou à terminer les differends inévitables
dans un trafic aussi considerable que celui qui s'y
fait , mais encore il y a réuni les esprits , par la
douceur de son caractere , en leur procurant certains
amusemens necessaires à la Societé civile.
On vient d'y établir une Académie de Musique
composé de cent des Principaux Habitans de S.
Pierre ; cette Academie , formée sur le modele de
celles de France , s'assemble deux fois la semaine ;
les voix et les instrumens de toutes especes , et en
grand nombre, y donnent un plaisir qui se feroit
rechercher dans les plus belles Provinces de l'Europe.
Il semble que l'amour des Arts et des Let´
tres ait passé aux Isles avec M. d'Orgeville,
à Paris , demeurant , au milieu de la ruë
de la Verrerie , à l'enseigne du S. Esprit
Nous prie de donner avis que c'est lui qui le pre-
>
mier
AVRIL. 1731. 765
mier a trouvé le secret d'une Lanterne de réflexion
qui éclaire de plusieurs côtés , et d'un calibre
plus correct , et meilleur que celles qui ont paru
jusqu'à present , même approuvé par MM . de
de l'Académie des Sciences.
Il dit aussi avoir le premier trouvé le secret de
la faire éclairer sur le derriere , de façon qu'une
personne en Carosse ou en Chaise peut lire , sans
que la clarté l'offusque , et toutes celles qu'il
vend sont marquées au bord du dedans , des lettres
G. B. et d'un S. Esprit Couronné.
On écrit du Fort S. Pierre , que l'Isle Martinique
, la plus ancienne et la plus peuplée des Isles
Françoises, se pollit tout les jours davantage ; que
les belles manieres de M. le Marquis de Champigny,
Gouverneur , et de celles de M. d'Orgeville,
Intendant , n'y ont pas peu contribué ; surtout
depuis que ce dernier ayant fixé son séjour au
Fort S. Pierre , y a non- seulement facilité les affaires
de Commerce , par son exacte diligence à
prévenir , ou à terminer les differends inévitables
dans un trafic aussi considerable que celui qui s'y
fait , mais encore il y a réuni les esprits , par la
douceur de son caractere , en leur procurant certains
amusemens necessaires à la Societé civile.
On vient d'y établir une Académie de Musique
composé de cent des Principaux Habitans de S.
Pierre ; cette Academie , formée sur le modele de
celles de France , s'assemble deux fois la semaine ;
les voix et les instrumens de toutes especes , et en
grand nombre, y donnent un plaisir qui se feroit
rechercher dans les plus belles Provinces de l'Europe.
Il semble que l'amour des Arts et des Let´
tres ait passé aux Isles avec M. d'Orgeville,
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Résumé : Lanternes de Réflexion, [titre d'après la table]
Le document traite de deux sujets principaux. Premièrement, il présente le Sieur Boulangé, maître et marchand doreur à Paris, résidant rue de la Verrerie à l'enseigne du Saint-Esprit. Boulangé a découvert le secret d'une lanterne de réflexion innovante, approuvée par l'Académie des Sciences, qui éclaire de plusieurs côtés et permet de lire sans être ébloui, notamment en carrosse ou en chaise. Ses lanternes sont marquées des lettres 'G.B.' et d'un Saint-Esprit couronné. Deuxièmement, le texte rapporte des nouvelles de l'île de la Martinique, la plus ancienne et la plus peuplée des îles françaises. Les mœurs de l'île s'améliorent grâce à l'influence de M. le Marquis de Champigny, gouverneur, et de M. d'Orgeville, intendant. Ce dernier, résidant au Fort Saint-Pierre, a facilité les affaires commerciales et réuni les esprits par la douceur de son caractère et en procurant des amusements nécessaires à la société civile. Une Académie de Musique, composée de cent principaux habitants de Saint-Pierre, a été établie sur le modèle des académies françaises. Elle se réunit deux fois par semaine et offre des plaisirs musicaux comparables à ceux des plus belles provinces d'Europe. L'amour des arts et des lettres semble avoir été introduit aux îles par M. d'Orgeville.
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21
p. 780-781
TURQUIE.
Début :
Des lettres de Constantinople confirment les avis qu'on avoit [...]
Mots clefs :
Turquie, Grand vizir, Le Caire, Commerce, Étrangers, Damas, Syrie, Maronites, Convent de Nazareth
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texteReconnaissance textuelle : TURQUIE.
TURQUI E..
}
Es lettres de Constantinople confirment les.
Davis qu'on avoit déja cus , que Mehemet
Selichtar Pascha , qui avoit été fait Grand Vizir
dans les premiers jours de la derniere révolution ,
avoit été déposé , et que Ibrahim Pacha , ci- devant
Kihaia de Cuprogli , Pacha du Caire , avoit
été choisi pour lui succeder.
On a reçu avis du Grand Caire , que les Missionnaires
en avoient été chassés par le nouveau
Pacha , que le Grand Seigneur a envoyé dans.
cette Ville , et que la plupart s'étoient retirés à
Jerusalem et dans les environs .
:
D'autres lettres d'Egypte portent que le Pacha
Cuprogli avoit défait l'Armée des Rebelles d'Egypte
qu'il avoit fait couper la tête à tous leurs
Chefs , pris dans le combat , et accordé une Amnistie
generale aux autres ; que la tranquillité
étoit rétablie dans le pays , et le commerce enție:
rement libre pour tous les Etrangers..
On a appris par les lettres de Syrie , du mois
d'Octobre dernier , que dans le College de l'Ors
dre de S. François de la Ville de Damas , où les
Religieux Espagnols enseignent les Langues Aràbe
et Turque , ils avoient établi une Ecole particuliere
pour instruire dans la Religion Catholique
les enfans des Maronites qui y étoient déja
au nombre de 15000. ce qui leur avoit attiré une
persécution de la part des Turcs , qui vouloient
chasser ces Religieux de la Ville , où ils n'avoient
pû se conserver qu'en payant une somme considerable
;
AVRIL. 1731. 7:1
sable ; qu'ils avoient employé les charités des
Pelerins à finir l'Hôpital qu'ils avoient commencé
depuis long-temps ; qu'ils avoient fait achever
aussi le Convent de Nazareth , dont la dépense
montoit à plus de 9c000 . écus , et que le Gardien
avoit été fort maltraité par les Turcs le jour
de la Dédicace de la nouvelle Eglise.
}
Es lettres de Constantinople confirment les.
Davis qu'on avoit déja cus , que Mehemet
Selichtar Pascha , qui avoit été fait Grand Vizir
dans les premiers jours de la derniere révolution ,
avoit été déposé , et que Ibrahim Pacha , ci- devant
Kihaia de Cuprogli , Pacha du Caire , avoit
été choisi pour lui succeder.
On a reçu avis du Grand Caire , que les Missionnaires
en avoient été chassés par le nouveau
Pacha , que le Grand Seigneur a envoyé dans.
cette Ville , et que la plupart s'étoient retirés à
Jerusalem et dans les environs .
:
D'autres lettres d'Egypte portent que le Pacha
Cuprogli avoit défait l'Armée des Rebelles d'Egypte
qu'il avoit fait couper la tête à tous leurs
Chefs , pris dans le combat , et accordé une Amnistie
generale aux autres ; que la tranquillité
étoit rétablie dans le pays , et le commerce enție:
rement libre pour tous les Etrangers..
On a appris par les lettres de Syrie , du mois
d'Octobre dernier , que dans le College de l'Ors
dre de S. François de la Ville de Damas , où les
Religieux Espagnols enseignent les Langues Aràbe
et Turque , ils avoient établi une Ecole particuliere
pour instruire dans la Religion Catholique
les enfans des Maronites qui y étoient déja
au nombre de 15000. ce qui leur avoit attiré une
persécution de la part des Turcs , qui vouloient
chasser ces Religieux de la Ville , où ils n'avoient
pû se conserver qu'en payant une somme considerable
;
AVRIL. 1731. 7:1
sable ; qu'ils avoient employé les charités des
Pelerins à finir l'Hôpital qu'ils avoient commencé
depuis long-temps ; qu'ils avoient fait achever
aussi le Convent de Nazareth , dont la dépense
montoit à plus de 9c000 . écus , et que le Gardien
avoit été fort maltraité par les Turcs le jour
de la Dédicace de la nouvelle Eglise.
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Résumé : TURQUIE.
Le texte décrit des événements politiques et religieux dans l'Empire ottoman. À Constantinople, Mehemet Selichtar Pascha, récemment nommé Grand Vizir, a été démis de ses fonctions et remplacé par Ibrahim Pacha, ancien Pacha du Caire. Au Caire, les missionnaires, expulsés par le nouveau Pacha, se sont réfugiés à Jérusalem. Ibrahim Pacha a réprimé une rébellion égyptienne, exécuté les chefs rebelles et accordé une amnistie générale, rétablissant ainsi la tranquillité et la liberté commerciale. En Syrie, des lettres d'octobre 1730 révèlent que des religieux espagnols du Collège de l'Ordre de Saint-François à Damas ont fondé une école pour instruire les enfants maronites dans la religion catholique, suscitant des persécutions turques. Les religieux ont dû payer une somme importante pour rester à Damas. Ils ont également utilisé des dons pour achever un hôpital et un couvent à Nazareth, dont les dépenses ont dépassé 9 000 écus. Le gardien du couvent a été maltraité par les Turcs lors de la dédicace de la nouvelle église.
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22
p. 820-828
ARRESTS, DECLARATIONS, ORDONNANCES, &c.
Début :
ARREST du 21. Novembre 1730. qui ordonne que le sieur [...]
Mots clefs :
Arrêt, Déclaration du roi, Ordonnance, Commerce, Brevets, Militaires, Médecine, Négociants
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ARRESTS, DECLARATIONS, ORDONNANCES, &c.
ARRESTS , DECLARATIONS
ORDONNANCES , &c.
RREST du 21. Novembre 1730. qui or-
Adonne que le sieur Jacques Auriol et ses
Associez , jouiront pendant dix années à commencer
au premier Janvier 1731. au lieu & place
de la Compagnie des Indes , du commerce de la
Côte de Barbarie , pour en jouir et y faire le
commerce exclusif , sous le nom de COMPAGNIE
D'AFRIQUE.
" DECLARATION DU ROY , concernant
les Scellez des Officiers Militaires. Donnée
à Versailles le 3. Février 1731. Registrée en
Parlement. Par laquelle S. M. établit un nouveau
Reglement pour prévenir toutes les difficul
tez qui pourroient survenir sur cette matiere.
ARREST du 11. Fevrier , portant . Reglement
pour les Toiles , Batistes et Linons qui se
fabriquent dans les Generalitez de Paris et de
Soissons.
AUTRE , du 13. Fevrier , qui ordonne que
les Acquereurs des Offices sur les Quais , Ports et
Halles de Paris , rétablis par Edit du mois de Juin
1730 seront mis en possession des fonctions et
Droits y attribuez , lorsque tous les Offices auront
été acquis ; que les acquereurs des Offices
d'une Communauté , dont la totalité n'aura point
encore été levée , jouiront seulement de la portion
AVRIL. 1731. 821
tion des droits attachez à leurs Offices ; et qu'en
attendant que la totalité des Offices de chaque
Communauté soit levée , Remy Barbier et ses
Cautions continueront la perception desdits droits
à la charge de payer tous les mois à chaque acquereur
d'Office la portion des droits à lui revenante.
DECLARATION DU ROY , sur les
Insinuations. Donnée à Versailles le 17. Fevrier
1731. Registrée en Parlement le 9. Mars , par
laquelle S. M. a . jugé nécessaire de rappeller les
dispositions des anciens Reglemens à cet égard, et
même de fixer d'une maniere encore plus précise
qu'il n'a été fait jusqu'à present, les Bureaux dans
lesquels les Insinuations des Donations entre-vifs
doivent êtres faites , &c.
ARREST du 5. Mars , qui regle la distribution
des fonds destinez au soulagement des pauvres
Maisons et Communautez de filles Religieuses
du Royaume.
AUTRE du 6. Mars , par lequel Sa Majesté
accorde une Loterie d'Etoffes de Soye , Or et
Argent , en faveur des Créanciers de Gazon -Galpin.
Et veut qu'elle soit , composée de 133000.
Billets de 3. livres chacun , et que les Lots desdites
Etoffes soient, en nombre proportionné,suivant
la division qu'il conviendra faire desdites
Marchandises , dont sera dressé un Etat visé du
Lieutenant General de Police. Ladite Loterie a été
ouverte le 19. Mars et doit être tirée pour la premiere
fois le 11. May suivant , et ensuite de mois
en mois . On a publié differens Avis pour
former le Public de la disposition de ladite Loterie
, avec un Etat des Marchandises qui doivent
la composer , et une Liste de ceux qui ont été
I j commis
in822
MERCURE DE FRANCE
commis par M. Herault , pour la distribution
des Billets.
2
2
ORDONNANCE DU ROI , du io . Mars
concernant les Cavaliers , Dragons et Soldats ,
qui aprés avoir obtenu leurs Congez absolus
voudront prendre de nouveaux Engagemens. Par
laquelle il est dit , que Sa Majesté étant informée
que la plus grande partie des Cavaliers , Dragons
et Soldats , qui sont dans le cas d'obtenir des
Congez absolus , aprés avoir rempli le temps de
leurs engagemens , au lieu d'en prendre de nouveaux
avec leurs Capitaines , lorsqu'ils ont intention
de continuer leurs services dans les Troupes
, en sont souvent détournez par les proposi
tions qui leur sont faites avant l'expiration desdits
Congez , par d'autres Capitaines de la même
garnison , pour les attirer dans leurs Compagnies
; Et voulant remedier à un abus égaleanent
contraire au bien de son Service , et à la
bonne intelligence qui doit regner entre les differens
corps et les Officiers dont ils sont composez
, 5. M. a défendu et défend très expressement
à tous Capitaines d'Infanterie , Cavalerie et
Dragons , d'engager et recevoir en leurs Compagnies
aucun Cavalier , Dragon ou Saldat des
autres Compagnies , avec lesquelles ils seront en
garnison , quoique porteur d'un Congé absolu ;
à peine ausdits Capitaines d'être cassez , et de
perdre ce qu'ils auront payé pour lesdits engagemens
, et ausdits Soldats , Cavaliers ou Dragons
, de continuer à servir dans la Compagnie
qu'ils auront quitté , pendant le temps porté par
leur nouvel engagement , et d'être punis comme
déserteurs s'ils s'en absentent sans Congé. Défend
pareillement Sa Majesté à tous Capitaines ,
quoique de garnison differente , de recevoir en
·
leurs
AVRIL. 1731. 823
Jeurs Compagnies aucun Cavalier , Dragon on
Soldat sortant d'une autre Compagnie avec Congé
absolu , pendant le temps d'un mois , à compter
du jour de la date dudit Congé : Permet Sa
Majesté , en cas de contravention , au Capitaine
de la Compagnie que ledit Cavalier , Dragon ou
Soldat aura quitté , de le reprendre en celle on it
aura passé avant ledir terme expiré , pour continuer
ses services en sa premiere Compagnie pen-
"dant le tems de son nouvel enrollement , ainsi
qu'il est dit ci-dessus , en restituant au nouveau
Capitaine la somme de trente livres seulement
pour le prix d'icelui. Veur au surplus , Sa Majesté
, qu'après ledit terme d'un mois passé , il soit
libre à tous Cavaliers , Dragons et Soldats por
teurs de Congez absolus , de prendre partie en
telle Compagnie qu'ils jugeront à propos , à
l'exception seulement de celles avec lesquelles ils
étoient en garnison lors de l'expedition de leurs
Congez absolus ; et à tous Capitaines étant en
garnisons , ou, quartiers differens , de les recevoir
en leurs Compagnies , sans pouvoir être repetez
sous quelque prétexte que ce puisse être , &c.
ARREST du Conseil du 17. Mars , concermant
la Discipline et la Police des trois Corps
de la Medecine .
Le Roi s'étant fait représenter les Arrêts de
son Conseil , des trois Juillet , vingt-cinq Octobré
mil sept cent vingt-huit , et onze Mars mil
sept cent trente-un , Par lesquels sa Majesté , pour
prévenir les dangereux inconveniens de la distribution
d'un nombre considerable de Remedes appellez
Specifiques et autres , qui se fait par diffesens
Particuliers , auroit ordonné qu'ils seroient
examinez , et auroit à cet effet choisi son prenier
Medecin et son premier Chirurgien , avec
I iiij
ceur:
824 MERCURE DE FRANCE
ceux des differens Corps de la Medecine , de la
Chirurgie et des Apotiquaires , qu'Elle a jugé les
-plus capables pour proceder à cet examen. Vu
PAvis du Sieur Herault , Conseiller d'Etat , Lieutenant
General de Police , Oui le rapport , Sa
Majesté étant en son Conseil , a ordonné et or
donne , que les Arrêts des 3. Juillet , 25. Octobre
1728. , et 11. Mars 1731. seront executez selon
leur forme et teneur , et en consequence ordonné
la
I. Qu'il ne sera à l'avenir expedié ni délivré
aucuns Brevets par son Premier Medecin pour
distribution des Remedes particuliers , qu'aprés
avoir été examinez à la Commission , et en conséquence
d'une Déliberation signée de tous ceux
qui la composent ; et que pour plus grande sûreté
dans l'usage desdits Remedes , les Maladies et
les circonstances ausquelles ils seront jugez applicables
, soient specifiez dans lesdits Brevets et
Privileges.
II. Ne pourront lesdits Brevets et Privileges
être accordez que pour le tems et espace de trois
ans , passé lequel temps , seront tenus ceux en
faveur de qui ils auront été expedicz , de les rapporter
, pour en obtenir le renouvellement , qui
ne sera délivré que sur les Certificats donnez par
les Medecins et Chirurgiens des lieux où lesdits
Remedes auront été employez , sur le bon effet
qu'ils auront produit ; Et en cas qu'aucuns desdits
Brevets on Privileges ayent été expediez pour
un temps indéfini , ils ne pourront avoir lieu que
pendant ledit temps de trois années , à compter
du jour de leur date , le tout à peine de nullité
mille livres d'amende applicable aux Hôpitaux
des Lieux , même de punition exemplaire contre
ceux qui auront , ledit temps passé , continué à
distribuer leurs Remedes sans avoir obtenu le
renouAVRIL.
1731. 825
renouvellement de leurs Brevets dans la forme
prescrite ci dessus. 2
III . Veut Sa Majesté que les Minutes desdies
Brevets et Privileges , ainsi que le Registre
qui en sera tenu ,
demeurent entre les mains du
Premier Medecin , pour y avoir recours en cas de
besoin.
2
IV. Et pour éviter toute surprise dans le Public
de la part des Distributeurs desdits Remedes
qui auront été examinez et approuvez , ordonne
Sa Majesté que l'Original des Affiches sera conforme
à la teneur des Brevets qui les autoriseront,
et visé du Premier Medecin , ou de tel autre qui
sera par lui préposé à cet effet à peine de cing
cens livres d'amende.
,
V. Ordonne Sa Majesté que son Premier Me,
decin sera tenu d'adresser un double Imprimé de
chaque Brevet ou Privilege , aux Doyens des Facultez
ou Aggregations de Medecine lesquels
auront soin de l'informer exactement du succès
ou des inconveniens desdits Remedes.
2
VI. Entend pareillement Sa Majesté , que lorsqu'il
arrivera des Maladies Epidemiques ou des
cas extraordinaires jusqu'ici inconnus soit en
fait de Medecine ou de Chirurgie dans la Ville
de Paris , il en soit donné avis à la Commission
par les Medecins ou Chirurgiens chargez du soin
des Malades , lesquels seront invitez , s'il est ainsi
jugé à propos , a venir faire le détail de ladite
Maladie ou desdits cas extraordinaires à ladite
Commission , à laquelle les Medecins et Chirurgiens
des Provinces seront pareillement tenus dans
les mêmes cas d'en envoyer le récit , qui sera
adressé au Premier Medecin , et qui contiendra
aussi la maniere dont les Malades auront été trai
tez , et du tout en sera tenu Registre , dans le
quel sera fait mention du progrès et de l'issue de
la
$26 MERCURE DE FRANCE
la Maladie ou desdits cas extraordinaires.
VII. Enjoint trés-expressément Sa Majesté
tous les Corps des Facultez de Medecine et d'Aggregations
du Royaume , ainsi qu'à tous les
Lieutenans du Premier Chirurgien , de dénoncer
ladite Commission tous Distributeurs de Remedes
, et Colporteurs qui ne se trouveront munis
d'aucun Brevet du Premier Medecin dans
la forme ci - dessus prescrite .
VIII. Et pour prévenir toutes sortes de contestations
et de procès entre les trois professions ,
des Medecins , Chirurgiens et Apoticaires en co
qui peut regarder les differens objets et la police
desdites Professions , veut Sa Majesté que ladite
Commission aprés s'être fait représenter les Statuts
et Reglemens , donne son Avis sur les difficultez
nées ou à naître , concernant l'exercice
la discipline et les limites de chacune desdites
Professions , pour , ledit avis vû et rapporté , y
être pourvû par Sa Majesté.
>
IX. Fait Sa Majesté défenses à tous Gouverneurs
et Magistrats des Villes dans les Provinces,
de permettre à des gens sans qualité comme
Operateurs ou autres , de distribuer et débiter aucuns
Remedes s'ils n'ont été approuvez de
la Commission , et qu'il ne leur soit apparu de
Pexpedition des Brevets ou Privileges dans les
formes 'ci dessus , &c.
AUTRE du 20. Mars , portant Reglement
pour le droit d'Amortissement des sommes données
aux gens de main- morte , à charge de fondation
perpetuelle , quoique sans stipulation
d'emploi.
ORDONNANCE du Roi
Mars , qui fixe à dix ans , la résidence des
du 21.
NégoAVRIL.
173.1 . 827
Négocians et Artisans François dans les Eschelles
du Levant et de Barbarie. Par laquelle S. M.
ordonne ce qui suit.
1. Les Négocians François , qui sont présentement
établis dans les Eschelle's du Levant et de
Barbarie , sur les permissions de la Chambre du
Commerce de Marseille , pourront y continuer
leur résidence pendant dix années , à compter du
jour que la présente Ordonnance aura été enregistrée
dans les Chancelleries de chacune desdites
Eschelles ; aprés lequel temps de dix années , Sa
Majesté enjoint ausdits Negocians de revenir dans
le Royaume , à peine de désobéissance , et aux
Consuls et Vice - Consuls de les y contraindre.
II. Les Negocians qui voudront à l'avenir passer
en Levant et en Barbarie pour s'y établir
prendront le Certificat de la Chambre du Cominerce
de Marseille , en la maniere ordinaire , er:
ne pourront résider que dix ans dans l'Eschelle
qu'ils auront choisie , lesquels dix ans ne compteront
que du jour de leur arrivée sur l'Eschelle
dont le Chancelier adressera son Certificat à ladite
Chambre,
III. Veut et entend Sa Majesté , que les dis
positions des deux précedens Articles ayent licu
et soient observées à l'égard des Artisans et gens
de mêtier , de quelque Profession qu'ils soient
lesquels se trouvent présentement établis dans les
Eschelles de Levant êt de Barbarie , au qui pourront
s'y établir dans la suite,
IV. Les Marchands et Artisans , qui après
avoir résidé en Levant et en Barbarie seront revenus
en France , ne pourront y retourner qu'à
prés un terme de cinq ans au moins , comp
ter du jour de leur départ desdits Pays.
V. Les Commis des Négocians ne seront point
soumis aux mêmes dispositions , pendant tout le
temps
828 MERCURE DE FRANCE.
temps qu'ils seront au service desdits Négocians
François , et qu'ils s'instruiront pour se rendre
capables de participer à leur commerce , et les
remplacer lors de leur retraite , ou en cas de mort,
ou de tout autre évennement.
VI.. Les Domestiques pourront demeurer chez
leurs Maîtres autant de temps qu'ils voudront
les garder ; mais lorsqu'ils leur donneront congé
, et qu'ils seront inutiles sur les Eschelles , les
Consuls les teront embarquer sur le premier bâtiment
destiné pour France.
ORDONNANCES , &c.
RREST du 21. Novembre 1730. qui or-
Adonne que le sieur Jacques Auriol et ses
Associez , jouiront pendant dix années à commencer
au premier Janvier 1731. au lieu & place
de la Compagnie des Indes , du commerce de la
Côte de Barbarie , pour en jouir et y faire le
commerce exclusif , sous le nom de COMPAGNIE
D'AFRIQUE.
" DECLARATION DU ROY , concernant
les Scellez des Officiers Militaires. Donnée
à Versailles le 3. Février 1731. Registrée en
Parlement. Par laquelle S. M. établit un nouveau
Reglement pour prévenir toutes les difficul
tez qui pourroient survenir sur cette matiere.
ARREST du 11. Fevrier , portant . Reglement
pour les Toiles , Batistes et Linons qui se
fabriquent dans les Generalitez de Paris et de
Soissons.
AUTRE , du 13. Fevrier , qui ordonne que
les Acquereurs des Offices sur les Quais , Ports et
Halles de Paris , rétablis par Edit du mois de Juin
1730 seront mis en possession des fonctions et
Droits y attribuez , lorsque tous les Offices auront
été acquis ; que les acquereurs des Offices
d'une Communauté , dont la totalité n'aura point
encore été levée , jouiront seulement de la portion
AVRIL. 1731. 821
tion des droits attachez à leurs Offices ; et qu'en
attendant que la totalité des Offices de chaque
Communauté soit levée , Remy Barbier et ses
Cautions continueront la perception desdits droits
à la charge de payer tous les mois à chaque acquereur
d'Office la portion des droits à lui revenante.
DECLARATION DU ROY , sur les
Insinuations. Donnée à Versailles le 17. Fevrier
1731. Registrée en Parlement le 9. Mars , par
laquelle S. M. a . jugé nécessaire de rappeller les
dispositions des anciens Reglemens à cet égard, et
même de fixer d'une maniere encore plus précise
qu'il n'a été fait jusqu'à present, les Bureaux dans
lesquels les Insinuations des Donations entre-vifs
doivent êtres faites , &c.
ARREST du 5. Mars , qui regle la distribution
des fonds destinez au soulagement des pauvres
Maisons et Communautez de filles Religieuses
du Royaume.
AUTRE du 6. Mars , par lequel Sa Majesté
accorde une Loterie d'Etoffes de Soye , Or et
Argent , en faveur des Créanciers de Gazon -Galpin.
Et veut qu'elle soit , composée de 133000.
Billets de 3. livres chacun , et que les Lots desdites
Etoffes soient, en nombre proportionné,suivant
la division qu'il conviendra faire desdites
Marchandises , dont sera dressé un Etat visé du
Lieutenant General de Police. Ladite Loterie a été
ouverte le 19. Mars et doit être tirée pour la premiere
fois le 11. May suivant , et ensuite de mois
en mois . On a publié differens Avis pour
former le Public de la disposition de ladite Loterie
, avec un Etat des Marchandises qui doivent
la composer , et une Liste de ceux qui ont été
I j commis
in822
MERCURE DE FRANCE
commis par M. Herault , pour la distribution
des Billets.
2
2
ORDONNANCE DU ROI , du io . Mars
concernant les Cavaliers , Dragons et Soldats ,
qui aprés avoir obtenu leurs Congez absolus
voudront prendre de nouveaux Engagemens. Par
laquelle il est dit , que Sa Majesté étant informée
que la plus grande partie des Cavaliers , Dragons
et Soldats , qui sont dans le cas d'obtenir des
Congez absolus , aprés avoir rempli le temps de
leurs engagemens , au lieu d'en prendre de nouveaux
avec leurs Capitaines , lorsqu'ils ont intention
de continuer leurs services dans les Troupes
, en sont souvent détournez par les proposi
tions qui leur sont faites avant l'expiration desdits
Congez , par d'autres Capitaines de la même
garnison , pour les attirer dans leurs Compagnies
; Et voulant remedier à un abus égaleanent
contraire au bien de son Service , et à la
bonne intelligence qui doit regner entre les differens
corps et les Officiers dont ils sont composez
, 5. M. a défendu et défend très expressement
à tous Capitaines d'Infanterie , Cavalerie et
Dragons , d'engager et recevoir en leurs Compagnies
aucun Cavalier , Dragon ou Saldat des
autres Compagnies , avec lesquelles ils seront en
garnison , quoique porteur d'un Congé absolu ;
à peine ausdits Capitaines d'être cassez , et de
perdre ce qu'ils auront payé pour lesdits engagemens
, et ausdits Soldats , Cavaliers ou Dragons
, de continuer à servir dans la Compagnie
qu'ils auront quitté , pendant le temps porté par
leur nouvel engagement , et d'être punis comme
déserteurs s'ils s'en absentent sans Congé. Défend
pareillement Sa Majesté à tous Capitaines ,
quoique de garnison differente , de recevoir en
·
leurs
AVRIL. 1731. 823
Jeurs Compagnies aucun Cavalier , Dragon on
Soldat sortant d'une autre Compagnie avec Congé
absolu , pendant le temps d'un mois , à compter
du jour de la date dudit Congé : Permet Sa
Majesté , en cas de contravention , au Capitaine
de la Compagnie que ledit Cavalier , Dragon ou
Soldat aura quitté , de le reprendre en celle on it
aura passé avant ledir terme expiré , pour continuer
ses services en sa premiere Compagnie pen-
"dant le tems de son nouvel enrollement , ainsi
qu'il est dit ci-dessus , en restituant au nouveau
Capitaine la somme de trente livres seulement
pour le prix d'icelui. Veur au surplus , Sa Majesté
, qu'après ledit terme d'un mois passé , il soit
libre à tous Cavaliers , Dragons et Soldats por
teurs de Congez absolus , de prendre partie en
telle Compagnie qu'ils jugeront à propos , à
l'exception seulement de celles avec lesquelles ils
étoient en garnison lors de l'expedition de leurs
Congez absolus ; et à tous Capitaines étant en
garnisons , ou, quartiers differens , de les recevoir
en leurs Compagnies , sans pouvoir être repetez
sous quelque prétexte que ce puisse être , &c.
ARREST du Conseil du 17. Mars , concermant
la Discipline et la Police des trois Corps
de la Medecine .
Le Roi s'étant fait représenter les Arrêts de
son Conseil , des trois Juillet , vingt-cinq Octobré
mil sept cent vingt-huit , et onze Mars mil
sept cent trente-un , Par lesquels sa Majesté , pour
prévenir les dangereux inconveniens de la distribution
d'un nombre considerable de Remedes appellez
Specifiques et autres , qui se fait par diffesens
Particuliers , auroit ordonné qu'ils seroient
examinez , et auroit à cet effet choisi son prenier
Medecin et son premier Chirurgien , avec
I iiij
ceur:
824 MERCURE DE FRANCE
ceux des differens Corps de la Medecine , de la
Chirurgie et des Apotiquaires , qu'Elle a jugé les
-plus capables pour proceder à cet examen. Vu
PAvis du Sieur Herault , Conseiller d'Etat , Lieutenant
General de Police , Oui le rapport , Sa
Majesté étant en son Conseil , a ordonné et or
donne , que les Arrêts des 3. Juillet , 25. Octobre
1728. , et 11. Mars 1731. seront executez selon
leur forme et teneur , et en consequence ordonné
la
I. Qu'il ne sera à l'avenir expedié ni délivré
aucuns Brevets par son Premier Medecin pour
distribution des Remedes particuliers , qu'aprés
avoir été examinez à la Commission , et en conséquence
d'une Déliberation signée de tous ceux
qui la composent ; et que pour plus grande sûreté
dans l'usage desdits Remedes , les Maladies et
les circonstances ausquelles ils seront jugez applicables
, soient specifiez dans lesdits Brevets et
Privileges.
II. Ne pourront lesdits Brevets et Privileges
être accordez que pour le tems et espace de trois
ans , passé lequel temps , seront tenus ceux en
faveur de qui ils auront été expedicz , de les rapporter
, pour en obtenir le renouvellement , qui
ne sera délivré que sur les Certificats donnez par
les Medecins et Chirurgiens des lieux où lesdits
Remedes auront été employez , sur le bon effet
qu'ils auront produit ; Et en cas qu'aucuns desdits
Brevets on Privileges ayent été expediez pour
un temps indéfini , ils ne pourront avoir lieu que
pendant ledit temps de trois années , à compter
du jour de leur date , le tout à peine de nullité
mille livres d'amende applicable aux Hôpitaux
des Lieux , même de punition exemplaire contre
ceux qui auront , ledit temps passé , continué à
distribuer leurs Remedes sans avoir obtenu le
renouAVRIL.
1731. 825
renouvellement de leurs Brevets dans la forme
prescrite ci dessus. 2
III . Veut Sa Majesté que les Minutes desdies
Brevets et Privileges , ainsi que le Registre
qui en sera tenu ,
demeurent entre les mains du
Premier Medecin , pour y avoir recours en cas de
besoin.
2
IV. Et pour éviter toute surprise dans le Public
de la part des Distributeurs desdits Remedes
qui auront été examinez et approuvez , ordonne
Sa Majesté que l'Original des Affiches sera conforme
à la teneur des Brevets qui les autoriseront,
et visé du Premier Medecin , ou de tel autre qui
sera par lui préposé à cet effet à peine de cing
cens livres d'amende.
,
V. Ordonne Sa Majesté que son Premier Me,
decin sera tenu d'adresser un double Imprimé de
chaque Brevet ou Privilege , aux Doyens des Facultez
ou Aggregations de Medecine lesquels
auront soin de l'informer exactement du succès
ou des inconveniens desdits Remedes.
2
VI. Entend pareillement Sa Majesté , que lorsqu'il
arrivera des Maladies Epidemiques ou des
cas extraordinaires jusqu'ici inconnus soit en
fait de Medecine ou de Chirurgie dans la Ville
de Paris , il en soit donné avis à la Commission
par les Medecins ou Chirurgiens chargez du soin
des Malades , lesquels seront invitez , s'il est ainsi
jugé à propos , a venir faire le détail de ladite
Maladie ou desdits cas extraordinaires à ladite
Commission , à laquelle les Medecins et Chirurgiens
des Provinces seront pareillement tenus dans
les mêmes cas d'en envoyer le récit , qui sera
adressé au Premier Medecin , et qui contiendra
aussi la maniere dont les Malades auront été trai
tez , et du tout en sera tenu Registre , dans le
quel sera fait mention du progrès et de l'issue de
la
$26 MERCURE DE FRANCE
la Maladie ou desdits cas extraordinaires.
VII. Enjoint trés-expressément Sa Majesté
tous les Corps des Facultez de Medecine et d'Aggregations
du Royaume , ainsi qu'à tous les
Lieutenans du Premier Chirurgien , de dénoncer
ladite Commission tous Distributeurs de Remedes
, et Colporteurs qui ne se trouveront munis
d'aucun Brevet du Premier Medecin dans
la forme ci - dessus prescrite .
VIII. Et pour prévenir toutes sortes de contestations
et de procès entre les trois professions ,
des Medecins , Chirurgiens et Apoticaires en co
qui peut regarder les differens objets et la police
desdites Professions , veut Sa Majesté que ladite
Commission aprés s'être fait représenter les Statuts
et Reglemens , donne son Avis sur les difficultez
nées ou à naître , concernant l'exercice
la discipline et les limites de chacune desdites
Professions , pour , ledit avis vû et rapporté , y
être pourvû par Sa Majesté.
>
IX. Fait Sa Majesté défenses à tous Gouverneurs
et Magistrats des Villes dans les Provinces,
de permettre à des gens sans qualité comme
Operateurs ou autres , de distribuer et débiter aucuns
Remedes s'ils n'ont été approuvez de
la Commission , et qu'il ne leur soit apparu de
Pexpedition des Brevets ou Privileges dans les
formes 'ci dessus , &c.
AUTRE du 20. Mars , portant Reglement
pour le droit d'Amortissement des sommes données
aux gens de main- morte , à charge de fondation
perpetuelle , quoique sans stipulation
d'emploi.
ORDONNANCE du Roi
Mars , qui fixe à dix ans , la résidence des
du 21.
NégoAVRIL.
173.1 . 827
Négocians et Artisans François dans les Eschelles
du Levant et de Barbarie. Par laquelle S. M.
ordonne ce qui suit.
1. Les Négocians François , qui sont présentement
établis dans les Eschelle's du Levant et de
Barbarie , sur les permissions de la Chambre du
Commerce de Marseille , pourront y continuer
leur résidence pendant dix années , à compter du
jour que la présente Ordonnance aura été enregistrée
dans les Chancelleries de chacune desdites
Eschelles ; aprés lequel temps de dix années , Sa
Majesté enjoint ausdits Negocians de revenir dans
le Royaume , à peine de désobéissance , et aux
Consuls et Vice - Consuls de les y contraindre.
II. Les Negocians qui voudront à l'avenir passer
en Levant et en Barbarie pour s'y établir
prendront le Certificat de la Chambre du Cominerce
de Marseille , en la maniere ordinaire , er:
ne pourront résider que dix ans dans l'Eschelle
qu'ils auront choisie , lesquels dix ans ne compteront
que du jour de leur arrivée sur l'Eschelle
dont le Chancelier adressera son Certificat à ladite
Chambre,
III. Veut et entend Sa Majesté , que les dis
positions des deux précedens Articles ayent licu
et soient observées à l'égard des Artisans et gens
de mêtier , de quelque Profession qu'ils soient
lesquels se trouvent présentement établis dans les
Eschelles de Levant êt de Barbarie , au qui pourront
s'y établir dans la suite,
IV. Les Marchands et Artisans , qui après
avoir résidé en Levant et en Barbarie seront revenus
en France , ne pourront y retourner qu'à
prés un terme de cinq ans au moins , comp
ter du jour de leur départ desdits Pays.
V. Les Commis des Négocians ne seront point
soumis aux mêmes dispositions , pendant tout le
temps
828 MERCURE DE FRANCE.
temps qu'ils seront au service desdits Négocians
François , et qu'ils s'instruiront pour se rendre
capables de participer à leur commerce , et les
remplacer lors de leur retraite , ou en cas de mort,
ou de tout autre évennement.
VI.. Les Domestiques pourront demeurer chez
leurs Maîtres autant de temps qu'ils voudront
les garder ; mais lorsqu'ils leur donneront congé
, et qu'ils seront inutiles sur les Eschelles , les
Consuls les teront embarquer sur le premier bâtiment
destiné pour France.
Fermer
Résumé : ARRESTS, DECLARATIONS, ORDONNANCES, &c.
Entre novembre 1730 et avril 1731, plusieurs ordonnances et déclarations royales ont été émises. Le 21 novembre 1730, un arrêt accorda à Jacques Auriol et ses associés le monopole du commerce sur la Côte de Barbarie pour dix ans, à partir du 1er janvier 1731, sous le nom de Compagnie d'Afrique. Le 3 février 1731, une déclaration royale établit un nouveau règlement concernant les sceaux des officiers militaires. Le 11 février, un arrêt régula la fabrication des toiles, batistes et linons dans les généralités de Paris et de Soissons. Le 13 février, un autre arrêt organisa la mise en possession des acquéreurs d'offices sur les quais, ports et halles de Paris. Le 17 février, une déclaration royale rappela les dispositions des anciens règlements sur les insinuations des donations entre vifs. Le 5 mars, un arrêt régula la distribution des fonds destinés au soulagement des pauvres maisons et communautés de filles religieuses. Le 6 mars, une ordonnance royale accorda une loterie d'étoffes de soie, or et argent en faveur des créanciers de Gazon-Galpin. Le 10 mars, une ordonnance royale concerna les engagements des cavaliers, dragons et soldats. Le 17 mars, un arrêt du Conseil régula la discipline et la police des trois corps de la médecine. Le 20 mars, un arrêt porta règlement sur le droit d'amortissement des sommes données aux gens de main-morte. Enfin, le 21 mars, une ordonnance royale fixa à dix ans la résidence des négociants et artisans français dans les échelles du Levant et de Barbarie. Le texte mentionne également deux points concernant les relations commerciales et les domestiques dans un contexte colonial. Premièrement, il permet aux individus de participer à des activités commerciales et de se faire remplacer en cas de retraite, de décès ou d'autres événements. Deuxièmement, il stipule que les domestiques peuvent rester au service de leurs maîtres aussi longtemps que ceux-ci le souhaitent. Cependant, lorsqu'ils sont congédiés et deviennent inutiles sur les lieux de travail désignés, les consuls doivent les faire embarquer sur le premier navire en partance pour la France.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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23
p. 950-965
LETTRE du R. P. Sicard, Jesuite, sur les differentes Pêches qui se font en Egypte.
Début :
Quelque envie que j'aye, Monsieur, d'executer vos ordres, je ne sçai s'il [...]
Mots clefs :
Égypte, Nil (cours d'eau), Poissons, Syrie, Saline, Commerce, Lac, Pélican, Oie du Nil, Macreuse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE du R. P. Sicard, Jesuite, sur les differentes Pêches qui se font en Egypte.
d'executer vos ordres , je ne sçai s'il
sera en mon pouvoir de faire entierement
ce que vous desirez de moi. L'Egypte ,
dites- vous , a la Mer Méditerranée au
Nord , la Mer Rouge à l'Est ; elle est
coupée par le Nil ; elle a une infinité de
Lacs d'une étendue prodigieuse. Vous
avez lû dans plusieurs Auteurs qu'il y a
des Peuples entiers dans la Basse Égypte ,
qui ne vivent que de Poisson . Ainsi vous
ne doutez point que le Poisson ne soit
en Egypte en plus grande abondance
qu'en tout autre pays de la Terre ; sur
quoi vous me faites deux questions , sçavoir
, quel est le commerce de Poisson
que font les Egyptiens , tant en Egypte
que hors l'Egypte , et quelles sont les
denrées qu'ils en tirent des Pays Etrangers
; outre cela , quelles sont les especes
de Poissons que l'on pêche , soit dans le
Nil , soit dans les Lacs .
.
Le premier article m'est fort inconnu,
et un pareil détail ne convient gueres à
ma
AVRIL. 1731. 951
un Missionnaire , ni a un homme de ma
profession . Tout ce que j'ai pû faire , a
été d'interroger sur cela les plus fameux»
et les plus habiles Négocians du Grand-
Caire, et de quelques autres Villes d'Egypte.
Ce n'est donc que sur leur rapport que.
j'ai l'honneur de vous dire que ce sont uniquement
les Négocians de Damiette et de
Rosette , qui transportent sur les Côtes
de la Syrie , la Saline qui sort d'Egypte ;
et que ce sont les seuls Riverains des Lacs
de Manzalé , de Brulla et de la Beheiré
qui fournisent la Saline qui est transportée
hors du Royaume. Les Riverains des
autres Lacs ne vendent que du Poisson
frais qu'ils débitent sur les lieux.
Je conçois qu'une idée aussi generale
que celle là du Commerce que fait l'Egypte
du Poisson salé , ne vous donneroit
pas beaucoup de lumieres pour le
dessein que vous avez ; je vais donc m'étendre
plus au long sur certaines particu
laritez qui ont rapport à cela. Je les connois
par moi-même , et elles vous mettront
en partie au fait , ou du moins elles vous
seront de quelque utilité pour éclaircir
cette matiere. Je commence par les trois
Lacs dont on tire tout le Poisson que l'on
sale et que l'on fume ; au reste , ce que
je dirai de l'un , vous pourrez le
dire des autres , à proportion de leur
grandeur.
Fiij Le
952 MERCURE DE FRANCE
Le Lac de Brullos a 15. à 18. lieuës de
longueur , et 4. à 5. lieues de largeur. Il
est situé entre Damiette et Rosette.
Le Lac de Beheiré n'a tout au plus que
sept lieues de tour , et est situé entre Rosette
et Alexandrie.
Le Lac de Manzalé commence à l'Est,
à demie lieuë de Damiette , autrefois Thamiathis
, et finit au Château de Thiné ,
anciennement Peluse. Il a 22. lieuës de
long à l'Est-Ouest , et 5. à . lieuës de
large au Nord - Sud. Le fond en est boüeux
et plein d'herbes . Il n'y a que 4. pieds
d'eau ou environ , en quelque endroit
que ce soit , et il n'est séparé de la Mer
que par une langue de Sable , qui a tout
au plus une lieuë de large.
Cela n'empêche pas que ce Lac n'ait
communication avec la Mer.Il l'a au Nord
par trois Embouchures ; sçavoir , par celle
de Thimé , qui est la plus Orientale
nommée autrefois l'Embouchure du Nit
Pelusiaque , par Eummefurrege , autrefois
nommée la Tanitique ; et par Dibé
ou Pesquiere , autrefois Mendezić.
Outre cette communication avec la
Mer , le Nil tombe dans ce Lac par pluseurs
Canaux au Sud. C'est ce qui fait
pendant deux ou trois mois de l'année ,
c'est-à- dire pendant l'Automne , qui est
le tems de l'accroissement du Nil , les
<
eaux
AVRIL. 1731. 953
eaux du Lac Manzalé sont douces ; au
lieu que dans autres neuf mois de l'année
, elles sont salées et approchantes de
celles de la Mer ; ce qui n'est pas surprenant
, car alors les Canaux du Nil sont
à sec ou si peu remplis d'eau , qu'à peine
en coule t'il dans le Lac.
Tout le monde n'a pas droit de pêcher
ce droit est affermé , l'on compte 2000.
Pêcheurs. Chaque Pêcheur paye par an
soo Medins, c'est-à- dire près de 40 francs.
L'Aga du Lac tire cette somme , et en
rend compte au Pacha du Caire. Ce n'est
pas tout , le tiers de la pêche , tant fraîche
que salée , appartient au Fisc ou Trésor
Royal. L'on paye pour le reste cettains
droits de Doüanne ; de sorte que Ic
tout monte à 80. Bourses par an ; par
consequent le seul Lac Manzalé produir
par an 40000. écus au Grand Seigneur.
J'ai été surpris de voir là quantité de
Bateaux qui sont employez continuellement
à la Pêche sur le Lac Manzalé ; l'on
en compte jusqu'à mille. La verité est
que ces Bateaux sont peu de chose , ils
ont tout au plus quatre brasses de long
et une brasse de large. Ils sont plus plats
par dessous , et pointus par la Poupe et
par la Proie.
La maniere de pêcher est particuliere
et assez divertissante . Les Pêcheurs en-
F iiij tou954
MERCURE DE FRANCE.
entourent d'un Seine ou long Filet , des
enceintes de jonc qu'ils ont plantez dans
le Lac pour engager et retenir le Poisson.
Ces enceintes se nomment Gabez . Chaque
Pêcheur est proprietaire d'un ou plusieurs
de ces Gabez, Ce sont autant de divers
Domaines , dans lesquels tout autre que
le Proprietaire n'oseroit aller pêcher.
Quelquefois ils se contentent de pêcher
avec un Filet rond . Alors avant que de
se servir du filet , ils jettent dans l'eau ,
à dix pas d'eux , une corde longue de
deux brasses , qui a à un bout une grosse
pierre propre à aller au fond , et à l'autre
un morceau de bois qui surnâge ; ils
le couvrent ensuite de leur filet . Le Pois.
son qui s'est rassemblé vers la pierre comme
une proye qu'il cherche à devorer
se trouve pris dans le filet .
Vous remarquerez que le Lac Manzalé
est rempli de petites Ifles couvertes de Roseaux
, de Joncs et de broussailles . Or
c'est dans ces Illes que les Pêcheurs portent
leurs Pêches lorsqu'ils veulent habiller
, saler et boucanner le Poisson . Pour
le Poisson qu'ils veulent vendre frais , ils
le portent à Damiette ou aux Villes et
Villages qui sont aux environs du Lac ,
Ces Ifles dont je viens de vous parler vous
enchanteroient par la multitude d'oiseaux
differens , et d'une beauté surprenante
•
qui
AVRIL 1731. 955.
qui n'en sortent que pour voler d'une
ille à l'autre. Le Pelican , la Poule de Ris
la Macreuse , la Poule d'eau , l'Oye du
Nil , à plumes dorées , le Canard commun
, le Canard à tête verte , la Sarcelle,
l'Ibis noir , l'Ibis blanc et noi le Cormoran
gris blanc , le Cormoran blanc à
bec rouge, le Chevalier , le Plongeon , la
Grüe , entr'autres Oiseaux , y sont à
milliers..
*
و
Il y a un article dans notre Memoire
qui ne m'occupera pas beaucoup, et je n'ai
point à craindre de ne me pas expliquer
clairement : cet article concerne les vête→
mens des Pêcheurs. Ils sont tous et en tout
tems en simple Caleçon , et ont le reste du
corps absolument nud , ce que j'attribuë
à la chaleur du Climat , qui est excessive.
Il n'y a pas dans les Lacs de Manzalé
de Bulos , de Beheiré, une si grande quantité
de Poissons de differentes especes que,
vous pourriez vous l'imaginer. J'ai examiné
la chose de près , et j'ai fait sur cela
toutes les perquisitions possibles. Après,
bien des recherches , j'ai trouvé que tout
se réduisoit à 7. ou 8. sortes de Poissons ;
sçavoir , le Queiage , le Sourd , le Jamal
le Geran , le Nogt , le Karous , le Bouri
autrement le Muge , et le Dauphin .
Le Queiage , qui est , sans contredit , le
meilleur Poisson du Lac , est de la gros
Fy SCU
956 MERCURE DE FRANCE .
seur d'une Alose , et est verd sous le mu
seau. Le Sourd et le Jamal , sont beaucoup
plus gros que le Queiage , et sont d'excellents
Poissons. Le Geran , le Karous , et le
Nogt , qui a cela de particulier , qu'il est
picoté , peuvent passer pour de bons Poissons
, ayant ce gout exquis et fin que donnent
naturellement les eaux du Lac Manzalé
à tout le Poisson qu'on y pêche . Les
Dauphins sont des Poissons si communs
et si connus , que si je vous en parle , c'est
parce qu'il y en a une si grande abondance,
qu'on pourroit bien dire qu'ils y fourmillent
, sur tout vers les Embouchures
qui communiquent à la Mer. Le Bouri
neanmoins est encore en plus grand nom
bre que le Dauphin . C'est le Poisson dominant
du Lac , et la quantité en est si
prodigieuse qu'on a peine à le croire.
On sale le Bouri , tant mâle que femelle,
et on le fait secher ou au Soleil ou à la fumée
, avec cette difference qu'on vend
quelquefois du Bouri mâle frais ; mais jamais
du Bouri femelle , parce qu'aussi-tôt
qu'on a pêché on en leve la boutargue ;
ainsi il n'est plus temps de l'exposer cn
vente , et on est obligé de le saler .
1
On sale aussi le Queiage. Ce sont donc
là les deux sortes de Poissons dont les
Egyptiens font proprement leur commerce
de Poisson salé, aussi bien que de la boutargue
AVRIL 1731. 957
targue. Ils portent l'un et l'autre dans la
Syrie , en Chypre , à Constantinople , et
ils en fournissent toute l'Egypte en st
grande abondance , que des Marchands
Européens qui voudroient apporter iei du
Thon , de l'Esturgeon , ou autre Poisson
salé , pourroient s'assurer qu'ils n'en auroient
pas le débit.
Je ne connois en Egypte de Poisson
salé , apporté des Pays Etrangers , que la
Caviar , qui vient de la Mer Noire. On
le vend aux Négocians de Damiette et
de Rosette , en argent comptant et non
pas en échange.
Vous concevez par là qu'ils entendent
fort peu le commerce et qu'ils n'en tirent
pas un grand profit. En effet je ne
scache pas qu'ils apportent d'autres Mar
chandises de Chipre que du Carrouge
du Lodanum er du vin ; de Syrie , du
Coton et du Tabac ; de l'Archipel , des
Eponges. Mais par la Mer Rouge , les
autres Négocians ant de l'Encens , du
Caffé et des Etoffes des Indes.
Il ne tiendroit qu'à eux de faire par la
même Mer un grand commerce de Perles,
et souvent on le leur a proposé . Cela n'est
pas de leur goût , et s'ils en font venir
e'est en petite quantité , et ce n'est même
que de la semence de Perles . Quand les
Européens apportent de l'Ambre jaune et
2
F vj du
958 MERCURE DE FRANCE
du Corail , ils n'achetent ces Marchandi
ses que pour les porter au Caire , er de- là
dans l'lemen et en Ethiopie. En un mot
il seroit très- difficile de marquer de quelle
sorte de Marchandises nos Négocians
pourroient faire quelque commerce considerable
avec les Egyptiens , surtout avec
ceux de Damiette er de Rosette. Leur vie
frugale et leur. éloignement de tout luxe ,
font qu'ils n'ont besoin de rien ..
Voilà ce qui regarde le Poisson salé dont
Egypte fait un commerce réglé,
J
J
et Le Poisson frais est très - commun
ceux qui demeurent aux environs des
Lacs , en font leur nourriture ordinaire..
La chaleur du climat est cause qu'on ne
peut le transporter , comme on fait en
France aux Villes un peu éloignées . I
seroit gâté et puant avant que d'arriver.
Le Caire , par exemple , qui est une si
belle Ville , si marchande et si peuplée ,
ne tire aucun secours de tant de Pêches
que l'on fait dans les Lacs de Manzalé , de
Brullos , de Beheiré , de la Marest , de la
Corne , Maris , Cheib , et dans les deix
Mers , la Mer Rouge , et la Méditerannée.
Les habitans de cette grande Ville
par la même raison ne voyent jamais de
Marée , et ils ne mangent jamais de Poissons
frais que celui qu'on pêche dans le
Nils , par conséquent , que d'un Poisson
.
€
་
د
qui
AVRIL. 1731. 952
qui , en géneral n'est ni de bon goût , ni
d'une bonne qualité. Le Nil a dans son
lit beaucoup de limon : les Poissons s'en
nourrissent et en conservent l'odeur ; entr'autres
le Bolti , qui est une espece de
Carpe , le Bouri , le Bayad , le Chalbé , la
Ray , le Chilon , le Lebis , Alose , qui
sont les principaux Poissons du Nil , en
sont si infectez , que tout autre que la
peuple du Caire , n'en mangeroit pas.
$
•
Les riches du Caire ont de quoi se consoler
le Nil leur fournit quatre especes
de Poissons d'un goût exquis , d'une bonté
si grande , que les Egyptiens , anciennement
leur ont élevé des Temples , et
ont bâti des Villes de leur nom . Ces
qua
tre especes sont , la Variole , le Quechoué
le Bunni et la Quarmoud.
La Variole , que les Arabes nomment
Quecher , ou Latés , est d'une grosseur.
prodigieuse , et pese jusqu'à 100. et 200 .
livres. Vous la connoîtrez micux sous le
nom de DATO E dont les Auteurs font
si souvent mention .
Le Quechoué est de la grandeur d'uns
Alose , et a un museau fort pointu . C'est
POxirinchus des Anciens..
Le Bunni est assez gros , et j'en ai vû de
20 et 30 livres pesant. On ne peut s'y
méprendre , et on connoît à sa figure
qu'il est le Lepidorus , si vanté par les An
ciens Egyptiens.
25
960 MERCURE DE FRANCE
Le Quarmoud , connu dans les Auteurs
sous le nom de PHAYOB , est noir , et
un des Poissons les plus voraces qu'il y
ait , on en trouve d'aussi gros et d'aussi
pesans que le Bunni.
Deux choses augmentent fort l'avantage
que les habitans du Caire tirent de
cette pêche. La premiere est , que ce ne
sont point là de ces Poissons passagers que
F'on n'a qu'en certain temps : pendant le
cours de l'année on en trouve en abondance
dans le Nil. La seconde est , que la
Pêche en est facile. Quelque gros que soir
le Quecher et le Bunni , on les prend avec
un simple filer , et tendu de la même ma
niere que l'on fait en France.
Il ne tiendroit qu'aux Egyptiens de faire
une autre sorte de profit , que nous ne
négligerons assurément pas ; sçavoir , de
prendre des Oiseaux de Mer , et de Rivie
re , comme sont les Macreuses , les Plongeons
, et autres semblables animaux
dont le Nil est souvent couvert. Mais les
Pêcheurs , tant du Nil que des Lacs - Manzalé
et de Brullos s'attachent uniquement
à prendre des Macreuses. Pour cela , le
Pêcheur , pendant la nuit se met dans
F'eau jusqu'au col , ayant la tête couverte
d'un bonnet noir ; il s'approche doucement
et sans bruit des Macreuses , et lorsqu'il
en est proche , il jette sur elles son
filet.
›
AVRIL. 1731.901
Mon dessein étoit d'en demeurer-là , er
de finir ma Lettre , qui n'est déja que trop
longue , d'autant plus que je ne vous dirai
rien davantage sur la Pêche , que l'on fait
tant en Egypte , que dans le Nil en particulier.
Mais j'ai fait refléxion que les Oiseaux
et les Monstres , qui sont comme propres
du Nil , et dont les Européens n'ont point
assez de connoissance , méritent bien que
je vous en fasse un article séparé ; vous
m'en sçaurez gré , et je juis surpris que
vous ne m'ayez pas vous-même interrogé
sur ce point. Cependant , pour ne vous
pas ennuyer par le récit de choses qui ne
sont peut- être pas de votre goût , ou du
moins que vous ne regardez que comme
de simples curiositez , ausquelles vous ne
prenez nul interrêt , je ne vous en ferai le
détail qu'en géneral et en peu
de mots.
L'on voit sur le Nil deux sortes d'Oiseaux
, et en si grand nombre , que cela
est surprenant. Les uns sont communs
et connus en Europe ; sçavoir , le Flaman
le Chevalier , le Courlis le Courlis à
bec recourbé en haut , le Heron , le Heron
à bec sans espatule , le Pelican , la
Gruë , la Beccassine , le Pluvier , le Be
chor , la Sarcelle , le Canard à tête verte
la Macreuse , le Cormoran , le Plongeon ;
plusieurs de ces Oiseaux , comme vous
>
**
و
Voyez
981 MERCURE DE FRANCE
voyez , sont bons à manger , et l'on devroit
ici aller à la chasse , et en tuer . Mais
les Egyptiens ne chassent point , et au
Caire les Paysans n'apportent que des Canards
et des Şarcelles qu'ils prennent au
lacet. Ils y sont fort adroits . Aussi les.
Marchez sont- ils pour l'ordinaire remplis
de ces deux sortes de Gibier. Ils prennent
de la même maniere le Pelican. Les autres
Oiseaux ont beau multiplier à l'infini , ils
n'en tuent ni n'en prennent point.
L'Ibis , FOye à plumage doré , la Poule
de ris , ou Poule de Diamette , le Saqsaq ,
connu autrefois sous le nom de Trochilus ,
sont ce que j'appelle proprement les Oiseaux
du Nil. Car s'il y en a autre part
par exemple , sur le Lac Manzalé , c'est
parce qu'ils y sont venus du Nil , et que
La communication qu'il y a de l'un à l'autre
, par le moyen des canaux , les y a at
tirez.
Je ne connois dans le Nil que les Hippopotames
et les Crocodiles qui puissent
êrre appellez Monstres Marins , et je ne
sçai ou certains faiseurs de Voyages ont
trouvé ces differens Monstres Marins
dont ils prétendent que le Nil est rempli .
Apparemment que c'étoit pour embellir
leurs Relations , et pour attendrir leurs
Lecteurs par le récit fabuleux des dangers
qu'ils ont courus.
Les
AVRIL. 1731. 983
>
Les Hippopotames , ou Chevaux Marins
sont très-communs dans la haute
Egypte , surtout vers les Cataractes. A
peine en paroît - il , soit aux environs du
Caire , soit dans toute la Basse Egypte .
Ces animaux ne vont jamais en troupe , et
rarement on en voit deux ensemble . Ils
sont si défians , et ils s'échappent avec tant
de vitesse de ceux qui les poursuivent ,
que personne ne songe à aller à cette chas
se , et ne tente d'en prendre , ni par adresse
, ni autrement. Ce n'est néanmoins pas
une chose impossible , puisque les Empereurs
Romains en ont fait paroître dans
les jeux séculaires qu'ils donnoient au
Peuple.
Il n'en est pas de même des Crocodiles.
On les prend de deux manieres. La premiere
est toute simple . On prend la fres
sure d'une Vache , ou d'un Bufle , ou de
quelqu'autre animal : au milieu de cet
appas , on met un croc , on l'attache ensuite
à une longue corde , dont un bout
est amaré à terre ; on jette dans le Nil l'autre
bout , auquel est attachée la fressure ;
comme elle flotte sur l'eau , le Crocrodile
se jette dessus , et gobe l'hameçon ; alors
le Pêcheur tire sa corde , amene le Crocodile
jusqu'au bord , ' où les Arabes qui
sont stilez à cela , l'assomment.
L'autre maniere est plus dangereuse
on
964 MERCURE DE FRANCE
on épie le Crocodile , lorsqu'il est à terre
, et qu'il dort étendu le long de quelque
butte de sable : un homme se coule
doucement derriere la butte , et dès qu'il
est à portée de l'animal , il lui darde sous
l'aisselle , ou sous le ventre , un épieu qui
est armé d'un crampon qui tient à une
longue corde. Le Crocodile blessé court se
plonger dans le Nil , et entraîne avec lui
l'épieu . Le Pêcheur le suit , se saisit de la
corde , la tire , et amene le Monstre Marin
sur le rivage , où il le tuë. La Pêche
du Marsoüin a quelque chose qui approche
de cette maniere de prendre le Crocodile.
La chair du Crocodile est blanche
grasse , et est un mets exquis quand l'animal
est jeune. Les Arabes du Saïd en sont
friands , et l'aiment avec passion.
Les femelles ne fond jamais leurs oeufs
que sur le sable , chose bien singuliere.
C'est que leurs petits ne sont pas si - tôt
éclos , qu'ils ont la force de courir à toutes
jambes vers le Nil . La mere n'a pas be
soin de les deffendre , et de prendre garde
qu'on ne les lui enleve .
Les Crocodiles croissent assez vîte , et
ils ont ordinairement 20 à 25. pieds de
Jong.
Je ne vous déciderai pas combien de
sems ils vivent ; je sçai que Plutarque ne
leur
AVRIL. 1731. 955
(
leur donne que 40 ans de vie ; mais d'un
autre côté , j'entens dire à nos Arabes qui
sont croyables en cela par
les connoissances
journalieres qu'ils en ont , qu'il y a
des Crocodiles qui vivent jusqu'à cent
ans. Je suis , & c.
sera en mon pouvoir de faire entierement
ce que vous desirez de moi. L'Egypte ,
dites- vous , a la Mer Méditerranée au
Nord , la Mer Rouge à l'Est ; elle est
coupée par le Nil ; elle a une infinité de
Lacs d'une étendue prodigieuse. Vous
avez lû dans plusieurs Auteurs qu'il y a
des Peuples entiers dans la Basse Égypte ,
qui ne vivent que de Poisson . Ainsi vous
ne doutez point que le Poisson ne soit
en Egypte en plus grande abondance
qu'en tout autre pays de la Terre ; sur
quoi vous me faites deux questions , sçavoir
, quel est le commerce de Poisson
que font les Egyptiens , tant en Egypte
que hors l'Egypte , et quelles sont les
denrées qu'ils en tirent des Pays Etrangers
; outre cela , quelles sont les especes
de Poissons que l'on pêche , soit dans le
Nil , soit dans les Lacs .
.
Le premier article m'est fort inconnu,
et un pareil détail ne convient gueres à
ma
AVRIL. 1731. 951
un Missionnaire , ni a un homme de ma
profession . Tout ce que j'ai pû faire , a
été d'interroger sur cela les plus fameux»
et les plus habiles Négocians du Grand-
Caire, et de quelques autres Villes d'Egypte.
Ce n'est donc que sur leur rapport que.
j'ai l'honneur de vous dire que ce sont uniquement
les Négocians de Damiette et de
Rosette , qui transportent sur les Côtes
de la Syrie , la Saline qui sort d'Egypte ;
et que ce sont les seuls Riverains des Lacs
de Manzalé , de Brulla et de la Beheiré
qui fournisent la Saline qui est transportée
hors du Royaume. Les Riverains des
autres Lacs ne vendent que du Poisson
frais qu'ils débitent sur les lieux.
Je conçois qu'une idée aussi generale
que celle là du Commerce que fait l'Egypte
du Poisson salé , ne vous donneroit
pas beaucoup de lumieres pour le
dessein que vous avez ; je vais donc m'étendre
plus au long sur certaines particu
laritez qui ont rapport à cela. Je les connois
par moi-même , et elles vous mettront
en partie au fait , ou du moins elles vous
seront de quelque utilité pour éclaircir
cette matiere. Je commence par les trois
Lacs dont on tire tout le Poisson que l'on
sale et que l'on fume ; au reste , ce que
je dirai de l'un , vous pourrez le
dire des autres , à proportion de leur
grandeur.
Fiij Le
952 MERCURE DE FRANCE
Le Lac de Brullos a 15. à 18. lieuës de
longueur , et 4. à 5. lieues de largeur. Il
est situé entre Damiette et Rosette.
Le Lac de Beheiré n'a tout au plus que
sept lieues de tour , et est situé entre Rosette
et Alexandrie.
Le Lac de Manzalé commence à l'Est,
à demie lieuë de Damiette , autrefois Thamiathis
, et finit au Château de Thiné ,
anciennement Peluse. Il a 22. lieuës de
long à l'Est-Ouest , et 5. à . lieuës de
large au Nord - Sud. Le fond en est boüeux
et plein d'herbes . Il n'y a que 4. pieds
d'eau ou environ , en quelque endroit
que ce soit , et il n'est séparé de la Mer
que par une langue de Sable , qui a tout
au plus une lieuë de large.
Cela n'empêche pas que ce Lac n'ait
communication avec la Mer.Il l'a au Nord
par trois Embouchures ; sçavoir , par celle
de Thimé , qui est la plus Orientale
nommée autrefois l'Embouchure du Nit
Pelusiaque , par Eummefurrege , autrefois
nommée la Tanitique ; et par Dibé
ou Pesquiere , autrefois Mendezić.
Outre cette communication avec la
Mer , le Nil tombe dans ce Lac par pluseurs
Canaux au Sud. C'est ce qui fait
pendant deux ou trois mois de l'année ,
c'est-à- dire pendant l'Automne , qui est
le tems de l'accroissement du Nil , les
<
eaux
AVRIL. 1731. 953
eaux du Lac Manzalé sont douces ; au
lieu que dans autres neuf mois de l'année
, elles sont salées et approchantes de
celles de la Mer ; ce qui n'est pas surprenant
, car alors les Canaux du Nil sont
à sec ou si peu remplis d'eau , qu'à peine
en coule t'il dans le Lac.
Tout le monde n'a pas droit de pêcher
ce droit est affermé , l'on compte 2000.
Pêcheurs. Chaque Pêcheur paye par an
soo Medins, c'est-à- dire près de 40 francs.
L'Aga du Lac tire cette somme , et en
rend compte au Pacha du Caire. Ce n'est
pas tout , le tiers de la pêche , tant fraîche
que salée , appartient au Fisc ou Trésor
Royal. L'on paye pour le reste cettains
droits de Doüanne ; de sorte que Ic
tout monte à 80. Bourses par an ; par
consequent le seul Lac Manzalé produir
par an 40000. écus au Grand Seigneur.
J'ai été surpris de voir là quantité de
Bateaux qui sont employez continuellement
à la Pêche sur le Lac Manzalé ; l'on
en compte jusqu'à mille. La verité est
que ces Bateaux sont peu de chose , ils
ont tout au plus quatre brasses de long
et une brasse de large. Ils sont plus plats
par dessous , et pointus par la Poupe et
par la Proie.
La maniere de pêcher est particuliere
et assez divertissante . Les Pêcheurs en-
F iiij tou954
MERCURE DE FRANCE.
entourent d'un Seine ou long Filet , des
enceintes de jonc qu'ils ont plantez dans
le Lac pour engager et retenir le Poisson.
Ces enceintes se nomment Gabez . Chaque
Pêcheur est proprietaire d'un ou plusieurs
de ces Gabez, Ce sont autant de divers
Domaines , dans lesquels tout autre que
le Proprietaire n'oseroit aller pêcher.
Quelquefois ils se contentent de pêcher
avec un Filet rond . Alors avant que de
se servir du filet , ils jettent dans l'eau ,
à dix pas d'eux , une corde longue de
deux brasses , qui a à un bout une grosse
pierre propre à aller au fond , et à l'autre
un morceau de bois qui surnâge ; ils
le couvrent ensuite de leur filet . Le Pois.
son qui s'est rassemblé vers la pierre comme
une proye qu'il cherche à devorer
se trouve pris dans le filet .
Vous remarquerez que le Lac Manzalé
est rempli de petites Ifles couvertes de Roseaux
, de Joncs et de broussailles . Or
c'est dans ces Illes que les Pêcheurs portent
leurs Pêches lorsqu'ils veulent habiller
, saler et boucanner le Poisson . Pour
le Poisson qu'ils veulent vendre frais , ils
le portent à Damiette ou aux Villes et
Villages qui sont aux environs du Lac ,
Ces Ifles dont je viens de vous parler vous
enchanteroient par la multitude d'oiseaux
differens , et d'une beauté surprenante
•
qui
AVRIL 1731. 955.
qui n'en sortent que pour voler d'une
ille à l'autre. Le Pelican , la Poule de Ris
la Macreuse , la Poule d'eau , l'Oye du
Nil , à plumes dorées , le Canard commun
, le Canard à tête verte , la Sarcelle,
l'Ibis noir , l'Ibis blanc et noi le Cormoran
gris blanc , le Cormoran blanc à
bec rouge, le Chevalier , le Plongeon , la
Grüe , entr'autres Oiseaux , y sont à
milliers..
*
و
Il y a un article dans notre Memoire
qui ne m'occupera pas beaucoup, et je n'ai
point à craindre de ne me pas expliquer
clairement : cet article concerne les vête→
mens des Pêcheurs. Ils sont tous et en tout
tems en simple Caleçon , et ont le reste du
corps absolument nud , ce que j'attribuë
à la chaleur du Climat , qui est excessive.
Il n'y a pas dans les Lacs de Manzalé
de Bulos , de Beheiré, une si grande quantité
de Poissons de differentes especes que,
vous pourriez vous l'imaginer. J'ai examiné
la chose de près , et j'ai fait sur cela
toutes les perquisitions possibles. Après,
bien des recherches , j'ai trouvé que tout
se réduisoit à 7. ou 8. sortes de Poissons ;
sçavoir , le Queiage , le Sourd , le Jamal
le Geran , le Nogt , le Karous , le Bouri
autrement le Muge , et le Dauphin .
Le Queiage , qui est , sans contredit , le
meilleur Poisson du Lac , est de la gros
Fy SCU
956 MERCURE DE FRANCE .
seur d'une Alose , et est verd sous le mu
seau. Le Sourd et le Jamal , sont beaucoup
plus gros que le Queiage , et sont d'excellents
Poissons. Le Geran , le Karous , et le
Nogt , qui a cela de particulier , qu'il est
picoté , peuvent passer pour de bons Poissons
, ayant ce gout exquis et fin que donnent
naturellement les eaux du Lac Manzalé
à tout le Poisson qu'on y pêche . Les
Dauphins sont des Poissons si communs
et si connus , que si je vous en parle , c'est
parce qu'il y en a une si grande abondance,
qu'on pourroit bien dire qu'ils y fourmillent
, sur tout vers les Embouchures
qui communiquent à la Mer. Le Bouri
neanmoins est encore en plus grand nom
bre que le Dauphin . C'est le Poisson dominant
du Lac , et la quantité en est si
prodigieuse qu'on a peine à le croire.
On sale le Bouri , tant mâle que femelle,
et on le fait secher ou au Soleil ou à la fumée
, avec cette difference qu'on vend
quelquefois du Bouri mâle frais ; mais jamais
du Bouri femelle , parce qu'aussi-tôt
qu'on a pêché on en leve la boutargue ;
ainsi il n'est plus temps de l'exposer cn
vente , et on est obligé de le saler .
1
On sale aussi le Queiage. Ce sont donc
là les deux sortes de Poissons dont les
Egyptiens font proprement leur commerce
de Poisson salé, aussi bien que de la boutargue
AVRIL 1731. 957
targue. Ils portent l'un et l'autre dans la
Syrie , en Chypre , à Constantinople , et
ils en fournissent toute l'Egypte en st
grande abondance , que des Marchands
Européens qui voudroient apporter iei du
Thon , de l'Esturgeon , ou autre Poisson
salé , pourroient s'assurer qu'ils n'en auroient
pas le débit.
Je ne connois en Egypte de Poisson
salé , apporté des Pays Etrangers , que la
Caviar , qui vient de la Mer Noire. On
le vend aux Négocians de Damiette et
de Rosette , en argent comptant et non
pas en échange.
Vous concevez par là qu'ils entendent
fort peu le commerce et qu'ils n'en tirent
pas un grand profit. En effet je ne
scache pas qu'ils apportent d'autres Mar
chandises de Chipre que du Carrouge
du Lodanum er du vin ; de Syrie , du
Coton et du Tabac ; de l'Archipel , des
Eponges. Mais par la Mer Rouge , les
autres Négocians ant de l'Encens , du
Caffé et des Etoffes des Indes.
Il ne tiendroit qu'à eux de faire par la
même Mer un grand commerce de Perles,
et souvent on le leur a proposé . Cela n'est
pas de leur goût , et s'ils en font venir
e'est en petite quantité , et ce n'est même
que de la semence de Perles . Quand les
Européens apportent de l'Ambre jaune et
2
F vj du
958 MERCURE DE FRANCE
du Corail , ils n'achetent ces Marchandi
ses que pour les porter au Caire , er de- là
dans l'lemen et en Ethiopie. En un mot
il seroit très- difficile de marquer de quelle
sorte de Marchandises nos Négocians
pourroient faire quelque commerce considerable
avec les Egyptiens , surtout avec
ceux de Damiette er de Rosette. Leur vie
frugale et leur. éloignement de tout luxe ,
font qu'ils n'ont besoin de rien ..
Voilà ce qui regarde le Poisson salé dont
Egypte fait un commerce réglé,
J
J
et Le Poisson frais est très - commun
ceux qui demeurent aux environs des
Lacs , en font leur nourriture ordinaire..
La chaleur du climat est cause qu'on ne
peut le transporter , comme on fait en
France aux Villes un peu éloignées . I
seroit gâté et puant avant que d'arriver.
Le Caire , par exemple , qui est une si
belle Ville , si marchande et si peuplée ,
ne tire aucun secours de tant de Pêches
que l'on fait dans les Lacs de Manzalé , de
Brullos , de Beheiré , de la Marest , de la
Corne , Maris , Cheib , et dans les deix
Mers , la Mer Rouge , et la Méditerannée.
Les habitans de cette grande Ville
par la même raison ne voyent jamais de
Marée , et ils ne mangent jamais de Poissons
frais que celui qu'on pêche dans le
Nils , par conséquent , que d'un Poisson
.
€
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د
qui
AVRIL. 1731. 952
qui , en géneral n'est ni de bon goût , ni
d'une bonne qualité. Le Nil a dans son
lit beaucoup de limon : les Poissons s'en
nourrissent et en conservent l'odeur ; entr'autres
le Bolti , qui est une espece de
Carpe , le Bouri , le Bayad , le Chalbé , la
Ray , le Chilon , le Lebis , Alose , qui
sont les principaux Poissons du Nil , en
sont si infectez , que tout autre que la
peuple du Caire , n'en mangeroit pas.
$
•
Les riches du Caire ont de quoi se consoler
le Nil leur fournit quatre especes
de Poissons d'un goût exquis , d'une bonté
si grande , que les Egyptiens , anciennement
leur ont élevé des Temples , et
ont bâti des Villes de leur nom . Ces
qua
tre especes sont , la Variole , le Quechoué
le Bunni et la Quarmoud.
La Variole , que les Arabes nomment
Quecher , ou Latés , est d'une grosseur.
prodigieuse , et pese jusqu'à 100. et 200 .
livres. Vous la connoîtrez micux sous le
nom de DATO E dont les Auteurs font
si souvent mention .
Le Quechoué est de la grandeur d'uns
Alose , et a un museau fort pointu . C'est
POxirinchus des Anciens..
Le Bunni est assez gros , et j'en ai vû de
20 et 30 livres pesant. On ne peut s'y
méprendre , et on connoît à sa figure
qu'il est le Lepidorus , si vanté par les An
ciens Egyptiens.
25
960 MERCURE DE FRANCE
Le Quarmoud , connu dans les Auteurs
sous le nom de PHAYOB , est noir , et
un des Poissons les plus voraces qu'il y
ait , on en trouve d'aussi gros et d'aussi
pesans que le Bunni.
Deux choses augmentent fort l'avantage
que les habitans du Caire tirent de
cette pêche. La premiere est , que ce ne
sont point là de ces Poissons passagers que
F'on n'a qu'en certain temps : pendant le
cours de l'année on en trouve en abondance
dans le Nil. La seconde est , que la
Pêche en est facile. Quelque gros que soir
le Quecher et le Bunni , on les prend avec
un simple filer , et tendu de la même ma
niere que l'on fait en France.
Il ne tiendroit qu'aux Egyptiens de faire
une autre sorte de profit , que nous ne
négligerons assurément pas ; sçavoir , de
prendre des Oiseaux de Mer , et de Rivie
re , comme sont les Macreuses , les Plongeons
, et autres semblables animaux
dont le Nil est souvent couvert. Mais les
Pêcheurs , tant du Nil que des Lacs - Manzalé
et de Brullos s'attachent uniquement
à prendre des Macreuses. Pour cela , le
Pêcheur , pendant la nuit se met dans
F'eau jusqu'au col , ayant la tête couverte
d'un bonnet noir ; il s'approche doucement
et sans bruit des Macreuses , et lorsqu'il
en est proche , il jette sur elles son
filet.
›
AVRIL. 1731.901
Mon dessein étoit d'en demeurer-là , er
de finir ma Lettre , qui n'est déja que trop
longue , d'autant plus que je ne vous dirai
rien davantage sur la Pêche , que l'on fait
tant en Egypte , que dans le Nil en particulier.
Mais j'ai fait refléxion que les Oiseaux
et les Monstres , qui sont comme propres
du Nil , et dont les Européens n'ont point
assez de connoissance , méritent bien que
je vous en fasse un article séparé ; vous
m'en sçaurez gré , et je juis surpris que
vous ne m'ayez pas vous-même interrogé
sur ce point. Cependant , pour ne vous
pas ennuyer par le récit de choses qui ne
sont peut- être pas de votre goût , ou du
moins que vous ne regardez que comme
de simples curiositez , ausquelles vous ne
prenez nul interrêt , je ne vous en ferai le
détail qu'en géneral et en peu
de mots.
L'on voit sur le Nil deux sortes d'Oiseaux
, et en si grand nombre , que cela
est surprenant. Les uns sont communs
et connus en Europe ; sçavoir , le Flaman
le Chevalier , le Courlis le Courlis à
bec recourbé en haut , le Heron , le Heron
à bec sans espatule , le Pelican , la
Gruë , la Beccassine , le Pluvier , le Be
chor , la Sarcelle , le Canard à tête verte
la Macreuse , le Cormoran , le Plongeon ;
plusieurs de ces Oiseaux , comme vous
>
**
و
Voyez
981 MERCURE DE FRANCE
voyez , sont bons à manger , et l'on devroit
ici aller à la chasse , et en tuer . Mais
les Egyptiens ne chassent point , et au
Caire les Paysans n'apportent que des Canards
et des Şarcelles qu'ils prennent au
lacet. Ils y sont fort adroits . Aussi les.
Marchez sont- ils pour l'ordinaire remplis
de ces deux sortes de Gibier. Ils prennent
de la même maniere le Pelican. Les autres
Oiseaux ont beau multiplier à l'infini , ils
n'en tuent ni n'en prennent point.
L'Ibis , FOye à plumage doré , la Poule
de ris , ou Poule de Diamette , le Saqsaq ,
connu autrefois sous le nom de Trochilus ,
sont ce que j'appelle proprement les Oiseaux
du Nil. Car s'il y en a autre part
par exemple , sur le Lac Manzalé , c'est
parce qu'ils y sont venus du Nil , et que
La communication qu'il y a de l'un à l'autre
, par le moyen des canaux , les y a at
tirez.
Je ne connois dans le Nil que les Hippopotames
et les Crocodiles qui puissent
êrre appellez Monstres Marins , et je ne
sçai ou certains faiseurs de Voyages ont
trouvé ces differens Monstres Marins
dont ils prétendent que le Nil est rempli .
Apparemment que c'étoit pour embellir
leurs Relations , et pour attendrir leurs
Lecteurs par le récit fabuleux des dangers
qu'ils ont courus.
Les
AVRIL. 1731. 983
>
Les Hippopotames , ou Chevaux Marins
sont très-communs dans la haute
Egypte , surtout vers les Cataractes. A
peine en paroît - il , soit aux environs du
Caire , soit dans toute la Basse Egypte .
Ces animaux ne vont jamais en troupe , et
rarement on en voit deux ensemble . Ils
sont si défians , et ils s'échappent avec tant
de vitesse de ceux qui les poursuivent ,
que personne ne songe à aller à cette chas
se , et ne tente d'en prendre , ni par adresse
, ni autrement. Ce n'est néanmoins pas
une chose impossible , puisque les Empereurs
Romains en ont fait paroître dans
les jeux séculaires qu'ils donnoient au
Peuple.
Il n'en est pas de même des Crocodiles.
On les prend de deux manieres. La premiere
est toute simple . On prend la fres
sure d'une Vache , ou d'un Bufle , ou de
quelqu'autre animal : au milieu de cet
appas , on met un croc , on l'attache ensuite
à une longue corde , dont un bout
est amaré à terre ; on jette dans le Nil l'autre
bout , auquel est attachée la fressure ;
comme elle flotte sur l'eau , le Crocrodile
se jette dessus , et gobe l'hameçon ; alors
le Pêcheur tire sa corde , amene le Crocodile
jusqu'au bord , ' où les Arabes qui
sont stilez à cela , l'assomment.
L'autre maniere est plus dangereuse
on
964 MERCURE DE FRANCE
on épie le Crocodile , lorsqu'il est à terre
, et qu'il dort étendu le long de quelque
butte de sable : un homme se coule
doucement derriere la butte , et dès qu'il
est à portée de l'animal , il lui darde sous
l'aisselle , ou sous le ventre , un épieu qui
est armé d'un crampon qui tient à une
longue corde. Le Crocodile blessé court se
plonger dans le Nil , et entraîne avec lui
l'épieu . Le Pêcheur le suit , se saisit de la
corde , la tire , et amene le Monstre Marin
sur le rivage , où il le tuë. La Pêche
du Marsoüin a quelque chose qui approche
de cette maniere de prendre le Crocodile.
La chair du Crocodile est blanche
grasse , et est un mets exquis quand l'animal
est jeune. Les Arabes du Saïd en sont
friands , et l'aiment avec passion.
Les femelles ne fond jamais leurs oeufs
que sur le sable , chose bien singuliere.
C'est que leurs petits ne sont pas si - tôt
éclos , qu'ils ont la force de courir à toutes
jambes vers le Nil . La mere n'a pas be
soin de les deffendre , et de prendre garde
qu'on ne les lui enleve .
Les Crocodiles croissent assez vîte , et
ils ont ordinairement 20 à 25. pieds de
Jong.
Je ne vous déciderai pas combien de
sems ils vivent ; je sçai que Plutarque ne
leur
AVRIL. 1731. 955
(
leur donne que 40 ans de vie ; mais d'un
autre côté , j'entens dire à nos Arabes qui
sont croyables en cela par
les connoissances
journalieres qu'ils en ont , qu'il y a
des Crocodiles qui vivent jusqu'à cent
ans. Je suis , & c.
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Résumé : LETTRE du R. P. Sicard, Jesuite, sur les differentes Pêches qui se font en Egypte.
Le texte traite du commerce du poisson en Égypte, en se basant sur des informations recueillies par un missionnaire auprès de négociants locaux. Les négociants de Damiette et de Rosette transportent la saline d'Égypte vers les côtes de Syrie. Les riverains des lacs de Manzalé, de Brulla et de Beheiré fournissent cette saline exportée, tandis que d'autres lacs fournissent du poisson frais localement. L'auteur décrit trois principaux lacs égyptiens : Brullos, Beheiré et Manzalé. Ce dernier, situé entre Damiette et le château de Thiné, communique avec la mer par trois embouchures et reçoit les eaux du Nil par plusieurs canaux. La pêche sur le lac de Manzalé est réglementée, avec 2000 pêcheurs payant des droits au fisc. Le tiers de la pêche appartient au trésor royal, et les droits de douane ajoutent à cette somme. Les techniques de pêche incluent l'utilisation de filets et d'enceintes de joncs appelés Gabez, ainsi que des filets ronds avec des appâts. Le lac est riche en oiseaux et en poissons, notamment le Queiage, le Sourd, le Jamal, le Geran, le Nogt, le Karous, le Bouri et le Dauphin. Le Bouri est le poisson le plus abondant et est souvent salé ou fumé. Le commerce du poisson salé en Égypte se fait principalement avec la Syrie, Chypre et Constantinople. Les négociants européens ne trouvent pas de débouchés pour leur poisson salé en Égypte, et les importations de poisson salé des pays étrangers sont limitées au caviar de la Mer Noire. Les négociants égyptiens importent également divers produits comme le carouge, le lodanum, du vin, du coton, du tabac, des éponges, de l'encens, du café et des étoffes des Indes. Le poisson frais est abondant près des lacs mais ne peut être transporté vers des villes éloignées comme Le Caire en raison de la chaleur. Le Caire dépend du poisson du Nil, souvent de mauvaise qualité. Les riches du Caire consomment quatre espèces de poissons de qualité supérieure : la Variole, le Quechoué, le Bunni et le Quarmoud, qui sont abondants et faciles à pêcher tout au long de l'année. Le texte mentionne également la pêche et les animaux du Nil. Les pêcheurs du Nil et des lacs Manzalé et Brullos capturent des macreuses en utilisant des filets la nuit. Le Nil abrite divers oiseaux, certains communs en Europe comme le flamant, le héron et le canard, tandis que d'autres, comme l'ibis et la poule de ris, sont spécifiques au Nil. Les Égyptiens ne chassent pas ces oiseaux, sauf les canards et les sarcelles qu'ils capturent au lacet. Les monstres marins mentionnés sont les hippopotames et les crocodiles. Les hippopotames sont rares en Basse-Égypte et difficiles à chasser. Les crocodiles sont capturés par appât ou harponnés lorsqu'ils dorment sur le sable. Leur chair est considérée comme un mets délicat. Les crocodiles pondent leurs œufs sur le sable, et leurs petits courent vers le Nil dès leur éclosion. Leur espérance de vie est incertaine, allant de 40 à 100 ans selon les sources.
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24
p. 1933-[1936]
RÉFLEXIONS.
Début :
Desnnt inopia multa, avaritia omnia. Les Avares ne sont que les Fermiers [...]
Mots clefs :
Commerce, Fortune, Intérêt, Amitié, Cupidité, Louanges
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉFLEXIONS.
REFLEXIONS.
DE
Esant inopia multa , avaritia omnia.
Les Avares ne sont que les Fermiers
de leurs heritiers .
Congesto pauper in auro.
L'interesse , comincia nel sublime concave
lunaro , e penetra anchenelle basse campanne
de gl'humili pastori.
La vie humaine est un commerce perpetuel
; ceux qui n'ont que la naissance
en partage , et les autres qui tiennent la
fortune de leur côté , s'accommodent ensemble
, et on peut dire que les gens de
qualité changent avec des Roturiers de
la noblesse pour du bien.
Où il n'y a point d'interêt il n'y a
point d'amitié ; c'est lui qui la fait naître;
c'est lui qui la nourrit, et c'est lui qui l'anéantit
.
L'interêt commence toutes les Sociétez,
l'interêt les détruit.
L'interêt joue toutes sortes de personnages
, même celui de désinteresse.
E Les
1934 MERCURE DE FRANCE
Les hommes ne parviennent pas plutôt
à quelques emplois , qu'ils ne pensent
qu'aux richesses , soit que cette cupidité
leur naisse alors , ou qu'auparavant elle
n'eut pas eu occasion d'éclater .
Qu'on s'étonne tant qu'on voudra ; les
hommes manqueront de bonne foi tant
que vivra l'interêt , et l'interêt vivra tanţ
que les hommes subsisteront .
Le Public seul sçait donner , mais non
pas vendre les louanges.
Qui loüe les mauvaises actions est sud
jet à les commettre .
Les louanges reçoivent leur prix du
mérite et de la sincerité de ceux qui les
donnent.
On se loüe presque toûjours tacitement,
quand on blâme un vice qu'on n'a point.
Dans les Eloges il n'y a point de fuite
honteuse qui ne passe pour une retraite
honorable ; on nomme Lion , ce qu'on
n'oseroit nommer Loup , et en détournant
ainsi tous les mots de leur vraye si◄
gnification, on déguise toutes choses.
Aux Oraisons Funebres , on dissimule
les
les deffauts , on y étale les vertus , on ne
dit rien de ce qui ne se peut louer , et par
un faux jour , où l'adresse de l'Orateur
sçait placer habilement son Heros , il soutient
les endroits foibles et défectueux.
Les Apôtres expriment les plus grandes
choses avec une noble simplicité : ils
étoient certainement interessez en la cau
se de leur Maître ; cependant ils ne s'ar
rêtent pas à en faire des éloges , ils ne relevent
point par des lieux communs la
Doctrine qu'il enseignoit et les Mircles
qu'il operoit ; ils ne s'emportent point.
contre ses ennemis et ses envieux ; ils se
contentent de raconter simplement ses
paroles , ses actions et ses souffrances.
Il est plus difficile et plus glorieux de
loüer un concurrent , que de le surpasser.
Il y des déplaisirs qui peuvent causer
la mort , mais il n'y en a point qui puisse
la faire souhaiter..
Nous courons avec empressement aux
choses qui flattent nos passions , comme
si nous ne devions pas voir la fin de
la journée , et nous faisons des projets.
comme si nous devions toûjours vivre.
E ij O
O combien la vie seroit courte si
l'esperance ne lui donnoit de l'étenduë.
On
peut dire
que
la vie est une
espece
de sommeil
dont
on ne se réveille
qu'à
la mort.
L'homme ne vit mal que parce qu'il
croit toûjours vivre. Malè vivunt , qui
semper victuros se putant.
Les jeunes gens peuvent mourir ; mais
ils peuvent vivre long- temps. Les vieux
encore plus sujets à la mort , ne sçauroient
vivre long- temps.
Malgré toutes les mines et les dégui
semens des hommes pendant leur vie ,
ils ne sçauroient parer le dernier coup ,
la mort leve le masque , Eripitur persona
manet res.
Il n'y a rien qui exhorte et qui contribue
tant à faire bien mourir , que de
n'avoir pas
de plaisir à vivre.
Ne peut -on pas dire que la vie des
hommes est comme une Lampe exposée
à tous vents et toujours prête à s'éteindre.
DE
Esant inopia multa , avaritia omnia.
Les Avares ne sont que les Fermiers
de leurs heritiers .
Congesto pauper in auro.
L'interesse , comincia nel sublime concave
lunaro , e penetra anchenelle basse campanne
de gl'humili pastori.
La vie humaine est un commerce perpetuel
; ceux qui n'ont que la naissance
en partage , et les autres qui tiennent la
fortune de leur côté , s'accommodent ensemble
, et on peut dire que les gens de
qualité changent avec des Roturiers de
la noblesse pour du bien.
Où il n'y a point d'interêt il n'y a
point d'amitié ; c'est lui qui la fait naître;
c'est lui qui la nourrit, et c'est lui qui l'anéantit
.
L'interêt commence toutes les Sociétez,
l'interêt les détruit.
L'interêt joue toutes sortes de personnages
, même celui de désinteresse.
E Les
1934 MERCURE DE FRANCE
Les hommes ne parviennent pas plutôt
à quelques emplois , qu'ils ne pensent
qu'aux richesses , soit que cette cupidité
leur naisse alors , ou qu'auparavant elle
n'eut pas eu occasion d'éclater .
Qu'on s'étonne tant qu'on voudra ; les
hommes manqueront de bonne foi tant
que vivra l'interêt , et l'interêt vivra tanţ
que les hommes subsisteront .
Le Public seul sçait donner , mais non
pas vendre les louanges.
Qui loüe les mauvaises actions est sud
jet à les commettre .
Les louanges reçoivent leur prix du
mérite et de la sincerité de ceux qui les
donnent.
On se loüe presque toûjours tacitement,
quand on blâme un vice qu'on n'a point.
Dans les Eloges il n'y a point de fuite
honteuse qui ne passe pour une retraite
honorable ; on nomme Lion , ce qu'on
n'oseroit nommer Loup , et en détournant
ainsi tous les mots de leur vraye si◄
gnification, on déguise toutes choses.
Aux Oraisons Funebres , on dissimule
les
les deffauts , on y étale les vertus , on ne
dit rien de ce qui ne se peut louer , et par
un faux jour , où l'adresse de l'Orateur
sçait placer habilement son Heros , il soutient
les endroits foibles et défectueux.
Les Apôtres expriment les plus grandes
choses avec une noble simplicité : ils
étoient certainement interessez en la cau
se de leur Maître ; cependant ils ne s'ar
rêtent pas à en faire des éloges , ils ne relevent
point par des lieux communs la
Doctrine qu'il enseignoit et les Mircles
qu'il operoit ; ils ne s'emportent point.
contre ses ennemis et ses envieux ; ils se
contentent de raconter simplement ses
paroles , ses actions et ses souffrances.
Il est plus difficile et plus glorieux de
loüer un concurrent , que de le surpasser.
Il y des déplaisirs qui peuvent causer
la mort , mais il n'y en a point qui puisse
la faire souhaiter..
Nous courons avec empressement aux
choses qui flattent nos passions , comme
si nous ne devions pas voir la fin de
la journée , et nous faisons des projets.
comme si nous devions toûjours vivre.
E ij O
O combien la vie seroit courte si
l'esperance ne lui donnoit de l'étenduë.
On
peut dire
que
la vie est une
espece
de sommeil
dont
on ne se réveille
qu'à
la mort.
L'homme ne vit mal que parce qu'il
croit toûjours vivre. Malè vivunt , qui
semper victuros se putant.
Les jeunes gens peuvent mourir ; mais
ils peuvent vivre long- temps. Les vieux
encore plus sujets à la mort , ne sçauroient
vivre long- temps.
Malgré toutes les mines et les dégui
semens des hommes pendant leur vie ,
ils ne sçauroient parer le dernier coup ,
la mort leve le masque , Eripitur persona
manet res.
Il n'y a rien qui exhorte et qui contribue
tant à faire bien mourir , que de
n'avoir pas
de plaisir à vivre.
Ne peut -on pas dire que la vie des
hommes est comme une Lampe exposée
à tous vents et toujours prête à s'éteindre.
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Résumé : RÉFLEXIONS.
Le texte examine la nature humaine et les sociétés, soulignant que l'avarice et l'intérêt gouvernent les interactions humaines, comparant la vie à un commerce perpétuel. L'intérêt est décrit comme le moteur des sociétés, capable de créer et de détruire des amitiés. Une fois en poste, les hommes se concentrent sur l'acquisition de richesses, et la bonne foi est rare tant que l'intérêt persiste. Le texte aborde également les louanges et les éloges, notant que les compliments sincères sont rares et que les éloges funèbres dissimulent souvent les défauts. Les Apôtres sont cités pour leur simplicité et leur honnêteté dans la narration des actions de leur maître. Louer un concurrent est plus difficile et glorieux que de le surpasser. Enfin, le texte réfléchit sur la brièveté de la vie et l'importance de l'espoir. La vie est comparée à un sommeil dont on ne se réveille qu'à la mort. Les jeunes peuvent vivre longtemps, tandis que les vieux sont plus sujets à la mort. La mort est inévitable et révèle la véritable nature des hommes. Vivre sans plaisir facilite une bonne mort. La vie humaine est comparée à une lampe exposée aux vents, toujours prête à s'éteindre.
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25
p. 2610-2611
LETTRE écrite par M. de Milhau, Creole de Cayenne, au sujet de l'Histoire Naturelle de cette Isle.
Début :
Si un Auteur est obligé de rendre compte au Public de ses ouvrages, à [...]
Mots clefs :
Cayenne, Histoire naturelle, Colonie, Commerce
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite par M. de Milhau, Creole de Cayenne, au sujet de l'Histoire Naturelle de cette Isle.
LETTRE écrite par M. de Milhau¸
Creole de Cayenne , au sujet de l'His
toire Naturelle de cette Isle.
MONSIEUR
Si un Auteur est obligé de rendre
compte au Public de ses ouvrages , à
plus forte raison celui qui fournit les
Memoires d'une Histoire ainsi , pour
répondre à votre Lertre , et pour n'être
point obsedé par des reproches continuels
, je me vois obligé de déclarer que
je n'ai jamais eu aucune connoissance de
tout ce que le R. P. Labat nous dit , touchant
l'Histoire Naturelle de Cayenne
dans son troisiéme Volume de la Guinée
qui est pourtant écrit sur la foy de mes
Memoires , à ce qu'il prétend. Je n'ay
garde , Monsieur , d'avouer comme mon
propre bien , une chose dont je pourrois
être démenti à chaque moment par
mes Compatriotes et je vous pro ·
teste que je n'ay fourni sur ce qui regarde
cette Colonie , que ce qui est rapporté
depuis son premier établissement ,
jusqu'à present. Pour ce qui est de son
Gouvernement Ecclesiastique et Miire
,
de l'Administration de la Justice
NOVEMBR E. 1731. 2611
tice , de son Commerce du Domaine
du Roy , et des moeurs des Sauvages
, quelqu'un trouve que sur ces
Chefs j'aye alteré la verité , et n'aye pas
écrit avec toute l'éxactitude possible
je suis en état de me défendre ; aussi
n'ay-je garde de soûtenir rien contre mon
propre sentiment , et je ne suis point
sensible au titre honorable de Botaniste .
que me donne le R. P. Labat . Je diray
comme vous , Monsieur , que je n'ay
jamais eû aucune connoissance de tout
ce qui est dit de l'Histoire Naturelle
dont il fait pourtant une exacte Descrip
tion sur la foy de mes Memoires. Je suis
surpris que ,
les ayant eûs dans vos mains
avant que ce Livre parût , vous n'ayez
pas été plus porté à me rendre Justice ;
personne ne pouvoit mieux me la rendre.
J'ay l'honneur d'être très - parfaitement
& c.
Creole de Cayenne , au sujet de l'His
toire Naturelle de cette Isle.
MONSIEUR
Si un Auteur est obligé de rendre
compte au Public de ses ouvrages , à
plus forte raison celui qui fournit les
Memoires d'une Histoire ainsi , pour
répondre à votre Lertre , et pour n'être
point obsedé par des reproches continuels
, je me vois obligé de déclarer que
je n'ai jamais eu aucune connoissance de
tout ce que le R. P. Labat nous dit , touchant
l'Histoire Naturelle de Cayenne
dans son troisiéme Volume de la Guinée
qui est pourtant écrit sur la foy de mes
Memoires , à ce qu'il prétend. Je n'ay
garde , Monsieur , d'avouer comme mon
propre bien , une chose dont je pourrois
être démenti à chaque moment par
mes Compatriotes et je vous pro ·
teste que je n'ay fourni sur ce qui regarde
cette Colonie , que ce qui est rapporté
depuis son premier établissement ,
jusqu'à present. Pour ce qui est de son
Gouvernement Ecclesiastique et Miire
,
de l'Administration de la Justice
NOVEMBR E. 1731. 2611
tice , de son Commerce du Domaine
du Roy , et des moeurs des Sauvages
, quelqu'un trouve que sur ces
Chefs j'aye alteré la verité , et n'aye pas
écrit avec toute l'éxactitude possible
je suis en état de me défendre ; aussi
n'ay-je garde de soûtenir rien contre mon
propre sentiment , et je ne suis point
sensible au titre honorable de Botaniste .
que me donne le R. P. Labat . Je diray
comme vous , Monsieur , que je n'ay
jamais eû aucune connoissance de tout
ce qui est dit de l'Histoire Naturelle
dont il fait pourtant une exacte Descrip
tion sur la foy de mes Memoires. Je suis
surpris que ,
les ayant eûs dans vos mains
avant que ce Livre parût , vous n'ayez
pas été plus porté à me rendre Justice ;
personne ne pouvoit mieux me la rendre.
J'ay l'honneur d'être très - parfaitement
& c.
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Résumé : LETTRE écrite par M. de Milhau, Creole de Cayenne, au sujet de l'Histoire Naturelle de cette Isle.
M. de Milhau, un Créole de Cayenne, répond à une lettre concernant l'Histoire Naturelle de Cayenne. Il nie avoir fourni des informations sur ce sujet au Père Labat, contrairement à ce que ce dernier affirme dans son troisième volume sur la Guinée. Milhau précise qu'il n'a rapporté que des faits relatifs à la colonie depuis son établissement jusqu'à présent. Il reconnaît avoir reçu des critiques sur divers aspects, tels que le gouvernement ecclésiastique et militaire, l'administration de la justice, le commerce, le domaine royal et les mœurs des sauvages. Cependant, il se défend en affirmant qu'il n'a rien écrit contre ses propres convictions. Milhau exprime également sa surprise que la personne à qui il a fourni ses mémoires n'ait pas pris sa défense avant la publication du livre du Père Labat.
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26
p. 2831-2832
L'Esprit du Commerce, autre Almanach, [titre d'après la table]
Début :
Il paroît aussi un petit Almanach in 24. pour l'année 1732. intitulé, l'Esprit du [...]
Mots clefs :
Commerce, Fermiers généraux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'Esprit du Commerce, autre Almanach, [titre d'après la table]
Il paroît aussi un petit Almanach in 24.
pour l'année 1732. intitulé , l'Esprit du
Commerce , rendu aussi curieux que necessaire
, troisiéme Edition , dans laquelle
l'on trouve les Fêtes des mois , ce qui s'est
passé de plus curieux dans l'année , les
noms et demeures de M" les Maîtres des
Requêtes , des Fermiers Generaux , la
Naissance de la Famille Royale , les Banquiers
, les Payeurs des Rentes , divers
Tarifs , ainsi que plusieurs choses néces-
1. Vol. saires
2832 MERCURE DE FRANCE
saires au Commerce. Par M. Roflin. A
Paris . rue Galande et au Palais , chez
Quillan et Gl. Girard.
pour l'année 1732. intitulé , l'Esprit du
Commerce , rendu aussi curieux que necessaire
, troisiéme Edition , dans laquelle
l'on trouve les Fêtes des mois , ce qui s'est
passé de plus curieux dans l'année , les
noms et demeures de M" les Maîtres des
Requêtes , des Fermiers Generaux , la
Naissance de la Famille Royale , les Banquiers
, les Payeurs des Rentes , divers
Tarifs , ainsi que plusieurs choses néces-
1. Vol. saires
2832 MERCURE DE FRANCE
saires au Commerce. Par M. Roflin. A
Paris . rue Galande et au Palais , chez
Quillan et Gl. Girard.
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Résumé : L'Esprit du Commerce, autre Almanach, [titre d'après la table]
En 1732, l'almanach 'L'Esprit du Commerce' a été publié. Il contient des informations sur les fêtes des mois, les événements marquants, les maîtres des requêtes, les fermiers généraux, la généalogie royale, les banquiers et les payeurs des rentes, ainsi que divers tarifs commerciaux. L'ouvrage est rédigé par M. Roflin et disponible à Paris, rue Galande et au Palais.
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27
p. 100-101
LOGOGRYPHE.
Début :
Rien n'est plus connu que mon nom, [...]
Mots clefs :
Commerce
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LOGOGRYPHE.
R
LOGOGRYPHE.
Ien n'est plus connu que mon noms,
De tous les Etats je suis l'ame ,
Entre deux cœurs qu'amour enflamme ,
J'entretiens la douce union ;
Ainsi je joins l'agréable et Putile...
Huit lettres marquent qui je suis :
Six, deux , trois , cinq , est une Ville
Qui fut bien celebre jadis
Trois , cinq, six , huit , malgré les peines
Qu'il en coûte pour m'obtenir
Ce que je suis , fille veut devenir.
Mon nom sur tout est précieux aux Reines.
Sept, deux , et six , aux habitans des Bois.
Je donne des frayeurs mortelles.
Six ,deux , sept , amour autrefois
Emous
JANVIER. 1732. Tof
Emoussoit tous ses traits contre le cœur des belles ,
Il y trouvoit ma dureté.
Mais il a bien vaincu cette férocité.
Deux et six , je vois l'homme avide ,
Pour m'avoir , s'exposer sur quatre , cinq et six
Que dis-je , hélas ! dans l'ardeur qui le guide ,
Il braveroit même le styx.
Trois , deux , six , cinq et huit , je suis une con- trée ,
Où l'Europe trouve sa fin :
Je vais finir aussi , car ma longue durée
Pourroit fort bien ennuyer le Devină
Par M.V. J. A. L.
LOGOGRYPHE.
Ien n'est plus connu que mon noms,
De tous les Etats je suis l'ame ,
Entre deux cœurs qu'amour enflamme ,
J'entretiens la douce union ;
Ainsi je joins l'agréable et Putile...
Huit lettres marquent qui je suis :
Six, deux , trois , cinq , est une Ville
Qui fut bien celebre jadis
Trois , cinq, six , huit , malgré les peines
Qu'il en coûte pour m'obtenir
Ce que je suis , fille veut devenir.
Mon nom sur tout est précieux aux Reines.
Sept, deux , et six , aux habitans des Bois.
Je donne des frayeurs mortelles.
Six ,deux , sept , amour autrefois
Emous
JANVIER. 1732. Tof
Emoussoit tous ses traits contre le cœur des belles ,
Il y trouvoit ma dureté.
Mais il a bien vaincu cette férocité.
Deux et six , je vois l'homme avide ,
Pour m'avoir , s'exposer sur quatre , cinq et six
Que dis-je , hélas ! dans l'ardeur qui le guide ,
Il braveroit même le styx.
Trois , deux , six , cinq et huit , je suis une con- trée ,
Où l'Europe trouve sa fin :
Je vais finir aussi , car ma longue durée
Pourroit fort bien ennuyer le Devină
Par M.V. J. A. L.
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28
p. 2174-2187
QUATRIEME Lettre écrite par M. D. L. R. à M- le Marquis de B. au sujet de la conquête d'Oran, &c.
Début :
Il me reste, Monsieur, peu de chose à vous dire au sujet de la Conquête d'Oran en elle-même. [...]
Mots clefs :
Conquête d'Oran, Commerce, Pirates, Prince Maure, Troupes, Alger, Nonce d'Espagne, Rome, André Doria, Gloire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : QUATRIEME Lettre écrite par M. D. L. R. à M- le Marquis de B. au sujet de la conquête d'Oran, &c.
QUATRIEME Lettre écrite par M. D.
L. R. à M-le Marquis de B. au sujet de
la conquête d'Oran , &c.
Idire au sujet de la Conquête d'Oran en elle- L me reste , Monsieur , peu de chose à vous
même. C'est une affaire heureusement copsommée par rapport au principal objet de larement et de l'Expédition. Sçavoir la prise de deux
Places importantes , qui assûrent la Navigation
et le Commerce dans une partie de la Mer Méditerrannée , contre les courses des Pyrates, Maures , et qui font aussi la sûreté des côtes d'Espagne très- peu éloignées de celles de Barbarie ; outre que la Religion et la Couronne d'Espagne rentrent par là dans leur ancienne possession. IL
est vrai , Monsieur , que par ma derniere Lettre
vous vous attendez d'apprendre de nouveaux
progrez des Armes de S. M. C. en Affrique. En
effet , le Comte de Montemar , après avoir sou
mis beaucoup de Païs aux environs , avoit fait ,
comme je vous l'ai mandé, un détachement considérable d'Infanterie et de Cavalerie , commandé par le Marquis de Villa - Darias , pour aller
faire le Siége de Mostagran , Ville située à l'em- bouchure de la Riviere de Chilef , à IS lieuës
d'Oran , du côté d'Alger ; à laquelle embouchure il avoit envoyé des Vaisseaux de Guerre et des
Galleres pour ' attaquer en même- temps la Place
par Mer. Mais les Vents contraires ayant empêché pendant plusieurs jours l'Escadre d'avancer , temps dont les ennemis ont sçu profiter
pour
OCTOBRE. 1732. 2175
pour se fortifier et pour recevoir des secours , le
Comte de Montemar envoya ordre au Marquis
de Villa- Darias de revenir au Camp avec ses
Troupes, remettant cette Expédition à une con- joncture plus favorable.
Depuis , ce General ayant reçu du Roy d'Espagne des Ordres précis de faire rembarquer toutes les Troupes , à l'exception de ce qui doit
composer les Garnisons des Places conquises , il
y a satisfait , et on a eu avis que la Flote et tous
les Bâtimens de transport étoient heureusement
arrivez dans les Ports d'Espagne. Le Comte de
Montemar s'est ensuite embarqué lui- même
venir rendre compte au Roy du succès de l'Expédition. On apprend qu'il est arrivé à la Cour le 17 d'Aoust que S. M. l'avoit fait Chevalier
de la Toison d'or , ainsi que Don Joseph Pathino , et qu'elle avoit honoré le Comte d'un
accueil des plus favorables.
pour
Pour ce qui regarde le Prince Maure, dont toutes les Nouvelles publiques ont parlé , qui offroit
la jonction de ses Troupes , pour réduire une
grande étendue de Païs , de donner son Fils en
Otage , &c. et qu'on attendoit même à Madrid ,
je n'en ai encore rien appris que je puisse vous donner pour certain. Mais la chose est
très-vraisemblable , et il n'est pas nouveau que
des Princes Mautes ayent recherché l'alliance des
Rois d'Espagne. Pour ne point sortir du sujet ni du Pays d'Oran , je vous dirai , Monsieur
ce que l'Histoire m'apprend à cet égard.
pour
A peine le Cardinal Ximenés étoit repassé en
Espagne , de retour de sa conquête , qu'il arriva
à la Cour des Ambassadeurs faire des propositions de la part du Roi de Tremesen ,
quelques moindres Princes de la Mautitanic , ofDiiij frant
et de
9
2176 MERCURE DE FRANCE
frant de rendre tous les Esclaves Chrétiens , de
payer même un tribut à laCouronne d'Epagne , en
faisant de grandes instances pour l'ouverture du commerce entre Oran et les Etats de ces Princes.
Ces Ambassadeurs , entr'autres choses , présenterent au Roi dix des plus beaux chevaux du pays,
magnifiquement harnachez , dix Faucons tout
dressez , de riches tapis , et un Lion apprivoisé
d'une grandeur et d'une beauté extraordinaire.
Je ne doute pas , Monsieur , qu'à mesure que
le Roi d'Espagne s'affermira dans sa nouvelle
conquête , et que ses Armes auront du progrès
dans le pays , les Puissances voisines ne tiennent
une pareille conduite.
Vous avez sçû , sans doute , que l'allarme a
été grande à Alger avant même la prise d'Oran ,
qui faisoit partie de cette Régence ; Alger , dis- je,
Ville si fiere , si bien munie , et si redoutable à la
Navigation , et au Commerce de la Chrétienté.
Aux seuls préparatifs de l'armement , la terreur
a été telle que les Algeriens avoient envoyé les
femmes , les enfans et leurs meilleurs effets dans
les Montagnes , et que la Régence avoit envoyé
une députation au Grand Seigneur pour deman- der du secours. Le Bailli de Vattan étant allé
dans le même tems à Alger avec l'Escadre des
Vaisseaux du Roi , qu'il commande , il a trouvé
les choses sur le pied que je viens de dire ; quelques Lettres ajoûtent que le Dey allarmé lui
avoit demandé si la France s'unissoit à l'Espagne
contre cette Régence , à quoi M. de Vattan
avoit répondu que quand le Roi son Maître auroit sujet de se plaindre d'elle il sçauroit la punir,
sans avoir besoin d'autré puissance que dela sienne.Veuille le Ciel humilier de plus en plus ces ennemis du Christianisme et du Genre humain. Et
puis-
OCTOBRE. 1732. 2177
puissent enfin les Vainqueurs d'Oran y faire
reporter ces fameuses Cloches qui en furent
' enlevées lors de la derniere invasion , et menées ,
pour ainsi dire , Captives à Alger.
D
Cependant vous ne sçauriez croire , Monsieur,
combien tout le Monde chrétien à été sensible
à l'heureux succès des Armes du Roi d'Espagne
à commencer par la capitale. Le Cardinal Ben
tivoglio , Ministre de cette Couronne à Rome
reçût l'heureuse nouvelle le 2.1 . Juillet , sans par- ler des dépêches du Nonce d'Espagne , qu'un autre Courrier apporta le même jour. Le Pape reçût cette nouvelle avec un excès de joye. S. S. en donna sur le champ des marques publiques Après
avoir fait l'éloge de la pieté et du zele de S. M. C.
elle assura le Cardinal B. qu'elle feroit tout ce
qui seroit en son pouvoir pour seconder ses
grands et ses pieux desseins. Le Pape résolut en
même-tems d'envoyer au Roi d'Espagne un Bref de félicitation , d'exhortation , &c. Le Cardinal
Alberoni partit quelques jours après pour Florence pour complimenter l'Infant Don Carlos sur cet évenement.
Ce Prince qui avoir reçu la même nouvelle le
20. se rendit d'abord à l'Église de l'Annonciade ,
où il fit chanter le Te Deum , en actions de gra
ces. Le Grand Duc le fit chanter dans l'Eglise
Métropolitaine de Florence..
* Ce sont les grandes Cloches que le C. Ximenés
fit fondrepour la principale Eglise d'Oran , qu'il nomma Notre- Dame de la Victoire. Les Maures
Les enleverent en l'année 1708. les porterent à Alger, et affecterent de les placer à une des Portes de
La Ville , où on les voit encore comme une espece de
triomphe sur les Chrétiens.. D Y
2178 MERCURE DE FRANCE
Je reviens à Rome , pour ajouter que le Pape
fit part au Sacré Collège de la prise d'Oran, &c.
dans un Consistoire particulier,tenu le 11 Aoust;
et le 13 , on commença par ordre de S. S. les ré
jouissances publiques. On sonna toutes les Cloches de la Ville , on tira le Canon du Château
S. Ange , et le soir il y eut des Feux et des Illuminations par toute la Ville. Le 15. Fête de l'Assomption, le Pape se rendit, en grand Cortege , à
l'Eglise de Sainte Marie Majeure , où S. S. tint
Chapelle Pontificale , à laquelle le Sacré Collége
assista. La Messe y fut célebrée par le Cardinal de
la Mirandole, Archiprêtre de cette Eglise, et aprèsla Messe on chanta le Te Deum à plusieurs
Chœurs de Musique. Il y eut un grand concours de personnes de distinction , et une affluance extraordinaire de Peuple. Le Château S. Ange
fit plusieurs décharges de toute son Artillerie.
Le Cardinal Bentivoglio avoit déja fait chanter le Te Deum solemnellement dans l'Eglise Nationnale des Espagnols , le 25 Juillet , jour de St
Jacques , auquel le Cardinal Belluga , Protecteur
des Affaires d'Espagne , celebra , avec beaucoup
de pompe , la Fête de cet Apôtre , Patron des
Espagnes.
-Je m'attens bien d'apprendre dans peu de jours:
que de pareilles actions de graces ont été renduës
dans Oran même , et que l'exercice de la vraie
Religion s'y fait actuellement dans les mêmes
Temples , dont le Mahométisme s'étoit emparé;
que les Livres d'Eglise y sont à la place de l'Alcoran et de la à Sunnah , et que la Foy pourroit
a C'est ainsi que les Mahometans appellent le Recueil des Faits et Dits de Mahomet , conservez
par tradition , &c. C'est comme la Miscnah des
Hebreux; la seconde Loy , la Loy Orale . c.
enfin
OCTOBRE. 1732. 2179
enfin penetrer delà dans le reste de cette Partie
de l'Affrique , où elle a été autrefois si floris- sante.
Vous me demanderez peut être , Monsieur , si
on n'a point rapporté parmi les dépouilles des
deux Places conquises , quelques Manuscrits de
Littérature Arabe? Cela se pourroit fort bien ;
les Sciences n'ont pas moins fleuri sous les Califes d'Affrique que sous ceux de l'Asie, et particu- lierement dans les Païs circonvoisins d'Oran, sur
tout après l'expulsion des Arabes de toute l'Espagne ; expulsion qui contribua beaucoup à faire
de cette Ville , l'une des plus grandes , des plus:
celebres et des plus riches Villes du Mahométisme,où se retirerent les Personnages les plus con- sidérables en tout genre.
Les Historiens Espagnols m'apprennent que
lorsque le Cardinal Ximenés fit son entrée solemnelle dans Alcala , après la Conquête d'Oran ; la
seconde chose qui parut dans son triomphe, après
plusieurs Chameaux , conduits par des Esclaves
chargez de Pieces d'or et d'Argent destinées pour
le Roy , ce fut une quantité de Livres Arabes d'Histoire , de Médecine , d'Astrologie , &c. qui
furent placez dans la Bibliotheque du Cardinal ,
lequel les laissa depuis à la Bibliotheque de l'Université d'Alcala , qu'il avoit fondée , où on les
voit encore aujourd'hui.
Ximenês n'a pas sans doute tout enlevé, et dans
Fespace d'environ 25 années qu'a duré la derniere invasion , il peut être entré dans Oran d'au
tres Manuscrits Arabes , curieux et utiles ; le
Païs des environs et sur tout la Ville de Trémé
sen , qui a fondé celle d'Oran , ne doivent pas em
être dépourvûs. Je connois deux Autheurs de réputation , originaires de cette même Ville , done D vi les:
3 MERCURE DE FRANCE
-
les Ouvrages sont fort estimez par les Bibliogra
phes Orientaux. Le premier est Assifeddin , Soliman Ben Ali , surnommé Telmessani ou de
Tremesen , Autheur d'un Scharh , ou Commentaire sur le Poeme du celebre Ebn * Faredh , intitulé , Taiiah. Ce Commentateur est mort l'an
690 de l'Hégire 1291. de J. C. L'autre Ecrivain
Arabe est Schamseddin , Mohammed Ben Amed,
Ebn Al Merousi , Marzouk , aussi surnommé
Talmessani, ou de Trémésen. Il est Autheur d'un
Livre , intitulé : AschrafAl Thoraf l'Almalek Al
Aschraf: C'est un Recueil de Eons Mots et de
Contes agréables , dédié à Malek Al Aschraf
Roy d'Egypte , avec un Traité de l'Egypte, dans
lequel l'Autheur prétend prouver que c'est le meilleur Pais de toute la Terre habitable Il mourut l'an 781. de l'H.gire ou l'an 1379. de notre
époque. Mais lais ons à l'illustre Gouverneur
d'Oran 1 soin de recueillir tout ce qui peut être
resté de bon dans le Païs , en fait d'Erudition
Arabe Il est plus en état que personne de le faire,
avec un juste discernement , et d'en enrichir un
jour la République des Lettres.
Vous me paroissez touché du mérite d'André
Doria , le Liberateur d'Oran , et content de la
Médaille de ce grand Homme , dont je vous ai
Scharfeddin Omar Ebn' Faredh , originaire
de Hamal , en Syrie , né au Caire l'an 577 de
l'Hegire , ou 1181. de J. C. fut l'un des plut Illus- tres Poëtes Arabes. Le Recueil de ses Poësies, sous le
nom de Divan , est tres- estimé , et a eu plusieurs
Commentateurs. Il composa le Taiiah , en faveur
des Sofis , espece de Religieux Musulmans qui
donnent dans la Mysticité , &c. Les Foësies de cet Autheur sont dans la Bibliotheque du Roy.. entre
1
OCTOBRE. 1732. 2181
entretenu dans ma derniere Lettre. Je puis bien
avoir fait quelque omission sur ce sujet , car , je
vous avoue , Monsieur , que ce n'est qu'en finissant cette Lettre , que j'étois pressé de faire partir, que j'ai sçu que Doria avoit eu un Historien,
et que cet Historien est le fameux Jesuite Sigonius , dont les Ouvrages , en grand nombre, sont
en réputation et ne se trouvent pas tous ensemble bien aisément. J'ai cependant eû le plaisir de
lire depuis dans cet Autheur la Vie a d'André
Doria , et d'avoir trouvé en lui un garant des
principales choses que je vous ai écrites sur ce
sujet.
de
Il en faut seulement excepter l'article de la
Statue , érigée par la République de Génes , en
l'honneur de Doria Elle est de Marbre blanc ,
selon mes Mémoires , et suivant le rapport
ceux qui l'ont vûë placée dans le Vestibule du
Palais où s'assemble le Sénat , et élevée sur un
Pié d'Estal , sur lequel est l'Inscription que j'ai
rapportée.
Aprendre littéralement le Narré de Sigonius,
qui rapporte tout du long le Decret du Sénat , la
Statue seroit de Bronze , et placée dans la grande Sale de ce Palais. Mais cela me paroît aisé a
concilier. Dans ce Decret , datté du mois d'Octobre 1578. le Sénat , après avoir fait un Előge magnifique de Doria , qui avoit, dit-il , rendu
la liberté à sa Patrie , &c . s'exprime ainsi , au su
a Cette Vie se trouve dans un des Volumes des
Oeuvres de Sigonius , intitulé : Caroli Sigonii ,
Historia de Rebus Bononiensibus , Libri VIII.
Ejusdem de vita ANDREE DORIE , Libri duo..
quibus accesserunt , &c. 1. vol. Fol. Francofurti ,
1603
jer
2182 MERCURE DE FRANCE
jet de la Statuë : Decrevit ut Andrea Doria Enea
Statua in magna Pratorii Aula , quoadfieri possit
ornatissima , cum ipsius nominis Inscriptione ponatur. Il est sans doute arrivé que dans l'exécution
de ce Décret , le Sénat , toujours le Maitre de ses
Décisions , ait , par des raisons qui nous sont inconnues , trouvé à propos de changer la matiere
et la situation de ce Monument , qui en effet se
trouve plus exposé à la vénération publique à
l'entrée du Palais , qu'il ne le seroit dans l'enté- rieur de ce Bâtiment. L'intention du Sénat est
toujours remplie , et l'Historien qui a écrit , et
qui est mort avant l'exécution , n'a point de
tort.
à
Je n'ai pû trouver, au reste , dans cet Historien, ni dans aucun autre Ecrivain le nom et la famille
de l'Epouse d'André Doria , dont le même Historien éleve si fort le rare génie et le mérite superieur, dont il fait, en un mot , une Héroïne , laquelle l'Empereur Charles V. voulut rendre visite en passant par Génes et qui donna à ce Prince des Conseils admirables , &c Je ne comprens pas trop cette omission de la part de Sigonius, d'ailleurs si exacts qu'en nommant la Mere
de Doria , il nous fait entendre qu'elle étoit de la
même Maison que son Epoux. J'ai aussi appris de cet Autheur que la Principauté de Melphe , donnée par Charles V. à Doria , et généreusement refusée d'abord, est située
dans le Royaume de Naples , relevant de cette.
Couronne. Elle Y avoit été réunie par la défection , ou la félonie de Jean Carracioli , Prince de
Melphe. Vous avez vû , Monsieur , dans ma derniere
Lettre , que le fameux Pyrate Dragut , pris par char- les Galeres de Doria , fut amené à Génes ,
gé
OCTOBRE. 1732. 218
é de chaînes , &c. Sigonius décrit élégamment
Phumanité et la générosité exercée par A. Doria
envers ce Captif , que je crois plus que jamais ,
après cette lecture , être representé sur le Revers
de notre Médaille , et non pas Barbarousse, com
me je l'avois d'abord pensé. Ce Captif , dis- je ,
homme féroce et barbare , s'il en fut jamais , est
bien connu sur ce pied-là par Doria Norat enim feros illius. moreş , et immanem naturam , dit notre Historien. Je crois que vous le reconnoîtrez à
ces traits sur la Médaille même , tant l'habileté
du Graveur a été grande àexprimer tout cela, par son Burin.
Rien,au reste, n'est plus pathétique et plus moral que le Discours de Doria fait à Dragut en le mettant en liberté. Il mérite d'être lû dans cet
Autheur: Morale et Eloquence perduës! les monstres ne s'apprivoisent presque jamais. Vous sçavez de quelle ingratitude Dragut paya dans la
suite son Libérateur, qui pensa être la Dupe d'une
générosité sans exemple.
J'apprens encore dans le même Livre , que les
Génois avoient fait Doria leur Généralissime de
Terre et de Mer. C'est la matiere du 38 Chap.
du onzième Livre , intitulé : De Maritimo ac
Terrestri Imperio ei à Genuensib, delato.
Je trouve enfin une circonstance singuliere dans
le 43 et dernier Chapitre , qui donne une grande idée de l'attachement et de la reconnoissance
de ce General , pour l'Empereur Charles V. en
ordonnant par l'Acte solemnel de ses dernieres
volontez, qu'on mit avec lui dans son Tombeau
Les Lettres de ce Prince par lesquelles il l'avoit
créé Chevalier de la Toison d'or.
Une autre circonstance non moins singuliere ,
que j'ai tirée d'un Mémoire particulier, venu de- puis
2184 MERCURE DE FRANCE
puis peu de Génes , c'est qu'André Doria , né
pour ainsi dire , pour les Armes et pour les Exploits Guerriers, ne porta jamais d'Epée ni de Poignard ; il disoit sur cela que toute sa force êtoit dans sa tête et dans l'amour de ses Concitoyens. Ne vous semble-t -il pas, Monsieur , être
transporté dans les meilleurs temps de la Republique Romaine , et voir revivre les Fabius , les
Lucullus , les Catons , dans ce grand Personnage ?
Finissons par un court Eloge , consacré à sa
Mémoire , et composé à Génes , en 158 6. à l'occasion de la Statue dont nous avons déja parlé ,
par l'Editeur de Sigonius :
Hic tamferventi Patria flagravit amore ,
Illius ut chara pro libertate tuenda
Horribiles Regum non formidaverit iras ,
Hic quoque cum Patria Regno , Sceptroquepotiri
Posset et aurata frontem redimire corona ,
Contempsit Regni fastus , nomenque Tyranni.
Huic maris Imperium vasti , sævumque tridentem
Neptunus , Pelagique leves concessit habenas :
Quin etiam aratis premerit cum classibus &quor,
Haud Pauci impavidi admirantes pectoris ausa.
Neptunum , aut sacro Neptuni è sanguine cretum
Mortalesque Deum vultus sumpsisse putarunt.
Hoc certum est , nullas Neptunum amplectier oras
Quá non ille simulfama penetrarit et armis,
Je finirois ici ma Lettre , Monsieur , si par vo
tre Réponse à ma précedente , je n'étois pas obligé
OCTOBRE. 1732. 2185
gé de revenir à Oran , pour vous dire en trèspeu de mots, qu'après quelques recherches je n'ai
rien trouvé qui autorise ce que Davity * en a dit,
sçavoir , qu'elle est la Capitale d'un petit Etat
nommé le Marquizat d'Oran , &c. et qu'à l'égard de Marzalquibir , dépendant , dit il , de ce
Marquisat, cette Ville fut enlevée aux Maures par
le Marquis de Comarez en 1555. Ce dernier fait
me paroît contredit par les meilleurs Historiens,
qui s'accordent tous à mettre la premiere conquête de Marzalquibir par les Espagnols en 1508.
ce fut comme le prélude de celle d'Oran , qui ne
fut réduit que l'année d'après. Don Fernand de
Cordoue commandoit l'Armée qui prit Marzalquibir , et non pas le Marquis de Comarez.
Dans mes Recherches j'ai trouvé quelquefois
cette expression dans certains Auteurs le Royaume d'Oran , cela n'est peut-être pas exact, mais il sert àprouver que cette Ville , Colonie , comme
je l'ai dit ailleurs , de celle de Tremesen et dans l'entiere dépendance des Rois de Tremesen , devenue extrêmement puissante par le commerce
et par la navigation , avoit secoué le joug de ses
prémiers Maîtres pour se faire Capitale d'un Etat
particulier , qui obéissoit apparemment à quelque Chef qui prit le nom de Roy , Etat qui devint ensuite presque Républiquain et qui étoit
tel lorsque les Espagnols conquirent Oran et ses
dépendances.
A l'égard de la puissance de cette Ville lors de
la Conquête , l'Historien du Ministere du Cardinal Ximenés , dit que les Maures chassez d'Espagne qui s'y étoient retirez , l'avoient tellement peu-
* Description generale de l'Affrique. Edition de
Rocolles , T. VI, in fol. Paris 1660.
plée
2186 MERCURE DE FRANCE
›
*
plée et enrichie, qu'elle pouvoit mettre sur pied des
Armées assez considerables. On peut juger , ajoûtet'il , de la grandeur et des richesses d'Oran par son
commerce et de son commerce par le nombre de
1500. Boutiques qui y étoient lorsque Ximenés la
prit.Le butin, sans y comprendre ce qui fut détourné,
fut estimé 500. mille écus d'or ; toute l'Armée s'enrichit à cetteprise , et il y eut tel particulier qui en rapporta jusqu'à dix mille ducats. Les richesses
d'Oran n'étoient pas ce qui contribuoit le plus à sa
réputation; sa grandeur , le nombre de ses habitans,
sa situation , son Port , son Arcenal , où l'on trouva
plus de 60 Pieces de gros Canons , sans compter les
moindres , et un nombre infini de toutes sortes d'armes >
la faisoient passer pour la plus importante
Ville de toute l'Afrique.
Il est vrai qu'il y a eu du changement dans la
fortune de cette Ville; mais sa situation maritime,
et ses autres avantages naturels étant toûjours les
mêmes , c'est un coup important pour l'Espagne
d'en avoir fait la conquête , contre la pensée de
certaines gens mal instruits et peu éclairez , qui
font des raisonnemens contraires et qui comptent
pour peu de chose la prise de ces deux Places. La
seule prise du Port de Marzalquibir met toute la
Côte d'Espagne même en sureté,et ouvre une entrée à la conquête de l'Affrique. C'est ainsi que
s'estexprimésur ce sujet un Historien Espagnol
des plus sensez.
Qu'il me soit permis , Monsieur , en finissant
Jerome Julien , Historien , qui étoit à la conquête d'Oran , dit les avoir comptées , par le nom
de Boutiques ilfaut entendre des Magazins remplis de Marchandises , c.
* Alvar-Gomez de Castro de reb. gestis Ximen.
d'observer
OCTOBRE. 1732. 2187
d'observer ici une méprise de M. d'Herbelor
dans sa Bibliotheque Orientale au sujet de notre
Marzalquibir , page 558 , que l'Auteur confond
avec le Port et la Ville de Velez , autrement le
Penon de Velez, situez sur la même Côte de Barbarie , mais c'est si peu la même chose , que selon les meilleurs Géographes et selon la nouvelle
Carte de la Mer Méditerranée , il y a de Marzalquibir à Velez , situé près le Détroit , plus de
deux cens cinquante milles, ou environ soixante
et dix lieuës Françoises. M. d'Herbelot ajoûte
que Garcia de Tolede , Capitaine Espagnol , prit
Velez en 1564. ce qui ne s'accorde pas avec l'Histoire de la conquête d'Oran par Ximenés ; l'Au- teur Espagnol qui l'a écrite , marque expressément que peu de temps avant la prise d'O
*
ran, le même Pierre de Navarre , dont il est tant
parlé dans cette Histoire , avoit réduit cette Ville
de Velez sous l'obéissance du Roy d'Espagne. Ce
General après le départ de Ximenés fit encore
d'autres conquêtes ; il prit Bugie , Capitale du
Royaume de ce nom , puis Tripoly , &c. et se
rendit la terreur de toute l'Affrique. Enfin Alger
se rendit tributaire de la Couronne d'Espagne.
,
Je souhaite aux Armes de S. M. C. de pareils
succès et de plus considerables pour le bien de la
Chrétienté , pour la gloire de ce grand Prince et
pour celle de la Religion. Je m'engage en même
temps de vous instruire avec la même exactitude
de la suite des Evenemens. Je suis, Monsieur, &c.
A Paris , le 26. Septembre 1732..
*Pi
L. R. à M-le Marquis de B. au sujet de
la conquête d'Oran , &c.
Idire au sujet de la Conquête d'Oran en elle- L me reste , Monsieur , peu de chose à vous
même. C'est une affaire heureusement copsommée par rapport au principal objet de larement et de l'Expédition. Sçavoir la prise de deux
Places importantes , qui assûrent la Navigation
et le Commerce dans une partie de la Mer Méditerrannée , contre les courses des Pyrates, Maures , et qui font aussi la sûreté des côtes d'Espagne très- peu éloignées de celles de Barbarie ; outre que la Religion et la Couronne d'Espagne rentrent par là dans leur ancienne possession. IL
est vrai , Monsieur , que par ma derniere Lettre
vous vous attendez d'apprendre de nouveaux
progrez des Armes de S. M. C. en Affrique. En
effet , le Comte de Montemar , après avoir sou
mis beaucoup de Païs aux environs , avoit fait ,
comme je vous l'ai mandé, un détachement considérable d'Infanterie et de Cavalerie , commandé par le Marquis de Villa - Darias , pour aller
faire le Siége de Mostagran , Ville située à l'em- bouchure de la Riviere de Chilef , à IS lieuës
d'Oran , du côté d'Alger ; à laquelle embouchure il avoit envoyé des Vaisseaux de Guerre et des
Galleres pour ' attaquer en même- temps la Place
par Mer. Mais les Vents contraires ayant empêché pendant plusieurs jours l'Escadre d'avancer , temps dont les ennemis ont sçu profiter
pour
OCTOBRE. 1732. 2175
pour se fortifier et pour recevoir des secours , le
Comte de Montemar envoya ordre au Marquis
de Villa- Darias de revenir au Camp avec ses
Troupes, remettant cette Expédition à une con- joncture plus favorable.
Depuis , ce General ayant reçu du Roy d'Espagne des Ordres précis de faire rembarquer toutes les Troupes , à l'exception de ce qui doit
composer les Garnisons des Places conquises , il
y a satisfait , et on a eu avis que la Flote et tous
les Bâtimens de transport étoient heureusement
arrivez dans les Ports d'Espagne. Le Comte de
Montemar s'est ensuite embarqué lui- même
venir rendre compte au Roy du succès de l'Expédition. On apprend qu'il est arrivé à la Cour le 17 d'Aoust que S. M. l'avoit fait Chevalier
de la Toison d'or , ainsi que Don Joseph Pathino , et qu'elle avoit honoré le Comte d'un
accueil des plus favorables.
pour
Pour ce qui regarde le Prince Maure, dont toutes les Nouvelles publiques ont parlé , qui offroit
la jonction de ses Troupes , pour réduire une
grande étendue de Païs , de donner son Fils en
Otage , &c. et qu'on attendoit même à Madrid ,
je n'en ai encore rien appris que je puisse vous donner pour certain. Mais la chose est
très-vraisemblable , et il n'est pas nouveau que
des Princes Mautes ayent recherché l'alliance des
Rois d'Espagne. Pour ne point sortir du sujet ni du Pays d'Oran , je vous dirai , Monsieur
ce que l'Histoire m'apprend à cet égard.
pour
A peine le Cardinal Ximenés étoit repassé en
Espagne , de retour de sa conquête , qu'il arriva
à la Cour des Ambassadeurs faire des propositions de la part du Roi de Tremesen ,
quelques moindres Princes de la Mautitanic , ofDiiij frant
et de
9
2176 MERCURE DE FRANCE
frant de rendre tous les Esclaves Chrétiens , de
payer même un tribut à laCouronne d'Epagne , en
faisant de grandes instances pour l'ouverture du commerce entre Oran et les Etats de ces Princes.
Ces Ambassadeurs , entr'autres choses , présenterent au Roi dix des plus beaux chevaux du pays,
magnifiquement harnachez , dix Faucons tout
dressez , de riches tapis , et un Lion apprivoisé
d'une grandeur et d'une beauté extraordinaire.
Je ne doute pas , Monsieur , qu'à mesure que
le Roi d'Espagne s'affermira dans sa nouvelle
conquête , et que ses Armes auront du progrès
dans le pays , les Puissances voisines ne tiennent
une pareille conduite.
Vous avez sçû , sans doute , que l'allarme a
été grande à Alger avant même la prise d'Oran ,
qui faisoit partie de cette Régence ; Alger , dis- je,
Ville si fiere , si bien munie , et si redoutable à la
Navigation , et au Commerce de la Chrétienté.
Aux seuls préparatifs de l'armement , la terreur
a été telle que les Algeriens avoient envoyé les
femmes , les enfans et leurs meilleurs effets dans
les Montagnes , et que la Régence avoit envoyé
une députation au Grand Seigneur pour deman- der du secours. Le Bailli de Vattan étant allé
dans le même tems à Alger avec l'Escadre des
Vaisseaux du Roi , qu'il commande , il a trouvé
les choses sur le pied que je viens de dire ; quelques Lettres ajoûtent que le Dey allarmé lui
avoit demandé si la France s'unissoit à l'Espagne
contre cette Régence , à quoi M. de Vattan
avoit répondu que quand le Roi son Maître auroit sujet de se plaindre d'elle il sçauroit la punir,
sans avoir besoin d'autré puissance que dela sienne.Veuille le Ciel humilier de plus en plus ces ennemis du Christianisme et du Genre humain. Et
puis-
OCTOBRE. 1732. 2177
puissent enfin les Vainqueurs d'Oran y faire
reporter ces fameuses Cloches qui en furent
' enlevées lors de la derniere invasion , et menées ,
pour ainsi dire , Captives à Alger.
D
Cependant vous ne sçauriez croire , Monsieur,
combien tout le Monde chrétien à été sensible
à l'heureux succès des Armes du Roi d'Espagne
à commencer par la capitale. Le Cardinal Ben
tivoglio , Ministre de cette Couronne à Rome
reçût l'heureuse nouvelle le 2.1 . Juillet , sans par- ler des dépêches du Nonce d'Espagne , qu'un autre Courrier apporta le même jour. Le Pape reçût cette nouvelle avec un excès de joye. S. S. en donna sur le champ des marques publiques Après
avoir fait l'éloge de la pieté et du zele de S. M. C.
elle assura le Cardinal B. qu'elle feroit tout ce
qui seroit en son pouvoir pour seconder ses
grands et ses pieux desseins. Le Pape résolut en
même-tems d'envoyer au Roi d'Espagne un Bref de félicitation , d'exhortation , &c. Le Cardinal
Alberoni partit quelques jours après pour Florence pour complimenter l'Infant Don Carlos sur cet évenement.
Ce Prince qui avoir reçu la même nouvelle le
20. se rendit d'abord à l'Église de l'Annonciade ,
où il fit chanter le Te Deum , en actions de gra
ces. Le Grand Duc le fit chanter dans l'Eglise
Métropolitaine de Florence..
* Ce sont les grandes Cloches que le C. Ximenés
fit fondrepour la principale Eglise d'Oran , qu'il nomma Notre- Dame de la Victoire. Les Maures
Les enleverent en l'année 1708. les porterent à Alger, et affecterent de les placer à une des Portes de
La Ville , où on les voit encore comme une espece de
triomphe sur les Chrétiens.. D Y
2178 MERCURE DE FRANCE
Je reviens à Rome , pour ajouter que le Pape
fit part au Sacré Collège de la prise d'Oran, &c.
dans un Consistoire particulier,tenu le 11 Aoust;
et le 13 , on commença par ordre de S. S. les ré
jouissances publiques. On sonna toutes les Cloches de la Ville , on tira le Canon du Château
S. Ange , et le soir il y eut des Feux et des Illuminations par toute la Ville. Le 15. Fête de l'Assomption, le Pape se rendit, en grand Cortege , à
l'Eglise de Sainte Marie Majeure , où S. S. tint
Chapelle Pontificale , à laquelle le Sacré Collége
assista. La Messe y fut célebrée par le Cardinal de
la Mirandole, Archiprêtre de cette Eglise, et aprèsla Messe on chanta le Te Deum à plusieurs
Chœurs de Musique. Il y eut un grand concours de personnes de distinction , et une affluance extraordinaire de Peuple. Le Château S. Ange
fit plusieurs décharges de toute son Artillerie.
Le Cardinal Bentivoglio avoit déja fait chanter le Te Deum solemnellement dans l'Eglise Nationnale des Espagnols , le 25 Juillet , jour de St
Jacques , auquel le Cardinal Belluga , Protecteur
des Affaires d'Espagne , celebra , avec beaucoup
de pompe , la Fête de cet Apôtre , Patron des
Espagnes.
-Je m'attens bien d'apprendre dans peu de jours:
que de pareilles actions de graces ont été renduës
dans Oran même , et que l'exercice de la vraie
Religion s'y fait actuellement dans les mêmes
Temples , dont le Mahométisme s'étoit emparé;
que les Livres d'Eglise y sont à la place de l'Alcoran et de la à Sunnah , et que la Foy pourroit
a C'est ainsi que les Mahometans appellent le Recueil des Faits et Dits de Mahomet , conservez
par tradition , &c. C'est comme la Miscnah des
Hebreux; la seconde Loy , la Loy Orale . c.
enfin
OCTOBRE. 1732. 2179
enfin penetrer delà dans le reste de cette Partie
de l'Affrique , où elle a été autrefois si floris- sante.
Vous me demanderez peut être , Monsieur , si
on n'a point rapporté parmi les dépouilles des
deux Places conquises , quelques Manuscrits de
Littérature Arabe? Cela se pourroit fort bien ;
les Sciences n'ont pas moins fleuri sous les Califes d'Affrique que sous ceux de l'Asie, et particu- lierement dans les Païs circonvoisins d'Oran, sur
tout après l'expulsion des Arabes de toute l'Espagne ; expulsion qui contribua beaucoup à faire
de cette Ville , l'une des plus grandes , des plus:
celebres et des plus riches Villes du Mahométisme,où se retirerent les Personnages les plus con- sidérables en tout genre.
Les Historiens Espagnols m'apprennent que
lorsque le Cardinal Ximenés fit son entrée solemnelle dans Alcala , après la Conquête d'Oran ; la
seconde chose qui parut dans son triomphe, après
plusieurs Chameaux , conduits par des Esclaves
chargez de Pieces d'or et d'Argent destinées pour
le Roy , ce fut une quantité de Livres Arabes d'Histoire , de Médecine , d'Astrologie , &c. qui
furent placez dans la Bibliotheque du Cardinal ,
lequel les laissa depuis à la Bibliotheque de l'Université d'Alcala , qu'il avoit fondée , où on les
voit encore aujourd'hui.
Ximenês n'a pas sans doute tout enlevé, et dans
Fespace d'environ 25 années qu'a duré la derniere invasion , il peut être entré dans Oran d'au
tres Manuscrits Arabes , curieux et utiles ; le
Païs des environs et sur tout la Ville de Trémé
sen , qui a fondé celle d'Oran , ne doivent pas em
être dépourvûs. Je connois deux Autheurs de réputation , originaires de cette même Ville , done D vi les:
3 MERCURE DE FRANCE
-
les Ouvrages sont fort estimez par les Bibliogra
phes Orientaux. Le premier est Assifeddin , Soliman Ben Ali , surnommé Telmessani ou de
Tremesen , Autheur d'un Scharh , ou Commentaire sur le Poeme du celebre Ebn * Faredh , intitulé , Taiiah. Ce Commentateur est mort l'an
690 de l'Hégire 1291. de J. C. L'autre Ecrivain
Arabe est Schamseddin , Mohammed Ben Amed,
Ebn Al Merousi , Marzouk , aussi surnommé
Talmessani, ou de Trémésen. Il est Autheur d'un
Livre , intitulé : AschrafAl Thoraf l'Almalek Al
Aschraf: C'est un Recueil de Eons Mots et de
Contes agréables , dédié à Malek Al Aschraf
Roy d'Egypte , avec un Traité de l'Egypte, dans
lequel l'Autheur prétend prouver que c'est le meilleur Pais de toute la Terre habitable Il mourut l'an 781. de l'H.gire ou l'an 1379. de notre
époque. Mais lais ons à l'illustre Gouverneur
d'Oran 1 soin de recueillir tout ce qui peut être
resté de bon dans le Païs , en fait d'Erudition
Arabe Il est plus en état que personne de le faire,
avec un juste discernement , et d'en enrichir un
jour la République des Lettres.
Vous me paroissez touché du mérite d'André
Doria , le Liberateur d'Oran , et content de la
Médaille de ce grand Homme , dont je vous ai
Scharfeddin Omar Ebn' Faredh , originaire
de Hamal , en Syrie , né au Caire l'an 577 de
l'Hegire , ou 1181. de J. C. fut l'un des plut Illus- tres Poëtes Arabes. Le Recueil de ses Poësies, sous le
nom de Divan , est tres- estimé , et a eu plusieurs
Commentateurs. Il composa le Taiiah , en faveur
des Sofis , espece de Religieux Musulmans qui
donnent dans la Mysticité , &c. Les Foësies de cet Autheur sont dans la Bibliotheque du Roy.. entre
1
OCTOBRE. 1732. 2181
entretenu dans ma derniere Lettre. Je puis bien
avoir fait quelque omission sur ce sujet , car , je
vous avoue , Monsieur , que ce n'est qu'en finissant cette Lettre , que j'étois pressé de faire partir, que j'ai sçu que Doria avoit eu un Historien,
et que cet Historien est le fameux Jesuite Sigonius , dont les Ouvrages , en grand nombre, sont
en réputation et ne se trouvent pas tous ensemble bien aisément. J'ai cependant eû le plaisir de
lire depuis dans cet Autheur la Vie a d'André
Doria , et d'avoir trouvé en lui un garant des
principales choses que je vous ai écrites sur ce
sujet.
de
Il en faut seulement excepter l'article de la
Statue , érigée par la République de Génes , en
l'honneur de Doria Elle est de Marbre blanc ,
selon mes Mémoires , et suivant le rapport
ceux qui l'ont vûë placée dans le Vestibule du
Palais où s'assemble le Sénat , et élevée sur un
Pié d'Estal , sur lequel est l'Inscription que j'ai
rapportée.
Aprendre littéralement le Narré de Sigonius,
qui rapporte tout du long le Decret du Sénat , la
Statue seroit de Bronze , et placée dans la grande Sale de ce Palais. Mais cela me paroît aisé a
concilier. Dans ce Decret , datté du mois d'Octobre 1578. le Sénat , après avoir fait un Előge magnifique de Doria , qui avoit, dit-il , rendu
la liberté à sa Patrie , &c . s'exprime ainsi , au su
a Cette Vie se trouve dans un des Volumes des
Oeuvres de Sigonius , intitulé : Caroli Sigonii ,
Historia de Rebus Bononiensibus , Libri VIII.
Ejusdem de vita ANDREE DORIE , Libri duo..
quibus accesserunt , &c. 1. vol. Fol. Francofurti ,
1603
jer
2182 MERCURE DE FRANCE
jet de la Statuë : Decrevit ut Andrea Doria Enea
Statua in magna Pratorii Aula , quoadfieri possit
ornatissima , cum ipsius nominis Inscriptione ponatur. Il est sans doute arrivé que dans l'exécution
de ce Décret , le Sénat , toujours le Maitre de ses
Décisions , ait , par des raisons qui nous sont inconnues , trouvé à propos de changer la matiere
et la situation de ce Monument , qui en effet se
trouve plus exposé à la vénération publique à
l'entrée du Palais , qu'il ne le seroit dans l'enté- rieur de ce Bâtiment. L'intention du Sénat est
toujours remplie , et l'Historien qui a écrit , et
qui est mort avant l'exécution , n'a point de
tort.
à
Je n'ai pû trouver, au reste , dans cet Historien, ni dans aucun autre Ecrivain le nom et la famille
de l'Epouse d'André Doria , dont le même Historien éleve si fort le rare génie et le mérite superieur, dont il fait, en un mot , une Héroïne , laquelle l'Empereur Charles V. voulut rendre visite en passant par Génes et qui donna à ce Prince des Conseils admirables , &c Je ne comprens pas trop cette omission de la part de Sigonius, d'ailleurs si exacts qu'en nommant la Mere
de Doria , il nous fait entendre qu'elle étoit de la
même Maison que son Epoux. J'ai aussi appris de cet Autheur que la Principauté de Melphe , donnée par Charles V. à Doria , et généreusement refusée d'abord, est située
dans le Royaume de Naples , relevant de cette.
Couronne. Elle Y avoit été réunie par la défection , ou la félonie de Jean Carracioli , Prince de
Melphe. Vous avez vû , Monsieur , dans ma derniere
Lettre , que le fameux Pyrate Dragut , pris par char- les Galeres de Doria , fut amené à Génes ,
gé
OCTOBRE. 1732. 218
é de chaînes , &c. Sigonius décrit élégamment
Phumanité et la générosité exercée par A. Doria
envers ce Captif , que je crois plus que jamais ,
après cette lecture , être representé sur le Revers
de notre Médaille , et non pas Barbarousse, com
me je l'avois d'abord pensé. Ce Captif , dis- je ,
homme féroce et barbare , s'il en fut jamais , est
bien connu sur ce pied-là par Doria Norat enim feros illius. moreş , et immanem naturam , dit notre Historien. Je crois que vous le reconnoîtrez à
ces traits sur la Médaille même , tant l'habileté
du Graveur a été grande àexprimer tout cela, par son Burin.
Rien,au reste, n'est plus pathétique et plus moral que le Discours de Doria fait à Dragut en le mettant en liberté. Il mérite d'être lû dans cet
Autheur: Morale et Eloquence perduës! les monstres ne s'apprivoisent presque jamais. Vous sçavez de quelle ingratitude Dragut paya dans la
suite son Libérateur, qui pensa être la Dupe d'une
générosité sans exemple.
J'apprens encore dans le même Livre , que les
Génois avoient fait Doria leur Généralissime de
Terre et de Mer. C'est la matiere du 38 Chap.
du onzième Livre , intitulé : De Maritimo ac
Terrestri Imperio ei à Genuensib, delato.
Je trouve enfin une circonstance singuliere dans
le 43 et dernier Chapitre , qui donne une grande idée de l'attachement et de la reconnoissance
de ce General , pour l'Empereur Charles V. en
ordonnant par l'Acte solemnel de ses dernieres
volontez, qu'on mit avec lui dans son Tombeau
Les Lettres de ce Prince par lesquelles il l'avoit
créé Chevalier de la Toison d'or.
Une autre circonstance non moins singuliere ,
que j'ai tirée d'un Mémoire particulier, venu de- puis
2184 MERCURE DE FRANCE
puis peu de Génes , c'est qu'André Doria , né
pour ainsi dire , pour les Armes et pour les Exploits Guerriers, ne porta jamais d'Epée ni de Poignard ; il disoit sur cela que toute sa force êtoit dans sa tête et dans l'amour de ses Concitoyens. Ne vous semble-t -il pas, Monsieur , être
transporté dans les meilleurs temps de la Republique Romaine , et voir revivre les Fabius , les
Lucullus , les Catons , dans ce grand Personnage ?
Finissons par un court Eloge , consacré à sa
Mémoire , et composé à Génes , en 158 6. à l'occasion de la Statue dont nous avons déja parlé ,
par l'Editeur de Sigonius :
Hic tamferventi Patria flagravit amore ,
Illius ut chara pro libertate tuenda
Horribiles Regum non formidaverit iras ,
Hic quoque cum Patria Regno , Sceptroquepotiri
Posset et aurata frontem redimire corona ,
Contempsit Regni fastus , nomenque Tyranni.
Huic maris Imperium vasti , sævumque tridentem
Neptunus , Pelagique leves concessit habenas :
Quin etiam aratis premerit cum classibus &quor,
Haud Pauci impavidi admirantes pectoris ausa.
Neptunum , aut sacro Neptuni è sanguine cretum
Mortalesque Deum vultus sumpsisse putarunt.
Hoc certum est , nullas Neptunum amplectier oras
Quá non ille simulfama penetrarit et armis,
Je finirois ici ma Lettre , Monsieur , si par vo
tre Réponse à ma précedente , je n'étois pas obligé
OCTOBRE. 1732. 2185
gé de revenir à Oran , pour vous dire en trèspeu de mots, qu'après quelques recherches je n'ai
rien trouvé qui autorise ce que Davity * en a dit,
sçavoir , qu'elle est la Capitale d'un petit Etat
nommé le Marquizat d'Oran , &c. et qu'à l'égard de Marzalquibir , dépendant , dit il , de ce
Marquisat, cette Ville fut enlevée aux Maures par
le Marquis de Comarez en 1555. Ce dernier fait
me paroît contredit par les meilleurs Historiens,
qui s'accordent tous à mettre la premiere conquête de Marzalquibir par les Espagnols en 1508.
ce fut comme le prélude de celle d'Oran , qui ne
fut réduit que l'année d'après. Don Fernand de
Cordoue commandoit l'Armée qui prit Marzalquibir , et non pas le Marquis de Comarez.
Dans mes Recherches j'ai trouvé quelquefois
cette expression dans certains Auteurs le Royaume d'Oran , cela n'est peut-être pas exact, mais il sert àprouver que cette Ville , Colonie , comme
je l'ai dit ailleurs , de celle de Tremesen et dans l'entiere dépendance des Rois de Tremesen , devenue extrêmement puissante par le commerce
et par la navigation , avoit secoué le joug de ses
prémiers Maîtres pour se faire Capitale d'un Etat
particulier , qui obéissoit apparemment à quelque Chef qui prit le nom de Roy , Etat qui devint ensuite presque Républiquain et qui étoit
tel lorsque les Espagnols conquirent Oran et ses
dépendances.
A l'égard de la puissance de cette Ville lors de
la Conquête , l'Historien du Ministere du Cardinal Ximenés , dit que les Maures chassez d'Espagne qui s'y étoient retirez , l'avoient tellement peu-
* Description generale de l'Affrique. Edition de
Rocolles , T. VI, in fol. Paris 1660.
plée
2186 MERCURE DE FRANCE
›
*
plée et enrichie, qu'elle pouvoit mettre sur pied des
Armées assez considerables. On peut juger , ajoûtet'il , de la grandeur et des richesses d'Oran par son
commerce et de son commerce par le nombre de
1500. Boutiques qui y étoient lorsque Ximenés la
prit.Le butin, sans y comprendre ce qui fut détourné,
fut estimé 500. mille écus d'or ; toute l'Armée s'enrichit à cetteprise , et il y eut tel particulier qui en rapporta jusqu'à dix mille ducats. Les richesses
d'Oran n'étoient pas ce qui contribuoit le plus à sa
réputation; sa grandeur , le nombre de ses habitans,
sa situation , son Port , son Arcenal , où l'on trouva
plus de 60 Pieces de gros Canons , sans compter les
moindres , et un nombre infini de toutes sortes d'armes >
la faisoient passer pour la plus importante
Ville de toute l'Afrique.
Il est vrai qu'il y a eu du changement dans la
fortune de cette Ville; mais sa situation maritime,
et ses autres avantages naturels étant toûjours les
mêmes , c'est un coup important pour l'Espagne
d'en avoir fait la conquête , contre la pensée de
certaines gens mal instruits et peu éclairez , qui
font des raisonnemens contraires et qui comptent
pour peu de chose la prise de ces deux Places. La
seule prise du Port de Marzalquibir met toute la
Côte d'Espagne même en sureté,et ouvre une entrée à la conquête de l'Affrique. C'est ainsi que
s'estexprimésur ce sujet un Historien Espagnol
des plus sensez.
Qu'il me soit permis , Monsieur , en finissant
Jerome Julien , Historien , qui étoit à la conquête d'Oran , dit les avoir comptées , par le nom
de Boutiques ilfaut entendre des Magazins remplis de Marchandises , c.
* Alvar-Gomez de Castro de reb. gestis Ximen.
d'observer
OCTOBRE. 1732. 2187
d'observer ici une méprise de M. d'Herbelor
dans sa Bibliotheque Orientale au sujet de notre
Marzalquibir , page 558 , que l'Auteur confond
avec le Port et la Ville de Velez , autrement le
Penon de Velez, situez sur la même Côte de Barbarie , mais c'est si peu la même chose , que selon les meilleurs Géographes et selon la nouvelle
Carte de la Mer Méditerranée , il y a de Marzalquibir à Velez , situé près le Détroit , plus de
deux cens cinquante milles, ou environ soixante
et dix lieuës Françoises. M. d'Herbelot ajoûte
que Garcia de Tolede , Capitaine Espagnol , prit
Velez en 1564. ce qui ne s'accorde pas avec l'Histoire de la conquête d'Oran par Ximenés ; l'Au- teur Espagnol qui l'a écrite , marque expressément que peu de temps avant la prise d'O
*
ran, le même Pierre de Navarre , dont il est tant
parlé dans cette Histoire , avoit réduit cette Ville
de Velez sous l'obéissance du Roy d'Espagne. Ce
General après le départ de Ximenés fit encore
d'autres conquêtes ; il prit Bugie , Capitale du
Royaume de ce nom , puis Tripoly , &c. et se
rendit la terreur de toute l'Affrique. Enfin Alger
se rendit tributaire de la Couronne d'Espagne.
,
Je souhaite aux Armes de S. M. C. de pareils
succès et de plus considerables pour le bien de la
Chrétienté , pour la gloire de ce grand Prince et
pour celle de la Religion. Je m'engage en même
temps de vous instruire avec la même exactitude
de la suite des Evenemens. Je suis, Monsieur, &c.
A Paris , le 26. Septembre 1732..
*Pi
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Résumé : QUATRIEME Lettre écrite par M. D. L. R. à M- le Marquis de B. au sujet de la conquête d'Oran, &c.
La lettre de M. D. L. R. au Marquis de B. discute de la conquête d'Oran et de ses conséquences. La prise d'Oran et d'une autre place stratégique sécurise la navigation et le commerce en Méditerranée, protégeant ainsi les côtes espagnoles des attaques des pirates maures. Cette victoire permet à la religion et à la couronne d'Espagne de récupérer des possessions anciennes. Le Comte de Montemar, après avoir soumis plusieurs pays voisins, avait envoyé un détachement dirigé par le Marquis de Villa-Darias pour assiéger Mostagran. Cependant, des vents contraires ont empêché l'escadre d'avancer, permettant aux ennemis de se renforcer. Montemar a donc ordonné le retrait des troupes et reporté l'expédition à une date plus favorable. Par la suite, Montemar a reçu l'ordre du roi d'Espagne de rembarquer toutes les troupes, sauf celles nécessaires pour les garnisons des places conquises. La flotte est arrivée en Espagne, et Montemar a été fait Chevalier de la Toison d'or pour ses succès. La lettre mentionne également un prince maure offrant son alliance, bien que cette proposition manque de confirmation certaine. Historiquement, des ambassadeurs avaient déjà proposé des alliances et des tributs à l'Espagne après la conquête d'Oran par le Cardinal Ximenès. La nouvelle de la conquête a suscité une grande joie à Rome et à Florence, où des actions de grâce ont été organisées. Le pape a félicité le roi d'Espagne et a ordonné des réjouissances publiques. La lettre évoque aussi la possibilité de retrouver des manuscrits arabes de littérature, de médecine et d'astrologie, similaires à ceux rapportés par Ximenès lors de sa conquête. Elle mentionne deux auteurs arabes réputés originaires de Trémésen, ville voisine d'Oran. Enfin, la lettre fait référence à André Doria, libérateur d'Oran, et à son historien, le jésuite Sigonius, qui a écrit sur la vie de Doria.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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29
p. 2829-2831
« LE PHILOSOPHIE ANGLOISE, ou Histoire de M. Cleveland, fils naturel de [...] »
Début :
LE PHILOSOPHIE ANGLOISE, ou Histoire de M. Cleveland, fils naturel de [...]
Mots clefs :
Philosophie anglaise, Dictionnaire, Commerce, Langue française, Maladies de la poitrine
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « LE PHILOSOPHIE ANGLOISE, ou Histoire de M. Cleveland, fils naturel de [...] »
LE PHILOSOPHIE ANGLOISE , ouHistoire de M. Cleveland , fils naturel de
Cromwell , écrite par lui- même et traduite de l'Anglois par l'Auteur des Mé
moires d'un homme de qualité; enrichie de
Figures en Taille- douce. A Utrecht , chez
11. Vol.
Eij Et.
2830 MERCURE DE FRANCE
•
Et. Neaulme , 1732. in 12. Tome I. de
266. pages , sans la Préface. Tome II. de
de 311. pages. Tome III . de 442. pages Tome IV. de 309. pages.
DICTIONNAIRE de la Langue Françoise
ancienne et moderne , de P. Richelet , augmenté de plusieurs Additions d'Histoire
de Grammaire , de Critique , de Jurisprudence , et d'une Liste Alphabetique
des Auteurs et des Livres citez dans le Dictionnaire. Nouvelle Edition , augmentée
d'un grand nombre d'Articles. A Amsterdam, aux dépens de la Compagnie, 1732, 2.
vol. in 4º .
DICTIONNAIRE, Universel de Commerce,
contenant tout ce qui concerne le commerce qui se fait dans les quatre Parties du
Monde, par terre , par mer , &c. par Fac
ques et Philemon Savary , Tomes 3 et 4.
Supplement des deux premiers. AAmsterdam,chez lesfansons et Waesberge 1732,
2. vol. in 4.
DISSERTATIONS nouvelles sur les maladies de la poitrine , du cœur , des femmes,
veneriennes , et quelques autres particuláritez : ou , selon les nouvelles découvertes , on donne une idée claire et distincte
-II Fel, de
DECEMBRE. 1732 2831
de toutes ces Maladies , par opposition à
l'opinion des Anciens. Par M. Barbeyrac ,
Docteur en Medecine à Montpellier ; avec
deux Descriptions de Maladies qui n'ont
jamais été écrites : Far M. Boerhave. A
Amsterdam, chez les mêmes , 1731. in- 12 .
Cromwell , écrite par lui- même et traduite de l'Anglois par l'Auteur des Mé
moires d'un homme de qualité; enrichie de
Figures en Taille- douce. A Utrecht , chez
11. Vol.
Eij Et.
2830 MERCURE DE FRANCE
•
Et. Neaulme , 1732. in 12. Tome I. de
266. pages , sans la Préface. Tome II. de
de 311. pages. Tome III . de 442. pages Tome IV. de 309. pages.
DICTIONNAIRE de la Langue Françoise
ancienne et moderne , de P. Richelet , augmenté de plusieurs Additions d'Histoire
de Grammaire , de Critique , de Jurisprudence , et d'une Liste Alphabetique
des Auteurs et des Livres citez dans le Dictionnaire. Nouvelle Edition , augmentée
d'un grand nombre d'Articles. A Amsterdam, aux dépens de la Compagnie, 1732, 2.
vol. in 4º .
DICTIONNAIRE, Universel de Commerce,
contenant tout ce qui concerne le commerce qui se fait dans les quatre Parties du
Monde, par terre , par mer , &c. par Fac
ques et Philemon Savary , Tomes 3 et 4.
Supplement des deux premiers. AAmsterdam,chez lesfansons et Waesberge 1732,
2. vol. in 4.
DISSERTATIONS nouvelles sur les maladies de la poitrine , du cœur , des femmes,
veneriennes , et quelques autres particuláritez : ou , selon les nouvelles découvertes , on donne une idée claire et distincte
-II Fel, de
DECEMBRE. 1732 2831
de toutes ces Maladies , par opposition à
l'opinion des Anciens. Par M. Barbeyrac ,
Docteur en Medecine à Montpellier ; avec
deux Descriptions de Maladies qui n'ont
jamais été écrites : Far M. Boerhave. A
Amsterdam, chez les mêmes , 1731. in- 12 .
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Résumé : « LE PHILOSOPHIE ANGLOISE, ou Histoire de M. Cleveland, fils naturel de [...] »
Le document de 1732 présente plusieurs ouvrages. 'La Philosophie Angloise, ou Histoire de M. Cleveland, fils naturel de Cromwell', écrite par Cleveland et traduite par l'auteur des 'Mémoires d'un homme de qualité', est publiée à Utrecht par Eij Et. en quatre tomes : 266, 311, 442 et 309 pages. Le 'Dictionnaire de la Langue Françoise ancienne et moderne' de P. Richelet, publié à Amsterdam par la Compagnie, inclut des additions en histoire, grammaire, critique, jurisprudence et une liste alphabétique des auteurs. Le 'Dictionnaire Universel de Commerce' de Jacques et Philemon Savary, avec les tomes 3 et 4 et le supplément des deux premiers tomes, est publié à Amsterdam chez les frères Fanson et Waesberge. Enfin, les 'Dissertations nouvelles sur les maladies de la poitrine, du cœur, des femmes, vénériennes, et quelques autres particularités' de M. Barbeyrac, docteur en médecine à Montpellier, incluant des descriptions de maladies par M. Boerhave, sont publiées à Amsterdam en 1731.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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30
p. 150-151
DANNEMARCK.
Début :
La République de Hollande paroît vouloir s'opposer à l'augmentation du Commerce de [...]
Mots clefs :
Danemark, Hollande, Commerce
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DANNEMARCK.
Dasntnruancx.
A République de Hollande paroi‘: vouloir
Lfopposcr â Faugmcntarion du Commerce de
Cette Nation dans_lcs Inde: Orientales, et M.
Greys, Ministre du ‘Roy à la. Haye, a écrit i
s. M. Dan. que les Directeurs de la Compagnie,
des Indes Orientales cPHollande se poposoient
«Pemployer toutes sortes de moyens pour obli
ger les Danois inter-esse: dans le Commerce de
Traiiquebar et de la Chine , a‘ d'équiper pour les
1nde: , que le même nombre de Vaisseaux qu’ils
y envoyoient avaîit le nouveau Privilege que le
goy leur a accordé depuis environ deux ans. La
Lettre de M. Greys ayant été lûë dans le Conseil
du Roy , le Secrcraire d’Erat a remis depuis â.
M.Coynan, Envoyé des Erars Generaux, une Dé.
‘datation de S.M. Dan. portant en substance que
par- le Traité de Commerce qu’elle avoir renou
(ellé avec la République cFHollande, on n-i'av_olr
« 3.199
a JANVIER. :733.» r51
(ien stipule qui pût borner la Navigation et le
Çommerce de ses sujets , et qu'elle émit résoluë
de les protegcr,
A République de Hollande paroi‘: vouloir
Lfopposcr â Faugmcntarion du Commerce de
Cette Nation dans_lcs Inde: Orientales, et M.
Greys, Ministre du ‘Roy à la. Haye, a écrit i
s. M. Dan. que les Directeurs de la Compagnie,
des Indes Orientales cPHollande se poposoient
«Pemployer toutes sortes de moyens pour obli
ger les Danois inter-esse: dans le Commerce de
Traiiquebar et de la Chine , a‘ d'équiper pour les
1nde: , que le même nombre de Vaisseaux qu’ils
y envoyoient avaîit le nouveau Privilege que le
goy leur a accordé depuis environ deux ans. La
Lettre de M. Greys ayant été lûë dans le Conseil
du Roy , le Secrcraire d’Erat a remis depuis â.
M.Coynan, Envoyé des Erars Generaux, une Dé.
‘datation de S.M. Dan. portant en substance que
par- le Traité de Commerce qu’elle avoir renou
(ellé avec la République cFHollande, on n-i'av_olr
« 3.199
a JANVIER. :733.» r51
(ien stipule qui pût borner la Navigation et le
Çommerce de ses sujets , et qu'elle émit résoluë
de les protegcr,
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Résumé : DANNEMARCK.
Le texte relate une situation diplomatique entre la République de Hollande et le Danemark. Le ministre danois Greys à La Haye a informé le roi du Danemark que la Compagnie des Indes Orientales des Pays-Bas cherchait à empêcher les Danois de s'impliquer dans le commerce de Tranquebar et de la Chine. La Compagnie hollandaise tentait de forcer les Danois à équiper le même nombre de vaisseaux pour les Indes, conformément à un nouveau privilège accordé par le roi de Hollande. Après la lecture de la lettre de M. Greys dans le Conseil du Roi, le secrétaire d'État a remis une déclaration au représentant danois, M. Coynan. Cette déclaration stipulait que le traité de commerce entre le Danemark et la République de Hollande n'imposait aucune restriction à la navigation et au commerce des sujets danois. Le Danemark a donc exprimé sa résolution de protéger les intérêts de ses sujets.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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31
p. 63-69
« EXTRAIT DES AMANS PHILOSOPHES, ouvrage annoncé dans le Mercure [...] »
Début :
EXTRAIT DES AMANS PHILOSOPHES, ouvrage annoncé dans le Mercure [...]
Mots clefs :
Philosophe, Philosophie, Amants, Commerce
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texteReconnaissance textuelle : « EXTRAIT DES AMANS PHILOSOPHES, ouvrage annoncé dans le Mercure [...] »
XTRAI
EX
RAIT DES AMANS PHILOSOPHES ,
ouvrage annoncé dans le Mercure
précédent.
›
Les caracteres en font vrais , les fentimens
nobles , la morale en eft fage
l'intrigue fimple , & le ftyle naturel. Je
me borne à l'analyfe des principaux carac
teres. Comme ce roman eft peu chargé
elle fuffira pour en faire le précis.
Merindor unit les dons extérieurs à toutes
les qualités de l'ame ; elles font perfectionnées
par l'étude , & plus encore par
l'adverfité. Un procès injuftement perdu
& le lâche abandon d'une premiere maîtreffe
l'ont rendu philofophe ; il fuit le
monde plus par fageffe que par humeur.
L'amitié de Damon & l'eftime d'Uranie lui
tiennent lieu de tout , & leur compagnie
forme fa fociété. Damon lui a donné des
preuves d'un zele véritable ; fes foins ont
contribué à faire revoir fon procès , &
l'ont rétabli dans fes biens : il a les mêmes
vertus que fon ami ; mais comme il a
moins d'expérience , qu'il ignore l'empire
1
*
64 MERCURE DE FRANCE .
des paffions , il eft moins ferme dans fes
principes , & fe laiffe prendre au piége
que lui tend Emilie , coquette artificieufe ;
il en devient l'adorateur , conféquemment
la dupe. Merindor l'avertit du danger. La
froideur de Damon eft le prix de fa remontrance
on le fuit comme un cenfeur
incommode ; il ne lui refte qu'Uranie .
Cette veuve eſtimable eft plus philofophe
que Damon ; fupérieure à l'amour fecret
qu'elle fent pour lui , elle le foumet à fa
raifon , & confole Merindor de cette perte.
Elle fait plus pour la mieux réparer ,
elle lui fait connoître Dericourt , dont elle
lui affure que l'attachement fera plus folide
que celui de Damon : elle ne le trompe
pas. Merindor trouve dans ce nouvel
ami une maîtreffe parfaite. Victoire , digne
éleve d'Uranie , joint comme elle
aux charmes de fon fexe , les fentimens
d'un honnête homme , & la raifon d'un
vrai fage. Trop aimée de Dorante ( c'eſt le
nom d'un frere coupable dont elle dépend
) elle a été forcée de fe traveſtir en
homme pour fe fouftraire à fes emportemens
, & de fe réfugier chez Uranie.
Sous les habits & fous le nom de Deri .
court , elle fait dans une promenade la
conquête d'Emilie , qui lui écrit un billet
des plus tendres. Cette lettre furpriſe par
1
MA I.
1755. 65
Damon , occafionne l'aveu qu'on lui fait
du déguiſement de fon'faux rival. La perfide
Emilie tire par adreffe ce fatal fecret
de la bouche de Damon , qui a la foibleffe
de renouer avec elle , & s'en ferr
pour perdre Victoire. Elle écrit à Dorante
que fa foeur , pour mieux couvrir une intrigue
fecrette , s'eft déguifée en cavalier
& que la maifon d'Uranie lui fert d'afyle.
Dorante arrive furieux , arrache Victoire
des bras de fon amie , & la contraint
d'entrer dans un couvent , où elle eft expofée
à toutes les violences de ce cruel
tuteur. La philofophie de Merindor ne
tient pas contre ce revers , il tombe malade.
Damon inftruit que fon indifcrétion en
eft la caufe , rifque tout pour réparer fa
faute. Il vole fur les lieux où Dorante
tient fa four captive : le premier objet
qu'il rencontre eft ce frere criminel , qui
le provoque lui-même au combat. Damon
le tue : Victoire fort d'efclavage ; fa liberté
rend la fanté à Merindor. 11 obtient
la
grace de fon ami , & reçoit le prix de
fes vertus , il époufe ce qu'il aime. Merindor
& Victoire , dit l'aimable auteur de ce
roman , marchent à l'autel , la raifon &
l'amour font leurs guides ; l'innocence & la
vertu les accompagnent , fans emprunter le
fecoursde l'art. Victoire n'a pour parure que
66 MERCURE DE FRANCE.
fes charmes naturels ; Merindor a obfervé la
même fimplicité le ferment qu'il fe font de
s'aimer fidelement n'est qu'une répétition de
celui qu'ils fe font déja fait mille fois ; la
même fincerité , la même droiture y prefide :
peut- il n'être pas folide? Uranie partage leur
joie ; & pour y mettre le comble , cette
veuve donne la main à Damon , qu'elle
aimoit fecrettement. Il brife fans retour
les indignes fers d'Emilie , & l'hymen le
ramene au ſein de la fageffe dont l'erreur
d'une paffion' aveugle l'avoit écarté.
Qu'on juge par la conclufion de l'ouvrage
, du mérite de fa morale . Nos faifeurs
de romans , dans un âge mûr , mettent
leur art à rendre le vice agréable & la
volupté décente. Ils ne fongent à nous intéreffer
que pour nous féduire . Mlle Brohon
à dix - huit ans applique tous fes foins
à rendre la raifon aimable , & la vertu.
touchante ; elle veut nous plaire pour
nous inftruire : quel éloge pour elle ! quelle
leçon pour eux
'ESSAI SUR L'ÉTAT DU COMMERCE D'ANGLETERRE
, deux volumes in- 12 . Il fe vend
chez Guillyn , au Lys d'or ; & chez Nyon ,
à l'Occafion , quai des Auguftins,
Il eft de l'auteur des Colonies Angloifes
: c'est un préjugé favorable pour l'ouROMAMA
I. 3 1755. 67
*
vrage qui eft moins la traduction de
Telai de Cary, qu'une imitation étendue
& fouvent critique de ce traité. L'Effai
François eft divifé en trois parties ; la premiere
traite du commerce intérieur dé
l'Angleterre. Ce que l'auteur a pris de l'original
anglois pour cette premiere partie ,
qui forme un gros volume , fe réduit au
plusa quarante - trois pages.
A
La deuxième , qui doit encore moins à
Cary , a pour objet le commerce extérieur
de la Grande- Bretagne , & s'étend parti
culierement fur celui que les Anglois font ,
tant aux Indes Orientales qu'en Afrique .
La troifiéme partie , qui n'a pas encore
paru , comprendra toutes les autres bran
ches du même cómmerce , foit en Ame .
rique , foit dans les différens ports de
l'Europe . Cet ouvrage eft celui d'un ci
toyen inftruit. L'analyfe qu'il fait du commercé
de nos voifins doit nous éclairer fur
le nôtre ; nous devons l'en remercier , &
tourner l'inftruction à notre profit.
- DISCOURS SUR LE BARREAU D'Athenes
& fur celui de Rome ; par M. l'Abbé Le
Moine d'Orgival ; deux volumes in - 12 .
chez Prault pere , quai de Gêvres , au
Paradis , & Leclerc , au Palais , à la Prudenice
; 1755.
68 MERCURE DE FRANCE.
Le Libraire nous apprend par un avis ,
que M. Terraffon , cenfeur du manufcrit
a fait fentir que ce livre , dont le fond
eft fi bon , deviendroit plus intéreffant ,
s'il étoit retouché. On a profité de ce fage
confeil , & M. l'Abbé Roger s'eft chargé
en l'abfence de l'auteur , d'être l'éditeur
d'un ouvrage auffi néceffaire à la connoiffance
de l'hiftoire ancienne , qu'utile à
ceux qui fréquentent le barreau .
EUVRES de Chapelle & de Bachau
mont , nouvelle édition , in- 12 , petit format
, 1755. Elle fe trouve chez Quillan
rue Saint Jacques , aux Armes de l'Univerfité.
Le Libraire donne avis qu'on a fait tiş
rer de cet ouvrage , en grand papier , un
petit nombre d'exemplaires.
DISCOURS de M. Le Corvaifier , Secrétaire
perpétuel de l'Académie d'Angers ;
lû dans une Séance publique de la Société
royale des Sciences & Belles- Lettres de
Nanci , lorfqu'il a été reçu affocié étranger
avec M. de Maupertuis , &c.
Comme il en a été parlé avec éloge
dans le Mercure d'Avril , où cette Séance
fe trouve inférée ; j'y renvoye le lecteur, ou
plutôt je lui confeille d'acheter ce difcours
MA I. 1755. 69
1
chez Martin Lottin , au Cocq , rue faint
Jacques. Il ne contient que trente- deux
pages , & il eft écrit de façon à mériter
d'être lû tout entier,
L'HISTOIRE NATURELLE éclaircie dans .
une de fes parties principales , l'Oryctolo
gie , qui traite des terres , des pierres
des métaux , des minéraux , & autres foffilles
; par M. D *** des Sociétés royales
de Londres & de Montpellier,
On trouve dans cet ouvrage une nou
velle méthode latine & françoife de les
divifer , avec une notice critique des principaux
écrits qui ont paru fur ces matie
res, Il eft enrichi de figures deffinées d'après
nature ; & fe vend chez Debure l'aî
né , quai des Auguftins , à S, Paul 1755.
Un volume in- 4° . prix 24 livres relié. M.
le Baron de Sparre , Gentilhomme Sué→
dois , a fait les frais de l'impreffion ,
PLAN DE L'UNIVERS ET EPHEMERIDES
EN FIGURES , d'après les éphemerides en
chiffres , pour 1755 & 1756 ; par M.
l'Abbé de Brancas , chez le fieur le Rouge ,
Géographe du Roi , rue des Grands Auguftins
, avec une explication inftructive
des cartes de Cofmographie & d'Aftronomie
, où l'on voit le fyftême de M. l'Abbé
de Brancas mieux développé.
EX
RAIT DES AMANS PHILOSOPHES ,
ouvrage annoncé dans le Mercure
précédent.
›
Les caracteres en font vrais , les fentimens
nobles , la morale en eft fage
l'intrigue fimple , & le ftyle naturel. Je
me borne à l'analyfe des principaux carac
teres. Comme ce roman eft peu chargé
elle fuffira pour en faire le précis.
Merindor unit les dons extérieurs à toutes
les qualités de l'ame ; elles font perfectionnées
par l'étude , & plus encore par
l'adverfité. Un procès injuftement perdu
& le lâche abandon d'une premiere maîtreffe
l'ont rendu philofophe ; il fuit le
monde plus par fageffe que par humeur.
L'amitié de Damon & l'eftime d'Uranie lui
tiennent lieu de tout , & leur compagnie
forme fa fociété. Damon lui a donné des
preuves d'un zele véritable ; fes foins ont
contribué à faire revoir fon procès , &
l'ont rétabli dans fes biens : il a les mêmes
vertus que fon ami ; mais comme il a
moins d'expérience , qu'il ignore l'empire
1
*
64 MERCURE DE FRANCE .
des paffions , il eft moins ferme dans fes
principes , & fe laiffe prendre au piége
que lui tend Emilie , coquette artificieufe ;
il en devient l'adorateur , conféquemment
la dupe. Merindor l'avertit du danger. La
froideur de Damon eft le prix de fa remontrance
on le fuit comme un cenfeur
incommode ; il ne lui refte qu'Uranie .
Cette veuve eſtimable eft plus philofophe
que Damon ; fupérieure à l'amour fecret
qu'elle fent pour lui , elle le foumet à fa
raifon , & confole Merindor de cette perte.
Elle fait plus pour la mieux réparer ,
elle lui fait connoître Dericourt , dont elle
lui affure que l'attachement fera plus folide
que celui de Damon : elle ne le trompe
pas. Merindor trouve dans ce nouvel
ami une maîtreffe parfaite. Victoire , digne
éleve d'Uranie , joint comme elle
aux charmes de fon fexe , les fentimens
d'un honnête homme , & la raifon d'un
vrai fage. Trop aimée de Dorante ( c'eſt le
nom d'un frere coupable dont elle dépend
) elle a été forcée de fe traveſtir en
homme pour fe fouftraire à fes emportemens
, & de fe réfugier chez Uranie.
Sous les habits & fous le nom de Deri .
court , elle fait dans une promenade la
conquête d'Emilie , qui lui écrit un billet
des plus tendres. Cette lettre furpriſe par
1
MA I.
1755. 65
Damon , occafionne l'aveu qu'on lui fait
du déguiſement de fon'faux rival. La perfide
Emilie tire par adreffe ce fatal fecret
de la bouche de Damon , qui a la foibleffe
de renouer avec elle , & s'en ferr
pour perdre Victoire. Elle écrit à Dorante
que fa foeur , pour mieux couvrir une intrigue
fecrette , s'eft déguifée en cavalier
& que la maifon d'Uranie lui fert d'afyle.
Dorante arrive furieux , arrache Victoire
des bras de fon amie , & la contraint
d'entrer dans un couvent , où elle eft expofée
à toutes les violences de ce cruel
tuteur. La philofophie de Merindor ne
tient pas contre ce revers , il tombe malade.
Damon inftruit que fon indifcrétion en
eft la caufe , rifque tout pour réparer fa
faute. Il vole fur les lieux où Dorante
tient fa four captive : le premier objet
qu'il rencontre eft ce frere criminel , qui
le provoque lui-même au combat. Damon
le tue : Victoire fort d'efclavage ; fa liberté
rend la fanté à Merindor. 11 obtient
la
grace de fon ami , & reçoit le prix de
fes vertus , il époufe ce qu'il aime. Merindor
& Victoire , dit l'aimable auteur de ce
roman , marchent à l'autel , la raifon &
l'amour font leurs guides ; l'innocence & la
vertu les accompagnent , fans emprunter le
fecoursde l'art. Victoire n'a pour parure que
66 MERCURE DE FRANCE.
fes charmes naturels ; Merindor a obfervé la
même fimplicité le ferment qu'il fe font de
s'aimer fidelement n'est qu'une répétition de
celui qu'ils fe font déja fait mille fois ; la
même fincerité , la même droiture y prefide :
peut- il n'être pas folide? Uranie partage leur
joie ; & pour y mettre le comble , cette
veuve donne la main à Damon , qu'elle
aimoit fecrettement. Il brife fans retour
les indignes fers d'Emilie , & l'hymen le
ramene au ſein de la fageffe dont l'erreur
d'une paffion' aveugle l'avoit écarté.
Qu'on juge par la conclufion de l'ouvrage
, du mérite de fa morale . Nos faifeurs
de romans , dans un âge mûr , mettent
leur art à rendre le vice agréable & la
volupté décente. Ils ne fongent à nous intéreffer
que pour nous féduire . Mlle Brohon
à dix - huit ans applique tous fes foins
à rendre la raifon aimable , & la vertu.
touchante ; elle veut nous plaire pour
nous inftruire : quel éloge pour elle ! quelle
leçon pour eux
'ESSAI SUR L'ÉTAT DU COMMERCE D'ANGLETERRE
, deux volumes in- 12 . Il fe vend
chez Guillyn , au Lys d'or ; & chez Nyon ,
à l'Occafion , quai des Auguftins,
Il eft de l'auteur des Colonies Angloifes
: c'est un préjugé favorable pour l'ouROMAMA
I. 3 1755. 67
*
vrage qui eft moins la traduction de
Telai de Cary, qu'une imitation étendue
& fouvent critique de ce traité. L'Effai
François eft divifé en trois parties ; la premiere
traite du commerce intérieur dé
l'Angleterre. Ce que l'auteur a pris de l'original
anglois pour cette premiere partie ,
qui forme un gros volume , fe réduit au
plusa quarante - trois pages.
A
La deuxième , qui doit encore moins à
Cary , a pour objet le commerce extérieur
de la Grande- Bretagne , & s'étend parti
culierement fur celui que les Anglois font ,
tant aux Indes Orientales qu'en Afrique .
La troifiéme partie , qui n'a pas encore
paru , comprendra toutes les autres bran
ches du même cómmerce , foit en Ame .
rique , foit dans les différens ports de
l'Europe . Cet ouvrage eft celui d'un ci
toyen inftruit. L'analyfe qu'il fait du commercé
de nos voifins doit nous éclairer fur
le nôtre ; nous devons l'en remercier , &
tourner l'inftruction à notre profit.
- DISCOURS SUR LE BARREAU D'Athenes
& fur celui de Rome ; par M. l'Abbé Le
Moine d'Orgival ; deux volumes in - 12 .
chez Prault pere , quai de Gêvres , au
Paradis , & Leclerc , au Palais , à la Prudenice
; 1755.
68 MERCURE DE FRANCE.
Le Libraire nous apprend par un avis ,
que M. Terraffon , cenfeur du manufcrit
a fait fentir que ce livre , dont le fond
eft fi bon , deviendroit plus intéreffant ,
s'il étoit retouché. On a profité de ce fage
confeil , & M. l'Abbé Roger s'eft chargé
en l'abfence de l'auteur , d'être l'éditeur
d'un ouvrage auffi néceffaire à la connoiffance
de l'hiftoire ancienne , qu'utile à
ceux qui fréquentent le barreau .
EUVRES de Chapelle & de Bachau
mont , nouvelle édition , in- 12 , petit format
, 1755. Elle fe trouve chez Quillan
rue Saint Jacques , aux Armes de l'Univerfité.
Le Libraire donne avis qu'on a fait tiş
rer de cet ouvrage , en grand papier , un
petit nombre d'exemplaires.
DISCOURS de M. Le Corvaifier , Secrétaire
perpétuel de l'Académie d'Angers ;
lû dans une Séance publique de la Société
royale des Sciences & Belles- Lettres de
Nanci , lorfqu'il a été reçu affocié étranger
avec M. de Maupertuis , &c.
Comme il en a été parlé avec éloge
dans le Mercure d'Avril , où cette Séance
fe trouve inférée ; j'y renvoye le lecteur, ou
plutôt je lui confeille d'acheter ce difcours
MA I. 1755. 69
1
chez Martin Lottin , au Cocq , rue faint
Jacques. Il ne contient que trente- deux
pages , & il eft écrit de façon à mériter
d'être lû tout entier,
L'HISTOIRE NATURELLE éclaircie dans .
une de fes parties principales , l'Oryctolo
gie , qui traite des terres , des pierres
des métaux , des minéraux , & autres foffilles
; par M. D *** des Sociétés royales
de Londres & de Montpellier,
On trouve dans cet ouvrage une nou
velle méthode latine & françoife de les
divifer , avec une notice critique des principaux
écrits qui ont paru fur ces matie
res, Il eft enrichi de figures deffinées d'après
nature ; & fe vend chez Debure l'aî
né , quai des Auguftins , à S, Paul 1755.
Un volume in- 4° . prix 24 livres relié. M.
le Baron de Sparre , Gentilhomme Sué→
dois , a fait les frais de l'impreffion ,
PLAN DE L'UNIVERS ET EPHEMERIDES
EN FIGURES , d'après les éphemerides en
chiffres , pour 1755 & 1756 ; par M.
l'Abbé de Brancas , chez le fieur le Rouge ,
Géographe du Roi , rue des Grands Auguftins
, avec une explication inftructive
des cartes de Cofmographie & d'Aftronomie
, où l'on voit le fyftême de M. l'Abbé
de Brancas mieux développé.
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Résumé : « EXTRAIT DES AMANS PHILOSOPHES, ouvrage annoncé dans le Mercure [...] »
Le roman 'Les Amans Philosophes' de Mlle Brohon met en scène plusieurs personnages principaux : Merindor, Damon, Uranie, Emilie et Victoire. Merindor, un homme philosophe et sage, est soutenu par Damon et Uranie. Damon, moins expérimenté, est trompé par Emilie, une coquette. Uranie, une veuve estimable, présente Merindor à Dericourt, qui se révèle être Victoire, une jeune femme déguisée en homme pour échapper à son frère tyrannique, Dorante. Emilie découvre le déguisement de Victoire et la dénonce à Dorante, qui enferme Victoire dans un couvent. Damon tue Dorante pour libérer Victoire, et Merindor retrouve la santé. Le roman se conclut par les mariages de Merindor avec Victoire et de Damon avec Uranie, tous guidés par la raison et la vertu. Le texte loue l'ouvrage pour son moralisme et son style naturel. Par ailleurs, il mentionne plusieurs autres publications, notamment un essai sur le commerce anglais, un discours sur les barreaux d'Athènes et de Rome, et des œuvres de Chapelle et Bachaumont.
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32
p. 190-191
PAYS-BAS.
Début :
Sur les bruits qui ont couru que les Algériens avoient déclaré [...]
Mots clefs :
La Haye, Bruxelles, Commerce, Loterie, Incendie, Vaisseaux de guerre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PAYS-BAS.
PAYS - BAS.
7
DE LA HAYE , le 11 Avril.
Sur les bruits qui ont couru que les Algériens
avoient déclaré la guerre à cette République
l'Amirauté d'Amfterdam a mis fept Vaiffeaux de
guerre en commiffion : celles de la Meuſe & de la
Zélande en ont mis chacune trois , & celle de la
Nord Hollande deux .
La nuit du 5 au 6 le feu prit à Alcmar dans la
maifon de Correction , qui a été preſque totalement
réduite en cendres. Le 6 , le feu prit auffi au
laboratoire de l'Arcenal dans la même ville.
Moyennant les prompts fecours qu'on apporta
le dommage n'a pas été confidérable ; mais quelques
ouvriers ont été bleffés en travaillant à ârrê◄
ter les progrès des flammes,
MA I. 1755. 191
DE BRUXELLES , le 22 Mars.
Par un Décret qui vient d'être publié , l'Impératrice
Reine permet de faire paffer par ces Provinces
différentes marchandiſes de Hollande ,
deftinées pour l'Allemagne & pour le pays de
Liege , & plufieurs marchandiſes d'Allemagne &
du pays de Liege deftinées pour la Hollande. Sa
Majefté défigne en même tems de nouvelles routes
au paffage.
Le tirage de la premiere claffe de la lotterie
fut terminé les de ce mois. Le lot de vingt mille
florins eſt échu au n°. 35738. Celui de quinze
mille florins , au nº. 105094. Celui de dix mille ,
au nº. 44343. Celui de fept mille cinq cens au
n°. 56716 ; & celui de cinq mille au nº. 124004.
>
Avant-hier , le Prince Charles de Lorraine fe
rendit à Malines pour y voir fondre quelques canons
, & il revint le foir en cette ville. La Prin
ceffe de Lorraine arriva de Mons le même jour.
7
DE LA HAYE , le 11 Avril.
Sur les bruits qui ont couru que les Algériens
avoient déclaré la guerre à cette République
l'Amirauté d'Amfterdam a mis fept Vaiffeaux de
guerre en commiffion : celles de la Meuſe & de la
Zélande en ont mis chacune trois , & celle de la
Nord Hollande deux .
La nuit du 5 au 6 le feu prit à Alcmar dans la
maifon de Correction , qui a été preſque totalement
réduite en cendres. Le 6 , le feu prit auffi au
laboratoire de l'Arcenal dans la même ville.
Moyennant les prompts fecours qu'on apporta
le dommage n'a pas été confidérable ; mais quelques
ouvriers ont été bleffés en travaillant à ârrê◄
ter les progrès des flammes,
MA I. 1755. 191
DE BRUXELLES , le 22 Mars.
Par un Décret qui vient d'être publié , l'Impératrice
Reine permet de faire paffer par ces Provinces
différentes marchandiſes de Hollande ,
deftinées pour l'Allemagne & pour le pays de
Liege , & plufieurs marchandiſes d'Allemagne &
du pays de Liege deftinées pour la Hollande. Sa
Majefté défigne en même tems de nouvelles routes
au paffage.
Le tirage de la premiere claffe de la lotterie
fut terminé les de ce mois. Le lot de vingt mille
florins eſt échu au n°. 35738. Celui de quinze
mille florins , au nº. 105094. Celui de dix mille ,
au nº. 44343. Celui de fept mille cinq cens au
n°. 56716 ; & celui de cinq mille au nº. 124004.
>
Avant-hier , le Prince Charles de Lorraine fe
rendit à Malines pour y voir fondre quelques canons
, & il revint le foir en cette ville. La Prin
ceffe de Lorraine arriva de Mons le même jour.
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Résumé : PAYS-BAS.
Le 11 avril, à La Haye, des rumeurs de déclaration de guerre par les Algériens ont incité l'Amirauté d'Amsterdam à mobiliser sept vaisseaux de guerre. Les provinces de la Meuse et de la Zélande en ont préparé trois chacune, et celle de la Nord Hollande deux. La nuit du 5 au 6 avril, un incendie a ravagé la maison de correction d'Alkmaar. Le même jour, un feu au laboratoire de l'Arsenal dans cette ville a blessé plusieurs ouvriers malgré les secours rapides. Le 22 mars, à Bruxelles, un décret de l'Impératrice Reine a autorisé le passage de diverses marchandises entre la Hollande, l'Allemagne et le pays de Liège, et a défini de nouvelles routes pour ce passage. Le tirage de la première classe de la loterie s'est terminé le 22 mars, avec des lots attribués aux numéros 35738, 105094, 44343, 56716 et 124004. Le Prince Charles de Lorraine s'est rendu à Malines pour superviser la fonte de canons et est revenu à Bruxelles le lendemain. La Princesse de Lorraine est arrivée de Mons le même jour.
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33
p. 77-124
Eloge de M. le Président de Montesquieu.
Début :
L'intérêt que les bons citoyens prennent à l'Encyclopédie, & le grand nombre de [...]
Mots clefs :
Montesquieu, Encyclopédie, Gloire, Moeurs, Ouvrage, Auteur, Esprit, Hommes, Académie, Parlement de Bordeaux, Académie française, Éloge, De l'esprit des lois, Lettres persanes, Amour, Nations, Malheur, Commerce, Intérêt, Honneur, Étude, Citoyen, Philosophie, Religion, Gouvernement, Roi, Sciences, Parlement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Eloge de M. le Président de Montesquieu.
Ous ne pouvons mieux ouvrir cet arpar
volume de l'Encyclopédie. Qui ſe diſtribue
depuis quelques jours chez Briaffon , David
l'aîné , le Breton , & Durand. Il doit être
d'autant plus intéreffant que M. de Voltaire
y a travaillé les mots , efprit , éloquence
, élégance. Qui pouvoit mieux en
parler ? Le morceau qui paroît à la tête du
même volume , acheve de le rendre précieux
. C'eſt l'éloge de M. de Montesquieu
par M. d'Alembert . On peut dire fans
fadeur que le Panégyrifte eft digne du
héros . Cet éloge nous a paru d'une fi grande
beauté , que nous croyons obliger le
Lecteur de l'inférer ici dans fon entier.
Quant à la note qui fe trouve à la page
huit , comme elle contient elle - feule une
excellente analyſe de l'Efprit des Loix ,
nous avons craint de prodiguer à la fois
tant de richeffes , & par une jufte économie,
nous l'avons réfervée pour en décorer
le premier Mercure de Décembre . Ceux
Diij
78 MERCURE DE FRANCE.
qui n'auront pas le Dictionnaire , feront
charmés de trouver cette piece complette
dans mon Journal , où ils pourront même
la lire plus commodément , puifqu'il eſt
portatif.
Eloge de M. le Préſident de Montefquien.
L'intérêt que les bons citoyens prennent
à l'Encyclopédie, & le grand nombre de
gens de Lettres qui lui confacrent leurs
travaux , femblent nous permettre de la
regarder comme un des monumens les
plus propres à être dépofitaires des fentimens
de la patrie , & des hommages
qu'elle doit aux hommes célebres qui l'ont
honorée . Perfuadés néanmoins que M.
de Montesquieu étoit en droit d'attendre
d'autres Panégyriftes que nous , & que la
douleur publique eût mérité des interpretes
plus éloquens , nous euflions renfermé
au- dedans de nous-mêmes nos juftes
regrets & notre refpect pour fa mémoire ;
mais l'aveu de ce que nous lui devons ,
nous eft trop précieux pour en laiffer le
foin à d'autres. Bienfaicteur de l'humanité
par fes écrits , il a daigné l'être auffi de
cet ouvrage , & notre reconnoiffance ne
veut que tracer quelques lignes au pied de
fa ftatue .
Charles de Secondat , Baron de la Brede
NOVEMBRE. 1755. 79
& de Montesquieu , ancien Préfident à
Mortier au Parlement de Bordeaux , de
l'Académie Françoife, de l'Académie royale
des Sciences & des Belles - Lettres de
Pruffe , & de la Société de Londres , naquit
au Château de la Brede , près de Bordeaux
, le 18 Janvier 1689 , d'une famille
noble de Guyenne. Son trifayeul , Jean de
Secondat , Maître d'Hôtel de Henri II ,
Roi de Navarre , & enfuite de Jeanne ,
fille de ce Roi , qui époufa Antoine de
Bourbon , acquit la terre de Montesquieu
d'une fomme de 10000 livres que cette
Princeffe lui donna par un acte authentique
, en récompenfe de fa probité & de
fes fervices. Henri III , Roi de Navarre ,
depuis Henri IV , Roi de France , érigea
en Baronie la terre de Montefquieu , en
faveur de Jacob de Secondat , fils de Jean ,
d'abord Gentilhomme ordinaire de la
Chambre de ce Prince , & enfuite Meftre
de camp du Régiment de Châtillon.
Jean Gafton de Secondat , fon fecond fils ,
ayant époufé la fille du Premier Préfident
du Parlement de Bordeaux , acquit dans
cette Compagnie une charge de Préfident
à Mortier. Il eut plufieurs enfans , dont
un entra dans le fervice , s'y diftingua ,
& le quitta de fort bonne heure. Ce fut
pere de Charles de Secondat , auteur Le
Div
So MERCURE DE FRANCE.
de l'Efprit des Loix . Ces détails paroîtront
peut- être déplacés à la tête de l'éloge
d'un philofophe dont le nom a fi peu
befoin d'ancêtres ; mais n'envions point
à leur mémoire l'éclat que ce nom répand
fur elle.
Les fuccès de l'enfance préfage quelquefois
fi trompeur , ne le furent point
dans Charles de Secondat : il annonça de
bonne heure ce qu'il devoit être ; & fon
pere donna tous fes foins à cultiver ce génie
naiffant , objet de fon efpérance &
de fa tendreſſe . Dès l'âge de vingt ans , le
jeune Montefquieu préparoit déja les matériaux
de l'Esprit des Loix , par un extrait
raifonné des immenfes volumes qui compofent
le corps du Droit civil ; ainfi autrefois
Newton avoit jetté dès fa premiere
jeuneffe les fondemens des ouvrages qui
l'ont rendu immortel . Cependant l'étude
de la Jurifprudence , quoique moins aride
pour M. de Montefquieu que pour la
plupart de ceux qui s'y livrent , parce qu'il
la cultivoit en philofophe , ne fuffifoit pas
à l'étendue & à l'activité de fon génie ; il
approfondiffoit dans le même temps des
matieres encore plus importantes & plus
délicates , & les difcutoit dans le filence
avec la fageffe , la décence , & l'équité
qu'il a depuis montrées dans fes ouvrages .
NOVEMBRE. 1755 . 81
Un oncle paternel , Préfident à Mortier
au Parlement de Bordeaux , Juge éclairé
& citoyen vertueux , l'oracle de fa compagnie
& de fa province , ayant perdu un
fils unique , & voulant conferver dans fon
Corps l'efprit d'élevation qu'il avoit tâché
d'y répandre , laiffa fes biens & fa charge
à M. de Montefquieu ; il étoit Confeiller
au Parlement de Bordeaux , depuis le 24
Février 1714 , & fut reçu Préſident à
Mortier le 13 Juillet 1716. Quelques années
après , en 1722 , pendant la minorité
du Roi , fa Compagnie le chargea de préfenter
des remontrances à l'occafion d'un
nouvel impôt. Placé entre le thrône & le
peuple , il remplit en fujet refpectueux &
en Magiftrat plein de courage , l'emploi fi
noble & fi peu envié , de faire parvenir
au Souverain le cri des malheureux ; & la
mifere publique repréfentée avec autant
d'habileté que de force , obtint la justice.
qu'elle demandoit . Ce fuccès , il eft vrai ,
par malheur l'Etat bien plus que pour
pour
lui , fut auffi paffager que s'il eût été injufte
; à peine la voix des peuples eût- elle
ceffé de le faire entendre , que l'impôt
fupprimé fut remplacé par un autre ; mais
le citoyen avoit fait fon devoir.
Il fut reçu le 3 Avril 1716 dans l'Académie
de Bordeaux , qui ne faifoit que de
Dy
82 MERCURE DE FRANCE.
naître . Le gout pour la Mufique & pour
les ouvrages de pur agrément , avoit d'abord
raflemblé les membres qui la for
moient. M. de Montefquieu crut avec raifon
que l'ardeur naiffante & les talens de
fes confieres pourroient s'exercer avec encore
plus d'avantage fur les objets de la
Phyfique. Il étoit perfuadé que la nature ,
digne d'être obfervée par -tout , trouvoit
aufli par tout des yeux dignes de la voir ;
qu'au contraire les ouvrages de goût ne
fouffrant point de médiocrité , & la Capitale
étant en ce genre le centre des lumieres
& des fecours , il étoit trop difficile de
rafferobler loin d'elle un affez grand nombre
d'écrivains diftingués ; il regardoit les
Sociétés de bel efprit , fi étrangement multipliées
dans nos provinces , comme une
efpece , ou plutôt comme une ombre de
luxe littéraire qui nuit à l'opulence réelle
fans même en offrir l'apparence . Heureufement
M. le Duc de la Force , par un prix
qu'il venoit de fonder à Bordeaux , avoit
fecondé des vues fi éclairées & fi juftes.
On jugea qu'une expérience bien faite
feront préférable à un difcours foible , ou
à un mauvais poëme ; & Bordeaux eut
une Académie des Sciences .
M. de Montefquieu nullement empreffé
de fe montrer au public , fembloit attenNOVEMBRE.
1755. 83
dre , felon l'expreffion d'un grand génie ,
un âge mur pour écrire ; ce ne fut qu'en
1721 , c'eft -à- dire âgé de trente - deux ans,
qu'il mit au jour les Lettres Perfannes. Le
Siamois des amufemens ferieux & comiques
pouvoit lui en avoir fourni l'idée ; mais
il furpaffa fon modele . La peinture des
moeurs orientales réelles ou fuppofées , de
l'orgueil & du flegme de l'amour aliatique
, n'eft que le moindre objet de ces
Lettres ; elle n'y fert , pour ainfi dire , que
de prétexte à une fatyre fine de nos moeurs,
& à des matieres importantes que l'Auteur
approfondit en paroiffant gliffer fur
elles. Dans cette efpèce de tableau mouvant
, Ufbek expofe fur-tout avec autant
de légereté que d'énergie ce qui a le plus
frappé parmi nous fes yeux pénétrans ;
notre habitude de traiter férieufement les
chofes les plus futiles , & de tourner les
plus importantes en plaifanterie ; nos converfations
fi bruyantes & fi frivoles ; notre
ennui dans le fein du plaifir même ;
nos préjugés & nos actions en contradiction
continuelle avec nos lumieres ; tant
d'amour pour la gloire joint à tant de
refpect pour l'idole de la faveur ; nos
Courtifans fi rampans & fi vains ; notre
politeffe extérieure & notre mépris réel
pour les étrangers , ou notre prédilection
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
affectée pour eux ; la bifarrerie de nos
gouts , qui n'a rien au- deffous d'elle que
l'empreffement de toute l'Europe à les
adopter ; notre dédain barbare pour deux
des plus refpectables occupations d'un citoyen
, le commerce & la magiftrature ;
nos difputes littéraires fi vives & fi inuti
les ; notre fureur d'écrire avant que de
penfer , & de juger avant que de connoître.
A cette peinture vive , mais fans
fiel , il oppofe dans l'apologue des Troglodites
, le tableau d'un peuple vertueux ,
devenu fage par le malheur , morceau
digne du Portique : ailleurs il montre la
philofophie long-tems étouffée , reparoiffant
tout-à- coup , regagnant par les progrès
le tems qu'elle a perdu , pénétrant
jufques chez les Ruffes à la voix d'un génie
qui l'appelle , tandis que chez d'autres
peuples de l'Europe , la fuperftition , femblable
à une atmoſphere épaiffe , empêche
la lumiere qui les environne de toutes
parts d'arriver jufqu'à eux. Enfin , par les
principes qu'il établit fur la nature des
gouvernemens anciens & modernes , il
préfente le germe de ces idées lumineufes
développées depuis par l'Auteur dans fon
grand ouvrage.
Ces différens fujets , privés aujourd'hui
des graces de la nouveauté qu'ils avoient
8
NOVEMBRE. 1755. 85
dans la naiffance des Lettres Perfannes , y
conferveront toujours le mérite du caractere
original qu'on a fçu leur donner ;
mérite d'autant plus réel , qu'il vient ici
du génie feul de l'écrivain , & non du
voile étranger dont il s'eft couvert ; car
Ufbek a pris durant fon féjour en France ,
non feulement une connoiffance fi parfaite
de nos moeurs , mais une fi forte teinture
de nos manieres mêmes , que fon
ftyle fait fouvent oublier fon pays . Ce
léger défaut de vraisemblance peut n'être
fans deffein & fans adreffe : en relevant
nos ridicules & nos vices , il a voulu
fans doute auffi rendre juftice à nos
avantages ; il a fenti toute la fadeur d'un
éloge direct & il s'en eft plus finement
acquitté , en prenant fi fouvent notre ton
pour médire plus agréablement de nous.
pas
Malgré le fuccès de cet ouvrage , M.
de Montefquieu ne s'en étoit point déclaré
ouvertement l'auteur. Peut - être
croyoit- il échapper plus aifément par ce
moyen à la fatyre littéraire , qui épargne
plus volontiers les écrits anonymes , parce
que c'est toujours la perfonne & non l'ouvrage
qui eft le but de fes traits ; peut- être
craignoit- il d'être attaqué fur le prétendu
contrafte des Lettres Perfannes avec l'auférité
de fa place ; efpece de reproche ,
86 MERCURE DE FRANCE.
difoit il , que les critiques ne manquent
jamais, parce qu'il ne demande aucun effort
d'efprit. Mais fon fecret étoit découvert ,
& déja le public le montroit à l'Académie
Françoife. L'événement fit voir combien
le filence de M. de Montefquieu avoit été
fage . Ufbek s'exprime quelquefois affez
librement , non fur le fonds du Chriftianiſme
, mais fur des matieres que trop de
perfonnes affectent de confondre avec le
Chriftianifme même , fur l'efprit de
perfécution
dont tant de Chrétiens ont été
animés ; fur les ufurpations temporelles
de la puiffance eccléfiaftique ; fur la multiplication
exceffive des monafteres , qui
enleve des fujets à l'Etat , fans donner à
Dieu des adorateurs ; fur quelques opinions
qu'on a vainement tenté d'ériger
en dogmes ; fur nos difputes de religion ,
toujours violentes , & fouvent funeftes.
S'il paroît toucher ailleurs à des questions
plus délicates , & qui intéreffent de plus
près la religion chrétienne , fes réflexions
appréciées avec juftice , font en effet trèsfavorables
à la révélation , puifqu'il fe
borne à montrer combien la raifon humaine
, abandonnée à elle-même , eft peu
éclairée fur ces objets. Enfin , parmi les
véritables lettres de M. de Montefquieu ,
l'Imprimeur étranger en avoit inféré quel
NOVEMBRE. 1755. 87
ques -unes d'une autre main , & il eût
fallu du moins , avant que de condamner
l'auteur , démêler ce qui lui appartenoit
en propre. Sans égard à ces confidérations
, d'un côté la haine fous le rom
de zéle , de l'autre le zéle fans difcernement
ou fans lumieres , fe fouleverent &
fe réunirent contre les Lettres Perfannes.
Des délateurs , efpece d'hommes dangereufe
& lâche , que même dans un gouvernement
fage on a quelquefois le malheur
d'écouter , allarmerent par un extrait
infidele la piété du miniftere. M. de Montefquieu
, par le confeil de fes amis , foutenu
de la voix publique , s'étant préſenté
pour la place de l'Académie Françoiſe vacante
par la mort de M. de Sacy , le Miniftre
écrivit à cette Compagnie qué S. M.
ne donneroit jamais fon agrément à l'auteur
des Lettres Perfannes ; qu'il n'avoit
point lu ce livre , mais que des perfonnes
en qui il avoit confiance , lui en avoient
fait connoître le poifon & le danger . M.
de Montefquieu fentit le coup qu'une pareille
accufation pouvoit porter à fa perfonne
, à la famille , à la tranquillité de
fa vie. Il n'attachoit pas affez de prix aux
honneurs littéraires , ni pour les rechercher
avec avidité , ni pour affecter de les
dédaigner quand ils fe préfentoient à lui ,
88 MERCURE DE FRANCE.
:
ni enfin pour en regarder la fimple privation
comme un malheur ; mais l'exclufion
perpétuelle , & fur - tout les motifs de
l'exclufion lui paroiffoient une injure. Il vit
le Miniftre , lui déclara que par des raifons
particulieres il n'avouoit point les
Lettres Perfannes , mais qu'il étoit encore
plus éloigné de defavouer un ouvrage
dont il croyoit n'avoir point à rougir , &
qu'il devoit être jugé d'après une lecture ,
& non fur une délation le Miniftre prit
enfin le parti par où il auroit dû commencer
; il lut le livre , aima l'Auteur , & apprit
à mieux placer fa confiance ; l'Académie
Françoife ne fut point privée d'un de
fes plus beaux ornemens , & la France eut
le bonheur de conferver un fujet que la fuperftition
ou la calomnie étoient prêtes à
lui faire perdre : car M. de Montefquieu
avoit déclaré au Gouvernement qu'après
l'efpece d'outrage qu'on alloit lui faire ,
il iroit chercher chez les étrangers qui lui
tendoient les bras , la fureté , le repos , &
peut-être les recompenfes qu'il auroit dû
efperer dans fon pays. La nation eût déploré
cette perte , & la honte en fut pourtant
retombée fur elle.
Feu M. le Maréchal d'Eftrées , alors Directeur
de l'Académie Françoife , fe conduifit
dans cette circonftance en courtiſan
NOVEMBRE . 1755 . 89
vertueux , & d'une ame vraiment élevée ;
il ne craignit ni d'abufer de fon crédit ni
de le compromettre ; il foutint fon ami &
juftifia Socrate. Ce trait de courage fi précieux
aux Lettres , fi digne d'avoir aujourd'hui
des imitateurs , & fi honorable à
la mémoire de M. le Maréchal d'Eftrées ,
n'auroit pas dû être oublié dans fon éloge.
M. de Montefquieu fut reçu le 24 Janvier
1728. Son difcours eft un des meilleurs
qu'on ait prononcés dans une pareille
occafion ; le mérite en eft d'autant
plus grand , que les Récipiendaires gênés
jufqu'alors par ces formules & ces éloges
d'ufage auxquels une efpece de prefcription
les affujettit , n'avoient encore ofé
franchir ce cercle pour traiter d'autres fujets
, ou n'avoient point penfé du moins à
les y renfermer ; dans cet état même de
contrainte il eut l'avantage de réuffir . Entre
plufieurs traits dont brille fon difcours ,
on reconnoîtroit l'écrivain qui penſe , au
feul portrait du Cardinal de Richelieu
qui apprit à la France le fecret de fes forces ,
& à l'Espagne celui de fa foibleffe , qui ôta
à l'Allemagne fes chaînes , & lui en donna
de nouvelles. Il faut admirer M. de Montefquieu
d'avoir fçu vaincre la difficulté
de fon fujet, & pardonner à ceux qui n'ont
pas eu le même fuccès .
›
90 MERCURE DE FRANCE.
Le nouvel Académicien étoit d'autant
plus digne de ce titre , qu'il avoit peu de
tems auparavant renoncé à tout autre travail
, pour fe livrer entierement à fon
génie & à fon goût . Quelque importante
que fût la place qu'il occupoit , avec quelques
lumieres & quelque intégrité qu'il
en eût rempli les devoirs , il fentoit qu'il
y avoit des objets plus dignes d'occuper
fes talens ; qu'un citoyen eft redevable à
fa nation & à l'humanité de tout le bien
qu'il peut leur faire ; & qu'il feroit plus
utile à l'une & à l'autre , en les éclairant
par fes écrits , qu'il ne pouvoit l'être en
difcutant quelques conteftations particulieres
dans l'obfcurité . Toutes ces réflexions
le déterminerent à vendre fa charge
; il ceffa d'être Magiftrat , & ne fut plus
qu'homme de Lettres .
Mais pour fe rendre utile par fes ouvra
ges aux différentes nations , il étoit néceffaire
qu'il les connût ; ce fut dans cette
vue qu'il entreprit de voyager. Son but
étoit d'examiner partout le phyfique & le
moral , d'étudier les loix & la conftitution
de chaque pays , de vifiter les fçavans , les
écrivains , les artiftes célebres , de chercher
fur- tout ces hommes rares & finguliers
dont le commerce fupplée quelquefois à
plufieurs années d'obfervations & de féNOVEMBRE.
1755. 91
jour. M. de Montefquieu eût pu dire comme
Démocrite. Je n'ai rien oublié pour
» m'inftruire ; j'ai quitté mon pays , & parcouru
l'univers pour mieux connoître
» la vérité : j'ai vu tous les perfonnages
» illuftres de mon tems ; mais il y eût
cette différence entre le Démocrite François
& celui d'Abdere , que le premier
voyageoit pour inftruire les hommes , &
le fecond pour s'en moquer,
Il alla d'abord à Vienne , où il vit fouvent
le célebre Prince Eugene ; ce Héros
fi funefte à la France ( à laquelle il auroit
pû être fi utile ) , après avoir balancé la
fortune de Louis XIV. & humilié la fierté
Ottomane , vivoit fans fafte durant la paix,
aimant & cultivant les Lettres dans une
Cour où elles font peu en honneur , &
donnant à ſes maîtres l'exemple de les protéger.
M. de Montefquieu crut entrevoir
dans fes difcours quelques reftes d'intérêt
pour fon ancienne patrie ; le Prince Eugene
en laiffoit voir furtout , autant que le
peut faire un ennemi , für les fuites funeftes
de cette divifion inteftine qui trouble
depuis fi longtems l'Eglife de France :
l'Homme d'Etat en prévoyoit la durée &
les effets , & les prédit au Philofophe.
M. de Montefquieu partit de Vienne
pour voir la Hongrie , contrée opulente &
92 MERCURE DE FRANCE.
fertile, habitée par une nation fiere & généreufe
, le fléau de fes Tyrans & l'appui de
fes Souverains. Comme peu de perfonnes
connoiffent bien ce pays , il a écrit avec
foin cette partie de fes voyages.
D'Allemagne , il paffa en Italie ; il vit à
Venife le fameux Law , à qui il ne reftoit
de fa grandeur paffée que des projets heureufement
deftinés à mourir dans fa tête ,
& un diamant qu'il engageoit pour jouer
aux jeux de hafard . Un jour la converfation
rouloit fur le fameux fyftème que Law
avoit inventé ; époque de tant de malheurs
& de fortunes , & furtout d'une dépravation
remarquable dans nos moeurs . Comme
le Parlement de Paris , dépofitaire immédiat
des Loix dans les tems de minorité ,
avoit fait éprouver au Miniftre Ecoffois
quelque réfiftance dans cette occafion
M. de Montefquieu lui demanda pourquoi
on n'avoit pas effayé de vaincre cette réfiftance
par un moyen prefque toujours infaillible
en Angleterre , par le grand mobile
des actions des hommes , en un mot
par l'argent : Ce ne font pas , répondit Law,
desgénies auffi ardens & auf dangereux que
mes compatriotes , mais ils font beaucoup plus
incorruptibles. Nous ajouterons fans aucun
préjugé de vanité nationale , qu'un Corps
libre pour quelques inftans , doit mieux
NOVEMBRE. 1755. 93
résister à la corruption que celui qui l'eft
toujours ; le premier , en vendant fa liberté,
la perd ; le fecond ne fait , pour ainfi
dire , que la prêter , & l'exerce même en
l'engageant ; ainfi les circonftances & la
nature du Gouvernement font les vices &
les vertus des Nations.
Un autre perfonnage non moins fameux
que M. de Montefquieu vit encore plus .
fouvent à Venife , fut le Comte de Bonneval
. Cet homme fi connu par fes aventures
, qui n'étoient pas encore à leur terme,
& flatté de converfer avec un juge digne
de l'entendre , lui faifoit avec plaifir le détail
fingulier de fa vie , le récit des actions.
militaires où il s'étoit trouvé , le portrait
des Généraux & des Miniftres qu'il avoit
connus . M. de Montefquieu fe rappelloit,
fouvent ces converfations & en racontoit
différens traits à fes amis.
Il alla de Venife à Rome : dans cette ancienne
Capitale du monde , qui l'eft encore
à certains égards , il s'appliqua furtour
à examiner ce qui la diftingue aujourd'hui
le plus , les ouvrages des Raphaëls ,
des Titiens , & des Michel- Anges : il n'avoit
point fait une étude particuliere des
beaux arts ; mais l'expreffion dont brillent
les chef-d'oeuvres en ce genre , faifit infailliblement
tout homme de génie . Accoutu94
MERCURE DE FRANCE.
mé à étudier la nature , il la reconnoît
quand elle eft imitée , comme un portrait
reffemblant frappe tous ceux à qui l'original
eft familier : malheur aux productions
de l'art dont toute la beauté n'eſt que
pour les Artiſtes.
Après avoir parcouru l'Italie , M. de
Montefquieu vint en Suiffe ; il examina
foigneufement les vaſtes pays arrofés par
le Rhin ; & il ne lui refta plus rien à voir
en Allemagne ; car Frédéric ne regnoit pas
encore. Il s'arrêta enfuite quelque tems
dans les Provinces-Unies , monument admirable
de ce que peut l'induftrie humaine
animée par l'amour de la liberté. Enfin il
fe rendit en Angleterre où il demeura deux
ans : digne de voir & d'entretenir les plus
grands hommes , il n'eut à regretter que
de n'avoir pas fait plutôt ce voyage : Locke
& Newton étoient morts. Mais il eut fouvent
l'honneur de faire fa cour à leur protectrice
, la célebre Reine d'Angleterre ,
qui cultivoit la Philofophie fur le thrône ,
& qui goûta , comme elle devoit , M. de
Montefquieu. Il ne fut pas moins accueilli
par la Nation , qui n'avoit pas befoin fur
cela de prendre le ton de fes maîtres . Il
forma à Londres des liaifons intimes avec
des hommes exercés à méditer , & à ſe préparer
aux grandes chofes par des études
NOVEMBRE. 1755. 95
profondes ; il s'inftruifit avec eux de la nature
du Gouvernement , & parvint à le
bien connoître. Nous parlons ici d'après
les témoignages publics que lui en ont rendu
les Anglois eux-mêmes , fi jaloux de
nos avantages , & fi peu difpofés à reconnoître
en nous aucune fupériorité.
Comme il n'avoit rien examiné ni avec
la prévention d'un enthouſiaſte , ni avec
l'austérité d'un Cynique , il n'avoit rapporté
de les voyages ni un dédain outrageant
pour les étrangers , ni un mépris
encore plus déplacé pour fon propre pays.
Il réfultoit de fes obfervations que l'Allemagne
étoit faite pour y voyager , l'Italie
pour y féjourner , l'Angleterre pour y penfer
, & la France pour y vivre.
De retour enfin dans fa Patrie , M de
Montefquieu fe retira pendant deux ans à
fa terre de la Brede : il y jouit en paix de
cette folitude que le fpectacle & le tumulte
du monde fert à rendre plus agréable ;
il vécut avec lui-même , après en être forti
fi long-tems ; & ce qui nous intéreſſe le
plus , il mit la derniere main à fon ouvrage
fur la caufe de la grandeur & de la déca
dence des Romains , qui parut en 1734.
Les Empires , ainfi que les hommes
doivent croître , dépérir & s'éteindre ; mais
cette révolution néceffaire a fouvent des
96 MERCURE DE FRANCE.
caufes cachées que la nuit des tems nous
dérobe , & que le myftere où leur petiteffe
apparente a même quelquefois voilées aux
yeux des contemporains ; rien ne reſſemble
plus fur ce point à l'Hiftoire moderne
que l'Hiftoire ancienne. Celle des Romains
mérite néanmoins à cet égard quelque exception
; elle préfente une politique raifonnée
, un fyftème fuivi d'aggrandiffement
, qui ne permet pas d'attribuer la
fortune de ce peuple à des refforts obfcurs
& fubalternes. Les caufes de la grandeur
Romaine fe trouvent donc dans l'Hiftoire ,
& c'eft au Philofophe à les y découvrir.
D'ailleurs il n'en eft pas des fyftêmes dans
cette étude comme dans celle de la Phyfique
; ceux-ci font prefque toujours précipités
, parce qu'une obfervation nouvelle
& imprévue peut les renverfer en un inftant
; au contraire , quand on recueille
avec foin les faits que nous tranfmet l'Hif
toire ancienne d'un pays , fi on ne raffemble
pas toujours tous les matériaux qu'on
peut défirer , on ne fçauroit du moins ef
pérer d'en avoir un jour davantage . L'étude
réfléchie de l'Hiftoire , étude fi importante
& fi difficile , confifte à combiner
de la maniere la plus parfaite , ces matériaux
défectueux : tel feroit le métire d'un
Architecte , qui , fur des ruines fçavantes ,
traceroit ,
NOVEMBRE. 1755 . 97
traceroit , de la maniere la plus vraiſemblable
, le plan d'un édifice antique , en
fuppléant , par le génie & par d'heureuſes
conjectures , à des reftes informes & tronqués.
C'eſt fous ce point de vue qu'il faut envifager
l'ouvrage de M. de Montefquieu :
il trouve les caufes de la grandeur des Romains
dans l'amour de la liberté , du travail
& de la patrie , qu'on leur infpiroit
dès l'enfance ; dans la févérité de la difcipline
militaire ; dans ces diffenfions intef
tines qui donnoient du reffort aux efprits ,
& qui ceffoient tout -à coup à la vue de
l'ennemi ; dans cette conftance après le
malheur qui ne défefpéroit jamais de la
république dans le principe où ils furent
toujours de ne faire jamais la paix qu'après
des victoires ; dans l'honneur du triomphe,
fujet d'émulation pour les Généraux ; dans
la protection qu'ils accordoient aux peuples
révoltés contre leurs Rois ; dans l'excellente
politique de laiffer aux vaincus leurs
Dieux & leurs coutumes ; dans celle de
n'avoir jamais deux puiffans ennemis fur
les bras , & de tout fouffrir de l'un juſqu'à
ce qu'ils euffent anéanti l'autre . Il trouve les
caufes de leur décadence dans l'agrandiffement
même de l'Etat , qui changea en
guerres civiles les tumultes populaires ;
E
98 MERCURE DE FRANCE.
dans les guerres éloignées qui forçant les
citoyens à une trop longue abfence , leur
faifoient perdre infenfiblement l'efprit républicain
; dans le droit de Bourgeoifie
accordé à tant de Nations , & qui ne fit
plus du peuple Romain qu'une espece de
monftre à plufieurs têtes ; dans la corrup
tion introduite par le luxe de l'Afie ; dans
les profcriptions de Sylla qui avilirent l'efprit
de la Nation , & la préparerent à l'eſclavage
; dans la néceflité où les Romains
fe trouverent de fouffrir des maîtres , lorfque
leur liberté leur fut devenue à charge ;
dans l'obligation où ils furent de changer
de maximes , en changeant de gouvernement
; dans cette fuite de monftres qui
régnerent , prefque fans interruption , depuis
Tibere jufqu'à Nerva , & depuis Commode
jufqu'à Conftantin ; enfin , dans la
tranflation & le partage de l'Empire , qui
périt d'abord en Occident par la puiffance
des Barbares , & qui après avoir langui plufieurs
ficcles en Orient fous des Empereurs
imbéciles ou féroces , s'anéantit infenfiblement
comme ces fleuves qui difparoiffent
dans des fables.
Un affez petit volume a fuffi à M. de
Montefquieu pour développer un tableau
fi intérellant & fi vafte. Comme l'Auteur
ne s'appefantit point fur les détails , & ne
NOVEMBRE. 1755. 92
faifit que les branches fécondes de fon
ſujet , il a ſçu renfermer en très - peu d'efpace
un grand nombre d'objets diftinctement
apperçus & rapidement préfentés fans
fatigue pour le Lecteur ; en laiffant beaucoup
voir , il laifle encore plus à penſer ,
& il auroit pu intituler fon Livre , Hiftoire
Romaine à l'ufage des Hommes d'Etat & des
Philofophes.
Quelque réputation que M. de Montefquieu
fe fût acquife par ce dernier ouvrage
& par ceux qui l'avoient précédé , il
n'avoit fait que fe frayer le chemin à une
plus grande entreprife , à celle qui doit
immortalifer fon nom & le rendre refpectable
aux fiecles futurs. Il en avoit dès
longtems formé le deffein , il en médita
pendant vingt ans l'exécution ; ou , pour
parler plus exactement , toute fa vie en
avoit été la méditation continuelle . D'abord
il s'étoit fait en quelque façon étranger
dans fon propre pays , afin de le mieux
connoître ; il avoit enfuite parcouru toute
l'Europe , & profondément étudié les différens
peuples qui l'habitent . L'Ifle fameufe
qui fe glorifie tant de fes loix , &
qui en profite fi mal , avoit été pour lui
dans ce long voyage , ce que l'ifle de Crete
fut autrefois pour Lycurgue , une école
où il avoit fçu s'inftruire fans tout approu-
E ij
100
MERCURE DE
FRANCE.
ver ; enfin , il avoit , fi on peut parler ainfi ,
interrogé & jugé les nations & les hommes
célebres qui
n'exiftent plus aujour
d'hui que dans les annales du monde. Ce
fut ainfi qu'il s'éleva par dégrés au plus
beau titre qu'un fage puiffe mériter , celui
de Légiflateur des Nations .
S'il étoit animé par
l'importance de la
matiere , il étoit effrayé en même tems par
fon
étendue il
l'abandonna , & y revint
:
à plufieurs repriſes ; il fentit plus d'une fois,
comme il l'avoue lui- même , tomber les
mains
paternelles .
Encouragé enfin
amis , il ramaffa toutes fes forces , & donfes
par
na l'Esprit des Loix.
Dans cet important ouvrage , M. de
Montefquieu , fans
s'appefantir , à l'exemple
de ceux qui l'ont précédé , fur des difcuffions
métaphyfiques relatives à l'hom
me fuppofé dans un état
d'abſtraction ,
fans fe borner , comme d'autres , à confidérer
certains peuples dans quelques relations
ou
circonftances
particulieres , envifage
les habitans de l'univers dans l'état réel
où ils font , & dans tous les rapports qu'ils
peuvent avoir entr'eux. La plupart des
autres Ecrivains en ce genre font prefque
toujours ou de fimples Moraliftes , ou de
fimples
Jurifconfultes , ou même quelquefois
de fimples
Théologiens;pour lui, l'hom
NOVEMBRE. 1755 . ΙΟΥ
perme
de tous les Pays & de toutes les Nations,
il s'occupe moins de ce que le devoir exige
de nous , que des moyens par lefquels on
peut nous obliger de le remplir , de la
fection métaphyfique des loix , que de celle
dont la nature humaine les rend fufceptibles
, des loix qu'on a faites que de celles
qu'on a dû faire , des loix d'un peuple particulier
que de celles de tous les peuples,
Ainfi en fe comparant lui -mêine à ceux
qui ont couru avant lui cette grande &
noble carriere , il a pu dire comme le Correge
, quand il eut vu les ouvrages de fes
rivaux , & moi auffi je fuis Peintre.
Rempli & pénétré de fon objet , l'Auteur
de l'Efprit des Loix y embraſſe un fi
grand nombre de matieres , & les traite
avec tant de brieveté & de profondeur ,
qu'une lecture affidue & méditée peut feule
faire fentir le mérite ce livre . Elle fervira
fur- tout , nous ofons le dire , à faire difparoître
le prétendu défaut de méthode
dont quelques lecteurs ont accufé M. de
Montefquieu ; avantage qu'ils n'auroient
pas dû le taxer légerement d'avoir négligé
dans une matiere philofophique & dans
un ouvrage de vingt années . Il faut diftinguer
le défordre réel de celui qui n'eft
qu'apparent. Le défordre eft réel , quand
l'analogie & la fuite des idées n'eft point
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
obfervée ; quand les conclufions font érigées
en principes , ou les précedent ; quand
le lecteur , après des détours fans nombre ,
fe retrouve au point d'où il eft parti . Le
defordre n'eft qu'apparent , quand l'Auteur
mettant à leur véritable place les idées dont
il fait ufage , laiffe à fuppléer aux lecteurs
les idées intermédiaires : & c'eſt ainfi que
M. de Montefquieu a cru pouvoir & devoir
en ufer dans un livre deſtiné à des
hommes qui penfent , dont le génie doit
fuppléer à des omiffions volontaires & raifonnées
.
L'ordre qui fe fait appercevoir dans les
grandes parties de l'Efprit des Loix , ne
regne pas moins dans les détails : nous
croyons que plus on approfondira l'ouvrage
, plus on en fera convaincu . Fidele à
fes divifions générales , l'Auteur rapporte
à chacune les objets qui lui appartiennent
exclufivement ; & à l'égard de ceux qui
par différentes branches appartiennent à
plufieurs divifions à la fois , il a placé fous
chaque divifion la branche qui lui appartient
en propre ; par- là on apperçoit ailément
& fans confufion , l'influence que
les différentes parties du fujet ont les unes
fur les autres , comme dans un arbre qu
fyftême bien entendu des connoiffances
humaines , on peut voir le rapport mutuel
NOVEMBRE. 1755. 103
des Sciences & des Arts. Cette comparaifon
d'ailleurs eft d'autant plus jufte , qu'il
en eft du plan qu'on peut fe faire dans
l'examen philofophique des Loix , comme
de l'ordre qu'on peut obferver dans un
arbre Encyclopédique des Sciences : il y
reftera toujours de l'arbitraire ; & tout ce
qu'on peut exiger de l'Auteur , c'eſt qu'il
fuive fans détour & fans écart le fyfteme
qu'il s'eft une fois formé.
Nous dirons de l'obfcurité qu'on peut
fe permetrre dans un tel ouvrage , la même
chofe que du défaut d'ordre ; ce qui feroit
obfcur pour les lecteurs vulgaires , ne l'eft
pas pour ceux que l'Auteur a eu en vue.
D'ailleurs l'obfcurité volontaire n'en eft
point une M. de Montefquieu ayant à
préfenter quelquefois des vérités impor
tantes , dont l'énoncé abfolu & direct auroit
pu
bleffer fans fruit , a eu la prudence
louable de les envelopper , & par cet innocent
artifice , les a voilées à ceux à qui
elles feroient nuifibles , fans qu'elles fuffent
perdues pour les fages.
Parmi les ouvrages qui lui ont fourni
des fecours , & quelquefois des vues pour
le fien , on voit qu'il a furtout profité des
deux hiftoriens qui ont penfé le plus ,
Tacite & Plutarque ; mais quoiqu'un Philofophe
qui a fait ces deux lectures , foit
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
difpenfé de beaucoup d'autres , il n'avoit
pas cru devoir en ce genre rien négliger ni
dédaigner de ce qui pouvoit être utile à
fon objet . La lecture que fuppofe l'Espric
des Loix , eft immenſe ; & l'ufage raiſonné
que l'Auteur a fait de cette multitude pro
digieufe de matériaux , paroîtra encore
plus furprenant , quand on fçaura qu'il
étoit prefqu'entierement privé de la vue ,
& obligé d'avoir recours à des yeux étrangers.
Cette vafte lecture contribue nonfeulement
à l'utilité , mais à l'agrément de
l'ouvrage fans déroger à la majefté de fon
fujet. M. de Montefquieu fçait en tempérer
l'austérité , & procurer aux lecteurs
des momens de repos , foit par des faits
finguliers & peu connus , foit par des allufions
délicates , foit par ces coups de pinceau
énergiques & brillans , qui peignent
d'un feul trait les peuples & les hommes .
Enfin , car nous ne voulons pas jouer ici
le rôle des Commentateurs d'Homere , il
y a fans doute des fautes dans l'efprit des
Loix , comme il y en a dans tout ouvrage
de génie , dont l'Auteur a le premier ofé
fe frayer des routes nouvelles. M. de Montefquieu
a été parmi nous , pour l'étude
des loix , ce que Defcartes a été pour la
Philofophie ; il éclaire fouvent , & fe trompe
quelquefois , & en fe trompant même ,
NOVEMBRE. 1755. 105
il inftruit ceux qui fçavent lire. La pouvelle
édition qu'on prépare , montrera par
les additions & corrections qu'il y a faites,
que s'il eft tombé de tems en tems , il a
fçu le reconnoître & fe relever ; par- là , il
acquerra du moins le droit à un nouvel
examen , dans les endroits où il n'aura pas
été de l'avis de fes cenfeurs ; peut- être
même ce qu'il aura jugé le plus digne de
correction , leur a - t-il abfolument échappé
, tant l'envie de nuire eft ordinairement
aveugle.
Mais ce qui eft à la portée de tout le
monde dans l'Eſprit des Loix , ce qui doit
rendre l'Auteur cher à toutes les Nations ,
ce qui ferviroit même à couvrir des fautes
plus grandes que les fiennes , c'eft l'efprit
de citoyen qui l'a dicté. L'amour du bien
public , le defir de voir les hommes heureux
s'y montrent de toutes parts ; & n'eûtil
que ce mérite fi rare & fi précieux , il
feroit digne par cet endroit feul , d'être
la lecture des peuples & des Rois . Nous
voyons déja , par une heureuſe expérience,
que les fruits de cet ouvrage ne fe bornent
pas dans fes lecteurs à des fentimens ſtériles.
Quoique M. de Montefquieu ait peu
furvécu à la publication de l'Efprit des
Loix , il a eu la fatisfaction d'entrevoir
les effets qu'il commence à produire parmi
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
nous ; l'amour naturel des François pour
leur patrie , tourné vers fon véritable objet
; ce goût pour le Commerce , pour l'Agriculture
, & pour les Arts utiles , qui
fe répand infenfiblement dans notre Nation
; cette lumiere générale fur les principes
du gouvernement , qui rend les peuples
plus attachés à ce qu'ils doivent aimer .
Ceux qui ont fi indécemment attaqué cet
ouvrage , lui doivent peut-être plus qu'ils
ne s'imaginent l'ingratitude , au refte ,
eft le moindre reproche qu'on ait à leur
faire. Ce n'eft pas fans regret , & fans
honte pour notre fiecle , que nous allons
les dévoiler ; mais cette hiftoire importe
trop à la gloire de M. de Montefquieu , &
à l'avantage de la Philofophie , pour être
paffée fous filence. Puiffe l'opprobre qui
couvre enfin fes ennemis , leur devenir
falutaire !
A peine l'Efprit des Loix parut- il , qu'il
fut recherché avec empreffement , fur la
réputation de l'Auteur ; mais quoique
M. de Montesquieu eût écrit pour le bien
du peuple , il ne devoit pas avoir le peuple
pour juge ; la profondeur de l'objet
étoit une fuite de fon importance même.
Cependant les traits qui étoient répandus
dans l'ouvrage , & qui auroient été déplacés
s'ils n'étoient pas nés du fond du fuNOVEMBRE.
1755. 107
jet , perfuaderent à trop de perfonnes qu'il
étoit écrit pour elles : on cherchoit un
Livre agréable , & on ne trouvoit qu'un
Livre utile , dont on ne pouvoit d'ailleurs
fans quelque attention faifir l'enſemble &
les détails. On traita légerement l'Esprit
des Loix ; le titre même fut un fujet de
plaifanterie enfin l'un des plus beaux
monumens littéraires qui foient fortis de
notre Nation, fut regardé d'abord par elle
avec affez d'indifférence. Il fallut que les
véritables juges euffent eu le tems de lire :
bientôt ils ramenerent la multitude toujours
prompte à changer d'avis ; la partie
du Public qui enfeigne , dicta à la partie
qui écoute ce qu'elle devoit penfer & dire ;
& le fuffrage des hommes éclairés , joint
aux échos qui le répéterent , ne forma plus
qu'une voix dans toute l'Europe.
Ce fut alors que les ennemis publics &
fecrets des Lettres & de la Philofophie ( car
elles en ont de ces deux efpeces ) réunirent
leurs traits contre l'ouvrage. De-là cette
foule de brochures qui lui furent lancées
de toutes parts , & que nous ne tirerons
pas de l'oubli où elles font déja plongées.
Sisleurs auteurs n'avoient pas pris de bonnes
mefures pour être inconnus à la poftérité
, elle croiroit que l'Efprit des Loix a
été écrit au milieu d'un peuple de barbares.
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
M. de Montefquieu méprifa fans peine
les Critiques ténébreufes de ces auteurs
fans talent , qui foit par une jaloufie qu'ils
n'ont pas droit d'avoir , foit pour fatisfaire
la malignité du Public qui aime la fatyre
& la méprife , outragent ce qu'ils ne peuvent
atteindre ; & plus odieux par le mal
qu'ils veulent faire , que
redoutables par
celui qu'ils font , ne réuffiffent pas même
dans un genre d'écrire que fa facilité &
fon objet rendent également vil. Il mettoit
les ouvrages de cette efpece fur la
même ligne que ces Nouvelles hebdomadaires
de l'Europe , dont les éloges font
fans autorité & les traits fans effet , que
des Lecteurs oififs parcourent fans y ajouter
foi , & dans lefquelles les Souverains.
font infultés fans le fçavoir , ou fans daigner
fe venger. IIll nnee ffuutt pas auffi indifférent
fur les principes d'irréligion qu'on
l'accufa d'avoir femé dans l'Eſprit des Loix .
En méprifant de pareils reproches , il auroit
cru les mériter , & l'importance de
l'objet lui ferma les yeux fur la valeur de
fes adverfaires. Ces hommes également
dépourvus de zele & également empreffés
d'en faire paroître , également effrayés de
la lumiere que les Lettres répandent , non
au préjudice de la Religion , mais à leur
défavantage , avoient pris différentes forNOVEMBRE.
1755. 109
mes pour lui porter atteinte. Les uns , par
unftratagême auffi puérile que pufillanime,
s'étoient écrit à eux- mêmes ; les autres ,
après l'avoir déchiré fous le mafque de
P'Anonyme , s'étoient enfuite déchirés entr'eux
à fon occafion . M. de Montesquieu,
quoique jaloux de les confondre , ne jugea
pas à propos de perdre un tems précieux à
les combattre les uns après les autres : il fe
contenta de faire un exemple fut celui qui
s'étoit le plus fignalé par fes excès.
par
C'étoit l'auteur d'une feuille anonyme
& périodique , qui croit avoir fuccédé à
Pafcal , parce qu'il a fuccédé à fes opinions;
panégyrifte d'ouvrages que perfonne ne
lit , & apologiſte de miracles que l'autorité
féculiere a fait ceffer dès qu'elle l'a
voulu ; qui appelle impiété & fcandale le
peu
d'intérêt que les gens de Lettres prennent
à fes querelles , & s'eft aliéné ,
une adreffe digne de lui , la partie de la
Nation qu'il avoit le plus d'intérêt de ménager.
Les coups de ce redoutable athlete
furent dignes des vues qui l'infpirerent ; il
accufa M. de Montefquieu & de Spinoffme
& de Déifine ( deux imputations incompatibles
) ; d'avoir fuivi le ſyſtème de
Pope ( dont il n'y avoit pas un mot dans
l'ouvrage ) ; d'avoir cité Plutarque qui n'eft
pas un Auteur Chrétiens de n'avoir point
110 MERCURE DE FRANCE.
parlé du péché originel & de la Grace , Il
prétendit enfin que l'Efprit des Loix étoit
une production de la Conftitution Unigenitus;
idée qu'on nous foupçonnera peut-être
de prêter par dérifion au critique. Ceux
qui ont connu M. de Montefquieu , l'ouvrage
de Clément XI & le fien , peuvent
juger par cette accufation de toutes les
autres.
Le malheur de cet écrivain dut bien le
décourager : il vouloit perdre un fage par
l'endroit le plus fenfible à tout citoyen , il
ne fit que lui procurer une nouvelle gloire
comme homme de Lettres ; la Défense de
l'Esprit des Loix parut. Cet ouvrage , par
la modération , la vérité , la fineffe de
plaifanterie qui y regnent , doit être regardé
comme un modele en ce genre. M.
de Montefquieu , chargé par fon adverfaire
d'imputations atroces , pouvoit le
rendrejodieux fans peine ; il fit mieux , il
le rendit ridicule . S'il faut tenir compte à
l'agreffeur d'un bien qu'il a fait fans le
vouloir , nous lui devons une éternelle
reconnoiffance de nous avoir procuré ce
chef-d'oeuvre : Mais ce qui ajoute encore
au mérite de ce morceau précieux , c'eſt
que l'auteur s'y eft peint lui- même fans y
penfer ; ceux qui l'ont connu , croyent
Î'entendre , & la poſtérité s'affurera , en
NOVEMBRE. 1755 111
lifant fa Défenfe , que fa converfation n'étoit
pas inférieure à fes écrits ; éloge que
bien peu de grands hommes ont mérité.
Une autre circonftance lui affure pleinement
l'avantage dans cette difpute : le
critique qui , pour preuve de fon attachement
à la religion , en déchire les Miniftres
, accufoit hautement le Clergé de
France , & fur-tout la Faculté de Théolo
gie , d'indifférence pour la caufe de Dieu ,
en ce qu'ils ne profcrivoient pas authentiquement
un fi pernicieux ouvrage . La Faculté
étoit en droit de méprifer le repro
che d'un écrivain fans aveu ; mais il s'agif
foit de la religion ; une délicateffe louable
lui a fait prendre le parti d'examiner l'Ef
prit des Loix. Quoiqu'elle s'en occupe depuis
plufieurs années , elle n'a rien prononcé
jufqu'ici ; & fût- il échappé à M. de
Montefquieu quelques inadvertences lé--
geres , prefque inevitables dans une carriere
fi vafte , l'attention longue & fcrupuleufe
qu'elles auroient demandée de la
part du Corps le plus éclairé de l'Eglife ,
prouveroit au moins combien elles feroient
excufables. Mais ce Corps , plein de prudence
, ne précipitera rien dans une fi
importante matiere : il connoit les bornes
de la raifon & de la foi ; il fçait que l'ouvrage
d'un homme de lettres ne doit point
112 MERCURE DE FRANCE.
être examiné comme celui d'un Théologien
que les mauvaifes conféquences
auxquelles une propofition peut donner
lieu par des interprétations odieufes , ne
rendent point blamable la propofition en
elle -même ; que d'ailleurs nous vivons
dans un fiécle malheureux , où les intérêts
de la religion ont befoin d'être ménagés ,
& qu'on peut lui nuire auprès des fimples,
en répandant mal - à - propos fur des genies
du premier ordre le foupçon d'incrédulité;
qu'enfin , malgré cette accufation injuſte ,
M. de Montefquien fut toujours eſtimé ,
recherché & accueilli par tout ce que l'Eglife
a de plus refpectable & de plus grand ;
eût-il confervé auprès des gens de bien la
confidération dont il jouiffoit , s'ils l'euffent
regardé comme un écrivain dangéreux
?
Pendant que des infectes le tourmentoient
dans fon propre pays , l'Angleterre
élevoit un monument à fa gloire. En 1752 ,
M. Daffier , célebre par les médailles qu'il
a frappées à l'honneur de plufieurs hommes
illuftres , vint de Londres à Paris pour
frapper la fienne. M. de la Tour , cet attifte
fi fupérieur par fon talent , & fi eftimable
par fon defintéreffement & l'élévation
de fon ame , avoit ardemment defiré
de donner un nouveau luftre à fon pinNOVEMBRE.
1755. 113
ceau , en tranfmettant à la poftérité le
portrait de l'auteur de l'Efprit des Loix ;
il ne vouloit que la fatisfaction de le peindre
, & il méritoit , comme Apelle , que
cet honneur lui fût réfervé ; mais M. de
Montefquieu , d'autant plus avare du tems
de M. de la Tour que celui - ci en étoit plus
prodigue , fe refufa conftamment & poliment
à fes preffantes follicitations. M. Daf
fier effuya d'abord des difficultés femblables
: Croyez-vous , dit-il enfin à M. de
Montefquieu , » qu'il n'y ait pas autant
d'orgueil à refufer ma propofition qu'à
» l'accepter » ? Defarmé par cette plaifanterie
, il laiffa faire à M. Daflier tout ce
qu'il voulut.
»
L'auteur de l'Esprit des Loix jouiffoit
enfin paisiblement de fa gloire , lorfqu'il
tomba malade au commencement de Février.
Sa fanté , naturellement délicate ,
commençoit à s'altérer depuis long- tems
par l'effet lent & prefque infaillible des
études profondes , par les chagrins qu'on
avoit cherché à lui fufciter fur fon ouvra- ge ; enfin
par le genre
de vie qu'on
le forçoit
de mener
à Paris
, & qu'il
fentoit
lui
être
funefte
. Mais
l'empreffement
avec
le-`
quel
on recherchoit
fa focieté
, étoit
trop
vif pour
n'être
pas
quelquefois
indifcret
on vouloit
, fans
s'en
appercevoir
, jouir
114 MERCURE DE FRANCE.
de lui aux dépens de lui -même. A peine la
nouvelle du danger où il étoit fe fût- elle
répandue , qu'elle devint l'objet des converfations
& de l'inquiétude publique ; fa
maifon ne défempliffoit point de perfonnes
de tout rang qui venoient s'informer
de fon état , les unes par un intérêt véritable
, les autres pour s'en donner l'apparence
, ou pour fuivre la foule. Sa Majefté ,
pénétrée de la ppeerrttee qquuee fon royaume alloit
faire , en demanda plufieurs fois des
nouvelles ; témoignage de bonté & de juftice
qui n'honore pas moins le Monarque
que le fujet. La fin de M. de Montefquieu
ne fut point indigne de fa vie. Accablé de
douleurs cruelles , éloigné d'une famille
à qui il étoit cher , & qui n'a pas eu la
confolation de lui fermer les yeux , entouré
de quelque amis & d'un plus grand
nombre de fpectateurs , il conferva jufqu'au
dernier moment la paix & l'égalité
de fon ame. Enfin , après avoir fatisfait
avec décence à tous fes devoirs , plein de
confiance en l'Etre éternel auquel il alloit.
fe rejoindre , il mourut avec la tranquillité
d'un homme de bien , qui n'avoit jamais
confacré fes talens qu'à l'avantage.
de la vertu & de l'humanité. La France &
l'Europe le perdirent le 10 Février 1755 ,
à l'âge de foixante- fix ans révolus.
NOVEMBRE 1755. 115
Toutes les nouvelles publiques ont annoncé
cet événement comme une calamité.
On pourroit appliquer à M. de Montefquieu
ce qui a été dit autrefois d'un
illuftre Romain ; que perfonne en apprenant
fa mort n'en témoigna de joie , que
perfonne même ne l'oublia dès qu'il ne fut
plus. Les étrangers s'emprefferent de faire
éclater leurs regrets ; & Milord Chefterfield
, qu'il fuffit de nommer , fit imprimer
dans un des papiers publics de Londres
un article à fon honneur , article digne
de l'un & de l'autre ; c'eft le portrait
d'Anaxagore tracé par Périclès . L'Académie
royale des Sciences & des Belles -Lettres
de Pruffe , quoiqu'on n'y foit point
dans l'ufage de prononcer l'éloge des affociés
étrangers , a cru devoir lui faire cet
honneur , qu'elle n'a fait encore qu'à l'illuftre
Jean Bernouilli ; M. de Maupertuis,
tout malade qu'il étoit , a rendu lui-même
à fon ami ce dernier devoir , & n'a voulu
fe repofer fur perfonne d'un foin fi cher &
fi trifte. A tant de fuffrages éclatans en faveur
de M. de Montefquieu , nous croyons
pouvoir joindre fans indifcrétion les éloges
que lui a donné , en préfence de l'un
de nous , le Monarque même auquel cette.
Académie célebre doit fon luftre , Prince
fait pour fentir les pertes de la Philofa116
MERCURE DE FRANCE.
phie , & pour l'en confoler.
Le 17 Février , l'Académie Françoiſe
lui fit , felon l'ufage , un fervice folemnel
, auquel , malgré la rigueur de la faifon
, prefque tous les gens de Lettres de
ce Corps , qui n'étoient point abfens de
Paris , fe firent un devoir d'affifter. On
auroit dû dans cette trifte cérémonie placer
l'Esprit des Loix fur fon cercueil , comme
on expofa autrefois vis - à-vis le cercueil
de Raphaël fon dernier tableau de la
Transfiguration . Cet appareil fimple &
touchant eût été une belle oraifon funébre.
Jufqu'ici nous n'avons confidéré M. de
Montefquieu que comme écrivain & philofophe
; ce feroit lui dérober la moitié
de fa gloire que de paffer fous filence fes
agrémens & fes qualités perfonnelles.
Il étoit dans le commerce d'une douceur
& d'une gaieté toujours égale . Sa
converfation étoit légere , agréable , &
instructive par le grand nombre d'hommes
& de peuples qu'il avoit connus. Elle étoit
coupée comme fon ftyle , pleine de fel &
de faillies , fans amertunie & fans fatyre
; perfonne ne racontoit plus vivement ,
plus promptement , avec plus de grace &
moins d'apprêt. Il fçavoit que la fin d'une
hiftoire plaifante en eft toujours le but ;-
NOVEMBRE. 1755. 117
il fe hâtoit donc d'y arriver , & produifoit
l'effet fans l'avoir promis.
Ses fréquentes diftractions ne le rendoient
que plus aimable ; il en fortoit
toujours par quelque trait inattendu qui
réveilloit la converfation languiffante ;
d'ailleurs elles n'étoient jamais , ni jouées,
ni choquantes , ni importunes : le feu de
fon efprit , le grand nombre d'idées dont
il étoit plein , les faifoient naître , mais il
n'y tomboit jamais au milieu d'un entretien
intéreffant ou férieux ; le defir de
plaire à ceux avec qui il fe trouvoit , le
rendoit alors à eux fans affectation & fans
effort.
Les agrémens de fon commerce tenoient
non feulement à fon caractere & à
fon efprit , mais à l'efpece de régime qu'il
obfervoit dans l'étude. Quoique capable
d'une méditation profonde & long- tems
foutenue , il n'épuifoit jamais fes forces , il
quitroit toujours le travail avant que d'en
reffentir la moindre impreffion de fatigue.
Il étoit fenfible à la gloire , mais il ne
vouloit y parvenir qu'en la méritant ; jamais
il n'a cherché à augmenter la fienne
par ces manoeuvres fourdes , par ces voyes
obfcures & honteufes, qui deshonorent la
perfonne fans ajouter au nom de l'auteur .
Digne de toutes les diftinctions & de
IIS MERCURE DE FRANCE.
toutes les récompenfes , il ne demandoit
rien , & ne s'étonnoit point d'être oublié ;
mais il a ofé , même dans des circonftances
délicates, protéger à la Cour des hommes
de Lettres perfécutés , célebres &
malheureux , & leur a obtenu des graces.
Quoiqu'il vecût avec les grands , foit
par néceffité , foit par convenance , foit
par gout , leur fociété n'étoit pas néceffaire
à fon bonheur. Il fuyoit dès qu'il le
pouvoit à fa terre ; il y retrouvoit avec
joie fa philofophie , fes livres & le repos.
Entouré de gens de la campagne dans fes
heures de loifir , après avoir étudié l'homme
dans le commerce du monde & dans
l'hiftoire des nations , il l'étudioit encore
dans ces ames fimples que la nature feule
a inftruites , & il y trouvoit à apprendre ;
il converfoit gayement avec eux ; il leur
cherchoit de l'efprit comme Socrate ; il
paroiffoit fe plaire autant dans leur entretien
que dans les fociétés les plus brillantes
, furtout quand il terminoit leurs différends
, & foulageoit leurs peines par fes
bienfaits.
Rien n'honore plus fa mémoire que
l'économie avec laquelle il vivoit , &
qu'on a ofé trouver exceffive dans un
monde avare & faftueux , peu fait pour
en pénétrer les motifs , & encore moins
NOVEMBRE. 1755. 119
pour les fentir. Bienfaifant , & par conféqnent
jufte, M. de Montesquieu ne vouloit
rien prendre fur fa famille , ni des
fecours qu'il donnoit aux malheureux ,
ni des dépenfes confidérables auxquels fes
longs voyages , la foibleffe de fa vue &
l'impreffion de fes ouvrages l'avoient
obligé . Il a tranfmis à fes enfans , fans
diminution ni augmentation , l'héritage
qu'il avoit reçu de fes peres ; il n'y a rien
ajouté que la gloire de fon nom & l'exemple
de fa vie.
Il avoit époufé en 1715 Demoifelle
Jeanne de Lartigue, fille de Pierre de Lartigue
, Lieutenant Colonel au Régiment
de Maulévrier ; il en a eu deux filles &
un fils , qui par fon caractere , fes moeurs
& fes ouvrages s'eft montré digne d'un
tel pere.
Ĉeux qui aiment la vérité & la patrie,
ne feront pas fâchés de trouver ici quelques
unes de fes maximes : il penfoit ,
Que chaque portion de l'Etat doit être
également foumife aux loix , mais que
les privileges de chaque portion de l'Etat
doivent être respectés , lorfque leurs effets
n'ont rien de contraire au droit naturel
, qui oblige tous les citoyens à concourir
également au bien public ; que la
poffellion ancienne étoit en ce genre le
120 MERCURE DE FRANCE.
premier des titres & le plus inviolable des
droits , qu'il étoit toujours injufte & quel
quefois dangereux de vouloir ébranler ;
Que les Magiftrats , dans quelque circonftance
& pour quelque grand intérêt
de corps que ce puiffe être , ne doivent
jamais être que Magiftrats , fans parti &
fans paffion , comme les Loix , qui abſolvent
& puniffent fans aimer ni hair.
Il difoit enfin à l'occafion des difputes
eccléfiaftiques qui ont tant occupé les Empereurs
& les Chrétiens Grecs , que les
querelles théologiques, lorfqu'elles ceffent
d'être renfermées dans les écoles , deshonorent
infailliblement une nation aux
yeux des autres en effet , le mépris même
des fages pour ces querelles ne la juftifie
pas , parce que les fages faifant partout
le moins de bruit & le plus petit
nombre , ce n'est jamais fur eux qu'une
nation eft jugée .
L'importance des ouvrages dont nous
avons eu à parler dans cet éloge , nous
en a fait paffer fous filence de moins confidérables
, qui fervoient à l'auteur comme
de délaffement , & qui auroient fuffi
l'éloge d'un autre ; le plus remarquable
eft le Temple de Gnide , qui fuivit d'affez
près les Lettres Perfannes. M. de Montefquieu
, après avoir été dans celle- ci Hopour
race ,
NOVEMBRE . 1755. 121
race , Théophrafte & Lucien , fut Ovide
& Anacréon dans ce nouvel effai : ce n'eſt
plus l'amour defpotique de l'Orient qu'il
fe propofe de peindre , c'eft la délicateffe
& la naïveté de l'amour paftoral , tel qu'il
eſt dans une ame neuve, que le commerce
des hommes n'a point encore corrompue.
L'Auteur craignant peut - être qu'un tableau
fi étrangerà nos moeurs ne parût
trop languiffant & trop uniforme , a cherché
à l'animer par les peintures les plus
riantes ; il tranfporte le lecteur dans des
lieux enchantés , dont à la vérité le fpectacle
intéreffe peu l'amant heureux , mais
dont la defcription flatte encore l'imagination
quand les defirs font fatisfaits . Emporté
par fon fujet , il a répandu dans ſa
profe ce ftyle animé , figuré & poétique ,
dont le roman de Thélemaque a fourni
parmi nous le premier modele. Nous ignorons
pourquoi quelques cenfeurs du temple
de Gnide ont dit à cette occaſion , qu'il
auroit eu befoin d'être en vers. Le ſtyle
poétique , fi on entend , comme on le
doit , par ce mot , un ftyle plein de chaleur
& d'images , n'a pas befoin , pour être
agréable , de la marche uniforme & cadencée
de la verfification ; mais fi on ne
fait confifter ce ftyle que dans une diction
chargée d'épithetes oifives , dans les pein
F
122 MERCURE DE FRANCE.
tures froides & triviales des aîles & du
carquois de l'amour , & de femblables
objets , la verfication n'ajoutera prefqu'aucun
mérite à ces ornemens ufés ; on
y cherchera toujours en vain l'ame & la
vie. Quoiqu'il en foit , le Temple de Gnide
étant une espece de poëme en profe
c'est à nos écrivains les plus célebres en ce
genre à fixer le rang qu'il doit occuper :
il merite de pareils juges ; nous croyons
du moins que les peintures de cet ouvrage
foutiendroient avec fuccès une des
principales épreuves des defcriptions poétiques
, celle de les repréfenter fur la toile.
Mais ce qu'on doit fur- tout remarquer
dans le Temple de Gnide , c'eft qu'Anacréon
même y est toujours obfervateur &
philofophe. Dans le quatrieme chant , il
paroît décrire les moeurs des Sibarites , &
on s'apperçoit aifément que ces moeurs
font les nôtres. La préface porte fur - tout
l'empreinte de l'auteur des Lettres Perfannes.
En préfentant le Temple de Gnide
comme la traduction d'un manufcrit grec ,
plaifanterie défigurée depuis par tant de
mauvais copiſtes , il en prend occafion de
peindre d'un trait de plume l'ineptie des
critiques & le pédantifme des traducteurs,
& finit par ces paroles dignes d'être rapportées
» Si les gens graves defiroient
NOVEMBRE. 1755. 123
33
de moi quelque ouvrage moins frivole ,
je fuis en état de les fatisfaire : il y a
» trente ans que je travaille à un livre de
» douze pages , qui doit contenir tout ce
que nous fçavons fur la Métaphyfique ,
» la Politique & la Morale , & tout ce
que de très grands auteurs ont oublié
» dans les volumes qu'ils ont publiés fur
» ces matieres » .
Nous regardons comme une des plus
honorables récompenfes de notre travail
l'intérêt particulier que M. de Monteſquieu
prenoit à ce dictionnaire , dont toutes
les reffources ont été jufqu'à préfent
dans le courage & l'émulation de fes auteurs
. Tous les gens de Lettres , felon lui,
devoient s'empreffer de concourir à l'exécution
de cette entrepriſe utile ; il en a
donné l'exemple avec M. de Voltaire , &
plufieurs autres écrivains célebres. Peutêtre
les traverfes que cet ouvrage a ef
fuyées , & qui lui rappelloient les fiennes
propres , l'intéreffoient-elles en notre faveur,
Peut-être étoit- il fenfible , fans s'en
appercevoir , à la juftice que nous avions
ofé lui rendre dans le premier volume de
l'Encyclopédie , lorfque perfonne n'ofoit
encore élever fa voix pour le défendre.
Il nous deftinoit un article fur le Goût, qui
a été trouvé imparfait dans fes papiers ;
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
nous le donnerons en cet état au public ,
& nous le traiterons avec le même refpect
que l'antiquité témoigna autrefois pour
les dernieres paroles de Séneque . La mort
l'a empêché d'étendre plus loin fes bienfaits
à notre égard ; & en joignant nos
propres regrets à ceux de l'Europe entiere ,
nous pourrions écrire fur fon tombeau :
Finis vita cjus nobis luctuofus , Patriæ
triftis , extraneis etiam ignotifque non fine
curâ fuit.
Tacit. in Agricol. c. 43 .
volume de l'Encyclopédie. Qui ſe diſtribue
depuis quelques jours chez Briaffon , David
l'aîné , le Breton , & Durand. Il doit être
d'autant plus intéreffant que M. de Voltaire
y a travaillé les mots , efprit , éloquence
, élégance. Qui pouvoit mieux en
parler ? Le morceau qui paroît à la tête du
même volume , acheve de le rendre précieux
. C'eſt l'éloge de M. de Montesquieu
par M. d'Alembert . On peut dire fans
fadeur que le Panégyrifte eft digne du
héros . Cet éloge nous a paru d'une fi grande
beauté , que nous croyons obliger le
Lecteur de l'inférer ici dans fon entier.
Quant à la note qui fe trouve à la page
huit , comme elle contient elle - feule une
excellente analyſe de l'Efprit des Loix ,
nous avons craint de prodiguer à la fois
tant de richeffes , & par une jufte économie,
nous l'avons réfervée pour en décorer
le premier Mercure de Décembre . Ceux
Diij
78 MERCURE DE FRANCE.
qui n'auront pas le Dictionnaire , feront
charmés de trouver cette piece complette
dans mon Journal , où ils pourront même
la lire plus commodément , puifqu'il eſt
portatif.
Eloge de M. le Préſident de Montefquien.
L'intérêt que les bons citoyens prennent
à l'Encyclopédie, & le grand nombre de
gens de Lettres qui lui confacrent leurs
travaux , femblent nous permettre de la
regarder comme un des monumens les
plus propres à être dépofitaires des fentimens
de la patrie , & des hommages
qu'elle doit aux hommes célebres qui l'ont
honorée . Perfuadés néanmoins que M.
de Montesquieu étoit en droit d'attendre
d'autres Panégyriftes que nous , & que la
douleur publique eût mérité des interpretes
plus éloquens , nous euflions renfermé
au- dedans de nous-mêmes nos juftes
regrets & notre refpect pour fa mémoire ;
mais l'aveu de ce que nous lui devons ,
nous eft trop précieux pour en laiffer le
foin à d'autres. Bienfaicteur de l'humanité
par fes écrits , il a daigné l'être auffi de
cet ouvrage , & notre reconnoiffance ne
veut que tracer quelques lignes au pied de
fa ftatue .
Charles de Secondat , Baron de la Brede
NOVEMBRE. 1755. 79
& de Montesquieu , ancien Préfident à
Mortier au Parlement de Bordeaux , de
l'Académie Françoife, de l'Académie royale
des Sciences & des Belles - Lettres de
Pruffe , & de la Société de Londres , naquit
au Château de la Brede , près de Bordeaux
, le 18 Janvier 1689 , d'une famille
noble de Guyenne. Son trifayeul , Jean de
Secondat , Maître d'Hôtel de Henri II ,
Roi de Navarre , & enfuite de Jeanne ,
fille de ce Roi , qui époufa Antoine de
Bourbon , acquit la terre de Montesquieu
d'une fomme de 10000 livres que cette
Princeffe lui donna par un acte authentique
, en récompenfe de fa probité & de
fes fervices. Henri III , Roi de Navarre ,
depuis Henri IV , Roi de France , érigea
en Baronie la terre de Montefquieu , en
faveur de Jacob de Secondat , fils de Jean ,
d'abord Gentilhomme ordinaire de la
Chambre de ce Prince , & enfuite Meftre
de camp du Régiment de Châtillon.
Jean Gafton de Secondat , fon fecond fils ,
ayant époufé la fille du Premier Préfident
du Parlement de Bordeaux , acquit dans
cette Compagnie une charge de Préfident
à Mortier. Il eut plufieurs enfans , dont
un entra dans le fervice , s'y diftingua ,
& le quitta de fort bonne heure. Ce fut
pere de Charles de Secondat , auteur Le
Div
So MERCURE DE FRANCE.
de l'Efprit des Loix . Ces détails paroîtront
peut- être déplacés à la tête de l'éloge
d'un philofophe dont le nom a fi peu
befoin d'ancêtres ; mais n'envions point
à leur mémoire l'éclat que ce nom répand
fur elle.
Les fuccès de l'enfance préfage quelquefois
fi trompeur , ne le furent point
dans Charles de Secondat : il annonça de
bonne heure ce qu'il devoit être ; & fon
pere donna tous fes foins à cultiver ce génie
naiffant , objet de fon efpérance &
de fa tendreſſe . Dès l'âge de vingt ans , le
jeune Montefquieu préparoit déja les matériaux
de l'Esprit des Loix , par un extrait
raifonné des immenfes volumes qui compofent
le corps du Droit civil ; ainfi autrefois
Newton avoit jetté dès fa premiere
jeuneffe les fondemens des ouvrages qui
l'ont rendu immortel . Cependant l'étude
de la Jurifprudence , quoique moins aride
pour M. de Montefquieu que pour la
plupart de ceux qui s'y livrent , parce qu'il
la cultivoit en philofophe , ne fuffifoit pas
à l'étendue & à l'activité de fon génie ; il
approfondiffoit dans le même temps des
matieres encore plus importantes & plus
délicates , & les difcutoit dans le filence
avec la fageffe , la décence , & l'équité
qu'il a depuis montrées dans fes ouvrages .
NOVEMBRE. 1755 . 81
Un oncle paternel , Préfident à Mortier
au Parlement de Bordeaux , Juge éclairé
& citoyen vertueux , l'oracle de fa compagnie
& de fa province , ayant perdu un
fils unique , & voulant conferver dans fon
Corps l'efprit d'élevation qu'il avoit tâché
d'y répandre , laiffa fes biens & fa charge
à M. de Montefquieu ; il étoit Confeiller
au Parlement de Bordeaux , depuis le 24
Février 1714 , & fut reçu Préſident à
Mortier le 13 Juillet 1716. Quelques années
après , en 1722 , pendant la minorité
du Roi , fa Compagnie le chargea de préfenter
des remontrances à l'occafion d'un
nouvel impôt. Placé entre le thrône & le
peuple , il remplit en fujet refpectueux &
en Magiftrat plein de courage , l'emploi fi
noble & fi peu envié , de faire parvenir
au Souverain le cri des malheureux ; & la
mifere publique repréfentée avec autant
d'habileté que de force , obtint la justice.
qu'elle demandoit . Ce fuccès , il eft vrai ,
par malheur l'Etat bien plus que pour
pour
lui , fut auffi paffager que s'il eût été injufte
; à peine la voix des peuples eût- elle
ceffé de le faire entendre , que l'impôt
fupprimé fut remplacé par un autre ; mais
le citoyen avoit fait fon devoir.
Il fut reçu le 3 Avril 1716 dans l'Académie
de Bordeaux , qui ne faifoit que de
Dy
82 MERCURE DE FRANCE.
naître . Le gout pour la Mufique & pour
les ouvrages de pur agrément , avoit d'abord
raflemblé les membres qui la for
moient. M. de Montefquieu crut avec raifon
que l'ardeur naiffante & les talens de
fes confieres pourroient s'exercer avec encore
plus d'avantage fur les objets de la
Phyfique. Il étoit perfuadé que la nature ,
digne d'être obfervée par -tout , trouvoit
aufli par tout des yeux dignes de la voir ;
qu'au contraire les ouvrages de goût ne
fouffrant point de médiocrité , & la Capitale
étant en ce genre le centre des lumieres
& des fecours , il étoit trop difficile de
rafferobler loin d'elle un affez grand nombre
d'écrivains diftingués ; il regardoit les
Sociétés de bel efprit , fi étrangement multipliées
dans nos provinces , comme une
efpece , ou plutôt comme une ombre de
luxe littéraire qui nuit à l'opulence réelle
fans même en offrir l'apparence . Heureufement
M. le Duc de la Force , par un prix
qu'il venoit de fonder à Bordeaux , avoit
fecondé des vues fi éclairées & fi juftes.
On jugea qu'une expérience bien faite
feront préférable à un difcours foible , ou
à un mauvais poëme ; & Bordeaux eut
une Académie des Sciences .
M. de Montefquieu nullement empreffé
de fe montrer au public , fembloit attenNOVEMBRE.
1755. 83
dre , felon l'expreffion d'un grand génie ,
un âge mur pour écrire ; ce ne fut qu'en
1721 , c'eft -à- dire âgé de trente - deux ans,
qu'il mit au jour les Lettres Perfannes. Le
Siamois des amufemens ferieux & comiques
pouvoit lui en avoir fourni l'idée ; mais
il furpaffa fon modele . La peinture des
moeurs orientales réelles ou fuppofées , de
l'orgueil & du flegme de l'amour aliatique
, n'eft que le moindre objet de ces
Lettres ; elle n'y fert , pour ainfi dire , que
de prétexte à une fatyre fine de nos moeurs,
& à des matieres importantes que l'Auteur
approfondit en paroiffant gliffer fur
elles. Dans cette efpèce de tableau mouvant
, Ufbek expofe fur-tout avec autant
de légereté que d'énergie ce qui a le plus
frappé parmi nous fes yeux pénétrans ;
notre habitude de traiter férieufement les
chofes les plus futiles , & de tourner les
plus importantes en plaifanterie ; nos converfations
fi bruyantes & fi frivoles ; notre
ennui dans le fein du plaifir même ;
nos préjugés & nos actions en contradiction
continuelle avec nos lumieres ; tant
d'amour pour la gloire joint à tant de
refpect pour l'idole de la faveur ; nos
Courtifans fi rampans & fi vains ; notre
politeffe extérieure & notre mépris réel
pour les étrangers , ou notre prédilection
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
affectée pour eux ; la bifarrerie de nos
gouts , qui n'a rien au- deffous d'elle que
l'empreffement de toute l'Europe à les
adopter ; notre dédain barbare pour deux
des plus refpectables occupations d'un citoyen
, le commerce & la magiftrature ;
nos difputes littéraires fi vives & fi inuti
les ; notre fureur d'écrire avant que de
penfer , & de juger avant que de connoître.
A cette peinture vive , mais fans
fiel , il oppofe dans l'apologue des Troglodites
, le tableau d'un peuple vertueux ,
devenu fage par le malheur , morceau
digne du Portique : ailleurs il montre la
philofophie long-tems étouffée , reparoiffant
tout-à- coup , regagnant par les progrès
le tems qu'elle a perdu , pénétrant
jufques chez les Ruffes à la voix d'un génie
qui l'appelle , tandis que chez d'autres
peuples de l'Europe , la fuperftition , femblable
à une atmoſphere épaiffe , empêche
la lumiere qui les environne de toutes
parts d'arriver jufqu'à eux. Enfin , par les
principes qu'il établit fur la nature des
gouvernemens anciens & modernes , il
préfente le germe de ces idées lumineufes
développées depuis par l'Auteur dans fon
grand ouvrage.
Ces différens fujets , privés aujourd'hui
des graces de la nouveauté qu'ils avoient
8
NOVEMBRE. 1755. 85
dans la naiffance des Lettres Perfannes , y
conferveront toujours le mérite du caractere
original qu'on a fçu leur donner ;
mérite d'autant plus réel , qu'il vient ici
du génie feul de l'écrivain , & non du
voile étranger dont il s'eft couvert ; car
Ufbek a pris durant fon féjour en France ,
non feulement une connoiffance fi parfaite
de nos moeurs , mais une fi forte teinture
de nos manieres mêmes , que fon
ftyle fait fouvent oublier fon pays . Ce
léger défaut de vraisemblance peut n'être
fans deffein & fans adreffe : en relevant
nos ridicules & nos vices , il a voulu
fans doute auffi rendre juftice à nos
avantages ; il a fenti toute la fadeur d'un
éloge direct & il s'en eft plus finement
acquitté , en prenant fi fouvent notre ton
pour médire plus agréablement de nous.
pas
Malgré le fuccès de cet ouvrage , M.
de Montefquieu ne s'en étoit point déclaré
ouvertement l'auteur. Peut - être
croyoit- il échapper plus aifément par ce
moyen à la fatyre littéraire , qui épargne
plus volontiers les écrits anonymes , parce
que c'est toujours la perfonne & non l'ouvrage
qui eft le but de fes traits ; peut- être
craignoit- il d'être attaqué fur le prétendu
contrafte des Lettres Perfannes avec l'auférité
de fa place ; efpece de reproche ,
86 MERCURE DE FRANCE.
difoit il , que les critiques ne manquent
jamais, parce qu'il ne demande aucun effort
d'efprit. Mais fon fecret étoit découvert ,
& déja le public le montroit à l'Académie
Françoife. L'événement fit voir combien
le filence de M. de Montefquieu avoit été
fage . Ufbek s'exprime quelquefois affez
librement , non fur le fonds du Chriftianiſme
, mais fur des matieres que trop de
perfonnes affectent de confondre avec le
Chriftianifme même , fur l'efprit de
perfécution
dont tant de Chrétiens ont été
animés ; fur les ufurpations temporelles
de la puiffance eccléfiaftique ; fur la multiplication
exceffive des monafteres , qui
enleve des fujets à l'Etat , fans donner à
Dieu des adorateurs ; fur quelques opinions
qu'on a vainement tenté d'ériger
en dogmes ; fur nos difputes de religion ,
toujours violentes , & fouvent funeftes.
S'il paroît toucher ailleurs à des questions
plus délicates , & qui intéreffent de plus
près la religion chrétienne , fes réflexions
appréciées avec juftice , font en effet trèsfavorables
à la révélation , puifqu'il fe
borne à montrer combien la raifon humaine
, abandonnée à elle-même , eft peu
éclairée fur ces objets. Enfin , parmi les
véritables lettres de M. de Montefquieu ,
l'Imprimeur étranger en avoit inféré quel
NOVEMBRE. 1755. 87
ques -unes d'une autre main , & il eût
fallu du moins , avant que de condamner
l'auteur , démêler ce qui lui appartenoit
en propre. Sans égard à ces confidérations
, d'un côté la haine fous le rom
de zéle , de l'autre le zéle fans difcernement
ou fans lumieres , fe fouleverent &
fe réunirent contre les Lettres Perfannes.
Des délateurs , efpece d'hommes dangereufe
& lâche , que même dans un gouvernement
fage on a quelquefois le malheur
d'écouter , allarmerent par un extrait
infidele la piété du miniftere. M. de Montefquieu
, par le confeil de fes amis , foutenu
de la voix publique , s'étant préſenté
pour la place de l'Académie Françoiſe vacante
par la mort de M. de Sacy , le Miniftre
écrivit à cette Compagnie qué S. M.
ne donneroit jamais fon agrément à l'auteur
des Lettres Perfannes ; qu'il n'avoit
point lu ce livre , mais que des perfonnes
en qui il avoit confiance , lui en avoient
fait connoître le poifon & le danger . M.
de Montefquieu fentit le coup qu'une pareille
accufation pouvoit porter à fa perfonne
, à la famille , à la tranquillité de
fa vie. Il n'attachoit pas affez de prix aux
honneurs littéraires , ni pour les rechercher
avec avidité , ni pour affecter de les
dédaigner quand ils fe préfentoient à lui ,
88 MERCURE DE FRANCE.
:
ni enfin pour en regarder la fimple privation
comme un malheur ; mais l'exclufion
perpétuelle , & fur - tout les motifs de
l'exclufion lui paroiffoient une injure. Il vit
le Miniftre , lui déclara que par des raifons
particulieres il n'avouoit point les
Lettres Perfannes , mais qu'il étoit encore
plus éloigné de defavouer un ouvrage
dont il croyoit n'avoir point à rougir , &
qu'il devoit être jugé d'après une lecture ,
& non fur une délation le Miniftre prit
enfin le parti par où il auroit dû commencer
; il lut le livre , aima l'Auteur , & apprit
à mieux placer fa confiance ; l'Académie
Françoife ne fut point privée d'un de
fes plus beaux ornemens , & la France eut
le bonheur de conferver un fujet que la fuperftition
ou la calomnie étoient prêtes à
lui faire perdre : car M. de Montefquieu
avoit déclaré au Gouvernement qu'après
l'efpece d'outrage qu'on alloit lui faire ,
il iroit chercher chez les étrangers qui lui
tendoient les bras , la fureté , le repos , &
peut-être les recompenfes qu'il auroit dû
efperer dans fon pays. La nation eût déploré
cette perte , & la honte en fut pourtant
retombée fur elle.
Feu M. le Maréchal d'Eftrées , alors Directeur
de l'Académie Françoife , fe conduifit
dans cette circonftance en courtiſan
NOVEMBRE . 1755 . 89
vertueux , & d'une ame vraiment élevée ;
il ne craignit ni d'abufer de fon crédit ni
de le compromettre ; il foutint fon ami &
juftifia Socrate. Ce trait de courage fi précieux
aux Lettres , fi digne d'avoir aujourd'hui
des imitateurs , & fi honorable à
la mémoire de M. le Maréchal d'Eftrées ,
n'auroit pas dû être oublié dans fon éloge.
M. de Montefquieu fut reçu le 24 Janvier
1728. Son difcours eft un des meilleurs
qu'on ait prononcés dans une pareille
occafion ; le mérite en eft d'autant
plus grand , que les Récipiendaires gênés
jufqu'alors par ces formules & ces éloges
d'ufage auxquels une efpece de prefcription
les affujettit , n'avoient encore ofé
franchir ce cercle pour traiter d'autres fujets
, ou n'avoient point penfé du moins à
les y renfermer ; dans cet état même de
contrainte il eut l'avantage de réuffir . Entre
plufieurs traits dont brille fon difcours ,
on reconnoîtroit l'écrivain qui penſe , au
feul portrait du Cardinal de Richelieu
qui apprit à la France le fecret de fes forces ,
& à l'Espagne celui de fa foibleffe , qui ôta
à l'Allemagne fes chaînes , & lui en donna
de nouvelles. Il faut admirer M. de Montefquieu
d'avoir fçu vaincre la difficulté
de fon fujet, & pardonner à ceux qui n'ont
pas eu le même fuccès .
›
90 MERCURE DE FRANCE.
Le nouvel Académicien étoit d'autant
plus digne de ce titre , qu'il avoit peu de
tems auparavant renoncé à tout autre travail
, pour fe livrer entierement à fon
génie & à fon goût . Quelque importante
que fût la place qu'il occupoit , avec quelques
lumieres & quelque intégrité qu'il
en eût rempli les devoirs , il fentoit qu'il
y avoit des objets plus dignes d'occuper
fes talens ; qu'un citoyen eft redevable à
fa nation & à l'humanité de tout le bien
qu'il peut leur faire ; & qu'il feroit plus
utile à l'une & à l'autre , en les éclairant
par fes écrits , qu'il ne pouvoit l'être en
difcutant quelques conteftations particulieres
dans l'obfcurité . Toutes ces réflexions
le déterminerent à vendre fa charge
; il ceffa d'être Magiftrat , & ne fut plus
qu'homme de Lettres .
Mais pour fe rendre utile par fes ouvra
ges aux différentes nations , il étoit néceffaire
qu'il les connût ; ce fut dans cette
vue qu'il entreprit de voyager. Son but
étoit d'examiner partout le phyfique & le
moral , d'étudier les loix & la conftitution
de chaque pays , de vifiter les fçavans , les
écrivains , les artiftes célebres , de chercher
fur- tout ces hommes rares & finguliers
dont le commerce fupplée quelquefois à
plufieurs années d'obfervations & de féNOVEMBRE.
1755. 91
jour. M. de Montefquieu eût pu dire comme
Démocrite. Je n'ai rien oublié pour
» m'inftruire ; j'ai quitté mon pays , & parcouru
l'univers pour mieux connoître
» la vérité : j'ai vu tous les perfonnages
» illuftres de mon tems ; mais il y eût
cette différence entre le Démocrite François
& celui d'Abdere , que le premier
voyageoit pour inftruire les hommes , &
le fecond pour s'en moquer,
Il alla d'abord à Vienne , où il vit fouvent
le célebre Prince Eugene ; ce Héros
fi funefte à la France ( à laquelle il auroit
pû être fi utile ) , après avoir balancé la
fortune de Louis XIV. & humilié la fierté
Ottomane , vivoit fans fafte durant la paix,
aimant & cultivant les Lettres dans une
Cour où elles font peu en honneur , &
donnant à ſes maîtres l'exemple de les protéger.
M. de Montefquieu crut entrevoir
dans fes difcours quelques reftes d'intérêt
pour fon ancienne patrie ; le Prince Eugene
en laiffoit voir furtout , autant que le
peut faire un ennemi , für les fuites funeftes
de cette divifion inteftine qui trouble
depuis fi longtems l'Eglife de France :
l'Homme d'Etat en prévoyoit la durée &
les effets , & les prédit au Philofophe.
M. de Montefquieu partit de Vienne
pour voir la Hongrie , contrée opulente &
92 MERCURE DE FRANCE.
fertile, habitée par une nation fiere & généreufe
, le fléau de fes Tyrans & l'appui de
fes Souverains. Comme peu de perfonnes
connoiffent bien ce pays , il a écrit avec
foin cette partie de fes voyages.
D'Allemagne , il paffa en Italie ; il vit à
Venife le fameux Law , à qui il ne reftoit
de fa grandeur paffée que des projets heureufement
deftinés à mourir dans fa tête ,
& un diamant qu'il engageoit pour jouer
aux jeux de hafard . Un jour la converfation
rouloit fur le fameux fyftème que Law
avoit inventé ; époque de tant de malheurs
& de fortunes , & furtout d'une dépravation
remarquable dans nos moeurs . Comme
le Parlement de Paris , dépofitaire immédiat
des Loix dans les tems de minorité ,
avoit fait éprouver au Miniftre Ecoffois
quelque réfiftance dans cette occafion
M. de Montefquieu lui demanda pourquoi
on n'avoit pas effayé de vaincre cette réfiftance
par un moyen prefque toujours infaillible
en Angleterre , par le grand mobile
des actions des hommes , en un mot
par l'argent : Ce ne font pas , répondit Law,
desgénies auffi ardens & auf dangereux que
mes compatriotes , mais ils font beaucoup plus
incorruptibles. Nous ajouterons fans aucun
préjugé de vanité nationale , qu'un Corps
libre pour quelques inftans , doit mieux
NOVEMBRE. 1755. 93
résister à la corruption que celui qui l'eft
toujours ; le premier , en vendant fa liberté,
la perd ; le fecond ne fait , pour ainfi
dire , que la prêter , & l'exerce même en
l'engageant ; ainfi les circonftances & la
nature du Gouvernement font les vices &
les vertus des Nations.
Un autre perfonnage non moins fameux
que M. de Montefquieu vit encore plus .
fouvent à Venife , fut le Comte de Bonneval
. Cet homme fi connu par fes aventures
, qui n'étoient pas encore à leur terme,
& flatté de converfer avec un juge digne
de l'entendre , lui faifoit avec plaifir le détail
fingulier de fa vie , le récit des actions.
militaires où il s'étoit trouvé , le portrait
des Généraux & des Miniftres qu'il avoit
connus . M. de Montefquieu fe rappelloit,
fouvent ces converfations & en racontoit
différens traits à fes amis.
Il alla de Venife à Rome : dans cette ancienne
Capitale du monde , qui l'eft encore
à certains égards , il s'appliqua furtour
à examiner ce qui la diftingue aujourd'hui
le plus , les ouvrages des Raphaëls ,
des Titiens , & des Michel- Anges : il n'avoit
point fait une étude particuliere des
beaux arts ; mais l'expreffion dont brillent
les chef-d'oeuvres en ce genre , faifit infailliblement
tout homme de génie . Accoutu94
MERCURE DE FRANCE.
mé à étudier la nature , il la reconnoît
quand elle eft imitée , comme un portrait
reffemblant frappe tous ceux à qui l'original
eft familier : malheur aux productions
de l'art dont toute la beauté n'eſt que
pour les Artiſtes.
Après avoir parcouru l'Italie , M. de
Montefquieu vint en Suiffe ; il examina
foigneufement les vaſtes pays arrofés par
le Rhin ; & il ne lui refta plus rien à voir
en Allemagne ; car Frédéric ne regnoit pas
encore. Il s'arrêta enfuite quelque tems
dans les Provinces-Unies , monument admirable
de ce que peut l'induftrie humaine
animée par l'amour de la liberté. Enfin il
fe rendit en Angleterre où il demeura deux
ans : digne de voir & d'entretenir les plus
grands hommes , il n'eut à regretter que
de n'avoir pas fait plutôt ce voyage : Locke
& Newton étoient morts. Mais il eut fouvent
l'honneur de faire fa cour à leur protectrice
, la célebre Reine d'Angleterre ,
qui cultivoit la Philofophie fur le thrône ,
& qui goûta , comme elle devoit , M. de
Montefquieu. Il ne fut pas moins accueilli
par la Nation , qui n'avoit pas befoin fur
cela de prendre le ton de fes maîtres . Il
forma à Londres des liaifons intimes avec
des hommes exercés à méditer , & à ſe préparer
aux grandes chofes par des études
NOVEMBRE. 1755. 95
profondes ; il s'inftruifit avec eux de la nature
du Gouvernement , & parvint à le
bien connoître. Nous parlons ici d'après
les témoignages publics que lui en ont rendu
les Anglois eux-mêmes , fi jaloux de
nos avantages , & fi peu difpofés à reconnoître
en nous aucune fupériorité.
Comme il n'avoit rien examiné ni avec
la prévention d'un enthouſiaſte , ni avec
l'austérité d'un Cynique , il n'avoit rapporté
de les voyages ni un dédain outrageant
pour les étrangers , ni un mépris
encore plus déplacé pour fon propre pays.
Il réfultoit de fes obfervations que l'Allemagne
étoit faite pour y voyager , l'Italie
pour y féjourner , l'Angleterre pour y penfer
, & la France pour y vivre.
De retour enfin dans fa Patrie , M de
Montefquieu fe retira pendant deux ans à
fa terre de la Brede : il y jouit en paix de
cette folitude que le fpectacle & le tumulte
du monde fert à rendre plus agréable ;
il vécut avec lui-même , après en être forti
fi long-tems ; & ce qui nous intéreſſe le
plus , il mit la derniere main à fon ouvrage
fur la caufe de la grandeur & de la déca
dence des Romains , qui parut en 1734.
Les Empires , ainfi que les hommes
doivent croître , dépérir & s'éteindre ; mais
cette révolution néceffaire a fouvent des
96 MERCURE DE FRANCE.
caufes cachées que la nuit des tems nous
dérobe , & que le myftere où leur petiteffe
apparente a même quelquefois voilées aux
yeux des contemporains ; rien ne reſſemble
plus fur ce point à l'Hiftoire moderne
que l'Hiftoire ancienne. Celle des Romains
mérite néanmoins à cet égard quelque exception
; elle préfente une politique raifonnée
, un fyftème fuivi d'aggrandiffement
, qui ne permet pas d'attribuer la
fortune de ce peuple à des refforts obfcurs
& fubalternes. Les caufes de la grandeur
Romaine fe trouvent donc dans l'Hiftoire ,
& c'eft au Philofophe à les y découvrir.
D'ailleurs il n'en eft pas des fyftêmes dans
cette étude comme dans celle de la Phyfique
; ceux-ci font prefque toujours précipités
, parce qu'une obfervation nouvelle
& imprévue peut les renverfer en un inftant
; au contraire , quand on recueille
avec foin les faits que nous tranfmet l'Hif
toire ancienne d'un pays , fi on ne raffemble
pas toujours tous les matériaux qu'on
peut défirer , on ne fçauroit du moins ef
pérer d'en avoir un jour davantage . L'étude
réfléchie de l'Hiftoire , étude fi importante
& fi difficile , confifte à combiner
de la maniere la plus parfaite , ces matériaux
défectueux : tel feroit le métire d'un
Architecte , qui , fur des ruines fçavantes ,
traceroit ,
NOVEMBRE. 1755 . 97
traceroit , de la maniere la plus vraiſemblable
, le plan d'un édifice antique , en
fuppléant , par le génie & par d'heureuſes
conjectures , à des reftes informes & tronqués.
C'eſt fous ce point de vue qu'il faut envifager
l'ouvrage de M. de Montefquieu :
il trouve les caufes de la grandeur des Romains
dans l'amour de la liberté , du travail
& de la patrie , qu'on leur infpiroit
dès l'enfance ; dans la févérité de la difcipline
militaire ; dans ces diffenfions intef
tines qui donnoient du reffort aux efprits ,
& qui ceffoient tout -à coup à la vue de
l'ennemi ; dans cette conftance après le
malheur qui ne défefpéroit jamais de la
république dans le principe où ils furent
toujours de ne faire jamais la paix qu'après
des victoires ; dans l'honneur du triomphe,
fujet d'émulation pour les Généraux ; dans
la protection qu'ils accordoient aux peuples
révoltés contre leurs Rois ; dans l'excellente
politique de laiffer aux vaincus leurs
Dieux & leurs coutumes ; dans celle de
n'avoir jamais deux puiffans ennemis fur
les bras , & de tout fouffrir de l'un juſqu'à
ce qu'ils euffent anéanti l'autre . Il trouve les
caufes de leur décadence dans l'agrandiffement
même de l'Etat , qui changea en
guerres civiles les tumultes populaires ;
E
98 MERCURE DE FRANCE.
dans les guerres éloignées qui forçant les
citoyens à une trop longue abfence , leur
faifoient perdre infenfiblement l'efprit républicain
; dans le droit de Bourgeoifie
accordé à tant de Nations , & qui ne fit
plus du peuple Romain qu'une espece de
monftre à plufieurs têtes ; dans la corrup
tion introduite par le luxe de l'Afie ; dans
les profcriptions de Sylla qui avilirent l'efprit
de la Nation , & la préparerent à l'eſclavage
; dans la néceflité où les Romains
fe trouverent de fouffrir des maîtres , lorfque
leur liberté leur fut devenue à charge ;
dans l'obligation où ils furent de changer
de maximes , en changeant de gouvernement
; dans cette fuite de monftres qui
régnerent , prefque fans interruption , depuis
Tibere jufqu'à Nerva , & depuis Commode
jufqu'à Conftantin ; enfin , dans la
tranflation & le partage de l'Empire , qui
périt d'abord en Occident par la puiffance
des Barbares , & qui après avoir langui plufieurs
ficcles en Orient fous des Empereurs
imbéciles ou féroces , s'anéantit infenfiblement
comme ces fleuves qui difparoiffent
dans des fables.
Un affez petit volume a fuffi à M. de
Montefquieu pour développer un tableau
fi intérellant & fi vafte. Comme l'Auteur
ne s'appefantit point fur les détails , & ne
NOVEMBRE. 1755. 92
faifit que les branches fécondes de fon
ſujet , il a ſçu renfermer en très - peu d'efpace
un grand nombre d'objets diftinctement
apperçus & rapidement préfentés fans
fatigue pour le Lecteur ; en laiffant beaucoup
voir , il laifle encore plus à penſer ,
& il auroit pu intituler fon Livre , Hiftoire
Romaine à l'ufage des Hommes d'Etat & des
Philofophes.
Quelque réputation que M. de Montefquieu
fe fût acquife par ce dernier ouvrage
& par ceux qui l'avoient précédé , il
n'avoit fait que fe frayer le chemin à une
plus grande entreprife , à celle qui doit
immortalifer fon nom & le rendre refpectable
aux fiecles futurs. Il en avoit dès
longtems formé le deffein , il en médita
pendant vingt ans l'exécution ; ou , pour
parler plus exactement , toute fa vie en
avoit été la méditation continuelle . D'abord
il s'étoit fait en quelque façon étranger
dans fon propre pays , afin de le mieux
connoître ; il avoit enfuite parcouru toute
l'Europe , & profondément étudié les différens
peuples qui l'habitent . L'Ifle fameufe
qui fe glorifie tant de fes loix , &
qui en profite fi mal , avoit été pour lui
dans ce long voyage , ce que l'ifle de Crete
fut autrefois pour Lycurgue , une école
où il avoit fçu s'inftruire fans tout approu-
E ij
100
MERCURE DE
FRANCE.
ver ; enfin , il avoit , fi on peut parler ainfi ,
interrogé & jugé les nations & les hommes
célebres qui
n'exiftent plus aujour
d'hui que dans les annales du monde. Ce
fut ainfi qu'il s'éleva par dégrés au plus
beau titre qu'un fage puiffe mériter , celui
de Légiflateur des Nations .
S'il étoit animé par
l'importance de la
matiere , il étoit effrayé en même tems par
fon
étendue il
l'abandonna , & y revint
:
à plufieurs repriſes ; il fentit plus d'une fois,
comme il l'avoue lui- même , tomber les
mains
paternelles .
Encouragé enfin
amis , il ramaffa toutes fes forces , & donfes
par
na l'Esprit des Loix.
Dans cet important ouvrage , M. de
Montefquieu , fans
s'appefantir , à l'exemple
de ceux qui l'ont précédé , fur des difcuffions
métaphyfiques relatives à l'hom
me fuppofé dans un état
d'abſtraction ,
fans fe borner , comme d'autres , à confidérer
certains peuples dans quelques relations
ou
circonftances
particulieres , envifage
les habitans de l'univers dans l'état réel
où ils font , & dans tous les rapports qu'ils
peuvent avoir entr'eux. La plupart des
autres Ecrivains en ce genre font prefque
toujours ou de fimples Moraliftes , ou de
fimples
Jurifconfultes , ou même quelquefois
de fimples
Théologiens;pour lui, l'hom
NOVEMBRE. 1755 . ΙΟΥ
perme
de tous les Pays & de toutes les Nations,
il s'occupe moins de ce que le devoir exige
de nous , que des moyens par lefquels on
peut nous obliger de le remplir , de la
fection métaphyfique des loix , que de celle
dont la nature humaine les rend fufceptibles
, des loix qu'on a faites que de celles
qu'on a dû faire , des loix d'un peuple particulier
que de celles de tous les peuples,
Ainfi en fe comparant lui -mêine à ceux
qui ont couru avant lui cette grande &
noble carriere , il a pu dire comme le Correge
, quand il eut vu les ouvrages de fes
rivaux , & moi auffi je fuis Peintre.
Rempli & pénétré de fon objet , l'Auteur
de l'Efprit des Loix y embraſſe un fi
grand nombre de matieres , & les traite
avec tant de brieveté & de profondeur ,
qu'une lecture affidue & méditée peut feule
faire fentir le mérite ce livre . Elle fervira
fur- tout , nous ofons le dire , à faire difparoître
le prétendu défaut de méthode
dont quelques lecteurs ont accufé M. de
Montefquieu ; avantage qu'ils n'auroient
pas dû le taxer légerement d'avoir négligé
dans une matiere philofophique & dans
un ouvrage de vingt années . Il faut diftinguer
le défordre réel de celui qui n'eft
qu'apparent. Le défordre eft réel , quand
l'analogie & la fuite des idées n'eft point
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
obfervée ; quand les conclufions font érigées
en principes , ou les précedent ; quand
le lecteur , après des détours fans nombre ,
fe retrouve au point d'où il eft parti . Le
defordre n'eft qu'apparent , quand l'Auteur
mettant à leur véritable place les idées dont
il fait ufage , laiffe à fuppléer aux lecteurs
les idées intermédiaires : & c'eſt ainfi que
M. de Montefquieu a cru pouvoir & devoir
en ufer dans un livre deſtiné à des
hommes qui penfent , dont le génie doit
fuppléer à des omiffions volontaires & raifonnées
.
L'ordre qui fe fait appercevoir dans les
grandes parties de l'Efprit des Loix , ne
regne pas moins dans les détails : nous
croyons que plus on approfondira l'ouvrage
, plus on en fera convaincu . Fidele à
fes divifions générales , l'Auteur rapporte
à chacune les objets qui lui appartiennent
exclufivement ; & à l'égard de ceux qui
par différentes branches appartiennent à
plufieurs divifions à la fois , il a placé fous
chaque divifion la branche qui lui appartient
en propre ; par- là on apperçoit ailément
& fans confufion , l'influence que
les différentes parties du fujet ont les unes
fur les autres , comme dans un arbre qu
fyftême bien entendu des connoiffances
humaines , on peut voir le rapport mutuel
NOVEMBRE. 1755. 103
des Sciences & des Arts. Cette comparaifon
d'ailleurs eft d'autant plus jufte , qu'il
en eft du plan qu'on peut fe faire dans
l'examen philofophique des Loix , comme
de l'ordre qu'on peut obferver dans un
arbre Encyclopédique des Sciences : il y
reftera toujours de l'arbitraire ; & tout ce
qu'on peut exiger de l'Auteur , c'eſt qu'il
fuive fans détour & fans écart le fyfteme
qu'il s'eft une fois formé.
Nous dirons de l'obfcurité qu'on peut
fe permetrre dans un tel ouvrage , la même
chofe que du défaut d'ordre ; ce qui feroit
obfcur pour les lecteurs vulgaires , ne l'eft
pas pour ceux que l'Auteur a eu en vue.
D'ailleurs l'obfcurité volontaire n'en eft
point une M. de Montefquieu ayant à
préfenter quelquefois des vérités impor
tantes , dont l'énoncé abfolu & direct auroit
pu
bleffer fans fruit , a eu la prudence
louable de les envelopper , & par cet innocent
artifice , les a voilées à ceux à qui
elles feroient nuifibles , fans qu'elles fuffent
perdues pour les fages.
Parmi les ouvrages qui lui ont fourni
des fecours , & quelquefois des vues pour
le fien , on voit qu'il a furtout profité des
deux hiftoriens qui ont penfé le plus ,
Tacite & Plutarque ; mais quoiqu'un Philofophe
qui a fait ces deux lectures , foit
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
difpenfé de beaucoup d'autres , il n'avoit
pas cru devoir en ce genre rien négliger ni
dédaigner de ce qui pouvoit être utile à
fon objet . La lecture que fuppofe l'Espric
des Loix , eft immenſe ; & l'ufage raiſonné
que l'Auteur a fait de cette multitude pro
digieufe de matériaux , paroîtra encore
plus furprenant , quand on fçaura qu'il
étoit prefqu'entierement privé de la vue ,
& obligé d'avoir recours à des yeux étrangers.
Cette vafte lecture contribue nonfeulement
à l'utilité , mais à l'agrément de
l'ouvrage fans déroger à la majefté de fon
fujet. M. de Montefquieu fçait en tempérer
l'austérité , & procurer aux lecteurs
des momens de repos , foit par des faits
finguliers & peu connus , foit par des allufions
délicates , foit par ces coups de pinceau
énergiques & brillans , qui peignent
d'un feul trait les peuples & les hommes .
Enfin , car nous ne voulons pas jouer ici
le rôle des Commentateurs d'Homere , il
y a fans doute des fautes dans l'efprit des
Loix , comme il y en a dans tout ouvrage
de génie , dont l'Auteur a le premier ofé
fe frayer des routes nouvelles. M. de Montefquieu
a été parmi nous , pour l'étude
des loix , ce que Defcartes a été pour la
Philofophie ; il éclaire fouvent , & fe trompe
quelquefois , & en fe trompant même ,
NOVEMBRE. 1755. 105
il inftruit ceux qui fçavent lire. La pouvelle
édition qu'on prépare , montrera par
les additions & corrections qu'il y a faites,
que s'il eft tombé de tems en tems , il a
fçu le reconnoître & fe relever ; par- là , il
acquerra du moins le droit à un nouvel
examen , dans les endroits où il n'aura pas
été de l'avis de fes cenfeurs ; peut- être
même ce qu'il aura jugé le plus digne de
correction , leur a - t-il abfolument échappé
, tant l'envie de nuire eft ordinairement
aveugle.
Mais ce qui eft à la portée de tout le
monde dans l'Eſprit des Loix , ce qui doit
rendre l'Auteur cher à toutes les Nations ,
ce qui ferviroit même à couvrir des fautes
plus grandes que les fiennes , c'eft l'efprit
de citoyen qui l'a dicté. L'amour du bien
public , le defir de voir les hommes heureux
s'y montrent de toutes parts ; & n'eûtil
que ce mérite fi rare & fi précieux , il
feroit digne par cet endroit feul , d'être
la lecture des peuples & des Rois . Nous
voyons déja , par une heureuſe expérience,
que les fruits de cet ouvrage ne fe bornent
pas dans fes lecteurs à des fentimens ſtériles.
Quoique M. de Montefquieu ait peu
furvécu à la publication de l'Efprit des
Loix , il a eu la fatisfaction d'entrevoir
les effets qu'il commence à produire parmi
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
nous ; l'amour naturel des François pour
leur patrie , tourné vers fon véritable objet
; ce goût pour le Commerce , pour l'Agriculture
, & pour les Arts utiles , qui
fe répand infenfiblement dans notre Nation
; cette lumiere générale fur les principes
du gouvernement , qui rend les peuples
plus attachés à ce qu'ils doivent aimer .
Ceux qui ont fi indécemment attaqué cet
ouvrage , lui doivent peut-être plus qu'ils
ne s'imaginent l'ingratitude , au refte ,
eft le moindre reproche qu'on ait à leur
faire. Ce n'eft pas fans regret , & fans
honte pour notre fiecle , que nous allons
les dévoiler ; mais cette hiftoire importe
trop à la gloire de M. de Montefquieu , &
à l'avantage de la Philofophie , pour être
paffée fous filence. Puiffe l'opprobre qui
couvre enfin fes ennemis , leur devenir
falutaire !
A peine l'Efprit des Loix parut- il , qu'il
fut recherché avec empreffement , fur la
réputation de l'Auteur ; mais quoique
M. de Montesquieu eût écrit pour le bien
du peuple , il ne devoit pas avoir le peuple
pour juge ; la profondeur de l'objet
étoit une fuite de fon importance même.
Cependant les traits qui étoient répandus
dans l'ouvrage , & qui auroient été déplacés
s'ils n'étoient pas nés du fond du fuNOVEMBRE.
1755. 107
jet , perfuaderent à trop de perfonnes qu'il
étoit écrit pour elles : on cherchoit un
Livre agréable , & on ne trouvoit qu'un
Livre utile , dont on ne pouvoit d'ailleurs
fans quelque attention faifir l'enſemble &
les détails. On traita légerement l'Esprit
des Loix ; le titre même fut un fujet de
plaifanterie enfin l'un des plus beaux
monumens littéraires qui foient fortis de
notre Nation, fut regardé d'abord par elle
avec affez d'indifférence. Il fallut que les
véritables juges euffent eu le tems de lire :
bientôt ils ramenerent la multitude toujours
prompte à changer d'avis ; la partie
du Public qui enfeigne , dicta à la partie
qui écoute ce qu'elle devoit penfer & dire ;
& le fuffrage des hommes éclairés , joint
aux échos qui le répéterent , ne forma plus
qu'une voix dans toute l'Europe.
Ce fut alors que les ennemis publics &
fecrets des Lettres & de la Philofophie ( car
elles en ont de ces deux efpeces ) réunirent
leurs traits contre l'ouvrage. De-là cette
foule de brochures qui lui furent lancées
de toutes parts , & que nous ne tirerons
pas de l'oubli où elles font déja plongées.
Sisleurs auteurs n'avoient pas pris de bonnes
mefures pour être inconnus à la poftérité
, elle croiroit que l'Efprit des Loix a
été écrit au milieu d'un peuple de barbares.
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
M. de Montefquieu méprifa fans peine
les Critiques ténébreufes de ces auteurs
fans talent , qui foit par une jaloufie qu'ils
n'ont pas droit d'avoir , foit pour fatisfaire
la malignité du Public qui aime la fatyre
& la méprife , outragent ce qu'ils ne peuvent
atteindre ; & plus odieux par le mal
qu'ils veulent faire , que
redoutables par
celui qu'ils font , ne réuffiffent pas même
dans un genre d'écrire que fa facilité &
fon objet rendent également vil. Il mettoit
les ouvrages de cette efpece fur la
même ligne que ces Nouvelles hebdomadaires
de l'Europe , dont les éloges font
fans autorité & les traits fans effet , que
des Lecteurs oififs parcourent fans y ajouter
foi , & dans lefquelles les Souverains.
font infultés fans le fçavoir , ou fans daigner
fe venger. IIll nnee ffuutt pas auffi indifférent
fur les principes d'irréligion qu'on
l'accufa d'avoir femé dans l'Eſprit des Loix .
En méprifant de pareils reproches , il auroit
cru les mériter , & l'importance de
l'objet lui ferma les yeux fur la valeur de
fes adverfaires. Ces hommes également
dépourvus de zele & également empreffés
d'en faire paroître , également effrayés de
la lumiere que les Lettres répandent , non
au préjudice de la Religion , mais à leur
défavantage , avoient pris différentes forNOVEMBRE.
1755. 109
mes pour lui porter atteinte. Les uns , par
unftratagême auffi puérile que pufillanime,
s'étoient écrit à eux- mêmes ; les autres ,
après l'avoir déchiré fous le mafque de
P'Anonyme , s'étoient enfuite déchirés entr'eux
à fon occafion . M. de Montesquieu,
quoique jaloux de les confondre , ne jugea
pas à propos de perdre un tems précieux à
les combattre les uns après les autres : il fe
contenta de faire un exemple fut celui qui
s'étoit le plus fignalé par fes excès.
par
C'étoit l'auteur d'une feuille anonyme
& périodique , qui croit avoir fuccédé à
Pafcal , parce qu'il a fuccédé à fes opinions;
panégyrifte d'ouvrages que perfonne ne
lit , & apologiſte de miracles que l'autorité
féculiere a fait ceffer dès qu'elle l'a
voulu ; qui appelle impiété & fcandale le
peu
d'intérêt que les gens de Lettres prennent
à fes querelles , & s'eft aliéné ,
une adreffe digne de lui , la partie de la
Nation qu'il avoit le plus d'intérêt de ménager.
Les coups de ce redoutable athlete
furent dignes des vues qui l'infpirerent ; il
accufa M. de Montefquieu & de Spinoffme
& de Déifine ( deux imputations incompatibles
) ; d'avoir fuivi le ſyſtème de
Pope ( dont il n'y avoit pas un mot dans
l'ouvrage ) ; d'avoir cité Plutarque qui n'eft
pas un Auteur Chrétiens de n'avoir point
110 MERCURE DE FRANCE.
parlé du péché originel & de la Grace , Il
prétendit enfin que l'Efprit des Loix étoit
une production de la Conftitution Unigenitus;
idée qu'on nous foupçonnera peut-être
de prêter par dérifion au critique. Ceux
qui ont connu M. de Montefquieu , l'ouvrage
de Clément XI & le fien , peuvent
juger par cette accufation de toutes les
autres.
Le malheur de cet écrivain dut bien le
décourager : il vouloit perdre un fage par
l'endroit le plus fenfible à tout citoyen , il
ne fit que lui procurer une nouvelle gloire
comme homme de Lettres ; la Défense de
l'Esprit des Loix parut. Cet ouvrage , par
la modération , la vérité , la fineffe de
plaifanterie qui y regnent , doit être regardé
comme un modele en ce genre. M.
de Montefquieu , chargé par fon adverfaire
d'imputations atroces , pouvoit le
rendrejodieux fans peine ; il fit mieux , il
le rendit ridicule . S'il faut tenir compte à
l'agreffeur d'un bien qu'il a fait fans le
vouloir , nous lui devons une éternelle
reconnoiffance de nous avoir procuré ce
chef-d'oeuvre : Mais ce qui ajoute encore
au mérite de ce morceau précieux , c'eſt
que l'auteur s'y eft peint lui- même fans y
penfer ; ceux qui l'ont connu , croyent
Î'entendre , & la poſtérité s'affurera , en
NOVEMBRE. 1755 111
lifant fa Défenfe , que fa converfation n'étoit
pas inférieure à fes écrits ; éloge que
bien peu de grands hommes ont mérité.
Une autre circonftance lui affure pleinement
l'avantage dans cette difpute : le
critique qui , pour preuve de fon attachement
à la religion , en déchire les Miniftres
, accufoit hautement le Clergé de
France , & fur-tout la Faculté de Théolo
gie , d'indifférence pour la caufe de Dieu ,
en ce qu'ils ne profcrivoient pas authentiquement
un fi pernicieux ouvrage . La Faculté
étoit en droit de méprifer le repro
che d'un écrivain fans aveu ; mais il s'agif
foit de la religion ; une délicateffe louable
lui a fait prendre le parti d'examiner l'Ef
prit des Loix. Quoiqu'elle s'en occupe depuis
plufieurs années , elle n'a rien prononcé
jufqu'ici ; & fût- il échappé à M. de
Montefquieu quelques inadvertences lé--
geres , prefque inevitables dans une carriere
fi vafte , l'attention longue & fcrupuleufe
qu'elles auroient demandée de la
part du Corps le plus éclairé de l'Eglife ,
prouveroit au moins combien elles feroient
excufables. Mais ce Corps , plein de prudence
, ne précipitera rien dans une fi
importante matiere : il connoit les bornes
de la raifon & de la foi ; il fçait que l'ouvrage
d'un homme de lettres ne doit point
112 MERCURE DE FRANCE.
être examiné comme celui d'un Théologien
que les mauvaifes conféquences
auxquelles une propofition peut donner
lieu par des interprétations odieufes , ne
rendent point blamable la propofition en
elle -même ; que d'ailleurs nous vivons
dans un fiécle malheureux , où les intérêts
de la religion ont befoin d'être ménagés ,
& qu'on peut lui nuire auprès des fimples,
en répandant mal - à - propos fur des genies
du premier ordre le foupçon d'incrédulité;
qu'enfin , malgré cette accufation injuſte ,
M. de Montefquien fut toujours eſtimé ,
recherché & accueilli par tout ce que l'Eglife
a de plus refpectable & de plus grand ;
eût-il confervé auprès des gens de bien la
confidération dont il jouiffoit , s'ils l'euffent
regardé comme un écrivain dangéreux
?
Pendant que des infectes le tourmentoient
dans fon propre pays , l'Angleterre
élevoit un monument à fa gloire. En 1752 ,
M. Daffier , célebre par les médailles qu'il
a frappées à l'honneur de plufieurs hommes
illuftres , vint de Londres à Paris pour
frapper la fienne. M. de la Tour , cet attifte
fi fupérieur par fon talent , & fi eftimable
par fon defintéreffement & l'élévation
de fon ame , avoit ardemment defiré
de donner un nouveau luftre à fon pinNOVEMBRE.
1755. 113
ceau , en tranfmettant à la poftérité le
portrait de l'auteur de l'Efprit des Loix ;
il ne vouloit que la fatisfaction de le peindre
, & il méritoit , comme Apelle , que
cet honneur lui fût réfervé ; mais M. de
Montefquieu , d'autant plus avare du tems
de M. de la Tour que celui - ci en étoit plus
prodigue , fe refufa conftamment & poliment
à fes preffantes follicitations. M. Daf
fier effuya d'abord des difficultés femblables
: Croyez-vous , dit-il enfin à M. de
Montefquieu , » qu'il n'y ait pas autant
d'orgueil à refufer ma propofition qu'à
» l'accepter » ? Defarmé par cette plaifanterie
, il laiffa faire à M. Daflier tout ce
qu'il voulut.
»
L'auteur de l'Esprit des Loix jouiffoit
enfin paisiblement de fa gloire , lorfqu'il
tomba malade au commencement de Février.
Sa fanté , naturellement délicate ,
commençoit à s'altérer depuis long- tems
par l'effet lent & prefque infaillible des
études profondes , par les chagrins qu'on
avoit cherché à lui fufciter fur fon ouvra- ge ; enfin
par le genre
de vie qu'on
le forçoit
de mener
à Paris
, & qu'il
fentoit
lui
être
funefte
. Mais
l'empreffement
avec
le-`
quel
on recherchoit
fa focieté
, étoit
trop
vif pour
n'être
pas
quelquefois
indifcret
on vouloit
, fans
s'en
appercevoir
, jouir
114 MERCURE DE FRANCE.
de lui aux dépens de lui -même. A peine la
nouvelle du danger où il étoit fe fût- elle
répandue , qu'elle devint l'objet des converfations
& de l'inquiétude publique ; fa
maifon ne défempliffoit point de perfonnes
de tout rang qui venoient s'informer
de fon état , les unes par un intérêt véritable
, les autres pour s'en donner l'apparence
, ou pour fuivre la foule. Sa Majefté ,
pénétrée de la ppeerrttee qquuee fon royaume alloit
faire , en demanda plufieurs fois des
nouvelles ; témoignage de bonté & de juftice
qui n'honore pas moins le Monarque
que le fujet. La fin de M. de Montefquieu
ne fut point indigne de fa vie. Accablé de
douleurs cruelles , éloigné d'une famille
à qui il étoit cher , & qui n'a pas eu la
confolation de lui fermer les yeux , entouré
de quelque amis & d'un plus grand
nombre de fpectateurs , il conferva jufqu'au
dernier moment la paix & l'égalité
de fon ame. Enfin , après avoir fatisfait
avec décence à tous fes devoirs , plein de
confiance en l'Etre éternel auquel il alloit.
fe rejoindre , il mourut avec la tranquillité
d'un homme de bien , qui n'avoit jamais
confacré fes talens qu'à l'avantage.
de la vertu & de l'humanité. La France &
l'Europe le perdirent le 10 Février 1755 ,
à l'âge de foixante- fix ans révolus.
NOVEMBRE 1755. 115
Toutes les nouvelles publiques ont annoncé
cet événement comme une calamité.
On pourroit appliquer à M. de Montefquieu
ce qui a été dit autrefois d'un
illuftre Romain ; que perfonne en apprenant
fa mort n'en témoigna de joie , que
perfonne même ne l'oublia dès qu'il ne fut
plus. Les étrangers s'emprefferent de faire
éclater leurs regrets ; & Milord Chefterfield
, qu'il fuffit de nommer , fit imprimer
dans un des papiers publics de Londres
un article à fon honneur , article digne
de l'un & de l'autre ; c'eft le portrait
d'Anaxagore tracé par Périclès . L'Académie
royale des Sciences & des Belles -Lettres
de Pruffe , quoiqu'on n'y foit point
dans l'ufage de prononcer l'éloge des affociés
étrangers , a cru devoir lui faire cet
honneur , qu'elle n'a fait encore qu'à l'illuftre
Jean Bernouilli ; M. de Maupertuis,
tout malade qu'il étoit , a rendu lui-même
à fon ami ce dernier devoir , & n'a voulu
fe repofer fur perfonne d'un foin fi cher &
fi trifte. A tant de fuffrages éclatans en faveur
de M. de Montefquieu , nous croyons
pouvoir joindre fans indifcrétion les éloges
que lui a donné , en préfence de l'un
de nous , le Monarque même auquel cette.
Académie célebre doit fon luftre , Prince
fait pour fentir les pertes de la Philofa116
MERCURE DE FRANCE.
phie , & pour l'en confoler.
Le 17 Février , l'Académie Françoiſe
lui fit , felon l'ufage , un fervice folemnel
, auquel , malgré la rigueur de la faifon
, prefque tous les gens de Lettres de
ce Corps , qui n'étoient point abfens de
Paris , fe firent un devoir d'affifter. On
auroit dû dans cette trifte cérémonie placer
l'Esprit des Loix fur fon cercueil , comme
on expofa autrefois vis - à-vis le cercueil
de Raphaël fon dernier tableau de la
Transfiguration . Cet appareil fimple &
touchant eût été une belle oraifon funébre.
Jufqu'ici nous n'avons confidéré M. de
Montefquieu que comme écrivain & philofophe
; ce feroit lui dérober la moitié
de fa gloire que de paffer fous filence fes
agrémens & fes qualités perfonnelles.
Il étoit dans le commerce d'une douceur
& d'une gaieté toujours égale . Sa
converfation étoit légere , agréable , &
instructive par le grand nombre d'hommes
& de peuples qu'il avoit connus. Elle étoit
coupée comme fon ftyle , pleine de fel &
de faillies , fans amertunie & fans fatyre
; perfonne ne racontoit plus vivement ,
plus promptement , avec plus de grace &
moins d'apprêt. Il fçavoit que la fin d'une
hiftoire plaifante en eft toujours le but ;-
NOVEMBRE. 1755. 117
il fe hâtoit donc d'y arriver , & produifoit
l'effet fans l'avoir promis.
Ses fréquentes diftractions ne le rendoient
que plus aimable ; il en fortoit
toujours par quelque trait inattendu qui
réveilloit la converfation languiffante ;
d'ailleurs elles n'étoient jamais , ni jouées,
ni choquantes , ni importunes : le feu de
fon efprit , le grand nombre d'idées dont
il étoit plein , les faifoient naître , mais il
n'y tomboit jamais au milieu d'un entretien
intéreffant ou férieux ; le defir de
plaire à ceux avec qui il fe trouvoit , le
rendoit alors à eux fans affectation & fans
effort.
Les agrémens de fon commerce tenoient
non feulement à fon caractere & à
fon efprit , mais à l'efpece de régime qu'il
obfervoit dans l'étude. Quoique capable
d'une méditation profonde & long- tems
foutenue , il n'épuifoit jamais fes forces , il
quitroit toujours le travail avant que d'en
reffentir la moindre impreffion de fatigue.
Il étoit fenfible à la gloire , mais il ne
vouloit y parvenir qu'en la méritant ; jamais
il n'a cherché à augmenter la fienne
par ces manoeuvres fourdes , par ces voyes
obfcures & honteufes, qui deshonorent la
perfonne fans ajouter au nom de l'auteur .
Digne de toutes les diftinctions & de
IIS MERCURE DE FRANCE.
toutes les récompenfes , il ne demandoit
rien , & ne s'étonnoit point d'être oublié ;
mais il a ofé , même dans des circonftances
délicates, protéger à la Cour des hommes
de Lettres perfécutés , célebres &
malheureux , & leur a obtenu des graces.
Quoiqu'il vecût avec les grands , foit
par néceffité , foit par convenance , foit
par gout , leur fociété n'étoit pas néceffaire
à fon bonheur. Il fuyoit dès qu'il le
pouvoit à fa terre ; il y retrouvoit avec
joie fa philofophie , fes livres & le repos.
Entouré de gens de la campagne dans fes
heures de loifir , après avoir étudié l'homme
dans le commerce du monde & dans
l'hiftoire des nations , il l'étudioit encore
dans ces ames fimples que la nature feule
a inftruites , & il y trouvoit à apprendre ;
il converfoit gayement avec eux ; il leur
cherchoit de l'efprit comme Socrate ; il
paroiffoit fe plaire autant dans leur entretien
que dans les fociétés les plus brillantes
, furtout quand il terminoit leurs différends
, & foulageoit leurs peines par fes
bienfaits.
Rien n'honore plus fa mémoire que
l'économie avec laquelle il vivoit , &
qu'on a ofé trouver exceffive dans un
monde avare & faftueux , peu fait pour
en pénétrer les motifs , & encore moins
NOVEMBRE. 1755. 119
pour les fentir. Bienfaifant , & par conféqnent
jufte, M. de Montesquieu ne vouloit
rien prendre fur fa famille , ni des
fecours qu'il donnoit aux malheureux ,
ni des dépenfes confidérables auxquels fes
longs voyages , la foibleffe de fa vue &
l'impreffion de fes ouvrages l'avoient
obligé . Il a tranfmis à fes enfans , fans
diminution ni augmentation , l'héritage
qu'il avoit reçu de fes peres ; il n'y a rien
ajouté que la gloire de fon nom & l'exemple
de fa vie.
Il avoit époufé en 1715 Demoifelle
Jeanne de Lartigue, fille de Pierre de Lartigue
, Lieutenant Colonel au Régiment
de Maulévrier ; il en a eu deux filles &
un fils , qui par fon caractere , fes moeurs
& fes ouvrages s'eft montré digne d'un
tel pere.
Ĉeux qui aiment la vérité & la patrie,
ne feront pas fâchés de trouver ici quelques
unes de fes maximes : il penfoit ,
Que chaque portion de l'Etat doit être
également foumife aux loix , mais que
les privileges de chaque portion de l'Etat
doivent être respectés , lorfque leurs effets
n'ont rien de contraire au droit naturel
, qui oblige tous les citoyens à concourir
également au bien public ; que la
poffellion ancienne étoit en ce genre le
120 MERCURE DE FRANCE.
premier des titres & le plus inviolable des
droits , qu'il étoit toujours injufte & quel
quefois dangereux de vouloir ébranler ;
Que les Magiftrats , dans quelque circonftance
& pour quelque grand intérêt
de corps que ce puiffe être , ne doivent
jamais être que Magiftrats , fans parti &
fans paffion , comme les Loix , qui abſolvent
& puniffent fans aimer ni hair.
Il difoit enfin à l'occafion des difputes
eccléfiaftiques qui ont tant occupé les Empereurs
& les Chrétiens Grecs , que les
querelles théologiques, lorfqu'elles ceffent
d'être renfermées dans les écoles , deshonorent
infailliblement une nation aux
yeux des autres en effet , le mépris même
des fages pour ces querelles ne la juftifie
pas , parce que les fages faifant partout
le moins de bruit & le plus petit
nombre , ce n'est jamais fur eux qu'une
nation eft jugée .
L'importance des ouvrages dont nous
avons eu à parler dans cet éloge , nous
en a fait paffer fous filence de moins confidérables
, qui fervoient à l'auteur comme
de délaffement , & qui auroient fuffi
l'éloge d'un autre ; le plus remarquable
eft le Temple de Gnide , qui fuivit d'affez
près les Lettres Perfannes. M. de Montefquieu
, après avoir été dans celle- ci Hopour
race ,
NOVEMBRE . 1755. 121
race , Théophrafte & Lucien , fut Ovide
& Anacréon dans ce nouvel effai : ce n'eſt
plus l'amour defpotique de l'Orient qu'il
fe propofe de peindre , c'eft la délicateffe
& la naïveté de l'amour paftoral , tel qu'il
eſt dans une ame neuve, que le commerce
des hommes n'a point encore corrompue.
L'Auteur craignant peut - être qu'un tableau
fi étrangerà nos moeurs ne parût
trop languiffant & trop uniforme , a cherché
à l'animer par les peintures les plus
riantes ; il tranfporte le lecteur dans des
lieux enchantés , dont à la vérité le fpectacle
intéreffe peu l'amant heureux , mais
dont la defcription flatte encore l'imagination
quand les defirs font fatisfaits . Emporté
par fon fujet , il a répandu dans ſa
profe ce ftyle animé , figuré & poétique ,
dont le roman de Thélemaque a fourni
parmi nous le premier modele. Nous ignorons
pourquoi quelques cenfeurs du temple
de Gnide ont dit à cette occaſion , qu'il
auroit eu befoin d'être en vers. Le ſtyle
poétique , fi on entend , comme on le
doit , par ce mot , un ftyle plein de chaleur
& d'images , n'a pas befoin , pour être
agréable , de la marche uniforme & cadencée
de la verfification ; mais fi on ne
fait confifter ce ftyle que dans une diction
chargée d'épithetes oifives , dans les pein
F
122 MERCURE DE FRANCE.
tures froides & triviales des aîles & du
carquois de l'amour , & de femblables
objets , la verfication n'ajoutera prefqu'aucun
mérite à ces ornemens ufés ; on
y cherchera toujours en vain l'ame & la
vie. Quoiqu'il en foit , le Temple de Gnide
étant une espece de poëme en profe
c'est à nos écrivains les plus célebres en ce
genre à fixer le rang qu'il doit occuper :
il merite de pareils juges ; nous croyons
du moins que les peintures de cet ouvrage
foutiendroient avec fuccès une des
principales épreuves des defcriptions poétiques
, celle de les repréfenter fur la toile.
Mais ce qu'on doit fur- tout remarquer
dans le Temple de Gnide , c'eft qu'Anacréon
même y est toujours obfervateur &
philofophe. Dans le quatrieme chant , il
paroît décrire les moeurs des Sibarites , &
on s'apperçoit aifément que ces moeurs
font les nôtres. La préface porte fur - tout
l'empreinte de l'auteur des Lettres Perfannes.
En préfentant le Temple de Gnide
comme la traduction d'un manufcrit grec ,
plaifanterie défigurée depuis par tant de
mauvais copiſtes , il en prend occafion de
peindre d'un trait de plume l'ineptie des
critiques & le pédantifme des traducteurs,
& finit par ces paroles dignes d'être rapportées
» Si les gens graves defiroient
NOVEMBRE. 1755. 123
33
de moi quelque ouvrage moins frivole ,
je fuis en état de les fatisfaire : il y a
» trente ans que je travaille à un livre de
» douze pages , qui doit contenir tout ce
que nous fçavons fur la Métaphyfique ,
» la Politique & la Morale , & tout ce
que de très grands auteurs ont oublié
» dans les volumes qu'ils ont publiés fur
» ces matieres » .
Nous regardons comme une des plus
honorables récompenfes de notre travail
l'intérêt particulier que M. de Monteſquieu
prenoit à ce dictionnaire , dont toutes
les reffources ont été jufqu'à préfent
dans le courage & l'émulation de fes auteurs
. Tous les gens de Lettres , felon lui,
devoient s'empreffer de concourir à l'exécution
de cette entrepriſe utile ; il en a
donné l'exemple avec M. de Voltaire , &
plufieurs autres écrivains célebres. Peutêtre
les traverfes que cet ouvrage a ef
fuyées , & qui lui rappelloient les fiennes
propres , l'intéreffoient-elles en notre faveur,
Peut-être étoit- il fenfible , fans s'en
appercevoir , à la juftice que nous avions
ofé lui rendre dans le premier volume de
l'Encyclopédie , lorfque perfonne n'ofoit
encore élever fa voix pour le défendre.
Il nous deftinoit un article fur le Goût, qui
a été trouvé imparfait dans fes papiers ;
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
nous le donnerons en cet état au public ,
& nous le traiterons avec le même refpect
que l'antiquité témoigna autrefois pour
les dernieres paroles de Séneque . La mort
l'a empêché d'étendre plus loin fes bienfaits
à notre égard ; & en joignant nos
propres regrets à ceux de l'Europe entiere ,
nous pourrions écrire fur fon tombeau :
Finis vita cjus nobis luctuofus , Patriæ
triftis , extraneis etiam ignotifque non fine
curâ fuit.
Tacit. in Agricol. c. 43 .
Fermer
Résumé : Eloge de M. le Président de Montesquieu.
Le texte présente un volume de l'Encyclopédie, dans lequel Voltaire a travaillé sur les articles concernant les mots 'esprit', 'éloquence' et 'élégance'. Ce volume inclut également un éloge de Montesquieu écrit par d'Alembert, jugé d'une grande beauté. Une note analysant 'L'Esprit des Lois' est réservée pour le premier Mercure de décembre. Montesquieu, bienfaiteur de l'humanité par ses écrits, a contribué à cet ouvrage, motivant ainsi la reconnaissance des auteurs. Charles de Secondat, Baron de la Brede et de Montesquieu, naquit au Château de la Brede près de Bordeaux le 18 janvier 1689. Sa famille, noble de Guyenne, acquit la terre de Montesquieu grâce à des services rendus à la couronne. Dès son jeune âge, Montesquieu montra des aptitudes remarquables, cultivées par son père. Il préparait déjà les matériaux de 'L'Esprit des Lois' à vingt ans. En parallèle de ses études juridiques, il approfondissait des matières philosophiques. En 1716, il devint Président à Mortier au Parlement de Bordeaux et se distingua par ses remontrances courageuses contre un nouvel impôt. Il fut également membre de l'Académie de Bordeaux et contribua à la création de l'Académie des Sciences. En 1721, il publia les 'Lettres persanes', un ouvrage satirique des mœurs françaises sous le prétexte de la peinture des mœurs orientales. Malgré le succès de cet ouvrage, Montesquieu resta discret sur son authorship pour éviter les critiques littéraires. Les 'Lettres persanes' furent attaquées pour leurs réflexions sur des sujets religieux et ecclésiastiques, provoquant des réactions hostiles. Montesquieu fut accusé et réhabilité concernant ses 'Lettres persanes'. Il rencontra le ministre, déclarant qu'il n'avouait pas les 'Lettres persanes' mais ne les désavouait pas non plus, et demanda que l'ouvrage soit jugé sur sa lecture plutôt que sur des délations. Le ministre lut le livre, apprécia l'auteur et permit à Montesquieu d'être reçu à l'Académie française. Le maréchal d'Estrées soutint Montesquieu avec courage et intégrité. Montesquieu fut reçu à l'Académie le 24 janvier 1728 avec un discours remarquable, où il évita les formules conventionnelles pour traiter de sujets plus larges. Il entreprit des voyages pour étudier les lois et constitutions de divers pays, rencontrer des savants et des artistes célèbres. Ses voyages l'amenèrent en Autriche, en Hongrie, en Italie, en Suisse, aux Provinces-Unies et en Angleterre. De retour en France, Montesquieu se retira à la Brede pour achever son ouvrage sur 'La grandeur et la décadence des Romains', publié en 1734. Il analysa les causes de la grandeur et de la décadence de Rome, mettant en avant des facteurs comme l'amour de la liberté, la discipline militaire et la politique d'expansion. Le texte loue ensuite l'œuvre de Montesquieu, notamment 'L'Esprit des Lois', qui offre une analyse approfondie et vaste de la politique et des lois. Montesquieu a préparé cet ouvrage pendant vingt ans, étudiant divers peuples et lois à travers l'Europe. 'L'Esprit des Lois' est présenté comme un livre destiné aux hommes d'État et aux philosophes, embrassant un grand nombre de matières avec brièveté et profondeur. Le texte défend la structure et la clarté de l'ouvrage, affirmant que l'apparente absence de méthode est en réalité une invitation à la réflexion. Il souligne également l'importance des sources utilisées par Montesquieu, notamment Tacite et Plutarque, et la manière dont il a su rendre l'ouvrage à la fois utile et agréable. Enfin, le texte mentionne les critiques et les attaques subies par 'L'Esprit des Lois' lors de sa publication, mais note que l'œuvre a finalement été reconnue pour sa valeur et son impact sur la pensée politique et philosophique. Montesquieu est accusé d'irréligion et de semer des principes d'irréligion dans son œuvre. Il est comparé à des auteurs de nouvelles hebdomadaires sans autorité ni effet. Ses adversaires, dépourvus de zèle mais cherchant à en montrer, ont utilisé diverses stratégies pour le discréditer. Montesquieu décide de répondre à l'un de ses critiques les plus virulents, auteur d'une feuille anonyme périodique, en le rendant ridicule plutôt que furieux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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34
p. 217-218
DU NORD.
Début :
Une troupe de voleurs commettoit depuis quelques tems beaucoup de brigandages [...]
Mots clefs :
Saint-Petersbourg, Stockholm, Drontheim, Brigandage, Commerce, Biorno Stafelgraan, Tempête
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DU NORD.
DU NOR D.
DE PETERSBOURG , le 5 Septembre.
les
Une troupe de voleurs commettoit depuis quel
que tems beaucoup de brigandages dans les environs
de Mofcou. On a découvert qu'elle avoit
pour chefun ancien Officier d'Artillerie , qui pour
quelques malverfations avoit été privé de fon emploi
. Il a été arrêté , ainfi que plufieurs de fes complices.
Ayant prouvé qu'il étoit Gentilhomme ,
au lieu de recevoir le Knout en public , il l'a reçu
dans une chambre de la Citadelle ; & au lieu
de le marquer fur le front & fur les joues , on
s'eft contenté de le marquer fur une épaule. Enfuite
il a été conduit à Rogerwik , pour y être
employé aux travaux,
K
218 MERCURE DE FRANCE.
DE STOCKHOLM , le 11 Septembre.
Deux navires chargés de bled étant arrivés de
Dantzick , & ayant fait baiffer confidérablement
le prix de cette denrée , un riche négociant , nommé
Borno Stafelgraan , qui en avoit fait de grands
amas , dans l'efpérance de profiter de la difette
s'eft pendu de défe fpoir. Les Magiftrats ont fait
attacher fon cadavre à une potence , & ont confifqué
fon magafin , dont ils ont envoyé les grains
aux Hôpitaux. Sa femme a été condamnée à une
amende de quatorze cens écus .
DE DRONTHEIM , le 2 Septembre.
On effuya le 26 du mois dernier dans le Comté
de Jalfberg une tempête fi terrible , que des per-
Tonnes âgées de quatre- vingt-dix ans , ne fe fouviennent
point d'en avoir vu une pareille. Vers
les dix heures du matin , il ſe forma à l'oueft , au
nord & à l'eft , d'épais nuages qui fe raffemblerent
au mieu de l'horifon , & obfcureirent le
ciel de tous côtés , excepté au fud. Entre midi &
une heure , l'orage commença par une pluie violente
, accompagnée d'affreux coups de tonnerre,
A cette pluie fuccéda une grêle d'une groffeur
prodigieufe. Les fruits de la terre de plus de quarante
métairies , ont été totalement détruits. Toutes
les vitres qui regardoient le couchant , le feptentrion
& le levant , ont été brifées . Plufieurs
perfonnes , dans la campagne , ont été tuées ou
bleflées . Le feu du ciel à réduit en cendres cing
ou fix maiſons.
DE PETERSBOURG , le 5 Septembre.
les
Une troupe de voleurs commettoit depuis quel
que tems beaucoup de brigandages dans les environs
de Mofcou. On a découvert qu'elle avoit
pour chefun ancien Officier d'Artillerie , qui pour
quelques malverfations avoit été privé de fon emploi
. Il a été arrêté , ainfi que plufieurs de fes complices.
Ayant prouvé qu'il étoit Gentilhomme ,
au lieu de recevoir le Knout en public , il l'a reçu
dans une chambre de la Citadelle ; & au lieu
de le marquer fur le front & fur les joues , on
s'eft contenté de le marquer fur une épaule. Enfuite
il a été conduit à Rogerwik , pour y être
employé aux travaux,
K
218 MERCURE DE FRANCE.
DE STOCKHOLM , le 11 Septembre.
Deux navires chargés de bled étant arrivés de
Dantzick , & ayant fait baiffer confidérablement
le prix de cette denrée , un riche négociant , nommé
Borno Stafelgraan , qui en avoit fait de grands
amas , dans l'efpérance de profiter de la difette
s'eft pendu de défe fpoir. Les Magiftrats ont fait
attacher fon cadavre à une potence , & ont confifqué
fon magafin , dont ils ont envoyé les grains
aux Hôpitaux. Sa femme a été condamnée à une
amende de quatorze cens écus .
DE DRONTHEIM , le 2 Septembre.
On effuya le 26 du mois dernier dans le Comté
de Jalfberg une tempête fi terrible , que des per-
Tonnes âgées de quatre- vingt-dix ans , ne fe fouviennent
point d'en avoir vu une pareille. Vers
les dix heures du matin , il ſe forma à l'oueft , au
nord & à l'eft , d'épais nuages qui fe raffemblerent
au mieu de l'horifon , & obfcureirent le
ciel de tous côtés , excepté au fud. Entre midi &
une heure , l'orage commença par une pluie violente
, accompagnée d'affreux coups de tonnerre,
A cette pluie fuccéda une grêle d'une groffeur
prodigieufe. Les fruits de la terre de plus de quarante
métairies , ont été totalement détruits. Toutes
les vitres qui regardoient le couchant , le feptentrion
& le levant , ont été brifées . Plufieurs
perfonnes , dans la campagne , ont été tuées ou
bleflées . Le feu du ciel à réduit en cendres cing
ou fix maiſons.
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Résumé : DU NORD.
En Russie, au début septembre, une bande de voleurs dirigée par un ancien officier d'artillerie, démis pour malversations, a été arrêtée à Moscou. Le chef, en raison de son statut de gentilhomme, a été fouetté en privé et marqué sur l'épaule avant d'être envoyé à Rogervik pour travailler. En Suède, l'arrivée de deux navires de blé à Stockholm a fait chuter les prix, ruinant Borno Stafelgraan, qui s'est pendu. Les autorités ont exposé son cadavre et confisqué ses biens pour les hôpitaux, tandis que sa femme a été condamnée à une amende de quatorze cents écus. À Drontheim, une tempête dévastatrice a frappé le comté de Jalsberg le 26 août, détruisant les récoltes de plus de quarante métairies, blessant ou tuant plusieurs personnes, et incendiant cinq ou six maisons.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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35
p. 36-47
Mémoire sur feu M. Montaudouin, de la Société Royale de Londres, Correspondant de l'Académie des Sciences, & Négociant.
Début :
Ecuyer, Daniel-René Montaudouin naquit à Nantes, le 21 Janvier 1715. [...]
Mots clefs :
Commerce, Angleterre, Écuyer, Nantes, Académie des sciences, Société royale de Londres
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Mémoire sur feu M. Montaudouin, de la Société Royale de Londres, Correspondant de l'Académie des Sciences, & Négociant.
Mémoire fur feu M. Montaudouin , de ta
Société Royale de Londres ,
Correfpondant
de l'Académie des Sciences , & Négociant.
Cuyer , Daniel - René Montaudouin
naquit à Nantes , le 21 Janvier 1715 .
Sa famille s'eft fait un nom par l'étendue
de fon commerce , & par fa grande probité.
Il alla de bonne heure au College de
la Fleche ; mais fa vivacité le rendit incapable
de la moindre application , & on ne
put jamais difcipliner fon efprit. On lui
fit quitter des études qui n'en étoient pas
pour lui , & on l'envoya à Rouen où il
n'apprit pas davantage à s'appliquer. La
tendreffe ou plutôt la foibleffe d'une grand'
mere chez qui il demeuroit , donna un
nouvel effor à fa vivacité , & à l'indépendance
de fon efprit. On prit le parti
de le faire paffer en Angleterre. Il y fit un
féjour affez long , & il en rapporta des
fentimens d'admiration pour ce peuple
penfeur ; cependant fa jeuneffe continuoit
d'être vive , impétueufe & inappliquée
lorfque tout- à- coup , il fe fit en lui une de
ces révolutions étonnantes dont jufqu'à
préfent on n'avoit vu d'exemple que dans
l'ordre de la Religion. Jamais converfion
DECEMBRE . 1755 37
1
ne fut plus éclatante. Il alla trouver le
R. P. Giraud , Prêtre de l'Oratoire , aujourd'hui
Bibliothécaire de la ville , homme
d'un mérite rare. Il le fupplia de lui
donner des leçons de Mathématiques. Le
P. Giraud qui ne le connoiffoit point du
tout , & qui n'étoit pas fur le pied de
prendre des écoliers , chercha à le détourner
de fon deffein. Il vouloit fans doute
éprouver la vocation. Le difciple revint à
la charge , & le maître fut obligé de fe
rendre. Cette complaifance fut fentie comme
un bienfait fignalé ; on chercha à la
payer par un travail affidu . L'éleve fit de
très grands progrès fous la direction de
cet habile homme. Une application extraordinaire
remplaça les avantages que le
fecours des premieres études & d'une mémoire
plus heureufe auroit pu donner.
Après plufieurs années confacrées à l'Algebre
& à la Géométrie , où les connoiffances
furent portées fort loin , on dirigea fa
marche vers la Métaphyfique , fcience à la
fois immenſe , fi l'on confidere fon objet ,
& bornée , fi l'on s'en tient aux vérités inconteftables
qu'elle contient , mais fcience
toujours honorable pour l'efprit humain
& qui mérite toute l'attention d'un être
penfant , parce que c'eft celle qui met fans
38 MERCURE DE FRANCE.
doute le plus grand intervalle entre la raifon
& l'instinct après la faculté de parler
qui en fait partie. M. Montaudouin entra
dans ce nouveau champ avec une nouvelle
ardeur. Après avoir forcé des broffailles
épailles , il découvrit un partere délicieux
, où la beauté raviffante de quelque
fleurs épanouies , lui faifoit fouhaiter
avec la plus vive impatience d'en voir
éclorre une multitude d'autres qui y font
plantées dans l'ordre le plus régulier , &
qui femblent fe refufer à la bonté du climat
, à la fertilité du fol , & à l'habileté
- des cultivateurs.
A la paix de 1748. il entreprit un nouveau
voyage en Angleterre. La principale
raifon qui l'y détermina fut l'efpérance d'y
trouver beaucoup d'iées exactes . D'ail
leurs ayant paffé plufieurs années dans l'étude
des fciences abftraites , il crut qu'il
lui feroit utile de fe répandre pendant quelque
tems dans le monde , parce que c'eft
le meilleur moyen de bien connoître les
hommes , & de fe connoître bien foimême.
Il ne fe borna pas , comme la plûpart
des voyageurs , à voir la ville de Londres
: il voulut connoître l'Angleterre
même ; & il donna une attention particuliere
à tout ce qui intéreffoit les Sciences
DECEMBRE. 1755. 39
& le Commerce , & à tout ce qui pouvoit
être utile à fon pays ( 1 ) . A Oxford , il faifoit
fa cour aux fçavans Profeffeurs ; à
Porftmouth , aux Conftructeurs habiles ; à
Liverpool & à Bristol , aux Négocians éclairés.
De retour à Londres , il vit tout ce
que cette grande ville renferme . Il examina
tout. Il fréquenta un grand nombre de Sçavans
en tout genre ; mais principalement
Meffieurs Folkes , Robins , Mitchell , de
Moivre , Bradley , Watfon , Tremblay ,
Graham , Smith , Mortimer , Maſſon ,
King , Knith , Blin , Ray , Beker , Stwart ,
Mead , &c. Il fut comblé d'honnêtetés par
M. le Duc de Richmond , & par Meffieurs
Ch. Stanhope & Ch . Cavendish : il contracta
une amitié intime avec Don Pedro
Maldonado , Gouverneur de la Province
des Emeraudes , illuftre Américain , qui
lui avoit été recommandé par M. Bouguer
de l'Académie des Sciences . A la premiere
nouvelle qu'il eut de fa maladie , il fit porter
fon lit chez lui , & il ne le quitta ni
jour ni nuit. Il lui fit adminiftrer tous les
fecours temporels & fpirituels. Les Doc-
(1 ) Il fe donna des foins infinis pour faire reftituer
les papiers pris fur les François pendant la
guerre , & il vint à bout d'en recouvrer un grand
nombre qu'il fit remettre en France à ceux à qui
ils appartenoient.
40 MERCURE DE FRANCE .
teurs Watfon & Wisbraham , ni le célebre
Docteur Mead , malgré toute leur capacité
, & leur zele ne purent dompter la violence
du mal qui emporta le malade en
peu de jours.
Au mois de Novembre , M. Montaudouin
fut proposé par plufieurs Membres
de la Société Royale , entr'autres par Meſfieurs
Folkes , Wafton & Graham pour être
admis dans cet illuftre corps ; ce qui s'effectua
au terme ordinaire. Enfin après un
an de féjour en Angleterre , comblé d'honneurs
& de politeffes , il s'arracha à tous les
agrémens qu'il goutoit dans ce pays. Il prit
fa route par la Hollande. Il alla voir à
Leyde Meffieurs Allemand & Mufchenbroek
, qui lui firent mille amitiés . Il reçut
à la Haie des marques d'attention de
M. le Comte de Bentheim .
Il retrouva à Paris M. le Marquis de
Croifmare , l'homme de France le plus curieux
, le plus obligeant & le plus aimable,
avec qui il s'étoit lié dans un précédent
voyage. Ils ne fe quitterent plus. Ils recommencerent
leurs courfes dans cette
grande ville. On y revit tout ce qui méritoit
d'être vu . Rien n'échappa. On voyoit
fouvent les illuftres Membres de l'Acadé
mie des Sciences , Meffieurs de Fontenelle
, de Reaumur , Juffieu , Duhamel , de
1
DECEMBRE. 1755 41
> la Condamine de Buffon , Rouelle ,
l'Abbé Nollet , & principalement M. Bouguer
pour qui M. Montaudouin avoit depuis
longtems la plus parfaite amitié. Pendant
fon féjour à Paris , l'Académie le
nomma fon Correſpondant , il avoit toujours
eu des fentimens d'admiration & de
refpect pour ce Sénat littéraire qui compte
parmi fes Membres tant de Souverains
dans le monde fçavant.
A fon retour à Nantes , il entreprit de
faire conftruire un Navire fur les principes
de M. Bouguer. Il fallut lutter contre
tous les préjugés du public marin. Les préventions
furent portées fi loin qu'on s'opiniâtra
à foutenir que le Navire feroit capot
en allant à l'eau . Il fut lancé , & il conferva
mieux fa direction qu'aucun navire.
On foutint enfuite qu'il ne pourroit pas
naviguer. On eut de la peine à trouver un
Capitaine & un équipage . Cependant il a
fait plufieurs voyages à S. Domingue. La
prévention ne fe décourage jamais ; elle
s'eft dédommagée de fes premieres erreurs
fur la marche de ce Navire : il eft vrai
qu'il n'a pas eu d'avantage de ce côté - là
fur les navires ordinaires ; ce n'eft point la
faute du fyftême du célebre Académicien.
La folidité de fes principes n'en eft point
affectée , & fa découverte conſerve toute
42 MERCURE DE FRANCE.
port ,
fa beauté , & mérite les plus grands éloges.
Le Problême confiftoit à trouver le navire
de la plus grande vitelle , du plus grand
& du moindre tirant d'eau . Pour
bien faire cette expérience , il eût fallu
être en place. Un particulier ne peut pas
rifquer la dépenfe d'une niachine auffi couteufe.
C'est ce que repréfentoit fortement
M. Bouguer qui n'étant pas fur
les lieux , ne pouvoit ni voir les chofes par
lui- même , ni donner tous les confeils qu'il
étoit naturel d'attendre de lui . M. Montaudouin
n'eut pour intéreffé dans cette
entreprife que fon frere. Il en auroit cherché
inutilement un autre . Cette confidération
importante fit faire des changemens.
Le constructeur n'exécuta pas toutes les parties
avec la même attention . Les frayeurs
du Capitaine obligerent de faire la mâture
trop courte ; & ces frayeurs ont encore
augmenté la longueur des traverfées.
Ainfi il n'eft point décidé que l'objet
de la marche foit manqué dans cette conftruction
, & il eft démontré que les deux
autres conditions du problème font parfaitement
remplies. Ce navire porte beaucoup
à raifon de fa grandeur , & il tire
près de trois pieds d'eau moins que les navires
ordinaires de fa capacité .
En 1753 , M. Montaudouin fut éla
DECEMBRE. 1755. 43
Conful. Cette place eft très - importante à
Nantes , parce qu'outre l'adminiſtration
de la juftice , elle embraffe la direction
des affaires générales du Commerce . Le
Confulat totalement diftinct dans fon origine
du Bureau de Ville , fe trouvoit par
une longue fuite d'abus , dans une dépendance
abfolue des Maire & Echevins . Ils
avoient la plus grande part aux élections ,
& y préfidoient . Le fiege du Confulat
étoit placé à l'Hôtel de Ville , c'est - à - dire ,
dans un éloignement extrême des Juges &
des parties. C'étoit - là la caufe principalede
l'abus . M. Montaudouin forma le projet
de remettre les chofes dans l'ordre . Il
avoit vu fur quel pied les Négocians
étoient en Angleterre & en Hollande Il
étoit fâché pour l'honneur de fon pays , &
de la raifon humaine , que les citoyens les
plus utiles fuflent regardés comme les plus
petits citoyens. Il y avoit de grands obſtacles
à combattre. La chofe avoit été tentée
plufieurs fois fans fuccès. L'abus étoit
ancien , & par conféquent refpectable pour
la multitude . La prévention affez répandue
dans le Royaume contre le commerce,
eft extrême en Bretagne ,
, & . fur-tout à
Nantes , quoique cette ville doive fa célébrité
& fon aifance au commerce . Ces
44 MERCURE DE FRANCE
difficultés , loin de le rebuter , l'animerent
davantage à la pourfuite de fon projer.
Ceux qui crurent devoir le traverſer , firent
les plus grands efforts ; ils fe permirent
même des excès que l'urbanité du
dix-huitieme fiecle ne comporte pas . On
ne leur oppofa que des raifons. Le Confeil
en fentit toute la folidité. Les chofes
font à préfent dans l'ordre. Le Tribunal
devant qui les affaires de commerce font
portées eft placé dans le bâtiment même
où les affaires du commerce fe font tous
les jours ; & le commerce élit paifiblement
ceux qui doivent le juger & le défendre.
M. Montaudouin remplit les différentes
fonctions attachées au Confulat avec le
plus grand éclat. Il traita plufieurs grandes
parties du commerce dans de fçavans
mémoires. Son grand talent étoit une aptitude
merveilleufe à trouver des raifons
folides , & il les ramenoit toujours à des
principes fimples & lumineux. Sa fanté
étoit très- délicate , l'application trop forte
qu'il donna aux affaires publiques , renverfa
bientôt cette foible fanté , qui ne fe
foutenoit que par un régime auftere ; il ne
buvoir que de l'eau , & ne foupoit point ;
mais l'excès du travail rendit fa fobriété
inutile . Il fut attaqué d'une fievre mali-
វ
DECEMBRE. 1755. 45
gne , qui l'emporta le 11 Septembre 1754,
l'âge de trente - neuf ans fept mois vingt
jours ( 1 ) . Jamais un fimple particulier
ne fut fi généralement regretté . Cette perte
fut regardée comme un malheur public .
Il est vrai qu'on ne vit jamais un meilleur
citoyen. Il dirigeoit toutes fes vues vers
le bien de fon pays. Il eftimoit moins
dans le commerce les avantages perfonnels
qui peuvent en réfulter , que les
moyens infinis que cette profeffion donne
d'être utile aux autres hommes , & d'exercer
fans ceffe la bienfaiſance , Son extérieur
étoit fort fimple. Son abord étoit facile ,
quoiqu'un peu froid , mais jamais ami ne
fut plus chaud. Il étoit parvenu, en aguerriffant
fans ceffe fa raifon , à conferver fon
ame dans une grande tranquillité : il ne s'en
écartoit guere , que quand il falloit lutter
contre de mauvais raifonnemens. La vérité
trouva en lui un défenſeur toujours zelé ,
mais jamais paffionné . Sa modeftie l'empêchoit
de s'appercevoir de ce qu'il valoit.
Il n'a rien donné au Public. On a trouvé
dans fes papiers un journal de fon voyage
en Angleterre , qui renferme des détails
utiles & curieux. Il avoit entrepris un
(1 ) La Gazette d'Avignon du 27 Septembra
1754 , en rapportant cette mort à l'article de Pa
ris , lui donne mal à propos 41 ans .
'
46 MERCURE DE FRANCE.
grand ouvrage fur les affurances maritimes.
Perfuadé que l'empire du hazard n'a
d'appui que dans la pareffe des hommes ,
il s'étoit propofé de déterminer la valeur
réelle des affurances fur le commerce maritime
de la ville de Nantes avec la Guinée
& les colonies en tems de paix . Il
étoit queſtion d'avoir la fomme des voyages
, & celle des pertes pendant un affez
long efpace de tems. Il embraffa dans fa
recherche trente années. Le grand embarras
confiftoit à avoir exactement les
états des pertes partielles ou avaries , parce
que ces objets ne font inférés fur aucun
regiftre public. Il entreprit d'en venir à
bout , & il en raffembla un grand nombre.
Pour rendre cet ouvrage d'une plus
grande utilité , il additionna le nombre de
jours de toutes les traverfées des navires
: par-là il avoit furement les traversées
moyennes ; mais cela ne le contenta pas
encore il vouloit avoir les traversées
moyennes dans les différens tems de l'année
, & il comptoit additionner à cet effet
toutes les traverfées des mêmes mois. Par
ce moyen , le jour de départ , & la prime
d'une traverfée ordinaire étant connus , on
peut déterminer l'augmentation de la prime
pour chaque jour qui excede la traverfée
ordinaire. La prime eft la fomme
DECEMBRE. 1755. 47
des dégrés de probabilité de perte , plus le
profit de l'affureur.
Il a auffi commencé un traité des Avaries.
Il vouloit établir un certain nombre
de formules qui puffent embraffer tous les
cas , & ôter tout l'arbitraire dans cette
partie , la plus difficile du commerce maritime.
On ne peut mieux terminer ce Mémoire
qu'en obfervant que M. le Duc d'Aiguillon
avoit une eftime particuliere pour
M. Montaudouin . Il a dit plufieurs fois
publiquement qu'il regardoit fa mort comme
une perte confidérable. On fçait que
ce refpectable Seigneur , fecond créateur
de la ville de Nantes & de fa navigation ,
n'eſt pas moins exercé dans la connoiffance
des hommes que dans la bienfaiſance.
Société Royale de Londres ,
Correfpondant
de l'Académie des Sciences , & Négociant.
Cuyer , Daniel - René Montaudouin
naquit à Nantes , le 21 Janvier 1715 .
Sa famille s'eft fait un nom par l'étendue
de fon commerce , & par fa grande probité.
Il alla de bonne heure au College de
la Fleche ; mais fa vivacité le rendit incapable
de la moindre application , & on ne
put jamais difcipliner fon efprit. On lui
fit quitter des études qui n'en étoient pas
pour lui , & on l'envoya à Rouen où il
n'apprit pas davantage à s'appliquer. La
tendreffe ou plutôt la foibleffe d'une grand'
mere chez qui il demeuroit , donna un
nouvel effor à fa vivacité , & à l'indépendance
de fon efprit. On prit le parti
de le faire paffer en Angleterre. Il y fit un
féjour affez long , & il en rapporta des
fentimens d'admiration pour ce peuple
penfeur ; cependant fa jeuneffe continuoit
d'être vive , impétueufe & inappliquée
lorfque tout- à- coup , il fe fit en lui une de
ces révolutions étonnantes dont jufqu'à
préfent on n'avoit vu d'exemple que dans
l'ordre de la Religion. Jamais converfion
DECEMBRE . 1755 37
1
ne fut plus éclatante. Il alla trouver le
R. P. Giraud , Prêtre de l'Oratoire , aujourd'hui
Bibliothécaire de la ville , homme
d'un mérite rare. Il le fupplia de lui
donner des leçons de Mathématiques. Le
P. Giraud qui ne le connoiffoit point du
tout , & qui n'étoit pas fur le pied de
prendre des écoliers , chercha à le détourner
de fon deffein. Il vouloit fans doute
éprouver la vocation. Le difciple revint à
la charge , & le maître fut obligé de fe
rendre. Cette complaifance fut fentie comme
un bienfait fignalé ; on chercha à la
payer par un travail affidu . L'éleve fit de
très grands progrès fous la direction de
cet habile homme. Une application extraordinaire
remplaça les avantages que le
fecours des premieres études & d'une mémoire
plus heureufe auroit pu donner.
Après plufieurs années confacrées à l'Algebre
& à la Géométrie , où les connoiffances
furent portées fort loin , on dirigea fa
marche vers la Métaphyfique , fcience à la
fois immenſe , fi l'on confidere fon objet ,
& bornée , fi l'on s'en tient aux vérités inconteftables
qu'elle contient , mais fcience
toujours honorable pour l'efprit humain
& qui mérite toute l'attention d'un être
penfant , parce que c'eft celle qui met fans
38 MERCURE DE FRANCE.
doute le plus grand intervalle entre la raifon
& l'instinct après la faculté de parler
qui en fait partie. M. Montaudouin entra
dans ce nouveau champ avec une nouvelle
ardeur. Après avoir forcé des broffailles
épailles , il découvrit un partere délicieux
, où la beauté raviffante de quelque
fleurs épanouies , lui faifoit fouhaiter
avec la plus vive impatience d'en voir
éclorre une multitude d'autres qui y font
plantées dans l'ordre le plus régulier , &
qui femblent fe refufer à la bonté du climat
, à la fertilité du fol , & à l'habileté
- des cultivateurs.
A la paix de 1748. il entreprit un nouveau
voyage en Angleterre. La principale
raifon qui l'y détermina fut l'efpérance d'y
trouver beaucoup d'iées exactes . D'ail
leurs ayant paffé plufieurs années dans l'étude
des fciences abftraites , il crut qu'il
lui feroit utile de fe répandre pendant quelque
tems dans le monde , parce que c'eft
le meilleur moyen de bien connoître les
hommes , & de fe connoître bien foimême.
Il ne fe borna pas , comme la plûpart
des voyageurs , à voir la ville de Londres
: il voulut connoître l'Angleterre
même ; & il donna une attention particuliere
à tout ce qui intéreffoit les Sciences
DECEMBRE. 1755. 39
& le Commerce , & à tout ce qui pouvoit
être utile à fon pays ( 1 ) . A Oxford , il faifoit
fa cour aux fçavans Profeffeurs ; à
Porftmouth , aux Conftructeurs habiles ; à
Liverpool & à Bristol , aux Négocians éclairés.
De retour à Londres , il vit tout ce
que cette grande ville renferme . Il examina
tout. Il fréquenta un grand nombre de Sçavans
en tout genre ; mais principalement
Meffieurs Folkes , Robins , Mitchell , de
Moivre , Bradley , Watfon , Tremblay ,
Graham , Smith , Mortimer , Maſſon ,
King , Knith , Blin , Ray , Beker , Stwart ,
Mead , &c. Il fut comblé d'honnêtetés par
M. le Duc de Richmond , & par Meffieurs
Ch. Stanhope & Ch . Cavendish : il contracta
une amitié intime avec Don Pedro
Maldonado , Gouverneur de la Province
des Emeraudes , illuftre Américain , qui
lui avoit été recommandé par M. Bouguer
de l'Académie des Sciences . A la premiere
nouvelle qu'il eut de fa maladie , il fit porter
fon lit chez lui , & il ne le quitta ni
jour ni nuit. Il lui fit adminiftrer tous les
fecours temporels & fpirituels. Les Doc-
(1 ) Il fe donna des foins infinis pour faire reftituer
les papiers pris fur les François pendant la
guerre , & il vint à bout d'en recouvrer un grand
nombre qu'il fit remettre en France à ceux à qui
ils appartenoient.
40 MERCURE DE FRANCE .
teurs Watfon & Wisbraham , ni le célebre
Docteur Mead , malgré toute leur capacité
, & leur zele ne purent dompter la violence
du mal qui emporta le malade en
peu de jours.
Au mois de Novembre , M. Montaudouin
fut proposé par plufieurs Membres
de la Société Royale , entr'autres par Meſfieurs
Folkes , Wafton & Graham pour être
admis dans cet illuftre corps ; ce qui s'effectua
au terme ordinaire. Enfin après un
an de féjour en Angleterre , comblé d'honneurs
& de politeffes , il s'arracha à tous les
agrémens qu'il goutoit dans ce pays. Il prit
fa route par la Hollande. Il alla voir à
Leyde Meffieurs Allemand & Mufchenbroek
, qui lui firent mille amitiés . Il reçut
à la Haie des marques d'attention de
M. le Comte de Bentheim .
Il retrouva à Paris M. le Marquis de
Croifmare , l'homme de France le plus curieux
, le plus obligeant & le plus aimable,
avec qui il s'étoit lié dans un précédent
voyage. Ils ne fe quitterent plus. Ils recommencerent
leurs courfes dans cette
grande ville. On y revit tout ce qui méritoit
d'être vu . Rien n'échappa. On voyoit
fouvent les illuftres Membres de l'Acadé
mie des Sciences , Meffieurs de Fontenelle
, de Reaumur , Juffieu , Duhamel , de
1
DECEMBRE. 1755 41
> la Condamine de Buffon , Rouelle ,
l'Abbé Nollet , & principalement M. Bouguer
pour qui M. Montaudouin avoit depuis
longtems la plus parfaite amitié. Pendant
fon féjour à Paris , l'Académie le
nomma fon Correſpondant , il avoit toujours
eu des fentimens d'admiration & de
refpect pour ce Sénat littéraire qui compte
parmi fes Membres tant de Souverains
dans le monde fçavant.
A fon retour à Nantes , il entreprit de
faire conftruire un Navire fur les principes
de M. Bouguer. Il fallut lutter contre
tous les préjugés du public marin. Les préventions
furent portées fi loin qu'on s'opiniâtra
à foutenir que le Navire feroit capot
en allant à l'eau . Il fut lancé , & il conferva
mieux fa direction qu'aucun navire.
On foutint enfuite qu'il ne pourroit pas
naviguer. On eut de la peine à trouver un
Capitaine & un équipage . Cependant il a
fait plufieurs voyages à S. Domingue. La
prévention ne fe décourage jamais ; elle
s'eft dédommagée de fes premieres erreurs
fur la marche de ce Navire : il eft vrai
qu'il n'a pas eu d'avantage de ce côté - là
fur les navires ordinaires ; ce n'eft point la
faute du fyftême du célebre Académicien.
La folidité de fes principes n'en eft point
affectée , & fa découverte conſerve toute
42 MERCURE DE FRANCE.
port ,
fa beauté , & mérite les plus grands éloges.
Le Problême confiftoit à trouver le navire
de la plus grande vitelle , du plus grand
& du moindre tirant d'eau . Pour
bien faire cette expérience , il eût fallu
être en place. Un particulier ne peut pas
rifquer la dépenfe d'une niachine auffi couteufe.
C'est ce que repréfentoit fortement
M. Bouguer qui n'étant pas fur
les lieux , ne pouvoit ni voir les chofes par
lui- même , ni donner tous les confeils qu'il
étoit naturel d'attendre de lui . M. Montaudouin
n'eut pour intéreffé dans cette
entreprife que fon frere. Il en auroit cherché
inutilement un autre . Cette confidération
importante fit faire des changemens.
Le constructeur n'exécuta pas toutes les parties
avec la même attention . Les frayeurs
du Capitaine obligerent de faire la mâture
trop courte ; & ces frayeurs ont encore
augmenté la longueur des traverfées.
Ainfi il n'eft point décidé que l'objet
de la marche foit manqué dans cette conftruction
, & il eft démontré que les deux
autres conditions du problème font parfaitement
remplies. Ce navire porte beaucoup
à raifon de fa grandeur , & il tire
près de trois pieds d'eau moins que les navires
ordinaires de fa capacité .
En 1753 , M. Montaudouin fut éla
DECEMBRE. 1755. 43
Conful. Cette place eft très - importante à
Nantes , parce qu'outre l'adminiſtration
de la juftice , elle embraffe la direction
des affaires générales du Commerce . Le
Confulat totalement diftinct dans fon origine
du Bureau de Ville , fe trouvoit par
une longue fuite d'abus , dans une dépendance
abfolue des Maire & Echevins . Ils
avoient la plus grande part aux élections ,
& y préfidoient . Le fiege du Confulat
étoit placé à l'Hôtel de Ville , c'est - à - dire ,
dans un éloignement extrême des Juges &
des parties. C'étoit - là la caufe principalede
l'abus . M. Montaudouin forma le projet
de remettre les chofes dans l'ordre . Il
avoit vu fur quel pied les Négocians
étoient en Angleterre & en Hollande Il
étoit fâché pour l'honneur de fon pays , &
de la raifon humaine , que les citoyens les
plus utiles fuflent regardés comme les plus
petits citoyens. Il y avoit de grands obſtacles
à combattre. La chofe avoit été tentée
plufieurs fois fans fuccès. L'abus étoit
ancien , & par conféquent refpectable pour
la multitude . La prévention affez répandue
dans le Royaume contre le commerce,
eft extrême en Bretagne ,
, & . fur-tout à
Nantes , quoique cette ville doive fa célébrité
& fon aifance au commerce . Ces
44 MERCURE DE FRANCE
difficultés , loin de le rebuter , l'animerent
davantage à la pourfuite de fon projer.
Ceux qui crurent devoir le traverſer , firent
les plus grands efforts ; ils fe permirent
même des excès que l'urbanité du
dix-huitieme fiecle ne comporte pas . On
ne leur oppofa que des raifons. Le Confeil
en fentit toute la folidité. Les chofes
font à préfent dans l'ordre. Le Tribunal
devant qui les affaires de commerce font
portées eft placé dans le bâtiment même
où les affaires du commerce fe font tous
les jours ; & le commerce élit paifiblement
ceux qui doivent le juger & le défendre.
M. Montaudouin remplit les différentes
fonctions attachées au Confulat avec le
plus grand éclat. Il traita plufieurs grandes
parties du commerce dans de fçavans
mémoires. Son grand talent étoit une aptitude
merveilleufe à trouver des raifons
folides , & il les ramenoit toujours à des
principes fimples & lumineux. Sa fanté
étoit très- délicate , l'application trop forte
qu'il donna aux affaires publiques , renverfa
bientôt cette foible fanté , qui ne fe
foutenoit que par un régime auftere ; il ne
buvoir que de l'eau , & ne foupoit point ;
mais l'excès du travail rendit fa fobriété
inutile . Il fut attaqué d'une fievre mali-
វ
DECEMBRE. 1755. 45
gne , qui l'emporta le 11 Septembre 1754,
l'âge de trente - neuf ans fept mois vingt
jours ( 1 ) . Jamais un fimple particulier
ne fut fi généralement regretté . Cette perte
fut regardée comme un malheur public .
Il est vrai qu'on ne vit jamais un meilleur
citoyen. Il dirigeoit toutes fes vues vers
le bien de fon pays. Il eftimoit moins
dans le commerce les avantages perfonnels
qui peuvent en réfulter , que les
moyens infinis que cette profeffion donne
d'être utile aux autres hommes , & d'exercer
fans ceffe la bienfaiſance , Son extérieur
étoit fort fimple. Son abord étoit facile ,
quoiqu'un peu froid , mais jamais ami ne
fut plus chaud. Il étoit parvenu, en aguerriffant
fans ceffe fa raifon , à conferver fon
ame dans une grande tranquillité : il ne s'en
écartoit guere , que quand il falloit lutter
contre de mauvais raifonnemens. La vérité
trouva en lui un défenſeur toujours zelé ,
mais jamais paffionné . Sa modeftie l'empêchoit
de s'appercevoir de ce qu'il valoit.
Il n'a rien donné au Public. On a trouvé
dans fes papiers un journal de fon voyage
en Angleterre , qui renferme des détails
utiles & curieux. Il avoit entrepris un
(1 ) La Gazette d'Avignon du 27 Septembra
1754 , en rapportant cette mort à l'article de Pa
ris , lui donne mal à propos 41 ans .
'
46 MERCURE DE FRANCE.
grand ouvrage fur les affurances maritimes.
Perfuadé que l'empire du hazard n'a
d'appui que dans la pareffe des hommes ,
il s'étoit propofé de déterminer la valeur
réelle des affurances fur le commerce maritime
de la ville de Nantes avec la Guinée
& les colonies en tems de paix . Il
étoit queſtion d'avoir la fomme des voyages
, & celle des pertes pendant un affez
long efpace de tems. Il embraffa dans fa
recherche trente années. Le grand embarras
confiftoit à avoir exactement les
états des pertes partielles ou avaries , parce
que ces objets ne font inférés fur aucun
regiftre public. Il entreprit d'en venir à
bout , & il en raffembla un grand nombre.
Pour rendre cet ouvrage d'une plus
grande utilité , il additionna le nombre de
jours de toutes les traverfées des navires
: par-là il avoit furement les traversées
moyennes ; mais cela ne le contenta pas
encore il vouloit avoir les traversées
moyennes dans les différens tems de l'année
, & il comptoit additionner à cet effet
toutes les traverfées des mêmes mois. Par
ce moyen , le jour de départ , & la prime
d'une traverfée ordinaire étant connus , on
peut déterminer l'augmentation de la prime
pour chaque jour qui excede la traverfée
ordinaire. La prime eft la fomme
DECEMBRE. 1755. 47
des dégrés de probabilité de perte , plus le
profit de l'affureur.
Il a auffi commencé un traité des Avaries.
Il vouloit établir un certain nombre
de formules qui puffent embraffer tous les
cas , & ôter tout l'arbitraire dans cette
partie , la plus difficile du commerce maritime.
On ne peut mieux terminer ce Mémoire
qu'en obfervant que M. le Duc d'Aiguillon
avoit une eftime particuliere pour
M. Montaudouin . Il a dit plufieurs fois
publiquement qu'il regardoit fa mort comme
une perte confidérable. On fçait que
ce refpectable Seigneur , fecond créateur
de la ville de Nantes & de fa navigation ,
n'eſt pas moins exercé dans la connoiffance
des hommes que dans la bienfaiſance.
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Résumé : Mémoire sur feu M. Montaudouin, de la Société Royale de Londres, Correspondant de l'Académie des Sciences, & Négociant.
René Montaudouin naquit à Nantes le 21 janvier 1715 dans une famille réputée pour son commerce et sa probité. Après des études infructueuses au Collège de la Flèche et à Rouen, il fut envoyé en Angleterre, où il admira le peuple pensant. De retour en France, il connut une conversion religieuse et se consacra aux mathématiques et à la métaphysique sous la direction du Père Giraud. En 1748, il retourna en Angleterre pour approfondir ses connaissances scientifiques et commerciales. Il fréquenta de nombreux savants et fut honoré par des personnalités influentes. De retour en France, il fut nommé correspondant de l'Académie des Sciences et construisit un navire selon les principes de Bouguer, malgré les préjugés du public marin. En 1753, il devint consul à Nantes, réformant le système judiciaire et commercial. Sa santé fragile, due à un régime austère et à un travail excessif, le conduisit à une mort prématurée le 11 septembre 1754 à l'âge de 39 ans. Montaudouin était respecté pour son dévouement au bien public et sa modestie. Il avait entrepris un ouvrage sur les assurances maritimes, mais il n'a rien publié de son vivant. Montaudouin a travaillé à améliorer l'utilité d'un ouvrage en calculant les traversées moyennes des navires. Il a d'abord additionné les jours de toutes les traversées pour obtenir une moyenne, puis cherché à déterminer les traversées moyennes pour différents moments de l'année en additionnant les traversées des mêmes mois. Cela permettrait, connaissant le jour de départ et la prime d'une traversée ordinaire, de déterminer l'augmentation de la prime pour chaque jour dépassant la traversée ordinaire. La prime est définie comme la somme des degrés de probabilité de perte et du profit de l'assureur. Montaudouin a également commencé un traité sur les avaries, visant à établir des formules pour embrasser tous les cas et éliminer l'arbitraire dans cette partie difficile du commerce maritime. Le Duc d'Aiguillon, seigneur respecté et bienfaiteur de la ville de Nantes, avait une grande estime pour Montaudouin, le considérant comme une perte considérable après sa mort.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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36
p. 237
AVIS.
Début :
Le Sieur Beaumont, Marchand sur le Pont Notre-Dame, au Griffon d'Or, [...]
Mots clefs :
Sieur Beaumont, Commerce, Ouvrages, Tableau de compte de l'Empereur Charlemagne, Tableau de change monétaire, Tableau monétaire
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texteReconnaissance textuelle : AVIS.
AVIS.
·
LE Sieur Beaumont , Marchand fur le Pont
Notre-Dame, au Griffon d'Or , à Paris , continue
de vendre les ouvrages de M. Dernis , Chef
du Bureau des Archives de la Compagnie des
Indes , confiftant 19. En un Tableau contenant les
Parités réciproques de la livre numéraire , ou
de compte inftituée par l'Empereur Charlemagne ,
proportionnément à l'augmentation du prix du
marc d'argent , depuis fon regnejufqu'à préfent .
2º. Un Tableau fur les changes , entre la
France & les principales villes de l'Europe ;
par lequel on peut voir en tout temps , fi la
France eft créanciere ou débitrice des autres
états.
3º. Un autre Tableau contenant la réduction
en monnoie de France , des monnoies de change
des mêmes Villes,
·
LE Sieur Beaumont , Marchand fur le Pont
Notre-Dame, au Griffon d'Or , à Paris , continue
de vendre les ouvrages de M. Dernis , Chef
du Bureau des Archives de la Compagnie des
Indes , confiftant 19. En un Tableau contenant les
Parités réciproques de la livre numéraire , ou
de compte inftituée par l'Empereur Charlemagne ,
proportionnément à l'augmentation du prix du
marc d'argent , depuis fon regnejufqu'à préfent .
2º. Un Tableau fur les changes , entre la
France & les principales villes de l'Europe ;
par lequel on peut voir en tout temps , fi la
France eft créanciere ou débitrice des autres
états.
3º. Un autre Tableau contenant la réduction
en monnoie de France , des monnoies de change
des mêmes Villes,
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Résumé : AVIS.
Le Sieur Beaumont vend les ouvrages de M. Dernis, Chef du Bureau des Archives de la Compagnie des Indes. Ces ouvrages incluent trois tableaux : les parités de la livre de Charlemagne, les changes entre la France et l'Europe, et la conversion des monnaies étrangères en monnaie française.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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37
p. 205-218
ALLEMAGNE.
Début :
Le 2, le Sieur de Klinggraff remis au Ministere un nouveau Mémoire, portant [...]
Mots clefs :
Vienne, Sieur de Klinggraff, Roi de Prusse, Impératrice-Reine, Combats, Royaume de Bohême, Régiments, Dresde, Famille royale, Camp de Pirna, Soldats, Officiers, Discours de la reine, Conseillers prussiens, Ordonnance du roi, Directoire de guerre, Leipzig, Troupes prussiennes, Déclaration du roi, Commerce, Comte de Salmour, Tactique militaire, Fortifications, Berlin, Cavalerie, Infanterie, Motifs de la guerre, Hambourg, Ratisbonne, Electorat de Saxe
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texteReconnaissance textuelle : ALLEMAGNE.
ALLEMAGNE.
DE VIENNE , le 19 Septembre.
E2 , LE 2, le Sieur de Klinggraff remit au Miniftere
un nouveau Mémoire , portant en fubftance :
Que cette Princeffe n'avoit point répondu à la demande
qui fai oit le principal article du Mémoire
pré'enté par lui le 18 du mois dernier ; fçavoir ,
que S. M. Impériale & Royale , donnât une déclaration
formelle , quelle n'avoit aucune intention
d'attaquer S. M. Pruffienne , ni cette année
ni l'année prochaine : que le Roi de Pruffe avoit
entrevu , dans le filence de l'Impératrice Reine
fur cette demande , les difpofitions peu favorables
où elle étoit à ſon égard ; que cependant ce Prince
, pour faire voir combien il défiroit la confervation
de la tranquillité générale , réitéroit encore
une fois les inftances , pour obtenir les affurances
qu'il avoit demandées ; que l'Impératrice
Reine n'auroit pas plutôt donné ces affurances ,
que Sa Majefté Pruffienne feroit retirer les troupes.
La réponſe de l'Impératrice Reine à ce Mémoire
a été : « Qu'a peine il lui a été préſenté ,
» qu'Elle a reçu la nouvelle de l'entrée des trou-
»> pes Pruffiennes en Saxe , & du Manifefte pu-
» blié à cette occafion par le Roi de Pruffe ; qu'a
206 MERCURE DE FRANCE.
1
» près une aggreſſion auffi marquée , il n'eft plus
» queftion d'autre réponse que de celle que S. M.
» Impériale & Royale fe propofe de faire au Ma-
» nifefte de Sa Majefté Pruffienne ; que la der-
» niere , qui a été remife au Sieur de Klinggraff ,
» contient toutes les explications , qui peuvent
» être compatibles avec la dignité de S. M. Impé-
» riale & Royale ; que la propofition de conver-
» tir en treve une paix fondée ſur des Traités fo-
» lemnels , n'eft fufceptible d'aucune reponſe » .
Le Sieur de Klinggraff partit hier , fans prendre
congé. Leurs Majeftés Impériales ont mandé au
Comte de la Puebla , leur Miniftre en Pruffe , de
quitter Berlin de la même maniere.
On vient d'apprendre que le 13 de ce mois le
Roi de Pruffe a commencé les actes d'hoftilisé
dans le Royaume de Boheme. Huit Eſcadrons de
fes troupes ont attaqué les Gardes avancées de
·P'armée de l'Impératrice Reine ; mais ils ont été
repouffés trois fois. On leur a tué quatorze hommes
, & l'on a fait prifonnier un Huffard. Les
Autrichiens n'ont eu que deux foldats bleffés. Sept
Compagnies du Régiment de Portugal font attendues
ici , pour remplacer un pareil nombre de
Compagnies du Régiment de l'Archiduc Pierre ,
qui ont pris la route de Boheme. L'Impératrice
Reine a envoyé ordre dans les Cercles antérieurs
de ce Royaume d'enrôler tous les jeunes gens en
état de fervir , & de faire paffer dans les Cercles
voifins de l'Autriche & de la Moravie les enfans
depuis l'âge de huit ans jufqu'à feize , afin de les
fouftraire à la néceffité d'entrer au ſervice de Sa
Majesté Pruffienne . Près de huit cens familles ,
dans la crainte d'être exposées aux horreurs de la
guerre , font forties de la Siléfie Autrichienne , &
fe font réfugiées tant ici que dans les environs,
OCTOBRE. 1756. 207
On a muni de trois cens pieces de canon la Place
d'Olmutz , dont le commandement a été donné
au Baron de Marshall.
Toutes les troupes qui font en quartiers dans
les Provinces Héréditaires depuis la mer Adriati→
que jufqu'au Danube , fe tiennent prêtes à marcher.
On a envoyé des ordres à la Régence du
Tirol de faire les difpofitions néceffaires pour le
paffage d'une partie des Bataillons , que l'Impératrice
Reine retire de fes Etats d'Italie . De pareils
ordres ont été envoyés à la Régence du Trentin.
DE DRESDE , le 23 Septembre.
Les circonftances préfentes ont déterminé le
Roi à quitter cette Ville ; & Sa Majeſté , accompagnée
des Princes Xavier & Charles , s'eft
rendue au camp de Pirna. La Reine eft reftée ici
avec le Prince Royal les jeunes Princes &
Princeffes. Le Roi de Pruffe les a fait affurer
que les égards refpectueux qui leur étoient dûs ,
feroient religieufement obfervés. Par ordre de ce
Prince , on a fermé les Tribunaux , & le fcellé a
été mis à tous les Bureaux de la Chancellerie . Sa
Majefté Pruffienne arriva ici le 10. Elle n'y a pas
fait un long séjour , & Elle est allée rejoindre fes
troupes , dont le quartier général eft actuellement
à Zedlitz. A Pexception de quelques Couriers
qui apportent à la Reine des nouvelles de la fanté
du Roi , aucune perfonne venant du camp de Pirna
n'a permiffion d'entrer dans cette Ville La Gar
nifon , que le Roi de Proffe y a laiffée , eft
compofée de deux mille hommes , & eft commandée
par le Baron de Willich . II eft défendu
à tout foldat Pruffien foit dans cette Capitale ,
foit dans tout autre endroit de l'Electorat , d'éxi¬
208 MERCURE DE FRANCE.
ger pour fa fubfiftance plus de deux livres de pain ,
d'une demi-livie de viande , & de deux pots de
bier . Aujourd'hui foixante Bâtimens ont paílé
fur l'Elbe , chargés de provifions pour l'armée
Pruffienne. La quantité de celles qu'on a tirées des
différentes partes de la Saxe , afin de fatistaire aux
livr.ifons néceffaires pour cette armée , a tellement
épuifé le pays , que les grains font montés
au quadruple du prix ordinaire.
Par ordre du Roi de Pruffe , le Baron de Willich
a fait enlever l'artillerie , les armes , les drapeax
& les étendards qui étoient dans l'Arſenal
de cette Ville , & on les tranfporte à Magdebourg
pour y demeurer en dépôt jufqu'à la conclufion
d'un accommodement. Le même Commandant
ayant pris une notice exacte de tous les Officiers
Saxons qui fe trouvoient ici , leur a fignifié : « Qu'ils
Détoient prifonniers de guerre ; qu'on leur laiffoir
cependant leurs épées , mais qu'ils devoient
s'engager formellement à ne point fervir contre
»Sa Majefté Pruffienne.
Le 14 de ce mois , la Reine fit prier les Miniftres
étrangers de fe rendre au Château , où Elle
leur tint ce difcours : « Meffieurs , les circonftan-
»ces préfentes me forcent de vous déclarer que
»Sa Majesté Pruffienne , avant d'entrer en Saxe ,fit
» donner au Roi mon époux , les affurances les plus
fortes d'une amitié inaltérable . Sur des affuran-
» ces pareilles & auffi pèu équivoques , le Roi mon
wépoux ne balança point à accorder aux trou-
»pes Pruffiennes un paffage fimple & exempt de
préjudice auffi - tôt que Sa Majesté le Roi de
»Pruffe l'eût demandé à notre Miniftre à Berlin.
»Nous n'avons pas même eu la moindre défiance ,
wen voy int ces troupes étrangeres entrer fur no-
»tre territoire. Mais au lieu d'une exacte diſcipline
OCTOBRE. 1756. 209
»& d'un paiement régulier que nous attendions
»d'elle , nous avons vu avec douleur que le Prince
»de Brunſwic , non content d'avoir fait mettre le
»fcellé fur toutes les caiffes de nos revenus à
Leipfick , a convoqué nos Etats pour leur donner
des ordres abfolument contraires à nos inten-
»tions. Le Roi mon époux , envoya le Général .
Meager à S. M. Pruflienne , pour lui repréſenter
qu'on ne pouvoit combiner ces fortes d'actes
d'hoftilité avec les déclarations précédentes , &
que d'ailleurs le Roi n'avoit d'autres vues que
»d'obferver, la plus exacte neutralité dans cette
guerre. La réponse que le Général Meager reçut
par écrit , ne fut qu'un extrait de la Déclaration
publiée de la part du Roi de Pruffe , pour jufti
fier les motifs de fon entrée dans ce pays. Après
Dune réponse auffi vague & auffi peu catégorique ,
Dle Roi mon époux , toujours animé d'un vrai
ndefir d'entretenir la paix en Allemagne & le
repos dans les Etats , pria le Lord Stormont &
Dle Sieur de Malzahn d'aller au camp. Pruffien •
»pour fçavoir les intentions du Roi de Pruffe &
ce qu'il exigeoit. Mais loin de rien propofer &
»de rien entendre , le Roi de Pruffe répliqua au
»Lord Stormont : Tout ce que vous me proposez
one me convient point , & de ma part je n'ai au
cune propofition à faire. Après le retour du I ord ,
»le Roi fe rendit à Pirna. J'y voulus envoyer un
Page chargé d'une Lettre ; mais on l'arrêta , &
» même on m'a refufé d'y pouvoir envoyer un
»Gentilhomme qui ne feroit chargé d'aucune lettre.
Enfin quoiqu'hier le Général Lentulus m'ait
waffuré de la part de S. M. Pruffienne , que la
»garnifon qu'on avoit mife en cette Capitale y
étoit pour ma sûreté , & même à mes ordres ,
non eft venu néanmoins à l'extrêmité de me
210 MERCURE DE FRANCE:
demander aujourd'hui les clefs du cabinet des
>>Archives. N'ayant pu réfifter à la force dont on
»me menaçoit , je les ai remiſes à l'Officier qui
»avoit la commiffion de les recevoir. Pour fur-
>> croit de chagrin , mes Miniftres de Conférence
» m'ont communiqué dans ce moment l'infinua
»tion qui leur a été faite par le Général Keith ,
»que le Roi de Pruffe fe propofoit de fubftituer
>> en lear place des Confeillers Pruffiens , pour
Davoir foin de l'adminiſtration de cet Electorat.
>> Telle eft , Meffieurs, la triſte ſituation où nous
nous trouvons. Nous espérons que vous en ferez
un fidele rapport à vos Cours refpectives , &
»nous fommes perfuadés qu'Elles n'approuveront
»pas le tort qui nous arrive , & qu'au contraire
»Elles jugeront qu'il eft de leurs intérêts d'épouſer
>> les nôtres. »
La Reine en remettant les clefs des Archives à
l'Officier Pruffien , qui avoit été chargé de les demander
, lui avoit dit : « Malgré le rang où la
nature m'a placée , je partage avec la derniere
»des fujettes le malheureux fort tombé fur la Saxe.
>>Séparée du Roi mon époux , & d'une partie de
»ma famille , j'effuie avec le refte de mes enfans
»le défagrément d'un état plein d'angoiffe & d'in-
» quiétude , & je me vois expofée avec cette partie
»de ma famille , qui eft auprès de moi , à manquer
» bientôt des chofes néceffaires , par la privation
des moyens propres à me les procurer. » Le Roi
de Pruffe informé des plaintes de cette Princeffe ,
lui a fait réitérer qu'il avoit donné les ordres les
plus précis pour lui faire garder le refpect qui lui
étoit dû ; que fi ces ordres étoient mal fuivis ,
Elle eût à l'en faire avertir , & qu'il puniroit févérement
les contrevenans ; qu'Elle ni la Famille
Royale & Electorale ne manqueroient jamais des
OCTOBRE. 1756. 211
chofes néceſſaires ; que la dignité de leur rang &
de leur état ne feroit jamais confondue avec les
circonftances qui regardoient le Public ; qu'ainfi
il prioit Sa Majefté de vouloir bien fe tranquillifer
, & de ne point outrer les idées qu'Elle fe formoit
de l'état des choſes. En même temps S. M.
Pruffienne a recommandé aux Officiers des Détachemens
poftés entre fon camp & cette Ville ,
de laiffer paffer librement tout ce qui étoit pour
le fervice de la Reine , des Princes & des Princeffes.
Il paffe tous les jours ici des Régimens , tant
d'Infanterie que de Cavalerie , qui vont joindre
l'armée du Roi de Pruffe. Tous les avis confirment
que ce Prince dirige fa marche fur Leitmaritz.
Depuis avant - hier les Bourgeois de cette
Capitale font difpenfés de fournir le pain aux foldats
Pruffiens , qui y font en garniſon ; mais on
continue de fournir à ces Soldats la viande & la
biere.
On publia à Torgaw le 13 , une Ordonnance ,
dont voici la teneur : « Sa Majefté le Roi de Pruf-
»fe , par des motifs fondés fur la néceffité des
conjonctures, a pris la réfolution d'établir à Tor-
»gaw un Directoire de Guerre pour la perception
»de tous les revenus , tant de la Chambre des Fi-
» nances , que de l'Ectorat de Saxe , fous quelque
nom que ce puiffe être. En conféquence , tous
les Receveurs des Accifes générales & autres
» droits , de même que les Fermiers Officiers , &
généralement tous les Suppots des Douanes &
» Péages , fans exception , font avertis d'apporter
& de délivrer fidélement audit Directoire de
» Guerre les deniers qu'ils fe trouveront avoir en
»caiffe ; & ce fous peine de double reftitution &
de caflation , ou même de prifon , fuivant l'exi
212 MERCURE DE FRANCE.
» gence du cas. Ce qu'ils devront faire à l'avenir
»tous les mois , fans y manquer : leur étant dé-
» fendu très-expreflément de remettre aucun de
ces deniers à qui que ce foit , finon au ſeul Di-
»rectoire fufdit. »
DE LEIPSICK , le 22 Septembre.
Divers Détachemens des troupes Pruffiennes
ont occupé dans cet Electorat les Villes de Merfbourg
, d'Eifleben , de Naumbourg , de Weffeinfels
, de Zeitz & de Torgaw . La Colonne ,
à la tête de laquelle eft le Roi de Pruffe , a pris
fa marche le long de l'Elbe . Elle campa le 6 à
Rothen Schoneberg , la droite appuyée fur Tan
nenberg , & la gauche fur Wundfchritz . Le jour
précédent , la Colonne du Prince Ferdinand de
Brunfwic avoit campé près de Freyberg , & celle
du Prince de Bevern à Fifchbach , de l'autre côté
de l'Elbe. Depuis le Roi de Pruffe s'eſt avanté
à Torgaw , où il a établi fon quartier genéral .
Le Comte de Stormont , Envoyé du Roi de la Grande-
Bretagne auprès de Roi , s'eft rendu auprès de
S. M. Pruthienne avec deux Miniftres de Sa Majefté.
Les Pruffiens ont vuidé les Arfenaux des
principales Villes où ils ont paffé ; & ils en ont
fait voiturer l'artillerie à To gaw.
On publia le 15 une Déclaration , dont voici la
teneur. « Sa Majesté le Roi de Pruffe ayant pris -
>>fous fa garde & protection les Etats Electoraux
» de la Maifon de Saxe ; ont fait fçavoir , de la
» part de S. M. , à tous & un chacun , que fon
»intention eft , que perfonne , à l'occafion des
> troubles actuels ne foit inquiété dans fa pro-
»feſſion , mais qu'au contraire chacun puiffe y
vaquer tranquillement , & comme à l'ordinai
OCTOBRE. 1756. 213
»re. S. M. défire auffi , que les Foires de Léipfick
& de Naumbourg , & les autres Marchés
>> publics , fe tiennent fuivant l'ufage établi ; que
tous les acheteurs ou vendeurs , qui voudront
ns'y rendre , puiffent les fréquenter librement ,
D& qu'il ne leur foit apporté à cet égard aucun
»obftacle ni empêchement . A ces caufes , S. M. fait
>> affurer tous Commerçans , Négocians , & Fa-
>> bricans , tant de cet Electorat que des pays
»étrangers , qui font dans l'habitude de fréquenwter
leidites Foires & lefdits Marchés publics , &
>> qui voudront y venir aux temps accoutumé
nqu'ils y jouiront d'une entiere liberté & fûreté
»pour leurs perfonnes & pour leurs effets ; que
S. M. les prend fous fa pro.ection & fauvegarde
>>Royale, & qu'il leur fera accordé en confequen-
» ce les faufconduits néceffaires » . Le Commiffaire
, qui eft ici de la part du Roi de Pruffe , a annoncé
aux habitans , qu'ils pouvoient payer leurs
taxes aux Receveurs ordinaires.
Sur les nouvelles affurances que le Roi a fait
donner à ce Prince par le Comte de Salmour ,
que Sa Majesté avoit toujours été dans la réfolution
de ne prendre aucune part aux différends
furvenus entre les Cours de Vienne & de Berlin ;
S. M. Pruffienne a répondu : « Qu'Elle ne fou-
»haitoit rien de plus Elle-même , que de trouver
»le Roi dans ces fentimens ; que la neutralité ,
aque le Roi défiroit d'obferver , étoit précifé-
>> ment ce qu'Elle requéroit de lui ; mais que pour
>> rendre cette neutralité plus fûre , & la mettre à
»l'abri de variation , il convenoit que le Roi fé-
»parât fon armée , & qu'il renvoyat dans leurs
»quartiers les troupes qu'il avoit affemblées à
»Pirna ; que fi le Roi vouloit donner par une
»femblable démarche la preuve de fes difpofitions
214 MERCURE DE FRANCE.
pacifiques , S. M. Pruflienne fe feroit dès lors un
»plaifir de montrer , par une égale condescendanace
, combien Elle étoit portée de ſon côté à
donner des marques réelles de ſon amitié au
>>Roi , & à fe concerter avec Sa Majeſté ſur les
arrangemens que les conjonctures peuvent requérir
» . Le Roi n'eft point dans la réfolution
d'accepter la propofition du Roi de Pruffe , & Sa
Majefté a déclaré , « Qu'Elle attendroit dans fon
camp la décifion des évenemens ; que fi les
Pruffiens entreprenoient de l'y forcer ,Elle foutiendroit
leurs efforts ».
Divers mouvemens du Roi de Pruffe donnant
lieu de croire qu'il a deffein de refferrer de tous
côtés le camp de Pirna , le Feld-Maréchal Comte
de Browne a décampé de Kollin le 9 de ce mois ,
pour fe porter en avant , & pour tâcher de conferver
la communication avec les troupes Saxonnes.
Le Corps que ce Général a détaché fous les
ordres du Comte de Wied , s'eft faifi des paffages
entre Trebnitz & Catharinenberg: On a reçu
avis que les Pruffiens établiffent des batteries pour
attaquer les Saxons dans leur camp.
Selon les nouvelles qu'on a du camp de Pirna ,
le Roi a fait diftribuer aux différens Corps de fes
troupes la Déclaration fuivante. « Dès le com-
»mencement de l'invafion des troupes Pruffien-
»nes dans cet Electorat , Sa Majefté a mis tout
wen oeuvre , pour tâcher de faire un accommode-
>ment avec le Roi de Pruffe. Ce Prince ayant
mexigé des conditions inouies , Sa Majefté non-
>>feulement les a rejettées , mais a fait fçavoir à
»S. M. Pruffienne , qu'Elle aimoit mieux tout perdre
que de s'y foumettre. Ainfi Sa Majesté atptend
de la bravoure & de la fermeté de fes fidelles
troupes , qu'elles fe montreront diſpoſées à
OCTOBRE. 1756. 215
foutenir jufqu'à la derniere goutte de leur fang ,
»la réfolution qu'a prife Sa Majefté. Elle les ex-
>> horte à tout facrifier pour la défenfe de leur
>>Roi, & pour la confervation de leur
»ne ur» .
propre
hon-
Le Roi de Pruffe eſpérant de réduire l'armée
du Roi par la famine , a laiffé vingt mille hom
ines pour tenir le camp de Sa Majefté bloqué . La
femaine derniere , les Pruffiens firent fauter les
fortifications de Wittemberg, Ils fortifient actuellement
laVille de Torgaw , où leur Directoire de
Guerre eft établi . Ce Directoire a fommé les différens
Cercles, de l'Electorat , de livrer , d'ici à
trois ſemaines au plus tard , onze cens boeufs ,
deux mille cinq cens moutons , deux cens mille
mefures d'avoine , cent cinquante mille quintaux
de foin & vingt mille bottes de paille. Cette fourniture
eft évaluée à fix cens vingt - cinq mille
écus .
DE BERLIN , le 21 Septembre.
Les troupes d'Infanterie du Roi confiftent en
cent quarante bataillons. La Cavalerie eft compofée
d'un Efcadron de Gardes du Corps , de foixante
Efcadrons de Gendarmes , Carabiniers &
Cuiraffiers , de foixante-dix Efcadrons de Dragons
, de quatre-vingt Efcadrons de Huffards , &
de deux Efcadrons de Chaffeurs à cheval. Deux
Corps d'armée font affemblés dans la Haute &
dans la Baffe Siléfie , & ont occupé les défilés ,
par lesquels on peut paffer du Royaume de Bo
heme dans cette Province. Il y a auffi quelques
troupes campées dans les environs de Glatz. A
juger par ces difpofitions , il paroît que le Roi fe
propofe non feulement de couvrir la Siléfie , mais
216 MERCURE DE FRANCE.
`auffi de faire entrer de ce côté une feconde armée
en Boheme.
Dans l'expofé des motifs qui ont déterminé le
Roi à prendre les armes , Sa Majefté le plaint particuliérement
de ce que l'Impératrice Reine de
Hongrie & de Boheme , a augmenté jufqu'à foixante
pour cent , les droits fur les marchandifes
des Etats de Pruffe. Voici un des endroits les plus
remarquables de cet expofé. a Il eft certain que
>>le Roi commence les hoftilités : mais comme ce
>>terme a fouvent été confondu avec celui d'aggreffion
, l'on fe croit obligé de diftinguer le fens
de ces deux mots . Par aggreffion , l'on doit en-
»tendre tout acte , qui eft diamétralement oppofé
à l'efprit d'un Traité de Paix. Une Ligue of
fenfive ; des ennemis qu'on fufcite , & qu'on
pouffe à faire la guerre à une Puiffance ; le deffein
d'envahir les Etats d'autrui ; une irruption
>>foudaine ; toutes ces chofes différentes font au-
»tant d'aggreffions , quoique la derniere feule fe
trouve dans le cas des hoftilités . Quiconque cher-
>>che à fe défendre contre ces aggreffions , ou à en
»prévenir les fuites , peut commencer les hoftiliwtés
, mais il n'eft pas l'aggreffeur » ...... Cet Ecrit
finit ainfi : « S. M. déclare , que les Libertés du
»Corps Germanique ne feront ensevelies qu'en
>> un même tombeau avec la Pruffe. Elle prend le
Ciel à témoin , qu'ayant vainement employé les
moyens les plus convenables pour préferver fes
»propres Etats & toute l'Allemagne , des fléaux de
Dla guerre dont ils étoient ménacés , Elle eft for
cée de prendre les armes , pour diffiper une
»confpiration tramée contre fes poffeffions & fes
>> Etats .... Le Roi ne s'écarte de fa modération
»ordinaire , que parce que cette vertu ceffe d'én
pêtre une , lorfqu'il s'agit de défendre fon honneur
OCTOBRE . 1756. 217
neur , fon indépendance , fa Patrie & fa Cou-
>>ronne » . Le Comte de la Puebla , Miniftre de
Leurs Majeftés Impériales , partit le 16 , fans
prendre congé.
La petite ville de Biefenthal , fituée à quatre
lieues d'ici , a été totalement réduite en cendres.
Différentes perfonnes ont péri dans les flammes ,
entr'autres , plufieurs enfans qui avoient été renfermés
dans les maifons , pendant que leurs parens
étoient fortis pour vaquer à leurs affaires.
Le feu a pris auffi au Château de Guffou , apparte
nant au Comte de Podewils , Premier Miniftre
d'Etat ; & le dommage cauté par cet incendie ,
monte à près de vingt mille écus.
DE HAMBOURG , le 25 Septembre.
Plufieurs lettres marquent que tandis que le Roi
de Pruffe eft entré en Boheme avec quarante mille
hommes , le Feld . Maréchal Schwerin y a débouché
avec trente- cinq mille hommes, par le Comté
de Glatz. Si l'on en croit les mêmes lettres , le
fieur Calkoen , Envoyé Extraordinaire des Etats
Généraux des Provinces-Unies auprès du Roi de
Pologne Electeur de Saxe , s'eft joint au Comte
de Stormont , pour tâcher de ménager , entre
8. M. Pruffienne & S. M. Polonoiſe , un accord
qui pût procurer aux deux Parties une fûreté convenable.
Il y a eu le 21 ,à ce qu'on affure , quelques
nouveaux articles propofés de part & d'autre.
Le fieur de Soltikoff , Envoyé Extraordinaire
de l'Impératrice de Ruffie auprès des Cercles de
la Baffe Saxe , a notifié aux Magiftrats de cette
Ville , ainsi qu'aux Miniftres Etrangers qui y réfi
dent , Que cette Princeffe , vu les mouvemens des
troupes du Roi de Prufſe , ſe trouve dans la nécef-
II. Vol. K.
218 MERCURE DE FRANCE.
fitédefaire marcher une armée aufecours de fes Al
liés contre S. M. Pruffienne . Le bruit court , que
cette armée fera de cent vingt mille hommes, Oa
ajoute que S. M. Imp. de Ruffie a ordonné d'équipper
une Flotte , pour fervir au tranfport des
troupes qu'Elle jugera à propos de faire embar
quer.
DE RATISBONNE , le 24 Septembre .
Auffitôt que l'Empereur a été informé de l'entrée
des troupes Pruffiennes dans l'Electorat de
Saxe , S. M. Imp. a adreffé un Décret au Roi de
Pruffe , pour le fommer de faire retirer les troupes
, faute de quoi il feroit procédé contre S. M.
Pruffienne en la maniere prefcrite par les Loix de
l'Empire. Un autre Décret ordonne à tous les
Vaffaux des Princes & Etats d'Allemagne , qui
font employés dans les troupes du Roi de Pruffe,
de quitter inceffamment le fervice de ce Prince.
Par un troifieme Décret , l'Empereur défend à
tous Princes , Etats ou Membres du Corps Germa
nique , de fouffrir qu'il foit fait chez eux aucunes
levées de Soldats pour S. M. Pruſſienne , &
de lui prêter aucune affiftance dans les circonftances
actuelles , le tout à peine d'encourir les
condamnations ftatuées par les Conſtitutions de
l'Empire.
DE VIENNE , le 19 Septembre.
E2 , LE 2, le Sieur de Klinggraff remit au Miniftere
un nouveau Mémoire , portant en fubftance :
Que cette Princeffe n'avoit point répondu à la demande
qui fai oit le principal article du Mémoire
pré'enté par lui le 18 du mois dernier ; fçavoir ,
que S. M. Impériale & Royale , donnât une déclaration
formelle , quelle n'avoit aucune intention
d'attaquer S. M. Pruffienne , ni cette année
ni l'année prochaine : que le Roi de Pruffe avoit
entrevu , dans le filence de l'Impératrice Reine
fur cette demande , les difpofitions peu favorables
où elle étoit à ſon égard ; que cependant ce Prince
, pour faire voir combien il défiroit la confervation
de la tranquillité générale , réitéroit encore
une fois les inftances , pour obtenir les affurances
qu'il avoit demandées ; que l'Impératrice
Reine n'auroit pas plutôt donné ces affurances ,
que Sa Majefté Pruffienne feroit retirer les troupes.
La réponſe de l'Impératrice Reine à ce Mémoire
a été : « Qu'a peine il lui a été préſenté ,
» qu'Elle a reçu la nouvelle de l'entrée des trou-
»> pes Pruffiennes en Saxe , & du Manifefte pu-
» blié à cette occafion par le Roi de Pruffe ; qu'a
206 MERCURE DE FRANCE.
1
» près une aggreſſion auffi marquée , il n'eft plus
» queftion d'autre réponse que de celle que S. M.
» Impériale & Royale fe propofe de faire au Ma-
» nifefte de Sa Majefté Pruffienne ; que la der-
» niere , qui a été remife au Sieur de Klinggraff ,
» contient toutes les explications , qui peuvent
» être compatibles avec la dignité de S. M. Impé-
» riale & Royale ; que la propofition de conver-
» tir en treve une paix fondée ſur des Traités fo-
» lemnels , n'eft fufceptible d'aucune reponſe » .
Le Sieur de Klinggraff partit hier , fans prendre
congé. Leurs Majeftés Impériales ont mandé au
Comte de la Puebla , leur Miniftre en Pruffe , de
quitter Berlin de la même maniere.
On vient d'apprendre que le 13 de ce mois le
Roi de Pruffe a commencé les actes d'hoftilisé
dans le Royaume de Boheme. Huit Eſcadrons de
fes troupes ont attaqué les Gardes avancées de
·P'armée de l'Impératrice Reine ; mais ils ont été
repouffés trois fois. On leur a tué quatorze hommes
, & l'on a fait prifonnier un Huffard. Les
Autrichiens n'ont eu que deux foldats bleffés. Sept
Compagnies du Régiment de Portugal font attendues
ici , pour remplacer un pareil nombre de
Compagnies du Régiment de l'Archiduc Pierre ,
qui ont pris la route de Boheme. L'Impératrice
Reine a envoyé ordre dans les Cercles antérieurs
de ce Royaume d'enrôler tous les jeunes gens en
état de fervir , & de faire paffer dans les Cercles
voifins de l'Autriche & de la Moravie les enfans
depuis l'âge de huit ans jufqu'à feize , afin de les
fouftraire à la néceffité d'entrer au ſervice de Sa
Majesté Pruffienne . Près de huit cens familles ,
dans la crainte d'être exposées aux horreurs de la
guerre , font forties de la Siléfie Autrichienne , &
fe font réfugiées tant ici que dans les environs,
OCTOBRE. 1756. 207
On a muni de trois cens pieces de canon la Place
d'Olmutz , dont le commandement a été donné
au Baron de Marshall.
Toutes les troupes qui font en quartiers dans
les Provinces Héréditaires depuis la mer Adriati→
que jufqu'au Danube , fe tiennent prêtes à marcher.
On a envoyé des ordres à la Régence du
Tirol de faire les difpofitions néceffaires pour le
paffage d'une partie des Bataillons , que l'Impératrice
Reine retire de fes Etats d'Italie . De pareils
ordres ont été envoyés à la Régence du Trentin.
DE DRESDE , le 23 Septembre.
Les circonftances préfentes ont déterminé le
Roi à quitter cette Ville ; & Sa Majeſté , accompagnée
des Princes Xavier & Charles , s'eft
rendue au camp de Pirna. La Reine eft reftée ici
avec le Prince Royal les jeunes Princes &
Princeffes. Le Roi de Pruffe les a fait affurer
que les égards refpectueux qui leur étoient dûs ,
feroient religieufement obfervés. Par ordre de ce
Prince , on a fermé les Tribunaux , & le fcellé a
été mis à tous les Bureaux de la Chancellerie . Sa
Majefté Pruffienne arriva ici le 10. Elle n'y a pas
fait un long séjour , & Elle est allée rejoindre fes
troupes , dont le quartier général eft actuellement
à Zedlitz. A Pexception de quelques Couriers
qui apportent à la Reine des nouvelles de la fanté
du Roi , aucune perfonne venant du camp de Pirna
n'a permiffion d'entrer dans cette Ville La Gar
nifon , que le Roi de Proffe y a laiffée , eft
compofée de deux mille hommes , & eft commandée
par le Baron de Willich . II eft défendu
à tout foldat Pruffien foit dans cette Capitale ,
foit dans tout autre endroit de l'Electorat , d'éxi¬
208 MERCURE DE FRANCE.
ger pour fa fubfiftance plus de deux livres de pain ,
d'une demi-livie de viande , & de deux pots de
bier . Aujourd'hui foixante Bâtimens ont paílé
fur l'Elbe , chargés de provifions pour l'armée
Pruffienne. La quantité de celles qu'on a tirées des
différentes partes de la Saxe , afin de fatistaire aux
livr.ifons néceffaires pour cette armée , a tellement
épuifé le pays , que les grains font montés
au quadruple du prix ordinaire.
Par ordre du Roi de Pruffe , le Baron de Willich
a fait enlever l'artillerie , les armes , les drapeax
& les étendards qui étoient dans l'Arſenal
de cette Ville , & on les tranfporte à Magdebourg
pour y demeurer en dépôt jufqu'à la conclufion
d'un accommodement. Le même Commandant
ayant pris une notice exacte de tous les Officiers
Saxons qui fe trouvoient ici , leur a fignifié : « Qu'ils
Détoient prifonniers de guerre ; qu'on leur laiffoir
cependant leurs épées , mais qu'ils devoient
s'engager formellement à ne point fervir contre
»Sa Majefté Pruffienne.
Le 14 de ce mois , la Reine fit prier les Miniftres
étrangers de fe rendre au Château , où Elle
leur tint ce difcours : « Meffieurs , les circonftan-
»ces préfentes me forcent de vous déclarer que
»Sa Majesté Pruffienne , avant d'entrer en Saxe ,fit
» donner au Roi mon époux , les affurances les plus
fortes d'une amitié inaltérable . Sur des affuran-
» ces pareilles & auffi pèu équivoques , le Roi mon
wépoux ne balança point à accorder aux trou-
»pes Pruffiennes un paffage fimple & exempt de
préjudice auffi - tôt que Sa Majesté le Roi de
»Pruffe l'eût demandé à notre Miniftre à Berlin.
»Nous n'avons pas même eu la moindre défiance ,
wen voy int ces troupes étrangeres entrer fur no-
»tre territoire. Mais au lieu d'une exacte diſcipline
OCTOBRE. 1756. 209
»& d'un paiement régulier que nous attendions
»d'elle , nous avons vu avec douleur que le Prince
»de Brunſwic , non content d'avoir fait mettre le
»fcellé fur toutes les caiffes de nos revenus à
Leipfick , a convoqué nos Etats pour leur donner
des ordres abfolument contraires à nos inten-
»tions. Le Roi mon époux , envoya le Général .
Meager à S. M. Pruflienne , pour lui repréſenter
qu'on ne pouvoit combiner ces fortes d'actes
d'hoftilité avec les déclarations précédentes , &
que d'ailleurs le Roi n'avoit d'autres vues que
»d'obferver, la plus exacte neutralité dans cette
guerre. La réponse que le Général Meager reçut
par écrit , ne fut qu'un extrait de la Déclaration
publiée de la part du Roi de Pruffe , pour jufti
fier les motifs de fon entrée dans ce pays. Après
Dune réponse auffi vague & auffi peu catégorique ,
Dle Roi mon époux , toujours animé d'un vrai
ndefir d'entretenir la paix en Allemagne & le
repos dans les Etats , pria le Lord Stormont &
Dle Sieur de Malzahn d'aller au camp. Pruffien •
»pour fçavoir les intentions du Roi de Pruffe &
ce qu'il exigeoit. Mais loin de rien propofer &
»de rien entendre , le Roi de Pruffe répliqua au
»Lord Stormont : Tout ce que vous me proposez
one me convient point , & de ma part je n'ai au
cune propofition à faire. Après le retour du I ord ,
»le Roi fe rendit à Pirna. J'y voulus envoyer un
Page chargé d'une Lettre ; mais on l'arrêta , &
» même on m'a refufé d'y pouvoir envoyer un
»Gentilhomme qui ne feroit chargé d'aucune lettre.
Enfin quoiqu'hier le Général Lentulus m'ait
waffuré de la part de S. M. Pruffienne , que la
»garnifon qu'on avoit mife en cette Capitale y
étoit pour ma sûreté , & même à mes ordres ,
non eft venu néanmoins à l'extrêmité de me
210 MERCURE DE FRANCE:
demander aujourd'hui les clefs du cabinet des
>>Archives. N'ayant pu réfifter à la force dont on
»me menaçoit , je les ai remiſes à l'Officier qui
»avoit la commiffion de les recevoir. Pour fur-
>> croit de chagrin , mes Miniftres de Conférence
» m'ont communiqué dans ce moment l'infinua
»tion qui leur a été faite par le Général Keith ,
»que le Roi de Pruffe fe propofoit de fubftituer
>> en lear place des Confeillers Pruffiens , pour
Davoir foin de l'adminiſtration de cet Electorat.
>> Telle eft , Meffieurs, la triſte ſituation où nous
nous trouvons. Nous espérons que vous en ferez
un fidele rapport à vos Cours refpectives , &
»nous fommes perfuadés qu'Elles n'approuveront
»pas le tort qui nous arrive , & qu'au contraire
»Elles jugeront qu'il eft de leurs intérêts d'épouſer
>> les nôtres. »
La Reine en remettant les clefs des Archives à
l'Officier Pruffien , qui avoit été chargé de les demander
, lui avoit dit : « Malgré le rang où la
nature m'a placée , je partage avec la derniere
»des fujettes le malheureux fort tombé fur la Saxe.
>>Séparée du Roi mon époux , & d'une partie de
»ma famille , j'effuie avec le refte de mes enfans
»le défagrément d'un état plein d'angoiffe & d'in-
» quiétude , & je me vois expofée avec cette partie
»de ma famille , qui eft auprès de moi , à manquer
» bientôt des chofes néceffaires , par la privation
des moyens propres à me les procurer. » Le Roi
de Pruffe informé des plaintes de cette Princeffe ,
lui a fait réitérer qu'il avoit donné les ordres les
plus précis pour lui faire garder le refpect qui lui
étoit dû ; que fi ces ordres étoient mal fuivis ,
Elle eût à l'en faire avertir , & qu'il puniroit févérement
les contrevenans ; qu'Elle ni la Famille
Royale & Electorale ne manqueroient jamais des
OCTOBRE. 1756. 211
chofes néceſſaires ; que la dignité de leur rang &
de leur état ne feroit jamais confondue avec les
circonftances qui regardoient le Public ; qu'ainfi
il prioit Sa Majefté de vouloir bien fe tranquillifer
, & de ne point outrer les idées qu'Elle fe formoit
de l'état des choſes. En même temps S. M.
Pruffienne a recommandé aux Officiers des Détachemens
poftés entre fon camp & cette Ville ,
de laiffer paffer librement tout ce qui étoit pour
le fervice de la Reine , des Princes & des Princeffes.
Il paffe tous les jours ici des Régimens , tant
d'Infanterie que de Cavalerie , qui vont joindre
l'armée du Roi de Pruffe. Tous les avis confirment
que ce Prince dirige fa marche fur Leitmaritz.
Depuis avant - hier les Bourgeois de cette
Capitale font difpenfés de fournir le pain aux foldats
Pruffiens , qui y font en garniſon ; mais on
continue de fournir à ces Soldats la viande & la
biere.
On publia à Torgaw le 13 , une Ordonnance ,
dont voici la teneur : « Sa Majefté le Roi de Pruf-
»fe , par des motifs fondés fur la néceffité des
conjonctures, a pris la réfolution d'établir à Tor-
»gaw un Directoire de Guerre pour la perception
»de tous les revenus , tant de la Chambre des Fi-
» nances , que de l'Ectorat de Saxe , fous quelque
nom que ce puiffe être. En conféquence , tous
les Receveurs des Accifes générales & autres
» droits , de même que les Fermiers Officiers , &
généralement tous les Suppots des Douanes &
» Péages , fans exception , font avertis d'apporter
& de délivrer fidélement audit Directoire de
» Guerre les deniers qu'ils fe trouveront avoir en
»caiffe ; & ce fous peine de double reftitution &
de caflation , ou même de prifon , fuivant l'exi
212 MERCURE DE FRANCE.
» gence du cas. Ce qu'ils devront faire à l'avenir
»tous les mois , fans y manquer : leur étant dé-
» fendu très-expreflément de remettre aucun de
ces deniers à qui que ce foit , finon au ſeul Di-
»rectoire fufdit. »
DE LEIPSICK , le 22 Septembre.
Divers Détachemens des troupes Pruffiennes
ont occupé dans cet Electorat les Villes de Merfbourg
, d'Eifleben , de Naumbourg , de Weffeinfels
, de Zeitz & de Torgaw . La Colonne ,
à la tête de laquelle eft le Roi de Pruffe , a pris
fa marche le long de l'Elbe . Elle campa le 6 à
Rothen Schoneberg , la droite appuyée fur Tan
nenberg , & la gauche fur Wundfchritz . Le jour
précédent , la Colonne du Prince Ferdinand de
Brunfwic avoit campé près de Freyberg , & celle
du Prince de Bevern à Fifchbach , de l'autre côté
de l'Elbe. Depuis le Roi de Pruffe s'eſt avanté
à Torgaw , où il a établi fon quartier genéral .
Le Comte de Stormont , Envoyé du Roi de la Grande-
Bretagne auprès de Roi , s'eft rendu auprès de
S. M. Pruthienne avec deux Miniftres de Sa Majefté.
Les Pruffiens ont vuidé les Arfenaux des
principales Villes où ils ont paffé ; & ils en ont
fait voiturer l'artillerie à To gaw.
On publia le 15 une Déclaration , dont voici la
teneur. « Sa Majesté le Roi de Pruffe ayant pris -
>>fous fa garde & protection les Etats Electoraux
» de la Maifon de Saxe ; ont fait fçavoir , de la
» part de S. M. , à tous & un chacun , que fon
»intention eft , que perfonne , à l'occafion des
> troubles actuels ne foit inquiété dans fa pro-
»feſſion , mais qu'au contraire chacun puiffe y
vaquer tranquillement , & comme à l'ordinai
OCTOBRE. 1756. 213
»re. S. M. défire auffi , que les Foires de Léipfick
& de Naumbourg , & les autres Marchés
>> publics , fe tiennent fuivant l'ufage établi ; que
tous les acheteurs ou vendeurs , qui voudront
ns'y rendre , puiffent les fréquenter librement ,
D& qu'il ne leur foit apporté à cet égard aucun
»obftacle ni empêchement . A ces caufes , S. M. fait
>> affurer tous Commerçans , Négocians , & Fa-
>> bricans , tant de cet Electorat que des pays
»étrangers , qui font dans l'habitude de fréquenwter
leidites Foires & lefdits Marchés publics , &
>> qui voudront y venir aux temps accoutumé
nqu'ils y jouiront d'une entiere liberté & fûreté
»pour leurs perfonnes & pour leurs effets ; que
S. M. les prend fous fa pro.ection & fauvegarde
>>Royale, & qu'il leur fera accordé en confequen-
» ce les faufconduits néceffaires » . Le Commiffaire
, qui eft ici de la part du Roi de Pruffe , a annoncé
aux habitans , qu'ils pouvoient payer leurs
taxes aux Receveurs ordinaires.
Sur les nouvelles affurances que le Roi a fait
donner à ce Prince par le Comte de Salmour ,
que Sa Majesté avoit toujours été dans la réfolution
de ne prendre aucune part aux différends
furvenus entre les Cours de Vienne & de Berlin ;
S. M. Pruffienne a répondu : « Qu'Elle ne fou-
»haitoit rien de plus Elle-même , que de trouver
»le Roi dans ces fentimens ; que la neutralité ,
aque le Roi défiroit d'obferver , étoit précifé-
>> ment ce qu'Elle requéroit de lui ; mais que pour
>> rendre cette neutralité plus fûre , & la mettre à
»l'abri de variation , il convenoit que le Roi fé-
»parât fon armée , & qu'il renvoyat dans leurs
»quartiers les troupes qu'il avoit affemblées à
»Pirna ; que fi le Roi vouloit donner par une
»femblable démarche la preuve de fes difpofitions
214 MERCURE DE FRANCE.
pacifiques , S. M. Pruflienne fe feroit dès lors un
»plaifir de montrer , par une égale condescendanace
, combien Elle étoit portée de ſon côté à
donner des marques réelles de ſon amitié au
>>Roi , & à fe concerter avec Sa Majeſté ſur les
arrangemens que les conjonctures peuvent requérir
» . Le Roi n'eft point dans la réfolution
d'accepter la propofition du Roi de Pruffe , & Sa
Majefté a déclaré , « Qu'Elle attendroit dans fon
camp la décifion des évenemens ; que fi les
Pruffiens entreprenoient de l'y forcer ,Elle foutiendroit
leurs efforts ».
Divers mouvemens du Roi de Pruffe donnant
lieu de croire qu'il a deffein de refferrer de tous
côtés le camp de Pirna , le Feld-Maréchal Comte
de Browne a décampé de Kollin le 9 de ce mois ,
pour fe porter en avant , & pour tâcher de conferver
la communication avec les troupes Saxonnes.
Le Corps que ce Général a détaché fous les
ordres du Comte de Wied , s'eft faifi des paffages
entre Trebnitz & Catharinenberg: On a reçu
avis que les Pruffiens établiffent des batteries pour
attaquer les Saxons dans leur camp.
Selon les nouvelles qu'on a du camp de Pirna ,
le Roi a fait diftribuer aux différens Corps de fes
troupes la Déclaration fuivante. « Dès le com-
»mencement de l'invafion des troupes Pruffien-
»nes dans cet Electorat , Sa Majefté a mis tout
wen oeuvre , pour tâcher de faire un accommode-
>ment avec le Roi de Pruffe. Ce Prince ayant
mexigé des conditions inouies , Sa Majefté non-
>>feulement les a rejettées , mais a fait fçavoir à
»S. M. Pruffienne , qu'Elle aimoit mieux tout perdre
que de s'y foumettre. Ainfi Sa Majesté atptend
de la bravoure & de la fermeté de fes fidelles
troupes , qu'elles fe montreront diſpoſées à
OCTOBRE. 1756. 215
foutenir jufqu'à la derniere goutte de leur fang ,
»la réfolution qu'a prife Sa Majefté. Elle les ex-
>> horte à tout facrifier pour la défenfe de leur
>>Roi, & pour la confervation de leur
»ne ur» .
propre
hon-
Le Roi de Pruffe eſpérant de réduire l'armée
du Roi par la famine , a laiffé vingt mille hom
ines pour tenir le camp de Sa Majefté bloqué . La
femaine derniere , les Pruffiens firent fauter les
fortifications de Wittemberg, Ils fortifient actuellement
laVille de Torgaw , où leur Directoire de
Guerre eft établi . Ce Directoire a fommé les différens
Cercles, de l'Electorat , de livrer , d'ici à
trois ſemaines au plus tard , onze cens boeufs ,
deux mille cinq cens moutons , deux cens mille
mefures d'avoine , cent cinquante mille quintaux
de foin & vingt mille bottes de paille. Cette fourniture
eft évaluée à fix cens vingt - cinq mille
écus .
DE BERLIN , le 21 Septembre.
Les troupes d'Infanterie du Roi confiftent en
cent quarante bataillons. La Cavalerie eft compofée
d'un Efcadron de Gardes du Corps , de foixante
Efcadrons de Gendarmes , Carabiniers &
Cuiraffiers , de foixante-dix Efcadrons de Dragons
, de quatre-vingt Efcadrons de Huffards , &
de deux Efcadrons de Chaffeurs à cheval. Deux
Corps d'armée font affemblés dans la Haute &
dans la Baffe Siléfie , & ont occupé les défilés ,
par lesquels on peut paffer du Royaume de Bo
heme dans cette Province. Il y a auffi quelques
troupes campées dans les environs de Glatz. A
juger par ces difpofitions , il paroît que le Roi fe
propofe non feulement de couvrir la Siléfie , mais
216 MERCURE DE FRANCE.
`auffi de faire entrer de ce côté une feconde armée
en Boheme.
Dans l'expofé des motifs qui ont déterminé le
Roi à prendre les armes , Sa Majefté le plaint particuliérement
de ce que l'Impératrice Reine de
Hongrie & de Boheme , a augmenté jufqu'à foixante
pour cent , les droits fur les marchandifes
des Etats de Pruffe. Voici un des endroits les plus
remarquables de cet expofé. a Il eft certain que
>>le Roi commence les hoftilités : mais comme ce
>>terme a fouvent été confondu avec celui d'aggreffion
, l'on fe croit obligé de diftinguer le fens
de ces deux mots . Par aggreffion , l'on doit en-
»tendre tout acte , qui eft diamétralement oppofé
à l'efprit d'un Traité de Paix. Une Ligue of
fenfive ; des ennemis qu'on fufcite , & qu'on
pouffe à faire la guerre à une Puiffance ; le deffein
d'envahir les Etats d'autrui ; une irruption
>>foudaine ; toutes ces chofes différentes font au-
»tant d'aggreffions , quoique la derniere feule fe
trouve dans le cas des hoftilités . Quiconque cher-
>>che à fe défendre contre ces aggreffions , ou à en
»prévenir les fuites , peut commencer les hoftiliwtés
, mais il n'eft pas l'aggreffeur » ...... Cet Ecrit
finit ainfi : « S. M. déclare , que les Libertés du
»Corps Germanique ne feront ensevelies qu'en
>> un même tombeau avec la Pruffe. Elle prend le
Ciel à témoin , qu'ayant vainement employé les
moyens les plus convenables pour préferver fes
»propres Etats & toute l'Allemagne , des fléaux de
Dla guerre dont ils étoient ménacés , Elle eft for
cée de prendre les armes , pour diffiper une
»confpiration tramée contre fes poffeffions & fes
>> Etats .... Le Roi ne s'écarte de fa modération
»ordinaire , que parce que cette vertu ceffe d'én
pêtre une , lorfqu'il s'agit de défendre fon honneur
OCTOBRE . 1756. 217
neur , fon indépendance , fa Patrie & fa Cou-
>>ronne » . Le Comte de la Puebla , Miniftre de
Leurs Majeftés Impériales , partit le 16 , fans
prendre congé.
La petite ville de Biefenthal , fituée à quatre
lieues d'ici , a été totalement réduite en cendres.
Différentes perfonnes ont péri dans les flammes ,
entr'autres , plufieurs enfans qui avoient été renfermés
dans les maifons , pendant que leurs parens
étoient fortis pour vaquer à leurs affaires.
Le feu a pris auffi au Château de Guffou , apparte
nant au Comte de Podewils , Premier Miniftre
d'Etat ; & le dommage cauté par cet incendie ,
monte à près de vingt mille écus.
DE HAMBOURG , le 25 Septembre.
Plufieurs lettres marquent que tandis que le Roi
de Pruffe eft entré en Boheme avec quarante mille
hommes , le Feld . Maréchal Schwerin y a débouché
avec trente- cinq mille hommes, par le Comté
de Glatz. Si l'on en croit les mêmes lettres , le
fieur Calkoen , Envoyé Extraordinaire des Etats
Généraux des Provinces-Unies auprès du Roi de
Pologne Electeur de Saxe , s'eft joint au Comte
de Stormont , pour tâcher de ménager , entre
8. M. Pruffienne & S. M. Polonoiſe , un accord
qui pût procurer aux deux Parties une fûreté convenable.
Il y a eu le 21 ,à ce qu'on affure , quelques
nouveaux articles propofés de part & d'autre.
Le fieur de Soltikoff , Envoyé Extraordinaire
de l'Impératrice de Ruffie auprès des Cercles de
la Baffe Saxe , a notifié aux Magiftrats de cette
Ville , ainsi qu'aux Miniftres Etrangers qui y réfi
dent , Que cette Princeffe , vu les mouvemens des
troupes du Roi de Prufſe , ſe trouve dans la nécef-
II. Vol. K.
218 MERCURE DE FRANCE.
fitédefaire marcher une armée aufecours de fes Al
liés contre S. M. Pruffienne . Le bruit court , que
cette armée fera de cent vingt mille hommes, Oa
ajoute que S. M. Imp. de Ruffie a ordonné d'équipper
une Flotte , pour fervir au tranfport des
troupes qu'Elle jugera à propos de faire embar
quer.
DE RATISBONNE , le 24 Septembre .
Auffitôt que l'Empereur a été informé de l'entrée
des troupes Pruffiennes dans l'Electorat de
Saxe , S. M. Imp. a adreffé un Décret au Roi de
Pruffe , pour le fommer de faire retirer les troupes
, faute de quoi il feroit procédé contre S. M.
Pruffienne en la maniere prefcrite par les Loix de
l'Empire. Un autre Décret ordonne à tous les
Vaffaux des Princes & Etats d'Allemagne , qui
font employés dans les troupes du Roi de Pruffe,
de quitter inceffamment le fervice de ce Prince.
Par un troifieme Décret , l'Empereur défend à
tous Princes , Etats ou Membres du Corps Germa
nique , de fouffrir qu'il foit fait chez eux aucunes
levées de Soldats pour S. M. Pruſſienne , &
de lui prêter aucune affiftance dans les circonftances
actuelles , le tout à peine d'encourir les
condamnations ftatuées par les Conſtitutions de
l'Empire.
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Résumé : ALLEMAGNE.
En septembre 1756, le Sieur de Klinggraff informa le ministère que l'Impératrice Reine n'avait pas répondu à la demande du Roi de Prusse, qui souhaitait une déclaration formelle de non-agression. Le Roi de Prusse réitéra sa demande en échange du retrait de ses troupes. L'Impératrice Reine répondit qu'elle avait appris l'entrée des troupes prussiennes en Saxe et la publication d'un manifeste prussien, rendant toute autre réponse inutile. Elle confirma que sa réponse au manifeste contenait toutes les explications nécessaires. Le Sieur de Klinggraff quitta Vienne sans prendre congé, et l'Impératrice Reine ordonna au Comte de la Puebla de quitter Berlin de la même manière. Le 13 septembre, le Roi de Prusse commença des actes d'hostilité en Bohême, attaquant les gardes avancées de l'armée de l'Impératrice Reine, mais fut repoussé. Des troupes autrichiennes se préparèrent à la guerre, et des familles fuirent la Silésie autrichienne par crainte des horreurs du conflit. À Dresde, le Roi de Prusse quitta la ville pour rejoindre son armée à Pirna, laissant la Reine et les jeunes princes sous la protection de la garnison prussienne. Il ordonna de fermer les tribunaux et de sceller les bureaux de la chancellerie, et fit enlever l'artillerie et les armes de l'arsenal de Dresde, les transportant à Magdebourg. La Reine de Saxe informa les ministres étrangers de la trahison du Roi de Prusse, qui avait promis une amitié inaltérable avant d'entrer en Saxe. Des détachements prussiens occupèrent plusieurs villes en Saxe, et le Roi de Prusse établit son quartier général à Torgau. Le Comte de Stormont, envoyé du Roi de Grande-Bretagne, se rendit auprès du Roi de Prusse. Les Prussiens vidèrent les arsenaux des principales villes et transportèrent l'artillerie à Torgau. Une déclaration du Roi de Prusse indiqua qu'il avait pris sous sa garde et protection les États électoraux de la Maison de Saxe. En octobre 1756, le roi de Prusse assura que les troubles actuels n'inquiéteraient pas les professionnels dans leur travail. Il garantit la tenue des foires de Leipzig et de Naumbourg, ainsi que des marchés publics, et assura la liberté et la sécurité des commerçants, négociants et fabricants. Le commissaire prussien annonça aux habitants qu'ils pouvaient payer leurs taxes aux receveurs ordinaires. Le roi de Prusse exprima son souhait de neutralité face aux différends entre les cours de Vienne et de Berlin, mais demanda au roi de Saxe de séparer son armée et de renvoyer les troupes assemblées à Pirna pour garantir cette neutralité. Le roi de Saxe refusa et déclara qu'il attendrait dans son camp la décision des événements. Des mouvements de troupes prussiennes furent observés, et le feld-maréchal Comte de Browne se déplaça pour conserver la communication avec les troupes saxonnes. Le roi de Prusse bloqua l'armée saxonne par la famine et fortifia plusieurs villes. Les troupes prussiennes consistaient en 140 bataillons d'infanterie et divers escadrons de cavalerie, avec des corps d'armée assemblés en Silésie. Le roi de Prusse justifia son entrée en guerre par l'augmentation des droits sur les marchandises prussiennes par l'impératrice Reine de Hongrie et de Bohême. Il déclara que les libertés du Corps Germanique ne seraient pas sacrifiées et prit les armes pour défendre son honneur et son indépendance. Des incidents, comme l'incendie de la ville de Biefenthal et du château de Guffou, furent rapportés. Le roi de Prusse entra en Bohême avec 40 000 hommes, tandis que le feld-maréchal Schwerin déboucha avec 35 000 hommes. Des tentatives de médiation entre le roi de Prusse et le roi de Pologne étaient en cours. L'impératrice de Russie préparait une armée pour soutenir ses alliés contre le roi de Prusse. L'empereur adressa des décrets au roi de Prusse pour retirer ses troupes de Saxe et interdit les levées de soldats pour la Prusse.
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38
p. 204-205
De Londres, le 12. Novembre.
Début :
Les dernieres Lettres de Philadelphie, en date du 28. Septembre, [...]
Mots clefs :
Philadelphie, Expédition, Ohio, Lord Forbes, Garnison, Combats, Amiral, Escadre, Ports, Commerce, Hollande
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texteReconnaissance textuelle : De Londres, le 12. Novembre.
De Londres , le 12. Novembre.
>
Les dernieres Lettres de Philadelphie , en date
du 28. Septembre , parlent d'une maniere peu
avantageufe , de la conduite du Lord Forbes ,
dans l'expédition dont il étoit chargé fur l'Ohio.
Le 12. du même mois , il fit marcher en avant
ún Détachement de 900 hommes aux ordres
du fieur Grant , fans ſe mettre en état de le foutenir
, le fieur Grant s'avança jufqu'à la portée
du canon du Fort du Quelne , pour reconnoître
l'état de la Place , & pour obferver les mancuvres
de la Garniſon . Il paffa la nuit du 13. fous
les Armes. Le lendemain , dès la pointe du jour ,
l'Officier qui commandoit dans le Fort , fit fur
lui une fortie , & l'attaqua à la tête de 1000 hommes
, prefque tous Canadiens . Le Détachement
Anglois , après une courte réfiftance , fe voyant
fur le point d'être enveloppé & entierement détruit
, fut contraint de fe replier vers les bagages ,
& de les emmener précipitamment. Il a perdu
dans ce combat trois cens hommes tués ou
bleffés , parmi lesquels on compte plus de vingt
Officiers.
L'Amiral Boscawen arriva ici le 4. Il fut le
lendemain faire fa cour au Roi qui l'accueillit
avec toute la diftinction due à fes fervices. On a
JANVIER. 1759. 205
appris par le compte que cet Amiral a rendu
du fuccès de l'entrepriſe formée contre Louifbourg
, que la conquête de cette Place étoit due
principalement an mauvais état de les fortifications.
Les anciennes bréches n'étoient pas entierement
réparées , & les murs des revêtillemens
avoient été ſi négligés , qu'il en tomboit des toiſes
entieres , par le feul ébranlement que caufoit
le canon du rempart.
Du 21 .
L'Efcadre du fieur Keppel , & celle du fieur
Hughes , ont mis à la voile pour aller exécuter
féparément deux entrepriſes dont on ſe promet
les meilleurs effets . Quoique cette faifon foit celle
des ouragans & des tempêtes , on affecte de publier
que le départ des deux Eſcadres a eu lieu
dans le temps convenable. On joint à cela le projet
d'une Expédition plus contidérable , qui doit
s'exécuter au Printems prochain .
Du 1. Décembre.
On continue d'amener dans nos Ports quantité
de prifes faites fur les Hollandois . On n'a pu découvrir
juſqu'à préfent le principe de droit qui
donne lieu à une pratique fi nouvelle . Tous les
gens fenfés la jugent contraire à nos vrais intérêts
; & ils font perſuadés qu'elle tournera tôt ou
tard au préjudice de notre Commerce.
>
Les dernieres Lettres de Philadelphie , en date
du 28. Septembre , parlent d'une maniere peu
avantageufe , de la conduite du Lord Forbes ,
dans l'expédition dont il étoit chargé fur l'Ohio.
Le 12. du même mois , il fit marcher en avant
ún Détachement de 900 hommes aux ordres
du fieur Grant , fans ſe mettre en état de le foutenir
, le fieur Grant s'avança jufqu'à la portée
du canon du Fort du Quelne , pour reconnoître
l'état de la Place , & pour obferver les mancuvres
de la Garniſon . Il paffa la nuit du 13. fous
les Armes. Le lendemain , dès la pointe du jour ,
l'Officier qui commandoit dans le Fort , fit fur
lui une fortie , & l'attaqua à la tête de 1000 hommes
, prefque tous Canadiens . Le Détachement
Anglois , après une courte réfiftance , fe voyant
fur le point d'être enveloppé & entierement détruit
, fut contraint de fe replier vers les bagages ,
& de les emmener précipitamment. Il a perdu
dans ce combat trois cens hommes tués ou
bleffés , parmi lesquels on compte plus de vingt
Officiers.
L'Amiral Boscawen arriva ici le 4. Il fut le
lendemain faire fa cour au Roi qui l'accueillit
avec toute la diftinction due à fes fervices. On a
JANVIER. 1759. 205
appris par le compte que cet Amiral a rendu
du fuccès de l'entrepriſe formée contre Louifbourg
, que la conquête de cette Place étoit due
principalement an mauvais état de les fortifications.
Les anciennes bréches n'étoient pas entierement
réparées , & les murs des revêtillemens
avoient été ſi négligés , qu'il en tomboit des toiſes
entieres , par le feul ébranlement que caufoit
le canon du rempart.
Du 21 .
L'Efcadre du fieur Keppel , & celle du fieur
Hughes , ont mis à la voile pour aller exécuter
féparément deux entrepriſes dont on ſe promet
les meilleurs effets . Quoique cette faifon foit celle
des ouragans & des tempêtes , on affecte de publier
que le départ des deux Eſcadres a eu lieu
dans le temps convenable. On joint à cela le projet
d'une Expédition plus contidérable , qui doit
s'exécuter au Printems prochain .
Du 1. Décembre.
On continue d'amener dans nos Ports quantité
de prifes faites fur les Hollandois . On n'a pu découvrir
juſqu'à préfent le principe de droit qui
donne lieu à une pratique fi nouvelle . Tous les
gens fenfés la jugent contraire à nos vrais intérêts
; & ils font perſuadés qu'elle tournera tôt ou
tard au préjudice de notre Commerce.
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Résumé : De Londres, le 12. Novembre.
Le document du 12 novembre décrit des événements militaires et navals. Le 12 septembre, le Lord Forbes envoya 900 hommes sous le commandement du lieutenant Grant pour reconnaître le Fort Duquesne. Le 13 septembre, Grant fut attaqué par environ 1 000 hommes, principalement des Canadiens, et dut se replier, subissant des pertes de 300 hommes, dont plus de vingt officiers. L'amiral Boscawen arriva à Londres le 4 janvier 1759 et fut reçu par le roi. Il attribua la conquête de Louisbourg à l'état délabré des fortifications. Le 21 janvier, les escadres des lieutenants Keppel et Hughes partirent pour des missions séparées, malgré la saison des tempêtes. Une expédition plus importante est prévue pour le printemps. Par ailleurs, des prises de navires hollandais continuent d'être amenées dans les ports britanniques, une pratique jugée contraire aux intérêts commerciaux du pays.
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39
p. 205-206
De la Haye, le 24 Novembre.
Début :
Les Députés du Corps des Négociants d'Amsterdam & des autres Villes [...]
Mots clefs :
Députés, Hollande, Mémoire, Princesse, Pirateries, Commerce, Fabriques, Anglais, Amsterdam
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texteReconnaissance textuelle : De la Haye, le 24 Novembre.
De la Haye , le 24 Novembre.
Les Députés du Corps des Négociants d'Amſterdam
& des autres Villes de Hollande , ont
préſenté à la Princeſſe Gouvernante un nouveau
Mémoire dans lequel , après lui avoir rappellé
les plaintes qui lui ont déja été adreflé au fujet
des pirateries des Anglois , & les promeſſes qu'elle
leur a faites d'y remédier ; ils lui expofent que
le mal a toujours été depuis en augmentant ,
& que l'interruption de leur Commerce eft fur
le point d'entraîner la ruine des plus riches Né206
MERCURE DE FRANCE.
gociants , & l'inaction totale de leurs meilleures
fabriques.
Du 30.
Les Députés de la Compagnie des Commerçans
d'Amfterdam , ont reçu une réponſe favorable
en apparence au Mémoire qu'ils avoient
préſenté , au fujet des Pirateries des Anglois .
Les Députés du Corps des Négociants d'Amſterdam
& des autres Villes de Hollande , ont
préſenté à la Princeſſe Gouvernante un nouveau
Mémoire dans lequel , après lui avoir rappellé
les plaintes qui lui ont déja été adreflé au fujet
des pirateries des Anglois , & les promeſſes qu'elle
leur a faites d'y remédier ; ils lui expofent que
le mal a toujours été depuis en augmentant ,
& que l'interruption de leur Commerce eft fur
le point d'entraîner la ruine des plus riches Né206
MERCURE DE FRANCE.
gociants , & l'inaction totale de leurs meilleures
fabriques.
Du 30.
Les Députés de la Compagnie des Commerçans
d'Amfterdam , ont reçu une réponſe favorable
en apparence au Mémoire qu'ils avoient
préſenté , au fujet des Pirateries des Anglois .
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Résumé : De la Haye, le 24 Novembre.
Le 24 novembre à La Haye, les députés du Corps des Négociants d'Amsterdam et d'autres villes de Hollande ont adressé un mémoire à la Princesse Gouvernante, dénonçant les pirateries anglaises et leur aggravation. Ils soulignaient les risques pour les négociants et l'interruption du commerce. Le 30 novembre, les députés de la Compagnie des Commerçants d'Amsterdam ont reçu une réponse favorable.
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40
p. 200-203
De Londres, le 5 Décembre.
Début :
Le 28 du mois dernier, la Chambre des Communes approuva unanimement [...]
Mots clefs :
Chambre des communes, Subside, Parlement, Augmentation des taxes, Denrées, Commerce, Taxes sur les terres, Enrôlement, Ordonnance, Jamaïque, Attaques, Canons, Soldats déserteurs, Campagnes militaires, Opérations maritimes, Amiral, Escadre, Méditerranée, Indes orientales
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texteReconnaissance textuelle : De Londres, le 5 Décembre.
De Londres , les Décembre.
Le 28 du mois dernier , la Chambre des,
Communes approuva unanimement la réfolution
prife la veille , d'accorder un Subfide au Roi.
Enfuite dans un Comité Particulier , on procéda.
à l'examen des Actes de la derniere Séance du
Parlement. Il fut décidé que celui qui a pour obje
d'interdire la fortie & la diftillation des Grains , &
d'augmenter les Droits établis fur la Dreche ,
la Farine , le Bifcuit & l'Empoix , feroit continué
jufqu'au 24 Décembre 1759. On arrêta en:
même temps que l'Acte qui fufpend le payement.
des Droits d'Entrée fur les Bleds & Farines enlevés
à l'Ennemi , ne feroit point renouvellé. Le
29 , la Chambre ordonna qu'on drefferoit un Bill
pour approuver les réfolutions du Comité. On
ordonna la continuation de la Taxe de quatre
Schellings fur les Terres , fur les Penfions , Liza
JANVIER. 1759 . 201
tous les Revenus de quelqu'efpéce qu'ils foient ,
& des Droits fur les boiffons différentes . On fupputa
que ces diverfes Impofitions pourroient rapporter
environ deux millions fept cent cinquante
mille livres fterlings. On fera donc obligé de
recourir à de nouvelles taxes pour fournir le Subfide
pour l'entretien de foixante mille Hommes
qui feront employés fur les Valleiaux du Roi
dans le courant de l'année prochaine . Ce Subfide
fut établi fur le même pied qu'il l'a été
pour l'année qui vient de finir ; car il fait un
objet de trois millions cent vingt mille livres
fterlings.
On continue d'enlever par force les Matelots ,
pour remplir les vuides que la Campagne der
niere a laiffés dans notre Marine , & pour completer
les Equipages des nouveaux Vailleaux qu'on
doit lancer à l'eau le Printems prochain.
Pour donner aux Hollandois une fatisfaction
apparente , on vient de publier une Ordonnance
qui affigne une récompenfe de cinq cens livres
fterling à ceux qui dénonceront les perfonnes
coupables de pirateries dont on fe plaint , & les
complices qui leur donnent fecours , ou qui procurent
le débit de leurs effets.
Le Roi fe propofe d'envoyer à Paris un Colonel
qui eft chargé de régler avec les Miniftres
de France l'échange des prifonniers.
Le 20. de ce mois fur le minuit , on a fenti
dans cette Ville & dans les environs , une légére.
fecouffe de tremblement de terre.
Les dernieres Nouvelles de la Jamaïque Nous
ont appris que le Vaiffeau François le Palmier
de foixante- quatorze Canons , qui croifoit à la
hauteur de S. Domingue , fut attaqué le 5. Septembre
par deux de nos Vaiffeaux de haut bord.
Le combat dura très-longtems. Un de nos Vaif-
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
feaux fur mis hors de combat , & fut fur le point
d'être pris ; mais un heureux accident contraignit
l'Ennemi de fe retirer. Comme il étoit obligé de
forcer fon feu pour foutenir le combat , un de fes
Canons de trente- fix livres de balles créva , & mit
le défordre dans fon Equipage. Nos deux Vailſeaux
étoient ſi maltraités , qu'ils ne purent pas
le pourfuivre.
Quoiqu'on ait beaucoup parlé de la facilité que
notre miniſtere trouvoit à effectuer les emplois
coutidérables qui ont été propofés ; il a été queftion
dernierement d'établir une Capitation , ou
un don gratuit , pour le fervice de l'année prochaine.
On ne fçait point fi cette infinuation trouvera
les efprits favorablement difpofés.
Du 23. Décembre.
Le 1s de ce mois , la Chambre des Com
munes approuva le Bill qui régle la punition des
Soldats Déferteurs.
Les préparatifs pour la Campagne prochaine
continuent avec beaucoup de vivacité. On fait
dans tout le Royaume de nouvelles levées pour
le fervice de terre & de mer. On forme en Irlande
treize nouvelles Compagnies de Marine
qui feront chacune de cent hommes . On travaille
dans tous nos Ports à tenir toutes chofes prêtes
pour l'exécution des différentes entreprifes qui
entrent dans le Plan de nos opérations mariti
mes pour l'année prochaine. On a lancé a l'eau
à Southampton un Vaiffeau de foixante - quatorze
canons. A Deptford on en a lancé un de même
force , & un autre de foixante canons. On
en doit lancer bientôt plufieurs autres dans les
différents Ports . On conftruit en même temps
un grand nombre de Batteaux plats , pour le débarquement
des troupes.
L'Amiral Holmes partit le 16.pour Portmourki
JANVIER. 1759. 203
"
Пly va prendre le commandement d'une Efca
dre qui doit relever celle de l'Amiral Saunders'
far la Côte de France . Ce dernier commandera
une autre Efcadre qui mettra à la voile dans
le courant du mois prochain , pour aller croifer
dans la Méditerranée. Le Chef d'Efcadre Geari
eft l'Officier que la Cour a choifi , pour conduire
les renforts que l'on doit envoyer aux :
Indes Orientales.
Le 28 du mois dernier , la Chambre des,
Communes approuva unanimement la réfolution
prife la veille , d'accorder un Subfide au Roi.
Enfuite dans un Comité Particulier , on procéda.
à l'examen des Actes de la derniere Séance du
Parlement. Il fut décidé que celui qui a pour obje
d'interdire la fortie & la diftillation des Grains , &
d'augmenter les Droits établis fur la Dreche ,
la Farine , le Bifcuit & l'Empoix , feroit continué
jufqu'au 24 Décembre 1759. On arrêta en:
même temps que l'Acte qui fufpend le payement.
des Droits d'Entrée fur les Bleds & Farines enlevés
à l'Ennemi , ne feroit point renouvellé. Le
29 , la Chambre ordonna qu'on drefferoit un Bill
pour approuver les réfolutions du Comité. On
ordonna la continuation de la Taxe de quatre
Schellings fur les Terres , fur les Penfions , Liza
JANVIER. 1759 . 201
tous les Revenus de quelqu'efpéce qu'ils foient ,
& des Droits fur les boiffons différentes . On fupputa
que ces diverfes Impofitions pourroient rapporter
environ deux millions fept cent cinquante
mille livres fterlings. On fera donc obligé de
recourir à de nouvelles taxes pour fournir le Subfide
pour l'entretien de foixante mille Hommes
qui feront employés fur les Valleiaux du Roi
dans le courant de l'année prochaine . Ce Subfide
fut établi fur le même pied qu'il l'a été
pour l'année qui vient de finir ; car il fait un
objet de trois millions cent vingt mille livres
fterlings.
On continue d'enlever par force les Matelots ,
pour remplir les vuides que la Campagne der
niere a laiffés dans notre Marine , & pour completer
les Equipages des nouveaux Vailleaux qu'on
doit lancer à l'eau le Printems prochain.
Pour donner aux Hollandois une fatisfaction
apparente , on vient de publier une Ordonnance
qui affigne une récompenfe de cinq cens livres
fterling à ceux qui dénonceront les perfonnes
coupables de pirateries dont on fe plaint , & les
complices qui leur donnent fecours , ou qui procurent
le débit de leurs effets.
Le Roi fe propofe d'envoyer à Paris un Colonel
qui eft chargé de régler avec les Miniftres
de France l'échange des prifonniers.
Le 20. de ce mois fur le minuit , on a fenti
dans cette Ville & dans les environs , une légére.
fecouffe de tremblement de terre.
Les dernieres Nouvelles de la Jamaïque Nous
ont appris que le Vaiffeau François le Palmier
de foixante- quatorze Canons , qui croifoit à la
hauteur de S. Domingue , fut attaqué le 5. Septembre
par deux de nos Vaiffeaux de haut bord.
Le combat dura très-longtems. Un de nos Vaif-
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
feaux fur mis hors de combat , & fut fur le point
d'être pris ; mais un heureux accident contraignit
l'Ennemi de fe retirer. Comme il étoit obligé de
forcer fon feu pour foutenir le combat , un de fes
Canons de trente- fix livres de balles créva , & mit
le défordre dans fon Equipage. Nos deux Vailſeaux
étoient ſi maltraités , qu'ils ne purent pas
le pourfuivre.
Quoiqu'on ait beaucoup parlé de la facilité que
notre miniſtere trouvoit à effectuer les emplois
coutidérables qui ont été propofés ; il a été queftion
dernierement d'établir une Capitation , ou
un don gratuit , pour le fervice de l'année prochaine.
On ne fçait point fi cette infinuation trouvera
les efprits favorablement difpofés.
Du 23. Décembre.
Le 1s de ce mois , la Chambre des Com
munes approuva le Bill qui régle la punition des
Soldats Déferteurs.
Les préparatifs pour la Campagne prochaine
continuent avec beaucoup de vivacité. On fait
dans tout le Royaume de nouvelles levées pour
le fervice de terre & de mer. On forme en Irlande
treize nouvelles Compagnies de Marine
qui feront chacune de cent hommes . On travaille
dans tous nos Ports à tenir toutes chofes prêtes
pour l'exécution des différentes entreprifes qui
entrent dans le Plan de nos opérations mariti
mes pour l'année prochaine. On a lancé a l'eau
à Southampton un Vaiffeau de foixante - quatorze
canons. A Deptford on en a lancé un de même
force , & un autre de foixante canons. On
en doit lancer bientôt plufieurs autres dans les
différents Ports . On conftruit en même temps
un grand nombre de Batteaux plats , pour le débarquement
des troupes.
L'Amiral Holmes partit le 16.pour Portmourki
JANVIER. 1759. 203
"
Пly va prendre le commandement d'une Efca
dre qui doit relever celle de l'Amiral Saunders'
far la Côte de France . Ce dernier commandera
une autre Efcadre qui mettra à la voile dans
le courant du mois prochain , pour aller croifer
dans la Méditerranée. Le Chef d'Efcadre Geari
eft l'Officier que la Cour a choifi , pour conduire
les renforts que l'on doit envoyer aux :
Indes Orientales.
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Résumé : De Londres, le 5 Décembre.
Le 28 décembre précédent, la Chambre des Communes a approuvé à l'unanimité une résolution accordant un subside au Roi. Un comité a décidé de prolonger jusqu'au 24 décembre 1759 l'acte interdisant la sortie et la distillation des grains, ainsi que l'augmentation des droits sur la drêche, la farine, le biscuit et l'empois. Il a également été décidé de ne pas renouveler l'acte suspendant le paiement des droits d'entrée sur les blés et farines enlevés à l'ennemi. Le 29 décembre, la Chambre a ordonné la rédaction d'un bill pour approuver les résolutions du comité et la continuation de diverses taxes, dont une taxe de quatre schellings sur les terres, les pensions, et tous les revenus, ainsi que des droits sur les boissons diverses. Ces impôts devraient rapporter environ deux millions sept cent cinquante mille livres sterling. Un subside de trois millions cent vingt mille livres sterling a été établi pour l'entretien de soixante mille hommes employés sur les vaisseaux du Roi en 1759. Les matelots continuent d'être enlevés de force pour combler les vides laissés par la campagne précédente et compléter les équipages des nouveaux vaisseaux. Une ordonnance offre une récompense de cinq cents livres sterling pour la dénonciation des pirates et de leurs complices. Le Roi envisage d'envoyer un colonel à Paris pour régler l'échange des prisonniers avec les ministres français. Un léger tremblement de terre a été ressenti à Londres le 20 janvier. Des nouvelles de la Jamaïque rapportent un combat entre le vaisseau français Le Palmier et deux vaisseaux britanniques le 5 septembre. Les préparatifs pour la campagne prochaine incluent de nouvelles levées de troupes en Irlande et la construction de vaisseaux et de bateaux plats dans divers ports. L'amiral Holmes a pris le commandement d'une escadre pour remplacer celle de l'amiral Saunders sur la côte de France, tandis que l'amiral Saunders commandera une autre escadre en Méditerranée. Le chef d'escadre Geari a été choisi pour conduire les renforts vers les Indes Orientales.
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41
p. 205
D'Amsterdam, le 30 Décembre.
Début :
Le Capitaine Jean Pruyt revenu d'Alicante au Texel, a informé le Gouvernement [...]
Mots clefs :
Capitaine, Corsaires anglais, Pirates, Pillages, Ministère, Commerce, Protection
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texteReconnaissance textuelle : D'Amsterdam, le 30 Décembre.
D'Amfterdam , le 30 Décembre.
Le Capitaine Jean Pruyt revenu d'Alicante au ›
Texel , a informé le Gouvernement qu'il avoit
eu en roure la rencontre de cinq Corfaires Anglois.
Ces Pirates font venus fur fon bord . Ils lui
ont pris une partie de fes effets. Ils ont ouvert
tous les balors & les ont mis en pieces . Ils ont
bû le vin & l'eau-de-vie. Ils étoient armés de
coutelas, & de piſtolets , & ont commis contre
les gens de l'équipage des violences inouies .
Ces excès dont toutes les promeffes du Minif
tere Anglois n'ont point encore arrêté le cours,
rendent toujours plus néceffaire la réſolution où
Pon eft ici d'équiper vingt- quatre vailleaux de
guerre , pour protéger notre commerce , & pour
nous délivrer de ces brigandages , dont les loix
les plus facrées n'ont pu jufqu'à préfent nous
garantir.
Le Capitaine Jean Pruyt revenu d'Alicante au ›
Texel , a informé le Gouvernement qu'il avoit
eu en roure la rencontre de cinq Corfaires Anglois.
Ces Pirates font venus fur fon bord . Ils lui
ont pris une partie de fes effets. Ils ont ouvert
tous les balors & les ont mis en pieces . Ils ont
bû le vin & l'eau-de-vie. Ils étoient armés de
coutelas, & de piſtolets , & ont commis contre
les gens de l'équipage des violences inouies .
Ces excès dont toutes les promeffes du Minif
tere Anglois n'ont point encore arrêté le cours,
rendent toujours plus néceffaire la réſolution où
Pon eft ici d'équiper vingt- quatre vailleaux de
guerre , pour protéger notre commerce , & pour
nous délivrer de ces brigandages , dont les loix
les plus facrées n'ont pu jufqu'à préfent nous
garantir.
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Résumé : D'Amsterdam, le 30 Décembre.
Le 30 décembre, le capitaine Jean Pruyt a signalé une attaque de cinq corsaires anglais au large du Texel. Les pirates ont pillé son navire, détruit des ballots et commis des violences contre l'équipage. Pour protéger le commerce, il est proposé d'armer vingt-quatre vaisseaux de guerre.
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42
p. 205-207
De la Haye, le 11 Janvier.
Début :
Les Députés des Négociants d'Amsterdam ont présenté une Requête aux Etats de [...]
Mots clefs :
Députés, Négociants, Requête, Jugements, Commerce, Princesse gouvernante, Navires, Cargaison, Hollande, Mémoire, Ministre, Violences, Nations
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De la Haye, le 11 Janvier.
De la Haye , le 11 Janvier.".
Les Députés des Négociants d'Amſterdam ont
préfenté une Requête auxiEtats de Hollande &
de Weftfrife, qui porte en fubftance qu'ils ont
déja pris la liberté de s'adreffer aux Etats Généraux
& à la Princeffe. Gouvernante , pour fe
plaindre des Pirateries , des confifcations & des
Jugements injuftes des Anglois ; que bien loin
que leurs plaintes ayent produit quelqu'effet , ils
voyent au contraire augmenter de jour en jour
les donmages caufés au commerce de la Ré
publique , qu'afin de prévenir fa ruine totale» ,
ils fe font adreffés pour la quatrième fois le fept
du mois dernier à la Princeffe Gouvernante
en lui représentant que le mal étoit parvenu à
fan comble , qu'il étoit d'une néceffité abſolue
C
206 MERCURE DE FRANCE.
d'y remédier , en faifant les plus fortes inftances
à la Cour de Londres , pour obtenir la reftitue
tion des Navires enlevés & de leur cargaison ,
& en accordant pour l'avenir au commerce des
Hollandois , une protection fuffifante , qu'ils ont
vû avec douleur par la réponſe de la Princeſſe ,
qu'il y avoit peu d'eſpérance de voir ces deux objets
remplis qu'il eft pourtant néceffaire qu'ils
le foient au plutôt , fi l'on ne veut pas que plufieurs
milliers d'habitans fe trouvent réduits à
la mifére ; qu'ils ont recours à leurs nobles Puiſfances
, comme aux peres de la patrie , pour les
prier de prendre à ce fujet les réfolutions que
leur fagelle jugera les plus propres à prévenir la
ruine du commerce & de la navigation.
.Du II.
Les Etats de Hollande & de Weſtfriſe ſe raffemblerent
hier pour reprendre le cours de leurs délibérations.
Le Mémoire qui fut préfenté aux Etats
Généraux le 22 du mois dernier par le Général
York , Miniftre Plénipotentiaire de la Cour de
Londres , a été rendu public. Ce Mémoire porte
en fubftance , que le Roi d'Angleterre ne sçauroit
efpérer de terminer heureuſement la guerre dans
laquelle il s'eft engagé contre la France , fi les
Puillances neutres s'arrogent le droit de faire le
commerce des ennemis de la Grande Bretagne ;
qu'il ne peut fe perfuader que d'anciens Alliés
veuillent , pour le profit paffager de quelques
Particuliers , que l'Angleterre foit lézée dans un
point auffi ellentiel .
L'Auteur du Mémoire entre enfuite dans la
difcution des plaintes faites par les Négociants
Hollandois. Il prétend que toutes les prites faites
fur eux , ont été faites avec juftice ; que les plaintes
excitées par les excès de quelques Armateurs
Anglois , ne font peut-être que trop fondées ;
FEVRIER. 1759. 207
que Sa Majefté Britanique déplore véritablement
ces violences commifes à la honte de la Nation .
Les Députés des Négociants d'Amſterdam ont
préfenté une Requête auxiEtats de Hollande &
de Weftfrife, qui porte en fubftance qu'ils ont
déja pris la liberté de s'adreffer aux Etats Généraux
& à la Princeffe. Gouvernante , pour fe
plaindre des Pirateries , des confifcations & des
Jugements injuftes des Anglois ; que bien loin
que leurs plaintes ayent produit quelqu'effet , ils
voyent au contraire augmenter de jour en jour
les donmages caufés au commerce de la Ré
publique , qu'afin de prévenir fa ruine totale» ,
ils fe font adreffés pour la quatrième fois le fept
du mois dernier à la Princeffe Gouvernante
en lui représentant que le mal étoit parvenu à
fan comble , qu'il étoit d'une néceffité abſolue
C
206 MERCURE DE FRANCE.
d'y remédier , en faifant les plus fortes inftances
à la Cour de Londres , pour obtenir la reftitue
tion des Navires enlevés & de leur cargaison ,
& en accordant pour l'avenir au commerce des
Hollandois , une protection fuffifante , qu'ils ont
vû avec douleur par la réponſe de la Princeſſe ,
qu'il y avoit peu d'eſpérance de voir ces deux objets
remplis qu'il eft pourtant néceffaire qu'ils
le foient au plutôt , fi l'on ne veut pas que plufieurs
milliers d'habitans fe trouvent réduits à
la mifére ; qu'ils ont recours à leurs nobles Puiſfances
, comme aux peres de la patrie , pour les
prier de prendre à ce fujet les réfolutions que
leur fagelle jugera les plus propres à prévenir la
ruine du commerce & de la navigation.
.Du II.
Les Etats de Hollande & de Weſtfriſe ſe raffemblerent
hier pour reprendre le cours de leurs délibérations.
Le Mémoire qui fut préfenté aux Etats
Généraux le 22 du mois dernier par le Général
York , Miniftre Plénipotentiaire de la Cour de
Londres , a été rendu public. Ce Mémoire porte
en fubftance , que le Roi d'Angleterre ne sçauroit
efpérer de terminer heureuſement la guerre dans
laquelle il s'eft engagé contre la France , fi les
Puillances neutres s'arrogent le droit de faire le
commerce des ennemis de la Grande Bretagne ;
qu'il ne peut fe perfuader que d'anciens Alliés
veuillent , pour le profit paffager de quelques
Particuliers , que l'Angleterre foit lézée dans un
point auffi ellentiel .
L'Auteur du Mémoire entre enfuite dans la
difcution des plaintes faites par les Négociants
Hollandois. Il prétend que toutes les prites faites
fur eux , ont été faites avec juftice ; que les plaintes
excitées par les excès de quelques Armateurs
Anglois , ne font peut-être que trop fondées ;
FEVRIER. 1759. 207
que Sa Majefté Britanique déplore véritablement
ces violences commifes à la honte de la Nation .
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Résumé : De la Haye, le 11 Janvier.
Le 11 janvier, les députés des négociants d'Amsterdam ont soumis une requête aux États de Hollande et de Westfrise, dénonçant les pirateries, confiscations et jugements injustes des Anglais, qui nuisent au commerce de la République. Malgré plusieurs plaintes auprès des États Généraux et de la Princesse Gouvernante, aucune solution n'a été trouvée. Les négociants demandent une intervention urgente auprès de la Cour de Londres pour récupérer les navires et cargaisons confisqués, et assurer une protection future au commerce hollandais. La réponse de la Princesse est peu encourageante, mais les négociants insistent sur la nécessité de ces mesures pour éviter la misère de milliers de personnes et prévenir la ruine du commerce et de la navigation. Parallèlement, les États de Hollande et de Westfrise ont repris leurs délibérations et rendu public un mémoire du Général York, ministre plénipotentiaire de la Cour de Londres. Ce mémoire affirme que le Roi d'Angleterre ne peut terminer la guerre contre la France si les puissances neutres continuent de commercer avec les ennemis de la Grande-Bretagne, tout en reconnaissant les excès de certains armateurs anglais.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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43
p. 207-208
DE LA HAYE, le 19 Janvier.
Début :
Le 13 de ce mois, on fit l'ouverture du Testament de la Princesse [...]
Mots clefs :
Testament, Princesse gouvernante, Prince, Commerce, Colonies françaises, Navires, Comte
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DE LA HAYE, le 19 Janvier.
DE LA HAYE , le 19 Janvier.
Le 13 de ce mois , on fit l'ouverture du Teftament
de la Princeffe Gouvernante . Elle a inftitué
le Roi d'Angleterre & la Princeffe Douairiere de
Naflau Tuteurs Honoraires du Prince Stathouder
& de la Princeffe Caroline fes enfans ; & le Duc
Louis de Brunſwick Tuteur effectif.
On vient de publier ici une prétendue Lettre
208 MERCURE DE FRANCE.
écrite de Londres , dans laquelle on s'efforce de
prouver , qu'il eſt de l'intérêt de la Nation Hollandoile
de renoncer au commerce des Colonies
Françoifes. Cette lettre eft regardée comme l'ouvrage
du Général York qui voudroit bien que les
intérêts de la Grande- Bretagne devinflent les
nôtres.
Nous avons appris que trois navires d'Amfterdam
qui r venoient de Curaçao , ont été enlevés
par des Corfaires Anglois , & conduits à la
nouvelle York . Un autre navire parti de S. Euftache
, a été pris & mené à la Jamaique. Quatre
autres ont eu le même fort.
Le Comte d'Affry a fait part aux Etats - Généraux
que Sa Majesté Très Chrétienne l'a nommé
fon Ambaffadeur auprès de Leurs Hautes
Puillances.
Du 8 Février.
Nous commençons à éprouver de la part du
Minière Anglois , des ménagemens qu'il n'avoit
pas eus pour nous jufqu'à préfent. On confent à
nous reftituer grand nombre de vaiffeaux qui
nous ont été juſtement enlevés.
Le 13 de ce mois , on fit l'ouverture du Teftament
de la Princeffe Gouvernante . Elle a inftitué
le Roi d'Angleterre & la Princeffe Douairiere de
Naflau Tuteurs Honoraires du Prince Stathouder
& de la Princeffe Caroline fes enfans ; & le Duc
Louis de Brunſwick Tuteur effectif.
On vient de publier ici une prétendue Lettre
208 MERCURE DE FRANCE.
écrite de Londres , dans laquelle on s'efforce de
prouver , qu'il eſt de l'intérêt de la Nation Hollandoile
de renoncer au commerce des Colonies
Françoifes. Cette lettre eft regardée comme l'ouvrage
du Général York qui voudroit bien que les
intérêts de la Grande- Bretagne devinflent les
nôtres.
Nous avons appris que trois navires d'Amfterdam
qui r venoient de Curaçao , ont été enlevés
par des Corfaires Anglois , & conduits à la
nouvelle York . Un autre navire parti de S. Euftache
, a été pris & mené à la Jamaique. Quatre
autres ont eu le même fort.
Le Comte d'Affry a fait part aux Etats - Généraux
que Sa Majesté Très Chrétienne l'a nommé
fon Ambaffadeur auprès de Leurs Hautes
Puillances.
Du 8 Février.
Nous commençons à éprouver de la part du
Minière Anglois , des ménagemens qu'il n'avoit
pas eus pour nous jufqu'à préfent. On confent à
nous reftituer grand nombre de vaiffeaux qui
nous ont été juſtement enlevés.
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Résumé : DE LA HAYE, le 19 Janvier.
Le 13 janvier, le testament de la Princesse Gouvernante a été ouvert. Elle a nommé le Roi d'Angleterre et la Princesse Douairière de Nassau comme tuteurs honoraires du Prince Stathouder et de la Princesse Caroline, et le Duc Louis de Brunswick comme tuteur effectif. Une lettre, prétendument écrite à Londres, suggère que les intérêts de la Nation Hollandaise seraient mieux servis en renonçant au commerce des colonies françaises. Cette lettre est attribuée au Général York, qui chercherait à aligner les intérêts hollandais avec ceux de la Grande-Bretagne. Plusieurs navires hollandais, revenant de Curaçao et de Saint-Eustache, ont été capturés par des corsaires anglais et conduits à New York et en Jamaïque. Le Comte d'Affry a informé les États-Généraux de sa nomination comme ambassadeur de Sa Majesté Très Chrétienne auprès d'eux. Depuis le 8 février, des gestes de conciliation de la part du ministère anglais ont été observés, avec la restitution de nombreux vaisseaux précédemment enlevés.
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44
p. 215-217
DE LONDRES, le 15 Mai.
Début :
Le Corsaire François le Maréchal de Belle-Isle, qui a hiverné a [...]
Mots clefs :
Corsaires , Amiral, Escadre, Martinique, Troupes, Commerce, Côtes, Expédition, Ports
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DE LONDRES, le 15 Mai.
DE LONDRES , le 15 Mai.
Le Corfaire François le Maréchal de Belle- Iſle ,
qui a hiverné a Gottenbourg , vient de reparoître
dans fon ancienne ſtation , & nous a déja fait
quelques prifes . On a reçu avis que l'Amiral Bofcawen
eft arrivé a Gibraltar avec fon Eſcadre. On
compte qu'il a dû fe joindre depuis à l'Amiral
Broderick , qui croiſe à la hauteur de Toulon . On
fonde ici de grandes efpérances fur les opérations
que ces deux Efcadres réunies doivent exécuter.
Elles agiront tout l'été fur les côtes de Provence.
Nous avons appris dernierement que l'Eſcadre
commandée par le fieur de Bompart étoit arrivée
à la Martinique , & que le Chef d'Efcadre
More étoit parti de la Guadeloupe pour aller
combattre le fieur de Bompart . Telle eſt la nouvelle
qu'on répand depuis quelques jours , pour
pallier le mauvais fuccès du débarquement de
nos Troupes à Baffeterre. Tout le monde ſçair
ici qu'elles ont été contraintes d'évacuer entie
rement l'lfle de la Guadeloupe , après y avoir
eſſuyé la perte de plus de deux mille hommes
tués ou morts de maladie..
216 MERCURE DE FRANCE.
Du 30 .
Le Commerce fouffre infiniment du malheur
qui a rendu parmi nous les eſpéces très -rares . On
eft obligé de faire des emprunts chez l'Etranger à
gros intérêts , ce qui augmente néceſſairement la
difficulté de fournir à l'Etat les fecours dont il
aura befoin fi la guerre continue.
Les ordres font donnés pour repartir fur nos
Côtes toutes les troupes qui font reftées dans les
trois Royaumes. On prépare à Wolwich plufieurs
trains d'artillerie qui feront diftribués dans les
différens cantonnemens de ces troupes . On prend
ces précautions pour empêcher les defcentes que
les François pourroient avoir deffein de tenter.
Leur armement de Breft caufe ici beaucoup d'inquiétude.
Du 2 Juin.
On affure que la flotte commandée par les
Amiraux Hawke & Hardy eſt allée ſur les côtes
de France ; que ces Amiraux ont ordre d'obferver
foigneufement ce qui fe paffe dans le Port
de Breft , d'empêcher la fortie de la flotte Françoiſe
, ou fi elle échappe à leur vigilance , de la
pourfuivre fans relâche , & de lui livrer combat
en quelque endroit qu'ils la rencontrent.
L'Amiral Hawke a informé la Cour qu'il avoit
détaché une chaloupe pour aller reconnoître le
Port de Breft ; qu'elle y avoit découvert onze
vaifeaux en rade , plufieurs Frégates, & un grand
nombre de Bâtimens de tranfport.
Du 15 Juin.
On affure que l'expédition qui devoit s'exécuter
fur les côtes de France n'aura point lieu cette
année. Toute l'attention fe porte à là néceſſité
de nous garantir de l'invafion que nous appréhendons
JUILLET. 1759. 217
hendons. On prépare une petite Elcadre qui doit
aller croifer dans la Manche , afin d'obſerver plus
exactement les mouvemens des François.
Le bruit fe répand depuis quelques jours que
le fieur de Lally s'eft emparé dans l'Inde de
Trichenapoly , l'une des principales Villes de la
Nababie d'Arcate , & où nous avions un de nos
plas riches Comptoirs. Si la nouvelle eft vraie ,
nous devons tout craindre pour Madras.
Le Corfaire François le Maréchal de Belle- Iſle ,
qui a hiverné a Gottenbourg , vient de reparoître
dans fon ancienne ſtation , & nous a déja fait
quelques prifes . On a reçu avis que l'Amiral Bofcawen
eft arrivé a Gibraltar avec fon Eſcadre. On
compte qu'il a dû fe joindre depuis à l'Amiral
Broderick , qui croiſe à la hauteur de Toulon . On
fonde ici de grandes efpérances fur les opérations
que ces deux Efcadres réunies doivent exécuter.
Elles agiront tout l'été fur les côtes de Provence.
Nous avons appris dernierement que l'Eſcadre
commandée par le fieur de Bompart étoit arrivée
à la Martinique , & que le Chef d'Efcadre
More étoit parti de la Guadeloupe pour aller
combattre le fieur de Bompart . Telle eſt la nouvelle
qu'on répand depuis quelques jours , pour
pallier le mauvais fuccès du débarquement de
nos Troupes à Baffeterre. Tout le monde ſçair
ici qu'elles ont été contraintes d'évacuer entie
rement l'lfle de la Guadeloupe , après y avoir
eſſuyé la perte de plus de deux mille hommes
tués ou morts de maladie..
216 MERCURE DE FRANCE.
Du 30 .
Le Commerce fouffre infiniment du malheur
qui a rendu parmi nous les eſpéces très -rares . On
eft obligé de faire des emprunts chez l'Etranger à
gros intérêts , ce qui augmente néceſſairement la
difficulté de fournir à l'Etat les fecours dont il
aura befoin fi la guerre continue.
Les ordres font donnés pour repartir fur nos
Côtes toutes les troupes qui font reftées dans les
trois Royaumes. On prépare à Wolwich plufieurs
trains d'artillerie qui feront diftribués dans les
différens cantonnemens de ces troupes . On prend
ces précautions pour empêcher les defcentes que
les François pourroient avoir deffein de tenter.
Leur armement de Breft caufe ici beaucoup d'inquiétude.
Du 2 Juin.
On affure que la flotte commandée par les
Amiraux Hawke & Hardy eſt allée ſur les côtes
de France ; que ces Amiraux ont ordre d'obferver
foigneufement ce qui fe paffe dans le Port
de Breft , d'empêcher la fortie de la flotte Françoiſe
, ou fi elle échappe à leur vigilance , de la
pourfuivre fans relâche , & de lui livrer combat
en quelque endroit qu'ils la rencontrent.
L'Amiral Hawke a informé la Cour qu'il avoit
détaché une chaloupe pour aller reconnoître le
Port de Breft ; qu'elle y avoit découvert onze
vaifeaux en rade , plufieurs Frégates, & un grand
nombre de Bâtimens de tranfport.
Du 15 Juin.
On affure que l'expédition qui devoit s'exécuter
fur les côtes de France n'aura point lieu cette
année. Toute l'attention fe porte à là néceſſité
de nous garantir de l'invafion que nous appréhendons
JUILLET. 1759. 217
hendons. On prépare une petite Elcadre qui doit
aller croifer dans la Manche , afin d'obſerver plus
exactement les mouvemens des François.
Le bruit fe répand depuis quelques jours que
le fieur de Lally s'eft emparé dans l'Inde de
Trichenapoly , l'une des principales Villes de la
Nababie d'Arcate , & où nous avions un de nos
plas riches Comptoirs. Si la nouvelle eft vraie ,
nous devons tout craindre pour Madras.
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Résumé : DE LONDRES, le 15 Mai.
Le 15 mai, le maréchal de Belle-Isle a repris ses activités à Göteborg et effectué quelques prises. L'amiral Boscawen est arrivé à Gibraltar pour se joindre à l'amiral Broderick au large de Toulon. Les opérations conjointes de ces deux escadres sont attendues tout l'été sur les côtes de Provence. En Martinique, l'escadre de Bompart a été confrontée par celle de Morest, envoyé de la Guadeloupe pour compenser l'échec d'un débarquement. Les troupes ont dû évacuer la Guadeloupe après avoir perdu plus de deux mille hommes. Le 30 mai, la rareté des espèces a contraint à contracter des emprunts à l'étranger à des taux élevés. Des ordres ont été donnés pour rapatrier les troupes et préparer des trains d'artillerie à Woolwich. L'armement de Brest suscite de l'inquiétude. Le 2 juin, les amiraux Hawke et Hardy ont quitté les côtes de France pour observer Brest et empêcher la sortie de la flotte française. Le 15 juin, l'expédition contre les côtes de France a été annulée. Les préparatifs se concentrent sur la défense contre une invasion. Une rumeur indique que le sieur de Lally s'est emparé de Trichinopoly en Inde, mettant en danger Madras.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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45
p. 211
« Le Sieur Vater facteur de Clavecins, donne avis, que sur le point de se retirer [...] »
Début :
Le Sieur Vater facteur de Clavecins, donne avis, que sur le point de se retirer [...]
Mots clefs :
Clavecin, Commerce, Vente
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le Sieur Vater facteur de Clavecins, donne avis, que sur le point de se retirer [...] »
Le Sieur Vater Facteur de Clavecins , donne
avis , que fur le point de fe retirer du Commerce
, il lui refte nombre de bons Clavecins à vendre
tant de Buckers que de fa façon : ce que l'on
pourra voir chez lui à toute heure , rue Phelipeaux
prés le Temple , dans la maison du feur
Nicole.
avis , que fur le point de fe retirer du Commerce
, il lui refte nombre de bons Clavecins à vendre
tant de Buckers que de fa façon : ce que l'on
pourra voir chez lui à toute heure , rue Phelipeaux
prés le Temple , dans la maison du feur
Nicole.
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46
p. 201-210
MORTS.
Début :
Jacques-Claude-Marie-Vincent, Seigneur de Gournay, Conseiller honoraire au Grand Conseil, [...]
Mots clefs :
Seigneur de Gournay, Décès, Vertueux, Qualités, Voyageur, Commerce, Marine, Mémoires, Observation, Étude, Écrits, Éloquence, Principes de commerce, Royaume de France, Réformes, Éloge
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MORTS.
M ORTS.
ACQUES-Claude-Marie - Vincent , Seigneur
de Gournay , Confeiller honoraire au Grand'
Confeil İntendant honoraire du Commerce
mourut à Paris le 27 Juin , âgé de 47 ans.
?L'Hiftoire qui
fe
glorifie
de
célébrer
les
Hom-
mes
illuftres
,
néglige trop les
hommes
vertueux
:
La
V
202
MERCURE
DE FRANCE
elle
prodigue fouvent
aux
qualités éclatantes
l'en
cens qui
eft
dû aux
qualités
utiles
;
&
l'humanité
gémit
de
voir
des
trophées
élevés
à
la
mémoire
de
je
ne
fçai
quels
Héros
qui
lui
ont
été
au
moins-
inutiles
,
tandis
qu'on
foule
avec
une
dédaigneuſe
ingratitude
la
cendre
des
bons
Citoyens
.
De
ce
nombre
fut
M.
Vincent de
Gournai
.
Il étoit
né
à
S.
Malo
,
au
mois
de
Mai
1712
,
de Claude
Vincent
,
l'un des plus
confidérables
Négocians de
cette
Ville
&
Secrétaire
du Roi
.
Le
jeune Vincent
def
→
tiné
au
Commerce
,
fut
envoyé à Cadix
dès
l'âge
de
dix
-
fept
ans
.
L'étude
,
les
travaux
de fon
état
firent
dès
lors
tous
les
plaifirs
.
L'activité
de
fon
efprit
le
dirigea vers
le
commerce
.
Tout occupé de fon objet il parcourut l'Efpagne
en obfervateur Philofophe. De retour en France
en 1744 ilfutconnu de M. le Comte de Maurepas,
alors Miniftre de la Marine , qui fentit tout ce
qu'il valoit. Pour étendre les lumières qu'il avoit
recueillies en Espagne , il employa quelques an
nées à voyager en Hollande , en Allemagne , en
Angleterre. Partout il recueilloit des Obferva
tions , des Mémoires fur l'état du Commerce &
de la Marine. Ce n'étoit point un Négociant ,
c'étoit un homme d'Etat qui étudioit le génie
les facultés , les befoins , les relations des diffé
rens peuples de l'Europe.
Comparer
entr'elles les
productions
de
la
Na-
ture
&
des
Arts
dans
les
différens
climats
,
leur
valeur
refpective
,
les frais
d'exportation
&
les
moyens
d'échange
;
embraffer
dans toute
fon
étendue
&
fuivre
dans
fes
révolutions
l'état
desproductions
naturelles
, celui
de
l'induftrie
,
de
la population
,
des
richeffes
,
des finances
,
desbefoins
&
des
caprices
mêmes
de
la
mode
chez
toutes
les
Nations que
le
commerce
réunit ,
pourappuyer
fur la
connoiffance approfondie de tous
AOUST
.
1759.
203
ces détails des fpéculations lucratives ; c'est étu-
dier le commerce en Négociant. Mais découvrir
les cauſes & les effets cachés de cette multitude
de révolutions ; remonter aux refforts fimples
dont l'action toujours combinée , & quelquefois
déguilée par des circonftances locales , dirige tou
tes les opérations du commerce ; s'élever juſqu'à
ces loix uniques & primitives fondées ſur la na-
ture même , par lesquelles toutes les valeurs
exiſtantes dans le commerce fe balancent entre
elles & ſe fixent à une valeur déterminée , faifir
ces rapports compliqués par lefquels le com-
merce s'enchaîne avec toutes les branches de l'c-
conomie politique ; appercevoir la dépendance
réciproque du commerce & de l'agriculture , l'in-
fluence de l'un & de l'autre fur les ticheſſes , fur
la population & fur la force des Etats , fa liaifon
intime avec les loix , les mœurs & toutes les opé-
rations du Gouvernement , furtout avec la dif-
penfation des finances , les fecours qu'il reçoit de
la Marine Militaire & ceux qu'il leur rend , le
changement qu'il produit dans les intérêts ref-
pectifs des Etats , & le poids qu'il met dans la
balance politique ; enfin démêler dans les hazards
des événemens & dans les principes d'adminiſ-
ration adoptés par les différentes Nations de-
l'Europe , les véritables cauſes de leur progrès &
de leur décadence dans le commerce : c'eſt envi-
fager le commerce en Philoſophe & en homme
d'Etat.
Si la fituation où fe trouvoit M. Vincent lę
déterminoit à s'occuper de la ſcience du com-
merce fous le premier de ces deux points de
vue , l'étendue & la pénétration de fon efprit ne
lui permettoient pas de s'y borner. Aux lumières
de l'expérience & de la réflexion il joignit celles.
de la lecture. Les Traités du célébre Jofas Child
I vi
204
MERCURE
DE
FRANCE
.
qu'il a depuis traduits en François , & les Me
moires du grand Penfionnaire Jean de Wit,
faifoient fon étude affidue. On fçait que ces deux
grands hommes font regardés ,, l'un en Angle
terre , l'autre en Hollande , comme les légifla-
teurs du commerce ; que leurs principes font
devenus des principes nationaux , & que l'ob-
fervation de ces principes eft regardée comme
une des fources de la prodigieufe ſupériorité que
Ces deux Nations ont acquile dans le commerce.
M. Vincent plein de ces fpéculations s'occupoit'
à les vérifier dans la pratique d'un commerce
étendu , fans prévoir qu'il étoit deftiné à en ré-
pandre un jour la lumière en France , & à mê-
riter de fa Patrie le même tribut de reconnoif
fance que l'Angleterre & la Hollande rendent à
la mémoire de ces deux bienfaicteurs de leur
nation & de l'humanité. Mais comme fés talens
& fa probité lui avoient concilié l'eftime de tous
les Négocians de l'Europe , ils lui acquirent bien-
tôt la confiance du Gouvernement. M Jamets de
Villebare fon affocié & fon ami, mourut en 1746,
& le fit fon légataire univerfel : alors M. Vincent
quitta le commerce , & prit le nom de la terre
de Gournai qui faifoit partie de cette fucceffioni
M. de Maurepas lui confeilla de tourner les vues
du côté d'une place d'Intendant du Commerce!
M. de Machault à qui le mérite de M. de Gournai
étoit aufli très - connu , lui fit donner celle qui
vacqua en 1751 par la mort de M. le Tourneur.
Ce fut dès- lors que fa vie devint celle d'un hom-
me public. Son entrée au Bureau du Commerce
parut être l'époque d'une révolution. Il ne put
voir fans étonnement les entraves qu'on avoit
données au commerce & à l'induftrie ; par exem-
ple , que le travail d'un Ouvrier fût exposé à des
rifques & à des frais dont l'homine oifi éroir
AOUST
.
1759
.
205
exempt qu'une
piéce
d'étoffe
fabriquée
fit
un
procès
entre
un
Fabriquant
qui
ne
fçait
pas
lire
&
un
Infpecteur
qui
ne
fçait
pas fabriquer
;
que
l'Infpecteur
fût
cependant
l'arbitre
fouverain
de
la
fortune
du
Fabriquant
.
Ces Statuts qui déterminent jufqu'au nombre
des fils d'une étoffe , qui interdifent aux femmes
le travail de la fabrication , &c ; ces Statues
dont la rigueur ne tend qu'à décourager l'in-
duſtrie , & à lier les mains à des malheureux
qui ne demandent qu'à travailler , lui parurent
auffi oppofés aux principes de la juſtice & de
T'humanité qu'à ceux de l'adminiſtration œco-
nomique.
Il n'étoit pas moins étonné de voir le Gou-
vernement s'occuper à régler le cours de chaque
denrée , interdire un genre d'induſtrie pour en
faire fleurir un autre , affujettir à des gênes par-
ticulières la vente des provifions les plus nécef
faires à la vie , défendre de faire des magasins
d'une denrée dont la récolte varie tous les ans ,
& dont la confommation eft toujours à- peu-près
égale , défendre la fortie d'une denrée fujette à
tomber dans l'aviliffement , & croire s'affurer
Pabondance du bled en rendant la condition du
laboureur plus incertaine & plus malheureuſe
que celle de tous les autres citoyens.
M.
de Gournai ne
prévoyoit pas qu'on
le
pren-
droit
pour un
homme
à ſyſtême
,
lorſqu'il
ne
feroit
que
développer
les
principes
que
l'expé-
rience lui avoit enfeignés
,
&
qu'il
ne
regardoit
que
comme
les
maximes
les
plus fimples
du
fens
commun
:
ils
fe réduifoient tous à celui-
ci
,
Que
dans
le
commerce abandonné
à
lui
-
même
,
il
n'eft
pas
poflible
que
l'intérêt particulier
ne con-
coure pas avec
l'intéret
général
,
&
que
le
Gou-
vernement ne
doit s'en
mêler que pour
lui
ac-
206
MERCURE
DE
FRANCE
.
corder au befoin fa protection & fes fecours. Tel
eft le fyftême qu'il a développé dans les écrits,
& qu'il a foutenu avec la fermeté la plus coura
geufe jufqu'à la fin de fa vie ; mais ce fyftême
tout inconteftable qu'il eft , au moins à l'égard
des productions intérieures & de l'induftrie qui
les met en valeur , n'a jamais été fans contra-
diction.
Le haut intérêt de l'argent , la multiplicité des
taxes & des droits impolés fur le commerce , lyi
fembloient des obftacles pernicieux à fes pro-
grès ; & de ces idées lumineuſes développées par
les circonstances , il s'étoit fait un plan d'admi
niſtration politique dont il ne s'écarta jamais.
Son éloquence fimple , & animée de cette
chaleur intéreſſante que donne aux difcours d'un
homme vertueux la perfuafion intime qu'il foy
tient la caufe du bien public , n'ôtoit jamais rien
à la folidité de la difcuffion ; quelquefois elle
étoit affaifonnée par une plaifanterie fans amer
tume , & d'autant plus agréable qu'elle étoit
toujours une raiſon. Auffi incapable de prendre
un ton dominant que de parler contre la pensée,
la manière dont il propoſoit ſon ſentiment n'é-
toit impérieufe que par la force des preuves. S:
quelquefois il étoit contredit , il écoutoit avec
patience , répondoit avec politeffe , & difcutoit
avec le fang froid & la candeur d'un homme
qui ne cherche que le vrai. Si quelquefois il
changeoit d'avis , fa première opinion ne fem-
bloit jamais retarder ni affoiblir l'imprellion fubire
que la vérité offerte fait naturellement fur un
efprit jufte.
C'eft à la chaleur avec laquelle il cherchoit
à tourner du côté du commerce & de l'œcono-
mie politique tous les talens qui l'approchoient
c'eft-lurtout à la facilité avec laquelle il con
AOUST
.
1759
.
107
muniquoit toutes les lumières qu'il avoit acquifes,
qu'on doit attribuer cette heureufe fermentation
qui s'eft excitée depuis quelques années fur ces
objets importans , & qui nous a déja procuré
plufieurs Ouvrages remplis de recherches labo-
rieufes & de vmes profondes.
Quelque peine qu'on eût à adopter fes principes
dans toute leur étendue , fes lumières , fon expé
rience , l'eftime générale de tous les Négocians,
pour perfonne , la pureté de fes vues au- deſſus
de tout foupçon , lui attiroient néceſſairement la
confiance du Ministère , & le refpect de ceux-
mêmes qui s'obftinoient à combattre fon opinion,
Son zéle lui infpira le deffein de vifiter le
Royaume , pour y voir par lui-même l'état du
commerce & des fabriques ; & depuis le mois de
Juillet jufqu'au mois de Décembre 1753 , il par
courut la Bourgogne , le Lyonnois , le Dauphiné,
la Provence , le haut & bas Languedoc. En 1755
il vifita la Rochelle , Bordeaux , Montauban , le
reſte de la Guienne jufqu'à Bayonne. En 1756 il
fuivit le cours de la Loire depuis Orléans juſqu'à
Nantes. Il vit auſſi le Maine & l'Anjou , ſuivit la
côte de Bretagne depuis Nantes jufqu'à S. Malo ,
& s'arrêta à Rennes pendant la tenue des Etats
de 1756. Par tout il trouva de nouveaux motifs
de fe confirmer dans ſes principes , & de nouvel-
les armes contre les préjugés qui lui réſiſtoient.
Les fruits des voyages de M. de Gournai furent
la réforme d'une infinité d'abus , une connoiſſance
de l'état des Provinces plus füre & plus capable
de diriger les opérations du Miniſtère , une ap¬
préciation plus exacte des plaintes & des de-
mandes , la facilité procurée au peuple & au
ſimple artiſan de faire entendre leurs voix fou-
vent étouffées par des hommes intéreſſés , de qui
ces malheureux dépendent ; enfin l'émulation
nouvelle que M. de Gournai fçavoit répandre par
268
MERCURE
DE
FRANCE
.
1
fon
éloquence
perfuafive
,
par
la
netteté
avec
laquelle
il
rendoit
fes
idées
,
&
par
l'heureuſe
influence
de
fon
zéle
patriotique
.
C'eſt à fon féjour à Rennes en 1756 qu'on doit en
partie l'existence de la Société établie en Bretagne
de l'autorité des Etats , & fous les aufpices de M.
le Duc d'Eguillon , pour la perfection de l'agri-
culture , du commerce & de l'induftrie ; Société
qui eft la première de ce genre dans le Royaume ,
& qui mérite bien de fervir de modèle. Mais un
talent fans lequel fon zéle eût été infructueux ,
étoit celui de ménager l'orgueil & les prétentions
des autres , d'écarter tous les ombrages de la
rivalité & tous les dégoûts d'une inftruction hu-
miliante. Il lui eft arrivé fouvent de faire hon-
neur à des hommes en place des vues qu'il leur
avoit communiquées. Il lui étoit égal que le bien
qui s'opéroit vint de lui ou d'un autre.
(
Il
a
eu
le
même
défintéreffement
pour
les
Manufcrits qui font
reftés
de
lui
,
&
l'on
y
voir
fon
indifférence
pour
toute réputation
littéraire
;
mais
ils
n'en font pas
moins
précieux
,
même
à
ne
les
regarder
que
du
côté
de
la
compofition
.
Une
éloquence
naturelle
,
une
précifion lami-
neufe dans
l'expofition
des principes
,
un
art
fin-
gulier
de
les
préfenter fous toutes
les faces
&
de
fes
rendre
fenfibles
par
des
applications
juftes
,
&
fouvent piquantes par
leur
jufteffe
même
,
une
politeffe
toujours égale
,
&
une
logique
pleine
de
fagacité
,
enfin
un
ton
de
patriotilme
&
d'he-
manité
qu'il
ne
cherchoit point à prendre
&
qu'il
n'en avoit
que mieux
,
caractérifoient
fes
écrits
comme
la
converſation
.
Prellant jufqu'a l'importunité
lorfqu'il
s'agif-
foit
du
bien public
,
aucun de nos Colons
n'a
loi-
licité
avec autant de
zéle
que
lui la liberté
du
com-
merce
des vailleaux neutres dans nos
Colonies
pendant la guerre
:
fes follicitations étoient d'au
AOUST
.
1759
.
༣༠༡
་
tant plus vives qu'il ne demandoit rien pour lui.
Il est mort fans aucun bienfait de la Cour. Les
pertes qu'il effuya fur les fonds qu'il avoit laillés
en Elpagne ayant dérangé fa fortune , il fe dé-
termina en 1758 à quitter fa charge d'Inten-
dant du Commerce. Des perfonnes en place lui
propoferent de folliciter pour lui les graces du
Roi ; il répondit qu'il avoit toujours regardé de
pareilles graces comme étant d'une conféquence
dangerenfe , furtout dans les circonstances où
l'Etat fe trouvoit , & qu'il ne vouloit pas qu'on
eût à lui reprocher de s'être prêté à des excep-
tions en fa faveur. Il ajouta qu'il ne fe croiroit
pas difpenfé par fa retraite de s'occuper d'objets
utiles , & il demanda de conferver la féance au
Bureau du Commerce avec le titre d'honoraire
qui lui fut accordé.
M. de Silhouette qui avoit pour M. de Gournal
un eftime qui fait l'éloge de l'un & de l'autre ,
ne fut pas plutôt Contrôleur Général , qu'il ré-
folut d'arracher à la retraite un homme dont les
talens & le zéle étoient fi propres à feconder
fes vues mais M. de Gournai étoit déja attaqué
de la maladie dont il eft mort.
Le nom d'homme à fyftéme eft devenu une
efpéce d'arme pour les perfonnes prévenues ou
intéreffées à maintenir quelqu'abus , & l'on n'a
pas manqué de donner ce nom à M. de Gournai ;
mais fi fes principes font jamais pour la France
comme ils l'ont été pour la Hollande & l'An-
gleterre une fource d'abondance & de profpérité ,
nos defcendans fçauront que la reconnoiffance
lui en eft due. Quoiqu'il en foit , une gloire bien
perfonnelle à M. de Gournai eft celle d'une vertu
à toute épreuve l'ombre même du ſoupçon n'en
a jamais terni l'éclat. Appuyée fur un fentiment
profond de juftice & de bienfaifance , elle a fait
de lui un homme doux , modefte , indulgent
210
MERCURE
DE
FRANCE
.
dans
la fociété
;
irréprochable
&
même
auftere
dans
fa
conduite
&
dans
fes
moeurs
;
mais
auf-
tere
pour
lui
feul
,
égal
&
fans
humeur
à
l'égard
des
autres
.
Dans
la vie
privée
,
attentif
à
rendre
heureux
tout
ce
qui
l'environnoit
;
dans
la vie
pu
blique
,
uniquement
occupé
des
profpérités
&
de
la
gloire
de
fa
Patrie
&
du
bonheur de
l'humanité
.
Ce
fentiment
étoit
un
des motifs
qui
l'attachoient
le
plus
fortement à
ce qu'on
appelloit
fon
fyftême
;
&
ce
qu'il
reprochoit
le
plus
vivement
aux
prin
cipes
qu'il
attaquoit
,
étoit
de
favoriler
toujours
la partie
riche
&
oifive
de
la
Société
,
au
préjudice
de
la
partie
pauvre
&
laborieufe
.
Juflitia cultor, rigidi fervator honefti ,
In commune bonus. LUCAN . PHARS. Lib. I.
ACQUES-Claude-Marie - Vincent , Seigneur
de Gournay , Confeiller honoraire au Grand'
Confeil İntendant honoraire du Commerce
mourut à Paris le 27 Juin , âgé de 47 ans.
?L'Hiftoire qui
fe
glorifie
de
célébrer
les
Hom-
mes
illuftres
,
néglige trop les
hommes
vertueux
:
La
V
202
MERCURE
DE FRANCE
elle
prodigue fouvent
aux
qualités éclatantes
l'en
cens qui
eft
dû aux
qualités
utiles
;
&
l'humanité
gémit
de
voir
des
trophées
élevés
à
la
mémoire
de
je
ne
fçai
quels
Héros
qui
lui
ont
été
au
moins-
inutiles
,
tandis
qu'on
foule
avec
une
dédaigneuſe
ingratitude
la
cendre
des
bons
Citoyens
.
De
ce
nombre
fut
M.
Vincent de
Gournai
.
Il étoit
né
à
S.
Malo
,
au
mois
de
Mai
1712
,
de Claude
Vincent
,
l'un des plus
confidérables
Négocians de
cette
Ville
&
Secrétaire
du Roi
.
Le
jeune Vincent
def
→
tiné
au
Commerce
,
fut
envoyé à Cadix
dès
l'âge
de
dix
-
fept
ans
.
L'étude
,
les
travaux
de fon
état
firent
dès
lors
tous
les
plaifirs
.
L'activité
de
fon
efprit
le
dirigea vers
le
commerce
.
Tout occupé de fon objet il parcourut l'Efpagne
en obfervateur Philofophe. De retour en France
en 1744 ilfutconnu de M. le Comte de Maurepas,
alors Miniftre de la Marine , qui fentit tout ce
qu'il valoit. Pour étendre les lumières qu'il avoit
recueillies en Espagne , il employa quelques an
nées à voyager en Hollande , en Allemagne , en
Angleterre. Partout il recueilloit des Obferva
tions , des Mémoires fur l'état du Commerce &
de la Marine. Ce n'étoit point un Négociant ,
c'étoit un homme d'Etat qui étudioit le génie
les facultés , les befoins , les relations des diffé
rens peuples de l'Europe.
Comparer
entr'elles les
productions
de
la
Na-
ture
&
des
Arts
dans
les
différens
climats
,
leur
valeur
refpective
,
les frais
d'exportation
&
les
moyens
d'échange
;
embraffer
dans toute
fon
étendue
&
fuivre
dans
fes
révolutions
l'état
desproductions
naturelles
, celui
de
l'induftrie
,
de
la population
,
des
richeffes
,
des finances
,
desbefoins
&
des
caprices
mêmes
de
la
mode
chez
toutes
les
Nations que
le
commerce
réunit ,
pourappuyer
fur la
connoiffance approfondie de tous
AOUST
.
1759.
203
ces détails des fpéculations lucratives ; c'est étu-
dier le commerce en Négociant. Mais découvrir
les cauſes & les effets cachés de cette multitude
de révolutions ; remonter aux refforts fimples
dont l'action toujours combinée , & quelquefois
déguilée par des circonftances locales , dirige tou
tes les opérations du commerce ; s'élever juſqu'à
ces loix uniques & primitives fondées ſur la na-
ture même , par lesquelles toutes les valeurs
exiſtantes dans le commerce fe balancent entre
elles & ſe fixent à une valeur déterminée , faifir
ces rapports compliqués par lefquels le com-
merce s'enchaîne avec toutes les branches de l'c-
conomie politique ; appercevoir la dépendance
réciproque du commerce & de l'agriculture , l'in-
fluence de l'un & de l'autre fur les ticheſſes , fur
la population & fur la force des Etats , fa liaifon
intime avec les loix , les mœurs & toutes les opé-
rations du Gouvernement , furtout avec la dif-
penfation des finances , les fecours qu'il reçoit de
la Marine Militaire & ceux qu'il leur rend , le
changement qu'il produit dans les intérêts ref-
pectifs des Etats , & le poids qu'il met dans la
balance politique ; enfin démêler dans les hazards
des événemens & dans les principes d'adminiſ-
ration adoptés par les différentes Nations de-
l'Europe , les véritables cauſes de leur progrès &
de leur décadence dans le commerce : c'eſt envi-
fager le commerce en Philoſophe & en homme
d'Etat.
Si la fituation où fe trouvoit M. Vincent lę
déterminoit à s'occuper de la ſcience du com-
merce fous le premier de ces deux points de
vue , l'étendue & la pénétration de fon efprit ne
lui permettoient pas de s'y borner. Aux lumières
de l'expérience & de la réflexion il joignit celles.
de la lecture. Les Traités du célébre Jofas Child
I vi
204
MERCURE
DE
FRANCE
.
qu'il a depuis traduits en François , & les Me
moires du grand Penfionnaire Jean de Wit,
faifoient fon étude affidue. On fçait que ces deux
grands hommes font regardés ,, l'un en Angle
terre , l'autre en Hollande , comme les légifla-
teurs du commerce ; que leurs principes font
devenus des principes nationaux , & que l'ob-
fervation de ces principes eft regardée comme
une des fources de la prodigieufe ſupériorité que
Ces deux Nations ont acquile dans le commerce.
M. Vincent plein de ces fpéculations s'occupoit'
à les vérifier dans la pratique d'un commerce
étendu , fans prévoir qu'il étoit deftiné à en ré-
pandre un jour la lumière en France , & à mê-
riter de fa Patrie le même tribut de reconnoif
fance que l'Angleterre & la Hollande rendent à
la mémoire de ces deux bienfaicteurs de leur
nation & de l'humanité. Mais comme fés talens
& fa probité lui avoient concilié l'eftime de tous
les Négocians de l'Europe , ils lui acquirent bien-
tôt la confiance du Gouvernement. M Jamets de
Villebare fon affocié & fon ami, mourut en 1746,
& le fit fon légataire univerfel : alors M. Vincent
quitta le commerce , & prit le nom de la terre
de Gournai qui faifoit partie de cette fucceffioni
M. de Maurepas lui confeilla de tourner les vues
du côté d'une place d'Intendant du Commerce!
M. de Machault à qui le mérite de M. de Gournai
étoit aufli très - connu , lui fit donner celle qui
vacqua en 1751 par la mort de M. le Tourneur.
Ce fut dès- lors que fa vie devint celle d'un hom-
me public. Son entrée au Bureau du Commerce
parut être l'époque d'une révolution. Il ne put
voir fans étonnement les entraves qu'on avoit
données au commerce & à l'induftrie ; par exem-
ple , que le travail d'un Ouvrier fût exposé à des
rifques & à des frais dont l'homine oifi éroir
AOUST
.
1759
.
205
exempt qu'une
piéce
d'étoffe
fabriquée
fit
un
procès
entre
un
Fabriquant
qui
ne
fçait
pas
lire
&
un
Infpecteur
qui
ne
fçait
pas fabriquer
;
que
l'Infpecteur
fût
cependant
l'arbitre
fouverain
de
la
fortune
du
Fabriquant
.
Ces Statuts qui déterminent jufqu'au nombre
des fils d'une étoffe , qui interdifent aux femmes
le travail de la fabrication , &c ; ces Statues
dont la rigueur ne tend qu'à décourager l'in-
duſtrie , & à lier les mains à des malheureux
qui ne demandent qu'à travailler , lui parurent
auffi oppofés aux principes de la juſtice & de
T'humanité qu'à ceux de l'adminiſtration œco-
nomique.
Il n'étoit pas moins étonné de voir le Gou-
vernement s'occuper à régler le cours de chaque
denrée , interdire un genre d'induſtrie pour en
faire fleurir un autre , affujettir à des gênes par-
ticulières la vente des provifions les plus nécef
faires à la vie , défendre de faire des magasins
d'une denrée dont la récolte varie tous les ans ,
& dont la confommation eft toujours à- peu-près
égale , défendre la fortie d'une denrée fujette à
tomber dans l'aviliffement , & croire s'affurer
Pabondance du bled en rendant la condition du
laboureur plus incertaine & plus malheureuſe
que celle de tous les autres citoyens.
M.
de Gournai ne
prévoyoit pas qu'on
le
pren-
droit
pour un
homme
à ſyſtême
,
lorſqu'il
ne
feroit
que
développer
les
principes
que
l'expé-
rience lui avoit enfeignés
,
&
qu'il
ne
regardoit
que
comme
les
maximes
les
plus fimples
du
fens
commun
:
ils
fe réduifoient tous à celui-
ci
,
Que
dans
le
commerce abandonné
à
lui
-
même
,
il
n'eft
pas
poflible
que
l'intérêt particulier
ne con-
coure pas avec
l'intéret
général
,
&
que
le
Gou-
vernement ne
doit s'en
mêler que pour
lui
ac-
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MERCURE
DE
FRANCE
.
corder au befoin fa protection & fes fecours. Tel
eft le fyftême qu'il a développé dans les écrits,
& qu'il a foutenu avec la fermeté la plus coura
geufe jufqu'à la fin de fa vie ; mais ce fyftême
tout inconteftable qu'il eft , au moins à l'égard
des productions intérieures & de l'induftrie qui
les met en valeur , n'a jamais été fans contra-
diction.
Le haut intérêt de l'argent , la multiplicité des
taxes & des droits impolés fur le commerce , lyi
fembloient des obftacles pernicieux à fes pro-
grès ; & de ces idées lumineuſes développées par
les circonstances , il s'étoit fait un plan d'admi
niſtration politique dont il ne s'écarta jamais.
Son éloquence fimple , & animée de cette
chaleur intéreſſante que donne aux difcours d'un
homme vertueux la perfuafion intime qu'il foy
tient la caufe du bien public , n'ôtoit jamais rien
à la folidité de la difcuffion ; quelquefois elle
étoit affaifonnée par une plaifanterie fans amer
tume , & d'autant plus agréable qu'elle étoit
toujours une raiſon. Auffi incapable de prendre
un ton dominant que de parler contre la pensée,
la manière dont il propoſoit ſon ſentiment n'é-
toit impérieufe que par la force des preuves. S:
quelquefois il étoit contredit , il écoutoit avec
patience , répondoit avec politeffe , & difcutoit
avec le fang froid & la candeur d'un homme
qui ne cherche que le vrai. Si quelquefois il
changeoit d'avis , fa première opinion ne fem-
bloit jamais retarder ni affoiblir l'imprellion fubire
que la vérité offerte fait naturellement fur un
efprit jufte.
C'eft à la chaleur avec laquelle il cherchoit
à tourner du côté du commerce & de l'œcono-
mie politique tous les talens qui l'approchoient
c'eft-lurtout à la facilité avec laquelle il con
AOUST
.
1759
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muniquoit toutes les lumières qu'il avoit acquifes,
qu'on doit attribuer cette heureufe fermentation
qui s'eft excitée depuis quelques années fur ces
objets importans , & qui nous a déja procuré
plufieurs Ouvrages remplis de recherches labo-
rieufes & de vmes profondes.
Quelque peine qu'on eût à adopter fes principes
dans toute leur étendue , fes lumières , fon expé
rience , l'eftime générale de tous les Négocians,
pour perfonne , la pureté de fes vues au- deſſus
de tout foupçon , lui attiroient néceſſairement la
confiance du Ministère , & le refpect de ceux-
mêmes qui s'obftinoient à combattre fon opinion,
Son zéle lui infpira le deffein de vifiter le
Royaume , pour y voir par lui-même l'état du
commerce & des fabriques ; & depuis le mois de
Juillet jufqu'au mois de Décembre 1753 , il par
courut la Bourgogne , le Lyonnois , le Dauphiné,
la Provence , le haut & bas Languedoc. En 1755
il vifita la Rochelle , Bordeaux , Montauban , le
reſte de la Guienne jufqu'à Bayonne. En 1756 il
fuivit le cours de la Loire depuis Orléans juſqu'à
Nantes. Il vit auſſi le Maine & l'Anjou , ſuivit la
côte de Bretagne depuis Nantes jufqu'à S. Malo ,
& s'arrêta à Rennes pendant la tenue des Etats
de 1756. Par tout il trouva de nouveaux motifs
de fe confirmer dans ſes principes , & de nouvel-
les armes contre les préjugés qui lui réſiſtoient.
Les fruits des voyages de M. de Gournai furent
la réforme d'une infinité d'abus , une connoiſſance
de l'état des Provinces plus füre & plus capable
de diriger les opérations du Miniſtère , une ap¬
préciation plus exacte des plaintes & des de-
mandes , la facilité procurée au peuple & au
ſimple artiſan de faire entendre leurs voix fou-
vent étouffées par des hommes intéreſſés , de qui
ces malheureux dépendent ; enfin l'émulation
nouvelle que M. de Gournai fçavoit répandre par
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1
fon
éloquence
perfuafive
,
par
la
netteté
avec
laquelle
il
rendoit
fes
idées
,
&
par
l'heureuſe
influence
de
fon
zéle
patriotique
.
C'eſt à fon féjour à Rennes en 1756 qu'on doit en
partie l'existence de la Société établie en Bretagne
de l'autorité des Etats , & fous les aufpices de M.
le Duc d'Eguillon , pour la perfection de l'agri-
culture , du commerce & de l'induftrie ; Société
qui eft la première de ce genre dans le Royaume ,
& qui mérite bien de fervir de modèle. Mais un
talent fans lequel fon zéle eût été infructueux ,
étoit celui de ménager l'orgueil & les prétentions
des autres , d'écarter tous les ombrages de la
rivalité & tous les dégoûts d'une inftruction hu-
miliante. Il lui eft arrivé fouvent de faire hon-
neur à des hommes en place des vues qu'il leur
avoit communiquées. Il lui étoit égal que le bien
qui s'opéroit vint de lui ou d'un autre.
(
Il
a
eu
le
même
défintéreffement
pour
les
Manufcrits qui font
reftés
de
lui
,
&
l'on
y
voir
fon
indifférence
pour
toute réputation
littéraire
;
mais
ils
n'en font pas
moins
précieux
,
même
à
ne
les
regarder
que
du
côté
de
la
compofition
.
Une
éloquence
naturelle
,
une
précifion lami-
neufe dans
l'expofition
des principes
,
un
art
fin-
gulier
de
les
préfenter fous toutes
les faces
&
de
fes
rendre
fenfibles
par
des
applications
juftes
,
&
fouvent piquantes par
leur
jufteffe
même
,
une
politeffe
toujours égale
,
&
une
logique
pleine
de
fagacité
,
enfin
un
ton
de
patriotilme
&
d'he-
manité
qu'il
ne
cherchoit point à prendre
&
qu'il
n'en avoit
que mieux
,
caractérifoient
fes
écrits
comme
la
converſation
.
Prellant jufqu'a l'importunité
lorfqu'il
s'agif-
foit
du
bien public
,
aucun de nos Colons
n'a
loi-
licité
avec autant de
zéle
que
lui la liberté
du
com-
merce
des vailleaux neutres dans nos
Colonies
pendant la guerre
:
fes follicitations étoient d'au
AOUST
.
1759
.
༣༠༡
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tant plus vives qu'il ne demandoit rien pour lui.
Il est mort fans aucun bienfait de la Cour. Les
pertes qu'il effuya fur les fonds qu'il avoit laillés
en Elpagne ayant dérangé fa fortune , il fe dé-
termina en 1758 à quitter fa charge d'Inten-
dant du Commerce. Des perfonnes en place lui
propoferent de folliciter pour lui les graces du
Roi ; il répondit qu'il avoit toujours regardé de
pareilles graces comme étant d'une conféquence
dangerenfe , furtout dans les circonstances où
l'Etat fe trouvoit , & qu'il ne vouloit pas qu'on
eût à lui reprocher de s'être prêté à des excep-
tions en fa faveur. Il ajouta qu'il ne fe croiroit
pas difpenfé par fa retraite de s'occuper d'objets
utiles , & il demanda de conferver la féance au
Bureau du Commerce avec le titre d'honoraire
qui lui fut accordé.
M. de Silhouette qui avoit pour M. de Gournal
un eftime qui fait l'éloge de l'un & de l'autre ,
ne fut pas plutôt Contrôleur Général , qu'il ré-
folut d'arracher à la retraite un homme dont les
talens & le zéle étoient fi propres à feconder
fes vues mais M. de Gournai étoit déja attaqué
de la maladie dont il eft mort.
Le nom d'homme à fyftéme eft devenu une
efpéce d'arme pour les perfonnes prévenues ou
intéreffées à maintenir quelqu'abus , & l'on n'a
pas manqué de donner ce nom à M. de Gournai ;
mais fi fes principes font jamais pour la France
comme ils l'ont été pour la Hollande & l'An-
gleterre une fource d'abondance & de profpérité ,
nos defcendans fçauront que la reconnoiffance
lui en eft due. Quoiqu'il en foit , une gloire bien
perfonnelle à M. de Gournai eft celle d'une vertu
à toute épreuve l'ombre même du ſoupçon n'en
a jamais terni l'éclat. Appuyée fur un fentiment
profond de juftice & de bienfaifance , elle a fait
de lui un homme doux , modefte , indulgent
210
MERCURE
DE
FRANCE
.
dans
la fociété
;
irréprochable
&
même
auftere
dans
fa
conduite
&
dans
fes
moeurs
;
mais
auf-
tere
pour
lui
feul
,
égal
&
fans
humeur
à
l'égard
des
autres
.
Dans
la vie
privée
,
attentif
à
rendre
heureux
tout
ce
qui
l'environnoit
;
dans
la vie
pu
blique
,
uniquement
occupé
des
profpérités
&
de
la
gloire
de
fa
Patrie
&
du
bonheur de
l'humanité
.
Ce
fentiment
étoit
un
des motifs
qui
l'attachoient
le
plus
fortement à
ce qu'on
appelloit
fon
fyftême
;
&
ce
qu'il
reprochoit
le
plus
vivement
aux
prin
cipes
qu'il
attaquoit
,
étoit
de
favoriler
toujours
la partie
riche
&
oifive
de
la
Société
,
au
préjudice
de
la
partie
pauvre
&
laborieufe
.
Juflitia cultor, rigidi fervator honefti ,
In commune bonus. LUCAN . PHARS. Lib. I.
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Résumé : MORTS.
Jacques-Claude-Marie Vincent, seigneur de Gournay, conseiller honoraire au Grand Conseil et intendant honoraire du Commerce, est décédé à Paris le 27 juin 1759 à l'âge de 47 ans. Né à Saint-Malo en mai 1712, fils d'un négociant influent et secrétaire du Roi, Vincent de Gournay a été envoyé à Cadix à l'âge de dix-sept ans pour se destiner au commerce. Il a parcouru l'Espagne en observateur philosophe et, de retour en France en 1744, a été remarqué par le comte de Maurepas, ministre de la Marine. Il a ensuite voyagé en Hollande, en Allemagne et en Angleterre pour recueillir des observations sur le commerce et la marine. Vincent de Gournay avait une approche du commerce à la fois pratique et philosophique. Il comparait les productions naturelles et artisanales dans différents climats, analysait leur valeur respective, les frais d'exportation et les moyens d'échange. Il étudiait également les révolutions des productions naturelles, de l'industrie, de la population, des richesses, des finances et des modes chez les nations commerçantes. Il a traduit en français les traités de Josias Child et les mémoires de Jean de Wit, deux figures emblématiques du commerce en Angleterre et en Hollande. En 1746, à la mort de son associé Jamets de Villebare, Vincent de Gournay a quitté le commerce pour devenir intendant du Commerce en 1751. Il a réformé de nombreux abus et promu l'économie politique. Ses voyages à travers la France lui ont permis de constater l'état du commerce et des fabriques, confirmant ses principes économiques. Il a fondé la Société de Bretagne pour la perfection de l'agriculture, du commerce et de l'industrie. Ses écrits et discours étaient marqués par une éloquence naturelle, une précision dans l'exposition des principes et une logique sagace. En août 1759, Vincent de Gournay a sollicité la liberté du commerce des vaisseaux neutres dans les colonies pendant la guerre, sans demander de bénéfices personnels. Ayant subi des pertes financières, il a quitté sa charge d'Intendant du Commerce en 1758, refusant toute grâce du Roi pour éviter les reproches. Il a demandé à conserver un rôle honorifique au Bureau du Commerce. M. de Silhouette, Contrôleur Général, a tenté de le rappeler, mais Vincent de Gournay était déjà malade. Critiqué sous le nom d'« homme à système », ses principes pourraient bénéficier à la France comme ils l'ont fait pour la Hollande et l'Angleterre. Sa vertu est louée, marquée par la justice et la bienfaisance, le rendant doux, modeste et indulgent en société, et irréprochable dans sa conduite. Dans la vie privée, il était attentif au bonheur de son entourage, et dans la vie publique, il se consacrait aux prospérités et à la gloire de la patrie ainsi qu'au bonheur de l'humanité. Il critiquait les principes qui favorisaient la partie riche et oisive de la société au détriment de la partie pauvre et laborieuse.
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47
p. *211-211
DE LA HAYE, le 1 Octobre.
Début :
Le Général York présenta le 28 du mois dernier à L.H.P. un Mémoire dans lequel [...]
Mots clefs :
Général York, Mémoire, Plaintes, Hollandais, Commerce, Ennemis
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texteReconnaissance textuelle : DE LA HAYE, le 1 Octobre.
DE LA HAYE , le 1 Octobre.
Le Général York préfenta le 28 du mois dernier
à L. H. P. un Mémoire dans lequel ce Miniftre
leur fait , au nom du Roi d'Angleterre ,
les plus vives plaintes contre les Hollandois , qu'il
accufe de faire par terre un commerce prohibé
avec la France. Après avoir repréſenté combien
cette conduite eft contraire à l'intelligence que
les Traités ont établie entre les deux Nations , il
parle des préparatifs immenfes que les François
font fur leurs côtes pour tenter une invaſion en
Angleterre ; il fait fentir qu'il eft très - effentiel
pour la fureté de ce Royaume , que fes ennemis
ne reçoivent aucune efpéce de fecours des Puiffances
neutres ; qu'on a droit d'attendre de l'équité
de L. H. P. qu'Elles empêcheront qu'aucun
de leurs fujets ne viole en ce point la foi des
Traités & les régles de la neutralité ; & qu'Elles
doivent cette reconnoiffance aux preuves de modération
& de folide amitié que S. M. Brit . leur
a données , en réprimant les excès des armateurs
Anglois , & en mettant des bornes à leur licence
par un acte du Parlement.
Le Général York préfenta le 28 du mois dernier
à L. H. P. un Mémoire dans lequel ce Miniftre
leur fait , au nom du Roi d'Angleterre ,
les plus vives plaintes contre les Hollandois , qu'il
accufe de faire par terre un commerce prohibé
avec la France. Après avoir repréſenté combien
cette conduite eft contraire à l'intelligence que
les Traités ont établie entre les deux Nations , il
parle des préparatifs immenfes que les François
font fur leurs côtes pour tenter une invaſion en
Angleterre ; il fait fentir qu'il eft très - effentiel
pour la fureté de ce Royaume , que fes ennemis
ne reçoivent aucune efpéce de fecours des Puiffances
neutres ; qu'on a droit d'attendre de l'équité
de L. H. P. qu'Elles empêcheront qu'aucun
de leurs fujets ne viole en ce point la foi des
Traités & les régles de la neutralité ; & qu'Elles
doivent cette reconnoiffance aux preuves de modération
& de folide amitié que S. M. Brit . leur
a données , en réprimant les excès des armateurs
Anglois , & en mettant des bornes à leur licence
par un acte du Parlement.
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Résumé : DE LA HAYE, le 1 Octobre.
Le 1er octobre à La Haye, le général York a remis un mémoire au nom du roi d'Angleterre au Prince de Pays-Bas-Orange. Ce document dénonce le commerce terrestre prohibé entre les Hollandais et la France, violant ainsi les traités entre les deux nations. Le mémoire souligne également les préparatifs français pour une invasion en Angleterre. Le général York insiste sur la nécessité de prévenir tout soutien des puissances neutres aux ennemis de l'Angleterre. Il demande au Prince de Pays-Bas-Orange d'empêcher ses sujets de violer les traités et les règles de neutralité. Le mémoire rappelle enfin les preuves de modération et d'amitié du roi britannique, notamment par la répression des excès des armateurs anglais via un acte du Parlement.
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48
p. 204-205
DE LA HAYE, le 31 Octobre.
Début :
Les contestations survenues entre les Etats-Généraux & le ministère Anglois, [...]
Mots clefs :
Contestations , Députés, Sa Majesté britannique, Mémoire, Ministères, Commerce
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DE LA HAYE, le 31 Octobre.
De LA HAYE , le 31 Oftobre. 10
2
Les conteftations furvenues entre les Etats-
Généraux & le miniſtère Anglois , font fur le
point d'être terminées . Conformément aux dernières
inftructions que nos Députés avoient reçues
de Leurs Hautes Puiffances , ils préfenterent le
18 de ce mois aux Miniftres de Sa Majesté Bri
tannique un Mémoire dans lequel ils expofoient
que les Etats- Généraux s'étoient toujours prêtés
aux voies de conciliation ; mais que le ministère
Anglois avoit paru faire peu de cas de leurs rerefufant
d'y répondre par écrits
que Leurs Hautes Puiffances defiroient fincèrehent
le maintien de la bonne intelligence entre
préfentation
P
CDECEMBRE. 1759.2 20
les deux Nations qu'Elles demandoient ſeule
ment que leurs Sujets ne fullent point troublés
dans la jouillance des droits & des prérogatives
qui leur ont été accordés par les Traités , & no--
tamment par celui de 1674. Le miniſtère Anglois
a promis carnos Députés qu'ils recevroient inceffamment
une réponfe fatisfaifante.
Il rette pourtant encore une difficulté , c'eft
que la Cour de Londres prétend interdire à nos
Négocians tout commerce avec les Ports de
France. Elle défigne fpécialement les Ports de la
Seine & de fon embouchure. On ne croit pas que
la République confente a une interdiction fi préjudiciable
aux privilèges de la neutralité qu'elle a
embrallée.
2
Les conteftations furvenues entre les Etats-
Généraux & le miniſtère Anglois , font fur le
point d'être terminées . Conformément aux dernières
inftructions que nos Députés avoient reçues
de Leurs Hautes Puiffances , ils préfenterent le
18 de ce mois aux Miniftres de Sa Majesté Bri
tannique un Mémoire dans lequel ils expofoient
que les Etats- Généraux s'étoient toujours prêtés
aux voies de conciliation ; mais que le ministère
Anglois avoit paru faire peu de cas de leurs rerefufant
d'y répondre par écrits
que Leurs Hautes Puiffances defiroient fincèrehent
le maintien de la bonne intelligence entre
préfentation
P
CDECEMBRE. 1759.2 20
les deux Nations qu'Elles demandoient ſeule
ment que leurs Sujets ne fullent point troublés
dans la jouillance des droits & des prérogatives
qui leur ont été accordés par les Traités , & no--
tamment par celui de 1674. Le miniſtère Anglois
a promis carnos Députés qu'ils recevroient inceffamment
une réponfe fatisfaifante.
Il rette pourtant encore une difficulté , c'eft
que la Cour de Londres prétend interdire à nos
Négocians tout commerce avec les Ports de
France. Elle défigne fpécialement les Ports de la
Seine & de fon embouchure. On ne croit pas que
la République confente a une interdiction fi préjudiciable
aux privilèges de la neutralité qu'elle a
embrallée.
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Résumé : DE LA HAYE, le 31 Octobre.
Le 31 octobre 1759, à La Haye, les tensions entre les États-Généraux et le ministère anglais étaient sur le point de se résoudre. Le 18 octobre, les députés des États-Généraux avaient présenté un mémoire aux ministres britanniques, soulignant les efforts de conciliation des États-Généraux face à l'indifférence anglaise. Les États-Généraux exprimaient leur volonté de maintenir de bonnes relations et demandaient le respect des droits et prérogatives accordés par les traités, notamment celui de 1674. Le ministère anglais promit une réponse satisfaisante. Cependant, une difficulté persistait : la Cour de Londres souhaitait interdire aux négociants des États-Généraux tout commerce avec les ports français de la Seine et de son embouchure. La République refusait cette interdiction, la jugeant préjudiciable à ses privilèges de neutralité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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49
p. 193
DE PETERSBOURG, le 25 Janvier.
Début :
Notre Cour a été informée, depuis peu, du projet formé par l'Angleterre, d'envoyer une [...]
Mots clefs :
Escadre, Mer baltique, Commerce, Hostilités, Froid, Températures extrêmes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DE PETERSBOURG, le 25 Janvier.
De PETERSBOURG , le 25 Janvier.
OTRE Cour a été informée , depuis peu , du
projet formé par l'Angleterre , d'envoyer une
forte Elcadre dans la mer Baltique , pour y protéger
le Commerce de cette Nation . Le Sr Keith ,
Miniftre de cette Puiffance , auprès de Sa Majeſté
Impériale , eft chargé , dit - on , de faire agréer
cet envoi. Mais le Commerce Anglois n'éprouvant
aucun obftacle dans la mer Baltique , où il
n'a aucun ennemi direct , il eſt aiſé de fentir que
cet armement , projetté par l'Angleterre , ne peut
avoir que des vues d'hoftilités , & que le Sr Keith
ne réuffira pas dans cette négociation.
Il a fait dans cette Ville un froid exceffif depuis
le milieu du mois de Décembre. Le 28 de
ce mois , à neuf heures & demie du matin , la
liqueur du Thermométre defcendit prefque au
vingt- huitiéme degré au - deffous de la congellation
, fuivant la divifion de Réaumur. En 1740 ,
année dont le froid eft mémorable , elle ne def
cendit qu'un peu au- delà du vingt- quatrième.
OTRE Cour a été informée , depuis peu , du
projet formé par l'Angleterre , d'envoyer une
forte Elcadre dans la mer Baltique , pour y protéger
le Commerce de cette Nation . Le Sr Keith ,
Miniftre de cette Puiffance , auprès de Sa Majeſté
Impériale , eft chargé , dit - on , de faire agréer
cet envoi. Mais le Commerce Anglois n'éprouvant
aucun obftacle dans la mer Baltique , où il
n'a aucun ennemi direct , il eſt aiſé de fentir que
cet armement , projetté par l'Angleterre , ne peut
avoir que des vues d'hoftilités , & que le Sr Keith
ne réuffira pas dans cette négociation.
Il a fait dans cette Ville un froid exceffif depuis
le milieu du mois de Décembre. Le 28 de
ce mois , à neuf heures & demie du matin , la
liqueur du Thermométre defcendit prefque au
vingt- huitiéme degré au - deffous de la congellation
, fuivant la divifion de Réaumur. En 1740 ,
année dont le froid eft mémorable , elle ne def
cendit qu'un peu au- delà du vingt- quatrième.
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Résumé : DE PETERSBOURG, le 25 Janvier.
Le 25 janvier, la cour de Petersbourg apprend l'envoi d'une escadre anglaise en mer Baltique pour protéger le commerce britannique. Le ministre anglais, Sr Keith, doit négocier cet envoi, mais cet armement semble hostile. Le 28 décembre, Petersbourg a connu un froid extrême, atteignant -28 degrés Réaumur. En 1740, le froid avait atteint -24 degrés.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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50
p. 220-221
« Fagonde, Marchand : vend toutes sortes d'Eaux de senteurs, Poudres, Pommades pour [...] »
Début :
Fagonde, Marchand : vend toutes sortes d'Eaux de senteurs, Poudres, Pommades pour [...]
Mots clefs :
Marchand, Pommade, Senteurs, Poudre, Savonnette, Opiate, Dentelles, Commerce
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Fagonde, Marchand : vend toutes sortes d'Eaux de senteurs, Poudres, Pommades pour [...] »
FAGONDE , Marchand : vend toutes fortes
d'Eaux de fenteurs , Poudres , Pommades pour
les cheveux & à différens ufages , Savonnettes
marbrées de Provence & de Paris , de différentes
odeurs , Elfences & Quintéllences fines , Sachets ,
Sultans , Potpourris de Montpellier , Pommade
d'ours au noyer , Graille d'ours véritable , qu'il
tire d'Hollande , très- beau Rouge en pot , en taffe
& en poudre , Cara in très-fin , Etuits & Broffes
à Rouge , Boètes de Bergamotte , Paftilles de parfoms
a brûler , Boules d'acier de Nancy , Opiat
liquide & en peuire du meilleur Dentiſte de
SEPTEMBRE. 1760. 221
Montpellier , & généralement tout ce qui concerne
les plus agréables parfums qu'il tire de Provence,
de Rome & de Montpellier.
Il tient auffi la marchandife de Modes afforties
en Mantelets , Taffetas , Gazes , Blondes & Dentelles
de toutes fortes , & généralement tout ce qui
concerne ledit Commerce , en gros & en détail.
Le tout à juſte prix & en confcience.
d'Eaux de fenteurs , Poudres , Pommades pour
les cheveux & à différens ufages , Savonnettes
marbrées de Provence & de Paris , de différentes
odeurs , Elfences & Quintéllences fines , Sachets ,
Sultans , Potpourris de Montpellier , Pommade
d'ours au noyer , Graille d'ours véritable , qu'il
tire d'Hollande , très- beau Rouge en pot , en taffe
& en poudre , Cara in très-fin , Etuits & Broffes
à Rouge , Boètes de Bergamotte , Paftilles de parfoms
a brûler , Boules d'acier de Nancy , Opiat
liquide & en peuire du meilleur Dentiſte de
SEPTEMBRE. 1760. 221
Montpellier , & généralement tout ce qui concerne
les plus agréables parfums qu'il tire de Provence,
de Rome & de Montpellier.
Il tient auffi la marchandife de Modes afforties
en Mantelets , Taffetas , Gazes , Blondes & Dentelles
de toutes fortes , & généralement tout ce qui
concerne ledit Commerce , en gros & en détail.
Le tout à juſte prix & en confcience.
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Résumé : « Fagonde, Marchand : vend toutes sortes d'Eaux de senteurs, Poudres, Pommades pour [...] »
En septembre 1760, le marchand Fagonde annonce une large gamme de produits, incluant des eaux de senteurs, des poudres, des pommades, des savonnettes, des essences, des sachets, des potpourris, des articles de beauté et de mode comme des mantelets et des dentelles. Les produits sont vendus à juste prix, en gros et au détail.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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